La justice dans une ville du nord du Royaume de France au Moyen Âge: étude sur la pratique judiciaire à Saint-Quentin (fin XIe-début XVe siècle) [1° ed.] 2503529240, 9782503529240

Malgré l'abondante production des cinquante dernières années en histoire urbaine, il est un pouvoir qu'exerçai

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La justice dans une ville du nord du Royaume de France au Moyen Âge: étude sur la pratique judiciaire à Saint-Quentin (fin XIe-début XVe siècle) [1° ed.]
 2503529240, 9782503529240

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La justice dans une ville du Nord du Royaume de France au Moyen Âge

SEUH 24 Studies in European Urban History (1100−1800)

Series Editor

Marc Boone Ghent University

La justice dans une ville du Nord du Royaume de France au Moyen âge Étude sur la pratique judiciaire à Saint-Quentin (fin xie–début xve siècle)

Sébastien Hamel

H

F

Illustration de couverture: Procès de saint Quentin devant le préfet Rictiovarus. Un personnage joue le rôle d’accusateur. Saint-Quentin, Bibliothèque Municipale, Église de Saint-Quentin n° 1 (© Église de SaintQuentin. Photo par l’Institut de recherche et d’histoire des textes – CNRS) © 2011, Brepols Publishers n.v., Turnhout, Belgium All rights reserved. No part of this publication may be reproduced, stored in a retrieval system, or transmitted, in any form or by any means, electronic, mechanical, photocopying, recording, or otherwise, without the prior permission of the publisher. D/2011/0095/34 ISBN 978-2-503-52924-0 Printed in the E.U. on acid-free paper

Table des Matières Table des tableaux et des graphiques Préface Introduction Première Partie Origine et développement de la justice dans la ville

xi xiii 1 9

Chapitre I   La ville, la commune et la justice (xie–début xv e siècle) 11 A. La commune : de la conjuratio de paix à l’institutionnalisation du pouvoir urbain (fin xie–début xiiie siècle) 11 1. La conjuratio et la paix à l’origine de la commune (vers 1070–1080) 12 2. La commune : un pouvoir institutionnel autonome (xiie siècle) 21 B. De la commune justice à la justice de la commune (xiiie siècle) 28 1. La transformation de la commune en communitas (début xiiie siècle) 29 2. La commune rassemble la justice dans la ville 35 Conclusion 44 Chapitre II  Les officiers de la justice municipale A. Les offices majeurs : maire, jurés et échevins 1. Le maire de la commune : primus inter pares ? 2. Les jurés 3. Les échevins de la Vicomté-le-Roi : officiers de la ville ou du seigneur de la ville ? B. Maire, jurés et échevins, un groupe social dominant ? 1. Bourgeois, nobles et clercs mariés 2. Les carrières bourgeoises 3. Des lignages bourgeois 4. Un niveau de vie plus élevé que la moyenne ? Conclusion Chapitre III  Les auxiliaires de la justice municipale A. Les offices mineurs : maires et prud’hommes d’enseignes 1. Nomination et recrutement 2. Des représentants des minores burgenses 3. Des gardiens de la paix

47 47 48 55 62 67 67 69 72 77 90 91 92 93 95 96 v

Table des Matières

B. Les techniciens 1. Le procureur de la commune 2. Les clercs de la ville 3. Avocats et conseillers juridiques 4. Les médecins-chirurgiens et autres experts C. La main-forte : sergent, égard, crieur, geôlier et portier 1. Les sergents à verge et à masse 2. Les autres sergents

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3. Le crieur 4. Le geôlier ou warde du befroy 5. Le bourreau 6. Les inspecteurs : éwardeurs, gardes, afforeurs D. Les justices mises à ferme ou accensées 1. Le justicier du détroit d’Aouste 2. Le justicier de la rue d’Isle 3. Le rouge scel Conclusion

103 103 104 104 105 105 106 106 106

Deuxième partie La justice municipale face aux autres justices Chapitre IV  Le roi et la justice dans la ville (xiiie–début xve siècle) A. Le temps des réformes (xiiie–début xive siècle) 1. Les réformes de Louis IX 2. Abus et réajustements sous Philippe le Bel 3. Les officiers royaux B. Le temps des affrontements 1. La confiscation de la commune (24 décembre 1317–13 septembre 1322) 2. La reprise en main de la justice par les bourgeois (1322–1350) 3. Période de crise ou période d’intégration (1350–1422) ? Conclusion Chapitre V La justice municipale et les justices féodales (xie–début xve siècle) A. Les anciens officiers comtaux 1. Le châtelain 2. Le vicomte 3. Le maior 4. Le sénéchal de Vermandois 5. Le chambellan vi

109 111 111 111 115 117 134 134 140 144 151 155 155 156 159 161 162 163

Table des Matières

B. Les autres fiefs urbains C. Les échevinages féodaux dans la ville Conclusion Chapitre VI  Les juridictions ecclésiastiques A. Les autorités spirituelles : le chapitre de Saint-Quentin et l’évêque de Noyon 1. Un chapitre quasi diocésain 2. Une ville, deux autorités spirituelles 3. L’espace judiciaire ecclésiastique B. Les officiers de la justice ecclésiastique 1. Les officiers de justice du chapitre de Saint-Quentin 2. Les officiers de justice de l’évêque de Noyon à Saint-Quentin C. La ville et les autorités ecclésiastiques 1. La ville et le chapitre 2. La ville et l’évêque de Noyon 3. La ville et les abbayes suburbaines 4. La ville et les autres justices ecclésiastiques Conclusion Troisième partie La pratique judiciaire municipale Chapitre VII  La justice civile A La justice gracieuse 1. L’utilisation de chirographes 2. Les parties au contrat 3. L’accord contractuel ou convenance 4. Typologie des contrat établis par chirographe 5. Garantir le contrat 6. Quelques clauses accessoires au contrat B. Testaments et successions 1. Le testament 2. L’inventaire après décès C. Le procès civil 1. Les plaideurs 2. Les assistants des plaideurs 3. Les motifs de conflits civils 4. La procédure civile ordinaire

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vii

Table des Matières

5. Les procédures personnelles spéciales 6. Le jugement et son exécution 7. Les autres modes de règlement du conflit civil 8. Se faire accorder ses frais et ses cousts Conclusion Chapitre VIII  La justice criminelle A. Crime, forfait et méfait

viii

237 239 244 246 247 249 249

B. Prévenir le crime 1. Être le premier à prendre et à mettre en prison le criminel 2. L’asseurement communal ou paix C. Les justiciables D. Qualifier le crime 1. Les crimes contre les personnes 2. Les crimes contre les biens 3. Les crimes contre la morale et le sacré 4. Les crimes contre la chose publique E. La criminologie urbaine 1. La sociologie des criminels 2. Le lieu et le temps du crime 3. L’arme du crime 4. La victime du crime F. La procédure criminelle 1. La procédure pour flagrant délit ou present meffait 2. La procédure accusatoire 3. La procédure par dénonciation 4. La procédure d’enquête (information et apprise) 5. La procédure contre les défaillants ou contumaces G. Prouver le crime H. Juger le crime I. Punir le crime 1. Amende, confiscation et abattis de maison 2. Bannissement et peine de mort

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3. Les peines infamantes 4. Les mutilations 5. La prison Conclusion

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Table des Matières

Chapitre IX  Les voies de recours contre la justice de la ville A. Propositions d’erreurs et gage de bataille B. L’appel à une juridiction supérieure C. L’appel au Parlement 1. La fréquence des causes 2. Les adversaires 3. L’objet des litiges soumis au Parlement 4. L’issue des litiges de la ville au Parlement 5. L’appel frivole ou fol appel D. En appeler à la justice retenue du roi Conclusion

293 293 294 298 298 301 305 311 311 312 313

Conclusion

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Abréviations

321

Sources et bibliographie A. Sources manuscrites 1. Dépôts d’archives et bibliothèques de Saint-Quentin 2. Dépôts d’archives départementaux 3. Dépôts d’archives parisiens B. Sources éditées C. Bibliographie

323 323 323 324 325 326 330

Annexes

357

Index des noms de personnes et des lieux

393

Cartes

403

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Table des tableaux et des graphiques Tableaux Tableau 1 Nombre de maires par famille (1240–1425) Tableau 2 Composition des deux corps électoraux chargés du renouvellement des jurés à la fin du Moyen Âge Tableau 3 Répartition des mentions de jurés par siècle Tableau 4 La présence des familles de jurés au sein du gouvernement de la ville Tableau 5 Âge des maires, échevins et jurés à leur première mention dans ces offices Tableau 6 Les prénoms portés par le maire, les échevins et les jurés Tableau 7 Répartition des contribuables à une taille de 1330–1340 Tableau 8 Lieux d’habitation connue de 57 bourgeois ayant participé au gouvernement de la ville Tableau 9 Nombre de fiefs possédés par des maires, échevins ou des jurés dans la deuxième moitié du xive siècle Tableau 10 Les fondateurs et l’administration des établissements charitables de Saint-Quentin Tableau 11 Taux de renouvellement des maires d’enseigne (xive siècle) Tableau 12 Les conflits entre la ville et le chapitre de Saint-Quentin Tableau 13 Conflits entre la ville et l’évêque de Noyon Tableau 14 Nombre et chronologie des contrats chirographiés du maire, des échevins et des jurés répartis par quart de siècle Tableau 15 La répartition des chirographes par justices émettrices selon leur nature juridique (xiiie–début xve siècle) Tableau 16 Répartition par quart de siècle des inventaires après décès des bourgeois de Saint-Quentin (xive siècle) Tableau 17 Les procès civils présentés devant le maire, les jurés et les échevins de Saint-Quentin Tableau 18 Les réunions du maire et des jurés (1332–1342) Tableau 19 Nombre de crimes recensés répartis par type (xiiie–début xve siècle) Tableau 20 Type de peine associé au type de crime Tableau 21 Nombre d’individus bannis de Saint-Quentin (xiie–xive siècle) Tableau 22 Les adversaires de la ville de Saint-Quentin au Parlement (1258–1422) Tableau 23 Objets des Procès au Parlement impliquant le maire, les échevins et les jurés de Saint-Quentin (1244–1422) Tableau 24 Les motifs de querelles de juridictions avec le maire, les échevins et les jurés

51 57 58 59 70 75 80 81 82 89 94 187 189 207 215 223 226 241 258 283 288 303 306 309 xi

Table des tableaux et des graphiques

Graphiques Graphique 1 Répartition des chirographes selon les mois de l’année (en %) Graphique 2 Évolution des interventions du Parlement dans les affaires de la ville de Saint-Quentin et, à titre de comparaison, dans celle du chapitre collégial (1244–1422)

xii

213 301

Préface

Depuis une vingtaine d’années, l’histoire de la justice au Moyen Âge fait l’objet d’une attention historiographique accrue et d’un incontestable renouvellement. Le livre de Sébastien Hamel sur la justice à Saint-Quentin du xiie au xve siècle, issu de sa thèse de doctorat d’histoire soutenue le 21 juin 2005 à l’Université Paris 1 – Panthéon-Sorbonne, s’inscrit dans ce mouvement, qui consiste à ce que les historiens s’emparent d’un sujet auparavant réservé en priorité aux juristes. En dépit de ce chemin de mieux en mieux balisé, l’entreprise était audacieuse, pour plusieurs raisons. La première tient au cadre retenu, la ville, et à son objet, la justice traitée comme un objet spécifique du monde urbain. Pour le royaume de France, cette perspective n’a guère intéressé les chercheurs, à la différence de ce qui se passe pour des villes italiennes comme Florence, Bologne ou Milan. Il n’existait donc pas de modèle à proprement parler pour conduire cette étude. Les synthèses sur les justices urbaines des villes du nord du royaume ou de la Flandre impériale sont anciennes et rares, qu’il s’agisse des études de Georges Espinas sur l’exercice de la justice à Douai, au tournant du xxe siècle, ou de l’ouvrage de Jean Boca sur la justice criminelle de l’échevinage d’Abbeville au Moyen Âge, paru en 1930. Les monographies urbaines, pourtant nombreuses pour couvrir le royaume au Moyen Âge, consacrent peu de pages à l’exercice de la justice dans la ville, malgré l’exhaustivité des approches dans le cas de Reims, de Tours, de Saint-Omer ou de Saint-Flour, pour s’en tenir à quelques travaux marquants qui comportent sur le sujet des descriptions approfondies et très utiles. Elles décrivent surtout les institutions judiciaires de la ville, ses différents ressorts qui impliquent concurrence et conflits entre les justices ecclésiastiques et laïques, ou entre les seigneurs justiciers détenteurs du sol urbain, mais les rapports entre justiciers et justiciables ne sont guère traités en tant que tels. L’histoire des justices urbaines était donc avant tout institutionnelle et posait, pour les villes du nord du royaume dotées de chartes de franchises, le redoutable problème de la tutelle qu’avait pu imposer le roi de France. Cette tutelle était surtout mesurée en termes fiscaux et législatifs, si bien que la justice était, au mieux, reléguée à l’arrière plan. Et s’il en était fait mention, c’était pour envisager une évolution qui démontrait la main mise du roi sur les rouages judiciaires urbains, depuis la fondation des communes jusqu’au règne de Louis XI. Cette perspective téléologique est éminemment dangereuse, car les décisions royales en matière de justice restent ambivalentes, même au xve siècle, et le monarque ne cherche pas obligatoirement à bouleverser le legs fixé par le passé. Il fallait donc raisonner autrement, et c’est ce qu’a tenté de faire avec succès Sébastien Hamel. De façon générale, la justice fait partie intégrante du pouvoir, qu’il soit urbain ou royal, et son exercice concret est devenu rapidement un enjeu, certes à l’échelon du royaume, mais aussi localement. Pour en décrire la complexité, il fallait construire une nouvelle approche, envisager les rapports de force que crée l’exercice de la justice à l’intérieur de la ville même, sans négliger pour autant les liens entre justice urbaine et justice royale à partir du moment où la ville de Saint-Quentin entre dans le domaine royal en 1213. Il fallait donner toute leur place aux acteurs, aux procédures et aux institutions. xiii

Préface

L’auteur commence très justement par décrire le morcellement judiciaire que connaît la ville après avoir organisé sa conjuratio vers 1070-1080  – sans doute l’une des premières dans le nord du royaume –, puis obtenu son « establissement » vers 1150-1151, suivi par la charte qu’octroie Philippe Auguste en 1195. Puis il met l’accent, avec juste raison, sur l’histoire de la justice municipale, celle qui a laissé les plus belles archives. Certains pourront regretter que la focale ait presque exclusivement porté sur le conflit. C’était sagesse. La masse d’archives de juridiction gracieuse, en particulier les chirographes, mérite une étude en soi. Mais l’approche du contentieu a d’autres avantages : elle permet de mieux éclairer les transformations de la procédure. À Saint-Quentin, et certainement dans d’autres villes du royaume, le développement de la procédure inquisitoire a été en partie commandé par les impératifs royaux. L’évolution de l’accusatoire à l’inquisitoire est aussi initiée par les juges locaux, influencés eux-mêmes par le développement de la procédure romanocanonique à l’officialité dont l’existence est attestée en 1229. La ville a d’ailleurs conservé de nombreux manuscrits de droit canon. Au cœur de la société, de nouveaux impératifs transforment les pratiques juridiques : on ne rend pas la justice de la même façon dans une ville qui atteint 10 000 habitants à la fin du xiiie siècle, et dans une ville qui n’en compte que 1000 à 2000 à la fin du xie siècle. Les solidarités familiales ont évolué et le modèle familial de la cellule conjugale s’est imposé, donnant la première place à la responsabilité individuelle aux dépens du lignage, ce qui transforme incontestablement le règlement des conflits et régule de façon plus stricte la vengeance. Le gage de bataille est certes interdit par Louis IX et, en 1240, la ville est condamnée à une forte amende pour l’avoir laissé pratiquer, mais son usage s’amenuise aussi parce qu’il se révèle peu maniable à partir du moment où le statut des habitants se diversifie. Enfin, la réapparition de l’écrit dans la procédure judiciaire accélère les transformations. La ville devient alors, au xiiie siècle, un laboratoire juridique où des spécialistes, comme Pierre de Fontaines, cherchent la conformité de la coutume et du droit romain. Les enquêtes sont désormais utilisées dans le cadre des nouvelles formes de sociabilité que sont le couple, les paroisses organisées en 1214, les enseignes ou quartiers fixés au nombre de 16 dès avant 1250. La ville de Saint-Quentin est bien devenue, à la fin du xiiie siècle, un lieu d’application de l’inquisitoire. Il n’en reste pas moins qu’un certain nombre de contradictions subsistent, qui expliquent en partie les conflits que la ville a pu avoir avec le pouvoir central. L’application de l’inquisitoire est contraire aux stipulations de la charte qui organisait la justice de Saint-Quentin sur un mode accusatoire. Or la charte sert de référence. Les grands féodaux et, dans certains cas, les élites urbaines n’acceptent pas toujours ce changement : il est bien possible que ces récriminations aient alimenté la révolte de 1317 et entraîné la commune aux côtés d’autres villes et de grands nobles pour résister à l’autorité royale. Sur le long terme, au cours des deux siècles qui ont suivi, accusation et dénonciation sont maintenues comme nécessaires. Nous sommes là au nœud concret des complexités que suggère l’évolution des procédures dans leurs modalités pratiques. Une seconde contradiction tient à l’organisation de la commune, qui oblige le maire et les jurés à tenir compte de la présence d’autres juges, les échevins, qui exercent à l’origine une justice locale au service du comte de Vermandois. Cette exception picarde ne prend fin qu’en 1362, par un arrêt du Parlement, qui unit les deux justices sous l’égide du maire. Encore une fois, la justice royale a arbitré entre des pouvoirs locaux souvent rivaux. Quant au droit pénal, il est aussi très composite et en constante adaptation. Il n’est guère énoncé dans la charte, d’où la difficulté qu’a eue la commune de se faire reconnaître comme compétente en matière criminelle xiv

Préface

face au roi. Néanmoins, dès la fin du xiiie siècle, un grand pas est franchi : pour rendre justice et pour défendre ses intérêts, la ville de Saint-Quentin a désormais besoin de professionnels formés au droit et quasi permanents. Ce personnel de la justice urbaine locale est mal connu. Les auxiliaires de justice sont souvent les grands absents de l’histoire. L’un des grands intérêts de ce travail, qui suppose une étude minutieuse des sources de la pratique, est de nous montrer que leur nombre grandit considérablement à partir de 1250 et que leur office se spécialise en se distinguant nettement de la fonction de juger. Sergents, crieurs, geôliers, bourreau sont chargés d’exécuter et de faire obéir. Leurs charges sont cependant complexes et essentielles pour opérer le lien entre les différentes juridictions. Les sergents servent souvent de relais entre les autorités municipales et les officiers royaux. Quant aux juges locaux, le livre trace, dans la mesure du possible, leurs carrières, leurs ambitions, leur vie, du maire aux jurés, des échevins au prévôts royaux. On voit aussi passer les juges urbains d’un service à l’autre, de la charge de juré à celle d’échevin, et surtout d’un office municipal à un office royal, avec ou sans cumul. Certaines familles se distinguent aux deux derniers siècles du Moyen Âge, par exemple les Le Cat qui mêlent les charges de la ville à celles du roi, ou encore les Plate-Corne où se recrutent des maires, échevins et jurés , mais aussi des gardes du sceau royal, des prévôts royaux et des substituts du procureur du roi à Saint-Quentin. Comme le droit, les carrières se révèlent composites. L’intérêt de ce livre est aussi d’avoir décrit la façon dont se déroulait la justice dans une ville moyenne à la fin du Moyen Âge, quels types de crimes y étaient jugés et quels criminels y étaient poursuivis : de ce point de vue la ville de Saint-Quentin s’inscrit dans la norme du royaume qui consiste à privilégier les crimes de sang commis à l’issue des rixes. L’honneur est encore vif dans cette ville du Nord à la fin du Moyen Âge ! Mais les questions posées vont au-delà de ces constatations statistiques. Sébastien Hamel a ouvert des pistes nouvelles en réfléchissant sur la façon dont l’exercice de la justice en ville a pu favoriser la sujétion. Il ne s’agit pas d’une simple mise en tutelle des villes par le roi, mais d’un maillage justicier qui enserre le royaume, dont la ville devient un chaînon. Le roi se réserve en principe les grands crimes et chacun, à SaintQuentin comme ailleurs, peut faire appel des jugements locaux au Parlement ou requérir la grâce royale. Le Parlement devient bien la clé de voûte du système judiciaire et la ville doit désormais garantir ses droits et suivre ses affaires en payant, dès 1268, des avocats siégeant à Paris, dont le nombre ne cesse de grandir pour atteindre entre cinq et huit au xve siècle. Le pouvoir judiciaire de la ville est-il pour autant étouffé ? Cette recherche sur la ville de Saint-Quentin montre, de façon pionnière, que le but de ces différents pouvoirs, centraux et locaux, est plutôt devenu commun : il s’agit de juger rationnellement et de développer l’ordre. Entre ces hommes de la pratique et peu à peu entre les justiciables, se tisse un idéal que soude les principes que fonde la justice. La ville en favorise l’essor. Cet idéal est loin d’être coercitif. Il a été intériorisé par ceux qui travaillent localement au service de la justice, qui passent facilement d’un office municipal à un office royal, ainsi que par les habitants de la ville qui ne craignent pas de faire appel au roi. La sujétion a réussi parce que les liens entre le roi et les villes ne sont pas seulement faits de domination imposée, mais de services consentis, intériorisés jusqu’à faire coïncider l’honneur familial avec celui de la ville et, pour finir, avec celui du roi. Claude Gauvard Professeur émérite d’histoire médiévale Université Paris 1 – Panthéon-Sorbonne Institut Universitaire de France xv

Introduction

Malgré l’abondante production des cinquante dernières années en histoire urbaine, le pouvoir de rendre justice qu’exerçaient certaines villes à la fin du Moyen Âge demeure encore mal connu1. Deux raisons expliquent en partie cette relative méconnaissance des juridictions urbaines. Si on les connaît encore d’une manière si imparfaite, c’est d’abord parce que les institutions et la compétence judiciaire variaient d’une ville à l’autre, puisque tributaires du degré plus ou moins élevé de franchise qu’elles avaient obtenu. La seconde raison est que la juridiction des villes a varié dans le temps, en fonction des conditions sociales, politiques et économiques. Ce pouvoir de rendre justice fut particulièrement important dans les villes de commune du nord du Royaume de France. Plusieurs indices laissent entrevoir un développement similaire et précoce du droit et des institutions judiciaires dans ces villes. Depuis l’obtention de leur charte de commune aux xie–xiie siècles, elles bénéficièrent d’une large autonomie administrative et partagèrent l’expérience de pouvoirs communaux importants souvent apparentés2, ce qui laissent croire à l’existence d’une culture institutionnelle et juridique commune à ces villes. Si ces villes furent tout au long du Moyen Âge l’endroit par excellence où le droit s’est mis en œuvre, c’est parce qu’elles ont fourni un terreau favorable. La question a à peine été abordée pour les villes du Nord du royaume de France3, mais c’est dans le cadre urbain que, pour le Midi, se sont effectués l’enseignement et la diffusion du droit4. C’est dans ces villes que la plupart des premières coutumes ont été rédigées et que les nouvelles théories issues des droits savants et des ordonnances ont été le plus rapidement utilisées et appliquées5. En plus de partager des coutumes semblables issues du groupe coutumier picards-wallons6, ces villes présentent un profil économique similaire, basé sur la production textile et le commerce. La plupart faisaient parties de la Hanse des P. Dollinger, P. Wolff et S. Guénée, Bibliographie d’histoire des villes de France, Paris, 1967 ; I. Backouche (dir.), L’histoire urbaine en France (Moyen Âge–xxe siècle). Guide bibliographique 1965–1996, Paris, Montréal, 1998. Le 4e tome de l’Histoire des institutions françaises au Moyen Âge, de F. Lot et R. Fawtier, originellement prévu (t. 1, p. vii–xii), n’a jamais été entrepris. Pour l’historiographie, voir B. Chevalier, J.-L. Biget, et A. Derville, « Histoire urbaine en France, xe–xve siècle » dans L’histoire médiévale en France, bilan et perspectives, Paris, 1991, p. 29–46 ; A. Rigaudière, « Bilan et Perspectives », dans Gouverner la ville au Moyen Âge, Paris, 1993, p. 6–13 et p. 500–519 ; T. Dutour, La ville médiévale, Origines et triomphe de l’Europe urbaine, Paris, 2003. 2 A. Luchaire, Les communes françaises à l’époque des Capétiens directs, Paris-Bruxelles, 1890 (2e éd. 1911) ; C. PetitDutailli, Les communes françaises : caractères et évolutions des origines au xviiie siècle, Paris, 1949. 3 P. Desportes, « Les gradués d’université dans la société urbaine de la France du Nord à la fin du Moyen Âge », dans D. Poirion (éd.), Milieu universitaire et mentalité urbaine au Moyen Âge, Colloque du Département d’études médiévales de Paris-Sorbonne et de l’Université de Bonn, Paris, 1987, p. 49–68. 4 A. Gouron, La science du droit dans le Midi de la France, Londres, 1984 ; Id., Études sur la diffusion des doctrines juridiques médiévales, Londres, 1987. Voir également C. Gauvard, A. Boureau, R. Jacob, « Les normes », dans Les tendances actuelles de l’histoire du Moyen Âge en France et en Allemagne, Actes du colloque de Sèvres (1997) et Göttingen (1998) organisés par le CNRS et le Max-Planck-Institut für Geschichte, Paris, 2002, p. 461–482. 5 Pierre de Fontaines, Le Conseil de Pierre de Fontaine ou traité de l’ancienne jurisprudence française, éd. A.I. Marnier, Paris, 1846 ; Philippe De Beaumanoir, Coutumes de Beauvaisis, 2 vol., éd. A. Salmon, Paris, 1899. 6 P. Dubois, Les asseurements au xiiie siècle dans nos villes du Nord, Paris, 1900, p. 3 ; J. Yvers, « Les deux groupes de coutumes du Nord », RIN, 35140 (1953), p. 197–220 ; R. Jacob, Les époux, le seigneur et la cité. Coutume et pratique matrimoniales des bourgeois et paysans de France du Nord au Moyen Âge, Bruxelles, 1990. 1

1

Introduction

dix-sept villes, qui organisait leur commerce aux foires de Champagne7. Qu’ils aient étudié à Paris ou à Orléans, les universitaires originaires de ces villes relevaient tous de la nation de Picarde8 et utilisaient la scripta picarde pour leurs écritures administratives9. Ne pouvant étudier l’ensemble des villes situées dans la partie septentrionale du royaume de France, deux limites se sont imposées. La première limite a été de choisir une ville modèle. Le choix s’est porté sur la ville de Saint-Quentin. Sans être comparable à d’autres villes de la région, comme Douai, les sources de la pratique disponibles pour cette ville sont abondantes : elles remontent jusqu’au début du xiiie siècle et couvrent une large part de l’activité judiciaire menée par les autorités municipale, féodale, royale et ecclésiastique. Fondée au ier siècle par les Romains sous le nom d’Augusta Viromanduorum10, important lieu de pouvoir au Haut Moyen Âge11, Saint-Quentin-en-Vermandois est également la plus ancienne ville de commune connue si on excepte la tentative ratée de Cambrai de 1076-107712. De plus, sa charte a servi de modèle organisationnel à plusieurs autres villes, notamment Ham, Roye et Chauny13. La seconde limite fut de ne retenir pour la comparaison que des villes pour lesquelles des études existent. Le but de la comparaison avec d’autres villes est ici de combler les lacunes des sources. À quelques exemples près, ce sont les villes d’Amiens, Beauvais, Cambrai, Douai, Lille, Noyon, Saint-Omer, Soissons et Valenciennes, qui ont fourni la matière qui a permis de mieux comprendre le fonctionnement de la justice à Saint-Quentin quand les sources se faisaient obscures ou peu parlantes. Car, bien qu’il n’y ait que peu de traces de réciprocité ou d’influence mutuelle, l’examen des similitudes, des contrastes et des différences entre différentes villes permet à la foi d’interpréter et de combler les lacunes des sources. Comme l’histoire des villes, celle de leur justice a un début. Cette étude sur la justice urbaine débute à la fin du xie siècle avec l’apparition des premières communes, dont celle de Saint-Quentin vers 1070–1080. On peut considérer que le développement de ces Ces villes sont Abbeville, Amiens, Arras, Aubenton, Bailleul, Beauvais, Bruges, Cambrai, Châlons-sur-Marne, Dixmude, Douai, Gand, Huy, Lille, Montreuil, Orchies, Péronne, Poperinge, Provins, Reims, Saint-Omer, Saint-Quentin, Tournai, Valenciennes, Ypres. Au sujet de la Hanse des xvii villes, voir H. Laurent, « Un comptoir de vente international au Moyen Âge : Nouvelles recherches sur la Hanse des xvii villes », Le Moyen Âge, XLV (1935), p. 81–94 ; Id., Un grand commerce d’exportation au Moyen Âge, la draperie des Pays-Bas en France et dans les pays méditerranéens (xiie–xve siècles), Paris, 1935 ; F. Vercauteren, « Note sur la survivance de la Hanse des xvii villes du xve au xviie siècle », Revue belge de philologie et d’histoire, 28 (1950), p. 1078–1091 ; L. Carolus-Barré, « Les xvii villes, une Hanse vouée au grand commerce de la draperie », dans AIBL, 1965, p. 20–30. 8 N. Gorochov, « La nation picarde de l’Université de Paris à la fin du Moyen Âge (xiiie –xive siècles) », dans Picardie, terre de frontière, Amiens, 1998, p. 41–51 ; C. Vulliez, « Autour d’un rotulus adressé par l’Université de Paris à Benoît XII (1335) : le rôle des maîtres ès arts de la nation picarde », MEFR/Moyen Âge, 114 (2002), p. 359–370 ; Id., « Un rotulus original de la nation picarde de l’université de Paris au temps du pape Jean XXIII », dans Suppliques et requêtes. Le gouvernement par la grâce en Occident (xiie–xve siècle), Rome, 2003, p. 165–173. 9 C.T. Gossen, « La scripta des chartes picardes », Revue de linguistique Romane, 26 (1962), p. 285–299 ; Id., Französische Skriptastudien : untersuchungen zu den nordfranzösischen urkundensprachen des Mittelalters, Vienne, 1967 ; S. Lusignan, « L’aire du picard au Moyen Age : espace géographique ou espace politique ? », à paraître dans les actes du colloque Diachro–3 Évolutions en français ; Id., « Espace géographique et langue : les frontières du français picard (xiiie–xve siècle) » dans Construction de l’espace au Moyen Âge : représentations et pratiques, Actes du XXXVIIe Congrès de la Société des Historiens Médiévistes de l’enseignement Supérieur, Paris, 2007, p. 263-274. 10 Voir E. Will, « Recherches sur le développement urbain sous l’empire romain dans le Nord de la France », Gallia, 20 (1962), p. 94-98 ; J.-L. Collart, « Saint-Quentin », dans CAPic, n° spécial 16 (1999), p. 67–128 ; Id. « Saint-Quentin », dans B. Pichon Carte archéologique de la Gaule, L’Aisne 02, Paris, 2002, p. 381-382 ; J.-C. Malsy, « Vermand », dans Les noms de lieux du département de l’Aisne, t. 3 : S-Z, Paris, 2001, p. 639–645. 11 K.F. Werner, « Zur Geschichte des Hauses Vermandois… », dans Untersuchungen zur Frühzeit des französischen Fürstentums (9.-10. Jahrundert) / Enquête sur les premiers temps du principat français (ixe-xe siècle), trad. B. Saint-Sorny, Sigmaringen, 2003 (1960), p. 102 ; p. 214-215 de la rééd. 12 L. Trenard (dir.), Histoire de Cambrai, Lille, 1982, p. 43–59. 13 A. Giry, Études sur les origines de la commune de Saint-Quentin, Saint-Quentin, 1887. 7

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juridictions est parachevé au début du xve siècle sous Charles VI. Après, elles sont relativement stables, du moins jusqu’à la Révolution. Entre les deux, les institutions des villes changent de visage au fil des événements sociaux, économiques et politiques. Si la justice municipale n’arrive à se comprendre que dans la longue durée, il n’en va pas de même des institutions judiciaires urbaines. En perpétuels changements, celles-ci ne se saisissent que dans le temps court. On ne peut éviter, lorsqu’on aborde l’histoire d’une ville, de rappeler la mise en place de ses institutions municipales. À Saint-Quentin pas plus qu’ailleurs, la justice n’est apparue spontanément. La genèse de la justice municipale fut lente, son développement tout autant, parce qu’en majeure partie liée à l’affirmation d’une identité bourgeoise apparue autour de l’an mil. Ces bourgeois, confrontés à des structures judiciaires préexistantes, furent obligés de créer leur propre justice et de l’adapter à leur milieu : leur ville. Les premiers bouleversements causés par l’apparition de la commune ont été retracés pour s’efforcer de comprendre sa transformation en juridiction à la fin du xiie siècle ou au début du xiiie siècle. Le véritable point de départ des juridictions municipales remonte à l’époque de Philippe Auguste, ce qui coïncide avec l’entrée de plusieurs villes du nord du royaume dans le domaine royal, dont Saint-Quentin en 121314. Il est ensuite question des institutions judiciaires urbaines. Étudier la justice municipale sans étudier ses institutions et les hommes derrière elle aurait maintenu la justice trop éloignée d’une réalité socio-institutionnelle indéniable. On ne peut plus aujourd’hui étudier une institution sans étudier les hommes et leurs fonctions. Il ne faut pas sous-estimer l’action des individus et leur influence sur la norme. L’apport de l’histoire sociale à l’histoire urbaine a contribué à mieux faire connaître les habitants des villes, qu’ils soient pauvres ou riches15. Comme on l’a souligné récemment, on connaît encore très mal le groupe des hommes qui gouvernaient la ville16. Ce sont eux qui, après tout, exerçaient sa justice. Cependant, se limiter à l’étude des seuls dirigeants municipaux aurait laissé de côté une large part du problème humain. À la lumière des travaux récents de Robert Jacob sur la main-forte, fut envisagée non seulement l’étude des juges, mais également celle de leurs conseillers et de leurs subalternes17. Car, si on connaît inégalement les juges présents dans la ville, on connaît encore moins toute la panoplie des petits officiers à leur service18. Aussi, la méthode prosopographique, qui obtient la faveur des historiens depuis les années 1980, a été utilisée pour mieux comprendre les institutions urbaines19. Toutefois, ceci n’est pas un travail de prosopographie à l’état pur, à la manière de plusieurs ouvrages parus récemment20. M’inspirant plutôt des précurseurs antiquisants et de l’étude fondamentale de Bernard Guenée, la prosopographie a surtout 14 Borrelli de Serres, La réunion des provinces septentrionales à la couronne par Philippe Auguste (Amiénois, Artois, Vermandois, Valois), Paris, 1898. 15 F. Graus, « Au bas Moyen Âge, pauvres des villes et pauvres des campagnes », dans : Annales ÉSC, 1961, p. 1053– 1065 ; Les élites urbaines au Moyen Âge, XXVIIe congrès de la SHMES (Rome, mai 1996), Paris, 1997. 16 A. Rigaudière, Gouverner la ville, op.cit., p. 500–509. 17 R. Jacob, « Le procès, la contrainte et le jugement », Droit et cultures, 47 (2004), p. 11–34. 18 C. Dolan (éd.), Les auxiliaires de la justice : intermédiaires entre la justice et les populations, de la fin du Moyen Âge à l’époque contemporaine, Québec, 2005. 19 R. Favreau, « La condition sociale des maires de Poitiers au xve siècle », dans BPH, 1961, p. 161–177. Voir également la note ci-dessous. 20 H. Millet, Les chanoines du chapitre cathédral de Laon, 1272–1412, Rome, 1982 ; O. Mattéoni, Servir le prince. Les officiers des ducs de Bourbon à la fin du Moyen Âge (1356–1523), Paris, 1998 ; E. Gonzalez, Un prince en son hôtel : les serviteurs des ducs d’Orléa ns au xve siècle, Paris, 2004 ; T. Dutour, Une société de l’honneur. Les notables et leur monde à Dijon à la fin du Moyen Âge, Paris, 1998 ; B. Bove, Dominer la ville. Prévôt des marchands et échevins parisiens de 1260 à 1350, Paris, 2004.

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servi à mieux comprendre le fonctionnement des institutions judiciaires municipales de Saint-Quentin21. La justice municipale ne peut se comprendre également sans une analyse de ses interactions avec les autres juridictions présentes dans la ville. L’avoir étudiée seule aurait occulté une large partie de son fonctionnement. Les autres juridictions de la ville, c’est-àdire les justices seigneuriale, royale et ecclésiastique, méritaient d’être abordées, ne seraitce que dans leurs relations conflictuelles avec la justice municipale. Une première approche suivie a été celle de l’acculturation judiciaire22. Celle-ci peut se définir au sens large comme étant l’étude de l’interpénétration des systèmes judiciaires. D’un point de vue historique, on doit ici la préférer au concept de diffusion, car, si l’acculturation judiciaire étudie les processus de transmission en continu, la diffusion ne s’intéresse qu’au résultat de cette transmission. Il faut préciser que l’acculturation, répondant à des causes externes (l’emprunt), doit être replacée dans une dynamique plus large de changements et de transformations judiciaires qui eux, peuvent provenir à la fois de facteurs internes et externes. Au terme du Moyen Âge, ce processus d’acculturation n’a pas forcément aboutit à une uniformisation de la justice. Il a plutôt été démontré que l’acculturation judiciaire menait généralement à la création de justices originales23. Il reste à voir si tel fut le cas. L’étude de ce processus d’acculturation judiciaire a également fait une large place aux stratégies de résolutions des conflits. Il est désormais établi, en anthropologie juridique du moins, que le droit est plus explicite quand on fait l’analyse des modalités de règlement des conflits que l’analyse des normes et des institutions d’une société donnée24. Le conflit peut même être générateur d’ordre et de normes25. Bernard Guenée a d’ailleurs fait remarquer que pour le Moyen Âge, c’était ainsi que s’étaient définies les différentes justices26. Récemment, Dominique Barthélemy attirait l’attention sur l’étude des conflits et de leurs règlements. Selon lui, c’est une des meilleures approches possible pour l’étude des sociétés médiévales, car elle fait analyser aussi bien des groupes sociaux que des enjeux et des stratégies, ou encore des systèmes de valeurs et des rhétoriques27. C’est par le biais de l’écart à ses règles, ou à ses normes, que change une organisation sociale. Mais l’étude de la norme reste nécessaire pour le rôle qu’elle joue dans la solution apportée au conflit. En d’autres termes, est-ce que la justice de la ville se définit en termes de règles communes suivies ou non par ses habitants ou par les multiples processus résultant de leur application au quotidien ? D’où l’idée de focaliser l’attention sur les ratés de la justice municipale dans ses rapports avec les autres pouvoirs judiciaires présents dans B. Guenée, Tribunaux et gens de justices dans le bailliage de Senlis, à la fin du Moyen Âge (vers 1380-vers 1550), Paris, 1963 et Catalogue des gens de justice de Senlis et de leurs familles (1380–1550), Senlis, 1980. L’ouvrage fondateur pour l’époque antique est celui de sir R. Syme, The Roman Revolution, Oxford, 1939. Pour un état de la question, voir A. Chastagnol, C. Nicolet, « Prosopographie et histoire romaine », dans Annales ÉSC, 1970, p. 1210–1228. 22 On doit rapprocher celle-ci de l’acculturation culturelle telle que l’entendent l’ethnologie et l’anthropologie. Voir J. F. Baré, « Acculturation », dans Dictionnaire de l’ethnologie et de l’anthropologie, Paris, 2002, p. 1–3. 23 C’est notamment le cas pour le droit coutumier africain. Voir N. Rouland, Anthropologie juridique, Paris, 1988, p. 207–209 ; É. Le Roy, Le jeu des lois, Paris, 1999. 24 Ibid. ; E. Claverie, « Anthropologie juridique », dans P. Bonte et M. Izard (dir.), Dictionnaire de l’ethnologie et de l’anthropologie, Paris, 2002 (1re éd. 1991), p. 401–403. 25 M. Gluckman, Custom and Conflict in Africa, Oxford, 1956. 26 B. Guenée, Tribunaux et gens de justice, op.cit., p. 62 et 77. 27 D. Barthélemy, « La vengeance, le jugement et le compromis », dans Le règlement des conflits au Moyen Âge, 31e Congrès de la SHMES (Angers, juin 2000), Paris, 2001, p. 11–20. 21

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la ville. Une approche combinant l’étude de la norme à celle de la pratique judiciaire est apparue appropriée, supposant que la norme sans observation du processus de son application reste théorique et que ce processus de résolution d’un conflit répond à des normes données. L’analyse a été menée dans le but d’observer plus à fond les stratégies de défense, conscientes ou non, utilisées par la ville pour préserver sa justice et la définir par rapport aux autres. Étudier la justice municipale en autarcie aurait caché une large part du problème. La justice communale n’en a supplanté aucune au départ. Elle n’a, dans un premier temps, que pris place à côté des autres pouvoirs déjà présents dans la ville (justices féodale et ecclésiastique) ou qui se mettaient en place presque en même temps qu’elle, au début du xiiie siècle (justice royale). Par la suite, surtout après sa prise de contrôle de l’échevinage, elle s’étendit pour devenir envahissante et entrer en concurrence directe avec toutes. Dans l’espace limité d’une ville, les différents niveaux de justice s’imbriquaient si inextricablement qu’en omettre un seul simplifierait le problème de la justice municipale pour n’en donner qu’une image partielle et partiale. Expliquer un système judiciaire ne peut se faire qu’en observant également les systèmes concurrents, car la ville médiévale fonctionnait dans un polysystème judiciaire complexe. Ce serait donner un tableau plus qu’incomplet du fonctionnement de la justice municipale que de ne la présenter que sous l’aspect d’un système fonctionnant en autarcie, toujours d’une façon normale, sans le moindre trouble d’équilibre. Chaque juridiction de la ville disposant de structures propres et différentes, il a été jugé nécessaire de décrire chacune d’elles avant de les observer dans leur relation avec la justice communale. Le but est ici de voir quels furent les effets à long terme du développement de la justice municipale sur les autres juridictions déjà présentes dans la ville ou qui s’y sont installées. Enfin a été abordé le fonctionnement concret de la justice municipale, c’est-à-dire sa pratique judiciaire et ses mécanismes de pacification. La pratique judiciaire était fortement liée au fonctionnement du tribunal de la ville, juridiction ordinaire des habitants. Depuis le début du xiiie siècle, ou peut-être un peu avant, il y avait deux tribunaux en théorie séparés. En vertu des privilèges des bourgeois de Saint-Quentin, le premier tribunal fut celui de l’échevinage au sein duquel les treize échevins jugeaient au nom du seigneur de la ville. Le second, le tribunal communal, était celui où le maire et les jurés jugeaient au nom de la commune. Ces deux tribunaux indépendants ont été réunis progressivement, pour former, à partir de l’arrêt du Parlement de juillet 1362, ce qu’il convient ici d’appeler le tribunal de la ville. Si à partir de cette date les choses sont à peu près claires – le maire, les échevins et les jurés exercent de concert la justice de la ville – auparavant leurs compétences respectives s’entremêlaient inextricablement. Ce tribunal ordinaire des habitants non privilégiés de Saint-Quentin était de première instance. Par principe, il n’était pas une cour d’appel. La compétence judiciaire du tribunal municipal touchait essentiellement deux états de la justice, selon qu’il y a création ou rupture de lien juridique de personne à personne (justice civile) ou rupture entre la personne et la loi de la ville (justice criminelle). Toutefois, pour le xiiie et la majeure partie du xive siècle, ces deux catégories ne sont pas utilisées par le maire, les jurés ou les échevins. La distinction entre justices civile et criminelle n’apparaît, dans le langage de la justice municipale, qu’à la toute fin du xive siècle. Tout au long de cette période, la ville est restée attachée au vocabulaire coutumier de haute et basse justice, puis, à partir de l’arrêt de 1352, de haute, moyenne et basse justice 5

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(alta, media et bassa justicia)28. Il s’agit d’une justice définie au cas par cas29. Ce que l’on conteste la plupart du temps ce n’est pas tant la connaissance globale des cas civils ou criminels, mais la connaissance de certains cas civil ou criminel, de basse, de moyenne ou de haute justice. Ce problème de terminologie souligne que l’organisation, la compétence et la procédure des tribunaux municipaux ont été en constante réorganisation et adaptation face aux changements judiciaires. Si la justice civile a été étudiée sous le double point de vue du contrat et du procès, la justice criminelle a été abordée sous l’angle de la criminologie, c’est-à-dire en combinant une analyse sociale du crime à celle des pratiques judiciaires. Une place de choix a été faite aux justiciables et à la procédure. En plus de la pratique judiciaire, les « usagers » de ce tribunal ont été abordés selon leur état lorsqu’ils comparaissent devant leurs juges, c’est-à-dire en tant que parties, plaideurs ou justiciables. Puisque le procès est au cœur du système normatif, la procédure permettait de voir l’action effective de la justice dans le règlement des conflits30. Enfin, comme la justice n’est pas une chose parfaite, il a fallu aborder la question des voies de recours. Depuis son origine, la justice municipale s’est inscrite dans une dynamique d’ajustement constant face à son milieu, tant par rapport à la ville, ses habitants et les pouvoirs concurrents, qu’envers l’extérieur, c’est-à-dire le pouvoir suzerain. À la fin du Moyen Âge, la ville projetait le nouvel idéal de paix dont la justice était devenue la représentation, si bien que les juridictions urbaines en devinrent un des rouages essentiels. Comme cette justice n’existait pas, les juristes et les autorités de la ville ont eu à l’inventer, à l’adapter et à la défendre. C’est ce long processus, étudié entre la fin du xie et les débuts du xve siècle, qui constitue l’objet premier de cet ouvrage. * Ce livre constitue une réécriture partielle d’une thèse de doctorat d’histoire soutenue devant l’Université de Paris I – Panthéon-Sorbonne ayant pour titre La justice d’une ville : Saint-Quentin au Moyen Âge. Le jury était composé de Madame Claude Gauvard et de Messieurs Robert Jacob, Serge Lusignan, Pierre Monnet et présidé par Werner Paravicini. Si j’ai élargi un peu le sujet en ajoutant des exemples empruntés à d’autres villes, les chapitres portant sur la typologie des sources, la méthodologie et la justice au Haut Moyen Âge ont été mis de côté31. Lors de sa réalisation j’ai croisé plusieurs personnes, créé plusieurs liens et accumulé plusieurs dettes dont il est coutume de rendre compte. Ma reconnaissance va en premier lieu à Claude Gauvard. La liste de tout ce que je lui dois est longue. Je la remercie d’avoir accepté de diriger ma thèse qui, sans elle, n’aurait pas eu le même visage. Je tiens Paris, AN, X1a 15, fol. 86v. B. Guenée, Tribunaux et gens de justice, p. 77 et s. ; É. Chenon, Histoire du droit Français, Paris, 1926, vol. 1, p. 656–657 ; F. Olivier-Martin, Hitoire du droit Français, Paris, 1948, p. 138–139 ; A. Esmein, Cours élémentaire d’histoire du droit Français, Paris, 1921, p. 254–255 ; A. Koch, « L’origine de la haute et moyenne justice dans l’Ouest et le Nord de la France », dans RHD, 21 (1953), p. 420–458, émettent des opinions différentes quant à la haute, la moyenne et la basse justice. 30 C. Gauvard, A., Boureau, R., Jacob, « Les normes », dans Les tendances actuelles de l’histoire du Moyen Âge en France et en Allemagne, Actes du colloque de Sèvres (1997) et Göttingen (1998) organisés par le CNRS et le Max-Planck-Institut für Geschichte, Paris, 2002, p. 461–482. 31 Pour le cartulaire de la ville, voir S. Hamel, « Le cartulaire Livre rouge de la ville de Saint-Quentin », Memini, travaux et documents, 12 (2008), p. 121-135. 28 29

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à exprimer mes remerciements à Serge Lusignan sans qui je n’aurais pas traversé l’Atlantique. Je les remercie tous deux pour avoir relu entièrement ce travail et avoir contribué chacun à leur manière à le rendre meilleur. Mon entière gratitude va également à Werner Paravicini, ancien directeur de l’Institut Historique Allemand de Paris, pour son soutient et ses nombreux conseils. Toute ma reconnaissance va également à Pierre Desportes, à qui mon étude des institutions ecclésiastiques de Saint-Quentin doit beaucoup. Merci à Pierre Monnet, qui m’a si gentiment accueilli à la Mission historique française en Allemagne à Göttingen. De même, je remercie grandement Robert Jacob pour toutes les discussions stimulantes que nous avons eues. Elles ont beaucoup aidé à définir la perspective de ce livre. Il convient également de remercier Marc Boone qui a accepté ce livre dans la collection Studies in European Urban History qu’il dirige. Je tiens à exprimer mon amitié sincère envers tous ceux dont la relecture et les conseils auront grandement contribué à ma réflexion : Luc Bellier, Sébastien Drolet, Martin Heinzelmann, Lise Hétier, Thorsten Hiltmann, Yves Mausen, ma mère et Zannie. Si je n’ai pas dit trop de bêtises, c’est beaucoup grâce à eux. Ce travail n’aurait pu être mené à bien sans le support de plusieurs organismes. Je remercie tout d’abord madame Séverin, alors présidente de la Société académique de SaintQuentin, pour m’avoir procuré plusieurs ouvrages rares. Je remercie également mesdames Barrère et Caudron des Archives municipales de Saint-Quentin, pour l’accueil toujours aimable auquel j’ai eu droit lors de mes nombreuses visites. Les facilités de travail exceptionnelles qu’elles m’ont offertes ont grandement aidé l’élaboration de ce livre. Je remercie le Centre de recherche d’histoire du droit des Archives Nationales où j’ai pu consulter leurs fichiers, ainsi que monsieur Jubert, ancien conservateur du fonds du Parlement, de m’avoir donné l’autorisation de consulter les inventaires et certains registres dont l’accès étaient soumis à autorisation. La réalisation de ce livre a également bénéficier du support financier du Conseil de Recherches en Sciences Humaines du Canada (CRSHC) et du Fonds de Recherche sur la Société et la Culture du Québec (FQRSC). Merci à Gaëlle pour sa patience. Je sais, ce fut plus long que prévu ! Sébastien Hamel

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Première partie

Origine et développement de la justice dans la ville

L’histoire de la justice municipale s’amorce avec l’apparition des premières communes, c’est-à-dire à la fin du xie siècle. La genèse de cette nouvelle juridiction fut lente, son développement tout autant, parce qu’en majeure partie liée à l’affirmation des bourgeois après l’an mil. Dans cette première partie, sont analysées les circonstances qui ont donné lieu à l’apparition de la commune, puis à sa transformation en juridiction à la fin du xiie siècle ou au début du xiiie siècle. Enfin, il a été nécessaire d’aborder les moyens humains dont elle s’est dotée pour exercer sa justice. On ne peut éviter, lorsqu’on parle de la justice, d’étudier les hommes qui l’ont exercée et ceux qui leur ont prêté main-forte et conseil.

Chapitre I

La ville, la commune et la justice (xie siècle–début xve siècle)

Dans le dernier tiers du xie siècle commence à se mettre en place une nouvelle organisation de la justice dans les villes directement liée à l’apparition des communes. Ce réaménagement marque le début de la prédominance des bourgeois sur la justice dans les villes. Cette justice bourgeoise n’est cependant pas née avec l’apparition des communes. Ce n’est qu’à partir de la fin du xiie siècle, voire au début du xiiie siècle, que la commune acquiert une juridiction reconnue sur la ville et ses habitants. Les caractéristiques de la commune, quand elle a été establie, diffèrent grandement de ce qu’elles sont devenues quand elle a reçu une charte à la fin du xiie siècle. Une seconde modification de la justice est liée à l’entrée de la plupart des villes du Nord dans le domaine royal1. Ce changement de seigneur annonce l’influence grandissante du roi sur l’organisation de la justice dans le royaume, contribuant à faire des villes des juridictions à part entière. Du règne de Philippe Auguste (1180–1223) à celui de Charles VI (1380–1422), les interventions du roi sur l’organisation judiciaire des villes du Nord du royaume prennent la forme d’un processus d’acculturation plus ou moins conscient de la justice municipale. Il est difficile, mais essentiel, de saisir dans son historicité ce processus de réorganisation permanent de la justice après l’apparition de la première du genre  : la commune de Saint-Quentin. A. La commune : de la conjuratio de paix à l’institutionnalisation du pouvoir urbain (fin xie–début xiiie siècles) La commune a été un nouveau type de structure associative qui laissa ses premières traces dans la seconde moitié du xie siècle. Cette structure horizontale a beaucoup changé durant tout le Moyen Âge. Ne s’en tenir qu’à une définition statique ne rendrait pas compte de la complexité de ce qu’elle fut2. Il y a eu plusieurs communes : une première, celle des origines, fondée sur une conjuratio, la paix et l’entraide  ; une seconde qui, après plus d’un siècle de transformations était devenue un pouvoir politique, donc judiciaire, et dont le fondement juridique reposait sur un document écrit, la charte de commune ; une troisième qui, au cours du xive siècle, intégra par acculturation progressive l’ordre judiciaire du royaume3. Il en est de même pour les communes comme de l’interrogation relative à plusieurs phénomènes survenus autour de l’an mil. S’agit-il d’une Borrelli de Serre, La réunion des provinces septentrionales, op.cit. A. Vermeesch, Essai sur les origines et la signification de la commune dans le nord de la France (xie et xiie siècles), Heule, 1966, p. 9–21. 3 Notre connaissance des politiques royales à l’égard des communes reste tributaire de l’étude qui commence à vieillir de C. Petit-Dutailli, Les communes françaises, op.cit. 1 2

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Première Partie | Origine et développement de la justice dans la ville

mutation ou d’une adaptation à un plus grand nombre de structures déjà existantes, qui se sont transformées pour devenir véritablement autre chose ? L’apparition de la commune fut-elle en rupture ou en continuité avec le passé de la ville ? Finalement, à quoi ont été dues ses multiples transformations ? 1.

La conjuratio et la paix à l’origine de la commune (vers 1070–1080)

L’émergence de la commune est due en grande partie à des changements économiques, sociaux et politiques intervenus aux xe–xie siècles. Il en aurait résulté, vers 1100, un changement social importante liée à l’urbanisation et à la reconnaissance des bourgeois en tant que groupe social4. La commune émane de cette nouvelle élite urbaine qui apparaît, ou plutôt commence à s’affirmer vers 1060. Jusqu’alors les bourgeois étaient des hommes libres qui habitaient les protos centres urbains et qui n’étaient ni clercs ni vassaux d’un seigneur. Dans la seconde moitié du xie siècle, ces bourgeois se sont constitués en puissance sociale, recherchant d’abord la confirmation de leur statut puis, graduellement, l’administration collective de leurs finances et de leur justice. La commune de Saint-Quentin est considérée comme l’une des plus anciennes, si ce n’est la plus ancienne du nord du royaume de France. On est toutefois très mal renseigné à propos de sa concession, qu’il faut, dans un premier temps, tenter d’éclairer. La commune des origines pose en effet plus de questions qu’elle n’apporte de réponses à cause de l’absence de sources contemporaines à la période de sa formation. On ignore la date précise de sa concession et, avec elle, comment et pourquoi elle s’est formée. De plus, il n’y a pas, ou il ne subsiste pas de charte de commune avant la fin du xiie siècle. Ces lacunes insurmontables font que l’on ne sait rien de ses origines et de sa nature première. On est mieux renseigné à partir du milieu du xiie siècle, avec l’Establissement de Saint-Quentin (vers 1151)5 et la charte de commune reçue de la comtesse Aliénor et confirmée par Philippe Auguste à la fin du xiie siècle. Ces documents permettent de voir sa lente transformation en institution au cours du siècle qui a suivi sa fondation. a. Les facteurs ayant contribué à la concession de la commune Les liens entre l’apparition des communes et l’essor économique et démographique des xe–xiie siècles ne sont ni à négliger ni à démontrer en détail. La Picardie connut un essor rapide et exceptionnel6. Si on excepte l’Italie7, l’urbanisation ancienne et l’activité économique précoce et très avancée avaient fait de la Picardie l’une des régions d’Europe où l’émancipation urbaine fut la plus ancienne et la plus générale. Cette envolée est perceptible D. Barthélemy, Chevaliers et miracles : la violence et le sacré dans la société féodal, Paris, 2004, p. 226–230. À l’origine en latin, l’Establissement de Saint-Quentin n’est aujourd’hui connu que par sa traduction en français (vers 1340) par le biais du cartulaire de la ville d’Eu en Normandie. Considéré par ses devanciers comme étant la proto charte de commune de la ville, Arthur Giry a clairement établi que ce document n’est en fait qu’une consultation que rédigèrent les bourgeois de Saint-Quentin à la demande des habitants de la ville d’Eu avant 1151, au moment où ces derniers allaient obtenir une commune de leur seigneur secundum scripta Sancti Quintini. Voir A. Giry, Étude sur les origines de la commune de Saint-Quentin, op.cit., p. 14  ; A. Vermeesch, Essai sur les origines et la signification de la commune, op.cit., p. 98-99  ; L. Carolus-Barré, « Philippe Auguste et les communes », dans La France de Philippe Auguste, Les villes de France au temps de Philippe Auguste, Colloque international de Paris, 1980, Paris, 1982, p. 685, n. 36. 6 R. Fossier, Histoire de la Picardie, Paris, 1974. 7 É. Brunet, «  La construction de la ville. Sur l’urbanisation dans l’Italie médiévale  », Annales HSS, 591 (jan.-fév. 2004), p. 109–139. 4 5

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La ville, la commune et la justice | chapitre I

dès le xe siècle. Elle fut liée dans sa première phase à l’agriculture et à l’élevage8. Enfin, le numéraire pénétra dans la région de façon fulgurante, favorisant l’activité de change9. Cet essor économique eut des répercussions démographiques. La Picardie était au Moyen Âge une des régions les plus peuplées du royaume de France10. Vers 1060–1080, se produisit un changement social important  : l’affirmation des bourgeois en tant que groupe social. Les bourgeois de la région n’étaient encore au xie siècle que des hommes libres habitant le burgus ou vicus qui s’étaient mis au commerce ou à l’artisanat dès l’époque carolingienne11. Alors que la commune n’existait pas encore, ces marchands et artisans s’étaient vraisemblablement déjà regroupés sous la forme d’une association jurée : la guilde12. Ces autres habitants des villes, ceux qui ne bénéficiaient pas de la qualité de clerc ou qui n’étaient pas entrés dans la dépendance d’un seigneur, ne pouvaient trouver entraide et défense que dans l’association. Courante dans les corps de métiers depuis l’époque romaine, la guilde avait connu un renouveau à l’époque carolingienne dans le nord de la Francia et en Lotharingie. En Flandre limitrophe, les guildes paraissent particulièrement actives à Saint-Omer, Gand, Arras, et Bruges13. Comme ce fut le cas pour la plupart d’entre elles, celle de Saint-Quentin fut d’abord fortement liée à la promotion du culte du saint éponyme14. L’abbé-comte Fulrad fonda l’œuvre monseigneur saint Quentin au début du ixe siècle dans le but de financer la réédification de la basilique devenue trop petite pour accueillir les pèlerins qui affluaient : saint Quentin s’était mis à guérir mieux que saint Sébastien15. D’une structure pieuse, composée d’hommes de toutes conditions, la guilde s’adapta, se professionnalisa et se militarisa au xe siècle16. Ces caractéristiques, combinées à leur nombre et à la prise de conscience de leurs intérêts solidaires, faisaient des bourgeois un nouveau groupe social en mesure de traiter avec le comte et les autres groupes sociaux de la ville. Il faut également lier l’apparition de la commune à des mouvements politiques plus larges. Dans la mouvance de la paix de Dieu, qui précéda de très peu les premières communes, l’idéal de paix s’imposait dans les villes contre la violence qui nuisait aux R. Fossier, Histoire de la Picardie, op.cit. p. 107  ; Id, «  L’assolement triennal autour de Saint-Quentin  », dans Mélanges d’archéologie et d’histoire en l’honneur du Doyen Michel de Boüard, Genève, Paris, 1982, p. 147–154 ; Id., « Le Vermandois au xe siècle », dans ‘Media in Francia’…Recueil de mélanges offerts à Karl Ferdinand Werner, Paris, 1989, p. 177–186 9 R. Fossier, La terre et les hommes en Picardie jusqu’à la fin du xiiie siècle, Paris, 1968, p. 246 et s. 10 F. Lot, « L’état des paroisses et des feux de 1328 », BÉC, 90 (1929), p. 51–107, 256–315 ; R. Fossier, « Aperçus sur la population du Cambrésis et du Vermandois à la fin du xiiie siècle », dans Commerce, finance et société (xie–xvie siècle), Mélanges Henri Dubois, Paris, 1992, p. 443–457. 11 Folcuin, De gestis abbatum Laubiensis, éd. PL, vol. 137, col. 581, atteste des marchands à Augusta Viromanduorum au milieu du xe siècle. 12 O.G. Oexle, « Gilden als soziale Gruppen in der Karolingerzeit », dans H. Jankuhn, W. Janssen, R. SchmidtWiegand, H. Tiefenbach (éds.), Das Handwerk in vor- und frühgeschichtlicher, Zeit 1, Göttingen, 1981, p. 284–354 ; Id., « Conjuratio et Ghilde dans l’antiquité et dans le haut Moyen Âge. Remarques sur la continuité des formes de la vie sociale », Francia, 10 (1982), p. 1–19 ; Id., « Conjuratio und Gilde im frühen Mittelalter : ein Beitrag zum Problem der sozialgeschichtlichen Kontinuität zwischen Antike und Mittelalter », dans B. Schwineköpter, Gilden und Zünfte, Sigmaringen, 1985, p. 115–214. 13 Voir F. Blockmans, « L’équipement commercial de la Flandre avant 1300 », dans Annales de la fédération archéologique et historique de Belgique, 1938, p. 273–286. 14 A. Derville, « Les élites urbaines en Flandres et en Artois », dans Les élites urbaines au Moyen Âge, xxviie congrès de la SHMES (Rome, mai 1996), Paris, 1997, p. 117–135. 15 BHL, 7017. Elle était toujours très active aux siècles suivants. Malgré le peu de liens qu’ils semblent entretenir avec les chanoines, au xive siècle 85% des testateurs bourgeois de Saint-Quentin stipulent un legs en faveur de cette œuvre, c’est-àdire en faveur de la nouvelle basilique. Voir P. Desportes, Testaments saint-quentinois du xive siècle, Paris, 2003, p. xxxiv. 16 J. Flach, Les origines de l’ancienne France, t. 2, Paris, 1893, p. 413, n. 2 ; É. Coornaert, « Les ghildes médiévales, définition et évolution », dans RH, 199 (1948), p. 22–25, 108–248. Voir également Max Weber, La ville, Paris, 1982, p. 82–84. 8

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échanges17. Dans le contexte régional, ce mouvement a connu au xie siècle un succès très important en Picardie, particulièrement dans les villes épiscopales de la province ecclésiastique de Reims. Le mouvement communal y connut une expansion similaire prenant même une forme plus vigoureuse qu’ailleurs18. Après Saint-Quentin, qui est la plus ancienne de la région, toutes les agglomérations picardes importantes sont devenues des communes et toutes ont comme caractéristique d’avoir eu un évêque comme seigneur19. Saint-Quentin précéderait les communes de plusieurs sièges épiscopaux de la province, c’est-à-dire celle de Beauvais (avant 1096), de Noyon (1108), de Laon (1111) et d’Amiens (1113). En outre, on ne retrouve pas moins de sept chartes chefs de sens dans la région : en plus de Saint-Quentin, il faut compter Abbeville, Amiens, Cambrai, Laon, Noyon et Saint-Pol20. Les premières communes ne semblent pas si éloignées d’une transformation ou d’une adaptation laïque de la paix de Dieu. Les meilleurs exemples, quoiqu’exceptionnels, restent l’institutio pacis de Laon et la paix de Valenciennes, seules communes à y faire référence en des termes aussi précis21. La paix n’est pas totalement absente des institutions communales ailleurs et à Saint-Quentin. On doit lui accorder la place prédominante qu’elle occupa a posteriori dans sa justice. La maison commune, où l’on rendait justice, s’appelait la Maison de la Paix et au xive siècle le maire et les jurés faisaient des paix ayant valeur d’asseurement communal entre les habitants de la ville22. C’est dans ces conditions que, à la fin du xie siècle, la commune de Saint-Quentin apparaît, sans qu’on ne sache précisément ni quand ni pourquoi. b. La concession de la commune La conjoncture dans laquelle la ville de Saint-Quentin est devenue une commune reste inconnue, faute de sources. René Chopin, avocat au Parlement de Paris au xvie siècle, fut vraisemblablement le premier à l’attribuer à Herbert IV23. Les érudits locaux l’ont fait remonter jusqu’à Herbert II (900–907–† 943)24, mais l’avis de Louis-Paul Coliette, qui l’attribuait à Albert Ier (943–† 987–989) pour diverses raisons qui lui paraissaient valables, a été davantage retenu25. C’est l’opinion émise par Henri Bordier en 1846 qui est encore A. Vermeech, Essai sur les origines et la signification de la commune  ; H. Pirenne, «  L’origine des constitutions urbaines au Moyen Âge », dans Les villes et les institutions urbaines au Moyen Âge, t. 1, Bruxelles, 1939, p. 15, note 4. 18 R. Bonnaud-Delamare, « Les institutions de Paix dans la province ecclésiastique de Reims au xie siècle », BPH, 1955–1956, p. 143–200 ; P. Desportes, « Le mouvement communal dans la province de Reims », dans Les chartes et le mouvement communal, Saint-Quentin, 1982, p. 105–122 ; Id., « Les communes picardes au Moyen Âge, une évolution originale », RN, 70 (1988), p. 265–284. 19 R. Bonnaud-Delamare, « Les institutions de Paix dans la province ecclésiastique de Reims au xie siècle », op.cit. ; R. Fossier, Histoire de la Picardie, op.cit., p. 136–137 ; P. Desportes, « Les communes picardes », op.cit., p. 265. Pour les seigneuries épiscopales de Noyon et de Beauvais, voir O. Guyotjeannin, Episcopus et comes, affirmation et déclin de la seigneurie épiscopale dans le Nord du royaume de France (Beauvais, Noyon, xe–début xiie siècles), Genève, Paris, 1987. 20 R. Fossier, Chartes de coutumes en Picardie, op.cit. 21 Le texte de l’Institutio Pacis de Laon a été publié dans les ORF, t. 9, p. 185, mais on doit lui préférer l’édition de J.   Dufour, Recueil des actes de Louis vi roi de France (1108–1137), Paris, 1992, n° 277, 1128. Voir le commentaire d’A. Saint-Denis, Apogée d’une cité. Laon et le Laonnois aux xiie et xiiie siècle, Nancy, 1994, p. 132–146. Pour la paix de Valenciennes, voir P. Godding, J. Pycke, La paix de Valenciennes de 1114. Commentaire et édition, Louvain-La-Neuve, 1981. 22 Voir P. Dubois, Les asseurements au xiiie siècle dans nos villes du Nord, op.cit. 23 R. Chopin, De domanio Franciae, lib 3, §20, n° 8. 24 C. Bendier, Défense des principales prérogatives de la ville et église de Saint-Quentin, Saint-Quentin, 1671, p. 23. 25 Coliette, t. 1, p. 543 et 656. Coliette retient également à tort pour preuve un Theudo maior signataire d’une charte en faveur de l’abbaye de Saint-Prix de 986 comme signe de la commune (éd. Héméré, 2e partie, p. 33). Son opinion fut reprise par L. Hordret, Histoire des droits anciens, et des prérogatives et franchises de la ville de Saint-Quentin, capitale du Vermandois, en Picardie […]., Paris-Saint-Quentin, 1781, p. 179–180 ; E. Berlemont, Histoire de l’émancipation communale à Saint-Quentin et dans le Vermandois, Saint-Quentin, 1873, p. 544 ; H. Pauffin, Essai sur l’organisation et la juridiction municipale au Moyen Âge, Paris, 1886, p. 39. 17

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suivie aujourd’hui26. Après la découverte de l’Establissement, il a supposé une concession entre 1043 et 1076. On attribue depuis au comte de Vermandois Herbert IV († 1081) et à sa femme, Adèle de Valois, la concession d’une commune aux bourgeois de Saint-Quentin27. Cette hypothèse, généralement admise ne repose que sur une conjecture fragile, élaborée à partir d’un seul document non contemporain, unilatéral, et qui ne nous est parvenu que dans une traduction tardive. Il n’y a que le préambule de l’Establissement de Saint-Quentin (1151) qui mentionne l’institution d’une commune à Saint-Quentin, par l’otroy et par la liscensce du conte Hebert et de sa fame28. En l’absence de toute autre hypothèse plausible, il faut donc attribuer à Herbert IV et à sa femme la concession d’une commune à SaintQuentin avant sa mort, dans les années 1070–1080, peut-être avant 107629. Herbert IV serait le premier seigneur de la province ecclésiastique de Reims à avoir concédé à l’une de ses villes une commune. Fait notable, Herbert IV était un seigneur laïc. La plupart des autres concessions de commune dans la région ont été faites par des évêques, avec ou sans leur consentement, et souvent l’intervention du pouvoir royal s’est avérée être déterminante30. La première mention certaine d’une commune à Saint-Quentin n’apparaît qu’une trentaine d’années suivant la mort d’Herbert IV. C’est Guibert de Nogent qui, le premier, associa le mot communio à la ville de Saint-Quentin. Non sans quelques mécontentements, le chanoine de Laon atteste dans un de ses passages les plus célèbres que la commune de Saint-Quentin existait avant 1112. Malheureusement, selon son opinion, cette commune était, avec celle de Noyon, devenue un modèle pour les autres villes de la région31. Si on ne dispose d’aucun renseignement circonstanciel, quelques facteurs locaux contribuent à mieux comprendre l’apparition de la commune. Une particularité notable est l’absence de violence qui aurait contraint le comte à des concessions. Cela contraste avec la plupart des communes picardes ultérieures : la concession d’Herbert IV aurait été volontaire32. Il en aurait été même l’instigateur. L’hypothèse voudrait que la commune fût créée à peu près au même moment que la conjuratio communale des bourgeois de Cambrai en 1076–1077. Cambrai est à une journée de marche de Saint-Quentin. Herbert IV ne pouvait ignorer les troubles qui y étaient survenus. Herbert IV serait allé au-devant d’hypothétiques réclamations de la part de ses bourgeois et leur aurait donné une commune pour

26 H. Bordier, « Bulletin bibliographique », BÉC, 2e série, t. 2 (1846), p. 74 n. 1 ; Id., Histoire de France depuis les temps les plus anciens jusqu’à nos jours, d’après les documents originaux et les monuments de l’art de chaque époque, Paris, 1859, p. 262–264 ; A. Giry, Études sur les origines de la commune de Saint-Quentin, op.cit., p. 2–10. 27 On sait peu de chose sur ce comte, si ce n’est qu’il assista au sacre du roi Philippe Ier en 1059 (RHGF, t. 11, p. 33) ; puis, qu’en 1071 il participa à la bataille de Cassel au côté de Philippe Ier et la comtesse Richilde : Ex geneologia comitum Flandrensum, dans RHGF, t. 11, p. 388. Voir P.J.E. de Smyttere, Robert le Frison, comte de Flandre et les batailles au val de Cassel de 1071, Hazebroek, 1882. 28 Establissement, préambule. 29 La souscription de deux maioris à une charte d’Herbert IV de 1076, l’un dans l’énumération de ses officiers et le second à la toute fin, confirmerait – en supposant qu’il s’agisse bel et bien du maire de la commune, ce qui impliquerait qu’elle en ait eu un dès le début – cette fourchette de 1070–1080 : Saint-Quentin, AM, liasse 263, n° 3. (Lemaire, n° 1). Corrigeons J. Barbey, É. Bournazel, J.-L. Harouel, J. Thibaut-Payen, Histoire des institutions de l’époque franque à la Révolution, Paris, 1994, p. 175, qui attribuent la commune à Herbert IV, mais date sa concession de 1086, soit 5 ans après sa mort ! 30 P. Desportes, « Le mouvement communal dans la province de Reims », op.cit., p. 105–112. 31 Guibert de Nogent, De vita sua, sive mondiale, éd. E.-R. Labande, Paris, 1981, livre iii, chapitre 7, p. 323. Voir D. Barthélemy, « Lecture de Guibert de Nogent (Autobiographie, III, 1–11) », dans Les origines des libertés urbaines, Rouen, 1990, p. 175–192. 32 A. Triou, « Les origines de la Commune de Saint-Quentin et ses vicissitudes », dans Les chartes et le mouvement communal, Saint-Quentin, 1982, p. 3–10 ; J.L. Collart, « Saint-Quentin », op.cit.

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s’éviter le sort du nouvel évêque de Cambrai33. Mais aucune source n’existe pour venir appuyer cette hypothèse, aussi séduisante soit-elle. Dans une même ligne de pensée, bien que ne reposant encore là sur aucune source connue, on voudrait qu’Herbert IV ait vendu la commune à ses bourgeois34. L’explication semble venir d’une interpolation d’un passage de Guibert de Nogent, qui, lorsqu’il parle de la commune d’Amiens, dit qu’elle fut acquise moyennant finances35. L’hypothèse, très fragile, n’est pourtant pas exclue. Robert Fossier a démontré que, au xie siècle, le comte s’était retrouvé dans une double conjoncture. Il éprouvait un besoin sans cesse grandissant d’argent et voyait ses ressources se contracter à cause des multiples fiefs qu’il avait concédés dans son comté36. En 1076, il s’était engagé à compenser de 50 livres d’or et de 100 livres d’argent l’abbaye de Saint-Prix pour les pillages qui y avaient été perpétrés par ses hommes37. Ayant besoin de cette importante somme, Herbert IV serait allé la chercher là où elle se trouvait, auprès de ses bourgeois, mais en échange d’une reconnaissance. On peut également lier la concession de la commune à la participation des bourgeois à la guerre avec leur seigneur. En 1071, le comte et ses hommes de Saint-Quentin, unis aux gens du roi de France, Philippe Ier, et aux partisans de la comtesse Richilde, subirent une cuisante défaite face à Robert le Frison lors de la bataille de Cassel38. Malgré la déconfiture, le sacrifice des bourgeois conscrits pour la bataille méritait une reconnaissance de la part du comte. La plupart des communes de la région s’inscrivent dans une dynamique de violence restructurante faisant s’affirmer les bourgeois39. Tout ce que l’on peut dire quant à la commune de Saint-Quentin, c’est qu’elle s’inscrit vraisemblablement dans une dynamique différente. Il s’agit d’une négociation entre les bourgeois et leur seigneur, une dynamique de don et de contre-don. Le comte leur aurait accordé une commune en échange du service militaire, d’une importante somme d’argent, ou d’une conjonction des deux40. Mais, en tout état de cause, l’événement, qui n’a retenu l’attention d’aucun chroniqueur ou annaliste contemporain, semble ne pas avoir été marquant ou traumatisant. C’est pourquoi on est amené à penser que la commune de Saint-Quentin ne s’inscrit pas dans la rupture, mais dans la continuité d’institutions préexistantes et dans un nouveau rapport de force entre le comte et les bourgeois. C’est ce que semble confirmer l’absence vraisemblable de document écrit pour sanctionner la commune. Contrairement à une opinion qui s’est répandue, la commune de SaintQuentin est peut-être la plus ancienne de la région, mais elle n’a pas la plus ancienne charte L. Trenard (dir.), Histoire de Cambrai, op.cit. Sur les relations entre Herbert IV et Lietbert, voir Vita Lietberti episcopi Cameracensis, Auctore Rodulpho monacho Sancti Sepulcri Cameracensis, éd. A. Hofmeister, dans MGH, Scriptores, 302, 1926–1934, p. 859, cap. 44. Cambrai est vraisemblablement le seul exemple contemporain. La commune du Mans de 1070 est une commune diocésaine. Le caractère communal de la conjuratio des bourgeois de Cologne de 1074 est encore discuté. 34 E. Lemaire, « Introduction », dans Archives anciennes de la ville de Saint-Quentin, Saint-Quentin, 1881. 35 Guibert de Nogent, De vita sua, sive mondiale, éd. op.cit., livre iii, chapitre 7. 36 R. Fossier, La terre et les hommes en Picardie, op.cit., p. 446–449. 37 Saint-Quentin, AM, liasse 263, n° 3. 38 Ex geneologia comitum Flandrensum, éd. RHGF, t. 9, p. 388. Voir E. Lemaire, « Introduction », op.cit., p. xciii. 39 Tel n’est vraisemblablement pas le cas pour Saint-Quentin, mais cette dynamique de la violence structurante, étudiée par D. Nirenberg, Communities of Violence : Persecutions of Minorities in the Middle Ages, Princeton, 1998 (traduit sous le titre Violence et minorités au Moyen Âge, Paris, 2000), pour les minorités, pourrait s’appliquer à la violence qui a conduit à la formation de certaines communes. 40 M. Mauss, « Essai sur le don », op.cit. ; G. Algazi, V. Groebner, B. Jussen éd., Negotiating the Gift. Pre-Modern Figuration of Exchange, Göttingen, 2003. 33

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de commune41. Depuis la redécouverte au xixe siècle de l’Establissement de Saint-Quentin dans le cartulaire de la ville d’Eu, les historiens qui s’y sont intéressés l’ont tenu à tort pour sa charte primitive. Pour eux, à cause de la définition de Bréquigny, une commune sans charte n’était pas envisageable. Arthur Giry a nuancé ce propos. Pour lui aussi, il devait y avoir eu un document qui a présidé à la concession de la commune. Cette première charte aurait été perdue ou bien elle n’aurait pas satisfait les bourgeois qui y auraient apporté des modifications et des amendements tellement nombreux que le document en aurait été complètement dénaturé. L’Establissement de Saint-Quentin en aurait résulté avant 115142. La probabilité qu’il y ait eu un document sanctionnant la concession de la commune est mince, puisqu’il n’y en a aucune trace. Cependant, elle n’est pas inexistante, car plusieurs exemples contemporains existent pour la région, en particulier pour les établissements religieux de la ville43. Charles Petit-Dutaillis a offert une interprétation qui cadre mieux avec ce que l’on sait de la commune de Saint-Quentin et la pratique de l’écrit pour l’époque. Il n’y a vraisemblablement pas eu de charte, la constitution de la commune ne résultant au départ que d’une simple conjuratio. La charte n’arriva au mieux qu’au début du xiie siècle44. On sait aujourd’hui qu’on ne peut faire coïncider la commune avec sa charte, car les premières communes n’en ont pas forcément eu à leur début45. Le xie siècle est un siècle de transition vers une plus large pratique de l’écrit, mais le pacte oral et gestuel ainsi que le serment restent prédominants46. La commune de Saint-Quentin ne reposait probablement au début que sur un serment pris en commun, une conjuratio. Le vocabulaire utilisé (otroy et liscensce ou acquisita), quoique pas tout à fait uniforme d’un document à l’autre, laisse entendre que cette conjuratio fut autorisée par le comte47. La commune apparaît de façon quasi simultanée avec la dévolution progressive du ban à la seigneurie en Picardie que Robert Fossier situe entre 1035–105048. Un point important qui semble commun à la constitution de ces seigneuries et de la commune est le processus tout à fait légal dans lequel ces acquisitions se sont effectuées dans le Vermandois49. Le rôle du comte n’apparaît pas ici comme celui d’un opposant, mais plutôt comme celui d’un arbitre entre les différents groupes sociaux de sa ville. La conjuratio communale est un serment promissoire, puisqu’il engage celui qui l’a prononcé à observer un certain comportement envers son conjuré50. En se conjurant, chacun acceptait de facto à porter assistance à son conjuré. Cette conjuratio rapproche la commune d’une paix, qu’il faut ici prendre dans sa première acceptation médiévale héritée J. Schneider, « Libertés, franchises, commune : les origines. Aspect d’une mutation », dans Les origines de libertés urbaines, actes du 16e congrès des historiens médiévistes de l’enseignement supérieur (Rouen 7–8 juin 1985), Rouen, 1990, p. 13 ; A. Chédeville, J. Le Goff, J. Rossiaud, Histoire de la France urbaine, t. 2, La ville médiévale, p. 99. 42 A. Giry, Études sur les origines de la commune de Saint-Quentin, op.cit., p. 2–15. 43 R. Fossier, Chartes de coutumes en Picardie (xie–xiiie siècle), op.cit. 44 C. Petit-Dutaillis, Les communes françaises, op.cit., p. 26–27. La mise au point de M. et A. Triou, « Les origines de la commune de Saint-Quentin et ses vicissitudes », dans Les chartes et le mouvement communal, p. 7, n’apporte rien de nouveau sur le sujet. 45 A. Vermeech, Essai sur les origines et la signification de la commune, op.cit., p. 14–15. 46 O. Guyotjeannin, L. Morelle, M. Parisse (dir.), « Pratiques de l’écrit documentaire au xie siècle », BÉC, 155 (1997). 47 Establissement, §1 ; Charte de la comtesse Aliénor, §1 ; Charte de Philippe Auguste, §1. 48 R. Fossier, «  Naissance de la seigneurie en Picardie  », dans Histoire et société, Mélanges Georges Duby, vol. 2  : Le tenancier, le fidèle et le citoyen, Aix-en-Provence, 1993, p. 9–21. 49 C’est le terme employé dans une charte par laquelle le comte transfert son droit de Ban à l’abbaye d’Homblières  : T. Evergates (éd.), The Cartulary and Charters of Notre-Dame of Homblieres, Cambridge (Mass.), 1990, n° 25, vers 1021–1043. 50 R. Jacob, «  Serment  », dans C. Gauvard, A. de Libera, M. Zinc, Dictionnaire du Moyen Âge, Paris, 2003, p. 1327–1328. 41

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du droit romain, c’est-à-dire un pacte ou accord conclu en vue de la paix51. Otto Gerhard Oexle rapproche également le pacte communal de la conjuratio sur laquelle reposait la guilde carolingienne52. Pour se faire reconnaître en tant qu’association jurée, les communes se sont probablement appuyées sur cette structure associative préexistante. Quelques indices permettent de le constater. La commune et la guilde formaient un groupe social constitué par un serment d’entraide dont les membres avaient convenu de se porter protection et assistance mutuelle. Cela se voit d’abord dans la continuité de l’organisation des métiers53. C’est également la guilde, puis la commune, qui organisait, dans l’armée féodale, le contingent des hommes libres devant le service militaire au seigneur de la ville54. Si la commune n’a pas eu de charte au début, c’est que la conjuratio suffisait à la maintenir. Au départ, seule la conjuratio avait créé le lien communal. Mais on avait pris des précautions autres que l’écrit. L’Establissement semble confirmer l’influence toujours grande du saint patron sur la conjuratio communale : par sermens a warder et a tenir sauve la feuté de Dieu et de saint Quaintin55. L’implication de Dieu et de son auxiliaire local dans la commune laisse non seulement entrevoir une continuité avec le haut Moyen Âge, mais également une garantie de plus pour le maintien de la conjuratio en lui donnant une protection divine56. La commune devait être respectée non seulement sous peine de parjure envers l’ensemble des autres conjurés, mais également envers Dieu et saint Quentin dont on pouvait craindre la sanction57. Avait-on porté serment en présence des reliques ? Probablement, car jurer sur les reliques est la forme habituelle du serment avant les xiie–xiiie siècles58. Tout de même prudents, les bourgeois ont recherché des appuis autant à l’intérieur de la ville qu’à l’extérieur. Même si la commune a été instituée par et pour les bourgeois, ceux-ci ont dû aussitôt rechercher des reconnaissances supplémentaires à celle du comte. Comme ce fut le cas pour la plupart des premières communes59, la conjuratio fut commune aux éléments laïques (bourgeois et chevaliers) et aux éléments cléricaux de la ville, eux aussi membres de la commune60. Le pacte communal a également revêtu un caractère régional. Il semble impliquer l’ensemble du comté. Les chartes de la comtesse Aliénor et de Philippe Auguste font mention de la participation de tous les Viromandie pares, qui tunc temporis majores habebantur61. Hors de la ville, les pares du Vermandois reconnaissaient de façon similaire aux clerici et aux milites l’existence légitime de la commune. Par leur participation, la commune permettait aux bourgeois d’être reconnus à l’extérieur du territoire urbain. À la manière de la conjuratio de la guilde, celle de la commune visait la création de liens Digeste, 2, 14, 1, 1 ; Yves de Chartres, Lettres 144, éd. RGHF, xv, p. 164–165, an 1114. J. De Pas, Le bourgeois de Saint-Omer, Sa condition juridique dans les institutions communales, Lille, 1930, p. 36–38 ; O.G. Oexle, « Conjuratio et Ghilde », op.cit., p. 1–2 ; Id, « Gilden als soziale Gruppen », op.cit., p. 298. 53 F. Desportes, «  Droit économique et police des métiers en France du Nord (milieu xiiie–début xve siècle)  », RN, 63 (1981), p. 323–336. 54 P. Guilhiermoz, Essai sur l’origine de la noblesse en France au Moyen Âge, Paris, 1902, p. 380–392, cite des exemples réunis par Godefroi aux mots gelde et geldon. 55 Establissement, §1. 56 On peut également rapprocher ce serment d’une garantie coutumière. Voir J. Balon, « Sur deux garanties coutumières : le gage symbolique du couteau et le serment laïque », RHDFÉ, 33 (1953), p. 567–575. 57 R. Jacob, « Anthropologie et histoire du serment judiciaire », dans R. Verdier (éd.), Le Serment, t. 1 : Signes et fonctions, Paris, 1991, p. 237–263. 58 Ibid. 59 A. Vermeech, Essai sur les origines et la signification de la commune, op.cit., p. 102–103. 60 Charte de Philippe Auguste, §1 et 2. F. Olivier Martin, Histoire du droit français, §121. Opinion reprise, mais nuancée par J. Barbey, É. Bournazel, J.-L. Harouel, J. Thibaut-Payen, Histoire des institutions de l’époque franque à la Révolution, op.cit., §183. 61 Establissement, §1. 51 52

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­ orizontaux entre les habitants, qui court-circuitaient les hiérarchies féodales et ecclésiash tiques afin de les rassembler sous une même volonté, sans égard à leurs statuts62. Cette conjuratio globale peut être interprétée de deux façons antinomiques qui, en l’état des sources, se valent l’une l’autre. Il faut envisager autant une connivence qu’une concurrence, voir une opposition entre chevaliers, clercs et bourgeois. L’alliance de toutes les catégories d’habitants de la ville peut avoir été une manière de suppléer à un pouvoir comtal que l’on sait affaibli63. Mais l’absence de violence envers le comte et l’obtention de sa liscence cachent peut-être aussi une violence d’une autre nature et ne signifient pas pour autant que la commune fût le fruit d’un processus entièrement harmonieux. Dans la genèse de la commune, il ne faut pas omettre de possibles frictions entre les bourgeois et deux autres groupes sociaux plus anciens. Les milites, assemblés autour du comte, tenaient de lui des fiefs partiellement situés dans la ville, et les clercs, assemblés autour du puissant chapitre collégial de la ville et des abbayes bénédictines de Saint-Prix et de SaintQuentin-en-l’Isle, étaient toujours présents dans la ville. Parce que le comte n’était pas le seul détenteur du pouvoir dans la ville, ces deux groupes ont eux aussi été amenés à faire partie de la commune à certains égards, bien qu’il soit difficile de déterminer comment. La participation à la commune des clercs et des chevaliers pourrait apparaître comme le signe d’une fracture sociale et politique qui aurait séparé et opposé bourgeois, chevaliers et clercs64. La conjuratio serait venue les apaiser dans un but d’harmoniser les rapports sociaux dans la ville. Plus ou moins contraints de fait, les vassaux du comte avaient dû reconnaître par serment la commune qui, collectivement et féodalement, était devenue leur égale, sans toutefois devenir pour autant une seigneurie collective65. Tout comme l’abbaye de Saint-Prix, victime vers 1076 d’exaction de la part des gens du comte, il est permis d’envisager que les bourgeois furent eux aussi victimes de violences endémiques de leur part66. Des mésententes similaires ont pu survenir avec le pouvoir spirituel dans la ville. De manière réciproque, par cette conjuratio, la commune reconnaissait l’autorité de l’Église dans la ville. Avec la commune, les bourgeois ont très certainement dû recevoir quelques franchises. Il reste plus probable pour lors qu’ils aient simplement obtenu la reconnaissance d’un état de fait très ancien. Il faut être prudent à ce sujet, car il n’y a aucun document contemporain de la fondation de la commune. Au xie siècle, elle ne recouvrait pas un spectre aussi large que ce qu’elle a réussi à atteindre par la suite au terme de son évolution. Mais il y a des évidences. Les premières franchises semblent n’avoir été qu’une confirmation de leur statut particulier d’homme libre, peut-être acquis depuis longtemps en tant O.G. Oexle, « Conjuratio et Ghilde », op.cit. R. Fossier, Histoire de la Picardie, op.cit. D. Barthélemy, L’an mil et la paix de Dieu. La France chrétienne et féodale 980–1060, Paris, 1999, p. 574. Cette lutte pour le pouvoir en ville donna lieu à une confrontation entre les différents groupes sociaux qui a récemment été analysée par J. Morsel, L’aristocratie médiévale. La domination sociale en Occident (ve–xve siècle), Paris, 2004, p. 235–239. 65 A. Luchaire, Les communes françaises, op.cit., a rapproché les communes du fief en tentant d’en faire une sorte de « seigneurie collective ». Une commune, c’est autre chose qu’une seigneurie, fût-ce-t-elle collective. Jamais la commune ne se perçoit comme telle. La seigneurie de la ville n’a cessé d’appartenir à son seigneur, c’est-à-dire le comte de Vermandois puis le roi. Voir par exemple Saint-Quentin, AM, liasse 21, dossier B (Lemaire, n° 463), février 1328 n.st. Ce qui n’empêche pas la ville d’acquérir diverses seigneurie en son sein. 66 En 1076, l’abbé de Saint-Prix, Gaudry (Waldericus), s’était plaint auprès d’Herbert IV d’atteintes portées aux libertés de son église par le prévôt Gautier (Walterus) d’autres gens du comte. Herbert IV par un acte bref confirma les franchises et privilèges de l’abbé et des moines de Saint-Prix, tout en faisant défense à ses successeurs de les troubler dans l’exercice de leur droits de propriété et de justice, ainsi que d’inquiéter les hommes placés sous leur protection. Voir Saint-Quentin, AM, liasse 263, n° 1. 62 63 64

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que familiers de l’abbaye. Leurs activités économiques et artisanales ainsi que leur participation active aux guerres du comte ont certainement joué en leur faveur également. Le comte dut leur céder le sol où ils habitaient, le burgus, et garantir leurs biens personnels67. Ces franchises trouvent leur origine dans l’immunité dont devait bénéficier l’Église68. Cette immunité, qui consistait à limiter l’arbitraire du comte et de ses agents pour le prélèvement des coutumes, la convocation à l’ost et l’exercice de la justice, se rapproche certainement des franchises reconnues aux bourgeois par la commune69. Enfin, un des premiers privilèges reconnus aux bourgeois, auquel ils semblent tenir le plus, consista à se faire juger par les échevins du comte, et par personne d’autre70. La commune était venue normaliser les rapports sociaux dans la ville. Elle associait, par une conjuratio, bourgeois, chevaliers et clercs sous la tutelle du comte, le patronage de Dieu et celui de saint Quentin. Mais la constitution de la commune n’est qu’une première étape vers son institutionnalisation et, avec elle, l’apparition de sa juridiction. La commune ne fut pas une chose spontanée, créée ex nihilo par les seuls bourgeois. Fruit d’une continuité, elle cherche plutôt à intégrer ces burgenses à l’ordre établi en tant que nouvelle instance légitime désirant s’affirmer face aux autres pouvoirs concurrents déjà présents dans la ville71. Comme les chevaliers, les bourgeois existaient avant l’an mil : il s’agissait d’hommes libres habitant le vicus. La mutation communale, celle qui s’est produite vers 1100 et qui les a propulsés au-devant de la scène, est attribuable à l’urbanisation et à l’essor économique et démographique déjà visible vers 950. Née dans une société encore imprégnée d’une culture du pacte72, cette commune avait d’abord pris la forme d’un serment (conjuratio) puis, mais très tardivement, celle d’une loi, la charte de commune73. Elle fut un nouveau moyen auquel les habitants ont eu recours pour instituer de nouvelles règles au sein de l’ordre social et juridique. Elle apparaît d’abord comme le résultat d’un accord oral, c’est-à-dire une paix dans son sens médiéval premier, sous la médiation du comte. Le but était d’établir un nouveau modus vivendi entre clercs, milites et le nouveau groupe social qu’étaient devenus les bourgeois. Rien ne semble avoir exclu au départ les milites et les clerici de la commune, bien au contraire. Cette intégration des bourgeois s’est effectuée dans des cadres préexistants, vraisemblablement une guilde placée sous l’auspice de saint Quentin, mais qui impliquait une refondation. D’où la nécessité de créer la nouvelle structure qu’est la commune. Aux xie–xiie siècle, les bourgeois apparaissent comme un nouveau groupe social. Ils étaient libres et privilégiés par leurs franchises anciennes. Ils étaient riches grâce au comJ. Flach, Les origines de l’ancienne France, op.cit., t. 2, p. 413, n. 2 ; R. Fossier, La terre et les hommes, op.cit., a noté plusieurs des ces communia en Picardie. 68 Voir L. Morelle, « Immunité », dans Dictionnaire du Moyen Âge, p. 706. 69 Une charte de Philippe d’Alsace donnée le 25 décembre 1166 concédant à la ville de Chauny une commune selon les usages de Saint-Quentin va en ce sens. Voir De oorkonden der graven van Vlaanderen (Juli 1128-September 1191), ii, Uitgave, vol 1, Regering van Diederich van de Elzas (Juli 1128–17 Januari 1168), éd. T. De Hemptinne, A. Verhulst, Bruxelles, 1988, n° 268. Les habitants de Chauny reçurent de Philippe Auguste une charte similaire à celle de Saint-Quentin en 1213 : ORF, t. 11, p. 304. 70 Establissement, §2 ; Charte de Philippe Auguste, §1. 71 O.G. Oexle, « Les groupe sociaux du Moyen Âge et les débuts de la sociologie contemporaine », Annales ÉSC, 47/ 1, 1992, p. 758–759 ; Id., « Kulturwissenschaftliche Reflexionen über soziale Gruppen in der mittelalterlichen Stadt : Tönnies, Simmel, Durkheim und Max Weber », dans C. Meier (éd.), Die Okzidentale Stadt nach Max Weber, München, 1994, p. 115–159. 72 D. Barthélemy, « La vengeance, le jugement et le compromis », dans Le règlement des conflits au Moyen Âge, 31e Congrès de la SHMES (Angers, juin 2000), Paris, 2001, p. 12. 73 A. Vermeesch, Essai sur les origines et la signification de la commune, op.cit., p. 20. 67

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merce et à l’artisanat qu’ils pratiquaient depuis des dizaines d’années déjà. Ils jouaient un rôle militaire important, possédaient un territoire, le burgus, et des juges qui leur étaient propres, les échevins. On note également une double volonté de s’affirmer, d’abord face aux groupes sociaux préexistants (milites et clerici), ensuite face aux nouveaux arrivants sans statut qui affluent des campagnes environnantes attirés par la ville en plein essor. La protection et la sécurité ont été la base essentielle de la commune à ses débuts. Ce qui a préoccupé les bourgeois, c’était d’assurer leur statut d’hommes libres, contrôler leurs prérogatives militaires, s’assurer de quelques privilèges commerciaux et judiciaires pour maintenir la paix dans la ville. 2.

