La Passion de Husayn Ibn Mansûr Hallâj: martyr mystique de l'Islam, exécuté à Bagdad le 26 mars 922. La vie de Hallâj
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BIBLIOTHÈQUE

DES

IDÉES

OUVRAGE PUBLIÉ AVEC LE CONCOURS DU CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE

hevalier.

Yvonne {Photo

Planche

I - Portrait

de Louis

Massignon

(1883-1962).

LOUIS

MASSIGNON

LA PASSION DE HUSAYN IBN MANSÜR HALLÀJ MARTYR

MYSTIQUE

FYÉGUTÉE

LE

DE

L'ISLAM

A BACDAD

26 MARS

922

Étude d'histoire religieuse (NOUVELLE ÉDITION) TOME

PAUVIE

DE HALLAJ

pif GALLIMARD

© Éditions Gallimard, 1975.

AMICIS DEFUNCTIS, GEORGIO

IN

MEMORIAM

KAROLO

MARIAE

HUYSMANS

M. Lui. Parisior. pridie Id. Maji 1907 HusaAyn Wasri RipaA M. Tripoli Syror. 11 muharram 1330 (= Kal. Jan. 1912) VIVENTIBUS,

IN

SHAYKH

OBSERVANTIÆ

MAHMÜD

TESTIMONIUM

SHUKRi

[NUNC

DEFUNCTIS]

ALÜSsî

M. 8 maj. 1924 et HÂsg ‘ALr-IBN NU‘MÂN ALÜsi jurisperitis Irenopolitanis (Bagdad). M. 6/7 jan. 1922 RP.

KAROLO

in eremo,

ALBERICO

DE

FOUCAULD

Tamañrâset (Sahara). M. 1 déc. 1916 XII a. Kal. Febr. MCMXIV

AVANT-PROPOS

DE

LA

NOUVELLE

ÉDITION

Dès la parution en 1922 de La Passion d’al-Hallâj!, Louis Moassignon n'a cessé d’en compléter le texte par des insertions marginales qui en préparaient une nouvelle édition. C’est vers 1935 que, la première édition de cet ouvrage étant épuisée, il a élé décidé de refondre complèlement la première section, qui reirace les principales élapes de la vie de Halläj et leur retenlissement social. La seconde section, qui contient l'exposé de la doctrine de Halläj, devait conserver sa présentation initiale. Le projel de celte nouvelle édition a élé précisé le 16 juillet 1937 par un accord avec les Éditions Gallimard. Les lignes suivantes, extrailes d’une nole manuscrile de Louis Massignon, datée de 1960 —, esquisse de cet Avant-Propos que la mort ne lui a pas laissé le lemps d'écrire —, précisent les élapes de la préparation de cette édition révisée: « Les observations de critiques comme Gauthier, Paul Kraus, Mustafa Jawâd, Schaeder, Horten, … m'amenèrent, tout en [complétant] la bibliographie?, à publier des textes connexes (Recueil$, Diwân al-Hallâj4, réédition de Akhbâr al-Hallâj5, réédition de l'Essai sur les origines du lexique technique de la mystique musulmane) —, el à préparer pour le lecteur des outils de travail annexes (liste des cadis de Bagdad et de Basra, liste des Hachémiles, bibliographie nusayri: afin de préparer la [nouvelle] édition [de la Passion de Halläj] à mes heures libres. « La guerre de 1939-40 me mobilise comme chef de bataillon d'infanterie coloniale... De 1940 à 1945 je me remis. au travail à Paris (Halläj dans la lillérature lurque...). « À la libéralion,

missions

en Orient sur les traces de Halläj,

dans les cilés (Hérat, Kashmir)

et les mss, les cimetières où tant

de ses amis allendent la Résurrection, Le Caire, Brousse, Éphèse surloul (les VII Dormanis), Lahore, Delhi, Fès, … (1) Paris, (2) (3)

La passion d’al-Hallâj, martyr mystique de l'Islam, ? vol., Geuthner, 1922 (cf. bibliographie, n° 1695-0). ' F 1948, ap. Mélanges Goldziher (cf. bibliographie n° 1695-bh). 1929 (cf. bibliographie n° 1695-u). es

(4) 1931, 2e éd. — 1955, 3e éd. et éd. abrégée (cf. bibliogr. n° 1695-w). (5) 1936, 2e éd. — 1957, 3e éd. (cf. bibliographie n° 1695-v). (6) 1922, 1re éd. — 1954, 2e éd. — (1969, 3e éd.] (cf. bibliographie n°

1695-p).

10

La vie de Halläj

«Et, en 1950, la nouvelle rédaction [sous sa forme définitive] élail commencée (presque achevée en 1957). » De 1958 à sa mort soudaine, d'une crise cardiaque, dans la soirée du 31 octobre 1962, vigile de la Toussaint, Louis Massignon s’esl attaché à vérifier ses références, à faire de nombreuses inserlions marginales sur le manuscrit de la nouvelle édition el à compléter sa bibliographie. A sa mort, nous avons trouvé: a) Une préface à la nouvelle édition, qui précise « les hypothèses de travail effectivement sous-jacentes au plan initial» el dégage « les caractéristiques d’une méthode en matière d'histoire religieuse ». Celle préface est ici précédée de la Préface (1914) et de l'AvantPropos (1921) de la première édition; b) Le manuscrit des 10 chapitres de la première section (plus un appendice critique sur les sources hallagiennes), entièrement dactylographié par lui, mais avec de très nombreuses insertions manuscrites. Ces chapitres étaient groupés en deux parties: La Vie de Hallâj (chap. I-VII) et La Survie de Halläj (chap. VIII-X el Appendice), qui correspondent aux lomes I et IT de la présente édition; Les plans successifs, très détaillés, ayant servi à la préparation du manuscrit montrent que huit de ces dix chapitres étaient achevés. Il ne manque, en effet, aux chapitres VIII el IX que quelques monographies d'auteurs musulmans, dont les litres seront donnés en note à la fin de ces chapitres. La mort a empêché Louis Massignon de les écrire. La part inachevée semble représenter moins du dixième de ces deux chapitres ; c) Le lexle de la deuxième section, imprimé lors de l'édition de 1922 (tome IIT de cette édition), mais enrichi de nombreuses inserlions manuscrites ; d) Des directives de travail, dalées de 1960 à 1962, précisant en particulier le choix des lextes publiés entre 1922 et 1962 à incorporer dans la nouvelle édition, el les règles de transcription et d’abrévialion à suivre (par exemple, suppression des points diacriliques dans le lexle pour alléger l'édition, comme dans sa dernière édilion des Akhbôr al-Hallâj : nole du 12 décembre 1960). Comme Louis Massignon nous l’avait demandé avant sa morl, nous avons présenté son manuscrit, dans l’état où il se trouvait, à ses amis Henri Laoust, son successeur au Collège de France dans la chaire de Sociologie Musulmane, et Louis Gardet. Depuis 1962, guidés par leurs conseils d’Orientalistes, nous avons préparé ce manuscrit pour l'édition en suivant fidèlement les directives laissées par l’auteur. La quasi-lotalité des insertions el additions manuscriles de l’auteur ont pu ëêlre insérées, soit dans le lexle

Avant-propos de la nouvelle édition

11

(là où l’auleur l’avail spécifié), soit dans les noles au bas de la page (à défaut d'autre indication). Les passages de la première édition reproduits ici l'ont élé en suivant les indications de l’auteur, de même que les lexles déjà publiés par lui ailleurs. L'auteur n'a pu revoir le manuscrit définitif: les transcriptions de l'arabe ne sonl pas loujours unifiées, diverses améliorations de style resleraient possibles ei cerlains passages (rares) ont encore l'allure de notes de travail. C’est dans le souci de ne trahir en rien la pensée de Louis Massignon que nous avons jugé préférable de respecter ces légères imperfections de forme. Chaque fois qu'il nous a semblé nécessaire, pour la clarté du texte, d'ajouter quelques mots, ces mots sont placés entre [crochels]; ce qui n’est pas entre crochels est de l’auteur. Celle nouvelle édition, qui enrichit la première (1914-1922) du fruit de quarante années de recherches, se présente, comme l'avait prévu Louis Massignon, en quatre parties au lieu de trois sections: La première partie, La Vie de Hallâj, rassemble les chapitres 1 à VII dans le même ordre que la première édition; mais chacun de ces chapilres a élé profondément remanié par l’auteur et contient des sections nouvelles. La seconde partie, La Survie de Halläj, est une parlie nouvelle de l'ouvrage. Les chapitres VIII (Modalités de la survivance hallagienne), IX (Histoire des localisations de la tradition hallagienne) el X (La légende hallagienne, ses origines et sa floraison littéraire) ne correspondent pas aux chapitres VIII à X de la première édition, dont la substance a élé redistribuée par l’auteur selon un plan nouveau à côlé de nombreuses études inédites. Enfin, l’appendice final, Analyse critique des sources hallagiennes, est nouveau. Ces deux parties sont donc une véritable refonte du texte précédent. Le lecleur ne pourra qu'être frappé de leur originalité. L'auteur y procède souvent à des coupes en profondeur de sociologie religieuse rétrospeclive, qui cernent, jusque dans les détails, la vie concrète de la sociélé islamique du temps. Des listes de noms peu connus abondent, el maints détails topographiques, dont l'histoire en général ne garde pas le souvenir. Mais il s’agit beaucoup moins ici d’érudilion que de ressusciter une ambiance quotidienne, celle qui sous-lend sans cesse la vie et le drame de Hallâj. Les structures des cilés musulmanes, spécialement de Bagdad, ne pouvaient sans doute être réellement évoquées qu'à ce prix. Le sens de la grande aveniure spirituelle de Hallâj s'en dégage alors avec une netlelé accrue. La lecture de cerlaines pages peul sembler aride; elle n’en resle pas moins nécessaire si l’on veut suivre, en son incommunicabilité même, celle «courbe de vie» (el de « survie») dont Louis Massignon n'a cessé de mettre en valeur la porlée axiale (cf. ici, 1, 26-31).

