La technologie des réacteurs à eau pressurisée 9782759824175

« La technologie des réacteurs à eau pressurisée » est un ouvrage conçu pour les professionnels du domaine nucléaire, ma

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French Pages 1162 [1161] Year 2019

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée
 9782759824175

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Serge Marguet

Du même auteur : Les accidents de réacteurs nucléaires, Lavoisier Tec et Doc, Paris ISBN 978-2-7430-1429-2, 2012. 136 pages. The physics of nuclear reactors, Springer, Heidelberg ISBN 978-3-319-59559-7, 2017. 1 445 pages. En langue anglaise, 2 volumes. La physique des réacteurs nucléaires, 3e édition, Lavoisier Tec et Doc, Paris ISBN 978-2-7430-2309-6, 2018. 1 368 pages.

Illustration de couverture : un écorché de centrale nucléaire (courtesy REEL France). Imprimé en France ISBN (papier) : 978-2-7598-2360-4 – ISBN (ebook) : 978-2-7598-2417-5

Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective », et d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (alinéa 1er de l’article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal. c EDP Sciences 2019 

À mes parents, Josette† et Daniel, dont les efforts ne semblent pas avoir été (totalement) vains ! À ma femme Agnès qui me supporte. . . toujours ! À mes enfants, Hélène et Vincent, que je supporte. . . encore ! Et pourquoi pas à ma chatte Noisette. . . qui adore se mettre sur mon clavier quand je travaille !

Remerciements Ce livre n’aurait pu voir le jour sans l’aide du comité de pilotage de l’édition scientifique d’EDF/R&D, en particulier Jean-Paul Chabard, Hervé Boll et Sandrine Dyèvre, qui ont rapidement soutenu ce projet. Le transfert de connaissance est clairement au cœur des préoccupations de ce comité. Je tiens à remercier chaleureusement ici Nordine Kerkar, expert reconnu à EDF/UNIE et co-auteur d’un important livre sur l’exploitation des réacteurs à eau pressurisée [Kerkar et Paulin, 2008] très novateur sur le sujet. En effet, il a accepté de prendre le temps (considérable !) de relire et d’amender cet ouvrage. Tous les auteurs savent qu’au-delà de 1 000 pages, les potentiels relecteurs se font discrets, effrayés par le montant de l’effort ! Mais Nordine n’est pas homme à ployer sous la tâche, malgré ses nombreuses responsabilités et un emploi du temps chargé. Je veux aussi remercier Jean-Pierre Gualtieri, grand spécialiste de l’aide au pilotage à EDF/UFPI/Cattenom après avoir passé des années en salle de commande, pour son aide pratique à la réalisation de certains chapitres. Jean-Pierre, par sa très grande connaissance du « terrain », a permis d’améliorer la présentation de certains systèmes et composants. J’ai toujours une pensée pour Paul Reuss, dont les nombreux livres sur la neutronique et la physique des réacteurs m’ont certainement donné le goût d’écrire des ouvrages de référence. J’admire intensément la rigueur de ses travaux dans le domaine nucléaire, et j’espère sincèrement que les lecteurs trouveront dans mes livres une certaine parenté. Il serait injuste de ne pas remercier aussi Sophie Hosotte d’EDP Sciences qui a coordonné avec un grand professionnalisme la réalisation de ce livre, ainsi que Scientific Publishing Services pour la mise en page efficace de ce volumineux ouvrage.

Table des matières Introdution 1 Historique de la filière à eau pressurisée 1.1 Comment produire de la vapeur ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.1.1 Les chaudières . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.1.2 Les accidents de chaudières . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.2 Les débuts de l’utilisation de l’eau dans le nucléaire . . . . . . . . 1.3 Les premiers réacteurs navals . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.3.1 Les réacteurs navals aux États-Unis . . . . . . . . . . . . 1.3.2 Les réacteurs navals ou transportables en URSS . . . . . 1.3.3 Les réacteurs navals en France . . . . . . . . . . . . . . . 1.4 Shippingport (USA) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.5 Indian Point : premier réacteur au thorium . . . . . . . . . . . . 1.6 Le réacteur Yankee Rowe Atomic Electric Company (États-Unis) 1.7 Le Mobile High Power 1A (États-Unis) . . . . . . . . . . . . . . . 1.8 Le réacteur BR3 de Mol (Belgique) . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.9 Le réacteur Enrico Fermi de Trino-Vercellese (Italie) . . . . . . . 1.10 Tihange (Belgique) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.11 Sizewell B (Angleterre) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.12 La filière VVER soviétique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.12.1 Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.12.2 Le VVER-440 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.12.3 Le VVER-1000 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.12.4 Le VVER-1200 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.13 Le parc français de REPs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.13.1 Chooz A / SENA (France) . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.13.2 Le palier CP0 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.13.3 Les paliers CPY . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.13.4 Les paliers P4 et P’4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.13.5 Le palier N4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.13.6 Principales différences entre les paliers . . . . . . . . . . 1.14 Le recyclage du plutonium . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.14.1 Historique du recyclage du plutonium en REP . . . . . . 1.14.2 Les différences entre MOX et UOX . . . . . . . . . . . . 1.14.3 Le projet REP2000 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.14.4 Vers l’EPR . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée 1.15 L’European Pressurized Reactor . . . . . . . . . . 1.15.1 L’îlot nucléaire . . . . . . . . . . . . . . . . 1.15.2 Les systèmes de sauvegarde . . . . . . . . . 1.15.3 Le cœur du réacteur . . . . . . . . . . . . . 1.15.4 Le réflecteur lourd . . . . . . . . . . . . . . 1.15.5 L’instrumentation . . . . . . . . . . . . . . 1.15.6 Le principe des 4 trains . . . . . . . . . . . 1.15.7 Suppression des turbo-pompes alimentaires 1.15.8 Le récupérateur de corium . . . . . . . . .

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2 Le bâtiment réacteur et les bâtiments connexes 2.1 Généralités sur les paliers français . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.2 L’îlot nucléaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3 Le bâtiment réacteur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3.1 Les grands composants du BR . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3.2 Les puisards . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3.3 Conception de l’enceinte de confinement . . . . . . . . . . 2.3.4 Technologie des enceintes de confinement françaises . . . . 2.3.5 Les modes de rupture de l’enceinte . . . . . . . . . . . . . . 2.3.6 Protection de l’enceinte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3.7 Le vieillissement des enceintes . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3.8 Le pont polaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3.9 La piscine BR . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3.10 La machine de chargement du combustible . . . . . . . . . 2.3.11 La manutention des internes de cuve . . . . . . . . . . . . 2.4 Le bâtiment combustible BK . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.4.1 Fonction du BK . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.4.2 Évacuation des combustibles usés . . . . . . . . . . . . . . 2.4.3 Constitution de la piscine BK et connexion à la piscine BR 2.5 La chaîne de manutention du combustible . . . . . . . . . . . . . . 2.5.1 Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.5.2 Constitution du PMC . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.5.3 La réparation des assemblages abîmés . . . . . . . . . . . . 2.6 Contamination de la tranche par points chauds . . . . . . . . . . . 2.7 Le bâtiment des auxiliaires nucléaires (BAN) . . . . . . . . . . . . 2.8 La salle de commande . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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3 Le circuit primaire 3.1 Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.2 Constitution du primaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.2.1 Les composants principaux du circuit primaire . 3.2.2 Supports et butées du circuit primaire . . . . . . 3.2.3 Dispositifs anti-débattements ou auto-bloquants du circuit primaire . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.3 Chauffage du secondaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.4 Température du primaire . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.5 Pression du primaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.6 Débit du primaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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3.13 3.14

Puissance thermique du cœur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Chimie du primaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.8.1 Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.8.2 L’acide borique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.8.3 La lithine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.8.4 L’hydrazine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.8.5 L’hydrogène . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.8.6 Contrôle chimique de l’eau primaire . . . . . . . . . . . . . . Activité du primaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les pompes primaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.10.1 Petit historique des pompes . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.10.2 Généralités sur les pompes primaires . . . . . . . . . . . . . 3.10.3 Tenue des bâtis de pompes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.10.4 Description des pompes primaires . . . . . . . . . . . . . . . 3.10.5 Étanchéité des pompes primaires . . . . . . . . . . . . . . . . 3.10.6 Aspects théoriques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.10.7 Cavitation des pompes primaires . . . . . . . . . . . . . . . . 3.10.8 Risque d’incendie des pompes primaires . . . . . . . . . . . . 3.10.9 Surveillance des pompes primaires . . . . . . . . . . . . . . . 3.10.10 Protection contre le bas débit primaire . . . . . . . . . . . . 3.10.11 Caractéristiques détaillées d’une pompe primaire . . . . . . . Le pressuriseur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.11.1 Positionnement d’un pressuriseur . . . . . . . . . . . . . . . 3.11.2 Fonctionnement d’un pressuriseur . . . . . . . . . . . . . . . 3.11.3 Le réservoir de décharge du pressuriseur (RDP) . . . . . . . 3.11.4 Les soupapes de protection du pressuriseur . . . . . . . . . . 3.11.5 L’aspersion pressuriseur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.11.6 Le niveau d’eau dans le pressuriseur . . . . . . . . . . . . . . 3.11.7 Mesure de température du pressuriseur . . . . . . . . . . . . 3.11.8 Régulation du pressuriseur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.11.9 La ligne d’expansion du pressuriseur . . . . . . . . . . . . . . 3.11.10 Éléments simplifiés de thermohydraulique du pressuriseur . . 3.11.11 Aspects sûreté du pressuriseur . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.11.12 Décontamination du pressuriseur . . . . . . . . . . . . . . . . Les générateurs de vapeur (côté primaire) . . . . . . . . . . . . . . . 3.12.1 Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.12.2 Positionnement des générateurs de vapeur . . . . . . . . . . 3.12.3 Constitution d’un générateur de vapeur . . . . . . . . . . . . 3.12.4 Corrosion sous contrainte de l’Inconel . . . . . . . . . . . . . 3.12.5 Généralités sur la régulation du niveau des générateurs de vapeur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.12.6 Caractéristiques des générateurs de vapeur du parc français . 3.12.7 Fuite primaire-secondaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3.12.8 Le contrôle des tubes de générateur de vapeur . . . . . . . . 3.12.9 Le remplacement d’un générateur de vapeur . . . . . . . . . Piquages et manchettes thermiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les régulations du primaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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4 La cuve et ses internes 4.1 Description générale de la cuve . . . . . . . . . . . . 4.2 Les tubulures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.3 Taille des cuves . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.4 Supportage de la cuve . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.5 Caractéristiques principales . . . . . . . . . . . . . . 4.6 La dalle anti-missile . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.7 Le dôme de cuve . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.7.1 Le couvercle de cuve . . . . . . . . . . . . . . 4.7.2 Aspects thermohydrauliques du dôme . . . . 4.7.3 Les pénétrations du couvercle de cuve . . . . 4.8 Les internes inférieurs et latéraux de cuve . . . . . . 4.9 Les internes supérieurs . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.9.1 Description . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.9.2 Les guides de grappe . . . . . . . . . . . . . 4.9.3 Les broches de tube-guide . . . . . . . . . . 4.9.4 Les broches de la plaque supérieure de cœur 4.10 Les équipements divers de cuve . . . . . . . . . . . . 4.11 Le maintien des internes de cuve . . . . . . . . . . . 4.12 Le bipasse ou by-pass . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.13 Le cloisonnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.14 L’écran thermique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4.15 Les pénétrations de fond de cuve . . . . . . . . . . . 4.16 Le programme de surveillance des cuves . . . . . . . 4.17 Niveau d’eau dans la cuve . . . . . . . . . . . . . . . 4.18 Ouverture de la cuve pour déchargement . . . . . . . 4.19 L’inspection de la cuve . . . . . . . . . . . . . . . . .

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5 Le cœur et le combustible du réacteur 5.1 Le chargement/déchargement du réacteur . . . . . . . . . . . 5.2 Le cœur actif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.3 Le combustible nucléaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.3.1 Un survol de l’histoire du combustible REP en France 5.3.2 Technologie du crayon combustible . . . . . . . . . . 5.3.3 Technologie des assemblages . . . . . . . . . . . . . . 5.3.4 Le combustible MOX . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.3.5 Les poisons fixes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.3.6 Les poisons au gadolinium . . . . . . . . . . . . . . . 5.3.7 La perte d’étanchéité des crayons combustibles . . . . 5.4 Le système de contrôle des barres de commandes (RGL) . . . 5.4.1 Principe de fonctionnement des barres de contrôle . . 5.4.2 Mécanisme de commande de grappes . . . . . . . . . 5.4.3 Constitution des grappes de commande . . . . . . . . 5.4.4 Système de comptage des pas de groupe . . . . . . . . 5.4.5 Implantation des groupes de barres . . . . . . . . . . 5.4.6 Les grappes partielles . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.4.7 Usure des barres de contrôle . . . . . . . . . . . . . . 5.4.8 L’arrêt automatique réacteur . . . . . . . . . . . . . .

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5.4.9 Défaillances des mécanismes de barres de commandes 5.4.10 Les déformées d’assemblages et la chute de barre . . . 5.4.11 Dalle anti-missile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les sources de démarrage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.5.1 Sources primaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.5.2 Sources secondaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.5.3 Les sources de fission spontanées . . . . . . . . . . . . Surveillance du réacteur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.6.1 Le système RIC . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.6.2 Les campagnes d’essai avec collectrons . . . . . . . . 5.6.3 L’instrumentation interne de l’EPR . . . . . . . . . . 5.6.4 Les chambres externes de mesure de flux . . . . . . . 5.6.5 Les thermocouples . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.6.6 Le calculateur KIT . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les gestions combustibles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La recherche du plan de chargement . . . . . . . . . . . . . . 5.8.1 Historique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.8.2 Méthodologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.8.3 La recherche automatique de plans de chargement . .

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6 Le circuit secondaire 6.1 Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.2 Description fonctionnelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.3 Conditionnement chimique de l’eau du secondaire . . . . . . . . . . . 6.4 Le générateur de vapeur côté secondaire . . . . . . . . . . . . . . . . 6.4.1 Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.4.2 Le niveau d’eau dans le générateur de vapeur . . . . . . . . . 6.4.3 Les soupapes de sûreté du générateur de vapeur et vannes de décharge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.4.4 Le circuit APG de purge des générateurs de vapeur . . . . . 6.4.5 Éléments de thermohydraulique d’un générateur de vapeur . 6.4.6 Corrosion des tubes GV côté secondaire . . . . . . . . . . . . 6.4.7 Fuite primaire-secondaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.5 Le groupe turbo-alternateur (aspects vapeur) . . . . . . . . . . . . . 6.5.1 Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.5.2 Régulation de la turbine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.5.3 Régulation de la température moyenne par le contournement de la turbine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.6 Les groupes sécheurs-surchauffeurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.6.1 Principe des sécheurs-surchauffeurs . . . . . . . . . . . . . . 6.6.2 Régulation des surchauffeurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.6.3 Protection des sécheurs-surchauffeurs . . . . . . . . . . . . . 6.7 La robinetterie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.7.1 Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.7.2 Les différents types de robinetterie . . . . . . . . . . . . . . . 6.8 Le condenseur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.8.1 Fonctions du condenseur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.8.2 Technologie du condenseur . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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617 618 620 620 622 624 627 627 628 645 650 659 676 679 680 684 684 685 688

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691 691 691 696 702 702 711

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719 722 723 727 733 733 733 736

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737 739 739 740 744 745 745 746 757 757 760

xii

La technologie des réacteurs à eau pressurisée 6.8.3 Le vide au condenseur . . . . . . . . . . . . . . 6.8.4 L’intérieur du condenseur . . . . . . . . . . . . 6.8.5 Contournement turbine vers le condenseur . . 6.8.6 Principe physique du condenseur . . . . . . . . 6.8.7 Les pompes d’extraction du condenseur . . . . 6.8.8 Réglage du niveau du condenseur . . . . . . . 6.8.9 L’entrée d’eau brute au condenseur . . . . . . 6.8.10 Les incendies de condenseur . . . . . . . . . . Les postes de réchauffage d’eau alimentaire . . . . . . 6.9.1 Description . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.9.2 Le poste basse pression . . . . . . . . . . . . . 6.9.3 Le poste haute pression . . . . . . . . . . . . . 6.9.4 Dimensionnement des échangeurs-réchauffeurs 6.9.5 Fonctionnement et régulation . . . . . . . . . . La bâche TPA et le dégazeur . . . . . . . . . . . . . . Le contournement de la turbine . . . . . . . . . . . . . 6.11.1 Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.11.2 Lignage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.11.3 Décharge à l’atmosphère GCTa . . . . . . . . 6.11.4 Le contournement de la turbine en îlotage . . Les turbo-pompes alimentaires . . . . . . . . . . . . . 6.12.1 Généralités sur les TPAs . . . . . . . . . . . . 6.12.2 Éléments de physique des TPAs . . . . . . . . 6.12.3 Réglage de la vitesse des TPAs . . . . . . . . . La corrosion-érosion dans le secondaire . . . . . . . . . La source froide . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.14.1 Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.14.2 Définition des systèmes de la source froide . . 6.14.3 Les aéroréfrigérants . . . . . . . . . . . . . . . 6.14.4 Perte de la source froide . . . . . . . . . . . .

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761 770 773 777 782 782 786 786 786 786 788 789 792 792 795 796 796 798 800 800 805 805 810 810 811 815 815 819 827 836

7 Les principaux circuits 7.1 Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.2 Le circuit de contrôle volumétrique et chimique (RCV) 7.2.1 Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.2.2 Fonctionnement normal . . . . . . . . . . . . . 7.2.3 Fonctionnement incidentel . . . . . . . . . . . 7.2.4 Système de protection du RCV . . . . . . . . . 7.3 Le circuit d’appoint d’eau et de bore (REA) . . . . . . 7.4 Le refroidissement du réacteur à l’arrêt (RRA) . . . . 7.4.1 Principe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.4.2 Secours du RRA . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.4.3 Constitution du RRA . . . . . . . . . . . . . . 7.4.4 Liaison du RRA avec le PTR . . . . . . . . . . 7.4.5 Utilisation du RRA lors d’un arrêt à froid . . 7.4.6 La plage de travail basse du RRA . . . . . . . 7.4.7 Cyclage thermique du RRA . . . . . . . . . .

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843 843 843 844 855 867 868 869 872 872 875 876 879 879 879 883

6.9

6.10 6.11

6.12

6.13 6.14

Table des matières 7.5

7.6

7.7 7.8 7.9

7.10

7.11

7.12

7.13

7.14 7.15

L’injection de sécurité (RIS) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.5.1 Principe et généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.5.2 Constitution du RIS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.5.3 L’injection de sécurité haute pression (paliers CP0 et CPY) . . 7.5.4 Les accumulateurs (tous paliers) . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.5.5 L’injection de sécurité moyenne pression (palier P4 et ultérieurs) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.5.6 L’injection de sécurité basse pression (tous paliers) . . . . . . . 7.5.7 La cartouche RIB (CPY) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.5.8 Engagement du RIS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.5.9 Fuite du RIS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le circuit de réfrigération intermédiaire (RRI) . . . . . . . . . . . . . . 7.6.1 Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.6.2 Constitution et usages . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le circuit d’échantillonnage nucléaire (REN) . . . . . . . . . . . . . . Le circuit des purges et évents (RPE) . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le circuit vapeur principal (VVP) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.9.1 Principe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.9.2 Description du VVP . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.9.3 Le supportage des tuyauteries vapeur . . . . . . . . . . . . . . 7.9.4 Les tronçons protégés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.9.5 L’isolement des lignes vapeur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.9.6 Soupapes de sûreté des générateurs de vapeur . . . . . . . . . Décharge à l’atmosphère (GCTa) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.10.1 Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.10.2 Les vannes de décharge à l’atmosphère . . . . . . . . . . . . . Le circuit d’alimentation en eau du générateur de vapeur (ARE) . . . 7.11.1 Principe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.11.2 Description de l’ARE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.11.3 Le supportage des tuyauteries d’eau alimentaire . . . . . . . . Le circuit d’alimentation de secours des générateurs de vapeur (ASG) 7.12.1 Principe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.12.2 Constitution de l’ASG . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.12.3 Engagement de l’ASG . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.12.4 Fonction de sûreté de l’ASG . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le circuit d’aspersion de l’enceinte (EAS) . . . . . . . . . . . . . . . . 7.13.1 Principe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.13.2 Refroidissement et injection de soude . . . . . . . . . . . . . . 7.13.3 Fonctionnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.13.4 Essais périodiques des lignes EAS . . . . . . . . . . . . . . . . 7.13.5 Efficacité de l’aspersion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le circuit de réfrigération et de purification des piscines (PTR) . . . . Le traitement des effluents . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.15.1 Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.15.2 Le traitement des effluents liquides (TEP) . . . . . . . . . . . 7.15.3 Le traitement des effluents gazeux (TEG) . . . . . . . . . . . . 7.15.4 Le traitement des effluents usés (TEU) . . . . . . . . . . . . . 7.15.5 Le traitement des effluents solides (TES) . . . . . . . . . . . .

xiii 887 887 887 889 891 892 893 895 896 898 899 899 901 903 903 904 904 905 906 910 911 914 918 918 919 920 920 920 921 921 921 925 930 932 933 933 935 936 939 939 941 945 945 947 953 957 959

xiv

La technologie des réacteurs à eau pressurisée 7.16 La ventilation (EVF, EVC, EBA, ETY) . . . . . . . . . . 7.16.1 Fonction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.16.2 Description du circuit EVF . . . . . . . . . . . . . 7.16.3 Description du circuit EVC . . . . . . . . . . . . . 7.16.4 Description du circuit ETY . . . . . . . . . . . . . 7.17 La mise en dépression inter-enceinte (EDE) . . . . . . . . 7.18 La production d’eau déminéralisée (SDP) . . . . . . . . . 7.19 Le circuit d’eau glacée (DEG) . . . . . . . . . . . . . . . . 7.20 L’air comprimé (SAP, SAT, SAR) . . . . . . . . . . . . . 7.21 Le système informatique de conduite (KIC) . . . . . . . . 7.21.1 Généralités sur le contrôle commande informatisé 7.21.2 Objectifs du KIC . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.22 Trigrammes des circuits . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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960 960 961 962 963 963 964 965 965 965 965 968 968

8 Le groupe turbo-alternateur et la production d’électricité 8.1 Généralités sur la production d’électricité par le parc nucléaire . . 8.1.1 Petit historique du réseau français pré-nucléaire . . . . . . 8.1.2 Le réseau français moderne et les risques encourus . . . . . 8.1.3 La fourniture d’énergie nucléaire . . . . . . . . . . . . . . . 8.2 La salle des machines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8.3 La turbine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8.3.1 Petit historique des turbines de puissance de la turbine . . 8.3.2 Description de la turbine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8.3.3 Performance de la turbine . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8.3.4 Détente du fluide dans la turbine . . . . . . . . . . . . . . 8.3.5 Érosion dans la turbine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8.3.6 Ouverture du débit d’une turbine . . . . . . . . . . . . . . 8.3.7 Régulation de la turbine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8.3.8 Rupture d’une ailette de turbine . . . . . . . . . . . . . . . 8.3.9 Rupture d’un arbre de turbine . . . . . . . . . . . . . . . . 8.4 L’alternateur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8.5 Les transformateurs de puissance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8.5.1 Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8.5.2 Le transformateur principal . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8.5.3 Le transformateur de soutirage . . . . . . . . . . . . . . . . 8.5.4 Le transformateur auxiliaire . . . . . . . . . . . . . . . . . 8.6 L’alimentation des auxiliaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8.6.1 Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8.6.2 Alimentation des tableaux 6,6 kV . . . . . . . . . . . . . . 8.6.3 Alimentation des tableaux de courant alternatif 380 V . . . 8.6.4 Alimentation des tableaux de courant continu 125 V . . . . 8.6.5 Alimentation des tableaux de courant continu 48 V . . . . 8.6.6 Alimentation des tableaux de courant alternatif 220 V . . . 8.6.7 Alimentation des tableaux de courant continu 30 V . . . . 8.7 Les groupes électrogènes de secours . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8.7.1 La conception de base . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8.7.2 Le diesel d’ultime secours (DUS) . . . . . . . . . . . . . . . 8.8 Un exemple de perte d’alimentation électrique : Dampierre (2007)

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979 979 979 981 984 987 989 989 992 1007 1015 1015 1017 1017 1022 1024 1024 1030 1030 1034 1034 1034 1036 1036 1038 1039 1039 1040 1040 1042 1043 1043 1047 1048

Table des matières

xv

Conclusion

1051

Annexe 1 : Dictionnaire, sigles et abréviations

1053

Annexe 2 : Performance des tranches nucléaires du Parc Français 1070 Annexe 3 : Les aspects règlementaires des appareils de pression

1083

Références

1095

Index

1117

Introduction Un réacteur à eau pressurisée est l’un des objets technologiques les plus complexes que l’Homme ait jamais réalisés. L’effort de développement porte sur des dizaines d’années, des dizaines de milliers d’ingénieurs dans tous les domaines de la physique : neutronique, thermique, thermohydraulique, mécanique, chimie, matériaux, électronique, automatique, informatique, génie civil, études probabilistes. . . Il y a peu de domaines qui ne trouvent pas leur application dans la réalisation d’un réacteur nucléaire de puissance. À titre d’illustration, un réacteur 900 MWe comporte environ 12 000 robinets, dont 400 concernent le circuit primaire et 6 000 l’ensemble des circuits de sécurité. Un réacteur 1 300 MWe comporte 1 300 pompes et ventilateurs, 100 échangeurs thermiques, 160 réservoirs de toute nature, 48 tableaux électriques de 6 600 Volts ou 380 Volts, 42 transformateurs de puissance, 1 300 récepteurs électriques, dont 43 moteurs à 6 600 Volts, près de 60 km de tuyauterie bout à bout (hors lignes d’instrumentation), 16 000 robinets tant motorisés que manuels et 1 400 km de câbles électriques, soient plus de 2 millions de points de raccordement électrique. Le cœur du réacteur est un ensemble subtil de composants où la précision requise est parfois de l’ordre du millimètre, mais où certains composants pèsent plusieurs centaines de tonnes. Ces chiffres à eux seuls montrent toute la difficulté à appréhender dans son ensemble la technologie des réacteurs à eau. Cette technologie est de plus complexe à maintenir du fait de la radioactivité qui apparaît dès le fonctionnement du réacteur. S’il existe de très nombreux ouvrages de physique des réacteurs en langue anglaise parfois très prestigieux [Ash, 1979], [Bell et Glasstone, 1970], [Bennet, 1981], [Bonilla et al., 1957], [Cameron, 1982], [Duderstadt et Hamilton, 1976], [El-Wakil, 1962], [El-Wakil, 1962], [Glasstone et Edlund, 1972], [Glasstone et Sesonske, 1994], [Harrer, 1963], [Lamarsh et Barrata, 2001], [Lewins, 1978], [Littler et Raffle, 1957], [Marguet, 2017], [Mayo, 1991], [Meghreblian et Holmes, 1960], [Murray, 1954], [Ott et Bezella, 1989], [Ott et Neuhold, 1989], [Pollard et Davidson, 1956], [Reuss, 2008], [Salmon et al., 1961], [Stephenson, 1954], [Stephenson, 1954], [Weaver, 1963], [Weinberg et Wigner, 1958], [Weisman, 1977], [Zweifel, 1973], et même en langue française [Barjon, 1993],[Blanc, 1986], [Blaquière, 1962], [Bussac et Reuss, 1985], [Cahen et Treille, 1963], [Gauthron, 1986], [Ligou, 1982], [Ligou, 1997], [Marguet, 2018], [Raievski, 1960], [Reuss, 1983], [Reuss, 2003], [Rozon, 1992], [Salmon et al., 1961], [Soutif, 1962], tous ces livres montrent bien peu de réalisations concrètes, l’aspect technologique étant souvent relégué à un seul chapitre en fin de livre, et donnant des informations trop générales (un plan de circuit primaire, une image de cœur. . . ) 1 D’après M. Quemeneur : But et organisation des essais de démarrage du palier 1 300, Journée SFEN « Enseignements tirés de la mise en service des tranches nucléaires du palier 1 300 MWe à eau sous pression », Paris, 11 décembre 1985, Recueil des communications.

2

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

pour être vraiment utiles. Il faut bien constater que les livres avancés de technologie sont rarissimes, sans doute parce que la technologie évolue beaucoup plus vite que la physique, ou bien que les ingénieurs ne pratiquent guère la plume contrairement aux chercheurs ! C’est l’objectif de ce livre d’essayer de combler cette lacune et de donner au lecteur autant que faire se peut une vue d’ensemble de cette technologie des réacteurs à eau pressurisée, en incluant des repères historiques qui sont indispensables pour comprendre l’évolution du concept. Car bien sûr, les ingénieurs n’ont pas mis au point directement le concept le plus fiable, le plus efficient. La maturation qui a conduit aux réacteurs à eau pressurisée modernes tels que l’European Pressurized Reactor (EPR), a été longue et parfois douloureuse, comme lors d’accidents tels que Three Mile Island. Cela a appris aux ingénieurs à se méfier de la facilité, des jugements trop hâtifs et des raccourcis trop simples. Il est impossible d’aborder cette technologie complexe uniquement avec des mots, c’est pourquoi ce livre regorge d’illustrations et de schémas techniques fonctionnels, selon le vieil adage qu’un bon dessin vaut mieux que mille mots. Nous ne sommes pas rentrés trop en détail dans le fonctionnement du réacteur, nous limitant à la fonction des composants. Le fonctionnement d’une tranche nécessite un volume de taille équivalente à lui tout seul, et qui verra, je l’espère, le jour bientôt. Mon ambition est de proposer aux ingénieurs, aux techniciens et aux étudiants en sciences nucléaires, un corpus solide et le plus complet possible de connaissances utiles et pratiques, d’autant plus qu’il devient difficile de rentrer dans un bâtiment réacteur pour se faire sa propre idée, avec le durcissement constant des conditions d’accès lié aux problèmes sécuritaires de ce siècle. J’espère avoir pu proposer en quelque sorte une version « Assimil » du « parlé nucléaire », si hermétique aux néophytes. Les données numériques qu’on trouve dans ce livre concernent, sauf avis contraire, les réacteurs du palier CPY (900 MWe), le plus courant en France à ce jour. Ce livre n’est néanmoins pas un annuaire de données techniques où on trouverait toutes les cotes, masses et autres informations de l’ensemble des réacteurs, car on comprend aisément l’aspect rébarbatif d’un tel document, sans parler des aspects confidentiels de certaines données. Parce qu’il fallait forcément se limiter dans la description d’une tranche, on a choisi d’insister davantage sur les composants nucléaires à proprement parler (cuve, cœur, combustible, primaire, secondaire. . . ), en décrivant plus succinctement les dispositifs annexes (génie civil, turbine, alternateur, composants électroniques. . . ), qui mériteraient un traitement plus abondant dans un autre ouvrage. Quelques choix personnels, voire partisans, pourront sans doute m’être reprochés, mais comme chacun sait : « L’art est difficile ».

Chapitre 1 Historique de la filière à eau pressurisée La production d’énergie nucléaire a connu une expansion très rapide depuis la fin des années 1950 jusqu’aux années 1990, où une phase de stagnation s’est imposée après les accidents de Three Mile Island aux États-Unis (1979) et surtout Tchernobyl en URSS (1986). Dans le panel de réacteurs construits, la filière à eau pressurisée tient la tête et la France, avec ses 58 réacteurs appartenant à cette filière, en est le leader mondial. De nombreuses technologies ont été essayées avant d’aboutir aux concepts de réacteur éprouvés tels que nous les connaissons aujourd’hui. Certaines présentent des approches de sûreté originales sans que cela ait conduit pour autant à une industrialisation. Des ébauches de concept ont aussi été abandonnées par manque de fiabilité. L’analyse historique des prototypes de réacteurs du passé est riche d’instructions en ce qui concerne la sûreté de la filière des réacteurs de puissance à eau pressurisée.

1.1 1.1.1

Comment produire de la vapeur ? Les chaudières

[Desarces, 1924], [La Vapeur, 1929] Produire de l’énergie est une préoccupation qui hante l’Homme depuis la préhistoire. Une fois maîtrisés les problèmes de combustible (bois, charbon, huile de baleine, pétrole. . . ), la production de puissance mécanique s’est orientée vers la production de vapeur, l’eau étant un produit « simple » à manipuler, peu coûteux et facilement accessible en général. Le principe en est assez simple : on chauffe de l’eau qui se transforme en vapeur et cette vapeur fait tourner une turbine ou comprime un piston. Le xixe siècle, le siècle de la vapeur comme nous le rappelle l’uchronie « steampunk 1 », connaît un essor considérable en matière de machines industrielles basées sur l’ère du charbon-roi : chaudières de paquebots toujours plus gigantesques, de train, production d’électricité dans les villes. . . Dans les années 1870 apparaissent des fabricants de chaudières qui proposent des réalisations améliorant le rendement. 1 Le mouvement « steampunk » est un courant médiatique (littéraire, film, séries télé, dessins animés. . . ) qui situe ses intrigues au xixe siècle, au temps d’une révolution industrielle rêvée, et mettant en scène machineries et robots utilisant massivement la vapeur.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Il s’avère expérimentalement que chauffer une simple cuve d’eau en forme de marmite n’est pas le moyen le plus optimal de produire de la vapeur. Comme l’indique George H. Babcock, co-fondateur de la société Babcock et Wilcox bien connue dans le milieu nucléaire de nos jours, lors d’une conférence faite à l’université de Cornell en février 1890, l’eau est chauffée préférentiellement à la paroi interne de la cuve, ce qui crée un courant ascendant, et elle est remplacée par un courant descendant au centre de la cuve. L’ensemble devient extrêmement turbulent et un bouillonnement intense apparaît à la surface de l’eau si on augmente la chauffe. On doit à Jacob Perkins 2 l’invention du convergent annulaire (upper-comer, l’inverse du down-comer des cœurs de réacteurs), une enveloppe cylindrique percée en son fond, qui canalise et plaque l’eau chaude qui monte le long de la cuve alors que l’eau plus froide descend dans la partie centrale (Figure 1.1). On retrouve dans cette idée le concept de down-comer utilisé (à l’envers) dans les réacteurs à eau pressurisée. Puisque la source de chaleur est interne, c’est l’eau froide qui descend au contact de la cuve et l’eau s’échauffe dans la partie centrale au contact des crayons chauffants. C’est la configuration qui offre le plus de stabilité. Les travaux de Perkins (1766-1849) ont conduit à l’invention du tube de Perkins 3 , fonctionnant en thermosiphon à double phase. La technologie des échangeurs de chaleur progresse énormément à la fin du xixe siècle et au début du xxe siècle. La production de vapeur mécanique s’industrialise au xixe siècle en premier lieu pour les moteurs de bateaux à vapeur et les locomotives, puis la production d’eau chaude pour le chauffage industriel. Pour la production de vapeur à faible pression, la société Thomas et Laurens propose une chaudière « locomobile », terme signifiant qu’elle peut être déplacée facilement sur plusieurs lieux de production, son corps n’étant pas enchâssé dans une maçonnerie. Cette chaudière (Figure 1.2) comporte une calandre sur pieds en fonte qui renferme l’eau et la vapeur. Elle comporte un vaporisateur amovible qui est noyé dans le cylindre intérieur de la calandre et qui contient le foyer, le retour de flamme, le faisceau de tubes et la boîte à fumée. Le vaporisateur peut coulisser sur des rails pour une maintenance facilitée. 2 Jacob Perkins (1766-1849) est un ingénieur-inventeur américain à qui l’on doit une machine à fabriquer des clous (circa 1790), le principe de plaque métallique pour imprimer des livres (dont le premier livre des États-Unis à partir de plaques en acier), des billets de banques, et, en ce qui nous concerne, une machine à vapeur horizontale de 1 400 psi (environ 96 bars, 1827) tellement puissante qu’on ne lui trouva pas d’usage industriel à l’époque ( !), puis une machine à 2 000 psi (138 bars). Il introduit le concept du convergent annulaire ascendant dans les chaudières en 1831 pour faciliter la convection naturelle et l’utilisation de compresseur pour produire du froid. C’est à lui que l’on doit les plaques d’impression du premier timbre au monde en mai 1840 (le fameux « Penny black » britannique, 9 ans avant le premier timbre français), imprimé sur une presse « Perkins D Cylinder » brevetée par lui en 1819. Cette presse permettait l’impression rapide de 240 timbres par planche. Le dernier exemplaire de cette presse se trouve depuis 1963 à la British Library.

Jacob Perkins D.A. Reay : The Perkins tube, a noteworthy contribution to heat exchanger technology, Journal of Heat Recovery Systems, Vol. 2, n◦ 2 pp. 173-187 (1982). 3

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1. Historique de la filière à eau pressurisée Enveloppe

Cuve

Feu

Fig. 1.1 – Le concept de convergent annulaire de Perkins (1831).

Fig. 1.2 – Chaudière Thomas et Laurens construite par les établissements Weyher et Richemond de Pantin (France), circa 1910 (collection Marguet). Cette chaudière peut délivrer de 150 kg à 1 500 kg de vapeur à l’heure sous 1 kg/cm2 de pression. Des chaudières plus élaborées voient le jour au début du xxe siècle. Les chaudières semi-tubulaires (Figure 1.3) de la maison Leroux et Gatinois dérivent de la

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 1.3 – La chaudière semi-tubulaire horizontale Leroux et Gatinois de Paris avec dispositif de circulation Montupet qui permet une plus grande vaporisation (collection Marguet).

chaudière simple à deux bouilleurs et de la chaudière tubulaire de type Seguin 4 . Le corps cylindrique de la chaudière est terminé par des fonds plats sur lesquels sont fixés un grand nombre de tubes. C’est le type de chaudière le plus répandu en France dans les années 1920. Le principal inconvénient de ces chaudières semi-tubulaires est l’entartrage des tubes quand on emploie des eaux calcaires ou magnésiennes. L’accès difficile aux tubes fait qu’on doit les couper lorsqu’ils sont trop entartrés, soit pour les nettoyer, soit pour les changer. Un système « amovible » a alors été développé par la maison Berendorf, qui permet de sortir certains tubes en laissant le passage pour le nettoyage des autres tubes fixes. 4 Marc Seguin, directeur du chemin de fer de Saint-Étienne à Lyon (la seconde ligne construite en France), imagine en 1827 (brevet du 13 décembre 1827) une chaudière tubulaire qu’il fait monter sur des locomotives de sa construction. Seguin était déjà correspondant de l’Académie des sciences depuis 1845 pour sa spécialisation en ponts métalliques. Son nom est gravé sur la Tour Eiffel avec celui d’autres savants.

Marc Seguin

1. Historique de la filière à eau pressurisée

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La chaudière multitubulaire Roser comporte un faisceau de tubes inclinés contenant l’eau qui est chauffée par le passage des tubes bouilleurs dans le foyer. La partie supérieure du faisceau de tubes communique via un collecteur avec un réservoir d’eau et de vapeur. Un hydro-déjecteur (N sur la Figure 1.4) collecte les boues en partie basse du faisceau de tubes inclinés. Un système de sécurité M mesure la pression de vapeur et renseigne un manomètre. Le dôme de vapeur d’eau, qui fait partie du corps de la chaudière, communique par un conduit à des tubes horizontaux qui constituent un sécheur-surchauffeur de vapeur dont les communications alternées sont disposées de telle sorte que la vapeur est obligée à les parcourir successivement avant d’arriver au robinet de distribution.

Fig. 1.4 – Chaudière Roser à retour de flamme (collection Marguet). La chaudière ambitubulaire (Figure 1.5) est une combinaison de la chaudière à tubes d’eau et de la chaudière à tubes de fumée. Une chaudière ambitubulaire est constituée d’un faisceau de tubes inclinés en partie inférieure qui passent dans le foyer, et d’un corps tubulaire supérieur de tubes à fumée qui traversent horizontalement le réservoir d’eau à vaporiser (surchauffeur). Les fumées en sortie peuvent être dirigées vers un réchauffeur. Le corps de la chaudière ne comporte que des éléments cylindriques, ce qui simplifie sa maintenance. La circulation d’eau est très intense avec l’emploi de tubes peu nombreux (faible frottement) et fortement inclinés pour favoriser la convection naturelle avec une forte section de passage, produisant entre 16 et 32 kg/heure de vapeur par mètre carré de surface d’échange. La société Babcock et Wilcox va proposer une chaudière intégrée innovante qui sépare la fonction de chauffage de l’eau dans des tubes et la fonction de séparation de l’eau et de la vapeur dans un collecteur. Cette chaudière comporte un faisceau de

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 1.5 – Chaudière ambitubulaire de la Société alsacienne de constructions mécaniques de Mulhouse (France) (collection Marguet).

tubes droits formant la surface de chauffe, et un réservoir d’eau et de vapeur superposé. Le faisceau est divisé en éléments verticaux et en tubes inclinés pour assurer une circulation d’eau dans le sens déterminé par la convection naturelle. Les collecteurs, de forme ondulée, permettent de disposer les tubes en quinconce assurant un « peignage » aussi complet que possible des gaz de chauffe provenant du foyer. La position du réservoir horizontal d’eau et de vapeur constitue une réserve d’eau qui assure une certaine inertie permettant d’encaisser les inégalités du débit de vapeur.

1. Historique de la filière à eau pressurisée

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Fig. 1.6 – Publicité Babcock et Wilcox du début des années 1950 (collection Marguet). Le nucléaire n’est pas encore cité ! La Figure 1.7 montre une chaudière munie d’un surchauffeur. Ce surchauffeur comporte deux collecteurs de section carrée et un faisceau de tubes en V logés dans les passages des gaz du premier et second parcours. La vapeur saturée prise au corps supérieur est amenée au collecteur inférieur. Elle passe de ce dernier dans les tubes du surchauffeur lorsqu’on veut mettre la chaudière en marche. Dès que la pression voulue est atteinte, on vide le surchauffeur. La première moitié du xxe siècle va voir une progression dans le gigantisme des installations (Figure 1.9, Figure 1.10).

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 1.7 – La chaudière tubulaire Babcock et Wilcox (d’après [La Vapeur, 1929]).

1. Historique de la filière à eau pressurisée

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Fig. 1.8 – Le collecteur de vapeur de la chaudière Babcock et Wilcox (1929).

Fig. 1.9 – Publicité pour une chaudière Lardet de 1953 (collection Marguet).

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 1.10 – Chaudière Löffler de l’usine de Brimsdown (nord de Londres, circa 1950,

95 tonnes/h, 141 bars, 502 ◦ C). A. Ballons évaporateurs. B. Pompe de circulation de la vapeur. C. Surchauffeur à rayonnement. D. Surchauffeur à convection. E. Resurchauffeur. F. Économiseur. G. Réchauffeur d’air Ljungström (largeur d’axe entre les poteaux 19 m).

1.1.2

Les accidents de chaudières

Comme souvent, ce sont les accidents de chaudières (Photo 1.1, Photo 1.2, Photo 1.3) qui vont faire progresser la législation en la matière. Les accidents de chaudières sont des explosions de vapeur libérant une très forte énergie mécanique. Ces explosions, d’autant plus puissantes que la chaudière dispose d’une grande capacité, conduisent à la destruction du bâtiment qui contenait la chaudière en question, et souvent, malheureusement, à la mort d’hommes situés à proximité. Le décret du 9 octobre 1907 sur les chaudières à terre (cf. son texte intégral en annexe), est le premier texte législatif coercitif en France qui impose des contraintes fortes aux constructeurs de chaudières. On retiendra de ce décret une obligation de disposer de soupapes de sûreté selon la taille de l’appareil, d’avoir des moyens de mesure de la pression et des dispositions sur la localisation de la chaudière et la protection des travailleurs. Une catégorisation à 3 niveaux des chaudières est proposée selon un produit caractéristique V multiplié par (T -100 ◦ C) où V est le volume d’eau de la chaudière et T la température de la vapeur produite. Ce décret, relatif à la sûreté des appareils à pression, s’impose de façon adaptée aux installations nucléaires modernes.

1. Historique de la filière à eau pressurisée

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Photo 1.1 – Explosion d’une chaudière de 30 chevaux dans un atelier de menuiserie à Ligny-en-Barrois (Meuse), le 9 avril 1867. L’explosion a eu lieu le jour même de l’installation de la chaudière qui comportait un bouilleur « d’un système nouveau ». La conclusion est la mort de 5 hommes dont le chaudronnier projeté à 40 mètres de distance et « horriblement mutilé » selon le rapport de l’époque (collection Marguet).

Photo 1.2 – Explosion d’une chaudière Climax dans les années 1920. Le réservoir central est percé d’une grande quantité de trous d’où une faible tenue des tuyauteries qui se greffent sur les trous, un défaut de conception aux conséquences redoutables lors de l’explosion qui a détruit le bâtiment contenant la chaudière (collection Marguet).

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Photo 1.3 – Effets de l’explosion d’une chaudière dans l’usine de fabrication de tubes Phénix en Allemagne (collection Marguet).

1.2

Les débuts de l’utilisation de l’eau dans le nucléaire

[Drevon et al., 1983] p. 8, [Grenêche, 2016] p. 339 Dès l’origine du nucléaire, l’utilisation de l’eau a été envisagée pour modérer les neutrons. Déjà, dans un brevet américain du 20 mars 1939, Leo Szilard mentionne l’utilisation d’eau comme modérateur d’un réacteur à fission en chaîne utilisant de l’uranium enrichi comme combustible. Les Français Frédéric Joliot, Hans Von Halban et Lew Kowarski citent eux aussi l’eau comme modérateur dans leur brevet de mai 1939. Mais on prête généralement à Alvin Weinberg 5 , Eugène Wigner et Bob Christy le calcul correct du keff d’un réacteur à eau. En 1942, Weinberg et Christy déposent un brevet pour un réacteur légèrement enrichi, modéré à l’eau ordinaire 6 . Mais les calculs de keff par l’algorithme de Wigner produisent une valeur plus basse que celle mesurée expérimentalement par Art Snell à Oak Ridge. Le problème est expliqué par Szilard qui comprend que le facteur de fission rapide de l’uranium 238 est beaucoup plus important dans un réseau, surtout si celui-ci est serré, que si le barreau de combustible est considéré comme isolé (voir aussi [Grenêche, 2016] p. 359). Weinberg peut écrire alors le 15 septembre 1944 : « Les avantages d’un système modéré 5 Alvin Weinberg (1915-2006) : Physicien américain. Après des études à l’université de Chicago, il soutient une thèse en 1939 de mathématiques appliquées à la biophysique Mathematical Foundations for a Theory of Biophysical Periodicity. Il rejoint le Projet Manhattan en septembre 1941. Il remplace Eugène Wigner en 1948 à la tête de la recherche de l’Oak Ridge National Laboratory, dont il prend la direction en 1955. Il co-écrit avec Wigner le fameux livre The Physical Theory of Neutron Chain Reactors en 1958 qui est un livre de référence mondialement connu. Il participe à de nombreux projets autour de la propulsion nucléaire d’avion et de réacteurs avancés. Il est récompensé au cours de sa carrière par de nombreux prix dont la médaille Fermi en 1980. C’est lui qui a motivé l’amiral Rickover dans son choix des réacteurs à eau pressurisée pour la propulsion navale.

Alvin Weinberg (à gauche) fait visiter les laboratoires d’Oak Ridge au président John Fitzgerald Kennedy en 1959 (photo Oak Ridge). 6 Alvin M. Weinberg, The light water adventure, Nuclear Engineering international, p. 28-30, October 1994.

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par de l’eau sont évidents. Un tel système contient en lui-même un moyen de refroidissement. Si le problème de revêtement (du combustible) peut être réglé (par exemple en utilisant du béryllium), il serait possible de faire fonctionner ce système en pression et obtenir une haute pression de vapeur qui pourrait être utilisée pour produire de l’énergie. ». En avril 1946, Weinberg et Forrest H. Murray produisent à Oak Ridge le rapport MonP-93 : « High pressure water as a heat transfer medium in nuclear power plants », qui contient les germes des réacteurs à eau pressurisée modernes. L’étape suivante vient du fait que Herbert Pomerance 7 découvre que l’absorption du zirconium industriel provient en fait des impuretés en hafnium (un puissant absorbant qui sera d’ailleurs utilisé comme barre de contrôle dans les sous-marins nucléaires), et que, si on arrive à éliminer ces impuretés, le zirconium pur devient pratiquement transparent aux neutrons. À partir de ce moment, on dispose d’un métal résistant à haute température pour enrober le combustible et l’isoler de l’eau. À partir de 1949, le gouvernement américain lance une consultation pour le développement d’un réacteur nucléaire à but propulsif pour les navires de surface et les sous-marins. La société Westinghouse propose un réacteur à eau légère, et la société General Electric un réacteur à spectre intermédiaire refroidi par du sodium liquide, qui conduira au concept embarqué sur le sous-marin Sea Wolf, mais ce concept s’avérera décevant et sera remplacé après quelques années par un réacteur à eau. Ce sont les travaux de Harold Etherington, Walter Zinn 8 et John Simpson, soutenus par le capitaine de la Navy, 7 Herbert Pomerance (1917-1992) : Ce physicien américain a travaillé dans le Chicago Met Lab pour le Projet Manhattan. Pomerance a été transféré aux Clinton Laboratories à dans le Tennessee le 1er Septembre 1943, où il se marie avec Eleanor Catherine Hauk, une technicienne du site. Pomerance a travaillé sur le projet de réacteur au graphite X-10, où il pratiquait des essais d’oscillation de matériaux dans le réacteur pour mesurer leur section efficace, d’où sa découverte sur les impuretés du zirconium.

Herbert Pomerance nettoie le système d’oscillation à Oak Ridge. Walter Zinn (1906-2000) est un ingénieur et physicien américain d’origine canadienne, ayant apporté une très grande contribution au programme nucléaire américain. Après des études de physique à l’université de Columbia, il soutient une thèse en 1934 sur le rayonnement X : Two-crystal study of the structure and width of K X-ray absorption limits. Il prend la nationalité américaine en 1938, puis Zinn travaille sur la réaction en chaîne pour Enrico Fermi dans le cadre du Projet Manhattan. Après-guerre, c’est une équipe pilotée par Zinn qui fait diverger le réacteur rapide au sodium EBR-I puis EBR-2 « Enrico Fermi » à Argonne dans l’Idaho, dont Zinn a été le directeur de 1946 à 1956. Zinn a reçu le prix Enrico Fermi en 1969. Il a été aussi le premier président de l’American Nuclear Society. 8

Enrico Fermi (à gauche) et Walter Zinn (à droite), qui ont longtemps collaboré.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Photo 1.4 – L’amiral Rickover en tenue civile sort du sous-marin Nautilus.

Hyman Rickover (futur amiral), qui conduisent à la construction en premier lieu d’un prototype à terre de réacteur de sous-marin nucléaire, surnommé S1W (Photo 1.7) et construit par la société Westinghouse. Ce prototype, à l’échelle 1 et placé dans une portion de coque de sous-marin pour plus de réalisme, diverge le 29 mars 1953 [Grenêche, 2016] p. 362. L’application du succès de ce prototype conduit à la construction du premier sous-marin à propulsion nucléaire de l’Histoire, le Nautilus, en hommage au fameux navire décrit dans les aventures du Capitaine Némo dans Vingt mille lieues sous les mers de Jules Verne. Le sous-marin est mis en service en 1955, son réacteur utilise du combustible hautement enrichi placé entre des plaques de zirconium pour l’isoler de l’eau. À partir du programme naval militaire, les États-Unis vont pouvoir lancer le projet de nucléaire civil Shippingport, commissionné par l’Atomic Energy Commission le 2 décembre 1957 (15 ans jour pour jour après la divergence de la pile de Fermi CP1), dans un but d’usage pacifique de l’atome.

1.3

Les premiers réacteurs navals

[Ladonchamps et Verdeau, 1972]

1.3.1

Les réacteurs navals aux États-Unis

1.3.1.1 Les premiers réacteurs de sous-marins Avant même la fin de la deuxième guerre mondiale, les puissances alliées se mettent en ordre de bataille pour ce qui va devenir la guerre froide. Que ce soient les Américains,

1. Historique de la filière à eau pressurisée

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les Russes et même les Français, des missions sont organisées pour piller le savoir-faire des Allemands en matière de technologie. Ainsi, l’avance allemande en matière de fusée va largement alimenter l’industrie spatiale et militaire des États-Unis, via une chasse aux scientifiques allemands plus enclins à se rendre aux Américains qu’aux Russes. En matière de sous-marins, l’avance allemande est dans ce domaine aussi grande avec le type XXI de 1 600 tonnes à l’hydrodynamique améliorée, et disposant de développements inédits comme le premier revêtement an-échoïque (à signature sonar réduite), mis au point dans les derniers mois de la guerre. Le sous-marin, furtif par nature, permet de s’approcher des côtes de l’ennemi discrètement pour frapper en court-circuitant les ripostes. Mais le sous-marin, aussi performant soit-il, dispose d’un point faible à savoir sa propulsion aérobie puisque tous les types de batteries électriques ne peuvent proposer qu’une autonomie faible. Le sous-marin doit faire surface pour effectuer des grandes distances avec son moteur diesel. On conçoit alors l’intérêt d’une propulsion nucléaire, qui permet un fonctionnement sans rechargement de combustible pendant environ trois ans et sans nécessité de comburant, soit bien plus qu’aucun autre système existant. La technologie civile des réacteurs à eau pressurisée dérive en droite ligne des réacteurs de sous-marins développés aux États-Unis dans les années 1950. C’est sous l’impulsion de l’amiral Hyman G. Rickover 9 qu’a été développé le programme de construction de la flotte nucléaire américaine. Avec l’assentiment d’Alvin Weinberg, à l’époque directeur de la recherche de Oak Ridge, il dirige une équipe de chercheurs et d’ingénieurs qui va développer un réacteur compact produisant de la vapeur nécessaire pour faire tourner à la fois une turbine couplée à un alternateur (production de courant électrique), et un arbre à hélice (propulsion navale). Le défi est considérable dans la mesure où les prototypes de réacteurs nucléaires ont tous à l’époque la taille d’un bâtiment de 30 m de hauteur. La nécessité de compacité oriente rapidement sur un combustible très enrichi, refroidi par un caloporteur efficace et concentré, ce qui exclut les gaz peu denses. L’utilisation de sodium liquide (envisagé aussi pour des réacteurs d’avion !) pose très rapidement des 9 Hyman George Rickover (1900-1986). Amiral 4 étoiles de la marine américaine. Originaire d’une famille juive polonaise, il émigre aux États-Unis en 1905. Il entre très jeune (19 ans) dans l’US Navy où il fait des études d’ingénieur électricien. En 1929, il s’oriente vers l’arme sous-marine où les progressions de carrière sont plus rapides. En 1946, il est envoyé à Oak Ridge pour étudier les possibilités de production d’électricité grâce à un réacteur nucléaire. Il est nommé en 1949 à la tête de la Branche des Réacteurs navals de la Marine, ainsi qu’à un poste important à la Division Développement des réacteurs de l’Atomic Energy Commission. Ce double poste lui permet de développer ses idées sur la propulsion navale. Vice-amiral en 1958, il est surnommé « le père de la flotte nucléaire », à juste titre. Sa rigoureuse culture de sûreté va impulser une religion du zéro-défaut dans l’US Navy. De fait, aucun accident de réacteur naval n’est à déplorer aux États-Unis, contrairement à l’Union soviétique, où de très nombreux accidents connus et inconnus ont eu lieu. Avec une carrière de 63 années, il est l’officier de la Navy ayant eu la plus longue carrière militaire.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

problèmes de radioprotection et de confinement presque insolubles, et l’affinité du sodium avec l’eau rend le risque d’incendie intolérable dans un sous-marin en cas de perte accidentelle de sodium. L’eau est un bon compromis, mais pour obtenir des rendements thermodynamiques importants, il faut monter en température et donc en pression pour maintenir l’eau liquide, ce que propose rapidement Alvin Weinberg. La technologie de réacteurs à eau à basse pression a été développée à Hanford dans le cadre du programme Manhattan de production de plutonium, mais la montée en température fait apparaître des problématiques totalement nouvelles de tenue des matériaux, d’oxydation et d’absorption des gainages. De plus, aucun des réacteurs précédents n’avait été conçu pour produire de la vapeur. La tactique consistant à produire cette vapeur directement dans le cœur (réacteurs à eau bouillante) a vite été abandonnée dans le cas des sous-marins, car elle condamnait immanquablement l’accès à la turbine qui aurait été contaminée. On a donc choisi de séparer le système de production de vapeur (circuit secondaire) du circuit d’eau primaire à haute pression. Pour obtenir un cœur le plus compact possible, il faut enrichir le combustible et diminuer les captures parasites, en particulier des matériaux de gainage qui isolent l’uranium de l’eau. Les premiers travaux concernant l’enrichissement du combustible à destination de la Navy sont le fait de Philip Abelson 10 et de Ross Gunn. Abelson a inventé un procédé d’enrichissement de l’uranium par colonne de diffusion thermique en utilisant de l’hexafluorure d’uranium UF6 , très volatil. Ce dispositif a été implanté au Philadelphia Navy Yard (NRL). Le procédé est basé sur le fait que les atomes de 235 U, plus légers que ceux de 238 U, diffusent plus facilement vers les zones chaudes de la colonne. En combinant de nombreuses colonnes en série, on obtient ainsi un enrichissement progressif (mais faible) du gaz. À l’initiative de Ross Gunn 11 , un 10 Philip Hauge Abelson (1913-2004). Après des études de chimie à la Washington State University, il soutient une thèse en physique nucléaire à Berkeley. Il y travaille avec Ernest Lawrence, puis codécouvre le neptunium avec Edwin McMillan le 8 juin 1940. On lui doit le principe d’enrichissement isotopique de l’uranium par colonne thermique, projet qu’il développe pour la marine, travaux qui serviront au projet Manhattan. Après guerre, il participe au Philadelphia Naval Research Laboratory au développement de la propulsion navale. Il a dirigé le laboratoire de Géophysique de l’institut Carnegie de 1951 à 1971. Il a écrit plusieurs livres sur l’utilisation de l’énergie. On lui a décerné la médaille nationale de la science américaine en 1987.

11 Ross Gunn (1897-1966). Physicien américain. Après avoir travaillé sur le projet Manhattan, il se consacre au programme de propulsion nucléaire de la Navy. Il cumule les postes de professeur de physique à l’American University, chef de la division électrique et mécanique, directeur de la division de recherche du bureau météorologique national, conseiller auprès de l’administration navale et d’autres postes encore. Membre de l’Académie des sciences américaine, il a déposé au cours de sa vie plus de 45 brevets.

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physicien conseiller auprès du laboratoire de recherche de l’US Navy, le dispositif est installé à Philadelphie à partir de juin 1941. Le laboratoire arrive à partir de 1943 à produire 40 livres d’UF6 enrichi par mois. Cette production sera finalement utilisée par le projet Manhattan pour augmenter la production d’uranium très enrichi à Oak Ridge pour la bombe atomique. Après guerre, Abelson développe l’idée de l’utilisation d’un réacteur refroidi par un eutectique Na-K pour chauffer de l’eau qui entraînerait une turbine de propulsion, et convainc la marine de se lancer dans l’aventure en partant des plans capturés à la fin de la guerre d’un sous-marin allemand de type XXVI Walter, le plus avancé de son temps. C’est Abelson qui écrit le premier rapport « Atomic Energy Submarine » le 28 mars 1946, décrivant les principes du réacteur naval embarqué à destination des officiels de la Navy. Le sodium présentant des inconvénients non négligeables dont le pire est une forte aversion pour l’eau, c’est donc l’eau légère, plus manipulable sur un sous-marin, qui sera retenue comme caloporteur du projet Nautilus, dont le principe est accepté par le président Truman en 1951. En ce qui concerne le gainage du combustible, on s’aperçoit rapidement que les captures neutroniques parasites du zirconium, a priori bon candidat, sont le fait d’impuretés de hafnium 12 . Ce sont les travaux de Zalman Shapiro 13 sur la purification industrielle du zirconium par dépôt d’iodure qui vont permettre de disposer de quantités importantes de zirconium très pur quasiment transparent aux neutrons. Le zirconium va devenir le matériau de base des internes des réacteurs à eau. D’un point de vue neutronique, le réacteur, qui est de petite taille, est très affecté par le réflecteur (en l’occurrence de l’eau légère). De par les contraintes opérationnelles, on demande que le réacteur soit critique, quelle que soit la quantité de xénon 135 présente. Pour éviter des pics de flux dans du combustible proche de trous d’eau, on utilise des barres de contrôle sous forme de fines plaques de hafnium. Comme le combustible est très enrichi et sous forme de fines plaques, on peut considérer que le combustible est presque homogène et l’on peut supposer alors que le flux est séparable en espace et en énergie dont la composante énergétique peut être calculée par un modèle de ralentissement de Wigner-Wilkins, à peu de groupes d’énergie du fait des 12

Sur les propriétés du hafnium : [Elinson et Petrov, 1969]. Zalman Shapiro (1920-2016). Ingénieur chimiste américain. Après une thèse à l’université Johns Hopkins en 1948, il rejoint les équipes de recherche de Westinghouse au Bettis Naval Nuclear Power Laboratory où il devient un spécialiste de la chimie du zirconium. Il met au point le processus de purification du zirconium par dépôt de vapeur d’iodure, et est l’un des artisans du premier réacteur de sous-marin atomique américain : le USS Nautilus. Il travaille ensuite à la production de gainage de combustible pour le réacteur de Shippingport. Il met au point la méthode de fabrication continue de poudre d’oxyde d’uranium, puis de plutonium, utilisée pour produire des pastilles de combustible fritté à haute densité. À 89 ans, il dépose encore un brevet sur la production de masse de diamant synthétique de qualité industrielle. En 1957, il crée la société NUMEC, spécialisée en matériaux nucléaires, puis revient chez Westinghouse en 1971. À la fin des années soixante, il a été le centre d’une controverse sur la possibilité qu’il ait pu dérober de l’uranium (près de 300 kg !) au profit d’Israël, du fait de ses sympathies sionistes avérées, sans qu’il ne soit jamais inquiété, car aucune preuve déterminante ne fut jamais apportée. Son nom reste associé au diagramme de Shapiro concernant l’inflammabilité d’un mélange d’hydrogène et de vapeur d’eau. 13

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

faibles capacités informatiques de l’époque. Le spectre thermique est traité par une maxwellienne modifiée du fait de l’absorption. Le traitement spécifique des croix de contrôle en hafnium fut réalisé en supposant celles-ci cylindriques ( !), pour pouvoir appliquer la méthode de Nordheim-Scalletar basée sur des développements en fonction de Bessel (solutions de l’équation de diffusion en géométrie cylindrique). Le calcul final, en géométrie à deux dimensions et à deux groupes d’énergie, était effectué en trois jours sur une machine analogique utilisant un réseau de résistances électriques simulant le réacteur. Enfin, une méthode de synthèse axiale couplait plusieurs tranches axiales pour reconstituer un flux en trois dimensions et obtenir le kef f du cœur. En ce qui concerne la cinétique neutronique qui est étudiée dès le début des années cinquante pour l’analyse de scénarios accidentels, les équations de cinétique-point ont été digitalisées sur l’ordinateur SEAC de l’US Bureau of Standards, à l’époque l’ordinateur à diodes le plus puissant du monde, et on a pu démontrer le caractère stabilisant d’un fort coefficient de température négatif sur des accidents d’éjection de barre ou de perte de pompes primaires. À partir de 1953, le projet est techniquement développé par Westinghouse dans son laboratoire de Bettis (projet Mark I), tandis que General Electric développe le projet Mark A à Knolls. Le système de contrôle du réacteur est le fait d’Harry Raab 14 , qui a fait toute sa carrière à Westinghouse. Les travaux aboutissent au sous-marin d’attaque SSN-571 « Nautilus » de 4 000 tonnes en plongée, long de 98,75 m qui sera mis en service le 17 janvier 1955 sous le nom de Nautilus en hommage au livre de Jules Verne. Le sous-marin comporte un réacteur d’une puissance de 10 MW produisant du courant électrique et actionnant une turbine principale qui fait tourner deux hélices. Un circuit primaire pressurisé par un pressuriseur chauffe de l’eau dans un générateur de vapeur, dont la vapeur fait tourner la turbine principale et le turbogénérateur de production d’électricité. La vapeur en sortie de turbine est condensée dans un condenseur dont la source froide est l’eau de mer (Figure 1.11). L’absence de combustion permet à un sous-marin de nucléaire de pouvoir rester des semaines, voire des mois sous l’eau, et la limitation théorique n’est imposée que par les systèmes de filtration de l’air (gaz carbonique dégagé par la respiration de l’équipage) et, bien entendu, des réserves de nourritures. Un des problèmes de ce type de propulsion est la radioprotection, qui impose un blindage du cœur, mais le REP contenant de l’eau, un fort blindage naturel contre les neutrons, reste plus accessible qu’un réacteur rapide, dont le caloporteur ne ralentit pas les neutrons et s’active puissamment, d’où la nécessité de blindages conséquents. 14 Harry F. Raab (1927-2008). Cet ingénieur et physicien américain a obtenu un bachelor’s degree et un master’s degree au MIT en 1950, puis 1951. Il a travaillé 44 ans chez Westinghouse au Bettis Laboratory d’abord sur le Nautilus, puis sur le design des réacteurs du porte-avions Enterprise, et sur le concept de surgénérateur à eau légère (Shippingport) dont il a été le chef de projet. Enfin il travaille à partir de 1972 dans le domaine de la propulsion nucléaire navale à Crystal City (Westinghouse). Il prend sa retraite en 1995.

Harry F. Raab en 1972.

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Fig. 1.11 – Principe de la chaudière d’un sous-marin à propulsion nucléaire : le bloc nucléaire est localisé dans un compartiment étanche et blindé pour la protection contre les rayonnements, le circuit primaire est pressurisé par un pressuriseur. L’eau chauffée dans le cœur va produire de la vapeur grâce au générateur de vapeur. Cette vapeur fait tourner un turbo-générateur de production d’électricité capable de fournir l’électricité du bâtiment et du moteur électrique si besoin. La turbine principale fait tourner un rotor, dont le mouvement est transmis après réduction à l’arbre à hélice du bâtiment. La source froide consiste à puiser de l’eau de mer pour gaver un condenseur. C’est le point faible du sous-marin en matière de détection puisqu’il laisse derrière lui une trace thermique éventuellement détectable par infrarouge si l’eau rejetée est trop chaude et que le sous-marin n’est pas en grande profondeur.

Photo 1.5 – Mise à l’eau du Nautilus le 25 janvier 1954 (chantiers navals de Groton, Connecticut). Peu de secrets entourent cette mise à l’eau, tant les Américains se croient en avance sur les Russes, alors que le K-3 (du russe : Kit, « Kit », pour baleine), conçu par Vladimir Peregoudov, sera lancé le 9 août 1957, et atteindra le pôle Nord en 1962.

Le Nautilus est lancé le 21 janvier 1954 à Groton (Photo 1.5), dans le Connecticut, avec comme marraine de baptême l’épouse du président Dwight Eisenhower. Le sousmarin est testé pour la première fois avec satisfaction en eaux profondes le 17 janvier 1955. À partir de là, sa vitesse et son autonomie lui permettent d’établir une foule de

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Photo 1.6 – L’odyssée du Nautilus sous les glaces. Le commandant Anderson raconte le voyage surprenant du Nautilus sous les glaces du pôle Nord. Ses mémoires sont publiées en 1959 sans beaucoup de détails, on l’imagine, sur le mode de propulsion nucléaire. Un dessin plutôt évasif montre la répartition interne du sous-marin, et une photo montre le pupitre de commande du réacteur, mais pas les cadrans que regardent les opérateurs (Collection Marguet). records. Le 3 août 1958, il marque l’Histoire en reliant, avec 116 membres d’équipage sous les ordres du commandant William Robert Anderson, le détroit de Béring et la mer du Groenland, après avoir voyagé sous les glaces du pôle Nord (Photo 1.6). Le film Destination Zebra, station polaire, de John Sturges avec Patrick McGoohan et Rock Hudson, s’en fait l’écho au cinéma. Après une carrière sans encombre, le sous-marin Nautilus est retiré du service en mars 1980, après avoir parcouru environ 800 000 kilomètres. Il est utilisé aujourd’hui comme musée. L’amiral Rickover dira, en parlant des sous-marins atomiques : « Pour la première fois, nous avons affaire à de véritables sous-marins, et non à de simples ‘plongeurs’ qui ne quittent qu’accidentellement la surface ». À partir du Nautilus, les États-Unis vont développer une importante flotte de 200 sous-marins d’attaque et lanceurs d’engins, ainsi que 23 porte-avions à propulsion nucléaire. 1.3.1.2 Le NS Savannah La technologie militaire américaine a eu une retombée civile en termes de propulsion navale avec le développement du cargo NS (Nuclear Ship) Savannah (Photo 1.8, Photo 1.11, Photo 1.12), nommé d’après le premier vapeur ayant franchi l’Atlantique en 1819. Dans le cadre de l’initiative Atoms for peace du président Dwight Eisenhower en 1955, les États-Unis ont construit ce cargo à propulsion nucléaire, le deuxième bâtiment civil après le brise-glace soviétique Lénine. Vu comme un outil de propagande plus qu’un cargo utilitaire, le design du bâtiment tient plus du yacht de luxe que du porte-container. D’une longueur de 180 m, le navire

1. Historique de la filière à eau pressurisée

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Photo 1.7 – Piscine d’essai du réacteur S1W de sous-marin Nautilus (National Reactor Testing Station). La turbine est située sous le capot dans l’extension placée en dehors de la piscine en haut de la photo de gauche et au premier plan sur la photo de droite. Le laboratoire gouvernemental du National Reactor Testing Station, situé près d’Arco dans l’Idaho, deviendra l’INEL (Idaho National Engineering Laboratory). Le W de S1W réfère à la société Westinghouse choisie pour le développement industriel des réacteurs navals (Collection Marguet).

Photo 1.8 – La plaquette de présentation du NS Savannah (1959) (Collection Marguet).

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Fig. 1.12 – Le caisson réacteur du NS Savannah : Les générateurs de vapeur à tubes horizontaux en U sont de technologie identique à ceux du réacteur de Shippingport. Le circuit primaire comporte 2 boucles, chacune comportant un générateur de vapeur et deux pompes primaires (250 kW, 1 100 m3 /h, hauteur manométrique 50 m). Le compromis primaire/secondaire fixe la température moyenne de l’eau de la cuve à 263,5 ◦ C. La cuve a un diamètre interne de 2,5 m pour 15 cm d’épaisseur, et une hauteur de 8,2 m. Le système de barres de contrôle est situé 6,5 m au-dessus du couvercle. La face interne de la cuve est recouverte d’un liner en acier inoxydable à faible teneur en cobalt de 6 mm d’épaisseur. Le caisson réacteur est dimensionné pour résister à une pression de 12 bars, résultant d’une rupture complète du circuit primaire. est propulsé par une hélice unique mue par une turbine de 74 MW permettant une vitesse maximale de 24 nœuds. La vapeur de la turbine est produite par un réacteur nucléaire unique de conception Babcock et Wilcox. Les générateurs de vapeur sont horizontaux (Figure 1.15) et contiennent des tubes en U selon une technologie déjà utilisée dans le réacteur de Shippingport. La pression de vapeur à l’admission turbine est de 50 bars à puissance nulle et de 30,7 bars à puissance nominale, ceci pour avoir une température moyenne de la cuve constante (compromis primaire/secondaire). Deux diesels de 750 kWe et une chaudière auxiliaire à mazout produisent le courant nécessaire quand le réacteur est arrêté. La propulsion de secours est assurée par un moteur électrique de 750 chevaux, qu’on peut coupler en 2 minutes. Le compartiment nucléaire (Figure 1.12, Photo 1.9) étant plus vaste sur un cargo, le réacteur et sa cuve (Photo 1.10, Figure 1.13,

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Photo 1.9 – L’ensemble du réacteur du NS Savannah tient dans la forme sphéroïde qu’on voit au centre, destinée à être « encapsulée » dans une cuve-réservoir métallique. Le combustible est chargé par un bouchon tournant qu’on voit sur la photo de droite.

Photo 1.10 – Une photo du cœur du réacteur du NS Savannah en vue de dessus. Le cœur (32 assemblages) est sous eau et les taches blanches qu’on voit au-dessus de certains assemblages ne sont que de la mousse. On distingue bien les 21 croix de contrôle totalement insérées en situation d’arrêt.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 1.13 – Vue de dessus du cœur du NS Savannah (adapté de [Ladonchamps et Verdeau, 1972] p. 118). Le cœur comporte 32 assemblages combustibles de section carrée (216 mm) et de 1,7 m de hauteur, d’un enrichissement de 4,4 % pour 16 assemblages et 4,2 % pour les 16 autres. Chaque assemblage est constitué de 4 boîtiers de 41 crayons (par carré de 17 mm). Les crayons sont gainés en acier inoxydable (13 mm de diamètre externe, 0,9 mm d’épaisseur). On empile dans la gaine des pastilles d’oxyde d’uranium fritté à 91 % de la densité théorique, et la gaine est pressurisée à l’hélium. Un ressort en partie haute maintient la colonne combustible.

Figure 1.14) sont moins compacts que ceux des sous-marins dont il dérive. Le cargo est lancé le 21 juillet 1959 et aura coûté environ 50 millions de dollars. Produit à une époque où le fioul n’était pas cher et peu adapté à sa fonction de cargo, il n’atteindra jamais un optimum économique permettant de rivaliser avec la marine marchande traditionnelle. De fait, le cargo sera retiré du service en 1972, désarmé de son réacteur et utilisé comme musée au Patriot’s Point Naval and Maritime Museum en Caroline du Sud, en tant que National Historic Landmark du nucléaire américain.

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Fig. 1.14 – Cuve du réacteur du NS Savannah (adapté de [Ladonchamps et Verdeau, 1972] p. 129). Tout comme pour Shippingport, les branches froides arrivent en bas de la cuve et les branches chaudes sortent en haut de la cuve, une conception qui rend la rupture de branche froide très dangereuse, car le cœur pourrait se vidanger totalement. On remarquera l’écran thermique externe qui sert aussi à diriger l’eau froide vers un down comer qui remplit ensuite la chambre d’accumulation inférieure. Cette tactique, complexe vis-à-vis de branches chaudes situées en haut de la cuve, permet néanmoins d’assurer une épaisse couche d’eau froide entre le cœur et la cuve, d’où un gain en matière de protection neutronique. Le couvercle de cuve est maintenu par 48 goujons boulonnés de 127 mm de diamètre. Trois écrans thermiques successifs, internes à la cuve, permettent de réduire l’action des neutrons rapides sur le métal de la cuve. La cuve est entourée d’une protection biologique, constituée d’une citerne d’eau de 5,2 m de diamètre externe. Enfin, une épaisseur de plomb entre 2,5 cm et 10 cm est placée contre la paroi de la citerne, pour se protéger des rayonnements gamma.

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Fig. 1.15 – Générateur de vapeur horizontal du NS Savannah de conception Babcock et Wilcox. Cette conception complexifie la collecte de vapeur. On retrouve le même principe chez les VVERs russes.

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Photo 1.11 – Le NS Savannah est en vedette en couverture d’un numéro de Sciences et Vie de 1962, marquant l’intérêt du public français à la question du nucléaire naval (Collection Marguet).

Photo 1.12 – Voyage inaugural du NS Savannah qui traverse le canal de Panama le 15 septembre 1962 (Collection Marguet).

Photo 1.13 – La salle de commande du NS Savannah. Sur le panneau le plus à gauche au fond, on voit la représentation des 21 croix de contrôle (et non des 32 assemblages). On visualise autour du réacteur les deux branches primaires.

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1.3.2

Les réacteurs navals ou transportables en URSS

Dans un contexte de guerre froide, les Soviétiques ne pouvaient laisser les Américains caracoler en tête sur le front de la propulsion nucléaire. D’où d’importants programmes navals et même terrestres. Les sous-marins nucléaires russes Le K-3 (Projet 627) Le K –3, surnommé Leninski Komsomol (classe November pour la désignation de l’OTAN), est le premier sous-marin à propulsion nucléaire de l’Union soviétique, conçu par l’ingénieur Vladimir Nikolayevitch Peregoudov 15 . Le directeur scientifique du projet est le directeur scientifique de la propulsion navale (depuis 1952), Anatoli Alexandrov ; le constructeur du réacteur est Nikolaï A. Dollejal 16 du NIIChimMach 17 . En 1953, une station d’essai (FVR pour Fisitcheski Vodianoï Reitre = réacteur physique à l’eau) est construite à Obninsk. Comme le schéma de calcul utilisé dérive des réacteurs de la filière uranium-graphite, les écarts entre expériences et calculs sont très importants et nécessitent un nouveau réacteur d’essai VVER-2 au Lipan (le fameux Laboratoire n◦ 2 de l’Institut Kourchatov) [Vasilieva, 1999] p. 211. Les responsables de la marine soviétique, dirigés par le contre-amiral Orel, et qui ont tous fait la guerre de libération patriotique contre les allemands, refusent de comprendre les revendications de commodités sur le sous-marin K − 3, comme les réfrigérateurs ! Le stand d’essai naval d’Obninsk est mis en marche le 8 mars 1956, pour former les équipages. En cas de fuite radioactive, ce sont des détenus de la colonie pénitentiaire d’Obninsk qui sont mis à contribution, 15 Vladimir Peregoudov (1902-1967). Après ses études, il entre dans la Marine soviétique comme matelot en 1921, qui l’envoie faire des études supérieures à Pétrograd. En 1922, il entre à l’École d’ingénieurs de la Marine (future Dzerzhinka). Il est diplômé en 1926 et travaille sur les premiers sousmarins soviétiques de la Baltique. Inquiété en 1938 par les purges staliniennes, il travaille pendant la guerre sur les sous-marins (projet 608 et 613). En 1952, il devient directeur adjoint de ce qui deviendra l’Institut Krylov, où il s’occupe du développement des sous-marins nucléaires. La construction du premier K − 3 commence le 24 septembre 1954. Il meurt en 1967 une semaine après l’accident du K − 3 (adapté du site www.globalsecurityorg/military/world/russia).

Vladimir Peregoudov Nikolaï Antonovich Dollejal (1899-2000), physicien russe. Membre de l’Académie des sciences soviétique. 16

Nikolaï Dollejal NII de la construction des Machines pour l’industrie chimique (Naoutchno-issledovatel’skï institut ou institut de recherches scientifiques). 17

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Photo 1.14 – Le K-3 en photo, maquette et timbre (collection Marguet). La Russie reste très fière de ce premier sous-marin nucléaire.

sans qu’ils soient pourtant forcés, un verre d’alcool permettant de résoudre tous les problèmes de main-d’œuvre ! [Vasilieva, 1999] p. 213. Au final, le sous-marin construit à Leningrad à partir de 1954 présente une longueur de 107,4 m, 7,9 m de large, pour un déplacement de 4 740 tonnes en plongée 18 , avec une forme de l’avant très hydrodynamique, selon les concepts de Peregoudov. Le sous-marin comporte deux réacteurs à eau pressurisée et à l’uranium enrichi. Lancé le 9 août 1957, il rejoint le pôle Nord le 17 juin 1962, pour répondre politiquement à la performance du sous-marin nucléaire américain Skate qui avait fait surface au pôle le 17 mars 1959. Le sous-marin subit un important accident le 8 septembre 1967, suite à un incendie d’huile qui va tuer 39 membres d’équipage, dont la plupart tués par le gaz carbonique des extincteurs automatiques. Il a été rapporté par la suite que l’incendie avait été provoqué par un mégot de cigarette dans le compartiment des torpilles. Le K–3 a été décommissioné en 1988. Ce premier sous-marin a été l’initiateur d’une longue série de sous-marins d’attaque et lanceurs d’engins, dans un contexte de concurrence avec les États-Unis pendant la guerre froide. Évolution des réacteurs russes L’évolution des REPs de sous-marins russes a suivi celle des réacteurs des pays occidentaux. À partir du concept initial du projet 627, où le circuit primaire était particulièrement sinueux pour s’adapter aux contingences de confinement du bloc réacteur et desservir les GVs (Figure 1.16), les Soviétiques ont compacifié au fur et à mesure leur concept. Ils sont passés, passant d’un réacteur à boucles raccourcies avec pompes primaires sur les GVs, ou bien avec GVs et pompes primaires séparés (Figure 1.17), à un système intégré à convection naturelle (Figure 1.18) et, la puissance augmentant, un concept de cuve à cornes pour loger les pompes primaires (Figure 1.19). Les réacteurs à neutrons rapides Bien qu’hors du cadre de notre livre, les Russes ont aussi construit un sous-marin doté de deux réacteurs VT-1 rapides refroidis au plomb-bismuth de 73 MW de puissance (chacun), le K −27 (Projet 645) (Photo 1.15), pour tenter de réduire la taille du réacteur et de monter en température et en pression. Lancé le 1er avril 1962, il n’effectuera que deux missions opérationnelles. Le 24 mai 1968, après un essai de puissance maximale en plongée, une fuite primaire fait chuter la puissance du réacteur bâbord et tue 9 membres d’équipage du fait de la vaporisation du caloporteur à la brèche. La montée en température dans le cœur, occasionnant la baisse de puissance par effet Doppler, a conduit à une fusion partielle 18 Jean Dessoly : Premier SNA russe : le Nautilus. . . à la sauce soviétique, Sub-marine n◦ 18, avril 2018, pp. 49-55.

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Fig. 1.16 – Circuit primaire en serpentin du K-3 d’origine. Le risque d’APRP est maximisé pour nourrir les 6 GVs (adapté de [Sarkisova et al., 2008] p. 594).

du combustible. Le K–27 sera réformé en 1980, et on coulera 270 tonnes de bitume dans le compartiment réacteur endommagé. Puis, le sous-marin sera coulé à l’est de la Nouvelle-Zemble pour se débarrasser du réacteur détruit à moindre frais. Environ 30 autres membres d’équipage décèderont entre 1968 et 2003 des suites de leur irradiation. D’autres sous-marins ont ensuite utilisé des réacteurs rapides refroidis au sodium avec plus de succès.

Le brise-glace Lénine [Ladonchamps et Verdeau, 1972] p 188, [Vasilieva, 1999] p222 Dans un cadre de guerre froide, l’URSS se lance aussi dans un important programme nucléaire naval civil. Curieusement, la marine civile russe se montre plus ouverte que la marine militaire au concept de réacteurs nucléaires, car cette dernière refuse à ses débuts de commander et de participer à la construction des premiers sous-marins nucléaires à usage militaire. Cette ouverture d’esprit des civils se concrétise par de nombreux sous-marins nucléaires, mais aussi par la construction du premier navire civil à propulsion nucléaire commandé en 1953 par le ministère de la Marine civile : le brise-glace Lénine (Photo 1.16, Photo 1.17) est lancé le 5 décembre 1957, mais ne devient opérationnel qu’en 1959 19 . La construction du brise-glace commence le 24 août 19 En 1959, l’amiral américain H. Rickover vient visiter l’usine Admiralteyski, pour se faire une idée de l’avancée des Russes dans le domaine de la propulsion nucléaire civile. Il n’est pas prévu qu’il visite l’installation nucléaire du brise-glace, mais insiste tellement qu’il obtient la permission. Sa visite dure deux heures et, après analyse, il prévient les Russes qu’ils vont avoir des problèmes avec les turboalternateurs, ce qui va s’avérer exact. De retour aux États-Unis lors d’un discours au sénat, il affirme que les Américains sont beaucoup plus avancés dans le domaine de la propulsion navale et qu’il faut accélérer les travaux sur le navire nucléaire Savannah, qui sera mis à l’eau le 21 juillet 1959.

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Fig. 1.17 – Boucles primaires courtes. Sur le modèle de gauche, les pompes primaires chevauchent les GVs, sur le modèle de droite, GVs et pompes primaires sont séparés (adapté de [Sarkisova et al., 2008] p. 595).

Fig. 1.18 – Réacteur à convection naturelle. Le générateur de vapeur est interne à la cuve pour compacifier le circuit primaire (adapté de [Sarkisova et al., 2008] p. 595).

1956 à l’usine Admiralteyski de Leningrad. Mi-1958, les premiers éléments combustibles à l’oxyde d’uranium enrichi (5 %) sont fabriqués à l’usine d’Electrostale. Cet enrichissement permet un rechargement tous les 3 ans. Le 17 juin 1959, le réacteur est chargé et le 15 septembre, des remorqueurs le sortent de Neva dans la rade Krasnogroski, près de Kronstadt, sous les ordres du capitaine Pavel Ponomarev, du directeur scientifique

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 1.19 – Évolution du réacteur intégré. L’augmentation de puissance des réacteurs nécessite de réintroduire des pompes primaires coaxiales, montées en « corne » (adapté de [Sarkisova et al., 2008] p. 596). Le réacteur 3 est 3 fois plus puissant que le 1. Anatoli Alexandrov 20 et du chef de projet Igor Afrikantov 21 . Dans la mer Baltique, il n’y a pas de glace épaisse pour essayer la puissance du bâtiment. C’est pourquoi on l’essaye sur un rocher en ciment fabriqué pour l’occasion ! [Vasilieva, 1999] p. 223. Le Lénine effectue plusieurs campagnes de convoyage de plus de 500 bateaux, avant d’être rechargé pour la première fois en 1963. Le bâtiment sera déclassé en 1990. Le bâtiment (L : 134 m, l : 27 m, tirant d’eau : 9 m, puissance : 44 000 chevaux, déplacement : 16 000 t) est propulsé par deux réacteurs nucléaires OK150 entraînant 4 turbines, pour une puissance de 32,4 MWe chacun (90MWth), faisant tourner 3 hélices. Un troisième réacteur de réserve est installé. Chaque réacteur est placé dans une enceinte étanche (Figure 1.20). Les cœurs, dont le combustible est de l’oxyde d’uranium enrichi à 5 %, ont une longueur naturelle de campagne de 18 mois. La coque, tout en acier haute résistance, fait 52 mm d’épaisseur à l’avant, ce qui permet 20 Anatoli Pretrovich Alexandrov (1903-1994) est un physicien nucléaire russe, qui a dirigé le célèbre Institut Kourchatov après la mort de ce dernier. Membre de l’Académie des sciences russe.

Anatoli Alexandrov Igor Ivanovich Afrikantov (1916-1969) est un ingénieur russe responsable de la construction des réacteurs du Lénine. Études d’ingénieur à l’Institut Polytechnique de Gorki de 1934 à 1938. 21

Igor Afrikantov

1. Historique de la filière à eau pressurisée

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Photo 1.15 – Le K-27 naviguant en surface (collection Marguet).

Photo 1.16 – Le Lénine dans les glaces dans les années 1960 (photo agence ITASS). au bâtiment de fendre la glace de manière efficace. Le plomb étant un matériau cher pour l’époque et le lieu, de fait on réduit la protection gamma au minimum, mais comme il faut que le bâtiment puisse s’amarrer à un autre bateau dans un port, on crée une protection biologique secondaire. Le bâtiment comporte 3 moteurs électriques, alimentés par 4 groupes turbogénérateurs alimentés par la vapeur produite par les générateurs de vapeur. Ces moteurs font tourner 3 lignes d’arbre, dont l’arbre central est conçu pour recevoir une puissance double des deux autres. La vapeur est produite à 28 bars et 310 ◦ C par deux boucles primaires, chaque boucle comportant un GV vertical. Le cœur actif du réacteur (1 m de diamètre et 1,6 m de hauteur) est contenu dans une cuve d’environ 2 m de diamètre et 4,6 m de hauteur. Le sur-enrichissement initial est contrôlé par la présence de poisons consommables : du bore placé dans les éléments combustibles centraux

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Photo 1.17 – Carte postale premier jour (1978) du timbre soviétique à l’effigie du brise-glace Lénine (collection Marguet).

Fig. 1.20 – Enceinte d’un des trois réacteurs du Lénine.

pour aplatir la nappe de puissance. Les barres de contrôle sont introduites par le haut, et pilotées par un jeu de pignons et crémaillères entraînés par un moteur électrique. Un accouplement d’électro-aimants permet de libérer les barres sous l’action de ressorts. En ce qui concerne le circuit primaire (Figure 1.21), deux boucles comportant chacune deux pompes primaires (rotor noyé, 250 kWe), font circuler l’eau dans le cœur.

1. Historique de la filière à eau pressurisée

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Fig. 1.21 – Une des deux branches du circuit primaire du Lénine.

Fig. 1.22 – La cuve du Lénine (adapté de [Ladonchamps et Verdeau, 1972] p 131).

L’eau froide entre par le bas de la cuve (très dangereux en cas de rupture du collecteur froid !), et l’eau est chauffée par la partie centrale du cœur actif où le flux de chaleur est maximum. Par un curieux arrangement des internes supérieurs, une partie de l’eau ainsi chauffée redescend dans un bipasse down-flow, et est réinjectée en pied des assemblages périphériques pour y subir une nouvelle chauffe. Cette tentative de mieux utiliser la périphérie du réacteur pour obtenir une température d’eau plus uniforme en sortie de cœur, est assez unique dans l’histoire des REPs. Un accident de perte de réfrigérant primaire sur un des deux réacteurs a eu lieu en février 1965, occasionnant la fusion de plusieurs éléments combustibles qui sont restés coincés dans le cœur au déchargement. On suspecte les Russes d’avoir noyé le réacteur endommagé en pleine mer.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 1.23 – Un écorché du Lénine. On distingue les trois réacteurs nucléaires (numéro 2) côte-à-côte au milieu de la cale.

Sept autres brise-glaces ont succédé au Lénine : Arktika, Sibir, Russia, Sovietzki Souz, Taimyr, Vaigach et Yarnal. Le 17 août 1977, le brise-glace russe Arktika fut le premier navire de surface à atteindre le pôle Nord, disposant de deux réacteurs OK900 de 171 MWth chacun (Photo 1.19), initiant une classe de plusieurs vaisseaux du même type. Citons aussi pour information le porte-conteneurs Sevmorput de 1988. Le TES-3 À titre de curiosité, signalons le réacteur russe TES-3 de 1,5 MWe construit en 1958 et monté sur un châssis de char élargi. Ce réacteur mobile, opérationnel de 1961 à 1964, était destiné à la production d’électricité en zone difficile d’accès comme la péninsule de Kamtchatka et les zones du grand Nord sibérien. Trois réacteurs ont été construits. Selon les informations fournies par les Soviétiques, le réacteur pesait 8 800 kg et la génératrice 1 500 kg. La température en entrée du cœur actif était de 270 ◦ C et de 300 ◦ C en sortie. La pression du primaire était de 130 atmosphères, celle du condenseur de 130 milli-atmosphères. La température de la vapeur était de 280 ◦ C à 20 atmosphères.

1. Historique de la filière à eau pressurisée

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Photo 1.18 – Une rare photo des opérateurs du Lénine en zone chaude à la fin des années 1950 (collection Marguet).

Photo 1.19 – La cuve d’un réacteur de la classe Arktika (photo Rosatom).

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Photo 1.20 – Poster de présentation du TES-3 du musée du nucléaire d’Obninsk. Monté sur un châssis de char à 9 essieux, le TES-3 a un poids supposé de 310 tonnes.

1.3.3

Les réacteurs navals en France

[Drevon et al., 1983] p. 467 La propulsion nucléaire va aussi avoir des développements importants dans notre pays. Les sous-marins d’attaque et lanceurs d’engins font partie intégrante de la force de dissuasion crédible mise en place à l’initiative du général de Gaulle, très intransigeant en la matière. La première tentative de propulsion nucléaire française date du projet Q244 22 , un sous-marin expérimental d’environ 6 000 tonnes en plongée et conçu par l’ingénieur de Génie maritime André Gempp 23 . Ce sous-marin fut mis en chantier en juillet 1955 et devait être muni d’un réacteur à l’uranium naturel modéré à l’eau lourde. L’impossibilité d’obtenir de la part des Américains de l’uranium enrichi étouffe le projet, car un réacteur à l’uranium naturel aurait une taille trop importante (à titre indicatif, un réacteur comme G2 modéré au graphite, mais refroidi au CO2 , a un poids d’environ 2 300 tonnes !). Même avec un modérateur à eau lourde, les physiciens du CEA, malgré des innovations très intéressantes, se rendent vite compte que la calandre 22

244e coque mise en service par l’arsenal de Cherbourg. André Gempp (1920-2005). Après l’École polytechnique (promotion 1939), il embrasse la carrière militaire en choisissant le corps du Génie maritime. Il est ensuite affecté à Toulon à l’entretien des sousmarins. À l’époque, la force sous-marine se compose de vieux sous-marins français et de sous-marins allemands réquisitionnés en dommages de guerre. Il améliore le concept de Bathyscaphe du professeur Piccard permettant une plongée à 4 000 m. Après l’échec du projet Q244, il est le maître d’œuvre architecte du Redoutable avec un rôle semblable pour la France (toutes proportions gardées) à celui de l’amiral Rickover aux États-Unis. Commandeur de la Légion d’Honneur, il aura fait toute sa carrière au service des constructions navales. 23

Photo : Marine nationale

1. Historique de la filière à eau pressurisée

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Photo 1.21 – Lancement du tronçon inachevé du Q244 pour libérer la cale de construction de l’arsenal de Cherbourg (photo DCN). d’eau lourde est bien trop volumineuse 24 , sans parler des générateurs de vapeur, pour espérer l’introduire dans un sous-marin de forme cigare, même en utilisant un combustible au plutonium que la France ne possède d’ailleurs pas en quantité suffisante ! D’autre part, le bilan de réactivité avec de l’uranium naturel est tellement serré, qu’il est quasiment impossible de redémarrer le réacteur au pic xénon. Seul espoir, diminuer le volume en utilisant de l’uranium enrichi et en pressurisant l’eau. Des éléments du sous-marin sont alors reconvertis en 1960 en un nouveau projet sous le nom de Gymnote 2 (alias Q251), un sous-marin à propulsion conventionnelle destiné à tester des options de lancement pour les SNLE. Il tirera au final 130 missiles d’essais. La situation se débloque en décembre 1957 quand les États-Unis envisagent de fournir de l’uranium enrichi aux nations associées à l’OTAN avec une licence assez restrictive, mais permettant à la France de développer un programme de propulsion navale, en parallèle de la construction d’une usine d’enrichissement sur le sol national pour ne plus dépendre des Américains 25 . Le 8 juin 1959 est créé au sein du CEA le Groupe de Propulsion nucléaire, qui deviendra un département piloté par Jacques Étienne Chevalier 26 , dont la mission est l’étude et la réalisation d’un prototype à terre de propulseur nucléaire de sous-marin 27 . 24 Charles Fribourg : La propulsion nucléaire navale, Revue générale nucléaire n◦ 2, 1999, pp. 32-49. Charles Fribourg a longtemps donné un cours au Génie atomique sur la conception des réacteurs à eau pressurisée de propulsion navale. 25 CEA, Rapport annuel 1975, commentaire de Jean Teillac, p. 9. 26 Jacques Étienne Chevalier (1921-2009). Après l’École polytechnique en 1940 et l’École nationale supérieure du Génie maritime, il devient responsable de Département de Construction nucléaire (1959-1968), directeur de la Direction des Applications militaires du CEA (1972-1986). Il est le principal concepteur du PAT et de ses déclinaisons (CAP. . . ).

27

Jacques Chevalier CEA Rapport annuel 1979, p. 42.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Photo 1.22 – Plaquette de présentation du Redoutable de la Direction des Constructions navales (1967) (collection Marguet). À partir des travaux du groupe, on décide le 18 mars 1960 la construction du Prototype A Terre (PAT), qui diverge le 14 août 1964 à Cadarache, et atteint la pleine puissance le 25 août avec de l’uranium enrichi fourni par les Américains 28 . Le PAT a été précédé par une maquette à échelle réduite : la pile AZUR, qui diverge en avril 1962. Des calculs de cœur sont menés avec un combustible plaque sur le réacteur piscine AZUR, et des tests de composants sur des boucles expérimentales. Le projet PAT, qui atteint 200 % de sa puissance contractuelle en 1966, s’avère un parfait succès et fonctionnera jusqu’en 1992 pour former les marins de la Marine nationale. Le premier projet français concrétisé aboutira au sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE), Le Redoutable, dont la commande officielle date du 16 mai 1963. Sous la maîtrise d’œuvre principale de Henri Bensussan et la maîtrise d’architecture de André Gempp, la Direction des Constructions navales de la Marine nationale construit à partir de décembre 1960 un sous-marin de 8 920 tonnes en plongée, doté d’un réacteur à eau pressurisée alimentant deux turbines à vapeur, une avec un groupe turbo-alternateur pour la production d’électricité et un groupe turbo-réducteur d’une puissance utile de 16 000 chevaux (11 760 kW) faisant tourner un arbre avec hélice. Le secours est assuré par un moteur électrique alimenté par 2 diesels-alternateurs Pielstick pour un total de 1 156 kW. La vitesse maximale en plongée est de 20 nœuds nautiques (37 km/h). Le sous-marin emportait 16 missiles balistiques M1, puis des M2 et M20 avec tête nucléaires TN71 et des torpilles 29 . Lancé officiellement le 29 mars 28 L’amiral Rickover pensait que les Français seraient incapables de mettre au point une chaudière nucléaire à partir de ce combustible, d’où l’accord des Américains pour livrer de l’uranium enrichi ! 29 Navires et Histoire, Hors-série n◦ 24 : Le Redoutable, premier sous-marin nucléaire français, mai 2015.

1. Historique de la filière à eau pressurisée

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Photo 1.23 – Carte postale premier jour lors de l’émission du timbre français en l’honneur du premier sous-marin lanceur d’engin Le Redoutable (collection Marguet).

Fig. 1.24 – Schéma de la chaudière nucléaire des sous-marins français modernes (adapté d’après la revue Cols Bleus). 1967, il sera retiré du service le 13 décembre 1991, après 51 missions de patrouille et 83 500 heures de plongée. À partir de 1967, le CEA développe une chaudière avancée prototype (CAP) de type compact avec générateur de vapeur intégré à la chaudière, dont la construction commence en 1971. Dans ce concept (Photo 1.24), le générateur de vapeur est « posé » sur le réacteur lui-même, ce qui permet une compacité inégalée, mais nécessite de déporter le système de commande de barres, qui ne peut plus être placé au-dessus du cœur (Figure 1.24). Par sa compacité, la CAP est moins lourde, et le concept de GV favorise la circulation naturelle de l’eau dans le cœur. La CAP a divergé le 24 novembre 1975 30 et a servi à la mise en place du programme de Sous-marins Nucléaires d’Attaque (SNA). La France se dote alors de plusieurs sous-marins nucléaires : leTerrible en juillet 1971, leFoudroyant en avril 1973, l’Indomptable en décembre 1975, le Tonnant en avril 1979, L’Inflexible en 1976. Fait suite leTriomphant (Photo 1.25, Photo 1.26) 30

CEA, Rapport annuel 1975, p. 32.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Photo 1.24 – Maquette de la CAP.31 (photo DR).

en 1994 qui est le premier SNLE de nouvelle génération emportant un réacteur K15 de 150 MW, précurseur de la classe portant son nom. En 2019, la France dispose de 4 SNLE 32 (14 300 tonnes, 2 équipages de 111 marins) : leTriomphant (S616), leTéméraire (S617), leVigilant (S618) et leTerrible (S619). Elle dispose aussi des sousmarins d’attaque (SNA) de la nouvelle classe Rubis (2 670 tonnes de déplacement, 2 équipages de 68 marins) qui comporte les Rubis (S601), Saphir (S602), Casabianca (S603), Émeraude (S604), Améthyste (S605) et Perle (S606). La particularité des chaudières de sous-marin est la compacité, poussée à l’extrême. Le générateur à tubes en U inversés est placé en couvercle de la cuve, de telle façon que l’eau chauffée par le cœur arrive canalisée dans la partie centrale pour rentrer dans un cercle de tubes en U qui redistribuent l’eau refroidie par le secondaire en périphérie de la cuve. L’eau est canalisée par une virole de séparation entre la partie supérieure du cœur et la plaque de tubes GV. L’eau sortant de GVs est envoyée par les tubes à proximité de l’aspiration des pompes primaires. Les pompes primaires sont 31 J. Baujat : La propulsion nucléaire en France, Nuclear Energy Maturity, Proceedings of the European Nuclear Conference, Paris, 21-15 April 1975, Invited sessions, Pergamon Press, 1975, pp. 83-86. 32 Cols bleus, Hors-série, janvier 2019, Marine nationale 2019, Dossier d’information.

1. Historique de la filière à eau pressurisée

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Photo 1.25 – Embarquement de la cuve du réacteur compact du sous-marin Le Triomphant à Cherbourg. On peut juger de la taille réduite de la chaudière par comparaison avec le personnel (photo CEA). Les « cornes de la cuve » contiennent les pompes primaires. Leur emplacement facilite énormément la maintenance, puisqu’on peut ouvrir la pompe en gardant un niveau d’eau dans le primaire qui atteint le bas du volute de la pompe (l’équivalent d’une situation PTB-RRA d’un réacteur de puissance, permettant l’accès aux GVs).

des pompes centrifuges à axe de rotation vertical. Contrairement aux pompes de réacteur de puissance, elles disposent de deux vitesses de rotation permettant d’adapter le débit aux conditions d’évolution du bâtiment. Le stator de la pompe comprend alors deux bobinages distincts dont le nombre de pôles correspond aux vitesses désirées. Pour assurer une étanchéité totale, on utilise des pompes à rotor noyé à savoir que la cage d’écureuil du moteur électrique asynchrone est enveloppée dans un chemisage en acier inoxydable non magnétique qui est entouré d’eau primaire. Cette protection empêche l’oxydation mais le rendement électrique est médiocre. L’avantage d’un rotor noyé est qu’on évite l’épineux problème des successions de joints de pompe primaire assurant la fonction presse-étoupe des réacteurs de puissance, où il faut assurer une contre-pression pour éviter les fuites le long de l’arbre. En ce qui concerne la vapeur, on notera que la recherche du meilleur rendement thermodynamique n’est pas la préoccupation première de la propulsion navale, contrairement aux réacteurs de puissance. Les turbines de sous-marins sont souvent à un seul corps, sans séparation ni soutirage intermédiaire qui pourrait permettre d’améliorer le rendement en réchauffant l’eau en sortie de condenseur. De fait, elles s’accommodent plus facilement d’une vapeur saturée ou faiblement surchauffée (vapeur saturée à environ 30 bars). De même, le vide au condenseur n’est pas aussi poussé : 250 mbar au lieu de 40 mbar pour les réacteurs de puissance).

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Photo 1.26 – Mise à l’eau du Triomphant. 34 robots marcheurs hydrauliques supportant chacun 400 tonnes portent le sous-marin vers une barge mobile de mise à l’eau en bassin. La presse grand public insiste sur la furtivité du navire (la puissance acoustique rayonnée serait de l’ordre de quelques millionièmes de watt à faible vitesse, soit un facteur 1 000 par rapport au Redoutable). Le réacteur K15 de 150 MW est décrit par contre très sommairement : « Le CEA a développé un appareil évaporatoire nucléaire du type intégré suivant un concept déjà adopté pour les sous-marins nucléaires d’attaque Rubis. Le générateur de vapeur est installé directement au-dessus de la cuve ”.

La commande des barres de contrôle se fait à partir de motoréducteurs et de coupleurs à mouvement circulaire et axe horizontal au travers de la bride de cuve, et attaquent des crémaillères par des renvois d’angle. C’est le même principe que le réacteur civil américain MH-1A que nous illustrons par la suite. Les tiges de barres traversent le GV par des doigts de gant aménagés au milieu du faisceau de tubes en U (principe de la chaudière prototype Chaudière avancée prototype, CAP), ce qui permet la remontée des crémaillères. Le hafnium, puissant absorbant neutronique, est souvent utilisé car il n’a pas besoin d’être gainé dans l’eau. Les pompes primaires sont logées dans des « cornes » de la cuve, telles qu’on a l’habitude de les appeler (voir Photo 1.25). Ces cornes servent à la fois de volute et de support des pompes, dont la circulation d’eau est coaxiale. En sortie de pompe, l’eau est envoyée dans le down-comer en périphérie de cuve qui fait office de branche froide. La protection biologique d’un réacteur de sous-marin est un problème crucial pour les équipages. Il faut en particulier se prémunir de l’irradiation de l’eau qui forme de l’azote 16 (période 7 s) en s’arrangeant pour que cette désintégration ait lieu dans la cuve. Cela est le cas grâce à l’absence de branches primaires, qui limite aussi le risque

1. Historique de la filière à eau pressurisée

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Fig. 1.25 – Principe d’une chaudière « à cornes ». La source froide est l’eau de mer, abondante et facile d’accès. Le débit de refroidissement du condenseur doit être très important pour ne pas laisser une trace thermique trop détectable derrière le bâtiment.

d’APRP. On évite l’utilisation du bore soluble dans l’eau, générateur d’importants effluents, en préférant des absorbants sous forme de barres de hafnium. Le combustible nucléaire des sous-marins ne se présente pas sous la forme de crayons combustibles comme on a l’habitude de les rencontrer dans les REPs de puissance, mais plutôt sous forme de plaques. Le combustible se présente sous la forme de petits pavés d’oxyde d’uranium plus ou moins enrichi dont la forme rappelle celle d’un caramel, d’où le nom du combustible. Ce fractionnement en pavés est intéressant vis-à-vis du risque de rupture de gaine. On évite l’uranium métallique qui se corrode fortement dans l’eau chaude (> 250 ◦ C). Les pavés sont logés dans des plaques minces en alliage de zirconium sous la forme de « plaques de chocolat », qui sont assemblées dans un assemblage de plusieurs plaques (Photo 1.27). Cette technologie permet au combustible d’assurer des variations rapides de puissance sans risque de rupture de gaine. Ces variations rapides sont caractéristiques des sous-marins. Ce type de combustible a été utilisé à partir de 1979 dans des réacteurs expérimentaux comme OSIRIS à Saclay. Comme le cœur est compact, les fuites neutroniques sont importantes : 10 000 pcm, soit deux fois celles d’un REP de puissance, d’où un enrichissement élevé, d’autant plus que la quantité de zirconium est aussi comparativement plus élevée pour des raisons de tenue mécanique, ce qui augmente la capture parasite du gainage. Par contre, la hauteur faible du cœur actif élimine le risque d’oscillation axiale du xénon, qui n’apparaît pas pour des tailles de cœur inférieures au mètre. Les sous-marins nucléaires d’attaque de la classe Rubis sont extrêmement compacts. Leur réacteur K48 (48 MWth) chauffe l’eau du primaire, qui produit de la vapeur dans le générateur de vapeur. La vapeur fait tourner deux turbines posées sur deux condenseurs réfrigérés par l’eau de mer. L’énergie de la turbine est convertie en électricité via un alternateur et un redresseur. Des pompes alimentaires d’extraction renvoient l’eau des condenseurs vers le GV. Deux groupes turbo-mécaniques entrainés à vitesse constante desservent chacun un alternateur de propulsion (ATP), un alternateur force (AF) et une pompe alimentaire attelée. C’est un moteur électrique

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Photo 1.27 – Le combustible « Caramel » du réacteur Osiris (photo CEA). La pièce cylindrique en arrière-fond est le pied d’assemblage. Les pastilles parallélépipédiques d’oxyde d’uranium frittées sont isolées les unes des autres et disposées entre deux tôles de zircaloy. Cette disposition limite la contamination du primaire en cas de dégradation du combustible par rapport au concept de crayon cylindrique.

à courant continu qui fait tourner l’arbre d’hélice. Le courant issu de chacun des deux ATP est redressé par deux hacheurs. Deux moteurs d’entraînement principaux (MEP) à courant continu entraînent la ligne d’arbre en marche avant ou arrière. La variation de vitesse des MEPs est obtenue en faisant varier l’intensité du courant d’excitation des ATP via un alternateur inversé (Fribourg Op. Cit). En dernier lieu, signalons le premier bâtiment nucléaire de surface français, le porte-avions Charles de Gaulle, qui est muni de deux réacteurs K15. Ces réacteurs intègrent dans un même bloc la cuve et le générateur de vapeur coiffant celle-ci (Figure 1.26). Du fait de l’encombrement, les barres de contrôle sont manœuvrées non pas par le haut, mais par des renvois d’angles. Ce bloc est une cuve étanche qui sert de troisième barrière (près de 1 000 tonnes !). Le réacteur propulse le porte-avions à près de 22 nœuds, ce qui permet de créer un vent artificiel favorable au décollage des avions. La vapeur produite par le générateur de vapeur alimente aussi les catapultes de lancement des avions, qui se détendent à 200 km/h. La vapeur sert aussi à produire de l’eau douce à partir de l’eau de mer via quatre postes de distillations produisant chacun 1,5 l/s d’eau douce. Cette eau est surtout utilisée pour dessaler les avions de leur gangue de sel après opération. En complément, le porte-avions embarque deux diesels de secours de 1,2 MW et deux turbines à combustion de 600 kW.

1. Historique de la filière à eau pressurisée

Fig. 1.26 – Le réacteur K15 du Charles de Gaulle.

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1. Moteur électrique de secours, 2. Moteur électrique principal, 3. Poste de commande principal, 4. Turbo-alternateurs, 5. Générateurs de vapeur, 6. Logements des officiers, 7. Compartiment des auxiliaires, 8. Cuisine, 9. Poste central de navigation et opérations, 10. Périscope, 11. Logement équipage, 12. Stockage des armes, 13. Tubes lance-armes (torpilles et missiles à changement de milieu (d’après une plaquette de la Direction des Constructions navales).

2 385 tonnes, 72 m de longueur, 7,6 m de diamètre, vitesse supérieure à 25 nœuds, immersion supérieure à 300 m, équipage 66 hommes.

Fig. 1.27 – Le sous-marin nucléaire d’attaque type « Rubis ».

50 La technologie des réacteurs à eau pressurisée

1. Historique de la filière à eau pressurisée

1.4

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Shippingport (USA)

[Alami et Ageron, 1958] p. 169, [Atoms for peace, 1955] Vol. III, pp. 247-283, [ElWakil, 1962] p. 357, [Pickard et al., 1961] p. 125, En décembre 1953, le président Eisenhower fait une déclaration aux Nations Unies restée célèbre sous le nom de « Atoms for Peace » (Photo 1.28) pour un usage pacifique de l’énergie nucléaire selon un programme administré par une nouvelle entité : l’International Atomic Energy Agency (AIEA). Dans l’objectif d’attirer des sociétés privées, le gouvernement américain fait un appel d’offres pour un programme de cinq ans dédié à la construction d’un réacteur de puissance, qui bénéficierait du support de la puissance publique, à savoir la fourniture d’uranium enrichi, jusque-là réservé aux forces militaires, et un accès privilégié aux informations technologiques jusqu’alors classifiées Secret Défense, via l’Atomic Energy Commission (AEC) qui supervise toutes les activités américaines dans le domaine depuis l’Atomic Energy Act de 1946. C’est la compagnie Dusquesne Light de Pittsburgh (Pennsylvanie) qui fait la meilleure offre en proposant gratuitement un site lui appartenant, Shippingport, et en dotant le projet d’un réacteur à eau pressurisé de 30 millions de dollars sur les cinq ans 33 . C’est la société Westinghouse Electric qui est choisie comme ensemblier. Ce projet va d’ailleurs placer Westinghouse comme l’acteur principal du développement des REPs. Comme la technologie dérive des réacteurs de sous-marins, on fait appel à l’amiral Rickover pour superviser le projet (Photo 1.29). Le réacteur de Shippingport, construit à Beaver Valley sur la rivière Ohio en Pennsylvanie à partir de 1955, est le premier réacteur à eau pressurisée à avoir produit de l’électricité pour la région de Pittsburgh. Il diverge le 2 décembre 1957 et atteint la pleine puissance dès le 18 décembre (62 MWe brute, 50 MWe nette). Sa puissance nominale est augmentée à 100 MWe à partir de 1964 par une nouvelle conception du cœur. La technologie de Shippingport résulte d’un effort des Américains pour transposer les réacteurs à eau militaires pour les sous-marins à des réacteurs civils électrogènes. Il mérite qu’on s’y attarde dans la mesure où l’on peut considérer qu’il est à l’origine de tous les réacteurs REP existants. De nombreuses innovations technologiques ont été testées et validées pour ce réacteur. Le réacteur fut couplé au réseau en décembre 1957 et a fonctionné jusqu’en octobre 1982. D’une puissance d’environ 225 MWth (60 MWe), le réacteur, qui est une collaboration entre AEC, Westinghouse et Duquesne Light, avait pour objectif de déterminer les paramètres de réseaux de cœurs enrichis modérés par de l’eau. Le calcul du réacteur fut effectué sur un IBM 704, tout d’abord à 2 groupes d’énergie puis à 4 groupes. Les coefficients de diffusion provenaient d’une condensation d’une transformation de Fourier à 54 groupes en approximation P1. Le premier calcul supposait une composition isotopique uniforme dans le cœur, puis un deuxième calcul sépara le cœur fissile des couvertures fertiles. Le réacteur présente un coefficient Doppler minimum de – 20 pcm/◦ C, du fait du très fort pourcentage d’uranium 238.

33 Richard G. Hewlett, Jack M. Holl : A history of the United States Atomic Energy Commission, 1952-1960, note DOE/NBM - 7010972, DE87 010972.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Photo 1.28 – Le timbre américain commémorant l’initiative « Atoms for peace » du président Eisenhower. La sphère de gauche met en valeur les États-Unis, la sphère de droite l’URSS.

Fig. 1.28 – Vue d’artiste de Shippingport (1956).

Photo 1.29 – L’amiral Rickover et son assistante dans le sas d’entrée du réacteur de Shippingport (photo First Energy Corporation).

1. Historique de la filière à eau pressurisée

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Fig. 1.29 – Schéma de principe des composants de Shippingport.

Le circuit primaire est constitué de 4 boucles dont chaque branche froide pénètre dans la cuve par un ajutage situé dans la partie inférieure de celle-ci, ce qui est une différence importante par rapport au concept actuel où les branches froides sont au même niveau que les branches chaudes. Trois branches suffisent à évacuer la puissance nominale du cœur. La quatrième est gardée en réserve. L’idée d’une branche en réserve a été abandonnée dans les concepts plus récents, probablement parce qu’elle induit une dissymétrie dommageable des écoulements en entrée du cœur. L’eau circule dans le primaire grâce à des pompes centrifuges à simple étage et à moteur blindé (9 tonnes, 1 200 kW alimenté par du courant 60 hertz, 2 300 V ) qui assurent un débit total de 3 branches de 10 200 m3 /heure, ce qui assure une vitesse d’eau dans le cœur de l’ordre de 3 à 6 m/s. L’eau entre dans la cuve à 265 ◦ C et s’échauffe jusqu’à 283 ◦ C pour sortir par les trois branches chaudes vers les générateurs de vapeur. La vapeur sèche à 52 bars produite par les GVs est envoyée vers une turbine (1 800 tours/min avec un débit de 370 tonnes/heure). La pression est maintenue à 140,6 bars (2 000 psi) par un pressuriseur qui permet de maintenir l’eau à l’état liquide jusqu’à une température de 335 ◦ C.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

On a assuré une séparation physique du réacteur et de son système de refroidissement par un casematage en acier divisé en quatre compartiments distincts (Figure 1.29) réunis par de larges conduites tubulaires. Ce casematage a pour fonction principale de limiter la propagation de la radioactivité en cas d’accident de fusion du cœur et de rupture de circuit primaire. La cuve est située dans une cavité sphérique et les 4 branches sont réparties dans deux cavités (2 branches par cavité) en forme de gélules (Figure 1.30). Une quatrième cavité cylindrique renferme les systèmes auxiliaires et le pressuriseur. L’idée est clairement de pouvoir intervenir sur certains composants réacteur en marche. La cuve est suspendue au niveau des ajutages de sortie (et non pas encastrée ou supportée), ce qui permet de prendre en compte une dilatation radiale des différents circuits. Les générateurs de vapeur sont aussi suspendus et les pompes primaires sont encastrées dans un bâti à fixation élastique toujours pour prendre en compte d’éventuels problèmes de dilatation.

Fig. 1.30 – Casemates du réacteur de Shippingport (d’après [Pickard et al., 1961] p. 399).

La cuve du réacteur (Photo 1.30, Figure 1.31) a une hauteur de 10 m pour un poids de 227 tonnes. Elle est réalisée en acier au carbone, revêtue d’une peau en acier inoxydable en face interne pour une épaisseur totale de 21,6 cm. Le corps cylindrique de la cuve est constitué à partir de deux viroles, elles-mêmes constituées de deux plaques, d’où des opérations de soudage complexes. Un couvercle forgé de 25 cm dispose d’une bride trouée de 24 trous laissant passer les goujons de serrage,

1. Historique de la filière à eau pressurisée

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Photo 1.30 – Réception de la cuve de Shippingport.

Fig. 1.31 – La cuve du réacteur de Shippingport. 24 traversées de barres de contrôle, dont le mécanisme de commande est externe à la cuve, et 9 conduits tubulaires pour charger et décharger le combustible. Ce dernier point permet de manipuler le combustible sans avoir à ouvrir la cuve. Cette approche a été abandonnée dans le concept actuel où le rechargement nécessite d’ouvrir la cuve et de déposer le couvercle. La cuve est entièrement calorifugée par 10 cm de laine de verre.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 1.32 – Circuits primaire et secondaire du réacteur de Shippingport. Le circuit primaire (Figure 1.32) comporte deux pompes haute pression de 95 l/min et une pompe de gavage basse pression de 380 l/min. Un pressuriseur règle la pression à la consigne. La protection en surpression est assurée par des soupapes de sûreté. Un circuit de purification élimine les impuretés de l’eau pour limiter sa radioactivité. Une partie de l’eau du primaire passe en continu dans un déminéraliseur en dérivation via deux circuits de purification en parallèle sur deux des quatre branches. La circulation est assurée par la charge excédentaire de la pompe primaire. Un débit de 150 l/min passe dans les tubes d’un échangeur-régénérateur, puis les tubes d’un échangeur non-régénérateur, enfin dans un déminéraliseur à lit composé dans l’enveloppe de l’échangeur-régénérateur, puis l’eau purifiée retourne dans le primaire. Le système de purification utilise des résines échangeuses d’ions qu’il faut renouveler régulièrement. Des vannes d’arrêt permettent d’isoler une branche en cas de fuite. Ces vannes sont commandées hydrauliquement par des bouteilles d’air comprimé. Ces vannes sont situées de façon à être accessibles pour maintenance. Un circuit de vidange du réfrigérant permet d’envoyer l’eau radioactive vers un réservoir de traitement des effluents (l’équivalent de la bâche TEP actuelle). Le cœur se présente comme un pseudo-cylindre de 1,80 m de haut pour 1,80 m de diamètre. Il est constitué de 32 assemblages fissiles très enrichis à 90 % d’uranium 235 (52 kg) sous forme de plaques sous gaine, et de 113 assemblages fertiles de couverture en oxyde d’uranium naturel (12 tonnes) sous forme de tubes en Zircaloy-2 (les tubes sont réunis entre eux par deux plaques ajourées et forment un faisceau de section carrée de 132 mm × 132 mm et de 260 mm de hauteur, les faisceaux sont empilés dans un boîtier carré et constituent un assemblage [Drevon et al., 1983] p. 310). Chaque zone (plaques et assemblages) produisant 50 % de la puissance. Les cartouches fissiles et les cartouches de couverture (dite aussi de « récupération des neutrons ») ont la même section transversale et comportent une tête de manutention et un pied de

1. Historique de la filière à eau pressurisée

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fixation. Un collier en partie supérieure permet un verrouillage de sécurité sur la grille supérieure. En partie inférieure, des orifices permettent le passage de l’eau. Enfin un déflecteur perforé permet une répartition uniforme de l’eau de refroidissement en provenance des ajutages dans la partie hémisphérique du fond de cuve. Sur le couvercle sont prévus des orifices de manutention du combustible assez larges pour pouvoir défourner à distance toute cartouche fissile ou de couverture. Pour effectuer cette opération, on remplit la piscine située au-dessus du réacteur pour que le travail de manipulation se fasse sous eau. Ce concept n’a plus été retenu par la suite, car il crée des orifices de taille conséquente dans le couvercle de cuve. L’idée des couvertures est d’améliorer le gain de régénération par production de plutonium fissile dans les couvertures. Le combustible est contenu dans une enveloppe en acier inoxydable cylindrique de 2,445 m de diamètre et de 3,97 m de hauteur (Photo 1.31). Cette enveloppe pend dans le réacteur comme un panier cœur et est soutenue par un épaulement situé en dessous des ajutages des branches chaudes, dans un schéma très similaire à ce que l’on fait encore aujourd’hui.

Photo 1.31 – L’enveloppe du réacteur de Shippingport (photo First Energy Corporation).

Une grille-support est munie de mortaises dans lesquelles se placent les tenons des cartouches combustibles. Une grille supérieure assure le maintien de ceux-ci. Un ressort Belleville 34 placé au-dessus de l’épaulement du panier compense les 34 Un ressort Belleville se présente sous la forme d’une rondelle trouée présentant un profil cintré. Une pression sur la partie convexe de la rondelle provoque une réaction contraire du ressort. On peut monter plusieurs rondelles en série ou en parallèle (cf. schéma de droite) selon la réaction désirée. Un tel ressort évite que deux pièces n’aient une liaison mécanique trop forte (problèmes de dilatation thermique par exemple).

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

tolérances d’usinage et les dilatations différentielles en cours de fonctionnement du réacteur. Le chargement du cœur est hétérogène (Figure 1.33). Les assemblages fissiles forment une échancrure de forme carrée et d’épaisseur 15,2 mm. La zone carrée au centre et autour de la zone fissile est constituée d’assemblages fertiles d’oxyde d’uranium naturel, une façon archaïque de jouer sur l’aplatissement du flux qui n’est plus utilisée de nos jours (on joue maintenant, soit sur l’enrichissement pour les premiers cœurs, soit sur le taux de combustion). Une cartouche fissile est constituée d’un assemblage de plaques d’un alliage zirconium-uranium de 2 mm gainé par du Zircaloy-2 et soudées ensemble pour former un boîtier. Les canaux d’eau ont eux aussi 2 mm de large dans un boîtier. Quatre boîtiers forment un assemblage où peut coulisser à l’intérieur une croix de contrôle. Cette technologie de boîtiers est encore utilisée dans les réacteurs à eau bouillante. Les assemblages fertiles sont eux constitués de pastilles frittées d’oxyde d’uranium naturel empilées dans des tubes de Zircaloy-2 de 10,5 mm de diamètre externe (épaisseur 0,7 mm). Les crayons sont placés dans un réseau carré de 1,29 cm de pas, selon une technologie encore en cours aujourd’hui (le Zircaloy-2 ayant fait place au Zircaloy-4, le pas actuel est de 1,26 cm).

Fig. 1.33 – Plan du premier cœur de Shippingport. Les barres de contrôle (vue du système de barres en Photo 1.32) sont au nombre de 24 et ont une vitesse de chute de 8,5 cm/s en situation d’arrêt d’urgence. Elles sont de forme cruciforme et contiennent du hafnium homogène cristallisé, un puissant absorbant neutronique. La température maximale de l’eau du cœur est de 636 ◦ F (321 ◦ C) qui correspond à la température de saturation à 138 bars, avec comme objectif d’interdire toute ébullition locale. Le refroidissement du primaire est assuré par 4 générateurs de vapeur : 2 sont des échangeurs à tube droit, entièrement en acier inoxydable. Ils contiennent

1. Historique de la filière à eau pressurisée

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Photo 1.32 – Vue de dessus du réacteur de Shippingport (DR).

chacun 2 096 tubes de 12,7 mm de diamètre externe pour une paroi de 1,06 mm d’épaisseur, soit une surface d’échange de 780 m2 . Les deux autres générateurs de vapeur contiennent des tubes en U en acier au carbone avec une peau en acier inoxydable en face interne (côté primaire), pour une surface d’échange de 840 m2 . Des séparateurs de vapeur sont placés au-dessus des générateurs de vapeur (Figure 1.34), auxquels ils sont reliés par de nombreuses colonnes ascendantes et descendantes, selon un schéma d’implantation complexe. La technologie des GVs évoluera vers un concept intégré, où le bloc séparateur-cyclone/sécheur est placé en tête de GV, ce qui diminue fortement le risque d’une rupture de tuyauterie vapeur. Le pressuriseur est constitué par un cumulus de 5,50 m de haut d’une contenance de 8 500 dm3 , dont à peu près la moitié contient de la vapeur en régime nominal. La partie immergée contient 200 corps de chauffe à résistance électrique (500 kW) permettant de créer le matelas de vapeur qui comprime le circuit primaire. Une pomme d’aspersion permet d’injecter de l’eau froide (260 ◦ C) en provenance d’une branche froide. Un tuyau placé au centre du pressuriseur sert de mesure de niveau par contrepression pour avertir l’opérateur quand le niveau d’eau descend trop bas. La bulle de vapeur permet aussi d’encaisser les variations brutales de pression du primaire. Une ligne d’expansion de 6 pouces (15,2 cm) relie le fond du pressuriseur au circuit primaire. À partir de 1974, le cœur est reconverti (Figure 1.35) en un surgénérateur à combustible thorium par une reconception radicale des assemblages du cœur, qui

60

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 1.34 – Les deux types de générateurs de vapeur de Shippingport : à gauche échangeurs à tubes rectilignes, à droite tubes en U qu’on distingue à travers l’écorché partiel du corps du GV. On constatera l’importance des connexions de circulation entre l’échangeur et le sécheur situé au-dessus.

Fig. 1.35 – La cuve de Shippingport en configuration de cœur surgénérateur au thorium.

1. Historique de la filière à eau pressurisée

61

deviennent hexagonaux pour accommoder un rapport de modération extrêmement bas 35 de 0,34, avec un pas d’assemblage de 43,8 cm, un diamètre de cœur équivalent de 4,78 m et une hauteur de combustible de 3,2 m. La charge en 233 U fissile a été obtenue par irradiation de thorium 232 dans les réacteurs de l’ERDA à Hanford et Savanah River, et c’est le laboratoire d’Oak Ridge qui a produit le dioxyde 233 U/232 ThO2 . Le nouveau cœur (Figure 1.36) comporte 12 assemblages hexagonaux de 8,5 pieds de haut (soient 2,6 m). Le pas des crayons combustibles est resserré sous forme triangulaire pour limiter la quantité d’eau (capture parasite de l’eau). Le cœur a un diamètre équivalent de 8 pieds et pèse 90 tonnes. La partie mobile centrale hexagonale (appelée graine ou noyau– seed en anglais) des assemblages combustibles consiste en des crayons combustibles (619 crayons de ThO2 à 96 % de la densité théorique), enrichis jusqu’à 6 % en masse de 233 UO2 , gainés de Zircaloy-4 qui peuvent coulisser grâce à un mécanisme de contrôle externe au réacteur. Le pourtour de l’assemblage hexagonal (444 crayons de 233 U-232 ThO2 enrichis jusqu’à 3 % en masse) est fixe et constitue la couverture fixe de chaque assemblage. Les graines produisent les neutrons qui vont « ensemencer » les couvertures fertiles. Ce système de graines permet de contrôler la réactivité par variation de la géométrie du cœur en ajustant les fuites de neutrons, sans introduire des absorbants. En fonctionnement nominal, les graines sont placées en rideau et la position critique passe de 60 cm en dessous de la couverture inférieure en début de vie, à 60 cm au-dessus en fin de vie. On évite ainsi l’introduction de bore dans l’eau. Des réflecteurs épousent la forme externe de la couverture latérale pour limiter les fuites de neutrons et on peut piloter la puissance de la pile en bougeant les graines, sans avoir à utiliser des croix de contrôle qui sont réservées pour un arrêt d’urgence. La périphérie et les extrémités supérieures et inférieures du cœur (23 cm de hauteur chacune) sont constituées d’un réflecteur en ThO2 naturel. La hauteur de la couverture radiale atteint 9 pieds, soient 2,74 m. Ce système fonctionnera sans problème entre 1977 et 1982, date de la fermeture du réacteur. On montrera par analyse du combustible irradié que la régénération du combustible était possible (facteur de conversion de 1,014 ! ! !), en produisant plus d’233 U que consommé. Ce résultat spectaculaire n’a été obtenu que grâce à une réduction drastique des fuites de neutrons (couvertures fertiles au thorium) et des captures stériles (sous-modération pour limiter les captures dans l’eau). Notons que les gaines en Zircaloy-2 du début ont été remplacées par du Zircaloy-4 plus résistant à la corrosion. C’est le facteur d’utilisation du combustible FIR (Fissile Inventory Ratio) qui caractérise le rapport du nombre d’atomes fissiles rapportés à leur nombre initial. Le FIR permet d’évaluer la possibilité de la surgénération. Si celui-ci peut être supérieur à 1,2 dans les réacteurs rapides, on n’espère jamais plus de 1,02 dans un réacteur à eau légère. De plus, l’utilisation d’un cycle 235 U fissile – 238 U fertile rend impossible la surgénération en REP dans la mesure où le facteur de multiplication du combustible η d’un réseau d’une quelconque géométrie de ces isotopes reste inférieur à 2 [Marguet 2018] p. 761. (Principalement parce que l’238 U n’est fissile qu’en spectre rapide). La surgénération impose donc le choix 233 U fissile – 232 Th fertile, dans la mesure où le η de l’233 U est de 2,29 en neutrons thermiques (2,13 en neutrons épithermiques), et que le 232 Th présente de fortes sections de fission et (n,2n) à l’énergie épithermique. Un réseau judicieux de ces isotopes permet d’atteindre un η d’environ 2,25, ce qui compense les captures parasites de l’eau légère, les captures des structures et les 35

Pour limiter la capture parasite de l’hydrogène de l’eau légère.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 1.36 – Le cœur de Shippingport en configuration de surgénérateur au thorium.

fuites de neutrons. Notons qu’en cas d’indisponibilité d’233 U, son remplacement par de l’235 U diminue le FIR à environ 1,01 du fait du caractère absorbant de l’234 U et de l’236 U produits sous irradiation. Si les gains de surgénération sont intéressants mais faibles, ce nouveau cycle combustible présente l’intérêt de valoriser les ressources énormes en thorium, mais nécessite un cycle de retraitement dédié, différent du cycle du combustible choisi en France. Shippingport présente la particularité qu’il a été prévu à la conception de construire une station de stockage des déchets sur place 36 (Photo 1.33, Figure 1.39), dont certaines fonctions sont remplies par le circuit TEP des tranches actuelles. Deux gros réservoirs de stockage de résine d’une capacité de 11 600 galons peuvent stocker les liquides contenant des résines usagées de purification d’eau. Ces résines sont hautement radioactives et vont se désactiver dans ces réservoirs, qui sont lourdement blindés (Figure 1.38). Ces réservoirs sont enterrés dans des casemates dimensionnées pour collecter toute fuite grâce à des drains, qui sont surveillés régulièrement. Les réservoirs de stockage de résines sont enterrés à 7 pieds de profondeur de terre placée au-dessus d’un confinement cylindrique de 18 pouces de béton. Ce confinement isole totalement le réservoir (sauf bien sûr les conduites d’alimentation). On n’envisage pas le remplacement de ces réservoirs et si un de ceux-ci devient indisponible, 36 H.T. Evanc : Structural features of the waste disposal system for the Shippingport atomic power station, Shippingport, Pennsylvania, paper n◦ 57-NESC-18, 2nd Nuclear Engineering and Science Conference, march 11-14, 1957, Philadelphia, published by the American Society of Mechanical Engineers.

1. Historique de la filière à eau pressurisée

63

Photo 1.33 – Le centre de stockage des déchets de Shippingport en 1957. L’ensemble est construit sur une terrasse de sable et de graviers surélevée de 70 pieds au-dessus du niveau standard de la rivière adjacente, pour éviter tout risque de submersion. Des puisards placés à des intervalles de 50 pieds permettent de localiser spatialement toute fuite.

on envisage plutôt la construction d’une nouvelle alvéole. Quatre autres réservoirs de 29 100 gallons chacun permettent la décroissance radioactive des effluents liquides. L’ouverture du marché du nucléaire civil devient une préoccupation de l’AEC au milieu des années 1950, en particulier sous l’impulsion de David Lilienthal, premier chairman de l’AEC mais précédent directeur de la Tennessee Valley Authority, et donc sensible aux aspects industriels. Il comprend parfaitement l’importance du fait que les industriels puissent accéder aux informations scientifiques plus librement. Mais c’est surtout l’adoption par le Congrès américain du Price-Anderson Act 37, 38 en 1957, qui

37

Charles Melvin Price (1905-1988) : membre du Congrès américain de 1945 à 1988.

Charles Melvin Price Clinton Presba Anderson (1895-1975) : Sénateur du Nouveau-Mexique de 1949 à 1973, a participé à de nombreuses commission dont le Joint Committee on Atomic Energy, mais aussi dans un autre genre le Joint Committee on Navajo-Hopi Indians. 38

Clinton Anderson (à gauche)

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 1.37 – Plan du centre de stockage de Shippingport.

va permettre le développement industriel de l’énergie atomique. Cet amendement de l’Atomic Energy Act stipule qu’on limite les dommages et intérêts en cas d’accident nucléaire à 560 millions de dollars, et que l’État américain couvre à hauteur de cette somme toute entité fiable qui aurait obtenu une licence pour une installation nucléaire [Del Sesto, 1979] p. 58. C’est le « parapluie » financier dont l’industrie avait besoin pour prendre les risques d’un investissement aussi coûteux que le nucléaire. D’autre part, l’État fournit pour une durée de 7 ans le combustible nucléaire enrichi. L’industrie nucléaire devient vraiment autonome grâce au Private ownership of special nuclear fuels Act, signé par le président Lyndon B. Johnson le 26 août 1964, et qui permet à des compagnies privées de posséder du combustible nucléaire. On va enfin pouvoir calculer de façon équitable le prix du kW nucléaire face à la concurrence et établir des stratégies commerciales [Del Sesto, 1979] p. 85.

1.5

Indian Point : premier réacteur au thorium

[El-Wakil, 1962] p. 361, [Nuclear reactor plant data, 1958], [Power reactors, 1957], [Pickard et al., 1961] p. 149 En 1956, la Consolidated Edison Energy fait construire par Babcock et Wilcox sur l’Hudson River, à une cinquantaine de kilomètres de New York, le réacteur d’Indian Point (Figure 1.39, Figure 1.40) au combustible thorium de 275 MWe qui diverge pour service commercial en 1962. Le cœur est constitué d’uranium légèrement enrichi

65

1. Historique de la filière à eau pressurisée

Fig. 1.38 – Coupe d’une cuve de stockage de résines (Shippingport).

et de thorium d’une puissance thermique de 500 MW (28,7 MW par tonne de ThO2 ) pour un cycle de 600 JEPP. Le principe du cycle thorium est basé sur l’utilisation des noyaux fissile 233 U et fertile 232 Th selon les formules : ⎧ 1 233 ⎪ ⎨ 0 n + 92 U ⎪ ⎩ 10 n + 232 90 T h

→ →

P F 1 + P F 2 + υ 10 n 233 90 T h



22 min

+

233 91 P a

Ef ission →

27 jours

233 92 U

Le thorium va rapidement être abandonné pour de l’uranium enrichi, sans doute pour des raisons de longueur de campagne. Le réacteur est contenu dans une sphère en acier noir au carbone de 160 pieds de diamètre de 1 pouce d’épaisseur. La sphère repose sur un berceau en béton. À l’intérieur de la sphère qui peut résister à une pression interne de 27,5 psi, la cuve du réacteur est entourée par un réservoir d’eau qui sert de protection biologique : cette idée sera reprise lors de la construction de la Centrale nucléaire souterraine des Ardennes (CNA). Le réacteur est construit par Babcock et Wilcox. Quatre générateurs de vapeur sur 4 boucles (2 pompes primaires par boucle) assurent l’extraction de puissance. Un circuit primaire d’eau légère pressurisée à 1 500 livres par pouce carré (psi) par un pressuriseur à chaufferettes, refroidit le cœur. Le pressuriseur est dimensionné pour encaisser les variations de volumes du primaire lorsqu’on passe de l’état froid à l’état chaud. La cuve (Figure 1.41, Figure 1.42), d’une épaisseur d’environ 10 pouces, est couverte sur sa face interne par une couche d’acier inoxydable. Le cœur actif, d’une hauteur de 8 pieds et de 6,5 pieds de diamètre, contient l’oxyde d’uranium-thorium gainé par du Zircaloy-2. La température d’entrée de l’eau est de 481,5 ◦ F et de 510 ◦ F en sortie.

66

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 1.39 – Vue d’artiste de 1956 du réacteur d’Indian Point (d’après [Power reactors, 1957]).

Le cœur (Figure 1.44) contient 120 assemblages combustibles sous forme de boîtier fermé (Figure 1.45, Figure 1.46) contenant chacun 206 crayons combustibles à pas carré. Entre quatre assemblages-boîtiers peuvent s’introduire 21 croix de contrôle qui rentrent par le bas du réacteur. Cette technologie de barres est celle retenue dans la filière BWR actuelle. Les générateurs de vapeur (Figure 1.47) ont une configuration horizontale tout à fait inhabituelle par rapport aux GVs des REPs actuels. La séparation physique de la partie bouilleur et caisson de vapeur conduit à un important nombre de piquages de connexion qui sont autant de points faibles vis-à-vis d’un accident de rupture de tuyauterie de vapeur. Ce point faible a conduit au concept de générateur de vapeur à tubes en U. Babcock et Wilcox a d’ailleurs par la suite modifié ses générateurs de vapeur pour REP en adoptant le concept plus intégré de GV vertical à contre-courant dit « one-through » qui a été implanté sur les centrales de type TMI-2. Le secondaire permet de produire directement via la turbine 163 kWe, mais deux surchauffeurs à combustion de pétrole, qui récupèrent la vapeur en sortie de turbine rajoutent 112 MWe de puissance (la vapeur chauffe l’air en entrée des surchauffeurs), pour un total théorique de 275 MWe. D’un point de vue sûreté, l’insertion des barres par le bas du réacteur nécessite une alimentation électrique et n’est donc pas passive comme la chute des barres par

Fig. 1.40 – Plan général de la centrale d’Indian Point (octobre 1961, Courtesy Nuclear Engineering International, with permission).

1. Historique de la filière à eau pressurisée 67

68

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 1.41 – La cuve du réacteur d’Indian Point 1 (d’après [Power reactors, 1957]).

gravité dans les REPs modernes. D’autre part, la technologie des GVs s’apparente plus à l’industrie des centrales thermiques conventionnelles. Les bouilleurs sont déjà d’une taille impressionnante au regard de la modeste puissance extraite. On notera aussi le fait que la branche froide se situe en dessous du cœur actif, ce qui provoque son dénoyage instantané en cas d’APRP sur branche froide. Les concepts suivants de REP auront à cœur d’améliorer ce grave défaut de conception en situant branches froides et chaudes au-dessus du cœur. Le dimensionnement thermohydraulique définit qu’il ne doit pas y avoir d’ébullition localisée à 125 % de puissance nominale, et que la température maximale au centre du combustible ne doit pas dépasser 5 800 ◦ F, la température de fusion de l’oxyde d’uranium. Un APRP sur une branche quelconque laisse à l’opérateur un répit équivalent à la vaporisation du volume d’eau de la cuve. La protection biologique contre les neutrons est constituée d’un réservoir d’eau qui entoure l’ensemble de la cuve. Ce système, pourtant efficace, soulève le problème d’une éventuelle vidange du réservoir ou de l’échauffement par dépôt d’énergie (neutrons et photons), sans parler de l’inévitable corrosion de l’isolation thermique au contact. Le réacteur a été couplé au réseau le 16 septembre 1962. Arrêté en 1970 suite à un important problème de fuite qui a nécessité une difficile opération de soudage en milieu actif, le réacteur a pu redémarrer jusqu’au 31 octobre 1974, où il a été définitivement fermé pour raison d’obsolescence des circuits ECCS [Nichols et al., 1980] p. 27. Deux

1. Historique de la filière à eau pressurisée

69

Fig. 1.42 – Détail de la cuve d’Indian Point. On notera la particularité de la chambre inférieure trouée pour laisser passer le fluide.

réacteurs REP de puissance, Indian Point 2 (1 020 MWe, 1974) et Indian Point 3 (1 025 MWe, 1976) ont été ensuite construits sur le site pour répondre à la consommation de la région de New York. Signalons que le 15 février 2000, une rupture de tube de générateur de vapeur sur Indian Point 2 a conduit à un faible relâchement à l’atmosphère, mais a immobilisé la centrale jusqu’en janvier 2001. Le site d’Indian Point étant situé à moins de 60 km du centre de New York, c’est le site nucléaire où la densité de population est la plus importante aux États-Unis (comparable à ce qu’on rencontre en Europe), ce qui génère une vive contestation en vue de faire fermer globalement le site.

70

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 1.43 – Circuits primaire et secondaire de la centrale d’Indian Point (d’après [Power reactors, 1957]). On notera la particularité de la vapeur produite saturée par le GV, mais qui est surchauffée par un équipement à combustible fossile (pétrole), un comble pour un réacteur nucléaire !

Fig. 1.44 – Coupe radiale du cœur d’Indian Point (d’après [Power reactors, 1957]).

1. Historique de la filière à eau pressurisée

71

Fig. 1.45 – Coupe radiale d’un assemblage d’Indian Point (d’après [Power reactors, 1957]).

Fig. 1.46 – Assemblage combustible d’Indian Point (d’après [Power reactors, 1957]).

1.6

Le réacteur Yankee Rowe Atomic Electric Company (États-Unis)

[Power reactors, 1957] Construit à Rowe dans le Massachusetts comme le troisième réacteur sur le sol américain, ce réacteur construit par Westinghouse en 1960, surnommé Yankee Rowe,

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 1.47 – Générateur de vapeur de la centrale d’Indian Point (d’après [Power reactors, 1957]).

Fig. 1.48 – Circuits primaire et secondaire de Yankee Rowe (d’après [Power reactors, 1957], p. 17)

d’une puissance de 185 MWe (392 MW thermiques), est l’ancêtre direct de la technologie REP française actuelle, car conçu par Westinghouse (Figure 1.48, Figure 1.49). En effet, il comprend une insertion des barres en hafnium (quoique cruciformes) par le haut à travers un couvercle de cuve goujonné sur un corps de cuve cylindrique. La cuve (Figure 1.50) en acier noir est un composant pesant 213 tonnes et de diamètre intérieur de 2,77 m. Branche froide (259 ◦ C) et chaude (276 ◦ C) sont situées

1. Historique de la filière à eau pressurisée

73

Fig. 1.49 – Le bâtiment réacteur de Yankee Rowe (d’après [Power reactors, 1957], p. 15). On notera le système d’évacuation assez curieux du combustible usagé par une gaine d’évacuation en pente vers la piscine BK, qui est en fait un puits de combustibles irradiés !

dans le même plan axial, au-dessus du haut du cœur actif, un down-comer dirige l’eau froide (5 000 kg/s) vers le bas pour assurer un écoulement vertical ascendant dans le cœur. Le combustible est constitué de pastilles d’oxyde d’uranium fritté enrichi à 2,6 % en 235 U empilées dans une gaine en acier inoxydable. L’acier inoxydable est plus absorbant que le zirconium. Comme actuellement, la cuve est entièrement recouverte d’un beurrage en acier inoxydable de type 304. Le cœur et son circuit primaire sont contenus dans une sphère de confinement en acier, qui contient de plus un écran biologique en béton. 4 GVs de technologie tubes en U extraient la puissance via 4 branches chaudes (Figure 1.51). Le cœur (Figure 1.52, Figure 1.53, Figure 1.54, Photo 1.34) est constitué de 76 assemblages carrés contenant 305 ou 306 crayons cylindriques d’oxyde d’uranium enrichi de 0,8 mm de diamètre, gainés par de l’acier inoxydable de 0,5 mm d’épaisseur. Les assemblages ont 2 m de hauteur active. 24 croix de contrôle cruciformes assurent le contrôle du réacteur. La pression du primaire est de 2 000 livres par pouce carré, soit environ 140 bars. Le circuit primaire est placé à l’intérieur d’un bâtiment réacteur métallique de forme sphérique de 33 m de diamètre et de 22 mm d’épaisseur. La mesure du flux dans le réacteur se fait de manière originale : on mesure l’activité de fils introduits par des câbles dans les assemblages afin de les irradier, puis de les retirer [Drevon et al., 1983] p. 199. Ce dispositif était délicat à manipuler et source d’indisponibilité. La centrale de Yankee Rowe a été construite entre 1958 et 1960, puis a été exploitée depuis 1960 jusqu’au 27 février 1992 (32 ans, soit huit années avant l’expiration de la licence d’exploitation de 40 ans), où elle a été définitivement fermée pour des raisons économiques, dans la mesure où la cuve était en fin de vie et qu’un changement était

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 1.50 – Cuve de Yankee Rowe (d’après [Power reactors, 1957], p. 14).

inenvisageable. Des études approfondies ont été menées à partir de 1990, mais rien n’existait à cette époque sur l’historique précis du métal de base de la cuve et des soudures. En particulier, on ne disposait pas d’éprouvettes de surveillance placées en cuve, comme dans le cas du programme de surveillance français. Du coup, faute d’échantillons réels, la NRC a estimé que les calculs de fragilisation devaient être très conservatifs. Le niveau des exigences de la NRC a amené les propriétaires de la centrale à douter de l’intérêt économique de la tranche pour une puissance finalement faible. Elle a été largement amortie en produisant quelques 44 milliards de kilowattheures (avec un facteur de charge très satisfaisant de 74 %, soit 10 points de plus que la moyenne américaine !), puisque son coût de construction n’a été que de 60 millions de dollars en 1961. Mais son démantèlement a couté plus de 15 fois son coût de construction, car l’absence de site de stockage définitif (le site de Yucca Moutain étant retardé) a nécessité de conserver le combustible usé sur place. Le démantèlement de la cuve et son analyse vont pouvoir produire un REX très intéressant pour le programme de durée de vue des cuves (Photo 1.35).

1. Historique de la filière à eau pressurisée

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Fig. 1.51 – Schéma de principe de Yankee Rowe (adapté et corrigé de [La science contemporaine, tome 1, 1964], p. 263).

Fig. 1.52 – Assemblage combustible et croix de contrôle (d’après [Power reactors, 1957], p. 16).

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 1.53 – Schéma longitudinal d’un assemblage et coupe d’un motif d’assemblages autour d’une croix de contrôle (adapté de [Sauteron, 1965] p. 174).

Photo 1.34 – Une vue de dessus d’un assemblage combustible. Les « découpes » des rangées de crayons supérieures permettent l’insertion des croix de contrôle [Sauteron, 1965].

1. Historique de la filière à eau pressurisée

77

Fig. 1.54 – Coupe radiale du cœur de Yankee Rowe avec ses 76 assemblages (d’après [Power reactors, 1957], p. 16).

Photo 1.35 – Démantèlement de la sphère du réacteur de Yankee Rowe en date du 25 avril 2005.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

1.7

Le Mobile High Power 1A (États-Unis)

Le MH-1A, autrement dit le Mobile High power number 1A a été le premier réacteur REP « flottant » (Photo 1.36). Le concept, développé et construit par l’US Army Facilities Engineering Support Agency de Fort Belvoir en Virginie, consistait en un réacteur REP à boucle et à uranium enrichi (7,1 % en 235 U), transporté par barge flottante. En l’occurrence, la barge en question était un ancien Liberty ship de la deuxième guerre mondiale, le SS Charles H. Cugle, rebaptisé le Sturgis en l’honneur du lieutenant général Samuel Sturgis 39 , chef des ingénieurs de l’armée pendant le programme nucléaire de l’armée américaine. Cette idée s’inscrit dans le cadre des recherches sur les réacteurs mobiles et transportables, tel que le petit réacteur à eau bouillante SL-1 (Stationary Low-Power Plant n◦ 1) qui fit 3 morts lors de l’accident du 3 janvier 1961 à Idaho Falls [Marguet, 2012] p. 42. Aménagé à partir de 1964, le Sturgis comporte une cale au milieu du bateau, qui contient un petit réacteur nucléaire de 10 MWe destiné à la production d’énergie électrique et non à la propulsion du bâtiment. Le réacteur a commencé à fonctionner le 25 janvier 1967. Une sécheresse ayant provoqué une baisse de la production hydroélectrique dans la zone du canal de Panama, sous protectorat des États-Unis depuis 1903, c’est à Gatun Lake dans la zone du canal qu’on installe en 1968, en remplacement de la station hydroélectrique, le bateau qui produira du courant électrique jusqu’en 1976, date à laquelle il fut rapatrié et mis sous cocon dans la James River aux États-Unis. Décommissionné en mars 2010, le réacteur a été démantelé en 2015 à Galveston, Texas. Le réacteur (Figure 1.55), construit pour l’armée américaine par le constructeur aéronautique Martin Marietta, comporte 32 assemblages combustibles où de l’oxyde d’uranium enrichi sous forme de pastilles (93,9 % de densité théorique) est empilé dans un gainage en acier inoxydable type 348. Le cœur est divisé en une partie centrale de 12 assemblages qui comportent chacun 92 crayons combustibles et 8 crayons empoisonnés au gadolinium 40 . La dimension de chaque crayon est 1,288 cm de diamètre externe, pour 91,44 cm de hauteur active (96,52 cm avec les bouchons des crayons). La pression normale du circuit primaire est de 96,5 bars (1 400 psi), limitée à 110 bars. Le débit primaire est de 1,996 million de kg/h. La puissance linéique 39 Samuel Davis Sturgis, 3e du nom (1897-1964). Issu d’une lignée d’officiers généraux, il entre à l’Académie militaire en 1918 où il est diplômé officier-ingénieur. Il sert aux Philippines en 1926, puis occupe divers postes d’ingénieur militaire aux États-Unis. Après avoir gravi tous les échelons, il devient Chief of Engineers avec le grade de lieutenant-général de 1953 à 1956. À ce poste, il supervise les aspects techniques nucléaires pour l’armée américaine.

Samuel Sturgis Bernard Turovlin, Martin R. Hum : Core inspection program and maintenance on reactor internals at the MH-1A, Transactions of the first conference of the European Nuclear Society “ Nuclear energy maturity”, April 21-25, 1975, Volume 20 TANSAO 20 1-820, 1975, pp. 174-176. 40

1. Historique de la filière à eau pressurisée

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Photo 1.36 – Le Sturgis remonte une rivière avec l’aide d’un escorteur. On voit à l’avant du bateau le système de connexion électrique.

maximale est de 614 W/cm. Le flux de chaleur moyen est de 39 W/cm2 . Le taux de combustion maximal atteint est de 44 000 MWj/t. La longueur naturelle du cycle est de 980 JEPP. La réactivité est contrôlée par 12 croix de contrôle cruciformes, suspendues à un mécanisme de barres piloté par le haut par un renvoi d’engrenage perpendiculaire. Les croix de contrôle sont en acier inoxydable au bore (2,1 % en masse) enrichi en bore 10 à 92 %. Des problèmes de fissuration de la zone soudée des croix de contrôle sont apparus et ont nécessité leur remplacement. La cause a été identifiée comme une attaque caustique après analyse. Un simulateur « full scope », performant pour l’époque, a été développé à Fort Belvoir à l’occasion de ce projet pour former les opérateurs et simuler le comportement du réacteur (Photo 1.37). Les problèmes de miniaturisation d’un REP pour le faire tenir dans une cale de bateau ont trouvé leur écho dans les programmes SMR (Small Modular Reactor). Dans ce concept, on miniaturise les réacteurs, qu’on installerait en « ferme » (regroupement de réacteurs). Les réacteurs seraient standardisés à l’extrême et facilement interchangeables. En France, la DCNS (Direction des constructions navales et services), devenue Naval Group, forte de son expérience de réacteurs compacts de sous-marin, a proposé le concept Flexblue (Photo 1.38) de centrale nucléaire entre 50 et 250 MWe, installée à bord d’une coque immergée à entre 60 et 100 m de fond, à quelques kilomètres des côtes. L’alternateur serait relié à la terre par des câbles sous-marins comme pour une ferme d’éoliennes off-shore. Un système de ballast permettrait de faire émerger le sous-marin-conteneur pour la maintenance/rechargement. L’intérêt réside dans une source froide inépuisable (sauf dénoyage !) bien que fortement corrosive à cause du sel, mais l’impact thermique sur le biotope est forcément conséquent, au moins aux alentours proches de la coque. Le risque d’accident grave, que

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 1.55 – Un écorché de la cuve et du cœur du MH-1A (États-Unis). l’isolement de toute présence humaine dans le conteneur en phase de fonctionnement rend quand même crédible, a pour le moins « refroidi » le concept depuis l’accident de Fukushima, si on m’accorde ce mauvais jeu de mot. Néanmoins, le concept, aussi curieux soit-il, nécessite probablement une étude plus approfondie, apportant des conclusions probablement utiles aux réacteurs nucléaires de vaisseaux spatiaux ou de colonies spatiales lointaines.

1. Historique de la filière à eau pressurisée

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Photo 1.37 – Le simulateur du MH-1A à Fort Belvoir. On constate un effort poussé d’ergonomie et de représentativité.

Photo 1.38 – Le concept Flexblue de DCNS. Difficile d’imaginer des conteneurs aussi proches en situation réelle à la vue de cette vision d’artiste.

En Chine, GCN et CNNC proposent deux projets concurrents de centrales nucléaires flottantes sur navire avec la société de construction navale CSIC, montrant toujours un intérêt pour le concept général. L’avenir dira quel succès on peut attendre d’une telle solution.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Photo 1.39 – La cuve et le bâtiment réacteur de BR3 (photos MOL).

1.8

Le réacteur BR3 de Mol (Belgique)

Le réacteur BR3 (Belgian Reactor n◦ 3, Figure 1.56) situé au centre de recherches nucléaires de Mol en Belgique, a été le premier réacteur à eau pressurisée à avoir été construit hors du sol américain. Sous licence Westinghouse et dans le cadre de l’initiative « Atoms for peace » pour obtenir du combustible à l’uranium enrichi, les travaux de construction du réacteur commencent à partir de 1956 (Photo 1.39) et le réacteur diverge en 1962. En décembre 1963, on a introduit pour la première fois au monde un combustible MOX, en remplacement d’un UOX. En 1964, on a modifié de façon importante les internes de cuve (Figure 1.57). Le réacteur est arrêté le 30 juin 1987 après 11 campagnes de production d’énergie, pour des problèmes de rentabilité après avoir produit une puissance de 11 MWe sur le réseau belge. À noter que la cuve a subi plusieurs traitements de recuit pour en améliorer les performances mécaniques. En décembre 1989, la Commission européenne accepte un projet-pilote de démonstration du démantèlement d’installations nucléaires, financé par la Communauté européenne, le Gouvernement belge et un fond de liquidation du passif technique.

Fig. 1.56 – Le réacteur BR3 de Mol en Belgique (août 1960, Courtesy Nuclear Engineering International, with permission)

1. Historique de la filière à eau pressurisée 83

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 1.57 – Cuve du réacteur BR3 avec ses différents internes au cours du temps (d’après41 ).

1.9

Le réacteur Enrico Fermi de Trino-Vercellese (Italie)

Cette centrale italienne (Photo 1.40) présente un grand intérêt vis-à-vis du choix de filière REP en France en tant que tranche jumelle de la Centrale des Ardennes. TrinoVercellese est située entre Turin et Rome, dans la plaine du Pô. L’implantation de cette tranche a été décidée par la compagnie Edisonvolta en 1955, c’est-à-dire bien avant le choix de filière français. Les travaux, suite aux accords entre le Gouvernement italien et américain, ont commencé en 1959. La puissance initiale devait être de 615 MWth couplée à une turbine de 186 MWe. Mais Westinghouse, le constructeur, a proposé d’augmenter la puissance maximale à 843 MWth, produits par 120 assemblages (3 régions radiales d’enrichissement) et évacuée par 4 boucles (Figure 1.58, Figure 1.59) dont 3 sont requises au minimum, ce qui fait qu’un deuxième groupe de 86 MWe a été installé, portant la puissance électrique totale de la tranche à 272 MWe. Ces caractéristiques sont très proches du réacteur de Chooz A que l’on peut considérer comme son « brother-reactor », à l’image d’un sister-ship. En ce qui concerne la source froide, le faible débit du Pô a conduit à installer 14 (petites) tours d’aéroréfrigérant, une technique qui va être utilisée sur certains sites de rivière en France. Le réacteur est entré en service en octobre 1964 et mis en service industriel en janvier 1965 jusqu’en juillet 1990. Trino est la première centrale à utiliser un poison soluble, de l’acide borique, pour compenser la réactivité, associé à une gestion à 3 régions radiales. La concentration en bore critique est de l’ordre de 1 400 ppm 41 Vincent Massaut :R&D et D&D : un mariage impossible ? Le REX BR3 en Belgique. RGN n◦ 5 pp. 87-95, septembre-octobre 2014.

1. Historique de la filière à eau pressurisée

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Photo 1.40 – La centrale de Trino-Vercellese : la première centrale de type REP de Westinghouse en Europe, mais un succès sans lendemain en Italie.

(à xénon nul) et décroît pour une longueur de cycle d’environ 11 000 MWj/t (Figure 1.60). Après un premier cycle satisfaisant (octobre 1964-avril 1967), la centrale a subi un très long arrêt au début du cycle 2 entre le 29 avril 1967 et le 20 janvier 1970, suite à des dégradations de structures internes. La rupture de certaines fixations du bouclier thermique a conduit à ce que des débris métalliques soient venus se fixer sur les grilles dans la partie inférieure de certains assemblages. Ces corps étrangers provenaient des structures détruites au cours du premier cycle et non détectés au rechargement. Ces dégradations ont été imputées à un balancement de l’écran thermique suite à des fluctuations de pression dues à l’écoulement. Cela a conduit à la défaillance d’un tiers des boulons de fixations des attaches des secteurs du bouclier entre eux. Le déplacement du bouclier a entraîné la rupture de tubes-guides de l’instrumentation, la rupture des nacelles contenant des éprouvettes de métal de la cuve du programme de surveillance, et l’érosion des supports de l’écran thermique et des pions de centrage. D’importants travaux ont alors porté sur les structures du cœur : les tirants de fixation inférieurs et le bouclier thermique ont été retirés. Des dégradations suite à la vibration de l’écran thermique ont été constatées sur de nombreux réacteurs dont CHOOZ A en France. Pour réduire la fluence cuve après la suppression du bouclier thermique, 8 assemblages ont été remplacés par 8 assemblages fictifs non combustibles (dummy). Avec 112 assemblages combustibles à section carrée (gaines et boîtiers en acier inoxydable, Photo 1.41) et comportant 10 grilles axiales et 52 éléments combustibles cruciformes dont 28 sont des prolongateurs (followers, Figure 1.62) de barre de contrôle, la puissance a été réduite à 825 MWth, respectant un Rapport d’échauffement critique minimum (RECmin ou DNBR) de 1,98.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 1.58 – Schéma du secondaire de la centrale de Trino-Vercellese. Le cœur (Figure 1.61) comprend 28 barres de contrôle dont 10 barres d’AIC situées dans la zone radiale intermédiaire pour assurer le pilotage. Le poids de l’ensemble des grappes est d’environ 6 300 pcm. Les barres peuvent s’insérer de 286 pas de 0,95 cm par pas. Le pilotage bénéficie d’une bande de manœuvre de 15 pas pour

1. Historique de la filière à eau pressurisée

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Fig. 1.59 – Un générateur de vapeur de Trino-Vercellese.

compenser les faibles variations de température (+/– 6 ◦ F) ou les faibles variations de concentration xénon. Au-delà de cette gamme, il faut faire varier la concentration en bore. La marge d’antiréactivité minimale s’établit en soustrayant le poids de la barre la plus antiréactive (soit 950 pcm) en supposant que celle-ci reste bloquée à la chute, et à appliquer une pénalité de 10 %, soit (6 300 – 950) × 0,9 = 4 800 pcm. Cette antiréactivité des N-1 barres doit compenser l’effet Doppler d’un passage à froid (environ 1 000 pcm), l’effet de vide (environ 50 pcm) et l’effet de redistribution axiale du flux en fin de cycle (dû au taux de combustion plus élevé en partie basse entraînant

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 1.60 – Comparaison expérience/calcul (Condor) de la concentration de bore

au cours du cycle 1 de Trino-Vercellese (d’après42 ). À l’époque les calculs ne prennent pas encore de façon continue la variation de spectre due à l’épuisement, d’où des calculs avec des spectres différents en fin de vie.

Fig. 1.61 – Vue du quart inférieur droit du cœur de Trino-Vercellese. une concentration de produits de fission plus élevée 43 , environ 200 pcm) ; ce qui laisse une sécurité d’environ 3 500 pcm. On comprend mieux l’importance de ne pas trop 42 F. Basile, G. Buionaugurio, M. Claps et al. : Research program integrative of the Enel program on the Trino Vercellese reactor, final report, Rapport FIAT/Divisione Mare/Sezione Energia Nucleare FN-E-122, décembre 1972. 43 Quand les barres chutent, la température du cœur et de l’eau (donc la densité) s’homogénéise du fait que le cœur passe à puissance nulle, il en résulte une augmentation du flux en partie haute où il y a moins de produits de fission absorbants. Cet effet augmente la réactivité des zones les plus réactives et finalement apporte de la réactivité en fin de cycle : c’est ce qu’on appelle l’effet de redistribution axiale du flux.

1. Historique de la filière à eau pressurisée

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Fig. 1.62 – Structure très complexe des prolongateurs qui contiennent des crayons combustibles. L’idée est de garantir une certaine continuité radiale du réseau combustible. insérer les barres de régulation pour ne pas augmenter cet effet de déséquilibre axial de taux de combustion. Le premier cœur disposait d’une instrumentation interne de type « aeroball » 44 qui, curieusement, a été retirée du cœur à partir de la seconde charge sous l’argument un peu présomptueux, que les calculs étaient conformes avec les résultats expérimentaux dans la marge de ± 2%. Le gainage du combustible est de l’acier 304 à faible teneur en cobalt (< 0,02 %). Le combustible des 3 premières charges, d’un enrichissement moyen de 4 %, a été fourni par Westinghouse. Pour le cycle 3, on a rechargé 40 assemblages enrichi à 4,7 % gainé en acier et dont les 5 crayons de coins ont subi une augmentation de gainage. Cette technique, employée à la centrale de Chooz A, diminue légèrement le rapport de modération de ces crayons et diminue leur puissance de 7 % et de 2 % pour les crayons les plus proches. Cette opération a permis de conserver le pic de puissance dans la région 2 d’enrichissement, en évitant de le déplacer en région 3. Au troisième cycle, les caractéristiques principales étaient les suivantes : 264,8 ◦ C de température moyenne primaire pour une élévation axiale de température primaire de 31,7 ◦ C. 31,7 bars de pression vapeur au collecteur. 163 MWe pour le groupe 1 et 89,6 MWe pour le groupe 2, soit un rendement de la tranche de 30,9 %.

44 Le système « aeroball » consiste à insérer pneumatiquement dans un tube vide placé dans le cœur des billes de métal qui s’activent sous flux neutronique, qu’on extrait ensuite pour mesurer l’activité induite, d’où par remontage, on peut alors connaître le flux neutronique. Ce système, modernisé, est implanté dans l’EPR.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Photo 1.41 – Assemblage de la centrale de Trino-Vercellese. On remarquera la structure plus cloisonnée par rapport aux assemblages REP actuels.

On a pu expérimenter pour la première fois en Europe la tactique d’allongement de campagne ou stretch-out. On joue sur la température du primaire pour regagner de la réactivité alors que la concentration en bore est quasi nulle. Comme il n’y a plus de bore, on ne peut plus diminuer celui-ci pour continuer à fonctionner. Comme le coefficient de température modérateur est fortement négatif en fin de campagne, une baisse de la température du primaire (donc une augmentation de la masse volumique de l’eau s’accompagne d’une augmentation de la réactivité. Dans le diagramme température primaire/pression du secondaire (Figure 1.63), on note qu’une pression

1. Historique de la filière à eau pressurisée

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Fig. 1.63 – Tactique d’allongement de campagne vis-à-vis du point de fonctionnement primaire (réacteur de Trino-Vercellese).

inférieure à 26 bars conduit à une vapeur secondaire trop humide inadéquate au fonctionnement de la turbine. Cette zone est donc à exclure du fonctionnement. On trace aussi la caractéristique de la turbine avec vanne d’admission totalement ouverte. On peut aussi tracer un réseau de courbes correspondant à un cœur à puissance constante. Supposons que l’on parte du point de fonctionnement O à 870 MWth, on peut imaginer baisser la température du primaire en suivant un chemin OAB qui respecte la contrainte de pression supérieure à 26 bars. Cette méthode n’est acceptable que si on n’a aucune contrainte sur la température de la cuve. En réalité, pour des problèmes de fluence cuve, on ne veut pas irradier celle-ci à moins de 253 ◦ C (problème de fragilisation de la cuve à basse température et de RTndt). Cette droite s’avère très limitante dans le diagramme, d’où l’idée de baisser la température en effectuant successivement des fonctionnements à température moyenne primaire constante conduisant à une baisse de la puissance et une augmentation de la pression du secondaire, puis des fonctionnements à puissance constante ramenant la pression aux 32 bars du nominal (parcours ODEFGHI. . . ). Cette tactique est largement utilisée aujourd’hui sur le parc français pour tirer le maximum du combustible, et peut faire gagner jusqu’à 3 mois de fonctionnement. Par contre la puissance doit baisser par paliers successifs. Un important programme EURATOM a été conduit de 1966 à 1972, piloté par l’ENEL. Il comprenait des analyses sur les deux premiers cycles de bilans de réactivité, des tests de pH du primaire, l’analyse du bruit neutronique et des analyses de combustibles irradiés. Un travail très important a été engagé par la section Énergie

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

nucléaire de la division Mare ( !) de FIAT pour comparer les taux de combustion prédits par le code BURNUP (écrit pour l’occasion) avec les taux de combustion mesurés expérimentalement. À la suite de l’accident de Tchernobyl, les Italiens se sont prononcés en 1987 par référendum pour un moratoire sur le nucléaire gelant les activités. Entre 1987 et 1990, les trois centrales nucléaires encore en activité : Trino-Vercellese (860 MWe, REP), Caorso (860 MWe, REB) et Latina (153 MWe, refroidi au gaz) ont été mises à l’arrêt après l’arrêt en 1982 de Garigliano (150 MWe, REB), sonnant le glas de l’aventure atomique italienne La société d’État SOGIN, après la privatisation de l’ENEL, reste en charge du démantèlement de ces tranches. En août 2012, le ministère italien du Développement économique a ratifié le décret concernant l’arrêt définitif de la centrale de Trino-Vercellese. Son démantèlement devrait être fini en 2024.

1.10

Tihange (Belgique)

Le réacteur de Tihange est un réacteur construit en Belgique sur la rivière Meuse à 25 km au sud-ouest de Liège (Figure 1.64, Photo 1.42), pour être opéré conjointement par EDF et des compagnies belges (Electrabel, qui fait actuellement partie du groupe Suez). La construction a commencé en 1969 et la première tranche a été mise en service en 1975, comme première réponse au choc pétrolier de 1973. Tihange préfigure la centrale française de Fessenheim, sauf que le système de double enceinte ne sera pas repris sur le CP0 (mais à partir du P4). Il s’agit d’un réacteur (Figure 1.65) de 870 MWe (2 660 MWth dont 97,4 % sont générés dans le combustible : 70,18 tonnes de métal lourd) de licence Westinghouse sur le type de Surry 1 ou Beaver Valley, et utilisant un combustible 15 × 15 crayons de référence avant que Westinghouse ne passe à du 17 × 17 crayons suite aux problèmes de densification et à de nouveaux critères d’étude de sûreté de l’APRP. Le circuit primaire comporte trois boucles et le réacteur est placé dans une cuve (Figure 1.66) de 13 m de hauteur totale pour 4 m de diamètre intérieur. Le premier cœur comportait 157 assemblages de 3 enrichissements : 52 assemblages à 1,95 % en uranium 235 (pastilles frittées à 95 % de la densité théorique d’oxyde d’uranium de hauteur 1,524 cm), placés à la périphérie, un autre tiers de cœur à 2,55 % puis un dernier tiers à 1,95 %. L’enrichissement d’équilibre est de 3,3 % pour une irradiation de décharge de 33 000 MWj/t. Le combustible est alors fabriqué par la société française CERCA à Romans (France). Le rapport de modération (volume d’eau sur volume d’oxyde d’uranium) est de 4,07. Le cœur contient 81 760 kg d’oxyde d’uranium, 16 469 kg de Zircaloy 4, 742 kg d’Inconel et 579 kg d’acier SS 304 et bien sûr 15 379 kg d’eau à 155 bars. Le circuit primaire (Figure 1.69) comporte 3 pompes primaires (Figure 1.67) (4,63 MWe ×3) de 20 100 m3 /h à 284 ◦ C en entrée, 323 ◦ C en sortie, et 155 bars, 3 générateurs de vapeur à tubes en U inversés, un pressuriseur de 40 m3 et 3 branches chaudes et froides de diamètre interne de 700 mm à 787 mm pour une épaisseur de 68 mm à 85 mm. Les 3 GVs produisent en régime nominal 1 727 tonnes/h (×3) de vapeur saturée à 269,1 ◦ C à 54,4 bars. La vapeur de GVs est réunie à la sortie de l’enceinte dans un barillet commun qui distribue celle-ci en direction des corps HP des deux turbines (de 468 MWe bruts chacune). Le reste de vapeur est condensé

1. Historique de la filière à eau pressurisée

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Fig. 1.64 – Implantation du site de Tihange (adapté de [Pintat et Chauvet, 1984] p. 57). La salle des machines et les auxiliaires nucléaires sont implantés en L autour du réacteur. Les circuits d’eau de la Meuse, avec la station de pompage et les réfrigérants atmosphériques, sont placés au nord. Le poste électrique a été placé au sud. Une cheminée de 160 m évacue les rejets de la ventilation. dans un condenseur (pression 45 mbars). Les assemblages combustibles (Figure 1.72, Figure 1.73) comportent 205 crayons combustibles en un réseau à pas carré de 1,43 cm ainsi que 20 tubes guides (en Zircaloy 4, diamètre interne 1,30 cm, externe 1,387 cm) et un tube d’instrumentation central qui sont fixés aux sept grilles en Inconel 718 par des manchons en acier SS 304.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Photo 1.42 – Le site de Tihange. On a par la suite construit deux tranches supplémentaires sur le site de 70 ha de Tihange (1 008 MWe et 1 054 MWe). Les trois tranches fournissent près de 30 % du besoin énergétique de la région Wallone.

Les crayons ont un diamètre de 1,072 cm (pastille : 0,929 cm en forme de diabolo) pour une hauteur fissile de 365,8 cm. Les pastilles d’oxyde d’uranium sont empilées dans les crayons scellés par des bouchons aux extrémités et pressurisés à l’hélium. Un ressort hélicoïdal en acier, placé dans une chambre d’expansion, est chargé de reprendre la dilatation axiale des pastilles en température. Deux types de barres sont présents dans le cœur. D’une part, des grappes à crayons longs constitués d’absorbant (argent 80 % – indium 15 % – cadmium 5 % de diamètre 1,0096 cm, gainé en acier SS 304, diamètre interne 1,0172 cm, externe 1,115 cm) sur presque toute la longueur de la barre (360,68 cm), soit 32 grappes de régulation et 16 grappes d’arrêt. D’autre part, des grappes à crayons courts dont l’absorbant ne se trouve que sur une petite partie de la longueur de la grappe (91,44 cm), soit 5 grappes. Huit autres positions sont prévues pour des grappes supplémentaires éventuelles. On trouve donc un total de 53 grappes + 8 éventuelles. Le circuit primaire, de 275 m3 (dont 259 m3 d’eau liquide avec pressuriseur) comporte trois boucles incluant un générateur de vapeur (4 785 m2 de surface d’échange, 20,6 m de hauteur, 3 388 tubes en U inversés, 30,5 m3 d’eau primaire, 59 m3 d’eau secondaire en charge, 107 m3 de vapeur en charge, 1 727 tonnes/h de vapeur saturée à 55 bars/270 ◦ C) par boucle, un accumulateur (41 m3 , 1 900 ppm de bore, 45 bars)

1. Historique de la filière à eau pressurisée

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Fig. 1.65 – Cuve et internes du réacteur de Tihange (adapté de [Pintat et Chauvet, 1984] p. 58). Perte de charge de la cuve 3,312 bars, perte de charge dans le cœur 1,90 m, puissance linéique maximale 617 W/cm, flux thermique moyen entre 65,5 et 183,1 W/cm2 , section de passage du cœur actif 3,88 m2 . par boucle qui débite en branche froide, une pompe primaire (débit 5,6 m3 /s, hauteur manométrique 85 m, débit total des trois pompes 45 750 tonnes/h soit 43 700 tonnes/h dans le cœur actif) par boucle et un pressuriseur unique (23,8 m3 d’eau + 15,8 m3 de vapeur, pression nominale : 154 bars, pression de décharge : 161 bars, soupapes de sûreté : 171 bars). La vapeur produite par les GVs est collectée dans un barillet commun qui distribue la vapeur vers les corps haute pression des deux turbines.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 1.66 – Coupe axiale de la cuve de Tihange (adapté de [Ladonchamps et Verdeau, 1972] p. 128). La technologie est très proche du palier français CP0. Les trois tuyauteries froides du primaire ont 70 cm de diamètre interne et les tuyauteries chaudes 74 cm. La température moyenne à l’entrée du cœur est de 284 ◦ C et de 321,5 ◦ C en sortie. La température moyenne dans le cœur est de 304,5 ◦ C et de 303 ◦ C dans la cuve. La perte de charge dans le cœur est de 1,3 bar, dans la cuve de 3,3 bars, dans la branche chaude de 0,5 bar, dans le GV de 2,2 bars puis de 0,1 bar dans la tuyauterie d’aspiration des pompes (branche intermédiaire) et de 0,2 bar dans la tuyauterie de refoulement des pompes. Côté secondaire, la température de l’eau froide est de 225 ◦ C et on produit en tout 5 270 tonnes/h de la vapeur sous 55 bars à 270 ◦ C. Le facteur de point chaud FQ est de 2,25 quand le facteur d’accroissement d’enthalpie FΔH est de 1,58. Le DNBR minimum est de 2,03.

1. Historique de la filière à eau pressurisée

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Fig. 1.67 – Pompe primaire de Tihange (5 MW, 20 000 m3 /h, hauteur manométrique

77 m).

Le système d’injection de sécurité assure la protection contre une RTV et une protection supplémentaire est fournie par l’isolation du circuit d’eau d’alimentation et la fermeture des vannes de la ligne vapeur. L’arrêt du réacteur est enclenché en cas de surpuissance ou à la suite du démarrage du système de réfrigération de secours. En cas d’éjection de barre, l’arrêt du réacteur est déclenché sur signal de flux neutronique élevé et taux d’accroissement de flux élevé. Les deux pompes de charge de l’injection de sécurité (haute pression) peuvent injecter 34 m3 /h à une pression de 188 bars. Les deux pompes d’injection basse pression peuvent injecter 680 m3 /h à une pression de 20 bars. Le réservoir d’injection du bore contient un volume de 3,4 m3 à 21 000 ppm de bore sous 10 bars.

98

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 1.68 – Schéma de la centrale de Tihange (adapté d’après45 ). Le bâtiment réacteur est entouré d’une enceinte étanche de 42 m de diamètre intérieur.

Fig. 1.69 – Circuits primaire et secondaire de Tihange (adapté de [Pintat et Chauvet, 1984] p. 62). Volume du circuit primaire 274 m3 .

Côté production d’électricité (Figure 1.74), deux alternateurs de 540 MVA chaque produisent le courant envoyé à deux transformateurs élévateurs de 18 kV à 380 kV. 45 H. Bonnet, A. Charlier, A. Renard, Cl. Vandenberg : PWR de 900 MWe chargé au Pu type Tihange, Études de l’état stationnaire et analyse d’accidents, description de la centrale et méthode, rapport BelgoNucléaire BN 7711-02 dans le cadre du contrat pour la CCE n◦ 013-76-11 RPUB, 1977.

1. Historique de la filière à eau pressurisée

99

Fig. 1.70 – Circuit secondaire et turbine de Tihange (adapté de [Pintat et Chauvet, 1984] p. 62). Deux turbines avec chacune un corps HP et 2 corps BP, 1 500 tours/min, Deux condenseurs tubulaires refroidis par un débit de 16,5 m3 /s (×2). Deux motopompes alimentaires, 4 réchauffeurs BP, 1 motopompe alimentaire et 2 réchauffeurs HP.

Fig. 1.71 – Générateur de vapeur de Tihange (adapté de [Pintat et Chauvet, 1984] p. 60). Plaque tubulaire 550 mm d’épaisseur, 3 388 tubes d’Inconel 600 de 22,2 mm de diamètre interne, 1,27 mm d’épaisseur, 320 tonnes, 21,2 m de hauteur, 4,50 m de diamètre au niveau du dôme.

100

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 1.72 – Coupe radiale d’un assemblage de Tihange (les cotes sont données en inches).

Fig. 1.73 – Vue d’un assemblage de Tihange et d’un crayon. Hauteur du cœur actif 366 cm, diamètre équivalent du cœur 3,04 m, rapport eau/uranium en volume 4,2.

101

1. Historique de la filière à eau pressurisée

Fig. 1.74 – Schéma de l’alimentation électrique de Tihange (adapté de [Pintat et Chauvet, 1984] p. 63).

1.11

Sizewell B (Angleterre) [Pressurised water reactor in UK, 1982]

En mars 1987, le Gouvernement britannique a approuvé la construction d’un réacteur REP, le premier en Angleterre, sur le site de Sizewell (Photo 1.43), au nord de l’unité Sizewell A existante. Le réacteur a atteint la criticité en janvier 1995. Le réacteur est un concept Westinghouse-Bechtel à quatre boucles de 3 425 MWth (standard dit « SNUPPS », couplé à deux turbines de 600-660 MW, et délivrant une puissance de 1 245 MWe. Le cœur du réacteur est très proche de la filière P4 française avec ses 193 assemblages, mais de hauteur active 366 cm comme le CPY. L’assemblage combustible comporte selon un réseau classique de 17 × 17, 264 crayons actifs, 24 tubes guides et 1 tube d’instrumentation. Les barres de contrôle sont constituées d’argent-indiumcadmium. La pression à l’entrée de la cuve est de 158 bars, et de 155 bars en sortie. Le débit du primaire est de 18 750 kg/s. Les quatre générateurs de vapeur comportent 5 626 tubes en U, et délivrent chacun 477 kg/s de vapeur à 69 bars. La plaque tubulaire en acier inoxydable comporte des trous quadrifoliés pour éviter de l’érosion entre plaque et tubes. La cuve du réacteur (Figure 1.75) est identique à celle du concept Westinghouse, excepté le fait qu’elle est constituée de 4 viroles en forme d’anneau, ce qui évite des cordons de soudure verticaux. La cuve est placée dans un puits étroit, dans l’objectif de diminuer la dose du personnel pendant les opérations de rechargement.

102

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Photo 1.43 – Une vue aérienne du site de Sizewell B.

Un pressuriseur unique permet de contrôler le volume (contraction/dilatation de l’eau) et la pression du circuit primaire. Les générateurs de vapeur (Figure 1.76) sont des bouilleurs verticaux constitués de tubes en U inversés. Les pompes primaires (Figure 1.77) sont de type centrifuge à axe vertical et à un étage qui aspirent verticalement l’eau depuis la branche en U et la refoulent horizontalement. Chaque pompe est actionnée par un moteur à induction de 6 MW alimentée par une tension de 11 kV contrairement aux tensions de 6,6 kV utilisée en France. Le confinement (Figure 1.78) est constitué d’un bâtiment en béton précontraint recouvert en face interne d’une peau (liner) en acier (6 mm), identique aux réacteurs américains Calloway et Wolf Creek. Le radier, d’une épaisseur moyenne de 3,85 m, comporte un puits axisymétrique pour le logement de la cuve et des tubes d’instrumentation. Au regard du puits, l’épaisseur n’est que de 1,70 m, ce qui peut paraître surprenant mais indique clairement que la fusion du cœur n’a pas été envisagée à la conception. Le fût de l’enceinte a 1,30 m d’épaisseur et est précontraint horizontalement par des câbles faisant 2/3 du tour complet et ancrés dans 3 nervures. Une enceinte externe en acier recouvre l’enceinte interne mais uniquement dans les zones ouvertes sans bâtiment adjacent. Elle est chargée de collecter d’éventuelles fuites en cas d’APRP. Le dôme est hémisphérique de 1 m d’épaisseur et précontraint suivant une maille carrée par des câbles en U inversé en prolongement des câbles verticaux du fût. Le confinement comporte un classique système d’aspersion via deux pompes, un système de refroidissement utilisant des ventilateurs (fan coolers), du genre de celui de TMI-2, un système de contrôle de l’hydrogène, à savoir des recombineurs d’hydrogène, et un évent permettant de purger l’hydrogène présent dans le confinement.

1. Historique de la filière à eau pressurisée

103

Fig. 1.75 – La cuve de Sizewell B (adapté de [George et Board, 198746 ], p. 138). Deux trains de circuit RRA assurent l’évacuation de la puissance à l’arrêt du réacteur. L’injection de sécurité assure le refroidissement du cœur en situation accidentelle et est dimensionnée pour parer à un APRP à branche doublement débattue. Elle est activée automatiquement en cas de très basse pression au pressuriseur, 46

1987.

B.V. George, J.A. Board : The Sizewell B design, Nuclear Energy, Vol. 26, n◦ 3, pp. 133-148,

104

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 1.76 – Un générateur de vapeur de Sizewell B (adapté de George et Board, op. cit.).

1. Historique de la filière à eau pressurisée

105

Fig. 1.77 – Une pompe primaire de Sizewell B. de haute pression dans le confinement ou de basse pression sur la ligne de vapeur au secondaire. Lors du premier cycle, des absorbants de type grappes pyrex ont été utilisés pour compenser l’excès de réactivité du cœur neuf. Lors de la deuxième charge, on a

106

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 1.78 – Le bâtiment réacteur de Sizewell B (adapté de George et Board, op. cit.).

utilisé des absorbants consommables annulaires (Wet Annular Burnable Absorbers ou WABA), qui contiennent de l’eau et donc augmentent le rapport de modération, et sont plus vite consommés (effet d’autoprotection spatiale), ce qui laisse une antiréactivité résiduelle plus faible en fin de cycle 47 .

47 S.M. Connoly, et al. : Sizewell B fuel management strategy looking to the future, Nuclear Energy, Vol. 36 n◦ 5, p. 345-349 (1997).

107

1. Historique de la filière à eau pressurisée

1.12

La filière VVER soviétique

[Petrossiants, 1977] p. 182, [Vasilieva, 1999]

1.12.1

Généralités

Le premier modèle de REP russe a été développé à partir de 1952 dans le cadre de la propulsion navale du sous-marin K-3 déjà évoqué. La direction scientifique du projet est à l’Institut Kourchatov (Igor Kourchatov 48 , Iouli Khariton 49 , Anatoli Alexandrov, puis Skvortzov et Lounine). Les projets techniques sont issus du bureau d’études Hydropress de Podolsk. Les projets de centrales industrielles vont alors être développés à l’Institut ITEP (Teplo-Elektro-Projekt) – l’Institut des projets d’installations pour l’électricité et le chauffage, et par ses filiales à Leningrad et Gorki [Vasilieva, 1999] p. 246. Ce type de réacteur, qui nécessite la fabrication de très grosses et très coûteuses cuves, est directement concurrencé par la filière RBMK à tubes de force et modérée par du graphite (type Tchernobyl), qui sera favorisée à partir de 1963, après la mort de Kourchatov en 1960. Celui-ci n’aura donc travaillé que sur les VVERs. La filière VVER (pour Vodo Vodianoï Energuetitcheski Reaktor, littéralement réacteur de production d’énergie refroidi et modéré à l’eau) a été développée en Union soviétique selon plusieurs paliers. Le plus ancien est le VVER modèle V210 de 197 MWe net (210 MWe brut), appelé « 50 e anniversaire de l’URSS », situé à Novovoronezh (parfois écrit Novo-Voronèje ou Novo-Voronej en français), au centre 48 Igor Vassilievich Kourchatov (1903-1960) est le père de la bombe atomique soviétique. Après des études de physique à l’université de Crimée et la construction navale à l’université de Petrograd, il entre en 1925 à l’Institut physico-technique où il travaille sur la radioactivité sous la direction d’Abraham Ioffé. Il met au point pendant la guerre un système de démagnétisation des coques de navires qui s’avère efficace, puis travaille sur la bombe atomique soviétique suite aux fuites scientifiques venues des États-Unis (Klaus Fuchs, les époux Rosenberg. . . ). La bombe est mise au point au Laboratoire n◦ 2 qui deviendra plus tard l’Institut Kourchatov. Cette bombe au plutonium explosera le 29 août 1949. Il arbore une grande barbe suite au vœu de ne pas se couper la barbe tant que la bombe de marcherait pas. Il travaille à la fin de sa vie aux applications civiles de l’atome sur la filière VVER.

Igor Kourchatov. Iouli Borissovich Khariton (1904-1996) physicien russe, concepteur en chef du programme de bombe atomique soviétique. 49

Iouli Khariton.

108

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Photo 1.44 – Machine de chargement de Novovoronezh 1 (collection Marguet).

de la Russie, qui servira de prototype (début de la construction en 1957, couplé au réseau en septembre 1964). Ce réacteur est présenté pour la première fois lors de la seconde conférence internationale des Nations unies pour l’usage pacifique de l’énergie atomique, puis plus en détail lors de la 3e conférence 50 . Le cœur fait 3 m de diamètre pour 2,5 m de hauteur. Il contient 348 assemblages hexagonaux de 144 mm de côté et espacés de 147 mm. 311 de ces assemblages contiennent des éléments combustibles, 31 servent au contrôle de la réactivité et 6 de barres de sécurité [Petrossiants, 1977] p. 182. Chaque assemblage combustible contient 90 crayons cylindriques de 10,2 mm de diamètre, arrangés dans un motif hexagonal de 14,3 mm de pas de réseau. Le réacteur dispose d’éléments absorbants (31) prolongés par du combustible pour le contrôle lent de la réactivité, et de barres d’urgence (6) pour les arrêts rapides. Le cœur contient 40 tonnes d’uranium enrichi entre 1,5 % et 3 %. L’irradiation de décharge est de 17 000 MWj/t et le cœur est renouvelé par 1/3 de cœur. L’ensemble du cœur est contenu dans une cuve de 3,8 m de diamètre et de 11,2 m de hauteur, avec un fond sphérique et un couvercle. Le réacteur est refroidi par 6 branches comportant chacune un générateur de vapeur horizontal. Le débit primaire est de 27 300 m3 /h. Le primaire est à une pression de 100 atmosphères, et les GVs produisent une vapeur à 270 ◦ C, à une pression de 32 atmosphères. La vapeur fait tourner 3 turbines de 70 MWe nominal chacune. Le retour d’expérience de Novovoronezh 1 a montré l’importance de la pollution de l’eau du primaire par le cobalt 60. En effet, les techniciens ont trouvé que l’eau du primaire se chargeait en cobalt avec des risques sérieux de dépôts dans tout le 50 G.L. Dunin, V.A. Sidorenko, et al. : Start-up and adjustment of reactor WWPR of NovoVoronezh atomic Power Station, Third United Nations International Conference on Peaceful Uses of Atomic Power, 10 pages, May 1964.

1. Historique de la filière à eau pressurisée

109

primaire. Malgré un changement total de l’eau primaire, le problème est réapparu à la consternation des Soviétiques. La cause en était les coquilles des pompes primaires faites en stellite (dopé à environ 50 % en cobalt), qui en s’usant relâchait du cobalt naturel dans le cœur, où il s’activait. Il a fallu remplacer toutes les coquilles des pompes primaires par un alliage sans cobalt fabriqué en RDA [Petrossiants, 1977] p. 188. En décembre 1969, une baisse significative de pression dans le réacteur a justifié d’un arrêt de la tranche. L’inspection du cœur ouvert a montré que les fixations de l’écran thermique avaient rompu et que celui-ci était descendu en appuyant sur le fond elliptique de la cuve. Les Soviétiques ont décidé d’éliminer l’écran thermique, malgré un accroissement de la fluence de la cuve. La destruction des fixations a incriminé des phénomènes vibratoires et hydrodynamiques assez semblables à ce que les Français ont rencontré dans Chooz A. Pour la réparation des parties internes de la cuve, les Soviétiques ont mis au point un conteneur de protection qu’on immergeait dans la cavité interne du réacteur [Petrossiants, 1977] p. 193. Ce premier prototype de basse puissance est suivi par un second, toujours à Novovoronezh, de 365 MWe, permettant de baisser le coût du kWh (– 40 %), et qui va servir de référence au modèle V230 à partir d’un troisième réacteur, toujours au même endroit (Photo 1.45, Photo 1.46, Photo 1.47). Au final, quatre autres VVER après Novovoronezh 1 ont été ensuite construits sur le site. La filière prend le nom général de VVER-440 (pour 440 MWe) avec des modèles V230 jusqu’à la fin des années soixante-dix, pour une puissance thermique de 1 370 MWth et 6 boucles de refroidissement sous 125 bars. Les générateurs de vapeur produisent 3 000 tonnes/heure de vapeur sous 47 bars. Le cœur possède un diamètre de 2,88 m et de 2,50 m de hauteur, composé de 349 assemblages hexagonaux, dont 276 actifs, les autres étant mobiles et utilisés comme grappes de commande. Chaque assemblage comporte 126 crayons combustibles de 9,1 mm de diamètre. L’oxyde d’uranium enrichi à 3,3 % (longueur naturelle du cycle 270 JEPP) est introduit dans une gaine de 0,6 mm d’épaisseur en Zircaloy. Les assemblages sont protégés par un tube hexagonal ayant une paroi de 2 mm d’épaisseur. Un modèle plus récent nommé VVER-440/V213 fait son apparition au début des années soixante-dix. On notera que le V213 est plus récent que le V230. La filière VVER comporte une enceinte en béton modulaire, moins résistante que le béton armé. La sûreté est assurée par deux files d’injection de sécurité mais non redondantes dans la mesure où une file seule n’est pas dimensionnée pour une rupture doublement débattue d’une branche primaire. Le VVER-440/230 présente un grand volume d’eau par rapport à sa puissance thermique, ce qui est relativement pardonnant en cas d’APRP. Mais en cas de défaillance, seul le compartimentage permet de réduire les rejets radioactifs à l’atmosphère. Les VVER-440 ont la particularité d’être construits par module de deux unités placées à l’intérieur d’un bâtiment réacteur unique, toujours par efficacité économique au détriment de la sûreté. Les VVERs comportent six boucles, avec des vannes isolantes sur chaque boucle. Les assemblages combustibles sont hexagonaux avec un pas de crayons (×126) triangulaire et des barres de contrôle à type pignon. L’instrumentation est considérée comme notoirement insuffisante selon les standards européens. Une différence évidente avec les REPs occidentaux consiste en des générateurs de vapeur horizontaux, fort différents du type Westinghouse à tubes en U inversé. Ces réacteurs ont été conçus pour fonctionner à pleine puissance et devaient

110

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Photo 1.45 – Capot de protection du puits de cuve et du système de gestion des barres de contrôle (équivalent RGL) du VVER-440/230 de la centrale de Novovororezh (collection Marguet). Le capot en acier isole le puits de cuve du plancher de travail et offre une protection minimale en cas d’effet missile d’une éjection de barre, « équivalent » d’une dalle anti-missile. Le capot cache du regard le couvercle de cuve et le système RGL.

Photo 1.46 – Plancher de travail de la salle du réacteur VVER-440/230 de la centrale de Novovororezh (à gauche) et salle des machines de la même tranche (collection Marguet). On constate que le bâtiment réacteur (photo de gauche) est un bâtiment conventionnel parallélépipédique qui offre une protection faible aux agressions externes et internes. être construits de manière rapide et économique pour un pays qui avait grandement besoin d’énergie, d’où des standards de sûreté faibles. Un palier modernisé, le VVER-440/213, propose des améliorations de sûreté en passant à 3 trains d’IS redondants dimensionnés sur la brèche doublement débattue. Une tour de condensation de la vapeur a été ajoutée juste à côté du bâtiment réacteur (volume libre, Figure 1.80 au milieu) pour améliorer le volume accessible à la vapeur

1. Historique de la filière à eau pressurisée

111

Photo 1.47 – Construction de la cavité réacteur de Novovororezh 3 (circa 1970) (collection Marguet). On voit le haut de la cuve du réacteur (à 6 boucles) en arrière-plan. La taille des ouvriers sur la passerelle permet de se faire une idée de la taille de la cuve. Les branches froides et chaudes ne sont pas dans le même plan axial contrairement aux réacteurs REPs occidentaux. La cuve du réacteur a été introduite avant la finition du béton du puits de cuve et est stockée dans le grand hangar que constitue le bâtiment réacteur.

Fig. 1.79 – Évolution des VVERs dans le monde (d’après une plaquette commerciale de Rosatom).

112

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 1.80 – Évolution des bâtiments réacteurs. De gauche à droite, le VVER-440/230, le VVER-440/213 et le VVER-1000. On constate que seul le VVER-1000 comporte un bâtiment réacteur en béton proposant un véritable confinement.

Fig. 1.81 – Vue stéréoscopique du circuit primaire d’un VVER.

et la condensation de celle-ci en cas d’APRP. Une peau en acier inoxydable (liner) a été apposée dans le BR pour limiter le relâchement des PFs à travers les fissures du béton. Ce palier a été déployé à Dukovany en République tchèque, Paks en Hongrie, Bohunice en Slovaquie, Kola en Russie et Rovno en Ukraine. Les pompes primaires ont aussi évolué au fil des modèles. Les pompes de V230 avaient une très faible inertie et donc des ralentissements très brusques en cas de perte de courant. Pour parer à ce problème, certains V230 plus récents ont des générateurs spéciaux placés sur l’axe de la turbine et bénéficiant de ce fait de l’inertie plus importante du rotor turbine. Ces générateurs spéciaux peuvent alimenter les pompes primaires pendant 100 secondes environ. Pour les modèles plus récents de VVER, les pompes primaires disposent d’un volant d’inertie propre sur l’axe des pompes, selon le même principe que les pompes « occidentales ».

1. Historique de la filière à eau pressurisée

113

Fig. 1.82 – Générateur de vapeur horizontal d’un VVER : 1. Corps du GV. 2. Collecteur de la branche froide primaire. 3. Collecteur de la branche chaude primaire. 4. Trou d’homme. 5. Tubes échangeurs de chaleur. 6. Grille d’espacement verticale. 7. Grille d’espacement horizontale. 8. Conduite d’alimentation en eau. 9. Séparateur de vapeur. 10. Feuille perforée. 11. Collecteur de vapeur. 12. Couvercle du circuit primaire. 13. Couvercle du circuit secondaire. 14. Joint entre les parties primaire et secondaire. 15. Position de l’instrumentation de monitoring de l’étanchéité du circuit secondaire. 16. Évent d’air du circuit secondaire. 17. Position de l’instrumentation de monitoring de l’étanchéité du circuit primaire. 18. Évent du circuit primaire. 19. Vidange périodique du corps de tête. 20. Vidange périodique du générateur de vapeur. 21. Vidange permanente du générateur de vapeur. 22. Buse d’alimentation. 23. Prise de vérification de niveau d’eau dans le GV.

Fig. 1.83 – Évolution des pompes primaires de la filière VVER.

114

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 1.84 – Bâtiment réacteur et salle des machines d’un VVER-440/230.

Fig. 1.85 – Circuit primaire d’un VVER-440. Une seule branche froide et une seule branche chaude sont représentées.

1.12.2

Le VVER-440

La première génération de réacteurs normalisés est le VVER-440/230 (Figure 1.84, Figure 1.85, Figure 1.86, Figure 1.87, Figure 1.88, Figure 1.89, Figure 1.90, Figure 1.91), simple et économique à construire, mais de faible puissance. Le bâtiment réacteur est un simple toit n’assurant que très faiblement la fonction de confinement.

1. Historique de la filière à eau pressurisée

115

Fig. 1.86 – Cuve d’un VVER-400. Comme en France, des optimisations d’emplacement et de construction ont conduit à la création de centrales jumelles qui partagent la même salle des machines (Figure 1.89). Le site de Paks en Hongrie comporte 4 VVER-400/230 dont les réacteurs ont été construits par SKODA (1982, 1984, 1986 et 1987). Le cœur (2, 5 m × 2, 88 m) contient 42 tonnes d’oxyde d’uranium, contenu dans une cuve de 19 cm d’épaisseur. Le circuit primaire comporte 6 boucles. Le circuit primaire évacue 1 375 MWth à une température de sortie cœur de 297 ◦ C sous 124 bars. Le circuit secondaire produit

Puissance électrique (MWe) Puissance thermique (MWth) Rendement brut (%) Pression vapeur amont turbine (atm) Nombre de boucles Débit primaire (m3 /h) Température d’entrée cœur (◦ C) Température de sortie cœur (◦ C) Cœur Diamètre équivalent (m) Hauteur (m) Nombre d’assemblages Diamètre du crayon combustible (mm) Nombre de crayons par assemblage Puissance spécifique moyenne (kW/l) Puissance linéique moyenne (W/cm) Mécanismes de commande

5×73 1 320 27,6 29 8 49 500 2650 275 2,88 2,50 349 9,1 126 80 125 73

343 10,2 90 46 97 37

VVER-365

3×70 760 27,6 29 6 36 500 250 269 2,88 2,50

VVER-210

349 9,1 126 83 131 37

2×220 1 375 32 44 6 39 000 289 300 2,88 2,50

VVER-440

Tab. 1.1 – Principales caractéristiques des cœurs de VVER (adapté de [Petrossiants, 1977] p. 202).

151 9,1 330 111 176 109

324 3,12 3,50

VVER-1000 (première génération) 2×500 3 000 33 60 4 76 000

116 La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Puissance thermique (MWth) Débite de vapeur (tonnes/h) Pression vapeur sortie (atm) Température (◦ C) Eau alimentaire Entrée boîte à eau primaire Sortie boire à eau primaire Échauffement (◦ C) Vitesse de l’eau primaire (m/s) Diamètre × épaisseur des tubes (mm) Nombre de tubes Masse du GV (vide) (tonnes)

VVER-365 154 325 29 195 280 252

25,5 3,36 16 × 1,4 3 664 112

VVER-210 109 230 29 189 273 252

24,7 2,94 21 × 1,5 2 074 104,2

22,9 2,70 16 × 1,4 5 540 145

VVER-440 195 452 44 226 301 268

24,7 4,89 12 × 1,2 15 648 265

VVER-1000 645 1 469 60 220 322 289

Tab. 1.2 – Principales caractéristiques des générateurs de vapeur de VVER (adapté de [Petrossiants, 1977] p. 211).

1. Historique de la filière à eau pressurisée 117

118

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 1.87 – Coupe de VVER-440 à mi-cœur (à gauche) et au niveau des branches chaudes (à droite). Les réacteurs VVER-440 présentent une fluence cuve sur la cuve plus importante que celle des autres types de REPs, car le diamètre des cuves est plus faible pour des problèmes de transportabilité sur rail, d’où une faible épaisseur d’eau entre le cœur actif et la cuve comme le montre la figure. De plus, le métal de cuve utilisé comporte une forte concentration en impuretés de cuivre et de phosphore, qui rend l’acier de cuve sensible à la fragilisation sous rayonnement. Le sujet est très sensible pour le palier 440/230 qui a en plus de hautes teneurs en impuretés dans les soudures. C’est pourquoi, l’ensemble des cuves de réacteurs 440/230 a subi un traitement de recuit thermique pour améliorer les propriétés mécaniques de l’acier de cuve.

de la vapeur à 267 ◦ C sous 44,6 bars. Deux turbines produisent chacune 230 MWe pour un total de 460 MWe. À la suite d’une modernisation du circuit secondaire, les dernières tranches ont vu leur puissance thermique augmenter à 1 485 MWth produisant 508 MWe à partir de 2007 (Figure 1.92).