La commune : un pouvoir institutionnel autonome (xiie siècle)

Au départ, les communes n’évincèrent aucunement les institutions préexistantes. Elles s’intercalèrent pour prendre place aux côtés de la seigneurie, sans toutefois en devenir une. Les communes n’apparaissent au début que comme une forme de protection de ses membres. Elles oublièrent rapidement leur nature première de paix et de fraternité. Pendant le siècle qui suivit leur apparition, les communes profitèrent de toutes les occasions qui leur ont été offertes pour progressivement s’institutionnaliser et devenir des pouvoirs autonomes. Au xiie siècle, ces possibilités ont été nombreuses. À Saint-Quentin, quand la ville entra dans le domaine royal au début du xiiie siècle, sa commune était visiblement devenue autre chose qu’une simple conjuratio de paix. Les bourgeois avaient entrepris de confisquer la justice sur leur ville. L’Establissement de 1151 laisse apparaître cette deuxième phase plus radicale. Rapidement, la commune se transforma en puissance sociale ayant pour elle le nombre et la richesse de ses principaux conjurés, les bourgeois. Ceux-ci formèrent une sorte de groupe prédateur de la commune. Devenue hostile envers son seigneur et ses vassaux, la commune profita de toutes les occasions qui lui furent données pour se transmuer en pouvoir collectif. À la fin du xiie siècle, l’agriculture et l’élevage perdaient leur rôle moteur au profit d’activités plus urbaines qui favorisaient en premier lieu les bourgeois. L’activité de change est la première attestée. Vers 1173, les deux bourgeois mentionnés par l’Historia Monasterii Viconiensis, Pierre de Villers et Robert le Changeur, s’y adonnaient certainement74. Plusieurs indices postérieurs laissent même entrevoir que les bourgeois avaient pris le contrôle de l’atelier monétaire de la ville75. L’Establissement et la charte de commune de Philippe Auguste consacraient plusieurs articles aux activités économiques, dont la production textile et le commerce. Cette activité textile s’organisa également au xiie siècle. À Saint-Quentin, comme à Amiens, Arras, Beauvais ou Abbeville, l’industrie était née du milieu local. Ce fut l’élevage du mouton dans la campagne environnante à partir du xe siècle, qui en fit une ville drapante76. Depuis, les bourgeois s’adonnaient généralement à ce commerce, principalement à l’organisation de la production de draps par la soustraitance de la main-d’œuvre de la campagne environnante pour en faire le négoce77. Le drap de Saint-Quentin était, au Moyen Âge, un produit qui avait bonne réputation sans 74 75 76 77

Continuatio Historia Monasterii Viconiensis, éd. J. Heller, dans MGH, Script., t. 24, p. 301, an. 117. Establissement, §41 ; Charte de Philippe Auguste, §39. A. Demangeon, La Picardie et les régions voisines, Paris, 1905, p. 261. Charte de Philippe Auguste, §49.

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être exceptionnel78. Le milieu humide des marais de la Somme permettait la culture et la transformation de la guède sur une grande échelle. En plus des drapiers, il y avait d’importants marchands de guède. Parce que l’élevage du mouton entraînait une surproduction de peau et de viande, le travail du cuir et la boucherie se sont imposés progressivement en complément direct à cette production textile importante. Saint-Quentin était également une ville où se tenait une foire importante. Jusqu’en 1319, année de sa réforme, elle s’ouvrait à l’octave de Pâques et durait seize jours. L’importance de cette foire est notable. Dès 1182, on avançait d’une semaine les foires de Reims. Depuis, elles commençaient le samedi précédant les Rameaux et se poursuivaient jusqu’au Samedi Saint, pour laisser un délai suffisant aux participants désireux de se rendre à la foire de Saint-Quentin qui avait à cette époque plus de succès que celle de Châlons-sur-Marne79. Avant 1200, elle était l’une des villes mairesse de la Hanse des xvii villes80. Cette Hanse mal connue lui avait permis d’écouler ses produits entre autres aux foires de Champagne et de Brie, à celle du Lendit et dans tout le pourtour méditerranéen. Les marchands de Saint-Quentin furent également parmi les premiers à fréquenter la foire d’Anvers, vers 123581. C’est dans l’intervalle qui sépare la commune d’Herbert IV et sa rénovation par Raoul Ier que les bourgeois ont commencé à acquérir plus d’autonomie face au comte. Raoul Ier apparaît souvent absent de son comté, parce que très occupé en tant que sénéchal de France à gérer le royaume avec Suger lors du départ de Louis VI pour la Croisade ou de la minorité de Louis VII82. De plus, Saint-Quentin n’était pas sa ville de séjour principale : il préférait résider à Crépy-en-Valois. Sa conduite violente83, ses absences répétées et l’aide militaire dont il avait besoin de la part de ses bourgeois expliquent pourquoi il les avait laissés libres d’agir dans la ville. En peu de temps, la commune était devenue un acteur politique important. Elle sut évoluer en tirant profit à la fois de la poursuite de la lente dissolution féodale du comté et de l’émergence du pouvoir royal. On mesure l’influence grandissante des bourgeois par le fait que Raoul Ier leur aurait, ou aurait été contraint de leur accorder d’autres franchises dont la teneur reste cependant inconnue. Il ne subsiste aucun texte de ces concessions que seuls les préambules Les meilleurs draps de Saint-Quentin étaient le noir brunette, le vert, le jaune et le moiré : Saint-Quentin, AM, liasse 57, dossier A, n° 2 (Lemaire, n° 493). Aux foires de Champagne, le drap de Saint-Quentin est taxé à 8 d., ce qui en fait un drap de milieu de gamme. Voir C. Lalore, Ce sont les coutumes de foires de Champagne, Troyes, 1888, p. 33. 79 Voir P. Desportes, Reims et les Rémois, Paris, 1979, p. 112. 80 Les cinq villes mairesses, c’est-à-dire le conseil des cinq villes qui dirigeaient la Hanse, sont, outre Saint-Quentin, Ypres, Douai, Arras et Cambrai. Sur la Hanse des xvii villes, qui étaient en fait vingt-quatre ou vingt-cinq vers 1270, voir H. Laurent, « Un comptoir international de vente au Moyen Âge : nouvelles recherches sur la Hanse des xvii villes », MÂ, t. 6 (1935), p. 81–94 ; L. Carolus-Barré, « Les xvii villes, une Hanse vouée au grand commerce de la draperie », Compte rendu de l’Académie des inscriptions et Belles-Lettres, 1965, p. 20–30. En comptant Saint-Quentin, ces derniers sont d’accord sur seize noms pour les dix-sept villes qui formaient à l’origine cette hanse : Ypres, Arras, Saint-Omer, Lille, Douai, Dixmude, Bruges, Abbeville, Montreuil-sur-Mer, Amiens, Beauvais, Cambrai, Valenciennes, Châlons-sur-Marne et Reims. Pour la dix-septième, Henri Laurent donne Tournai et Louis Carolus Barré, Gand. La Hanse poursuivit une activité réduite au xve siècle, malgré le déclin des foires de Champagne et la guerre de Cent Ans : F. Vercauteren, « Note sur la survivance de la Hanse de xvii villes au xve–xviie siècle », RBPH, 28 (1950), p. 1081. 81 W. Blockmans, « Aux origines des foires d’Anvers », dans Commerce, finance et société (xie–xvie siècles), Paris, 1993, p. 21–26. 82 É. Bournazel, Le gouvernement capétien au xiie siècle (1108–1180), Paris, 1975, p. 21–22. Raoul Ier fut souscripteur de la majorité des actes de Louis VI. Voir le Recueil des actes de Louis VI, roi de France (1108–1137). 83 RHGF, t. 13, p. 67A. 78

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des chartes d’Aliénor et de Philippe Auguste mentionnent84. Si on tient pour acquis que la commune d’Herbert IV n’avait consisté qu’en une conjuratio et une reconnaissance sommaire et orale de privilèges anciens, en plein cœur du mouvement communal, elle devait paraître bien fragile. Raoul aurait renouvelé la commune en effectuant de nouvelles concessions aux bourgeois (en leur donnant une charte  ?), probablement vers 1125 et peut-être encore une fois dans une dynamique de négociation pour obtenir leur service militaire85. Il faut souligner la présence de ses fidèles bourgeois de Saint-Quentin à ses côtés pour participer à plusieurs de ses campagnes aux côtés de Louis VI, contre l’Empereur à Reims en 1124, puis pour les sièges du château de Coucy, en 1130, et de celui de La-Fèresur-Oise, en 1132. La troupe était bien armée, si l’on se fie à Suger. Comme les milites, elle se distinguait par les armes86. On suppose que les importantes dépenses entraînées par son service auprès du roi et son avaritia reconnue l’auraient amené à se laisser arracher à prix d’argent de nouvelles concessions87. Ce devait être les nombreuses activités que les bourgeois avaient été amenés à exercer (artisanat, commerce et change), qui commençaient à gêner leur rapport avec leur seigneur. Celui-ci ne cessait de leur réclamer le service militaire, non seulement pour protéger le royaume, mais également pour des faides personnelles. Ceux-ci n’acceptaient plus de servir servilement leur seigneur au péril de leur vie et posèrent plusieurs limites pour leur service militaire88. Ce n’est véritablement qu’au xiie siècle qu’apparaissent les antagonismes entre l’élite bourgeoise, d’une part, le comte et ses milites, d’autre part. Ayant entrepris de chasser peu à peu ces derniers, la ville voulait se poser en espace démilitarisé89. Elle préférait pour le moment partager le pouvoir avec l’élite cléricale qu’était le chapitre collégial. Par son absence, Raoul Ier avait laissé aux bourgeois une autonomie relative à laquelle ils avaient rapidement pris goût, au point qu’ils apparaissent carrément hostiles envers lui et ses milites. De grandes précautions avaient été prises contre lui afin de limiter son pouvoir dans la ville. L’Establissement permet de le constater et d’apprécier le résultat final de l’émancipation des bourgeois face à leur seigneur. Vers 1151, quand l’Establissement fut vraisemblablement rédigé, il ne restait presque plus rien de l’autorité du comte sur sa ville. Plus de la moitié des articles de l’Establissement (26 sur 51) limite plus ou moins son pouvoir judiciaire, fiscal, militaire ou monétaire sur la commune90. Quelques-uns

Le texte de ces concessions devait être très court, sans doute similaire à la charte de Philippe d’Alsace du 25 décembre 1166 concédant aux hommes de Chauny une commune ad usum et consuetudinem communie Sancti Quintini  ». Voir De oorkonden der graven van Vlaanderen (Juli 1128-September 1191), 2, Uitgave, vol 1, Regering van Diederich van de Elzas, éd. op.cit., n° 268. Cette charte, qui ne contient que cinq courts articles, reconnaît les privilèges judiciaires et les biens des bourgeois (§1), un représentant, le maior, responsable de les faire respecter (§2), le service militaire comme du temps du comte Raoul (§3), mais leur impose son bailli (§4) et son châtelain (§5) pour régler leur conflit, sicut ante justiciarium Sancti Quintini. 85 C. Desmaze, La Picardie, Saint-Quentin en Vermandois, Paris, 1882, p. 6, fait référence à une assemblée tenue dans la ville en 1095, ce qui est beaucoup trop tôt, Raoul Ier n’étant même pas comte à cette époque. 86 Suger, Vie de Louis VI le Gros, éd. et trad. H. Waquet, Paris, 1929, p. 224–225, juillet-août 1124. Le contingent militaire de Saint-Quentin était aussi important que celui des trois autres villes ayant contribué à la bataille, soit Ponthieu, Amiens et Beauvais. Il aurait compté sept mille hommes, ce qui semble exagéré. Voir A. Luchaire, Louis VI le Gros. Annales de sa vie et de son règne (1108–1137), Paris, 1890, p. 160–161, n° 349. 87 A. Giry, Études sur les origines de la commune de Saint-Quentin, op.cit., p. 10–12. Un chroniqueur contemporain, Lambert de Waterlos, dans RHGF, t. 13, p. 506A, chanoine de Cambrai, dit de lui : is terram bene tenuit, sed avaritia incomparabilis fuit. 88 Establissement, §38–39. 89 Establissement, §44, n’en tolère qu’un nombre limité. 90 Establissement, §7, 8, 9, 11, 12, 15, 16, 17, 18, 20, 28, 31, 34, 35, 42 et 43. 84

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des articles de l’Establissement sont révélateurs de l’hostilité de la commune envers son seigneur : • • • •

§12 : lui interdisait de faire honte, ne vilenie à un bourgeois. §31 et 44  : défendaient au comte de n’occuper aucune forteresse dans la ville pour la destruction des bourgeois ou, empirié par aucun conseil, d’y introduire des hommes d’armes pour la nuisanche de la commune. §34  : ne lui permettaient pas de contraindre les bourgeois à plaider hors de la ville, malgré la coutume. §35, 42, 43 : le supposaient félon, mené par la convoitise, manquant à ses engagements et enclin à la mutation monétaire.

Les occasions pour les bourgeois d’étendre leurs pouvoirs apparaissent encore meilleures après la mort de Raoul Ier († 14 octobre 1152). Son fils, Raoul II le Jeune ou le Lépreux, lui succèda apparemment sans trop de problèmes, si ce n’est qu’il était encore mineur. La tutelle des trois enfants de Raoul Ier fut confiée à un fidèle ami de la famille, Ives de Nesle, comte de Soissons, qui s’acharna surtout à les marier. L’aînée, Élisabeth, épouse en 1156 Philippe d’Alsace, fils héritier du comte de Flandre, Thierry91. La cadette, Aliénor, épousait en 1162 Godefroi d’Ostrevant, fils héritier du comte de Hainaut Baudouin IV. Elle était veuve dès le 7 avril 1163. Enfin, Raoul II épousait en 1163 Marguerite d’Alsace, sœur de Philippe. Le mariage ne fut pas consommé en raison de la maladie du jeune comte, touché par la lèpre la même année. Louis Duval-Arnould a clairement démontré que Philippe d’Alsace en avait profité pour évincer son beau-frère du pouvoir92. Avec l’approbation de Louis VII les provinces du comte lépreux lui furent confiées, puisqu’Élisabeth, sa sœur, allait de toute façon hériter de ses comtés du fait de sa maladie. Le titre de comte de Vermandois fut cependant partagé par les deux, jusqu’en 1167 au moins93. Le 15 des calendes de juillet (17 juin) 1176, quand Raoul le Lépreux disparaît, le comté de Vermandois, dont faisait incidemment partie la ville de SaintQuentin, revint à sa sœur Élisabeth. Mais Philippe d’Alsace continua dans les faits d’y exercer les prérogatives comtales94. Bien que brouillé avec son épouse depuis un certain temps, à la mort de cette dernière (26 mars 1182), sans héritier, le problème de la dévolution de l’Amiénois, du Valois et du Vermandois, donc de Saint-Quentin, se posa de nouveau. D’une part, Philippe d’Alsace ne voulait pas rendre les provinces très riches qu’il avait administrées pour sa femme. D’autre part, Philippe Auguste n’était pas encore en mesure de les faire restituer à l’héritière légitime d’Élisabeth, sa sœur Aliénor. Grâce à ce prétexte, et trop heureux de nuire à l’un de ses principaux rivaux, Philippe Auguste entreprit la reconquête du comté, assuré de pouvoir l’annexer par la suite. S’ensuivit une lutte épique qui dura quatre années, entre 1182 et

Voir L. Duval-Arnoud, « Les aumônes d’Aliénor dernière comtesse de Vermandois et dame de Valois (1213) », Revue Mabillon, 60 (1984), p. 396, n. 9. 92 L. Duval-Arnould, « Les dernières années du comte lépreux Raoul de Vermandois (v 1147–1167) et la dévolution de ses provinces à Philippe d’Alsace », BÉC, 142 (1984), p. 81–92. Celui-ci se base sur un passage de la Continuatio Bruxellensis de la Flandria generosa, éd. MGH, Scriptores, t. ix, p. 325 et sur Jean de Salisbury, Historia pontificalis, éd. R.L. Pool, Oxford, 1927, p. 15–16, pour démontrer l’éviction par Philippe d’Alsace de Raoul II du pouvoir. 93 Voir Paris, AN, L738, dossier 4, n° 4bis, daté de 1166, ignoré par Louis Duval Arnoult ; Paris, BN, lat. 5470, p. 107, extraits copié par Roger de Gaignères en 1692, d’après l’original scellé en cire jaune, éd. par L. Duval-Arnould, « Les dernières années du comte lépreux Raoul de Vermandois  », op.cit., p. 90–91, 1167  ; Paris, BN, Coll. De Picardie (Dom Grenier), vol. 177, fol. 96, éd. Iibid., p. 91–92, vers 1163–1167. 94 Chronique française des rois de France par un anonyme de Béthune, dans RHGF, t. 242, p. 754i. 91

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118695, conclue par un traité signé à Amiens en mars 118696. Le colonel Borelli de Serre a jadis démontré que Philippe Auguste n’avait pu entrer en possession du Vermandois, au détriment d’Aliénor, qu’en faisant valoir la coutume féodale du droit de rachat au profit de sa politique d’expansion de ses domaines97. Philippe d’Alsace mort à Ptolémaïs en 1191, le roi, par un ultime traité conclu avec Aliénor à Arras en mars 1192, gagnait le Haut-Santerre avec Péronne. En l’absence d’héritier, la comtesse ne conservait à titre viager que Saint-Quentin et ses environs, Origny-Sainte-Benoîte (arr. de Saint-Quentin), Ribemont et une rente sur Péronne. Tout le reste alla au roi. La comtesse se cantonna dès lors à sa ville de Saint-Quentin et, depuis, elle ne prit pratiquement plus que le titre de comitissa Sancti Quintini et domina de Valesie. Lorsqu’Aliénor devint seul seigneur de Saint-Quentin en 1191 à la mort de son beau-frère, elle n’était qu’une docile vassale de Philippe Auguste. Si elle rénova la commune en concédant aux bourgeois une charte, celle-ci paraît dictée par le roi98. L’événement est important parce que fondateur d’une norme écrite qui perdure jusqu’à la Révolution. La première raison qui aurait entraîné cette rédaction est que les bourgeois n’avaient peut-être pas encore de charte. Ils avaient peut-être aussi perdu leur commune. Lors du long conflit féodal opposant la comtesse Aliénor et Philippe Auguste à son beau-frère Philippe d’Alsace, les bourgeois ayant pris parti pour les premiers en s’insurgeant contre le second auraient perdu leur commune. Lorsque Philippe d’Alsace avait pris possession du Vermandois pour sa femme Elizabeth en 1179, il avait dû faire le siège de la ville99. En guise de représaillesenvers les bourgeois qui avaient refusé de reconnaître son autorité, Philippe d’Alsace graviter afflixit eorumque cives obsidione et persecutione diu multumque humiliavit100. On s’accorde pour dire que, pour humilier ces bourgeois devenus arrogants parce que trop laissés à euxmêmes, Philippe d’Alsace leur avait retiré leur commune101. C’est vraisemblablement afin de les récompenser de leur soutien que la comtesse leur aurait d’abord redonné leur commune, avant de leur donner le document qui leur faisait peut-être encore défaut. Parce que, à la fin du xiie siècle, une commune sans charte était devenue incongrue. La chose fut inconcevable pour les historiens et les juristes du xixe siècle qui l’ont cherchée partout. Mais il semble bel et bien que les bourgeois aient été plutôt imprudents en ne se faisant pas accorder plus tôt un document écrit. Étant donné sa précocité, il n’y a rien de fâcheux à ce qu’ils aient obtenu leur commune sans charte avec seulement une conjuratio  ; qu’ils aient attendu plus d’un siècle pour réclamer un document écrit apparaît plus audacieux. À la fin du xiie siècle, avec la croissance démographique, la diversification de l’activité économique, mais aussi le progrès

95 Sur ce conflit, voir. ; A. Cartellieri, Philipp II August, König von Frankreich, Bd 1, Leipzig, 1899 ; J.W. Baldwin, The Government of Philip Augustus : Foundations of French royal power in the Middle Ages, Berkeley-London, 1986 ; J. Bradbury, Philip Augustus, King of France 1180–1223, Londres-New York, 1998, p. 54–60 ; L. Carolus-Barré, Le comté de Valois jusqu’à l’avènement de Philippe de Valois au trône de France, Senlis, 1998. 96 Gislebert, Chronicon Hanoniensis, éd. op.cit., p. 182–184. 97 Borrelli de Serre, La réunion des provinces septentrionales, op.cit. 98 Aucune copie médiévale de cette charte ne subsiste. Il ne reste qu’une copie partielle du xviie-siècle intégrée au Livre rouge, n° 142. Sur Aliénor de Vermandois, voir L. Carolus-Barré, « Une arrière-petite-fille d’Hugues Capet : Aliénor de Vermandois, comtesse de Beaumont, puis de Saint-Quentin (Aisne), vers 1150–19 juin 1213 », CRM, Société Historique et Archéologique de Senlis, 1991 (1986–89), p. 9–34 ; Id., Le comté de Valois, op.cit., p. 76–83. 99 De plus, Philippe d’Alsace avait extorqué beaucoup d’argent à des bourgeois de Saint-Quentin. Voir la Continuatio Historia Monasterii Viconiensis. 100 Chronica Andrensis, éd. Johann Heller, dans MGH, Scriptorum, t. 24, p. 714, an. 1179, §79. 101 A. Giry, Études sur les origines de la commune de Saint-Quentin, op.cit., p. 12 ; P. Desportes, « Le mouvement communal dans la province de Reims », op.cit., p. 111–112.

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de l’instruction, l’oralité cédait lentement le pas à la scripturalité. Les usages et les coutumes qui jusqu’à maintenant avaient été oraux devaient, par précaution, être mis par écrit. La charte de la comtesse Aliénor, dont seulement une partie a survécu, a visiblement servi d’inspiration à Philippe Auguste lorsque ce dernier confirma la commune, en 1195, en accordant à la ville une charte royale102. La reconnaissance de cette charte par l’autorité souveraine fut un double acte politique. Après avoir vaincu Philippe d’Alsace, en confirmant la charte de commune, Philippe Auguste agissait en maître hors de son domaine, chez une vassale103. Aliénor devait à la bonne volonté du roi, son cousin, d’avoir conservé la jouissance de fiefs, qui, à sa mort, allaient potentiellement revenir à la couronne104. Puis, il confirma les us et coutumes des bourgeois et leur privilège de ne se faire juger que par les échevins105. Par une vaste opération de concession et de rédaction de coutumes hors de son domaine propre, le roi réussit à étendre son pouvoir. Cette politique de Philippe Auguste est bien connue106. En fixant par écrit leurs us et coutumes, le but était de les rendre plus précises, de leur faire acquérir une force obligatoire et une portée territoriale que leur caractère supposé oral ne leur donnait pas jusqu’alors. Il y avait une volonté de consolidation de ces territoires hérités du comte de Flandre. Également, il y avait celle de substituer au droit non écrit une charte renfermant des coutumes fermement établies qui, par contre, ne tenaient pas forcément compte des autres lois107. La rédaction fut également employée afin de rendre légitime le nouveau pouvoir qui se mettait en place dans la ville : celui du roi108. On doit considérer que la confirmation de la charte de commune fut, en plus d’être un acte politique, un acte bassement économique. Avant le traité conclu à Arras en 1192, la comtesse Aliénor avait clairement exprimé le vœu d’entrer au monastère. Elle avait commencé à dilapider ses possessions en dispensant des aumônes à diverses églises et en fondant plusieurs anniversaires qui assuraient à ceux qui les célébreraient d’importants revenus en grains et en argent sur ses possessions109. Elle semble avoir voulu racheter les fautes de son père, dues à sa vie matrimoniale pour le moins houleuse110. Le conflit politico-religieux subséquent aux divorces de Raoul Ier amena la légende d’une malédiction prononcée par saint Bernard qui prédisait l’extinction de la maison de Vermandois. À la cour de Philippe Auguste, on portait un grand crédit à ce genre de prophétie111. Aliénor n’a pu que constater la réalisation de cette malédiction, rapportée par Jean de Salisbury112. Le roi, qui ne pouvait se réjouir de voir dilapider cet héritage acquis si durement, y avait déjà mis un frein par le traité d’Arras de 1192 en interdisant à la comtesse toutes nouvelles donations ou ­fondations 102 Pour la liste partielle des copies et des éditions, voir H.-F. Delaborde, F. Henri, C. Petit-Dutaillis, J. Monicat,

M. Nortier, J. Boussard (éd.), Recueil des actes de Philippe Auguste, roi de France, Paris, 1916-1979, t. 2, n° 491, p. 14-22. L. Carolus-Barré, « Philippe Auguste et les communes », dans La France de Philippe Auguste, p. 680–681. Borrelli de Serres, La réunion des provinces septentrionales, op.cit. Establissement, §1. P. Ourliac, «  Législation, coutumes et coutumiers au temps de Philippe Auguste  », dans La France de Philippe Auguste, p. 478–482. 107 J.W. Baldwin, The Government of Philip Augustus, op.cit., p. 63. Sur la rédaction des coutumes urbaines en marge des autres lois, voir E. Cohen, The Crossroads of Justice. Law and Culture in Late Medieval France, Leiden-New York-Köln, 1993, p. 28–29. 108 P. Ourliac, « Coutume et mémoire », dans Jeux de mémoire, Montréal, p. 111–122. 109 L. Duval-Arnould, « Les aumônes d’Aliénor », op.cit. 110 Voir L. Duval-Arnould, « Les aumônes d’Aliénor », op.cit., p. 396–397. 111 E.A.R. Brown, « La notion de la légitimité et de la prophétie à la cour de Philippe Auguste », dans La France de Philippe Auguste, Paris, 1992, p. 78–110. 112 Jean de Salisbury, Historia pontificalis, éd. op.cit., p. 15–16. 103 104 105 106

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pieuses sans son aval. Confirmer la charte, c’était également pour Philippe Auguste s’assurer de récupérer la ville presque intacte avec l’ensemble de ses revenus après le décès de la dernière comtesse de Vermandois. Aliénor mourut le 19 juin 1213113. Grâce à ses habiles manœuvres politiques, et comme la comtesse n’avait eu aucun enfant de ses quatre maris114, Philippe Auguste avait réussi à se faire reconnaître comme son légitime successeur pour tout le comté de Vermandois. Le roi de France fut à partir de cette date le seul seigneur de la ville qui, depuis lors, fit partie du domaine royal. Cette annexion fut assurée et fêtée au milieu des cris de la victoire de Bouvines115, à laquelle – fidèle à une habitude pluriséculaire – participa la milice bourgeoise116. Les droits du roi sur la ville ne furent cependant reconnus qu’en 1223, après la convocation d’une assemblée féodale117. Dans le but de marquer une différence, dès les premières années suivant l’entrée de la ville et du Vermandois dans le domaine royal, ont commencé à apparaître des officiers au service du roi. C’est pour administrer ces nouvelles additions à son domaine que le roi avait créé un bailli, pour le Vermandois, et un prévôt, pour Saint-Quentin. Jusqu’à l’entrée de la ville dans le domaine royal, la commune apparaît comme le résultat de deux processus antinomiques. Elle est d’abord issue d’un mouvement de dissolution de l’autorité comtale, ce qui a permis la croissance de son autonomie judiciaire. Bien que l’histoire de la commune de Saint-Quentin s’inscrive dans une dynamique plus large, les rapports qu’ont entretenus les comtes avec la ville sont fondamentaux dans l’histoire communale de la ville. Si, au xiiie siècle, la mainmise sur l’administration et la justice locale par les bourgeois a été possible, ce fut afin de combler un vide, dont on sait que la nature a horreur. Mais ce ne fut que le premier aspect de cette mutation communale. Celle-ci s’est accompagnée d’un processus inverse d’agrégation au pouvoir royal. En même temps que la commune grandissait en autonomie face à son seigneur, elle se subordonnait plus ou moins malgré elle au pouvoir royal. Dès 1195, Philippe Auguste, en confirmant la charte de commune des bourgeois, lui donnait son cadre juridique définitif, sa loi. L’obtention de ces franchises marqua certainement le début de la sujétion de la ville envers le roi118. Après Philippe Auguste, les rois de France, par un lent processus d’acculturation, n’ont eu de cesse d’intervenir dans son organisation, en fonction de leur politique judiciaire. Fort 113 L. Carolus-Barré, Le comté de Valois, op.cit., p. 76–81. 114 Outre son premier mari, Godefroi de Namur ou d’Ostrevant, mort peu avant son départ en terre Sainte, le 24 octobre

1167, elle épousa Guillaume v, comte de Nevers, mort de la peste devant Saint-Jean d’Acre vers 1169–1170, puis Mathieu d’Alsace, comte de Boulogne, mort en 1172, et enfin, Mathieu iii de Beaumont, mort vers 1192. Voir L. Douet d’Arc, Recherches historiques et critiques sur les anciens comtes de Beaumont-sur-Oise, Amiens, 1855, p. 101 ; L. Carolus-Barré, Le comté de Valois, op.cit., p. 76–82. 115 G. Duby, Le dimanche de Bouvines, 27 Juillet 1214, Paris, 1973. Rappelons-le, Bouvines (Nord Pas-de-Calais) est située à peine à une journée de marche de Saint-Quentin. 116 Guillaume le Breton, Gesta Philippi Augusti, éd. H.F. Delaborde, dans Œuvres de Rigord et de Guillaume le Breton, t. 1, Paris, 1882, §191, parle des milices communales ayant participer à la bataille de Bouvines en omettant plusieurs villes, dont Saint-Quentin, ce qui ne prouve pas qu’elle furent absentes, car Guillaume le Breton dit simplement : supervenients comunie, specialiter Corbeii, Ambianenses, Belvaci et Compendii, Atrebat, penetraverunt cuneos militum, et possuerunt se ante ipsum regem. Cartellieri, Philipp II August, König von Frankreich, Bd 4, op.cit., p. 622–623, a reconstitué la liste complète des communes ayant participé à la bataille de Bouvines d’après Guillaume Guiart, Branche des royaux lignages ; chronique métrique de Guillaume Guiart, éd. J.-A. Buchon, Paris, 1828, vers 6602, qui inclut Saint-Quentin. La liste de ce dernier, qui est connu pour avoir suivi Guillaume le Breton, proviendrait soit d’une copie aujourd’hui perdue du manuscrit de Guillaume le Breton, soit d’autres matériaux consultés à Saint-Denis. 117 C. Petit-Dutaillis, Étude sur la vie et le règne de Louis VIII (1187–1226), Paris, 1894, p. 341, et appendice 4, p. 442–444. 118 C. Gauvard, « Théorie, rédaction et usage du droit dans les villes du royaume de France », op.cit., p. 62.

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d’être devenu un pouvoir politique, les bourgeois avaient réussi à obtenir de ne relever que d’un droit et d’une juridiction qui leur était propre. Comme l’a dit Max Weber, à la fin du xiie siècle, les bourgeois étaient devenus des associés de droit avant de devenir une juridiction119. B.

De la commune justice à la justice de la commune (xiiie siècle)

L’entrée de Saint-Quentin dans le domaine royal amorça un nouveau cycle de restructuration des pouvoirs judiciaires. La commune fut la première à en profiter. Depuis la confirmation royale de sa charte, la commune se présente comme une association reconnue par l’autorité souveraine, possédant sur ses membres un ensemble de droits. Si la justice communale apparaît dans une forme rudimentaire au xiie siècle, elle se développe surtout au xiiie siècle. À l’époque de sa formation et durant le premier siècle de son évolution, les communes ne furent pas d’entrée de jeu des juridictions. C’était pour assurer la paix dans la ville que la commune avait réussi à faire reconnaître quelques prérogatives nécessaires à la protection de ses membres  : l’arrestation des voleurs pris en flagrant délit, la protection des marchés et des transactions commerciales, le contrôle de la fiscalité, l’imposition d’amendes, la vengeance commune et la mise hors de la commune120. Cette justice de paix, embryonnaire au début du xiiie siècle, les bourgeois s’employèrent à la développer et à la constituer en véritable juridiction. Ils occupèrent la place laissée vacante par les comtes de Vermandois alors disparus, s’opposèrent à des justices seigneuriales fragilisées et collaborèrent avec une justice royale encore en pleine gestation. Entre garantir la paix et exercer la justice, il n’y avait qu’un pas que la commune n’a pas hésité à franchir. La justice communale, qui n’existait pas encore, s’est construite à partir des acquis de la ville et d’emprunts externes. Ceci s’est fait en deux étapes concomitantes. Reconnue en tant que pouvoir par l’autorité royale, la commune assimile graduellement le principe de communitas et devient une personne morale au tournant du xiie–xiiie siècle. Cette transformation contribue à la reconnaissance de la commune en tant que juridiction sur la ville, qui intervient quelque part entre la fin du règne de Philippe Auguste et le début de celui de Louis IX. Puis, dans sa quête de contrôle de la justice sur la ville et ses habitants, elle entreprend de créer de l’homogénéité, d’unifier la justice et le droit sur le territoire urbain, matériellement autant que judiciairement. Pour l’ensemble des habitants de la ville, la protection du comte fut progressivement remplacée au xiie–xiiie siècle par celle de la commune. En même temps, le pouvoir royal intervenait sporadiquement pour influer sur l’organisation de la justice dans la ville. Conscient qu’il s’agissait d’un nouveau niveau de justice, Philippe de Beaumanoir conseillait encore à son époque de surveiller les juridictions municipales comme on surveillerait l’enfant sousaagié121. Cette vision de la justice municipale fut celle que semble avoir adoptée très tôt la royauté, qui, dès l’acte initiateur qu’a été la rédaction de la charte de commune, se mêla constamment de son organisation. 119 Max Weber, La ville, op.cit. 120 L’Establissement, §9, 13, 17, 30, 45, 47, 48, 51 pour la mise hors de la commune ou de la ville, alors que la Charte de

Philippe Auguste, §8, 9, 10, 12, 14, 15, 16 utilise le terme de bannissement. 121 Philippe De Beaumanoir, Coutumes de Beauvaisis, éd. op.cit., §1524.

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1.

La transformation de la commune en communitas (début xiiie siècle)

Depuis son apparition précoce au xie siècle et ses transformations de la fin du xiie siècle, la signification de la commune avait changé. Au départ, elle était essentiellement une organisation personnelle fondée sur une conjuratio générale, créatrice de liens sociaux dans la ville, prenant une forme originale, mais très proche de la guilde. Sous l’influence du droit savant, le passage du sens concret de communia vers son sens abstrait de communitas s’effectua vraisemblablement dans l’intervalle d’une cinquantaine d’années qui séparent l’Establissement (vers 1150) des chartes de la comtesse Aliénor (vers 1182–1191) et de Philippe Auguste (1195)122. En plus de s’aider mutuellement contre leur seigneur et les autres groupes sociaux présents dans leur ville, dans ce laps de temps, les bourgeois étaient devenus un pouvoir collectif. Il faut lier l’acquisition de sa personnalité juridique à l’accroissement de la population de la ville et de ses ressources économiques. Combien y avait-il d’habitants à Saint-Quentin au Moyen Âge  ? Il importe d’avoir au moins une idée du nombre de justiciables dans la ville, fût-elle approximative. La question n’a cependant pas de réponse satisfaisante. Rien ne permet d’estimer le nombre de ses habitants vu l’état fragmentaire des archives. Étudier l’évolution de la démographie de la ville pour le Moyen Âge est tout aussi hasardeux. On peut toutefois donner quelques ordres de grandeur en cumulant quelques méthodes indirectes. L’accroissement de la population à partir de la castralisation de la ville au ixe siècle dut être important jusqu’à l’époque des premières aides perçues par Philippe IV. Selon Robert Fossier, il faudrait compter 2,5 enfants par ménage vers 1280. À cette forte fécondité conjugale, s’ajoute l’immigration provenant des surplus démographiques des campagnes environnantes. Vers 1235, une liste de nouveaux reçus à Saint-Quentin compte 35 paysans, des hommes jeunes, presque tous sans femme ni enfants et dont la majorité était sans véritable métier : un forgeron, deux pelletiers, deux couvreurs, quatre parmentiers, mais surtout 12 manouvriers123. Toutefois, Saint-Quentin n’est pas Amiens. Le rayon d’attraction de la ville reste modeste : 40–45% proviennent de moins de 10km et à peine 15% originaires de plus de 35km. C’est pourquoi la ville, quoique plus peuplée que Noyon, Laon ou Soissons, n’a jamais atteint la population d’Amiens, Reims ou Saint-Omer. Comme on ne dispose d’aucune source fiable pour restituer la population de SaintQuentin au Moyen Âge, Jean-Luc Collart a suggéré deux méthodes indirectes permettant une estimation pour la seconde moitié du xiiie siècle124. La première consiste à évaluer la population par rapport à la surface de la ville. L’enceinte initiale des xiie–xiiie siècles, ouverte au niveau de la Somme, protégeait un espace de 120 hectares. Après la fermeture totale de la ville entre 1338–1400, l’enceinte principale enserrait 90 hectares auxquels il faut ajouter la ville basse qui couvrait une vingtaine d’hectares de part et d’autre de la Somme. En prenant une densité moyenne communément admise de 150 à 200 habitants 122 L’abstration de la commune se place dans le processus d’«  abstration judiciaire  » qui débute au xiie siècle. Voir A. Boureau, « Droit naturel et abstraction judiciaire. Hypothèse sur la nature du droit médiéval », Annales HSS, 57, n° 6 (novembre–décembre 2002), p. 1463–1488. 123 R. Fossier, Le Moyen Âge en Picardie, dossier 4. 124 J.L. Collart, « Saint-Quentin », op.cit., p. 82–83.

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à l’hectare125, la population s’estimerait à 12 000 à 15 000 habitants. Cet ordre de grandeur est confirmé par une seconde approximation faite à partir d’une convocation à l’ost royal du 4 juillet 1276126. Gautier Bardin, bailli de Vermandois, réclama au nom du roi à la ville de Saint-Quentin 260 sergents. Il n’en avait demandé que 200 aux villes de Laon et de Compiègne, 140 à Soissons, 120 à Noyon et Montdidier, 80 à Roye, 40 à Bray-surSomme et 20 à Athies. Alain Saint-Denis ayant pu établir que pour Laon ce contingent reflétait une réalité démographique, a avancé un coefficient de 1 sergent pour 50 habitants127. Ce coefficient donnerait 13 000 habitants pour Saint-Quentin à la fin du xiiie siècle alors que le plein démographique était presque atteint. À partir de ce chiffre, on peut avancer quelques autres ordres de grandeur de façon rétrospective. Alain Derville suggère pour la région un triplement de la population chaque siècle depuis l’an mil128. Suivant ce schéma, la ville aurait alors compté : • • • •

400 à 500 habitants vers 1000 ; 1 300 à 1 600 habitants vers 1100, au moment de l’obtention de la commune ; 4 000 à 5 000 habitants vers 1200 ; 12 000 à 15 000 habitants vers 1300.

Passé 1300, l’évaluation de la population est encore plus périlleuse. On sent empiriquement qu’elle chute brutalement, mais dans quelle mesure ? Si on poursuit le même raisonnement et que l’on retranche brutalement le tiers ou la moitié de la population à cause de la peste de 1348–1349, vers 1350 il n’y aurait plus que 6 000 à 7 500 habitants à Saint-Quentin. Quelques indices laissent cependant entendre que la population avait déjà commencé à décliner bien avant. La suspension de la commune (1317–1322) eut certainement des conséquences sur le nombre d’habitants, comme le prouve l’ordonnance du bailli Michel de Paris, pour les héritages abandonnés129. La population continua vraisemblablement encore à diminuer après 1350. On note que, en 1404, la ville était tres fort diminuee de peuple130 et qu’en 1415 il y eut mortalités graves et pestilences131. De quelques centaines d’âmes au milieu du xie siècle, la ville comptait quelques milliers, voir plusieurs milliers d’habitants à partir de 1200. Même si la doctrine de la collectivité se développait, logiquement, le pouvoir de la commune ne pouvait plus, comme à ses débuts, s’exercer par un seul maire et une somme devenue considérable d’individus interdépendants. Une transformation de la nature même de la commune était devenue non seulement socialement nécessaire, mais par la force des choses inévitable à cause de la judiciarisation accrue de la société. Le père de Lubac, étudiant la notion de communauté au sein de l’Église, a démontré qu’elle ne s’était matérialisée que vers 1160132. Il fallut quelques décennies avant 125 A. Saint-Denis, Laon et le laonnais, op.cit., p. 514–517 ; A. Derville, « Le nombre d’habitants des villes de l’Artois

et de la Flandre wallonne, 1300–1450 », RN, 65, (1983), p. 277–299 ; Id., « La population du Nord au Moyen Âge. 1 : avant 1384 », RN, 326–327 (1998), p. 501–530 ; Id. « La population du Nord au Moyen Âge. 2 : de 1384 à 1549 », RN, 328 (1999), p. 65–82. 126 Saint-Quentin, AM, liasse 182, dossier K, n° 1. 127 A. Saint-Denis, Laon et le laonnais, op.cit., p. 514–517. 128 A. Derville, « La population du Nord au Moyen Âge. 1 : avant 1384 », p. 501–530. 129 Livre rouge, n° 34, 6 avril 1420. 130 Saint-Quentin, AM, liasse 2, n° 52 (Lemaire, n° 811), 12 mars 1404 n.st. 131 Saint-Quentin, AM, liasse 3, n° 13 (Lemaire, n° 860), 10 juin 1415. 132 H. de Lubac, Corpus misticum, L’Eucharistie et l’Église au Moyen Âge. Étude historique, Paris, 1944. Voir A. Guerreau, L’avenir d’un passé incertain, Paris, 2001.

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que cette notion capitale, issue du droit romain et adoptée d’abord par l’Église et le droit canon, ne soit récupérée par la commune de Saint-Quentin133. Cela nécessita cependant un peu plus de temps pour que cette notion juridique essentielle soit pleinement assimilée par les bourgeois. Cette transition de la commune association dont chacun des membres était personnellement et réciproquement responsable à titre individuel, vers la constitution d’une personne morale institutionnalisée, représentative et responsable autant devant l’ensemble de ses constituants qu’envers l’extérieur, s’observe d’abord par une transition du sens du mot commune et dans l’ajout d’un vocabulaire nouveau. Dans l’Establissement, la commune de Saint-Quentin ne vaut pas plus que la somme de ses constituants  : son unité de base, le [con]juré, pas forcément bourgeois, reste son fondement134. Ce n’était plus la commune qui protégeait ses membres, mais chacun d’eux qui, par le serment d’entraide, devait la protection à son cojureur (§1) et lui devait commune justice (§8). Lors de sa création, la commune ne disposait pas de juridiction à titre collectif. À titre individuel toutefois, les bourgeois exerçaient ce que l’on peut qualifier de justice familiale, comparable à celle du pater familiae de la Rome antique, mais plus certainement dérivée du mundium (mainbour) germanique135. Le bourgeois exerçait sur sa femme, ses enfants et ses sergents une tutelle comparable à celui du clerc sur son domestique, du seigneur sur son vassal. La commune, qui ne jugeait pas encore, exerçait une justice de paix en se permettant d’intervenir pour pacifier les conflits entre les conjurés afin d’éviter leurs débordements. Les mécanismes de règlement des conflits contenus dans l’Establissement apparaissent sommaires, se limitant à la vengeance commune (§9, 16, 26, 37, 40) et à quelques formes d’ordalies (§45). Au début de la commune, le maire et les jurés devaient agir comme arbitres pour régler les conflits entre les bourgeois, plutôt que comme juges. C’était moins une justice qu’une survivance d’un droit de vengeance désormais exercé par la seule communauté contre les troubles-paix. Possédant le droit de prendre toutes mesures nécessaires pour maintenir la paix, c’est en exerçant ce droit que le maire et les jurés ont réussi à les transformer en pouvoir de justice. Cette justice communale embryonnaire ne s’exerçait que dans des cas particuliers, elle ne s’occupait que de ce qui était infraction avec la commune. La confusion entre maintien de la paix et justice a rendus le maire et les jurés juges par la force des choses, pour sauvegarder la paix de la commune136. La commune avait été amenée symboliquement et matériellement à court-circuiter le cycle de la faide individuelle en le délestant sur l’ensemble des conjurés. Toute attaque contre la conjuratio amenait l’exercice de la vengeance de la commune137. Tel n’est plus le cas dans les chartes de la comtesse Aliénor et de Philippe Auguste. Le roi percevait la commune comme une entité à laquelle il pouvait désormais s’adresser. Il pouvait esplaider contre la commune (§2), la commune pouvait faire justice (§3), un forfait pouvait être commis contre la commune et 133 La doctrine de la collectivité s’est développée à partir des trois derniers livres du Code de Justinien et du Digeste. Voir

P. Michaud-Quantin, «  La conscience d’être membre d’une Universitas  », dans P. Wilpert, W.P. Eckert (éd.), Beiträge zum Berufsbewußtsein des mittelalterlichen Menschen, Berlin, 1964. p. 1–14 ; Id., Universitas, expression du mouvement communautaire dans le Moyen Âge latin, Paris, 1970. 134 Establissement, §1. Certaines des confusions de l’Establissement notées par A. Giry, Études sur les origines de la commune de Saint-Quentin, op.cit., p. 2–15, ne s’expliquent que si on tient pour acquis que le mot juré n’a pas d’autre sens dans ce document que celui de désigner un membre de la commune. 135 Establissement, §20 et 21. Voir A. Tardif, Des origines de la communauté de biens entre époux, Paris, 1850. 136 A. Giry, Études sur les origines de la commune de Saint-Quentin, op.cit., p. 28–33. 137 La vengeance apparaît dans cinq articles de l’Establissement, §9, 16, 26, 37 et 40. Elle est encore présente dans la Charte de Philippe Auguste, §15 et 37. Sur la Vengeance communale voir P. Dubois, Les asseurements au xiiie siècle dans nos villes du Nord, op.cit., p. 102–114 ; A. Delcourt, A., La vengeance de la commune. L’arsin et l’abattis de maison en Flandres et en Hainaut, Lille, 1930.

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non plus seulement contre l’un de ses membres (§10) et c’était la commune qui devait le service d’ost au roi et non pas chacun des bourgeois à titre individuel, en tant qu’hommes libres (§32). La commune apparaît dans ces deux derniers documents comme un sujet de droit capable de dialoguer et de négocier avec le roi. Une autre différence majeure entre l’Establissement et les chartes de la comtesse Aliénor et de Philippe Auguste est l’apparition du ban qu’exerce désormais la commune. On le perçoit d’abord par l’apparition de la banlieue. Absente de l’Establissement138, elle est mentionnée dans cinq des 18 articles survivants de la charte de la comtesse Aliénor (§3, 10, 11, 13, 14), et dans six de celle de Philippe Auguste (§3, 10, 11, 13, 14, 50). À partir de cette reconnaissance, on n’exclut plus seulement un membre de la commune, on le bannit du territoire urbain, c’est-à-dire de la banlieue, ce qui est autrement plus contraignant139. Le ban se matérialise également par la possibilité qu’a désormais la commune de contraindre les bourgeois et d’imposer des amendes140. Le premier signe perceptible de cette transition est l’apparition d’un pouvoir représentatif, résultat manifeste de la commune qui accède à l’état de corpus ou d’universitas141. Au départ, pour exercer les quelques prérogatives communales, le comte ne leur avait vraisemblablement reconnu qu’un seul responsable, le maior communia142. Le but était de n’avoir à traiter qu’avec une seule personne quand la commune avait affaire à lui. La même logique s’applique au sein de la commune. Plus nombreux, les bourgeois ne pouvaient continuer à tous se mêler des affaires communes. D’un point de vue judiciaire, le nouveau pouvoir de justice issu de la commune ne pouvait s’exercer et se conserver que s’il était confié à des individus. Autrement dit, il fallait le fractionner pour le confier à des représentants moins nombreux. Les jurés, représentants de la commune aux côtés du maire, apparaissent vraisemblablement dans ce contexte, avant 1189 et en même temps que l’obtention de la charte commune143. On voit des jurés une soixantaine d’années après la création de la commune, vers 1139, contracter une dette envers l’abbaye de Long-Pont au côté du maire144. Mais à cette date, comme le laisse penser l’Establissement, le juré n’est qu’un membre de la commune, un conjuré, pas encore un de ses représentants chargés de pouvoir145. Dans les chartes de la comtesse Aliénor et de Philippe Auguste, le terme juré ne désigne désormais plus un simple membre de la commune, mais un représentant doté de pouvoir de décision et qui agit avec le maire146. Rapidement, les jurés acquièrent leur fonction représentative. Dès 1228, ce ne sont que les maior et jurati Sancti Quintini qui 138 Cependant, l’article 7 de l’Establissement interdisait à quiconque de construire un château ou une forteresse dans un

rayon de trois lieues autour de la ville.

139 Charte de Philippe Auguste, §9, 10, 11, 13, 14, 15, 37, 50, 52. 140 Charte de Philippe Auguste, §2, 8, 12, 22, 43. 141 A. Rigaudière, « Universitas, corpus, communitas et consulatus dans les chartes des villes et bourg d’Auvergne au

xiie et xiiie siècles », dans Les Origines des libertés urbaines, Actes du xvie Congrès des historiens médiévistes de l’enseignement supérieur, Rouen, 7–8 juin 1985, Rouen, 1990, p. 282–289. 142 Voir l’acte de la concession d’une commune selon Saint-Quentin par Philippe d’Alsace aux habitants de Chauny : De oorkonden der graven van Vlaanderen (Juli 1128-September 1191), t. 2, Uitgave, vol 1, Regering van Diederich van de Elzas (Juli 1128–17 Januari 1168), éd. op.cit., n° 268. 143 Héméré, p. 179 ; Coliette, t. 2, p. 418. 144 Coliette, t. 2, p. 207 et pièces justificative n° 18, p. 272, d’après un cartulaire de l’abbaye de Long-Pont, vraisemblablement perdu. 145 Establissement, §2, 7, 10, 12, 17, 22, 29, 30, 33, 38, 40, 47, 48, 52. Voir également Saint-Quentin, AM, liasse 269, dossier A (Lemaire, n° 4), s.d., vers 1170. 146 Charte de Philippe Auguste, §8, 9, 10, 11, 12, 15, 18, 24, 31, 38, 39, 43, 50, 54.

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prêtent serment de fidélité à Louis IX147. Mais ces représentants de la commune ont eu beaucoup de difficultés à se faire reconnaître comme tels. Encore aux xive et xve siècles, ils leur arrivaient fréquemment de se faire poursuivre au Parlement par une partie adverse en tant que personnes privées pour des actes commis dans l’exercice de leur fonction. Les autorités communales faisaient alors remarquer qu’ils avaient corps et commune et qu’ils ne pouvaient être poursuivis de façon indépendante pour des actions commises dans l’exercice de leur mandat148. Si la commune paraît avoir acquis sa personnalité juridique dès l’obtention de sa charte à la fin du xiie siècle, elle ne semble pas encore se percevoir comme telle. Il faut vraisemblablement attendre le milieu xiiie siècle pour que la commune assimile formellement ce principe de droit savant pleinement formé au milieu du xiiie siècle149. Le mot communia change d’abord de sens pour devenir un synonyme de la ville et de ses bourgeois. Ceux-ci prennent alors conscience d’appartenir à une entité spécifique150. Dans la première moitié du xiiie siècle, l’ajout de vocabulaire va en ce sens. Il permet de suivre l’évolution de cette prise de conscience qui, grâce au dialogue avec le roi, a fait passer le mot communia de son sens théorique à son sens pratique. Jusqu’au milieu du xiiie siècle, on prend bien soin de distinguer la ville de sa commune par la formule villa et communia Sancti Quintini151. De même, graduellement la formule majores, jurati et communia Sancti Quintini disparaît au profit de maior et jurati communie Sancti Quintini152. Le mot communia est en même temps fortement concurrencé par la notion abstraite de communitas, ou communauté. Cette notion apparaît également à Saint-Omer à la même époque153. La communitas, déjà présente dans la charte de Philippe Auguste comme une pièce rapportée, avec un sens difficile à déterminer154, n’apparaît ensuite qu’en juin 1237 dans un contexte plus clair. Le maire et les jurés avaient agi pour conclure un accord avec l’abbaye de Saint-Quentin-en-l’Isle au non de la communauté et non pas de la commune155. Les mentions similaires sont par la suite très nombreuses et coïncident avec le quasi-abandon du mot commune associé avec la ville, ses habitants et ses représentants. Un équivalent de la communitas, l’universitas, dont deux seules occurrences subsistent, en octobre 1276 et en juin 1305, ne semble pas avoir rencontré le même succès156. Au xive siècle, on en vient presque exclusivement à employer le mot 147 Paris, AN, J 627, 8g, octobre 1228. 148 Voir S. Hamel, Un conflit entre les autorités laïques et religieuses : le droit d’œuvrer les jours fériés à Saint-Quentin au

milieu du xve siècle, op.cit. 149 On attribue sa formulation à Innocent IV dans son apparatus. Voir P. Michaud-Quantin, Universitas, expression du mouvement communautaire dans le Moyen Âge latin. Pour les commune, voir É. Chénon, « De la personnalité juridique des villes de commune d’après le droit français du xiiie siècle », RHD, 4 (1923), p. 351–366. 150 P. Michaud-Quantin, « La conscience d’être membre d’une Universitas », op.cit., p. 1–14. 151 Le 11 novembre 1223, ce sont les burgenses Sancti Quintini qui reconnaissent le droit du roi de réintroduire des bannis dans leur ville la première fois qu’il y vient après son couronnement : C. Petit-Dutaillis, Catalogue des actes de Louis VIII, dans Études sur la vie et le règne de Louis VIII (1187–1226), Paris, 1894, n° 46, novembre 1223. 152 Les chartes portent majores, jurati et communia Sancti Quintini », puis « maior et jurati communie Sancti Quitnini après 1220. 153 A. Giry, Histoire de la ville de Saint-Omer et de ses institutions jusqu’au xive siècle, Paris, 1877, p. 164-167. 154 Charte de Philippe Auguste, § 54 communitas ville est traduit dans sa version française par li communs de le ville. C’est le dernier article de la charte de Philippe Auguste, sans conteste un ajout par rapport à la charte de la comtesse Aliénor. On doit certainement y voir une influence extérieure à la ville (celle des juristes de Philippe Auguste ?) car, à cette époque, la commune n’a sans doute pas encore assimilé le concept de communitas comme le prouve la traduction de 1205. 155 Saint-Quentin, AM, liasse 261, dossier A, n° 1 (Lemaire, n° 28). 156 Saint-Quentin, AM, liasse 24, octobre 1276 ; liasse 46 (Lemaire, n° 200), juin 1305.

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ville pour remplacer à la fois le mot commune et communauté157. Mais, peu à peu SaintQuentin employé seul se suffit presque à lui-même : on parle des maire et jurés de SaintQuentin158. Si bien que, à la fin du xive siècle, le mot commune est essentiellement, mais pas exclusivement159, utilisé lorsque la ville fait référence à sa charte, qui elle, n’a jamais cessé d’être une charte de commune. Également vers le milieu du xiiie siècle, on note l’apparition des signes extérieurs de cette transformation160. L’identité de la communitas est représentée par ses emblèmes. Dans un mémoire judiciaire rédigé vers 1317, un procureur de la ville les énumère comme arguments devant être présentés devant le Parlement : Premiers, dist li dis procureur que li dis maires et jurés ont corps et commune, chartre, berfroy, cloche, seel, jurisdiction, et che qui a corps de commune appartient161.

Outre les signes de son abstraction judiciaire, son corps, sa commune, sa juridiction et sa charte, l’identité de la communauté reposait également sur des symboles bien tangibles qui servent à la matérialiser. Le premier à apparaître, et le plus significatif, est le sceau de la commune, utilisé dès octobre 1228162. Ce sceau, représentant le maire à cheval accompagné de deux sergents armés, témoignerait de la tradition militaire des bourgeois de Saint-Quentin163. On peut également proposer une autre interprétation, et y voir le signe d’une transformation de la commune en pouvoir capable contraindre par la force. Le maire à cheval, accompagné par deux sergents à verge, fait étrangement penser aux magistrats romains toujours accompagnés de leurs licteurs164. Si ce premier sceau reconnaissait la communitas, un second, le sceau aux causes, que le maire et les jurés n’obtiennent qu’en février 1307 n.st., signifie la reconnaissance officielle de la juridiction de la commune165. En accordant au maire et aux jurés ce sceau, le bailli de Vermandois, agissant sous mandement de Philippe IV, reconnaissait officiellement leur juridiction dans la ville. Ces deux sceaux de même type portent également le même contre-sceau avec les armes actuelles de la ville, le buste martyrisé de saint Quentin, sans les fleurs de lys, ajoutés au xve ou au xvie siècle. On peut supposer que ces représentations iconographiques avaient 157 Vers 1310, la formule la plus fréquente est le maire et les jurés de la ville de Saint-Quentin. 158 Dès 1257 on note la mention li maires et li juré de Saint Quentin : Paris, BN, Coll. de Picardie (Dom Grenier), vol. 352,

n° 18. 159 Saint-Quentin, AM, liasse 45, dossier M, n° 1bis (Lemaire, n° 226), vers 1310 ; La dernière mention de mon corpus de source est du 29 juin 1414 : Saint-Quentin, AM, liasse 3, n° 12 (Lemaire, n° 858). 160 A. Rigaudière, Saint-Flour ville d’Auvergne au bas Moyen Âge, p. 121–126. 161 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 29 (Lemaire, n° 264). 162 Il s’agit du serment de fidélité de la ville envers Louis IX. Paris, AN, J 627, n° 8g ; Paris, AN, coll. sigill. D 5796 ; mentionné par B. Bedos-Rezak, Corpus des sceaux français du Moyen Âge, I. Les sceaux des villes, Paris, 1980, n° 639. Voir également L. Douët-d’Arcq, Collection de sceaux des archives de l’Empire, Paris, 1863, n° 5796 et 5797 ; G. Demay, Inventaire des sceaux de la Flandre recueillis dans les dépôts d’archives, musées et collections particulières du département du Nord…, Paris, 1873, n° 4078. 163 Le type militaire est très répandu au sein des villes. Voir B. Bedos-Rezak, « Les types des plus anciens sceaux des communautés urbaines du Nord de la France », dans Les chartes et le mouvement communal, Saint-Quentin, 1982, p. 59–82 ; Id., « Le sceau médiéval et son enjeu dans la diplomatique urbaine en France », dans W. Prevenier, T. Hemptinne (éd.), La diplomatique urbaine en Europe au Moyen Âge, Gand, 25–29 août 1998, Leuven-Apeldoon, 2000, p. 23–44. La devise de la ville est également très significative : au xiiie siècle, elle était Tot cives, tot milites. En 1557, elle est Civis muris erat. 164 R. Jacob, «  Licteur, sergents et gendarmes. Pour une histoire de la main-forte  », dans Les auxiliaires de la justice, Québec, 2004, p. 25–32. 165 Livre rouge, n° 10 (Lemaire, n° 210), février 1307 n.st.

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été en premier lieu utilisées comme bannière au Moyen Âge. La ville avait choisi deux emblèmes qu’elle jugeait représentatifs de sa personnalité : le maire à cheval portant l’épée et accompagné de deux sergents à verge représentant son pouvoir de contrainte ; le buste de saint Quentin martyrisé, protecteur de la ville (Annexe 1)166. Viennent ensuite des bâtiments destinés à l’usage commun. Le beffroi, auquel il convient ici d’ajouter la maison commune, apparaissent à peu près à la même époque. Si le beffroi est peu mentionné – on parle surtout de la prison du beffroi – on peut supposer qu’il fut acquis très tôt. Il s’agit d’une ancienne tour faisant partie de la muraille carolingienne. Un chirographe de septembre 1234 atteste une Maizon del plait donnant sur la Grande Place167. Cette maison commune se situait à l’emplacement de l’Hôtel de Ville actuel qui fut édifié en 1508168. Elle portait le nom de sa fonction judiciaire, tour à tour nommée Domus placiti ou Maison des plaids169, Maison de la paix170 ou Maison de la ville171. Un autre symbole tangible, pour ne pas dire audible, est la cloche qui était située dans le beffroi. Celle-ci assumait des fonctions sociales importantes172. La cloche est un objet indispensable pour une communauté : elle permet de convoquer l’ensemble de ses membres et de les avertir d’événements importants ou menaçants. À Saint-Quentin, elle sert également à sanctionner les élections municipales173. On peut ajouter à ces nombreux signes ou symboles de la prise de conscience de la communitas, sa volonté de constituer la mémoire de la ville par la mise en place d’archives communes174. Ces archives étaient conservées dans un coffre, ou kestel, lui-même enfermé dans une tour au nom significatif, la tour aux archives, située tout juste derrière la maison commune175. 2.

La commune rassemble la justice dans la ville

La constitution et la reconnaissance de la commune en tant que juridiction se firent dans le cadre d’un long processus d’appropriation. Il débute également durant la période qui sépare l’Establissement des chartes d’Aliénor et de Philippe Auguste (1191 et 1195). Il s’étend jusqu’aux réformes de Louis IX (entre 1240 et 1260), ou jusqu’à ce que le maire et les jurés obtiennent du bailli de Vermandois et du roi leur sceau aux causes en 1307, signe de la reconnaissance de leur juridiction176. Durant cette centaine d’années, la justice de paix des origines cherche naturellement à étendre ses compétences. Mais elle Moulage : Paris, AN, D 5797 et D 5797bis. Saint-Quentin, AM, liasse 24 (Le Proux, n° 14), septembre 1234. J.L. Collart, « Saint-Quentin », op.cit. Voir la carte II. Par exemple, Livre rouge, n° 53, mai 1295 ; Saint-Quentin, AM, liasse 42, dossier A, n° 42, juin 1272 ; Saint-Quentin, AM, liasse 24 (Lemaire, n° 443), décembre 1296 ; Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 11 (Lemaire, n° 319), 24 juin 1325. 170 Par exemple, Paris, AN, X1c 8, n° 155, 2 juillet 1354 ; liasse 2, n° 39, 18 mais 1394 ; liasse 21, dossier B, 20 septembre 1395. 171 Livre rouge, n° 34, 6 avril 1324 ; Saint-Quentin, AM, liasse 21, dossier A, n° 30 (Lemaire, n° 698), 15 octobre 1365. Pierre Augustin, huissier du Parlement, est le seul à l’avoir appelé hostel de la ville au début du mois de décembre 1380 : Saint-Quentin, AM, liasse 23 (Lemaire, n° 752), 9–15 décembre 1380. 172 Voir N. Offenstadt, « Cri et cloches. L’expression sonore dans les rituels de paix à la fin du Moyen Âge », dans Hypothèses, 1997, p. 51–58 et la bibliographie qu’il donne en note. 173 Le modèle anthropologique africain est très éclairant pour comprendre l’usage des cloches au Moyen Âge. Les tam tam, dont l’utilisation est réglée par la coutume, servent en quelque sorte à ponctuer la vie de la communauté, à marquer les événements importants de la vie sociale comme devaient le faire les cloches du Moyen Âge. 174 Voir H. Brand, P. Monnet, M. Staub, Memoria, communitas, civitas. Mémoire et conscience urbaine en Occident à la fin du Moyen Âge, Ostfildern, 2003. 175 Saint-Quentin, AM, liasse 48, dossier A, n° 1 (Lemaire, n° 219), 5 avril 1310. 176 Livre rouge, n° 10, février 1307 n.st. 166 167 168 169

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tolère très mal toute concurrence, même la plus microscopique. Elle s’est donc employée à construire de l’homogénéité sociale et juridique dans la ville. Il est difficile ici, pour expliquer ce phénomène, de ne pas évoquer la phase de croissance démographique qui, jusqu’à la fin du xiiie siècle, se répercute sur le paysage urbain. Plus de monde en ville, cela veut dire un espace judiciaire en expansion qu’il faut constamment réaménager et adapter. Cela oblige également à opérer un recentrage de la justice et du droit afin de limiter une trop grande diversité judiciaire, ce qui signifierait ultimement moins de contrôles et subsidiairement moins de paix. Enfin, cela signifie une plus grande diversité sociale qu’il faut chercher à aplanir tant que faire se peut. L’enceinte unique, l’unification des différentes institutions et juridictions urbaines, l’émergence d’un droit urbain prépondérant et la tendance à l’unification des statuts personnels représentent les formes les plus visibles du passage d’une justice éclatée à une justice rassemblée par la commune. a. Un nouveau réaménagement de l’espace judiciaire La mise en place d’une nouvelle justice a impliqué un réaménagement de l’espace judiciaire. L’unification matérielle et judiciaire par la commune du territoire urbain, morcelé aux xe–xiie siècles par la concession de fiefs, a été un processus très long. Il a débuté à la fin du xiie siècle avec l’édification d’une muraille commune. Il s’est poursuivi tout au long des xiiie et xive siècles par la reconnaissance de la justice communale sur l’ensemble du territoire urbain à coups d’acquisitions, de procès et d’accords. i. La ville intra muros C’est d’abord par son aspect le plus concret, la muraille, que la commune a commencé à opérer l’unification juridique du territoire urbain. Mais cette enceinte unique n’est que le signe matériel et concret de l’unification de la ville sous une même autorité judiciaire177. Le rôle premier des murailles est évidemment celui de défendre et de protéger la communauté contre les agressions extérieures. Mais on peut également les considérer comme un élément de départ ayant présidé à l’unification de la justice dans la ville. Quelques articles relatifs à la construction et à l’édification de fortifications dans la charte de la comtesse Aliénor (1191) et dans celle de Philippe Auguste (1195) laissent entendre que l’enceinte unique date de la fin du xiie siècle178. C’est très tôt, mais cela peut s’expliquer, d’une part, par la situation géostratégique de la ville, située au carrefour de la Flandre et de l’Empire et, d’autre part, par les ambitions unificatrices de la commune. L’unification du territoire urbain, par le biais de fortifications, tint compte de l’expansion fulgurante des villes du nord du royaume de France au xiie siècle. Mais, ce faisant, il allait à la rencontre d’espaces plus anciens que les villes ont fini par encercler, créant plusieurs enclaves juridiques. La commune de Saint-Quentin entreprit de remembrer son territoire par achat ou à coups de procès, autant contre des fiefs laïques que contre les établissements ecclésiastiques, tant intra qu’extra-muros. Mais, comme les murailles, l’unification de la ville sous une même autorité judiciaire, qui commença à la fin du xiie siècle, n’est pas accomplie avant le début du xve siècle. Dès 1176, la commune acquit du chapitre la justice du détroit Saint177 Y. Barel, La ville médiévale, Paris, 1963, p. 63. 178 Charte de Philippe Auguste, §8, 9, 43.

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Pécinne, situé à l’ouest du castrum179. À partir de 1256, les conflits avec l’abbaye de SaintQuentin-en-l’Isle à propos du point d’eau de ses moulins amenèrent à sa fixation à l’aide d’une borne déterminée par une sentence arbitrale en 1274, puis de nouveau en 1283180. En juin 1263, elle prit à ferme du roi les Coustures (cultures), c’est-à-dire trois grandes pièces de terre sises entre le faubourg Saint-Jean et Rémicourt, avec tous les revenus et droits de justice qui s’y rattachaient, moyennant une rente de 35 £ parisis181. En juin 1292, elle achetait l’ancien palais comtal, la maison du roi, située dans le castrum, tout juste à côté de l’Église de saint Quentin182. Après presque vingt ans de procès, en 1294, la commune prit à ferme perpétuelle du coutre du chapitre de Saint-Quentin sa justice dans le districtum Augusta moyennant une rente annuelle de 14 £183. En 1310, la commune s’offrit de prendre à ferme les revenus du roi dans la ville afin d’éviter d’éventuels conflits avec le prévôt et les sergents du roi184. Elle réclama et obtint en 1316 le bornage de la banlieue185. Ce bornage fut une arme à double tranchant qui profita autant qu’elle défavorisa à la ville : sa juridiction était reconnue, mais, en même temps, elle empêchait toutes nouvelles possibilités de s’agrandir. La commune utilisa également le bornage contre d’autres juridictions concurrentes avec les mêmes objectifs : elle reconnaît leur présence dans la ville, mais, en même temps, elle empêchait toute nouvelle velléité d’expansion. En 1354, un accord mettait fin à plus d’une centaine d’années de conflits avec le chapitre. La commune reconnut la juridiction du chapitre sur le quartier canonial, mais en le bornant, empêchait désormais toute visée d’expansion de sa part, la commune n’ayant pas réussi à faire reconnaître sa juridiction sur l’espace ecclésiastique186. Enfin, au xve siècle, la ville met la main sur le détroit Regnaut Sohier situé au sud-est de la ville187. La ville en tant que telle, comprenait l’espace à l’intérieur de ses murailles ainsi que les faubourgs qui l’entouraient. Ces faubourgs étaient, au Moyen Âge, au nombre de cinq : au nord, les faubourgs du Vieux Marché et Saint-Jean, à l’est, le faubourg de Rémicourt ; au sud, le faubourg d’Isle ; à l’ouest le faubourg de Pontoilles. En outre, l’édification des fortifications a fourni le prétexte pour quelques expropriations de fiefs situés en périphérie de la ville, détruisant ou amoindrissant par la même occasion quelques microjustices féodales. Jacques Bauchant, le réputé bourgeois de Saint-Quentin sergent d’armes et traducteur de Charles V, vit son fief entièrement détruit parce que situé sur le tracé de la muraille188. L’abbaye de SaintQuentin-en-l’Isle vit de même deux de ses moulins démolis avec leurs points d’eau, et donc son ressort amoindri, pour la même raison189. En 1358, l’abbaye de Saint-Prix fut complètement 179 Héméré, 2e partie, p. 45. 180 Saint-Quentin, AM, liasse 261, dossier A, n° 3bis (Gomart, t. 4, p. 233), juillet 1274, liasse 262, n° 5 (Gomart, t. 4,

p. 236 ; Lemaire, n° 114), 6 juillet 1283.

181 Livre rouge, n° 48. 182 Livre rouge, n° 50. Cette maison fut transformée en une « halle au graisse », c’est-à-dire en une pesée. 183 Paris, AN, X1a 2, fol. 41v (Boutaric, n° 2167), 2 juin 1275. Saint-Quentin, AM, liasse 21, dossier A, n° 2 (Coliette,

t. 2, p. 702 ; Lemaire, n° 142), mars 1294 n.st. Les conclusions du coûtre, Saint-Quentin, AM, liasse 21, dossier A, n° 38 (Lemaire, n° 459), vers 1275. Boutaric, n° 225*, 414*, 1er novembre 1278. Saint-Quentin, AM, liasse 21, dossier A, n° 2 (Coliette, t. 2, p. 702 ; Lemaire, n° 142), mars 1294 n.st. ; de nombreux reçus de rente dans la liasse 93, dossier A (xiiie siècle), B (xive siècle) et C (xve siècle). Voir la carte IV. 184 Saint-Quentin, AM, liasse 45, dossier M, n° 1bis (Lemaire, n° 226). 185 Livre rouge, n° 2, novembre 1316 ; n° 4, 12 février 1311 n.st. ; Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° 45, 46 et 47 (Lemaire, n° 251 et 252), 16 et 22 octobre 1316. 186 Livre rouge, n° 138, 2 juillet 1354. 187 Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 46 (Lemaire, n° 919), 24 juin 1438. 188 Paris, AN, P 135, n° 195, 29 mai 1367. 189 Paris, AN, P 135, n° 281.

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rasée sur l’ordre de la commune parce que les bâtiments, situés en un lieu qui surplombe Saint-Quentin, auraient pu servir de refuge à l’armée anglaise pour attaquer la ville190. ii. La banlieue Dans la plupart des villes du Moyen Âge, l’espace soumis à l’autorité municipale ne se limitait pas qu’à la ville intra muros et à ses faubourgs. Elle s’exerçait bien au-delà des remparts, sur la banlieue, un espace vaste aux contours bien définis191. La banlieue est sans doute un héritage antique. Comme l’a suggèré Anne Lombard-Jourdan, la banlieue tire son origine probable de l’oppidum des temps mérovingiens192. Elle ne semble cependant fixée qu’au moment de l’octroi de la charte de commune et la concession du ban à la commune. C’est à l’intérieur de ce territoire tracé à même le sol193, qui déborde largement de la ville intra muros, que la commune exerce sa justice. La banlieue constitue l’extension maximale du ressort territorial du tribunal communal. Un seul document du début du xive siècle permet de restituer la banlieue médiévale de Saint-Quentin. Une charte de novembre 1316 énumère treize bornes localisées de manière très précise pour la délimiter194. Elles sont toutes aujourd’hui plus ou moins facilement repérables sur la carte de Cassini correspondant à la région ou sur les cartes IGN195. Si l’on fait abstraction du fait que la majorité des bornes énumérées par la charte de 1316 – qui font références à des arbres, des puits, des croix ou à des moulins – sont aujourd’hui disparues, les données toponymiques sont assez précises pour qu’on puisse imaginer leur position approximative. En combinant ces bornes et en se conformant à la suggestion de Robert Fossier de suivre les chemins périphériques, cet espace peut aisément être reconstitué tel que sur la carte en annexe. Matériellement aussi bien que judiciairement, il s’agit d’un territoire quasi-circulaire qui circonscrit la ville et dont le rayon théorique est d’une lieue française (4,440 kilomètres) à partir de ses murailles. À l’intérieur de cette lieue, la commune avait réussi à exercer le droit de ban196. D’où le nom de banlieue qu’on a donné pratiquement partout au territoire entourant une ville et soumis à son autorité197. Cette limite théorique correspond à peu de chose près à la démarcation observée. La banlieue a dû s’adapter au terrain. À partir des murailles de la ville et en fonction de la borne, le ressort de la ville s’étendait en moyenne à environ 4,5 kilomètres sur la rive nord de la Somme et jusqu’à 6 kilomètres sur la rive sud198. Cet espace judiciaire n’était pas aussi homogène qu’on pourrait le croire. À l’intérieur même de ce périmètre, plusieurs endroits échappaient à la justice municipale. L’hégémonie de la ville sur le territoire urbain ne fut jamais totale. Les comtes de Vermandois, en 190 Paris, AN, X1c 34, n° 84, 17 mars 1377 n.st. 191 Charte de Philippe Auguste, §4. 192 A. Lombard-Jourdan, « Oppidum et banlieue : sur l’origine et les dimensions du territoire urbain », Annales ESC,

27 (1972), pp. 373–395.

193 Voir R. Fossier, Le Moyen Âge en Picardie, dossier 4. 194 Livre rouge, n° 2. Voir la carte IX. 195 Cartes géométrique de la France dite ‘carte de Cassini’, 3 Cédéroms PC, Paris, IGN-CDIP, 2000. IGN, Série bleue,

1 :25 000, n° 2609 et 2608 Ouest ; 2509 et 2508 Est. J’ai également utilisé l’échelle 1 :100 000. Ces deux séries sont également disponibles sur CDrom : Carto exploreur, Données issues de la numérisation des cartes IGN 1 :25 000, Aisne (02) partie nord, Cédéroms, Paris, 2000 ; Carto exploreur, Données issues de la numérisation des cartes IGN 1 :100 000, Picardie, Cédéroms, Paris, 2004. 196 Charte de Philippe Auguste, §3. 197 R. Fiétier, Recherches sur la banlieue de Besançon au Moyen Âge, Paris, 1973, p. 45–48. 198 Voir A. Lombard-Jourdan, « Opidum et banlieue », op.cit., p. 390–391.

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plus de concéder un territoire à la commune, avaient également distribué plusieurs droits à leurs vassaux ou aux institutions ecclésiastiques des environs. La commune disposait de la justice sur l’ensemble de la ville et de sa banlieue. Seul lui échappait certains fiefs possédant la justice et la seigneurie sur une portion de la ville ou sur quelques maisons, le quartier canonial et les maisons des chanoines, le domaine royal et les maisons des officiers royaux, le territoire des diverses institutions ecclésiastiques de la ville et certains villages enchâssés dans la banlieue. Les échevins exerçaient leur justice sur le territoire appelé la Vicomté-le-Roi de Saint-Quentin. Vicomté-le-Roi et banlieue correspondent à la même chose, mais pas du même point de vue199. Comme pour la distinction châtellenie/prévôté, la banlieue correspondait à l’espace judiciaire de la commune, la Vicomté-le-Roi à un espace judiciaire seigneurial. Comme la commune, l’échevinage exerçait ses prérogatives de justice sur l’ensemble de la Vicomté-le-Roi, exception faite des fiefs, laïcs ou ecclésiastiques, qui disposaient chacun de leur propre échevinage. La muraille et la banlieue définissent ensemble un intérieur et un extérieur juridiques concentriques  : plus on approche du centre-ville, plus la justice se fait présente  ; plus on s’en éloigne, plus elle se relâche. L’idéal de départ fut la construction d’un espace pacificateur et démilitarisé par l’esprit de la commune primitive. Le résultat, aux xiiie–xve siècles, est celui d’un espace judiciaire sous le contrôle de la commune à l’intérieur duquel la justice était perçue comme une prérogative pour l’ensemble de la communauté de la ville. Ville et banlieue constituent l’espace d’application de la loi de la ville : la charte de commune. On pouvait soumettre au tribunal municipal toute infraction envers cette loi, dès lors que celle-ci était commise sur ce territoire. En langage juridique, elles constituent la compétence ratione loci du tribunal municipal, son territoire. b. L’échevinage passe sous le contrôle de la commune Encore au début du xiiie siècle, après que Philippe Auguste ait confirmé sa charte (1195), la seule juridiction compétente sur la ville et sur ses habitants était l’ancien échevinage seigneurial200. La commune s’employa à vouloir faire reconnaître son contrôle sur cette juridiction, la seule compétente sur les bourgeois. Mais elle ne réussit pas à l’incorporer complètement avant que le Parlement ne l’y autorise en 1362201. L’échevinage séparé de la commune reste rare hors de Picardie, où on le retrouve à Laon202, Noyon203, Chauny, Corbie204, Roye205, Bray-sur-Somme206, Péronne, Athies, Ham et Cambrai207. Plus au sud, le fait est également connu pour Bordeaux208. Avant d’être intégrée à la commune, cette dernière avait réussi à assujettir l’échevinage. Ce contrôle effectif, mais non légal, est visible dès 1120, alors que deux échevins Livre rouge, n° 2. Charte de Philippe Auguste, §1. Saint-Quentin, AM, liasse 7, n° 16. J.-L. Baudot, « La commune de Laon : organisation et fonctionnement d’une institution médiévale (1128–1331) », MFSHAA, 44 (1999), p. 105–144. 203 A. Lefranc, Histoire de la ville de Noyon et de ses institutions jusqu’à la fin du xiiie siècle, Paris, 1887, p. 90. 204 A. Thierry, Monuments de l’histoire du tiers-état, op.cit., t. 3, p. 442. 205 É. Coët, Histoire de la ville de Roye, Paris, 1880. 206 H. Josse, « Histoire de la ville de Bray », MSAP, 3e série, 8 (1882), p. 497. 207 A. Giry, Études sur les origines de la commune de Saint-Quentin, op.cit., p. 49–60. 208 C. Bremont, « Les institutions municipales de Bordeaux au Moyen Âge », RH, 123 (1916), p. 1–53 et 252–293. 199 200 201 202

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a­ pparaissent aux côtés du maire de la commune, Oilard, comme témoin d’une charte du comte Raoul Ier adsuit ibi maior209. En 1213, à l’occasion de la violente émeute contre le chapitre collégial de Saint-Quentin, Philippe Auguste, les jugeant trop proches de la commune, les obligea à porter le serment de protection du chapitre avec le maire et les jurés210. Déjà infiltrés par les bourgeois, qui formaient son principal bassin de recrutement longtemps avant l’acquisition de la commune, avec l’entrée de la ville dans le domaine royal le maire et les jurés obtinrent du vicomte de les nommer. En février 1215, Guy, seigneur de Moy211, dont on peut supposer qu’il était vicomte de Saint-Quentin212, informait Philippe Auguste que, jusqu’alors il avait choisi comme échevins les bourgeois relevant de sa justice, à savoir les homines de placito burgi213. Comme il ne parvenait plus à trouver parmi ceux-ci suffisamment de gens compétents, il avait été obligé de permettre au maire et aux jurés de choisir les échevins, soit parmi ses propres justiciables, soit parmi les autres bourgeois de la ville. Le recrutement de l’échevinage échappa dès lors au seigneur pour passer sous le contrôle des représentants de la commune. La nomination des échevins, et incidemment la mainmise sur leur juridiction, était désormais accomplie. Sauf que l’échevinage ne fut pas intégré à la commune pour autant. Il continua à fonctionner comme une juridiction distincte. Ceci a posé divers problèmes au xive siècle, parce que la juridiction de l’échevinage comprenait l’exercice pour le compte du roi de certains cas réservés  : vol, meurtre, rapt, homicide et incendie214. Rapidement, il y eut cumul des fonctions de jurés et d’échevins entraînant la confusion de la justice de paix de la commune avec la juridiction distincte des échevins, avec toutes les conséquences que cela impliquait. Le droit de la ville étant essentiellement coutumier, dès lors que le maire, les jurés et les échevins se mirent à rendre justice ensemble, cela suffit à créer des usages nouveaux même si la charte ne les sanctionnait pas. c. Le droit urbain, un nouveau droit ? La construction d’une nouvelle justice impliquait l’utilisation d’un droit original. Mais, comme l’a fait remarquer Claude Gauvard, essayer de saisir le droit urbain médiéval dans son historicité n’est pas une chose facile215. Le droit de la ville est un droit composite et en constante adaptation. Il ne s’est pas entièrement constitué sur l’initiative des bourgeois, bien que ceux-ci en soient le fil conducteur de par leur émancipation à partir de l’apparition de la commune. Ce droit bourgeois succède à diverses périodes de création du droit dont il a sélectionné certains principes. Dans un premier temps, la commune n’est pas allée chercher son droit très loin, n’opérant qu’une translation de certaines règles seigneuriales et féodales à un domaine d’application nouveau. La commune du début avait également conservé quelques principes se voulant l’expression d’une justice supérieure, 209 Héméré, p. 40, 1120. 210 Héméré, p. 51 ; Id, De Scolis Publicis, p. 173–177 ; ORF, t. 9, p. 303, Coliette, t. 2, p. 549 ; L. Delisle, Catalogue

des actes de Philippe Auguste, op.cit., n° 1453 ; Recueil des actes de Philippe Auguste, n° 1294, du 14 au 31 avril 1213 ; Paris, AN, J232 (Saint-Quentin), n° 1 (Teulet, Layettes, n° 1049), 18 juin 1213 ; Ibid., n° 2 (Delisle, n° 1454). 211 Moy, arr. de Saint-Quentin. 212 Il s’agit de Guy de Moy, fil de Guerry de Moy, vicomte de Saint-Quentin en 1189, qui se fait appeler vicomte en 1237. Son fils Beaudouin lui succéda comme vicomte. Voir Héméré, p. 179 et Coliette, t. 2, p. 418. 213 Saint-Quentin, AM, liasse 13, n° 1 (Lemaire, n° 11), février 1215 n.st. 214 Charte de Philippe Auguste, §27. 215 C. Gauvard, « Théorie, rédaction et usage du droit dans les villes », op.cit., p. 25–71.

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celle de Dieu, par l’entremise de l’ordalie216. On peut aussi concevoir le droit communal, dans sa première forme, comme l’expression d’une volonté, celle des bourgeois, désireux de maintenir l’ordre, la stabilité et leur sécurité juridique. Mais, avec les chartes de commune, le droit urbain exprimait des besoins concrets. Tout en conservant certains acquis, c’est la consécration par l’interprétation large de la charte de commune de certains usages produits par l’évolution sociale à un moment précis qui devint la principale source du droit dans les villes217. Ce sont les chartes de commune qui fournissent le cadre principal de la norme dans les viles. Elles ne furent pas les seules. Elles étaient des outils de référence appelés à intervenir comme justificatif de la pratique. La situation changea quand Philippe Auguste confirma la charte de commune que la ville avait obtenue de la comtesse Aliénor vers 1191 en la faisant réécrire pour affirmer son pouvoir sur la ville218. C’est la reconnaissance des usus et consuetudines de la ville, c’està-dire des pratiques (usages) et du droit (coutumes) appliqués dans la ville à la fin du xiie siècle que celui-ci a confirmés avec sa charte219. Cette confirmation faisait du roi le maître de la législation de la ville. Le processus dans lequel s’est élaborée la charte tenait à la fois de la souplesse et de l’absence de systématisation. Après la comtesse Aliénor, Philippe Auguste en 1195 n’avait sanctionné qu’un état de fait en définissant grâce à l’écrit les usages et les coutumes susceptibles d’être contestés. Comme il s’agit d’une législation d’entérinement, son élaboration ne tenait compte que des pratiques et des usages de la ville à un moment précis, à la toute fin du xiie siècle. La charte de commune de Saint-Quentin est un document conjoncturel. Né soit de conflits ponctuels, soit d’accords, on ne discerne pas de plan systématique comme si on avait procédé par association d’idées. Cette norme juridique de la ville, d’abord orale, fut mise par écrit par une autorité extérieure de façon à peu près explicite. On a trouvé inutile de parler de ce qui faisait consensus, en ne tenant peu ou pas compte des autres lois220. La charte permet cependant d’arguer que Saint-Quentin est moult noble ville de loy221. Mais la coutume une fois écrite reste-t-elle une coutume ? Écriture n’est certes pas rupture, mais fixité et la fixité s’oppose au principe même du droit coutumier. Pour lors, elle conservait le caractère théorique de dispositions de droits en vigueur depuis tel temps qu’il n’est mémoire du contraire, simplement reconnues et fixées par le seigneur222. L’écrit, qui devait au départ rendre le droit de la ville durable et assurer la protection juridique des bourgeois, eut l’effet pervers d’enfermer la ville dans un carcan juridique. Depuis Jacques de Révigny, une conception dynamique de la coutume – fondée sur la volonté du peuple et le consentement de la majorité, c’est-à-dire en dernier lieu la volonté royale – s’oppose 216 Establissement, §45. Contrairement à la Charte de Philippe Auguste, L’Establissement, §6 interdisait le duel. 217 Les coutumes urbaines sont les premières a être rédigées et ce bien longtemps avant les premiers traités de droit coutu-

miers qui apparaissent au temps de Louis IX, comme par exemple le Conseil de Pierre de Fontaines ou le Livre de jostice et de plaid. À Saint-Quentin, la première rédaction de la coutume est un acte privé. Le 13 octobre 1268, une réclamation en justice fait état d’un livre écrit en français (in romanis scriptum) traitant des usages et des lois du Vermandois de de Saint-Quentin et de sa commune : Saint-Quentin, AM, liasse 24, (Lemaire, n° 89). Sur la pratique, voir P.C. Timbal, « Coutume et jurisprudence en France au Moyen Âge », dans Recueil de la Société Jean Bodin, t. 52, 2e partie, La coutume, p. 227–232. 218 R. Fossier, « Le roi et les villes de Picardie (xiie–xiiie siècles) », dans Monde de l’Ouest et villes du monde, Regards sur les sociétés médiévales, Rennes, 1998, p. 627–635. 219 J. Gaudemet, Les naissance du droit. Le temps, le pouvoir, la science au service du droit, 3e éd., Paris, 2001, p. 55. 220 E. Cohen, The Crossroads of Justice, op.cit., p. 28–29. 221 Paris, AN, X1a 4686, fol. 6, jeudi 23 novembre 1402. 222 M. Gouron, Catalogue des chartes de franchises de France, Paris, 1935, p. iv, n. 15.

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à l’ancienne, fondée sur l’usage répété223. L’arrivée de la charte de commune à la fin du xiie siècle marque une étape importante d’intensification du droit qui désormais pouvait s’appuyer sur une source écrite224. En devenant la principale source du droit dans la ville, elle remplace dans une certaine mesure la coutume au sens large, c’est-à-dire l’usage répété, par des coutumes rédigées, c’est-à-dire un droit écrit. À la différence de cette coutume au sens premier, la charte n’est pas le seul produit du temps et d’usages tenus pour obligatoire. Octroyée par le seigneur de la ville, elle témoigne également d’un accord. Elle résulte d’un compromis entre le seigneur (la comtesse Aliénor, puis le roi) et les bourgeois sur la base duquel se sont développées la commune et sa justice. Le roi y a imposé sa volonté pour certains principes, par exemple le service militaire225, ou pour la justice criminelle qu’il s’était réservée. Les bourgeois aussi y ont imposé certains de leurs usages. Elle marqua également un changement dans la conception du droit, une forme de rationalisation226. Cette commune de l’époque de Philippe Auguste se départit du jugement de Dieu au profit de la raison commune227. Une vingtaine d’années avant le concile de Latran228, on assiste à la disparition des ordalies contenues dans l’Establissement au profit d’une autre forme du jugement de Dieu : le duel judiciaire. Celui-ci réapparut dans la charte de Philippe Auguste comme recours contre la justice communale229. En plus de l’écriture, la clause de stabilité du protocole initial de la charte, autre condition essentielle au maintien de la paix et de la protection des bourgeois, empêchait d’y apporter quelque modification que ce soit230. Les confirmations subséquentes ne l’ont en rien modifiée ou abrogée231. Son texte fut appliqué jusqu’à la Révolution. Il fallut trouver un autre moyen pour abroger la charte afin de l’adapter à de nouvelles conditions. Profitant de l’ambiguïté du texte, l’interprétation qu’on en a faite a évolué et changé au gré des événements politiques et sociaux. Cette rédaction du droit de la ville n’est qu’apparence de rigidité, car on peut appliquer plusieurs sens aux mots. L’écriture favorisant l’abstraction et la perte de la maîtrise du droit, la norme écrite possède de ce fait un caractère forcément plus général que la norme orale232. Au fil du temps il a fallu adapter la charte à des cas concrets, autrement dit associer la charte à son interprétation. Le droit de la ville était d’autant moins rigide qu’on l’interprète. À ce titre, son interprétation constante 223 Voir L.L. Jozef, M Waelkens, La théorie de la coutume chez Jacques de Révigny : édition et analyse de sa répétition sur

la loi ‘De quibus’, Leyde, 1984 ; R. Jacob, « Beaumanoir versus Révigny. Two faces of Costumary Law in Philip the Bold’s France », dans The Literary and Legal Writing of Philippe de Remy and Philippe de Beaumanoire, Mellen, 2001. 224 L’obtention d’une « loi » est essentielle pour la bonne marche du processus d’intensification. Voir N. Rouland, Anthropologie juridique, op.cit., p. 123–127. 225 L. Carolus-Barré, « Philippe Auguste et les communes », op.cit., p. 683. Le service militaire fut imposé par Philippe Auguste à plusieurs villes. Il était considérablement restreint dans l’Establissement, §11, 19, 33 et 43. 226 R.C. Van Caenegem, « Reflexions on Rational and Irrational Modes of Proof in Medieval Europe », dans RHD, 58 (1990), p. 263–279 ; A. Boureau, « Droit naturel et abstraction judiciaire », op.cit. 227 R. Jacob, « Jugement des hommes et jugement de Dieu à l’aube du Moyen Âge », op.cit., distingue deux époques pour le jugement de Dieu : une première, ou le jugement de Dieu est subjectif, et une seconde, où il se fait objectif alors qu’il est intériorisé par le juge sous la forme de la morale chrétienne. 228 R. M. Fraher, « IV Lateran’s Revolution in Criminal Procedure : The Birth of Inquisitio, the End of Ordeals, and Innocent III’s Vision of Ecclesiastical Politics  », dans Studia in honorem eminentissimi Cardinalis Alphonsi M. Stickler, Rome, 1992, p. 97–111  ; J.W. Baldwin, «  The Intellectual Preparation for the Canon of 1215 against Ordeals  », Speculum, 36 (1961), p. 613–636. 229 Charte de Philippe Auguste, §2. 230 Charte de Philippe Auguste, protocole initial. 231 Le Livre rouge en mentionne deux : une en 1272 et une autre en 1288. 232 J. Goody, The Logic of Writing and the Organization of Society, Cambridge, 1986.