12

La vie de Halläj

La troisième partie, La Doctrine de Hallâj, est une édilion revisée el augmentée des chapitres XI à XIV dans leur plan initial de 1922. Enfin la quatrième partie rassemble la bibliographie hallagienne, qui a élé complélée par loules les références réunies par l’Auleur pour sa troisième section, depuis 1922 ou citées par lui dans son manuscrit, et les Index de la première édition, qui ont élé accrus el complélés par nous.

Le lexle ainsi préparé pour l'édition a élé révisé avec beaucoup de soin (et particulièrement les insertions el annotalions manuscriles de l’auteur chaque fois qu’il pouvait y avoir doule sur leur lecture) par Henri Laoust, par Louis Gardel el par Roger Arnaldez, professeur à la Faculté des Lettres de Lyon. Qu'ils veuillent bien trouver ici l'expression de notre profonde gratitude pour la palience, pour la rigueur el pour le soin avec lesquels ils ont bien voulu assurer celle révision, sans laquelle celle édition n'aurait pas élé possible. Notre gratitude va aussi tout particulièrement à Mme Étienne Bernand, Atlachée de Recherches au C.N.R.S., pour l’aide si précieuse qu’elle nous a apportée en de nombreuses séances de travail, pendant ces années de préparation. Nous n’aurions pu sans elle proposer une lecture correcte des additions marginales porlées par l’auleur en arabe. Ses recherches patientes ont aussi permis de compléler de nombreuses références bibliographiques. Nous ne saurions trop la remercier, enfin, de son concours pour une première correction des épreuves el de son aide dans la révision de la Bibliographie. Notre reconnaissance va encore à tous ceux qui nous ont aidés à la préparation matérielle du manuscril, en particulier à Mme Coquerel, pour la dactylographie du manuscrit révisé de cel ouvrage. Nous remercions, enfin, le Centre national de la Recherche scientifique d’avoir bien voulu s'intéresser à la publication de cet ouvrage auquel notre père a travaillé toute sa vie.

Geneviève Massignon

Daniel Massignon

m. le 9 juin 1966

9 avril 1969

IESU NAZARENO CRUCIFIXO REGI IUDÆORUM

Dis la vérité! Dâût-elle, cette Vérité, te brûler au feu vengeur des crimes. Aspire à plaire à Dieu! Bien vaine créature Est qui défie le Maître, et cède aux esclaves.

(Harîri, —

AVANT-PROPOS

DE

maqgämät, —

XXI)

1921

L’adjonction d’un index est la seule modification importante apporiée au lexle de 1914. Si, dans la seconde section, certains points, que la première section avait laissés en suspens, se trouvent repris el élucidés, — cela lient à ce que l'impression des chapitres IIX était achevée dès 1915, landis que l'impression des chapitres X-XV n'a pu s'effectuer que de 1919 à 1921. Plusieurs questions d’ordre général, de méthode philosophique, ont dû être abordées dans le présent travail. En voici l’énuméralion: l'influence directrice de la structure grammaticale d’une langue donnée, sur la syslématisation des philosophies formulées dans celle langue (XII, 90-94)! ; les différentes manières de lire un texte (l'exégèse et l’herméneutique; III, 10-13 et 187-188); les marches de l'argumentation (III, 94-103) ; la découverte de la réalilé (III, 85-87 el 359-361). Quant aux postulals admis ici pour l’introspection des conceptions dogmatiques, ils se trouvent formulés dans l'avertissement préliminaire à la seconde? section (III, 7-8). 3 mai 1921. (1\ [Une référence interne telle que «ici, III, 359-361 » renvoie au tome et aux pages 359 à 361 de la nouvelle édition, et non à la première édition comme l'avait fait l’Auteur en 1921.] (2) [Troisième section et tome III de la nouvelle édition.]

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PRÉFACE

DE

1914

Dans la légende islamique, — chez les poètes arabes, persans, turcs, hindous et malais, — Hallâj est devenu le type de «l’amant parfait» de Dieu, condamné au gibet pour s'être enivré du cri extatique « je suis la Vérité ! » Dans l’histoire des Khalifes abbassides de Bagdad, Hallâ) a été la victime d’un grand procès politique provoqué par ses prédications publiques. Ce procès a mis en présence toutes les forces islamiques de son temps : Imâmites et Sunnites, fuqgahä et sûfis; leur conflit tragique coïncide avec la ruine du Khalifat universel et de l’unité arabe. Le titre « La Passion de Halläj » exprime plus qu’un thème littéraire : une légende de martyre, nimbée en Islam de l’auréole de la sainteté ; l’exposé de ses origines historiques montrera quelle personnalité en a été le sujet ; — et la traduction de ses œuvres permettra de reconstituer sa doctrine de l’amour mystique et du sacrifice réel. La première section renferme, en une suite de tableaux, es étapes de la vie de Hallâj, et leur retentissement social, depuis ses premiers efforts d’ascèse personnelle, jusqu'aux comptes rendus officieux de son procès et aux « acta sincera » de son martyre!. Elle montre l'originalité de ce mystique qui a rejeté la prudente « discipline de l’arcane» observée par les autres initiés du sûfisme, — de ce missionnaire errant qui prêche, non pas la révolution sociale comme les autres dâ‘i de son temps, mais l’heure de la contrition, l'avènement ct du règne de Dieu dans les cœurs.

(1) Nous les avons publiés ap. Quatre textes inédits relatifs à la biographie d’'Al-Halldj, Paris, 1914 (1695-l).

16

La vie de Halläj

La seconde section contient l'exposé méthodique, dans le cadre même de la théologie contemporaine, de sa doctrine reconstituée au moyen de ses propres œuvres traduites in extenso!). On essaie d'y montrer comment la vie rituelle de ce Musulman croyant, la pratique même de la prière, méditation et apostolat, a déterminé la «crise de conscience » mémorable qui a abouti à son procès et à son supplice. Et quel rôle les éléments dogmatiques fondamentaux de l'Islam, les données de la révélation coranique telles que la «chute de Satan» et « l'ascension nocturne de Muhammad » ont joué dans la structure de la doctrine religieuse qu’il a conçue et vécue. Pour être un « mystique », Hallâj n’en a pas moins justifié ses thèses par des raisonnements patiemment construits et jointoyés, et ses œuvres maîtresses, le Tä Sin al-Azal et le Bustän al-ma‘rifa, unissent à la véhémence concise et poignante de la passion une subtilité dialectique aiguë. Hallâj vécut à cette époque unique de la floraison de l’Islam, où la société

arabe,

assise, à Bagdad,

au

confluent

des deux

cultures, araméenne et grecque, devint le centre intellectuel du monde, au xe siècle de notre ère. La pensée arabe eut alors ses vrais maîtres classiques, de Nazzâm et Ibn al-Râwandi à Bâqillâni en théologie, — de Jâhiz à Tawhidi et Ibn Sinä en philosophie, — d’Abû Nuwäâs et Ibn al-Rûmiî à Mutanabbi et Ma'arri en poésie, — de Khalil à Ibn Jinnî en philologie ; Râzi parmi les médecins, Battânî parmi les mathématiciens. Avec eux, et l’un des premiers parmi les théologiens mystiques, plus profondément qu’Antâkî et Muhäsibi, plus fermement que Ghazâli, Hallâj comprit la valeur inestimable, — pour une règle de vie conformant les actes externes aux intentions du cœur, — d’une méthode d'introduction : basée, non seulement sur l'intelligence de la grammaire arabe, mais sur l'emploi de la logique; telle surtout que les Grecs l'avaient « catégorisée » et coordonnée ; il sut y recourir, comme à une ascèse de l’intelligence la dénudant des images sensibles et des formes créées, préparant par voie négative à l’union mystique ; sans emprisonner, comme tant d’autres plus tard, dans l’étroit domaine des démonstrations syllogistiques, l’assentiment plénier de son cœur aux transcendantes sollicitations de la grâce. Le cours arabe professé en 1912-1913 à l’Université égyptienne du Caire, sur «la formation historique du vocabulaire philosophique?», a permis de pousser assez loin l’étude des origines du 1) Nous avons publié son Xitâb al Tawdsin, Paris, 1913 (1695-j). 2) Té’rtkh al-istilähât al-falsaftya al-‘arabtya, texte arabe autographié, Le Caire (1913) ; — 123 pp. in-fol. avec 4 indices (1695-k).

Préface de 1914

17

lexique technique de Hallâj ; les éléments principaux en sont énoncés ici, et les conclusions générales sont données dans notre Essai. La troisième et dernière section se compose d’un chapitre unique, un essai de Bibliographie Hallagienne, par ordre chronologique ; elle énumère 932 ouvrages de 636 auteurs! différents, dont 351 sont Arabes (516 ouvrages), 75 Persans (102), 50 Turcs (70), 5 Malais (6), 6 Hindis (7), 2? Syriaques (4), 2 Hébreux (2) et 136 Européens (225 ouvrages)?. Louis Massignon. 21 janvier 1914. (1) 633 en réalité, car 3 ont écrit simultanément en deux langues difrérentes. [Bibliographie augmentée depuis 1921.] (2) Le présent travail, commencé au Caire en mars 1907, a été annoncé par notre maître regretté Hartwig Derenbourg, en son rapport annuel de

directeur

d’études,

à l'École

des

Hautes

Études,

Section

des

Sciences

historiques et philologiques (XVIII : langue arabe) (Annuaire de 1908, p. 73. Cf. ici p. 942). Et c’est M. Clément Huart, qui, le premier en France, a bien voulu marquer l'intérêt du sujet choisi, et des résultats à en attendre,

à propos des Tawäsin.