1. Historique de la filière à eau pressurisée

119

Fig. 1.88 – Bâtiment d’un VVER-440/213. On constate la présence d’une tour de condensation, destinée à collecter d’éventuelles décharges de vapeur. Un liner de confinement comprend la cuve du réacteur et la tour de condensation. La piscine BK est située dans le même bâtiment que le réacteur à l’image de certains BWR.

La tenue des bâtiments VVER aux secousses sismiques est intrinsèquement inférieure à celle des réacteurs occidentaux de même génération. C’est pourquoi l’AIEA a favorisé des mesures d’amélioration sur certains réacteurs des pays d’Europe de l’Est. L’exemple en est la consolidation de structures des bâtiments principaux de la centrale VVER-400 de Bohunice en Slovaquie (Photo 1.48). Bohunice comporte deux réacteurs VVER-440/213 et deux réacteurs VVR-440/230.

1.12.3

Le VVER-1000

[Petrossiants, 1977] p. 203 Un palier encore plus puissant, le VVER-1000 MWe, se rapproche des standards de l’Europe de l’Ouest avec un véritable BR (Figure 1.93, Figure 1.94). Des évolutions constantes ont été réalisées sur les VVER-1000/320 (3e génération), VVER-1000/392, puis VVER-1000/410. On présente par la suite les composants principaux de la tranche (Figure 1.95, Figure 1.96, Figure 1.97, Figure 1.98, Figure 1.99, Figure 1.100).

Fig. 1.89 – Implantation de deux tranches jumelles VVER-440 (adapté de [Margoulova, 1977] p. 428 ter)

120 La technologie des réacteurs à eau pressurisée

1. Historique de la filière à eau pressurisée

121

Fig. 1.90 – Élévation du bâtiment réacteur d’un VVER-440. Le béton du puits de cuve est protégé par un blindage neutronique constitué d’un réservoir annulaire d’eau entourant la cuve (8). Cette technique a été utilisée aussi en France sur Chooz A. (Adapté de [Margoulova, 1977] p. 435).

1.12.4

Le VVER-1200

La maturation du concept VVER arrive avec le VVER-1200 (Figure 1.101, Figure 1.102), construit à Leningrad et Kaliningrad. On y a gardé le principe des générateurs de vapeur horizontaux. Une variante utilise la turbine ARABELLE d’Alstom. Des évolutions plus récentes (Figure 1.40, Figure 1.41), destinées à l’export, ont introduit des systèmes passifs, telle la « cloche » de refroidissement par convection naturelle, qu’on trouve aussi dans le concept américain AP1000. Cette cloche, posée sur le dôme du BR, permet de refroidir les GVs en cas d’indisponibilité des pompes.

122

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 1.91 – Le VVER-400/213 (488 MWe) de Loviisaen Finlande construit à partir de mai 1971. On voit les condenseurs à glace chargés de condenser la vapeur en cas d’APRP, et 2 des 6 GVs horizontaux. Le site comporte 2 réacteurs identiques.

Fig. 1.92 – VVER-440/213 de Paks (Hongrie).

1. Historique de la filière à eau pressurisée

123

Photo 1.48 – Renforcement parasismique du bâtiment principal de la centrale de Bohunice (Slovaquie). Un système d’entrelacement de poutres métalliques apposées sur le bâtiment renforce la structure. Les fenêtres visibles sont celles de la salle de commande principale.

Fig. 1.93 – Élévation du bâtiment réacteur d’un VVER-1000 (adapté de [Margoulova, 1977] p. 426).

124

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 1.94 – Coupe horizontale de deux tranches jumelles VVER-1000 partageant la même salle des machines (adapté de [Margoulova, 1977] p. 427).

Fig. 1.95 – Détail de la cuve d’un VVER-1000. Une des particularités essentielles des cuves de VVER réside dans le fait que les boucles froides et chaudes ne sont pas dans le même plan axial, ce qui optimise l’implantation radiale, mais augmente la hauteur de la cuve. Le couvercle de cuve semi-sphérique est en acier faiblement allié au chrome-molybdènevanadium. Un joint torique creux assure l’étanchéité du couvercle. La surface interne de la cuve est recouverte d’un liner en acier austénitique (d’après la plaquette de présentation d’Atomenergoexport).

1. Historique de la filière à eau pressurisée

125

Fig. 1.96 – Vue de la cuve en écorché d’un VVER-1000. Hauteur de la cuve (sans le couvercle) 11 m, diamètre extérieur 4,5 m. Le fond de cuve est elliptique sans encastrements, ni ouvertures. Il est fabriqué à partir d’un lingot embouti. Les ajutages des branches sont situés 1 m au-dessus du cœur actif. La pression primaire est de 160 bars. Le primaire comporte 4 boucles (850 mm de diamètre).

126

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Photo 1.49 – Un assemblage hexagonal de VVER-1000 sans tube hexagonal. On voit clairement les tubes guides qui dépassent au premier plan. Dans le premier concept de VVER-1000, on avait 330 crayons dans une structure hexagonale (317 actifs, 12 tubes guides, 1 tube d’instrumentation). Le concept a évolué vers un cœur à 163 assemblages d’un pas de réseau de 23,6 cm, comportant chacun 18 tubes-guides (notre photo)

Fig. 1.97 – Assemblage combustible sans tube hexagonal d’un VVER-100. Une des spécificités des réacteurs VVER est l’utilisation de combustible à réseau triangulaire, conduisant à des assemblages hexagonaux. L’utilisation de gaines, fabriquées en zirconium allié avec du niobium, améliore la résistance à l’oxydation (adapté d’après51 ). Le niobium est aussi utilisé dans l’alliage M5 utilisé par Framatome. On y place aussi à l’intérieur un système de dépressurisation de l’enceinte via un filtre à produits de fission (l’équivalent de la procédure U5 en France). 51 B.A. Kanashov, V.S. Poelenol, A.V. Smirnov, V.A. Zhitelev : Data base and post-irradiation examination results of spent WWER-1000 fuel elements and assemblies ; Fuel management and handling, Proceedings of the international conference organized by the British Nuclear Energy Society and held in Edinburgh on 20-22 March 1995. ISBN 0-7277-2033-3, 1995, pp. 309-334.

1. Historique de la filière à eau pressurisée

127

Fig. 1.98 – Un crayon combustible de VVER-1000. Le gainage est en alliage de zirconium-niobium (1 %)

Fig. 1.99 – Coupe transverse du BR d’un VVER-1000. On visualise l’emplacement des 4 GVs horizontaux, ainsi que les 4 pompes primaires.

128

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 1.100 – Coupe radial et longitudinale d’un générateur de vapeur de VVER1000.

Fig. 1.101 – Circuit primaire du VVER-1200 (d’après une plaquette de Rosatom).

1. Historique de la filière à eau pressurisée

129

Fig. 1.102 – Générateur de vapeur du VVER-1200 (d’après une plaquette de Rosatom).

Fig. 1.103 – Prise en compte des accidents graves dans les nouveaux VVER.

130

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 1.104 – Tenue aux agressions externes des nouveaux VVERs.

1.13

Le parc français de REPs

[Hecht, 2009], [Hutin, 2016], [Leclercq, 1988], [Reuss, 2007], [Reuss, 2013] À l’issue de la phase d’expérimentation (réacteur à eau lourde de Brennilis EL4, Chooz A) et après l’arrêt de la filière UNGG, EDF impose la filière REP après un débat houleux avec le CEA [Marguet, 2010], en optant pour une standardisation massive, source d’économie d’échelle. En effet, dans le cadre de ce qu’on a appelé « la guerre des filières » [Picard et al., 1985] p. 194, la situation entre le CEA et l’EDF va se tendre considérablement en 1967. Le CEA a développé une filière « nationale » basée sur le concept des réacteurs Uranium Naturel Graphite Gaz depuis le début des années cinquante en parallèle d’un programme militaire nourri par le plutonium des piles G1, G2 et G3 de Marcoule. La raison première est l’impossibilité pour la France d’accéder à la technologie de l’uranium enrichi uniquement détenue par les États-Unis (et accessoirement par l’URSS). Cette idée de filière française à l’uranium naturel, indépendante de l’étranger, n’est d’ailleurs pas pour déplaire au général de Gaulle, au pouvoir après 1958. Pourtant, EDF réalise vite que la filière UNGG, avec ses « cathédrales » de graphite et son rendement modeste, sa puissance spécifique très faible (6 fois moins qu’un REP !), et son absence évidente d’effet de série (tous les UNGG français sont notablement différents en matière de combustible et de construction), conduit à un coût du kWh peu compétitif. Ce constat est sans appel pour EDF grâce à plusieurs études internes de comparaison avec la filière PWR américaine. La solution UNGG a pourtant de nombreux fervents. En premier lieu, bien sûr, le CEA qui couve son « enfant », et tout particulièrement Jules Horowitz, le brillant directeur des Piles. Celui-ci a dû déjà « avaler une couleuvre », comme on dit, en 1954 de la part de son propre directeur : Pierre Guillaumat. En effet, ce dernier a passé un accord avec Roger Gaspard, directeur de l’EDF, pour que l’aspect industriel du développement des réacteurs UNGG de puissance soit du ressort de l’EDF à partir de Chinon A1 [Picard et al., 1985] p. 188. Guillaumat pense que le rôle du CEA doit se cantonner au soutien sur les aspects recherches, mais pas celui d’un industriel maître d’œuvre, voire d’ouvrage. Horowitz ambitionnait de son côté, en ligne droite des raisonnements

1. Historique de la filière à eau pressurisée

131

Photo 1.50 – Le rapport complet (26 pages + annexes) de Jean Cabanius (EDF) à la commission PEON.

de Frédéric Joliot-Curie, premier directeur du CEA, que l’affaire nucléaire soit du seul ressort du CEA. Le succès du développement de l’arme atomique, entièrement du ressort du CEA, et pas vraiment de l’armée, parle pour lui. Il trouve de plus un certain écho auprès du général de Gaulle, et de certains membres du Gouvernement comme Maurice Shumann, Secrétaire d’État à la Recherche et aux Questions atomiques. Le problème va clairement se débattre dans le cadre de la commission pour la Production d’électricité d’origine nucléaire (PEON), créée par Gaston Palewski en 1955. Jusqu’en 1967, le CEA et l’EDF, qui en sont évidemment les principaux rapporteurs, produisent un rapport commun d’analyse de la situation. Mais en 1967, Jules Horowitz et Jean Cabanius, directeur de l’Équipement d’EDF, n’arrivent plus à se mettre d’accord, car EDF pousse pour qu’on envisage l’achat d’une licence américaine, devant l’évident intérêt économique (les États-Unis ont enfin ouvert le marché de l’uranium enrichi et « cassent les prix »). L’argument principal d’Horowitz réside dans la dépendance vis-à-vis d’un fournisseur américain (en fait, l’argument tombera dans un futur proche avec la possibilité d’enrichir l’uranium à Marcoule), ce qui n’effraie pas EDF, qui avance l’existence d’un tissu industriel, mené par Framatome, capable de gérer le problème. Un enjeu important est la construction à Fessenheim de 2 nouveaux réacteurs UNGG pour le début des années 1970. Ambroise Roux, directeur de la CGE et membre de la commission PEON, est, lui, un fervent admirateur de la filière REP et manœuvre pour convaincre les autres industriels français. Si Horowitz et Cabanius sont d’accord sur le coût du kWh actuel, ils ne peuvent s’entendre sur un rapport commun pour les perspectives, et chacun produit sa version de l’affaire [Hecht et Allen, 2001] p. 275. Cabanius conclut son rapport du 25 janvier 1967 en ces termes : « Les centrales à uranium enrichi-eau légère présentent les avantages suivants : investissements directs plus faibles, coût du kWh plus faible 52 , support technologique très puissant dû à l’ampleur des réalisations étrangères en cours. En se limitant aux seules 52

D’environ 20 %.

132

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 1.105 – Le concept REP, nomenclature des principaux composants : on a représenté une seule boucle, celle qui contient l’unique pressuriseur. A. Alternateur. B. Tiges de liaison des barres de commande. BP : Corps basse pression de la turbine. C. Cœur du réacteur. CD. Condenseur. EC. Enceinte de confinement. GV. Générateurs de vapeur. HP. Corps haute pression de la turbine. PA. Pompes alimentaires des GVs. PE. Pompe d’extraction du condenseur. PP. Pompes primaires. PR. Pressuriseur. R. Réchauffeurs. RC. Refroidissement du condenseur (source froide). SC. Sécheurs du GV. SP. Séparateurs eauvapeur. SS. Sécheurs surchauffeurs.

raisons techniques et économiques qui motivent le présent rapport 53 , la construction d’unités de type eau légère est donc souhaitable. Elle donnera à l’industrie française l’avantage de participer à une technique qui se développe largement dans le monde, en l’assimilant sans tarder pour s’adapter aux conditions nationales et ultérieurement pour l’exportation et pour les accords avec d’autres constructeurs européens, et de participer à la grande confrontation industrielle de la prochaine décennie. Elle donnera à notre économie nationale l’assurance d’un kWh compétitif a priori moins cher, même si les espoirs dans la filière UNGG sont vérifiés par l’expérience. . . En résumé, le Rapporteur estime que, tout en poursuivant la mise au point de la filière UNGG par l’engagement de la centrale de Fessenheim fin 1967, il est souhaitable de demander, dès que possible, aux constructeurs français des propositions en vue de la réalisation d’une centrale à l’uranium enrichi-eau légère, en veillant à l’importance et à la contrainte des licences étrangères. » On voit que si un Fessenheim UNGG est toujours envisagé, même dans le rapport de la commission PEON d’avril 1968, celle-ci acte « qu’il ne paraît pas opportun d’engager de nouvelles centrales de ce type (UNGG) avant la fin de 1970 ». EDF obtient de l’État la possibilité de participer en collaboration avec les Belges à la centrale REP de Tihange, dont le concept est représenté Figure 1.105. La bascule vers les REPs va s’effectuer franchement en 1969. À la réponse de la question de la revue économique Les Informations d’avril 1973 (Photo 1.51) sur le choix 53

On sent bien que Cabanius ne veut pas venir sur le terrain du patriotisme exacerbé.

1. Historique de la filière à eau pressurisée

133

Photo 1.51 – Les informations n◦ 1459 du 30 avril 1973 présentent un long interview de Paul Delouvrier sur la stratégie d’EDF. On se trouve juste avant le premier choc pétrolier où entre octobre 1973 et mars 1974, le prix du baril de pétrole va quadrupler, confirmant la stratégie d’EDF, et accélérant le rythme d’engagement des REPs.

d’une seconde filière de diversification par rapport aux UNGGs, Paul Delouvrier 54 , le président d’EDF à cette époque, résume bien la situation : « Dans sa politique nucléaire, la France a d’abord fait un premier choix. Il y a plus de dix ans, elle a décidé de développer la filière à l’uranium naturel, mise au point par le CEA. À l’époque, c’était judicieux puisque l’on pouvait espérer produire, grâce à cette filière, du kWh à un prix équivalent au prix du fuel de l’époque. Mais, pendant que nous construisions cinq centrales à l’uranium naturel, le prix du fuel a baissé de près de la moitié, et le kWh sortant de l’uranium naturel se trouvait nettement plus cher que le kWh en provenance du fuel à prix abaissé. À ce moment-là, il y a eu – ce qu’on peut regretter après coup – un temps d’hésitation pour savoir si on poursuivait avec l’uranium naturel, considéré comme l’expression de l’indépendance énergétique de la France, ou si, au contraire, il fallait se lancer vers l’uranium enrichi, celui-ci nous 54 Paul Delouvrier (1914-1985) est un haut fonctionnaire français. Après des études de sciences politiques, il passe le concours de l’Inspection générale des finances dont il sortira major. Il occupe divers postes importants sous la IVe et la Ve République. Il est nommé président d’EDF entre 1969 et 1979, où il promotionnera comme jamais la filière REP.

Paul Delouvrier à son bureau de président d’EDF.

134

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

remettant, au point de vue des approvisionnements, sous la dépendance de l’Amérique et, éventuellement, de la Russie, puisque ce sont les deux seuls producteurs actuellement. Quand je suis devenu président d’EDF, j’ai pu dire au général de Gaulle que ma conviction était faite – informé que j’étais par mon prédécesseur Pierre Massé – et que le choix de la filière à l’uranium enrichi me paraissait impérativement nécessaire. Le « siège » du général de Gaulle avait déjà été largement fait. Il m’a répondu qu’il faudrait alors faire une usine de séparation isotopique européenne. Ce fut sa manière de me dire oui. Cette décision, c’est le président Pompidou qui a dû la prendre, après le départ du Général. Depuis 1969, nous avons donc lancé la filière à uranium enrichi. Les commandes des quatre premiers groupes ont été passées dans la technique à eau pressurisée (groupe Schneider sous licence Westinghouse) ». C’est donc la pugnacité d’EDF à vouloir faire rapidement baisser le prix du kWh nucléaire et l’arrivée du président Georges Pompidou en 1969 qui vont sceller l’avenir de la filière UNGG et lancer l’investissement colossal de la France dans la filière REP. Dès le 1er décembre 1958 est créée la société Framatome, issue du rapprochement entre la filiale Creusot-Loire du groupe Schneider et l’entreprise américaine spécialisée dans le nucléaire Westinghouse Electrics [Framatome, 1995] p. 23. Georges Dietsch 55 en est le premier directeur. Westinghouse possède une licence sur les réacteurs nucléaires à eau pressurisée, et espère par ce biais l’exploiter en France. Framatome acquiert la licence REP fin 1958 et obtient le contrat de la centrale de Chooz passé par un consortium de producteurs franco-belge. En 1961 commence la conception du réacteur franco-belge de Chooz A, un 4 boucles qui sera construit sous licence américaine à la frontière avec la Belgique (voir plus loin). Ce réacteur (270 MWe, puissance portée plus tard à 305 MWe) constitue déjà une extrapolation des performances de la centrale de Yankee Rowe (185 MWe). Les composants sont donc plus massifs. Le contexte du début des années 1970 n’est pourtant pas favorable aux réacteurs nucléaires : comme le rappelle Claude Bienvenu, ancien directeur du SEPTEN depuis sa création en 1968 jusqu’en 1972, puis directeur de la Direction des Études et Recherches d’EDF, « Lorsque nous avons été compétitifs à un centime la calorie, les pétroliers se sont mis à 0,8, puis quand ils ont vu que nous descendions encore, ils se sont mis à 0,65. . . J’ai encore une lettre officielle me demandant de prévoir 55 Georges Dietsch. Sous-directeur de l’usine de matériel électrique Schneider-Westinghouse de Lyon (ex Ateliers de Lyon et du Dauphiné Grammont créés en 1905, futur Jeumont-Schneider) en 1946. On lui doit l’intuition d’avoir parié sur la licence REP de Westinghouse. Jean-Claude Leny, dernier directeur de Framatome avant sa conversion dans le groupe AREVA, dira plus tard : « Framatome est née d’une intuition et d’un pari industriel : prendre en 1959 la licence d’un procédé qui n’existait alors qu’au stade d’un modeste prototype extrapolé des moteurs de sous-marins nucléaires américains était un acte typiquement industriel, celui qui consiste à adopter une position sans aucune certitude de succès. » Les premiers effectifs se montent à 4 ingénieurs : un pour la chaudronnerie venant de la SFAC, un pour l’ingénierie et l’installation venant de SPIE, un de la mécanique avec Jeumont et un de l’électricité venant de S.W. Leur premier travail en commun portera sur la centrale de Selni à Trino Vercellese en Italie. Framatome répondra en mai 1959 à l’appel d’offre pour Chooz A, qu’elle gagnera.

Georges Dietsch

1. Historique de la filière à eau pressurisée

135

des accords pour l’an 2000 à 0,40, voire 0,35 ! 56 ». La guerre du Kippour en 1973 change la donne en 4 jours, qui voit les pays producteurs de pétrole du Moyen-Orient faire flamber le prix du brut, et débloque en urgence la situation en faveur des REPs. Les UNGGs arrivent de toute façon dans une impasse technologique avec un rapport puissance/tonnage d’uranium trop faible et un encombrement trop important, et les REBs manquent d’une infrastructure efficace permettant leur construction en France. Côté REP, le groupe Schneider et quelques compagnies associées ont créé la société Framatome en vue de l’acquisition (1958) et de l’exploitation de la licence Westinghouse (Photo 1.52). CGE-Schneider a posé quelques jalons dans le nucléaire dès les années 1950, en participant en 1956 au groupement Indatom travaillant sur une pile de recherche à Grenoble, et à des recherches sur un pétrolier propulsé par un moteur nucléaire [Alcatel Alsthom, 1992] p. 344. Cette activité reste néanmoins modeste avec seulement une sous-filiale fabriquant des barres de contrôle. L’entrée d’Alsthom dans le groupe change la donne. L’entreprise de Belfort s’est en effet beaucoup investie dans la filière UNGG, et dispose d’une filiale compétente : la Sogerca. Cette dernière dispose de la licence General Electric et contrôle à 65 % le groupement Atomique Alsacienne Atlantique (le reste appartenant à Babcock et Wilcox). La CGE a ainsi renforcé sa position dans le nucléaire. CGE signe un accord avec General Electric en 1970 pour une durée de 15 ans, lui donnant l’accès à la licence BWR, permettant de participer à la construction du réacteur suisse de Kaiseraugst, près de Bâle. CGE propose pour Fessenheim sa licence BWR, mais EDF lui préfère la technique Westinghouse, via Framatome, filiale de Creusot-Loire. Mais CGE va bénéficier d’une restructuration industrielle importante dans le domaine stratégique des turbines à vapeur, que nous analyserons plus tard [Alcatel Alsthom, 1992] p. 349. La faillite de Creusot-Loire en décembre 1984 permet à la CGE, groupe nationalisé, de pouvoir finalement entrer au capital de Framatome (actionnaire majoritaire avec 40 %), « champion national » des chaudières nucléaires [Alcatel Alsthom, 1992] p. 407.

56 Claude Bienvenu interviewé dans Forum (le journal d’EDF/Septen) n◦ 21, décembre 1988. Claude Bienvenu (né en 1927) forme, avec Jean-Pierre Roux qui le recrute à l’Équipement, la première équipe d’ingénieurs nucléaires d’EDF. Après ses études à Polytechnique puis Sup’Aéro, il entre d’abord à la Direction des études et recherche d’EDF en 1951. Chef des services d’études (1955) et directeur-adjoint (1960) de la région d’équipement thermique nucléaire n◦ 1, directeur adjoint (1962) puis directeur (1963) de la région d’équipement nucléaire n◦ 2, chef du service des études et projets thermiques et nucléaires (1968), directeur adjoint (1972) puis directeur (1982) des Études et recherches, inspecteur général d’Électricité de France (1987-92). Chevalier de la Légion d’honneur, Commandeur de l’ordre national du Mérite. Water Arbitration Prize (1962) de la British Institution of Mechanical Engineers, prix du Crédit Lyonnais de l’Académie des sciences (1966). On lui doit le premier rapport structuré d’EDF sur la question de la production et l’extraction de chaleur dans les réacteurs nucléaires lors d’une conférence interne du 16 mars 1955, qui sera déterminante sur l’engagement d’EDF dans la filière UNGG.

Claude Bienvenu Un rarissime exemplaire du rapport du 16 mars 1955, document fondateur de l’énergie nucléaire à EDF

136

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

La fabrication du combustible est accordée via une licence spécifique à la société CERCA (Compagnie pour l’étude et la réalisation de combustibles atomiques, 1965), ancêtre de Fragema. Le résultat de cette stratégie se traduit par le réacteur de la Centrale Nucléaire des Ardennes en 1967. Le Comité interministériel de 13 novembre 1969 autorise EDF à lancer dès 1970 dans le cadre du VIe Plan, plusieurs tranches nucléaires de forte puissance utilisant de l’uranium enrichi. Puis la Commission consultative pour la Production d’électricité d’origine nucléaire (PEON) préconise début 1971 un programme d’équipement de 8 000 MWe. Étant donné l’enjeu, les pouvoirs publics français souhaitent que le CEA soit associé au programme électronucléaire, et un accord en date du 30 décembre 1975 permet au CEA d’acheter à Westinghouse les deux tiers de sa participation au capital de Framatome, soit 30 % du capital, le reste étant réparti entre Creusot-Loire (66 %) et le groupe Schneider (4 %), après que Westinghouse ait vendu le reste de ses parts. Framatome est alors une société totalement française. La licence 900 MWe, achetée par Framatome en 1972 pour 10 ans, va conduire au palier CP0 composé de Fessenheim 1 (couplé en 1977) 57 et 2, et Bugey 2 à 5, soit 6 réacteurs. Le terme « palier » recouvre un ensemble de tranches conçues sur le même modèle, dans un effort de standardisation [Hutin, 2016] p. 5. Pour faire face aux commandes massives de l’EDF, Framatome s’équipe de deux usines au Creusot (cuves de réacteur) et à Chalon-sur-Saône (Générateurs de vapeur). Le financement de cet effort industriel est considérable pour EDF, dans la mesure où c’est l’entreprise qui va entièrement financer le programme en se lançant dans une politique maîtrisée d’emprunts (Photo 1.53), sans apport de l’État. Framatome devient AREVA en 2001, puis, rachetée par EDF en 2018 à la suite de déboires financiers divers dans le cadre d’une action gouvernementale pour préserver le « nucléaire France », retrouve le nom de Framatome !

1.13.1

Chooz A / SENA (France)

[Torres et Lefebvre, 1996] Généralités L’idée d’une centrale commune entre Français et Belges survient au cours d’une visite de « séduction commerciale » organisée par les Américains de l’AEC qui font visiter en juillet 1957 la centrale de Shippingport à une délégation française emmenée par

57 Concernant Fessenheim, le Conseil interministériel de novembre 1969 avait déjà autorisé EDF à engager deux tranches, soit de la filière REP, soit REB. EDF avait donc lancé une consultation auprès de Framatome pour les REPs, et CGE pour les REBs. L’offre de CGE étant de 56 % supérieure, EDF retient la proposition de Framatome allié à Alsthom pour le groupe turbo-alternateur pour la première tranche. Mais la décision pour la deuxième tranche est remise en balance, un conseil d’administration d’EDF de septembre 1970 estimant les deux techniques équivalentes en matière de sûreté. De fait, un avant-projet à eau bouillante est étudié par le SEPTEN en 1970, et l’IPSN rédige un rapport de sûreté sur une centrale REB à 1 000 MWe. L’offre CGE va être étudiée sérieusement jusqu’en 1973, qui voit les dernières études sur le sujet. En 1975, CGE n’arrivant pas à mettre en place une organisation industrielle satisfaisante, son président, Antoine Roux abandonne la partie en affirmant « CGE préfère gagner de l’argent en faisant de l’électroménager, qu’en perdre en faisant du nucléaire ! ». À partir de 1974, on travaille sur le concept 4 boucles de Westinghouse. C’est le projet P4 qui conduira à un engagement ferme en 1976. (Adapté de l’article Du thermique classique au nucléaire, de Bernard Salles et Margaux Sauzet, Forum n◦ 21, décembre 1988.)

1. Historique de la filière à eau pressurisée

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Photo 1.52 – Une publicité Framatome de 1973 sur le combustible REP des CP0 (collection Marguet).

Photo 1.53 – Une publicité d’EDF de 1984 qui met en avant la fierté nationale de l’indépendance énergétique, et une publicité dans le magazine Le Figaro pour un emprunt EDF en 1987 (collection Marguet).

138

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 1.106 – Plan de masse de la centrale des Ardennes. Jean-Pierre Roux 58 et André Hannothiaux d’EDF, et Pierre Gosselin pour les Belges. C’est l’amiral Rickover lui-même qui reçoit les hôtes de l’EURATOM. Les pouvoirs publics belges commandent à Westinghouse le réacteur expérimental BR3 qui sera construit à Mol, et Français et Belges s’accordent en 1960 sur la commande d’une centrale de puissance qui deviendra Chooz A [Torres et Lefebvre, 1996] p. 42. La réalisation de cette centrale, située à Chooz à la frontière franco-belge, est confiée à Westinghouse, à la société belge ACEC et à Framatome, une filiale créée par le groupe Schneider en 1958, afin de disposer de la licence PWR acquise en 1958 [Alcatel Alsthom, 1992] p. 344. La centrale de la SENA (Société d’énergie nucléaire des Ardennes), d’une puissance de 905 MWth (242 MWe nette, la puissance a été portée par étapes à 1 040 MWth en 1974, soit 305 MWe nette), est située sur une boucle de la Meuse à la frontière belge à Chooz dans les Ardennes. Elle est le résultat d’un consortium franco-belge qui a permis politiquement d’accéder à l’uranium enrichi en provenance des États-Unis, dans un contexte politique où les Américains ne voulaient pas livrer de l’uranium enrichi à la France, mais acceptaient de passer par les 58 Jean-Pierre Roux (1918-2014). Après l’École supérieure d’électricité en 1940 et un doctorat, il est ensuite ingénieur dans la société Nord-Lumière, puis il entre à EDF à sa création à la Direction de l’Équipement. Il devient le directeur de la Sous-région d’Équipement nucléaire, la première unité nucléaire de l’EDF dès 1955. Il devient chef de service de la Production thermique de 1972 à 1977. Il finira sa carrière Directeur honoraire de l’EDF et présidera l’ESE. Officier de la Légion d’honneur et Commandeur de l’Ordre national du mérite.

1. Historique de la filière à eau pressurisée

139

Photo 1.54 – Entrée de la caverne réacteur (d’après59 ).

Belges. La centrale 60 a été mise en service en 1966, couplée au réseau en avril 1967, et a été arrêtée en 1991 après 130 000 heures de fonctionnement. Le réacteur, de conception Westinghouse, est le premier de ce type en France. Il a la particularité unique d’être placé dans une caverne creusée à l’intérieur même de la montagne, ce qui a permis de ne pas construire de bâtiment réacteur. La caverne principale se présente sous la forme d’un parallélépipède rectangle de 42,8 m de hauteur, de 18,5 m de largeur et de 41 m de longueur. En fonctionnement nominal, l’accès de la caverne réacteur (Photo 1.54), qui contient l’ensemble du circuit primaire et les GVs, est interdit. L’étanchéité de la caverne est assurée par une tôle mince d’acier au carbone de 3 mm d’épaisseur qui couvre la face interne de la caverne en appui sur des armatures fixées au rocher. Les structures internes sont montées de façon à n’avoir aucun appui sur les parois verticales de la caverne. Des drains collectent l’eau de ruissellement pour éviter une 59 Raymond Ruelle, Bernard Desmarets, Vincent Delcroix : L’état de la déconstruction de la première centrale REP construite en France (Chooz A), Revue Générale Nucléaire n◦ 6, novembre 1999, pp. 10-15. 60 Dont les principales caractéristiques sont rappelées dans A. Marchal : Expérience d’exploitation de la Centrale nucléaire des Ardennes, Experience from operating and fuelling nuclear power plants, proceedings of a symposium, Vienna, 8-12 October 1973, IAEA, Vienna, 1974, STI/PUB/351, pp. 243-258.

140

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Photo 1.55 – Photo 55 et Photo 56 : Caverne du réacteur (photo EDF de la plaquette publique du réacteur).

pression hydrostatique sur la tôle. Les auxiliaires nucléaires (BAN) sont placés dans une seconde caverne (L 49 m × l15 m × h42 m) distante de 26 m de la première, dans un objectif de « bunkerisation ». Cette caverne abrite aussi la piscine de désactivation et la fosse de stockage des résines activées. Un tube de transfert avec une machine de basculement, similaire à la technologie utilisée sur les REPs modernes, permet de faire transiter les combustibles irradiés. Une troisième caverne plus petite (L 25 m × l5, 5 m × h12, 5 m) renferme les équipements électriques. La turbine réside dans un bâtiment extérieur construit le long de la Meuse, de même que la salle de commande et le traitement des effluents. Le circuit primaire comporte 4 boucles et 4 GVs. Quatre pompes primaires à rotor noyé et moteur gainé (donc de très faible inertie à cause d’un volant d’inertie trop petit du fait de l’encombrement) assurent chacune un débit de 6 000 m3 /h (soit 5 240 kg/s) pour une hauteur manométrique de 55 m et une puissance consommée de 1 MW. Ces pompes sont de conception monobloc avec des joints d’étanchéité statiques pour une étanchéité totale, et à moteur chemisé qui isole le stator du rotor, la chemise étant constituée d’un métal non magnétique (nickel par exemple). Elles sont refroidies par l’air de la caverne. La cuve du réacteur (Figure 1.107), d’une hauteur totale de 11,2 m et de 3,2 m de diamètre intérieur, est fabriquée en acier allié SFAC 1,2 MO7 revêtu d’un beurrage d’acier inox 304. L’épaisseur de la cuve dans la partie cylindrique est de 175 mm et de 200 mm dans la partie la plus épaisse. Le cœur fonctionne à température moyenne imposée (Tm = 274 ◦ C), constante en fonction de la charge (contrairement

1. Historique de la filière à eau pressurisée

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Fig. 1.107 – Cuve et internes de Chooz A. au parc actuel où elle varie). Elle sera augmentée à 284 ◦ C lorsque le cœur passera à 1 040 MWth. La pression est de 139 bars en régime nominal. Quatre générateurs de vapeur à tubes en U inversés produisent 1 650 tonnes/h de vapeur saturée d’humidité 0,25 % qui sont envoyées à une turbine à un corps HP et 3 corps BP en parallèle. La hauteur des GVs (Figure 1.110) est de 13,8 m, de diamètre 2,27 m (dans la partie « riser ») et 3,17 m (dans la partie séparateur). Chaque GV comporte 1 662 tubes de 19 mm de diamètre extérieur. Notons comme particularité par rapport au palier CPY que le circuit primaire ne dispose pas d’accumulateurs et que le système d’injection basse pression est gravitaire (pression statique d’environ 20 bars), ce qui permet de se passer de pompe de gavage du primaire. Le cœur (Figure 1.108, Figure 1.109) comporte 30 barres de contrôle en argentindium-cadmium (AIC) et compense l’excès de réactivité par de l’acide borique. Les barres présentent la particularité d’avoir des extensions contenant du combustible.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 1.108 – Une vue du quart de cœur du réacteur SENA. On visualise les assemblages expérimentaux, MOX n◦ 1 déchargé en 1971, puis le 2 déchargé en 1972 et le 3 en 1973. En insérant une barre, on remplace donc dans le cœur actif du combustible par de l’absorbant. Cette tactique permet de ne pas avoir de variation du rapport de modération lors des mouvements de barre. Chaque assemblage comporte 15 × 15 crayons selon un pas carré de 1,3 cm. Les 208 crayons d’oxyde d’uranium, d’une hauteur active de 268 cm, sont gainés en acier inoxydable (diamètre externe 0,978 cm, épaisseur de gaine 0,038 cm, diamètre de la pastille 0,890 cm, 96 % de densité théorique). Les barres de contrôle se présentent sous la forme de boîtier cruciforme contenant 28 crayons absorbants en argent-indium-cadmium gainés d’acier inoxydable de diamètre extérieur 1,092 cm. Ces croix sont poursuivies par des plaques en Zircaloy de même épaisseur 1,092 cm, appelées follower, qui complètent les barres dans leurs parties inactives. Un assemblage se présente sous la forme d’un boîtier à faces ajourées qui peut laisser passer l’eau latéralement, tout en rigidifiant les crayons. Cette technologie sera abandonnée par la suite pour une géométrie totalement ouverte. Le cœur comporte 120 assemblages, 9 grilles axiales maintiennent l’ensemble des assemblages dans le cœur. La mesure du flux dans le réacteur s’effectue via une technique d’aéroballs (déjà utilisées dans le réacteur de Trino Vercellese en Italie) sous forme de billes de manganèse. On injecte un train de billes dans certains assemblages par le couvercle, le manganèse s’active, puis on éjecte ces billes du cœur (par soufflage) et on mesure l’activité des billes. Cette technique sera reprise par les Allemands dans leur réacteur Konvoy et adaptée plus tard sur l’EPR. L’enrichissement moyen du premier cœur était de 3,35 % en U235, avec un enrichissement décroissant vers le centre pour aplatir la nappe de puissance. L’enrichissement d’équilibre 61 est de 4,29 % permettant d’atteindre une longueur naturelle de campagne de l’ordre de 7 850 MWj/t, soit 257 jepp, avec une puissance spécifique de 30,48 MW/t. La masse combustible en cycle est de 34,117 tonnes. Le premier cœur donne l’occasion à la société française CERCA (Compagnie pour l’étude et la réalisation de combustibles atomiques), qui produisait depuis les années 1950 des 61

Données issues de la campagne 15 à titre d’exemple.

1. Historique de la filière à eau pressurisée

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Fig. 1.109 – Distribution de puissance radiale en début de vie (puissance nominale, xénon nul, cycle 13, 1983). Cette carte calculée permet de visualiser les croix de contrôle de l’ensemble du cœur. Des positions non occupées par des assemblages au bord du cœur peuvent servir en appoint de réactivité. combustibles pour les réacteurs expérimentaux français, et depuis 1961 des combustibles pour les réacteurs UNGG, de produire quelques assemblages de rechange. La CERCA fournit la moitié de la deuxième charge, à savoir des combustibles UOX gainés en acier inoxydable. La CERCA, future FRAGEMA, fournira les combustibles sous licence Westinghouse des réacteurs du palier CP0 grâce à son usine de Romans. Par rapport au palier 900 MWe, la centrale des Ardennes possédait quelques particularités que nous listons de façon non exhaustive : le ballon RCV était une cuve horizontale, l’échangeur non régénérateur de la ligne de décharge était en fait un échangeur du RRA et non un échangeur dédié. Le débit de charge ne pouvait être réglé par absence de vanne réglante. Le bore était injecté par des pompes doseuses et non par une vanne réglante. Dans un autre registre, la salle de commande, où les pupitres doivent être manipulés debout, présente un style dépouillé comme l’indique la Photo 1.56.

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Photo 1.56 – Salle de commande de Chooz A. L’éclairage a été réalisé pour la photo en une mise en scène « crépusculaire » dans un style Harcourt !

L’incident des internes de cuve Les internes de Chooz A, prototype des futurs paliers français, sont très différents de ces derniers. En premier lieu, les barres de commande cruciforme sont munies de prolongateurs actifs dans le but d’éviter la présence de lames d’eau lorsque les barres sont extraites du cœur actif (cela peut créer des surpuissances locales par effet de modération). Cette particularité augmente considérablement l’espace sous le cœur actif et de fait la hauteur des internes inférieurs. Par la suite, les prolongateurs ont été modifiés pour être inactifs, simplifiant la gestion du combustible. D’autre part, les techniques de fabrication anciennes ne permettaient pas de fabriquer les internes d’une seule pièce, d’où une enveloppe de cœur faite en deux parties assemblées par vis. Enfin, un rétrécissement au niveau de la bride de cuve ne permettait pas d’introduire un écran thermique monobloc. L’écran est donc constitué de trois parties assemblées dans la cuve et fixées sur celle-ci. En janvier 1968, des vibrations d’origine hydraulique 62 des structures internes ont causé la rupture de 40 vis en acier 316 (sur 80) d’assemblage de l’enveloppe de cœur, ainsi que la rupture de 5 des 32 tirants assurant la liaison entre les viroles support de cœur et la plaque coulée inférieure des pièces inférieures 63 . On constate aussi des traces d’usure de l’écran thermique au droit des appuis sur les consoles solidaires de la cuve, ce qui indique clairement un déplacement de l’écran thermique, provoqué par le fluide primaire [Hutin, 2016] p. 363. On constate aussi des fissures au voisinage des soudures de deux des trois pontets supérieurs d’assemblage des trois parties de l’écran thermique. On rappelle que l’écran thermique est simplement appuyé sur les 62

Sur les aspects théoriques des vibrations causées par les fluides, lire [Gibert, 1988]. A. Marchal : Expérience d’exploitation de la centrale nucléaire des Ardennes, IAEA/SM178/11, Experience from operating and fueling of nuclear power plants, Symposium du 8-12 octobre 1973, Vienne Autriche. 63

1. Historique de la filière à eau pressurisée

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Fig. 1.110 – Un générateur de vapeur de la centrale des Ardennes.

consoles de la cuve. L’explication finale, suite à des essais représentatifs, est que, placé dans un courant d’eau, l’écran thermique a oscillé sur ses supports, entraînant des variations de pression de part et d’autre des viroles et la rupture des vis des viroles support de cœur. Pour éviter que le problème ne se reproduise, l’écran thermique a finalement été supprimé et les vis de l’enveloppe ont été remplacées par des vis en Inconel X750. L’augmentation de la fluence de la cuve qui en résulte a été compensée en remplaçant 8 assemblages du pourtour du cœur par des postiches. La mésaventure coûtera néanmoins cher à Framatome [Framatome, 1995] p. 32. Le 20 janvier 1968, le blocage d’une barre de contrôle amène à visiter les boîtes à eau des GVs pour vérifier la présence de corps étrangers, en l’occurrence des vis qui ont martelé la plaque tubulaire de deux générateurs de vapeur côté branche chaude. Ces vis, entraînées dans le circuit primaire, ont détérioré les plaques tubulaires de deux GVs côté branche chaude de la boîte à eau. Certains débris se retrouvent dans les boîtes à eau ou bien enfichés dans les tubes eux-mêmes. La centrale a été arrêtée 26 mois, de janvier 1968 à décembre 1969, pour réparer les dégâts avant de repartir.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 1.111 – Schéma du poste d’eau de Chooz A et comparaison avec des centrales de puissance presque identique. On constate un certain nombre de particularités, en particulier le faible écart de température de l’eau du primaire (267 ◦ C- 300 ◦ C). La centrale d’Obrigheim en Allemagne d’une puissance de 300 MWe dispose, elle, d’un écart de 281 ◦ C à 309 ◦ C légèrement supérieur à celui de Chooz A. Le circuit primaire est pressurisé à 137 bars (145 bars pour Obrigheim). Les échangeurs sont sans surchauffeur, la turbine est alimentée en vapeur saturée à l’admission HP (32 bars). Il y a un surchauffeur intermédiaire à vapeur vive entre les corps HP et BP. Présence d’un séparateur de vapeur en amont du resurchauffeur. Trois réchauffeurs BP et une bâche alimentaire dégazeur (mais un seul réchauffeur BP, une bâche alimentaire dégazeur et un réchauffeur MP à Obrigheim). Les condensats des réchauffeurs BP sont évacués en cascade au condenseur. Une pompe de reprise des purges du réchauffeur BP à Obrigheim. Présence de motopompes alimentaires. Les avantages de cette configuration sont une amélioration du rendement thermodynamique et du titre en vapeur humide dans les derniers étages grâce au resurchauffeur à vapeur. Pour Chooz A, il n’y a pas de poste HP et un nombre limité de pompes de reprise des condensats. Par contre comme inconvénient, le réchauffage de l’eau d’alimentation est plus faible que dans les centrales thermiques traditionnelles (170 ◦ C pour Chooz A et 205 ◦ C pour Obrigheim. C’est sur ce point que les paliers REP modernes vont progresser en montant à 286 ◦ C.

Westinghouse avait connu des ennuis similaires sur la centrale de Yankee Rowe, où on avait trouvé pendant la phase de rechargement d’août 1965, des vis d’assemblage de l’écran thermique ruptées et des plaques de cet écran disjoints 64 . Un système de brides de serrage sur les 3 segments de l’écran thermique avait permis de traiter le problème, toujours causé par les vibrations sous écoulement de l’écran thermique. On peut, après coup, se poser légitimement la question de savoir pourquoi la découverte de ce défaut générique n’a pas profité pleinement à Chooz A, puisque le problème avait été détecté plus de deux ans avant ! 64 R.G. Hobson, R.B. Cambien : Nuclear component reliability and performance in Westinghouse PWR’s, IAEA/SM-178/24, Experience from operating and fueling of nuclear power plants, Symposium du 8-12 octobre 1973, Vienne, Autriche.

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Les réparations ont consisté à supprimer purement et simplement l’écran thermique pour éviter tout risque au niveau des vis et comme on ne pouvait pas le fixer à la cuve. Il a fallu de ce fait diminuer la fluence de la cuve (car c’est la fonction de l’écran thermique) en supprimant 8 assemblages combustibles en périphérie. Les vis initialement en acier inoxydable ont été remplacées par des vis en Inconel 750 plus résistantes à la fatigue et à la corrosion sous contrainte. Les tirants ont aussi été supprimés, ce qui a nécessité le remplacement partiel des vis de fixations des tubes guides des prolongateurs de barre. On a aussi rajouté un support supplémentaire des internes destiné à limiter la chute éventuelle du cœur en cas de nouvelle rupture des vis de viroles. Les plaques tubulaires des deux GVs impactés ont été bien sûr remises en état. Après 30 jours de fonctionnement, on a re-déchargé le cœur pour extraire des vis et pour vérifier leur bon comportement. Les vis ont été surveillées ensuite à chaque cycle pour une inspection avec un endoscope, qui a montré le bon comportement des nouvelles vis. La turbine et le poste d’eau La turbine à vapeur de 300 MW a été fabriquée par la société Rateau-Schneider. L’admission des corps haute pression de fait à 35 bars et 250 ◦ C, puis séchage et surchauffage avant l’admission du corps basse pression à 5,8 bars et 216 ◦ C. La turbine est constituée d’un corps HP double flux (2 × 7 étages) et de 3 corps BP (2 × 6 étages). Il y a 4 soutirages dont 2 sur le corps HP alimentant un réchauffeur MP et le dégazeur et 2 sur le corps BP alimentant les réchauffeurs BP (Figure 1.112). La pression au condenseur est de 40 à 50 mbar. En 1967, la turbine a présenté de nombreux défauts de jeunesse : des ruptures d’ailettes de la première roue haute pression et de la quatrième roue d’un des corps basse pression. Des réparations avec re-conception de la fixation des pieds d’ailettes ont permis de régler le problème. Le condenseur a aussi vu de nombreuses crevaisons de tubes en laiton « amirauté » dues à une érosion externe. Le passage à des tubes en titane a réglé le problème. Le sérieux incident des structures internes a donc entraîné deux ans d’immobilisation de la tranche, qui n’est repartie qu’en 1970. La visite décennale de 1980 a vu de gros travaux à hauteur de 400 Millions (francs de l’époque). Une inspection avec la Machine d’inspection en service (MIS) en 1986 a laissé croire à une dégradation plus rapide qu’attendue de l’acier de la cuve. De gros travaux d’analyse ont été alors lancés, dans le cadre d’une discussion avec les Autorités de sûreté, permettant un redémarrage au bout d’un an, mais pour une autorisation de fonctionnement limitée à 1993. Une analyse des charges d’exploitation a montré que celles-ci étaient environ deux fois plus élevées (soit 450 francs/kW/an) que le parc standardisé de l’époque. Cette constatation, liée au caractère prototype de cette tranche, a conduit à l’arrêt définitif de l’exploitation industrielle en 1991, dans la mesure où le personnel pouvait facilement être reclassé sur le nouveau réacteur N4 de Chooz B. Il n’en reste pas moins qu’une grande quantité de connaissances a pu être engrangée grâce à Chooz A, en particulier dans le domaine du pilotage et, plus récemment dans le domaine du démantèlement (Photo 1.57), dans la mesure où Chooz A est la première centrale REP à être démantelée en France.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 1.112 – Poste d’eau de la centrale de Chooz A (essai du 10 septembre 1975).

Le programme de R&D sur les vibrations des internes de cuve Le problème des vibrations sous écoulement des internes de cuve qui a affecté la centrale de Yankee Rowe, puis Chooz A et d’autres tranches Westinghouse, a poussé cette dernière compagnie, mais aussi Framatome, le CEA et EDF en France, à investiguer plus profondément les causes du phénomène pour reconcevoir des internes plus performants au début des années 1970. C’était le but du programme expérimental SAFRAN 65 , une boucle à l’échelle 1/8e localisée au CEA/DEMT à Saclay qui modélisait un réacteur à 3 boucles et mesurait les fréquences de vibrations des internes (Photo 1.58, Figure 1.113). Comme le nombre de Reynolds n’était pas conservé dans le changement d’échelle, les fréquences expérimentales mesurées étaient 8 fois celles attendues dans le réacteur réel. Les données acquises ont permis de mieux modéliser les phénomènes et de tester des parades efficaces. L’analyse a permis de mettre à jour l’importance des fluctuations de l’écoulement primaire (pulsation des pompes primaires), des effets de forces d’envol et des jets de baffle. 65 C. Berriaud, M. Livolant, R. Assedo, C. Cauquelin, M. Dubourg : The SAFRAN test loop model experimentation and analysis of flow induced vibration of PWR reactor internals, 2nd International Conference on Structural Mechanics In reactor Technology (SMIRT), Berlin, 10-14 September 1973, Volume 2, Part E-F, E5/2.

1. Historique de la filière à eau pressurisée

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Photo 1.57 – Début du démantèlement de la cuve. Le 8 mars 2017, on a soulevé le couvercle de cuve de Chooz A avec succès. La cuve est vide de tout combustible depuis des années. Une fois déposé, le couvercle a été conditionné dans un emballage spécifique pour être évacué d’une seule pièce sans découpe, pour stockage au centre de l’Andra à Soulaines (Aube). La cuve, quant à elle, sera découpée sous eau par un robot télé-opéré (photo EDF).

Le brossage de la cuve Fin août 1987, les Autorités de sûreté n’autorisent pas le redémarrage de Chooz A, car des doutes subsistent sur la tenue de la cuve après 20 ans. Ces doutes sont renforcés par l’inspection de la cuve avec la machine d’inspection en service (MIS), qui délivre à la dernière inspection des signaux parasites non interprétables. Après analyse vidéo, on constate la présence de taches (Figure 1.114) attribuées à des dépôts de magnétite, sur toute la partie interne de la cuve située à une hauteur de 1,20 m. Une analyse plus poussée a montré que ces taches étaient en fait en creux et correspondaient à des dépôts de magnétite qui s’étaient détachés, laissant une « empreinte » en profondeur de 1 à 2 mm. C’est cette différence de planéité qui provoquait des échos parasites dans les signaux ultrasons. La société Gagneraud a mis au point dans le but d’effectuer des prélèvements, une fraise de carbure de tungstène montée dans une boîte étanche ayant une face ouverte au contact de la cuve. La boîte se maintient grâce à une dépression créée par aspiration du fluide dans la boîte. La fraise est mise en rotation par une transmission flexible et les copeaux ainsi détachés sont aspirés vers un filtre. L’analyse des dépôts a montré

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Photo 1.58 – Une vue complète de la boucle d’essai SAFRAN. La taille de l’opérateur en haut de la photo donne une idée de l’échelle.

une faible activité (de l’ordre de quelques centaines de mRem/h). La difficulté a été d’effectuer un brossage mécanique sans altérer le revêtement inox de la face interne de la cuve. Le brossage complet en lui-même a été effectué par le groupe Alsthom, en adaptant un procédé utilisé pour le nettoyage des pipe-lines. Le procédé, basé là aussi sur une brosse rotative de plus grande taille (Photo 1.59), a été utilisé de façon concluante en novembre 1987 pour nettoyer la zone à traiter, en obturant les branches primaires pour éviter la dissémination des dépôts arrachés. Une nouvelle inspection avec la MIS a montré que la cuve était intacte après traitement, et le réacteur a été autorisé à redémarrer.

1.13.2

Le palier CP0

Après la centrale pilote de Chooz A, les VIe et VIIe plans quinquennaux français prévoient un engagement massif en faveur du concept REP à uranium enrichi. On vise un coût total du kWh (investissement + exploitation + coût du combustible) de 3,8 centimes de franc/kWh. En 1971, on lance la conception du réacteur Bugey 2 (3 boucles) et de Fessenheim, représentatifs du palier CP0. L’appel d’offres met en concurrence Framatome et CGE, qui porte un projet de réacteur bouillant à partir de sa licence General Electric. La petite histoire rapporte [Framatome, 1995] p. 39 que Maurice Aragou, directeur de Framatome depuis 1959, aurait exagéré publiquement devant CGE les difficultés de Framatome dans l’affaire Chooz A 66 (qui avait effectivement 66 Prétendant à qui voulait l’entendre : « J’ai fait Chooz A, j’y ai laissé ma chemise ! ». Le CGE réplique qu’elle préfère « Gagner de l’argent avec l’électroménager plutôt qu’en perdre avec le nucléaire ! ». Les deux chaudières BWR commandées par EDF en février 1974 sont finalement annulées. Le 14 mars 1974, EDF passait la plus grosse commande de chaudières nucléaires à ce jour, le Contrat Programme 1 (CP1) qui prévoit 18 tranches, faisant le pari que Framatome allié à Creusot-Loire réussirait leur conversion en grand groupe national. CGE se concentre alors sur la fabrication des turbines et la France ne construira jamais de BWR.

1. Historique de la filière à eau pressurisée

151

Fig. 1.113 – La maquette d’internes de cuve de la boucle d’essai SAFRAN.

Fig. 1.114 – Localisation des taches en face interne de la cuve de Chooz A.

152

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Photo 1.59 – Machine de brossage sur son stand de montage (à gauche) et gros plan de la brosse Alsthom (photos EDF).

coûté cher !) en omettant les succès remportés sur Tihange. Quoi qu’il en soit, CGE fait une offre prudente à 360 millions de francs, alors que Framatome remporte l’appel avec 242 millions, et reçoit la commande de Fessenheim 1 en octobre 1970. Framatome remporte aussi l’appel d’offres pour Bugey 2 et 3 en 1971, puis 4 et 5. C’est la fin d’un espoir de filière BWR en France. Le gain de puissance de Bugey par rapport à Chooz A est considérable, puisqu’on atteint une puissance de 925 MWe. Cela se traduit par une augmentation importante de la taille des composants, tel que le montre le Tableau 1.3. L’augmentation de la température du primaire obtenue dans Bugey 2 par rapport à Chooz A permet d’améliorer les caractéristiques de la vapeur et une amélioration du rendement, d’autant que la puissance relative des auxiliaires nucléaires est inférieure à celle de Chooz A. L’utilisation de barres de contrôle de type grappe (Figure 1.115) a permis la réduction de la hauteur des structures internes et de la cuve, en supprimant le dispositif de guidage des prolongateurs « actifs » des barres de contrôle cruciformes de Chooz A. Le développement des techniques de soudage a permis le remplacement de l’assemblage par vis des deux tronçons de la virole des équipements internes par un joint soudé beaucoup plus résistant. En ce qui concerne les pompes primaires, l’augmentation de la caractéristique débit-hauteur a rendu nécessaire le passage d’une pompe étanche à rotor noyé à une pompe à joint d’arbre à fuite contrôlée, ce qui peut générer des fuites en cas de perte de la contre-pression, mais permet d’utiliser un volant d’inertie plus gros pour gagner sur le temps de ralentissement des pompes en cas de perte d’alimentation électrique. En ce qui concerne les générateurs de vapeur de technologie identique, c’est surtout la nature des matériaux qu’il faut retenir. L’acier inoxydable austénitique 306 du faisceau de tubes GV de Chooz A a été remplacé par

153

1. Historique de la filière à eau pressurisée

Tab. 1.3 – Caractéristiques comparées de Chooz A et Bugey 2 (adapté d’après et

68

67

).

Caractéristiques Nombres de boucles Puissance électrique nette (MWe) Puissance thermique (MWth) Pression du primaire (bars) Température d’entrée du réacteur (◦ C) Température de sortie du réacteur (◦ C) Débit d’eau primaire (tonnes/h) Pression de vapeur en sortie de GVs (bars) Température de la vapeur produite (◦ C) Débit de vapeur (tonnes/h) Diamètre interne de la cuve (m) Épaisseur maximale de la cuve (cm) Hauteur de la cuve (m) Poids du couvercle (tonnes) Nombre d’assemblages (-) Masse d’oxyde d’uranium (tonnes) Nombre de grappes de contrôle (-) Taux de combustion de déchargement (MWj/t) Hauteur de la cuve (m) Poids du couvercle (tonnes) Diamètre bas/haut des GVs (m) Hauteur des GVs (m) Poids d’un GV vide (tonnes) Surface d’échange d’un GV (m2 ) Débit d’une pompe primaire (m3 /h) Hauteur de refoulement d’une pompe primaire (m) Puissance absorbée à chaud (MW) Hauteur d’une pompe primaire (m) Masse d’une pompe primaire (tonnes) Vitesse du Groupe turbo-alternateur (tr/min) Nombre d’échappements (-) Puissance apparente (MVA)

Chooz A 4 266 905 138 265 295 18 870 35 242 1 400 3,20 20 11,7 215 120 45 30 14 700 11,7 215 2,3/3,2 13,8 110 1 300 6 000 53,0 1,180 3,2 22 3 000 4 305

Bugey 3 925 2 785 155 286 324 47 680 56 273 5 450 4,00 23 12,3 330 157 82 53 33 000 12,3 330 3,5/4,0 20,6 310 4 800 21 080 91,5 5,325 8,5 90 1 500 6 1 080

un alliage à haute teneur en nickel : l’Inconel 600, plus résistant aux chlorures, mais qui générera aussi des problèmes de corrosion par la suite. Les GVs les plus récents présentent aussi un économiseur (préchauffeur intégré) qui optimise la pression de vapeur fournie. En ce qui concerne le combustible, on passe d’un assemblage 15 × 15 67 Jean Claude Leny, Boris Saïtcevsky : La filière à eau légère, ses caractéristiques générales, Congrès de Vittel, 11-15 septembre 1973. 68 Jean Claude Leny : Évolution dans les domaines de la conception et de la construction, Bulletin d’information de l’Association technique pour l’énergie nucléaire, n◦ 102, numéro spécial du 5e congrès de Foratom, Florence, 15-17 octobre 1973, 1973, pp. 33-53.

154

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 1.115 – Implantation des barres du mode FEBU CP0 mode A (Fessenheim et Bugey).

crayons à un assemblage à 17 × 17 crayons pour optimiser la puissance linéique. Les gaines, initialement en acier inox, passent en Zircaloy moins absorbant en neutrons. Le cœur comporte 157 assemblages (Figure 1.115). La francisation de la filière américaine a vu plusieurs adaptations. La première est celle de la fréquence puisque les États-Unis fonctionnent en 60 hertz alors que la fréquence de référence en France est de 50 hertz. Les pompes primaires, qui sont entraînées par des moteurs asynchrones munis de volant d’inertie, sont affectées par le changement de vitesse des parties mobiles. D’une manière générale, les vibrations des structures sont différentes et ont nécessité de reprendre de nombreux calculs de fréquences propres de vibration (GVs par exemple). On a aussi augmenté la disponibilité des tranches en autorisant de pouvoir fonctionner sans déclencher jusqu’à 47 hertz. En matière de sûreté, la création d’un panneau de repli regroupant les commandes principales et d’ultime secours, est une innovation apportée au crédit de Framatome. Au final, ce qu’on peut qualifier de présérie industrielle comporte six tranches : deux à Fessenheim et quatre à Bugey, dont les caractéristiques principales sont regroupées dans le Tableau 1.3 et le Tableau 1.4.

1.13.3

Les paliers CPY

Le terme de CPY couvre indistinctement les paliers CP1 et CP2 qui sont très proches en conception. Le 5 mars 1974, un décret du Conseil des ministres autorise

155

1. Historique de la filière à eau pressurisée Tab. 1.4 – Tranches de la présérie industrielle CP0. Tranche

Source froide

Fessenheim 1 Fessenheim 2 Bugey 2 Bugey 3 Bugey 4 Bugey 5

Rivière Rivière Rivière Rivière Réfrig. atmosphérique Réfrig. atmosphérique

Puissance (MWe) 880 880 920 920 900 900

Mois de couplage Avril 1977 Octobre 1978 Mai 1978 Mai 1978 Mars 1979 Juillet 1979

Mois de couplage Mars 1980 Mai 1980 Mai 1980 Août 1980 Août 1980 Décembre 1980 Décembre 1980 Janvier 1981 Février 1981 Juin 1981 Juin 1981 Juin 1981 Août 1981 Juillet 1982 Mai 1983 Août 1983 Août 1984 Août 1985

Tab. 1.5 – Palier CP1. Tranche

Source froide

Gravelines 1 Dampierre 1 Tricastin 1 Tricastin 2 Gravelines 2 Dampierre 2

Mer Réfrig. atmosphérique Rivière Rivière Mer Réfrig. atmosphérique

Puissance (MWe) 910 890 915 915 915 890

Gravelines 3

Mer

910

Dampierre 3 Tricastin 3 Tricastin 4 Blayais 1 Gravelines 4 Dampierre 4 Blayais 2 Blayais 4 Blayais 3 Gravelines 5 Gravelines 6

Réfrig. atmosphérique Rivière Rivière Mer Mer Réfrig. atmosphérique Mer Mer Mer Mer Mer

890 915 915 910 910 890 910 910 910 910 910

l’engagement d’un programme électronucléaire massif pour 12 tranches de 910 MWe. C’est le début du programme CP1 avec le lancement de Gravelines 1 et de Dampierre 1. Pour ce dernier site, le décret de déclaration d’utilité publique est prononcé le 17 mai 1974, précédé par une campagne de sondage du sous-sol durant l’année 1972 [Faburel, 2004] p. 17. Les contrats programmes 1 (18 tranches) et 2 (10 tranches) vont voir, à partir de 1980, une normalisation des composants et un véritable effet de série, toujours dans le cadre de la licence Westinghouse. L’effet de série se fait sentir sur les durées de réalisation à partir de la date d’ordre d’exécution de la chaudière jusqu’au premier couplage au réseau, qui ne feront en

156

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Tab. 1.6 – Palier CP2. Tranche

Source froide

Saint Laurent B1 Saint Laurent B2 Chinon B1 Chinon B2 Cruas 1 Cruas 3 Cruas 2 Cruas 4 Chinon B3 Chinon B4 Gravelines 6

Réfrig. Réfrig. Réfrig. Réfrig. Réfrig. Réfrig. Réfrig. Réfrig. Réfrig. Réfrig. Mer

atmosphérique atmosphérique atmosphérique atmosphérique atmosphérique atmosphérique atmosphérique atmosphérique atmosphérique atmosphérique

Puissance (MWe) 880 880 870 870 880 880 880 880 870 870 910

Mois de couplage Janvier 1981 Juin 1981 Novembre 1982 Novembre 1983 Avril 1983 Mai 1984 Septembre 1984 Octobre 1984 Août 1987 Octobre 1987 Août 1987

Fig. 1.116 – Durée de réalisation des tranches 900 MWe.

moyenne que baisser pour passer de 78 mois pour Fessenheim 1 jusqu’à 59 mois pour Gravelines 6 (Figure 1.121). Cette bonne performance se dégradera par la suite, car les nouveaux paliers comprendront moins de réacteurs et le planning des commandes va s’espacer de plus en plus à partir du N4. Les réacteurs étant plus puissants, donc plus complexes, les normes de plus en plus strictes, et un effet générationnel certain (les ingénieurs ayant participé à l’essor du palier 900 MWe partant en retraite), la durée de réalisation va ré-augmenter sensiblement jusqu’à l’EPR qui affichera un couplage bien trop optimiste de 2012 alors que le réacteur ne divergera qu’en 2022. L’implantation des barres (Figure 1.117, Figure 1.118) a été modifiée depuis le CP0, en particulier du fait de l’introduction du mode de gestion avec barres de compensation de puissance (mode gris dit « mode G »), puis de l’introduction des combustibles MOX sur l’ensemble du palier CPY, nécessitant plus de barres dans la mesure

1. Historique de la filière à eau pressurisée

157

Fig. 1.117 – Implantation du mode MA09 (mode A) du CPY avant son passage en mode G.

où le poids neutronique d’une barre est abaissé dans le spectre durci d’un réacteur « MOXé ». On évite d’ailleurs de grapper les assemblages MOX. Dès l’origine, le palier CPY a bénéficié d’un calculateur de tranche : le KIT-900. Ce système élémentaire particulier est constitué initialement d’un calculateur de marque SINTRA et de type CLX connecté d’une part à des capteurs tout ou rien (4 320 correspondant à des fins de course, des manostats, des thermostats. . . ), et des capteurs de mesure analogique (1 080 correspondant à des mesures de débit, de niveaux. . . ). Le KIT permet de suivre ces grandeurs sur des écrans de visualisation connectés à des claviers. Le KIT permet de visualiser les alarmes sur synoptiques, le regroupement d’informations en défaut sur verrine, le suivi d’évolution sur écrans et imprimantes, l’archivage sur bande magnétique (à l’époque) et sur imprimante (journal de bord). Le KIT permet aussi l’inter-calibration de l’instrumentation in-core RIC, le bilan thermique du circuit primaire (dit BIL-KIT). L’idée générale est que le KIT ne doit pas être indispensable au pilotage du réacteur, ne possédant donc que des fonctions scrutatrices. Après TMI-2 (1979), on a donné plus de poids au pilotage assisté par ordinateur. À partir de 1984, le KIT a été rénové pour bénéficier de la montée en puissance des ordinateurs, avec un calculateur BULL rapporté pour des traitements plus complexes, l’augmentation du nombre d’acquisitions (5 024 TOR et 1 440 mesures analogiques). Chaque palier suivant a bénéficié d’un système KIT de plus en plus moderne (KIC pour le N4).

158

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 1.118 – Implantation du mode G du CPY. Les groupes R (R1+R2), G2 (G21+G22), N1 (N11+N12) et N2 (N21+N22) sont divisés chacun en deux sous-groupes. Les opérateurs désalignent dans certaines circonstances les sous-groupes R1 et R2 pour contrôler les oscillations xénon.

1.13.4

Les paliers P4 et P’4

À partir de 1984, Framatome francise la filière avec un réacteur plus puissant (1 300 MWe) comportant 4 boucles, 193 assemblages, sous deux variantes : les paliers P4 (Paluel tête de série) et P’4 (Figure 1.119). Les entreprises françaises ont maintenant acquis la connaissance des composants qui justifie l’arrêt de l’achat de la licence Westinghouse. Le cœur est plus haut (427 cm) que celui du CPY (366 cm). L’augmentation du nombre d’assemblage et de la hauteur permet de faire baisser la puissance

159

1. Historique de la filière à eau pressurisée Tab. 1.7 – Palier P4. Tranche Paluel 1 Paluel 2 Saint-Alban 1 Paluel 3 Saint-Alban 1 Flamanville 1 Paluel 4 Saint-Alban 2 Flamanville 2

Source froide Mer Mer Rivière Mer Rivière Mer Mer Rivière Mer

Puissance (MWe) 1 290 1 290 1 300 1 290 1 300 1 290 1 290 1 300 1 290

Mois de couplage Juin 1984 Septembre 1984 Août 1985 Septembre 1985 Août 1985 Décembre 1985 Avril 1986 Juillet 1986 Juillet 1986

Tab. 1.8 – Palier P’4. Tranche

Source froide

Cattenom 1 Cattenom 2 Paluel 2 Belleville 1 Nogent 1 Belleville 2 Nogent 2 Cattenom 3 Golfech 1 Penly 1 Cattenom 4 Penly 2 Golfech 2

Réfrig. Réfrig. Mer Réfrig. Réfrig. Réfrig. Réfrig. Réfrig. Réfrig. Mer Réfrig. Mer Réfrig.

atmosphérique atmosphérique atmosphérique atmosphérique atmosphérique atmosphérique atmosphérique atmosphérique atmosphérique atmosphérique

Puissance (MWe) 1 265 1 265 1 290 1 275 1 275 1 275 1 275 1 265 1 275 1 290 1 265 1 290 1 275

Mois de couplage Novembre 1986 Mars 1987 Septembre 1984 Avril 1987 Septembre 1987 Avril 1988 Octobre 1988 Novembre 1988 Octobre 1988 Décembre 1989 Avril 1990 Novembre 1991 Octobre 1993

spécifique (36,7 MW/t contre 38,3 MW/t). Le volume du BR augmente pour accueillir 4 boucles. Le palier comporte une double enceinte dont l’entrefer est en dépression par rapport à l’extérieur, pour limiter les fuites d’éventuels produits radioactifs. Le liner métallique interne du BR a été supprimé.

1.13.5

Le palier N4

Le palier 4 boucles N4 voit une augmentation de puissance à 1 450 MWe. L’avantprojet sommaire a commencé en 1980, et la construction du premier N4 français, Chooz B1, a commencé en 1984. À l’origine, le palier devait comporter 10 tranches, mais la conjoncture défavorable a conduit à n’en commander que 4. On passe à 205 assemblages dans le cœur, de même hauteur que le P4, et on augmente de 5 % la puissance linéique en augmentant le débit primaire, d’où une re-conception des GMPPs. Un mode de pilotage particulier permettant de cibler un axial-offset, le mode X, a été

Fig. 1.119 – Présentation générale du palier 1 300 MWe.

160 La technologie des réacteurs à eau pressurisée

161

1. Historique de la filière à eau pressurisée Tab. 1.9 – Palier N4. Tranche

Source froide

Chooz B1 Chooz B2 Civaux 1 Civaux 1

Réfrig. Réfrig. Réfrig. Réfrig.

atmosphérique atmosphérique atmosphérique atmosphérique

Puissance (MWe) 1 450 1 450 1 450 1 450

Mois de couplage Août 1996 Avril 1997 Décembre 1997 Décembre 1999

Photo 1.60 – Salle des machines de Civaux 2 (Photo EDF).

tout d’abord étudié mais au final, c’est un mode A traditionnel qui s’est imposé (suivi de charge compensé par dilution/borication), le mode X ayant été jugé à l’époque trop complexe à mettre en œuvre par les opérateurs. L’augmentation de la puissance électrique conduit à adopter dans la salle des machines (Photo 1.60) la nouvelle turbine à action ARABELLE d’Alstom, à double corps haute et moyenne pression à simple flux 69 , combinés sur un même rotor. Cette turbine est plus courte de 5 m, soit 51 m, par rapport à la turbine P4, et plus légère de 370 tonnes, soit 2 810 tonnes, tout en dégageant 11 % de plus d’énergie 70 . L’indépendance du corps interne de la turbine, support des ensembles d’ailettages fixes, par rapport au corps externe, qui n’assure plus la fonction de supportage, permet de minimiser la charge sur la table du groupe. L’arrangement des tubes de générateur de vapeur est amélioré. Le modèle de GV 73/19 E, équipé de l’économiseur axial de Framatome, adopte un pas triangulaire pour les 69 La plus grande part de la détente est assurée par un flux unique, ce qui permet un gain de rendement et une plus forte compacité. Le sécheur-surchauffeur, disposé entre les corps haute et basse pression, dispose d’un étage de chauffe intermédiaire plus efficace en matière de cycle thermodynamique. 70 Jean-Marc Miraucourt : La genèse du palier N4, Revue générale nucléaire, n◦ 1, janvier 2004, pp. 16-23.

162

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Tab. 1.10 – Différences fondamentales entre les paliers. CP0-CP1 900 3

CP2 880 3

P4-P’4 1300 4

N4 1450 4

Jumelées (bâtiment turbine commun à deux réacteurs) Simple + peau d’étanchéité

Jumelées (bâtiment turbine commun à deux réacteurs) Simple + peau d’étanchéité

Séparées

Séparées

BAN (Bâtiment des auxiliaires nucléaires) BAS (Bâtiment des auxiliaires de sauvegarde) Salle des machines Orientation turbine par rapport au réacteur Turbine vapeur

Commun à deux tranches

Commun à deux tranches

Double sans peau d’étanchéité Séparé

Double sans peau d’étanchéité Séparé

Absent

Absent

Par tranche

Par tranche

Commune à deux tranches Tangentielle

Séparée

Séparée

Séparée

Radiale

Radiale

Radiale

1 corps HP 3 corps BP

1 corps HP 2 corps BP

1 corps HP 3 corps BP

Poste d’eau Dégazage Locaux électriques Nombre d’assemblages Hauteur active du combustible Débit massique des pompes primaires Pression de vapeur au secondaire à pleine charge Hauteur de la cuve (dont couvercle)

Intégré au condenseur Commun à deux tranches 157

Bâche dégazante Commun à deux tranches 157

Bâche dégazante Séparés

1 corps HP-MP 3 corps BP Bâche dégazante Séparés

193

205 cm

366,0 cm

366,0 cm

426,7 cmcm

426,7 cm

43530 t/h

43530 t/h

62200 t/h

66276 t/h

58 bars

58 bars

71,8 bars

73,5 bars

13,173 m

13,173 m

13,591 m

12,602 m

Puissance Nombre de boucles Implantation des tranches

Enceinte de confinement

1. Historique de la filière à eau pressurisée

163

5 600 tubes. Ce GV permet d’atteindre une pression de vapeur supérieure à celle du P4. L’interface homme-machine, suite aux enseignements de l’accident de TMI-2, a été complètement repensée en une salle de commande informatisée, optimisant la compréhension des alarmes. Quatre postes informatisés permettent la surveillance et la commande de la tranche, et un synoptique mural donne une vision globale de la conduite. Le système SPIN de protection numérique du P4 a été reconduit, en bénéficiant d’améliorations informatiques. Pour remédier au risque informatique, le panneau de repli, situé hors de la salle de commande, est de conception traditionnelle. 17 ordinateurs, répartis en 2 trains séparés, font fonctionner l’ensemble, permettant de suivre 800 images représentant en temps réel le comportement des systèmes élémentaires, 2 000 images de procédures de conduite, et 4 000 alarmes informatisées, reposant sur un traitement automatique de tri et d’apparition.

1.13.6

Principales différences entre les paliers

Nous avons regroupé dans le Tableau 1.10 suivant les principales différences entre les paliers français. Les Figures 1.120 et 1.121 présentent le planning d’engagement des tranches françaises. On notera une constance dans l’augmentation de puissance.

Fig. 1.120 – Engagement des paliers REP français (début de construction et mise en service industrielle).

164

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 1.121 – Date de mise en service industriel des tranches REP du parc français.

1.14 1.14.1

Le recyclage du plutonium Historique du recyclage du plutonium en REP

La production de plutonium en réacteur par capture fertile de l’uranium 238 ouvre la voie à des applications militaires qui ne nous concernent pas dans le présent volume, mais aussi à l’utilisation civile du plutonium dans les réacteurs. La voie la plus séduisante serait l’utilisation du plutonium en réacteur rapide avec des possibles gains de surgénération, mais la question du retraitement du plutonium dans les réacteurs à eau s’est posée dès la fin des années 1950. Le premier pays européen à s’intéresser au recyclage du plutonium en réacteur à eau légère est sans conteste la Belgique, qui a d’ailleurs construit le premier réacteur à eau légère en Europe en 1959 : BR3. En effet, depuis 1959 mais surtout à partir de 1963, la société BelgoNucléaire (BN) et le Centre d’études nucléaires de Mol (SCK) se sont associés pour un programme commun d’études. La phase initiale de ce programme a été financée dans le cadre de l’USAEC-EURATOM et a comporté des étapes de développement de combustible, de développement de codes de calcul, d’irradiations en réacteur (en particulier dans le réacteur BR3 de Mol) et des expériences critiques dans VENUS à partir de 1967, puis dans le réacteur de puissance Chooz A dit aussi SENA. C’est pour ce dernier réacteur que le groupe BN-CEA-RBG a fourni tout d’abord des assemblages expérimentaux déchargés en 1971 au bout d’un cycle (13 300 MWj/t), puis 1972 (2 cycles (20 600 MWj/t) et 1973 (27 500 MWj/t), puis quatre assemblages de démonstration en août 1974, préliminaires d’un lot de 112 assemblages à charger dans le 5e cycle commençant en décembre 1974. Dès le 29 novembre 1973, la Commission des communautés européennes (CCE) organise à Bruxelles une réunion d’experts sur le recyclage en REPs du plutonium où EDF et le CEA adoptent une position commune en déclarant que le plutonium trouverait un meilleur emploi dans les RNRs, actant aussi d’un intérêt faible pour

1. Historique de la filière à eau pressurisée

165

Photo 1.61 – Décision du conseil arrêtant un programme de recherche et d’enseignement pour la Communauté européenne de l’énergie atomique concernant le recyclage du plutonium dans les réacteurs à eau légère, COM(74) 513 du 17 avril 1974.

le recyclage en REPs. Cette position s’appuie sur un taux d’introduction rapide 71 des RNRs en France : 0,23 GWe en 1975, 1,4 GWe en 1981, 3 GWe en 1985, 4,7 GWe en 1988 et 6,5 GWe en 1990 ! Cette marche forcée s’arrêtera pourtant de fait après Superphenix. Pourtant, le 10 janvier 1974, Matthieu Israël 72 du Service Générateurs et échangeurs de chaleur thermiques et nucléaires (SGETN) de l’EDF, qui a fait partie du Groupe de travail de la Commission des communautés européennes, propose un programme de travail pour le recyclage du plutonium en réacteurs à eau. La base de ce programme indique deux avantages à ce procédé. D’une part, cela constitue « une façon utile de stocker le plutonium pour l’avènement de (réacteurs) rapides ”, d’autre part, « on met ainsi au point un combustible de substitution au combustible uranifère ”. Le premier point souligne l’intérêt de ne pas stocker « sur étagère » du plutonium pour éviter l’effet d’américiation. Un programme expérimental d’irradiation de crayon MOX (dans Osiris, Triton ou la centrale de Garigliano en Italie) est proposé ainsi qu’un programme de démonstration dans Chooz A (Centrale nucléaire des Ardennes), de même que des études théoriques sur l’effet des grains de Pu et sur la modification du coefficient Doppler. Cela conduit la CCE à proposer un programme communautaire d’acquisition de connaissances (en date du 17 décembre 1974, JO n◦ L 349/61 du 28 décembre 1974) pour la période de 1975 à 1978 d’un montant de 3,7 millions d’écus 73 qui profite surtout aux Français, aux Belges et aux Allemands, dans la mesure où le programme commun spécifie que le combustible plutonifère devra être conçu et fabriqué à partir de la poudre d’oxyde de plutonium sur le territoire de la CCE. Des irradiations expérimentales vont alors être lancées dans le 71 D’après l’étude de B. Haijtink : Plutonium production and utilization forecasts in Europe, CCE/Directorate general for industrial, III/1162/75-E du 5 décembre 1975. 72 Matthieu Israël sera le chef du département Physique des réacteurs de la direction de Études et recherches d’EDF jusqu’en 1986. Projet de programme proposé par EDF pour le recyclage du plutonium, note HF-10/3/74, EDF/SGETN, 10 janvier 1974. 73 L’ancêtre de l’euro de l’époque.

166

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

réacteur de Dodewaard (Pays-Bas 20 000 MWj/t) et le réacteur BWR de Garigliano (Italie, 15 000 MWj/t), mais aussi dans le réacteur belge BR3. En France, du MOX est introduit dans les réacteurs Minerve (mesure du coefficient Doppler 74 ) et EOLE (coefficient modérateur), et à une échelle industrielle dans Chooz A (SENA). EDF participe par des calculs théoriques de paramètres cinétiques de cœur mixte 75 . De nombreux problèmes se posent, en particulier la fabrication mécanisée des combustibles MOX et le fait que les châteaux de transport de 1977 ne peuvent s’accommoder de combustible MOX usé avant un temps de refroidissement d’au moins six ans, quand bien même on utiliserait un chargement mixte du château (75 % UOX, 25 % MOX). De plus, l’expérience acquise de retraitement du plutonium porte essentiellement sur des combustibles d’origine UNGG faiblement irradiés souvent à destination de programmes militaires, alors que les combustibles REP sont beaucoup plus irradiés (environ 35 000 MWj/t). Enfin, on s’aperçoit vite que le durcissement du spectre induit par le plutonium diminue considérablement l’efficacité des barres de contrôle et du bore, suggérant de nouveaux problèmes de sûreté. Ce programme européen va produire des résultats importants, en particulier une meilleure connaissance des trans-plutoniens en matière d’impact sur le cycle du combustible ou de radiotoxicité 76 . En juin 1985, EDF décide de recycler du plutonium dans certains de ses réacteurs, et FRAGEMA produit fin 1986 un dossier générique de sûreté pour un réacteur 900 MWe contenant du MOX. Une recharge de 52 assemblages dont 16 MOX est fabriquée pour être introduite dans Saint Laurent B1 en novembre 1987, et le « moxage » de tranches CPY s’intensifie (Tableau 1.11) par la suite avec une normalisation de la teneur à 5,30 % (Pu+Am241) (1.14.2), équivalente à la longueur de campagne d’un assemblage UOX 3,25 %. Le procédé de fabrication du MOX utilisé provient initialement des travaux sur c (MIcronized MASter blend 77 ) de Belgonucléaire sur son site le procédé MIMAS de Dessel et de CFCa (Cadarache en France), puis MELOX (Marcoule). En France, 74 M. Darrouzet, G. Granger, L. Martin-Deidier, A. Santamarina : Mesures de distributions de puissance et d’effets en réactivité dans les configurations UO2 et UO2 -PuO2 réalisées dans Minerve, Rapport Final, Communication catégorie 2.1 n◦ 3792, Commission de communautés européennes, 1980. 75 Philippe Bioux, Michel Soldevila : Paramètres cinétiques dans les cœurs à chargement mixte, Note EDF HT/11-50-78. 76 J.W. Stather (Harwell), J.C. Nenot (CEA) : Toxicité du plutonium, de l’américium et du curium, Éditions Technique et Documentation (publié pour la Commission des Communautés européennes), ISBN 2-85206-037-X, 1978. 77 Sans rentrer trop spécifiquement dans les détails qui échappent à la porte de cet ouvrage, décrivons brièvement l’historique du procédé MIMAS. Jusqu’en 1968, le plutonium est dilué dans l’ensemble du combustible. Le procédé comporte une étape de mélange et de granulation, puis pressage et frittage. Entre 1968 et 1974, la poudre affinée de PuO2 est mélangée avec des granules d’UO2 . La fabrication est donc simplifiée en une seule étape de poudre unique. Entre 1974 et 1984, on substitue les granules d’UO2 par de la poudre ex-AUC (Ammonium Uranyle Carbonate) d’UO2 « à écoulement libre ». Les agglomérats de PuO2 ne dépassent pas 400 µm à ce stade. Après 1984 et pour réduire la taille des amas de plutonium, la poudre de PuO2 est micronisée avec de la poudre d’UO2 pour produire un premier mélange primaire de 20 à 30 % de plutonium, puis ce mélange primaire est re-dilué à de la poudre fine d’UO2 pour atteindre la teneur voulue. On obtient ainsi une poudre plus homogène caractérisée par le mot anglais blend (utilisé aussi dans l’industrie du whisky pour décrire un « assemblage » d’alcool). Sur le procédé MIMAS et la fabrication du MOX, il est utile de consulter : Didier Haas, Alain Vandergheynst, Jean Van Vleit, Robert Lorenzelli, Jean-Jouis Nigon : Mixedoxide fuel fabrication technology and experience at the Belgonucléaire and CFCa plants and further developments for the Melox plant, Nuclear Technology, Vol. 106, n◦ 1, pp. 60-81, April 1994.

36 59 51 47 38 60

Saint-Laurent B1 SL106

Gravelines 3 GR308

Gravelines 4 GR408

Saint-Laurent B2 SL207

Saint-Laurent B1 SL107

Gravelines 3 GR309

Avril 1990

Février 1990

Novembre 1989

Novembre 1989

Avril 1989

Décembre 1988

Divergence Novembre 1987 Août 1988

Teneur en Pu +AM241 16 MOX1 / 4,52 % 14 MOX2 / 5,12 % 2 MOX1 / 4,52 % 12 MOX3 / 5,12 % 4 MOX2 / 5,12 % 12 MOX4 / 4,55 % 4 MOX3 / 5,12 % 12 MOX5 / 4,79 % 4 MOX4 / 4,54 % 12 MOX6 / 4,79 % 4 MOX5 / 4,79 % 12 MOX7 / 4,79 % 4 MOX6 / 4,79 % 12 MOX8 / 4,88 % 4 MOX7 / 4,79 %

a Michel Rome, Massimo Salvatores, Michel Le Bars : Plutonium reload experience in French pressurized water reactors, Nuclear Technology, Vol. 94, n◦ 1, pp.87-98, April 1991.

Stretch-out (JEPP) 8 16

Cycle Saint-Laurent B1 SL105 Saint-Laurent B2 SL206

l’ensemble du palier CPY.

Tab. 1.11 – Introduction du MOX dans le parc français à partir de 1987 (adapté de a ). Le programme a ensuite été étendu à

1. Historique de la filière à eau pressurisée 167

168

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 1.122 – Assemblage MOX standard à 5,30 % de teneur Pu+Am241 (équivalent 3,25 % UOX).

l’atelier UP2 de La Hague (COGEMA) commence à produire de l’oxyde de plutonium à partir de 1976 et atteint sa capacité nominale en 1984.

1.14.2

Les différences entre MOX et UOX

Il s’avère que le combustible MOX présente de nombreuses difficultés par rapport au combustible classique UOX. Un point essentiel de sûreté apparaît dans la baisse significative de la fraction de neutrons retardés β. Rapidement, les calculs montrent qu’il est difficile, voire impossible de multi-recycler directement le plutonium en REP, dans la mesure où les vecteurs isotopiques du plutonium se dégradent très rapidement en fonction du multi-recyclage (diminution de la quantité d’isotopes fissiles au profit d’isotopes capturants, nécessitant une augmentation de la teneur en plutonium pour garantir un service en réacteur). Cette baisse peut être limitée soit en limitant le taux de recyclage, c’est-à-dire la proportion d’assemblages MOX dans le cœur, soit en augmentant l’enrichissement du support d’uranium, comme le montre la Figure 1.123 et le Tableau 1.12, mais cette tactique reste complexe à mettre en œuvre et, à ce jour, seul le support en uranium appauvri (0,225 % en uranium 235) est utilisé industriellement. Un autre point spécifique du MOX est le durcissement du spectre, du fait de la forme des sections efficaces à basse énergie. Les plutoniums 239 et 241 présentent une grande résonance à 0,3 eV et le plutonium 240 à 1 eV. Notons que le plutonium 240 est 100 fois plus absorbant que l’uranium 238 à basse énergie. La conséquence en est un spectre plus dur dans le combustible MOX (Figure 1.124). Celui-ci est beaucoup moins réactif en début de vie (environ 10 000 pcm pour une longueur de campagne équivalente) que le combustible UOX équivalent, mais avec une perte de réactivité sur le cycle plus faible, dans la mesure où tous les produits de fission sont beaucoup

169

1. Historique de la filière à eau pressurisée

Fig. 1.123 – Baisse de la fraction de neutrons retardés en fonction de la teneur du plutonium et de l’enrichissement du support et en fonction de taux de recyclage dans le cœur. Tab. 1.12 – Isotopie des combustibles de la Figure 123. Pu (%) U235 (%) Pu238 Pu239 Pu240 Pu241 Pu242 Am241

2 3,5 5 42 22,5 12,5 17 1,2

4 3,2 6 37 24 13 19 1,3

6 3,0 6 35 26 14 18 1,4

8,8 0,225 3 54 23 12 7 1,2

13 0,225 5 40 28 13 13 1,3

moins absorbants en spectre durci (Figure 1.125). Ce durcissement de spectre entraîne aussi une baisse très significative des absorbants thermiques (bore, AIC. . . ), avec des conséquences sur le nombre de barre et les concentrations en bore critique. À partir de 1985, EDF décide, compte tenu du ralentissement des programmes relatifs aux réacteurs rapides, de recycler le plutonium dans des assemblages MOX à

170

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 1.124 – Comparaison des spectres thermiques entre un UOX 3,25 % et un MOX 5,30 % sur support à l’uranium appauvri.

5,30 % de teneur 78 à l’équilibre sur support à l’uranium appauvri (0,225 % en uranium 235, soit pratiquement de l’uranium 238 pur). La baisse significative de la fraction de neutrons retardés et la baisse de l’antiréactivité du bore militent pour un taux de recyclage des assemblages MOX arrêté à 30 % dans le cœur. Puisque le cœur n’est pas totalement « moxé », les assemblages MOX sont au contact avec des assemblages UOX, d’où l’apparition de pics de puissance dans les crayons moxés à l’interface avec des crayons UOX, dans la mesure où la section de fission du plutonium est plus importante que celle de l’uranium. La stratégie adoptée consiste alors à zoner l’assemblage MOX en trois régions 3,35 % au bord, 5,10 % en couronne intermédiaire et 6,75 % au centre. Un tel MOX rend approximativement le même service en réacteur qu’un assemblage UOX enrichi à 3,25 % (dit « 3 tours »). Des études ont aussi envisagé un zonage à 2 zones d’enrichissement dans l’UOX (enrichissement 4,75 % plus fort au bord qu’au centre à 3,37 %), et seulement 2 zones dans le MOX, mais ces concepts n’ont pas été retenus par un manque d’intérêt économique. Pour obtenir un équivalent à un assemblage UOX à 3,7 % (4 tours), il faut augmenter la teneur plutonium à 6,50 % (Figure 1.126). L’intérêt de recycler le MOX à 100 % dans un réacteur, c’est-à-dire que tous les assemblages soient des MOX, est multiple. D’une part, on utilise rapidement les stocks de plutonium, ce qui évite des coûts de stockage, en absence d’une filière de 78 Utilisant un plutonium de référence (appelé aussi plutonium du Dossier générique de sûreté) : Pu238 : 1,83 %, Pu239 : 57,93 %, Pu240 : 22,50 %, Pu241 : 11,06 %, Pu242 : 5,60 %, Am241 : 1,08 %.

1. Historique de la filière à eau pressurisée

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Fig. 1.125 – Perte de réactivité comparée d’un UOX 3,25 % et d’un MOX 5,30 % sur support à l’uranium appauvri.

réacteurs à neutrons rapides (RNR). D’autre part, on concentre les MOX dans peu de réacteurs. Enfin, l’absence d’interface uranium/plutonium élimine le zonage des MOX, d’où une simplicité de fabrication. Ces avantages très attractifs sont contrebalancés par une baisse dramatique de la fraction de neutrons retardés, ainsi qu’une baisse tout aussi dramatique des poisons neutroniques classiques comme le bore ou les barres. On comprend immédiatement que les aspects sûreté du réacteur 100 % moxé vont être très complexes. C’est dans le cadre de cette problématique que vont être lancées dans les années 1990 de nouveaux concepts de réacteurs plus facilement « moxables ». Dans les années 1990, le programme expérimental de comportement du MOX face à des accidents d’insertion rapide de réactivité dans le réacteur d’Halden, puis à Cadarache dans le réacteur CABRI (essais REP-Na), vont montrer que l’augmentation de la teneur plutonium est pénalisante vis-à-vis du comportement thermique de la pastille, comparé au combustible UOX. De même, l’augmentation du taux de combustion du MOX conduit à rendre les conditions initiales à l’initiation de l’accident, plus pénalisantes en termes de température combustible, de pression interne au crayon et de corrosion de la gaine. En particulier, l’essai dit « REP-Na7 » dans CABRI a produit une rupture du crayon cible de 55 000 MWj/t, pour une enthalpie déposée dans le barreau de 120 calories/gramme de combustible, suite à un pulse de puissance de 40 ms. Ce résultat, inattendu par rapport au REX sur le combustible

172

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 1.126 – Assemblage MOX standard à 6,50 % de teneur Pu+Am241 (équivalent 3,70 % UOX).

UOX, a semé le trouble sur la capacité d’un combustible MOX très irradié à tenir dans de telles conditions. D’où une amélioration des méthodes de calcul déterministes pour dégager des marges pour ce type d’accident. D’autre part, la baisse du poids des absorbants, du fait du durcissement du spectre dans les MOX, a conduit à rajouter 4 grappes de contrôle en position centrale du cœur, pour augmenter la marge d’antiréactivité requise dans les études d’accident. L’introduction de nouvelles grappes a nécessité la reprise des dossiers de chute intempestive de grappes, en particulier vis-à-vis du risque IPG. Comme ces grappes ont été placées au centre du cœur, elles ont peu de chance d’être détectées par les chambres externes RPN qui protègent le cœur par variation trop rapide du flux. D’où la nécessité de reprendre les études de blocage à l’extraction du groupe R (si une barre chute sans détection, le groupe de régulation de température s’extrait automatiquement pour compenser) en limite droite du domaine de fonctionnement. Il a aussi fallu augmenter la concentration en bore naturel de la bâche PTR de 2 000 ppm à 2 500 ppm, ainsi que la concentration en bore du REA-Bore (de 7 000 ppm à 7 500 ppm).

1.14.3

Le projet REP2000

À la fin des années 1980, la valorisation du stock de plutonium, en absence d’une filière rapide industrielle, et le besoin de regagner des marges dans les études d’accident dans des concepts 100 % MOX deviennent un enjeu majeur.

1. Historique de la filière à eau pressurisée

173

Fig. 1.127 – Assemblage RMA36 à 9 % de teneur plutonium.

Le réacteur à modération accrue Côté EDF, l’idée d’augmenter le rapport de modération (d’où le terme de réacteur à modération accrue : RMA) de 1,95 à 2,5 permet de diminuer d’environ 20 % le nombre de kg de Pu nécessaires par tonne de métal lourd investie (on passe de 110 kg à 90 kg). On peut donc nourrir plus de réacteurs (pour 100 tonnes de plutonium, on peut nourrir 7,2 REPs classiques ou 10,3 RMAs). Par contre, la puissance du réacteur RMA baisse de l’ordre de 15 %. D’autres avantages collatéraux existent : on peut viser un taux de combustion de décharge de 60 GWj/t avec un réacteur chargé à 100 % de MOX avec une teneur de 9 %, au lieu de 11 % dans les REPs classiques, ce qui permet de s’éloigner des limites à 13 % de teneur imposées par le coefficient de vidange positif. Le zonage du MOX est inutile du fait du 100 % MOX. Par contre, ce 100 % MOX nécessite d’augmenter à environ 40 % l’enrichissement en bore 10 du bore pour que celui-ci garde son efficacité. L’augmentation du rapport de modération est acquise par une augmentation du nombre de trous d’eau. Les études menées à EDF, principalement par Jean-Jacques Carle, Dominique Chantelou et Patrick Barbrault, ont montré un intérêt plus accru pour le concept à 36 trous d’eau, dit RMA36 (Figure 1.127). De nombreuses variantes d’assemblages vont être étudiées jusqu’au début des années 1990, en jouant sur le nombre de trous d’eau, la quantité de poisons consommables et la possibilité d’accommoder un taux de recyclage de 100 % MOX. Le réacteur convertible à variation de spectre Côté Framatome, les études portent surtout sur un réacteur convertible à variation de spectre (RCVS) (Figure 1.128) utilisant des assemblages hexagonaux (Figure 1.129), économe en uranium naturel car utilisant des couvertures axiales et radiales fertiles, et dont le rapport de modération est réduit. La variation de spectre est acquise en

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 1.128 – Cœur et assemblage combustible du RCVS. bougeant des barres fertiles dans des trous d’eau, ce qui permet de faire passer le rapport de modération d’un cœur tout UOX de 2,04 en position extraite à 1,60 en position insérée et, pour un cœur tout MOX de 1,46 à 1,16 79 . Les barres fertiles peuvent se retirer dans le plénum supérieur (Figure 1.128). Dans ce concept, qu’on doit initialement à Jean-Paul Millot, le concepteur du mode G, on envisage de ne plus gérer la perte de réactivité en cours de cycle (UOX seulement) par du bore, on implante alors des barres fertiles toujours présentes dans le cœur, mais qui se retirent en cours de cycle, ce qui augmente le rapport de modération en fin de cycle. Si le concept est novateur, de nombreuses difficultés apparaissent lors des études d’accidents (retrait intempestif de groupes, refroidissement des barres fertiles extraites du cœur. . . ).

Vers des spécifications européennes communes À partir de 1986, un programme dit « REP 2000 » voit le jour à EDF, orienté sur trois axes : – Le développement d’un cahier d’exigences communes aux électriciens européens pour les centrales nucléaires du futur. – Le suivi des programmes de développement aux États-Unis et au Japon proposant des projets concurrents. 79 Jean-Paul Millot : The Convertible Spectral Shift Reactor, PHYSOR 90, Conférence internationale sur la physique des réacteurs pour la conception, la modélisation et l’exploitation, 23-27 avril 1990, Proceedings, Vol. 1, pp. 1-33

1. Historique de la filière à eau pressurisée

175

Fig. 1.129 – Coupe radiale d’un assemblage de réacteur RCVS (concept Framatome).

– L’engagement dans un avant-projet de réacteur franco-allemand en coopération avec les électriciens allemands, les industriels Framatome et Siemens et leur filiale commune NPI. Le travail commun de plusieurs électriciens européens [allemand (VDEW), anglais (Nuclear Electric), belge (Tractebel), espagnol (ENUSA), et bien sûr français (EDF)] conduit à la rédaction d’un cahier des charges EUR (European Utility Requirements) des exigences communes (conception, exploitation, sûreté, performances, maintenance et démantèlement) concernant un nouveau réacteur. Les thèmes de réflexion du projet REP2000 portent sur l’augmentation de la durée de vie des centrales, la conduite automatisée des tranches (calculateur d’aide au pilotage, salle de commande informatisée. . . ), le développement du concept de « fuite avant rupture 80 » (largement promu aux États-Unis), la révision des règles de sûreté (discussions avec les Autorités de sûreté), l’estimation des besoins du réseau à l’horizon de l’an 2000, la définition des caractéristiques fonctionnelles des nouvelles tranches 80 Dans le concept de « fuite avant rupture » (leak before break), on admet qu’une rupture brutale d’une grosse tuyauterie du circuit primaire ou des grosses tuyauteries d’eau et de vapeur, sera détectée par une fuite initiale permettant d’arrêter la tranche et de la ramener à un état sûr. L’accident dimensionnant devient alors la rupture d’un piquage du primaire, et plus l’APRP grosse brèche. Ce critère n’est aujourd’hui pas accepté pour l’ensemble du primaire, dans la mesure où le concept évacue clairement le problème de rupture brutale, ce qui est difficile d’admettre sans monitoring du composant concerné. Concernant les circuits de sauvegarde, il faudrait admettre d’évacuer toutes les brèches supérieures à 3 pouces pour obtenir des gains de dimensionnement du fait d’une réduction de capacités d’injection, ce qui est totalement inadmissible.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

(suivi de réseau, téléréglage, manœuvrabilité, arrêt de tranche. . . ), l’intégration des évolutions technologiques et du REX, et bien sûr l’optimisation des coûts. Au niveau de la sûreté, le projet vise à intégrer dès la conception des situations historiquement hors dimensionnement, traitées pour le parc actuel dans le domaine dit « complémentaire », suite aux actions post-TMI2. L’objectif affiché est de prendre en compte, dès la conception, le risque de fusion de cœur. Vient alors le temps de l’harmonisation franco-allemande pour produire un prototype commun acceptable par les deux autorités de sûreté française et allemande : le concept European Pressurised Reactor (EPR).

1.14.4

Vers l’EPR

Dès 1992, les principales lignes du futur réacteur REP2000 sont écrites. On conservera un assemblage « classique » à 17 × 17 positions et un pas de réseau de 1,26 cm. Les stratégies sur-modératrices, où l’on rajoute des trous d’eau supplémentaires, ne sont finalement pas retenues. Même l’idée d’une légère sur-modération (+ 11 %), en augmentant le pas du réseau à 1,3 cm et permettant des gains de 2 à 6 % sur les longueurs de campagne selon le type de plan de chargement, est aussi repoussée. Par contre, on garde l’idée du réflecteur lourd déjà présente dans le concept RCVS pour limiter la fuite de neutrons et protéger la cuve. L’adoption d’un réflecteur lourd en acier permet de limiter la fluence vue par la cuve à 1019 n/cm2 en conservant une cuve de taille raisonnable (490 cm de diamètre). Le nombre d’assemblages s’établit à 241 permettant une baisse de 15 % de la puissance linéique par rapport au N4, et libérant des marges de fonctionnement. Cette baisse permet aussi une relaxation sur le facteur radial de point chaud Fxy à 1,6. On abandonne clairement le concept de cœur sans bore pour un problème de marge d’antiréactivité, toujours insuffisante malgré l’augmentation du nombre de barres. Pour éviter les pénétrations en fond de cuve, on se dirige vers un système d’instrumentation in-core avec des aéroballs et des collectrons fixes, utilisés dans l’EPR.

1.15

L’European Pressurized Reactor

[Flamanville 3, 2010] L’ambition de l’EPR est de prendre en compte dès la conception le risque d’accidents graves, pour repousser encore plus loin le risque résiduel. Le projet va se développer initialement dans le cadre d’une coopération franco-allemande entre les sociétés Areva et Siemens. Le premier EPR français est construit à Flamanville, qui accueille déjà deux réacteurs P’4 pour lesquels le site avait été sélectionné dès 1974 pour son emplacement favorable [Gavet et Jiolle, 1986]. Par rapport au palier N4, les composants sont plus gros (Figure 1.130) du fait de l’augmentation de puissance à 1 500 MWe.

1. Historique de la filière à eau pressurisée

177

Fig. 1.130 – Comparaison N4/EPR sur la cuve, le GV et le pressuriseur (adapté de81 ). On remarquera la simplification du fond de cuve de l’EPR lié au fait qu’il n’y a plus de pénétrations de fond de cuve (l’instrumentation passe par le couvercle de cuve).

1.15.1

L’îlot nucléaire

Le projet EPR est ambitieux et est dimensionné pour des niveaux d’agression externes encore plus élevés que pour le palier N4 précédent. L’îlot nucléaire (Figure 1.131, Figure 1.132, Photo 1.62, Photo 1.63) est construit pour pouvoir résister à un séisme élevé, sur une large gamme de types de sol 82 , allant de sols mous (vitesse de cisaillement de 280 m/s rajouté aux études bien que peu propice à l’installation d’un réacteur), à des sols durs (vitesse de cisaillement de 1 550 m/s), avec des spectres de sol adaptés à chaque sol. Le niveau sismique est calé à une accélération maximale de 0,25 g, alors que l’accélération maximale prise en compte pour le N4 était de 0,15 g. En ce qui concerne la chute d’avion, l’EPR est dimensionné (effet de perforation, effet global des vibrations induites) pour résister à la chute d’un avion militaire, alors que les paliers précédents ne prenaient en compte que des avions de tourisme, soit des forces d’impact 10 fois supérieures pour l’EPR. La protection contre la chute d’avion permet de dessiner une installation optimale des systèmes de sauvegarde et leur casematage. Le BR dispose d’une double enceinte comportant une enceinte interne en béton précontraint recouvert d’une peau d’étanchéité en face interne (comme le palier CPY) pour résister à une pression interne et limiter la fuite de produits de fission gazeux, et une enceinte externe en béton armé (comme les paliers P4 et N4) pour une agression externe. D’autre part, quatre trains redondants constituent tous les systèmes de sauvegarde et sont installés dans deux divisions (D1 et D4), symétriques par rapport au BR. Enfin, une coque externe enveloppe le BK et les divisions D2 et D3 qui sont connectées à l’enceinte externe du BR et au radier. Cette coque dispose d’une épaisseur de l’ordre de 1,3 m et elle est fortement ferraillée pour résister à l’impact d’un avion. Les structures internes du BR, son enceinte interne, celles du BK et des 81 G. Desfontaines-Leromain : Les équipements de la chaudière EPR, Revue générale nucléaire, n◦ 6, décembre 2004, pp. 70-76. 82 F. Le Breton, C. Clément : Projet EPR : prise en compte des risques de chutes d’avions et de séisme. Revue générale nucléaire, n◦ 5, octobre 2002, pp. 44-48.

178

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 1.131 – Plan de masse de l’îlot nucléaire.

divisions D2 et D3 sont découplées de la coque externe pour éviter la transmission de vibrations.

1.15.2

Les systèmes de sauvegarde

La prise en compte des accidents graves a conduit à disposer d’une grande quantité d’eau dans le circuit primaire, ce qui permet aussi de mieux accommoder les transitoires d’exploitation. Les systèmes de sauvegarde importants pour la sûreté (Figure 1.133, Figure 1.134) sont redondés par quatre trains, au lieu des deux historiques. La séparation physique des trains, déjà évoquée, apporte une protection efficace contre les agressions externes (chute d’avion), mais aussi internes (incendie). Ces améliorations permettent de réduire la fréquence d’occurrence d’un accident de

1. Historique de la filière à eau pressurisée

179

Fig. 1.132 – Coupe horizontale de l’îlot nucléaire (adapté de Le Breton et Clément, op. cit.).

Photo 1.62 – Construction de l’îlot nucléaire de Flamanville 3. En arrière-plan, on distingue les réacteurs 1 300 MWe Flamanville 1 couplé en 1985 et Flamanville 2 en 1986. Le bâtiment turbine a un toit visiblement incliné pour évacuer plus facilement l’eau et la neige (photo EDF/Flamanville 3). On a retenu la leçon d’incidents du passé, comme ce jour du 8 décembre 1990 où le toit du bâtiment turbine de Superphénix s’était écroulé sous le poids de 80 cm de neige, le réacteur était à l’arrêt.

180

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Photo 1.63 – Vue aérienne du site en 2010. On voit les deux réacteurs 1 300 MWe en arrière-plan. Le fût du bâtiment réacteur de l’EPR est en cours de construction (photo EDF).

fusion du réacteur à moins de 10−6 par réacteur et par an 83 . Un volume d’eau dit IRWST situé dans le BR permet de nourrir le système d’injection de sécurité. Associé à un échangeur de chaleur sur la ligne d’injection basse pression, ce système permet le refroidissement du cœur sans utiliser l’aspersion enceinte. Un système d’aspersion enceinte EAS existe toujours pour refroidir l’enceinte en cas d’accident grave imaginable dans le risque résiduel. L’alimentation de secours de générateurs de vapeur (ASG) est assurée par des motopompes reliées chacune à l’un des quatre générateurs diesels de secours (GDS) (Figure 1.135).

1.15.3

Le cœur du réacteur

La prise en compte des accidents graves dès la conception de l’EPR a conduit à retenir un cœur ayant une faible puissance volumique, d’où une augmentation du nombre d’assemblages à 241 (contre 205 pour le N4) et du nombre de crayons combustibles par assemblage (265 au lieu de 264 pour les autres paliers). La position centrale des assemblages contient un crayon combustible, contrairement au tube d’instrumentation des assemblages des paliers précédents. 83 Jean-Pierre Py, Marcel Sabaton : Le réacteur à eau pressurisée EPR et le réacteur à eau bouillante passif SWR, réacteurs performants, compétitifs et sûrs, Revue générale nucléaire, n ◦ 3, mai 2003, pp. 12-20.

1. Historique de la filière à eau pressurisée

181

Fig. 1.133 – Généralités sur les systèmes de sauvegarde de l’EPR.

Fig. 1.134 – Systèmes de sauvegarde de l’EPR.

1.15.4

Le réflecteur lourd

La problématique de la durée de vie des cuves du parc actuel a conduit à la mise en place de gestion « faible fluence », où on interdit le placement d’assemblages neufs en dernière rangée d’assemblages, comme c’était le cas dans les gestions historiques 1/3 de cœur. En parallèle, une réflexion sur l’utilisation d’un réflecteur lourd en acier ceinturant radialement le cœur actif est apparue dès le projet REP2000. L’aboutissement de ces travaux a conduit à proposer pour l’EPR un concept de baffle lourd (Figure 1.136), remplaçant le by-pass en eau des paliers précédents. Ce baffle est constitué de viroles en acier empilées axialement les unes sur les autres, et percées

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 1.135 – Alimentation de secours des générateurs de vapeur (ASG) de l’EPR. axialement de petits trous laissant le passage à de l’eau de refroidissement (du fait du bombardement des neutrons et des photons qui échauffent l’acier). De par son absorption et ses capacités de ralentissement qui réfléchissent les neutrons vers le cœur, l’acier protège efficacement la cuve du réacteur. D’autre part, les propriétés réflectrices du baffle font gagner quelques % sur le coût d’un cycle.

1.15.5

L’instrumentation

Sur le parc français actuel, l’instrumentation mobile (CFMs) est insérée par le fond de cuve, en passant par des pénétrations de cuve (sauf pour le premier REP Chooz A disposant d’aéroballs). Ce choix présente d’évidents avantages en termes de densité de mesure et de facilité d’exploitation puisque le couvercle de cuve est très encombré par les pénétrations liées aux barres de contrôle. Le revers de la médaille de cette conception est le risque de rupture d’un doigt de gant ou d’une rupture de pénétration de fond de cuve, créant un APRP petite brèche particulièrement mal placé (risque de vidange totale de la cuve). La solution adoptée sur l’EPR consiste en un système de mesure en continu dans le cœur actif par collectrons, et l’implantation d’un système d’aéroballs soufflés par le haut du réacteur dans des tubes d’instrumentation dédiés.

1.15.6

Le principe des 4 trains

À la conception, l’EPR comporte 4 trains pour les systèmes de sûreté au lieu de 2 sur le parc actuel. Ces 4 trains sont répartis dans 4 divisions géographiquement distinctes. Cette disposition amène un confort (en termes de disponibilité de la tranche) considérable au niveau de la sûreté, en limitant les replis imposés par l’indisponibilité d’un système de sauvegarde. Ainsi, on dispose de 4 trains d’IS, 4 trains de diesels de secours, l’indisponibilité de ces 4 diesels pouvant être gérée par 2 diesels d’ultimes secours diversifiés, utilisables dans tous les états de la tranche. On dispose aussi de 4 trains SEC, redondés de 2 trains ultime SRU pour alimenter certains auxiliaires importants pour la sûreté. On dispose aussi d’une prise d’eau diversifiée par rapport à la prise d’eau principale.

1. Historique de la filière à eau pressurisée

183

Fig. 1.136 – Baffle lourd de l’EPR.

1.15.7

Suppression des turbo-pompes alimentaires

Les TPAs se sont révélées être les composants provoquant le plus d’indisponibilité sur le parc actuel (avec le système de traitement des effluents primaires TEP). Bien que l’idée d’une redondance d’alimentation en eau des GVs par deux moyens totalement différents (TPA et motopompes) soit séduisante, le REX montre clairement un avantage des motopompes sur les TPAs. C’est pourquoi on a purement et simplement remplacé sur l’EPR les TPAs par des motopompes.

184

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 1.137 – Séquence de dégradation du cœur d’un EPR. 1. Le cœur fond suite à un manque d’eau. 2. Le corium se relocalise en fond de cuve. 3. Le corium perce la cuve et se répand dans le puits de cuve. 4. La trappe fusible est percée après un certain temps et le corium se répand dans la chambre d’étalement. 5. On refroidit la chambre par-dessous avec de l’eau. 6. On noie la chambre d’étalement, le corium se solidifie.

1.15.8

Le récupérateur de corium

L’idée d’une rétention du corium 84 dans le BR avait déjà été évoquée dans le projet REP2000 dès 1988, pour prendre en compte à la conception les accidents les plus graves. En postulant la rupture de la cuve, le principe consiste à retenir le corium liquide dans le puits de cuve, dans la mesure où le temps estimé pour perforer un 84 Le corium formé lors d’un accident très grave correspond au mélange que constituent les matériaux fondus : combustible et structure du cœur en cuve, éventuellement mélangé avec du béton hors cuve. Un corium métallique est très peu visqueux, éventuellement moins visqueux que l’eau, contrairement à un corium comportant de la silice (par fusion/mélange avec le béton de puits de cuve).

1. Historique de la filière à eau pressurisée

185

radier classique de puits de cuve de 3 m d’épaisseur, est d’environ 4 jours. La solution de l’époque était que le sol de cette chambre de rétention serait constitué d’un lit de graphite d’environ 50 cm surmonté d’un écran mince (50 mm) de zircone (la zircone stabilisée est très stable chimiquement et résistante de par ses propriétés de réfractaire). La puissance résiduelle, transmise par conduction dans le lit de graphite, serait évacuée par un circuit d’eau intégré. Cette solution s’inspire de pratiques utilisées dans l’industrie des hauts fourneaux. D’autres idées, comme celle basée sur l’interposition d’une épaisseur conséquente d’alumine dans le puits de cuve, dont l’attaque thermique est lente (1 000 MWh pour détruire une tonne d’alumine), ont été évoquées mais non retenues. De fait, c’est une solution d’étalement qui a été retenue dans le concept final de l’EPR, où une chambre d’étalement (180 m2 ), située à côté du puits de cuve et connectée à celui-ci par un tunnel de transfert en pente inclinée, permet de récolter le corium liquide (Figure 1.137). L’idée de la couche de zircone, envisagée, n’a finalement pas été retenue (coût important et difficulté de réalisation). Une trappe fusible sépare le puits de cuve du tunnel de transfert. Elle permet en retenant le corium un certain temps dans le puits de cuve de faire monter sa température pour le rendre très liquide, ce qui facilite l’étalement. Le concept a été testé expérimentalement lors des expériences d’étalement Vercors réalisées à Cadarache au CEA.

Chapitre 2 Le bâtiment réacteur et les bâtiments connexes Le bâtiment réacteur est le bâtiment le plus important de la centrale car c’est celui qui contient le réacteur à proprement parler. Il fait l’objet d’attention détaillée tant au niveau de sa construction que de son entretien dans la mesure où sa fonction de troisième barrière est essentielle à la sûreté de l’installation. Il abrite le circuit primaire principal et les générateurs de vapeur. Le génie civil d’une tranche nucléaire nécessite des travaux titanesques. À titre d’exemple1 , une paire de tranches 1 300 MWe représente entre 300 000 et 400 000 m3 de béton, 600 000 m2 de coffrage, 31 000 tonnes d’armatures métalliques, 2 100 tonnes de pièces noyées, jusqu’à 20 millions de m3 de remblais, 13 000 tonnes de charpentes métalliques, 80 hectares de peintures ! Ces données montrent le gigantisme d’un projet de tranche nucléaire. [Drevon et al., 1983] p. 283, [Experience in the design, construction, and operation of prestressed concrete pressure vessels and containments for nuclear reactors, 1975], [Coppolani et al., 2004] p. 24, [Margoulova, 1977] p. 417

2.1

Généralités sur les paliers français

Une centrale de type REP comporte plusieurs bâtiments à l’agencement soigneusement réfléchi [Éléments de sûreté et de radioprotection des centrales nucléaires de 1 300 MWe, 1982] p. 8. Le bâtiment réacteur est facilement repérable au centre de l’îlot avec son dôme arrondi. La salle des machines (SDM) est le plus grand bâtiment du site, avec une forme de grand hangar rectangulaire. Ses fondations sont importantes car la salle des machines abrite un ou plusieurs groupes turbo-alternateurs associés à leurs condenseurs, composants très lourds. Le bardage de la salle des machines est une couverture légère comme pour les centrales thermiques classiques, car la SDM ne contient pas de matériau radioactif. Le bâtiment combustible (BK) voit transiter les éléments combustibles neufs et ceux usagés qui partent vers l’usine de retraitement de La Hague. Le BK contient la piscine de désactivation dont le niveau d’eau protège les opérateurs du rayonnement. Cette piscine peut être mise en communication avec la piscine du bâtiment réacteur via le tube de transfert, pour faire transiter sous eau les assemblages. Le bâtiment des auxiliaires nucléaires (BAN) contient les installations 1 J.L. Costaz : Le génie civil des centrales nucléaires sous pression, Les composants des centrales à eau sous pression, cours du CEA/INSTN.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

de traitement de l’eau du circuit primaire (épuration, borication) et le traitement des effluents radioactifs. Ce bâtiment, qui contient des circuits voyant transiter de la radioactivité, est étanche et dispose d’une ventilation soigneusement contrôlée. Le bâtiment des locaux électriques (BL) et des auxiliaires de sauvegarde (BAS) comprend 3 niveaux principaux. En haut, la salle de commande (SDC) où les opérateurs pilotent la tranche. À mi-hauteur, les tableaux de puissance et de contrôle, répartis sur plusieurs étages. Au niveau inférieur, les principaux composants des circuits de sauvegarde avec les pompes et échangeurs de chaleur destinés à fonctionner en cas d’incidents ou d’accident. Le bâtiment des groupes électrogènes diesels contient de puissants moteurs diesels avec leurs réserves de fuel, servant à relayer la production d’électricité nécessaire au fonctionnement des auxiliaires nucléaires, en cas de perte de réseau extérieur et dans l’impossibilité d’îloter. Décrivons le poste d’évacuation de l’électricité, par lequel le courant électrique produit par l’alternateur est évacué sur le réseau. Il comprend un poste d’élévation de tension comportant plusieurs gros transformateurs. La station de pompage de l’eau alimente la centrale en eau de refroidissement depuis la source froide (rivière, mer) et constitue un bâtiment à part de l’îlot nucléaire. Le bâtiment administratif est un bâtiment conventionnel qui contient les bureaux. Notons aussi quelques bâtiments annexes de moindre intérêt dans le cadre de ce livre, comme la production d’eau déminéralisée, les magasins de stockage, la cantine, l’infirmerie, le poste de garde, bâtiments qui constituent avec l’îlot nucléaire l’ensemble d’une tranche (Figure 2.1, Figure 2.2). L’enceinte de confinement dit « bâtiment réacteur » (BR) contient la chaudière nucléaire avec son combustible nucléaire et le circuit primaire qui le refroidit. Le BR se présente comme un cylindre en béton (le fût), chapeauté d’un dôme hémisphérique, le tout reposant sur un épais radier en béton armé2 . La chaudière produit, par l’intermédiaire de générateurs de vapeur, de la vapeur qui fait tourner une turbine placée dans la salle des machines (SDM) qu’on a intérêt à placer proche du BR pour limiter la longueur des canalisations de vapeur. Le combustible irradié est évacué vers le bâtiment combustible (BK) qui doit forcément communiquer (via le tube de transfert) avec le BR. La volonté d’avoir un tube de transfert horizontal3 commande l’altimétrie du BK par rapport au BR et limite le problème à deux solutions : soit on enterre le BR et on pose le BK au sol, soit on pose le BR au sol et on surélève la piscine BK. La première solution présente l’inconvénient majeur que si le BR est enterré, il devient beaucoup plus sensible aux séismes éventuels, voire aux inondations. C’est pourquoi c’est la deuxième solution qui a été retenue (le BR étant en fait très légèrement enterré). D’autre part, le bâtiment des auxiliaires nucléaires (BAN) et le bâtiment électrique (BL) doivent aussi jouxter le BR, pour limiter les traversées vers le BR, de même que les fonctions d’injection de sécurité et d’aspersion de l’enceinte. L’emplacement de l’accès pour les gros matériels (cuve, GVs) ne peut se faire qu’entre les positions de GVs, ne laissant finalement que peu de choix par rapport à l’emplacement du BK. Tout ceci conduit à compacter l’îlot nucléaire autour du BR, ce qui présente aussi l’avantage de « protéger » le BR vis-à-vis de menaces extérieures (projectiles, explosions externes. . . ). Le choix de disposer d’un BK séparé de l’enceinte BR a été fait. On aurait pu imaginer de tout regrouper à l’intérieur de l’enceinte BR, les 2

Sur le calcul du béton armé : [Mougin, 2000]. On peut imaginer d’autres solutions, mais qui complexifient en général énormément la gestion du combustible irradié. 3

2. Le bâtiment réacteur et les bâtiments connexes

189

Fig. 2.1 – Implantation du site de Fessenheim. Seconde tranche REP en France en 1977 après Chooz A, Fessenheim comporte deux tranches jumelles 900 MWe en bordure du Grand canal d’Alsace. composants susceptibles de véhiculer de grandes quantités de produits radioactifs (ce qui aurait présenté l’avantage de ne jamais véhiculer du fluide primaire à l’extérieur du BR), mais cela aurait nécessité une enceinte beaucoup plus conséquente, difficile à fabriquer, et avec le risque de ne plus pouvoir accéder à certains composants en cas d’incidents/accidents4 . Il a semblé plus judicieux de séparer la piscine BK du BR, permettant au personnel d’intervenir plus facilement et de diminuer les doses en 4 Rappelons ici que la piscine combustible des BWRs est en général placée dans le bâtiment (conventionnel) qui contient le caisson du cœur.

Fig. 2.2 – Plan de masse de la centrale de Paluel (P4).

190 La technologie des réacteurs à eau pressurisée

2. Le bâtiment réacteur et les bâtiments connexes

191

exploitation. La fonction du BR est alors simplifiée à la protection du circuit primaire. En ce qui concerne les locaux électriques, ils sont classiquement placés entre le BR et la salle des machines pour faciliter les connexions entre ces bâtiments. Cet état de fait impose de limiter la hauteur du BL, au risque d’avoir des conduites d’eau d’alimentation en retour du condenseur, qui traverseraient le BL, induisant un risque accru en cas de rupture de conduite du circuit ARE. La difficulté de conception du BL provient du choix de regrouper ou non les matériels à commander. Le risque incendie, toujours possible dans un local électrique, commanderait de séparer au maximum les fonctions, alors que les problèmes évidents de maintenance contredisent cette option. Une certaine concentration a été retenue, tout en conservant une séparation en deux voies dans des locaux séparés en ce qui concerne les matériels électriques nécessaires au fonctionnement des circuits de sauvegarde.

2.2

L’îlot nucléaire

À l’accélération du programme nucléaire français, les paliers se suivent : 3 boucles CP0 (Fessenheim (2 réacteurs) et Bugey (4)), d’une puissance proche de 900 MWe (Figure 2.3) et pré-série des paliers Contrat Programme 1, soit CP1 (Tricastin (4), Gravelines (6), Dampierre (4), Blayais (4)) et Contrat Programme 2, soit CP2 (SaintLaurent (2), Chinon (4), Cruas (4)) à 900 MWe, toujours à 3 boucles. Le cœur des types CP1 ou CP2 comporte 157 assemblages qui produisent une puissance thermique proche de 2 775 MWth. L’expérience acquise dans le thermique classique a conduit à construire initialement dans le cadre du CPY (un terme couvrant les paliers CP1 et CP2, mais pas le palier CP0) des tranches jumelées avec une SDM unique pour deux tranches (on parle de tranches jumelles), et certains composants communs (emprise au

Fig. 2.3 – Coupe transversale d’une tranche du palier CP0 (à gauche la salle des machines, à droite le bâtiment réacteur).

192

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

sol réduite, gains d’investissement. . . ). Le problème clairement identifié de ce jumelage provient de la difficulté de surveiller une tranche en fonctionnement si sa tranche jumelle est arrêtée (accès des personnels, mouvements de matériels. . . ). Le risque de la perte d’un composant commun est aussi non négligeable, ce qui fait que le choix d’amélioration s’est rapidement porté sur une séparation des tranches dès le palier P4 (1 300 MWe), avec création d’un bâtiment des auxiliaires de sauvegarde (BAS) avec voies d’injection de sûreté et d’aspersion complètement séparées (pour éviter le mode commun du risque d’incendie), et une séparation des locaux diesels des deux voies pour des raisons identiques. Les deux paliers, regroupés sous le vocable CPY, ne diffèrent que pour la partie conventionnelle : la salle des machines est commune pour deux tranches dites jumelles des CP1, quand chaque tranche CP2 possède sa propre salle des machines dans un but d’éviter des effets induits. D’autre part, elle est disposée tangentiellement au bâtiment réacteur dans le cas du CP1 (Figure 2.4). Cette disposition laisse le bâtiment réacteur vulnérable à un impact par des ailettes de la turbine qui seraient expulsées perpendiculairement à l’axe de celle-ci du fait de la force centrifuge en cas de rupture d’ailettes. Ce problème a été amélioré dans le cas du CP2 où la salle des machines est disposée radialement à l’axe vertical naturel du BR. Au total, 28 réacteurs composent le palier CPY.

Fig. 2.4 – Implantation de l’îlot nucléaire de deux tranches jumelles CP1. Le palier suivant (Figure 2.5, Figure 2.6, Figure 2.7, Figure 2.9), dit P4 (Paluel (4), Saint-Alban (2), Flamanville (2)) et P’4 (Figure 2.8) (Cattenom (4), Belleville (2), Nogent (2), Penly (2), Golfech (2)) dans sa dernière amélioration, voit une augmentation de puissance électrique à 1 300 MWe, soit 3 800 MWth, produits par 193 assemblages et évacués par 4 boucles. Paluel 1 est la tête de série de ce palier qui a été couplé en 1984.

2. Le bâtiment réacteur et les bâtiments connexes

193

Fig. 2.5 – Implantation des 4 réacteurs de la centrale de Paluel (palier P4, source froide : mer). L’évolution naturelle de cette stratégie industrielle conduit au palier N45 (Chooz (2), Civaux (2)) avec ses 205 assemblages pour une puissance de 1 450 MWe (Figure 2.10, Figure 2.11). Le GV des N4 dispose d’un économiseur axial qui améliore 5 [Bacher, 1984] Pierre Bacher : La première centrale de type N4, Revue Générale Nucléaire n◦ 6, p. 536-543. Après l’École polytechnique (promotion 1952) en 1955, Pierre Bacher entre au CEA dans le prestigieux Service de Physique Mathématique. Il travaille en physique des réacteurs sur la filière uranium naturel-graphite-gaz jusqu’en 1968, ensuite comme responsable de projets en relation avec EDF où il entre en 1968 à la direction de l’Équipement. Après l’abandon de la filière UNGG quelques mois plus tard, il se reconvertit au REP. De 1968 à 1976, il occupe successivement les postes de chef des Services d’Étude de la région d’Équipement Clamart, de chef de projet « Fessenheim » et de directeur-adjoint de cette même Région d’Équipement. Il prendra de 1976 à 1982 la direction du SEPTEN, puis il est Directeur technique, et enfin Directeur délégué. Il est un expert reconnu en matière d’énergie et intervient dans différentes commissions (OPECST). Il est l’auteur de L’énergie en 21 questions, chez Odile Jacob (2007) et Le crédo anti-nucléaire, pour ou contre (2012), chez le même éditeur, et participe au concept NegaTEP promotionnant l’énergie nucléaire pour sauver le climat. Pierre Bacher est décédé en septembre 2014.

Pierre Bacher

194

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 2.6 – BR et BAN (niveau + 0,00) de Paluel (P4). le rendement du cycle. Le faisceau de tubes est à pas triangulaire et non plus carré, ce qui diminue l’encombrement. Les tubes sont en Inconel 690 plus résistant à la corrosion. Au final, le GV, bien que plus léger que celui d’un P4, est plus efficace d’environ 10 %. Il en est de même pour la turbine, dite Arabelle, moins longue et moins pesante de 15 % que celle d’un 1 300 MWe. En ce qui concerne les bâtiments, les grandes options techniques décidées à chaque palier ont conduit à des choix divers décrits dans le Tableau 2.1 et la Figure 2.12. On constate une plus grande autonomie des tranches à mesure que le palier est plus récent.

2.3

Le bâtiment réacteur

[Hutin, 2016] p. 531 Le premier bâtiment réacteur construit en France a été celui de la centrale à eau lourde EL4 des Monts d’Arrée (Brennilis)6 , puisque les caissons des réacteurs UNGG n’étaient pas à proprement parler des bâtiments réacteur, et que la centrale des Ardennes avait été construite dans une caverne artificielle faisant office d’enceinte. La commande en 1974 de 12 réacteurs du palier CP1, comprend des réacteurs jumeaux partageant une même salle des machines. Ce palier, tout comme le CP0, voit la standardisation du bâtiment réacteur avec son béton précontraint comportant un liner 6 J.L. Costaz, P. Moreau: Review of French containment vessels, Experience in the design, construction, and operation of prestressed concrete pressure vessels and containments for nuclear reactors, Conference at the University of York, 8-12 September 1975, Mechanical Engineering Publications Limited, ISBN 0-85298-339-5, 1975, pp. 19-24.

2. Le bâtiment réacteur et les bâtiments connexes

195

Fig. 2.7 – Implantation de l’îlot nucléaire d’un réacteur du palier P4.

intérieur (dit « peau d’étanchéité ») en acier de 6 mm d’épaisseur et de 80 kg/m2 , destiné à éviter l’exfiltration d’éventuels produits radioactifs à travers le béton poreux.

2.3.1

Les grands composants du BR

Le BR a pour fonction essentielle de contenir le réacteur nucléaire et son circuit primaire de refroidissement. C’est l’ultime barrière au confinement de la radioactivité et un soin tout particulier doit être porté à sa fabrication. Classiquement, on y place aussi les générateurs de vapeur, le pressuriseur, les pompes primaires et les accumulateurs, ce qui permet que l’intégralité du circuit primaire soit comprise à l’intérieur du BR (Figure 2.13 à Figure 2.19). Le BR est fondé sur un radier et comporte une enceinte en béton précontraint capable d’assurer le confinement des produits radioactifs qui seraient libérés en cas d’accident dans son enceinte. Le BR assure aussi

196

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 2.8 – Implantation du site de Cattenom (4 réacteurs P’4).

Fig. 2.9 – Plan en coupe horizontale d’une tranche P4 de mer (Paluel). la protection externe contre des chutes7 ou explosions externes. Le BR est le bâtiment le plus lourd de l’îlot nucléaire. Sa charge au sol est d’environ 50 tonnes/m2 , soit deux fois plus que les autres bâtiments l’environnant. Les structures internes du BR (Figure 2.14) sont des ouvrages en béton armé et charpente métallique qui assurent le supportage des matériels. En partie centrale, on trouve le puits de cuve, qui supporte la cuve et assure une protection biologique latérale. En partie extérieure, le fût des structures internes a pour but de supporter les accrochages poids et anti-débattement des tuyauteries vapeur et eau alimentaire des GVs. L’espace compris entre le fût et l’enceinte est appelé « espace annulaire » 7 Deux avions de référence sont pris en compte ; le LEAR JET 23 bimoteur de 5,7 tonnes et le CESSNA 210 monomoteur de 1,5 tonne, avec une vitesse d’impact de 100 m/s. Notons qu’il est interdit de survoler une centrale française. L’analyse de sûreté est couverte par le Règle fondamentale de sûreté 1.2.a.

2. Le bâtiment réacteur et les bâtiments connexes

197

Fig. 2.10 – Écorché d’un réacteur du palier N4.

Fig. 2.11 – Implantation de l’îlot nucléaire du palier N4. (Photo 2.1). Il contient les charpentes métalliques qui servent de circulation au personnel et le support des tuyauteries vapeur, eau alimentaire, auxiliaires mécaniques et câbles électriques, ainsi qu’une console (niveau +16,0 m) qui sépare le cheminement des tuyauteries d’eau alimentaire et vapeur et qui les protège d’un effet de jet mutuel en cas de rupture.

198

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Tab. 2.1 – Choix technologiques par type de palier. Bâtiments Implantation

CP0-CP1 Jumelées deux par deux Enceinte du BR Simple en béton et revêtement de peau d’acier en face interne Salle des machines Commune à deux tranches Orientation du Tangentielle GTA Turbine 1 corps HP 3 corps BP Poste d’eau/Dégazage Bâtiment des auxiliaires nucléaires Bâtiment des Auxiliaires de sauvegarde Locaux électriques

CP2 Jumelées deux par deux Simple en béton et revêtement de peau d’acier en face interne

P4-P’4 Séparées

N4 Séparées

Par tranche

Double : intérieure en béton précontraint. Extérieure en béton armé Par tranche

Double : intérieure en béton précontraint. Extérieure en béton armé Par tranche

Radiale

Radiale

Radiale

1 corps HP 2 corps BP

1 corps HP 3 corps BP

1 corps HP-MP 3 corps BP

Dans le con- Bâche dégazante Bâche dégazante denseur Commun à deux Commun à deux Par tranche tranches tranches Aucun Aucun Par tranche

Communs à deux tranches Circuits RIS-RCV Imbriqués RRI Liaison entre deux tranches ASG 1 turbopompe + 2 motopompes Contrôle Com- Relayage électromande magnétique

Communs à deux tranches Imbriqués Liaison entre deux tranches 1 turbopompe + 2 motopompes Relayage électromagnétique

Bâche dégazante Par tranche Par tranche

Par tranche

Par tranche

Séparés Par tranche

Séparés Par tranche

2 turbopompes 2 turbopompes + 2 motopompes + 2 motopompes Relayage statique Relayage statique

L’espace entre le puits de cuve et le fût contient les casemates qui isolent GVs et pressuriseur, le plancher (+ 4,00 m) qui sert de stockage au couvercle de cuve, et la piscine BR. Il contient aussi le plancher de travail (+ 20,00 m) qui permet les manipulations lourdes, l’appui de base des GVs et du pressuriseur, et qui porte la machine de chargement, ainsi que les voiles en béton entourant les GVs. Le puits de cuve (Photo 2.2, Photo 2.3, Figure 2.15), volume presque clos, est ventilé en permanence pour éviter son échauffement (système de ventilation EVC, via la gaine d’accès EVC). Le puits de cuve est suspendu au plancher du niveau 4,65 m et aux voiles des casemates. Des butées de blocage immobilisent le puits de cuve latéralement, mais permettent une translation verticale, dans la mesure où les structures internes sont désolidarisées du radier de l’enceinte de confinement par une couche de glissement. L’ensemble de la structure est maintenu en cas de séisme par un tenon ancré dans le radier de l’enceinte. L’espace situé entre le puits de cuve et le fût est divisé en trois sections. D’une part le volume inférieur compris entre les niveaux – 3,50 m et + 3,50 m où l’on trouve le ballon de décharge du pressuriseur (RDP), les 3 accumulateurs RIS (sur les paliers suivants, ces accumulateurs sont placés plus hauts), les 2 échangeurs RRA et les 3 groupes de ventilation EVR. On trouve aussi les caniveaux de drainage, les siphons d’exhaure des structures internes et les puisards RIS. Dans la section intermédiaire comprise entre le niveau + 3,50 m et le plancher de travail (+ 20,00 m), on trouve les casemates et la piscine BR. La casemate du pressuriseur est comprise entre les niveaux + 12,00 m et + 20,00 m. Les casemates protègent des effets de jets

2. Le bâtiment réacteur et les bâtiments connexes

199

Fig. 2.12 – Implantation des BRs par rapport aux turbines. Le risque d’une rupture d’aube de turbine, créant un missile tangentiel et risquant de frapper le bâtiment réacteur ou une autre turbine, a été progressivement pris en compte dans les développements ultérieurs des paliers. Pour des raisons de taille de site, les réacteurs ne peuvent être largement disséminés sur un site et le nombre de sites est limité dans un pays de surface réduite comme la France si on tient compte des possibilités de refroidissement.

en cas de rupture en plus des dispositifs anti-fouettement. On trouve dans la section intermédiaire tous les composants lourds. Enfin, dans la section supérieure, comprise entre le plancher de service (+ 20,00 m) et + 32,00 m, on trouve les parties supérieures des GVs et du pressuriseur, la machine de chargement et le pont polaire tournant. L’analyse de la répartition des composants dans le BR montre que la demi-partie supérieure de l’enceinte ne contient pratiquement que le pont polaire. Tout est concentré dans la demi-partie inférieure en dessous du plancher de service, appelé aussi « plancher 20 m » car il se situe environ à 20 m au-dessus du radier. Le plancher de service contient la piscine BR, profonde de 10 m, dans laquelle un trou étanche permet d’accéder à la cuve. Une fois la cuve placée dans son logement, la piscine peut être remplie sans que l’eau ne s’écoule autour de la cuve, grâce à un joint collerette. Du plancher de service n’émergent que les parties supérieures des générateurs de vapeur et le pressuriseur. Tout le reste du circuit primaire est situé en dessous du plancher de service.

2.3.2

Les puisards

Dans la partie la plus basse du BR se situent les puisards, en forme de caniveau/rigole circulaire, qui recueillent d’éventuelles fuites du circuit primaire, en particulier en situation d’accident de perte de réfrigérant primaire (APRP) ou si le réservoir de décharge pressuriseur (RDP) était totalement plein. L’eau est alors envoyée au RIS

200

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 2.13 – Une publicité de Framatome présentant l’écorché d’un bâtiment réacteur 900 MWe (1974) (collection Marguet).

pour injection dans le primaire. En cas d’APRP, cette eau s’évacuera par la brèche dans le BR et tombera forcément par gravité vers les puisards. De plus, à la mise en œuvre du système EAS d’aspersion enceinte, l’eau pulvérisée dans l’enceinte va aussi être collectée par les puisards. Les puisards sont installés dans l’espace annulaire entre la jupe et le fût du BR, en face des bâtiments périphériques contenant les pompes,

2. Le bâtiment réacteur et les bâtiments connexes

201

Fig. 2.14 – Coupe radiale d’un BR de CPY.

Photo 2.1 – L’espace annulaire entre le fût et l’enceinte. Cette zone est particulièrement encombrée par des tuyauteries.

les échangeurs et la robinetterie, de manière à réduire la longueur des tuyauteries de liaison. Les puisards sont protégés contre le bouchage par des grilles qui laissent passer l’eau, mais pas les débris éventuels (Figure 2.20). La taille des débris solides transportés par l’eau doit être inférieure à 6,5 mm pour ne pas abîmer les pompes RIS et EAS. Il faut aussi éviter le colmatage des grilles d’assemblage (< 2,7 mm), ainsi que les buses d’aspersion de l’EAS (dont le diamètre

202

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Photo 2.2 – Construction du puits de cuve de l’EPR de Flamanville 3 au centre du BR (photo EDF/Fla 3).

Photo 2.3 – Montage du BR de Flamanville 3. Une grue est placée au centre du puits de cuve et permet d’atteindre tous les points du BR (photo EDF/Fla3).

est de 9,5 mm). Le grillage minimal retenu est donc de pas carré de 2,5 × 2,5 mm2 porté par des panneaux filtrants verticaux pour éviter leur colmatage (Figure 2.21, Figure 2.22, Figure 2.23, Figure 2.24).

2. Le bâtiment réacteur et les bâtiments connexes

203

Fig. 2.15 – Accès au puits de cuve. L’accès au puits de cuve est très réglementé. En situation d’arrêt, avec les doigts de gant très activés de l’instrumentation interne rétractés dans les tubes souples qui pendent sous la cuve, le débit de dose y est d’environ 10 Sievert/heure, à comparer avec une dose annuelle maximale de 20 mSv. On comprend le danger à y résider même très peu de temps. Une fois les doigts de gant irradiés insérés, le débit de dose baisse notablement.

Sur le palier CPY, on a des puisards différenciés pour le RIS et l’EAS avec des filtres à tamis étagés (de 2,5 × 2,5 mm2 à 20 × 20 mm2 ). Pour le palier P4, le puisard est commun par file pour le RIS et l’EAS avec des filtres de tamis 2,5 × 2,5 mm2 et 10 × 10 mm2 , complémentés par une cage à barreaux de 10 mm de diamètre espacés de 30 mm.

2.3.3

Conception de l’enceinte de confinement

[Mercier, 1987] p. 136 En ce qui concerne le génie civil (Photo 2.4, Photo 2.5, Photo 2.6, Photo 2.7), toute la centrale s’organise géographiquement autour du bâtiment réacteur (BR), de forme cylindrique facilement reconnaissable, qui contient la cuve du réacteur, le circuit primaire, et la piscine BR normalement vide en fonctionnement, qu’on ne remplit

204

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 2.16 – Altimétrie des niveaux de travail dans un REP CPY (plan de coupe dans un GV).

que pour les opérations de chargement/déchargement. Le bâtiment des auxiliaires nucléaires (BAN) contient des systèmes destinés à traiter et renouveler l’eau du circuit primaire, comme le circuit de contrôle volumétrique et chimique RCV. Le BAN comporte 4 zones indépendantes dites A, B, C et D [Éléments de sûreté et de radioprotection des centrales nucléaires de 1 300 MWe, 1982] p. 48. La zone A contient une

2. Le bâtiment réacteur et les bâtiments connexes

205

Fig. 2.17 – Enceinte CPY (plan de coupe dans le sas matériel et un accumulateur). On notera que, sur ce palier, les accumulateurs sont placés en dessous de la cuve, contrairement aux paliers ultérieurs.

partie du circuit de contrôle volumétrique et chimique (RCV), le circuit de traitement des effluents gazeux (TEG), le circuit d’appoint en eau et en bore (REA) et le circuit de ventilation du bâtiment. La zone B contient la travée des filtres et déminéraliseurs des circuits précédents, ainsi que le traitement de l’eau des piscines. La zone C

206

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 2.18 – Écorché de bâtiment réacteur d’un réacteur 900 MWe 3 boucles. On visualise le circuit primaire et, sur la gauche, les pénétrations des lignes vapeurs vers le bâtiment turbine.

contient les réservoirs des circuits d’effluents liquides et d’eau d’appoint du réacteur, et la zone D contient les réservoirs du circuit d’effluents gazeux. Le bâtiment combustible (BK), qui jouxte le BR et communique via le tunnel de transfert, abrite la piscine combustible qui permet de stocker le combustible irradié

2. Le bâtiment réacteur et les bâtiments connexes

207

Fig. 2.19 – Centrale de Philippsburg en Allemagne de l’Ouest (1 424 MWe, 3 850 MWth). Très différent des modèles français, le BR de ce réacteur est de forme sphérique et comporte un dôme de protection extérieur en béton et une sphère isolante interne en acier. On notera aussi la présence d’une piscine de stockage à l’intérieur du BR, ainsi que la réserve d’eau borée équivalente au PTR (mais plus petite).

Fig. 2.20 – Principe des panneaux verticaux filtrants (cas du P4).

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 2.21 – Localisation des puisards sur CPY (–3,5 m).

Fig. 2.22 – Coupe axiale du puisard CPY.

2. Le bâtiment réacteur et les bâtiments connexes

209

Fig. 2.23 – Localisation des puisards sur le palier 1 300 MWe. après son déchargement, ou neuf avant son chargement. Cette piscine a une capacité de plusieurs cœurs. Le bâtiment comporte un local de stockage des assemblages neufs, le compartiment permettant leur transfert vers le BR, la piscine de désactivation des assemblages irradiés, les postes d’examen des assemblages et le hall de chargement des châteaux de transport des combustibles irradiés. La partie supérieure du bâtiment n’est pas protégée contre le risque de chute d’avion de transport, dans la mesure où la piscine est dimensionnée pour assurer son intégrité face à ce risque (plancher supérieur). Le bâtiment des auxiliaires de sauvegarde (BAS) [Éléments de sûreté et de radioprotection des centrales nucléaires de 1 300 MWe, 1982] p. 49 abrite les systèmes de sécurité importants pour la sûreté en cas de situations incidentelles, comme le circuit d’injection de sécurité RIS, l’aspersion enceinte EAS, le circuit de refroidissement intermédiaire RRI, ou le traitement des effluents gazeux TEG ou liquides TEP. Le bâtiment, protégé contre les séismes, est commun avec le BL. Le bâtiment électrique (BL) comprend la salle de commande et regroupe les systèmes électriques de contrôle de la tranche, le calculateur de tranche, les tableaux de puissance 6,6 kV et 380 V , le panneau de repli en cas de pertes électriques totales. Ce panneau qui regroupe les commandes principales et ultimes de la tranche, permet d’assurer un retour en conditions stables, même en cas d’incendie dans la salle de commande. Le bâtiment de traitement des effluents (BTE) contient les circuits de traitement et de rejet des effluents non réutilisables, ainsi que quelques installations annexes telles que ventilation, engins de manutention, locaux électriques. Enfin la salle des machines (SDM) contient le groupe turbo-alternateur (GTA). Dans le palier CPY, il n’y a pas encore de BAS, dont les circuits sont en fait dans le

210

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 2.24 – Coupe radiale du puisard du palier 1 300 MWe. BAN. Cette segmentation géographique des systèmes est intéressante d’un point de vue sûreté (défaillance de mode commun suite à un incendie par exemple). De même, deux unités jumelées ont un BAN en commun. Là encore, on a abandonné le jumelage à partir du palier P4 dans un souci de compartimentage des risques. L’enceinte du bâtiment réacteur a une double fonction : – d’une part, il protège les composants internes d’une agression extérieure : chute d’avion, risque sismique, explosions extérieures. . . – d’autre part, il doit confiner les éventuels produits de fission qui se trouveraient répandus dans l’enceinte en cas d’accident. Ceci exige une tenue à des températures en face interne à 140 ◦ C avec des zones à 180 ◦ C, et une tenue en pression à 4 bars effectifs. On exige en situation accidentelle d’APRP un taux de fuite inférieur à 1 % de la masse de mélange air-vapeur d’eau en 24 heures. C’est donc le critère qu’on adopte en exploitation. Cette double fonction induit une qualité de réalisation du bâtiment réacteur de très haut niveau relative aux enjeux de sûreté. A.R. Edwards ajoute8 comme fonction, avec une certaine forme d’humour britannique « mitigation of the unexpected », c’est-à-dire limiter les conséquences de l’imprévisible, qui par définition est. . . imprévisible ! La technologie des enceintes de confinement a beaucoup évolué à la fin des années 1960 avec l’expérience acquise des premières tranches nucléaires de puissance. Une 8 [Edwards, 1985] A.R. Edwards: Approaches to containment, Nuclear Energy, Vol. 24, n◦ 4 (1984), pp. 241-256.

2. Le bâtiment réacteur et les bâtiments connexes

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Photo 2.4 – Construction d’un bâtiment réacteur de REP (photo EDF).

Photo 2.5 – Coulage du béton du fût du BR de Bugey 2. Sur la photo de gauche, on visualise nettement au centre le puits de cuve en cours de montage. Une grue est placée au centre du dispositif, qui sera démontée à la fin par une autre grue (photos EDF).

certaine forme de normalisation s’est développée en ce qui concerne les REPs grâce aux centrales américaines construites par Westinghouse, Babcock et Wilcox ou Combustion Engineering. La centrale d’Arkansas One en est un exemple (Figure 2.26). Le bâtiment qui assurerait une étanchéité totale est par définition une utopie. En effet, toute machine ou instrumentation nécessite une maintenance, donc un accès à l’homme. Enfin, l’envoi de la vapeur vers les turbines, la nécessité d’alimenter en courant ces machines et l’évidence impérieuse de connecter la centrale à un réseau électrique sous-entend forcément des pénétrations. Si une première approche simpliste consistant à mettre l’ensemble de la centrale dans un bâtiment unique est facilement

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Photo 2.6 – Dôme d’un réacteur de Flamanville (P4) en 1986 (collection Marguet).

Photo 2.7 – Ferraillage de dôme (collection Marguet).

repoussée (taille imposante du bâtiment, conditions d’accès à l’îlot conventionnel difficiles, contamination de l’ensemble de la tranche en cas de relâchement. . . ), on est amené à ne confiner que le circuit primaire, d’où des pénétrations plus conséquentes du circuit secondaire, et un risque de court-circuiter l’enceinte si les

2. Le bâtiment réacteur et les bâtiments connexes

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Fig. 2.25 – Terminologie spécifique appliquée aux bâtiments réacteur. produits radioactifs peuvent se répendre dans le secondaire (scénario de fusion du cœur avec rupture de tubes de générateur de vapeur dans le cas des REPs). Dans le cas du concept à eau pressurisée, le dôme de l’enceinte est de forme hémisphérique (Photo 2.7), qui constitue une excellente forme pour faire rebondir un éventuel projectile. La forme sphérique est aussi celle qui présente la meilleure tenue à une surpression interne. Le bâtiment repose sur un radier en béton, dont la fonction est d’empêcher (ou de retarder) la progression du corium fondu vers le substrat, ou dans une situation moins critique, l’eau du circuit primaire qui se serait répandue dans le bâtiment réacteur à la suite d’une brèche primaire. Une fonction intéressante des grandes quantités de béton utilisées dans la fabrication du confinement est le rôle de protection biologique. Même lors de l’accident de TMI-2, le débit de dose à l’extérieur du bâtiment réacteur est resté très faible. La fonction de filtration du bâtiment réacteur n’est pas totale dans la mesure où un béton contient une certaine porosité et des micro-fissures. Le BR peut néanmoins laisser exhaler une faible quantité de radionucléides, surtout si une forte pression règne à l’intérieur du confinement. Le confinement peut être amélioré par l’adjonction d’une « peau » d’étanchéité intérieure de 6 mm d’épaisseur en métal (nuance A42), plaquée en face interne du confinement et maintenue par des cornières continues et des connecteurs, mais aussi sur le radier où elle est recouverte d’un mètre de béton [Drevon et al., 1983] p. 286. En cas de relâchement de vapeur et/ou d’eau chaude dans l’enceinte, la pression monte plus ou moins lentement selon la très classique loi des gaz parfaits : P V = nRT Cette loi montre qu’à chargement thermique identique, un volume plus important conduira à une pression moindre. C’est la logique qui a prévalu dans l’évolution des filières françaises où le volume de l’enceinte n’a fait qu’augmenter. On conçoit

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 2.26 – Comparaison des enceintes des réacteurs Arkansas Nuclear One et Midland. Arkansas One, située sur le lac Dardanelle dans l’État d’Arkansas, est une tranche de conception Babcock et Wilcox de 846 MWe couplée au réseau le 21 mai 1974. Son confinement est constitué d’une enceinte en béton précontraint et d’un liner interne à plaques de 6,4 mm d’acier au carbone (ASTM A-516 Grade 60) dont le système d’ancrage est noyé dans le béton. La structure d’ancrage est constituée de tés, doubles tés et cornières. Les plaques du liner ont un rayon de courbure quand elles sont placées sur la face interne du fût cylindrique. L’épaisseur du liner est augmentée au passage des pénétrations (lignes vapeur, sas. . . ) et le matériau qui le compose est de l’acier ASTM A-516 Grade 70 dans ces zones. Les raidisseurs du liner sont en ASTM A-36. Les plaques ont été soudées par technique de soudure à l’arc protégeant le métal de base. En ce qui concerne le réacteur de Midland, le projet a commencé en 1967, et la construction a commencé, mais n’a jamais pu évoluer favorablement suite à d’importantes contestations, mais surtout devant les retards multiples du projet (entre autres à cause du durcissement de la législation après TMI-2), et les problèmes financiers de la Société propriétaire. Le projet a finalement été définitivement abandonné en 1984. Le site a été reconverti en une tranche de cogénération à cycle combiné à gaz (12 turbines à gaz).

2. Le bâtiment réacteur et les bâtiments connexes

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Fig. 2.27 – Coupe générale du BR d’un REP CPY.

néanmoins un compromis technico-économique à cette approche : on ne peut augmenter indéfiniment la taille du confinement et un critère raisonnable doit être établi. Un système de condenseurs à glace, placés dans le bâtiment réacteur, existe sur certains modèles de REPs (produits par Westinghouse, Figure 2.28). Le principe consiste à utiliser la chaleur latente de la glace pour « pomper » la chaleur apportée par la fuite primaire. La vapeur dans le confinement va liquéfier la glace. L’action des condenseurs à glace est totalement passive même si la tranche n’est plus alimentée en courant, l’inconvénient consistant à maintenir solides d’importants volumes de glace en condition de fonctionnement normal. D’autres concepts actifs de refroidissement de l’enceinte, comme des systèmes de convection forcée par ventilateurs (fan coolers) qui pulsent l’atmosphère du confinement à travers des échangeurs placés à l’intérieur du confinement. Le système en usage dans l’ensemble des REPs français est basé sur le principe de l’aspersion via des buses situées sur deux rampes d’aspersion placées juste sous le dôme. Ce circuit EAS puise son eau dans la bâche PTR et disperse donc de l’eau borée, récoltée par les puisards du BR.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 2.28 – Condenseur à glace du concept REP de Westinghouse.

2.3.4

Technologie des enceintes de confinement françaises

[Drevon et al., 1983] p. 283 2.3.4.1 Historique Le premier bâtiment de confinement construit en France pour un réacteur nucléaire a été celui de la centrale de Brennilis dans les Monts d’Arrée, dite aussi « EL4 », en 1964. Il s’agissait d’un réacteur modéré à l’eau lourde et refroidi au gaz carbonique. Le BR se présentait comme un cylindre de béton précontraint de 46 m de diamètre et de 56 m de haut, d’une épaisseur de 0,6 m, et conçu pour résister à une pression interne de 0,6 bar et 80 ◦ C de température. Pour limiter les fuites du fait de la porosité du béton, une solution originale a été utilisée : on a recouvert la face interne du BR par plusieurs couches de goudron bitumineux ajouté à une résine epikote9 . Le résultat final consiste en une couche protectrice et imperméable de 500 microns d’épaisseur. On peut considérer que ce bâtiment est l’ancêtre en France des technologies ultérieures de construction de BR, et il faudra attendre 10 ans avant la construction du BR de Fessenheim 1, puisque le premier REP français, Chooz A, a été construit à l’intérieur d’une caverne artificielle sans nécessité d’un BR. 9 L’epikoteTM Resin 896 (produit de nos jours par la société Hexion) est une résine epoxy à faible viscosité basée sur un mélange de résine bisphénol F (produite à partir de bisphénol F et de épichlorohydrine) et de résine bisphénol A (produite à partir bisphénol A et d’épichlorohydrine). Cette résine présente une faible volatilité, un bon comportement mécanique, et dégage peu d’odeur.

2. Le bâtiment réacteur et les bâtiments connexes

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Fig. 2.29 – Comparaison des enceintes de Fessenheim (France, 900 MWe, CP0) et Tihange (Belgique, 900 MWe). Tihange comporte une double enceinte avec peau d’étanchéité de 6 mm en face interne, un système précurseur de l’EPR. On visualise le radier « fin » de Fessenheim (adapté de [Experience in the design, construction, and operation of prestressed concrete pressure vessels and containments for nuclear reactors, 1975] p. 24). De nombreux modèles d’enceinte ont vu le jour : enceinte métallique sphérique ou cylindrique protégée par une enceinte en béton armé, comme pour la centrale de Stade en Allemagne, enceinte en béton armé (aux États-Unis) et enceintes en béton précontraint. Le béton précontraint présente l’intérêt d’offrir une résistance supérieure à celle des ouvrages en béton armé, car les forces de précontraintes s’opposent aux tractions engendrées par la pression interne, qui peut alors atteindre 4 bars relatifs (5 bars absolus). La précontrainte est appliquée par des câbles de tension selon le procédé Freyssinet. Les câbles de précontrainte sont protégés de l’oxydation, après leur mise en tension, par l’injection d’un coulis de ciment isolant. Ce coulis possède une alcalinité suffisante pour créer un milieu passivant autour du câble (pH = 11), et il est étanche en phase durcie sans présenter de variations dimensionnelles.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

2.3.4.2 Évolution des enceintes françaises En France coexistent à ce jour deux types d’enceinte (Figure 2.30) : les enceintes « simple paroi » en béton précontraint revêtu à l’intérieur d’une « peau » métallique d’étanchéité, le « liner » de 6 mm d’épaisseur, ancré dans le béton, et les enceintes « double-paroi » dont la paroi interne (90 cm d’épaisseur) en béton précontraint a pour but de résister à un accident interne et la paroi externe protège des missiles extérieurs. On notera que le bâtiment réacteur de la centrale de Tihange (900 MWe), construite en collaboration avec la France, comporte déjà un système à double enceinte. La paroi externe (50 cm d’épaisseur) en béton ferraillé, protège des agressions externes parce que le béton résiste bien en compression10 . La paroi interne des P4 a été conçue pour

Fig. 2.30 – Les deux principaux types d’enceintes en France : simple paroi (gauche) et double paroi (droite). L’augmentation de la hauteur de l’enceinte du P4 (Paluel : 72,5 m contre 51,3 m pour Fessenheim) permet de pouvoir changer les GVs en un seul colis. L’augmentation de diamètre intérieur (45 m contre 37 m) est nécessitée par la boucle supplémentaire du P4. L’espace annulaire entre les deux enceintes du P4 est de 2 m. 10 Les propriétés du béton (sans son ferraillage !) sont en moyenne les suivantes : Module d’Young E =37 500 MPa, coefficient de Poisson v = 0,2, masse volumique ρ = 2 300 kg/m3 . Le ferraillage ne joue pas tellement en compression, mais surtout en traction où il reprend les efforts car la résistance du béton en traction n’est que de 0,4 MPa (alors qu’elle est de 40 MPa en compression), et maintient l’intégrité du bâtiment réacteur si le béton est fissuré.

2. Le bâtiment réacteur et les bâtiments connexes

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résister à une pression de dimensionnement de 4,8 bars et de 5,2 bars pour le P’4. Ces pressions sont supérieures à celle atteignable lors d’un accident d’APRP. La précontrainte de la paroi de béton interne des P4 a été calculée pour garantir une contrainte de compression résiduelle permettant d’éliminer l’existence de zones en traction et de limiter l’apparition de fissures. Vis-à-vis de la précontrainte de l’enceinte interne, le concept à doubles parois présente les avantages que les contraintes thermiques sont réduites (pas de poussée due à la présence d’une peau métallique se dilatant ou se contractant en face interne), l’espace annulaire (2 m de largeur) permet de pratiquer les précontraintes sur l’enceinte interne sans interférer sur les bâtiments jouxtant le cœur qui touchent l’enceinte externe, enfin l’enceinte interne est protégée des intempéries. L’enceinte de confinement du palier CPY (900 MWe)11 (Figure 2.31, Figure 2.33, Figure 2.34) est composée principalement d’un bâtiment cylindrique en béton précontraint de 37 m de diamètre et 59 m de hauteur. L’épaisseur de la jupe cylindrique est de 0,9 m et celle du dôme (Figure 2.35) est de 0,8 m. Le radier horizontal présente une épaisseur de 3,5 m de béton armé. Ce bâtiment contient des structures internes en béton armé destinées à supporter les principaux équipements tels que la cuve du réacteur, les générateurs de vapeur, les pompes primaires, la piscine de chargement. . . mais aussi des structures en béton (puits de cuve, fût, casematage. . . ). Le puits de cuve est un exemple de structure interne en béton destiné à recevoir la cuve12 . Le puits de cuve est un réceptacle en béton armé d’environ 2 m d’épaisseur qui entoure la cuve avec un jeu d’environ 10 cm, et qui protège le personnel qui interviendrait sur le circuit primaire. Le fût est un deuxième réceptacle en béton enveloppant le puits de cuve auquel il est relié par des voiles de béton et des planchers, le tout formant un ensemble de casemates à l’intérieur desquelles on trouve les différents éléments du circuit primaire. La distance entre le fût et l’enveloppe interne (d’un P4) est d’environ 5,3 m. Les casemates sont des logements en béton permettant de caser les GVs de grande hauteur ou le pressuriseur. Ces casemates sont dimensionnées pour résister à des cas de rupture grave avec fouettement des conduites ruptées. Les matériels métalliques lourds sont introduits dans le BR par un orifice, le tampon d’accès matériel (TAM), disposé au niveau du plancher de service à + 20 m du 11 Costaz : Génie civil des centrales nucléaires, session de formation continue du 3 au 6 juin 1980, École nationale des ponts et chaussées. 12 Le puits de cuve est désolidarisé du radier à -3,5 m, il existe donc un vide de 100 mm de hauteur en position normale et les structures peuvent de déplacer de +/- 2 cm en hauteur et de quelques millimètres en horizontal. Un joint existe pour assurer l’étanchéité de cette partie et résister à une pression de vapeur de 3 bars à 140 ◦ C.

Nouveau joint butyl de puits de cuve

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 2.31 – Comparaison des enceintes du parc français.

sol par l’intermédiaire d’un portique de manutention situé à l’extérieur de l’enceinte. Un pont polaire de 350 tonnes, placé en haut du BR sur des consoles avant la fermeture par le dôme, permet leur mise en place. L’enceinte comporte environ 160 traversées (245 pour le palier 1 300 MWe) qui vont d’un diamètre de 1 300 mm pour les tuyauteries vapeur vers la salle des machines, à 250 mm pour les câbles électriques. Techniquement, une traversée assure le franchissement de la barrière de confinement par une ou plusieurs lignes (comme des tuyauteries, des câbles électriques. . . ). Toute traversée est raccordée à des pièces de liaison entre les lignes qui traversent et le fourreau ancré dans le béton du BR. Une traversée comprend d’une part le fourreau ancré, d’autre part les pièces de liaisons rigides ou déformables, éventuellement un calorifuge et des ailettes de refroidissement selon le type de traversée (comme les traversées vapeur, Figure 2.32). L’axe des traversées est toujours horizontal et rayonne depuis le centre de l’enceinte à de rares exceptions près, citons les traversées de diamètre supérieur à 500 mm qui ont une pente de 1 % vers l’extérieur pour favoriser l’écoulement de condensats, les traversées vapeur et eau alimentaire des GV qui sont parallèles entre elles (et non rayonnantes) et les traversées d’aspiration des puisards du BR qui ont un axe vertical. La paroi interne de l’enceinte est recouverte d’un liner isolant par rapport aux produits de fission et au gaz, de 6 mm en acier de nuance A42 P1. Cette « peau » interne est ancrée dans le béton avec des profilés et des goujons type « Nelson ». Le fourreau de la plupart des traversées de 250 mm de diamètre est soudé directement sur le liner. Les fourreaux des autres traversées sont soudés sur une tôle annulaire plus épaisse, elle-même soudée sur le liner. Ce liner vertical est prolongé d’un liner horizontal (tolérance de planéité : 15 mm) noyé sous un mètre de béton dans le radier. La précontrainte du béton est assurée par des câbles en acier nomenclaturés 19 T 15

2. Le bâtiment réacteur et les bâtiments connexes

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(19 torons de 15 mm de diamètre, système Freyssinet13 ) d’une capacité de 300 tonnes utiles, qui sont tendus à partir d’un bout émergeant (Photo 2.8). On utilise trois types de câbles : des câbles verticaux rectilignes pour la jupe, qui sont déviés autour des traversées (comme le TAM) ; des câbles horizontaux dans la jupe d’une longueur égale à 3/4 de la circonférence totale et ancrés sur 4 nervures verticales (chacun des câbles ne fait donc pas un tour complet), déviés aussi autour des pénétrations ; enfin, des câbles dans le dôme répartis eux-mêmes en trois familles décalées entre elles de 120◦ radialement. La mise en place de la précontrainte s’effectue dès que le béton a au moins 28 jours et 400 bars de résistance en compression. Le dimensionnement pour une sollicitation nominale comporte les charges classiques en service (composants) combinées avec un effet de séisme normal admissible correspondant à une accélération horizontale de sol de 0,1 g (soit 0,981 m.s−2 ), soit une intensité de VII sur l’échelle Mercalli modifiée, dite aussi MSK14 . L’accident de référence pris en compte correspond à un accident de perte de réfrigérant primaire grosse brèche, qui porte la pression enceinte à 5 bars absolus et une température moyenne maximale à 140 ◦ C (avec des points locaux à 180 ◦ C). L’épreuve de réception de l’enceinte consiste en une mise en pression par air froid à 1,15 fois la pression 13 Eugène Freyssinet (1879-1962) est un ingénieur français, père du béton précontraint dont le premier brevet est déposé le 2 octobre 1928, avec son ami l’ingénieur et inventeur Jean Charles Séailles (1883-1967). Séailles a mis au point avec son épouse Spéranza Calo (1885-1949) du ciment alumineux « Lap », qu’elle avait découvert par hasard en 1923. Parallèlement, Pierre Marie Edme Campenon (1872-1962), ingénieur civil des Mines, créa tout d’abord en 1920 avec André Bernard, un ingénieur des Arts et Métiers, la société de Bâtiments et travaux publics Campenon-Bernard, qui participa à la construction de barrages, dont celui de Chambon à partir de 1927. Campenon-Bernard achète en 1940 l’usage du brevet Freyssinet, et crée en 1943 la Société technique pour l’utilisation de la précontrainte (STUP) qui devint en 1976 la société Freyssinet. L’avance technologique de la technique de précontrainte permet à la société de se développer dans le monde, et en France dans le domaine des bâtiments réacteurs et des réfrigérants atmosphériques.

Eugène Freyssinet, le père du béton précontraint.

Edme Campenon Les spécialistes des séismes utilisent aussi l’échelle de Mercalli Modifiée graduée en 12 degrés MSK (1964), du nom de ses promoteurs : Sergueï Medvedev, Wilhelm Sponheuer et Vit Karnik, habituellement notée en chiffres romains (I à XII). Cette échelle macrosismique traduit une observation qualitative des destructions en un lieu donné. Ainsi, selon la configuration du terrain, un séisme d’une magnitude donnée produira en surface un rendu en termes de degrés MSK différent d’un point à un autre. En France, les études historiques ont dénombré un séisme tous les 100 ans d’intensité X MSK, 2 tous les 100 ans d’intensité IX et 8 d’intensité VIII sur la même période. 14

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 2.32 – Traversée vapeur. Les traversées des tuyauteries de vapeur et d’eau alimentaire des GVs ont une flasque située à l’extérieur de l’enceinte, dont l’objectif est d’assurer une plus grande souplesse de la ligne à l’intérieur de l’enceinte et une dilatation thermique réduite à l’extérieur entre le pont fixe et le supportage de la vanne d’isolement.

Photo 2.8 – Ancrage de câbles de précontrainte de l’enceinte de la tranche 2 de Bugey. On remarquera les mors coniques à 3 dents à 120◦ , qui coincent les câbles dans la tête d’encrage. La précontrainte qui intéresse le fût et la coupole consiste en l’enfilage, la mise sous tension ; le cachetage et l’injection de 1 058 câbles, soit une longueur de 70 km environ. Ces câbles sont répartis par paires avec une trame verticale de 0,42 m et une trame horizontale de 0,16 m. Pour la coupole, les câbles sont répartis en trois nappes croisées à 60◦ . L’enfilage s’effectue à l’aide d’une machine à pousser toron par toron. La mise sous tension est effectuée dans un ordre très précis et débute par les câbles verticaux tendus (2 520 kN) en opposition. Au total l’enceinte à elle seule représente 940 tonnes de câbles de précontrainte et 370 tonnes d’armatures [Centre de production nucléaire du Bugey, 1986].

de calcul. Lors de l’épreuve, on mesure le taux de fuite en montant la pression par palier (jusqu’à 4,6 bars relatifs), et ce taux doit être inférieur à 0,1 % de la masse d’air de l’enceinte en 24 heures. À ces sollicitations « normales », on vérifie aussi

2. Le bâtiment réacteur et les bâtiments connexes

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Fig. 2.33 – Coupe axiale du BR du palier CPY. le comportement en limite ultime (limite d’élasticité) à des sollicitations majorées : séisme majoré de sécurité (0,2 g), pression majorée d’un coefficient 1,5, ruptures de tuyauteries à la traversée de l’enceinte. . . L’enceinte de confinement du palier 1 300 MWe (Figure 2.36, Figure 2.37) diffère notablement de la précédente. À partir de 1970, EDF a entrepris avec le bureau d’ingénieurs-conseils Coyne et Bellier l’étude d’un nouveau concept éliminant la peau d’étanchéité, système coûteux et difficile à mettre en place. La solution proposée est une enceinte interne d’étanchéité en béton précontraint (0,9 m d’épaisseur pour le P4, 1,2 m pour le P’4), sans peau d’étanchéité et une enceinte externe en béton armé de protection des agressions externes (chute d’avions, explosions externes. . . ). Le concept est appelé enceinte double paroi. Un radier commun partiellement précontraint sert de support aux deux enceintes imbriquées en « poupées russes ». L’espace annulaire de 2 m de largeur entre les deux enceintes permet d’effectuer les opérations de précontrainte, et la surveillance des câbles et des fuites. L’espace annulaire est en dépression par rapport à l’extérieur, et on peut ainsi collecter les fuites vers le traitement des effluents gazeux (système EDE). La précontrainte du radier et de l’enceinte interne est réalisée à l’aide de câbles Freyssinet 37 T 15 (à 37 torons de 15 mm de diamètre) deux fois plus puissants que ceux utilisés pour le CPY. Le radier est câblé selon un maillage carré de 1 m de pas. Les câbles horizontaux de la jupe ont une longueur

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 2.34 – Coupe radiale d’un BR du palier CPY.

Fig. 2.35 – Bétonnage du dôme du palier CPY.

égale à la circonférence, ancrés sur deux nervures verticales diamétralement opposées. Les câbles verticaux sont identiques à ceux du CPY. Des câbles verticaux retournés assurent la précontrainte du dôme.

2. Le bâtiment réacteur et les bâtiments connexes

Fig. 2.36 – Coupe axiale du BR du palier P4.

Fig. 2.37 – Coupe radiale du BR du palier P4.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Quelques différences de construction par rapport au CPY sont à noter. Le bétonnage du radier s’effectue en continu. Le pont polaire repose sur une assise circulaire en corbeau15 continue de béton. Le dôme externe est coulé sur des éléments préfabriqués étagés sur le dôme interne. Les Figures 2.38 et 2.39 montrent l’arrangement des composants à l’intérieur des enceintes.

Fig. 2.38 – Vue du confinement simple paroi + liner d’un réacteur CPY 900 MWe d’EDF.

2.3.4.3 Brassage et contrôle de l’atmosphère enceinte (ETY) Le système ETY (Figure 2.42) assure plusieurs fonctions. En premier lieu, il effectue en circuit fermé l’échantillonnage de l’atmosphère de l’enceinte pour mesurer la concentration en hydrogène (en cas d’APRP), ainsi que la radioactivité. Il permet de brasser l’atmosphère pour éviter la stratification de l’hydrogène. Il permet de maintenir basse (< 4,1 % en volume) la concentration de l’hydrogène grâce à un circuit de recombinaison, pour éviter l’inflammation. En situation de fonctionnement normal, un mini-balayage en circuit ouvert, avec traitement sur filtre absolu et pièges à iode, permet de diminuer l’activité. Le mini-balayage de l’enceinte, bien que n’étant pas en soi une fonction de sauvegarde, participe à la radioprotection du personnel. 15 Un corbeau est un élément d’architecture en saillie. Une assise en corbeau permet de soutenir une structure.

2. Le bâtiment réacteur et les bâtiments connexes

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Fig. 2.39 – Vue du confinement double-paroi d’un réacteur P4. La paroi interne (0,9 m) en béton précontraint résiste à la pression atteinte lors des accidents de dimensionnement. L’enceinte externe (0,5 m d’épaisseur) assure la protection vis-à-vis des agressions externes.

Fig. 2.40 – Comparaison des enceintes 900 MWe (à gauche) et 1 300 MWe (à droite). Le BR du 1 300 MWe, bien que plus haut, est moins profondément ancré dans le sol (adapté de [Experience in the design, construction, and operation of prestressed concrete pressure vessels and containments for nuclear reactors, 1975] p. 537). Par contre, les fonctions échantillonnage, recombinaison et mesure de l’hydrogène et brassage, le sont. ETY assure la décompression de l’enceinte au démarrage de la tranche, rendue nécessaire par la libération d’air comprimé de régulation dans

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 2.41 – Récapitulatif des enceintes du parc français en 2017.

Fig. 2.42 – Principe du système ETY.

l’enceinte. Il assure aussi une ventilation du puisard des drains résiduaires pour éviter la contamination atmosphérique de l’enceinte lors des vidanges de fluide primaire.

2. Le bâtiment réacteur et les bâtiments connexes

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2.3.4.4 Ventilation de l’enceinte Le système ETY vu précédemment fait partie d’un ensemble de ventilation plus général (Figure 2.43) qui comporte : le système de ventilation du puits de cuve (EVC) qui est un lieu presque clos et qui est chauffé par la cuve en fonctionnement, la ventilation des mécanismes de grappes (RRM) qui sont activés par induction électromagnétique, ce qui dégage de la chaleur, la ventilation continue EVR, la ventilation de balayage à l’arrêt (EBA) et la filtration interne (EVF). Le BAN est quant à lui refroidi par le système DVN.

Fig. 2.43 – Ventilation de l’enceinte (CPY).

2.3.4.5 Dépression dans l’espace annulaire des enceintes à double paroi L’espace annulaire entre les deux enceintes (2 m de large) du modèle à double paroi (palier P4 et ultérieurs) est maintenu en dépression pour collecter les fuites. Dans le cas de l’EPR, les deux tactiques, peau interne + double enceinte, ont été retenues, pour limiter encore plus les risques. La surveillance de l’étanchéité des enceintes en exploitation repose d’une part sur des essais périodiques (auscultation, suivi du fluage, épreuves décennales, tests d’étanchéité des organes d’isolement des traversées

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

d’enceinte et du sas), d’autre part un suivi permanent « en ligne » par un bilan16 d’entrée/sortie d’air et des variations de température et de pression. Pour les enceintes à double paroi (palier P4-P’4), un système de dépression dans l’espace entre les deux enceintes (système EDE) garantit une pression inférieure d’une quinzaine de millibars par rapport à la pression extérieure, et collecte les éventuelles fuites en les dirigeant vers des filtres et des pièges à iode, avant de les rejeter à l’extérieur. Ce circuit de dépression est un circuit de sauvegarde, conçu avec une redondance d’ordre 2, ce qui signifie que chacune des deux files est apte à remplir la fonction complète demandée au circuit. Ce circuit est bien entendu secouru par les diesels de secours.

Fig. 2.44 – Le circuit EDE du palier 1 300 MWe avec ses deux files et sa file de contournement pour le fonctionnement normal.

Le circuit EDE (Figure 2.44) est constitué de deux files indépendantes munies de piège à iode. Une file de contournement permet de garantir une meilleure efficacité des pièges à iode pour ne les utiliser qu’en situation accidentelle. Nous détaillerons plus le circuit EDE dans le chapitre sur les principaux systèmes. 2.3.4.6 Fuites à travers le béton On distingue les fuites directes (non transitantes) qui passent par les différentes pénétrations, et les fuites transitant par le gap entre les parois. Les fuites transitantes sont a priori collectées par le circuit EDE, alors que les fuites directes, par exemple par le sas d’accès du personnel, les tampons d’accès matériel (TAM), faisant 7 à 8 m de diamètre, les traversées électriques de passage de câbles (Figure 2.46, Figure 2.47, Photo 2.9) peuvent provoquer des conséquences radiologiques en cas d’incident. À titre d’exemple, le taux de fuite de la paroi interne du palier P4 (c’est-à-dire la somme des fuites transitantes et directes) doit être inférieur à 1,5 % par jour de la masse de gaz contenue dans l’enceinte en situation d’APRP. Le taux de fuite externe 16 Par le système dit SEXTEN. Le système SEXTEN n’est pas un système de sûreté, mais un outil d’exploitation qui permet d’apprécier rapidement l’incidence de manœuvres d’exploitation sur l’étanchéité des isolements de traversées d’enceinte.

2. Le bâtiment réacteur et les bâtiments connexes

231

Fig. 2.45 – Le système EDE de mise en dépression de l’espace entre double enceinte des REPs 1 300 MWe.

Fig. 2.46 – Traversée électrique de câble 6,6 kV (moyenne tension). doit, lui, être inférieur à 1 % de la masse de gaz dans le gap par jour. Du fait de la dépression, cette fuite est dirigée vers l’intérieur. Cette dépression doit être de 1 550 pascals. Ce sont les valeurs qui figurent dans le rapport de sûreté (Tableau 2.2).

232

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 2.47 – Traversée électrique basse tension de type AUXITROL.

Photo 2.9 – Traversées électriques d’enceinte de confinement AUXITROL.

Le taux de fuite réel de l’enceinte est mesuré lors d’épreuves pneumatiques en air sec17 au premier démarrage et lors des visites décennales. Pour cette épreuve, on applique une pression d’épreuve conservative d’environ 5 à 10 % par rapport à celle attendue au pic de la pression enceinte en cas d’APRP. De plus, cette pression est appliquée 17 L’utilisation d’air sec a pour effet d’augmenter le taux de fuite par rapport à de l’air humide représentatif d’un accident. Un APRP aurait pour conséquences de vaporiser une grande quantité d’eau dans le confinement.

233

2. Le bâtiment réacteur et les bâtiments connexes

Tab. 2.2 – Critères d’étanchéité des enceintes de confinement françaises (en % par jour de la masse de gaz contenue dans l’enceinte).

Enceinte Simple paroi Double paroi

Critères du rapport de sûreté 0,3 %/j 1,5 %/j

Retour d’expérience français 0,06 %/j 0,4 %/j

pendant un temps beaucoup plus long que celle attendue lors de l’accident si le circuit d’aspersion enceinte EAS est opérationnel. EDF s’impose de plus comme contrainte que le taux de fuites directes soit inférieur à 8,2 % (pour le palier P4), et 10,9 % (pour le palier P’4) du taux de fuite global. La mesure du taux de fuite d’une enceinte nécessite une précision et une métrologie adaptées18 . La méthode consiste à pressuriser l’enceinte en air sec et à mesurer les variations de pression et de température pendant une journée entière. Les précisions de mesure requises sont draconiennes. Les variations de température doivent être mesurées avec une précision de 0,03 ◦ C, alors que, étant donnée la taille de l’enceinte (environ 50 000 m3 pour un CPY), on observe des différences de température de plusieurs degrés selon l’altitude. On mesure la température en différents points de l’enceinte avec des sondes à résistance de platine. En ce qui concerne la pression, on utilise deux manomètres de très haute précision constitués d’un tube à quartz enroulé en hélice dans un réceptacle étanche maintenu à température constante. Un miroir solidaire du tube permet, par méthode optique, de repérer les déformations du tube, et de remonter ainsi à la pression. On rappelle que le critère de tenue de l’enceinte est de 5 bars. Il faut absolument prendre en compte une éventuelle production de vapeur d’eau par vaporisation à l’intérieur de l’enceinte, d’où des mesures précises d’hygrométrie. Cette mesure de taux de fuite est réalisée à réception de l’enceinte, puis lors des visites décennales. De plus, l’étanchéité des traversées (les tuyauteries d’eau alimentaire et de vapeur sont entourées d’un fourreau soudé sur les traversées d’enceinte, de liaisons souples par soufflets) assure l’étanchéité de l’enceinte externe malgré les déplacements relatifs de celle-ci par rapport à l’enceinte interne [Éléments de sûreté et de radioprotection des centrales nucléaires de 1 300 MWe, 1982] p. 46). La mesure de la dépression par le circuit EDE est surveillée en continu en fonctionnement normal. 2.3.4.7 Précontrainte du béton Si on excepte les modes de ruine par explosion (agression externe, explosion hydrogène), impact (chute d’avion) ou tremblements de terre, qui peuvent provoquer des fuites importantes, le béton peut naturellement vieillir au cours du temps, et certains phénomènes peuvent augmenter le taux de fuite naturel de l’enceinte. Le béton de l’enceinte est précontraint par des câbles en acier. Cette précontrainte permet de fermer les fissures qui apparaissent après séchage, mais des fissures résiduelles peuvent rester, qui n’évoluent pas au cours de temps, mais peuvent « s’ouvrir » en pression. De plus, la précontrainte provoque un retrait par fluage, qui se stabilise au cours des 18 Jean-Luc Germain : Le contrôle de l’étanchéité des enceintes de confinement, Epure n◦ 15 (1987).

234

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

années. La précontrainte a pour but de faire travailler le béton en compression, car il est bien connu que le béton est beaucoup plus fragile en traction. Les traversées de grandes tailles (sas-tampon matériel, passage de tuyauteries vapeur) créent des zones de contraintes en compression plus faible, voire en traction, qui seront autant de zones de fuite privilégiées. On ne peut ré-intervenir sur les câbles de précontrainte car ceux-ci sont coulés dans le béton pour empêcher la corrosion. La perte de précontrainte s’avère donc évolutive mais elle s’amortit dans le temps. Les zones du tampon matériel, du gousset et de la ceinture torique sont les plus concernées de par leur géométrie particulière (Figure 2.48).

Fig. 2.48 – Terminologie applicable à une double enceinte. La problématique de l’augmentation du taux de fuite des enceintes de Belleville 1 (taux de 2,05 %/j) et Belleville 2 (1,34 %/j) trouve probablement sa source dans la nature des sables utilisés dans le béton. Une solution a été trouvée en appliquant un revêtement (1 200 m2 ) de polymère sur la face interne de l’enceinte interne. Néanmoins l’épreuve décennale de Flamanville (fin 1997) a aussi montré une forte augmentation du taux de fuite (1,95 %/j). Ces problèmes ont nécessité des injections de reprise de bétonnage dans les zones sensibles de certaines enceintes du palier P4, dans la mesure où on ne peut intervenir sur la précontrainte des câbles injectés pris dans le béton. Notons que toutes les tranches ne sont pas concernées au même titre (Cattenom, Flamanville et Belleville sont plus touchées), ce qui suggère un effet local (nature du béton et des sables utilisés, technique de génie civil. . . ). Une maquette d’enceinte dite MAEVA, dans laquelle on a injecté de l’air et de la vapeur d’eau, a permis de qualifier les codes de calcul en atmosphère accidentelle et d’affiner les coefficients de transfert entre essai en air sec et atmosphère humide. Depuis 1992 et la construction du bâtiment réacteur de Civaux 2, EDF utilise le béton haute performance dit BHP, qui présente une résistance moyenne à la compression de 60 MPa, soit près du double d’un béton standard. On diminue la porosité de ce type de béton en introduisant des adjuvants comme des particules de silice ultrafines.

2. Le bâtiment réacteur et les bâtiments connexes

235

Fig. 2.49 – Perte progressive de contraintes par déformations différées sur l’enceinte de Chooz (N4). On repère bien sur la figure en bas à droite le ferraillage complexe autour du sas matériel (TAM).

Fig. 2.50 – Ferraillage de la zone du sas matériel (TAM). 2.3.4.8 Protection antisismique Les tranches nucléaires françaises sont conçues pour résister au séisme de dimensionnement (SDD), à savoir un séisme normatif qui enveloppe les séismes majorés de sécurité de tous les sites, où on a défini pour chaque site un séisme maximum historiquement vraisemblable (SMHV). Le séisme majoré de sécurité (SMS) consiste à augmenter d’une unité MKS le SMHV. Patins antisismiques du radier L’éventualité d’un séisme menace les bâtiments de l’îlot nucléaire par des secousses et vibrations du sol. Une solution originale a été développée pour les spécialistes du génie civil qui consiste à interposer entre la structure à protéger et le sol un « filtre » qui isole le sol vibrant des structures. Il s’agit

236

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 2.51 – Principe des patins antisismiques. d’appuis antisismiques (ou plots antisismiques ou patins antisismiques) (Figure 2.51) qui sont largement utilisés dans la construction des immeubles dans certains pays à forte sismicité comme le Japon. Le patin comporte des plaques de friction et un élastomère renforcé qui assure une certaine mobilité par effet ressort au bâtiment si la base du patin bouge avec le sol. Lors d’un séisme de faible amplitude (0,1 à 0,2 g), la structure vibre sur les patins et revient à sa position initiale après amortissement. Pour des séismes de plus forte amplitude (0,6 g), les accélérations horizontales provoquent une distorsion des blocs élastomères superposés et la structure peut se trouver décalée légèrement par rapport à sa position d’origine. Les blocs élastomères se comportent comme un ressort horizontal à faible amortissement qui transforme le mode de vibration dangereux (flexion/rotation de la structure), en un mode de translation de fréquence 1 hertz environ. Le rôle des plaques de friction est d’écrêter les accélérations transmises à la structure et de limiter les accélérations horizontales à 0,2 g, admissibles par conception de la structure. Une accélération horizontale de 2 g sans patin au niveau du dôme se trouve ainsi limitée à 0,2 g avec les patins. Plusieurs centrales dans le monde disposent de ce type de protection. Citons la centrale de Koeberg (Figure 2.52), construite par Framatome en Afrique du Sud, et la centrale de Cruas (Figure 2.53) sur le Rhône en France. Butées antisismiques du puits de cuve Les butées antisismiques sont des structures de génie civil disposées autour du puits de cuve, et qui sont destinées à reprendre les efforts horizontaux (et non pas latéraux qui sont gérés par les patins du radier), générés par un séisme. Ces butées sont fixées au génie civil de l’enceinte par 8 tirants

2. Le bâtiment réacteur et les bâtiments connexes

237

Fig. 2.52 – Plots antisismiques (coupe axiale) de la centrale de Koeberg (Afrique du Sud).

Fig. 2.53 – Plots antisismiques de la centrale de Cruas (coupe radiale).

en acier mis en précontrainte (Figure 2.54). On vérifie régulièrement la tension de ces tirants. C’est d’ailleurs lors d’une visite préventive en 1996 sur un réacteur du palier CPY que l’on a découvert des tirants d’ancrage de butées desserrés, corrodés, voire même cassés (les têtes de tirants sont analysables par une inspection par accès au puits de cuve). Le défaut étant générique au palier bien que sans influence sur la sûreté en fonctionnement normal, l’incident a été classé au niveau 2 sur l’échelle INES par l’Autorité de sûreté. Un programme de rénovation des tirants a alors été mené tout en vérifiant que les tranches concernées pouvaient quand même résister à un séisme SMHV.

238

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 2.54 – Butées antisismiques du puits de cuve.

2.3.5

Les modes de rupture de l’enceinte

La rupture de la dernière barrière de confinement est un enjeu extrêmement important pour la sûreté. Pour avoir un langage commun, on a défini une classification des modes de rupture, utilisée internationalement. À chaque mode de rupture (Tableau 2.3), les spécialistes ont associé un risque relativement consensuel19 et un terme-source résultant. Nous reviendrons dans un ouvrage ultérieur sur les accidents graves sur la définition exacte du terme source, mais à ce niveau de présentation, il est juste utile de savoir que le terme S1 correspond à un relâchement non filtré instantané, et que le terme S2 correspond à relâchement direct mais après un jour de tenue du confinement. Pour compléter le tableau, le terme-source S3 correspond à un relâchement filtré après un jour. Cette journée gagnée permet de prendre les mesures adéquates de protection de la population. Quand le risque a été jugé possible, il a fallu élaborer une parade. Sur l’ensemble des modes de rupture, seule la perte de confinement par missile induit par une explosion vapeur dans le cœur semble exclue par les spécialistes. Il apparaît que le corium est relativement peu explosif au contact de l’eau. Les rendements énergétiques des explosions qu’on a déclenchées expérimentalement par « trigger » (expériences FARO, KROTOS, TROY) sont habituellement faibles. Même en prenant des valeurs conservatives, un « slug » de corium mis en mouvement par une explosion vapeur en fond de cuve se fragmenterait dans les internes supérieurs, et ne pourrait éjecter significativement le couvercle de cuve. L’accident du réacteur SL1, bien qu’à une échelle différente, a montré une bonne tenue de la cuve à une explosion interne à la cuve. Par contre, le mode de rupture de l’enceinte par explosion hydrogène a été jugé crédible dans la réévaluation de sûreté des REPs après l’accident de TMI-2. Cela 19 Le consensus entre spécialistes de n’importe quelle matière étant souvent difficile à obtenir ! Les PIRT (Peer Review International Ranking Tables), où l’ensemble d’une communauté scientifique « pertinente » évalue ces problèmes, sont un moyen d’évaluer le niveau de ce consensus.

239

2. Le bâtiment réacteur et les bâtiments connexes

Tab. 2.3 – Modes de rupture de l’enceinte et parades dans le cas des REPs en France. Mode de rupture

Nomenclature Risque

Projection d’un missile α issu d’une explosion vapeur en cuve

Défaillance d’une péné- β tration du confinement

Explosion d’hydrogène

γ

Pressurisation lente de δ l’enceinte Percement du radier ε par interaction corium/béton

Termesource concerné Improbable en REP : S1 dans le cas où un « slug » de corium était éjecté vers le haut, il n’aurait pas une énergie suffisante pour éjecter le couvercle de cuve. Possible : défaillance S1 des joints de traversée, scénario de by-pass enceinte. Possible dans des condi- S2 tions d’hygrométrie particulières (Shapiro)

Possible (perte de S2 l’EAS) Possible (perte de la S2 source froide)

Parade

Procédure U2

Recombineurs autocatalytiques d’hydrogène Procédure U5 Procédure U4

a conduit en France à introduire des recombineurs auto-catalytiques passifs sur les paliers 900 et 1 300 MWe.

2.3.6

Protection de l’enceinte

Un suivi de la pression de l’enceinte (CPY) renseigne l’opérateur sur le niveau de menace interne. Une alarme se déclenche en salle de commande à partir de 1,1 bar, soit la pression maximale en fonctionnement normal ou MAX1. Un second niveau d’alarme (MAX2) est atteint à partir de 1,4 bar, provoquant le démarrage de l’injection de sécurité et l’isolement de l’enceinte (première phase). À partir de 1,9 bar (MAX3), on effectue un isolement vapeur (en moins de 10 secondes en cas de RTV). Audessus de 2,4 bars (MAX4), on active l’aspersion enceinte (EAS) et la deuxième phase d’isolement vapeur (APRP grosse brèche). L’accident dimensionnant l’enceinte d’un CPY est l’APRP grosse brèche, ce qui a conduit à retenir une pression de calcul de 4,8 bars absolus, pour une température ambiante de 138 ◦ C avec un temps de montée en pression de 22 secondes. Cet accident dimensionne aussi le volume de l’enceinte retenu (soit 51 000 m3 ) pour une épaisseur de 90 cm (28 000 tonnes pour l’enceinte seule). Pour prendre en compte des situations d’accidents graves hors dimensionnement, et dans le cadre de la démarche de défense en profondeur visant à protéger les populations et l’environnement, une procédure ultime dite U5 de décompression-filtration de l’enceinte a été mise en œuvre20 . L’objectif de cette procédure est d’éviter la perte de confinement qui pourrait résulter d’une mise en pression lente de l’atmosphère 20 A. L’Homme, G. Servière : Les filtres à sable, Revue générale nucléaire, n◦ 2, mars 1988, pp. 159-160.

240

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

du BR, conduisant à dépasser la pression de dimensionnement, suite à une fusion du cœur. Cette pressurisation serait la conséquence d’une production de gaz chauds provenant de l’attaque du radier en béton par du corium (mélange de combustible fondu, de gaine oxydée ou métallique, et de matériaux de structure des internes du cœur), coulant de la cuve après son percement. La procédure U5 vise à dépressuriser l’enceinte via un filtre à sable (Photo 2.10), avant de canaliser les rejets filtrés vers la cheminée TEG. Il faut y voir une procédure de dernière chance avant de perdre irrémédiablement l’enceinte, en situation extrême. La fonction du filtre à sable est de retenir tout particulièrement les aérosols (épuration d’un coefficient de l’ordre d’un facteur 10), alors que l’iode sous forme gazeuse (I2 ) par exemple ne serait pas retenu.

Photo 2.10 – Un filtre U5 d’une tranche P4 (photo EDF). Le caisson de filtration est constitué d’une virole cylindrique de 7 m de diamètre, fermée par des fonds bombés. Le caisson est en acier inoxydable, d’une hauteur d’environ 4 m. Il contient un lit de sable de 0,8 m d’épaisseur, et la circulation du gaz est descendante avec une arrivée par le haut du filtre. En amont, le filtre est connecté par une tuyauterie à l’enceinte de confinement, et la traversée de la paroi de l’enceinte est une traversée existante à la conception. La traversée comporte deux vannes d’isolement manuelles extérieures à l’enceinte, normalement fermées. En aval des organes d’isolement, un diaphragme permet de ramener la pression du gaz à une valeur voisine du bar. En aval, le filtre est relié à une conduite intérieure à la cheminée TEG. Il n’est pas prévu d’automatisation de l’ouverture du filtre U5, qui sera donc effectuée manuellement en toute connaissance de cause, et sans risque d’intempestif. Les filtres à sable ont été généralisés sur le parc français.

2.3.7

Le vieillissement des enceintes

[Torrenti et al., 1996] Le retour d’expérience des enceintes du parc français a montré des problèmes de plusieurs natures. Sur les enceintes 1 300 MWe ne possédant pas de peau interne, on a constaté un retrait du béton (séchage du béton « jeune ») beaucoup plus net que sur le palier 900 MWe. Ces effets différés ont entraîné un relâchement progressif des

2. Le bâtiment réacteur et les bâtiments connexes

241

câbles de précontrainte. Les effets de ces déformations différées vis-à-vis des propriétés d’étanchéité des enceintes portent aussi bien sur la partie courante de l’enceinte interne que sur les zones singulières telles que la zone périphérique du tampon matériel. Des manques d’étanchéité ont été constatés tout particulièrement autour du sas matériel (TAM, ou tampon d’accès matériel), comme dans le cas de Cattenom 2. Des solutions comme des reprises de bétonnage sur les zones fissurées, voire même de l’injection de résine et du collage de revêtements polymères, ont été tentées avec un succès limité. En 1997, la première visite décennale de Flamanville 1 a révélé un taux de fuite global de 1,97 % par jour (contre 0,84 % par jour mesuré en 1987 au démarrage), c’està-dire supérieur au taux réglementaire de 1,5 % par jour, critère fixé dans les règles d’exploitation et enveloppe du critère figurant dans le décret d’autorisation de création (DAC). Pourtant le taux de fuites directes (celui qui pose vraiment problème) restait inférieur au critère. Là encore, on a constaté une fuite importante par la zone du TAM du fait du relâchement des câbles de précontrainte. Le cas des tranches Belleville 1 et Belleville 2 qui présentent une fissuration diffuse difficilement localisable a même alerté la presse à la fin des années 1990 sur la qualité du béton utilisé, dans la mesure où les critères conventionnels d’étanchéité n’étaient plus respectés. En l’occurrence, on a mesuré un taux de fuite de 2,05 % par jour, expliqué par un retrait par séchage très important. Une première solution a consisté à recouvrir la face interne de béton par de larges zones de revêtements polymères, dont l’efficacité s’est avérée douteuse dans le temps du fait d’un vieillissement accéléré du polymère employé. De fait cette solution n’a pas été généralisée sur le parc. On a alors essayé de nouveaux revêtements à base de composites sur la zone du TAM de Cattenom 2. Mais l’adhérence de ces composites s’est révélée défaillante dans le temps. On notera que tous les sites ne sont pas à la même enseigne, ce qui tendrait à prouver le rôle important de la composition du béton (sable) et de son mode de coulage (savoir-faire du génie civil. . . ). Le cas de Bugey 5 est intéressant. En octobre 2015, on a constaté que l’enceinte laissait échapper un volume d’air proche de la limite des critères à respecter. Des examens plus poussés ont permis de localiser l’origine de cette fuite en air, à savoir au niveau du joint périphérique entre la radier (dalle béton) du BR et le liner métallique. La solution a consisté à injecter du lait de chaux dans le joint. Le lait de chaux contient de l’eau avec un fort dosage en chaux, ce qui protège aussi le liner de la corrosion. Ensuite un revêtement de résine a été mis entre le radier en béton et la peau d’étanchéité. Le chantier est complexe, car l’accès est très exigu. Le réacteur a subi 23 mois d’interruption (dont 2 mois liés aux travaux de correction de fuite), mais l’enceinte a pu passer correctement l’épreuve d’évaluation du taux de fuite, et le réacteur a pu redémarrer en juillet 2017. En fait, la problématique du taux de fuite est complexe. En effet, le taux de fuite réellement intéressant est celui qu’on aurait en cas d’APRP (donc pour un mélange gazeux comportant une grande quantité de vapeur d’eau). Hors ce taux n’est pas mesurable directement21 et la conformité au décret d’autorisation de création des centrales (DAC) n’est qu’indirectement assurée par une transposition en air sec. Le taux inscrit dans le DAC est celui correspondant à la masse de gaz humide (150 ◦ C) traversant l’enceinte interne sous l’effet d’une pression maintenue au pic de l’accident d’APRP pendant une journée entière. Ce critère est physiquement peu réaliste dans la mesure où dans un accident réel, on assiste à un transitoire de pression où le pic 21

On ne peut bien entendu pas provoquer un APRP pour mesurer ce taux en situation réelle !

242

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

est de courte durée. Le fait que l’ambiance dans l’enceinte soit très humide favorise le piégeage dans le béton, dans la mesure où l’humidité comble les pores du béton. Toutes ces considérations font que l’Autorité de sûreté « accepte » une valeur limite de 3 % qui semble plus pragmatique. Même avec un débit de 5 % par jour, des études ont montré que la fonction de confinement de l’enceinte restait assurée tant qu’on ne perdait pas le circuit EDE. Notons que sur l’EPR, on a reconduit un liner en face interne de la double enceinte. L’enceinte est particulièrement surveillée au cours de son vieillissement [Mercier, 1987] p. 136. Toute variation géométrique est scrutée en détail. Citons comme moyens de surveillance des repères topographiques qui permettent de vérifier le comportement du sol et d’éventuels tassements ; des pots hydrauliques de nivellement qui fournissent les déformations verticales du radier en béton ; des fils « Invar22 » horizontaux qui donnent une mesure absolue du diamètre des radiers ; des témoins sonores23 , implantés dans le fût, le dôme, le gousset du radier et la ceinture supérieure du dôme, et qui fournissent les déformations locales du béton et permettent d’estimer les contraintes ; des thermocouples qui permettent de mesurer la température du béton en particulier à proximité des témoins sonores ; des pendules verticaux implantés le long des génératrices de la jupe à 3 niveaux différents, pour évaluer la déformée ; des dynamomètres installés sur les câbles de précontrainte verticaux, entre la plaque d’appui et le bloc d’encrage, pour mesurer la variation de tension des câbles au cours du temps.

2.3.8

Le pont polaire

[Hutin, 2016] p. 544 Tout bâtiment réacteur comporte un pont polaire horizontal, dont les extrémités se déplacent sur un rail de roulement en cercle sous le dôme (Figure 2.55, Figure 2.56, Figure 2.57). Un chariot peut se déplacer sur les deux poutres constituant le pont polaire, de façon qu’on puisse atteindre n’importe quelle position au-dessus du plancher de service (Photo 2.11). Le chariot d’exploitation est équipé d’un système de levage d’une capacité de 155 tonnes (CP0) jusqu’à 205 tonnes (N4). Cela concerne tous les composants très lourds comme la cuve, les GVs, la machine de serrage de goujons de cuve, les équipements internes de la cuve et le couvercle de cuve, mais pas les assemblages combustibles qui nécessitent un guidage plus précis. Ces derniers sont gérés par le pont piscine et la machine de chargement du combustible comportant un grappin de levage, au plus près de la cuve et juste en dessus de la piscine. Un palonnier permet de fixer des élingues permettant la manipulation des pièces (Photo 2.11). 22 L’Invar est un alliage de fer (64 %) et de nickel (36 %) dont la propriété principale est d’avoir un coefficient de dilatation très faible. Un fil en invar permet de mesurer avec une très grande précision une longueur de façon indépendante de la température. Cette invention est due au Suisse Charles Édouard Guillaume, qui fut récompensé du prix Nobel de physique en 1920 pour l’étude des propriétés de cet alliage. Le terme Invar est une marque déposée depuis 1907, propriété d’Imphy Alloys, filiale d’Aperam. 23 Dans le domaine du génie civil, l’appareil le plus utilisé pour mesurer les déformations et en déduire des contraintes, en particulier à long terme, est le témoin sonore à corde vibrante ou « extensomètre à corde vibrante ». Cet appareil est constitué d’un fil d’acier tendu entre deux bases solidaires de la pièce auscultée : l’appareil peut être noyé dans le béton ou fixé sur un profilé métallique, ou sur tout autre support. À côté du fil d’acier est disposé un électro-aimant chargé de le faire entrer en vibration. La conception de ce capteur est telle que sa présence n’a pas d’influence sensible sur le phénomène mesuré (car il ne constitue pas une inclusion rigide). Pour plus de détails, lire : A. Bochon : Les mesures de déformation des structures hyperstatiques : le témoin sonore, Revue française Géotech. n◦ 60, pp. 41-50, juillet 1992.

2. Le bâtiment réacteur et les bâtiments connexes

243

Fig. 2.55 – Pont polaire d’un palier P’4.