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peut être perçue comme une certaine forme insidieuse d’acculturation judiciaire provenant du pouvoir royal. S’il s’agissait d’un document à première vue figé, son application le fut beaucoup moins. La charte n’avait pas la prétention d’être un code de loi complet, réglant l’organisation et l’administration de la commune. Plusieurs articles devenus plus ou moins rapidement obsolètes ont dû être adaptés, développés ou éclaircis, voire même complètement réinterprétés a posteriori. La coutume restait en apparence intacte, puisque l’interprétation se bornait à attribuer une nouvelle signification à des principes établis par un nouvel usage. Mais l’exégèse changeait le contenu même de la charte, contaminant la coutume qui obéissait dès lors à un droit provenant de l’extérieur : celui du roi. L’interprétation fut le mode d’ajustement utilisé entre le droit général du royaume et celui de la ville, une confrontation entre le droit du roi et celui des habitants de Saint-Quentin. Dans cette optique, le droit de la ville résidait tout entier dans le couple formé par la charte de commune et son interprétation à partir des principes nouveaux issus du droit savant ou contenus dans les ordonnances. À l’ancienne conception statique de la coutume, faites d’usages répétés et prolongés pendant une période déterminée ou plus souvent d’aussi longtemps qu’il n’est mémoire du contraire, s’opposait une conception dynamique, fondée sur la volonté du peuple et le consentement de la majorité, c’est-à-dire en dernier lieu la volonté royale. Cette nouvelle conception établissait la légitimité du roi et du Parlement comme gardien de la coutume. In fine, c’est le Parlement qui sert de recours pour le pouvoir royal afin d’interpréter la charte de commune et d’infléchir le droit de la ville233. Le texte n’est pas en soi modifié, mais simplement interprété et le Parlement le fait stricto sensu sans tenir compte de l’usage et des coutumes qui y sont forcément absents. Au contraire, la ville resta attachée à une interprétation plus coutumière de son droit. En 1352, le maire et les jurés disaient que, pour toute personne attentive, leur charte de commune leur attribuait la connaissance de tous les crimes et forfaits pour lesquels une plainte était portée devant eux, ou que du moins elle leur avait fourni, par la teneur de son texte, une cause légitime d’acquérir cette connaissance par prescription. Les dispositions de leur charte devaient être interprétées une à une, en se pénétrant de l’intention qu’elles recélaient de la manière dont elles avaient été appliquées jusqu’à présent : l’usage et la coutume sunt optimi legum interpretes disaient-ils234. Le problème majeur, celui qui a coûté la commune à la ville en 1317 et qui faillit lui coûter de nouveau en 1352, est l’état embryonnaire du droit pénal de la charte. Comme ce fut souvent le cas, la charte ne contenait qu’un droit criminel lacunaire235. Ce genre de dispositions s’y trouve tronçonné et, mis à part un groupe d’articles placés au début (§8–15), elles sont éparpillées jusqu’à la fin des cinquante-deux articles. Les préoccupations étaient autres que celle de constituer un code de loi pénale. Les bourgeois se préoccupaient plus de leur sécurité personnelle instituant leur privilège d’être jugés dans la ville pour leurs délits (§1). En matière de droit pénal, la charte s’avère être très 233 C. Gauvard, « Théorie, rédaction et usage du droit dans les villes », op.cit. 234 Paris, AN, X1a 15, fol. 86v, op.cit. 235 B. Schnapper, « Le Naufrage du droit pénal coutumier », Recueil des mémoires et travaux publiés par la Société d’his-

toire du droit des anciens pays de droit écrit, 14 (1998), p. 219–226 ; N. Gonthier, « Crimes et délits dans le droit urbain d’après quelques exemples de la fin du Moyen Âge (xiie–xve siècles) », dans P. Monnet et O.G. Oexle, Stadt und Recht im Mittelalter – La ville et le droit au Moyen Âge, Göttingen, 2003, p. 153–165.

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Première Partie | Origine et développement de la justice dans la ville

(ou trop) pragmatique, ne résolvant que des cas pratiques et ne contenant aucune théorie générale, ce qui n’était de toute façon pas le but. D’où la difficulté qu’a rencontrée la commune à se faire reconnaître compétente en matière criminelle. Le droit pénal coutumier de la ville existait sans doute. N’ayant pas été rédigé dans son entier, parce qu’il ne posait que quelques problèmes particuliers en 1195, il ne pouvait survivre sur le long terme. Les diverses difficultés que le droit de la ville a pu rencontrer proviennent du fait qu’il n’avait pas d’assise doctrinale autre que l’usage, la coutume, la prescription et la prévention. Conclusion Il serait anachronique de considérer les communes comme des institutions disposant de pouvoirs judiciaires dès le début de leur existence. Ce n’était pas leur but. Elles visaient, par l’entraide, la fraternité et la solidarité personnelle, à créer une sorte de famille fictive qui assurait la paix, la sécurité et la protection de ses conjurés, qui au départ étaient aussi bien des bourgeois que des chevaliers ou des clercs236. Pour y arriver, après plus de cent ans d’existence, elles se transformèrent en juridiction, profitant pour cela des nombreuses prérogatives de leurs membres les plus dynamiques : les bourgeois. L’exemple de Saint-Quentin montre que ce n’est qu’à partir des années 1120–1150, sous le comte Raoul Ier, que ces derniers détournèrent à leurs profits la commune. C’est par la formation de cette structure de solidarité qu’ils avaient réussi à assurer une commune justice dans la ville pendant une période où l’autorité comtale se dissolvait et où celle de l’État ne se faisait pas encore sentir. On peut tenir pour acquis que la justice municipale ne naisse qu’après la mutation des années 1060–1150 et qu’elle s’institutionnalisât principalement sous Philippe Auguste et Louis IX. Par la suite, elle s’est réajustée en permanence autant pour des raisons internes qu’externes. Il y a d’abord eu une lente acquisition par les bourgeois de la justice comtale morceau par morceau, grâce à des usurpations, des reconnaissances ou des achats. En une cinquantaine d’années, entre la fin du règne de Philippe Auguste et celui de saint Louis, le visage de la commune change pour devenir d’abord un pouvoir, ensuite une personne morale, puis une institution disposant d’une juridiction. L’évolution du vocabulaire servant à désigner cette abstraction et l’acquisition de la personnalité juridique montrent les velléités de pouvoir de la commune sur l’ensemble de la ville. On passa d’une entité concrète et diffuse, la commune de Saint-Quentin formée par des unités interdépendantes et responsables (les conjurati), à une entité graduellement devenue abstraite (communitas, universitas, corpus) et représentative (le maior et les jurati de la commune) pour finir par revêtir un caractère global en employant simplement ville de Saint-Quentin voir Saint-Quentin seul. C’est également en rassemblant le territoire urbain, à force d’achats, de 236 On doit le concept de « famille fictive » à J. Flach, Les origines de l’ancienne France, t. 2, Paris, 1893, p. 577. Voir

les commentaires d’A. Guerreau, Le féodalisme, un horizon théorique, Paris, 1980, p. 51–55. C. Gauvard, « Théorie, rédaction et usage du droit dans les villes du royaume de France du xiie au xve siècle : esquisse d’un bilan », op.cit., p. 25–71, parle quant à elle de « fraternité fictive ». Il est préférable également de lier le groupement pré-communal à la famille plutôt que de parler de « communauté émotionnelle » comme anachroniquement le fait B. H. Rosenwein (éd.), Anger’s Past : the Social uses of Emotion in the Middle Ages, Ithaca, 1998. La « communauté » au Moyen Âge est une notion juridique et non sociale. Voir H. de Lubac, Corpus misticum, L’Eucharistie et l’Église au Moyen Âge. Étude historique, Paris, 1944.

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prises à ferme et de prises de contrôle partiellement légales de domaines nouveaux, puis en accordant potentiellement la protection de la commune à toutes les catégories d’habitants, que la commune était devenue une juridiction de fait acquis. Cette juridiction, qui s’était générée d’elle-même, eut rapidement besoin d’être recadrée, ce que fit Louis IX avec ses ordonnances de réformes. Cette complexification sociojudiciaire impliquait la mise en place d’un personnel spécialisé. La justice n’est rien sans les hommes qui jugent et ceux qui appliquent leurs décisions.

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Chapitre II

Les officiers de la justice municipale

Du simple sergent jusqu’au maire, les hommes qui ont pris part à l’exercice de la justice municipale étaient au service de la ville. Si le Moyen Âge n’a pas fait de ­distinction dans sa terminologie237  – tous étaient des officiers  – une multitude d’offices fortement hiérarchisés existait, chacun avec un nom propre et une fonction distincte238. Cette ­hétérogénéité des offices se perçoit également par les personnes amenées à occuper ­certaines fonctions plutôt que d’autres, à la rémunération qu’on leur consentait, à la tâche qu’on leur confiait, au pouvoir qu’elles exerçaient ou au niveau de connaissances nécessaires pour mener à bien leur travail. Mais souvent, il est vrai, les renseignements concernant ces officiers municipaux sont à peine plus parlants qu’un simple nom accolé à celui d’une fonction plus ou moins saisissable, au détour d’une charte ou d’un compte. De ce fait, l’étude des nombreux officiers de justice de la ville, dans bien des cas, n’a pu consister qu’à démêler ces différents offices judiciaires en procédant à une simple description des fonctions supposées. A.

Les offices majeurs : maire, jurés et échevins

Il convient de distinguer le maire, les échevins et les jurés des autres officiers municipaux qui remplissaient leur fonction moyennant rétribution. Ceux-ci exercaient un pouvoir à la fois politique, administratif et judiciaire. Ils formaient l’élite des officiers de la ville. C’étaient eux qui disposaient du pouvoir de justice et, dans une certaine mesure, de celui de formuler la règle239. Le maire, les jurés et les échevins furent également les gardiens du droit de la ville, c’est-à-dire de la charte de commune et des us et coutumes. Chargés de l’appliquer, de la faire respecter et de réprimer les transgressions, ils étaient les artisans du droit et de la justice de la ville240. Ce pouvoir engageait d’importantes contreparties : contrairement aux autres officiers municipaux, maire, jurés et échevins étaient tenus 237 Sur l’emploi du terme d’officier au Moyen Âge, voir B. Guenée, Tribunaux et gens de justice, op.cit., p. 154  ;

F. Autrand, « Offices et officiers royaux en France sous Charles VI », RH, 242 (1969), p. 294–298 ; B. Quilliet, Les corps d’officiers de la prévôté et vicomté de Paris et de l’Île-de-France de la fin de la guerre de Cent ans au début des guerres de Religion : étude sociale, t. 1, Lille, 1982, p. 168–169 ; J. Kerhervé, L’État breton aux 14e et 15e siècles. Les ducs, l’argent et les hommes, t. 2, p. 695 ; O. Mattéoni, « Une base de données informatisée pour l’étude prosopographique du personnel politique de la principauté bourbonnaise à la fin du Moyen Âge : présentation et exploitation », Medieval prosopography, 1998, p. 99–109 ; A. Demurger, « Office », dans Dictionnaire du Moyen Âge, Paris, 2002, p. 1015–1016 ; É. Gonzalez, Un prince en son hôtel, les serviteurs des ducs d’Orléans au xve siècle, Paris, 2004, p. 51–58 ; B. Bove, Dominer la ville, op.cit., p. 18–23. 238 Les études prosopographiques portant sur les officiers municipaux restent rares. Les deux dernières en date, celle de B. Bove, Dominer la ville, op.cit., et celle d’I. Paquay, Gouverner la ville au bas Moyen Âge. Les élites dirigeantes de la ville de Namur au xve siècle, Turnhout, 2008, sont sans doute la plus complète. Voir également R. Favreau, « La condition sociale des maires de Poitiers au xve siècle », BPH, 1961, p. 161–177. 239 S. Hamel, « Le processus de création des règlements commerciaux à Saint-Quentin », dans É. Bousmar, J.-M. Cauchies, Faire bans edictz et statuz : légiférer dans : la ville médiévale, sources, objets et acteurs de l’activité législative communale en occident, ca. 1200–1500, Bruxelles, 2001, p. 397–409. 240 J. Gaudemet, Les naissance du droit, op.cit., p. 251.

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Première Partie | Origine et développement de la justice dans la ville

personnellement responsables des actions commises dans l’exercice de leur office241. Euxmêmes qualifiaient, au début du xve siècle, leurs offices de publics et aucun bourgeois ne pouvait refuser de l’exercer242. Une coutume d’Amiens voulait même que celui qui refusait d’occuper un office pouvait voir sa maison abattue243. 1.

Le maire de la commune : primus inter pares ?

Le maire était à la tête de la commune. Il était le per de la ville244. L’institution, caractéristique des villes de commune, se retrouve dans pratiquement toutes celles du nord du royaume de France, particulièrement en Picardie245. Influencé par le modèle institutionnel flamand et artésien, le maire de la commune fut longtemps considéré en tant que primus inter pares, premier entre ses pairs246. Ce point de vue mérite d’être nuancé, car le maire possédait de réels pouvoirs que les autres jurés n’avaient pas. Comme l’a remarqué Pierre Desportes, le maire était plus qu’un simple juré en Picardie247. Le modèle communal picard faisait du maire un véritable chef de l’exécutif communal et ce, vraisemblablement, dès la concession de la commune248. Ne serait-ce que pour cela, il fut très différent du maire des communes qui suivaient le modèle flamand, artésien, douaisien ou cambrésien, pour lesquelles le maire, quand il y en avait un, n’avait pas de pouvoirs particuliers ou différents des autres membres du conseil de ville249. Dans le discours de l’époque également, rien ne laisse entrevoir que le maire ne fut que primus inter pares. Rien ne confirme ni n’infirme qu’un maior fut instauré dès la création de la commune, vers 1070–1080. La première mention certaine d’un maior communie se trouve dans la Vita Sancti Garemberti250. Vers 1120, soit quarante ou cinquante ans après la date supposée de la fondation de la commune, cette vita explique comment saint Garembert reçut de dominus Oylardo, maior communiae Sancti-Quintini et de son frère 241 Voir Y. Bongert, « Question et responsabilité du juge au xive siècle d’après la jurisprudence du Parlement », dans Hommage à Robert Besnier, Paris, 1980, p. 23–55 ; R. Jacob, « Les fondements symboliques de la responsabilité des juges », dans Juger les juges, Paris, 2000, p. 7–24 ; C. Gauvard, « Les juges devant le Parlement de Paris aux xive et xve siècle », dans Ibid., p. 25–51. Une étude portant sur l’origine de la responsabilité civile et criminelle des maires de France manque cependant encore. 242 Paris, AN, X1a 4786, 23 novembre 1402. 243 A.-I. Marnier, Ancien coutumier de Picardie inédit (1300–1325), Paris, 1840, p. 141. 244 Li livres de jostice et de plet, éd., P.N. Rapetit, Paris, 1850, p. 43, §36. 245 P. Desportes, Les communes picardes au Moyen Âge, op.cit. 246 A. Luchaire, Les communes Françaises, op.cit., p. 175 ; É. Lemaire, Essai sur l’histoire de la ville de Saint-Quentin, p. cxli ; Plus récemment, J.-L. Colart, « Saint-Quentin », op.cit., p. 81, évoque une légende fautive du sceau de la ville (sigilum juratorum ville Sancti Quintini plutôt que s[igillum] major[is et] juratoru[um] ville s[an]c[t]i quintini ad causas) pour justifier la position du maire comme primus inter pares. G. Bourgin, La commune de Soisssons, et le groupe communal soissonnais, Paris, 1908, p. 105–106, émet la même opinion fautive quant au maire de Soissons. 247 P. Desportes, « Les communes picardes au Moyen Âge », op.cit., p. 268. 248 Dans une charte de Philippe d’Alsace du 25 décembre 1166, concédant aux hommes de Chauny une commune ad usum et consuetudinem communie Sancti Quintini, un article porte que le maior communie culcitras as usum nostrum sufficienter amministrabit. Voir T. De Hemptinne, A. Verhulst (éd.), De oorkonden der graven van Vlaanderen (Juli 1128-September 1191), Uitgave, vol 1, Regering van Diederich van de Elzas (Juli 1128–17 Januari 1168), op.cit. n° 268. 249 Ibid. Voir G. Espinas, La vie urbaine de Douai au Moyen Âge, op.cit., t. 1, Paris, 1913, p. 343–344. 250 N. Huyghebaert, «  Les Acta Vitae Beati Garemberti édités par Charles-Louis Devillers. Examen critique. Réédition  », Analecta Praemonstratensia, 55 (1979). p. 5–31. Voir Coliette, t. 2, p. 70. Il y a peut-être une mention plus ancienne datant de 1076, mais, en l’absence de précision, il n’est pas certain que l’un des deux maiores souscripteurs de ce diplôme de Herbert IV ait été maire de la commune. Voir Coliette, t. 1, p. 690 ; Dom L. D’Achery, Sicilegium sive collectio veterum, op.cit., p. 410.

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Baudouin (Balduinus), des terres à Bony251, sur lesquelles il édifia son couvent, précurseur du ­Mont-Saint-Martin252. Durant tout le xiie siècle, les mentions sont fréquentes, le plus souvent dans les souscriptions des actes des comtes de Vermandois253. Plus tard, au xiiie siècle, quand la ville a commencé à rédiger des actes en langue vernaculaire, li maire, cas sujet, se décline au cas régime par le maieur ou le mayeur. Très tôt, on a laissé tomber l’expression de la commune, devenue superflue : à partir de la fin du xiie siècle, l’apparition des jurés fit que l’on préféra mentionner l’ensemble des représentants des bourgeois. Dès lors, le titre de maire précède toujours, quoique séparément, celui des jurés, selon la formule qui sert à les désigner lorsqu’ils s’adressent à quelqu’un ou lorsque l’on s’adresse à eux, maior et jurati ou les maire et jurés, accompagnée d’abord par communia Sancti Quintini puis par villa Sancti Quintini. À partir de 1362, lors de l’incorporation des échevins au corps de ville, le titre de ces derniers s’intercale pour transformer leur adresse en maire, échevins et jurés de Saint-Quentin. Mais le maire reste toujours mentionné en premier, devant les autres représentants de la justice municipale254. À la fin du Moyen Âge, le maire de la commune était devenu le maire de Saint-Quentin. Au début du xve siècle, le maire était coopté le jeudi précédent la Saint-Jean par et parmi les jurés et les échevins nouvellement établis255. Ce jour est appelé le jour del nouvel maieur256. Il n’y a aucune preuve de l’application de l’ordonnance de Louis ix imposant la désignation des maires le lendemain de la fête des saints Simon et Jude, le 28 octobre, comme à Beauvais ou Soissons257. À Noyon, comme à Amiens et Montdidier, le maire était élu chaque année le la veille du jeudi saint, alors qu’à Chauny, l’élection avait lieu à la Pentecôte258. La présence de tous les membres du collège électoral était requise pour procéder à son élection. On allait même jusqu’à aller quérir les absents259. Suivant le droit canon, dont le processus d’élections municipale s’inspire largement260, si un maire mourait en fonction, on ne pouvait procéder à l’élection d’un remplaçant qu’une fois l’ancien enseveli261. Pour être confirmé dans son office, le maire devait prêter trois serments. Par le premier, qu’il prêtait au roi devant le bailli de Vermandois ou son lieutenant, ou en leur absence devant le prévôt de Saint-Quentin ou son lieutenant, il promettait de bien exercer son office et sa justice262. Le second se prêtait envers la commune. Sa teneur est inconnue, 251 Bony, Aisne, arr. de Saint-Quentin, cant. Du Catelet. 252 N. Huyghebaert, « Les Acta Vitae Beati Garemberti », op.cit., p. 20–22. Oylardo est également appelé illustribus et

nobilibus viris.

253 Par exemple Héméré, p. 179 ; Coliette, t. 2, p. 418. 254 Il y a quelques attestations auparavant, mais les jurés sont mentionné avant les échevins. 255 Saint-Quentin, AM, liasse 22, n° 6 (Lemaire, n° 695), 27 mars 1365 n.st. ; liasse 3, n° 12 (Lemaire, n° 858), 29 juin

1414. Des règles similaires étaient en vigueur notamment à Saint-Omer : A. Giry, Histoire de la ville de Saint-Omer et de ses institutions jusqu’au xive siècle, op.cit., p. 157. 256 Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 9 (Lemaire, n° 310), compte du 24 juin 1324. 257 Mais elle pourrait avoir été appliquée. Suivant l’ordonnance de 1256, les premiers comptes de la ville ont été rendus à l’octave de la saint Martin devant la Chambre des Comptes à Paris. Après, il y a une importante lacune qui s’étend jusqu’au rétablissement de la commune, où ces comptes sont désormais rendus à la Saint-Jean (24 juin), en même temps que le ­renouvellement du conseil de ville et l’élection du nouveau maire. Voir ORF, t. 1, p. 82 ; Isambert, t. 1, p. 277–279 ; A. Giry éd., Documents sur les relations de la royauté avec les villes de France, op.cit, n° 34, p. 87–88, §1. Pour Beauvais et ­Soissons, voir L.-H. Labande, Histoire de Beauvais et de ses institutions communales, op.cit., p. 117  ; G. Bourgin, La ­commune de Soissons, op.cit., p. 139. 258 A. Lefranc, Histoire de la ville de Noyon et de ses institutions jusqu’à la fin du xiiie siècle, Paris, 1887, p. 69. 259 Li livres de jostice et de plet, éd. op.cit, §36, p. 43. 260 L. Moulin, « ’Sanior et maior pars’. Note sur l’évolution des techniques électorales dans les Ordres religieux du vie au xiiie siècle », RHDFÉ, 36 (1958), p. 368–397, 492–529. 261 Li livres de jostice et de plet, éd. op.cit, p. 44. 262 Paris, AN, X1a 22, fol 410, 27 août 1372.

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mais le maire devait s’engager par ce serment à défendre les biens, corps et franchises des bourgeois. Ces deux premiers serments doivent pour partie s’analyser comme un mode de transmission du pouvoir qui investissait le maire263. Mais ces précautions n’étaient pas les seules : l’élection du maire et sa confirmation faisaient l’objet d’un rituel remplissant une fonction de communication politique264. Après son élection, le nouveau maire recevait un chapeau de roses, dont la symbolique devait signifier le renouveau de la fonction265. Il s’agit peut-être également d’une garantie coutumière destinée à marquer l’engagement réciproque du maire et de la commune266. Ce n’est qu’après l’élection du maire, et pas avant, que la cloche de la commune retentissait267. La cloche sonnait afin d’informer l’ensemble des habitants qui n’avaient d’autre choix que de l’entendre et de voir de leurs yeux le nouveau maire268. Le son de la cloche marquait la fin du processus d’investiture. Le maire défilait alors à cheval dans la ville. Enfin, depuis 1213, le maire devait également prêter un troisième serment de protection du chapitre. Il avait été institué par Philippe Auguste à la suite de l’importante émeute qui avait mis le feu à la ville la même année. Au xive siècle, le maire était désigné pour un mandat d’un an269. Mais l’annualité de la fonction ne fut probablement pas une pratique institutionnelle dès l’origine270. Les premiers maires étaient désignés à vie. Oilard fut certainement maire de 1120 environ, jusqu’à sa mort, peu après 1146271. Il faut, peut-être, attribuer la fixation du mandat à un an aux réformes des villes sous saint Louis272. Toutefois, entre 1229 et 1244, cinq maires se succèdent : Bernard du Cavech (1229), Gautier De Gibecourt (1235), Roger de Villers (1240), Robert Pateler (1241), puis de nouveau Bernard du Cavech (1244). Chose certaine, l’annualité était établie à la fin du xiiie siècle. La réélection ne semble pas avoir posé de problème. Plusieurs individus sont attestés maire à plus d’une reprise. Avant le milieu du xiiie siècle, les données ne permettent pas de mesurer le monopole de l’office. Cette mainmise apparaît évidente aux xive et xve siècles, comme ce fut le cas dans plusieurs villes273. Lorsque les données deviennent plus abondantes, à partir du règne Louis IX, jusqu’à la fin du règne de Charles VI (1422), on observe la mainmise de l’office de maire par quelques familles. Pour la période 1220–1425 environ, le tableau 1 ci-dessous montre que les 46 maires recensés faisaient partie de quinze familles bourgeoises. Durant ces cent quatre-vingt-deux années, on peut comptabiliser vingt-quatre individus ayant été maire, pour un total de quarante-quatre mandats, soit un peu moins du quart des mandats qui ont dû être exercés. Si les Ravenier arrivent en tête avec sept mandats attestés pour trois maires, 263 A. Rigaudière, Saint-Flour ville d’Auvergne au bas Moyen Âge, op.cit., vol 1, p. 142. 264 G. Althoff, « Les rituels », dans Les tendances actuelles de l’histoire du Moyen Âge en France et en Allemagne, Actes

du colloque de Sèvres (1997) et Göttingen (1998) organisés par le CNRS et le Max-Planck-Institut für Gescichte, Paris, 2002, p. 231–242. 265 Saint-Quentin, AM, liasse 116, n° 6 (Lemaire, n° 501), 5 avril 1332 ; Saint-Quentin, AM, liasse 116, n° 9bis (Lemaire, n° 525), 18 septembre 1334. 266 J. Balon, « Sur deux garanties coutumières », op.cit. 267 Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 9 (Lemaire, n° 310), compte du 24 juin 1324. 268 Sur l’utilisation des cloches, voir N. Offenstadt, « Cri et cloches. L’expression sonore dans les rituels de paix à la fin du Moyen Âge », op.cit., p. 51–58. 269 C’était également le cas à Soissons. Voir G. Bourgin, La commune de Soisssons, op.cit., p. 139. 270 L’annualité des offices municipaux fut inauguré à Arras en 1193. Voir H. Pirenne, « La question des jurés dans les villes de Flandres », op.cit., p. 215. 271 Coliette, t. 2, p. 206, cite le cartulaire du Mont Saint-Martin. Oilard est souscripteur d’un diplôme de Roul ier de 1146 en tant que maior communia. Voir Homblières, n° 54. 272 ORF, t. 1, op.cit., p. 82. 273 R. Favreau, « La condition sociale des maires de Poitiers au xve siècle », op.cit.

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Les officiers de la justice municipale | chapitre ii

les familles du Cavech, Plate-Corne, Prière et le Convers suivent avec cinq ou six mandats. Seulement trois familles présentes aux xive et xve siècles avaient déjà obtenu la mairie au siècle précédent : Roger De Villers, maire en 1240274, Bernard du Cavech, maire en 1229 et en 1244275, et Robert Porcelet, maire en 1262276. Alors que les du Cavech disparaissent du gouvernement de la ville vers 1315, les de Villers et les Porcelet se maintiennent beaucoup plus longtemps. La période qui précède la suspension de la commune en 1317 montre un quasi-monopole de la fonction par un seul individu. Alors que l’annualité de la fonction est quasi certaine, Renaud du Cavech est pratiquement le seul maire attesté entre 1292 et 1315277. Mais, au xive siècle, un modus vivendi entre familles bourgeoises semble avoir imposé le principe d’alternance entre deux ou trois familles. Tableau 1 Nombre de maires par famille (1240–1425) Famille

Représentants

Nb. de représentants

Nb. de mandat

Ravenier

Thomas, Quentin et Quentin

3

7

Prière

Wermond, Philippe et Jean

3

6

du Cavech

Bernard et Renaud

2

6

Plate-Corne

Simon, Mathieu et Simon

3

5

Le Convers

André et Jean

2

5

De Villers

Roger, Jean et François

3

3

Porcelet

Robert et Jean

2

3

De Corbeny

Thomas et Thomas

2

2

Le Cat

Thomas

1

2

Hanequin

Thomas

1

2

de Ribemont

Jean

1

2

De Regny

Pierre

1

1

Gibecourt

Gautier

1

1

Pateler

Robert

1

1

Louvet

Gérard

1

1

Total

27

47

Le tableau 1 permet également de distinguer trois groupes de familles ayant atteint le plus haut office de la ville. Le premier comprend celles qui ont réussi à cumuler plus de cinq mandats : les Ravenier, Prière, Plate-Corne, du Cavech et le Convers. Un deuxième compte deux ou trois individus pour autant de mandats. Ce sont les De Villers, Porcelet et de Corbeny. Le dernier groupe montre des individus isolés, attestés une ou deux fois comme maire : Thomas Le Cat, Thomas Hanequin, Jean de Ribemont , Pierre De Regny, 274 Quentin de la Fons, Histoire particulière de la ville de Saint-Quentin, éd. C. Gomqrt, 2e partie, Saint-Quentin, 1856,

p. 242.

275 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier B (Lemaire, n° 41), 26 mars 1244, n.st. 276 A. Giry, Document sur les relations de la royauté avec les villes de Frances, op.cit., p. 92. 277 Il fut maire en 1292–1293, 1302–1303 et 1313–1315.

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Gautier De Gibecourt, Robert Pateler et Gérard Louvet. Il faut noter l’exception des Le Cat, qui ne sont attestés que par un seul personnage. Ils sont à placer dans le groupe des familles qui comptent plus de cinq mandats de maire. L’ascension des Le Cat, une famille de clercs et de juristes ayant étudié à Paris grâce aux bourses de la commune278, maires à partir du début du xve siècle, est plus tardive. Elle ne prédomina qu’à partir de 1425 environ, jusqu’en 1470279. Les Le Cat furent la famille la plus puissante dans la première moitié du xve siècle. On peut émettre l’hypothèse, invérifiable, que les Le Cat furent de la même famille que les Nez-de-Cat280, Robert (maire en 1212) et Michel (jurés en 1229) que l’on retrouve au début du xiiie siècle281. La famille Nez-de-Cat disparaît vers 1250–1260, à l’époque où des Le Cat commencent à apparaître dans les sources282. Le discrédit lié a un crime a peut-être éloigné pendant un certain temps la famille Porcelet, dont Robert fut maire en 1262, du gouvernement municipal pendant un certain temps. En 1296, un des fils de la famille Porcelet avait occis, avec quatre complices, Simon De Maissemy, professeur à l’Université de Paris283. Ce jeune Porcelet avait réussi à s’enfuir, même si, étant tous clercs, l’évêque de Noyon les avait emprisonnés. Pour leur défense, ils invoquèrent le fait que le meurtre avait été commis à l’intérieur de la juridiction du chapitre, que les meurtriers s’étaient réfugiés dans le couvent des cordeliers, dont ils n’avaient pu faire garder toutes les issues. Le maire et les jurés furent quand même condamnés à 1 000 £ tournois d’amende pour négligence284. Le bailli de Vermandois, que le roi avait chargé de régler l’affaire, avait reçu l’ordre de faire porter le crime sur l’ensemble de la famille Porcelet285. L’amende à laquelle toute la communauté de la ville avait initialement été condamnée fut transférée à la charge de la famille Porcelet. La ville paya tout de même 100 £ pour courtoisie286. Pour lever l’infamie qui s’était abattue sur tous les Porcelet, l’amende servit à fonder quatre chapelles dont les chapelains devaient prier pour l’âme de Simon De Maissemy287. Il fallut attendre les années 1330 pour retrouver de nouveau Jean Porcelet à la tête de la ville. Bien qu’elles reviennent moins souvent, les autres familles étaient également importantes. Seul Gérard Louvet peut faire exception. Non seulement celui-ci n’a eu aucun autre membre de sa famille ayant occupé un office de la ville, mais lui-même n’est pas mentionné comme juré, n’étant en tout et pour tout attesté qu’une seule fois comme maire, en 1399–1400288. Il faut dire que les Louvet étaient une famille plus proche du 278 Saint-Quentin, AM, liasse 93, dossier C, 8 décembre 1400. 279 Voir S. Hamel, Un conflit entre les autorités, op.cit. Jean le Cat fut maire de 1455 à 1469. Voir Saint-Quentin, AM,

liasse 30, dossier A, n° 68 (Lemaire, n° 950), 17 mai 1455  ; W. Paravicini, Invitations au mariage, op.cit., n° 104, 18 décembre 1469 et Saint-Quentin, AM, liasse 151, dossier L (Lemaire, n° 980), 18 décembre 1469. 280 Voir M.-T. Morlet, Étude d’anthroponymie picarde, Amiens, 1967, p. 214, et Dictionnaire des noms de familles, Paris, 1997, p. 206. 281 Saint-Quentin, AM, liasse 186, dossier D (Lemaire, n° 20), 16 mai 1229 ; Quentin de la Fons, Histoire particulière de la ville de Saint-Quentin, op.cit., 2e partie, p. 242. 282 Gérard Nez-de-Cat est le dernier membre connu de cette importante famille. Il est mentionné dans un chirographe de juin 1257  : Saint-Quentin, AM, liasse 24. Jean le Cat est le premier connu dans un chirographe de mars 1255 n.st.  : ­Saint-Quentin, AM, liasse 24 (Lemaire, n° 64). 283 Coliette, t. 2, p. 716–717  ; Sur cette affaire, voir A. Destemberg, «  Morts violentes et lieux de mémoire. Les réparations faites à l’université de Paris à la fin du Moyen Age », Traverse, 2008/2, p. 37–48. 284 Saint-Quentin, AM, liasse 93, dossier A, n° 37, 1er juin 1296. 285 CUP, n° 597. 286 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A (Lemaire, n° 157bis), 23 août 1296. 287 CUP, n° 609, octobre 1298. 288 Saint-Quentin, AM, liasse 138, n° 16 (Lemaire, n° 801), 24 juin 1399.

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Les officiers de la justice municipale | chapitre ii

c­ hapitre que des institutions urbaines. On peut expliquer son accession à la fonction de maire de deux façons  : soit on l’attribue à sa fortune  – il était un des plus importants grossistes en vin de la ville – soit elle provient d’une alliance matrimoniale avec Me Nicoles Morin, dont il fut peut-être le gendre, ou au moins le parent289. Les attributions particulières du maire étaient militaires et judiciaires. Le maire ne s’occupait que très peu des questions administratives et financières de la ville, dont la charge revenait aux jurés et aux autres officiers communaux. Il semble s’être contenté de participer aux décisions et de superviser l’action conjuguée des jurés. Ses fonctions administratives étaient représentatives. Au départ, le maire était le seul représentant de la commune auprès du seigneur de la ville. Il conserva ce rôle de premier représentant de la commune, puis de la communauté, tout au long du Moyen Âge. En ce sens, il était le principal créateur de liens entre la ville et l’extérieur. Ambassadeur de la ville, il la représentait lors des tournois290. Il voyageait également beaucoup pour défendre les intérêts de Saint-Quentin, que ce soit devant le Parlement ou ailleurs291. De même, lorsqu’un personnage d’importance séjournait dans la ville, c’est le maire qui décidait des dons de courtoisie à lui prodiguer au nom de la commune292. Il avait également la garde des principales clefs de la ville. Il n’est pas attesté qu’il ait eu la garde des clefs des portes, mais seul le maire disposait de la clé de la tour de la commune, tour dans laquelle étaient mis en sécurité les biens précieux appartenant aux bourgeois et les archives. En l’absence de trace d’effraction, cela suffit à faire accuser le maire Simon Plate-Corne d’avoir volé une somme d’environ 500 florins d’or à l’écu et de 70 florins royaux, appartenant aux enfants mineurs de feu Pierre de Pons293. Avant la mise en place d’un capitaine gouverneur au xive siècle, le maire seul avait la charge de pourvoir à la défense et à la sécurité de la ville. Le roi lui adressait personnellement les convocations à l’ost royal, qu’il avait pour charge de rendre public294. C’est lui qui ensuite conduisait les hommes réclamés par le roi295. Chef de la milice de la ville, comme on le constate sur le sceau de la commune, le maire portait l’épée et allait à cheval296. Il avait à sa suite deux sergents à verge qui l’accompagnaient et qui l’aidaient dans ses tâches297. Il portait peut-être un habit particulier afin de le distinguer des autres jurés298. Même lorsqu’il n’était plus en fonction et qu’il était très âgé299, il conservait le qualificatif de sire et sa femme celui de dame300. La symbolique équestre et les titres qui lui étaient rattachés donnent une image aristocratique de l’office de maire. Le maire était le principal responsable de l’administration de la justice. Sa ­fonction, particulièrement importante, se confirme lors de l’intégration, quoique tardive, 289 Paris, AN, X1a 1477, fol. 466–466v, 19 janvier 1395 n.st. Voir M. Boulet, Questiones Johannis Galli, Paris, 1944, p. 406, n° 332. Me Jean Morin est sans doute le fils de Me Nicoles Morin qui gérait les biens de Blanche de France dans la prévôté de Saint-Quentin. 290 Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 15 (Lemaire, n° 481), compte du 25 décembre 1329. Sur les joutes urbaines, voir É. Van Den Neste, Tournois, joutes, pas d’armes dans les villes de Flandres à la fin du Moyen Âge (1300–1486), Paris, 1996, p. 187–209. 291 Ibid. 292 Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 15 (Lemaire, n° 481), compte du 25 décembre 1329. 293 Saint-Quentin, AM, liasse 22 (Lemaire, n° 617), 6 décembre 1345. 294 Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 14 (Lemaire, n° 477), compte du 24 juin 1329. 295 C’était également le cas à Beauvais. Voir Labande, Histoire de Beauvais, op.cit., p. 114 ; etc. 296 Voir B. Bedos-Rezak, Corpus des sceaux français du Moyen Âge, t. 1. Les sceaux des villes, op.cit., n° 640. 297 Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 15, 25 décembre 1329. 298 Quentin de la Fons, Histoire particulière de la ville de Saint-Quentin, 2e partie, op.cit., p. 233. 299 Par exemple, Renaud du Cavech est appelé sire dans une enquête de 1324 : Saint-Quentin, AM, liasse 22. 300 Les femmes de Renaud du Cavech, Gérard Louvet, Thomas le Cat, Quentin Ravenier, sont appelées dame.

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des échevins à la commune. Premier officier de la commune, il pouvait d’autant mieux exercer sa fonction s’il incarnait la volonté de la Chambre du conseil de ville au complet. Le maire en était arrivé à superviser les deux corps de la justice de la ville, celui des jurés et celui des échevins. La manière la plus efficace pour lui d’assurer le relais entre la justice communale et la justice scabinale a été de lui accorder une place prépondérante au sein de ces deux juridictions. Avec des attributions judiciaires qui s’entremêlaient avec celles de la commune et des échevins, le maire a beaucoup contribué à la fusion de ces deux justices. Lorsque les deux corps furent réunis par le Parlement en 1362, c’est le maire qui reçut la présidence de la nouvelle entité ainsi créée301. Au xvie siècle, il était coutume de faire du maire sortant un échevin302. Les attributions judiciaires du maire étaient très nombreuses si on les compare à celles des autres jurés. Tout d’abord, le maire présidait le tribunal de la ville. Il décidait de la date à laquelle allait siéger la Chambre du conseil. Il était chargé de faire semondre les parties303, et, au début du xiiie siècle, il procédait seul aux enquêtes judiciaires304. Mais s’il dirigeait le tribunal, la décision revenait à l’ensemble de la Chambre, car le maire ne peut rendre nul jugement sans les jurés et le conseil305. Pendant la période de la suspension de la commune, entre 1317 et 1321, la présidence du tribunal était revenue au gardien de la ville à qui avaient été confiés les pouvoirs du maire. Le 25 janvier 1318, Jean de Doys fut appelé par le roi custodi pro nobis juridicionis et justicie majorie et communie ville nostre Sancti Quintini306. Comme à Soissons, en cas d’absence, l’importance de la fonction voulait que le maire se fasse remplacer dans ses attributions par un lieutenant307. Souvent confondu avec le garde de la maison de la Paix, le lieutenant du maire n’était pas un officier. Ceux appelés à remplacer le maire durant son absence n’étaient en fait que des jurés très expérimentés, voire un ancien maire, souvent celui en fonction l’année précédente, qui remplissait le rôle de lieutenant du maire de façon ponctuelle. Ses responsabilités multiples avaient fait du maire le seul grand officier de la commune à recevoir une pension308, qui s’élevait à 32 £ parisis par année et qu’on lui remettait en deux versements égaux de 16 £, à Noël et à la Saint-Jean309. Il recevait également de nombreuses compensations en argent pour ses frais de voyages310. Enfin, en dons de courtoisie, la ville lui remettait des pots de vin311. Saint-Quentin, AM, liasse 7, n° 16. Quentin de la Fons, Histoire particulière de la ville de Saint-Quentin, 2e partie, p. 229, n 1. Saint-Quentin, AM, liasse 22 (Lemaire, n° 237), 4 mars 1313 n.st. Saint-Quentin, AM, liasse 22 (Le Proux, n° 45 ; Lemaire, n° 35), vers 1240. Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° 88 (Lemaire, n° 542), 6 juin 1338. Livre rouge, n° 27. À Soissons, les circonstances furent similaires en 1321 : G. Bourgin, La commune de Soissons, op.cit., p. 140. Sur les gardiens de ville, voir Philippe de Beaumanoir, Coutumes de Beauvaisis, éd. op.cit., §1520. 307 Saint-Quentin, AM, liasse 21, dossier A, n° 30 (Lemaire, n° 698), 15 octobre 1365. G. Bourgin, La commune de Soissons, op.cit., p. 140. 308 Saint-Quentin, AM, liasse 2, n° 56 (Lemaire, n° 826), 25 mars 1407 n.st. C’était le cas dans la majorité des villes picardes : le maire de Beauvais recevait 40 £, remis en quatre termes égaux de 10 £ : L.-H. Labande, Histoire de Beauvais, op.cit., p. 114. Vers 1360, le maire de Noyon recevait 15 £ par an, également payables en plusieurs termes : A. Lefranc, Histoire de la ville de Noyon, op.cit., p. 64–65 ; le maire de Chauny recevait 8 £. 309 Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 22 (Lemaire, n° 532 ; P. Jourdan, p. 143–148), compte pour l’année 1335–1336 ; n° 38 (Lemaire, n° 702 ; P. Jourdan, p. 230–239), compte pour l’année 1365–1366. 310 Lorsqu’il devait voyager, on lui payait une suite et des chevaux. Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 15 (Lemaire, n° 481), compte du 29 décembre 1329. 311 S. Hamel, « La pratique du ‘pot-de-vin’ à Saint-Quentin (1250–1450) » dans Tradition et modernité, Montréal, 1999, p. 42–47. 301 302 303 304 305 306

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Les officiers de la justice municipale | chapitre ii

Le maire, premier officier de la commune tant par son antériorité que par ses ­pouvoirs, était assisté par un corps de jurés qui collaboraient avec lui pour le gouvernement de la ville. 2.

Les jurés

Le conseil de la commune était composé de jurés, ou jurati312. Ce nom de jurés faisait référence à un serment. Il peut s’agir du serment constitutif de la commune ou de celui que les individus appelés à occuper cet office devaient prêter lors de leur institution. Quoique l’on opte généralement pour la seconde interprétation, le premier serment paraît plus probable. Comme le laisse entendre l’Establissement, au départ, tous les membres de la commune étaient appelés jurés. À la fin du xiie siècle, étant donné l’essor démographique provoqué par un afflux constant de population dans la ville, de la constitution d’une ­identité bourgeoise et des réformes probables entraînées par les chartes d’Aliénor et de Philippe Auguste, l’emploi du terme juré dut se restreindre aux bourgeois participant à l’administration de la commune, ceux qui, au début du xive siècle, étaient appelés majores burgenses ou bourgeois notables313. Devenus juges de la communauté dès leur institution, les jurés était en permanence sous serment, d’où peut-être leur nom. Ces jurés sont d’origine récente. La première mention de jurés, avec le sens de représentants de la commune associés au maire, est tardive. Les jurés n’apparaissent pour la première fois qu’en 1189, ce qui correspond à l’époque où la commune reçut sa première véritable charte de la comtesse Aliénor314 . C’était peut-être, comme à Arras, une manière de laisser en exercice des échevins sortants de charge315. Les premiers jurés nommément connus sont ceux qui ont souscrit avec le maire Bernard du Cavech à une procuration du doyen Jean à l’occasion d’un procès devant Simon Pied-de-Loup, chanoine et official de Reims, à savoir les frères Gilles et Jean Cochon, Jean Auquers, Michel Nez-de-Cat, Robert Provenceaus, Mathieu Deutans et Raoul Florie316. Comme le maire, au xive siècle, les jurés exerçaient leur office pour une durée d’un an renouvelable317. À l’époque de la concession de la charte, les jurés étaient uniquement les bourgeois qui participaient au gouvernement de la ville. Ils étaient cinquante en 1292 de même qu’au début de la guerre de Cent Ans, en 1338318. À en croire les plaintes du maire et des jurés, à cause des aléas de la guerre, des lourds impôts et des diverses épidémies qui sévirent, le nombre d’hommes habilités à exercer la fonction de jurés s’était tellement restreint qu’il fut ramené de cinquante à quarante, puis à trente-six, voire moins entre 1362 et 1383319. En 1372, ils étaient quarante320. Au début du xve siècle, alors que l’intérêt pour l’office semble en déclin à cause de l’incorporation des échevins à 312 On retrouve des pairs à Beauvais et à Laon. Voir L.-H. Labande, Histoire de Beauvais, op.cit., p. 111. Il y avait des jurés

à Noyon. Voir A. Lefranc, Histoire de la ville de Noyon, op.cit., p. 64. Saint-Quentin, AM, liasse 3, n° 1, op.cit. Héméré, p. 179 ; Coliette, t. 2, p. 418. Saint-Quentin, AM, liasse 186, dossier D (Lemaire n° 20), 16 mai 1229. H. pirenne, >. Saint-Quentin, AM, liasse 7, n° 16 (Lemaire, n° 689), op.cit. Saint-Quentin, AM, liasse 7, n° 17 (Lemaire, n° 689), vers 1352. À Noyon, on en trouve au plus 30. Voir A. Lefranc, Histoire de la ville de Noyon, op.cit., p. 66. 319 Saint-Quentin, AM, liasse 7, n° 18 (Lemaire, n° 755), 20 juin 1383. 320 Paris, AN, X1a 22, fol. 410, 28 août 1372. 313 314 315 316 317 318

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Première Partie | Origine et développement de la justice dans la ville

la commune, le nombre de jurés ne semble pas être prédéterminé321. À l’époque, on devait d’abord pourvoir aux charges les plus importantes, celles de maire et d’échevins. S’il restait quelques candidats compétents, on choisissait parmi eux des jurés en nombre très variable, mais moins de vingt-deux. C’était le nombre de jurés nécessaire pour atteindre le quorum de cent et assurer la représentativité des institutions de la ville. Au xvie siècle, leur nombre fut fixé à onze322. La situation des jurés par rapport au maire et aux échevins a également varié. Avec l’agglomération du corps des échevins à celui de la commune en 1362, les jurés ont perdu en même temps que leur nombre une bonne part de leur prestige. La formule maire et jurés de Saint-Quentin, servant à les désigner dans les chartes, se transforma d’abord en maire, jurés et échevins de Saint-Quentin, puis en maire, échevins et jurés de Saint-Quentin. Les jurés apparaissaient désormais en dernier, après les échevins. De même, lorsque venait le temps de renouveler le corps de ville, le choix des jurés intervenait en dernier. Dans la majorité des villes du nord du royaume de France on ne connaît presque rien quant au choix des jurés quand ils apparaissent, à la fin du xiie siècle et au xiiie siècle323. Les détails de la procédure se précisent au xive siècle, sans pour autant être explicites. Si les renseignements sont imprécis, ils n’entrent cependant pas en contradiction avec les ­pratiques ultérieures du xvie siècle, qui, elles, sont bien connues324. Depuis que l’annualité de la fonction fut instaurée à une époque indéterminée, le processus menant au renouvellement du corps de commune avait forcément lieu chaque année et, comme dans la plupart des villes, il devait être complexe325. La seule date connue pour l’élection des jurés correspond à la présentation des comptes de la commune aux autres habitants, autour de la Saint-Jean326. À la suite des plaintes des minores burgenses à l’égard de l’administration des majores burgenses, depuis la restitution de la commune en septembre 1322, l’argentier de la ville devait présenter chaque année à hui ouvert les comptes à l’ensemble des habitants de la ville327. Au début du xive siècle, il est attesté à plusieurs reprises que les jurés, dont le mandat arrivait à terme, étaient dans l’obligation de rendre leur compte, et les argentiers d’exposer la situation financière de la ville le mardi précédant la Saint-Jean devant une assemblée composée du maire et des jurés sortants, les échevins, ainsi que par les seize maires d’enseigne et leurs quarante-huit prud’hommes328. Comme cette assemblée élargie était sollicitée chaque fois qu’une décision importante était prise au nom de tous les habitants de la ville, chaque année, ils devaient être appelés à renouveler le corps communal par la même occasion. Tous réunis, ils formaient une sorte de corps électoral représentatif composé à l’origine de deux collèges de soixante-quatre membres, chacun chargé de ­désigner les jurés pour l’année suivante au nom de tous les habitants de la ville. Ce nombre 321 Saint-Quentin, AM, liasse 3, n° 1 (Lemaire, n° 849). 322 Quentin de la Fons, Histoire particulière de la ville de Saint-Quentin, 1ere partie, éd. C. Gomart, Saint-Quentin,

1856, p. 229–232, n. 1. A. Lefranc, Histoire de la ville de Noyon et de ses institutions, op.cit., p. 68–69. Quentin de la Fons, Histoire particulière de la ville de Saint-Quentin, 2e partie, p. 229–232, n 1. A. Giry, Histoire de la ville de Saint-Omer et de ses institutions jusqu’au xive siècle, op.cit., p. 157. Saint-Quentin, AM, liasse 3, n° 12 (Lemaire, n° 858), 29 juin 1414. Saint-Quentin, AM, liasse 2, n° 6 (Lemaire, n° 695), 27 mars 1365 n.st. Ibid. Voir pour le xve siècle, Saint-Quentin, AM, liasse 2, n° 55 (Lemaire, n° 817), 8 octobre 1405. La même ­assemblée approuvait également l’assiette de la taille et les règlements municipaux. Voir S. Hamel, « Le processus de création des règlements commerciaux à Saint-Quentin », op.cit.

323 324 325 326 327 328

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Les officiers de la justice municipale | chapitre ii

de soixante-quatre n’est pas fortuit. En Picardie, il fallait également ­soixante-quatre ­personnes pour approuver une coutume329. Le nombre de membres présents lors de cette assemblée ne devait certainement pas être inférieur à cent, chiffre qui est invoqué pour l’assemblée des habitants à Saint-Quentin330. Il s’agit d’un minimum absolu, qui correspond, à peu de choses près, à la réalité observée, et qui fait peut-être écho aux cent personnes qui devaient porter chaque année, à la même date, le serment de protection dû au chapitre depuis l’émeute de 1213331. tableau 2 Composition des deux corps électoraux chargés du renouvellement des jurés à la fin du Moyen Âge

Majores ­burgenses

Minores ­burgenses

Membres

Nombre

Total

Maire

1

50 à 64 membres entre 1292 et la fin du xive siècle

Jurés

en nombre variable : entre 50 et 36 ; 11 au xvie siècle

Échevins

13, dont le maire sortant

Maires ­d’enseigne

16

Sergents ou prud’hommes d’enseigne

48 Total :

64 membres

Minimum : 114 Maximum : 128

Le premier corps électoral était composé de l’ensemble des jurés de l’année p­ récédente et des échevins, qui, avec le maire, étaient les représentants des majores ­burgenses. Le second, composé des maires et prud’hommes d’enseignes, était le ­représentant des minores burgenses. Cette pratique est attestée au xvie siècle, et on y faisait référence comme étant une ancienne coutume332. Il s’agissait d’une majorité représentative de l’ensemble des habitants. Elle ne représentait pas un quorum, mais l’expression d’une certaine majorité333. La règle mathématique suivie quant à cette organisation des élections municipales fut déterminée par la subdivision de la ville en seize enseignes. Avec quatre représentants par enseigne (un maire et trois prud’hommes), soit soixante-quatre membres, il fallait autant de représentants pour former l’autre collège. Comme le nombre d’échevins était déjà fixé d’ancienneté à treize, et qu’il y avait un maire, on décida de désigner cinquante jurés pour atteindre les soixante-quatre membres nécessaires à l’équilibre A.I. Marnier, Ancien coutumier de Picardie, op.cit., p. 4–5. Saint-Quentin, AM, liasse 2, n° 55. Recueil des actes de Philippes Auguste, n° 1294, avril 1213. Quentin de la Fons, Histoire particulière de la ville de Saint-Quentin, 2e partie, p. 229–232. A. Rigaudière, « Voter dans les villes de France au Moyen Âge (xiiie–xve siècle) », CRAI, Fasc. 4 nov.-déc. 2000, p. 1439–1471.

329 330 331 332 333

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Première Partie | Origine et développement de la justice dans la ville

Tableau 3 Répartition des mentions de jurés par siècle Siècle

Nombre de mandats répertoriés

xiiie siècle

83

xiv siècle

670

e

xve siècle (jusqu’en 1422) Total

18 771

de représentation entre grands et petits bourgeois. Les documents sont presque muets quant à la manière de procéder à la nomination des jurés. On sait seulement qu’au début du xve siècle, ils étaient choisis après les échevins, parmi les autres plus notables bourgois et habitants de la dicte ville, chaque année le mercredi avant la Saint-Jean334. Au début du xve siècle, les candidats désignés ne pouvaient, sauf en cas de vieillesse335, refuser leur nomination. À cette époque, pourvoir aux offices de la ville ne se faisait qu’à tres grant paine336. On suivait peut-être la technique employée au xvie siècle : Les seize maires d’enseignes et leurs quarante-huit prud’hommes choisissaient d’abord deux jurés  ; ensuite, les échevins nommaient deux autres jurés. Ces quatre jurés désignés nommaient à leur tour quatre jurés. Puis, les échevins et les jurés ainsi nommés choisissaient le reste des jurés337. À Amiens, la technique était similaire : vers 1300–1325, les mayeurs de bannières élisaient douze échevins, et les douze nouveaux échevins en choisissaient douze autres et ainsi de suite338. Pour entrer en fonction, tous les nouveaux jurés devaient prêter les trois mêmes serments que le maire : le premier envers le roi, le second envers la commune et le dernier envers le chapitre collégial de la ville339. Mais depuis que Louis ix avait reconnut les prétentions de la commune en 1244, ce serment ne devait être prêté que par les jurés, le maire et les échevins qui ne l’avaient jamais prononcé auparavant340. Les jurés étaient recrutés parmi les majores burgenses de la ville. Cette condition était obligatoire et, semble-t-il, caractéristique de l’office341. Bien que l’on en connaisse quelques-uns auparavant, l’identité des jurés ne commence à être réellement connue qu’à l’époque de Philippe le Bel. Il n’existe que deux listes complètes de jurés : l’une de 1292342, l’autre de 1338343. Entre les deux et par la suite subsistent plusieurs listes partielles, dont celles des procès-verbaux des cambres et des plaids de la ville344. 334 Saint-Quentin, AM, liasse 3, n° 1 (Lemaire, n° 849). Au xvie siècle, les maires d’enseigne et les prud’hommes ­désignaient deux jurés, qui à leur tour en désignaient deux autres et ainsi de suite. 335 Saint-Quentin, AM, liasse 3, n° 12 (Lemaire, n° 858). 336 Ibid et Saint-Quentin, AM, liasse 3, n° 13 (Lemaire, n° 860). 337 Quentin de la Fons, Histoire particulière de la ville de Saint-Quentin, 2e partie, p. 229, n. 1. 338 A.I. Marnier, Ancien coutumier de Picardie, op.cit., p. 140–141. 339 Saint-Quentin, AM, liasse 7, dossier A, n° 16, et liasse 3, n° 1. 340 Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° 4 (Lemaire, n° 41), 26 mars 1244 n.st. 341 Livre rouge, n° 37 ; Saint-Quentin, AM, liasse 3, n° 1. 342 Saint-Quentin, AM, liasse 93, dossier A, n° 25 (Lemaire, n° 134), 20 mai 1292. 343 Saint-Quentin, AM, liasse 185, dossier A (Lemaire, n° 547), 10 octobre 1338. 344 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 35 (Lemaire, n° 514), 1332–1333 ; Saint-Quentin, AM, liasse 50, dossier E (Lemaire, n° 544), 5 août 1338 ; Saint-Quentin, AM, liasse 22 (Lemaire, n° 594), mai 1342.

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Les officiers de la justice municipale | chapitre ii

tableau 4 La présence des familles de jurés au sein du gouvernement de la ville Nombre d’années au sein du gouvernement de la ville Moins de 10 ans

Nombre de familles de jurés 112

Entre 10 et 50 ans

38

Entre 50 et 90 ans

20

Plus de 90 ans Total

9 179

Le tableau 3 montre l’inégalité de la répartition de la mention des jurés dans les sources. On arrive à répertorier 771 mandats de jurés, soit 284 jurés au total pour 179 familles bourgeoises. On ne connaît que 6,7 % des mandats théoriques entre 1292 et 1422345. Si on s’en tient à ces résultats, malgré leur nombre élevé avant le milieu du xive siècle, un très faible pourcentage des habitants de la ville arrivait à devenir juré. Les 179 familles de jurés sont inégalement représentées au sein de l’administration communale. Cette mainmise de quelques familles sur l’office, difficile à percevoir quand il y avait cinquante jurés désignés chaque année, est plus marquante lorsque leur nombre s’amenuise dans la seconde moitié du xive siècle. Malgré tout, la liste des jurés indique qu’il y avait une base solide, issue de quelques grandes familles bourgeoises (une ­trentaine sur 200 ans) qui se maintirent plus de 50 ans comme jurés, à laquelle s’ajoutaient des ­individus plus ou moins isolés. Certes, plusieurs personnages sont attestés à quelques reprises comme jurés, en moyenne, 2,7 fois. Mais l’écart est très important : une simple mention pour la ­majorité des jurés  ; plus d’une dizaine de mentions pour quelques ­individus particulièrement actifs. Le juré le plus mentionné, Guillaume d’Aisonville, apparaît vingt-deux fois dans les sources entre 1317 et 1340. Tous les jurés ne participent pas avec la même régularité au ­gouvernement de la ville et à l’exercice de sa justice. Les activités des jurés sont plus difficiles à déterminer que celles du maire ou des échevins, parce qu’elles ont beaucoup changé au cours des siècles. Comme le maire, les jurés étaient les représentants de la commune, particulièrement des majores burgenses. Ils avaient la garde des biens et du corps des habitants de la ville346. Toutes leurs actions et leurs responsabilités découlent de cette prérogative. D’abord administrateurs des choses communes, ils étaient devenus des juges par la force des choses. En tant que juges civils, leur tâche consistait à instruire les procès de la commune, à assister périodiquement aux séances de la chambre du conseil de ville et à entendre les plaids, délibérer et rendre les jugements. Ils étaient également au conseil des échevins pour la justice criminelle347. En tant ­qu’administrateurs, ils avaient la charge de gérer le budget de la ville. Enfin, les jurés devaient veiller à ce que les autres pouvoirs (royaux, ecclésiastiques et seigneuriaux) ­n’empiètent pas sur le leur ou n’amoindrissent pas les franchises des habitants. 345 1292–1362 = 70 ans x 50 jurés = 3500 + 1362–1382 : 20 ans x 36 jurés = 720 + 1383 – 1422 : 39 ans x 22 jurés =

858 = 5078 ÷ 756 = 6,71 % des mandats théoriques de jurés connus.

346 Charte de Philippe Auguste, §1. 347 Saint-Quentin, AM, liasse 7, n° 16, op.cit.

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Après le maire, le juré le plus important au sein de l’administration de la ville était celui qui occupait l’office d’argentier. Les attributions de l’argentier étaient essentiellement financières. Mais, comme il gérait le budget de la ville, toutes dépenses ou revenus provenant de la justice finissaient par passer entre ses mains. Cette charge était souvent confiée à un ou deux jurés en fonction pour la durée de l’année administrative. Il s’agissait de personnages plus riches que la moyenne, pouvant garantir sur leurs propres deniers une partie, sinon la totalité des dépenses de la commune encourues pour une année. D’où l’intérêt, voire la nécessité, d’y nommer deux titulaires. L’office fut occupé par un futur maire, au moins à trois reprises348. Second office en importance, les argentiers percevaient le second salaire de la ville, 20 £ parisis par an349. En plus de la richesse comme critère de base pour l’attribution de l’office d’argentier, le conseil de ville recherchait des compétences spécifiques dans la manipulation de l’argent. Bien qu’il s’y refusât, Colard Lanchart, garde de la Monnaie du roi à Saint-Quentin, fut choisi en 1400–1401 pour être argentier de la ville, sans aucun doute à cause de ses compétences financières350. Ceux qui étaient désignés à l’argenterie dressaient les comptes et effectuaient le paiement des dépenses de la ville. Ils recevaient des quittances pour le paiement d’une rente, d’une ferme, d’un salaire, d’une redevance ou d’une pension351. Ils étaient également chargés de centraliser les recettes de la commune. Selon une coutume immémoriale, ils exposaient a hui ouvert les recettes et les dépenses de l’année écoulée à la Saint-Jean352. Malgré la suspension de la commune entre 1317 et 1322, l’office a continué à fonctionner. Mais, il fut toutefois confié à un personnage qui n’avait jamais participé à l’administration de la commune. Ernoul de Maubeuge fut rapidement remplacé par Guillaume d’Aisonville, vraisemblablement mieux formé pour occuper cet office. Mais, à son rétablissement, la commune eut à mettre de l’ordre dans ses finances : les comptes des années 1323–1330, montrent de nombreux retards dans les paiements et l’accumulation des dettes353. Pour assurer le gouvernement de leur ville, les jurés se réservent un nombre ­important de fonctions essentiellement administratives et judiciaires. Il s’agit d’une survivance de la commune justice de l’Establissement, époque où la commune ne disposait d’aucun auxiliaire de justice et où chacun des membres de la commune était responsable du maintien de la paix. Au xive siècle, quand des jurés étaient chargés d’une tâche, ils étaient alors dits commis de par la Cambre ou commis de par le maire et les jurés. À cette époque, ils étaient nombreux chaque année à se répartir plus ou moins équitablement ces commissions. Leur nombre est cependant loin d’être stable, variant d’une dizaine à une vingtaine de commis selon les besoins de la ville : si une année on pouvait avoir besoin de quatre commis pour telle ou telle tâche, l’année suivante, deux pouvaient être amplement suffisants. Avec la perte d’influence des jurés et la diminution importante de leur nombre, certaines tâches, 348 André le Convers, Simon Plate-Corne le jeune, Philippe Prière. 349 Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 15 (Lemaire, n° 481) compte du 25 décembre 1329  ; n° 22 (Lemaire, n° 532),

compte du 24 juin 1336. Paris, AN, X1a 4786, jeudi 23 novembre 1402. La plupart des quittances reçues par la ville se trouvent dans la liasse 93 des archives municipales de Saint-Quentin. Saint-Quentin, AM, liasse 2, n° 6 (Lemaire, n° 695), 8 avril 1365. Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 4–16.

350 351 352 353

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principalement celles liées à la collecte des aides et autres impôts, au lieu d’être confiées en commission furent dorénavant mises à ferme. Néanmoins, dans la première moitié du xive siècle on retrouve les jurés commis aux activités suivantes : • • • • • • •

• •

Un commis as fourfait, également appelé commis aux amendes ou receveur des amendes, était chargé de percevoir les amendes prononcées par la justice de la ­commune. Il dressait les comptes des forfaits. D’un à quatre commis as issues, étaient chargés de percevoir les droits d’issue de bourgeoisie. Ces montants étaient perçus lorsqu’un bourgeois mourait ou quittait la ville. Deux commis as mainburnie, ou mainbourg, percevaient les droits de mainbourgs, c’est-à-dire le droit que levait la commune pour la mise hors de mainburnie, ou l’émancipation des mineurs. Un à quatre jurés étaient commis as maletolte ou à l’aide de 2 d. sur le vin. Ils percevaient l’aide auprès des marchands de vin en gros et des détaillants, puis en dressaient le compte. À partir de 1365, ces commis furent parfois remplacés par des fermiers354. Deux commis as ouvrages étaient chargés de dresser les comptes d’ouvrages et de surveiller les travaux. Leur principale tâche était la surveillance et le paiement des travaux de fortification de la ville. Ainsi, Jean de Grugies, maître charpentier, fut commis aux ouvrages355. Un commis as povres administrait les biens des pauvres de la ville. Il effectuait des achats d’immeubles au nom de la commune à leur profit356. Un nombre variable de jurés était commis aux enquêtes civiles et criminelles. Les données sont éparses, mais il semble que les enquêtes étaient confiés aux mêmes jurés pendant l’année357. Ils étaient au moins deux, mais parfois on retrouve jusqu’à quatre jurés commis à une enquête. Contrairement aux échevins, qui ne ­participaient qu’aux seuls apprises, les jurés enquêtaient autant sur la matière civile que ­criminelle358. Comme pour les enquêtes, un nombre variable de jurés était commis pour dresser les inventaires après décès. Les mêmes remarques semblent devoir s’appliquer : pour une année, quelques jurés étaient chargés de dresser l’ensemble des inventaires. Plusieurs jurés étaient désignés pour superviser la défense de la ville durant les périodes de danger imminent. Ils étaient simplement des commis à la défense359.

Comme il est de coutume dans les villes du Nord, les jurés ne devaient ­recevoir aucune rétribution pour les services qu’ils rendaient à la ville360. Ils le faisait en ­principe ­gratuitement. Il est vrai que, pour la plupart, leur activité ne se limitait qu’à une ­participation épisodique au conseil de la Chambre et aux plaids. L’absence de rétribution était en fait théorique. Être juré se faisait peut-être à titre gratuit, mais les services qu’ils 354 Saint-Quentin, AM, liasse 2, n° 11 (Lemaire, n° 699) novembre 1365 ; Saint-Quentin, AM, liasse 2, n° 54 (Lemaire,

n° 816), 16 septembre 1405.

355 Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 22 (Lemaire, n° 532 ; C. Jourdan, Édition des comptes, p. 143–148), compte pour

l’année 1335–1336.

356 Paris, BN, ms. fr. 3551, n° 1–11. 357 S. Hamel, « Informer le juge : l’enquête à Saint-Quentin aux derniers siècle du Moyen Âge », dans Informer : insti-

tutions et communication (xiiie–xve siècle), Paris, 2005, p. 339–360.

358 Leur participation aux enquêtes criminelles est due au fait qu’ils devaient veiller à la protection des habitants de la ville

accusés d’un crime.

359 Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 45 (Lemaire, n° 739), 1377–1378. 360 Saint-Quentin, AM, liasse 2, n° 56 (Lemaire, n° 826), 25 mars 1407 n.st.

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effectuaient pour la ville étaient quant à eux rétribués. Les commissions qu’ils exécutaient pour le compte de la ville consistaient en un moyen à peine masqué de rémunérer les plus actifs. Les autres commis recevaient quant à eux entre 6 £ et 8 £ par année361. La situation évolua également au xive siècle. La ville alléguant le peu d’attrait de la fonction et le fait que les jurés devaient abandonner provisoirement leurs activités privées pour la servir, le roi donna la permission à ceux qui menaient les enquêtes avec les échevins, de percevoir 4 s. par jour passé à recueillir des témoignages362. Si les jurés étaient à la fois des représentants, des juges et des administrateurs, les échevins, qui constituaient l’autre corps de la justice municipale, se trouvèrent dans une situation ambivalente qu’il convient maintenant d’expliquer. 3.

Les échevins de la Vicomté-le-Roi : officiers de la ville ou du seigneur de la ville ?

La situation des échevins à Saint-Quentin fait partie de l’exception picarde. ­ énéralement, le développement des échevinages fut le corollaire de celui des villes. G Dans la plupart des cas, les échevins ont fini par devenir la juridiction synonyme de celle des villes. La situation fut autre en Picardie et à Saint-Quentin. La judiciarisation de la commune entraina la juxtaposition progressive des échevins aux jurés sans pour autant signifier leur intégration. L’échevinage demeura un corps indépendant de la commune jusqu’en 1362. Avant cette date, les échevins ne représentaient pas la justice de la commune, mais celle du seigneur de la ville363. Malgré diverses tentatives des officiers royaux, la charte est très claire et, dans ce cas, interprétée à la lettre : on ne doit pas distinguer la justice des échevins de celle du seigneur de la ville, c’est-à-dire celle du comte puis du roi. Juges dès leur apparition, les échevins exerçaient une justice locale qui siégeait dans la ville même. L’un des privilèges des bourgeois consistait à ne pouvoir être jugés pour leurs crimes que par les échevins364. On peut les considérer comme les premiers à exercer une justice par et pour les bourgeois. Doit-on voir dans ces échevins du comte une survivance carolingienne comme on l’a souvent dit365 ? C’est-à-dire les extraire du système de justice du xiie siècle pour les rattacher à un système plus ancien  – la justice carolingienne du ixe siècle – d’où ils sont censés provenir ? Pour cela, il faudrait présupposer l’existence d’une structure judiciaire ancienne comptant des scabini, ce qu’aucune source locale ne permet d’établir. Il faudrait donc faire fi de la chronologie des faits observés, car il n’y a aucune mention d’échevin avant les années 1120 à Saint-Quentin et, de façon générale, en Picardie366!

Ibid. Ibid. Saint-Quentin, AM, Saint-Quentin, AM, liasse 2, n° 56. Charte de Philippe Auguste, §2. A. Giry, Histoire de la ville de Saint-Omer et de ses institutions jusqu’au xive siècle, op.cit., p. 177 ; J. Duesberg, Les juridictions scabinales en Flandre et en Lotharingie au Moyen Âge, Louvain, 1932 ; B. Althoffer, Les scabins, op.cit. ; R. Byl, Les juridictions scabinales, op.cit. ; R.-H. Bautier, « Du scabinat carolingien à l’échevinage communal. Le problème de l’origine des échevins médiévaux », dans Les chartes et le mouvement communal, Saint-Quentin, 1982, p. 59–82 ; B. Chevalier, Les bonnes villes de France au xive et xve siècle, Paris, 1982, p. 198–202 ; F. Bougard, La justice dans le royaume d’Italie de la fin du viiie siècle au début du xie siècle, Rome, 1995, p. 140. 366 C. Héméré, Augusta Viromanduorum, op.cit., preuves, p. 40, 1120. Voir R. Jacob, « Sur la formation des justices villageoises au xiie siècle dans la France du Nord », dans Les structures du pouvoir dans les communautés rurales en Belgique et dans les Pays limitrophes, 12e–19e siècle, Bruxelles, 1988, p. 97–125. 361 362 363 364 365

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Déterminer le nombre d’échevins est beaucoup plus aisé que pour les jurés. Il y avait treize échevins à Saint-Quentin367. Probablement douze à leur création, le maior de l’époque féodale, celui qui présidait le tribunal des échevins, était vraisemblablement devenu le treizième échevin par son assimilation progressive au maire de la commune. La manière dont ils étaient choisis est bien connue et depuis plus longtemps que les jurés. Comme on l’a vu, les échevins étaient recrutés par le vicomte, exclusivement parmi les homines de placito burgi, c’est-à-dire parmi les hommes libres qui habitent le burgus368. Mais, peu de temps après l’entrée de la ville dans le domaine royal, dès février 1215, le recrutement de l’échevinage échappa au seigneur et passa sous le contrôle du maire et des jurés qui, par la même occasion, obtinrent la possibilité de révoquer tout échevin reconnu insuffisant dans l’exercice de sa charge369. Pendant la suspension de la commune, les échevins étaient nommés par le bailli de Vermandois370. Il faut attendre l’arrêt de 1362 pour qu’ils fassent véritablement partie de la commune. À cette date, le Parlement confirma le mode d’élection des échevins en usage, mais exigea que les nouveaux prêtent serment devant le bailli ou son lieutenant, et, en l’absence de ceux-ci, devant le prévôt ou son lieutenant371. Les échevins prêtaient également le serment de protection du chapitre, imposé en 1213372, et un autre d’origine féodale, qu’ils prêtaient au titulaire d’un fief royal démembré de la vicomté373. On peut supposer que la manière d’élire les échevins finit par faire partie du processus des élections municipales. Au début du xve siècle, les échevins étaient choisis chaque année parmi les bourgeois du serment de la ville par le maire et les jurés, en même temps qu’eux, mais seulement à chaque fois que cela était nécessaire, c’est-à-dire quand un échevin mourait ou décidait de quitter la ville374. La seule excuse acceptée pour refuser de devenir échevin était une vieillesse excessive. Un échevin, Colard Le Roi, avait refusé d’accepter le mandat échevinal, à cause de son grand âge. Le maire et les jurés profitèrent de la présence du roi à Saint-Quentin pour solliciter l’autorisation d’élire un autre échevin pour le remplacer375. Le cumul des fonctions de jurés et d’échevins fut sans cesse interdit par le roi. Sans succès  : le nombre de jurés attestés simultanément comme échevins est élevé. Par contre, il semble que l’usage du xvie siècle de faire du maire sortant un échevin était déjà en vigueur au début du xve siècle. Au xive siècle, les données prosopographiques recueillies permettent de constater que six maires sont attestés comme échevins dans les années suivant leur mandat. Le renouvellement de l’échevinage donnait lieu à un ou plusieurs pasts, c’est-à-dire des banquets rituels. La fin de l’année administrative était en effet l’occasion pour les éche367 On connaît le nombre d’échevins au xive siècle par une notice d’un compte d’ouvrage de 1332, où la ville paie pour la fabrication d’un coffre et de treize clefs pour les échevins, Saint-Quentin, AM, liasse 116, n° 6 (Lemaire, n° 501), 5 avril 1332, et par le jugement du Parlement de 1362 (Lemaire, n° 689), qui fixe leur nombre à treize. Au xve, un mandement de Charle vi confirme que leur nombre n’avait pas changé. Saint-Quentin : AM, liasse 3, n° 1, (Lemaire, n° 849), 7 janvier 1413 n.st. Jean Boutillier, Somme rural, éd. op.cit., p. 483–484, tit. 83, en met un de trop et parle des plus sages coustumiers de Vermandois que on peut assembler à Saint-Quentin jusques au nombre de xiiii. 368 Saint-Quentin, AM, liasse 13, n° 1, février 1215, n.st. ; R. Saleilles, « Du rôle des scabins et des notables dans les tribunaux carolingiens », op.cit., p. 286–304 ; E. Beaudouin, « La participation des hommes libres au jugement dans le droit franc », RHDFÉ, 11 (1888), p. 450–523, 556–651. 369 Saint-Quentin, AM, liasse 13, n° 1 (Lemaire, n° 11), février 1215 n.st. 370 Saint-Quentin, AM, liasse 25, 29 janvier 1318 n.st. 371 Saint-Quentin, AM, liasse 7, n° 16, op.cit. 372 Recueil des actes de Philippes Auguste, n° 1294. 373 Paris, AN, P 135, n° 199, 29 mai 1367. 374 Saint-Quentin, AM, liasse 3, n° 1 (Lemaire, n° 849), 7 février 1413. 375 Saint-Quentin, AM, liasse 3, n° 12 (Lemaire, n° 858), 29 juin 1414.

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vins de renforcer les liens qui les unissaient lors de repas pris en commun. Ces pasts féodaux offerts aux échevins laissent à penser qu’ils formaient une sorte d’association confraternelle, une sorte de guilde judiciaire, au sein de la ville376. Dès la fin du mois de mai, peu avant le renouvellement du corps de ville, le calendrier était rempli de ces repas pris en commun, offerts par le titulaire de certains fiefs et par la commune. En vertu d’un usage immémorial, le vicomte de Saint-Quentin leur devait un past annuel, tandis que la commune offrait le vin377. Avec le démembrement de la vicomté, au xive siècle, ces pasts prirent le nom du titulaire des fiefs partissant du vicomte, qui ont conservé cette obligation378. À la suite de l’union des deux corps de justice de la ville, le maire et les jurés ont été invités à y participer. Vers 1393–1394, il y eut deux pasts : un offert par le vicomte Raoul Miot, le 28 mai, puis, le 10 juin, celui de Gontier de Caillouel379. Le 11 juin 1398 fut tenu le past François de Croisilles380. Annuellement, la commune offrait un past aux échevins le jour des Rois, le 6 janvier. À cette occasion, des présents étaient offerts au roi des échevins. Ce past s’appelait le dîner du roi381. La durée du mandat des échevins fut probablement plus long que l’année à laquelle étaient astreints le maire et les jurés. Les sources, contradictoires, indiquent peut-être plusieurs changements. Au xvie siècle, les échevins étaient nommés pour six ans. Au xve siècle, ils étaient probablement nommés à vie ou pour aussi longtemps qu’ils habitaient la ville382. Au début du xve siècle, Mathieu Plate-Corne, qui avait été maire de la ville, fut échevin pendant environ quatorze ans383. Mais rien n’empêche une reconduction quasi-systématique chaque année des échevins de l’année précédente. Quelques documents vont dans ce sens384. Il n’y a qu’une seule mention d’échevins avant 1218 : Hugo et Royaldus, souscripteurs d’un diplôme du comte Raoul Ier en 1120385. Ensuite, la plupart ne sont attestés qu’à une seule reprise au détour d’un chirographe, d’une enquête ou d’un procès en Parlement. La fonction d’échevin apparaît plus spécialisé, ou plus stable dans son recrutement, que celle de juré. Leur nombre peu élevé par rapport aux jurés et la continuité quasi avérée de la fonction expliquent également que l’on ne connaisse que 52 échevins jusqu’au début du xive siècle. Le nombre de familles échevinales est également plus restreint. Il n’y a que 44 familles scabinales, contre 179 familles de jurés. Parmi elles, on retrouve sans surprise la plupart des familles de la ville ayant accédé à la mairie : les Carbonné, du Cavech, Le Moine, Plate-Corne, Porcelet, Prière et De Villers. On note qu’une famille, les Carbonné, semble s’être maintenue au sein de l’échevinage pendant plus d’une centaine d’années, 376 O.G. Oexle, « Les groupes sociaux du Moyen Âge », op.cit., p. 760 ; Id, « Kulturwissenschaftliche Reflexionen über

soziale Gruppen in der mittelalterlichen », op.cit., p. 115–159 ; Id, « Conjuratio et Ghilde dans l’antiquité et dans le haut Moyen Âge », op.cit., p. 1–19 ; Id, « Conjuratio und Gilde im frühen Mittelalter », op.cit., p. 115–214 ; Id., « Gilden als sozial Gruppen », op.cit., p. 284–354. 377 Saint-Quentin, AM, liasse 123, n° 1 (Lemaire, n° 706), compte de présents en vin du 24 juin 1367 : le 9 juin, la ville avait offert 8 lots de vin pour le past Pierre du Castel et 8 lots également pour le past Regnaut Sohier ; Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° 13bis (Lemaire, n° 144), 12 mai 1294. Six lots de vin furent offerts au maire de Saint-Quentin à l’occasion du past de Thiéry de Moiry (7juin) ; la même quantité fut encore donnée au maire et aux jurés quand ils assistèrent, le dimanche 13 juin, au past François de Croisilles, et, le surlendemain, au past Regnaut Soier. Voir Saint-Quentin, AM, Liasse 123, n° 2, (Lemaire, n° 745), 21 juin 1379. 378 Aveu et dénombrement de Regnaut Sohier, Paris, AN, P 135, n° 212, 10 juillet 1373. On trouve dans la comptabilité municipale la mention des pasts Thierry de Moiry, François de Croisilles et Regnault Sohier. 379 Saint-Quentin, AM, liasse 123, n° 3, 4 et 5 (Lemaire, n° 800). 380 Ibid. 381 Liasse 123, n° 6–7 (Lemaire, n° 904), vers 1400–1425 382 Saint-Quentin, AM, liasse 3, n° 1 (Lemaire, n° 849), 7 février 1413 n.st. 383 Saint-Quentin, AM, liasse 13, n° 4 ; Paris, AN, X1a 53, fol. 235v–236 (Lemaire, n° 823), 21 juillet 1406. 384 Saint-Quentin, AM, liasse 3, n° 1, op.cit. 385 Héméré, p. 40 ; Coliette, t. 2, p. 166–167.

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entre 1218 et 1333. Il n’y a également jamais plus d’un représentant par famille en même temps au sein du collège échevinal. En outre, plusieurs échevins ne sont pas attestés comme jurés. Leur recrutement semble donc à la fois similaire et différent de celui des jurés. À la fin du xive siècle, on préférait choisir les échevins parmi les meilleurs juristes de la ville. Mathieu Plate-Corne, qui a été échevin pendant plus de quatorze ans, avait été substitut du procureur du roi à Saint-Quentin de 1394 à 1398. Les multiples interdictions royales d’y nommer des clercs ou de cumuler les deux offices n’ont été respectées qu’en partie386. La confusion d’attribution entre l’échevinage et la commune est très ancienne. Leurs nombreuses activités communes entraînèrent une difficile distinction entre les deux corps de ville. Dans l’Establissement, les échevins disposent de quelques ­attributions ­administratives découlant de leur pouvoir de justice. Ils devaient donner leur ­assentiment pour l’introduction d’une garnison dans la ville (§31), ils estimaient la valeur des immeubles des condamnés à l’abattis de maison, ou arsin judiciaire (§48), et ils pouvaient autoriser les bourgeois à se récuser pour le service de la commune (§49). En 1213, avec les jurés, les échevins furent contraints par Philippe Auguste de prêter le serment de ­protection du chapitre387. Bien avant le rétablissement de la commune en 1321, les échevins siégeaient avec les jurés. Après, ils continuèrent à faire de même. En 1338, on les voit garantir un ­engagement pris par les officiers de la commune388. Ils participent à la garde de la ville comme les jurés et siègent parfois avec ces derniers lors des réunions du conseil de ville389. L’échevinage était à l’origine une justice locale au service du comte, dont la ­compétence s’étendait sur l’ensemble du pagus, qui s’est transformée en juridiction urbaine suite à la contraction de la justice aux xie–xiie siècles390. Jusqu’en 1215, le tribunal de ­l’échevinage avait vraisemblablement eu comme président le châtelain royal pour les causes criminelles, et le vicomte, ou le maior féodal, pour les causes civiles. L’arrêt de 1362, qui fit du maire le président des deux tribunaux municipaux, semble avoir sanctionné un état de fait déjà ancien. En 1356, Me Nicoles Morin et Jean de la Rivière, agissant comme délégataires de Blanche de France, voulurent se faire reconnaître comme président de ce tribunal391. Tout au long du Moyen Âge, les échevins étaient les juges ordinaires des ­habitants au criminel. Ils jugeaient également certains cas civils, essentiellement ceux issus des ­contestations de saisine sur les immeubles. Dans la charte de commune, ils assistent à la fois le vicomte et le châtelain dans leurs attributions respectives. À cause de leur ­collaboration avec le vicomte, les échevins avaient développé une justice civile ­essentiellement ­gracieuse392. Ils jugent également au civil des contestations issues de ces actes. À cause de leur ­collaboration avec le châtelain, ils avaient la connaissance pour le roi sur les habitants de la ville des cas criminels contenus dans la charte de commune393. Juges royaux en arrest coutumier, les échevins étaient les spécialistes de la coutume de la ville394. Enfin, les échevins avaient le contrôle des poids, mesures et balances de la ville395. 386 387 388 389 390 391 392 393 394 395

Livre rouge, n° 30 ; Paris, X1a 15, fol. 86v, 22 décembre 1352 ; Paris, AN, X1a 53, fol. 235v–236, 21 juillet 1406. Recueil des actes de Philippe Auguste, n° 1294. Saint-Quentin, AM, liasse 185, dossier A. Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 45 (Lemaire, n° 739 ; P. Jourdan, p. 268–286), compte pour l’année 1377–1378. F.N. Estey, « The Scabini and the Local Courts », Speculum, 26 (1951), p. 119–129. Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier B (Lemaire, n° 667), novembre 1356. Charte de Philippe Auguste, §27. Charte de Philippe Auguste, §12, 13, 14. Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier B (Lemaire, n° 944), s.d., vers 1450. Saint-Quentin, AM, liasse 37, dossier C, n° 5 (Lemaire, n° 861), 10 avril 1406.

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Les échevins de Saint-Quentin conseillaient plusieurs autres échevinages et villes. À Abbeville, le jour de la Trinité 1302 (17 juin), un charpentier blessa grièvement un homme, qui mourut le lendemain. Il s’ensuivit un conflit de juridiction entre l’échevinage d’Abbeville et le chapitre de Saint-Wulfran. Les chanoines prétendaient avoir la connaissance de l’affaire, l’exécution et la saisie des biens du malfaiteur, attendu que celui-ci avait donné le coup qui avait occasionné la mort le jour de la Trinité. L’échevinage repoussait cette prétention en alléguant que la mort n’avait eu lieu que le lendemain, à un moment où la juridiction du chapitre avait cessé. Pour trancher le litige, on s’adressa aux échevinages de Corbie, d’Amiens et de Saint-Quentin, qui donnèrent gain de cause à la commune396. Jean Boutillier rapporte également que l’échevinage de Saint-Quentin fut appelé par la ville de Lille pour donner un avis, de concert avec les échevins d’Arras et de Tournai397. Au xive siècle, on consultait également les échevins de Saint-Quentin pour faussement de jugement ou un appel proprement dit398. On en appela de cette seconde façon à l’échevinage de la Vicomté-le-Roi pour faux jugement. Le 6 juin 1304, une sentence rendue par l’échevinage d’Abbeville sur la violation d’un acte d’asseurement fut contestée. Deux bourgeois de la commune d’Abbeville, Colin, fils de Robert le Potier, et Jean, dit Petit-aux-Roses, avaient passé un acte d’asseurement. Malgré cette réconciliation, que les deux parties avaient scellée en s’embrassant, Jean assaillit Colin et le blessa. Le coupable fut pour ce fait semons en justice. Mais, comme il fit défaut de comparaître, un appel fut porté par le plaignant devant les échevinages de Saint-Quentin, de Corbie et d’Amiens. Le conseil des trois villes décida que Jean Petit-aux-Roses serait exécuté, si l’on parvenait à le saisir, que ses biens seraient confisqués et remis entre les mains du seigneur, c’est-à-dire le comte de Ponthieu. Les échevins d’Abbeville acceptèrent cette décision : ils firent sonner les trois cloches du beffroi, annoncèrent publiquement l’attentat commis par le condamné et son refus de comparaître. Ils firent signifier aux habitants d’Abbeville l’ordre de l’arrêter partout où on le trouverait, sauf dans une église ou un monastère, et de le livrer afin qu’il en fût fait pleine justice399. Ce genre d’appel pouvait également servir à préciser une coutume : en 1301, l’échevinage d’Abbeville détermina le statut des femmes bourgeoises de leur ville d’après le conseil de celui de Saint-Quentin400 ; vers 1300, le maire et les jurés de Saint-Quentin en s’informèrent auprès de leurs homologues de Laon pour savoir que faire avec les personnes en rupture de ban401. Les échevins n’ont pas participé concrètement à l’administration financière de la commune avant d’y être incorporés en 1362 et ne se sont mêlés que très peu du gouvernement de la ville. Ils n’avaient qu’un pouvoir de conseil. Juridiction distincte de la commune, la différence entre les échevins, d’une part, le maire et les jurés, d’autre part, s’observe particulièrement bien lors de la suspension de la commune (1317–1322). L’échevinage continua à fonctionner quasi normalement, le roi reconnaissant leur ­caractère de juges royaux et indépendants de la commune402. Les rémunérations des échevins étaient multiples. Sans salaire fixe, ils percevaient une part importante des amendes pénales énumérées par l’aveu et le dénombrement du 396 397 398 399 400 401 402

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A. Thierry, Recueil des Monuments inédits de l’histoire du Tiers État, 1ère série, t. 4, Paris, 1870, p. 68–69. Jean Boutillier, Somme rural, éd. op.cit., p. 483–484, §83. P. Godding, « Appel et recours à chef de sens », op.cit., p. 283. A. Thierry, Recueil des Monuments inédits de l’histoire du Tiers État, 1ère série, t. 4, p. 70–71. Iibid., p. 67–68. Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 5 (Lemaire, n° 174), s.d., op.cit. Livre rouge, n° 29, 1er février 1318 n.st.

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châtelain royal403. Mais le fruit de ces amendes devait être partagé entre le châtelain, le vicomte, le justicier, puis, enfin, être réparti entre les treize échevins. Ils étaient également rétribués pour le contrôle des poids et mesures de la ville404. En 1407, le roi les autorisa, avec les jurés, à réclamer aux plaideurs une vacation de 4 s. parisis par jour pour mener une enquête405. Malgré tout, l’ensemble de ces rémunérations ne représenta qu’une infime part de leurs revenus individuels. B.

Maire, jurés et échevins, un groupe social dominant ?

Maire, échevins et jurés ont formé un groupe social cohérent composé d’un nombre restreint de familles et d’individus. Avant leur réunion en 1362, l’harmonie entre les deux corps de justice de la ville et l’absence totale de conflits de juridiction entre la commune et l’échevinage tenait à ce recrutement au sein d’un même groupe social. On voit ce groupe, que Robert Fossier propose de qualifier de haute bourgeoisie, commencer à se constituer socialement au tournant du xiiie siècle406. Les recherches récentes proposent de qualifier le groupe dirigeant des villes d’élites urbaines407, en posant comme postulat que le groupe composant l’élite d’une ville donnée se définit par rapport aux autres groupes présents. Joseph Morsel préfère utiliser le concept d’aristocratie408. Inspiré par Max Weber, ce concept permet de réintroduire la notion de domination sociale d’un groupe sur les autres409. La domination des majores burgenses s’est surtout traduite par une mainmise sur les offices municipaux et, par conséquent, sur la justice et les finances urbaines. Ils formaient un réseau de solidarité, souvent pris en flagrant délit de conflit d’intérêts quand il s’agissait de gérer les deniers communs410, confondant volontiers leurs intérêts personnels avec ceux de la ville. Mais dire que seul l’exercice du pouvoir les intéressait limites trop les objectifs qu’ils ont en commun. Il faut plutôt voir comment on pouvait faire partie de ce groupe social dominant411, quelles justifications avait son existence, quels étaient ses aspirations, son niveau de vie, son niveau intellectuel, ses valeurs morales ou religieuses, bref observer la place qu’ont occupée dans la ville les 317 individus retrouvés qui ont été maire, échevins ou jurés. Bien que cela ait son importance, il ne s’agit pas juste de savoir qui ils étaient, mais plutôt analyser comment ils ont opéré pour dominer leur ville sa justice. 1.