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PRÉFACE

DE

LA

NOUVELLE

ÉDITION

Halläj a bien été un personnage historique, condamné à mort à Bagdad en 922 de notre ère, après un procès politique, « cause célèbre» dont il subsiste des fragments de comptes rendus hostiles et pour cela non négligeables. Il est aussi resté un héros de légende. Maintenant encore, en pays arabe, le peuple se souvient de lui, se le représente comme un thaumaturge gyrovague, tantôt « fou de Dieu », tantôt charlatan. Dans les autres pays musulmans, la large diffusion de grands poèmes persans a magnifiquement stylisé la physionomie de saint, d’extatique déifié, de celui qu’ils appellent « Mansûr Hallâj » ; c’est lui qui, du haut du gibet, aurait crié la clameur apocalyptique, annonciatrice du Juge du Jugement : Anä’l-hagq, «me voici, la Vérité ». L'étude critique des sources authentiques de ce thème poétique plus que littéraire m'a permis d’établir que Halläj avait effectivement pris conscience de sa vocation de «pilier mystique », de « martyr spirituel » de l’Islam, en allant au Hajj ; qu’il avait ensuite désiré se « substituer » à l’offrande légale des victimes que l’on dédie à ‘Arafât pour le pardon général annuel de la Communauté ; qu’il avait ensuite proclamé publiquement à Bagdad son vœu de se faire tuer à la guerre sainte de l'amour divin ; treize ans, au moins, avant son supplice. Cette étude, entreprise au Caire en 1907, en marge de mon apprentissage de l’arabe parlé et écrit, stimulée par la rencontre de poignantes maximes sapientiales hallagiennes (telle rak‘aläni fi’1-‘ishq...), finit par me convaincre de la véracité de ce témoin pur, étrangement ami de Dieu, jusqu’au sacrifice de soi, khalil Allâh, comme Abraham. C'était en mai 1908, entre Kût el-‘Amäâra et Bagdad. Dans la suite, à de rares intervalles, il me fut donné quelques instants pour faire halte, dans la « composition » du « lieu » de ses méditations, et de sa prière, à Djedda, à Beïzä, sa ville natale, à Jérusalem, à Niîshâpür, dans les grands pins du Gazegâh de Hérât, sur les routes du Qashmir, de Bamiyân et de Kandahôr.

20

La vie de Halläj

La première rédaction de mon travail, achevée en 1914, fut publiée en 1922 ; elle se trouve, depuis 1936, épuisée. Elle a été, quant aux textes et aux notes, entièrement refondue dans la présente édition.

La section I donne les étapes de la vie de Hallâj ; elle situe ses attaches de temps et de lieu dans leur «singularité » : sa formation familiale et scolaire, de Beïzâ (clients araméens des yéménites Belhârith), à Wâsit et à Basra (école ascétique de Hasan) ; puis sa « sortie », allant aux «gens du monde» (abnä’ldunyä), s’initiant au classicisme des savants, gardant dans les étapes de ses voyages le « common touch » avec les abn4’l-sabil, les humbles et les pauvres, tant au front oriental de guerre sainte (Turkestan, Inde), qu'au centre islamique du pèlerinage, à la Mekke, visitée trois fois ; puis l’évolution de sa compassion apostolique et apologétique en désir final de mourir anathème pour

ses

frères ; ses

procès ; son

supplice,

sur

le

théâtre

surexhaussé de Bagdad, métropole du monde civilisé d’alors. Ensuite, la survie de ce « saint excommunié », pendant trente générations musulmanes, à travers les « chaînes de témoins », asänid, se passant son souvenir comme un viatique d’espérance ; jusqu’à aujourd’hui. Ces «chaînes» préparent sa réincorporation officielle à la Communauté islamique d’ici-bas, retrouvant par lui, se réalisant avec lui dans le sens sacrificiel plénier de la Talbîiya propitiatoire du Hajj à ‘Arafât, pour l’union mystique par-delà le pardon et l’action de grâces. Œuvre lente, difficile, plus que séculaire, qui se poursuit sourdement, dans la méditation, chez des esprits solitaires et des âmes choisies, tandis que la dévotion populaire, çà et là, persiste à associer son nom à des chagrins de nouveauxnés, à des jeux d'enfants,

à des chansons

de quêteurs,

à des

prédictions sur la fin des temps. Et, puisque chaque nouveau chaînon de ces « chaînes » est une victoire sur la mort, sur le hasard et l’oubli, et un renforcement de la grâce transmise, ces «chaînes» amorcent aussi l'intégration finale de la masse de la Communauté islamique dans l’œcuménicité des Élus, à la consommation du sacrifice d'Abraham « bi-dhibhi ‘azimi» (Qur., XXXVII, 107). La section II situe la mystique hallagienne, d’après les textes, dans l’ensemble du développement de la pensée théologique musulmane ; elle expose les interférences philosophiques et les percées métaphysiques impliquées dans la notion de « l’essentiel désir ».

Préface de la nouvelle édition

21

Hallâj apparut dans les souks de Bagdad, prêchant Dieu comme l’Unique Désir et l’Unique Vérité, à la fin du 1xe siècle de notre ère, époque, pour l'Islam, de la floraison de sa « Renaissance », comme l’a appelée Adam Mez. Au confluent des deux cultures, l’araméenne et la grecque, Bagdad, devenue le centre intellectuel de la civilisation, reçut dans ses murs les vrais maîtres de la pensée arabe, théologiens (de Nazzâm à Ibn al-Râwandi), philosophes (Jähiz, Tawhidi), poètes (Abû Nuwâs,

Ibn

al-Rûümi,

Mutanabbi),

grammairiens

Sirâfi), le médecin Râzi, l’astronome Battâni ; le de la section I y a inséré Hallâj biographiquement. est présentée des modalités complexes et subtiles technique où Hallâj s’est engagé : osant s'exprimer, mystique n’avait eu l’idée de faire, dans le lexique

(Mubarrad,

chapitre 1v Ici, analyse du langage ce qu'aucun dogmatique

de ses adversaires, les Mu'tazilites. Afin de rendre compte, de façon raisonnée, de l’expérience théopathique où sa règle de vie (issue de la « science des cœurs » de Muhäsibi), où son vœu d’ascèse de l'intelligence, par voie négative, l’avaient engagé. On a donc suivi l’ordre alors classique des cinq bases mu‘tazilites pour l’exposé des solutions hallagiennes ; où des gaucheries, çà et là, attestent sa sincérité « autodidacte » de mystique. Sa théologie, qui n’est pas statique, mais expérience intériorisante de dénudation des images, assez semblable à celle d’'Eckhart, l’amène à raisonner, à dépasser l’antinomie dualiste où les mystiques s'étaient heurtés (A opposé à Non-A ; qgidam opposé à hadath), au moyen d’un tertium-quid (un « devenir » en puissance : haqgiqga). J'avais d’abord identifié ce mode « triphasé » de méditation avec le syllogisme aristotélicien à trois membres (éd. 1922, p. xrr1), puis avec la triade gnostique des Imâmites extrémistes (‘Ayn, Mîm, Sin : Akhb., n° 46). Maintenant, l’origine du procédé hallagien me paraît remonter plus haut, aux tout premiers grammairiens arabes de Basra, à Khalil, surtout, et au principe tripartite de l’i‘râb, « morphologisant » le lexique et la syntaxe, au moyen de la triplicité fonctionnelle

des assonances

vocaliques

finales fa, i, u — nasb,

khafd, raf‘). Le procédé hallagien aboutit à une involution de la raison en son objet, qui est l’essence pure, et non le contingent : Dieu, tout esseulé. Si le pluralisme de l’énonciation discursive disparaît alors, ce n’est pas dans un «monisme existentiel» f{wahdat al-wujäd) panthéiste, mais dans un « monisme testimonial» {wahdat al-shuhûd). Hallâj enseigne qu'il faut nous rapprocher d’une chose non en nous, mais en elle (Stf., n° 84) : du monde, par exemple, au moyen d’une compassion transfigurante à la souffrance du monde. An'i ilayka, « mon cri de deuil est pour vous (— de moi, vous plaignant,

22

La vie de Halläj

alors que je vais mourir) » ; dans le saisissement d’une visitation sacrée, qui pose le Désir entre «vous » et « moi», par le voile pudique des larmes ; témoignant de ce Tertium Quid divin. Asrâruné bikrä, «nos cœurs, dans leur tréfonds, sont une seule Vierge », qui conçoit alors, dans l’éternel maintenant, l’assomp-

tion en Dieu de tous les prédestinés (ou plutôt qui fait naître Dieu en eux tous). Après l'exposé théorique de la doctrine théologique, vient l'analyse, encore théorique, des bases juridiques (usûl) hallagiennes, qui empruntent le lexique de l’adversaire, l’Imâmisme révolutionnaire des Qarmates, pour se l’annexer. Enfin les œuvres de Hallâj, en traduction intégrale annotée, avec examen de leur authenticité, de leur style, de leur influence à travers les siècles (déjà abordée dans la « survie », section I), des œuvres d’art qu’elles ont inspirées. On ne pouvait en aborder la critique interne et l'interprétation qu'après en avoir fait la critique externe, restitué les textes et précisé leur provenance. Au premier abord, les traces directes laissées par la personnalité

de cet excommunié s'avèrent un peu tardives. Si les trois pre mières appréciations «indépendantes» de son enseignement public apparaissent dès 932 (A. Z. Balkhi), 950 (Maqdisi) et 990 (Daylami), — les trois premiers manuscrits datés où son nom figure, sont de 1073 (Sajazi), 1153 (Sarrâj) et 1158 (Ibn Bâküûyé). Aucun de ses cénotaphes érigés à Bagdad, Mossoul, Lâlish,

Damas

et Muhammad

Bandar,

n’est antérieur

à 1045

(vizir Ibn al-Muslima) ; et tous semblent refaits. Enfin son iconographie ne commence qu’en 1307, et la suite de miniatures hallagiennes du célèbre Behzâdh a disparu. Néanmoins, grâce aux 37 chaînes testimoniales dont nous allons parler, et malgré l'interdiction officielle, maintenue de 922 à 1258, de copier ou vendre aucune œuvre de ce condamné —, de nombreux fragments de Hallâj (quelquefois nommé « Husayn » simplement) nous ont été conservés par les doxographes de la mystique, ce qui en garantit la valeur sémantique (350 maximes, en Khurâsân, aux recueils de Sulamî et en Fârs, aux recueils de Baqli). On a de lui six lettres, de la plus grande sincérité subjective (une, versée au procès, à Shâkir, capitale ; deux à Ibn ‘Atâ : deux de ses amis, qui se feront tuer pour lui ; on a produit aussi au procès de fausses lettres, non retenues et démenties par lui-même) ; — 69 discours publics (— Akhbär al-Halläj) démarqués quant aux marques de provenance externe, et dont nous discuterons en détail la valeur sémantique, la sincérité subjective (indéniable) et l'exactitude objective (à cause des charismes mentionnés) ; — 80 pièces de vers, son