Un chariot de service permet de manipuler des charges plus légères (de 10 à 50 tonnes). La technologie de ces systèmes de manœuvre reste très classique et comparable en tout point à ce qu’on trouve dans le domaine des travaux publics. Étant donné les charges qu’est amené à manipuler le pont polaire, de nombreuses sécurités ont été conçues. Le système de frein comprend un frein de service placé entre le moteur et le réducteur, un frein de secours temporisé et réglable placé sur un des arbres du réducteur, un frein à disque de sécurité par tambour câble permet d’immobiliser la charge suite à un dévirage consécutif à la rupture de la chaîne cinématique de levage. Les freins de sécurité entrent en œuvre en cas de survitesse sur le tambour ou de manque de synchronisme. Le système de levage est équipé d’un tachymètre contrôlant la vitesse de descente. Le système comporte deux interrupteurs de fin de course distincts. Les embrayages sont interdits dans les systèmes de levage. Les mécanismes de levage doivent être portés et non suspendus. La rotation radiale du pont est assurée par 4 moteurs couplés électriquement. D’une manière générale, une tranche nucléaire comporte plusieurs ponts de grande capacité (Photo 2.12). En plus du pont polaire, on trouve le pont supportant la machine de chargement, le pont de la piscine BK et le pont de la salle des machines. Nous aurons l’occasion de revenir sur certains de ces éléments.

244

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 2.56 – Perspective d’un pont polaire du palier CPY (technologie Vevey).

2.3.9

La piscine BR

La piscine du bâtiment réacteur (Figure 2.58, 2.60) est un ensemble de réservoirs qu’on peut remplir d’eau borée (issue de la bâche PTR). Cette eau assure une protection biologique lorsque les opérateurs doivent intervenir sur le plancher de service, par exemple lors des opérations de chargement/déchargement. La piscine BR est vidée lorsque la cuve du réacteur est fermée avant redémarrage, de telle manière que le système électrique de commande des barres soit à sec en situation de fonctionnement. Les faces de la piscine sont constituées de tôles en acier inoxydable de 3 mm d’épaisseur, composées de panneaux de 3, 03 m × 1, 32 m soudés bout à bout sur leur périmètre sur un cadre de cornières scellées au béton. Une analyse de l’effet de la poussée hydrostatique et des contraintes thermiques induites par la température de la piscine doit être menée pour vérifier qu’il n’y a pas de contraintes excessives au niveau des soudures dues au flambement éventuel de ces plaques.

2.3.10

La machine de chargement du combustible

[Hutin, 2016] p. 548 La machine de chargement du combustible (Figure 2.61) est placée sur un pont mobile qui enjambe la piscine BR (Photo 2.13, Photo 2.14). Ce pont peut se déplacer sur deux rails qui longent la piscine BR. Le mât de chargement est placé sur un chariot qui peut se déplacer sur le pont, de telle manière qu’on puisse atteindre n’importe quel emplacement dans le cœur (Photo 2.15). Sur le chariot est fixé un tube vertical qui plonge dans l’eau, dans lequel se trouve un mât télescopique armé d’un grappin autorisant la levée d’un assemblage de plus de 700 kg. Ce mât peut sortir du tube, agripper l’assemblage et le remonter à l’intérieur du tube en position de protection (Photo 2.16, 2.17). Les opérations

2. Le bâtiment réacteur et les bâtiments connexes

245

Photo 2.11 – Le pont polaire et son outil de levage (modélisation ADRM).

inverses sont effectuées pour replacer un assemblage dans le cœur. Un système de détection d’activité est placé en haut du tube pour pouvoir identifier un assemblage dit « fuitard », c’est-à-dire dont certains crayons présentent des fissures et des défauts laissant fuir les produits de fission, en particulier gazeux.

2.3.11

La manutention des internes de cuve

Le bâtiment réacteur comporte au voisinage de la cuve une piscine de stockage des internes inférieurs et supérieurs de cuve. Sur le palier CPY, les internes sont stockés du même côté de la cuve vers le BK. Sur le palier 1 300 MWe, les internes sont

246

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 2.57 – Le pont polaire du palier CPY.

Photo 2.12 – Les différents ponts d’une tranche nucléaire (courtesy REEL). La société REEL France produit depuis 70 ans des ponts et des systèmes de levage de grande capacité. On voit sur cette image de synthèse la localisation en tranche de ces différents systèmes.

stockés de part et d’autre. Un outillage spécial (Figure 2.62) permet de manipuler les internes. Cet outillage peut être accroché au pont polaire du BR, et sa partie inférieure peut être connectée aux brides d’interne par l’intermédiaire d’un dispositif à vis sur le CPY, et à baïonnette sur le P4-P’4. L’outillage comporte des paliers de guidage venant s’engager sur les colonnes de guidage de la cuve et des supports en piscine.

2. Le bâtiment réacteur et les bâtiments connexes

247

Fig. 2.58 – La piscine BR connectée au BK par le tunnel de transfert (adapté de24 ).

Fig. 2.59 – Vue de dessus de la piscine BR et zone de stockage (adapté de Evenepoel et al.,op. cit.). Les internes supérieurs sont déposés sur une couronne de guidage qui repose sur 4 pieds au fond de la piscine (Figure 2.63). C’est la face supérieure de la couronne qui 24 R. Evenepoel, M. Fabris, L. Katz : Westinghouse PWR reactor refueling experience and improvements, IAEA/SM-178/26, Symposium on experience from operating and fueling of nuclear power point, Vienna, Austria, October 8-12, 1973.

248

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 2.60 – Altimétrie et refroidissement de la piscine BR.

Photo 2.13 – Le pont roulant de la machine de chargement en vue de dessus (courtesy REEL France).

2. Le bâtiment réacteur et les bâtiments connexes

249

Photo 2.14 – Le pont roulant de la machine de chargement en vue de côté (courtesy REEL France).

Fig. 2.61 – Machine de chargement des assemblages (adapté d’après Evenepoel et al., op. cit.).

sert d’embase à la bride de support des tubes guides. En ce qui concerne les internes inférieurs (Figure 2.64), on les pose sur un support fixé au fond de la piscine. Les colonnes de guidage sont fixées plus haut sur une paroi verticale de la piscine BR (Figure 2.65).

250

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Photo 2.15 – Chargement d’un cœur CPY. L’assemblage est maintenu par le mât de chargement, qui le « glisse » dans son emplacement dans le cœur (photo EDF).

2.4 2.4.1

Le bâtiment combustible BK Fonction du BK

La bâtiment combustible (acronyme BK) contient la piscine BK (Photo 2.18, Figure 2.66) qui sert au stockage des combustibles neufs en voie de rechargement dans le cœur, des combustibles usagés en attente d’évacuation vers le retraitement à l’usine de La Hague, et dans les phases d’arrêt de tranche, du combustible du cœur précédent en attente de rechargement. En France, le BK est séparé du BR et relié à ce dernier par le tube de transfert. Le BK a été pensé pour faciliter la manipulation du combustible nucléaire, en particulier irradié. La piscine BK comporte une fosse de lavage du château de transfert, une fosse de chargement du château, un joint de désolidarisation des structures du BK permettant, en cas de chute du château, de conserver l’étanchéité de la piscine de désactivation (ce joint sépare les racks de stockage des combustibles (Photo 2.19) des fosses précitées). Un pont de manutention (Figure 2.67) (130 tonnes), doté de deux treuils dont un redondant, permet de bouger en toute sécurité le combustible ou un château de transport. Les capacités de stockage de la piscine, initialement de 4/3 de cœur sur les CP0, ont été progressivement augmentées dans les paliers suivants et suite à un rerackage plus concentré, jusqu’à 11/3 de cœur. La capacité en eau est telle que les durées de vidange sur petite fuite sont très longues, autorisant un ultime secours par simple lance à incendie en dernier ressort, si besoin. Notons que le circuit de refroidissement de la piscine est entièrement doublé.

2. Le bâtiment réacteur et les bâtiments connexes

251

Photo 2.16 – Mat triple de manutention du combustible (palier 1 300 MWe et N4).

2.4.2

Évacuation des combustibles usés

L’encombrement d’une piscine BK est variable au cours du temps (Figure 2.68). À la fin des années 1990, le taux de remplissage des piscines BK est devenu critique, tout particulièrement pour les 900 MWe, du fait d’une conjonction d’aléas dus aux intempéries (particulièrement fortes en 1999), à des arrêts fortuits, à des problèmes de disponibilité (un chantier sur Bugey « Rénovation des moyens de levage du CP0 » rend indisponible la piscine BK pour évacuation), et une baisse des rotations des emballages en dessous de la limite de 0,8 emballage par tranche et par mois qui permet d’équilibrer les flux d’entrée/sortie des assemblages. La situation va s’améliorer par la suite avec une augmentation des rotations, faisant passer le taux d’encombrement des piscines CPY de 92 % fin 1999 à 83 % fin mars 2000 et de 64 % à 57 % pour le palier 1300. L’évacuation des combustibles usés doit vérifier un certain nombre de critères de sûreté-criticité pour le transport puis le stockage. Ces critères ont naturellement évolué avec les capacités techniques des emballages (Tableau 2.4). Notons que selon les gestions actuelles, le taux de combustion en fin de premier cycle dans les 50 derniers cm d’un assemblage est de l’ordre de 6 800 MWj/t en gestion GEMMES 4 % et 7 500 MWj/t en gestion CYCLADES 4,2 %.

252

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Photo 2.17 – Entraînement au chargement au CETIC avec du combustible factice. L’opération de chargement étant extrêmement rigoureuse, la moindre erreur pouvant être lourde de conséquences, les opérateurs peuvent s’entraîner au CETIC avec des assemblages factices à l’échelle 1. Une habilitation particulière est nécessaire pour pouvoir effectuer une opération de chargement (photo EDF/CETIC).

Tab. 2.4 – Critères de sûreté de 1999 pour l’évacuation ou l’entreposage des combustibles usés.

Type de Combustible UOX (URE) ≤ 3,5 % UOX ≤ 3,75 % URE ≤ 3,80 %

Contraintes Sûreté-Criticité Réception Entreposage néant néant 1 cycle min. en réacteur 1 cycle min. en réacteur

Autorisation

mesure gamma

avant expédition UOX ≤ 4 % 1 cycle min. en TC extrémité ≥ mesure quantiréacteur 12 GWj/t tative TC avant expédition MAX 3 autorisations spécifiques + autorisation générique février 1998, ⇒ Limitation à 10 crayons manquants Taux Comb, maximum : TC ≤ T. Refroid. Minimum : 6 mois 50 GWj/t au dessus de 3,5 % : measure gamma (garantie d’un TC minimal 1 cycle)

2. Le bâtiment réacteur et les bâtiments connexes

253

Fig. 2.62 – Outillage de manutention des internes de cuve (adapté de Heuze, op. cit.).

2.4.3

Constitution de la piscine BK et connexion à la piscine BR

Les Figures 2.69, 2.70, et 2.71 montrent les différentes zones des piscines BK et BR, ainsi que leurs systèmes de refroidissement et de mise en eau. Rappelons qu’en fonctionnement, la piscine BR est vide.

2.5

La chaîne de manutention du combustible

[Les composants des centrales à eau sous pression, sd]

2.5.1

Généralités

Le système dit « PMC » (Poste Manutention Combustible) a pour fonction la manutention et le stockage des assemblages combustibles. Les différents équipements du PMC sont répartis dans le BR et le BK. Le système est conçu pour minimiser

254

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 2.63 – Support ancré au fond de la piscine BR des internes supérieurs de cuve.

Fig. 2.64 – Support ancré au fond de la piscine BR des internes inférieurs de cuve.

les risques de chutes d’assemblages ou de heurts entre assemblages, qui pourraient dégrader les crayons combustibles. Les équipements constitutifs du PMC doivent donc être capables de supporter le séisme majoré de sécurité (SMS). D’autre part, pour d’évidentes raisons de protection biologique des opérateurs, mais aussi d’évacuation de

2. Le bâtiment réacteur et les bâtiments connexes

255

Fig. 2.65 – Colonnes de guidage mural du support des internes inférieurs (adapté d’après Heuze, op. cit.).

Photo 2.18 – La piscine BK d’un CPY (photo EDF).

256

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 2.66 – Schéma simplifié de la connexion BK-BR du CPY (altimétrie par rapport au sol).

Fig. 2.67 – Coupe transverse de la piscine combustible (adapté de Evenepoel et al., op. cit.).

la puissance résiduelle de l’assemblage, les assemblages irradiés doivent être manipulés sous une importante épaisseur d’eau. Les assemblages doivent toujours être manipulés verticalement, sauf dans le tunnel de transfert où l’assemblage est porté sur

2. Le bâtiment réacteur et les bâtiments connexes

257

Photo 2.19 – La piscine BK totalement vide d’un P4 (photo EDF). On distingue au fond de la piscine les racks d’assemblage vides et un batardeau entrouvert en bas à gauche. Cette piscine n’a encore jamais vu de combustible. La taille de l’homme sur l’échelle donne une idée plus précise de la profondeur de la piscine.

toute sa longueur par le chariot de transfert. De même, le stockage des assemblages doit être effectué verticalement avec un support latéral. Les déplacements en levage ou en dépose dans le cœur doivent se faire à vitesse très lente (0,6 m/min). Hors du cœur mais proche d’un obstacle, on autorise 2 m/min. Il n’y a que loin des obstacles que l’on autorise une vitesse plus rapide de 6 m/min.

2.5.2

Constitution du PMC

Le transfert des assemblages de la piscine BK vers le cœur (chargement), ou de la cuve vers la piscine BK (déchargement), s’effectue par le tunnel de transfert (Figure 2.72). Celui-ci connecte horizontalement le BR et le BK, et les assemblages sont manœuvrés un par un. Chaque assemblage est placé couché sur un chariot de transfert, dans un container de protection pour éviter d’abîmer les crayons combustibles, puis placé soit dans le cœur par la machine de chargement comportant le mât de chargement (Figure 2.73), soit dans un rack de la piscine BK. Le transfert s’effectue sur un

258

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 2.68 – Exemple d’encombrement des piscines BK sur une année.

Fig. 2.69 – Piscine BR et tube de transfert vers le BK (Paluel, dessin Gaillot). chariot télécommandé qui se déplace sur un rail. Les assemblages sont ensuite basculés verticalement dans une fosse pour leur manipulation en piscine. Le système complet comporte (Figures 2.74, 2.75, 2.76, 2.77) : – la machine de chargement du réacteur et son système de vision en circuit fermé (TV), situé dans le BR ; – le dispositif de transfert du combustible (panier et chariot de transfert) ;

2. Le bâtiment réacteur et les bâtiments connexes

259

Fig. 2.70 – Connexion BR-BK (Paluel, dessin Gaillot).

Fig. 2.71 – Système de refroidissement de la piscine BK (Paluel, dessin Gaillot).

260

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 2.72 – Tunnel de transfert et système de transport de l’assemblage (adapté d’après Evenepoel et al., op. cit.).

Fig. 2.73 – Mât de chargement des assemblages (adapté de Evenepoel et al., op. cit.). – le pont passerelle du bâtiment BK (à ne pas confondre avec le pont polaire), qui enjambe la piscine BR et qui déplace la machine de chargement pour placer les assemblages grâce au tube porte-assemblage (Figure 2.73) ou les grappes grâce au tube porte-grappe ;

2. Le bâtiment réacteur et les bâtiments connexes

261

Fig. 2.74 – Équipements du PMC dans le bâtiment réacteur.

Fig. 2.75 – Vue de dessus de la piscine réacteur et emplacements du PMC. – le pont auxiliaire qui gère le combustible neuf dans le bâtiment BK ; – les râteliers (ou racks) de stockage du combustible, dont les râteliers de combustible neuf à sec, les râteliers de combustible usé en BK et râtelier tampon en BR ; – la cellule de stockage des grappes défectueuses ; – les adaptateurs de stockage pour les grappes de poison consommable et les grappes bouchons (en BR mais aussi en BK) ; – les postes d’examen du combustible neuf et le poste combustible usé avec sa TV en circuit fermé ;

262

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 2.76 – Implantation des zones combustibles dans le BK en vue de dessus. – les cellules de stockage de combustible irradié défectueux, isolées du reste de la piscine pour éviter la contamination ; – le descendeur, dont la fonction est de descendre les assemblages neufs en piscine BK (les assemblages neufs arrivent à sec) ; – les outils spécifiques : l’outil manuel du combustible neuf (OMCN) en bâtiment BK à sec ; l’outil télescopique du combustible usé (OTCU) en BK sous eau ; l’outil manuel des grappes de contrôle (OMGC) en BK à sec ; l’outil manuel des grappes de poison consommable (OMGPC) en BK sous eau ; et enfin l’outil universel du combustible usé (OUCU) en BK et en BR sous eau. Les assemblages irradiés doivent être manutentionnés à une profondeur d’eau suffisante pour la protection biologique. Ils doivent toujours être manipulés verticalement, sauf si l’assemblage est supporté sur toute sa longueur, garantissant une flèche maximale de 3 mm. Les assemblages sont toujours stockés verticalement, et tenus par des supports latéraux. Les vitesses de levage et de descente doivent être faibles (0,6 m/min). On autorise des vitesses un peu plus importantes en approche (2 m/min), ou loin de tout obstacle (6 m/min). La charge axiale ne doit jamais dépasser 900 daN (un peu plus que 900 kg), sachant que le poids d’un assemblage avec sa grappe de contrôle est de 835 daN. La durée théorique de chargement complet d’un cœur 1 300 MWe (193 assemblages) est de 89 heures, sans aléas. Mais un déchargement - rechargement avec permutation de grappes de contrôle et de grappes-bouchons dure en théorie 167 heures. Les assemblages neufs arrivent en conteneurs de transport près du BK, où ils sont levés à travers la trémie de manutention. Le conteneur est levé à l’aide d’élingues

2. Le bâtiment réacteur et les bâtiments connexes

263

Fig. 2.77 – Équipements du PMC dans le BK (coupe transverse).

par le pont auxiliaire muni de son treuil de 10 tonnes. Ce pont se déplace au-dessus du local de stockage et d’examen du combustible neuf. Le conteneur est ensuite posé horizontalement à côté du poste d’examen du combustible neuf. On ouvre le conteneur, et on agrippe l’assemblage en le mettant en position verticale, après avoir ôté l’enveloppe plastique de protection. On effectue alors un examen visuel détaillé de l’assemblage qu’on achemine ensuite vers les râteliers de stockage du combustible neuf. La dépose de l’assemblage dans le descendeur se fait en position haute, pour ne pas avoir à mouiller l’outil manuel de combustible neuf. Le pont passerelle muni de l’outil télescopique de manipulation du combustible usé peut alors accéder au descendeur et appréhender l’assemblage neuf. L’assemblage peut alors être stocké dans un râtelier de stockage (rack). Lorsqu’on veut charger l’assemblage en cœur, on le reprend depuis les racks par le pont passerelle muni de l’outil télescopique, pour le déposer dans le panier de basculement, côté BK. Le panier est ensuite translaté par le tunnel de transfert sur un chariot roulant et passé en BR. Dans le BR, l’assemblage est relevé en position verticale par le grappin de manutention, et déposé soigneusement dans le cœur à la place prévue selon le plan de chargement, en respectant un chargement en « boustrophédon » (en serpent), qui permet de toujours garantir un appui sur au moins deux faces (le premier assemblage s’appuyant sur deux de ses faces contre le cloisonnement). On notera que le cœur est entièrement vidé lors d’un déchargement, même de ses assemblages irradiés qui doivent rester en cœur au plan suivant. Le rechargement est donc aussi intégral. La piscine BK et le canal de transfert communiquent par l’intermédiaire d’un batardeau (« écluse » métallique), qui reste fermé en dehors des opérations de

264

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

rechargement. En fonctionnement de la tranche, la piscine BR est vidée et le tube de transfert est fermé par une tape côté réacteur et une vanne côté BK. Tape et vanne sont bien sûr ouvertes en phase de rechargement/déchargement.

2.5.3

La réparation des assemblages abîmés

Étant donné le prix très important d’un assemblage combustible (de l’ordre de 1 MEuros), on a très tôt pensé à pouvoir réparer un assemblage qui présente un défaut suite à un problème de manipulation (accrochage d’assemblage détériorant des grilles par exemple), surtout si l’assemblage a un faible taux de combustion, donc une valeur résiduelle importante. On utilise le terme réparation lorsqu’on remplace un ou plusieurs crayons sur un assemblage dont l’embout supérieur est démonté. On stocke alors les crayons extraits dans un carquois en piscine BK avant évacuation. On parle de reconstitution quand on remplace un squelette endommagé par un squelette neuf. On utilise le terme de réfection pour des remises en état sans démontage de l’embout supérieur comme le redressement d’ailettes de grille, le prélèvement de corps migrants ou le meulage de grilles (Figure 2.78).

Fig. 2.78 – Meulage d’une plaquette de grille. La tactique de reconstitution utilisée dans les années 1980 par FRAGEMA consistait à placer un squelette neuf au-dessus de l’assemblage défectueux, et de transférer l’ensemble des crayons encore en bon état de l’ancien squelette dans le

2. Le bâtiment réacteur et les bâtiments connexes

265

Fig. 2.79 – Système de réparation FRAGEMA (fin des années 1980).

nouveau, en profitant du guidage des grilles25 . L’inconvénient de cette tactique est que le système de réparation fait environ 12 m de haut sous eau (Figure 2.79), la partie inférieure étant occupée par l’assemblage défectueux, la partie médiane par le nouveau squelette et la partie supérieure constituant la protection biologique. Le procédé consiste à démonter l’embout inférieur après retournement de l’assemblage dans une alvéole dédiée du système, puis à retirer les crayons un à un. Pour le mettre dans un squelette neuf également retourné (Photo 2.20). Pour le remplacement d’un seul crayon non étanche, on peut démonter l’embout supérieur (Figure 2.80, Figure 2.81) et procéder plus simplement par le haut, surtout avec les nouveaux concepts d’assemblages où l’embout supérieur est facilement démontable (Photo 2.21, Figure 2.82). 25 Pierre Brounay, Louis Guironnet : Restauration d’assemblages de combustible irradié, Revue Générale Nucléaire, n◦ 1, janvier-février 1992, pp. 21-25.

266

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 2.80 – Principe de la réparation d’un assemblage AFA (adapté de26 ).

Le démontage facilité des nouveaux types d’assemblages à partir de l’AFA 2G permet de ne changer que le(s) crayon(s) défectueux, en les remplaçant par des crayons en acier, si le squelette n’est pas lui-même abîmé. Le nouvel assemblage avec son crayon factice doit alors être affecté d’une pénalité sur sa nappe de puissance crayon par crayon, dans les calculs de plan de chargement où l’assemblage réparé sera inséré. La société allemande KWU, qui fabrique du combustible et dont certains lots d’assemblages ont été introduits dans le parc français, dispose d’une machine de réparation où le squelette neuf est placé à côté de l’assemblage défectueux. Le squelette neuf contient des crayons factices qui sont ensuite « chassés » par les crayons irradiés prenant leur place (Figure 2.83).

26 G. Leroy, J.P. Denizou : La réparation des assemblages de combustible, Revue Générale Nucléaire, n◦ 2, mars-avril 1998, pp. 26-29.

2. Le bâtiment réacteur et les bâtiments connexes

267

Photo 2.20 – Système de reconstitution d’un assemblage 17×17 XL avec son alvéole supportée par le palonnier de retournement (photo Framatome, adaptée de27 ).

2.6

Contamination de la tranche par points chauds

Après un cycle d’irradiation en réacteur et déplacement des assemblages pour rechargement, on a constaté expérimentalement l’apparition de points chauds radiologiques constitués de petites particules métalliques activées pendant le passage dans le cœur actif. Ces points chauds, ou grattons comme on les appelle aussi familièrement, sont mobiles en fonction des mouvements d’eau et du déplacement des assemblages. Ils peuvent contribuer de façon importante à la dosimétrie du personnel en arrêt de tranche (jusqu’à 50 % de la dosimétrie sur certains réacteurs). Leur déplacement est principalement gravitaire (on les retrouve dans les tapes de vidange, 27 Pierre Bournay, Louis Guironnet : À nouveaux besoins, nouveaux outils, restauration d’assemblages de combustible irradié, New Nuclear Needs, Framatome-Symposium 3N91, octobre 1991, B15.

268

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 2.81 – Poste de démontage et remontage d’embout (adapté de Bournay et Guironnet, op. cit.). les fonds de piscines, circuit PTR, circuits attenants aux circuits de vidange (RPE, RRA, RCV. . . ), mais aussi le RIS, et d’une manière générale dans les points bas des piscines et des circuits de pente insuffisante (Figure 2.84), dans les bras morts. Ils sont piégés dans les singularités des circuits (robinetterie, manchettes thermiques du pressuriseur, diaphragmes de mesure de pression, joints. . . ). Ils suivent aussi les assemblages lorsqu’ils sont piégés par des grilles anti-débris par exemple. Leur origine est diverse : abrasion des parties stellitées28 contenant du cobalt issu de la robinetterie du primaire, microparticules d’abrasion et de corrosion issues du gainage du combustible ou des internes. . . Ces grattons comportent principalement du cobalt 60 (période 5,23 ans), mais aussi du cobalt 58 (période 71,3 jours), du manganèse 54 (période (280 jours), du fer 59 (période 45 jours) et du chrome 51 (période 27,8 jours). 28 Le stellite grade 6 est un alliage qui contient 55 % de cobalt naturel dont le relâchement de cobalt 59 dans le primaire s’activera en cobalt 60 qui produit des raies gammas de 1,17 MeV et 1,33 MeV. Le stellite est utilisé en robinetterie comme revêtement dur dans les zones supportant des contraintes.

2. Le bâtiment réacteur et les bâtiments connexes

269

Photo 2.21 – Outil de transfert de crayons OSIC de Framatome (tiré de Bournay et Guironnet, op. cit.). OSIC (30 tonnes) est un outil automatique de transfert de crayons utilisé pour extraire les crayons sains d’un squelette endommagé et les réintroduire dans un squelette neuf, transférer des crayons endommagés vers une structure de stockage ou remplacer les crayons non étanches lors d’une réparation d’assemblage. OSIC comprend un châssis-support accroché en position verticale dans une structure de transfert, qui reçoit une cage destinée à servir de guide à un attelage mobile verticalement, supportant une pince de préhension de crayons. Le châssis-support est équipé de deux tables à mouvements croisés horizontaux : la table supérieure située hors eau et motorisée, et qui assure le positionnement de la cage de guidage à la verticale du crayon à transférer ; et la table inférieure, couplée par 2 arbres à la table supérieure, et qui reproduit fidèlement les mouvements de celle-ci pour assurer la verticalité de la cage. Un nouvel outil moins lourd (5 tonnes) et plus flexible de reconstruction, appelé STAR, a été développé à la fin des années 1990, utilisable pour les assemblages 17×17.

270

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 2.82 – Station de transfert. La station de transfert comporte une structure verticale en partie immergée, accrochée à la bordure de la fosse d’évacuation du combustible usé. Elle comporte 2 tronçons : le tronçon supérieur reçoit l’outil OSIC et permet la suspension de la structure en bord de piscine, le tronçon inférieur comporte une platine qui supporte à la fois l’alvéole contenant l’assemblage endommagé et l’alvéole du squelette neuf. L’une de ces alvéoles peut être remplacée par un carquois d’évacuation de crayons endommagés (adapté de Bournay et Guironnet, op. cit.).

On a ainsi détecté un point chaud à 200 Sv/heure (20 000 rem/heure) dans un filtre de fond de piscine à Dampierre. Ce chiffre est à comparer avec une valeur de la dose collective moyenne par réacteur de 2,44 homme-sievert en 1991, pour comprendre l’enjeu majeur que peuvent présenter la localisation et l’élimination de ces grattons.

2. Le bâtiment réacteur et les bâtiments connexes

271

Fig. 2.83 – Système de réparation d’assemblage de KWU.

La stratégie pour éliminer les points chauds consiste en des actions systématiques de filtration (barrières passives) et de récupération (moyens actifs de nettoyage). La filtration peut s’effectuer en interposant dans une conduite d’eau un filtre (Figure 2.85), ou des paniers filtrants à placer à la vidange des piscines et de la rainure cuve (Figure 2.86).

272

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 2.84 – Déplacement des points chauds. Les particules irradiantes sont piégées dans les parties basses des piscines et circuits et peuvent transiter dans d’autres circuits en fonction des mouvements d’eau (d’après la référence 29 ).

En termes de moyens actifs, on dispose du nettoyeur de piscine sous eau WEDA, un robot à chenilles capable de se déplacer au fond de la piscine, et même de s’accrocher sur les parois verticales d’une piscine. La fonction de ce robot est très similaire à un balai brosse avec filtration intégrée (Figure 2.87 et Photo 2.22). Signalons aussi l’ensemble de filtration sous eau ICLAREC (société Gagneraud), qui est immergé au fond de la piscine (Photo 2.23), et l’aspirateur sous eau « GRADEL » (Photo 2.24), manœuvrable à distance grâce à une perche et qui est un peu l’ancêtre des autres systèmes actifs. Au niveau du basculeur d’assemblage côté piscine BR pour le transfert via le tunnel de transfert entre piscine BR et piscine BK, on filtre l’eau autour de l’assemblage pendant la bascule grâce à une rampe d’aspiration reliée à un groupe de pompage immergé. Cet outil spécifique est appelé simplement « RAMPE » (Figure 2.88). L’installation de cet outil se fait piscine BR vide avant l’ouverture de la cuve. 29 Retour d’Expérience Parc POINTS CHAUDS, note D 583-SRE/PR 92-906-Indice 1, 61 pages, 10 annexes, Juin 1992, accès libre.

273

2. Le bâtiment réacteur et les bâtiments connexes

Fig. 2.85 – Filtre en ligne (d’après la référence

29

).

Fig. 2.86 – Paniers de vidange des piscines et rainure cuve. Le synoptique en haut à droite montre en vue de dessus la BK relié au BR rond par le tunnel de transfert (d’après la référence 29 ).

274

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 2.87 – Principe de fonctionnement du nettoyeur de piscine sous eau WEDA (d’après la référence

29

).

Photo 2.22 – Un nettoyeur de piscine WEDA (d’après la référence

29

).

275

2. Le bâtiment réacteur et les bâtiments connexes

Photo 2.23 – Filtration immergée ICLAREC (d’après la référence

Photo 2.24 – Aspirateur sous eau GRADEL (d’après la référence

29

29

).

).

276

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 2.88 – Outil RAMPE placé côté BR (d’après la référence29 ).

Fig. 2.89 – Outil JETS de filtration des rails et galets (d’après la référence29 ).

2. Le bâtiment réacteur et les bâtiments connexes

277

Au sujet du tunnel de transfert, signalons aussi l’outil « JETS » (Figure 2.89), destiné à éviter les problèmes de contamination des rails et des galets du chariot de transfert (le passage répété du chariot fait que des particules actives peuvent s’incruster dans les galets).

2.7

Le bâtiment des auxiliaires nucléaires (BAN)

Le BAN est implanté entre deux bâtiments réacteurs sur les tranches jumelles, ou juste au contact de son BR pour les paliers plus récents. On y trouve les circuits auxiliaires de la chaudière, en particulier le RCV (réservoirs, pompes, déminéraliseurs, filtres. . . ), le circuit RRI de refroidissement intermédiaire, le traitement des effluents (évaporateurs, déminéraliseurs, dégazeurs, filtres. . . ), ainsi que les stockages d’effluents liquides, gazeux et solides (réservoirs et pompes), enfin le matériel de ventilation des bâtiments réacteurs et du BAN lui-même (ventilateurs, batteries froides et chaudes, filtres. . . ). Comme certains matériels sont en liaison directe avec le circuit primaire, on dispose d’un certain nombre de protections biologiques en béton. Certaines de ces protections sont démontables et amovibles pour pouvoir être placées près d’un matériel à démonter. À titre d’exemple, citons l’échangeur non régénérateur RCP/RRI qui a pour but de refroidir l’eau du primaire avant qu’elle ne soit traitée pour filtrage et déminéralisation. C’est le circuit RRI (de refroidissement intermédiaire) qui se charge de cette tâche. L’eau ainsi traitée retourne dans le RCP après avoir été réchauffée par un autre échangeur situé dans le BR. Dans le même local (CPY, Figure 2.90), se trouve l’échangeur avec le RRI qui sert à refroidir l’eau assurant l’étanchéité des pompes primaires. Cette eau sert à établir le film d’eau de contre-pression (voir le chapitre « circuit primaire »).

2.8

La salle de commande

[Leclercq, 1988] p. 266 La salle de commande d’une tranche nucléaire concentre les systèmes de pilotage de la tranche et les systèmes de suivi par l’instrumentation (Photo 2.25, Photo 2.26, Photo 2.27). Une équipe de quart, réglée en 3×8 heures, gère en permanence la salle de commande. On dira que la salle de commande est numérique si les informations de commande et de suivi sont gérées via un ordinateur. Les premières salles de commande géraient des relais électromécaniques. Excepté les tranches de Fessenheim, dont la salle de commande en fer à cheval est pratiquement conforme à celle de la centrale de référence Westinghouse, la totalité des tranches du palier CPY dispose de la même salle de commande. Sa conception date de 1972, mais des lots d’amélioration continue ont eu lieu à chaque visite décennale. Pour le palier 1 300 MWe, la disposition des commandes et informations sur les pupitres a été étudiée de façon à obtenir une zone de conduite en situation normale ou accidentelle de dimension réduite30 . Une matérialisation des circuits (synoptiques actifs), complétée par des synoptiques 30 J.M. Peyrouton, J. Guillas, Ch. Nougaret, O. Leporho : La salle de commande du palier N4 : un concept innovant et un retour d’expérience d’exploitation positif, Revue Générale Nucléaire, n◦ 2, mars-avril 2004, pp. 50-57.

278

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 2.90 – Échangeur RCP/RRI et GMPP/RRI d’un CPY.

Photo 2.25 – Salle de commande de Tricastin (CPY) (photo EDF).

2. Le bâtiment réacteur et les bâtiments connexes

279

Photo 2.26 – Salle de commande de Saint-Alban (palier 1 300 MWe) (photo EDF).

Photo 2.27 – Salle de commande du N4. Pour ce palier récent, la salle de commande est complètement informatisée (à l’exception du panneau de repli) (photo EDF). muraux a été réalisée. À partir du N4, on a cherché à réduire les risques dus aux facteurs humains, par une réduction du nombre des informations présentées directement à l’opérateur, alors que celui-ci peut avoir accès, à sa demande, à plus d’informations indirectes. Le traitement des alarmes a été amélioré pour le rendre plus synthétique. Le développement d’interface de conduite permet une meilleure intégration du système de conduite. On a choisi un traitement systématique de validation des informations et des moyens informatiques renforcés (images de commande, fiches techniques, fiches

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

d’alarme, consignes de conduite). La conduite se fait désormais en position assise devant les pupitres de commande, et non plus debout comme le montrent les photos. Cette logique informatique va être encore développée dans la salle de commande de l’EPR qui est entièrement informatisée, où les opérateurs sont assis devant des écrans d’ordinateur à écrans plats. Une salle de commande comporte des armoires-pupitres de commande où on a regroupé les boutons, verrines, tracés sur papier, boutons Tourner-Pousser-Lumineux (TPL). . . d’un système donné (turboalternateur, gestion des barres, pompes primaires. . . ). À chaque système sont associées des alarmes. Classiquement, on répertorie les alarmes en quatre catégories : A1 sur verrines rouges qui nécessitent une action immédiate de l’opérateur, A2 jaunes qui nécessitent une action différée de l’opérateur, A3 blanches qui indiquent un changement d’état qui fait suite à un traitement automatique de la séquence, et A4 vertes qui sont liées à un passage à charge nulle faisant suite à une action de protection. Pour une verrine, le clignotement indique l’apparition du signal, la lumière devient fixe quand le signal a été acquitté et que le défaut reste présent, un clignotement lent indique que la cause a disparu, et enfin la verrine s’éteint quand il y a un acquittement définitif et résolution du problème. Les alarmes de type A2 à A4 sont envoyées sur un écran Barco où une signalétique du comportement des lampes, proche des alarmes de pupitre, renseigne l’opérateur, ce qui permet de garder un historique temporel des alarmes. Pour limiter le nombre d’alarmes présentes à l’écran, des critères permettent d’inhiber certaines alarmes selon leur état. C’est l’accident de TMI-2, où toutes les alarmes se déclenchaient en même temps sans hiérarchisation, qui a permis de progresser sur l’interface homme-machine renseignant l’opérateur. Le concepteur doit faire des choix entre un contrôle-commande très simplifié, où l’on reporte la coordination de la tranche sur l’opérateur, et où chaque matériel est relié par deux fils physiques : un pour la commande, l’autre pour le contrôle, et un contrôle commande complexe faisant appel à un traitement poussé de l’information. Dans la première situation, on comprend aisément la lourde responsabilité de l’opérateur, surtout sur un objet aussi complexe qu’une tranche nucléaire à multiples composants. Ce qui est très simple pour une simple cafetière électrique, devient horriblement complexe dans le cas qui nous intéresse ! A contrario, un contrôle-commande très sophistiqué limite au maximum les actions opérateurs pour se reposer sur les automatismes. Mais là encore, la fiabilité d’un automatisme n’est pas absolue, et les pertes d’alimentation électrique des automatismes sont un risque réel. C’est pourquoi, la salle de commande retenue est une solution intermédiaire à ces deux extrêmes (Figure 2.91). Des automates sont installés pour la protection du réacteur selon un automatisme logique très fiable. Ces automates peuvent réagir beaucoup plus rapidement qu’un homme ne pourrait le faire. Des automates agissent aussi au niveau de la coordination des actions logiques complexes (régulation des systèmes) hors protection en aide à l’opérateur. Les automates sont renseignés par des capteurs, et peuvent recevoir des ordres d’actionneurs activables en salle de commande. Ainsi, l’opérateur conserve une certaine autonomie et un jugement extérieur, qui primeront sur les automatismes (d’où une évaluation nécessaire de l’erreur humaine au niveau des études probabilistes de sûreté). Un traitement centralisé de l’information (TCI) mémorise l’ensemble des informations de la tranche pour post-analyse et compréhension.

2. Le bâtiment réacteur et les bâtiments connexes

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Fig. 2.91 – Principe du contrôle-commande depuis la salle de commande. Le panneau de sûreté de la salle de commande a été conçu pour une situation accidentelle. Le panneau de sûreté comporte des voyants d’états, l’ébulliomètre qui renseigne sur la marge à la saturation dans la cuve, et l’équipement informatique. Il synthétise les informations essentielles à l’évaluation de la situation accidentelle. Il renseigne en particulier sur le premier défaut, ce qui donne une information cruciale sur l’initiateur, ainsi que l’historique des paramètres physiques ayant amené à l’incident, ce qui a fait cruellement défaut lors de l’accident de TMI-2. En cas d’indisponibilité de la salle de commande (incendie. . . ), le panneau de repli est situé dans un local séparé et comporte des panneaux verticaux recevant les commandes et signalisation des voies A et B de sûreté. Chaque voie a son panneau et on peut communiquer entre les deux locaux par une porte coupe-feu. Les fonctions à ramener au panneau de repli sont celles qui sont absolument nécessaires à un arrêt sûr. La mise en service de ce panneau est interdite en fonctionnement normal. Les panneaux de repli sont situés dans une zone à protection renforcée dans les locaux électriques, au niveau des équipements 380 V.

Chapitre 3 Le circuit primaire 3.1

Généralités

[Coppolani et al., 2004] p. 79 Le circuit primaire des REPs (Photo 3.1, Figure 3.1) est destiné à faire circuler l’eau liquide qui refroidit un réacteur à eau pressurisée. Sa fonction essentielle est donc de transférer par ses boucles (Figure 3.2) l’énergie produite par le réacteur au circuit secondaire via les générateurs de vapeur. L’arrêté du 26 février 1974 définit le circuit primaire principal (CPP) comme « l’ensemble des enceintes sous pression qui contiennent le fluide recevant directement l’énergie produite par le combustible nucléaire, et qui ne peuvent être isolées de façon sûre de celle d’entre elles où se trouve le combustible ». L’arrêté s’applique également aux dispositifs de contrôle, de régulation et de sécurité. Toutefois ne sont pas soumises à ces dispositions les canalisations de diamètre inférieur à 25 mm (piquage d’instrumentation. . . ). Un isolement sûr est défini par la circulaire du 5 août 1977 qui précise qu’ « un isolement sera tenu pour sûr s’il est réalisé par des organes agissant automatiquement en cas de rupture en aval de la tuyauterie, se fermant assez rapidement pour n’être traversé que par peu de fluide avant leur fermeture complète, et présentant par eux-mêmes une fiabilité très élevée ». La circulaire ajoute que cet automatisme de fermeture n’est toutefois pas obligatoire pour des organes systématiquement fermés lorsque l’appareil est en pression, et que, hormis le cas des soupapes de sûreté, on doit exiger en outre la présence de deux organes d’isolement en série. Remarquons que si l’arrêté, dans son article 11, stipule que « Les organes mécaniques qui assemblent des parties résistant à la pression devront assurer le maintien de l’étanchéité et une sécurité satisfaisante de l’assemblage », en revanche, il ne détaille en rien l’étanchéité interne des appareils de robinetterie utilisés, ce qui laisse la possibilité d’un débit de fuite admis, puisque volontairement non précisé. C’est toute la difficulté des textes réglementaires qui sont souvent qualitatifs, plutôt que quantitatifs, et laissent place à une liberté d’interprétation de la part des experts. D’autre part, une fuite est dite « quantifiée » lorsqu’elle est collectée par conception et dirigée vers un réservoir (autre que l’enceinte), et qu’on en mesure le débit 1 global de fuite. Elle sera « non quantifiée » si elle n’est pas quantifiée ; cette lapalissade facile couvre toutes les fuites qui peuvent se retrouver dans les puisards du bâtiment réacteur (BR), qu’on limite dans les spécifications techniques 1

Sur la mesure des débits de liquide, on lira avec intérêt [Lefebvre, 1986].

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Photo 3.1 – Vue stéréoscopique du circuit primaire d’un P4 grâce à la CAO.

d’exploitation (STE) à 230 litres/heure. On dispose alors d’un délai de repli à froid de 24 heures. Si ce débit augmente à 2 300 l/h, ce délai passe à 10 heures. L’eau du primaire est déminéralisée (pour éviter les dépôts calcaires) et dégazée. Elle est mise en mouvement par les pompes primaires et elle refroidit les crayons combustibles, sièges de la réaction de fission nucléaire. L’eau joue là le rôle de caloporteur, mais aussi de modérateur au sens neutronique. On dissout dans l’eau des adjuvants comme l’acide borique (H3 BO3 ) utilisé pour le contrôle de la réactivité. Le circuit primaire joue aussi un rôle de deuxième barrière contre la dissémination de produits radioactifs en cas de défaillance de la première barrière : les gaines des crayons combustibles. Le circuit primaire a aussi une fonction de réservoir de pression puisqu’on va monter la pression de l’eau au-dessus de la pression de saturation du point le plus chaud du circuit : la branche chaude. Cette pression est contrôlée via un pressuriseur unique, relié au circuit primaire (branche 1) par une ligne d’expansion. Le tout est maintenu en situation normale à 155,1 bars (soit 2 250 psi). Cette pression est un compromis. Une baisse de la pression de référence permettrait un gain 2 sur la taille et le coût des composants du circuit primaire, au détriment de la puissance spécifique qui devrait immanquablement baisser pour que l’eau reste monophasique. À pression 2 Pour autant, les études économiques ont toujours montré qu’une baisse de la pression n’était finalement pas intéressante du fait de la baisse de puissance imposée.

3. Le circuit primaire

285

Fig. 3.1 – Vue de dessus du circuit primaire d’un CPY et plan de masse. On remarquera les changements de direction par coude des branches froides. Les pompes GMPP sont placées sur les branches froides pour pousser de l’eau plus dense.

imposée, une baisse de la température primaire permettrait un gain 3 sur la puissance spécifique au détriment du rendement thermodynamique de la tranche. La conception du circuit primaire, étant données les nombreuses exigences auxquelles il doit faire face, est réalisée avec le plus grand soin pour parer aux risques sismiques, à l’éjection d’éventuels missiles mécaniques. De même, le primaire étant contraint à subir de nombreux transitoires thermiques, il faut être extrêmement vigilant à la propagation d’un éventuel défaut dans le métal. Après s’être fixé un « défaut de référence » possiblement non détecté, on s’interdit toute propagation de ce défaut 3 En ce qui concerne la température, la situation est plus nuancée dans la mesure où une baisse faible de la température conduit à une perte de rendement inférieure à l’augmentation de puissance rendue possible. Le concept a été envisagé pour le palier P4/P’4.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

suite à des variations de pression ou de température. Cela se traduit par des limitations en exploitation représentées par un réseau de courbes pour les épreuves hydrostatiques à 2 ans, 5 ans et en fin de vie 4 . L’effet de l’irradiation de la cuve est pris en compte dans la mesure où la température de transition pour la rupture fragile, en anglais Null Ductility Transition Temperature (NDTT), se déplace vers les températures élevées en fonction de l’irradiation croissante. En clair, le seuil en température à partir duquel le matériau devient fragile a augmenté. En pratique, il faut effectuer les épreuves hydrostatiques à la température NDTT la plus élevée des équipements du primaire (en général la cuve) augmentée d’une sécurité de 33 ◦ C. Concrètement en exploitation, c’est aussi la situation de fin de vie qui limite les vitesses de refroidissement en arrêt à froid. Le circuit primaire, d’un volume total de 274 m3 pour le CPY, est composé macroscopiquement de la cuve du réacteur (108 m3 d’eau à chaud) et des boucles (3 pour un CPY, 4 pour les P4, N4 et EPR) dans lesquelles on fait circuler l’eau grâce à des pompes primaires (Groupe moto-pompes primaires ou GMPP) dont le débit total (Figure 3.7) est considérable (45 500 tonnes/h pour le CPY, 66 300 tonnes/h pour le N4). Les matériaux qui constituent le circuit primaire sont des aciers de différentes natures, selon les propriétés mécaniques recherchées pour chaque constituant : des aciers inoxydables austéno-ferritiques 5 pour des pièces moulées comme les tuyauteries primaires, les volutes de pompe primaire ou certains corps de robinets ; des aciers inoxydables martensitiques 6 forgés, dont on fabrique certains composants des mécanismes de grappe de contrôle, des tiges de vannes ou robinets et de la boulonnerie ;

4 L’épreuve hydraulique dite « Épreuve d’ensemble de l’appareil » est prescrite dans l’Arrêté du 26 février 1974 sur les appareils en pression. Elle est réalisée dans le cadre des essais à froid, avec de l’eau déminéralisée dans une plage de température dite « froide », définie à partir de valeurs de température de ductilité nulle. On contrôle la température en jouant sur la puissance injectée par les pompes primaires pour lesquelles l’injection aux joints de pompes est en service. La pression est montée à 228 bars au moyen des pompes de charge RCV et d’une pompe RIS par l’intermédiaire de la ligne de charge. La pression est lue sur un manomètre dans l’enceinte. Bien entendu, le cœur n’est pas encore chargé. La limitation réglementaire en pression est assurée par une soupape de sûreté montée sur la pompe à barillet. On ne confondra pas cet essai avec l’essai d’étanchéité, effectué à une pression de 162 bars absolus et qui a pour but de vérifier l’absence de fuite après toute opération ayant conduit à l’ouverture du primaire. Cet essai est effectué à une température entre 275 ◦ C et 280 ◦ C en maintenant la pression de 162 bars pendant 4 heures, 2 heures avec les vannes d’isolement motorisées des vannes de décharge fermées et les vannes elles-mêmes ouvertes, puis 2 heures dans la situation inverse (isolement ouvertes et vannes de décharge fermées) pour tester la redondance. 5 Les aciers austéno-ferritiques moulés sont de type normalisé CF8 ou CF8M qui présentent une structure duplex constituée de ferrite « delta » (environ 10 à 20 %) dans une matrice austénitique. Ils présentent une bonne résistance à la corrosion et une bonne soudabilité. La phase ferritique contient environ 36 % de chrome et 5 % de nickel, alliée à 4 % de molybdène dans le cas de la nuance CF8M. Remarquons que cette forte teneur en chrome, utile contre l’oxydation, rend la ferrite sensible au vieillissement thermique, ce qui se traduit par la précipitation d’une phase cubique à face centrée riche en chrome (dite alpha), et d’une autre phase cubique à face centrée (dite gamma) riche en Si, Mo, Ni et Cr. La ferrite durcit considérablement et peut rompre par clivage de ces phases (clivage de la ferrite et cisaillement de l’austénite). 6 Les aciers martensitiques forgés, dont les principales nuances sont le Z12C13, le Z12CN13, le Z5CN13, les Z5CND16-4 et Z5CNU17-4 (17-4 PH), contiennent du chrome et du cuivre, ce qui les rend sensibles au vieillissement thermique, d’autant plus que la teneur en chrome est importante. Comme dans les aciers austéno-ferritiques, la précipitation d’une phase riche en chrome est responsable du durcissement de ces alliages. Le cuivre précipite aussi en une phase dite « epsilon ». Les nuances Z12C13 et Z12CN13 à faible quantité de chrome, sont peu affectées, par contre leur contenu en phosphore induit un phénomène de fragilisation inter-granulaire par ségrégation du phosphore.

3. Le circuit primaire

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Fig. 3.2 – Vue stéréoscopique de la boucle 2 d’un CPY (la cuve n’est pas représentée). Cette boucle comporte un « carré d’as », à savoir un ensemble de quatre vannes permettant, quand la pression est inférieure à 32 bars, de connecter le RCP avec le RRA (système de refroidissement du réacteur à l’arrêt) qui assure le refroidissement du circuit primaire en remplacement des générateurs de vapeur. des aciers faiblement alliés au manganèse, nickel et molybdène 7 , dont on fabrique certains gros composants comme le corps des générateurs de vapeur ou le pressuriseur ; et de l’acier au carbone non inoxydable dont on fabrique le corps de la cuve (nuance 16MND5).

3.2 3.2.1

Constitution du primaire Les composants principaux du circuit primaire

En allant plus en détail, le circuit primaire (Figure 3.4, Figure 3.5, Figure 3.6, Figure 3.9, Figure 3.10, Figure 3.16 pour l’altimétrie) se compose : – de la cuve du réacteur qui contient le bloc réacteur et ses assemblages combustibles. La cuve est un objet technologique complexe comportant de 7 Les aciers faiblement alliés au manganèse, nickel et molybdène sont de structure bainitique (agrégat de lattes de ferrite et de particules de cémentite), ayant de bonnes propriétés mécaniques mais difficile à usiner, qui présente une certaine sensibilité à la fragilisation inter-granulaire par ségrégation du phosphore ou d’autres impuretés comme l’étain, l’antimoine ou l’astate. Des traitements thermiques adaptés (refroidissement étagé de très longue durée entre 540 ◦ C et 470 ◦ C) permettent de limiter le décalage de température de transition RTN DT à moins de 20 ◦ C.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 3.3 – Schéma des piquages RIS sur une branche froide. nombreuses structures internes sur lesquelles nous reviendrons plus spécifiquement. C’est l’élément le plus massif du circuit primaire qui n’a cessé de grossir depuis le palier 900 MWe jusqu’à l’EPR. La cuve contient le cœur, les internes de cuve et les systèmes de guidage de barre de contrôle. Un chapitre spécifique est entièrement consacré à la cuve et à ses internes. – Les pompes primaires dites Groupes Moto-Pompes Primaires (GMPP) qui font circuler l’eau depuis les générateurs de vapeurs vers le cœur. Ces pompes centrifuges sont à axe de rotation vertical et pompent l’eau des branches froides. – Les liaisons GV-Cuve qu’on appelle branches froides, au nombre de 3 (palier CPY, diamètre interne 698,5 mm sur le CP0) ou 4 (paliers P4, P’4, N4, EPR). La tuyauterie qui relie l’aspiration de la pompe primaire et la boîte à eau du générateur de vapeur a une forme caractéristique en U d’où son nom « Branche en U » (diamètre interne à l’aspiration de la pompe 784,4 mm CP0, diamètre supérieur à celui de la branche froide pour améliorer les conditions de débit), aussi appelée branche intermédiaire. Ce tracé en trois tronçons est justifié afin de permettre le réglage géométrique des boucles primaires au montage sur site. Après la pompe, la branche froide est constituée d’un tronçon droit et d’un coude d’accostage à la cuve dont l’angle est différent sur le palier CPY par rapport aux paliers plus récents, dans la mesure où le refoulement des pompes du palier 900 est différent de celui des paliers P4 et N4. En ce qui concerne la branche en U, elle est constituée de trois segments comportant un coude à 40◦ et deux coudes à 90◦ associés chacun à un tronçon droit de longueur modeste. Cette géométrie permet le réglage lors du montage sur site des boucles primaires. On notera que cette branche en U dispose d’un diamètre plus important pour limiter les pertes de charges entre le GV et la pompe primaire.

3. Le circuit primaire

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Fig. 3.4 – Nomenclature des principaux composants du circuit primaire (CPY). – La partie primaire des générateurs de vapeur, à savoir la boîte à eau (en partie inférieure du GV) et les tubes en U inversés qui font l’interface entre le primaire et le secondaire. Le haut des plus grands tubes en U constitue le point le plus haut du circuit primaire, situé approximativement 20 mètres plus haut que le bas du fond de cuve, point le plus bas du circuit primaire (sans compter les accumulateurs qui sont situés en dessous du niveau du fond de cuve (sur le CPY, mais plus haut sur les paliers ultérieurs), mais qui ne sont mis en connexion au primaire qu’en cas d’accident). – Les liaisons Cuve-GV ou branches chaudes (diamètre interne 736,6 mm sur le CP0) qui évacuent l’eau chauffée par le réacteur vers les générateurs de vapeur. Elles comportent un tronçon droit et un coude à 50◦ à l’entrée du générateur de vapeur. – Le pressuriseur constitué d’un réservoir cylindrique vertical avec des fonds supérieur et inférieur hémisphériques, qui assure le maintien en pression de l’eau du circuit primaire et sa ligne d’expansion. – Les circuits d’injection de sécurité en branches chaudes (RIS), utilisés en situation incidentelle (Figure 3.3). – Les circuits d’injection de sécurité en branches froides. Dans certaines situations d’accidents, on assure une bascule branche froide/branche chaude de l’injection de sécurité pour éviter la cristallisation du bore (et aussi dans le cas où on a repéré la position de la brèche). – Le circuit d’injection au joint des pompes primaires, qui assure l’étanchéité le long des arbres des pompes.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 3.5 – Représentation d’un circuit primaire 3 boucles et visualisation des zones « froides » et « chaudes ».

– Le circuit de charge du RCV de contrôle volumétrique et chimique, piqué (Figure 3.8) sur la branche froide en aval de la pompe (RCP 003 PO dans le cas du CP2). – Le circuit de décharge du RCV, piqué (Figure 3.8) sur la branche froide en aval de la pompe RCP 002 PO (cas du CP2) – Le circuit de refoulement du RRA (refroidissement du réacteur à l’arrêt), piqué (Figure 3.8) sur les branches froides en aval des pompes RCP 001 PO et RCP 003 PO (dans le cas du CP2). – Les vannes d’aspersion RCP 001 VP et RCP 003 VP sur le circuit venant de la branche froide de la pompe RCP 002 PO, de même que les vannes 002 et 004 sur le circuit venant de la branche froide 001. – Les vannes RCP 212 VP et 215 VP qui sont le deuxième organe d’isolement et sont utilisées avec l’ensemble du circuit RRA, suite à un accident de RTV.

3. Le circuit primaire

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Fig. 3.6 – Plan des volumes du circuit primaire du CP1 (adapté de [Transfert de connaissances REP900 MW].

Ces vannes sont qualifiées aux conditions d’ambiance existant dans l’enceinte en cas de RTV dans l’enceinte BR. – Le circuit d’aspersion de secours venant du RCV, utilisé en situation accidentelle.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 3.7 – Fonctionnement nominal du primaire (débits et pertes de charge) d’un CP0.

En ce qui concerne les paliers, le circuit primaire du CPY 3 boucles est logiquement plus petit que celui des paliers 4 boucles ultérieurs. Les paliers 1 300 MWe et N4 sont assez proches, hormis des épaisseurs de coudes plus élevées sur le N4. On note aussi que l’EPR diffère peu du N4, bien qu’encore plus grand et avec un coude supplémentaire. Sur l’EPR, les niveaux entre les branches sont plus proches, ce qui limite le découvrement du cœur et est donc plus favorable en cas d’APRP.

3.2.2

Supports et butées du circuit primaire

La prise en compte à la conception d’éventuels séismes ou rupture du primaire a conduit à réfléchir aux moyens de maintenir le circuit en fonctionnement normal et accidentel avec des supports et des butées. Il faut évidemment penser, pour des composants de cette taille, à la dilatation thermique lors des transitoires de fonctionnement ou à la montée en puissance. Les branches, qui se dilatent de plusieurs centimètres, ne doivent pas être gênées et ne sont donc pas soutenues directement. Les seuls composants qui sont supportés sont : la cuve au niveau des tubulures des branches (et pas par un supportage vertical au niveau du fond de cuve encore une fois pour des raisons de dilatation axiale), les générateurs de vapeur et les pompes

3. Le circuit primaire

293

Fig. 3.8 – Implantation des piquages du circuit primaire d’un CPY [Transfert de connaissances REP900 MWe]. primaires sont supportés par des béquilles placées en dessous. Des butées sont placées et conçues de telle manière que les effets de séisme ou de ruptures hypothétiques ne menacent pas la stabilité de l’ensemble. On impose que toute rupture d’une boucle ne doit pas entraîner la rupture d’une autre boucle. Par extension, toute rupture

294

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 3.9 – Vue de dessus du circuit primaire d’un P4 4 boucles.

d’une branche ne doit pas provoquer de rupture sur une autre branche de la même boucle. Toute rupture du primaire ne doit pas entraîner une rupture du secondaire et vice-versa. Cela est acquis d’abord par une étude soigneuse du casematage des composants, mais aussi par des butées de contraintes limitant les effets de débattements du composant rupté. L’extrémité des butées doit donc se trouver au plus près des composants, mais pas au contact, pour laisser la place à une dilatation normale des composants. Des butées anti-débattement et anti-fouettement existent sur les tuyauteries primaires, en particulier au niveau des traversées du puits de cuve, ainsi qu’en entrée et en sortie de GV et sur la branche en U. Sur l’EPR, ces dispositifs ont été supprimés en vertu de l’application du concept de fuite avant rupture (LBB, Leak Before Break). La cuve est maintenue horizontalement par son support qui est ancré dans le béton. Ce support autorise un léger balancement pendulaire. Notons qu’elle n’est pas maintenue dans l’axe vertical dans la mesure où les accélérations verticales des séismes sont faibles (ce sont surtout des accélérations horizontales de cisaillement). D’autre part, un support vertical par le dessous de la cuve gênerait la dilatation axiale avec risque de poinçonnement. Nous analyserons plus tard au niveau des composants les supports et les butées spécifiques.

3. Le circuit primaire

295

Fig. 3.10 – Vue de dessus du circuit primaire de l’EPR.

3.2.3

Dispositifs anti-débattements ou auto-bloquants du circuit primaire

[Hutin, 2016] p. 520 Le circuit primaire ne peut pas être mécaniquement « encastré » dans une structure bétonnée pour des raisons de dilatation thermique et de maintenance. Ainsi, les principaux composants (pompes primaires, GVs. . . ) sont disposés sur des béquilles articulées, que nous présenterons par la suite. Mais même les conduites (branches chaudes, froides, branche en U) sont placées dans des dispositifs anti-débattements (DAD) pour limiter le débattement relatif en cas de rupture guillotine. Ces dispositifs sont constitués de butées placées radialement autour de la conduite ou bien des colliers qui enserrent la tuyauterie en la maintenant sur un berceau. Ces DADs sont des montages mécano-soudés accrochés au génie civil, dont les jeux ou les coussinets amortisseurs laissent la possibilité d’une dilatation thermique, mais empêchent des mouvements de grande ampleur. Le calage des jeux au regard de chaque butée doit être fait très scrupuleusement et périodiquement lors des visites décennales. L’utilisation des DADs autour des tuyauteries du primaire a permis d’éliminer la possibilité d’occurrence d’une section de brèche doublement débattue en APRP, au profit d’une brèche de taille plus petite.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Photo 3.2 – Un dispositif auto-bloquant placé sous conduite.

Les dispositifs auto-bloquants (DAB, Photo 3.2) sont des systèmes utilisant des dashpots particuliers (piston coulissant dans un réservoir d’huile), qui n’entravent pas un mouvement lent, mais se bloquent en cas de mouvement rapide (comme pour le principe d’une ceinture de sécurité de voiture). Ces DABs sont utilisés pour protéger les GVs, les GMPPs ou certaines conduites, et doivent pouvoir agir en quelques centièmes de secondes, tout en pouvant se re-débloquer après le mouvement ayant produit le blocage.

3.3

Chauffage du secondaire

Dans l’objectif d’améliorer le rendement thermodynamique de la tranche, on a intérêt à chauffer au maximum l’eau primaire pour obtenir une vapeur de bonne qualité produite dans le circuit secondaire. Cet argument de rendement est contrebalancé par le fait qu’on ne peut monter trop en température pour des raisons de tenue mécanique des composants du primaire (contraintes thermiques, dilatation. . . ). En effet, on cherchera à limiter l’élévation de température dans le cœur afin d’obtenir un échange primaire/secondaire quasi isotherme (amoindrissement des contraintes mécaniques thermo-induites). Dans la pratique, on contrôle la température moyenne du cœur par une régulation « turbine prioritaire ». Le débit des pompes primaires étant quasiment constant, la puissance évacuée par l’eau primaire est proportionnelle à la variation axiale d’enthalpie dans le cœur qui, sous réserve de supposer la capacité thermique de l’eau constante, est elle-même proportionnelle à l’élévation de température de l’eau dans le cœur :   H2 O H2 O coeur⇒eau = QH2 O CpH2 O Tsortie − Tentr´ P[W att] ee

297

3. Le circuit primaire

Dans cette formule, QH2 O est le débit massique d’eau des pompes primaires. En H2 O arrêt à chaud, la température de sortie du cœur est égale à celle de l’entrée (Tentr´ ee = H2 O ◦ Tsortie ≈ 287 C) et la puissance produite est nulle. L’eau chaude en sortie de réacteur est canalisée par les branches chaudes, qui l’emmènent vers les générateurs de vapeur où elle cède son énergie. De même, la puissance échangée entre le primaire et le secondaire est proportionnelle à l’écart de température moyenne du primaire et la température moyenne de la vapeur secondaire dans le générateur de vapeur, qu’on peut approximer à la température de saturation à la pression du secondaire si la vapeur n’est pas surchauffée :  primaire  primaire⇒secondaire = hconv SGV Tm − Tvapeur P[W att] où SGV est la surface d’échange des tubes de générateur de vapeur et hconv le coefficient d’échange moyen par convection naturelle dans les GVs. Un régime permanent est possible si les deux puissances calculées précédemment sont égales. Comme primaire = la température moyenne de l’eau dans le primaire est approximée par Tm   H2 O H2 O Tsortie + Tentr´ee /2, on voit que la température moyenne du primaire est le paramètre clé de pilotage de la puissance du cœur qui détermine la température de la vapeur. Si on choisit de conserver cette température constante en fonction de la charge, la dilatation de l’eau 8 dans le circuit primaire est faible [Properties of water and steam, 1969]. On n’aura donc pas à la compenser pendant des transitoires de charge, mais la température de la vapeur décroît fortement quand la charge augmente, puisque : primaire⇒secondaire P[W att] Tvapeur = Tm − hconv SGV Le rendement de l’extraction de chaleur par le secondaire sera donc réduit quand la charge augmente. C’est le choix qu’on a fait pour la première tranche REP en France : la centrale nucléaire des Ardennes (Chooz A ou SENA) dont le rendement était de 29,4 % (Figure 3.11). Si par contre on régule la température moyenne de telle façon qu’elle augmente (légèrement, d’environ 6 ◦ C pour le CPY) avec la charge, soit : Tm (P ) = Tm (0%) +

∂Tm P ∂P

on obtient un meilleur rendement du cycle secondaire puisque la température de la vapeur augmente de P ∂Tm /∂P par rapport à la situation précédente. Par contre, la masse d’eau du primaire est sensible au premier ordre à la température, via la masse volumique de l’eau. Cela nécessitera un moyen de contrôle de la masse d’eau adéquat via le circuit RCV. C’est le choix qui a été fait sur le parc actuel pour obtenir un rendement de 33,4 %. Si on veut que l’eau reste liquide (pour refroidir efficacement le combustible), il faut augmenter la pression. Suite à un compromis cycle thermodynamique/thermomécanique des composants, on cible une pression de 155 bars pour 8 À 20 ◦ C, le volume spécifique de l’eau à 1 bar est de 1,0000 m3 /tonne ; à 100 ◦ C et 155 bars : 1,0359 m3 /tonne ; à 200 ◦ C et 155 bars : 1,1428 m3 /tonne ; à 286 ◦ C et 155 bars : 1,3390 m3 /tonne ; à 300 ◦ C et 155 bars : 1,3761 m3 /tonne ; à 310 ◦ C et 155 bars : 1,4189 m3 /tonne ; à 320 ◦ C et 155 bars : 1,4705 m3 /tonne ; à 373 ◦ C et 220 bars : 2,3169 m3 /tonne. On atteint le point critique où eau et vapeur se confondent à 220 bars et 374 ◦ C. Ces valeurs permettent d’encadrer la valeur utile pour de nombreuses situations réacteur.

298

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 3.11 – Programme de température moyenne cœur de quelques tranches REP dans le monde. chauffer l’eau à environ 326 ◦ C. Cette pression est assurée par un composant unique nommé pressuriseur, qui est relié à une branche chaude par la ligne d’expansion du pressuriseur. Cette ligne présente un tracé sinueux destiné à encaisser des variations de pression du primaire et éviter des coups de bélier.

3.4

Température du primaire

La température des branches chaudes est mesurée sur chaque branche grâce à des « écopes » placées à 120◦ (en étoile) l’une de l’autre dans un même plan transversal de la branche chaude, et en amont des GVs. Ces débits sont mélangés pour en tirer la température moyenne chaude de la branche. Les capteurs sont des sondes à résistance rapide nue sans doigt de gant qui peuvent mesurer entre 260 ◦ C et 340 ◦ C. En ce qui concerne la branche froide, on prélève dans un bipasse unique l’eau qui est prise au refoulement de la pompe primaire. La turbulence à cet endroit fait qu’on n’a pas besoin de faire trois piquages comme pour la branche chaude. Le capteur en branche froide est une sonde thermostatique placée dans un doigt de gant et l’étendue de la mesure se situe entre 0 ◦ C et 350 ◦ C. Le tracé des tuyauteries des bipasses assure un temps de transit inférieur à une seconde. À partir de ces mesures, on élabore une température moyenne et la différence de température pour chaque boucle,

3. Le circuit primaire

299

Fig. 3.12 – Pressions et débits dans le circuit primaire (CPY) en situation nominale (débit best-estimate). On distingue le débit best-estimate par boucle (22 700 m3 /h), le débit de calcul thermohydraulique (21 960 m3 /h), le débit de conception mécanique (23 640 m3 /h), le débit de conception thermohydraulique de la cuve (21 075 m3 /h).

puis on sélectionne la température moyenne maximale et la différence maximale pour éliminer les valeurs aberrantes. Rappelons que la température de saturation à 155 bars est de 344,764 ◦ C. Les températures branches chaudes sont aussi mesurées sur les lignes de bipasse des GVs. De même pour les branches froides sur les lignes de bipasse des pompes primaires. Les deux lignes de bipasse se regroupent ensuite dans une ligne de retour connectée sur la branche en U entre GV et pompe primaire, et équipée d’un débitmètre. Ces bipasses sont isolables par des vannes pour la maintenance. Ces mesures de bipasses sont traitées par des chaînes qui élaborent pour chacune des boucles la température moyenne et la différence de température. Après élimination de valeurs aberrantes, la plus élevée des températures moyennes de boucle est utilisée pour la régulation du niveau pressuriseur, et pour la régulation de la puissance du réacteur par le groupe R (ou D), et les commandes des vannes de décharge vapeur du condenseur. On élabore aussi les limites d’insertion et d’extraction des groupes de régulation. Des alarmes sont actionnées quand l’écart entre température moyenne maximale et la température moyenne de chaque boucle est élevé. De même pour l’écart entre le ΔTmax et le ΔT de chaque boucle. Enfin, ces mesures

300

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

sont utilisées dans l’élaboration des chaînes de protection ΔTsp (protection vis-à-vis de la puissance linéique) et ΔTte (protection vis-à-vis du DNBR) du 900 MWe. En cas de baisse de la température moyenne du primaire, des actions de protection sont initiées, à savoir la fermeture des vannes alimentaires principales du système d’alimentation normale du GV (ARE) en logique 2/3 (CPY). Si la température moyenne devient très basse, on élabore le permissif P12 (en logique 2/3). Notons enfin qu’une mesure de température au joint de cuve (RCP MT01), situé à la bride de cuve, permet de détecter une fuite.

3.5

Pression du primaire

La pression du circuit primaire est mesurée à l’aspiration du circuit RRA en amont des vannes d’ouverture (RCP 212 VP et RCP 215 VP). La gamme de mesure est de 0 à 200 bars. Comme le RRA ne doit pas être connecté au-dessus de 32 bars absolus, la mesure de la pression assure le double verrouillage des vannes d’ouverture précitées et des vannes RRA 01 VP et RRA 21 VP. Une alarme renseigne si les vannes RRA ne sont pas fermées au-dessus de 32 bars. La mesure de la pression sert à la régulation du pressuriseur. Un manomètre spécifique pouvant aller jusqu’à 250 bars est utilisé pour les essais hydrostatiques et d’étanchéité. En situation d’arrêt, un manomètre situé dans le BR permet la lecture locale pour les essais hydrostatiques et les essais d’étanchéité (jusqu’à 250 bars).

3.6

Débit du primaire

Les débits des branches primaires sont mesurés en continu, permettant un AAR en cas de bas débit sur une branche. On mesure aussi les débits des lignes de retour des bipasses des boucles pour vérifier que le temps de transit entre le piquage des boucles et les détecteurs reste faible. Une alarme est émise si le temps de transit est trop important entre boucle et détecteurs. La protection « bas débit » est très importante face au risque de DNBR, en redondance avec la mesure de la vitesse des pompes. Le débit dans chaque boucle primaire est mesuré par des transmetteurs de pression différentielle via la mesure de perte de charge dans un coude en sortie de chaque GV. La Figure 3.12 présente les pressions et débits du primaire en situation nominale (CPY).

3.7

Puissance thermique du cœur

La mesure de la puissance thermique d’un cœur s’effectue par un bilan enthalpique au secondaire. Cette opération est appelée « BIL100 » à EDF. Le BIL100 est effectué à une puissance proche de 100 % Pnom (d’où son nom !), typiquement lors d’un essai physique RPN 11. Il est réalisé sur le secondaire grâce à du matériel d’essai périodiquement étalonné, ce qui en fait le plus précis des bilans et constitue ainsi une coeur s’écrit comme la différence entre référence. La puissance thermique du réacteur Pth la puissance thermique fournie par les générateurs de vapeur (GVs) : coeur = Pth

nombre de boucles boucle=1

PGV (boucle) − Pperte+apport

3. Le circuit primaire

301

où PGV (boucle) est la puissance thermique produite par le générateur de vapeur de la boucle considérée et Pperte+apport est le bilan net de la puissance des pertes (comptées positives comme les fuites thermiques à travers les calorifuges du primaire, la consommation de l’échangeur non régénérateur, les barrières des pompes primaires, les échangeurs de paliers et moteurs des pompes primaires) et des apports (comptées négatives comme la puissance des pompes, les pompes de charges, les chaufferettes du pressuriseur). Au bilan, on obtient des pertes globalement constantes au cours de la vie de la tranche, à savoir 11 MWe sur le palier CPY (8 MWe pour Fessenheim), 17 MWe sur le 1 300 MWe et 20 MWe sur le N4. La puissance thermique PGV en [kW] échangée dans un GV s’écrit :   vapeur GV ARE QARE − hpurge PGV = hsortie − h Qpurge liq m´ elange liq où QARE est le débit de l’eau secondaire (ARE) du GV [kg/s], Qpurge est le débit vapeur GV de la purge [kg/s], hsortie est l’enthalpie du gaz à la sortie du GV vers la m´ elange turbine en [kJ/kg] qui dépend du titre X [%] en vapeur et de la pression au secondaire (quasiment sèche à 99,9 %) : vapeur GV vapeur GV vapeur GV = X hsortie + (1 − X) hsortie hsortie vap,sat m´ elange liq,sat

hpurge est l’enthalpie de l’eau liquide à la purge du GV [kJ/kg] et Qpurge le débit liq est l’enthalpie de l’eau alimentaire secondaire du massique à la purge [kg/s]. hARE liq GV [kJ/kg]. Le titre de la vapeur humide est mesuré au démarrage de la tranche ou au changement de GV, mais il a tendance à se dégrader suite à une perte progressive de l’efficacité des sécheurs. L’enthalpie de l’eau primaire alimentaire du GV est calculée à partir des pressions et des températures amont des diaphragmes introduits pour les mesures de débit (par différence de pression amont/aval du diaphragme). Le débit massique des purges des GVs est de l’ordre de 1 % du débit ARE alimentaire du GV, mesuré par une tuyère ou un diaphragme. Notons que le débit primaire QARE est mesuré par un diaphragme où on mesure la différence de pression et les températures amont et aval.

3.8

Chimie du primaire

[Cohen, 1969] p. 40, [Huntz-Aubriot et Pieraggi, 2003], [Rodier, 1971], [Roth, 1968]

3.8.1

Généralités

L’eau du primaire n’est pas pure. Elle contient du bore entre 10 ppm et 1 500 ppm selon l’instant dans le cycle d’irradiation, mais aussi de l’hydrogène dissous (environ 25 à 50 mL d’H2 par kg d’eau), un peu d’oxygène (environ 10 μg/kg), et du lithium. L’eau d’appoint du primaire provient de la station de déminéralisation du circuit d’eau brute SEB qui est clarifiée par un précipité d’hydroxyde de fer, puis décantée et filtrée, et enfin passée sur des lits de résines échangeuses d’ions (résines cationiques faibles et anioniques faibles économiques et à forte capacité, puis cationiques et anioniques

302

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

fortes plus chères mais à forte sélectivité). Ce traitement produit une eau déminéralisée de bonne qualité (oxygène dissous < 0,1 ppm, chlorures et fluorures < 0,1 ppm, matières solides en suspension < 0,1 ppm, silice < 0,1 ppm, aluminium < 0,02 ppm, calcium < 0,02 ppm, magnésium < 0,02 ppm, potassium < 0,015 ppm, sodium < 0,015 ppm).

3.8.2

L’acide borique

[Cohen, 1969] p. 220 L’acide borique H3 BO3 , un acide faible à froid dont la constante de dissociation diminue en plus avec la température (donc un acide très faible à plus forte température), s’est révélé historiquement l’absorbant neutronique le plus facile à utiliser, dilué dans l’eau. L’acide borique rend l’eau légèrement plus dense que l’eau pure (1 % en poids, soit par exemple 1 750 ppm qui donnent une densité de 1,0045 à 15 ◦ C). Seul l’isotope 10 du bore est très absorbant par réaction (n, α), mais il produit du tritium radioactif selon les réactions 10 B (n, 2α) 3 H et 10 B (n, α) 7 Li (n, nα) 3 H. Le bore naturel 9 contient 19,9 % de 10 B et 80,1 % de 11 B. L’utilisation de bore enrichi en 10 B jusque dans les années 1990 va se généraliser dans l’EPR avec un enrichissement de 39 %. L’acide borique est un acide moyennement soluble à température ambiante (50 g/l à 20 ◦ C), c’est pourquoi on le prépare dans des citernes réchauffées à 80 ◦ C où sa solubilité est de 200 g/l. Le risque à surveiller est le bouchage de tuyauterie par précipitation de l’acide borique si la température baisse de façon à atteindre la limite de solubilité (Figure 3.13). L’acide borique dilué dans l’eau se transforme en ions borates sous différentes formes − − polymérisées, à savoir B(OH)− 4 , B3 O3 (OH)4 et B4 O5 (OH)4 . En tant qu’anions, les ions borates saturent les résines anioniques qui sont incluses dans les pots de résines à lit mélangés pour moitié de résines anionique et l’autre moitié de résine cationique. Ainsi, faire passer l’eau primaire sur ces lits est un moyen de déborater l’eau.

3.8.3

La lithine

La lithine LiOH est une base qui maintient le pH basique, pour contrer l’acidité du fait de l’introduction volontaire d’acide borique pour le contrôle de la réactivité, afin de limiter la corrosion, surtout à froid. Car en fait, à chaud (300 ◦ C), la fonction acide de l’acide borique est quasiment inexistante, et la lithine se comporte dans l’eau comme si elle était seule, mais son introduction d’environ 1 ppm (entre 0,7 et 2,2 ppm) dans l’eau du primaire, garde un intérêt pour réduire les dépôts de magnétite sur les assemblages, ce qui diminue l’activation des produits de corrosion. À froid où son action basique contre l’acidité de l’acide borique, une eau primaire basique corrode moins les alliages ferreux et le Zircaloy. La lithine a été préférée à la soude NaOH car le sodium 23 Na s’active notablement en 24 Na radioactif (période 15,03 heures), et du fait que la soude concentrée dans des zones d’ébullition attaque rapidement l’acier. L’ammoniac est parfois utilisée dans les réacteurs VVER. La potasse KOH a été rejetée pour des raisons identiques. Rappelons que le pH est la mesure de la concentration en ions hydrogène dans un liquide 9

Sur les propriétés thermochimiques du bore : [Cordfunke et Konings, 1990] p. 78.

3. Le circuit primaire

303

Fig. 3.13 – Solubilité de l’acide borique naturel dans l’eau en fonction de la température.

(pH = –log([H+ ]). Pour de l’eau neutre où par définition [H+ ] = [OH− ], ce pH est de 7 dans la mesure où, à 25 ◦ C, le produit [H+ ] × [OH− ] vaut 10−14 . Le lithium de la lithine utilisée en réacteur est enrichi à 99,9 % en lithium 7 pour éviter la production de tritium radioactif par capture radiative sur le lithium 6, l’autre isotope du lithium naturel 10 . La méthode d’injection de lithine sur les paliers 900 et 1 300 MWe s’effectue par le balayage d’un ballon de préparation par de l’eau du REA. Le débit est fixé par un diaphragme sur le palier 900 et par une vanne préréglée sur le palier 1 300. Il faut être très prudent lors de la phase d’injection puisqu’on injecte aussi de l’eau non borée en même temps que la lithine, d’où un risque de dilution si on ne contrôle pas la durée d’injection. 10

L’abondance du lithium naturel est de 7,4 % pour 6 Li et 92,6 % pour 7 Li.

304

3.8.4

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

L’hydrazine

L’oxygène libre oxyde les parois métalliques du primaire et les gaines. La limitation de la teneur en oxygène est effectuée par adjonction d’une solution d’hydrazine 11 N2 H4 (jusqu’à 10 ppm) selon la réaction : N2 H4 + O2 → N2 + 2H2 0 L’hydrazine est une base faible qui est un puissant réducteur en milieu basique. Elle capte l’oxygène pour le transformer en eau et maintient la concentration en oxygène libre à moins de 0,1 mg/kg. L’hydrazine est une base qui alcalinise l’eau (pH = 9,9 pour de l’eau à 1 % d’hydrazine). La réduction n’est vraiment efficace qu’à partir de 65 ◦ C (c’est pourquoi elle n’est introduite dans le primaire qu’en dessous de 120 ◦ C). Par contre, au-dessus de 150 ◦ C, l’hydrazine de décompose par thermolyse en produisant de l’ammoniac selon la réaction : 3N2 H4 → 4N H3 + N2 Voire même une production d’hydrogène au-delà de 250 ◦ C : 2N2 H4 → 2N H3 + 2N2 + 3H2 L’oxygène est lui-même produit par radiolyse de l’eau (dissociation de la molécule d’eau sous l’effet des rayonnements [Roth, 1968] p. 437, [Cohen, 1969] p. 89, et on en introduit aussi volontairement dans certaines phases de passivation du primaire vis-à-vis des produits de corrosion. L’hydrogène ne doit pas dépasser 35 mL/kg sur une longue période pour ne pas fragiliser les gaines par hydruration. L’hydrazine est un produit dangereux car inflammable et irritant. Celle utilisée en centrale est une solution d’eau à 35 % d’hydrazine.

3.8.5

L’hydrogène

On maintient en fonctionnement normal un excès d’hydrogène d’au moins 15 ml TPN/kg d’eau pour combattre les effets de la radiolyse de l’eau. Cette concentration en hydrogène permet de déplacer la réaction d’équilibre chimique de recombinaison avec l’oxygène pour former de l’eau. Cette radiolyse provient de la dissociation de la molécule d’eau au-dessus de 150 ◦ C sous l’action du rayonnement : 1 H2 O → O2 + H2 ← 2 Dans la pratique, on cible une concentration d’hydrogène de 25 à 35 ml TPN/kg. Il faut faire attention à ne pas introduire trop d’hydrogène pour éviter l’hydruration des tubes GV, voire des gaines combustibles. Lors des arrêts avec oxygénation, on veille à éliminer progressivement l’hydrogène juste avant l’arrêt (< 3 ml TPN/kg) pour éviter tout risque d’explosion. 11 L’hydrazine a aussi été testée dans le circuit secondaire en protection de l’effet de denting des tubes de générateur de vapeur. On prendra garde que dans le cas de tranches comportant des organes cuivreux (condenseur), la teneur maximale en hydrazine doit être limitée fortement du fait de la décomposition en ammoniac. Pour les centrales en bord de mer dont les condenseurs ne contiennent pas de cuivre, ce problème disparaît. L’action bénéfique de l’hydrazine a par ailleurs été clairement démontrée sur le degré d’oxydation des matières en suspension.

3. Le circuit primaire

305

Cet oxygène libre va transformer la couche protectrice dense d’oxyde de fer Fe3 O4 (magnétite), qui s’est naturellement formée sur les aciers à l’air ou à froid, par oxydation en hématite Fe2 O3 poreuse, ce qui va relancer l’oxydation. Rappelons que l’oxydation se traduit par une loi d’évolution temporelle plus ou moins parabolique de la couche d’oxyde (liée à la diffusion de l’oxygène dans le métal), et une couche initiale dense protège donc bien le reste du métal. L’effet Evans de formation d’un couple oxydo-réducteur par aération différentielle de l’eau 12 (cathode = zone aérée, anode = zone non aérée) peut aussi aggraver la corrosion électrochimique des matériaux, tout particulièrement dans les recoins à eau stagnante. En présence d’azote, l’oxygène libre peut former de l’acide nitrique HNO3 agressif. Une surpression d’hydrogène favorise la recombinaison de l’oxygène en eau. Par contre, il ne faut pas excéder 50 ml TPN/kg d’eau, au risque d’accroître l’hydruration accentuant la corrosion sous contrainte (tube en Inconel 600).

3.8.6

Contrôle chimique de l’eau primaire

[Cohen, 1969] p. 268 L’eau primaire, bien que déminéralisée, contient des sels dissous. Les plus actifs sont les ions chlores qui favorisent la corrosion, et les sels de cuivre, de cadmium, de cobalt, d’or, de plomb et de manganèse, qui forment des dépôts métalliques provoquant une corrosion électrochimique bi-métallique. Le contrôle chimique de l’eau du primaire est assuré par des prélèvements réguliers et la concentration en sels solubles est réduite en faisant passer une partie de l’eau dans un circuit d’épuration comportant des filtres et des résines échangeuses d’ions. À titre d’illustration, sur le palier CPY, des prélèvements sont effectués sur les branches chaudes n◦ 2 et n◦ 3, en phase liquide et vapeur du pressuriseur et dans la phase vapeur du réservoir de décharge du pressuriseur (RDP).

3.9

Activité du primaire

[Cohen, 1969] p. 144, [Roth, 1968] En absence de défaut de gainage, il n’y a pas de produits de fission qui peuvent transiter à travers les gaines (Tableau 1). Par contre, il y a toujours une contamination résiduelle d’oxyde d’uranium à la surface externe des gaines provenant du processus de fabrication. Cette contamination, de l’ordre de la fraction d’un gramme pour un crayon, est bien entendu extrêmement faible, mais va contribuer par fission à l’activité du primaire, lors de la mise sous flux neutronique. On estime cette activité à quelques dizaines de MBq/tonne d’eau primaire. Une particularité de cette contamination est qu’elle apparaît dès la mise sous flux du cœur. Elle est maîtrisable en amont par une propreté rigoureuse à la fabrication (nettoyage poussé des crayons fabriqués). Une partie de cette contamination est éliminée principalement par les déminéraliseurs (purges), le dégazage au circuit TEP, d’éventuelle chasse gazeuse du RCP et les appoints d’eau au RCV. 12 Le couple réducteur de l’eau est de 0,401 V . On peut donc créer une pile uniquement par variation de la pression d’oxygène dans deux cavités d’eau reliées par des électrodes. Le phénomène est contré par la formation de rouille.

306

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Tab. 3.1 – Caractérisation de la contamination du circuit primaire. État du cœur

Pas de défaut – cœur propre Pas de défaut – cœur sans défaut Petits défauts – assemblages douteux

Critères Activité par tonne d’eau du primaire 133 Xe ≤ 185 M Bq/tonned eau 185 M Bq/tonne Hvapeur 2g

Hvapeur est la hauteur équivalente correspondant à la tension de vapeur saturante de l’eau. En étant plus précis, on s’aperçoit que le point de plus basse pression dans une pompe ne se situe pas à l’entrée de la pompe, mais au niveau de l’intrados des aubages mobiles. La pression est supérieure au niveau de l’extrados qui pousse l’eau. C’est donc au niveau de l’intrados que les bulles vont apparaître. La différence de pression entre l’entrée de la pompe et l’intrados de l’aube dépend de l’angle de la tangente de l’aube et de l’angle de l’écoulement : on parle de dépression dynamique qu’on peut traduire par : He − Hmin = λ

2 vrelative 2g

334

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 3.40 – Étanchéité de l’arbre de la pompe primaire (d’après [Pompes primaires, 1977] p. 35).

vrelative est la vitesse relative du fluide par rapport à l’aube, λ est le coefficient de dépression dynamique qui est lié à l’écart entre les angles d’entrée réels du fluide dans l’aubage et l’angle du métal d’entrée choisi pour le rendement optimal de la pompe. Ce coefficient varie paraboliquement en fonction du débit comme les pertes de charge par choc à l’entrée de la roue.

3.10.7

Cavitation des pompes primaires

[de Kovats et Desmur, 1971] p. 67 La cavitation est un phénomène qui apparaît quand la pression diminue dans un circuit hydraulique, et devient inférieure à la tension de vapeur du liquide correspondant

3. Le circuit primaire

335

Fig. 3.41 – Détail des joints d’une pompe Jeumont-Schneider CPY.

[Franc et al., 1995]. La mise en vitesse de l’eau dans une pompe conduit à une diminution de sa pression statique en accord avec le théorème de Bernoulli. Toute pompe refoulant un liquide susceptible de bouillir peut subir ce phénomène si un point quelconque de la pompe voit sa pression chuter par trop grande hauteur d’aspiration ou par l’augmentation de la vitesse du fluide dans son trajet. Le phénomène de cavitation se traduit par la formation de poches de vapeur (Photo 3.6). Lorsque ces poches sont transportées par le liquide vers des zones de plus forte pression, elles implosent violemment, en quelques microsecondes. Si cette implosion se produit proche d’une paroi, cela engendre un micro-jet et une onde de choc, créant localement des surpressions qui peuvent dépasser la limite élastique des matériaux les plus durs 22 . 22 Jean-Marc Dorey, Alain Verry, Pierre Grison : Une meilleure maîtrise de la cavitation, EPURE, n◦ 25, janvier 1990, pp. 13-21.

336

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 3.42 – Schéma de la collecte des fuites à travers les joints 1 et 2. La cavitation dans les pompes est particulièrement redoutée car, outre le fait qu’elle dégrade les performances de la pompe, elle induit des phénomènes mécaniques (vibrations, compression/décompression du gaz. . . ) qui peuvent sévèrement endommager les aubes des pompes (Figure 3.44, Photo 3.7, Photo 3.8). Ce sont les impacts répétés dus à l’implosion des bulles de vapeur près des parois qui créent dans le temps une dégradation des matériaux, avec érosion de matière.

337

3. Le circuit primaire

Fig. 3.43 – Pompe aspirante au-dessus d’une surface libre. Le phénomène apparaît dans les organes où la vitesse du fluide est localement importante comme les pompes, les turbines, les vannes et les diaphragmes. On se situe ici clairement à l’interface entre la mécanique des fluides et le comportement des matériaux, d’où une complexité certaine dans la modélisation des phénomènes que la rapidité rend encore plus difficile à appréhender. L’effet de la cavitation diffère d’après la grandeur de la roue et le nombre d’ailes, c’est-à-dire d’après les dimensions d’une part, et la pression spécifique d’autre part. Les poches de vapeur, qui se produisent aux points où la pression absolue atteint la valeur de la tension de vapeur, ont approximativement les mêmes dimensions. Si la poche occupe tout l’espace de la section d’une petite roue, elle peut empêcher le passage du fluide. La cavitation pour deux roues homothétiques se produit aux mêmes vitesses et occupera relativement une plus grande partie de la section de la petite roue par rapport à la grande. Il vaut donc mieux utiliser une pompe à roues avec des ailes moins nombreuses mais plus longues. Dans les roues à grande vitesse spécifique et à surface d’aile réduite pour diminuer la perte de charge, la pression spécifique sur les ailes est importante, d’où une dépression élevée sur une grande longueur d’aile, ce qui favorise la cavitation [de Kovats et Desmur, 1971] p. 70. Avec nos notations, la condition de non-cavitation s’écrit : Hmin = He − λ

2 v2 vrelative v2 = Hatm − Hasp − e − λ relative > Hvapeur 2g 2g 2g

On peut définir en tout point d’un circuit hydraulique la hauteur d’aspiration disponible, en anglais NPSH pour Net Positive Suction Head, qui correspond à l’écart entre pression exprimée en mètres de colonne d’eau et Hvapeur . Tant que la NPSH

338

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Photo 3.6 – Mesure expérimentale de la cavitation sur une aube (tiré de Dorey et al., op. cit.)

Fig. 3.44 – Zone de fonctionnement autorisée des pompes primaires. La limite à 27 bars est consécutive à la tenue des joints à basse pression.

3. Le circuit primaire

339

Photo 3.7 – Une impressionnante photo des effets de la cavitation sur une surface interne de pompe en bronze (tirée de [de Kovats et Desmur, 1971] p. 69).

est positive, on évite la cavitation. On parle de NPSH disponible si la colonne d’eau à aspirer est immobile (comme dans un tube vertical par exemple). Dans le cadre d’un liquide en mouvement possédant un débit comme dans une pompe, il faut une dépression supplémentaire pour aspirer l’eau, on parle de NPSH requis qui est une caractéristique de la pompe, classiquement fournie par le fabricant de la pompe (Figure 3.45). v2 v2 N P SHrequis ≡ e + λ relative 2g 2g Au final, la condition de non-cavitation s’écrit : N P SHdisponible ≡ Hatm − Hasp − Hvapeur > N P SHrequis En théorie, c’est le nombre de Thomas, appelé aussi indice de cavitation, qui rend compte pour un écoulement donné du développement de la cavitation au sein de l’écoulement 23 : P − Psat σ[−] ≡ 1 2 2 ρV Dans cette formule, P est la pression, V la vitesse de l’écoulement local, Psat la pression de vapeur saturante et ρ la masse volumique de l’eau. Ce nombre adimensionnel permet de faire des études en similitude de façon correcte, mais avec des écarts dus au type de cavitation : cavitation de poche liée au développement de la couche limite ou 23 Jean-Marc Dorey, M. Caulier : L’érosion par cavitation, Séminaire EDF de mécanique des structures, Milly-la-Forêt, 25 et 26 avril 1990, 1990.

340

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Photo 3.8 – Effets intenses d’érosion par cavitation dans une pompe (tiré de Dorey et al., op. cit.)

NPSH requis

H

2 vrelative 2g

ve2 2g

Q Débit

Fig. 3.45 – Caractéristique d’une pompe : hauteur en fonction du débit. cavitation par bulles par présence de germes de cavitation. Mais plusieurs grandeurs dérivées plus pertinentes sont proposées selon le type d’organe : pour les pompes. σ[−] ≡ N1PVSH 2 2

g

Haspiration − H

Psat

ρg avec H la hauteur de chute et Haspiration la hauteur à σ[−] ≡ l’aspiration pour une turbine. −Psat pour les organes de pertes de charge. σ[−] ≡ PavalΔP

3. Le circuit primaire

341

Pour une valeur σ donnée, la taille des structures de vapeur est fixée et leur nombre est proportionnel à la vitesse. L’effondrement des structures de vapeur (implosion) et la transformation en impulsions subies par la paroi sont un problème très complexe pas encore parfaitement élucidé. Tout au plus, on sait que c’est la pression à implosion qui gouverne le phénomène. Les vitesses de fluide en fin d’implosion sont de l’ordre  de ≈ 10 (P − Psat ) /ρ, ce qui conduit à des vitesses de l’ordre de 100 m/s pour une surpression d’à peine 1 bar. On comprend alors la violence du phénomène pour des surpressions supérieures. Il y a alors émission d’une onde de choc à la paroi de quelque 2 000 bars pendant quelques microsecondes ! Ces ordres de grandeurs sont accrédités par des mesures expérimentales, qui confirment la multitude de sollicitations très ponctuelles et très courtes. L’attaque des parois peut créer des déformations visibles à l’œil nu de quelques millimètres. Dans la pratique, la vitesse de perte de masse est d’abord nulle (phase d’incubation) car le matériau encaisse les impacts et se plastifie sans perte de masse. Puis la vitesse augmente rapidement (phase d’accélération) pour saturer à une vitesse de perte de masse constante (phase asymptotique). Le phénomène de cavitation s’accompagne de bruit et de vibrations qui quantifient l’agressivité du phénomène. Chaque pompe est équipée de deux chaînes de mesure de vibrations qui déclenchent des alarmes en cas de vibration excessive, synonyme de défaut interne ou de cavitation. D’une manière générale, on arrête les pompes primaires dès que la pression est inférieure à 88 bars absolus, synonyme d’un APRP. On limite ainsi les problèmes de cavitation, et surtout on évite de pomper de l’eau liquide vers la brèche, limitant ainsi un dénoyage important du cœur lors d’une petite brèche. Au démarrage, pour des problèmes de joints tournants (en particulier le joint n◦ 1 hydrodynamique à fuite contrôlée qui nécessite une certaine pression pour « décoller » avec un différentiel de pression de 19 bars, soit 27 bars au primaire), il faut que quelle que soit la température, la pression soit donc supérieure à 27 bars, pression située en dessous de la pression de déconnexion du RRA (32 bars). Tant que les pompes primaires tournent, il n’y a pas de dénoyage du cœur et, même en cas d’écoulement diphasique, le débit est suffisant pour refroidir le cœur. Les analyses historiques de Westinghouse montrent qu’on a intérêt à arrêter les pompes dans tous les cas lorsque la détection de l’APRP est confirmée.

3.10.8

Risque d’incendie des pompes primaires

Les pompes primaires sont des composants qui cumulent friction des paliers et joints, haute température et présence de courant électrique. Les paliers de moteurs sont lubrifiés à l’huile et le circuit d’huile comprend un groupe d’injection d’huile, les cuves d’huile des paliers supérieur et inférieur, les échangeurs de chaleur d’une capacité d’environ 1 120 litres d’huile (CPY). Un défaut de refroidissement quelconque peut rapidement amener un incendie d’huile. Les locaux des casemates des pompes primaires sont munis de dispositifs de détection d’incendie (un incendie d’huile génère rapidement une intense fumée) et de dispositifs fixes d’aspersion alimentés par le circuit de protection incendie de l’îlot nucléaire JPI. Pour éviter une propagation de l’incendie aux câbles, on veille à bien séparer physiquement les câbles de puissance, de contrôle et de mesure.

342

3.10.9

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Surveillance des pompes primaires

Chaque pompe primaire dispose d’une instrumentation de mesure des températures d’eau (au niveau du palier et au niveau du premier joint), de température du corps de pompe (palier supérieur, inférieur, patins de butée axiale supérieur, inférieur), de température de l’enroulement stator, de la pression et température d’huile, qui renseignent l’opérateur en salle de commande. Celui-ci devra arrêter la pompe sur signal « très haute température ». On mesure aussi la vibration des pompes par des capteurs montés sur la bride inférieure du support-moteur, avec une mesure de déplacement d’arbre de pompe. Une mesure très importante est la mesure de la vitesse par deux capteurs avec commutateur de transfert d’un capteur sur l’autre pour plus de fiabilité. Cette mesure est utilisée par les chaînes de protection contre d’éventuelles variations de tension ou de fréquence du réseau. La mesure est basée sur le principe de la détection d’un ergot placé sur l’arbre et qui délivre une impulsion au détecteur à chaque passage, le signal étant ensuite traité par un tachymètre électronique. En fonction des vitesses mesurées, le système fournit un signal d’îlotage, voire un signal d’AAR, qu’on détaille dans le paragraphe suivant. Les mesures des débits d’injection et de fuite au premier joint permettent d’élaborer un signal « bas débit au joint » ou un signal « très bas débit au joint » qui verrouille le démarrage de la pompe si celle-ci n’était pas en service. Le débit des pompes primaires doit se situer entre le débit hydraulique de conception, qui provient du dimensionnement de refroidissement nécessaire du cœur, et le débit mécanique de conception, valeur pour laquelle sont effectués les calculs de tenue des assemblages et des équipements internes de la cuve (force d’envol de la poussée hydraulique contrée par le poids et les calages supérieurs). On a eu à ce sujet des surprises au démarrage du palier N4 (Chooz B1) pour lequel les GMPPs étaient de conception purement française. En effet, on a constaté un sur-débit lié à une augmentation de la hauteur manométrique des pompes, provoqué par la physico-chimie de l’eau et l’évolution de l’état de surface interne des pompes, un phénomène constaté à l’international mais de plus faible ampleur jusqu’alors. La valeur finale reste quand même en deçà du débit mécanique de conception. Pour garantir cette limite, on a installé en salle de commande un système de surveillance avec alarmes scrutant le débit dans la cuve. Cet événement montre qu’il y a toujours un risque à s’écarter d’un design connu et qui a fait ses preuves. D’une manière générale, les pompes primaires se sont révélées être des composants très fiables, provoquant une indisponibilité d’à peine 10 à 20 heures par tranche et par an [Hutin, 2016] p. 456, ce qui est objectivement très faible, dont une large part est due à des erreurs humaines au remontage après inspection.

3.10.10

Protection contre le bas débit primaire

La baisse du débit primaire peut avoir des conséquences très fâcheuses sur le rapport de flux critique. Cette baisse peut avoir deux causes : d’une part une baisse de la fréquence du courant ou de la tension, consécutif à un incident sur le réseau de transport électrique, d’autre part une cause mécanique sur la pompe elle-même. On attend des pompes primaires qu’elles puissent fonctionner jusqu’à 47 hertz, et qu’elles acceptent les incidents fugitifs de perte de réseau. Le système de protection initial du palier CP0 conduisait à une séparation du réseau en dessous de 48 hertz ou lorsque

3. Le circuit primaire

343

la tension reste en dessous de 0,7 fois la tension nominale pendant un temps cumulé de 0,9 seconde pour une période de 2 secondes (la tension de décrochage des pompes primaires est d’environ 0,55 Unorm ). Ces critères historiques, basés sur les travaux de la licence Westinghouse, sont finalement mal adaptés aux besoins de sûreté réels, qui portent en fait sur le débit primaire. Celui-ci est en fait une fonction complexe de la fréquence et de la tension aux bornes de la pompe. C’est pourquoi il est plus judicieux de mesurer le débit réel des pompes pour renseigner le système de protection. Si on analyse les différentes classes d’incidents pouvant survenir, on décompte les transitoires de classe 1, en l’occurrence des perturbations fugitives pouvant annuler éventuellement la tension, mais dont la durée est limitée par les protections du réseau (1 à 2 secondes), et dont la présence d’un volant d’inertie conséquent sur les pompes permet l’innocuité. Certaines perturbations plus longues liées au déséquilibre entre production et consommation, se traduisent par une variation de fréquence évoluant entre 47 hertz (surconsommation) et 51 hertz (surproduction) et une tension comprise entre 0,9 et 1,1 la tension normale. Ces transitoires ne doivent pas voir la centrale coupée du réseau par ses protections. Pour des transitoires de classe 2 qui vont au-delà des limites de la classe 1, la tranche doit pouvoir être îlotée pour s’autoalimenter, c’est-à-dire subir une baisse de charge (îlotage) rapide jusqu’au minimum technique (environ 30 % Pnom). La persistance du défaut doit conduire à un AAR. Les transitoires de classe 3 induisent une diminution de débit correspondant à un taux de ralentissement de 5 à 8 %/s (soit –4 hertz/s correspondant à un taux de ralentissement à couple moteur nul, c’est-à-dire admission vapeur coupée, et un couple résistant maximal (à débit maximal) de la vitesse des pompes. Les transitoires de classe 4 conduisent à une baisse rapide du débit suite à un blocage de rotor de la pompe. Dans tous les cas de classe 2 et 3, le RECmin doit toujours être supérieur à 1,3 avec la corrélation de flux critique initiale de Westinghouse. On admet qu’une petite proportion de crayons puisse dépasser le flux critique en classe 4. Les critères de protection bas débit portent aujourd’hui sur le débit de chacune des branches et la vitesse de chacune des pompes, complémentés par une information sur l’ouverture du disjoncteur d’alimentation de chaque pompe. Un seuil ωilo sur la vitesse des pompes permet d’engager l’îlotage sur un critère de logique 2 sur 3 pompes (CPY). Un seuil ωAAR < ωilo sur la vitesse des pompes permet d’engager l’AAR aussi sur un critère 2 sur 3. La mesure du débit QAAR d’une branche (au-dessus d’un seuil P8 lié au fait que les pompes primaires sont arrêtées en dessous de 24 bars) permet d’activer l’AAR en 1/3 (ou 2/3) en fonction du niveau de puissance. La même logique d’engager de l’AAR porte sur l’état des disjoncteurs de pompes (Figure 3.46). Notons que la vitesse des pompes intervient aussi dans les chaînes de protections ΔTtemp´erature et ΔTsurpuissance du CPY.

3.10.11

Caractéristiques détaillées d’une pompe primaire

Nous reprenons dans le tableau suivant les caractéristiques détaillées d’une pompe de type CPY (Tableau 3.3).

344

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 3.46 – Protection bas-débit d’un réacteur CPY.

345

3. Le circuit primaire Tab. 3.3 – Caractéristiques d’une pompe primaire CPY. Grandeur caractéristique Type Débit de conception hydraulique Hauteur manométrique nominale Température à l’aspiration Vitesse de rotation de la pompe Volume à froid Puissance sur l’arbre (à 20 ◦ C) Puissance sur l’arbre (à 286 ◦ C) Puissance nominale du moteur Puissance absorbée à froid (à 20 ◦ C) Puissance absorbée à chaud (à 286 ◦ C) Intensité du courant au nominal) Alimentation électrique Masse du volant d’inertie Moment d’inertie au nominal Joint n ◦ 1 Débit Pression différentielle amont/aval Température à l’entrée du joint By-pass du joint Joint n◦ 2 Débit Pression différentielle amont/aval Température à l’entrée du joint Joint n ◦ 3 Débit Pression différentielle amont/aval Température à l’entrée du joint Température à l’entrée du joint Barrière thermique Débit Température à l’entrée de la barrière Débit d’eau du serpentin de refroidissement (RRI) Température à l’entrée du serpentin Perte de charge Palier supérieur Débit d’eau pour réfrigérer l’huile du palier Pression à l’entrée Température à l’entrée Perte de charge Palier inférieur Débit d’eau pour le serpentin du palier inférieur Pression à l’entrée Température à l’entrée Perte de charge Eau de refroidissement des deux réfrigérants d’air du moteur électrique Débit d’eau Pression à l’entrée Température à l’entrée Perte de charge

3.11

Valeur nominale 93D 21 075 m3 /h 92 mCE 286 ◦ C 1 485 tours/min 4 m3 6, 60 M W 4, 98 M W 5, 30 M W 7, 20 M W 45, 40 M W 536 A 6 600 V à 50 Hz 5 800 kg 2 450 kgm2 680 L/h (min : 46, max : 1 200) 153 bars (min : 14, max : 170) 30 à 80 ◦ C (min : 15, max : 95) 20, 6 bars pour 0, 23 m3 /h 0 à 7, 5 L/h (max : 1 200) 1 à 5 bars (min : 1, max : 5) 30 à 80 ◦ C (min : 15, max : 100) 0 à 100 cm3 /h (max : 200) 0, 2 bar 30 à 80 ◦ C (min : 15, max : 100) 30 à 80 ◦ C (min : 15, max : 100) 1, 8 m3 /h (min : 1,4, max : 2,8) 30 ◦ C (min : 15, max : 55) 9 m3 /h 25 ◦ C (min : 15, max : 35) 10 m CE 41 m3 /h 10 bars maxi 25 ◦ C (min : 15, max : 35) 3 m CE 3, 7 m3 /h 10 bars maxi 25 ◦ C (min : 15, max : 35) 10 m CE 35, 2 m3 /h 6 bars maxi 25 ◦ C (min : 15, max : 35) 7 m CE

Le pressuriseur

[Coppolani et al., 2004] p. 107, [Hutin, 2016] p. 477, [Pressuriseur, 1977] Le pressuriseur (Figure 3.47) a pour fonction de maintenir une pression élevée dans le circuit primaire, afin de maintenir l’eau sous forme liquide, car c’est dans cet état physique qu’elle possède les meilleures propriétés de caloporteur. Le pressuriseur

346

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 3.47 – Écorché d’un pressuriseur de REP.

permet de réguler la pression primaire, et limite cette pression à une valeur admissible par le circuit primaire. Le rapport pressuriseur/puissance du cœur n’a cessé d’augmenter au cours des paliers successifs (environ 40 m3 CPY, 60 m3 P4), ce qui permet d’absorber plus facilement des transitoires de puissance de la chaudière sans faire intervenir systématiquement les régulations du pressuriseur (chaufferettes, aspersion, décharge 24 au RDP). Le pressuriseur se présente comme un réservoir d’eau et de vapeur sous forme d’un corps cylindrique en tôles d’acier faiblement allié, fermé 24 En ce qui concerne les décharges, le REX montre que le nombre de décharges n’a pourtant pas vraiment diminué, mais cela est plutôt dû à des fonctionnements intempestifs des vannes de décharge ou du contrôle-commande associé.

3. Le circuit primaire

347

Fig. 3.48 – Piquage d’instrumentation de pressuriseur P4. par deux fonds hémisphériques. Il est revêtu en face interne d’un dépôt d’acier inoxydable austénitique. Le pressuriseur ressemble à un gros cumulus, placé verticalement, d’environ 13 m de hauteur pour 2, 5 m de diamètre (CPY) jusqu’à 3 m. Il présente la particularité d’être le point le plus chaud du circuit primaire, puisque contenant de l’eau à la température de saturation à la pression nominale, soit environ 345 ◦ C dans sa zone gazeuse. Des piquages d’instrumentation sont situés dans deux plans horizontaux, en partie basse côté eau et en partie haute côté vapeur. Ces piquages (Figure 3.48) sont connectés aux systèmes de mesure de température et de pression, ainsi qu’aux prises d’échantillons. En partie supérieure, des consoles sont soudées pour supporter un collecteur général de décharge (Figure 3.49), qui collecte le fluide déchargé par les soupapes de protection du pressuriseur. Le dôme supérieur porte les tubulures de la ligne de décharge pressuriseur (vers le réservoir de décharge pressuriseur, RDP), et les soupapes de sûreté. Un trou d’homme dans le dôme permet d’accéder à l’intérieur du pressuriseur (Figure 3.50). En partie inférieure, le pressuriseur est raccordé à sa ligne d’expansion qui le connecte au circuit primaire. Arrivent aussi les câbles électriques qui nourrissent les chaufferettes. Cette zone est donc très encombrée comme le montre la Photo 3.9

3.11.1

Positionnement d’un pressuriseur

L’unique pressuriseur du circuit primaire (il n’y aurait aucun intérêt à multiplier ce composant en cas de dépressurisation massive) est situé dans le bâtiment réacteur. Il est connecté via sa ligne d’expansion à la branche chaude de la boucle 1 d’un CPY. Cette ligne d’expansion du pressuriseur (LEP) a un tracé sinueux lui permettant d’encaisser d’éventuels coups de bélier et les dilatations thermiques, dans la mesure où l’eau va et vient dans cette ligne selon les variations de pression du primaire. La

348

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 3.49 – Collecteur des soupapes de décharge du pressuriseur.

tubulure d’accostage de la ligne d’expansion est d’ailleurs munie aussi d’une manchette thermique à l’intérieur de la tubulure, de manière à amortir les chocs thermiques. Le pressuriseur repose dans le cas du CPY sur une jupe soudée sur son corps et amarrée au plancher par des tirants (Figure 3.51). Latéralement, il est maintenu par quatre butées situées axialement à peu près au milieu du pressuriseur (Figure 3.52). Pour les paliers 1 300 et N4, il repose sur un bloc de supportage par l’intermédiaire de sa jupe soudée. Des ouvertures assurant l’aération des prises d’alimentation des cannes chauffantes sont découpées dans la jupe, qui protège aussi mécaniquement les bornes électriques des cannes. Dans le cas de l’EPR, on a supprimé la jupe et le pressuriseur repose sur des goussets à la partie inférieure.

3.11.2

Fonctionnement d’un pressuriseur

3.11.2.1 Généralités La vapeur présente dans le pressuriseur comprime l’eau liquide et applique une pression de 155 bars en situation nominale, où phase vapeur et phase liquide sont à l’équilibre à la température de saturation correspondant à 155 bars, soit 345 ◦ C.

3. Le circuit primaire

349

Fig. 3.50 – Vue du dôme supérieur de pressuriseur, d’où partent la LDP et les 3 tubulures des soupapes de sûreté. En bas à gauche, on distingue le bouchon du trou d’homme (image de synthèse).

Photo 3.9 – Vue de dessous du pressuriseur. La grosse conduite correspond à la ligne d’expansion du pressuriseur. On voit aussi les nombreux connecteurs électriques des chaufferettes.

Le pressuriseur doit amortir les variations de pression consécutives aux brusques variations de charge (demande du réseau), que le réacteur ne peut pas accommoder instantanément. Si la charge appelée baisse, les grappes de commande ne peuvent pas s’insérer instantanément du fait du mouvement des grappins. De fait, la puissance est plus forte que celle qu’il faudrait, ce qui sera rattrapé par les régulations du secondaire qui vont diminuer les débits de vapeur à la turbine. Cela entraîne une augmentation

350

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 3.51 – Support d’un pressuriseur CPY. de la température du primaire, et donc une augmentation de pression par dilatation du liquide primaire. C’est cette augmentation de pression qui sera régulée par le primaire (baisse de la chauffe des chaufferettes, augmentation du débit d’aspersion, voire vidange partielle par les soupapes de décharge dans les cas extrêmes). Le comportement du pressuriseur vis-à-vis d’une variation de son niveau d’eau n’est pas trivial. Postulons qu’il n’y a ni chauffage, ni aspersion dans le pressuriseur pour le moment. Si on considère une baisse du niveau d’eau (Figure 3.53), à savoir qu’une contraction rapide du primaire par refroidissement « aspire » une partie de l’eau du pressuriseur, on constate dans un premier temps une détente du matelas de vapeur dans la mesure où le volume libre augmente. Ceci se traduit par une baisse de la pression du volume de vapeur, mais comme la température de l’eau n’a pas eu le temps de changer, on voit une relance de la vaporisation puisque le liquide est plus chaud que la température de saturation de la nouvelle pression qui est plus basse qu’au départ (point 1). Au final, on revient sur la courbe de saturation à l’équilibre (point 2). Dans le cas contraire d’une montée du niveau d’eau, la situation est différente selon que l’apport d’eau est plus froid (augmentation de l’extraction de puissance par

3. Le circuit primaire

351

Fig. 3.52 – Support latéral d’un pressuriseur 1 300 MWe. Les butées de maintien radial sont attachées au génie civil, et la virole cylindrique du pressuriseur peut se dilater librement à l’intérieur de ces butées qui présentent un jeu admissible aux exigences de stabilité requises lors d’un séisme.

Fig. 3.53 – Effet d’une baisse de niveau d’eau dans le pressuriseur (adapté d’après [Pressuriseur, 1977] p. 14).

les GVs) ou bien à la même température (diminution de la décharge du RCV au profit de la charge). La possibilité d’un apport d’eau plus chaude que celle du pressuriseur n’est pas techniquement possible dans la mesure où, en situation normale, l’eau la plus chaude du primaire est au niveau de l’interface eau/vapeur du pressuriseur. Seul un mélange diphasique pourrait amener de l’eau à saturation mélangée avec de la vapeur, mais on serait alors dans une situation accidentelle qui ne relève pas de notre analyse ici.

352

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 3.54 – Effet d’une montée du niveau par apport d’eau froide (adapté d’après [Pressuriseur, 1977] p. 17).

Fig. 3.55 – Effet d’une montée de niveau par apport d’eau à la même température (adapté d’après [Pressuriseur, 1977] p. 15).

Dans le cas d’un apport d’eau froide (Figure 3.54), la compression du matelas de vapeur augmente la pression dans un premier temps mais, comme l’eau devient plus froide, la vapeur se condense, ce qui fait baisser la pression qui rejoint la courbe de saturation, puis un refroidissement qui amène au point 3. Au final, la pression et la température ont toutes deux baissé par rapport au point de départ, du fait de l’introduction d’eau froide. Enfin, la situation où l’apport d’eau est à la même température (Figure 3.55) voit là encore une compression du fait de la diminution du volume libre, puis une condensation, mais cette fois-ci sans phase de refroidissement. La situation réelle se complexifie encore dans la mesure où en fonctionnement normal à l’équilibre, on établit une aspersion continue et un chauffage de compensation, tel que nous le verrons par la suite. Néanmoins, on comprend déjà que des effets

3. Le circuit primaire

353

transitoires doivent être pris en compte dans l’établissement des temporisations des régulations dans des situations symptomatiques où la pression peut monter avant de redescendre naturellement (apport d’eau froide).

Constitution du pressuriseur Le pressuriseur (Figure 3.56) a pour fonction de maintenir la pression à une consigne pour conserver l’eau sous forme liquide dans le circuit primaire malgré sa température chaude. Il protège aussi le circuit primaire d’une trop forte pression grâce à ses soupapes de décharge. Ce composant est unique, car il ne serait pas logique de redonder sa fonction en cas de brèche provoquant une dépressurisation massive, où le maintien de la pression serait totalement illusoire et sans intérêt, voire dangereux. Il présente une forme de cumulus allongée caractéristique, de volume 39, 65 m3 pour un CPY, fermé par deux fonds hémisphériques. Le fond supérieur est fabriqué par emboutissage d’une tôle en acier faiblement allié au Mn-Mo-Ni, le tout revêtu d’un liner interne an acier inoxydable. Ce dôme reçoit une tubulure d’aspersion à son point le plus haut, ainsi que des tubulures se connectant aux soupapes de décharge et de sûreté. Un trou d’homme, dont le presse joint est en acier inoxydable et fermé par des goujons, permet d’inspecter les structures supérieures du pressuriseur, ainsi que la maintenance de la buse d’aspersion. Le dispositif d’aspersion est constitué d’une buse en forme de pomme de douche vissée sur un manchon soudé sous la tubulure d’aspersion. Cette tubulure est reliée à deux des branches froides du circuit primaire, juste après les pompes primaires pour bénéficier du point de pression maximale du circuit. Un débit d’aspersion constant assure le conditionnement thermique de la ligne d’aspersion (en évitant les cyclages thermiques des phases de mise en route et d’arrêt). Ce débit d’aspersion d’eau froide, outre sa fonction primale de refroidissement de la vapeur, assure une homogénéisation de la concentration en bore. Les tubulures reliées aux soupapes de décharge et de sûreté SEBIM en tandem permettent d’assurer la protection du circuit primaire vis-à-vis des surpressions incidentelles en évacuant la vapeur vers le réservoir de décharge pressuriseur (RDP) via un collecteur de vapeur. Le fond inférieur de forme hémisphérique est plus épais que le fond supérieur. Il reçoit en son centre la tubulure d’expansion dont l’extrémité est raccordée à une branche chaude du circuit primaire. Une crépine de rétention (en acier inox), soudée sur le revêtement interne du pressuriseur au-dessus de la tubulure d’expansion, empêche le passage de corps étrangers de grande taille. Autour de cette tubulure sont réparties les cannes chauffantes (ou chaufferettes) qui assurent le maintien de la pression, soudées sur des manchettes de pénétration (en acier inox) réparties en trois cercles concentriques. Des cannes supplémentaires sont montées, mais non connectées électriquement, pour faciliter la maintenance. Les cannes sont de type droit à immersion directe avec enveloppe tubulaire reliées à la masse. L’élément chauffant des cannes est constitué d’une résistance en nichrome noyée dans de l’oxyde de magnésium ou du nitrure de bore compacté. La partie immergée des cannes est naturellement étanche. On détaillera leur fonctionnement par la suite. Le maintien vertical des cannes à l’intérieur du pressuriseur est assuré par une plaque de support horizontale en acier inoxydable, qui évite les vibrations. Le supportage vertical du pressuriseur est assuré par une jupe cylindrique en acier faiblement allié Mn-Mo-Ni, soudée sur le fond inférieur. La jupe repose sur un anneau soudé à son extrémité inférieure, qu’on fixe sur le

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

plancher de support par 24 tirants noyés dans le béton du plancher. Le pressuriseur est entièrement calorifugé à l’exception de la jupe (Photo 3.10). Pour encaisser des transitoires de charge et des variations de pression, il est relié à une branche chaude via une ligne d’expansion de faible section et au parcours sinueux, ce qui limite les coups de bélier et encaisse les dilatations thermiques. De plus, la rupture de la ligne d’expansion conduirait à une dépressurisation plus douce que dans le cas d’une grosse tuyauterie. En partie basse du pressuriseur, des chicanes et une grille situées près de l’ajutage de la ligne d’expansion empêchent l’eau du primaire d’atteindre directement l’interface eau-vapeur (pour homogénéiser l’eau liquide dans le pressuriseur). La grille a aussi un rôle de filtre à débris qui pourraient s’introduire dans la boucle primaire. Lors de la montée en température pendant un redémarrage, le pressuriseur est totalement plein d’eau. Quand la température du primaire augmente sous l’action des pompes primaires et qu’on atteint la température de saturation selon la pression, une légère baisse de pression sur la ligne de charge RCV (par baisse de débit de charge) fait apparaître une bulle de vapeur en tête de pressuriseur. Les opérateurs utilisent le terme « former la bulle ». Une autre méthode classique consiste à atteindre la température de saturation par la mise en service des résistances chauffantes. Une fois cette température atteinte, on met en service la régulation de niveau du pressuriseur qui va faire automatiquement baisser le niveau d’eau qui est très supérieur à la consigne. Cette baisse de niveau se traduira par une baisse de la pression et la bulle se forme. Il suffit de maintenir alors la pression par chauffage. Un écart minimum de 50 ◦ C entre le pressuriseur et le primaire doit être respecté à la formation de la bulle (sinon on réduit le nombre de pompes primaires en service, les pompes chauffant l’eau). De même, un écart maximum de 100 ◦ C ne doit pas être dépassé au cours du démarrage pour éviter des contraintes thermiques trop fortes sur la ligne d’expansion pressuriseur (LEP). Dans la pratique, on forme donc la bulle au début de la connexion des pompes primaires vers 30 bars à une température de 234 ◦ C (et on la fait aussi disparaître à cette pression quand on veut faire un retour à froid). Le réglage du niveau d’eau dans le pressuriseur s’effectue en jouant sur le débit de charge, qui sera ensuite réglé par la régulation automatique. Lorsqu’on s’approche de 32 bars, 180 ◦ C, le débit de décharge par le RRA est progressivement annulé par fermeture de vanne, pour passer sur la décharge du RCV car il faut continuer à vidanger le primaire à mesure que la température augmente. La décharge s’effectue alors par les 3 orifices de détente du RCV. Le RRA est arrêté à 32 bars pour 18 tonnes/heure de décharge RCV. Dès que la surface de séparation eau/vapeur dans le pressuriseur est suffisante, la tension de vapeur maintient en pression le primaire. Des cannes chauffantes verticales (comme sur la centrale américaine de Calvert Cliff : Figure 3.60), comportant une enveloppe tubulaire ou chaufferettes, se comportent comme des résistances électriques (en « nichrome ») gainées en acier inoxydable dans la partie au contact de l’eau et isolées par de l’alumine Al2 O3 ou de l’oxyde de magnésium, 1,4 MW de puissance totale CPY). L’enveloppe des cannes est fermée à l’extrémité supérieure par un bouchon soudé et à l’extrémité inférieure par une prise de raccordement électrique étanche même en cas de rupture de l’enveloppe. Chaque canne peut ainsi facilement être changée individuellement, même si les cannes sont maintenues par deux plaques supports. Ces résistances sont noyées en pied de pressuriseur dans la partie normalement liquide, et permettent de faire croître cette bulle et de faire baisser le niveau d’eau dans le pressuriseur jusqu’à sa valeur de consigne. L’intérêt du matelas de gaz

3. Le circuit primaire

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Fig. 3.56 – Vue externe d’un pressuriseur et nomenclature.

est de pouvoir encaisser des variations rapides de pression plus efficacement que si le pressuriseur était « solide », c’est-à-dire plein d’eau liquide, auquel cas le pressuriseur serait inefficace pour contrôler la pression, et les variations de pression seraient très dangereuses pour l’intégrité du pressuriseur. La partie supérieure du pressuriseur, calorifugée (photo 3.10), est percée de 5 tubulures (Figure 3.57, Figure 3.59) [Hutin, 2016] p. 478 : la tubulure d’aspersion (diamètre de 4 pouces CPY, 6 pouces P4) qui amène l’eau froide d’aspersion (à 286 ◦ C) à la buse d’aspersion, en provenance d’un piquage depuis une branche froide après une pompe primaire ; une tubulure de décharge (6 pouces) reliée historiquement à des vannes de décharge à une pression de l’ordre de 162 bars, cette tubulure a perdu sa

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 3.57 – Schéma fonctionnel d’un GV de CP1 (adapté de [Transfert de connaissances REP900 MW]).

fonction après l’installation des soupapes SEBIM assurant à la fois le rôle de décharge de sûreté (après TMI-2) ; trois tubulures (6 pouces) qui sont connectées aux trois soupapes de sûreté tarées à 172,4 bars (pression de calcul du primaire). Un trou d’homme (40 cm) permet aussi un accès pour inspection. Il est fixé par 24 boulons et résiste à tous les cas d’accidents envisagés. Deux vannes d’aspersion réglantes et deux robinets manuels d’aspersion continue sont montés en dérivation partiellement ouverts de manière à maintenir la température dans la ligne d’aspersion à un seuil bas. Les deux lignes d’aspersion se rejoignent au sommet du pressuriseur pour une pénétration unique. La première ligne vient d’une branche froide (boucle 1), la seconde d’une autre branche froide (boucle 2).

3. Le circuit primaire

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Photo 3.10 – Calorifuge du dôme de pressuriseur de la centrale de Koeberg en Afrique du Sud (courtesy Kaefer Wanner). Cette centrale est située à 30 km de la ville du Cap.

Chauffage du pressuriseur On distingue deux types de chaufferettes : les chaufferettes Tout Ou Rien (TOR) qui fonctionnent uniquement à pleine puissance comme leur nom l’indique, et qui vaporisent de l’eau au maximum de leur puissance quand la pression est trop faible (Ptor_basse ). Ces chaufferettes s’arrêtent au-dessus de la pression Ptor_haute . De plus, des chaufferettes proportionnelles permettent de passer d’une puissance maximale à une puissance intermédiaire. Ces chaufferettes proportionnelles ont une puissance linéaire entre Pprop_basse et Pprop_haute . A contrario, une aspersion proportionnelle commence à Pspray_basse et est maximale pour Pspray_haute (Figure 3.58). Les chaufferettes proportionnelles compensent en régime stable les pertes de chaleur à travers le corps du pressuriseur, cela signifie qu’on chauffe tout le temps pour avoir un niveau d’eau dans le pressuriseur stable. Les chaufferettes sont au nombre de 60 pour le CPY (monophasées de 24 kW par chaufferette, soit un total de 1 440 kWe). Les TORs peuvent produire 1 008 kWe et les proportionnelles 432 kWe. Les chaufferettes TOR peuvent être enclenchées manuellement pour autant que le niveau dans le pressuriseur soit suffisant (> 14 %). En automatique, elles sont enclenchées soit par un niveau mesuré 5 % supérieur à la consigne, soit pour une pression inférieure de 1,7 bar à la pression de référence. Elles déclenchent pour un niveau inférieur à 14 %. Les chaufferettes proportionnelles sont enclenchées par un niveau inférieur à 14 % et sont régulées par la régulation de pression. Les vitesses de chauffage et de refroidissement du pressuriseur ne doivent jamais dépasser 111 ◦ C/h et sont normalement limitées à 56 ◦ C/h, ce qui est à mettre au regard des vitesses d’échauffement maximales du RCP. L’aspersion du pressuriseur ne doit pas être utilisée si la différence de température entre celle du pressuriseur et l’eau d’aspersion est supérieure à 177 ◦ C. D’autre part, l’écart de température entre le pressuriseur et la branche chaude où il est relié, ne doit pas dépasser 110 ◦ C.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 3.58 – Comportement des chaufferettes et de l’aspersion pressuriseur Les températures dans le pressuriseur sont mesurées par deux sondes en doigt de gant, l’une dans la phase liquide en pied (0 ◦ C − 400 ◦ C), l’autre en phase vapeur (même gamme). Deux autres sondes en doigt de gant sont installées dans les tuyauteries d’aspersion et enfin une dernière dans la ligne d’expansion du pressuriseur. La fissuration d’un fourreau de canne chauffante est un événement rare assimilable à une petite fuite du primaire. Le fait est survenu sur une des 78 cannes du pressuriseur de Sizewell B en Angleterre. La fuite a été détectée par une montée anormale de l’humidité mesurée dans le BR le 17 mars 2010. Suite à un défaut d’un élément chauffant, le fourreau correspondant a développé des fissures traversantes, conduisant à une fuite d’environ 5 litres par minute. Une stratégie de réparation nécessitant un test sur une maquette de 16 × 2,5 m a permis de régler le problème. Néanmoins, la tranche a été arrêtée pendant 6 mois induisant une perte de production de 6 TWh. Pénétrations du pressuriseur Description Un soin tout particulier est accordé aux pénétrations du pressuriseur (Figure 3.61) puisque l’intégrité du pressuriseur, composant unique dans le circuit, doit être assurée de façon certaine. Notons que le pressuriseur peut subir des gradients de pression très importants, en particulier lors d’un APRP grosse brèche, où la pression chute de près de 150 bars en quelques secondes, alors que la pression dans l’enceinte augmente de plusieurs bars dans le même temps. Fissuration des piquages du pressuriseur De la fissuration de l’Inconel 600 est apparue sur les piquages de pressuriseur du palier 1 300 MWe (Cattenom 2, Nogent 1) en 1989, du fait de corrosion sous contrainte. Les expertises confirmeront un problème relativement générique de fissures longitudinales laissant apparaître des suintements lors du renouvellement de l’épreuve hydraulique. Les piquages en acier inoxydable des pressuriseurs du palier 900 n’ont par contre pas fait parler d’eux. L’Inconel 600 est maintenant remplacé par de l’Inconel 690.

3. Le circuit primaire

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Fig. 3.59 – Pressuriseur du réacteur américain de Calvert Cliffs 2 (Baltimore Gas and Electric Company). Entrée en service le 1er avril 1977, cette tranche REP délivre 840 MWe. Le pressuriseur a un diamètre intérieur de 8 pieds pour 35 pieds de haut. L’enveloppe et la calotte supérieure sont revêtues d’acier inoxydable par soudage sous flux, et la calotte inférieure est en alliage 600 (IN 82). Le pressuriseur comporte 7 tubulures de pénétration d’instrumentation et 120 pénétrations de cannes chauffantes par la partie inférieure. Les 120 cannes passent par des manchons et traversent deux plaques support (adapté de 25 ).

3.11.3

Le réservoir de décharge du pressuriseur (RDP)

En cas de surpression dans le primaire pour des raisons diverses, des soupapes de sûreté et des vannes de décharge sont placées en tête de pressuriseur pour relâcher de la vapeur puis éventuellement de l’eau dans la ligne de décharge du pressuriseur (LDP) (Figure 3.63). Le circuit de décharge peut aussi être amené à fonctionner dans le cas d’une baisse de charge rapide du groupe turbo-alternateur et retire une 25 Jerry W. Mitechem, Bernard C. Rudell :Remplacement des manchettes des cannes chauffantes de pressuriseur de Calvert Cliffs 2, dans New Nuclear Needs, Framatome-Symposium 3N91, octobre 1991.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 3.60 – Canne chauffante du pressuriseur de Clavert Cliffs 2. Le 5 mai 1989, une inspection de service révèle la présence de dépôts de bore autour des manchettes de cannes chauffantes. 23 pénétrations sur 120 cannes présentent des fuites, ainsi qu’une tubulure d’instrumentation. Les fuites sont dues à une corrosion sous contrainte en milieu primaire de l’alliage Inconel 600 et les manchettes ont été remplacées par de l’inconel 690 plus résistant (adapté de la référence précédente).

quantité d’eau en excédant. La vapeur se vidange dans un réservoir dédié, le réservoir de décharge du pressuriseur (RDP). Ce réservoir est composé d’une partie cylindrique horizontale terminée de chaque côté par une calotte hémisphérique. L’intérieur du RDP contient un système d’aspersion avec une pomme de douche pour pulvériser l’eau de refroidissement, et une rampe noyée de barbotage de la vapeur en

3. Le circuit primaire

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Fig. 3.61 – Détail des piquages de mesure du niveau pressuriseur.

partie inférieure du réservoir. Enfin un serpentin de refroidissement se trouve dans la partie inférieure noyée. Le RDP a un volume important : 37 m3 sur le CPY, qui contient de l’eau froide (25, 5 m3 de volume d’eau en attente à environ 50 ◦ C (max. 90 ◦ C), surmontée par un matelas d’azote (dont 11, 5 m3 de gaz en situation normale). Ce matelas encaisse des variations de niveau d’eau, à une pression légèrement supérieure à la pression atmosphérique pour éviter des entrées intempestives d’air qui pourrait réagir avec de l’hydrogène (provenant en situation accidentelle de l’oxydation des gaines combustibles, cet hydrogène est entraîné par l’eau du primaire lors de la décharge du pressuriseur) pour condenser la vapeur par barbotage et percolation (Figure 3.62). L’eau excédentaire du RDP est ensuite envoyée vers le réservoir de collecte des drains primaires. Comme l’azote est soluble dans l’eau, il faut pouvoir rétablir la pression par un appoint d’azote (Figure 3.63), sinon le réservoir sera mis en dépression. La pression absolue de service doit être comprise entre 1,2 bar et 4,5 bars. Le RDP est refroidi par serpentin par le circuit RRI et dispose d’une aspersion. Cette aspersion, alimentée par l’eau déminéralisée dégazée du circuit REA-Eau, est dimensionnée pour

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 3.62 – Principe du RDP.

Fig. 3.63 – Lignage simplifié de la connexion pressuriseur/RDP. refroidir le contenu du RDP de 93 ◦ C à 49 ◦ C en une heure. C’est une vanne pneumatique, pilotée par une électrovanne, qui assure l’admission d’eau déminéralisée (provenant du SED) au RDP pour lui permettre de jouer son rôle de condenseur en cas de décharge du pressuriseur. L’ouverture de cette vanne peut être commandée par l’opérateur si l’alarme « haute température RDP » apparaît. Le RDP est capable de condenser une décharge de vapeur égale à 110 % du volume de vapeur du pressuriseur à 100 % de puissance nominale. La quantité d’azote est dimensionnée pour limiter la surpression du RDP après cette décharge à 3,5 bars. L’azote étant soluble dans l’eau (15 % en volume à 300 ◦ C), il faut périodiquement renouveler la pression d’azote.

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3. Le circuit primaire

Fig. 3.64 – Régulation du RDP. Deux disques de rupture (évent de décharge taré à 8 bars, chaque disque peut libérer 255 tonnes/heure, soit la capacité totale des soupapes de sûreté du pressuriseur), protègent le RDP des surpressions internes ou d’un remplissage total. Le second disque de rupture est conçu pour protéger de l’écrasement du RDP en cas de surpression dans l’enceinte du réacteur. Une sonde de température en doigt de gant (RCP 22 MT) de gamme 0 − 150 ◦ C, installée sur la phase liquide permet de signaler le besoin d’un refroidissement du RDP (Figure 3.64). Si cette sonde émet un signal « très haute température », elle empêche l’ouverture de la vanne RCP 653 VP servant à drainer le réservoir vers le circuit RUE en situation accidentelle. De même, un transmetteur de pression (RCP 24 MP) de gamme 0-10 bars fournit une alarme « pression élevée » qui isole le RDP en empêchant l’ouverture de la vanne vers les effluents gazeux hydrogénés dès que la pression dépasse 1,5 bar absolu. Notons que le RDP reçoit aussi l’eau de décharge des soupapes de protection des circuits installés dans l’enceinte (RRA, RCV). Une vanne pneumatique d’évent du RDP, pilotée par une électrovanne, permet de diminuer la pression dans le RDP par éventage vers le RPE à condition que cette pression ne dépasse pas 0,5 bar relatif (la pression normale étant de 0,2 bar relatif). La fermeture de la vanne est automatique au-dessus de 0,5 bar. Une alarme apparaît en salle de commande si la pression dépasse 0,4 bar relatif. Une autre vanne pneumatique, pilotée aussi par une électrovanne, permet de vidanger le RDP vers le RPE tant que la température ne dépasse pas 65 ◦ C, auquel cas elle se ferme automatiquement si elle était ouverte. Cette limitation est imposée par l’absence d’échangeur-refroidisseur dans le RPE, et par le passage direct des effluents primaires sur les lits de résine de la chaîne de purification et dégazage du TEP.

364

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

En situation nominale (sans décharge du pressuriseur par la LDP), le RDP ne reçoit que les fuites des tiges de vannes (soit un débit faible de l’ordre de 0, 25 m3 /h à une température maximale de 105 ◦ C). Le RDP n’est refroidi que par un serpentin alimenté par de l’eau non borée du RRI (35 ◦ C maximum) et par les échanges thermiques entre la calandre du RDP et le local, ce qui maintient la température de l’eau à 50 ◦ C. En cas de perte du RRI, la température montera pour atteindre un équilibre à 75 ◦ C. On mesure la température des tuyauteries de décharge vapeur en aval des soupapes de sûreté et des vannes de décharge, mais au plus près des soupapes et en partie basse des tuyauteries pour mesurer la température des condensats (0 ◦ C − 200 ◦ C). Ces mesures sont réalisées via des sondes de température en doigt de gant. Une sonde en doigt de gant dans la partie liquide du RDP fournit une alarme « haute température RDP » indiquant la nécessité d’un refroidissement du RDP, et « très haute température RDP » empêchant le drainage du RDP vers RPE (en empêchant l’ouverture de la vanne de connexion). La pression dans le RDP est connue via un transmetteur (0 bar – 10 bars). Sur une pression supérieure à 1,5 bar, on bloque l’ouverture de la vanne vers les effluents gazeux hydrogénés. Des transmetteurs de niveaux fournissent aussi des alarmes de bas (< 60 %) et haut niveau (> 95 %). La régulation de l’aspersion (Figure 3.64) de refroidissement du RDP se fait par régulation du niveau d’eau dans le RDP. Si la température de l’eau augmente, on ouvre d’abord la vidange, puis si le niveau d’eau augmente, on ouvre alors l’aspersion du RDP. La commande de la vanne de vidange peut aussi se faire par la régulation du niveau d’eau. Notons que la vanne de vidange peut être verrouillée fermée si la température est trop élevée pour protéger la vanne elle-même. Le RDP a aussi pour fonction de pouvoir recevoir éventuellement des décharges d’eau chaude en provenance du circuit de refroidissement du réacteur à l’arrêt (RRA) et du circuit de contrôle volumétrique et chimique (RCV).

3.11.4

Les soupapes de protection du pressuriseur

[Hutin, 2016] p490 Petit historique des soupapes de protection des chaudières Ce paragraphe sur les soupapes du pressuriseur nous donne l’occasion de s’intéresser à l’histoire des soupapes. Au cours du xixe siècle, les progrès fulgurants en matière de machines à vapeur ont mis en évidence, suite à des accidents entraînant morts d’hommes, l’importance de la protection contre les surpressions. À partir du décret du 9 octobre 1907 sur les chaudières à vapeur (voir le texte en annexe), qui est un des premiers textes prescrivant des points techniques sur les chaudières à terre, les propriétaires de chaudières sont obligés par la loi de munir leurs installations de soupapes de sûreté, les accidents étant fréquents, mais aussi de maintenir régulièrement leur installation. La Marine est particulièrement concernée dans la mesure où les chaudières de bateaux sont constamment entourées de personnels (soutiers pour le charbon, mécaniciens. . . ). Certains fabricants du début du xxe siècle proposent alors de nombreux types de soupapes à contrepoids ou à ressorts tarés (Figure 3.65, Figure 3.66).

3. Le circuit primaire

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Fig. 3.65 – Différents modèles de soupapes de sûreté à ressort. Les soupapes équilibrées conviennent mieux aux hautes pressions (d’après [Appareils accessoires de machines à vapeur, 1908] p. 204 et 207).

Fig. 3.66 – Soupapes de sûreté à ressort, type Marine. Ce type de soupape (brevet Dulac) propose une amélioration suite à la forme de son pointeau d’obturation de forme conique, qui permet un échappement régulier de la vapeur, sans effet de chocs suite aux brusques ouvertures/fermetures instantanées des systèmes classiques. Ces modèles coûtent naturellement plus chers (d’après [Appareils accessoires de machines à vapeur, 1908] p. 315). On notera l’ingéniosité de la soupape double corps à gauche de l’image.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 3.67 – Principe d’une vanne de décharge à ressort taré (conception pré1982).

Les soupapes de protection du pressuriseur, conception pré-1982 Historiquement dans la licence Westinghouse, le pressuriseur est protégé par un système de vannes situées en tête 26 comportant des soupapes de sûreté de type à ressort (Figure 3.67), avec soufflet de contre-pression et piston d’équilibrage (conception Crosby). Un col-de-cygne relie chaque soupape au pressuriseur (Figure 3.70). Comme ce col n’est pas calorifugé, un bouchon d’eau se forme par condensation en amont de la soupape, ce qui sert de joint hydraulique vis-à-vis de la vapeur, et de joint thermique permettant de garder la soupape froide. On distingue les vannes de décharge (95 tonnes/h par vanne à 162 bars absolus, x3), emmenées à réguler la pression, des soupapes de sûreté (186 tonnes/h par vanne à 172,3 bars absolus, x3 à pressions d’ouverture étagées), qui sont mises en œuvre pour protéger le primaire (Figure 3.68, Figure 3.69). Les soupapes de sûreté ne sont utilisées que dans les situations de 3e ou de 4e catégorie. Ce sont, dans la conception pré-1982, des soupapes classiques à ressort. Les vannes de décharge ont un point de consigne plus bas (162 bars) que les soupapes de sûreté (172,3 bars), laissant une marge suffisante entre elles. Les vannes de décharge sont à motorisation pneumatique assistée et ouverture tout ou rien. Leur position de sécurité est fermée sur manque d’air comprimé. En cas de perte d’étanchéité de l’une de ces vannes de décharge, son isolement est normalement assuré par la fermeture de la vanne motorisée électrique placée en amont. De même que pour les soupapes de sûreté, le tracé des tuyauteries permet la formation par condensation 26 J.L. Cabannes, R. Petit, M. Olivon : Nouvelles dispositions de protection contre les surpressions des chaudières nucléaires REP de 900 et 1 300 MW, Proceedings of a symposium Operational Safety of Nuclear Power Plants, held in Marseilles, 2-6 mars 1983, Tome II, AIEA, 1984.

3. Le circuit primaire

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Fig. 3.68 – Lignes de décharge du pressuriseur en configuration pré-1982.

Fig. 3.69 – Montage des soupapes de sûreté en tête de pressuriseur.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 3.70 – Protection pré-1982 (gauche) et post-1982 (droite) du pressuriseur (adapté d’après Cabannes et al., op. cit.).

d’un bouchon d’eau en amont des vannes de décharge. Pour limiter les conséquences d’une dépressurisation par ouverture intempestive des vannes de décharge, on a automatisé la fermeture des vannes d’isolement de la décharge en dessous du seuil de pression permissif P11 (138 bars) qui active la protection AAR pour la chaudière. Un isolement de la ligne en défaut est aussi prévu pour éviter une détérioration par cyclage des vannes d’isolement. La technologie des soupapes à ressort, simple dans sa mise en œuvre, comporte néanmoins des défauts inhérents à sa conception. L’étanchéité de la soupape est assurée par le tarage du ressort. Or, lorsque la pression est proche de la contrepression du ressort, la soupape est en instabilité et peut battre de façon cyclique, tout particulièrement en cas de passage en eau (d’où la remarque sur les bouchons qui peuvent se créer en amont). Un cyclage prolongé peut endommager le ressort dont la tension de fermeture se trouve altérée. Les soupapes à ressort ont été source de problèmes récurrents sur le comportement de la décharge du pressuriseur, problèmes qui ont été au cœur de l’accident de TMI-2 où les opérateurs ont eu le plus grand mal à piloter les soupapes du pressuriseur. À partir de 1981, EDF a mené des campagnes d’essais sur la boucle d’essai INDIRA, pour étudier les solutions de protection du circuit primaire principal, tout particulièrement l’installation de deux soupapes pilotées SEBIM sur chacune des trois lignes de protection. Les soupapes SEBIM, conception post-1982 À partir de 1982 et dans le cadre des actions post-TMI-2 (1979), EDF a changé (Photo 3.11) le système de protection du pressuriseur (Figure 3.70) en utilisant massivement des soupapes de sûreté pilotée SEBIM [Hutin, 2016] p. 491. Cette soupape novatrice, acceptée par l’administration française au titre de l’article 9 du décret de 1926 sur les appareils à pression et par décision du 14 février 1980, est une soupape de sûreté pilotée et autonome à détection hydraulique. Elle est pilotée par la pression du fluide de l’appareil à protéger et comporte la soupape en elle-même, le détecteur

3. Le circuit primaire

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Fig. 3.71 – Principe du piston de fermeture d’une soupape SEBIM et d’un détecteur pilote hydraulique.

de pression et son dispositif de pilotage (Figure 3.71). La soupape, le détecteur et la capacité à protéger sont reliés par des tuyauteries « d’impulsion » de petit diamètre (environ 3/4 de inch) et de forte épaisseur pour résister à la pression, qu’on loge de façon adéquate pour parer au risque de rupture (on peut considérer qu’elles font partie du circuit primaire). La soupape est montée directement en tête de pressuriseur. Elle se compose (Figure 3.71) d’un corps de soupape contenant le clapet d’isolement et son siège, un ensemble cylindre/piston formant un vérin dans sa partie supérieure, et une tige de commande reliant entre eux le clapet et le piston (Figure 3.73 et Figure 3.75). Un montage en tandem de soupapes permet d’assurer à la fois la fonction isolement et protection (Figure 3.72). Les essais réalisés par EDF sur la boucle INDIRA 27 , entre novembre 1981 et juin 1983, ont permis de définir ou d’améliorer l’installation des lignes d’impulsion, ainsi que la position relative des armoires de pilotage et des soupapes, le guidage des pièces mobiles de la soupape, le débit admissible du tandem de soupapes, l’installation du soufflet assurant l’étanchéité au niveau de la tige de soupape. Les essais ont été poursuivis par des essais in situ (Photo 3.11) sur les tranches de Cruas 2 et 3. Initialement testées sans bouchon d’eau amont (col-de-cygne) pour assurer l’étanchéité en particulier à l’hydrogène, l’exploitation a montré qu’il était plus efficace de réintroduire le bouchon d’eau « col-de-cygne » dans le montage définitif. Le fonctionnement particulier d’une soupape SEBIM (Figure 3.73, Figure 3.75) assure la stabilité, quel que soit le régime d’écoulement (eau ou vapeur). Les soupapes 27 André Boissier, Gérard Guillot : Les essais de robinetteries à Électricité de France, Revue Générale Nucléaire, n◦ 5, septembre-octobre 1985, pp. 411-419.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 3.72 – Montage en tandem de soupapes SEBIM.

Photo 3.11 – Remplacement d’une soupape pré-1982 par une soupape SEBIM. Il faut modifier la tuyauterie en sortie du pressuriseur. Une protection thermique a été placée sur la tête du pressuriseur pour le protéger lors des opérations de soudage (photo EDF).

3. Le circuit primaire

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Fig. 3.73 – Principe d’une soupape SEBIM sans commande électrique. sont montées en tandem : la soupape amont joue le rôle de soupape de sûreté et la soupape aval celui d’organe d’isolement. Par rapport au système pré-1982, ce montage est très fiable. Contrairement aux soupapes à ressort qui sont en équilibre permanent dans la mesure où la force du ressort s’oppose à la pression du fluide appliquée au clapet, la soupape SEBIM est en état stable permanent que ce soit en position ouverte ou fermée. L’étanchéité, dans la mesure où le siège du clapet est en bon état, est parfaite puisque la force d’appui sur le clapet augmente par conception avec la pression pour atteindre son maximum juste avant l’ouverture de la soupape, alors qu’elle est minimum dans la même situation pour une soupape à ressort. Un battement d’une soupape à ressort peut dégrader son ressort et changer la pression d’ouverture, alors qu’on a une grande fidélité et reproductibilité à l’ouverture/fermeture d’une soupape SEBIM. Notons aussi une influence négligeable des pertes de charge dans un système très compact. En plaçant sur chaque ligne en aval une soupape d’isolement, on se prémunit d’un risque de blocage entre siège et clapet par un corps étranger ou une rupture de tuyauterie d’impulsion laissant la soupape SEBIM en position ouverte de décharge. Cela permet aussi des essais réglementaires de soupape sans trop grosse perte de fluide primaire qui nécessiterait par la suite des appoints d’eau par le RCV. Il est possible de monter deux soupapes SEBIM en tandem (Figure 3.74, Photo 3.12, Photo 3.13) pour assurer le rôle de protection et d’isolement décrit plus haut. Soupape d’isolement et soupape de protection sont pilotées chacune par un pilote possédant chacun sa propre ligne d’impulsion pour éviter un mode commun en cas de rupture d’une prise d’impulsion. En ajoutant un coffret pilote d’une électrovanne 3 voies (Figure 3.76), on peut réguler une soupape SEBIM pour la faire fonctionner comme une vanne de décharge en automatique ou permettre l’ouverture volontaire de la vanne sur commande de l’opérateur en salle de commande. L’électrovanne, qui est disposée sur la tuyauterie reliant

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 3.74 – Tandem de soupapes SEBIM (protection + isolement). 172 bars à l’ouverture pour la soupape de sûreté (protection) et 135 bars à la fermeture pour les soupapes d’isolement (pour éviter un AAR sur un transitoire intempestif). Une ligne spécialisée pour la décharge s’ouvre à 162 bars. En dessous de 138 bars (seuil P11), la protection est assurée en laissant la soupape d’isolement ouverte pour rester dans l’esprit de l’arrêté des Mines de 1926 sur les appareils de pression. Le seuil interne du pilote est alors fixé à 135 bars en dessous du seuil P11 chaudière (adapté d’après Cabannes et al.). la tête de la soupape aux clapets R1 et R2 de la Figure 3.76, permet, par son basculement, de mettre à l’atmosphère le vérin de la tête de soupape et de déclencher alors son ouverture quelle que soit la position des deux clapets. Ainsi, toutes les soupapes SEBIM du pressuriseur sont équipées d’électrovanne pour pouvoir laisser la main à l’opérateur. Une ligne est de plus commandée automatiquement sur signal électrique dans un rôle de régulation (rôle joué précédemment par une ligne de décharge équipée de trois vannes pneumatiques). L’ouverture se produit à 162 bars absolus. En cas de défaillance du signal d’ouverture, la soupape s’ouvrirait toute seule par effet hydraulique à partir de la commande de son pilote à 166 bars absolus, évitant de ce fait une sollicitation des deux autres lignes de protection à 172 bars pour les transitoires de 1re ou de 2nde catégorie. Pour obtenir un fonctionnement étagé, on utilise plusieurs soupapes SEBIM du nom de son constructeur 28 , mises en avant après l’accident de TMI-2 car plus sûres que les vannes non étagées. Ces soupapes fonctionnent selon un diagramme d’hystérésis, 28

SEBIM est une Trade Mark du groupe Weir PLC.

3. Le circuit primaire

373

Photo 3.12 – Montage de SEBIM en tandem (avec l’aimable accord de WEIR Group PLC). On remarque la compacité du système.

où la soupape se ferme à des pressions différentes selon que la pression monte ou descend (Figure 3.77, Figure 3.78). L’intérêt de l’hystérésis est de limiter les battements oscillatoires autour de la pression de décharge pour ne pas user inutilement le matériel. Les soupapes de protection SEBIM (du nom historique du fabricant) de régulation de pression s’ouvrent à Psebim_haute et se ferment pour Psebim_basse . En dernière protection, la soupape de sécurité s’ouvre pourPmax_ sec urit (Figure 3.81, Figure 3.82). La vérification de la pression de tarage des soupapes de sûreté du pressuriseur est un essai périodique qui permet de prouver que la pression requise (171,3 bars relatifs) est respectée à 1 % près. Cet essai est effectué à 132 bars absolus et une température moyenne primaire comprise entre 235 ◦ C et 280 ◦ C. La montée en pression est effectuée par une surpression d’air.

L’affaire des vis pleines : Gravelines 1 [Hutin, 2016] p. 69 Le 16 août 1989, on a découvert sur Gravelines 1 que des vis à têtes pleines d’isolement avaient été laissées sur 3 lignes d’impulsion commandant les soupapes SEBIM commandées du pressuriseur. En fait, lors d’une opération de maintenance 29 de ces soupapes, on isole volontairement les lignes d’impulsion de petit diamètre par ces 29 La vérification du bon tarage des soupapes s’effectue lors de l’arrêt de tranche, en pressurisant le pilote de la soupape SEBIM sur un banc d’essai. Pour cela, on isole la partie amont de la soupape en remplaçant une vis trouée par une vis pleine pour éviter toute contamination. Il faut penser à remettre la vis trouée à la fin de l’essai.

374

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 3.75 – Fonctionnement d’une soupape SEBIM pendant un transitoire de pression.

vis à têtes pleines, pour éviter la pollution de ces lignes par contamination. Ces vis pleines doivent ensuite être remplacées après intervention par des vis à têtes creuses, laissant le fluide passer pour assurer la fonction de la soupape en cas de surpression. Dans le cas présent, ces vis pleines avaient été remplacées en juin 1988. . . par des vis pleines par inadvertance ! Ce faisant, la tranche a fonctionné pendant un an complet avec une protection SEBIM dégradée. On estime que même les vis à tête pleine se seraient quand même ouvertes en cas de surpression car elles ne sont pas totalement étanches, mais avec un délai inconnu. Quoi qu’il en soit, EDF diligentera une inspection de toutes les soupapes SEBIM du parc pour vérification, et aucun autre défaut ne sera constaté. L’erreur humaine et une culture de sûreté défaillante des agents de maintenance sont ici la cause du problème (selon l’analyse même d’EDF), et cela montre bien l’importance du détail dans la sûreté nucléaire, où une simple vis peut faire la différence. On constate aussi les effets nocifs d’un défaut de procédure de

3. Le circuit primaire

375

Fig. 3.76 – Soupape SEBIM commandée électriquement.

Fig. 3.77 – Hystérésis d’une soupape SEBIM. La plage morte d’environ 25 bars (135 bars-160 bars) de l’hystérésis évite un pompage de la régulation de pression. maintenance 30 . Pourtant, l’Autorité de sûreté pointera des problèmes organisationnels et non une erreur humaine, et classera l’événement au niveau 3. 30 Ces problèmes de maintenance renvoient à l’ASG défaillant pendant 8 minutes lors de l’accident de TMI-2 suite à une condamnation du circuit pour maintenance, mais aussi en France en juillet 1989 sur Dampierre 1. Au cours d’une intervention dans le bâtiment réacteur, on constatait la présence anormale de tapes sur le circuit de sûreté servant à assurer un brassage de l’air de l’enceinte de confinement et le piégeage de l’hydrogène pour éviter en particulier les risques d’explosion hydrogène (provenant de l’oxydation des gaines de Zircaloy) en cas d’accident. Les deux tapes en question avaient été installées pour tester l’étanchéité de ce circuit lors de l’arrêt annuel pour rechargement, et elles auraient dû être retirées avant le redémarrage en décembre 1988. Le réacteur avait ainsi fonctionné pendant plus de six mois avec un circuit de sauvegarde indisponible, même si ce circuit n’est nécessaire qu’en cas d’accident de faible probabilité. Cet événement avait été classé au niveau 2 par la Sûreté nucléaire française.

376

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 3.78 – Fonctionnement d’une soupape SEBIM.

Fig. 3.79 – Schéma comparé d’une soupape SEBIM.

3.11.5

L’aspersion pressuriseur

Pour faire baisser la pression sans avoir à vidanger perpétuellement, on a placé à l’intérieur du pressuriseur une pomme de douche d’aspersion qui injecte de l’eau froide et condense la vapeur. Pour alimenter cette source froide, on utilise de façon intelligente la perte de charge entre les deux piquages de lignes d’aspersion sur les branches froides et

3. Le circuit primaire

377

Fig. 3.80 – Écorché d’une soupape SEBIM (avec l’aimable accord de WEIR Group PLC).

Photo 3.13 – Montage tandem en tête de pressuriseur (avec l’aimable accord de WEIR Group PLC).

le piquage de la ligne d’expansion en branche chaude. En effet, les pompes primaires font remonter la pression de l’eau en branche froide en sortie de pompe côté cœur, et cette pression ne fait que décroître (de quelques bars) à cause des pertes de charge jusqu’à

378

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 3.81 – Étagement des pressions des soupapes du pressuriseur.

l’aspiration de la pompe côté branche en U. Ainsi, aucune pompe n’est nécessaire pour assurer un débit d’aspersion dans le pressuriseur tant que les pompes primaires tournent. Le débit d’aspersion est réglé par deux vannes pneumatiques réglantes en parallèle qui peuvent s’ouvrir en moins de 5 secondes. Pour éviter les chocs thermiques, tout comme dans le cas du RCV, l’aspersion est maintenue à un débit minimal, alimenté par deux robinets manuels continus montés en dérivation avec les vannes réglantes (ces robinets sont partiellement ouverts de façon à maintenir la température dans la ligne d’aspersion au-dessus d’un seuil bas). Ce débit froid permanent est compensé en régime permanent par les chaufferettes proportionnelles. Les variations de niveau d’eau dans le pressuriseur produisent des effets de contre-réaction complexes. Si le niveau d’eau augmente, c’est-à-dire que le pressuriseur se remplit, l’eau comprime plus le matelas de vapeur et la pression augmente. La régulation en pression déclenche l’aspersion qui va condenser de la vapeur. Si la pression dépasse le seuil de tarage des soupapes de décharge, de la vapeur s’échappe dans le RDP. Ces différentes actions vont avoir comme conséquences de limiter l’augmentation de pression dans un premier temps, puis de la réduire. A contrario, si le niveau d’eau baisse dans le pressuriseur, on détend la vapeur et la pression baisse. La régulation va lancer les chaufferettes qui vont vaporiser de l’eau en profitant du fait que la température de saturation a baissé avec la baisse de pression. De plus, on ouvre la charge pour stabiliser le niveau. La conséquence première sera de limiter la réduction de pression, puis celle-ci réaugmentera. Le pressuriseur a un rôle de

3. Le circuit primaire

379

Fig. 3.82 – Protection d’un système à soupapes SEBIM tandem avec ligne spécialisée de décharge à 162 bars (adapté d’après Cabannes et al.).

tampon pour encaisser les variations rapides de volume du primaire. Si la pression est stabilisée et que le niveau d’eau dans le pressuriseur est trop haut, il faut faire un retrait d’eau du circuit primaire. Ceci s’effectue par le circuit RCV. Dans le cas contraire, ce sera un appoint d’eau qui sera nécessaire. C’est donc le niveau d’eau pressuriseur qui pilote le RCV. Les vannes d’aspersion du pressuriseur sont des vannes réglantes pneumatiques. Lorsque la pression dépasse la valeur de consigne, elles admettent de l’eau « froide » en provenance des boucles froides, pour faire baisser la pression. Chaque vanne est sous la dépendance d’un positionneur électropneumatique qui reçoit sa consigne soit d’une régulation, soit d’une commande manuelle depuis la salle de commande. Les vannes d’aspersion pressuriseur permettent d’asperger, via deux vannes réglantes à boule (RCP01/02VP, temps d’actionnement 5 s, 66,7 mm de diamètre interne, position fermée en cas de perte d’air comprimé) et deux vannes manuelles simples à aiguilles (RVP03/04VP, 15,6 mm de diamètre interne), de l’eau à 286 ◦ C prise sur

380

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 3.83 – Principe de la mesure du niveau d’eau dans un pressuriseur.

la branche froide, après les pompes primaires pour bénéficier d’une pression supérieure à celle du pressuriseur, ce qui assure un fonctionnement sans pompe. Un débit normal continu est assuré à 230 litres/heure/vanne, mais ce débit continu peut monter à 1, 15 m3 /heure/vanne. Le débit d’aspersion maximal peut monter à 72 m3 /heure/vanne.

3.11.6

Le niveau d’eau dans le pressuriseur

Principe La mesure du poids d’une colonne d’eau est un problème d’hydrostatique assez simple [Asch et al., 2006] p. 594. La difficulté dans notre cas présent provient du fait de la possibilité de présence de vapeur dans l’eau, puisqu’on est juste à la température de saturation. Si la prise de mesure haute est en zone vapeur, il faut envoyer celle-ci dans un pot de condensation (Figure 3.83). Les mesures sont faites par trois piquages qui fournissent une mesure gamme large et une autre gamme étroite (Figure 3.83, Figure 3.84). Aspects théoriques La mesure du niveau d’eau dans le pressuriseur est un élément de sûreté important. On se rappelle que cette indication a cruellement fait défaut lors de l’accident de TMI-2, puisque le système de mesure d’eau inadapté laissait penser à l’opérateur que le pressuriseur était solide, c’est-à-dire plein d’eau, alors qu’il était en fait plein de vapeur. La mesure telle que faite aujourd’hui permet de prendre en compte correctement le poids de la vapeur et l’effet du taux de vide (Figure 3.85). La hauteur H entre les deux piquages est de 2,80 m sur le CPY. Quant au piquage inférieur, il est situé à

381

3. Le circuit primaire

Fig. 3.84 – Piquage des mesures de niveau (gamme étroite et gamme large). 4,256 m au-dessus du point de piquage de la ligne d’expansion sur la branche chaude. Le niveau réel relatif est donné par le rapport X ≡ hl /H. Le niveau mesuré est obtenu à partir de la mesure de pression différentielle Δp [Asch et al., 2006] p. 601 : Δp(X) = PREF − H(Xρliq + (1 − X)ρvap ) La pression de référence PREF est celle obtenue entre la tête et le pied du tube capillaire. Le calibrage (Figure 3.86) est effectué à 155 bars à deux niveaux réels relatifs soient 0 % et 100 % :  saty Δp(0%) = PREF − Hρvap (155 bars) sat Δp(100%) = PREF − Hρliq (155 bars) Le niveau mesuré est alors donné par : N iveau mesur =

Δp(0%) − Δp(X%) Δp(0%) − Δp(100%)

La mesure consistant à peser la colonne d’eau s’effectue alors par un manomètre différentiel à membrane (Figure 3.85, Figure 3.86). Une chambre à diaphragme permet de s’affranchir de la présence d’éventuels gaz incondensables (hydrogène, azote) qui pourrait fausser la mesure.

382

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 3.85 – Principe de la mesure du niveau pressuriseur.

Fig. 3.86 – Calibration de la mesure du niveau du pressuriseur en fonction de la pression (adapté de [Transfert de connaissances REP900 MW]).

3. Le circuit primaire

383

Fig. 3.87 – Niveaux et seuils d’un pressuriseur CPY (adapté d’un dessin de Framatome). À puissance nulle, réacteur critique à chaud, le volume d’eau est de 10, 14 m3 pour 30, 27 m3 de vapeur, ce qui correspond à une gamme de mesure de niveau de 21,4 %. À puissance nominale, le volume d’eau est de 24, 18 m3 pour 16, 24 m3 de vapeur, correspondant à une gamme de 61,0 %. Pour un P4, le niveau varie de 21,7 % à charge nulle jusqu’à 60,2 % à pleine charge. Seuils de niveau pressuriseur La Figure 3.87 fournit à titre indicatif les seuils d’alarme sur le niveau du pressuriseur CPY.

3.11.7

Mesure de température du pressuriseur

Deux sondes de température en doigt de gant sont installées sur le pressuriseur : l’une en phase vapeur ayant une gamme de 0 ◦ C à 400 ◦ C, l’autre en phase liquide de même gamme. Elles délivrent chacune une alarme en cas de température trop élevée. D’autre part, deux sondes de température en doigt de gant, placées dans les tuyauteries d’aspersion pressuriseur (même gamme), permettent de vérifier le début d’aspersion. Enfin, une autre sonde mesure la température de la ligne d’expansion du pressuriseur (même gamme). Des sondes de température en doigt de gant (gamme 0 − 200 ◦ C) sont placées sur les tuyauteries de décharge de vapeur du pressuriseur en aval des soupapes de décharge et des soupapes de sûreté. Une température élevée indique une fuite des soupapes. Les sondes sont placées au plus près des soupapes en partie basse des tuyauteries pour mesurer les condensats liquides. Rappelons que l’indication de fuite existait dans le cas de l’accident de TMI-2 depuis un certain temps avant l’accident (fonctionnement

384

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

en mode dégradé), mais elle a de fait trompé les opérateurs qui n’ont pas détecté la véritable ouverture des soupapes de décharge, pensant qu’elles étaient fuitardes mais fermées.

3.11.8

Régulation du pressuriseur

La régulation d’un pressuriseur est complexe et fine (Figure 3.88, Figure 3.89, Figure 3.90), étant donné l’importance de ce composant sur la physique du circuit primaire. Deux questions essentielles se posent : comment régler la pression, l’objectif primal du pressuriseur, et comment maintenir le niveau de l’eau dans une gamme acceptable, permettant de laisser un volume libre compatible avec la régulation de pression. Nous avons vu précédemment qu’une variation de niveau affecte la pression. Dans les faits, la régulation de niveau, qu’on établit fortement temporisée pour laisser les équilibres s’établir, influe finalement peu sur la pression, et c’est la régulation de pression qui sera prépondérante. En ce qui concerne le niveau d’eau, une augmentation du volume d’eau liquide du primaire conduit naturellement à une augmentation du niveau. De même, une baisse du volume primaire induit une baisse de niveau. Donc, si l’on se donne un point de consigne de niveau (pour fixer les idées, disons à mi-hauteur du pressuriseur), c’est en jouant sur les débits de charge et de décharge du RCV qu’on pourra maintenir le niveau. Ces actions d’injection et de retrait sont par conception lentes. En ce qui concerne la pression, l’idée est de faire baisser la pression quand elle est trop forte par aspersion d’eau plus froide qui condense la vapeur dans le matelas de vapeur et, a contrario, de chauffer par des résistances électriques chauffantes noyées dans l’eau du pressuriseur pour augmenter la pression si celle-ci est trop basse (notons que ces résistances doivent rester noyées pour être efficaces). Du fait des pertes calorifiques au travers du corps du pressuriseur, il est nécessaire de chauffer constamment pour compenser ces pertes. En conclusion, une augmentation du niveau d’eau conduit à une compression du matelas de vapeur et une augmentation de la pression, ce qui induit une ouverture de la vanne d’aspersion du pressuriseur, de la condensation d’une partie de la vapeur et d’une ouverture de la décharge du RCV (dont l’effet est négligeable sur la pression). Les résultats de ces actions sont une limitation de l’augmentation de pression (par rapport à une situation libre sans action), puis une réduction de la pression. A contrario, une baisse du niveau provoque une détente de la vapeur dans le volume libre du pressuriseur et une baisse de la pression, ce qui va être contré par un chauffage accru des chaufferettes, une vaporisation d’une partie de l’eau liquide et une ouverture de la charge RCV (dont l’effet est négligeable sur la pression). Les résultats de ces actions sont une limitation de la baisse de pression, puis une augmentation de celle-ci. La puissance électrique totale d’un pressuriseur de CPY est au total de 1 440 kW, délivrés par 60 chaufferettes, réparties en 4 groupes de chaufferettes Tout Ou Rien et 2 groupes de chaufferettes variables proportionnelles. Selon la valeur de la pression, on engage les chaufferettes TOR (Tout Ou Rien, 1 008 kW) ou des chaufferettes proportionnelles (432 kW), selon la régulation présentée dans la Figure 3.89. La vitesse maximale de l’échauffement est de 112 ◦ C/heure et le taux moyen pour compenser les pertes thermiques et chauffer l’eau du pressuriseur est de 56 ◦ C/heure. L’aspersion est assurée par une douche d’eau prélevée d’une branche froide et injectée par une « pomme de douche » qui micronise l’eau en gouttelettes offrant une grande surface d’échange. En cas de montée anormale de la pression, un circuit de

3. Le circuit primaire

385

Fig. 3.88 – Principe de la régulation de pression et de niveau du pressuriseur (adapté d’après [Pressuriseur, 1977] p. 27).

Fig. 3.89 – Principe de la régulation du pressuriseur.

386

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 3.90 – Régulation détaillée du pressuriseur.

décharge de vapeur permet d’évacuer rapidement la vapeur vers le réservoir de décharge pressuriseur (RDP), où elle est condensée. La régulation du niveau d’eau se fait par l’intermédiaire d’une consigne de niveau qui augmente avec la charge linéairement en fonction de la moyenne de température des branches chaudes et froides (on fait la moyenne branche par branche et on prend la plus élevée). Le niveau est impacté par les appoints de charge et les rejets de décharge (qui est bloquée sur niveau très bas du pressuriseur) grâce au RCV, et à l’action des chaufferettes TOR qui évaporent l’eau excédentaire. En ce qui concerne la mesure de la pression, un transmetteur de pression différentielle est relié à une balance manométrique située hors enceinte. La pression différentielle entre le primaire et le capillaire de la balance fournit l’induction de pression

3. Le circuit primaire

387

pressuriseur en salle de commande. Cette mesure est une composante très importante de la régulation automatique de pression. Cette régulation règle l’intensité du chauffage pour une pression inférieure à la consigne ou bien le débit d’aspersion pour une pression supérieure à la consigne, et ce, quelle que soit la charge du réacteur. En ce qui concerne la protection du réacteur, l’arrêt automatique réacteur (AAR) peut être engagé par pression trop basse ou pression trop haute, sur niveau trop haut et l’injection de sécurité sur niveau bas et pression basse.

3.11.9

La ligne d’expansion du pressuriseur

Le pressuriseur communique avec le circuit primaire (branche chaude) via la ligne d’expansion du pressuriseur (LEP), dont le circuit sinueux permet d’encaisser des variations rapides de pression (Figure 3.91). Les différences de température entre la branche chaude et le pressuriseur engendrent une stratification thermique dans la LEP. Des fluctuations de cette stratification, en particulier pendant les transitoires de charge, créent des variations de contraintes, d’où une fatigue thermique et un dommage potentiel localisé au niveau des soudures en acier inoxydable en position

Fig. 3.91 – Ligne d’expansion du pressuriseur.

388

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

basse du coude de la LEP, en particulier les surfaces internes des soudures du coude qui relient les parties horizontale et verticale du circuit, mais aussi la soudure de raccordement de la LEP sur l’embout du pressuriseur. Ces zones présentent des particularités géométriques (« délardage », bourrelets de soudure) qui augmentent les contraintes. À la conception, on a déjà pris des mesures pour limiter ces contraintes. Ainsi, un débit d’aspersion et un chauffage continu sont maintenus en permanence dans le pressuriseur, et ce, afin d’éviter par un brassage continu une stratification plus intense dans le pressuriseur. Une scrutation continue par fatigue-mètre menée sur Dampierre a d’ailleurs montré que cette technique permettait de réduire d’un facteur 10 le facteur d’usage de la LEP. Différents moyens de contrôle des soudures incriminées existent. La plus classique, la radiographie permet de détecter des fissures d’un minimum de 7 mm de hauteur lorsqu’on dispose de radiogrammes de référence de la soudure neuve. Des études poussées ont montré qu’on pouvait aussi utiliser la technique par ultrasons (code ULTSON 2D de EDF/R&D, Figure 3.92). Le principe est de détecter les échos de diffraction ultrasonore, créés par les défauts et de les différencier des échos de transformation d’onde habituels du fait des changements de matériaux. On arrive ainsi à détecter des défauts supérieurs à 5 mm.

3.11.10

Éléments simplifiés de thermohydraulique du pressuriseur

Une aspersion par de l’eau froide en tête de pressuriseur permet de condenser la vapeur de la bulle. La thermohydraulique du pressuriseur met donc en œuvre une interface liquide/vapeur. Les équations de bilan des masses dans la zone inférieure liquide et la zone supérieure vapeur doivent prendre en compte les échanges par cette interface. Le bilan des masses de la zone liquide (liq) et vapeur (vap) s’écrit :  dmliq = Wle + Wcond,spray + Wcond,nat + Wspray − Wevap dt dmvap = Wevap + Wsebim + Wscurit − Wcond,spray − Wcond,nat − Wspray dt où Wle est le débit liquide de la ligne d’expansion du pressuriseur (en kg/s), Wcond,spray le débit de condensation de l’aspersion, Wcond,nat le débit de condensation par convection naturelle à l’interface, Wspray le débit d’aspersion et Wevap le débit d’évaporation à l’interface. Le bilan enthalpique s’écrit : ⎧ d(mliq hliq ) ⎪ = Wle hle + Wcond,spray hliq,sat + Wcond,nat hliq,sat ⎪ dt ⎪ ⎪ ⎨ +Wspray hliq,sat − Wevap hvap,sat + Qtor + Qprop + Vliq dp − Qliq,f uite dt ⎪ ⎪ ⎪ ⎪ ⎩

d(mvap hvap ) dt

= Wevap hvap,sat − Wcond,spray hliq,sat − Wcond,nat (hvap − hvap,sat + Lliq→vap ) − (Wscurit + Wsebim ) hvap + Vvap dp dt − Qvap,f uite

où Qliq,f uite est la puissance perdue à travers l’enveloppe du pressuriseur par la zone liquide, Qvap,f uite la puissance perdue par la zone vapeur, Qtor + Qprop la puissance des chaufferettes tout ou rien et proportionnelles. Lliq→vap ≡ hvap,sat − hliq,sat est la chaleur latente de vaporisation. Ce modèle simple 31 suppose que l’eau d’aspersion, 31 P.E. Lebeau : Monte-Carlo estimation of generalized unreliability in probabilistic dynamics – 1 : Application to a pressurized water reactor pressurizer, Nuclear Science and Engineering, vol. 126, pp. 131-145 (1997).

3. Le circuit primaire

389

Fig. 3.92 – Analyse par ultrasons d’une soudure sur maquette (Villard et al., 2001, EDF/R&D).

qui est prise depuis la branche froide du primaire, passe d’une enthalpie hspray à l’enthalpie liquide à saturation hliq,sat en condensant de l’eau du volume de vapeur selon un débit Wcond,spray , de telle sorte qu’à l’équilibre : Wspray (hliq,sat − hspray ) = Wcond,nat (hvap − hvap,sat + Lliq→vap ) = Wcond,nat (hvap − hliq,sat ) Ceci explique que l’apport d’enthalpie de l’eau de l’aspersion est donné par Wspray hliq,sat . Le débit dans la ligne d’expansion doit compenser le débit total d’aspersion et les variations de volume du primaire au cours du temps, à savoir : 

∂ρliq ∂p ∂ρliq ∂Tprimaire + Wle = −Wspray − Vprimaire ∂Tprimaire dt ∂p dt

390

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 3.93 – Modélisation du pressuriseur Si le débit dans la ligne d’expansion est positif, l’eau provient de la branche chaude et hle = h(TBC , p), dans le cas contraire, c’est l’eau du pressuriseur qui se vide et hle = hliq . On peut modéliser assez simplement la condensation et la vaporisation en supposant que le débit est proportionnel à la masse en présence, à l’écart d’enthalpie à la saturation et en introduisant un temps caractéristique de condensation τcondensation ou de vaporisation τvaporisation  m2 (hvap,sat −h2 ) si hvap,sat ≥ h2 Wcond,nat = τcondensation Lliq→sat Wevap,nat =

m2 (h1 −hliq,sat ) τevaporation Lliq→sat

si

hliq,sat ≤ h1

Ces débits sont nuls si les enthalpies ne permettent pas le phénomène. Il existe aussi un débit d’évaporation propre au bilan net du chauffage et des fuites : ⎧ Q +Q −Q tor prop liq,f uite −Qvap,f uite ⎪ ⎪ hvap,sat −h1 ⎪ ⎪ ⎪ ⎨ si bilan de puissance positif et h1 < hliq,sat Qtor +Qprop −Qliq,f uite −Qvap,f uite Wevap,chauf f e = Lliq→sat ⎪ ⎪ ⎪ si bilan de puissance positif et h1 ≥ hliq,sat ⎪ ⎪ ⎩ 0 si bilan de puissance n´ egatif

3.11.11

Aspects sûreté du pressuriseur

Si la perforation du pressuriseur est un événement particulièrement peu crédible du fait du casematage le protégeant d’éventuels missiles, les « points faibles » d’un

3. Le circuit primaire

391

pressuriseur sont ses pénétrations naturelles. Les soupapes ressorts de dépressurisation, placées en tête de pressuriseur ont historiquement posé des problèmes par non-fermeture après plusieurs sollicitations. Le cas historique particulièrement sévère est le cas de l’accident de TMI-2. Nous ne reprendrons pas ici les aspects sûreté liés à cette problématique. L’autre point faible est la ligne d’expansion (LEP) qui relie le pressuriseur à sa branche chaude. Pour ménager les contraintes thermiques qui s’y appliquent, les STEs limitent le ΔT aux bornes de la ligne. Des situations paradoxales ont pu conduire à dépasser inconsciemment ces limites. L’incident du 17 septembre 1999 sur Civaux 2 en est l’illustration. Alors que le réacteur est en arrêt à froid, les chaufferettes du pressuriseur ont été laissées en service sans que cela soit détecté. Alors que les opérateurs commencent leur procédure de redémarrage, procédure qui requiert que les prises de courant des chaufferettes soient embrochées, la procédure est ensuite abandonnée pour traiter une indisponibilité sur le RRI, sans que le débrochage soit effectué, les laissant donc actives. Au même moment, le niveau d’activation du panneau auxiliaire, un panneau de secours du panneau KIC de commande principale, n’était pas adéquat et donnait l’ordre de mise en service automatique des chaufferettes. Cet ordre reste maintenu et prioritaire quand on revient en commande par le KIC sans que l’opérateur en soit averti. Le chauffage par les chaufferettes a donc été maintenu après l’arrêt de la procédure de redémarrage, et ce, pendant 21 heures avec un gradient de 10 ◦ C/h. C’est là que l’erreur humaine intervient car de nombreux dispositifs (4 !) permettent de vérifier ce problème, mais leur pouvoir d’alerte était faible, et l’attention des opérateurs était puissamment détournée par l’indisponibilité du RRI. L’eau du pressuriseur s’est donc totalement vaporisée en moins d’une heure et l’alarme Niveau très bas dans le pressuriseur a disparu prématurément (et anormalement !), conduisant à une erreur d’orientation dans la procédure d’approche par état (APE), pourtant sans incidence dans le cas présent. C’est ce qui arrive lorsque des capteurs fournissent des indications hors de leur plage de mesure, ce qui est le cas du niveau d’eau lorsque le pressuriseur est vide. Ce problème du niveau d’eau dans le pressuriseur a déjà été une des causes principales de l’accident de TMI-2. Conscient du peu de crédibilité de l’information donnée par ce capteur, l’opérateur de Civaux, disposant de la version la plus récente de salle de commande informatisée du parc, a choisi une orientation de conduite différente de celle proposée par le calculateur d’APE. La situation s’est rapidement rétablie lorsqu’on a compris que les chaufferettes étaient en marche, ce qu’indiquait pourtant le synoptique du primaire. Force est de constater que l’opérateur n’a pas fait confiance au synoptique dans la mesure où des essais avaient lieu sur le circuit secondaire. Clairement dans cette affaire, c’est la méconnaissance du passage en automatique de la commande de chauffage du pressuriseur lors du basculement de contrôle commande automatisé KIC vers le panneau Auxiliaire, et le fait que l’action retour laisse le chauffage en marche, qui sont les causes de l’incident. L’opérateur pensait que le chauffage était arrêté et que le synoptique n’était pas conforme à la situation réelle. Néanmoins, l’informatisation de la conduite APE a été mise en défaut par la prise en compte de valeur hors gamme (ici le niveau d’eau dans le pressuriseur) de certains capteurs. Comme toujours, la perception par l’opérateur de la globalité d’une tranche nucléaire reste difficile. On notera aussi que l’aide informatique de l’APE peut être mise en défaut par des valeurs de capteurs hors gamme. Un incident à peu près identique s’est déroulé sur Gravelines 6 le 30 septembre 1999 où la détection d’air dans des tuyauteries du RIS, pendant le chauffage (à 70 ◦ C à cet

392

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

instant) du circuit primaire avec les pompes primaires et les chaufferettes pressuriseur, a conduit à arrêter les pompes primaires pour dégazer le RIS, sans que les chaufferettes soient arrêtées. Le chauffage par chaufferettes a continué pendant 5 heures à 30 ◦ C/h, faisant monter la température du pressuriseur à 190 ◦ C, en dépassement ΔT de la LPE. En 1989, sur Flamanville 2, le mauvais lignage de quatre capteurs de niveau sur cinq dans le pressuriseur et la poursuite des opérations de démarrage malgré l’identification d’une anomalie, ont conduit à la détérioration des chaufferettes du pressuriseur de Flamanville 2. Les chaufferettes ont chauffé le pressuriseur sans eau, conduisant à la fusion des chaufferettes. Les manchettes des chaufferettes étant ainsi « soudées » au corps, et donc non démontables, il a fallu découper au chalumeau le fond de pressuriseur pour le changer.

3.11.12

Décontamination du pressuriseur

De nombreux dépôts s’accumulent en fond de pressuriseur et génèrent un important débit de dose. Une technique de décontamination permet de nettoyer l’interstice entre la manchette thermique et la tubulure de la ligne d’expansion, au niveau de la liaison bimétallique en fond de pressuriseur. On introduit par le trou d’homme situé en tête de pressuriseur un robot à 7 axes de liberté télécommandé (Figure 3.94). Ce robot permet le nettoyage grâce à de puissants jets d’eau (350 à 500 bars). Il faut au préalable démonter le doigt de gant de la sonde de prise de température situé sur la jambe d’expansion et introduire un obturateur gonflable et une buse d’aspiration qui récupère l’eau de nettoyage.

3.12

Les générateurs de vapeur (côté primaire)

[Générateur de vapeur, 1977], [Drevon et al., 1983] p. 205, [Coppolani et al., 2004] p. 129, [Tong, 1988] p. 181

3.12.1

Généralités

[Hutin, 2016] p. 393, [Leclercq, 1988] p. 244 La fonction des générateurs de vapeur (GVs) est de transférer la chaleur du primaire vers le secondaire, assurant une séparation physique des fluides rendue nécessaire par la contamination du circuit primaire en produits de corrosion activés, voire en produits de fission en cas de défauts de gainage combustible. Cette tactique est la principale différence d’avec les réacteurs à eau bouillante qui produisent directement la vapeur dans le cœur à destination de la turbine. Les GVs des REPs (à l’exception notable des réacteurs russes VVER) sont placés verticalement autour de la cuve, dans un souci d’encombrement du BR et une optimisation de la convection naturelle. Ils comportent, quel que soit le fabricant, un grand nombre de tubes pour augmenter la surface d’échange primaire/secondaire (Figure 3.95, Figure 3.98, Figure 3.99). La grande majorité des concepts sont des bouilleurs non surchauffeurs, excepté le concept Babcock et Wilcox qui peut surchauffer la vapeur (Figure 3.95, Figure 3.97). Certains comportent des dispositifs

393

3. Le circuit primaire

Fig. 3.94 – Décontamination du pressuriseur (tiré de

32

).

appelés « économiseurs », placés à l’injection d’eau d’alimentation (Figure 3.96, Figure 3.98). Dans un GV bouilleur standard, l’eau alimentaire introduite se mélange avec l’eau recirculée provenant des sécheurs et des séparateurs, le mélange s’écoule dans le down-comer et pénètre dans le riser. Dans le cas d’un GV avec économiseur axial 33 , on impose à la totalité de l’eau alimentaire de pénétrer en branche froide du faisceau tubulaire. Afin d’obtenir du préchauffage, on sépare axialement le retour d’eau en deux parties : un côté chaud, l’autre côté froid, et on injecte directement la totalité de l’eau alimentaire côté froid par l’intermédiaire du tubes en J allongés. Il en résulte que le tore d’eau alimentaire ne s’étend que sur une portion angulaire de 180◦ , au lieu des 360◦ dans le cas des bouilleurs simples. Pour maximiser l’effet « économiseur », on s’arrange pour que seulement une faible quantité d’eau recirculée se mélange avec l’eau alimentaire (environ 10 %), l’eau recirculée restante s’écoulant directement dans le retour d’eau chaude. Pour assurer un écoulement longitudinal le long du faisceau, et pour éviter le passage de l’eau alimentaire en branche chaude, on 32 Jean-Marie Baudoin : La décontamination par COMEX Nucléaire des pressuriseurs des centrales nucléaires REP, Revue Générale Nucléaire, n◦ 2, mars-avril 2001, pp. 26-27. 33 Claude Cauquelin, Gilles Dague : Une nouvelle conception des générateurs de vapeur à économiseur axial, Revue Générale Nucléaire, n◦ 3, mai-juin 1996, pp. 50-51.

394

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 3.95 – Comparaison de plusieurs fabricants de GV. Le GV « one-trough » de Babcock et Wilcox, est le seul à ne pas comporter de tubes en U inversés. En augmentant la hauteur de ce type de GV ou en diminuant le débit d’ARE, on peut surchauffer la vapeur. Certains modèles de GV comportent un économiseur : l’eau alimentaire est introduite à la base du faisceau dans un espace qui se comporte comme un échangeur eau/eau en réchauffant l’eau alimentaire, d’où une amélioration du rendement.

introduit une plaque axiale qui sépare la branche chaude de la branche froide. L’effet résultant est que l’eau alimentaire qui rentre en pied de faisceau est plus froide, améliorant l’échange thermique, pour un gain de pression de vapeur au secondaire d’environ 3 bars.

3.12.2

Positionnement des générateurs de vapeur

Les générateurs de vapeur sont des composants volumineux de grande taille (plus d’une vingtaine de mètres de hauteur) et de masse imposante (320 tonnes CPY à 430

3. Le circuit primaire

395

Fig. 3.96 – Économiseur de générateurs de vapeur de type KWU. Ce dispositif34 est placé à l’entrée de l’eau alimentaire et repartit de façon uniforme le débit d’eau sans induire de vibration du faisceau de tubes.

tonnes N4). Géométriquement placés autour du cœur, leur tenue au séisme fait l’objet d’une attention soutenue. Dès les années 1960 et 1970 35 , on a cherché à modéliser la réponse dynamique de ces composants très lourds au risque sismique, et on a développé des supportages adaptés au problème, et un compartimentage efficace des blocs GV-pompe primaire, chaque pompe étant proche de son GV pour éviter de trop grande longueur de conduite (Figure 3.100, Figure 3.101). Chaque GV est placé sur 4 béquilles et est calé radialement par des butées. Les béquilles (Figure 3.102, Figure 3.103) sont articulées par des chapes munies de rotules sphériques, ce qui autorise le déplacement dans le plan horizontal du fait des dilatations thermiques. Chaque pied est fixé par sa partie supérieure à un patin intégré à la boîte à eau pour le palier CPY, à une collerette située au niveau du fond du GV pour le palier 1 300 MWe, et à un anneau dépassant de la plaque tubulaire pour le palier N4. Le générateur de vapeur est seulement guidé latéralement, ce qui rend possible la dilatation de la branche chaude placée radialement par rapport à la cuve. Cette disposition nécessite de brider légèrement la boucle. La stabilité latérale du GV est 34 G. Schücktanzn, R. Bouecke, R. Riess, L. Steding : Experience with steam generators of the KWU-concept. Reliability of reactor pressure components, Proceedings of a symposium, Stuttgart, 21-25 March 1983, Vienna, IAEA STI/PUB/645, ISBN 92-0-050883-9, 1983, pp87-103. 35 G. Rigamonti, J. Dainora : Dynamic analysis of nuclear equipment support, First International Conference on Structural Mechanics In reactor Technology (SMIRT), Berlin, 20-24 September 1971, Vol. 3, Part F, F3 :3.

396

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 3.97 – Modèle Babcock et Wilcox avec économiseur.

assurée soit par deux (ou quatre) butées latérales (palier CPY), soit par un anneau relié au génie civil par des bloqueurs hydrauliques (configuration N4, Figure 3.103 à droite). Le supportage du GV EPR est très semblable à celui du N4 avec la particularité que deux bloqueurs hydrauliques latéraux supérieurs sont placés parallèlement à la branche chaude et deux étais complémentaires relient le GV au génie civil dans une direction perpendiculaire à la branche chaude. Les GVs sont placés dans des casemates béton qui laissent apparaître la partie supérieure des GVs. Les GVs émergent ainsi du plancher de service. Les GVs sont situés au-dessus de la cuve du réacteur. Ainsi, par leur fonction de « point froid » du circuit primaire, ils permettent d’établir une circulation d’eau dans le cœur par effet thermosiphon. Cet effet permet d’évacuer de la puissance après la chute des barres même en cas de perte des pompes primaires, tant qu’il y a suffisamment de puissance résiduelle. Le thermosiphon s’atténuera avec la baisse de la puissance résiduelle ou la disparition d’eau liquide (en cas de brèche).

3. Le circuit primaire

397

Fig. 3.98 – Un générateur de vapeur de la centrale d’Obrigheim. Ce réacteur est le premier REP de puissance construit en Allemagne, il comporte deux GVs. D’une puissance de 345 MWe, il a commencé à fonctionner en septembre 1968. La tranche a été définitivement arrêtée en mai 2005 (adapté de [Stahlkopf et Steele, 1984] p. 62).

3.12.3

Constitution d’un générateur de vapeur

Les générateurs de vapeur sont les composants les plus massifs (près de 300 tonnes à vide pour un CPY, et 360 tonnes en marche normale) qu’on aperçoit immédiatement en rentrant dans le BR. Ils assurent la fonction essentielle de transférer la chaleur du primaire vers le secondaire par ébullition de l’eau du secondaire, dont de nombreux textes de référence décrivent la physique sur laquelle nous ne nous étendrons pas [Cohen, 1969], [El-Wakil, 1993], [Holman, 1986] p. 525, [Kreith, 2001], [Mc Adams, 1942], [Tong et Weisman, 1996], [Wallis, 1969]. Il existe plusieurs types de générateurs de vapeur : à circulation naturelle, à circulation assistée ou à circulation forcée. Les

398

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 3.99 – Générateur de vapeur de conception Westinghouse pré-1973 (adapté d’après

36

).

modèles utilisés en France dérivent tous du modèle à tubes fabriqués en Inconel 600 en forme de U inversé de Westinghouse qui sont des GVs à circulation naturelle côté secondaire. L’ensemble des tubes forme ce qu’on appelle le faisceau tubulaire (Photo 3.14). L’Inconel 690, de plus haute ductilité et possédant une meilleure tenue à la corrosion, a progressivement remplacé l’ancien matériau (l’eau du secondaire est 36 L.A. Marique, O.A. Willson : Experience in operation and maintenance of Westinghouse steam generators, Symposium on experience from operating and fueling of nuclear power plants, IAEA/SM178/25, Vienna, Austria, October 8-12, 1973.

3. Le circuit primaire

399

Fig. 3.100 – Compartimentage des GVs d’un réacteur REP 3 boucles de 800 MWe (d’après Rigamonti et Dainora, op. cit.). néanmoins traitée chimiquement pour limiter la corrosion) [Coppolani et al., 2004] p. 22. Le générateur de vapeur à tube en U est un bouilleur à circuit naturel et à séchage mécanique de la vapeur produite, qui produit une vapeur saturante à sa pression de secondaire. Côté secondaire, l’eau alimentaire de l’ARE rentre sous-saturée et elle est distribuée par une rampe annulaire. L’eau alimentaire se mélange à l’eau rejetée par les sécheurs et passe ensuite dans un espace annulaire, le down-comer, qui se situe entre la virole inférieure et une chemise cylindrique en tôle mince qui entoure le faisceau de tubes échangeurs. Ces tubes échangeurs en Inconel 600 ou 690, en très grande quantité (CPY : 3 300 tubes, P4-N4 : 5 340 tubes), ont une forme de U inversé d’environ 25 m de longueur (plus court en zone interne du faisceau, plus long en zone externe). Ces tubes offrent une surface d’échange primaire/secondaire considérable d’environ 5 800 m2 . L’écoulement de l’eau du secondaire est assuré par la différence de poids entre la colonne d’eau « froide » de l’espace annulaire du down-comer et la colonne d’eau + vapeur « chaude » située dans la partie ascendante (riser). Cette circulation naturelle implique que la vapeur est à saturation (donc pas de surchauffe) et nécessite un système de cyclones (3 en parallèle pour le 900 MWe) qui sépare l’eau contenue dans l’émulsion, et de sécheurs à chevrons pour l’assécher en dernières gouttelettes d’eau. Le mouvement de l’eau alimentaire (ARE) est assuré par des pompes qui forcent l’écoulement du fluide à échauffer. À titre d’illustration, le modèle Once-through (Figure 3.97) du fabricant Babcock et Wilcox utilisé en particulier à la centrale de Three Mile Island, est un générateur de vapeur à circulation forcée avec économiseur. Dans un modèle à tubes en U, la capacité du GV côté secondaire est faible par rapport au débit d’eau de l’ARE, ce qui fait que l’eau subit un important taux de recirculation

400

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 3.101 – Supportage d’un ensemble GV-pompe primaire d’un REP de 800 MWe (d’après Rigamonti et Dainora, op. cit.). à l’intérieur du GV avant d’être chauffée à saturation (le taux de recirculation, défini comme le rapport du débit total traversant le faisceau ramené au débit de vapeur net, est d’environ 4 à pleine charge pour les GVs type 51 modifié du palier 900, et de 4,8 pour les GVs type 68/19 du palier 1 300 MWe). D’une hauteur d’environ 22 m, pour une masse à vide de 300 tonnes (CPY) 37 et 420 tonnes (N4), on compte un GV à convection naturelle par branche sur le parc français. Un générateur de vapeur est un échangeur de chaleur à géométrie complexe qui fonctionne en vaporisateur. Chaque GV comporte un faisceau de tubes en U inversés en Inconel. Ces tubes sont fichés dans la plaque tubulaire (Photo 3.14), et l’eau du primaire s’écoule à l’intérieur des tubes en provenant de la boîte à eau du GV. L’intérêt de tubes en U réside dans le fait qu’ils peuvent se dilater longitudinalement librement sans subir de contraintes mécaniques excessives (radialement les tubes sont contraints par les plaques entretoises pour éviter les vibrations). 3 388 tubes composent un GV de CPY (Figure 3.105), ce qui représente une surface d’échange de 4 800 m2 correspondant à 71 km de tubes de 22,22 mm de diamètre extérieur (5 342 pour un P4 (Figure 3.106) pour 116 km, 5 600 pour un N4, Figure 3.107). Ces tubes ont un diamètre extérieur de l’ordre de 20 mm et sont enchâssés dans une plaque tubulaire très épaisse (plus de 50 cm, 53,4 cm pour Bugey CP0) selon un pas carré 37

En fonctionnement nominal et contenant de l’eau, cette masse monte à 360 tonnes.

3. Le circuit primaire

401

Fig. 3.102 – Supportage d’un générateur de vapeur du palier CPY.

(triangulaire pour le N4). Étant donné le très grand nombre de trous, la plaque tubulaire se doit d’être massive (ne serait-ce que pour laisser de la matière entre les trous !), d’où des problèmes importants de fabrication. Il est aussi difficile d’entretoiser la partie cintrée des tubes pour éviter les vibrations. Le faisceau est maintenu axialement par des plaques entretoises qui rigidifient l’ensemble et limitent l’amplitude des vibrations sous écoulement. Les plaques entretoises transfèrent les efforts radiaux à la virole de pression via des cales et des appuis antisismiques. Ces plaques sont prévues pour résister à un accident de dépressurisation (RTV). Dans les parties cintrées des tubes en U, des barres antivibratoires jouent le rôle des entretoises (Figure 3.104). L’eau alimentaire (côté secondaire) est injectée à 220 ◦ C au niveau du dôme qui surmonte le faisceau tubulaire par un tube torique muni de petits tubes en forme de J. Le GV fonctionne en bouilleur avec un très fort taux de recirculation puisque environ 1 500 kg/s à 220 ◦ C d’eau alimentaire se mélangent dans la zone d’entrée du downcomer avec 4 500 kg/s d’eau saturée à 275 ◦ C et 1 500 kg/s de vapeur saturée à 275 ◦ C. La partie encore liquide de ce mélange redescend ensuite dans l’espace annulaire (downcomer) compris entre l’enveloppe et le corps même du GV, puis remonte au milieu des tubes en U inversés (riser), où elle capte la chaleur du primaire. L’enveloppe du GV est en acier ferritique. Elle est constituée d’une virole cylindrique au regard du faisceau, qui est raccordée en partie basse à la plaque tubulaire et en partie haute, par l’intermédiaire d’une section de forme conique, à une virole plus large contenant les corps de séchage. L’eau alimentaire du secondaire est distribuée en partie haute par une rampe annulaire qui gave des tubes en forme de J inversé. La boîte à eau du GV présente une forme hémisphérique soudée à la plaque

402

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 3.103 – Béquilles du générateur de vapeur P4 et maintien latéral du générateur de vapeur N4.

tubulaire. Elle est divisée en partie chaude et froide séparées par une cloison en Inconel et la face interne de la boîte à eau est recouverte d’une couche d’acier inoxydable. Dans la partie supérieure du GV, l’émulsion est séchée par des séparateurs cyclones, puis des chicanes en forme de chevrons, que nous détaillerons dans la partie « circuit secondaire ». Les tubes GV en U inversés chauffent l’eau du secondaire (coefficient d’échange d’environ 30 W/cm2 ) qui se vaporise à une pression de l’ordre de 58 bars à pleine charge (CPY), ce qui porte la température de saturation à environ 270 ◦ C 38 . Le faisceau tubulaire est entièrement noyé car le niveau d’eau est réglé au nominal à mihauteur des séparateurs cyclones. L’idée est que le faisceau tubulaire ne soit jamais dénoyé, même en transitoire, pour éviter un assèchement total à la paroi des tubes. L’émulsion eau-vapeur ainsi produite (titre vapeur d’environ 30 %) traverse d’abord des séparateurs à cyclone qui éliminent une grande partie de l’eau liquide, par effet centrifuge. Ces cyclones ne sont mus que par la force de l’écoulement et ne sont pas assistés par un quelconque moteur. La vapeur ainsi partiellement asséchée passe ensuite dans des sécheurs à chevron dont la forme piège un maximum de liquide. La vapeur, alors à la température de saturation, est ensuite canalisée en partie supérieure du GV vers la turbine avec un taux d’humidité d’environ 0,25 %. La pression de vapeur baisse quand le niveau de puissance (charge) augmente. On peut compenser 38 À charge nulle, 70 bars pour 286 ◦ C. Le P4 plus performant monte à 72 bars pour 287, 5 ◦ C à pleine charge.

3. Le circuit primaire

403

Photo 3.14 – Tubage couche par couche du faisceau de tubes en U d’un générateur de vapeur (photo Framatome). La taille des opérateurs permet de juger de la taille imposante du GV.

cette baisse en augmentant la température du primaire (Figure 3.114), mais cette tactique est limitée par les possibilités du pressuriseur. L’eau chaude du primaire pénètre dans la boîte à eau hémisphérique du GV (qu’on appelle aussi fond primaire) dont le volume interne à froid est de 30,6 m3 pour un CP0. Cette boîte à eau, réalisée en acier ferritique, dont la face interne est beurrée par de l’acier inoxydable (comme

404

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 3.104 – Barres antivibratoires dans les conceptions Westinghouse et Combustion Engineering (adapté d’après Marique et Willson, op. cit.).

la cuve), est parcourue par un débit volumique d’environ 5,9 m3 /s (CP0) ; et elle est scindée en deux parties étanches l’une vis-à-vis de l’autre par une cloison de partition en Inconel. Cette plaque est soudée à la paroi hémisphérique et à la plaque de tubes GV. L’Inconel se justifie par la forte variation possible d’acidité de l’eau du primaire dont le pH peut varier de 4,2 à 10,5. Il faut donc éviter une corrosion généralisée dans le GV. L’Inconel est un alliage à base de nickel (plus de 70 %), de chrome, de fer et de carbone qui présente des meilleures propriétés en termes de corrosion par rapport à l’acier austénitique inoxydable de base. Il présente aussi une meilleure conductivité thermique que l’acier, diminuant la taille des GVs. Malgré ses qualités, l’Inconel reste sensible à la corrosion sous contrainte en présence de base, voire même dans de l’eau pure chauffée (Effet Coriou). L’eau du primaire (155 bars) est donc forcée de transiter à une vitesse d’environ 5 m/s et un débit total d’environ 13 000 kg/s dans les tubes GV, où elle cèdera son énergie au secondaire du fait d’un coefficient d’échange d’environ 30 000 W/m2 /K et un nombre de Courant d’environ 20. Chaque tube, enchâssé dans la plaque tubulaire, relie de façon étanche la partie chaude de la boîte à eau à la partie froide (Figure 3.108). Le générateur de vapeur est donc l’interface entre le primaire et le secondaire. Il fonctionne en vaporisateur où la circulation du fluide secondaire n’est assurée que par la différence de masse volumique entre la colonne d’eau de l’espace annulaire (downcomer) et l’émulsion diphasique circulant de manière ascendante entre les tubes du faisceau. Cette circulation est ralentie par les pertes de charge qui augmentent avec le débit du fluide. On peut donc régler le débit dans le GV en jouant sur ces pertes de charge par l’intermédiaire de segments diaphragmés installés de façon permanente

3. Le circuit primaire

405

Fig. 3.105 – Écorché d’un générateur de vapeur CPY (d’après [Générateur de vapeur, 1977], p. 9).