Bourgeois, nobles et clercs mariés

En théorie, tout habitant de la ville ayant prêté serment de bourgeoisie, qu’il soit privilégié ou non, pouvait participer au gouvernement de la ville. Dans les faits, seuls ceux combinant un certain nombre de critères communs y ont accédé. Paris, AN, P 135, nos 201, 209, 241, 285. Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 6, compte pour l’année 1328. Saint-Quentin, AM, liasse 2, n° 56 (Lemaire, n° 826), 25 mars 1407 n.st. R. Fossier, Histoire de la Picardie, op.cit., p. 166–167. Voir Les Élites urbaines au Moyen Âge, XXVIIe congrès de la SHMES (Rome, mai 1996), Paris-Rome, Paris, 1997  ; P. Monnet, « Elites dirigeantes et distinction sociale à Francfort-sur-le-Main (xive–xve siècles) », dans Francia, 27 (2000), p. 117–162. 408 J. Morsel, L’aristocratie médiévale, op.cit., p. 5–9 et p. 223–263. 409 M. Weber, La ville, op.cit., p. 85 et s. 410 Livre rouge, n° 37, 12 septembre 1318. 411 J. Morsel, L’aristocratie médiévale, op.cit. 403 404 405 406 407

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La première condition pour participer au gouvernement de la ville était d’être bourgeois, mais pas n’importe lequel. Les responsables de l’exercice de la justice de la ville, autant celle de la commune que celle liée à l’échevinage, étaient choisis parmi les ­bourgeois au sens social du terme. C’étaient les majores burgenses  – par opposition aux minores ­burgenses – qui monopolisaient ces charges412. Si on se fie aux sources, seuls ceux qui, au xive siècle, ont porté le titre de majores burgenses, de bourgeois de Saint-Quentin ou de bourgeois notables ont fait partie du gouvernement de la ville413. Ils formaient un groupe social cohérent qui possèdait plusieurs caractéristiques communes. Presque dès le départ, la commune fut dominée par un personnage important et capable, de par sa position sociale, de négocier avec le seigneur de la ville. Il est significatif de voir que Oilard, seul maire pour qui on dispose de renseignements au xiie siècle, est appelé dominus dans les sources. Cette assise terminologique s’est maintenue tout au long du Moyen Âge, mais elle s’est répandue à l’ensemble du corps de ville. Au xive siècle, ce terme, dominus, qui s’est traduit en langue vernaculaire par sire ou par seigneur, a continué à être utilisé par les justiciables lorsqu’ils s’adressaient aux autorités municipales, qui étaient collectivement les sires des habitants de la ville414. Individuellement, il y eut des bourgeois nobles. Parmi les bourgeois, cette condition recoupait cependant des réalités diverses. Il y avait tout d’abord ceux qui, pour une raison ou pour une autre avaient été anoblis par le roi. Ce fut le cas pour deux d’entre eux, Jean Ravenier, anobli en 1376, qui fut maire et échevin, et Me Thomas Le Cat, qui fut maire en 1395415. Ceux-ci ne posent pas fondamentalement de problèmes : ils avaient un titre pour justifier leur condition, une lettre d’anoblissement. Mais, même anoblis, ils continuaient à participer au gouvernement de la ville : Me Thomas Le Cat, qui se faisait toujours appeler clerc en 1400416, est maire en 1420417. La noblesse, à cette époque, ne fait que renforcer leur notabilité. Mais, en l’absence de titre, certains s’autoproclamaient nobles parce qu’ils disaient vivre noblement418. C’est le cas pour Philippe Prière qui semble avoir profité de cet état de fait équivoque419. En 1420, il eut à soutenir un procès au ­Parlement contre le maire, les échevins et les jurés, parce qu’il refusait d’acquitter sa part des aides de la ville. Il se disait noble homme, de bon père et de bonne mère et extrait de noble condition, ayant de tout temps vécu noblement et servi le roi en ses guerres420. Une autre manière admise par certains pour conférer la noblesse, à savoir l’adoubement, est absente à SaintQuentin : on ne retrouve aucun chevalier parmi les dirigeants de la ville. À défaut d’être fait ­chevalier, un bourgeois pouvait au mieux espérer devenir écuyer, comme ­Philippe Prière, Jean De ­Villers, Colard Lanchart ou Guillaume de Sens. Au xive siècle, les bourgeois de ­Saint-Quentin restent des bourgeois de Saint-Quentin, même si certains se font anoblir ou vivent sans conteste noblement. Ce n’est qu’à la fin du xve siècle – ce qui dépasse la période 412 Livre rouge, n° 37, 12 septembre 1318. On retrouve des oppositions semblables au tournant du xiiie siècle également à Beauvais. L.H. Labande, Histoire de Beauvais et de ses institutions communales, op.cit., p. 116 ; Noyon (A. Lefranc, Histoire de Beauvais, op.cit., p. 67). 413 Livre rouge, n° 37, 12 septembre 1318. Saint-Quentin, AM, liasse 3, n° 1, 7 février 1413 n.st. 414 Par exemple, Saint-Quentin, AM, liasse 37, dossier A, n° 1 (Lemaire, n° 176), vers 1300. 415 Paris, AN, JJ 148, n° 271, 1395, et JJ 109, n° 81, 1376. 416 Saint-Quentin, AM, liasse 93, dossier C (Lemaire, n° 805), 8 décembre 1400. 417 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier B (Lemaire, n° 888), 21 septembre 1420. 418 É. Dravasa, ‘Vivre noblement’. Recherches sur la dérogeance de noblesse du xive au xve siècle, Bordeaux, 1965. 419 En 1420, Jean Prière se dit noble et refuse de contribuer aux aides de la ville : Paris, AN, X1a 4793, fol. 3v. 420 Les Prière possédaient un fief dès 1257.

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retenue ici – qu’une autre manière d’accéder à la noblesse, le mariage, fait changer le nom de quelques familles. C’est le cas des Le Cat, qui après avoir épousé l’héritière d’Hervilly, deviennent les Le Cat d’Hervilly421. C’est le cas également pour le Ravenier  : après que Quentin Ravenier soit devenu seigneur de Fonsommes par mariage, cette famille abandonna vraisemblablement son nom avant la fin du xve siècle422. Ce n’est donc pas durant le xive siècle, ni même avant la seconde moitié du xve siècle que certaines très grandes familles bourgeoises s’assimilent à la noblesse locale au point d’abandonner leur nom et leur qualité de bourgeois. Reste le problème des clercs qui ont participé au gouvernement de la ville. Le statut de clerc est en théorie incompatible avec l’occupation d’une charge au sein de l’échevinage. Le roi et le Parlement étaient intervenus à plusieurs reprises depuis 1321 pour interdire aux clercs d’occuper un office d’échevin423. Le 21 juillet 1406, le Parlement donna cependant raison au maire, aux échevins et aux jurés, et autorisa les clercs mariés menant une vie laïque à devenir échevins424. Si, pour les échevins, le statut de clerc a posé problème, pour les jurés, il n’en est fait aucune mention. Il n’est donc pas impossible que cette condition ne fût pas rédhibitoire au choix des jurés qui, en principe, n’avaient pas la compétence sur les cas criminels. Les clercs étaient très nombreux parmi les jurés : Hue de Chalemars, Quentin Cornet, Pierre le Drapier, Guillaume Le Grenetier, Guillaume de Grugies, Jean Hoppin, Jean Kieret, Adam Lanchart, Mathieu et Simon Plate-Corne, Jean Porcelet, Jean Le Sellier et Hue Villart. Ce statut de clerc marié posa cependant des difficultés d’ordre pratique425. Premièrement, à cause du privilegium fori, le clerc se trouvait soustrait de la juridiction qu’il exerçait. Le meilleur exemple en ce sens est celui de Simon Plate-Corne, qui, bien que maire de la ville en 1354, à cause de son état de clerc, fut jugé par l’officialité de l’évêque de Noyon lorsqu’il fut accusé d’un vol426. Deuxièmement, les clercs ne pouvaient en principe administrer la justice criminelle, d’où leur impossibilité de devenir échevins. Leur nombre reste finalement peu élevé chez les échevins. On n’en trouve que deux : Adam Lanchart et Mathieu Plate-Corne427. Globalement, si on les retrouve en nombre conséquent, c’est, comme l’affirme la ville, pour leurs capacités428. Les exclure aurait signifié se priver de juristes parmi les plus compétents de la ville. 2.

Les carrières bourgeoises

On ne peut pas vraiment parler de carrière bourgeoise, car le gouvernement de la ville était une activité que le bourgeois exerçait en marge de son occupation principale de juriste, de changeur, de boucher ou de marchand de draps ou de vin429. De plus, les M. Melleville, Dictionnaire historique, op.cit., t. 2, p. 306. Iibid., p. 275. Livre rouge, n° 30, 28 janvier 1321 n.st. Saint-Quentin, AM, liasse 13, n° 4 (Lemaire, n° 824). Sur la question, Voir R. Génestal, Le ‘previlegium fori’ en France du Décret de Gratien à la fin du xive siècle, 2 vol, Paris, 1924 ; L. de Carbonnières, « Le privilège de clergie devant la chambre criminelle du Parlement de Paris, 1375–1400 », Cahier du CRHDI, 11–12 (1999), p. 51–68. 426 Saint-Quentin, AM, liasse 22 (Lemaire, n° 617), 6 décembre 1345. 427 Saint-Quentin, AM, liasse 13, n° 4 (Lemaire, n° 824). 428 Ibid. 429 Voir les mises en garde d’O. Mattéoni, Servir le prince, op.cit., p. 348, quant à l’emploi du terme de « carrière » pour l’époque médiévale. 421 422 423 424 425

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b­ ourgeois ne faisaient pas exclusivement carrière au sein des institutions municipales. ­Plusieurs se retrouvèrent également au sein de l’administration royale. a. À quel âge devenait-on maire, échevin ou juré? L’âge auquel un bourgeois pouvait être amené à occuper un des trois offices est variable. Bien qu’aucun document n’évoque le fait, il est hautement improbable qu’un bourgeois ait pu occuper un office de maire, d’échevin et de juré avant d’avoir atteint l’âge de la majorité et d’être pleinement émancipé430. Il aurait été difficile pour un juge ­d’appliquer la loi s’il ne disposait pas lui-même de l’ensemble des capacités juridiques reconnues aux bourgeois majeurs. Le seul moyen pour établir qu’on devait être majeur pour occuper ces offices est le fait qu’aucun ne porte un prénom avec un suffixe ­hypocoristique (comme -ekin, -echon, -et, -ot, -in) lorsqu’il est attesté en tant que maire, échevin ou juré, ce qui est un signe anthroponymique probable qu’il n’était pas mineur431. L’année approximative de naissance étant connue pour seize personnages, on peut arriver à déterminer leur âge approximatif lors de leur première mention en tant que maire, échevin ou juré : tableau 5 Âge des maires, échevins et jurés à leur première mention dans ces offices Nombre

Âge

2

moins de 30 ans

4

entre 30 et 40 ans

4

entre 40 et 50 ans

3

entre 50 et 60 ans

3

plus de 60 ans

La fourchette des âges est grande. Si on se fie au peu de personnages dont l’année de naissance est connue, certains ont débuté leur carrière vers 30 ans. C’est surtout le cas pour les bourgeois bien enlignagés. S’il y avait un âge minimum, il n’y avait pas d’âge limite, certains bourgeois n’étant attestés au sein du gouvernement de la ville qu’à un âge avancé, dans la cinquantaine ou passée la soixantaine. Mais la plupart d’entre eux sont attestés une première fois alors qu’ils étaient dans la force de l’âge, entre 30 et 50 ans. Dans ce cas, il s’agit d’individus qui, après avoir fait fortune, acquis assez de renommée ou avoir exercé plusieurs petits offices municipaux, avaient réussi à devenir juré. Une fois qu’il avait accédé au gouvernement de la ville, le bourgeois pouvait espérer y rester pratiquement jusqu’à sa mort, ou du moins jusqu’à un âge très avancé. L’âge de la retraite de la vie municipale dépassa souvent les soixante ans. Elle atteint même, dans certains cas, plus de soixante-dix ans. Renaud du Cavech fut probablement le titulaire du record d’aînesse au sein des offices municipaux. Maire au début de la quarantaine, il était encore juré à soixante-dix ans. Certains ne semblent avoir cessé d’occuper leur fonction 430 Charte de Philippe Auguste, §35. 431 Voir M.T. Morlet, Étude d’Anthroponymie picarde, op.cit., p. 24–29.

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Les officiers de la justice municipale | chapitre ii

qu’avec la mort ou à cause de leur trop grand âge. On recense trente-deux cas d’individus décédés peu après leur dernière mention en tant que maire, échevin ou juré432. b. Offices et ascension sociale Deux profils de carrières ont majoritairement coexisté au sein du conseil de ville. Le premier profil, plutôt rare en fait, est celui de petits bourgeois qui après avoir occupé un ou plusieurs des offices mineurs de la ville, ont accédé au conseil de ville. La plupart des exemples concernent des maires d’enseigne qui seront abordés plus loin. Mais on trouve un sergent à masse qui, trente ans plus tard, devint échevin (Pierre le Cokins), un garde du Beffroi (Mathieu de Crois) et quatre clercs de plume qui devinrent jurés (Jean Kieret, Guillaume de Grugies, Quentin le Loyeur et Simon des Naves). Le peu d’exemples ­d’ascension par les petits offices démontre l’imperméabilité du milieu des dirigeants de la ville. Inversement, certains semblent profiter d’être juré pour obtenir un office. Pierre de Harli fut juré avant d’être attesté comme garde du beffroi433. Le second profil, qui devient fréquent à partir des années 1330–1350, soit après le rétablissement de la commune et les premiers troubles de la guerre de Cent Ans, est celui des grands bourgeois qui se servent de l’office municipal comme d’un tremplin pour occuper un office royal. À partir du milieu du xive siècle environ, les bourgeois en vinrent à former le principal bassin de recrutement des officiers royaux, surclassant rapidement les petits seigneurs des environs. Dans la seconde moitié du xive siècle, on retrouve des ­bourgeois partout, à tous les offices, sauf comme bailli. À partir de cette époque ­également, les bourgeois entreprennent de contrôler la Monnaie du roi en acquérant la ferme de maître de la Monnaie ou sa garde434. Jacques (1364) et Nicolas Stançon (1389–1391) furent les premiers bourgeois à obtenir la garde de la Monnaie de SaintQuentin. Colard et Jean Lanchart (1400–1415), puis Gautier Le Cat (1411–1418) le devinrent au début du xve siècle. Jean Ravenier, Adam Ravenier et Charles Le Mercier en furent les maîtres en 1418. Puis Simon Prière et Pierre Poilet étaient contre-garde en 1419–1420, avant ­l’arrivée des Bourguignons. Le service du roi devint caractéristique de l’aristocratie ­bourgeoise de ­Saint-Quentin et fut un moyen efficace pour intégrer la justice municipale au système ­judiciaire du royaume. Il contribua également à ralentir de manière draconienne le rythme des conflits de juridiction jusqu’alors incessants entre la ville et les officiers royaux. Entre les deux, la majorité des bourgeois concevait le service de la ville comme une activité secondaire, un moyen de paraître socialement. On en tiendra pour preuve le nombre très élevé de ceux qui étaient absents lors des réunions du Conseil ou qui n’ont occupé aucune autre fonction administrative pour la ville ou pour le roi. Par ailleurs, les bourgeois qui ont participé à l’administration municipale n’ont pas fait carrière au service de l’Église. L’office municipal, voire l’office judiciaire en général, apparaît clairement incompatible avec le service du chapitre ou de l’évêque de Noyon. Même les clercs mariés qui ont participé au gouvernement de la ville n’ont pas occupé un des offices judiciaires de

432 Par exemples, Simon Le Moine, Pierre de Pons ou Jean Prière. 433 Saint-Quentin, AM, liasse 13, n° 3 (Lemaire, n° 494), s.d, vers 1340. 434 Pour le détail, voir *J.B. Giart, « La monnaie de Saint-Quentin au temps de Charles VI et de Charles VII (1385-vers

1447) », Position des thèses de l’École des chartes, 1960, p. 29–33. ; P. Desportes, Monnaie et souveraineté, op.cit.

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l’Église de Saint-Quentin. Les seuls qu’on y retrouve des deux côtés sont les jurisconsultes qui ont agi à la fois comme conseillers juridiques du chapitre et de la ville. 3.

Des lignages bourgeois

Le fait que le maire, les jurés et les échevins devaient par principe être choisis parmi les majores burgenses fit qu’un nombre restreint, mais ouvert, de lignages ­bourgeois ont accédé aux offices. Le fait est bien connu : dans pratiquement toutes les villes ­médiévales le gouvernement était accaparé par un nombre limité de familles, généralement ­réputées riches et discrètes435. Ce recrutement ne présentait pas seulement l’inconvénient ­d’entraîner une autoreproduction de ce groupe social. Il a présenté l’avantage de l’installation progressive d’un nécessaire rapport de force et d’autorité entre l’élite dirigeante et ses justiciables. a. La prédominance de certains lignages Quand ils font référence à leur famille, certains grands bourgeois renvoient à la notabilité de leur lignage436. Sur un peu plus de deux cents ans, entre 1220 et 1425 environ, 189 familles ont participé au gouvernement de la ville. Le cumul de l’ensemble des ­mentions de jurés, d’échevins et de maires fait ressortir plusieurs familles du lot, environ une cinquantaine. On constate tout d’abord que les onze familles qui ont eu un maire sont toutes présentes comme jurés et que certaines ont même compté des échevins dans leur rang. La présence de juristes caractérise le plus grand nombre de famille. •

Les Le Cat comptèrent plusieurs clercs et juristes. Ils dominèrent le gouvernement de la ville à partir du dernier quart du xive siècle jusque vers 1470. Gautier Le Cat fut jurisconsulte au service de la ville vers 1350. Simon Le Cat fut le premier à devenir juré vers 1375, occupant également la charge d’argentier en 1379–1380437. Son fils, Simon, devint également juré et argentier, puis maire vers 1440. Son oncle, Me Thomas Le Cat (†1429)438, clerc et anobli, jurisconsulte, avocat, écuyer et seigneur de Bihécourt, fut d’abord conseiller du chapitre vers 1398439, devint avocat du roi à Saint-Quentin vers 1407440, puis fut le premier maire de la famille en 1420 et en 1424441. Un autre Thomas Le Cat442, écuyer, seigneur de Bihécourt et licencié ès loi, fut lieutenant du bailli de Saint-Quentin entre 1440443 et 1448444. Gautier Le Cat père († 1420) et fils († 1450) furent peut-être les derniers à avoir eu la garde de la monnaie de Saint-Quentin avant

435 P. Feuchère, «  La bourgeoisie Lilloise au Moyen Âge  », AESC, 1949, p. 421–430  ; T. Dutour, Une société de l’honneur, op.cit. ; Id., « Se situer socialement dans la société urbaine. Le cas des Dijonnais à la fin du Moyen Âge » dans J. Pontet, (dir.), À la recherche de la considération sociale, Bordeaux, 1999, p. 143–158 ; B. Boves, Dominer la ville, op.cit. 436 Saint-Quentin, AM, liasse 2, n° 28 (Lemaire, n° 748),29 avril 1380 : Thomas Ravenier, bourgeois de Saint-Quentin se dit notable et bien enlinagé. Sur ce point, voir J. Morsel, L’aristocratie médiévale, op.cit. p. 248–252. 437 On sait qu’il est mort en 1399 ou avant. Sa veuve se fait appeler vesves sire Simon le Cat : Saint-Quentin, AM, liasse 138, n° 16 (Lemaire, n° 801), 2 juin 1399. 438 Saint-Quentin, AM, liasse 190 (Lemaire, n° 910). 439 Quentin de la Fons, Histoire particulière de la ville, t. 2, p. 193. Église, p. 375. 440 Quentin de la Fons, Histoire particulière de la ville de Saint-Quentin, 2e partie, p. 189, et Histoire particulière de l’Église de Saint-Quentin, éd. C. Gomart, Saint-Quentin, 1854, p. 419. 441 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier B (Lemaire, n° 888), 21 septembre 1420. 442 Saint-Quentin, AM, liasse 23 (Lemaire, n° 910) et X1a 4800, fol 38 : « si ne vouloient dire que le lieutenant du bailly royal frere du maire et qui sont de la ville y eust esté ». 443 G. Dupont-Ferrier, Gallia regia, t. 6, n° 23432. 444 Quentin de la Fons, Histoire particulière de la ville, t. 2, p. 180.

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• • •





la période bourguignonne445. Dans les générations suivantes, on retrouve trois autres Le Cat maires de Saint-Quentin : Jean Le Cat père, en 1455446 et en 1469447, et fils en 1490448, ainsi que Robert Le Cat en 1460449. Les du Cavech furent particulièrement actifs du milieu du xiiie siècle jusqu’au milieu du xive siècle. Dès 1244, Bernard du Cavech était maire. Renaud du Cavech, maire entre 1292 et 1314, fut le personnage le plus important de la ville jusqu’à la suspension de la commune. Ensuite, la famille ne compta plus que des jurés, Jean et Pierre, ainsi qu’un échevin, Thomas. Les Le Convers seraient peut-être une ancienne famille de juifs convertis sous saint Louis450. André le Convers, après avoir été juré pendant une vingtaine d’années (1314–1324), fut maire en 1329, 1335, 1339 et 1342. Jean le Convers, juré entre 1342 et 1355, devient également maire en 1360. Enfin, Robert le Convers ne fut que juré entre 1383 et 1391. Les de Corbeni comptèrent deux homonymes se prénommant Thomas qui furent jurés et maires. Le premier fut juré en 1292 et maire en 1304 ; le second fut juré en 1338 et maire en 1354. Si les Hanequin ne comptèrent qu’un seul maire, Thomas, c’est peut-être parce qu’il le fut juste avant la suspension de la commune en 1317. La famille compta toutefois trois jurés : Jean (1292–1333), Mathieu (1338–1371) et Pierre (1365–1380). La famille Plate-Corne fut probablement la famille la plus active à Saint-Quentin depuis le rétablissement de la commune jusqu’à la fin du xive siècle. En plus de compter deux maires, on note un échevin et cinq jurés. Simon Plate-Corne était garde du sceau du bailliage de Vermandois à Saint-Quentin entre 1320 et 1332 et prévôt royal à Saint-Quentin en 1325, Simon Plate-Corne le jeune fut également garde du sceau royal entre 1347 et 1350, puis Mathieu Plate-Corne substitut du ­procureur du roi à Saint-Quentin entre 1394–1398. Les Porcelet comptèrent trois jurés, deux échevins et deux maires, dont Robert ­Porcelet qui fut également homme du roi en 1277. Cette famille semble être tombée en disgrâce vers 1290, quand un de ses membres tua Simon de Maissemy, ­professeur à l’Université de Paris. Elle fut absente du gouvernement de la ville entre 1292 et 1332, puis elle revint au premier plan avec Jean Porcelet, qui fut maire en 1332–1333. Ce dernier, qui était clerc, fut également garde de par le roi du sceau du bailliage de Vermandois en 1317. Enguerrand Porcelet fut le dernier membre à être juré en 1365. Les Prière, apparurent au sein du gouvernement de la ville à la fin du xiiie siècle. S’ils ne le quittèrent plus ensuite, ils ne devinrent maire qu’à la fin du xive siècle. Entre 1290 et 1410, six Prière ont été maire, échevin ou juré : Wermond, André, deux Jean et peut-être plus d’un Philippe. À la fin du xive siècle, deux ­homonymes (Me ­Philippe Prière et Philippe Prière, écuyer) siégeaient aux assises royales ­simultanément. Vers

Quentin de la Fons, Histoire particulière de l’église, p. 130. Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 68 (Lemaire, n° 950). Saint-Quentin, AM, liasse 151, dossier L (Lemaire, n° 980). Lemaire, n° 1039. Lemaire, n° 966. En 1257, Renier le Convers est le premier membre de la famille connu. Il porte le titre de bourgeois de Saint-Quentin. Voir Saint-Quentin, AM, liasse 24 (Lemaire, n° 392), février 1257 n.st.

445 446 447 448 449 450

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1380, l’un de ces deux Philippe fut maire, tandis que l’autre fut lieutenant du bailli de Vermandois. • Les de Regny furent une famille de riches drapiers qui comptèrent trois jurés, Jean, Jacques et Simon, ainsi qu’un maire, Pierre. • Les Ravenier furent une famille de jurisconsulte : vers 1320–1330, Thomas Ravenier était conseiller juridique de la commune. On trouve déjà deux Ravenier juré vers 1290. Par la suite, trois furent maire  : Thomas, au moins à quatre reprises, puis Quentin l’aîné et Quentin le jeune. • Les de Ribemont comptèrent parmi les premiers jurisconsultes connus dans la ville. Le célèbre Jean de Ribemont était déjà au service de la commune en 1283 ; il fut son conseiller au Parlement vers 1290451. Malgré cela, seul un autre Jean de Ribemont est attesté dans le gouvernement de la ville, d’abord en tant que fermier de la justice de la Rue d’Isle, en 1341, puis comme jurés et à deux reprises comme maire. • On retrouve les de Villers sur une période de plus de 180 ans : dès 1240, Roger de Villers fut maire de la ville et Jean de Villers le fut en 1417. Entre les deux, François de Villers fut maire en 1347. Régnier de Villers fut échevin en 1362 et elle compta six jurés. À celles-ci, il faut ajouter une quarantaine de familles qui, bien que n’ayant aucun maire, furent présentes comme jurés ou comme échevins sur plus d’une génération. Ce sont les Grenetier, Cornet, Sohier, Le Sellier, Carbonnée, d’Andigny, d’Avesne, de Remicourt, de Brissy, Villart, d’Espinoy, d’Oisny, Renouart, le Roi, le Noire, de Grugies, de Douay, Vranekin, le Drapier, de Chevresis, Le Moine, Malaffait, de Vermand, Villerel, As Pois, Roitel, Étienne, Caufournet, Payen, de Monchy, Le Lormier, Bauchant, Baqueler, Pointe, d’Esqueheries, de Sissi, de Hesdin, Le Bègue, Kieret, d’Arras, d’Aisonville, de la Mote, du Petit-Pont et Le Mie. Mais ce palmarès des familles notables cache une autre réalité : celle d’individus isolés qui jouèrent un rôle important leur vie durant, sans apparemment faire souche. C’est le cas pour Louis Maréchal, Jacques Lallemand et Thassart Craulet. Tous furent présents sur une longue période et attestés à plusieurs reprises comme jurés. Tous ont également occupé des fonctions importantes au sein du gouvernement de la ville, sans avoir d’appuis familiaux aussi visibles que les autres et sans laisser de trace après leur mort. Jacques Lallemand et Louis Maréchal avaient été à plusieurs reprises argentier, tandis que Thassart Craulet semble avoir cumulé l’office de juré et d’échevin. On doit y voir une méritocratie qui promouvait parfois certains individus très compétents dans un domaine spécifique, particulièrement le droit ou la finance. Le début de la guerre de Cent Ans et la grande peste de 1348–1349 marquent la disparition de certaines familles et l’apparition d’autres. Deux familles importantes, les du Cavech et les Porcelet, très actives au xiiie siècle et au début du xive siècle, disparaissent du gouvernement de la ville pour des raisons obscures. Si certains lignages s’effacent ou deviennent moins actifs, d’autres apparaissent pour occuper la place laissée libre. Les Le Cat profitèrent de leur bonne éducation pour débuter leur ascen451 Saint-Quentin, AM, liasse 21, dossier A, n° 1 (Lemaire, n° 113), juin 1283 ; Saint-Quentin, AM, liasse 21, dossier A,

n° 1bis (E. Janin, « Lettre adressée à la commune de Saint-Quentin par Jean de Ribemont, clerc du Parlement », BEC, 2, t. 3, 1846, p. 157–158 ; Lemaire, n° 130), vers 1290.

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sion institutionnelle dans la seconde moitié du xive siècle. La réduction du nombre de jurés, qui, rappelons-le, passe de cinquante à environ une vingtaine au début du xve siècle, et la chute brutale de la ­population de la ville contribuent à fermer le groupe à la fin du xive siècle. b. Un patrimoine onomastique distinctif ? Le patronyme est un moyen d’identification des individus et un signe de rattachement à un groupe familial452. Sur les 285 bourgeois qui ont occupé un office de maire, de juré ou d’échevin, tous portent l’un des 189 patronymes recensés. Tous, à une exception près : un seul juré du début du xive siècle, Ponchart, n’est connu que par son prénom. Il en est de même pour le prénom, qui, au sein des lignages bourgeois, ne semble pas attribué au hasard. Le patrimoine onomastique des familles bourgeoises ne les distingue pas des autres habitants de la ville. Il les distingue certainement entre elles. Pour les 317 maires, échevins ou jurés, on compte en tout 41 prénoms, dont 25 furent portés par plus de deux individus. Le tableau 6 ci-dessous indique le nombre d’occurrences de ces prénoms les plus portés : tableau 6 Les prénoms portés par le maire, les échevins et les jurés Prénom

nombre

Jean

91

Pierre

22

Quentin

18

Simon

18

Jacques/Jaquemart

12

Mathieu/Mahiu

12

Guillaume/Willaume

10

Thomas/Thumas

8

Gobert/Robert

7

Philippe

6

Raoul

6

Renaud/Regnaud

6

Gilles

5

Hue/Huart

5

Colard

4

Richer/Rikier

4

André/Andrieu

3

Baudouin

3

452 A. Lefebvre-Teillard, Le nom. Droit et histoire, Paris, 1990 ; M. Bourin (dir.), L’anthroponymie : document de

l’histoire sociale des mondes méditerranéens médiévaux, Actes du colloque international organisé par l’École française de Rome avec le concours du GDR 955 du CNRS « Genèse médiévale de l’anthroponymie moderne », (Rome 6–8 octobre 1994), Rome, 1996.

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Sans surprise, cinq prénoms bibliques d’apôtres, Jean, Pierre, Simon, Jacques et Mathieu, furent parmi les plus populaires453. Mis à part Quentin, les Plate-Corne, par exemple, n’utilisent que ces prénoms : Jean, Mathieu, Pierre, Simon et Thomas. Le prénom Jean, qui est de loin le prénom le plus utilisé à Saint-Quentin, est adopté par la plupart des familles bourgeoises et en Picardie de manière générale454. S’il est très répandu, le prénom Quentin n’est pas utilisé par toutes ces familles455. Il est attesté que pour les Cornet, ­Carbonné, Le Cat, le Convers, Le Noir, As Pois, Plate-Corne et Ravenier. ­Certaines familles bourgeoises se distinguent par un usage héréditaire de prénoms beaucoup plus rares, d’origine germanique, comme Guillaume/Willaume, Gobert/Robert, Raoul, Renaud, Hue, Colard, Rikier ou encore Baudouin. Les du Cavech utilisent de la sorte les prénoms Renaud et Wermont. Enfin, on relève également plusieurs prénoms hapax, d’origines diverses, comme Adam/Dam, Alain, Amand, Anselme, Bartholomé, Ernoul, Geoffroy, Ponchart, René, Tassart ou Yves. c. Les alliances et les antagonismes Les alliances familiales entre les bourgeois qui ont administré la ville sont très ­difficiles à saisir. Les pratiques anthroponymiques faisant que, après leur mariage, l’on ne nommait les femmes des bourgeois que par leur nom ou par celui de leur mari selon l’expression courante femme de, rendent l’étude des alliances matrimoniales bourgeoises fragmentaire car on ne trouve que de rares exemples. Par conséquent, on ne peut fournir qu’un tableau très sommaire pour quelques familles unies par le mariage : • • • • • • •

à la fin du xiiie siècle, les du Cavech furent liés aux Prière et aux Porcelet. Ces ­derniers furent également liés aux de Villers ; vers 1325, les le Mie furent liés aux de Gronnard ; au milieu du xive siècle, les de Villers furent liés aux Grennetier ; au milieu du xive siècle, les Fastar furent liés aux de Corbenny ; au milieu du xive siècle, les de Ribemont furent liés aux Pointe ; au milieu du xive siècle, les de Grugies furent liés aux Lanchart ; au milieu du xve siècle, les Le Cat furent liés aux de la Rivière.

Ces quelques indices d’alliances matrimoniales n’apportent pas beaucoup de renseignements, si ce n’est que l’on peut supposer une tendance à l’endogamie comme cadre de leur reproduction sociale. Quelques bourgeois importants ont toutefois épousé des femmes au patronyme peu commun, comme Maroie l’Épicière femme du maire Simon Plate-Corne, Marguerite de Thontiaco, femme de Pierre le Drapier456, ou Jeanne Gouelle, femme de Pierre De Villers457. Les liens matrimoniaux entre bourgeois ne furent pas les seuls à entrer en ligne de compte : il y a aussi les liens d’amitié ou les liens institutionnels. Quentin Ravenier fut nommé tuteur (baille) de Mondin Prière, ce qui laisse entrevoir une alliance entre ces deux familles458. À la fin du xive siècle, avoir été lié à Me Jean Morin semble avoir grandement aidé Gérard Louvet à devenir maire459. 453 M,-T. Morlet, Étude d’Anthroponymie picarde, op.cit., p. 22. 454 Voir Iibid., p. 108. 455 Voir Monique Bourin, « Choix des noms et culte des saints aux xie et xiie siècles », dans R. Favreau, Le Culte des

saints aux ixe–xiiie siècles, Poitier, 1995, p. 1–9. Paris, AN, JJ 80, fol. 412, n° 674, 30 septembre 1351. Saint-Quentin, AM, liasse 21, dossier A, n° 3, juin 1297. Saint-Quentin, AM, liasse 269, dossier A, n° 101 (Lemaire, n° 649), 13 février 1352 n.st. Paris, AN, X1a 1477, fol. 466–466v, 19 janvier 1395 n.st.

456 457 458 459

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La proximité avec le chapitre collégial ne devint un signe de promotion sociale qu’à la fin du xive siècle, époque à laquelle avoir un membre de la famille appartenant au chapitre de Saint-Quentin fut un signe distinctif de la très haute bourgeoisie. Auparavant, à cause des incessants conflits entre la commune et le chapitre, les familles bourgeoises importantes s’étaient vraisemblablement scindées en deux, et celles qui avaient opté pour le chapitre semblent avoir été écartées de l’administration de la commune et vice versa. Parmi ces majores burgenses, certaines familles bourgeoises paraissent plus près du chapitre que des institutions de la ville. Ce fut peut-être le cas pour les le Listeur (Robert le Listeur, chanoine entre 1331 et 1354 et Raoul, avant 1330) et les Malakin (Guillaume Malakin, chanoine en 1317). À la fin du xive siècle, comme pour les offices royaux, littéralement infiltrés par les bourgeois à partir de 1350460, le chapitre compta de plus en plus de bourgeois. Me Jacques Le Cat, chanoine après 1400, était le fils de Simon Le Cat, qui avait été juré, et le frère de Simon Le Cat, également juré461. Quentin Prière, frère de Simon Prière et fils de Gérard Prière, était chanoine en 1397462. Jean le Grenetier, chanoine et chantre du chapitre vers 1399–1411 avait fait des études à Paris vers 1372463. Un bourgeois, Jean Molet, ne se retrouve doyen du chapitre que dans les années 1440 alors que son frère Renier était juré464. Il n’y avait pas que des alliances entre ces familles bourgeoises. Les antagonismes se voient quand deux familles entrent en guerre. Sans parler de l’affaire Baudrain du Hamel et du sire de Chivres, qui embrasa la noblesse des environs à la fin du xive siècle465, les cas de guerres privées entre bourgeois apparaissent nombreux à la même époque. En 1380, un bourgeois, nommé Jean Ydet, poursuivait de sa haine Jacques le Mie bourgeois bien alinagé. Jeannin Ydet, fils illégitime de Jean Ydet, excité par son père et partageant les mêmes sentiments à l’encontre de Jacques le Mie, qu’il tenoit en guerre, s’était rendu dans l’Empire pour y recruter des hommes de main afin de le faire tuer466. En 1395, Me Jean Morin, licencié in utroque jure, homme lettrez et de conseil, demeurant à Saint-Quentin, avait été victime d’un attentat perpétré par Perrin Boursene, Jean Plate-Corne et Mathieu le Drapier. Ceux-ci voulaient se venger de Louvet, parent de Jean Morin, dont on a vu qu’il était proche du maire Gérard Louvet, son ami467. 4. Un niveau de vie plus élevé que la moyenne ? La richesse est une des caractéristiques des gens de pouvoir au Moyen Âge. Ceux de Saint-Quentin ne font pas exception. La charte de 1413 dit même qu’ils étaient choisis parmi les notables et riches hommes de la ville468. L’argument contribue vraisemblablement à disculper le maire Simon Plate-Corne, accusé de vol d’argent en 1345469. L’état des archives de la ville laisse cependant très peu d’indices pour appréhender la richesse des ­dirigeants. Ibid. Laon, AD Aisne, G 789, p. 689–692. Laon, AD Aisne, G 789, p. 684–687. Quentin de la Fons, Histoire particulière de l’Église de Saint-Quentin, op.cit., p. 215 ; Saint-Quentin, AM, liasse 7, dossier A, n° 20 (Lemaire, n° 842). 464 Voir S. Hamel, Un procès entre les autorités, op.cit. 465 M. Boulet, Questiones Johannis Galli, Paris, 1944, p. 451, n° 364 et note. 466 Saint-Quentin, AM, liasse 2, n° 28 (Lemaire, n° 748), 29 avril 1380. 467 Paris, AN, X1a 1477, fol. 466–466v. Voir M. Boulet, Questiones Johannis Galli, op.cit., p. 406, n° 332 et n. 468 Saint-Quentin, AM, liasse 3, n° 1 (Lemaire, n° 849). 469 Saint-Quentin, AM, liasse 22 (Lemaire, n° 617), op.cit., 6 décembre 1345.

460 461 462 463

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Le vocabulaire rend lui aussi l’interprétation délicate, la fortune dans son ensemble n’ayant pas de dénomination autre que le vaillant470. Quelques exemples isolés laissent entrevoir de grandes fortunes familiales ou individuelles. Il est plus pertinent dans leurs cas d’essayer de saisir un niveau de vie global que le simple état des fortunes et des possessions personnelles, impossible de toute façon à reconstituer471. a. La constitution des fortunes bourgeoises Au xiie siècle, les bourgeois s’étaient d’abord enrichis en exerçant le change. Vers 1173, les deux bourgeois mentionnés par l’Historia Monasterii Viconiensis, Pierre de Villers et Robert le Changeur, s’y adonnaient certainement472. Puis, au xiiie siècle, ils s’étaient mis au commerce du drap de laine473. C’est l’élevage du mouton dans sa campagne environnante à partir du xe siècle, qui fit de Saint-Quentin une ville drapante474. Le drap de Saint-Quentin était, au Moyen Âge, un produit qui avait bonne réputation sans être exceptionnel475. Les marchands de Saint-Quentin participaient à cette époque aux foires de Champagne476 ; ils avaient leur quartier à la foire du Lendit, à Saint-Denis477, et ils étaient parmi les premiers à fréquenter celles d’Anvers478. À la fin du xiiie siècle, Jean Hanequin était un grand marchand qui fréquentait les foires de Champagne et de Brie et à qui la maison près de l’église Saint-Martin, servait d’entrepôt479. Certains se rendaient même jusqu’en Italie480. Si, au xive siècle, la spéculation immobilière a créé quelques fortunes, à la fin de xive siècle, les bourgeois les plus riches n’étaient plus commerçants de draps, mais marchands de vin. Le phénomène s’est partout généralisé481. D’après les comptes, on constate que leur nombre (49 à la toute fin du xive siècle) est beaucoup moins élevé que ceux qui dispensaient du vin sans afforage occasionnellement dans leur maison, activité exercée par 375 personnes482. Parmi ces 49 marchands de vin à broche, on compte le maire, sire Gérard Louvet (43 grosses queues et 2 petites)483, les jurés Thierry Viele (6 grosses queues), Jean Frappart (23 grosses 470 Livre rouge, n° 38, 4 mai 1319 ; liasse 68, n° 9 (Lemaire, n° 310), compte d’argenterie pour l’année 1323–1324 ; liasse

37, dossier B (Lemaire, n° 637), juin 1348.

471 J.-P. Sosson, «  Les niveaux de vie au bas Moyen Âge  », dans J.-P. Sosson, C. Thiry, S. Thonon, T. Van

Hemelryck, Les niveaux de vie au Moyen Âge, Louvain-la-Neuve, 1999, p. 9–30. Continuatio Historia Monasterii Viconiensis, éd. Johann Heller, MGH, Scriptorum, t. 24, p. 301, an. 1173. Charte de Philippe Auguste, § 49. A. Demangeon, La Picardie et les régions voisines…, op.cit., p. 261. Les meilleurs draps de Saint-Quentin étaient « le noir brunette », le vert, le jaune et le moiré : Saint-Quentin AM, liasse 57, dossier A, n° 2 (Lemaire, n° 493). Aux foires de Champagne, le drap de Saint-Quentin est taxé à 8 d., ce qui en fait un drap de milieu de gamme. Voir Charles Lalore, Ce sont les coutumes de foires de Champagne, Troyes, 1888, p. 33. 476 Il y a plusieurs lettres des gardes de foires de Champagne dans Saint-Quentin, AM, liasse 64, dossier C, datées de 1294–1317. 477 H. Laurent, Un grand commerce d’exportation au Moyen Âge, la draperie des Pays- Bas en France et dans les pays méditerranéens (xiie–xve siècles), Paris, 1935 ; Id., « Un comptoir international de vente au Moyen Âge : nouvelles recherches sur la Hanse des XVII villes », MÂ, 6 (1935), p. 81–94 ; L. Carolus-Barré, « Les xvii villes, une Hanse vouée au grand commerce de la draperie », AIBL, 1965, p. 20–30. 478 W. Blockmans, « Aux origines des foires d’Anvers », op.cit. 479 Héméré, Augusta Viromanduorum, p. 326. Sa maison fut détruite en 1335 pour laisser place à la construction d’une chapelle pour l’abbaye de Saint-Prix. 480 G. Sivéry, L’économie du Royaume de France au siècle de saint Louis, Lille, 1984. 481 R. Doehaerd, «  Un paradoxe géographique  : Laon, capitale du vin au xiie siècle  », Annales ESC, 5, (1950), p. 203–217 ; J. Craeybeckx, Un grand commerce d’importation : les vins de France aux anciens Pays-Bas (xiie–xvie siècle), Paris, 1958 ; A. Derville, « Les élites urbaines en Flandres et en Artois », op.cit., p. 131 ; B. Bove, Dominer la ville, op.cit. 482 Saint-Quentin, AM, liasse 138, n° 16 (Lemaire, n° 801), compte de l’assise du vin pour l’année 1398–1399 dressé par Raoul Payen, Philippe Prière et Guillaume Cornet. 483 Les mesures de Saint-Quentin pour les liquides sont les suivantes : 1 lot = 1,5 pot ; 1 pot = 4 pintes ; 1 tonneau = 2,5 grosses queues ; 1 grosse queue = 2 petites queues = 192 lots. 472 473 474 475

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queues et 1 petite), Raoul d’Espaigny (20 grosses queues), l’échevin Regnaul Prière (2 grosses queues et 1 petite) et la veuve de sire Simon Le Cat (5 grosses queues et 1 petite). Ce changement d’activité chez les grands bourgeois, visible dès la seconde moitié du xive siècle484, n’est pas dû au seul déclin du commerce du drap, induit tant par des facteurs internes – la suspension de la commune et la déréglementation des métiers de la laine – qu’externes – la guerre et la peste485. Il se veut également le reflet d’un passage d’une activité vile, le commerce du drap, à une activité jugée plus noble, le commerce d’un produit issu du terroir et, par conséquent, socialement plus prestigieux, le vin. Enfin, divers signes attestent pour certains de leur degré de richesse. Comme les chanoines, les bourgeois avaient des sergents ou varlets à leur service486. Jean d’Oisny, Geffroy Le Moine et Thomas Ravenier, les seuls pour qui le service d’un personnel domestique est attesté, ne furent pas des exceptions487. Dès le xiiie siècle, on les voit également participer à des joutes et à des tournois organisés dans les villes488. Les bourgeois les plus riches disposaient d’un équipement militaire digne d’un chevalier, certains, comme Quentin Frapart, Mathieu Caufourret, Gilles le Mercier ou Robert le Bègue, possèdaient même un cheval489. b. Des détenteurs d’argent Une des caractéristiques des bourgeois est de détenir de fortes sommes en argent. Robert Porcelet, à la fin du xiiie siècle, était en mesure de prêter à la commune 3000 £ parisis490. Les jurés élus argentiers devaient garantir l’ensemble du budget de la ville sur leurs propres deniers. Comme le budget global de la commune s’élève au milieu du xive siècle à environ 10 000 £ parisis, on imagine la somme d’argent dont ils devaient disposer491. Les testaments saint-quentinois, récemment édités par Pierre Desportes492, donnent quelques exemples isolés à ce sujet. L’échantillon est restreint, mais représente plusieurs niveaux de fortune des habitants de la ville. Sur treize testateurs dont le montant total des legs est connu, deux (Pierre de Pons et Pierre de Grugies) furent jurés. Une autre, Maroie l’Épicière, fut la femme de Quentin Ravenier, maire de la ville. Pour l’ensemble de ces treize testateurs, la moyenne des sommes disponibles est de 235 £ ; sans eux, elle serait de 90 £ ; à eux trois, elle est de 491 £. Les écarts sont importants entre les plus modestes et les plus riches : 42 £ pour le moins élevé ; 400 £, 500 £ et 575 £ respectivement pour Maroie l’Épicière, Pierre de Grugies et pour Pierre de Pons493. Parce que le testament coutumier ne concerne qu’une faible portion de la fortune, les sommes léguées par ce biais sont loin Voir les comptes de l’assise du vin de Saint-Quentin, AM, liasse 138. P. Contamine, M. Bompaire, S. Lebecq, J.-L. Sarrazin, L’économie médiévale, Paris, 1993, p. 329 et s. Charte de Philippe Auguste, §25 et 35. Par exemple, Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 22, (Lemaire, n° 317), 26 janvier 1325, pour Geoffroy Le Moine  ; Saint-Quentin, AM, liasse 21, dossier A, n° 20 (Livre rouge, n° 79), décembre 1330, pour Jean d’Oisny  ; SaintQuentin, AM, liasse 2, n° 28 (Lemaire, n° 748), 29 avril 1380, pour Thomas Ravenier. Il y avait également les frères Malakin, bourgeois mais non-membre du gouvernement de la ville. Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier B (Lemaire, n° 203), vers 1306. 488 Voir É. Van Den Neste, Tournois, joutes, pas d’armes dans les villes de Flandres, op.cit. 489 Au début de la Guerre de cent ans, plusieurs bourgeois possédaient une armure complète et un ou plusieurs chevaux : Saint-Quentin, AM, liasse 22 (Lemaire, n° 546), août 1338. 490 Saint-Quentin, AM, liasse 24, 1290. 491 P. Jourdan, Édition et commentaires des comptes d’argenterie de la ville de Saint-Quentin, op.cit. 492 P. Desportes, Testaments saint-quentinois du xive siècle, op.cit. 493 Pierre de Pons avait en plus mis 500 écus et 70 florin en dépôt pour ses enfants dans le coffre de la commune. ­Saint-Quentin, AM, liasse 22 (Lemaire, n° 617), 6 décembre 1345. 484 485 486 487

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tableau 7 Répartition des contribuables à une taille de 1330–1340 Contribution

Nombre de contribuables

10 £ à 13 £

7

7£à8£

6

4£à6£

10

2£à3£

38

30 s. à 32 s.

50

20 s. à 29 s.

78

10 s. à 18 s.

150

5 s. à 8 s.

5

Total :

344

des milliers de livres cités plus haut494. Reste que ces trois testateurs bourgeois furent ceux qui disposaient des sommes les plus importantes. Selon ces chiffres, le niveau de vie de ces deux bourgeois et de cette bourgeoise était au moins deux fois plus élevé que la moyenne de la ville et plus de dix fois celui des habitants les plus pauvres. Les inventaires après décès de deux jurés, Pierre de Pons (octobre 1340) et Gilles le Mercier (s.d., vers 1340), illustrent également ce niveau de vie supérieur495. L’inventaire du premier recense 1 200 £ d’argent, 389 £ 16 s. de guède et 563 £ 10 s. de créances diverses. Celui du second ne comporte que 26 £ d’argent et aucune créance, mais il contient 26 £ d’orfèvrerie, 19 £ 5 s. de futaille, 681 £ 13 s. 8 d. de biens meubles et 229 £ de biens divers. Ces deux bourgeois avaient constitué des fortunes reposant sur des bases différentes. À sa mort, Pierre de Pons a thésaurisé une importante somme d’argent et plusieurs créances. Quant à Gilles le Mercier, il a préféré accorder plus d’importance à l’acquisition de ­nombreux biens meubles. Enfin, les rôles de tailles permettent d’avoir une vision de ce niveau de vie ­bourgeois. Quoique très fragmentaires, ils confirment cette tendance à une richesse plus élevée ou très supérieure à celle de la majorité des habitants. Un seul rôle de taille datant des années 1330–1340 est utilisable à fin d’exemple496. Son usage est d’autant plus ­pertinent que les seules listes complètes d’officiers municipaux datent de la même période497. Il est également le plus complet, conservant la contribution de 344 habitants taillables par la commune. La contribution la moins élevée à cette taille est de 5 s. et la plus élevée de 13 £. La contribution moyenne est de 33 s. Ce rôle mentionne les jurés Mathieu d’Amiens (10 £, 17 s. 6 d. payés avec 15 écus), Jean de Grugies (3 £ payées avec 5 florins et 5 gros), Gérard d’Eskeheries (9 £, 9 s. 494 À Saint-Quentin, on ne peut léguer ainsi que le tiers des meubles disponibles. Le partage du reste des meubles et des

héritages est réglé par la coutume.

495 Saint-Quentin, AM, liasse 28 (Lemaire, n° 495), 15 janvier 1359 n.st. 496 Saint-Quentin, AM, liasse 130, n° 28 (C. Jourdan, p. 125–140), s.d. vers 1330–1340. 497 Saint-Quentin, AM, liasse 13, n°3 (Lemaire, n° 494), s.d., vers 1330–1340 ; Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier

A, n° 35 (Lemaire, n° 514), 1332–1333 ; Saint-Quentin, AM, liasse 185, dossier A (Lemaire, n° 547), 10 octobre 1338.

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tableau 8 Lieux d’habitation connus de 57 bourgeois ayant participé au gouvernement de la ville Enseigne

Nombre

Gréance

13

Marché

11

Sellerie

5

Beauvoir

4

Boulengerie

4

Fontaines

3

Ronde-Chapelle

3

Tannerie

3

Touquet

3

Castel

3

Belles-Portes

2

Rémicourt

1

Saint-Pécinne

1

Vieux-Marché Total :

1 57

payés avec 9 doubles d’or), François Villers (4 £ payées avec 5 kaieres), Robert le Grenetier (4 £ payés avec 4 angelots moyens), Robert d’Arras (8 £ payées avec 10 kaieres), sire Roger le Grennetier (5 £ payées avec 4 doubles d’or et 1 angelot moyen), Guillaume de Grugies (2 £, 3 s. et 6 d. payés avec 3 écus), Jean de Gauchy (2 £ et 12 s. payés avec 3 florins, 1 angelot moyen et 10 s.). Les grands officiers municipaux font donc partie du tiers le plus nanti des contribuables de la ville, certains même parmi les sept plus fortunés. Une autre différence concerne le numéraire utilisé pour régler leur quote-part à cette taille. Les petits contribuables payent en menu monnoie, alors qu’eux paient souvent en monnaie d’or. c. Où habiter dans la ville ? Le lieu d’habitation dans la ville est un autre indicateur de leur niveau de vie. On connaît 57 jurés ou échevins dont le lieu d’habitation en ville est connu, grâce, entre autres, aux rôles de taille. Le tableau 8 ci-dessus montre que certaines enseignes, particulièrement celles situées au centre de la ville (Gréance, Marché, Sellerie, Boulangerie) obtenaient sans conteste la faveur des grands bourgeois. Des rues notables, semblent avoir majoritairement retenu l’attention des bourgeois : celles de la Gréance et du Marché498. Les enseignes du nord de la ville étaient moins bien représentées et deux enseignes sont absentes : l’enseigne

498 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier B (Lemaire, n° 787), 7 mai 1397.

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de la rue d’Isle, qui est située à l’extérieur de la ville, et celle de la Rue Neuve, située au sud-est, près de la Somme. d. Posséder des terres, des rentes et des fiefs L’attachement à la terre de la bourgeoisie de Saint-Quentin est à la fois un signe de son niveau de vie élevé et sont le témoignage d’un désir de distinction par rapport au reste des habitants. Du reste, le phénomène n’est pas nouveau au xive siècle  : au début du xiie siècle, le maire Oilard possédait plusieurs terres et en donna suffisamment pour la fondation d’une abbaye. Le fonds des chirographes est trop fragmentaire et ne donne pratiquement aucun renseignement utile à ce sujet, sauf peut-être pour Gérard d’Esqueheries et sa femme ­Isabelle, certainement le couple de bourgeois sur lesquels on est le mieux renseigné quant à leurs acquêts. Comme ils n’étaient pas issus d’anciennes familles bourgeoises ­possessionnées depuis des générations, on les voit se constituer un patrimoine immobilier important en deux temps. D’abord, en 1317 et 1318, peu avant que Gérard devienne maire d’enseigne en 1322, ils acquirent une maison dans l’enseigne de la Gréance, l’une des plus notables de la ville499. Puis ils se mirent à acheter des rentes : une à Bernot500 et une à ­Saint-Quentin, rue des Flamands501. En 1339, le couple acheta des du Cavech le four au Fromage tenu en fief de l’abbaye de Royaumont pour 90 £ parisis502. Après la mort de sa femme Isabelle, Gérard continua l’expansion de son patrimoine et acheta une terre tenue du chapitre503, une rente à Pontoilles504, une à Remicourt505, et trois autres à ­Saint-Quentin : deux, rue du Vieux Marché506, et une, rue de Pontoilles507. Il en va de même pour les fiefs. L’acquisition d’un fief permettait de s’assurer d’un revenu, en argent ou en nature. Mais c’est surtout le prestige lié au fief qui importait. On peut observer que, dans la deuxième moitié du xive siècle, plusieurs bourgeois ont cherché à acquérir un fief dans la région. Tableau 9 Nombre de fiefs possédés par des maires, des échevins ou des jurés dans la deuxième moitié du xive siècle Offices Maire Échevins

499 500 501 502 503 504 505 506 507

82

Nombre de fiefs 8 7

Jurés

30

Total

45

Saint-Quentin, AM, liasse 25, 1318. Saint-Quentin, AM, liasse 25, 23 décembre 1318. Bernot, cant. de Guise, arr. de Vervins. Paris, BN, n.a fr. 3551, n° 3, juin 1317. Saint-Quentin, AM, liasse 268, dossier A, n° 2 (Lemaire, n° 551), février 1339 n.st. Saint-Quentin, AM, liasse 25, mars 1345 n.st. Saint-Quentin, AM, liasse 25, janvier 1346 n.st. Saint-Quentin, AM, liasse 25, février 1343 n.st. Saint-Quentin, AM, liasse 25, 7 juin 1346. Saint-Quentin, AM, liasse 25, juin 1343.

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Sur deux ou trois générations, quarente-cinq bourgeois ont possédé un fief508. Les fiefs urbains ont-ils contribué à élargir les réseaux féodaux en y incorporant les bourgeois ? Posséder un fief crée-t-il encore des liens au xive siècle ? Y a-t-il survivance, transformation ou annihilation du lien féodal passé le xiie siècle  ? Pour les bourgeois de Saint-Quentin, comme pour ceux de Paris, posséder un fief n’est pas un fait exceptionnel509. Les titulaires de ces fiefs percevaient un revenu, parfois conséquent mais le plus souvent symbolique. A priori, à la fin du Moyen Âge le fief tient plus du prestige social. Qui pouvait espérer vivre d’une paire de souliers donnée à Noël ou de deux chapons à la Saint-Jean ? Mais d’un autre côté, au xive siècle, les titulaires de fiefs faisaient encore aveu et dénombrement et rendaient hommage à leur seigneur, ce qu’ils ne faisaient peut-être plus au xve siècle510. Contre cette rente, le roi recevait service de fief, c’est-à-dire le service militaire511, mais surtout service de cour512. Plus que le revenu, plus que le service militaire, ce qui comptait c’était le service de cour. Si pratiquement tous disent devoir service de fief, six sont plus précis et disent devoir spécifiquement au roi service de cour et de plaid. Un bourgeois, Jean de Rocourt, affirma même avoir reçu son fief du bailli Guillaume de Staise pour cette raison, pour estre homme du roy513. Voilà un habile moyen pour les bourgeois d’avoir leur mot à dire à la cour du roi de Saint-Quentin. e. Culture et formation L’étude de la culture de l’élite dirigeante est difficile à cause du manque de sources. Si tous partagaient certainement la culture chrétienne, bien entendu, tous les bourgeois au service de la ville n’avaient pas la même formation. C’est grâce notamment à la renaissance des études au xiiie siècle, que maire, jurés et échevins apparaissent mieux formés pour exercer et défendre leur justice. Mais cinq seulement ont porté le titre de maître et on ignore en quoi514. Généralement, les sources mentionnent seulement le fait qu’ils devaient être des hommes discrets, prudents et sages515. Une culture de base, savoir lire, écrire et compter était vraisemblablement une qualification minimale pour participer à l’exercice de la justice de la ville. À la fin du Moyen Âge, le maire et les échevins semblent généralement plus instruits que les jurés. C’est l’un des seuls critères indiqués par la charte de Charles VI, qui exigeait de ces derniers une grande discretion516. Néanmoins, le roi notait que, parmi eux, il devait y en avoir quelques-uns au courant des usages de la ville et en état d’interpréter sainement les chartes royales517. i. La formation de base L’éducation dépendait essentiellement de l’autorité ecclésiastique, c’est-à-dire du doyen et du chapitre collégial de la ville. Aux derniers siècles du Moyen Âge, des petites écoles existaient afin d’assurer l’instruction des enfants. Cette éducation de base était 508 Paris, AN, P 135. 509 B. Bove, Dominer la ville, op.cit. 510 B. D. Lyon, From fief to indenture  : the transition from feudal to non-feudal contract in Western Europe, Cambridge

(Mass.), 1956, p. 270–273.

511 M. Sczaniecki, Essai sur les fiefs-rentes, Paris, 1946, p. 73, 75–103. 512 Paris, AN, P 135, n° 172, 3 juillet 1363 ; n° 178, 23 mai 1367 ; n° 206, 4 juin 1373 ; n° 211, 2 juin 1373 ; n° 223, 20

mai 1373 ; n° 238, vers 1373. Iibid., n° 173, 28 mai 1367. Guillaume de Grugies, Jean de Grugies, Jean de Pise, dont deux maires : Thomas le Cat et Philippe Prière. Saint-Quentin, AM, liasse 3, n° 1, op.cit. Ibid. Ibid.

513 514 515 516 517

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paroissiale. Un clerc, sous la responsabilité du curé de chaque paroisse, y prodiguait l’enseignement. Mais, progressivement, ces clercs s’affranchirent de la tutelle du curé et des écoles indépendantes virent le jour dans le courant du xve siècle518. C’est en fréquentant ces petites écoles paroissiales que les bourgeois de Saint-Quentin apprenaient à lire et à écrite le latin ainsi qu’à compter. ii. La formation secondaire La formation secondaire était dispensée dans l’école du chapitre, située in penario519, dans le cloître de l’église collégiale, près du grand portail520. L’école capitulaire a pour origine les écoles cathédrales du haut Moyen Âge521. Elle était dirigée par un chanoine écolâtre, office canonial important522, qui avait la charge d’enseigner et de nommer les maîtres enseignants523. Un collège des Bons Enfants est attesté dès le milieu du xiiie siècle524. C’était à l’époque une sorte de petit séminaire dans lequel le doyen et les chanoines de l’église collégiale de Saint-Quentin hébergeaient et entretenaient quelques enfants pauvres et méritants pour leur permettre d’aller suivre les cours à l’école du chapitre alors située à proximité. La situation évolua rapidement au tournant du xive siècle. En février 1304, Jeanne la Grenetière, veuve de Gossuin le Grenetier, un important bourgeois de la ville525, décèdait à son tour. En plus de la fondation d’un béguinage à Saint-Quentin, selon ses vœux et ceux de son mari, son testament prévoyait la fondation d’une chapelle dans l’église Saint-André et la dotation de douze clercs écoliers allant à la grande école de Saint-Quentin526. Elle voulait que ces écoliers soient appelés capets et qu’ils soient placés avec les autres dans la maison des Bons Enfants de la ville, à charge pour deux d’entre eux de célébrer la messe avec le chapelain et de lui rendre 6 £ parisis de rente annuelle527. Pour ce faire, Jeanne lègue 60 journaux, 518 T. Colart, «  Histoire de l’enseignement primaire dans le Vermandois  », MFSA, 20 (1974), p. 79–99. On reste malgré tout très mal renseigné sur ces petites écoles. Sur ce point, on peut consulter avec profit O. Guyotjeannin, « Les petites écoles de Paris dans la première moitié du xve siècle », dans J. Kerhervé, A. Rigaudière (dir), Finances, pouvoirs et mémoire. Hommages à Jean Favier, Paris, Fayard, 1999. p. 112–126. 519 In panario, signifirait que l’école était située dans la paneterie du chapitre (Coliette, vol 2, p. 250), ce qui est peu probable (Quentin de la Fons, Histoire particulière de l’Église, op.cit., p. 328). Proposons plutôt l’endroit du scriptorium (in pennario plutôt que in panario) ou bien du réfectoire du chapitre ? Dans tous les cas, la grande école du chapitre était située à l’intérieur du cloître. 520 J.-L. Colart, « Saint-Quentin », op.cit., p. 103. 521 Saint Médard, originaire de Selency près de Noyon, ainsi que saint Eleuthère, originaire de Tournai, auraient tous deux effectué des études à Saint-Quentin. Sur ce sujet, voir le très intéressant article de M. Heinzelmann, « Studia sanctorum. Éducation, milieu d’instruction et valeurs éducatives dans l’hagiographie en Gaule jusqu’à la fin de l’époque mérovingienne », dans Haut Moyen-Âge. Culture, éducation et société, Études offertes à Pierre Riché, Paris, 1990, p. 105–138. 522 Quentin de la Fons, Histoire particulière de l’Église, p. 327–332 ; Coliette, vol 2, p. 250–256. Cet office prit beaucoup d’importance au début du xve siècle, d’une part à cause de la suppression de la seconde dignité du chapitre, la « coutrerie », puis peut-être également à cause des nombreux démêlés entre le chapitre et son doyen à cette époque. 523 Quentin de la Fons, Histoire particulière de l’Église, p. 390–391. 524 Un acte de fondation d’une chapelle dans l’église de Saint-Quentin par saint Louis en 1254 mentionne que les Bons Enfants de la ville devaient assister tous les samedis à la messe de Notre-Dame chantée par un chapelain, leur donnant pour ce faire 100 s. parisis par an sur son péage de Saint-Quentin. Voir Quentin de La Fons, Histoire particulière de l’Église, p. 417 ; Histoire de la ville, p. 333. 525 Riche bourgeois, Gossuin le Grenetier fut membre actif de l’administration municipale de Saint-Quentin à la fin du xiiie siècle. 526 Paris, AN, L 739, dossier 3, n° 51. 527 Héméré, De Scholis Publicis, p. 161 et s. ; Coliette, vol 2, p. 280–283 ; Laon, AD Aisne, G 787, p. 1646–1649 ; Héméré, De Scolis Publicus, p. 161–164. Sur les motivations des fondateurs de collèges voir A.L. Gabriel « Motivations of the Founders of Medieval Colleges », Miscellanea Medievalia, 3 (1964), p. 61–72 ; Id. « Philanthropy and the Universities in France and England in the later Midde Ages » dans The Economic and Material Frame of the Mediaeval University, NotreDame, 1977, p. 69–80.

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40 verges et demie de terres labourables au terroir de Flaucourt528. Ces terres furent acquises quelques années auparavant, en février 1296, de Bertrand du Hamel, chevalier, sire de Cléry529, moyennant 724 £ 17 s. 6 d.530 et amorties par Philippe le Bel dès juin 1296 en prévision de la fondation531. La charge de nommer les enfants appartient alors aux exécuteurs testamentaires de la fondatrice, soit Milles de Durba, Guillaume Malakin, chanoines de Saint-Quentin, Guy de Laon, chanoine de Laon, et Me Jean Plantaveine, chanoine de Noyon. Cependant, les enfants désignés doivent être acceptés par le chapitre qui ne pouvait toutefois les refuser ou les démettre, sauf s’ils se comportaient mal. Les prémices pour une nouvelle organisation de l’enseignement supérieur sont alors posées. Dès le 12 novembre 1307, à la remontrance du principal maître des Bons Enfants le doyen et le chapitre permettent que, dorénavant, les leçons soient dispensées dans le collège532. Le collège détrôna l’école capitulaire comme principal lieu d’enseignement dans la ville. Étant devenu en février 1318 le dernier exécuteur de la fondatrice et trop occupé au service du roi, Me Guy de Laon, également trésorier de la Sainte-Chapelle à Paris, aumônier de Philippe le Bel et lui-même fondateur du collège de Laon-Presles à Paris533, démissionna du poste de gouverneur et administrateur des Bons Enfants, remettant tout entier le contrôle du collège au doyen et au chapitre. Dès lors, la nomination des enfants et l’administrateur de leurs biens ne relevèrent plus que d’eux534. C’est donc grâce à l’action d’une généreuse donatrice bourgeoise, encouragée par au moins un de ses exécuteurs testamentaires, que le collège des Bons Enfants est devenu l’institution d’enseignement la plus importante de la ville et de sa proche région. Comme le démontrent les rares listes de capets, l’enseignement du chapitre est en partie mis au service des bourgeois. On sait peu de choses de l’enseignement qu’on recevait dans le collège. La matière de prédilection semble avoir été l’enseignement de la langue latine au plus grand nombre d’enfants dans la ville535. Pour ce qu’on en sait, l’enseignement y fut somme toute classique : trivium et quadrivium. Les trois professeurs mentionnés dans les comptes, qui étaient salariés de leurs étudiants536, se seraient partagé les matières à enseigner. Le premier, qui était également le principal du collège, aurait enseigné le trivium, soit la grammaire, la rhétorique et la dialectique. Les deux autres professeurs assuraient l’enseignement du quadrivium : l’un enseignait l’arithmétique et la géométrie, l’autre la musique et l’astronomie537. Ceux qui fréquentaient le collège étaient formés à la disputatio et, bien qu’il soit difficile de le démontrer, Somme. Cléry-sur Somme, Somme. Laon, AD Aisne, G 787, p. 1642–1643. Acte vidimé en 1319. Laon, AD Aisne, G787, p. 1639–1641 Quentin de la Fons, Histoire particulière de la ville de Saint-Quentin, t. 2, 1ière partie, Saint-Quentin-Paris, Deloy, Derache, Demoulin et Didron, 1856, p. 331. 533 Sur Gui de Laon, voir la thèse de F.K. Jensen, A History and Cartulary of the College of Presles at the University of Paris, Thèse de Ph.D., Medieval Institute, Université Notre Dame, Illinois, 1969, p. 104 et celle de R. Gane, Le chapitre de NotreDame de Paris au xive siècle. Étude sociale d’un groupe canonial, Saint-Étienne, 1999, p. 337. 534 Laon, AD Aisne, G 787, p. 1649–1651 ; Héméré, De Scholis Publicis, p. 165. 535 Quentin de la Fons, Histoire particulière de la ville, t. 2, 1ère partie, p. 334. 536 Paris, AN, Paris, AN, M 106, dossiers 29, 30 et 31. Les dossiers 32 à 35 de la même cote sont des comptes sur cahiers de parchemin du xve siècle. 537 Coliette, vol. 2, p. 252  ; Sur l’enseignement médiéval voir O. Weijers et L. Holtz (éds.), L’enseignement des disciplines à la Faculté des arts (Paris et Oxford, xiiie–xve siècles). Thurnout, 1997, p. 43–54 ; J. Hamesse (éd.), Manuels, programmes de cours et technique d’enseignement dans les universités médiévales, Actes du colloque international de Louvainla-Neuve (9–11 septembre 1993), Louvain-la-Neuve, 1994. 528 529 530 531 532

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ils étaient très probablement formés à la rhétorique538. Être tres bons parlierres constituait certainement l’une des qualités essentielles pour les futurs dirigeants et juges de la ville539. iii. Les études supérieures On connaît l’importance des études universitaires dans les milieux urbains du Nord de la France540. Ces études se faisaient forcément à l’extérieur de la ville, le seul lieu connu étant Paris541. Dans ce cas, la commune administrait deux bourses de 10 £ créées au milieu du xive siècle par un bourgeois nommé Philippe du Kesne542. Ces études universitaires ne concernaient qu’un petit nombre de familles, même si le nom des boursiers reste presqu’inconnu. Le compte d’argenterie, 1352–53 fait état du paiement fait à la Saint-Remy (1er octobre) 1352 de la moitié du montant de leurs bourses, soit 5 £ parisis pour chacun, as escoliers de le fondacion maistre Phelippe le Caisne543. Mais on trouve, dans la liasse 93, une quittance de Thomas Le Cat, clerc, datée du 8 décembre 1400, par lequel il déclarait avoir reçu du maire, des échevins et des jurés, payant par la main de pourveu et prudent homme Colart Lanchart, argentier de la dite ville, la somme de vint livres parisis pour et ou nom de maistre Jaque Le Cat, maistre en ars, et Simonnet Le Cat, mes nepveux, estudians a Paris, pour le terme de la Saint Denis derrain passé, a cause des boursez a eulz octroiiés par mes dis seigneurs de la ville, jadis dondées et pour ce ordonnées par deffunct de bonne memoire maistre Philippe le Caisne, dont Diex ait l’ame544. Cette dernière quittance montre qu’à cette époque, la bourse servait à former les enfants de grandes familles bourgeoises. iv. Les autres savoirs Pour administrer la justice, il était indispensable de connaître la coutume et les autres droits. Les échevins étaient choisis principalement pour leur connaissance des usages et des coutumes de la ville545. La bonne maîtrise de la coutume fait partie intégrante de la culture juridique des gens de justice au service de la ville, mais rien n’indique comment ils l’acquièrent. La connaissance de la coutume locale se faisait par la pratique ou à partir de coutumes écrites. La rédaction de la coutume reste cependant une initiative privée. On la sait déjà rédigée en langue vernaculaire en 1268 et objet d’une réclamation en justice546. Le plus ancien manuscrit encore existant est cependant de 1448547. La connaissance de la charte de commune et de son interprétation devait faire partie du bagage minimum 538 Saint-Quentin, BM, ms. n° 110. 539 L’ouvrage le plus important en la matière, le Livre dou Trésor de Brunetto Latini, éd. Paul Chabaille, Paris, 1863,

p. 578–581, en fait l’une des principales qualités du bon dirigeant de la ville. Très répandu, cet ouvrage a très certainement contribué à la diffusion d’Aristote et de Cicéron au sein du gouvernement des villes du Nord. 540 P. Desportes, « Les gradués d’université dans la société urbaine de la France du Nord à la fin du Moyen Âge », dans Milieu universitaire et mentalité urbaine au Moyen Âge, Colloque du Département d’études médiévales de Paris-Sorbonne et de l’Université de Bonn, Paris, 1987, p. 49–68. Pour le Sud, voir J. Verger, « Les gradués en droit dans les sociétés urbaines du midi de la France à la fin du Moyen Âge », dans Milieux universitaires et mentalité urbaine au Moyen Âge, Paris, 1987, p. 145–156. 541 Il ne reste aucune trace dans les archives municipales de Saint-Quentin de bourgeois ayant fréquenté l’université d’ Orléans, connue pour enseigner le droit romain. 542 Saint-Quentin, AM, liasse 93, dossier C (Lemaire, n° 805), 8 décembre 1400. 543 Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 29 et 30 (Lemaire, n° 658), compte du 24 juin 1352 au 24 juin 1353. 544 Saint-Quentin, AM, liasse 93, dossier C (Lemaire, n° 805), 8 décembre 1400. 545 Saint-Quentin, AM, liasse 13, n° 4 ; Paris, AN, X1a 53, fol. 235v–236 op.cit. 546 Une réclamation en justice fait allusion à un livre écrit traitant de usibus et legibus Viromandie et de villa Sancti Quintini et communia : Saint-Quentin, AM, liasse 24 (Lemaire, n° 89), 13 octobre 1263. 547 C.J. Beautemps-Beaupré (éd.), Coutumes des pays de Vermandois et ceulx de envyron, Paris, 1858.

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Les officiers de la justice municipale | chapitre ii

inculqué à tous les jurés. C’est pourquoi, peu de temps après l’obtention de la charte de Philippe Auguste, celle-ci fut traduite en langue vernaculaire, en français picard, dans le but de la faire connaître aux jurés qui ne maîtrisaient pas le latin548. La connaissance des autres droits est cependant moins évidente. On sent leur influence sur le droit de la ville, qui, comme on l’a vu, fut un droit très perméable aux ordonnances et aux droits savants. Les chirographes, documents échevinaux par excellence, se teintent de clauses de protection empruntées au droit privé romain, qui deviennent de plus en plus nombreuses au cours du xiiie siècle. L’influence des droits savants se fit vraisemblablement par l’entremise des bourgeois partis étudier à Paris et, plus certainement, par l’intermédiaire du chapitre, fort au courant en la matière. Par les manuscrits conservés provenant du fonds du chapitre collégial, on sait qu’il possédait une copie du Digeste dès le xiiie siècle et un recueil de traités de droit canon au xive siècle549. Enfin, rappelons que la ville savait tirer profit des savoirs des métiers liés à la profession qu’exerçaient les bourgeois. Jean de Grugies, maître charpentier, devint commis aux ouvrages550 et un autre, Colard Lanchart, garde de la Monnaie royale, fut nommé bien malgré lui argentier551. v. Posséder des livres En l’absence de traces d’une bibliothèque échevinale ou communale, qui n’apparait vraisemblablement qu’aux xve–xvie siècles552, il faut s’en tenir aux possesseurs personnels. Le 13 octobre 1268, une réclamation en justice fait état d’un livre écrit en français (in romanis scriptum), qui traitait des usages et des lois du Vermandois, de Saint-Quentin et de sa commune553. Le seul autre exemple est celui de Jacques Bauchant, qui n’est connu que pour avoir servi le roi554. Mais il est le seul bourgeois dont on sache qu’il possédait des livres555. Il a traduit pour le compte de Charles V Le livre des voies de Dieu d’après son exemplaire personnel, ainsi qu’un pseudo Sénèque, le De remedis fortuitorum  ; il possédait aussi une traduction de Végèce, effectuée par Jean de Meung en 1284. Si ses lectures paraissent de peu d’intérêt pour le gouvernement de la ville, en revanche son œuvre de traducteur pour Charles V montre une maîtrise de la langue savante de très haut niveau. À sa mort, en janvier 1396, la bibliothèque de Jacques Bauchant fut en partie vendue au duc d’Orléans556. Saint-Quentin, AM, liasse 7, (Lemaire, n° 6), copie du début du xiiie siècle. Saint-Quentin, BM, ms. n° 79 et 85. Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 22 (Lemaire, n° 532 ; P. Jourdan, p. 143–148), compte pour l’année 1335–1336. Paris, AN, X1a 4786, fol. 6–7, 22 novembre 1402. F. Avril, N. Reynaud, Les manuscrits à peintures en France 1440–1520, Paris, 1994 ; A. Girard, « Les incunables rouennais  : imprimerie et culture au xve siècle  », Revue française d’histoire du livre, 53, 1936, p. 463–525  ; C. Rabel, « Artiste et clientèle à la fin du Moyen Âge : les manuscrits profanes du Maître de l’échevinage de Rouen », Revue de l’art, 84, 1989, p. 48–60 ; A. Labarre, Le livre dans la vie amiénoise du seizième siècle, l’enseignement des inventaires après décès 1503–1576, Paris-Louvain, 1971 ; G. Labory, « Les manuscrits de la Grande chronique de Normandie du xive et du xve siècle », Revue d’histoire des textes, 27, 1997, p. 191–222, et 29, p. 249–255. 553 Saint-Quentin, AM, liasse 24, (Lemaire, n° 89). 554 On note toutefois plusieurs Bauchant comme officiers municipaux et comme jurés. Son père, Pierre Bauchant, était également sergent d’arme du roi. Voir Paris, AN, JJ 82, n° 145, 15 avril 1345, et P 135, n° 171. 555 C. Desmaze, « Jacques Bauchant, sergent d’armes, bibliophile saint-quentinois », Bulletin de la société des antiquaires de Picardie, 1869, p. 226–234 ; L. Delisle, Recherches sur la librairie de Charles V, Paris, 1907 ; K. Chesney, « Notes on Some treatises of Devotion Intended for Margaret of York », Medium Aevum, 20 (1951), p. 28–31 ; DLF, p. 726. 556 A. Leroux de Lyncy, La bibliothèque de Charles, duc d’Orléans à son château de Blois en 1427, Paris, 1843. 548 549 550 551 552

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Première Partie | Origine et développement de la justice dans la ville

vi. Fondations et donations charitables : une action pieuse ou civique ? Dans l’idéal de l’époque, sauver son âme est plus important que d’acquérir la richesse, bien que l’un n’aille pas sans l’autre. L’accomplissement personnel du bourgeois qui participe à l’action de la justice municipale se fait donc également par ses fondations pieuses ce qui dénotent également une certaine forme d’esprit civique. Les fondations bourgeoises les plus courantes sont les chapelles et les messes. Elles demandaient peu de moyens particuliers, d’où leur popularité. Le martyrologe du chapitre de Saint-Quentin et les testaments bourgeois, récemment édités et étudiés par Pierre Desportes, sont dans ce sens probant557. Ils démontrent une pratique répandue, sans être exagérée : les legs pieux dépasse rarement 10 % des sommes disponibles et dans la diversité ils présentent une dévotion à caractère civique. Les bourgeois font quasi-systématiquement des dons à leur paroisse et aux pauvres de la ville, très souvent à l’œuvre monseigneur saint Quentin (85 %) et au pardon du Haut-Pas (72%)558, en faveur des hôpitaux et de la léproserie de la ville ou des béguines et des recluses. Mais l’esprit civique des bourgeois est encore plus éclatant lorsqu’ils fondent un établissement charitable. Ce genre de fondation est cependant moins courant. Elles étaient réservées à l’élite parce qu’elles demandaient plus de moyens financiers559. Les motifs des fondateurs d’établissements para-ecclésiastiques sont d’ordre spirituel. En accomplissant ce genre d’œuvre pieuse, il s’agissait d’exercer la charité envers son prochain en vue de s’assurer l’au-delà. Seule, peut-être, la léproserie de la ville fut fondée également pour des considérations sanitaires dues à la crainte de la contagion. On peut également effectuer une typologie des fondateurs d’établissements charitables en les classant en quatre catégories : les grands personnages ecclésiastiques, comme l’évêque de Noyon ou les dignitaires de la collégiale, puis les chanoines, les bourgeois et enfin les nobles. Avec les chanoines de la collégiale, les bourgeois–et leurs femmes–furent les fondateurs les plus actifs dans la ville, plus que les seigneurs des environs. Les bourgeois étaient des fondateurs d’hôpitaux et de béguinages, des établissements typiquement urbains. Leurs caractères laïc et bourgeois sont d’autant plus perceptibles que quatre des cinq béguinages de la ville étaient gérés par la commune560, que plus de la moitié a été fondée par des bourgeois ayant participé à l’administration de la commune et qu’ils attiraient des legs testamentaires pieux de la part des habitants de la ville561. Les lieux de sépulture choisis par les bourgeois furent également significatifs de leur distinction sociale. Élire sépulture dans les couvents des ordres mendiants devint, au xive siècle, une pratique courante chez les bourgeois, tellement que le chapitre dut y mettre un frein562. Alors que les petits testateurs se font ensevelir dans le cimetière de leur paroisse,

557 P. Desportes, Testaments saint-quentinois du xive siècle, Paris, 2003. 558 C’est-à-dire à l’hôpital Saint-Jacques tenu par l’ordre de Saint-Jacques d’Altopasscio. Voir Ibid. p. xxxiv–xxxvi. 559 Sur les établissements charitables de Saint-Quentin, voir C. Marchand, La vie paroissiale à Saint-Quentin au xve

siècle, Mémoire de maîtrise, Université de Picardie, 1985. 560 C. Gomart, « Les béguinages à Saint-Quentin », dans Études saint-quentinoise, t. 5, p. 129–186 ; C. Boutrois, Les établissements hospitaliers et l’assistance médicale gratuite à Saint-Quentin avant la Révolution, Lille, 1902. 561 P. Desportes, Testaments saint-quentinois, op.cit., p. xxxviii–xl. 562 Les Dominicains connurent des différends avec les curés des paroisses parce qu’ils avaient donné sépulture à des habitants de la ville. Le 17 juillet 1346, le chapitre statua que la permission du chapitre était obligatoire. Voir C. Gomart, Études saint-quentinoise, op.cit., t. 3, p. 380.

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Les officiers de la justice municipale | chapitre ii

tableau 10 Les fondateurs et l’administration des établissements charitables de Saint-Quentin237 Type

Nom

Fondateur

Date

Administration

Hôpital

Des Enflés, Infirmerie ?

Hilrad, coûtre du chapitre

852

Chapitre

Hôpital

Saint-Antoine

1095

Commune

Léproserie

Saint-Ladre

v. 1120

Abbaye de SaintQuentin-enl’Isle ; commune ap. 1295

Hôpital

De Pontoile

v. 1166

Hôpital

De la Gréance

1191

Chapitre

Hôpital

Des BellesPortes, Trinité, Mathurins, des Ânes

Le doyen et le chapitre ?

v. 1198

Chapitre ; Trinitaires

Béguinage

De Fonsomme

Gérard de Fonsomme, sénéchal de Vermandois

v. 1235

Commune et chapitre

Hôpital

Saint-Jacques

Confrérie SaintJacques du HautPas

v. 1257

Commune

Hôpital + Béguinage

De Buridan

Mathieu et Eude sa femme

1288

Commune et évêque de Noyon

Hôpital

Grand-Hôpital, Grand-HôtelDieu, GrandHôtellerie, Maison-Dieu, Hôpital SainteMarie

Le doyen et le chapitre

v. 1290

Chapitre ; juridiction temporelle réclamée par la commune

Collège

Bons Enfants, des Capets

Gossuin et Jeanne le Grenetier

1304

Chapitre

Béguinage

Des Grenetier

Gossuin et Jeanne le Grenetier

1304

Chapitre

Hôpital + Béguinage

Des Suzannes

Robert de Suzanne

1334

Commune

Hôpital

Lambais

Anselme de Lambais

v. 1340

Béguinage

D’Esquehéries

Gérard et Isabelle d’Esquehéries

1344

Commune

Hôpital

Hôtel-Dieu du Petit-Pont

Jean de Melun, évêque de Noyon

1350

Évêque de Noyon

237 D’après P. Jourdan, Étude topographique et sociale, op.cit. ; J.-L. Colard, « Saint-Quentin », op.cit.

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Première Partie | Origine et développement de la justice dans la ville

voire dans la fosse commune563, ce fut celui des Franciscains de la ville qui retint l’attention de Pierre de Pons et de Maroie l’Épicière, femme du maire Simon Plate-Corne564. Conclusion Le maire, les jurés ou les échevins se distinguaient par leur choix, leurs attributions, leur recrutement et leurs rétributions. Ces officiers au service de la ville, chargés de faire appliquer sa justice, étaient les juges ordinaires des habitants non privilégiés de Saint-Quentin. Au départ, la commune ne comptait qu’un seul officier : le maire. Au xiie siècle, celui-ci apparaît comme un personnage singulièrement important dans la ville. Le prestige de la fonction ne se dément pas tout au long de la période médiévale où elle ne fut occupée que par des personnages de premier plan, riches, instruits et bien enlingnagés, certains même anoblis. À la fin du xiie siècle, la transformation de la commune en communitas avait entrainé la création d’un pouvoir représentatif de l’ensemble des bourgeois de la ville, les jurés. Rapidement, ceux-ci devinrent des administrateurs, des officiers de justice et des juges. Leur choix était effectué chaque année par un mode de suffrage indirect à plusieurs degrés. Les jurés étaient choisis par la totalité de l’assemblée des habitants, le mercredi avant la Saint-Jean. Étant les représentants de la commune, ils étaient choisis par la commune. La situation des échevins était différente. Depuis 1215, le maire et les jurés avaient réussi à les coopter parmi eux. Les treize échevins étaient renouvelés, en tout ou en partie, chaque année à la même époque ou quand cela était nécessaire. Le maire était choisi en dernier, par les jurés et les échevins nouvellement élus, probablement sans le concours de l’assemblée des habitants. Le pouvoir judiciaire supposait une nécessaire stabilité que seul l’autorecrutement était en mesure d’assurer. Mais cette stabilité impliquait une consécration par des procédures ou rituels de légitimation qui cherchaient un consensus populaire pour valider le choix de l’assemblée des représentants. Ce besoin de prestige des grands bourgeois, nécessaire pour dominer la ville, se constate par leur fortune, leur lignage, leur connaissance et leur culture. Il y avait des lignages bourgeois qui dirigeaient la ville et qui s’échangeaient le pouvoir sur des périodes de 20–30 ans. Sur deux cents ans, une douzaine de familles sortent du lot pour avoir eu accès à la mairie. À côté de ce noyau dur, des hommes nouveaux vinrent, leur vie durant, leur prêter main-forte pour diverses raisons. Ils étaient soit très riches, soit ils disposaient d’une compétence particulièrement utile à la ville. Très peu semble avoir fréquenté l’Université, mais plusieurs connaissaient le droit ou ont fondé une institution pieuse pour leur ville. Mais la dynamique commença à changer à la fin du xive siècle. Le nombre moins élevé de jurés et la réunion de l’échevinage à la commune contribuèrent à fermer le groupe. À cette époque également, les très grandes familles bourgeoises comptaient parfois un chanoine et quelques anoblis par lettres. Le groupe qui détenait le pouvoir à Saint-Quentin était donc multiforme. Il était ploutocratique, car les riches dominèrent. Il était méritocratique, car les gens instruits dans le droit ou la finance y jouèrent un rôle important. Il était oligarchique, car il ne concerna qu’un nombre restreint de lignages notables. 563 P. Desportes, Testaments saint-quentinois, op.cit., p. xliii–xliv. 564 Iibid., p. xliii.

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Chapitre III

Les auxiliaires de la justice municipale

Toute justice est tributaire des forces humaines mises à son service et l’apparition d’auxiliaires de justice accompagne les transformations socio-juridiques566. Deux moments forts ont vu apparaître de nouveaux auxiliaires de justice dans les villes. La mise en place de l’appareil judiciaire a suivi un processus similaire à celui vécu par Rome dans l’Antiquité567. Dans la première moitié du xiie siècle, après avoir littéralement expulsé de la ville les milites, l’espace urbain, désormais dominé par les bourgeois, se posait par principe comme une zone de paix. Ces milites, autrefois chargés de protéger la ville, furent remplacés par des servientes ou sergents sous la sauvegarde judiciaire des autorités municipales568. Si l’apparition des conseils de ville fut tributaire de la transformation de la commune en communitas, la mise en place d’un véritable appareil judiciaire accompagna une autre transformation, celle de la justice. L’arrivée de jurés suivit la fin du processus ayant apporté la transformation de la commune justice en justice de la commune exercée par des juges. Au départ, ceux-ci s’occupaient eux-mêmes de l’exécution de leur décision. Vers 1250–1270, un autre palier juridique fut atteint. Le changement induit par les réformes de Louis IX fut celui d’une dissociation de la fonction de juge, qui ordonne, et celui qui exécute qui lui obéit. Par la suite, le nombre plus ou moins élevé d’offices fut, selon l’expression de JeanMarie Cauchies, un baromètre à peu près fiable du degré de liberté et d’autonomie laissé à la ville par le pouvoir souverain569. Suivant un processus à la fois lié à l’autonomie de la ville, à l’abstraction de sa justice, au changement social et au changement de procédure, un personnel plus ou moins nombreux a graduellement été mis en place à partir du milieu du xiiie siècle pour conseiller le maire, les jurés et les échevins dans l’administration de la justice ou pour appliquer leur décision. Dans ce processus, il ne faut pas faire abstraction des moyens financiers nécessaires pour rémunérer l’ensemble de ces officiers. Comme seule la commune dispose du pouvoir de taxer et d’imposer570, sauf exception, les officiers municipaux étaient des officiers communaux. Cette dernière, lorsqu’elle rencontra des difficultés financières ou une baisse démographique, fut souvent obligée de réduire ses effectifs. Les officiers de la ville étaient choisis par les autorités municipales, bien qu’elles devaient obtenir l’approbation du bailli ou d’un lieutenant pour procéder à leur nomination571. Dans certains cas, ces nominations s’effectuaient chaque année. Dans d’autres, le titulaire d’un office pouvait être nommé pour plus longtemps. Souvent, ces officiers étaient pris à 566 R. Jacob, « Le procès, la contrainte et le jugement. Questions d’histoire comparée », Droit et Cultures, 47 (2004),

p. 11–34.

567 Voir R. Jacob, « Licteur, sergents et gendarmes », op.cit., p. 25–32. 568 Charte de Philippe Auguste, §24. 569 J.-M. Cauchies, « ‘Personnel communal’ et autonomie villageoise en Hainaut à la fin du Moyen Âge. Un baromètre

des ‘libertés’ ? » dans Coutumes et libertés, Montpellier, 1988, p. 139–143.

570 Charte de Philippe Auguste, §43. Sur l’interprétation de cet article, voir S. Hamel, «  Le processus de création des

règlements commerciaux à Saint-Quentin », op.cit.

571 Saint-Quentin, AM, liasse 7, n° 18 (Lemaire, n° 755), 20 juin 1383.

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Première Partie | Origine et développement de la justice dans la ville

gage, à salaire ou moyennant une pension. Certains offices étaient également donnés à cens ou à ferme. À côté du maire, des échevins et des jurés, agissaient une multitude de clercs, de sergents, d’avocats, de fermiers ou de censiers et d’autres officiers, qui, tous ensemble, ont donné vie à la justice municipale. Du fait de ces nombreux changements, il est pratiquement impossible de déterminer une liste stable et définitive des officiers de justice dans une ville. De plus, toutes ces fonctions ne sont certainement pas répertoriées dans les sources disponibles. Ce sont principalement les comptes qui en ont conservé la trace et ils sont rares. Tout indique également que, pour une même fonction, on a utilisé plusieurs appellations. De même, les tâches de ces officiers ont évolué au cours des années afin de s’adapter aux conditions nouvelle de la vie urbaine. A.

Les offices mineurs : maires et prud’hommes d’enseignes

Le processus d’unification du territoire urbain et des statuts avait provoqué un autre processus antinomique  : celui du découpage des villes en enseignes, bannières ou quartiers572. Des enseignes firent leur apparition avant le milieu du xiiie siècle à SaintQuentin573. Les seize enseignes qui rassemblaient les bourgeois par rue, portaient les noms de Marché, Sellerie, Touquet, Neuve-Rue, Castel, Sainte-Pécinne, Gréance, Vieux-Maché, Ronde-Chapelle, Tannerie, Boulangerie, Pontoiles, Beauvoir (Coppecaire), Fontaines, Belle-Porte ou Saint-Jean et Détroit-d’Isle (Rue-d’Isle). Chacune avait à sa tête un maieur assisté par trois prud’hommes ou sergents, et une enseigne, sorte de bannière servant à l’identifier574. Cette subdivision ne fut pas opérée avec l’idée qu’il y avait des intérêts distincts internes à la ville. À l’origine, cette organisation semble avoir eu l’objectif d’organiser la milice bourgeoise pour le guet, la défense de la ville ou la participation à l’ost royal575. Cette subdivision n’a outrepassé son rôle militaire qu’a posteriori, pour devenir le noyau central de l’organisation de la vie sociale : c’était par enseigne qu’étaient réparties l’assiette et la perception des tailles  ; c’était par enseigne que les habitants choisissaient leurs représentants chargés de désigner les jurés. Cette subdivision de la ville a prévalu sur toutes les autres, comme la paroisse, qui n’a joué aucun rôle central, si ce n’est religieux576, et les autres types d’associations citadines, tels que les confréries et les métiers, qui n’ont jamais joué de rôle politique à Saint-Quentin577. Ce découpage de la ville en enseignes au début du xiiie siècle avait créé un maire à la tête de chacune des seize enseignes de la ville. Il était secondé par trois sergents, ou prud’hommes d’enseignes, qui l’assistaient dans son action. L’apparition de cette nouvelle 572 Amiens comptait également 16 quartiers dits bannières. Les maïeurs de bannière à Amiens sont les chefs des confréries

de métiers. E. Maugis, Recherches sur les transformations du régime politique et social de la ville d’Amiens des origines de la commune à la fin du xvie siècle, Paris, 1906, p. 47. À Abbeville, les 16 métiers possédaient 4 mayeurs et participaient à la perception de l’impôt. 573 Saint-Quentin, AM, liasse 24 (Le Proux, n° 27), 1er février 1244 n.st., mentionne pour la première fois l’une des seize « enseignes » de la ville, celle du Vieux Marché. 574 Saint-Quentin, AM, liasse 116, n° 15 (Lemaire, n° 577). 575 Quentin de la Fons, Histoire particulière de la ville de Saint-Quentin, op.cit., 2e partie, p. 237. 576 P. Desportes, « Réflexion sur la paroisse urbaine en France du Nord (Reims, Amiens, Saint-Quentin, Aisne) au bas Moyen Âge (au-delà du xiiie siècle) », dans Histoire de la paroisse. Actes de la 11e rencontre d’histoire religieuse, Fontevreau (Maine et Loire) 2–3 octobre 1987, Angers, 1988, p. 45–58. 577 F. Desportes, « Droit économique et police des métiers en France du Nord », op.cit.