Préface de la nouvelle édition

23

Diwäân (recueil plusieurs fois refait, en y glissant des imitations, qui ne sont pas toutes de son école). Enfin, en prose, trois frag-

ments datant de ses débuts, d’une authenticité exceptionnelle (éd. Daylami, Ibn Khamis), et deux recueils continus : les Riwäyät, d'avant l’an 902 (XXVII hadîth qudsi, d’un style aberrant et d’une langue presque populaire), — et les XI Tawäâsin (compilation des « novissima verba » de Hallâj, dont la technicité philosophique est «signée », pour la répartition en chapitres, postérieure au xi® siècle). Toutes les autres œuvres en prose, à part une préface (K. Sayhür), ont dû être brûlées. Et comme pour Eckhart et pour Marie des Vallées, les textes les plus significatifs nous ont été conservés grâce à une gangue de commentaires hostiles. La section III donne un essai d’exhaustion de la « bibliographie hallagienne », comprenant plus de 1415 ouvrages, de 953 auteurs ; avec un avertissement dégageant de cette énorme gangue quelques paillettes de métal précieux, détails significatifs, appréciations méditées. Suit l’énumération en tableau des 37 chaînes testimoniales fondamentales, asänid, constituant le « Hadîth », la Tradition islamique hallagienne. 37 chaînes continues, remontant à quinze des 117 noms de contemporains, témoins directs de la vie et des paroles de Hallâj (91 favorables, dont 2 femmes ; 26 hostiles) : ses fils Mansür et Hamd, Ibn ‘Atä, Shâkir, Ibn Fâtik, Shibli, Qannâd, Ibn Khañfif, Ibn Surayj ; avec deux apostats (Dabbâs, Awäâriji) et quatre ennemis (Abû ‘Umar, Ibn ‘Ayyâsh ; Ibn Rawh, Süûli). Cette proportion de 15/37/117 est remarquablement élevée, pour un proscrit, surtout si l’on songe qu’en 1945 le shaykh Dabâ‘ (doyen des Lecteurs du Qur’ân au Caire) m’indiquait, pour les quinze témoins primitifs de la récitation du Qur’ân (dont ? femmes : cf. Jeffery), connus de lui par 1060 chaînes ‘uthmâniennes continues, une proportion bien plus faible (à peine 1/1 000, au lieu de 1/10), soit 15/1 060/ 12 314 : par rapport à la masse des 12 314 Compagnons connus du Prophète (dont 1552 femmes ; et quelques hérétiques (Harqûs) et apostats (Rabî‘ Jumahî, son muezzin à ‘Arafât) avérés, au lieu de la proportion de 15/37/117 {sahäba hallâjiya). On peut légitimement inférer de ces chiffres qu’un retentissement spirituel durable des paroles de cet excommunié les diffusa dans les masses croyantes des cités, ébranlées par l’annonce de sa mise à mort. En Jûzjân, une révolte éclata. A Bagdad même, Mas'‘üdi, témoin oculaire, note ce jour comme «solennel» ; à cause des idées que Hallâj a soutenues. Et « qui lui amenèrent un grand nombre de disciples » (posthumes), esprits indépen-

24

La vie de Hallëj

dants, épris de philosophie, nous dit l’un d’entre eux, Daylami, légataire de Tawhidi : à propos de la position originale de Hallâj en métaphysique, identifiant le Désir, ‘Zshq, avec l’Essence Divine. Alors qu’à l’imitation des «premiers» philosophes helléniques, les faläsifa musulmans ne faisaient de l’Amour qu’un Démiurge. Relevons, en passant, la portée déjà «interculturelle », «inter-régionale », dès 990, de cette remarque « comparatiste » d’un hallagien : sur son maître. Et c’est ainsi, sans doute, par cette affinité intellectuelle de l’amitié d'esprit, toute désintéressée, supraraciale, que la pensée hallagienne m’a atteint moi-même : bien plus que par la continuité «initiatique » et formaliste des quatre « chaînes » sûfies que j'ai rejointes en 1908 (Mhd. Yamani, Bagdad), 1909 (Bâdi Sannâri, Caire), 1911 (Bursali Mhd. Tâhir, Cengelkéy), 1928 (Hasan Fehmi Beg, Ankara), par cette soudaine résurgence

d'une pure évidence en faveur d’une cause juste calomniée, qui «retourne» un adversaire de bonne foi ; observée chez mes deux hôtes bagdadiens en 1907-08, les Alussy : Hôâjj ‘Ali Alussy qui me retrouva Khatib, quand il découvrit l’avis favorable d’Amîn al-W‘iz, un des maîtres hanafites de son père, et se mit à m'aider si continûment ; et surtout Mahmüd Shukrî Alussy ; quand son indépendance farouche de salafi me dit sa révolte devant la rétractation extorquée en 1073 à

Ibn ‘Aqil (pour son opuscule hallagien) par des politiciens bornés de son rite hanbalite. D’autres résurgences de sympathie semblables ont été relevées à travers les siècles, même chez des docteurs shî'ites, — et, ce qui est socialement plus important, des reprises de compassion collective pour Hallâj, conçu comme un intercesseur eschatologique, dans le petit peuple des persécutés, artisans et confrères en la fuluwwa (cela, peut-être, dès la mort de Hallâj), Yézidis, Druzes et même Nusayris. Dans ce sens, je dois isoler à part, sur la longue liste de confrères orientalistes et philosophes, qui m'ont si amicalement aidé dans mes recherches hallagiennes de 1907 à 1922 (cités alors, p. 942), les noms d’Ignace Goldziher et de Joseph Maréchal ; chez eux, alors, comme maintenant chez Farhadi, J. M. ‘Abd el-Jalil et Louis Gardet, la sympathie de connaturalité intellectuelle envers Hallâj fut directe, au-delà de notre amitié. Dans l’Islam même, après 1922, j'ai rencontré une compréhension vraie de la pensée hallagienne chez Mhd. Iqbâl, à Lahore ; Mhd. Fassi et

M. Bennani, à Fès ; B. Tuprak, M. A. Yücel, Süheyl Ünver, N. Topcu, $S. Z. Aktay en Turquie ; Z. Mubäârak, ‘AR. Badawi

au Caire et M. L. Gum'a, qui « reporta » la T'albiya hallagienne

Préface de la nouvelle édition

25

à ‘Arafât. Je n'oublie pas les novissima verba de Tor Andrae en son & myrieniträdgarden. J'y rattache ici les communications confraternelles précieuses de V. Ivanov, J. Deny, H. Ritter, H. Corbin, S. Pines, R. Chatterjec, et les contributions si spontanées de Sheref Yaltkaya

à Ankara, Servèr Gouyâ à Kaboul,

Hamidullah à Hyderabad, T. Ragragi à Rabat, AH. Sarrâf à Kerbéla et surtout du savant historien de Bagdad, Mustafa Jawâd. Il s’est rencontré jusqu’en Israël des « hallagiens » au sens large ; parmi ceux qui cèdent à l’arabe la « précellence » vis-à-vis des autres idiomes sémitiques, comme explicateur de la grammaire et de la dialectique, décantant leur art, condensant leurs

maximes sapientiales. C’est le même attrait intellectuel pour le rythme essentiellement sémitique de la phrase hallagienne qui a poussé des Caraïtes médiévaux à transcrire en lettres hébraïques des proses et des poésies hallagiennes, qui a induit Ignace Goldziher en 1912 à se pencher sur les épreuves des Tawäsin, en révisant mes essais de traduction, — et qui a déterminé Paul Kraus, avant de disparaître dans le désespoir, — à faire réimprimer à Alep, en 1943, en un adieu adressé à notre amitié, les péricopes de nos Akhbär al-Halläj où brûle l’Essentiel Désir.

Ma préface de 1922 ne précisait pas les hypothèses de travail effectivement sous-jacentes au plan initial : la présente mise au point sert à les dégager, avec les caractéristiques d’une méthode, en matière d’histoire religieuse. La section I avait suivi, pour décrire une vie, l’atomisme anecdotique de la primitive historiographie arabe, celle des « Ayyâm al-‘Arab », celle du Hadîth ; en s’inspirant, pour son acribie, de La clinique médicale de l'Hôlel-Dieu de Paris, de Trousseau, recommandée par un ami, un psychologue, Jean Dagnan. La section II avait choisi le cadre systématique du Kalâm mu‘tazilite, se conformant en cela au choix même de Hallâj, lui empruntant son lexique doctrinal, pour le «sublimer ». C'était aussi prendre exemple sur The mystical element of Religion studied in Ste Catherine of Genoa and her Friends de Fr. von Hügel, recommandé comme guide par Henri Huvelin, son directeur spirituel, à qui Charles de Foucauld m'avait amené. Restait toute l’annotation explicative de l’ensemble, indispensable pour le rendre intelligible au lecteur non-musulman, annotation dont la responsabilité m'incombait : elle devait recevoir une orientation définie ; cette vie tendue passionnément