406

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 3.106 – Modèle 68/19 de GV du palier P4 (publicité Framatome). Un limiteur de débit, situé à la tubulure de sortie de la vapeur (au milieu du dôme supérieur), trouve son usage en cas de rupture de tuyauterie vapeur. Cette striction de la veine de l’écoulement de vapeur permet l’établissement d’un col sonique dont le débit ne dépend que des conditions amont au col, ce qui limite le débit de perte de vapeur provoquée par la dépression à la brèche sur une ligne vapeur en aval du GV, même en cas de brèche massive. Cela limite donc le coup de froid et ralentit la vidange du GV concerné.

3. Le circuit primaire

407

Fig. 3.107 – Modèle 73/19 de GV du palier N4 (publicité Framatome).

dans l’espace annulaire. Pour éviter la corrosion en pied de tubes, ces plaques diaphragmées ont été supprimées pour augmenter la vitesse de circulation de l’eau du secondaire. Notons que les pertes de charge sont principalement dues au faisceau tubulaire, là où le fluide est diphasique car le coefficient de frottement diphasique est plus élevé que celui en monophasique. La vapeur est produite à la température de saturation de l’eau du secondaire de 270 ◦ C correspondant à la pression du secondaire

408

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 3.108 – Schéma de principe d’un générateur de vapeur de REP.

3. Le circuit primaire

409

Fig. 3.109 – Boîte à eau d’un générateur de vapeur. Seuls 4 tubes en branche chaude sont représentés. Un opérateur (non-claustrophobe !) doit pénétrer dans la boîte à eau par le trou d’homme (de 40 cm de diamètre, passant à 45 cm pour les GVs les plus récents) pour l’inspection annuelle des tubes GV. Le trou d’homme est obturé par un tampon goujonné à joint graphite GEM (Graphite Expansé Matricié). Ces joints sont maintenant préférés aux joints spirales traditionnellement utilisés, car ils assurent une meilleure étanchéité et nécessitent moins d’efforts pour être comprimés. L’effort de serrage du joint, qui est important lors du montage, diminue lorsque la pression interne dans la boîte à eau augmente. Cet effort de serrage est le plus faible au moment de l’épreuve hydraulique, car la pression est plus importante que la pression nominale, mais aussi lors de certains incidents de chaudière par montée en pression. Les joints actuellement utilisés ont été testés avec succès avec une presse de 500 tonnes et une eau à 110 ◦ C sous 251 bars (10 % de plus que l’épreuve hydraulique), mais aussi à 316 ◦ C sous 179 bars (10 % de plus que la pression nominale). Tout comme la cuve, les goujons de trou d’homme sont tous serrés automatiquement par une machine de serrage qui met en tension les goujons simultanément (à la manière du couvercle de cuve).

(58 bars à pleine charge, 70 bars à charge nulle), elle n’est donc pas surchauffée, ce qui limite le rendement du composant, mais est produite par ébullition nucléée, ce qui fait que les coefficients d’échange sont bien meilleurs qu’en monophasique. En matière de rendement, la température de saturation au secondaire (273 ◦ C) est très inférieure à la température de sortie de l’eau du cœur (326 ◦ C), d’où un rendement d’envions 1/3 de l’installation. La boîte à eau (Figure 3.109, Figure 3.110) est constituée d’un fond hémisphérique soudé à la plaque tubulaire. Elle est séparée par une cloison en Inconel en deux compartiments : froid et chaud. La face interne de la boîte à eau est beurrée par une couche d’acier inoxydable. Les tubes sont « dudgeonnés » et soudés sur la plaque tubulaire. Le dudgeonnage est un anglicisme, passé dans le langage technique, appliqué au procédé d’encastrement des tubes à l’aide soit d’un outil martelant qui déforme la partie inférieure du tube en la « collant » mécaniquement au trou de la plaque tubulaire

410

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 3.110 – Détail de la plaque de partition d’une boîte à eau d’un GV.

(DAM, ou Dudgeonnage Amélioré Mécanique), soit même en utilisant une explosion contrôlée à l’intérieur du tube qui déforme celui-ci pour l’adapter à son logement (Figure 3.111). Au vu de nombre de trous qui la percent, et du fait de fortes contraintes thermiques, cette plaque tubulaire est très épaisse (environ 50 cm). La plaque tubulaire est aussi beurrée en acier inoxydable sur sa face inférieure (côté fluide primaire). Les tubes sont disposés selon un faisceau à pas carré (triangulaire pour le N4) et leur écartement dans le faisceau est garanti par 8 plaques entretoises solidarisées entre elles par des tirants. Ces plaques sont bien entendu percées par des trous pour permettre le passage de l’eau et de la vapeur. Des barres anti-vibratoires (Figure 3.112) maintiennent les tubes dans leur partie cintrée, là où on ne peut pas mettre de plaques. Les plaques entretoises sont nécessaires pour limiter les vibrations dues à l’écoulement de l’émulsion eau-vapeur côté secondaire. Côté secondaire, l’eau « froide » alimentaire arrive dans la partie supérieure du GV à une température d’environ 220 ◦ C, au niveau de la génératrice supérieure du tore qui relie les deux parties cylindriques du GV, et en dessous des cyclones-séparateurs. Elle s’écoule dans le GV par l’intermédiaire de tubes en forme de J, puis est aspirée par convection naturelle dans le down-comer annulaire, identique dans sa philosophie au down-comer de la cuve du cœur. Le moteur de cette circulation naturelle est l’effet cheminée qui attire le fluide dans le faisceau tubulaire du riser. L’eau secondaire est vaporisée au contact des tubes, et l’émulsion liquide/vapeur, d’un titre d’environ 30 %, traverse des séparateurs à cyclone qui revoient l’eau liquide dans le down-comer et la vapeur dans des sécheurs qui vont faire diminuer le taux d’humidité à mieux que 0,25 %. On impose d’obtenir une vapeur la plus sèche possible pour protéger les aubes de la turbine. Les GVs du N4 exclusivement possèdent un économiseur axial. L’eau alimentaire est canalisée en branche froide jusqu’à l’entrée du faisceau par l’enveloppe qui possède une double paroi. La branche froide est séparée de la branche chaude par

411

3. Le circuit primaire

Fig. 3.111 – Dudgeonnage par explosif.

une cloison-chemise en tôle qui partage le volume interne du faisceau en deux parties, de la plaque tubulaire à la 6e plaque entretoise. Un espace d’environ 30 cm en pied de cloison permet le passage de l’eau alimentaire.

3.12.4

Corrosion sous contrainte de l’Inconel

[Bénard et al., 1984], [Feron et Staehle, 2016] Le matériau constituant les tubes doit pouvoir résister à des pH acides du fait de l’adjonction d’acide borique dans le primaire. Plusieurs solutions ont été utilisées à ce jour. De l’acier inoxydable à Chooz A en France, de l’Incoloy 800 39 à la centrale

39

L’Incoloy 800 est un alliage nickel/chrome (Ni : 30 à 35 % ; Cr : 19 à 23 % ; Fe : 39,5 % ; Al < 0,6 % ; Ti < 0,6 %, C < 0,10 %, masse volumique 8,42 g/cm3 ) largement utilisé dans la technologie des échangeurs de chaleur. Incoloy est une marque déposée par la société américaine Special Metals Company.

412

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 3.112 – Positions des barres antivibratoires.

de Stade (1972-2003, 662 MWe à quatre boucles, Allemagne) de l’Inconel 600 40 sur le parc français, jusqu’au palier N4 où on a préféré de l’Inconel 690 41 présentant une meilleure résistance à la corrosion, suite à de longues études sur les « maladies » de l’Inconel 600 que nous allons détailler. Historiquement, les premiers générateurs de vapeur de REPs comportaient des tubes GVs en acier inoxydable austénitique 18 Cr – 10 Ni. Cette nuance d’acier était néanmoins sensible à la fissuration et à la corrosion en eau primaire ou secondaire lorsque celle-ci contenait des chlorures et de l’oxygène dissous [Bénard et al., 1984] p. 385. Des incidents côté secondaire ont rapidement conduit à abandonner cette nuance dans les années 1950 au profit de l’Inconel 600, un alliage d’acier à forte teneur en nickel, certains constructeurs, comme l’Allemand KWU, utilisant aussi l’Inconel 800, à teneur en nickel intermédiaire. Pourtant, dès 1959, une équipe du CEA, 40 L’Inconel 600 est un alliage nickel/chrome (Ni : 72 % ; Cr : 14 à 17 % ; Fe : 6 à 10 % ; Mn < 0,5 % ; Si < 0,5 % ; C < 0,15 %, masse volumique 8,42 g/cm3 ) qui possède une bonne résistance à l’oxydation aux hautes températures. Il présente une meilleure conductibilité thermique (15 W/m/K à 23 ◦ C) que l’acier inox, d’où une taille plus réduite du GV, une meilleure tenue au chlorure en cas d’entrée d’eau brute au secondaire par le condenseur. Mais aussi une bonne résistance à la corrosion produite par l’eau pure et à la corrosion caustique. On l’utilise d’autre part dans la fabrication d’éléments pour les chambres à combustion, pour les traitements chimiques et dans l’industrie alimentaire, et dans la fabrication d’électrodes à étincelles. Inconel est une marque déposée par la société américaine Special Metals Company. 41 L’Inconel 690 est un alliage nickel/chrome (Ni : 58 % ; Cr : 27 à 31 % ; Fe : 7 à 11 %, Cu < 0,5 % ; Mn < 0,5 % ; Si < 0,5 % ; C < 0,05 % ; masse volumique 8,19 g/cm3 ), plus riche en chrome que l’Inconel 600, et par là plus résistant à la corrosion. Il présente aussi l’avantage d’être plus léger.

3. Le circuit primaire

413

dirigée par Henri Coriou 42 , met en évidence 43 la corrosion sous contrainte de l’Inconel, même dans de l’eau pure à 350 ◦ C après quelques mois d’exposition. D’abord contesté par les Américains, de nombreuses études à la fin des années 1960, puis durant les années 1970, démontrent la sensibilité de l’Inconel 600 à la corrosion sous contrainte. L’effet est d’ailleurs appelé depuis « effet Coriou ». Les premières fissures de tubes apparaissent sur Obrigheim en 1971, Fessenheim 1 en 1980, puis se généralisent sur l’ensemble des structures en Inconel 600. La corrosion de l’alliage se traduit par une fissuration intergranulaire hétérogène, contrairement à l’attaque intergranulaire homogène qu’on rencontre dans les milieux caustiques. Expérimentalement, on constate trois phases : une période d’incubation qui correspond au temps nécessaire à l’établissement des conditions physicochimiques locales permettant l’amorce de la fissure, une période de propagation lente des fissures courtes, jusqu’à l’atteinte d’une profondeur caractérisant un défaut critique et enfin une période de propagation rapide conduisant à la rupture (Figure 3.113).

Fig. 3.113 – Évolution d’une fissuration par corrosion sous contrainte de l’Inconel 600. 42 Henri Coriou est né en 1925. Il entre au CEA en 1949 et a étudié pendant toute sa carrière au CEA depuis la fin des années 1950 (en devenant le chef du service corrosion), les phénomènes de corrosion, en particulier ceux des alliages au nickel utilisés dans l’industrie nucléaire. Il est considéré comme le « donneur d’alerte » visionnaire du phénomène de sensibilité à la corrosion aqueuse de l’Inconel 600. Henri Coriou Le rapport CEA R-2600 d’Henri Coriou et Lucien Grall de 1964 sur les problèmes de corrosion aqueuse des matériaux de structure dans les constructions nucléaires.

43 H. Coriou, L. Grall, Y. Legall, V. Vettier : Stress corrosion cracking of Inconel in high temperature water, 3e colloque de métallurgie, Saclay, 1959, North Holland, Amsterdam, 1960, p. 161.

414

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Cette fissuration sous contrainte ne s’observe en laboratoire que pour des contraintes de tension supérieures à la limite d’élasticité, d’où l’importance d’un traitement de détensionnement thermique initial. Westinghouse a réalisé des essais qui montrent l’existence d’un seuil de contrainte en dessous duquel la corrosion sous contrainte ne s’amorce pas, soit environ vers 240 MPa pour une température primaire comprise entre 360 et 400 ◦ C. EDF a mené de nombreuses campagnes d’essais qui tendent à prouver que ce seuil de non-fissuration serait plutôt entre 450 et 500 MPa (mais avec des disparités selon les coulées), prouvant aussi que le conditionnement thermique de l’alliage initial avait de l’effet. La communauté scientifique s’accorde à considérer que trois facteurs sont déterminants pour l’amorçage d’une fissure : la nature du matériau, la température de l’eau (via une loi empirique de type Arrhénius), et la sollicitation mécanique quand elle est supérieure à environ 250 MPa (via une loi en puissance 4 de la contrainte). D’autre part, l’Inconel 600 a montré une sensibilité à la corrosion sous tension par la soude (qui se concentrait en pied de tube, d’où la nécessité d’un débit de purge important). La corrosion sous tension intergranulaire en eau pure à haute température est de plus exacerbée par la teneur en nickel (du fait de la sensibilité des alliages austénitiques à haute teneur en nickel, cet effet a été découvert aux États-Unis en 1966). Pour toutes ces raisons, on s’est détourné de l’Inconel 600 au profit de l’Inconel 690 qui s’est révélé une très bonne parade à la corrosion sous contrainte.

3.12.5

Généralités sur la régulation du niveau des générateurs de vapeur

Il est très important de réguler le niveau d’eau dans les GVs, En effet, si les éléments de séchage sont noyés, on va envoyer énormément d’humidité (voire de l’eau liquide) à la turbine, ce qui abimera les ailettes des corps HP. A contrario, si le niveau est trop bas, le circuit primaire sera insuffisamment refroidi, d’où un risque d’échauffement du cœur et de caléfaction des crayons actifs. Les chocs thermiques sur la plaque tubulaire doivent aussi être contrôlés lors des transitoires de puissance. Il faut donc que la plaque tubulaire soit toujours sous eau côté secondaire pour éviter les chocs thermiques. Toute la difficulté vient du fait que l’eau et la vapeur sont intimement mélangés dans le GV et qu’il n’y a pas à proprement parler d’interface eau/vapeur bien identifiée axialement, d’où une grande difficulté à évaluer le niveau d’eau. Le générateur de vapeur est dimensionné pour fonctionner à 100 % de puissance nominale selon un compromis primaire/secondaire (Figure 3.114) lié au rendement et à l’efficacité de la turbine. L’énergie à évacuer par un seul GV est égale à la puissance de la tranche divisée par le nombre de GVs. D’autre part, les GVs doivent aussi fonctionner à puissance réduite, lors du démarrage ou des baisses de charge imposées par le réseau. La régulation du niveau d’eau dans les GVs doit prendre en compte ces différents modes de fonctionnement. La basse charge est particulièrement pénalisante dans la mesure où il y a un allongement des constantes de temps et des retards dans la régulation. Historiquement, le constructeur Westinghouse préconisait une reprise en manuel de la régulation du niveau en dessous de 15 % de puissance nominale 44 . 44 Bernard Poncet : Identification non linéaire appliquée au générateur de vapeur des centrales nucléaires à eau pressurisée, thèse de doctorat de l’École centrale des Arts et Manufactures, novembre 1982.

3. Le circuit primaire

415

La thermohydraulique d’un générateur de vapeur est par conception très complexe : géométrie fortement 3D influençant l’écoulement autour des tubes, présence de fort taux de vide dans l’émulsion en sortie du faisceau tubulaire de l’ordre de 30 %, perte de charge diphasique. À titre d’exemple, une augmentation du débit alimentaire de l’ARE, dans le but de faire monter le niveau d’eau dans le GV, peut provoquer une baisse temporaire de ce niveau. Le niveau d’eau dans le GV est mesuré dans la partie annulaire entre la virole et la chemise du faisceau tubulaire, donc dans le down-comer. Dans le faisceau, on a affaire à une émulsion dont il est très difficile de définir un niveau qui reposerait sur une définition subjective du titre définissant la séparation eau/vapeur. Nous développerons la problématique de la mesure du niveau d’eau dans le GV dans le chapitre sur le circuit secondaire. L’arrivée d’eau froide va avoir pour conséquence immédiate de condenser de la vapeur, et l’eau de se vaporiser à un niveau plus haut dans le faisceau. La perte de charge diphasique diminuant, le débit de liquide augmente dans le faisceau et le niveau d’eau diminue par phénomène d’aspiration. D’où une baisse du niveau d’eau gonflé mesuré expérimentalement. Notons qu’au bout d’un certain temps, le niveau ayant baissé, le moteur de convection naturelle, qui est piloté par la différence de poids des deux colonnes d’eau downcomer/faisceau, ralentit. L’ébullition reprend intensément et chasse l’eau, d’où une remontée du niveau gonflé. Inversement, une ouverture des vannes d’admission pour vidanger en vapeur et faire baisser la masse d’eau dans le GV, va d’abord faire chuter la pression donc la température de saturation, d’où une augmentation de la vaporisation de l’eau et une augmentation temporaire du niveau d’eau gonflé. Ces phénomènes de contre-réaction complexes provoquent des oscillations dans la régulation fine du niveau d’eau dans le générateur de vapeur, oscillations d’autant plus rapides que le niveau de charge est important. En amplitude de variation de niveau, le phénomène s’aggrave à basse charge (moins de 20 % de la puissance nominale) dans la mesure où, le titre massique étant faible, la plus petite variation de titre correspond à une variation très importante du taux de vide volumique (donc le volume occupé par la vapeur dans le GV), et donc du niveau gonflé. Les phénomènes de gonflement et de tassement sont donc plus importants à basse charge qu’à pleine puissance, d’où la notion de minimum technique (environ 27 % Pnom) permettant un fonctionnement stable des GVs. Ces problèmes rendent le maintien de la régulation de niveau très délicat à basse charge. La régulation du niveau d’eau est pourtant essentielle : un niveau trop haut rendrait les sécheurs inefficaces et de l’humidité serait emportée vers la turbine, un niveau trop bas dénoierait les tubes GV et diminuerait le refroidissement du cœur. Il faut aussi éviter que de la vapeur rentre dans la tuyauterie d’eau alimentaire. Cela pourrait provoquer un coup de bélier lors d’une augmentation du débit d’alimentation. Les protections sont réglées pour déclencher la turbine sur niveau très haut. On arrête aussi les turbo-pompes alimentaires (TPA) du circuit ARE et on ferme les vannes d’alimentation. Un niveau très bas provoque un arrêt automatique du réacteur et la mise en service de l’alimentation en eau de secours (ASG), de même si l’on détecte un déséquilibre trop important entre le débit de vapeur produite et le débit d’eau alimentaire (ce qui indiquerait une fuite du corps du GV). Pour un fonctionnement « correct » du GV, le faisceau de tubes doit toujours être immergé en évitant un asséchement des parois et une dégradation de l’échange de chaleur. Un niveau très bas va déclencher un AAR et la mise en service de l’ASG. Un niveau bas et un déséquilibre entre débit vapeur et débit d’alimentation (> 360 tonnes/heure sur CPY) déclenchent aussi un AAR. A contrario, un niveau

416

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 3.114 – Thermodynamique primaire/secondaire en fonction de la charge.

très haut déclenche la turbine, arrête les turbopompes alimentaires (TPA) et ferme les vannes d’alimentation.

3.12.6

Caractéristiques des générateurs de vapeur du parc français

On a regroupé dans le Tableau 4 les caractéristiques principales des générateurs de vapeur du parc français. Les GV des paliers 900 MWe (type 51, 928 MW

3. Le circuit primaire

417

échangés, 194 kW/m2 , 58 bars) sont le fruit d’une optimisation historique faite par Westinghouse. Le type 51 (Figure 3.115, Figure 3.116, Figure 3.117) comporte 3 330 tubes, 3 séparateurs cyclones, des sécheurs à chicane en deux étages de blocs disposés en carré, une plaque de distribution en partie inférieure ainsi qu’un blocage de la rue d’eau, le diamètre de sortie des séparateurs a été réduit. Les gardes d’eau et les drainages ont été progressivement améliorés sur les paliers 900 successifs, permettant une plus grande séparation des cheminements d’eau et de vapeur. Les GVs des paliers P4/P’4 (Figure 3.118, type 68/19, 954 MW échangés, 137,5 kW/m2 , 72 bars) dérivent du modèle E de Westinghouse dont on a supprimé le préchauffeur. Ils comportent 18 séparateurs et toujours deux étages de sécheurs. Les spécialistes s’accordent à dire qu’ils ne représentent pas un optimum économique. À partir du N4 (Figure 3.119, type 73/19E, 1 080 MW échangés, 146,3 kW/m2 , 73,5 bars), le GV est de conception totalement française et vise un optimum économique. Il comporte 133 séparateurs, mais un seul étage de blocs sécheurs disposés en étoile. En augmentant la pression de vapeur produite (72,5 bars), on améliore le rendement turbine, mais aussi le rendement thermohydraulique via un économiseur axial avec cloison médiane, une surface d’échange primaire/secondaire passée à 7 300 m2 , des séparateurs de petit diamètre (mais en plus grand nombre) à performance élevée. Une grande compacité a été obtenue en adoptant un pas de tube triangulaire (Figure 3.120), ce qui nécessite par contre une qualité de perçage de la plaque tubulaire supérieure. De nombreuses améliorations liées à la maintenance ont été introduites : anneau support intégré à la plaque tubulaire (permettant d’économiser une soudure), allongement des tubulures facilitant les contrôles par ultrasons, l’accroissement du rayon des petits cintres, des trous d’hommes plus larges pour faciliter l’accès. . .

3.12.7

Fuite primaire-secondaire

Malgré toutes les précautions prises à la fabrication des tubes de GV et leur fixation sur la plaque de tubes GV ainsi que leur maintien dans le corps du GV lui-même, des fuites peuvent apparaître, dont la détection se fait par analyse de l’activité du secondaire « pollué » par le primaire (tritium avant 1984, puis de l’azote 16 produit par activation de l’oxygène 16 de l’eau du primaire). À chaque visite partielle (tous les deux cycles) ou visite décennale, on contrôle l’ensemble des tubes grâce à une sonde axiale utilisant la technique des courants de Foucault 45 . Cette méthode permet de détecter et d’identifier les défauts dans la partie droite des tubes, ainsi que les anomalies de dudgeonnage. En cas de détection positive, on bouche le tube défaillant des deux côtés débouchant de la plaque tubulaire à l’aide de bouchon-opercule. On peut encore utiliser le GV jusqu’à un taux de bouchage de 10 % (ce qui baisse sa capacité d’extraction de chaleur). Après quoi un remplacement par un GV neuf, une opération lourde, sera nécessaire. En France, plusieurs cas de fuites primaire-secondaire ont été détectés. Citons à titre d’exemple, en septembre 1981, une fuite de 30 l/h sur un GV du fait d’un tube percé par un corps migrant ou, en juillet 1983, sur Bugey 2 une fuite de 30 l/h deux tubes percés en zone petit cintre et où 10 tubes avaient été bouchés. En mars 1984, sur Dampierre 1, une fuite de 11 l/h a permis la découverte d’une fissure circonférentielle en présence d’une double anomalie de dudgeonnage. Chaque fuite nécessite 45

Sur les courants de Foucault (Eddy-Current en anglais), lire [Birnbaum et Free, 1981].

4 785 53,4 3,454 8 percées

4785 53,4 3,454 8 percées 300 360 3 1,420 59 53,75 268,5 216,8

Masse du GV à vide (tonnes) Masse du GV au nominal (tonnes) Nombre de séparateurs centrifuges Diamètre des séparateurs (m) Nombre de tubes en J Pression en sortie de GV au nominal (bars) Température de la vapeur au nominal (◦ C) Température de l’ARE au nominal (◦ C)

300 360 3 1,420 60 57,7 268,5 219,5

3 20,648 4,468/3,434 9,40 3388 22,22 1,27 32,54 carré

51A

4 757 (M) puis 4 700 (B) 53,4 3,454 8 percées (M) puis 8 brochées (B) 300 364 3 1,420 60 58 273 219,5

51M (CP1 : tranches 1 à 15) puis 51B (CP2 : tranches 16 à 24) Cf. Figure 3.117 3 20,648 4,468/3,434 9,40 3 361 (M) puis 3 330 (B) 22,22 1,27 32,54 carré

Bugey (CP0) CPY

3 20,648 4,468/3,434 9,40 3388 22,22 1,27 32,54 carré

Fessenheim (CP0) 51A Cf. Figure 3.116

Nombre de GVs par réacteur Hauteur totale (m) Diamètre maximal/minimal (m) Épaisseur de la virole supérieure (cm) Nombre de tubes en U en Inconel 600 Diamètre des tubes en U (mm) Épaisseur des tubes en U (mm) Pas du réseau des tubes en U (mm) Figure 3.120 Surface d’échange des tubes en U (m2 ) Épaisseur de la plaque tubulaire (cm) Diamètre de la plaque tubulaire (m) Nombre de plaques entretoises et forme

Nomenclature

l’Équipement, fiche 058).

405 490 133 0,200 73,5 289,1 229,5

71,8 287,5 229,5

4 21,900 4,756/3,700 10,30 5 600 19,05 1,09 27,43 triangulaire 7 300 59,0 3,700 9 brochées

73/19E Cf. Figure 3.119

N4

430 528 18 0,500

6936 60,5 3,800 9 brochées

4 22,308 5,040/3,794 10,75 5342 19,05 1,09 27,43 carré

68/19 Cf. Figure 3.118

P4-P’4

Tab. 3.4 – Principales caractéristiques des générateurs de vapeur français des paliers 900 MWe (d’après Mémento technique de

418 La technologie des réacteurs à eau pressurisée

3. Le circuit primaire

419

Fig. 3.115 – Caractéristiques d’un GV type 51. pour réparation un arrêt de tranche d’environ 10 à 20 jours, à l’exception notable de Fessenheim 1 en février 1981 (28 jours d’arrêt) où 13 tubes non étanches avaient dû être bouchés (fissuration par corrosion intergranulaire).

420

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 3.116 – Modèle 51A de GV pour le CP0 (Fessenheim et Bugey) (d’après Bilan du développement et de l’exploitation des générateurs de vapeur EDF, comité de gestion prévisionnelle, Commission scientifique et technique, 1986).

3.12.8

Le contrôle des tubes de générateur de vapeur

[Mercier, 1987] p. 131 Une inspection périodique de la tenue des tubes de générateur de vapeur côté primaire est effectuée lors des arrêts de tranche en situation de PTB-RRA, quand la boîte à eau du GV est accessible par le trou d’homme. Elle consiste à placer un robot automatisé,

3. Le circuit primaire

421

Fig. 3.117 – Modèle 51M et 51B des CP1 et CP2 (d’après Bilan du développement et de l’exploitation des générateurs de vapeur EDF, comité de gestion prévisionnelle, Commission scientifique et technique, 1986).

surnommé « araignée » (Figure 3.121, Photo 3.15), en dessous de la plaque tubulaire qui se déplace pour analyser l’étanchéité des tubes et la présence éventuelle de fissures

422

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 3.118 – Modèle 68/19 du P4 (d’après Bilan du développement et de l’exploitation des générateurs de vapeur EDF, comité de gestion prévisionnelle, Commission scientifique et technique, 1986).

(Figure 3.126, Photo 3.19). L’araignée comporte plusieurs outils tels que des caméras, des sondes à courant de Foucault que le robot peut introduire successivement dans les différents tubes GV. L’automatisation est rendue nécessaire par l’important débit de dose présent dans la boite à eau.

3. Le circuit primaire

423

Fig. 3.119 – Modèle 73/19 du N4 (d’après Bilan du développement et de l’exploitation des générateurs de vapeur EDF, comité de gestion prévisionnelle, Commission scientifique et technique, 1986).

La technique des courants de Foucault (Photo 3.17) est basée sur le principe que lorsqu’une bobine, parcourue par un courant électrique variable, est approchée d’une surface d’un matériau conducteur, des courants électriques induits, dits « courants de Foucault », apparaissent dans la pièce à investiguer. Ces courants créent eux-mêmes un courant dans la bobine qui se superpose au courant initial. En déplaçant la bobine,

424

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 3.120 – Pas des réseaux de tubes de générateurs de vapeur.

on analyse les variations de ces courants de Foucault créés par une anomalie (fissure) du matériau (Photo 3.18). En comparant avec un résultat vierge de défauts, et sur des pièces contenant des défauts connus en forme et en taille, on peut « calibrer » le système sur un « bestiaire » d’éprouvettes comportant des défauts connus, et en déduire la taille du défaut découvert. Cette méthode est beaucoup utilisée pour l’analyse des défauts des nombreux tubes de générateur de vapeur, dans lesquels l’araignée, de par sa forme, insère une sonde de Foucault dont le verdict indiquera s’il faut ou non condamner le tube par des opercules. Chaque constructeur a développé des moyens équivalents pour l’inspection déportée des tubes de GVs. Citons l’Allemand Kraftwerk Union AG (KWU) qui a développé son système de sonde ultrasonique et sonde par courants de Foucault,

3. Le circuit primaire

425

Fig. 3.121 – Le robot de maintenance des tubes GV dit « araignée » (adapté d’après

46

).

utilisé en particulier pour inspecter les GVs du réacteur d’Obrigheim (Figure 3.123, Figure 3.124). En ce qui concerne le bouchage des tubes GV incriminés, il existe deux méthodes : d’une part on soude manuellement un bouchon qu’on enfonce des deux côtés du tube au niveau de la plaque tubulaire, d’autre part Westinghouse a proposé une solution originale qui consiste à faire détonner de façon contrôlée un bouchon explosif qui rend le tube étanche (Figure 3.125). Cette technique est moins dosante dans la mesure où le temps d’intervention humaine est moins long que pour une soudure. Pour des travaux plus lourds nécessités par une réparation importante d’un GV, un bras manipulateur a été développé permettant de soutenir des charges plus lourdes (Photo 3.19, Figure 3.126). Le robot comporte un système de placement de bouchons obturateurs pour colmater un tube, un système de forage et de soudage. . . 46 M. Dubourg : Measures taken by Framatome to reduce occupational radiation exposure, Nuclear Power Plant Availability, Maintenance and Operation, proceedings of a symposium, Munich, 20-23 May 1985, IAEA, 1985, pp. 31-42

426

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Photo 3.15 – Le robot de positionnement de sonde de Foucault dit « araignée » (photo Intercontrôle).

Photo 3.16 – Placement de l’araignée sous la plaque tubulaire par un opérateur en tenue « Mururoa » (photo Intercontrôle).

3. Le circuit primaire

427

Fig. 3.122 – Contrôle non destructif par courants de Foucault.

Photo 3.17 – Vue de sondes de Foucault à bobines axiales utilisées pour le contrôle des tubes de générateur de vapeur.

3.12.9

Le remplacement d’un générateur de vapeur

[Hutin, 2016] p. 437 Généralités Le remplacement d’un générateur de vapeur (RGV) est une opération complexe à plusieurs titres. D’une part, la masse et le volume d’un GV sont considérables et nécessitent des moyens de levage adaptés. Le GV est un élément particulièrement dosant au niveau de la boîte à eau où s’accumulent des produits de corrosion très actifs, d’où des mesures de radioprotection renforcées. Il ne peut donc être question de découper le corps du GV sur place (en tronçons), et celui-ci doit être évacué en l’état par le tampon matériel pour les gros composants (TAM). La Photo 3.7 montre à titre d’exemple l’introduction d’un GV neuf à la construction d’une tranche

428

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Photo 3.18 – Courbe de Lissajous obtenue après traitement d’une soude à courants de Foucault envoyée dans un tube de générateur de vapeur. La photo du haut montre le résultat pour un tube sans défaut, la photo du bas pour un tube présentant une fissure.

Fig. 3.123 – Système d’inspection des tubes GV par sonde rotative (adapté de 47 ). et la Figure 3.127 le remplacement des GVs d’Obrigheim. La Photo 3.8 montre le positionnement du GV à l’intérieur du BR. D’un point de vue économique, il est plus intéressant de changer tous les GVs d’une tranche en même temps. C’est ce qu’a effectué EDF pour la première fois sur Dampierre 1 en 1990. 47 G. Schücktanz, R. Rouecke, R. Riess, L. Stieding ;Experience with steam generators of the KWU-concept, Reliability of reactor pressure components, proceedings of a symposium, 21-25 March 198,3IAEA, Vienna, STI/PUB/645, ISBN 92-0-050883-9, 1983, pp. 87-103.

3. Le circuit primaire

429

Fig. 3.124 – Détail de la sonde introduite dans les tubes de GV, système KWU (op. cit.).

Le volume impose des contraintes de mobilité en milieu clos et dense nécessitant des études poussées. Le développement de la conception assistée par ordinateur (CAO) dans les années 1980 a permis des progrès considérables par rapport à la simple analyse de plan. Des logiciels comme PDMS ont été développés par la R&D d’EDF dès le milieu des années 1980, pour être améliorés dans les années 2000 par des logiciels 3D comme ADRM, gérant les aspects cinématiques (Photo 3.22, Photo 3.23). Le pont polaire du BR est utilisé pour basculer le GV en le plaçant dans une coquille de basculement spécialement étudiée à cet effet.

Technologie de découpe et de remplacement des générateurs de vapeur [Durée de vie des tranches nucléaires, 1988] p. 9/1 Dès 1982, la société Framatome s’est intéressée à la problématique des remplacements de GV. La taille et la masse de ces composants, dont la boîte à eau est contaminée par des produits d’activation, sont un chalenge complexe en termes de manutention et de procédure de découpe. Par fonction, les GVs sont fortement solidaires du reste du circuit primaire et chaque GV est relié à celui-ci par une branche froide et une

430

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 3.125 – Technique du bouchon explosif (adapté d’après Marique et Willson, op. cit.).

branche chaude. En ce qui concerne la découpe, deux solutions étaient possibles : soit découper la boîte à eau en dessous de la plaque tubulaire et ressouder un nouveau GV sans boîte à eau sur la boîte à eau restante sans toucher aux connexions avec le primaire, soit couper (des deux côtés) les branches froide et chaude s’abouchant au GV, et l’arrivée d’eau alimentaire ainsi que le départ de vapeur. La première solution présente l’inconvénient de mettre à nu la boîte à eau avec un risque accru de dissémination de radioactivité, d’où une dosimétrie globale importante. La deuxième solution présente l’inconvénient que le repositionnement du nouveau GV en face des tuyauteries existantes (accostage avec des marges de quelques dizaines de millimètres) est complexe quand le GV est géométriquement légèrement différent du précédent. Il faut aussi penser à obturer les branches découpées, ce qui se fait avec des obturateurs gonflables (Photo 3.24). C’est la deuxième méthode dite « coupe aux tuyauteries primaires » qui a été retenue, quand bien même il faudrait aussi découper un coude (voire deux !) du primaire. La découpe est effectuée grâce à une torche à plasma, ce qui présente l’avantage d’être très rapide (environ 20 minutes !) par rapport à un tronçonnage mécanique (Figure 3.128, Photo 3.25). Il faut alors protéger les parties internes des conduites des scories incandescentes de découpe et aspirer les gaz pour limiter les risques de contamination (Figure 3.129).

3. Le circuit primaire

431

Photo 3.19 – Bras manipulateur déployé sous une maquette de plaque tubulaire (adapté d’après Marique et Willson, op. cit.).

Fig. 3.126 – Schéma du déploiement d’un bras manipulateur (adapté d’après Marique et Willson, op. cit.).

432

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Pour l’épineux problème d’accostage du GV neuf, on utilise un mannequin mécanique qui simule l’encombrement du fond du GV à une précision de 1,5 mm, comportant coupelles et patins positionnables (Figure 3.130), réglés selon des mesures topométriques (par théodolites électroniques couplés à un ordinateur) faites sur la boîte à eau du GV neuf (Figure 3.131). Enfin, les branches chaude et froide sont soudées au nouveau GV correctement positionné grâce au procédé TIG 48 orbital automatique piloté à distance avec suivi vidéo (Figure 3.38, Figure 3.26).

Photo 3.20 – Entrée d’un générateur de vapeur neuf par le sas tampon matériel d’un réacteur CPY. À gauche, le GV est présenté au sas par le portique du bâtiment réacteur. À droite, le GV, placé sur un trolley mobile dit « coquille de basculement », est basculé en position verticale grâce à une élingue maintenue au pont polaire. C’est au cours d’une opération inverse (sortie d’un GV usé) à Paluel 2 le 31 mars 2016, que le système d’accrochage a cédé, laissant tomber le GV de 456 tonnes en travers de la piscine BR, vide et recouverte d’une protection à ce moment des opérations. Cet accident, qui n’a heureusement blessé personne, a occasionné un arrêt de plus d’un an. On notera que la chute violente a activé les accéléromètres sismiques de la tranche (photos EDF/Framatome tirées de 49 ).

L’affaire Paluel On notera un incident exceptionnel en cours de RGV, la chute d’un GV usagé de 465 tonnes en cours d’évacuation le 31 mars 2016 sur Paluel 2 (1 300 MWe). Le GV en cours de déplacement (le 3e lors d’une visite décennale (grand carénage) où on 48 Le soudage TIG est un procédé de soudage à l’arc avec une électrode non fusible, en présence d’un métal d’apport si besoin. TIG est un acronyme de Tungsten Inert Gas, où l’électrode est en tungstène et où le gaz inerte, un gaz neutre de type hélium ou argon, protège la pièce à souder. Un arc électrique se crée entre l’électrode et la pièce à souder, et permet d’atteindre la température de fusion de métal de la pièce à souder. Le procédé est particulièrement efficace (rapide et homogène) pour des pièces à souder de même métal. 49 Jean Bacot, Claude Verges : Un standard pour les remplacements des générateurs de vapeur, dans New Nuclear Needs, Framatome-Symposium 3N91, octobre 1991.

3. Le circuit primaire

433

Photo 3.21 – Le premier RGV en France a eu lieu à Dampierre 1 en 1990 (photo EDF).

Photo 3.22 – Utilisation du logiciel PDMS pour le remplacement d’un générateur de vapeur de CP0 (image EDF/REAL).

434

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Photo 3.23 – Levage d’un GV P’4 par le pont polaire, après son introduction par le TAM visualisé avec ADRM (image EDF/UTO/CAO). On peut voir les progrès réalisés par la CAO en vingt ans.

Fig. 3.127 – Remplacement des deux GVs d’Obrigheim (1983) (adapté de [Stahlkopf et Steele, 1984] p. 76).

3. Le circuit primaire

435

Photo 3.24 – Obturateurs gonflables de la marque PRONAL.

Fig. 3.128 – Système de découpe de conduite par torche à plasma par technologie Framatome (adapté de [Durée de vie des tranches nucléaires, 1988] p. 9/21).

Photo 3.25 – Découpe au plasma d’une tuyauterie primaire (à gauche) et découpe mécanique d’une arrivée d’eau alimentaire (à droite) (adapté de Bacot et Verges, op. cit.).

436

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 3.129 – Protection et aspiration des gaz de découpe (adapté de [Durée de vie des tranches nucléaires, 1988] p. 9/22).

Fig. 3.130 – Mannequin d’accostage du nouveau GV (adapté de [Durée de vie des tranches nucléaires, 1988] p. 9/23).

3. Le circuit primaire

437

Fig. 3.131 – Mesures topométriques du nouveau GV (adapté de [Durée de vie des tranches nucléaires, 1988] p. 9/25).

Fig. 3.132 – Soudure des branches par TIG (adapté de [Durée de vie des tranches nucléaires, 1988] p. 9/31).

438

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Photo 3.26 – Soudage TIG Orbital Vidéo (adapté de Bacot et Verges, op. cit.).

Photo 3.27 – GV chuté de Paluel 2 (DR), photo prise depuis le dessus de la casemate du GV4. On voit en bas à droite la tête du GV4 encore à sa place avant évacuation.

changeait les 4 GVs) avait sa partie haute maintenue par des élingues, elles-mêmes reliées à un palonnier solidaire d’un engin de manutention situé sur le pont polaire. Notons que le palonnier a lui-même chuté lors de l’accident. La chute de ce GV n’a heureusement provoqué aucune blessure grave aux intervenants aux alentours, mais a endommagé le platelage de protection (un système de capots) de la piscine BR (Photo 3.27). On notera que la chute du GV de toute sa hauteur a clairement déclenché les accéléromètres de détection de vibration (détectant un tremblement de

3. Le circuit primaire

439

terre) de la centrale, questionnant par la suite sur la tenue des bâtiments qui se sont révélés intacts. Cet événement hors norme a suscité beaucoup d’émois dans la presse, bien que n’ayant finalement aucun impact sur la sûreté nucléaire de l’installation à l’arrêt au moment des faits. Le GV chuté a finalement été évacué avec un grand luxe de précautions fin janvier 2017, permettant l’évacuation du 4e et dernier GV à changer. Si on ne peut honnêtement pas parler d’un incident nucléaire, cet accident de manutention rarissime a arrêté Paluel 2 pendant plus d’un an supplémentaire par rapport au temps prévu pour le grand carénage.

3.13

Piquages et manchettes thermiques

[Berge et Zacharie, 1997] p. 1 Il existe sur le circuit primaire de nombreux piquages de raccordement de conduites ou d’instrumentations. Lorsque ces zones sensibles sont soumises à des variations brutales de température, peuvent apparaître des chocs thermiques conduisant éventuellement à des fissurations. Pour protéger ces zones sensibles, on interpose entre la tuyauterie et l’eau primaire un écran appelé « manchette thermique ». La manchette se présente comme un écran de forme cylindrique inséré dans le piquage, et qui n’est pas directement au contact de la tuyauterie, laissant un espace dit « lame d’eau » entre la manchette et la tuyauterie, comme le montre l’exemple du piquage RCV de la Figure 3.133.

Fig. 3.133 – Manchette thermique des piquages du RCV sur le primaire (adapté de

50

).

Si l’efficacité de ces manchettes en tant que protection thermique est bien connue, la tenue mécanique peut poser problèmes du fait de l’apparition de fissures au raccordement de ces manchettes. Ces fissures se développent préférentiellement dans le cas de piquages par lesquels on injecte dans le primaire chaud de l’eau froide, comme 50 Catherine Arnaud, Jacques Champredonde, Jean-Claude Masson, Dominique Moinereau : Effet de manchettes !, Épure n◦ 17, pp. 15-27, Revue de la Direction de Études et Recherches d’EDF, janvier 1988.

440

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 3.134 – Piquage RCV avec plots antivibratoires (adapté de [Durée de vie des tranches nucléaires, 1988] p. 7/22). c’est le cas du point d’injection de la charge par le RCV. Ces cyclages chaud/froid répétitifs déclenchent des phénomènes de fatigue thermique 51 . Le problème est particulièrement exacerbé dans le cas de piquage de diamètre beaucoup plus faible que le diamètre d’une conduite du circuit primaire principal (CPP) d’environ 800 mm, car du fait de l’épaisseur, les contraintes à la surface interne créées par des dilatations contrariées par la manchette, peuvent être très élevées, et d’autant plus si les chocs thermiques sont répétitifs. La découverte de ces fissures a conduit à faire évoluer la conception de ces manchettes vers un concept dit « manchette intégrale ». Les premières manchettes installées sur Fessenheim étaient de type 1 dites à « languette soudée ». Ces manchettes, issues de la licence Westinghouse, comportaient deux languettes soudées. Mais dès le démarrage de Fessenheim en 1977, on a découvert une soudure fissurée entièrement rompue. Ces essais de démarrage en eau froide ne pouvaient générer des chocs thermiques, mais des phénomènes vibratoires, gérables par des plots antivibratoires (Figure 3.134). Restait le problème des chocs thermiques. Ce problème est aussi apparu à l’étranger, confirmant l’aspect générique avec même des manchettes complètement désolidarisées de leur piquage. Les fissures apparaissaient au niveau des soudures et du raccord de la languette sur la tuyauterie (Figure 3.135), avec comme conclusion dérangeante que la manchette thermique, censée protéger le piquage de la fissuration, pouvait induire par concentration de contraintes des fissures dans ce même piquage. La première amélioration est venue avec cordon de soudure intégral (type 2) et a été déployée sur le CP1. La ligne d’expansion du pressuriseur (LEP), qui relie le pressuriseur à une branche chaude selon un tracé complexe, est particulièrement soumise à des chocs thermiques lors des phases successives de chauffe et d’aspersion nécessaires à la régulation de 51

Sur la fatigue thermique, lire [Bénard et al., 1984] p. 207.

3. Le circuit primaire

441

Fig. 3.135 – Évolution des premières manchettes thermiques : type 1 (CP0), type 2 (CP1).

Fig. 3.136 – Manchette de la ligne d’expansion pressuriseur côté fond sphérique du pressuriseur (adapté de [Durée de vie des tranches nucléaires, 1988] p. 7/20).

la pression. Elle comporte donc une manchette thermique au départ et à l’arrivée (Figure 3.136 et Figure 3.137). Enfin, la manchette intégrale (figure 3.138) intègre la languette au corps d’une manchette allongée. Ce type de manchette a été déployé systématiquement à partir

442

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 3.137 – Manchette du piquage d’une ligne d’expansion du pressuriseursur la branche chaude (CP0). On constate la finesse de la languette (4 mm !) par rapport à la taille du piquage (adapté de [Durée de vie des tranches nucléaires, 1988] p. 7/23).

Fig. 3.138 – Manchette intégrale.

de la tranche Blayais 2. Cette manchette a été étudiée en détail à partir de 1981 sur des maquettes représentatives en température et en cycles (jusqu’à 5 000 cycles). Pour cette manchette, la soudure de fixation sur le piquage devient une soudure bout à bout classique qui est protégée des chocs thermiques par la languette. Même sur ce concept, des petites fissures sont apparues à un très grand nombre de cycles thermiques, mais avec des cinétiques de progression qui éliminent le risque de fissures traversantes.

3. Le circuit primaire

443

Fig. 3.139 – Manchette thermique du constructeur Babcock et Wilcox. Cette amélioration des manchettes thermiques a été déployée sur le CPY à partir du CP5 en ce qui concerne les manchettes d’aspersion du pressuriseur, à partir du CP6 pour les manchettes d’expansion du pressuriseur, et à partir de Paluel 1 (P4) pour les manchettes de piquage du RCV sur le primaire [Durée de vie des tranches nucléaires, 1988] p. 7/11. Le problème des manchettes thermiques est générique sur tous les piquages de REPs subissant des chocs thermiques. Babcock et Wilcox a aussi proposé sa solution sur les piquages d’injection de la charge par RCV qui sert aussi de point d’injection pour l’injection de sécurité haute pression 52 . Il s’agit d’augmenter la longueur de la manchette enchâssée dans le piquage.

3.14

Les régulations du primaire

[Coppolani et al., 2004] p. 211 Pour garder les grandeurs physiques du circuit primaire dans leur gamme de fonctionnement pendant des transitoires, on contrôle le comportement du primaire grâce à des régulations. La première chaîne de régulation « température primaire » prioritaire a pour objectif le réglage de la puissance produite par le réacteur en jouant sur les grappes de contrôle. En effet, la température moyenne de l’eau dans le cœur du réacteur, on parle parfois de température moyenne cuve, est l’image de l’équilibre entre la puissance thermique fournie par le cœur et la puissance évacuée à la turbine. Si la puissance appelée par le secondaire à la turbine augmente, les GVs refroidissent encore plus l’eau du primaire et la température des branches froides du 52 S.H. Bush : Pressurized water reactors, Proceedings of a symposium, Stuttgart, 21-25 March 1983, Vienna, IAEA STI/PUB/645, IAEA-SM-269/73, ISBN 92-0-050883-9, 1983, pp. 29-56.

444

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

circuit primaire diminue. De fait, la température moyenne diminue et il faut commander un retrait du groupe de régulation de température R. Notons la complexité de cet effet puisqu’une baisse de la température améliore la modération des neutrons et, par contre-réaction neutronique, augmente naturellement la puissance, d’où l’intérêt d’une bande morte avant d’agir sur les barres. Une deuxième chaîne de régulation agit sur le pressuriseur, pour conserver la pression autour de 155 bars, en jouant sur les chaufferettes du pressuriseur (pour augmenter la pression), ou sur l’aspersion du pressuriseur (pour diminuer la pression). Une troisième chaîne de régulation du niveau d’eau dans le pressuriseur permet de compenser les variations de volume du primaire.

Chapitre 4 La cuve et ses internes 4.1

Description générale de la cuve

[Drevon et al.] p. 175, [Hutin, 2016] p. 317, [Leclercq, 1988] p. 242, [Nichols et al. 1980] De par son poids (d’environ 300 tonnes pour plus de 100 000 heures de travail !) et son usage (elle contient le réacteur nucléaire), la cuve du réacteur (Figure 4.1) est certainement la pièce forgée maîtresse du circuit primaire1 . La cuve comporte une partie cylindrique constituée historiquement de plusieurs viroles, mais que les progrès en matière de forge ont permis de ramener à une virole unique, une virole porte-tubulures qui permet l’accostage des branches chaudes et froides (Figure 4.2, Figure 4.4), un fond de cuve hémisphérique et un couvercle lui aussi hémisphérique. L’élaboration d’une virole de cuve est un processus long et complexe (Figure 4.3). L’acier utilisé est élaboré dans un four électrique, dégazé sous vide, ce qui produit un lingot. Ce lingot est préalablement forgé sous une forme cylindrique par un procédé qu’on appelle le « bloomage ». On enlève les chutes côté tête et pied du lingot (pour éliminer les zones ségrégées et les défauts de moulage), et on l’écrase ensuite entre deux plaques. Le lingot est percé en son centre, puis étiré sur un mandrin (augmentation de la hauteur), enfin « bigorné » (bigornage : augmentation du diamètre). L’usinage final côté intérieur permet de donner l’aspect final de la virole, en éliminant la ségrégation majeure résiduelle. Les propriétés mécaniques des viroles sont la résultante de deux facteurs principaux : la composition chimique de l’acier2 et la vitesse de refroidissement lors de la trempe. La cuve est un ensemble mécano-soudé entièrement construit en atelier, puis déplacé (difficilement) avec grande précaution pour être placé dans son logement (Photo 4.1, Photo 4.2, Photo 4.3, Photo 4.4, Photo 4.5), à savoir le puits de cuve. Le puits de cuve est un logement cylindrique en béton qui permet l’insertion de la cuve par le haut. Un calorifuge démontable (Figure 4.5), plaqué contre l’extérieur de la cuve, protège le puits de béton du rayonnement thermique. C’est la cuve qui contient le cœur nucléaire produisant la chaleur. Le choix de la pressurisation, pour maintenir l’eau chauffée à l’état liquide, induit une épaisseur de paroi importante, rarement rencontrée dans l’industrie. Pour cela, l’acier retenu doit être particulièrement résistant, peu oxydable et présenter une bonne soudabilité. 1 2

Pour les procédés de fabrication de l’acier, lire [Colombier et Hochmann, 1965] p. 539. Sur la cristallographie des aciers, lire [Barrett, 1957].

446

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 4.1 – Cuve de réacteur P4 (adapté du cours INSTN de G. Hugot sur la cuve dans « Les composants des centrales à eau sous-pression »).

Les premières cuves de REPs fabriquées aux États-Unis dans les années 1960 étaient faites à partir de tôles en acier au carbone-manganèse de 175 mm d’épaisseur. Mais la faible ténacité de cet acier et l’obligation de cintrer les tôles pour les souder en un cylindre limitait la pression du primaire. On s’est alors tourné vers des pièces forgées en acier au molybdène-manganèse (ASME SA 302 B) qui ont permis d’augmenter la ténacité. La cuve de Chooz A sera fabriquée en acier au Mn-Ni-Mo à partir de viroles soudées. L’évolution ultime a consisté à éliminer les viroles pour un cylindre

4. La cuve et ses internes

447

Fig. 4.2 – Opération de soudage des tubulures sur la virole porte-tubulures P4. Les tubulures sont soudées dans le même plan radial, ce qui limite le nombre de boucles, sachant qu’il y a une tubulure froide et une tubulure chaude par boucle. d’un seul tenant. La cuve est fabriquée à partir d’acier3 faiblement allié4,5 16 MND 5 (acier ferritique6 dit « noir » à faible teneur en carbone (< 0,25 %), de masse 3 Sur l’acier de nuance 16MND5, on lira avec intérêt la thèse très complète de Benoit Vereecke : Une analyse probabiliste du comportement d’une famille d’aciers pour cuve de REP en cas d’accidents graves, Thèse de l’université Paris VI, 2005, dont nous extrayons quelques éléments. Cet acier a été développé à partir de l’acier américain SA302B au manganèse et au molybdène. Les premières cuves américaines étant fabriquées à partir de tôles, le manganèse apportait une meilleure soudabilité. Pour la première cuve française en 1961, on ajouta du nickel et on diminua le carbone pour améliorer la ténacité. La composition a ensuite évolué pour diminuer les impuretés, pour arriver à la norme prescrite RCCM de 1988 (en %), à savoir C < 0,2 ; 1,15 < Mn < 1,55 ; P < 0,008 ; S < 0,008 ; 0,1 < Si < 0,3 ; 0,5 < Ni 1 MeV) basés sur les réactions Fe54 (n,p) Mn54 ; Ni58 (n,p) Co58 ; Cu63 (n,alpha) Co60 ; Np237 (n,fission) Cs137 ; U238 (n,fission) Cs137. Ces réactions neutroniques à seuil permettent d’identifier la fluence rapide intégrée sur le temps. 35 Marielle Akamatsu, Jean-Michel Frund, Serge Marguet, Jean-Claude Van Duysen : L’endommagement par irradiation, EPURE, n ◦ 44, octobre 1994, pp. 63-71.

4. La cuve et ses internes

525

Fig. 4.85 – Accès aux capsules de surveillance du palier 1 300 MWe français (adapté de Heuze, op. cit.).

En France, le programme de surveillance a été reconduit sur l’ensemble des paliers, selon la même stratégie, en plaçant les éprouvettes à une position proche du cœur, et en facilitant leur extraction par le bouchon d’irradiation (Figure 4.84, Figure 4.85). D’autres constructeurs de réacteurs ont aussi mené d’importants programmes de surveillance des cuves. Citons ici Combustion Engineering qui a développé une analyse détaillée de la variation de la température de référence de transition ductile-fragile RTN DT (en anglais Reference Temperature of Nil-Ductility Transition) qui détermine la ténacité du matériau. Tout comme pour Westinghouse, la stratégie consiste à placer des éprouvettes dans le down-comer entre la cuve et l’écran thermique, voire entre l’écran thermique et l’enveloppe (Figure 4.88, Figure 4.89). La cuve d’un réacteur est le composant qui fixe la durée de vie de la tranche, car dans les faits, il est très improbable de pouvoir changer une cuve fortement irradiée en l’extrayant par le tampon matériel, par lequel elle est arrivée neuve (la manœuvre a déjà été faite en passant par un trou fait dans le dôme du BR). La principale réserve à propos de la cuve concerne la fragilisation sous irradiation de la virole de cuve au regard du cœur actif. Le risque de rupture brutale est exclu pour une durée de vie de 40 ans grâce au fait que la RTN DT est inférieure à 100 ◦ C. Mais EDF a engagé un programme de réduction de la fluence cuve en passant à des gestions dites « faibles fluences » en ne plaçant en couronne extérieure que des assemblages irradiés,

526

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 4.86 – Position des capsules du programme de surveillance des 900 MWe américains construits par Westinghouse (R.E. Ginna1) (adapté de [Steele et al., 1983] p. 157). Les éprouvettes sont placées dans le down-comer à l’extérieur de l’enveloppe, et dans les positions angulaires susceptibles de voir le plus de flux de neutrons. Les éprouvettes V sont retirées à la fin du premier cycle (5,32 × 1018 neutrons rapides/cm2 ), les R à la fin du deuxième cycle (7,60 × 1018 neutrons rapides/cm2 ), les T après 10 ans calendaires, les P après 20 ans calendaires, les S après 30 ans calendaires et les N jusqu’à la fin de vie du réacteur. Ces données de fluence ont aussi permis de comparer ces valeurs aux codes de calcul neutroniques, et d’extrapoler aux flux vus par la cuve placée légèrement plus loin.

puis, à partir de 2017, en plaçant des grappes fixes de hafnium dans les assemblages situés en bout de médianes des CPY (4 fois 3 assemblages). Rappelons que la fluence prévisionnelle maximale en fin de vie (40 ans calendaires avec un facteur de charge de 0,8) des cuves françaises pour des neutrons d’énergie supérieure à 1 MeV est de 4,8 × 1019 neutrons rapides/cm2 /s pour Fessenheim (CP0), 5,0 × 1019 neutrons rapides/cm2 /s pour Bugey (CP0), 5,1 × 1019 neutrons rapides/cm2 /s pour le palier CPY, et de 2, 73 × 1019 neutrons rapides/cm2 /s pour le palier 1 300 MWe [Durée de vie des tranches nucléaires, 1988] p. 5/12. Le programme de surveillance des cuves françaises est aussi basé sur l’analyse d’éprouvettes témoins placées proches de l’écran thermique (Figure 4.90), et donc

4. La cuve et ses internes

527

Fig. 4.87 – Effet de l’irradiation sur l’énergie à rupture d’éprouvettes Charpy extraites du programme de surveillance du réacteur Ginna 1 (Westinghouse) (adapté de [Steele et al., 1983] p. 166). On constate que l’acier irradié est plus fragile que l’acier non irradié avec un décalage d’environ 60 ◦ C à 100 ◦ C sur la transition ductile/fragile. soumises à un flux supérieur à celui que voit la cuve (car plus proche du cœur). Ces éprouvettes proviennent de découpes faites dans les sur-longueurs de viroles de cuves pour garantir la similitude de composition d’acier. Les éprouvettes, tout comme dans le programme de surveillance américain, ont déjà la forme qu’elles doivent avoir pour des essais mécaniques strictement normalisés (chutes de marteau, essais de poinçonnement, éprouvettes Charpy36 en forme de V. . . ), de manière à ne plus avoir à intervenir mécaniquement sur l’acier irradié, à la fois pour d’évidents problèmes 36 Sur les essais Charpy et les essais mécaniques sur les métaux, lire en particulier [Bénard et al., 1984]. Augustin Georges Albert Charpy (Polytechnique 1885, ingénieur de la Marine en 1892, ingénieur principal des Forges de Saint-Jacques à Montluçon à partir de 1898, Académie des sciences en 1919, professeur de l’École des Mines en 1922), a normalisé en 1936 l’essai de résilience définissant la température de transition ductile-fragile. Cet essai consiste à rompre en flexion, grâce à un mouton ou pendule de Charpy, des éprouvettes de 55 mm de longueur et 1 cm2 de section comportant une entaille. Les éprouvettes sont rompues à différentes températures par la chute d’une masse pendulaire. L’énergie nécessaire à la rupture est mesurée et reportée sur un graphique en fonction de la température, dit « courbe de transition ». Un autre essai a été développé par Pellini au Naval Research Laboratory dans les années 1950, consistant à rompre une éprouvette comportant un cordon de soudure entaillé, pour les problèmes de rupture fragile d’éléments soudés.

Georges Charpy (1865-1945).

528

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 4.88 – Localisation des éprouvettes du programme de surveillance de la centrale de Maine Yankee (adapté de [Steele et al., 1983] p. 72). Il s’agit d’un réacteur REP construit par la société Combustion Engineering, dont la puissance a été portée progressivement de 605 MWe à 860 MWe, et qui a fonctionné de 1972 à 1996. La tranche a été fermée en 1997, puis décommissionnée car les mises à jour de sûreté nécessaires ont été jugées trop coûteuses par rapport à l’âge du réacteur.

de radioprotection, mais aussi pour ne pas changer les propriétés intrinsèques du matériau par un usinage a posteriori. On enlève régulièrement lors d’arrêts de tranche certaines éprouvettes, dont on mesure la résilience et d’autres caractéristiques mécaniques qu’on suit en fonction de la fluence. Des calculs de transport neutronique faits avec le logiciel TRIPOLI (méthode de Monte-Carlo) permettent de comparer les valeurs expérimentales avec les calculs sur les éprouvettes et d’extrapoler sur la cuve.

4.17

Niveau d’eau dans la cuve

La connaissance du niveau d’eau dans la cuve est nécessaire, en particulier en situation d’accident grave. Ce niveau est mesuré grâce à la perte de charge dynamique entre les piquages des tubes in-core et l’évent de cuve. Comme cette perte de charge est très importante, on a prévu deux chaînes de mesure : d’une part, un transmetteur de niveau gamme étroite, et d’autre part un transmetteur gamme large. Un troisième transmetteur permet de s’affranchir de l’incertitude sur la masse volumique de l’eau

4. La cuve et ses internes

529

Fig. 4.89 – Support d’éprouvettes utilisé par Combustion Engineering sur leurs REPs. Ces supports d’environ 2 m de hauteur, sont glissés à mi-cœur dans des brassières soudées en face interne de cuve ou sur l’enveloppe, ce qui permet d’accéder à la forme axiale de la fluence (adapté de [Steele et al., 1983] p. 71).

Fig. 4.90 – Positionnement des capsules du programme de surveillance de la cuve (CPY).

530

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 4.91 – État de la piscine BR avec réacteur en fonctionnement.

dans les capillaires des capteurs. Ce système est installé en voie A et en voie B et est traité dans l’ébulliomètre qui donne la marge à la saturation.

4.18

Ouverture de la cuve pour déchargement

[Hutin, 2016] p. 180 En fonctionnement nominal, la cuve est bien entendu fermée (Figure 4.91), le circuit primaire est pressurisé à 155 bars et la piscine BR au-dessus de la cuve est vidée. Sous ces conditions, impossible de recharger en continu comme dans d’autres types de réacteurs (UNGG, réacteurs à eau lourde). L’opération de rechargement du combustible, qui a lieu selon une périodicité variable comprise entre 12 et 24 mois si tout se passe bien, nécessite d’arrêter le réacteur, de décomprimer le circuit primaire, puis d’ouvrir le couvercle pour manutentionner les assemblages à décharger et à recharger (Figure 4.92 à Figure 4.94). On démonte tout d’abord les tirants antisismiques de l’appareillage de levage du couvercle. On démonte les gaines de ventilation des mécanismes de barre de contrôle. On déconnecte les mécanismes de grappe et les pénétrations de thermocouples. On démonte le calorifuge de la bride de cuve, puis on desserre les goujons de couvercle de cuve avec la machine à serrer et desserrer les goujons (MSDG).

4. La cuve et ses internes

531

Fig. 4.92 – On dépose les écrans antimissiles, les gaines de ventilation du RGL, les connexions électriques et le calorifuge du couvercle. Puis on dévisse et on dépose les 58 goujons (CPY) de serrage du couvercle (250 kg chacun). On place un anneau d’étanchéité entre la cuve et le fond de la piscine BR pour éviter de noyer le puits de cuve, ce qui aurait des conséquences néfastes sur le calorifuge de la cuve dans le puits de cuve.

On met en place les tapes d’obturation sur les trous de goujons de la bride de cuve et on visse les tiges de guidage sur la bride de cuve. On soulève alors de quelques centimètres le couvercle grâce au pont polaire du BR. L’objectif est de vérifier que rien n’accroche et que la levée du couvercle n’emmènera pas avec lui des tiges de commande de grappes de contrôle mal décrochées. On introduit alors de l’eau borée issue de la bâche PTR dans la piscine BR pour coordonner la montée du couvercle avec celle de l’eau et garantir une protection biologique efficace. Le couvercle retiré est stocké sur un porte-couvercle destiné à cet effet en piscine. Pour des raisons d’intervention sur le primaire, on décharge complètement le réacteur et le combustible se retrouve dans la piscine BK. L’opération qui consiste à enlever le couvercle de cuve est une opération délicate d’un point de vue radiologique, puisqu’on expose à la vue directe le cœur du réacteur. Cette opération doit donc se faire si possible sous eau pour des raisons de radioprotection, mais le mécanisme de commandes des barres de contrôle (RGL) ne doit pas être noyé car il comporte des systèmes électriques. Lorsque la hauteur d’eau dans la piscine atteint 1 mètre, soit environ 4 mètres au-dessus du combustible actif, on peut évacuer le couvercle et déconnecter les tiges de commande de grappe avec un outil spécialement dédié. Autre problématique déjà évoquée, on enlevant le système RGL, il faut faire très attention en soulevant le couvercle à ne pas entraîner des tiges de commande des barres d’arrêt qui doivent rester dans le cœur pour assurer la sous-criticité en redondance avec la haute concentration en bore réclamée dans cette situation cuve ouverte. C’est l’opération la plus délicate, car on a déjà rencontré des situations où une tige de commande restait solidaire du couvercle lors de la phase de remontée, retirant légèrement la barre à laquelle elle était connectée. D’autre part, le couvercle est une

532

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 4.93 – On lève le couvercle très précautionneusement, le couvercle est ensuite placé sur un support en dehors de la piscine. On déconnecte les tiges de commandes des grappes grâce à un outillage spécial à distance.

structure de 54 tonnes (CPY) dont la manipulation par le pont roulant nécessite une maîtrise absolue, car les dégâts en cas de chute seraient considérables. Une fois le couvercle et le RGL enlevé, il faut déconnecter les tiges de commande des barres qui forment en visuel une « forêt de piques » au-dessus du cœur. Cette opération effectuée, on enlève avec un appareil de levage les internes supérieurs, qui laissent apparaître la tête des assemblages combustibles. Cette opération se fait en accouplant au pont roulant un outillage de manutention dédié. On lève cet outillage jusqu’à ce que les boîtiers de guidage soient dégagés des colonnes, puis on translate l’outillage jusqu’à la cuve. On engage les boîtiers de guidage sur les colonnes de la cuve en descendant l’outillage. Puis, à l’aide de volants de manœuvre, on accouple l’outillage aux équipements internes supérieurs, qu’on peut alors soulever et déplacer sur son stand de stockage. Enfin, le mât d’assemblage de la machine de chargement, muni d’un grappin de préemption, permet d’extirper l’assemblage combustible de son logement, qu’on enverra dans la piscine BK via le tunnel de transfert. Notons que l’outil universel du combustible usé, accroché au palan auxiliaire de la machine de chargement, permet de terminer une opération en cours au niveau de la cuve ou des racks de stockage tampon, en cas de panne de la machine de chargement. La machine de chargement est de plus munie de dispositifs manuels permettant aussi d’assurer une opération en cours. Une opération de fermeture de cuve voit les mêmes étapes s’effectuer à l’envers.

4.19

L’inspection de la cuve

[Mercier, 1987] p. 130 Lors des arrêts pour visite complète ou quinquennale, une inspection complète de la cuve est effectuée une fois le combustible et les internes entièrement déchargés.

4. La cuve et ses internes

533

Fig. 4.94 – On lève les structures internes supérieures qu’on place sur un support prévu à cet effet dans la piscine. Puis on évacue les assemblages grâce au mât de la machine de chargement. Par rapport à un déchargement de combustible, il faut aussi décharger les internes inférieurs. Une machine d’inspection en service (MIS, Photo 4.16) est utilisée pour

Photo 4.16 – La machine d’inspection en service comporte un grand nombre de capteurs et de senseurs pour le contrôle visuel et le contrôle non destructif de l’acier de cuve. scruter sous eau le revêtement de la face interne de la cuve, de même qu’en profondeur du métal avec des contrôles non destructifs par ultrasons. Cette machine est un objet massif de 13 tonnes pour une hauteur de 14 m. L’objectif est de détecter d’éventuelles fissures et de surveiller leur évolution entre deux inspections.

534

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Un examen télévisuel complet de la face interne de la cuve recouverte du liner en inox et un examen ultra-sons focalisés (par 3 groupes de transducteurs) des soudures et d’une zone de 100 mm de part et d’autre de la soudure sont réalisés par la MIS. Des contrôles radio et ultra-sons sont réalisés pour les liaisons bimétalliques. Les capteurs ultra-sons focalisés 0L-70 ◦ et 0L-60 ◦ à 3 MHz permettent de détecter un défaut de 2 mm de hauteur et de dimensionner un défaut de 5 mm de hauteur, en cohérence avec la taille des défauts de références retenue dans l’étude générique de rupture de cuve [Durée de vie des tranches nucléaires, 1988] p. 5/9.

Chapitre 5 Le cœur et le combustible du réacteur Situé dans la cuve, le cœur du réacteur est le siège des réactions de fission nucléaire et, à ce titre, le composant essentiel d’un réacteur nucléaire. La chaleur produite, du fait des puissances importantes rencontrées (de l’ordre de 3 000 à 4 000 MWth), conduit à des flux de chaleur de l’ordre de 60 W/cm2 , qui chauffent l’eau grâce à des coefficients d’échange de l’ordre de 20 000 W/m2 /K. L’eau débite de façon importante dans le cœur (environ 70 000 m3 /h, soit 13 000 kg/s) pour un nombre de Courant de l’ordre de 13, et un rapport entre échange thermique et convection de l’ordre de 0,15. L’eau débite à environ 4 m/s dans le cœur. La température des crayons atteint plus de 1 000 ◦ C au centre des crayons combustibles et la pression de l’eau est d’environ 155 bars. Ces quelques chiffres montrent que le cœur subit des contraintes thermiques, mécaniques et chimiques (additifs dans l’eau, corrosion. . . ) très fortes.

5.1

Le chargement/déchargement du réacteur

Le chargement du réacteur s’effectue en transférant les assemblages combustibles depuis la piscine BK, située dans le bâtiment BK, vers la piscine du BR. Cette opération est entièrement réalisée sous eau, même pour un assemblage neuf. Pour ce faire, on remplit la piscine BR située au-dessus de la cuve pour pouvoir retirer sans craindre les rayonnements le couvercle de cuve, puis on met en communication la piscine BR et la piscine BK en ouvrant le tunnel de transfert, aussi appelé tube de transfert. Le combustible neuf ou réutilisé passe alors de son stockage en rack dans la piscine BK de désactivation vers le canal de transfert, puis est couché sur une crémaillère qui transfère l’assemblage par le tunnel de transfert. L’assemblage est ensuite redressé verticalement et agrippé par le mât de chargement qui le place enfin dans le cœur. Le processus d’évacuation d’un assemblage irradié est inverse comme l’illustre le schéma d’évacuation de la centrale REP anglaise de Sizewell B (Figure 5.1). Lorsque l’assemblage irradié est dans le mât de chargement, on en profite pour tester son intégrité en détectant un éventuel taux de fuite radioactive. Depuis qu’on utilise des grilles

536

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 5.1 – Évacuation d’un assemblage irradié de la centrale de Sizewell B. anti-débris 1 , ce taux de défaillance est très faible, de l’ordre de 0,3 % 2 . Le combustible irradié peut rester en piscine de désactivation plusieurs années pour que la puissance résiduelle diminue, avant d’être évacué vers La Hague en France pour y être retraité. Notons que les cœurs sont entièrement déchargés de leur combustible pendant l’arrêt pour déchargement, même pour les assemblages destinés à être réutilisés dans le réacteur. Cette disposition est indispensable si on veut intervenir sur le circuit primaire (inspection des générateurs de vapeur par exemple). Lorsque le cœur est entièrement chargé, on ferme le tube de transfert du côté du canal de transfert côté BK, puis on vidange alors la piscine BR dans la bâche PTR située à côté du BR, un réservoir d’eau fortement borée, en s’arrangeant pour faire descendre le couvercle de cuve en même temps que le niveau d’eau baisse. Cette méthode permet d’utiliser le couvercle comme un bouclier contre les rayonnements qui proviennent du cœur. En fin de vidange de la piscine BR, c’est la bâche PTR qui est pleine et qui peut servir comme appoint d’eau borée directement disponible. Le combustible irradié est stocké dans la piscine BK, dont la contenance a augmenté proportionnellement à la taille des cœurs. On doit toujours se laisser la possibilité de décharger un cœur complet en cas de problème (Tableau 5.1). La gestion historique du cœur étant en tiers de cœur, on a l’habitude de définir la contenance des piscines en nombre de tiers de cœur. 1 Westinghouse indique qu’entre 2000 et 2006, 38 % des causes de perte d’inétanchéité de leur combustible a pour cause les débris, 29 % le fretting, 8 % des problèmes d’IPG, 10 % des problèmes de fabrication, le reste n’ayant pas été inspecté. (Source : Marie Blanc : Les aspects industriels, matériaux, méthode de conception, qualité de fabrication, Revue Générale Nucléaire, n◦ 2, mars 2008, pp. 38-43). Notons aussi qu’à peu près 20 % du combustible chargé en France est d’origine Westinghouse, le reste étant produit par Framatome. 2 Laurent Stricker : Le combustible usé à EDF, Contrôle n◦ 117, juin 1997.

537

5. Le cœur et le combustible du réacteur Tab. 5.1 – Capacités de piscines françaises. Capacité des piscines En fraction de cœur Nombre d’alvéoles dans les racks

5.2

CP0 6/3 312

CPY 7/3 398

P4 7/3 459

P’4 10/3 630

N4 9/3 615

Le cœur actif

[Drevon et al.] p. 113 L’usage est d’utiliser le terme « cœur actif » pour désigner la zone du réacteur où ont lieu les fissions nucléaires. Le cœur actif des REPs (Figure 5.2, Figure 5.3, Figure 5.4, Figure 5.5) est composé d’assemblages comportant chacun des crayons combustibles. Axialement, la hauteur active à froid de la colonne combustible des assemblages des paliers 900 MWe est de 12 pieds, soit 365,64 cm, souvent arrondis à 366 cm. En ce qui concerne les paliers suivants, la hauteur active est de 14 pieds, soit 426,58 cm, souvent arrondis à 427 cm. À titre d’illustration, un cœur de CP0 contient 82 193 kg d’oxyde d’uranium (UOX sous forme de pastilles 3 ), 17 341 kg de Zircaloy 4 4 (gainage du combustible, tubes guides), 808 kg d’Inconel 718 5 (grilles), 664 kg d’acier 304 6 (manchons, gaines de grappes) et 15 526 kg d’eau à froid (20 ◦ C).

5.3

Le combustible nucléaire

[Bailly et al., 1996], [Coppolani et al., 2004] p. 43, [El-Wakil, 1993], [Frost, 1982], [Hutin, 2016] p. 307, [Olander, 1976], [Sauteron, 1965] Le choix du combustible des réacteurs à eau pressurisée de grande puissance s’est très vite tourné vers l’oxyde d’uranium 7 qui, par rapport à l’uranium métallique, présente l’intérêt d’avoir une bien plus haute température de fusion (2 865 ◦ C contre 1 135 ◦ C). Cet avantage incontestable est utilisé pour augmenter, à refroidissement identique, la puissance volumique du réacteur. L’oxyde d’uranium UO2 est aussi inerte chimiquement vis-à-vis de l’eau ou de la vapeur. Par contre, l’oxyde d’uranium présente l’inconvénient d’être un relativement mauvais conducteur de chaleur (par rapport aux métaux), d’où l’obligation d’une certaine « finesse » des barreaux combustibles pour éviter des températures trop fortes à cœur.

5.3.1

Un survol de l’histoire du combustible REP en France

En 1958 est créée la société franco-américaine de construction atomique (Framatome). À l’origine, Framatome comprenait, outre la société américaine Westinghouse, des participations des sociétés du groupe Schneider : SFAC, Matériel électrique SW, Forges et ateliers de combustion électrique de Jeumont, Société de modernisation industrielle, Merlin-Gérin, Citra, Société parisienne pour l’industrie électrique (SPIE). Framatome 3

Densité du combustible 10,412, soit 95 % de la densité théorique de 10,96. Densité du gainage : 6,55, du zirconium allié à 1,5 % d’étain, 0,2 % de fer et 0,1 % de chrome. 5 Densité de l’Inconel : 8,2. 6 Densité de l’acier 304 : 7,9. 7 Sur les propriétés de l’oxyde d’uranium : [Samsonov, 1982], sur l’extraction de l’uranium : [Blazy, 1979]. 4

538

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 5.2 – Forme radiale d’un cœur 900 MWe (CP0 et CPY) à 157 assemblages actifs. Les assemblages combustibles sont représentés en jaune dans un quadrillage de type « bataille navale ». On prendra garde au fait que le repère « bataille navale » diffère selon chaque palier. Dans la réalité, le cœur actif est ceinturé par une enveloppe cylindrique et la cuve non représentées sur ce schéma. L’extension du repère « bataille navale » en dehors du cœur actif est donc non physique.

négocie avec Westinghouse un accord de licence pour une durée de 15 ans, en vue de promouvoir la filière à eau pressurisée en France. Mais la France n’a pas d’approvisionnement en uranium enrichi. La situation se débloque grâce à un accord entre les États-Unis et Euratom, permettant l’accès à de l’uranium enrichi à des fins civiles. Le CEA, qui a acquis une certaine expertise dans le domaine de l’uranium naturel pour la filière française UNGG, se lance dans le domaine des combustibles REPs avec le prototype à terre (PAT) de réacteur de sous-marin, une activité militaire, dont la construction commence en 1961 et qui divergera le 14 août 1964. Mais le combustible du PAT ne ressemble encore en rien au futur combustible des tranches REPs de puissance. Le CERCA, constitué par le CEA en 1957 pour répondre aux besoins en éléments combustibles des réacteurs du CEA, crée avec Framatome, en 1965, un Bureau commun combustible, charger de maîtriser le savoir-faire de la licence

5. Le cœur et le combustible du réacteur

539

Fig. 5.3 – Forme radiale d’un cœur 1 300 MWe (P4 et P’4) à 193 assemblages actifs.

Westinghouse en matière de combustibles 8 . Le CERCA voit son centre de Romans 9 repris par la société Franco-belge de fabrication des combustibles (FBFC, créée en 1973 avec la participation de Péchiney, Framatome, Creusot-Loire et 8 Jean-Louis Nigon, Michel Ponticq, Michel Watteau : L’acquisition des connaissances sur le combustible REP en France, Revue Générale Nucléaire, n◦ 2, mars 2008, pp. 21-26. 9 Sur l’usine de Romans, on trouvera un descriptif très complet dans la revue Delta information d’octobre 1979, en particulier l’article de A. Elkouby, directeur de la division Combustible de Framatome à l’époque et G. Moneyron, directeur général de FBFC.

Delta information d’octobre 1979

540

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 5.4 – Forme radiale d’un réacteur 1 450 MWe (N4) à 205 assemblages actifs. Westinghouse 10 ), et qui cesse de produire des combustibles UNGG en 1971. Cette dernière est chargée depuis 1969 par Framatome, qui dispose d’un accord de licence et d’assistance technique de Westinghouse lui permettant de dessiner, de faire fabriquer et de vendre des assemblages REP, de produire industriellement du combustible REP sous licence Westinghouse dans ses usines de Dessel en Belgique, puis de Romans. La FBFC fabrique des combustible 17×17 à gainage et tubes guides en Zircaloy, du 15×15 à gainage et tubes guides en acier, et combustibles à boîtier et gainage acier. En 1975, Framatome est francisée suite à la demande du gouvernement français, qui fait racheter par le CEA la majeure partie de la participation de Westinghouse. La capacité de l’usine de Romans est de 400 tonnes d’U/an en 1979, capacité qui passera à 1 000 tonnes d’U/an en 1985. La société Zircotube 11 est créée en 1978 pour construire une usine de tubes de gaines en Zircaloy à Paimbœuf, d’une capacité initiale 10 Le capital initial de la FBFC était de 60 % pour Eurofuel, 24 % pour la compagnie belge Métallurgie et Mécaniques (MMN) et 16 % pour Westinghouse. Eurofuel était une société européenne de fabrication de combustibles REP créée en décembre 1972 et constituée de 51 % pour PéchineyUgine-Kuhlmann, 35 % pour Westinghouse, 11 % pour Framatome et 3 % pour Creusot-Loire. 11 51 % pour Péchiney-Ugine-Kuhlmann et 49 % pour Framatome.

5. Le cœur et le combustible du réacteur

541

Fig. 5.5 – Forme radiale d’un 1 500 MWe (EPR) à 241 assemblages actifs. de 1 500 tonnes/an en 1980 12 . Le Zircaloy est un alliage massivement constitué de zirconium 13 , utilisé pour sa transparence vis-à-vis des neutrons. En 1993, Framatome s’émancipe totalement des Américains avec l’expiration des accords de coopération technique avec Westinghouse, qui avaient été renouvelés en 1972, puis 1981. La société COGEMA, créée en 1976 par la filialisation de la direction de la production du CEA, se joint à Framatome en 1980 pour créer Fragema, chargé de la commercialisation du combustible REP, ce dernier toujours fabriqué par FBFC qui devient en 1984 l’opérateur industriel de l’usine de Pierrelate. 12 L’industrie nucléaire française, Commissariat à l’énergie atomique, 1980. Ce fascicule de 208 pages contient une source importante d’informations sur toutes les étapes du cycle du combustible de la mine aux déchets. 13 Le zirconium a été découvert en 1789 par le chimiste Martin Heinrich Klaproth (1743-1817) à partir du zircon, et isolé par le chimiste suédois Jöns Jacob Berzelius (1779-1848). Les propriétés générales du zirconium sont les suivantes : masse atomique : 91,22 g/mol ; changement de phase α (hexagonale compacte) -> β (cubique centrée) : 865 ◦ C ; fusion 1 850 ◦ C ; ébullition : 3 577 ◦ C ; masse volumique : 6,53 g/cm3 ; conductivité thermique : 0, 049 cal/cm/s/ ◦ C ; capacité thermique : 0, 066cal/g/ ◦ C ; charge à la rupture à 25 ◦ C : 200 MPa ; limite d’élasticité 100 MPa ; section de capture à 2 200 m/s : 0,185 barn. En 1952, on découvre accidentellement que l’addition d’une faible quantité d’acier inoxydable améliore considérablement la tenue du zirconium à la corrosion par l’eau : le mélange est appelé zircaloy. Des améliorations successives conduisent à la création du zircaloy 4, puis de l’alliage M5 (addition d’étain et de niobium pour améliorer les propriétés mécaniques). Les propriétés mécaniques du zirconium sont fortement anisotropes, et les propriétés de l’alliage vont donc dépendre de son historique thermomécanique (depuis la fusion jusqu’au produit fini), marquant ainsi une forte hérédité.

542

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

En 1961, le Conseil des Ministres d’Euratom se prononce en faveur d’une participation financière d’Euratom aux réacteurs civils de puissance. Cette participation est prévue pour la Centrale des Ardennes à Chooz à la frontière belge. EDF se lance dans l’aventure des REPs. Chooz A diverge le 18 octobre 1965 avec du combustible 15×15 gainé en acier. En 1968, EDF est autorisée par le Gouvernement à prendre part à la réalisation d’un REP à Tihange en Belgique. La bascule sur un programme tout REP s’effectue en 1969 avec la commande de Fessenheim 1 en 1971 au titre du 5e plan. Fessenheim 1 diverge le 7 mars 1977 et son combustible 17×17 est alors très proche de ce que nous connaissons aujourd’hui. Le passage du 15×15 au 17×17 petit diamètre permet de baisser la puissance linéique, donc de baisser les températures dans le barreau, mais il faut bien entendu plus de crayons pour un même service rendu. Le combustible ne va alors jamais cesser de s’améliorer. En 1985, Framatome propose le modèle AFA (pour Advanced Fuel Assembly) ; on remplace les grilles en Inconel du concept américain par du Zircaloy 4 à basse teneur en étain, pour diminuer encore plus les aspects neutrophages des grilles (correspondant à 0,07 % d’U5), et l’activité des produits de corrosion (–12 %). À partir du concept AFA 2G (pour 2e génération) 14 , on a renforcé la structure du squelette de l’assemblage pour diminuer les déformations d’assemblages 15 , suite aux problèmes d’insertion incomplète de barre apparus à Ringhals (Suède) en 1994, avec une nouvelle grille, un dispositif anti-débris, et une nature de Zircaloy 4 bas étain. Sur le concept AFA, on a ajouté par rapport à l’assemblage standard des liaisons démontables sur les tubes guides et des pièces d’extrémité de l’embout afin de faciliter le démontage et le remplacement de crayons défectueux grâce à un outillage spécial, ou un remontage complet dans un squelette neuf. On rajoute une grille anti-débris en pied d’assemblage pour limiter l’effet d’objets migrants. Le Zircaloy 4 détendu à bas étain améliore encore les propriétés du gainage. On modifie le tracé des ailettes de grille pour améliorer les performances thermohydrauliques de mélange (Figure 5.6), et les grilles sont carénées pour réduire les dommages dus aux interactions entre assemblages dans les phases de chargement/déchargement. Enfin, on augmente les enrichissements pour augmenter les temps de résidence en réacteur (haut taux de combustion). Cela s’accompagne d’évolutions méthodologiques dans le calcul des accidents de conception pour gagner des marges. Le combustible AFA 2G, testé à partir de 1985 (Figure 5.30), participera aux recharges de 1992 à 1997. À partir de 1997, on augmente le diamètre interne des tubes guides et leur épaisseur (AFA 2GE) pour rigidifier encore plus le squelette. La génération suivante à partir de 1999, l’AFA 3G, vise à limiter toujours plus la déformation des assemblages, problème qui s’est généralisé sur le palier de 1 300 MWe, en jouant sur la perte de charge des embouts et en utilisant des tubes guides encore plus résistants. L’embout inférieur est amélioré avec un dispositif anti-débris comportant plus de rivets de maintien, une perte de charge réduite et un encombrement R  minimum (concept Trapper ). La structure en AISI 304 est surmontée d’une épaisse grille anti-débris en AISI 660 ayant des caractéristiques de tenue mécanique améliorée. Le tube guide est maintenant monobloc et le nombre de lames de ressort de maintien 14 Pour plus de détails sur l’AFA 2G : Philippe Clergue, Jacques Dodelier, Joël Jouan : L’AFA 2G, un assemblage pour une plus grande souplesse d’exploitation, Revue Générale Nucléaire, n◦ 4, juillet-août 1992, pp. 324-331, en français et en anglais. 15 Sur la physique de la déformation des assemblages, on consultera [Olander, 1976] p. 566, qui traite (déjà !) du problème dans tout un chapitre.

543

5. Le cœur et le combustible du réacteur

Fig. 5.6 – Détail des ailettes d’une (portion de) grille de mélange (type AFA).

R 

Photo 5.1 – Grille anti-débris Trapper (d’après

16

) de l’AFA 3G. Les trous pour enchâsser les 24 tubes guides sont bien visibles, de même que le trou central pour le tube d’instrumentation. Le tamis supérieur à maillage fin retient d’éventuels débris.

passe à 3 au lieu de 4 sur l’assemblage 900 MWe, et à 4 au lieu de 5 sur l’assemblage 1 300 MWe. Enfin, l’assemblage AFA 3G avancé (sigle AA) voit le remplacement du Zircaloy 4 par du M5 (zirconium allié à du niobium 17 ) aux performances remarquables contre la corrosion. La Figure 5.7 résume les différentes évolutions des combustibles Framatome.

16 P. Blanpain, G. Masuy, J.C. Peyran, G. Ravier : The Framatome PWR fuel, Revue Générale Nucléaire International edition, Vol. B, December 1997, pp. 18-21. 17 Sur le niobium, lire [Quarrell, 1961], en particulier sur l’oxydation, p. 181.

Fig. 5.7 – Évolution des combustibles Framatome-Areva dans le parc français (infographie Loïc Was).

544 La technologie des réacteurs à eau pressurisée

5. Le cœur et le combustible du réacteur

545

Fig. 5.8 – Les différentes échelles au niveau du cœur. La maille élémentaire, dite « cellule », est constituée d’un crayon combustible entouré d’eau. On groupe ces crayons combustibles dans un réseau élémentaire autour d’un squelette de grilles et de tubes-guides, appelé assemblage. On place plusieurs assemblages dans le cœur actif du réacteur.

5.3.2

Technologie du crayon combustible

Généralités [Bailly et al., 1996] p. 287 À part le combustible sous forme de plaque utilisé en propulsion navale, l’ensemble des REPs de puissance dispose d’un combustible sous forme d’un barreau cylindrique de pastilles d’UO2 enfermées par empilement dans une gaine métallique. Cette gaine a comme fonction principale d’isoler le combustible de l’eau et d’éviter la dissémination des produits de fission gazeux ou solubles dans l’eau du primaire. Le maintien de l’étanchéité des gaines est l’un des objectifs majeurs de la sûreté. Pour éviter tout dommage, il faudra éviter que la température de la gaine monte trop et/ou que le flux de chaleur à évacuer soit trop fort, pour éviter la caléfaction, c’est-à-dire l’asséchement de la paroi externe de la gaine. Cette caléfaction apparaît si le flux de chaleur est voisin de 180 W/cm2 . On parle alors de dépassement du flux critique. Bien entendu, on s’arrangera par conception à ne jamais atteindre cette valeur de flux critique, avec une marge confortable donnée par le rapport d’échauffement critique minimum (RECmin ), rapport du flux critique sur le flux maximal dans le cœur (valeur de l’ordre de 1,3-1,4), et qu’on évalue par des corrélations fournies par les constructeurs car le flux maximal dépend fortement de la géométrie. Nous ne développerons pas plus avant ce sujet qui constitue un enjeu de sûreté primordial dans le cadre de ce livre focalisé sur la technologie, et qui nécessite un traitement méritant un livre à lui tout seul. Les barreaux, communément appelés « crayons combustibles » d’après leur forme, sont placés selon un pas carré (REPs d’origine Westinghouse, Figure 5.8), ou triangulaire (réacteurs VVER d’origine russe ou concept RCVS). Les assemblages, qui peuvent être fermés dans un boîtier ou ouverts sans boîtier, sont ensuite placés dans le cœur. Le nombre de crayons et leur hauteur dépendent de la technologie retenue, mais un standard de 17×17 crayons s’est rapidement imposé en France.

546

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 5.9 – Géométrie d’une pastille combustible (voir aussi [Bailly et al., 1996] p. 301). Ces valeurs sont des cotes de référence à la fabrication. La pastille subit dans le cœur de très fortes déformations (dilatation thermique, fissuration, fragmentation, présence de gaz de fission à l’intérieur de la pastille).

Fig. 5.10 – Effet « Diabolo » sur une pastille pour une puissance linéique de 500 W/cm. L’effet Diabolo résulte de la dilatation thermique d’un cylindre « parfait ». L’allongement du matériau en 3 dimensions crée une forme de diabolo caractéristique.

Pour construire le crayon combustible, on empile des pastilles d’oxyde d’uranium enrichi fritté (diamètre de la pastille 8,192 mm, hauteur 13,46 mm, Figure 5.9), dont les coins du cylindre sont chanfreinés et comportant un léger évidement sur les faces supérieure et inférieure. L’objectif de ces pertes de matière est de compenser partiellement l’effet « diabolo » (Figure 5.10), créé par la dilatation thermique d’un cylindre parfait. Les pastilles d’oxyde d’uranium sont formées à partir de poudre, pressées à froid puis frittées à 1 650 ◦ C sous atmosphère d’hydrogène pour obtenir une haute densité (environ 95 % de la densité théorique). La colonne fissile est maintenue en compression par un ressort en Inconel, placé en haut de colonne. Le ressort est isolé par une

5. Le cœur et le combustible du réacteur

547

Fig. 5.11 – Constitution d’un crayon combustible. Un crayon présente une hauteur de

4,488 m, pour une colonne combustible de 3,66 m (CPY). Son diamètre extérieur est de 9,5 cm. La colonne de pastilles est maintenue par un ressort et les bouchons d’extrémités sont soudés. Le bouchon supérieur comporte un orifice appelé queusot, qui est utilisé pour introduire un gaz inerte de pressurisation, de l’hélium sous pression à 34 bars. Cet orifice est ensuite obturé par une soudure après mise sous pression (voir aussi [Bailly et al., 1996] p. 295).

rondelle d’alumine (Figure 5.11). La présence du ressort crée une zone vide qui sert de volume d’expansion, pour encaisser le relâchement des gaz de fission qui apparaîtra en cours de fonctionnement et lors de la fissuration de la pastille en fonctionnement. À la fabrication, le crayon est initialement pressurisé par environ 31 bars d’hélium (+ 1 bar d’air). Le Tableau 5.2 reprend les différentes caractéristiques des combustibles des paliers français.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Tab. 5.2 – Caractéristiques géométriques des crayons combustibles des différents paliers.

Nombre de crayons actifs par assemblage Rayon de la pastille combustible (à froid, cm) Jeu pastille-gaine (cm) Épaisseur de la gaine (cm) Diamètre intérieur de la gaine (cm) Diamètre extérieur de la gaine (cm) Hauteur de la colonne combustible active (cm)

CPY 264

P 4 − P 4 264

N4 264

EPR 265

0,4095

0,4095

0,4095

0,4096

0,0085 0,057 0,836 0,950 366,0

0,0085 0,057 0,836 0,950 426,7

0,0085 0,057 0,836 0,950 426,7

0,0084 0,057 0,836 0,950 420,0

L’oxyde d’uranium est soit légèrement enrichi en U235 (moins de 5 %), soit un mélange d’oxyde de plutonium 18 PuO2 sur support d’uranium appauvri (MOX). La France fait aujourd’hui grand usage de ces combustibles MOX dont la teneur peut atteindre environ 10 % et dont la répartition spatiale dans l’assemblage est zonée pour accommoder la transition de puissance lorsque l’assemblage MOX est entouré d’assemblages UOX ne contenant que de l’oxyde d’uranium. La plus grande section de fission du plutonium tend à créer des pics de puissance sur les crayons MOX aux interfaces. On lénifie ce problème en diminuant la teneur en plutonium des crayons périphériques selon la Figure 5.12. Le gainage en Zircaloy [Bailly et al., 1996] p. 292, p. 361, [Berge et Zacharie, 1997] p. 73 Le gainage combustible est constitué d’un alliage de zirconium appelé le Zircaloy. Le zirconium 19 (Photo 5.2) a été découvert en 1789 par Martin Heinrich Klaproth 20 (aussi le découvreur de l’oxyde d’uranium), sous sa forme oxyde, puis 18

Sur les propriétés de l’oxyde de plutonium : [Samsonov, 1982]. Sur les propriétés du zirconium, lire tout spécialement [Elinson et Petrov, 1969] et[Cailletaud et Lemoine, 1982]. 20 Martin Heinrich Klaproth (1743-1817) : né à Wernigerode et mort à Berlin, Klaproth est le second d’une fratrie de 3 frères. Son père perd tout son argent dans un incendie en 1751 et il doit très tôt subvenir à son éducation, qu’il jugera toujours incomplète. À l’âge de 16 ans, il se destine à être apothicaire, métier qu’il apprend à Quedlinburg. Il entre dans le laboratoire public de Hanovre de 1766 à 1768, puis devient assistant dans le laboratoire de Wendland. En 1770, il devient assistant à Dantzig, puis retourne l’année suivante à Berlin où il devient l’assistant de Valentin Rose, un chimiste allemand très connu. À la mort de celui-ci en 1771, Klaproth reprend la direction de son laboratoire. Il devient d’ailleurs un père pour les deux fils de Rose, dont un fera des études de médecine. Klaproth soutient une thèse « Sur le phosphore et les eaux distillées » imprimée à Berlin en 1782, puis achète le laboratoire Flemming de la rue Spandau. Il épouse Sophia Chritiana Lehman, dont il aura trois filles et un fils. Il publie une multitude d’essais dans les journaux scientifiques de son temps : le journal de Köhler, les contributions aux sciences de la nature et à la médecine de Selle, qui en font un des premiers chimistes analytiques. On lui doit des travaux sur l’ammoniaque, le tungstène, mais il découvre aussi le zirconium, hautement utilisé dans l’industrie nucléaire, le chrome ainsi que le cérium. En 1788, il devient membre ordinaire de l’Académie des sciences de Berlin. Il publie en 1795 l’ensemble de ses travaux sous le titre Contribution à la connaissance chimique des minéraux, dont 6 tomes étaient sortis à l’année 1815. Puis un septième tome comprenant des essais dispersés et un index des travaux précédents. Il supervise une nouvelle édition corrigée par ses soins du manuel 19

5. Le cœur et le combustible du réacteur

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isolé sous forme métal par Jöns Jacob Berzelius 21 , à partir de Zircon, appelé autrefois Jacinth 22 . Le zircon est une gemme connue depuis avant Jésus Christ, utilisé de nos jours en remplacement de diamants en joaillerie, du fait de son faible prix et de sa ressemblance (trompeuse). Le zirconium se trouve toujours sous forme d’oxyde sur la Terre, éventuellement mélangé avec de la silice. Le zirconium (Photo 5.2, Photo 5.3) est un sous-produit de l’industrie verrière qui, une fois bien épuré de son bore résiduel (grâce au procédé de Zalman Shapiro, un ingénieur chimiste américain parmi les artisans du premier sous-marin nucléaire américain : le Nautilus), produit un métal particulièrement intéressant pour les applications nucléaires. Le premier alliage de zirconium utilisé industriellement dans les réacteurs de puissance était le Zircaloy 2 23 (1,5 % de Sn, 0,14 % de Fe ; 0,05 % de Ni, 0,10 % de Cr impuretés en B < 0,08 % ; en Cd < 0,03 % ; en Hf < 0,03 % ; en Co < 0,001 % ; O < 2 200 ppm ; H < 21 ppm). Le zirconium pur, bien que possédant des propriétés de transparence aux neutrons, se révèle à l’usage résister piètrement à la corrosion de chimie de Gren. Klaproth a introduit dans l’analyse des minéraux durs l’usage de l’attaque par des alcalins caustiques, dans des creusets en argent. Il a aussi introduit l’usage de l’analyse par des barytes, pour attaquer les minéraux comportant déjà des alcalins, donc non détectables par une attaque alcaline. Ces deux méthodes ont permis des mesures de composition très précises inférieures au centième. Il sélectionna de manière précise les instruments (cuves, bassines, serpentins. . . ) utilisés pour contenir les mixtures, remarquant leurs effets induits sur les mesures. Klaproth est partisan des principes du chimiste français Claude-Louis Berthollet (1748-1822). Il devient membre correspondant de nombreuses Académies des sciences, telles que Paris, Londres, Saint-Petersbourg, Stockholm, Copenhague et Munich, et reçoit du roi de Prusse l’ordre de l’Aigle Rouge de 3e classe en 1811 pour distinguer ses travaux. Il donne des cours de chimie aux officiers du corps royal d’artillerie, en tant que professeur à l’Académie d’artillerie de Tempelhof, puis à l’École royale de guerre. Il est enfin professeur de chimie à l’université de Berlin. Klaproth travaille à éclairer le mouvement francmaçon dont il fait partie pour éviter les errements alchimiques et autres affabulations qui s’étaient introduites dans le mouvement. D’après M. Ficher’s memoir of the life of Klaproth, the Edinburgh philosophical journal, Vol. 5, Part 2, n◦ 10, pp. 319-334, October 1821.

Martin Heinrich Klaproth Jöns Jacob Berzelius (1779-1848) est un chimiste suédois qui fit à la fois des études de médecine et de chimie. Il se livre à de très nombreuses expériences analytiques en chimie. Il découvre le cérium en 1807 avec Hisinger, le sélénium en 1817 avec Johan Gottlieb Gahn, et le thorium en 1829. Il isole le zirconium en 1824. 21

Jöns Jacob Berzelius peint par Johan Sandberg. Clifford Frondel : Zirconium : Mineralogy and Geochemistry, 2nd Nuclear Engineering and science Conference, March 11-14, 1957, Philadelphia, USA, published by the American Society of Mechanical Engineers, New-York, 1957. 23 Frederick Forscher : Effect of cold work on the mechanical properties of Zircaloy 2, 2nd Nuclear Engineering and science Conference, March 11-14, 1957, Philadelphia, USA, published by the American Society of Mechanical Engineers, New-York, 1957. 22

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 5.12 – Zonage standard d’un combustible MOX de type Framatome.

Photo 5.2 – Zirconium, le métal de l’ère atomique, couverture du n◦ 97 de la revue Atomes, avril 1954 (collection Marguet). Le zirconium, une fois épuré de ses impuretés, dispose d’une section efficace de capture inférieure à celle des autres métaux, sauf le béryllium (trop cher !) et le magnésium (mais qui fond à 650 ◦ C donc à relativement basse température). Le zirconium métal, qui fond à 1 855 ◦ C, présente donc un grand intérêt pour l’industrie nucléaire. En 1924, A.E. Van Arkel et J.H. de Boer ont mis au point un procédé de purification basé sur l’instabilité à haute température de l’iodure de zirconium. Vers 1950, le métallurgiste luxembourgeois W.J. Kroll (1889-1973) a mis au point au États-Unis la réduction de tétrachlorure de zirconium par le magnésium qui produit de l’« éponge » de zirconium pur. Le zirconium présente une métallurgie difficile comportant une attaque du minerai, chloration et séparation du hafnium et réduction en métal pur.

5. Le cœur et le combustible du réacteur

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Photo 5.3 – Un lingot de zirconium pur. Ce type de lingot peut peser jusqu’à 6 tonnes (photo Cezus). à haute température [Cohen, 1969] p. 315. Le Zircaloy 2 aurait été découvert par hasard en août 1952, suite à une pollution accidentelle d’un lingot de zirconium par une petite quantité d’acier inoxydable austénitique 24, 25 . Son évolution, le Zircaloy 4 (1,2 % < Sn < 1,7 % ; 0,18 % < Fe < 0,24 % ; 0,07 % < Cr < 0,13 % ; 0,09 % < 0 < 0,16 % ; 0,015 % < C < 0,027 %, Ni < 0,007 %), présente une meilleure résistance à l’oxydation et un niveau d’impuretés plus faible 26, 27 . Le Zircaloy 4 présente d’autre part une charge à la rupture voisine de celle de l’acier et une conductivité thermique acceptable. L’acier inoxydable, initialement utilisé dans certains gainages en particulier dans les BWRs, va totalement disparaître au profit du Zircaloy 28 , à cause de la corrosion sous contrainte de l’acier. Le tube en Zircaloy (Figure 5.13) est fermé par deux bouchons haut et bas aussi en Zircaloy. Le choix du zirconium comme métal principal entrant dans la fabrication des gainages vient de ses très bonnes qualités neutroniques, car une fois correctement 24 Jean-Louis Nigon, Michel Ponticq, Michel Watteau, J.P. Robin : Les produits combustibles dans les REP EDF : origines, évolutions et progrès apportés, Revue Générale Nucléaire, n◦ 2, mars 2008, pp. 27-31. 25 Jacques Decours : Le zirconium, vertus et défauts, Clefs n◦ 17, Revue scientifique du CEA, automne 1989, pp. 17-27. 26 J. Thomazet : Prévention de la corrosion des gaines de zircaloy, Corrosion et métallurgie des matériaux nucléaires, INSTN, session de formation, 1996. 27 J. Thomazet : Amélioration de la résistance à la corrosion du gainage Zircaloy 4 : de l’AFA à l’AFA 2G, Corrosion et métallurgie des matériaux nucléaires, INSTN, session de formation, 1996. 28 J. Joseph, D. Magnin, F. Obadia, V. Rebeyrolle : Le zirconium au cœur de la conception de l’assemblage nucléaire, Revue Générale Nucléaire, n◦ 3, mai-juin 1992, La filière française du zirconium.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 5.13 – Produits fabriqués en zirconium pour les assemblages nucléaires (adapté de 29 ). purifié de ses impuretés de bore ou de hafnium, le zirconium pur se révèle très transparent aux neutrons. Sa section de capture extrêmement faible (de l’ordre de 0,01 barn à 2 200 m/s) en fait un candidat au gainage des crayons combustibles beaucoup plus intéressant que l’acier, l’aluminium 30 ou le magnésium, utilisés dans les gainages des cartouches combustibles UNGG. Areva a développé un nouveau gainage à la fin des années 1980 à base de zirconium allié à du niobium : le gainage M5. Ce gainage présente d’excellentes caractéristiques face à l’oxydation externe (Figure 5.14), permettant concrètement d’éliminer les critères de couche d’oxyde maximale permissible. Du combustible gainé M5 a été introduit expérimentalement dès 1995 et ce gainage est maintenant systématiquement déployé sur les tranches françaises. Les poisons consommables Pour augmenter les longueurs de campagne, on est amené à augmenter l’enrichissement en uranium, mais il faut alors compenser la sur-réactivité de l’assemblage neuf par des poisons consommables comme le gadolinium en plaçant de l’oxyde de gadolinium mélangés au combustible de certains crayons (Figure 5.15).

29 Jean-Dominique Barbat : Le concepteur et le producteur d’alliages, Revue Générale Nucléaire, n◦ 3, mai-juin 1992, La filière française du zirconium. 30 Sur l’aluminium et ses alliages, lire [Vargel, 1979]. L’aluminium est un métal léger (densité 2,7), qui résiste bien à la corrosion atmosphérique.

5. Le cœur et le combustible du réacteur

553

Fig. 5.14 – Comparaison des épaisseurs d’oxyde du gainage M5 par rapport au

Zircaloy 4 en fonction du taux de combustion 31 . Le résultat est éloquent et montre que la couche de zircone (oxyde de zirconium 32 ) sur le M5 ne dépassant pas 30 microns, se stabilise alors que le Zircaloy 4 continue à s’oxyder.

Fig. 5.15 – Assemblage AFA3GLE sans et avec 12 crayons gadoliniés (en noir).

31 G.L. Graner, J.P. Mardon, I.G. Mensah : Performance of Alloy M5 cladding and structure at burnups beyond the current licensing limit in U.S. reactors, Revue Générale Nucléaire, n◦ 6, novembre 2007, pp. 80-83. 32 Sur les propriétés de l’oxyde de zirconium : [Samsonov, 1982].

554

5.3.3

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Technologie des assemblages

[Bailly et al., 1996], [Leclercq, 1988] p. 312, [Tong et Weisman, 1996] p. 96 Généralités Un assemblage combustible, comme son nom l’indique, est un assemblage rigidifié de crayons combustibles qui mesure environ 4 m de hauteur et pèse 665 kg (CPY). Les crayons des divers fabricants se ressemblent fondamentalement (Figure 5.16), ce qui permet une relative interopérabilité au niveau du choix des assemblages pour un opérateur de tranche. Comme il n’y a pas d’emboîtage maintenant ensemble les crayons, ils sont enfilés dans un squelette constitué de grilles (Figure 5.21) et de tubes creux, les tubes guides, servant de tirants et de guides pour les barres de contrôle. Notons que les crayons, qui sont enfilés par simple coulissement, ne sont ni enchâssés en pied d’assemblage (Photo 5.5), ni en tête (Figure 5.25), de telle sorte qu’ils sont libres de se dilater thermiquement. L’assemblage est terminé par un embout supérieur (tête) et un embout inférieur (pied) qui sont des pièces usinées et soudées comportant de nombreuses lumières destinées à laisser passer le fluide. Leurs cadres comportent des logements femelles capables de recevoir les pions de centrage mâles disposés sur la plaque inférieure et sous la plaque supérieure du cœur, ce qui permet de placer correctement les assemblages par rapport aux internes de cuve. Le concepteur doit s’assurer que le jeu entre les crayons et les embouts soit toujours strictement positif, même en fin de vie où les crayons ont grandi sous irradiation. L’embout supérieur est équipé de 4 ressorts multilames comprimés par la plaque supérieure de cœur, et qui maintiennent par compression l’assemblage de façon immobile axialement en contrecarrant la poussée hydrodynamique de l’eau mise en mouvement par les pompes primaires avec un très fort débit (70 000 m3 /h pour le CPY). Malgré son poids, ce débit serait suffisant pour faire « décoller » l’assemblage de son emplacement sans contre-pression. Les crayons sont tout de même maintenus axialement par la contrainte de ressorts lames placés radialement dans chaque trou des grilles de maintien. Les grilles sont formées d’un réseau carré de plaquettes assemblées par soudure. La grille comporte 17×17 alvéoles, soit 289 cellules. Les tubes guides (×24) et le tube central (×1), dit d’instrumentation et légèrement plus gros que les autres tubes guides, sont solidaires des grilles, tête et pied d’assemblage. Les grilles maintiennent les crayons actifs par un système de ressorts et de bossettes dont l’action s’exerce dans deux plans perpendiculaires, alors que les tubes guides et le tube d’instrumentation sont soudés sur les grilles par un manchon. Les grilles ont aussi une fonction importante de mélange pour homogénéiser la température de l’eau en sortie de grille [Tong et Weisman, 1996] p. 255, tout particulièrement en haut de l’assemblage (dernière grille) où on recherche par conception l’ébullition nucléée pour améliorer l’échange de chaleur vers le fluide 33 . Le nombre de crayons a varié selon les époques et les fabricants, d’un motif 7×7 à un motif 17×17 positions. C’est ce dernier motif qui est utilisé en France, soit 264 crayons combustibles, 24 tubes guides (appelé aussi trous d’eau par les neutroniciens qui prennent en compte la fonction modératrice de l’eau contenue à l’intérieur) et un tube d’instrumentation unique central (Figure 5.17). 33 En ébullition nucléée, le coefficient d’échange à la paroi gaine/fluide augmente considérablement et améliore l’échange gaine-fluide. Bien entendu, il faut se garder une marge conséquente par rapport au flux critique.

5. Le cœur et le combustible du réacteur

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Fig. 5.16 – Comparaison des crayons combustibles de différents fabricants. Si le principe est globalement le même, on voit des différences sur les bouchons et sur l’évidement des pastilles.

Notons que dans le cas de l’EPR, ce tube d’instrumentation est remplacé par un crayon combustible semblable aux autres, dans l’objectif de baisser la puissance linéique moyenne du cœur (ce sont des tubes guides qui servent à l’instrumentation dans des assemblages non grappés).

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 5.17 – Écorché d’un assemblage REP 17×17. Les grilles Les grilles de maintien sont appelées aussi grilles de mélange (Figure 5.18, Photo 5.4), car elles ont une double fonction mécanique de maintenir les crayons et une fonction thermohydraulique importante de mélanger l’eau des canaux hydrauliques et d’améliorer les performances thermiques de l’assemblage (en homogénéisant le fluide

5. Le cœur et le combustible du réacteur

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Photo 5.4 – Grille en Zircaloy 4 (photo Cogema).

Fig. 5.18 – Détail d’une grille AFA2G autour d’un tube guide. Le tube guide est solidaire par soudage à la grille, alors que les crayons combustibles sont « enfilés » dans leur logement et ne tiennent que par le maintien de ressorts (voir aussi [Bailly et al., 1996] p. 291).

par mélange avec de l’eau plus froide autour des tubes guides non chauffant, on retarde l’apparition de points chauds). Une grille est constituée d’éléments métalliques crénelés assemblés pour former un réseau à pas carré régulier, dont la rigidité est assurée par brasure aux angles de chaque maille du réseau.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Les mailles destinées à recevoir un tube guide contiennent un manchon en acier lié aux plaquettes par brasure ou par soudage par points. Historiquement, le matériau utilisé était en Inconel 718 dans le concept Westinghouse, mais des évolutions ultérieures introduites par Framatome ont préféré le Zircaloy 4 à partir du concept AFA 2G. Au niveau de chaque cellule à crayon, un double système de ressorts et de bossettes maintient le crayon. Les ressorts en Inconel 718 maintiennent les crayons (Figure 5.19) au centre du trou de la grille et garantissent un écartement suffisant des crayons pour assurer le refroidissement. Chaque ressort possède deux branches montées de part et d’autre des plaquettes. Le montage du ressort est fait de telle façon à empêcher la rotation de l’une de ses extrémités en cas de rupture. Le tube guide est soudé par point à la structure de la grille (Figure 5.20).

Fig. 5.19 – Liaison grille/crayon combustible. La grille n’est pas soudée au crayon, qui peut coulisser axialement avec une poussée suffisante pour vaincre la compression latérale des ressorts de grille. Un tel assemblage est effectué au montage de l’assemblage avec précaution pour ne pas rayer les gaines.

Deux types de grilles sont utilisés, soit 6 (8 à partir du P4) grilles de mélange à ailettes (Figure 5.21) dans la zone active de l’assemblage et deux grilles, supérieure et inférieure, sans ailettes qui ont un rôle de positionnement. Les embouts et la tête d’assemblage [Bailly et al., 1996] p. 292 L’embout inférieur (Figure 5.22, Figure 5.28, Photo 5.5) garantit la tenue des tubes guides et répartit le débit axial, avec une grille dont le tamis doit arrêter des débris migrant dans le circuit primaire (pour éviter d’endommager les gaines des crayons

5. Le cœur et le combustible du réacteur

559

Fig. 5.20 – Liaison grille/tube guide.

Fig. 5.21 – Dessin d’une grille de mélange et pas du réseau. combustibles). L’embout inférieur a vu plusieurs améliorations portant sur le tamis anti-débris, l’idée étant que la maille du tamis devienne plus petite que la section de passage d’une grille autour d’un crayon (Figure 5.23). L’embout supérieur (Figure 5.24, Figure 5.26, Photo 5.6) a le même rôle que l’embout inférieur, mais avec une fonction de manutention via un système d’accrochage par ressort (Figure 5.27) par le grappin de manutention.

560

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 5.22 – Détail d’embout inférieur (AFA). Les trous représentés servent à laisser passer l’eau, sauf certains trous où on enchâsse les 24 tubes guides et le tube d’instrumentation central.

Fig. 5.23 – Évolution de la grille anti-débris de Westinghouse (adapté de

34

). On

constate le tamis nettement plus fin de la nouvelle grille de droite.

Deux pions de centrage (Figure 5.29) placés en pied d’assemblages permettent de positionner précisément l’assemblage radialement. Une fois placé dans sa position, l’assemblage devra résister aux forces d’envol hydrauliques provoquées par le débit d’eau. Notons qu’il faut tenir compte au niveau du dimensionnement de l’effet de grandissement de l’assemblage sous irradiation. 34 J.M. Shallenberg, J.F. Wilson, R.P. Knotte : PWR fuel features to preclude externally induced damage, Transactions for the American Nuclear Society, Supplement n◦ 1 to volume 54, 1987, pp. 160-161.

5. Le cœur et le combustible du réacteur

561

Fig. 5.24 – Tête et pied d’assemblage.

La partie active [Bailly et al., 1996] p. 301 La colonne fissile à froid des assemblages (CP0, CPY : 157 est de 366 cm (12 pieds : CP0, CPY) ou de 426,7 cm (14 pieds : P4, P’4, N4). Par contre, la hauteur hors-tout est de 405,8 cm (CP0, CPY), 479,54 cm (P4-P’4) ou 479,32 cm (N4). Le côté d’assemblage est de 21,4 cm pour tous les paliers, porté à 21,504 cm si on intègre la lame d’eau inter-assemblage. La masse totale d’un assemblage est de 664 kg (12 pieds : CP0, CPY) ou 780 kg (14 pieds : P4, P’4, N4). Chaque assemblage contient 264 crayons, 24 tubes guides et 1 tube d’instrumentation, à l’exception de l’EPR dont le tube d’instrumentation central a été remplacé par un crayon combustible. Plusieurs fabricants

562

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 5.25 – Structure d’un embout supérieur avec grille alvéolée (à gauche) et d’un embout inférieur avec sa grille anti-débris (à droite) - Image Areva pour une publicité dans Nuclear News. L’embout supérieur assure une protection partielle des crayons par le dessus. Il protège aussi des écoulements transverses les barres de contrôle dans la partie non guidée entre la plaque adaptatrice et l’extrémité inférieure des guides de grappe des internes supérieurs. proposent des combustibles plus ou moins interchangeables (Figure 5.7, Figure 5.31, Figure 5.32).

5.3.4

Le combustible MOX

[Bailly et al., 1996] p. 313, [Gestion du plutonium séparé, 1997] Un réacteur à spectre thermique produit environ 28 kg de plutonium par TWh [Plutonium management, 2003] p. 9. Le plutonium produit par des réacteurs à eau pressurisée ne peut être utilisé pour la fabrication d’armes atomiques au plutonium, dans la mesure où celui-ci comporte une grande quantité d’isotopes pairs impropres à ce mode d’utilisation (un plutonium très pur en Pu239 est requis). C’est pourquoi il est d’usage de dire que la filière REP est non proliférante. Par contre, ce plutonium peut être utilisé avec profit pour recharger un réacteur surgénérateur à spectre rapide, mais aussi remplacer l’U235 dans un réacteur à spectre thermique. La première expérience visant à introduire du plutonium sur support d’uranium appauvri dans un réacteur thermique, a été effectuée en 1963 à titre d’expérimentation dans le réacteur BR-3 en Belgique. Des expérimentations diverses ont ensuite eu lieu aux États-Unis (Saxton, 1965), puis en Allemagne (Kahl, 1966, et Obrigheim en 1972). En 1978, la société NOK en a introduit dans le réacteur de Beznau. En France, c’est dans le réacteur de Chooz A qu’on introduit du MOX en 1973, mais c’est en 1987 qu’un véritable déploiement industriel a lieu dans le réacteur de Saint Laurent B1. EDF a

5. Le cœur et le combustible du réacteur

563

Photo 5.5 – Pieds d’un assemblage neuf de la centrale de Saint Alban (P4). On voit bien sur la photo l’espace qu’il y a entre le bout des crayons actifs et le pied de l’assemblage. L’ensemble est tenu par les tubes guides. On visualise aussi la grille inférieure qui maintient les crayons. Notons aussi qu’il n’y a pas de précautions particulières de radioprotection du fait que l’assemblage n’est pas irradié.

Fig. 5.26 – Extrémité supérieure de l’assemblage (CP0).

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 5.27 – Détail des ressorts d’accrochage de l’embout supérieur (image Areva pour une publicité dans Nuclear News).

Fig. 5.28 – Extrémité inférieure de l’assemblage (CP0).

Photo 5.6 – Embouts supérieur et inférieur du Robust Fuel Assembly (RFA) de l’European Fuel Group (Westinghouse et Enusa). Westinghouse a généralisé l’utilisation du Zirlo optimisé aux embouts, après avoir remplacé le Zircaloy des gaines en 1989 dans son concept Vantage + (adapté de 35 ). 35 Miguel Aullo, David Charpin, Philippe Bellanger ; European Fuel Group – Combustible pour réacteur à eau pressurisée. Expérience et évolution du produit, Revue Générale Nucléaire, n◦ 4, juillet-août 2006, pp. 55-58.

5. Le cœur et le combustible du réacteur

565

Fig. 5.29 – Pion détrompeur de positionnement d’assemblage.

acquis une expérience très importante dans le domaine de l’utilisation du MOX en généralisant des recharges partielles dans l’ensemble de ses 16 réacteurs CPY. Historiquement, le retraitement du combustible des premiers réacteurs français UNGG avait pour vocation la production de plutonium militaire. La volonté d’obtenir une excellente isotopie en Pu239 limitait le taux de combustion de déchargement et favorisait le chargement continu comme dans le cas des UNGG. Comme nous l’avons déjà évoqué, cette stratégie n’est pas de mise dans le cas des REPs. La stratégie d’EDF a consisté à se doter d’un stock stratégique de plutonium pour pouvoir lancer une filière rapide (PHENIX puis SUPERPHENIX). Les déboires de celle-ci créent l’opportunité d’une réutilisation de plutonium dans les REPs : le recyclage du plutonium. Le concept Mixed Oxide (MOX) vise à réutiliser le plutonium issu du recyclage des assemblages REP à La Hague, en remplacement d’uranium enrichi. Le combustible est alors constitué d’oxyde de plutonium P uO2 à hauteur d’environ 6 % en teneur, et d’oxyde d’uranium appauvri en complément-support (Photo 5.7, Photo 5.8). Par rapport au combustible UOX traditionnel, on notera la faible décroissance du F ΔH en fonction du taux de combustion (par régénération plus efficace du plutonium dans le combustible due à la capture fertile de l’238 U ), l’augmentation du taux de combustible des assemblages MOX par rapport aux UOX (du fait des plus fortes sections de fission). Cette augmentation du taux de combustion conduit à une augmentation du relâchement des produits de fission gazeux dans le gap pastille-gaine, qui n’est pas sans conséquences radiologiques en cas de percement de la gaine.

5.3.5

Les poisons fixes

L’excès de réactivité dans le combustible est contrôlé par de l’adjonction d’acide borique dans l’eau du réacteur. Mais, au-delà d’une certaine concentration, le coefficient

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 5.30 – Publicité FRAGEMA des années 1990 parue dans Nuclear News.

de température modérateur devient positif, car l’effet de la diminution de la masse volumique de l’eau est compensé par la diminution de l’absorption du bore dans l’eau. C’est en début de vie que la concentration en bore est maximale au cours du cycle, et tout particulièrement pour les premiers cœurs. D’où l’idée de compenser une partie de la réactivité par des grappes d’absorbants fixes, en l’occurrence des barreaux de verre en borosilicate, appelé aussi Pyrex, contenant 12,5 % de B2 O3 en masse. Ces grappes sont insérées dans certains assemblages pour baisser leur réactivité, puis enlevées de ces assemblages à l’ouverture suivante de la cuve. Les assemblages initialement grappés (un néologisme facilement compréhensible) peuvent retourner en réacteur dégrappés (assemblages dits « ex-pyrex »). Notons que la concentration en bore 10 diminue au cours de l’irradiation dans les barreaux Pyrex (Figure 5.34). On a chargé jusqu’à 1 072 crayons Pyrex dans Fessenheim 101 (Figure 5.33),

5. Le cœur et le combustible du réacteur

567

Fig. 5.31 – Une publicité de combustibles REP dans Advanced Nuclear Fuels. pesant une anti-réactivité totale de 7 060 pcm. Ce mode d’empoisonnement, qui utilisait les tubes guides au détriment des grappes de contrôle, n’est plus utilisé de nos jours, remplacé par du poison consommable sous forme d’oxyde de gadolinium, mélangé dans le combustible.

5.3.6

Les poisons au gadolinium

L’augmentation des enrichissements, qui vise à augmenter les longueurs de campagne, pose un problème de réactivité en début de cycle, réactivité qui doit être compensée par de très fortes concentrations en bore, et des risques accrus en cas d’accident de dilution. On a choisi d’empoisonner volontairement le combustible par un poison consommable, l’oxyde de gadolinium Gd2 O3 , pour abaisser la réactivité en début de cycle. La composition isotopique du gadolinium naturel permet de lisser l’évolution du facteur de multiplication k∞ de l’assemblage. La physique neutronique de ce phénomène est décrite en détail dans [Marguet, 2018] p. 1064. Les isotopes impairs très absorbants du gadolinium vont disparaître par capture neutronique et produire des isotopes pairs moins absorbants, d’où une remontée de la réactivité en cours de cycle vers 20 000 MWj/t (on parle de « pic gadolinium », ce pic se situe à environ 80 % de l’avancement dans le cycle, soit 10 000 à 11 000 MWj/t d’irradiation cycle), qui vient compenser l’apparition des produits de fission capturants. Cette tactique s’est beaucoup développée dans le parc nucléaire français avec des assemblages comportant 8 crayons empoisonnés à 8 % en masse (Figure 5.35).

568

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 5.32 – Une publicité de Babcock et Wilcox des années 1990.

5.3.7

La perte d’étanchéité des crayons combustibles

La perte d’étanchéité des gaines du combustible entraîne une contamination du circuit primaire par les gaz de fission radioactifs (xénon, krypton) et certains produits de fission solubles (halogènes iodes et bromes, et césiums alcalins), présents dans le gap, en fonction de la taille du défaut. C’est pourquoi on effectue des tests de ressuage en cas de suspicion de défaut, à la fois au mât de chargement et en cellule BK. L’origine des défauts provient souvent de corps migrants (rondelles, vis. . . ) qui raillent les gaines quand ces corps transitent dans le cœur actif. La mise en place de grilles anti-débris en pied d’assemblage, de même qu’une propreté de chantier plus rigoureuse (mise en place de bâche au-dessus de la piscine BK par exemple, propreté des interventions dans la boîte à eau des GVs. . . ), a clairement fait baisser le taux de défaut sur le parc. On est ainsi passé d’un taux de perte d’étanchéité d’environ 0,5 % au début dans années 1990 à moins de 0,1 % en 2000. Dès qu’un cœur ne respecte pas la condition « cœur propre », on effectue des ressuages (simplifiés par mesure de gaz de fission en tête de mât) au mât de la machine de chargement pour caractériser l’assemblage selon une classification en 3 classes : « étanche », « non étanche » ou « douteux ». Les assemblages douteux ou non étanches sont isolés dans la cellule de ressuage du BK où ils sont chauffés pour produire les

5. Le cœur et le combustible du réacteur

569

Photo 5.7 – Manutention d’un assemblage MOX neuf. Le système de pesée indique 636 kg (photo Cogema). On constate que rien ne distingue extérieurement un assemblage MOX d’un assemblage UOX. Notons que le MOX présente une puissance inhérente 5 fois supérieure par radioactivité à celle de l’UOX, rendant l’assemblage MOX tiède au contact.

Photo 5.8 – Mise en container d’un MOX neuf à l’usine FBFC de Dessel (photo Cogema).

570

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 5.33 – Position des grappes Pyrex dans le cœur de Fessenheim 101.

conditions d’ouverture des fissures dans le RCP. Si on choisit de réparer l’assemblage, on démonte sa tête pour effectuer des mesures par ultrasons en appliquant une sonde ultrason sur le bouchon supérieur de chaque crayon et repérer ainsi le crayon fuitard. Le vocable « cœur propre » signifie que l’activité du xénon 133 (période 5,3 jours) est inférieure à 185 MBq/tonne d’eau primaire avec une absence de pic d’iode 131 (période 8,05 jours) lors du transitoire d’arrêt. Le critère « cœur sans défaut » se traduit par une activité de xénon 133 ne dépassant pas 1 000 MBq/tonne d’eau primaire, un rapport xénon 133 sur xénon 135 inférieur à 0,9 et l’absence de pic d’iode 131 lors du transitoire d’arrêt. La mesure de radioactivité du circuit primaire s’effectue par spectrométrie gamma d’échantillons liquides prélevés sur le RCP et non dégazés (Figure 5.36), à puissance réacteur quasi stable. La précision de ces mesures d’activité est de l’ordre de 10 %. Notons que depuis l’été 2002, EDF ne recharge plus les assemblages détectés « non étanches » au mât. Selon leur taux de combustion, les assemblages seront réparés, à savoir que le crayon repéré fuitard sera extrait de l’assemblage pour être remplacé par un crayon factice en acier. Ce taux de défaut a ensuite remonté pour des problèmes de fretting au droit des grilles, problème éliminé ensuite par une nouvelle technologie de grille.

5. Le cœur et le combustible du réacteur

571

Fig. 5.34 – Fraction moyenne de bore résiduelle dans les poisons Pyrex en fonction du taux de combustion moyen du cœur.

Fig. 5.35 – Assemblage combustible comportant 8 crayons gadoliniés à 8 %. Le risque de corps migrants qui traversent le cœur actif est réel : rayure des gaines, vibration sous écoulement si le corps reste coincé, perte de refroidissement locale [Hutin, 2016] p. 311. À partir de 1994, on a introduit progressivement des grilles anti-débris en pied d’assemblages qui ont fortement diminué le problème, qui reste néanmoins la plus grande cause de dégradation des crayons. Étant donné le coût du combustible, l’analyse du REX des défauts d’étanchéité des assemblages est capitale. Elle met en évidence l’effet des « maladies de jeunesse », et du rôle des débris et objets migrants du primaire sur les défaillances du combustible

572

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 5.36 – Activité du circuit primaire avec apparition d’un défaut combustible (CA111). On constate que l’activité bondit d’un coefficient 100 par rapport à la normale.

Fig. 5.37 – Taux de fiabilité du combustible chargé dans le parc français de 1979 à 2007 (d’après

36

).

(Figure 5.37). On voit assez nettement les améliorations apportées par les dispositifs anti-débris placés en pied d’assemblages, et l’apparition des problèmes de fretting sur le palier 1 300 MWe.

36 M. Le Bars, J.C. Barral, J.L. Provost : Trente ans de combustible REP à EDF : fiabilité et retour d’expérience, évolution des performances et gestions au service du parc nucléaire, Revue Générale Nucléaire, n◦ 2, mars 2008, pp. 44-51.

5. Le cœur et le combustible du réacteur

5.4

5.4.1

573

Le système de contrôle des barres de commandes (RGL) Principe de fonctionnement des barres de contrôle

Généralités et neutronique des barres En plus de l’acide borique, on utilise des barres de contrôle (Photo 5.9) qui coulissent dans les 24 tubes guides creux (Figure 5.49) de l’assemblage pour contrôler la réactivité. Ces 24 barres sont faites d’un matériau absorbant les neutrons (acier, argent 37 /indium 38 /cadmium 39 sous forme de barreau, ou carbure de bore sous forme de pastille). C’est le placement en décalé des résonances des sections efficaces de capture des isotopes constitutifs qui assure une capture efficace des neutrons thermiques (Figure 5.38 à Figure 5.42). Les grappes de commandes sont donc constituées (Tableau 5.3) d’un faisceau de 24 crayons absorbants. Ces crayons sont fabriqués en alliage ternaire Argent (80 %)Indium (15 %)-Cadmium (5 %) dit AIC, sur toute leur longueur pour les paliers CP0-CPY dans le cas des barres R de contrôle de la température moyenne cuve, et uniquement sur la partie inférieure des crayons, la partie supérieure étant constituée de carbure de bore B4 C, pour les barres d’arrêt S. Comme les barres S ne sont pas censées être insérées dans le cœur en fonctionnement normal, on évite ainsi le problème de gonflement du bore tout en assurant une antiréactivité plus importante en cas de chute (le carbure de bore est plus absorbant que l’AIC, de plus le bore peut éventuellement être enrichi en bore 10). Pour la compensation de puissance en mode de pilotage G, on utilise 12 barres dites grises comportant 8 crayons AIC et 16 crayons d’acier (moins absorbant), et 16 barres N comportant 24 crayons d’AIC. Pour les paliers ultérieurs, on a généralisé l’usage des barres hybrides AIC-B4 C pour les barres noires [Bailly et al., 1996] p. 561. 37 L’argent est un métal relativement rare et connu depuis la plus haute Antiquité (fabrication de bijoux et de monnaies grâce à sa forte ductilité et une certaine résistance à l’oxydation). De densité 10,5, il présente deux isotopes stables, l’argent 107 (51,84 %) et l’argent 109 (48 ,16 %), présentant tous deux de fortes résonances à partir d’une dizaine d’eV. Son prix est d’environ 400 euros le kilogramme. 38 L’indium est un métal rare, donc cher, qui présente deux isotopes naturels, l’indium 113 (4,3 %) et l’indium 115 (95,7%), le principal absorbant neutronique. Il a été découvert en 1863 par Reich et Richter dans la sphalérite. La couleur bleu indigo de sa raie caractéristique lui a donné son nom. L’indium, de densité 7,31, fond à relativement basse température : 156 ◦ C, et bout à 2 046 ◦ C. L’indium pur ne peut donc pas être utilisé non allié à la température nominale des REPs (306 ◦ C), outre le fait que c’est un produit très cher. L’indium est utilisé aussi dans la lubrification, la fabrication de joints et présente une forte section efficace aux neutrons thermiques, d’où son rôle dans les barres de contrôle. Les deux isotopes de l’indium présentent de fortes résonances à partir de 2 eV. Son prix est d’environ 800 euros le kilogramme, du fait d’une demande accrue dans l’industrie des écrans plats. 39 Le cadmium est un métal relativement abondant, découvert par le chimiste suédois Magnus Martin Pontin en 1809, bien qu’utilisé depuis l’Antiquité. De densité 8,69, il comporte 6 isotopes stables 106 (1,25 %), 108 (0,89 %), 110 (12,49 %), 111 (12,80 %), 112 (24,13 %), 114 (28,73 %). Le 113 est radioactif (12,26 % du cadmium naturel), de même que le 116 (7,49 %), mais avec une période plus grande que l’âge de l’Univers ! Le cadmium 113 est de loin l’isotope le plus absorbant du cadmium avec une unique résonance géante à 0,17 eV (62 913 barns) et une section efficace de capture de 20 718 barns à 0,0253 eV. Le cadmium naturel fond à 321 ◦ C et bout à 767 ◦ C. Son prix est d’environ 8 euros le kilogramme. Le cadmium a toujours été utilisé dans l’industrie du nucléaire comme absorbant de neutrons thermiques depuis Enrico Fermi.

574

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Photo 5.9 – Tiges de commande du réacteur Bugey 2 partiellement montées (photo EDF). La couleur bleutée n’a absolument rien à voir avec l’effet Tcherenkov, mais est juste provoquée par les projecteurs immergés.

Fig. 5.38 – Section efficace de capture de l’argent 107 (JEFF3.1).

Fig. 5.39 – Section efficace de capture de l’argent 109 (JEFF3.1).

5. Le cœur et le combustible du réacteur

575

Fig. 5.40 – Section efficace de capture de l’indium 113 (JEFF3.1).

Fig. 5.41 – Section efficace de capture de l’indium 115 (JEFF3.1).

Fig. 5.42 – Section efficace de capture du cadmium 113 (JEFF3.1), le plus gros absorbant du cadmium.

5.4.2

Mécanisme de commande de grappes

Ces barres sont suspendues au mécanisme d’entraînement des barres (Figure 5.43) grâce à un manchon d’accouplement (Figure 5.47) du mécanisme de commande de grappe, à un dispositif appelé « araignée », tant sa forme d’étoile multi-branche rappelle un arachnide sur ses pattes. La force de levée d’un seul dispositif est de 160 daN comprenant le poids de la tige, de la grappe et 18 daN de frottement.

576

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Tab. 5.3 – Composition des barres de commandes du parc français. Fonction assurée Arrêt-Sûreté

Type de barre S(Noir) nombre de grappes Nature Crayons par barre

CPY 17 AIC-B4 C 24

1 300 MWe 28 AIC-B4 C 24

Compensation de puissance

G(Gris) Nature Crayons par barre

12 AIC + Acier 8+16

12 AIC + Acier 8+12

N(Noir) Nature Crayons par barre

16 AIC 24

16 AIC-B4 C 24

R(Noir) Nature Crayons par barre

8 AIC 24

9 AIC-B4 C 24

Régulation de la température primaire

Fig. 5.43 – Écorché du mécanisme d’entraînement des barres de contrôle (adapté de [Centrales Nucléaires EDF de 1 300 MW, 1991] p. 23). Sur la figure de droite, on distingue le connecteur électrique qui commande les grappins électromagnétiques.

5. Le cœur et le combustible du réacteur

577

Fig. 5.44 – Soudures du joint Canopy. Une fuite de soudure du joint Canopy inférieur est déjà survenue au Japon en 1984 et du joint médian en 1995, d’où une surveillance par ultrasons.

Les différents éléments du mécanisme de commande de grappe sont assemblés par filetage, l’étanchéité étant assurée par des joints soudés à lèvre mince (joint dit Oméga) ou joint Canopy (Figure 5.44, Figure 5.45, Figure 5.46).

578

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 5.45 – Machine d’inspection de joint Canopy médian (à gauche) et inférieur (à droite) (adapté de

40

).

Fig. 5.46 – Mise en place des machines d’inspection de joint Canopy médian (à gauche) et inférieur (à droite).

La tige de commande est contenue dans une gaine sous pression du circuit primaire. Cette gaine a une hauteur suffisante pour pouvoir contenir une tige de commande en position extrême totalement extraite pour que la partie active des barres soit totalement sortie du cœur actif, d’où cette impression de forêt de piques qui chapeaute le couvercle de cuve (Photo 5.9, Photo 5.12, Photo 5.13). Le mécanisme de commande de grappe comporte (Figure 5.48, Figure 5.49), de l’extérieur vers l’intérieur : l’ensemble électromagnétique alimenté par le courant par des câbles électriques ; le carter sous pression primaire ; le système noyé de pôles et de grappins (×3 répartis en étoile à 120◦ ) ; la tige de commande et la tige de désaccouplement. L’ensemble 40 Kazuto Sawaragi, Masaru Tanigushi, Yoshihisa Tada, Masaki Kurokawa, Yasuo Araki : Development of inspection technique for CDRM housing Canopy seals, Proceedings of the first international conference on NDE in relation to structural integrity for nuclear and pressurized components, 20-22 October 1998, Amsterdam, vol. 1, EUR 18674 EN, pp. 396-405, Woodhead Publishing Limited.

5. Le cœur et le combustible du réacteur

579

électromagnétique comporte la bobine de maintien, de transfert et de levée, le logement de bobine (en 4 parties), la canne de connexion électrique avec son connecteur. Le carter contient le carter du mécanisme, la gaine de la tige de commande, le bouchon de gaine de tige de commande, le prolongateur de mécanisme et les bagues magnétiques. Le système de pôles et de grappins comporte la butée inférieure, le tube guide, le tube support des cliquets de maintien, le pôle mobile des cliquets de maintien, le demi-pôle mobile des cliquets de maintien, le grappin de maintien composé de 3 cliquets de maintien, 3 biellettes et 9 axes, le ressort et sa butée de ressort de transfert de charge, le ressort du pôle de mobile de maintien, le tube support et le pôle mobile des cliquets de transfert, le grappin de transfert (3 cliquets, 3 biellettes, 9 axes), le ressort du plongeur de transfert, le pôle de transfert, le ressort de rappel du pôle de transfert, le pôle de levée. La tige de commande comporte la tige elle-même, sa manchette de protection, son accouplement, la tige de désaccouplement dont la tige elle-même, le bouton de verrouillage, la noix de verrouillage, le ressort inférieur de la noix, la butée du ressort inférieur, le ressort supérieur de la tige de désaccouplement, les butées de ressort supérieur et le manchon de désaccouplement (Figure 5.47).

Fig. 5.47 – Manchon d’accouplement des mécanismes de commande de grappes. La zone dentelée (surtout le dernier filet) qui rentre dans le pommeau de grappe est le secteur le plus susceptible d’apparition de fissures. Elle est contrôlée périodiquement. Le manchon d’accouplement assurant la liaison de la tige de commande avec la grappe en acier inoxydable martensitique (Z12C13 ou Z12CN13) est sollicité en fatigue lors des cycles de mouvements de grappes (montée et descente). Pour diminuer le risque de fissuration, on a limité le nombre de pas cumulés à 400 000 pas (CP0), sachant que la section du manchon est plus épaisse sur les paliers suivants. Tige de commande de barre et araignée La grappe en position extraite doit naturellement rester alignée par rapport aux tubes guides de l’assemblage. C’est pourquoi la tige de commande est située dans un guide de grappe (Figure 5.48, Figure 5.49) situé au-dessus du cœur dans la cuve (dans les internes supérieurs). La grappe elle-même est suspendue par son pommeau à la tige de commande, longue de plus de 7 m, qui coulisse dans un carter étanche emmanché

580

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 5.48 – Guide de grappe de commande. Le mécanisme à cliquets est un vérin électromécanique placé dans un carter étanche en acier inoxydable, vissé et soudé sur les adaptateurs du couvercle de cuve. À l’extérieur du carter sont enfilées trois bobines magnétiques, protégées par une enveloppe de forme parallélépipédique démontable. Les bobines sont alimentées en courant continu. Le carter a une hauteur de 1,50 m et il est surmonté d’un fourreau de 4,20 m dans lequel se déplace la tige de commande cannelée. À l’extrémité de la tige se trouve un mandrin qui permet l’accouplement de la tige à l’araignée de la grappe [Drevon, 1983] p. 190.

au-dessus du couvercle de cuve, et à la pression du primaire (Figure 5.50). Ce carter sous pression est vissé sur l’adaptateur de couvercle de cuve. C’est donc le filetage de ce système vissé qui reprend les efforts de pression et l’étanchéité est assurée par un joint soudé à lèvres minces (joint « Canopy ») qui est réalisé sur site. La gaine de tige de commande (Photo 5.10) est vissée sur l’extrémité du carter. Là encore, l’étanchéité est assurée par le soudage d’un joint à lèvres minces (joint « Oméga »).

5. Le cœur et le combustible du réacteur

581

Fig. 5.49 – Maintien du tube guide dans lequel s’insère un des crayons de la barre.

Un trou contenant une vis permet de purger l’air piégé dans le système, car le système de levée ne peut fonctionner qu’en eau. La tige de commande emmanchée verticalement au moyeu central de l’araignée, permet de piloter l’insertion des barres, soit selon une consigne, soit en laissant chuter librement les grappes par gravité en cas d’arrêt d’urgence. La tige cannelée comporte des gorges circulaires, terminée à son extrémité inférieure par un système d’accouplement à lames flexibles venant s’engager dans le pommeau de la grappe. L’accouplement est verrouillé par deux systèmes indépendants : la noix de verrouillage et le bouton de verrouillage, dont le rôle est de maintenir les lames flexibles de l’accouplement en position ouverte. Après démontage du couvercle, les tiges de commande qui restent dans le cœur, reposent sur les internes. Le déverrouillage de l’accouplement est obtenu en déplaçant vers le haut l’ensemble de la tige de désaccouplement. La tige de commande finit par un manchon d’accouplement (Figure 5.51) réalisé en acier inoxydable martensitique à 13 % de chrome. Ce manchon comporte des lames cannelées rétractables qui peuvent s’engager dans les cannelures circulaires du pommeau de grappe. La tête de l’araignée (Figure 5.52, Photo 5.11) assure la connexion forte de la tige à sa grappe. Un dispositif permet de désaccoupler à distance la tige de commande de sa grappe, pour que la grappe reste au fond de l’assemblage quand on ouvre le couvercle de cuve. Si la tige est mal désaccouplée

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 5.50 – Ensemble complet de logement d’une tige de commande. On prendra garde au fait que l’ensemble fait près de 7 mètres de haut et que le dessin comporte trois coupures de segmentation entre l’adaptateur et la bride, au niveau du carter, et au niveau de la gaine de tige.

Photo 5.10 – Contrôle des gaines de tiges de commande sur un réacteur PWR américain.

5. Le cœur et le combustible du réacteur

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Fig. 5.51 – Système d’accrochage de la tige de commande dans le pommeau de grappe (adapté d’après Heuze, op. cit.). La partie inférieure de la tige de commande comporte un épaulement qui vient reposer sur 4 dents d’accrochage prévues sur les fourreaux à 90◦ du guidage continu, lorsque les internes supérieurs sont déposés pour rechargement du cœur.

(ce qui peut arriver), elle risque d’entraîner la grappe en même temps qu’on retire le couvercle, d’où une extraction involontaire de grappe. Les opérateurs sont donc à l’aguet de ce genre de situation dangereuse (risque de criticité incontrôlée), qui peut être réglée en général en « secouant » légèrement le couvercle de haut en bas pour laisser retomber la grappe d’une hauteur faible.

Déplacement de la tige de commande [Hutin, 2016] p. 380 La tige de commande, en acier inoxydable, comporte 262 gorges (pour le CPY) pour une course utile de 227 gorges. Le pilotage du déplacement de la tige de commande

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 5.52 – Schéma d’une araignée. La hauteur totale n’est pas respectée sur ce dessin.

Photo 5.11 – Conditionnement des grappes de contrôle à l’atelier FBFC de Romans (France). Cette intéressante photo montre des grappes avec leur araignée montée. Les grappes pendent librement à un système de patère. Des cartes trouées de maintien dans lesquelles on a glissé les crayons limitent les chocs entre eux.

5. Le cœur et le combustible du réacteur

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Fig. 5.53 – Géométrie et schéma fonctionnel du mécanisme de commande de grappe de type Jeumont-Schneider. Trois bobines à induction (bobine de montée, de grappin mobile, de grappin fixe) activent 2 cliquets à mâchoire (visualisés sur le dessin, en fait il y a 3 jeux de grappins autour de la tige à 120◦ ) qui pivotent pour s’enclencher dans une tige cannelée. La tige coulisse dans un carter abouté au couvercle de cuve, et mis à la même pression que le primaire. Les bobines sont en dehors de l’enceinte pressurisée, car il n’est pas concevable de les noyer dans l’eau du primaire, surtout avec la source électrique qui les alimente. L’électro-aimant de maintien assure la fermeture et l’ouverture des cliquets fixes tenant immobile la tige de grappe. L’électro-aimant de transfert assure l’ouverture et la fermeture des cliquets mobiles. Les deux électro-aimants sont distants d’un multiple entier du pas de cannelage de la tige. L’électro-aimant de levée soulève l’ensemble pôle - cliquets de transfert.

Fig. 5.54 – Détail du fonctionnement du cliquet de mâchoire (adapté d’après un schéma de Jeumont-Schneider).

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Photo 5.12 – Le système RGL de l’EPR (Flamanville 3) (photo EDF).

d’une barre est effectué par un moteur qui ouvre séquentiellement les trois mâchoires étagées d’un cric électromagnétique, mâchoires qui font riper la barre pas à pas selon des cannelures régulièrement espacées d’un pas 41 de 1,5875 cm (en fait 5/8 de inch, Figure 5.53 et suivantes). Un système de 3 bobines électromagnétiques contenues dans un logement commande les grappins mécaniques depuis l’extérieur du carter sous pression. Ce système de bobines, placé au-dessus de l’enceinte sous pression, permet d’éviter des problèmes d’étanchéité immanquablement liés à l’utilisation de joints ou de garnitures mécaniques frottantes. Le système peut être enlevé ou installé même quand le réacteur est en pression, à condition de démonter les matériels gênant l’accès (dalle antimissile, capteurs. . . ). Les bobines sont alimentées par des câbles électriques en acier inoxydable qui se terminent en partie supérieure pour un connecteur 6 broches. Des bagues magnétiques permettent de canaliser le flux induit des bobines. Elles sont fixées autour du carter de la tige de commande. L’alimentation des bobines est assurée par un cycleur à contacteurs. Le système dit RGL (Photo 5.12, Figure 5.53, Figure 5.54, Figure 5.55, Figure 5.56) retenu sur les paliers français consiste donc en un vérin électromécanique incrémental pas à pas, commandé par des électro-aimants. Le mouvement de translation est activé par trois bobines électriques à courant 125 volts continu, fixées à l’extérieur du carter 41

À partir de l’EPR, le pas d’une cannelure passe à 1 cm et abandonne les unités anglo-saxonnes.

5. Le cœur et le combustible du réacteur

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Photo 5.13 – Une photo impressionnante de système RGL de Chooz B1 (palier N4). On ne peut que constater l’encombrement des barres au-dessus du couvercle, et l’impossibilité géométrique d’en rajouter. Le deuxième tuyau plus petit qui court du haut du système vers les boîtiers blancs qui contiennent les cliquets sont les guides protecteurs des connexions électriques.

Fig. 5.55 – Le système RGL d’un réacteur CPY. Les systèmes électromagnétiques de commande de barres chauffent en permanence (effet Joule), puisque les bobines sont toujours sous tension, et nécessitent une ventilation spécifique (adapté de Heuze, op. cit.).

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 5.56 – Le système RGL d’un réacteur 1 300 MWe (adapté de Heuze, op. cit.). sous pression et alimentées cycliquement pour permettre une action d’insertion de grappe ou de retrait. Ces bobines sont appelées MTL (M pour Maintien, T pour Translation et L pour Levée). Les bobines sont constituées d’un enroulement en cuivre isolé par deux couches d’isolant (fibre de verre). La température maximale ponctuelle compatible avec la durée de vie de ces bobines, à savoir 20 ans, est de 230 ◦ C, pour une température moyenne de 200 ◦ C. Une circulation forcée d’air autour de l’ensemble électromagnétique permet de maintenir les bobines à une température compatible avec leur tenue dans le temps. Si les bobines qui alimentent ces mâchoires viennent à manquer de courant, ou si la bobine de maintien se dégrade en température, les ressorts des mâchoires sont conçus pour laisser chuter par gravité la barre (sûreté

5. Le cœur et le combustible du réacteur

589

Fig. 5.57 – et Fig. 5.58 Les 3 bobines sont alimentées, les deux cliquets sont engagés contre la tige cannelée. On coupe le courant sur la bobine du cliquet fixe qui se relâche sous l’effet d’un ressort de rappel. Les taches vertes représentent les champs magnétiques qui attirent les masselottes des cliquets.

passive) qui atteint le fond du réacteur en environ 2 secondes. La chute de la grappe est amortie par un dashpot formé d’un rétreint des internes de tubes guides. Pour diminuer l’usure liée au contact cliquets-tige de commande, un système de transfert de charge localisé au niveau de la bobine de maintien permet aux cliquets de s’engager ou de se rétracter sans contact sur les flancs des gorges de la tige. Si les cannelures sont usées ou la mâchoire, il arrive que la barre ripe d’un pas à la montée ou à la descente, introduisant une incertitude sur la position réelle de la barre. Une opération de remise à zéro consiste à activer les mâchoires du cric plusieurs fois en butée haute pour être sûr que la barre est bien à 225 pas extraits (CPY). La séquence de montée ou de descente d’un pas unique s’effectue en environ 800 ms, ce qui permet d’atteindre une vitesse de 72 pas par minute en fonctionnement en continu. Des essais d’endurance effectués par Jeumont-Schneider ont montré que le

590

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 5.59 – et Fig. 5.60 On coupe le courant sur la bobine de montée : le cliquet mobile reste engagé contre la tige mais coulisse vers le bas de un pas vers le bas, soit la distance entre deux cannelures de la tige. Puis on réactive la bobine du cliquet fixe qui se réengage. La tige est maintenant maintenue en position fixe par les deux cliquets à une cote correspondant à +1 pas inséré, soit –1 pas extrait.

mécanisme de commande grappe pouvait supporter avec une usure raisonnable jusqu’à 4,5 millions de pas. On retiendra comme ordre de grandeur que l’antiréactivité totale des barres est de l’ordre de –8 000 à –10 000 pcm. Lorsqu’on veut commander un mouvement de barre, on limite par automatisme le mouvement à 72 pas par minute sur un total de 225 pas pour le CPY (260 pour le P4 et le N4, 413 pour l’EPR). Une habitude métier fait que l’on parle en pas extraits, c’est-à-dire que 225 pas extraits correspondent à une barre totalement hors du cœur, alors que 0 pas extrait correspond à une barre chutée en bout de course après un arrêt automatique réacteur (AAR). Un rétreint limite dans les faits la position basse à quelques centimètres au-dessus de la cote basse de l’assemblage, 8,5725 cm pour le palier 900, 13,968 cm pour le 1 300 et 14,02 cm pour le N4. La tige de contrôle est pilotée depuis l’extérieur de la cuve par

5. Le cœur et le combustible du réacteur

591

Fig. 5.61 – et Fig. 5.62 On désactive la bobine du cliquet mobile qui se désengage. La tige ne bouge pas puisqu’elle est maintenue par le cliquet fixe. On active la bobine de montée qui attire le cliquet mobile vers le haut. le système de commande des grappes RGL, placé au-dessus du couvercle en situation de fonctionnement quand la piscine BR est vide. Le détail du mouvement de la tige activé par les bobines à induction est décrit dans les Figure 5.57 à Figure 5.63. La tige sort du couvercle par un doigt de gant qui connecte le dôme au carter de la tige de commande. Ce carter est pressurisé à la même pression que le primaire puisqu’il n’y a pas d’étanchéité à la traversée du couvercle de cuve (une étanchéité quelconque gênerait la chute de barre). 53 adaptateurs de couvercle sur le CPY (65 pour le P4 et 73 pour le N4) permettent de placer 53 tiges de commande. On a augmenté ce chiffre à 57 dans le cas des cœurs pouvant recevoir du MOX, pour augmenter le poids des barres qui baissait significativement dans le spectre neutronique durci des MOX. On détaillera la composition des groupes plus tard. Le défaut de chute de grappe est bien entendu un problème de sûreté majeur. En matière de blocage, on distingue les temps de chute trop longs (supérieurs à 1,8 seconde, le critère de sûreté étant de 2,23 secondes) ou les insertions incomplètes par blocage dans la course. Ce type de défaut est apparu sur le palier 1 300 MWe, du fait de la déformation en S des assemblages et d’un fluage localisé au niveau

592

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 5.63 – On réactive la bobine de cliquet mobile qui rengage le cliquet contre la tige pour la bloquer. On se retrouve à la situation initiale avec une barre descendue de un pas. En inversant le processus décrit ici, on peut faire remonter la barre de un pas. En absence de courant, les deux cliquets s’ouvrent définitivement et la barre chute par gravité librement puisqu’il n’y a pas d’écart de pression entre le carter de la tige et la cuve. du rétreint. Cela se traduit par un ralentissement ou une insertion incomplète de la grappe à l’entrée du dashpot (blocage à 45 pas). Ces déformations apparaissent lors du deuxième cycle. Ce problème de déformation a été partiellement résolu en rigidifiant le squelette des assemblages, et en s’arrangeant à ne plus grapper les assemblages trop déformés (par construction du plan de chargement). L’impact au niveau sûreté d’une insertion incomplète est faible à court ou long terme d’un accident. Plus problématiques sont les refus de manœuvre de grappe sur sollicitation (AAR). Dans cette affaire, les blocages sont dus à la dégradation des vis anti-rotation (située au niveau des internes supérieurs) des mécanismes de grappe. Cette dégradation dépend du nombre de sollicitations (d’où l’importance des bandes mortes en régulation), de l’effort de serrage et des conditions particulières de montage/démontage. Les études de sûreté montrent que la sûreté reste acquise pour deux grappes coincées, même en positions pénalisantes. Des situations de blocages d’une grappe en position haute après AAR ont été rencontrées sur Paluel 3 en 1995 et Belleville 1 en avril 1996, puis juillet 1996, motivant un Événement significatif de sûreté (ESS) de niveau 2 auprès des autorités de sûreté. Ces blocages fugitifs sont éliminés grâce à un essai de « dégommage » par mouvement de grappes faiblement sollicitées.

5. Le cœur et le combustible du réacteur

5.4.3

593

Constitution des grappes de commande

Barres noires AIC Les grappes sont constituées d’absorbants neutroniques. Pour les barres très absorbantes (dites noires), on utilise un mélange dit AIC d’argent (85 %), indium (10 %) et de cadmium (5 %), gainé en acier 304 (Figure 5.64, Figure 5.65). Le cadmium est un puissant absorbant de neutrons thermiques et l’indium et l’argent absorbent grâce à des résonances décalées les neutrons épithermiques. Le mélange absorbant, sous forme de barreau continu (pas des pastilles comme le combustible !), se trouve dans une gaine en acier austénitique Z2CN18-10 (diamètre : 9,7 mm, épaisseur CPY : 0,45 mm, épaisseur P4 : 0,98 mm).

Fig. 5.64 – Un crayon AIC (Argent-Indium-Cadmium) d’un CPY.

594

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 5.65 – Schéma d’implantation des crayons absorbant d’une barre noire CPY et P4/N4.

Barres grises Dans le mode G, on utilise des barres de compensation de puissance dites grises composées d’acier inoxydable (Figure 5.66, Figure 5.67). Ces barres, qui sont moins absorbantes que les barres noires, permettent de ne pas trop déformer la trace axiale de flux, donc l’axial-offset. Barres hybrides Sur le palier 1 300 MWe, on a introduit des grappes mixtes noires composées de crayon AIC dont la partie supérieure est en carbure de bore B4 C (Figure 5.68, Figure 5.69). L’objectif est d’augmenter le poids neutronique de la barre sans que la partie inférieure, souvent présente dans le cœur, soit en carbure de bore. En effet,

5. Le cœur et le combustible du réacteur

Fig. 5.66 – Barre en acier inoxydable (groupe G1 et G2 du mode G).

595

596

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 5.67 – Schéma d’implantation des crayons absorbants dans une grappe grise (CP et-P4).

le carbure de bore peut gonfler par production d’hélium (réaction (n,alpha) sur le bore 10) de façon inopportune sous flux neutronique (c’est pourquoi on n’en met que dans la partie supérieure de la grappe).

Barres bouchons On notera que les assemblages qui ne sont pas grappés dans le cœur disposent chacun d’une grappe « bouchon » (Figure 5.70, Figure 5.71). Il s’agit de tubes d’acier inoxydables de 30 cm de hauteur qu’on place pour obturer les trous d’eau. Ils ont

5. Le cœur et le combustible du réacteur

597

Fig. 5.68 – Crayon mixte AIC (partie basse)-B4C (partie haute) pour les 1 300 MWe.

598

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 5.69 – Schéma d’implantation des barres grises du N4.

comme fonction d’éviter un débit d’eau par les trous d’eau qui by-passerait le cœur, et qui exercerait une poussée hydrodynamique différente des assemblages grappés. Les assemblages contenant des crayons pyrex ou hafnium n’ont pas besoin de ce dispositif.

Barres fixes Signalons aussi l’usage de grappes en boro-silicate dit pyrex pour diminuer la réactivité des premiers cœurs (Figure 5.71). Ces grappes fixes dans le cœur sont ensuite enlevées au deuxième chargement pour retrouver de la réactivité. À partir

5. Le cœur et le combustible du réacteur

599

Fig. 5.70 – Une grappe bouchon.

Fig. 5.71 – Comparaison des différents types de grappes.

de 2018, on a aussi introduit sur Tricastin des barres fixes en hafnium dans les assemblages de bout de médiane du CPY, pour réduire encore plus la fluence cuve. La technique va se généraliser sur tout le palier CPY.

600

5.4.4

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Système de comptage des pas de groupe

L’instrumentation Un système de mesure des positions de grappe est placé sur les carters logeant les tiges de barres au-dessus des adaptateurs de couvercle. Les tiges de commandes de grappe sont constituées d’acier inoxydable magnétique, alors que les carters (ou gaine de tige) sont en acier non magnétique. Le capteur de mesure est constitué de deux enroulements concentriques autour de la gaine. La tension recueillie sur la bobine secondaire dépend de la présence ou de l’absence de la tige. La connexion des différentes bobines secondaires à chaque niveau permet de mesurer le nombre de spires qui « voient » la tige de barre, et donc on peut en déduire sa position de façon absolue, mais avec une incertitude de plusieurs pas (Figure 5.72, Figure 5.73). L’usage est de définir la position axiale des groupes de barres en pas extraits. Cette convention fait que la position totalement extraite d’une barre d’un réacteur 900 MWe est de 225 pas et de 260 pas pour les 1 300 MWe et le N4. Cette valeur est couramment appelée AMPAS à EDF. La hauteur d’un pas est de 1,5875 cm soit 1,6 inch. Il faut attendre l’EPR pour que le pas vaille enfin 1 cm pour un AMPAS de 413.

Le paramètre P(1) Lorsque les barres des différents groupes de compensation de puissance (GCP : les groupes D, C, B, A en mode A et les groupes G1, G2, N1, N2 en mode gris) bougent selon une loi de puissance, on a défini la notion de paramètre P(1) (on dit oralement paramètre P un). La définition numérique du paramètre P(1) permet de faire correspondre de façon univoque une position donnée à tous les GCPs. Le paramètre P(1) est donc une façon condensée de définir la position des groupes. Quand le paramètre P(1) progresse de un pas, tous les groupes en recouvrement qui sont dans le cœur sans être en position basse, peuvent s’insérer chacun de un pas. Le calcul du paramètre

Fig. 5.72 – Règle de calcul des cotes axiales par rapport au milieu du cœur (CPY).

5. Le cœur et le combustible du réacteur

601

Fig. 5.73 – Système de mesure de la position axiale d’une barre. P(1) est utilisé dans la formule : cote(groupe1 ) ≡ P (1) cote(groupei+1 ) = cote(groupei ) + AM P AS − AREC(i) où cote est la position en pas des groupes et AREC(i) le recouvrement entre le groupe i+1 et le groupe i.

602

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Recouvrement nul

Fig. 5.74 – Insertion de barres à recouvrement nul. On prendra garde à ne pas confondre le paramètre P(1) avec le groupe variable P1 de l’EPR.

Les recouvrements Le recouvrement est le nombre de pas extraits du groupe i + 1 insérés dans le cœur au moment où le groupe i commence à rentrer dans le cœur. On numérote les groupes dans l’ordre de leur entrée dans le cœur. La façon la plus simple de visualiser le problème de l’insertion des barres est d’imaginer par la pensée que les barres ont un recouvrement nul et se déplacent vers le bas de concert. Dans l’exemple de la Figure 5.74, cela revient à imaginer que le deuxième groupe de barres de couleur verte est situé totalement au-dessus du groupe rouge, ce qui est impossible physiquement, les barres étant, bien entendu, en rideau et affleurant le haut du cœur actif lorsqu’elles sont extraites du cœur. À partir de cette situation imaginaire, il est plus facile d’imaginer une situation tout aussi fictive où les groupes se déplacement toujours ensemble avec un recouvrement de 100 pas par exemple (Figure 5.75). Ce recouvrement correspond à la zone

603

5. Le cœur et le combustible du réacteur

Recouvrement 100 pas

Recouvrement 100 pas

Fig. 5.75 – Insertion de barres avec un recouvrement de 100 pas.

où les deux groupes de barres sont au regard dans leur déplacement respectif. On définit à partir de cette notion les plages de recouvrement ou chevauchement, à savoir le nombre de pas sur lesquels les deux groupes « successifs » (dans leur entrée dans le cœur) bougent simultanément, que ce soit en insertion ou en extraction. On parlera ainsi de la plage de recouvrement entre les groupes G1 et G2, notée G1/G2, puis G2/N1 et enfin N1/N2, dans le cas du mode G. On parle de seuils de recouvrement en début d’extraction pour décrire les positions des groupes G2, N1, N2 en dessus desquelles les groupes G1, G2, et N1 s’extraient simultanément. De même, on définit les seuils de recouvrement en début d’insertion pour décrire les positions des groupes G1, G2, N1 en dessous desquelles les groupes G2, N1, N2 s’insèrent simultanément. Enfin, on définira les écarts des groupes en chevauchement comme le nombre de pas d’écart entre la position des bouts de barres de deux groupes en chevauchement, qu’on notera G2-G1, N1-G2, N2-N1. Pour un 900 MWe, la valeur minimale du paramètre P(1) correspond à l’insertion maximale de tous les quatre groupes qui auraient eu des recouvrements nuls entre eux, soit – 675 (3 fois 225). Pour un 1 300 MWe, cette valeur minimale est de – 780 et de – 1 040 pour le N4. La valeur maximale du paramètre P(1) pour un 900 MWe correspond à l’ensemble des barres extraites (Figure 5.76), soit + 225. On parle aussi de paramètre P(2) pour la position du groupe R de régulation en mode gris. La courbe de calibrage des GCPs est la fonction qui relie le paramètre P(1) avec le niveau de puissance. Cette courbe de calibration G3, dite aussi parfois CONVG3, est mesurée expérimentalement par des essais de baisse de puissance rapide (l’essai physique RGL4) et doit être réévaluée en cours de cycle. Le dé-calibrage, appelé aussi facteur correctif, consiste à effectuer une translation constante dans le sens des

604

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Recouvrement nul

Recouvrement nul

Recouvrement nul

P(1) = + 225

P(1)= - 675

Fig. 5.76 – Valeurs extrêmes du paramètre P(1)◦ pour un 900MWe à recouvrement nul.

puissances croissantes de la courbe de calibrage. Le dé-calibrage est limité à 20 % de la puissance nominale et conduit à des positions de grappes toujours plus extraites que la calibration standard.

605

5. Le cœur et le combustible du réacteur

Les recouvrements utilisés sur le parc français sont de : • 100 pas entre G1 et G2, 90 pas entre G2 et N1, 90 pas entre N1 et N2 sur le palier CPY ; • 75 pas entre G1 et G2, 85 pas entre G2 et N1, 100 pas entre N1 et N2 sur le palier 1 300 MWe (1re campagne) ; • 65 pas entre G1 et G2, 85 pas entre G2 et N1, 100 pas entre N1 et N2 sur le palier 1 300 MWe (2e campagne) ; • 75 pas entre G1 et G2, 85 pas entre G2 et N1, 100 pas entre N1 et N2 sur le palier 1 300 MWe (3e campagne et suivante) ; • 208 pas entre P1 et P2, 208 pas entre P2 et P3, 208 pas entre P3 et P4 et 208 pas entre P4 et P5 pour le mode T de l’EPR, avec le fait que selon la situation, des groupes peuvent être alignés avec le groupe P5 pour former le groupe H. Insertion maximale de pilotage Dans la pratique, les tubes guides comportent une partie inférieure rétrécie qui sert de dashpot quand la barre tombe par gravité. Lorsque la barre est insérée par le système RGL, on impose qu’elle ne puisse descendre plus bas qu’une cote dite PBASSE de 5 pas d’insertion (9 pas pour l’EPR). On notera qu’en cas d’arrêt automatique réacteur (AAR), tous les groupes chutent dans le cœur par gravité sans respecter la cote basse PBASSE, et descendent jusqu’à 0 pas extrait, qui n’est pas situé au bas du cœur actif mais légèrement plus haut (pour le CPY, les 225 pas insérés correspondent à 225 × 1,5875 = 357,1875 cm, soit, pour une hauteur active de 365,76 cm, un niveau 0 situé à 8,5725 cm au-dessus du bas du cœur actif). Le chevauchement Malgré une utilisation très répandue du paramètre P(1) dans les codes de calcul, il existe un usage sur site de comptage de l’insertion des barres en pas de chevauchement. La course maximale de ce compteur est égale au nombre de pas que peuvent effecter tous les groupes de compensation de puissance indépendamment les uns des autres, moins le nombre de pas sur lesquels deux groupes bougent simultanément (i.e. la plage de recouvrement). Si NG est le nombre de GCPs, la course maximale est donc donnée par : Ng −1

Coursemax = Ng (Seuil haut − Seuil bas) −



AREC(i)

i=1

Si PBASSE = 5 pas, alors Seuil haut – Seuil bas = 255 pas pour un P4. Lorsque toutes les barres de compensation de puissance sont hors du cœur, le nombre total de pas de chevauchement est de 615 pas (pour un CPY, Figure 5.77). Si toutes les barres sont insérées, on devrait être à 5 pas de chevauchement (soit la position PBASSE), mais cette situation n’arrive pas physiquement puisqu’en attente à chaud à 0 %Pnom, toutes les barres ne sont pas insérées (environ 264 pas de chevauchement en début de campagne et 206 pas de chevauchement en fin de campagne). On constate que ce compteur de pas de chevauchement Cchevauch est un compteur translaté d’une constante depuis le compteur P(1). En l’occurrence, la translation s’écrit : P (1) = Cchevauch − (Coursemax − Seuil haut) Notons pour finir qu’il existe un compteur de position généralisée, utilisé uniquement sur le palier N4, qui correspond à une somme pondérée des positions des sous-groupes

606

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 5.77 – Équivalence entre pas extraits et pas de chevauchement pour un CPY (avec un recouvrement G1/G2 de 100 pas, G2/N1 de 90 pas, N1/N2 de 90 pas). On retrouve la valeur de PBASSE de 5 pas sur la figure, cote d’insertion maximale des groupes. envoyées par le système RGL au KIC, et qui vaut : Cg´en´eralis´e = 2 × X1 + 2 × X2 + X31 + X32 + X41 + X42 + X51 + X52

Le demi-pas Pour un pilotage très fin (correction d’axial-offset par exemple), il est assez classique que les opérateurs désalignent volontairement les sous-groupes R1 et R2 constitutifs du groupe R, groupe noir qui agit en régulation prioritaire fermée sur la température moyenne de la cuve en mode G. Ils font cela manuellement en écoutant en salle de commande le bruit (en fait un clic de synthèse pour restitution produit par un hautparleur, pas le bruit réel des cliquets bien sûr) que font les cliquets des grappins de commande de grappe : un premier clic correspond au mouvement d’un pas de R1, puis le deuxième clic correspond au mouvement d’un pas de R2 dans le même sens (à la montée ou à la descente), et ainsi de suite. On désaligne d’un pas unique le groupe R2 par rapport au groupe R1 en faisant cliquer à l’oreille 3 fois le groupe R1 et 2 fois seulement le groupe R2, puis en faisant en sens contraire cliquer 2 fois le groupe R1 et 2 fois le groupe R2. L’idée est qu’il est très difficile de contrôler un clic unique de R1 (on est surpris par le deuxième clic de R2), alors que l’oreille s’habitue au rythme des clics sur 5 clics ou sur 4 clics (Figure 5.78). Au final, R1 se retrouve décalé d’un pas au-dessus ou en dessous de R2. On utilise le terme (inexact dans les faits) de demi-pas pour imager cette situation. Ces actions de demi-pas sont fréquentes sur les paliers à

5. Le cœur et le combustible du réacteur

607

Fig. 5.78 – Tactique de désalignement d’un pas à l’insertion du groupe R1 par rapport à R2 (infographie : Patrick Bodet).

partir du P4 où les assemblages sont plus hauts que sur le CPY, et qui présentent des instabilités d’axial-offset lié au xénon, instabilités qui peuvent être divergentes sans contrôle.

Les pas extraits cumulés Dans le cadre de l’EPR, qui comporte les groupes P1 à P5, on a pris l’habitude de raisonner en Pas Extraits Cumulés (PEC ou PCUM). La définition du PCUM est donnée par la formule suivante : P CU M ≡ P1 +

4 

min(Pi , AM P AS − AREC(i) + P BASSE)

i=2

P1 à P4 correspondant au nombre de pas extraits des groupes P1 à P4. Le groupe P5 sert de groupe référent dans la mesure où aucun des autres groupes ne peut se retrouver placé au-dessus de P5. Cela signifie que si P4 se retrouve à l’extraction au même niveau que P5, il devient solidaire de P5, de même que pour les autres groupes P1 à P3. On peut diviser macroscopiquement parlant les groupes P1 à P5 en deux macrogroupes P et H. Le groupe H, groupe lourd qui est variable dans sa composition en fonction de la situation, contient les groupes qui sont en rideau avec P5, et le groupe P, lui aussi variable, contient les autres groupes qui sont en recouvrement. Cette gestion complexe des barres permet d’assurer un double contrôle de la criticité et de l’axial-offset par le mouvement des groupes et la dilution/borication. Pour l’EPR, le nombre de pas extraits maximal AMPAS est de 413 pas actifs (416 pas atteignables mais avec 3 pas hors du cœur), dans la mesure où les groupes ne peuvent pas s’enfoncer en suivi de charge à plus de PBASSE = 9, les recouvrements AREC sont de 208 pas entre P1 et P2, P2 et P3, P3 et P4, P4 et P5.

5.4.5

Implantation des groupes de barres

L’implantation des groupes de barres dépend du palier considéré. La particularité des REPs réside dans le fait que les neutrons migrent dans le cœur peu par rapport aux réacteurs à eau lourde ou aux UNGG. De fait, il faut répartir un grand nombre de barres dans l’ensemble du cœur, que ce soit pour le pilotage ou les barres d’arrêt.

608

La technologie des réacteurs à eau pressurisée R

P

N

M

L

K

J

H

G

F

E

D

C

B

A

1 2

A

3

SA

4

C

5 6

A

B

D

D

C

D

SA

D

D

SB C

SA D

SB C

A

C SB

B

B

SB

C SA

A

C SB

B

A

SB B

13 14

B

SB

11 12

SA

B

SA

9 10

A

SB

7 8

D

B SA

A

C

SA D

A

15

Fig. 5.79 – Mode Fessenheim-Bugey (FEBU, CP0). Les différents modes utilisés sur le parc français sont présentés ci-après (Figure 5.79 à Figure 5.88). Dans le cas du N4 en mode A, les groupes natifs de pilotage du mode MA15 : GA, GB, N1, N2, N3, N4, N5 (non comptés les groupes d’arrêt SA, SB, SC et SD) sont regroupés sous la dénomination du mode MAX15 : X1 = GA, X2 = N2, X3 = GB + N3, X4 = N4, X5 = N5. Cela signifie que GB est le sous-groupe X31 de X3 et N3 le sous-groupe X32 de X3. L’équivalent du groupe de régulation R (noir) du mode G ou du groupe D du CP0 correspond à l’ensemble des groupes X1 + X2 + X3, avec un écart des bouts de grappe de 8 pas entre X1 et X2, X2 et X3, 125 pas entre X3 et X4 et 140 pas entre X4 et X5, soit des recouvrements de 252 entre X1 et X2, 252 entre X2 et X3, 135 entre X3 et X4 et 120 entre X4 et X5.

5.4.6

Les grappes partielles

À titre de curiosité historique, signalons l’existence de grappes partielles, aussi appelées grappes courtes, dont la longueur était d’environ 25 % (91,44 cm soit 3 pieds) de celle des grappes longues normales, utilisées dans les premiers cœurs de CP0. Ces grappes en AIC étaient censées contrôler les oscillations axiales du xénon, mais le principe a été abandonné par la suite. À titre d’exemple, Fessenheim 101 contenait 48 grappes longues et 5 grappes courtes (Figure 5.89).

609

5. Le cœur et le combustible du réacteur R

P

N

M

L

K

J

H

G

F

E

D

C

B

A

1 2

A

3

D B

4

C

5

SB*

A B

SA*

SB*

SA

6

A

7

SB*

SA D

B

8

D

9

C

B

10

A

C SC

SA*

11

D

SC

D

C

C

D B

D

SB*

A

SA SB*

13

SA* B

14

SA*

SC C

A B

SA

12

SB*

SC

SC SB*

C

A

SB*

C

B D

A

15

Fig. 5.80 – Mode A – gestion standard 3,25 % (MA09, CPY). R

P

N

M

L

K

J

H

G

F

E

D

C

B

1 2

N2

3

SB

4

N1

5 6

N2

G2

R

R

G1

N1

SB N2

G2

R

SA

R

G2

N1

G1

SA N1

N2 SB R SB

R

SC N1

N1

SA

SA

G2

N2

SC G2

13 14

G2

N1 SA

11 12

SB G1

SC

SB

9 10

G2

N2

SC

7 8

R

G1 SB

N2

G2

N1

SB R

N2

15

Fig. 5.81 – Mode G, gestion standard 3,25 % (MG09, CPY).

A

610

La technologie des réacteurs à eau pressurisée R

P

N

M

L

K

J

H

G

F

E

D

C

B

A

1 2

N2

3

R SB

4

N1

5

SD

6

N2

7

G2

N2 SB

G1

SD G2

SC

N1 SC

G2

R

N1

R

G2

G1

N1

SA

N1

G1

SB

8

R

9

SB

SB

10

N2

R SB

G2

11

R

N1

R

G2

G1

G2

SC

12

N2

N1

13

SC

SD

14

G2

SB N2

N2 SD

N1

SB R

N2

15

Fig. 5.82 – Mode G, gestion quart de cœur, 64 assemblages à 3,45 %, 52 assemblages à 3,70 % (MGO9A, CPY). R

P

N

M

L

K

J

H

G

F

E

D

C

B

1 2

N2

3

SB

4

N1

5 6

SD N2

7 8

G2

13 14

SB G1

SD G2

SD R

R

G1 SB

N2

N1 SC

N1

R

G2 SD

N1

SA

N1

G2

G1

R SB

R

N1

G2

G1

SC N1

N2 SB

SD

11 12

G2 SC

N2

SB

9 10

R

R SD

SD

SB N2

G2 SC

G2

N2 SD

N1

SB R

N2

15

Fig. 5.83 – Mode G, gestion MOX (MGO9P, CPY).

A

611

5. Le cœur et le combustible du réacteur R

P

N

M

L

K

J

H

G

F

E

D

C

B

A

1 2

N2

3

R SB

4

N1

5

SD

6

N2

7

G2 SC

G2

R

9

R

G1

N2

G1

SD

11 N1

13

SA SA

14

N1

G2

G1

N1

SB

N2 SB

G1

R SB

R SD

N2

G2 SD

SA

R

SD

N1

R SA

SC

12

G2

N1

N1

G2

SD

SC

SA

SB

10

SB

SD

SB

8

N2

G2 SC

G2

N2 SD

N1

SB R

N2

15

Fig. 5.84 – Mode G, gestion parité MOX (MG09PM, CPY). R

P

N

M

L

K

J

H

G

F

E

D

C

B

1 2

SA

3 4

G2 SA

5 6

SB

SC

N2 G1

SA G2

SC

N1 R

SD

N1

SD

SC

G1

N1

R

N1

G1

SC

SD

N1

SD

SC

N2 SB

SB

R N2

G2 SA

SA G2

N2

R N1

13 14

N2

SB

R SC

R

11 12

R

N2

9 10

N1 G2

7 8

SB

R SC

G2 SA

G1 N2

SB

SC N2

R

G2 N1

G2 SB

SB

SA

15

Fig. 5.85 – Mode G (MG13, P4-P’4).

SA

A

612

La technologie des réacteurs à eau pressurisée A

B

C

D

E

F

G

H

J

K

L

M

N

P

R

S

17 16

SD2

15

SA1

14

N52

SC1

13

SB2

N42

SA2

GA

N2

12

10

N51

N41

N3

SA3

SD1

9 8

N42

6

SB2

N2

4

N2 SC1

SC2

SC3

SC2

N52

SC2

SC3

SC2

SC3

SB2 N52

GA

N42

SD2

SA3

N3

N41

N51

GB

GB

GA

N41

SA3

N51

N3

SB1

3

SA1

SA2

SC3

SA2

SA1

SC1

N41 GB

GA

N52

5

SB1

GB

SD2

7

N51

SA3

SB1

11

SD1 N3

SA2

SD1

SB1 N2

N42

2

SD1

SB2

SC1

N52

SA1

SD2

1

Fig. 5.86 – Mode A (MA15, N4). A

B

C

D

E

F

G

H

J

K

L

M

N

P

R

S

17 16

SD2

15

SA1

14

SC1

13 SB1

11

7

X4

X32

SA3

4 3 2

SB1

X1

X4 X31

SD2

X4

X1

SB2

SA2

X5

SC2

SC3

SC2

X5

SC2

X2 SC1

X2

SA1 SB2 X5

X1

X4 SA3

SD2 X32

X31 SC3

SA1

SC1

SA2

SC3 X31

6 5

X5

SA3 SA2

X5 SD1

9 8

X32 X4

X2

12

10

X5 SB2

SD1

SC2 X31

X4

SC3

X4

X1

SA2

X4

SB2

SA3

SB1 X5

X5 SB1

X2

X32 SD1

SD1

X5

SC1 SA1

SD2

1

Fig. 5.87 – Mode X (MAX15, N4).

T

T

613

5. Le cœur et le combustible du réacteur A

B

C

D

E

F

G

H

17

N1

15

N2

14

PG

12

10

2 1

M

N

PE

PB

N2

PD

N2

P

R

S

T

PF

N2

PE

PJ

PB

PF

N2

N1

N2

PA

PD

N2

PD

PE

N2 N1

PJ

PA N2

PC N2

PF

N1 N1

N2 PC

N1

N2

N1

N2 PG

N1

N2

PB

PE

PH N2

N2

N2

N2 N1

N1

PB

PJ N1

PG

N1

N2 PH

N1 PC

PD

N2

N2 PA

N2

N2

N1

N1

N1

N2

PC

4 3

PA

PF

N2

7

5

L

N2

N1 N1

N2

PJ

N1

11

6

PH N1

13

8

K

N1

16

9

J

N1 PG

N1 PH

N2

N1

N1

Fig. 5.88 – Mode T (EPR).

Fig. 5.89 – Implantation des grappes courtes (P) de Fessenheim 1.

614

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

5.4.7

Usure des barres de contrôle

[Hutin, 2016] p. 382 L’évolution des guides de grappes est liée à celle des internes supérieurs et à la hauteur du combustible qui a augmenté quand on est passé du CPY au P4. En particulier, la plaque support de ces guides est passée d’un modèle dit « nid d’abeille » pour le CPY à un modèle dit « chapeau inversé » à partir du P4 et pour la tranche chinoise de Daya-Bay (2 905 MWth). À partir de 1980, Framatome, le concepteur, a décidé de raccourcir le guidage continu des grappes et a rajouté des encoches sur les tubes fendus, pour limiter les effets de placage hydraulique. L’objectif est de limiter l’usure des grappes par frottement, par rapport au design historique de Westinghouse. Mais à partir de 1986, on constate à la fois sur le palier CPY et P4, des usures importantes principalement au niveau des cartes supérieures du guidage discontinu. On a même été confronté à des ruptures de crayon absorbant (Dampierre 1, Gravelines 4). Le retour d’expérience sur l’utilisation des barres de contrôle, a montré trois types d’usure : • En premier lieu, une usure mécanique par frottement axial, qui était attendue dans la mesure où les barres de réglage de la puissance effectuent de nombreux retraits et insertions dans les tubes guides, avec usure concomitante des cliquets de manœuvre. • Une « usure » neutronique sous irradiation, faisant apparaître des phénomènes de gonflement sous irradiation par formation d’étain (Sn) dans la matrice argent-indium-cadmium des barres noires [Marguet, 2013] p. 1018. Ce phénomène apparait surtout en bout de barres (le plus proche du cœur actif), et a tendance à augmenter les temps de chute, qui doivent pourtant rester en deçà de 1,8 seconde, en conservant de la marge par rapport au critère de sûreté. En ce qui concerne les barres hybrides contenant du carbure de bore, le risque consiste en un gonflement gazeux par capture (n,alpha) du bore 10 produisant de l’hélium. Il s’agit donc de placer le B4 C en partie supérieure de grappe pour limiter son activation. • Une usure par vibration, qui affecte même les barres d’arrêt pourtant en dehors du cœur. Cette usure, plus inattendue, a été découverte en 1983. Les barres d’arrêt sont situées au-dessus du cœur actif dans une position fixe (en attente de chuter dans le cœur en cas d’AAR). Les vibrations induites par le débit d’eau font frotter les grappes au niveau des cartes de guidage (Figure 5.90), pouvant aller jusqu’à des perforations de gaines pouvant gêner la chute de la grappe. L’usure des crayons peut être mesurée par courants de Foucault. Suite à la compréhension du phénomène d’usure, un nouveau guide de grappe moins érodant, dit M1, a été développé sur des maquettes de petites tailles. Pourtant, son usage en taille réelle sur la centrale chinoise de Daya Bay a conduit à des temps de chute de barres s’approchant des critères de sûreté (critère à 2,15 s), d’où un retour à l’ancien guide, pourtant plus érodant. Cet événement montre que l’optimisation d’un système complexe est difficile et qu’on peut gagner sur un tableau tout en perdant sur un autre. Une solution d’amélioration passe aussi par un traitement ionique de la surface des crayons de commande, pour les « durcir » par incrustation d’ions azote : le procédé est appelé nitruration. Pour se prémunir d’une usure plus forte, Framatome a préconisé à l’époque un traitement de surface des crayons absorbants par nitruration. C’est le cas des

5. Le cœur et le combustible du réacteur

615

Fig. 5.90 – Usure des crayons d’une grappe d’arrêt par les cartes de guidage (d’après

42

).

grappes du palier N4. Pourtant, son usage à Daya Bay n’a pas été concluant, où on a alors remis les grappes d’origine. Au final, ce sont des tubes guides de conception P4 qui ont réglé le problème.

42 Marc Zbinden, Agnès Lina : L’usure dans les réacteurs à eau pressurisée : le cas des grappes de commande, EPURE n◦ 63, juillet 1999, pp. 15-29.

616

5.4.8

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

L’arrêt automatique réacteur

[Tarride, 2013] p. 23 L’arrêt automatique réacteur (AAR), autrefois appelé « arrêt d’urgence » (le terme n’est plus usité pour éviter tout catastrophisme), consiste à ouvrir, sur signal du contrôle-commande, les grappins du système RGL et à laisser chuter par gravité toutes les grappes d’absorbants. Contrairement aux grappes de régulations de puissance, qu’on ne laisse pas volontairement descendre en suivi de charge en dessous de 5 pas extraits, l’AAR permet aux grappes d’atteindre la position totalement enfoncée de 0 pas extrait. Un système de rétreints permet de ralentir hydrauliquement les barres par effet dashpot. De très nombreux signaux du contrôle-commande (Figure 5.91) peuvent engager un AAR : augmentation anormale du flux mesuré par les chambres externes, déclenchement de la turbine, mauvais niveaux d’eau dans le pressuriseur, dans les GVs, mauvais débit des GMPPs, pression et températures hors gamme. . . Le terme générique décrivant ce contrôle-commande est « protection du réacteur ». Historiquement, le contrôle des niveaux d’eau dans les GVs est pour cause d’environ un tiers des AARs non programmés, de même que le déclenchement de la turbine à une puissance nucléaire supérieure au minimum technique (MT). Des protections génériques ont aussi été introduites à la conception des CP0 concernant la crise d’ébullition (rapport de flux thermique critique trop bas ou protection DNBR), et une puissance linéique trop élevée vis-à-vis de la fusion à cœur du barreau combustible. On doit évidemment pouvoir désengager certaines protections dans des situations bien contrôlées, comme la protection « haut flux » à très basse puissance et dont on veut modifier les seuils à mesure qu’on monte volontairement en puissance. Cette

Fig. 5.91 – Deux exemples d’élaboration des signaux d’AAR (Bas débit primaire en logique 2/3 pour le CPY à gauche et haut flux en logique 1/2 à droite).

5. Le cœur et le combustible du réacteur

617

protection protège contre une divergence intempestive. On parle alors de permissifs qui permettent d’adapter les protections par rapport à la situation. Classiquement, ces permissifs sont désignés sous la forme Pn où n est un entier. Citons à titre d’exemple le permissif P 6 lié à la mesure du flux neutronique supérieur au point de consigne. Ce permissif valide le blocage manuel de l’AAR haut flux sur chaînes sources (logique en 1/2). On a aussi imaginé des situations d’incidents où l’AAR ne serait pas déclenché, malgré la redondance des capteurs et des parades, comme le retrait intempestif d’une grappe située près du centre du réacteur, et qui ne serait pas « vue » par les chambres externes de puissance. Le réacteur pourrait alors « compenser », par exemple en insérant les autres barres suite à un retrait de barre centrale qui augmenterait la température moyenne. Ce type d’incident est regroupé sous le générique anglo-saxon ATWS : Anticipated Transient Without Scram.

5.4.9

Défaillances des mécanismes de barres de commandes

Le refus de manœuvre sur sollicitation d’une barre est un événement significatif important, car l’efficacité du système de barres de commande et d’arrêt est primordiale pour la sûreté d’un réacteur. Les études de sûreté prennent en compte la défaillance de la grappe la plus anti-réactive, dans le cadre de l’application du critère de défaillance unique (CDU). De fait, les exploitants portent une grande attention au moindre défaut survenant aux systèmes de grappes. Des incidents divers de natures variées ont déjà eu lieu à l’étranger et en France. Des refus de manœuvre ou un mauvais fonctionnement d’une grappe lors d’une sollicitation ont déjà provoqué, soit le blocage de la grappe (Nogent 2 en juillet 1995, Saint Alban 2 en août 1995, Nogent 1 en septembre 1995), soit une chute intempestive (Cattenom 1 en 1994, Nogent 1 en 1995, Saint Alban en 1995, Paluel 3 en 1996, Belleville 2 deux fois en 1996) ou encore une non-chute d’une grappe d’arrêt lors d’un AAR (Paluel 3 en 1995, Belleville 1 deux fois en 1996 (classé niveau 2 sur l’échelle INES). Ce dysfonctionnement apparaît donc sur le palier 1 300 MWe (aucun incident n’étant détecté sur le palier CPY), et a motivé une expertise très poussée des mécanismes de commande des grappes de régulation concernées. Cette expertise a révélé un phénomène de dégradation du grappin fixe du mécanisme. La pièce incriminée est la vis anti-rotation qui assemble une pièce appelée « plongeur » sur une autre pièce appelée « demi-plongeur ». L’usure du grappin au cours des cycles d’insertion/extraction de barre, se traduit par une vis rompue à hauteur du premier ou du second filet du fût de la vis, les parties rompues coinçant le système mobile. On a constaté une usure du carter au droit de la vis à chaque blocage, confirmant le problème purement mécanique. Le fait est que ce ne sont pas les mécanismes qui avaient intégré le plus grand nombre de pas qui ont été dégradés. Rappelons que ces systèmes sont dimensionnés pour 8 millions de pas et que certains mécanismes coincés n’avaient vu que 240 000 pas (Nogent 2). Le retour d’expérience a montré que ces dysfonctionnements sont toujours précédés par des problèmes initiateurs (sauts de pas, lâchers intempestifs. . . ) qui permettent d’avertir un opérateur vigilant. Notons un caractère aléatoire du défaut, puisqu’on a découvert, après dépose 43 , des vis délogées qui n’empêchaient pas le mécanisme de fonctionner (selon la façon dont le morceau de vis se « relocalisait » une fois cassé). 43 La dépose d’un mécanisme de grappe est une action relativement dosante, puisqu’on estime une dose à 100 mSv au contact pour le démontage.

618

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 5.92 – Vis anti-rotation de type South-Texas. Le système de vis anti-rotation du palier 1 300 MWe a été conçu initialement par Westinghouse (à partir de la tranche de South Texas, Figure 5.92) à la fin des années 1980, mais la société Jeumont Industrie a amélioré rapidement le concept en proposant un système anti-rotation mais aussi anti-éjection (par rabat de la coupellefrein de serrage dans les ergots). Une amélioration de la broche-vis et un allongement du demi-plongeur ont permis à Jeumont de régler ce problème de défaillance de la vis. À la fin des années 1990, des refus de chute de grappe ont été observés sur le palier 1 300 MWe, la plupart des cas concernant des grappes de régulation largement sollicitées par le mode G, et causés par le dysfonctionnement du mécanisme de commande. On a découvert aussi certains cas imputables à un contact mécanique bloquant lorsque la tige de commande était en position haute : un contact de l’épaulement du manchon de protection de la tige de commande avec le bord du chanfrein de la plaque de logement du guide de grappe empêchait la chute de la grappe. Il a fallu proscrire les positions très hautes de calage des grappes, parfois utilisées pour limiter les usures par vibration au niveau des cartes guides de grappe (264 pas extraits).

5.4.10

Les déformées d’assemblages et la chute de barre

L’apparition de temps de chute trop longs, dépassant les spécifications, ou d’insertions incomplètes de grappes dans l’assemblage, éveille naturellement l’attention de tout exploitant. Citons Ringhals en 1994, South Texas en 1995, Almaraz en 1995, Wolf Creek en 1996, Doel en 1996 (blocage avant l’entrée du dashpot à 70 pas extraits) et en France, Paluel en octobre 1996. La cause principale de ces incidents est majoritairement due à la déformation des assemblages en forme de S, dont les premiers effets se sont fait sentir en France en 1995 sur le palier P4 (dont les assemblages sont plus hauts que ceux du palier 900 MWe). Il apparaît que les déformées d’assemblage varient au cours de l’irradiation, sous

5. Le cœur et le combustible du réacteur

619

Fig. 5.93 – Principe du dispositif DAMAC de mesure des déformées d’assemblages.

l’effet d’un fluage d’irradiation sous l’action de la charge axiale. La charge axiale est le bilan des forces imposées par le système de maintien (ressorts comprimés) en action à la fermeture de la cuve, du poids de l’assemblage lui-même, des forces d’envol hydrodynamiques sous l’effet du courant ascendant d’eau, et de la poussée d’Archimède appliquée à un corps immergé. Les déformations sont difficiles à mesurer puisque les assemblages reprennent dans une certaine mesure leur forme initiale lorsqu’on les sort du cœur. On peut toutefois mesurer la déformation résiduelle hors cœur (mais sous eau) avec un dispositif appelé DAMAC (Figure 5.93). Ces déformations induisent des arcures de tubes guides et un désalignement des rétreints en zone inférieure par effet de déformations locales amplifiées par la tenue en pied d’assemblage (pion de positionnement). La forme particulière des tubes guides, qui comportent deux retreints au niveau du dashpot (chargé de produire un ralentissement hydraulique de la course de la grappe), favorise le blocage au niveau du premier retreint (45 pas extraits) ou du deuxième

620

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

retreint (18 pas extraits). Notons que le tube d’instrumentation ne comporte pas de retreint, puisqu’il ne reçoit jamais de grappe. Le problème de déformation des assemblages, provoquant des ralentissements de chute en AAR ou des insertions incomplètes (du fait de forces de frottement trop importantes), est très complexe. Des mesures, à partir de 1997, pour mieux rigidifier le squelette de l’assemblage ont été prises (épaississement de la partie rétreinte des tubes guides passant de 0,4 mm à 0,5 mm, augmentation du diamètre intérieur du tube guide de 11,25 mm à 11,45 mm, grilles renforcées). La Figure 5.7 vue au paragraphe sur la technologie des assemblages montre l’historique des évolutions menées pour contrer le problème. La mesure systématique des déformées résiduelles hors cœur permet aussi de décider de ne plus grapper un assemblage trop déformé. D’autre part, des études ont montré que même dans l’hypothèse où 45 grappes restaient bloquées au niveau du deuxième rétreint (18 pas extraits), une situation somme toute hautement improbable, on disposait encore de la marge d’anti-réactivité requise (MAR) de 1 600 pcm sur le palier P4. Ceci provient du fait que les derniers pas d’insertion n’apportent finalement que peu d’anti-réactivité du fait de la courbe particulière d’anti-réactivité différentielle à l’insertion (courbe en forme de S). De même, la situation d’une grappe bloquée à 70 pas extraits (cas de Doel) autorise encore une dizaine de grappes bloquées au second rétreint.

5.4.11

Dalle anti-missile

Pour limiter les conséquences mécaniques d’un séisme, on a placé au sommet de l’enceinte sous pression un système de pavés (une dalle par carter de grappe) métalliques et de forme carrée qui reprennent les efforts et de proche en proche les renvoient à l’anneau supérieur du tripode de levage solidaire des murs de la piscine BR par un ensemble de tirants. Pour limiter les conséquences mécaniques de l’éjection de barre par rupture du carter de commande, une dalle horizontale antimissile en béton est placée au-dessus du système RGL. Sur le palier 1 300 MWe, la dalle antimissile et la dalle antisismique sont confondues.

5.5

Les sources de démarrage

Le démarrage d’un réacteur ne peut se faire uniquement sur la source inhérente (fissions spontanées du combustible, source (α,n) ou photo-neutronique) de manière industrielle, car le niveau de ces sources est très faible et conduirait à des temps de divergence extrêmement longs. D’autre part, le niveau très faible des sources inhérentes rendrait une grande partie du démarrage invisible par les chambres externes, ce qui est dangereux (risque de criticité intempestive). C’est pour cela qu’on introduit des sources fixes de neutrons plus intenses détectables par les chambres sources externes. Les sources de démarrage sont de trois types : • les sources de fission spontanée en particulier une source de californium 252 insérée dans le cœur, dite « source primaire », utilisée pour le premier démarrage ; • les réactions (γ,n) produites par des sources d’antimoine-béryllium Sb-Be dites « sources secondaires ». Notons que pour un cœur suffisamment irradié, les photons produits par les produits de fission sont susceptibles de produire

5. Le cœur et le combustible du réacteur

621

Fig. 5.94 – Localisation des sources primaires et secondaires (P4). suffisamment de neutrons sur des noyaux légers (deutérium de l’eau. . . ) pour le démarrage ; • les réactions (α,n) produites par la radioactivité α des noyaux lourds sur les noyaux légers comme le béryllium ou l’oxygène. Les sources primaires (premier cœur) et secondaires sont placées dans des assemblages du cœur proches des chaînes sources (Figure 5.94) permettant à l’opérateur de suivre le démarrage. Les réacteurs CPY disposent de 4 grappes sources. Deux d’entre elles comprennent un crayon de source primaire, 3 crayons de sources secondaires, 8 crayons à poisons consommables et 12 bouchons. Les deux autres sont constituées de sources secondaires et de bouchons (Tableau 5.5). Sur les paliers ultérieurs, on dispose de 4 sources

622

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Tab. 5.4 – Principales propriétés du californium 252. Nombre de neutrons émis par fission spontanée Période Branchement  Br = 1

Énergie moyenne gamma Énergie alpha

= 3, 7560 ν¯252 98 Cf

Énergie effective de la réaction Q

12020,1582 keV

2,64505 ans = 8, 34698 107 s 0,03092 [-] en fission 0,96908 [-] en α

Incertitude sur Q (%)

0,6307

0,0204 keV 5930,7285 keV

Énergie moyenne des rayons X

0,9207 keV

Énergie moyenne de l’électron de Auger

1,5514 keV

Énergie de spontanée

fission

193,9 MeV

Énergie de désintégration α Énergie gamma de la fission spontanée Énergie du neutron de la fission spontanée Énergie cinétique des fragments de fission de la fission spontanée Énergie moyenne de l’électron de conversion

6,217 MeV 216,4400 keV 251,3178 keV

5527,5688 keV

0,4545 keV

primaires et 4 sources secondaires de dimension légèrement supérieure à celles du CPY.

5.5.1

Sources primaires

On utilise, au démarrage des premiers cœurs, des crayons « source primaire » contenant un filament de californium 252. Le 252 98 Cf est un isotope artificiel produit en réacteur et émetteur de neutrons par fission spontanée. Il possède les propriétés suivantes (Tableau 5.4) : • émission spécifique de neutrons : /s = λN × Brf ission × ν S = 2, 3 106 neutron/μg252 98 Cf =

Log2 2,65×365,25×24×3600

1 × 10−6 252 6, 0221023 × 0, 03092 × 3, 756

Le crayon source primaire comprend une source 252 98 Cf délivrant une intensité (à neuf) de 4,384 × 108 neutrons/s correspondant à 102,021 mCi d’activité totale avec un branchement de fission de 0,03092 et un nombre de neutrons par fission de 3,756 soit : 102, 021 10−3 Ci × 3, 7 1010 Bq/Ci × 0, 03092 × 3, 756 = 4, 384 108 neutrons/s Le californium en question se présente sous la forme physique d’un mélange d’oxyde de californium CfO2 et de palladium, d’à peine 192 μg (1,92 × 10−7 kg) de 252 98 Cf ,

623

5. Le cœur et le combustible du réacteur Tab. 5.5 – Nombre de grappes sources primaires.

Nombre de grappes « source primaire »

900 MWe 2

1 300 MWe 4

N4 4

EPR ?

Fig. 5.95 – Cermet contenant la source primaire de californium (modèle Cf52N25).

placé dans un blindage double d’acier étanche (soudé sous atmosphère d’argon) garantissant le confinement des produits de fission. L’ensemble compose un cermet actif (Figure 5.95). Le crayon source est inséré dans le plan à mi-hauteur du réacteur lors du premier rechargement, puis retiré au rechargement suivant. Les sources primaires ont pu être ainsi utilisées dans plusieurs réacteurs successivement au cours des démarrages. Un crayon source primaire (Figure 5.96) est porté par une grappe, associé avec un crayon source secondaire (Figure 5.97). Ainsi placée, une source primaire se retrouve à 106,7 cm du plan inférieur d’un 1 300 MWe (hauteur active de 426,77 cm), au niveau du plan supérieur du quart inférieur du cœur actif. Cette position la place axialement en face d’une chaîne source dont la hauteur est de 55,8 cm et dont la partie inférieure est à 78,8 cm du fond du cœur actif.

624

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 5.96 – Crayon source primaire. Le cermet est placé au centre d’un crayon source d’une grappe primaire.

5.5.2

Sources secondaires

Pour les cycles suivants le premier cycle, on utilise un mélange d’antimoine-béryllium qu’on place dans des grappes dites secondaires (Figure 5.99). Par activation neutronique du 123 51 Sb (stable, 43 % de l’antimoine naturel), on produit des photons très énergétiques d’énergie de 1,84 MeV selon la réaction (Figure 5.98) : 1 0n

+

123 51 Sb



124 51 Sb



β − 60,2jours

124 51 T e

+

0 − −1 e



124m La capture du neutron par le 123 51 Sb produit aussi du 51 Sb mais qui décroît très 124 rapidement sur son fondamental (75 %) et sur le 52 T e (25 %). À plus haute énergie,

625

5. Le cœur et le combustible du réacteur

Fig. 5.97 – Grappe fixe. Une grappe fixe peut être une grappe bouchon (type 1) qui obture les assemblages non grappés de telle manière que leur résistance hydraulique soit la même que celle des assemblages grappés. Cela peut être une grappe de poisons fixes comme du pyrex qu’on utilise pour diminuer la réactivité des premiers cœurs (type 2). Les grappes primaires comportent un crayon primaire et un crayon secondaire (type 3). Les grappes secondaires contiennent 4 crayons secondaires (type 4). 124m on produit même du 124n 51 Sb qui décroît sur le 51 Sb en 20 minutes. La période du 124 51 Sb fondamental est de 60,2 jours, ce qui laisse quelques mois pour conserver une activité suffisante pour que les grappes soient toujours efficaces au redémarrage, et détectables rapidement par les chambres externes. Le photon de 1,84 MeV produit une réaction (γ,n) sur le béryllium selon la réaction :

γ

+

9 4 Be



8 4 Be

+

1 0n

626

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

122 52

Te

123 52

Te

2,7 jours 121 51

Sb

57 %

122 51

Sb

124 52

Te

60,2 jours 123 51

Sb

124n 51

124m 51

Sb

Sb

124 51

Sb

43 % Fig. 5.98 – Chaîne de l’antimoine Sb.