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Les auxiliaires de la justice municipale | chapitre iii

structure avant le milieu du xiiie siècle connut plusieurs corollaires578. Elle fut d’abord tributaire de l’unification du territoire urbain et de la différenciation sociale de la bourgeoisie entre majores et minores. Elle suivit également les réformes judiciaires de Louis ix qui amorça la dissociation entre jugement et contrainte. Faute de sources, la fonction de ces représentants des minores burgenses est difficile à saisir. Leur rôle semble militaire à l’origine. On suppose qu’ils avaient la responsabilité d’organiser la milice bourgeoise579. On peut également supposer qu’ils ont assuré la continuité du principe de la commune justice des origines. Il est également attesté que les maires et prud’hommes d’enseigne en étaient venus, au début du xve siècle, à exercer la censure du peuple dans les affaires importantes580. Ils étaient toutefois plus que de simples représentants du peuple, chargés d’exercer un contrôle sur l’action des dirigeants de la ville, en particulier sur les questions électorales, financières, fiscales et réglementaires. Au détour d’un compte ou de l’un des rares textes qu’ils ont produits, on les devine responsables de ce qu’on nomme aujourd’hui la police de proximité. 1.

Nomination et recrutement

On ignore comment ces maires et sergents d’enseignes étaient désignés. Au xvie siècle, ils étaient nommés après le maire et les jurés, lors de la première réunion du Conseil de la Chambre, le 24 juin581. En présence de ces derniers nouvellement élus, les habitants de chacune des seize enseignes de la ville venaient désigner leurs représentants. Ensuite, ils devaient prêter serment envers la commune et à l’ensemble des habitants de leur enseigne avant leur prise de fonction582. Les critères de résidence dans la ville, particulièrement dans l’enseigne dont ils avaient la charge, ainsi que le paiement de l’impôt ne sont spécifiés nulle part, mais il devait s’agir là de conditions essentielles à l’admissibilité à cette magistrature de la ville583. Le tableau 11 ci-dessous relève les mandats connus de maires d’enseigne et les changements de titulaires de l’office584. L’examen de la liste reconstituée des maires d’enseigne pour le xive siècle laisse percevoir que leur mandat devait être d’un an renouvelable. Il montre également que deux des enseignes du centre-ville, celle de la Gréance et celle de la Sellerie, étaient des enjeux politiques plus importants que les enseignes périphériques. L’enseigne la plus importante, celle de la Gréance, l’une des plus populeuses de la ville, change de maire plus souvent que les autres, presque chaque année si on se fie à l’échantillon ci-dessus. Censés être les représentants des minores burgenses, les maires d’enseigne finirent par être recrutés majoritairement parmi les majores burgenses de la ville. Rien ne semble empêcher un maire d’enseigne de cumuler cette charge avec une autre. Le cas est même très répandu, 20 maires sur 65 ont été jurés : Jean Le Ahennier, Jean Caufouret dit Le Clarier, Jean de Cokelaire, Renaut de Dalon, Philippe de Douay, Gérard d’Esqueheries, Geffroy Franquet, Mathieu le Grenetier, Pierre de Grugies, Jean le Horbe, Jean Le Lormier, 578 579 580 581 582 583 584

Saint-Quentin, AM, liasse 24 (Le Proux, n° 27), 1er février 1244 n.st. Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 14 (Lemaire, n° 477), compte pour l’année 1328–1329. Paris, AN, X1a 4787, fol. 225v, jeudi, 19 novembre 1405. Quentin de la Fons, Histoire particulière de la ville de Saint-Quentin, op.cit., 2e partie, p. 233–240. Cette pratique est très répandu dans le Nord. Voir A. Rigaudière, « Voter dans les villes », op.cit., p. 1445. Ibid. Ainsi, 10/11 des mandats représentent 10 titulaires différents pour 11 mandats sur un siècle.

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Première Partie | Origine et développement de la justice dans la ville

tableau 11 Taux de renouvellement des maires d’enseigne (xive siècle) Maires connus

Nb. de mandats repérés

Gréance

10

11

Sellerie

7

9

Neuve-Rue

6

9

Pontoiles

6

9

Beauvoire

6

10

Castel

7

12

Belles-Portes

7

12

Vieux-Marché

6

11

Tannerie

6

11

Ronde-Chapelle

6

12

Boulangerie

5

10

Fontaine

6

13

Marché

5

11

Sainte-Pécinne

4

9

Touquet

5

13

Détroit d’Isle

4

11

Moyenne :

6

10,8

Jean de Marle, Geoffroy Le Moine, Guillaume Le Moine, Jacques du Petit-Pont, Jean Renouart, Jean Roitel, Jean Le Sellier, Jean le Tourtier et Quentin de Villerel. Par exemple, Jean Caufouret dit Le Clarier avait commencé par devenir maire de l’enseigne du Marché, vers 1324585, pour accéder au gouvernement de la ville, vers 1331586, et devenir un des jurés les plus actifs entre cette date et 1342587. En croisant la liste des maires d’enseigne avec celle des maires, des jurés et des échevins, on constate que plusieurs maires d’enseigne avaient un ou plusieurs membres de leur famille au sein du gouvernement de la ville. Ce fut le cas pour Jean d’Arras, Henri d’Audigny, Quentin le Bègue, Simon de Bohain, Étienne de Dalon, Philippe de Douai, Robert d’Espinoy, Gérard de Gauchy, Raoul Goudet, Mathieu le Grenetier, Mathieu et Baudouin Rouve et Collard de Villerel. Il ressort donc que, progressivement, les grands bourgeois de la ville vinrent à dominer également les nominations de ceux qui étaient désignés pour les choisir et représenter les intérêts des petits bourgeois. En y plaçant des familiers, ils pouvaient contrôler l’assemblée du peuple de la ville chargée de les censurer et faire passer facilement leurs décisions qui nécessitaient leur approbation. C’est ce qui a pu faire dire au chapitre de Saint-Quentin que les maires et les prud’hommes 585 Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 10 (Lemaire, n° 311 ; P. Jourdan, p. 78–84), compte pour la période allant du

14 février 1324 n.st. au 24 juin 1324.

586 Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 16, 18 et 15bis (Lemaire, n° 486, 497), 1331.04.08–1331.06.24. 587 Il fut successivement receveur, commis aux enquêtes, commis aux ouvrages.

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d’enseignes n’oseroient dissentir à ce que pouvaient faire le maire, les échevins et les jurés, car au landemain ils ne seroient plus preudommes d’enseigne588. 2.

Des représentants des minores burgenses

Les 16 maires d’enseigne et les 48 prud’hommes, ou sergents d’enseigne, participaient en une quelconque manière à l’élection des jurés589. L’adage Quod omnes tangit… , a favorisé le transfert de compétence des habitants au profit d’une assemblée représentative qui a pris une forme institutionnelle590. Si la composition du corps électoral est, comme on l’a vu plus haut, facile à restituer, la charte de commune reste cependant très vague quant à l’assemblée des habitants. Il y est simplement dit que, à leur bon vouloir, le maire et les jurés pouvaient convoquer l’assemblée pour discuter des affaires de la ville au son de la cloche et quiconque y était convié recevait l’immunité de la commune591. Dans les documents, les 16 maires et les 48 prud’hommes forment l’assemblée des habitants, chargée de censurer le maire, les échevins et les jurés592. Le titre de bourgeois ayant fini par ne désigner que les seuls majores burgenses, ils représentaient au sein des institutions communales tous les autres bourgeois, le peuple de la commune, également constitué en groupe social. Rarement appelés petits bourgeois (minores burgenses), les documents les désignent le plus souvent simplement comme les habitants ou le peuple commun de la ville593. Ils représentaient, pour utiliser le vocabulaire de l’époque, la puissance du peuple594, le consans de la ville595, la plus grant et seine partie des habitans596, ou encore l’universalité des habitans597. Leur rôle de censeur, les maires et les prud’hommes des enseignes l’exerçaient dans plusieurs domaines. Il n’est attesté qu’à partir du rétablissement de la commune en 1321. À partir de cette année-là les maires et les prud’hommes d’enseignes approuvaient les comptes de la ville rendus par les argentiers le 24 juin. Il est vraisemblable de croire que ce ne fut que pendant la suspension de la commune que, à la suite de la plainte des minores burgenses quant aux comptes de la ville, ceux-ci furent autorisés à assister à leur reddition598. Leur donner un droit de regard sur la dépense des deniers communs fut peut-être une façon de répondre à cette plainte. C’étaient les maires d’enseigne qui autorisaient la levée des tailles communales et avaient la charge d’en déterminer l’assiette puis de les percevoir599. En contact direct avec les habitants de leur enseigne, ils devaient être plus facile pour eux de déterminer qui avait ou non payé sa quote-part des tailles afin de courir après les récalcitrants600. Pour la même raison, ils s’occupaient également de la perception des 588 Paris, AN, X1a 4787, jeudi 19 novembre 1405. 589 Le rôle des institutions représentatives commence à intéresser les historiens. Voir A. Rigaudière, « Voter dans les

villes de France au Moyen Âge », op.cit. K. Weidenfeld, Les origines médiévales du contentieux administratif (xive–xve siècles), Paris, 2001, p. 49–50. Charte de Philippe Auguste, §31. Paris, AN, X1a 4787, fol 225v. Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° 107 (Lemaire, n° 596), 17 juin 1342. Ibid. Paris, AN, JJ 60, fol. 48–48v, n° 70, 4 septembre 1321. Saint-Quentin, AM, liasse 3, n° 26 (Lemaire, n° 866), 7 octobre 1416. Saint-Quentin, AM, liasse 2, n° 55 (Lemaire, n° 817), 8 octobre 1405. Livre rouge, n° 37, septembre 1318. Paris, AN, X1a 4787, fol. 225v, jeudi 19 novembre 1405. En témoignent les nombreuses listes de défaillants aux tailles qu’ils ont dressées. Par exemple, Saint-Quentin, AM, liasse 130, n° 14 et 15.

590 591 592 593 594 595 596 597 598 599 600

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droits de pertuisage, c’est-à-dire le droit de perce sur les vins vendus au détail601. Les maires et les prud’hommes d’enseigne avaient également la charge de sanctionner toute la réglementation touchant la commune. Ainsi, en 1321, le prévôt de Saint-Quentin dut réunir le consans de la ville pour approuver une nouvelle réglementation relative à la fabrication et au commerce des draps602. 3.

Des gardiens de la paix

Avec leurs prud’hommes, les maires d’enseignes avaient également un rôle de gardien de la paix de première ligne, une sorte de police de proximité héritière des principes fondateurs de la commune. Les traces documentaires de cette action font aujourd’hui défaut, mais Quentin de la Fons rapporte que leur occupation principale consistait dans la surveillance de ce qui se passait dans l’enseigne dont ils avaient la charge603. Ils surveillaient les allées et venues des étrangers et se devaient de s’enquérir si des individus séjournaient dans la ville sans la permission du maire et des jurés. Ils avaient la surveillance des puits et devaient s’assurer qu’ils étaient bien entretenus aux dépens des habitants de l’enseigne qui étaient obligés d’y contribuer. Ils étaient également les pompiers de la ville et ils prévenaient les incendies : seule la ville de Mons semble disposer de pompier avec ses effrois des flammes604. Ils visitaient donc les fours et les cheminées pour s’assurer de leur bon état. Ils avaient la possibilité de les faire démolir si, à leur semonce, le propriétaire refusait de les réparer. Ils devaient avoir la charge de régler les petites querelles entre voisins avant qu’elles ne dégénèrent. Ils se devaient de prévenir et d’empêcher les rixes dans leur enseigne respective et, lorsqu’une mêlée survenaient, ils pouvaient faire arrêter ou mener eux-mêmes en prison les belligérants. Par la force des choses, ils étaient eux aussi intimement liés à l’exercice de la justice, mais une justice quotidienne, celle faite de petites querelles de voisinages qui se réglaient le plus souvent à l’amiable. Leur rôle apparaît important dans le fait qu’ils avaient la tâche d’empêcher que ces petits litiges ordinaires ne deviennent extraordinaires. Servant de relais entre l’élite dirigeante et le reste de la communauté, on leur a également remis l’exercice concret de la vengeance de la commune afin qu’elle se passe avec l’assentiment des amis ou des voisins d’un condamné. Enfin, ils étaient chargés de la faire démolir et de mettre aux enchères les matériaux des maisons qui devaient être abattues à la suite d’une sentence d’expropriation pour ruine et abandon ou d’arsin judiciaire605. B.

Les techniciens

Certains offices nécessitaient la maîtrise de connaissances techniques particulières. Au Moyen Âge, la justice municipale a fait appel à des spécialistes du droit, de l’écriture et de la médecine. 601 Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 5 et 7 (Lemaire, n° 299 et 360), compte pour l’année 1322–1323. 602 S. Hamel, « Le processus de création des règlements commerciaux à Saint-Quentin », op.cit. ; Paris, AN, JJ 60, fol.

48–48v, n° 70 (4 septembre 1321).

603 Quentin de la Fons, Histoire particulière de la ville de Saint-Quentin, 2e partie, p. 238–239. 604 H. Lévy-Bruhl, « Note sur l’assistance obligatoire en cas d’Incendie », dans Mélanges Paul Fournier, Paris, 1929,

p. 455–465.

605 Le seul exemple subsistant est celui-ci : Saint-Quentin, AM, liasse 37, n° 6, 27 août 1389 (Lemaire, n° 766).

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Les auxiliaires de la justice municipale | chapitre iii

1.

Le procureur de la commune

Pour administrer leur justice, maire, jurés et échevins pouvaient en premier lieu compter sur le procureur de la commune ou procureur de la ville, également appelé garde de la maison de la paix. On ne doit pas le confondre avec le lieutenant du maire ou avec les procureurs occasionnels chargés d’une mission à l’extérieur de la ville au nom du maire et des jurés606. Le procureur de la commune était l’adjoint administratif et judiciaire du maire chargé de défendre les intérêts de la commune devant diverses cours de justice. Son rôle a pris beaucoup d’importance au xive siècle, à partir du rétablissement de la commune. Avec la pénétration de la procédure inquisitoire dans la procédure criminelle utilisée par la ville, le procureur de la commune est devenu un quasi équivalent médiéval du ministère public607. Dans les années 1320–1330, le procureur de la commune eut un rôle essentiel à jouer dans la procédure de la ville. En vertu de l’obligation du claim, c’est lui qui se porte accusateur pour la commune quand il faut poursuivre un criminel qui n’a été dénoncé que par la seule rumeur publique. Il faisait également des reconnaissances au nom de la ville608. Signe de son importance, le garde de la Maison de la Paix touchait 25 £ de gage annuel, ce qui en faisait l’un des officiers municipaux les mieux rétribués avec le maire, l’argentier et les conseillers juridiques609. 2.

Les clercs de la ville

La commune emploie deux ou trois clercs. Le plus important était le clerc de le greffe ou greffier de la Maison de la Paix, également appelé dans la seconde moitié du xive siècle clerc de l’office. C’est ce personnage qui était chargé de rédiger les écritures produites dans le cadre du tribunal de la commune, c’est-à-dire les sentences, les enquêtes et les comptesrendus des plaids et de la chambre. À partir de 1365, il devait également tenir le registre de la cour municipale610. À l’occasion, on le voit rédiger un compte d’argenterie, donner des quittances ou même voyager pour payer une somme d’argent due par la ville à un de ses pensionnaires611. Comme il semble avoir été de permanence à la Maison de la Paix, il lui arrivait de recevoir l’argent mis en dépôt par des bourgeois dans le coffre de la commune et le bois provenant des maisons en déshérences. À cause de cela, par un usage ancien, c’est lui qui se voyait attribuer le bois de charpente provenant des héritages de la ville trop vieux pour être remis en état, ainsi que les jeunes arbres et les branchages brisés par le vent ou par toute autre cause accidentelle dans l’étendue du domaine de la commune612. Le greffier agissait souvent comme procureur du maire et des jurés en tant que chef de cens pour la ville lors de transactions immobilières l’impliquant613.

606 Le lieutenant du maire n’est pas un office. Ce n’est qu’un juré qui remplace le maire en son absence. 607 G. Leyte, « Les origines médiévales du ministère public », dans J.-M. Carbasse (dir.), Histoire du parquet, Paris

2000, p. 23–54.

608 Saint-Quentin, AM, liasse 42, n° 7, juin 1356. 609 Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 15 (Lemaire, n° 482), compte du 25 décembre 1329 ; n° 22 (Lemaire, n° 532),

compte du 24 juin 1336. Saint-Quentin, AM, liasse 21, dossier A, n° 30, 15 octobre 1365. Plusieurs mentions dans Saint-Quentin, AM, liasse 68. Saint-Quentin, AM, liasse 18, dossier B (Lemaire, n° 283), 22 novembre 1320. Quelques exemples dans Saint-Quentin, AM, liasse 25.

610 611 612 613

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Étant donné l’attrait et l’importance de la fonction, le maire et les jurés le choisissaient eux-mêmes. Quatre seulement sont connus, à cause de la stabilité exigée par l’office. Tous étaient bourgeois de Saint-Quentin et plusieurs ont été jurés à quelques reprises. Vu leur rôle, on se doute qu’ils devaient savoir compter, écrire et connaître un minimum de latin et de droit. Si le premier, Pierre de Hesdin, était clerc, le patronyme du second, Quentin le Loyeur, laisse entendre qu’il s’y connaissait en loi. Un autre bourgeois, Jean le Noir, qui ne semblait pas disposer de connaissance particulière, n’avait vraisemblablement pas réussi à s’y faire nommer malgré l’intervention du roi, qui avait prié le maire, les échevins et les jurés de bien vouloir le nommer à l’office de clerc du greffe de la maison de la ville614. Dans la première moitié du xive siècle, la ville employait également un ou deux clercs de le penne (clerc de plume). Ceux-ci s’occupaient plutôt des écritures administratives et rédigeaient les comptes et les quittances au nom de la ville. Leur profil correspond au greffier. Jean Kieret et Jean de Hesdin, qui avaient tous deux occupé cette fonction, étaient eux aussi bourgeois et clercs. Enfin, à l’époque où l’échevinage fonctionne à part, les échevins utilisaient un clerc spécifique pour expédier leurs écritures615. Les clercs de la ville, par leurs actions, permettaient de donner une forme aux décisions du maire, des échevins et des jurés. Ils assuraient la transparence de leur justice et de leur administration. 3.

Avocats et conseillers juridiques

Les villes ont disposé très tôt de conseillers juridiques. Il faut inclure sous cette catégorie non seulement les jurisconsultes engagés pour donner leur conseil, mais également tous les avocats pensionnés par la ville devant différentes cours de justice laïques et ecclésiastiques. Dès les années 1184–1214, la commune employait à l’occasion des conseillers juridiques. Deux sont connus : Robert d’Atilly et Mathieu du Marché616. Il faut ensuite attendre la création du Parlement pour voir réapparaître des conseillers juridiques et des avocats. Les traces indiquant la pension par la ville d’avocats au Parlement sont les plus anciennes que l’on ait conservées en France. En 1268, la commune verse 100 £ par année à Jean de Ribemont pour défendre ses intérêts au Parlement617. Par la suite, les comptes mentionnent entre cinq et huit avocats ou procureurs pensionnés au Parlement, et ailleurs, comme au siège du bailliage à Laon, à la cour des officialités de Saint-Quentin, de Noyon et de Reims618. Le nombre de ces spécialistes étant limité, toutes les juridictions de la ville s’arrachaient les mêmes spécialistes du droit à prix d’or. On observe donc les mêmes personnages au conseil de toutes les juridictions et même des plaideurs. Indépendants de service, ceux-ci monnayaient leur consultation au plus offrant. Les jurisconsultes au service du maire et des jurés étaient engagés par contrat et par serment. À cause de leurs employeurs multiples, ils 614 615 616 617

Saint-Quentin, AM, liasse 2, n° 49, 16 juin 1350. Livre rouge, n° 44 (Lemaire, n° 297), 16 décembre 1321. Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 22 (Lemaire, n° 19ter). Saint-Quentin, AM, liasse 21, n° 1bis (Lemaire, n° 130) ; E. Janin, « Lettre adressée à la commune de Saint-Quentin par Jean de Ribemont, clerc du Parlement », BÉC, 3 (1846), p. 155–158 ; C.-V. Langlois (éd.), Textes relatifs à l’histoire du Parlement depuis les origines jusqu’en 1314, Paris, 1888 ; F. Aubert, Le Parlement de Paris de Philippe le Bel à Charles VII, sa compétence, son organisation, Paris 1886, p. 234–236. 618 Plusieurs exemples dans Saint-Quentin, AM, liasse 68.

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étaient tenus au secret lorsqu’ils assistaient aux délibérations du conseil de la Chambre du maire et des jurés. En mai 1268, Me Jean de Soissons, s’était engagé par serment à bien et loyalement sauvegarder les droits et l’honneur de la ville, à garder le secret des délibérations du maire et des jurés, et à défendre toutes les causes de la ville et des bourgeois619. Dans le cas où le service d’un jurisconsulte pensionné par la ville avait été auparavant retenu par d’autres clients, le contrat spécifiait que son service n’était pas exclusif. Le contrat qui liait Me Raoul de Loiri, homme de loi, au maire et aux jurés spécifiait que, celui-ci devait, sa vie durant et moyennant 20 £ tournois par année, conseiller et défendre la ville, les bourgeois et sous manants contre toute personne, à l’exclusion des églises de Saint-Quentin, de Saint-Barthélemy et de Saint-Éloi de Noyon, de Saint-Amant en Peule, à l’exception aussi de haut homme et poissant Monseigneur de Blois et de noble homme Monseigneur de Ham620. De même, Me Pierre de Puisius, avocat au conseil de la ville recevait 60 £ parisis chaque année pour défendre lez causes et besoingnes de la commune contre tous, exceptés seulement les religieux de Homblières621. Le tarif des jurisconsultes locaux, qui préparaient la défense de la ville autant devant le Parlement que devant le bailli, reste cher au xive siècle : pour l’exercice financier de 1329–1330, la commune versa 80 £ à Thomas Ravenier, 50 £ à Me Herbert de Marle, et 40 £ à Me Simon de la Rivière622. Mis à part ces jurisconsultes largement rémunérés, la pension des avocats était moindre et semble être fonction de la cour devant laquelle ils officiaient ou de l’ampleur de leur tâche. Un avocat pensionnaire en Parlement ou un autre qui agissait en tant que conseiller juridique de la ville touchaient beaucoup plus qu’un autre à Reims, à Noyon ou à l’officialité de SaintQuentin où les procès étaient plus rares. Les pensions versées étaient de l’ordre 6 £ à 8 £ parisis par année pour un avocat officiant dans une cour de justice locale, et d’environ 16 £ à 20 £ parisis par année pour ceux défendant la ville en Parlement623. Ces pensions étaient nécessaires simplement pour se réserver leur service. Dès qu’ils défendaient une cause, ils y ajoutaient leurs honoraires. Ces nombreux conseillers coûtaient donc très cher à la ville. Tellement que parfois elle peina à payer leur pension, salaire ou autres gages. À la fin du xiiie siècle, la ville était lourdement endettée envers Me Jean de Ribemont . Ce n’est que son fils Thassart qui, après la mort de son père, réussit à récupérer ce que la ville lui devait : 800 £ parisis624. 4.

Les médecins-chirurgiens et autres experts

Il arrivait parfois, lors d’un litige, que le recours à un ou plusieurs experts soit nécessaire à cause d’un savoir particulier qui échappait aux juges625. La justice de la ville retenait occasionnellement les services de maistres des ouvraiges pour examiner un héritage mis aux enchères pour rembourser un créancier626. Mais, les seuls experts permanents au 619 620 621 622 623 624 625

Saint-Quentin, AM, liasse 18, dossier A, n° 1 (Lemaire, n° 88), mai 1268. Saint-Quentin, AM, liasse 18, dossier A, 11 décembre 1335 (Lemaire, n° 530). Saint-Quentin, AM, liasse 18, dossier A, 14 mai 1342 (Lemaire, n° 595). Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 15 (Lemaire, n° 481). Il y a plusieurs mentions dans Saint-Quentin, AM, liasse 68. Saint-Quentin, AM, liasse 46 (Lemaire, n° 189), 13 mai 1303. Voir Y. Mausen, « Ex scientia et arte sua testificatur. A propos de la spécificité du statut de l’expert dans la procédure judiciaire médiévale  », Rechtsgeschichte. Zeitschrift des Max-Planck-Instituts für europäische Rechtsgeschichte, 10 (2007), p. 127–135. 626 Saint-Quentin, AM, liasse 37, dossier A, n° 6 (Lemaire, n° 766), 27 août 1389. Sur l’expertise médicale, voir N. Gonthier, « Les médecins et la justice au xive siècle à travers l’exemple dijonais », Le Moyen Âge, p. 277–292.

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service de la justice de la ville furent les deux médecins-chirurgiens jurés respectivement pensionnés pour 20 £ et 16 £ parisis par an627. Ces médecins n’apparaissent dans les comptes qu’à partir du rétablissement de la commune, dans les années 1330628. En plus de soigner les habitants gratuitement629, les médecins jurés étaient appelés en tant que conseils630. Leur avis était sollicité pour déterminer si la victime d’une agression était en danger de mort ou non, cette information étant en mesure de changer le cours d’un procès. Dans les cas de blessures, il fallait qu’un chirurgien eût déclaré la victime en péril de mort pour que le maire et les jurés pussent arrêter le coupable et le garder en prison631. Dans le cas d’un homicide involontaire, le médecin pouvait être amené à témoigner du pardon de la victime envers son agresseur. Une rémission fut accordée en 1354 à Jean Aniouse le jeune, âgé de 14 ans, qui, au cours d’une querelle avec son frère aîné Jean, l’avait tué involontairement d’un jet de pierre. L’enquête avait été effectuée à Saint-Quentin par Raoul de Lory, lieutenant du bailli de Vermandois, qui l’avait envoyée aux maîtres des requêtes de l’Hôtel. Le témoignage de Louis de Pourville, chirurgien juré de la ville, qui avait soigné le blessé et l’avait vu pardonner à son frère, favorable à Jean Aniouse et à sa famille, avait été pris en compte pour la rémission632. C’est le témoignage du médecin qui avait constitué la preuve. C.

La main-forte : sergent, égard, crieur, geôlier et portier

Le petit personnel de police fait partie de ces officiers, souvent rémunérés à l’acte, qui, pour la plupart, ne laissent pas d’autres traces dans les archives que leur nom et leur fonction633. La description de ces offices ne peut, par conséquent, aller très loin. De plus, avant le début du xive siècle, l’ensemble du personnel communal est simplement désigné par le vocable de sergent. Ce n’est que depuis le rétablissement de la commune (septembre 1322) que les sources distinguent ces offices les uns des autres par des vocables différents. 1.

Les sergents à verge et à masse

Outre les sergents d’enseigne, la ville disposait en tout de dix sergents634. La distinction résidait essentiellement dans le type d’arme qu’ils portaient  : six portaient une masse d’arme et quatre une verge. Les attributions des sergents à masse et à verge étaient à peu près les mêmes. Ils devaient porter cette arme en tout temps, même à l’intérieur des lieux saints635. Nommés par le conseil de ville, il arrivait qu’un grand personnage intervienne pour faire nommer à une de ces fonctions un de ses amis. Vers 1350, Pierre de Hangest, clerc et secrétaire du roi, pria le maire et les jurés de Saint-Quentin de nommer Jeannin Séguin, son valet, à un office de sergent de leur ville. Ceux-ci s’excusèrent de ne 627 628 629 630

Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 22 (Lemaire, n° 532), compte de 1335–1336. Première mention Ibid. Saint-Quentin, AM, liasse 48, dossier F, n° 1 (Lemaire, n° 719), vers 1370. A. Descamps-Lacour, « La procédure judiciaire de l’archevêque de Reims à la fin du Moyen Âge », Annales de l’Est, e 6 série, 48e année, 2 (1998), p. 341. 631 Saint-Quentin, AM, liasse 7, n° 16, décembre 1362. 632 Paris, AN, JJ 82, fol. 248, n° 367, juillet 1354. 633 Quelques contributions traitent du sujet dans P. Boglioni, R. Delort, C. Gauvard, Le petit peuple dans l’Occident médiéval. Terminologies, perceptions, réalités, Paris, 2002. 634 Saint-Quentin, liasse 7, dossier A, n° 17, s.d. vers 1352. 635 Saint-Quentin, AM, liasse 7, n° 9 (Gomart, t. 4, p. 261–264), 7 septembre 1374.

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pouvoir donner suite à cette requête, parce que Séguin n’était pas apte à l’exercer. Ils promirent toutefois de lui attribuer une autre charge qu’il serait capable de remplir636. Choisis par le maire et les jurés, ces sergents étaient, pour moitié, recrutés parmi des individus sans réseau apparent et pour l’autre parmi les familles bourgeoises. On retrouve comme sergent recruté parmi les importantes familles de la ville un de Villers (Jean), un le Mie, (Michel), deux Fastar (Jean et Jean), un d’Esqueheries (Mathieu), deux Bauchant (Jean et Tassar), un Carbonné (Jean), un de Grugies (Clément) et un Sohier (Jean). La rétribution des sergents de la ville était double. Les sergents à verge recevaient un salaire de base variant entre 40 s. et 8 £637 et les sergents à masse 12 £638. Les deux recevaient également des courtoisies à Noël et à Pâques639 ou pour des services rendus à la ville640. Selon le maire et les jurés, contrairement aux sergents royaux, les sergents de la ville n’avaient pas le droit d’exiger des parties une rémunération pour signifier une semonce641. Malgré la différence de gage en faveur des sergents à masse, l’office de sergent à verge était un peu plus prestigieux. Jean le Clerc l’aîné, qui a débuté en tant que sergent à masse, entre 1372 et 1380, devint sergent à verge vers 1400642. Les six sergents à masse étaient chargés, à la manière d’huissiers et de policiers, de faire les semonces, d’effectuer les saisies et les arrestations qui parfois tournaient au vinaigre. Alors que les sergents de la ville procédaient à l’arrestation de Mathieu, Adam et Jean, dits les frères Malakin et plusieurs de leurs amis, Colin, un valet de ces derniers fut tué. Le maire et les jurés de Saint-Quentin avaient absous par jugement les sergents de la ville qui furent accusés du meurtre de Colin. Le jugement du maire et des jurés de la commune allait être mis à exécution lorsque le bailli de Vermandois, à la suite de la plainte des frères Malakin, se saisit de l’affaire et voulut procéder à une enquête. Le maire, les jurés et les sergents de la ville déclarèrent alors au bailli qu’ils refuseraient de comparaître à l’enquête si, préalablement, le bailli ne leur faisait pas parvenir des lettres de non-préjudice. Cette affaire des frères Malakin fut terminée par un arrêt du Parlement rendu le 23 décembre 1306. Le maire, les jurés et leurs sergents se défendaient en exhibant des lettres de l’official de Noyon, dont la teneur précisait que c’était à sa réquisition et par son ordre qu’ils avaient arrêté les trois frères Malakin, et qu’ils avaient agi à cause de leur rébellion injurieuse et manifeste. Après enquête, la plainte des frères Malakin ne fut pas retenue par le Parlement643. Les quatre sergents à verge avaient un rôle supplémentaire. Ils devaient deux par deux et à tour de rôle suivre le maire dans ses activités644. Ils l’accompagnaient lors des joutes645 et effectuaient ses petites commissions646, comme de payer les dettes de la

636 637 638 639 640 641 642 643

Saint-Quentin, AM, liasse 18, dossier Dbis (Lemaire, n° 644), vers 1350. Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 22 (Lemaire, n° 532), 24 juin 1336. Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 22, 24 juin 1336 (Lemaire, n° 532) ; liasse 68, n° 14, 24 juin 1324 ; liasse 68, n° 22. Saint-Quentin, AM, liasse 138, n° 16, 24 juin 1399 (Lemaire, n° 801). Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 9, op.cit. Saint-Quentin, AM, liasse 7, n° 17 (Lemaire, n° 689), s.d., vers 1352. Saint-Quentin, AM, liasse 123 (Lemaire, n° 904). Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier B (Lemaire, n° 203), vers 1306. Paris, AN, X1a 4, fol. 83 (Boutaric, n° 3387) ; Livre rouge, n° 19 (Lemaire, n° 209), 23 décembre 1306. 644 Ce sont eux que l’on voit derrière le maire à cheval sur le sceau de la ville. Voir B. Bedos-Rezak, « Les types des plus anciens sceaux des Communautés urbaines du nord de la France », op.cit., planche 1 ; Quentin de la Fons, Histoire particulière de la ville de Saint-Quentin, 2e partie, p. 260 ; Paris, AN, D 5797. 645 Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 15, 25 décembre 1329 (Lemaire, n° 481). 646 Saint-Quentin, AM, liasse 116, n° 4, 24 juin 1340 (Lemaire, n° 574).

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Première Partie | Origine et développement de la justice dans la ville

commune647, d’aller s’approvisionner en vin puis d’aller le remettre aux personnes concernées par les courtoisies sous forme de pots-de-vin648. En période d’insécurité, ils étaient mobilisés, avec les jurés et les échevins, pour la garde de nuit de la ville649. Ils faisaient des semonces, mais vraisemblablement seules celles effectuées à l’extérieur de la ville. Un sergent à verge avait été chargé par le maire et les jurés de se rendre à Soissons pour semondre l’abbesse et le couvent de Notre-Dame de Soissons en 1393. Comme les religieuses n’étaient pas soumises à leur juridiction, le sergent dut se transporter auprès du seigneur dont elles relevaient et le prier d’ajourner l’abbaye de Notre-Dame à comparaître, au jour de la quinzaine suivant l’ajournement, avant l’heure de midi, devant les échevins de la Vicomté-leRoi au lieu que on dist « A le Monnoye », pour faire reconnaître leurs droits sur un héritage abandonné650. Les sergents à masse étaient également utilisés et rétribués pour assurer la protection des grands seigneurs de passage à Saint-Quentin. En 1378, lors du passage de l’Empereur dans la ville, les sergents à masse furent affectés à son service651. De plus, ils n’avaient pas à se soucier de leur habillement. La ville leur fournissait arme et uniforme, un wardecorps ou livrée, aux armes et aux couleurs de la ville652. Celui-ci devait servir à les distinguer du sergent à verge de l’officialité du chapitre et des sergents royaux. Tout comme pour les sergents royaux, le port de cet uniforme distinctif devait être obligatoire dans l’exercice de leur fonction653. Les sergents de la ville faisaient le relais entre les autorités municipales et les officiers royaux654. Les sergents à masse pouvaient également jouer le rôle de témoins pour le compte des autorités municipales pour la semonce d’une partie, lorsque l’affaire mettait en cause les intérêts de la commune. Noël de Rains, sergent du roi en la prévôté de SaintQuentin, ajournant Quentin l’Aillier et Jaques Castelain aux assises du bailli s’exécuta avec l’un des sergens a maque de la ditte ville et pluiseurs autres bonnes gens655. Mais leur rôle essentiel était celui d’exécuter les décisions prises par le tribunal de la commune656. C’est à eux (sergents à verge et à masse) qu’on devait remettre les bannis pris en rupture de ban pour les mener en prison657. Les sergents à masse effectuaient les saisies mobilières pour le compte de la ville, de concert avec les sergents d’enseigne658. Il leur arrivait également d’accompagner les jurés en mission. Le 19 août 1394, Jaquemart Estaquois, sergent à masse, fut envoyé à Laon avec Nicaise Poilet, juré, afin de faire examiner Jean Payen, charpentier lépreux demeurant à Saint-Quentin, par les esgards (examinateurs) assermentés chargés à Laon de cette mission659. 647 Saint-Quentin, AM, liasse 93, dossier B, n° 64, novembre 1359. 648 Nombreux reçus dans Saint-Quentin, AM, liasse 123 (Lemaire, n° 904). Sur la pratique  : A. Derville, «  Pots-

de-vin, racket, patronage  : essai sur les mécanismes de décision dans l’état bourguignon  », RN, 56 (1974), p. 341–364  ; M. Boone, « Dons et pots-de-vin, aspects de la sociabilité urbaine au bas Moyen Âge », RN, 278, (1988), p. 471–487 ; S. Hamel, « La pratique du pot-de-vin à Saint-Quentin », op.cit., 1998, p. 42–47. 649 Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 45, 24 juin 1378 (Lemaire, n° 739). 650 Saint-Quentin, AM, liasse 45, dossier M, n° 5 (Lemaire, n° 770), 20 août 1393. 651 Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 45 (Lemaire, n° 739), 24 juin 1378. 652 Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 15, 25 décembre 1329 (Lemaire, n° 481). 653 Le seul exemple en ce qui concerne le port obligatoire de l’« uniforme » concerne le sergent royal Thierry Vielle : Paris, X1a 4785, fol. 2v–3, mardi, 16 novembre 1400. 654 Saint-Quentin, AM, liasse 29, 21 août 1393. 655 Saint-Quentin, AM, liasse 21, dossier A, n° 34, 3 juillet 1393. Voir également Saint-Quentin, Archives municipales, liasse 21, dossier B, décembre1400, Saint-Quentin, AM, liasse 291, dossier A, 28 août 1420 (Lemaire, n° 887). 656 Saint-Quentin, AM, liasse 21, dossier B, 20 septembre 1395. 657 Paris, AN, X1c 8, n° 155 ; Livre rouge, n° 138, 2 juillet 1354. 658 Saint-Quentin, AM, liasse 22, 1339. 659 Saint-Quentin, AM, liasse 269, dossier C, n° 4 (Lemaire, n° 774), 19 août 1394.

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Les auxiliaires de la justice municipale | chapitre iii

2.

Les autres sergents

La liste de 1330–1340 mentionne un sergent du pain et un sergent des pauvres660. On trouve également un sergent de la halle aux draps661. Mais les mentions de ces sergents spécialisés sont inexistantes après 1350. Ils disparurent sans doute parce que la ville n’avait plus besoin d’eux, parce qu’il y avait moins de monde. On ne les retrouve peut-être plus aussi à cause de l’absence de source. 3.

Le crieur

D’après les us et coutumes de la ville, seul un crieur désigné par l’autorité municipale était autorisé à faire les cris dans la ville. Le bailli de Vermandois s’est inquiété du contrôle qu’exerçait le pouvoir municipal sur le cri. En 1309, les autorités municipales avaient refusé au bailli de Vermandois d’utiliser un crieur de son choix pour faire crier une ordonnance royale. Il ajourna le maire et les jurés de Saint-Quentin devant le Parlement afin d’obtenir de faire publier les ordonnances par qui bon lui semblait. Le Parlement rendit une décision favorable au bailli de Vermandois : dictum fuit predictum baillivum banna nostra in dicta villa posse facere, sine prejudicio dicte ville, per quemcumque sibi placuerit proclamari662. Cette décision fut-elle observée  ? Peut-être, mais pas pour l’ensemble des informations. Le 27 septembre 1349, Jean Sartié, sergent du roi dans la prévôté de Saint-Quentin, ayant mandé à Pierre de Pontenay de porter un message, celui-ci refusa, parce que selon la coutume, il devait être accompagné par un sergent de la ville663. On peut donc supposer un étroit contrôle municipal de la circulation de l’information à l’intérieur de l’espace urbain. On dispose de très peu de renseignements au sujet du crieur public de la ville : un seul est connu664. Au début du xive siècle, la ville rémunérait à gage et à salaire un crieur nommé Lombardel. Ce dernier coûta à la ville 12 d. pour publier i mandement du roy seur le fait de l’ost adrechiet au maire665, 26 d. pour faire deffense as quars fours de coler666 et 10s. pour crier a le Crois toute une année667. Par la suite, on ne trouve plus d’autre mention d’un crieur au service de la ville. S’il n’y a pas de crieur uniquement dévoué à cette tâche, la ville dispose cependant de personnages dont c’est une des attributions. Plusieurs officiers municipaux en raison de leur fonction étaient amenés à crier. À défaut de crieur, les sergents de la ville et les sergents d’enseigne semblent être ceux qui ont été habilités à prononcer les criées668. 4.

Le geôlier ou warde du befroy

L’officier responsable de la surveillance de la prison de la ville et des prisonniers était le warde du beffroi. C’était un petit officier pensionné par la ville669. Sa tâche était 660 661 662 663 664

Saint-Quentin, AM, liasse 13, n° 3 (Lemaire, n° 494), vers 1330–1340. Ibid. Livre rouge, n° 11. Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° 128 (Lemaire, n° 639), 27 septembre 1349. Sébastien Hamel, «  De la voie accusatoire à la voie législative  : contrôle et utilisation du cri à Saint-Quentin aux derniers siècles du Moyen Âge (xiiie–xve siècles) », dans D. Lett, N. Offenstadt, Haro! Noël! Oyé! : pratiques du cri au Moyen Âge, Paris, 2004, p. 157–167. 665 Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 14 (24 juin 1329). 666 Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 15, 25 décembre 1329. 667 Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 22 (Lemaire, n° 532), 24 juin 1336. 668 Saint-Quentin, AM, liasse 37, n° 6 (Lemaire, n° 766), 27 août 1389. 669 Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 22.

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Première Partie | Origine et développement de la justice dans la ville

simple : il gardait les prisonniers mis dans la prison du beffroi et les nourrissait. La ville s’assurait de l’éclairage et du chauffage de cette tour670. Le warde du beffroy pouvait s’avérer être le complice idéal pour fomenter une évasion. Jean Frappard, autrefois geôlier de la prison de Saint-Quentin, mais, depuis, sergent du roi dans la prévôté de SaintQuentin, fut menacé de poursuite judiciaire comme prétendu complice de l’évasion de Pierre Oriensson, justiciable du seigneur de Turpigny accusé du meurtre de feu Jean Double671. L’évasion s’étant produite alors que Jean Fastar avait été remplacé comme geôlier par Pierre de Ponteney, qui avait pris la fuite, il réussit à obtenir de Jean II des lettres de rémission672. 5.

Le bourreau

Le bourreau était l’officier chargé d’exécuter les peines corporelles prononcées par la justice municipale. Comme le crieur, le bourreau n’apparaît pas comme un officier permanent au service de la ville. Pierre le Pendeur, personnage au nom évocateur, est le seul qui est connu673. Le châtelain royal, responsable de l’exécution des sentences de mort rendues par les échevins, engageait un bourreau selon les besoins674. 6.

Les inspecteurs : éwardeurs, gardes, afforeurs

Le contrôle des denrées produites et vendues dans la ville était sous la responsabilité d’une multitude d’inspecteurs, ou eswardeurs. Cette organisation fit en sorte que presque rien ne pouvait se consommer ou se vendre à Saint-Quentin sans avoir été préalablement inspecté et approuvé par ces officiers municipaux. Au xive siècle, on trouve par conséquent des eswardeurs, maïeurs, wardes ou afforeurs pour presque tout ce qui se consomme ou se fabrique. Un maïeur de l’Étape était le garde des marchés. On trouve également six wardes pour la foire, quatre eswardeurs pour les viandes, trois wardes pour la grande boucherie et un pour la petite, trois eswardeurs pour les poissons d’eau douce et de mer, quatre pour la bière, un pour le fromage, un pour le pain, un certain nombre pour le cuir, la graisse, les grains et les bestiaux, des afforeurs pour le vin, un maire du charbon et un contrôleur pour le grenier à sel. Il y avait également un maire de l’avre, ou avoir de poids, c’est-à-dire pour les petites marchandises et épices vendues au poids à la halle au craisse. Saint-Quentin, ville drapante, était un important centre de production des draps de laine, ce qui fit sa fortune à partir du xiie siècle. On y trouve quatre metiers de la laine : les tisserands, les foulons, les teinturiers et les tondeurs ou retondeurs de draps675. Ces métiers n’étaient toutefois pas organisés de façon autonome676. Le contrôle des produits finis fut confié par les autorités communales au maire et aux hommes de la halle aux draps.

670 671 672 673

Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 14. Tupigny, cant. de Wassigny, arr. de Vervins. Paris, AN, JJ 89, fol. 308v, n° 649, juillet 1361. Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 14 (Lemaire, n° 477), compte du 24 juin 1328 au 24 juin 1329 ; n° 15 (Lemaire, n° 481), compte du 24 juin 1328 au 25 décembre 1329. 674 Paris, AN, P 135, n° 285, 1er juillet 1396. 675 Paris, AN, JJ 60, n° 70, 4 septembre 1321. Voir S. Hamel, « Le processus de création des règlements commerciaux à Saint-Quentin », op.cit. 676 F. Desportes, « Droit économique et police des métiers en France du Nord », op.cit..

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Les auxiliaires de la justice municipale | chapitre iii

Abolis par le Parlement en 1362, ces derniers existaient encore au début du xve siècle677. Le maire et les hommes de la halle aux draps imposaient des amendes pour les contrefaçons ou les non-conformités avec les critères de qualité imposés pour les draps de Saint-Quentin. C’est sans surprise qu’on retrouve souvent comme maire de la halle aux draps un membre de l’élite bourgeoise de la ville, comme Simon Plate-Corne (1320–1322), François de Villers (1329) ou Thomas Ravenier (1379–1380). D.

Les justices mises à ferme ou accensées

La ville mettait à ferme ou à cens  – les deux termes sont synonymes dans les comptes  – quelques offices, surtout fiscaux, mais également des justices féodales dont l’exercice lui appartenait. De même, certaines aides, taxes ou impôts que percevait la ville pour son profit ou celui du roi étaient tantôt confiés à des commis, tantôt à un fermier. Si la ville y trouvait un certain avantage, le fermier, quant à lui, n’était jamais certain de rentrer dans ses frais. Il pouvait alors tenter d’implorer la clémence de la ville. C’est ce que fit Jean Franchillon, médecin juré de la commune, qui, vers 1370, pria le maire et les jurés de bien vouloir reprendre la ferme de la halle aux fils de laine qu’ils lui avaient adjugée, selon lui, à un prix trop élevé678. Pour les mêmes raisons, en 1344, Jean Cokelaire renonça à la ferme du rouge scel après seulement neuf semaines d’exercice679. Si ces offices étaient mis à ferme de façon aléatoire, trois le furent avec plus de régularité : la justice du détroit d’Aouste, celle du détroit d’Isle et celle du rouge scel. On ignore toutefois comment était exercée la justice du destroit Sainte Pecinnes, qui était elle aussi prise à ferme du roi par la commune depuis 1176680. 1.

Le justicier du détroit d’Aouste

Cette justice fut acquise par la ville en mars 1294 après un long conflit de juridiction avec le coûtre du chapitre collégial, qui se régla par la vente de cette justice à la ville moyennant une rente annuelle et perpétuelle de 14 £ parisis681. Dès son acquisition, cette justice semble toujours avoir été mise à ferme. Mais, vu le montant de la ferme (entre 4 £ et 10 £), ces revenus n’équivalaient pas au montant de la rente payée au coûtre. On perd toutefois la trace de ce fermier à partir de 1344, à cause de l’état fragmentaire de la comptabilité municipale682. La localisation de cette justice reste approximative. Le fermier disposait de la justice sur tout le détroit d’Aouste, ou districtum Augusta, qui correspondait à la rue Saint-Thomas. Un échevinage y était rattaché et ses chirographes rendus sous la formule li justiche et li eskievin du destroit d’Aouste683. 677 Saint-Quentin, AM, liasse 7, n° 16. Voir également liasse 122, n° 13 (Lemaire, n° 814), 24 juin 1405, pour leur

survivance au début du xve siècle. Saint-Quentin, AM, liasse 48, dossier F, n° 1 (Lemaire, n° 719), vers 1370. Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 26, 24 juin 1344, Héméré, p. 45 ; Saint-Quentin, AM, liasse 45, dossier M, n° 2 (Lemaire, n° 227), s.d., vers 1310. Le dossier de l’affaire est composé des conclusions du coûtre contre la ville : Saint-Quentin, AM, liasse 21, dossier A, n° 38 (Lemaire, n° 459), vers 1275, deux arrêts du Parlement : Paris, AN, X1a 2, fol. 41v (Boutaric, n° 2167) 2 juin 1275 ; Boutaric, nos 225*, 414*, 1er novembre 1278, de l’acte de vente de la justice à la ville : Coliette, t. 2, p. 702 ; Lemaire, n° 142, mars 1294 n.st. Voir la carte IV. 682 Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 26 (Lemaire, n° 611 ; Jourdan, p. 162–171), 1343–1344. 683 Saint-Quentin, AM, liasse 21, dossier A, n° 38 (Lemaire, n° 459), s.d., vers 1275. Première mention de cet échevinage : liasse 24 (Le Proux, n° 17), juin 1220 ; dernière mention : liasse 26, février 1363 n.st. 678 679 680 681

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Première Partie | Origine et développement de la justice dans la ville

2.

Le justicier de la rue d’Isle

Le même problème de justice foncière entraîna l’intégration de la justice de le rue d’Isle à celle de la ville et de la Vicomté-le-Roi684. Deux échevins la desservaient pour l’abbé et le couvent, mais la ville mit à ferme cette justice d’un rapport moindre685. 3.

Le rouge scel

Le fermier du rouge scel avait la responsabilité d’apposer un cachet de cire rouge sur les draps inspectés par le maire et les hommes de la halle aux draps de la ville686. Pour les draps vendus au détail, on acquittait double rouge scel, soit un double tarif687. Pas toujours affermé, le rouge scel pouvait parfois être tenu en garde quand on ne trouvait aucun acquéreur. Ce fut le cas en 1323–1324, alors que Gérard de Gauchy tenait le rouge scel en garde avant qu’il ne fût remis à ferme688. Cette ferme rapportait 41 £ à la ville vers 1323–1325, mais plus que 26 £ en 1343–1344689. Conclusion L’étude institutionnelle et sociologique des officiers municipaux révèle un paradoxe important dans l’exercice de la justice par les bourgeois. L’essentiel des moyens humains fut mis en place dans la ville par la commune. Par son pouvoir d’imposition, cette dernière était la seule à disposer des moyens financiers nécessaires pour se doter des moyens humains indispensables à la bonne marche de la justice. L’existence de ce personnel aide à comprendre la nécessaire collaboration qui s’est installée, dès le xiie siècle, entre la justice communale et la justice scabinale. Car, exception faite d’un clerc de l’échevinage, la totalité de ces officiers était en principe au seul service de la commune. Or, c’étaient le maire et les jurés qui disposaient de l’arsenal d’officiers de justice, alors qu’en théorie, leur pouvoir judiciaire était moindre que celui des échevins. Ces derniers, qui avaient des pouvoirs judiciaires plus importants que la commune, manquaient singulièrement de ce moyen de coercition indispensable au respect de leurs décisions et à l’exercice de leur justice. Pour les petit bourgeois, la participation au gouvernement de la ville pouvait toutefois se faire par l’entremise de plus petits offices. L’apparition des maires et des sergents d’enseigne coïncide vraisemblablement avec le règne de Louis IX et ses premières réformes. On ne peut toutefois les assimiler aux autres officiers de la ville. Leur position est intermédiaire entre celle des autorités municipales et celle des officiers professionnels pris à gage. Cette structure archaïque s’est maintenue pour des raisons politiques et pratiques. D’origine militaire, les maire et sergents d’enseigne étaient vraisemblablement la main armée de la commune des premiers temps. Ils étaient en principe les représentants des petits bourgeois au sein des organes décisionnels de la ville. Ils perpétuaient également le principe de la justice commune. Le rôle important attribué à cet office a incité les grands bourgeois à en assurer le contrôle et à y placer des alliés. 684 685 686 687 688 689

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Saint-Quentin, AM, liasse 22, vers 1340. Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 9, 24 juin 1324. Paris, AN, JJ 60, fol. 48–48v, n° 70, 4 septembre 1321. Ibid. Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 9. Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 9, 24 juin 1324 ; n° 11, 24 juin 1325 ; n° 24, 24 juin 1342 ; n° 26, 24 juin 1344.

Les auxiliaires de la justice municipale | chapitre iii

L’existence d’un personnel qualifié et spécifiquement chargé de faire respecter la justice municipale et son droit montre que la ville est restée attachée à défendre sa justice et à la réorganiser sans cesse selon les besoins. Cette réorganisation constante du personnel est visible dans tous les domaines d’application de la justice municipale, autant au civil qu’au pénal. Le nombre de petits officiers varia en fonction des besoins et des moyens de la ville. Pour donner un ordre de grandeur, toutes charges confondues, ils étaient peut-être une cinquantaine à la fin du xiiie siècle, de soixante-dix à quatre-vingt-dix au xive, mais beaucoup moins nombreux au xve siècle. Outre le maire, les jurés, les échevins, les maires et les prud’hommes d’enseigne, la ville disposait : • • • • • • • • •

des avocats et des procureurs, largement sollicités, car la commune est continuellement en procès avec le chapitre, les établissements monastiques, des particuliers et les officiers du roi ; des clercs pour tout ce qui concernait les écritures juridiques et administratives ; des sergents à verge, qui accompagnaient le maire pour exécuter ses ordres, et des sergents à masse, qui agissaient comme agents de police judiciaire ; quelques autres agents pour assurer la sécurité, la garde des portes et des murs, la surveillance de la prison et des marchés ; le maire de la halle aux draps et ses commis, chargés de contrôler la production principale de la ville, celle du drap ; parfois un crieur public et un bourreau ; des égards (ou inspecteurs), pour tout ce qui se consommait, comme les boissons, les viandes ou le pain ; des médecins-chirurgiens et quelques autres experts jurés ; des fermiers, pour administrer certains droits de justice qu’il était plus rentable de déléguer.

La justice municipale est de loin celle qui mobilise le plus d’officiers. Leur recrutement est, par conséquent, hétéroclite et relatif aux qualités que requiert chaque office. La ville recrutait parmi ses bourgeois, grands ou petits, selon la respectabilité de l’office, instruits ou non, selon le degré de connaissance requis pour l’exercer. Si la commune s’est mise à créer des offices, vraisemblablement à partir des réformes de Louis IX, c’est principalement la suspension de la commune qui, par nécessité, a marqué un nouveau besoin de professionnalisation des auxiliaires de la justice. La plupart des offices apparaissent vers 1325–1330, ce qui ne signifie pas pour autant qu’il n’y avait rien avant. Il s’aperçoit alors que, vraisemblablement, il s’agissait d’offices non spécialisés, occupés par des sergents que seule la coutume avait créés. Le traumatisme causé par la perte de la commune conduisit à préciser leur rôle. Contrairement au maire, aux échevins et aux jurés, la plupart de ces petits officiers au service de la ville demeurent socialement mal connus. L’ascension sociale par le service de la ville fut également exceptionnelle. Rares furent ceux qui, débutant leur carrière au bas de l’échelle, atteignirent le sommet. Au mieux, on les retrouve parmi les jurés, mais jamais occupant l’office de maire ou d’échevin. Tous ces officiers sont le signe d’une justice qui se développe et change tout en sachant s’adapter. Car, en même temps qu’elle prend place dans la ville, la justice municipale était confrontée à la concurrence. C’est cette coexistence de plusieurs justices dans la ville qui sera abordée dans la troisième partie. 107

Deuxième partie

La justice municipale face aux autres justices

Expliquer un système judiciaire ne peut se faire qu’en observant également les systèmes concurrents, car la ville médiévale fonctionnait dans un polysystème judiciaire complexe. Ce serait donner un tableau plus qu’incomplet du fonctionnement de la justice municipale que de ne la présenter que sous l’aspect d’un système fonctionnant en autarcie, toujours d’une façon normale, sans le moindre trouble d’équilibre. Dans l’espace limité d’une ville, les différents niveaux de justice s’imbriquent si inextricablement qu’en omettre un seul simplifierait le problème de la justice municipale pour n’en donner qu’une image partielle et partiale. La justice municipale a d’abord prise place à côté des autres pouvoirs judiciaires déjà présents dans la ville (justices féodales et ecclésiastiques) ou qui se mettaient en place presque en même temps qu’elle, au début du xiiie siècle (justice royale). Par la suite, surtout après sa prise de contrôle de l’échevinage, elle s’est étendue pour devenir envahissante et entrer en concurrence directe avec les autres. Chaque juridiction de la ville disposant de structures propres et différentes, il a été jugé nécessaire de décrire chacune d’elles avant de les observer dans leurs relations avec la justice communale. Le but est ici de voir quels furent les effets à long terme du développement de la justice municipale sur les autres juridictions déjà présentes dans la ville ou qui s’y sont installées.

Chapitre IV

Le roi et la justice dans la ville (xiiie–début xve siècle)

On peut distinguer deux grandes périodes dans les relations entre la justice municipale et le roi. Philippe Auguste avait laissé les communes se constituer en juridictions et contrôler leurs échevinages. Comme cette justice s’était développée d’elle-même par l’usage, dès le règne de Louis IX, il fut nécessaire de préciser son action face à la justice royale en plein déploiement elle aussi. C’est également l’époque où de nouveaux moyens de gouvernement se mettent en place : le Parlement, les ordonnances et les officiers royaux. Cette première période arrive à son terme quand, sous Philippe V, le roi confisque la commune. À partir de cet incident marquant, au xive siècle, des événements politiques principalement liés à la guerre de Cent Ans entraînèrent de nouveaux affrontements qui aboutirent à la reconnaissance et à l’intégration des juridictions urbaine. L’histoire des relations entre le roi et les justices municipales est faite en majeure partie d’affrontements1. Au point de vue judiciaire, les intérêts des bourgeois de Saint-Quentin et ceux du roi concordent assez rarement. A.

Le temps des réformes (xiiie–début xive siècle)

Le xiiie siècle fut un siècle de changements pour les institutions municipales. L’esprit de réforme dominait les relations entre la ville et le roi. Comme la ville, durant cette période le roi se dota de nouveaux moyens de gouvernement. Pourtant, les dirigeants de la ville abusèrent de leur position dominante et continuèrent à accroître leur pouvoir judiciaire, non sans opposition de la part du roi. Déjà, sous le règne de Philippe IV, de nouvelles sources de conflits plus profonds commencèrent à faire surface. 1.

Les réformes de Louis IX

Le règne de Louis IX fut essentiel dans l’histoire des villes françaises2. Sa réforme générale des institutions urbaines a imposé des modifications importantes à l’organisation institutionnelle et judiciaire de la ville3. Son retour de croisade correspond au moment où, en raison des changements démographiques et politiques, les institutions municipales devaient être précisées4. La deuxième moitié du xiiie siècle marque également le point culminant de l’essor économique et démographique des villes. Les réformes répondaient G. Naegle, « Vérités contradictoires et réalités constitutionnelles. La ville et le roi en France à la fin du Moyen Âge », Revue Historique, 632 (2004), p. 727–761. 2 J. Schneider, « Les villes du royaume de France au temps de saint Louis », Comptes rendus des séances de l’académie des inscriptions et belles-lettres, 1971 (janvier-mars), p. 45–49 ; J. Le Goff, Saint Louis, Paris, 1996, p. 228. 3 W.C. Jordan, « Communal Administration in France, 1257–1370. Problem Discovered and Solutions Imposed », RBPH, 59 (1981), p. 292–313. 4 J. Schneider, « Les villes du royaume de France au temps de saint Louis », op.cit. 1

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à cet impératif sociodémographique  : on ne rend pas la même justice dans une ville de 1 000 à 2 000 habitants – population probable de Saint-Quentin et de la majorité des villes de Picardie à l’obtention de leur commune – comme dans une ville de 10 000 à 15 000 habitants à la fin du xiiie siècle. La commune justice des débuts communaux, qui reposait sur la solidarité de l’ensemble de ses membres, était devenue une justice commune, exercée au nom de tous par des représentants. Par nécessité, la ville devint le lieu d’accueil et d’application par excellence du droit5. La mise en place de la justice municipale profita elle aussi du renouveau des études. Ce renouveau entraîna l’émergence d’une classe de juristes. Devenue une juridiction, la commune se fit attaquer et se mit elle-même très tôt à la querelle. Pour se défendre, ou poursuivre en justice, elle rechercha des gens compétents en droit. Les prédécesseurs de Louis IX, particulièrement son grand-père, Philippe Auguste, avait confirmé les chartes que plusieurs communes avaient obtenues de leur seigneur afin d’y favoriser son emprise. Ils avaient contribué à préserver l’indépendance communale, pour autant que la ville demeurât loyale envers eux6. Depuis, l’autorité du roi était bien établie dans les villes et, pendant le règne de Louis IX, les relations entre le roi et les communes qui firent serment de fidélité envers lui furent stables7. Les interventions du roi dans les affaires de la ville furent sporadiques et, comme ailleurs, principalement liées à des problèmes ponctuels8. Mais, pour régler ces problèmes circonstanciels, deux nouveaux moyens de gouvernement s’affirmèrent: les ordonnances et le Parlement. Les modifications entraînées par les ordonnances de réforme du roi, applicables à tout le royaume, avaient déjà été amorcées à Saint-Quentin vers 1240. Sous Saint Louis la ville apparaît comme un laboratoire juridique. De par ses juristes près du pouvoir royal, comme Pierre de Fontaines, la ville semble être à la pointe de l’initiative. Dès février 1240, Louis IX avait condamné la ville à 10 000 £ parisis pro facto pugilum apud Sanctum Quintinum perpetrato9, c’est-à-dire plusieurs années avant les réformes de 1254, 1258 et l’ordonnance de 1261 qui interdisait formellement le recours au duel10. Dans les années 1240–1260, la justice de la ville accompagna les réformes judiciaires de Louis IX, et préfèra elle aussi passer d’un mode de preuve, le duel judiciaire, à un autre, la preuve par témoins. Outre l’influence de la procédure romano-canonique, on invoqua également l’inquisitio mise en place par les Carolingiens pour expliquer la résurgence de l’enquête au xiiie siècle11. Quoiqu’on n’en ait aucune trace, l’échevinage de la ville la connaissait et la pratiquait peut-être. Mais il s’agissait, à l’époque carolingienne et dans l’Establissement, d’un système de preuve exceptionnel. L’union des deux corps de justice de la ville provoqua sans doute un transfert des pratiques, la justice communale se mettant lentement à agir à la manière de la justice scabinale. Ces explications, de nature juridiques, ne mettent en lumière que la résurgence et l’application renouvelée d’une norme, sans expliquer C. Gauvard, « Théorie, rédaction et usage du droit dans les villes », op.cit. C’est le schéma généralement accepté depuis A. Luchaire, Les communes françaises, op.cit., qui a été nuancé par C. Petit-Dutaillis, Les communes françaises, op.cit. ; Vermeesch, Essai sur les origines et la signification de la commune, op.cit. 7 Plusieurs exemples dans Paris, AN, J 627, particulièrement le n° 8g, octobre 1228, pour Saint-Quentin ; Voir également J. Schneider, Les villes du royaume de France au temps de saint Louis, op.cit., p. 45–49. 8 W.C. Jordan, « Communal Administration in France », op.cit. ; B. Chevalier, Les bonnes villes de Frances, op.cit. 9 Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° 3 (Lemaire, n° 33), février 1240 n.st. 10 p. Guilhiermoz, «  Saint Louis, les gages de bataille et la procédure civile  », BÉC, 48 (1887), p. 111–120  ; A. Laingui, A. Lebigre, Histoire du droit pénal, vol II, La procédure pénale, Paris, 1980, p. 27. 11 Y. Bongert, Recherches sur les cours laïques du xe au xiiie siècle, Paris, 1942, p. 253 et s.  ; M. Boulet-Sautel, « Aperçu sur les systèmes de preuves », op.cit., p. 305 et s. ; J.M. Carbasse, Histoire du droit pénal et de la justice criminelle, op.cit., § 43–44, p. 81–86 ; F. Bougard, La justice dans le royaume d’Italie, op.cit., p. 194–203. 5 6

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pourquoi on en a eu besoin à ce moment. Si la preuve par témoins était venue se substituer au serment purgatoire, n’était-ce pas également parce que le gage de bataille, qui servait à le valider et qui visait à empêcher le déclenchement de la vengeance, ne remplissait plus son rôle de manière satisfaisante dans les différents processus de résolution des conflits entre les habitants ? Le gage de bataille, facile à administrer entre des habitants peu nombreux et de même condition sociale, l’était probablement beaucoup moins au xiiie siècle quand les statuts se sont démultipliés pour encadrer une population devenue peu homogène. La généralisation de l’enquête est également allée de pair avec un usage plus fréquent de l’écrit dans la procédure judiciaire au cours du xiiie siècle12. Ce recours présupposait à la fois un degré élevé d’organisation judiciaire et des structures sociales développées pour permettre la circulation de l’information. Elle exigeait également une certaine culture juridique de la part de ceux qui étaient chargés de mener l’enquête13. Elle nécessitait à la fois une confiance réciproque et un rapport de force entre les autorités et leurs justiciables: d’où son apparition quand le tissu social de la ville se diversifia à la suite de l’augmentation de la démographie au xiiie siècle. Ce n’est qu’à cette époque que furent réunies plusieurs conditions sociales nécessaires à une utilisation plus fréquente de l’enquête. La première est la disponibilité d’une source d’information, en l’occurrence des témoins très nombreux et prêts à témoigner parce qu’ils ont un sentiment d’appartenance à la communauté des habitants de la ville et à sa justice. L’information fournie par ces témoins devait en outre pouvoir circuler facilement dans la ville. Cela devait s’opérer par l’entremise de divers réseaux de sociabilité, qu’il s’agisse, par exemple, de ceux qui entouraient le couple14, des seize enseignes (quartiers) de la ville ou encore des paroisses15. La justice de la ville devait également disposer de juges capables de recueillir des témoignages et d’utiliser l’enquête de façon appropriée. La transformation de la procédure judiciaire de la ville entreprise sous Louis IX – elle passe de purement accusatoire vers une procédure où l’enquête joue un plus grand rôle – a eu des conséquences concrètes. Le problème réside au départ dans le fait que les ordonnances, en abrogeant l’ancienne procédure, au sein de laquelle le serment servait le plus souvent de preuve et le gage de bataille de voie de recours, ne lui en avaient substitué aucune autre16. Contrainte par sa charte, qui ne reconnaissait qu’une procédure accusatoire, la mise en place trop à la lettre d’une procédure d’office fut refusée par le Parlement. Mal acceptée par les grands féodaux qui y voyaient une atteinte à leurs privilèges17, elle ne fut qu’imparfaitement appliquée dans la ville jusqu’au début du xive siècle. Non ­seulement les gages de bataille continuèrent à y être utilisés, mais la charte P. Guilhermoz, «  De la persistance du caractère oral dans la procédure civile française  », RHDFÉ, 13 (1889), p.  21–65  ; Id., Enquêtes et procès  : études sur la procédure et le fonctionnement du Parlement au xive siècle, Paris, 1892  ; J. ­Glénisson, « Les enquêtes administratives en Europe occidentale aux xiiie et xive siècles », dans W. Paravicini et K.-F. Werner (éd.), Histoire comparée de l’administration, Munich, 1980, p. 17–25  ; J.M. Carbasse, Histoire du droit pénal, op.cit. ; Id., Introduction historique au droit, Paris, 2001 (1998), p. 121–124 ; C. Gauvard (dir.), L’enquête au Moyen Âge, Rome, 2008. 13 Voir C. Gauvard, « Théorie, rédaction et usage du droit dans les villes du royaume de France », op.cit. 14 R. Jacob, Les époux, le seigneur et la cité, op.cit. 15 Voir P. Desportes, « Réflexion sur la paroisse urbaine en France du Nord », op.cit., p. 46 ; C. Marchand, La vie paroissiale à Saint-Quentin au xve siècle, Mémoire de maîtrise, Université de Picardie, Amiens, 1985. 16 E. Glasson, Les sources de la procédure civile française, Paris, 1882, p. 28. 17 A. Luchaire, Histoire des institutions monarchiques de la France sous les premiers capétiens (987–1180), 2. vol., Paris, 1883–1891 ; J. Ellul, Histoire de institutions, t. 2 : Institutions françaises, vol. 1, Du Moyen Âge à 1789, Paris, 1956 ; *F. Lot, R. Fawtier, Histoire des institutions françaises au Moyen Âge, op.cit. 12

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de commune, qui contraignait à l’accusation et à la dénonciation, rendait l’usage d’une procédure inquisitoire strictement anticonstitutionnelle18. Pour rendre sa procédure criminelle conforme à sa charte et aux ordonnances, la ville appliqua, à partir des années 1320–1330, une procédure dite mixte, la procédure d’apprise qui combinait le claim et l’enquête19. La fixation du Parlement à Paris entraîna par ailleurs un changement radical dans le processus de règlement des conflits institutionnels, lesquels avaient en majorité pour objet des querelles de juridiction. Cette réforme de la Curia Regis et son influence grandissante se perçoivent dès les années 124020. Les conflits qui n’arrivaient pas à se régler au niveau local réclamaient et obtenaient l’intervention personnelle du roi. Avant que le Parlement ne soit fixé à Paris, Louis IX procéda, en personne et entouré des juristes qui ont composé le premier Parlement, à quelques règlements de conflits entre la commune et le chapitre, notamment en 1244, 1247 et en 125721. Le roi s’appuyait de plus en plus sur des juristes, dont Pierre de Fontaines22. À Saint-Quentin, ce dernier assista avec Louis IX à un jugement et fut choisi pour donner son conseil lors d’un accord intervenu entre la ville et le chapitre23. Même si son Conseil a un ami, composé entre 1253 et 1258, prétendait décrire les us et coutumes du Vermandois, celui-ci interpelle souvent les droits savants24. Pierre de Fontaines fait également référence à sa pratique à Saint-Quentin, citant des cas concrets dans le but de démontrer avec discernement la conformité de la coutume locale avec le droit romain25. Il s’attribua même le mérite d’avoir fait porter devant le roi, sans duel, un appel de la cour du roi à Saint-Quentin26. Comme Pierre de Fontaine, l’auteur du Livre de jostice et de plet, fait lui aussi référence à quelques reprises aux pratiques institutionnelles locales27. Après les enquêtes menées dans les années 1259–1260, la grande ordonnance de 1262, qui s’attaquait à l’organisation même des institutions communales, a laissé plusieurs traces dans les pratiques institutionnelles. Outre l’obligation de rendre des comptes au roi, elle imposait plusieurs modifications structurelles. On voit apparaître avec quasi-certitude l’annualité des offices communaux, renouvelés à date fixe et le réaménagement du don institutionnel, qui, pour éviter la prévarication, ne pouvait désormais se faire que sous

S. Hamel, « Informer le juge », op.cit., p. 339–360. A. Esmein, A History of Continental Criminal Procedure, With Special References to France, Boston, 1913, p. 14. Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° 4 (Lemaire, n° 41), 26 mars 1244 n.st. Ibid. ; Laon, AD Aisne, G 788, p. 84–85 (Lemaire, n° 41), 26 mars 1244 ; Laon, AD Aisne, G 783, p. 153–154, mars 1247 ; Paris, BN, Coll. de Picardie (Dom Grenier), vol. 352 (Lemaire, n° 64ter) ; Laon, AD Aisne, G 788, p. 85–89, mai 1257. 22 Q. Griffiths, « Les origines et la carrière de Pierre de Fontaines, jurisconsulte de saint Louis. Une reconsidération avec documents inédits », RHDFÉ, 48 (1970), p. 544–567. Pierre de Fontaines serait originaire de Fontaine-Uterte, arr. de Saint-Quentin, cant. De Bohain-en-Vermandois. 23 Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° 4 (Lemaire, n° 41), 26 mars 1244 n.st ; Paris, BN, Coll. de Picardie (Dom Grenier), vol 352, n° 18 (Lemaire, n° 64ter), mai 1257. 24 J. Gaudemet, « L’influence des droits savants (romains et canonique) sur les textes de droit coutumier en Occident avant le xive siècle », dans Acta des III congreso internacional de derecho canonico, 1, La norma en el derecho canonico. Pamplona, 1979, p. 165–194. 25 Ibid. ; p. Petot, « Pierre de Fontaine et le droit romain », dans Études d’histoire du droit canonique dédiées à Gabriel Le Bras, t. 2, III : Droit canonique et droit romain au Moyen Âge, Paris, 1965, p. 955–964. 26 Pierre de Fontaines, Le Conseil de Pierre de Fontaines ou traité de l’ancienne jurisprudence française, éd. A.I. ­Marnier, Paris, 1846, p. 303–304, § 23. 27 Li livres de jostice et de plet, éd. P.N. Rapetit, Paris, 1850, § 36. 18 19 20 21

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l’unique forme de pots de vin28. Ces réformes suggèrent des problèmes de corruption et l’irresponsabilité financière de la ville, qui traînait une dette accumulée de 8 891 £, en 1264 et de 10 241 £ en 126629. Ces réformes menées par Louis IX n’ont pas été que contraignantes  : réformer, c’était déjà une forme de reconnaissance tacite des institutions préexistantes. On a également l’impression que la ville avait été jusqu’alors gérée à mi-temps et qu’elle n’avait pas de personnel permanent à son service. C’est cet état de fait que Louis IX a voulu changer. On ne peut certes pas parler d’une parthénogenèse institutionnelle comme à Paris30, mais le règne de Louis IX changea profondément le visage institutionnel et judiciaire des villes de son royaume. Après ces réformes, l’organisation de la commune subit la menace des officiers royaux qui commencèrent à jouer un rôle judiciaire déterminant dans la ville. L’administration communale en avait fini avec l’amateurisme. Désormais, pour rendre justice et pour défendre ses intérêts, la ville avait besoin de professionnels et d’auxiliaires quasi-permanents. 2.

Abus et réajustements sous Philippe le Bel

Jusque vers 1290, les justices municipale et royale vécurent une phase préliminaire de collaboration. La réforme de la juridiction gracieuse par Philippe III est un bon exemple d’entraide mutuelle : le roi profitait de la compétence de certains bourgeois pour appliquer très tôt cette ordonnance31. Mais, alors que la commune réussissait à se faire reconnaître en tant que juridiction, elle s’était mise à abuser de sa position dominante dans la ville. Tentant a posteriori de faire légitimer des faits nouveaux en tant qu’usages anciens, la rupture se produisit quand, sous Philippe le Bel, les officiers royaux s’opposèrent en tant que gardiens des intérêts du roi et du droit. La célèbre lettre que Jean de Ribemont adressa au maire et aux jurés vers 1290 – les mettant en garde que le Parlement n’était désormais plus du côté de la commune, mais prenait plutôt le parti des clercs – est symptomatique de ce changement d’attitude qui atteint son paroxysme sous Philippe V32. Sous Philippe le Bel, les abus commis par la commune furent légion. En 1293, le maire et les jurés sont condamnés par le Parlement à 2 000 £ tournois d’amende, pour avoir mis aux fers le châtelain royal et pour avoir fait des ajournements à Ribemont33. La levée de cette amende fut suspendue par Philippe le Bel34, puis ramenée à 500 £ tournois35. ORF, t. 1, p. 82–83, mais on préfèrera l’édition d’A. Thierry, Recueil des monuments inédits de l’histoire du tiers-état, t. 1, Paris, 1850, p. 219, ou d’A. Giry, Documents sur les relations de la royauté avec les villes en France, op.cit., p. 85–88. 29 Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 1, 2, 3 et 3bis (Lemaire, n° 72, 80, 84 et 86), vers 1262–1263, 1264, 1265 et 1266. Cette situation avait été notée par C.M. Dufour, «  La situation financière des villes de Picardie sous saint Louis  », Mémoires de la société des antiquaires de Picardie, 15, (1858), p. 583–691. 30 B. Bove, Dominer la ville, op.cit., p. 173–174. 31 L. Carolus-Barré, « L’ordonnance de Philippe le Hardi et l’organisation de la juridiction gracieuse », BÉC, 96 (1935), p. 5–48 ; Id., « L’ordonnance de Philippe le Hardi sur la juridiction gracieuse et son application en Champagne, dès 1280 », RHDFÉ, 39 (1961), p. 296–303. 32 Saint-Quentin, AM, liasse 21, dossier A, n° 1bis (E. Janin, Lettre adressée à la commune de Saint-Quentin, op.cit., p. 157–158 ; Lemaire, n° 130 ; C.-V. Langlois, Textes relatifs à l’histoire du Parlement depuis les origines jusqu’en 1314, Paris, 1888), vers 1290. 33 Paris, AN, X1a 2, fol. 98v (Olim, t. 2, p. 352, n° 1 ; Boutaric, n° 2822), 1er novembre 1293. 34 Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° 12 (Lemaire, n° 141), 23 décembre 1293. Philippe le Bel manda au bailli de Vermandois de ne pas contraindre les bourgeois de Saint-Quentin à payer l’amende de 2 000 £ jusqu’à ce qu’il ait reçu à ce sujet de nouvelles instructions. 35 Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° 13 (Lemaire, n° 146), janvier 1295 n.st. 28

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En 1296, les autorités communales avaient laissés dégénérer une émeute contre les impôts36. En 1300, maire et jurés entraient dans un violent conflit contre l’archevêque de Reims, parce que celui-ci avait relaxé pour son joyeux avènement plusieurs individus bannis de la commune par le maire et les jurés. Ceux-ci ayant mis en prison les bannis qu’ils avaient pu saisir, l’archevêque de Reims leur avait intenté un procès37. Le maire et les jurés avaient provoqué l’émoi de l’abbaye Saint-Quentin-en-l’Isle quand, en 1311, à la tête d’une foule de gens armés, ils y avaient pénétré de force, enfoncé les portes de la cuisine et du jardin, puis avaient pris et jeté en prison le queux du monastère et un autre domestique. L’arrêt du Parlement condamna le maire et les jurés à 1 000 £ tournois d’amende et à 300 £ tournois de dommages-intérêts38. Sans compter les innombrables conflits de juridiction avec le chapitre collégial de la ville, auxquels un accord ne mit terme qu’en 135439. Alors que la commune abusait de ses prérogatives judiciaires, elle tenta également de les faire reconnaître. En 1307, elle obtint du bailli de Vermandois, avec l’autorisation du roi, un sceau aux causes, reconnaissance concrète de sa juridiction40. En 1311, la ville cherchait à faire d’une pierre deux coups. Elle réclama au roi la délimitation de sa banlieue, une nouvelle confirmation de la charte de Philippe Auguste ainsi que la reconnaissance de tous les usages et les coutumes en vigueur depuis au moins vingt ou trente ans qui n’y étaient pas inclus41. Mais la commune rencontra l’opposition des officiers royaux pour faire reconnaître sa juridiction sur sa banlieue. Les causes de cette contestation par les officiers royaux sont multiples. En juin 1263, Louis IX avait donné à ferme perpétuelle au maire et aux jurés, avec tous les droits de justice et de prises qui s’y rattachaient, trois pièces de terre cultivable situées près de la ville, entre les faubourgs Saint-Jean et le plateau de Remicourt, appelées les Coutures42. Ces terres appartenant au roi, ses officiers croyaient disposer sur elles des droits de justice. De plus, la ville commençait à vouloir étendre son ressort hors de ses limites théoriques d’une lieue43. Après six ans d’enquête, en novembre 1316, le roi trancha en faveur du maire, des jurés et des échevins et reconnut leur juridiction sur la banlieue et fixa définitivement les limites géographiques du ressort de la ville44. Des bornes très précises, arbres, moulins ou chemins, furent énumérées et utilisées pour délimiter la banlieue. L’espace urbain était désormais reconnu, mais délimité. Certes, il s’agissait d’un moyen efficace pour faire reconnaître sa juridiction sur un territoire donné, mais il empêchait également toutes nouvelles velléités d’expansion. Comme l’écrit avait servi d’une certaine manière à fixer le droit, le bornage avait servi à fixer l’espace judiciaire de la ville. Mais il ne faut pas s’y tromper. Si Philippe le Bel se montra complaisant envers la commune, c’est qu’il avait encore besoin des autorités municipales, notamment pour ses

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Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° 14bis (Lemaire, n° 155), janvier 1296, n.st. Saint-Quentin, AM, liasse 30 A, n° 3bis (Lemaire, n° 169), 4 mars 1300 n.st. Saint-Quentin, AM, liasse 261, dossier A, n° 7 (Olim, t. 3, 1re partie, p. 532–533 ; Boutaric, n° 3797). Paris, AN, X1c 8, n° 155 ; Livre rouge, n° 138, 2 juillet 1354. Livre rouge, n° 10, février 1307 n.st. Livre rouge, n° 4, 12 février 1311 n.st. Livre rouge, n° 48. Paris, AN, X1a 2, fol. 98v (Olim, t. 2, p. 352, n° 1 ; Boutaric, n° 2822.), 1er novembre 1293. Livre rouge, n° 2.

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guerres de Flandre et pour faire accepter de lourds impôts par la population de la ville45. Il semble que ce fut à la faveur du consentement d’impôts extraordinaires et d’une participation à la guerre que le roi toléra que les bourgeois outrepassassent leur juridiction. Le Parlement condamna certes la commune pour ses abus, mais le roi intervint pour suspendre l’application de la décision. Cette action du roi transformait en condamnation morale, mais non effective, l’action de la commune. 3.

Les officiers royaux

Une des réformes majeures entraînées par la présence royale dans la ville est celle de la création d’officiers chargés d’y représenter le roi46. Les premiers, le prévôt et le bailli, apparurent au début du xiiie siècle avec le rattachement de Saint-Quentin au domaine royal. Une hiérarchie des offices s’installa ensuite, entraînant un recrutement des officiers royaux qui suivit une double logique47. D’après les ordonnances, le bailli et le prévôt devaient être recrutés hors de leur circonscription respective et pour une courte durée48. Comme la mutation fréquente de ces officiers, par principe étrangers au pays qu’ils administraient, les exposait à une certaine incompréhension de la part de leurs administrés, ils se sont rapidement appuyés sur des officiers de rangs inférieurs, recrutés sur place pour leur appartenance au lieu, leur compétence dans le droit local (les avocats et les procureurs), leur connaissance du terrain et leur endurance physique (les sergents royaux) ou encore leur connaissance de la coutume (les hommes du roi qui jugeaient aux assises royales du bailli). Cette pratique conciliait deux exigences apparemment incompatibles, mais essentielles au bon fonctionnement du système lentement mis en place par la royauté : la centralisation du pouvoir, représenté par des officiers supérieurs de passage et provenant de l’extérieur, et une attention aux particularismes locaux par des officiers de rangs inférieurs La participation des habitants de Saint-Quentin à plusieurs batailles sous Philippe le Bel est attestée par Guillaume de Nangis, Chroniques, éd. O. Holder-Egger, dans MGH, Scriptores, t. 26, an. 1292, p. 690 ; Lemaire, n° 104, n° 151, n° 166. Pour la guerre de Cent ans, voir Monstrelet, Chroniques, éd. L. Douët-D’arcq, Paris, 1863, t. 3, p. 367 ; Jean Le Bel, Chroniques, éd. J. Viard et E. Déprez, Paris, 1904, p. 300  ; Lemaire, n° 679, n° 732, n° 750. Voir également P. Contamine, Guerre, État et société à la fin du Moyen Âge. Études sur les armées des rois de France, 1337–1494, Paris-La Haye, 1972, p. 140–141 et 216. 46 Les officiers royaux ont d’abord été étudiés de manière générale par G. Dupont-Ferrier, Les officiers royaux des bailliages et sénéchaussées et les institutions monarchiques locales en France à la fin du Moyen Âge, Paris, 1902  ; Id., ‘Gallia Regia’, ou état des officiers royaux des bailliages et des sénéchaussées de 1328 à 1515, 7 t., Paris, 1942–1966 (Bailliage royal de Vermandois, t. 6, p. 116–174) ; F. Autrand, « Offices et officiers royaux en France sous Charles VI », RH, 242 (1969), p. 285–338. Les officiers royaux des bailliages de Vermandos, d’Amiens et de Senlis ont été étudiés par H. Waquet, Le bailliage de Vermandois aux xiiie et xive siècles, Paris, 1919 ; E. Maugis, Essai sur le recrutement et les attributions des principaux officiers du siège du bailliage d’Amiens, Amiens, 1906 ; B. Guenée, Tribunaux et gens de justice dans le bailliage de Senlis, op.cit. ; Id., Catalogue des gens de justice de Senlis et de leurs famille (1380–1550), op.cit.. Les prévôts royaux ont été spécifiquement étudiés il y a une centaine d’années par H. Gravier, « Essai sur les prévôts royaux du xie au xive siècle », RHDFÉ, 27 (1903), p. 539–574 ; 648–672 ; 806–874 (extraits avec additions, Paris, 1904). La question a en partie été renouvelée dans les années 1980 par A. Demurger, «  Guerre civile et changement du personnel administratif dans le royaume de France de 1400 à 1418 : l’exemple des baillis et des sénéchaux », Francia, 6 (1978), p. 151–298 ; Id. « Le rôle politique des baillis et sénéchaux royaux pendant la guerre civile en France (1400–1418) », dans W. Paravicini, K.F. Werner, Histoire comparée de l’administration, op.cit., p. 282–290 ; Id., « Les officiers du roi au travail. En Normandie dans les premières années du règne de Charles VI (1380–1390) », dans L’administration locale et le pouvoir central en France et en Russie (xiiie–xve siècle), Paris, 1990, p. 56–196. Les derniers travaux en date sont ceux de J.-L. Bonnaud, Les agents locaux de l’administration royale en Provence au xive siècle : catalogue et étude des carrières, Rennes, 2007 ; R. Telliez, Les officiers devant la justice dans le royaume de France au xive siècle, Paris, 2005. 47 F. Autrand, Offices et officiers royaux en France sous Charles VI, op.cit. 48 ORF, t. 1, p. 362, § 27, de la grande ordonnance de 1303, à laquelle se réfère encore Jean Boutillier, Somme rural, éd. op.cit., p. 663. 45

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et un collège de juges du cru. La logique de ce système voulut qu’autour du bailli et du prévôt se multipliassent lieutenants, clercs, avocats procureurs et sergents. Chacun d’eux occupait un office spécialisé qui exigeait des compétences nombreuses et diverses. Il s’agit donc d’observer les changements entraînés dans la ville par l’arrivée et la multiplication de ces nouveaux acteurs que sont les officiers royaux. a. Le bailli de Vermandois Le bailli de Vermandois est de loin l’officier royal le mieux connu49. C’est au début e du xiii siècle qu’est né le bailliage de Vermandois, ou, plutôt, que le bailli de Vermandois est apparu et commença à être présent à Saint-Quentin50. Car, au départ, il s’agissait plus d’un nouvel office, calqué sur le modèle féodal, que d’une circonscription. Dès le début, le bailli s’est posé comme représentant du roi dans son domaine. Il était investi d’une fonction primordiale au sein de l’administration royale : celle de faire respecter les intérêts du roi et d’assurer le relais avec la ville. Ses attributions sont celles qu’on lui reconnaît dans tous les bailliages du royaume : administrative, financière, militaire et judiciaire51. Le bailli avait la lourde tâche de garder les ordonnances et les coutumes, c’est-àdire concilier les unes avec les autres. Le bailli faisait appliquer et publier les ordonnances royales dans la ville. En 1309, il eut d’ailleurs gain de cause contre la ville. Celle-ci refusait en effet de le laisser publier les ordonnances par une personne autre que le crieur municipal52. Le bailli n’avait pas que la lourde tâche de faire appliquer les ordonnances du roi : il avait également le pouvoir d’en promulguer. En 1320, Michel de Paris, alors bailli de Vermandois, fit rédiger une ordonnance pour prévenir les fraudes qui se commettaient dans les déclarations d’héritages et de saisines53. C’était également le bailli qui, la plupart du temps, transmettait les mandements du roi aux sergents de la prévôté54. Dans le domaine financier, si la perception des revenus domaniaux incombait au prévôt, le bailli était chargé de le contrôler. Le 17 mars 1264 n.st., Geoffroi de Roncherolles, bailli de Vermandois, fit savoir au maire et aux jurés que Jean du Fay, prévôt de Saint-Quentin, avait bien remis au Temple, à Paris, la somme de 105 £ parisis que ces derniers devaient au roi pour le cens des Coutures55. Lui-même fut chargé de percevoir les revenus extraordinaires, c’est-à-dire les aides et subsides de guerre que levait la ville pour le roi ou les amendes auxquelles étaient fréquemment condamnés le maire et les jurés56. Ce dernier rôle apparut pour la première fois sous Philippe IV. Le 15 janvier 1295, le roi demandat au bailli de ne pas contraindre les bourgeois de Saint-Quentin à payer les 2000 £ qu’ils lui devaient à titre d’amende pour le meurtre de Simon de Maissemy, professeur à l’Université de Paris57. Le bailli administrait également les dépenses de fonctionH. Waquet, Le bailliage de Vermandois, op.cit. Le premier bailli de Vermandois connu est André le Jeune, bailli entre 1236–1246. Le bailli de Vermandois intervient la première fois à Saint-Quentin en mars 1224 n.st., pour un arbitrage entre le chapitre de Saint-Quentin et leurs hommes de Serraucourt (arr. Saint-Quentin, cant. De Saint-Simon) : Paris, AN, LL 985b, fol. 46v–47 (R. Fossier, Chartes de coutumes en Picardie, op.cit., n° 109). 51 Je résume et complète ici H. Waquet, Le bailliage de Vermandoi, op.cit., quant à la ville de Saint-Quentin. 52 Livre rouge, n° 11, 14 décembre 1309. 53 Livre rouge, n° 34, 6 avril 1320. 54 Il y a de nombreux exemples dans le Livre rouge. 55 Saint-Quentin, AM, liasse 93, dossier A, n° 5 (Lemaire, n° 78) 17 mars 1264. 56 Par exemple, Saint-Quentin, AM, liasse 127, n° 2 (Lemaire, n° 215) 20 décembre 1309. 57 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier B, 20 mai 1295. 49 50

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nement du bailliage. Il payait les gages des autres officiers royaux, les frais de justice et de voyage58. Enfin, le bailli devait rendre compte annuellement de son administration devant la Chambre des Comptes à Paris. L’office comprenait également certaines prérogatives militaires. Avant l’installation d’un capitaine-gouverneur dans la ville au début de la guerre de Cent Ans, c’est le bailli qui mettait la ville en état de défense en s’assurant qu’elle maintînt en bon état ses fortifications. C’est également lui qui convoquait l’ost royal et qui, par conséquent, veillait à ce que le contingent communal fût effectivement levé. Dès 1276, le bailli Gautier Bardin s’était assuré que les 260 sergents que réclamait le roi à la ville s’étaient rendus à Tours le 15 septembre59. Sur le plan judiciaire, le bailli était le premier responsable de l’application de la justice du roi dans la ville. Sa juridiction s’exerçait sur tout le territoire urbain. Il y tenait périodiquement des assises qui avaient une compétence assez large pour juger en première instance et en appel. Au départ, le bailli devait connaître toutes les causes portées à son attention par claim60. Sa compétence a fini par se définir plus clairement au xive siècle. De manière générale, en première instance, le bailli connaissait des cas royaux, des cas qu’il s’attribuait par prévention, des causes impliquant ses subordonnés pour ce qui touchait à leur fonction et celles des vassaux du roi. Sa compétence en appel était générale sur la ville, sauf pour les cas spirituels, soumis aux officialités de l’archevêque de Reims, et pour les parties qui disposaient de lettres de commitimus ou de garde. Le bailli ne faisait pas que juger. Il arbitrait également plusieurs conflits juridictionnels entre la commune et la plupart des autres juridictions de la ville, c’est-à-dire le chapitre collégial, l’abbaye de Saint-Quentin-en-l’Isle, celle de Saint-Prix et l’évêque de Noyon. Il agissait également à quelques reprises comme juge délégué ou comme enquêteur pour le compte du Parlement, dont il était souvent chargé de faire exécuter sur place les arrêts-jugés61. Encore au début du xive siècle, il lui arrivait de prendre lui-même un malfaiteur non loin du moulin Becquerel62. Avec la multiplication des offices royaux à partir du milieu du xiiie siècle et devant l’étendue de ses responsabilités, le rôle du bailli ne pouvait qu’évoluer. La complexification de la justice a fait apparaître des avocats et un substitut du procureur du roi spécifique pour la ville. Un garde du sceau fut installé dans le cadre des réformes de Philippe III, après 1287 mais avant 129463, pour s’occuper de la justice gracieuse. Au point de vue financier, un receveur apparut pour l’ensemble du bailliage vers 1290. Dès la fin du xiiie siècle, le bailli de Vermandois s’est retrouvé à la tête des officiers royaux de la ville. Avec le prévôt 58 59 60

p. 41.