26 vers une

La vie de Halläj certitude

suprême

ne devait être ni «une

apologie,

ni une réhabilitation ». Hallâj lui-même, à la suite des Hanbalites, et de certains Sûfis, avait élaboré une conception de l’histoire dépassant l’atomisme occasionaliste du Hadith, et la théorie cyclique du fatalisme astrologique transmise aux scribes fiscaux Imâmites de l’Empire abbasside par leurs prédécesseurs araméens. Son temps historique était une progression de pulsations de la grâce, karrât, oscillante comme celle du pendule, mais montante, une accumulation de témoignages récapitulatifs, préparant l’actualisation du Jugement. Et voici quelques-unes des hypothèses de travail utilisées :

a) On ne saurait penser une « histoire » humaine, puisque la durée où nous vivons est orientée, qu’en postulant une continuité structurale finaliste (contre le discontinu fortuit), on ne saurait l'écrire qu’en expliquant les faits linguistiques phonologiquement (et non phonétiquement), et les faits psychiques par une « psychologie de la forme» (contre l’empirisme associationniste). La finalité historique doit devenir «intérieurement » intelligible, car elle concerne la personne qui dégage à elle seule le sens de l'épreuve commune (et non l'individu, élément différencié dépendant du groupe social qui en demeure la fin naturelle). b) On peut schématiser la vie d’un groupe social en construisant les courbes de vie individuelles de chacun de ses membres différenciées suivant leurs relations de milieu externe (voyages, maladies, mariages), mais il est vain d’en faire la « sommation » sans y avoir repéré certaines courbes individuelles remarquables, douées de points singuliers (et même de « nœuds ») correspondant aux « expériences intérieures » de certitudes (et même d'angoisse) par quoi ils ont « trouvé » des « résolvantes psychiques », à leurs aventures du milieu. Devenues pour ceux-là d’abord des « situations dramatiques» intelligibles, dénouées pour les autres, ensuite. c) On peut, pour la commodité du schéma, considérer qu’il n'y a qu'un nombre restreint de «situations dramatiques» possibles et de thèmes dans un milieu social (Aristote, Gozzi, Gœthe ; cf. Polti, Aarne-Thompson). Mais elles sont rarement résolues, car les résolvantes de leurs péripéties sont des trouvailles strictement personnelles, ou mieux, des prises de conscience récapitulatives de la personne, dans un acte héroïque (généralement «acte unique, dans une vie»). Ces prises de conscience « testimoniales » de la grâce divine en nous sont des réactions surhumaines, irréductibles aux pressions du milieu ; juxtapositions d’atomes anecdotiques (nawädir), structures fortuites de la statistique, rôles des organismes institutionnels et des

Préface de la nouvelle édition

27

fonctions folkloriques (G. Dumézil), ascendant des proverbes sapientiaux et des maximes philosophiques (Westermarck), assentiment aux archétypes (R. Jung), — et autres schémas combinatoires arbitraires où une société se pipe elle-même, en croyant s’y formuler une représentation explicative de son passé, préformatrice de son avenir. d) L’acte héroïque isolé, dont l’objet formel est divin, possède une valeur axiale « transsociale » ; on peut la figurer comme une projection hors du monde de la trajectoire de vie de son auteur : non seulement sur un cycle idéal « imaginaire » (compassion d’Antigone pour l’ennemi de la cité), mais sur un cycle liturgique communautaire réel (hospitalité d'Abraham pour l'étranger, intercession de l’amitié virginale pour le criminel). Car cet acte n’est pas seulement un dépassement solitaire, mais une sublimation solidaire de la masse des séries intéressées de vertus rentables, actes mercenaires, appétits médiocres, péchés et crimes : masse misérable où, par dégoût des hagiographies conventionnelles hypocrites et «bien pensantes », les derniers biographes consciencieux puisent les motifs du mépris global envers tous les comportements humains. e) Cette conception finaliste « interne » et « personnaliste » de l’histoire humaine y voit une solidarilé, réelle et efficace, des misères de la masse, avec la douleur réparatrice et salvatrice, sainte, de quelques âmes héroïques, « substituées apotropéennes » (thèse de Huysmans ; théorie des abdäl, selon les Hanbalites, et les premiers Sûfis, en Islam). f) La continuité transhistorique de cette finalité typifie, dans des « saints substitués », les crises de souffrance collective, famines, épidémies, guerres, persécutions, subies par la masse des malheureux. Crises de « parturition » (édinès) dont la vraie signification transperce, avec quelques clameurs surhumaines de vengeance apocalyptique, le conformisme réticent des anna-

listes

officiels,

et

la

clandestins (Tanûkhî, l’affaire Shalmaghânî

perversité

affectée

des

mémorialistes

salissant Ibn Khäfif ; Sûli, «sautant » et la falwä anti-hanbalite) ; ces deux

aspects complémentaires de toute historiographie provenant de la caste bourgeoise des scribes bureaucrates. On l’a dit en résumant Bloy : «le déchiffrement de l’histoire est réservé à certains êtres de douleur » (Béguin) : qui ont compassion intuitive des saints. g) Ils décèlent, dans le monde périssable, la présence immarcescible d’une Vérité sainte, ils la voient paraître chaque fois que se réalise la prémonition de l’intersigne par le miracle imprévisible de l’exaucement. Ils la voient guider les saints

28

La vie de Halläj

dans leur percée jusqu’à la Source divine silencieuse d’où surgit jadis leur destinée, et où va s’absorber mépris de toute tactique préméditée.

leur vœu

intime ; au

h) Et le témoignage suprême du saint se réalise, surmontant les équivoques et les ambivalences, perçant de front la peur, le danger, le doute, la pire tentation (lettre de Foucauld, 30 octobre 1909), car ce n’est qu’à travers la souffrance mortelle de l'épreuve désirée qu’il peut accéder à l’Union à l’Un, à l’Essence divine désarmée, esseulée, nue. i) Lorsque le saint substitué, «témoin de l'instant », rejoint ainsi le « Témoin de l'Éternel», cette Union dans la solitude est intercession pour une masse immense d’âmes qui sont restées à mi-chemin. Contrairement aux théories missiologiques du prosélytisme en expansion, les enquêtes récentes sur la statistique religieuse ont établi des invarianis, à peu près les mêmes pour tous les milieux et les époques, pourcentage immuable des pratiques rituelles dans le groupe confessionnel, des bonnes actions et des péchés, des vocations ferventes et des hors-la-loi déchaînés ; avec cette remarque que cette petite minorité pécheresse avouée se confronte à l'immense armée de ses contemporains «respectables », pécheurs secrets, comme des Abdäl éventuels, rançon toujours possible de pénitents pour une masse dans le mal. Cette constatation de l’inanité de tout apostolat officiel propagandiste souligne assez clairement que c'est par une homéopathie intermittente, à doses infinitésimales, de sainteté «substituée », que la vie religieuse des groupes croyants est préservée de pourrir d’hypocrisie. Hallâj enseignait (Riw., n° 27) que, toutes les minutes, Dieu, par un saint, purifie 70 000 justes ; un de ses aînés, ‘Ali-b-Muwaffaq, déclarait qu’au jour de ‘Arafât, parmi 600 000 pèlerins rassemblés, Dieu se suffisait, pour leur pardonner, d’y trouver six justes : ce qui remémore la prière d’intercession du premier des Abdäl, Abraham, sur la Cité de perdition, Sodome. Une étude portant sur une telle vie héroïque ne pouvait l'interrompre à sa mort, car la «survie» posthume de Hallâj ici-bas, à travers des chaînes de témoins douloureux et sacrifiés, nous engage et nous entraîne au-delà, vers des «temples» (hayäkil) de l’éternelle Cité des âmes, suscités de l’holocauste transfiguré de leurs corps d’ici-bas. Centré spirituellement, par la Fête des Sacrifices, sur le

Pèlerinage à la Mekke, l’élan de la prière de Hallâj s’est réellement

au-delà

dilaté

aux

dimensions

des frontières

du

du Jihâd,

monde

au

musulman

premier

rang

d'alors,

et

des âmes

Préface de la nouvelle édition

24

militantes qui défendaient, dans un «corps à corps » spirituel acharné, la Communauté Islamique menacée dans son cœur et dans son ikhlâs par des forces mystérieuses, tentatrices, schismatiques, de dissolution et de perversion ; — par l'esprit d’hypocrisie qui livrait le Lieu Saint du grand pardon en villégiature aux proxénètes de la Cour, du négoce, de la banque et de la poésie ; — l’exposant par là-même au cynisme athée, à la convoitise et au couteau des mauvais pauvres, des révolutionnaires Qarmates. Le monde musulman était traversé par deux courants de sens contraire, aspirant à la Qibla du sacrifice, ou la reniant : un immense afflux de prières mercenaires et d'œuvres perfides déferlait contre la prière pure de quelques solitaires, contre l'esprit de pauvreté, de jeûne et de sacrifice qui criait à Dieu «aslih », «réforme » l’Islam selon la Justice, «ainsi que tu l’as promis à Abraham » : dûssions nous en mourir. Que cette voix ait prévalu, c’est ce que prouve le changement de camp presqu'immédiat des forces mauvaises, leur désertion de la cause impériale, qui provoqua l’écroulement de la vieille structure politique et sociale des Abbassides, — et leur ralliement à la cause Qarmate, qui contamina de lucre et de luxure la « pureté » révolutionnaire acquise par le messianisme « légitimiste » Alide durant deux siècles de persécutions. Tandis que cette poignée de militants héroïques périssait, livrant les « temples » de leurs corps en expiation (tel Jurayri acceptant la mort au guet-apens Qarmate de Habir, lui qui regrettait d’avoir abandonné Halläj), — les Qarmates, après avoir cru détruire l’esprit du Pèlerinage en volant la Pierre Noire, se résignaient à la rendre au temple de la Ka‘ba (en présence du grand cadi du Caire, Ibn al-Haddäd, un hallagien). Il ne s’agit pas seulement d'affirmer le progrès spirituel des âmes séparées, après la mort (Ibn ‘Arabi), dans le sens virtuel de leurs prédestinations d’« idées ». Hallâj a affirmé que l’ultime finalité de l’histoire d’une personne humaine n’est pas le simple retour à ce type intelligible que Dieu en a prévu, mais « l’avènement de Sa réalisation ». Et cette «réalisation » implique que les âmes « ressusciteront » leurs corps glorifiés, dans un ordre d’apothéose hiérarchique ne conservant des observances confessionnelles que la mesure de «théopathie» (ikhlâs) qui y fut mise ici-bas. Les saints substitués (abdâl) ne sont, ni des mahatmas (dont l'effort ascétique est intransmissible, et «miraculeusement » frappé de stérilité), ni des grands hommes (dont les créations sociales meurent avec les cités d’ici-bas), — ni même des inventeurs el découvreurs (saints du calendrier positiviste) dont

30 la succession

La vie de Halläj est discontinue

et fortuite.