Fig. 5.99 – Crayon source secondaire.

20 min 1,55 min 125 51

Sb

627

5. Le cœur et le combustible du réacteur

Le neutron induit par le béryllium possède une énergie de 0,025 MeV (25 keV) par une réaction photo-neutronique dont l’ordre de grandeur de la section est du millibarn. Notons qu’un autre isotope stable de l’antimoine naturel, le 121 51 Sb (abondance − Sb radioactif β de période 2,7 jours et 43 %), produit par capture de l’antimoine 122 51 qui produit un photon moins énergétique de 0,44 MeV, qui contribue très peu à la production de neutrons dans la mesure où la section photo-neutron du béryllium est une section à seuil. 1 0n

5.5.3

+

121 51 Sb



122 51 Sb



β − 2,7jours

122 51 T e

0 − −1 e

+



Les sources de fission spontanées

Les sources de fission spontanées du seul combustible sont faibles (Tableau 5.6). Pour preuve les valeurs des fissions spontanées de l’uranium dans le tableau suivant (on a mis la source de californium pour comparaison, car les traces de californium dans le combustible irradié sont infimes). Tab. 5.6 – Sources de fission spontanée du combustible. 235 92 U

Fission spontanée [neutron/s/g]

5.6

5,12 10

−4

238 92 U

−2

1,09 10

252 98 Cf 12

2,3 10

Surveillance du réacteur

La surveillance, le contrôle et la protection des réacteurs de tous les paliers sont assurés par une instrumentation fixe ou mobile pour se prémunir des accidents de deuxième et de troisième catégorie. La protection en cas de cinétique lente (supérieure à quelques secondes) est assurée, dans le cas des paliers P4-P’4 et N4, par le Système de protection numérique intégré (SPIN) qui effectue une acquisition de mesures en permanence : le flux des chambres externes, la température des boucles primaires, la vitesse des pompes primaires, la pression et la position des groupes de barres. Le SPIN calcule en ligne, selon une redondance d’ordre 4 sur les mesures, la marge par rapport au phénomène physique dont on veut se prémunir (crise d’ébullition, fusion du combustible). Pour les cinétiques rapides, la protection est basée sur le signal des chambres externes de mesure de flux par rapport à un seuil de haut flux ou par dérivée maximale du flux en fonction du temps. La surveillance du réacteur utilise les mêmes mesures expérimentales que la protection avec en plus la mesure des températures en sortie du cœur. Le niveau d’eau dans la cuve est suivi par des transmetteurs de pression qui sont installés sur des capillaires fixés sur la cuve. Il est apparu à la fin des années 1990 que le niveau de la cuve mesuré pouvait être significativement faussé par la corrosion des zones carburées d’un certain type de capillaire, qui a été remplacé par d’autres capillaires insensibles à ce phénomène de corrosion.

628

5.6.1

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Le système RIC

Plusieurs systèmes d’instrumentation du cœur sont installés, soit à poste, soit mobile, dans un cœur REP. Les systèmes fixes à poste permettent un suivi en ligne quand les systèmes mobiles sont utilisés pour des cartes de flux ponctuelles. Principe de fonctionnement d’une chambre à fission mobile [Asch et al., 2006] p. 724 Un élément important du système de surveillance du réacteur est le système RIC (instrumentation In-Core). Sur un réacteur P4, on insère par le bas du réacteur 6 détecteurs (5 sur le CPY) constitués de chambres à fission mobiles (CFM), qui permettent de mesurer le flux neutronique par fission d’un dépôt d’oxyde d’uranium enrichi à 98 % en U235 , déposé sur la face interne d’une ampoule de 4,7 mm de diamètre et de 27 mm de longueur utile. La fission de l’uranium 235 du dépôt émet des produits de fission hautement ionisants, qui produisent pendant leur parcours des électrons. L’anode collectrice centrale est placée dans un volume (dit « ampoule ») rempli d’argon inerte (pression 110 kPa) et isolé par deux enveloppes étanches (Figure 5.100 et Figure 5.101). On applique une haute tension de 120 V à 150 V entre l’électrode centrale et l’enveloppe métallique, ce qui fait du détecteur une mini-chambre d’ionisation. Les deux produits de fission résultant d’une fission induite par neutron incident sont très ionisants lors de leurs parcours dans l’argon, et le champ électrique de la chambre d’ionisation collecte à l’anode les électrons produits. Cette tactique permet de rendre détectable les neutrons qui ne peuvent ioniser le gaz directement (étant neutres). L’inconvénient est que l’argon est aussi ionisé par les rayons gamma et éventuellement par les particules alpha. La gamme de mesure de ces chambres est de 1011 n.cm−2 .s−1 à 1,5 × 1014 n.cm−2 .s−1 ).

Fig. 5.100 – Principe d’une chambre à fission mobile.

Fig. 5.101 – Schéma d’une sonde RIC Photonis (courtesy société Photonis, Brive-la-Gaillarde, France). La société française Photonis fournit toutes les sondes RIC du parc nucléaire français d’EDF.

5. Le cœur et le combustible du réacteur

629

Fig. 5.102 – Chambre RIC modèle CFUF43/P : le détecteur est au bout du câble téléflex en haut à droite de l’image (courtesy société Photonis, Brive-la-Gaillarde, France). Le téléflex est un câble de propulsion constitué de plusieurs nappes de fils d’acier et d’un câble spiralé d’environ 30 m de long, comportant en partie centrale le câble « signal » isolé par de l’alumine et résistant à la température et aux rayonnements. Ce modèle équipe tous les réacteurs français utilisant des CFMs (sauf l’EPR).

Fig. 5.103 – Schéma de la sonde RIC Photonis (courtesy société Photonis, Brive-laGaillarde, France).

Il y a 58 tubes d’instrumentation sur un P4 (resp. 50 sur le CPY, 60 sur le N4) qui forment 58 fourreaux (appelés aussi doigts de gant, diamètre interne de 5,2 mm, diamètre externe7,5 mm, les doigts de gant, en inox souple d’environ 15 m de long (19 m pour les plus longs), sont rétractables par le bas du réacteur lors des déchargements), dans lesquels on peut pousser les CFMs via un câble téléflex propulseur pliable (société Zodiac) (Figure 5.102, Figure 5.103) pour passer d’une situation horizontale à une position verticale. Le téléflex contient un câble signal isolé à l’alumine. Les doigts de gant sont insérés dans des tubes de guidage soudés à la cuve. Les doigts de

630

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

gant doivent être suffisamment résistants pour tenir à la pression du primaire, mais suffisamment souples et élastiques pour présenter un effort minimum d’insertion et de retrait dans le tube d’instrumentation [Éléments de sûreté et de radioprotection des centrales nucléaires de 1 300 MWe, 1982] p. 73. On utilise donc pour les fabriquer de l’acier V721 à forte teneur en nickel (18 %) 44 , présentant la meilleure résistance à la température tout en garantissant une certaine ductilité. Ces doigts de gant servent de tubes de guidage et font donc partie intégrante du circuit primaire puisqu’ils assurent l’étanchéité de la cuve au niveau de leur base. L’étanchéité des doigts de gant est signalée en salle de commande et ils peuvent être remplacés moyennant d’importantes précautions liées à l’activation des tubes (leur acier contient du cobalt). La mesure du flux par les CFMs ne se fait pas instantanément dans les 58 canaux mais successivement en déplaçant 6 chambres capables d’explorer un canal tour à tour grâce à un système d’aiguillage. Une mesure collective de 6 canaux est appelée « passe ». Le dispositif de mise en mouvement et d’aiguillage de l’ensemble des mesures de flux est situé hors cuve. Il permet de déplacer simultanément 6 CFMs dans 6 assemblages différents. Pour réaliser les 60 mesures correspondant aux 60 assemblages sélectionnés d’un N4, il est donc nécessaire d’effectuer 10 passages en cœur de chaque CFM. La durée totale de passage d’une CFM sur toute la longueur d’un assemblage pour une acquisition des données est d’environ 5 minutes. On insère tout d’abord entièrement la chambre jusqu’en butée, puis on effectue 616 points axiaux de mesure (512 sur le CPY, espacés d’environ 8 mm) lors du retrait de la chambre. Les étapes d’insertion des CFMs dans les doigts de gant, leur extraction et leur aiguillage vers un autre assemblage instrumenté, allongent significativement la durée d’une campagne de réalisation d’une carte de flux complète du cœur. Le temps consommé est de l’ordre d’une heure. Il faut ensuite prendre en compte le temps nécessaire à la mise en forme des données et au dépouillement, ce qui peut conduire à un délai de restitution des résultats de quelques heures à 48 heures. En faisant passer les chambres dans un même canal, on peut les intercalibrer. Lors de la première passe, les 6 détecteurs explorent 6 assemblages, puis on opère une permutation circulaire entre les détecteurs et les 6 mêmes assemblages ; et on lance une nouvelle passe qui permet de comparer un assemblage mesuré par tous les détecteurs. Les chambres ne doivent pas rester en permanence dans le réacteur car l’usure des dépôts d’uranium ne leur laisse qu’une espérance de vie d’environ 12 heures sous flux intense. Introduction des CFMs dans le cœur Les assemblages instrumentés par palier sont présentés Figure 5.104, Figure 5.105 et Figure 5.106. Les CFMs poussées par leur téléflex circulent (Figure 5.107) dans un 44 La société Böhler, qui fabrique cette nuance, précise sur son site : Acier à ultra-haute résistance, apte à la trempe martensitique (marageing), qui atteint ses propriétés de haute résistance par rapport aux aciers trempables non pas par une structure de durcissement avec une teneur en carbone relativement élevée, mais par précipitation de phases intermétalliques à partir d’une masse de base martensitique au nickel quasiment exempte de carbone. Il en résulte les avantages suivants : haute résistance à la traction et limite d’élasticité élevée, bonne ténacité (même aux basses températures), haute résistance à la traction avec entaille et aux criques dues à l’échauffement, changement dimensionnel pratiquement nul lors du traitement thermique, pas de décarburation ni de risque de fissure, trempe à cœur même avec de grandes dimensions, bonne aptitude à l’enlèvement des copeaux à l’état durci, bonne aptitude au formage à froid grâce à la faible tendance au durcissement, bonne soudabilité, traitement thermique simple à basse température. Les tubes subissent une hypertrempe leur conférant une limite élastique de l’ordre de 50 à 70 kg/mm2 .

5. Le cœur et le combustible du réacteur

Fig. 5.104 – Implantation des CFMs sur le palier 900 MWe.

Fig. 5.105 – Implantation des CFMs sur le palier 1 300 MWe.

631

632

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 5.106 – Implantation des CFMs sur le palier N4.

Fig. 5.107 – Insertion du téléflex dans le doigt de gant monté à poste dans le tube d’instrumentation à chaque recharge.

5. Le cœur et le combustible du réacteur

633

doigt de gant étanche en acier inoxydable 304 d’un diamètre extérieur de 7,5 mm et de 1,15 mm d’épaisseur pour le doigt de gant mince, et 8,6 mm pour 1,7 mm d’épaisseur pour le doigt de gant épais. Ces doigts de gant sont introduits (Figure 5.112) par le fond du réacteur dans le tube d’instrumentation central des seuls assemblages situés au regard des pénétrations à leur chargement (Photo 5.14, Figure 5.108, Figure 5.109,

Photo 5.14 – Guide de téléflex dans le puits de cuve en dessous de la cuve. On voit nettement les pénétrations de fond de cuve soudée sur le fond de cuve (centrale du Bugey, photo EDF).

Figure 5.110). Les autres assemblages ne sont pas instrumentés et leurs tubes d’instrumentation sont ouverts, ne contenant que de l’eau borée du primaire. Les CFMs sont guidées dans le cœur par des colonnes d’instrumentation qui font partie des internes inférieurs de cuve et qui débouchent au niveau de la plaque supérieure du combustible. Les doigts de gant peuvent être rétractés d’environ 4 m, pour pouvoir décharger les assemblages (Figure 5.111). L’étanchéité de la zone entre doigt de gant et tube de guidage est assurée par des buses soudées sur la cuve (Figure 5.114, Figure 5.115, Figure 5.116). À noter qu’en configuration « cœur déchargé », les doigts de gant sont tous rétractés par le bas du cœur et le débit de dose dans le puits de cuve devient très élevé (rayonnement des doigts de gants) de 5 à 8 Sv/h, plaçant le puits de cuve en zone rouge 45 . 45 Le 11 mars 1999, la tranche TRICASTIN 1 étant en arrêt pour visite décennale, combustible déchargé, un technicien a voulu bien faire en enlevant deux projecteurs placés dans le puits de cuve pourtant placé en zone rouge. Cette intervention lui a coûté une exposition de 340 mSv, alors que la dose annuelle est limitée à 50 mSv (évènement classé niveau 2 par l’Autorité de Sûreté).

634

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 5.108 – Principe de l’insertion des CFMs par le bas du réacteur.

Fig. 5.109 – Détail du système RIC. Les cartes de flux doivent être réalisées tous les 30 JEPP et le cœur doit être stabilisé en puissance pendant 36 heures avant la carte de flux. Cet état de fait rend la tranche indisponible au suivi de réseau, ce qui est une contrainte forte d’exploitation. Une phase d’étalonnage entre les sondes RIC prend environ une heure. On utilise pour ce faire un doigt de gant en inox souple et étanche à l’eau du primaire, accessible aux 5 sondes RIC d’un CPY (par un sélecteur de voie, Photo 5.15), ce qui

5. Le cœur et le combustible du réacteur

635

Fig. 5.110 – Localisation de l’ensemble du système RIC (adapté de : [Instrumentation du réacteur, 1977]).

Fig. 5.111 – Schéma d’un doigt de gant rétracté avant une opération de rechargement. On repère la manchette soudée à l’extérieur du fond de cuve.

permet une inter-calibration des sondes entre elles en les faisant passer toutes successivement dans un même assemblage. La scrutation d’un seul assemblage se fait ensuite en environ 10 minutes, soit 2 h 30 au total pour une scrutation de la cinquantaine d’assemblages scrutés d’un CPY lors d’une carte de flux. Les cartes de flux sont réalisées au démarrage après rechargement, puis périodiquement en cours d’exploitation :

636

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 5.112 – Introduction du doigt de gant dans la manchette soudée au fond de cuve (la figure est horizontale mais la réalité est verticale). On notera que l’eau du primaire va jusqu’à la vanne d’arrêt, d’où l’importance de l’étanchéité.

Fig. 5.113 – Position haute du doigt de gant : la scrutation avec la CFM commence par le haut en descendant avec un pas constant.

tous les 30 +/– 3 jours pour l’essai RPR/RPN11 des 1 300 MWe, ou 90 +/– 3 jours pour l’essai RPR12/RPN15. Pour les 900 MWe, cette périodicité est de 30 JEPP ou 60 jours calendaires maximum. La période passe à 30 jours si la puissance est inférieure à 90 % Pn. Une carte est systématiquement faite en début de prolongation de campagne, puis tous les 20 JEPP, période qui descend à 15 JEPP si le déséquilibre azimutal est supérieur à 2 %. Rupture d’un doigt de gant [Hutin, 2016] p. 362 La rupture d’un doigt de gant est un événement rare, mais qui est déjà arrivé en France sur Paluel 1 (29 mars 1985), puis Paluel 2 (mai 1985). Paluel 2 a vu un grand nombre d’incidents/défauts qui ont conduit à placer des prothèses sur le fond support de cuve

5. Le cœur et le combustible du réacteur

637

Fig. 5.114 – Buse d’injection du doigt de gant dans le tube d’instrumentation (CPY).

(au pied des assemblages) pour remédier à ces problèmes. Les analyses ont montré un caractère générique d’usure importante du fait de phénomènes vibratoires causés par un écoulement trop important dans les colonnes d’instrumentation (Figure 5.117). Des campagnes de mesure de vibration par accéléromètres, montés sur les prolongateurs de tube guide de la cuve 46 , ont été effectuées sur Paluel 3 en 1984. Elles ont montré 46 Ces capteurs sont normalement destinés à la surveillance des corps migrants et des vibrations de structures internes (système KIR). Des capteurs provisoires Metravib ont aussi été montés en amont des capteurs KIR à des positions identiques (sur la partie coudée du guide de téléflex) de ceux montés sur le CPY pour inter comparaison. Ces campagnes de mesure ont montré que l’on détectait de façon satisfaisante les chocs de doigt de gant (chocs de l’ordre de 1 g d’accélération (soit 9,81 m/s2 ) pour des chocs jusqu’à 11 g) à partir de la salle RIC à l’aide des accéléromètres, mais même avec un stéthoscope dont le pavillon est directement appliqué sur le tube.

638

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 5.115 – Traversée de la plaque support de cœur et détail du buse-capuchon à ressort dirigeant l’injection de la CFM dans le tube d’instrumentation central de l’assemblage (montage sur Paluel 1 et 2). l’influence primordiale du débit primaire sur les vibrations du doigt de gant, et ont permis de localiser les zones de détérioration (Figure 5.120). La solution a consisté à réduire, grâce à un manchon ou prothèse, l’écoulement autour du doigt de gant. Différentes prothèses (8) ont été testées sur Flamanville 1 à partir de mai 1985 (Figure 5.118, Figure 5.119). À partir des années 1990, on est passé en doigt de gant épais « renforcé » pour lénifier les problèmes d’usure (rayon interne 2,6 mm, externe 4,3 mm, épaisseur 1,7 mm), dont on remarquera que le diamètre interne est le même que le modèle standard mince. Utilisation des signaux des CFMs Les CFMs sont introduites dans le cœur par le bas du réacteur (Figure 5.121, Figure 5.122), successivement dans les assemblages qui comportent un doigt de gant. La chambre est envoyée à grande vitesse jusqu’en haut du réacteur, puis redescend lentement (1,5 m/min.) pour mesurer le flux sur 512 points de mesure (Figure 5.123).

5. Le cœur et le combustible du réacteur

639

Fig. 5.116 – Différents types de buse d’injection de CFM dans le tube d’instrumentation et de doigts de gant utilisés sur le parc EDF. Un assemblage est exploré en environ 10 minutes, ce qui fait qu’en comptant les phases de calibration, l’opération complète dure environ 3 heures pour une carte de flux complète, sans compter le temps pour stabiliser auparavant la puissance du réacteur, utile pour stabiliser toute oscillation xénon axiale. Cela permet que la carte soit exploitable, dans la mesure où les mesures ne sont pas concomitantes. Ceci impose une indisponibilité de suivi de charge d’environ 2 ou 3 jours. La chambre mesure une activité expérimentale, qui permet de remonter à la puissance de l’assemblage par la formule : P uireconstitu´ee (assemblage) ≡

Puith´eorique (assemblage) Activit´ emesure (assemblage) Activit´ eth´eorique (assemblage)

Dans cette formule, on utilise la puissance théorique et l’activité théorique calculée par un code de calcul de cœur 47 . La puissance théorique est le résultat d’un calcul de diffusion neutronique sur le cœur. L’activité théorique est la réponse simulée par un code de cœur de la réponse de la chambre. On notera que la puissance ainsi reconstituée utilise des données calculées puisqu’on n’a pas accès directement à la puissance expérimentale de l’assemblage. 47

COCCINELLE à EDF.

640

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Photo 5.15 – Salle du sélecteur de redirection des CFMs (centrale de Fessenheim, photo EDF).

Fig. 5.117 – Vibrations du doigt de gant par excitation hydrodynamique. Le doigt de gant est en inox souple et introduit de façon permanente à chaque cycle. Il est rétracté en fin de cycle pour le déchargement. Il ne contient le téléflex entouré d’air que pendant les phases de scrutations (cartes de flux).

5. Le cœur et le combustible du réacteur

Fig. 5.118 – Différents types de prothèses P4 de guide de doigt de gant.

Fig. 5.119 – Détail de la buse d’injection rapportée (1 300 MWe).

641

642

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 5.120 – Localisation des usures et rayures sur les doigts de gant de l’expérimentation Paluel 3 (1984). Positionnement des 4 capteurs KIR (Columbia).

5. Le cœur et le combustible du réacteur

643

Fig. 5.121 – Synoptique de redondance des CFMs.

L’utilisation optimale des CFMs nécessite de stabiliser le réacteur pendant environ 36 heures pour s’affranchir des oscillations xénon durant la mesure. Une carte de flux complète prend quelques heures, l’opération n’étant pas totalement automatisée et

644

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 5.122 – Vue générale du système RIC (CFMs et thermocouples).

nécessitant l’intervention d’opérateurs. C’est le principal désagrément du système qui a été remplacé par un système d’aéroballs sur l’EPR, où le temps d’une « photographie » de l’état du cœur ne prend que 3 minutes.

5. Le cœur et le combustible du réacteur

645

Fig. 5.123 – Exemple de traces axiales d’activité mesurées par les CFMs.

5.6.2

Les campagnes d’essai avec collectrons

Historiquement, on doit au physicien russe M. G. Mitelhan 48 en 1961, puis au Canadien J. W. Hilborn de l’AECL, l’utilisation opérationnelle 49 du principe du collectron (Self Powered Neutron Detector, SPND en anglais) dans les années 1960, accompagnée d’un dépôt de brevet 50 . L’originalité du collectron est de ne pas nécessiter de polarisation électrique. L’émetteur est un matériau qui conduit les charges 48 G. Mitelhan, R. S. Erofeev, N. D. Rozenblyum : Transformation of the Energy of short-lived radioactive isotopes, Soviet Journal of Atomic Energy 10, n◦ 1 (1961). 49 J. W. Hilborn : Self-Powered Neutron Detectors for flux monitoring, Nucleonics 22, 2, 69 (1964). 50 J. W. Hilborn : Self-Powered Neutron Detector, U.S. Patent 3, 375, 370 (March 26, 1968).

646

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 5.124 – Description d’une chambre collectron.

électriques. La réaction nucléaire utilisée est la capture de neutron sur une cible absorbante qui s’active en un isotope radioactif β − , puis les électrons produits sont collectés via un câble, ce qui forme un signal dont on mesure l’intensité en ampères. Les aspects théoriques sont plus largement développés par M. Grin 51 . Dans le cadre de l’expérimentation MARINE (Marge Améliorée par la Réalisation d’une Instrumentation Nucléaire Evoluée) liée à un éventuel déploiement du système de surveillance des cœurs US3D (Unité de Surveillance 3D de Framatome), EDF a décidé, suite à une décision de juin 1999 du Directoire de gestion des cœurs, d’installer sur le réacteur Cattenom 1 (tranche 1 300 MWe en gestion GEMMES) une nouvelle instrumentation expérimentale « in-core » fixe, dite « collectron » (Figure 5.124), un néologisme signifiant « collecteur d’électrons ». En anglais, on utilise plutôt le terme Self-Powered Neutron Detector (SPND), qui signifie bien que le système n’a pas besoin d’une source électrique pour fonctionner. Cette décision fait suite à une phase d’expérimentation sur Golfech 2, où deux cannes collectrons au rhodium avaient été installées dans les assemblages H-02 et J-10 pendant le cycle 4 52 . La chambre collectron (au rhodium) consiste en une âme cylindrique en rhodium de 400 mm de long et de 0,45 mm de diamètre qu’on appelle émetteur et qui délivre, par activation du rhodium 103 puis radioactivité β − du rhodium 104 des électrons collectés par un fil conducteur en inconel. Le rhodium est noyé dans un isolant électrique constitué d’alumine (céramique Al2 O3 ) enfermé dans un collecteur en Inconel. Cet isolant minéral ne doit pas se détériorer sous un fort rayonnement et sous une température d’environ 300 ◦ C. Un fil conducteur de compensation permet par différence de courant de ne mesurer que les électrons vraiment produits par le rhodium (il produit un courant a priori identique à celui du fil conducteur seul). Le diamètre extérieur de la chambre ne dépasse pas 1,4 mm. L’instrumentation comporte 16 cannes de 8 chambres « collectron » étagées axialement de mesure de flux de neutrons par activation de l’âme de rhodium (Figure 5.125). L’activation (n,γ) du rhodium 103 produit dans 93 % des cas du rhodium 104 fondamental, lui-même radioactif β − avec une période de 42,3 secondes :  104 0 − 99, 551% 46 P d + −1 e 104 1 103 → → n + Rh Rh + γ 45 0 45 104 0 + 42,3s 145 barns 0, 449% 44 Ru + 1 e 51 M. Grin : Collectrons, Self-powered neuron flux detectors, Part 1 : Theoretical considerations, Rapport EUR 4775 e, Commission of the European Communities, 37 pages (1972). 52 Au sujet des essais sur Golfech 2, on lira avec profit le mémoire de Gilles Sardier : « Unité de surveillance 3D en ligne et instrumentation interne fixe, étude des performances des collectrons au rhodium », mémoire de CNAM, 27 octobre 2000.

647

5. Le cœur et le combustible du réacteur

Fig. 5.125 – Schéma axial d’une canne collectron. Dans certains cas (7 % des captures), la capture neutronique donne un état métastable radioactif (période 4,34 minutes) du rhodium 104, s’en suit une production de rhodium 104 fondamental conduisant encore à une production d’électrons : 1 0n

+

103 45 Rh



11 barns

104m 45 Rh

+ γ



4,43 min

104 45 Rh

+ γ

Le rhodium 104 de la précédente équation est radioactif β − comme nous l’avons déjà vu. Notons aussi que les photons émis par les réactions précédentes peuvent créer instantanément des électrons par effets Compton et photoélectrique. Cette production instantanée d’électrons est estimée à 6 %, ce qui fait qu’on peut décomposer approximativement la production d’électrons en 87 % de production d’électrons avec une période de 42,3 s, 7 % avec une période de 4,43 minutes et 6 % instantanée, ce qui fait apparaître une composante prompte (les 6 %) et retardée (le reste) du signal. Comme la composante est essentiellement retardée, on parle de collectrons à réponse lente. On trouve dans cette catégorie (Tableau 5.7) les collectrons au rhodium (en moyenne 68 s), en argent (51 s) ou au vanadium (5,4 minutes). Certains collectrons

648

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Tab. 5.7 – Caractéristiques générales de différents types de collectrons usuels. La consommation (usure sous rayonnement) du collectron est d’autant plus importante que la section de capture est forte. Émetteur Abondance isotopique Capture à 2 200 m/s (barns) Période des isotopes formés

Rhodium 103 100 %

Argent 107 109 51,3 % 48,7 %

Vanadium 51 99 %

Cobalt 59 100 %

140

45

113

5,66

37

42 s. 4,3 min. (99,9 %)

2,3 min.

24, 2 s. 270 j (5 %)

3,76 min.

5,26 ans 10,5 min. + négligeable

Sensibilité (A/n.V/cm) 10−22 Ame en mm

14 (âme de 0,5 mm)

Temps de réponse à 63 % Consommation de l’émetteur en % pour un flux de 1013 n.cm−2 .s−1

68 s.

3,9

5,5 (0,5 mm)

51 s.

2,4

Réponse lente

Platine Nombreux isotopes 10

5, 4 min.

Réponse complexe (environ 20 % du signal) 0 ,7 (1 mm) 0,2 1,25 (0,5 mm) (1,4 mm) dont 80 % de gammas Celui de la chaîne demesure

0,16

1,12

2 (1 mm) 3,5 (1,5 mm)

0,2

Réponse rapide

ont une réponse essentiellement prompte, comme le cobalt, le platine ou le hafnium, du fait que le signal est principalement dû aux électrons Compton et photoélectrique (environ 50 ms). Dans le cas des collectrons au rhodium, on estime que la contribution instantanée est donc de l’ordre de 6 %, et donc de 94 % pour la contribution retardée. Les électrons émis par radioactivité, dont le spectre est continu, ont une énergie maximale suffisante (2,44 MeV) pour traverser l’isolant et atteindre la gaine en créant un courant électrique différé Iβ − . Les photons issus de la capture radiative arrachent des électrons par effet photoélectrique ou effet Compton. Ces électrons peuvent aussi atteindre la gaine et créent un courant instantané Iγ . Le courant mesuré est la somme de ces deux courants Itotal = Iβ − + Iγ . Si la composante retardée (créée par les électrons issus de la radioactivité β − ) est plus importante que la composante instantanée créée par le rayonnement de photons, le détecteur est classé dans la catégorie des « collectrons lents ”. C’est le cas des collectrons au rhodium ou au vanadium (la période du vanadium 51 est de 3,76 minutes) qui fonctionnent sur le même principe. D’autres collectrons utilisant le cobalt ou le platine sont des collectrons rapides où Iγ > Iβ − . La gamme de courant attendue d’un collectron au rhodium est de 2 × 10−8 ampère (correspondant à un collectron usé placé en périphérie d’un cœur à 5 %Pn) jusqu’à 8 × 10−6 ampère (pour un collectron neuf placé au centre d’un cœur à 109 %Pn). Le courant de compensation varie quant à lui de 3 × 10−10 ampère à 5 × 10−7 ampère. On estime que le courant émetteur diminue d’environ 70 % au cours de la vie du

5. Le cœur et le combustible du réacteur

649

Fig. 5.126 – Implantation des cannes collectrons dans Cattenom 113.

collectron (environ 8 ans) alors que le courant de compensation reste constant. Le courant émetteur et le courant de compensation d’un même collectron sont amplifiés et convertis en tension dans deux circuits de même gain. Le signal du collectron corrigé est obtenu en soustrayant le signal de compensation du signal de l’émetteur. Un filtrage analogique élimine ensuite le bruit et un convertisseur analogique/numérique numérise le signal. Après numérisation, on déconvolue par un filtre de Kalmann le signal pour prendre en compte le retard dû à la radioactivité du rhodium 104. Ces considérations sur le retard du signal amènent un commentaire important : si le collectron est lent, comme dans le cas du rhodium ou du vanadium, c’est-à-dire que le courant retardé est prédominant sur le courant instantané produit par les photons, le traitement du signal permet de remonter à l’activation neutronique de l’émetteur. Si, par contre, le collectron est rapide comme dans le cas du cobalt (période du cobalt 60 : 5,27 ans), le courant instantané créé par les photons prédomine alors sur le courant

650

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

créé par l’activation par neutron. On accède donc alors à une production d’électrons sous flux de photon. Hors ces photons proviennent partiellement de l’ensemble du réacteur, en tout cas des assemblages proches (pour environ 15 % de la réponse du collectron). En effet, le flux de photons est plus homogène que le flux de neutrons car ils ont une portée plus lointaine que les neutrons. On parle d’effet lissant. Il n’est pas exact de considérer que le flux de photons est proportionnel stricto sensu au flux local de neutrons. Les collectrons au cobalt sont pilotés par le flux de photons dans la mesure où la période du cobalt 60 produit par capture neutronique est de 5,27 ans, un temps suffisamment long pour que la composante retardée soit faible. Ils proposent donc une image plus floue du flux neutronique. En conclusion, plus la période de l’émetteur β − est faible, plus l’image du flux de neutrons sera précise. Les collectrons sont placés à des positions axiales fixes situées entre les grilles des assemblages (Figure 5.125). Les cannes ont été introduites dans l’intercycle 12-13 et ont fonctionné depuis le 1er novembre 2003 au cours du cycle 13 (Figure 5.126), placées dans 16 tubes d’instrumentations qui n’ont plus été disponibles pour les CFMs du RIC. De fait, seules 42 positions sur les 58 habituelles restaient disponibles pour le RIC, justifiant d’une appellation de « RIC dégradé ». La réponse des signaux des collectrons est interprétée par un code de calcul embarqué dans une unité de surveillance 3D dite « US3D », qui déploie en 3D les erreurs de calcul par rapport aux mesures des collectrons pour déterminer des marges d’exploitation. Dans la mesure où le RIC n’est pas complètement disponible (42/58), on a affecté une pénalité au système SPIN de surveillance des marges en protection du réacteur, pour prendre en compte ce RIC dégradé.

5.6.3

L’instrumentation interne de l’EPR

Le réacteur EPR dispose de deux systèmes internes de mesures d’activité. D’une part, un système dit « Aéroball » de scrutation ponctuelle, d’autre part un système de cannes collectrons au cobalt de scrutation continue, dont le principe a déjà été présenté dans le cadre de l’expérimentation MARINE.

L’instrumentation « aéroball » Le système Aéroball est basé sur l’introduction dans le cœur actif de plusieurs trains de billes. Des trains de petites billes d’acier dopé au vanadium, introduits depuis le sommet de la cuve, sont transportés pneumatiquement (poussés par de l’azote) dans le cœur (à l’intérieur de certains tubes guides d’assemblages, Figure 5.127, Figure 5.128). Après un séjour dans le cœur de trois minutes, les trains de billes sont dirigés vers un banc de comptage où l’activation de chacun d’eux est mesurée sur 30 points, en cinq minutes. On obtient ainsi des valeurs locales d’activation qui permettent de remonter par calcul au flux neutronique. Un traitement numérique permet de reconstituer la distribution de puissance tridimensionnelle dans le cœur. Ce système de mesure permet in fine l’élaboration des cartes de flux pendant le fonctionnement de l’EPR. Il permet aussi le calibrage des détecteurs collectrons fixes. Ces collectrons sont capables de délivrer une mesure de flux en continu et assurent la fonction Protection (automatisme intervenant dans un délai très court), initialement dévolue aux chambres externes des paliers précédents REP 900, 1300, et N4.

5. Le cœur et le combustible du réacteur

651

Fig. 5.127 – Principe des aéroballs. Les trains de billes circulent dans des conduits et pénètrent dans la cuve du réacteur nucléaire par le couvercle. Ils sont insérés et éjectés de la cuve par de l’azote comprimé. Chaque train de billes circule dans un conduit qui lui est propre et indépendant. La mesure de flux repose sur l’activation du vanadium contenu dans les billes lorsqu’elles sont placées sous flux neutronique. Le comptage de l’activité de ces billes se fait au moyen de détecteurs fixes placés sur des râteliers situés à l’extérieur de la cuve, tout en restant dans le bâtiment réacteur. Les billes sont faites d’un alliage d’acier avec 1,5 % de vanadium. Leur diamètre est de 1,7 mm. Elles circulent sous forme de trains dans des tubes creux de 3 mm de diamètre extérieur. Il faut environ 2 500 billes pour couvrir la hauteur d’un cœur de réacteur EPR. Il y a autant de trains de billes que d’assemblages à explorer soit 40 sur un réacteur EPR. Tous les trains de billes sont insérés et éjectés de la cuve en même temps, ce qui veut dire qu’il suffit d’une seule passe pour effectuer une carte de flux complète du cœur, contre onze passages pour les CFMs du palier N4. Sous flux neutronique, le vanadium 51 produit du vanadium 52 qui est radioactif β − avec une période de 3,75 min en produisant du chrome 52 stable.

652

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 5.128 – Emplacement de l’instrumentation interne l’EPR. 1 51 52 0 n + 23 V → 23 V + γ 52 0 − 52 23 V → 24 Cr + −1 e 3,75m

Le temps de séjour dans le cœur est approximativement de trois minutes. Le vanadium a été choisi parce que sa période est courte, ce qui permet d’attendre peu de temps pour que sa décroissance soit complète avant de refaire une carte de flux et d’enchaîner éventuellement plusieurs cartes de flux toutes les quinze minutes. Les valeurs de l’activation de ces billes sont proportionnelles au flux neutronique dans le cœur. Après activation des billes en cœur, les trains sont envoyés vers des râteliers de comptage (Figure 5.129). Il est important de noter que le nombre de râteliers de comptage est inférieur au nombre de trains de billes. Il existe 10 râteliers pour 40 trains de billes sur l’EPR. Comme on ne peut mesurer l’activité que d’un seul train de billes à la fois par râtelier, il s’ensuit que ces trains de billes doivent attendre leur tour avant de pénétrer dans le râtelier. Pour éviter la complexité mécanique liée à des aiguillages qui permettraient de faire passer un train de billes de son conduit d’attente au conduit de mesure, il a été décidé que les trains de billes resteraient toujours dans le même conduit depuis le cœur jusqu’au râtelier. Le conduit de circulation dans le cœur, le conduit de liaison entre le cœur et la position d’attente, et le conduit de liaison entre la position d’attente et le râtelier de comptage ne font qu’un afin d’assurer une continuité mécanique tout au long du parcours. Ceci a pour consé-

5. Le cœur et le combustible du réacteur

653

Fig. 5.129 – Schéma d’un râtelier de comptage. quence que chaque râtelier de comptage ne possède pas un conduit de mesure, mais quatre disposés à égale distance du détecteur. Il suffit ensuite de gérer la séquence de comptage pour qu’un seul train de billes soit présent par râtelier lors du comptage. Ainsi, les 10 râteliers peuvent mesurer simultanément un seul train de billes, ce qui explique la nécessité de réaliser 4 mesures par râtelier correspondant aux 4 trains de billes alloués à chaque râtelier. Les mesures de l’ensemble des trains ne sont donc pas simultanées. L’activité des billes est une image (retardée) de la distribution de flux dans l’assemblage. La gamme de mesure du flux neutronique total est comprise entre 1012 et 5.1015 n.cm−2 .s−1 . La précision dans la gamme de flux de la valeur du flux neutronique mesuré est inférieure à 1 %. Dans chaque râtelier, la mesure du taux de comptage est assurée par 36 détecteurs indépendants les uns des autres (Figure 5.129). Ces détecteurs sont collimatés de telle sorte que l’activité des billes voisines n’interfère pas avec la mesure faite par le détecteur voisin. De même, les râteliers de comptage sont séparés par des blindages appropriés. Les mesures des taux de comptage, soit 36 valeurs par trace axiale, sont envoyées à un calculateur. Chaque valeur d’une trace axiale correspond à une hauteur active mesurée de 50 mm. Chaque centre de détecteur est espacé avec un pas de 116 mm. Notons que la précision de la position axiale de ces mesures est inférieure à 1,5 cm. Le dépouillement des mesures suit le même principe que celui des chambres à fission mobiles (CFMs). Il faut donc passer de la mesure d’une activité à une puissance. Des corrections sont faites pour tenir compte : – du temps de transit dans le cœur de chaque bille puisque celui-ci dépend de la position de la bille dans le train (la première bille d’un train est la première à être introduite et la dernière à être retirée) ; problème de décroissance radioactive des billes hors du cœur et prolongation de l’irradiation des billes inférieures encore dans le cœur ; – du temps de transit entre le cœur et la position d’attente (décroissance du vanadium 52) ; – du temps écoulé en position d’attente (toujours décroissance du vanadium 52). Le processus complet incluant l’activation dans le cœur, les temps de transit, d’attente, de comptage et de stockage informatique des mesures est de l’ordre de quinze minutes. La très faible valeur du temps d’activation dans le cœur permet de faire une véritable photographie instantanée du cœur et celui-ci n’a pas besoin d’être placé dans des conditions parfaites de stabilité contrairement aux CFMs (36 heures à puissance

654

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

nominale). Ce temps de quinze minutes correspond effectivement à la décroissance quasi complète du vanadium, ce qui permet d’enchaîner les cartes de flux si besoin. La réalisation d’une séquence complète est entièrement automatique. Les trains de billes sont stockés à l’extérieur de la cuve et des râteliers de comptage en dehors des campagnes de mesure. Le calibrage des détecteurs utilisés sur les râteliers est assisté et réalisé par ordinateur au moyen de sources gamma connues. Cette opération est effectuée durant l’arrêt de tranche pour rechargement en combustible, soit une fréquence comprise entre douze et dix-huit mois. Concrètement, les trains de billes pénètrent dans la cuve par le couvercle et sont ensuite acheminés à travers les internes supérieurs de cuve dans 40 assemblages, ce qui représente une proportion d’environ 17 % d’assemblages instrumentés, soit 40 sur 241 assemblages formant le cœur EPR complet (contre 60 sur 205 assemblages pour le N4 correspondant à 30 %). L’intérêt mécanique des trains de billes est leur absence totale de rigidité, ce qui permet de circuler dans des conduits qui possèdent des rayons de courbure très forts tels qu’on les rencontre dans les internes supérieurs. Ces conduits, dont le diamètre extérieur est de 3 mm, sont placés dans des conduits concentriques qui vont assurer le passage du gaz comprimé. Le diamètre extérieur du conduit extérieur est de 6 mm. Ces conduits sont regroupés en sous-ensembles de trois ou quatre introduits à l’intérieur d’une colonne verticale. Chaque colonne est connectée à une lance horizontale à l’intérieur de laquelle chemine la grappe de conduits. Ces conduits vont se séparer pour descendre ensuite verticalement dans un doigt de gant fixé à la lance. Il y a autant de doigts de gant que de conduits dans la colonne et la lance. La différence fondamentale avec l’instrumentation CFM habituelle est que le doigt de gant est inséré dans l’un des vingt-quatre tubes guides situés à son aplomb et non en position centrale de l’assemblage. On rappelle que le tube central est effectivement remplacé dans un assemblage EPR par un crayon combustible traditionnel. Les colonnes traversent le couvercle et les orifices de sortie sont munis de joints d’étanchéité. Il y a douze colonnes et douze lances dans un cœur de réacteur EPR. À la sortie des colonnes, les conduits assurant le transport des billes et du gaz se séparent et sont connectés, suivant leur fonction, à d’autres tubes dits tubes de liaison installés à demeure réalisant, pour les uns la liaison mécanique avec les positions d’attente et les râteliers de comptage, pour les autres la liaison avec le système de mise en pression en azote. Lors des opérations de déchargement, les connexions entre les conduits et les tubes de liaison sont défaites, les joints d’étanchéité entre les colonnes et le couvercle sont desserrés et le couvercle enlevé. L’ensemble colonne-lance-doigts est extrait hors du cœur de manière solidaire. L’encombrement vertical total est d’environ onze mètres. De cette façon, aucun raccord ni connexion, électrique ou mécanique, ne se trouve dans la cuve, sous eau. Les opérations inverses sont effectuées pour le rechargement. L’ensemble colonne-lance-doigts est introduit après avoir positionné les internes supérieurs au-dessus du cœur. Un dispositif de guidage permet d’introduire les doigts de gant dans les tubes guides des assemblages. Pour être tout à fait complet, il faut ajouter que les lances comportent un doigt spécifique (donc un conduit) occupé par une tige creuse à l’intérieur de laquelle sont installés les six collectrons au cobalt mentionnés plus haut. Nous pouvons enfin noter que tous les assemblages comportant des collectrons contiennent un aéroball.

655

5. Le cœur et le combustible du réacteur Tab. 5.8 – Principales différences technologiques entre aéroballs et CFMs. Assemblages instrumentés Positions axiales mesurées par assemblage Durée d’une campagne de mesure Stabilisation en puissance Pénétration en cuve Sonde

Acquisition des mesures Fréquence d’utilisation maximale Intercalibration

Aeroballs dans l’EPR 40 sur 241 assemblages soit 17 % 36

CFMs du palier N4 60 sur 205 assemblages soit 30 %

15 minutes

1 heure

Pas nécessaire Couvercle Bille en acier à 1,5 % en vanadium (99,7 % 51 V) Ex core Toutes les 15 minutes

Obligatoire pour carte complète Fond de cuve Chambre à fission à l’oxyde d’uranium enrichi à 90 % en 235 U In core Toutes les 76 heures

Non

Obligatoire

616

On peut comparer le système Aéroball avec les CFMs des paliers actuels afin de pouvoir comparer ces deux technologies (Tableau 5.8). Lors de la conception originelle des réacteurs de type REP, on s’est rendu compte qu’il est très difficile, compte tenu des difficultés technologiques que représente la mesure du flux neutronique à l’intérieur du réacteur, de mesurer par le même système le niveau absolu et la distribution spatiale de la puissance, tout en respectant les exigences de précision et de temps de réponse souhaitées. Il a paru plus simple de séparer les fonctions en faisant appel à deux systèmes d’instrumentation : – l’un serait conçu et optimisé pour mesurer avec une très bonne précision et un « moins bon » temps de réponse la distribution de puissance en trois dimensions ; – l’autre serait chargé de mesurer la distribution de puissance et le niveau de puissance avec un très bon temps de réponse et une « moins bonne » précision. C’est pourquoi un système interne, mesurant le flux neutronique à l’intérieur du cœur (système RIC utilisant les CFMs), et un système externe placé à l’extérieur de la cuve (chambres RPN), coexistent dans les REPs français. Il peut paraître surprenant que le nombre d’assemblages instrumentés dans l’EPR soit inférieur à celui des anciens paliers. Pour des raisons économiques et de complexité technologique, on a cherché à minimiser le nombre d’aéroballs. Une étude paramétrique réalisée par Framatome a montré que l’impact sur le facteur du point chaud du passage de 58 à 40 aéroballs est inférieur à 2 %. Le temps mis pour l’élaboration d’une carte de flux complète peut donc durer jusqu’à 48 heures avec les CFMs, en comptant la durée de stabilisation parfaite du cœur en puissance (de quelques heures à 2 jours) et la durée d’acquisition des mesures (environ une heure). Le temps de mesure par les aéroballs est donc significativement inférieur, étant donné que les toutes les billes en acier ne restent en cœur que trois minutes. Aucune stabilisation n’est nécessaire pendant la mesure. La réalisation d’une carte de flux complète ne prend pas plus que quinze minutes. La non-stabilisation en puissance du cœur permet aussi à l’exploitant d’effectuer un suivi de charge qui n’est pas possible pendant les campagnes de mesures avec les CFMs.

656

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

L’instrumentation interne fixe de l’EPR L’instrumentation fixe est constituée de détecteurs de neutrons appelés collectrons et de thermocouples 53 , pour mesurer les distributions radiale et axiale du flux neutronique dans le cœur, et la distribution radiale de la température à sa sortie. Les mesures neutroniques sont utilisées pour le pilotage de la distribution axiale de puissance et pour la surveillance et la protection du cœur. Les thermocouples mesurent en continu la température en sortie des assemblages de combustible. Ils fournissent des signaux utilisés pour la surveillance du cœur (détection de perte d’eau primaire). Ils fournissent aussi des informations sur la distribution radiale de puissance et sur les conditions thermohydrauliques locales. Les collectrons au cobalt Un collectron au cobalt se présente sous la forme d’un câble coaxial de très petit diamètre de l’ordre de 1 à 2 mm. Nous ne reviendrons pas ici sur le principe de fonctionnement d’un collectron que nous avons déjà présenté dans un paragraphe précédent sur l’expérimentation MARINE. Comme nous avions présenté en détail les collectrons au rhodium, nous nous intéresserons plus ici aux collectrons au cobalt. Notons que la sensibilité des collectrons dépend des paramètres physiques suivants : – section efficace de l’émetteur ; – volume et forme géométrique de l’émetteur ; – nombre et énergie des particules β − ; – spectre γ de capture ; – épaisseur massique de l’isolant ; – auto-absorption de l’émetteur. Sensibilité et durée de vie sont deux paramètres antagonistes, car la durée de vie d’un collectron est inversement proportionnelle à la section efficace de l’émetteur. Le temps de réponse d’un collectron est gouverné par les phénomènes physiques mis en jeu dans l’émetteur. Les collectrons, dont la réponse est majoritairement due à une ou plusieurs voies de désintégration β − , subissent l’influence de la période de désintégration. Les collectrons qui produisent des électrons par effet Compton ont un temps de réponse immédiat. Il faut aussi tenir compte des caractéristiques de la liaison électrique : résistance et capacité globales, qui déterminent la constante de temps du circuit RC, dépendent du produit longueur par résistance et capacité linéiques. Le temps de réponse d’un collectron au cobalt est inférieur à 100 ms ; il peut atteindre des valeurs de l’ordre de 1 min pour le rhodium, de 5 min pour le vanadium. Le problème du bruit sur le signal collectron est un problème délicat car les sources de bruit sont nombreuses : les principales sont liées à l’activation des matériaux voisins, aux rayonnements β et γ des produits de fission et aux rayonnements γ de fission et de capture. De plus, une certaine catégorie de rayonnements γ étant différée, l’influence de ceux-ci se traduit par une dégradation du temps de réponse. La conséquence est que, dans tous les cas, le rapport signal sur bruit d’un collectron est plus mauvais que celui d’une chambre à fission. On distingue le bruit sur l’émetteur et le bruit sur le câble. Tous les composants sont affectés : l’émetteur, le fil conducteur dans le câble, l’isolant et la gaine. Dans le cas des collectrons au cobalt, au signal prompt, se superpose un signal parasite retardé dont l’amplitude varie avec le temps, proportionnelle 53

Sur la technologie des thermocouples, on lira avec intérêt [Asch et al., 2006] p. 231.

657

5. Le cœur et le combustible du réacteur

à la fluence reçue, dû à la formation dans l’émetteur de cobalt 60 qui est un isotope radioactif β − . Cette composante parasite va croître jusqu’à représenter plus de la moitié du signal utile. Cependant, la période du cobalt 60 étant d’environ 5,3 ans, l’influence de cet isotope peut être considérée comme nulle sur la dynamique utile du signal. Il suffit alors de la retrancher périodiquement du courant total, en particulier avant chaque divergence après rechargement. Cette correction peut se faire soit par une compensation analogique, soit par logiciel. Les réacteurs construits par la société Siemens sont équipés de cannes cobalt pour une utilisation s’apparentant à une utilisation en protection. Les données suivantes se rapportent au collectron au cobalt développé par Siemens pour le réacteur allemand Konvoi (Tableau 5.9, Figure 5.130, Figure 5.131). Tab. 5.9 – Composition d’un collectron au cobalt. Élément

Matériau

Émetteur Isolant

Cobalt Al2 O3

Collecteur

Inconel 600

Composition

Densit(g/cm3 )

59

Co Mélange isotopique : 20 %27 Al 30 % 16 O Mélange massique : 64,56% Chrome naturel 33,32 % Fer naturel 2,08 % 55 Mn 0,03 % Nickel naturel

8,7 3,57

8,2

Fig. 5.130 – Schéma d’un collectron au cobalt. Le collectron au cobalt voit sa composition en cobalt 59 diminuer du fait de la capture neutronique de ce dernier en cobalt 60 (Figure 5.132). Cet épuisement est suffisamment significatif pour modifier la réponse du collectron. Les collectrons se trouvent dans 12 assemblages tous instrumentés avec le système Aéroball. Cette proximité permet en effet le calibrage des collectrons par les aéroballs. Pour finir, ces collectrons sont placés diamétralement opposés aux aéroballs dans les assemblages (Figure 5.133). Le cobalt 59 présent dans cette technologie modifie aussi le flux neutronique. Certains assemblages sont donc doublement dissymétriques de par la présence des aéroballs et des collectrons.

658

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 5.131 – Coupe radiale de la modélisation d’un collectron au cobalt.

Fig. 5.132 – Chaîne du cobalt.

5. Le cœur et le combustible du réacteur

659

Fig. 5.133 – Position relative du collectron par rapport aux aéroballs dans un assemblage EPR.

5.6.4

Les chambres externes de mesure de flux

Le système RPN, composé de chambres externes à la cuve, mesure le niveau absolu de puissance et la distribution relative de puissance en temps réel. La mesure du niveau de puissance est ajustée sur une mesure faite par bilan enthalpique au secondaire. Un ajustement périodique (calibrage) est nécessaire car la proportionnalité entre la mesure externe et le niveau de puissance réel du réacteur dépend de la composante radiale de la distribution de puissance qui varie avec l’épuisement du combustible. La mesure de la distribution relative de puissance est scindée en deux mesures, l’une pour la composante radiale et l’autre mesurée en continu pour des questions de sûreté pour la composante axiale (contre le risque d’instabilité Xénon). Principe des chambres à dépôt de bore Le principe de la détection des neutrons par les chambres à dépôt de bore 10 (Figure 5.134) contenu dans du BF3 ou par vapo-déposition de diborane B2 H6 dont le bore est enrichi à 99,9 % en bore 10, est basé sur l’ionisation d’un gaz sous une pression d’environ 30 kPa, l’argon, par la particule alpha émise lors des réactions : 1 0n 1 0n

+ 105 B → 73 Li + 42 He + 2, 785M eV

+ 105 B → 73 Li∗ + 42 He + 2, 316M eV

En ce qui concerne la deuxième réaction, le lithium 7 produit est excité et se désintègre sur son fondamental : 7 ∗ 7 3 Li → 3 Li + γ (0, 48M eV ) Le parcours des ions lithium, particules α ou des γ dans le gaz argon produit intensément des paires ions-électrons et les électrons sont collectés par l’âme centrale du détecteur : l’anode d’environ 25 μm de diamètre. Le courant ainsi collecté fournit une indication du flux neutronique vu par la chambre après étalonnage. L’inconvénient d’un tel type de chambre est qu’elle est sensible aux rayons gamma qui la traversent et qui ionisent aussi l’argon. A priori, on peut récupérer ce problème lors de l’étalonnage. Pour traiter plus correctement ce biais, on peut compenser la

660

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 5.134 – Principe d’une chambre à dépôt de bore non compensée.

Fig. 5.135 – Principe d’une chambre à dépôt de bore compensée.

chambre. Pour se faire, on place à côté de la chambre à dépôt de bore, une chambre sans dépôt de bore qui ne sera sensible qu’aux rayons gamma. Cette chambre additionnelle crée un courant électrique uniquement dû aux gammas qui est compensé par le courant gamma de la chambre à dépôt de bore. Un montage électrique adéquat permet de ne mesurer que le courant créé par les neutrons (Figure 5.135, Figure 5.136). Dans ce montage, l’électrode collectrice est commune aux deux chambres. Les électrodes haute tension sont connectées à des potentiels de polarité opposée, tels qu’on obtient deux courants inverses sur l’électrode centrale. La première chambre produit un courant Ineutrons + Iγ,1 , la deuxième chambre ne produit qu’un courant Iγ,2 . En ajustant Iγ,2 = Iγ,1 grâce à la valeur de la haute tension, on obtient par compensation le courant uniquement dû aux neutrons. La dérive des chambres au cours du temps impose de recalibrer celles-ci tous les 3 mois sur les mesures internes du RIC.

5. Le cœur et le combustible du réacteur

661

Fig. 5.136 – Chambre à dépôt de bore compensée : description. Utilisation des chambres externes Le réacteur dispose de plusieurs types de chambres externes utilisées en fonction du niveau de puissance : les chaînes proportionnelles dites « source » ou CNS, les chaînes à dépôt de bore d’ionisation compensée aux rayons gamma, dites « intermédiaires » ou CNI et les chaînes d’ionisation non compensée de « puissance » dites CNP. Les chambres sources et intermédiaires En pratique, on utilise des chambres au bore comme chambre source (2 sur les paliers antérieurs à l’EPR, 3 placées à 120◦ sur l’EPR, Figure 5.143) pour une gamme de flux mesurable de 1 à 106 n/cm2 /s, sensibilité de 10 coups/n/cm2 /s avec un bruit de fond de 0,1 coup/s, durée de vie d’environ 6 ans. Les impulsions dues aux photons sont éliminées par un bloc de traitement incorporé dans l’électronique du système. À faible niveau de flux neutronique, c’est-à-dire tant que les fissions ne dégagent pas significativement de la chaleur, il faut quand même pouvoir suivre la divergence du réacteur. Si on effectue une divergence sans palier, c’est surtout la réponse aux gammas des produits de fission, déjà présents dans le combustible, qui domine le signal de réponse des chambres, produisant un signal constant en début de divergence qui masque la réponse des chambres aux neutrons et aux gammas de fission (Figure 5.137). En compensant la contribution gamma, on peut suivre correctement la divergence. À très bas niveau de puissance (d’environ 10−9 % Pnom à 10−3 % Pnom), les chaînes sources sont constituées de compteurs proportionnels à dépôt de bore, qui permettent de différencier les neutrons des gammas. Les CNS délivrent une alarme « flux élevé » qui est le seul moyen d’assurer la surveillance de la réactivité pendant les phases d’arrêt. Cette alarme est réglée à au moins trois fois la valeur du signal mesuré sur les CNS, sans tolérance. Sur le palier CPY, ce sont des automaticiens qui interviennent dans les armoires RPN pour chaque modification du seuil. En phase de décroissance, il faut veiller à baisser le seuil au risque de se faire surprendre par une dilution intempestive. En phase de croissance du flux, il faut réactualiser régulièrement le seuil pour éviter un AAR par dépassement du seuil.

662

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 5.137 – Comptage des chambres externes lors d’une divergence sans palier. À niveau intermédiaire, les chambres intermédiaires sont constituées de chambres d’ionisation compensées à dépôt de bore type CC80 de Merlin-Gérin selon un brevet CEA. Dans cette gamme, le courant dû aux rayons gammas issus du cœur est important par rapport au courant induit par l’effet des neutrons, d’où l’utilisation de deux chambres : l’une à dépôt de bore sensible aux neutrons et aux gammas, et l’autre sans dépôt de bore uniquement sensible aux gammas. La sensibilité aux neutrons est d’environ 0,0007 ampère/n/cm2 /s. La compensation des gammas par les produits de fission est très efficace puisqu’on estime que le signal résiduel des gammas n’est que de 1 % par rapport à un signal non compensé. Pour simplifier l’installation dans les puits de chambres, on monte dans un « assemblage » rigide cylindrique chargé en polyéthylène (matière chargée d’améliorer la thermalisation des neutrons) un compteur CNS et une chambre CNI (Figure 5.138, Photo 5.16). On s’arrange pour placer la chambre CNI au niveau du plan médian, la CNS étant alors placée dans le quart inférieur, là où le flux de neutrons est le plus important au démarrage et à proximité des sources fixes de démarrage. Les chambres de puissances La mesure de la puissance du cœur est effectuée en continu via les chambres de puissance non compensées (CNP ou CINC, gamme de mesure entre 5 × 102 n.cm−2 .s−1 à 5 1010 n.cm−2 .s−1 correspondant à une puissance comprise entre 10−1 % et 200 % de puissance nominale), avec une sensibilité aux neutrons par section de chambre

5. Le cœur et le combustible du réacteur

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Fig. 5.138 – Assemblage de chambres pour réacteur CPY : 3 câbles pour la CNI, 1 câble pour la CNS proportionnelle.

d’environ 1,2 × 10−13 ampère/n/cm2 /s. Comme le flux gamma des produits de fission devient négligeable à haute puissance, il n’est plus nécessaire de compenser les chambres. En ce qui concerne les gammas de fission instantanés, ils sont proportionnels au flux de neutrons et n’ont donc pas besoin d’être compensés. Quatre chambres d’ionisation à dépôt de bore enrichi sont placées à l’extérieur de la cuve dans chaque quadrant du cœur (diagonales du cœur) à une distance de 30 cm de la cuve. Ces 4 chambres (RPN 10 MA, RPN 20 MA, RPN 30 MA et RPN 40 MA) sont étagées pour

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Photo 5.16 – Installation d’une chambre externe dans son puits. Les chambres sont placées autour de la cuve dans huit puits pratiqués dans le blindage primaire. Ces puits s’étendent du bas du cœur jusque sous l’anneau support de cuve. Chaque puits est prolongé par une cheminée verticale débouchant dans le fond de la piscine BR.

le CPY en 6 sections axiales : 3 pour la moitié supérieure et 3 pour la moitié inférieure. Dans le cas des CPY, les 3 chambres supérieures sont mises en série ensemble (« tressées »), de même que les 3 chambres inférieures, ceci fait qu’on obtient une mesure globale pour la partie supérieure et une autre mesure globale pour la partie inférieure. On ne connaît donc pas le signal émis par chaque chambre séparément. Une chambre élémentaire est constituée d’une âme cylindrique interne dont on prélève le signal et une électrode externe cylindrique qui est portée à une haute tension positive. Les parties au regard des deux électrodes interne et externe sont recouvertes d’un dépôt de bore amorphe enrichi en bore 10. Les charges électriques libérées dans le volume gazeux par le passage des particules ionisantes (alpha produit par capture neutron du bore 10) sont récupérées par l’électrode signal S (Figure 5.140). Deux types de

5. Le cœur et le combustible du réacteur

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Fig. 5.139 – Principe des mesures de puissance et de delta I.

Fig. 5.140 – CNP de réacteur CPY (type CBL 15 tressée, 2 signaux) ou P4 (type CBL 60, 6 signaux séparés).

chambres ont été utilisés sur le palier CPY : la CBL10 (chambre longue) utilisant de l’azote comme gaz de remplissage, la CBL15 remplie à l’argon tenant mieux sous irradiation, et utilisant des électrodes plus courtes et plus espacées pour une meilleure vision du cœur. La puissance nucléaire par chaîne q est donnée à partir de la mesure des courants des chambres via une calibration (Figure 5.139) :    q q q q IH + K B IB ) × 1 + γ T0q − Tfq P r (q) ≡ Kq (KH

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Le déséquilibre d’Index est donné par : q q q q IH − K B IB ) ΔI ≡ AO × %P nom ≡ α (KH

Kq est un coefficient ajustable servant à recaler le signal mesuré sur le bilan thermique BIL100. q q et KB sont les sensibilités des chambres haute et basse, recalibrées périodiKH quement (essais EP RPN 11 tous les 30 JEPP, où on calibre le système de protection à l’équilibre xénon par mesure de carte de flux complète et EP RPN 12 où on réactuaq , lise la matrice de transfert T du SPIN pour le palier 1300 et les coefficients, Kq ,KH q KB , et α, par une oscillation xénon, sur une carte de flux 1/8 tous les 90 JEPP). L’essai RPN15 permet de recaler ces coefficients lorsqu’on ne recale pas le coefficient Kq mais que le déséquilibre radial DPrad dépasse 2 %. Cet essai est réalisé tous les 30 JEPP avec une tolérance de 3 JEPP. Cet essai doit être effectué à puissance nominale stable. q q et IB sont les courants respectivement des trois sections hautes et des trois IH sections basses tressées (cas du CPY). γ est un coefficient de correction de température (déterminé par l’essai RPN15). T0q − Tfq est l’écart de température de consigne froide dans les conditions de calibrage à la température mesurée en branche froide dans la boucle au regard de la chambre externe. Dans le cas des 1 300 MWe, le courant de chacune des 6 chambres CBL60 est mesuré séparément, ce qui fait que l’information axiale est plus riche. D’autre part, la taille de chaque section (100 mm) est réduite par rapport aux chambres CPY. On notera aussi que ces chambres sont placées dans un « assemblage » contenant du polyéthylène (qui a toujours la fonction de thermaliser les neutrons rapides issus du cœur, Figure 5.141) avec des fenêtres tournées vers le cœur et recouvertes en

Fig. 5.141 – Chambre CBL60 collimatée : principe.

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5. Le cœur et le combustible du réacteur

Fig. 5.142 – Positionnement des chambres externes du palier CPY(détail). face externe de cadmium pour collimater les neutrons rapides et ne conserver que les neutrons venant du cœur. L’autre partie de la chambre tournée vers l’extérieur du cœur comporte une plaque de cadmium mais cette fois située contre l’électrode, ce qui fait que tous les neutrons rétrodiffusés vers la chambre sont d’abord ralentis par le polyéthylène, puis capturés par le cadmium. On parle de chambre collimatée puisqu’on privilégie les neutrons rapides qui n’ont pas été diffusés en sortant du cœur. On notera que les chambres de puissance CBL15C du CP0 et CBL60 des paliers 1300 et N4 sont collimatées, alors que les chambres CBL10 et CBL15 du palier CPY ne le sont pas. La mesure des courants produits par les étages inférieurs et supérieurs permet de remonter à la puissance basse et haute, d’où l’axial-offset et le différentiel d’index ΔI. Les chambres sont ré-étalonnées tous les 90 JEPP à l’aide des mesures RIC et du bilan enthalpique BIL100. Une des fonctions des chaînes de puissance est d’activer la protection « haut flux neutronique » dont le seuil est placé à 109 % de la puissance nominale. Le suivi des 4 quadrants permet de suivre le déséquilibre azimutal de puissance du cœur. On définit la puissance moyenne du cœur vue par l’ensemble des chambres en sommant sur les quadrants : 4

P r (moy) ≡

1 P r(q) 4 q=1

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 5.143 – Positionnement des chambres externes de l’EPR. Le déséquilibre azimutal de puissance neutronique maximum est donné par DP azn (max) ≡ P r(max) − P r (min), quand le déséquilibre moyen est donné par : 4

DP azn (moy) ≡

1 |P r(q) − P r (moy)| 4 q=1

Un déséquilibre azimutal excessif générera une alarme en salle de commande. En plus des chambres de puissance, on dispose sur le palier CPY de 2 compteurs proportionnels (CP, gamme de mesure entre 10−1 n.cm−2 .s−1 à 105 n.cm−2 .s−1 ) dans la gamme source (4 sur le P4) qu’on appelle aussi détecteurs de niveau source, qui permettent de suivre l’approche sous-critique de démarrage du cœur, et de 2 chambres d’ionisation compensée (CIC, gamme de mesure entre 2,5 × 102 n.cm−2 .s−1 à 2,5 × 1010 n.cm−2 .s−1 ) dans la gamme intermédiaire (4 sur le P4). Les détecteurs de niveau intermédiaires cohabitent avec les détecteurs de niveau source à raison d’un détecteur source et un détecteur intermédiaire dans chaque container, ceux-ci étant placés à la périphérie de la cuve sur les médianes du cœur (Figure 5.142, Figure 5.144, Figure 5.145, Figure 5.147). La Figure 5.146 présente la localisation des chambres de

5. Le cœur et le combustible du réacteur

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Fig. 5.144 – Positionnement des chambres externes.

Fig. 5.145 – Implantation des puits des chambres externes sur le palier CPY (coupe radiale).

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 5.146 – Localisation radiale des chambres de puissance de la centrale Virgil Summer. Cette centrale de 966 MWe (2 900 MWth) est refroidie par 3 boucles. Elle a été construite par Westinghouse en Caroline du Sud près de Jenkinsville, et mise en service en 1984. À partir de 2012, Westinghouse a commencé à construire sur le site deux AP1000, mais la faillite de Westinghouse Electric Company en 2017 (9 milliards de dollars de perte !) a provoqué l’arrêt total du projet.

puissance de la centrale Virgil C. Summer aux États-Unis au design très proche des CP0 français avec bouclier thermique intégral. Les chambres externes sont placées dans des puits et positionnées près de la cuve par un système de pantographes, tel que montré sur les Figure 5.148, Figure 5.149 et Figure 5.150.

5. Le cœur et le combustible du réacteur

Fig. 5.147 – Gamme de mesure des chambres externes.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 5.148 – Positionnement des chambres par pantographe.

5. Le cœur et le combustible du réacteur

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Fig. 5.149 – Détail du déplacement d’une chambre RPN par pantographe (CPY) (adapté de : [Instrumentation du cœur, 1977] p. 9).

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 5.150 – Comparaison en coupe verticale des systèmes de pantographes des réacteurs 1 300 MWe (à gauche) et 900 MWe (à droite).

5. Le cœur et le combustible du réacteur

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Fig. 5.151 – Localisation des thermocouples et des chambres à fission mobiles de la centrale Virgil Summer (966 MWe, Westinghouse, États-Unis).

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 5.152 – Schéma d’implantation des thermocouples sur un réacteur CPY.

5.6.5

Les thermocouples

[McGee, 1988] p. 237 Généralités Des thermocouples (TCs) (48 sur le CP0, 51 sur CPY, 54 sur le N4, Figure 5.153) mesurent la température en sortie d’assemblages, en général au-dessus des dispositifs de mélange qui servent à uniformiser les températures à la sortie des assemblages. Les thermocouples sont solidaires mécaniquement des internes supérieurs. Ils pénètrent la cuve à travers 4 pénétrations du couvercle de la cuve, et sont guidés à l’intérieur de la cuve par des conduits en acier inoxydable (Z2 CN 19-10, diamètre extérieur : 7,9 mm, diamètre intérieur : 4,8 mm) fixés de façon permanente aux équipements internes supérieurs. Ces conduits sont courbés suivant un rayon de 152 mm. Un rétreint est réalisé côté soudure chaude qui se situe au-dessus de la plaque supérieure de cœur. L’autre extrémité est équipée d’un connecteur situé au-dessus du couvercle de cuve. Les thermocouples sortent à l’extrémité des conduits et la soudure chaude des deux

5. Le cœur et le combustible du réacteur

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conducteurs, formant un couple thermoélectrique 54 . Ils sont positionnés par des goussets situés légèrement au-dessus de la plaque supérieure du cœur au regard supérieur d’un assemblage. Les conduits sont solidaires des colonnes entretoises des internes supérieurs, entre leur partie inférieure et la plaque support des tubes guides, puis par 4 colonnes vissées à la plaque support des tubes guides, entre la plaque et l’extérieur. Chacune de ces colonnes contient 13 conduits et sort de la cuve par une manchette enchâssée dans le couvercle de cuve. Le cheminement des thermocouples est divisé en une voie A et une voie B. Des connecteurs assurent la liaison électrique entre les deux métaux conducteurs du thermocouple et des conducteurs de même nature d’un câble souple dit « prolongateur » qui renvoie le signal. Ces prolongateurs cheminent selon les deux voies séparées (A et B) jusqu’à deux platines porte-connecteurs. Depuis les platines, les 28 câbles de prolongation du RIC vont jusqu’au boîtier de soudures froides. Du boîtier sortent des câbles de prolongation en cuivre jusqu’au multiplexeur, qui renvoie les informations de température en continu au calculateur RIC. Les thermocouples ont la triple fonction de : • permettre de calculer la marge à la saturation. Les deux fois 11 câbles de prolongation des TCs de l’ébulliomètre cheminent séparément des TCs du RIC jusqu’aux armoires SIP via les traversées électriques de l’enceinte du BR. L’ébulliomètre est le système qui permet de connaître la sous-saturation de l’eau. Il utilise 22 TCs dont 2 sous le dôme pour fournir la marge à la saturation ; • mesurer la température sous le dôme (2 TCs), utilisés par l’ébulliomètre ; • détecter d’éventuelles anomalies de distribution de puissance. Notons qu’en cas de l’indisponibilité d’une des quatre chambres externes de puissance, on utilise les TCs en remplacement de la chambre pour suivre l’évolution du tilt radial, ce qui améliore la disponibilité de la tranche. Le calculateur de tranche KIT peut calculer le tilt radial en ligne. Notons aussi une utilisation systématique du suivi des TCs lors des problèmes des doigts de gants des CFMs en mars 1987 sur Paluel 1 et 2, qui avaient conduit à rendre indisponible le système RIC de CFMs pendant un temps. C’est donc grâce à l’analyse des TCs qu’on a pu justifier la montée en puissance et le fonctionnement au-delà de 50 % de puissance nominale. Les thermocouples sont placés de façon dissymétrique (dans le cas du N4, 52 en sortie d’assemblages et 2 dans le dôme). Dans le cas du P4, 28 TCs cheminent jusqu’au boîtier de soudures froides situé dans l’espace annulaire et qui servent au calculateur RIC en salle du calculateur. Dix en voie A sont traités par l’ « ébulliomètre voie A » situé dans le local ULS voie A. Dix autres pour l’ « ébulliomètre voie B » en local ULS voie B et 2 (une en voie A, l’autre en voie B) ont été remontés pour mesurer la température dans le bas du volume du dôme sous le couvercle (contrôle d’une éventuelle bulle piégée sous le dôme). Les mesures des 28 thermocouples RIC et des 2×11 thermocouples « ébulliomètre » sont transmises au traitement centralisé de l’information (TCI) pour élaboration des cartes de températures, qui sont visualisables au calculateur KIT en salle de commande et qui sont réactualisées toutes les 20 secondes 54 Le couple thermoélectrique utilisé est le couple Chromel-Alumel (nickel chrome/nickel allié type K) gainé par de l’acier inoxydable (Z2 CND 17 12/ 316L, diamètre 3,17 mm, épaisseur 0,4 mm) et isolé à l’alumine dont la précision est de +/ − 1, 5 ◦ C entre 0 ◦ C et 375 ◦ C et de +/– 0,4 % de 375 ◦ C à 1 200 ◦ C où ils subissent une dégradation irrémédiable. Des sondes à résistance permettent d’assurer les corrections des soudures froides. Les gaines de thermocouple sont fabriquées par les sociétés THERMOCOAX ou Câbles de Lyon. Les connecteurs sont de type THERMOELECTRIC puis LEMO pour le CP0/CPY, et Deutsch pour le palier 1 300 MWe.

678

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

(durée de l’échantillonnage du KIT). Dans le cadre de l’ébulliomètre, le système fournit, pour utilisation dans la conduite APE (Approche Par État) la température et la marge cœur à la saturation à la sortie des assemblages et, sous le couvercle dans le dôme, le niveau d’eau dans la cuve et le couple marge cœur/niveau cuve intervalidé. Pour pouvoir être utilisé en accidentel, l’ébulliomètre prend en compte les deux gammes des thermocouples : 0 − 400 ◦ C et 0 − 1 200 ◦ C (où la précision est moins bonne). Mesure du tilt radial Les thermocouples (Figure 5.151 pour la centrale de Virgil Summer, Figure 5.152, Figure 5.153, Figure 5.157, Figure 5.158) permettent en théorie de mesurer le tilt radial, c’est-à-dire le déséquilibre radial de puissance. Cette mesure est normalement acquise par les chambres RPN, mais les thermocouples sont mentionnés comme un moyen palliatif à une situation de chambre indisponible. Néanmoins, des études récentes 55 ont montré que l’échantillonnage dissymétrique induisait un tilt numérique, quelle que soit la méthode de reconstruction des assemblages non instrumentés. Ce problème est identique en utilisant les chambres à fission mobiles. Ce tilt numérique ne peut être déconvolué qu’en utilisant des instrumentations symétriques, qui sont en faible quantité dans le cœur. On peut utiliser les mesures de températures pour calculer une puissance thermique par quadrant de manière identique aux chambres externes de puissance. On pourra alors calculer un déséquilibre azimutal de puissance thermique : 4 1 |P th(q) − P th (moy)| . DP azt (moy) ≡ 4 q=1 Le déséquilibre radial de puissance est alors donné par : DP rad ≡ DP azt (moy) ≡ P th (moy) − P r (moy) Défaillances de thermocouples Comme tout composant, les thermocouples subissent des défaillances. En premier lieu, on a constaté une « maladie de jeunesse » apparue la première année d’utilisation, dont les effets ont été une corrosion avec percement de la gaine du thermocouple et perte de l’isolement (évaluée par la mesure de la résistance d’isolement en ohms). Les défauts qui sont apparus sont des fissures traversantes perpendiculaires à l’axe de la gaine, et amorcées par des piqûres ou des tâches de corrosion, toujours localisées dans les parties droites horizontales des thermocouples situés entre deux cintres de rayon 152 mm. L’origine de cette corrosion pourrait être la présence de chlore dans l’huile de tréfilage des conduits ou du solvant. La résolution de ce problème a été d’améliorer la qualité de la fabrication. Le taux de « mortalité » a aussi augmenté au bout de trois ans suite à des interventions en grand nombre entre 1988 et 1989 sur le palier 1 300 MWe et la mise en place d’un critère plus restrictif sur le seuil d’isolement. La qualité des connecteurs montables sur site peut aussi poser des problèmes de baisse de la résistance d’isolement (critère d’isolement fixé à 1 MΩ), ce qui rend indisponible de nombreuses lignes de mesure. Les connecteurs ont un taux de défaillance 55

Patrick Erhard, communication personnelle, 2009.

5. Le cœur et le combustible du réacteur

679

Fig. 5.153 – Schéma d’implantation des thermocouples du 1 300 MWe.

d’environ 10 % faiblement évolutif. Le montage doit être effectué avec une grande vigilance au niveau du serrage au couple des connecteurs sur le couvercle et à la plaque porte-connecteurs, et le contrôle des raccordements des terres et des blindages.

5.6.6

Le calculateur KIT

La récolte des informations des différents capteurs importants d’une tranche se fait via un calculateur de tranche appelé le KIT. Sur le palier CPY, le KIT est connecté à 4 320 capteurs « tout ou rien » (fins de course, manostats, thermostats. . . ) et 1 080 capteurs de mesures analogiques (niveaux, débits. . . ). Les objectifs du KIT sont le traitement des alarmes sur écran, le regroupement des informations en défaut sur verrine, le suivi d’évolution de mesures sur écrans et imprimantes, la consignation d’états sur imprimante du journal de bord et l’archivage informatique. Le KIT effectue aussi le traitement des informations du RIC, le suivi des températures du circuit de refroidissement du stator alternateur et le bilan thermique du circuit primaire (BIL100). Il est important de bien comprendre que le KIT n’a pas vocation à piloter la tranche, mais d’être un scrutateur de données mesurées facilitant la conduite. Le KIT a vu de nombreuses mises à jour, ne serait-ce que du fait de l’obsolescence de l’électronique depuis les années 1970. De nouvelles fonctions ont depuis été ajoutées :

680

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 5.154 – Schéma d’implantation des thermocouples du N4. la télétransmission vers les Centres nationaux de crise, l’archivage de l’historique sur plusieurs jours.

5.7

Les gestions combustibles

[Bailly et al., 1996] p. 311 L’agencement des assemblages neufs et irradiés dans un cœur est appelé plan de chargement. Ce plan dépend du type de gestion considéré (enrichissement, nature des poisons consommables, nombre d’assemblages neufs introduits à chaque rechargement définissant le fractionnement du cœur) et de l’historique d’irradiation des assemblages, donc des plans de chargement précédents. Le choix d’une gestion standardisée du combustible relève d’un arbitrage économique/technique souvent difficile (Tableau 5.10, Tableau 5.11, Tableau 5.12). Des fractionnements 1/3 de cœur ou 1/4 de cœur sont couramment utilisés, et l’utilisation de combustible MOX a fait apparaître des fractionnements hybrides (UOX en 1/4 de cœur, MOX en 1/3 par exemple). Concernant l’aspect technique, on dépend de contraintes extérieures telles que la limite en enrichissement en U235 des usines d’enrichissement civil (5 %), mais aussi des limites en taux de combustion liées à la technologie des assemblages. Concernant l’aspect

5. Le cœur et le combustible du réacteur

681

Fig. 5.155 – Positionnement axial des thermocouples.

économique, l’augmentation du fractionnement du rechargement permet une augmentation du taux de combustion de rejet évidemment favorable vis-à-vis du coût du combustible nucléaire. Ainsi, le passage du taux de combustion de décharge des premières gestions de 33 000 MWj/t (combustible en gestion 1/3 3,25 %) à un taux de 42 000 MWj/t (combustible en gestion 1/4 3,7 %) s’est traduit par une réduction de 12 % du coût du combustible. A contrario, un fractionnement important augmente les coûts d’arrêt pour entretien et de rechargement puisque les campagnes unitaires sont plus courtes. La contrainte du placement des arrêts de tranche d’un parc conséquent (58 tranches) doit aussi être prise en compte, qui dépend, entre autres, de la disponibilité des tranches. L’augmentation des taux de combustion de décharge va de pair avec une augmentation des enrichissements en uranium ou en teneur MOX. Cette augmentation induit

682

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Tab. 5.10 – Gestions « classiques » du parc EDF (d’après un article de François-David Rosset dans la revue EPURE). Type de gestion Réacteur Longueur naturelle (jepp) Irradiation moyenne de décharge (MWj/t) Enrichissement Fractionnement Nombre d’assemblages neufs par recharge

1/4 3,7 % CPY 280 UOX : 42 000 3,7 % 1/4 UOX : 42

Hybride MOX

Campagne allongée P4 400 UOX : 43 000

CPY 280 UO2 : 42 000 MOX : 33 000 UOX : 3,7 % UOX : 4,0 % MOX : 5,3 % UOX : 1/4 MOX : 1/3 1/3 UOX : 28, MOX : 16 UOX : 64

Tab. 5.11 – Principales gestions du parc français (PMOX pour Parité MOX) Palier

Gestion

Enrichissement

CPO CPY

CYCLADES PMOX

U02 4.2% U02 3,7% MOX 8,65% U02 3,7% MOX 9,53% U02 4% + Gd 0,71% U02 4,5% U02 4% + Gd 2,5% U02 4.2% + Gd 2,5%

PMOX NT P4/P’4 N4 EPR

GEMMES GALICE ALCADE STANDARD

BU max de décharge des assemblages en GWi/t autorisés 52 52 52 52 52 52 62 52 62

Taux combustion moyen de décharge 48/53 48/51 48/51

47/49 55/58 48/51 51/57

un accroissement du facteur de point chaud Fxy , défavorable à l’aplatissement de la nappe de puissance. De plus, il faut augmenter la concentration en bore initiale pour compenser l’augmentation de réactivité. Ceci doit être étudié précautionneusement, car cette augmentation de concentration diminue le pH de l’eau du primaire (d’où une corrosion des matériaux amplifiée), mais aussi une augmentation du coefficient de température modérateur qui pourrait devenir positif. Dans le cas du MOX (gestion GARANCE à 28 assemblages UOX 3,7 % en gestion 1/4 et 16 assemblages MOX à 5,3 % de teneur en gestion 1/3), il faut aussi faire très attention à l’effet de vidange à forte teneur (> 13 %) et à la baisse de l’efficacité des absorbants bore ou grappes 56 par effet de durcissement du spectre. L’usage pour ne pas augmenter trop la concentration en bore est d’utiliser des poisons consommables comme l’oxyde de gadolinium Gd2 O3 , mélangé dans le combustible. 56 L’introduction du MOX a nécessité l’ajout de 4 grappes de commande et une augmentation de la concentration en bore de la bâche REA et de la bâche PTR.

Nombre Longueur BU de BU maximal Combustible neufs rechargés de campagne (GWj/t) de décharge associé d’assemblages (jepp) décharge neufs moy/max Origine du palier 1/3 3.10% (64) 301 36 /39 43,6 AFA-XL Variante (2 tranches) 1/4 3.10% (48) 250 40 /47 47 AFA2GL 1990 GEMMES (1996) 1/3 4.0% 395 47 / 49 52 AFA3GL AFA3GLr GEMMES (1996) (64 dont 24 Gd) 395 47 / 49 52 RFA1300 Zirlo GALICE (2010 1/3-1/4–4.5% 411 + 50/-60 55 / 58 62 AFA3 GLr-aa sur Nogent 2) (56 dont 24 Gd)

GESTION

Tab. 5.12 – Gestions combustibles du palier 1 300 MWe (1 JEPP = 36,56 MWj/t).

5. Le cœur et le combustible du réacteur 683

684

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 5.156 – Évolution historique des gestions combustibles du parc français et prospectives. On voit bien sur ce schéma l’alternative entre augmentation du taux de combustion et allongement des campagnes (d’après M. Le Bars et al., op. cit.).

La gestion GALICE haut taux de combustion n’a été engagée que sur Nogent 2. Les choix de gestion du combustible sont complexes et éminemment stratégiques, avec des conséquences économiques qui se comptent rapidement en centaines de millions d’euros. Si on intègre la donnée technique de ne pas dépasser un enrichissement en U235 de 5 %, fixé par des limitations de sûreté liées à la criticité des usines d’enrichissement, plusieurs stratégies sont possibles selon qu’on favorise le taux de combustion de déchargement ou la longueur de campagne (Figure 5.156). La prise en compte d’une manœuvrabilité accrue, imposée par l’arrivée des énergies renouvelables non stockables prioritaires sur le réseau, pose des problèmes encore plus ardus. En effet, dans un pays comme la France très nucléarisé, ce sont les tranches nucléaires qui vont devoir assurer le suivi de charge.

5.8 5.8.1

La recherche du plan de chargement Historique

La technologie des réacteurs à eau pressurisée impose de recharger les cœurs en combustibles neufs selon une périodicité donnée. C’est l’enrichissement des combustibles qui dictera la longueur de campagne maximale atteignable. Lorsqu’on ne peut plus diminuer la concentration en bore dans l’eau du primaire pour compenser l’apparition des produits de fission absorbants, on atteint ce qu’on appelle la longueur naturelle de campagne (LNC). On peut toutefois continuer à fonctionner sans bore en baissant la température de l’eau du primaire pour regagner de la réactivité : on parle d’allongement de campagne ou stretch-out selon l’usage anglais. On parle de plan à l’équilibre quand le renouvellement du combustible devient identique à celui du plan précédent,

5. Le cœur et le combustible du réacteur

685

et de plan de transition quand on passe d’une gestion à une autre. Historiquement, le plan à l’équilibre de référence utilisait du combustible UOX enrichi à 3,25 % pour un taux de combustion moyen de décharge de 33 000 MWj/t avec un rechargement par tiers de cœur (52 assemblages pour le CP0 et les CPY). Le fonctionnement en base durait 12 mois avec un coefficient de production de 0,83, soit un arrêt de 2 mois pour entretien et rechargement. Cette gestion de référence permettait une anticipation (arrêt avant la LNC) de 6 semaines et 8 semaines de stretch-out sans justifications supplémentaires vis-à-vis des Autorités de sûreté. Par rapport au Dossier de sûreté générique, il suffisait de vérifier le coefficient de température modérateur en début de cycle à puissance nulle, toutes barres extraites, les facteurs radiaux de points chauds avec et sans barres insérées et la marge d’anti-réactivité en fin de vie, là où elle était minimale.

5.8.2

Méthodologie

La recherche de plan de chargement, effectuée manuellement par des ingénieurs de la production nucléaire, suit un ensemble de compromis délicats, visant à satisfaire les critères de sûreté et des critères économiques (à titre d’exemple sur Blayais : Figure 5.157). En premier, on place les assemblages neufs en périphérie du réacteur. Cette action vise à minimiser les pics radiaux de puissance en aplatissant la nappe de puissance radiale. On sait que si le cœur était homogène neutroniquement, le flux, donc la puissance, suivrait une nappe radiale ayant approximativement la forme d’une première fonction de Bessel J0 (r), qui ressemble assez à une fonction cosinus. On peut jouer sur la répartition radiale de l’irradiation pour compenser ce fait. Les assemblages neufs étant plus réactifs, il semble judicieux de les placer dans les positions périphériques. Par contre, on notera qu’économiquement, ce choix n’est pas optimal dans la mesure où les fuites neutroniques sont plus importantes si on fait le choix des assemblages neufs en périphérie. Enfin, la fluence perçue par la cuve est plus forte puisqu’on sait que 80 % de la fluence cuve est due aux assemblages A07, A08, A09 (et symétriques) des bouts de médianes d’un CP0. Nous verrons que ce choix a été revu plus tard pour économiser le crédit de fluence cuve dans le cadre de l’augmentation de la durée de vie des tranches. En deuxième lieu, on recherche la plus grande symétrie possible dans le placement des assemblages. La symétrie 1/8 de cœur, quand elle est possible, permet d’obtenir des efficacités de grappes proches pour toutes les grappes d’un même sous-groupe, ce qui facilite le pilotage et limite les facteurs de point chaud pour les configurations « grappes insérées ». L’occurrence d’assemblages endommagés peut limiter cette tactique, mais on veillera à conserver une symétrie demi-cœur. La symétrie huitième permet aussi de limiter la recherche dans l’espace des plans possibles qui est colossal. En troisième lieu, on cherchera à obtenir la nappe de puissance la plus uniforme possible. Radialement, cette action permet de limiter la redistribution du flux lors d’insertions de barres. L’objectif concret est de s’arranger pour qu’aucune puissance moyenne assemblage ne dépasse de 25 % la puissance moyenne du cœur. Dans la pratique, on cherche alors à minimiser la somme quadratique des écarts à 1 des puissances normalisées des assemblages. En quatrième lieu, on tente de placer le pic de puissance toutes barres hautes (TBH) dans la zone radiale moyenne du cœur (ni en périphérie, ni vers le centre). Ceci limite l’amplification du point chaud en situation de barres insérées. En particulier,

686

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 5.157 – Exemple du plan de chargement de Blayais 216. On constate que le cœur n’est pas symétrique avec ses 13 assemblages du lot 16 créant une dissymétrie de motif en bout de médiane. l’augmentation de l’efficacité de la barre la plus anti-réactive qui résultait de cette action, n’est pas trop pénalisante dans les accidents de dilution en début de campagne avec application du critère de défaillance unique (CDU). On évitera aussi de placer des assemblages neufs dans ce qu’on appelle « le grand centre » d’un CPY (H08 à H12, G09 à G12, F10 à F12). En cinquième lieu, on alterne les assemblages usés et moins usés selon une pratique de damier. Ceci permet d’uniformiser la nappe de puissance et diminue les facteurs radiaux de puissance. En sixième point, on tente de placer des assemblages peu réactifs en position C10 et symétriques. Cette tactique permet de faire baisser le facteur radial de puissance, et cela minimise les pics de puissance à l’insertion du groupe de régulation R et de compensation de puissance G1 en mode de pilotage G, et idem pour les groupes D et C du mode de pilotage A.

687

5. Le cœur et le combustible du réacteur

Tab. 5.13 – Pic de puissance assemblage au maximum local (Fxy ) à 150 MWj/t(critère de sûreté) en fonction des configurations de barres.

Configuration de grappes insérées TBH R R+G1 R+G1+G2 R+G1+G2+N1 G1+G2+N1 G1+G2 G1

Gestion GARANCE 1,44 1,62 1,67 1,80 2,00 1,92 1,65 1,46

Non GARANCE 1,435 1,55 1,65 1,70 1,86 1,88 1,65 1,45

En septième point, on évite de placer des assemblages trop réactifs sous des barres de commande. D’un point de vue neutronique, la barre est d’autant plus pesante que le flux neutronique est fort. Ceci est le cas à puissance constante si la réactivité de l’assemblage est faible (donc faible section macroscopique de fission). Cette tactique est aussi déclinée dans le cas des assemblages MOX où l’effet de spectre diminue le poids des barres. On évite donc de les placer sous les barres R, G1 ou G2. On interdit aussi de placer des assemblages trop irradiés (plus de 31 000 MWj/t) sous l’ensemble des grappes. Par contre, la redistribution de flux qui apparaîtra lors de l’insertion d’une barre pesante dans un assemblage peu réactif sera plus violente. Cette tactique est donc un compromis entre plusieurs effets. En huitième point, on évite d’avoir des puissances TBH trop fortes en périphérie dans les diagonales du cœur. En effet, l’insertion des groupes R et G1 en mode G provoque une remontée de puissance dans les zones entourant D12 et ses symétriques. Il se trouve que le critère de puissance radiale inférieur à 1,55 dans les régions d’insertion de R et G1 est très contraignant, d’où un examen accru de cette zone. On rappelle les critères de sûreté des gestions en mode G dans le Tableau 5.13. Enfin, en dernier lieu, le spécialiste de plan de chargement optimisera son plan en analysant la répartition des gradients d’irradiation. Les assemblages sont divisés en quatre zones radiales d’irradiations différentes qui permettent, par leur placement judicieux, une optimisation idéale. Historiquement, on a cherché à user au maximum les combustibles en systématisant l’usage du stretch-out. La situation est plus nuancée aujourd’hui pour lisser le placement des arrêts de tranche. Ceci est d’autant plus vrai qu’un combustible qui a vu de l’anticipation, conserve un potentiel énergétique plus important qui sera valorisable dans le plan suivant. L’évolution des gestions à partir des années 1980 a conduit à voir augmenter la durée des cycles en augmentant l’enrichissement. Le passage à une gestion 1/4 de cœur avec un combustible enrichi à 3,7 % y concourrait (irradiation de décharge de 42 000 MWj/t). Des campagnes toujours plus longues ont vu l’introduction de poisons consommables constitués d’oxyde de gadolinium Gd2 O3 , dont le principe est que l’effet absorbant du gadolinium disparaît en cours d’irradiation. L’usage de ces poisons fait apparaître de nouvelles difficultés dans la mesure où l’évolution des facteurs de points chauds n’est plus monotone décroissante (notion de pic gadolinium). L’optimisation du plan ne doit plus être seulement faite en début de

688

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 5.158 – Optimisation par colonies de fournis du Fxy d’un plan TBH (critère

ciblé < 1,44).

campagne et on a été amené à ne pas placer d’assemblages empoisonnés en position E13 et symétriques. Enfin, la volonté d’EDF de préserver la cuve des réacteurs soumise à l’irradiation neutronique, dans une optique du prolongement des tranches au-delà des 40 ans de la conception initiale, a conduit à revoir drastiquement la première règle plaçant les assemblages neufs en périphérie. La tactique « faible fluence » actuellement déployée est de placer des assemblages déjà irradiés en regard des points chauds des cuves (médianes sur le CPY). Dans le cas du MOX, on s’interdit de placer des assemblages MOX en bout d’axe et on met des assemblages UOX d’irradiation supérieure à 31 000 MWj/t sur les assemblages de bout d’axe (A07, A08, A09 et leurs symétriques). Cette tactique prend encore plus d’ampleur à partir de 2017 (Tricastin étant tête de série expérimentale), où on a commencé à placer des grappes fixes de poison hafnium dans les trois assemblages de médiane du CPY. On pourra ainsi diminuer considérablement la fluence cuve, au détriment d’une redistribution du flux vers l’intérieur du cœur à puissance constante.

5.8.3

La recherche automatique de plans de chargement

L’évolution des capacités des ordinateurs, la progression de l’intelligence artificielle et la parallélisation des codes de calcul laisse envisager la possibilité d’une recherche automatique de plans de chargement. EDF a investi dans ces domaines et dispose d’une application informatique automatisée, ARPEGE, capable de trouver des plans de chargement dans l’arborescence (très grande) des possibilités. Comme le calcul de l’ensemble des possibilités est toujours inaccessible de nos jours (plusieurs milliards de possibilités), ARPEGE propose une méthode originale faisant appel aux « colonies

5. Le cœur et le combustible du réacteur

689

de fourmis 57 », à savoir une méthode d’apprentissage qui optimise un ou plusieurs paramètres sous un système de contraintes. La Figure 5.158 montre le résultat d’une optimisation de plan obtenu après 400 générations de colonies de fourmis sur le calcul du facteur de puissance assemblage Fxy . Le critère de sûreté recherché est de 1,44 pour la configuration Toutes Barres Hautes (TBH). Cette courbe montre qu’au cours de la recherche, on est amené à « perdre » parfois sur le critère et donc à rejeter des plans, mais qu’au fil des générations de colonies, la recherche s’affine et produit un résultat inférieur à 1,4 compatible avec le critère de sûreté de 1,44 caractérisant l’aplatissement de la nappe de puissance. Il faut accepter de « perdre » transitoirement sur le critère pour pouvoir explorer d’autres points de l’espace des solutions possibles et vérifier qu’on n’est pas dans un minimum local.

57 De façon simplifiée, la méthode des colonies de fourmis est basée sur l’idée de fourmis à la recherche de nourriture faisant face à plusieurs chemins. À l’aller et au retour de leur recherche, les fourmis laissent une certaine quantité de phéromone odorante sur le chemin. Si le chemin est plus long, cette phéromone s’évapore plus, et les fourmis suivantes choisissent préférentiellement le chemin à la phéromone la plus puissante (mais pas systématiquement pour se laisser la possibilité d’explorer de nouveaux chemins plus rapides). Dans le cas qui nous occupe, le taux d’évaporation de la phéromone est un paramètre majeur à caler pour être efficace.

Chapitre 6 Le circuit secondaire [Alami et Ageron, 1958], [Coppolani et al., 2004] p. 19, [Kalafati, 1965], [Pluviose, 2010] p. 95

6.1

Généralités

[Normand et al., 2010] Le circuit secondaire des REPs (Figure 6.1, Figure 6.3) a pour fonction principale de véhiculer la vapeur produite par refroidissement du circuit primaire, vers le groupe turbo-alternateur. Le choix de séparer la fonction primaire du secondaire distingue les REPs des réacteurs à eau bouillante (REBs) dont la vapeur est produite directement dans le cœur. On veut volontairement dans le cas des REPs échapper aux problèmes de vaporisation directement dans le cœur (grâce à une pression élevée), ce qui peut être cause d’instabilités de la puissance, qui est très sensible au taux de vide. D’autre part, on isole le groupe turbo-alternateur du cœur grâce à la barrière du circuit primaire, ce qui évite une pollution radioactive du poste d’eau, au détriment d’un circuit supplémentaire. Assez classiquement, on utilise le terme « poste d’eau » pour caractériser le traitement de l’eau alimentaire en sortie du condenseur (Figure 6.2, Figure 6.3). Le poste d’eau comporte les pompes d’extraction qui remettent en pression et en mouvement l’eau refroidie dans le condenseur, une série de réchauffeurs basse pression (deux files de trois ou quatre réchauffeurs, ou bien trois files de trois appareils selon le palier), un dégazeur et une bâche alimentaire (qui sert de stockage tampon), des turbopompes alimentaires (TPA) fonctionnant grâce à la vapeur des GVs, des réchauffeurs haute pression (deux files de un ou deux réchauffeurs), et bien sûr les conduites et les vannes spécifiques du système d’alimentation en eau des GVs ARE.

6.2

Description fonctionnelle

[Normand et al., 2010] p. 27, [Ricard, 1953] p. 1, [Winterton, 1981] p. 146 Le circuit secondaire d’un REP comporte un ensemble d’appareils individualisés (générateurs de vapeur, condenseur, pompes, corps de turbine, dégazeurs. . . ) reliés par des canalisations dans lesquelles le mélange eau-vapeur circule. L’état de ce mélange est caractérisé par deux variables d’états indépendantes, pression en bar (Figure 6.4)

692

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 6.1 – Principe du circuit secondaire : refroidir le primaire en produisant de la vapeur pour la turbine et éviter la contamination du poste d’eau (adapté de [Circuit secondaire, 1977]).

Fig. 6.2 – Principaux systèmes du circuit secondaire. et enthalpie spécifique en kJ/kg, auxquelles on associe une grandeur de débit en kg/s. Si on avait choisi comme variable d’état la température (Figure 6.5), le fait que pour une émulsion, pression et température ne soient plus indépendantes aurait nécessité d’adjoindre le titre en vapeur en plus pour caractériser le fluide. L’intérêt premier d’un circuit secondaire de REP est de séparer physiquement le primaire vis-à-vis de la turbine. Le primaire devient ainsi étanche aux éventuels produits de fission et à la radioactivité des produits d’activation transportés dans l’eau primaire. Dans le cas des REBs, où la vapeur est produite directement dans le cœur pour être envoyée à la turbine, cette fonction n’est pas assurée. La vapeur qui sort du GV est à l’état saturé à 285 ◦ C pour une pression de l’ordre de 70 bars (Figure 6.5). Comme la vapeur n’est pas surchauffée de par la relativement faible

6. Le circuit secondaire

693

Fig. 6.3 – Vue globale du circuit secondaire d’un P4 (adapté de [Centrales Nucléaires EDF de 1 300 MW, 1991] p. 37).

température de l’eau du primaire (en comparaison avec une tranche thermique conventionnelle), le rendement de la centrale reste modeste de l’ordre de 1/3. Le générateur de vapeur fonctionne donc comme un évaporateur. Pour augmenter le rendement, il faudrait augmenter la température du primaire, donc la pression pour rester monophasique, d’où des difficultés technologiques de plus en plus grandes. Après un passage par un limiteur de débit en tête de GV, dont la fonction est de limiter la dépressurisation induisant un choc froid sur le primaire en cas de rupture avale de la tuyauterie vapeur, la vapeur est envoyée par les tuyauteries vapeur à l’extérieur du BR vers la salle des machines. Ces tuyauteries sont munies de soupapes de sécurité qui permettent de contourner la turbine et d’envoyer la vapeur directement au condenseur, et de vannes de décharge à l’atmosphère qui permettent de contourner la turbine en envoyant la vapeur à l’exutoire (Groupe contournement turbine, GCTa, Figure 6.6). Une telle situation apparaît par exemple lorsque l’alternateur est découplé du réseau et qu’il faut très rapidement îloter la tranche en évitant de faire monter la pression du GV à plus de 110 % de sa valeur nominale [Coppolani et al., 2004] p. 21. Le GCTa est aussi utilisé en cas de perte du condenseur ou des systèmes partie prenante du condenseur CEX. Un barillet vapeur collecte les trois ou quatre tuyauteries vapeur (selon le palier), et envoie l’ensemble de la vapeur produite vers la turbine dans le corps haute pression puis les corps basse pression (Figure 6.7), où elle se détend en fournissant du travail mécanique. Si un incident apparaît sur la ligne électrique sur laquelle débite l’alternateur, il faut immédiatement réduire la puissance produite en redirigeant la vapeur non plus vers la turbine, mais en l’envoyant directement vers le condenseur.

694

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 6.4 – Progression de la pression dans le circuit secondaire (CPY), adapté de Circuit secondaire, note EDF/SPT n ◦ 337, 1977.

La capacité du condenseur est de 85 % du débit maximal de vapeur produit par les GVs. On évite ainsi l’ouverture des soupapes de sûreté du générateur de vapeur dans le cas d’un déclenchement de l’alternateur à pleine charge. Si le condenseur est insuffisant à engranger et condenser la vapeur, on libère la vapeur à l’atmosphère par les vannes de décharge GCTa. Des vannes d’isolement permettent d’isoler un GV par exemple en cas de rupture de tube de générateur de vapeur, pour éviter que le primaire ne s’échappe vers la turbine. Une fois le GV isolé, le GV fuitard va se remplir jusqu’à équilibre des pressions primaire/secondaire. En situation normale, après détente dans le corps haute pression (HP) de la turbine, la vapeur, dont la pression diminue par effet mécanique, se charge en eau par condensation (environ 10 à 15 % en eau). Si on continue à détendre cette vapeur dans un étage basse pression (BP), la teneur en eau augmenterait encore de 10 % supplémentaires, d’où une diminution considérable du rendement de la turbine, et une destruction accélérée des aubages du corps BP par érosion par les gouttes d’eau d’un diamètre variant du centième de micromètre à quelques micromètres 1 . Une parade consiste à utiliser des séparateurssurchauffeurs. On place entre le corps HP et les corps BP (2 ou 3) de la turbine un séparateur extérieur qui va « essorer » la vapeur en la faisant passer dans des chicanes, 1 [Guignard, 1986] S. Guignard : Séparateurs surchauffeurs pour turbines nucléaires, Revue Générale de Thermique, Tome XXV, n ◦ 298, p. 469-476 (1986).

6. Le circuit secondaire

695

Fig. 6.5 – Progression de la température dans le circuit secondaire (adapté de Circuit secondaire, note EDF/SPT n ◦ 337, 1977).

puis la surchauffer en la faisant passer dans un réchauffeur à tubes (diamètre interne 21,8 mm) à ailettes et en forme d’épingles, tubes alimentés par de la vapeur du GV à 55 bars. L’ensemble conduit à un gain de l’ordre de 2 % de rendement et protégera les corps BP. Cette surchauffe de la vapeur est réalisée en soutirant de la vapeur vive à l’admission de la turbine, donc directement issue du GV. Thermodynamiquement, il est plus intéressant d’utiliser cette vapeur pour réchauffer la vapeur à l’entrée du corps BP, plutôt que de l’utiliser pour vaporiser de l’humidité condensée. L’eau de condensation du surchauffeur, extraite par des séparateurs, est récupérée dans un ballon de recueil de condensats. Cette eau est réutilisée à l’aspiration des pompes alimentaires. Sécheurs et surchauffeurs sont placés dans une enceinte commune. La vapeur détendue recueillie à la sortie de la turbine BP aboutit dans le condenseur placé sous le corps BP (Figure 6.7, Figure 6.8). Le condenseur est un échangeur qui utilise la source froide du circuit d’eau brute en provenance de la source froide extérieure (environ 50 m3 /s issus de la rivière ou bien aéroréfrigérants ou mer). Avec un tel débit, l’échauffement de l’eau de la source froide est d’environ 11 ◦ C. L’eau brute passe dans des tubes en laiton pour les centrales refroidies à l’eau douce, et en titane pour les centrales de bord de mer, car le titane résiste très bien à la corrosion de l’eau salée. Le condenseur récolte aussi la vapeur qui provient des turbines d’alimentation des pompes alimentaires, des purges des réchauffeurs basse pression et

696

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 6.6 – Régulation du GCTa (contournement de la turbine à l’atmosphère) du palier P4. de la bâche des condensats. Le condenseur est donc la source froide et la réserve d’eau (290 tonnes) du circuit secondaire. Les Tableau 6.1 (CPY) et Tableau 6.2 (CP0) présentent les valeurs nominales du secondaire à différents niveaux de puissance. Les Figure 6.9 et Figure 6.10 présentent les bilans thermodynamiques du secondaire des paliers P4 et CP2, pour fixer des ordres de grandeurs associés aux composants dont nous avons parlé.

6.3

Conditionnement chimique de l’eau du secondaire

L’objectif du conditionnement chimique de l’eau du secondaire est d’éviter la formation de dépôts solides au-dessus de la plaque tubulaire des GVs, une zone sensible où la géométrie favorise la corrosion des tubes GV. Il faut aussi limiter la corrosion des différents constituants, tout particulièrement ceux qui voient de la vapeur chaude.

697

6. Le circuit secondaire

Fig. 6.7 – Circuit secondaire d’un REP (adapté de [Guignard, 1986]). Tab. 6.1 – Caractéristiques du secondaire des paliers CPY.

Puissance thermique de la chaudière (MWth) Puissance électrique aux bornes de l’alternateur (MWe) Puissance électrique nette (MWe) Pression de vapeur à l’admission turbine (bar) Humidité de la vapeur à l’admission (%) Pression de la vapeur à la sortie du sécheur-surchauffeur (bar) Température de la vapeur à la sortie du sécheursurchauffeur ( ◦ C) Pression à l’échappement de la turbine source froide en circuit ouvert (mbar) Pression à l’échappement de la turbine source froide aéroréfrigérant (mbar) Température de l’eau alimentaire à la sortie du poste d’eau ( ◦ C) Débit de vapeur admission turbine (kg/s) Débit d’eau extrait par les sécheurs-surchauffeurs (kg/s) Débit de vapeur échappement turbine (kg/s) Débit d’eau d’extraction du condenseur (kg/s) Débit d’eau de réfrigération des condenseurs (m3 /s) selon la source froide

CP1 2 785 942 à 956 896 à 916 55 0,37 10,8

CP2 2 785 921 881 74 0,37 11,9

251

251

51 à 54

73

70

73

220

220

1 515 121 834 1 044 34,5 à 41,6

1 517 120 843 1 049 33

C’est pourquoi on attache une grande importance à la qualité de l’eau déminéralisée non conditionnée (circuit SED), puis conditionnée avec de l’ammoniaque ou de la

698

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Tab. 6.2 – Mesures du poste d’eau effectuées pendant les essais de démarrage de la turbine de Saint-Laurent B1 (CP0).2

2 D’après R. Brazzini : Expérience d’exploitation des tranches nucléaires françaises 900 MW à eau sous pression, Journée « expériences d’exploitation des tranches nucléaires françaises », 2e session : le circuit secondaire et les matériels des machines, 20 juin 1984, Paris, SFEN (1984).

6. Le circuit secondaire

699

Fig. 6.8 – Schéma général du circuit secondaire. morpholine à un pH basique (circuit SER) et utilisée dans le circuit secondaire. On limite au maximum la présence de sels ou de soude (Tableau 6.3). D’une manière générale, il faut limiter, tout comme pour le primaire, la présence d’oxygène dissous et la possibilité de formation d’acides ou de bases libres. Pour ce faire, on dispose des purges en continu des GVs (APG) et de la possibilité d’injecter des réactifs chimiques. On mesure en continu la qualité de l’eau, en particulier sa conductivité totale λT et cationique λ+ (en μSiemens/cm) qui renseigne sur la teneur en sodium 3 . Celle-ci augmente significativement en cas d’entrée d’eau brute au condenseur, tout particulièrement si c’est de l’eau salée de mer. Dans le concept initial de la licence Westinghouse, les tubes de GV sont en Inconel 600 (NC 15 Fe) 4 , mais on a découvert à la fin des années 1950 la possibilité d’une corrosion en eau chaude pure de cet alliage (effet Coriou). La situation a évolué défavorablement en 1967 avec la découverte sur le réacteur de San Onofre de fissures, d’amincissements et de perforations des tubes, d’où des recherches importantes dans le domaine de la chimie du secondaire. Dans un premier temps, l’eau subissait un traitement dit « solide » à base de phosphate avec une purge en 3 Le sodium est le principal cation alcalin susceptible d’être rencontré dans l’eau et de se concentrer. On le trouve dans l’eau brute, on l’utilise sous forme de soude pour la régénération des résines anioniques et dans le conditionnement de certains circuits au phosphate trisodique. Le sodium est dangereux car il contribue à la corrosion caustique de type intergranulaire en particulier de l’Inconel 600. Dans le circuit primaire, on peut le mesurer du fait de l’activation du Na23 en Na24. Notons que la soude est aussi utilisée dans le circuit EAS pour limiter la formation d’iode gazeux dans l’enceinte en cas d’accident et dans le circuit TEU pour limiter la formation de cristaux de borates dans l’évaporateur TEU. 4 Quelque propriétés de base : R 0,2 (20 ◦ C) > 240, R 0,2 (35 ◦ C) > 190, R ◦ p p m (20 C) > 550, A% > 30.

700

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 6.9 – Bilan thermodynamique du GTA et poste d’eau (palier P’4) au nominal (données Alsthom).

continu des GVs. L’utilisation du phosphate a montré un amincissement des tubes sur San Onofre et Beznau 2. À partir de 1974, Westinghouse a recommandé un conditionnement volatil à l’ammoniaque 5 d’une eau très pure. Mais d’importants problèmes de corrosion-érosion ont alors été mis en évidence dans le poste d’eau, en particulier au niveau des réchauffeurs haute pression. L’analyse a conclu à l’importance du pH de la phase liquide. On a donc abandonné l’ammoniaque au profit de la morpholine. La morpholine (C4 H9 NO) est ce que les chimistes appellent un hétérocycle saturé qui contient une fonction éther et une fonction amine secondaire. Totalement miscible dans l’eau, elle conduit à un pH légèrement basique qui ralentit la corrosion, avec l’avantage qu’elle possède un point d’ébullition proche de l’eau et se répartit de façon homogène dans la phase liquide et la phase vapeur. La morpholine est très classiquement utilisée dans la vapeur des turbines de centrales thermiques.

5 Sur la production d’ammoniac, on lira avec intérêt [Champetier, 1967], pp. 16-27. Il ne faut pas confondre l’ammoniac gazeux NH3 avec l’hydroxyde d’ammonium dit ammoniaque NH4 OH très volatil.

701

6. Le circuit secondaire

Fig. 6.10 – Bilan thermodynamique du GTA et du poste d’eau (palier CP2 : Saint-Laurent-des-Eaux).

Tab. 6.3 – Spécifications de l’eau déminéralisée produite par le circuit SED avant injection de réactifs. La mesure de la conductivité totale est simple et fiable et fournit la teneur totale en ions, sans sélectivité sur les différents ions (positifs ou négatifs). La mesure de la conductivité cationique, qui se fait aprés passage de la solution sur une résine échangeuse de cations, est un indicateur de la concentration en anions. Les cations sont remplacés par des ions H+ ce qui a pour effet d’éliminer le bruit de fond important lié à la base servant au conditionnement et d’augmenter la sensibilité de la mesure des anions restants dans la mesure où NaCl est remplacé par du HCl de conductivité 3,5 fois supérieure. Paramètre

Unité

Conductivité Totale à 25 ◦ c Sodium Silice ionisée Silice totale Chlorure Sulfate Matières en Suspension

μs/cm μg/kg μg/kg μg/kg μg/kg μg/kg μg/kg

Valeur Attendue

Valeur Limite < 0.2

Fréquence Analyse Continu

30. 16 Didier Noel, Henri-Bernard Psychala, Jean-Marie Fiquet : Le nettoyage chimique des générateurs de vapeur, EPURE, n ◦ 44, octobre 1994, pp. 46-54.

6. Le circuit secondaire

731

Fig. 6.33 – Effet de « denting » sur un tube GV. de fer et de zinc par de l’acide citrique 17 et gluconique 18 à pH 3,3 à 85 ◦ C sous azote (au moins 170 heures). Puis une dissolution du cuivre par une solution identique à celle utilisée précédemment, mais alcalinisée à PH > 9,5 et rendue oxydante par bullage d’oxygène, à 50 ◦ C (au moins 20 heures). Enfin, une solution de finition d’acide citrique à pH 3,5 inhibée pour éliminer le souffre contenu dans l’inhibiteur de la solution précédente pendant 5 heures à 40 ◦ C. Cette phase acide est suivie d’une phase basique pour un deuxième décuivrage et pré-passivation avec une solution alcaline à pH > 9,5, rendue oxydante par bullage d’oxygène (5 heures à 40 ◦ C). Le tout avant rinçage. Cette tactique est très efficace comme le montre la Photo 6.4. Elle a été mise en place industriellement à partir de 1988 sur une centrale en Belgique, puis en France.

17 L’acide citrique (C H O ) est un acide faible qu’on trouve dans le citron (d’où son nom), isolé 6 8 7 en 1784 par le chimiste suédois Carl Sheele, dont l’action détartrante est bien connue des ménagères. 18 L’acide gluconique (C H O ) est un acide soluble dans l’eau très répandu aussi bien chez les 6 12 7 animaux que dans les plantes. Il est le plus souvent intégré dans une molécule plus grande comme c’est le cas dans diverses gommes (Wikipédia).

732

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 6.34 – Nettoyage des dépôts de magnétite du secondaire d’un GV par lançage (technique Framatome). On injecte de l’eau à haute pression (200 bars) par des orifices d’inspection.

Photo 6.4 – Nettoyage chimique du GV : avant (gauche), après (droite) (d’après Noel et al., op. cit.).

733

6. Le circuit secondaire

6.4.7

Fuite primaire-secondaire

[Hutin, 2016] p. 403 Étant donné la surface considérable d’échange et le nombre de tubes GV, l’importante différence de pression entre primaire-secondaire, l’aspect corrosif de l’eau du primaire (acide borique), il est logique de se poser la question d’une éventuelle fuite primairesecondaire. Sans parler de rupture de tube de GV en cas d’accident, des fuites liées à des fissurations de tubes GV apparaissent, sans qu’il n’y ait pour autant de conséquences sur la sûreté. Ces fissures peuvent d’ailleurs « respirer » en fonction du niveau de charge en se refermant, voire se colmater par dépôts d’oxydes métalliques 19 . Selon les STEs, le débit de fuite limite autorisé est de 72 litres/heure. Au-delà, il faut inspecter le GV « fuitard » et condamner en les bouchant les tubes GV incriminés 20 , avec une limite de 10 % du total des tubes à ne pas dépasser. Au-delà de ces 10 %, il faut remplacer le GV. La surveillance du taux de fuite est basée sur la mesure en continu de l’activité de l’azote 16 dont on détecte facilement le rayonnement gamma très énergétique (émetteur bêta – de 7,13 s de période, émettant principalement un photon de 6,1 MeV). Cet azote 16 est produit par activation neutronique (n,p) de l’oxygène 16 stable de l’eau du primaire lors du passage dans le cœur actif : 1 0n

16 1 +16 8 O ⇒7 N +1 p

La faible période de l’azote 16 est intéressante vis-à-vis du temps de transfert de l’eau dans le circuit primaire de l’ordre de 20 secondes, car l’azote 16 ne s’accumule pas indéfiniment dans le primaire.

6.5

Le groupe turbo-alternateur (aspects vapeur)

[Bloch et Singh, 2000], [Durr, 1983], [Pluviose, 2010] p. 99

6.5.1

Généralités

La vapeur est dirigée vers le groupe turbo-alternateur qui comporte un corps haute pression (HP), deux (CP2 à 4 soupapes d’admission) ou trois corps (CP0, CP1 Figure 6.35, P4 à 6 soupapes d’admission - Figure 6.36) basse pression (BP). Le palier N4 comporte même un corps moyenne pression (MP). Le corps HP bénéficie d’une vapeur à environ 285 ◦ C avec un titre de 0,9947 (exemple tiré d’un P4). En sortie du corps HP, la vapeur résiduelle passe dans un sécheur puis un surchauffeur qui permet d’alimenter en vapeur sèche les corps BP. Il est très important que la vapeur n’emporte pas des gouttes d’eau qui abîmeraient rapidement les aubages des turbines. La turbine tourne à 1 500 tours/minute. Au total, 5 440 tonnes/heure de vapeur entrent dans la turbine et 3 000 tonnes/heure sortent vers le condenseur, le différentiel étant les 6 soutirages de vapeur qui servent à réchauffer l’eau d’admission. Le corps HP 19 Comme le GV fonctionne en bouilleur, il concentre les produits de corrosion métalliques qui se concentrent dans la partie secondaire du GV, d’où l’importance du conditionnement chimique volatil du secondaire (pH, oxygène, chlorure. . . ). 20 En pratique pour un GV non fuitard, on inspecte en surveillance seulement une partie des tubes (1 sur 8) lors des arrêts pour rechargement, et l’ensemble des tubes lors des visites décennales.

734

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 6.35 – Point de fonctionnement nominal d’une turbine CP1 (1 corps HP, 3 corps BP, 6 soupapes d’admission, 6 soutirages) construite par Alsthom-Belfort. En sortie du corps HP, la vapeur est séchée par un séparateur et surchauffée pour un meilleur rendement dans les corps BP. Le poste d’eau est sans bâche alimentaire

Fig. 6.36 – Schéma fonctionnel et bilan thermodynamique du GTA d’un P’4.

6. Le circuit secondaire

735

comporte deux étages identiques et symétriques de sept roues montées en diabolo. La vapeur est admise dans la partie centrale de la turbine et fuit par les deux extrémités. Les trois corps BP comportent eux aussi deux étages chacun. Des soupapes d’admission (6 pour CP0, CP1, P4, N4 ; 4 pour CP2) introduisent la vapeur dans la turbine (Figure 6.37, Figure 6.38).

Fig. 6.37 – Principe de l’admission vapeur par vannes d’admission.

736

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 6.38 – Détail d’une vanne d’admission turbine.

6.5.2

Régulation de la turbine

[Bloch et Singh, 2000] p. 137 La modulation de charge, du fait que les réacteurs ne fonctionnent pas forcément à puissance nominale, s’impose en suivi de réseau. Ce suivi de réseau peut générer des amplitudes jusqu’à 70 % de puissance nominale (le réacteur baisse alors à 30 % Pnom). Le téléréglage impose aussi des variations, bien que plus faibles mais plus rapides. Ces besoins imposent un automatisme de contrôle de la turbine (Figure 6.39). Les régulateurs sont des automatismes analogiques réalisés à partir de cartes électroniques. Ils sont constitués de modules qui forment un chaînage entre les capteurs qui recueillent les mesures expérimentales, et l’actionneur dont ils élaborent la commande. Chaque module a une fonction élémentaire particulière (filtre passe-haut, filtre passe-bas, régulateur, sommateur, intégrateur, limiteur. . . ) alimentés par des paramètres (gain, constante de temps. . . ) classiques en automatisme : on parle de contrôle-commande pour décrire l’ensemble de ces régulateurs. Le régulateur de turbine d’une tranche CP1 comprend environ 200 cartes électroniques, 12 vérins hydrauliques de commande des soupapes vapeur, avec leur asservissement de position associé. Le tout est implanté dans quatre armoires électroniques de 2,20 m × 0,60 m × 0,60 m. Le régulateur de turbine est examiné à chaque arrêt de tranche pour révision générale en injectant un signal échelon pour vérifier si la réponse est cohérente à ce

6. Le circuit secondaire

737

Fig. 6.39 – Régulation de la turbine. qu’on attend du composant. On contrôle aussi les vérins et des essais d’îlotage 21 sont régulièrement effectués pour vérifier le comportement des régulations.

6.5.3

Régulation de la température moyenne par le contournement de la turbine

[Transfert des connaissances n ◦ 603, Transitoires normaux de grande amplitude, 1985] p. 4 Le réglage de la puissance, et donc de la température moyenne cuve, s’effectue grâce au positionnement des groupes de compensation de puissance (GCP), mais une régulation supplémentaire intervient en support au réglage de la température moyenne cuve par les GCPs. On parle de régulation en mode température. Cette régulation intervient en particulier lors d’un îlotage ou d’un déclenchement de la turbine sans AAR. Enfin, elle intervient pour évacuer la puissance résiduelle dans la phase juste après un AAR. En situation « turbine enclenchée », et dans le cas d’un îlotage, la température moyenne cuve mesurée est comparée avec la température de référence (celle du programme de température en fonction du niveau de puissance), calculée en utilisant la puissance obtenue par mesure de pression à l’admission turbine (cette pression est une image fidèle de la puissance produite par la turbine). L’écart entre ces deux valeurs de températures moyenne cuve est envoyé à un régulateur proportionnel dont la sortie commande l’ouverture modulée de quatre groupes de quatre vannes. Cette commande 21 L’ilotage est le transitoire normal d’exploitation le plus sévère (en matière de soudaineté et de gamme de variation des paramètres physiques de la chaudière). Un essai d’ilotage est réalisé à la fin des essais physiques de redémarrage avec toutes les chaînes de contrôle-commande en automatique, pour voir comment l’ensemble se comporte. Le transitoire doit laisser des marges suffisantes vis-àvis des protections d’AAR et des seuils d’ouverture des soupapes VVP. Tout mauvais réglage des protections sera sanctionné par un échec de cet essai.

738

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Photo 6.5 – Une publicité pour les sécheurs-surchauffeurs de Stein Industrie (1978) (collection Marguet).

présente une bande morte quand la valeur absolue de l’écart est inférieure à 2, 8 ◦ C, et l’ouverture est totale quand l’écart atteint 13, 9 ◦ C. Cet écart est aussi envoyé à quatre relais à seuil étagés qui provoquent l’ouverture rapide des quatre vannes associées. La vapeur contourne alors la turbine, pour aller se condenser dans le condenseur. Pour opérer ce contournement, il faut bien entendu que le condenseur soit disponible.

6. Le circuit secondaire

739

En situation « turbine déclenchée », la température de référence est celle à charge nulle (286 ◦ C). À ce moment, l’écart de température est envoyé à un régulateur proportionnel sans bande morte, qui commande uniquement l’ouverture des deux premiers groupes de vannes (au total 8 vannes). Si l’écart est supérieur à 11 ◦ C, les 8 vannes en question sont ouvertes totalement. Dans cette situation, il n’y a pas d’ouverture rapide. Notons qu’à basse charge, le mode température bascule sur une régulation de la pression. Il existe parallèlement au mode température un mode pression, dont la fonction est la même, mais qui utilise la pression mesurée au barillet-vapeur. Le barillet-vapeur récolte la vapeur de l’ensemble des GVs de la tranche avant de l’envoyer à la turbine. L’évolution de la pression en fonction du temps est envoyée à un dérivateur (calcul de la dérivée de la pression). Le signal de dérivée en fonction de son importance commande l’ouverture des soupapes de contournement (50 % pour le premier groupe, 75 % pour le deuxième, 100 % pour le troisième et 125 % pour le quatrième). Ce cas de figure est une ouverture rapide, qui n’intervient pas en cas d’AAR. Il existe aussi une ouverture modulée dont la commande est élaborée à partir de l’écart entre la pression barillet et une valeur de consigne en fonction de la pression d’admission. Dans tous les cas, le mode pression est plus intéressant que le mode température car il permet de n’avoir qu’une seule chaîne de régulation (pas de bascule à basse charge comme indiqué plus haut).

6.6

Les groupes sécheurs-surchauffeurs

[Hutin, 2016] p. 621

6.6.1

Principe des sécheurs-surchauffeurs

[Leclercq, 1988] p. 250 Les groupes sécheurs-surchauffeurs (GSS) (Figure 6.41, Figure 6.43, Figure 6.44, Figure 6.46, Figure 6.47, Photo 6.5) permettent de reconditionner la vapeur en sortie du corps haute pression avant de l’envoyer vers les corps basse pression (Figure 6.40, Figure 6.42 et Figure 6.48). On évite ainsi une humidité excessive de la vapeur en sortie du corps HP et qui nuirait au rendement des corps BP, dans la mesure où la vapeur en sortie du corps BP va être déjà humide du fait d’une température relativement basse (si on compare à une tranche thermique conventionnelle). Les GSS sont installés sur le plancher de la salle des machines de part et d’autre de la turbine (4 pour les CP0 et CP1, 2 à double faisceau pour les paliers ultérieurs). Les réchauffeurs à double faisceau comporte deux faisceaux disposés tête-bêche, et deux boîtes à vapeur, une de chaque côté de l’appareil. On obtient ainsi un gain de compacité non négligeable et un rendement plus intéressant qu’un réchauffeur à un faisceau unique. La vapeur de chauffe provient d’un piquage sur la vapeur vive après le barillet vapeur et avant le corps HP. La performance des groupes de sécheurs-surchauffeurs (Tableau 6.5) est caractérisée par l’efficacité moyenne de séchage (rapport entre le débit d’eau purgé divisé par le débit d’eau entrant dans les sécheurs), le coefficient moyen d’échange thermique caractérisé par le pincement des températures côté fluide chaud, la perte de charge

740

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 6.40 – Implantation des groupes sécheurs-surchauffeurs du palier N4. moyenne. Les mesures d’essais montrent que le taux d’humidité en sortie de sécheurs est quasiment nul. La Figure 6.43 et la Figure 6.44 montrent des écorchés de sécheurs-surchauffeurs qui produisent une vapeur sèche ne mettant pas en danger d’érosion les aubes des turbines basse pression. La Figure 6.45 présente le fonctionnement des sécheurssurchauffeurs lors d’un transitoire très sensible d’îlotage.

6.6.2

Régulation des surchauffeurs

La régulation du débit de chauffe (Figure 6.48) est imposée par la technologie des corps BP et utilise l’écart entre la température à l’admission BP et une consigne. On doit faire face à trois situations différentes. En premier lieu, il faut régler la surchauffe pour gérer le démarrage à froid des corps BP. En effet, ces corps sont à fûts et à disques rapportés, et le décollement des disques apparaît à 1 500 tours/minute pour un écart de température entre le fût et le disque de 100 ◦ C [Circuit secondaire, 1978] p. 51. Il faut donc régler la surchauffe pour tenir compte de ces données techniques. Une fois

6. Le circuit secondaire

741

Fig. 6.41 – Un sécheur-surchauffeur Alstom (publicité Alstom Power).

Fig. 6.42 – Sécheurs-surchauffeurs de type Alsthom-Stein avec traitement des condensats.

742

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Tab. 6.5 – Caractéristiques des surchauffeurs du palier P’4. Theorie T de surchauffe ( ◦ C) Δt surchauffeur ( ◦ C) Δp surchauffeur (mbar) Type de faisceau

266,85 15 450 –

saint Alban 269,7 15,5 274 Tubes lisses Z2CN18-10

Cattenom

Belleville

266,8 17,3 261 Tubes lisses Z2CN18-10

271,1 13,7 182 Tubes à ailettes Z2CT18

Erreur limite ±2 ±2 ±100

Fig. 6.43 – Coupes horizontale et radiale détaillées d’un sécheur-surchauffeur (modèle CP0-CP1).

6. Le circuit secondaire

743

Fig. 6.44 – Sécheur-surchauffeur de type STEIN Industrie (tranches 900 MWe).

Fig. 6.45 – Fonctionnement d’un groupe sécheur-surchauffeur pendant un îlotage de tranche. la turbine démarrée en dessous de 30 % Pnom, la régulation du débit de vapeur du surchauffeur est faite par une vanne auxiliaire de telle façon que la température de la vapeur suive une consigne linéaire entre 110 ◦ C à ◦ %Pnom et 238 ◦ C à 30 % Pnom. Enfin, au-dessus de 30 % Pnom, une vanne Tout Ou Rien est ouverte et le surchauffeur fonctionne alors comme réchauffeur. En situation de démarrage après un arrêt à chaud, on constate que les disques se refroidissent plus vite que le fût. Il y a donc intérêt à injecter une vapeur à une température supérieure ou égale à celle des disques afin de ne pas accroître les contraintes de serrage par dilatation thermique différentielle. Comme la turbine est chaude, on peut monter plus vite en charge.

744

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 6.46 – Détail d’un groupe sécheur-surchauffeur du palier CP2.

Fig. 6.47 – Écorché commenté d’un sécheur-surchauffeur de CP2.

6.6.3

Protection des sécheurs-surchauffeurs

Ces appareils sont protégés sur les tranches CP1 par 6 soupapes à clapet pilote du type SPV-A fabriquées par la société Criss-Crosby. Au cours du début des années 1980, des anomalies ont été constatées sur ces soupapes, dont certains refus d’ouverture. Alsthom Atlantique a alors effectué des modifications pour assurer un

6. Le circuit secondaire

745

Fig. 6.48 – Schéma de principe du sécheur-surchauffeur et régulation (adapté d’après [Circuit secondaire, 1977] p. 52).

meilleur guidage du piston de la navette et mieux maîtriser les jeux des cotes de fabrication. Néanmoins, l’Autorité de sûreté a demandé à EDF de pratiquer des essais d’ouverture tous les 3 mois. Le CP2 est quant à lui protégé par 3 soupapes de 730 tonnes/h chacune. Comme la fiabilité de ces soupapes a augmenté à la fin des années 1980, l’Administration a autorisé EDF à revenir à des essais annuels.

6.7 6.7.1

La robinetterie Généralités

Le choix de placer cette thématique dans le chapitre sur le circuit secondaire est tout à fait arbitraire dans la mesure où elle concerne aussi bien le circuit primaire, mais à une pression en général supérieure. Certaines soupapes sont d’ailleurs abordées dans le cadre du composant qui les concerne, comme les soupapes SEBIM du pressuriseur ou les soupapes de sûreté du circuit VVP. La robinetterie n’est classiquement pas considérée comme un matériel au même titre qu’un pressuriseur ou un condenseur. Le code de classement propre au service de la production thermique lui accorde le rang d’ « appareil », mais le nombre de robinets, de l’ordre de 12 000 pour une tranche, confère à ces appareils un rôle finalement très important, bien que le taux individuel de panne soudaine et totale d’un robinet soit peu élevé (inférieur à 2×10−6 par heure). Notons qu’en considérant les pannes partielles ou progressives, ce taux est multiplié par 10 ou 20. Le premier mode de défaillance des robinets est la fuite externe, avec comme appareils sensibles les robinets d’isolement (par nature !), les clapets assistés

746

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

des soutirages haute pression n ◦ 5 et n ◦ 6 de la turbine, les soupapes de protection des sécheurs-surchauffeurs, les robinets de décharge GV à l’atmosphère (GCTa), les robinets d’isolement de la ligne de charge RCV et de recirculation des pompes RCV, et enfin les robinets d’injection de bore. La maintenance des robinets doit forcément prendre en compte la dosimétrie, ce qui différencie notablement la robinetterie primaire de celle du secondaire. Une autre particularité de la robinetterie primaire est la présence d’acide borique, qui attaque la goujonnerie d’implantation des robinets. Ce problème, qui est apparu sur les premières tranches CP0, a été réglé en utilisant de l’acier inoxydable sur toute la robinetterie importante pour la sûreté. Enfin, comme nous l’avions déjà fait remarquer, la pression de 155 bars du primaire nécessite une conception de l’étanchéité particulièrement soignée, en particulier le revêtement en stellite des portées d’étanchéité, qui doivent parfois résister à des successions de chocs thermiques pouvant les fissurer, ou des coups de bélier. Cette problématique a nécessité une meilleure maîtrise des technologies de revêtement par les constructeurs fournisseurs de matériels nucléaires. En effet, si la fissuration d’une portée ne génère qu’une petite fuite de l’amont vers l’aval, la propagation de cette fissure dans le corps du robinet, si elle devient traversante, peut avoir des conséquences en matière de sûreté 22 . Néanmoins, de telles pressions et températures étaient déjà rencontrées depuis le xixe siècle sur certaines machines à vapeur, et le problème n’est donc pas spécifique au nucléaire. La corrosion-érosion de la robinetterie, qui conduit à de significatives pertes d’épaisseur, a été observée sur de la robinetterie en acier au carbone du circuit secondaire des paliers CPY, au contact avec de la vapeur humide circulant à grande vitesse entre 120 ◦ C et 220 ◦ C. On pense aux robinets réglants de purge ou de condensats des sécheurs-surchauffeurs ou des réchauffeurs haute pression. Là encore, l’utilisation plus systématique d’acier inoxydable a été étendue à cette robinetterie. Ce sont les robinets de régulation des lignes de charge et d’injection aux joints des pompes primaires qui sont soumis à des conditions de service très sévères, avec même des phénomènes de cavitation sur les robinets réglants à cage (Figure 6.51) de la tranche de Fessenheim en 1976. La nuance sans cobalt Z 100 CD 17 a permis de régler le problème sur le palier CPY. À partir du palier P4, on a utilisé des robinets à détente multi-étagée (Figure 6.52) qui élimine totalement le problème de cavitation. La corrosion sous contrainte affecte particulièrement la robinetterie du primaire, mais parfois aussi en milieu secondaire en présence d’eau et de vapeur. Elle se manifeste par la rupture de pièces internes aux robinets ou des éléments de goujonnerie. Le choix de la graisse des parties mobiles est alors très important 23 . Un traitement thermique judicieux des pièces permet aussi de palier à la plupart des problèmes.

6.7.2

Les différents types de robinetterie

La nature de la robinetterie est très variée. On distingue tout d’abord les clapets antiretour à soupapes ou à piston (Figure 6.49), dont la fonction est indiquée par le nom. Il s’agit de n’autoriser un écoulement que dans un sens, tout comme une porte ne 22 Des études théoriques et des campagnes d’essai sur matériel montrent néanmoins qu’une fissure de la portée stellitée se propage peu dans le métal de base, et n’est pas susceptible de provoquer une rupture brutale de l’opercule ou du corps de l’appareil. 23 Le cas des vannes vapeur Hopkinsons en acier 42 CD 4 à Fessenheim en est un exemple connu. La graisse à base de bisulfure de molybdène s’est révélée très sensible à l’initiation de la corrosion sous contrainte dans le métal lubrifié.

6. Le circuit secondaire

747

Fig. 6.49 – Clapet anti-retour à battant ou à piston.

s’ouvre que dans un sens, ou bien une diode qui ne laisse passer le courant électrique que dans un sens. Le clapet anti-retour ne s’ouvre que quand la pression amont est supérieure à la pression aval. L’exemple le plus marquant est le clapet anti-retour placé en aval d’un accumulateur du primaire (un par boucle). Lorsque l’accumulateur est dé-isolé, l’accumulateur ne peut débiter dans le primaire que si la pression primaire est inférieure à la pression de l’accumulateur (environ 40 bars au début).

748

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 6.50 – Robinet à soupape. On trouve aussi les robinets à soupape (Figure 6.50), manœuvrés par un volant qui peut faire tourner une tige de commande. Il s’agit d’une technologie classique qu’on rencontre sur les tuyauteries de maison. La manœuvre du robinet étant manuelle, on évitera ce type de robinet dans le BR inaccessible en fonctionnement nominal. Ces robinets manuels à soupape sont donc surtout utilisés sur le secondaire ou les parties conventionnelles. La commande manuelle de secours est imposée à l’origine sur tous les appareils, si la commande à distance (pneumatique 24 par exemple) est inopérante. En cas de perte de fluide (air comprimé), la manœuvre manuelle peut être nécessaire directement sur le robinet. Les robinets à membrane métallique d’étanchéité sont de conception dite « étanche ». D’origine américaine (brevet Kerotest), ils sont très fiables pour des petits diamètres (< 25 mm), et sont recommandés pour des circuits véhiculant de l’azote ou d’autres gaz imposant des exigences d’étanchéité élevées (hydrogène), mais ne peuvent être montés sur des conduites susceptibles de voir des surpressions ou des débits inverses. 24

Sur les asservissements électropneumatiques, on lira avec intérêt [Scavarda, 1989].

749

6. Le circuit secondaire

Fig. 6.51 – Robinet réglant à cage. Les robinets à servomoteur 25 pneumatique (robinet réglant à cage (Figure 6.51), robinet réglant à détente multi-étagée (Figure 6.52), robinet réglant à obturateur sphérique où le mouvement rectiligne de la tige est transformé en mouvement de rotation d’une demi-sphère (Figure 6.53), sont pilotés par un ressort comprimable par une membrane déformable avec de l’air comprimé. En augmentant la pression de l’air au-dessus de la membrane, on comprime le ressort et la tige, solidaire de la membrane, s’enfonce en fermant le clapet. En tarant le ressort convenablement, 25 Sur les servomécanismes, lire [Faisandier, 1970] p. 166 qui présente un grand ensemble de ce type de composants.

750

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

celui-ci se détend à un écart de pression conduite/servomoteur voulu, et ré-ouvre le passage au fluide. Le tarage de l’élément de rappel (ressort ou rondelles élastiques) permet de remettre la tige en position de sécurité. Ce tarage est délicat à obtenir lors de l’accostage du servomoteur sur le robinet, du fait d’erreurs de positionnement éventuelles pour l’accouplement des tiges de robinet et d’actionneurs entre elles. De fait, la sensibilité aux efforts résistants extérieurs (frottement de la garniture sur la tige, efforts hydrodynamiques. . . ) influe sur l’étanchéité des organes de sectionnement.

Fig. 6.52 – Robinet réglant à détente multi-étagée.

6. Le circuit secondaire

751

Fig. 6.53 – Robinet réglant à obturateur sphérique.

Une tranche comporte de très nombreux actionneurs à motorisation pneumatiques (environ 250), en particulier sur les circuits de sauvegarde et importants pour la sûreté. L’avantage de ces servomoteurs pneumatiques, par rapport à des servomoteurs électriques est leur rapidité d’action, leur souplesse d’emploi en régulation et leur possibilité d’assurer simplement une position de sécurité en cas de manque de fluide. La grande majorité des actionneurs pneumatiques sont de type « à membrane ». Le robinet à détente multi-étagée (Figure 6.52) permet une graduation progressive du débit, et élimine les phénomènes de cavitation susceptibles d’intervenir du côté basse pression en aval de l’écoulement. Notons aussi l’existence de vannes à coin flexible (Figure 6.54), dont l’étanchéité est assurée par un coin enfoncé par une tige pour fermer l’écoulement. Le risque de ce type de robinet à coin flexible est le grippage

752

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 6.54 – Robinet vanne à coin flexible. des guides d’opercules en acier inoxydable sur les barres de guidage solidaires du corps également en acier inoxydable (problème acier sur acier). La solution passe par un stellitage des guides d’opercule et un contrôle des jeux très précis 26 . Le robinet vanne à sièges parallèles (Figure 6.55) est identique au principe de la demi-sphère, mais où les deux opercules forment un cylindre creux qui laisse passer le fluide quand la zone creuse est située dans l’axe de la conduite. 26 Dans le cadre de l’isolement de la décharge pressuriseur, un problème qui s’est révélé crucial dans l’accident de TMI-2, on a même développé une vanne à barre de guidage en stellite massif encastrée dans le corps. Ce modèle est aussi installé sur les lignes de décharge du circuit RCV du palier 1 300 MWe.

6. Le circuit secondaire

753

Fig. 6.55 – Robinet vanne à sièges parallèles.

La classique soupape de sûreté à ressort permet d’agir manuellement sur la décharge grâce à son levier de décharge, tout en assurant une fonction automatique quand la pression du fluide est supérieure à l’action de ressort comprimé. Le problème classique de ce type de vanne est l’étanchéité interne du robinet, qui repose classiquement sur le serrage simultané de joints en série dont le maintien dans le temps est problématique, qui plus est à haute pression. De plus, la tension de ressort souvent sollicité varie au cours du temps. Le problème du comportement des soupapes à ressort fonctionnant en eau (fonctionnement erratique du ressort), situation qui est arrivée à TMI-2 sur une vanne de décharge du pressuriseur le 28 mars 1979 aggravant considérablement l’accident, a été mis en exergue lors d’un incident intervenu le 6 avril

754

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 6.56 – Soupape de sûreté à ressort.

1979 sur Gravelines 1 au cours duquel une soupape Fischer RRA 18 VP est restée bloquée ouverte lors du noyage de la bulle de vapeur au pressuriseur. Cette ouverture a entraîné l’éclatement d’un disque de rupture et le déversement d’eau primaire dans le BR. Cette situation aurait pu être grave si le réacteur avait été en exploitation. C’est pourquoi la technologie des soupapes de décharge protégeant les appareils sensibles pour la sûreté (pressuriseur, soupapes de décharge du poste d’eau, ligne de charge du RCV. . . ) a évolué vers des soupapes dites « pilotées » qui éliminent la présence de ressort dans la soupape elle-même par un système ingénieux de contre-pression (Figure 6.57). Dans le cas des soupapes RRA de protection du primaire, on a donc

755

6. Le circuit secondaire

Fig. 6.57 – Soupape pilotée. proposé une solution à deux soupapes pilotées SEBIM (sur le CPY 27 ), car même une soupape Fischer amortie à l’huile ne convenait toujours pas. Nous détaillons précisément le comportement de ces soupapes SEBIM dans le chapitre sur le pressuriseur. Toutes ces variantes de robinet et soupapes présentent des surfaces de contact étanche différentes, avec intérêts ou inconvénients selon le type de fluide (eau ou vapeur ou mélange eau/vapeur), la pression, la vitesse d’ouverture de l’opercule, la section de passage de l’écoulement, la perte de charge. . . Les robinets peuvent avoir des tailles conséquentes qu’on imagine mal, comme c’est le cas des robinets motorisés de classe 1 (Photo 6.6, Photo 6.7). Le nombre de goujons de serrage montre l’importance qu’on accorde à l’étanchéité de ce type de robinet, même pour les tailles moyennes (Photo 6.2).

27

Sur le palier 1 300 MWe, il n’y a qu’une soupape sur chacune des deux files RRA.

756

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Photo 6.6 – Robinet motorisé Velan de taille moyenne (photo Velan).

Photo 6.7 – Robinets motorisés électriquement de classe 1 (photo Joucomatic).

6. Le circuit secondaire

6.8

757

Le condenseur

[Coppolani et al., 2004] p. 22, [Hutin, 2016] p. 597, [Kalafati, 1965] p. 57, [Leclercq, 1988] p. 252, [Marchal, 1974], [Margoulova, 1977] p. 144, [Ricard, 1953] p. 371, [Tong, 1988] p. 187 Le condenseur est un échangeur particulier de grande taille permettant de refroidir la vapeur en sortie de turbine. À titre d’illustration, le condenseur de la centrale de Paluel mesure 15 mètres de haut pour 15 mètres de large et 50 mètres de long. Ce condenseur est divisé en 6 « poumons » de refroidissement qui comptent chacun 14 000 tubes en titane de 2 cm de diamètre. La source froide du condenseur est son circuit de refroidissement, appelé aussi « circuit d’eau brute » [Hutin, 2016] p. 11, dont l’eau provient soit de la rivière ou de la mer (circuit ouvert), soit de l’eau refroidie par air dans des aéroréfrigérants (circuit fermé avec perte d’eau par évaporation). En cas de circuit fermé, il faut compenser la perte d’eau qui s’est évaporée par un appoint d’eau (de rivière le plus souvent). Un condenseur est classiquement constitué d’une cuve traversée par des tubes à l’intérieur desquels circule de l’eau de refroidissement. Ce composant se retrouve aussi dans les centrales thermiques classiques ou dans des systèmes qui utilisent de la vapeur. La vapeur baigne ces tubes à la surface desquels s’effectue la condensation. La cuve d’un condenseur est munie à ses deux extrémités de plaques tubulaires par lesquelles transite le fluide de refroidissement. L’eau de refroidissement passe à travers des modules, parfois appelés « poumons » (Figure 6.60, Photo 6.8), ce qui permet un fonctionnement modulaire (on peut isoler un module des autres). La vapeur entrante à refroidir se répand autour des tubes, et l’eau de condensation forme alors un voile liquide qui ruisselle par gravité vers le fond de la cuve où l’eau est recueillie pour être renvoyée vers les GVs par le poste d’eau. Lors d’une opération de contournement de la turbine, le condenseur doit pouvoir être capable de recevoir directement 85 % du débit de vapeur maximal de calcul. L’indisponibilité du condenseur nécessite de pouvoir envoyer directement à l’atmosphère la vapeur en cas de contournement turbine.

6.8.1

Fonctions du condenseur

Le condenseur (Figure 6.58) d’une tranche nucléaire assure plusieurs fonctions essentielles du circuit secondaire : • La condensation de la vapeur s’échappant des corps basse pression de la turbine du GTA et la vapeur d’échappement des turbines d’entraînement des deux turbopompes alimentaires (TPA). Le condenseur assure le changement de phase de l’eau qui pourra ainsi être mise en recirculation. Notons que le débit de vapeur à condenser est de l’ordre d’une tonne par seconde et que le débit d’eau froide nécessaire à ce refroidissement est de l’ordre de 50 tonnes par seconde, d’où la nécessité d’une source froide abondante. • La condensation, dans certaines conditions de fonctionnement, de la vapeur directement issue des générateurs de vapeurs grâce au dispositif GCT de contournement de la turbine du GTA (en phase de redémarrage ou en situation de refus de charge comme l’îlotage par exemple). Le GCT récupère la

758

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 6.58 – Un condenseur pour 3 corps BP. vapeur avant son introduction dans la turbine et l’envoie directement dans le condenseur CVI. • Le dégazage de l’eau alimentaire des GVs par le circuit CVI. La totalité du dégazage des gaz incondensables dissous (azote, oxygène, hydrogène) dans l’eau 28 doit se faire au condenseur grâce à la forme particulière de l’intérieur du condenseur (caissons, rû (puits en forme de rigole) de récupération des condensats, forme en épis. . . ). • Le condenseur reçoit les condensats provenant des réchauffeurs basse pression et du ballon d’expansion des purges. • Il reçoit aussi l’eau et la vapeur des purges des différents matériels du secondaire. • De même que l’eau d’appoint de l’ensemble de la tranche (circuit CAP). Pour finir, l’eau liquide en sortie de condenseur est aspirée par les trois pompes d’extraction et refoulée via le poste de réchauffage basse pression vers l’aspiration des pompes alimentaires des GVs (deux turbopompes dans les réacteurs P4 et N4, chaque 28 La solubilité d’un gaz dans l’eau décroît quand la température croît et la concentration d’un gaz dissous dans l’eau tend vers 0 quand sa pression partielle tend vers 0.

6. Le circuit secondaire

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Fig. 6.59 – Système de dégazage de l’eau du condenseur (issu de [Circuit secondaire, 1977]).

turbopompe gavant deux GVs). L’eau de la source froide est aspirée depuis un bassin amont par les pompes CRF. Chaque système CRF est composé de 2 circuits indépendants permettant la circulation de la moitié du débit nécessaire grâce à une pompe chacun. Le condenseur rejette son eau de refroidissement dans le bassin de rejet quand la tranche fonctionne en circuit ouvert, à savoir que le condenseur est placé en point haut de l’installation, l’eau de réfrigération est alors rejetée à la rivière ou à la mer. En circuit fermé, l’eau de circulation est refroidie dans un aéroréfrigérant atmosphérique (le bassin supérieur est placé en point haut), puis l’eau retourne dans le condenseur. Le cas du circuit ouvert est plus pénalisant vis-à-vis du refroidissement du condenseur dans la mesure où la vidange du circuit de refroidissement, en cas de déclenchement des pompes CRF, est plus rapide. En effet, dans le cas d’un circuit fermé, le débit dans le condenseur s’inverse du fait du poids de la colonne d’eau alimentant le bassin supérieur de l’aéroréfrigérant. On peut alors définir un temps d’annulation de débit de recirculation qui peut être court dans les circuits ouverts (de l’ordre de 10 s), mais plus long en circuit fermé (supérieur à 50 s). Le condenseur assure donc une fonction de dégazage pratiquement total car il n’est pas possible, étant donné les débits d’eau concernés (5 000 tonnes/h sur un CPY) d’utiliser des dégazeurs conventionnels. Pour maintenir une telle dépression, il faut assurer une très grande étanchéité du condenseur pour éviter les entrées d’air, et les tubes du faisceau échangeur sont dudgeonnés sur les deux plaques tubulaires aux extrémités pour éviter les entrées d’eau brute, éventuellement salée en bord de mer,

760

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 6.60 – Principe des pièges froids dans le condenseur (coupe transversale d’un tiers de condenseur).

dans le condenseur. Ces dudgeonnages sont même protégés par une barrière d’eau déminéralisée en surpression par rapport à l’eau brute, en cas de fissures des tubes.

6.8.2

Technologie du condenseur

Pour assurer une condensation efficace à basse température, il faut maintenir un vide partiel en aspirant les incondensables issus du dégazage de l’eau. La vapeur qui provient de la turbine contient en fait peu d’air incondensable et sa pression partielle est donc faible. Au fur et à mesure que la vapeur se condense au contact des épis du condenseur, la pression partielle des incondensables augmente dans la phase vapeur. L’eau liquide tend à se regazer, ce qu’on veut éviter. Il faut donc canaliser l’air et les autres incondensables pour éviter le contact air/eau. On canalise donc l’air vers des points froids à l’abri du ruissellement de l’eau vers les fonds du condenseur. Cette fonction est assurée par des pompes à vide et des refroidisseurs d’air qui piègent en zone froide les incondensables (oxygène, hydrogène, azote. . . ). Sur un 900 MWe, quatre pompes à air maintiennent le vide à une pression nominale entre 50 et 70 mbars selon la température de la source froide (été ou hiver). Notons que la mesure d’activité au niveau des incondensables permet de détecter une fuite de tubes GV et des défauts de gaine. L’eau liquide condensée dégouline en partie basse du condenseur et ne peut se charger en gaz si la pression partielle de l’air est très faible. Il faut donc que la température de l’eau soit à la température de saturation à la pression du condenseur,

6. Le circuit secondaire

761

de telle manière que la pression de vapeur saturante soit égale à la pression totale et que la pression des incondensables soit quasi nulle. À faible charge où le refroidissement de l’eau est plus important, ou bien pour des températures basses de l’eau de recirculation SEC, il faudra même réchauffer l’eau par de la vapeur de balayage pour éviter une sous-saturation qui renforcerait le regazage. L’eau d’appoint (compensant les purges) qui complète le niveau d’eau du condenseur, doit être bien sûr dégazée pour ne pas réduire à néant les efforts de dégazage. Cette eau est donc pulvérisée pour la dégazer en même temps qu’on la réchauffe avec de l’excédent de vapeur de balayage. La géométrie interne du condenseur comporte dans son axe un rû (puisard) d’eau central qui canalise l’eau pour les pompes d’extraction, et des caissons latéraux dans lesquels on peut dégazer la vapeur.

6.8.3

Le vide au condenseur

Pour éviter que l’eau dans le rû ne se charge en gaz, on applique un vide (environ 50 mbar) pour avoir une pression partielle de l’air aussi faible que possible, d’où les pompes à vide. L’objectif principal de la création du vide par le système CVI (Figure 6.61, Figure 6.62) est le rendement de la turbine, qui est directement lié à la valeur de la pression d’échappement dans le condenseur. Pour améliorer le rendement, on s’efforce d’obtenir un vide très poussé dans le condenseur. Le problème thermodynamique est démontré par l’exemple suivant :

Fig. 6.61 – Schéma de principe du système CVI de mise sous vide du condenseur. L’enthalpie d’un kg de vapeur, à 540 ◦ C et 127 bars, est de 824 kcal (ces valeurs sont plutôt indicatives d’une turbine de centrale thermique conventionnelle 29 ). Si on imagine que le condenseur de cette turbine dispose d’un vide poussé à 37 mbars, la température de la vapeur correspondant à la sortie sera de 26, 4 ◦ C et un kilogramme de vapeur possédera une enthalpie de 556 kcal. Le travail cédé à la turbine par un kilo de vapeur est donc de 824 – 556 = 268 kcal. Imaginons maintenant une perte totale 29 On se réfèrera à la Notice technique des centrales thermiques, fascicule n ◦ 15 : les éjecteurs les pompes à vide, Service de la production thermique, EDF, novembre 1961, qui fournit de nombreux détails sur ces composants, largement identiques à ceux qu’on trouve dans le nucléaire.

762

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 6.62 – Schéma mécanique du système CVI. du vide, qui fait monter la pression à 1 bar. La vapeur à cette pression est à 100 ◦ C comme chacun sait, et emporte une enthalpie massique de 650 kcal. Le travail fourni par la vapeur n’est plus que de 824-650 = 174 kcal, soit une perte de rendement de 35 % ! ! ! Ce petit calcul illustre parfaitement l’intérêt d’un cycle thermodynamique dont la sortie du condenseur est à très basse pression. On favorisera le travail des extracteurs de gaz, dont l’action doit limiter les pertes en vapeur, en les plaçant à des endroits où les incondensables sont extraits sous la plus forte pression possible (donc le volume le plus faible), et à la température la plus basse possible pour extraire le minimum de vapeur d’eau. D’où l’idée de placer les extracteurs dans des zones de pièges froids. Dans ces pièges froids (Figure 6.60), la pression de la vapeur restante est minimale et celle des incondensables maximale. L’extraction d’air et d’incondensables dans un condenseur met en évidence deux problèmes : • d’une part, au démarrage de la turbine, il faut pouvoir mettre sous vide poussé une capacité volumique importante correspondant au volume de la turbine et du condenseur (environ 7 000 m3 pour le CP1, 3 600 m3 pour le CP2, 11 000 m3 pour le palier 1 300 MWe), et ce en un temps limité (quelques dizaines de minutes). Cette mise sous vide concerne le condenseur, la turbine et les appareils qui lui sont reliés par des tuyauteries (réchauffeurs, sécheurs, surchauffeurs. . . ) ; • d’autre part, pendant le fonctionnement nominal de la turbine, l’extraction de gaz doit pouvoir maintenir ce vide poussé à tout niveau de charge, selon l’étanchéité vis-à-vis de l’air extérieur du système (d’où l’importance des joints). La pression à l’échappement de la turbine, côté basse pression, est donnée par les caractéristiques fournies par le constructeur en fonction de la charge, du débit d’eau de circulation et de la température de cette eau.

6. Le circuit secondaire

763

L’extraction de gaz peut se faire via des systèmes appelés « éjecteurs », basés sur le principe de l’effet tuyère, appelé aussi « effet Venturi », ou alors des pompes à vide : pompes à palettes [Faisandier, 1970] p. 103 (centrales thermiques classiques), pompes à anneau liquide (de type SIEMENS, NASH, c’est le cas de SUPERPHENIX) ou pompes à lames d’eau de type SCAM-Leblanc (les REPs classiques). Les gaz extraits du condenseur par le système CVI sont rejetés après contrôle de leur activité à la cheminée du BAN par l’intermédiaire du système DVN. La mise sous vide initiale du condenseur se fait par un ou deux éjecteurs en parallèle à un étage, qui sont des appareils fiables et robustes, mais de rendement faible par conception. Ces éjecteurs sont particulièrement bruyants, ce qui nécessite la mise en place d’un silencieux (commun aux deux éjecteurs) et de capotages acoustiques. Ils ne permettent pas d’atteindre des pressions inférieures à une centaine de millibars, et réclament une importante quantité de vapeur. Pour l’entretien du vide, on utilise les pompes à lames d’eau SCAM-Leblanc que nous analyserons en détail par la suite. Les pompes à palettes, qui sont lubrifiées par de l’huile, ne peuvent pas être utilisées en REP du fait du risque de contamination par l’huile qui pourrait se propager via le BAN à la cheminée TEG, ce qui exclut la présence de vapeur d’huile. Comme les pompes à lames d’eau perdent vite de leur efficacité quand le débit d’incondensables est élevé, on les associe à un éjecteur à vapeur de recompression situé en amont des pompes et qui améliore notablement leur performance (Figure 6.61). La perte du vide au condenseur entraîne une importante dissolution de gaz dans l’eau, et va déclencher la turbine. Elle va aussi rendre le condenseur indisponible à la fonction de contournement turbine. C’est donc par les vannes de décharge à l’atmosphère qu’on évacuera la puissance résiduelle, avec engagement du circuit ASG d’alimentation de secours des GVs. Le condenseur comprend autant de caissons que de corps BP, et chaque caisson est isolable en cas de fuite pour pouvoir réparer en fonctionnement. Le condenseur n’est pas un composant classé sûreté et ne dispose pas d’une alimentation secourue. Notons que c’est grâce au condenseur qu’on peut réguler la masse d’eau du circuit secondaire. La mise sous vide au démarrage est faite à l’aide de deux éjecteurs de démarrage (10 t/h et 20 t/h, alimentés par le circuit de vapeur auxiliaire SVA 30 ) qui peuvent fonctionner ensemble ou séparément. Ces éjecteurs permettent de ramener une pression de 1 bar (à l’atmosphère) à 150 mbar pour un volume de l’ordre de 11 000 m3 (P’4). En ce qui concerne le maintien du vide en condition de fonctionnement nominal, la détente de la vapeur dans la turbine est d’autant plus efficace que le vide est bas, donc que la pression partielle de vapeur et d’air sont faibles. Pour la vapeur, l’effet prépondérant est l’échange thermique entre celle-ci et le faisceau tubulaire du condenseur ; pour l’air, cela dépend des entrées d’air (joints. . . ). Comme l’air est un incondensable dans les conditions de pression et de température qui règnent dans le 30 La vapeur auxiliaire est utilisée pour de nombreuses fonctions : traitement des effluents, dégazage de l’ASG et du REA, de l’eau alimentaire du transformateur de vapeur, alimentation des générateurs d’eau surchauffée pour le chauffage des bâtiments. . . La vapeur auxiliaire est soit produite par un transformateur de vapeur (STR) qui reçoit de la vapeur prélevée sur l’alimentation HP du turbo-alternateur, et qui produit une vapeur à 12 bars à partir d’eau déminéralisée à un pH de 9 (XAA pour le CPY ou SER pour le 1 300 MWe, rappelons que le SEC fournit une eau déminéralisée à un pH neutre de 7), soit par deux chaudières électriques à électrodes fixes si le STR n’est pas opérationnel (GTA arrêté par exemple). Un poste de détente abaisse ensuite cette pression de 12 à 4,5 bars pour les auxiliaires nucléaires. La vapeur produite n’est pas contaminée même en cas de fuite primaire-secondaire, sauf en cas de fuite du STR.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

condenseur, il s’accumule régulièrement et doit donc être extrait en fonctionnement. On crée un point froid, situé au bas de la « feuille de trèfle » du condenseur, pour accumuler l’air à cet endroit et diminuer la quantité de vapeur locale au point de prélèvement. Pour ce faire, on utilise un refroidisseur d’air en utilisant une petite partie des tubes du faisceau du condenseur (3 % à 5 %). Ces tubes sont situés dans la partie inférieure du faisceau et sont protégés de la vapeur du condenseur et de l’eau condensée par un caisson qui les enveloppe. Le mélange air-vapeur est introduit au bas du caisson et il se refroidit au contact des tubes. Puis l’air froid débouche dans une tubulure d’extraction. L’aspiration de cet air froid, qui contient une forte proportion d’ammoniac 31 (d’où des risques de corrosion qu’on supprime en utilisant des alliages cuivreux), est réalisée par 4 pompes à vide à lames d’eau de type SCAM-Leblanc dont les bacs à eau sont refroidis par le système SEN. Ces pompes à vide sont associées à un ensemble de recompression destiné à maintenir la pression des incondensables suffisamment élevée à l’amont des pompes. L’ensemble de recompression comprend deux éjecteurs (300 kg/h et 600 kg/h, refroidis par SVA) en parallèle associés à un condenseur intermédiaire de surface, refroidi par SVI. Le principe de ces pompes à vide, que nous détaillerons plus avant, consiste à projeter par une aube en rotation rapide des lames d’eau dans une tuyère tangentielle reliée à l’aspiration d’air. Deux lames d’eau successives emprisonnent de l’air qui est envoyé dans la tuyère par l’énergie cinétique de l’eau. Le mélange air-eau est envoyé dans un bac séparateur qui sert de bâche de dégazage en aval de la tuyère. La capacité d’aspiration d’une pompe à vide dépend de la tension superficielle de la vapeur, donc de la température de l’eau de son bac d’alimentation. Sa capacité d’aspiration s’annule quand la pression de saturation de la vapeur est égale à celle du mélange eau-vapeur aspiré. D’où la nécessité de réfrigérer l’eau du bac (circuit SEN). Lors du démarrage du condenseur à pression atmosphérique (Figure 6.69), on met en service les deux éjecteurs de démarrage après la mise en service des dispositifs d’étanchéité de la turbine (CET) pour abaisser la pression à 150 mbars en environ une heure. On peut alors mettre en service les pompes à vide pour baisser cette pression à 80 mbars, ou bien on peut alors mettre en service les éjecteurs de recompression et le condenseur auxiliaire si besoin, pour atteindre une pression de 50 à 70 mbars selon la température de la source froide (effet été/hiver très important pour les centrales du Nord de la France). Notons que si le condenseur est bien étanche, une seule pompe à vide suffit en fonctionnement normal. Technologie des éjecteurs Si l’effet tuyère est facile à calculer dans le cadre d’un fluide incompressible comme l’eau, la situation se complique lorsque le fluide est compressible comme c’est le cas d’un mélange de gaz incondensables et de vapeur d’eau. Un éjecteur à air et à vapeur se présente selon le principe des Figure 6.63 et Figure 6.64. La vapeur est introduite par la partie A de la figure, subit une détente dans l’enceinte B mise en connexion avec le refroidisseur d’air du condenseur. La vapeur a alors acquis une grande vitesse 31 Cet ammoniac gazeux NH est présent quand on utilise un conditionnement de l’eau du 3 secondaire à l’ammoniaque liquide, à savoir l’hydroxyde d’ammonium NH4 OH. En cas de présence d’alliage cuivreux (condenseurs de rivière), on veillera donc à avoir un pH de 8,8 à 9,2 (à 25 ◦ C). En absence d’alliages cuivreux (centrales de bord de mer), on ciblera un pH plus basique (9,6 à 9,8 à 25 ◦ C).

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6. Le circuit secondaire

Fig. 6.63 – Éjecteurs du début des années 1950.

Fig. 6.64 – Éjecteur à vapeur.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

et elle entraîne par friction l’air venant du refroidisseur. Le mélange est évacué dans le diffuseur en forme de tuyère. La technologie des éjecteurs a beaucoup progressé avec le développement des condenseurs de turbine de centrales conventionnelles tout comme le système d’éjecteur à récupération partielle et condenseur intermédiaire par mélange (Figure 6.65). Dans ce système, le condenseur intermédiaire est alimenté en eau prélevée au refoulement de la pompe d’extraction, le mélange eau/vapeur du premier étage retourne au condenseur principal, et les calories laissées par la vapeur condensée sont absorbées par l’eau

Fig. 6.65 – Disposition d’un éjecteur à récupération partielle et condenseur intermédiaire par mélange.

6. Le circuit secondaire

767

de circulation et perdues pour le cycle. Les éjecteurs de démarrage basés sur des tuyères longues sont mieux adaptés pour établir rapidement un vide poussé. L’intérêt d’un éjecteur à vapeur (Figure 6.66) est qu’il s’agit d’un appareil statique, pratiquement sans entretien, d’où une maintenance très simplifiée, alors qu’une pompe à vide dispose d’un moteur tournant et subit des usures qui s’amplifient au cours du fonctionnement. La vapeur motrice des éjecteurs provient soit de la vapeur vive détendue, soit de la vapeur en provenance du circuit de distribution de la vapeur auxiliaire, c’est le cas des 900 MWe, soit uniquement de la vapeur auxiliaire dans le cas des 1 300 MWe. Par contre, une pompe à vide n’a pas besoin de vapeur pour créer un vide dès le démarrage.

Fig. 6.66 – Éjecteur de démarrage. Ces éjecteurs sont mieux dimensionnés pour éjecter de gros débit pour constituer le vide initial.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Technologie des pompes à vide La pompe à vide hydraulique a été inventée vers 1906 par l’ingénieur Maurice Leblanc 32 . Le principe d’une pompe à vide est d’évacuer les incondensables en les emprisonnant dans des petites capacités formées par des lames d’eau très minces, rejetées par inertie à l’atmosphère, comme le montrent la Figure 6.67 et la Figure 6.68. Un éjecteur à vapeur, placé en amont de la tuyère, améliore le fonctionnement de l’ensemble en donnant de la vitesse aux incondensables. Le rendement des pompes à vide est faible, mais la pompe à vide est capable d’aspirer à toutes les pressions comprises entre la pression atmosphérique et le vide du condenseur. Il existe aussi des pompes à vide sec. Ce sont des pompes volumétriques à piston (pompes Kinney par exemple), à type rotatif à anneaux tournants (dépresseurs Roots, pompe Leybold. . . ) qui aspirent l’air au condenseur dans un premier temps, et le refoulent dans un deuxième temps. Ces pompes ont un bon rendement, mais nécessitent l’adjonction d’un éjecteur de démarrage pour diminuer le temps d’établissement du vide. Les pompes à vide ont fait d’énormes progrès à la fin du xxe siècle (pompes à vide à palette simple, dépresseurs Roots, pompes à vide à piston), permettant d’atteindre des vides de l’ordre de 10−3 à 10−4 mbar pour des applications classiques, mais jusqu’à 10−14 mbar pour des applications spéciales liées à l’ultravide de laboratoire (salles « blanches » pour fabrication de composants informatiques, industries cryogéniques, accélérateurs de particules. . . ). Bien entendu, cela ne concerne pas des volumes aussi importants que le condenseur d’une turbine nucléaire dont le vide est de l’ordre de 50 mbar, qui se contente finalement d’un vide grossier. L’entretien du vide au condenseur est assuré par 4 pompes à vide SCAM-Leblanc (type 18) à aspiration axiale (Figure 6.69), associées de manière occasionnelle à un ensemble d’éjecteurs de recompression situé à l’amont de ces pompes (sauf pour Fessenheim). L’ensemble de recompression du CPY permet de conserver à l’aspiration des pompes à vide une pression suffisamment élevée pour évacuer les incondensables en respectant la pression au condenseur, et ce quelle que soit l’exploitation. L’ensemble de recompression comprend un seul éjecteur à vapeur comprimant vers les pompes à vide le mélange incondensables-vapeur aspiré à la tubulure d’extraction du condenseur ; un condenseur par mélange réfrigéré par de l’eau d’extraction qui condense la plus grande partie de la vapeur du mélange en provenance de l’éjecteur de recompression, ce qui limite la quantité de vapeur à l’aspiration des pompes à vide et les soulage. Chaque pompe à vide est alimentée en eau en circuit fermé à partir d’un bac dans lequel s’effectue la séparation de l’eau et des incondensables. Cette eau 32 Charles Léonard Armand Maurice Leblanc (1857-1923), à ne pas confondre avec l’auteur d’Arsène Lupin, est un ingénieur français sorti de l’École polytechnique en 1876. Il a fait progresser de nombreuses technologies comme le moteur asynchrone. Il est amené à présider la Commission électrotechnique internationale en 1913, et devient membre de l’Académie des sciences. En hydraulique, il étudie les pompes et les turbines, et propose vers 1906 le concept de pompe hydraulique couplée à un éjecteur à vapeur qui aspire l’air d’un condenseur.

Maurice Leblanc en 1923.

6. Le circuit secondaire

769

Fig. 6.67 – Principe d’une pompe à vide hydraulique.

est maintenue à température constante par un échangeur tubulaire interne au bac alimenté par l’eau de circulation du condenseur pour les tranches en circuit ouvert, ou par l’eau brute pour les tranches en circuit fermé. L’ensemble de recompression du palier 1 300 MWe (Figure 6.70) comporte quant à lui deux éjecteurs à vapeur (2/3 de débit, 1/3 de débit) montés en parallèle et un condenseur par surface réfrigéré par l’eau du circuit de réfrigération intermédiaire. Cette eau est plus froide que celle du condenseur CPY, et le condenseur par surface est donc plus performant, ce qui soulage les pompes à vide.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 6.68 – Pompe à air Westinghouse-Leblanc (sur condenseur de centrale thermique de 125 MWe, 600 m3 /h, 730 tours/min, 190 CV).

Perte de vide au condenseur Si pour une raison quelconque (entrée d’air. . . ), le vide disparaît dans le condenseur, son fonctionnement s’en trouve gravement affecté. Cet incident entraîne le déclenchement de la turbine et empêche bien sûr l’utilisation du circuit de contournement turbine puisque le condenseur n’est pas en état de recevoir de la vapeur complètement saturée. Il faut donc évacuer la vapeur excédentaire par les soupapes de décharge à l’atmosphère. La perte du CEX entraîne la perte du circuit ARE et la mise en service de l’ASG. Un exemple de perte de vide (montée à 105 mbars) est la situation de l’ensemble des réacteurs de CRUAS le 10 mars 1996, qui provoque d’ailleurs le déclenchement de la turbine de Cruas 3 malgré la mise en œuvre des éjecteurs. La cause en est un phénomène de vortex à l’aspiration dans la bâche SER où le niveau était trop bas (1,5 m) en prévision d’une visite interne.

6.8.4

L’intérieur du condenseur

L’eau condensée dans le puits du condenseur (Figure 6.71, Figure 6.72, Figure 6.73, Figure 6.74) est reprise par trois motopompes d’extraction, capables d’assurer chacune un demi-débit total, et qui la font passer par le poste de réchauffage basse pression :

6. Le circuit secondaire

771

Fig. 6.69 – Pompe à vide SCAM-Leblanc type 18 à aspiration axiale. quatre réchauffeurs alimentés par les soutirages de vapeur 33 , avant d’être collectée dans une bâche à 180 ◦ C à 10 bars, où deux turbopompes alimentaires (capables d’assurer un demi-débit) la refont passer dans des réchauffeurs haute pression qui la portent à 250 ◦ C sous 80 bars. Ces pompes d’extraction refoulent directement à l’aspiration des turbopompes alimentaires sans bâche tampon intermédiaire et l’excédent d’eau retourne au condenseur par une recirculation. Enfin, 4 vannes, placées au refoulement des turbopompes, règlent le débit alimentaire (circuit ARE) de chaque GV. Les réchauffeurs permettent d’améliorer le rendement thermique du cycle et cette

33 Il n’est matériellement pas possible de mettre en présence la totalité de la vapeur turbine avec l’eau alimentant les GVs pour la réchauffer. On peut toutefois prélever de la vapeur par un certain nombre de points étagés le long de la détente qu’on appelle soutirages. Cela permet un réchauffage discontinu ne mettant en œuvre que la quantité de vapeur qui par condensation cède sa chaleur à l’étage de réchauffage correspondant [Pluviose, 2010] p. 84.

772

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 6.70 – Maintien du vide sur le palier 1 300 MWe.

technologie est identique aux centrales thermiques classiques. Si le circuit d’alimentation normale ARE vient à être défaillant, le circuit de secours d’alimentation ASG en eau des GVs se met en œuvre. Il peut prélever de l’eau dans la bâche ASG prévue à cet effet, par des dispositifs redondants que sont deux motopompes électriques et une ou deux turbopompes qui fonctionnent à la vapeur sans courant électrique. Ces turbopompes seraient alimentées par la production de vapeur du secondaire du fait de l’extraction de la puissance résiduelle. Soit le cœur est assez puissant pour produire cette vapeur par les GVs, auquel cas les turbopompes sont alimentées, soit le cœur n’est plus assez puissant pour produire de la vapeur, auquel cas les turbopompes sont devenues inutiles. Comme nous l’avons vu, l’efficacité du condenseur est fortement liée à la qualité du vide partiel. Plus la pression baisse, et plus le groupe turbo-alternateur produira de l’énergie, car sa consommation spécifique de chaleur diminuera et la puissance électrique augmentera. On donne comme illustration (Figure 6.75) le résultat d’essais normalisés sur des tranches P’4. Le Tableau 6.6 regroupe les principales caractéristiques des condenseurs des paliers français.

773

6. Le circuit secondaire

Fig. 6.71 – Écorché de condenseur.

6.8.5

Contournement turbine vers le condenseur

L’ensemble contournement turbine (Figure 6.76) est constitué de 2 circuits indépendants et redondants. Chaque circuit comprend un collecteur principal piqué sur le barillet d’équilibrage amont turbine, 2 sous-collecteurs prenant naissance sur le collecteur principal et équipés d’une vanne d’isolement motorisée, 4 liaisons par souscollecteur les reliant à 4 soupapes de détente pneumatiques, 8 soupapes de détente de chacun des deux circuits se rassemblant dans un barillet unique d’échappement. De ces barillets partent 12 liaisons (circuits avec désurchauffe) ou 8 liaisons (circuits sans désurchauffe) raccordées aux chambres de détente. Une chambre de détente avec surchauffe comprend une première détente avec injection d’eau de désurchauffe, une deuxième et troisième détente, puis une quatrième détente vers le condenseur. Une chambre de détente directe sans désurchauffe comprend une première détente dans un caisson, puis une deuxième détente vers le condenseur. Deux soupapes parmi les 8 reliées aux caissons de détente avec désurchauffe sont plus spécialement dédiées au contrôle de l’équilibrage thermique primaire-secondaire pendant les démarrages et les

774

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 6.72 – Géométrie du condenseur d’un REP (vue dans l’axe du condenseur).

Fig. 6.73 – Coupe longitudinale du condenseur. L’usage des refroidisseurs d’air est de dégazer l’eau du secondaire.

6. Le circuit secondaire

775

Fig. 6.74 – Coupe longitudinale d’un condenseur. On visualise les faisceaux du condenseur en forme de doigts de gant. Comparé à la taille d’un homme (cf. figure en bas à gauche de l’écorché du condenseur), le condenseur est un composant très volumineux.

Photo 6.8 – Faisceau condenseur du condenseur de Penly (photo EDF/Penly). La forme d’alvéoles du condenseur fait parfois utiliser le mot imagé de « poumon », bien adapté à la fonction d’échangeur. On visualise, au centre de la « feuille de trèfle », le caisson en trapèze de tubes échangeurs du refroidisseur d’air créant le point froid utilisé pour l’extraction des gaz incondensables.

776

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 6.75 – Consommation spécifique d’énergie et puissance en fonction du vide au condenseur pour plusieurs réacteurs P’4.

arrêts à froid. Leurs circuits associés constituent ce qu’on appelle le contournement secondaire. Certaines situations, comme l’îlotage pour éviter l’AAR, nécessitent de ne plus envoyer toute la vapeur à la turbine, mais de l’envoyer directement au condenseur, voire à l’atmosphère selon l’importance du débit vapeur à traiter. La première situation évite de solliciter les soupapes de sûreté ou les soupapes de décharge propres à chaque GV. Le contournement vapeur est sollicité lors de transitoires instantanés de puissance supérieurs à 10 % Pnom, ou des rampes de puissances très rapides (> 5 % Pnom/min). En situation de déclenchement de la turbine, le contournement vers le condenseur permet de ne pas solliciter les soupapes de décharge des GVs. Il est aussi utilisé en situation d’arrêt à chaud pour évacuer la puissance résiduelle, et, en cas

777

6. Le circuit secondaire

Tab. 6.6 – Type de condenseur par palier. Les tubes en laiton imposent un conditionnement à la morpholine à bas pH, ce qui est plutôt mauvais vis-à-vis du risque de colmatage des GVs [Hutin, 2016] p. 600. A contrario, des tubes en titane ou en inox permettent un conditionnement à fort pH, plus propice aux GVs, mais pouvant exacerber des problèmes de corrosion. Le laiton semble le matériau présentant au final le plus de problèmes (relâchement de cuivre vers les GVs, corrosion-érosion. . . ). Par contre, le cuivre du laiton a des propriétés bactéricides intéressantes si on ne veut pas rajouter un additif bactéricide qu’on retrouverait aux rejets. Volume de la cavité (m3 ) Nombre de tubes échangeurs Longueur des tubes échangeurs (m) Diamètre externe des tubes (mm) Épaisseur des tubes (mm) Matériau des tubes Masse volumique (kg/m3 ) Capacité thermique (J/kg) Conductivité thermique (W/m/K)

CP1 2 500 74 004 10,818

CP2 2 500 72 032 14,656

P4-P’4 3 130 95 208 14,412

N4 7 10034 128 856 15,000

19

20

20

17

0,5 Titane35 7 900 510 17

1,0 Laiton 70/30 8 500 370 100

0,5 Titane 7 900 510 17

0,5 Inox 304L 7 900 481 14

34

Incluant les tuyauteries de liaison moyenne pression vers basse pression. Le titane résiste bien à la corrosion de l’eau de mer (centrale sur mer), mais est un mauvais conducteur thermique, ce qui impose une faible épaisseur de tube (0,5 à 0,7 mm). Le risque d’incendie du titane est aussi à prendre en compte (lors des opérations de retubage par exemple).

35

de retour vers l’arrêt à froid, d’atteindre la connexion au RRA (32 bars au primaire). Bien entendu, la seule contrainte est que le condenseur, et d’une manière générale le circuit CEX, soient disponibles. Nous reviendrons par la suite sur le contournement total de la turbine et la décharge à l’atmosphère (GCTa). La vapeur provient du barillet GV d’où partent les tuyauteries d’alimentation normale de la turbine, et deux collecteurs de contournement (avec désurchauffe ou sans désurchauffe). Chaque collecteur se divise en 2 voies, puis chaque voie se répartit en 4 soupapes de réglage de débit (Figure 6.76). La vapeur pénètre ensuite dans les caissons de détente (Figure 6.77, Figure 6.78) situés dans la manchette du condenseur.

6.8.6

Principe physique du condenseur

Au niveau de la physique, il y a quatre grands phénomènes à prendre en compte. D’une part la thermohydraulique du mélange vapeur et eau condensée dans la cavité de la cuve du condenseur. Ensuite la thermohydraulique du liquide de refroidissement dans les faisceaux tubulaires, les échanges thermiques à la paroi des faisceaux de tubes, et enfin la transmission de chaleur à travers les faisceaux. Dans une approche simplifiée, on peut considérer que la cavité du condenseur est divisée en deux zones superposées : la zone supérieure qui est occupée par la phase

778

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 6.76 – Principe du contournement de la turbine vers le condenseur.

vapeur qui doit se condenser au contact de la face externe des faisceaux condenseur, et la zone inférieure qui est constituée des condensats liquides. On supposera que les échanges thermiques vers l’extérieur de la cuve du condenseur sont négligeables, qu’il y a équilibre thermodynamique entre les phases liquide et vapeur, que chaque phase est homogène en pression et en température et qu’on néglige les incondensables dans la vapeur d’entrée. Dans ce cas, on peut écrire les équations de conservation des deux phases : d(Ml + Mv ) = Wv +WGCT +Wdrainage −Wl out −Wlrgulation −Wvvide +Wrecirculation dt (6.1)

6. Le circuit secondaire

779

Fig. 6.77 – Profil des caissons du condenseur. La manchette du condenseur contient les caissons de détente de la vapeur. La détente est constituée de deux circuits indépendants : un circuit avec désurchauffe et un circuit sans désurchauffe. Le circuit avec désurchauffe comporte deux groupes de 4 soupapes qui débitent dans 4 caissons de détente divisés en 3 étages. Le premier étage (A sur la figure) est constitué d’une chambre cylindrique où on injecte l’eau de désurchauffe à 2,5 bars (prélevée au refoulement des pompes d’extraction du condenseur). Le deuxième étage (B) est un caisson rectangulaire gavé par le premier étage par deux plaques perforées faisant office de diaphragme de détente. Le troisième étage (C) est un étage de séparation de l’eau situé en dessous des deux autres étages et en liaison avec l’étage B et avec le condenseur par des ouvertures latérales (pression 0,16 bar avec une température finale d’entrée au condenseur de 60 ◦ C). Le circuit sans désurchauffe comporte deux groupes de 4 soupapes qui débitent dans 4 caissons cylindriques (adapté de [Circuit secondaire, 1977]). d(Ml Hl +Mv Hv ) − Vcavit dp dt dt = Wv Hvout + WGCT HGCT + Wdrainage Hdrainage −Wlout Hl − Wlr´egulation Hl − Wvvide Hv + Wrecirculation Hrecirculation − Qv→tubes

(6.2) Dans ces notations, les indices l et v représentent le liquide et la vapeur, H les enthalpies (J/kg), l’indice GCT indique le contournement turbine, OUT pour la sortie du condenseur, vide pour le débit de vapeur extrait par la création de vide, drainage est

780

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 6.78 – Refroidissement du contournement vapeur. Toute la partie inférieure au contournement sans désurchauffe, est commune avec le refroidissement de la vapeur issue de la turbine. autoportant, ainsi que recirculation. La puissance échangée entre le fluide de la cavité et les parois du faisceau tubulaire est notée Qv→tubes . Par l’hypothèse d’équilibre thermodynamique entre phases dans la cavité, on déduit que les propriétés liquide et vapeur sont prises à saturation : Ml = ρlsat Vl

Mv = ρvsat (Vcavite − Vv )

En résolvant ces équations de bilan pas par pas, on peut calculer le volume d’eau liquide dans la cavité donc son niveau, d’où une gestion possible de la régulation du niveau d’eau pour ne pas engorger le condenseur.

781

6. Le circuit secondaire

En ce qui concerne le fluide refroidisseur dans le faisceau tubulaire, on peut considérer que tous les tubes en parallèle sont représentés par un seul tube équivalent de section de passage égale à la somme de toutes les sections de chaque tube, d’une longueur égale à la moyenne de celle des tubes et de même diamètre hydraulique. On peut aussi supposer que la masse volumique et la pression sont constantes le long du tube. On discrétise les tubes en un nombre limité de cellules axiales notées i de longueur L et de volume V (i). Cela se traduit par une modélisation très simple si le débit est supposé constant pour toutes les cellules axiales d’un même tube : Wlref roid (i) = Wlref roid (i − 1) = Wlref roid dH(i) = Wlref roid (H(i − 1) − H(i)) + Qiref roid (i) dt Le terme Qiref roid (i) est la puissance échangée entre les parois du faisceau et le fluide de la cellule i. La section droite du tube équivalent est donnée par : ρlref roid V (i)

2 Aref roid = N πRinternetube

où N est le nombre de tubes. La chaleur échangée par les parois des tubes respecte la conservation de l’énergie : 2 2 − Rinternetube )Lρtube Cp,tube N π(Rexternetube

dTtube (i) = Qext (i) − Qint (i) dt

La puissance échangée avec le fluide de la cellule i de la cavité est donnée par : Qext (i) = N 2πRexternetube Lhext (Tsat − Ttube (i)) La puissance échangée par la paroi du tube de la cellule i avec le fluide refroidisseur est donnée par : Qint (i) = N 2πRinternetube Lhint (Ttube (i) − Tlref roid (i)) Tlref roid (i) est la température moyenne de l’eau de la maille i, dont on peut donner une bonne approximation par : Tlref roid (i) ≡ 0, 3 × Tlref roid (i − 1) + 0, 7 × Tlref roid (i) La corrélation de Dittus-Boelter représente correctement les échanges entre le fluide de refroidissement et la paroi interne des tubes : hint = 0, 023Re0,8 P r0,4

λlref roid 2Rinternetube

λlref roid est la conductibilité thermique de l’eau de refroidissement en W/m/K. Le nombre de Reynolds est donné par : Re =

Wlref roid × 2Rinternetube 2 πRinternetube × μlref roid

Le nombre de Prandtl est donné par : Pr =

ρlref roid × Cp,lref roid λlref roid

782

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

En ce qui concerne le coefficient d’échange entre la paroi externe des tubes et la cavité, on peut l’approximer par : hext ≈ 25000 W/m2 /K On pourra simplifier les calculs en considérant le régime permanent où Qext (i) = Qint (i), d’où un calcul simple avec des hypothèses réalistes de la puissance échangée en fonction de la température du fluide de refroidissement et de celle de la cavité.

6.8.7

Les pompes d’extraction du condenseur

[Hutin, 2016] p. 631, [Ricard, 1953] p. 385 Les pompes d’extraction du condenseur sont des motopompes qui ont pour fonction la reprise de l’eau du secondaire condensée en sortie des corps BP de la turbine. Trois pompes puissantes (environ 3 500 kW par pompe) assurent l’extraction de l’eau secondaire du condenseur. Il faut avoir en tête que les débits à extraire sont considérables, de l’ordre de 2 000 m3 /h pour un CPY et 2 800 m3 /h pour un P4. Comme la pression dans le condenseur est très basse (de l’ordre de 50 mbar), pour disposer d’un NPSH 36 suffisant, ces pompes sont positionnées dans des puits d’une dizaine de mètres de profondeur, soit l’équivalent d’environ un bar de pression statique uniquement récupéré par gravité. Ces pompes se présentent comme un corps d’aspiration avec une roue double suivi de 4, 5 ou 6 étages de pression identiques. Ces pompes sont basées sur l’utilisation de bulbes, et d’un étage de refoulement qui intègre le dispositif d’étanchéité de l’arbre de pompe (Photo 6.9, caractéristiques Tableau 6.7, Figure 6.79). Les limites maximales des régimes normaux de fonctionnement correspondent aux situations suivantes avec deux pompes en service (recirculations fermées) et la troisième en secours (recirculation en service ouvert) : • un régime nominal, chaudière à 2 905 MWth avec pompe de reprise de condensats en service ; • un régime dit « maximal » à 2 905 MWth, débit majoré de 5 % et pompe de reprise de condensats hors service. Dans ce cas, les purges (surchauffeur. . . ) sont drainées vers le condenseur et les pompes d’extraction assurent, côté basse pression, la totalité du débit alimentaire. Notons que le condenseur peut être partiellement isolé, assurant un service réduit lorsque 3 des 6 faisceaux ont été isolés côté eau de circulation. De même, on peut fonctionner en mettant en parallèle les trois pompes CEX, par exemple pour assurer la permutation de la pompe de secours ou en cas de NPSH insuffisant à l’aspiration des pompes alimentaires ARE.

6.8.8

Réglage du niveau du condenseur

Il existe d’inévitables fuites d’eau secondaires au niveau du condenseur (purges, fuites. . . ) qui nécessite un système d’appoint d’eau déminéralisée. Ces appoints sont fournis par une bâche d’eau déminéralisée et les rejets sont évacués vers les égouts (on rappelle que cette eau n’est pas radioactive, sauf éventuellement en situation de RTGV 36 Net Positive Suction Head. Il s’agit de la différence de pression en un point d’un circuit et la pression de vapeur saturante. Voir le chapitre sur les pompes primaires pour plus de détail sur cette notion.

783

6. Le circuit secondaire

Photo 6.9 – Levage par le pont polaire de la salle des machines d’une pompe d’extraction d’eau du condenseur de son puits de logement (photo EDF). La dimension axiale de cette pompe très longiligne est imposante.

Tab. 6.7 – Palier CP1 : caractéristiques des pompes Jeumont-Schneider asynchrones triphasées motorisées par du 6,6 kV (1 000 tours/minute, 3 550 kW). Caractéristiques des pompes d’extraction Température de l’eau à l’aspiration Vitesse N.P.S.H. requis au niveau de la 1ère roue Hauteur manométrique totale Débit Puissance absorbée à l’accouplement Rendement Pression absolue d’alimentation du presse-étoupe

Unité ◦

C tr/min mCF mCF m3 /h kW % bar

Régime nominal 30 980 4,5 430 1 980 2 900 79 2.2

Régime maximal 30 980 5.6 360 3 010 3 600 84 2.2

où on arrêterait les rejets). La régulation du niveau d’eau du condenseur (Figure 6.80, Figure 6.81) joue sur une vanne d’appoint réglante qui gave le condenseur si le niveau est trop bas, et d’une vanne de rejet Tout Ou Rien (TOR) qui s’ouvre sur niveau très haut du condenseur.

784

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 6.79 – Caractéristique hydraulique d’une pompe CEX (CP1).

6. Le circuit secondaire

785

Fig. 6.80 – Principe de la régulation du niveau condenseur et du niveau de la bâche d’eau alimentaire ADG.

Fig. 6.81 – Réglage du niveau d’eau dans le condenseur (adapté de [Circuit secondaire, 1977]).

786

6.8.9

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

L’entrée d’eau brute au condenseur

En cas de fissuration, voire de rupture d’un tube condenseur (vibration, corrosion, érosion côté vapeur, corps migrants. . . ), le condenseur étant en dépression, on a une entrée d’eau brute à l’intérieur du condenseur. La solution est alors de boucher le tube fuitard (par une recherche de fuite à l’hélium), voire de changer le module de poumon concerné. Mais il faut arrêter la tranche au minimum pour une journée, voire plus si le module n’est pas isolable. Ceci entraîne donc une perte d’exploitation conséquente. Les statistiques indiquent qu’en moyenne, les tranches CPY de rivière (tubes en laiton) subissent une entrée d’eau brute par an [Hutin, 2016] p. 602, et beaucoup moins pour les tranches de bord de mer.

6.8.10

Les incendies de condenseur

L’incendie du condenseur de Paluel 2 en juillet 2015 lors d’une visite décennale, suite à une opération de retubage (environ 92 000 tubes) nécessitant une découpe par torche à plasma, a été un incident industriel majeur qui a nécessité la reconstruction totale du condenseur, une opération qui a pris plus d’un an. Aggravé par la chute d’un générateur de vapeur de 550 tonnes lors d’une opération de remplacement, Paluel 2 a été arrêté pendant 3 ans pour redémarrer le 23 juillet 2018. En ce qui concerne le condenseur, un feu de titane, le métal utilisé pour les tubes de condenseur du palier P4, s’est déclaré le 2 juillet 2015 peu après 22 h dans la salle des machines, alors que des activités de découpe à haute température des structures internes avaient récemment débuté. L’incendie a été maîtrisé vers 4 h 45, et totalement circonscrit à 8 h du matin. Les structures internes du condenseur ont fondu (la température de fusion du titane est de 1 668 ◦ C), et une accumulation de métal s’est formée au fond de l’équipement. Le titane est un métal électropositif qui ne doit pas être refroidi avec de l’eau au risque de produire de grosses quantités d’hydrogène explosif. On peut alors utiliser du sable ou des gaz inertes. L’oxydation à l’air du titane produit de l’oxyde titane TiO2 , mais aussi du nitrure de titane TiN avec l’azote de l’air. Le nitrure de titane est connu pour décomposer l’eau et produire de l’ammoniac NH3 . Les feux de titane sont donc gérés avec de grandes précautions. En l’espèce, l’Autorité de sûreté a pointé du doigt une insuffisance de préparation du chantier qui n’avait pas évalué l’importance de passer d’une découpe traditionnelle à la scie circulaire à une découpe par torche à plasma à des températures bien supérieures (suite à un changement de prestataire).

6.9

Les postes de réchauffage d’eau alimentaire

[Alami et Ageron, 1958] p. 169, [Hutin, 2016] p. 615, [Marchal, 1974], [Margoulova, 1977] p. 74, [Pluviose, 2010] p. 87, [Ricard, 1953] p. 408, [Tong, 1988] p. 187

6.9.1

Description

L’eau du secondaire doit être réchauffée après le condenseur avant de revenir gaver les GVs. On améliore notoirement le rendement de la tranche en soutirant de la vapeur au cours de la détente dans la turbine. On bénéficie ainsi d’une source de calories pour

6. Le circuit secondaire

787

Fig. 6.82 – Principe d’un échangeur-régénérateur à tubes.

réchauffer l’eau de l’ARE, avec comme bénéfice de réduire la taille du condenseur et les débits d’extraction d’eau condensée. Classiquement, un poste d’eau CPY (Figure 6.84, Figure 6.85) comporte 3 motopompes d’extraction (50 % débit, 6 étages et volant d’inertie), 2 motopompes de reprise de purges plein débit (6 étages), 2 turbopompes alimentaires (TPAs) (50 % débit, 1 étage, turbine à 5 roues, 2 alimentations vapeur HP et BP), un ballon de reprise de purges (120 m3 ) en équilibre de pression avec le réchauffeur R4, 2 files de réchauffage. Chaque file de réchauffage comprend un refroidisseur de purges à double parcours, 3 demi-réchauffeurs R1 installés dans le condenseur lui-même, le réchauffeur R2 à tubes en U horizontaux, un réchauffeur R3 à tubes en U horizontaux (identique à R2), un réchauffeur R4 à tubes en U horizontaux, un réchauffeur R5 à tubes en U verticaux et un réchauffeur R6 à tubes en U verticaux avec alimentation de vapeur par le soutirage n ◦ 6 et les condensats des sécheurs-surchauffeurs de la turbine. En fonctionnement normal, on utilise 2 pompes d’extraction, les 2 turbopompes alimentaires et une pompe de reprise de purge avec les postes de réchauffages HP et BP en service. On notera que les 2 TPAs sont nécessaires, et que si on perd une TPA, on peut transitoirement passer la restante en surrégime (75 %), mais il faudra quand même rapidement baisser la charge si on veut éviter un AAR sur bas niveau GV. Les réchauffeurs sont des échangeurs de chaleur 37 assez conventionnels (Figure 6.82, Figure 6.83) comportant une calandre dans laquelle on dispose des tubes en U horizontaux ou verticaux (comme un GV par exemple). Les tubes d’échangeur sont fichés dans une plaque de tubes, et la source chaude provient de vapeur soutirée depuis les corps de la turbine. Une fois la vapeur refroidie du fait qu’elle a réchauffé l’eau alimentaire, elle est renvoyée sous forme liquide vers le condenseur. Notons que les premiers réchauffeurs R1 sont situés dans le corps même du condenseur pour plus d’efficacité et de compacité. L’inconvénient est que ces réchauffeurs spécifiques ne sont pas isolables côté vapeur, et donc que toute inétanchéité nécessite un arrêt de fonctionnement complet de la tranche [Hutin, 2016] p. 617. Le réchauffement en lui-même se fait en plusieurs étapes décrites dans la Figure 6.84 et la Figure 6.85, et on va soutirer environ 30 % du débit d’admission, soit bien plus qu’une simple collecte de purges liquides. Le poste de réchauffage d’une centrale nucléaire est très semblable à celui d’une centrale thermique classique. 37

Sur les échangeurs de chaleur conventionnels, lire [Gregorig, 1965].

788

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 6.83 – Échangeur-régénérateur multi-étagé (en série).

6.9.2

Le poste basse pression

Les pompes d’extraction du condenseur refoulent d’abord l’eau dans la partie basse pression du poste (dans 2 files). Chaque file comporte (CPY) 3 réchauffeurs type R1 en parallèle, puis les réchauffeurs type R2, R3 et enfin R4. Le poste de réchauffage BP gave deux turbopompes alimentaires (TPA) sans bâche d’alimentation. Ces TPAs gavent le poste de réchauffage haute pression (2 files en parallèle), constitué des réchauffeurs R5 et R6 (Figure 6.87). Une bâche de reprise de purge BRP récupère les purges des R4, R5 et R6, qui sont renvoyées à l’aspiration des pompes alimentaires. En prenant exemple du palier P’4 (Figure 6.86), le poste d’eau basse pression est alimenté par trois motopompes d’extraction de demi-débit. Le poste comprend trois files « tiers de débit » en parallèle contenant trois étages de réchauffage (RE100 à RE300). Les condensats de l’étage RE100 sont évacués au condenseur par un tube en U. Les condensats des étages RE200 et RE300 (Photo 6.10) sont récupérés dans un ballon (Photo 6.11) et réinjectés dans le circuit d’eau alimentaire. Les réchauffeurs RE100 sont en liaison directe avec le condenseur. Les RE200 n’ont pas de caisson de refroidissement des condensats et il n’y a qu’une zone d’échange de condensation eau/vapeur (cf. Figure 6.89, zone I).

6. Le circuit secondaire

789

Fig. 6.84 – Principe du réchauffage de l’eau alimentaire des GVs par soutirage des étages basse et haute pression de la turbine.

Fig. 6.85 – Réchauffage de l’eau alimentaire des GVs (CPY).

6.9.3

Le poste haute pression

Le poste d’eau haute pression (Figure 6.87, Figure 6.88) est composé quant à lui de deux files demi-débit contenant chacune deux étages de réchauffage RE500 et RE600. Les réchauffeurs RE600 récupèrent les condensats des surchauffeurs de la turbine et les condensats sont ensuite évacués à l’étage RE600. Les condensats des RE500 sont

790

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 6.86 – Poste de réchauffage basse pression du palier P’4.

Photo 6.10 – Réchauffeur ABP 301 RE (EDF/DR).

orientés vers la bâche alimentaire. On notera que les réchauffeurs basse pression RE300 et haute pression RE500 et RE600 (Photo 6.12) comportent deux zones d’échange : une zone de condensation entre l’eau et la vapeur (zone I et II de la Figure 6.89), et une zone de refroidissement des condensats eau/eau (zone II).

6. Le circuit secondaire

Photo 6.11 – Ballon de reprise des condensats ABP 321 BA (EDF/DR).

Fig. 6.87 – Poste de réchauffage HP de Saint-Laurent B1.

791

792

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 6.88 – Poste de réchauffage haute pression du palier P’4. Tous les réchauffeurs du palier P’4 sont à axe horizontal. L’échange de chaleur se fait par un faisceau de tubes en U en épingle avec des chicanes, une passe côté calandre et deux côté tubes.

6.9.4

Dimensionnement des échangeurs-réchauffeurs

L’efficacité des échangeurs est caractérisée par un nombre sans dimension classiquement appelé NUT (Nombre d’unités de transfert) : NUT ≡ K × S × Γ où K est le coefficient d’échange thermique, S la surface d’échange et Γ le coefficient de sensibilité de l’échangeur.

6.9.5

Fonctionnement et régulation

Les réchauffeurs subissent des transitoires thermiques importants lors des îlotages ou des arrêts automatiques. En effet, la chute brutale de la température (choc thermique) de l’eau alimentaire impose des contraintes thermiques dans le corps de la boîte à eau, en particulier dans la zone radiale de la plaque tubulaire (précisément entre frange tubulaire et calorifuge). Des calculs précis montrent que les contraintes thermiques sont plus importantes pour le poste d’eau BP que pour le poste HP. D’autre part, ces contraintes peuvent monter à environ 200 MPa dans le cas d’un îlotage, soit plus que dans le cas d’un AAR (car la pente de température est plus faible), mais dans

6. Le circuit secondaire

793

Photo 6.12 – Réchauffeur AHP 601 RE (EDF/DR).

Fig. 6.89 – Géométrie d’un réchauffeur horizontal à caisson de condensats. tous les cas, les contraintes restent admissibles au niveau de la plaque tubulaire des réchauffeurs (même pour le R3 ou le R4 qui sont les plus sollicités). La présence de la bâche alimentaire est bénéfique en termes de contraintes thermiques, dans son rôle de tampon. Le niveau d’eau des réchauffeurs doit être régulé (Figure 6.91) de telle façon qu’il y ait toujours une garde d’eau qui empêche le contournement de la turbine par la vapeur à travers les réchauffeurs en cascade. Si cette garde d’eau disparaissait, une partie de la

794

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 6.90 – Poste de réchauffage HP de Saint-Laurent B1. Le poste d’eau de type CP2 comporte, à la différence des premiers CP0, une bâche alimentaire avec dégazeur et des refroidisseurs de condensats des sécheurs-surchauffeurs (RCS) servant au réchauffage de l’eau alimentaire des GVs. Ces refroidisseurs sont au nombre de 4 et sont montés en parallèle des réchauffeurs HP5. vapeur d’eau venant des soutirages de la turbine, suivrait le chemin de moindre résistance jusqu’au condenseur sans passer par les ailettes de la turbine. Comme la pression des réchauffeurs augmente avec le numéro du réchauffeur, il suffit de régler le niveau d’eau dans un réchauffeur par l’ouverture d’une vanne sur la liaison entre deux réchauffeurs en série (Figure 6.91). Comme les différences de pression entre les soutirages des étages basse pression sont très faibles, on joue sur le diamètre des tuyauteries de ces soutirages qui ont un diamètre important pour diminuer au maximum les pertes de charge, et conserver un écart de pression utilisable pour la régulation de niveau.

6. Le circuit secondaire

795

Fig. 6.91 – Régulation du niveau d’eau des réchauffeurs en série (adapté de [Circuit secondaire, 1978] p. 50).