Paris, BN, coll. Baluze, vol. 394, fol. 695, 1305. Saint-Quentin, AM, liasse 182, dossier K, n° 1 (Cocheri, t. 1, n° 310), 4 juillet 1276. Rigord, Gesta Philippe Augusti, éd. F.H. Delaborde, t. 1, p. 101 ; H. Waquet, Le bailliage de Vermandois, op.cit.,

Par exemple, comme juges délégués : Saint-Quentin, AM, liasse 261, dossier A, n° 5 (Gomart, t. 4, p. 236), 6 juillet 1283. Par exemples, comme enquêteurs : Paris, AN, K 37, n° 22 (A. Tardif, Cartons… , n° 997), 18 juillet 1298 ; SaintQuentin, AM, liasse 186, dossier B, n° 1 (Lemaire, n° 181), 11 février 1301, n.st.  ; Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° 28 (Lemaire, n° 184), 4 octobre 1302 ; Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° 27 (Lemaire, n° 184), 24 février 1303 n.st. ; SaintQuentin, AM, liasse 1, n° 30 (Lemaire, n° 184), 12 octobre 1303. Exécution d’un arrêt-jugé  : Paris, AN, X1a 4, fol. 95 (8 janvier 1308 n.st. 62 Livre rouge, n° 18, 17 juillet 1305. 63 Paris, BN, Coll. de Picardie (Dom Grenier), vol. 352, n° 36 (Waquet, p. 209), juillet 1287. C’est le dernier acte de juridiction gracieuse fait personnellement par un bailli à Saint-Quentin. Le 7 novembre 1294, Renaud du Cavech est garde du sceau du bailliage de Vermandois à Saint-Quentin : Saint-Quentin, AM, liasse 127, n° 1 (Lemaire, n° 145). 61

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royal, le bailli fut celui par qui le pouvoir royal affermit son autorité administrative, militaire et judiciaire sur la ville. Alain Demurger a démontré dans un important article que la fonction de bailli avait évolué64. D’auxiliaire de la justice et de l’administration royale, le bailli devint, dans le courant du xive siècle, un acteur politique de premier plan. Ce n’était plus désormais sa fonction de juge ou d’administrateur qui comptait, mais sa fonction de gouverneur, c’est-à-dire de coordonnateur des officiers royaux de son bailliage. Les baillis entretinrent d’ailleurs de meilleurs rapports avec la commune que le prévôt. Le bailli recevait régulièrement des poissons et des pots-de-vin de la commune65. Il lui arrivait même de prendre fait et cause pour la ville quand il s’agissait de protéger sa justice et celle du roi66. Les plaintes à son égard sont peu nombreuses. Comme le bailli représentait le roi, face à la commune, les troubles provenaient de la volonté du bailli de protéger coûte que coûte les intérêts du roi dans la ville. Avant l’instauration d’un substitut du procureur du roi, c’est le bailli qui poursuivait les autorités municipales au nom du roi quand ces dernières outrepassaient leur bon droit. C’est le bailli qui était attaqué dans la cause ayant apporté la suspension de la commune en 1317, mais c’est le procureur du roi seul qui attaqua la ville en 1352 pour de nouveau réclamer la confiscation de la commune. De la part des autorités municipales, le bailli ne rencontra pas autant de réprobations que ses auxiliaires. À une exception près, les conflits entre le bailli et la ville ne visaient pas sa personne. Henri Waquet attribue, sans doute avec raison, au maire et aux jurés, la révocation de Pierre de Beaumont dans les années suivant le rétablissement de la commune67. Le réquisitoire de la ville est particulièrement stéréotypé, reprenant une à une les interdictions faites aux baillis que formulent les ordonnances68. Dès 1323, il s’était mis à s’opposer à la commune pour plusieurs cas criminels réservés et, malheur pour lui, à prendre parti pour les officiers du roi en place dans la ville contre le maire et les jurés69. À croire le maire et les jurés, les reproches à son égard ne manquaient pas. Non seulement s’était-il montré trop galant avec la femme d’un bourgeois70, mais il enfreignait les ordonnances sans vergogne. Il prenait infinité de dons71. Il avait marié sa fille dans son bailliage par convoitise d’une dot importante, ainsi que son fils, qu’il avait marié avec une jeune fille qu’il avait fait enlever contre la volonté de sa mère72. Sous prétexte de promener sa femme, il empruntait des chevaux à des abbayes pour les employer sur ses terres sans les rendre73. Un marchand de Saint-Quentin, qui allait vendre des toiles à Tournai, fut arrêté à Bohain A. Demurger, « Guerre civile et changement du personnel administratif », op.cit. Saint-Quentin, AM, liasse 123, n° 6 et 7, comptes et quittances de présents en vin. Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 3 et 3bis (Lemaire, n° 169). Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier B (Lemaire, n° 330), s.d. vers 1326. Sur ce genre de stéréotypes employés pour marquer les esprits, voir C. Gauvard, De grace especial, op.cit., vol 1, p. 197 et s. ; Id., « Les officiers royaux et l’opinion publique en France à la fin du Moyen Âge », dans Histoire comparée de l’administration (ive–xviiie siècles), 1980, p. 583–593. 68 Principalement celle de 1256 : ORF, t. 1, p. 79. 69 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 19 ; Livre rouge, n° 60, 13 mars 1323 n.st. : Pierre de Beaumont se désiste d’une affaire de rapt qu’il voulait connaître à la place du maire et des jurés. Livre rouge, n° 59, 17 avril 1323 n.st. : il fait exécuter un justiciable du maire et des jurés. Livre rouge, n° 61 ; Livre rouge, n° 62, 27 août 1324 : mande à Jean de Chevresis d’obliger le maire et les jurés de Saint-Quentin à lui remettre Michel le Mie, Jeannette Baissele et Gefroy Lemoine accusés de meurtre, bien que, selon la prétention du maire et des jurés, l’instruction de l’affaire leur appartenait et le jugement aux échevins. Livre rouge, n° 57, 5 septembre 1324 : il remet en cause la compétence de la ville pour le port d’arme. 70 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier B. ORF, t. 1, p. 79, § 9, impose au bailli de s’abstenir de la débauche. 71 ORF, t. 3, p. 388, § 22–23, p. 412, § 15, lui interdit d’accepter des courtoisie autres que du vin. 72 ORF, t. 1, p. 79, § 14, interdit au bailli de marier son fils ou sa fille dans son bailliage. 73 ORF, t. 1, p. 79, § 9, interdit au bailli d’emprunter à quiconque dans sa circonscription. 64 65 66 67

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par des gardes établis par lui. Il ne fut libéré que contre une courtoisie de 14 £. Il avait levé une taxe sur les usuriers de la ville, mais n’en avait jamais justifié l’usage devant le roi. Il fit de même d’une amende perçue des religieux de Saint-Pierre de Gand et d’une amende de 71 £ parisis perçue par Simon Le Moine, receveur des amendes à Saint-Quentin. Les échevins se plaignaient de violences perpétrées contre eux par Robert de Lehaucourt sur l’ordre du prévôt, Jean de Chevresis. Une enquête avait été faite sur ce fait, elle était même finie depuis deux ans, mais aucune solution n’avait été donnée à l’affaire. Plusieurs autres affaires du même genre impliquant des officiers royaux furent portées à sa connaissance, mais, visiblement, il se faisait leur complice en refusant délibérément d’en prendre connaissance. Des enquêteurs royaux récemment envoyés dans le Vermandois avaient condamné le prévôt Jean de Chevresis à une amende envers la femme de Robinet le Boulanger. Quand celle-ci vint le trouver pour lui montrer le jugement scellé des enquêteurs, le bailli refusa de l’exécuter, le lui jetant par terre. Bref, le maire et les jurés lui reprochaient d’être trop souvent défaillant de faire justice, ce qui ne se pardonne pas ! Le bailli fut donc démis de sa fonction. b. Le prévôt de Saint-Quentin Comme pour le bailli, l’office précède la circonscription74. C’est la réunion de la ville au domaine royal qui amena vraisemblablement la création d’une prévôté. Mais celle-ci était moins définie au départ par un territoire que par un ensemble de prérogatives reliées à la justice et à l’administration domaniale entre les mains d’un officier, le prévôt75. Ce n’est que peu à peu que cet officier se retrouve à la tête d’une circonscription complexe, tantôt appelée prévôté, tantôt châtellenie76. Les deux termes sont souvent employés l’un pour l’autre et désignent la circonscription. Le but était de distinguer cette grande prévôté, au départ appuyée sur un château, de sa sœur jumelle, la prévôté secondaire de Ribemont qui fut d’abord royale, puis seigneuriale77. Jusqu’en 1331, le prévôt se faisait souvent appeler prévôt de Saint-Quentin et de Ribemont78. Le prévôt a peut-être continué à se faire appeler de cette façon jusqu’en 1361, quand Ribemont sortit du domaine royal en étant donné à vie à Robert de Fiennes, puis à Louis d’Anjou en avril 138179. Mis à part le prévôt, qui pour un certain temps se trouvait à la tête des deux circonscriptions80, les officiers étaient distincts pour chacune d’elle. Parce qu’issue d’un lourd passé féodal, la prévôté fut un territoire morcelé d’enclaves ecclésiastiques ou seigneuriales. La plus importante de ces enclaves fut, comme on s’en doute, la ville et sa banlieue. Mais celle-ci n’échappait qu’en partie au travail des officiers royaux qui y agissaient pour tout ce qui concernait le domaine du roi et en tant que juridiction d’appel de la justice municipale. Inversement, en dehors des H. Gravier, « Essai sur les prévôts royaux », op.cit. ; H. Waquet, Le bailliage de Vermandois, op.cit., p. 118 et s. Deux personnages apparaissent presque en même temps dans la fonction de prévôt de Saint-Quentin  : Drouart de Pinon, est cité une première fois vers 1225 ; Jakier de Pargny, est cité en 1229. 76 H. Gravier, « Essai sur les prévôts royaux », op.cit. 77 B. Guenée, L’Occident au xive–xve siècle, op.cit., p. 186. Les aveux et dénombrements sont ceux de la prevosté et chastellenie de Saint Quentin. Voir Paris, AN, P 135. H. Waquet, Le bailliage de Vermandois, op.cit., p. 17. Les prévôtés conjointes sont des cas répandu. Il s’agissait d’adjoindre une petite prévôté à une plus grande. 78 Dernière mention : Paris, BN, Clairambault, vol. 470, fol. 179. 79 Paris, AN, JJ 89, fol. 280, n° 607 (ORF, t. 3, p. 492–493, avril 1361) et Paris, AN, JJ 118, n° 475 ( ORF, t. 4, p. ­578–579). 80 La dernière mention se trouve dans Paris, BN, Clairambault, vol. 470, fol. 179). 74 75

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limites naturelles de la prévôté, certaines seigneuries ressortissaient des assises royales tenues à Saint-Quentin. L’office de prévôt, qui existait déjà sous les comtes de Vermandois, ne s’est pas transformé en fief, comme cela aurait pu se faire81. Philippe Auguste conserva la charge, mais en changea la pratique. Office viager, voire héréditaire, dans le premier tiers du xiiie siècle, quand le prévôt royal apparut, cette formule ne convenait plus au roi qui désirait contrôler la nomination de ses officiers. Il opta pour la mise à ferme de l’office82. Mais, pour instituer ses prévôts, le roi hésita longtemps entre la mise à ferme et la nomination, ou mise en garde. La première méthode, la plus ancienne, consistait à mettre l’office de prévôt à ferme au plus offrant par adjudication, d’abord par le bailli, puis par le receveur du bailliage83. Les ordonnances permettaient toutefois à deux personnes d’acheter la ferme conjointement. En 1306–1307, il y eut deux prévôts simultanément à Saint-Quentin  : Adam des Masnius et Jacques de Lesdins. La durée de la ferme, d’une longueur variable, semble avoir été fixée au début du xive siècle à trois ans. En 1320, une ordonnance prescrivait de ne la vendre que pour un an84. Peu importe sa durée, le bail commençait à la Toussaint. Par contre, une fois la ferme achetée, le prévôt ne pouvait la revendre, même si elle lui rapportait moins qu’il ne l’avait payée85. Le système de la ferme présentait pour le roi certains avantages. Le premier était de connaître et de toucher à l’avance le montant des ressources de la prévôté. Puis, il s’assurait de ne pas voir accroître leur puissance, puisque le bail était de durée limitée. Du point de vue des bourgeois, la ferme présentait l’avantage d’accéder à un office royal par le seul pouvoir de l’argent. Mais le principe même de la ferme était contestable, mettant les intérêts du prévôt en opposition avec ceux de la justice86. Le prévôt devenait par définition un homme d’argent et de pouvoir, commettant des abus dans le dessein de gagner plus. Les critiques quant à l’affermage de cette justice au plus offrant sont de loin celles qui reviennent le plus souvent. Les exemples d’abus de toutes sortes dont furent victimes les justiciables de la part des prévôts sont innombrables et ils sont loin d’être exagérés : justice arbitraire, exactions, amendes excessives, sollicitations de courtoisie, violences, torture, usage de faux, vols et même meurtres. En contrepartie, les prévôts souffraient de leur mauvaise réputation87. Jean de Chevresis finit assassiné. Thomas Plate-Corne fut non seulement accusé d’abus, d’extorsion, de prévarication, de rapine et de malversation, mais également de soumettre les bourgeois et manants de la ville à la torture88. Pour diverses raisons, quand la charge fut vacante parce qu’on n’arrivait pas à trouver de fermier ou que le prévôt fermier était sous accusation, ce qui arriva souvent, le roi mettait la prévôté en garde de manière temporaire. Le garde de la prévôté était un ­officier pris à gage et nommé par le roi. Le roi confiait la prévôté à un personnage important 81 Saint-Quentin, AM, liasse 263, n° 3 (Lemaire, n° 1 ; Coliette, t. 1, p. 690. Dom L. D’Achery, Spicilegium sive collectio veterum aliquot scriptorum qui in Galliae bibliothecis delituerant, Paris, 1723, p. 410). 82 L. Carolus-Barré, Le comté de Valois, op.cit., p. 114. 83 H. Gravier, Essai sur les prévôts royaux, op.cit., p. 548–549 ; ORF, t. 12, p. 431 ; ORF, t. 1, p. 713–714, §16. 84 ORF, t. 12, p. 449. 85 ORF, t. 1, p. 77. 86 H. Gravier, « Essai sur les prévôts royaux », op.cit. 87 Voir sur ce C. Gauvard, « Les officiers royaux et l’opinion publique », op.cit., p. 583–593. 88 Saint-Quentin, AM, liasse 7, dossier A, n° 15 (Lemaire, n° 670), 8 mai 1357.

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de la ville, souvent un ancien maire ou du moins un grand bourgeois89. La prévôté de SaintQuentin fut confiée en garde à Jean le Panetier une première fois entre 1290 et 129290. En 1302, peu avant la grande ordonnance de 1303, la prévôté fut confiée en garde à Renaud du Cavech91. Puis, à cause de la mise en accusation de Jean de Chevresis, elle fut remise à Simon Plate-Corne en 1325 et à Jean Liénart en 1328. La mise en garde était également utilisée pour régler les crises politiques, quand le roi devait prouver sa volonté réformatrice. Mais, comme le roi y perdait trop financièrement, ces réformes étaient à chaque fois abandonnées et la mise à ferme réinstaurée. En 1315, les nobles du Vermandois demandaient au roi de cesser de vendre les prévôtés ou de ne les vendre que pour trois ans. La seconde option fut adoptée92. La mise en garde de la prévôté fut plus souvent causée par les crises. Philippe VI imposait la garde en 1346–1347 après à la défaite de Crécy (26 août 1346) et la capitulation de Calais (3 août 1347). Il rétablit la ferme deux années plus tard, en 134993. Pendant la captivité de Jean II, les états généraux obtinrent la suppression de la ferme, et la prévôté fut de nouveau mise en garde en 135294. Mais le 4 septembre 1357, une nouvelle ordonnance rétablit l’ancien état des choses95. Jean II supprima de nouveau la ferme le 5 décembre 1360, mais la rétablit en février 136396. Peu après le meurtre de Louis d’Orléans, le 23 novembre 1407, la ferme fut de nouveau remplacée par la garde97. Sous Charles VII, en 1423, la charge cessa définitivement d’être affermée. Les prévôts furent, depuis, choisis par la Chambre des Comptes à laquelle s’adjoignaient quelques membres du grand Conseil et du Parlement. À partir du prévôt Jean du Moustier (1423), leur adresse change : les prévôts de Saint-Quentin se disent commis de par le roi98. Comme pour les baillis, il était interdit d’être prévôt dans son lieu de naissance99. Cette recommandation fut la moins bien observée. Un seul des prévôts de Saint-Quentin porte un toponyme extérieur au département de l’Aisne (Baudouin d’Avesne, Nord-Pasde-Calais) et peu sont même extérieurs à l’arrondissement de Saint-Quentin, comme Drouart de Pinon (arr. de Laon), Raoul de Bétancourt (arr. de Laon), Grisol Dohis (arr. de Laon), Jacques de Pargny (arr. de Château-Thiérry) et Clérambauld de Franqueville (arr. de Vervins). Le mode de nomination du prévôt explique l’important roulement des titulaires de cet office et la brièveté de leur mandat. Quarante-trois prévôts ont été répertoriés pour la période 1225–1423, soit une moyenne d’occupation de l’office de 4 à 5 ans. L’écart entre la durée des mandats est cependant important. Il y va d’une seule année, voire quelques mois, à plus d’une douzaine d’années pour Jean de Chevresis. La plupart des prévôts sont originaires de la proche région, voire de la ville même. Au départ, ce sont de petits seigneurs des environs, des chevaliers et des écuyers. Mais leur profil change à partir 1302–1303, Renaud du Cavech ; 1325, Simon Plate-Corne. Saint-Quentin, AM, liasse 93, dossier A, n° 20, janvier 1290 n.st. ; n° 22, mars 1292 n.st. ; Saint-Quentin, AM, liasse 93, dossier B, n° 6 (Lemaire, n° 187), 2 août 1302. ORF, t. 1, p. 566. Voir aussi André Artonne, Le mouvement de 1314 et les chartes provinciales de 1315, Paris, 1912, p. 173. 93 ORF, t. 2, p. 262, et 303. 94 Paris, AN, P 2292, p. 735 ; Isambert, t. 4, p. 821. 95 ORF, t. 3, p. 180. 96 ORF, t. 6, p. 609. 97 Isambert, t. 7, p. 164. 98 Saint-Quentin, AM, liasse 138, n° 16 (Lemaire, n° 801). 99 Jean Boutillier, Somme rural, éd. op.cit., titre 2, p. 663. 89 90 91 92

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de la seconde moitié du xive siècle. Ils passent de majoritairement « nobles » à majoritairement bourgeois. Une première tentative semble avoir eu cours après le rétablissement de la commune, quand la prévôté est mise en garde et confiée à Simon Plate-Corne. Après Jean II de Chevresis, de 1352 à 1362, on retrouve Jean Fercos (1350 et 1353), Jean Ravenier (1353), Thomas Plate-Corne (1356), Jean et Jacques de Corbenny (1357–1358). Puis, à la fin du règne de Jean II et durant tout celui de Charles V, les bourgeois semblent écartés et la prévôté confiée à des chevaliers, comme Jacques de Moy (1362–1364 et 1370–1374). Mais dès le début du règne de Charles VI, les bourgeois s’imposent de nouveau. Jean Frappart l’acquiert en 1383–1384, suivi par Quentin Ravenier (1392) et Étienne Tassart (1395–1400). Au début du xve siècle, après Pierre Boursene (1398), qui fut censier de la châtellenie, Jean Roart (1406), Jean Loiré (1408) et Raoul Miot (1408), la guerre civile entraîna la mise à l’écart des bourgeois non nobles et le retour des nobliaux du cru. Mis à part Simon Prière, brièvement prévôt en 1413, et Mathieu Ferré en 1419, les autres furent de petits seigneurs des environs. Mais peu importe, car les mœurs ont changé depuis la suspension de la commune : l’opposition entre petite noblesse et grand bourgeois s’était désormais estompée. Jusqu’au début du xive siècle, les sources ne laissent pas voir que le prévôt eut un rôle précis. Mis à part le fait qu’il était soumis au bailli, ses compétences était très générales. Progressivement, il devint essentiellement un agent domanial chargé de la police, au sens médiéval du terme. Il fut alors considéré comme le chef des sergents du roi de sa circonscription, mais pas seulement, car il agissait également comme président de la cour du roi à Saint-Quentin. Comme le bailli, le prévôt avait des attributions financières et judiciaires. Chargé de collecter les revenus domaniaux, c’est lui qui percevait la ferme des Coutures et celle de la Maison du roi100. C’est lui également qui faisait l’inventaire des biens des prévenus de crime et qui, le cas échéant, les mettait aux enchères pour le profit du roi101. Il jugeait également avec les hommes du roi, mais il tenait des plaids plutôt que des assises. Sa cour était donc itinérante, mais sa compétence en première instance dans la prévôté est pratiquement impossible à rétablir étant donné l’état des sources. Le prévôt transmettait aux sergents du roi les ajournements pour l’assise du bailli, exerçait la contrainte contre les débiteurs dont il pouvait confisquer les biens. Il procèdait aux enquêtes et aux arrestations de criminels. De plus, il était chargé des exécutions capitales pour la justice royale102. Les heurts fréquents entre le prévôt et le maire et les jurés conduisent à penser que leur juridiction respective devait s’entrecroiser inextricablement. C’est donc logiquement que, lors de la suspension de la commune, ce fut le prévôt qui reçut la garde de la ville et qui exerça la justice du maire et de la commune103. Il en fut de même lorsque l’office de prévôt était vacant : ce peut être alors un ancien maire qui se substituait à lui, comme lorsque Renaud du Cavech, ancien maire de la ville, fut nommé garde de la prévôté en 1302104. La juridiction du prévôt semble donc avoir pris consistance en parallèle de celle de l’administration municipale. Le prévôt partageait plusieurs compétences avec la ville, notamment la garde des monnayeurs du roi et quelques attributions relatives au commerce105. Le prévôt royal 100 101 102 103 104 105

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Plusieurs quittances dans Saint-Quentin, AM, liasse 93. Par exemple, Paris, AN, JJ 40, fol. 10v, fol. 23v et septembre 1308. Par exemple Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier B (Lemaire, n° 627), 28 novembre 1346. Livre rouge, n° 27, 25 janvier 1318 n.st. Saint-Quentin, AM, liasse 93, n° 6. Saint-Quentin, AM, liasse 7, n° 16.

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a également tenté de s’immiscer dans le tribunal de la commune. Par un moyen détourné, en réclamant de pouvoir assister à l’inventaire des biens, il tenta à plusieurs reprises de se faire reconnaître la qualité de juge106. c. Les auxiliaires de la justice royale On connaît très mal encore les auxiliaires du bailli et du prévôt. Si le garde du sceau, les avocats et procureurs du roi ont été répertoriés, notamment grâce aux travaux fondateurs de Gustave Dupont-Ferrier, le travail restait à faire pour les sergents et les notaires-tabellions107. Cette situation s’explique d’abord, parce qu’ils n’ont pas eu l’attrait des officiers supérieurs pour les historiens des institutions. Puis, parce que les sources pour les étudier sont encore plus rares et dispersées. Ce sont pourtant eux, qui, plus que leurs supérieurs hiérarchiques, baillis et prévôts royaux, étaient en contact direct avec les justiciables auxquels ils avaient quotidiennement affaire. La question fondamentale reste de savoir qui étaient ces petits officiers royaux et ce qu’ils faisaient. Progressivement, dès 1250, mais surtout aux alentours de 1290 environ, le nombre de fonctions croît tout en se spécialisant. Alain Demurger a raison de voir dans cette multiplication des offices non pas un déclin du bailli, mais un changement de rôle pour celui-ci108. Comme pour la justice municipale, le nombre d’offices augmente en corrélation avec la dissociation du rôle de juge de celui d’exécutant109. i. Le lieutenant du bailli Un lieutenant est installé en permanence à Saint-Quentin vers la fin du xiiie siècle. Il y a un lieutenant particulier du bailli de Vermandois dès 1292. Le lieutenant est le représentant du bailli dans la ville. Il est recruté sur place, c’est-à-dire que la très grande partie des titulaires de cet office est recrutée parmi les juristes de la ville. Le lieutenant du bailli est d’abord l’assistant du bailli en matière de justice. Le bailli en était venu à déléguer une bonne partie de ses pouvoirs judiciaires à son lieutenant. Dès 1299, le roi commence à adresser les mandements au bailli de Vermandois ou à son lieutenant110. Mais il ne devient un auxiliaire permanent qu’à partir de 1317 environ. Si bien que, à partir de cette date, les attributions juridiques du lieutenant se développent et deviennent les mêmes que celles du bailli. Il était recruté sur place, c’est-à-dire qu’une majorité de titulaires de cet office faisait partie des habitants de la ville. À partir des années 1360–1370, la charge, qui était jusqu’alors occupée par un noble, comme Jean de Chevresis, Jean de Tierceville ou Mathieu des Cours-Jumelles, fut aux mains de deux familles bourgeoises, les Prière et les Ravenier. ii. Le lieutenant du prévôt Contrairement au lieutenant du bailli, le lieutenant du prévôt n’est pas devenu un officier permanent. On ne retrouve que quelques mentions occasionnelles d’un lieutenant

106 Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° 35 (Lemaire, n° 214), 16 décembre 1309  ; Livre rouge, n° 4 (Lemaire, n° 232),

12 février 1311 n.st. ; Paris, AN, X1a 3, fol. 123–123v ; Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° 39 (Boutaric, n° 3913 ; Livre rouge, n° 3 ; Lemaire, n° 236) 12 mars 1312 n.st. ; Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° 51 (Livre rouge, n° 25 ; Lemaire, n° 263), 14 décembre 1317. 107 G. Dupont-Ferrier, ‘Gallia Regia’, op.cit., t. 6, p. 116–174. 108 A. Demurger, « Guerre civil et changement de personnel », op.cit. 109 R. Jacob, « Le procès, la contrainte et le jugement », op.cit., p. 11–34. 110 Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° 17 (Lemaire, n° 152), 7 juillet 1295.

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du prévôt. Quelquefois, c’est un sergent royal qui le remplace, mais il est plus souvent dit compagnon ou ami du prévôt en exercice111. iii. Le garde du sceau L’institution d’un garde du sceau du bailliage à Saint-Quentin est précoce et liée à la volonté royale de s’impliquer dans la juridiction gracieuse dans le cadre du bailliage. Elle témoigne toutefois de quelques tâtonnements de la politique royale en la matière. La question est bien connue112. Vers 1280, une ordonnance perdue de Philippe iii, attestée par l’entremise de Philippe de Beaumanoir, avait établi dans chaque ville d’assise du royaume deux bourgeois, ou prud’hommes, habilités pour recevoir les actes de juridiction gracieuse113. On rencontre deux bourgeois ainsi établis : Wermon du Cavech, dont le sceau porte un écu chevronné de huit pièces au lambel à trois pendants114, et Pierre Errart, en 1284 et en 1287115. Ceux-ci agissent comme témoins jurés aux transactions, dont le sceau et le serment mentionnés dans une des lettres du bailli, doivent être garants de la transaction116. Au début donc, deux bourgeois, agissant comme témoins assermentés, assistent aux reconnaissances des parties au nom du bailli. En octobre 1291, le principe de ces deux prud’hommes est abandonné au profit d’un warde de par le roy du scel de le baillie de Vermendois establis en Saint-Quentin117. Si Wermon du Cavech ne devient pas garde du sceau, parce que trop vieux, c’est un membre de sa famille, Renaud du Cavech, probablement son fils, qui le devient. Désormais, c’est devant le garde du sceau que comparaissaient les parties et c’est en son propre nom, plus en celui du bailli, que les lettres sont rédigées, sans mention de témoins. On a dit que le but de cette ordonnance était de s’approprier la juridiction gracieuse face aux seigneuries laïques et ecclésiastiques118. Pour la Picardie, on oublie les villes et leurs échevinages. L’implantation du tabellionnage royal correspond également à un encadrement de la juridiction gracieuse des échevinages au xive siècle. Les compétences spécifiques du garde du sceau concernaient l’exercice de la juridiction gracieuse du bailli. C’est probablement pourquoi il n’y eut souvent qu’un seul titulaire pour les charges de lieutenant du bailli et de garde du sceau. La charge était mise à ferme et le lieutenant certainement bien placé pour l’acheter. Le titulaire de cet office montre que, contrairement aux offices responsables de la justice pénale et criminelle, la royauté n’a pas hésité longtemps à confier l’exercice de sa juridiction gracieuse aux bourgeois. Toutefois, le garde du sceau devait se faire remplacer dans sa fonction pour faire authentifier un acte le concernant personnellement. En 1328 Simon Plate-Corne se faisait remplacer par especial par Hue Villart, qui agit comme son lieutenant, parce qu’il devait faire entériner une grâce à plaider par procureur119. 111 Par exemple, Saint-Quentin, AM, liasse 21, 6 janvier 1396 n.st. 112 L. Carolus-Barré, « L’ordonnance de Philippe le Hardi et l’organisation de la juridiction gracieuse », op.cit. ; Id.,

« L ’ordonnance de Philippe le Hardi sur la juridiction gracieuse et son application en Champagne », op.cit., p. 296–303. Philippe de Beaumanoir, Coutumes de Beauvaisis, éd. op.cit., § 52. G. Demay, Inventaire des sceaux de la Picardie, 2 vol., Paris, 1877, n° 789. L. Carolus-Barré, « L’ordonnance de Philippe le Hardi et l’organisation de la juridiction gracieuse », op.cit. Paris, BN, Collection de Picardie, vol 352, n° 36 (H. Waquet, Le bailliage de Vermandois, op.cit., p. 209), 1287. Saint-Quentin, AM, liasse 24 (Lemaire, n° 133), octobre 1291. L. Carolus-Barré, « L’ordonnance de Philippe le Hardi et l’organisation de la juridiction gracieuse », op.cit. Saint-Quentin, AM, liasse 22, novembre 1328.

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Encore plus souvent que le lieutenant du bailli, le garde du sceau fut un bourgeois. Il faut dire que, la charge étant mise à ferme, il leur était facile de l’acheter. D’autant plus qu’il n’y avait que des avantages : le garde du sceau authentifiait les actes et percevait, pour ce faire, la taxe prévue à cet effet. Contrairement au prévôt, il n’avait pas à poursuivre les criminels. Après Renaud du Cavech, tous furent des bourgeois et souvent même d’anciens maires. iv. Les clercs et les notaires Jusqu’au début du xive siècle, un ou deux clercs sont au service personnel du bailli. Mathieu de Beaune, bailli de Vermandois entre 1256 et 1260, en a deux120. À cette époque, la charge est très rentable. Une coutume voulait que le preneur du péage de Roye lui verse 100 s. chaque année121. Ce clerc suit le bailli partout. Il assiste aux assises, car il agit en quelque sorte comme secrétaire et greffier. En décembre 1316 le bailli Jean Bertrand, chargé par le roi de poursuivre une enquête restée sans suite à cause de la mort de son prédécesseur, se fit apporter par son clerc les différentes pièces du procès. Jean de Thiergeville : le clerc en question, afferma […] par son sairment, que lesdites lettres, proces et deposition il avoit gardées continuelment par devers li, depuis le mort dudit nostre devanchier aveuc ses autres escrits122. En 1311, Me Laurent accuse à Saint-Quentin la réception de deux lettres du roi123. Le même fut, en 1324, rémunéré par la ville pour plusieurs écritures qu’il effectua pour elle124. Ce clerc ne s’occupait pas uniquement d’écriture. En 1262, Nicolas du BoisCommun, fut chargé, de concert avec le prévôt de Saint-Quentin, d’une enquête pour une affaire pendante entre le couvent Saint-Crépin de Soissons et les hommes de la coutume de Condé125. Le 8 mai 1304, le bailli Jean de Waissi nomma son clerc Jacques de Mulli, son lieutenant, pour tenir des assises à sa place126. Le 17 juillet 1305, il le chargea de l’arrestation d’un meunier soupçonné de false monnoie127. Le 13 mars 1323, Pierre de Beaumont demanda à son clerc, Jean de Tierceville, de rétablir dans leur droit le maire, les échevins et les jurés au sujet du rapt commis par Simon d’Oisny, que le bailli voulait soustraire à leur juridiction128. Ces clercs polyvalents finirent par disparaître. Le dernier, Jean Migno, fut clerc du prévôt de Saint-Quentin en 1329129. Après cette date, le bailli conserva peutêtre un clerc pour son usage personnel, mais il ne joua vraisemblablement plus aucun rôle officiel. La plupart des tâches qu’on le voie effectuer auparavant sont dorénavant accomplies par les notaires ou par les sergents royaux, signe de la spécialisation des offices à cette époque. Un clerc reste cependant attaché au garde du sceau pour la rédaction des actes130. Quant aux notaires royaux, les renseignements sont rares. On ne les rencontre la plupart du temps, dans les sources, que par la signature qu’ils apposent au bas des actes qu’ils écrivent ou retranscrivent pour le compte des officiers royaux. Les tabellions agissaient parfois de concert avec le garde du sceau, qu’ils remplaçaient à l’occasion131. Ils 120 121 122 123 124 125 126 127 128 129 130 131

RHGF, t. 24, p. 321x, n° 61. IIibid., n° 74. Paris, AN, J 1033, n° 21. RHGF, t. 24, p. 362x, n° 247. Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 9 (Lemaire, n° 310), compte de l’année 1324–1325. Olim, t. 1, p. 162, n° 8, cité par H. Waquet, Le bailliage de Vermandois, op.cit., p. 133. Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° 32 (Coliette, t. 2, p. 823 ; Lemaire, n° 194), 8 mai 1304. Livre rouge, n° 18. Livre rouge, n° 60. Livre rouge, n° 74, 11 novembre 1329. Quentin Cornet et Guillaume de Grugies. Par exemple Paris, AN, X1c 113, n° 36, 7 avril 1417.

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semblent conserver leur office longtemps, à vie, si bien que le nombre de tabellions connus est peu élevé : Quentin Cornet (1384–1389), Jean Soigniez (1376–1390) Colard Carette (1403–1424) et Jean Courbet (1417–1442). v. Le procureur et l’avocat du roi à Saint-Quentin Le procureur du roi à Saint-Quentin représentait essentiellement les intérêts du roi aux assises royales et dans les causes qui l’intéressaient particulièrement. Philippe le Bel définissait son rôle dans la grande ordonnance de 1303, mais l’ordonnance de 1318 le supprima, remettant ce rôle au bailli de Vermandois qui l’avait exercé jusque-là132. L’ordonnance ne fut vraisemblablement pas appliquée plus longtemps que le règne de Philippe V, car en 1325, Jean de Tierceville, auparavant cité comme clerc du bailli de Vermandois, figure comme procureur du roi à Saint-Quentin133. Mais il ne s’agissait probablement pas encore d’un office en tant que tel. Il n’y avait à l’époque qu’un procureur du roi pour l’ensemble du bailliage et Jean de Tierceville est cité comme lieutenant du bailli dès 1324134. Dans les années 1360, apparut un substitut du procureur du roi pour le bailliage de Vermandois à Saint-Quentin. Pierre de la Rivière est le premier connu pour cette période. Jean Maunier le fut en 1390, Mathieu Plate-Corne, jusque vers 1398, Thierry Viele après 1400, Jean de Sons, vers 1410, puis Pierre le Poivre vers 1420135. Le substitut du procureur du roi à Saint-Quentin était le plus souvent choisi parmi les juristes de la ville. Pierre de la Rivière, qui resta une vingtaine d’années en poste, était de la deuxième génération d’une famille de jurisconsultes saint-quentinois, également homme du roi à cause de la seigneurie de la Rivière136. En avril 1320, Me Simon de la Rivière, le père de Pierre, avait participé à la rédaction d’une ordonnance du bailli pour prévenir les fraudes dans les déclarations d’héritage137. Il était également au conseil de la commune138. Thierry Viele, substitut du procureur du roi à Saint-Quentin en 1403–1404 était auparavant sergent du roi. Mathieu Plate-Corne, substitut de 1394 à 1398, était un bourgeois. vi. Les sergents royaux Les sergents du roi faisaient également partie des officiers royaux qui n’avaient pas d’autorité propre139. Dès le départ, leur tâche avait été définie par Louis IX dans l’ordonnance de réformation de 1256, c’est-à-dire pour faire les commandements de nous et de nos cours140. Ils ne prenaient donc jamais l’initiative de leur action, qui, sauf exception, devait être ordonnée par un mandement d’un officier supérieur ou du roi. Ils étaient de simples auxiliaires attachés à la personne du bailli ou du prévôt. À la fin du xiiie siècle, ils étaient simplement dits serjant sairementé le roy, mais au début du xive siècle on les disaient appartenir à une prévôté : sergent le roy en la prevosté de Saint Quentin141. ORF, t. 1, p. 360, § 20, 1303, et p. 656, 1318. Livre rouge, n° 64. H. Waquet, Le bailliage de Vermandois, op.cit., p. 140–141. [Saint-Quentin, AM, liasse 23] (Lemaire, n° 752). Paris, AN, P 15, n° 26 (Hommages rendues à la Chambre de France, Chambre des Comptes de Paris xive–xvie siècles, Paris, 1985, t. 3, p. 297, n° 3175), 14 août 1395. 137 Livre rouge, n° 34, 6 avril 1320. 138 Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 10, compte pour l’année 1323–1324 ; n° 15, compte pour l’année 1328–1329. 139 S. Hamel, « Être sergent du roi dans la prévôté de Saint-Quentin à la fin du Moyen Âge », op.cit., 2005, p. 55–68 ; V. Toureille, « Les sergents du Châtelet ou la naissance de la police parisienne à la fin du Moyen Âge », dans IIibid., p. 69–83. 140 ORF, t. 1, p. 80, § 16. Voir également Jean Boutillier, Somme rural, éd. op.cit., p. 667–670. 141 La première mention de cette titulature est Saint-Quentin, AM, liasse 22 (Lemaire, n° 244), 19 août 1315. 132 133 134 135 136

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Il est plus compliqué de savoir qui les nommait. Le sergent royal étant essentiellement un auxiliaire du prévôt et du bailli, il a d’abord été choisi par eux. Les deux premiers connus dans la prévôté de Saint-Quentin, Jean de Holnon et Philippe d’Andechi, sont dits serjant sairementé le roy, qui estes estauli par le bailliu et le prevost du commandement des maistres de le court le roy, a Paris142. Plusieurs plaintes quant au nombre trop élevé de sergents amenèrent le roi à les nommer lui-même. Pourtant, l’ordonnance fondatrice prescrivait qu’ils soient le moins nombreux possible143. L’ordonnance de 1303 ordonnait d’en réduire le nombre au cinquième144. Malgré toutes les mesures prises par le roi, le prévôt ne cessait d’établir des gens de petite value dans cet office145. En 1317, le maire et les jurés de Saint-Quentin se plaignaient de leur multitude dans la prévôté, source d’oppression et de dépenses pour leurs justiciables146. Philippe V remit donc leur nomination au seul bailli de Vermandois, qui ne devait plus permettre d’augmenter le nombre des sergents fixés par les enquêteurs qu’avec l’ordre formel du roi147. L’ordonnance de 1352 de Jean II réitéra la volonté royale d’en réduire le nombre148. Vers la fin du xive siècle, on compte peut-être huit sergents pour l’ensemble de la prévôté de Saint-Quentin149. Le bailli semble toutefois avoir conservé la possibilité de reconduire ou de démettre un sergent de son office150. Sinon, le sergent pouvait espérer rester en poste très longtemps, vraisemblablement jusqu’à une trentaine d’années, tel Pierre de la Barre. Le sergent était un officier gagé. Ayant beaucoup à faire, il recevait des gages plus élevés que la moyenne. La grande ordonnance de 1303, qui qualifie leurs gages de modérés, leur octroyait 3 s. par jour, s’il servait à cheval, et 18 d., s’il servait à pied151. La rétribution des sergents s’est rapidement accrue. En supplément de ce gage de base, ils touchaient des sommes payées par les parties pour chacun de leurs exploits de justice. Dans un compte de la recette de l’aide de 2 d. sur chaque lot de vin vendu a broche (au détail) dans la ville, daté du 24 juin 1399, Jean Barbet reçut en plus de ses gages ordinaires, 4 £, tandis que Renauld de Monchy et Pierre Lanchart touchèrent 40 s. à eux deux pour avoir contraint au paiement plusieurs défaillants, dont certains de leurs confrères qui faisaient le commerce du vin pour arrondir leurs revenus152. Ces compléments financiers avaient des conséquences fâcheuses sur le travail du sergent : pas de gage, pas d’exploit. Rien n’empêchait également le sergent d’exiger une somme importante aux parties. Pour ces raisons, en 1351, une ordonnance limitait le montant de ce que le sergent pouvait toucher à un maximum de 8 s. par jour153. L’attrait de l’office paraît évident. À la manière des bénéfices ecclésiastiques, deux titulaires pouvaient se disputer une sergenterie154. Difficile d’affirmer que l’office passait d’une main à l’autre au sein d’une même famille, mais le cas où deux sergents portent le même patronyme et se succèdent n’est pas exceptionnel. On en retrouve trois exemples : Ponchart et Jean le Grenetier, Guillebert et Jean de Mainlevrel, Pierre et Jean Sartier. 142 143 144 145 146 147 148 149 150 151 152 153 154

Saint-Quentin, AM, liasse 263, n° 10 (Lemaire, n° 131), vers 1290. ORF, t. 1, p. 80, § 16. ORF, t. 1, p. 363, § 32. Là où il y en avait vingt, il ne serait plus que quatre dit l’ordonnance. ORF, t. 1, p. 565. Voir aussi Artone, Le mouvement de 1314, p. 172. Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° 50 (Lemaire, n° 261), 16 octobre 1317. Ibid. La nomination à l’office ne s’effectuait dès lors que par lettres patentes du roi ou du bailli. ORF, t. 2, p. 507. Lemaire, n° 808, 22 juillet 1402, provenant d’une collection privée. Paris, AN, X1a 4785, fol. 2v–3, mardi 16 novembre 1400. L’affaire s’étend jusqu’au jeudi 18 novembre (fol. 8). ORF, t. 1, p. 363, § 36 ; Jean Boutillier, Somme rurale, éd. op.cit., p. 669. Saint-Quentin, AM, liasse 138, n° 16 (Lemaire, n° 801). ORF, t. 2, p. 394, § 9. Paris, AN, X1a 15, fol. 359v, 7 novembre 1353.

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Afin qu’on ne le méprenne pas dans son office155, le sergent du roi portait un vêtement qui servait essentiellement à le distinguer des autres sergents, ceux des villes – qui portaient également un habit spécifique, un wardecorp156 – des seigneurs ou des institutions ecclésiastiques. Si on dit que l’habit ne fait pas le moine, l’uniforme faisait cependant le sergent. Dans le Vermandois, la coutume voulait que cet habit soit rayé ou mi-parti et qu’il fut porté en permanence pendant l’exercice de l’office157. Ne pas le vêtir entraînait une sévère réprimande et pouvait même aboutir à la confiscation de l’office. Aucune excuse ne semble même avoir été tolérée. Thierry Vielle, sergent du roi dans la prévôté de SaintQuentin, homme de bonne vie, diligent et hardi en son office, avait eut à assister au service funèbre de son beau-père. Il n’avait pas eu le temps de se changer avant de se rendre aux assises de la cour du roi à Saint-Quentin. Il fut mis en prison par le bailli sans autre forme de procès158. Sa verge lui fut confisquée et il fut démis de ses fonctions159. Plus que cet uniforme, on constate que c’était la verge de sergenterie, une baguette portant une fleur de lis, qui était indispensable au sergent pour exercer son office : sans elle, il n’avait plus d’office, puisqu’elle en était l’insigne160. Le sergent devait toucher avec sa verge le défendeur qu’il était chargé d’ajourner, ou, en son absence, l’huis de sa maison, afin de rétablir le lien social entre les parties161. La briser était un moyen de contester son action quand elle était socialement non acceptable. En mars 1342, deux habitants de la ville, Philippe de Belloy et Jean de Tombes, en étaient venus aux coups lors d’un plaid tenu par le prévôt de Saint-Quentin162. Voulant les séparer, le prévôt Jean du Verger en avait fait mettre l’un ou beffroy de la dite ville et l’autre en la Maison du Plait, qui est maisons de la dite ville. Mais, en les y menant, avoyent pluseurs de la dite ville esrachiet pluseurs des chaviaus (cheveux) au dit prevost, et encore non contemps de ce, le vergue que Gerars Cochon, sergans du roy, tenoit en sa main li avoit estee esrachiee, ostee et rompue. Pour la prévôté de Saint-Quentin, sur 47 sergents connus, seulement huit portent le nom d’un toponyme extérieur à la prévôté163. Ceux que l’on connaît semblent essentiellement recrutés parmi les habitants de la ville principale de la prévôté, Saint-Quentin, en majorité parmi les bourgeois, petits et grands : il n’y a qu’un seul écuyer164. Quelquesuns ont gravi les échelons de l’administration royale locale. Quelques-un devinrent par la suite prévôt (Jean Frappart et Jean Loiré) ou procureur du roi (Thierry Vielle et Jean Marnier)165. Un autre (Jean de la Barre) agit une fois en tant que lieutenant du prévôt de Saint-Quentin166. On profite également de la compétence acquise au service de la commune. Jean Marnier avait été clerc de la ville et Jean Frappart geôlier de la prison du beffroi, Paris, AN, X1a 4785, fol. 3v, mardi 16 novembre 1400. Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 15, 25 décembre 1329 (Lemaire, n° 481). R. Jacob, Images de la justice. Essai sur l’iconographie judiciaire du Moyen Âge à l’âge classique, Paris, 1994, p. 110–124. Paris, AN, X1a 4785, fol. 2v–3, mardi 16 novembre 1400. Voir également ORF, t. 1, p. 714, § 14, p. 411, § 7 et H. Waquet, Le bailliage de Vermandois, op.cit., p. 52. 159 Il en appela au Parlement, qui mit la cause au néant. Paris, AN, X1a 4785, fol. 8v, mardi 23 novembre 1400. 160 Paris, AN, X1a 20, fol. 24v, 29 juin 1369 (Waquet, Le bailliage de Vermandois, p. 235, n° 16). 161 R. Jacob, Images de la justice, op.cit., p. 110–114. Le geste a également une valeur protectrice. 162 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 41 (Lemaire, n° 591), 28 mars 1342 n.st. 163 Goulard du Reux, Noël de Reims, Robert des Muriaux, Jean et Guibert de Mennevret, Geffroy de Bernoville, Jean de Berlet et Philippe d’Andechy. 164 Jean de la Barre est dit écuyer. 165 Il faut cependant rappeler que l’office de prévôt était mis à ferme. L’office de procureur du roi tient plus de la promotion : c’est un office gagé. 166 Saint-Quentin, AM, liasse 21, dossier B, 12 et 13 juillet 1398. 155 156 157 158

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avant d’obtenir leur sergenterie. D’autres encore participaient à la vie politique urbaine tout en étant sergent. Simon de Bohain fut maire de l’enseigne de la Tannerie, Jean le Grenetier fut juré, tandis que Jean Loiré fut juré et procureur de la commune. Jean de la Barre possédait un fief tenu du roi et pouvait également siéger en tant que juge assesseur aux assises de la cour du roi tenues à Saint-Quentin167. Mais l’apparente intégration du sergent au sein de la communauté cache sa position sociale ambiguë. Il est un officier du roi, représentant son autorité, mais en tant qu’habitant du lieu où il exerce sa fonction, on est réticent à lui reconnaître un statut différent d’un justiciable ordinaire168. En tant que contribuable, le sergent ne bénéficie pas d’exemption particulière. Jean Brochart refusait de payer la maltôte du vin vendu à SaintQuentin sous prétexte qu’il était sergent du roi, ce qui lui fut contesté avec succès par les autorités de cette ville169. Jean de la Barre et Jean Musset furent défaillants à l’aide du 1er janvier 1372 n.st., c’est-à-dire qu’ils n’avaient pas payé leurs parts170. Comme tout officier du roi, le sergent était sous sauvegarde royale pour les actes posés dans l’exercice de son office, mais pas pour ceux commis en dehors de son office171. L’arrestation d’un sergent royal était même assimilée à une injure172. Cependant, le bannissement d’un sergent royal par le maire, les échevins et les jurés de Saint-Quentin, fournit un prétexte pour contester la juridiction de ces derniers173. Plus souvent qu’à son tour, le sergent est victime d’injures et de violences, et pas seulement de la part de la population qu’il est souvent obligé de contraindre174. Tournet de Moy, seigneur d’Estrée, chevalier, emprisonné à Saint-Quentin pour avoir injurié un sergent du roi le soir de Noël, avait réussi à obtenir des lettres de rémission pour son fait175. Jean Frappart fut frappé par Jacques de Fressencourt, chevalier, seigneur de Nouroi, et son serviteur qui étaient venus lui réclamer la libération d’un de ses fermiers176. Thierry Vielle, bien que diligent et hardi en son office, se disait persécuté par ses collègues parce que, pour la necessité d’icelui [office], lui a convenu prandre et emprisonner plusieurs des parens et amis des officiers dudit bailliage dont il n’a pas tousjours esté bien en leur grace177. Assez nombreux pour effectuer leur tâche au quotidien, malgré toutes les récriminations de la part des seigneurs et des villes, ils ne l’étaient pas assez pour certaines missions. Il arrivait aux sergents royaux de requérir à la ville l’aide de ses propres sergents. Le 21 avril 1384, Quentin Migno, sergent du roi, Jean de Mares, Jacquotin Estaquois et petit Pierrot, sergents à masse de la ville, furent poursuivis conjointement devant le bailli de Vermandois pour une action commune dont l’objet est inconnu178. Quentin l’Oiseleur avait reçu l’aide d’un sergent du maire et des jurés pour signifier à Quentin le Chambellan Paris, AN, P135, n° 216, 8 juin 1383 ; n° 252, juin 1383. C. Gauvard, De grace especial, op.cit., p. 560–563. Saint-Quentin, AM, liasse 133 (Lemaire, n° 534), 22 février 1337 n.st. Voir, Saint-Quentin, AM, liasse 130 (Jourdan, Étude topographique et sociale de la ville de Saint-Quentin). F.L. Cheyette, « The Royal Safeguard in Medieval France », Studia Gratiana, 15 (1972), p. 631–652. Saint-Quentin, AM, liasse 21, dossier A, n° 23 (Lemaire, n° 498), 18 juillet 1331, recense trois cas de sergents du roi injurieusement arrêtés par la ville sans present mefait. 173 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 41 (Lemaire, n° 591), 28 mars 1342. 174 Ce fait a été maintes fois souligné : B. Guenée, Tribunaux et gens de justices, op.cit., p. 213, 288–289 ; C. Gauvard, De grace especial, op.cit. ; R. Jacob, Images de la justice, op.cit., p. 117. 175 Paris, AN, JJ 84, fol. 225, n° 429, 23 janvier 1356 n.st. 176 Paris, AN, JJ 91, fol. 56v, n° 132, septembre 1361. 177 Paris, AN, X1a 4785, fol. 2v–3, mardi 16 novembre 1400. 178 Saint-Quentin, AM, liasse 29. 167 168 169 170 171 172

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son ajournement devant le bailli179. En 1353, Jean Sartier, chargé de contraindre certaines personnes au paiement d’un impôt sur les marchandises, réclama à l’autorité communale de bien vouloir lui adjoindre un de ses sergents pour plus de sûreté180. À l’inverse, il arrivait que le sergent du roi soit mis à la disposition d’une autre autorité. Alors que Philippe V, en mai 1319, autorisait les bourgeois à s’assembler pour ratifier les traités passés avec les gens du roi, dans le dessein d’en arriver au rétablissement de leur commune, il mandait au bailli de Vermandois de bien vouloir leur fournir un sergent pour les y aider181. En 1399, cette ville avait utilisé des sergents du roi pour lever l’aide sur le vin. l’activité journalière du sergent consistait en l’exécution de mandements, qu’ils proviennent directement du pouvoir central (le roi, le Parlement, la Chambre des Comptes, le prévôt de Paris) ou de leurs supérieurs locaux. Ces derniers n’exécutaient qu’exceptionnellement les mandements qui leur étaient adressés par le roi. C’est pourquoi bon nombre de leurs exécutions ne sont en fait que des vidimus avec mandement à un sergent d’exécuter le mandement du roi. Le mandataire s’adressait le plus souvent nommément au sergent qu’il chargeait de l’exécution, ou simplement il demandait au premier sergent du roy nostre sire establi en ladite prevosté auquel ces lettres verront, c’est-à-dire au premier sergent disponible d’agir182. Pour bien accomplir son office, le sergent devait au moins être en mesure de lire son mandement, comme on peut le supposer par de très rares mentions de lecture ou de criées183. Il devait être en mesure de produire des écritures, car chacun des justiciables auxquels il avait affaire pouvait réclamer une copie du mandement184, ce que le sergent pouvait refuser s’il avait une bonne raison185. Si le plus souvent le sergent se faisait accompagner par un clerc, qui rédigeait pour lui les copies réclamées et les procès-verbaux de ses exécutions186, certains, comme Jean Marnier, étaient capables de les rédiger eux-mêmes187. Le sergent devait rendre compte de sa mission à son mandataire. Il le faisait de vive voix au xiiie siècle, mais, à partir du début du xive siècle, il le fait par écrit sous la forme d’une rescription188. Pour toutes les juridictions royales (Parlement, baillis et prévôt), c’est un sergent qui était chargé d’ajourner les plaideurs de visu, ou à domicile, et, en cas d’absence, en s’adressant aux voisins189. Quand l’ajournement devait être prononcé à l’intérieur d’une seigneurie, une commission rogatoire spécifique devait être faite pour chaque cas190. Le sergent pouvait être chargé d’une enquête, mais jamais seul. Vers 1290, ce sont deux d’entre eux qui furent chargés d’enquêter en vue d’un projet d’accord au Parlement entre l’abbaye de Saint-Prix et le bailli et le sénéchal de Vermandois, le maire et les Saint-Quentin, AM, liasse 22, 17 décembre 1337. Paris, BN, ms lat. 17777, fol. 316. Livre rouge, n° 38. Saint-Quentin, AM, liasse 29, 12 août 1339 ; liasse 21, dossier A, n° 39, 3 mai 1340. Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 36 (Lemaire, n° 504), 31 mai 1332. Figure généralement dans le protocole initial la mention : Donné par copie souls le seel de [N], sergent du roy nostre sire en le prevoste de Saint Quentin. Cela peut être plus précis et figuré dans le corps du texte du procès-verbal de l’exécution. Par exemple, Saint-Quentin, AM, liasse 29, vers 1323. 185 Saint-Quentin, AM, liasse 21, dossier A, n° 18, septembre 1329. 186 Livre rouge, n° 87 (Lemaire, n° 641), 31 octobre 1350. 187 Jean Marnier avait été clerc de la ville. 188 Jean Boutillier, Somme rurale, op.cit., p. 667. Saint-Quentin, AM, liasse 21, 29 et 30. 189 Philippe de Beaumanoir, Coutumes de Beauvaisis, op.cit., § 57 et § 823 et suivants. Voir aussi A. Tardif, La procédure civile et criminelle aux xiiie et xive siècles, Paris, 1885, p. 48. 190 ORF, t. 1, p. 522 ; J. Boutillier, Somme rurale, op.cit., p. 669. 179 180 181 182 183 184

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jurés191. Le 23 février 1326 n.st., le bailli de Vermandois ordonnait à trois des sergents de la prévôté de Saint-Quentin de faire une enquête sur deux arrestations opérées par le bailli du doyen et du chapitre, en des lieux de cette ville où le maire et les jurés prétendaient posséder exclusivement le droit de prise192. C’est le sergent également qui est chargé de l’exécution des sentences rendues par le Parlement. Fauvel de Wadencourt, bailli de Vermandois, chargea Pierre du Manoir d’accomplir le mandement royal ordonnant l’exécution de l’arrêt rendu par le Parlement en faveur du maire et des jurés de Saint-Quentin contre les monnayeurs de la même ville. En conséquence de quoi, le 2 juillet 1333, Pierre du Manoir remit Tassin le Forbus, monnayeur, entre les mains du maire et des jurés, pour être puni par eux du méfait ayant motivé son arrestation193. L’essentiel des prises ou arrestations de malfaiteurs pour le compte de la justice royale était également effectué par un sergent194. Il ne pouvait agir sans commission que pour les cas de presents mefaits195. C’est lui qui était chargé des élargissements et du transfert des prisonniers d’une juridiction à une autre196. Il pouvait remettre des prévenus gardés par la justice royale à une autre juridiction laïque ou ecclésiastique197. Il n’assistait pas seulement au transfert de criminels. Le 19 août 1394, Jean de Marbais fut chargé de conduire à Laon Jean Payen, que l’on supposait être atteint de la lèpre, pour qu’il soit examiné par les esgards (examinateurs) a ce sermenté de par le roy afin que l’on soit certain du diagnostic de la maladie198. Le sergent était chargé de contraindre les contribuables récalcitrants à payer leur quote-part des aides, ou au paiement des amendes ou des sommes dues au roi. Le 19 août 1315, Jean de Paris fut chargé par le bailli de Vermandois de contraindre par prise de cors ou par vendues de bien tous les débiteurs du roi199. Les biens étaient alors saisis, mis sous séquestre, inventoriés, prisés et mis en vente. Dans le cadre d’un trouble de saisine produit devant la cour du roi, le sergent intervenait à plusieurs reprises dans la procédure. Il était d’abord chargé de rétablir la partie plaignante dans son bon droit en mettant l’objet du trouble en main de partie200. Si la partie adverse faisait opposition, le débat était alors mis en le main du roy come en main souveraine, c’est-à-dire suspendu et laissé en l’état en attendant qu’une solution définitive ne soit trouvée. Le mandement porte alors la mention que le sergent devait ajourner les parties à comparaître, le plus souvent devant la cour du roi à Saint-Quentin, mais parfois directement devant le Parlement quand l’une des deux parties bénéficiait d’un privilège de commitimus201. Si le trouble concernait des biens, la même procédure était suivie, assortie

Saint-Quentin, AM, liasse 263, n° 10 (Lemaire, n° 131). Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 24 (Lemaire, n° 328). Livre rouge, n° 83. Par exemple, Saint-Quentin, AM, liasse 2, n° 15 (Lemaire, n° 703), 26 janvier 1367 n.st. Jean Boutillier, Somme rurale, op.cit., p. 668–669. Ibid. Livre rouge, n° 80, 12 janvier 1334 n.st. ; Livre rouge, n° 81, 20 février 1334 ; Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 33 (Lemaire, n° 578), s.d. vers 1340. 198 Saint-Quentin, AM, liasse 269, dossier C, n° 4 (Lemaire, n° 774). À la fin du xive siècle, il n’y avait plus de lépreux à la léproserie de Saint-Ladre de Saint-Quentin, d’où la nécessité d’avoir recours à une expertise extérieure. Voir F.-O. Touati, Maladie et société au Moyen Âge. La lèpre, les lépreux et les léproseries dans la province ecclésiastique de Sens jusqu’au milieu du xive siècle, Paris, 1998. 199 Saint-Quentin, AM, liasse 22 (Lemaire, n° 244). 200 Par exemple, Saint-Quentin, AM, liasse 21, dossier A, n° 39, 3 mai 1340. 201 Par exemple l’archevêque de Reims : Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 36 (Lemaire, n° 504), 31 mai 1332. 191 192 193 194 195 196 197

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de la saisie des biens litigieux et opérée par le sergent qui les conservait chez lui202. Selon la coutume, l’héritier d’un sergent ne pouvait cependant être tenu responsable des biens saisis par un sergent durant sa vie si une partie n’avait pas fait de demande de son vivant203. Il incombait au sergent de protéger ceux dont le corps et les biens étaient sous sauvegarde royale. Le 1er octobre 1341, trois sergents furent commis à la garde de l’abbaye de Saint-Quentin-en-l’Isle204 ; huit furent commis à celle du chapitre de Saint-Quentin le 22 juillet 1402205. C’est encore Jean Sartier qui avait reçu la garde des biens de Blanche de France, sœur du roi, dans la prévôté de Saint-Quentin206. S’il était responsable de la sauvegarde, le sergent l’enfreignait parfois malgré lui. Une recluse du nom de Robiette, fille de Marie du Mas, fut libérée malgré elle sous la pression populaire par un sergent royal qui, pour ce faire, avait du enfreindre la sauvegarde royale207. B.

Le temps des affrontements

Après la phase de gestation, de développement et de réformes des xiie–xiiie siècles, les villes entrèrent au xive siècle dans une phase de réajustement plus sévère qui remit en cause leurs pratiques judiciaires. Sous Philippe III et Philippe IV la collaboration entre justices royale et municipale fut active, l’une profitant de l’autre. L’instabilité du début du xive siècle entraîna une première correction sévère de la justice municipale. Plusieurs villes perdirent puis récupérèrent leur commune. Succéda une autre phase tout aussi instable, mais plus favorable, sous Philippe VI, qui avait besoin de bras pour combattre l’Anglais. Le retour à des rapports plus tendus sous Jean II s’accompagna, à Saint-Quentin, de nouvelles menaces de confiscation de la commune pour abus de juridiction et entraina une interprétation plus restrictive de la charte de commune. Enfin, une période de maturité accompagnée de quelques derniers ajustements mineurs quant aux pouvoirs de la justice municipale intervint sous Charles v et Charles VI. Pour cette période, on ne peut pas objectivement parler d’un déclin de la justice municipale. Il faut plutôt parler de multiples recadrages dans le but de préciser l’action de cette justice afin de l’intégrer dans le système judiciaire global de l’État naissant. 1. La confiscation de la commune (24 décembre 1317–13 septembre 1322) Le règne de Philippe IV fut marqué par la présence de plus en plus importante des officiers royaux. Le rôle de ces acteurs dans la construction de l’État a été maintes fois souligné et leurs multiples interventions dans les affaires de la ville tendent à le confirmer. Représentant les intérêts du roi, ils étaient forcément chargés d’un intérêt supérieur à celui de la communauté dont la plupart étaient issus208. Chacun de ces nouveaux offices, quand il fut mis en place, fut perçu par la ville comme autant de menaces sur sa juridiction. C’est essentiellement sur le terrain de la justice criminelle qu’officiers du roi et autorité munici202 Par exemple, Saint-Quentin, AM, liasse 22 (Lemaire, n° 506), 14 septembre 1332, ou liasse 7, dossier A, n° 13

(Lemaire, n° 626), 21 octobre 1346. Ancien coutumier de Picardie inédit (1300–1325), éd. A.-I. Marnier, Paris, 1840, p. 81. Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° 105 (Lemaire, n° 588). Lemaire, n° 808, op.cit. Paris, AN, JJ 81, fol. 13, n° 26, novembre 1351. Paris, AN, X1a 4786, fol. 196v–197, 15 novembre 1403. Voir S. Hamel, « Être sergent du roi dans la prévôté de Saint-Quentin », op.cit.

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pale s’affrontèrent. Le maire et les jurés profitèrent de la période de crise pour se plaindre du travail et de l’action des officiers du roi en poste dans la ville. En dénonçant leurs abus, la ville, qui se sentait menacée dans ses droits de justice, tenta surtout de mettre un frein à leurs empiétements. Elle le fit cependant au risque que ses reproches se retournent contre elle. Dès novembre 1283, le bailli de Vermandois, qui à l’époque devait être Gautier Bardin, s’était opposé au bannissement par le maire et les jurés d’un chevalier nommé Jean de Foillouel209. En 1294, le prévôt de Saint-Quentin fut blâmé par Philippe IV parce qu’il avait défendu au vicomte de donner aux échevins leur past annuel et qu’il avait retenu et refusé de remettre des lettres patentes qui lui avait transmises avec ordre de les faire parvenir au maire, aux jurés et aux échevins ou à d’autres personnes210. Les problèmes s’intensifièrent à partir de l’arrivée du prévôt Jean de Chevresis. En 1310, la ville n’ayant pas payé le subside dû au roi à l’occasion du mariage de sa fille Isabelle avec le roi d’Angleterre, ce dernier prit l’initiative de saisir, à titre de gages, les biens appartenant à dix-neuf marchands de la ville et voulut les mettre en vente. Ceux-ci réussirent à obtenir du roi, moyennant le paiement 2 000 £, d’éviter cette mise en vente211. Par la suite, de multiples problèmes apparurent à cause de prises et d’emprisonnement de bourgeois de la ville. Jean de Chevresis mettait aux arrêts sommairement nombre de bourgeois qui étaient justiciables de la ville. En janvier 1310, Adam le Père, valet de Jean Petit, gardien de la tour et prison royale, ayant de par le roi procédé à une arrestation pour dettes, en la maison de Jean Petit, le maire et les jurés portèrent plainte devant Jean de Chevresis, et soutinrent devant lui qu’à eux seuls appartenait le droit d’arrêter et de prendre dans l’étendue de la vicomté le roi. Le prévôt reconnut le bien-fondé de la prétention du maire et des jurés et y fit droit212. En décembre de la même année, il admit au maire et aux jurés le droit de prise et d’arrestation dans leur ville, et remit entre leurs mains Jean de Clastres et un sien compagnon arrêtés par son ordre et au nom du roi, parce qu’ils portaient des armes malgré l’interdiction royale. Il s’agissait encore une fois d’un cas royal ! Le 16 mai 1311, il reconnut de nouveau que le droit de prise, de justice et de seigneurie appartenait au maire et aux jurés en un lieu qui est sur les terraus (remparts) de la ville, entre deux fossés, comme on va de la porte de Remicourt a le tourele, par devers le viviers du grand pont213. Le 1er septembre 1314, sur la réclamation du maire et des jurés, il remit entre les mains de ces derniers plusieurs individus arrêtés dans la ville par ses gens et il reconnut que ces arrestations avaient été faites par lui contre le droit de la ville214. Il semble également que Jean de Chevresis ait voulu augmenter son influence en créant de nombreux offices de sergents royaux. Le 16 octobre 1317, sur la plainte du maire et des jurés, le roi Philippe V ordonnait au bailli de Vermandois de supprimer les offices de sergents dans la prévôté de Saint-Quentin, qui avaient été créés au préjudice de la commune, malgré les ordonnances des enquêteurs chargés de limiter le nombre de sergents aux besoins des prévôtés du royaume. Le paroxysme des affrontements fut atteint sous Philippe V, qui confisqua la ­commune en décembre 1317, à la suite de plusieurs procès en Parlement entre la ville et les 209 210 211 212 213 214

Paris, AN, X1a 2, fol. 67 (Boutaric, n° 2485), 1er novembre 1283. Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° 13bis (Lemaire, n° 144), 12 mai 1294. Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° 36 (Lemaire, n° 221), 15 juillet 1310. Livre rouge, n° 20. Livre rouge, n° 22. Livre rouge, n° 23.

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officiers royaux215. Elle fut restaurée cinq ans plus tard, en septembre 1322, par Charles iv, moyennant 6 000 £ tournois d’amende216. Les faits méritent d’être détaillés. L’initiative de la poursuite vient du maire et des jurés qui, s’ils avaient connu l’issue du litige se seraient bien gardés de le provoquer ! Se disant troublés dans l’exercice de leur justice par le bailli de Vermandois, le maire et les jurés ont formulé devant le Parlement quatre plaintes à son égard : 1. Le maire et les jurés avaient jugé Pierre Louis et Amile Poilet pour avoir fabriqué un faux testament. Ils les avaient bannis à perpétuité de la ville et de la banlieue et s’étaient attribué leurs biens, soutenant qu’ils avaient été confisqués pour servir à la construction et à l’entretien des fortifications de la ville. Malgré cela, le bailli avait fait apposer la main royale sur les biens confisqués217. 2. Ayant voulu entendre les aveux d’une femme arrêtée en flagrant délit d’émission de fausse monnaie, le bailli avait envoyé le prévôt pour assister à la confession de l’accusée. Le maire et les jurés y voyaient un préjudice. 3. Le maire et les jurés se servaient ordinairement d’un petit sceau qu’ils apposaient au bas des aveux et reconnaissances faits en leur présence par leurs justiciables. Le bailli leur avait porté préjudice en leur interdisant l’usage de ce sceau218. 4. Le maire et les jurés avaient arrêté Roger de Fluquières dans une rixe qui avait eu lieu dans les limites de la commune219. Le bailli l’avait enlevé de leurs mains et soustrait à leur juridiction. Les plaintes que la commune formulait à l’égard des officiers royaux étaient justifiées de son point de vue : pourquoi n’aurait-elle pas agi alors que la justice royale empiétait sur des compétences qu’elle exerçait de fait ? Le maire et les jurés demandaient au Parlement d’écarter les empêchements que le bailli mettait à l’exercice de ces quatre cas dont ils étaient en bona saisina et longa220. Ils offraient de prouver leur saisine, qui était, de plus, confortée par leur charte de commune. Mais ces reproches à l’encontre de la justice royale se sont avérés être une arme qui s’est retournée contre les plaignants. Aux prétentions du maire et des jurés, le procureur du roi répondait par une interprétation ad litteram de leur charte de commune. Celle-ci ne leur accordait ni expressément, ni implicitement la connaissance des crimes de faux et d’émission de fausse monnaie ni l’usage d’un petit sceau. Ils ne pouvaient donc être admis à prouver par enquête la saisine qu’ils alléguaient, concluant que leur commune leur soit enlevée pour leurs abus. Quant à l’arrestation de Roger de Fluquières, le procureur du roi soutenait qu’il était sergent du roi pour son vicomte à Saint-Quentin, et que, comme il avait été maltraité en exerçant son office, la connaissance du fait n’appartenait pas au maire et aux jurés, mais au roi. Le maire et les jurés évoquaient quant à eux que Roger n’était pas 215 Livre rouge, n° 26. 216 Livre rouge, n° 46, p. 75–76 ; Paris, AN, JJ 61, n° 265. 217 En fait, on constate que le maire et les jurés avaient voulu s’attribuer d’office la connaissance d’un cas criminel, sans

le concours des échevins et sans en avoir été saisis par un accusateur tel que leur ordonnait leur charte de commune, mais simplement par la renommée de ce crime. Voir Saint-Quentin, AM, liasse 22 (Lemaire, n° 248). Voir également Hamel, Informer le juge ; A. Porteau-Bitker, A. Talazac-Laurent, « La renommée dans le droit pénal laïc du xiiie auxve siècle », Médiévales, n° spécial : La renommée, 24 (1993), p. 67–80, ici p. 68. 218 Livre rouge, n° 10. 219 Roger de Fluquières était prévenu d’avoir excité du désordre dans la ville par une rixe avec Thomas du Bus. SaintQuentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 29 (Lemaire, n° 264), s.d. 220 Livre rouge, n° 46.

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sergent du roi et que, le fût-il, il avait été arrêté non pas dans l’exercice de ses fonctions, mais lors d’une rixe à laquelle il avait pris part. Le Parlement, après avoir pris connaissance de la charte de commune, décida qu’une enquête serait faite sur le cas de Roger de Fluquières, puisque les parties étaient en désaccord sur ce qui s’était passé. Mais, en ce qui concerne les trois autres articles, faux testament, émission de fausse monnaie, et usage d’un petit sceau, comme ces cas n’étaient pas inclus dans la charte de commune et que leur connaissance ne pouvait être ni implicite, ni explicite, le Parlement arrêta que le maire et les jurés ne seraient pas autorisés à prouver la saisine alléguée. En conséquence, la connaissance des crimes de faux et d’émission de fausse monnaie fut réservée au roi, le petit sceau supprimé, et, comme le maire et les jurés avaient, au préjudice de la puissance royale, connu abusivement de ces cas, le Parlement laissa au roi la décision finale de suspendre ou non la commune avec une amende pour avoir perdu le procès. Le roi opta pour une solution intermédiaire  : il suspendit la commune, mais nomma un gardien de la juridiction du maire et des jurés pour l’administrer. L’appel de cette sentence permet de mesurer le degré de technicité juridique particulièrement élevé qu’avait atteint le pouvoir communal au début du xive siècle. Le maire avait obtenu du roi d’être admis à proposer des erreurs contre cet arrêt, un des premiers cas connus de cette procédure extraordinaire221. On procéda alors par l’ancien mode de record de cour, habito super hoc magistrorum curie nostre qui dicto placito interfuerunt recordo222. Le jugement de la Grand-chambre était en principe définitif. Cependant, un perdant pouvait demander la révision de l’arrêt par la cour elle-même pour proposition d’erreur. Cela consistait en l’application par le Parlement de l’appel féodal : les membres de la cour, qui avaient participé à l’arrêt, étaient appelés à se prononcer de nouveau. Cette grâce ne pouvait toutefois être accordée que par le roi. Cette proposition d’erreur ne réussissait pas toujours, comme ce fut le cas pour la commune, car les maîtres de la cour confirmèrent leur arrêt et placèrent la commune dans la main du roi. L’arrêt du Parlement mettant la commune en la main du roi, qui la confisqua, marqua l’ultime étape dans le changement d’attitude de la royauté envers la ville. Les raisons invoquées sont bien minces si on les compare avec ce que la commune s’était permis de faire auparavant. Le bailli tenta même, sans succès, d’étendre la suspension de la commune à l’échevinage223. Cela eut pour effet de rappeler aux bourgeois que, pour résister aux prétentions des officiers royaux, il était bon de faire revivre l’ancienne distinction et de démontrer que les échevins, dont les bourgeois étaient les justiciables, étaient des juges royaux. La distinction entre les deux corps exerçant la justice ordinaire sur les bourgeois fut utilisée momentanément, afin d’éviter que les bourgeois ne deviennent justiciables des officiers royaux. La suspension de la commune est de loin plus complexe que les simples faits contenus dans l’arrêt rendu par le Parlement. Bien que très court, le règne de Philippe V imposa plusieurs réformes importantes dans le royaume224. Si on porte l’analyse au-delà des arguments de la ville, les cas contestés par la commune étaient quatre cas royaux plus 221 S. Dauchy, Les voies de recours extraordinaires : proposition d’erreur et requête civile, Paris, 1988, p. 18–19. 222 Paris, AN, X1a 3, fol. 166v (Boutaric, n° 5247), 15 mars 1318. Voir S. Dauchy, Les voies de recours extraordinaire,

op.cit., p. 18–19.

223 Livre rouge, n° 29, 1er février 1318 n.st. 224 O. Canteaut, « Philippe V et son Conseil : le gouvernement royal de 1316 à 1322 », Position des Thèses de l’École

des chartes, 2000 ; P. Lehugeur, Philippe le Long, le mécanisme du gouvernement, Paris, 1931.

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ou moins reconnus225. Les cas réservés au roi n’étaient pas une chose nouvelle. Dans la charte de la ville, Philippe Auguste s’était lui-même réservé la connaissance des crimes entraînant la peine capitale par l’intermédiaire des échevins royaux. Ce qui l’est en revanche, c’est qu’à cette époque, la théorie des cas royaux est plus clairement définie et qu’elle englobe de nouveaux champs d’action jusqu’alors ignorés. L’assurance qu’avaient le maire et les jurés devant le Parlement, qui attaquaient de plein front les officiers royaux sur des matières hautement litigieuses, provenait du fait qu’il s’agissait pour la plupart de cas royaux nouvellement définis, que le pouvoir royal tenta de faire accepter par l’entremise de ses officiers et du Parlement, quitte à les imposer unilatéralement aux seigneurs et aux villes226. En plus de la théorie juridique, la suspension s’accompagne non seulement d’un important conflit social entre les petits et les grands bourgeois, mais également d’un conflit de personnalités assez confus, en la personne du prévôt royal Jean de Chevresis. Enfin, il faut replacer la suspension de la commune dans un contexte plus large, celui des confiscations de communes du début du xive siècle227. L’originalité de la suspension de la commune réside dans le fait que, contrairement aux communes de Senlis (suspendue de février 1320 n.st. à mars 1323 n.st.) et de Soissons (suspendue en novembre 1325)228, confisquées essentiellement en invoquant leur mauvaise gestion, celle de Saint-Quentin le fut pour des conflits de juridiction entre la commune et les officiers royaux. L’argument financier n’intervint qu’a posteriori. En 1319, les minores burgenses attaquaient en Parlement les majores burgenses, c’est-à-dire ceux qui avaient participé à l’administration municipale, pour se plaindre de leur mauvaise gestion des finances de la ville229. Depuis ce temps, l’argentier de la ville dut chaque année présenter à huis ouvert les comptes à l’ensemble des habitants de la ville230. La suspension de la commune de Saint-Quentin serait donc due en grande partie à des abus de la part du maire et des jurés sur la justice des officiers royaux. Ces raisons sont certes justifiées, mais ce problème se double d’un apparent conflit ouvert entre les autorités municipales et le prévôt royal, Jean de Chevresis. Celui-ci revient constamment dans les sources relatives à la suspension, incluses au cartulaire de la ville. À observer le maire, les jurés et les échevins s’opposer à ce personnage et à ses actions, en le poursuivant à plusieurs reprises devant diverses juridictions, avant, pendant et après le rétablissement de la commune, on en vient à se poser la question suivante : cet homme, par son ambition personnelle et sa soif de pouvoir, a-t-il pu acquérir assez d’appuis politiques pour que l’on puisse lui imputer un rôle déterminant dans la décision royale de confisquer la commune231 ? Il ne pu agir comme il le fit sans l’aval du pouvoir royal qui, en contrepartie, en profita pour ramener à l’ordre la commune. Le conflit est également symptomatique d’une rivalité 225 E. Perrot, Les cas royaux, Paris, 1910, p. 47–62, pour la fausse monnaie, p. 63–70 pour le sceau attributif de juridic-

tion, p. 70–75, pour les faux en écriture et p. 92–97, pour les délits commis par les officiers royaux dans l’exercice de leur fonction. 226 Ibid. p. 221 et s. 227 Pour un survol de la question, voir Petit-Dutaillis, Les communes françaises, p. 134 et s. 228 P. Bourgin, La commune de Soissons, op.cit., p. 196–211 ; J. Flammermont, Histoire des institutions municipales de Senlis, Paris, 1881, p. 39–65. 229 Livre rouge, n° 37, 12 septembre 1318. 230 Saint-Quentin, AM, liasse 2, n° 6 (Lemaire, n° 695), 27 mars 1365 n.st. 231 Jean est membre d’une famille de petit seigneur originaire de Chevresis, non loin de Saint-Quentin. Son frère Gérard, fut bailli de Senlis dans la seconde moitié du xiiie siècle. À la mort de celui-ci, en mai 1314, Jean hérite de la seigneurie familiale de Vieuville (Aujourd’hui l’Abiette).

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entre les grands bourgeois, membres du conseil de ville, et la petite noblesse des environs qui monopolisait les offices royaux. Quand la commune fut suspendue, un gardien fut désigné pour exercer la juridiction communale  : ce fut Jean de Chevresis entre 1318–1319. Il profita de ses nouvelles attributions pour affaiblir les anciens dirigeants de la ville, essentiellement des marchands drapiers, en s’associant aux quatre métiers et aux petits bourgeois. Le but était vraisemblablement de les priver de leur source de pouvoir, la richesse. Cela se voit par la mutation de la date à laquelle se tenait la foire de la ville ainsi que par une réforme laxiste du règlement régissant les métiers. La foire de Saint-Quentin se tenait pendant seize jours de lont temps ancien à partir de l’octave de Pâques232. En 1319, alors que la commune était suspendue, Philippe de Valois, à la demande des habitants de la ville et à cause de la famine qui y avait sévi l’année précédente, la déplaça du printemps à l’automne, pour la faire commencer à la Saint-Denis, le 9 octobre233. À l’occasion de cette foire qui, comme par le passé durait seize jours, plus huit jours d’entrée et huit jours de sortie pour les marchandises, les commerçants, habitants ou forains venant principalement du Laonnais, du Soissonnais, de la Champagne et de la Thiérarche, bénéficiaient de divers privilèges. Le roi avait concédé aux habitants de Saint-Quentin ses droits de pertuisages qui étaient mis à ferme234. Les marchandises apportées étaient franches de toutes redevances dues au roi et on ne pouvait arrêter aucun des participants pour dettes, à l’exception de celles dues au roi, contractées durant la foire ou aux foires de Champagne et de Brie. La ville percevait depuis tous les droits de tonlieu et d’étalage sur tous les types de marchandises235. Étant donné l’ampleur de ces concessions, quelques années après le rétablissement de la commune, vers 1328, elle fut rapidement réduite à huit jours, en vue de limiter le temps des exemptions accordées aux marchands forains dans la ville236. L’autre réforme importante concerne la réglementation de la fabrication des draps237. Cette réforme s’attaquait directement au jus statuendi de la commune et au pouvoir économique des grands bourgeois. C’est à la demande des quatre métiers de la draperie de la ville, à savoir les tisserands, les foulons, les teinturiers et les tondeurs, qu’une requête fut adressée au roi pour lui demander la permission de modifier la réglementation communale en la matière. Invoquant le plus grant proufi de la ville et du roi et ce qui se faisait ailleurs dans d’autres bonnes villes, les quatre métiers de la laine réclamaient que, n’importe qui, pourvu qu’il soit loyal, puisse faire des draps, qu’on puisse fabriquer des draps unis, les teindre en n’importe quelle couleur, les vendre en gros ou au détail, aussi bien à domicile que dans la halle aux draps de la ville, qu’on puisse désormais acheter de la laine, du fil et des draps apportés du dehors, pour les ouvrer et les revendre. Cette nouvelle réglementation fut approuvée par une assemblée représentative en la maison de la ville, en laquelle li consans de la ville a acoustumé a assembler, drapiers vendanz en gros et a detaille, 232 Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° 53 (Coliette, t. 2, p. 834 ; Lemaire, n° 277 ; Livre rouge, n° 33), octobre 1319,

vidimé en 1321, 1325 et 1405. Registre du Trésor des chartes, n° 2851.

233 Livre rouge, n° 33 ; AN, JJ 59, fol. 57, n° 131. 234 Selon Godefroi, Dictionnaire de l’ancienne langue française, Paris, 1886, t. 6, p. 117–118, citant le texte des droits de

foire de Saint-Quentin, le pertuisage est une taxe perçue pour l’entrée et la sortie des marchandises de la ville. 235 Livre rouge, n° 68. 236 La réduction du temps de la foire de la Saint-Denis de 16 à 8 jours est attestée dès 1328. Ibid. 237 Paris, AN, JJ 60, fol. 48–48v, n° 70, 4 septembre 1321.

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et grant planté de bonnes genz marchanz, et autres, afin d’obtenir l’approbation nécessaire en vue de modifier le règlement sur le commerce et la fabrication des draps dans la ville. Encore une fois, c’est Jean de Chevresis qui se chargea de faire approuver le règlement. Comme c’est le prévôt de Saint-Quentin qui disposait pendant la période de suspension de la commune du gouvernement de la ville, celui-ci reçut du bailli de Vermandois, qui l’avait lui-même reçu du roi, le mandat d’édicter la nouvelle réglementation en accord avec les demandes des quatre métiers. Pour conserver l’appui potentiel de la ville et des bourgeois contre les nobles en révolte après le sacre de Philippe V238, contrairement à plusieurs autres villes, SaintQuentin ne perdit pas sa commune de façon définitive. Elle n’est suspendue que temporairement et cette suspension finit par être remplacée, le 13 septembre 1322, par une amende importante de 6 000 £ tournois239. Conformément aux ordres de Charles IV, en date du 22 octobre 1322, c’est le prévôt de Saint-Quentin, Gautier de Paris, qui rétablit la commune en remettant à sa tête le maire Thomas Hanequin et les jurés qui étaient en charge du gouvernement au moment où elle avait été suspendue240. 2

La reprise en main de la justice par les bourgeois (1322–1350)

Une fois la commune rétablie, cela ne signifiait pas pour autant que la ville avait récupéré l’intégralité de son pouvoir de justice. Il faut pour cela attendre 1329–1330. Dès que la commune fut rétablie, le maire et les jurés entreprirent la reconquête de leur juridiction à coup de requêtes et de procès. Le maire et les jurés procédèrent d’abord à l’abolition progressive de toutes les réformes mises en place durant la suspension de la commune. Le règlement sur les métiers fut aboli, et on revint aux anciens usages241. La durée de la foire revint à huit jours dès 1328. Mais on note surtout un changement dans l’activité principale à laquelle s’adonne l’élite bourgeoise  : désormais le bourgeois qui désirait faire fortune s’adonnait au commerce du vin plutôt qu’à celui des draps. À partir de cette époque, les bourgeois commencèrent à être de plus en plus présents au service du roi. Une guérilla judiciaire est également entreprise contre Jean de Chevresis. Cette riposte avait commencé peu avant le rétablissement de la commune. Le 21 décembre 1321, à la suite d’un bruit qui était arrivé jusqu’au roi au sujet des oppressions, exactions et méfaits, dont les habitants de Saint-Quentin étaient l’objet de la part de Jean de Chevresis, le Parlement avait mandé au bailli de Vermandois de faire enquête242. Il n’y eut pas de suite pour le moment, la commune n’étant pas encore rétablie. Ce n’est qu’en 1324, que, récupérant peu à peu leur juridiction, le maire et les jurés voulaient se remettre à percevoir leur droit de forage des vins. Jean de Chevresis, prétextant en être exempt, refusa d’en acquitter les droits. La suite des procédures entreprises par la ville contre lui est difficile à démêler. Tout juste avant la suspension de la commune, un procès était pendant devant les assises du bailli de Vermandois à Saint-Quentin, entre le maire et les jurés et Jean de Chevresis pour la même raison. Il s’agissait de savoir qui possédait le droit de justice, et donc d’afforage, dans certaines maisons de la ville appartenant à Jean. Mais voilà, la commune ayant 238 239 240 241 242

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P. Lehugeur, Philippe le Long, le mécanisme du gouvernement, op.cit. Paris, AN, JJ 61, fol. 121v, n° 269 ; Livre rouge, n° 46. Livre rouge, n° 47. Voir S. Hamel, « Le processus de création des règlements commerciaux à Saint-Quentin », op.cit. Paris, AN, X2a 2, fol. 91v.

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été suspendue, Jean de Chevresis mit à profit cet événement et annonça son intention de fonder une chapellenie avec les revenus tirés de ses maisons. Grâce à cette déclaration, il avait obtenu à deux reprises de Philippe V que ses maisons soient amorties, c’est-à-dire exemptées de tout impôt comme bien de mainmorte243. Cette fondation resta un vœu pieux auquel il ne procéda jamais. De plus, le gardien de la ville, c’est-à-dire lui-même, ayant renoncé à continuer le procès, le bailli, renonça de son côté aux droits de justice sur les maisons en litige et remit en la main de Jean, comme en main de partie, ce qui avait été mis en la main du roi. Lorsque la commune fut rétablie, le maire et les jurés voulurent reprendre le procès. Ils soutirent qu’en l’absence du procureur du roi le gardien de la ville n’avait pu renoncer à l’instance commencée par eux et obtinrent de Charles IV l’ordre au bailli de faire annuler le désistement. Après avoir entendu les parties, les hommes du roi, pour la plupart à la solde de Jean de Chevresis, avaient décidé que le gardien avait pu légalement renoncer à l’instance, hors de la présence du procureur du roi. L’affaire paraissait perdue pour le maire et les jurés lorsque, à la requête de ceux-ci, le roi manda au bailli de reprendre le procès au point où il en était avant la suspension de la commune. Le bailli n’exécuta pas l’ordre, alléguant que l’affaire avait été jugée. En parallèle, en 1328, avec l’aide du procureur du roi, le maire et les jurés réussirent finalement à ajourner Jean au Parlement244. Celui-ci fut déclaré indigne par le Parlement, privé à jamais de tout office royal et condamné à l’amende et à des dommages et intérêts pour abus de pouvoir, concussion, mépris de la juridiction des hommes du roi et de celle du maire et des jurés. Manifestant son désir de se réhabiliter, Jean obtint du roi un surcroît de grâce pour amortir ses maisons, les mêmes qu’il avait précédemment amorties. Enfin, en mars 1330, Jean renonça à poursuivre sa demande et consentit à ce que les droits de justices sur ses maisons soient attribués au maire, aux jurés et aux échevins245. Mais l’histoire ne s’arrêta pas là. Jean réussit à faire réviser le jugement, invoquant son absence, puisqu’il participait à l’armée de Flandre, lorsque sa condamnation était survenue. En août 1335, Philippe VI lui donna une lettre de grâce lui permettant d’exercer à nouveau sa fonction de prévôt, puisqu’il avait payé les 3 000 £ d’amende et qu’il était à l’ost royal lorsque la condamnation était intervenue. On le retrouve encore prévôt de Saint-Quentin peu après, en 1338246. Il ne cessa de représenter un danger pour la ville qu’après son assassinat dans des circonstances troubles la même année247. Pour protéger la commune des attaques incessantes de la part des officiers royaux, du bailli et de Jean de Chevresis en particulier, la commune eut d’abord recours à l’écrit. Elle entreprit, vers 1330248, de rédiger un cartulaire, qui, comme on l’a vu dans le chapitre portant sur la typologie de sources, avait pour but de conserver la memoire des chartres et privileges des arres, compositions et de plusseurs lettres que li ville et li commugne de ­Saint-Quentin ont des roys de Franches et de leur officiaus249. Avec la charte de commune de Philippe Auguste, ce cartulaire devint l’autre fondement de la justice de la ville250. On aimerait trouver des traces de son utilisation concrète, mais il n’y en a pas. Constitué sous la forme d’un recueil 243 244 245 246 247 248 249 250

Paris, AN, JJ 53, n° 192, mai 1317 ; JJ 58, n° 106, janvier 1318 n.st. La ville produisit plus de 125 témoins : Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 10, s.d. Saint-Quentin, AM, liasse 21, dossier A, n° 17 (Lemaire, n° 484), 4 mars 1330. Paris, AN, JJ 69, n° 126. Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 039bis (Lemaire, n° 549). Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 14. Livre rouge, fol. 6v. C. Gauvard, « Théorie, rédaction et usage du droit dans les villes », op.cit., p. 28, 38–45.