Certes,

la somme

de

l’expérimentation scientifique séculaire ne cesse de grandir, mais ce n’est que pour accélérer le processus de désintégration par surdifférenciation (et «fission») des cités d'ici-bas. La science expérimentale peut « insensibiliser », et même supprimer de plus en plus les souffrances dans les corps, ils mourront tout de même ; tandis que la sainteté « substituée » se trouve « sensibilisée » par Dieu pour compatir aux cœurs brisés et « cardés », dont elle transfigure la blessure en consolation, source de guérisons immortelles. On a considéré ici Hallâj comme une de ces âmes données, substituées à la Communauté musulmane, ou, plus bibliquement,

à tous les hommes, à travers les Croyants au Dieu du Sacrifice d'Abraham, à travers les pèlerins expatriés, gèrim, qui désirent se retrouver en mourant dans le « sein d'Abraham », où ce Dieu

réalisera leur promotion spirituelle immortelle. Cela nous hausse au-dessus de Carlyle et de Gundolf et de leur « culte des héros », totems de race, de nation, ou de classe. Et des hagiographes académiques qui « canonisent » religieux ou laïcs, comme « bienfaiteurs de l’humanité ». Il s’agit ici de poser la transcendance absolue du plus humble des actes héroïques, comme pierre d’angle unique de l’éternelle cité. L'histoire religieuse ainsi conçue l’envisage comme l’axe et l’apex du monde en mouvement vers l’au-delà ; même si l’auteur de cet acte l’oublie, reste méconnu, lui-même, ou inconnu, jusqu’à la fin.

On a pu considérer l’histoire totale de l’humanité jusqu’au Jugement comme un tissu sphérique, dont la chaîne spatiale tridimensionnelle de « situations dramatiques » inconsciemment souffertes par la masse, est traversée, « armée » par une trame : celle que la navette irréversible des instants tisse avec les courbes de vie originales d’âmes « royales », compatientes et réparatrices, illustres ou cachées : qui « réalisent » le dessein divin. Telle celle de Halläj. Non pas que l’étude de sa vie, pleine et forte, droite et une, montante et donnée, m'’ait livré le secret de son cœur. C’est plutôt lui qui a sondé le mien et qui le sonde encore. Une brève allusion à lui, en marge des « quatrains » de Khayyâm tendus par une main équivoque, une simple sentence de lui, arabe, aperçue dans le « mémorial » persan de ‘Attôr, et le sens du péché m'a été rendu, puis le désir, déchirant, de la pureté lue au seuil d’un cruel printemps égyptien. C’est en baissant les yeux, markhiyä ‘aynayyä, que je salue de loin cette haute figure, toujours voilée pour moi, jusque dans sa nudité suppliciée : alors arrachée à la terre, enlevée, toute ensanglantée, toute déchirée de blessures mortelles, portées par la jalousie du plus ineffable Amour.

Préface de la nouvelle édition

31

Murta‘ish l’avouait (dix ans après son martyre et cent ans avant la vision d’A. I. Kâzerunî) : « si le sort de Hallâj l’a exposé, en spectacle, devant tous, son âme garde son mystère, même pour les plus intimes amis de Dieu ». Pourquoi cet ascète a-t-il rompu, pour débuter, avec son premier maître ? Pourquoi s'est-il marié et pourquoi, allant prêcher Dieu, s'est-il défroqué? Pourquoi cet extatique s'est-il dit, en dehors de l’extase, «un avec Dieu », — revendication scandaleuse d’un pouvoir divin charismatique et judiciaire, — insolence qui n’est, de l’aveu même de Ghazäli, tolérable que dans la bouche du Messie et comme simple locution théopathique? Pourquoi ce pèlerin de ‘Arafât, qui avait crié de façon provocatrice son désir d’immolation victimale dans les souks de Bagdad, s'est-il enfui, et déguisé sous un faux nom lors des premières poursuites, — et pourquoi a-t-il protesté en s’entendant condamner à mort

traîtreusement? Pourquoi enfin, priant sa dernière veillée en prison, a-t-il douté si longtemps, avant de deviner et de s’écrier, que le feu où allaient être brûlés ses restes, prédisait sa gloire future de ressuscité? Dieu le sait.

Mais, ce que j'ai bien compris, maintenant, c’est qu'il est vain d'appliquer, dans un cas pareil, les règles de prudence normalisatrice de la critique hagiographique, préconisée par le P. Delehaye (à qui elles ont déjà si mal réussi pour le Pokrov et pour la Salette). Procéder à la « toilette » décente des « acta martyrum », les expurger de leurs « énormités », reparties «trop topiques » aux juges, séances de tortures « excessives », charismes manifestés «inutilement », — c'est se refuser à comprendre que la vraie sainteté est forcément démesurée, excentrique, anormale et choquante, — c’est interdire à l’âme en quête de Dieu de s'évader de la prison des «civilités honnêtes» et des «convenances reçues », des « habitudes respectables» : en perçant le mur. Percée assurément insolite et déconcertante. Mais est-il raisonnable

de

traiter

une

affirmation

existentielle

d’irrecevable,

parce qu’elle n’a pas de précédent et qu'elle présente un fait comme hors série? On a renoncé à la représentation « logique » de l’histoire par la préexistence (Platon) ou l’évolution (Hegel) de l’idée ; et l’on en a proposé une représentation « paralogique », par la préexistence d’archétypes (R. Jung), ou l’évolution de fonctions, de situations ; allant jusqu’à des cycles de réincarnation de personnes (théories Imâmite, Druze, Nusayrie). Mais l'unification finale, libératrice,

de l’âme une, personnalisée

par

l’adoration du Dieu Un, s’opère durant une seule vie (Suhrawardi Halabi). Y a-t-il médiation, attraction exercée sur la conscience

32

La vie de Halläj

par certains thèmes oniriques archétypiques prémonitoires? Et ces thèmes sont-ils des «illusions », dues à la «tension » factice de notre fantaisie fabulatrice (G. Dumas), ou « à l’introduction de l'élément subjectif dans la réalité» (Delehaye)? Ne sont-ils pas souvent, surtout chez les Sémites, des modalités anagogiques de la grâce agissant sur les phantasmes de l’imagination infrarationnelle pour nous préparer à une conception pure du verbe mental? Chez eux, la vertu n’est pas un équilibre grec, un « méson » médiocre, entre deux excès, mais une « conduite suprêmement noble » {makärim al-akhläq), une tension héroïque, en flèche, sans contrepoids ni contrepente (Eckhart).

Il n’est pas niable que les vies des mystiques contiennent des images étranges, rapportent des apparitions singulières structures mentales inconnaissables, inévitables autant qu’ininventables, qu'ils ne s'expliquent pas de suite. Ce sont pourtant, souvent, des réalités, d’un certain ordre, en «devenir», des finalités potentielles qui s’objectiveront, indéfiniment « ouvertes » dans le sens de la recherche et de l’espérance la plus théologale. Par le processus de la «reconnaissance» dramatique (anagnôrisis), notre rétrospection nourrit notre attente, notre rêve nous ouvre le sens d’une série d'événements, à mesure que notre prière s’est raccordée à sa source, qui est la grâce. On comprend combien il serait futile de « normaliser » ces séquences toutes personnelles et ces séries indépendantes, — à la manière des « dépendances aléatoires » et des probabilités en chaîne des statisticiens. J’y vois plutôt toute une musicalité d’intersignes prémonitoires de l'élection, dissociant l’âme privilégiée d’avec les « autres », la livrant en otage à leur incompréhension et à leur ressentiment. Je renonce donc à expurger les «acta sincera » relatant le supplice de Hallâj des amorces de sa future légende ; car elle y préexiste, latente comme l’étincelle dans le silex. Je renonce à dissocier ses miracles de ses sentences, malgré leur décalage (P. Kraus). Je me refuse à disjoindre ses oraisons et discours de leur présentation assonancée ; car elle décèle, non pas une stylisation surimposée ou un décalque d’encadrement, mais la scansion saccadée, le rythme inspiré du voyant sémitique. Je

renonce,

enfin,

à désarticuler

ma

traduction

en

français

des maximes et poèmes de Hallâj en minimisant la structure orientée de sa phrase, en prenant chacun de ses mots au sens littéral, sans leur « ensevelissement germinatif » ({admin), sans leur sublimation anagogique et brisante. J'annexe même aux faits historiques les méditations ultérieures qu’ils ont suggérées.

Préface de la nouvelle édition

33

Il a dit et redit ses phrases, pour ses vrais auditeurs, comme des inlersignes, récapitulatifs et prophétiques ; leur valeur entraînante et réalisatrice doit être respectée ; leur orchestration est inséparable de la mélodie évoquée. Que ces constatations choquent probabilistes et statisticiens, nul doute ; leur méthode, devant les cas singuliers, est l’élimination, car elle n’a pas été outillée pour la détection. Or il se trouve que, scandaleusement, Hallâj est un spirituel, un cas exceptionnel, un gharib (à lui seul « une espèce », comme un archange des luttes d’en haut) ; son destin a été si étrange qu'il ne l’a « reconnu » qu’in extremis, au moment où la grâce le clouait à la cime de son vœu. Mais quelle est l’âme de bonne volonté qui ne serait pas disposée

à en arriver là, à la fin? Et n’y arrive-t-elle pas effectivement alors, si elle accepte que la finalité réalisant sa vie, la referme sur l’origine divine de ses virtualités, pour toujours, par une sorte de « courbure » spirituelle du temps? C'est au terme de qu’on peut embrasser contours ambigus des est unifiée devant le Juge :

l'ascension, du haut de la cime vaincue, tout l'itinéraire parcouru et élucider les premiers tâtonnements. La personnalité danger, avant-coureur de la mort et du

Quand la douleur survient, monte vers elle avec désir (‘ishq) : Il faut monter à Rabwé (avec Maryam) pour pouvoir contem[pler Damas. (Rûmi, methnewi, 3, 3753 : sur l’Annonciation)

La mise à mort de Halläj, décrite par diverses sources indépendantes, éclaire sur la mentalité de ses adversaires : — pour le fribunal, vizir et cadis, c’est l’application de la peine capitale à une transgression de la loi, qu’il a délibérément commise en enseignant la licéité des rites du Hajj hors de la Mekke ; — pour le Palais impérial, khalife et grands officiers, la condamnation est mise à exécution par mesure de salut public, le souverain prenant conscience de sa fonction de gardien de l’ordre menacé ; — pour le menu peuple des témoins salariés entretenant la vie religieuse de la masse, Shuhüd (notaires canoniques) et Qurrä (Lecteurs du Qur’ ân), ils acclament les tortures subies par le supplicié comme leur vengeance à tous, la rançon de l’outrage infligé à leur piété formaliste de par une vocation directe à l'intimité avec Dieu ici-bas.