6.10

La bâche TPA et le dégazeur

[Margoulova, 1977] p. 108 Le dégazage a pour fonction de séparer les incondensables de la vapeur. Il est placé au-dessus de la bâche TPA qui a pour fonction de récolter l’eau liquide pour la renvoyer vers les turbo-pompes alimentaires (TPA) dans le circuit ARE d’alimentation normale des GVs (Figure 6.92). Les paliers CP2 et ultérieurs comportent une bâche dégazante alimentée par le soutirage 4 piqué à l’échappement de la turbine HP. Cette bâche assure une réserve d’eau intermédiaire après le condenseur, le réchauffage de l’eau alimentaire et le dégazage bien sûr. Le niveau du condenseur étant réglé autour d’une valeur constante, la bâche constitue une réserve permettant de compenser les phénomènes de stockage et de déstockage dus à la variation de taux de vide dans les GVs et à la dilatation/contraction de l’eau du secondaire. L’eau à dégazer est pulvérisée dans la vapeur obtenue du soutirage 4 (Figure 6.92, Figure 6.93, Figure 6.94). La vapeur est admise dans des collecteurs qui répartissent celle-ci par l’intermédiaire de tuyères à ressort (cas du CP2). L’eau ruisselle par gravité sur des plateaux crépinés qui assurent son fractionnement. La circulation à contrecourant par la vapeur entraîne les incondensables vers le point froid et réchauffe l’eau. L’eau et la vapeur barbotent dans des caissons dits de « reboiling », afin d’éliminer un maximum de gaz. L’eau est ensuite dirigée vers chaque extrémité de la bâche de stockage par de grosses tuyauteries crépinées. On assure une large ventilation du ciel de vapeur de la bâche par de très grosses tubulures d’équilibrage entre bâche et dégazeur. Le corps du dégazeur est cylindrique. Les tubulures d’arrivée d’eau alimentaire sont disposées en partie supérieure du dégazeur et l’eau est répartie dans une rampe interne

796

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 6.92 – Bâche TPA et dégazeur (conception Weiritam). supportant les tuyères de pulvérisation. La partie centrale est constituée du dispositif de dégazage, à savoir le caisson de reboiling et les plateaux crépinés. La partie inférieure du dégazeur comprend une tubulure centrale d’écoulement de l’eau dégazée. Le dégazeur est constitué de deux demi-dégazeurs symétriques avec adjonction d’une boîte à vapeur centrale. Le tableau 6.8 résume les caractéristiques principales de l’ensemble bâche + dégazeur du palier P’4.

6.11 6.11.1

Le contournement de la turbine Généralités

Il existe différentes situations où l’on veut contourner la turbine en « délestant » la vapeur. Bien entendu, c’est le cas en situation incidentelle où la turbine déclenche pour différentes raisons en provoquant un AAR, mais aussi lorsqu’on veut baisser très rapidement la charge (situation d’îlotage) sans pour autant provoquer un AAR. Il faut aussi penser à la situation d’arrêt à chaud et dans la phase de refroidissement pour passer de l’arrêt à chaud à l’arrêt à froid, car il faut continuer à évacuer la puissance résiduelle, et cela tant que la température du primaire est supérieure à la température de saturation de l’eau du secondaire, puisqu’il y a vaporisation dans les GVs (la température du primaire en attente à chaud est de 286 ◦ C (CPY), supérieure aux 270 ◦ C dans les GVs). Selon la valeur de la charge, on évacuera la vapeur vers le condenseur ou l’atmosphère grâce à des soupapes de contournement qui s’ouvrent en cascade.



essai

- pression (bar) Soutiraqe 4 - pression (bar) - débit (kg/s) par bilan enthalpique - titre Eau alimentaire - débit (kg/s) - temp. entrée bâche ( ◦ C) - temp. sortie bâche (Tb) ( ◦ C) Ecart caractéristiqrue - Tsat (S4 ) ( ◦ C) - Tsat (S4 ) - Tb ( ◦ C) - (*) erreur limite associée ( ◦ C)

Designation N

9,69 9,01 187,6 29,5 1345,4 129,02 174,93 175,40 0,47 * ± 0,55

Bilan Alsthom (régime N) 10,76 10,22 166,97 13,8 1370,4 129,05 180,85 180832 5%/s dt Ce risque est amplifié en fin de longueur de campagne pour les campagnes UOX, d’une part du fait que le coefficient de température étant plus fortement négatif et du fait de l’apparition du plutonium qui diminue la fraction de neutrons retardés β du cœur, ce qui rend le flux plus sensible aux variations de réactivité (prompt-jump en contraction/dilatation). L’introduction d’un terme dΩ/dt, antagoniste au terme dΦ/dt dans la chaîne de protection, permet de remédier à ce problème. L’îlotage est une opération réputée stressante pour les équipes de conduite, car le taux d’échec est historiquement élevé et dépend du temps d’ouverture des soupapes à 38 Cette première partie du transitoire est caractéristique d’un ilotage manuel (par ouverture du disjoncteur de ligne), car en cas de déclenchement de la turbine sans arrêt d’urgence, on n’a pas d’effet de survitesse de la turbine (quand la turbine déclenche, elle ralentit sur son volant d’inertie) et de variation de fréquence des pompes primaires, donc pas d’effet de refroidissement par sur-débit.

6. Le circuit secondaire

803

ouverture rapide qui doit être inférieur à 2,1 secondes (y compris le temps mort d’environ 0,6 s) 39 , mais aussi du savoir-faire des automaticiens qui règlent les constantes de temps des automates. La vapeur est envoyée directement au condenseur à environ 4 900 tonnes/heure (CPY) à une enthalpie d’environ 2 800 kJ/kg. Le débit d’eau de désurchauffe de cette vapeur pris au refoulement des pompes d’extraction est de 200 tonnes/heure dans les condenseurs de site en eau douce et 295 tonnes/heure dans les condenseurs de sites à eau de mer. Le manque de tension auxiliaire entraîne un ralentissement des groupes de pompage, atténué par leur inertie, ce qui se traduit par une baisse de la pression de l’eau d’extraction, d’où une baisse du NPSH disponible pour les pompes alimentaires et un risque de cavitation. Pour atténuer la rapidité de cette baisse, les pompes CEX sont munies d’un volant d’inertie pour que la pression à l’aspiration des pompes ARE soit maintenue pendant 2,5 secondes. Si la tension d’alimentation des auxiliaires est rétablie dans ce délai, le transitoire est sans conséquence sur les conditions d’aspiration des pompes ARE, et le débit d’extraction s’établit alors à une valeur supérieure à celui de l’eau alimentaire pour assurer l’alimentation du circuit de désurchauffe du contournement vapeur : l’îlotage est réussi. Dans le cas contraire, le ralentissement des pompes CEX va provoquer la cavitation des pompes ARE qui sont protégées par un AAR. Le circuit de contournement est aussi utilisé pour évacuer la puissance résiduelle après la chute des barres quand la turbine est déconnectée et que les GVs extraient encore de la puissance. Le contournement permet d’éviter l’ouverture des soupapes de décharge des GVs, et ramène la température moyenne à la situation d’un arrêt à chaud, permettant d’évacuer la puissance résiduelle jusqu’à la pression où on pourra engager le RRA (32 bars). En rôle accessoire, il permet aussi de conditionner en température les circuits de vapeur au démarrage. L’îlotage traditionnel est causé par l’effacement du réseau électrique sur lequel débite l’alternateur. L’incident peut être décomposé en deux phases successives 40 . • Dans un premier temps, du fait de la perte de la puissance résistante à cause de l’effacement du réseau électrique, la turbine accélère « dans le vide », par analogie avec l’hélice d’un moteur de bateau sortie hors de l’eau. Cette accélération importante est détectée par un module « accéléromètre à seuil » qui émet un signal tout ou rien. Ce signal TOR commande la fermeture très rapide de toutes les soupapes d’admission de la vapeur à la turbine. Le temps que l’accéléromètre détecte la survitesse (Figure 6.96) est estimé à 0,09 seconde (point A), puis il délivre son signal TOR pendant 1,4 seconde (jusqu’au point B). La fermeture des soupapes haute pression et moyenne pression principale se ferment toutes les deux en 0,5 seconde (point C). La soupape moyenne pression auxiliaire se ferme, quant à elle, en 1,15 seconde au point D. Les temps limites de sûreté pour toutes ces opérations sont représentés par des indices « primes » sur la Figure 6.96. 39 Vivier : Le contournement vapeur et sa régulation, Expérience d’exploitation des tranches nucléaires du palier 900 MWe à eau sous pression, Journée SFEN du 20 juin 1984. On y fait remarquer que la réussite de l’îlotage n’était pas une contrainte de dimensionnement des soupapes dans la conception Westinghouse. 40 Jean Guitton, Claude Duval, Antoine Despujols : Mieux contrôler les automates de régulation, EPURE, n ◦ 27, juillet 1990, pp. 3-18.

804

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 6.96 – Comportement dans la première phase de l’îlotage (2 premières secondes après la perte du réseau). • Dans un deuxième temps, la vitesse de la turbine se stabilise et l’accéléromètre repasse en position RIEN (au bout de 1,5 seconde après le début de l’îlotage, Figure 6.97). Le régulateur de vitesse fait ouvrir les soupapes du corps moyenne pression de manière à fournir une puissance turbine voisine de celle des auxiliaires. Ensuite, la pression au sécheur-surchauffeur diminue régulièrement jusqu’à 10 % de sa valeur nominale quand la tranche est îlotée, ce qui entraîne une baisse de la vitesse de la turbine et une réouverture progressive des soupapes MP auxiliaires. Lorsque la survitesse atteint 5 %, les soupapes HP s’ouvrent conformément à ce qui est attendu. La survitesse en fin d’essai atteint 3,6 %. Le déroulement de l’îlotage est tellement rapide qu’il ne peut y avoir d’actions opérateurs. Tout repose sur la bonne calibration du régulateur de turbine, qui est sensible aux paramètres de gain et de temps de réponse du contrôle-commande, d’où le rôle crucial des automaticiens. Si ces paramètres sont mal calés, et que le premier pic de survitesse (point E de la deuxième phase) n’est pas compris entre 105,0 % et 105,4 %, l’arrêt automatique réacteur sanctionne l’essai, faisant échouer l’îlotage. C’est en dépouillant finement les essais d’îlotage provoqués qu’on peut requalifier la régulation turbine pour la rendre efficace en situation d’îlotage réel.

6. Le circuit secondaire

805

Fig. 6.97 – Deuxième phase de l’îlotage : les soupapes MP se ré-ouvrent lentement et la vitesse de la turbine se stabilise.

6.12 6.12.1

Les turbo-pompes alimentaires Généralités sur les TPAs

Les turbo-pompes alimentaires (TPAs) utilisent de la vapeur soutirée par un piquage au barillet vapeur avant la turbine haute pression, pour pomper l’eau du circuit ARE en provenance de la bâche ADG (Figure 6.98). L’eau est envoyée vers les réchauffeurs HP, puis vers les GVs. Un réacteur CPY possède deux TPAs et une turbopompe alimentaire de secours TPAS sur le circuit ASG d’alimentation de secours des GVs, qui peut pomper en secours de deux autres motopompes électriques l’eau de la bâche ASG. La turbine d’une TPA entraîne directement la pompe principale et, par l’intermédiaire d’un réducteur, la pompe nourricière (Figure 6.99, Photo 6.15). En régime nominal, les TPAs sont exclusivement alimentées par la vapeur prise en sortie des sécheurssurchauffeurs R6 pour le palier CP0-CP1 (Figure 6.98), puis de la bâche alimentaire à partir du CP2. La pression de cette vapeur est à peu près proportionnelle à la puissance du groupe GTA. Une TPA peut assurer 50 % du service, cela veut dire qu’en régime nominal, il faut obligatoirement les 2 TPAs en service. Si on perd une TPA, on peut transitoirement faire fonctionner la TPA restante en surrégime (jusqu’à 75 %), mais il faudra obligatoirement baisser la charge, auquel cas on risque un AAR par bas niveau GV, les GVs n’étant plus suffisamment alimentés en eau secondaire. Si on perd une pompe d’extraction, la mise en route de la seconde permet de continuer à fonctionner. Par contre, si on perd les deux pompes d’extraction, on risque de faire caviter les pompes TPAs, d’où un repli nécessaire.

806

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 6.98 – Position des turbo-pompes alimentaires dans le système de réchauffage de l’ARE.

Photo 6.14 – Pompe alimentaire d’une TPA (EDF/DR).

6. Le circuit secondaire

807

Photo 6.15 – Pompe nourricière d’une TPA (EDF/DR).

La réduction de charge du GTA entraîne la baisse de l’écart d’enthalpie utilisable dans les turbines entraînant les TPAs. En dessous d’un certain niveau de puissance (environ 40 %), la vapeur moyenne pression devient insuffisante pour entraîner les TPAs. Un organe d’admission de vapeur HP, prise à la sortie des GVs, s’ouvre en cascade avec l’organe d’admission MP qui reste grand ouvert. Dans la zone de puissance comprise entre 40 % et 15 %, les TPAs sont alimentées en parallèle par de la vapeur MP et HP jusqu’à l’aval du premier étage où le mélange s’effectue pour continuer la détente dans le reste des étages de la turbine TPA. En dessous de 15 % de puissance nominale, la pression MP devient trop faible pour participer à la détente parallèle, et c’est de la vapeur HP seule qui alimente les TPAs.

808

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Photo 6.16 – Turbopompe alimentaire d’une tranche N4. On voit le corps de la turbine TPA de couleur orange, placée devant la pompe alimentaire d’où arrivent et partent les grosses tuyauteries (photo EDF).

Un groupe turbo-pompe alimentaire d’une tranche N4 (Photo 6.16), dont l’étude par Alsthom a commencé en 1980, est constitué 41 : • d’une pompe pré-alimentaire dite « pompe de gavage » ou « pompe nourricière » (Figure 6.99), tournant à faible vitesse (1 289 tours/min), et ayant de bonnes qualités à l’aspiration ; à son régime nominal (1 400 tours/min), cette pompe absorbe une puissance de 4 MW ; • un réducteur qui permet de passer de la vitesse nominale de la turbine à vapeur (4 580 tours/min), à celle de la pompe de gavage (1 280 tours/min) ; • une turbine à vapeur à condensation alimentée à une pression de vapeur de 10 bars, et la restituant à l’échappement à 50 mb environ ; • une pompe alimentaire (Photo 6.14) à roue double de 0,49 m de diamètre, et tournant à la même vitesse que la turbine à vapeur. Cette pompe absorbe à sa vitesse nominale (4 000 tours/min) une puissance de 13 MW. Cette pompe alimentaire présente donc une puissance spécifique élevée (17 MW) pour une masse de 10 tonnes ; un rendement très élevé de 90 % ; une absence d’amorce 41 Alain de Tonnac, J. Fremann : L’industrie française face à l’évolution du programme nucléaire, Revue Générale Nucléaire, n ◦ 1, janvier 1988, pp. 37-45.

6. Le circuit secondaire

809

Fig. 6.99 – Schéma d’une turbopompe TPA.

Fig. 6.100 – Schéma technique d’une turbopompe alimentaire (Fessenheim).

810

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

de cavitation sur toute sa plage de fonctionnement. Elle comporte des roues frettées sur l’arbre sans clavette, malgré l’importance du couple transmis ; des pivoteries sur paliers et butées à l’huile, à patins oscillants ; une garniture d’étanchéité de la pompe principale de type mécanique, avec boîte à eau et réfrigérant intégré ; un supportage sur plaques de base directement intégrées à une structure en béton. La Figure 6.100 montre le schéma technique d’une TPA de conception plus ancienne (CP0). Le Tableau 6.9 présente les caractéristiques des TPAs du palier P’4.

6.12.2

Éléments de physique des TPAs

On peut simuler le comportement de la turbopompe par des équations simples sur l’enthalpie vapeur en utilisant le rendement isentropique ηh :

entr´ee entr´ ee hsortie vapeur = hvapeur − ηh hvapeur − hisentropique La conservation du débit implique que : entr´ ee Qsortie vapeur = Qvapeur

Le calcul du débit de sortie utilise le rendement mécanique ηm (Figure 6.101) et la puissance de la pompe WT P A : WT P A

entr´ ee − hsortie ηm hvapeur vapeur

Qsortie vapeur =

Si la sortie vapeur de la pompe TPA est dirigée vers un condenseur auxiliaire extrayant une puissance par condensation WCond , on obtient : Qsortie vapeur =

ηm

WCond



hsortie vapeur

entr´ eeCondenseur − hliquide

L’échange thermique dans le condenseur (supposé adiabatique et sans perte de charge) s’écrit : WCond

=

entr´ eeCondenseur Cp(T entre´eCondenseur ) × Qliquide liquide



sortie entr´ eeCondenseur × 1 − e−N U T × Tvapeur − Tliquide

NUT est le nombre d’unité de transfert du condenseur, classiquement rencontré en théorie des échangeurs de chaleur. La puissance à la turbine couplée au condenseur est alors donnée par :

entr´ee sortie WT P A = ηm Qsortie vapeur hvapeur − hvapeur

6.12.3

Réglage de la vitesse des TPAs

C’est la régulation du niveau GV qui agit sur les soupapes alimentaires, mais pour que ces soupapes fonctionnent dans leur gamme, il faut modifier la perte de charge des soupapes en fonction de la charge. On règle dans les faits la différence de pression entre le barillet vapeur qui collecte la vapeur de l’ensemble des GVs, et le collecteur (barillet) d’eau alimentaire. C’est cet écart de pression qu’on va comparer à la consigne qui augmente avec la charge, donc le débit de vapeur sortant des GVs (Figure 6.102).

811

6. Le circuit secondaire Tab. 6.9 – Caractéristiques des TPAs (palier P’4).

Débit (kg/s) file 1 file 2 Δp (bar) file 1 file 2 Δt ( ◦ C) file 1 file 2 Puissance effective (MW) file 1 file 2 total Puissance accoup. (MW) file 1 file 2 total Rend. total groupe (%) Débit de vapeur soutiré (kg/s) file 1 file 2 total Rend, isentropique de détente (%) TPA 1 TPA 2

6.13

Alsthom

Saint Alban

Cattenom

Belleville

Erreur limite

1075,54 1075,54

982,0 1104,0

1064,7 1086,4

1041,3 1051,9

± 20 ± 20

76 76

72,13 72,00

72,02 72,21

73,57 73,14

± 0,80 ± 0,80

1,45 1,45

1,56 1,89

2,28 2,13

1,36 1,08

± 0,75 ± 0,75

9,3 9,3 18,6

7,90 8,87 16,77

8,50 8,67 17,17

8,55 8,58 17,13

± 0,15 ± 0,15 ± 0,20

11 11 22 84,5

9,97 11,01 20,98 80

10,72 10,93 21,65 79,5

10,59 10,62 21,21 80

± 0,18 ± 0,18 ± 0,25 ± 1,5

19 19 38

16,5 17,5 34

17,8 17,6 35,4

17,5 -

± 0,2 ± 0,2 ± 0,2

71,7 71,7

76,0 75,5

75,0 75,5

75,5 -

±2 ±2

La corrosion-érosion dans le secondaire

La circulation d’eau ou de vapeur dans le secondaire provoque une action mécanique et chimique. L’érosion mécanique, conduisant à des pertes d’épaisseur de quelques mm pour 10 000 heures de fonctionnement, est prépondérante à basse température. Le dessin des conduites (coudes, chanfrein. . . ) est déterminant sur l’érosion, de même que la quantité de gouttes d’eau transportées dans le cas de vapeur. Les effets chimiques de corrosion prennent de l’importance à plus haute température du fait que les lois d’Arrhenius qui pilotent les phénomènes d’oxydation sont exacerbées par la température. D’un point de vue phénoménologique, l’eau liquide oxyde le fer contenu

812

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 6.101 – Rendements d’une TPA en fonction du débit (palier P’4). dans les aciers par les réactions 42 : F e ↔ F e++ + 2e− 2H2 O ↔ 2H + + 2OH − 2H + + 2e− ↔ H2(gaz) Auquel on peut rajouter le phénomène de formation/destruction de la magnétite F e2 O4 : F e2 O4 + 6H + + H2(gaz) ↔ 3F e++ + 4H2 O Dans un liquide au repos, la formation d’ions F e++ se produit jusqu’à un équilibre et les ions vont s’associer à l’eau à la surface du fer pour produire de la magnétite. Ainsi, le fer va se couvrir d’une couche de magnétite protectrice qui va « isoler » le métal de l’eau, tout comme la zircone dense protège le zirconium de l’oxydation. Dans un liquide en mouvement, les ions F e++ « solubles » sont évacués par le mouvement de l’eau, et la couche de magnétite se forme plus difficilement car les conditions de sa formation ne sont plus réunies. La cinétique de corrosion est exacerbée entre 50 ◦ C et 200 ◦ C. Au-delà, la formation de magnétite s’intensifie et protège l’acier. La concentration en F e++ dans l’eau dépend aussi du pH (la corrosion diminue très sensiblement quand le pH augmente légèrement) et du type de conditionnement de l’eau 42 M. Cerdan : Expérience d’exploitation des tranches nucléaires françaises 900 MW à eau sous pression, Journée « expériences d’exploitation des tranches nucléaires françaises », 2e session : Généralités sur les difficultés dues au phénomène d’érosion-corrosion, 20 juin 1984, Paris, SFEN (1984).

6. Le circuit secondaire

813

Fig. 6.102 – Réglage de la vitesse des TPAs (adapté de [Circuit secondaire, 1978] p.48).

(ammoniaque NH4 OH ou morpholine 43 C4 H9 NO). Le conditionnement à l’ammoniac alcalin permet d’obtenir un pH de l’ordre de 9 favorable pour lutter contre la corrosion, mais l’ammoniaque volatil a tendance à passer en phase vapeur au détriment de 43 Le conditionnement aux phosphates de l’eau du secondaire, initialement préconisé par Westinghouse, a été à l’origine de divers phénomènes de corrosion de l’alliage Inconel 600, qui ont affecté les premières tranches REPs proposées par ce constructeur. Mais ce mode de conditionnement n’a jamais été utilisé en France au profit d’un emploi de réactifs alcalinisants volatils de type ammoniaque ou morpholine. On parle alors de « conditionnement volatil ». D’une manière générale, la corrosion sous contrainte de l’Inconel 600 de nombreux composants a amené à l’introduction de l’Inconel 690 plus résistant. Le coefficient de partage eau-vapeur de la morpholine est proche de 1, ce qui signifie que le réactif est équi-réparti entre la phase liquide et vapeur. On cible un pH compris entre 9,1 et 9,3 à 25 ◦ C avec une teneur en morpholine supérieure à 4 mg/kg d’eau et une teneur en ammoniaque inférieure à 0,3 mg/kg d’eau. Notons que l’ammoniaque est aussi produite par décomposition de l’hydrazine à haute température. L’hydrazine (N2 H4 ), un puissant réducteur qui est aussi utilisé dans le primaire, est injectée dans le secondaire pour dégazer chimiquement l’oxygène dissous afin de réduire la corrosion. Cette hydrazine est injectée en amont de la turbine BP pour augmenter le temps de contact avec l’oxygène car son efficacité dépend du temps de contact et de la température. L’objectif est d’éviter que les oxydes ne soient véhiculés dans le GV à un état d’oxydation supérieur à l’état stable représenté par Fe3 O4 ou Cu qui sont les états les moins nocifs pour le GV.

814

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

l’eau. Le conditionnement de l’eau alimentaire du secondaire à la morpholine permet d’obtenir des valeurs de pH plus élevées à chaud, pour une même valeur à froid (9,2). La nuance de l’acier influence aussi la corrosion, qui est réduite en présence de chrome, de cuivre ou de molybdène. Au final, le calcul de la corrosion chimique quand le fluide débite, s’avère extrêmement complexe. Au niveau des générateurs de vapeur, les oxydes de fer et, dans une moindre mesure, les oxydes de cuivre et de zinc se déposent plus particulièrement dans le faisceau tubulaire, au-dessus de la plaque tubulaire et dans les interstices entre les tubes et les plaques entretoises. De plus, des polluants peuvent s’introduire accidentellement dans le circuit secondaire. Ces polluants se concentrent dans les générateurs de vapeur car ils sont moins emmenés en phase gazeuse. Ce phénomène de concentration rend les GVs particulièrement sensibles aux problèmes de corrosion. La mesure en continu de la conductivité cationique et de la concentration en sodium permet de suivre le niveau de corrosion des GVs. Ces mesures sont réalisées à la purge des GVs, mais aussi au condenseur. Si ces mesures sont « mauvaises », on peut être amené à baisser la charge pour déstocker les produits corrodants par diminution du flux thermique. La quantité d’ions sodium et la valeur de la conductivité mesurées à la purge des GVs permettent éventuellement de discriminer l’origine de la contamination. En effet, une augmentation de la concentration en sodium seule peut s’expliquer par une entrée de soude en provenance du poste d’eau déminéralisée ou bien du traitement des purges des GVs. La soude provient de la décomposition à chaud des carbonates contenus dans l’eau brute au condenseur. Elle est relâchée par les résines échangeuses d’ions. A contrario, une pollution acide provoque une augmentation de la seule conductivité cationique détectable (la baisse du pH étant plus difficile à détecter si la pollution est faible). Entre ces deux cas de figure extrêmes, l’insertion d’eau de refroidissement (eau brute), ou de phosphate trisodique, conduit à une augmentation simultanée du sodium et de la conductivité. Cette augmentation est corrélée linéairement s’il s’agit d’une entrée d’eau brute. On peut donc identifier le type de pollution du secondaire en suivant la concentration en ions sodium (ou plutôt son écart par rapport à la norme) et la conductivité cationique (Figure 6.103). Les Figure 6.104 et Figure 6.105 montrent les mesures de suivi de la qualité de l’eau du secondaire. Le choix du pH du circuit secondaire à retenir est un compromis entre plusieurs choix aux conséquences antagonistes. D’une part, il faut éviter un pH trop basique qui attaquerait les alliages cuivreux dont sont faits les tubes des condenseurs de rivière et de certains réchauffeurs à tubes. D’autre part, il faut éviter les pH trop acides qui endommageraient les aciers au carbone non alliés des tuyauteries et des corps de réchauffeurs. Enfin, il faut limiter la quantité de réactifs adjuvants pour maintenir une bonne efficacité des résines de rétention (résines échangeuses d’ions) et pour limiter les rejets en polluants. Le Tableau 6.10 montre qu’un pH basique légèrement supérieur à 9 à 25 ◦ C est le choix optimal, surtout pour les tranches en bord de mer. Un pH de 9,2 est retenu pour un conditionnement à la morpholine pour les centrales de rivière (Tableau 6.11), sans dépasser 9,3 pour éviter une corrosion ammoniacale. Pour les centrales de mer, on préférera un pH de 9,7 avec un conditionnement à l’ammoniaque et de 9,5 avec un conditionnement à la morpholine (en prenant garde à la décomposition de la morpholine en acides organiques).

6. Le circuit secondaire

815

Fig. 6.103 – Caractérisation dans le plan (Δλ+ , Δ N a+ ) de la pollution corrosive au secondaire par analyse des purges GV. Le point de fonctionnement courant M est entouré d’un rectangle de confiance obtenu en appliquant les incertitudes de mesure. (d’après 44 ). Les GVs concentrent les espèces chimiques dans la phase liquide, particulièrement dans les zones de mauvaise circulation avec surchauffe. Selon la solubilité locale, il peut y avoir précipitation dans des solutions concentrées.

6.14

La source froide

[Hutin, 2016] p. 639, [Margoulova, 1977] p. 173

6.14.1

Généralités

La source froide des réacteurs nucléaires est constituée : • soit d’une rivière dont le débit minimal est compatible avec le besoin de refroidissement ; • soit d’un ou plusieurs aéroréfrigérants (Figure 6.106) qui peuvent compléter le refroidissement par la rivière ; 44 Patrick Eon-Duval, Jean-Marie Fiquet, Jean-Pierre Langlet : SODEXPERT : aide à la conduite d’une centrale REP pour prévenir la corrosion du circuit secondaire, EPURE, n ◦ 51, juillet 1996, pp. 25-36.

816

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 6.104 – Système de mesures chimiques sur le secondaire (même référence que la figure précédente).

Fig. 6.105 – Localisation des systèmes de mesures physico-chimiques du poste d’eau.

817

6. Le circuit secondaire Tab. 6.10 – Compromis en matière de pH de l’eau du circuit secondaire.

Tab. 6.11 – Spécifications du pH de l’ARE et conditionnement volatil proposé. Paramètre pH à 25



C

Morpholine (mg/kg) Ammoniaque (mg/kg)

pH à 25



C

Ammoniaque (mg/kg) Hydrazine (μg/kg)

Prèsence de Cuivre 9,1 à 9,3 ≥4 Sr++ > Ca++ > Mg++ et + > H+ > Li+ . Ainsi, une résine à base de Li+ absorbe Ag+ > Ti+ > Cs+ > Rb+ > NH+ 4 > Na presque tous les ions et relâche un ion Lithium Li+ . En ce qui concerne les résines anioniques fortes : − − − − − CNS− > I − > NO− 3 > HSO4 > Cl > HCO3 > OH > F . Cela indique que les ions fluorures seront peu retenus. Un des avantages des résines à base de polystyrène est la facilité avec laquelle on peut les produire par polymérisation en suspension aqueuse. Les sites réactifs sont alors introduits après polymérisation. La taille des billes du lit est d’environ 0,6 mm. Les lits se présentent sous forme de colonnes d’environ 80 cm de hauteur pour des raisons de perte de charge. Adapté de F.J. Brutschy : Ion exchange resins in nuclear reactors, dans Advanced course on corrosion and water treatment problems in water cooled power reactors, The Norwegian Reactor School, August 1963, Kjeller report. Voir aussi le très complet [Kunin, 1958].

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 7.15 – Circuit de décharge du RCV.

Fig. 7.16 – Lignage de la décharge CPY et connexion au SED, passage dans les déminéraliseurs RCV (RCV 001 DE à 003 DE).

7. Les principaux circuits

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Lorsque le RRA est en service, la liaison RRA (en aval des échangeurs RRA) – RCV (en aval des orifices de détente) est toujours ouverte. Le poste de détente haute pression constitue en effet une barrière trop importante à basse pression (le RRA n’est connecté qu’en dessous de 32 bars). C’est donc le RRA qui assure la fonction de décharge par l’intermédiaire de la liaison RRA-RCV. Le débit de décharge est alors contrôlé par la vanne RCV située sur la bretelle RRA-RCV, avant de s’écouler dans les tubes de l’échangeur non régénérateur, puis une vanne de détente basse pression. L’eau primaire est filtrée et purifiée, puis réintroduite par aspersion dans le réservoir RCV à niveau régulé. En cas de niveau trop élevé, l’eau est redirigée vers le circuit de traitement des eaux TEP par l’intermédiaire d’une vanne trois voies. Si le primaire est totalement dépressurisé, la pompe de purification, montée en by-pass de la vanne RCV sur la ligne de décharge, assure la circulation dans le RCV. L’eau retourne directement à l’aspiration du RRA. La pompe de purification joue donc ici le rôle de pompe de charge et la vanne (13 VP de la bretelle RRA-RCV) celui de vanne de décharge. La ligne de soutirage excédentaire est piquée sur la branche en U (boucle 4 du 1 300 MWe) et constitue une redondance partielle de la ligne de décharge normale. Elle est utilisée lorsque le circuit RCV normal est indisponible ou insuffisant, en particulier dans la phase finale de réchauffage primaire pour limiter l’augmentation de température dans les orifices de détente. L’eau primaire du soutirage excédentaire coule côté tubes de l’échangeur de soutirage excédentaire et y subit une première baisse de température. Il passe ensuite dans une vanne réglante qui réduit sa pression. L’eau est ensuite envoyée à l’aspiration des pompes de charge RCV via la ligne de retour du circuit d’étanchéité des pompes primaires. Elle traverse un filtre ainsi que le faisceau de l’échangeur du circuit d’étanchéité des pompes primaires. Une vanne trois voies permet ensuite de la rediriger vers le circuit de purges et évents RPE si la ligne de retour du circuit d’étanchéité des pompes primaires est indisponible. Charge La charge (comprise entre 5,8 tonnes/h et 24 tonnes/h 3 ) consiste à injecter l’eau du RCV dans le circuit primaire par les pompes de charge (Figure 7.17). Pour ce faire, il faut pouvoir faire monter la pression (environ 2 bars) de l’eau du réservoir RCV à une pression supérieure (170 bars) à celle du primaire (155 bars), via une des deux pompes de charge RCV, et à réchauffer l’eau. En situation normale, on assure un débit minimal permanent de charge (et donc de décharge) de 13,6 m3 /h, ce qui assure une bonne homogénéité du primaire, l’injection aux joints des pompes primaires, et un fonctionnement continu donc directement disponible des pompes de charge (pas de délai de montée en charge). Si le niveau du réservoir RCV est trop bas, l’aspiration de la pompe de charge est commutée sur le réservoir de remplissage de la piscine (bâche PTR), ou sur les réservoirs de stockage d’acide borique. Notons que le circuit de charge alimente aussi l’aspersion auxiliaire du pressuriseur. Si le primaire est totalement dépressurisé, la pompe de charge est arrêtée, et les pompes RRA déchargent l’eau du primaire en avant des orifices de détente RCV, en utilisant 3 Ce débit de charge permet d’avoir une température inférieure à 193 ◦ C en sortie de l’échangeurrégénérateur.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 7.17 – Circuit de charge du RCV et injection aux joints des pompes primaires.

la bretelle RCV (amont de la vanne trois voies RCV- aval de la vanne de charge) pour réinjecter l’eau dans le RCP. Les pompes de charge sont des motopompes rotatives, multi-étagées, d’un débit maximal de 43 tonnes/heure sous 170 bars (CPY). Pour éviter l’échauffement, chaque pompe RCV est munie d’un circuit bipasse à « débit nul », bouclé sur le réfrigérant placé au retour du circuit d’étanchéité des pompes primaires. Un diaphragme calibre le débit de recirculation de chaque pompe qui doit impérativement être réfrigérée. La mise en pression s’effectue par les pompes de charge et le réglage du débit est assuré par une vanne réglante (débit maximum de 25 tonnes/heure). Le réchauffage est dû en partie par l’énergie cédée par la pompe, mais aussi un échangeur-régénérateur. Les pompes de charge doivent pouvoir assurer la fonction d’injection de secours haute pression sur le palier CPY. Il faut faire attention à l’échauffement de la pompe si la pression au refoulement chute trop bas (cas d’un APRP) pour éviter aussi la cavitation. En ce qui concerne le circuit de charge, l’eau est aspirée en conditions normales dans le réservoir RCV par les pompes de charge qui l’envoient, après filtration, vers les joints des pompes primaires et, parallèlement vers la branche froide de la boucle 1 via l’échangeur régénérateur (côté intérieur des tubes). Il n’y a qu’en conditions de démarrage ou lorsqu’on a activé la Protection Anti-Dilution (PAD) que les pompes RCV aspirent l’eau dans la bâche PTR jusqu’à l’établissement de conditions normales au ballon réservoir RCV. L’eau peut aboutir soit directement à l’aspiration des pompes de charge, soit aller dans le réservoir d’additifs chimiques puis à l’aspiration des pompes de charge, soit à partir du circuit d’eau d’appoint (REA-Eau) à travers le mélangeur d’acide borique en provenance du REA-Bore. On peut ainsi la charger en bore. De l’eau est aussi envoyée en contre-pression aux joints des pompes

7. Les principaux circuits

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primaires en la répartissant pour 2/3 vers le circuit primaire à travers la barrière thermique et le joint dit « labyrinthe » , et pour 1/3 vers la décharge du réservoir de contrôle volumétrique et chimique, via le joint n ◦ 1 et un échangeur non régénérateur. L’appoint normal s’effectue au travers d’un mélangeur qui permet de régler à la demande de l’opérateur la teneur en bore pour compenser les fuites, diluer le primaire ou le boriquer. En amont du mélangeur arrivent deux branches : la première amène de l’eau déminéralisée (REA-eau, origine SED), la seconde de l’eau borée du REA-bore. Pour des appoints de secours, on peut bipasser le mélangeur en lignant directement l’arrivée d’eau borée à 7 000 ppm à l’aspiration des pompes de charge [Coppolani et al., 2004] p. 149. Cette fonction de borication automatique (FBA), parfois appelée aussi fonction de borication d’urgence, permet d’injecter rapidement du bore dans l’eau à une concentration supérieure à celle de la bâche PTR (2 500 ppm) dans laquelle puise le RIS. C’est en quelque sorte l’équivalent pour les paliers récents de la cartouche RIB à 21 000 ppm de bore du palier CPY 4 . Cette FBA s’active sur signal très basse température en branche froide, synonyme d’une RTV sur cette branche, et permet d’aider à revenir à un état sous-critique malgré l’effet modérateur qui introduit de la réactivité dans le cœur par « coup de froid ». La FBA est l’exemple d’un automatisme qui anticipe une action opérateur, dont l’intérêt réside surtout en situation de soupape GV bloquée (diminution de la puissance en attente d’actions opérateur) [Tarride, 2013] p. 91. On peut aussi envoyer en secours de l’eau déminéralisée non borée et dégazée prélevée en amont de la vanne réglante du mélangeur, mais en raison du risque important de dilution accidentelle, la vanne d’arrivée de cette eau non borée est cadenassée fermée. Les appoints d’eau sont un risque évident d’introduction intempestive de réactivité par dilution, un incident/accident que nous étudierons en détail dans un autre ouvrage. Du fait de ce risque, l’appoint est mis en « appoint automatique 5 » en marche normale et on s’impose de passer par une phase « arrêt » avant de passer en mode « manuel », suscitant la réflexion de l’opérateur. L’appoint automatique a pour mission de maintenir le niveau du réservoir RCV dans une plage de niveau comprise entre 24 % et 37 %, en ajoutant de l’eau borée par mélange avec l’eau déminéralisée du SED et l’eau du REA-Bore à 7 000 ppm. En cas d’écart sur la concentration en bore avec celle du primaire (> à 50 ppm), on provoquera une homogénéisation en ouvrant l’aspersion du pressuriseur au maximum. L’appoint automatique régit la baisse de bore journalière en fonction de l’avancement dans le cycle d’irradiation. La borication, elle, s’effectue en injectant depuis le REA-Bore en aval du réservoir RCV, en vérifiant la vitesse d’injection d’antiréactivité et la quantité de bore désirée par des abaques. La borication d’urgence intervient pour contrecarrer une augmentation rapide de réactivité. On injecte alors la solution à 7 000 ppm de bore directement à l’aspiration des pompes de charge RCV. Il faut alors concomitamment augmenter le débit de décharge (pour compenser le volume injecté) en ouvrant le deuxième orifice de décharge, passer en manuel la vanne réglante RCV de niveau du pressuriseur et contrôler le débit de borication d’urgence. L’opérateur doit alors se concentrer sur la cause de l’insertion de réactivité (isoler par exemple la cause du débit 4 Avec l’inconvénient que le FBA n’est pas un système valorisable au niveau des études de sûreté, contrairement à la cartouche RIB qui l’est. 5 Les différentes configurations d’appoint sont l’appoint automatique, la borication, borication d’urgence, dilution, manuel et le secours non boré (en dernier ressort).

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

de dilution). Pour une dilution (en mode A, CP0 ou N4), l’eau du SED est introduite dans le réservoir RCV selon un abaque par un débit aussi délimité par un abaque. On vérifie 10 minutes après la dilution l’effet provoqué pour ajuster une éventuelle nouvelle dilution. Si la dilution doit être plus rapide (on parle de dilution mode B ou « sélecteur dilution B »), l’eau du REA-Eau est introduite en aval du réservoir RCV, à l’aspiration des pompes de charge. Ce type d’injection doit être très bien maîtrisé par l’opérateur étant donné l’insertion rapide de réactivité. En manuel, c’est l’opérateur lui-même qui gère les débits d’eau déminéralisée ou d’eau borée. Le risque d’erreur humaine est alors plus important, d’où une attention soutenue de l’opérateur. En ce qui concerne le secours non boré, on injecte directement de l’eau du SED à l’aspiration des pompes RCV. Le risque d’une introduction accidentelle d’eau claire est tellement grand qu’on a cadenassé fermée la vanne 120 VD qui pilote cette opération. Cette liaison ne pourrait être utilisée qu’en secours en absence d’assemblages dans le cœur, ou dans une situation de dernière extrémité (accident grave). Le réservoir RCV Le réservoir RCV (Figure 7.18), en acier inoxydable, contient un volume normal d’eau borée de 3,4 m3 (contenance totale de 8,5 m3 ) sous 5 bars maximum (protégé par une soupape de sûreté), à une température maximale de 46 ◦ C. En situation normale, les régulations sont en service et le point de consigne du détendeur d’admission d’hydrogène est réglé en fonction de la mesure de concentration en hydrogène dans l’eau. La valeur de la pression d’hydrogène mettra en évidence une éventuelle accumulation de gaz de fission incondensables, ce qui déterminera la fréquence et l’importance des chasses par l’évent du réservoir tampon RCV. Un sectionnement automatique (taré à 2,1 bars et qui s’ouvre impérativement à 3,3 bars, soupape de sûreté à 5 bars) évacue les gaz. Les effluents gazeux sont envoyés dans le circuit TEG pour traitement. L’eau est dirigée à l’aspiration des pompes de charge à travers un clapet anti-retour.

Fig. 7.18 – Régulations des échanges gazeux au niveau du réservoir tampon du RCV (d’après[Système de contrôle volumétrique et chimique, 1978] p. 41).

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Le niveau normal du réservoir RCV est situé à 50 %, alarme haute à 85 %, basse à 21,5 %. L’aspiration des pompes de charge bascule sur la bâche PTR si le niveau descend en dessous de 3 %. Fonction borication-dilution On profite des injections d’eau pour régler la concentration en acide borique dans l’eau du primaire en ajoutant de l’eau dite « claire » (sans bore) pour diluer, ou de l’eau fortement concentrée pour boriquer 6 . Si le choix du volume d’eau borée ou d’eau claire à introduire se fait manuellement, le rejet de la même quantité d’eau à extraire (pour conserver le volume du primaire) se fait par la régulation de niveau du ballon RCV. La borication (Figure 7.19) consiste à utiliser une source d’acide borique H3 BO3 à 4 % (correspondant à 7 000 ppm de bore naturel), qu’on mélange à de l’eau dégazée.

Fig. 7.19 – Fonction borication/dilution du RCV (adapté d’après [Système de contrôle volumétrique et chimique, note EDF/SPT n ◦ 335, 1978] p. 42). À cette concentration, il y a risque de cristallisation du bore 7 si la température descend au-dessous de 18 ◦ C (en fait 7 ◦ C). C’est donc le minimum requis de température pour les locaux en acide borique. Les conduites du RCV ou du REA véhiculant cette eau fortement borée doivent donc être « tracées électriquement », à 6

Un néologisme facilement compréhensible. La cristallisation du bore peut provoquer un bouchage (on parle d’occlusion) des lignes, surtout si elles sont de petits diamètres comme les piquages. 7

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savoir qu’elles sont équipées d’un calorifuge comportant des résistances électriques chauffantes. Notons que même la salle où se trouve le réservoir de préparation des solutions borées est chauffée au minimum à 20 ◦ C. En ce qui concerne la borication, le commutateur est positionné sur « appoint automatique » en situation normale. Le débit d’acide borique et d’eau dégazée est tel que le mélange est à la concentration courante en bore du primaire, ce qui permet d’injecter automatiquement à la bonne concentration en cas de bas niveau du réservoir tampon RCV. Si on veut boriquer (pour une baisse de charge par exemple), l’opérateur passe le commutateur sur « borication » et choisit le débit d’acide borique et le volume de bore à injecter. Il enclenche alors l’opération qui s’arrêtera automatiquement lorsque le volume à injecter est atteint. En cas de dilution, le fonctionnement est identique avec le commutateur sur « dilution » et en réglant l’admission d’eau claire. Fonction filtration La fonction de filtration vise à limiter la corrosion du circuit primaire, les dépôts d’impuretés sur le combustible, la formation de « boues » dans la boîte à eau des générateurs de vapeur et, d’une manière générale, la radioactivité dans l’eau du primaire. Notons que les particules transportées dans l’eau proviennent de l’érosion généralisée par circulation de l’eau, érosion amplifiée par la corrosion des métaux provoquant une desquamation partielle des couches d’oxydes. Notons aussi que des défauts de gainage peuvent laisser passer certains produits de fission radioactifs, qui contaminent l’eau du primaire. Le poste de purification comprend 3 séries de déminéraliseurs. L’eau du primaire est prélevée, soit par la ligne de décharge normale, soit par le RRA. Cette eau est filtrée et purifiée avant d’être réintroduite soit par la ligne de charge normale, soit par la bretelle RCV-RRA. Les résines à lits mélangés On profite de l’extraction d’eau à la décharge du RCV pour la filtrer en permanence, ce qui a pour effet de limiter la radioactivité des particules transportées dans l’eau, pour contrôler le pH de l’eau (adjonction d’une base : la lithine 8 , une base pour compenser l’acide borique H3 BO3 ), pour contrôler la saturation de l’eau par de l’hydrogène afin de limiter son pouvoir oxydant (l’hydrogène se recombinant avec l’oxygène libre), et pour déminéraliser les impuretés ioniques de l’eau par passage sur des résines échangeuses d’ions. La filtration/épuration vise à réguler la concentration en bore, à filtrer les insolubles (corrosion, abrasion) et à limiter la teneur en éventuels produits de fission radioactifs. Les résines sont protégées par un tamis de rétention dont la maille est de l’ordre de 100 microns. Ces filtres, dont on surveille le colmatage par mesure de perte de charge, sont montés en amont et en aval des résines échangeuses d’ions. Pour pouvoir faire passer l’eau primaire, préalablement filtrée pour en retirer les particules solides en suspension, dans les résines échangeuses d’ions (volume 2 x 0,93 m3 ) qui ont une action déminéralisante, il faut que la température de celle-ci soit inférieure à 60 ◦ C (température maximale en fonctionnement 62, 5 ◦ C), auquel cas les résines seraient dégradées. Ces résines, en fondant à plus hautes températures, pourraient être transportées dans le circuit primaire où elles se déposeraient anarchiquement à 8 La lithine, à savoir l’hydroxyde de lithium LiOH, est une base alcaline très caustique, qui se présente à sec sous forme de cristaux incolore. Elle est facilement soluble dans l’eau : 128 g/litre à 20 ◦ C et 268 g/litre à 80 ◦ C (monohydrate).

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froid (ceci s’est déjà produit dans certains réacteurs), colmatant les conduites selon un effet « caramel mou » difficile à nettoyer. L’eau filtrée est envoyée soit dans les colonnes de résines, soit directement dans le réservoir RCV si la température de l’eau est trop forte. Ces épurateurs sont constitués par des lits de résines chargées en lithine, préalablement borées à 2 000 ppm, qui peuvent diviser par 10 la concentration en impureté de forme ionique. On parle de « lits mélangés ». Elles vont séquestrer les impuretés et réguler le pH grâce à la lithine qu’elles relâchent. Elles régulent accessoirement aussi la teneur en bore autour de leur teneur d’équilibre. Notons qu’au cours du remplissage du primaire, il faut veiller à ne pas ouvrir les évents des pots de résines tant que l’ensemble du circuit n’a pas été correctement désoxygéné, pour ne pas altérer les résines. Les résines à lits mélangés qui sont chargées pour les essais préliminaires, sont seulement lithiées, de telle sorte qu’elles sont avides de bore, alors que celles qui sont chargées pour le fonctionnement normal sont lithiées et borées de façon à être en équilibre en bore avec de l’eau borée à environ 2 000 ppm. Cela permet qu’elles relâchent du bore dans une eau peu borée. Cette dernière conséquence fait qu’on préfère mettre en service les résines uniquement à partir du moment où on peut suivre la réactivité au réactimètre, pour contrôler cet effet antiréactif des résines en début de vie. La colonne cationique Suite au passage sur lits mélangés, l’eau peut aller vers une colonne cationique, ou bien la bipasser. L’objectif de cette colonne cationique est de maintenir à une valeur faible (< 10 microcurie/cm3 ) l’activité du césium 137 (période 30,15 ans émetteur bêta moins, un produit de fission très soluble dans l’eau), mais aussi de limiter l’accroissement de la teneur en lithium (à 2 ppm), qui est source de tritium radioactif. La colonne retient d’autre part les impuretés sous forme cationique (d’où son nom). Cette colonne est utilisée plus rarement, dans un objectif de diminution de l’activité du primaire. Le débit du lit cationique ne doit pas dépasser 13,6 tonnes/heure (CPY), réglable en salle de commande et, en cas d’anomalie de température, une vanne automatique placée en tête d’épuration bipasse le lit. Fonction déborication Si la concentration en bore est faible dans le primaire, les opérations de dilution par appoint d’eau claire pourraient être longues et le volume d’effluents produits considérable, conduisant à engorger le système TEP. Cette situation apparaît en fin de cycle lorsqu’on est proche de la longueur naturelle de campagne (Lnat) et que la concentration en bore est très faible (quelques dizaines de ppm). On peut alors utiliser une déborication par filtration qui fonctionne à volume constant sans introduction d’eau claire. La déborication (ou déboratation) est donc une opération qui permet de baisser la concentration en bore sans pour autant diluer avec de l’eau claire. Si on veut effectuer une déborication, on va faire passer l’eau borée à traiter sur déminéraliseurs à rétention de bore, l’opérateur aiguille la décharge vers le déminéraliseur en bore situé après les déminéraliseurs d’épuration. Ces déminéraliseurs (×2 pots) sont montés en aval du lit cationique et peuvent être court-circuités. Comme toute dilution, l’effet sur la réactivité doit être suivi avec soin.

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Fonction remplissage du primaire Notons que c’est le circuit RCV qui assure le remplissage du circuit primaire lorsqu’on a fermé le couvercle de cuve (à la concentration en bore en état d’arrêt à froid) 9 . Les pompes RCV puisent leur eau dans la bâche PTR tant que le ballon RCV n’est pas aux conditions normales. On remplit alors le primaire en éventant par les évents du bas vers le haut, à mesure que ceux-ci se trouvent en eau. On essaye toutes les pompes RCV pour vérifier leur disponibilité. Une fois les évents du circuit primaire fermés, on connecte le RCV au RRA pour monter la pression jusqu’à 30 bars via la vanne de détente BP et la décharge RRA, éventuellement sur le nombre d’orifices de détente. On stabilise alors la pression à 30 bars pour vérifier la cohérence avec les valeurs attendues. Cette montée en pression est nécessaire pour pouvoir démarrer les pompes primaires (à partir de 27 bars pour l’intégrité des joints de pompe). Un éventage dynamique s’effectue après la mise en route des pompes primaires pendant quelques secondes sur chacune des pompes. Cet éventage est repris plusieurs fois s’il le faut jusqu’à éventage complet. On établit le niveau régulé du ballon RCV et on met en service les lignes d’appoint dégazé. On établit aussi la pression régulée dans le ballon RCV (essai de la ligne d’appoint gaz à l’azote). On règle la décharge avec tous les orifices de décharge ouverts. Par réchauffage (il suffit de couper la réfrigération RRA/RRI dans la branche RRA), on peut ainsi former le matelas de vapeur dans le pressuriseur qui pourra assurer sa fonction de pressurisation. Cette opération est appelée « formation de la bulle ». On baisse la concentration en oxygène en dégazant le ballon RCV par balayage d’azote puis d’hydrogène (Figure 7.20), et on règle le pH de l’eau. On amène la température du pressuriseur à 234 ◦ C (CPY) pour que la pression de vapeur soit d’au moins 30 bars. Il faut veiller à évacuer le trop-plein d’eau pendant le chauffage par la décharge et surveiller le niveau d’eau dans le pressuriseur dès la création de la bulle (sans bulle, le pressuriseur est plein ou « solide »). L’aspiration des pompes de charge passe sur le ballon RCV. Dès formation de la bulle, le dégazage en oxygène du circuit primaire est accéléré par la décharge du pressuriseur avec aspersion continue. La température de l’eau ne doit pas être montée au-dessus de 120 ◦ C tant que la concentration en oxygène n’est pas dans la gamme requise. Pour ne pas trop chauffer en attendant, on peut réduire le nombre de GMPPs en service (les GMPPs chauffent l’eau du primaire), ou réengager la réfrigération du RRA. Dès que la concentration en oxygène est basse, on peut engager les déminéraliseurs. Circuit d’eau d’étanchéité des pompes primaire Une partie du débit d’eau refoulé par la pompe de charge en service est injectée, après filtration, dans les pompes primaires. Cette injection s’effectue dans la cavité située entre le palier de pompe et le joint n ◦ 1 (voir le chapitre sur les pompes primaires), pour éviter que les joints ne soient au contact avec une eau primaire à 300 ◦ C. Environ 1/3 du débit qui arrive dans la cavité sert à lubrifier le joint n ◦ 1 à une température froide. Le retour de fuite est récupéré dans un collecteur muni d’un filtre et d’un échangeur, et retourne à l’aspiration des pompes de charge. Le reste (2/3) lubrifie le palier de pompe, puis pénètre dans le circuit primaire. Une pompe d’essai, montée en parallèle des pompes de charge, permet de secourir l’injection 9 Le tout premier remplissage du circuit primaire (lorsque celui-ci est totalement vide) est effectué avec l’eau de la piscine réacteur via les pompes d’injection de sécurité.

7. Les principaux circuits

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Fig. 7.20 – Dégazage et mise sous azote du ballon RCV (adapté d’après [Système de contrôle volumétrique et chimique, 1978] p. 44).0

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aux joints n ◦ 1 des pompes primaires lorsque les deux pompes de charge RCV sont hors service, car sinon va se développer une petite brèche primaire, l’eau du primaire s’écoulant par le joint n ◦ 1. Cette pompe d’essai est principalement utilisée pour effectuer l’épreuve hydraulique du CPP, auquel cas son aspiration est basculée sur la bâche PTR. Fonction hydrogénation Il faut constamment un excès d’hydrogène dans l’eau du primaire pour éliminer l’oxygène créé par radiolyse de l’eau, pour favoriser la réaction de production d’eau (recombinaison) : H2 + O → H 2 O De l’hydrogène est injecté par une bouteille haute pression par un détendeur réglé à environ 3 bars. L’hydrogène se dissout dans l’eau d’autant plus que la pression dans le ballon RCV est élevée. Par contre l’hydrogène non dissout doit être chassé du ballon RCV avant toute ouverture au primaire, grâce à un balayage à l’azote (Figure 7.20). L’opération d’hydrogénation se situe après l’éventage dynamique et le traitement à l’hydrazine, et avant la création de la bulle au pressuriseur (donc avant la criticité du réacteur). Pour hydrogéner, il faut que la teneur en oxygène dans le ciel du ballon RCV soit inférieure à 5 % en volume. Si ce n’est pas le cas, il faut impérativement effectuer un balayage à l’azote, pour éviter toute combustion d’hydrogène dans l’oxygène. Le balayage (jusqu’à une teneur inférieure à 3 %) est effectué selon le principe de la Figure 7.20. L’hydrogène se dilue dans l’eau du ballon RCV et sa concentration se stabilise à une valeur d’équilibre selon la température et la pression du ballon. La teneur prescrite est de 40 +/– 10 cm3 TPN. Le dégazage A contrario de l’hydrogénation, le dégazage vise à éliminer l’hydrogène (excédentaire) du circuit primaire en préparation à l’ouverture du celui-ci. L’opération s’exécute en deux temps, selon une logique déjà vue à la Figure 7.20. D’abord une dilution de l’hydrogène par balayage à l’azote du ciel du réservoir RCV, puis dégazage dans le dégazeur TEP. La première phase est réalisée durant les 6 premières heures de refroidissement par remplacement de l’hydrogène par de l’azote neutre en modifiant le niveau du réservoir RCV plusieurs fois. La seconde phase débute lorsque le circuit RRA est en service au-dessous de 32 bars. Le débit de décharge est alors orienté entièrement vers le dégazeur TEP, et l’eau dégazée revient vers le réservoir RCV en aval du clapet anti-retour où elle se sature en azote dans le ciel du réservoir. Cette opération de dégazage se poursuit jusqu’à atteindre une teneur en hydrogène inférieure à 5 cm3 TPN/kg d’eau, inoffensive en cas de contact avec de l’air. L’échangeur-régénérateur À la fin de la montée en température du circuit primaire, l’expansion de l’eau du primaire ne peut plus être absorbée par les orifices de détente pour contrôler le débit de décharge. L’échangeur-régénérateur (Figure 7.21) ne suffit plus pour empêcher la vaporisation de l’eau à la détente HP, car la température amont au détendeur

7. Les principaux circuits

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Fig. 7.21 – Échangeur-régénérateur du RCV (d’après [Système de contrôle volumétrique et chimique, 1978] p. 47). doit être inférieure à 193 ◦ C. C’est pourquoi sur le palier 900 MWe, on soulage l’échangeur-régénérateur d’une partie du débit d’expansion qu’on envoie vers un échangeur de soutirage excédentaire.

7.2.3

Fonctionnement incidentel

Incidents sur la ligne de décharge Nous allons lister ici un certain nombre d’incidents propres au circuit RCV portant spécifiquement sur la ligne de décharge. Si on imagine une fermeture de vanne sur la ligne de décharge, qu’elle soit intempestive (fonctionnement inopportun de la vanne) ou provoquée par un niveau bas du pressuriseur, l’opérateur est alors averti en salle de commande, soit par une alarme très basse température de la ligne (inférieure à 200 ◦ C), soit par un débit de charge trop bas (inférieur à 5,5 m3/h), soit par un débit de décharge trop bas lu sur l’indicateur. S’il s’agit par contre d’une fermeture intempestive de la vanne d’eau de refroidissement de l’échangeur non régénérateur,

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

cela conduit à une alarme de température trop forte en amont du déminéraliseur (> 57 ◦ C) ou une température trop forte en sortie du ballon RCV (> 47 ◦ C). Incidents sur la ligne de charge Sur la ligne de charge, on peut imaginer une fermeture intempestive de la vanne d’isolement en aval de l’échangeur-régénérateur (dans le BR), ou bien de la vanne d’isolement entre la pompe de charge et la traversée de BR (donc dans le BAN). Dans les deux cas, cela conduit à une température trop forte en amont de l’échangeurrégénérateur (> 180 ◦ C) et un débit trop faible de charge (inférieur à 5,5 m3 /h). Si une pompe de charge déclenche, on a une alarme de pression trop basse (< 166 bars), puis une pression de refoulement dans la ligne de charge trop basse (< 149 bars), conduisant à une fermeture automatique des vannes d’isolement des orifices de détente et à un isolement de la ligne de décharge. Dans la situation d’un manque d’étanchéité au niveau de l’axe des pompes primaires (détecté par un différentiel de pression au niveau de la barrière thermique), cela conduit à une fuite d’eau primaire et une remontée vers le joint n ◦ 1 (on rappelle que c’est le RRI qui refroidit la barrière thermique). On dispose alors de 1 h 30 si le RRI est en service avant d’opérer sur la pompe primaire. Un mauvais fonctionnement du régulateur de la fonction « bore » sera détecté par une discordance entre le débit de consigne et le débit mesuré. Des lignages redondants peuvent être activés en manuel en cas de problème sur les tuyauteries de borication (bouchage, blocage de vannes. . . ). De même sur la ligne de dilution. Incidents extérieurs Des événements extérieurs peuvent avoir une influence sur le circuit RCV. C’est le cas d’une petite brèche primaire non compensable (le RCV-CPY peut compenser une fuite primaire de 28 tonnes/heure à 158,7 bars avec une seule pompe de charge). La baisse du niveau d’eau dans le pressuriseur entraîne une augmentation du débit de charge, d’où une baisse de pression de refoulement à la pompe de charge et une alarme correspondante. La mise en œuvre de la deuxième pompe de charge fait baisser le niveau du ballon RCV. Une perte du réseau électrique est sans incidence sur le RCV si les groupes électrogènes de secours sont disponibles. En cas très improbable de non-chute de barres généralisée, le débit des deux pompes d’acide borique par la ligne de borication d’urgence suffit à assurer un arrêt « chimique » du réacteur.

7.2.4

Système de protection du RCV

Le RCV étant un système directement en communication avec le circuit primaire, il faut prendre des précautions d’utilisation. Si le niveau d’eau dans le pressuriseur est très bas, cela signifie qu’il manque de l’eau dans le primaire et on ferme automatiquement la vanne d’isolement du circuit de décharge pour éviter d’empirer le problème. Pour éviter que les résines échangeuses d’ions des déminéraliseurs ne fondent et soient entraînées dans les circuits, on ouvre la vanne de contournement

7. Les principaux circuits

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des déminéraliseurs si la température de l’eau de la décharge est trop élevée. Si le niveau du réservoir RCV est très haut (problème de régulation ou autre), on ouvre la vanne de rejet à la station de traitement des effluents liquides. Si au contraire, le niveau du ballon RCV est très bas, on ouvre la vanne d’admission d’eau borée d’urgence en provenance de la bâche PTR.

7.3

Le circuit d’appoint d’eau et de bore (REA)

[Coppolani et al., 2004] p. 151 Le circuit d’appoint d’eau et de bore (REA), qu’on divise habituellement en « REABore » (Figure 7.22, Figure 7.23) et « REA-Eau » selon la fonction, permet l’approvisionnement du RCV (Figure 7.28) en eau « neuve » borée à un titre en bore spécifié par la conduite à partir des réserves en eau borée à 7 000 ppm d’une part (alarme niveau très bas du réservoir d’eau borée 43 m3 ), d’eau déminéralisée d’autre part (alarme niveau très bas du réservoir d’eau déminéralisée 80 m3 ), au travers d’un mélangeur d’acide borique. Le circuit est composé d’un réservoir de préparation d’acide borique par brassage, de deux réservoirs à toits flottants d’acide borique à 7 000 ppm, et de deux pompes REA qui aspirent l’eau borée (73,4 m3 /h chaque) pour l’envoyer, soit vers le réservoir piscine, soit vers le ballon RCV, soit vers l’appoint normal. Le REA-Bore constitue le deuxième moyen de contrôle de la réactivité avec les barres de contrôle.

Fig. 7.22 – Principe du REA-Bore. Le REA-Eau, qui se greffe après le REA-Bore, permet d’injecter de l’eau déminéralisée et des additifs chimiques (lithine) (Figure 7.24). Enfin, on injecte aussi au démarrage en aval du réservoir tampon RCV à l’aspiration des pompes de charge de

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 7.23 – Lignage du REA-Bore.

Fig. 7.24 – Système d’injection automatique de lithine (CPY, spécifique à Tricastin 2).

l’hydrazine 10 , un puissant réducteur pour diminuer la concentration en oxygène libre (et donc limiter l’oxydation) (Figure 7.25). Le REA-eau a aussi pour fonction d’une part d’équilibrer le joint n ◦ 2 des pompes primaires (Figure 7.26), mais aussi le balayage (rinçage) du joint n ◦ 3 (Figure 7.27). On notera que les réservoirs de stockage du REA ont une capacité suffisante pour augmenter la concentration en bore jusqu’à celle de l’arrêt à froid, mais aussi pour compenser la contraction du primaire entre l’arrêt à chaud et l’arrêt à froid. 10 L’hydrazine, N H , est un liquide incolore parfaitement miscible dans l’eau, habituellement 2 4 utilisé comme agent moussant dans la production de polymères. L’hydrazine est un puissant réducteur (surtout en milieu basique), qui réagit avec l’oxygène pour former du diazote et de l’eau : N2 H4 +O2 => N2 + 2H2 O, une réaction fortement exothermique, qui la fait utiliser comme carburant pour les fusées. L’hydrazine a été synthétisée pour la première fois par le chimiste allemand Theodor Curtius (1857-1928) en 1889.

7. Les principaux circuits

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Fig. 7.25 – Système d’injection des additifs chimiques (CPY).

Fig. 7.26 – Équilibrage du joint n ◦ 2 des pompes primaires par le REA-Eau.

Fig. 7.27 – Rinçage du joint n ◦ 3 des pompes primaires par le REA-Eau.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 7.28 – Connexion REA/RCV. Tricastin 2 dispose spécifiquement d’un système d’injection automatique de lithine.

7.4 7.4.1

Le refroidissement du réacteur à l’arrêt (RRA) Principe

[Tong, 1988] p. 198 Le RRA est le circuit, situé à l’intérieur du BR 11 , qui assure le refroidissement du réacteur (puissance résiduelle) à l’arrêt (Figure 7.29, Figure 7.30). Le RRA permet 11 Si le RRA était hors du BR, il faudrait prendre en compte un risque d’APRP à l’extérieur du BR, justifiant de mettre en œuvre une protection intrinsèque complexe de l’ensemble du circuit RRA (entraînant une augmentation conséquente du timbre du circuit).

7. Les principaux circuits

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Fig. 7.29 – Circuit RRA du palier P4 (adapté de [Centrales Nucléaires EDF de 1 300 MW, 1991] p. 30).

d’atteindre en 20 heures après l’arrêt du réacteur l’arrêt à froid. Lorsque le réacteur est en puissance, la puissance est évacuée par les circuits ARE, ASG ou GCT. Si on veut arrêter le réacteur, la chute des barres fait baisser la puissance et arrête la réaction en chaîne. Le RRA peut être connecté à partir d’une température primaire de 177 ◦ C (350 ◦ F ) et d’une pression de 32 bars pour le palier 900 MWe, soit environ 4 heures après la chute des barres (un capteur de pression fournit l’indication à l’aspiration du RRA). Les capacités du RRA permettent de baisser la température de 177 ◦ C à 60 ◦ C en environ 16 heures avec deux files en marche (en parallèle). Chaque file aspire l’eau dans une branche chaude et la renvoie refroidie dans une branche froide. Si une seule file est disponible, ce délai est augmenté sans menacer la sûreté de la tranche. Chaque file comporte une pompe, un échangeur RRA/RRI, des vannes, tuyauteries et instrumentations. La vitesse de refroidissement du primaire (il ne faut pas aller trop vite pour éviter un choc thermique) est contrôlée en faisant varier le débit passant dans les tubes des échangeurs RRA/RRI, par une vanne réglante située sur la ligne de by-pass de l’échangeur, qui se positionne alors automatiquement de façon à ce que le débit total passant par la pompe RRA soit constant [Éléments de sûreté et de radioprotection des centrales nucléaires de 1 300 mégawatts, 1982] p. 74. Pendant que le RRA est en service, une partie de son débit peut être envoyée vers le RCV aux fins

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 7.30 – Principe du lignage du RRA (CPY).

de purification. Cette décharge s’effectue par la ligne située en sortie des échangeurs RRA/RRI. À l’exception des tuyauteries le reliant au circuit PTR et RCV, le circuit RRA est situé entièrement à l’intérieur de l’enceinte BR, et il est calculé pour résister au séisme majoré de sécurité. Tous ses équipements mécaniques et électriques sont dimensionnés pour résister aux conditions post-accidentelles. Les pompes RRA sont secourues par les groupes électrogènes de secours. La protection du RRA vis-à-vis d’une surpression du primaire est assurée par des vannes d’isolement, soit 2 vannes motorisées et un clapet de décharge à l’aspiration et une vanne motorisée et un clapet de décharge au refoulement, et ce pour chaque voie (2 voies redondantes). Le verrouillage à l’ouverture de ces vannes d’isolement empêche la mise en communication du RRA avec le circuit primaire si la pression primaire est trop élevée (vis-à-vis du dimensionnement en pression du RRA), ou si une des cellules de commande électrique des pompes ISMP (à partir du palier P4) est embrochée, permettant un déclenchement de l’ISMP qui débite à une pression bien supérieure aux 32 bars requis. En cas de problème, des alarmes apparaissent en salle de commande sur demande d’ouverture par l’opérateur lorsque la pression primaire est trop élevée ou lorsqu’une cellule ISMP est embrochée, ou si une des vannes d’isolement n’est pas fermée lorsque la pression primaire est trop élevée. Notons que l’interconnexion du RRA avec le circuit PTR assure le maintien en eau du RRA.

7. Les principaux circuits

875

Le RRA, une fois connecté au primaire, aspire via une tuyauterie d’aspiration connectée sur les branches chaudes de la boucle 2 (CPY). Une fois refroidie, l’eau est réinjectée dans les branches froides des boucles 1 et 3 (Figure 7.30), par l’intermédiaire des lignes d’injection des accumulateurs du RIS (ce qui limite les piquages sur le circuit primaire). Le principe est identique sur le palier P4 à quatre boucles, mais avec une prise d’eau sur deux boucles (1 et 4), et une injection sur les deux autres (2 et 3) (Figure 7.29). Le RRA permet alors un passage à l’état à froid en évacuant le reliquat de puissance résiduelle (environ 16 MWth après 20 heures, et encore 4 MWth après un mois), la puissance des pompes primaires qui continuent à tourner jusqu’à 70 ◦ C, la chaleur emmagasinée dans l’eau et les équipements des circuits RRA et du RCP. La fonction essentielle du RRA est de maintenir la température de l’eau à une température inférieure à 60 ◦ C pour des périodes longues, pendant les phases de chargement/déchargement, ou d’opérations de maintenance pouvant aller à plusieurs mois. Le RRA est donc un système de sauvegarde, sauf dans la conception d’origine du CP0 où les échangeurs EAS sont refroidis directement par l’eau brute (circuit SEB/EAS), ce qui n’est plus le cas des paliers ultérieurs. À titre secondaire, on utilise aussi le circuit RRA pour transférer l’eau de la piscine réacteur qui est refoulée dans la bâche PTR. Il permet aussi un contrôle volumétrique du circuit primaire lorsque les conditions de pression ne permettent pas d’utiliser les vannes de détente haute pression. Cela permet en particulier de réguler la pression primaire lorsque le pressuriseur est plein d’eau (« solide ») quand cette fonction ne peut être réalisée par la régulation de pression du pressuriseur. Le RRA assure aussi la purification de l’eau du primaire grâce à une ligne qui peut être raccordée directement vers les déminéraliseurs à partir de l’aspiration des pompes RRA. En puissance, le circuit RRA est isolé du RCP et du RCV, et le RRI reste ouvert au niveau des échangeurs et des pompes. Seules les vannes RRI d’isolement enceinte sont fermées. Le RRA est alors à la pression de charge de la bâche PTR, soit environ 1,8 bar, du fait de l’ouverture de la liaison RRA-PTR qui permet de laisser le RRA en eau. En fonctionnement normal du RRA, le réacteur est sous-critique et l’eau est monophasique. La température du primaire est comprise entre 70 ◦ C et 90 ◦ C, et la pression à l’aspiration est d’environ 30 bars. Une des quatre pompes primaires (P4) est en service. Une seule voie RRA est en liaison avec le RCV pour assurer la fonction de décharge du RCV. Les deux voies du RRA sont en service indépendant. En France, on a choisi de séparer complètement le RRA du système RIS. Ce choix a été fait pour tous les paliers français. En effet, dans la conception des centrales américaines de type Westinghouse, les échangeurs étaient utilisés pour refroidir l’injection de sécurité en branches froides. En conclusion, seuls les échangeurs EAS, qui sont de toute façon requis, sont utilisables en cas de brèches primaires, dans la mesure où la défaillance totale de l’aspersion redondée est hors dimensionnement et du fait que l’imbrication des circuits RRA et RIS défiabilise l’installation sans gain évident (on dépasse même avec refroidissement par le RRA les caractéristiques des pompes IS en température d’eau).

7.4.2

Secours du RRA

Lorsque la cuve est ouverte, le RRA est le seul système permettant d’évacuer la puissance résiduelle, et sa connexion à la bâche PTR permet de le secourir en cas de

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

défaillance du RRA par la capacité de refroidissement des piscines. Chaque voie du RRA comporte deux liaisons avec le PTR : • une liaison placée en amont des pompes RRA qui autorise l’ouverture des vannes qui permettent d’aspirer grâce aux pompes PTR l’eau en branche chaude et d’utiliser ce potentiel de refroidissement pour évacuer la puissance résiduelle ; • une liaison placée sur la ligne de retour RRA au RCP par l’ouverture de vannes (RRA 111 VP, 112 VP et 210 VP, 211 VP) pour assurer d’une part le retour de l’eau primaire vers les branches froides lorsque le PTR assure le refroidissement en secours du RRA, et d’autre part le transfert et la vidange de l’eau de la piscine réacteur vers le réservoir après l’opération de chargement du cœur. Chaque voie du RRA est protégée contre les surpressions par deux soupapes assistées (étagées 35,5 bars, 38,5 bars, 40,5 bars) montées sur un collecteur en liaison directe avec la ligne d’aspiration de la pompe. Les portions de tuyauteries de liaison RRAPTR isolées entre le système RRA et l’enceinte de confinement, sont protégées contre les effets d’expansion et de fuites aux vannes par des soupapes.

7.4.3

Constitution du RRA

Sur un réacteur 3 boucles, le RRA aspire dans la branche chaude de la boucle 2, via deux pompes installées en parallèle qui envoient l’eau vers deux échangeurs installés eux aussi en parallèle, avant de refouler dans la branche froide des boucles 1 et 3, chaque ligne d’aspiration comportant une ligne directe, une ligne de contournement de l’échangeur et une ligne à débit minimal. Les principaux éléments du circuit RRA (cas du CP2, Figure 7.30, Figure 7.31, Figure 7.32) sont :

Fig. 7.31 – Lignage simplifié du RRA.

7. Les principaux circuits

877

Fig. 7.32 – Schéma complet du RRA des tranches équipées des vannes réglantes RRA 024 VP et RRA 025 VP.

• les motopompes RRA 001 et 002 PO de type centrifuge à axe horizontal et à garniture mécanique et leurs vannes d’isolement. Ces pompes sont de type centrifuge monocellulaire à axe horizontal et à garniture mécanique, offrant un débit minimal de 120 m3 /h et maximal de 1 150 m3 /h. Ces motopompes assurent la circulation de l’eau du primaire à travers un échangeur RRA/RRI qui la refroidit ;

878

La technologie des réacteurs à eau pressurisée • la ligne de débit nul de ces pompes. Cette ligne est montée sur chaque voie entre la sortie de l’échangeur et l’aspiration de la pompe. Elle est destinée à la protection de la pompe contre un débit insuffisant, et elle est toujours ouverte. Elle est équipée d’une vanne manuelle d’isolement qui permet d’isoler une pompe défaillante ; • les échangeurs RRA 001 et 002 RF et leurs vannes d’isolement. Chaque échangeur est dimensionné pour 50 % de la charge thermique maximale. Ils permettent une évacuation de la puissance résiduelle 20 heures après l’arrêt du réacteur dont l’eau est à 60 ◦ C, et assurent un écart de température de 10 ◦ C entre branche chaude et branche froide. Ces échangeurs sont refroidis par de l’eau du circuit RRI à 35 ◦ C ; • une ligne de contournement par échangeur, munie d’une vanne réglante sous la dépendance d’un régulateur de débit qui permet de conserver un débit global de la pompe quasiment constant quel que soit le débit qui traverse l’échangeur. En jouant sur la vanne réglante, on peut effectuer un mélange entre de l’eau qui est refroidie dans l’échangeur et de l’eau qui ne l’est pas, pour obtenir la température finale de l’eau désirée ; • les vannes de réglage RRA 012 et 013 VP ; • les lignes d’aspiration directe et de contournement avec les vannes d’isolement RRA 001 et 021 VP ; • les deux lignes de refoulement avec les vannes d’isolement RRA 014 et 015 VP ; • les soupapes RRA 018 et 015 VP ; • les soupapes de sûreté (31-32 VP, 41-42 VP), qui sont dimensionnées pour laisser passer chacune le débit de deux pompes de charge à la pression de tarage des soupapes. Les pressions sont étagées (35,5 bars, 38,5 bars, 40,5 bars) ; • le piquage à l’amont des pompes vers le système PTR ; • le piquage à l’amont des pompes de la liaison RCV-RRA avec la vanne d’isolement RRA 116 VP.

Deux vannes d’isolement de l’aspiration du RRA, placées en série avec les vannes RRA, permettent d’arrêter le débit de soutirage du primaire par le RRA. Ces vannes se situent chacune sur une ligne d’aspiration reliant la branche chaude de la boucle n ◦ 2 (CPY) aux pompes RRA. Chaque vanne est alimentée par des jeux de barres différents, secourues par des diesels. L’ouverture de ces vannes n’est possible qu’à la pression de connexion du RRA (32 bars). Leur fermeture est manuelle depuis la salle de commande, redondée par une action possible par le panneau de repli. La protection contre les surpressions du RRA est assurée par deux soupapes assistées montées sur un collecteur en liaison directe avec la ligne d’aspiration de la pompe. Par ailleurs, les portions de tuyauteries de liaison entre le RRA et le circuit PTR, qui sont isolées entre le RRA lui-même et l’enceinte de confinement, sont protégées contre les effets d’expansion et de fuites aux vannes des soupapes.

7. Les principaux circuits

7.4.4

879

Liaison du RRA avec le PTR

Chaque voie du circuit RRA comporte deux liaisons avec le circuit PTR : • une liaison placée en amont des pompes RRA qui permet, par l’ouverture de vannes, d’aspirer en branches chaudes des boucles 2 ou 3 au moyen des pompes PTR. Cela permet d’utiliser le refroidissement du PTR pour refroidir le primaire si besoin ; • une liaison placée sur la ligne de retour du RRA au RCP et qui permet, par l’ouverture de vannes, le retour de l’eau du primaire vers les branches froides des boucles 1 et 2 (P4-P’4) quand le PTR assure le refroidissement en secours du RRA, ainsi que le transfert et la vidange de l’eau du primaire de la piscine réacteur vers la bâche PTR après le rechargement du cœur.

7.4.5

Utilisation du RRA lors d’un arrêt à froid

Lors d’un arrêt à froid pour intervention ou rechargement, la température du circuit primaire doit être inférieure à 70 ◦ C. Si on doit intervenir sur les GVs, cette température doit impérativement être inférieure à 60 ◦ C. Le débit des deux pompes RRA ne doit pas dépasser 1 800 m3 /h et 1 350 m3 /h pour une seule pompe (CPY). Si une pompe RRA devient indisponible, on a un délai de repli de 72 heures, si le secours redondant par une liaison RRA-PTR ne peut être rendu opérationnel. Il faut être très prudent lors du redémarrage de la première pompe primaire, si le secondaire est plus chaud que le primaire (dans une situation de redémarrage après un arrêt court par exemple), car l’eau du primaire peut s’échauffer en passant dans les GVs, et le primaire monte alors en température et en pression, pouvant jusqu’à faire ouvrir la soupape de sécurité (RRA 115 VP). Ce transitoire est en fait très rapide si l’opérateur n’en n’est pas conscient.

7.4.6

La plage de travail basse du RRA

Principe Deux opérations sont sur le chemin critique du rechargement du réacteur : l’évacuation du combustible du cœur (on décharge entièrement le réacteur, même les assemblages qui doivent rester en cœur dans le cycle suivant), et la vérification partielle de l’état des tubes des générateurs de vapeur. Pour ce dernier point, il s’agit de rentrer physiquement dans la boîte à eau des GVs par un trou d’homme, pour introduire « l’araignée », le robot qui va effectuer le contrôle par courants de Foucault en insérant une sonde dans le tube à investiguer. Cette opération nécessite bien entendu que la boîte à eau soit vide d’eau, c’est-à-dire que le niveau dans la cuve soit abaissé sans menacer la circulation du RRA. Pour optimiser le planning, EDF a proposé que les opérations de déchargement et de contrôle des GVs puissent être faites en parallèle. Pour cela, on abaisse le niveau de l’eau dans le circuit primaire à la plage de travail basse du RRA (PTB-RRA à 9,08 m pour un 900 MWe) (Figure 7.33). Ce niveau, qui met l’eau à une côte axiale située au-dessus (à environ 80 % du diamètre de la conduite) du milieu de la branche chaude, a été ajusté pour éviter l’apparition d’un vortex qui aspirerait de l’air dans les pompes RRA, les faisant caviter et menaçant le refroidissement du cœur, qui doit bien entendu toujours rester sous l’eau. Notons

880

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 7.33 – Altimétrie du piquage du RRA en PTB-RRA. que si la hauteur d’eau dans la piscine réacteur est supérieure à 10,8 m (soit 1,9 m au-dessus du niveau du plan médian des boucles), il ne peut y avoir de problème de cavitation des pompes. Une fois les boîtes à eau GV vidées de l’eau du primaire et les pompes RIS-BP et RCV en position débrochées 12 (pour éviter un intempestif qui re-remplirait le primaire avec un homme dans la boîte à eau !), un opérateur en tenue de protection « Mururoa » rentre dans la boîte à eau par le trou d’homme GV et place une tape métallique (Photo 7.1) pour obturer la section droite de la branche chaude ou de la branche intermédiaire selon le côté de la boîte à eau où il est rentré. Cette tape est pliable pour pouvoir passer par le trou d’homme et elle est vissée sur un anneau soudé autour des tubulures d’arrivée et de départ de la boîte à eau. L’étanchéité est assurée par un joint en caoutchouc, doublé d’un joint gonflable. On notera que la pression d’eau de l’autre côté est faible en situation de PTB-RRA, à savoir le poids de la colonne d’eau de la piscine BR quand on remonte le niveau d’eau, une fois la tape posée. On peut aisément imaginer le stress occasionné par le fait de pénétrer dans un milieu très confiné et radioactif (du fait des dépôts actifs qui se sédimentent en fond de boîte à eau) dans une tenue hermétique qui rend les manipulations difficiles 13 . La phase PTB-RRA est éminemment sensible dans la mesure où c’est la situation où l’inventaire en eau du primaire est le plus faible. Pour vérifier le niveau d’eau, une 12

Il ne faut pas oublier de rebrocher ces pompes dès que les boîtes à eaux des GVs sont fermées ! Un risque réel réside dans le fait de tomber dans une branche la tête en avant, l’opérateur n’aurait alors pas la possibilité de se retourner vu le diamètre d’une branche et l’encombrement de sa tenue « Mururoa ». Seule l’aide d’une équipe-support pourrait extirper l’opérateur en difficulté. Ceci n’est heureusement jamais arrivé. 13

7. Les principaux circuits

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Photo 7.1 – Tape d’obturation de boîte à eau GV [Hutin, 2016] p. 402.

mesure à ultrasons très précise renseigne la conduite. En situation de PTB-RRA, les deux pompes RRA doivent être en service simultanément avant de commencer la vidange du primaire. L’incident de Prairie Island Le 20 février 1992 sur la tranche 2 de Prairie Island (États-Unis), un REP de type Westinghouse à deux boucles, le réacteur est refroidi par une file de RRA (température de l’eau à 113 ◦ F, 45 ◦ C) et on descend le niveau d’eau dans la cuve pour atteindre la plage de travail basse du RRA 14 en vue de poser les tapes d’isolement GV permettant de travailler en sécurité dans la boîte à eau 15 . À 22 h 10, l’opérateur doit arrêter la pompe RRA pour cause de débit insuffisant, la pompe aspirait du gaz depuis le circuit primaire, et les signaux d’alarme indiquant un bas débit, une hauteur d’eau insuffisante et un courant électrique trop important sur le moteur de la pompe. De fait, le réacteur se trouve démuni de son RRA pendant 21 minutes avant que la situation ne soit rétablie, et la température va monter jusqu’à 221 ◦ F (105 ◦ C) au-dessus du cœur. Aucun crayon ne fut endommagé pendant le transitoire. Cet événement montre que la situation de PTB-RRA laisse le réacteur dans un inventaire en eau très faible, qui le rend très dépendant du système RRA, ce qui laisse un délai très faible à l’opérateur pour agir. L’analyse de l’incident a montré que la cause du mauvais suivi du niveau d’eau venait d’une difficulté de lire visuellement le niveau de l’eau qui est donné par le « tube Tygon », un système de mesure semblable à un manomètre, dont l’indication compense automatiquement la surpression en azote du réservoir du pressuriseur, dans une 14 Le terme PTB-RRA n’est utilisé qu’en France pour préciser la notion un peu imprécise de mid-loop operation utilisée en anglais, dans la mesure où la cote de la PTB-RRA est située plus haut que le milieu de la branche. 15 G.A. Murphy : Selected safety-related events, Nuclear Safety Vol. 33-2, pp. 265-268 (1992).

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 7.34 – Incident de Prairie Island en configuration PTB-RRA (adapté de G.A. Murphy). gamme limitée de pression (Figure 7.34). Hors de cette gamme, ce qui était le cas lors de l’incident, le niveau devait être corrigé par une table de correction donnée dans la procédure. De fait, ce système de mesure n’est ni direct, ni redondant, ce qui est source d’erreur, et dangereux en cas de perte du système, qui dépend entièrement d’un capteur unique de pression. En France, on a abandonné la pressurisation à l’azote et surtout on utilise un système à ultra-sons placé sur une branche pour mesurer précisément le niveau d’eau, ce qui évite des calculs correctifs hasardeux. L’incident de Bugey Le 29 janvier 1994, sur un réacteur 900 MWe de Bugey, le niveau d’eau a été abaissé jusqu’à 8,96 m, soit 12 cm en dessous de la valeur nominale de la PTB-RRA, suite à une confusion dans la procédure E2 utilisée qui mentionnait deux niveaux différents, dont un niveau minimal cœur chargé au plan médian à 8,92 m, mais qui ne concerne pas la PTB-RRA en tant que telle. L’opérateur constate des fluctuations de débits d’eau et d’intensité électrique sur les moteurs des pompes RRA. Il acquitte le voyant rouge indiquant le niveau bas mesuré par ultra-sons, mais qui ne se présente pas sous forme d’une alarme habituelle. Qui plus est, l’alarme de niveau visible était mal réglée à 8,90 m ! L’opérateur réduit le débit de 1 160 m3 /h à 900 m3 /h et pense stabiliser les fluctuations, alors qu’en fait les pompes RRA vont fluctuer pendant 8 heures. En fait,

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7. Les principaux circuits

des battements d’intensité étaient visibles sur l’enregistreur spécial à haute sensibilité mis en place en complément de suivi depuis 1993, mais les enregistrements n’ont pas été bien analysés par l’équipe de quart et l’ingénieur Sûreté Radioprotection. Ce n’est qu’au quart suivant que la situation sera rétablie. Cet événement, bien que sans conséquence radiologique, a été classé 2 sur l’échelle INES du fait des lacunes de conduite et de formation des opérateurs. L’Autorité de sûreté a même interdit le passage en PTB-RRA pour un temps 16 , marquant ainsi sa volonté d’un éclaircissement des procédures de conduite. L’analyse de cet incident a amené EDF à limiter le nombre de passages à la PTB-RRA, revoir la lisibilité des documentations et la formation des équipes de conduite.

7.4.7

Cyclage thermique du RRA

[Hutin, 2016] p. 658 Le 12 mai 1998 à 20 h 00, une fissure de 180 mm (correspondant à une brèche de 0,5 pouce compensable et isolable) intervient sur une tuyauterie en acier inox 304L de la voie A du RRA de Civaux 1 (palier N4), alors que la tranche est en arrêt normal. La tuyauterie concernée est un coude de 273 mm de diamètre et d’une épaisseur de 10 mm, constitué de deux demi-coquilles en acier forgé 304L. Les deux demi-coquilles sont assemblées par des soudures longitudinales, le soudage ayant été fait avec du métal d’apport 308L. La fissure induit une fuite d’eau à 30 ◦ C d’environ 30 m3 /h. Cette situation relève de l’approche par état (procédure ECPR2). Le réacteur, dont c’est le premier cycle, d’où un circuit primaire très peu actif, est à l’arrêt depuis 5 jours et la tranche est en arrêt normal à 27 bars, 180 ◦ C et pressuriseur diphasique. Classé au niveau 2 sur l’échelle INES, les équipes de crise locale et nationale sont gréées à partir du 13 mai (3 h 00) jusqu’au 17 mai (20 h 00), après la mise en configuration pour réparation (2 bars, 55 ◦ C, bulle pressuriseur à 120 ◦ C). Cette fissure a libéré environ 270 m3 (30 m3 /h pendant 9 heures) d’eau primaire, qui a été récoltée par les puisards en partie basse de l’enceinte. Comme le réacteur contient un combustible quasi neuf, l’eau est très peu active. La fuite a été stoppée en isolant la voie A du RRA, et en utilisant la voie B. Il apparaît étonnant qu’un tel incident puisse arriver sur un composant presque neuf. L’analyse du problème a montré que le coude (diamètre 273 mm, épaisseur 10 mm) où est apparue la fissure d’environ 18 cm de long, sur 2,5 mm de large, a été soumis à une fatigue thermique intense résultant d’une zone d’interaction entre liquide froid en provenance de l’échangeur RRA, et liquide chaud bipassant l’échangeur. Cette interaction a créé ce qu’on appelle un faïençage thermique en surface dans un premier temps, faïençage dû à l’écart de température important entre les fluides froid et chaud. Un réseau de fissures dans lequel a pu se développer la fissure traversante, bien que le faïençage ne soit pas seul la cause de cette fissure : il a fallu des conditions thermohydrauliques particulières (instabilité de l’écoulement) pour que la fissure se propage. Une oscillation spatiotemporelle, probablement induite par des variations de débit, se présentant comme une langue d’eau froide puis chaude dans le coude en alternance, est apparue lors d’un fonctionnement en arrêt intermédiaire pendant environ 1 500 heures, provoquant un faïençage en face interne du coude. Le faïençage à lui seul ne peut être à l’origine d’une fissure traversante, il faut lui ajouter une sollicitation thermomécanique pour 16

Lettre DSIN/GRE/SD2.5/n



25/94.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

faire progresser la fissure. Les facteurs aggravants ayant conduit à cette brèche sont identifiés aujourd’hui comme étant : • le tracé inadéquat des tuyauteries du RRA du N4, induisant des sollicitations thermomécaniques ; • une soudure longitudinale du coude RRA, réalisée par une technique dite de « passe racine plasma », dont la grande régularité a conduit à un amorçage simultané sur une longueur très conséquente de 600 mm ; • la conjonction d’une exploitation de la voie A du RRA avec des débits froids importants et défavorables à la tenue mécanique, pendant des durées significativement plus longues que la voie B ; • une configuration de l’état des surfaces à la zone de mélange particulière : en grande partie meulée ou sablée avec des soudures non arasées. On a montré que des surfaces bien polies amélioraient très favorablement les courbes de fatigue. Le nouveau tracé du RRA (Figure 7.35) tient compte de cette information (suppression de soudure grâce à un té allongé, arasage et polissage des soudures restantes, polissage soigné des surfaces).

Fig. 7.35 – Modification de la configuration de té du circuit RRA (avant à gauche, après à droite).

Pour se prémunir d’un risque de surpression à froid, on a volontairement mis la tranche dans un état non standard avec pompe primaire arrêtée, pression à 2 bars, 40 ◦ C et diphasique au pressuriseur. Puis on a déchargé le cœur en appliquant une procédure particulière de déshydrogénation du primaire pour exclure tout risque de déflagration, et d’oxygénation pour maîtriser le pic d’activité et les conséquences radiologiques pendant l’arrêt. La réparation (provisoire) de la voie endommagée a été réalisée très rapidement (avec test hydraulique à 48 bars) pour disposer de deux voies de refroidissement redondantes, dans la mesure où l’état du primaire ne permettait plus d’utiliser un GV. Pour revenir à une situation du primaire homogène, on a relancé momentanément une pompe primaire pour re-pressuriser le primaire à 25 bars, en injectant un matelas d’azote dans le pressuriseur pour limiter le transitoire de pression. Cet événement bien maîtrisé a conduit à d’importantes études pour analyser le phénomène : études numériques modélisant le cyclage thermique de la conduite, et

7. Les principaux circuits

885

études expérimentales sur maquette pour reproduire les conditions particulières de l’écoulement. On a d’autre part placé une instrumentation plus fine sur le coude en question sur la centrale voisine Civaux 2. La conclusion de ces études a été que seule une variation des débits d’entrée était susceptible de produire des sollicitations thermomécaniques significatives. Une modification du circuit au niveau du piquage, dans le but de l’éloigner du coude, a été réalisée sur le circuit RRA, après un programme conséquent d’essais sur maquette, de calculs fins de thermohydraulique et une instrumentation dédiée sur Civaux 2. La plus grande longueur droite du nouveau circuit favorise le mélange. L’incident, qui n’a eu aucune conséquence radiologique, a été néanmoins classé 2 sur l’échelle INES, du fait d’un défaut de conception. Il faut noter que cette configuration défavorable du lignage initial n’existe heureusement pas sur les paliers CP0 (Figure 7.36), CPY (Figure 7.37) et 1 300 MWe (Figure 7.38), car aucune fatigue thermique particulière n’a été constatée sur des coudes déposés de ces paliers.

Fig. 7.36 – Analyse des risques de fatigue thermique sur le RRA du palier CP0. Les travaux sur les coudes RRA ont coûté 1,40 % de taux de disponibilité en 1999, contribuant de façon significative à une disponibilité moyenne décevante de 79,4 % pour la même année. Une des causes étant la difficulté de trouver des soudeurs hautement qualifiés afin de faire face à plusieurs chantiers simultanés. Indépendamment de cet événement rare, les fuites de piquage RRA sont des événements toujours traumatisants dans la mesure où il faut décharger entièrement le cœur, si celui-ci a été rechargé, d’où des pertes de temps sur le chemin critique. Pour éviter tout déboîtage d’un piquage fuitard, on place un étrier de maintien provisoire en attente de réparation (Photo 7.2). Dans le cas de deux fuites non isolables survenues sur deux piquages RRA à Dampierre 4 en octobre 1999, on a pu montrer que ces fuites étaient dues à des fissures traversantes provoquées par de la fatigue vibratoire. La solution provisoire consiste à équiper les piquages identifiés par un collier antivibratoire. La solution définitive consiste en une manchette renforcée ou une vanne légère selon le piquage, solution déployée au cours des années 1990.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 7.37 – Analyse des risques de fatigue thermique sur le RRA des paliers CPY.

Fig. 7.38 – Analyse des risques de fatigue thermique sur le palier P4.

7. Les principaux circuits

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Photo 7.2 – Étrier de maintien d’un piquage de RRA fuitard pour éviter tout déboîtement amplifiant la fuite (Dampierre, Photo issue de [Faburel, 2004] p. 247).

7.5

L’injection de sécurité (RIS)

[Coppolani et al., 2004] p. 167

7.5.1

Principe et généralités

Le circuit d’injection de sécurité (RIS) (Figure 7.39) est le circuit principal de sauvegarde du réacteur, d’où un soin tout particulier à sa conception. Le rôle du RIS est de fournir l’eau de refroidissement borée au cœur en situation incidentelle ou accidentelle. Il doit pouvoir renoyer le cœur en situation d’APRP, injecter rapidement du bore en situation de RTV et compenser des petites fuites primaires si le RCV est inopérant. Il s’agit d’injecter le plus rapidement possible de l’eau fortement borée. Accessoirement, le RIS permet de remplir la piscine réacteur lors des arrêts pour rechargement via les pompes basse pression ISBP faisant transiter l’eau de la bâche PTR vers la piscine réacteur. Le RIS sert aussi à l’épreuve hydrostatique du RCP en faisant monter en pression le RCP grâce à la pompe de remplissage des accumulateurs (pompe volumétrique, 6 m3 /heure, 215 bars).

7.5.2

Constitution du RIS

Le RIS (Figure 7.40) comporte plusieurs systèmes d’injection qui interviennent selon la pression du circuit primaire. Dans une situation à forte pression, l’injection de sécurité haute pression (ISHP du palier CPY) a comme rôle de compenser les fuites accidentelles et d’introduire de l’acide borique dans le circuit primaire au-dessus de 120 bars jusqu’à 155 bars, en pompant l’eau fortement borée (environ 2 500 ppm) depuis la bâche PTR. Le RIS comporte aussi un accumulateur par branche, système passif dont la fonction est

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 7.39 – Localisation des composants du RIS.

Fig. 7.40 – Fonction principale du RIS (CPY).

7. Les principaux circuits

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d’injecter de l’eau borée en dessous de 42 bars. Enfin, un système injection de sécurité basse pression (ISBP à environ 8 bars) permet d’injecter un fort débit d’eau borée quand le circuit primaire a atteint une pression basse (en dessous de 20 bars). Notons qu’à partir du palier 1 300 MWe, une injection moyenne pression (ISMP) remplace l’ISHP. L’ensemble des pompes RIS et des organes nécessitant maintenance est situé dans le BAN, donc à l’extérieur de l’enceinte BR. Le RIS est connecté à chaque boucle primaire par une ligne d’injection HP/BP en branche froide ainsi qu’une ligne de décharge des accumulateurs, et une autre ligne d’injection HP/BP aboutissant à une branche chaude. Notons qu’on peut ainsi alterner l’injection de bore en branche froide, puis en branche chaude alternativement en phase moyen et long terme d’un APRP pour éviter la cristallisation du bore lors de l’évaporation dans le cœur. À partir du P4, on a complètement séparé les fonctions RIS et RCV, puisque c’était initialement les pompes de charge RCV qui officiaient dans l’ISHP du palier CPY. La fonction ISMP est assurée par deux files avec adjonction d’un contournement petit débit sur les collecteurs ISBP et ISMP permettant une injection simultanée, d’un contournement équipé d’une vanne réglante sur les collecteurs ISBP pour permettre le réglage de la pression primaire en cas de petit brèche, d’une ligne de débit nul (ISMP et ISBP) vers les puisards pour éviter le recours à la décharge du RCP en cas de petite brèche, et d’une pompe de gavage sur chaque train d’ISMP (suppression du gavage par l’ISBP).

7.5.3

L’injection de sécurité haute pression (paliers CP0 et CPY)

L’ISHP est une spécificité des paliers CP0 et CPY (Figure 7.41). L’ISHP est efficiente dans les cas de dépressurisation faible, pour compenser les fuites et introduire de l’acide borique. Le RIS-ISHP comporte trois pompes d’injection de sécurité haute pression, qui sont en fait les pompes de charge du circuit RCV, et qui assurent cette fonction. Au minimum, deux pompes doivent être en service et une seule pompe en entretien. Ces pompes aspirent dans la bâche PTR. Les pompes centrifuges RCV ont une pression de refoulement de 170 bars (supérieure à la pression d’ouverture des soupapes du pressuriseur, ce qui n’est pas le cas avec l’ISMP des paliers ultérieurs pour éviter toute perte d’eau utile au cœur), et présentent ainsi l’avantage de pouvoir introduire de l’eau borée même à 155 bars de pression nominale (35 m3 /h à 170 bars et 150 m3 /h à 45 bars). Notons que, dans le cas de la centrale des Ardennes Chooz A, c’est une pompe spéciale dédiée haute pression qui assure l’injection RIS, et non les pompes RCV, d’où une séparation (coûteuse) des fonctions charge et sûreté. Ensuite, deux pompes d’injection basse pression prennent le relais. Tant que la bâche PTR contient de l’eau, toutes ces pompes aspirent dans la bâche PTR. Lorsqu’elle est vide, les pompes basse pression aspirent depuis les puisards du BR où l’eau s’est retrouvée par gravité (en fuyant par la brèche du primaire), les pompes HP aspirent soit depuis la PTR, soit au refoulement des pompes BP, si la PTR est vide. Le réservoir d’injection RIS contient une solution de 3,4 m3 d’acide borique à 21 000 ppm de bore (sous 4 bars à 70 ◦ C), qui est injectée par des pompes centrifuges d’acide borique concentré à 4,5 m3 /h sous 4 bars. Lors d’un APRP de forte section de brèche, la dépressurisation est tellement violente que les pompes RIS-HP sont totalement inefficaces. Elles peuvent donc être arrêtées rapidement. C’est cette constatation qui a vu la disparition de l’ISHP à faible débit sur les paliers ultérieurs. C’est le cas inverse pour un APRP de faible section ou une RTV

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 7.41 – Injection de sécurité haute pression (CPY). Le circuit ISHP dispose de deux alimentations possibles : d’une part la bâche PTR, d’autre part le refoulement des pompes basse pression. Deux collecteurs d’injection permettent de gaver les 3 branches froides pour l’une, ou les 3 branches chaudes pour l’autre. La possibilité d’alterner l’injection en branches froides ou en branches chaudes est intéressante pour éviter des problèmes de cristallisation du bore. L’isolement est assuré sur chaque ligne par un clapet situé dans l’enceinte BR, et sur chaque collecteur par deux vannes motorisées en parallèle situées à l’extérieur de l’enceinte. Le collecteur d’injection en branches froides dispose d’un réservoir contenant une solution d’acide borique très concentrée à 21 000 ppm de bore, appelé familièrement « cartouche de bore » RIB. Ce réservoir est lui-même réchauffé à 70 ◦ C pour éviter la cristallisation du bore, et il comporte un système de brassage par recirculation (par pompe centrifuge de débit nominal 4,5 m3 /h sous 4 bars) pour garantir l’homogénéité de la solution (voir plus loin). Le système RIB est complexe mais peut être valorisé au niveau des études de sûreté, d’où son intérêt. Le choix d’injecter en branche froide s’explique par le fait d’être en amont du cœur par rapport au sens de l’écoulement normal de l’eau du primaire (adapté de [Installations de sauvegarde, 1977] p. 16).

7. Les principaux circuits

891

puisque dans ces situations, ce sont les pompes RIS-BP qui n’ont pas assez de pression de refoulement et qui peuvent être arrêtées. Notons qu’une pompe RIS-HP est toujours en service pour assurer la fonction de charge du RCV. Les pompes RIS-HP (ou RCV) sont des pompes centrifuges en acier inoxydable d’un débit nominal de 35 m3 /heure à 170 bars, avec un débit maximal de 150 m3 /heure à 45 bars.

7.5.4

Les accumulateurs (tous paliers)

Trois (quatre sur les paliers 4 branches) accumulateurs RIS pressurisés à l’azote sont situés dans le BR pour assurer un service le plus immédiat et, dans la mesure où les accumulateurs ne nécessitent pas de maintenance en cours de cycle, ils peuvent décharger passivement leur contenu au-dessous de 42 bars chacun dans la branche froide qui lui correspond (Figure 7.42, Figure 7.43). Les accumulateurs sont de forme cylindrique (40 m3 CPY, 47 m3 P4), pressurisés à l’azote, un gaz incondensable. Un accumulateur contient 26 m3 (CPY) d’eau borée à 2 500 ppm (30 m3 P4). Les accumulateurs ont été historiquement introduits sur les REPs pour renoyer le cœur en situation d’APRP grosse brèche, en attendant l’entrée en service de l’ISBP. Chaque accumulateur est dimensionné pour pouvoir assurer 50 % du débit nécessaire au renoyage du cœur. Le principe de l’accumulateur est qu’il ne peut se vider par un clapet anti-retour que si la pression dans l’accumulateur est supérieure à celle du circuit primaire. L’accumulateur présente l’avantage d’être un système totalement passif. Les accumulateurs sont chargés en eau de la bâche PTR via une pompe hydrostatique volumétrique. Une vanne d’isolement permet d’isoler chaque accumulateur du circuit primaire si l’opérateur ne veut pas que la charge d’azote passe dans le circuit primaire lorsque l’accumulateur est vide d’eau. En effet, l’azote, en tant qu’incondensable,

Fig. 7.42 – Isolement d’un accumulateur.

892

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 7.43 – Système d’injection par les accumulateurs moyenne pression. dégrade les échanges thermiques dans les épingles GVs, où il a tendance à s’accumuler par effet de densité. La bâche PTR est un gros réservoir de 1 600 m3 de remplissage des piscines à 2 500 ppm de bore, dont la température est maintenue entre 7 ◦ C et 40 ◦ C, qui sert de réserve où vont aspirer les pompes RIS. Deux pompes d’acide borique concentré servent à la recirculation en permanence à basse pression de l’acide borique et au remplissage initial du réservoir d’injection de bore. Un réservoir d’acide borique concentré de 550 litres est lui maintenant à température par des résistances chauffantes. Notons que la centrale des Ardennes (Chooz A) ne comportait pas d’accumulateurs.

7.5.5

L’injection de sécurité moyenne pression (palier P4 et ultérieurs)

À partir du palier 1 300 MWe (Figure 7.44), on a abandonné le système d’injection haute pression pour une injection moyenne pression, dans la mesure où, pour de

7. Les principaux circuits

893

Fig. 7.44 – Injection de sécurité ISBP et ISMP du palier P4-P’4 (adapté de[Centrales Nucléaires EDF de 1 300 MW, 1991] p. 31).

nombreux accidents en particulier de dépressurisation rapide, un système haute pression à débit très faible était inefficace. D’autre part, il n’était pas forcément judicieux d’injecter à une pression supérieure à la pression d’ouverture des soupapes de sûreté du pressuriseur. On réduit aussi le risque d’une injection intempestive puisque la pression d’injection (environ 110 bars) est inférieure à la pression nominale de 155 bars. Cette injection moyenne pression est constituée de deux lignes équipées d’une pompe et d’une pompe de gavage (245 m3 /h pour une hauteur de 1 025 m CE) et prenant l’eau dans la bâche PTR. Ces pompes peuvent injecter de l’eau borée pour une pression inférieure à 110 bars. Les pompes ISMP et ISBP de chaque voie se réunissent dans un collecteur commun à sortie unique. L’injection de sécurité en branche chaude est dirigée vers les boucles 1 et 4. L’ISMP et l’ISBP en branche froide injectent par le biais des lignes de décharges piquées en branche froide sur les 4 boucles. L’ISMP et l’ISBP injectent chacune dans un collecteur commun qui se sépare en 4 lignes d’injection séparées. Notons qu’un diaphragme de restriction de débit est présent sur chaque ligne après le refoulement des pompes.

7.5.6

L’injection de sécurité basse pression (tous paliers)

L’injection de sécurité basse pression (Figure 7.45) est mise en œuvre dans le cas de dépressurisation importante du primaire, historiquement l’accident d’APRP grosse brèche. Son objectif est de renoyer durablement le cœur pour éviter la dégradation du combustible et l’oxydation des gaines de combustible. Elle doit pouvoir être activée

894

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 7.45 – L’injection de sécurité basse pression (CP0). Deux collecteurs permettent d’injecter dans les 3 branches chaudes. Chaque ligne est isolable par un clapet et deux vannes motorisées en parallèle sur chaque collecteur. Une liaison est possible avec l’aspiration des pompes RIS HP. Cette liaison est mise en œuvre quand la pression primaire est supérieure à la pression de refoulement des pompes BP et qu’on a atteint le niveau bas de la bâche PTR. L’eau borée provient alors des puisards du BR. pendant un temps très long pour évacuer la puissance résiduelle. L’alimentation en eau borée de l’ISBP est assurée dans un premier temps par la bâche PTR, puis, lorsque celle-ci se vide par une recirculation de l’eau prise dans les puisards situés en partie basse du BR. On parle de phase de recirculation. À l’évidence, toute brèche située dans le BR de toute partie du circuit primaire laissera fuir l’eau dans le BR, eau qui ne manquera pas de se retrouver dans les puisards. Dans les deux phases (avant et après recirculation), ce sont des pompes spécifiques qui refoulent l’eau à une pression d’environ 7 bars. Ces pompes centrifuges, qui sont disposées en parallèle, assurent la fonction d’injection de débit à 100 % chacune (débit nominal 700 m3 /h, débit maximal 910 m3 /h), assurant une redondance totale. Notons le cas particulier de la centrale des Ardennes Chooz A qui utilise une injection basse pression gravitaire à une pression de 20 bars. On voit sur la Figure 7.45 que l’eau de la PTR est injectée par 2 motopompes dans les 3 branches chaudes (CPY) par l’intermédiaire de 2 collecteurs. Chaque ligne est isolable par des clapets et les collecteurs par des vannes motorisées en parallèle. Une liaison est possible vers l’aspiration des pompes haute pression de charge, qui permet le gavage de l’ISHP. Les pompes, qui nécessitent plus d’entretien, sont situées à l’extérieur du BR dans le BAN.

7. Les principaux circuits

7.5.7

895

La cartouche RIB (CPY)

Le palier CPY dispose spécifiquement d’un système d’injection de bore à très forte concentration (un réservoir RIS 004 BA à 21 000 ppm de bore naturel), appelé familièrement « cartouche RIB » (Figure 7.46). Cette protection permet de prendre en compte le cumul d’un accident de refroidissement (RTV, RTE) aggravé d’un blocage de la grappe la plus antiréactive (en conformité avec le critère de défaillance unique). Pour éviter toute cristallisation entre les vannes de ce réservoir, une boucle de recirculation de l’acide borique est en service continu lors du fonctionnement normal. Le système peut être connecté au système d’eau déminéralisée SED, qui sert à remplir initialement le ballon RIS 021 BA qui est connecté à la ligne de recirculation.

Fig. 7.46 – Description de l’injection à forte concentration en bore (cartouche RIB, CPY). Cette cartouche RIB présente l’intérêt d’être valorisable aux niveaux des études de sûreté, d’autant plus que le risque d’accident de dilution par le RIS nécessite le cumul d’une ouverture erronée d’une des vannes RIS 032 à 035 VP (alors qu’on n’est pas censé y toucher lors d’une connexion au circuit SED sur la boucle de recirculation d’acide borique très concentré et que ces vannes sont condamnées administrativement), à laquelle on ajoute une défaillance de la protection anti-dilution (PAD) de la boucle de recirculation qui entraîne un isolement de la ligne sur signal de niveau haut du réservoir d’expansion RIS 021 BA. Même si de l’eau du SED non borée se trouvait

896

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

en amont de la soupape RIS 215 VP qui serait bloquée ouverte (en haut à droite de la Figure 7.46), l’eau claire s’écoulerait préférentiellement vers le circuit des purges et évents RPE qui est non pressurisé. En conclusion, la cartouche RIB est extrêmement robuste à tout problème de dilution intempestive. Sur les paliers ultérieurs, on a remplacé le cartouche RIB par une injection automatique de bore à 7 000 ppm (Fonction de borication automatique ou FBA), moins complexe au niveau de la cristallisation du bore, mais non valorisable au niveau des études de sûreté. La FBA utilise les systèmes RCV et REA-Bore. L’injection de bore est initiée par le signal « très basse température en branche froide » (pour couvrir un accident de RTV). La FBA entraîne la mise en service du RIS, le démarrage des deux pompes REA et l’isolement de l’enceinte (1re phase). Les débits injectés sont de l’ordre de 60 m3 /h environ à 100 bars. C’est l’opérateur qui arrête manuellement la FBA au bout d’une demi-heure. La Figure 7.47 présente le lignage complet du RIS (CPY).

Fig. 7.47 – Lignage complet du RIS.

7.5.8

Engagement du RIS

En situation normale de fonctionnement, les circuits RIS doivent être toujours disponibles en tant que systèmes de sûreté classés. Notons qu’une pompe haute pression de charge est en marche pour assurer le débit d’appoint du RCV de compensation de diverses fuites (fuites aux joints des pompes primaires, purges. . . ), les pompes basse pression sont à l’arrêt, mais le circuit de recirculation du bore est en service permanent, pour éviter tout problème de cristallisation. Différents signaux enclenchent le RIS (Figure 7.48), en particulier la coïncidence d’un bas niveau du pressuriseur et de la

7. Les principaux circuits

897

Fig. 7.48 – Critères d’engagement du RIS.

pression du pressuriseur (sauf au démarrage bien sûr), une pression élevée dans l’enceinte du BR, une discordance de pression entre les différents GVs, la coïncidence d’un fort débit de vapeur avec une pression de vapeur basse et une température moyenne primaire faible. Les automatismes RIS engagent le démarrage de la deuxième pompe HP du RCV, l’isolement de la recirculation du bore, l’ouverture des vannes d’isolement en branche froide pour injecter l’eau fortement borée de la PTR, et la même action en branche chaude avec un retard pour s’assurer que l’injection a bien eu lieu. Côté accumulateurs, c’est la seule pression du primaire qui pilote le relâchement d’eau fortement borée. En ce qui concerne l’injection basse pression, on démarre les deux pompes BP sur débit nul (car la ligne d’injection est normalement fermée). On ouvre les vannes d’isolement des collecteurs d’injection lorsque la pression primaire est inférieure à la pression de refoulement des pompes BP. Bien entendu, le signal d’IS entraîne un AAR avec isolement de l’enceinte par arrêt de la ventilation, déclenchement de la turbine, isolement de l’ARE et passage sur ASG pour les générateurs de vapeur, enfin démarrage des diesels de secours pour suppléer à une éventuelle perte du réseau électrique. Notons que le comportement du primaire est très dépendant du type d’incident/accident en cours. Un APRP grosse brèche fait chuter fortement en quelques dizaines de secondes la pression au-dessous de 20 bars, rendant l’ISHP quasi inefficace (voire totalement), et dont les pompes peuvent être arrêtées très rapidement, pour éviter qu’elles ne cavitent. Ce sont les pompes BP qui assurent le service à partir de 7 bars, il y a alors fermeture du débit nul. Dans le cas d’un APRP petite brèche, c’est l’inverse, puisque la pression primaire peut rester largement au-dessus de la pression de refoulement des pompes BP du fait de l’équilibre du primaire avec le secondaire. On peut alors arrêter les pompes en surveillant le niveau de la bâche PTR et des

898

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

puisards. Il est temps de redémarrer une pompe BP lorsque le niveau d’eau dans les puisards est suffisant. On peut alors redémarrer une pompe basse pression et ouvrir la liaison entre le refoulement des pompes BP et l’aspiration des pompes HP. La situation d’une RTV est identique au cas de l’APRP petite brèche puisque la pression reste élevée. Il faut éviter d’injecter de façon intempestive de l’eau à haute pression dans un circuit « solide » (plein d’eau) pour d’évidentes raisons de tenue mécanique liée au ballonnement du RCP. Cela conduirait à une augmentation du niveau d’eau dans le pressuriseur à partir d’une quinzaine de minutes après le début de l’injection HP. Une injection de sécurité est dite « surabondante » si l’ensemble des situations suivantes est vérifié : • la pression primaire est comprise strictement entre 138 bars relatifs (seuil P11) et 161 bars relatifs (seuil d’ouverture des soupapes de décharge du pressuriseur) ; • la marge à la saturation est telle que : Tsat − TRIC ≥ 40 ◦ C ; • la pression vapeur est équilibrée dans les boucles primaires ; • le niveau pressuriseur est dans la gamme de mesure. Il faut par contre bien entendu éviter d’arrêter volontairement une IS qui s’est déclenchée automatiquement (cas de l’accident de TMI-2), en tout cas sans une bonne raison. À la mise en service de l’injection de sécurité, on isole l’enceinte en première phase, ce qui conduit à isoler le circuit de purge des GVs. Le passage en recirculation est assuré sur l’activation des signaux indiquant que la bâche PTR est en train de se vider (MIN2 et MIN3). On commande alors l’isolement des lignes de débit nul vers le PTR avec, pour le palier 1 300 MWe, l’ouverture des lignes de débit nul vers les puisards (pour ne pas contaminer la bâche PTR à la recirculation), l’ouverture des vannes d’aspiration aux puisards, puis la fermeture des vannes d’aspiration à la bâche PTR. La bascule d’injection en branches chaudes ou branches froides est gérée manuellement.

7.5.9

Fuite du RIS

Le circuit RIS est d’une importance capitale pour la sûreté de la tranche ; c’est pourquoi EDF a pris très au sérieux l’occurrence d’une fuite non isolable sur une tuyauterie RIS en aval du dernier clapet d’isolement avant le circuit primaire (Dampierre 2 en 1992, Dampierre 1 en 1996). Cette fuite est apparue suite à une fissure circonférentielle de faible amplitude en partie basse de la tuyauterie. Ces fuites se sont révélées à évolution lente, permettant un arrêt de la tranche avant aggravation. L’analyse a montré que la cause était liée à de la fatigue thermique créée par un vortex entre une arrivée d’eau froide et l’eau chaude à 300 ◦ C du primaire. Ce risque est appelé risque « Farley-Tihange », car il est apparu pour la première fois sur la tranche américaine de Farley et la tranche belge de Tihange. L’arrivée d’eau froide peut être due à une fuite des vannes d’isolement du RIS vis-à-vis du refoulement du RCV. Rappelons que sur les tranches CPY, RIS et RCV sont intriqués, partageant les pompes HP, contrairement aux paliers ultérieurs où les deux systèmes sont séparés. Un contrôle systématique dit de « point zéro » sur toutes les portions de tuyauteries susceptibles d’être concernées, et le remplacement systématique

899

7. Les principaux circuits

sur indications d’amorçage de fissures, a permis d’éliminer le risque, qui justifie une surveillance constante.

7.6

Le circuit de réfrigération intermédiaire (RRI)

[Coppolani et al., 2004] p. 195

7.6.1

Généralités

Le circuit de réfrigération intermédiaire (RRI) (Figure 7.49, Figure 7.50, Figure 7.51) a pour fonction de séparer physiquement le circuit primaire et son extension en

Fig. 7.49 – RRI du palier CPY.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 7.50 – RRI du palier 1 300 M W e.

situation d’arrêt à savoir le RRA, qui véhiculent tous les deux une petite quantité de matériaux radioactifs (produits d’activation, produits de fission en cas de défauts des gaines combustibles. . . ), de l’eau brute provenant de la source froide. Le RRI, circuit de découplage, fonctionne en boucle fermée véhiculant de l’eau déminéralisée, et assurant une barrière supplémentaire vis-à-vis de la source froide. Le RRI assure l’alimentation en eau de refroidissement déminéralisée de tous les réfrigérants de l’îlot nucléaire, dont les réfrigérants des circuits de sauvegarde (RIS, EAS). L’eau du RRI est elle-même refroidie via des échangeurs par le circuit d’eau brute secourue SEC. Ce refroidissement doit être assuré au démarrage de la tranche, en fonctionnement normal, en arrêt à chaud et en attente à chaud, pour la mise et le maintien en arrêt à froid (dont le rechargement) et en situation accidentelle. Au fil des paliers, le RRI a vu une amélioration de la séparation des fonctions.

901

7. Les principaux circuits

Fig. 7.51 – RRI du palier N4.

7.6.2

Constitution et usages

En respect du critère de défaillance unique, la partie du RRI alimentant les circuits de sauvegarde est composé de deux files indépendantes et pouvant assurer à 100 % chacune la fonction. Chaque file dispose de 2 pompes 100 %, par contre les échangeurs RRI/SEC ne sont pas doublés 100 % car ce sont des composants passifs dont l’indisponibilité fortuite (hors nettoyage programmé) est très peu probable. Dans la pratique, on a choisi une solution intermédiaire avec deux échangeurs 50 % pour faciliter l’entretien en fonctionnement. Le RRI est un circuit basse pression (< 12 bars) et basse température (< 65 ◦ C). On ne craint donc pas de risque de pressurisation

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

ou de vaporisation. Le RRI assure la réfrigération des auxiliaires nucléaires à partir de deux collecteurs banalisés (aller et retour) piqués sur les files de sauvegarde. L’isolement entre les files est assuré par 4 vannes motorisées, une sur chaque aller et chaque retour de chaque file. Ces vannes reçoivent un ordre de fermeture en cas de signal haute pression enceinte. En fonctionnement normal, deux vannes d’une même file sont ouvertes et assure l’alimentation d’un tronçon banalisé, appelé file commune. C’est cette file commune qui alimente tous les auxiliaires utiles au fonctionnement normal en puissance. Les collecteurs alimentant les auxiliaires protégés du séisme sont installés dans des locaux adéquats. Les parties non calculées au séisme sont séparées de celles résistant au séisme par deux vannes automatiques en série, qui se ferment sur niveau très bas de la bâche de la file commune. Le RRI doit pouvoir évacuer la puissance résiduelle même après l’arrêt du réacteur. En situation accidentelle, le RRI a pour fonction de refroidir les échangeurs des systèmes d’aspersion de l’enceinte EAS, les échangeurs de la ventilation de secours des locaux des pompes de charge DVH et les échangeurs de la production d’eau froide des locaux électriques DEL, ainsi que les échangeurs et pompes du circuit RRA. Les matériels réfrigérés peuvent être classés en trois groupes : • le groupe 1 : la réfrigération des matériels de sauvegarde indispensables face à un accident ; • le groupe 2 : les réfrigérants vitaux pour le matériel hors accident de référence ; • le groupe 3 : les réfrigérants utilisés en marche normale. La partie sauvegarde du RRI (groupe 1) est constituée de deux files indépendantes (voie A et voie B), résistantes au séisme et géographiquement séparées. Chaque file peut réfrigérer un échangeur et une pompe EAS, une motopompe d’injection de sécurité HP ou MP selon le palier, et BP, un échangeur et une pompe RRA lors de la mise en arrêt à froid de la tranche. Sur le CPY où l’ensemble RRI est commun à deux tranches jumelles [Centre de production nucléaire du Bugey, 1986] p. 62, chaque file comporte essentiellement deux pompes 6,6 kV de circulation en parallèle de 1 600 m3 /heure sous 50 m CE, pouvant assurer 100 % de la fonction, et débitant vers deux échangeurs eux aussi en parallèle (on parle de demi-échangeur). Ces échangeurs transfèrent la chaleur à l’eau brute de la source froide (SEB ou SEC, débit de 1 800 m3 /heure), refroidissant l’eau du RRI de 49, 3 ◦ C à 35 ◦ C. La température de l’eau du SEC passe, elle, de 21 ◦ C en moyenne à 33, 7 ◦ C. Le RRI refroidit plusieurs circuits : RCV, RRA, EAS, moteurs de pompes primaires, traversée des cloisons des circuits vapeur et eau alimentaire. . . Un réservoir d’expansion (10 m3 ) est situé en parallèle des pompes RRI, collectant au refoulement de ces pompes et renvoyant l’eau en amont des pompes. Ce réservoir permet de compenser les variations de volume et de rajouter des produits inhibiteurs de corrosion (phosphates). Le lignage vers les échangeurs EAS comporte sur chaque file : deux vannes manuelles, une vanne pneumatique et un diaphragme. Le lignage vers les échangeurs DVH comporte sur chaque file deux vannes manuelles et un diaphragme. Le lignage vers les échangeurs RRA comporte sur chaque file 4 vannes manuelles, une vanne motorisée et un clapet. Enfin, le lignage permettant le refroidissement des pompes RRA comporte sur chaque ligne 6 vannes manuelles, une vanne motorisée et un clapet.

7. Les principaux circuits

903

En fonctionnement normal (réacteur en puissance), une file SEC est en service avec une pompe, mais si une baisse de pression est décelée au refoulement de la pompe, on bascule automatiquement sur la pompe de la même file. C’est la perte complète d’une file SEC qui va mettre en service automatiquement la pompe d’une autre voie. En situation accidentelle, une pompe à l’arrêt sur l’autre file que celle en fonctionnement est systématiquement démarrée. En situation accidentelle, dans la situation où l’aspersion enceinte est engagée, on ouvre les vannes pneumatiques qui isolent les échangeurs RRI/EAS. On concentre l’effet du RRI sur les seules files de sauvegarde en fermant les autres utilisateurs banalisés. Si la situation accidentelle fait intervenir le RRA, la mise en configuration des deux files RRA est faite depuis la salle de commande, après ouverture manuelle des vannes de traversée enceinte des lignes alimentant les échangeurs RRA. Les vannes motorisées du lignage RRI doivent être ouvertes sur commande de l’opérateur. Les vannes manuelles du RRI, qui sont normalement fermées après l’arrêt du RRA, doivent être ouvertes lors des opérations de conditionnement du RRA.

7.7

Le circuit d’échantillonnage nucléaire (REN)

Il est prévu de pouvoir prélever des échantillons d’eau et de gaz du circuit primaire pour effectuer des analyses chimiques et radiologiques. Des lignes de petit diamètre sont placées sur des piquages et dirigent les prélèvements vers le local d’échantillonnage. Les temps de transfert permettent un délai suffisant pour laisser décroître significativement l’azote 16 (période 7,13 secondes), produit dans le cœur par activation (n,p) de l’oxygène 16 de l’eau du primaire. La température et la pression sont abaissées pour compatibilité avec les systèmes de mesure. Pour que les échantillons soient significatifs de l’état courant de la chaudière, il faut purger régulièrement les lignes de prélèvement. Ces purges sont envoyées dans le ballon RCV. Des boucles de by-pass prélèvent de l’eau des branches froides et chaudes, respectivement par un by-pass des pompes primaires et des générateurs de vapeur. Chacune de ces deux lignes se regroupe dans une ligne de retour commune connectée à la branche en U (entre le GV et la pompe primaire de la branche concernée).

7.8

Le circuit des purges et évents (RPE)

Le circuit des purges et évents (RPE, Figure 7.52) a pour fonction de récupérer les eaux de purges et les évents du circuit primaire ainsi que de ses circuits auxiliaires (by-pass des systèmes de mesure, RCV, RRA. . . ). Ces effluents peuvent donc contenir de la radioactivité. Le RPE comporte un réservoir d’effluents primaires (RPE 01 BA) et son alimentation en azote. Ce réservoir est alimenté par la vidange du RDP, des fuites des joints 2 et 3 de chaque pompe primaire, de la collecte des fuites du joint de cuve, de l’arrivée du soutirage excédentaire. Le RPE est relié avec les branches en U de chaque boucle, et comporte des pompes de reprise et de recirculation. Une ligne le connecte aux effluents primaires. Une ligne d’effluents résiduaires permet la récupération de la soupape PTR 220 VB. Le RPE est aussi connecté à l’évent du RDP, les réservoirs de mouillage des joints, la ligne des effluents hydrogénés vers le TEG, le réservoir des effluents aérés (liaison évent cuve, évent pressuriseur), le

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 7.52 – Circuit des purges et évents (RPE). puisard RPE 11 PS du BR, les pompes RPE et la ligne des effluents de planchers, le réservoir des drains résiduaires de la bâche RPE 3 BA, le ligne de réinjection des effluents radioactifs dans le BR, le puisard RIS/ISBP (RPE 09 PS) et les pompes associées, le puisard EAS (RPE 08 PS) et les pompes associées, le puisard général du BK (RPE 10 PS) et les pompes associées, les puisards résiduaires et de plancher du BAN. On constate, de par l’étendue de ses connexions, le rôle capital du RPE dans la récupération des fuites de liquides et de gaz. Le taux de fuite d’origine contrôlée est mesuré séparément des fuites non contrôlées et le taux de fuite total collecté peut être suivi en fonction de l’appoint au primaire par le RCV. Des essais périodiques « Mesure du taux de fuite primaire » EP RCP1 permettent d’évaluer les fuites non contrôlées.

7.9

Le circuit vapeur principal (VVP)

[Coppolani et al., 2004] p. 185

7.9.1

Principe

Le circuit vapeur principal (VVP) a pour fonction principale d’envoyer la vapeur produite par les générateurs de vapeur situés dans le BR vers la turbine située dans la salle des machines (SDM) de façon efficace, c’est-à-dire en limitant autant que faire

7. Les principaux circuits

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se peut les pertes thermiques (les lignes vapeur sont calorifugées 17 ainsi que les corps des robinets), et en limitant les risques de brèches. Pour cela, il devra résister à des sollicitations externes ou internes (séisme, missiles, fissures. . . ). Enfin, le VVP doit permettre de fermer le circuit de vapeur de façon rapide en situation de RTV ou de RTGV. Comme tout circuit de vapeur, il faut se protéger contre les surpressions. Le VVP assure l’alimentation en vapeur des turbo-pompes de secours (TPS) pour l’alimentation en eau des GVs (ARE), des auxiliaires de la turbine (sécheurssurchauffeurs), des éjecteurs d’air du condenseur et de l’alimentation en azote des GVs pour leur conditionnement en arrêt à froid, les robinets d’arrêt de la turbine (système GPV), les vannes de contournement de la turbine et de décharge à l’atmosphère (GCT), les turbines d’entraînement des pompes alimentaires principales (APP), la turbine de la turbopompe alimentaire de secours (ASG), l’alimentation des boîtes étanches de la turbine (CET), le dégazage du condenseur (CVI), les éjecteurs de mise sous vide (CVI), le transformateur de vapeur (STR).

7.9.2

Description du VVP

Les lignes principales du VVP partent des dômes GV, juste après les limiteurs de débit composés de plusieurs tuyères. Les tuyauteries qui circulent dans l’espace annulaire et sortent du BR par des traversées étanches, traversent les casemates vapeur, puis se regroupent au barillet vapeur situé dans la SDM. La solution retenue sur le CPY consiste à grouper les sorties vapeur de l’enceinte. Par contre, sur les paliers ultérieurs, on a choisi des sorties « éclatées » radialement pour réduire la longueur des tuyauteries classées sûreté à l’intérieur de l’enceinte, et limiter le nombre de dispositifs spéciaux de butées et d’amortisseurs. Chaque ligne vapeur comporte [Les composants des centrales à eau sous pression, sd] : • des soupapes de sûreté à ressort, réparties en deux groupes de trois soupapes à assistance pneumatique et de quatre soupapes mécaniques sans assistance ; • trois piquages de mesures de pression statique et deux piquages de mesure de débit vapeur. Ces mesures sont utilisées par le système de protection du réacteur (RPR) ; • un piquage de 150 mm de diamètre vers la vanne de décharge à l’atmosphère et son silencieux (GCTa) ; • un robinet d’isolement capable de se fermer en moins de 5 secondes, sur signal d’isolement des lignes vapeur élaboré automatiquement par le système de protection ; • un piquage de 80 mm de diamètre muni d’un robinet de commande pneumatique, normalement ouvert, pour l’alimentation en vapeur de la turbopompe de secours. La fermeture d’un de ces robinets n’est envisagée que pour isoler une ligne de vapeur contaminée en cas de RTGV ; 17 Sur le calorifuge en centrale nucléaire, on consultera avec intérêt le site internet de la société Kaefer Wanner, qui montre quelques réalisations.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée • un piquage de 50 mm de diamètre sur la ligne d’alimentation en vapeur de la turbopompe de secours, pour la mise sous azote des GVs pendant les périodes de conservation humide ou sèche. Ce piquage est muni d’un robinet d’isolement à commande manuelle et d’un fond plein ; • une ligne de bipasse du robinet d’isolement, raccordée sur la ligne d’alimentation de la turbopompe de secours d’une part, et sur la ligne de vapeur d’autre part. Cette ligne est munie d’un robinet à commande pneumatique et est utilisée au démarrage de la chaudière pour le réchauffage des lignes de vapeur et l’équilibrage de pression de part et d’autre du robinet d’isolement ; • un piquage de 50 mm de diamètre en amont du robinet d’isolement pour la purge de la ligne de vapeur pendant les périodes de réchauffage ou d’arrêt à chaud, robinets d’isolement fermés. Chaque ligne de purge est équipée d’un robinet à commande pneumatique et d’un clapet de non-retour. Le rôle de ce clapet est d’empêcher toute communication entre les lignes de vapeur en cas d’accident ; • une ligne d’échantillonnage ; • des supportages composés de supports poids, de dispositifs autobloquants et de butées de blocage, de guides et de points fixes ; • des cadres anti-fouettement et dispositifs écrasables, pour éviter le débattement d’une ligne rompue.

On comprend à la lecture des différents systèmes de protection introduits dans la conception des lignes vapeur que le risque craint est celui d’une rupture de tuyauterie de vapeur (RTV). Cette rupture pourrait avoir lieu à l’intérieur de l’enceinte du BR ou à l’extérieur, en amont ou en aval des vannes d’isolement (Figure 7.53). Selon la situation, on peut isoler 3 ou 4 GVs (paliers à 4 boucles), du fait des communications des lignes de vapeur par le barillet vapeur.

7.9.3

Le supportage des tuyauteries vapeur

[Les composants des centrales à eau sous pression, sd] p. 17 Le risque de fouettement d’une tuyauterie vapeur est très important. C’est le classique comportement d’un tuyau d’eau que le jardinier lâche alors qu’il arrose ses plantes, amplifié du fait de la forte pression. D’où l’importance du supportage des tuyauteries. Pour le dimensionnement des appuis, on prend en compte le risque sismique, les contraintes imposées par les accidents, tout particulièrement l’APRP, et bien sûr la RTV. Le poids est finalement la part des efforts la plus simple à calculer, puisqu’il exerce une force verticale constante et connue. Il faut quand même faire attention aux déplacements verticaux et horizontaux dus à la dilatation thermique qui peuvent modifier les points d’appuis. Différents systèmes sont utilisés pour assurer la tenue des conduites vapeur (Figure 7.56, Figure 7.57). Des dispositifs auto-bloquants (DAB), hydrauliques sont placés sur rotule entre le génie civil et la tuyauterie à protéger (Figure 7.54, Figure 7.55). Ces dispositifs permettent de limiter les déplacements provoqués par les accélérations consécutives d’un séisme, ou bien les vibrations engendrées sur la tuyauterie elle-même (par les variations d’écoulement de vapeur ou les ouvertures-fermetures de soupapes). Les

7. Les principaux circuits

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Fig. 7.53 – Vidange symétrique des GVs par le barillet (palier à 4 boucles). Pour une rupture située au point 1 (sur l’ARE), le premier GV étant non isolable se vide dans l’enceinte du BR. Les autres se vident aussi par le barillet tant qu’ils ne sont pas isolés. La situation est identique sur la ligne vapeur au point 2. De même pour le point 3 sur la « superpipe » sauf que la décharge s’effectue dans la casemate vapeur et que le dimensionnement de la super-pipe exclut cette situation. Pour une rupture au point 4, les 4 GVs se vident jusqu’à isolement des 4 GVs. dispositifs auto-bloquants hydrauliques sont constitués d’un cylindre lié à la structure fixe et d’un piston qui fait office de dash-pot 18 lié à la tuyauterie, ou l’inverse (cylindre sur la tuyauterie et piston sur la structure fixe). Ces dispositifs se bloquent si la vitesse relative entre tuyauterie et structure dépasse 8 mm/s. C’est une surpression dans le dash-pot qui crée le blocage. Les DAB mécaniques sont des systèmes vis sur structure/écrou sur tuyauterie (ou l’inverse), dont le déplacement de l’écrou met en mouvement la vis. Le mouvement de rotation est transmis à un volant d’inertie via un corps déformable. Lorsque les accélérations de l’écrou sont supérieures à 0,3 m/s2 , le volant d’inertie tend à rester immobile, et c’est le corps déformable qui encaisse le déplacement. 18

À la manière des amortisseurs de porte.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 7.54 – Dispositifs auto-bloquants d’une ligne vapeur CP0 (15 DABs) (adapté de

19

).

Fig. 7.55 – Supportage d’une ligne vapeur amélioré (3 DABs + 8 tirants) du CPY (adapté de Houston et Bodinier, op. cit.).

Les dispositifs anti-fouettement (DAF) permettent d’astreindre une conduite à rester approximativement dans l’axe imposé à la conception (Figure 7.56, Figure 7.57). On distingue deux types de DAFs : les cadres anti-fouettement situés dans le BR, et qui ne touchent pas la tuyauterie en fonctionnement normal, mais qui l’encadrent 19 Tony Houston, Robert Bodinier : Optimisation du nombre de dispositifs auto-bloquants sur les tuyauteries, New Nuclear Needs, Framatome-Symposium 3N91, octobre 1991, D28.

7. Les principaux circuits

909

Fig. 7.56 – Supportage d’une ligne vapeur jusqu’à la casemate vapeur.

Fig. 7.57 – Traversée de ligne vapeur vue de la casemate vapeur. et encaissent l’énergie du mouvement par déformation du cadre, et des dispositifs écrasables (sur les paliers postérieurs au P4) qui sont constitués de tubes de 72,8 mm de diamètre emmanchés en force dans des fourreaux soudés à la plaque de base. Ces tubes, qui travaillent en compression, protègent le génie civil d’un éventuel fouettement d’une tuyauterie rompue.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Enfin, on place aussi des points fixes anti-rupture et butées. Lorsque la tuyauterie vapeur passe l’enceinte, elle traverse celle-ci (Figure 7.58) entourée d’un fourreau terminé à une extrémité par un flasque 20 « élastique » avec un soufflet de dilatation, qui encaisse les dilatations différentielles. Le fourreau constitue un point fixe d’encrage qui isole complètement la tuyauterie en deux parties indépendantes, rendant impossible la propagation d’une rupture. Le fourreau est concentrique avec la tuyauterie avec une extrémité encastrée dans la paroi interne (P4), et l’autre extrémité raccordée au tuyau par un flasque constitué d’un disque épais perpendiculaire au tuyau.

Fig. 7.58 – Traversée d’enceinte par une ligne de vapeur. Il existe aussi sur le palier P4 des points fixes anti-rupture pour assurer l’intégrité des vannes d’isolement et de tronçons situés entre les traversées et les butées. Ces points fixes sont constitués de fourreaux fixés au génie civil par une charpente mécano-soudée, reliée à la surface du béton par deux platines ancrées par des tirants précontraints. Enfin, des butées anti-ruptures sont placées sur le palier CPY. Chaque butée est constituée de deux portiques fixés sur un socle commun et entourant la tuyauterie à défendre. Chaque portique contient des butées élémentaires réglables qui « centrent » la tuyauterie en ne lui laissant qu’un jeu de dilatation libre. Les butées sont espacées le long de l’axe de la conduite pour empêcher une flexion de celle-ci.

7.9.4

Les tronçons protégés

[Les composants des centrales à eau sous pression, sd] p. 6 Le tronçon entre la sortie de l’enceinte et la butée située en aval de la vanne d’isolement vapeur pose un problème particulier. Imaginons une brèche intérieure ou extérieure à l’enceinte, dans ce cas les vannes d’isolement VVP, dont c’est justement le rôle, réaliseraient alors sur signal de protection l’isolement des lignes non rompues pour empêcher la vidange de l’ensemble des GVs et limiter l’effet du coup de froid. Mais si on 20 Au féminin, une flasque est une petite bouteille plate contenant en général de l’alcool. Au masculin, un flasque est une pièce métallique fermant un carter ou un capot en plastique.

7. Les principaux circuits

911

imagine une brèche sur le corps de la vanne (ou au ras de la vanne), la vanne ne pourra naturellement plus remplir son rôle d’isolement. Si on applique le critère de défaillance unique (CDU), on est amené à considérer comme aggravant qu’une autre vanne peut défaillir, conduisant éventuellement à 2 GVs non isolables dans la durée. Ce problème a été étudié de près par l’Autorité de sûreté NRC américaine et Westinghouse, et la NRC a autorisé l’introduction de la notion de « tronçon protégé », appelé aussi « super-pipe » en anglais. Sur ce tronçon, qui doit être le plus court possible (entre le point fixe ancré sur l’enceinte interne (P4) jusqu’à l’aval du supportage protégeant la vanne d’isolement VVP), on augmente considérablement les exigences de tenue aux sollicitations (augmentation importante de l’épaisseur de la conduite, environ 35 mm), on minimise le nombre de soudures (aucun piquage par exemple), et le calorifugeage doit être démontable pour inspection de la conduite. Sous ces conditions très restrictives, on peut admettre qu’il ne peut y avoir de rupture sur le tronçon protégé. Un novice pourrait s’imaginer qu’on peut généraliser, par précaution ultime, la notion de tronçon protégé sur l’ensemble des tuyauteries d’un réacteur pour plus de sécurité, mais il faut bien comprendre que les spécifications strictes d’un tronçon protégé sont inapplicables en plomberie classique, par la nécessité des connexions importantes entre les tuyauteries. L’ingénieur doit donc vivre avec le risque de fuite dès qu’une conduite est pleine d’eau ou de vapeur. Après le tronçon protégé, les lignes vapeur (aller vers la turbine) et eau (retour du condenseur) cheminent au-dessus de la toiture du bâtiment électrique (BL) et le long du voile de béton vertical du BL situé en face de la salle des machines.

7.9.5

L’isolement des lignes vapeur

[Les composants des centrales à eau sous pression, sd] Dans le cadre de la notion d’isolement de l’enceinte du réacteur, la réglementation américaine 10 CFR 50 d’origine impose de prévoir une vanne d’isolement à l’intérieur de l’enceinte pour toute traversée d’enceinte. Pourtant, formellement, les tuyauteries vapeur ne traversent pas l’enceinte car elles sont une extension du circuit secondaire protégé par ses soupapes de sûreté. Néanmoins, la réglementation française est plus stricte puisque d’après le décret du 2 août 1926 « Toute chaudière doit pouvoir être isolée de la canalisation vapeur par la fermeture d’un ou plusieurs organes faciles à manœuvrer ». On doit donc garantir le passage et le maintien en état sûr en cas de rupture du VVP sauf sur le tronçon protégé (super-pipe). La volonté d’isoler les lignes vapeur en cas de RTV permet non seulement de pouvoir limiter le coup de froid sur le cœur, mais aussi de pouvoir à terme continuer à utiliser les GVs sains plus tard. Dans la pratique, on peut vouloir, lors des périodes de réchauffage ou de refroidissement, isoler certaines parties du secondaire. L’isolement est réalisé par une vanne unique (par ligne), capable de se fermer très rapidement. Sur le palier CPY et les 4 premières tranches de Paluel, la vanne d’isolement est constituée d’un robinet à soupape (Figure 7.59), dont l’obturateur est un piston équilibré avec un clapet pilote intégré. Le robinet est maintenu ouvert en fonctionnement normal à l’aide d’un vérin pneumatique simple effet. La fermeture s’effectue par des ressorts. Le robinet doit s’ouvrir lorsque la différence de pression est de 2,5 bars. Lorsque le robinet doit se fermer en moins de 5 secondes à partir du signal de

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 7.59 – Robinet d’isolement de ligne VVP (Palier CPY) (adapté de [Les composants des centrales à eau sous pression, sd]). protection RPR, le servomoteur 21 est mis à l’atmosphère et les ressorts du servomoteur permettent la fermeture puisque les pressions de part et d’autre sont sensiblement égales du fait de l’ouverture du clapet pilote. Cette astuce permet de fermer la vanne quelle que soit la pression amont physiquement possible. Les vannes VVP sont testées une fois par mois par un essai de fermeture partielle. Sur le palier P4 et P’4, les robinets d’isolement sont à passage direct, à obturateur double opercule en forme de coin (Rockwell), et à corps en acier moulé (Figure 7.60). Ce type de robinet a été initialement développé pour les réacteurs à eau bouillante, mais trouve son application aussi dans les REPs. La liaison corps-chapeau est de type autoclave, garantissant une très bonne étanchéité, mais dont le démontage est moins aisé qu’une liaison boulonnée. L’opérateur-pilote est constitué d’un vérin hydraulique relié à un accumulateur d’azote comprimé à 200 bars. L’azote pousse sur le piston dont les joints isolent l’accumulateur du fluide hydraulique. La fermeture s’effectue par décompression à vitesse contrôlée du fluide hydraulique par les électrovannes des deux circuits de commande de l’opérateur-pilote. L’azote agit alors comme ressort. 21 Un servomoteur est un moteur électrique dont le mouvement rotatif est transformé en mouvement rectiligne par l’intermédiaire d’un dispositif vis-écrou. La puissance électrique du servomoteur doit être étudiée en fonction de la force de résistance qui s’applique au mouvement rectiligne, au risque de « griller » le moteur électrique.

7. Les principaux circuits

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Fig. 7.60 – Un robinet Rockwell d’isolation de ligne VVP (palier P4-P’4) (adapté de [Les composants des centrales à eau sous pression, sd]). Éliminer un ressort de compression par de l’azote comprimé permet de s’abstenir des problèmes de perte de tension mécanique inévitablement liés à un ressort. En cas de brèche à l’intérieur de l’enceinte (accident de RTV), on assiste à la vidange complète du GV de la boucle défaillante, mais les autres GVs alimentent aussi cette brèche par l’intermédiaire du barillet vapeur d’alimentation de la turbine, en absence d’isolement vapeur. À pleine puissance, c’est la montée rapide de pression dans l’enceinte qui est prépondérante. À puissance faible, c’est le choc froid sur le primaire et son effet en réactivité qui peut éventuellement amener une redivergence. Il faut donc impérativement, dans les deux situations, disposer d’un isolement vapeur efficace dans les deux sens d’écoulement. Si la brèche a lieu à l’extérieur de l’enceinte, en amont ou en aval de la vanne vapeur, il faut protéger la vanne contre les effets mécaniques d’une rupture. La partie amont de la vanne fait partie du tronçon protégé, car toute protection rapportée nuirait à la souplesse de la ligne vapeur (encombrement, rigidité. . . ), du fait que les vannes sont situées au plus près des traversées de l’enceinte. En aval par contre, on dispose d’un supportage de renfort de la vanne d’arrêt vapeur. Ce supportage dit « à barres » reprend les efforts de flexion et de torsion. Un dispositif autobloquant, encré sur l’enceinte externe qui est renforcée localement au regard de

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

la butée, reprend quant à lui les efforts axiaux en cas de rupture en aval du tronçon protégé (Figure 7.61). Le clapet ARE, qui coupe l’eau d’alimentation des GVs, est aussi situé à l’extérieur de l’enceinte. Il dispose d’un dispositif de supportage similaire. Le tronçon entre le clapet ARE et l’enceinte est aussi un tronçon protégé.

Fig. 7.61 – Supportage à « barres » de la vanne VVP et du clapet ARE.

7.9.6

Soupapes de sûreté des générateurs de vapeur

[Coppolani et al., 2004] p. 139, [Les composants des centrales à eau sous pression, sd] Comme leur nom l’indique, les soupapes de sûreté des GVs ont pour rôle de limiter la pression côté vapeur. Cette pression est de 110 % de la pression de calcul. Certaines soupapes sont tarées à une pression plus basse que la pression de calcul pour garantir l’étanchéité en arrêt à chaud au moment où la marge entre la pression de fonctionnement et la pression de tarage est la plus faible. Ces soupapes sont assistées par air comprimé à la fermeture, on parle de premier groupe de soupapes. Les autres soupapes (au-dessus de la pression de calcul) constituent le deuxième groupe de soupapes et elles ne sont pas assistées. Chaque ligne de vapeur comporte 7 soupapes dont deux sont inutiles 22 . Sur les CPY, ces soupapes sont installées sur deux clarinettes, 22 Car imposées par la réglementation de la circulaire du 3 décembre 1926, suite au décret du 2 avril 1926, portant sur les appareils à vapeur, dont dérivent encore les chaudières nucléaires. Pour ce texte, consulter l’Aide-Mémoire de l’Ingénieur, éditions des établissements Jules Cocard, 1928.

7. Les principaux circuits

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alors que sur le palier 1 300 MWe elles sont installées directement sur la tuyauterie vapeur. Les caractéristiques de ces soupapes sont données dans le Tableau 7.1. Tab. 7.1 – Caractéristiques des soupapes de sûreté de générateurs de vapeur. CPY Paluel (tête de série P4) P 4 − P 4 Fabricant Bopp et Reuther Bopp et Reuther Criss (licence Crosby) Pression de calcul (bar 75,8 89,6 89,6 absolu) Débit garanti à cette 335 420,5 426,5 pression (tonnes/heure) Nombre de soupapes à 3 2 2 assistance pneumatique

Fig. 7.62 – Soupape de sûreté de générateur de vapeur de type Bopp-Reuther (CPY + Paluel) (adapté de [Les composants des centrales à eau sous pression, sd]).

Les soupapes Bopp et Reuther (Figure 7.62, Figure 7.63) sont des soupapes à ressort de type rondelles Belleville. Lorsque la pression atteint la pression de tarage, la soupape s’ouvre. Pour une pression inférieure à 103 % de la pression de tarage,

916

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 7.63 – Soupape de sûreté de générateur de vapeur Bopp et Reuther, modèle SiZ 2507 (CPY) (courtesy Bopp et Reuther).

la soupape est complètement ouverte. Les soupapes assistées pneumatiquement comportent un vérin à double effet, comprenant un piston à section différentielle solidaire de la tige. L’air comprimé utile à soulever le piston arrive sous celui-ci, l’air de la charge additionnelle arrive sur le piston. En cas de perte de l’air comprimé, les soupapes se comportent comme des soupapes classiques non assistées. Ces soupapes assistées Bopp et Reuther se sont révélées fiables, sauf pour quelques ouvertures intempestives dont l’analyse a presque toujours mis en cause l’armoire des soupapes assistées. Les principaux déréglages constatés dans les coffrets d’assistance sont dus aux variations de tarage de l’ensemble bourdon-distributeur à membrane sous l’action de l’environnement (comme le gel, saleté au niveau de la buse palette, rupture de tuyauterie en plastique. . . ). Dès que la pression en marche dépasse 45 bars, on peut effectuer un tarage mécanique des soupapes avec une précision satisfaisante. Au plus peut-on citer des défauts de la couche de chrome de certaines douilles de guidage affectant les CP0 et les premiers CP1, problème résolu par l’adoption d’un nouveau procédé de chromage Kanichrome, généralisé depuis. Les soupapes du palier P4 (sauf la tête de série Paluel) et P’4 sont des soupapes Criss (sous licence Crosby) à ressort à boudin et à clapet profilé (type « flexidisc ») (Figure 7.64). Ce clapet dispose de lèvres dont la flexibilité assure l’étanchéité. L’ouverture de ce type de soupape est quasiment instantanée (50 m/s). Dès que la soupape commence à s’ouvrir, la vapeur s’échappe dans une chambre toroïdale entre deux bagues vissées sur la buse et sur l’ensemble porte-clapet, et la pression dans cette chambre monte au-dessus de la pression extérieure, d’autant plus que la section

7. Les principaux circuits

917

Fig. 7.64 – Soupape de sûreté de générateur de vapeur de modèle Criss - Licence Crosby (P4) (adapté de [Les composants des centrales à eau sous pression, sd]).

d’échappement est faible, créant une dynamique très rapide. Pour que la soupape se referme, il faut que la pression chute en dessous de la pression de tarage (environ 94 %), créant une hystérésis. Les vannes de décharge sont munies d’un silencieux. La vapeur pénètre par un piquage dans le module de détente, à savoir un tube percé de très nombreux petits trous. Puis la vapeur s’écoule au contact d’un ensemble de baffles constitués de caissons en tôles perforées contenant un matériau absorbant. La vapeur est ensuite évacuée par le capotage latéral, constitué d’une double paroi contenant du matériau absorbant [Les composants des centrales à eau sous pression, sd] p. 15.

918

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

7.10

Décharge à l’atmosphère (GCTa)

[Les composants des centrales à eau sous pression, sd]

7.10.1

Généralités

Le circuit de contournement turbine par décharge à l’atmosphère (GCTa) a pour fonction d’évacuer la vapeur à l’air libre pour ne pas la faire passer dans la turbine. Le GCTa est composé de 3 lignes de décharge vapeur (CPY) piquées en amont du groupe des soupapes de sûreté des GVs sur la ligne vapeur de chaque GV. Le GCTa a pour rôle d’assurer le refroidissement du circuit primaire par abaissement du point de consigne de pression secondaire, en cas d’indisponibilité du condenseur, et de protéger le circuit secondaire contre les suppressions en évitant ainsi l’ouverture des soupapes de sûreté des GVs, en fonctionnement normal de la tranche, lorsque le point de consigne de ces vannes est réglé à 71,7 bars. Chaque ligne comporte : • une vanne motorisée d’isolement ouverte ; • une vanne réglante pneumatique qui comporte une commande locale permettant l’ouverture ou la fermeture manuelle de la vanne en cas de perte des fluides moteurs. Chaque vanne réglante est sous la dépendance d’une régulation permettant de fixer le seuil d’ouverture de ces vannes entre 8,5 bars et 76,6 bars. La position de ces vannes est fermée en cas de perte des fluides moteurs (que ce soit la tension de commande ou l’air comprimé). Des ballons de secours ont été installés en particulier pour l’application de la procédure de perte totale de source électrique dite H3 ; • un silencieux commun avec les 3 soupapes assistées des GVs. En cas d’accident de petites brèches primaires, il faut refroidir rapidement le primaire jusqu’aux conditions de connexion du RRA (32 bars). Il faut donc disposer d’une pompe ASG alimentant 2 GVs et de 2 vannes du GCTa afin d’évacuer la vapeur à l’atmosphère. En cas de défaillance totale de l’ISHP, on demande un refroidissement maximal par le secondaire (procédure U1), soit –100 ◦ C/heure. Il faut alors ouvrir les deux vannes GCTa et assurer l’alimentation des 2 GVs correspondants par une motopompe ASG. Si aucun refroidissement n’est possible par les GVs, on se place en situation de circuit primaire gavé ouvert, en injectant l’eau par une pompe ISBP en branche froide et en ouvrant au moins deux soupapes de sûreté au pressuriseur, qui constitue l’ouverture du primaire. Le gavage s’effectue en recirculation par les puisards quand la bâche PTR est vide. En cas d’accident de brèches intermédiaires, l’ASG n’est pas requise si l’ISHP fonctionne dans la mesure où la phase vapeur est évacuée à la brèche sous la pression de l’ISHP. Par contre, si l’ISHP est indisponible, il faut procéder à un refroidissement rapide pour faire baisser la pression au-dessous de la pression d’injection des accumulateurs (42 bars), puis la pression de refoulement de l’ISBP (9 bars). On doit alors alimenter les 3 GVs avec 2 motopompes ou la turbo-pompe de secours de l’ASG, et ouvrir en grand les trois vannes de décharge à l’atmosphère. Notons que le débit d’une seule motopompe est insuffisant pour alimenter les 3 GVs.

7. Les principaux circuits

919

En cas d’accident de RTV, la configuration minimale requise est l’alimentation d’un GV sain par une pompe ASG ou turbo-pompe de secours, avec évacuation de la puissance résiduelle au GCTa du GV alimenté. En cas de rupture de tube de générateur de vapeur (RTGV, si l’ISHP fonctionne, on alimente un GV sain et on évacue la puissance résiduelle par le GCTa. Si l’ISHP est indisponible, il faut alimenter 2 GVs sains et évacuer la puissance résiduelle encore au GCTa. De fait, le GCTa, bien que n’étant pas une source froide, permet d’évacuer la puissance résiduelle tant qu’on peut alimenter en eau les GVs, d’où le dimensionnement de la bâche ASG.

7.10.2

Les vannes de décharge à l’atmosphère

Les vannes de décharge à l’atmosphère (Figure 7.65) permettent de régler la pression de vapeur secondaire dans les conditions normales ou incidentelles. Elles ont un débit de 200 tonnes/heure (CPY). L’opérateur-pilote est un vérin pneumatique à

Fig. 7.65 – Vannes de décharge à l’atmosphère (CPY) (adapté de [Les composants des centrales à eau sous pression, sd]).

920

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

membrane. L’ouverture se fait par admission d’air sous la membrane du servomoteur. Un positionneur électropneumatique permet d’asservir la position du clapet en fonction du débit à évacuer. La vanne se ferme si on perd les alimentations électriques. La vanne elle-même est de type à clapet équilibré par clapet-pilote. À l’ouverture, le clapet-pilote équilibre la pression en amont et en aval. Cela permet de contrôler les mouvements du clapet principal facilement avec le servomoteur pneumatique. Des robinets d’isolement des vannes de décharge permettent d’isoler celles-ci en cas de fuite ou de non-fermeture. Ce sont des robinets-vanne à opercule à siège parallèles de manière à limiter la perte de charge et les efforts de manœuvre. Le robinet est commandé par un servomoteur à grande fiabilité, à savoir une technologie complètement différente de la vanne de décharge pour volontairement se prémunir de défaillance de mode commun, le robinet étant le garde-fou de la vanne.

7.11

Le circuit d’alimentation en eau du générateur de vapeur (ARE)

[Les composants des centrales à eau sous pression, sd] p. 19

7.11.1

Principe

Les générateurs de vapeur ayant pour fonction de vaporiser de l’eau, ils doivent être constamment alimentés en eau « froide », qu’on appelle « eau alimentaire ». C’est le rôle du circuit d’alimentation en eau des GVs appelé ARE. L’ARE récupère l’eau du poste d’eau (dont le condenseur est la pièce principale) en quantité suffisante pour nourrir l’ensemble des GVs. En cas de rupture de l’ARE, il faut pouvoir isoler rapidement les GVs. En outre, l’ARE permet d’alimenter dans son lignage final, l’injection d’eau de secours via le circuit ASG, et d’alimenter les GVs en produits réactifs pour limiter la corrosion.

7.11.2

Description de l’ARE

Comme pour les lignes vapeur qui convergent vers un barillet vapeur, les lignes d’eau alimentaires partent d’un barillet unique qui distribue l’eau à tous les GVs. Les lignes arrivent au niveau du tore d’alimentation du GV. Chaque ligne comporte : • 2 robinets réglants montés en parallèle ; • 2 × 2 vannes d’isolement à l’amont et à l’aval des robinets réglants ; • un venturi de mesure de débit (en exploitation), monté en série avec un diaphragme dont la mesure de la perte de charge permet de mesurer le débit en phase d’essais ; • 2 clapets d’isolement, le premier situé à l’intérieur de l’enceinte du BR, le second à l’extérieur ; • un piquage d’injection de réactifs en aval du deuxième clapet d’isolement ; • des piquages traditionnels de purges et évents ; • des supportages poids, antisismiques et anti-fouettement, et des points fixes au droit de la traversée enceinte, matériels déjà rencontrés sur les lignes VVP.

7. Les principaux circuits

921

Les robinets réglants (classiquement appelés aussi vannes réglantes) permettent de maintenir le niveau dans les GVs à la valeur de consigne grâce à une régulation. À faible charge, seule la vanne « petit débit » est ouverte, à forte charge (> 20 % Pnom), les deux vannes sont ouvertes. Ces vannes sont des robinets à soupape et à cage équilibrée, pilotée par un servomoteur pneumatique à membrane et actionné par la pression d’air comprimé. Un ressort de rappel permet de fermer la vanne en cas de perte électrique. L’asservissement de la position du clapet se fait par un positionneur pneumatique, précédé d’un convertisseur électropneumatique. Les clapets anti-retour à battant sont actionnés par la pression de l’eau. Le battant est ouvert en position normale et se ferme dès que la pression en aval devient supérieure à la pression amont, pour s’opposer à un mouvement du fluide en sens inverse de celui désiré. Ces inversions de débit peuvent être provoquées par le déclenchement des turbopompes d’eau alimentaire, voire une rupture de conduite en amont du clapet qui aspire l’eau en sens inverse. Notons que la fermeture rapide d’un clapet anti-retour génère un coup de bélier (pression maximale de l’ordre de 5 fois la pression initiale !), phénomène hydrodynamique classique qu’on rencontre dans les conduites forcées. La solution à ce problème est d’utiliser des clapets amortis. Les vannes d’isolement des vannes réglantes sont identiques aux vannes d’isolement des vannes réglantes de décharge à l’atmosphère déjà vues sur les lignes vapeur. Ce sont des vannes à sièges parallèles motorisées électriquement. Elles sont pilotées par le système de protection du réacteur (RPR) contre les ruptures de tuyauteries d’eau (RTE) ou de RTV. La fermeture rapide des vannes d’isolement permet de limiter la vaporisation produite par les GVs, ce qui limite le coup de froid et ralentit la montée en pression dans l’enceinte si la brèche est située dans le BR.

7.11.3

Le supportage des tuyauteries d’eau alimentaire

Le supportage des tuyauteries d’eau alimentaire (Figure 7.66 et Figure 7.67) comprend les mêmes éléments que les lignes vapeur, sur lesquels nous ne reviendrons pas. Le palier P4 dispose de plus de dispositifs écrasables, constitués de pions en acier inoxydable et de bretelles à barres anti-fouettement, qui sont aussi des dispositifs écrasables qui relient les parties hautes et basses horizontales d’une même tuyauterie pour limiter leur déplacement relatif. En passant du palier CPY au palier P4, on a pu minimiser le trajet des tuyauteries d’eau alimentaire en adoptant des sorties radiales, ce qui diminue le risque de rupture.

7.12

Le circuit d’alimentation de secours des générateurs de vapeur (ASG)

[Coppolani et al., 2004] p. 180, [Installations de sauvegarde, 1977] p. 49

7.12.1

Principe

Le système d’alimentation en eau de secours du GV (ASG) a comme fonction d’amener de l’eau secondaire au GV quand elle ne peut plus être amenée depuis le poste d’eau via le circuit d’alimentation normale ARE. Le système ASG n’est donc pas

922

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 7.66 – Le supportage du circuit ARE (P4).

Fig. 7.67 – Traversée de la double-enceinte d’une ligne d’eau alimentaire. engagé en fonctionnement normal, mais doit toujours être disponible 23 . Par sa fonction, l’ASG refoule de l’eau à une pression allant de la pression atmosphérique à une pression secondaire pouvant atteindre 170 bars en cas de surpression. L’ASG assure 23 Par disponible, on entend un volume minimum utile de 625 m3 (CPY) dans la bâche de stockage ASG, pression d’azote de 1,13 bar, température entre 7 ◦ C et 40 ◦ C, les deux motopompes à l’arrêt de même que la turbopompe, circuit vapeur d’alimentation de la turbopompe conditionné jusqu’aux vannes automatiques de démarrage qui sont fermées, vannes d’isolement pneumatiques VVP ouvertes, ballon séparateur en service évacuant les condensats du purgeur, vanne d’arrêt ouverte soupape réglante (136 VV) d’admission vapeur sous régulateur, soupapes réglantes VD en position 100 % ouverte, poste de dégazage (01 DZ) normalement à l’arrêt (il ne sert que pour renflouer la bâche de stockage), liaisons avec le condenseur avec les deux tranches de la paire normalement isolées.

7. Les principaux circuits

923

aussi des fonctions non liées à la sûreté. L’ASG est utilisée en période de démarrage et de montée en température du circuit primaire, quand le poste d’eau ne le permet pas, en période d’arrêt à chaud ou pour passer en arrêt à froid et accrocher les conditions de mise en service du RRA. L’ASG est aussi utilisée pour remplir les GVs initialement. Le système ASG est principalement constitué : • de deux ensembles de pompage et d’injection identiques, alimentant chacun une paire de GVs (1 300 MWe), chaque ensemble comprenant une motopompe et une turbopompe alimentaires de secours (à ne pas confondre avec les motopompes et turbopompes de l’eau alimentaire du circuit ARE). Les pompes doivent pouvoir fournir le débit requis à la pression du timbre des GVs (89,6 bars absolus pour le P4). Les exigences fonctionnelles sur les pompes ASG imposent un délai maximum de 60 secondes pour l’obtention du plein débit après un dépassement du point de consigne. Ce temps tient compte de la temporisation du diesel (perte électrique) et la mise en route des pompes ; • d’une bâche de stockage d’eau déminéralisée dégazée dans laquelle aspirent les pompes ASG. Les tuyauteries non classées sont naturellement piquées sur la bâche à un niveau supérieur à celui de la réserve d’eau nécessaire au passage en arrêt à froid, car cette fonction de la bâche est vitale. La bâche est protégée tant en surpression qu’en dépression (système de garde d’eau ou système mécanique, voire mixte). La bâche est protégée contre le gel (locaux antigel à partir du palier P4) ; • d’un ensemble de dégazage permettant la réalimentation en eau déminéralisée dégazée retraitant l’eau à ramener dans la bâche, en ramenant les caractéristiques de l’eau 24 dans les limites définies par les STEs. La fonction de dégazage n’est pas secourue, puisque ce n’est pas une fonction de sauvegarde ; • de vannes réglantes sur les lignes d’eau secourue. Les vannes réglantes du palier CPY sont des soupapes réglantes de type égal pourcentage. La fonction de limitation du débit à la brèche est assurée par un diaphragme placé à l’aval de chaque soupape. Les vannes réglantes des paliers ultérieurs sont à détentes multiétages assurant, sur mise en butée au démarrage, la limitation du débit à la brèche et du débit requis vers les GVs sains, en cas de rupture de tuyauterie d’eau alimentaire ou de vapeur. Nous reviendrons plus en détail par la suite sur les caractéristiques des composants de l’ASG. Lorsque les GVs sont alimentés normalement par les turbopompes alimentaires via le poste d’eau, le système ASG est donc en attente, prêt à démarrer. Dans cette situation normale, le niveau d’eau dans la bâche ASG de stockage doit normalement se situer pour assurer un volume utile de 625 m3 (CPY, 1 032 m3 pour le P4), requis par le service attendu de l’ASG, à savoir permettre d’atteindre les conditions de connexion du RRA. Les motopompes ASG et la turbopompe ASG qui puisent l’eau dans la bâche sont à l’arrêt, en attente d’un ordre prescrit par le système de protection RPR du réacteur. Les vannes d’isolement pneumatiques du circuit de vapeur principal VVP 24 Les caractéristiques de l’eau de l’ASG sont : pH compris entre 8,8 et 9,2, chlorure < 0,15 ppm, oxygène dissous < 0,1 ppm, impuretés solides < 0,5 ppm, température comprise entre 7 ◦ C et 40 ◦ C.

924

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

sont normalement ouvertes et le circuit d’alimentation en vapeur de la turbopompe ASG est conditionné en permanence jusqu’aux vannes fermées d’alimentation pneumatiques de la turbopompe ASG. Le ballon séparateur ASG est en service et évacue via son purgeur les condensats correspondants en amont des vannes ASG. La vanne d’admission vapeur de la turbopompe ASG (qui, rappelons-le, est arrêtée), est sous la dépendance de son régulateur Woodward avec une consigne de vitesse présélectionnée à 3 560 tours/min. Enfin, les vannes réglantes d’alimentation des GVs sont ouvertes sous dépendance de leur commande analogique, et les vannes d’isolement ASG des débits nuls des motopompes sont fermées. Telle doit être la situation du circuit ASG avant sa mise en fonctionnement. Le rôle essentiel de l’ASG est d’évacuer la puissance résiduelle après un AAR. Plusieurs situations normales ou incidentelles sont concernées : • au démarrage et pendant la montée en température du primaire si le poste d’eau est indisponible. Pendant cette phase de démarrage, les motopompes ASG servent à maintenir le niveau d’eau dans les GVs au voisinage du niveau de consigne à charge nulle, soit 33 % de la gamme étroite, et à compenser les pertes d’eau secondaire dues aux opérations de démarrage (environ 250 tonnes CPY). Lors de ces opérations, il faut faire attention à ne pas faire fonctionner les pompes ASG en sur-débit avec risque de cavitation. Cette situation se produit en cas d’incident (manque d’air comprimé, manque de tension) ou de fausse manœuvre, ce qui amène les soupapes réglantes en grande ouverture alors que la pression au secondaire des GVs est inférieure à la pression nominale, c’est le cas des motopompes en situation de remplissage des GVs ; • en arrêt à chaud lorsqu’on ne peut plus utiliser l’ARE ; • pour passer en arrêt à froid en descendant en pression pour se connecter au RRA (32 bars), après un AAR ; • en situation accidentelle, comme la perte des alimentations électriques extérieures, la rupture de tuyauterie vapeur, la rupture de tuyauterie d’eau alimentaire, l’accident de perte de réfrigérant primaire. . . • toute situation de perte des systèmes engagés dans l’ARE : perte du CEX, ABP, APP, VHP. . . • les motopompes ASG servent aussi au remplissage des GVs suite à un arrêt à froid, ou un premier remplissage, voire à injecter des réactifs dans l’eau du secondaire. L’eau nécessaire est prélevée dans la bâche ASG dont on ajuste le niveau par la mise en service d’un dégazeur (décrit plus loin), voire même d’une liaison avec les pompes d’extraction d’une tranche voisine si on ne veut pas mettre en service le dégazeur. Comme les GVs dans cette situation offrent une très faible contre-pression, il faut veiller à ne pas faire fonctionner les pompes ASG en surdébit (en jouant sur l’ouverture des soupapes réglantes). Le système ASG est un système à commande centralisée dans la salle de commande, avec possibilité d’action sur le panneau de repli. La mise en route des motopompes ou de la turbopompe est soit automatique sur des critères d’engagement que nous verrons par la suite, soit manuelle sur ordre de la salle de commande. Au démarrage,

7. Les principaux circuits

925

les vannes de réglage s’ouvrent en grand, puis l’opérateur peut adapter le débit en fonction du besoin. Dans la situation où l’alimentation normale (ARE) est indisponible, les GV ne sont plus refroidis et le niveau d’eau côté secondaire va diminuer au risque d’assécher les GVs. Dans le même temps, la production de vapeur s’intensifie au risque d’engorger le condenseur (le niveau va monter dans un délai plus long du fait de la grande capacité du condenseur). L’ASG est dimensionné pour évacuer alors la puissance résiduelle, ce qui sous-entend la chute des barres par AAR. Le risque d’engorgement du condenseur peut être géré en évacuant la vapeur à l’atmosphère (GCTa). Dans une autre situation où c’est le condenseur qui est indisponible (CEX), c’est la pression dans le GV qui augmente et le niveau du condenseur qui diminue (plus lentement). Une augmentation rapide de la pression du GV est dangereuse (si on atteint la pression maximale admissible ou timbre 25 ) et il faut évacuer la vapeur au GCTa. Encore une fois, la mise en route de l’ASG permet d’évacuer la puissance résiduelle par vaporisation dans les GVs, toute la vapeur étant évacuée à l’atmosphère du fait de l’indisponibilité du CEX. On voit dans ces deux exemples que le circuit ASG peut être ouvert si on décharge la vapeur à l’atmosphère, ou fermé si le condenseur est disponible et qu’on envoie la vapeur produite dans le circuit CEX. On notera bien que le circuit ASG n’est pas utilisé en fonctionnement normal. C’est d’ailleurs cette particularité qui fait que la centrale de TMI-2 a pu fonctionner avec un circuit ASG non disponible, initiant la séquence accidentelle lors du passage sur ASG au déclenchement de la turbine, ce qui allait conduire à la destruction du cœur du réacteur suite à des erreurs humaines et des erreurs de conception.

7.12.2

Constitution de l’ASG

Le système ASG (Figure 7.68, Figure 7.70) est constitué de deux ensembles de pompage assurant chacun 100 % de la fonction, et alimentant chacun une paire de GVs (situation 1 300 MWe 26 ). Chaque ensemble comprend une motopompe et une turbopompe (P4), un injecteur d’additifs chimiques, un échangeur et quatre rampes d’aspersion en forme de tore et portant des pulvérisateurs. Une ligne d’essai des pulvérisateurs permet de tester ceux-ci simplement à l’air comprimé. Chaque ligne dispose d’une ligne de contournement des rampes d’aspersion qui permet de continuer à refroidir l’eau des puisards sans aspersion enceinte. Le circuit d’additif chimique comprend un réservoir de stockage, une pompe de brassage et les tuyauteries de liaison jusqu’aux injecteurs. Chaque turbine d’entraînement des pompes est alimentée en vapeur par des tuyauteries piquées en amont des vannes d’isolement vapeur des GVs correspondants. Dans le cas du CPY, on dispose de deux motopompes demi-débit et d’une turbopompe alimentaire de secours TPAS plein débit. Les motopompes sont de type centrifuge à axe horizontal entraînées par un moteur électrique asynchrone (6,6 kV, 315 kW, 1 500 tours/min), et tournent du fait d’un multiplicateur à une vitesse de 3 000 tours/min. Les moteurs d’entraînement des motopompes sont alimentés par des jeux de barres secourus (diesel), la première pompe par le diesel A 25 Le terme timbre provient du fait que l’administration imposait l’apposition sur les appareils à pression d’une plaque comportant la pression maximale admissible, en particulier dans le décret du 9 octobre 1907, de la même manière qu’un timbre administratif sur les documents officiels. 26 Lorsque le circuit primaire est refroidi en thermosiphon, il est nécessaire de refroidir au moins deux GVs sur 4 (2 × 100 m3 /h) ou 3 sur 4 (3 × 50 m3 /h) pour extraire la puissance résiduelle. L’ASG du P4 est dimensionné pour pouvoir extraite 4 117 MWth.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 7.68 – Circuit ASG d’un réacteur 900 M W e (CPY). Le schéma à 3 pompes est reconduit de la conception Westinghouse. L’alimentation de l’ASG en eau brute non dégazée est un cas particulier qui peut survenir en cas de perte prolongée des alimentations électriques extérieures (plus de 2 heures). Dans une telle situation où les pompes primaires ne sont plus alimentées, le refroidissement du primaire s’effectue en thermosiphon et on peut craindre une insuffisance de la réserve d’eau de l’ASG. Si on ne dispose plus du dégazeur ASG et des pompes d’extraction de la tranche et de sa tranche jumelle, on peut utiliser de l’eau brute (douce ! cas des réacteurs sur rivière) en faisant un appoint d’hydrazine pour consommer l’excès d’oxygène dissous. (LHA) et l’autre par le diesel B (LHB). La turbopompe est entraînée par une turbine à action à simple roue tournant au nominal à 3 560 tours/min, soit 585 kW de puissance à l’accouplement, et supportant une pression absolue de vapeur à l’amont des vannes d’arrêt comprise entre 7,6 bars et 83,3 bars (CPY) pour un débit nominal de 160 m3 /heure. Chacune des pompes (moto ou turbo) est de conception identique, et est équipée d’une ligne à débit minimal qui est isolable automatiquement sur critère de débit dans le cas des motopompes, et manuellement dans le cas des turbopompes. Les pompes aspirent de l’eau déminéralisée, dégazée et tamponnée à un pH de 9, dans la bâche ASG dégazée maintenue sous atmosphère d’azote 27 (1,15 bar absolu max pour éviter un ré-oxygénation de l’eau par des entrées d’air, l’azote est délivré par le système RAZ). Sur le palier CPY, le schéma à 3 pompes ASG et barillet double, préconisé par Westinghouse, a été reconduit (Figure 68). Sur les paliers ultérieurs, le schéma des pompes a fait l’objet d’une étude probabiliste de sûreté conduisant à l’adoption de deux trains entièrement séparés comportant chacun une motopompe et une turbopompe débitant dans une paire de GVs (Figure 69). L’eau, aspirée dans la bâche, est refoulée dans les tuyauteries principales d’alimentation ARE en aval du clapet de 27 La présence d’azote dans le ciel de bâche génère un risque particulier en cas d’intervention humaine sur la bâche (l’azote pur étant mortel !).

7. Les principaux circuits

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Fig. 7.69 – ASG des paliers P4, P’4 et N4. Il diffère notablement du palier CPY par le principe de deux files totalement séparées, chacune comportant une motopompe et une turbopompe. Les deux files sont séparées géographiquement, de même que pompe et motopompe d’une file sont aussi séparées l’une de l’autre. La séparation est complète jusqu’aux traversées d’enceinte, hormis la bâche de stockage qui est commune aux deux files. L’isolement des lignes de traversées d’enceinte est assuré sur chaque ligne de secours par un clapet intérieur, redondé par un clapet extérieur, comme sur le palier CPY. Signalons que le clapet extérieur a été supprimé sur le N4. Les soutirages de vapeur sur les lignes VVP alimentant les turbopompes s’effectuent en amont des vannes d’isolement vapeur de façon à pouvoir alimenter les turbopompes en cas d’accident avec isolement vapeur. Ces soutirages sont donc entre l’enceinte et les vannes vapeur. L’alimentation de la turbopompe de chaque voie s’effectue par de la vapeur prélevée sur 2 GVs en amont des vannes d’isolement à une pression maximale de 90 bars. Pompes et moteurs sont refroidis par le fluide pompé et sont donc autonomes en termes de ventilation.

non-retour de ces tuyauteries. Il n’y a donc qu’un piquage d’alimentation en eau côté secondaire des GVs, et non un piquage spécifique ASG. Par contre, le piquage de l’ASG sur l’ARE s’effectue au plus près des GVs, pour éviter un mode commun en cas de rupture d’une tuyauterie ARE, sur les paliers CPY et 1 300 MWe. L’analyse du retour d’expérience a montré que des phénomènes de stratification thermique apparaissent dans le tronçon commun ARE/ASG, ce qui a conduit à séparer complètement pour le palier N4 les deux systèmes jusqu’à l’intérieur du GV. Or, on a constaté, avec de l’instrumentation spécifique, que ce phénomène de stratification était toujours observable aux faibles débits, induisant un facteur d’usage thermique anormalement élevé. On lénifie le problème par des régulations améliorées, une conduite dite « douce » et des vannes réglantes les plus étanches possible. L’aspiration à la bâche des pompes

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 7.70 – Schéma simplifié du lignage de l’ASG (CPY) (adapté de [Installations de sauvegarde, 1977] p. 55). Sur le palier CPY, la turbopompe est alimentée par prélèvement sur les 3 GVs à une pression maximale de 76 bars. ASG d’un même ensemble de pompage (motopompe ou turbopompe) s’effectue par une tuyauterie commune. Chaque pompe refoule l’eau vers chacun des 2 GVs qui lui sont associés et chacune des deux lignes d’injection est équipée d’un organe de réglage de débit assurant aussi le rôle d’orifice limiteur de débit, d’un clapet anti-retour et d’un organe d’isolement manuel. En aval de ces organes d’isolement, les lignes d’injection de la motopompe et de la turbopompe, associées à un GV donné, sont regroupées pour constituer la ligne d’alimentation en eau de secours de ce GV. Sur certaines tranches (Paluel, Flamanville), une liaison, normalement obturée, permet de relier l’aspiration des pompes ASG aux réserves d’eau brute douce du site (système SEI) si nécessaire. La bâche ASG est construite en béton comportant un revêtement métallique interne. Elle est dimensionnée en volume (CPY : maximum 635 m3 ) pour assurer l’extraction de la puissance résiduelle jusqu’à ce qu’on puisse connecter le RRA, ce qui requiert une autonomie d’environ 6 heures, à savoir : le maintien en état d’arrêt à chaud pendant 2 heures (consommant environ 250 tonnes d’eau), puis le passage en état d’arrêt à froid en 4 heures jusqu’à une température de 177 ◦ C et une pression inférieure à 32 bars, conditions de connexion du RRA (consommant environ 375 tonnes d’eau). Cette bâche est placée dans un local antisismique et antimissile, et elle est maintenue hors gel par le rejet de calories du système DVG (ventilations des locaux

7. Les principaux circuits

929

de commande de grappes et pompes ASG). La bâche est protégée de surpression par une soupape de sûreté et des très basses pressions par un casse-vide. L’eau de la bâche est maintenue sous matelas d’azote pour éviter son regazage. L’azote est fourni par le système RAZ au travers d’un détendeur. La pression maximale est réglée par un déverseur pour évacuer les surpressions d’azote. L’alimentation de la bâche ASG s’effectue soit à partir du système de distribution d’eau déminéralisée SER à l’aide d’une pompe, normalement après passage dans le poste de dégazage ou, si nécessaire (en cas d’indisponibilité du poste de dégazage), par by-pass de celui-ci par une vanne. Cette alimentation peut s’effectuer dans certains cas par gravité ; soit à partir du condenseur de la tranche ou de la tranche jumelle par l’intermédiaire des circuits et des pompes CEX. Les opérations d’appoint de la bâche peuvent être commandées à distance ou manuellement, et arrêtées automatiquement sur une alarme de niveau trop haut dans la bâche. La vidange de la bâche s’effectue manuellement vers le circuit SEK. Les pompes ASG puisent dans la bâche ASG. L’eau de la bâche est utilisée pour évacuer la puissance résiduelle par les GVs tout en évitant que les soupapes de décharge du pressuriseur fonctionnent en eau (pressuriseur presque « solide ») et que la plaque tubulaire d’un GV soit asséchée. Une seule motopompe de 80 m3 /h (CPY) suffit à remplir cette fonction. Deux motopompes de 80 m3 /h et une turbopompe de 160 m3 /h permettent de respecter les besoins en respect du critère de défaillance unique (CDU). La turbopompe est alimentée par une fraction du débit de vapeur produite par les GVs, l’autre fraction est évacuée au GCTa à l’atmosphère. Le fonctionnement nominal de la turbopompe correspond à la pression nominale de la vapeur à charge nulle (70,3 bars, CPY) et la pompe entraînée fournit alors son débit nominal de 160 m3 . L’alimentation en vapeur de la turbine est assurée par 3 piquages situés sur chacune des lignes de vapeur principale sortant des GVs et en amont des vannes d’isolement principales (VVP). Un seul de ces piquages est suffisant pour alimenter la turbine et ces lignes sont munies d’une vanne d’isolement pneumatique permettant d’isoler une ligne vapeur contaminée par une fuite primaire/secondaire. Si ce sont les motopompes qui assurent le gavage des GVs, toute la vapeur produite est évacuée au GCTa. Les pompes doivent pouvoir fournir leur débit nominal à la pression maximale à l’ouverture des soupapes de sécurité des GVs (74 bars). Notons qu’une liaison peut être réalisée en ultime secours pour alimenter les pompes à partir des réserves d’eau douce du site. La Figure 7.70 montre le dédoublement des lignes d’alimentation de secours des GVs. Chaque motopompe ou turbopompe dispose de ses propres lignes d’alimentation en eau déminéralisée ou en eau brute, et ses propres lignes de distribution (soupapes réglantes comprises) vers les 3 GVs (CPY). Comme ce circuit est un circuit de secours, qui doit pouvoir fonctionner en situation accidentelle où l’accès au BR est impossible du fait de la radioactivité, les vannes et l’instrumentation sont situées à l’extérieur du BR. Les piquages des tuyauteries d’ASG sont raccordés sur les tuyauteries principales de l’ARE, mais à l’intérieur du BR et au plus proche des GVs. La réserve d’eau déminéralisée (600 m3 , CPY), située dans une bâche antisismique (bâche ASG), assure une autonomie d’environ 5 à 6 heures. Ce délai permet dans les scénarios simples d’atteindre les conditions de connexion au RRA (32 bars) qui assurera la relève. En cas de vidange complète de la bâche ASG, on passe sur de l’eau brute issue de la source froide.

930

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

La quasi-totalité des matériels du système ASG est installée dans le bâtiment combustible BK, au niveau +0,00, pour profiter des aspects antisismiques et antimissiles du BK, à l’exception : • des matériels situés au-delà des traversées d’enceinte (liaisons avec ARE) ; • des robinets d’isolement et des clapets situés sur les lignes d’alimentation vapeur des turbines ASG (liaisons avec VVP). Toutefois la partie située en aval des séparateurs inclus est située dans le BK ; • les silencieux des turbines, installés à l’extérieur du BK ; • les tuyauteries de liaison de l’ASG avec les systèmes APG, CEX, REN, SEI, SEO, SER, SIR, SIT et SVA.

7.12.3

Engagement de l’ASG

La Figure 7.71 précise les conditions d’engagement de l’ASG, en particulier que ce soit via la turbopompe ou les motopompes. Les causes d’engagement de l’ASG sont de deux natures : soit un incident sur le circuit ARE d’origine mécanique (problèmes de tuyauterie ou de vannes) ou électrique (oblitérant le fonctionnement des pompes d’extraction par exemple lors d’un îlotage raté), soit la perte de la réserve d’eau au condenseur par circuit CEX indisponible (perte des pompes de circulation, perte du vide au condenseur. . . ), ou bien le déclenchement de la turbine consécutif à une perte du réseau et l’impossibilité du contournement turbine. L’engagement de l’ASG doit obligatoirement mener à un AAR dans la mesure où l’ASG n’est pas du tout dimensionné pour évacuer la puissance nominale, mais moins d’un dixième de celleci, et l’absence de l’arrêt du réacteur conduirait à une vidange très rapide des GVs uniquement alimentés par l’ASG. Le débit d’ASG a été dimensionné pour pouvoir évacuer la puissance résiduelle (débit d’eau vaporisée Qs), mais aussi pour maintenir le niveau d’eau dans les GVs audessus de l’altitude de l’arrivée d’eau et au niveau du séparateur centrifuge. Ce niveau d’eau permet un fonctionnement efficace du GV qui ne doit pas être asséché en partie haute pour être efficient. D’autre part, un assèchement plus important risquerait de détériorer la plaque tubulaire par choc thermique. Ce débit de sauvegarde du matériel Qm doit être environ du double de Qs, soit un débit minimal d’environ 3 fois Qs. On estime à environ 2 heures le temps d’arrêt à chaud (consommant environ 250 tonnes d’eau), puis 4 heures pour atteindre les conditions de connexion du RRA (32 bars, 177 ◦ C) à une vitesse maximale de 28 ◦ C/heure pour éviter un choc thermique sur la cuve, soit une consommation supplémentaire d’environ 375 tonnes d’eau. On peut augmenter l’autonomie en mettant en service le dégazeur ou par une liaison avec le condenseur de la tranche voisine. Le poste de dégazage est dimensionné pour pouvoir réalimenter la bâche de stockage ASG et conserver la réserve de sécurité pour passer en arrêt à froid. Mais en cas de perte des alimentations électriques externes, le dégazage, commun à une paire de tranches jumelles, est indisponible et c’est le secours par diesel des pompes du poste de dégazage qui permet de réalimenter la bâche ASG en eau déminéralisée. Rappelons que l’intérêt du dégazage est de maintenir une teneur en oxygène dissous dans l’eau du secondaire inférieure à 0,005 ppm, pour limiter les phénomènes d’oxydation du côté secondaire. Le poste de dégazage peut produire

7. Les principaux circuits

931

Fig. 7.71 – Condition d’engagement de l’ASG (sur CPY). On retrouve les incidents résultant de la perte d’eau alimentaire à savoir un niveau très bas dans un ou deux des GVs, détecté en logique 2/4 par les chaînes de niveau GV ; les incidents conduisant à la perte d’ARE à savoir le déclenchement des turbopompes alimentaires principales (TPAs), auquel cas les deux motopompes ASG reçoivent un signal d’enclenchement automatique, ou la perte des alimentations électriques (baisse de tension 6,6 kV des pompes d’extraction ou des pompes primaires), auquel cas turbopompe et motopompes sont engagées ; les incidents provoquant l’isolement de l’ARE à savoir un niveau très haut dans au moins un des GVs, détecté en 2/4 par les chaînes, auquel cas l’automatisme de protection réacteur provoque la fermeture des soupapes et vannes motorisées des lignes d’ARE, puis l’enclenchement des motopompes ASG, ou l’injection de sécurité puisque le signal d’IS provoque l’enclenchement des turbopompes alimentaires et la fermeture des soupapes et vannes d’isolement, puis l’enclenchement des motopompes ASG. Notons que la réserve d’eau de la bâche ASG doit pouvoir assurer le refroidissement du réacteur pendant environ 6 heures, utiles au passage en arrêt à froid. Notons aussi que l’ASG peut être directement démarré par le contrôle-commande en manuel (2 motopompes) ou le panneau de repli.

60 m3 /heure à 40 ◦ C en consommant environ 4 tonnes/heure de vapeur à 4 bars et à 160 ◦ C. L’eau déminéralisée à dégazer entre dans un échangeur à une température entre 7 ◦ C et 20 ◦ C, et elle en sort à une température de l’ordre de 75 ◦ C pour être pulvérisée dans une colonne de dégazage. La pression dans le dégazeur est maintenue constante à 1,2 bar par la régulation du débit de vapeur de réchauffage. Un débit d’évacuation des incondensables est maintenu à 60 kg/h par un orifice diaphragme. L’eau dégazée à 105 ◦ C est reprise par une pompe et refoulée vers un échangeur qui la refroidit à moins de 50 ◦ C. Le débit d’eau dégazée est de 60 tonnes/h. Les calories de réchauffage de l’eau à dégazer sont fournies par la vapeur auxiliaire SVA qui se condense dans un faisceau de tubes noyés dans la partie inférieure de la colonne de dégazage.

932

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

L’ASG est un système qui ne s’engage qu’en condition accidentelle, à savoir tous les incidents conduisant à une perte de l’ARE. L’énergie évacuée des GVs sous forme de vapeur est évacuée soit par contournement de la turbine au condenseur si celui-ci est disponible, soit par décharge de vapeur à l’atmosphère. Le démarrage de l’ASG est motivé par la détection d’un niveau très bas dans un des GVs, détecté en logique 2/4 par les chaînes de mesure de niveau : la protection du réacteur agit pour fermer les soupapes et les vannes motorisées des lignes d’ARE. Dans cette situation, les deux motopompes suffisent dès que le signal de fermeture de l’ARE est acquis. Si deux GVs sont affectés, on doit aussi lancer la turbopompe. L’ASG s’engage aussi dans le cas de la perte des turbopompes alimentaires principales de l’ARE, ou bien dans le cas de la perte des alimentations électriques (baisse de tension sur les tableaux 6,6 kV des pompes d’extraction ou des pompes primaires). Le signal d’injection de sécurité provoque aussi le déclenchement de l’ARE (fermeture des soupapes et vannes d’isolement), et le démarrage des motopompes ASG. Celles-ci ne sont arrêtées que sur commande manuelle depuis la salle de commande.

7.12.4

Fonction de sûreté de l’ASG

L’ASG, par sa fonction de circuit de sauvegarde, est classé important pour la sûreté, ce qui se traduit par une sécurité de l’alimentation accrue et de son fonctionnement. On a donc prévu un dédoublement complet (voie A et voie B) des organes moteurs, de leur source d’alimentation en énergie et de leur contrôle-commande. Tant que de la vapeur est fournie par les GVs, la turbopompe peut assurer à elle seule le service de refroidissement des trois GVs (CPY), et deux motopompes 50 % sont redondantes. Lorsqu’il n’y a plus de vapeur disponible, une seule motopompe peut assurer le service, puisque la puissance résiduelle à évacuer a logiquement diminué. L’alimentation en eau est assurée par un dédoublement des lignes sur la plus grande partie du parcours, les lignes ASG étant raccordées aux lignes ARE très près des GVs. Pour pouvoir fonctionner après un accident, les vannes et l’instrumentation sont situées en dehors du BR en zone accessible. La source d’eau de l’ASG a aussi plusieurs origines possibles : la bâche ASG d’eau déminéralisée désaérée, l’eau déminéralisée désaérée d’appoint du poste de dégazage, l’eau déminéralisée issue des postes d’eau (CEX) de la tranche ou de sa jumelle, et l’eau déminéralisée des réserves SER par les pompes du poste de dégazage. Il y a même possibilité d’usage d’eau brute pour les sites en eau douce. Une indisponibilité de l’ASG entraîne un repli sous 24 heures. Les matériels ASG sont aptes à tenir aux séismes 28 et les composants du système ASG sont tous situés au-dessus du niveau 0 vis-à-vis du risque d’inondation (protection contre la crue millénaire). Le risque incendie présente une acuité plus forte dans le cas des turbopompes que des motopompes, car elles contiennent plus d’huile (environ 500 litres au lieu de 180 litres) et que la température de la vapeur dépasse celle de l’inflammation de l’huile (environ 200 ◦ C), d’où des mesures particulières (porte coupe-feu, aspersion du groupe par vanne consignée fermée pour éviter les intempestifs). 28

Conformément au Regulatory Guide 1.48 de l’AEC dans le cadre de la licence Westinghouse.

7. Les principaux circuits

7.13

933

Le circuit d’aspersion de l’enceinte (EAS)

[Coppolani et al., 2004] p. 182, p. 274 ; [Installations de sauvegarde, 1977] p. 31

7.13.1

Principe

La fonction du circuit d’aspersion de l’enceinte (EAS) est relative au contrôle de la pression à l’intérieur du bâtiment réacteur. En cas d’accident d’APRP interne au BR, l’eau liquide à 155 bars est vaporisée instantanément à la brèche par le différentiel de pression. On parle du phénomène de « flashing ». Cette vaporisation concourt à l’augmentation rapide de pression, qui peut être limitée par l’aspersion d’eau froide issue de la bâche PTR. L’eau borée est injectée par deux rampes d’aspersion circulaires accrochées en partie haute du BR, via des buses d’aspersion. Ces buses permettent de maximiser le volume d’enceinte aspergé en rendant maximale la hauteur de chute et par l’orientation des jets. Ces buses assurent une pulvérisation aussi homogène que possible. L’eau froide pulvérisée permet la condensation de la vapeur chaude grâce à l’amélioration des échanges thermiques (la surface de contact entre l’eau liquide et la vapeur dans l’enceinte est augmentée), et les condensats sont récoltés par les puisards en partie basse puis réinjectés dans le système. En plus de l’action de condensation, la pluie fine dans l’enceinte rabat les produits de fission vers les puisards, ce qui est particulièrement efficace sur les aérosols. L’aspersion provoque un refroidissement de l’air, donc une baisse de la pression totale approximativement selon la loi des gaz parfaits et une condensation de la vapeur, donc une diminution de sa pression partielle. Le système EAS (Figure 7.72, Figure 7.73), système de sauvegarde classé sismique à alimentation électrique secourue, est composé de deux files redondantes à 100 % 29 , comportant chacune une pompe (et sa ligne de test, 450 kW par pompe, 1 500 tours/minute), un éjecteur (36 t/h à 29 bars max) et un échangeur refroidi par le RRI. La pompe peut être alimentée soit par une ligne d’aspiration dans le réservoir PTR 30 (850 m3 /h par pompe CPY), soit par une ligne d’aspiration dans les puisards de l’enceinte du BR (1 015 m3 /h en recirculation). Il est mis en route automatiquement sur signal haute pression dans l’enceinte (> 2,6 bars), ou alors sur commande de l’opérateur. L’EAS est dimensionné pour que la pression dans l’enceinte n’atteigne pas la pression de calcul relative à l’accident de référence (4,8 bar absolu pour le CPY), avec, comme objectif complémentaire, de ramener la température dans le BR à 60 ◦ C après un délai d’une heure suite à l’ouverture de la brèche. Dans une première phase, les pompes aspirent dans le même réservoir PTR que les pompes d’injection de sécurité avec un débit minimum de 850 m3 /h (par pompe, CPY). Puis, dans un deuxième temps au bout d’environ 25 minutes, l’aspiration passe sur les puisards de l’enceinte, sur signal bas niveau du réservoir PTR. Cette opération est appelée « passage en recirculation ». L’échangeur avec le RRI est alors mis en service. Le passage en recirculation est inévitable dès que la bâche PTR est pratiquement vide. D’où l’importance du bon fonctionnement des pompes (il faut en 29 Certaines tranches dans le monde (mais pas en France) utilisent un système combiné aspersion + ventilation ou condenseur à glace. L’aspersion comporte en général deux files mais n’assurant que 50 % de la fonction. 30 Rappelons que la bâche PTR d’un CPY a une contenance de 1 600 m3 à pression atmosphérique et à température extérieure, concentration en bore de 2 500 ppm. Le bore cristallisant naturellement à 7 ◦ C, il faut aussi être en mesure de réchauffer l’eau du PTR en situation de grand froid.

934

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 7.72 – Représentation fonctionnelle du circuit EAS (CP0). On prendra garde au fait que les rampes d’aspersion sont circulaires et placées sur la face interne du dôme du BR, et pas étagées en altimétrie telle que représenté sur la figure.

Fig. 7.73 – Circuit EAS du palier P4 (1 300 M W e) (adapté de [Centrales Nucléaires EDF de 1 300 MW, 1991] p. 32).

particulier s’assurer du risque de défaut d’éventage des lignes de recirculation où une poche d’air d’environ 50 litres suffirait à désamorcer les pompes), ou que les puisards eux-mêmes ne soient pas bouchés par des débris (par du calorifuge des lignes par exemple ou des boues de peinture), ce qui est assuré par des grilles anti-débris.

7. Les principaux circuits

935

Étant donné que la mise en service de l’EAS va « polluer » l’ensemble de l’enceinte en acide borique, nécessitant par la suite de longues et fastidieuses opérations de nettoyage, on évite soigneusement les déclenchements intempestifs de ce système de sauvegarde. Même au niveau de la gestion d’un accident d’APRP, on distingue les petites brèches qui pourraient être traitées sans l’usage de l’EAS, des grosses brèches où le système est indispensable. Si la pression primaire se stabilise à une valeur inférieure à la pression du secondaire, c’est que la brèche est de taille importante et que l’engagement de l’EAS ne pourra être évité. Dans cette situation, le refroidissement du primaire par la décharge de vapeur par les GVs ne pourra être suffisamment efficace, les épingles GV étant partiellement dénoyées.

7.13.2

Refroidissement et injection de soude

En phase de recirculation de l’aspersion, l’eau des puisards est refroidie par des échangeurs d’aspersion (Photo 7.3) selon deux lignes séparées. Deux échangeurs refroidis par de l’eau brute (SEB) assurent chacun 100 % du service. Chaque échangeur, situé dans le BAN (CPY) ou le BAS (P4), peut assurer la fonction à 100 % et transférer une puissance de 44 MW (côté EAS : 1 000 m3 /h, entrée à 117 ◦ C, sortie à 78 ◦ C ; côté RRI : 1 900 m3 /h, entrée à 40 ◦ C, sortie à 60 ◦ C).

Photo 7.3 – Un échangeur EAS de Fessenheim (Photo EDF). Un réservoir d’additifs chimiques de 11 m3 à pression atmosphérique (40 ◦ C) permet d’injecter de la soude à 30 % massique, dont l’objectif est d’augmenter le pH et de favoriser les réactions chimiques permettant de capter certains produits de fission comme l’iode en phase liquide, tout particulièrement dans les puisards. Un pH élevé limite aussi la corrosion dans une atmosphère chaude et humide. Une pompe de mélange (15 m3 /heure, 50 ◦ C) est activée toutes les 8 heures automatiquement pendant 20 minutes, pour brasser le réservoir d’additif qui contient la soude, et

936

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

homogénéiser la solution de soude. Le dimensionnement du réservoir d’additifs permet d’injecter via deux éjecteurs environ 6 000 ppm massique de soude par rapport à la masse d’eau totale (Figure 7.74). Le réservoir de réactifs est dimensionné pour pouvoir assurer une concentration de 0,6 % massique de soude dans l’eau, conduisant à un pH compris entre 8,3 et 9,3 dans l’eau des puisards. Rappelons que le volume d’eau à neutraliser par la soude est d’environ 2 000 m3 (PTR : 1 600 m3 + accumulateurs 120 m3 + primaire 250 m3 + réservoir de bore 6 m3 ) pour le CPY, et de 2 750 m3 pour le P’4 -PTR : 2 200 m3 + accumulateurs 124 m3 + primaire 430 m3 ). Le dimensionnement est tel que l’injection de soude se termine après le début de la phase de recirculation. L’injection de soude est faite automatiquement sur signal haute pression enceinte (2,4 bars), après une temporisation de 5 minutes. La fermeture des vannes de soude installées à l’aspiration du réservoir de soude s’effectue sur un niveau bas ou sur demande de l’opérateur.

Fig. 7.74 – Injection de soude dans l’EAS. Il existe plusieurs possibilités de lignage du refroidissement en phase de recirculation. Soit on utilise des échangeurs EAS/SEB où le fluide froid est de l’eau brute, soit on utilise les échangeurs RRA/RRI en mettant en série ou en parallèle les pompes RRA et EAS (Figure 7.75, Figure 7.76).

7.13.3

Fonctionnement

En situation normale, le système EAS est hors service avec les vannes d’aspiration dans la bâche PTR ouvertes et les lignes remplies d’eau, les pompes (motopompes et

7. Les principaux circuits

937

Fig. 7.75 – Différents lignages du refroidissement de l’EAS (adapté d’après [Installations de sauvegarde, janvier 1977] p. 38).