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de jurisprudence face aux officiers royaux, on ne s’étonne pas d’y retrouver plusieurs actes mentionnant les actions de Pierre de Beaumont et de Jean de Chevresis, ce dernier est omniprésent : dix documents le mentionnent nommément et, au total, vingt-trois rappellent les multiples empiétements commis par le prévôt royal au moment où il était titulaire de l’office. Un autre moyen employé fut de monopoliser les offices royaux de la ville. À partir des années 1330, le nombre de bourgeois occupant un office royal est en constante augmentation, jusqu’à écarter presque complètement la petite noblesse à la fin du siècle. Les bourgeois, profitant pour ce faire des troubles de la guerre de Cent Ans, comblèrent d’abord le vide laissé par la noblesse locale, discréditée et décimée par les défaites. Comme les bourgeois de Paris, ceux de Saint-Quentin commençaient à se considérer comme un personnel politique à part entière, capable de servir le roi autant que leur ville251. Au xive siècle, après le rétablissement de la commune, le fait que celle-ci puisse procéder au choix des échevins est de nouveau contesté devant le Parlement252. La question était importante, car les pouvoirs de justice des échevins étaient énormes. L’autorité qui procédait à leur nomination contrôlait de fait la justice criminelle dans la ville. Alors que la commune était suspendue, le roi ayant reconnu, en 1318, que l’échevinage était une magistrature distincte de celle de la commune, le bailli en avait conclu que le maire et les jurés prenaient part à tort à l’élection des échevins. Durant les premières années de la suspension, c’était lui qui avait procédé à la nomination des échevins de la Vicomté-le-Roi. La communauté étant en la main du roi, Simon d’Andigny et Jean Caron avaient été mis et ordonnés échevins par le bailli de Vermandois253. La question fut une première fois soulevée devant le Parlement en 1335 par le bailli de Vermandois et le procureur du roi254. Les jurés, qui avaient visiblement perdu la connaissance de la charte de 1215 leur donnant ce droit, n’invoquèrent alors qu’une simple saisine de tel maniere qu’il n’est memoire du contraire, l’usage et la coutume, ainsi qu’un point de leur charte de commune ou de sa dependence, c’est-à-dire de l’interprétation qui pouvait en découler255. Le Parlement finit par les autoriser à prouver la saisine qu’ils invoquaient, ce qui resta sans suite avant l’arrêt décisif de 1362. Le processus de reconquête de la justice arriva à son terme quand, au lendemain de la bataille de Crécy, en septembre 1346, Philippe VI concéda une charte à la ville qui confirmait aux habitants de Saint-Quentin la jouissance des privilèges, chartes, libertés et franchises à eux octroyées tant par les rois de France que par le comte Raoul ou tout autre comte de Vermandois avant lui256. Philippe VI alla beaucoup plus loin en confirmant également les us et coutumes de la ville, quand même le maire et les jurés ne pourraient en prouver la possession par écrit, mais à charge toutefois de faire preuve de la jouissance depuis au moins vingt ans. En outre, cette charte interprétait dans le sens consacré par l’usage et la coutume les articles de la charte de commune de Philippe Auguste relatifs à l’exercice de la justice criminelle par les échevins  – dans l’ordre les articles 13, 29 et 27 – et l’article 43 qui accordait au maire et aux jurés le pouvoir de réglementer et de B. Boves, Dominer la ville, op.cit., p. 638. Saint-Quentin, AM, liasse 7, n° 16 (Lemaire, n° 689), juillet 1362. Saint-Quentin, AM, liasse 25, 29 janvier 1318, n.st. Paris, AN, X1a 7, fol. 86 (Furgeot, n° 1350), 21 novembre 1335 ; X1a 7, fol. 89 (Furgeot, n° 1374), 6 décembre 1335. 255 Saint-Quentin, AM, liasse 13, n° 2, s.d., vers 1335. 256 Paris, AN, JJ 77, fol. 11v, n° 21, 22 et 22bis  ; LL 985b, cartulaire du chapitre de Saint-Quentin dit Livre rouge, fol. 216–219v ; Livre rouge, n° 94 (Lemaire, n° 625), septembre 1346. 251 252 253 254

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lever tout impôt qu’ils jugeaient nécessaire. Avec raison, car le pouvoir de justice, celui de réglementer et celui de taxer allaient de pair : le premier ne pouvait fonctionner correctement sans la possibilité de créer la norme et disposer des ressources financières adéquates pour rémunérer les auxiliaires de la justice nécessaires à son application. Les raisons qui ont poussé Philippe VI à ces concessions plutôt contraires à la politique royale suivie jusqu’alors – Philippe le Bel s’y était refusé – ne pouvaient être liées qu’à la conjoncture. Si on faisait une lecture des événements à la façon d’un érudit local du xixe siècle, on dirait que les bourgeois de Saint-Quentin semblent avoir été en possession de la faveur du roi et de son entourage durant le règne de Philippe VI257. Mais, la rhétorique de la charte laisse entendre un service militaire actif et des sacrifices financiers importants de la part de la commune. Un retour à la logique du don, contre-don ? On peut soupçonner le roi d’avoir voulu récompenser la ville en vue de continuer à bénéficier de son soutien, ou, ce qui paraît tout aussi probable, d’avoir donné cette charte à la ville moyennant finances. Les efforts financiers les plus importants furent consentis par la ville pour la perfection de ses murailles258. Le contexte politique particulièrement troublé – en 1346, un habitant de Saint-Quentin, Morel de Fonsommes, fut exécuté pour trahison259  – avait contraint le roi à quelques concessions afin d’éviter que l’ensemble de la ville ne fasse de même. En outre, à cause de sa position stratégique, par rapport à la Flandre, Saint-Quentin avait été la ville choisie pour mener des négociations avec le duc Jean de Brabant, afin de tenter un rapprochement en novembre 1345260. Interrompues par la victoire d’Édouard III à Crécy, les négociations reprirent, toujours à Saint-Quentin, entre le 2 et le 6 juin 1347. Elles se conclurent par de nombreux traités politiques et quelques mariages261. Le roi avait besoin d’argent frais pour reconstituer son armée. La charte de 1346, qui reconnaissait un droit de la ville consacré par la coutume et l’usage de tel temps qu’il n’est mémoire du contraire, apparaît également dans une logique politique venant du roi, qui n’hésita pas à composer avec les pouvoirs locaux. Grâce à cette charte, la justice de la ville pouvait espérer reprendre le cours de son développement. Or, il n’en fut rien. Cette concession ne dura que pour le règne de Philippe VI, son fils, Jean II, effectuant un virage complet par rapport à la politique suivie par son père. Sous le poids conjugué de nouveaux bouleversements sociopolitiques, d’un retour de l’insécurité à cause de la guerre de Cent Ans et de l’arrivée de la peste de 1348–1349, la justice communale apparait remise en question. Eux-mêmes décimés, le maire et les jurés, qui s’étaient dotés de moyens pour administrer la justice à 10 000–15 000 habitants, durent subitement réévaluer et réadapter leurs ambitions faute de moyens et de justiciables. Les sources ne permettent pas de mesurer les pertes causées par la peste dans la région de Saint-Quentin, mais les suppliques de la seconde moitié du xive siècle font également remarquer au roi que la ville s’était vidée de ses habitants et qu’on arrivait qu’à tres grant

257 E. Lemaire, Introduction, op.cit. 258 Saint-Quentin, AM, liasse 50, dossier D, n° 1 (Lemaire, n° 556), s.d., vers 1338–1339 et les comptes d’ouvrages de la

période de Philippe VI : Saint-Quentin, AM, liasse 116, n° 1–18, qui au total dépasse largement les 5 000 £.

259 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier B (Lemaire, n° 627). 260 R. Cazelles, La société politique et la crise de la royauté sous Philippe de Valois, Paris, 1958, p. 210. 261 Iibid., p. 211 ; H. Laurent, « Les conventions de Saint-Quentin (juin 1347). Contribution à l’histoire de la première

phase de la Guerre de cent ans dans les Pays-Bas », BCRH, 91 (1927), p. 89–180.

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peine à combler tous les offices262. S’ouvrait alors une nouvelle période de crise pour la justice municipale. 3.

Période de crise ou période d’intégration (1350–1422) ?

Dès le début du règne de Jean II, de nouvelles menaces planèrent sur la commune, visant encore une fois l’exercice de la justice criminelle par le maire et les jurés. L’attitude du roi envers la ville se transforma brusquement. Elle apparait beaucoup moins clémente que sous Philippe VI. Encore une fois, c’est le procureur du roi en Parlement qui mena l’attaque263. Jusqu’alors, la justice communale avait réussi à étendre son emprise en invoquant l’usage et la coutume. Pour le roi, il ne s’agissait plus désormais de réajuster le tir en abolissant quelques mauvaises coutumes264. Les changements imposés par le roi et le Parlement furent profonds et concernèrent les fondements mêmes de la justice municipale : la charte de commune. Au début du règne de Jean II, la dynamique changea, et ce furent les officiers royaux qui prirent l’initiative des remontrances, forts d’avoir pour eux une théorie du droit mieux élaborée. Les mêmes causes auraient pu avoir les mêmes conséquences qu’en 1317, mais le roi et le Parlement se contentèrent d’une timide réforme des institutions judiciaires de la ville en sanctionnant un état de fait déjà fort ancien. À au moins deux reprises, la commune avait interpellé le roi afin qu’il confirmât la charte de Philippe Auguste, tout en reconnaissant les coutumes qui n’y étaient pas mentionnées explicitement. La première tentative, sous Philippe le Bel, avait eu des résultats ambigus : la justice de la commune avait été reconnue sur l’ensemble de la banlieue, mais au changement de règne, elle avait été suspendue temporairement, entre 1317 et 1322. La seconde confirmation de ce genre, en 1346 sous Philippe VI, paraissait plus solide. Pourtant, au cours de l’année 1352, sans qu’il n’y ait eu d’événements notables, sauf quelques traces de trahisons envers le roi265 et une réforme importante des officiers royaux266, le procureur du roi, dont on peut se douter qu’il n’agissait pas de son propre chef, entreprit de faire révoquer la charte de 1346 et de faire suspendre de nouveau la commune267. Comme en 1317, c’est l’exercice de la justice criminelle par le maire et les jurés que le pouvoir royal mit en cause. Deux conceptions du droit s’affrontaient. L’une, représentée par le procureur du roi, faisait de la charte de commune une source du droit écrit à laquelle on ne pouvait déroger. L’autre, celle du maire et des jurés, voulait qu’on la considère pour ce qu’elle était, soit une source de droit coutumier, interprétée par l’usage et la coutume, la prescription et l’intention découlant de son contenu. Pour le procureur du roi, il ne faisait aucun doute que le roi s’était réservé dans la charte la haute, moyenne et basse justice et que, par conséquent, la connaissance de tous les crimes, spécialement de ceux pouvant entraîner la peine de mort, n’appartenait pas au maire et aux 262 Saint-Quentin, AM, liasse 2, n° 56 (Lemaire, n° 826), 25 mars 1407 n.st. 263 Paris, AN, X1a15, fol. 86v, 22 décembre 1352, mentionné par P.C. Timbal, La guerre de Cent ans vue à travers les

registres du Parlement (1337–1369), Paris, 1961, t. 1, p. 209. 264 Par exemple, pour Saint-Quentin et le Vermandois, Paris, AN, X1a 1, fol. 93 (Boutaric, n° 172), 2 février 1258 n.st. Voir aussi F. Olivier Martin, « Le roi de France et les mauvaises coutumes », ZSSGA, 1938, 108–137 ; J.-M. Carbasse, « Philippe III le Hardi et les ‘mauvaise coutumes’ pénales de Gascogne (à propos de l’ordonnance de juillet 1280) », dans Hommage à Gérard Boulvert, Nice, 1987, p. 53–162. 265 Lemaire, n° 653. 266 ORF, t. 2, p. 509. 267 Paris, AN, X1a 15, fol. 86v, 22 décembre 1352. Voir Timbal, La guerre de Cent, t. 1, p. 209.

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jurés. Il leur reprochait d’avoir jugé des affaires criminelles en invoquant, pour se justifier, que la prescription, un long usage et la charte de Philippe VI de 1346, dont il arguait qu’elle avait été obtenue de façon subreptice. Il accusait le maire et les jurés d’avoir volontairement trompé le roi en affirmant, contre toute évidence, que leur charte de commune laissait obscure et indécise la question de cette compétence, puis, grâce à ce mensonge, d’avoir obtenu une extension injustifiable de leur juridiction. Le procureur demandait que la charte de septembre 1346 soit annulée, et que le maire et les jurés, coupables d’avoir empiété sur les prérogatives royales, soient punis par la suppression de leur commune, ou frappés d’une amende de 40 000 £ ou d’un autre montant fixé par la cour. En outre, il demandait accessoirement que le Parlement, si la charte de Philippe VI ne pouvait être mise à néant, révoquât les dispositions qui étaient contraires à la raison ou à la teneur de la charte de commune de la ville. Outre les arguments rhétoriques d’usage268, la défense du maire et des jurés faisait valoir que, depuis la fondation de leur commune, ils avaient toujours connu des cas criminels de meurtre, de vol et des autres crimes passibles de la peine de mort, pour autant qu’une plainte (clamor) soit faite devant eux. Leur charte leur avait fourni, par la teneur de son texte, une cause légitime d’acquérir cette connaissance soit par la prescription, soit par l’usage ou la coutume, qui étaient, selon eux, les meilleurs interprètes des lois. C’était donc, avec raison que, dans la charte de septembre 1346, le roi Philippe de Valois avait, de gracia speciali, approuvé et confirmé ces usages, et cette interprétation du roi devait être réputée d’autant plus rationnelle (rationabilis reputari), que les dispositions de la charte de commune et celles de l’arrêt de décembre 1317 se trouvaient rapportées mot à mot dans la charte de 1346269. Celle-ci ne pouvait donc être regardée comme ayant été obtenue subrepticement. Ils invoquaient le fait que Charles IV, en leur restituant en 1322 la commune suspendue par son prédécesseur en 1317, avait rétabli les bourgeois dans leur ancien état (premium natum) et leur avait rendu leur juridiction telle qu’elle était en vigueur à SaintQuentin avant l’arrêt de 1317. Or, à cette date et depuis un temps immémorial, ils suivaient les usages dont le procureur du roi leur contestait la légitimité. À l’argument du procureur du roi qui soutenait qu’on ne pouvait prescrire contre le roi, fondateur de leur commune, ils répondaient que cette raison n’était pas acceptable quand il s’agissait d’une commune. Assurément, ceux qui vivaient au moment de l’établissement de celle-ci n’auraient pu ­invoquer leur bonne foi, s’ils avaient prétendu acquérir quelques droits par prescription, contre la teneur ou en présence du silence de la charte. Mais il en était autrement des membres de la commune qui vivaient et qui ignoraient probablement ce qui s’était passé 268 Que Saint-Quentin est une ville grande, noble, puissante et bien administrée, sise sur les frontières de l’Empire et du

Hainaut ; que ses habitants ont toujours bien servi le roi et ses prédécesseurs en leurs guerres ; que, pour subvenir aux dépenses résultant de ces guerres, ils ont été obligés de vendre des rentes à vie et d’assumer de multiples charges ; que le maire et les jurés exercent leur juridiction aux frais de la ville ; qu’ils appliquent à l’entretien et à l’extension des fortifications de la place des amendes prononcées par eux dans les affaires civiles ; que, lorsqu’en 1317 leur commune avait été mise en la main du roi, il lui en coûtât chaque année, pour l’administration urbaine, plus de 200 £ en plus de ce qu’encaissait la recette royale de la ville ; que durant la suspension de la commune, on avait, par défaut d’entretien, laissé tomber en ruines les remparts et les propriétés communales ; que le roi avait tout intérêt de laisser subsister leur bonne administration de Saint-Quentin. En outre, dans le brouillon de leurs conclusions présentées au Parlement (Saint-Quentin, AM, liasse 7, dossier A, n° 17, s.d.), ils faisaient valoir qu’ils avaient toujours fait bonne et raisonnable justice, ce qui leur avait valu une telle réputation de sagesse que toute la contrée environnante, et même les pays et les villes de l’Amiénois, du Ternois (Le comté de Ternois avait pour cheflieu Saint-Pol, Pas-de-Calais), du Ponthieu (Pays de la Basse-Picardie dont Abbeville était chef-lieu.), de Vimeu (Le Vimeu était compris dans le comté de Ponthieu. Son chef-lieu était Saint-Valéry-sur-Somme) et pluseurs autres sollicitaient leur avis et par le conseil que il y prennent, se gouvernent et ont acoustumé a gouverner. 269 Livre rouge, n° 94.

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au moment de la concession de la charte, en 1195, parce qu’à cette date la commune était déjà fondée. Toutefois, le maire et les jurés déclaraient ne pas se prévaloir de la disposition de la charte de septembre 1346 validant les usages et coutumes en vigueur depuis vingt ans seulement. Ils se bornaient à solliciter la confirmation de ceux qui étaient pratiqués depuis un temps immémorial. Ils demandaient, en conclusion, que le Parlement reconnaisse et proclame bonne et valable la charte de Philippe de Valois de septembre 1346, que cette charte leur soit rendue pour qu’ils en usent selon sa forme et sa teneur, que les exploits de justice faits en conséquence de son contenu soient déclarés valables et qu’aucune peine pour abus ne soit prononcée contre eux. Enfin, dans le cas où il apparaîtrait que quelques abus avaient été commis, que ceux-ci ne soient pas jugés assez graves pour entraîner la ­confiscation de la commune au profit du roi ou de toute autre personne. Le procureur du roi répliqua que, comme dans leur défense le maire et les jurés avaient invoqué la prescription, ils reconnaissaient par le fait même avoir pris connaissance des affaires criminelles et, par conséquent, avoir commis des abus. La cour n’avait donc plus qu’à fixer le montant de l’amende qu’ils encouraient ou à leur adjuger ses conclusions. Le procureur ajouta que la restitution de la charte de commune par Charles IV n’avait pu conférer à ceux-ci de nouveaux droits, que leur commune n’avait pas été fondée avant la charte accordée en 1272270. Il résultait de ce fait qu’ils n’avaient pas produit devant le Parlement une autre charte, et, qu’en conséquence, les prédécesseurs du roi régnant devaient être présumés avoir fondé la commune. Il demandait encore qu’il soit interdit au maire et aux jurés de faire remise des amendes prononcées par eux en matière civile, alors qu’ils devaient en employer le montant à la réparation des fortifications de la ville. Enfin, il requit le Parlement de décider que les fonctions d’échevin et de juré à Saint-Quentin ne puissent plus être cumulées par le même homme, afin que la séparation des deux juridictions, celle de la commune et celle des échevins du roi, soit plus nette. Le 22 décembre 1352, par arrêt, le Parlement mettait au néant la charte concédée en septembre 1346 par Philippe VI. Il avait ordonné au maire et aux jurés de lui remettre cette charte sans délai, déclarant qu’à Saint-Quentin le droit de juger et de punir tous les crimes, notamment ceux qui pouvaient entraîner la peine capitale et la confiscation des biens, appartenait au roi seul. Il décida que le maire et les jurés continueraient à jouir de leur charte de commune. Il déclara que la charte par laquelle, en septembre 1322, Charles IV avait rétabli la commune ne leur donnait pas d’autres pouvoirs que ceux octroyés par celle-ci. Il défendit le cumul de la fonction d’échevin avec celle de juré et interdit au maire et aux jurés de faire remise des amendes civiles qu’ils imposaient. Enfin, il condamna la commune de Saint-Quentin à payer au roi une amende de 10 000 £ tournois pour les abus de justice que le maire et les jurés reconnaissaient avoir commis271. Moins de deux mois plus tard, le roi avait fait remise de la moitié de cette amende272. Dans les années qui ont suivi cet arrêt, on voit le maire et les jurés hésiter dans l’exercice de leur justice, n’osant même plus exercer leur juridiction civile273. Sentant le vent tourner, en 1354, la commune en vint même à un accord avec son frère ennemi, le 270 Il s’agit d’une simple confirmation de la charte de Philippe Auguste par Philippe III. Voir Livre rouge, n° 1. 271 Paris, AN, X1a 15, fol. 86v, 22 décembre1352. Voir également P.C. Timbal, La guerre de Cent ans, p. 209. L’arrêt est

transcrit dans la charte de 1362, mais avec plusieurs variantes : Saint-Quentin, AM, liasse 7, n° 16 (Lemaire, n° 689), juillet 1362. 272 Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° 130 (Lemaire, n° 656), 17 février 1353 n.st. 273 Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° 133 (Lemaire, n° 657), 7 juin 1353.

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chapitre de Saint-Quentin, pour régler plusieurs querelles de juridictions endémiques274. Puis, le maire et les jurés, ne tardèrent pas à réclamer du Parlement une interprétation précise pour fixer l’interprétation des articles ambigus de leur charte de commune275. Le Parlement s’était jusqu’à présent contenté de déclarer la commune coupable d’abus, sans pour autant apporter un remède gracieux (graciosum remedium) à ceux-ci. La commune dut patienter dix ans et attendre jusqu’en juillet 1362 pour connaître l’interprétation du Parlement276. Entre-temps, les officiers royaux abusaient à nouveau du soutien que leur accordait le roi. En 1353, le procureur du roi avait mis des empêchements à l’élection des échevins, s’opposant à ce que le maire et les jurés les choisissent277. Le 7 juin de la même année, le roi fit lever l’opposition et l’élection eut lieu. En 1356–1357, le maire et les jurés se plaignirent des agissements scandaleux de deux officiers du roi, pourtant bourgeois, le prévôt Thomas Plate-Corne et son lieutenant, Thomas de Corbeny, pour violation de la charte de commune, extorsion, torture et élargissement de criminels contre des cadeaux278. Malgré deux plaintes et une enquête, il semble que ces deux officiers furent maintenus dans leurs fonctions279. En 1356, Blanche de France, devenue vicomtesse du Vermandois, leur conteste le droit de nommer les échevins, voulant se l’approprier280. La bataille de Poitiers, la capture du roi, les rapports tendus avec les États281 et les troubles d’Étienne Marcel firent que le roi, sans changer radicalement ses positions, assouplit son attitude envers la ville après son retour d’Angleterre. Si le chapitre de SaintQuentin  – dont le chanoine Gérard de Picquigny fut condamné pour trahison à cette époque – sembla avoir pris parti pour Charles Le Mauvais et Étienne Marcel282, la position des bourgeois fut plus ambiguë. Trente-deux bourgeois qui avaient été ajournés devant les généraux réformateurs du royaume, dont une bonne partie du conseil de ville, furent élargis après enquête le 5 mai 1362, alors que le Parlement s’apprêtait à rendre son interprétation de la charte283. En 1361, avec les villes de Soissons, Chauny et Nesle, Saint-Quentin contribua à la hauteur de 200 £ tournois à l’entretien de deux otages envoyés en Angleterre par la ville de Compiègne284. La ville se dépeuplait aussi à cause des impôts : comme les habitants de Tournai ou de Lyon, ceux de Saint-Quentin allaient en terre d’Empire où la fiscalité était moins élevée285. Comme par le passé, le roi ne pouvait se permettre d’être trop sévère envers les bourgeois de la commune. En fait, malgré ce qui à ses yeux était des défauts, Paris, AN, X1c 8, n° 155 ; Livre rouge, n° 138, 2 juillet 1354. Saint-Quentin, AM, liasse 7, dossier A, n° 17, vers 1352. Saint-Quentin, AM, liasse 7, n° 16 (Lemaire, n° 689), juillet 1362. Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° 133. Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 48 (Lemaire, n° 665), 6 juin 1356. Thomas de Corbeny est cité comme prévôt en juin 1359 : Saint-Quentin, AM, liasse 93, dossier B. Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier B (Lemaire, n° 667), vers 1356. R. Cazelles, Société politique, noblesse et couronne sous Jean le Bon et Charles V, Genève, 1982, p. 208, 214, 376. Coliette, t. 2, p. 853 ; Héméré, p. 293. Saint-Quentin, AM, liasse 2, n° 4, 5 mai 1362. Soissons contribuât également de 200 £, mais Chauny et Nesle seulement 100 £ chacune : Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° 142 (Lemaire, n° 685), 22 avril 1361. Mais la ville est réticente et demande de réduire sa contribution : Saint-Quentin, AM, liasse 2, n° 3 (Lemaire, n° 685), 18 août 1361. Ce qui ne convint pas aux habitants de Compiègne qui réclamèrent l’intervention du Parlement : Paris, AN, X1a 17, fol. 25v, 13 septembre 1361. La ville en arriva à un accord et paya sa part pour l’entretien des otages comme le montre la comptabilité municipale : Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 41 (Lemaire, n° 707), compte pour l’exercice financier 1366–1367. 285 R. Cazelle, Société politique, noblesse et couronne sous Jean le Bon et Charles V, p. 512. 274 275 276 277 278 279 280 281 282 283 284

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le roi avait besoin de la justice municipale. Car, comme le firent remarquer le maire et les jurés, leur justice était d’un bon rapport de coût et d’efficacité286. En juillet 1362, le Parlement se décida enfin à rendre une interprétation des dispositions obscures ou douteuses de la charte287. Après une transcription de l’arrêt de 1352 et de la charte de commune au grand complet, il rendit une décision en deux parties dans le cadre d’un arrêt interprétatif retranscrit sur un parchemin de 800 mm sur 2 100 mm. Dans la première partie, l’arrêt s’attaquait à tous les domaines de la juridiction et du droit de la ville en interdisant tour à tour au maire et aux jurés la connaissance de tout ce qui n’était pas clairement formulé dans la charte, c’est-à-dire les saisies mobilières, l’exercice de la juridiction criminelle pour les crimes entraînant la peine capitale, la procédure inquisitoire, l’arrestation des criminels, le bannissement pour contumace ou pour méfaits, les peines d’amputation, la connaissance des mêlées, l’imposition d’amendes criminelles, l’emprisonnement des prévenus, la connaissance des vols avec violence, la connaissance des cas d’émission de fausses monnaies, la réglementation des métiers, l’arrestation pour dette, le contrôle de la vente du vin, la connaissance des contestations immobilières, la nomination des échevins, le bannissement pour dette et la connaissance des cas de dette mobilière. Dans la seconde partie, le Parlement, répondant à la requête du maire et des jurés qui sollicitaient la reconnaissance et la confirmation d’un certain nombre de leurs usages administratifs ou judiciaires, consacrait définitivement le droit qu’avaient le maire, les jurés et les échevins en exercice de choisir les nouveaux échevins. Il permettait au maire, aux jurés et aux échevins de continuer à siéger ensemble288, mais défendait le cumul des offices d’échevin et de juré. Les échevins conservaient, comme par le passé, la connaissance exclusive des cas réservés de la charte289. Mais, tandis qu’auparavant, pour toutes les autres affaires, en matière criminelle comme en matière civile et administrative, échevins et jurés siégeaient et jugeaient sur le même pied d’égalité, dorénavant, dans les affaires de la compétence du maire et des jurés, les échevins devenaient leurs conseillers. De même et inversement, dans les causes dont la connaissance appartenait aux échevins, le maire et les jurés seraient leurs assesseurs290. Dans l’un et l’autre cas, par une grâce spéciale, le Parlement accordait au maire la présidence du tribunal, la direction des débats et le prononcé de la sentence291. Le Parlement reconnaissait à ce double corps la connaissance de la plupart des usages qui venaient tout juste d’être interdits, comme l’arrestation des criminels, leur jugement et le bannissement pour contumace des homicides, la saisie et la connaissance des contestations mobilières, la connaissance et le jugement des cas immobiliers et des délits d’injures. Le jus statuendi du maire et des jurés était de même reconnu, pourvu que le règlement soit approuvé par le bailli avant d’être appliqué292. Ils pouvaient également connaître les affaires commerciales le jour même, s’ils étaient saisis par une plainte. Passé ce délai, la connaissance appartenait au bailli. Le Parlement n’interdisait que le bannissement par 286 Saint-Quentin, AM, liasse 7, n° 17 (Lemaire, n° 689), s.d., vers 1352. 287 Saint-Quentin, AM, liasse 7, n° 16. 288 À la suite de la suspension de la commune (1317–1322), il est probable que les échevins et les jurés ne siégèrent plus

ensemble : Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 35 (Lemaire, n° 514), 1332–1333.

289 Charte de Philippe Auguste, § 27. 290 Le texte porte : accessorii, c’est-à-dire, assesseurs, dans le sens rapporté par Godefroy : Accessors est cil que li juges prant

a compaignon por oïr la cause.

291 Cette façon de faire est décrite de manière plus explicite dans un arrêt du 28 août 1372, Paris, AN, X1a 22, fol. 408–411. 292 De fait, on voit le maire et les jurés se remettre à réglementer dès le 9 décembre 1362 : Saint-Quentin, AM, Liasse 269,

dossier C, n° 3 (Lemaire, n° 691).

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précaution des voleurs, l’amputation pour rupture de ban et les asseurements communaux, ceux que l’on appelait des paix. Ironiquement, cette dernière disposition interdisait ce qui avait constitué l’une des premières pratiques judiciaires de la commune ayant pour but d’empêcher la vengeance illicite. Elle était tellement évidente qu’elle n’avait pas fait l’objet d’un article de la charte de commune en 1195. Il faut donc nuancer la lecture pessimiste de cet arrêt qu’en ont faite les érudits locaux qui y ont vu un signe de décadence des institutions municipales293. Certes, l’arrêt interprète la charte ad litteram, dans son sens restrictif. Dans sa première partie, il interdit même bon nombre de coutumes et d’usages capitaux suivis depuis longtemps. Mais, dans sa seconde partie, l’arrêt autorise pratiquement tout ce qu’il avait précédemment interdit, à la nuance près que, pour le faire, le maire et les jurés devaient s’adjoindre aux échevins, désormais réunis à la commune. En unissant officiellement les deux corps de la ville, le Parlement en était arrivé à un compromis intéressant. Comme les échevins n’étaient pas liés à la charte autant que le maire et les jurés, le Parlement pouvait reconnaître certains usages suivis depuis longtemps dans la ville tout en préservant le caractère obligatoire de la charte de commune. Sous Charles V et Charles VI n’interviennent que des réajustements mineurs si on compare avec les périodes précédentes. Charles V se préoccupait davantage de mettre de l’ordre dans ses finances et dans celle de la commune que de s’attaquer à l’exercice de la justice dans la ville. Le roi n’intervenait pratiquement plus que pour renouveler la permission de lever les aides294, ou, comme le 12 juillet 1379, pour les réduire du tiers295. Il reconnut également l’indépendance comptable de l’argentier de la ville face aux officiers royaux296. Enfin, le 15 octobre 1365, le bailli de Vermandois autorisait de par le roy le maire, les échevins et les jurés à tenir leurs plaids dans l’une des salles de la Maison de la ville, mais surtout de se faire assister par un clerc assermenté pour enregistrer leurs décisions297. Le règne de Charles VI fut inauguré par une révolte au sein du royaume à laquelle Saint-Quentin n’échappa pas298. Au printemps 1380, une émeute entre le menu peuple et les grands bourgeois de la ville, causée par la levée d’une aide pour la guerre sur la vente du poisson, tourna au réquisitoire contre l’ensemble des habitants de la ville, accusé de rebellion et desobeissance envers le roi299. À la mort de Charles V, dès le mois de mars aucuns murmuroient que l’on ne devait plus payer les aides300. La rebellion n’éclata que lors de la foire de la Saint-Denis, à cause de la présence de marchands étrangers qui, suivis par les habitants de la ville, avaient également refusé de payer les aides. Une première enquête fut menée à ce sujet en novembre 1381 par Philippe Prière, lieutenant du bailli de Vermandois301. Mais, à la fin du mois d’avril 1383, des généraux réformateurs furent ordonnés par le roi dans la 293 E. Lemaire, Introduction, op.cit. 294 En fait les troubles vécus à Saint-Quentin s’apparentent vraisemblablement à un refus de payer les aides et les impôts

après à l’avènement de Charles VI. Voir Paris, BN, ms. franc. 25 948, n° 896, 15 novembre 1381.

295 L.Delisle, Mandements et actes divers de Charles V (1364–1380), op.cit., n° 1851. Voir également R. Cazelle, Société

politique, noblesse et couronne sous Jean le Bon et Charles V, op.cit., p. 566. 296 Saint-Quentin, AM, liasse 2, n° 6 (Lemaire, n° 695), 27 mars 1365 n.st.  ; Paris, AN, JJ 98, n° 193 ( ORF, t. 4, p. ­549–552). 297 Saint-Quentin, AM, liasse 21, dossier A, n° 30. 298 Paris, BN, ms.fr. 25 948, n° 896, 15 novembre 1381. 299 Sur les troubles vécus à Saint-Quentin et le contexte général, voir M. Mollat, p. Wolff, Ongles bleus, Jacques et Ciompi : les révolutions populaire en Europe aux xive et xve siècles, Paris, 1970, p. 168–169. 300 Paris, BN, 25 948, n° 896, 15 novembre 1381. 301 Ibid.

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province de Reims pour enquêter de nouveau302. Ceux-ci reprochaient au maire, aux échevins et aux jurés de ne pas avoir envoyé les sergents de la ville pour cueillir les aides malgré la rébellion et la désobéissance des habitants de la ville. De plus, ils avaient refusé d’accueillir les gens du roi alors que les ennemis du royaume étaient sur le pays. Ils avaient parlé malicieusement du roi et de ses gens présents en la guerre de Flandre. Une nouvelle fois, on leur reprochait d’avoir abusé de plusieurs articles de leurs chartes de commune, en contraignant les amis des malfaiteurs à venir comparaître devant eux, en refusant l’entrée de la ville aux bannis pardonnés par le roi, en faisant des asseurement entre parties, et en plusieurs autres cas et autres manieres contre la teneur des dictes chartres. Les généraux réformateurs réclamaient une condamnation désormais devenue classique : que le corps d’icelle ville que la dicte commune fust confisquée et appliquée au roy, nostre sire, et condempnee en grosses amendes. Le maire, les échevins et les jurés se défendaient d’être des traîtres en disant qu’ils étaient de vrais sujets du roi, loyaux, obéissants, et qu’ils le seraient toujours envers lui et ses officiers. Ils n’avaient pas voulu entreprendre contre le roi ou ses officiers en aucune manière, ni contre la teneur de leur charte. S’ils s’étaient trompés, c’était par ignorance et simplece, et non pas par mauvaistié. La commotion qui avait été dans la ville en octobre 1380 fut faite par les menues gens de la ville contre ses grosses et bonnes gens, lesquels avaient aidé à les corriger et à les punir, ce qui avait esté en grant aventure de morir par le dit fait et commocion faire, et que c’estoit cler et notoire. Les généraux réformateurs condamnèrent finalement la ville à 2 000 francs d’or, amende que la ville paya dès le 31 août 1383303. Malgré, cette échauffourée, comme son père, Charles VI renouvella les aides de façon régulière304. Même si quelques derniers ajustements intervinrent, Charles VI ne changea rien et ne fit que confirmer des pratiques en vigueur. En 1380, avant la mort de Charles V, le maire, les échevins et les jurés avaient réclamé d’avoir un lieutenant du bailli en permanence, habilité à sanctionner leurs règlements commerciaux tels que l’arrêt de 1362 les avait contraints. Ce fut Charles VI qui les y autorisa en faisant nommer Me Philippe Prière comme lieutenant permanent du bailli autorisé a estre et entendre a tout ce que les dis maire, eschevins et jurez vauront faire, tant en faisant le conseil de la ville et les officiers d’icelle, comme maïeurs de halle aux draps, de gaides, de l’estapple des vins, esgardeurs des dis vins, courtiers, luminiers, caritables et aultres officiers et gouverneurs de la ditte ville et des biens appartenans aux eglises parrochiaulx, hospitaulx et maladeries estans en la dicte ville, en la commune et banlieue d’icelle, à sanctionner estatus, eedis, ordonnances de nouvel élaborés par le conseil de ville ou corriger, muer ou renouveller les anchiens, se mestier est, bref, à les autoriser, ou non, à faire toutes choses quelconques en la dicte ville que il verront estre bon et pourfitable a faire pour le prouffit et gouvernement de la ditte ville et du bien publicque d’icelle305 . Charles VI reconnut également au maire, aux échevins et aux jurés la ­connaissance des cas de flagrant délit d’émission de fausse monnaie306, réglementa l’émission des rentes d’otage307 et, finalement, confirma et autorisa la nomination des échevins par et parmi les jurés308. On peut considérer que, après cette ultime reconnaissance, la justice municipale avait atteint sa pleine maturité. Elle ne connut pas de changement 302 303 304 305 306 307 308

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Saint-Quentin, AM, liasse 127, n° 8 (Lemaire, n° 754), 29 avril 1383. Saint-Quentin, AM, liasse 93, dossier C. Plusieurs exemples dans Saint-Quentin, AM, liasses 2 et 3. Saint-Quentin, AM, liasse 7, n° 18 (Lemaire, n° 755), 20 juin 1383. Saint-Quentin, AM, liasse 2, n° 47 (Lemaire, n° 784), 4 décembre 1395. Livre rouge, 96. Saint-Quentin, AM, liasse 3, n° 1 (Lemaire, n° 849), 7 février 1413 n.st.

Le roi et la justice dans la ville | chapitre iv

profond jusqu’au lendemain du siège de la ville en 1557. Si le passage de Saint-Quentin dans le domaine bourguignon entraîna de nouvelles contestations, rien ne changea profondément. La période bourguignonne amena malgré tout quelques changements institutionnels : la ville sortit du domaine royal par le traité d’Arras de 1435309 et elle fut transformée en bailliage-croupion peu après310. Comme ceux du roi, les officiers du duc de Bourgogne s’étaient mis à contester le bien-fondé de la juridiction du maire, des échevins et des jurés, qui se plaignirent, vers 1455, de ce que : saulve l’onneur d’un chascun, le contraire est verité et tout notoire en ladicte ville de Saint Quentin. Et se donnent grant mervaille quel plaisir on prent de ainsi calumpnier et impugner la juridiction d’autruy, quant on scet bien le contraire de ce que on dit et que on n’a point de droit de proposer et mettre en avant ce que on dit et propose. Et devroit chascun estre content des termes de sa juridiction et de avoir ce qui lui compecte et appartient, car les dis officiers [du duc de Bourgogne] scevent bien et ne pevent ygnorer que lesdis impetrans n’aient eu tousjours, du mains de tel temps qu’il n’est memoire du contraire, justice au lieu ou elle est de present, et illec fait par eulx executer plusieurs fois leurs sentences criminelles311.

Étant donné l’importance stratégique de la ville, les attaques ne dépassèrent jamais le stade du procès au Parlement où la ville ressortit toujours victorieuse312. Chacune des parties cherchant à s’assurer sa fidélité, on lui accorda des faveurs, dont celle de laisser intacte sa juridiction313. Conclusion Malgré les réformes, à la fin du xiiie siècle débute une période douloureuse d’intégration de la justice municipale au système judiciaire global du royaume. Les mécanismes par lesquels la commune s’est transformée en juridiction, à savoir l’appropriation de fait, justifiée par l’usage, la coutume, la prescription et la prévention, se révèlent abusifs sous certains aspects, surtout quand le pouvoir royal change unilatéralement les règles du jeu au début du xive siècle. Ce procédé a entraîné des réajustements quand il a outrepassé son bon droit. À sa propre charte, qui, à partir de Philippe V, est clairement perçue par la justice royale comme une source de droit écrit, la commune ne peut plaider qu’au possessoire en cas de saisine et novelleté, et invoquer la prévention. Confrontée à la nouvelle doctrine des cas royaux, qui repose sur des principes de droit difficilement contestables, la commune ne dispose pas des armes juridiques suffisantes pour défendre une juridiction qui 309 É. Cosneau, Les grands traités de la guerre de Cent ans, Paris, 1889, traité d’Arras, p. 138–139, § 24. Voir T. Eck,

« Les prétentions des ducs de Bourgogne sur les villes picardes », BPH, (1900–1901). Sur le bailliage de Saint-Quentin, voir la courte notice et la liste des officiers de la Gallia Regia, t. 6, p. 171–174. 310 L’expression de bailliage croupion est d’A. Demurger, Temps de crise, temps d’espoirs (xive–xve siècle), Paris, 1990, p. 136. La situation de Saint-Quentin est comparable à celle de Montférand étudiée par A. Bossuat, La bailliage royal de Montferrand, Paris, 1957. 311 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier B (Lemaire, n° 944). 312 Voir S. Hamel, Un conflit entre les autorités laïques et religieuses, op.cit. 313 J.M. Cauchies, Louis XI et Charles le Hardi, Bruxelles, 1996. ; W. Paravicini, Invitations au mariage, op.cit., n° 104 et 122.

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Deuxième partie | La justice municipale face aux autres justices

s’était constituée aux xiie–xiiie siècles, dans un contexte politique et juridique différent. L’échevinage, contrôlé par le maire et les jurés depuis le début du xiiie siècle, est le cheval de Troie de la commune pour faire reconnaître par le pouvoir royal une justice exercée par et pour les bourgeois. L’union des deux corps de la ville représente un aboutissement logique du processus ayant mené à la création de la justice municipale. Par ce processus, le droit de la ville, tel qu’il apparaît au terme du Moyen Âge, est un mélange complexe et plus ou moins fructueux de ce droit coutumier devenu droit écrit, d’application des ordonnances royales et de pénétration des droits savants. Comme son droit, la justice de la ville est le résultat d’une acculturation complexe, faite d’usages locaux, d’emprunts et d’adaptation aux événements. Elle est un mélange de circonstances et de rapports de force qui oscillent entre libéralismes ouverts aux traditions coutumières locales et dirigisme juridique du pouvoir central314. Le roi, assisté par son instrument de régulation, le Parlement, ou armé de son moyen de coercition local, ses officiers, fit opposition, ou non, au développement de la justice municipale en fonction de la politique judiciaire qu’il entendait appliquer ou des événements politiques qui l’obligeaient lui aussi à s’adapter. Contre le roi et le Parlement, la ville ne disposait que d’une arme : sa charte de commune. En l’absence de documents sanctionnant de nouvelles juridictions qu’elle s’était le plus souvent elle-même attribuées, face à des principes de droits savants largement diffusés, à l’élaboration de la doctrine des cas royaux, la commune ne pouvait opposer que sa propre interprétation de sa charte prescrit par l’usage, la coutume et la prévention. Ce que l’on note finalement, entre la fin du xiie siècle et le début du xve siècle, c’est un constant réajustement de la justice municipale, prenant, ou se faisant imposer, ce qui cadre avec sa charte de commune, se faisant rappeler à l’ordre quand elle expérimente un peu trop ou qu’elle outrepasse cette norme orale devenue écrite. La création des offices royaux a été déterminante. Baillis et prévôts royaux apparaissent dès la prise de possession du roi de la ville et du Vermandois. Le nombre d’officiers du roi à Saint-Quentin est en pleine expansion jusque vers 1350, où les effectifs se fixent à un niveau très bas : à peine plus d’une douzaine d’officiers pour l’ensemble de la prévôté. Le service du roi offrait de belles perspectives de carrière pour les bourgeois. Ce fut même une des préoccupations des grandes familles de la ville, qui, rapidement, face à la petite noblesse locale déstabilisée par les défaites de la guerre de Cent Ans, monopolisèrent les offices porteurs de promotions sociales315. Les données du problème mériteraient peut-être d’être inversées pour être abordées du point de vue des bourgeois : certes, le roi profite de la compétence et de l’ambition des bourgeois, mais l’inverse est également vrai. On a l’impression que, dans les années qui ont suivi le rétablissement de leur commune avec un nouvel élan induit par les troubles de la guerre de Cent Ans, les bourgeois se sont employés plus ou moins consciemment à monopoliser les offices royaux de la prévôté. Le service du roi étant non exclusif, ils devinrent rapidement habiles à conjuguer leurs intérêts, ceux de la ville et ceux du roi. On trouve souvent le cumul d’offices par les membres du corps de ville : les grands offices pour les très grands bourgeois, les plus petits 314 J. Krynen, « Entre science juridique et dirigisme : le glas médiéval de la coutume », Cahiers de recherches médiévales, 7 (2000), p. 171–187. 315 N. Bulst, « Les officiers royaux en France dans la deuxième moitié du xve siècle : bourgeois au service de l’État », J.-P. Genet et G. Lottes, L’État moderne et les élites, xiiie–xviiie siècles : apport et limites de la méthode prosopographique, Paris, 1996, p. 111–121.

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pour les autres. Cette ascension s’effectue très rapidement dans certains cas, sur plusieurs générations dans d’autres. À partir de la seconde moitié du xive siècle, la proportion de bourgeois est impressionnante, comme le montre l’exemple des prévôts et des sergents. Les bourgeois se sont littéralement emparés des offices royaux de la ville au détriment de la noblesse et des petits seigneurs du cru. Majoritaires au xiiie siècle, les chevaliers ont de la peine à s’imposer face aux bourgeois à partir de 1330. Presque tous les lieutenants du bailli et les gardes du sceau sont des bourgeois, comme les prévôts à partir de 1350. Quand la prévôté est mise en garde, elle est confiée quasi systématiquement à un bourgeois, comme Renaud du Cavech, Simon Plate-Corne ou Jean Liénart. Les sergents sont majoritairement recrutés sur place, parmi des lignages moins en vue. Pour cette raison, et malgré leur rôle judiciaire important, la ville répugnait à leur accorder un statut particulier. Quant aux juristes, il n’y a pas d’exception apparente : tous furent des hommes de loi. Seul le bailli échappe presque à la règle. Inutile de mentionner le cas de Pierre de Fontaines, qui fut bailli au début de l’institution et qui constitue l’exception qui confirme presque la règle. Après lui, plus aucun ne vint de la ville et, après la grande ordonnance de 1303, presque tous provinrent de l’extérieur du bailliage. Mais la justice royale n’est pas seule à être entrée en opposition ou en collaboration avec la justice municipale. Quand les communes apparurent à la fin du xie siècle, d’autres pouvoirs étaient déjà présents : les pouvoirs seigneuriaux et ecclésiastiques.

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Chapitre V

La justice municipale et les justices féodales (xie–début xve siècle)

Le chapitre précédent a exploré les relations entre la ville et le roi dont les intérêts judiciaires concordèrent rarement lorsqu’ils s’affrontèrent. Il en fut tout autrement quand la ville s’opposa aux autres juridictions de la ville. Quand apparurent les communes à la fin du xie siècle, d’autres pouvoirs étaient présents dans les villes. Que ce soit d’anciens officiers comtaux ou de nombreux titulaires de fiefs intra-urbains, plusieurs acteurs disposaient eux aussi de droits de justice dans la ville et sa banlieue. La présence de ces juridictions pose l’épineux problème du partage de la justice entre les différents acteurs locaux, le roi et les autorités de la ville, ces deux derniers se posant chacun à leur manière en pouvoir judiciaire prédateur. Il revient à voir comment s’est effectuée la redistribution du pouvoir judiciaire entre les justices féodales de la ville à la suite de la transformation de la commune en juridiction à la fin du xiie ou au début du xiiie siècle et expliquer comment celle-ci a évolué jusqu’au début du xve siècle. A.

Les anciens officiers comtaux

Les premiers à voir leurs prérogatives judiciaires perturbées par l’arrivée de la justice municipale furent les officiers comtaux. L’entrée de la ville dans le domaine royal avait causé la transformation de plusieurs en fiefs royaux. Cette transformation concerne le châtelain et le vicomte de Saint-Quentin, le sénéchal de Vermandois et le chambellan, tous présents dans la ville avant la commune. Une seconde perturbation de la justice féodale affecta les microjustices provenant de la désintégration du comté et de l’atomisation des droits qu’avait le comte sur la ville. Dans son désir de remembrer la justice dans la ville, la commune s’est employé à les récupérer pièce par pièce. Enfin, plusieurs de ces seigneuries urbaines disposaient de leur propre échevinage pour exercer leurs prérogatives judiciaires sur une parcelle de la ville ou de sa banlieue. Après l’entrée de la ville dans le domaine royal en juin 1213, le roi s’était substitué au comte en tant que seigneur. Parce que l’autorité comtale s’était maintenue au-delà de 1100  –  elle ne semble s’amenuiser qu’à partir de Raoul Ier  – le châtelain, le vicomte et quelques autres auxiliaires de la justice comtale n’ont jamais réussi à obtenir de pouvoirs importants316. Contrairement à ce que l’on rencontre généralement ailleurs, la dissolution de l’autorité comtale dans le Vermandois fut le fruit d’un processus légal317. Pour des raisons obscures, encore là faute de sources éclairantes, le comte semble avoir abandonné son pouvoir de ban en s’en déchargeant sur des subordonnés. Ces officiers comtaux, bien qu’au

316 R. Fossier, « Naissance de la seigneurie en Picardie », op.cit. 317 Ibid.

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Deuxième partie | La justice municipale face aux autres justices

centre de l’exercice de la justice, n’obtinrent jamais leur émancipation face au comte, dont ils restèrent fortement dépendants. Ces anciens officiers de justice, tous vassaux du comte de Vermandois, devinrent détenteurs de fiefs royaux. Le roi, nouveau seigneur de la ville, les maintint dans leur fonction car ils administraient pour lui certaines de ses prérogatives sans frais. Mais ces offices présentaient quelques inconvénients, dont celui d’être héréditaires et donc d’échapper à toute nomination. C’est pourquoi le roi et la commune s’employèrent à les dépouiller de leurs attributions judiciaires, ne leur laissant qu’une apparence de pouvoir. En s’inféodant au roi, en continuant à collaborer étroitement avec les échevins, puis avec la commune, leurs pouvoirs devinrent graduellement plus symboliques que réels. C’est dans sa tentative d’unification de l’espace urbain, concomitante à l’unification des statuts et du droit de la ville, que la commune a réussi à soumettre certains des officiers de justice du comte et à acquérir quelques-unes des justices situées dans la ville et tenues en fiefs. 1.

Le châtelain

Le châtelain apparaît dans les actes des comtes de Vermandois vers 950. Plus que le vicomte, presque absent des sources, le châtelain est omniprésent dans les actes comtaux. Le châtelain ne pouvait exister avant le castrum, dont il tire son nom. Karl Ferdinand Werner croit que l’office fut inventer par les comtes de Vermandois, basés à Saint-Quentin, qui utilisent cet officier pour réorganiser leur administration du comté après le passage des Normands en 881318. À partir du xe siècle, le châtelain reçut la garde du château de SaintQuentin, signe d’une fonction militaire à ses débuts319. Il exerçait le ban du comte sur le plan local. On voit vers 1035 Lambert (Lambertus), châtelain de Saint-Quentin, exercer le ban sur les voies proches de la ville320. Un sous-châtelain est une fois attesté321. Le châtelain apparaît comme un officier docile du comte, recruté parmi les lignages en vue de la région, témoin fidèle des générosités comtales, pourvu du droit de ban par délégation et assisté du comte quand il veut s’en dessaisir au profit de l’Église322. Aucun châtelain ne joua un rôle personnel aux xe–xiie siècles323. La châtellenie est vraisemblablement devenue un fief royal à l’époque de l’intégration de la ville au domaine royal. Le fief était noble, essentiellement tenu par les seigneurs de Gauchy issus de la maison de Moy. En 1352, le fief fut saisi sur l’héritière de Jean de Gauchy pour payer une importante dette que ce dernier avait contractée aux foires de Champagne324. C’est son frère, Jean de Gauchy, qui le racheta la même année pour 300 £ parisis325. Alix et Marie de Gauchy, en furent les deux dernières titulaires. Il s’agit de la seule participation de femmes à la justice et, qui plus est, à la justice de sang dans la ville. En février 1398, à la mort de Marie de Gauchy, le fief revint à son époux, Louis de Mastain, chevalier et seigneur d’Estrée. Celui-ci le vendit au chapitre, qui devint châtelain K.F. Werner, Naissance de la noblesse, Paris, 1998, p. 447–448. Autre signe, le châtelain de Saint-Quentin cumule la fonction de signifer. Voir Homblières, n° 25, vers 1021–1043. Homblières, n° 25, vers 1021–1043. Homblières, 21, vers 987–988. Homblières, n° 25. Hildrad (954), Lambert (982, 988), Lambert (1021, 1035, 1043), Anseau (1075, 1076, 1084, 1104) et Roger (1124). Un fief pouvait être mis en garantie pour une dette. Voir B.D. Lyon, From Fief to Indenture : The Transition from Feudal to Non-Feudal Contract in Western Europe, Cambridge MA, 1956, p. 85–87. 325 Paris, AN, JJ084, fol. 202v°, n° 389, 10 novembre 1352. 318 319 320 321 322 323 324

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La justice municipale et les justices féodales | chapitre v

de Saint-Quentin326. Comme le chapitre ne pouvait concrètement se charger de l’exercice de ce fief hautement entaché de sang, il le confia également à un fermier, bourgeois de Saint-Quentin : Pierre Boursene327. Ce changement semble avoir embêté les autorités de la ville. Habitué à collaborer avec le titulaire nommé par le châtelain, avec le passage du fief entre les mains du chapitre, qui y nomma un de ses fidèles, le maire, les échevins et les jurés, ne purent supporter de ne plus pouvoir en contrôler le choix. Le 14 avril 1404 ils en arrivèrent à un accord avec le chapitre328. Afin que le doyen et le chapitre puissent jouir des profits de la châtellenie, il fut convenu que ces derniers éliraient une ou plusieurs personnes choisies parmi les justiciables de la ville. Cette personne deviendrait sergent de la ville et serait commise aux exploits de la châtellenie, prêterait serment envers la ville et, en cas de contestation, le fond en serait vidé devant le maire ou son lieutenant. La ville ne pourrait cependant pas refuser la personne choisie, ni la destituer sans délit notable. Le chapitre était encore châtelain au milieu du xvie siècle329. La commune, qui avait des intérêts différents de ceux du chapitre, en acquérant la ferme de cet office judiciaire désormais tenu en fief avait réussi à prendre le contrôle d’une bonne partie de l’exercice de la juridiction criminelle. Au xiiie–xive siècles, l’action du châtelain ne se situa qu’au niveau du territoire urbain. Toutefois, la châtellenie était la circonscription à la tête duquel se trouvait le châtelain à l’époque des comtes de Vermandois. Elle correspondait vraisemblablement à la prévôté. Châtellenie et prévôté coïncidaient à un même territoire, mais d’un point de vue différent. La prévôté désignait la circonscription royale dans laquelle agissait le prévôt ; la châtellenie désignait le même espace, mais du point de vue féodal330. Les deux termes désignaient le même objet, comme on le voit dans les aveux et dénombrements qui les utilisent tour à tour ou simultanément331. Le fief est resté important tant au point de vue de ses revenus que de ses prérogatives judiciaires332. Plus que sa juridiction, c’était l’importance des revenus associés à la châtellenie qui fit l’attrait de ce fief. Les aveux et dénombrements de la seconde moitié du xive siècle montrent que la consistance du fief de la châtellenie était restée importante333. Ses revenus consistaient en de nombreuses amendes pénales perçues dans la ville par les échevins. La plupart de ces amendes étaient réparties entre le châtelain, les échevins et le vicomte. Le châtelain percevait : • •

le sixième des fourfaitures estraieres et espaves qui eschieut ou peuet echeoir en le dite viconté. Cette part des revenus de la justice des échevins était perçu à l’encontre du vicomte, qui en percevait également un autre sixième ; le tiers des droits de vest et de dévest des héritages situés à l’intérieur de la vicomté, soit 4 d. sur 12 d. ;

326 Laon, AD Aisne, G 789, p. 1080–1083, 26 février 1398. Le 7 avril 1394, le chapitre avait déjà acquis une partie de ce

fief, la Maison du grand Écots, située sur la rue de la Sellerie. Voir Laon, AD Aisne, G 789, p. 1093–1095. Ibid. ; Quentin de la Fons, Histoire particulière de la ville de Saint-Quentin, vol. 2, op.cit., p. 147. Laon, AD Aisne, G 788, p. 134–145, 14 avril 1404. Iibid., p. 148. En ce, H. Waquet, Le bailliage de Vermandois, op.cit., p. 14–15, s’oppose à G. Dupont-Ferrier, Les officiers royaux, op.cit., p. 36, pour qui il n’y a pas d’équivalence : la prévôté se fragmente en châtellenie ou l’inverse. 331 Paris, AN, P 135, n° 285. 332 Paris, AN, P 135, n° 201, 25 mais 1367 : Jean de Gauchy ; n° 209, 13 décembre 1373 : Alix de Gauchy ; n° 241, 1er juillet 1396 : Alice de Gauchy ; n° 285, 7 janvier 1398 n.st. : Marie de Gauchy. 333 Paris, AN, P 135, n° 201, 209, 241, 285. 327 328 329 330

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l’entrée de chaque prisonnier dans la prison de la ville, qui lui procurait 18 d., plus 2 d. par jour de détention ; le sixième du droit d’afforage du vin vendu dans la ville ; le quart des amendes imposées lors du marché du samedi ; le sixième de l’amende de petit pain ; le sixième de l’amende de 60 s. imposée par les échevins pour litiscontestation ; 3 s. sur quiconque était déchu d’un procès, dont 4 d. allait aux échevins, 12 d. au vicomte et le reste aux justichiers ; 9 s. si le perdant du procès était celui qui avait fait le claim, à répartir en trois également ; 10 s. si le perdant était l’avoué d’un seigneur, à répartir en trois ; 3 s. pour sur celluy de quoy on s’est clamez se fait exoines ou excuser et il ne moustre souffisent de son essoine il pers le catel et 3 s. a justice a paier en trois comme dessus ; pour un claim mal signifié à la partie adverse causant l’absence de celle-ci, le châtelain pouvait réclamer au clamant 3 s. et 4 s. au clamé ; pour les semons par deux deniers qui faisait défaut, il percevait 3 s. dont les échevins gardaient 4 d. et le reste était à répartir entre le vicomte et les justichiers ; 4 d. sur les reconnaissances faites par foy, dont il devait répartir la somme avec les échevins, le vicomte et les justichiers ; Enfin, se aucunes espousees passent parmi ladite chastellenie en alant ou revenant au moustier (église) Saint Andrieu sans le congié du chastellain ou de son commis et elle y est arestee elle me doit ung muy de vin334.

Au point de vue de la justice, le châtelain de Saint-Quentin s’occupait de l’exécution des sentences criminelles rendues par les échevins de la Vicomté-le-Roi, puis par le maire, les échevins et les jurés335. L’exercice de la justice du châtelain est mentionné dans la charte de commune associée aux échevins. Dans les quatre articles de la charte de commune de Saint-Quentin le mentionnant, le châtelain est toujours associé aux échevins pour l’exécution des peines reliées à leur exercice de la haute justice. Après leur prise, la détention des meurtriers devait être confiée au châtelain par l’intermédiaire des échevins336. Mais, selon la loi de la Ville, le rôle le plus important du châtelain était celui d’exécuter l’exécution des peines criminelles prononcées par les échevins337. Ainsi, si les individus arrêtés et emprisonnés par le maire et les jurés étaient reconnus coupables d’un crime passible de la peine de mort, la sentence était rendue par les échevins et le coupable était ensuite livré par les échevins au châtelain pour le supplice et la mise à mort338. De même, la charte de commune rendait le châtelain responsable de la peine infligée aux voleurs339. Le châtelain devait mettre les voleurs au pilori. Il avait également la charge d’exécuter les sentences prononcées par le maire et les jurés pour les affaires commerciales portées à leur attention. Au xive siècle, le débiteur condamné était arrêté et livré au châtelain de la ville qui devenait ainsi symboliquement chargé de la dette340. Mais, malgré ou à 334 Sur ces prélèvements à l’occasion des mariages, voir A. Boureau, Le droit de cuissage. La fabrication d’un mythe xiiie–xxe siècle, Paris, 1995, p. 115 et s. 335 Saint-Quentin, AM, liasse 7, n° 16 (Lemaire, n° 689) op.cit. 336 Charte de Philippe Auguste, § 13, 14. Voir Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 33 (Lemaire, n° 578), vers 1340. 337 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 39 (Lemaire, n° 550), 8 janvier 1339 n.st. 338 Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° 68 (Lemaire, n° 332), 20 juin 1326. 339 Charte de Philippe Auguste, § 29. 340 Saint-Quentin, AM, liasse 7, n° 16 (Lemaire, n° 689).

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cause de ses pouvoirs, la commune méprisait le châtelain et lui reprochait de ne pas mettre assez d’entrain dans l’accomplissement de l’exécution des sentences criminelles. En 1293, le châtelain de Saint-Quentin fut arrêté et mis aux ceps par l’ordre du maire et des jurés, parce que, vu l’heure du dîner, il avait tardé à faire justice d’une femme infanticide341. La mise à ferme ou à cens du fief par son tenancier au xive reflète également un apparent désintérêt. L’arrêt de 1362 mentionne le fait342. Durant l’affaire Berthe du Jardin, Jean de Gauchy était châtelain, mais Colard Henet est appelé locumtenentem ipsius castellane dans un arrêt du Parlement343. L’aveu et dénombrement du fief fait le 1er juillet 1396 par Marie de Gauchy mentionne le montant du cens, soit 10 £ parisis344. 2.

Le vicomte

Le vicomte de Saint-Quentin est l’autre officier des comtes de Vermandois qui a perduré tout au long du Moyen Âge. Contrairement au châtelain, le vicomte a laissé très peu de traces dans les sources. Le vicomte est trop discret pour que l’on puisse déterminer un rôle autre que celui de substitut du comte. Avant le xiie siècle, il n’est attesté qu’à trois reprises. Un vicomte anonyme apparaît une première fois en 1047, dans un diplôme d’Herbert IV faisant don de Senercy345 à l’abbaye de Saint-Prix tout en soustrayant l’endroit à la justice du comte346. Puis un Odon est mentionné en 1076, noyé dans une mer de souscripteurs à une charte d’Herbert IV347 et un Robert, en 1096348. Sa présence n’est donc qu’exceptionnelle. Reconstituer l’évolution de cette autre office comtale, qu’a également récupérer la ville, est donc moins aisé et sujette à d’avantages d’hypothèses. L’office fut transformé en fief, mais on ignore quand. Si quelques actes du xiie siècle et du début du xiiie siècle mentionnent le vicomte de Saint-Quentin, on perd sa trace sous Louis IX. Guy de Moy, fils de Guerry de Moy, vicomte de Saint-Quentin en 1189, se fait également appeler vicomte de Saint-Quentin en 1237349. Ce dernier est vraisemblablement le dernier titulaire du fief. La vicomté fut ensuite pulvérisée : un office de vicomte subsiste, mais il est mis à ferme au profit du roi, pour 100 s. parisis et un past à offrir aux échevins chaque année350. Avant sa suspension, en 1317, la commune tenait la vicomté à ferme du roi351. La vicomté de Saint-Quentin fut vraisemblablement transformée de nouveau en fief sous Jean II pour Blanche de France, qui porta le titre de vicomtesse de Vermandois, ou parfois de vicomtesse de Saint-Quentin352. Étant religieuse à Longchamp, c’est Me Nicoles Morins qui était commis et député de par le roi a le garde et gouvernement des biens que a et Paris, AN, X1a 2, fol. 98v (Olim, t. 2, p. 352, n° 1 ; Boutaric, n° 2822), 1er novembre 1293. Saint-Quentin, AM, liasse 7, n° 16. Paris, AN, X1a 22, fol. 408–411, 28 août 1372. Paris, AN, P 135, n° 285. Commune de Séry-lès-Mézières, cant. de Ribemont. Paris, AN, L 1001, n° 99, décembre 1047. Saint-Quentin, AM, liasse 263, n° 3. Cette charte compte 27 témoins. Saint-Quentin, AM, liasse 263, n° 3 (Lemaire, n° 1). Héméré, p. 179 et Coliette, t. 2, p. 418. La première mention de ce past est de 1294, mais il existait a tempore quo memoria non existit. Le menu et le déroulement de ce past au xiiie siècle est connu par la relation qu’en a fait, au xvie siècle, le tabellion de la ville (Saint-Quentin AM, liasse 1 n° 13bis (Lemaire, n° 144), 12 mai 1294). Voir également C. Gomart, « Le paast des échevins de Saint-Quentin », dans ÉS, t. 3, p. 383–388. 351 Saint-Quentin, AM, liasse 45, dossier M, n° 2 (Lemaire, n° 227), s.d., vers 1310. 352 Il s’agit de la fille de Philippe V, née en 1314. 341 342 343 344 345 346 347 348 349 350

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tient a sa vie au bailliage de Vermandois haute dame et poissant, me dame Blanche, fille de roi de Franche et de Navarre, demourant a Longchamp. Me Morins, qui était alors lieutenant du bailli de Vermandois à Saint-Quentin, fut institué vicomte par le roi. Ce titre lui donnait la présidence du tribunal des échevins qui, à l’époque, n’étaient pas encore incorporés à la commune. Ses nombreuse activités l’empêchant de remplir régulièrement les fonctions qui lui avaient été conférées, Me Nicole Morins en avait délégué l’exercice à un lieutenant, Pierre de la Rivière, jurisconsulte demeurant à Saint-Quentin, qui fut régulièrement substitut du procureur du roi353. En 1353, Me Nicole Morin remit à Pierre de la Rivière pooir et auctorité de garder, governer et exercer toute la justiche appendant et appartenant a le viconté du roi, nostre sire, en Saint-Quentin, tant la justiche qui de anchienneté est accoustumée estre exercee en le dicte viconté, comme celle qui de nouvel y est declaryé appartenir et de non appartenir par certain arrest rendu et prononchiet ou present Parlement du roy, nostre sire, a Paris, encontre le maire et jures et communauté de le dicte ville de Saint Quentin, de creer les eskievins de le dicte viconté, de faire y et establir sergens et tous autres menistres quy, pour le necessité et au profit de le ditte justiche, seront necessaires ou profitable a faire354. La commune ne tarda pas à s’insurger contre ce nouveau vicomte qui tenta de récupérer les anciennes prérogatives de l’époque féodale, c’est-à-dire la nomination des échevins et la présidence de leur tribunal355. Le procès entrepris au Parlement contre Blanche de France et le procureur du roi vers 1356 semble s’être éteint à cause de la mort de celle-ci en 1358. La disparition de Blanche paraît avoir entraîné un nouveau démembrement du fief. Le membre le plus important est un fief qui, à la fin du xive siècle, était tenu par les seigneurs de Moiry. Les aveux-dénombrements de la prévôté rapportent que Thierry de Moiry, puis son fils Jean, ont tenu à Saint-Quentin, à partir du milieu du xive siècle une justiche en le ville de Saint Quentin partissant au viconte, valant le sixième denier sur tous les forfaits commis à Saint-Quentin ainsi que sur les épaves et le droit d’estraerie356. Les deux mettaient cette justice à cens moyennant 18 £ parisis par année, avec obligation pour le censier de donner aux échevins leur past annuel. Le personnage portant le titre de vicomte et qui assistait les échevins de la Vicomté-le-Roi n’était à nouveau qu’un censier. À la même époque, Jean Sohier, bourgeois avide de duels357, réussit à acquérir de Gilles de Rocourt ce qui paraît être un autre membre de la vicomté358. Ce fief prit le nom de son fils, Regnaut, qui le tint entre 1362 et 1373. Le fief Regnaut Sohier consistait en la justice et les émoluments du pré de Beauvoir à Saint-Quentin, depuis appelé destroit Regnaut Sohier, et en des rentes annuelles d’environ 193 chapons, 20 £ 14 s. parisis sur plusieurs maisons. Il comprenait également les esteulles (pailles) des Coutures, qui valaient 56 s. parisis, et l’étalage des cordes à Saint-Quentin, qui lui rapportait 8 s. parisis. Le titulaire devait lui aussi un past annuel aux échevins, signe d’un probable démembrement de la vicomté. À sa mort, le fief passe à un autre bourgeois, Jean Fastar, qui le vendit à la commune vers 1400359. 353 354 355 356 357 358 359

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Pierre de la Rivière fut substitut du procureur du roi à Saint-Quentin entre 1365 et 1380. Saint-Quentin, AM, liasse 45, dossier M, n° 4, 7 février 1353, n.st. Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier B (Lemaire, n° 667), s.d. vers 1356. Paris, AN, P 135, n° 232, 4 juillet 1373 et n° 247, 10 juin 1383. Paris, AN, X2a 3, fol. 99 (Boutaric, n° 7741 et 7755), 18 décembre 1325 et 13 janvier 1326 n.st. Paris, AN, P 135, n° 191, 26 mai 1367 et n° 212, 10 juillet 1373. La date du dernier aveu et dénombrement de ce fief est le 12 juin 1383 : Paris, AN, P 135, n° 256.

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Le rôle judiciaire du vicomte était complémentaire à celui du châtelain. Dans la charte de commune de Philippe Auguste, le vicomte n’apparaît qu’une seule fois360. Tout comme le châtelain, il y est associé aux échevins, mais pour l’exécution de tous leurs jugements reliés aux cas de justice non criminelle qui faisaient partie de leurs compétences. Comme le châtelain exécutait les sentences criminelles des échevins, le vicomte exécutait vraisemblablement pour eux les transferts de propriété litigieuse selon leur jugement quand il y avait lieu de le faire. De fait, les seuls actes mentionnant le vicomte sont relatifs à l’exécution des jugements des échevins pour un claim sur un héritage ou une créance. Après avoir passé une reconnaissance de dette devant les échevins de la vicomté du roi à Saint-Quentin Colard Gossé s’était mis comme jetis, en cas de défaut de paiement. Comme ce dernier fit défaut de paiement de sa créance, Robert le Drapier était revenu devant les échevins, qui commandèrent par jugement au vicomte de Saint-Quentin, d’arrêter Colard afin de le livrer à Robert pour que ce dernier puisse récupérer son argent. En exécution de ce jugement, Simon le Sellier, vicomte, assigna les droits que le défendeur avait sur une maison au demandeur, afin qu’il puisse les vendre, jusqu’à concurrence du montant de sa créance361. En 1283, Pierre Evrars, agissant pour les pauvres de la ville, avait fait semonce à Widele as Poires, Jean Foukart et Maroie sa femme, de comparaître devant les échevins de la Vicomté-le-Roi dans un délai de 15 jours, pour venir dire ce qu’ils savaient à propos des deux cressonnières. Passé ce délai, Widele as Poires, Jean Foukart et Maroie avaient fait défaut de comparaître. Par jugement, les échevins de la Vicomté-le-Roi assignèrent pour défaut les cressonnières au demandeur pour le profit des pauvres de la ville. Jean du Rues, vicomte de par le roi, en exécution du jugement, fit le transfert de saisine362. Pour ces raisons le vicomte, comme le châtelain, pouvaient être poursuivi de concert avec les échevins pour ses prérogatives d’exécution de leurs décisions civiles. En 1220, le vicomte de Saint-Quentin fut pris à partie avec les échevins par l’abbaye de Saint-Prix pour un conflit de compétence quant aux causes mobilières impliquant les hommes de l’abbaye363. 3.

Le maior

Le maior féodal était un officier de l’entourage des comtes de Vermandois qui a peut-être remplacé le vicarius à la fin du xe siècle364. La plus ancienne mention d’un maior est celle de Theudo, qui souscrit à une charte du comte Albert ier en faveur de l’abbaye de Saint-Prix, en 986365. Au xiie siècle, et au début du xiiie siècle, le maior semble être un fief dépendant du vicomte366. Étroitement associé à ce dernier et aux échevins, il n’a jamais été associé à la commune. En 1189, Guerry de Moy, vicomte de Saint-Quentin, cédait en ferme perpétuelle plusieurs de ses droits, dont la majoriam et totam minutam castellaniam à son cousin Thomas de Roupy367. Cette concession fut confirmée en 1237368. On ne sait Charte de Philippe Auguste, § 27. Saint-Quentin, AM, liasse 24 (Lemaire, n° 434), mai 1275. Saint-Quentin, liasse 24 (Lemaire, n° 112bis), mars 1283. Paris, AN, J 232 (dossier Saint-Quentin), n° 4bis (Delisle, n° 1953), février 1220 n.st. A. Giry, Études sur les origines de la commune de Saint-Quentin, op.cit., p. 34–35. Héméré, 2e partie, p. 33. A. Giry, Études sur les origines de la commune de Saint-Quentin, op.cit., p. 34–35. Coliette, t. 2, p. 418, op.cit. Il paraît difficile de déterminer en quoi consistait la minuta castellania. Voir A. Giry, Études sur les origines de la commune de Saint-Quentin, op.cit., p. 35. 368 Héméré, Augusta Viromanduorum…, 2e partie, p. 35. 360 361 362 363 364 365 366 367

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ce qu’il advint de la petite châtellenie, mais tout indique que le vicomte s’était visiblement déchargé de la présidence du tribunal des échevins sur un maior. Avec l’affirmation de la commune, plusieurs indices indiquent que les deux offices homonymes ont en partie fusionné leurs attributions à une époque difficile à déterminer, mais avant 1250. Le nombre d’échevins, treize, ne correspond pas aux nombres membres composant les collèges d’échevins de la haute époque, qui étaient généralement sept ou douze369. Le treizième échevin montre probablement l’incorporation du maior féodal, d’une part aux échevins, et d’autre part son assimilation au maire de la commune. Au xvie siècle, selon ce qui est mentionné comme une ancienne coutume – on en trouve des traces auparavant370– le maire sortant devenait automatiquement premier échevin371. Mais ce maior ne semble pas pour autant avoir disparu. Encore à la fin du xive siècle, deux chirographes mentionnent la participation d’un mayeur du plaid du bourg avec les échevins de la Vicomté-le-Roi372. 4.

Le sénéchal de Vermandois

La fonction du sénéchal de Vermandois auprès des comtes de Vermandois était assez semblable à celle du grand sénéchal à la cour du roi373. C’était la dignité la plus haute au sein de l’honor comtal. Elle était héréditaire dans la maison de Fonsommes depuis au moins 1076, date à laquelle Évrard de Fonsommes l’occupa374. Au xive siècle, la liste des titulaires est confuse. Vers 1340–1350, Robert de Fonsommes, lourdement endetté envers le chapitre, a été obligé de vendre l’office à Jean de Sarny, écuyer375. Vers 1375–1379, Robert d’Hervilly l’acquiert après avoir épousé Marguerite de Laon376. Enfin, en 1425, le fief est donné par Philippe le Bon à Colard de Moy377. Le fief subsiste jusqu’à la Révolution378. Comme la plupart des fiefs importants, le titulaire détenait plusieurs revenus et quelques droits de justice dans la ville. La seigneurie du village de Fonsommes était rattachée à ce fief379. Lors de son aveu et dénombrement du 12 juillet 1373, Jean de Sarni disait également tenir du roi sa maison et ses dépendances à Fonsommes, c’est-à-dire 29 moyes de terres, 9 chapons, 4 s. 6 d. de rente et 8 moyes de bois à tailler aux 8 ans, valant 16 s. le muid. Le sénéchal disposait comme on l’a vu du régal du doyenné et de la coûtrerie du chapitre de Saint-Quentin durant leur vacance380. En retour, il avait des obligations importantes envers le chapitre. Il leur devait deux pasts et le posmidi. Puis, quand le doyen faisait sa première entrée rituelle dans la ville, le sénéchal devait aller à sa rencontre et le conduire jusqu’à la place du Marché. Là, il tenait son étrier pour le faire descendre de sa Voir les références que donnent F. Bougard, La justice dans le royaume d’Italie, op.cit., p. 144. Voir S. Hamel, Un conflit entre les autorités laïques et ecclésiastiques, op.cit. Quentin de la Fons, Histoire particulière de la ville de Saint-Quentin, 2e partie, op.cit., p. 229, n. 1. Saint-Quentin, AM, liasse 26, mai 1361, mentionne Pierre du Cavech comme mayeur du plaid du bourg ; en janvier 1373 n.st. son fil Jean, encore en valotage, mais hors de bail et de mainbourg, est titulaire de cette charge, qui ressemble étrangement à un fief. 373 Coliette, t. 2, p. 211. 374 Saint-Quentin, AM, liasse 263, n° 3. M. Melleville, Dictionnaire historique du département de l’Aisne, Laon, 1865, t. 1, p. 275 ; Coliette, t. 2, p. 211–213. 375 Paris, AN, P 135, n° 225, 12 juillet 1373. 376 Coliette, t. 2, p. 212 ; Paris, AN, X1c 41, n° 135, 20 novembre 1380. 377 Coliette, t. 2, p. 212 ; M. Melleville, Dictionnaire historique du département de l’Aisne, t. 2, p. 265. 378 Ibid. 379 Fonsommes, arr. de Saint-Quentin, cant. de Saint-Quentin. 380 Paris, AN, P 135, n° 225, op.cit. 369 370 371 372

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monture. Il lui arrivait souvent de ne pas remplir l’ensemble de ses obligations. Ainsi, en 1272, alors que le doyenné était vacant, le sénéchal voulait, au nom du roi, couper un bois du doyenné. Le chapitre s’y opposa, disant que ce bois, n’ayant pas sept ans, ne pouvait être coupé, même par le doyen, s’il y en avait eu un. Le Parlement ordonna une enquête pour déterminer l’âge du bois : s’il avait sept ans, le sénéchal pouvait le couper381. Puis, en 1335, Robert de Fonsommes n’ayant pas rempli ses obligations envers le chapitre quant aux pasts et au postmidi, le Parlement le condamna à les remplir et à leur payer leurs dépens. Une seconde fois, en 1380, un accord fut conclu entre le chapitre et le sénéchal, avec les mêmes résultats382. Plus important, le sénéchal tenait l’étalage des souliers, pour lequel il recevait 40 paires annuellement. Il recevait 30 £ de rente pour le ban du roi et quatre hommages, pour lesquels il gratifiait les titulaires de 2 paires de souliers chacun. En retour, ses vassaux devaient assister aux plaids qu’il tenait à Saint-Quentin383. En outre, le sénéchal agissait dans la région comme garde des chemins, de la chasse, des pâturages, des eaux, des rivières et des ponts. Il avait le contrôle des filets et veillait au respect de la saison de pêche, qui était interdite de la mi-avril à la mi-mai. Pour ce, il avait le droit d’instituer deux sergents, répondants du prévôt de Saint-Quentin, qui avaient pouvoir de faire des arrestations, de mettre en prison et de taxer de 60 s. d’amende, dont le sénéchal touchait le tiers384. 5.

Le chambellan

Le fief de la cambellerie provient de l’ancien chambellan des comtes de Vermandois. Jusqu’à une époque très avancé, les comtes de Vermandois n’ont pas disposé de chancellerie. Ils utilisaient celle du chapitre de Saint-Quentin suffisante et compétente en la matière385. Depuis les années 1290, le titulaire en est Quentin le Chambellan. Le fief reste dans sa famille et il est transmis de Quentin le Chambellan en Quentin le Chambellan jusque vers le milieu du xive siècle où l’on perd leur trace. Le dernier Quentin le Chambellan connu est celui qui fait aveu dénombrement au roi le 27 mai 1367386. Le chambellan a conservé peu de droits de justice. Comme la plupart des grands officiers féodaux, il réclama la justice sur ses deux maisons situées à proximité du Castel. Il réussit à se faire reconnaître cette juridiction sur ses maisons, mais seulement quand le roi était de passage à Saint-Quentin. Il jouissait alors de toute justice et seigneurie sur ses maisons et sur ses terres et disposait en plus du droit de cambrelage (chambellage) de la ville, c’est-à-dire un droit de mutation sur les fiefs387. Le reste du fief était composé de divers revenus, c’est-à-dire la moitié du petit vinage (droit pris sur le transport du vin) royal de Saint-Quentin – l’autre moitié appartenant au roi – 15 s. de rente que lui devait la Paris, AN, X1a 1, fol. 183 (Boutaric, n° 1643 ; Olim, t. 1, p. 842, n° 12), 2 février 1272 n.st. Paris, AN, X1c 41, n° 135, 20 novembre 1380. Saint-Quentin, AM, liasse 179, dossier D (Lemaire, n° 26), juillet 1236. Paris, AN, P 135, n° 225. Ces sergents existaient déjà en septembre 1280. Voir RHGF, t. 24, p. 344*, n° 195. Le comte utilise la chancellerie du chapitre même si ce dernier n’est pas partie prenante de la transaction. Par exemple, Homblières, n° 10, 27 février 960. Hamfredus, visiblement chancelier du monastère de Saint-Quentin, est rédacteur de l’essentiel des actes d’Albert Ier dont la date de lieu est Saint-Quentin jusqu’en 982. Il est remplacé par Bertoldus à la fin de son principat et durant celui de son fils Herbert III. Les actes subséquents ne mentionnent aucun chancelier. Herbert IV semble encore utiliser la chancellerie du chapitre vers 1076. Voir Saint-Quentin, AM, liasse 263, n° 3 (Lemaire, n° 1). 386 Paris, AN, P 135, n° 179, 27 mai 1367. 387 Le chambellage est un droit de mutation sur les fiefs. Nouveau coutumier général, t. 2, Coutumes des ville, prevosté et ressort de Saint-Quentin, p. 527 et 578, §76. 381 382 383 384 385

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ville en compensation de son droit de vinage pour la foire de la Saint-Denis (9 octobre), 8 charretées de leigne (petit bois), plusieurs paires de souliers qu’il partageait avec le sénéchal de Vermandois, deux setiers de terres situées près de la Belle-Porte. Enfin, il recevait trois hommages, dont un qui lui rapportait 4 s. parisis par année388. Bien qu’il n’ait pas réussi à conserver les droits de justice et de prises sur ses mai389 sons , Quentin le Chambellan possédait par contre un des plus forts taux de litigiosité dans la ville pour un particulier. Il défendait avec acharnement son droit de vinage, qu’il percevait pour moitié avec le roi, et ses droits sur le transport des marchandises et des bêtes amenées pour la vente lors de la foire de la Saint-Denis390, voulant faire acquitter ce droit à des personnes qui en étaient exemptes. On compte neuf procès l’impliquant à ce sujet contre la commune (1299, 1303, 1319, 1325–1330, 1326 et 1338391), la maison de SaintLadre (1297392), ou l’abbaye de Royaumont pour les habitants de leur ville de Seraucourt, Roupy, Étreillers, Attilly (1343) et Savy (1352)393. B.

Les autres fiefs urbains

La prévôté de Saint-Quentin comptait en tout 65 fiefs royaux394. De ceux-ci, en plus des grands fiefs présentés ci-dessus et des fiefs ecclésiastiques, il existait 29 fiefs de moindre importance situés dans la ville intra-muros. Pour la plupart, il s’agissait de fiefsrentes395. Ils consistaient essentiellement en des rentes annuelles en argent, mais aussi en nature, comme des paires de souliers, du grain, du sel, du vin, du petit bois (leignes) ou des chapons. Mais certains avaient conservé des droits de justices sur des territoires ou des maisons. Deux éléments sont à retenir quant à leur valeur judiciaire. Premièrement, certains fiefs ont conservé la seigneurie et la justice sur des parties importantes de la ville. C’est le cas pour les fiefs tenus par les Prière, les De Moiri et les Sohier. Le 12 mai 1367, Jean Prière, qui disait avoir acquis son fief par la succession de son père, disposait de la justice et la seigneurie en vêt, en dévêt et en arrêt de catel sur le détroit des Fontaines à Saint-Quentin396. Thierry et Jean de Moiri possédaient quant à eux une part des revenus provenant de la vicomté. Jean Sohier, dont le fief provenait vraisemblablement d’un autre démembrement de la vicomté acquis d’abord par Gilles de Rocourt, disposait quant à lui de la justice et de ses émoluments sur le pré Beauvoir à Saint-Quentin397. Enfin, notons l’éclatement des fiefs de Jean de Chevresis. À sa mort, ces fiefs furent transmis à son fils, 388 Paris, AN, P 135, n° 179, op.cit. 389 Paris, AN, X1a 6, fol. 275 ; Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 37 (Lemaire, n° 508 ; Furgeot, n° 607),

19 décembre 1332.

390 Saint-Quentin, AM, liasse 7, n° 9 ; Livre rouge, n° 71. Voir vinage dans la Base des lexiques du moyen français, op.cit.. 391 Saint-Quentin, AM, liasse 7, dossier B, n° 1 (Lemaire, n° 260), 8 janvier 1299 n.st.  ; Saint-Quentin, liasse 1, n° 27

(Lemaire, n° 188), 24 mars 1303, Saint-Quentin, AM, liasse 7, dossier B, n° 2 (Lemaire, n° 278), 23 décembre 1319 ; , Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 21 ; Livre rouge, n° 63, 21 janvier 1325 n.st ; Saint-Quentin, AM, liasse 7, n° 9 ; Livre rouge, n° 71, 28 octobre 1330 ; Saint-Quentin, AM, liasse 7, dossier B, n° 6 (Lemaire, n° 335), 12 octobre 1326 ; SaintQuentin, liasse 7, n° 4, 1er janvier 1338 n.st. 392 Saint-Quentin, AM, liasse 269, dossier A, n° 41 (Lemaire, n° 168), 8 avril 1297 ; Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° 20 (Lemaire, n° 162), 15 janvier 1299. 393 Paris, AN, X1a 8, fol. 7 (Furgeot, n° 2233), 12 décembre 1338 ; Paris, AN, X1a 10, fol. 5 (Furgeot, n° 5292), 14 novembre 1343  ; Paris, AN, X1a 14, fol. 56v, 1352. Seraucourt, cant. de Saint-Simon. Roupy, cant. de Vermand  ; Étreillers, cant. de Vermand ; Attilly, cant. de Vermand. Savy, cant. de Vermand. 394 Il y a en outre plusieurs fiefs non royaux, tenus pour la plupart du coûtre ou du doyen du chapitre. 395 B.D Lyon, « The Fief-Rente in the Low Countries. An Evaluation », RBPH, 32 (1954), p. 422–465. 396 Paris, AN, P 135, n° 198. 397 Paris, AN, P 135, n° 191, 26 mai 1367.

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La justice municipale et les justices féodales | chapitre v

Jean de Chevresis, qui les conserva jusque vers 1350. Il fut vraisemblablement contraint de les vendre pour d’obscures raisons : certains aveux et dénombrements parlent d’achat alors que d’autres mentionnent une confiscation royale et leur mise en vente aux enchères vers 1350–1360398. Néanmoins, il reste que, à partir du fief de Jean de Chevresis, le roi a pu en constituer au moins six : ceux tenus par Jean de Corbeny et Jean Fastar, Jean et Pierre de la Kieure, Ponchart de Vergny et Isabelle de Douay, André d’Avesne, Jean et Raoul Payen. Deuxièmement, ce n’est pas tant les droits de justice associés au fief que le fait de pouvoir participer aux assises royales qui rendait ces fiefs intéressants. De fait, tenir un fief du roi ouvrait la porte aux assises royales de la ville. Parmi les détenteurs de ces fiefs urbains, il y avait une très forte proportion de bourgeois de Saint-Quentin (8) ou d’habitants (17) par rapport aux écuyers (4). Enfin, mis à part le châtelain et le sénéchal, aucun chevalier ne tient un fief dans la ville au xive siècle. C.

Les échevinages féodaux dans la ville

Tous les seigneurs justiciers disposaient d’un échevinage. Le cas est généralement répandu dans les villes du Nord du royaume399. On dénombre 7 échevinages distincts à l’intérieur de la ville  : les échevinages du détroit d’Aouste, de la Rue ou détroit d’Isle, de l’âtre Notre-Dame-de-la-Gréance, de l’âtre Saint-Pierre-au-Canal, de l’âtre Sainte-Pécinne, du fief Regnault Sohier et du détroit du chapitre. Plusieurs de ces échevinages situés à l’intérieur de la ville étaient seigneuriaux. Ces divers échevinages secondaires se disaient d’un détroit ou d’une justice. Les échevins del destroit d’Aouste étaient ceux du coûtre du chapitre. Selon les termes d’un accord conclu avec la commune en 1374, l’abbé et le couvent de Saint-Quentin-en-l’Isle nommaient deux échevins pour administrer leur juridiction dans le détroit d’Isle400. Le fief Regnault Sohier semble en posséder un tardivement401. D’autres échevinages, plus mystérieux, n’était pas a priori de nature différente. Difficile cependant d’indiquer en quoi consistaient ces échevinages secondaires intraurbains. On compte trois échevinages associés à un âtre. C’est le cas des échevins deu destroit del atre Saint Pierre a le kennel qui finirent par disparaître à cause des fortifications, ceux del atre Notre Dame en le Grianche, et ceux del atre Sainte Pechine. Si on s’en tient à la signification du mot âtre, qui découle du substantif latin atrium, ces quelques échevinages correspondaient au territoire du parvis, ou du cimetière, des plus anciennes églises de la ville. Ces échevinages furent vraisemblablement liés à des droits de justice que possèdait le chapitre, ou un de ses dignitaires, sur ces espaces402. Celui de l’âtre Sainte-Pécinne appartenait au roi, mais il était tenu en ferme perpétuelle par la commune depuis 1176403. Le monopole judiciaire des échevins de la Vicomté-le-Roi n’était complet qu’en apparence du fait de la présence de plusieurs seigneuries sur le territoire urbain. Mais peu importe, car dans les faits, comme ils servaient de modèles pour la prévôté, ils supervisaient 398 Paris, AN, P 135, n° 181 ; n° 182 ; n° 197. 399 Lille, ADN, séries 1 G à 9 G. 400 Saint-Quentin, AM, liasse 7, dossier A, n° 9 ; Paris, AN, LL 1016, fol. 13–14 ; Paris, BN, lat. 10116, p. 86 ; Laon,

AD Aisne, H 535, p. 48 (Gomart, t. 4, p. 261–264 ; Lemaire, n° 729), 7 septembre 1374.

401 Saint-Quentin, AM, liasse 26, septembre 1406. 402 Paris, AN, X1c 8, n° 155 ; AN, LL 985b, fol. 281, fol. 293–298 ; Livre rouge, n° 138 (Lemaire, n° 660) ; Laon, AD Aisne,

G 788, p. 100–112, 2 juillet 1354.

403 Héméré, p. 45. Saint-Quentin, AM, liasse 45, dossier M, n° 2 (Lemaire, n° 227), s.d., vers 1310, op.cit.

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Deuxième partie | La justice municipale face aux autres justices

l’application de la coutume et ils exerçaient leur contrôle sur ces petits échevinages connus que par quelques dizaines de chirographes. En juin 1243, Robert le Doyen, vendant 6 sestrelées de terre à Étreilliers (cant. de Vermand) à Renier le Fèvre et Wedain, sa femme, les échevins d’Étreilliers passaient une reconnaissance devant les échevins de la Vicomtéle-Roi404. Ce contrôle, par l’intermédiaire des échevins de la Vicomté-le-Roi, fut consolidé par la commune. Cette dernière a fini par maîtriser la majorité de ces petits échevinages, dont la juridiction correspondait le plus souvent à une rue, en acquérant les fiefs dont ils dépendaient ou en les prenant à ferme perpétuelle. Pour s’assurer d’un contrôle similaire sur les transactions périphériques, une acculturation judiciaire similaire s’est produite avec les petits seigneurs des environs. Au début du xiiie siècle, les chevaliers authentifiaient eux-mêmes, avec leur propre sceau, l’acte de vente de terres se situant sur leur seigneurie. En 1218, Robert de Sequehart, bourgeois de Saint-Quentin, et Heisse, sa femme, vendaient à Jean de Sequehart, également bourgeois de Saint-Quentin et frère du vendeur, une terre située à Sissi avec les hommes qui y demeuraient, moyennant 2 d. par an, à payer au sire de Sissi. L’acte de vente fut passé devant Witasse, chevalier, sire de Sissi405. En février 1257 n.st., Jacques Prière, bourgeois de Saint-Quentin, après avoir pris le conseil de ses amis, abandonnait pour 9 ans à Gérard Prière, son oncle, et Renier le Convers, son frère, tous deux bourgeois de Saint-Quentin, son fief tenu de Huon, chevalier, seigneur de Fieulaine. L’acte fut simplement passé sous le sceau d’Huon de Fieulaine, chevalier406. Mais tel ne fut plus le cas par la suite. On ne sait pas exactement quand ni pourquoi, mais dans le courant du xiiie siècle, tous les seigneurs des environs se dotèrent d’un échevinage. On trouve la trace d’une vingtaine d’échevinages à l’intérieur de la banlieue  : à Soyecourt, Estreiller, Pontoiles, Torigny, Gauchy, Harly, Essigny, Itancourt, Omissy, Urviller, Clastres, Dalon, Fayel, Fresnoy-les-Gricourt, Jeancourt, Lehaucourt, Maissemy, Saint-Eloy-Fontainnes, Villerel, Wiancourt, Étricourt. Au xive siècle la transition est complétée  : dans toutes les seigneuries des alentours, les seigneurs n’agissaient plus de leur propre chef pour les transferts de saisine. Ils avaient désormais recours eux aussi à des échevins qu’ils avaient créés. En mai 1325, Quentin de Monchiaus, clerc, fils de feu Jean de Monchiaus, tanneur, hors de bail et de mainbourg et en âge suffisant, échangeait avec Maroie de Monchiaus, sa soeur, en son demoisellage, un demi-muid de blé de rente assignée à Fayet et provenant de l’héritage de leur mère, Maroie Pokette, contre 2 setiers et 1 verge de terre Fresnoy-le-Petit407. La transaction se fit devant les échevins de Fayet du détroit de monseigneur Dreu de Roye, chevalier408. Les échevins de la Vicomté-le-Roi ont le contrôle de ces petits échevinages seigneuriaux. L’ensemble des chirographes retrouvés à l’intérieur de la prévôté-châtellenie de Saint-Quentin suivaient les formes, tant matérielles que juridiques, en vigueur dans la ville. Leur soumission à l’échevinage de la Vicomté-le-Roi, assurait au minimum l’uniformité du droit, tant à l’intérieur de la ville et de sa banlieue, qu’à l’extérieur, dans la prévôté, et ce même si l’échevinage féodal ne s’occupait que d’une rue de la ville, d’un détroit ou d’un village. 404 Saint-Quentin, AM, liasse 176, dossier C, n° 1 (Lemaire, n° 370 ; Le Proux, n° 25). La pratique, attestée à 15 reprise

au xiiie siècle, cesse vers 1280. Saint-Quentin, AM, liasse 24 (Lemaire, n° 346 ; Le Proux, n° 2). Saint-Quentin, AM, liasse 24 (Lemaire, n° 392). Com. de Gricourt. Saint-Quentin, AM, liasse 25.

405 406 407 408

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La justice municipale et les justices féodales | chapitre v

Conclusion C’est l’action conjuguée de la commune et du roi qui a fait du fief judiciaire et de la seigneurie banale une espèce en voie de disparition dans la ville à la fin du Moyen Âge. Dès Louis IX, les anciens officiers comtaux ne présentèrent plus une réelle menace pour la justice communale. Rapidement maîtrisés, ceux-ci sont tous devenus des fiefs royaux que la ville et le roi se sont empressés de rendre inoffensifs. Lentement, mais sûrement, certains furent démembrés, tandis que d’autres passèrent sous le contrôle de la commune, du chapitre collégial ou d’un bourgeois. La plupart ne conservèrent qu’un intérêt symbolique et financier. Plusieurs finirent par disparaître simplement. C’est grâce à sa prise de contrôle de l’échevinage que la commune prit également le contrôle des anciens officiers de justice des comtes de Vermandois. Au xive siècle, le châtelain et le vicomte n’étaient plus que des exécutants dociles des sentences rendues par les échevins, puis par la commune. Le maire féodal ne disparut probablement pas. S’il conserva symboliquement sa charge sur une portion réduite du territoire urbain, l’ancien castrum, la plupart de ses attributions se confondirent vraisemblablement avec celles du maire de la commune qui devint le treizième échevin. Puis, la commune acheta ou prit à ferme des fiefs, surtout ceux qui avaient conservé quelques droits de justice. Quant au roi, il profita de la moindre occasion pour pulvériser les fiefs, pour les redistribuer sous forme de cadeaux à ses proches ou à des bourgeois fidèles. À la fin du xive siècle, la consistance d’un fief urbain conservait au mieux quelques banalités sur une ou deux maisons. Au pire, un ou deux chapons ou une paire de souliers assuraient un revenu et un surcroît de notabilité. Tout fut une question de prestige, car, au point de vue économique, il n’y avait pas de quoi pavoiser dans la plupart des cas. Enfin, le contrôle de la justice féodale s’étendit largement au-delà du territoire urbain. En tant que chef de sens, l’échevinage dispose du pouvoir de contrôler le contenu juridique des chirographes passés dans l’ensemble de la prévôté. Les officiers féodaux sortirent grands perdants du réaménagement de la justice dans la ville à partir de l’apparition de la commune. Ceux-ci continuèrent, dans une certaine mesure, à exercer quelques-unes de leurs anciennes prérogatives judiciaires. Mais à la fin du xive siècle, la plupart des fiefs situés dans la ville étaient tenus par des bourgeois. Pratiquement tous ont perdu leur rôle actif dans l’exercice de la justice, si ce n’est de participer aux assises royales de la ville. Quand il leur reste quelque chose de concret, il est plutôt perçu comme une contrainte que comme un avantage réel. Ainsi, en 1396, Marie de Gauchi, dernière à tenir en fief la châtellenie avant le chapitre de Saint-Quentin, déplora de la sorte que, comme chastelaine, a cause de mondit [ fief ], quant li eschievins de Saint Quentin jugent a mort une personne je suy tenue de le faire executer et le faire mettre a execution a mes perilz et a mes fraiz et despens selon leur sentence409.