34

La vie de Halläj

Pour la psychologie de Hallâj lui-même, le document fondamental demeure cette « oraison de la dernière veillée », recueillie

et éditée, deux ans à peine après le supplice, par un surayjiyen, le chef des Shuhûd

du Caire, un futur grand cadi intérimaire,

Ibn al-Haddäd. Dans ce texte chargé de sens, aussi mystérieux qu’admirable, Hallâj prend conscience du sceau de sainteté que le dénouement foudroyant de sa vie va imprimer à tant d’intersignes prémonitoires; il voit sa prédestination

de Témoin,

livré d'avance

à

son Unique «tout esseulé » ; il pressent sa résurrection future, il la voit dans cette dernière étincelle encensante qui jaillira du naphte où va brûler son cadavre. Transporté d'avance sur l’esplanade de son prochain supplice, pour y pleurer sur cette foule spectatrice, ignorante, stupéfaite, aussi insensible demain à ses tortures, qu’auditrice indifférente, hier, à ses appels extasiés. Posé en cible flambante, face aux visages fratricides des

hauts

fonctionnaires,

fauteurs

de crises

et de rixes,

que

son feu marque et qu’il sonde. Frappé à leur place par la juste sentence du souverain Juge. En vain avait-il crié en extase, jadis : « Ô musulmans, sauvez-moi de Dieu, aghithüni ‘an Allâh » (Akhb., n° 10). «Non, nul ne le sauvera de Dieu... » (Qur., LXXII, 22). «et je ne trouverai pas, en dehors de Lui, d'asile » (id., LXXII, 23)1. Louis Massignon. M. 31 octobre 1962.

(1) Nous croyons devoir mentionner les auteurs suivants, comme permettant de situer nos hypothèses de travail : Trousseau (Clinique médicalede l'Hôtel Dieu de Paris); Fr. von Hügel, The mystical element

of Religion,

studied

in S.

Catherine

of Genoa

and

her Friends;

Polti;

J. K. Huysmans ; Léon Bloy (ap. Albert Béguin...).

Sur les méthodes

d'investigation proposées, on trouvera nos éclaircisse-

ments personnels dans : Roseau d’or, 1927, n° 4, pp. 141-176 Dieu vivant, IV, 1946 (1695-bc); Eranos (Zurich), XV, p. 287

Euteiin es Aiite gs {hlger), 1949, n° 43 eelers,

ne

.

2, pp. 429-448 (1806-bm).

245-

(1695-bl);

{

(1695-bj);

Mélanges

A

Henri

(1696-ac); (1695-bf);

Mélanges Paul

Grégoi

TT

SYSTÈME RÉFÉRENCES

ADOPTÉ AUX

POUR

LES

MANUSCRITS

DE

TRANSCRIPTIONS, ET

ABRÉVIATIONS

TITRES

La méthode de transcription suivie ici: est purement graphique, sans. concessions’ à la phonétique (‘Amrûä khwâja) : tanwin: à, 1, ü alphabet arabe: alif (hamza : a, i, u ; mâdda : à ; maqsüra : à; fâsila : a). b-t-th-j-h-kh-d-dh-r-z-s-sh-s-d-t-2-‘-gh-f-q-k(g)-l-m-n-

h-w(ü)-y(f).

IT

La méthode de référence est basée sur deux règles: : A) Pour tous les ouvrages généraux, qui ne sont cités qu’en passant, les références sont abrégées suivant des sigles dont la liste est donnée plus bas ; et renvoient normalement# aux notices correspondantes du manuel classique de Brockelmann, Geschichte der Arabischen Litieraturs. B) Pour les ouvrages spéciaux visant Hallâj (nommément ou anonymement), les références sont abrégées, soit suivant des sigles (liste infra), soit suivant des numéros d'ordre en italiques; références, sigles et numéros d’ordre renvoient tous à la bibliographie hallagienne qui a été dressée ici même, au chapitre XVS. (1) Dans cette nouvelle édition. (2?) Je me suis relâché de cette

rigueur dans la seconde

section

Note

de la première édition]. (3) I1 importe de rappeler ici ces deux règles de la première édition, car elles ont été utilisées dans leur principe pour la nouvelle édition. Il va sans dire que beaucoup de sources utilisées par l’auteur avant 1914 étaient alors encore manuscrites. Le lecteur devra se rapporter à la Bibliographie hallagienne (ch. XV de cet ouvrage) pour une mise à jour des références. (4) Exceptionnellement, je donne des notices pour les ouvrages non mentionnés dans Brockelmann. . (5) [A la première édition (2 vol., 1898-1902) seule parue en 1914, se sont joints depuis : Supplément, 3 vol., 1937-1942 et 2e édition (2 vol., 19431949). (6) l Note de la seconde édition) [Les numéros attribués aux références de la première édition ont été conservés ici. Ces références ont été complétées par les insertions prévues par l’auteur].

36

La vie de Halläj

La plupart des sources citées sont islamiques et manuscrites, — car l'attention des orientalistes ne s’est portée sur l’ensemble des textes que j'avais à étudier que depuis le début de mes recherches. Le nom de la bibliothèque a été réduit à celui de la ville où elle se trouve, quand elle est citée dans la liste de Brockelmann, Geschichie der Arabischen Lilleratur, — et le numéro du manuscrit réfère à la numérotation du catalogue mentionné dans la liste de Brockelmann. Quant aux fonds manuscrits qui ne sont pas cités dans la liste de Brockelmann, et que nous avons eu à utiliser, on en trouvera l’énumération ci-dessous. Sauf indication spéciale, l’abréviation ms. réfère à un fonds de manuscrits arabes. Les notes réfèrent, en particulier, à [plusieurs] publications de l’auteur sur Hallâj : — Hallâj, kïtâäb al-Tawâsin, texte arabe publié pour la première fois. avec la version persane de Baqli, l’analyse de son commentaire persan, une introduction critique, des observations, des notes et trois indices, Paris, 1913 : xxiv +223 pages (1696-j). — Quatre textes inédits relatifs à la biographie d'al-Halläj, publiés avec des analyses, des apparats critiques, des notes et un index, Paris, 1914 : 11+38+76

pages. Ces quatre textes sont :

I. Ibn Zanji, Dhikr magtal al-Halläj ; IT. Sulami, Térikh al-sûfiya (extraits édités par Khatiîb); III. Ibn Bâkûye, Bidäyai hâl-al Hallâj wa nihäyatuhu; IV. Akhbär al-Halläj (recueil anonyme de la fin du rve/xe siècle) (1695-1). — [Diwân al-Halläj, poèmes arabes attribués à Hallâj, édités, annotés et traduits in Quatre textes, IV, Paris, 1914. — Seconde édition, avec

additions

et corrections,

in Journal

Asiatique,

1931,

pp. 1-158. — Troisième édition, Geuthner, Paris, 1955, pp. 1-172 (reproduit la 2e édition, p. 1-158, suivie de Recherches nouvelles sur le «Diwân al-Halläj » et sur ses sources, extr. de Mélanges Fuad Kôprülü, Istanbul 1953, p. 159-172). C’est à cette troisième édition qu'il sera fait référence ici. — Une version abrégée de la 3e édition (omettant les poèmes d’attribution douteuse et tous les textes arabes) a paru, précédée d’une «Perspective transhistorique sur la vie de Hallâj », aux Cahiers du Sud, Paris, 1955, XLVI1+157 pages.] (1695-w). — [Akhbäâr al-Halläj, textes arabes attribués à Hallâj, édités, annotés et traduits in Quatre textes, IV, Paris, 1914. —— Seconde édition, recueil d’oraisons et d’exhortations du martyr mystique de l’Islam Husayn Ibn Mansûr Hallâj, mis en ordre vers 360-971 par Nasrabadhi, publié, annoté et traduit par l’auteur et Paul Kraus, « Au Calame », Paris, 1936, pp. 112+141. Troisième édition, reconstruite et complétée, Vrin, Paris, 1957, 217+ 158 pages : c’est à cette dernière édition qu'il est ici fait référence.] (1696-v). — [Essai sur les origines du lexique technique de la mystique musulmane, Geuthner, Paris, 1922, 302+104 pages. — Seconde édition, Vrin, Paris, 1954, 453 pages, nouvelle édition revue et considérablement augmentée.l (1695-p). — [Recueil de textes inédits concernant l'histoire de la mystique en pays d’Islam, réunis, classés, annotés et publiés par l’auteur, Geuthner, Paris, 1929, x+259 pages.] (1695-u). — [Opera Minora, collection d'articles de l’auteur et de documents iconographiques, Dar al-Maaref-Liban, 1963, t. I,

Syslème de transcriplions et abréviations

37

672 pages+ 19 pl. ; t. II, 666 pages+10 pl. (18 articles sur Hallâj 1989) p. 1-342); t. III, 855 pages+40 pl.; P.U.F., Paris,

Table

des catalogues de fonds manuscrits utilisés et non par Brockelmann [en 1902]

cités

Londres. British Museum Suppl. (mss arabes entrés de 1894 à 1912) : par Ellis et Edwards, Londres, 1912 (et registre d'entrées, dep. 1912). Leyde. Cat. Codd. av. Lugd. Batav., par de Goeje et Th. Juynboll, Leyde, 1907. Er pe Supp. Cat. arab. mss Batavia, par Van Ronkel, Batavia, Beyrouth. Catal. raisonné des mss hist. de la Bibl. Or. de l'Univ. Saint-Joseph, par Cheïkho, ap. Mél. Facult. Orient. VI, 213. Beyrouth, 1913. Princeton. A list of Arabic mss in Princeton Univ. Libr., par Enno Littmann. Leipzig. Verzeichn. der Arab. Hdss….. Univ. Biblioth., par Voliers et Brockelmann. Rome. Cat. mss ar. de la Vaticane par Tisserant (en préparation). Les anciens fonds : Landberg-Brill sont à Leyde et Refâ‘ija Fleischer à Leipzig. En

Orient:

Caire. Azhar (ms.)! — catal. Muhammad livres Ahmad Taymür (publ. Mugtabas, 1912).