Fig. 7.76 – Lignage d’alimentation de l’EAS, soit par la bâche PTR, soit par les puisards (adapté d’après [Installations de sauvegarde, janvier 1977]). Chaque échangeur SEB (pour la phase de recirculation) peut assurer 100 % de la fonction.

turbopompe) sont à l’arrêt (prêtes à être démarrées soit en automatique (Figure 7.77) par le système de protection du réacteur (RPR), soit en manuel (Figure 7.78) depuis la salle de commande ou le panneau de repli), et la vanne d’isolement des réactifs

938

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 7.77 – Critères d’engagement de l’EAS. est fermée. La recirculation par les puisards est fermée, de même que l’alimentation depuis le RRI des échangeurs de chaleur. Les échangeurs sont isolés côté eau brute et conservés en état à sec. Les lignes de refoulement vers le BR sont aussi fermées. En cas d’incident, le système EAS se met automatiquement en fonctionnement sur signal haute pression dans l’enceinte à 2,6 bars absolus, soit environ 80 secondes après le début de l’APRP grosse brèche. L’injection, de soude a lieu 5 minutes après le démarrage de l’EAS. Pour éviter d’injecter de l’air depuis la bâche d’additifs, les vannes de liaison entre ce réservoir et les pompes se ferment automatiquement sur signal « bas niveau » du réservoir d’additifs. Lorsque le signal « bas niveau PTR » indique que la bâche PTR est vide, on passe automatiquement en recirculation sur les puisards. À ce moment, les lignes d’aspiration des pompes depuis la PTR sont fermées, et les lignes d’aspersion depuis les puisards sont ouvertes. On estime que la température maximale du circuit EAS est de 120 ◦ C à cet instant. Rappelons que les puisards gavant aussi le système RIS en recirculation, il faut impérativement que cette eau soit fortement borée. L’EAS sera arrêté par l’opérateur quand les conditions de température et de pression seront revenues à la normale (1 bar) après environ 24 heures pour un scénario sans perte nouvelle de système de sûreté. Les motopompes EAS se doivent d’être refroidies. Sur le CP1, les garnitures de pompes sont refroidies par un petit aéroréfrigérant situé dans le local des échangeurs EAS, car la température près de la pompe est trop élevée. Les moteurs sont refroidis par le système de ventilation DVS. Le débit nul (minimum) de recirculation a été supprimé et la pompe démarre en même temps que les vannes d’isolement enceinte commencent à s’ouvrir. Sur le palier 1 300 MWe, les moteurs 6,6 kV sont refroidis directement par de l’eau du RRI. La ligne de débit nul a aussi été supprimée par remplacement par la ligne d’essai en motorisant les vannes de la ligne d’essai.

7. Les principaux circuits

939

Fig. 7.78 – Critères de mise en service manuelle de l’EAS en fonction de la température dans l’enceinte et du temps après mise en service de l’injection de sûreté.

7.13.4

Essais périodiques des lignes EAS

L’EAS injectant dans l’enceinte de l’eau borée, il n’est pas question de réaliser des essais injectant de l’eau du PTR, au risque de devoir nettoyer entièrement le BR pour éliminer l’acide borique qui se dépose sur les surfaces au contact, et qui est corrosif. Néanmoins, on teste mensuellement les pompes séparément, train par train pour toujours laisser l’autre disponible en cas de signal d’engagement de l’EAS. Les rampes d’aspersion sont testées avec de l’air comprimé à chaque rechargement du cœur. Des contrôles périodiques sont effectués sur la qualité de la solution de réactifs (homogénéisation de la soude).

7.13.5

Efficacité de l’aspersion

L’efficacité de l’EAS est due à l’absorption de la chaleur par pulvérisation de gouttelettes d’eau froide, ce qui fait baisser la température du BR et permet la

940

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

condensation de la vapeur. Huang et Ayyaswamy ont modélisé le comportement thermique d’une goutte d’eau chutant depuis la rampe d’aspersion d’un BR. En introduisant l’écart de température normalisé : θb ≡ goutte.

Tb −T0 T∞ −T0

où Tb est la température moyenne et T0 la température initiale de la

Ils ont montré par le calcul et confirmé par comparaison à l’expérience, que la goutte atteint un régime asymptotique au bout d’environ de 5 secondes (Figure 7.79),

Fig. 7.79 – Variation de la température moyenne de la goutte en fonction du temps. Comparaisons expériences/calcul. (D’après les travaux 31 de L.J. Huang et P.S. Ayyaswamy). au-delà desquelles elle ne s’échauffe plus. Sa vitesse asymptotique est de l’ordre de 2 m/s, soit 10 m parcourus en 5 secondes. Sur cette distance, atteignable dans un BR de REP de puissance, sa température augmente d’environ 50 ◦ C, soit, pour une goutte de taille constante de 1,4 mm de rayon, une absorption d’énergie correspondant à : kg J 4 3 πR × ρH2 O × Cp,H2 O × (T∞ − T0 ) ≈ 1000 3 × 4180 × 50K = 2, 4J 3 m kg.K Cette goutte va aussi condenser à sa surface la vapeur d’eau présente dans le BR et grossir en taille. Cette condensation est très efficace vis-à-vis de la baisse de pression puisque chaque mole de vapeur (22 400 cm3 ) ne tiendra plus qu’un volume d’eau liquide après condensation d’environ 18 cm3 . Connaissant le débit de l’EAS (environ 400 kg/s pour une pompe EAS de CPY) et en supposant que les gouttes formées sont toutes de 1,4 mm, on obtient un ordre de grandeur de la puissance évacuable par le système. 31 Lin Jie Huang, P. S. Ayyaswamy : Heat transfer of a nuclear reactor containment spray drop, Nuclear Engineering and Design, n ◦ 101, pp. 137-148, 1987.

7. Les principaux circuits

7.14

941

Le circuit de réfrigération et de purification des piscines (PTR)

Il faut refroidir constamment l’eau de la piscine BK ou de la piscine BR en phase de chargement/déchargement du fait de la puissance résiduelle des assemblages irradiés qui y sont stockés. C’est le rôle principal du circuit PTR. Ce système élémentaire assure le refroidissement, la purification de l’eau, le remplissage et la vidange des deux piscines BR et BK. Le combustible usé en piscine BK voit sa puissance résiduelle décroître de 6 à 12 mois avant évacuation par château de transport. Dans les faits, le temps de stockage en piscine BK peut être de plusieurs années, en respect de l’encombrement des piscines BK (CPY : 382, P4 : 459, P’4 : 630, N4 : 630). Le pas des alvéoles des racks de piscines P’4 et N4 a été réduit à 28 cm (au lieu de 41 cm précédemment). Le circuit PTR (Figure 7.80) comporte une bâche PTR contenant de l’eau borée à environ 2 500 ppm, deux pompes PTR 100 % chacune installée en parallèle et qui puisent l’eau depuis la piscine BK. La bascule d’une pompe sur l’autre est manuelle.

Fig. 7.80 – Principales fonctions et connexions du circuit PTR. Les pompes PTR sont reprises en secours par les diesels. Sur les tranches jumelles, le refroidissement du PTR est assuré par un tronçon commun du RRI, ce qui permet de réfrigérer éventuellement à partir de l’autre tranche. L’eau est envoyée dans deux échangeurs en parallèle 100 % gavés par une pompe chacun, mais une partie de l’eau est prélevée après le refoulement des pompes et envoyée vers des filtres et un déminéraliseur pour être épurée d’éventuels produits actifs. En cas de perte du RRA connecté, le circuit PTR peut refroidir simultanément le cœur et la piscine BK. Pour ne pas mélanger les fluides primaire et BK, le refroidissement du cœur est effectué avec un des deux échangeurs, et l’autre sert à la piscine BK. La température de l’eau de la piscine BK doit être maintenue inférieure à 50 ◦ C en stockage normal. Cette limite

942

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

est imposée par l’efficacité des filtres à iode en ambiance humide. Exceptionnellement, on pourra atteindre 60 ◦ C, voire 80 ◦ C en situation incidentelle mais avec un risque sur les résines échangeuses d’ions des déminéraliseurs. Le circuit de purification comprend une pompe, un filtre, deux déminéraliseurs en parallèle, un filtre de rétention des résines ; le refoulement est situé à l’opposé de l’aspiration dans la piscine. La file de purification permet également un rejet vers le circuit TEU de l’eau de la bâche PTR en cas de pollution excessive. La purification permet le traitement de l’ensemble de la piscine BK en une journée. Tant pour la piscine BK que la piscine BR, un circuit indépendant assure l’écrémage par filtration en surface de la piscine. Une pompe permet d’établir une boucle de purification de l’eau de la piscine BR en utilisant les filtres et résines du circuit RCV. La piscine BR peut être vidangée par le circuit RRA. De plus, on peut remplir la piscine BR par les pompes ISBP du circuit RIS. Il est utile de rappeler que la piscine BK est divisée en plusieurs compartiments : le compartiment de stockage et de désactivation dans lequel sont immergés les racks, le compartiment de transfert du combustible vers la piscine BR, le compartiment de chargement où le combustible irradié est chargé dans un conteneur de transport et la fosse de préparation du conteneur de transport où celui-ci peut être décontaminé si besoin. La piscine BR comporte le compartiment de stockage des internes inférieurs, le compartiment de stockage des internes supérieurs, le compartiment de transfert et le compartiment cuve. On notera qu’il n’est pas prévu un stockage intermédiaire de combustible dans la piscine BR. La filtration de la piscine BR est assurée par des aspirations placées au fond de chacun de ces compartiments, une pompe et deux files 100 % en parallèle de filtres. La piscine BR possède aussi un circuit d’écrémage de surface (Figure 7.81). Notons aussi la fonction d’arrosage des parois des piscines BK et BR par des buses à fin de décontamination (Figure 7.82).

Fig. 7.81 – Filtration et écrémage des piscines BR et BK par le circuit PTR.

7. Les principaux circuits

943

Fig. 7.82 – Arrosage des parois des piscines BK et BR par le circuit PTR.

Fig. 7.83 – Lignage de la bâche PTR.

944

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 7.84 – La bâche PTR du palier 1 300 M W e. Compte tenu de la position de la bâche PTR en hauteur (une quinzaine de mètres) par rapport au circuit RCV, cela procure une charge gravitaire de 1,5 bar quand on connecte la PTR au RCV, ce qui suffit pour permettre l’éventage de tous les points haut du primaire lors de son remplissage (Figure 7.83). Le local de la bâche PTR est maintenu à une température supérieure à 7 ◦ C pour éviter la cristallisation du bore par deux aérothermes assurant 50 % de la fonction, secourus. Le réservoir (en acier inoxydable) n’est donc pas calorifugé et ne comporte pas de dispositif de réchauffage de l’eau. Le volume total de la bâche PTR est de 1 720 m3 pour Bugey (CP0), 1 692 m3 pour le CPY (1 600 m3 utile), 3 100 m3 pour le P4 (Figure 7.84).

7. Les principaux circuits

7.15 7.15.1

945

Le traitement des effluents Généralités

Une centrale nucléaire rejette en situation normale de fonctionnement des effluents gazeux, liquides ou solides, dans le cadre de normes strictes éditées par le gouvernement. Ces effluents, lorsqu’ils contiennent de la radioactivité, proviennent du circuit primaire, des circuits auxiliaires (RCV, RRA. . . ), des piscines BR et BK. . . (Figure 7.87). Sous forme liquides, ou gazeux, ces effluents sont traités par le Traitement des effluents liquides primaires TEP, lorsqu’ils sont susceptibles de contenir du bore, des effluents liquides usés TEU et des effluents gazeux TEG. Ces trois systèmes (Figure 7.87), situés dans le BAN, sont « nourris » par les circuits RPE de récupération des purges et évents du BR (Figure 7.85), et produisent in fine des effluents solides sous forme de cartouches de filtre ou de résines, qui sont traitées par le système des effluents solides TES. Au niveau des effluents liquides, on distingue les effluents liquides primaires directement réutilisables, à savoir de l’eau faiblement contaminée et radioactive (tritium, produits d’activation) qui provient de la décharge du RCV, par exemple lors de la montée en température du primaire ou lors d’opérations de dilution. On met aussi dans cette catégorie l’eau de purge du RDP et les fuites aux joints des GMPPs et du couvercle de cuve qui sont collectées. Le circuit TEP vise à traiter, puis réinjecter dans le primaire cette eau réutilisable. Dans une deuxième catégorie traitée par le circuit de traitement des effluents usés TEU, on trouve les effluents liquides éventuellement réutilisables (retour vers le primaire ou rejet après stockage tampon), à savoir de l’eau contaminée venant des drains du TEG, des trop-pleins des réservoirs TEP (une situation qui se présente souvent), les drains des équipements (pompes. . . ) des circuits RCV, RIS, PTR et REN. Enfin dans une troisième catégorie, on trouve les effluents non réutilisables, à savoir de l’eau non radioactive en provenance des planchers et de lavage sans détergent, qui est rejetée après contrôle, ou renvoyée vers le TEU en cas de radioactivité décelée. On y trouve aussi des effluents chimiques (nettoyage industriel, ou conventionnels (douche. . . ). Ces effluents sont peu voire très peu actifs, et sont rejetés sauf contrôle anormal de radioactivité qui pourrait les envoyer vers le TEU. En matière d’effluents gazeux, on distingue les effluents gazeux hydrogénés, qui sont éventuellement radioactifs du fait de la présence de gaz de fission, et en provenance des éventages du dégazeur TEP (Figure 7.86), des réservoirs RCV, RDP, TEP), et qu’on rejette après stockage. Une autre catégorie est constituée des effluents gazeux aérés (contenant de l’air, comme après l’éventage du RCP ou du RCV), qu’on relâche directement à la cheminée après contrôle de radioactivité. C’est finalement le niveau de radioactivité qui distingue ces deux catégories. En matière d’effluents solides, on parle de composants des systèmes précédents, à savoir des cartouches de filtre, des résidus solides d’évaporation (concentrats, on parle même de « boues »), des vinyls de protection, voire de pièces et outils contaminés. Ces déchets solides sont envoyés sous protection biologique appropriée vers le traitement des effluents solides (TES), puis vers un stockage déterminé en fonction du niveau de radioactivité (ANDRA).

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 7.85 – Fonction RPE (Purges et Events, CPY) (adapté de [Stockage et Traitements des effluents, 1977]).

7. Les principaux circuits

947

Fig. 7.86 – Connexion TEP-TEG du palier P4 (adapté de [Centrales Nucléaires EDF de 1 300 MW, 1991] p. 45).

7.15.2

Le traitement des effluents liquides (TEP)

[Stockage et traitement des effluents, 1977] p. 16 Fonction Tout d’abord, on distingue les effluents peu radioactifs et ne contenant pas de tritium, des effluents tritiés et hautement radioactifs. Pour les premiers, ils sont traités par filtration et déminéralisation, la phase liquide après opération est rejetée après séjour dans un stockage tampon. Les effluents très radioactifs sont traités par filtration, évaporation et déminéralisation (Figure 7.95). La phase liquide restante est réutilisée dans le circuit primaire. Sur les tranches jumelles, l’installation est commune à deux tranches. Le circuit TEP assure donc les fonctions suivantes : • la décontamination et le dégazage des effluents primaires hydrogénés par filtration, déminéralisation sur résines et dégazage en bâche ;

948

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 7.87 – Circuit du traitement des effluents (TEP, TEU, TEG). • le stockage et le contrôle des effluents après décontamination et dégazage ; • la séparation des effluents primaires en deux solutions : eau de qualité primaire et solution d’acide borique concentrée. Cette séparation est effectuée par évaporation sauf en fin de cycle car la concentration en bore est trop faible et où on choisit de déborater directement par passage sur les résines du RCV ; • le stockage, le contrôle et l’ajustement des propriétés physico-chimiques avant réutilisation par le RCV ou le REA. Quelques fonctions complémentaires sont requises : le dégazage de l’eau du primaire avant l’ouverture de la cuve, le rejet en fin de chaîne vers le circuit de comptabilisation des effluents (KER), le renvoi d’acide borique vers le TEU pour évaporation complémentaire et rejet vers le TES, le dégazage de l’eau déminéralisée normale du système REA par évaporation. Constitution Le circuit TEP comporte d’amont en aval : • Le stockage de tête (Figure 7.90 et Figure 7.91) des effluents hydrogénés (2 × 100 m3 ) en provenance des purges RPE à l’intérieur de l’enceinte du BR, mais aussi de la vanne trois voies de décharge du RCV et de la soupape RCV. Ce réservoir est maintenu en permanence en surpression avec un matelas d’azote pour éviter le risque d’un mélange détonant entre hydrogène et oxygène. Ces deux réservoirs de 100 m3 sont réchauffés par un système à la vapeur pour

7. Les principaux circuits

949

Fig. 7.88 – Principe d’un toit flottant. La fonction d’un toit flottant est d’éviter un contact direct avec l’air pour ne pas réoxygéner le liquide à protéger. On évite ainsi un ciel de gaz neutre, ce qui simplifie l’installation. Un réservoir à toit flottant comporte la robe du réservoir ancrée sur un massif en béton, le toit dont le fond peut être légèrement convexe ou concave, une membrane souple attachée à la robe d’une part et sur le toit d’autre part. Le toit flotte sur le liquide et la membrane qui est lestée et lubrifiée par de l’eau en contrepression. Cette membrane peut se déployer pour laisser monter le toit en fonction du niveau dans la bâche. Un évent situé au-dessus de la ligne de flottaison permet d’éventer l’air pris au piège à l’installation du toit en partie haute de la membrane. Pour les toits concaves, un évent au centre du toit réalise la même fonction. Il faut faire attention à ce que l’eau de contre-pression ne déborde pas à la montée, ce qui provoquerait une instabilité du toit.

950

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 7.89 – Traitement des effluents liquides : capacités de stockage et circuits réglementaires pour 2 réacteurs P4.

Fig. 7.90 – Détails du circuit TEP (CPY).

7. Les principaux circuits

951

Fig. 7.91 – Schéma simplifié avec dénominations fonctionnelles du TEP (CPY). éviter la cristallisation du bore. On effectue le contrôle radiochimique de l’eau (les deux réservoirs sont reliés au circuit d’échantillonnage nucléaire REN). • Le poste de filtration/décontamination/dégazage. Ce poste est composé de deux files identiques comportant un filtre pour éliminer les matières en suspension, un déminéraliseur cationique principalement pour le césium et un déminéraliseur à lits mélangés, un filtre de rétention des « fines » de résines, une ligne de recirculation et un dégazeur. Deux pompes de transfert alimentent chacune un chaîne de décontamination. La décontamination est protégée par un filtre de rétention en cas de relâchement des résines pour éviter de polluer l’aval en résines. Le dégazage est effectué à la vapeur (Figure 7.92 et Figure 7.93), ce qui permet de récupérer les éventuels gaz radioactifs qui sont envoyés vers le TEG. • Le stockage intermédiaire. Les effluents décontaminés et dégazés sont envoyés vers un stockage-tampon intermédiaire (3 réservoirs de 350 m3 réchauffés électriquement pour maintenir les solutions contenant du bore). • Les évaporateurs. Une pompe reprend les effluents du stockage intermédiaire pour les envoyer dans un évaporateur qui permet de concentrer l’acide borique d’une part, et d’obtenir de l’eau de qualité primaire réutilisable d’autre part, et le stockage de ces produits pour réutilisation ultérieure.

952

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 7.92 – Dégazeur du circuit TEP. • Le poste de contrôle. On contrôle les produits d’évaporation (distillats et concentrats) en envoyant les condensats vers le système REN de mesure, en évitant un regazage de l’eau grâce à des réservoirs à toit flottant (Figure 7.88) qui isole l’eau de l’air, puis stockage par REA avec un éventuel passage sur résine pour déborication (poste de déboratation). Les condensats subissent un ajustement de leur concentration en bore puis stockage par REA ou vers TEU. En situation normale, le circuit TEP (Figure 7.89, Figure 7.90, Figure 7.91) ne produit pas de rejets liquides, sauf si on désire diminuer le tritium pour maintenir une activité de l’eau du primaire acceptable. Concentrats et condensats sont normalement réinjectés à terme dans le circuit primaire via le REA, connecté lui-même au RCV. Dégazeur Le dégazeur (Figure 7.92 et Figure 7.93) vaporise les effluents liquides par chauffage à la vapeur provenant du circuit SVA (vapeur auxiliaire). De cette manière, les gaz contenus dans l’eau partent avec la vapeur d’eau. La vapeur d’eau est condensée par un échangeur avec le RRI et retourne au dégazeur, et les gaz incondensables sont dirigés vers le TEG. C’est donc le dégazeur qui fait l’interface entre TEP et TEG.

7. Les principaux circuits

953

Fig. 7.93 – Principe d’un dégazeur.

L’évaporateur L’évaporateur (Figure 7.94) est mis en service manuellement. Les distillats sont envoyés dans un réservoir à toit flottant. Les concentrats d’acide borique à 7 000 ppm de bore sont extraits de façon discontinue en partie basse de l’évaporateur et stockés dans un réservoir de contrôle. C’est une mesure de densité du condensat qui permet de savoir qu’on a atteint la concentration en bore de 7 000 ppm requise pour le REA-Bore.

7.15.3

Le traitement des effluents gazeux (TEG)

[Stockage et traitement des effluents, 1977] p. 41 Fonction Les effluents gazeux sont collectés par des voies différentes selon qu’ils sont hydrogénés ou pas, comprimés et stockés temporairement pour bénéficier de la décroissance radioactive, qui est rapide pour certains gaz (azote 16. . . ). Une fois la radioactivité abaissée aux seuils réglementaires, les gaz sont rejetés à la cheminée via le circuit de ventilation du BAN (Figure 7.96, Figure 7.97).

954

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 7.94 – Évaporateur du TEP (CPY).

Le circuit TEG a pour fonction : • De stocker sous pression les effluents gazeux hydrogénés collectés par le circuit de purges et évents (RPE) pour bénéficier de la décroissance radioactive des isotopes présents. Les effluents gazeux hydrogénés proviennent des dégazeurs TEP et des décharges de ciels de capacité de stockage contenant de l’eau primaire tels que le réservoir RCV, le réservoir de tête du TEP, le réservoir de décharge pressuriseur (RDP) ou le réservoir des effluents primaires. L’hydrogène dont il est question provient de la décomposition radiolytique de l’eau sous l’effet des rayonnements. L’hydrogène dissous doit avoir une concentration comprise entre 25 Ncm3 /kg d’eau 32 et 35 Ncm3 /kg pour rester dans les spécifications techniques d’exploitation. D’où la présence d’hydrogène à la sortie du TEP de même que certains produits de fission présents dans l’eau du primaire (xénon, krypton). 32 Le Nm3 ou Normo m3 est une unité de mesure non officielle de volume de gaz aux conditions normales de température (0 ◦ C) et de pression (1 atmosphère soit 101 325 Pascal.).

7. Les principaux circuits

955

Fig. 7.95 – Schéma simplifié avec dénominations fonctionnelles des déminéraliseurs du TEP (CPY).

Fig. 7.96 – Capacités de stockage et circuits réglementaires de rejet des effluents gazeux pour un réacteur P4 (1982).

956

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 7.97 – Circuit TEG avec modification du filtre à sable de la procédure U5 de dépressurisation préventive manuelle de l’enceinte en cas d’accident grave pour éviter la ruine de l’enceinte par haute pression.

• De contrôler l’activité de ces effluents avant réutilisation ou rejet à la cheminée après filtration et dilution par l’intermédiaire du système de ventilation du BAN. Constitution Les effluents gazeux sont rassemblés par le collecteur RPE dans un réservoir tampon (5 m3 ) pour amortir les fluctuations de pression. La régulation de la pression du réservoir tampon pilote le démarrage de compresseurs volumétriques d’extraction. Le réservoir tampon est protégé par une soupape de sûreté tarée à 4 bars. Les gaz sont ensuite comprimés par deux compresseurs volumétriques. Un compresseur petit débit (3 Nm3 /h) qui correspond au fonctionnement normal des deux dégazeurs du TEP et un compresseur gros débit (40 Nm3 /h), uniquement mis en fonctionnement lors de décharges des réservoirs. Les gaz comprimés sont dirigés vers 6 réservoirs (3 × 20 m3 et 3 × 40 m3 ) de stockage pour décroissance radioactive (pression max de 9 bars). Le rejet peut s’effectuer soit par une ligne gros débit (200 Nm3 /h) ou petit débit (10 fois moins). En fonctionnement normal, un réservoir de stockage est en phase de remplissage et deux autres sont en phase de décroissance radioactive. Les rejets radioactifs de gaz En 2000, le renouvellement des arrêtés de rejets d’effluents radioactifs a conduit à un durcissement sensible des exigences de l’administration. En particulier, en ce qui concerne les effluents gazeux, l’ancienne limite de 55 GBq/an en gaz aérosols et halogènes

7. Les principaux circuits

957

pour un site à deux tranches a été abaissé significativement par une limite sur les iodes de 0,8 GBq/an, posant des problèmes d’exploitation en particulier pour les tranches utilisant certains assemblages non parfaitement étanches, mais respectant pourtant les spécifications radiochimiques de l’eau du primaire. L’iode est un produit de fission volatil ou qui s’allie avec le césium pour créer un aérosol. Cet iode est issu du circuit primaire en cas de fissuration ou rupture de gaines, voire de dépôts à la surface des gainages lors du processus normal de fabrication des crayons combustibles. Ces fissurations de gaines, lorsqu’elles existent, « respirent » avec les variations de puissance (suivi de charge. . . ), et la contamination du primaire peut être fluctuante en fonction de la charge. La mesure de l’iode est effectuée à la cheminée TEG à partir d’un prélèvement effectué en continu sur une cartouche de charbon actif, à partir de laquelle on effectue une mesure une fois par semaine. Cette mesure est, en général, assez précise (environ 15 % entre différents prélèvements, mais peut être entachée d’une incertitude d’étalonnage d’environ 30 %. Grâce à la bâche-tampon de désactivation des gaz, les relâchements occasionnels ont le temps de voir leur activité décroître, et les rejets gazeux en iode proviennent donc uniquement des rejets dits « permanents », car produits en continu, et qui s’échappent via des fuites du circuit primaire non collectées, ainsi que lors de certaines manœuvres d’exploitation comme les échantillonnages prélevés ou les essais périodiques. On a d’ailleurs remarqué que, en ce qui concerne les gaz rares (xénon, krypton. . . ), dont l’activité est mesurée en continu, celle-ci est parfaitement corrélée avec les manœuvres d’exploitation. Cette corrélation est moins évidente pour l’iode, dont on ne dispose que d’une valeur moyennée sur une semaine, et qui est entachée d’une incertitude plus importante. La solution est d’envoyer les ventilations plus actives sur les pièges à iode avant éventage, selon les manœuvres d’exploitation en cours.

7.15.4

Le traitement des effluents usés (TEU)

[Stockage et traitement des effluents, 1977] p. 31 L’installation de traitement des effluents usés (TEU) (Figure 7.98, Figure 7.99) est commune à une paire de tranches. Elle gère les effluents usés en provenance des purges et évents (RPE) et du TEP. Le rejet final, après contrôle et traitement, part à la source froide. Le TEU gère les drains résiduaires, à savoir de l’eau primaire aérée qui peut être réutilisée dans le primaire, et des effluents usés conventionnels (eau de lavage, drains de plancher, effluents chimiques). Le traitement des drains résiduaires comporte un « stockage de tête », à savoir 4 réservoirs identiques possédant un circuit de recirculation pour le brassage des effluents, le contrôle physico-chimique (par le REN) et le contrôle du pH par adjonction de réactifs. Vient ensuite une installation de décontamination (un poste de filtration et un évaporateur identique à celui du TEP avec lequel il est interchangeable en cas d’indisponibilité). En sortie, on obtient un concentrat de type « boue » qui part vers le réservoir de stockage du traitement des effluents solides (TES), et un distillat stocké dans des réservoirs de contrôle, éventuellement réutilisable par renvoi vers TEP. Le traitement des effluents usés (Figure 7.100) est relatif aux effluents de servitude, aux drains des planchers et aux effluents chimiques, le tout étant a priori dénué de radioactivité. Leur traitement est en fait assez similaire aux drains résiduaires avec un stockage de tête (deux réservoirs identiques) où on peut injecter acide ou

958

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 7.98 – Circuit TEU (CPY) (adapté de [Stockage et traitement des effluents, 1977] p. 37).

base pour neutraliser les effluents, un poste de filtration qui permet un rejet, après contrôle, vers la source froide (TER : stockage dans 3 bidons de 500 m3 pour le CPY, 3 bidons de 750 m3 pour le P4 toujours pour deux tranches). Ces bidons peuvent également recevoir les effluents des purges APG des GVs. Si les effluents usés contiennent anormalement de la radioactivité, on peut les rediriger vers TEU.

7. Les principaux circuits

959

Fig. 7.99 – Connexion des circuits TEU-TES-TER-SEK-KER du palier P4 (adapté de [Centrales Nucléaires EDF de 1 300 MW, 1991] p. 46).

7.15.5

Le traitement des effluents solides (TES)

Les effluents solides radioactifs sont constitués par des résines usagées, des concentrats résidus d’évaporation, des cartouches de filtres. . . en provenance des circuits TEP, TEU et TEG. Ils sont chargés dans des fûts mélangés à un enrobant béton chargé de les fixer. Les fûts sont fermés de façon étanche et stockés. Les déchets peu radioactifs

960

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 7.100 – TEU ; détail du traitement des drains résiduaires et des effluents usés (adapté de [Stockage et traitement des effluents, 1977] p. 34).

(chiffons, gants, cartouche de filtre à air. . . ) sont aussi enfûtés, après compactage pour stockage en surface.

7.16

La ventilation (EVF, EVC, EBA, ETY)

[Margoulova, 1977] p. 347

7.16.1

Fonction

La présence de la cuve, de nombreux circuits et pompes dans l’enceinte du BR génère une chaleur qui est, par fonction du BR, fortement confinée. D’où la nécessité d’une ventilation efficace pour maintenir une température de l’ordre de 30 ◦ C, a minima pour ne pas assécher le béton de son eau et lui conserver de bonnes caractéristiques. Sur le palier CPY (Figure 7.101), la puissance libérée dans l’enceinte est d’environ 1 500 kWth, dont environ 40 % par les mécanismes des grappes de commande, 16 % les groupes moto-ventilateurs, 20 % les tuyauteries vapeur et les GVs, 10 % l’éclairage et 14 % d’origines diverses. La ventilation a aussi un rôle d’épuration pour limiter l’activité de l’air et permettre l’accès du personnel lors des phases de maintenance ou d’arrêt pour rechargement. Cette activité provient des fuites primaires non collectées, soit environ 1 litre/heure en régime de fonctionnement normal. Il est à noter que sur le parc EDF, la ventilation n’a aucune fonction de sûreté, elle est d’ailleurs arrêtée sur signal d’injection de sûreté. En cas de perte des alimentations électriques, la ventilation est secourue partiellement (2 ventilateurs sur 3) par les groupes électrogènes. Les moyens de réfrigération sont le circuit d’eau brute (SEB par batterie de refroidissement, 20 ◦ C à 23 ◦ C) ou le circuit d’eau déminéralisée RRI (35 ◦ C).

7. Les principaux circuits

961

Fig. 7.101 – Les différents circuits de ventilations du BR (CPY) (adapté de [Installations de sauvegarde, 1977] p. 47).

7.16.2

Description du circuit EVF

Le circuit EVF est un système de ventilation en circuit fermé (Figure 7.101, Figure 7.102) dont l’aspiration se fait dans l’enceinte à l’aspiration du circuit de balayage à l’arrêt. L’installation de filtration comporte (P4) : • deux files 50 % de filtration de l’iode comprenant d’amont en aval un registre d’isolement, un réchauffeur électrique, un préfiltre, un filtre absolu, un piège à iode et un registre d’isolement étanche. Le débit de chaque file est de 10 000 m3 /h ; • une file de préfiltration équipée uniquement de préfiltres, en parallèle sur les deux files précitées. Cette file est isolable et munie d’un dispositif de réglage de débit, et d’un registre aval étanche. Le débit de cette file est de 30 000 m3 /h ; • trois ventilateurs 50 % banalisés et isolables chacun en amont par un registre et en aval par un clapet blocable (10 000 m3 /h) ; • l’air est refoulé soit dans l’espace annulaire, soit dans la gaine principale d’extraction de l’EBA (balayage à l’arrêt). Les fonctions de soufflage et d’extraction de l’EBA sont assurées par le circuit de ventilation DVN. L’air passe par un préfiltre, puis une batterie froide (refroidie par l’eau du SEB ou le RRI), et un ventilateur qui refoule vers les différents équipements de l’enceinte à refroidir. On peut mettre en service temporairement la filtration d’iode qui piège

962

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 7.102 – Ventilation du palier P4 (adapté de [Centrales Nucléaires EDF de 1 300 MW, 1991] p. 40).

l’iode 131 dans un filtre absolu et un filtre à charbon actif. Le circuit de balayage (EBA) permet d’aspirer l’air en provenance du BAN et refoule vers la cheminée, en filtrant éventuellement l’iode. En fonctionnement normal de la tranche, la filtration est engagée en fonction de l’activité dans l’enceinte ; l’aspiration et le refoulement de l’air se font à l’intérieur de l’enceinte. En fonction de la contamination en iode, on met en service une file iode avec un ventilateur, ou deux files avec deux ventilateurs si besoin. Le circuit de filtration est toujours mis en service pour accéder au BR lors d’un arrêt à froid. Puis le circuit est arrêté, sauf en cas d’incident de manutention du combustible, où on réduit l’EBA pour passer sur EVF. Au redémarrage de la tranche, on utilise la préfiltration à haut débit pour purifier l’enceinte de sa poussière en suspension. La ventilation (circuit RRM) des mécanismes de grappes (RGL), un point chaud dans l’enceinte, aspire l’air par 3 unités de ventilation au niveau de chacun des 3 mécanismes en étoile. La ventilation refroidit l’air par une batterie de refroidissement refroidie par l’eau du RRI, et refoule l’air refroidi par deux ventilateurs en série à l’aspiration de la ventilation en circuit fermé. On passe ainsi de 80 ◦ C à 40 ◦ C. En ce qui concerne le puits de cuve (toujours le RRM), l’aspiration s’effectue en partie basse de l’espace entre la cuve et le béton par 3 unités de ventilation, chacune disposant d’une batterie froide refroidie par l’eau du SEB et d’un ventilateur. Le refoulement s’effectue en partie haute entre cuve et béton. Grâce à ce refroidissement, on passe de 40 ◦ C à 27 ◦ C. La Figure 7.102 présente la ventilation complète du palier P4.

7.16.3

Description du circuit EVC

La ventilation du puits de cuve (EVC) a pour but de refroidir la surface extérieure du calorifuge, le béton du puits de cuve, les chambres externes de mesure de flux, l’anneau support de cuve et les tunnels béton entourant les tuyauteries primaires. Sur

7. Les principaux circuits

963

le CP1, l’EVC comporte quatre files de ventilation équipées de ventilateurs et leurs batteries froides, ainsi que des clapets, et un collecteur de soufflage et ses registres. À titre indicatif, nous ne décrirons pas en détail, par manque de place, les circuits DVW (ventilation des locaux périphériques), DVN (ventilation générale du BAN), DVS (ventilation des locaux EAS et RIS), DVH (ventilation de secours des pompes de charge), DVK (ventilation du bâtiment combustible, qui sont des systèmes assez classiques de ventilation à activité contrôlée par filtration (iode. . . ).

7.16.4

Description du circuit ETY

Le circuit ETY correspond au mini-balayage, brassage et contrôle de l’atmosphère de l’enceinte. La fonction du brassage est d’homogénéiser l’atmosphère de l’enceinte à la suite d’un accident grave pour éviter l’accumulation d’hydrogène dans les parties hautes de l’enceinte. Le brassage permet de nourrir efficacement les recombineurs auto-catalytiques d’hydrogène qui sont disposés dans l’enceinte interne. On peut effectuer un échantillonnage pour mesurer la concentration en hydrogène dans l’enceinte. On rappelle qu’il faut maintenir la concentration en hydrogène à une valeur maximale de 4,1 % en volume pour éviter le risque de détonation/déflagration. Cet hydrogène est produit lors de l’accident par l’oxydation des gaines de zircaloy et des structures internes en acier du cœur. En fonctionnement normal, le mini-balayage permet de diminuer l’activité dans l’enceinte due à quelques gaz rares (krypton 85, xénon 133), voire tritium. Le minibalayage permet aussi la recompression de l’enceinte au démarrage et la ventilation du puisard des drains résiduaires. Le circuit ETY est constitué de deux files d’aspiration prélevant l’atmosphère de l’enceinte en partie haute du BR. Chaque file est équipée de deux vannes d’isolement en série, placées à l’extérieur de l’enceinte externe et d’un ventilateur utile à l’extraction. Deux tuyauteries principales (100 %) refoulent l’air dans la partie basse de l’enceinte, chacune équipée de deux vannes d’isolement enceinte, elles aussi extérieures à l’enceinte. L’échantillonnage est effectué en amont et en aval de chaque ventilateur. Les recombineurs sont installés de façon fixe dans l’enceinte. Le circuit de mini-balayage comporte une gaine sur le circuit DVK permettant d’aspirer l’air extérieur frais et filtré, une partie du circuit de brassage (2 tuyauteries refoulant l’air en partie basse de l’enceinte), une partie du circuit d’extraction d’air utilisant les tuyauteurs de reprise équipés des vannes d’isolement enceinte et des ventilateurs de brassage, d’un ensemble de filtration (réchauffeur électrique, préfiltre, filtre absolu, piège à iode) avant rejet à la cheminée du BAN.

7.17

La mise en dépression inter-enceinte (EDE)

Une des idées novatrices des bâtiments réacteurs à double-enceinte est la mise en dépression par rapport à l’atmosphère de l’espace entre l’enceinte interne et l’enceinte externe (Figure 7.103). Cette dépression permet d’empêcher la fuite de gaz radioactifs à travers l’enceinte externe, puisque c’est l’atmosphère extérieure qui est naturellement « aspirée » dans l’espace inter-enceinte. À titre d’exemple, les décrets d’autorisation des P4 et P’4 mentionnent un taux de fuite de l’enceinte externe, des situations plausibles, inférieur à 1 % par jour de la masse de gaz contenue dans le

964

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 7.103 – Principe du circuit de mise en dépression inter-enceinte EDE (P4-P’4).

volume limité par le parement interne de l’enceinte externe. Le circuit EDE, qui maintient cette dépression, est constitué de 3 files qui déversent à la cheminée TEG. Deux de ces files comportent chacune un préfiltre, un filtre absolu, un piège à iode et des organes d’isolement. La dernière file est une file de contournement ne comportant pas, à la différence des autres files, de piège à iode. Cette file de contournement garantit une meilleure efficacité des pièges à iode qui ne sont alors utilisés qu’en cas d’accident grave avec rejets radioactifs dans l’enceinte. La dépression assurée par une file de ventilation sur filtre propre est de 24,4 mbars pour le P4, 32 mbars pour le P’4. Cette dépression est mesurée et suivie en salle de commande, où une alarme apparaît si la dépression est inférieure à 19,5 mbars pour le P4 et 17,4 mbars pour le P’4.

7.18

La production d’eau déminéralisée (SDP)

L’épuration de l’eau de la source froide et sa déminéralisation sont effectuées par le système SDP. Le circuit d’amenée de l’eau de la source froide provient, soit de l’ouvrage de stockage d’eau industrielle dans les centrales en bord de mer, soit de la station de pompage en parallèle des pompes CRF (en circuit ouvert) ou SEC-SEN-SEB-JPP dans les centrales à rivière. Le SDP alimente le système SED en eau déminéralisée non conditionnée (pH = 7) destinée au circuit primaire et aux auxiliaires de l’îlot nucléaire, et le circuit SER en eau déminéralisée conditionnée (8, 9 < pH < 9, 2) destinée au circuit secondaire et aux auxiliaires de la salle des machines. C’est ce dernier qui est de loin le plus gros consommateur. Rappelons que les réserves SED et SER sont dimensionnées pour couvrir les besoins de 4 tranches en exploitation pendant 2 jours. La qualité de l’eau produite suit les spécifications suivantes : une conductivité électrique inférieure à 0,2 micro-Siemens/cm à 25 ◦ C, une concentration

7. Les principaux circuits

965

en SiO2 inférieure à 20 microgrammes/l, en sodium inférieure à 10 μg/l, une concentration en solides en suspension inférieure à 10 μg/l. L’eau du circuit d’amenée d’eau brute est filtrée par macro-tamisage pour éliminer les débris supérieurs à 0,1 mm. L’eau est ensuite envoyée vers le poste d’épuration primaire, soit gravitairement, soit par deux pompes plein débit installées dans la station de pompage et qui refoulent à travers les filtres. Le poste d’épuration primaire fournit de l’eau claire au poste de déminéralisation. La déminéralisation dépend de la nature de l’eau : coagulation par un coagulant (Cl3 Fe ou Cl Fe SO4 )/floculation (avec des produits comme le Prosedim C16, Hercofloc 900, Nalco), éventuellement décarbonatation au lait de chaux au contact avec l’eau à froid dans un décanteur en recirculation (pas systématique), décantation (à lit de boues ou à recirculation) (en particulier de la silice colloïdale), filtration sur lits filtrants.

7.19

Le circuit d’eau glacée (DEG)

Le circuit de production d’eau glacée assure l’alimentation des batteries froides des circuits de ventilation (EVR, EVC, DVN, DVK), et la réfrigération en saison chaude de l’eau du RRI servant au refroidissement de l’échantillonnage. Il se compose de 4 files 33 % composées chacune d’un groupe frigorifique (1 340 kW, 270 m3 /h à 5 ◦ C) et d’une motopompe de circulation (275 m3 /h) de l’eau. Trois motopompes suffisent pour remplir le service à 100 %.

7.20

L’air comprimé (SAP, SAT, SAR)

De l’air comprimé est nécessaire pour la motorisation de certains clapets ou vannes. Le circuit SAP produit de l’air comprimé pour une paire de tranches : air de régulation de la salle des machines, de l’îlot nucléaire. Le SAP comporte un compresseur rotatif principal, deux compresseurs à piston de secours, deux bâches tampon et les tuyauteries de liaison pour distribution de l’air. Le circuit SAT produit quant à lui de l’air comprimé de travail pour une paire de tranches. Le circuit SAR distribue l’air de régulation pour une paire de tranches à l’ensemble des appareils de régulation en salle des machines et des soupapes de contournement, ainsi qu’aux appareils de régulation à l’intérieur du BR, dans le BAN, le BK et les bâtiments périphériques, mais aussi pour les régulations pneumatiques situées dans les bâtiments annexes du site.

7.21

Le système informatique de conduite (KIC)

7.21.1

Généralités sur le contrôle commande informatisé

La présentation du KIC du palier N4, considéré comme un système, nous donne l’opportunité d’évoquer plus en détail le contrôle commande d’une tranche nucléaire. Celui-ci a pour fonction de gérer les fonctions indispensables à la conduite d’une tranche (protection du réacteur), mais aussi les fonctions nécessaires (disponibilité) ainsi que les fonctions utiles mais non vitales (aide à la conduite, archivage). Le concept d’un contrôle-commande est décrit Figure 7.104. On distingue les commandes logiques ou analogiques qui sont passées depuis les pupitres de la salle de

966

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 7.104 – Principes de l’architecture du contrôle-commande d’une tranche nucléaire.

commande quand celle-ci n’est pas totalement informatisée. Ces ordres actionnent des actionneurs logiques ou analogiques via des automates. Le traitement centralisé de l’information (TCI) traite les informations logiques et les mesures analogiques grâce à un système informatique (KIT sur les paliers avant le N4, puis KIC). Le contrôle-commande est constitué de 4 niveaux, classiquement (Figure 7.105) : • le niveau 0 des installations de la tranche. Ce niveau 0 est constitué de capteurs, d’actionneurs, de l’alimentation électrique et l’amplification de puissance. • Le niveau 1 qui assure l’interface avec l’installation et réalise de façon autonome les fonctions de protection et de réglage. Le niveau 1 est constitué d’automates logiques, d’automates de protection, de réglage, des équipements d’acquisition et de prétraitement des grandeurs analogiques et d’automates spécialisés comme la commande des grappes et la régulation et protection turbine et alternateur. Le niveau 1 comporte des sous-systèmes comme le contrôle commande du cœur (CO3), des systèmes de sauvegarde (CS3), le système de contrôle des auxiliaires de tranche (SCAT), le contrôle commande de la turbine (MICROREC) et le système de contournement à l’atmosphère (SCAP), le système d’acquisition et de mesures d’activité (RIC, KDO, KME, KRT). • Le niveau 2 qui traite l’information issue des niveaux 1 et 3, et assure l’interface homme-machine. Il se compose du système informatique de conduite

7. Les principaux circuits

967

Fig. 7.105 – Architecture générale du contrôle commande du palier N4. (KIC), lui-même constitué des calculateurs centraux de traitement (CCT assurant l’interface entre le niveau 1 et le niveau 2 et élaborant les informations nécessaires au KIC à partir des données temps réel), des calculateurs frontaux (4xCFR, soit deux couples en redondance passive 33 ), des postes opérateurs et opérateurs minimum (4xPO, 4xPOM, traitant via des écrans les dialogues de conduite/surveillance et les alarmes, en redondance fonctionnelle 34 ), du calculateur d’archivage (CAR), du configurateur (CFG non doublé permettant le chargement en ligne des données de description de la tranche), du gestionnaire des systèmes périphériques (GSP assurant l’interface avec les calculateurs de site ou le réseau national), du niveau N2, du GDR, de l’espion de ligne (EDL analyseur de réseau et de trafic) et de la VS de surveillance (VSS, maintenance et diagnostique). Le niveau 2 comporte aussi le système de conduite et de signalisation 33 La redondance passive concerne deux éléments identiques et chargés avec le même logiciel. Ils sont stimulés par les mêmes entrées et effectuent les mêmes traitements de façon complètement asynchrone. Les deux éléments en redondance passive émettent sur le réseau. On parle de redondance passive normal/secours si un seul des éléments émet sur le réseau, l’autre étant en attente. A contrario, une redondance active concerne deux éléments qui sont identiques et chargés d’un même logiciel, et qui sont stimulés par les mêmes entrées et effectuent les mêmes traitements de manière simultanée. Les deux éléments sont dissymétriques : l’un est maître, l’autre esclave, et c’est la machine maître qui dirige le séquencement du logiciel pour les deux machines. Seule la machine maîtresse émet sur le réseau. 34 La redondance fonctionnelle concerne deux éléments assurant les mêmes fonctions indépendamment les uns des autres. Cette redondance ne génère pas de doublons sur le réseau puisque les éléments sont stimulés par des entrées différentes.

968

La technologie des réacteurs à eau pressurisée conventionnel (KKC) lui-même constitué du synoptique mural (SYN), de l’unité de visualisation des alarmes (UVA), du panneau de repli (PdR), du panneau auxiliaire (Paux), des panneaux locaux de conduite dont le panneau BTE, du pupitre inter-portes opérateur (PIPO) ou poste conventionnel de commande d’urgence. Le niveau 2 contient aussi les moyens intermédiaires de conduite (MIC) utilisés pour les essais. • Le niveau 3 qui comporte les moyens de supervision, et qui permet d’accéder à l’extérieur du site.

7.21.2

Objectifs du KIC

Les principaux objectifs du KIC sont les suivants : • l’utilisation du même poste opérateur en situation normale, incidentelle ou accidentelle ; • la conduite en position assise devant un écran d’ordinateur grâce à l’intégration très poussée et l’informatisation complète des moyens de commande ; • l’homogénéisation des affichages et de l’IHM. Le KIC reçoit les données en temps réel. Il réalise les traitements d’alarme et les calculs d’informations élaborées, les traitements d’aide à la conduite, l’archivage, les journaux de bord et l’élaboration des ordres. Il gère les quatre postes opérateurs de la salle de commande et un poste en salle technique d’information. Le KIC est classé Important pour la sûreté – Non classé (IPS-NC), car il supporte les fonctions utiles et nécessaires. De ce fait, les voies A et B sont dans des locaux indépendants géographiquement et électriquement. La nécessaire disponibilité du KIC impose un doublement systématique des modules matériels supportant les fonctions nécessaires. La perte d’une partie redondée ne doit pas entraîner la perte de l’autre partie. Les équipements du niveau 2 sont aussi répartis en deux voies séparées. Les matériels non redondants du niveau 2 sont alimentés par la voie A et les matériels redondants par les voies A et B. Les liaisons de communication interne du niveau 2 sont réalisées par un réseau redondant dont la liaison entre voie A et voie B est faite par un découplage galvanique. La même chose pour les matériels de niveau 2 qui communiquent avec tous les matériels du niveau 1. Le découplage galvanique est réalisé par un moyen optique.

7.22

Trigrammes des circuits

Le « langage des initiés » du « parlé nucléaire » fait appel à une myriade de trigrammes, très perturbant pour le non-initié que nous avons tous été un jour ! Il nous a donc semblé utile de rappeler ici la signification. En général, ces trigrammes sont communs aux différents paliers, mais on a assisté à une simplification (utile) de la liste des trigrammes en passant du 900 MWe au 1 300 MWe. Certains trigrammes sont donc spécifiques à un palier donné.

969

7. Les principaux circuits Sigle ABP ACO

Poste d’eau, Alimentation en eau

ADG AET AFR AGR AHP APG APP APU APV ARE ASG ATH CAP CAR CET CEX CFI CGR

Condenseur

CPA CRA CRF CSI CTA CTE CVF CVI DAA DAB DAI DAL DCA DEB DEG DEL

Fonction Réchauffeurs BP Reprise des condensats du poste d’eau Bâche alimentaire et dégazeurs Étanchéité TPA Fluide régulation TPA Graissage, fluide de régulation TPA Réchauffeurs HP-MP Purges des générateurs de vapeur Turbopompe alimentaire principale Purges TPA Purges TPA Régulation du débit d’eau alimentaire Alimentation de secours des GVs Traitement d’huile TPA Apport rejet condenseur Arrosage culotte Étanchéité turbine Extraction condenseur Filtration eau de circulation Graissage de la pompe de circulation Protection cathodique (centrale en bord de mer) Fourniture d’eau tiède à usage agricole Circulation eau brute Isolement circuits de circulation Nettoyage du faisceau condenseur (système mécanique Taprogge) Traitement eau de circulation Réfrigérants atmosphériques Vide Ascenseurs Atelier magasin et locaux chauds Ascenseurs bâtiments administratifs Ascenseurs îlot nucléaire Ascenseurs locaux électriques et salle des machines Protection entrée/sortie air ventilation détection onde de choc Eau glacée/eau chaude (production centralisée et distribution annexe) Production eau glacée îlot nucléaire Production eau glacée locaux électriques

900/1 300 900/1 300 CP1 900/1300 CP1 CP2/1300 900/1300 900/1300 900/1300 900/1300 CP1 CP2 900/1300 900/1300 CP2/1300 CP1 900 900/1300 900/1300 CP1 900/1300 900/1300 900 900/1300 900 900 900/1300 900 900/1300 900/1300 CP1 900 900 CP1 900 900/1300 900/1300

970

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Sigle DMA DMB DMH DMK DMM DMN DMP DMR DMW DN DS DSA DSI DTD DTL DTV DVA DVB DVC DVD DVE DVF DVG DVH DVI DVK DVL DVM DVN DVP DVQ DVR DVS

Fonction Manutention magasin général Ascenseurs bâtiment administratif Manutention diverse Manutention BK Ponts roulants salle des machines Manutention BAN Portiques station de pompage Manutention bâtiment réacteur Manutention bâtiments périphériques du BR Éclairage normal Éclairage secouru Éclairage secouru et de sécurité Gardiennage Distribution pneumatique des documents Distribution de télévision en circuit fermé Transmission, Téléphone Ventilation des locaux chauds et ateliers magasins Ventilation conditionnement bâtiments administratifs Ventilation salle de commande Ventilation locaux groupes électrogènes Ventilation entrepôt de câblage Extraction des fumées (locaux électriques) Ventilation des locaux de mécanismes de grappes et pompes ASG Ventilation de secours des locaux pompes de charge Ventilation des locaux RRI Ventilation bâtiment combustible Ventilation des équipements électriques Ventilation et chauffage salle des machines Ventilation générale du BAN Chauffage et ventilation station de pompage et tambours de filtrage Ventilation du BAC (Auxiliaires de conditionnement) Ventilation des locaux électriques Ventilation des locaux moteurs EAS et RIS-ISBP

900/1 300 900 900 900/1300 900/1300 900/1300 900 900 900/1300 900 900/1300 900/1300 900 900/1300 900/1300 900/1300 900/1300 900/1300 900/1300 900/1300 900/1300 900/1300 900/1300 U900/1300 900/1300

900/1300 900/1300 900/1300 900/1300 900/1300 900 1300 900/1300

971

7. Les principaux circuits Sigle DVT DVU DVV DVW DVX DVZ EAS EAU EBA EDE Enceinte de confinement

EPP ETY EVC EVF EVR GCA GCT GEV GEX GFR GGR GHE GPA

Groupe TurboAlternateur

GPV GRE GRH GRV GSE GSS GST

Fonction Conditionnement des locaux divers de site Ventilation et conditionnement éclairage détection incendie Ventilation du bâtiment des auxiliaires généraux Extraction d’air des zones de traversée locaux périphériques Ventilation des accès locaux électriques Ventilation des locaux électriques voie secourue Aspersion de l’enceinte Instrumentation de l’enceinte (auscultation et mesures sismiques) Ventilation de balayage à l’arrêt Mise en dépression de l’espace entre enceinte Pressurisation des pénétrations, contrôle de fuites de l’enceinte Balayage en marche, teneur en hydrogène Ventilation du puits de cuve Ventilation interne Ventilation continue du BR Circuit conservation turbine à l’arrêt Contournement global turbine (décharge à l’atmosphère) Évacuation de l’énergie Excitation de l’alternateur Fluide de régulation Graissage, soulèvement virage Huile d’étanchéité Protection turbine et évacuation d’énergie Purge turbine Réglage et contrôle turbine (régulation) Réfrigération hydrogène Remplissage/vidange appoint H2/CO2 Sécurités Sécheurs/Surchauffeurs Eau stator

900/1 300 900/1300 1300 900/1300 900 1300 1300 900/1300 900/1300 900/1300 1300 900/1300 900/1300 900 900/1300 900/1300 1300 900/1300 900/1300 900/1300 900/1300 900/1300 900/1300 900/1300 900/1300 900/1300 900/1300 CP1/1300 900 900/1300 900/1300

972

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Sigle GSY GSY GTH GTR JDT JPD JPF JPH Incendie

JPI JPL JPP JPS JPT KBS KDS KER KGA KHY KIR KIT KKK KKO

Contrôle KME KPR KPS KRA KRG KRS KRT KSA KSB KSC KSN KSU

Fonction Synchronisation couplage Gaines coaxiales Traitement d’huile Téléréglage/télémesure Détection Incendie Distribution eau incendie Protection incendie façade Protection cuves à huile salle des machines Protection incendie îlot nucléaire Protection incendie locaux électriques Production eau incendie Protections mobiles de site Protection incendie transformateur Boîtes soudures froides Calculateur de site Comptabilisation des rejets en effluents de l’îlot nucléaire Gestion logiciel automatique (zuidex) Détection fuite hydrogène Instrumentation de surveillance du circuit primaire Traitement de l’information (calculateur de tranche) Contrôle des accès Comptage électrique, oscillo et tachyperturbographie Réseau fixe de mesures d’essais Panneau de repli Équipement informatique panneau de repli Détection risque anoxie Régulation générale Contrôle de pollution (radioprotection météorologie) Radioprotection tanche Salle de commande de prétraitement eau à déminéraliser Salle de commande déminéralisation Salle de commande Pupitre de commande du BAN Pupitre de commande du BDS

900/1 300 900 1300 900/1300 900/1300 900/1300 900/1300 CP1 900 900/1300 900 900 900 900/1300 900 CP1 900/1300 1300 1300 900/1300 900/1300 900/1300 900/1300 900/1300 900/1300 900 1300 900 900/1300 900/1300 900 CP1 900/1300 CP1 900/1300

973

7. Les principaux circuits Sigle KTGa KTGb KZC LA LAA LAB LAC LAE

LB LBA LBAN LBC-LBF LBG LBH LBI LBJ LC LCA-LCB LCAN Électricité

LCC LCD LCE LCF LCH LD LDA

Fonction Auscultation table de groupe Auscultation réfrigérant atmosphérique Contrôle de l’accès en zone contrôlée Production et distribution de 230 V Production et distribution du 220 V / 230 V Production et distribution du 230 V Normal graissage GTA Production et distribution du 220 V Secours graissage GTA BDS : Production 230 V (alimentation des onduleurs 220 V CA sans coupure) Production et distribution de 125 V Production et distribution de 125 V voie A et voie B Production et distribution du 125 V Production et distribution de 125 V Onduleur protection réacteur Production et distribution de 125 V BAN Production et distribution de 125 V Déminéralisation Production et distribution de 125 V BAG Production et distribution de 125 V Découplage Production et distribution de 48 V Production et distribution de 48 V voie A et voie B Production et distribution de 48 V Relayage Production et distribution de 48 V Découplage Production et distribution de 48 V BAN Production et distribution de 48 V Déminéralisation Production et distribution de 48 V BAG Production et distribution de 48 V BDS Production et distribution de 30 V Production et distribution de 30 V Régulation

900/1 300 900 900 900 1300 900 900 900 900

1300 900 CP1 900 900 900 900 900 1300 900 CP1 900 900 900 900 900 1300 900

974

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Sigle LG LGA-LGI LGE LGE-LGM LGJ LGR LGX LHA-LHB LHN-LHM LHP-LHQ LHT LK LKA-LKZ LL LLA-LLW LLF LLS

LMA-LMB LN LNA-LND LNE-LNFLNG LNH LNK

Piscine de stockage du combustible

LSA LSI-LSY LTR LYS PMC PTR

Fonction Distribution de 6,6 kV Normal Distribution de 6,6 kV Normal Tableaux site Alimentation de 6,6 kV chaudières auxiliaires Distribution de 6,6 kV Locaux SUG et site Alimentation auxiliaire réseau HT et transformateur Traitement des alarmes tableaux permanents Distribution 6,6 kV secouru Groupe électrogène de secours BDS Production 6,6 kV secouru (diesels) Production 6,6 kV secouru (turbine à gaz) Distribution 380 V normal Distribution 380 V normal Distribution 380 V secouru Distribution 380 V secouru Distribution 380 V secouru BDS Turbo alternateur de secours alimentation des pompes RIS, production 380 secouru Production et distribution 220 V non permanent Production et distribution 220 V Production et distribution 220 V protection réacteur Production et distribution 220 V alternatif Production et distribution 220 V alternatif BAG Production et distribution 220 V alternatif sans coupure BDS Boucles d’essais Balisage et éclairage site Circuit à terre Réseau d’essai de décharge batterie Manutention du combustible et des équipements internes Traitement et réfrigération des piscines

900/1 300 1300 900 900 900 CP2 900/1300 CP2 900 900 900/1300 900 1300 900 1300 900 CP2 CP1/1300

900 1300 900 900 900 900 900/1300 900/1300 900/1300 900 900/1300 900/1300

975

7. Les principaux circuits Sigle RAM RAZ RCP RCV RDE REA REN RGL RHY Réacteur

RIC RIS RPE RPN RPR RRA RRB RRC RRI RRM SAD SAP SAR SAT SBE SCO SDA SDB SDC SDP SDX

SEA SEB SEC

Fonction Alimentation des mécanismes de grappe Distribution d’azote Circuit primaire (pressuriseur inclus) Contrôle volumétrique et chimique Circuit de décontamination des GVs Appoint eau et bore Échantillonnage nucléaire Commande des grappes longues Stockage et distribution d’hydrogène Instrumentation interne du cœur Injection de sécurité Purges, Évents et exhaures nucléaires Mesure de la puissance neutronique Protection du réacteur Réfrigérant à l’arrêt Réchauffage du bore Régulation chaudière nucléaire Réfrigération intermédiaire Refroidissement des mécanismes de grappes Système d’acquisition de données, comptage des situations Production d’air comprimé Distribution d’air comprimé de régulation Distribution d’air comprimé de travail Équipement bloc entretien chaudière du site Stockage gaz carbonique Production eau déminéralisée Production eau déminéralisée Production eau déminéralisée Prétraitement eau à déminéraliser Stockage produits chimiques, Neutralisation des effluents - déminéraliseur Production eau douce Eau brute Eau brute secourue pour le RRI

900/1 300 900/1300 900/1300 900/1300 900/1300 900 900/1300 900/1300 900/1300 1300 900/1300 900/1300 900/1300 900/1300 900/1300 900/1300 900 900 900/1300 900/1300 900 900/1300 900/1300 900/1300 900/1300 1300 900/1300 900 900 900 900

900/1300 900 900/1300

976

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Sigle SED SEF SEH SEI SEK

Services généraux

SEN SEO SEP SER SES SET SEZ

SFI SGZ SHY SIR SIS SIT SKH SLT SNV SRE SRI SRS STE STR SVA SVE SXS TEG Traitement des effluents

TEL TEP TER TES TEU

Fonction Distribution eau déminéralisée pour le réacteur (pH = 7) Prise d’eau, préfiltration, dégrilleurs Effluents hydrocarbures et huiles Distribution eau douce Comptabilisation et rejets des effluents du circuit secondaire Eau brute, réfrigération SRI Égouts, eaux pluviales Eau potable Distribution déminéralisée (pH = 9) Eau surchauffée Arrosage isolateurs Hydrogéologie, géosismie, surveillance du mouvement des ouvrages Filtration eau brute Stockage gaz Stockage hydrogène pour les besoins secondaires Conditionnement chimique Écoute primaire Contrôle chimique (échantillonnage) Stockage huile Ventilation « bulle » Entreprise Nettoyage par le vide de la salle des machines Recueil d’effluents Réfrigération intermédiaire salle des machines Restaurant Traçage électrique Transformateur de vapeur Distribution vapeur auxiliaire Vapeur d’essai Drains et exhaures partie conventionnelle Traitement des effluents gazeux

900/1 300 900/1300

Stockage supplémentaire (extension TEU) Traitement des effluents primaires Réservoirs de santé Traitement des effluents solides Traitement des effluents usés

900

900 900/1300 1300 900/1300 900 900/1300 900/1300 900/1300 900/1300 1300 CP2

900 900/1300 1300 900/1300 900 900/1300 900 CP1 900 900 900/1300 CP1 900/1300 900/1300 900/1300 900/1300 CP1 900/1300

900/1300 900/1300 900/1300 900/1300

977

7. Les principaux circuits Sigle VVP Circuit vapeur principal Production de vapeur auxiliaire Installations provisoires Matériel Commun

VPU XAA XCA YEQ YLH YRS ZAU

Fonction Soupapes de sûreté et évents vannes d’isolement Tuyauterie Vapeurs et purges circuits vapeur Alimentation en eau et dégazeur chaudières auxiliaires Chaudières auxiliaires Dispositif mobile d’équilibrage et usinage rotors turbine Bancs mobiles de charge pour essais groupes électrogènes Surveillance turbine Instrumentation automatisme

900/1 300 900/1300 1300 900/1300 900/1300 900 900 CP1 CP1

Chapitre 8 Le groupe turbo-alternateur et la production d’électricité 8.1

8.1.1

Généralités sur la production d’électricité par le parc nucléaire Petit historique du réseau français pré-nucléaire

[Arzul et al., 2012] p. 19, [Pélissier, 1971, Tome 1] p. 35, [Rousseau, 1970] Le pionnier français en matière de transport d’électricité est l’ingénieur Marcel Deprez 1 (1843-1918), grâce à des travaux précurseurs en 1876 sur le transport du courant continu. En 1881, à l’Exposition internationale de l’électricité de Paris, il se fait connaître du grand public en alimentant 27 appareils électriques grâce à deux dynamos. L’Exposition est entièrement éclairée par des ampoules à incandescence de Thomas Edison. 1 Marcel Deprez (1843-1918), ingénieur français précurseur du transport de l’électricité sur longues distances. On lui doit l’installation de deux dynamos mues par une chute d’eau, en août 1881 à L’Exposition internationale de l’électricité de Paris, au Palais de l’Industrie sur les Champs-Élysées, la ligne entre une dynamo de 70 volts de Mesbach et Munich (30 km) actionnant une pompe, en Allemagne en septembre 1882, entre Jarrie et Grenoble en 1882 en France, et entre Creil et la Gare du Nord à Paris en 1885. L’utilisation du courant continu limite les capacités de ces transports. Le lycée des métiers de l’électrotechnique de Paris porte son nom.

Marcel Deprez et ses réalisations pour l’Exposition internationale de l’électricité de Paris en 1881.

980

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 8.1 – L’installation de Marcel Desprez à l’Exposition de Paris en 1881 (collection Marguet). La légende d’origine confond cette exposition avec celle de Munich en septembre 1882. En août 1884, l’usine électrique construite par l’ingénieur suisse Louis Dumont à partir de 1883, avec sa retenue d’eau, fit de Bellegarde-sur-Valserine 2 (ou Bellegardesur-Rhône) la première ville électrifiée de France juste avant La Roche-sur-Foron en 1885 et Bourganeuf en 1886. Selon les sources, 30 ou 90 lampes ont été installées pour 2 Le site des Pertes du Rhône au confluent du Rhône et de la Valserine a vu en 1873 l’installation de turbines hydrauliques profitant des chutes importantes, et transmettant l’énergie via des câbles « télédynamiques » (la rotation de la turbine faisant tourner des systèmes de poulies entraînant des câbles, eux-mêmes faisant tourner d’autres poulies situées à longue distance). On imagine néanmoins la déperdition d’énergie mécanique dans ce type de transmission, un « effet Joule » avant la lettre surmultiplié par le nombre de poulies d’échange. D’après l’article : « Tentatives de transport de l’énergie hydraulique, avant l’électricité : Entre deux transitions énergétiques (1830-1890) » d’André Ducluzaux dans l’Encyclopédie de l’Énergie (http://encyclopedie-energie.org/), dont on ne peut que louer le travail.

Câbles télédynamiques et pylône de Bellegarde (1973).

8. Le groupe turbo-alternateur et la production d’électricité

981

l’éclairage public et certains particuliers. C’est l’utilisation du courant alternatif, promotionné par Nikola Tesla, qui va permettre d’augmenter les puissances transportées. Avant 1900, les premières lignes de transports utilisaient des tensions de l’ordre de 11 à 16 kV, et jusqu’à 40 kV aux États-Unis. Les tensions vont augmenter jusqu’en 1920, et le réseau français va considérablement se développer entre 1915 et 1965 (Figure 8.2). L’interconnexion progresse aussi à partir de 1946 suite à la nationalisation des très nombreuses sociétés productrices locales en une seule entité : Électricité de France [Arzul et al., 2012] p. 30.

Fig. 8.2 – Développement du réseau entre 1915, 1935 et 1965. Initialement centré autour des chutes d’eau (rivières ou montagnes), la mécanisation va permettre une électrification complète du pays (adapté d’après [Pélissier, 1971, Tome 1]). Le développement du réseau va de pair avec la consommation d’électricité en France qui progresse selon un doublement tous les 10 ans dans la seconde moitié du xxe siècle (Figure 8.3). Le réseau électrique doit donc s’adapter.

8.1.2

Le réseau français moderne et les risques encourus

Le système électrique français est interconnecté au système européen de la plaque d’Europe de l’Ouest de l’Union pour la coordination du transport de l’électricité (UCTE). Cette interconnexion crée les conditions d’une solidarité permanente entre pays avec une capacité d’échange importante. Avec son puissant parc nucléaire, la France est traditionnellement exportatrice de courant. L’ensemble du parc de production [Mémento de la sûreté du système électrique, 2004] p. 13, représente plus de 100 000 MWe et est composé de plusieurs centaines de groupes de production. Le réseau français représente une centaine de milliers de kilomètres de lignes aériennes ou enterrées et de plusieurs milliers de postes HTB 3 , et plusieurs milliers d’installations de clients directement raccordées au réseau HTB. Le réseau est géré par un centre national et 7 centres de conduite régionaux. L’exploitation du système électrique a trois objectifs majeurs : garantir la sûreté du fonctionnement, favoriser la performance économique et satisfaire les engagements contractuels vis-à-vis des clients [Mémento de la sûreté du système électrique, 2004] p. 17. La sûreté de fonctionnement se définit comme l’aptitude à assurer le 3 HTB correspond aux postes haute tension > 50 kV, à savoir HTB1 (63 kV à 90 kV), HTB2 (250 kV), HTB3 (400 kV).

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 8.3 – Évolution de la consommation électrique en France de 1948 à 1972 (données EDF).

fonctionnement normal du réseau, limiter le nombre d’incidents et éviter les grands incidents, et limiter les conséquences des grands incidents quand ils apparaissent. C’est l’impossibilité actuelle de stocker de façon immédiatement accessible l’électricité qui fait qu’il faut adapter à tout instant la production à la consommation. Mais de fait, le réseau électrique est soumis à des aléas climatiques (tempêtes, foudre, givre. . . ), des pannes diverses ou des agressions externes (pelleteuses qui sectionnent des câbles, incendies. . . ). Il faut aussi envisager des dysfonctionnements liés au facteur humain. D’où la nécessité d’avoir des marges de sécurité de production toujours disponibles pour compenser l’effacement d’un groupe de production par un autre groupe. Mais la

8. Le groupe turbo-alternateur et la production d’électricité

983

sûreté du réseau s’accompagne d’une dimension économique, qui fait qu’on accepte des dégradations du fonctionnement du réseau pour des combinaisons d’aléas particulièrement sévères. Dans les cas les plus graves, on peut être amené à sacrifier la distribution d’une zone géographique pour sauver l’ensemble du réseau menacé. L’analyse de retour d’expérience a montré que la fréquence d’occurrence d’un événement majeur entraînant la perte d’une partie importante du réseau français était de l’ordre de 10−1 événement par an (du fait de marges insuffisantes combinées avec des aléas multiples). Cette analyse a conduit à l’établissement d’une courbe de Farmer du risque au niveau du réseau (Figure 8.4). Les phénomènes induits par ces situations sont des surcharges en cascade par le maintien d’intensités trop élevées conduisant à des échauffements, l’écroulement de la tension 4 qui est une grandeur locale fortement impactée par les variations de consommation et les transits de puissance réactive 5 , l’écroulement de la fréquence qui baisse si la consommation est supérieure à la production et inversement 6 , la rupture de synchronisme provoquée par un glissement de phase entre les différents alternateurs 7 . 4 L’écroulement de tension le plus significatif du réseau français date du 12 janvier 1987, provoqué par des pannes successives indépendantes (3 groupes de la centrale thermique à charbon de Cordemais en Loire-Atlantique qui disjonctent), aggravées par des dysfonctionnements des systèmes de protection. Cet écroulement de tension a vu la tension du réseau 400 kV tomber à 200 kV en Bretagne au moment le plus critique. La Bretagne, du fait de l’absence de moyen de production nucléaire, concentre particulièrement le risque de délestage en hiver (adapté de[Mémento de la sûreté du système électrique, 2004] p. 158).

La Bretagne en situation difficile le 12 janvier 1987. 5 La puissance réactive se transporte mal. La tension doit être réglée à partir des sources de puissance réactive comme les groupes de puissance, les condensateurs et les réactances des circuits. 6 Le fameux incident du 18 décembre 1978 (8 h 06) voit une très forte consommation d’hiver par temps très froid, augmentant les transits de l’est vers Paris. Des cascades de surcharges provoquent des délestages à l’ouest, et de nombreuses tranches ratent leur îlotage, amplifiant le phénomène. Plus des 4/5 du pays seront privés de courant de 30 minutes à 7 heures ! La profondeur maximale de la coupure a été de 75 % de la puissance appelée, faisant de cet incident le plus grave que le réseau français ait connu. 7 Quand les rotors des alternateurs tournent à la même vitesse électrique, le fonctionnement est synchrone et cette vitesse commune définit la fréquence du réseau. Le synchronisme est dû au couple synchronisant qui solidarise les générateurs entre eux tant que le couple moteur appliqué au rotor de la turbine et le couple résistant dû aux charges électriques du stator sont en équilibre. Un court-circuit de longue durée peut rompre cet équilibre, provoquant des battements de tension. On parle de perte de synchronisme. Un système en salle de commande permet de régler le synchronisme d’un alternateur lors de sa connexion au réseau. Sous l’action de leurs systèmes de protection, les alternateurs déclenchent et se séparent du réseau, ce qui amplifie la dislocation du système.

984

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 8.4 – Courbe de Farmer du risque accepté en fonction de la fréquence d’occurrence d’un événement (adapté de [Mémento de la sûreté du système électrique, 2004] p. 30).

8.1.3

La fourniture d’énergie nucléaire

[Schroeder, 2018] p. 65 Généralités L’arrivée du nucléaire civil, avec les réacteurs UNGG de Chinon et Bugey, va modifier la cartographie du réseau, les lignes à très haute tension partant des sites nucléaires (Figure 8.6). Objectif principal des réacteurs nucléaires civils (ceux des réacteurs à objectifs militaires étant de produire du plutonium), la production d’électricité est fournie à un réseau électrique de distribution. En France, la tension de 20 kV produite par la tranche, est élevée par un poste transformateur dit élévateur à une tension de 400 kV pour les grandes lignes de transport interrégionales, puis abaissée à 225 kV, et enfin 63 kV au plus proche des centres de consommation, encore abaissée à 20 kV pour être finalement délivrée à 220 V dans les ménages (Figure 8.5, Figure 8.6). Un dispatching national surveille en permanence le réseau très haute tension et les échanges avec les pays voisins en interconnexion (Photo 8.1). Au niveau de la tranche nucléaire, la turbine entraîne un alternateur triphasé 4 pôles de 1 080 MVA à 1 500 tours/minute. Le courant est fourni au rotor par un alternateur inversé dont l’inducteur est fixe et l’induit tourne avec l’arbre. On obtient ainsi une puissance de 2 460 kW pour un courant d’excitation de 5 000 ampères.

8. Le groupe turbo-alternateur et la production d’électricité

985

Fig. 8.5 – Principe de la distribution du courant produit par les centrales nucléaires.

Fig. 8.6 – Maillage du réseau électrique français (géré par RTE). Les lignes 400 kV ont comme points de départ les centrales nucléaires.

986

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Photo 8.1 – Le dispatching national d’EDF dans les années 1960. La gigantesque mappemonde indiquait le sens des courants à l’échelle de la France et des pays voisins (photo EDF).

La fourniture d’énergie à l’îlot nucléaire L’alternateur principal débite 26 800 ampères à la tension de 20 kV. Il alimente un transformateur de soutirage à trois enroulements 20 kV/6,6 kV, destiné à fournir la puissance des auxiliaires nucléaires. Par auxiliaires, on sous-entend les auxiliaires de production comme les pompes primaires, l’eau de circulation, le poste d’eau, l’ARE, le vide au condenseur. On peut s’en passer lorsque la tranche est à l’arrêt. Il y a aussi les auxiliaires permanents, qui doivent pouvoir être alimentés même tranche à l’arrêt, à savoir les engins de manutention, le vireur de la turbine, l’air comprimé, le traitement des effluents, le circuit de vapeur auxiliaire, l’eau brute non prioritaire et la déminéralisation. Enfin, les auxiliaires secourus, dont l’alimentation est impérative pour des raisons de sûreté comme le refroidissement du primaire, l’injection de sécurité, l’aspersion de l’enceinte et l’ASG. Pour les auxiliaires secourus, il faut que l’alimentation soit très fiable et redondée (batteries, diesels. . . ). Le transformateur de soutirage alimente aussi un transformateur 20 kV/380 kV qui le relie au réseau haute tension. Les auxiliaires de production sont alimentés uniquement par la ligne d’évacuation principale, via le transformateur de soutirage. Les auxiliaires permanents sont alimentés par deux voies : l’une à partir de la ligne principale, l’autre par la ligne auxiliaire qui provient par sécurité d’un autre site de production, justifiant la présence d’un transformateur auxiliaire. Les auxiliaires secourus sont alimentés d’une part par le transformateur de soutirage, et le transformateur auxiliaire qui est sous tension et prêt à reprendre instantanément la charge des tableaux permanents, d’autre part par des groupes électrogènes. Le passage de la source externe principale à la source externe auxiliaire est commandé automatiquement par l’ouverture des disjoncteurs d’arrivée du transformateur de soutirage (TS) sur les tableaux de production, puis par fermeture des disjoncteurs d’arrivée du transformateur auxiliaire (TA) sur les tableaux permanents. C’est ce qu’on appelle le basculement TS/TA. Si la tension vient à manquer sur un tableau secouru, un automatisme provoque instantanément le démarrage d’un groupe électrogène correspondant au tableau en question, puis le

8. Le groupe turbo-alternateur et la production d’électricité

987

relestage par crans des différents auxiliaires si le manque de tension dure plus de 4 secondes. Les auxiliaires d’une puissance supérieure à 160 kVA sont alimentés à partir des tableaux 6,6 kV. Ceux de moins de 160 kVA par du 380 V issu du 6,6 kV par des transformateurs. Les tableaux 380 V alimentent aussi des tableaux dits sources, dont le rôle est de fournir l’énergie nécessaire au contrôle-commande.

8.2

La salle des machines

Le bâtiment turbine est un bâtiment conventionnel dit « salle des machines » (SDM), connexe au bâtiment réacteur pour minimiser la longueur des conduites qui amènent la vapeur depuis les GVs. L’emplacement relatif de la turbine par rapport au cœur a évolué au fil des paliers pour prendre en compte le risque d’éjection d’ailettes dans des directions tangentielles à l’axe de la turbine. Dans les premiers paliers, l’option initiale des tranches jumelées de type CP0 ou CP1 a conduit au fait que les groupes turbo-alternateurs sont accolés tangentiellement aux BRs. Cette situation présente un risque accru où l’éjection de missiles pourrait perforer l’enceinte, d’où l’adjonction de murs anti-missiles. La situation a été améliorée dans le cas du CP2 où le GTA est placé radialement par rapport au BR. La situation s’est encore améliorée dans le cas des sites P4 de plaines où les paires de réacteurs forment un angle entre elles (Figure 8.7).

Fig. 8.7 – Emplacement des GTAs par rapport au BR selon les paliers. La salle des machines (Figure 8.8, Photo 8.2) est un bâtiment volumineux qui contient le groupe turbo-alternateur et le condenseur, des composants de très grande taille. Le condenseur est situé en dessous de la turbine et reçoit la vapeur en sortie des corps BP et les condensats. La Figure 8.8 donne une idée de la disposition des

988

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 8.8 – Coupe longitudinale de la salle des machines.

Photo 8.2 – Construction de la salle des machines de l’EPR de Flamanville 3.

composants. La salle des machines est accessible en fonctionnement nominal pour la surveillance et la maintenance. Le bruit intense de la turbine rend souhaitable le port d’un casque de protection auditif.

8. Le groupe turbo-alternateur et la production d’électricité

8.3

989

La turbine

[Alcatel Alsthom, 1992] p. 346, [Bloch et Singh, 2000], [Chambadal, 1956], [Leclercq, 1988] p. 246 [Pluviose, 2010] p. 49, [Ricard, 1953] p. 411, [Shlyakhin, 1965], [Turbines à vapeur, 1968]

8.3.1

Petit historique des turbines de puissance de la turbine

[Bidard et Bonnin, 1979], [Hutin, 2016] p. 553, [Margoulova, 1977] p. 291, [Mercier, 1987] p. 145 Évolution de la puissance des turbines Le groupe turbo-alternateur (GTA) est le moyen de production d’électricité situé dans la salle des machines (SDM), appelé aussi bâtiment turbine. Ce lieu est accessible aux rondiers lorsque la tranche est en fonctionnement, ce qui permet une surveillance « rapprochée » de la turbine. La turbine transforme l’énergie de la vapeur en énergie mécanique de rotation de l’arbre, qui produit du courant électrique dans un alternateur. La turbine d’un réacteur nucléaire est très semblable à celle d’une tranche conventionnelle. On peut ainsi comparer les évolutions de turbine par rapport à la puissance électrique de la tranche, et constater un effet de gigantisme lié à l’apparition des REPs en France (Figure 8.9). La technologie des turbines à vapeur a beaucoup évolué à partir de la fin du xixe siècle, et l’industrie française des grandes turbines s’est fortement développée après la seconde guerre mondiale, en exportant ses turbines de 40 MWe à 250 MWe. La reconstruction et l’industrialisation de la France après-guerre ont porté sur deux axes : les aménagements hydrauliques de longue haleine et le développement de centrales thermiques conventionnelles (charbon, gaz et fuel 8 ). Le cycle à resurchauffe s’est imposé de façon presque universelle du fait de l’amélioration de rendement qu’il procure (environ 5 %). On a même vu des cycles à 2 resurchauffes pour des turbines à haute pression de 250 bars (supercritique). EDF, pour ses centrales thermiques, a limité les températures de vapeur surchauffée à 565 ◦ C pour 165 bars pour ses groupes 250 MWe. Les turbines des centrales thermiques les plus récentes sont représentées par la turbine de Porcheville comportant un corps haute pression, un corps moyenne pression et trois corps basse pression, et la turbine du Havre qui, en plus des corps HP et MP, ne comporte que deux corps BP. Après la « défaite » de la filière BWR portée par la CGE du fait de la décision d’EDF du 4 août 1975 de ne retenir que la filière REP, CGE va rebondir sur la maîtrise de la technologie des turbo-alternateurs par échange de capital [Alcatel Alsthom, 1992] p. 401. En effet, une restructuration industrielle en 1977 intervient au profit de la CGE. La situation se présente alors comme un marché partagé entre 4 constructeurs répartis dans deux groupes Alsthom (licence de turbine à action General Electric depuis 1929 !) et Rateau (turbines à action de conception interne) d’une part, et Creusot-Loire et CEM (licence Brown-Boveri de turbines à action) d’autre part. Par échange de capital, Alsthom-Atlantique devient le seul constructeur français de groupes turbo-alternateurs de puissance, en concurrence 8 Georges Hoffmann : Les turbines de grande puissance, Revue Générale de l’Électricité, tome 74, n◦ 2, février 1965, pp. 115-119.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 8.9 – Augmentation de la taille des turbines avec la puissance des tranches et au cours des années (adapté de [Éléments de sûreté et de radioprotection des centrales nucléaires de 1 300 MWe, 1982] p. 4). De 1955 à 1968, EDF a construit 48 unités de 125 MWe. De 1961 à 1974 : 41 unités de 250 MWe, de 1968 à 1977 : 11 unités de 600 à 700 MWe, Suivent les paliers nucléaires de 900 MWe et plus.

avec les groupes KWU, BBC, General Electric et bien sûr Westinghouse. Comme le commente le patron Ambroise Roux dans la presse : « Le gouvernement, pour des raisons politico-commerciales, n’a voulu disposer que d’un seul groupe nucléaire. À ce niveau, nous perdons la gloire, mais nous gardons une partie très importante des fournitures. Nous avons perdu un risque, celui des pertes financières importantes, et gagné une sécurité : l’équipement des centrales nucléaires en turbo-alternateurs ». Alsthom-Atlantique devient le premier constructeur européen de turbo-alternateurs. CGE a su rebondir sur un marché mal engagé à l’origine par la victoire de Framatome. La turbine ARABELLE Les développements les plus récents des turbines françaises sont relatifs à la turbine ARABELLE d’Alstom. Engagée sur le palier N4, puis sur l’EPR, ARABELLE, en

8. Le groupe turbo-alternateur et la production d’électricité

991

Fig. 8.10 – Évolution de la taille des groupes GTA de quelques tranches françaises.

Fig. 8.11 – Coupe d’une turbine d’une turbine Alsthom de 250 MWe (Saint-Ouen). Un corps HP, un corps MP et deux corps BP

rupture avec les technologies précédentes, est conçue pour assurer la plus grande part de la détente en un flux unique 9 (pour 60 % de la détente). La turbine se compose d’un corps combiné HP-MP (qu’on note HMP) et de 3 corps BP. La vapeur se détend en un flux unique, puis est séchée, surchauffée et réinjectée dans le module HMP pour poursuivre la détente MP par un flux unique opposé au flux HP dans le même corps. Le transvasement de la vapeur vers les corps BP se fait à environ 3 bars (au lieu des 10 bars habituels). Avec cette pression basse, on peut continuer à utiliser des ailettes conventionnelles. L’intérêt de cette solution est que le corps HMP est très compact (environ 13 m de long, pour 140 tonnes). La construction en simple flux améliore le rendement (1 %). La turbine dispose de rotors soudés qui permettent, par rapport aux disques frettés, de diminuer le niveau de contraintes. Les corps BP sont à structure indépendante. Les corps BP se caractérisent par de très longues ailettes terminales dans des boîtes d’échappement de grandes dimensions. Cela signifie que ce qu’on appelle le « poids du vide », ou « effet du vide » sur les corps BP est de l’ordre de 4 200 tonnes pour l’EPR, soit plus de deux fois la masse métallique des corps BP (Figure 8.12). Ce poids du vide provient de l’écart de pression entre celle du condenseur en contact direct avec les corps BP, et la pression atmosphérique externe aux corps. Ce poids est supporté par la table du groupe. Avoir des structures indépendantes de corps BP permet de s’affranchir des effets de vide en réduisant la 9 Patrick Ledermann, Vincent Jourdain : Installation de production d’énergie pour l’EPR : les solutions développées par Alstom, Revue Générale Nucléaire, n◦ 3, mai-juin 2009, pp. 44-48.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 8.12 – Nomenclature du massif turbine-condenseur. masse supportée. Le poids de la boîte d’échappement est supporté par le condenseur et son radier, et un joint annulaire 10 assure l’étanchéité entre les deux. Les ailettes terminales des corps BP sont très longues (1 750 mm !), soit une augmentation de la section d’échappement de plus d’un tiers. On réduit ainsi les pertes de charge. ARABELLE dispose de groupes Sécheurs-Surchauffeurs très performants (2 × 400 tonnes, 24 m de long). Ils permettent d’éliminer le titre en eau d’environ 15 % qui apparaît après détente dans le corps HP. La vapeur est séchée avant son entrée dans le corps MP, avec une très grande attention apportée aux pertes de charge qui « mangent » du rendement. Le condenseur de l’EPR est très volumineux et intègre les réchauffeurs R1 et R2 dans le corps de la manchette, ce qui minimise l’encombrement. L’alternateur 4 pôles est très compact grâce à la conception flasque des paliers et de l’excitateur en porte à faux. Le refroidissement des barres du stator est en tubes inox pour limiter le colmatage par le refroidissement par eau.

8.3.2

Description de la turbine

Généralités Les turbines modernes (Figure 8.14, Figure 8.15) sont toutes à éléments multiples. L’ensemble des aubages fixes d’un même étage et montés sur un disque s’appelle une directrice. L’ensemble des directrices assemblées entre elles forme un partie fixe qu’on appelle stator. Dans les espaces vides aménagés entre les directrices se déplacent les aubages mobiles [Bloch et Singh, 2000] p. 109. Les aubages mobiles d’un même étage sont montés sur un disque. Ce disque et ses aubages sont appelés roue. Les roues sont montées sur un ou plusieurs arbres de turbine. Un arbre et ses roues est 10

Sur les joints de turbomachines, lire impérativement [Randrianarivo, 2018].

8. Le groupe turbo-alternateur et la production d’électricité

993

Fig. 8.13 – Corps de turbine.

Fig. 8.14 – Ensemble turbo-alternateur Alsthom-Atlantique du palier CP2. Turbine à réaction de 970 MWe, 1 500 tours/min. Débit entrée HP : 1 470 kg/s, 54,7 bars, température d’admission 251 ◦ C, température d’échappement BP 191 ◦ C (adapté de11 ).

appelé rotor [Bloch et Singh, 2000] p. 81. Plusieurs rotors peuvent être accouplés bout à bout de façon à ne former qu’une ligne d’arbre, selon une disposition dite « tandem-compound ». C’est le cas des turbines françaises. A contrario, le montage à deux lignes d’arbres est appelé « cross-compound ». En matière de rotor, on distingue 11 G. Belperin : Technologie des turbines nucléaires, dans Les composants de centrales à eau sous pression, cours de l’Institut national des sciences et techniques nucléaires, ministère de l’Éducation nationale.

994

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 8.15 – Ensemble turbo-alternateur Alsthom-Atlantique du palier P4. Turbine à réaction de 1 346 MWe, 1 500 tours/min. Débit entrée HP : 1 948 kg/s, 69,5 bars, température d’admission 285 ◦ C, température d’échappement BP 183 ◦ C (adapté de Belperin, op. cit.)

le rotor tambour, qui a la forme d’un tronc de cône creux dont les extrémités amincies forment le bout de l’arbre, et le rotor multicellulaire formé d’un arbre cylindrique et d’un nombre de disques rapportés et clavetés, voire sortis directement de fonderie. Les aubes mobiles sont obtenues par fraisage ou matriçage, et on leur donne la forme qu’elles doivent avoir pour jouer leur rôle. Ces aubes ont un talon (en forme caractéristique de pied de sapin) qui permet de les fixer solidement sur le rotor. L’extrémité extérieure des aubages de petites dimensions est usinée en forme de tenons, qui sont rivés de manière à retenir des petites plaques appelées bandages. Ces bandages rendent solidaires plusieurs aubes (entre 5 et 7), ce qui augmente la solidité du montage et diminue les fuites de vapeur. Pour les aubages de grande dimension (sortie des corps BP), on n’utilise plus de bandages du fait de la force centrifuge et de la faible fuite. Ce sont des fils de liaison qui réunissent alors des paquets d’aube. Les directrices, qui portent les aubes fixes, sont disposées à l’intérieur des corps internes, perpendiculairement à l’axe de la turbine. Elles sont usinées en deux parties qui s’ajustent au plan de joint horizontal. Les corps de la turbine (Figure 8.13) constituent l’ossature de celle-ci. Ils servent de capacités étanches à la vapeur et leur forme suit celle de la veine fluide qu’ils entourent. Au-delà de 125 MWe, les turbines sont à double enveloppe entre lesquelles on peut faire éventuellement passer de la vapeur pour fractionner l’écart de température entre intérieur et extérieur. Corps HP et corps BP Le Groupe turbo-alternateur d’une centrale nucléaire est constitué de plusieurs corps de vapeur, très classiquement un corps haute pression à petites ailettes, et deux (CP2) ou trois corps (paliers ultérieurs) basse pression à grandes ailettes

8. Le groupe turbo-alternateur et la production d’électricité

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Photo 8.3 – Dernières ailettes d’un corps basse pression. On peut constater la grande taille des ailettes, ainsi que le vrillage prononcé de chaque ailette. Sous l’influence de l’accélération centrifuge, le vrillage se modifie et la section de la tête tourne d’environ 5◦ . Un dispositif d’amortissement, dit à nageoires, est situé sur la photo au 3/4 de l’ailette. Il est destiné à amortir les vibrations par frottement entre 2 ailettes consécutives (d’après 12 ).

(Photo 8.3). Les organes d’admission sont constitués de 4 vannes disposées symétriquement autour du corps HP. Chaque vanne est pilotée par deux servo-moteurs (Figure 8.16). Le corps haute pression délivre à lui tout seul près de 30 % de la puissance. La masse de l’ensemble varie entre 2 000 et 3 500 tonnes selon les paliers, ce qui en fait le composant le plus massif d’une tranche. Il faut d’ailleurs faire attention à ce que le rotor immobile ne se déforme pas trop et présente une flèche permanente sous l’effet de son propre poids. Pour éviter cela, il faut alors faire tourner lentement le rotor grâce à un système de virage. L’autre risque d’un rotor totalement immobile est le matage des coussinets en régule 13 qui équipent les paliers de l’arbre. Ces paliers sont lubrifiés par un film d’huile continu injectée à haute pression [Bloch et Singh, 2000] p. 125. Chaque corps comporte un rotor muni d’ailettes de taille croissante au fur et à mesure de la détente de la vapeur, et un stator (techniquement parlant le corps en 12 Alain Causse, Dominique Garreau, Pierre Grison, Alain Pons : Les vibrations des grandes ailettes des turbines à vapeur, EPURE, n◦ 22, avril 1989, pp. 17-25. 13 Le régule est un mélange de plomb, d’étain et d’antimoine à bas point de fusion où le plomb apporte un effet lubrificateur dans son utilisation comme palier lisse. Le régule a été utilisé autrefois en décoration (horloges, statuettes. . . ) car c’est un mélange mou facilement usinable.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 8.16 – Organes d’admission du corps HP du palier CP2, turbine AlsthomAtlantique (adapté de Belperin, op. cit.).

lui-même) muni d’aubages fixes entre lesquels tournent les ailettes (Photo 8.8, Photo 8.9, Figure 8.18). Les ailettes sont fixées très solidement au rotor grâce à un système rainuré dit « pied de sapin » (Photo 8.5), car l’éjection d’une ailette à pleine vitesse causerait des dommages considérables (effet « missile »), et ce problème pourrait survenir en cas de fissuration du pied de sapin encastré dans le rotor. Nous analyserons plus loin un cas tragique d’éjection d’ailettes. Le débit de vapeur est de l’ordre de 5 000 tonnes/h pour un CPY et de 7 000 tonnes/h pour un P4, autant dire le bruit que produit une turbine en fonctionnement nominal, dont on s’approche rarement sans casque auditif de protection. Ce débit est régulé par des soupapes de réglage VVP et des vannes d’arrêt situées en aval du barillet collectant la vapeur depuis les lignes vapeurs sortant des GVs. La vapeur est injectée dans chaque corps par une alimentation centrale, avec symétrie des ailettes par rapport à l’injection, d’où la forme en diabolo des corps HP et BP. Toute la vapeur ne passe pas en totalité dans le corps haute pression, car une petite partie est divertie pour surchauffer ce qui sort du corps HP avant son entrée dans les corps BP. En sortie des corps BP, le reste de vapeur est envoyé au condenseur. Un système de contournement de la turbine permet d’envoyer environ 85 % de la vapeur en régime nominal directement au condenseur (en cas d’îlotage par exemple). La vitesse de rotation est de 1 500 tours/minute, imposée par des contraintes mécaniques sur les grandes aubes des corps BP. Avec cette vitesse de rotation, il faut

8. Le groupe turbo-alternateur et la production d’électricité

997

Photo 8.4 – Installation d’un rotor basse pression dans son stator à Fessenheim (photo Alsthom-Atlantique). Le calage est une opération délicate, car aucun frottement n’est tolérable.

Photo 8.5 – Pied de sapin d’une aube de turbine (photo Alsthom).

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Photo 8.6 – Vannes d’arrêt et soupape de réglage d’une turbine 1 000 MW (photo Althom, adapté de14 ).

Fig. 8.17 – Caplet d’admission d’un corps BP de turbine Alsthom-Atlantique du palier CP2 (adapté de Belperin, op. cit.).

donc que l’alternateur soit équipé de 4 pôles magnétiques pour produire du courant à une fréquence de 50 hertz. Étant donné le débit de vapeur et la vitesse de rotation, et dans la mesure où la vapeur produite par les GVs est juste à saturation, il va rapidement se former des 14 J.P. Chareyron, Th. Fritsch : Groupes turbo-alternateurs pour centrales nucléaire, Annales des Mines, mai-juin 1978, pp. 47-60.

8. Le groupe turbo-alternateur et la production d’électricité

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Photo 8.7 – Maintenance du rotor d’un corps BP de Fessenheim (photo EDF).

Photo 8.8 – Turbine capotée d’un réacteur CPY (photo EDF). Vue depuis les 3 corps BP. La présence de deux turbines dans un bâtiment turbine unique indique une paire de réacteurs. On voit bien les lignes d’admission vapeur.

gouttelettes d’eau durant la détente. Le taux d’humidité de la vapeur, qui n’est que de 0,25 % à l’entrée du corps HP, passe à 10 % à sa sortie. On va donc la sécher et la surchauffer de nouveau avant les corps BP, pour éviter une érosion trop forte

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 8.18 – Écorchés de corps basse pression (en haut) et haute pression (en bas). La différence de taille des ailettes est clairement visible. des ailettes, dont les plus grandes sont protégées par un revêtement en stellite. Les gouttelettes expulsées par la centrifugation sont collectées par des drains liés au stator. Étanchéité L’étanchéité des corps de turbine doit être assurée très précautionneusement. Les traversées des corps de turbine par l’arbre peuvent entraîner, soit des fuites de vapeur, soit des entrées d’air qui dégradent le vide au condenseur. Il faut aussi éviter que la vapeur court-circuite les aubages fixes et chemine le long de l’arbre du fait de la différence de pression qui existe entre les deux faces d’une directrice. Comme il est

8. Le groupe turbo-alternateur et la production d’électricité

1001

Fig. 8.19 – Groupe turbo-alternateur du palier P4 (Althom Atlantique). Vitesse 1 500 tours/min ; débit vapeur 7 775 tonnes/heure ; pression 69,5 bars ; température de la vapeur saturée 285, 3 ◦ C ; vide au condenseur 52 mbars ; nombre de soutirages de la turbine 6 ; échappements ai condenseur 6 ; sécheurs surchauffeurs 2 ; masse turbine 3 100 tonnes ; alternateur : puissance nominale apparente 1 650 MVA ; tension nominale aux bornes 20 kV ; intensité nominale 48 kA ; facteur de puissance 0,9 ; réfrigéré par hydrogène et eau ; dispositifs d’excitation à redresseurs tournants ; masse du rotor 240 tonnes ; masse du stator 505 tonnes. Voir aussi [Bidard et Bonnin, 1979] p. 114bis pour un plan à plus grande échelle.

Photo 8.9 – Turbine décapotée d’un CPY : au premier plan, le corps haute pression (petites ailettes), en arrière-plan, les 3 corps basse pression (grandes ailettes). La personne casquée en bleu, située à droite du corps HP, donne une bonne indication de la taille complète de la turbine (photo EDF). Installation d’un rotor basse pression dans son stator CPY (photo Alsthom).

impossible de rendre le passage totalement étanche, on place sur le chemin non désiré des labyrinthes (Figure 8.20) qui créent une perte de charge suffisante pour contrarier la vapeur. Ces labyrinthes sont généralement constitués de bandages portant des lamelles d’acier, éventuellement effaçables par un système de ressort si le rotor vient à toucher légèrement les lamelles de la directrice.

1002

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 8.20 – Étanchéité des directrices (adapté de [Turbines à vapeur, 1968] p. 52).

Il existe des labyrinthes à vapeur pour l’extrémité de rotor sortant d’un corps basse pression, pour empêcher les entrées d’air. Le principe est d’injecter dans une chambre de la vapeur à une pression légèrement supérieure à la pression atmosphérique. Une partie de la vapeur pénètre dans le corps basse pression et l’autre partie entraîne l’air vers un petit condenseur. La rotation d’un arbre horizontal pose un problème de palier. Les rotors tournent dans des coussinets (Figure 8.22) constitués d’une coquille demi-circulaire régulée (recouverte de régule), de diamètre intérieur légèrement supérieur à celui de l’arbre. Des rainures en face interne du coussinet permettent de distribuer l’huile de lubrification du palier. Plusieurs coussinets assurent le supportage de l’arbre. Les turbines, qu’elles soient à action ou à réaction, sont soumises à des poussées axiales importantes. D’une part, des poussées dynamiques sont dues au changement de direction de la vapeur dans les aubages mobiles, d’autre part des poussées statiques encore plus importantes qui sont dues à la différence de pression entre chaque roue, puisque la vapeur perd de la pression en cédant sa chaleur dans la détente. Cette force est dirigée de l’admission vers l’échappement et peut être éventuellement compensée si la turbine comporte plusieurs chemins de vapeur en orientant ceux-ci en opposition, mais cet équilibrage n’est jamais parfait surtout avec une charge variable. On doit alors munir la turbine d’une butée (Figure 8.23) qui empêche le contact entre rotor et stator en calant l’arbre longitudinalement. Classiquement, cette butée est constituée d’un disque dit « collet de butée », usiné avec l’arbre ou rapporté sur celui-ci, et d’une couronne fixe sur laquelle sont disposés des patins orientables. Les axes de rotation des patins sont perpendiculaires à l’axe de la turbine et disposés en étoile. L’ensemble est dynamiquement centré par pression d’huile.

8. Le groupe turbo-alternateur et la production d’électricité

1003

Fig. 8.21 – Labyrinthe à vapeur basse pression (adapté de [Turbines à vapeur, 1968] p. 56).

L’admission vapeur de la turbine L’admission de la vapeur dans la turbine est complexe. Nous allons décrire ici son principe en se basant sur une turbine de 250 MWe, qu’on généralisera à des turbines plus puissantes. Dans un premier temps, la vapeur en provenance du barillet vapeur est introduite dans le corps HP par un robinet d’admission, à savoir une soupape à simple siège munie d’une soupape pilotée qui sert à équilibrer les pressions entre amont et aval et rend le débit de vapeur plus progressif (Figure 8.24). Le servomoteur des robinets d’admission est sous la dépendance des sécurités de la turbine.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 8.22 – Palier à coussinet à rotule (adapté de [Turbines à vapeur, 1968] p. 50).

Fig. 8.23 – Butée d’arbre (adapté de [Turbines à vapeur, 1968] p. 58).

8. Le groupe turbo-alternateur et la production d’électricité

1005

Fig. 8.24 – Principe du robinet d’admission (adapté de [Turbines à vapeur, 1968] p. 60).

Les soupapes de réglage permettent de moduler le débit de vapeur en fonction de la charge désirée. Historiquement, ce sont des soupapes à siège de forme conique profilées de telle sorte que le débit de vapeur soit proportionnel au déplacement de leur organe de commande. Chaque clapet est muni d’une tige actionnée par un servomoteur (Figure 8.25). Sur les corps MP-BP, on trouve des organes d’admission à savoir des vannes dites d’interception (ou des clapets d’interception), dont la fermeture est commandée par un servomoteur, et des vannes de réglage traditionnellement appelées soupapes modératrices qui sont situées en aval du groupe sécheur-surchauffeur (Figure 8.27, Figure 8.28).

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 8.25 – Principe d’une soupape de réglage du débit vapeur (adapté de [Turbines à vapeur, 1968] p. 62).

Fig. 8.26 – Principe d’un tore d’admission annulaire (adapté de [Turbines à vapeur, 1968] p. 64).

8. Le groupe turbo-alternateur et la production d’électricité

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Fig. 8.27 – Principe d’un clapet d’interception (adapté de [Turbines à vapeur, 1968] p. 66).

La vapeur transmise par les soupapes est dirigée vers un tore d’admission qui est une chambre annulaire d’alimentation des premiers aubages fixes (Figure 8.26). Si la technologie a amélioré notablement ces différents organes de commande, le principe en est resté le même.

8.3.3

Performance de la turbine

Notion de cycle thermodynamique Quelques éléments de thermodynamique sont nécessaires pour comprendre la production d’énergie à partir de la force motrice de la vapeur d’eau. Un cycle idéal

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 8.28 – Principe d’une soupape modératrice (adapté de [Turbines à vapeur, 1968] p. 67).

de Carnot 15 présente comme caractéristique essentielle que son rendement est indépendant du fluide utilisé. En pratique bien sûr, la nature du fluide est importante. Dans le cas qui nous intéresse, l’eau liquide est chauffée par le réacteur et cède 15 Nicolas Léonard Sadi Carnot (1796-1832) : physicien français (à ne pas confondre avec le président de la République française Marie François Sadi Carnot), il est le fils de Lazare Carnot, lui-même mathématicien, physicien et homme politique connu (surnommé « l’organisateur de la Victoire »). Polytechnicien en 1814, c’est grâce à son unique ouvrage de 1824 de 120 pages tiré à ses frais à 200 exemplaires chez l’éditeur Bachelier « Réflexions sur la puissance motrice du feu et sur les machines propres à développer cette puissance ” qu’on le considère comme le père de la thermodynamique moderne. Ses travaux portent sur les machines à vapeur. Il établit qu’il est impossible de produire de la puissance motrice à moins qu’on ne dispose à la fois d’un corps froid et d’un corps chaud, ce qui n’est autre qu’une expression du deuxième principe de la thermodynamique, et décrit dans son ouvrage un moteur parfait régi par un cycle idéal parfaitement réversible, ce qu’on appellera plus tard le cycle de Carnot. Après sa mort, on a retrouvé dans ses effets un texte de 1823 intitulé « Recherche d’une formule propre à représenter la puissance motrice de la vapeur d’eau » qui est l’ébauche du premier principe de la thermodynamique sur l’équivalence entre le travail et la chaleur. Le théorème de Carnot précise que « Deux moteurs thermiques réversibles qui fonctionnent avec deux sources de chaleur dont les températures de source froide sont égales et celles de source chaude aussi, ont le même rendement ».

Sadi Carnot peint par Louis Léopold Boilly.

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1009

son énergie au circuit secondaire par l’intermédiaire des générateurs de vapeur, puis la vapeur se détend dans la turbine. Les calories permettant le retour à l’état liquide sont cédées au condenseur alimenté par la source froide (rivière ou l’eau de l’aéroréfrigérant). Les transformations adiabatiques (ou quasi adiabatiques dans la réalité) se font dans la turbine et dans les pompes alimentaires. Si T1 est la température de la vapeur et T2 celle de la source froide idéale, le cycle de Carnot est représenté dans le diagramme (Température-Entropie) par un rectangle (Figure 8.29).

Fig. 8.29 – Différents cycles thermodynamiques dans le diagramme températureentropie. À gauche le cycle de Carnot, au milieu le cycle de Rankine, à droite le cycle de Hirn (adapté du cours Turbomachines de M. Riollet, École centrale des Arts et Manufactures, 1972). Par rapport au cycle idéal de Carnot, l’utilisation d’un fluide réel dégrade les performances. En effet, l’échauffement isobare s’effectue à une température inférieure à T1 , comme on le voit sur le trajet BC du cycle de Rankine 16 . Si on cherche à améliorer le rendement du cycle en augmentant la température de vaporisation T1 , on s’aperçoit qu’on diminue le palier CD au profit de l’échauffement isobare. Ce palier va même disparaître à la température du point critique de l’eau (374 ◦ C), alors que les matériaux de la chaudière pourraient supporter des températures supérieures 17 . Enfin, le fluide se charge en eau liquide au cours de la détente et la masse croissante d’eau condensée introduit de l’irréversibilité dans la détente de la turbine, ainsi que 16 William John Macquorn Rankine (1820-1872) est un ingénieur et physicien écossais. Rankine vulgarisa la théorie des machines à vapeur au travers de plusieurs manuels largement utilisés dans l’industrie. À partir de 1840, il produit une abondante littérature scientifique faite d’articles et de communications dans des domaines aussi variés que les mathématiques, la botanique ou la résistance des matériaux. On lui doit la relation entre température et pression de vapeur saturante (formule de Rankine).

William Rankine Ce qui pourrait suggérer l’utilisation éventuelle de fluide à température plus élevée (vapeur de mercure, hexane. . . ), ce qui présente bien sûr d’autres inconvénients majeurs à l’échelle des grandes puissances. 17

1010

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

des risques d’érosion mécanique. En dernier lieu, il y a d’inévitables pertes calorifiques par les parois des composants (turbine, condenseur, pompes. . . ). En combinant tous ces effets négatifs, le rendement du cycle de Rankine ne peut espérer dépasser dans la pratique 0,3. On améliorera notablement le rendement en introduisant la notion de surchauffe de la vapeur dans le cycle de Hirn (trajet DE). De cette façon, le titre en fin de détente se rapproche de l’unité et est supérieur au titre obtenu dans le cycle de Rankine. Le cycle de Hirn 18 augmente l’irréversibilité du chauffage et le rendement dit exergétique diminue. En augmentant la pression maximum, on améliore le rendement du cycle de Hirn. On peut imaginer plusieurs resurchauffes, mais dans les faits, l’efficacité demeure constante, le gain portant alors sur la teneur en eau qui est réduite. Dans le cas des turbines nucléaires, la surchauffe est effectuée en prélevant de la vapeur directement depuis les lignes vapeur en sortie de GV. En plus du gain de rendement, cette surchauffe diminue l’humidité de la vapeur, ce qui protège les aubes de la turbine. Il est possible de rendre équivalent un cycle de Rankine à un cycle de Carnot grâce à un réchauffage continu de l’eau d’alimentation. L’idée est de soutirer du fluide au même niveau thermique, c’est-à-dire en cours de détente. Comme il n’est pas techniquement réalisable de mettre tout le débit de vapeur réchauffant l’eau d’alimentation, le réchauffage peut être néanmoins effectué par des soutirages étagés au cours de la détente. Ce réchauffage discontinu permet de libérer une certaine quantité de vapeur qui va libérer la chaleur utilisée par un étage de réchauffage. L’exemple présenté en Figure 8.30 utilise des réchauffeurs par mélange (l’indice i représentant les débits), P1 est la pompe d’extraction du condenseur et les Pi des pompes de charge. La configuration d’un poste d’eau industriel (Figure 8.31) tire parti de la configuration des réchauffeurs, et minimise le nombre de pompes en n’utilisant qu’une pompe d’extraction à la sortie du condenseur et une pompe alimentaire qui récupère l’eau en sortie de la bâche alimentaire. La bâche alimentaire sert de réservoir tampon pour encaisser d’éventuelles baisses de charge. Application à une turbine de réacteur nucléaire La Figure 8.32 présente les caractéristiques physiques en régime nominal de l’eau et de la vapeur au cours du passage dans la turbine. La pression à l’échappement des corps 18 Gustave-Adolphe Hirn (1815-1890) est un ingénieur et physicien français, auteur d’une Théorie mécanique de la chaleur, exposition analytique et expérimentale de la théorie mécanique de la chaleur, Tome 1, Gauthier-Villars en 1875. Hirn s’intéressa à la chaleur et à la thermodynamique, mais aussi à la mécanique, l’hydrodynamique (Explication d’un paradoxe hydrodynamique, GauthierVillars, 1881), la cosmologie (Constitution de l’espace céleste, Gauthier-Villars, 1889). Sa statue par le sculpteur Bartholdi siège dans sa ville : Colmar.

Gustave-Adolphe Hirn et son ouvrage

8. Le groupe turbo-alternateur et la production d’électricité

1011

Fig. 8.30 – Principe du réchauffage de l’eau alimentaire par soutirages discontinus (adapté du cours Turbomachines de M. Riollet, École centrale des Arts et Manufactures, 1972).

Fig. 8.31 – Poste de réchauffage d’une turbine industrielle de puissance (adapté du cours Turbomachines de M. Riollet, École centrale des Arts et Manufactures, 1972).

BP n’est plus que de 50 à 70 mbars, ce qui signifie que la pression dans le condenseur est très inférieure à la pression atmosphérique (on parle même par abus de langage de « vide » au condenseur). Notons que la mise sous vide du condenseur crée des efforts considérables (dits « poids du vide ») reportés sur la dalle (le condenseur accostant la dalle par le dessous), que la conception du supportage doit prendre en compte. D’un point de vue rendement thermodynamique, plus la pression de condensation est basse, et plus l’énergie récupérée à partir de la vapeur est importante, d’où une

1012

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 8.32 – Fonctionnement nominal d’une turbine CPY. amélioration du rendement. On gagne encore en rendement si on réchauffe l’eau en sortie de condenseur avec de la vapeur soutirée aux corps BP en cours de détente. On parle de réchauffage de l’eau alimentaire avant passage dans les GVs où elle sera revaporisée en cycle fermé. On définit conventionnellement la consommation spécifique de chaleur du groupe turbo-alternateur par la formule : Cs[kJ/kW h] ≡ Qv

Hv − H e We + W T P A

Avec Qv le débit de vapeur à l’entrée de la turbine, Hv est l’enthalpie de la vapeur à l’entrée de la turbine, He est l’enthalpie de l’eau à l’entrée du GV, We est la puissance électrique brute pour une valeur de déphasage cos ϕ de 0,9 et WT P A la puissance sur l’arbre des turbopompes alimentaires. La valeur de la consommation spécifique est classiquement exprimée en kJ/kWh et vaut environ 10 000 kJ/KWh pour un réacteur du palier P’4 pour une valeur du vide au condenseur de 52 mbars (pression d’échappement BP). La consommation spécifique de chaleur du GTA est sensible à de nombreux paramètres : qualité du vide au condenseur, débit des purges APG, débit de surchauffe, et même une fuite des faisceaux de surchauffe des groupes sécheurs/surchauffeurs qui peut modifier la puissance de la tranche de plusieurs dizaines de MW. Les conditions aux limites du GTA sont le titre en eau de la vapeur d’admission à l’entrée de la turbine haute pression (HP) 19 , la pression de vapeur à l’entrée de la turbine HP et la pression de vapeur à l’échappement de la turbine basse pression (BP). Le régime nominal de conception est décrit par le concepteur dans les conditions d’utilisation normalisées à savoir, pour un groupe P’4 par exemple : 3 817 MWth de 19 Le titre en sortie de turbine HP peut être mesuré par traçage radioactif ou par mesure d’humidité, et vaut environ 14 % pour un P’4.

8. Le groupe turbo-alternateur et la production d’électricité

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Fig. 8.33 – Effet du débit des purges APG sur la puissance électrique (en MWe) par rapport à la référence (à purges nulles) et sur la consommation spécifique de chaleur (en kJ/KWe) du GTA.

charge thermique nominale, les purges GV sont isolées (circuit APG fermé, le débit des purges APG joue sur la puissance électrique de la tranche), la surchauffe est au débit nominal (200 kg/s), le débit d’appoint est isolé et sans secours en service. La puissance électrique fournie par une turbine est donnée à partir de la puissance turbine par : Pe´lectrique [M W e] = ηe´lectrique × ηm´ecanique × Pturbine [M W th] = ηglobal × Pturbine [M W th] Le rendement mécanique ηm´ecanique dépend de la charge, le rendement électrique ηe´lectrique dépend de la puissance électrique et du déphasage (cosφ ≈ 0, 9). On donne dans le Tableau 8.1 suivant les ordres de grandeur pour une turbine Alsthom de CP0 :

1014

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 8.34 – Effet du débit de surchauffe sur la puissance (en MWe) par rapport à la référence (à 200 kg/s) et sur la consommation spécifique de chaleur (en kJ/KWe) du GTA.

Tab. 8.1 – Rendements de la turbine ALSTHOM lors des essais de démarrage de Saint-Laurent B1 pour plusieurs paliers de puissance (dans l’ordre : puissance turbine en MWth, puissance électrique en MWe, rendement global, rendement mécanique, rendement électrique).

100% Pn 70% Pn 50% Pn 30% Pn

943,14 663,09 476,4 290,2

925,6 647,9 462,8 277,7

0,9812 0,9771 0,9714 0,9568

0,9892 0,9897 0,9890 0,9868

0,9920 0,9873 0,9822 0,9696

8. Le groupe turbo-alternateur et la production d’électricité

8.3.4

1015

Détente du fluide dans la turbine

Le rendement isentropique d’une détente d’une pression P0 à une pression P1 plus basse (Figure 8.35) est donné par : ηisen [%] ≡

h 0 − h1 h0 − hisen

Fig. 8.35 – Définition du rendement isentropique. La difficulté pour évaluer cette quantité est de définir une ligne de détente de référence pour le fluide. Des essais utilisant des traceurs radioactifs pour mesurer le titre en eau de la vapeur en sortie de turbine HP (essai sur Saint-Alban, Figure 8.36) ont conduit à une valeur de 13,9 %. On sait que le rendement isentropique est globalement proportionnel au taux d’humidité. On arrive ainsi à des rendements isentropiques d’environ 86 %, 82 % et 79 % pour les 3 étages successifs du corps HP et 91 %, 90 %, 87 % et 89 % pour les 4 étages successifs du corps BP, toujours dans l’exemple du P’4. Le rendement de la détente est sensible au premier ordre au taux d’humidité X de la vapeur, ce qui nécessite une correction par rapport à une mesure lors d’un essai, selon la loi de Bauman : ηisen [%] ≡ ηessai [%]

8.3.5

Xth´eorique Xessai

Érosion dans la turbine

Une des conséquences extrêmement néfastes du taux d’humidité de la vapeur sur les pales de la turbine est l’érosion. Si les gouttelettes d’eau qui se forment pendant la détente sont de tailles suffisamment petites pour être entraînées par l’écoulement, l’eau et la condensation sur les parties fixes (dont les ailettes fixes du stator) de la turbine produisent de grosses gouttes en se détachant. La vitesse de la vapeur est approximativement de direction tangente aux surfaces des ailettes mobiles quand les gouttelettes d’eau viennent s’écraser sur le bord d’attaque des ailettes, ce qui produit une intense érosion mécanique du bord d’attaque. Plus la vitesse périphérique des roues d’aube est importante (c’est-à-dire au niveau des derniers étages de la turbine), et plus l’érosion est intense puisque la vitesse relative de l’eau est plus grande, donc une énergie cinétique à l’impact plus grande. C’est cet argument principalement

1016

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 8.36 – Courbe de détente de la turbine de Saint-Alban 1, essai du 5 février 1987.

qui fait que la vitesse de la turbine est limitée à 1 500 tours/minute, pour assurer une certaine longévité à la turbine. Des traitements mécaniques de l’acier du bord d’attaque (comme le stellitage) permettent d’améliorer la résistance à l’érosion. Bien entendu, il est utile de diminuer au maximum le taux d’humidité de la vapeur. Comme le type de GV Westinghouse n’autorise pas la surchauffe de la vapeur, la déshumidification par les cyclones et les chevrons dans le corps supérieur des GVs,

8. Le groupe turbo-alternateur et la production d’électricité

1017

est très importante, mais ne suffira pas pour obtenir une qualité correcte de vapeur dans les étages basse pression et de toute façon de l’eau liquide apparaît lors de la détente dans le corps HP. D’où le rôle de la surchauffe de la vapeur après l’étage haute pression, en prélevant de la vapeur juste après le barillet vapeur. Dans la mesure où la baisse d’enthalpie disponible, du fait de la relativement basse température de la vapeur (environ 280 ◦ C à 70 bars) par rapport à la vapeur d’une centrale thermique traditionnelle à combustible fossile (environ 565 ◦ C à 163 bars), fait que pour une puissance identique, une turbine REP devra disposer d’un débit de vapeur environ deux fois plus important pour compenser la baisse de rendement observé sur un REP (environ 33 %). Cela conduit à un dimensionnement plus important de la section d’échappement de la turbine, des tuyauteries vapeur, du volume du condenseur et du poste d’eau (pompes et réchauffeurs). Le mauvais rendement de la turbine peut être notoirement amélioré en soutirant de la vapeur au cours de la détente dans les corps. Cette vapeur soutirée est intéressante pour réchauffer l’eau d’alimentation des GVs (circuit ARE), permettant d’augmenter le point de fonctionnement des GVs. Cette vapeur, qui est « détournée » progressivement (6 soutirages sur Fessenheim : 3 sur le corps HP et 3 sur les corps BP) de la turbine, permet une réduction favorable des sections d’échappement de la turbine, du volume du condenseur, du débit d’eau de circulation et du débit des pompes d’extraction d’eau condensée.

8.3.6

Ouverture du débit d’une turbine

La caractérisation d’un corps de turbine peut se faire via le nombre de Stodola 20 St, défini par :  PO2 − P12 Q ≡ St T0 Dans l’exemple d’une turbine P’4, ce nombre a pour valeur approximative 2,6 pour le premier étage du corps HP, puis 6 et 8,3 pour les étages suivants du corps HP et 11, 30, 115 et 413 environ pour les étages du corps BP.

8.3.7

Régulation de la turbine

Réglage primaire Le groupe turbo-alternateur est soumis à deux couples : le couple moteur assuré par le débit de vapeur, et le couple résistant créé par les consommateurs à l’extrémité 20 Aurel Boreslav Stodola (1859-1942) est un physicien slovaque, professeur à l’École polytechnique fédérale de Zurich, où il enseigne le génie mécanique entre autres à Albert Einstein. Il publie en 1903 un traité sur les turbines à vapeur. On lui doit la loi relative à la variation de pression dans une turbine, et un nombre sans dimension relatif au débit d’une turbine à vapeur qui porte son nom.

Aurel Stodola

1018

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

du réseau. La vitesse du GTA est constante à l’équilibre de ces deux couples. Si le couple résistant augmente du fait de la croissance de la consommation, la vitesse du GTA diminue, et inversement si le couple résistant diminue. La puissance fournie par la vapeur peut être modulée en jouant sur les soupapes d’admission vapeur. On s’est arrangé pour qu’une variation de 1 hertz (bande totale de 2 hertz) par rapport à la consigne nominale de 50 hertz, correspondant à une variation de vitesse de 4 %, induise une ouverture des soupapes de 0 à 100 %. La régulation dite « primaire » ou « réglage primaire » (Figure 8.37), consiste à mesurer la vitesse de l’arbre, à la comparer par rapport à une vitesse de consigne (1 500 tours/minute), et à appliquer l’écart à un régulateur à action proportionnelle dont le gain (K = 25) correspond à une action sur la vitesse de 4 %. Ainsi, pour une variation de 2 hertz, l’ouverture des soupapes passe de 0 à 100 %. La droite liant charge et fréquence est appelée « droite de statisme » (Figure 8.38).

Fig. 8.37 – Principe général de la régulation turbine en fonction de la fréquence. Mais assurer l’égalité en production et consommation n’assure pas que la vitesse du GTA soit à sa valeur de consigne optimale. Ceci est assuré par une action manuelle appelée « plus ou moins vite » (Figure 8.39). Une impulsion sur le + (resp. –) provoque une ouverture (resp. une fermeture) des vannes d’admission vapeur, d’où une augmentation (resp. diminution) de la vitesse. Cette variation de vitesse est détectée par la régulation primaire qui ramène le couple moteur au couple résistant en refermant (resp. rouvrant) les soupapes d’admission. Le résultat de cette action est une translation vers la droite (resp. vers la gauche) de la droite de statisme. Dans la pratique d’un réseau couplé à plusieurs moyens de production, il faut s’assurer que la production sera suffisante. Pour ce faire, chaque groupe reçoit d’un jour sur l’autre une consigne de puissance dite « P0 », évaluée sur le plan national en fonction des capacités des autres tranches et du retour d’expérience acquis dans l’analyse des consommations des années précédentes. Cette consigne prévisionnelle ne doit pas s’imposer à la régulation primaire, qui est prioritaire pour égaliser production et consommation. Pour ce faire, la consigne de puissance est décalée de la valeur KΔF d’écart de fréquence imposée par la régulation primaire. La mesure de puissance est alors égale à la valeur de consigne à laquelle a été ajoutée la correction primaire. Cette correction est

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8. Le groupe turbo-alternateur et la production d’électricité

51 Hertz 50 Hertz 49 Hertz

0%

50 %

100 % Charge et ouverture des soupapes

Fig. 8.38 – Droite de statisme d’un GTA.

Point optimal de fonctionnement

51 Hertz 50 Hertz 49 Hertz

0%

Point initial de fonctionnement après régulation primaire

50 %

100 % Charge et ouverture des soupapes

Fig. 8.39 – Correction de vitesse par action « plus ou moins vite ». enfin retranchée au signal de commande d’ouverture des vannes d’admission pour compenser en dynamique l’action proportionnelle du régulateur proportionnel intégral (PI). Supposons qu’une tranche CPY (900 MWe) produise 750 MWe (83,33 % Pnom) selon la demande, et que le réseau soit équilibré à 50 hertz. Un gros consommateur apparaît brusquement sur le réseau et la fréquence chute de 0,1 hertz. Un écart

1020

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

apparaît entre la vitesse de la turbine qui ralentit et la consigne. La régulation primaire s’engage pour effectuer une augmentation de puissance égale à : ΔP = P nom ×

0, 1 ΔF = 900 × = 45M W e 2Hertz 2

Dans le même temps, la consigne de puissance réelle est augmentée à 795 MWe et le signal de KΔF = 45M W e. On notera que la consigne de puissance affichée reste à 750 MWe, mais que la consigne réelle est bien de 795 MWe. L’opérateur dispose de trois modes de fonctionnement. En mode manuel (Figure 8.40), l’opérateur agit avec la commande « plus ou moins vite » déjà décrite. Il peut ouvrir ou fermer partiellement les vannes d’admission sur demande du dispatching, mais la régulation primaire reste effective. Le mode direct ressemble au mode manuel, mais les variations de charges sont effectuées en utilisant le générateur de pentes du consignateur de puissance à la place du « plus ou moins vite ». C’est en quelque sorte une graduation préprogrammée du « plus ou moins vite », mais sans asservissement de la puissance par la régulation primaire. En mode automatique, le réglage est totalement automatisé (Figure 8.41). La mesure de fréquence est comparée à la consigne et le signal d’ouverture/fermeture des vannes d’admission VVP est généré par un régulateur PI de manière à ce que l’écart devienne nul. La régulation primaire reste engagée (Figure 8.42).

Fig. 8.40 – Régulation en mode manuel ou direct.

Réglage secondaire Une variation de fréquence importante ne peut être reprise par une seule tranche, mais nécessite une action simultanée d’un grand nombre de tranches, voire de l’ensemble du parc. Cette action simultanée sur plusieurs tranches ne peut être effectuée qu’automatiquement par un signal unique émis par un organisme centralisé (le dispatching national) : c’est le téléréglage. La fréquence du réseau national est mesurée et comparée par rapport à une consigne (50 hertz). Par un intégrateur, on en déduit un signal unique de niveau N (t) en fonction du temps, signal qui varie entre +1 et –1. Ce signal est envoyé par onde porteuse sur le réseau et reconnu par les tranches en production (Figure 8.43). Chaque tranche possède un commutateur

8. Le groupe turbo-alternateur et la production d’électricité

1021

Fig. 8.41 – Schéma général de la régulation turbine.

Fig. 8.42 – Régulation du GTA avec consigne de puissance.

permettant de régler sa contribution au téléréglage. Cette contribution peut être nulle ou au maximum de ± 5 % Pnom. La consigne de puissance est alors décalée d’une valeur qui dépend du niveau et du taux de contribution réglé par le commutateur.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 8.43 – Régulation en téléréglage.

La consigne réelle de puissance est alors égale à la consigne affichée à laquelle on ajoute le KΔF et le téléréglage N (t) × 5 % × participaton. Notons enfin que la loi d’ouverture des vannes VVP n’est pas une droite en fonction de leur débit, ce qui fait que, pour que le signal de commande corresponde à la consigne de charge, il faut linéariser le débit vapeur par rapport au signal de commande (par l’adjonction de cames électroniques dans le cas du CP1), ce qui nécessite une régulation supplémentaire de la position des organes d’admission. Cette position est mesurée et asservie au signal de commande.

8.3.8

Rupture d’une ailette de turbine

Un accident redouté est la rupture d’une ailette de turbine, dont l’effet missile peut être dévastateur. L’accident survenu à la centrale américaine de Donald C. Cook en septembre 2008, en est un exemple symptomatique.

8. Le groupe turbo-alternateur et la production d’électricité

1023

Le 20 septembre 2008 à 20 h 05, l’opérateur enregistre de très fortes vibrations des paliers de la turbine, qu’on peut entendre auditivement en salle de commande. Il active l’arrêt d’urgence en 5 secondes et la turbine s’arrête en moins de 2 minutes. Mais un feu d’hydrogène (refroidissement de l’alternateur) se déclenche dans l’alternateur, qui sera arrêté à 20 h 28 par les pompiers, malgré quelques défaillances non vitales du système incendie. Le feu a endommagé sévèrement l’alternateur et l’excitatrice. L’analyse post-mortem a montré que trois ailettes (n◦ 40, 56 et 189) du corps basse pression B (Figure 8.44) avaient été arrachées, provoquant une déformation du capot de corps visible à l’œil nu (Photo 8.10), mais sans éclatement du capot.

Fig. 8.44 – Présentation générale de la turbine de DC Cook.

Photo 8.10 – Effet de l’impact de l’éjection de l’ailette n◦ 40 sur le capot du corps basse pression B (d’après une présentation à la NRC de Joe Jensen, vice-président d’American Electric Power, exploitant de DC Cook).

Les paliers de turbine présentent des dommages nombreux et un total de cinq ailettes (trois éjectées et deux arrachées par les autres) a été finalement éjecté. L’analyse des restes d’ailettes (Photo 8.11) a permis d’incriminer le design de ces ailettes à cette position, ne laissant pas assez de marges de sûreté vis-à-vis de la contrainte. Les travaux de réparation ont duré un an et demi, pour un coût total de 300 millions de dollars, ce qui met en évidence le fort impact de cet accident où, heureusement, personne n’a été blessé, car personne n’était en SDM à ce moment-là et le capot de turbine a servi de protection. Notons que cet accident a conduit à la plus forte demande de remboursement à une assurance dans l’industrie nucléaire américaine à ce jour.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Photo 8.11 – Les restes de l’ailette n◦ 4 arrachée (d’après une présentation à la NRC de Joe Jensen, vice-président d’American Electric Power, exploitant de DC Cook).

En France, les ailettes sont contrôlées par méthode ultrason et les ailettes présentant des dégradations sont remplacées.

8.3.9

Rupture d’un arbre de turbine

L’accident de rupture de l’arbre d’une turbine est encore plus catastrophique que celui d’une ailette, mais cela n’est arrivé que sur des turbines hors nucléaire. Le risque de fissuration d’un arbre étant réel, ils sont auscultés par des moyens non destructifs, tous les six ans en situation normale, et avec une périodicité plus importante si on détecte le moindre défaut, source possible d’une fissure traversante. D’importantes études numériques ont permis d’améliorer la connaissance de la taille critique d’une fissure.

8.4

L’alternateur

[Draper, 1965] p. 7, [Mychael, 1977] p. 61, [Hutin, 2016] p. 579, [Walker, 1922] p. 403 Le principe de l’alternateur est de produire du courant électrique par induction de la rotation du rotor dans le bobinage 21 du circuit magnétique d’un stator. Des avancées considérables ont été faites dans la technologie des alternateurs de puissance à la fin du xixe siècle et au début du xxe siècle, conduisant à un gigantisme des machines électriques et des voltages (Figure 8.45, Figure 8.46). 21

Spécifiquement sur le bobinage des machines électriques, lire [Torices et Curchod, 1927].

8. Le groupe turbo-alternateur et la production d’électricité

1025

Fig. 8.45 – Turbo-alternateur Westinghouse de 15 000 kVA, 11 000 V , 1 500 tours/min, 50 hertz (vue de profil) (adapté de [Walker, 1922] p. 422).

Fig. 8.46 – Turbo-alternateur de 15 000 kVA, 11 000 V , 1 500 tours/min, 50 hertz (vue de face) (adapté de [Walker, 1922] p. 423).

1026

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

La puissance de ces nouveaux alternateurs est telle, créant un ampérage important, qu’il faut étudier en détail le refroidissement de l’alternateur d’abord par de l’air (Figure 8.47), puis par de l’eau devant l’importance des flux thermiques à évacuer.

Fig. 8.47 – Têtes de bobines d’un alternateur 15 000 kVA montrant les connexions terminales tordues sur elles-mêmes pour éviter les courants parasites. Cette section montre un canal de ventilation à l’air du stator (adapté de [Walker, 1922] p. 432). Le premier alternateur nucléaire français (sur le réacteur G1 à Marcoule), d’une puissance de 6 MWe, avait été conçu à axe vertical, pour éliminer plus facilement l’eau de la turbine ! Après deux autres unités de 45 MWe installées à Marcoule (G2 puis G3), le premier groupe destiné uniquement à la production électrique comportait un alternateur de 82 MWe, refroidi par hydrogène (Chinon A1). S’en suivent ensuite deux groupes de 125 MWe, puis deux autres de 250 MWe, toujours à Chinon. La filière UNGG s’arrête enfin avec les 4 groupes de 250 MWe à Saint-Laurent-desEaux, puis deux groupes de 250 MWe pour Bugey. Tous ces alternateurs tournaient à 3 000 tours/minute, et étaient totalement semblables aux alternateurs des tranches thermiques conventionnelles. Ce sont depuis des solutions horizontales qui ont permis de monter en puissance. C’est à partir des alternateurs de Chooz A et de Tihange (Belgique) qu’Alsthom s’engage vers la grande puissance, et c’est la vitesse de rotation de la dernière roue des corps BP qui va dimensionner les alternateurs des paliers français (1 500 tours/minute). Assez curieusement, ce sont les caractéristiques du réacteur bouillant BWR initialement prévu pour Fessenheim 2, qui ont servi au dimensionnement de l’alternateur du palier REP français CP2. Le passage de 3 000 tours/minute à 1 500 tours/minute a nécessité de passer de 2 pôles à 4 pôles, ce qui n’est pas sans conséquences sur la taille et la masse du rotor qui double pratiquement, du fait des bobinages. Ceci aurait pu conduire à une technologie multibloc, mais finalement, les améliorations technologiques des années 1970 ont permis à Alsthom une construction monobloc à partir de lingots d’environ 400 tonnes. Étant donnée la section naturelle

8. Le groupe turbo-alternateur et la production d’électricité

1027

de passage du flux magnétique sur le trajet entre les pôles, on a pu forer intégralement la partie centrale de l’arbre sans affecter la réluctance du circuit magnétique de façon significative. Deux nuances d’acier sont habituellement utilisées pour les arbres forgés, à savoir un acier au nickel à faible teneur en chrome (environ 3,5 % de Ni et 0,15 % de Cr), ou à forte teneur en chrome (environ 3 % de Ni et 1,5 % de Cr). Le relèvement de la teneur en chrome produit un abaissement de la température de transition de près de 50 ◦ C, d’où une amélioration du facteur d’intensité critique K1c à une température donnée. Un autre avantage d’un rotor quadripolaire réside dans une meilleure stabilité en termes de vibrations, par rapport aux rotors bipolaires. Par contre, ces rotors à 4 pôles nécessitent un métrage deux fois plus important d’encoches, d’où la nécessité d’un outillage performant et spécialisé. C’est l’arbre de la turbine qui entraîne le rotor de l’alternateur par un plateau d’accouplement. Le rotor (Photo 8.14) est constitué d’un arbre, du bobinage inducteur en cuivre et des frettes 22 , à savoir des anneaux placés aux deux extrémités du fût du rotor pour maintenir l’enroulement inducteur. Les possibilités actuelles des fonderies permettent de réaliser l’arbre de l’alternateur à partir d’un lingot monobloc unique usiné (Alstom, Figure 8.48, Figure 8.49, Figure 8.50). Des encoches sont ensuite fraisées pour placer l’inducteur. Le rotor comporte 4 pôles magnétiques pour produire du courant à 50 hertz à partir d’une vitesse de rotation de 1 500 tours/minute.

Fig. 8.48 – Coupe d’un alternateur Althom de 1 210 MVA– 1 500 tours/minute (adapté de Th. Fritsch, op. cit.). On refroidit l’alternateur, qui s’échauffe du fait des pertes par effet Joule, par de l’eau qui circule à l’intérieur de barres, puis par un échange avec un gaz : l’hydrogène 23 , d’où un problème d’étanchéité pour que l’hydrogène ne fuit pas dans la SDM (l’hydrogène pourrait détonner avec l’oxygène). Le stator est un ensemble constitué d’une carcasse, d’un circuit magnétique et d’un bobinage induit, qui fait 22 Les aciers amagnétiques des frettes sont caractérisés par les teneurs suivantes 13 % < Mn < 18 %, 0 % < Ni < 7 %, 4 % < Cr < 6 %, 0 % < V < 0,8 %. 23 L’hydrogène présente l’avantage d’une très faible viscosité, d’où des pertes mécaniques par frottement de l’arbre bien plus faibles qu’avec de l’eau. Pour un gaz, sa conductivité thermique est importante (7 fois celle de l’air), et il y a peu de risque d’ionisation au contact des pièces sous tension. Par contre, le risque d’explosion au contact avec l’oxygène de l’air est grand, et l’étanchéité est difficile à réaliser car l’hydrogène est peu visqueux. Un balayage d’azote permet de passer d’une situation en air à une situation en hydrogène lors des phases d’arrêt-redémarrage.

1028

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 8.49 – Coupe d’un alternateur Althom de 1 650 MVA– 1 500 tours/minute (adapté de Th. Fritsch op. cit.).

Fig. 8.50 – Alternateur de Paluel (P4). Caractéristiques : 50 Hz, 1 500 tours/min, 4 pôles, 1 485 MWe, 1 650 MVA, tension du stator 20 kV, diamètre de l’alésage 2,14 m, longueur de fer 7,80 m, charge linéique 2 973 A/cm, masse du stator 375 tonnes, masse du rotor 232 tonnes, 2 caissons de bornes électriques (adapté d’une plaquette AlsthomAtlantique, [Skrotsky, 1984] p. 65).

face au bobinage inducteur quand l’ensemble rotor/stator est monté. Le circuit magnétique est constitué d’un ensemble de tôles « à cristaux » (silicium à grains orientés présentant une forte perméabilité pour favoriser l’induction magnétique), qui sont entaillées pour qu’au montage, on libère de la place pour les barres de conducteurs de courant. Le bobinage induit est constitué de trois enroulements indépendants, pour produire un courant triphasé, chaque enroulement étant constitué de barres placées dans les encoches précitées du circuit magnétique (Photo 8.12). Chaque encoche

8. Le groupe turbo-alternateur et la production d’électricité

1029

Photo 8.12 – Agencement des barres dans le stator d’un alternateur CPY. L’intérieur du stator est tapissé d’encoches dans lesquelles sont placées les barres, dont l’ensemble constitue l’enroulement électrique par lequel transite le courant débité par l’alternateur. Chaque encoche contient deux barres, la barre d’entrefer et la barre de fond d’encoche. Chacune de ces barres comporte des brins conducteurs pleins et quelques brins creux pour la circulation de l’eau de refroidissement. Un matériau isolant sépare le bobinage électrique de la matrice de matériau magnétique, dont le rôle est de canaliser les lignes de flux magnétique afin de minimiser les pertes en énergie (d’après 24 , photo Alsthom). comporte deux barres (barre d’entrefer et barre de fond d’encoche) [Hutin, 2016] p. 581, et chaque barre contient des conducteurs pleins ou creux (permettant la circulation de l’eau de refroidissement 25 ). Les barres conductrices sont constituées de brins de cuivre tressés et longs de plusieurs mètres, de 5 mm2 de section. Le refroidissement du stator est complexe, car eau et électricité ne font jamais bon ménage. Comme un stator de CPY produit environ 4 MW de chaleur, il faut l’évacuer par un circuit d’eau de refroidissement en faisant circuler l’eau dans des barres creuses étanches intégrées au plus près des barres conductrices qui chauffent par effet Joule. La section de passage de l’eau peut au fil du temps se boucher du fait de la formation d’oxyde de cuivre (principalement CuO selon la réaction Cu2+ (soluble) + H2 O → CuO + 2H+ ), bien que l’eau soit déminéralisée et à forte teneur en oxygène (mode dit « aéré »). Ces bouchages sont bien sûr néfastes au refroidissement du stator (Photo 8.13). 24 Michel Rioual, Daniel Eguiazabal, Jean-Louis Drommi, Didier Vermeeren : Alternateurs : lutter contre le bouchage des circuits d’eau, EPURE, n◦ 63, juillet 1999, pp. 3-13. 25 Le passage de l’eau dans les conducteurs en cuivre peut conduire à des bouchages des conducteurs creux par des produits de corrosion du cuivre (oxydes de cuivre. . . ), créant des points chauds. L’utilisation de conducteurs creux en inox permet de régler ce problème, mais nécessite un rembobinage complet.

1030

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Photo 8.13 – Bouchage progressif d’une barre creuse de stator par de l’oxyde de cuivre. Ces vaguelettes grossissent et se rejoignent pour former des bouchons en forme d’ogive (photo Groupe des Laboratoires d’EDF).

Enfin, l’excitatrice est un alternateur inversé [Hutin, 2016] p. 583, c’est-à-dire que c’est la partie productrice de courant qui tourne accouplée à l’arbre. Le courant produit par le bobinage induit (lié au rotor, l’inducteur est lié au stator) est redressé par des diodes tournantes et il alimente le rotor de l’alternateur principal, ce qui évite une alimentation extérieure et a l’avantage de la compacité. Autre avantage, la puissance soutirée est faible. Sur les tranches CP2, on a préféré installer un dispositif d’excitation statique par soutirage, grâce à un système de thyristors de grande puissance alimentés par un transformateur de soutirage. Le Tableau 8.2 présente les différentes caractéristiques techniques des alternateurs Alsthom (devenu depuis Alstom sans h) de grande puissance, utilisés sur le parc français. Pratiquement, lorsqu’on veut arrêter la tranche, la charge du groupe alternateur est réduite jusqu’au minimum technique (MT), puis manuellement jusqu’à l’annulation. L’alternateur est alors découplé du réseau par ouverture du disjoncteur haute tension. La turbine est ensuite déclenchée et toute la vapeur est alors basculée vers le condenseur par le circuit de contournement vapeur de la turbine [Éléments de sûreté et de radioprotection des centrales nucléaires de 1 300 MWe, 1982] p. 15.

8.5

Les transformateurs de puissance

[Anderson, 1981] p. 53, [Chatelain, 1983] p. 43, [Clément, 1928] p. 5, [Mychael, 1977] p. 13, [Hutin, 2016] p. 739

8.5.1

Généralités

Un transformateur a pour fonction de modifier la tension d’un courant alternatif, sans mouvement interne. Très classiquement, un transformateur contient un enroulement

1031

8. Le groupe turbo-alternateur et la production d’électricité

Tab. 8.2 – Principales caractéristiques des alternateurs de grande puissance (4 pôles, 1 500 tours/minute), construits par Alsthom (adapté de 26 ). CARACTERISTIQUES NOMINALES Puissance apparente (MVA) Cos ϕ Puissance active (MW) Tension (kV)

PWR 900 — CP, 1120 0,90 1008 24

PWR 900 — CP. 1210 0,90 1090 24

PWR 1 300 1650 0,90 1485 20

cristaux orientés par plateaux massifs fendues et subdivisées oui par évents à brins mixtes 2 ISOTENAX eau 6 horizontale 2 axial

normales par ancres et tirants profil tronconique non par canaux axiaux à brins mixtes 2 MICADUR eau 4 verticale 2 centrifuge

cristaux orientés par plateaux massifs fendues et subdivisées oui par évents à brins mixtes 4 ISOTENAX eau 4 verticale 2 axial

monobloc méplat H, axialo-radiale complet diodes tournantes

polybloc ou monobloc profilé creux H. axiale complet bagues et thyristors

monobloc méplat H, axialo-radiale complet diodes tournantes

flasques elliptiques

séparés patins

flasques patins

12,6 15,9 3,95

15,2 21,2 4,15

12,6 16,0 4,15

179 330 600

220 334 750

239 375 750

STATOR Tôles circuit magnétique Serrage Tôles d’extrémités Ecran protecteur frontal Refroidissement Hj Conducteurs Circuits par phase Isolation Fluide de refroidissement Nbre réfrigérants Hi Disposition Nbre ventilateurs Type ROTOR Arbre Cuivre inducteur Refroidissement Ventilation Amortisseur Excitation PALIERS disposition Coussinets DIMENSIONS (m) Entr’axe paliers Longueur rotor (hors tout) Diamètre stator (hors tout) MASSES (t) Masse rotor Masse transport stator (avec outillage) Masse totale alternateur

primaire dans lequel on fait passer un courant qui engendre un champ magnétique induit ; un circuit magnétique, à savoir un empilement de tôles isolées entre elles et qui canalise le flux magnétique ; et enfin un bobinage secondaire qui, placé dans le champ magnétique [Clément, 1928] p. 6, va produire à ses bornes une tension électrique, dont la tension dépend du rapport du nombre de spires secondaires par rapport aux spires primaires (Figure 8.51) [Anderson, 1981] p. 55. Chaque tranche nucléaire comporte 3 transformateurs (Figure 8.52, Figure 8.53, Figure 8.54, Figure 8.55) : un transformateur principal (TP) qui fournit le courant délivré au réseau en 400 kV, un transformateur auxiliaire (TA) qui peut alimenter la 26 Th. Fritsch : Alternateurs de grande puissance pour centrales nucléaires, Revue Générale de l’Électricité, juillet-août 1976.

1032

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Photo 8.14 – Installation du rotor de l’alternateur de Fessenheim (photo Alsthom) dans le stator. Rotation à 1 500 tours /minute.

Fig. 8.51 – Principe d’un transformateur.

Fig. 8.52 – Production d’énergie sur la ligne principale par le TP (cas CPY).

8. Le groupe turbo-alternateur et la production d’électricité

1033

Fig. 8.53 – Perte de la ligne principale, alimentation des auxiliaires par îlotage.

Fig. 8.54 – Îlotage raté, les auxiliaires sont alimentés par la ligne secondaire.

Fig. 8.55 – Les deux lignes principale et secondaire sont perdues, îlotage raté, on passe sur les diesels.

tranche, soit à partir du réseau 225 kV, soit depuis une tranche voisine du même site, et un transformateur de soutirage (TS) qui prélève une partie du courant produit par la tranche pour les auxiliaires nucléaires. Les transformateurs sont différemment utilisés selon l’état des lignes et de la tranche. En situation normale, la tranche débite son courant par la ligne principale, et les auxiliaires nucléaires sont alimentés par soutirage avant le TP (CPY) ou après le TP (P4, N4). Si on perd la ligne principale 27 , on essaye d’îloter. Si l’îlotage réussit, on peut alimenter les auxiliaires par l’alternateur. Si l’îlotage est un échec, il va y avoir AAR, et les auxiliaires sont alors alimentés par 27

On lira avec intérêt [Burke, 1994] sur les pertes de réseaux électriques.

1034

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

le TA depuis la ligne secondaire provenant d’un autre site ou d’une autre tranche du site. En dernier ressort, les auxiliaires nucléaires, qui sont essentiels pour l’évacuation de la puissance résiduelle, sont alimentés par les diesels de secours, voire le diesel d’ultime secours (DUS) selon les dispositions post-Fukushima. Notons que la configuration des transformateurs est légèrement différente sur les paliers P4 et N4 (Figure 8.56).

Fig. 8.56 – Configuration des transformateurs des paliers P4-N4.

8.5.2

Le transformateur principal

[Hutin, 2016] p. 742, [Leclercq, 1988] p. 254, [Schroeder, 2018] p. 42 Le transformateur principal (TP) (Photo 8.15, Photo 8.16) triphasé, de modèle « colonne », élève la tension de 24 kV produite par l’alternateur, à 400 kV pour le réseau interrégional. Chacune des trois phases emporte entre 380 MVA (CPY jusqu’à 570 MVA (N4). Ce sont des objets massifs (jusqu’à 350 tonnes) contenant jusqu’à 43 tonnes d’huile diélectrique. On comprend alors que le risque incendie soit pris très au sérieux sur ce type de composant. Une dizaine d’incendies de transformateur est à déplorer à ce jour sur le parc français.

8.5.3

Le transformateur de soutirage

Le transformateur de soutirage (TS) (Photo 8.16) triphasé produit du 6,6 kV pour les auxiliaires nucléaires. Le terme soutirage est ici pertinent puisque la puissance utilisée est à retrancher de la puissance produite par le réacteur. Ce transformateur est placé avant le TP en configuration CPY et après pour les paliers ultérieurs. Le TS soutire 38 MVA (CPY) jusqu’à 96 MVA (N4).

8.5.4

Le transformateur auxiliaire

Le transformateur auxiliaire (TA) produit du 6,6 kV en situation de secours en cas de perte de la ligne principale. Bien que non utile en production, sa perte implique un délai de repli court pour la tranche.

8. Le groupe turbo-alternateur et la production d’électricité

1035

Photo 8.15 – Le transformateur principal de Fessenheim 1 (photo JeumontSchneider).

Photo 8.16 – Transformateur principal (à gauche, 3 éléments séparés par des murs pare-feu) et transformateur de soutirage (à droite, gaines coaxiales des câbles en cours de montage) de Bugey 2 (juillet 1975).

1036

8.6

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

L’alimentation des auxiliaires

[Schroeder, 2018] p. 50

8.6.1

Généralités

Le schéma de distribution de l’énergie électrique des auxiliaires nucléaires d’une tranche est donc conçu de manière à présenter un maximum d’indépendance pour limiter ou éradiquer les causes de défaillance commune, et de manière à ce que l’alimentation des systèmes de sûreté soit toujours assurée avec une fiabilité dans les limites du risque résiduel. Il s’en suit une hiérarchisation des auxiliaires, selon leur fonction vis-à-vis de la sûreté ou dans l’usage qu’on en fait en exploitation. On distingue, par ordre croissant d’importance vis-à-vis de la sûreté (Figure 8.58, Figure 8.57) : les auxiliaires de tranche qui doivent être alimentés lorsque la tranche est en cours de démarrage ou couplée sur le réseau, et qui sont arrêtés lors d’un arrêt de tranche. Ces auxiliaires de tranche doivent être alimentés par la ligne d’évacuation d’énergie principale par l’intermédiaire du transformateur de soutirage, via les tableaux électriques LGA ou LGD. Viennent ensuite les auxiliaires permanents qui doivent pouvoir être alimentés dans tous les cas d’arrêt de tranche, mais qui peuvent occasionnellement et sans risque pour le réacteur être arrêtés. Ils doivent donc avoir deux alimentations distinctes, l’une à partir de la ligne principale, l’autre à partir de la ligne auxiliaire,

Fig. 8.57 – Alimentation électrique des auxiliaires.

8. Le groupe turbo-alternateur et la production d’électricité

1037

via les tableaux électriques LGB ou LGC. Enfin, les auxiliaires secourus doivent toujours être alimentés, quelles que soient les circonstances. Ce sont des matériels qui assurent la sauvegarde du réacteur comme les pompes d’injection de sécurité ou les pompes ASG (alimentation de secours des GVs), mais aussi l’éclairage et la ventilation ou certains systèmes de graissage (turbo-alternateur, mécanisme de grappes. . . ) qui sont absolument nécessaires pour leur fonctionnement. En plus des sources électriques déjà citées, ils bénéficient de sources internes autonomes comme les groupes diesels électrogènes, et peuvent être alimentés à partir de jeux de barres LHA (voie A) ou LHB (voie B). En cas d’accident, certains auxiliaires secourus non utiles à la sauvegarde (par exemple ventilation du BR en situation d’aspersion enceinte) peuvent être délestés pour ne pas surcharger les diesels. Enfin, en situation ultime, une turbine à gaz (TAG) peut être raccordée à un tableau LHA ou LHB. Une turbine à gaz est une machine à combustion interne dans laquelle le fluide moteur est constitué par les gaz d’échappements d’une ou plusieurs chambres à combustion. Ces turbines s’inspirent de la technologie aéronautique. La turbine est assistée par une machine auxiliaire utilisée au démarrage de la TAG et qui met en rotation le compresseur d’air en amont de la chambre de combustion. La TAG fait tourner un alternateur. Les TAGs (mobiles) sont destinées à suppléer la défaillance éventuelle des groupes électrogènes diesels. EDF s’est doté de TAGs de 5 MW (fabrication AMAN à turbine de conception Allison), de TAGs Hispano-Suiza de 5 MW. Des TAGs Hispano-Suiza de 20 MW équipent les sites 1 300 MWe. En cas d’avarie de longue durée d’un diesel, on est autorisé à fonctionner durant un mois sous réserve de disposer d’un autre groupe diesel ou d’une TAG branchée sur le tableau normalement secouru par le diesel défaillant. En situation de perte totale des alimentations électriques, les dispositions postFukushima ont fait rajouter un système DUS de diesels d’ultime secours sur lequel nous reviendrons par la suite. La plus grande part de l’énergie électrique produite par l’alternateur à 24 kV, soit environ 95 %, est fournie au réseau, car c’est évidemment la fonction d’un réacteur nucléaire de puissance. Cette énergie est transmise via le transformateur principal (TP) du poste électrique qui élève la tension à 400 kV (Figure 8.57). Les 5 % restants passent par un transformateur de soutirage (TS) pour être distribués aux auxiliaires électriques (Figure 8.57) de la centrale à une tension de 6,6 kV (tableaux électriques LHA et LHB). On peut dire que la tranche s’alimente elle-même (pompes, ventilateurs, chauffage. . . ). Un interrupteur-enclencheur permet d’agir sur les barres de liaison entre l’alternateur et les transformateurs pour découpler rapidement la centrale du réseau [Coppolani et al., 2004] p. 23. L’alimentation principale du transformateur de soutirage peut donc avoir plusieurs alimentations possibles. En premier lieu, le GTA couplé au réseau avec les interrupteursenclencheurs et disjoncteur haute tension fermés, le GTA îloté sur ses auxiliaires avec les interrupteurs-enclencheurs et disjoncteur haute tension ouverts, et enfin le réseau extérieur avec les interrupteurs-enclencheurs et disjoncteur haute tension fermés (îlotage raté). En ce qui concerne l’alimentation auxiliaire, la liaison est commune pour deux tranches jumelées. L’alimentation auxiliaire comprend le poste auxiliaire, des liaisons jeux-de-barre / transformateurs, deux transformateurs auxiliaires communs aux deux tranches. En fonctionnement normal, les transformateurs auxiliaires sont en permanence sous tension, pour pouvoir reprendre instantanément une perte de l’alimentation principale, et les tableaux basse tension sont alimentés par un ensemble

1038

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

chargeur-batterie. De fait, la totalité des auxiliaires nucléaires est alimentée à travers le transformateur de soutirage par l’alternateur de la tranche couplé au réseau.

8.6.2

Alimentation des tableaux 6,6 kV

En cas d’incident (défaut du réseau prolongé par exemple), le disjoncteur de ligne s’ouvre, ce qui provoque l’îlotage (sur signal de baisse de la vitesse des pompes primaires ou baisse de tension) [Schroeder, 2018] p. 43. Dans cette situation, on doit baisser très vite la puissance du réacteur pour accommoder la puissance de la turbine aux besoins seuls des auxiliaires, sous la contrainte d’éviter les instabilités hydrodynamiques dans les GVs. Si l’îlotage réussit, les tableaux électriques LGA et LGD restent alimentés par l’alternateur à travers le transformateur de soutirage, et le réacteur peut continuer à fonctionner à puissance réduite. Si l’îlotage rate, on perd l’alimentation des tableaux LGA et LGD. Il y a alors basculement automatique de l’alimentation LGB et LGC sur les transformateurs auxiliaires, prêts à prendre le relais. Ce basculement se fait par ouverture des liaisons d’alimentation de LGA-LGB, et LGC-LGB, puis fermeture des liaisons vers les transformateurs auxiliaires de LGB-LGC (Figure 8.58). Si cette action en vue de rétablir la tension sur les tableaux secourus est infructueuse, on passe alors sur les diesels, qui ont été démarrés préventivement dès l’apparition de l’incident initial. Si les tableaux LH secourus sont toujours sans tension, on lance le raccordement à la TAG, puis le DUS en ultime secours.

Fig. 8.58 – Schéma des sources d’alimentations électriques internes des auxiliaires nucléaires du palier CPY.

8. Le groupe turbo-alternateur et la production d’électricité

1039

Au final, les jeux de barres LGA et LGD sont alimentés par le transformateur de soutirage dans tous les cas où l’alternateur ou le réseau sont disponibles. Ils sont mis hors tension lorsque la ligne d’évacuation est indisponible et que le réacteur n’a pas îloté, ou si le transformateur de soutirage est indisponible. On doit alors les alimenter par les transformateurs auxiliaires (il faut garder au moins une pompe primaire disponible). Les jeux de barres LGB et LGC disposent de deux alimentations : soit à partir des tableaux LGA ou LGD lorsqu’ils sont sous tension, ou à partir de la liaison auxiliaire. Les jeux de barres LHA et LHB disposent quant à eux de trois alimentations : en situation normale, les tableaux LGA ou LGD via les tableaux LGB ou LGC, en occasionnel à partir de la liaison auxiliaire via les tableaux LGB ou LGC, en exceptionnel à partir des groupes électrogènes LHP ou LHQ. Les tableaux LHA-LHB alimentent aussi des utilisateurs basse et moyenne tension par des transformateurs abaisseurs de tension (LLA-LLC-LLE-LLI par LHA, LLB-LLD par LHB).

8.6.3

Alimentation des tableaux de courant alternatif 380 V

L’alimentation des tableaux de courant 380 V secouru est assurée par les tableaux LL (Figure 8.59). Ces tableaux sont commandés à l’enclenchement et au déclenchement volontaire par une boîte à bouton-poussoir qui permet la commande des contacteurs 6,6 kV. Bien entendu, ils peuvent aussi être ouverts automatiquement par les protections.

Fig. 8.59 – Alimentation des tableaux de courant secouru 380 V .

8.6.4

Alimentation des tableaux de courant continu 125 V

La distribution du courant continu 28 125 V (Figure 8.60) est réalisée par les tableaux LBA et LBB, assurée en régime normal par un ensemble chargeur-batterie alimenté par un tableau 380 V vu précédemment. Le chargeur est dimensionné pour fournir du 125 V sur toutes les sorties et maintenir la charge de la batterie. En régime normal, la batterie ne débite pas de courant. Un deuxième chargeur est installé en réserve et alimenté par une autre source 380 V . La bascule de chargeur est effectuée manuellement. La batterie est dimensionnée pour pouvoir assurer l’alimentation de 28

Sur le dimensionnement des circuits à courant continu, lire [Schroeder, 2018] p. 439.

1040

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 8.60 – Alimentation des tableaux de courant continu secouru 125 V . ses utilisateurs pendant une heure en cas de perte totale des alimentations 380 V . Le 125 V des tableaux LB est assuré par un chargeur-redresseur, qui est lui-même alimenté par une source de tension 380 V depuis les tableaux LL. Ils maintiennent aussi en charge une batterie destinée à suppléer une défaillance du redresseur ou de son alimentation. Le tableau LBA alimente les bobines des contacteurs et disjoncteurs des auxiliaires de la voie A, ainsi que les bobines des contacteurs des groupes RAM alimentant les bobines des mécanismes des barres de commande. Le tableau LLB alimente les bobines et disjoncteurs de la voie B.

8.6.5

Alimentation des tableaux de courant continu 48 V

Le principe de l’alimentation des tableaux LCA et LCB 48 V à courant continu (Figure 8.61) est strictement identique aux tableaux 125 V . Le tableau LCA alimente le relayage de la voie A et LCB la voie B, en particulier les relais électromécaniques, les voyants, les boutons Tourner-Pousser-Lumineux (TPL), les détections de fin de course des vannes alimentées par la voie en question, les électrovannes de commande des vannes pneumatiques d’isolement, le relayage de contrôlecommande des cellules électriques (bobines de disjoncteur d’AAR). . .

8.6.6

Alimentation des tableaux de courant alternatif 220 V

La distribution du courant alternatif 220 V est assurée par les tableaux LN. Le courant est produit par un onduleur qui transforme le courant continu 125 V en courant alternatif. En cas de panne de l’onduleur, un dispositif de transformation avec régulateur alimenté en 380 V depuis les tableaux LL se substitue à l’onduleur grâce à un

8. Le groupe turbo-alternateur et la production d’électricité

1041

Fig. 8.61 – Alimentation des tableaux de courant continu secouru 48 V .

Fig. 8.62 – Alimentation des tableaux de courant alternatif 220 V .

1042

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

commutateur statique. Les tableaux LN assurent l’alimentation des capteurs et des chaînes analogiques de protection (CPY), ainsi que leur relayage vers le système de protection RPR.

8.6.7

Alimentation des tableaux de courant continu 30 V

Le jeu de barres LDA (Figure 8.63) alimente une majeure partie de l’instrumentation et de la commande de régulation des vannes pneumatiques à air comprimé. L’alimentation du tableau LDA, qui produit du courant 30 V courant continu, est assurée en fonctionnement normal par un ensemble chargeur-batterie alimenté par un tableau 380 V . Un deuxième chargeur est installé en réserve et alimenté par une autre source 380 V . En cas de perte des alimentations 380 V , la batterie doit pouvoir assurer son service pendant une heure. Si on perd le jeu de barres LDA, on peut alimenter une partie des utilisateurs du LDA par une source de secours nommée « Bloc URA ». On peut basculer manuellement du jeu de barres sur le Bloc URA. Ce bloc est une source de courant continu 30 V , déconnecté en situation normale, et qui comporte une batterie alimentée par un chargeur-redresseur alimentable par de nombreuses sources diversifiées (LNE, LLJ, LNE d’une tranche jumelle, LLS du turbo-alternateur de secours).

Fig. 8.63 – Alimentation du tableau de courant continu 30 V .

8. Le groupe turbo-alternateur et la production d’électricité

8.7 8.7.1

1043

Les groupes électrogènes de secours La conception de base

En cas de perte de la ligne principale, on tente un îlotage. Mais ce transitoire sensible nécessite un réglage très fin des régulations par les automaticiens pour empêcher un AAR. Si l’îlotage échoue, la défense en profondeur veut qu’on dispose d’un autre moyen d’approvisionnement électrique, c’est le rôle de la ligne auxiliaire qui provient d’un autre site de production par des lignes séparées de la ligne principale. Mais en dernier ressort, si même la ligne auxiliaire est défectueuse (situation dite MDTE, Manque de tension externe), on s’en remet à deux groupes électrogènes de secours à moteurs diesels 29 (LHP et LHQ) qui font tourner des générateurs de courant alternatifs 30 , et qui vont fournir le courant 6,6 kV qui fait défaut pour les auxiliaires nucléaires (Figure 8.64, Figure 8.65). Ces diesels (caractéristiques Tableau 3), dont l’usage réel est en fait très rare en situation réelle, sont bien entendu testés et vérifiés périodiquement (tous les deux mois). Leurs conditions d’utilisation sont très particulières, dans la mesure où ils doivent subir des démarrages rapides (de l’ordre de 10 secondes), et que la prise de charge est aussi très rapide (crans de 5 secondes entre les paliers de charge). Ces situations particulières sont rarement rencontrées pour les diesels dans

Fig. 8.64 – Alimentation des auxiliaires nucléaires par les diesels : cas du CPY. 29 Conçus et fabriqués par la société Wärtsilä France (ex-SACM avant 1989). Historiquement, Wärtsilä est un important constructeur naval finlandais depuis 1935. 30 Sur les générateurs de courant alternatif, on consultera avec intérêt [Ames, 1990].

1044

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 8.65 – Alimentation des auxiliaires nucléaires par les diesels : cas du 1 300 MWe.

d’autres industries. La chronologie normale (cas du CP1) de l’engagement des diesels en cas d’îlotage réussi commence à la détection de la baisse de tension (t0 − ε) pour U < 0,8 Unom , le top zéro t0 de référence est celui correspondant à U < 0,7 Unom , le démarrage effectif des diesels correspond à t0 − ε + 0,9 s (attention ! Le démarrage ne correspond pas au couplage, il faut attendre la montée en puissance du diesel et son synchronisme pour pouvoir basculer sur le diesel), la prise en compte du manque de tension par basculement sur le transformateur auxiliaire s’effectue à t0 + 0,9 s, l’îlotage par basse vitesse des pompes primaires (ouverture du disjoncteur de ligne) intervient à t0 + 1,2 s, et le rétablissement de la tension est effectif à t0 + 1,2 s + 0,7 s. Comme la tension est rétablie avant 5 s, il n’y a pas de déclenchement de la turbine, ni de tentative de basculement sur le transformateur auxiliaire. Si la basse vitesse des pompes primaires n’était pas atteinte, l’îlotage serait tenté à 2,5 s sur un critère de basse tension et la tension serait rétablie en 3,2 s. Une deuxième possibilité est l’îlotage manqué mais avec basculement sur source auxiliaire réussie. Dans ce cas, si après l’ouverture du disjoncteur de ligne la tension n’était pas rétablie, la chronologie s’établit comme suit : à t0 + 1,2 s + 1,5 s, il y a déclenchement turbine et ouverture des disjoncteurs d’alimentation par le transformateur de soutirage, à t0 + 1,2 s + 1,5 s+ 1,5 s, il y a fermeture des disjoncteurs d’alimentation par transformateur auxiliaire. Si la tension revient au bout de 7 s, le basculement sur TA est alors réussi. En troisième possibilité, si le basculement sur TA est impossible, le basculement définitif sur diesel est tenté au plus tôt à 7 s après son démarrage si le synchronisme le permet. Auquel cas la chronologie est la suivante : t0 − ε + 0,9 s pour le démarrage des diesels, t0 − ε + 0,9 s+ 7 s pour l’ouverture du disjoncteur d’alimentation de LHA/LHB par le TS ou le TA, et t0 − ε + 0,9s+ 7s+ 1,5 s pour

8. Le groupe turbo-alternateur et la production d’électricité

1045

la fermeture du disjoncteur d’alimentation de LHA/LHB par diesel. La tension sur LHA/LHB est alors retrouvée au plus tôt 9,4 s après la détection de basse tension au plus tard 12,4 s après cette détection. En cas d’îlotage rapide, le passage effectif sur diesels n’intervient qu’après avoir épuisé les possibilités de secours de réalimentation par TS ou TA. Si la dégradation de tension est lente, on peut se retrouver dans une situation où l’un des tableaux LHA/LHB est alimenté par diesel alors que l’autre est alimenté par basculement sur le TA, voire même tranche en puissance. Le démarrage des diesels est assuré par de l’air comprimé. Deux systèmes indépendants, qui interviennent à chaque démarrage, insufflent de l’air dans la moitié des cylindres. Cependant, chacun des systèmes agissant seul est capable d’assurer 5 démarrages réussis en 10 secondes maximum. Sur le palier N4, le réservoir d’air comprimé est important (6 m3 par ligne à 30 bars). Des régulateurs de vitesse permettent d’assurer différents régimes de fonctionnement des diesels (Photo 8.17). En cas de basculement de source, les groupes doivent démarrer en moins de 10 secondes, se coupler puis prendre la charge par crans successifs. Ce type de démarrage est très rude pour le matériel, dans la mesure où la vitesse maximale est atteinte avant que la lubrification soit totalement efficace. Pour les essais périodiques des diesels, on choisit un démarrage adouci où la vitesse est montée progressivement, pour ne pas dégrader les diesels. Les groupes diesels du CPY ont un seul circuit de graissage. Ceux des paliers ultérieurs ont deux circuits de graissage car il existe un circuit spécifique à la culbuterie. Les diesels sont équipés de deux circuits de refroidissement : un circuit d’eau dit « haute température » qui refroidit les chemises du moteur et les enveloppes des turbosoufflantes de suralimentation, et un circuit d’eau « basse température » qui refroidit le circuit d’huile de lubrification et qui fournit de l’eau aux échangeurs air/eau qui refroidissent l’air après son passage dans les turbosoufflantes de suralimentation. L’eau est mise en mouvement par une pompe attelée. Pour les paliers ultérieurs au CPY, un circuit supplémentaire d’eau refroidit les injecteurs. L’eau se refroidit dans des aéroréfrigérants munis de ventilateurs installés sur le toit du bâtiment des diesels. Le diesel est alimenté (Figure 8.66) en combustible liquide 31 (du gazole de haute qualité stocké en souterrain, sans additif dont le point de filtrabilité est de –13 ◦ C) selon deux circuits indépendants : le premier comprend une pompe attelée au moteur, le second une motopompe qui commence à débiter 15 secondes après le démarrage du groupe. En fonctionnement normal, la pompe attelée alimente le moteur, tandis que la motopompe évacue son débit vers le réservoir relais. Si la pompe attelée défaille, c’est la motopompe qui assure alors le service, ce qui signifie que les deux pompes fonctionnent ensemble. La disponibilité des diesels est donc de première importance sur le niveau de sûreté d’une tranche. Fin 2010, des avaries de diesel ont été constatées sur plusieurs tranches, causées par des grippages de vilebrequin lorsque le coussinet lubrifié (une bague d’acier d’environ 10 cm de diamètre) dans lequel l’arbre tourne se dégradait. L’analyse de ces situations a montré que ces défaillances pouvaient être anticipées en suivant la teneur en plomb de l’huile. En effet, du plomb recouvre la face interne en régule du coussinet au contact avec l’arbre, et des particules de plomb polluent l’huile lorsque le coussinet se dégrade. De fait, il suffit de suivre la teneur en plomb pour savoir s’il faut changer un coussinet bien avant grippage. La technologie des coussinets est en train d’évoluer (contrôle très strict de l’ovalisation des bagues) pour une tenue opérationnelle plus longue. 31

Sur les combustibles liquides et le diésel en particulier lire [Belakhowsky, 1966].

1046

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Photo 8.17 – Un diesel de marque SACM à régulateur de vitesse.

Fig. 8.66 – Alimentation en combustible liquide des groupes électrogènes de secours.

Il est aussi apparu au cours du temps, du fait des cyclages thermiques de démarrage/arrêt, des petites fissures au niveau des pontets séparant les soupapes de la culasse (en fonte à graphite lamellaire dite « GIL300 »). Ce problème a inquiété

8. Le groupe turbo-alternateur et la production d’électricité

1047

Tab. 8.3 – Caractéristiques des diesels des paliers jusqu’au P’4. Fessenheim (CP0) Bugey (CP0) CPY 1 300 MWe SACM AGOV SACM AGOV SACM AGOV ALSTHOM 16 E SHR 16 E SHR 16 E SHR ATLANTIQUE PC 2 5 SE Puissance nominale (Chevaux) 4 000 4 000 5 700 10 400 Puissance fournie par l’alternateur 2 816 3 090 4 000 7 200 (kW) cosφ = 0, 8 Vitesse nominale (tours/min) 1 500 1 500 1 500 500

Type de moteur

les Autorités de sûreté, car une fissure traversante pourrait mettre en connexion la chambre d’eau de refroidissement et les soupapes, noyant le moteur diesel, alors incapable d’assurer sa fonction. Pour autant, les 40 années de retour d’expérience du fabricant de diesel ont montré que ces fissures ne se développaient pas après amorçage, et des calculs fins de contraintes ont prouvé que, même dans des conditions très défavorables, les fissures atteignaient à peine 1 mm de profondeur, bien loin des 8 mm d’épaisseur à traverser. Ce genre de problème montre que même les essais/inspections 32 peuvent dégrader les matériels, d’où une réflexion à mener sur la périodicité des tests. En plus des diesels de secours, les tranches disposent : • d’une turbine à combustion TAC (gaz combustible) dite aussi TAG, constituant le système LHT à 6,6 kV (CP0, P4, P’4, N4). Pour le CPY, le LHT est constitué d’un autre groupe électrogène d’ultime secours (GUS, 4 MWe) ; • d’un groupe turbo-alternateur d’ultime secours 380 V utilisant de la vapeur d’eau produite par les GVs (si elle est encore disponible et si la pression de vapeur n’est pas trop basse) : le TAS-LLS. Chacun des moyens de production d’électricité suffit à lui-seul à produire le courant nécessaire aux systèmes de sauvegarde.

8.7.2

Le diesel d’ultime secours (DUS)

Suite aux mesures Post-Fukushima où l’ensemble des 13 diesels de secours avaient été noyés par le tsunami, on a décidé d’installer à partir de 2017, sur demande de l’Autorité de sûreté, un diesel d’ultime secours (DUS, Figure 8.67) par tranche, placé sur des plateformes en béton de 5 mètres de haut, dont le radier ferraillé fait 1,40 m d’épaisseur, disposant d’une autonomie de 72 heures, et robustes à des agressions de niveaux bien supérieurs à ceux des référentiels de conception. Cette obligation conduit à concevoir un bâtiment « bunkerisé » (L : 24 m, l : 12 m, H : 25 m) avec des dispositions particulières comme des plots parasismiques, un plancher bas audessus du niveau d’inondation de référence ou encore une structure et des équipements extérieurs résistant à la tornade de référence. Chaque diesel comporte deux cuves à fioul de 12 tonnes de 63 m3 de fioul chacune. Chaque DUS produit une puissance de 3,5 MW, suffisante pour les systèmes de sauvegarde. 32 Il est par exemple classique d’abîmer un joint de pompe au remontage après démontage d’inspection, du fait d’un trop fort couple de serrage.

1048

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Fig. 8.67 – Structure du diesel d’ultime secours (DUS).

8.8

Un exemple de perte d’alimentation électrique : Dampierre (2007)

À titre d’illustration, la centrale de Dampierre a été le théâtre d’un incident électrique notable le 9 avril 2007. À 20 h 37, le réacteur 3 est à 65 % de puissance nominale quand une surintensité sur un relais de protection conduit à la perte totale du tableau de distribution électrique LHA, ce qui inhibe la possibilité d’un recours au groupe électrogène diesel de secours de la voie A. Les auxiliaires de protection et de sauvegarde ne sont plus disponibles que sur la voie B. La procédure de repli consiste à baisser la puissance, découpler l’alternateur, puis arrêter le réacteur. La procédure de l’Approche par état (APE) à appliquer est la conduite primaire de l’état physique non dégradé ECP1, à savoir basculer sur la voie B (LHB) et un repli aux conditions de connexion du RRA (pression inférieure à 32 bars), arrêt de la turbine quand la puissance est descendue en dessous de 10 % (à 21 h 25). Toutefois, la situation se dégrade quand un dysfonctionnement de l’interrupteur-enclencheur en sortie d’alternateur (système GSY) fait que le couplage ne s’est pas ouvert assez vite, d’où une ouverture automatique du disjoncteur de la ligne principale, privant le réacteur n◦ 3 de son alimentation électrique par le réseau externe haute tension (400 kV). La ligne 225 kV est censée

8. Le groupe turbo-alternateur et la production d’électricité

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prendre le relais, mais la procédure ECP1 stipule que, pour économiser l’alimentation électrique, on coupe les batteries du tableau LBJ alimentées par LHA, or ce tableau LBJ a comme rôle d’alimenter les actionneurs de bascule du transformateur de soutirage (TS) de l’alimentation principale au transformateur de l’alimentation auxiliaire (TA). En clair, en cas de perte de la ligne 400 kV, on ne peut plus basculer sur la ligne 225 kV. Comme il n’y a plus de courant externe (plus de ligne 400 kV, ni 225 kV), on perd l’alimentation externe du tableau LHB, seul disponible depuis la perte du LHA, ce qui entraîne un AAR sans possibilité d’îlotage, et un arrêt des GMPPs conduisant à une situation de thermosiphon dans le réacteur. Le manque de tension du tableau électrique secouru de la voie B encore disponible déclenche le démarrage du groupe électrogène diesel LHQ qui va alimenter les auxiliaires nucléaires. À 22 h 10, le plan d’urgence interne (PUI) est déclenché. Le primaire est en thermosiphon et refroidi par le circuit secondaire alimenté par l’ASG. Notons que le groupe électrogène d’ultime secours (GUS) du site sera connecté de manière préventive à 1 h 30. La récupération de l’alimentation auxiliaire 225 kV permet de remettre en marche une pompe primaire pour forcer le refroidissement du cœur. Le remplacement du matériel défectueux est réalisé dans la nuit du 9 au 10 avril, et le tableau LHA est remis en service le 10 au matin. L’incident a été parfaitement maîtrisé par EDF en respect des procédures, comme le confirme l’ASN. L’incident est classé 1 sur l’échelle INES, aucun rejet radioactif n’ayant dû être effectué. Cet incident, heureusement sans conséquence, montre l’importance de la redondance des moyens de secours dans la défense en profondeur. Dans une situation encore plus dégradée (perte du LHB), on atteint un état de perte totale des sources électriques (situation H3), seuls restent opérationnels l’injection de sécurité passive des accumulateurs RIS, et les systèmes fonctionnant avec la vapeur produite par les GVs (turbopompe ASG, turbo-alternateur LLS de secours). Notons que le GCT peut facilement évacuer la vapeur correspondant à 10 % de Pnom (puissance résiduelle). En cas de perte totale des alimentations électriques, le contournement vers le condenseur n’est plus disponible, mais le contournement vers l’atmosphère continue à être opérationnel grâce à des ballons d’air comprimé qui permettent de conserver la commande des vannes du GCTa. Ces ballons permettent un fonctionnement pendant environ une heure, après quoi seul l’ASG permet de refroidir les GVs. En ce qui concerne le contrôle des fuites aux joints des GMPPs, c’est le turbo-alternateur LLS qui produit le courant nécessaire à créer la contre-pression aux joints. Une éventuelle perte du LLS conduit donc à une fuite aux joints de pompe dont le débit maximal estimé est de l’ordre de 60 tonnes/heure par pompe. Le dénoyage du cœur ne peut alors être retardé que par l’injection des accumulateurs (vers 42 bars), et on va à la fusion du cœur en cas de perte de l’ASG, dans la situation la pire une heure après l’incident. Ce scénario catastrophe prend en compte l’impossibilité pour les opérateurs de rétablir une quelconque source externe d’alimentation électrique. La création de la Force d’action rapide (FAR), dans le cadre des dispositions post-Fukushima de l’EDF, vise à pouvoir acheminer, par voie des airs (hélicoptère) s’il le faut, des groupes diesels de secours en provenance de bases logistiques régionales pour remédier à ce problème.

Conclusion Savoir si l’ambition de ce livre a été atteinte est du ressort du lecteur. Une encyclopédie de 1 000 livres ne suffirait pas à décrire précisément tous les composants d’une centrale nucléaire, tant le sujet est riche. Néanmoins, j’aurai tenté d’en décrire l’essentiel dans celui-là. Bien entendu, l’information présentée dans ce livre existe par ailleurs, mais dispersée, pour ne pas dire cachée dans des revues à petite diffusion, des ouvrages épuisés et rares, des thèses malheureusement oubliées. La partie historique de cet ouvrage a tenté de présenter quelques réacteurs REP qui ont marqué notablement l’histoire de la filière. La filière française est bien entendu plus décrite dans sa technologie, puisqu’elle aura été le support de ma carrière professionnelle à Électricité de France. Si cet ouvrage trouve une bonne place dans la bibliothèque personnelle des ingénieurs du métier nucléaire, et que sa reliure s’use à force d’avoir été ouverte ou que ses pages se noircissent de commentaires, alors mon objectif personnel aura été atteint. Quel mérite y a-t-il à écrire des livres qu’on ne lit pas ? La transmission du savoir technologique est extrêmement importante. Les événements récents sur les difficultés et les retards du projet EPR en France ont montré que rien n’était acquis, que l’expérience se transmet difficilement d’un ancien à un plus jeune. En ce qui concerne le fonctionnement et la sûreté des REPs, je préfère aborder ces sujets très importants dans un futur ouvrage à venir, car il aurait été difficile d’aller au fond des choses, la place manquant ici. Je n’ambitionnais pas d’écrire sur le sujet un simple survol qui n’apporterait rien à la littérature existante. Le réacteur à eau pressurisée est un réacteur mature à technologie éprouvée, en constante amélioration, dont les atouts sont considérables vis-à-vis des autres filières concurrentes. Ce n’est pas pour rien que ce type de réacteur est le plus courant dans le monde. La possibilité de surgénération en cycle thorium, même si elle s’avère nettement moins prolifique qu’en spectre rapide, laisse entrouverte la porte d’une meilleure optimisation des matières fissiles et fertiles. Les « Small Modular Reactors » (SMR) pourraient aussi relancer une industrie des REPs puissante dans le cadre d’un futur énergivore. Je crois beaucoup pour ma part aux nouveaux concepts de réacteurs à eau pressurisée passifs : ces « réacteurs qui s’arrêtent tout seuls quoi qu’il arrive » comme la publicité le vantait dans les années 1950 à propos des réacteurs expérimentaux TRIGA. Tout cela passe bien entendu dans une gestion rigoureuse de la sûreté nucléaire : Ne jamais baisser la garde ! Toujours être aux aguets ! Le risque viendra toujours d’une banalisation du geste ou d’une perte de compétence. Car un accident grave peut « tuer » une filière, au moins dans l’opinion publique.

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L’effet « Tchernobyl » a été fatal à la filière RBMK russe, ou « Fukushima » sur les réacteurs à eau bouillante doit faire réfléchir. Les réacteurs à eau pressurisée ont certainement encore un bel avenir devant eux !

Annexe 1. Dictionnaire, sigles et abréviations L’industrie nucléaire a généré un nombre impressionnant d’acronymes et abréviations de toutes sortes. J’utilise couramment un néologisme personnel qui consiste à mettre certains acronymes « au pluriel » : un GV, des GVs. A A : Un trigramme REP qui commence par A concerne le poste d’eau depuis le refoulement des pompes d’extraction jusqu’à la chaudière ou les générateurs de vapeur. AAR : Arrêt Automatique du Réacteur. Cette dénomination s’est imposée par rapport au terme Arrêt d’Urgence pour dédramatiser le bon fonctionnement des protections. ABP : Réchauffeurs Basse Pression. ACE : Advisory Committee for Energy (Japon). ACO : Reprise des condensats du poste d’eau. ADC : Accident de Dimensionnement du Confinement (en anglais Core Disruptive Accident). ADG : Bâche alimentaire et Dégazeur. L’eau de la bâche est pompée par les TPAs. AEB : Atomic Energy Bureau (Japon). AEC : Atomic Energy Commission (Japon). AEN : Agence pour l’Énergie Nucléaire. A et K : Coefficients de pénalité appliqués aux crédits de fonctionnement en fonctionnement prolongé à puissance réduite ou en fonctionnement prolongé à puissance intermédiaire. C’est aussi le nom du logiciel à EDF qui réévalue ces crédits. AEX : Extraction TPA. AET : Étanchéité TPA. AFA : Advanced Fuel Assembly, désigne un type de combustible REP produit par Fragema devenu AREVA. Les nouvelles générations de combustible s’appellent AFA2G, AFA3G. AFCEN : l’Association Française pour les règles de Conception, de construction et de surveillance en exploitation des matériels de Chaudières ElectroNucléaires, regroupe EDF, Framatome et Novatome dès octobre 1980, et produit les référentiels de règles de l’état de l’art RCC (et non des normes, l’AFCEN n’est pas un organisme public) dans les différents compartiments métiers du nucléaire. AGR : Graissage - Soulèvement virage turbo-pompe alimentaire. AHP : Réchauffeur moyenne pression, haute pression.

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AIC : Argent-Indium-Cadmium des barres de contrôle noires, et la partie basse des barres mixtes. AIEA : Agence Internationale de l’Énergie Atomique, située à Vienne (Autriche). AIEE : American Institute of Electrical Engineers. AIME : American Institute of Mechanical Engineers. AIST : Agency of Industrial Science and Technology (Japon). ALARA : As Low AS Reasonably Achievable, signifie que l’on engage le maximum d’actions de protection (si l’on parle de dose) raisonnablement envisageable dans une situation donnée. ALICES : Atelier logiciel de développement de simulateurs développé par la société CORYS, utilisé pour le développement du simulateur TREFLE de l’EPR. ANDRA : Agence Nationale pour la gestion des Déchets RAdioactifs. ANRE : Agency of Natural Resources and Energy (Japon). ANS : American Nuclear Society. AO : Axial Offset, déséquilibre entre la puissance en partie haute et en partie basse du cœur. APA : Motopompe alimentaire, dans le cas de plusieurs motopompes (APA, APB, APC. . . ). APD : Avant-Projet Détaillé. APE Approche Par Etats, il s’agit de procédure de conduite qui scrute régulièrement les fonctions d’états du réacteur. APG : Purge Générateurs de vapeur. Soutirage du côté secondaire des GVs pour filtration. APP : Turbopompe alimentaire principale et ses mesures internes. APRP : Accident par Perte de Réfrigérant Primaire (Lost Of Coolant Accident en anglais). APU/APV : Purges TPA. AQ : Assurance Qualité. ARE : Alimentation Régulée en Eau des générateurs de vapeur. ARP : Pompe de reprise. ASG : Alimentation de Secours de Générateurs de vapeur, supplée ARE en situation perturbée. ASME : American Society of Mechanical Engineers. Élabore des règles de calcul et de dimensionnement semblables aux RCCs françaises de l’AFCEN. ASN : Autorité de Sûreté Nucléaire. Administration chargée de réglementer le nucléaire en France. ASTM : American Society of Testing Materials. ATE : Traitement continu de l’eau d’extraction (y compris les stockages d’effluents ou les fosses de neutralisation associées). ATH : Traitement d’huile TPA. ATWS : Anticipated Transient Without Scram = Transitoire incidentel suivi d’une défaillance de l’arrêt d’urgence. Axial-offset (AO) : L’axial-offset caractérise le déséquilibre axial de puissance : AO =

PHaut − PBas × 100 PHaut + PBas

Annexe

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B B4C : Carbure de bore utilisé dans la partie haute des barres mixtes (noires). BAN : Bâtiment des Auxiliaires Nucléaires. BAV : Barre Anti-Vibratoire des générateurs de vapeur. BCC : Bouchon de Couvercle Cuve. Ce dispositif est placé au-dessus d’un cœur de réacteur rapide. BCCN : Bureau de Contrôle de la Construction Nucléaire. BCOT : Base Chaude Opérationnelle de Tricastin, qui sert de stockage à certains composants irradiés comme les couvercles de cuve déclassés. BIL 100 : Mesure de la puissance du cœur à partir d’un bilan effectué au secondaire. Cette mesure précise sert de référence au-dessus de 30 % Pnom. En dessous, le BIL 100 présente des incertitudes élevées de plusieurs %. BIL KIT : Essai périodique de mesure de la puissance thermique par bilan enthalpique, et réalisé par le calculateur KIT de tranche. Régulièrement ajusté sur le BIL 100. Bite : Le bite est un terme anglais (morsure en anglais) qui décrit la position des barres dans la partie haute des REPs où le contrôle dispose du minimum d’efficacité différentielle compatible avec les automatismes. BK : Bâtiment combustible. BOL : Beginning Of Life, début de cycle. BR : Bâtiment Réacteur, contient l’ensemble du circuit primaire. BT : Bâtiment Turbine. BTE : Bâtiment de Traitement des Effluents. BTI : Bouchage Total Instantané, acronyme utilisé dans la physique des accidents de réacteurs rapides. BTU : British Thermal Unit. BWR : Boiling Water Reactor. C C : Un trigramme REP qui commence par C concerne le condenseur. Tout le circuit d’eau de circulation, d’extraction, vide et étanchéité turbine. CANDU : Canadian Deuterium Uranium. CAP : Calculateur d’Aide au Pilotage placé en salle de commande du palier P4. Embarque un code de calcul 1D (LIBELLULE). CAP : Appoint rejet de l’eau du condenseur. CAR : Arrosage culotte, échappement turbine. CATHARE : Code Avancé de Thermohydraulique des Accidents de Réacteurs à Eau. Logiciel français de simulation de thermohydraulique diphasique (on parle de code « systèmes ») dans le circuit primaire (principalement), développé en collaboration tripartite avec le CEA, EDF et Framatome. Cathare est un exemple très réussi de collaboration inter-entreprises qui est largement utilisé en France dans le domaine de la sûreté. CDU : Critère de Défaillance Unique. Permet de pénaliser le comportement d’un système lors d’un accident en supposant la défaillance d’un sous-système (exemple : on pénalise le comportement du RGL en supposant qu’une barre ne chute pas lors d’un AAR, ou qu’un des n capteurs activant une alarme déclenchant un AAR ne fonctionne

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pas). L’application du CDU au contrôle-commande nécessite de bien réfléchir à la logique de redondance des protections. CE : Chef d’Exploitation. C’est lui qui commande l’équipe de quart en salle de commande. CEA : Commissariat à l’Énergie Atomique. CEPP : Circuit d’Étanchéité des Pompes Primaires. CET : Étanchéité condenseur (1 300 MWe). CETIC : Centre d’Entraînement et de validation des Techniques d’Intervention sur les Chaudières nucléaires. CEX : Extraction condenseur (1 300 MWe). CFI : Filtration eau de circulation du condenseur. CGR : Graissage de la pompe de circulation du condenseur. CIDEN : Centre d’Ingénierie Déconstruction et Environnement. CIPR : Commission Internationale de Protection contre les Rayonnements, cet organisme fixe des normes (CIPR61) qui donnent les limites de doses subies par les travailleurs et le public. CIRON : un ciron au sens des simulateurs est un noyau de calcul qui fournit des points de connexion permettant l’échange de variables avec le simulateur. On visualise généralement le ciron dans l’application graphique du simulateur comme un objet présentant des pattes de connexion. Le nom provient d’un minuscule arachnide de la sous-classe des acariens qui vit principalement sur des fromages (cité dans les Pensées de Pascal – Misère de l’homme sans dieu). CND : Contrôle Non Destructif. COCCINELLE : Code de cinétique neutronique à eau légère, code de calcul de réacteur officiel de la chaîne EDF. CP0 : Palier des 6 premières tranches REP (Chozz A non compris), à savoir Fessenheim et Bugey. CPA : Protection cathodique des centrales en bord de mer. CPP : Circuit Primaire Principal. CPY : Les 28 tranches REP suivant le CP0 de 900 MWe (différenciées en CP1 et CP2 par des modifications d’implantation site). CRA : Eau tiède à usage agricole (spécificité Dampierre). CRF : Circulation d’eau brute. CSP : Circuit Secondaire Principal. CTA : Nettoyage faisceau condenseur. CTC : Centre Technique de Crise (accidents graves). Situé à l’IRSN à Fontenayaux-Roses. CTE : Traitement eau de circulation (injection d’eau de Javel). CTM : Coefficient Température Modérateur en pcm/◦ C. Ce coefficient différentiel est très important dans certains types d’accidents, en particulier les accidents de refroidissement. CVI : Vide condenseur. CVF : Réfrigérants atmosphériques. CYCLADES : Référentiel de Sûreté du palier CP0. On parle de gestion CYCLADES pour la gestion tiers à 4,2 % en U235. C1 : Permissif lié à la mesure du flux neutronique supérieur au seuil. Ce permissif bloque l’extraction de grappe (logique en 1 /2 ).

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C2 : Permissif lié à la mesure du flux neutronique supérieur au seuil en puissance. Ce permissif bloque l’extraction des grappes (logique en 1 /4 ). D D : Un trigramme REP qui commence par D concerne les équipements divers (non classé dans les postes principaux) : ventilations, manutentions, transmissions, conditionnement. DAA : Ascenseurs des bâtiments administratifs. DAB : Dispositif Auto Bloquant. Système permettant d’empêcher des débattements excessifs, en particulier en cas de tremblement de terre. DAC : Décret d’Autorisation de Création, une étape indispensable pour construire une tranche nucléaire. DAI : Ascenseurs de l’îlot nucléaire. DAL : Ascenseurs des locaux électriques et salle des machines. DEB : Circuits d’eau chaude et froide d’eau utilitaire. DEB : Production d’eau glacée/chaude pour locaux annexes. DEG : Production d’eau glacée pour l’îlot nucléaire. DEL : Production d’eau glacée pour les locaux électriques. DES : Dossier de Système Élémentaire. Documentation de base et de référence pour un circuit donné. DGE : Dossier Général d’Essais. DGES : Dossier Général d’Évaluation de la Sûreté. C’est le document formel transmis à l’ASN concernant les études génériques d’une gestion relative à un palier. Ce dossier comporte les paramètres clés à vérifier lors des études spécifiques faites dans le DSS. DMA : Manutention magasin général, ateliers bâtiments annexes. DMH : manipulations diverses. DMK : manipulations en BK. DMM : Ponts roulants en salle des machines. DMN : Manipulations en BAN. DMP : Portiques et dégrilleurs de la station de pompage. DMR : Manipulations en BR. DMW : Manipulations en bâtiments périphériques. DNBR : Departure from Nucleate Boiling Ratio. Rapport du flux thermique sortant du combustible correspondant à la crise d’ébullition (point d’assèchement de la gaine) au flux thermique maximum au temps courant. Pour être en situation sûre, ce rapport doit toujours être supérieur à 1 (environ 1,5). Le DNBR évolue au cours du temps car les deux termes de la fraction évoluent eux-mêmes au cours du temps, le flux critique dépendant de la pression et du débit local et le flux local dépendant du transitoire. DOS : Document d’Orientation et de Stabilisation. Procédure accidentelle. DPax : Déséquilibre axial de puissance. Ce terme est utilisé préférentiellement sur le palier 1 300 MWe par rapport au terme ΔI utilisé sur les paliers CPY. DRIRE : Direction Régionale de l’Industrie, de la Recherche et de l’Environnement. DSA : Éclairage secouru et de sécurité. DSIN : la Direction de la Sûreté des Installations Nucléaires est l’organisme d’état en France qui contrôle tous les responsables de sites où sont manipulées des sources radioactives (EDF, COGEMA, CEA, hôpitaux. . . ).

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DSS : Dossier Spécifique de Sûreté. Ce dossier comporte les paramètres clés évalués pour chaque plan de chargement qui doivent respecter les critères de DGES. DTL : Télévision. DTV : Transmissions. DUP : Déclaration d’Utilité Publique. Dossier administratif justifiant de l’intérêt de l’établissement d’une centrale nucléaire. DVA : Ventilations des locaux chauds du bâtiment annexe et ateliers magasins. DVC : Conditionnement salle de commande. DVD : Chauffage, ventilation local diesel. DVE : Ventilation entrepont de câblage. DVF : Extraction des fumées. DVG : Ventilations des locaux de commande de grappes et pompes ASG. DVH : Ventilation de secours des locaux de pompe de charge. DVI : Ventilation locaux RRI. DVK : Ventilation bâtiment combustible. DVM : Chauffage salle des machines. DVN : Ventilation générale du BAN. DVP : Chauffage et ventilation station de pompage. DVQ : Ventilation du BAC. DVS : Conditionnement des locaux de moteurs EAS, RIS ISBP. DVT : Conditionnement de locaux, divers sites. DVV : Ventilation du BAG. DVW : Ventilation des locaux périphériques. E E : Un trigramme REP qui commence par E concerne l’enceinte de confinement. EAS : Enceinte Aspersion, circuit d’aspersion d’eau délivrée par des rampes situées en haut du confinement. EAU : Instrumentation de l’enceinte (auscultation et mesures sismiques). EBA : Système Enceinte, BAlayage de l’air dans le BR. ECCS : Emergency Core Cooling System, équivalent anglais du RIS. EDE : Circuit de mise en dépression de l’espace inter-enceintes sur les paliers doubleenceintes (paliers P4, P’4, N4). EDF : Électricité De France. EII : Équipements Internes Inférieurs. EIS : Équipements Internes Supérieurs, il s’agit d’une structure métallique située au-dessus du cœur dans le plénum supérieur de la cuve. Chaque assemblage est équipé de deux alésages dans lesquels viennent se positionner des pions des EIS. Lors d’une opération de déchargement, on doit enlever le couvercle et l’EIS et il est déjà arrivé qu’un assemblage (voire 2) se soulève en même temps en restant accroché à l’EIS (Nogent 1 en 1998). ELC : Équipe Locale de Crise. ENC : Équipe Nationale de Crise. EOL : End Of Life, fin de cycle. EP : Essai Périodique (carte de flux. . . ). EPA : Economic Planning Agency (Japon). EPDC : Electric Power Development Company (Japon).

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EPP : Étanchéité et contrôle des fuites du BR. EPR : European Pressurized Reactor, avec comme tête de série en France Flamanville 3. EPRI : Electric Power Research Institute. Ce consortium d’exploitants, situé aux États-Unis, finance des activités de recherche dont bénéficient les contributeurs. Initialement composé exclusivement de sociétés américaines, l’EPRI s’est ensuite ouvert aux compagnies non américaines. EDF est membre de l’EPRI. EPS 1, EPS 2 : Étude Probabiliste de Sûreté de niveau 1 (Probability Safety Assessment level 1) détermine la fréquence d’occurrence de fusion du cœur. L’EPS de niveau 2 poursuit le raisonnement jusqu’au relâchement en cas de perte du confinement. ETY : Surveillance atmosphérique, gonflage et décompression de l’enceinte. EVC : Ventilation puits de cuve (par la gaine EVC). EVF : Filtration interne BR. EVR : Ventilation continue BR. F FBA : Fonction de Borication Automatique sur les paliers ultérieurs au CPY. FBEC : Fast Breeder Reactor Engineering Company (Japon). FEPC : Federation of Electric Power Companies (Japon). FPPE : Fonctionnement prolongé grappes de compensation extraites (au démarrage à la montée en puissance, ou en situation de fin de campagne ou en stretch). FPPI : Fonctionnement Prolongé à Puissance Intermédiaire. Ce type de fonctionnement est limité par des critères IPG. FPPR : Fonctionnement Prolongé à Puissance Réduite. Ce type de fonctionnement est limité par des critères de sous-épuisement du combustible en partie haute du cœur quand les barres sont insérées, ce qui provoque une augmentation des facteurs de point chaud en partie haute à la remontée en puissance. Fq : Facteur de point chaud. Rapport de puissance linéique du point du cœur où cette puissance est maximale à la puissance linéique moyenne du cœur. Au facteur de point chaud du cœur, la puissance linéique doit rester inférieure à la puissance linéique de conception (590 W/cm), inférieure à la puissance maximale admissible d’intégrité du combustible (692 W/cm). Fxy(z) : Pic de puissance radiale dans le plan du cœur de cote z. Généralement normé dans un plan donné au nombre d’assemblages actifs. F ΔH ou FΔH : Facteur d’élévation d’enthalpie. Rapport entre l’élévation d’enthalpie maximum dans un assemblage et l’élévation d’enthalpie moyenne du cœur. Ce facteur sans dimension est un critère de sûreté qu’on calcule pour chaque recharge et qu’on compare à un critère de sûreté. G G : Un trigramme REP qui commence par G concerne le groupe turbo-alternateur. G1 : Courbe de calibration de la puissance en fonction de l’ouverture des vannes turbine. G2 : Courbe de correction de statisme en fonction du réglage primaire avec prise en compte d’une bande morte.

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G3 : Courbe de calibration des Groupes de compensation de puissance en mode Gris (obtenue par l’essai RGL4). G4 : Courbe de la vitesse de mouvement des groupes en fonction de l’écart de position des groupes. G5 : Courbe de variation de la puissance en fonction de la pression première roue du corps HP. G6 : Bande morte en fonction de la puissance en correction de la courbe G4. GAEC : Guide d’Action des Équipes de Crise. GARANCE : Gestion Avancée de REP avec Adaptation aux Nouveaux Cœurs. Projet créé en 1986 pour concilier les impératifs économiques et techniques (prise en compte de l’IPG) des nouvelles gestions REP900 (gestion MOX hybride, longueur de campagne de l’ordre de 280 jepp) et reprendre l’analyse de sûreté en prenant en compte l’état exact du parc. En 1990, une phase 2 vise à mettre en œuvre la gestion mixte 1 /4 de cœur UOX, 1 /3 de cœur MOX, appelée gestion hybride GARANCE qui sera pour la première fois introduite fin 1994 dans la tranche Dampierre 2. GCT : Contournement Turbine, comprend les vannes qui renvoient la vapeur à l’atmosphère, plutôt qu’à la turbine. GCTa : décharge à l’atmosphère pour contourner en urgence le condenseur. GEV : Évacuation d’énergie Transformateur Principal, Transformateur de Secours, liaison 380 kV disjoncteur inclus. GEX : Excitation alternateur, alternateur avec ses mesures internes. GFR : Fluides de régulation. GGR : Graissage soulèvement virage. GHE : Huile d’étanchéité. GIAG : Guide d’Intervention Accident Grave. GMPP : Groupe MotoPompe Primaire. GPA : Protections du GTA et évacuation d’énergie. GPR : Groupe Permanent chargé de Réacteurs. GPV : Purge Vapeur turbine. Groupe R : il s’agit d’un groupe de Régulation, utilisé pour le contrôle de la température réacteur. Ce groupe a deux limites : la limite basse et la limite très basse, qui sont définies de manière à ce que le flux ne soit pas trop déformé, et que la marge d’antiréactivité soit toujours suffisante pour garantir un arrêt automatique du réacteur, Un critère supplémentaire porte sur l’éjection de grappe (pas d’endommagement). GRE : Régulation de la turbine. GRH : Réfrigérant hydrogène (groupe turbo-alternateur). GRIG : Gain de Régénération Interne Global. Notion utilisée dans la physique des réacteurs rapides caractérisant sa capacité de surgénération du combustible. C’est la somme de Gain interne du cœur et externe des couvertures. GRT : Gain de Régénération Total : caractérise la capacité de surgénération en combustible fissile des réacteurs rapides. GRV : Remplissage, vidange, appoint H2. GSS : Groupes Sécheurs-Surchauffeurs. GST : eau stator. GSY : Synchronisation, couplage, coupleur et gaines coaxiales. GTA : Groupe Turbo-Alternateur. GTR : Téléréglage et télémesures.

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GUS : Groupe d’Ultime Secours. Diesel ou Turbine A Combustion pour produire de l’électricité en situation de perte totale des alimentations électriques. GV : Générateur de Vapeur. H H1 : Procédure de Perte totale de la source froide. H2 : Procédure de perte totale d’eau alimentaire des générateurs de vapeur. H3 : Procédure de perte totale des alimentations électriques secourues. HFP : Hot Full Power, état du réacteur critique à pleine puissance 100 % Pnom. HZP : Hot Zero Power, état du réacteur critique à puissance nulle, la température de l’eau dans tout le primaire est d’environ 286◦ C. I ICRP : International Commission of Radio-Protection. IEEE : Institution of Electrical and Electronics Engineers. IHI : Ishikawajima-Harima Heavy Industries (Japon). IHP : Indicated Horse-Power. Puissance mécanique nominale en chevaux. INB : Installation Nucléaire de Base. INES : International Nuclear Event Scale. Classification internationale des accidents. INPO : Institute of Nuclear Power Operations (USA). INSAG : International Nuclear Safety Advisory Group. IPE : Ingénierie du Parc en Exploitation. IPG : Interaction Pastille-Gaine. IPS : Important Pour la Sûreté. Classement des matériels ou des codes de calcul. IPSN : Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire, ancien nom de l’IRSN. IRSN : Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire. IS : Injection de Sécurité ou Ingénieur Sûreté. ISBP : Injection de Sécurité Basse Pression. ISHP : Injection de Sécurité Haute Pression. ISMP : Injection de Sécurité Moyenne Pression. J J : Un trigramme REP qui commence par J concerne la fonction incendie (protection, détection, production de fluide). JAERI : Japan Atomic Energy Research Institute (Japon). JAIF : Japan Atomic Industrial Forum (Japon). JAPCO : Japan Atomic Power Company (Japon). JDT : Détection d’incendie. JEPP : Jour Équivalent Pleine Puissance. Une centrale qui fonctionne à 50 % de puissance pendant deux jours a réalisé un JEPP, le nombre de JEPPs permet de calculer simplement l’irradiation du cycle en connaissant la puissance spécifique de la tranche (en MWj/t). JNF : Japan Nuclear Fuel (Japon). JNRSDA : Japan Nuclear Ship Research and Development Agency (Japon). JPD : Distribution d’eau incendie.

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JPH : Protection cuves à huile, salle des machines. JPI : Protection incendie îlot nucléaire. JPL : Protection incendie locaux électriques. JPP : Production d’eau pour l’incendie. JPS : Protection mobile de site. JPT : Protection incendie transformateurs. JPU : Distribution d’eau d’incendie sur le site. K K : Un trigramme REP qui commence par K concerne le contrôle. KBS : Boîtes soudures froides thermocouples. KD : Coefficient de disponibilité d’une tranche, du parc. KEPCO : Kansai Electric Power Company (Japon). KER : Comptabilisation des effluents liquides avant rejet. KIC : Système de conduite informatisé du N4. KIR : Instrumentation de surveillance du circuit primaire. Détection des corps migrants. KIT : Traitement des informations, calculateur de salle de commande. KKK : Contrôle des accès. KKO : Comptage électrique, oscillo-perturbographe, tachy-perturbographe. KME : Réseau fixe de mesure d’essais. KPR : Tableau de repli. KPS : Calculateur d’aide à la conduite post-accidentelle (CPY). KRG : Régulation générale. KRS : Contrôle de pollution (radioprotection site, météo). KRT : Système de surveillance de la Radioactivité, protection des tranches. On parle couramment de chaînes KRT. KSC : Salle de commande. KSN : Pupitre de commande du BAN. KSU : Pupitre de commande du BDS. L L : Un trigramme REP qui commence par L concerne l’électricité : toute la distribution électrique MT-BT secourue ou non, tension continue et alternative, puissance et contrôle, éclairage. LAA : production et distribution du 220 V. LBA, LBB : Production et distribution de 125 V. LCA, LCB : Production et distribution de 48 V. LGR : Alimentation auxiliaire. LHA, LHB : Distribution électrique 6,6 kV secouru pour les tableaux de replis (2 trains). LHN, LHM : Groupe électrogène de secours. LHP, LHQ : Distribution électrique 6,6 kV secouru diesels (2 trains). LKA, LKB, LKC : Distribution 380 V réseau. LLC, LLD : Distribution 380 V secourue.

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LLS : Turbo-alternateur de secours. Système d’alimentation de secours des joints de pompes primaires. Étant donné la forte pression du circuit primaire, on doit alimenter en eau la partie extérieure du joint pour appliquer une contre-pression, sinon on aurait rapidement une fuite (APRP petite brèche). LNA : Production et distribution de 220 V permanent, onduleurs. LSI : Balisage et éclairage du site. LTC : Local Technique de Crise. LTR : Circuit de terre. M MAAP : Modular Accident Analysis Program : code de calcul d’accident grave dans les réacteurs à eau, développé par la société Fauske au profit de l’EPRI, utilisé à EDF pour les études d’accidents graves. MAPI : Mitsubishi Atomic Power Industry (Japon). MAR : Marge d’Anti-réactivité Requise. C’est l’anti-réactivité minimale de conception qui permet d’arrêter le réacteur avec des pénalisations réglementaires et en appliquant le Critère de Défaillance Unique supposant la barre la plus anti-réactive non chutée à l’AAR. MDR : Méthode Déterministe Réaliste de calcul de l’APRP. MHI : Mitsubishi Heavy Industries (Japon). MIS : Machine d’Inspection (de la cuve) en Service. MISTRAL : Simulateur d’accidents sur le palier 900 MWe. MOX : Combustible REP à l’oxyde mixte UO2 -PuO2 . C’est la tranche Saint-Laurent B1 qui voit en France la première recharge MOX avec 16 assemblages. MSI : Mise en Service Industriel. MSK : Échelle de mesure des effets des séismes (Medvedev, Sponheuer et Karnik). MSQ : Mission Sûreté Qualité. MT : Minimum Technique. Il s’agit de la puissance en MWe permettant de continuer à faire fonctionner les auxiliaires nucléaires (environ 4 % de la PCN) et de garantir une qualité suffisante de vapeur à la turbine. Au final, de l’ordre de 20 % de la PCN. MWe : MégaWatt électrique, puissance produite par la turbine, à distinguer de la puissance thermique produite par la tranche nucléaire en MWthermique. Le rapport entre les deux est le rendement thermique de l’installation (de l’ordre de 33 %). MWth : Voir MWe. N NERSA : consortium propriétaire de la centrale à neutrons rapides SUPERPHENIX de Creys-Malville. NIRS : National Institute for Radiological Science (Japon). NPSH : Net Positive Suction Head, différence en la pression du liquide et la pression de vapeur saturante. Si cette valeur passe négative, il y a cavitation. NRC : Nuclear Regulatory Commission. Il s’agit de l’Autorité de sûreté américaine. NSB : Nuclear Safety Bureau (Japon). NSC : Nuclear Safety Commission (Japon). NUPEC : Nuclear Power Engineering Test Center (Japon). N4 : Palier français de 1 450 MWe.

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

O ONC : Organisation Nationale de Crise. OSART : Operationnal Safety Analysis Review Team, il s’agit d’une analyse de sûreté effectuée par des experts sur site. OURD : Overseas Uranium Resources Development (Japon). P P : Un trigramme REP qui commence par P concerne la piscine de stockage du combustible. PAD : Protection Anti-Dilution. PAGELS : Nom des réseaux analogiques constituant le réactimètre, à savoir un calculateur analogique historiquement embarqué sur le palier 900 MWe. Trois réseaux PAGELS (un par isotope traité à savoir U235, U238, Pu239) comportent chacun 6 dipôles R-C montés en parallèle pour les 6 groupes de neutrons retardés. Le calculateur fournit la période du réacteur par inversion d’une cinétique 0D, d’où on tire le temps de doublement du réacteur. En dessous de 20 s, un automate engage l’AAR. pcm : Pour Cent Mille, soit 10−5 sans dimension, unité de réactivité. PCN : Puissance Continue Nette. La PCN est la puissance maximale continue nette d’une tranche, c’est-à-dire la puissance qui peut être obtenue sans limitation de durée, autre que celle due à l’entretien normal de la chaudière à la puissance maximale autorisée. Le bilan thermique établissant la PCN est sous les hypothèses suivantes : circuit ouvert, eau de refroidissement à 13 ◦ C. Circuit fermé : température d’eau d’appoint du réfrigérant atmosphérique à 13 ◦ C, débit d’eau d’appoint à 2,5 m3 /s, air sec à 11 ◦ C, air humide à 10 ◦ C, débit de purge des GVs à 1 % et conditions normales d’exploitation (en particulier sur l’efficacité du condenseur). La PCN est arrondie aux 5 MWe les plus proches. Notons que la puissance nette maximale peut s’écarter légèrement de la PCN en fonction des conditions locales d’exploitation. La PCN est obtenue en soustrayant la puissance des auxiliaires nucléaires à la puissance brute. L’annexe sur les performances de chaudière précise les valeurs numériques du parc français. PDS : Perte De Source (électrique), aussi utilisé pour Panneau De Sûreté (repli). PEON : Commission consultative pour la Production d’Énergie d’Origine Nucléaire (établie au lancement du parc nucléaire pour l’évaluation technico-économique de la filière). Permissif : Un permissif (indice P) est un signal logique autorisant l’inhibition (automatique ou manuelle) des protections du réacteur (AAR, IS, EAS. . . ) lorsque celles-ci ne sont pas utiles dans l’état courant où est la chaudière. PIC : Plaque Inférieure de Cœur. PMC : Manutention du combustible dans la piscine de stockage du combustible. PMD : Puissance Maximale Disponible de la tranche sans suivi de réseau. PN : Puissance Nominale. Utilisée aussi dans le sens Propulsion Navale. PNC : Power Reactor and Nuclear Fuel Development Corporation (Japon). PNOM : Puissance Nominale du réacteur. PPI : Plan Particulier d’Intervention à l’extérieur du site, comprend les actions à effectuer en situation de crise. PR : Puissance Résiduelle.

Annexe

1065

PTB du RRA ou PTB-RRA : Plage de Travail Basse du circuit RRA. Correspond au niveau d’eau auquel on peut descendre l’eau dans le circuit primaire sans faire caviter les pompes RRA, tout en pouvant rentrer physiquement dans la boîte à eau d’un GV pour inspection. PTR : Traitement et réfrigération de l’eau des piscines (Reactor Pool Treatment). La bâche PTR est une réserve d’eau borée de 1 600 m3 (CPY) dans laquelle est puisée l’eau de l’IS et de l’EAS. PUI : Plan d’Urgence Interne au site en crise. P4 : Palier français de 1 300 MWe. P’4 : Palier français de 1 300 MWe, avec quelques améliorations par rapport au P4. P6 : Permissif lié à la mesure du flux neutronique supérieur au point de consigne. Ce permissif valide le blocage manuel de l’AAR haut flux sur chaînes sources (logique en 1 /2 ). Sur le palier P4, le flux des CNI supérieur à 7 × 10−6 % Pnom valide le blocage manuel de l’AAR (en logique 3 /4 ) et coupe l’alimentation des CNS. P8 : Permissif lié à la mesure du flux neutronique supérieur au point de consigne (chaînes de puissance). Ce permissif valide l’AAR par bas débit primaire (logique en 2/4). P10 : Permissif lié à la mesure du flux neutronique supérieur au point de consigne (chaînes de puissance). Ce permissif valide le blocage manuel de l’AAR sur haut flux/bas niveau de puissance (logique en 2/4). P11 : Permissif conçu pour remettre en service de façon automatique et avant d’atteindre les conditions d’arrêt à chaud (155 bars, 286 ◦ C) à partir de l’arrêt intermédiaire, les protections liées à l’injection de sécurité. La disparition de P11 remet en service le signal d’injection de sécurité lié à la basse pression pressuriseur. Le permissif P11, calé à 139 bars, permet d’éviter les intempestifs comme le démarrage de l’IS par « très basse pression » dans une situation normale où on descendrait dans la chaussette pour un arrêt à froid. Dans une situation accidentelle (grosse brèche), c’est la protection « haute pression enceinte » qui protège alors. P12 : Permissif identique à P11, mais dont la disparition (à 155 bars et 284 ◦ C) remet en service le signal d’IS par haut débit vapeur en coïncidence avec soit une très basse température moyenne, soit une basse pression de vapeur. Le seuil P12 est abaissé à 270 ◦ C en fin de stretch-out. P14 : Provoque un AAR si le niveau d’un GV est supérieur à 90 % en cas de déclenchement turbine et si la puissance est supérieure à 10 % Pnom, et valide l’isolement de l’ARE. P16 : valide l’AAR quand le flux des CMP est supérieur à 40 % Pnom en cas de déclenchement turbine. R R : Un trigramme REP qui commence par R concerne le réacteur (chaudière nucléaire). RAD : Ancienne unité de dose absorbée. 1 rad = 100 erg/g = 0,01 J/kg = 0,01 Gray. RAM : Alimentation des mécanismes de grappe. RAZ : Circuit de distribution d’azote (pour les accumulateurs). RCC : Règles de Conception et de Construction. Il s’agit de règles qui explicitent et formalisent les règles de l’art en matière de construction technologique dans le domaine du nucléaire. L’indice RCC-P correspond aux procédés, -I pour l’incendie,

1066

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

-M pour les matériels mécaniques, -E électriques, -G génie civil et –C combustible nucléaire. RCP : Réacteur Circuit Primaire. Pressuriseur et GV boîte à eau inclus. RCV : Réacteur Contrôle Volumétrique et Chimique. RDE : Circuit de décontamination des GVs. RDE : Circuit de décontamination. REA : Réacteur Circuit d’appoint en Eau et en bore. REB : Réacteur à Eau Bouillante = BWR en anglais. REM : Roetgen Equivalent Man, ancienne unité de dose de radiation ionisante qui produit les mêmes effets biologiques qu’une dose d’un rad de rayons X durs ou de rayons gamma. Remplacée en 1979 par le Sievert (symbole Sv). 1 rem = 0,01 Sv. REN : Réacteur Échantillonnage Nucléaire. REP : Réacteur à Eau Pressurisée = PWR en anglais. REX : Retour d’EXpérience. RFS : Règles Fondamentales de Sûreté. Elles sont émises par la Sûreté Nucléaire et définissent les objectifs de sûreté et les bonnes pratiques. RGE : Règles Générales d’Exploitation, qui précise les procédures d’exploitation. Ces règles sont regroupées en chapitres. On notera le chapitre III correspondant aux STEs, le IX décrivant les essais périodiques tranche, le X sur les essais périodiques cœur. RGL : Système de commandes de grappes de contrôle longues (en opposition aux grappes courtes, voir RGX). RGL4 : Essai périodique de calibration des Groupes de Compensation de Puissance (GCP) effectué tous les 2 000 MWj/t et visant à ré-établir la courbe G3. RGL81 : Essai périodique de manœuvre des grappes non sollicitées. RGL102 : Essai périodique de mesure de chute des barres (< 1,8 s). Cet essai est effectué en début, milieu et fin de cycle. RGL104 : Essai périodique pour vérifier la concordance entre position des groupes et compteur de pas. L’usure des mâchoires du RGL peut conduire à des « ripages » de pas. RGV : Remplacement des Générateurs de Vapeur. RGX : Commande des grappes courtes. RHY : Stockage et distribution d’hydrogène dans le BR. RIA : Reactivity Initiated Accident, acronyme anglais pour les accidents initiés par une insertion de réactivité comme l’éjection de barre, la RTV ou la dilution. RIC : Instrumentation interne du cœur (CFMs et Thermocouples). RIS : Réacteur Circuit d’Injection de Sécurité. RNR : Réacteur à Neutrons Rapides, qu’on dénature souvent par Réacteurs Rapides. RPN : Système de mesure de la puissance neutronique par les chambres externes. RPN7 : Essai périodique mensuel concomitamment à l’EP RPN11, pour actualiser les droites limites du diagramme de pilotage. On mesure l’AO dans une situation de xénon stabilisée. RPN8 : Essai périodique hebdomadaire de calage des signaux des chambres externes sur le BIL 100. On vérifie la dérive des signaux des chambres. RPN11 : Essai périodique mensuel de mesure des cartes de flux en insérant dans le cœur les CFMs. Ces essais permettent la calibration du système de protection SPIN. RPN12 : Essai périodique trimestriel de calibration des chambres externes par rapport à la mesure des CFMs via une oscillation xénon provoquée. RPR : Réacteur Système de Protection Réacteur.

Annexe

1067

RRA : Réacteur Circuit de Réfrigération à l’Arrêt. RRB : Réchauffage du bore. RRI : Réacteur Circuit de Réfrigération Intermédiaire. RRM : Refroidissement des mécanismes de grappes. RSEM : Règles de Suivi et d’Entretien des Matériels. RTE : Rupture de Tuyauterie en Énergie, comme les lignes ARE par exemple. RTGV : Rupture de Tube de Générateur de Vapeur. RTV : Rupture de Tuyauterie Vapeur (du secondaire) = Steam Line Break en anglais. S S : Un trigramme REP qui commence par S concerne les services généraux. SAEI : Sumitomo Atomic Energy Industry (Japon). SAMIR: Dispositif de surveillance préventive des organes de robinetterie. SAP : Air comprimé pour régulation et travail. SAR : Distribution d’Air comprimé de Régulation. L’air comprimé pilote de nombreuses vannes du RCP. Du fait de l’existence de réservoirs tampons et de reprise en secours des compresseurs par les diesels, une perte totale d’air comprimé est peu probable. SAT : Distribution d’air comprimé (travail). SAX : Sonde Axial de contrôle des GVs par courants de Foucault. SCO : Stockage CO2 . SEA : Eau à déminéraliser. SEB : Circuit d’eau brute. SEBIM : Nom des soupapes de décharge pressuriseur, du nom du fabricant. SEC : Circuit d’eau brute secourue (de SECours) pour la réfrigération intermédiaire RRI. SED : Eau déminéralisée réacteur. SEO : Égouts, eaux perdues. SER : Distribution d’eau déminéralisée (stockage inclus). SES : Eau surchauffée. SEXTEN: Surveillance en Exploitation des Taux de fuite de l’Enceinte. SGR : Stockage Gaz Rare (argon). SHY : Stockage d’hydrogène. SIPA: SImulateur Post-Accidentel. Utilisé pour la formation des opérateurs. SIR : Conditionnement chimique (injection de réactifs). SIT : Contrôle chimique, échantillonnage. SLB : Steam Line Break = RTV. SMHV : Séisme Maximal Historiquement Vraisemblable. SMS : Séisme Majoré de Sécurité. SPI : Surveillance Permanente Incidentelle. SPIN : Système de Protection Intégré Numérique, équipe les tranches 1 300 MWe. SPND : Self Powered Neutron Detector est le terme anglais pour détecteur de flux de type Collectron. SPU : Surveillance Permanente Ultime. SPX : Superphénix, le réacteur rapide au sodium de 1 200 MWe construit dans l’Ain à Creys-Malville. SQR : Service Qualité des Réalisations.

1068

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

STA : Science and Technology Agency (Japon). STE : Spécifications Techniques d’Exploitation, spécifient les procédures de conduite. STV : Traçage vapeur. SVA : Distribution de vapeur auxiliaire. SVE : Vapeur d’essai. T T : Un trigramme REP qui commence par T concerne le traitement des effluents radioactifs. TAC : Turbine A Combustion, un des moyens d’ultime secours de production d’électricité. TBH : Toutes Barres Hautes (hors du cœur). TCI : Traitement Centralisé de l’Information. On parle de « fichiers TCI » pour les fichiers de valeurs expérimentales issus de la base de données expérimentales d’EDF ORLI. TEG : Traitement des Effluents Gazeux. TEP : Traitement des Effluents Primaires. TEPCO : Tokyo Electric Power Company (Japon). TER : Traitement des effluents, rejets. Réservoirs Pellerin. TES : Traitement des Effluents Solides. TEU : Traitements des Effluents Usés. TH : Tube Hexagonal, structure fermée des assemblages de réacteurs rapides qui canalise le caloporteur et rigidifie l’assemblage. TMI-2 : Three-Mile-Island réacteur n◦ 2. Centrale américaine qui a subi un accident grave de fusion du réacteur en 1979. TOR : Tout Ou Rien. Automatisme à logique binaire (chaufferettes TOR du pressuriseur, lâché de barres. . .). Il n’y a pas de proportionnalité du résultat de la commande. TPL : Tourner, Pousser, Lumineux : bouton de commande d’actionneur tout ou rien qui ne déclenche l’action qu’à la suite d’un mouvement Tourner/Pousser de l’opérateur. La lumière allumée indique une discordance (la commande pilotée par le TPL est envoyée mais pas encore exécutée) entre la mémoire et la position réelle de l’actionneur d’une part, et entre l’ordre et la position de l’actionneur d’autre part. Un résultat positif de la commande effectuée éteint la TPL. TPS : Turbo-Pompe de Secours. TREFLE : Simulateur de l’EPR. TSN : Transparence et Sûreté Nucléaire. Concerne la loi du 13 juin 2006 relative à l’information du public, reprise dans le Code de l’Environnement. TTS : Tranche Tête de Série. U UATP : Unité d’Acquisition et de Traitement de Protection (relative au SPIN). UF1 à UF7 : Unité Fonctionnelle de protection (relative au SPIN). ULOF : Acronyme anglais de la physique des accidents des réacteurs rapides très (trop !) usité en français, perte de débit primaire non protégé (Unprotected Loss Of Fluid). Un ULOF entraîne une ébullition du sodium et, en cas de coefficient de vidange positif, une excursion de puissance.

Annexe

1069

ULS : Unité de sauvegarde (relative au SPIN). UNGG : Réacteur à l’Uranium Naturel Graphite Gaz. UOX : Combustible à l’oxyde d’uranium UO2 . UTGN : Unité de Traitement des Grandeurs Numérisées (relative au SPIN). UTO : Unité Technique Opérationnelle, unité d’EDF chargée en particulier du remplacement des gros composants comme les GVs par exemple. V V : Un trigramme REP qui commence par V concerne le circuit vapeur. VCI : Visite Complète Initiale du circuit primaire. Verrouillage : Un verrouillage (indice C) est un ordre logique qui évite d’atteindre les seuils de protection du réacteur. VD : Visite Décennale. VPU : Purges de conditionnement des circuits vapeur, turbine exclue, tuyauterie aval des vannes d’isolement inclues. VVP : Circuit Vapeur Principale (soupapes, évents, vannes GV). W WANO : World Association of Nuclear Operators, réunit les exploitants nucléaires au niveau mondial et EDF en fait partie. WANO organise des « peer reviews » d’audit par des experts d’autres exploitants. X X : Un trigramme REP qui commence par X concerne la production de vapeur auxiliaire. XCA : Chaudières auxiliaires. XXA : Alimentation en eau et dégazeurs chaudières auxiliaires. Y Y : Un trigramme REP qui commence par Y concerne les installations provisoires. YLH : Banc mobile pour les essais de diesels. Z Z : Un trigramme REP qui commence par Z concerne le matériel commun.

1070

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

ΔI: Différence axiale de puissance. Le symbole I provient du fait que Westinghouse parlait d’Index pour caractériser la mesure par les chambres externes. ΔI ≡

PHaut − PBas PHaut − PBas × 100 = AO × Pno min ale Pno min ale

2. Performance des tranches nucléaires du parc français Adapté du Recueil des performances des tranches nucléaires, thermiques à flamme, stations de transfert d’énergie par pompage, EDF / Commission scientifique et technique- sous-commission production, 1988.

2.1 Définition de la puissance continue nette (PCN) La PCN est la puissance maximale nette de la tranche qui peut être obtenue sans limitation de durée autre que celle due à l’entretien normal, la chaudière étant à la puissance maximale autorisée. Les variations de charge admissibles en dessous de la PCN sont précisées dans les fiches suivantes. Les autres hypothèses de définition sont les suivantes : en circuit ouvert : température de l’eau de refroidissement (source froide) 13 ◦ C ; en circuit fermé : température de l’eau d’appoint du réfrigérant atmosphérique 13 ◦ C, débit d’eau d’appoint 2,5 m3 /s, température d’air sec 11 ◦ C, température d’air humide 10 ◦ C. Les conditions de fonctionnement sont les suivantes : débit de purge des générateurs de vapeur à 1 %, conditions normales en ce qui concerne l’exploitation, le combustible, les caractéristiques du cycle eau/vapeur, le coefficient de propreté des tubes du condenseur, la disponibilité des auxiliaires nucléaires. La PCN est une valeur normative pour un palier et des conditions de refroidissement par le condenseur données. La puissance maximale obtenue en exploitation sur une tranche particulière peut s’en écarter légèrement. Les réfrigérants atmosphériques des circuits fermés sont à tirage naturel sauf ceux de Chinon, dont la hauteur a été limitée pour des considérations d’impact visuel dans cette région de vin, qui sont à tirage induit. Les réfrigérants de Chinon, Saint-Laurent et Cattenom sont à courants croisés, les autres à contre-courants. Ceux de Belleville, Nogent, Golfech et Chooz sont à goulottes. À puissance thermique du réacteur inchangée (puissance maximale autorisée), la puissance électrique nette délivrée au réseau pendant les mois d’hiver est supérieure à la PCN définie ci-dessus, compte tenu des conditions d’ambiance concourant à un meilleur rendement thermodynamique (température de la source froide plus basse). D’autre part, le chauffage des locaux par prélèvement de vapeur diminue la puissance fournie par l’alternateur. On retient dans les tableaux comme puissance

1070

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

ΔI: Différence axiale de puissance. Le symbole I provient du fait que Westinghouse parlait d’Index pour caractériser la mesure par les chambres externes. ΔI ≡

PHaut − PBas PHaut − PBas × 100 = AO × Pno min ale Pno min ale

2. Performance des tranches nucléaires du parc français Adapté du Recueil des performances des tranches nucléaires, thermiques à flamme, stations de transfert d’énergie par pompage, EDF / Commission scientifique et technique- sous-commission production, 1988.

2.1 Définition de la puissance continue nette (PCN) La PCN est la puissance maximale nette de la tranche qui peut être obtenue sans limitation de durée autre que celle due à l’entretien normal, la chaudière étant à la puissance maximale autorisée. Les variations de charge admissibles en dessous de la PCN sont précisées dans les fiches suivantes. Les autres hypothèses de définition sont les suivantes : en circuit ouvert : température de l’eau de refroidissement (source froide) 13 ◦ C ; en circuit fermé : température de l’eau d’appoint du réfrigérant atmosphérique 13 ◦ C, débit d’eau d’appoint 2,5 m3 /s, température d’air sec 11 ◦ C, température d’air humide 10 ◦ C. Les conditions de fonctionnement sont les suivantes : débit de purge des générateurs de vapeur à 1 %, conditions normales en ce qui concerne l’exploitation, le combustible, les caractéristiques du cycle eau/vapeur, le coefficient de propreté des tubes du condenseur, la disponibilité des auxiliaires nucléaires. La PCN est une valeur normative pour un palier et des conditions de refroidissement par le condenseur données. La puissance maximale obtenue en exploitation sur une tranche particulière peut s’en écarter légèrement. Les réfrigérants atmosphériques des circuits fermés sont à tirage naturel sauf ceux de Chinon, dont la hauteur a été limitée pour des considérations d’impact visuel dans cette région de vin, qui sont à tirage induit. Les réfrigérants de Chinon, Saint-Laurent et Cattenom sont à courants croisés, les autres à contre-courants. Ceux de Belleville, Nogent, Golfech et Chooz sont à goulottes. À puissance thermique du réacteur inchangée (puissance maximale autorisée), la puissance électrique nette délivrée au réseau pendant les mois d’hiver est supérieure à la PCN définie ci-dessus, compte tenu des conditions d’ambiance concourant à un meilleur rendement thermodynamique (température de la source froide plus basse). D’autre part, le chauffage des locaux par prélèvement de vapeur diminue la puissance fournie par l’alternateur. On retient dans les tableaux comme puissance

1071

Annexe

supplémentaire la moyenne obtenue de novembre à mars, compte tenu des deux effets précédents et, en hiver sévère, une température d’air de –3 ◦ C. Les valeurs de disponibilité indiquées sont celles de la disponibilité observée et celles estimées par la commission PEON (commission consultative pour la production d’énergie d’origine nucléaire). Les tranches peuvent fonctionner en réseau séparé, en continu et s’îloter sans limitation de durée. Le statisme des groupes turbo-alternateurs est de 4 % lorsque ces derniers participent au réglage de fréquence.

2.2 Fessenheim 1 et 2 (CP0) 2.2.1 Généralités Désignation Puissance maximale chaudière (MWth) Puissance alternateur (MVA) Facteur de puissance alternateur (-) Mode de gestion de la régulation de puissance

Valeurs 2 660 1 120 0,9 Mode A

Commentaires

Gestion par grappes noires et compensation de puissance par borication/dilution (générateur d’effluents borés)

2.2.2 Performances en régime nominal Désignation Puissance brute (MWe) Puissance des auxiliaires (MWe) PCN (MWe)

Valeurs 920 40 880

Minimum technique MT (MWe) Écart de puissance saisonnier (MWe)

130

Hiver normal Hiver sévère Été Rendement net à la PCN Puissance fournie avec indisponibilité Perte d’une pompe alimentaire principale Perte d’une pompe de circulation Baisse de puissance en prolongation de cycle de 30 JEPP

+8 +6 −17 33 %

68,3 % PCN 60 à 70 % PCN 100 MWe

Commentaires

Puissance brute – Puissance auxiliaires

Effet du chauffage plus important en hiver sévère Source froide plus chaude

1072

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

2.2.3 Variation de charge Désignation Suivi de charge Vitesses maximales de variation de charge du point de consigne du réglage primaire Baisse en passage de PCN vers le minimum technique 1) Jusqu’à 65 % de la longueur naturelle de campagne

Valeurs

Commentaires

40 MWe/minute

Cette vitesse est réduite à 30 MWe/minute lorsqu’on superpose le téléréglage au suivi de charge Entre 65 % et 100 % de LNAT, baisse de 40 MWe/minute possible sur une amplitude décroissante de 80 % à 0 % PCN

2) Après 65 % de la LNAT

Montée jusqu’à 96 % PCN

2 MWe/minute En début de cycle ;

Montée au-delà de 96 % PCN Réglage primaire fréquence

et

téléréglage

de

15 MWe/minute 3 MWe/minute +/– 70 MWe

Participation maximale au réglage primaire Participation maximale au téléréglage Programme usuel en réglage primaire Minimal Maximal Programme usuel en téléréglage Minimal Maximal

+/– 50 MWe

Pente normale Pente exceptionnelle Démarrage

+/– 10 MW/minute +/– 45 MWe/minute Couplage + prise de charge

Temps de démarrage en fonction de la durée de l’arrêt – 2 heures Usure combustible < 70 % LNAT – 24 à 48 heures Usure combustible < 70 % Usure combustible < 90 % – 2 à 4 jours Usure combustible < 70 % Usure combustible < 90 % – > 4 jours Usure combustible < 70 % Usure combustible < 90 %

En fin de cycle, la vitesse diminue progressivement à 1 MWe/minute

Il n’y a pas de limiteur vers le bas, ce qui permet de façon exceptionnelle d’aller en deçà de –70 MWe

MT + 20 MWe PCN – 24 MWe MT + 70 MWe PCN – 74 MWe

La marche en téléréglage est superposable avec le suivi de charge

6h+1h

Temps moyen après une perte des sources électriques externes

10 h + 2 h 30

Tranche en arrêt à chaud, vide établi au condenseur

16 h + 2 h 30 10 h + 4 h 30

Tranche en arrêt à chaud, secondaire à l’arrêt

16 h + 4 h 30 35 h + 4 h 30 40 h + 4 h 30

Tranche en arrêt à froid normal

1073

Annexe

2.2.4 Réglage de tension Désignation Tension nominale Puissance réactive maximale – Fournie

– Absorbée

Valeurs 24 kV +/– 5 %

Commentaires

475 MVAR

Réactif fourni à la PCN relatif à la tension nominale du réseau et à la prise médiane des transformateurs principaux

– 300 MVAR

2.2.5 Performances en régime exceptionnel Désignation Réserve de puissance – Réserve primaire et secondaire – Réserve tertiaire (tournante) Variations de fréquence Plages de fonctionnement exceptionnel : – Plage inférieure 1 : de 48 Hz à 49,5 Hz – Plage inférieure 2 : de 47 Hz à 48 Hz

– Plage supérieure : de 50,5 Hz à 51 Hz Variations de tension Limites du régime exceptionnel Durée de fonctionnement

Valeurs

Commentaires

70MWe 40 MWe/minute

Pente de montée de charge

5 h en continu, 100 h cumulées 1 h en continu, 15 h cumulées

Le cumul s’effectue sur la vie de la tranche.

1 h en continu, 15 h cumulées

+/– 10 % 5 h en continu 100 h cumulées

2.3 Bugey 2, 3, 4, 5 (CP0) 2.3.1 Généralités Désignation Puissance maximale chaudière (MWth) Puissance alternateur (MVA) Facteur de puissance alternateur (–) Mode de gestion de la régulation de puissance

Valeurs 2 785

Commentaires

1 120 0,9 Mode A

Gestion par grappes noires et compensation de puissance par borication/dilution (générateur d’effluents borés)

1074

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

2.3.2 Performances en régime nominal Désignation

Puissance brute (MWe) Puissance des auxiliaires (MWe) PCN (MWe)

Circuit ouvert (Bu 2-3) 955 35

Circuit ouvert (Bu 4-5) 937 37

920

900

Minimum technique MT (MWe) Écart de puissance saisonnier (MWe) Hiver normal

180

180

+5

+5

Hiver sévère Été

+8 −19

+22 −17

33,1 %

32,3 %

Rendement net à la PCN Puissance fournie avec indisponibilité Perte d’une pompe alimentaire principale Perte d’une pompe de circulation Baisse de puissance en prolongation de cycle de 30 JEPP

68,6 % PCN 60 à 70 % PCN 72 MWe

2.3.3 Variation de charge Idem Fessenheim.

2.3.4 Réglage de tension Idem Fessenheim.

2.3.5 Performances en régime exceptionnel Idem Fessenheim.

Commentaires

Puissance brute – Puissance auxiliaires

Effet du chauffage plus important en hiver sévère Source chaude

froide

plus

1075

Annexe

2.4 Tricastin 1 à 4, Gravelines B1 à B4, C5, C6, Dampierre 1 à 4, Le Blayais 1 à 4 : (CP1)

2.4.1 Généralités Désignation Puissance maximale chaudière (MWth) Puissance alternateur (MVA) Facteur de puissance alternateur (–) Mode de gestion de la régulation de puissance

Valeurs 2 785

Commentaires

1 120 0,9 Mode G

Gestion par grappes noires et compensation de puissance par grappes grises

2.4.2 Performances en régime nominal Désignation

Puissance brute (MWe) Puissance des auxiliaires (MWe) PCN (MWe)

Minimum technique MT (MWe) Écart de puissance saisonnier (MWe) Hiver normal

Hiver sévère Été

Rendement net à la PCN

Circuit ouvert (mer) Grav, Blay 951

Circuit ouvert (rivière) Tric

Circuit fermé (rivière) Damp

955

937

41

39

45

910

915

890

180

185

180

+4

+3

+8

+12 Grav : – 19, Blay –32 32,7 %

+8 −23

+23 −4

32,9 %

32,0 %

Commentaires

Puissance brute – Puissance auxiliaires

Effet du chauffage plus important en hiver sévère Source froide plus chaude

1076

La technologie des réacteurs à eau pressurisée Désignation

Circuit ouvert (rivière) Tric

Circuit ouvert (mer) Grav, Blay

Puissance fournie avec indisponibilité Perte d’une pompe alimentaire principale Perte d’une pompe de circulation Baisse de puissance en prolongation de cycle de 30 JEPP

Circuit fermé (rivière) Damp

Commentaires

68,6 % PCN

60 à 70 % PCN 85 MWe

2.4.3 Variation de charge Idem Fessenheim.

2.4.4 Réglage de tension Désignation Tension nominale Puissance réactive maximale – Fournie

– Absorbée

CP1 (400 kV) 24 kV +/– 5 %

Tricastin (225 kV) 24 kV +/– 5 %

Commentaires

475 MVAR

470 MVAR

Réactif fourni à la PCN relatif à la tension nominale du réseau et à la prise médiane des transformateurs principaux

–300 MVAR

–100 MVAR

2.4.5 Performances en régime exceptionnel Idem Fessenheim.

1077

Annexe

2.5 Saint-Laurent B1 et B2, Cruas 1 à 4, Chinon B1 à B4, C5, C6 : (CP2) 2.5.1 Généralités Désignation Puissance maximale chaudière (MWth) Puissance alternateur (MVA) Facteur de puissance alternateur (–) Mode de gestion de la régulation de puissance

CP2 2 785 1 210 0,9 Mode G

Chinon B3, B4 2 905 1 120 0,9 Mode G

2.5.2 Performances en régime nominal Désignation Puissance brute (MWe) Puissance des auxiliaires (MWe) PCN (MWe) Minimum technique MT (MWe) Écart de puissance saisonnier (MWe) Hiver normal Hiver sévère Été Rendement net à la PCN Puissance fournie avec indisponibilité Perte d’une pompe alimentaire principale Perte d’une pompe de circulation Baisse de puissance en prolongation de cycle de 30 JEPP

SLB 921 41 880 175

+6,5 +2 −4 31,6 %

Cruas 1, 3, 4 921 41 880 190

+6,5 +15 −4 31,6 %

Cruas 2 941 41

Chinon B1, B2 919 47

Chinon B3 919 47

Chinon B4 939 47

900 195

870 175

870 180

890 185

+6,5 +15 −4 32,3 %

+5,5 +15 −4 31,3 %

68,6 % PCN 60 à 70 % PCN 65 MWe

2.5.3 Variation de charge Idem Fessenheim.

2.5.4 Réglage de tension Idem Fessenheim.

2.5.5 Performances en régime exceptionnel Idem Fessenheim.

+5,5 +15 −4 31,2 %

+5,5 +15 −4 31,2 %

1078

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

2.6 Paluel 1 à 4, Saint-Alban 1 et 2, Flamanville 1 et 2, Cattenom 1 à 4, Belleville 1 et 2, Nogent 1 et 2, Penly 1 et 2, Golfech 1 et 2 : (P4-P’4) 2.6.1 Généralités Désignation Puissance maximale chaudière (MWth) Puissance alternateur (MVA) Facteur de puissance alternateur (–) Mode de gestion de la régulation de puissance

CP2 3 817 1 650 0,9 Mode G

2.6.2 Performances en régime nominal Désignation

Puissance brute (MWe) Puissance des auxiliaires (MWe) PCN (MWe) Minimum technique MT (MWe) Écart de puissance saisonnier (MWe) Hiver normal Hiver sévère Été Rendement net à la PCN Puissance fournie avec indisponibilité Perte d’une pompe alimentaire principale Perte d’une pompe de circulation Baisse de puissance en prolongation de cycle de 30 JEPP

(rivière) Cattenom

1 381

(rivière) Bell, Nog, Gol 1 363

51

46

50

58

1 330 260

1 335 260

1 310 260

1 300 260

+3 +11 −15 33,8 %

+3 +8 −24 34,0 %

+10 +20 −6 33,4 %

+10 +11 −6 33,1 %

(mer) Pal, Fla, Pen 1 382

(rivière) StAlban

65 % PCN 60 à 70 % PCN 91 % PCN

1 362

1079

Annexe

2.6.3 Variation de charge Désignation Suivi de charge Vitesses maximales de variation de charge du point de consigne du réglage primaire Baisse en passage de PCN vers le minimum technique

Réglage primaire et téléréglage de fréquence Participation maximale au réglage primaire

Valeurs

Commentaires

50 MWe/minute

Cette vitesse est réduite à 30 MWe/minute lorsqu’on superpose le téléréglage au suivi de charge Entre 65 % et 100 % de LNAT, baisse de 40 MWe/minute possible sur une amplitude décroissante de 80 % à 0 % PCN En fin de cycle, la vitesse diminue progressivement à 1 MWe/minute

+/– 97 MWe

Il n’y a pas de limiteur vers le bas, ce qui permet de façon exceptionnelle d’aller en deçà de –70 MWe

Participation maximale au téléréglage Programme usuel en réglage primaire Minimal Maximal Programme usuel en téléréglage Minimal

+/– 70 MWe

Maximal Pente normale

PCN – 103 MWe +/– 15 MW/minute +/– 50 MWe/minute Couplage + prise de charge

Pente exceptionnelle Démarrage Temps de démarrage en fonction de la durée de l’arrêt – 2 heures Usure combustible < 70 % LNAT – 24 à 48 heures Usure combustible < 70 %

MT + 27 MWe PCN – 33 MWe MT + 97 MWe

La marche en téléréglage est superposable avec le suivi de charge

6h+1h

Temps moyen après une perte des sources électriques externes

10 h + 2 h 30

Tranche en arrêt à chaud, vide établi au condenseur

Usure combustible < 90 % – 2 à 4 jours Usure combustible < 70 %

16 h + 2 h 30

Usure combustible < 90 % – > 4 jours Usure combustible < 70 % Usure combustible < 90 %

16 h + 4 h 30

10 h + 4 h 30

35 h + 4 h 30 40 h + 4 h 30

Tranche en arrêt à chaud, secondaire à l’arrêt

Tranche en arrêt à froid normal

1080

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

2.6.4 Réglage de tension Désignation Tension nominale Puissance réactive maximale – Fournie

– Absorbée

Valeurs 20 kV +/– 5%

Commentaires

500 MVAR

Réactif fourni à la PCN relatif à la tension nominale du réseau et à la prise médiane des transformateurs principaux

– 500 MVAR

2.6.5 Performances en régime exceptionnel Désignation Réserve de puissance – Réserve primaire et secondaire – Réserve tertiaire (tournante) Variations de fréquence Plages de fonctionnement exceptionnel : – Plage inférieure 1 : de 48 Hz à 49,5 Hz – Plage inférieure 2 : de 47 Hz à 48 Hz – Plage supérieure : de 50,5 Hz à 51 Hz Variations de tension Limites du régime exceptionnel Durée de fonctionnement

Valeurs

Commentaires

97MWe 50 MWe/minute

5 h en continu, 100 h cumulées 1 h en continu, 15 h cumulées 1 h en continu, 15 h cumulées +/– 10 % 5 h en continu 100 h cumulées

Pente de montée de charge

Le cumul s’effectue sur la vie de la tranche

1081

Annexe

2.7 Chooz B1 et B2, Civaux 1 et 2 (N4) 2.7.1 Généralités Désignation Puissance maximale chaudière (MWth) Puissance alternateur (MVA) Facteur de puissance alternateur (–) Mode de gestion de la régulation de puissance

Valeurs 4 270

Commentaires

1 710 0,9 Mode A

Gestion par grappes noires et compensation de puissance par borication/dilution (générateur d’effluents borés)

2.7.2 Performances en régime nominal Désignation Puissance brute (MWe) Puissance des auxiliaires (MWe) PCN (MWe) Minimum technique MT (MWe) Écart de puissance saisonnier (MWe) Hiver normal Hiver sévère Été Rendement net à la PCN Puissance fournie avec indisponibilité Perte d’une pompe alimentaire principale Perte d’une pompe de circulation Baisse de puissance en prolongation de cycle de 30 JEPP

Valeurs 1 516 59 1 455

Commentaires

Puissance brute – Puissance auxiliaires

150

+10 +17 −7 34,1 %

65 % PCN 60 à 100 % PCN 72 MWe

Effet du chauffage plus important en hiver sévère Source froide plus chaude

1082

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

2.7.3 Variation de charge Désignation Suivi de charge Vitesses maximales de variation de charge du point de consigne du réglage primaire Baisse en passage de PCN vers le minimum technique

Réglage primaire et téléréglage de fréquence Participation maximale au réglage primaire

Participation maximale au téléréglage Programme usuel en réglage primaire Minimal Maximal Programme usuel en téléréglage Minimal Maximal

Pente normale Pente exceptionnelle Démarrage Temps de démarrage en fonction de la durée de l’arrêt – 2 heures Usure combustible < 70 % LNAT – 24 à 48 heures Usure combustible < 70 %

Valeurs

Commentaires

70 MWe/minute

Cette vitesse est réduite à 30 MWe/minute lorsqu’on superpose le téléréglage au suivi de charge Entre 65 % et 100 % de LNAT, baisse de 40 MWe/minute possible sur une amplitude décroissante de 80 % à 0 % PCN En fin de cycle, la vitesse diminue progressivement à 1 MWe/minute

+30 MWe, –45MWe

Il n’y a pas de limiteur vers le bas, ce qui permet de façon exceptionnelle d’aller en deçà de –70 MWe

+/– 70 MWe 300 MWe PMDR – 30 MWe 370 MWe PMDS – 100 MWe

1 425 MWe

La marche en téléréglage est superposable avec le suivi de charge

+/– 15 MW/minute +/– 70 MWe/minute Couplage + prise de charge

6h+1h

Temps moyen après une perte des sources électriques externes

10 h + 2 h 30

Tranche en arrêt à chaud, vide établi au condenseur

Usure combustible < 90 % – 2 à 4 jours Usure combustible < 70 %

16 h + 2 h 30

Usure combustible < 90 % – > 4 jours Usure combustible < 70 % Usure combustible < 90 %

16 h + 4 h 30

10 h + 4 h 30

35 h + 4 h 30 40 h + 4 h 30

Tranche en arrêt à chaud, secondaire à l’arrêt

Tranche en arrêt à froid normal

1083

Annexe

2.7.4 Réglage de tension Désignation Tension nominale Puissance réactive maximale – Fournie

– Absorbée

Valeurs 24 kV +/– 5 %

Commentaires

550MVAR

Réactif fourni à la PCN relatif à la tension nominale du réseau et à la prise médiane des transformateurs principaux

–580 MVAR

2.7.5 Performances en régime exceptionnel Désignation Réserve de puissance – Réserve primaire et secondaire – Réserve tertiaire (tournante) Variations de fréquence Plages de fonctionnement exceptionnel : – Plage inférieure 1 et 2 : de 47 Hz à 49,5 Hz – Plage supérieure : de 50,5 Hz à 51 Hz Variations de tension Limites du régime exceptionnel Durée de fonctionnement

Valeurs

Commentaires

100MWe 70 Pente de montée de charge MWe/minute

+/– 10 %

3. Les aspects réglementaires des appareils de pression 3.1 Introduction Le premier texte français sur la réglementation des appareils de pression est une ordonnance du 29 octobre 1823, revisitée par une loi du 28 octobre 1943. Cette loi réglemente « la construction et l’emploi des appareils destinés à la production, l’emmagasinage et la mise en œuvre, sous une pression supérieure à la pression atmosphérique, des vapeurs ou gaz comprimés, liquéfiés ou dissous ». La surveillance de ces appareils est confiée aux ingénieurs du corps de l’École des Mines. La législation française a depuis régulièrement évolué.

1083

Annexe

2.7.4 Réglage de tension Désignation Tension nominale Puissance réactive maximale – Fournie

– Absorbée

Valeurs 24 kV +/– 5 %

Commentaires

550MVAR

Réactif fourni à la PCN relatif à la tension nominale du réseau et à la prise médiane des transformateurs principaux

–580 MVAR

2.7.5 Performances en régime exceptionnel Désignation Réserve de puissance – Réserve primaire et secondaire – Réserve tertiaire (tournante) Variations de fréquence Plages de fonctionnement exceptionnel : – Plage inférieure 1 et 2 : de 47 Hz à 49,5 Hz – Plage supérieure : de 50,5 Hz à 51 Hz Variations de tension Limites du régime exceptionnel Durée de fonctionnement

Valeurs

Commentaires

100MWe 70 Pente de montée de charge MWe/minute

+/– 10 %

3. Les aspects réglementaires des appareils de pression 3.1 Introduction Le premier texte français sur la réglementation des appareils de pression est une ordonnance du 29 octobre 1823, revisitée par une loi du 28 octobre 1943. Cette loi réglemente « la construction et l’emploi des appareils destinés à la production, l’emmagasinage et la mise en œuvre, sous une pression supérieure à la pression atmosphérique, des vapeurs ou gaz comprimés, liquéfiés ou dissous ». La surveillance de ces appareils est confiée aux ingénieurs du corps de l’École des Mines. La législation française a depuis régulièrement évolué.

1084

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

3.2 La réglementation du 9 octobre 1907 sur les chaudières à vapeur Le décret du 9 octobre 1907 sur les chaudières à vapeur, très rarement cité dans les publications modernes, est pourtant un des premiers textes prescrivant des points techniques sur les chaudières à terre, dont découlent les réacteurs nucléaires. Il est reproduit ici à des fins historiques. On y trouve des éléments structurants tels que la notion d’épreuve hydraulique ou de visite décennale, ainsi que les obligations de systèmes de surveillance et de mesure. Le Critère de défaillance unique est même entrevu dans la nécessité d’avoir deux soupapes de sécurité redondante à partir d’une certaine taille. Le produit caractéristique, à savoir la multiplication de la grandeur volume par l’écart de température par rapport à 100 ◦ C, soit V(t-100 ◦ C), permet de catégoriser les générateurs de vapeur.

3.2.1 Le texte officiel du décret Décret du 9 octobre 1907 portant règlement pour les appareils à vapeur à terre. Le Président de la République française. Sur le rapport du ministre des Travaux publics, des Postes et des Télégraphes. Vu la loi du 21 juillet 1856 ; concernant les contraventions aux règlements sur les appareils et bateaux à vapeur ; Vu la loi du 18 avril 1900 concernant les contraventions aux règlements sur les appareils à pression de vapeur ou de gaz sur les bateaux à bord desquels il en est fait usage ; Vu le décret du 30 avril 1880 relatif aux chaudières à vapeur autres que celles placées sur les bateaux ; Vu le décret du 29 juin 1886 portant modification du précédent ; Vu l’avis de la Commission centrale des machines à vapeur ; Le Conseil d’État entendu ; Décrète : Article premier : Sont soumis aux formalités et aux mesures prescrites par le premier règlement : 1- Les générateurs de vapeur, autres que ceux qui sont placés à bord des bateaux. 2- Les récipients définis ci-après (Titre V). Sont exceptés, toutefois, de l’application de ce règlement : a) Les générateurs dont la capacité est inférieure à 25 litres ; b) Les générateurs de capacité quelconque où des dispositions matérielles efficaces empêchant la pression effective de la vapeur de dépasser 300 grammes par centimètre carré, à la condition que ces générateurs soient munis d’une plaque portant les mots : « non soumis au décret du 9 octobre 1907 » et indiquant la pression maximum pour laquelle ces dispositions sont prises. Le constructeur doit adresser à l’Ingénieur des Mines, au plus tard à la fin du mois, un état des générateurs remplissant les conditions prévues au présent paragraphe, qu’il a livrés avec la désignation des acquéreurs. TITRE PREMIER : Mesures de sûreté relatives aux chaudières placées à demeure. Article 2 : Aucune chaudière neuve ne peut être mise en service qu’après avoir subi l’épreuve réglementaire ci-après définie. Cette épreuve doit être faite chez le constructeur et sur sa demande. Toutefois, elle pourra être faire que le lieu d’emploi dans les circonstances et sous les conditions qui seront fixées par le Ministre. Toute chaudière venant de l’étranger est éprouvée avant sa mise en service, sur le point du territoire français désigné par le destinataire de la demande.

Annexe

1085

Article 3 : Lorsqu’une chaudière a subi, dans un atelier de construction, ou de réparation, des changements ou des réparations notables, l’épreuve doit être renouvelée sur la demande du constructeur ou du réparateur. Le renouvellement de l’épreuve peut être exigé de celui qui fait usage d’une chaudière : Lorsque la chaudière, ayant déjà servi, est l’objet d’une nouvelle installation ; Lorsqu’elle a subi une réparation notable ; Lorsqu’elle est remise en service après un chômage de plus d’un an. À cet effet, l’intéressé devra informer l’Ingénieur des Mines de ces diverses circonstances. En particulier si l’épreuve exige la démolition du massif du fourneau ou l’enlèvement de la chaudière et un chômage plus ou moins prolongé, cette épreuve pourra ne point être exigée, lorsque des renseignements authentiques sur l’époque et les résultats de la dernière visite, intérieure et extérieure, constitueront une présomption suffisante en faveur du bon état de la chaudière. Pourront être considérés comme renseignements probants les certificats délivrés aux membres des associations de propriétaires d’appareils à vapeur1 par celles de ces associations que le Ministre aura désignées. Le renouvellement de l’épreuve est exigible également lorsque, à raison des conditions dans lesquelles une chaudière fonctionne, il y a lieu, par l’Ingénieur des Mines, d’en suspecter la solidité. Dans tous les cas, lorsque celui qui fait usage d’une chaudière, contestera la nécessité d’une nouvelle épreuve ; il sera, après instruction où celui-ci sera entendu, statué par le Préfet. L’intervalle entre deux épreuves consécutives ne doit pas être supérieur à dix années. Avant l’expiration de ce délai, celui qui fait usage d’une chaudière à vapeur doit lui-même demander le renouvellement de l’épreuve. Toutefois, il peut être sursis à la ré-épreuve décennale, sur l’autorisation de l’Ingénieur des Mines, lorsqu’une association de propriétaires d’appareils à vapeur, agréée à cet effet par le Ministre, certifie le bon état de l’appareil dans toutes ses parties. Article 4 : L’épreuve consiste à soumettre la chaudière à une pression hydraulique supérieure à la pression effective qui ne doit point être dépassée dans le service. Cette pression d’épreuve sera maintenue pendant le temps nécessaire à l’examen de la chaudière. Toutes les parties de celle-ci doivent pouvoir être visitées. Toutefois, pour les ré-épreuves sur le lieu d’emploi, l’Ingénieur en chef aura la faculté d’autoriser des atténuations à cette règle, dans la mesure et sous les conditions précisées par les instructions du Ministre. Pour les appareils neufs et pour ceux ayant subi des changements notables ou de grandes réparations, la surcharge d’épreuve est égale, en kilogrammes par centimètre carré : À la pression effective, avec minimum de 1/2 si le timbre n’excède pas 6 ; À 6 si le timbre est supérieur à 6 et n’excède pas 20 ; À 7

1 Les associations de propriétaires d’appareils à vapeur créées tant en France qu’à l’Étranger sont des institutions qui ont pour but d’assurer aux industriels un contrôle efficace de l’état de leurs chaudières à vapeur. Les Inspecteurs de ces associations font une ou deux visites annuelles des chaudières appartenant aux membres de ces Associations et un rapport détaillé sur l’état de la chaudière est remis à l’industriel à la suite de chaque visite. On peut ainsi suivre pour chaque appareil, les défauts qui peuvent se déclarer ou s’aggraver dans le cours d’une exploitation. On évite par là de nombreux accidents. Il convient de rappeler que ces visites, au moins annuelles, sont prescrites par l’article 39 du décret du 9 octobre 1907. Le rôle des associations de propriétaires d’appareils à vapeur s’est étendu et ces organismes poinçonnent dans certaines conditions les générateurs de vapeur, concurremment avec le service des Mines. Le poinçon leur a été donné par décret du 23 février 1915. À côté de ces services officiels, les Associations de propriétaires d’appareils à vapeur ont des services d’essais mécaniques ou électriques permettant de renseigner leurs adhérents sur la valeur du matériel qu’ils acquièrent ou de perfectionner le fonctionnement de leur installation.

1086

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

si le timbre est supérieur à 20 sans excéder 30 ; À 8 si le timbre est supérieur à 30 sans excéder 40. Au cinquième de la pression effective, si le timbre excède 40. Dans les autres cas, la surcharge d’épreuve est moitié de celle résultant des indications qui précèdent. L’épreuve est faite sous la direction et en la présence de l’Ingénieur ou du Contrôleur des Mines. Elle n’est pas exigée pour l’ensemble d’une chaudière dont les diverses parties, éprouvées séparément, ne doivent être réunies que par des tuyaux placés sur tout leur parcours, en dehors du foyer et des conduits de flamme, et dont les joints peuvent être facilement démontés. Le chef de l’établissement où se fait l’épreuve fournit la main-d’œuvre et les appareils nécessaires à l’opération. Article 5 : Après qu’une chaudière, ou partie de chaudière a été éprouvée avec succès, il y est apposé un ou plusieurs timbres, indiquant en kilogrammes par centimètre carré, la pression effective que la vapeur ne doit pas dépasser. Les timbres sont poinçonnés et reçoivent trois nombres indiquant le jour, le mois et l’année de l’épreuve. Un de ces timbres est placé de manière à être toujours apparent après la mise en place de la chaudière. Toute chaudière neuve présentée à l’épreuve doit porter une plaque d’identité indiquant : le nom du constructeur ; le lieu, l’année et le numéro d’ordre de fabrication. Article 6 : Les réchauffeurs d’eau sous pression, les sécheurs et les surchauffeurs de vapeur sont considérés comme chaudières ou parties de chaudières pour tout ce qui est prescrit par les articles précédents. Article 7 : Chaque chaudière est munie de deux soupapes de sûreté, chargées de manière à laisser la vapeur s’écouler dès que sa pression effective atteint la limite maximum indiquée par le timbre réglementaire. Chacune de ces soupapes doit suffire pour évacuer à elle seule et d’elle-même toute la vapeur produite, dans les circonstances de fonctionnement, sans que la pression effective dépasse de plus de 1/10 la limite ci-dessus. Les mesures nécessaires doivent être prises pour que l’échappement de la vapeur ou de l’eau chaude ne puisse occasionner d’accident. Article 8 : Quand les réchauffeurs d’eau d’alimentation seront munis d’appareils de fermeture permettant d’intercepter leur communication avec les chaudières, ils porteront une soupape de sûreté réglée en égard à leur timbre et suffisante pour limiter d’elle-même et en toutes circonstances la pression au taux fixé par l’article 7. Il en sera de même pour les surchauffeurs de vapeur, à moins que les dispositions prises n’excluent l’éventualité d’une élévation de la pression au-dessus du timbre. Article 9 : Toute chaudière est munie d’un manomètre en bon état placé en vue du chauffeur et gradué de manière à indiquer en kilogrammes par centimètre carré la pression effective de la vapeur dans la chaudière. Une marque très apparente indique sur l’échelle du manomètre la limite que la pression effective ne doit point dépasser. La chaudière est munie d’un ajutage terminé par une bride de 4 centimètres de diamètre et 5 millimètres d’épaisseur, disposée pour recevoir le manomètre vérificateur. Article 10 : Chaque chaudière est munie d’un appareil de retenue, soupape ou clapet, fonctionnant automatiquement et placé au point d’insertion du tuyau d’alimentation qui lui est propre.

Annexe

1087

Article 11 : Chaque chaudière est munie d’une soupape ou d’un robinet d’arrêt de vapeur, placé, autant que possible, à l’origine du tuyau de conduite de vapeur, sur la chaudière même. Article 12 : Toute paroi en contact par une de ses faces avec la flamme, ou les gaz de combustion, doit être baignée par l’eau sur la face opposée. Le niveau de l’eau doit être maintenu, dans la chaudière, à une hauteur de marche telle qu’il soit, en toutes circonstances, à 6 centimètres au moins en dessus du plan pour lequel la condition précédente cesserait d’être remplie. La position limite sera indiquée, d’une manière très apparente, au voisinage du tube de niveau mentionné à l’article suivant. Les prescriptions énoncées au présent article ne s’appliquent point : Aux sécheurs et surchauffeurs de vapeur à petits éléments distincts de la chaudière ; À des surfaces relativement peu étendues et placées de manière à ne jamais rougir, même lorsque le feu est poussé à son maximum d’activité, telles que les tubes ou parties de cheminée qui traversent le réservoir de vapeur, en envoyant directement à la cheminée principale les produits de combustion. Article 13 : Chaque chaudière est munie de deux appareils indicateurs de niveau de l’eau indépendants l’un de l’autre et placés en vue de l’ouvrier chargé de l’alimentation. L’un au moins de ces appareils indicateurs est un tube en verre, disposé de manière à pouvoir être facilement nettoyé et remplacé si besoin. Des précautions doivent être prises contre le danger provenant des éclats de verre en cas de bris des tubes, au moyen de dispositions qui ne fassent pas obstacle à la visibilité du niveau. Article 14 : Sur les groupes générateurs composés de deux ou de plusieurs appareils distincts, toute prise de vapeur correspondant à une conduite de plus de 50 centimètres carrés de section intérieure et par laquelle, en cas d’avarie de l’un des appareils, la vapeur provenant des autres pourrait refluer vers l’appareil avarié, est pourvue d’un clapet de retenue, disposé de manière à se fermer automatiquement dans le cas où le sens normal du courant de vapeur viendrait à se renverser. Article 15 : Lorsqu’une chaudière est chauffée par les flammes perdues d’un ou de plusieurs fours, tout le courant des gaz chauds doit, en arrivant au contact des tôles, être dirigé tangentiellement aux parois de cette chaudière. À cet effet, si les rempants destinés à amener les flammes ne sont pas construits de façon à assurer ce résultat, les tôles exposées au coup de feu doivent être protégées, en face des débouchés des rempants dans les carneaux, par des murettes en matériaux réfractaires, distantes des tôles d’au moins 5 centimètres et suffisamment étendues dans tous les sens pour que les courants de gaz chauds prennent des directions sensiblement tangentielles aux surfaces des tôles voisines avant de les toucher. Article 16 : Sur toute chaudière à vapeur, ainsi que sur tout réchauffeur d’eau sécheur ou surchauffeur de vapeur, les orifices des foyers, les boîtes à fumée sont pourvus de fermetures solides, établies de manière à empêcher, en cas d’avarie, les retours de flamme ou les projections d’eau et de vapeur sur les ouvriers. Dans les chaudières à tube d’eau et les surchauffeurs, les portes de foyers et les fermetures de cendriers seront disposées de manière à s’opposer automatiquement à la sortie éventuelle d’un flux de vapeur. Des mesures seront prises pour qu’un semblable flux ait toujours un écoulement facile et inoffensif vers le dehors.

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Article 17 : La ventilation des locaux où sont installées les chaudières ou groupes générateurs doit être assurée et de telle manière que la température n’y soit jamais exagérée. Article 18 : Les vases clos chauffés à feu nu dans lesquels l’eau est portée à une température de plus de 100 degrés, sans que le chauffage ait pour effet de produire un débit de vapeur, sont considérés comme chaudières à vapeur pour l’application du présent règlement. Toutefois, les appareils de sûreté obligatoires sur une chaudière de cette sorte sont seulement les suivants : Deux soupapes de sûreté, conformément à l’article 7, dans le cas où la capacité de la chaudière excède 100 litres ; dans le cas contraire, une seule soupape, remplissant d’ailleurs les conditions stipulées audit article. Un manomètre et une bride de vérification remplissant les conditions prescrites à l’article 9. Deux appareils indicateurs du niveau de l’eau, conformément à l’article 13, à moins que le mode d’emploi ne comporte nécessairement l’ouverture du vase entre les opérations successives auxquelles il sert. Dans ce cas, il peut n’y avoir qu’un seul appareil indicateur du niveau de l’eau et cet appareil peut être réduit à un robinet de jauge, placé de manière à donner de l’eau tant que la condition de l’article 12 est remplie. Le 25 avril 1910, l’article 18 est complété par : Les récipients d’une capacité de plus de 100 litres contenant de l’eau et chauffée au moyen de vapeur empruntée à un générateur distinct sont soumis aux règles édictées par le titre V du présent décret pour les récipients qui reçoivent de la vapeur empruntée à un générateur distinct. TITRE DEUX : Établissement des chaudières à vapeur placées à demeure Article 19 : Toute chaudière à vapeur destinée à être employée à demeure ne peut être mise en service qu’après une déclaration adressée par celui qui fait usage du générateur au préfet du département. Cette déclaration est enregistrée à sa date. Il en est donné acte. Elle est communiquée sans délai à l’Ingénieur en chef de Mines. Article 20 : La déclaration fait connaître avec précision : Le nom et le domicile du vendeur de la chaudière ou l’origine de celle-ci, le nom et le domicile de celui qui se propose d’en faire usage, la commune ou le lieu où elle est établie, la forme, la capacité et la surface de chauffe, le numéro du timbre réglementaire, un numéro distinctif de la chaudière si l’établissement en possède plusieurs, enfin le genre d’industrie et l’usage auquel elle est destinée. Tout changement dans l’un des éléments déclarés entraîne l’obligation d’une déclaration nouvelle. Article 21 : Les chaudières et les groupes générateurs se classent, sous le rapport des conditions d’emplacement, en trois catégories. Cette classification a pour base le produit V.(t-100) où t représente, en degrés centigrades, la température de la vapeur saturée correspondant au timbre de la chaudière, conformément à la table annexée au présent décret, et où V désigne, en mètre cube, la capacité de la chaudière, y compris ses réchauffeurs d’eau et ses surchauffeurs de vapeur, mais abstraction faite des parties de cette capacité qui seraient constituées par des tubes ne mesurant pas plus de 10 centimètres de diamètre intérieur, ainsi que par les pièces de jonction entre ces tubes n’ayant pas plus d’un centimètre carré de section intérieure. Lorsque plusieurs chaudières sont disposées de manière à pouvoir desservir une même conduite de vapeur, on forme la somme des produits ainsi définis, mais en ne comptant qu’une

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fois les réchauffeurs ou surchauffeurs communs. Une chaudière ou un groupe générateur est de première catégorie quand le produit caractéristique ainsi obtenu excède 200, de deuxième quand il n’excède pas 200 mais excède 50, de troisième quand il est égal ou inférieur à 50. Article 22 : Les chaudières ou les groupes générateurs compris dans la première catégorie doivent être en dehors de toute maison d’habitation et de tout bâtiment fréquenté par le public. Ils doivent également, à moins que la nature de l’industrie ne s’y oppose, être en dehors de tout atelier occupant, à poste fixe, un personnel autre que celui des chauffeurs, des conducteurs de machines et de leurs aides. En aucun cas, les locaux où se trouvent ces appareils ne doivent être surmontés d’étages ; toutefois, on ne considère pas comme un étage, au-dessus de l’emplacement d’une chaudière, une construction dans laquelle ne se fait aucun travail nécessitant la présence d’un personnel à poste fixe. Article 23 : Une chaudière ou un groupe générateur de première catégorie doit être au moins à 3 mètres de toute habitation et de tout bâtiment fréquenté par le public. Lorsqu’une chaudière ou un groupe de première catégorie est placée à moins de 10 mètres d’une maison d’habitation ou d’un bâtiment fréquenté par le public, il en est séparé par un mur de défense. Ce mur, en bonne et solide maçonnerie, est construit de manière à défiler la maison ou le bâtiment par rapport à tout point de la chaudière ou de l’une quelconque des chaudières distante de moins de 10 mètres, sans toutefois que sa hauteur dépasse de plus d’un mètre la partie la plus élevée de la chaudière. Son épaisseur est égale au moins au tiers de sa hauteur, sans que cette épaisseur puisse être inférieure à un mètre en couronne. Il est séparé du mur de la maison voisine ou du bâtiment assimilé par un intervalle libre de 30 centimètres de largeur au moins. Les distances de 3 mètres et de 10 mètres fixées ci-dessus, sont réduites respectivement à 1,50 mètre et 5 mètres, lorsque la chaudière se trouve à 1 mètre en contrebas du sol, du côté de la maison voisine ou du bâtiment assimilé. Article 24 : Une chaudière ou un groupe générateur appartenant à la deuxième catégorie doit être en dehors de toute maison habitée et de tout bâtiment fréquenté par le public. Toutefois, cette chaudière ou ce groupe peut être dans une construction contenant des locaux habités par l’industriel, ses employés, ouvriers et serviteurs et par leurs familles, à condition que les locaux soient séparés des appareils, dans toute la section du bâtiment, par un mur en solide maçonnerie de 45 centimètres au moins d’épaisseur, ou que leur distance horizontale soit de 10 mètres au moins de la chaudière ou du groupe. TITRE TROIS : Chaudière locomobile Article 25 : Sont considérées comme locomobiles les chaudières à vapeur qui peuvent être transportées facilement d’un lieu dans un autre, n’exigent aucune construction pour fonctionner sur un point donné et ne sont employées que d’une manière temporaire à chaque station. Article 26 : Les dispositions du Titre Premier sont applicables aux chaudières locomobiles, sauf les modifications suivantes : 1) Le cas d’une nouvelle installation prévu à l’article 3 est remplacé pour les locomobiles par le cas d’un changement de propriétaire ; 2) L’intervalle de dix années mentionné au même article 3, est remplacé par 5 ans pour les locomobiles, à moins que ces appareils ne fonctionnent exclusivement

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dans les limites d’un même établissement ou ne soient affectés à un service public soumis à un contrôle administratif. Article 27 : Chaque chaudière porte une plaque sur laquelle sont inscrits, en caractères indélébiles très apparents, le nom et le domicile du propriétaire et un numéro d’ordre, si ce propriétaire possède plusieurs chaudières locomobiles. Article 28 : Toute chaudière locomobile doit être, avant sa mise en service, l’objet d’une déclaration adressée par le propriétaire de l’appareil au préfet du département dans lequel e propriétaire est domicilié. Les prescriptions des articles 19 et 20 s’appliquent dans ce cas, sauf remplacement des indications de l’article 20 numérotées 2, 3 et 6 par celles mentionnées ans l’article 27. L’ouvrier chargé de la conduite devra représenter à toute réquisition le récépissé de cette déclaration. TITRE QUATRE : Chaudières de machines locomotives Article 29 : Les machines à vapeur locomotives sont celles qui, sur terre, travaillent en même temps qu’elles se déplacent par leur propre force, telles que les machines de chemin de fer, de tramways, les machines routières, les rouleaux compresseur, etc. Article 30 : Les dispositions du Titre Premier modifiées par l’article 26 sont applicables aux chaudières des machines locomotives. Ces machines doivent être pourvues de la plaque prescrite par l’article 27. Article 31 : Les dispositions de l’article 28, alinéa 1 s’appliquent également à ces chaudières. Article 32 : La circulation des machines locomotives a lieu dans les conditions déterminées par des règlements spéciaux. TITRE CINQ : Récipients Article 33 : Sont soumis aux dispositions suivantes les récipients de formes diverses, d’une capacité de plus de 100 litres, qui reçoivent de la vapeur d’eau empruntée à un générateur distinct. Sont exceptés toutefois ; 1) ceux dans lesquels des dispositions matérielles efficaces empêchent la pression effective de cette vapeur de dépasser 300 grammes par centimètre carré ; 2) les cylindres de machines, avec ou sans enveloppes, les enveloppes de turbines, les tuyauteries. Article 34 : Ces récipients sont soumis aux épreuves et assujettis à la déclaration, soit conformément aux articles 2 à 5 et aux articles 19 et 20, s’ils sont installés à demeure, soit conformément aux articles 26 et 28, s’ils sont mobiles. Dans ce dernier cas, l’article 27 leur est applicable. Article 35 : Tout récipient, dont le timbre n’est pas au moins égal à celui de la chaudière ou des chaudières dont il dépend, doit être garanti contre les excès de pression par une soupape de sûreté si sa capacité est inférieure à 1 mètre cube, ou par deux soupapes de sécurité si sa capacité atteint ou dépasse un mètre cube. Cette soupape ou ces soupapes doivent remplir, par rapport au timbre du récipient, les conditions fixées à l’article 7. Elles peuvent être placées soit sur le récipient lui-même, soit sur le tuyau d’arrivée de la vapeur, entre le robinet et le récipient.

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Article 36 : Lorsqu’un récipient ou un groupe de récipients formant un même appareil doit, en vertu de l’article 35, être muni d’une ou de deux soupapes de sûreté, il doit également être muni d’un manomètre et d’un ajutage remplissant les conditions spécifiées à l’article 9. Article 37 : Un récipient est considéré comme n’ayant aucun produit caractéristique s’il ne renferme pas d’eau à l’état liquide et s’il est pourvu d’un appareil de purge fonctionnant d’une manière efficace et évacuant l’eau de condensation à mesure qu’elle prend naissance. S’il n’en est pas ainsi, son produit caractéristique est le produit V(t-100 ◦ C) calculé comme pour une chaudière. Un récipient, installé à demeure, dont le produit caractéristique excède 200, doit être en dehors de toute maison habitée et de tout bâtiment fréquenté par le public. TITRE SIX : Dispositions générales Article 38 : Le Ministre peut, sur le rapport des Ingénieurs des Mines, l’avis du préfet et celui de la Commission centrale de machines à vapeur, accorder dispense de tout ou partie des prescriptions du présent décret, dans le cas où il serait reconnu que cette dispense ne peut avoir d’inconvénient. Article 39 : Les chaudières et récipients à vapeur en activité, ainsi que leurs appareils et dispositifs de sûreté, doivent être constamment en bon état d’entretien et de service. La conduite des chaudières à vapeur ne doit être confiée qu’à des agents sobres et expérimentés. L’exploitant est tenu d’assurer en temps utile les nettoyages, les réparations et les remplacements nécessaires. À l’effet de reconnaître l’état de chaque appareil à vapeur et de ses accessoires, il doit faire procéder, par une personne compétente, aussi souvent qu’il est nécessaire, au minimum une fois par année, l’examen défini par l’article 40. Cet examen doit, notamment, avoir lieu dans chacun des cas mentionnés à l’article 3. Lorsque l’appareil arrive à l’expiration de la période décennale ou quinquennale visée aux articles 3 et 26, il doit être procédé audit examen, soit préalablement à l’octroi du sursis prévu par ces articles, soit, si l’épreuve a lieu, aussitôt après cette épreuve. Article 40 : L’examen consiste dans une visite complète de l’appareil, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Le visiteur dresse, de chaque examen, un compte rendu mentionnant les résultats de l’examen et les défauts qui auraient été constatés. Ce compte rendu, daté et signé par le visiteur, doit être représenté par l’exploitant à toute réquisition du service des Mines. En ce qui concerne les appareils dont le délai de ré-épreuve périodique est fixé à cinq années par les articles 26, 30 et 34, l’exploitant est tenu d’envoyer en communication à l’Ingénieur des Mines, chaque compte rendu d’examen dressé conformément aux dispositions qui précèdent. Article 41 : L’exploitant doit tenir un registre d’entretien, où sont notés à leur date, pour chaque appareil à vapeur, les épreuves, les examens intérieurs et extérieurs, les nettoyages et les réparations. Ce registre doit être coté et paraphé par un représentant de l’autorité chargée de la police locale. Il est présenté à toute réquisition des fonctionnaires du Service des Mines. Article 42 : Les appareils mobiles sont assujettis aux mêmes conditions d’emplacement que les appareils fixes, lorsqu’ils restent pendant plus de six mois installés pour fonctionner sur le même emplacement.

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Article 43 : Les conditions fixées par les articles 7 et 12, ainsi que celles relatives à l’emplacement des chaudières et des récipients, ne sont pas applicables aux appareils installés ou mis en service avant la promulgation du précédent décret et satisfaisant sur ces points aux règlements antérieurs. Article 44 : Les contraventions au présent règlement sont constatées, poursuivies er réprimées conformément aux lois. Article 45 : En cas d’accident, ayant occasionné la mort ou des blessures, le chef de l’établissement doit prévenir immédiatement le Maire de la commune et l’Ingénieur des Mines chargé de la surveillance. L’Ingénieur se rend sur les lieux, dans le plus bref délai, pour visiter les appareils, en constater l’état et rechercher les causes de l’accident. Il rédige sur le tout : 1) Un procès-verbal des constatations faites qu’il adresse à l’Ingénieur en chef et que celui-ci fait parvenir au Procureur de la République, avec son avis ; 2) Un rapport qui est adressé au Préfet par l’intermédiaire et avec l’avis de l’Ingénieur en chef. Si l’Ingénieur des Mines délègue le contrôleur subdivisionnaire des Mines pour se rendre sur les lieux, ce dernier établit et signe le procès-verbal et le rapport. Il les adresse à l’Ingénieur des Mines et celui-ci les transmet avec ses observations à l’Ingénieur en chef, qui procède comme il est dit ci-dessus. En cas d’accident n’ayant occasionné ni mort ni blessure, le chef de l’établissement n’est tenu de prévenir que l’Ingénieur des Mines. L’enquête est faite sur place par l’Ingénieur ou, par délégation de l’ingénieur, par le contrôleur subdivisionnaire. L’Ingénieur ou le contrôleur qui a procédé à l’enquête rédige un rapport qui est adressé au Préfet comme dans le premier cas. Article 46 : Par exception, le Ministre pourra confier la surveillance des appareils à vapeur aux ingénieurs ordinaires et aux conducteurs de Pont et Chaussées, sous les ordres de l’Ingénieur en chef des Mines de la circonscription. Article 47 : Les appareils à vapeur qui dépendent des services spéciaux de l’État sont surveillés par les fonctionnaires et agents de ces services. Article 48 : Les attributions conférées aux Préfets des départements par le présent décret sont exercées par le Préfet de Police dans toute l’étendue de son ressort. Article 49 : Sont rapportés les décrets du 30 avril 1880 et du 29 juin 1886. Article 50 : Le ministre des Travaux Publics, des Postes et des Télégraphes est chargé de l’exécution du présent décret, qui sera publié au Journal Officiel et inséré au Bulletin des lois. Fait à Rambouillet, le 9 octobre 1907, par le Président de la République A. Fallières, le ministre des Travaux Publics, des Postes et des Télégraphes : Louis Barthou.

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Table donnant la température (en degrés centigrades) de l’eau correspondant à une pression donnée (en kilogrammes effectifs). Pression effective en kg 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5 3,0 3,5 4,0 4,5 5,0 5,5 6,0 6,5 7,0 7,5 8,0 8,5 9,0 9,5 10,0

Température en ◦ C 111 120 127 133 138 143 147 151 155 158 161 164 167 170 173 175 177 179 181 183

Pression effective en kg 10,5 11,0 11,5 12,0 12,5 13,0 13,5 14,0 14,5 15,0 15,5 16,0 16,5 17,0 17,5 18,0 18,5 19,0 19,5 20,0

Température en ◦ C 185 187 189 191 193 194 196 197 199 200 202 203 205 206 208 209 210 211 213 214

3.3 Le décret du 2 avril 1926 Ce décret porte sur les appareils à pression de vapeur : générateurs ou récipients. On peut rattacher à ce décret important la circulaire du 15 décembre 1935 sur les précautions à prendre pour isoler, dans une batterie de chaudières, celles en visite ou en nettoyage des autres en fonctionnement, en vue de la protection du personnel. La circulaire du 20 août 1936 est relative aux soupapes de sûreté des appareils à vapeur, avec des remarques sur les échangeurs de chaleur. En ce qui concerne les soupapes de sûreté, il faut citer l’arrêté du 2 juillet 1976, modifié le 22 juin 1982. D’autre part, la circulaire du 28 septembre 1969 précise les visites réglementaires des appareils à vapeur. Dans ces textes, le constructeur doit formuler à la DRIRE dont il dépend une demande d’épreuve hydraulique en joignant l’état descriptif (dessin coté, spécifications des matériaux. . . ). Après avoir assisté à l’épreuve hydraulique, le représentant de l’Administration appose sur l’appareil une ou plusieurs médailles de timbre. Avant la mise en service, l’exploitant doit faire une déclaration au Préfet, et doit tenir un registre d’entretien. La réglementation prescrit d’effectuer des visites et des renouvellements d’épreuves. Le décret définit la notion de générateur, qui est une chaudière sauf si l’énergie lui est apportée par un fluide provenant lui-même d’un autre générateur soumis au décret. Un GV est donc bien un générateur au sens du décret. Une canalisation est une enceinte dont le rôle principal est de permettre le passage d’un fluide d’un appareil

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à l’autre. Un récipient est une enceinte qui n’appartient ni à un générateur, ni à une canalisation. Le décret ne s’applique pas aux générateurs de capacité inférieure à 25 l, aux récipients de capacité inférieure à 100 l, aux appareils dont la pression ne peut dépasser 0,5 bar, aux cylindres et enveloppes des machines à vapeur, aux appareils dont la température ne peut dépasser 110 ◦ C.

3.4 Le décret du 18 janvier 1943 Il concerne les appareils à pression de gaz ou de vapeurs autres que la vapeur d’eau. Le texte a été modifié le 13 octobre 1977. À la différence des appareils à vapeur d’eau, les appareils à pression de gaz autres ne sont pas soumis à déclaration de mise en service. Les canalisations ne sont pas soumises à épreuve, mais ceci a été revu par l’arrêté du 15 janvier 1962. Maintenant, toute canalisation doit être soumise à épreuve sauf celles reliant les différents corps de turbine ou turbine à condenseur. Depuis cet arrêté, les organes de robinetterie sont aussi au décret de 1926. La différence pratique entre épreuve et essai se situe au niveau du fait que l’épreuve nécessite la présence de l’Ingénieur des Mines. Le délai maximum entre deux épreuves d’appareils à gaz autres que vapeur peut être inférieur à 10 ans selon les appareils.

Références Accidents de réactivité, Transfert de connaissances Réacteurs à eau pressurisée, note n◦ 621, EDF Production Transport, Département Sûreté Nucléaire, France, 369 pages. Ce grand format est un livre essentiel pour la compréhension physique des accidents de réactivité, écrit par des spécialistes de EDF/SEPTEN. Extrêmement didactique et incontournable ! Richard Alami, Évacuation et récupération de la chaleur des réacteurs nucléaires, Dunod, Paris, France, 1958, 246 pages. Alcatel Alsthom, Histoire de la Compagnie Générale d’Électricité, Larousse, Paris, France, ISBN 2-03-523230-91992, 479 pages. Ce magnifique ouvrage présente l’histoire de la société depuis ses débuts en 1898, et l’aventure industrielle de l’électrisation de la France. Robert L. Ames, A.C. Generators: design and application, John Wiley & Sons, New-York, USA, ISBN 0-471-92589-6, 1990, 303 pages. Leonard R. Anderson, Electric machines and transformers, Reston publishing (Prentice Hall), Reston, Virginia, USA, ISBN 0-8359-1615-4, 1981, 305 pages. Album des appareils accessoires de machines à vapeur, Établissements Muller, Roger et Cie, Paris-Noyon, 365 pages. Ce célèbre fabricant de pièces en fonte et en bronze produisait des catalogues d’appareils pour chaudières, de plomberie et de pièces en fonte de fer pour la mécanique. On y trouve de très belles descriptions de composants divers. Jean-Yves Arzul, Christophe Bouneau, Richard Cazeneuve, Bernard Duchêne, Claude Fernandez, André Laurent, Jacques Lecouturier, Jacques Pérès, Le système nerveux du réseau français de transport d’électricité : 1946-2006 60 années de contrôle électrique, Lavoisier Tec et Doc, Cachan, France, ISBN 978-2-7430-1368-4, 2012, 505 pages. Absolument tout sur le contrôle-commande des postes électriques. Georges Asch et collaborateurs, Les capteurs en instrumentation industrielle, 6e édition, Dunod, Paris, France, ISBN 2-10-005777-4, 2006, 852 pages. On a la chance de pouvoir disposer d’un tel livre en langue française sur un ensemble aussi vaste de systèmes de mesure. Le nombre de rééditions prouve à lui seul l’intérêt de ce livre. Milton Ash, Nuclear reactor kinetics, 2nd edition, Mc-Graw Hill, USA, ISBN 0-07002380-8, 1979, 445 pages. Atoms for Peace, Actes de la conférence internationale sur l’utilisation de l’énergie atomique à des fins pacifiques, 8 au 20 août 1955, Genève, Nations unies, 1956,

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XVI tomes. Version française (il existe une version en anglais mais la numérotation des pages est différente). Cette conférence internationale a eu un retentissement considérable. Toutes les nations ayant une expérience atomique participèrent à ce meeting et, en pleine guerre froide, les Russes acceptèrent de participer au dernier moment avec des papiers de haut niveau, assurant le succès de cette conférence surnommée Atoms for peace. Une deuxième édition eut lieu en 1958, puis une troisième en 1964. Henri Bailly, Denise Ménessier, Claude Prunier, Le combustible nucléaire des réacteurs à eau sous pression et des réacteurs à neutrons rapides, Collection du Commissariat à l’Énergie Atomique, Eyrolles, Paris, France, ISBN 2-7272-0183-4, 1996. Incontestablement un des meilleurs livres sur la question. Le chapitre 5 est spécifiques des REPs, le chapitre 7 porte sur les absorbants neutroniques. Edgar C. Bain, H.W. Paxton, Les éléments d’addition dans l’acier, Dunod, Paris, France, 1968. 268 pages. Traduction d’un livre américain dont la première édition date de 1938, et largement revu en 1961. Robert Barjon, Physique des réacteurs nucléaires, autoédition, Grenoble, France, ISBN 2-7061-0508-9, 1993. Cet ouvrage est, avec [Bussac et Reuss, 1985] et [Marguet, 2018], l’une des trois références les plus complètes en français. Malheureusement, cette auto-édition est épuisée et difficile à trouver de nos jours. Robert Barjon, qui a commencé sa carrière à la faculté d’Alger, a traduit le célèbre [Halliday, 1957]. Il a enseigné pendant des années à Grenoble et il est très regrettable que cet important ouvrage ne soit pas réédité. Charles S. Barrett, Structure des méatux, Dunod, Paris, France, 1957. 618 pages. Traduction d’un livre américain publié chez McGraw-Hill. De nombreux chapitres sur la cristallographie. S. Belakhowsky, Combustibles liquides, Technique et Vulgarisation, Paris, France, 318 pages, 1966.

George Bell, Samuel Glasstone, Nuclear reactor theory, Van Nostrand, USA, Library of Congress Card Number 73-122674, 1970, 619 pages. Le « Bell et Glasstone » est une institution qui a formé des générations d’ingénieurs. J. Bénard, A. Michel, J. Philibert, J. Talbot, Métallurgie générale, 2e édition, Dunod, Paris, France, ISBN 2-225-74305-3, 1984, 232 pages. D.J. Bennet, Elements of nuclear power, Longman, New-York, USA, ISBN 0-58230504-7, 1981, 651 pages. Ce livre relativement général propose néanmoins quelques résultats inédits.

Références

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Philippe Berge, Guy Zacharie (sous la direction de), Endommagement des matériaux dans les centrales nucléaires à eau pressurisée, Collection de la Direction des Études et Recherches d’EDF n◦ 98, Eyrolles, Paris, France, ISSN 0399-4198, 1997, 206 pages. René Bidard, Jacques Bonnin, Énergétique et turbomachines, Collection de la Direction des Études et Recherches d’EDF n◦ 35, Eyrolles, Paris, France, ISSN 03994198, 1979, 472 pages. Ce livre n’est pas spécialisé sur les turbines à usage nucléaire, puisqu’on y trouve des éléments sur les turbomachines d’aviation et les compresseurs, mais le thème sur les cycles thermodynamiques et les écoulements dans les turbomachines à aubes longues est totalement générique. George Brinbaum, George Free (Editors), Eddy-current characterization of materials and structures, ASTM-STP 722, American Society for Testing and Materials, Philadelphia, USA, Library of Congress Catalog Card Number 80-67398, 1981, 508 pages. Recueil d’un congrès de spécialistes sur la question. Daniel Blanc, Les réacteurs atomiques, collection Que sais-je, PUF, Paris, 1986, 126 pages. Cette fameuse collection propose des vulgarisations toujours efficaces. Les trois premiers chapitres couvrent la théorie, le reste les aspects technologiques. Austin Blaquière, Théorie de la réaction en chaîne, Presses Universitaires de France et Institut National des Sciences et Techniques Nucléaires, Paris, Dépôt Légal n◦ 4 759, 1962. Une référence très complète sur les calculs théoriques. Extrêmement didactique. Pierre Blazy, La métallurgie extractive des métaux non ferreux, Société de l’Industrie Minérale, ISBN 2-902723-01-6, 1979, 320 pages. Cuivre, plomb, zinc, étain et surtout dans le cas qui nous préoccupe l’uranium. Heinz P. Bloch, Marari P. Singh, Steam turbines: design, applications and re-rating, McGraw-Hill, ISBN 978-0-07-150821-6, 2nd édition, 2000, 414 pages. Richement illustré. Paul Bonnet (éditeur), Pourquoi l’énergie nucléaire, série Synthèses, CEA, Saclay, ISBN 2-7272-0051-X, 1980, 329 pages. Cet ouvrage est à la fois historique et de vulgarisation. Charles F. Bonilla (editor), Nuclear engineering, McGraw-Hill, New-York, USA, Library of Congress Card Number 56-8167, 1957, 830 pages. Cet ouvrage est dans sa plus grande partie consacrée au refroidissement des réacteurs, mais les 300 premières pages se rapportent à la physique nucléaire et à la neutronique. Paul Boutin, Pierre Boutin, Georges Guinier, Henri Mouney, François Vincent, Énergie nucléaire et énergie électrique, Eyrolles, Paris, 1977. Ce petit livre de 122 pages réalise l’exploit de couvrir un si vaste sujet sans être ridicule. Le chapitre éléments de neutronique résume le sujet en 12 pages de façon succincte, mais claire. On notera la participation d’anciens chercheurs du département de physique des réacteurs de la R&D d’EDF (Mouney et Vincent).

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James J. Burke, Power distribution engineering: fundamentals and applications, Marcel Dekker, New-York, USA, ISBN 0-8247-9237-8, 1994. 356 pages. Le chapitre 5 sur les Surge arresters est particulièrement intéressant. Jean Bussac, Paul Reuss, Traité de neutronique, Hermann, Paris, ISBN 2-7056-60119, 1985. C’est la référence incontournable en français. Ce livre a formé des générations de neutroniciens français. Gilbert Cahen, Pierre Treille, Précis d’énergie nucléaire, Dunod, 1963, 460 pages, 3e édition. Il s’agit de cours de haut niveau professés à l’École Nationale Supérieure du Génie Maritime. Le livre comporte un important chapitre sur la physique nucléaire et un autre sur la radioprotection au détriment, me semble-t-il, de la physique du cœur à proprement parler. Fait assez rare pour être signalé, l’ouvrage (version de 1958) a été traduit en anglais par Gilbert Melese aux éditions Allyn and Bacon, Boston, USA, Library of Congress Card Number 61-5538, 1961. Georges Cailletaud, P. Lemoine (Éditeurs), Le zirconium, Les Éditions de physique, Les Ullis, France, ISBN 2-86883-271-7, 1982, 389 pages. Journées d’études « Propriétés-Microstructures ». I.R. Cameron, Nuclear Fission Reactors, Plenum Press, New-York, USA, ISBN 0-30641073-7, 1996, 317 pages. Comporte plusieurs chapitres technologiques. Lionel Caudron (sous la direction de), Les réfrigérants atmosphériques industriels, Collection de la Direction des Études et Recherches d’EDF n◦ 74, Eyrolles, Paris, France, ISSN 0396-4198, 1991, 669 pages. La bible du sujet. Le premier chapitre porte sur l’architecture générale et la technologie. Le troisième chapitre présente des réalisations industrielles, dont les systèmes français pour le nucléaire : Hamon, Scam, etc. Centrales Nucléaires EDF se 1 300 MWe, Direction de l’Équipement d’EDF, 1991, 67 pages + plans. Centre de production nucléaire du Bugey, EDF, Direction de la production-transport, 83 pages. Ce document très complet, rempli de plans et de photographies, présente à la fois la tranche UNGG Bugey 1, et les 4 tranches REP de Bugey 2 à 5. C’est une importante source de données numériques accessibles au Public.

Paul Chambadal, Les turbines, Éditions Armand Collin, Paris, France, 1956, 216 pages. Georges Champetier, La grande industrie chimique minérale, Collection Que sais-je ?, Éditions Presses Universitaires de France, Paris, France, 1967, 126 pages. Jean Chatelain, Machines électriques, Volume X du Traité d’électricité, Éditions Georgi, Lausanne, Suisse, ISBN 2-604-00012-1, 1983, 628 pages. Le traité d’électricité

Références

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en XXII tomes est une œuvre collective colossale digne d’éloges. Le chapitre sur les transformateurs nous concerne plus. M. Haniff Chaudhry, Applied hydraulic transients, Van Nostrand-Reinhold, NewYork, USA, ISBN 0-442-21514-2, 2nd edition, 1987, 521 pages. Circuit secondaire, Notice technique sur les centrales nucléaires, Direction de la Production et du Transport, Service de la production Thermique, note bleue n◦ 337, 1978, 68 pages. Circuit thermique, Notice technique sur les centrales nucléaires, Direction de la Production et du Transport, Service de la production Thermique, note bleue n◦ 313, 1977, 23 pages. C. Clément, Transformateurs et moteurs d’induction, Dunod, 1928, Paris, France, 347 pages. Présente de nombreuses réalisations industrielles de l’époque. Divers auteurs, Code de construction des récipients sous pression non soumis à l’action de la flamme, Gauthiers-Villars, 1943, Paris, France, 488 pages. On y trouve la classification des appareils (I, II, III), les caractéristiques des matériaux et les règles de calcul des réservoirs en pression, échangeurs, générateurs de vapeur. . . Paul Cohen, Water coolant technology of power reactors, Gordon and Breach Science Publishers, Library of Congress Catalog card number n◦ 79-852101969, New-York, USA, 1969, 439 pages. L. Colombier, J. Hochmann, Aciers inoxydables, aciers réfractaires, Dunod, Paris, France, 2e édition entièrement refondue, 1965, 619 pages. Le combustible nucléaire PWR 900 MWe – Le Déchargement - Chargement, Notice technique sur les centrales nucléaires, Direction de la Production et du Transport, Service de la production Thermique, note bleue n◦ 322, 1976, 74 pages. R. Comolet, J. Bonnin, Mécanique expérimentale des fluides tome III, Masson, 1964, Paris, 357 pages. Contient de nombreux exercices pratiques en particulier sur les pertes de charge. Pierre Coppolani, Nathalie Hassenboehler, Jacques Joseph, Jean-François Petetrot, Jean-Pierre Py, Jean-Sébastien Zampa, La chaudière des réacteurs à eau sous pression, INSTN-EDP Sciences, Les Ulis, France, ISBN 2-86883-741-7, 2004, 293 pages. Destiné aux étudiants du Génie Atomique, ce petit livre résume le corpus de base nécessaire relatif à la chaudière. E.H.P. Cordfunke, R.J.M. Konings, Thermochemical data for reactor materials and fission products, North-Holland, Amsterdam, Netherlands, ISBN 0-444-88485-8, 1990, 695 pages. Très complet. Steven L. Del Sesto, Science, Politics and Controversy: Civilian nuclear power in the United States, 1946-1974, Westview Press, Boulder, Colorado, USA, ISBN 086531-255-9, 1979, 259 pages. Peu de technique, mais très intéressant sur les éléments politiques du début du nucléaire aux États-Unis. Paul-Marie de La Gorce, L’aventure de l’atome Tome 1, Flammarion, Paris, ISBN 2-08-035203-2, 1992, 399 pages. L’ouvrage qui recherche le sensationnel, s’intéresse beaucoup au problème de l’armement. Le tome 2 consacre néanmoins un chapitre

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au nucléaire civil, le paragraphe sur les réacteurs étant écrit par Jean Bussac en collaboration avec Pierre Bacher. Henri Desarces, Nouvelle encyclopédie pratique de mécanique et d’électricité, Librairie Aristide Quillet. Paris, France, 1924. En 3 tomes, la bible des ingénieurs de l’époque, on y trouve de magnifiques planches de systèmes électromécaniques, de machines à vapeur ou de machines-outils. Le tome I est un rappel de physique et de mathématiques. Les choses deviennent plus intéressantes à partir du tome II (mécanique), et surtout III (électricité). On obtient une vision très réaliste de la technologie de cette époque. A. Draper, Electrical machines, Longman, London, Great Britain, 1965, 5e édition, 345 pages. En particulier, le chapitre 2 sur la théorie des transformateurs. Ouvrage rédigé sous la direction de Guy Drevon, Les réacteurs nucléaires à eau ordinaire, série Synthèses, collection CEA, Eyrolles, Paris, France, ISBN 2-7272-0079X, 1983, 589 pages. Plus un livre de vulgarisation qu’un livre de technologie. En y intégrant les réacteurs à eau bouillante et des aspects cycle du combustible, voire économiques, le livre ne peut aborder le détail des REPs. James. J. Duderstadt, Louis J. Hamilton, Nuclear reactor analysis, John Wiley, USA, ISBN 0-471-22363-8, 1976, 650 pages. Incontournable référence. Très complet. J’en apprécie beaucoup les notations, toujours claires. James Duderstadt est un spécialiste du transport.

Durée de vie des tranches nucléaires ; Recueil des communications des 7 et 8 décembre 1988, Paris, Société Française d’Énergie Nucléaire. Éléments de sûreté et de radioprotection des centrales nucléaires de 1 300 mégawatts, EDF, France, 1982, 125 pages. Ce document, peu technique, présente l’intérêt de condenser, de façon compréhensible pour le grand public, des informations variées sur le palier 1 300 MWe. S.V. Elinson, K.I. Petrov, Zirconium and Hafnium, Ann Arbor-Humphrey Science Publishers, USA, ISBN 0-22-87591-X, 1969, 243 pages. L’ouvrage indispensable sur le sujet sur ces deux corps chimiques aux propriétés neutroniques à l’opposé (très absorbant pour le hafnium, transparent aux neutrons pour le zirconium). M.M. El-Wakil, Nuclear power engineering, Mc Graw-Hill, USA, ISBN 07-0193002, 1962, 556 pages. Couvre les aspects thermohydrauliques et technologiques, mais la première partie se rapporte à la physique des réacteurs. Plus fiable en thermohydraulique qu’en neutronique (les courbes de la page 67 sur l’activité sont curieusement fausses, une confusion avec les concentrations ?). M.M. El-Wakil, Nuclear heat transport, American Nuclear Society, La Grange Park, Illinois, USA, 3e edition, ISBN 0-89448-014-6, 1993, 502 pages.

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Harold Hetherington (Editor), Nuclear engineering handbook, McGraw-Hill, NewYork, USA, 1957. 14 chapitres numérotés localement. Le chapitre 6 : Reactor physics entre totalement dans notre scope. Experience in the design, construction, and operation of prestressed concrete pressure vessels and containments for nuclear reactors, University of York, 8-12 September 1975, Published by Mechanical Engineering Publications Limited for The Institution of mechanical Engineers, London and New-York, ISBN 0-85298-339-5, 1975. 659 pages. Ce recueil de conférences couvre bien l’ensemble des problématiques des bâtiments de toutes filières de réacteur, dont les PWR et, en particulier « Review of french containment vessels » de J.L. Costaz, pp. 19-24. L’exploitation chimique en centrale PWR, Notice technique sur les centrales nucléaires, Direction de la Production et du Transport, Service de la production Thermique, note bleue n◦ 315, 1977, 42 pages. Véronique Faburel, Centrale Nucléaire de Dampierre, 1974-2001, Tranches d’Histoire, EDF, 2004, 281 pages. Le livre retrace l’aventure de la centrale de Dampierre sur la Loire, surtout sur ses aspects socio-professionnels, plus que sur les aspects techniques. On peut y suivre les conflits sociaux et l’évolution des techniques de travail. J. Faisandier, Les mécanismes hydrauliques et électrohydrauliques, Dunod, Paris, 3e édition, 1970, 464 pages. Damien Feron, Roger Stahele editors, Stress corrosion cracking of nickel based alloys in water-cooled nuclear reactors: the Coriou effect, Elsevier, ISBN 9780081000496, 2016. 384 pages. Flamanville 3, un chantier et des hommes, ouvrage de photos et de témoignages, EDF, ISBN 978-2-9534264-2-7, 2010, 243 pages. Pierre-Henri Floquet, Histoire de la Centrale Nucléaire des Ardennes, Association pour l’Histoire de l’Électricité en France, Paris, ISBN 2-905-821-11-6, 1995, 193 pages. Le livre montre comment EDF a basculé vers la filière des réacteurs à eau : une aventure technologique. Cyrille Foasso, Histoire de la Sûreté de l’énergie nucléaire civile en France (19452000), Thèse d’Histoire moderne et contemporaine de l’Université Lumière (Lyon II), 2003, 755 pages. Passionnante étude historique qui mériterait d’être éditée en livre. Framatome : du bureau d’ingénierie nucléaire au groupe international, Albin Michel, Paris, ISBN 2-226-06-212-2, 1995, 159 pages. Jean-Pierre France, François Avellan, Brahim Belahadji, Jean-Yves Billard, Laurence Briançon-Marjollet, Didier Fréchou, Daniel H. Fruman, Ayat Karami, Jean-Louis Kueny, Jean-Marie Michel, La cavitation, Presses Universitaires de Grenoble, Grenoble, France, ISBN 2-7061-0605-0, 1995, 581 pages. Ce livre, largement illustré en couleurs, est une très bonne référence du sujet. En plus des aspects théoriques, la cavitation dans les turbomachines est développée dans le chapitre 9. Brian R. T. Frost, Nuclear Fuel Elements, Pergamon Press, Oxford, Great Britain, ISBN 0-08-020412-0, 1982, 275 pages. Le chapitre 8 porte sur Water Reactor Fuel Performance mélangeant tous les types de réacteurs à eau. La thermochimie des combustibles est abordée.

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M. Salvy, L. Le Moigne, R. Marchal, Génie Atomique, cours fondamental, tome 1, INSTN / Presses Universitaires de France. Paris, Dépôt Légal n◦ 7806, 1967 (réédition de la version de 1963), 440 pages. L’INSTN a publié une très importante collection d’ouvrages sous la direction de Francis Perrin dans le années 1960 dans de beaux cartonnages bleu ciel ou bien vert, compilant l’ensemble du savoir nucléaire de l’époque (neutronique, matériaux, physique des réacteurs, thermique, technologie des piles. . . ). Le deuxième chapitre Neutronique par Le Moigne est un concentré en 180 pages du savoir qui a permis la construction des UNGG et qui complète parfaitement [Blaquière, 1962]. Maurice Gauthron, Introduction au génie nucléaire, INSTN-CEA, ISBN 2-7272-01079, 1986, 365 pages. Très orienté vers la pratique avec de nombreux exemples. Plus destiné à l’ingénieur qu’au chercheur mais son titre ne trompe pas. Lise Gavet, Stéphane Jiolle, Flamanville : tranches de vie, Albin Michel, ISBN 2226-08546-7, 1996, 139 pages. Après quelques chapitres consacrés à l’Histoire de Flamanville, on rentre dans le vif du sujet page 43 avec les premiers relevés d’EDF fin 1974. Si ce livre n’est pas du tout technique, il montre bien dans quel contexte social s’est déroulée l’implantation du site. Générateur de vapeur, Notice technique sur les centrales nucléaires, Direction de la Production et du Transport, Service de la production Thermique, note bleue n◦ 326, 1977, 27 pages. La gestion du plutonium séparé : les options techniques, OCDE, Paris, France, 1997, 170 pages. Ce petit document fait le point sur l’historique du retraitement du plutonium en Europe. René-Jean Gibert, Vibrations des structures : Interactions avec les fluides. Sources d’excitation aléatoires, Eyrolles, ISSN 0399-4198, 1988, 673 pages. Samuel Glasstone, Milton C. Edlund, The elements of Nuclear reactor theory, Mac Millan, USA, 1972, 416 pages. Il s’agit de la réédition de la version de 1952 publiée chez Van Nostrand qui a eu au moins 6 rééditions. Samuel Glasstone, Alexander Sesonske, Nuclear reactor engineering tome 1 et 2, Chapman-Hall, USA, ISBN 0412-98521-7 et 0-412-98531-4, 1994, 841 pages en deux tomes, 4e édition. Cette référence est incontournable en physique des réacteurs et un succès d’édition, pour preuve le nombre d’éditions. Glasstone a publié de très nombreux ouvrages sur le sujet. R. Gregorig, Échangeurs de chaleur, Librairie polytechnique Béranger, Paris, France 1965, 526 pages. Traduction française d’un livre allemand. Un chapitre porte sur la construction des échangeurs, problématique rarement abordée. Dominique Grenêche, Histoire et techniques des réacteurs nucléaires et de leurs combustibles, EDP Sciences, France, ISBN 978-2-7598-1977-5, 2016, 766 pages. On trouve dans ce livre un incroyable et patient travail de recherches bibliographiques. Les deux

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premières parties sont plus techniques qu’historiques, mais la troisième partie « Les filières de réacteurs nucléaires : approche technico-historique » détaille formidablement les différentes trajectoires technologiques. On peut regretter une iconographie clairsemée, surtout sur la partie réacteur qui s’y prêtait pourtant. Autre point faible, la chapitre 13 sur les réacteurs à eau très réduit par rapport aux autres filières, alors que ce sont les réacteurs les plus représentés au monde, dont la France avec les REPs. Néanmoins, ce livre est un incontournable pour qui veut connaître l’histoire des réacteurs. J.M. Harrer, Nuclear reactor control engineering, Van Nostrand – Argonne National Laboratory, Princeton, USA, 1963, 587 pages. Gabrielle Hecht, The radiance of France: Nuclear power and national identity after World War II, The MIT Press, ISBN 918-0-262-58281-0, 2009, 496 pages. Gabrielle Hecht est professeur d’Histoire à l’Université du Michigan. Extrêmement intéressant (et anachronique pour un auteur anglo-saxon !). Gabrielle Hecht, Michael Thad Allen, Technologies of Power: Essay in honor of Thomas Parke Hugues and Agatha Chipley Hugues, The MIT Press, ISBN 0-26251124-X, 1993, 312 pages. Un article complet de Gabrielle Hecht porte sur la Technology, Politics and National Identity in France (p. 253). Jack Philip Holman, Heat transfer, McGraw-Hill, ISBN 0-07-029620-0, 6e edition, 1986, 676 pages. Le « Holman » est un classique dans son domaine, le nombre d’éditions en fait foi. On retiendra surtout dans notre cas le chapitre 9 Condensation and boiling heat transfer et 10 Heat exchangers. Anne-Marie Huntz-Aubriot, Bernard Pierragi (sous la direction de), Oxydation des métaux métalliques, Lavoisier et Hermes, France, ISBN 2-7462-0657-9, 2003, 456 pages. Bien que non spécifique au domaine du nucléaire, on y trouve de nombreux chapitres très applicables au nucléaire, surtout dans le chapitre 11 qui lui est exclusivement consacré avec un focus sur les alliages de zirconium et les aciers au carbone ou au nickel. Jean-Pierre Hutin, La maintenance des centrales nucléaires, Éditions Lavoisier Tec et Doc, Paris, France, ISBN 978-2-7430-2128-3, 2016, 855 pages. Une référence solide écrite par un ancien directeur technique du parc nucléaire, complétée d’une riche iconographie en couleurs. Installations de sauvegarde, Notice technique sur les centrales nucléaires, Direction de la Production et du Transport, Service de la production Thermique, note bleue n◦ 334, 1978, 81 pages. Instrumentation du réacteur, Notice technique sur les centrales nucléaires, Direction de la Production et du Transport, Service de la production Thermique, note bleue n◦ 323, 1977, 28 pages. M. Buernerd (Éditeur), Instrumentation en physique nucléaire et en physique des particules, Compte-rendus de l’école Joliot-Curie de physique nucléaire ayant eu lieu à Maubuisson, 26-30 septembre 1988, Les Éditions de physique, Les Ulis, France, 1989, 553 pages. Ce livre présente l’état de l’art des systèmes de détection. On retiendra en particulier le texte de J. Séguinot : Les compteurs Cherenkov, applications et limites pour l’identification des particules.

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R. Strumane, J. Nihoul, G. Gebers, S. Amelinckx (Editors), The interaction of radiation with solids, Proceedings of the international summer school on solid state physics held in Mol, 12-31 August 1963, North Holland, Amsterdam, 1964, 816 pages. Ce livre présente l’état de l’art de la connaissance théorique des dommages créés par l’irradiation des solides. À lire surtout pour les aspects théoriques, les matériaux ayant beaucoup évolué depuis. D.D. Kalafati, Thermodynamic cycles of nuclear power stations, Israel Program for Scientific Translations, Jerusalem, Israel, 1965, 435 pages. Il s’agit de la traduction en anglais d’un livre écrit en russe en 1963. G. Robert Keepin, Physics of nuclear kinetics, AddisonWesley, Library of congress 64-20831, 1965, 435 pages. Le premier livre entièrement consacré à la cinétique neutronique, une des dix (?) références incontournables du neutronicien. Les données nucléaires des 6 groupes de neutrons retardés qui y sont présentées sont encore utilisées dans la plupart des codes actuels. Jusqu’à la publication de [Hetrick, 1993] quelque 20 ans après, il était impossible de s’en passer ! Nordine Kerkar, Philippe Paulin, Exploitation des cœurs REP, EDP Sciences-INSTN, Paris, ISBN 978-2-86883-3, 2008, 304 pages. Il s’agit d’un ouvrage spécialisé présentant un savoir-faire de terrain indispensable aux exploitants. Un glossaire très complet permet de rentrer dans le langage métier à base de trigrammes, souvent très rebutant pour le néophyte. Parfaitement complémentaire du présent ouvrage. A. de Kovats, G. Desmur, Pompes, ventilateurs et compresseurs, Dunod, Paris, 1953, 336 pages. Ce livre très complet aborde tous les modèles de pompes et de turbomachines. Indispensable ! Frank. Kreith, Transmission de la chaleur et thermodynamique, Masson. Paris, 1967, 654 pages. En particulier les chapitres 6 et 7 sur la convection. Robert Kunin, Ion exchange resins, John Wiley & Sons, New-York, USA, 2nd edition, 1958, 466 pages. J. de Ladonchamps, J.J. Verdeau, Réacteurs nucléaires à eau pressurisée : applications à la propulsion navale, Masson, 1972, 228 pages. Le chapitre sur la propulsion navale est tout à fait original sur un sujet rarement développé dans la littérature.

John Lamarsh, Anthony J. Barrata, Introduction to nuclear engineering, Prentice Hall, ISBN 0-201-82498-1, 3e édition, 2001, 783 pages. Plutôt un livre d’ingénierie où on trouvera peu de démonstrations physiques ou mathématiques.

Références

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Jacques Leclercq, L’ère nucléaire : le monde des centrales nucléaires, Hachette, Paris, ISBN 2-85108-599-9, 1988, 437 pages. 2e édition. Leclercq a eu d’importantes responsabilités à EDF (directeur de la production thermique). Son livre est une somme incroyable de renseignements et d’illustrations, qui en fait le livre de vulgarisation probablement le plus complet, proche de l’encyclopédie. Jean Lefebvre, Mesure de débits et des vitesses des fluides, Masson, Paris, ISBN 285108-599-9, 1986, 367 pages. Bien que la police de caractères utilisée donne un aspect « rapport » à ce livre, le résultat est très complet sur les différents systèmes de mesure de fluide. De nombreux schémas technologiques complètent l’ensemble. Les composants des centrales à eau sous pression, Institut national des Sciences et Techniques nucléaires, Commissariat à l’Énergie atomique, ministère de l’Éducation nationale, sans date. Ce cours (indispensable !) présente en détail des aspects technologiques extrêmement intéressant dans le cadre de nos travaux. Citons : Le circuit VVP et ARE par P. Coppolani, Les éléments combustibles par Cl. Dehon, Les éléments combustibles : manutention du combustible par L. Dullieux, Les mécanismes de commande par B. Avet, Condenseurs de grande puissance par F. Lecocq, Le circuit primaire : tuyauteries-supportage des composants par D. Savoldelli, L’inspection en service des REPs, par R. Saglio, Les matériels du circuit secondaire par F. Rivière, Technologie des turbines nucléaires par G. Belperin. Tous sont de grands spécialistes de leur métier. J. Lewins, Nuclear reactor kinetics and control, Pergamon Press, La Grange Park, USA, ISBN 0-08-021682-X, 1978, 264 pages. À titre anecdotique, le livre comporte un remarquable plan couleurs à déplier des circuits de contrôle d’un réacteur REP 4 boucles. Le premier chapitre se rapportant à la stabilité des réacteurs (fonction de transfert, diagramme de Nyquist, approximation de Padé. . . ) est extrêmement clair. Jacques Ligou, Installations nucléaires, Presses Polytechniques Universitaires Romandes, ISBN 2-88074011-8, 1982, 2e édition, 430 pages. Naturellement très technologique de par son titre, ce livre contient néanmoins quelques éléments théoriques sur la fusion (chapitre 2) et la physique des réacteurs (chapitre 4). Jacques Ligou, Introduction au génie nucléaire, Presses Polytechniques Universitaires Romandes, ISBN 288074-312-5, 1997, 2e édition, 445 pages. J. Littler, J.F. Raffle, An introduction to reactor physics, Pergamon Press, London, United Kingdom, 1997, 2e édition, 208 pages. Bruce H. Mahan, Philibert L’Écuyer, Marcel Lefrançois, Chimie, Éditions du Renouveau Pédagogique, Montréal, Canada, 1970, 832 pages. 2e édition. Extrêmement didactique et en français. On retiendra surtout dans notre cadre les chapitres fondements de la théorie atomique, propriétés des gaz, propriétés des solides, structure électronique des atomes et noyau atomique.

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S. Manson, Les contraintes d’origine thermique, Dunod, Paris, 1967. 328 pages. Traduit de l’américain. R. Marchal, Transmission de la chaleur par convection dans les tubes, collection de l’ANRT, Eyrolles, Paris, 1974. 100 pages. Tour particulièrement adapté aux échangeurs de chaleur. Th. Margoulova, Les centrales nucléaires, Éditions MIR, Moscou, 1977, 479 pages. Traduit de la version russe de 1974. La première édition du livre russe date de 1969. Serge Marguet, Les accidents de réacteurs nucléaires, Lavoisier Tec et Doc, Paris, ISBN 978-2-7430-1429-2, 2012. 136 pages. Serge Marguet, The physics of nuclear reactors, Springer, Heidelberg, ISBN 978-3319-59559-7, 2017, 2 volumes, 1 445 pages. Serge Marguet, La physique des réacteurs nucléaires, Lavoisier Tec et Doc, Paris, ISBN 978-2-7430-2309-6, 2018, 1 368 pages. Les matériaux du nucléaire, CEA – Éditions Le Moniteur, Paris, France, ISBN 9782-281-14002-6, 2016. 218 pages. On ne qu’exprimer des louanges devant la qualité des monographies de la DEN du CEA. Extrêmement clair, pourvu d’une riche iconographie en couleurs et agréable à lire, même pour le non-initié, ces livres sont des références incontournables. Robert M. Mayo, Introduction to nuclear concepts for engineers, American Nuclear Society, La Grange Park, Illinois, USA, ISBN 0-89448-454-0, 2001, 361 pages. Ce livre très bien fait est bien plus qu’une introduction. William Henry Mc Adams, Heat transmission, McGraw-Hill, USA, 1942, 459 pages. Première edition en 1933, 3e edition en 1985. Thomas D. McGee, Temperature measurement, John Wiley and Sons, USA, ISBN 0-471-62767-4, 1988, 81 pages. La bible sur les thermocouples. Robert V. Meghreblian, David K. Holmes, Reactor analysis, McGraw-Hill, New-York, Library of Congress Catalog Card Number 59-15469, 1964, 807 pages. Cet ouvrage est entièrement consacré à la physique des réacteurs et la neutronique. Pas de technologie ni de fonctionnement. Une des meilleures références sur le sujet. Mémento de la sûreté du système électrique, RTE/TIEMPO éditions, ISBN 2-91244013-0, 2004, 271 pages. On trouve dans ce petit livre toutes les notions de base pour comprendre les problématiques d’un réseau électrique. Jean-Pierre Mercier, La Maintenance des Centrales Nucléaires, Éditions Kirk, Collection Industries, Maisons-Alfort, France, ISBN 2-905-686-02-2, 1987, 199 pages. Ce petit livre en couleurs complète très bien le livre [Hutin, 2016]. Jean-Pierre Mercier, La Maintenance des Centrales Nucléaires, Éditions Kirk, Collection Industries, Maisons-Alfort, France, ISBN 2-905-686-21-9, 2e édition, 1992, 215 pages. Quelques rajouts et améliorations. Henri Métivier (coordinateur), Radioprotection et ingénierie nucléaire, EDP SciencesINSTN, Paris, ISBN 2-86883-769-7, 2006, 505 pages. Il s’agit d’un ouvrage collectif dont on notera le chapitre tout à fait instructif sur les méthodes de calcul en

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propagation des rayonnements. Un regret : l’absence dommageable d’index probablement du fait de la structure de type compilation du livre. Jean-Pierre Mougin, Béton armé, Eyrolles, Paris, 2e édition, ISBN 2-212-01293-4, 2000, 287 pages. Il s’agit plutôt d’un guide de calcul que d’un ouvrage sur les propriétés du béton armé. Raymond L. Murray, An Introduction to nuclear engineering, Prentice Hall, NewYork, USA, Library of Congress Card Number 54-8207, 1954, 418 pages. Plus technologique que physique. Arthur Mychael, A.C. machines, McGraw-Hill, Australia, ISBN 0-07-093298-0, 1977, 250 pages. Les chapitres 2 à 4 portent sur les transformateurs, Les 5 et 6 sur les alternateurs. Divers auteurs, Neutron fluence measurements, Technical reports series n◦ 107, IAEA, Bruxelles, Vienne, 1970, 184 pages. Ce livre collectif est une compilation de méthodes de caractérisation de spectre comme la technique du détecteur cadmium. Un premier chapitre sur les aspects théoriques des spectres pose le problème et définit le spectre thermique, intermédiaire et rapide. La problématique du raccordement thermique/épithermique y est longuement abordée. Roy Woodward Nichols (editor), Trends in reactor pressure vessel and circuit development, Applied Science Publishers, London, ISBN 0-85334-872-3, 1980, 384 pages. Proceedings du meeting de spécialiste tenu à Madrid en mars 1979. Thibaud Normand, Jessica Andreani, Vincent Tejedor (Coordinateurs), Les cycles thermodynamiques des centrales nucléaires, Presse des Mines, Paris, France, ISBN 978-2-911256-33-2, 2010, 164 pages. Il s’agit d’une synthèse de travaux d’une trentaine d’étudiants. De fait les aspects théoriques sont peu développés, mais le livre se lit très bien pour une première approche. Le 2e chapitre porte sur les REPs. Nuclear reactor plant data Volume one: Power reactors, publié par the American Society of Mechanical Engineers, 1958, 64 pages. Contient un grand nombre d’informations sur les premiers réacteurs REPs américains. Donald R. Olander, Fundamentals aspects of nuclear reactor fuel elements, Technical Information Center Energy Research and Development Administration, DOE, USA, ISBN 0-87079-031-5, 1976, reprint de 1977, 613 pages. Si les aspects technologiques du combustible REP sont peu développés dans ce livre, on peut considérer qu’il s’agit du meilleur ouvrage sur les aspects physiques sur le thème combustible, en particulier le gonflement gazeux, les effets de l’irradiation, la chimie. . . Le combustible des réacteurs rapides est abordé. Le dernier chapitre porte sur la déformation des assemblages. Karl O. Ott, Wilfred A. Bezella, Nuclear reactor statics, American Nuclear Society, USA, ISBN 0-89448-033-2, 1989, édition révisée, 385 pages. L’aspect cinétique est vu dans la référence suivante. Karl O. Ott, Robert J. Neuhold, Nuclear reactor dynamics, American Nuclear Society, USA, ISBN 0-89448-029-4, 1985, 362 pages. René Pélissier, Les réseaux d’énergie électrique, Tome 1 : Les aspects techniques du service, Dunod, Paris, 1971, 256 pages. Ce livre, très complet sur la partie réseaux, reste muet, du fait de sa date de publication, sur le nucléaire. Cela n’en n’est pas

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moins un très beau livre de référence (en 4 tomes), sur la question. L’analyse de la perte de réseau du Nord-Est des États-Unis le 9 novembre 1965, privant New-York d’électricité pendant plusieurs heures, est un cas d’école. René Pélissier, Les réseaux d’énergie électrique, Tome 2 : Calcul et réglage des réseaux, Dunod, Paris, 1971, 316 pages. Le chapitre 3 sur les « régimes troublés des réseaux d’énergie » permet de comprendre les risques de pertes de réseaux encore possibles de nos jours. A.M. Petrossiants, Problèmes actuels des sciences et techniques nucléaires en URSS, éditions CEA, France, 3e édition, ISBN 2-7272-0028-51977, 580 pages. Il s’agit plus d’un livre d’Histoire que de physique. De nombreux éléments techniques sont fournis sur les RBMK, et un peu sur les VVER. Proceedings of the symposium on Physics and material problems of reactor control rods,in Vienna, 11-15 November 1963, IAEA Vienne 1964, 794 pages, Compilation d’articles sur la physique et la technologie des barres. À noter la physique des barres gazeuses en hélium 3 d’EL4 (Brennilis). La première partie présente des méthodes de calcul d’effet de barres. Jean-François Picard, Recherche et Industrie : Témoignages sur quarante ans d’études et de recherches à Électricité de France, Eyrolles, Paris, ISSN 0292-6903, 1987, 160 pages. Jean-François Picard, Alain Beltran, Martine Bungener, Histoires de l’EDF, Dunod, Paris, ISSN 2-04-016402-2, 1985, 265 pages. Picard est un des meilleurs spécialistes de l’Histoire de l’EDF.

Pierre Pintat, Guy Chauvet, “Ces mots de Tihange” 1970-1975, sans mention d’éditeur, 1984, 204 pages. Ce petit livre raconte plus sous l’apparence d’un annuaire, la vie dans la centrale pendant la phase de construction. Quelques données techniques le rendent encore plus intéressant. Plutonium management in the medium term, A review by the OECD/NEA working party on the physics of plutonium fuels and innovative fuel cycles, NEA4451, AENNEA, ISBN 92-64-02151-5, 2003, 68 pages. Michel Pluviose, Conversion d’énergie par turbomachines, Ellipses, Paris, France, ISBN 978-2-7298-5428-7, 2010, 274 pages. Ernest C. Pollard, William, L. Davidson, Applied nuclear physics, John Wiley and sons, New-York, USA, 1956, 3e edition, 352 pages. La première partie du livre est orientée sur l’instrumentation. Les aspects théoriques sont peu développés. Pompes primaires, Notice technique sur les centrales nucléaires, Direction de la Production et du Transport, Service de la production thermique, note bleue n◦ 327, 1977, 39 pages.

Références

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Power reactors, Technical information service, United States Atomic Energy Commission, Washington, 1957, 92 pages. Ce recueil de présentation des premiers réacteurs de puissance américains permet de comprendre l’histoire du début des REPs. Présentation générale des centrales PWR du palier 900 MWe, Notice technique sur les centrales nucléaires, Direction de la Production et du Transport, Service de la production thermique, note bleue n◦ 302, 1977, 139 pages. Pressuriseur, Notice technique sur les centrales nucléaires, Direction de la Production et du Transport, Service de la production thermique, note bleue n◦ 325, 1977, 79 pages. Norman C. Rasmussen, Étude de la sûreté des réacteurs, Les dossiers de l’énergie n◦ 5, La Documentation Française, 1975, 141 pages. Il s’agit de la traduction en français du corps du rapport WASH 1400, sans les annexes (le rapport complet fait 2 000 pages !). Comme le document conserve les figures du corps du texte, le tout reste lisible car autonome. Properties of Water and Steam in SI-Units, prepared by Ernst Schmidt, Springer Verlag, 1969, Library of Congress Card Number 68-58187, 205 pages. A.G. Quarrell (Editor), Niobium, Tantalum, Molybdenum and Tungsten, Report of a conference held in the University of Sheffield, 20-22 September, 1960, Elsevier, 1961, 413 pages. V. Raievski, Physique des piles atomiques, INSTN Presses Universitaires de France, collection INSTN, Paris, 1960, 122 pages. En particulier l’étude du transport des neutrons par la méthode de modulation (sources pulsées) dont Raievski était le spécialiste français. Symposium on radiation effects in refractory fuel compounds, Proceedings of a symposium in Atlantic city, 27-28 June 1961, Library of Congress Card Number 6118601, 195 pages. En particulier : Study of factors controlling the release of xenon-135 from bulk UO2, par D.F. Toner et J.L. Scott. Léon Joseph Randrianarivo, Confinement des turbomachines, Lavoisier Tec et Doc, collection EDF R&D, Paris, ISBN 978-2-7430-2368-3, 2018, 161 pages. Ce petit livre détaille les différents types de joints, en particulier ceux des pompes primaires et des turbines, richement illustré de plans divers. Réacteur, Notice technique sur les centrales nucléaires, Direction de la Production et du Transport, Service de la production thermique, note bleue n◦ 321, 1977, 30 pages. Refroidissement du réacteur à l’arrêt (RRA-RRI), Notice technique sur les centrales nucléaires, Direction de la Production et du Transport, Service de la production thermique, note bleue n◦ 328, 1977, 30 pages. Paul Reuss, Eléments de physique nucléaire à l’usage du neutronicien, INSTN, Génie Atomique, 1981 puis 1987, 89 pages. Ce petit livre destiné à l’enseignement, s’inscrit dans la philosophie directe du premier chapitre du présent ouvrage, à savoir fournir les

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éléments de base nécessaires à la compréhension de la neutronique. De très nombreux commentaires de physique en font un document utile, malheureusement épuisé. Paul Reuss, Précis de neutronique, EDP Sciences, collection INSTN, Paris, ISBN 2-86883-637-2, 2003, refonte générale de [Bussac et Reuss 1985], de typographie plus moderne, mais au contenu simplifié (s’adresse plus à des étudiants dans une forme très didactique). Le seul ouvrage de neutronique pure encore disponible à ce jour en français avec [Marguet, 2018].

Paul Reuss, L’épopée de l’énergie nucléaire, EDP Sciences, collection INSTN, Paris, ISBN 2-86883-880-3, 2007, 167 pages. S’il existe de nombreux livres anglo-saxons sur le développement du nucléaire, qui donnent bien évidemment la part belle aux ÉtatsUnis, il manquait vraiment un livre sur l’aventure française. Très illustré, ce livre rempli parfaitement cette fonction. Paul Reuss, Neutron physics, EDP Sciences, collection INSTN, Paris, ISBN 978-27598-0041-4, 2008, 669 pages. Paul Reuss, Du noyau atomique au réacteur nucléaire : la saga de la neutronique, EDP Sciences, Paris, ISBN 978-2-7598-0739-0, 2013, 248 pages. Paul Reuss est un des artisans fondateurs de la neutronique française. Aussi, son avis sur l’Histoire de cette matière est-il essentiel. J. Ricard, Équipement thermique des usines génératrices d’énergie électrique, Dunod, Paris, France, 2e édition, 1953, 658 pages. Plus orienté sur la technologie des chaudières de tranches conventionnelles, mais fort intéressant néanmoins. Le premier chapitre sur les cycles thermodynamiques des différentes chaudières reste d’actualité. Jean Rodier, L’analyse chimique et physico-chimie de l’eau, Dunod, Paris, 1971, 700 pages. On sait à peu près tout de l’eau après avoir lu ce livre. Le dosage du bore dans le chapitre VIII est dans les préoccupations des chimistes sur REP. Étienne Roth, Chimie nucléaire appliquée, Masson, Paris, France, 1968, 629 pages. Étienne Roth, agent du CEA dès octobre 1946, fut un des plus grands spécialistes français de l’eau lourde. Certains chapitres ont un fort intérêt dans le cadre de notre livre comme l’action physico-chimique des radiations sur les liquides, sur les solides. Henri Rousseau L’électricité en France, Presses Universitaires de France, Collection Que sais-je ? n◦ 59, Paris, 1970, 125 pages. Daniel Rozon, Introduction à la cinétique des réacteurs, Éditions de l’École polytechnique de Montréal, Canada, ISBN 2-253-00223-8, 1992, 413 pages. La référence la plus complète sur la cinétique en langue française. Absolument indispensable pour l’accidentologie des réacteurs. Rozon présente en détail la problématique de la fonction de forme qui intervient dans le modèle de cinétique-point, problème relativement

Références

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éludé dans les autres références. Par contre, cette recherche de précision dans les termes multiplie les noms de variables (il faut décrire toutes les amplitudes), ce qui peut rendre la lecture difficile : pas évident de se rappeler que ζ(t) est l’amplitude de la concentration des neutrons retardés. On regrettera aussi l’absence d’index. Jacques Salmon, H. Charpentier, J. Guilloud, B. Lemaire, P Millies, Théorie cinétique des neutrons rapides, INSTN Presses Universitaires de France, Paris, 1961, 333 pages.

G.V. Samsonov (editor), The oxide handbook, IFI/PLENUM, New-York, USA, 1982, 463 pages. Principalement pour notre intérêt l’oxyde d’uranium et de zirconium, et les oxydes des composants de l’acier. J.J. Samueli, J. Pigneret, A. Sarazin, Instrumentation électronique en physique nucléaire, Masson, Paris, France, 1968, 280 pages. Georges Sapy, Introduction à l’ingénierie des installations nucléaires, EDP Sciences, Paris, France, ISBN 978-2-7598-0714-7, 2012, 289 pages. Voilà bien un livre surprenant où l’auteur affirme en préambule « Le parti a été pris de ne pas reproduire ici, surtout quand aucune valeur ajoutée n’est apportée, des données de base certes indispensables à connaître, mais qui sont parfaitement documentées par ailleurs concernant notamment : l’immense domaine des sciences et techniques spécifiquement mises en œuvre dans l’ingénierie des installations nucléaires. . . et les principes de fonctionnement et techniques générales ». Le livre ne parle donc jamais de technologie nucléaire, jamais aucun schéma et une iconographie extrêmement pauvre pour un pareil sujet, d’où une certaine frustration du lecteur que je suis. Les aspects contractuels de l’ingénierie, sans être vraiment spécifiques du nucléaire, sont toutefois détaillés. L’erreur de titre est flagrante ! A.A. Sarkisova (Editrice), pol rossisko nauki v sodanii oteqestvennogo podvodnogo flota(Rôle de la science russe dans la création de la flotte sous-marine nationale), MOCKBA HAYKA, Moscou, Russie, ISBN 978-5-02-036666-4, 2008, 654 pages. Ce livre est un hommage aux physiciens, voire académiciens, et techniciens russes, tous nommés, qui ont travaillé sur les nombreux projets de sous-marins nucléaires ou non. Un superbe cahier couleurs de 56 pages est proposé. La partie sur les moteurs REPs de sous-marins nous intéresse ici plus particulièrement. Indispensable malgré la barrière de la langue ! Jean Sauteron, Les combustibles nucléaires, Hermann, Paris, France, 1965, 530 pages. Étant donné la date de publication de cet excellent ouvrage, l’attention est plutôt portée sur les combustibles UNGG, mais les opérations de cycle du combustible sont bien décrites.

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Serge Scavarda, Les asservissements électropneumatiques de position, Hermès, Paris, France, 1989, ISBN 2-86601-180-5, 62 pages. Largement utilisé pour l’asservissement des vannes de réglage. Christophe Schroeder, Électrotechnique des centrales électriques, Lavoisier Tec et Doc, collection EDF R&D, Paris, ISBN 978-2-7430-2351-5, 2018, 470 pages. N.A. Schultz, Control of nuclear reactors and power plants, 2nd edition, Mc Graw-Hill, USA, ISBN 0-89448-456-71961, 537 pages. Sécurités réacteur, Notice technique sur les centrales nucléaires, Direction de la Production et du Transport, Service de la production thermique, note bleue n◦ 333, 1977, 29 pages + plan. Jack Sharpe, Nuclear radiation detectors, Methuen, London, United Kingdom, 1964, 237 pages. 2nd edition. Ce petit livre en taille est spécialement consacré aux détecteurs: photomultiplicateurs, détecteur à scintillations, chambres d’ionisation. P. N. Shliakhin, Steam turbines, Foreign Languages Publishing House, Moscow, USSR, sans date (circa 1965), 240 pages. Traduit du russe, ce livre très complet détaille théorie et design de turbines. Pas spécifique au nucléaire, on y trouve surtout une description de turbines de centrales conventionnelles. Pekka Silvennoinen, Reactor core fuel management, Pergamon Press, Oxford, United Kingdom, ISBN 0-08-019853-8, 1976, 257 pages. Curieusement, ce livre d’un finlandais parle finalement assez peu de gestion du combustible. Pekka Silvennoinen, Nuclear Fuel Cycle Optimization, Pergamon Press, Oxford, United Kingdom, ISBN 0-08-027310-6, 1982, 126 pages. Nicolas Skrotsky, La planète électricité, Éditions Hologramme, Neuilly, France, ISBN 2-903826-07-2, 1984, 232 pages. Ce livre, richement illustré, offre une vision très complète de l’histoire de l’électricité. Un chapitre porte plus spécifiquement sur le nucléaire. H. Soodak (editor), The reactor handbook, volume 1: Physics, AECD-3645, U.S. Atomic energy commission, 1955, 790 pages. Ce livre de mars 1955 a été la première édition déclassifiée publiée par le service d’information technique de l’USAEC, dans l’esprit d’ouverture de la grande conférence Atoms for Peace de 1955, et tout de suite acheté par la bibliothèque d’EDF à Messine en décembre 1955, par l’intermédiaire de la librairie Lavoisier : une des premières références en nucléaire de la maison. On notera la signature de Adler et Greuling pour la partie cinétique des réacteurs. Le Soodak a été la bible des premiers neutroniciens en France. H. Soodak (editor), The reactor handbook, volume II1: Physics, Interscience Publishers, Library of Congress Card Number 60-11027, 1962, 2nd edition, 313 pages. Il s’agit de la version augmentée de la référence précédente. Michel Soutif, Physique neutronique, Presses Universitaires de France, Paris, 1962. En particulier le chapitre Mesures neutroniques. K.E. Stahlkopf, L.E. Steele, Light water reactor structural integrity, Elsevier, London, Great-Britain, ISBN 0-85334-295-4, 1984, 437 pages. Reprend les papiers d’un séminaire de Monterey sur la question.

Références

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L.E. Steele editor, Status of USA nuclear reactor pressure vessel surveillance for radiation effects, ASTM special publication 784, Philadelphia, USA, Library of Congress Card Number 82-71751, 1983, 277 pages. Ce livre reprend compagnie par compagnie (américaine) les différents programmes de surveillance des cuves. Bien entendu, le programme de surveillance de Westinghouse intéresse plus les Français (p151). Richard Stephenson, Introduction to nuclear engineering, McGraw-Hill, USA, Library of Congress Card Number 53-10623, 1954, 387 pages. Publié à l’époque dans la Chemical Engineering Series, montrant par là que la physique des réacteurs n’avait pas encore atteint un statut à part, ce livre réalise l’exploit de couvrir honnêtement l’ensemble du domaine. On y trouve des dessins éclatés des premiers réacteurs de toute beauté puisque le livre bénéficie des tous premiers éléments déclassifiés par les États-Unis. On y trouve un copieux chapitre sur la radioprotection, montrant que ce problème était déjà au cœur des préoccupations des ingénieurs. Stockage et traitement des effluents, Notice technique sur les centrales nucléaires, Direction de la Production et du Transport, Service de la production Thermique, note bleue n◦ 336, 1977, 58 pages. Système de contrôle volumétrique et chimique, Notice technique sur les centrales nucléaires, Direction de la Production et du Transport, Service de la production thermique, note bleue n◦ 335, 1977, mise à jour en 1978, 72 pages. Ministère du commerce et de l’industrie. Le système métrique décimal, GauthierVillars, Paris, 1930, 256 pages. J’ai l’habitude de dire à mes étudiants que le système métrique est la plus belle invention française. Ce livre présente l’histoire du système métrique depuis sa création par l’Assemblée Constituante en 1790 à l’initiative de Talleyrand. La fin du livre présente de façon critique et amusante les tentatives désespérées de sauvegarde du système britannique par quelques résistants « jusqu’au boutistes ». Complète parfaitement [Jedrzejewski, 2002]. Bruno Tarride, Physique, fonctionnement et sûreté des REP : Maîtrise des situations accidentelles du système réacteur, INSTN/EDP Sciences, ISBN 978-2-7598-0738-3, 2013, 318 pages. Un bon livre pour étudiants, mais peu détaillé pour les professionnels. C.M. Nicholls (Editor), Technology, Engineering and Safety, Pergamon Press, London, United Kingdom, 1964, 622 pages. Très orienté sur la technologie des réacteurs, le chapitre Parametric survey of critical sizes de W.H. Roach, donne de nombreux éléments quantifiés que l’effet des réflecteurs sur la masse critique. Joseph. A. Thie, Power reactor noise, American Nuclear Society, La Grange Park, USA, ISBN 0-89448-025-1, 1981, 208 pages. Réédition de la version de 1963 publiée chez Rowman et Littlefield, Inc, New-York. Un des rares livres spécifiques à ce sujet avec [Uhrig, 1970] et [Williams, 1974].

sous la direction de Jean-Michel Torrenti, Olivier Didry, Jean-Pierre Olivier, Frédéric Plas, La dégradation des bétons, Hermes, Paris, France, ISBN 2-7462-0009-0-0-8, 1999,

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214 pages. Un bon aperçu des problèmes de fissuration et dégradation chimique. On pourra regretter une absence de chapitre sur la caractérisation des bétons dans ce livre qui rentre tout de suite dans le vif du sujet. Plutôt orienté sur les problèmes de béton dans les stockages de déchets. Félix Torres, Véronique Lefebvre, Chooz de A à B : une histoire de la filière à eau pressurisée racontée par Électricité de France, Efil Communication pour EDF, Tours, France, ISBN 2-9505872-0-8, 1996, 253 pages. En voulant faire un jeu de mot sur le fait que la filière REP a commencé en France avec Chooz A et continuait à la parution du livre avec Chooz B, les auteurs ont trop marqué le livre. Anecdote, le livre était distribué au SEPTEN. . . aux anciens de Chooz ! En fait le livre retrace toute l’histoire d’amour entre EDF et la filière REP. Transfert des connaissances 609, Accidents par perte de réfrigérant primaire (APRP), Groupement des moyens pédagogiques, EDF, 1985, texte : 114 pages, et 64 figures. Ce document de référence est une bible sur le sujet. Tong L.S., Principles of design improvement for light water reactors Hemisphere Publishing Corporation, New-York, USA, ISBN 0-89116-416-2, 1988, 393 pages. Le chapitre 4 se concentre sur le PWR. Tong L.S., Joel Weisman, Thermal analysis of pressurized water reactors, American Nuclear Society, La Grange Park, Illinois, USA, ISBN 0-89448-038-3, 1996, 748 pages. Le premier chapitre : Power generation parle plus de technologie. Les chapitres Fuel elements et Heat transfer sont excellents. F. Torices, Adrien Curchod, Schémas et règles pratiques de bobinage des machines électriques, Dunod, Paris, France, 1927, 164 pages. Les turbines à vapeur, Notice technique sur les centrales thermiques, fascicule n◦ 13, EDF, 1968, 130 pages, et 64 figures. F.J. Van Antwerpen (Editor), Nuclear engineering – Part 1I, Chemical Engineering Progress Symposium Series n◦ 12 Vol. 50, édité par American Institute of Chemical Engineers, New-York, USA, 1954, 259 pages. Ce symposium s’est tenu à Ann Arbor (Michigan) en juin 1954, avant la grande conférence Atoms for Peace de 1955. Déjà un signe d’ouverture. On y trouve des présentations de nombreux pays (sauf l’URSS), dont un papier (1 page !) de Goldschmidt et Perrin sur la pile EL2 de Saclay (page 243). Heureusement, les Américains sont plus loquaces. Christian Vargel, Le comportement de l’aluminium et de ses alliages, Dunod, Paris, ISBN 2-04-010078-4, 1979, 267 pages. Maria Vasilieva, Soleils rouges : l’ambition nucléaire soviétique, Éditions Rive Droite et Institut d’Histoire de l’Industrie, Paris, France, ISBN 2-84152-071-4, 1999, 594 pages. Il s’agit d’une thèse d’histoire de l’industrie très détaillée, qui présente l’intérêt d’avoir accédé à des sources en langue russe, sur un sujet peu documenté. A. Villachon, E. Josso, Les alliages fer-nickel et fer-nickel-chrome à propriétés physiques particulières dans la vie moderne, Centre d’information du nickel, Paris, ISBN 2-84152-071-4, 1959, 594 pages. Richement illustré. Miles Walker, Machines dynamo-électriques, Librairie Polytechnique Charles Béranger, 1922, 686 pages.

Références

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Graham B. Wallis, One-dimensional two-phase flow, McGraw-Hill, USA, Library of Congress card number 75-75170, 1969, 408 pages. Un complément très complet des chapitres sur le primaire et le secondaire. Lynn E. Weaver, System analysis of nuclear reactor dynamics, Rowman and Littlefield, New-York, USA, 1963. 285 pages. Ce livre développe l’effet des contre-réactions en cinétique selon l’approche par fonctions de transfert (diagramme de Nyquist, impédance d’un système. . . ) nécessitant des connaissances en contrôle optimal. Le premier chapitre porte d’ailleurs sur les transformations dans le plan complexe et le deuxième chapitre utilise des analogies électriques. Ce n’est qu’au troisième chapitre qu’on aborde la cinétique neutronique. Lynn E. Weaver (coordinator), Reactor kinetics and control, Proceedings of a symposium at the University of Arizona, march 1963. Division of technical information extension, Oak Ridge, Tennessee, USA, 1964. Ce recueil comporte de nombreux articles (dont Uhrig, Albrecht, Zivi et Wright. . . ) sur le bruit neutronique. Lynn E. Weaver, Reactor dynamics and control, Elsevier, New-York, USA, 1968. Très orienté sur le contrôle optimal dont Weaver est un spécialiste. Alvin M. Weinberg, Eugene P. Wigner, The physical theory of neutron chain reactors, Chicago Press, Library of Congress 58-8507, 1958. Cet ouvrage est un monument qui fait partie de l’histoire de la physique des réacteurs. Ce livre a été publié à l’occasion de la deuxième conférence internationale de Genève : Atoms for peace. qui déclassifia les premières informations sur le nucléaire. Joel Weisman, Elements of nuclear reactor design, Elsevier/North Holland, ISBN 0-444-41509-2, 1977, 466 pages. Le livre comporte des chapitres de dimensionnement où sont abordés les problèmes de thermohydraulique et de thermique. La section E se rapporte aux problèmes de sûreté et le chapitre 14 est consacré aux accidents de réactivité avec une description suffisante des modèles de Nordheim-Fuchs et Bethe-Tait. Theodore Wildi, Units, Volta, Canada, 1972, 132 pages. Comprend des graphiques très didactiques de transformation des unités en système BTU dont le livre présente un historique. R.H.S. Winterton, Thermal design pf nuclear reactors, Pergamon Press, Oxford, United Kingdom, ISBN 0-08-024215-4, 1981, 192 pages. Ce petit livre sans prétention cible un sujet large pour à peine 192 pages. Plutôt un livre d’étudiant. En particulier pour notre sujet, le chapitre 9 : Steam cycle. P.F. Zweifel, Reactor physics, McGraw-Hill, ISBN 0-07-0735972, USA, 1973. Zweifel (University Distinguished Professor of Physics and Nuclear Engineering Emeritus à Virginia Tech) est un spécialiste très réputé de la théorie du transport.

Index A 16MND5, 484 acier, 287, 447, 450 AAR, 617 Arrêt Automatique Réacteur, 801, 342, 343, 614, 616, 924, 1043 sur pression, 387 Abelson Philip, 18 ABP, 703 accéléromètre à seuil turbine, 803 accumulateur, 747, 891, 1049 accumulateurs RIS, 198 ACEC, 138 acide borique, 284, 302, 324, 565, 573 borication, 861 dépôt, 522 acide nitrique, 305 acier austénitique, 320, 404, 412, 476, 487 acier austéno-ferritique, 315 acier ferritique, 401, 403, 447, 484, 506, 522 acier inoxydable, 594 GV, 410 acier inoxydable austénitique, 347 acier martensitique, 449, 581 aciers austeno-ferritiques, 286 aciers martensitiques, 286 activité de l’eau, 316 activité du primaire, 305 adaptateur de couvercle, 498 adaptateurs de couvercle de cuve, 459 adaptateurs de couvercle, 591 ADG bâche, 805 AEC Atomic Energy Commission, 51 Aéroball, 644, 650 aéroballs, 142, 176, 182, 519

aéroréfrigérant, 828 aérothermes bâche PTR, 944 AFA, 542 AFA 3G, 542 Afrikantov Igor, 34 Agesta réacteur, 730 AHP, 703 AIC, 573, 593 Argent-Indium-Cadmium, 141 AIEA, 51 ailettes turbine, 705 air comprimé EAS, 939 robinet, 749 SAP, 965 soupape, 916 Akamatsu Marielle, 524 alarmes, 280 Alexandrov Anatoli, 30, 34, 107 allongement de campagne, 684 Almaraz, 618 Alsthom, 989, 1030 Alsthom Atlantique, 744 Alsthom-Atlantique, 989, 993, 994 Alstom, 161, 990, 1030 alternateur, 1024, 1033 alumine, 185, 317, 354, 547, 629, 646 aluminium, 302, 552 AMAN TAG, 1037 ambitubulaire chaudière, 7 américiation, 165 ammoniac, 304, 700, 729, 764, 786 ammoniaque, 700, 729, 813 AMPAS, 600

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ampoule CFM, 628 ANDRA, 945 Andra, 149 anneau de calage, 487, 506 anti-dévirage dispositif de pompe, 316 antimoine, 287, 624 Antimoine–Béryllium source, 620 APE Approche Par État, 391, 678 Approche Par Etat, 1048 APG, 699, 722, 958, 1012 purges des GVs, 1013 APP, 905 approche d’un aéroréfrigérant, 832 appuis antisismiques, 236 APRP, 92, 109, 200, 210, 226, 230, 887 Accident de Perte de Réfrigérant Primaire, 341, 820 ARABELLE, 121, 161, 990 Arabelle turbine, 194 Aragou Maurice, 150 araignée, 581 de grappe, 498, 575 GV, 421, 879 ARE, 399, 691, 703, 711, 770, 771, 787, 923 Alimentation Normale de l’Eau du GV, 718 définition, 920 Areva, 176, 552 argent, 593 Arkansas One, 211, 214 Arktika, 38 Armand-Masséna corrélation de, 725 armoire des soupapes, 916 armoires de pilotage soupape, 369 ARPEGE, 688 Arrêt Automatique Réacteur AAR, 590 arrêt chimique, 868 Arrêté du 26 février 1974, 283, 286 Arrhénius loi, 414, 476, 811 ASG, 180, 415, 711, 712, 770, 905

Alimentation de Secours des Générateurs de vapeur, 921 bâche, 805, 919 aspersion, 353 pressuriseur, 376 RDP, 360 aspersion du pressuriseur, 311 assemblage combustible, 554 assemblages combustibles, 532 astate, 287 ATWS Anticipated Transient Without Scram, 617 aubage de turbine, 992 AUC Ammonium Uranyle Carbonate, 166 Aullo Miguel, 564 austénitique, 124 austeno-ferritique acier, 286 auxiliaires de production, 986 auxiliaires de tranche, 1036 auxiliaires nucléaires, 986 auxiliaires permanents, 986, 1036 auxiliaires secourus, 986, 1037 axial-offset, 594, 667 Ayyaswamy P. S., 940 azote, 307, 361, 722, 731, 864, 1027 aéroball, 650 accumulateur, 891 bâche ASG, 926, 929 RPE, 903 TEP, 948 vérin, 912 VVP, 905 azote 16, 733, 903, 953 AZUR réacteur piscine, 42

B Babcock George H., 4 Babcock et Wilcox, 4, 7, 24, 64, 65, 135, 443, 486 GV, 392, 399

Index bâche ASG, 923 PTR, 536 bâche alimentaire, 691, 1010 bâche ASG, 926, 929, 930 bâche ASG spécifications, 928 bâche dégazante poste d’eau, 795 bâche PTR, 941 bâche TPA, 795 bâche-tampon TEG, 957 Bacot Jean, 432 baffle, 510 baffle lourd, 181 bague thermique de pompe primaire, 332 bainitique, 287 ballon RCV, 847 BAN, 277, 889 Bâtiment des Auxiliaires Nucléaires, 187, 188, 204 bandages turbine, 994 Bankoff paramètre de, 725 barbotage RDP, 361 Barbrault Patrick, 173 Barco, 280 barillet vapeur, 693, 905 barillet-vapeur, 705, 714, 739 barre grise, 594 barre hybride, 594 barres anti-vibratoires GV, 410 barres de contrôle, 573 barres grises, 573 barres noires, 573 barrière thermique, 320 de pompe primaire, 325 baryum, 306 BAS Bâtiment des Auxiliaires de Sauvegarde, 192, 209 bascule branche froide/branche chaude, 289 basculeur d’assemblage, 272

1119 batardeau, 263 bâtiment administratif, 188 bâtiment combustible, 250 Bâtiment Turbine, 989 batterie froide, 961, 962 DEG, 965 Bauman loi de, 1015 BCOT Base Chaude opérationnelle de Tricastin, 459 Beaver Valley, 837 BelgoNucléaire, 164 Belleville, 241, 592 enceinte, 234 ressort, 57 rondelle, 915 Bensussan Henri, 42 benzène divinyle, 855 béquille articulée, 313 béquilles de GV, 395 Berendorf, 6 Bernouilli théorème de, 832 Bernoulli théorème de, 330, 335 béryllium, 625 Berzelius Jöns Jacob, 541, 549 béton armé, 188 Beznau, 482, 562, 730 BHP béton, 234 Bienvenu Claude, 134 bigornage, 445 BIL-KIT, 157 BIL100, 300, 679 bilan enthalpique, 300 billes aeroball, 650 bipasse cœur, 508 bisulfure de molybdène, 746 BK Bâtiment Combustible, 187, 188, 206 Bâtiment Combustible (définition), 250 piscine, 535 BL

1120 Bâtiment des Locaux Electriques, 188 Bâtiment électrique, 209 Bâtiment Electrique, 188 Blayais, 820, 442 incident de 1999, 837 Bloc URA, 1042 bloomage, 445 bloqueurs hydrauliques GV, 396 boîte à eau GV, 289, 307, 403, 409 bobinage, 1024 bobine de levée, 579 bobine de maintien, 579 bobine de transfert, 579 bobines RGL, 586 Bodinier Robert, 908 Böhler, 630 Bohunice, 119 boite à eau GV, 400, 401 Bopp et Reuther, 915 soupape, 916 Bopp-Reuther, 915 bore, 552 borosilicate, 566 bossette de grille, 558 bouchon d’irradiation, 525 bouchon supérieur combustible, 570 bouchon-opercule tube GV, 417 boucles, 283 bouclier, 85 boues GV, 730 Bournay Pierre, 267 boustrophédon, 263 BR Bâtiment Réacteur, 188, 203, 283 Bâtiment Réacteur (définition), 195 BR-3, 562 BR3, 82, 166 Branche en U, 288 branche intermédiaire, 288 branches chaudes, 289 branches froides, 288 brassage

La technologie des réacteurs à eau pressurisée enceinte, 963 Brennilis, 194, 216 bretelle RCV, 858 bretelle RCV-RRA, 862 bretelle RRA-RCV, 857 broche de plaque supérieure de cœur, 503 broche de tube-guide, 499 broches d’alignement, 488 BTE Bâtiment de Traitement des Effluents, 209 panneau, 968 Bugey, 5, 241, 400, 479, 526, 819 aéroréfrigérant, 835 incident de PTB-RRA de 1994, 882 SEB, 820 bulle de vapeur pressuriseur, 354 bulle du pressuriseur, 864 buse d’aspersion de l’EAS, 933 buses BR et BK, 942 butée, 293, 321 d’arbre de turbine, 1002 de GV, 395 butées anti-débattement, 294 by-pass cœur, 508

C cémentite, 287 césium, 306 TEP, 951 Césium 137, 863 câble de précontrainte, 221 câbles de précontrainte, 217, 241 CA(OH)2 , 826 Cabanius Jean, 131 CABRI, 171 CaCO3 , 823 cadmium, 305, 593 caléfaction, 414, 545 calcium, 302 dans l’eau, 826 calibrage aéroball, 654 calibrage des GCPs courbe de, 603

Index californium, 620 Calloway, 102 Calo Spéranza, 221 caloporteur, 284, 345 calorifugage VVP, 905 calorifuge chauffant, 862 puisard, 934 Calvert Cliffs 2, 359 Campenon Pierre Marie Edme, 221 Campenon-Bernard, 221 cannes chauffantes, 353, 354 Canopy joint, 577, 580 CAP, 46 Chaudière Avancée Prototype, 43 circuit, 758 capillaire de niveau cuve, 627 capsules de surveillance cuve, 522 CAR, 967 caractéristique de pompe, 318 caramel combustible, 47 carbonate de calcium, 823 carbonates, 814 carbone, 447 carbure de bore, 594 carbure de chrome, 328 Carle Jean-Jacques, 173 Carnot cycle de, 1008 Sadi, 827, 1008 carquois, 264 carré d’as, 287 carte de flux, 635 carte de guidage, 498 carter de grappe, 474, 579 cartouche de bore, 890 cartouche RIB, 859, 895 casematage, 294 casse-vide bâche ASG, 929 Cattenom, 241, 646 aéroréfrigérant, 830 Cauquelin

1121 Claude, 393 cavitation, 310, 333, 334 pompes ASG, 924 pompes RRA, 879 robinet, 751 CBL10 chambre externe de puissance, 665 CBL15 chambre externe de puissance, 665 CBL60 chambre externe de puissance, 666 CC80 chambre Merlin-Gérin, 662 CCT, 967 CDU Critère de Défaillance Unique, 617, 686, 895, 911 CEA, 130, 136 CEM, 989 CERCA, 92, 142, 538 cermet, 623 CET, 905 CEX Condenseur, 693 CFG, 967 CFI, 819 filtration fine, 818 CFM, 182 Cambre à Fission Mobile, 628 CFR, 967 réfrigération du condenseur, 819 CGE, 131, 135, 150, 989 château d’eau aéroréfrigérant, 833 de l’aéroréfrogérant, 830 château de transport, 250 chambre à fission mobile, 517 chambre collimatée, 667 chambres à dépôt de bore, 659 chambres externes, 661 Chantelou Dominique, 173 Chareyron J.P., 998 charge, 706 GV, 402 RCV définition, 847 chariot de transfert, 257 Charpy, 527 chaudière historique, 4 chaufferettes, 353, 357

1122

La technologie des réacteurs à eau pressurisée

pressuriseur, 347, 350, 354 proportionnelles, 378 chaufferettes proportionnelles pressuriseur, 357 chaux, 241, 826 cheminée BAN, 962, 963 Chevalier Jacques Etienne, 41 chevauchement, 603 Chinon, 830 aéroréfrigérant, 832, 834 Chinon A1, 1026 chloration, 819, 823 chlore, 678 chlorure, 729 chlorure de sodium, 826 chlorures, 302, 412 Chooz, 342 CHOOZ A, 164, 889 Chooz A, 216, 297, 411, 515, 522, 542, 562, 892 Chooz A alternateur, 1026 Christy Bob, 14 chrome, 268, 286, 581, 814 soupape, 916 Chromel-Alumel, 677 chute de la grappe, 589 circuit primaire, 283 circuit secondaire, 691 circulaire du 5 août 1977, 283 Citra, 537 citrique acide, 731 Civaux incident de pressuriseur, 391 clapet anti-retour, 921 clapets anti-retour, 746 clarinettes de soupapes GV, 914 clavettes M, 489 clavettes M , 508 Clergue Philippe, 542 cliquets de maintien de grappe, 579 cloisonnement, 263, 491, 508, 510 du cœur, 456 CNI (Chaîne Nucléaire Intermédiaire), 661 CNP (Chaîne Nucléaire de Puissance), 661

CNS (Chaîne Nucléaire Source), 661 coagulation, 965 cobalt, 58, 60, 268, 305, 307, 630, 746 coolectron, 648 point chaud, 268 coefficient de frottement diphasique, 407 coefficient de température modérateur, 566, 682 coeur actif, 537 coffret pilote soupape, 371 COGEMA, 541 Coignet, 829, 840 col-de-cygne soupape, 366, 369 collectron, 645 collectrons, 176, 182, 519 collet de butée de turbine, 1002 colonies de fourmis, 689 colonne cationique, 863 colonnes d’instrumentation, 633, 637 colonnes de thermocouples, 496 colonnes entretoises, 496 Combustion Engineering, 525, 528 commutateur de borication, 862 compromis primaire-secondaire, 710 Compton effet, 648 condenseur, 691, 695, 729, 757, 819, 920 fonction, 757 vannes de décharge, 299 VVP, 905 réfrigération, 819 condenseur à glace, 933 condenseurs à glace BR, 215 conditionnement chimique secondaire, 696 conditionnement volatil, 813 conductivité de l’eau du secondaire, 814 conductivité cationique, 722 secondaire, 699 Connecticut Yankee, 730 CONOSEAL joint, 463 consommation spécifique de chaleur, 772, 1012 contournement secondaire, 776 contournement turbine, 796

1123

Index description, 773 contrôle commande, 965 contrôle-commande, 736 CONVG3, 603 Cook, 482 coque aéroréfrigérant, 828 coquille de basculement GV, 432 Coriou effet, 404, 413, 479, 699, 729 Henri, 413, 729 corium, 184, 213, 238, 240 cornières de cloisonnement, 510 corps de turbine, 994 corps d’échange aéroréfrigérant, 829 corrosion, 305, 315 GV, 398, 404, 412, 696, 814 thermocouples, 678 corrosion électrochimique, 305 corrosion électrolytique, 826 corrosion chimique secondaire, 814 corrosion sous contrainte, 413, 500, 551, 729 pressuriseur, 358 robinet, 746 corrosion sous tension, 729 corrosion-érosion, 746 coup de bélier ARE, 921 Courant nombre de, 535 courants de Foucault, 423 couvercle de cuve, 445, 487 Coyne et Bellier, 223 CP0, 136 CP1 Contrat Programme 1, 191 CP2 Contrat Programme 2, 191 CPP Circuit Primaire Principal, 440 CPY définition, 191 crayon factice, 266 crayons combustibles, 545 Creusot-Loire, 539, 989

CRF, 819 Condenseur RéFrigération, 759 Criss soupape, 916 Criss-Crosby soupape, 744 cristallisation du bore, 889 Crosby soupape, 366 cross-compound turbine, 993 CRUAS perte du vide condenseur, 770 Cruas, 369 plot antisismique, 236 CTA, 827 cuivre, 286, 304, 305, 814 GV, 731 Curtius Julius Theodor, 729 Theodor, 870 cuve, 287 du réacteur, 449 CVF pompes, 819 CVI, 758, 761, 905 CYCLADES, 251 cyclone, 704 cyclones GV, 399, 402 cœur propre, 568

D DAB, 296, 318 Dispositif Auto-Bloquant, 906 DAC, 241 Décret d’Autorisation de Création, 241 DAD Dispositif Anti-Débattement, 295 DAF Dispositif Anti-Fouettement, 908 Dague Gilles, 393 dalle anti-missile, 620 DAM Dudgeonnage Amélioé Mécanique, 410 DAMAC, 619 Dampierre, 388, 417, 428, 614, 828, 1048 fuite RIS, 898

1124 dashpot, 296 de grappe, 592 grappe, 589 dashpot grappe, 605, 616, 618 Daya-Bay, 614 DCNS, 79 débit de dose pressuriseur, 392 débit hydraulique de conception, 342 débit mécanique de conception, 342 de Boer J.H., 550 déboratation, 863 déborication, 863 décalibrage, 603 décantation SDP, 965 décarbonatation, 965 déchargement, 536 décharge RCV définition, 847 décret du 9 octobre 1907, 364 déformation des assemblages, 618 de Gaulle Général, 130 DEG, 965 dégazeur, 691, 795, 924 TEP, 951, 952 degré français, 826 dégrilleur, 818, 819 DEL, 902 Delouvrier Paul, 133 demi-échangeur RRI, 902 demi-pas, 606 demi-plongeur, 617 déminéralisée eau primaire, 284 déminéralisation, 964 déminéraliseur Shippingport, 56 TEP, 951 déminéraliseurs RCV, 855 Denizou J.P., 266 denoyage, 1049 denting, 730 CEX, 925 DVG, 928

La technologie des réacteurs à eau pressurisée dépression dynamique, 333 déséquilibre radial de puissance, 678 Deprez Marcel, 979 descendeur, 262, 263 Desfontaines-Leromain G., 177 Dessel, 540 diabolo effet, 546 diaphragme, 268, 301 débit ARE, 717 RCV, 858 diesel, 1045 Dietsch Georges, 134 différentiel d’index, 667 diffuseur, 315 d’éjecteur, 766 dilatation de l’eau, 297 dilatation thermique, 292 dilution mode B, 860 directrice de turbine, 992 dispositif anti-éjection, 480 dispositifs anti-fouettement VVP, 800 disque de rupture, 363 Dittus-Boelter corrélation, 781 corrélation de, 724 DNBR Departure from Nucleate Boiling Ratio, 300 DODEWAARD, 166 Doel, 618 doigt de gant, 182, 591 CFM, 629 CGM, 633 pressuriseur, 358, 383 RDP, 364 sonde de température, 298 doigt de gant rétractable fond de cuve, 517 Dollejal Nikolaï, 30 dôme de cuve, 469 du BR, 188 dôme froid, 470 Donald C. Cook centrale de, 1022

Index double-enceinte, 963 down-comer, 4 down-comer GV, 393, 399, 401, 410, 703, 708 downflow configuration de by-pass, 509 DSR Défaut Sous Revêtement, 453 Ducluzaux André, 980 ductile, 522 dudgeonnage, 409, 417, 730 condenseur, 760 Dumont Louis, 980 DUS Diésel d’Ultime Secours, 1047 Dieésel d’Ultime Secours, 1037 DUS Diesel d’Ultime Secours, 1034 DVH, 902, 963 DVK, 963 DVN, 229, 763, 961, 963 DVS, 938, 963 DVW, 963 dynamomètres, 242

E EAS, 215, 699, 820 Circuit d’Aspersion de l’Enceinte, 933 eau agressive, 826 eau alimentaire, 920 GV, 399 eau claire, 861 eau déminéralisée, 302, 697, 824 RDP, 361 RRI, 900 eau de Javel, 826 eau du primaire, 301 eau incrustante, 826 EBA, 229, 961 Balayage de l’enceinte, 962 ébonite condenseur, 826 EBR-1, 15 EBR-2, 15 ébulliomètre, 281, 530, 677 ébullioscopie, 728 ébullition nucléée, 554 échangeur

1125 EAS, 933 échangeur non régénérateur RCP/RRI, 277 échangeur-régénérateur RCV, 855, 858, 866 échangeur-regénérateur RCV, 849 échangeurs RRA, 878 échantillonage nucléaire, 903 économiseur GV, 393, 399, 702 économiseur axial GV, 410, 417 ECP1, 1049 APE, 1048 ECPR2 aPE, 883 écran thermique, 513 EDE, 223, 230, 963 EDF, 169 Edison Thomas, 979 EDL, 967 Edwards A.R., 210 effet, 647 effet cheminée, 818 effet Coriou, 413 efficacité des échangeurs, 792 effluents liquides, 847 Eisenhower Dwight, 21 Eisenhower Dwight, 22, 51 éjecteur, 763 de soude, 936 EAS, 933 éjecteur à vapeur, 767 éjecteur à vapeur de recompression, 763 éjecteurs d’air VVP, 905 EL4, 194, 216 élastomères antisismique, 236 électrolytique, 826 élévateur transformateur, 984 embout inférieur combustible, 542, 554 embout inférieur combustible, 558

1126 embout supérieur, 559 combustible, 554 enceinte double-paroi, 218, 223 enceinte en béton BR, 195 enceinte simple-paroi, 218 ensemble de recompression condenseur, 764 entartrage, 823 entrée d’eau brute, 786 enveloppe du cœur, 456 enveloppe du GV, 401 envol hydraulique, 494 EOLE, 166 epikote, 216 éponge de zirconium, 550 épreuve hydraulique, 286 GV, 409 éprouvettes, 527 epoxy résine, 216 EPR, 302, 519 aéroballs, 644 combustible, 555 European Pressurised Reactor, 176 GV, 396 instrumentation, 650 pressuriseur, 348 EPR mode T, 607 EPS Étude Probabiliste de Sûreté, 485 Erhard Patrick, 678 érosion, 811 turbine, 1015 érosion mécanique secondaire, 811 espace annulaire, 196 enceinte, 223 ESS Evènement Significatif de Sûreté, 592 étain, 287, 541, 542, 614 étanchéité des pompes primaires, 324 Etherington Harold, 15 ETY, 226, 963 eutectique, 19 Evans

La technologie des réacteurs à eau pressurisée effet, 305 évaporateur, 693 TEP, 951, 953 EVC, 198, 229, 962 EVF, 229, 960 Ventilation, 961 EVR, 198, 229 ex-pyrex, 566 excitatrice, 1030 exergétique rendement, 1010 extensomètre, 242 extrados, 333

F facteur correctif, 603 facteur d’usage, 388 facteur de point chaud Fxy , 682 faible fluence, 688 gestion, 525 faïençage thermique, 332 RRA, 883 faisceau tubulaire GV, 398 fan coolers, 215 FAR Force d’Action Rapide, 1049 Farley-Tihange risque, 898 Farmer courbe de, 983 FARO, 238 fatigue thermique, 898 FBA Fonction de Borication Automatique, 859, 896 FBFC, 539 fer secondaire, 812 fer 59, 268 ferrite, 286 Fessenheim, 132, 152, 277, 301, 319, 413, 419, 440, 500, 526, 542, 718, 746, 809, 819, 820 enceinte, 217 pompe à vide, 768 Fessenheim 101, 566 SEB, 820 vanne vapeur, 746

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Index feuille de trèfle condenseur, 764 file commune RR1, 902 filtration primaire, 862 filtration de l’iode EVF, 961 filtre à sable, 240 filtres à iode BK, 942 FIR Fissile Inventory Ratio, 61 Fischer soupape RRA, 754 Flamanville, 176 incident de pressuriseur, 392 flashing, 470, 933 Flexblue, 79 flexidisc, 916 floculation, 965 fluence, 528 fluence neutronique, 522 fluorures, 302 flux critique, 545 Fonction de Borication Automatique, 896 fond de cuve, 445 forces d’envol, 148 formation de la bulle, 864 pressuriseur, 354 Foucault courant de, 422 courants de, 417, 424, 479, 480, 614, 730 fourreau enceinte, 220 fraction de neutrons retardés, 802 fractionnement du cœur, 680 fractionnement du cœur, 680 FRAGEMA, 264 Fragema, 136, 541 fragile, 522 fragilisation sous irradiation, 525 Framatome, 131, 134, 138, 150, 173, 537 fretting, 306, 570, 572 FREYSSINET procédé, 217 Freyssinet, 221 Eugène, 221 Fritsch Th, 998 Frund

Jean-Michel, 524 Fukushima, 820 fût du BR, 188, 196

G G1 Marcoule, 1026 G3 courbe de calibration, 603 générateur de vapeur fonction, 392 secondaire, 702 générateurs de vapeur fonctionnement, 397 gadolinium, 78, 552, 567 oxyde de, 687 Gagneraud, 272 société, 149 gamme étroite, 716 GV, 924 pressuriseur, 380 gamme large, 716 pressuriseur, 380 gap pastille-gaine, 568 GARANCE, 682, 687 garde d’eau réchauffeurs, 793 GARIGLIANO, 166 Garigliano, 165 Gaspard Roger, 130 gavé ouvert primaire, 918 gaz carbonique EL4, 216 gazole diesel, 1045 GCP Groupe de Compensation de Puissance, 737 GCT, 800, 905 Groupe Contournement Turbine, 757 GCTa, 693, 720, 746, 800, 905, 918, 1049 GDR, 967 GDS, 180 GEM joint de trou d’homme, 409 GEMMES, 251, 646

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Gempp André, 40, 42 General Electric, 15 gestion du cœur, 680 Ginna, 526 Gironde, 820 gluconique acide, 731 GMPP, 311 Groupe Moto-Pompes Primaires, 286, 288 Golfech, 646 gonflement du GV, 713 GV, 415 Gosselin Pierre, 138 goujon de couvercle de cuve, 463 de pressuriseur, 353 goujons de cuve, 449, 459 de pompe primaire, 324, 328 trou d’homme GV, 409 GPV, 905 GRADEL, 272 Grand Carénage, 432 graphite, 185, 317 joint, 409 grappe bouchon, 596, 625 grappe courte, 608 grappe partielle, 477 grappin de manutention, 559 grattons, 267 Gravelines, 373, 614 incident de pressuriseur, 391 station de pompage, 826 GRAYLOC joint, 463 grille d’assemblage, 554 grille anti-débris, 268, 542, 568 puisard, 934 grilles de mélange, 556 Grin M., 646 grise barre, 594 groupe électrogène, 986 groupe H mode T de l’EPR, 607

groupe P mode T de l’EPR, 607 groupe référent EPR, 607 Groupes Sécheurs-Surchauffeurs, 739 GSIEN Groupement de Scientifiques pour l’Information sur l’Énergie Nucléaire, 481 GSP, 967 GSS Groupes Sécheurs-Surchauffeurs, 739 GSY, 1048 GTA Groupe Turbo-Alternateur, 989 guidage continu, 498 guidage discontinu, 498 guide de grappe, 579 Guillaumat Pierre, 130 Guillaume Charles Edouard, 242 Guironnet Louis, 267 Gunn Ross, 18 GUS Groupe d’Ultime Secours, 1047

H H3, 329 perte totale des sources électriques, 1049 procédure, 918 hafnium, 15, 19, 46, 58, 72, 526, 552 collectron, 648 Tricastin, 688 Halban hans, 14 Halden, 171 halogènes rejet, 956 Hamon aéroréfrigérant, 833 Hanford, 61 Hannothiaux André, 138 haut flux protection, 627 hauteur active, 537

1129

Index hauteur d’aspiration, 331 hauteur de refoulement, 331 hauteur manométrique, 332 hélium, 94, 547, 614 condenseur, 786 hématite, 305 Hercofloc 900, 965 Heuze A., 459 hexafluorure d’uranium, 18 Hilborn J.W., 645 Hirn cycle de, 1010 Gustave-Adolphe, 1010 Hispano-Suiza TAG, 1037 Horowitz Jules, 130 Houston Tony, 908 HTB poste, 981 Huang Lin Jie, 940 Huguet Fr;, 522 huile, 316, 321, 323 de tréfilage, 678 diesel, 1045 palier turbine, 995 pompe primaire, 341 hydrazine, 729, 866, 870 composition, 870 primaire, 304 secondaire, 813 hydrogénation primaire, 866 hydrogène, 301, 304, 369, 546, 729, 1027 enceinte, 963 primaire, 849, 854, 862 recombineur, 102 robinet, 748 hydroxyde de calcium, 826 hydroxyde de fer, 301 hydruration, 305 hygrométrie, 832 hystérésis de soupape, 917 soupape, 372

I ICLAREC, 272 îlotage, 342, 343, 800, 930, 1033, 1037, 1038, 1043 condenseur, 776 définition, 802 régulateur turbine, 737 régulation, 801 impulsion tuyauterie, 369, 371 Incoloy 800, 411 incondensable condenseur, 760 Inconel, 145, 320, 400, 404, 409, 448, 537, 546, 646 Inconel 153, 358, 398, 412, 459, 482, 600, 699, 729, 813 Inconel 194, 398, 412, 414, 480, 522, 690, 730 pressuriseur, 358 Inconel 718, 558 Inconel 800, 412 Inconel X 750, 499 Indatom, 135 Indian point, 64 indice de cavitation, 339 INDIRA boucle d’essai, 368, 369 indium, 593 INEL Idaho National Engineering Laboratory, 23 INES, 237 intercalibration des CFMs, 630 interface homme-machine, 280 internes de cuve, 486 internes supérieurs, 676 intrados, 333 Invar, 242 iode, 306, 963 EAS, 935 iode-131, 962 Ioffé Abraham, 107 IPG Interaction Pastille-Gaine, 172 IRWST, 180 ISBP, 887 Injection de Sécurité Basse Pression, 889

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ISHP Injection de Sécurité Haute Pression, 887 ISMP Injection de Sécurité Moyenne Pression, 889 isolement sûr, 283 Israël Matthieu, 165

J jambe chaude, 725 jambe froide, 725 jet de baffle, 512 JETS décontamination, 277 jets de baffle, 148, 510 Jeumont, 537, 618 Jeumont-Schneider, 313, 589 Johnson Lyndon B., 64 joint labyrinthe, 859 joint n ◦ 1, 864 pompe primaire, 317, 327, 328, 341, 342 joint n◦ 2 pompe primaire, 327 joint n◦ 3 pompe primaire, 327 joints hydrodynamiques, 330 Joliot-Curie frédéric, 14, 131 Joule effet, 1027 journal de bord, 679 JPI circuit d’incendie, 341 JPP incendie, 819 jumelles tranches, 191 jupe de pressuriseur, 348

K K-3, 21, 30 K − 27, 31 Kaefer Wanner, 357, 905

Kahl, 562 Kaiseraugst, 135 Kalmann filtre de, 649 Kanichrome, 916 Karnik Vit, 221 KDO, 966 KER, 948 Kerotest, 748 Khariton Iouli, 107 KIC, 391, 606, 965 Kinney pompe, 768 KIR, 637 KIT, 677, 966 calculateur, 679 calculateur de tranche, 157 KKC, 968 Klaproth Martin Heinrich, 541, 548 KME, 966 Koeberg, 236 Konvoi, 657 Konvoy, 142 Kourchatov Igor, 107 Kowarski Lew, 14 KROTOS, 238 KRT, 966 krypton, 306, 568, 954 KWU, 266, 412, 424

L La Hague, 187, 250, 536 labyrinthes turbine, 1001 lait de chaux SDP, 965 laiton condenseur, 695, 777 lance aéroball, 654 lanthane, 306 LDP Ligne de Décharge du Pressuriseur, 359

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Index Lebeau P.E., 388 Leblanc Maurice, 768 Lemaire E., 487 Lénine, 32 LEP Ligne d’Expansion du Pressurieur, 391 Ligne d’Expansion du Pressuriseur, 298, 347, 387, 440, 442 Ligne d’Expansion Pressuriseur, 354, 383 Leroux et Gatinois chaudière, 5 Leroy G., 266 LGA-LGD, 1036 LGB-LGC, 1037 LHA ASG, 926 LHA-LHB, 1037 LHB ASG, 926 LHP, 1043 LHQ, 1043 LHT, 1047 ligne d’expansion du pressuriseur, 347 Lilienthal David, 63 limiteur de débit, 406 GV, 693, 905 liner, 102, 112 liner, 124, 159 BR, 220 lingot, 445 Lissajous courbe de, 428 lithine, 302, 729, 862, 863, 869 composition, 862 lithium, 301, 303 lits mélangés, 863 Lnat Longueur naturelle de campagne, 863 LNC, 684 Longueur Naturelle de Campagne, 684 Loviisa, 122

M M5, 126, 543 alliage de gaine, 552 Machine à Serrer et Desserrer les Goujons, 449, 530 machine de chargement, 257, 258 machine de chargement du combustible, 244 Machine de Serrage et de Desserrage des Goujons, 463 MAEVA enceinte, 234 magnésium, 302, 354, 552 dans l’eau, 826 magnétite, 302, 305, 730, 812 manchette thermique, 439, 498 de LEP, 348 pressuriseur, 392 manchon d’accouplement de barre, 575 de tige de commande, 581 manganèse, 142, 287, 305, 447 manganèse 54, 268 Manhattan projet, 18, 19 MAR Marge d’Anti-réactivité Requise, 620 Marcoule, 130 marge à la saturation, 530 Marge d’Anti-Réactivité MAR, 685 Marguet Serge, 524 MARINE, 646 martensitique, 487 acier, 286 Martin Marietta, 78 Massé Pierre, 134 mât de chargement, 244, 535, 568 MDTE Manque De Tension Externe, 1043 Medvedev Sergueï, 221 Mercalli échelle, 221 échelle de, 221 Merlin-Gérin, 537 Metravib, 637 MH-1A, 78 MIC, 968

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MICROREC, 966 Midland, 214 Millot Jean-Paul, 174 MIMAS procédé de fabrication du MOX, 166 MINERVE, 166 mini-balayage, 963 Minimum Technique, 415, 713, 718, 802 MIS Machine d’Inspection en Service, 149, 533 Mitelhan M.G., 645 MKS, 235 modérateur, 284 mode A, 686 mode G, 686 mode pression régulation turbine, 739 mode température régulation turbine, 737 Mol, 164 molybdène, 287, 315, 814 morpholine, 700, 729, 777, 813, 814 motopompes RRA, 877 MOX, 548, 565, 680 adaptateur de cuve, 591 BR3, 82 placement, 687, 688 MSDG, 449, 463, 530 MSK, 221 échelle, 221 MT, 616 Minimum Technique, 1030 Murray Forrest H., 15 Mururoa, 426

N Nalco, 965 Nautilus sous-marin, 19 Naval Group, 79 NDTT Null Ductility Transition Temperature, 286 Nelson goujon, 220

néoprène condenseur, 826 neptunium, 306 nichrome, 353, 354 nickel, 287, 404, 412, 447, 451, 630 niobium, 126, 541, 543 gainage, 552 nitruration, 614 nitrure de bore, 353 niveau cuve, 528 niveau d’eau condenseur, 783 cuve, 627, 678 GV, 711 pressuriseur, 380 réchauffeurs, 793 niveau du pressuriseur, 354 niveau GV régulation, 414 noire barre, 593 NOK, 562 Nordheim-Scalletar méthode de, 20 normo mètre cube, 954 Novovoronezh, 107 NPI, 175 NPSH, 318, 782 disponible, 339 Net Positive Suction Head, 337 requis, 339 NRC, 911 NUT Nombre d’Unités de Transfert, 792 NUT Nombre d’Unités de Transfert, 810

O Obrigheim, 397, 413, 425, 428, 562 obturateurs gonflables GV, 430 Oconee, 482, 818 Oméga joint, 577, 580 OMCN, 262 OMGC, 262 OMGPC, 262 ONET) d’inspection des joints Canopy, 476 or, 305

Index orifice RCV, 307 orifices RCV, 847, 855 OSIC, 269 OSIRIS, 165 OTCU, 262 OUCU, 262 oxydation circuit secondaire, 811 oxyde d’uranium, 537 oxyde de gadolinium, 567 oxyde de magnésium, 353 oxyde de plutonium, 548 oxydes de fer GV, 731 oxygène, 301, 305

P P(1) paramètre, 600 P(2) paramètre, 603 P0 consigne de puissance, 1018 P11 permissif, 368 seuil, 898 packings aéroréfrigérant, 834 PAD Protection Anti-Dilution, 858 PAD Protection Anti-Dilution, 895 Paks, 115 Palewski Gaston, 131 palier, 136 de turbine, 1002 Palisades, 487 Paluel, 443, 477, 519, 592, 618 chute de GV, 432 enceinte, 218 incendie condenseur, 786 rupture doigt de gant, 636 VVP, 911 Paluel 2, 432 panier cœur , 57 du Cœur, 486

1133 panier de basculement, 263 panneau de repli, 281, 878, 924, 968 panneau de sûreté, 281 pantographes chambre externes, 670 pas de chevauchement, 605 pas extraits, 600 PAT Prototype A Terre, 42, 538 patins antisismiques, 236 Payne R., 522 PBASSE, 605 PCUM, 607 PDMS logiciel, 429 peau d’étanchéité du BR, 213 peau interne BR, 220 PEC Pas Extraits Cumulés, 607 Péchiney, 539 Peerless, 706 PEON, 136 commission pour la Production d’Électricité d’Origine Nucléaire, 131 percolation RDP, 361 Peregoudov Vladimir, 30 Perkins Jacob, 4 permissif P12, 300 permissif P7, 323 permissifs, 617 perte de synchronisme, 983 perte du vide condenseur, 770 PFC Pénétration de Fond de Cuve, 517 pH, 310, 404, 682, 700, 729, 731, 764, 812, 862, 864 ASG, 923, 926 condenseur, 777 définition, 302 EAS, 935 résine, 855 secondaire, 814 TEU, 957 phosphate, 699, 729

1134 trisodique, 814 phosphate de calcium, 823 phosphate trisodique, 699 phosphates RRI, 902 phosphore, 286 photoélectrique effet, 647 photogramétrie, 830 piège à iode, 964 pièges à iode TEG, 957 PIC Plaque Inférieure de Cœur, 486 pic gadolinium, 567, 687 pied de sapin, 994, 996 Pielstick diésel-alternateur, 42 Pierrelate, 541 piquage, 439 piquages pressuriseur, 358 RCV, 852 piscine BK, 272, 535 BR, 272, 535, 591 piscine BK, 189, 250 Piscine BR, 244 plénum supérieur cœur, 494 plages de recouvrement, 603 plan à l’équilibre, 684 plan de chargement, 263, 680 plan de transition, 685 plancher de service, 199, 219, 244 plancher de travail, 198 plaque supérieure cœur, 633 plaque support de cœur, 486 plaque tubulaire, 414 GV, 400 plaques de cloisonnement, 486 plaques entretoises cœur, 491 GV, 730, 814, 400, 410 platelage de protection, 438 platine collectron, 648 platines de cuve, 455 plomb, 305 huile de diesel, 1045

La technologie des réacteurs à eau pressurisée plomb-bismuth, 31 plongeur, 617 plongeur de transfert de grappe, 579 plots antisismiques, 236 plots antivibratoires manchette thermique, 440 plots parasismiques DUS, 1047 plus ou moins vite turbine, 1018 plutonium, 562 PMC Poste Manutention Combustible, 253 pneumatique, 748 poids du vide, 991, 1011 point froid condenseur, 764 dégazeur, 795 points chauds radiologiques, 267 points froids condenseur, 760 poisons consommables, 552 pôle mobile de grappin de grappe, 579 polyéthylène, 662, 666 Polychlorure de Vinyle, 829 polymère enceinte, 234 polystyrène, 855 Pomerance Herbert, 15 pompe, 768 pompe à vide, 768 pompe alimentaire, 1010 TPA, 808 pompe centrifuge, 315 pompe d’extraction, 1010 pompe de gavage TPA, 808 pompes à anneau liquide, 763 pompes à lames d’eau, 763 pompes à palettes, 763 pompes à rotor noyé, 329 pompes à vide condenseur, 760 pompes à vide sec, 768 pompes d’extraction condenseur, 782 pompes PTR, 941 Pompidou Georges, 134

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Index Poncet Bernard, 414 Ponomarev Pavel, 33 pont auxiliaire, 261 pont de manutention, 250 pont passerelle, 260 pont polaire, 220, 469, 531 BR, 242 Post-Fukushima dispositions, 1034, 1037, 1047, 1049 poste d’eau, 691 poste d’eau basse pression, 788 poste d’eau haute pression, 789 poste de dégazage, 930 poste de dégazage ASG, 930 poste de réchauffage, 786 potasse, 302 potassium, 302 pots hydrauliques, 242 Poudroux Gilles, 705 poumon de condenseur, 786 poumons de condenseur, 757 précontrainte béton, 233 Prairie Island incident de PTB-RRA de 1992, 881 Prandtl nombre de, 781 pression P à la première roue de la turbine Haute Pression, 715 pressuriseur, 59, 268, 284, 289, 298, 319, 353, 403 aspersion, 384 bulle, 846 niveau, 299 pressuriseur fonction, 345 Price-Anderson Act, 63 primaire réglage de fréquence, 1018 Private ownership of special nuclear fuels Act, 64 Prosedim C16, 965 Protection Anti-Dilution, 895 protection du réacteur, 616 prothèses doigt de gant, 636

psychromètre, 832 PTB-RRA, 420, 879 PTR, 215 bâche, 244, 857, 887, 933, 941 réfrigération et traitement des piscines, 941 puisard, 894, 935 de BR, 933 puisards, 199 puissance résiduelle, 536 puissance spécifique, 159 puits de cuve, 196, 219, 445, 521 pulvérisateurs ASG, 925 purges et évents, 903 PVC, 829 Pyrex, 566 pyrex, 105, 598, 625

Q queusot, 547

R R1, 787, 788 R2, 787, 788 R3, 787, 788 R4, 787, 788 R5, 787, 788 R6, 787, 788 Raab Harry, 20 rack BK, 535 racks, 261 racks de stockage, 250 radier, 102 radier BR, 195 radiolyse, 729, 304, 866 RAM, 1040 RAMPE outil d’aspiration du basculeur, 272 rampe annulaire GV, 399 Rankine cycle de, 1009 William, 1009 Rapport d’Echauffement Critique, 545

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

rapport de flux critique, 342 Rateau, 989 Rateau-Schneider, 147 râteliers, 261 RAZ, 926, 929 RCV, 277, 297, 305, 320, 354, 384, 440 ballon, 847 protections, 854 réservoir, 860 RCVS, 545 Réacteur Convertible à Variation de Spectre, 173 RCV Réacteur Contrôle Volumétrique et Chimique, 844 RDP, 198, 199, 346, 378, 386, 945 Réservoir de Décharge Pressuriseur, 305, 353 RDP Réservoir de Décharge Pressuriseur, 360 RE100, 788 RE200, 788 RE300, 788 RE500, 789 RE600, 789 REA, 303, 869 REA eau, 307 REA-Bore, 172, 682, 858, 859, 953 REA-Bore présentation, 869 REA-Eau, 361, 858 REA-Eau présentation, 869 réactimètre, 863 réchauffeurs Haute Pression, 691 secondaire, 786 RECmin , 545 réchauffeurs à double-faisceau, 739 réchauffeurs Basse Pression, 691 recirculation de l’eau par les puisards, 894 sur les puisards, 933 reconstitution d’assemblage, 264 recouvrement, 602 recuit cuve, 82 redondance active, 967 redondance fonctionnelle, 967

redondance passive, 967 Redoutable, 42 réducteur TPA, 808 réfection d’assemblage, 264 réfrigérants à tirage naturel, 829 refroidisseur non regénérateur RCV, 849 réglage primaire, 1018 réglage secondaire, 1020 régulateur de turbine, 736 régulation ARE, 921 chaîne de, 443 pressuriseur, 384 RCV, 852 régule, 1002, 1045 régule coussinet, 995 réluctance arbre, 1027 REN, 722, 903, 945, 951 rendement isentropique, 1015 REP 2000, 174 réparation d’assemblage, 264 réservoir RCV, 860 réservoir tampon RCV, 849 résilience, 522, 528 résine échangeuse d’ion constitution, 855 résines, 862 résines échangeuses d’ions, 814, 301, 305 résines à lit mélangés, 302 résines à lits mélangés, 863 ressort d’assemblage, 554 ressort crayon, 546 ressuage, 568 ressuage cellule, 568 RGL, 616, 962 définition, 586 RGL4 Essai Physique, 603 RGV Remplacement d’un Générateur de Vapeur, 427 Rhône, 827, 980

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Index rhodium collectron, 646 RIB, 895 cartouche, 890, 895 cartouvhe, 720 RIB cartouche, 859 RIC, 517, 966 présentation, 628 RIC dégradé, 650 Rickover Hyman, 16, 17, 51, 138 Ringhals, 482, 542, 618 RIS Circuit d’Injection de Sécurité, 887 riser, 716, 722, 724 de GV, 399 GV, 393, 401, 410 RMA Réacteur à Modération Accrue, 173 robinet, 745 robinet réglant à obturateur sphérique, 749 robinet vanne à sièges parallèles, 752 robinets à détente multi-étagée, 746 robinets à membrane métallique d’étanchéité, 748 robinets à soupape, 748 robinets réglants à cage, 746 Rockwell, 912 Romans, 143, 539 Roots dépresseur, 768 Roser, 7 Rosset François-David, 682 rotor, 993 de pompe, 343 rotor multicellulaire, 994 rotor tambour, 994 roue de turbine, 992 Roux Ambroise, 131, 990 Jean-Pierre, 138 RPE, 363, 945, 948, 954, 957 circuit de purges et évents, 363, 364, 449 circuits des purges et évents, 903 collecteur, 956 RPR, 923, 1042 RRA, 103, 198, 341, 354 Civaux (1998), 883

décharge, 857 protection, 878 Refroidissement du Réacteur à l’Arrêt, 803 Refroidissement Réacteur à l’Arrêt principe, 872 RRI, 277, 316, 361 définition, 899 indisponibilité, 391 RRM, 229, 962 RTN DT , 525 RTE Rupture de Tuyauterie d’Eau, 921 RTGV, 905, 919 RTV, 800, 887, 905, 919 Rupture de Tuyauterie Vapeur, 290, 889, 906 rû du condenseur, 758, 761 Rubis, 47 rupture d’un doigt de gant, 636 rupture d’une ailette de turbine, 1022 rupture guillotine, 295

S S1W réacteur, 23 SACM, 1043 SAFRAN, 148 Saint Laurent B aéroréfrigérant, 830 Saint Laurent B1, 562 Saint Lucie, 515 San Onofre, 699 SAP, 965 SAR, 965 SAT, 965 Savannah, 22 SCAM aéroréfrigérant, 830 Scam, 840 SCAM aéroréfrigérant, 833 SCAP, 966 SCAT, 966 Schneider, 537 Mycle, 481 SCK, 164 scram, 317 SDC

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Salle De Commande, 188, 277 SDD Séisme De Dimensionnement, 235 SDM, 904 Salle Des Machines, 187, 209, 987, 989 SDP, 964 Sea Wolf, 15 Séailles Jean Charles, 221 SEB, 820, 301, 935, 960, 962 circuit, 819 SEBIM, 372 soupape, 755, 353 SEBIM (soupape), 373 SEBIM soupape, 368 SEC, 819, 827, 182, 900 sécheurs à chevron GV, 402 secondaire réglage, 1020 SED, 697, 362, 859, 860, 895 SEF, 819 filtration source froide, 818 segments diaphragmés GV, 404 Seguin Marc, 6 SEI, 928 Seine, 827 séisme, 235, 292, 313, 321, 351, 489, 902 ASG, 932 BR, 198 GV, 395 RRA, 874 VVP, 905 SEK, 929 sel dans le GV, 727 Self Powered Neutron Detector, 645 Selni, 134 SEN, 764, 827 circuit, 819 SENA, 297 séparateurs-surchauffeurs, 694 SEPTEN, 134 SER, 699, 929, 932 bâche, 770 servomoteur définition, 912 vanne d’isolement VVP, 912 Sevmorput, 38

SEXTEN, 230 SFAC, 537 SFI filtration, 819 Shapiro Zalman, 549 Zelman, 19 Sheele Carl, 731 Shippingport, 16, 51, 136 Shumann Maurice, 131 SIEMENS, 657 Siemens, 176 silencieux GCTa, 918 VVP, 917 silice, 302, 549 silice colloïdale, 965 silicium, 316 Simpson John, 15 SINTRA, 157 SiO2 , 965 SIP armoire, 677 Sizewell, 535 Sizewell B fuite du pressuriseur, 358 SL1 accident du, 238 SMHV, 235 SMR Small Modular Reactor, 79 SMS, 235 Séisme Majoré de Sécurité, 254 SNA Sous-marin Nucléaire d’Attaque, 43 Snell Art, 14 SNLE Sous-marin Nucléaire Lanceur d’Engins, 42 sodium, 814, 302, 965 purges APG, 722 secondaire, 699, 729 Sogerca, 135 solide pressuriseur, 355, 380, 929 solubilité du bore, 302 soude, 814, 302, 414, 935

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Index dans le GV, 727 EAS, 935 souffre GV, 731 soupape de sécurité pressuriseur, 353 soupape pilotée, 754 soupapes de décharge pressuriseur, 353 soupapes de réglage VVP, 996 soupapes de sûreté GV, 719, 914 histoire, 364 historique, 12 pressuriseur, 366 source froide, 815 source primaire de neutrons, 620 sources secondaires de neutrons, 620 South Texas, 458, 618 South Texas Project, 521 soutirage, 771, 787 de vapeur, 1010 soutirage excédentaire, 857 soutirages turbine, 771, 794 SPIE, 537 SPIN, 163, 627, 650, 666 SPND, 645 Sponheuer Wilhelm, 221 squelette, 269, 542 assemblage, 542, 592 d’assemblage, 264, 554 SRU, 182 Stade, 217 STAR, 269 statisme droite de, 1018 stator, 992 STE Soécifications Techniques d’Exploitation, 485 Spécifications Techniques d’Exploitation, 284, 391 stellitage robinet, 752 stellite, 746, 268, 307, 503 ailette turbine, 1000 définition, 268 stockage de tête, 948

stockage intermédiaire TEP, 951 Stodola nombre de, 1017 STR, 763, 905 stretch-out, 90, 684 Sturgis Samuel, 78 sulfate de calcium, 823 Summer, 670, 678 super-pipe, 911 VVP, 907 Superphénix, 179 SUPERPHENIX, 763 Superphenix, 165 supportage secondaire, 486, 508, 519 surdébit des pompes ASG, 924 surveillance des cuves, 526 surveillance du réacteur, 627 SVA, 763, 931, 952 SVI, 764 SWAGELOK raccord mécanique, 463 SYN synoptique mural, 968 synchrone alternateur, 983 synchronisme, 983 Szilard Léo, 14

T table du groupe turboalternateur, 991 tableaux sources, 987 tachymètre, 342 pont polaire, 243 TAC turbine à combustion, 1047 TAG Turbine A Gaz, 1037, 1047 TAM, 241 TAmpon Matériel, 427 tamis anti-débris, 559 Tampon d’Accès Matériel TAM, 219 tandem soupapes, 371 tandem de soupapes, 369

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

tandem-compound turbine, 993 tape métallique GV, 880 Taprogge, 969 tartre, 823, 834 TAS-LLS, 1047 tassement du GV, 712 GV, 415 taux de vide GV, 708 TA Transformateur Auxiliaire, 1034 TBH Toutes Barres hautes, 685 Tchernobyl, 92, 107 TCI, 280, 677 Traitement Centralisé de l’Information, 966 TEG, 240, 307, 860 fonction, 953 Traitement des Effluents Gazeux, 945 téléflex, 517, 629 téléréglage, 736, 1020 témoins sonores, 242 température pressuriseur, 383 température moyenne cuve, 443 ténacité, 522, 525 cuve, 446 tension de vapeur, 334 tension superficielle de la vapeur, 764 TEP, 56, 183, 305, 307, 310, 855, 863 constitution, 948 fonction, 947 Traitement des Effluents Primaires, 308, 945 TER, 958 terme-source, 238 TES, 959 Traitement des Effluents Solides, 945 TES-3, 38 Tesla Nikola, 981 TEU, 699, 942, 957 Traitement des Effluents Usés, 945

théodolite, 432 THERMOCOAX, 677 thermocouples, 242 thermocouple cuve, 459 RIC, 676 thermosiphon, 4, 708, 396 Thomas nombre de, 339 Thomas et Laurens chaudière, 4 thorium, 59, 61, 65 TIG soudage, 432 tige de commande, 583 tige de désaccouplement de grappe, 579 Tihange, 718, 132, 542 alternateur, 1026 enceinte, 218 tilt, 678 tilt numérique, 678 tilt radial, 677 timbre définition, 925 GV, 923, 925 RRA, 872 tirage d’un aéroréfrigérant, 832 titane, 757, 826 condenseur, 695 feu de, 786 oxydation du, 786 Titre Alcalimétrique Complet, 825 Titre Hydrotimétrique Calcique, 826 TMI-2, 66, 157, 163, 213, 280, 281, 356, 368, 375, 383, 925 doigt de gant, 517 niveau d’eau, 380 pressuriseur, 391 soupapes, 368 TMI2, 313 toit flottant, 952, 953 TOR Tout Ou Rien (pressuriseur), 357 turbine, 803 torche à plasma, 786, 430

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Index TP Transformateur Principal, 1034, 1037 TPA, 691, 703, 787, 183 Turbo-Pompe Alimentaire, 711, 757, 795 Turbo-Pompes Alimentaires, 415 TurboPompe Alimentaire, 718, 788, 805 TPAS, 798 Turbo-Pompe Alimentaire de Secours, 925 TurboPompe Alimentaire de Secours, 805 TPL, 280, 323 Tourner Pousser Lumineux, 1040 TPS, 905 tranches jumelles, 191, 277 PTR/RRI, 941 Transformateur Auxiliaire, 1031 transformateur auxiliaire, 986 Transformateur de Soutirage, 1033 transformateur de soutirage, 986 Transformateur Principal, 1031 Trapper grille anti-débris, 542 traversée enceinte, 220 traversées électriques, 230 Tricastin, 500 SEC, 819 trigrammes, 968 Trino-Vercellese, 84, 142 TRIPOLI, 528 tritium, 302, 303, 310, 863, 945, 947, 952 TRITON, 165 tronçon protégé, 911 trous d’eau, 554 trous de poing, 722 TROY, 238 Truman Harry, 19 TS Transformateur de Soutirage, 1034, 1037 Tsuruga, 454 tube de transfert, 535 tube capillaire pressuriseur, 381 tube d’instrumentation, 554 tube de transfert, 140, 187, 188, 264 tube en J inversé Générateur de Vapeur, 710

tubes en J GV, 704, 711, 401, 410 tubes guides, 554 tubulure, 451 tubulure d’aspersion pressuriseur, 353 tulipe de manchette thermique, 499 tungstène, 432 tunnel de transfert, 257, 272, 277, 532, 535 turbine, 736, 161 turbine à vapeur à condensation TPA, 808 turbopompe ASG, 798 turbopompes alimentaires, 703 tuyère, 763 tuyauterie d’impulsion soupape, 371 Tygon tube, 881

U U1 procédure, 918 U5, 239 procédure, 240 UCTE Union pour le Coordination du transport de l’Électricité, 981 UF6 , 19 ultrason, 570 ultrasonique sonde, 424 UNGG, 130, 552, 565, 1026 upflow configuration de by-pass, 510 URA Bloc, 1042 uranium appauvri, 562 uranium enrichi, 538 US3D, 646, 650 USAEC-EURATOM, 164 UVA, 968

V Van Arkel A.E., 550 Van Duysen

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La technologie des réacteurs à eau pressurisée

Jean-Claude, 524 vanadium aéroball, 650 vanne de rejet Tout Ou Rien condenseur, 783 vannes d’aspersion pressuriseur, 356, 379 vannes de décharge pressuriseur, 366 vannes réglantes ARE, 921 ventilateurs BR, 215 ventilation de l’enceinte, 229 ventilation du puits de cuve, 962 Venturi effet, 763 venturi ARE, 920 VENUS, 164 Vercors, 185 Vereecke Benoit, 447 Verges Claude, 432 Verne Jules, 16 verrine, 679 verrines, 280 vide au condenseur, 760, 761, 772, 832, 1011 vilebrequin diesel, 1045 virage du rotor, 995 Virgil Summer, 670, 678 virole de cuve, 445, 525 vis de cloisonnement, 493 vis à têtes pleines soupape, 374 vis anti-rotation, 592, 617, 618 volant d’inertie, 315, 317 pompes CEX, 803 volume d’expansion crayon, 547 volute de pompe, 314, 324

de pompe primaire, 328 volute de pompe, 315 vortex RRA, 879 VSS, 967 VVER, 107, 302, 545 panier du coeur, 489 VVP, 798, 904 ouverture, 1022 vannes d’admission, 1020

W WABA Wet Annular Burnable Absorbers, 106 Wärtsilä, 1043 WEDA nettoyeur de piscine, 272 Weinberg Alvin, 14, 17, 18 Weiritam dégazeur, 796 Westinghouse, 699, 15, 718, 51, 72, 134, 138, 139, 277, 313, 341, 343, 440, 451, 522, 545, 614, 618, 911 GV, 398 soupapes, 366 Wigner Eugène, 14 Wigner-Wilkins modèle de, 19 Wolf Creek, 102, 618 Woodward régulateur, 924

X X mode, 159 xénon, 306, 568, 954

Y Yankee Rowe, 71, 146, 522 Young module de, 522

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Index

Z zinc, 814 GV, 731 Zinn Walter, 15 Zircaloy, 109, 154, 302, 541, 548 Zircaloy 2, 56 Zircaloy 4, 310 Zircaloy-2, 58, 549

Zircaloy-4, 551 grille, 558 Zircon, 549 zircone, 812, 185 zirconium, 15, 19, 47, 541, 548 Zircotube, 540 Zirlo, 564 Zodiac Téléflex, 629 Zorita, 482