‘Abduh



catal.

Jérusalem. «Barnâmaj al maktabat al-Khälidîya » 1318/1900. Damas. Catal. Zâhirîiya, cf. Habîb Zayyât, Makäâtib al-Shäm,

Faggâlab, 1902. Alep. Catal. Ahmadiya catal. Mewleviyé (ms.), catal. ‘Ajjân al-Hadîd. Mechhed (Perse). Catal. de la Hadra publ. ap. « Matla‘al shams » d’I‘timâd al-Saltana, Téhéran, 1302, t. II, pp. 469-501. Bagdad. Mirjânîya (catal. ms.). Jâmi‘ al-Zand (id.), coll. Alüûsi. Constantinople: En dehors des catal. Ayâ Sûfiyà, Yéni Jâmi‘. Kôprülü, Nüûürî ‘Uthmäâniya, Râghib Pâshâ, frès incomplètement utilisés par Brockelmann : ‘Umüûümi (1300 hég.), ‘Ashir Effendi (1306). Laléli Jâmi' (1311). As‘ad Effendi (s. d.). Fâtih (s. d.). Bashîr Aghâ (1303). Wâlidé Jâmi‘ (1311). Dûgumlii Bâbâ (1310), Khosrû Pâshâ (s. d.). Muhammad Aghâ (1310). Hamidiya et Lâlà Isma‘fl (s. d.) Mahmüûüd Pâshâ et Rostom Pâshâ (1311). Mihrshâh Sultôn (1310) Yahya Effendi (1310). Dâmâd Ibrahim Pâshâ (1279). Wal al Dîn (1304, à Bayézid). ‘Atif Effendi (1310. Qâdi ‘askar Mullä Murâd et Dâr al-mathnawi (1311). Hakim Ughli ‘Alî Pâshâ (1311). Tchorlili ‘Alî Pâshâ (1303). ‘Umûjah Husayn Pâshâ (1310). al Hâjj Sâlim Aghâ (1310). Hâlat Effendi (1312). Sulaymanîya (s. d.). Shahîd ‘Ali Pâshâ (ms.). Tôpqapû (ms. phot. Zaki Pâshâ). Les deux waqfs Walt al Din Jâr Allâh et ‘UmoûjahHusayn Pâshäâ ap. ‘Umümi (ne pas confondre avec les deux bibliothèques du même nom; catal. mss). Faydîya (s. d. nouveau fonds Emiri). Shâh Zâdé (s. d.). Sâlimiya (s. d.). Qarah Mustafä (s. d.). — Je n'ai pu consulter le waqf Ekmékjîi Zâdé. Bankipore près Patna : coll. Khuda Bukhsh.

(1) Cf. Horovitz, MSOS, 1907, II, 1-79.

38

La vie de Halläj

III

I) Les abréviations

référant aux revues et périodiques scienti-

fiques s2 composent de leurs initiales en capitales (italiques); conformément à la liste internationale adoptée par la Rivista degli studi orientali (Rome) et Der Islam (Hambourg), et imprimée sur la couverture de ces deux revues. II) Les sigles abréviatifs d'ouvrages énumérés ci-dessous! renvoient, grâce aux numéros d'ordre correspondants, aux titres complets (et notices d'auteurs) de notre chapitre XV : exceptionnellement, je donne en entier le titre quand ce chapitre XV ne le mentionne pas : soit ici même, soit à la page indiquée ci-après. A. [Akhb= Akhbar al-Hallâj— 1695-vx] — Agh. = Kitâb al-Aghâni, d'Abù‘l-Faraj Isfahâni (2e éd., du Caire, à moins d'indication expresse visant la 1re édition) — Antâki = JRASB, 1856 (s. v. Muhasibi) — ‘Arib— 164-a — Ash‘arî — magâlât,

ici p. 656, n. 5 — ‘Attar — 1101-c. B. bahya — 502-a — Bak. — 191-a — Baqlî (tafsir) f... — ms. Berlin de 308-a; dont l'édition de Cawnpore est toujours visée par la spécification, soit du verset, soit de la page (p.) — Baqlî f.. — 1091-b; s’il y a indication de recto ou verso, réfère à ms. QA; sinon, il s’agit du ms. SA — Barb. Meyn. — Barbier de Meynard, Dictionnaire de la Perse — Bustani — 940-a. D. Dalil — Dalil... li tahqtq madhhab al-hagq (p. ê. de ‘Abd al-kâfi

shath,

Tina’oûti, vers 491/1097), ms. coll. Motylinski. Dhahabi— 530-a. -— [Dîiw. — 1695-xx — Diwän al-Halläj]. E. éd. — édition ——- Enz. Isl. — Encyclopédie de l'Islam (Houtsma-Arnold-Basset) — Essai — thèse complémentaire [= 1695-xx]. F. f = folio — farqg — 201-a — fihr., fihrist — 172-a — fui, futühât — 421-b — FHbdländer —1 — 1099: G. Ghulâm Khalil = ici pe 493, n. 4 — Guyard= v. Notices et Extraits des Mss.., t. XXII H. Hanbal — musnad d'Ibn Hanbal, éd. 1313. — Hawq. — 167-a — Hazm= 241-a — ie RE Hilya = ici p. 404 1. 4 — Howell — ici p. 571, n.2. I. Ibn al-Dâ — 1081-a — GTUE al-Farrâ, mu‘tamad= ici p. 514 HU Mâlik— alfiya, éd. Goguyer, Beyrouth, 1888 — ihyà— a J. Jâmi — 1150-a — Jurjânit — sharh al-mawäqif, éd. fol. Caire,

1286.

K. Kal, Kalab. — 143-a (fragm. éd. ap. Essai) — Kashf— 1692-f. — Khark — 180-a — Ktb, Khatib— 250-a — Kilâni— ghunya, éd. in-4°, Caire, 1288. LSI=Te Strange, The lands of the eastern caliphate, Cambridge. 1905 — Lisan — Lisan al‘arab d'Ibn Mokarram, éd. Caire, 1300. M. Malatif— Abû’l-Husayn Malati (m. 377/987), tanbih waradd, réédition de l'istigäma de Khashîsh Nasa‘ (m. 253/867), ms. Damas, tawhid 59 ; pagination de ma copie personnelle. (1) [Cette liste des sigles abréviatifs est celle donnée par l’auteur dans sa première édition. Elle sera reprise et complétée au tome III de la présente édition dans un index alphabétique des sigles abréviatifs].

Syslème de lranscriptions el abréviations

39

Maqdisi — 150-a — Muhâsibi — cf. Essai — Murûj — 134-a - Muttaqi — Kanz al-°Ummäl (éd. en marge de Hanbal) — ms. — manuscrit. N. Najdi — 976-a. O. ‘Ukbari = Ibn Battah ‘Ukbari, sharh wa ibâna, ms. Zah. tawhid, 66. Q. Qâsimi Usûl — Jamâl Qâsimi, majmû mutün Usüliya, impr. Damas, Häâshimiya, s. d., 159 pp. — Qawl — 499-a — Qazw. — 458-a — QT, Quatre Textes = éd. citée supra — Qur. — Qur’ân — in Qur = citations de commentaires de Hallâj, réunies par Sulami et Baqli (publ. ap. Essai) — Qush — 231-a — qüi — 145-a. R. Radd = 960-a — [Rc. = Rec. — Recueil — 1695-u] —Riwäyât — texte de Hallâj, trad. ici chap. XIV (publ. ap. Essai). S. Sabi — 220-a — Sabziwarit — Mullà Hâdî Sabziwari, jawshan Kabîr,

lith.,

1267

Téhéran.

Sadr.

Shirâzi



806-a



Sh.,

Sh.

tab. — 741-a — shadd — 591-a — Shâmil — ms. Leyde arabe 1945 : ouvrage mu‘tazilite faussement attribué à Juwayni — Shahr., Shahrast. — Shahrastâni, kitâb al-milal wa’l-nihal, éd. Caire, 1317 (en marge de 241-a) — Subkî — 542-a — Sul. tab. — 170-a — Sul. tafs. N° … — citations de Hallâj, conservées dans 170-d, publ. ap. Essai (= Sul. in Qur. = Sul. No). T. Tab — 111-a —— tabsira — 1081-a — Taghrib = 660-a — Tahanawi — 853-a — ianbih = 134-c — taq. = 474-b — taw. — kitäb al-Tawäâsin de Hallâj, édition citée supra; les références : de pages visent l’ensemble de la publication ; de paragraphes, visent le texte arabe — Tustari, tafsir — éd. Na‘säni, Caire, 1326, 204 pp. — Tusy's list — List of shiah books, éd. Sprenger, Calcutta,

1855 (de 242). W. Wüst. — 1623. Y. Yâq. — 410-a —— Yawäq. Yawäqit de Sha‘râwi, impr. en marge de 741-b. Z. Zanji = 125-a. N = sigle expliqué ch. XII, I-b-2 (non identité logique : c’est l'inverse des trois parallèles horizontales).

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