409 Paris, AN, P 135, n° 285, 1er juillet 1396.

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Chapitre VI

Les juridictions ecclésiastiques

Avec les officiers royaux, les autorités ecclésiastiques étaient au Moyen Âge les plus grand rivaux des villes en matière de justice. À l’instar comme les communes, l’Église développa sa justice dans les villes entre la fin du xiie et le début du xiiie siècle. À la manière de la commune et du roi, le chapitre collégial de Saint-Quentin se confronta à son autorité supérieure  : l’évêque de Noyon. Saint-Quentin, ville d’un saint martyr, attira plusieurs abbayes qui, aux xe–xiie siècles, profitèrent des largesses du comte pour devenir d’importants seigneurs temporels410. Tous ces pouvoirs ecclésiastiques affrontèrent la ville tant pour des raisons spirituelles que temporelles. Il a paru utile d’étudier chacun d’eux dans leur rapport avec la justice municipale. A. Les autorités spirituelles : le chapitre de Saint-Quentin et l’évêque de Noyon L’évêché de Noyon a été constitué à partir de deux pagi, le pagus Viromandensis et le pagus Novomagensis411. l’évêque avait dû disposer de deux chapitres, un pour chacun des pagi de son diocèse. La tradition locale perpétuait le fait que Saint-Quentin fut le premier siège de l’évêché. Son chapitre se considérait comme l’égal d’un chapitre cathédrale et revendiquait le même statut. La vile présente la particularité d’avoir été soumise à deux autorités spirituelles : celle de l’évêque de Noyon et celle de son chapitre collégial. 1.

Un chapitre quasi diocésain

Entre le milieu du viie et le ixe siècle, Saint-Quentin était essentiellement une abbaye (abbatia, cœnobium ou monasterium) dédiée au culte de saint Quentin et de ses reliques. Peu après avoir inventé le corps de saint Quentin, Éloi, évêque de l’endroit, chargeait des moines de desservir le sanctuaire412. Il n’est pas singulier de voir associer à la fondation d’un monastère le culte d’un saint local, accompagné par l’écriture d’un texte relatant l’histoire du saint et l’exploit de son découvreur. Le culte de reliques, associé à la fondation d’une église ou d’un monastère, fut une manière de maintenir la fonction religieuse des anciennes civitates et de consolider les centres de pouvoirs413. Le développement du culte de saint Quentin s’est réalisé dans une double relation de complémentarité 410 Ce chapitre doit beaucoup à quelques entretiens avec Pierre Desportes. 411 Ces deux pagi sont cités dans le misticum de novembre 853  : Capitularia regum Francorum, éd. A. Boretius et

V. Krause, dans MGH, Leges, t. 2, p. 275. Voir également A. Longnon, Atlas historique de la France depuis César jusqu’à nos jours, Premère partie : de 58 av. J.-C. à 1380 ap. J.-C., Paris, 1907, p. 122–123 ; J.-C. Malsy, « Vermandois », dans Dictionnaire topographique de Picardie, vol. 3, p. 645–657. 412 P. Héliot, « Chronologie de la basilique de Saint-Quentin », BM, 117 (1959), p. 9. 413 F. Vercauteren, Études sur les civitates de la Belgique Seconde, Bruxelles, 1934  ; A. Lombard-Jourdan, «  Du problème de la continuité : y-a-t-il une proto-histoire urbaine en France ? », Annales ESC, 35 (1980), p. 1121–1142. Voir E. Bozóky, A.-M. Helvétius, Les reliques. Objets, cultes, symboles, Turnhout, 1999.

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Deuxième partie | La justice municipale face aux autres justices

entre le lieu de son culte et son évêque promoteur. Il s’agit dans la province ecclésiastique de Reims du plus ancien monastère basilical, construit autour des reliques d’un saint414. Cette abbaye et son premier abbé, Ebertramne (Ebertramnus), sont attestés vers 660415. On travaillait à la construction de bâtiments supplémentaires au temps de l’abbé Lagbard, au début du viiie siècle416. C’est alors qu’a débuté le culte des reliques de saint Quentin. Ces moines, devenus des chanoines vers 816, avaient décidé de se séculariser pour se constituer en chapitre collégial vers 950417. Probablement au temps du comte Eude, vers 1045, le doyen et les chanoines de l’Église de Saint-Quentin prirent la décision d’abolir la communauté de biens. Ils divisèrent leurs revenus en soixante-douze prébendes complètes, donnant à chacun la possibilité de vivre séparément418. Cette partition du temporel est l’étape finale de la constitution du chapitre collégial. Le chapitre de Saint-Quentin a comme particularité d’avoir maintenu son patronage laïc. Les comtes de Vermandois ont porté le titre d’abbé laïc du monastère. Ils s’étaient assuré la collation de prébendes lorsque l’abbaye s’est constituée en chapitre de chanoine. Lorsque la ville entra dans le domaine royal en 1213, Philippe Auguste avait hérité de cette prérogative. Les prébendes y étaient donc conférées pleno jure par le roi à titre de successeur du fondateur de l’église, Charlemagne, et non pas sporadiquement au titre de la régale419. Après Saint-Martin de Tours, qui a eu une histoire similaire, la collégiale de Saint-Quentin faisait partie des bénéfices les plus recherchés par les familiers du roi420. Avec ses soixante-douze prébendes, le chapitre collégial de Saint-Quentin était l’un des plus importants du Nord de la France. Il était comparable au chapitre métropolitain de Reims (72 prébendes) et suivait de près le chapitre cathédral de Laon (83 prébendes). La fiscalité pontificale taxait initialement les prébendes à la décime sur la base d’un revenu net de 40 £ parisis, soit autant que celles du chapitre cathédral de Noyon (contre 60 £ à Laon et à Reims). Au milieu du xiiie siècle, les gros fruits auraient rapporté à chaque chanoine 38 muids de blé et 100 s. d’argent par an à quoi s’ajoutaient les distributions. Les prébendes étaient censées produire le même revenu. Pour maintenir cette égalité, une redistribution ou partition des prébendes se faisait tous les six ans. Le système, au point à partir de 1230, est donc semblable à celui pratiqué à Laon ou à Reims421. Les chanoines étaient astreints à trente semaines de résidences annuelles avant qu’une ordonnance du chapitre général ne ramène leur stage annuel à 20 semaines en 1274422. Du reste, à cause des conflits incessants avec la commune, peu de bourgeois sont attestés comme chanoines avant la seconde moitié du xive siècle. 414 J.-L. Villette, «  Passiones et Inventiones S. Quintini, l’élaboration d’un corpus hagiographique du Haut Moyen

Âge », dans Mélanges de science religieuse, 56, n° 2 (1999), p. 49–76.

415 Dom Mabillon, De re Diplomatica, livre VI, Paris, 1709, p. 605, n° clxxxvii, n° clxxxix, p. 606 ; Folcuin, Char-

tularium, éd. PL, vol. 136, col. 1187, an. 660. 416 BHL, n° 7017. 417 Ibid. 418 Gallia Christiana, t. 9, col. 1045 ; Quentin de la Fons, Histoire particulière de l’Église de Saint-Quentin, op.cit., p. 180–181. 419 G. Mollat, « Le roi de France et la collation plénière (pleno jure) des bénéfices ecclésiastiques », Mémoire présenté par divers savant à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 142 (1952), p. 107–252 ; J. Gaudemet, La collation par le roi de France des bénéfices vacants en régale des origines à la fin du xive siècle, Paris, 1935. 420 Q. Griffiths, « Les collégiales royales et leurs clercs sous le gouvernement capétien », Francia, 18 (1991), p. 93–110. 421 P. Desportes, Fasti ecclesiæ Gallicanæ, t. 3 : Diocèce de Reims, Paris, p. 3–21 ; H. Millet, Les chanoines du chapitre cathédrale de Laon, 1272–1412, Rome, 1982. 422 Laon, AD Aisne, G 783, p. 38–39, 4 mai 1274.

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Les juridictions ecclésiastiques | chapitre vi

Le chapitre comptait trois dignitaires : le doyen, le coûtre et le chancelier, pourvus chacun d’une prébende, d’un bénéfice supplémentaire et d’un fief tenu directement du roi pour les deux premiers423. Ces dignitaires étaient institués par le roi, sauf le doyen, que les chanoines élisaient au préalable, avant que le roi ne le confirme dans sa dignité424. N’étaient pas des dignitaires du chapitre le prévôt, aboli au xiiie siècle, le chantre (notamment Josquin des Prés) et le sous-chantre, qui contribuèrent à la réputation du chœur, et le trésorier, qui était sous la dépendance du coûtre. Comme le maire pour la commune, le doyen était le chef du chapitre. Il avait soin de la discipline et il était le gardien des privilèges et des biens communs. Il présidait les assemblées, le chœur, les chapitres ordinaires et généraux. Il était astreint en retour à une résidence continue425. Premier dignitaire du chapitre, son prestige était grand : dans presque tous les documents qui concernent le chapitre, son titre vient en premier, selon la formule les doyen et chapitre de Saint-Quentin. Son habit était différent de celui des simples chanoines : en été, il portait un rochet à l’égal d’un évêque, avec une aumusse blanche faite d’hermine  ; en hiver il était vêtu d’une chape, avec un chaperon fourré de peau d’hermine426. Son influence dans la ville était importante, comme en témoignent les nombreux dons de pots-de-vin que les autorités de la ville lui remettaient à Noël427. Le second dignitaire, le coûtre ou custos, portait le nom de sa fonction : il avait la garde (custodia) des reliques et veillait à tous les aspects matériels de la vie de la communauté. Il était seigneur du détroit d’Aouste (districtum Augusta) délimité sur la carte IV. À l’issue de plusieurs conflits, il fut contraint de vendre ses droits de justice à la ville en 1294428. Le coûtre jouissait en outre des revenus les plus élevés au sein du chapitre, dépassant même ceux du doyen429. Ceci ne manqua pas de susciter la jalousie de ses collègues chanoines. En mars 1373, Charles V commença à démembrer ce fief en donnant au chapitre 32 £ parisis de revenus divers provenant de la coûtrerie430. L’office disparut définitivement en 1486 et son union à la mense capitulaire fut prononcée en 1494. Probablement un des bénéfices les plus intéressants du royaume, les titulaires de cette dignité étaient très près du roi, voire des membres de sa propre famille431. Eudes de Saint-Denis (1256-† 1284), était clerc du roi et un des premiers maîtres du Parlement. Guillaume de Crépy (1294–† 1341), également clerc du roi, était garde de son sceau. 423 Paris, AN, P 135, n° 234 et 238. 424 Quentin de la Fons, Histoire particulière de l’Église de Saint-Quentin, op.cit., p. 370, G. Le Bras, Institutions ecclé-

siastiques de la chrétienté médiévale, Paris, 1964–65, p. 380 ; F. Lot, R. Fawtier, Histoire des institutions françaises au Moyen Âge, t. 3, Institutions ecclésiastiques, op.cit., p. 193. 425 Quentin de la Fons, Histoire particulière de l’Église de Saint-Quentin, op.cit., p. 370–374. Sur la résidence obligatoire des chanoines : Coliette, t. 3, l. 15, n° CXXVI. Il y avait toutefois des moyens pour les inciter à la résidence, comme de les rémunérer quand ils assistaient à la lecture des heures : Laon, AD Aisne, G 783, p. 39 ; Quentin de la Fons, Histoire particulière de l’Église de Saint-Quentin, op.cit., p. 187. 426 Quentin de la Fons, Histoire particulière de l’Église de Saint-Quentin, op.cit., p. 370. 427 Saint-Quentin, AM, liasse 123, n° 4, 5, 6 et 7. 428 Coliette, t. 2, p. 702 ; Lemaire, n° 142, mars 1294 n.st. 429 Soit environ 300 muids de blés, 154 chapons, 147,5 poules, 50 poulets, 4 fouaches (fougasses), 6 livres de cire, 156 £ 3 s. 6 d. de rentes diverses pour le coûtre contre 30 moyes de terres cultivable et 12 moyes de bois, un jardin valant 16s. de rente, 19 £ p. de rente sur plusieurs maisons, 60 poules, 300 œufs et 27 s. parisis de rente sur plusieurs terres, 1 rente appelé la garde du bois valant 1 muid de blé, les mairies d’Itancourt (17 £ 6 s. parisis de cens) et de Bohain (que l’hommage). Voir Paris, AN, P 135, n° 234, 1er juillet 1373, n° 238, 12 septembre 1374 et n° 248, 12 juin 1383 ; Quentin de la Fons, Histoire particulière de l’Église de Saint-Quentin, op.cit., p. 191 et s., p. 193 et s. 430 Laon, AD Aisne, G 788, p. 17–18. Sur ce personnage voir R. Cazelles, Société politique, noblesse et couronne sous Jean le Bon et Charles V, op.cit., p. 402–410. 431 Voir Q. Griffiths, « Les collégiales royales et leurs clercs sous le gouvernement capétien », op.cit.

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Philippe de Majorque (1303–†1341) était quant à lui cousin de Philippe le Bel. Guillaume de Sainte-Maure, maître des requêtes puis chancelier de Philippe VI, cumula la dignité avec de nombreux autres bénéfices432. Les autres bénéfices de Guillaume de Sainte-Maure consistaient en la trésorerie de Laon, le doyenné de Tours, la prévôté de Saint-Martin de Canda, de nombreux canonicats, notamment à Paris, Amiens et Tours, le rectorat de Breteville dans le diocèse de Rouen, un office de notaire de la curie de Narbonne et le prieuré de Bonny dans le Loiret. À sa mort, il fut remplacé en 1343 par quelqu’un de tout aussi important auprès de Jean II et de Charles V, Guillaume de Melun, qui fut troisième conseiller au Parlement. Tout aussi cumulard que son devancier, Guillaume de Melun, qui était également chanoine à Paris, Orléans, Amiens et en expectative à Chartres, devint archevêque de Sens en 1345433. La chancellerie connut une évolution comparable au coûtre. Son rôle, important à l’époque des comtes de Vermandois, qui l’utilisent comme le leur, ne cessa ensuite de se restreindre et son titulaire perdit vraisemblablement la qualité de dignitaire avant la fin du Moyen Âge. La juridiction spirituelle du chapitre n’était pas différente de celle d’un évêque434. Le doyen possèdait les droits de visite sur les paroisses de la ville qui lui étaient soumis. Ayant comme premier devoir de pourvoir au salut de l’âme des fidèles qui étaient sous sa responsabilité, le chapitre assurait la propagation de la parole de Dieu dans la ville. À cette fin, il choisissait les prédicateurs et il approuvait ceux qui voulaient s’adresser au peuple. Personne ne pouvait prêcher à Saint-Quentin sans l’autorisation du chapitre ou propager des enseignements contraires à la foi et aux dogmes de l’Église sans se faire réprimander. Ainsi, lors de l’affaire Jean de Mozon, en 1386, le chapitre interdit aux Dominicains de prêcher dans la ville, parce qu’ils diffusaient des doctrines condamnées par l’Université de Paris435. Il agit de même contre les Franciscains, en 1409, parce que leur lecteur avançait des propositions erronées436. De plus, la collégiale – et toutes les églises qui en dépendaient – avait des usages particuliers, distincts de ceux du reste du diocèse, non seulement pour les fêtes et les cérémonies, mais aussi en ce qui concernait la substance de l’office437. Le chapitre disposait de l’autorité sur l’autre chapitre collégial de la ville, celui de Saint-Pierre et de Sainte-Pécinne ou de la Sainte Piscine. La fondation de cette église aurait été décidée par le comte Hugues le Grand, époux de la comtesse Adèle, à la fin du xie siècle et le bâtiment achevé en 1121. Les chanoines seraient arrivés beaucoup plus tard, un peu avant 1196. Les prébendes de cette collégiale, au nombre de douze et d’un faible revenu, étaient conférées par le chapitre de Saint-Quentin. Les chanoines de Sainte-Pécinne et les curés des paroisses dépendantes devaient avec tout le bas chœur comparaître devant les chapitres généraux. Le chapitre dispensait également l’enseignement dans la ville par l’intermédiaire des curés de paroisse, pour l’éducation de base, et par celui du collège des Bons Enfants, pour l’enseignement secondaire. Comme nous l’avons vu, refondé par un 432 R. Cazelles, La société politique et la crise de la royauté sous Philippe de Valois, op.cit., p. 99–105. 433 Iibid., p. 386. 434 Pour un rapide tour d’horizon, voir F. Lot, R. Fawtier, Histoire des institutions françaises au Moyen Âge, t. 3, Institu-

tions ecclésiastiques, op.cit., p. 264 et s. 435 Quentin de la Fons, Histoire particulière de l’Église de Saint-Quentin, op.cit., p. 306–307. Sur les Dominicains et l’affaire Jean de Monzon, voir M. Lamy, « Les Dominicains dans la tourmente : les suite de l’affaire Jean de Monzon », dans Études Jean-Louis Biget, Paris, 2000, p. 177–200. 436 Quentin de la Fons, Histoire particulière de l’Église de Saint-Quentin, op.cit., p. 306–307. 437 Il avait par conséquent un bréviaire, un martyrologe, un obituaire et un missel distincts du reste du diocèse  : Saint-Quentin, BM, manuscrits n° 1–7.

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couple de bourgeois, ce collège fut mis au service de l’éducation des enfants des familles notables de la ville. Enfin, le chapitre de Saint-Quentin était un important seigneur terrien. Dans l’étendue de la prévôté de Saint-Quentin, au moins dix-neuf villages le reconnaissaient comme seul seigneur438 et sur dix-sept autres il avait des droits partagés avec d’autres seigneurs439. Dans la prévôté de Péronne, il était seigneur de neuf villages440, de deux dans la prévôté de Montdidier441, et de trois dans la prévôté de Chauny442. Près de Noyon, il était seigneur de Waripont, Mondescourt et Neuflieu. Depuis Dudon de Saint-Quentin, il était le seul seigneur de Bourg-Dun, et co-seigneur de Sotteville-sur-Mer, de Chapelle-sur-Dun et de Saint-Nicolas de Veulles situé dans le bailliage de Caux en Normandie443. 2.

Une ville, deux autorités spirituelles

La deuxième autorité ecclésiastique de la ville était l’évêque de Noyon dont le siège fut anciennement à Augusta Viromanduorum/Saint-Quentin. Rien ne prouvant l’existence d’un siège épiscopal dans le pagus Viromendensis avant le début du vie siècle, Augusta Viromanduorum n’a réussi à avoir un évêque que du temps de Clovis444. Le premier évêque que l’on connaisse, Sophronius, fut présent au concile d’Orléans en 511 et se disait episcopus Viromandis445. Mais déjà à l’époque de Grégoire de Tours, Augusta Viromanduorum n’était peut-être déjà plus une cité épiscopale. On attribue à saint Médard un transfert plus ou moins définitif du siège diocésain de Saint-Quentin à Noyon au milieu du vie siècle, après la ruine d’Augusta Viromanduorum446. La vita prima de saint Médard dit qu’il fut ordonné évêque in Viromandensium urbis447, mais que ce fut à Noyon, en 544, qu’il consacra la reine Radegonde en qualité de diaconesse448. En se fondant sur un court passage de la vita de saint Médard, Roger Dion a émis l’hypothèse que le saint déménageur aurait opéré le transfert du siège épiscopal par amour du vin. Il existait à cette époque un vignoble renommé qui

438 Arr. de Saint-Quentin : Essigny-le-Grand, Bellicourt, Castres, Contescourt, Croix-Fonssommes, Cepy, Fontaines-les-

Clercs, Giffecourt, Harly, Mesnil-Saint-Laurent, Rouvroy, Jeancourt, Levergies, Omissy, Tugny, Dury, Avesne et Vermand. Arr. de Laon : Liez. 439 Arr. de Saint-Quentin : Itancourt, Artemps, Bray, Buyscourt, Clastres, Etreillers, Fluquières, Happencourt, Joncourt, Marteville, Roupy, Selency, Pontruet, Vendelles, Villecholles, Villevêque. Arr. de Laon : Ugny. 440 Somme, arr. de Péronne  : seul seigneur sur Guizancourt, Flez, Quivières et Mesnil-Saint-Quentin, et en partie sur Fléchin, Bernes, Hervilly, Hesbécourt et Soyecourt. 441 Somme, arr. de Montdidier : Bayonvillers et Hangest. 442 La Haurie, Sinceny et Grehan. 443 Dudon de Saint-Quentin, De moribus et actis primorum Normanniae ducum, éd. J. Lair, Mémoire de la société des antiquaires de Normandie, 23 (1858–1865), 2e partie, p. 122–174. 444 J.-L. Collart, « Le déplacement du chef-lieu des Viromandui au Bas-Empire », RAPic, 3–4 (1984), p. 245–258, se base, entre autre, sur le fait qu’Augusta semble en partie abandonnée au iiie siècle pour faire de Vermand le premier siège de l’évêque de Vermandois. Pour ce constat, il s’appuie sur des découvertes archéologiques de tombes près de Vermand et suggère que c’est cette dernière localité qui qualifie l’évêque Sophronius en 511. De plus, il privilégie la Passio sancti Quintini qui distingue la Viromandis civitatem et le municipium Augusta Viromanduorum sans se soucier de la Vita sancti Eligi qui indique que le municipium, donc Augusta Viromanduorum, est la ville principale de la métropole. Voir J.-C. Malsy, « Vermand », dans Les noms de lieux du département de l’Aisne, t. 3 : S-Z, Paris, 2001, p. 639–645. Il n’y a que Reims dans la région qui est dotée avec certitude d’un siège épiscopal dès le milieu du iiie siècle : L. Duchesne, Fastes épiscopaux de l’ancienne Gaule, t. 3 : Provinces du Nord et de l’Est, Paris, 1915, p. 12–17. 445 L. Duchesne, Fastes épiscopaux de l’ancienne Gaule, op.cit., t. 3, p. 102. 446 Acta Sanctorum, juin, t. 2, p. 86. Voir E. Lefèvre-Pontalis, Histoire de la cathédrale de Noyon, Paris, 1900, p. 2. 447 Vita Medardi, éd. B. Krusch, dans MGH, Auct. Ant., t. 42. Berlin, 1885, p. 69. 448 Vita sanctæ Radegundis, éd., B. Krusch, dans MGH, Auct. Ant., t. 42. Berlin, 1885, p. 41.

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s’étendait sur les coteaux de Noyon, à Caumont449. Mais, saint Médard étant possessionné à Salancy, près de Noyon, n’y aurait peut-être qu’élu lieu de résidence450. Enfin, contrairement à Augusta Viromanduorum, Noyon était alors fortifiée, chose importante pour se protéger d’une pénétration particulièrement violente de barbares451. Toutefois, comme le rapporte Grégoire de Tours, un prêtre aurait subsisté à Augusta Viromanduorum452. Une école publique fréquentée est par ailleurs attestée au vie siècle453. Le transfert définitif du siège vers Noyon se serait plutôt effectué avant 614, année ou l’évêque Bertmundus, se disant ex civitate Nocciomo, assista au concile de Paris454. Si saint Ouen, rédacteur contemporain de la vita de saint Éloi455, plaçait encore le siège épiscopal in Vermandensi scilicet quae metropolis urbi, Éloi signa episcopus ecclesiae Noviomensis au concile de Chalon-sur-Saône tenu entre 647 et 653456. Mais, Jonas de Bobbio, dans la vita de saint Colomban, parle de saint Éloi en tant qu’évêque de la Vermandensis ecclesiae457. Qu’en conclure  ? Au ixe siècle, Hincmar de Reims percevait Viromandis comme une ancienne ville épiscopale déchue de son rang458. Il est probable que l’évêque continua à se faire appeler Veromandensis ac Noviomagensis ecclesie episcopus jusqu’à la fin du ixe siècle459. Pour ces raisons historiques, le chapitre de Saint-Quentin a rechigné à se soumettre à l’autorité de l’évêque de Noyon. Au xiiie siècle, la large juridiction de l’évêque a fait de chacune de ses visites dans la ville autant d’empiétements sur les attributions du chapitre que seule la coutume lui reconnaissait460. Les conflits étaient incessants et les procès faisant intervenir le pape ou un de ses légats furent très nombreux avant la première moitié du xiiie siècle461. Néanmoins, dès le premier tiers du xiiie siècle, une sorte de modus vivendi finit par se mettre en place, plutôt à l’avantage du doyen et du chapitre. Ce ne fut qu’après un long procès en cour de Rome, commencé au temps d’Innocent III mais conclu par un jugement définitif d’Honorius III, que l’évêque de Noyon réussit à faire reconnaître ses droits diocésains. Si l’évêque parvint à soumettre le doyen et le chapitre de SaintQuentin à son autorité, la connaissance des affaires civiles impliquant les chanoines ne lui fut reconnu qu’en appel462. Cette sentence intervint cependant au moment où les parties 449 R. Dion, « Viticulture ecclésiastique et viticulture princière au Moyen Âge », RH, 212 (1954), p. 5. Elle a été reprise par M. Lachiver, Vins, vignes et vignerons, histoire du vignoble français, Paris, 1988, p. 53. 450 Vita Medardi, éd. op.cit., p. 70. 451 Noyon, ou Noviomagum (nouveau-marché), fut fortifiée dans la seconde moitié du iiie siècle  : R. Fossier (dir.), Histoire de la Picardie, op.cit., p. 78. 452 Grégoire de Tours, Liber in gloria martyrum, éd. op.cit., § 72 ; M. Aubrun, La paroisse en France des origines au xv e siècle, Paris, 1986, p. 11–31. 453 Saint Médard et saint Eleuthère ont effectué des études à l’école publique de Saint-Quentin. Voir M. Heinzelmann, « Studia sanctorum », op.cit., p. 105–138. 454 F. Vercauteren, Études sur les civitates de la Belgique Seconde, op.cit., p. 167 ; P. Héliot, « Quelques éléments de la topographie de Saint-Quentin au Moyen Âge », Bulletin de la société nationale des antiquaires de France, 1958, p. 111–112 ; O. Guyotjeanin, Episcopus et comes, op.cit., p. 32. 455 Vita Eligii episcopi Noviomagensis, éd. B. Krusch, dans MGH, Script. Rer. Mer., t. 4, Passiones vitaque sanctorum aevi merovingici, vol. 1, Hannover, 1902 ; I. Westeel, « Quelques remarques sur la Vita Eligii, Vie de saint Éloi », dans Vie de saints dans le Nord de la France (vi e–xi e s.), p. 33–47. 456 A. Longnon, Géographie de la Gaule au vie siècle, Paris, 1878 ; E. Lemaire, « Les origines de l’évêché de Vermandois », MSA, 4e série, 14 (1902), p. 251–268 ; L. Duchesne, Fastes épiscopaux de l’ancienne Gaule, t. 3, op.cit., p. 99–106. 457 Jonas de Bobbio, Vita Columbani et discipulorum ejus, éd. A. de Vogüé, Bégrolles-en-Mauges 1988, chap. 2, § 10. 458 Hincmard de Reims, Opuscula in causa Hincmari Leudunensis, éd. PL, vol. 126, col. 294D, 545A. 459 Gallia Christiana, t. 11, Instrumenta, col. 359–360 ; O. Guyotjeanin, Episcopus et comes, p. 34. 460 C’était un fait fréquent  : F. Lot, R. Fawtier, Histoire des institutions françaises au Moyen Âge, t. 3, Institutions ecclésiastiques, Paris, 1962, p. 188 et s. 461 C’est grâce à l’appel que la papauté avait acquis et a pu conserver sa prépondérance judiciaire au sein de l’Église. Voir W. Uruszczac, « Les juges délégués du pape et la procédure romano-canonique à Reims dans la seconde moitié du xiie siècle », RHD, 53 (1985), p. 27–41. 462 Saint-Quentin, AM, liasse 185, dossier A (Lemaire, n° 24), 30 juillet 1232.

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produisaient de nouveaux éléments qui semblaient remettre tout en question et ressusciter la querelle. Grégoire IX envoya un légat, Geoffroy (Gaudfridus), cardinal-prêtre de Sainte Sabine, pour entendre les nouvelles raisons alléguées par les parties. Le pape, après avoir entendu les recommandations de son légat, prit la décision de maintenir la décision de son prédécesseur, Honorius III. Il déclara que les chanoines de Saint-Quentin devaient respectueusement obéir à l’évêque de Noyon et que ce dernier exercerait sur eux le droit de visite, de correction et de réforme. En outre, l’évêque put conférer tous les sacrements dont la collation appartenait aux évêques, entendre les confessions de ceux qui voulaient se confesser à lui, prêcher, prendre connaissance des crimes imputés aux chanoines, soit par accusation ou dénonciation, soit qu’ils aient été découverts par une enquête. Dans le chapitre même, il obtint la juridiction pour toutes les causes qui touchaient aux actes ecclésiastiques. Il pouvait prononcer les sentences de suspension ou d’excommunication, mettre l’église de Saint-Quentin en interdit, nommer et destituer, s’il y avait lieu, le doyen et les chanoines, dont l’institution, suivant la coutume de cette église, appartenait au doyen. L’autorité épiscopale était maintenue et confirmée. Mais ce jugement était loin de régler l’ensemble des problèmes. L’évêque, vainqueur sur la question de principe, dut dans les années suivantes abandonner beaucoup de ses prérogatives au chapitre. Ce dernier entendait faire reconnaître ses droits acquis par la coutume avec l’appui du roi, à qui la collation des prébendes appartenait. La papauté, comme pour couper la poire en deux, adopta une position conciliante envers le chapitre contre son évêque. Le conflit réapparut en 1214 à cause de la partition récente de la ville en plusieurs paroisses. En janvier 1238 n.st. l’évêque de Noyon fut contraint d’accepter une sentence arbitrale rendue par l’archevêque de Rouen, qui confirma la pleine et entière juridiction spirituelle du chapitre dans toute l’étendue des neuf paroisses de la ville463. Une bulle d’Innocent IV d’août 1243 entérina l’arbitrage464. Une ultime transaction, datée de mai 1298, confirma la juridiction spirituelle, civile et criminelle du chapitre sur les chanoines, prêtres, chapelains et clercs de l’Église de Saint-Quentin, ainsi que sur leurs serviteurs, clercs ou laïcs465. Malgré tout, ces concessions parurent insuffisantes au chapitre et très en deçà des droits dont il jouissait auparavant. Ce n’était pas seulement les droits paroissiaux qu’il exerçait jusque-là, mais bien les droits épiscopaux dont il s’était emparé à la faveur de son autonomie de fait. La meilleure preuve de celle-ci et du soutien du roi dans cette lutte acharnée contre l’évêque de Noyon se trouve dans la confirmation de la charte de commune par Philippe Auguste en 1195. Celle-ci (§ 42) stipule et érige en règle cautionnée par le roi que les membres de la commune n’avaient pas à répondre en matière spirituelle à un autre juge que le doyen de la collégiale. La présence d’une telle disposition dans un document laïc est révélatrice d’une situation singulière. 3. L’espace judiciaire ecclésiastique Les paroisses, qui ne correspondaient aucunement aux enseignes, étaient une autre division de la ville. Ce ne fut qu’après de multiples accords que la juridiction spirituelle fut finalement divisée entre l’évêque et le chapitre en fonction des paroisses. La basilique et le quartier canonial étaient des quasi équivalents de l’Hôtel de Ville et de 463 Laon, AD Aisne, G 783, p. 143–148. 464 Iibid., p. 149–150. 465 Iibid., p. 162–167.

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la Place du Marché. Outre ce quartier, la juridiction temporelle du chapitre collégial et de l’Évêque de Noyon s’étendait sur presque la totalité des églises et des établissements charitables de la ville. a. La basilique et le quartier canonial Après les comtes de Vermandois, qui s’étaient chargés de l’entretien de la basilique monseigneur saint Quentin, l’initiative était revenue aux membres du chapitre. Le coûtre Gison faisait rebâtir ou restaurer en 952 l’église devenue collégiale à peu près à cette époque466. Au début du xiie siècle, l’église collégiale fut incendiée par Raoul de Nesle467. Le coûtre Mathieu, fort d’une généreuse donation du comte Raoul, entreprit de la reconstruire468. Cette reconstruction marqua peut-être les débuts de l’édification de l’imposante église collégiale actuelle469. Le comte Raoul ier, co-régent du royaume avec Suger, aurait peut-être encouragé les chanoines de sa collégiale à l’imiter. La prétention du chapitre de Saint-Quentin se reflète par les dimensions gigantesques de l’église, dignes des cathédrales les plus importantes de la région : 117 m de long pour 37 m de largeur et 34 m de hauteur. La première phase des travaux se déroula sans problèmes notables. Villard d’Honnecourt y aurait peut-être même contribué470. Le 2 décembre 1257, le passage de Louis IX à SaintQuentin fournit l’occasion au chapitre de consacrer l’église et de transférer les reliques des saints Quentin, Victoric et Cassien de l’ancienne basilique à la nouvelle471. Ayant fait une importante donation pour la poursuite des travaux, Louis IX fut, depuis, considéré comme le second fondateur de l’église de Saint-Quentin472. Le projet initial fut cependant plusieurs fois modifié. Mais, dès le début du xive siècle, le manque d’argent puis l’incompétence de quelque architectes entraînèrent l’instabilité du bâtiment, qui menaça de s’effondrer à plusieurs reprises473. Les travaux s’en trouvèrent dès lors continuellement retardés. Au milieu du xve siècle, l’édifice, qui rivalise tout de même en majesté avec les cathédrales voisines de Laon et d’Amiens, reste inachevé : si on termina la nef, il resta la façade, qui ne fut jamais 466 GC, t. 9, col. 1044. Les Annales Sancti Quintini donnent la date fautive de 942 ; Iohannis Longi, Chronica Monasterii

Sancti Bertini, éd. O. Holder-Egger, dans MGH, Scriptorum, t. 25, Hanovre, 1880, cap. 12, p. 767.

467 Selon Quentin de la Fons, Histoire particulière de l’Église de Saint-Quentin, op.cit., p. 36, deux chartes, l’une de

1102 et l’autre de 1112, mentionnent cet incendie. Une lettre de J., trésorier de l’église de Saint-Quentin, adressée à Lambert d’Arras le mentionne également : PL, 162, n° 73. 468 Coliette, t. 2, p. 150–151 ; Héméré, 1re partie, p. 142–143 et Qentin de la Fons, Histoire particulière de l’Église de Saint-Quentin, op.cit., p. 7–9. 469 Qentin de la Fons, Histoire particulière de l’Église de Saint-Quentin, op.cit., p. 7 ; Coliette, t. 2, p. 139, 150–151. Sur la chronologie de sa construction, voir P. Héliot, « Chronologie de la basilique de Saint-Quentin », op.cit., p. 10 et s. ; Id., La Basilique de Saint-Quentin, op.cit., p. 7 et s. 470 On lui attribue le chœur de l’église collégiale. L’hypothèse a été émise la première fois par P. Bénard, Collégiale de Saint-Quentin : renseignements pour servir à l’histoire de cette église, Paris, 1867, p. 1–18, puis reprise par H. R. Hahnloser, Villard de Honnecourt  : Kritische Gesamtausgabe des Bauhüttenbuches, Vienne, 1935, p. 73–76, 179 et 234–237. Robert Braner, « An unknown Gothic ( ?) drawing from Saint-Quentin », Gesta, 27, n° 2 (1987), p. 151–152, l’a en partie remise en doute. 471 Héméré, 2e partie, p. 54. Voir également Colliette, t. 2, p. 694, Quentin de la Fons, Histoire particulière de l’église de Saint-Quentin, op.cit., p. 11 et s. et Gallia christiana, t. 9, col. 1049. 472 Paris, AN, L 738, dossier 5, n° 53. Quentin de la Fons, Histoire particulière de l’église de Saint-Quentin, op.cit., p. 147. En fait, le roi remit au chapitre le produit de la première année des prébendes vacantes. Voir J. Gaudemet, La collation par le roi de France des bénéfices vacants, p. 50–52. 473 Au xive siècle, le chœur menaça de s’écrouler à deux reprises, en 1316 et en 1393. En 1452, le chapitre poursuivait son maître d’œuvre, Jean d’Eurviller, au Parlement pour fraude et malfaçon sur la nef, qui commençait déjà à se fissurer (Paris, AN, X1a 1483, fol. 122 v°). Ils s’était sans doute adressé au bailli en première instance, car la cause jugée en Parlement y est en appel par le maître d’œuvre. Voir P. Héliot, « Le procès intenté en 1452 à un maître maçon de la collégiale de SaintQuentin », BSAF, 1964, p. 129–134.

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achevée malgré trois siècles de travaux474. Néanmoins, l’église dédiée à saint Quentin resta le centre religieux de la ville. Outre la basilique, certaines portions du territoire urbain appartenaient au chapitre ou à l’un de ses dignitaires. Le temporel du chapitre était constitué de plusieurs immeubles et fiefs éparpillés un peu partout à l’intérieur et à l’extérieur de la ville, sur lesquels il avait seul ou en partie les droits de justice et de seigneurie475. Le chapitre possédait toute la justice temporelle sur la collégiale, son enclos et le quartier canonial qui n’était pas fermé comme ce fut souvent le cas ailleurs476. Une transaction conclue en 1354 entre le chapitre et la commune fixe de façon précise les limites de la juridiction temporelle du chapitre reproduite sur la carte en annexe. Le maire et les jurés reconnaissaient la juridiction du doyen et du chapitre dans ce quartier, désormais délimité par des bornes. Il correspondait à la moitié de la superficie qu’occupait l’ancien castrum carolingien, peut-être encore debout à l’époque477. Le même document inventorie dans le détail les vingt-huit maisons canoniales réparties en demi-cercle autour de la basilique. Deux autres maisons, dites le Four du Temple et les Greniers du Chapitre, situées hors de ce quartier, étaient également soumises à leur seigneurie. Le chapitre disposait de tous les droits de prise et de justice sur elles, dans ce quartier et sur ses habitants. Toutes étaient exemptes de taille ou d’impôt. D’un autre côté, le doyen et le chapitre renoncèrent à donner asile dans ces maisons et dans ce quartier aux individus bannis de la ville par décision du maire et des jurés478. Le système des maisons canoniales était conforme à l’usage habituel : ces maisons restaient la propriété du chapitre qui en cédait la jouissance viagère à ses membres. Comme pour perpétuer la justice divine, l’ensemble des installations judiciaires du chapitre se trouvait accolé à la basilique. Celui-ci disposait d’une prison, située dans le sous-sol du cloître479. La rue de l’Official menait au tribunal du chapitre, également situé dans le cloître. La juridiction du chapitre à l’intérieur de la ville était primitivement plus étendue. Les chanoines cédèrent d’abord le détroit Sainte-Pécinne en 1176. Puis, après une vingtaine d’années de querelles, vers 1294, le coûtre vendit à la commune pour 14 £ de rente annuelle et perpétuelle sa justice sur le districtum Augusta ou destroit d’Aouste480. Son nom laisse entendre qu’il s’agissait de l’ancienne ville romaine  : Aouste est une déformation courante d’Augusta. On sait seulement que ce détroit correspond à la rue Saint-Thomas, également appelée rue d’Aouste481. 474 P. Héliot, « Chronologie de la basilique de Saint-Quentin », op.cit., p. 7–50 ; Id., La basilique de Saint-Quentin,

op.cit.

475 Le temporel du chapitre de Saint-Quentin a été reconstitué à partir des renseignements que fournissent à ce sujet

Quentin de la Fons, Histoire particulière de l’église de Saint-Quentin, op.cit., p. 191–200, 346–356, et deux cartulaires du chapitre, AN, LL 985b et BN, ms. lat. 11070. La table des matières de ce dernier a été publiée par C. Desmaze, « Analyse du cartulaire du chapitre de Saint-Quentin-en-Vermandois », MSA, 3e série, t. 10, p. 461–478. 476 J.-C. Picard, Y. Esquieu (dir.), Les chanoines dans la ville. Recherches sur la topographie des quartiers canoniaux en France, De Boccard, Paris, 1995. 477 P. Héliot, « Quelques éléments de la topographie de Saint-Quentin », op.cit., p. 107–109. Voir la carte II. 478 Livre rouge, n° 138 ; Paris, AN, LL 985b. 479 A. Triou, « Justice et prison à Saint-Quentin à la fin de l’Ancien Régime », Mémoires de la Fédération des Sociétés d’Histoire et d’Archéologie de l’Aisne, 44 (1999), p. 145–166. 480 Paris, AN, X1a 2, fol. 41v (Boutaric, n° 2167), 2 juin 1275, mars 1294 n.st. ; Saint-Quentin, AM, liasse 21, dossier A, n° 38 (Lemaire, n° 459), vers 1275. Boutaric, nos 225*, 414*, 1er novembre 1278. Saint-Quentin, AM, liasse 21, n°2 (Coliette, t. 2, p. 702 ; Lemaire, n° 142), 16 mars 1294 n.st. De nombreux reçus de rente dans la liasse 93, dossier A (xiiie siècle), B (xive siècle) et C (xve siècle). 481 Saint-Quentin, AM, liasse 269, dossier A (Lemaire, n° 105), mai 1277 ; Paris, AN, P135, n° 238, 1373.

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b. Les paroisses La collégiale détenait depuis sa fondation les droits paroissiaux sur le vicus qui s’était développé autour d’elle. Tout au long du xiie siècle, la croissance de la ville avait vraisemblablement été considérable. Vers 1200, la paroisse de la collégiale, restée la seule pour toute la ville, apparut surdimensionnée. En 1214, Robert de Courtonne, légat a latere du Saint-Siège, imposa aux chanoines un redécoupage en neuf paroisses distinctes482. Neuf chapelles, déjà existantes pour la plupart, furent élevées au rang d’églises paroissiales : Saint-André, Saint-Jean, Saint-Jacques, Saint-Martin, Saint-Thomas de Canterburry, Toussaints, Sainte-Catherine, Sainte-Marguerite et Notre-Dame-de-la-Gréance. Le chapitre, abandonnant toute activité paroissiale, conserva toutefois une paroisse pour son usage dans la chapelle de la tour Saint-Michel. Le service paroissial du chapitre était confié à des ruiers483. Les curés de ces neuf nouvelles paroisses étaient désignés par le chapitre. En outre, ils faisaient partie du clergé de la collégiale, ce qui dispensait les chanoines d’avoir à les présenter à l’évêque. Ainsi, si la collégiale ne jouissait pas de l’exemption de visite, les neuf paroisses de Saint-Quentin qui lui étaient soumises constituaient néanmoins, au sein du diocèse, une sorte d’enclave entièrement soustraite à l’autorité de l’ordinaire. Pour compensation, cinq nouvelles paroisses furent créées et soumises à l’autorité de l’évêque. Vers 1250, le nombre des paroisses fut fixé à quatorze : neuf sous l’autorité du chapitre et cinq sous celle de l’évêque. Des cinq qui ne faisaient pas partie du ressort spirituel du chapitre, il y avait deux paroisses monastiques en position périphérique, celle de Saint-Éloi et celle de Saint-Nicaise. Les droits de présentation sur une troisième, Saint-Rémi, étaient à la disposition du doyen, du chapitre et de l’évêque de Noyon, depuis que l’abbaye de SaintPrix les leur avait remis484. Pratiquement sans paroissiens, la raison d’être de cette paroisse était de rappeler, au voisinage immédiat de la collégiale, l’existence du chapitre cathédral de Noyon qui en possèdait le patronage. Par des moyens détournés, le chapitre a réussi à s’assurer la collation des deux dernières, Notre-Dame de la Gréance et Saint-Pierre-au-Canal. Cependant, sur ces cinq paroisses, contrairement aux neuf autres, la justice spirituelle était demeurée aux mains de l’évêque et de son official. À cette réserve près, on peut dire que le chapitre exerçait une autorité quasi épiscopale sur près des trois-quarts de la ville. c. Les établissements charitables Le chapitre et l’évêque de Noyon se disputaient la juridiction spirituelle et, avec la commune, ils se partageaient la juridiction temporelle sur les nombreux établissements charitables de la ville, qui comptait sept hôpitaux, quatre hôtelleries, cinq béguinages et une léproserie. On peut également considérer comme établissement charitable le Collège des Bons Enfants, déjà abordé au chapitre II. Rappelons seulement que sa fondation était due à un couple de bourgeois et que son administration appartenait au chapitre. Le premier hôpital fut fondé par le coûtre Hilrad en 852, dans le cloître de l’église de Saint-Quentin485. Cet hôpital prit probablement le nom d’hôpital des Enflés. Attesté en 482 Laon, AD Aisne, G 783, p. 131–133, août 1214. Voir P. Desportes, « Réflexion sur la paroisse urbaine en France du

Nord », op.cit., p. 46 ; C. Marchand, La vie paroissiale à Saint-Quentin au xve siècle, op.cit., 1985.

483 Selon Pierre Desportes, ces ruiers sont un particularisme local. Il s’agit simplement des curés chargés de desservir l’église

collégiale et sa paroisse.

484 P. Héliot, « Quelques éléments », p. 111. 485 Quentin de la Fons, Histoire particulière de la ville de Saint-Quentin, op.cit., p. 286–289 ; Charles Boutrois, Les

établissements hospitaliers et l’assistance médicale gratuite à Saint-Quentin avant la Révolution, Lille, 1902, p. 15.

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1161, il se trouvait à l’ouest du cloître capitulaire486. Également appelé Infirmerie, il avait pour vocation l’hébergement des malades hydropiques venus implorer la guérison du saint patron de la ville487. Géré par le chapitre, il était confié à un maître et à une maîtresse. Fermé en 1430, un chapelain était peu après commis au contrepoisage (confession ?) des pèlerins le souhaitant, sous le contrôle d’un chanoine. Pour accueillir ces pèlerins et les voyageurs, on dénombre quatre autres établissements. L’hôpital Saint-Antoine est attesté dès 1095. Il accueillait les pèlerins et les voyageurs de passage. Il était administré par la commune et tenu par un concierge488. L’hôpital Saint-Jacques était, comme l’indique son nom, réservé au pèlerin de Saint-Jacques-de-Compostelle en transit par Saint-Quentin. Ceux-ci y recevaient gîte, couvert et vêtements. Le service était assuré par une confrérie de Saint-Jacques du Haut-Pas dirigée par un maître. Cet hôpital était également sous le contrôle de la commune. C’était un établissement prospère, grâce notamment à de nombreux dons de piété en sa faveur489. L’hôpital de Belle-Porte, également connu sous les noms d’hôpital de la Trinité, des Mathurins ou des Ânes, est attesté en 1198. Il était situé près de la Belle-Porte et accueillait des voyageurs. Le chapitre, qui en avait la juridiction, le confia à des Trinitaires en 1256, avec l’assentiment de Louis IX. Cet établissement possédait sa propre église et son propre cimetière490. Pour les pauvres malades de la ville, il y avait le Grand Hôpital, également connu sous les noms de Grand Hôtel-Dieu, Grand hôtellerie, Maison Dieu, Hôpital SainteMarie. Il bénéficia très tôt de donations multiples et importantes491. Il était administré par une maîtresse assistée par un curé. Il était desservi par des sœurs exemptes de vœux regroupées en confrérie Saint-Jean-Baptiste et Saint-Nicolas. Les bâtiments de cet hôpital étaient très importants. Situés face à la collégiale, ils occupaient un îlot entier de plus de 300 m carrés. Au nord-est, se situait le Grand Comble, un vaste grenier qui permettait de stocker les 200 muids de blés annuels qui lui étaient dus. En plus de soigner les malades, l’Hôpital assurait des distributions alimentaires aux pauvres. Le chapitre administrait cet hôpital, mais la commune en réclamait la juridiction temporelle. L’hôpital de Pontoile est attesté vers 1166492, et l’hôpital de la Gréance, fondé en 1191 près de l’église du même nom dans une maison particulière, était destinée à accueillir des pauvres et des infirmes. Administrée par le chapitre, il était confié à un maître493. L’hôpital Saint-Nicolas fut fondé par le doyen Nicolas de Saint-Just († 1332) dans une de ses maisons, rue de la Gréance. Anselme de Lambais fonda l’hôpital des Lambais, vers 1340 dans sa maison. Les autres hôpitaux sont mal connus : l’hôpital des Lorges (ou Loges, près des Jacobins), pour malades et infirmes, l’hôpital Robert Tito, du Porchet (rue des Rosiers) pour les femmes pauvres. Échappait d’abord au chapitre l’hôpital ou béguinage de Buridan. À peine créé, en 1294, l’évêque de Noyon, Guy des Prés, prétendit y avoir toute autorité, juridiction 486 Collart, « Saint-Quentin », op.cit., p. 102. 487 Quentin de la Fons, Histoire particulière de la ville de Saint-Quentin, op.cit., p. 300–302 ; Charles Boutrois, Les

établissements hospitaliers et l’assistance médicale gratuite à Saint-Quentin avant la Révolution, Lille, 1902, p. 22. Iibid., p. 305–306 ; Iibid., p. 19. Iibid., p. 302–304 ; Iibid., p. 30. Iibid., p. 294–297 ; Iibid., p. 20 ; Coliette, t. 2, p. 179–180. Saint-Quentin, AM, liasse 273, n° 1, août 1222 (Lemaire, n° 16). Voir P. Desportes, Testaments saint-quentinois, op.cit., p. xxxii–xl. 492 Quentin de la Fons, Histoire particulière de la ville de Saint-Quentin, op.cit., p. 66  ; Coliette, t. 2, p. 314  ; Boutrois, Les établissements hospitaliers, op.cit., p. 28. 493 Quentin de la Fons, Histoire particulière de la ville de Saint-Quentin, op.cit., p. 304–305. 488 489 490 491

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et l’administration des sacrements494. Son successeur, Simon de Nesle, tenta de faire de même en 1299, et réussit à mettre ce béguinage sous l’autorité du doyen de chrétienté de Saint-Quentin495. Mais la commune conserva la justice sur cet hôpital et le chapitre l’administration des sacrements. Plusieurs dons contribuèrent à faire de l’hôpital de Buridan le second en importance de la ville, après le Grand Hôtel-Dieu. Ce béguinagehôpital était desservi par des femmes, les Buridanes, qui portaient des vêtements religieux, mais qui ne faisaient pas de vœux et qui pouvaient se marier. Elles étaient dirigées par une maîtresse, et elles avaient un oratoire consacré à Saint-Louis et desservi par un chapelain. L’administration et la justice sur l’Hôtel-Dieu du Petit-Pont fondé le 16 mai 1350, ou peut-être avant496, à l’emplacement d’un moulin désaffecté, près du Petit-Pont, appartenaient à son fondateur, l’évêque de Noyon497. L’évêque avait créé cet hôpital pour affirmer sa présence dans la ville. Il y avait établi quatre Augustines et une prieure pour le desservir. Leur but était de soulager les pauvres. Deux sœurs converses les secondaient. C’est la seule fondation postérieure au milieu du xive siècle. Le chapitre ne contrôlait complètement qu’un seul des cinq béguinages de la ville, le béguinage de Fonsommes. En conformité avec les vœux de leurs fondateurs, trois béguinages, celui de Suzannes, de Grenetier et de Buridan, demeurèrent sous l’administration de la commune. Un autre, celui des Buridans, fut placé sous l’autorité spirituelle de l’évêque de Noyon et temporel de la commune. Échappait également au chapitre la léproserie de Saint-Ladre, située à mille pas au sud de la ville. Elle dépendait de l’abbaye de Saint-Quentin-en-l’Isle, qui dut l’avoir fondée, mais, à partir de 1295, elle était administrée par la commune, qui en nommait le maître498. Elle continua de relever de l’abbaye d’Isle pour tout ce qui était du domaine religieux. Les soins étaient assurés par une douzaine de frères et de sœurs. Au xive siècle, les lépreux avaient presque disparu. Un compte ne mentionne plus qu’une seule malade vers 1310499. On fut obligé de faire venir des lépreux de l’extérieur, à titre de comparaison, pour établir un diagnostic500. La Maison de Saint-Ladre fut incendiée par les Anglais en 1339. Elle fut vraisemblablement reconstruite peu après. Le fait que la commune participait activement à l’administration de plusieurs établissements charitables de la ville, dont la léproserie, et que le collège de la ville devait en grande partie sa fondation à un bourgeois démontre ce que Katia Weidenfeld appelle la « laïcisation » de la santé et de l’éducation501. B.

Les officiers de la justice ecclésiastique

Le partage de la justice ecclésiastique et spirituelle entre le chapitre et l’évêque de Noyon amena un dédoublement des offices ecclésiastiques opérant dans la ville. 494 Quentin de la Fons, Histoire particulière de la ville de Saint-Quentin, op.cit., p. 291. Coliette, t. 2, p. 704, 1294. 495 Laon, AD Aisne, G 783, p. 167–168, juin 1299. 496 Attesté dès 1235 : Saint-Quentin, AM, liasse 24, juin 1235 (Le Proux, n° 17). Saint-Quentin, AM, liasse 25, juin

1309. Saint-Quentin, AM, liasse 27, octobre 1350 (Lemaire n° 667) et Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier B, 1356 (Lemaire, n° 667). Le fondateur supposé est Jean de Melun, évêque de Noyon de 1351 à 1352 (GC, t. 9, col. 1016–1017). J.-L. Collart, « Saint-Quentin », op.cit., dit 1370, d’après Gomart (Quentin de la Fons, Histoire particulière de la ville de Saint-Quentin, op.cit., p. 297–298, n.). 497 Quentin de la Fons, Histoire particulière de la ville de Saint-Quentin, op.cit., p. 297–300. 498 Saint-Quentin, AM, liasse 269, dossier A (Gomart, t. 5, p. 389), vers 1165. 499 Saint-Quentin, AM, liasse 269, dossier A, n° 55, s.d., vers 1310. 500 Saint-Quentin, AM, liasse 269, dossier C, n° 4 (Lemaire, n° 774), 19 août 1394. 501 K. Weidenfeld, Les origines médiévales du contentieux administratif, op.cit., p. 138 et s.

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Les juridictions ecclésiastiques | chapitre vi

1. Les officiers de justice du chapitre de Saint-Quentin L’essentiel des officiers du chapitre en matière de justice était sous le contrôle et au service de son officialité. Pour aider cet official dans l’exercice de sa juridiction, le chapitre disposait d’un promoteur, d’un scelleur, d’un greffier, de procureurs, de notaires et d’appariteurs. a. L’official La ville était sous la juridiction de deux officialités : celle de son chapitre collégial et celle de l’évêque de Noyon. En même temps que les paroisses, apparait une officialité distincte de celle du diocèse. La diffusion de l’institution dans la province ecclésiastique fut rapide. Les officialités sont vraisemblablement nées à Reims dans les années 1170502. L’officialité du chapitre pourrait avoir été créée vers 1199, après que l’évêque Noyon ait définitivement reconnu le privilège des habitants de Saint-Quentin de ne dépendre que de l’officialité du chapitre503. Avant 1229504, l’official reçu la charge de juge ordinaire dévolue au doyen du chapitre au for externe pour les paroisses de la ville soumise à la juridiction du chapitre. Le chapitre ne reconnaissant pas l’autorité de l’évêque comme son ordinaire, les appels des sentences émises par l’official allaient directement à Reims. La juridiction spirituelle du doyen était déléguée à cet official505. À la justice rendue au xiie siècle par les chanoines en chapitre, succéda une justice professionnelle rendue par l’official qui usait désormais de la procédure romano-canonique. Cet office était renouvelé tous les ans et le titulaire censé être membre du chapitre. En 1229, le maire et les jurés s’étaient plaints à Reims que le doyen Jean Barastre, détesté autant de ses chanoines que de l’administration municipale, y avait établit qui bon lui semblait, chanoine ou non, au préjudice de la coutume ordinaire de l’église de Saint-Quentin506. Nécessairement clerc, il n’était pas forcément chanoine, comme Pierre de Beauvois (1229), qui fut simplement chapelain507, Me Herbert de Marle (1342) ou Me Quentin Machue (1402)508. L’official fut longtemps choisi par l’ensemble du chapitre, puis d’un commun accord, à partir de 1396, le doyen et les chanoines consentirent à le nommer alternativement chaque année509. Chacun devait agréer à la nomination effectuée par l’un ou par l’autre. Généralement, l’official était simplement reconduit d’une année à l’autre510. Dans la ville, en fonction des paroisses, l’official du chapitre de Saint-Quentin exerçait une justice ecclésiastique contentieuse et gracieuse concurrente de l’évêque de 502 P. Fournier, Les officialités au Moyen Âge, Paris, 1880, p. 3–7 ; O. Guyotjeannin, « Juridiction gracieuse ecclésiastique et naissance de l’officialité de Beauvais (1175–1220) », dans À propos des actes d’évêques, Hommage à Lucie Fossier, Paris, 1991, p. 295–310 ; V. Beaulande, Excommunication et société dans la province ecclésiastique de Reims du ive concile de Latran au concile de Trente, Thèse d’histoire, Université de Paris I – Panthéon-Sorbonne, 2003. 503 Laon, AD Aisne, p. 128, septembre 1199. 504 Laon, AD Aisne, G783, p. 135, juillet 1229. 505 Fournier, Les Officialités au Moyen Âge, Paris, 1880, p. 170–174. 506 Voir Quentin de la Fons, Histoire particulière de la ville, op.cit., t. I, p. 312, et Histoire particulière de la ville de SaintQuentin, op.cit., p. 229. 507 Comme l’official de la ville avait jusqu’alors été nommé parmi les chanoines, le maire et les jurés portèrent plainte contre le doyen Jean Barastre devant l’officialité archiépiscopale de Reims. Pierre de Beauvois fut déposé de son office et un chanoine fut nommé pour le remplacer. Voir Quentin de la Fons, Histoire particulière de la ville de Saint-Quentin, op.cit., p. 312. 508 Quentin de la Fons, Histoire particulière de la ville de Saint-Quentin, op.cit., p. 312–313. 509 Quentin de la Fons, Histoire particulière de la ville de Saint-Quentin, op.cit., t. 1, p. 314. 510 Quentin de la Fons, Histoire particulière de l’Église de Saint-Quentin, op.cit., p. 314.

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Noyon et pour certains cas, en concurrence directe avec celle de l’échevinage. L’official du chapitre était un juge unique. Il jugeait dans un local annexe à la basilique. Sa compétence dans la ville s’exerçait dans le quartier canonial et dans les neuf paroisses soumises au chapitre. Pour les quatre autres, les causes allaient devant l’official de Noyon. La juridiction criminelle du chapitre s’appliquait à tous les clercs de la ville ou pour tout crime commis à l’encontre d’un clerc. C’était également devant lui que se réglaient la plupart des conflits entre les laïcs de la ville et les clercs. La justice de l’official s’appliquait également sur les bourgeois et les autres habitants laïcs quand il s’agissait de matières spirituelles511. Elle s’étendait cependant au civil et au criminel quand il s’agissait de juger les cas impliquant des clercs ou commis contre des clercs dans la ville et sur tout l’ensemble des justiciables quand le crime était perpétré dans le quartier canonial512. L’official avait également la charge d’instruire les procès au Parlement pour le chapitre. Dans tous les cas, les appels des sentences prononcées par l’official de Saint-Quentin se faisaient directement devant l’une des deux officialités de l’archevêque, à Reims, sans passer par celle de leur ordinaire, l’évêque de Noyon. En plus d’avoir la charge d’exercer la juridiction du chapitre, l’official préparait également les procès au Parlement pour le chapitre513. Peu à peu, l’official s’était également occupé des actes de chancellerie du chapitre qui étaient passés sous le sceau de l’officialité. Il s’était donc mis à exercer une juridiction gracieuse concurrente de celle des échevinages de la ville. Sollicité surtout par les clercs de la ville, on avait recours à lui pour des actes les plus divers. Dans des transactions mobilières ou immobilières, l’official donnait souvent le vidimus des contrats passés devant un échvinage514. Il s’agissait, pour un clerc, d’une confirmation supplémentaire. C’était devant lui qu’étaient passés les testaments reçus par les curés des paroisses soumises à son autorité515. On manque cependant de sources pour étudier l’évolution du rôle de l’official face à la commune. Il est possible justement que l’échevinage de la ville ait cherché à empiéter sur la compétence testamentaire des officialités comme ce fut le cas à Douai par exemple. La tentative dut cependant tourner court, car elle n’est attestée que par un seul et unique testament chirographié, daté de 1233516. Notons toutefois que jamais la commune ou l’échevinage n’a réclamé de pouvoir recevoir le testament de ses bourgeois. Pour la période, mis à part un léger accrochage avec son appariteur quant au travail lors des jours fériés517, il n’y eut aucun conflit de juridiction directe entre l’official et la ville pour une matière spirituelle. b. Les notaires Il y a également peu de renseignements concernant les notaires de l’officialité. Au moins deux notaires ou tabellions jurés avaient pour charge de rédiger les divers instruments publics qui devaient recevoir le sceau de l’officialité. La provision accordée à Jean Payen en avril 1353, porte qu’il avait promis de recevoir fidèlement tous les actes et lettres relatifs à la juridiction de l’officialité, specialiter testamenta et quecumque alia de quibus Charte de Philippe Auguste, § 42. Charte de Philippe Auguste, § 25 ; Laon, AD Aisne, G 783, p. 162–167 ; Livre rouge, n° 138. Par exemple, Paris, AN, X1c 19, n° 256, 20 novembre 1368. Par exemple, Saint-Quentin, AM, liasse 24 (Lemaire, n° 37, 387), novembre 1241 et février 1254 n.st. P. Desportes, Testaments saint-quentinois du xive siècle, op.cit., p. xxi et s. Saint-Quentin, AM, liasse 24 (Lemaire, n° 363). Voir P. Desportes, Testaments saint-quentinois, op.cit., p. xii. Il s’agit en fait d’une donation in articulo mortis et non d’un véritable testament. 517 Saint-Quentin, AM, liasse 7, dossier A, n° 9 (Lemaire, n° 762), 17 décembre 1387. 511 512 513 514 515 516

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Les juridictions ecclésiastiques | chapitre vi

ad dictam curiam, emolumenta debent et deberent518. Le notaire du chapitre accompagnait également l’appariteur pour dresser le procès-verbal des enquêtes menées par ce dernier519. Quelques-uns de ces notaires de l’officialité sont un peu mieux connus. Les lettres de réception de Jean Payen († vers 1383), permettent de savoir qu’il était à l’origine clerc du diocèse de Rouen et qu’il avait la double qualification de notaire apostolique et impérial520. Le recours à ce notaire normand, qui finit par bien s’intégrer à la ville521, peut en partie s’expliquer par le fait que, depuis Dudon de Saint-Quentin, le chapitre était possessionné dans le bailliage de Caux, en Normandie522. Simon le Tonnelier (Doleario), clerc mineur, est un personnage tout aussi intéressant. Décédé en 1358, après avoir rédigé huit des neuf testaments connus pour cette année, il fonda et dota la chapelle Notre-Dame de Labon523. c. Bailli, promoteur, scelleur, greffier et appariteur Ces officiers de l’officialité sont moins bien connus, car, hormis ce qu’en dit Quentin de la Fons, ils n’ont pas laissé beaucoup de traces dans les sources. Pour exercer ses droits de justice temporelle dans son quartier, le chapitre disposait d’un bailli. On est cependant très mal renseigné à son propos. Il n’est attesté qu’une seule fois. Vers 1330–1340, le châtelain, les échevins, le maire et les jurés invoquaient les dispositions de leur charte de commune pour faire remettre entre les mains du châtelain un malfaiteur, coupable de meurtre, que le bailli du doyen et du chapitre avait fait arrêter à Saint-Quentin et qu’il détenait dans leur prison524. Le promoteur de l’officialité était nommé comme l’official, c’est-à-dire en alternance chaque année par le doyen ou par le chapitre525. Il était chargé de demener les causes de l’officialité, c’est-à-dire d’instruire les affaires dont la connaissance appartenaient à la cour de l’official526. C’était en fait lui qui dirigeait les poursuites d’office dans le cadre d’une procédure inquisitoire. Le scelleur avait pour charge de garder le sceau de l’officialité. Ce sceau était distinct de celui du chancelier par sa légende Sigillum curie Sancti Quintini et par les actes qu’il scellait, c’est-à-dire ceux expédiés par l’officialité, plutôt que ceux faits par le chapitre. Cet officier servait également de receveur pour les amendes et autres frais de justice taxés par l’officialité527. Un greffier se chargeait de rédiger les écritures de la cour. L’office était mis à ferme par le chapitre528. L’appariteur était l’équivalent du sergent pour les juridictions laïques. Un seul des appariteurs de l’officialité avait le droit de porter une verge dans toute la ville529. Cette verge, en argent au milieu du xve siècle530, devait 518 Laon, AD Aisne, G 783, p. 194–195. 519 Laon, AD Aisne, G 783, p. 198–199, mars 1369. 520 Paris, AN, L 739, n° 93, 20 juillet 1353 ; Laon, AD Aisne, G 783, p. 194, avril 1353 ; Saint-Quentin, AM, liasse 23

(Lemaire, n° 752), 14 décembre 1380.

521 Jean Payen tenait un fief du roi à Saint-Quentin. Paris, AN, P 135, n° 229, mars 1372 n.st. ; n° 233, 20 mai 1373.

Il tenait également la mairie d’Itencourt en fief de Pierre de Royes, doyen du chapitre : Paris, AN, P 135, n° 234, 1er juillet 1373. Raoul Payen, échevin entre 1377–1416, est probablement son fils, car il tient le même fief : Paris, AN, P 135, n° 266, 6 juin 1383. 522 Dudon de Saint-Quentin, De moribus et actis primorum Normanniae ducum, éd. op.cit. 523 Quentin de la Fons, Histoire particulière de l’Église de Saint-Quentin, op.cit., p. 315–316. 524 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 33 (Lemaire, n° 578), s.d., vers 1330–1340. 525 Quentin de la Fons, Histoire particulière de l’Église de Saint-Quentin, op.cit., p. 314. 526 Saint-Quentin, AM, liasse 22, s.d ; Laon, AD Aisne, G 783, p. 198–199, mars 1369. 527 Iibid., p. 314. 528 Iibid., p. 315. 529 Paris, AN, X1c 8, n° 155 ; Livre rouge, n° 138. 530 Quentin de la Fons, Histoire particulière de l’Église de Saint-Quentin, op.cit., p. 316.

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Deuxième partie | La justice municipale face aux autres justices

cependant porter une marque distincte de celle des sergents de la ville. Le, ou les appariteurs du chapitre assignaient à comparaître ou signifiaient aux habitants de Saint-Quentin leur citation devant l’official, exécutaient ses sentences ou ses commandements531. En décembre 1387, Jean Wiart, appariteur de l’officialité de Saint-Quentin, fit commandement, un jour de fête, à Pierre le Flamant, justiciable du maire, des échevins et des jurés, de cesser la préparation d’un porc qu’il avait fait tuer en le menaçant d’une grosse peine corporelle et d’une amende532. d. Procureur, avocat et autres conseillers juridiques du chapitre Comme pour la commune, le chapitre utilisait ces « mercenaires » de la justice et du droit qu’étaient les jurisconsultes saint-quentinois pour en faire ses avocats ou procureurs. Ils étaient finalement les mêmes que ceux utilisés par la commune ou les instances royales, qui donnaient leur conseil tour à tour à l’un ou à l’autre. 2.

Les officiers de justice de l’évêque de Noyon à Saint-Quentin

Pour le représenter sur place en matière de juridiction gracieuse, l’évêque de Noyon avait installé au xiiie siècle un doyen de chrétienté. Plus tard, au xive siècle, on rencontre également un notaire ou tabellion. Pour les cas plus graves, c’était l’officialité de l’évêque, à Noyon, qui s’occupait des causes. a. Le doyen de chrétienté Pour gérer ses intérêts à Saint-Quentin, l’évêque de Noyon y entretenait un doyen de chrétienté de Saint-Quentin (decanus christianitatis Sancti Quintini). Il s’agissait d’un prêtre, curé de l’une ou l’autre des paroisses soumises à l’autorité de l’évêque. D’abord choisi dans les environs de Saint-Quentin, comme Thomas qui était curé de Roupy533, il fut ensuite choisi dans la ville-même : Jean était curé de l’église Saint-Pierre534 ; Werry Fessart était curé de l’église Saint-Martin535. Les actes de juridiction gracieuse passées devant un notaire ou un curé de l’une des paroisses de la ville soumises à la juridiction de l’évêque de Noyon étaient passés sous son sceau536. À la fin du xive siècle, il disposait d’un clerc à son service537. Le doyen de chrétienté ne s’occupait pas exclusivement de la juridiction gracieuse de l’évêque de Noyon. Au milieu du xiiie siècle, on le voit émettre une sentence relative à la contestation de biens meubles contre le maire et les jurés pour l’abbaye de Saint-Prix538. Ayant fait mettre aux arrêts deux individus par ordre de l’évêque de Noyon, mais en violation des droits de la commune, Thomas, doyen de chrétienté de Saint-Quentin, dut les remettre entre les mains du maire et des jurés539. Il pouvait être mandé pour exécuter dans Iibid., p. 316. Saint-Quentin, AM, liasse 37, dossier A, n° 9 (Lemaire, n° 762), 17 décembre 1387. Saint-Quentin, AM, liasse 186, dossier D (Lemaire, n° 116), août 1277. Saint-Quentin, AM, liasse 27 (Desportes, n° 2), 11 février 1336 n.st. Saint-Quentin, AM, liasse 27 (Desportes, n° 34), 22 septembre 1358. Paris, AN, L1161, octobre 1218. Saint-Quentin, AM, liasse 21, dossier A, n° 36 (Lemaire, n° 726), février 1374 n.st. Saint-Quentin, AM, liasse 269, dossier A (Le Proux, n° 36 ; Lemaire, n° 46) mai 1247. Saint-Quentin, AM, liasse 186, dossier D (Lemaire, n° 106), août 1277. Voir H. Nélis, « Les doyens de chrétienté. Étude diplomatique sur leurs actes de juridiction gracieuse en Belgique au xiiie siècle », RBPH, 3 (1924).

531 532 533 534 535 536 537 538 539

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Les juridictions ecclésiastiques | chapitre vi

la ville une sentence d’excommunication prononcée par une officialité autre que celle du chapitre540 ou être conduit à faire diffuser des informations provenant de l’évêque de Noyon541. b. Les notaires Pour assister le doyen de chrétienté à Saint-Quentin, l’évêque de Noyon disposait, en principe, de deux notaires. À l’initiative du maire, des jurés et des échevins, le 2 avril 1329, Jean XXII autorisa l’évêque de Noyon à concéder à Saint-Quentin deux offices de tabellion542. Les lettres stipulent que les titulaires de ces offices, clercs non constitués dans les ordres, devaient être choisis avec le maire, les jurés et les échevins. Malgré cette autorisation, un seul semble avoir été créé543. Raoul de Buignies, clerc juré de l’officialité de Noyon, tabellion qui faisait résidence à Saint-Quentin vers 1340–1350, aurait eu besoin d’un collègues : il semble débordé à rédiger des testaments dans les années suivant la Peste ! C.

La ville et les autorités ecclésiastiques

Comme ce fut souvent le cas, dès le début du xiiie siècle, la ville entretint des conflits de juridictions avec les deux autorités spirituelles et les seigneuries ecclésiastiques de la ville544. La structure de ces conflits est, à quelques nuances près, la même  : ce que la ville attaque, ce sont les droits de justice temporelle du chapitre et de l’évêque sur des parties de la ville et donc leur juridiction temporelle sur les habitants. En revanche, la ville n’a jamais affronté les autorités cléricales pour remettre en question leur justice spirituelle. 1.

La ville et le chapitre

Après une période de bonne entente et de solidarité face aux derniers comtes de Vermandois, les relations entre les autorités municipales et le chapitre s’enveniment au début du xiiie siècle. Peu avant le passage de la ville dans le domaine royal, en 1213, une grave émeute contre le chapitre collégial de la ville, occasionnée par la croisade des enfants, faillit mettre la commune en péril545. Deux chanoines de la collégiale, Robert d’Aisonville et Eudes de Saint-Simon, avaient été molestés par quelques bourgeois parce qu’ils prêchaient contre la croisade des enfants546. En réaction, le chapitre avait excommunié le maire et les autres bourgeois qui avaient participé à la rixe contre les deux chanoines et le chapitre venu en renfort. La ville fut alors plongée dans le désordre, le sang et la destruction. Pour mettre fin à ce conflit ouvert entre les bourgeois et le chapitre, trois arbitres avaient été nommés par la comtesse Aliénor : Gaucher, abbé de Long-Pont, Bernier de Roquerolle, archidiacre de Beauvais et Raoul de Reims, chanoine de Paris. Malgré la gravité de l’événement, plutôt que de lui enlever sa commune, les arbitres préférèrent condamner la ville à Saint-Quentin, AM, liasse 22 (Lemaire, nos 52, 54, 55, 58), 26 août 1251, 20 février 1252 n.st., 16 août 1252. Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier B (Lemaire, n° 737), 17 janvier 1378 n.st. G. Mollat, Lettres communes de Jean xxii, t. 8, Paris, 1924, n° 44912. P. Desportes, Testaments saint-quentinois, op.cit., p. xxi–xxii. N. Gonthier, « Conflits de juridiction entre la commune de Dijon et les seigneurs ecclésiastiques au xve siècle », op.cit. 545 Sur cette affaire, voir Héméré, p. 196–200, et Qentin de la Fons, Histoire particulière de l’Église de Saint-Quentin, op.cit., p. 326–327 ; G. Lecocq, Histoire de la ville de Saint-Quentin, Saint-Quentin, 1875, p. 81–82 ; R. Fossier, Histoire de Picardie, op.cit., p. 167. 546 Voir D.C. Munro, « The Children’s Crusade », AHR, 19 (1913), p. 516–524. 540 541 542 543 544

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Deuxième partie | La justice municipale face aux autres justices

700 £ d’amende envers le doyen, le chapitre, les chanoines d’Aisonville et Saint-Simon547. De plus, tous ceux qui avaient pris part à l’émeute, tant clercs que laïcs, durent se rendre de Rocourt à Saint-Quentin en chemise, pour faire amende honorable. Ce jugement fut approuvé par Philippe Auguste qui ordonna au maire, aux jurés, aux échevins et à cent autres bourgeois de prononcer le serment de protéger le chapitre et ses biens lors de leur institution548. Quant au maire de la commune, Robert Nez-de-Cat, il fut déchu de ses fonctions et déclaré inapte à en occuper aucune autre à l’avenir dans la ville, à moins que le chapitre n’y consentît. Afin d’expier sa faute, il dut se rendre à Rome en compagnie de deux bourgeois pour implorer le pardon du pape. Il ne fut autorisé à rentrer dans la ville que cinq années plus tard, en 1217. Cette simple affaire de rixe entre bourgeois et chapitre déclenchée par la provocation de deux chanoines zélés n’explique qu’en partie le désordre important dans lequel la ville fut plongée. Cette violence se produisit au moment où la société saint-quentinoise semblait être suffisamment structurée pour qu’on puisse y différencier plusieurs catégories sociales. La croisade des enfants ne fit que coaguler les ressentiments. Tout semble indiquer un règlement de compte entre deux clans rivaux – les bourgeois partisans du chapitre contre ceux partisans de la commune – suivant la partition de la bourgeoisie en plusieurs sous-groupes sociaux. Le traumatisme causé par l’émeute fut profond. Le chapitre n’hésita pas à rappeler cet épisode et à l’utiliser comme argument au Parlement quelque deux cent cinquante années plus tard549. Cette émeute a également envenimé pour près d’un siècle et demi les relations entre le chapitre et la commune. Le chapitre fut dès lors très méfiant face à l’autorité de la ville, qui le lui rendit bien. Les querelles de juridictions furent dès lors incessantes et tournèrent autour de trois sources de conflits : la justice criminelle sur les hommes du chapitre et dans le quartier canonial, la fiscalité sur la vente du vin et le service garde de la ville. Les 38 conflits du tableau 12 ont essentiellement pour objet des querelles de juridiction temporelle. On observe que, jusque vers 1270, les conflits entre la ville et le chapitre étaient majoritairement réglés par des arbitrages ecclésiastiques qui favorisaient largement le chapitre. Ce n’est plus le cas par la suite, voire même un peu avant. Bien que Philippe Auguste soit intervenu dès l’émeute de 1213 et en 1220 pour des fours, c’est véritablement sous Louis IX que la tendance s’inversa et que les deux parties s’en remirent au roi, puis au Parlement pour s’entendre. Pour des querelles moins fondamentales, depuis le début du xive siècle, elles s’en remettaient souvent à la cour du roi à Saint-Quentin, tenue par le bailli ou le prévôt. On remarque alors que, en matière de justice criminelle, le roi, le Parlement ou les officiers royaux donnèrent pratiquement toujours raison à la ville contre le chapitre. Ce qui n’était pas le cas quand ce dernier défendait un droit réel. Il obtenait alors majoritairement gain de cause. On comprend donc que le chapitre préférait s’en remettre au Parlement, notamment quand, en 1345, il réussit à obtenir des lettres de garde pour 10 ans550.

Laon, AD Aisne, G 788, p. 73–77, juin 1213. Héméré, 2e partie, p. 51 ; Id., De Scholis Publicis, Paris, 1633, p. 171–173. Paris, AN, X1a 4800, fol. 22 et s. Voir S. Hamel, Un conflit entre les autorités laïques et religieuses, op.cit., p. 145–146. Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° 112 (Lemaire, n° 613), 20 septembre 1345. Les lettres de gardes équivalent, pour les institutions ecclésiastiques, à de lettres de commitimus.

547 548 549 550

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Les juridictions ecclésiastiques | chapitre vi

Tableau 12 Les conflits entre la ville et le chapitre de Saint-Quentin Date

Objet

Juridiction

Gagnante

*1213551

Violence contre le chapitre

L’abbé de Longpont, l’archidiacre de Beauvais, Aliénor, Daniel, doyen, et deux chanoines de Saint-Quentin, arbitre ainsi qu’un chanoine de Paris, comme tiers arbitre

Le chapitre

1219

Bannissement d’un homme du chapitre

L’évêque de Senlis comme arbitre ; ratification par l’archevêque de Reims

Le chapitre

*1220

Querelle de juridiction : 4 fours litigieux

Accord entériné par le roi

Aucune

1226

Plusieurs querelles de juridiction

L’official de Reims ; accord entériné par Romain, cardinal-diacre de SaintAndré, légat pontifical

Aucune

*1228

Querelle de juridiction criminelle : arrestation litigieuse

Arbitrage de l’évêque de Chartres

Le chapitre

1247

Excommunication de plusieurs bourgeois

Le roi

La ville

1257

Querelle de juridiction sur les hommes du chapitre

Accord devant le roi

Aucune

*1270

Querelle de juridiction criminelle : arrestation litigieuse

L’évêque de Noyon

Le chapitre

1278

La justice sur le détroit d’Aouste

Le Parlement

La ville

1281

La nomination aux offices du chapitre

Le Parlement (chambre des enquêtes)

La ville

*1296

Querelle de juridiction criminelle : punition d’un malfaiteur qui avait blessé un chanoine

Le Parlement

Aucun552

*1300

Querelle de juridiction criminelle : bannissement d’un serviteur du chapitre

Le roi

Inconnue

1304

Querelle de juridiction criminelle : Four du Temple litigieux

Le bailli de Vermandois

La ville

*1304

Querelle de juridiction : forage du vin

Le Parlement ; renvoie devant le bailli de Vermandois

Inconnue

*1304

La construction d’un mur litigieux

Le bailli de Vermandois

Le chapitre

1309

Plusieurs querelles de juridiction criminelle sur des clercs

Le bailli de Vermandois

La ville

1317

Querelle de juridiction criminelle : arrestation litigieuse

Le prévôt de Saint-Quentin

La ville

1324

Querelle de juridiction criminelle : Grand-Hôpital litigieux

Le bailli de Vermandois ; en appel au Parlement

Le chapitre553

551 Les dates précédées d’un astérisque (*) signifient que la ville fut défendeur contre le chapitre demandeur. 552 La connaissance du cas fut attribuée au bailli de Vermandois. 553 Cette affaire fut réglé par l’accord de 1354.

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Deuxième partie | La justice municipale face aux autres justices

Date

Objet

Juridiction

Gagnante

1326

Querelle de juridiction criminelle : arrestation litigieuse

Le bailli de Vermandois ; en appel au Parlement ; renvoyé devant le bailli

La ville

1329

Querelle de juridiction criminelle : arrestation litigieuse

Le bailli de Vermandois

Inconnue

Vers 1330

Querelle de juridiction criminelle à propos d’une arrestation litigieuse

Le lieutenant du prévôt de SaintQuentin

La ville

*1333

Exemption du chapitre de l’impôt sur les marchandises

Le roi

Le chapitre

*1337

Querelle de juridiction : amende litigieuse

L’official de Reims

Le chapitre

1340

Le service de garde

Le roi

La ville

1342

Querelle de juridiction civile : biens d’un clerc litigieux

Le bailli de Vermandois ; enquête du roi

La ville

1345

Privilège de garde du chapitre

Le roi

La ville

*1347

Mesures pour les grains du chapitre litigieuses

Inconnue

Inconnue

1347

Une citation litigieuse devant un certain juge d’église à Rouen pour une rente impayée

Le roi ; accord en Parlement

Aucune

1354

Plusieurs querelles de juridiction

Accord en Parlement

Aucune

*1382

Rentes impayées

Le Parlement

Inconnue

1387

Querelle de juridiction spirituelle : travail lors des jours fériés

Désistement

La ville

*1396

Querelle de juridiction civile : afforage du vin

Le Parlement

Inconnue

*1404

Plusieurs querelles de juridiction temporelle et spirituelle : emprisonnement d’un sergent de la ville ; forage du vin litigieux, etc.

L’official de Noyon ; accord devant le bailli de Vermandois

Aucune

1405

L’aide sur le vin

Le Parlement

Inconnue

1411

Le service de garde

Désistement

La ville

*1413

Fortification de la ville

Le roi ; non-préjudice de la ville

Aucune

1416

La non-réélection d’un connétable des archers

Le roi

La ville

*1419

Maison litigieuse

Les échevins de la Vicomté-le-Roi

Le chapitre

L’accord définitif, qui intervint en 1354, pacifia sur le long terme les relations entre la ville et le chapitre554. Mis à part la délimitation du quartier canonial et la juridiction temporelle du chapitre, l’accord stipule que le doyen et le chapitre disposaient de la seigneurie et de la justice sur vingt-huit maisons énumérées dans l’acte et dans le quartier dont elles faisaient partie, sur les détroits Saint-Pierre-au-Canal et Notre-Dame de la Gréance. D’un autre côté, le chapitre ne pouvait donner asile dans ces maisons ou dans leur quartier aux 554 Paris, AN, X1c 8, n° 155 ; AN, LL 985b, fol. 281, fol. 293–298 ; Livre rouge, n° 138 (Lemaire, n° 660) ; Laon, AD Aisne,

G 788, p. 100–112, 2 juillet 1354.

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Les juridictions ecclésiastiques | chapitre vi

tableau 13 Conflits entre la ville et l’évêque de Noyon Date

Objet

Juridiction

Partie gagnante

1199

Querelle de juridiction spirituelle quant à la compétence de l’évêque sur les bourgeois

Désistement de l’évêque

La ville

1219

Querelle de juridiction spirituelle quant à la compétence de l’évêque sur les bourgeois

Le pape ; renvoi devant le doyen, l’archidiacre et le chantre de Senlis

Inconnue

*1274555

Testament litigieux

Inconnue

Inconnu

1279

Nomination du maître de la Maison de Saint-Ladre litigieux

1 chanoine de Noyon et 1 bourgeois comme arbitre

Aucune

*1302

Emprisonnement d’un clerc litigieux

Inconnue

Inconnue

*1314

Querelle de juridiction à propos des délits commis par des clercs

Accord

Aucune

*1356

Perception d’une taille litigieuse

Le Parlement

Inconnue

*1369

Querelle de juridiction criminelle sur l’exécution capitale d’un clerc

Le Parlement

La ville

*1374

Saisie de gages litigieux de part et d’autre

Accord en Parlement

Aucun

individus bannis de la ville par décision du maire et des jurés. Après cet accord, le rythme des affrontements fut moins soutenu. Il n’y a pratiquement plus que des querelles relatives à des droits réels. En 1387, à l’occasion d’une querelle à propos du travail lors des jours de fête, le chapitre reconnut même sans conteste aux honorables hommes et sages, les maire, eschevins et jurés la justice sur toute la ville556. Jusque vers 1420, on note presque uniquement des poursuites en Parlement pour des rentes ou des dettes impayées et le service de garde que finalement le chapitre accepta d’accomplir sur une base volontaire557. Signe manifeste d’une pacification durable des rapports entre les deux plus importantes institutions de la ville, à la fin du xive siècle, des bourgeois ont commencé à devenir chanoine en plus grand nombre, jusqu’à ce que l’un d’entre eux, Jean Molet, devint doyen vers 1440. 2.

La ville et l’évêque de Noyon

L’évêque de Noyon fut beaucoup moins belliqueux que le chapitre. Il faut dire qu’il disposait de moins d’intérêts judiciaires à Saint-Quentin et qu’il était physiquement plus loin. Il profita essentiellement de conflits ponctuels entre un particulier et la ville pour tenter de s’imposer face au chapitre. La structure des conflits et de leur pacification est similaire à celle des affrontements contre le chapitre. Prédominent, comme objets des conflits, la juridiction spirituelle et temporelle de l’évêque dans la ville et les querelles quant à la connaissance des crimes 555 Les dates précédées d’un astérisque signifient que la ville est défendeur contre l’évêque demandeur. 556 Saint-Quentin, AM, liasse 37, dossier A, n° 9 (Lemaire, n° 762), 17 décembre 1387. 557 Saint-Quentin, AM, liasse 186, dossier A, n° 1 (Lemaire, n° 841), 20 juin 1411.

189

Deuxième partie | La justice municipale face aux autres justices

commis par des clercs. Jusque vers 1270, l’évêque, le maire et les jurés s’en remettaient principalement à l’arbitrage ecclésiastique. Par la suite, l’accord l’emporta, mais le Parlement intervint à deux reprises, en 1356 et en 1369. Les parties préféraient vraisemblablement s’entendre entre elles. La juridiction de l’évêque dans la ville fut elle aussi réglée par un accord quasi-définitif en novembre 1314. Ainsi, selon les termes de cet accord, le doyen de chrétienté et ses gens pouvaient prendre des malfaiteurs dans toute la ville si ces délits touchaient la juridiction spirituelle de l’évêque, pourvu que le malfaiteur fût clerc notoire. La prise de ces clercs malfaiteurs et la confiscation de leur bien devaient cependant être faites de concert avec les sergents de la ville. Les prises effectuées par les sergents de la ville ne pouvaient être faites que pour des cas notoires et manifestes, c’est-à-dire en cas de flagrant délit, et les clercs pris devaient être rendus à leur ordinaire. La ville pouvait prendre des clercs afin d’éviter qu’ils ne s’échappent à cause de l’absence des gens de l’évêque, mais elle devait aussitôt les rendre à leur ordinaire558. Un accord complémentaire intervint en mai 1320, spécifiant que le flagrant délit devait être notoire et manifeste, excepté pour les clercs bourgeois de Saint-Quentin qui étaient de facto soumis à la juridiction du maire et des jurés. La ville ne pouvait ensuite emprisonner les clercs qu’elle aurait pris que dans la prison de leur ordinaire. Puis, on définit le mot bien par marchandise et fut ajouté qu’en cas d’arrérages de cens ou de surcens, la connaissance appartiendrait à la ville559. Enfin, dans l’affaire d’Hanequin Van Sonherd, l’évêque – qui prit parti pour la famille de ce clerc flamand contre le maire, les échevins et les jurés – tenta de fairevaloir, en vain, sa prérogative de juge ecclésiastique dans la ville. L’affaire, qui s’est également terminée par un accord en 1398, ne fait pas mention de l’évêque, qui s’était vraisemblablement désintéressé de l’affaire entre-temps560. 3.

La ville et les abbayes suburbaines

La réforme monastique du xe siècle a entraîné la création de deux abbayes bénédictines dans les proches limites de la banlieue de Saint-Quentin : Saint-Quentin-en-l’Isle et Saint-Prix. Une troisième, l’abbaye d’Homblières, qui était en outre très bien connue, était située tout juste hors des limites de la banlieue561. Elle ne sera pas étudiée ici. Au début du xiiie siècle, les ordres mendiants s’installèrent dans la ville, acquérant la justice sur leur couvent. De même, l’insécurité du xive siècle amena la plupart des établissements religieux des environs de Saint-Quentin à s’installer dans des maisons refuges dans la ville. Elles possédaient également les droits de justice sur celles-ci. Seules les deux abbayes suburbaines, celles de Saint-Prix et de Saint-Quentin-en-l’Isle, méritent qu’on s’y attarde dans le détail pour leurs droits de justice sur une partie de la ville. Chacune rapidement dotée de terres situées aux alentours du castrum, l’extension de la ville aux xie et xiie siècles fit qu’elles possédaient des droits de justices importants à l’intérieur de l’espace urbain. Les autres établissements ont été étudiés plus sommairement dans la seule perspective de leurs affrontements avec la ville. 558 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A n° 13 (Lemaire, n° 241), 1er novembre 1324 ; Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 30 (Lemaire, n°282). 559 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A n° 30 (Lemaire, n° 282), 4 mai 1320. 560 Paris, AN, X1c 76b, n° 131, 25 mai 1398 ; Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 59 (Lemaire, n° 793), 21 août 1398. 561 Voir T. Evergates, The Cartulary and Charters of Notre-Dame of Homblieres, op.cit.

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a. L’abbaye de Saint-Quentin-en-l’Isle L’abbaye de Saint-Quentin-en-l’Isle a pris la relève des chanoines de SaintQuentin pour desservir l’oratoire édifié à l’endroit où saint Quentin était sorti de l’eau562. C’est le comte Albert le Pieux qui contribua à l’installation, vers 963–964, de ces moines bénédictins563. Il faut donc parler d’une refondation564. Comme son nom l’indique, l’abbaye était installée sur une île de la Somme qui faisait directement face à la ville. Loin d’être isolée, l’abbaye de Saint-Quentin-en-l’Isle était le passage obligé pour qui voulait rejoindre la ville en venant du Sud. L’eau bienfaitrice que l’on tirait du puits où fut découvert saint Quentin était recherchée par les pèlerins565. Le rayonnement intellectuel de l’abbaye semble important. On compte quelques-uns de ses abbés membres de l’Université de Paris, qui usèrent et abusèrent de leur privilegium fori. Enfin, elle disposait d’archives dès la fin du xiiie siècle566, et, avec le chapitre, cette abbaye compte parmi les plus importants possesseurs de livres de la ville, dont quelques-uns sont encore conservés à la bibliothèque municipale de Saint-Quentin567. Au xe siècle, le changement de desserte du sanctuaire de saint Quentin fut l’occasion d’un réaménagement important. Après des travaux de drainage, une nouvelle église et des bâtiments conventuels furent construits dans un premier temps en bois, à cause de l’instabilité du terrain marécageux. Un pont de pierre fut édifié avant 974 pour relier l’île à la terre ferme : auparavant, on traversait la Somme en barque568. Comme première concession, l’abbaye reçut du comte tout le cours de la Somme situé face à Saint-Quentin, c’est-à-dire d’Harly à Rouvroy, de Rouvroy au Moulin-Brûlé et du Moulin-Brûlé au moulin de Rocourt et une manse à Nouvion-le-Comte569. En 1174, Philippe, comte de Flandre et de Vermandois, et Isabelle, sa femme, concèdaient à l’abbaye de Saint-Quentinen-l’Isle les moulins de Bekerel et Gronard, moyennant 100 muids de froments à la mesure de Saint-Quentin570. À la suite d’un accord, l’abbaye reconnut à la commune l’exercice de la justice sur leur détroit d’Isle, que le maire et les jurés avaient donné à ferme571. Afin d’administrer cette justice périurbaine, un échevinage – nommé tantôt échevins de la Rue d’Isle, tantôt échevins du Destroit d’Isle – fut créé. L’abbaye conservait cependant la juridiction sur Neuville-Saint-Amant572. Dans son aveu et dénombrement du 25 août 1384, outre le corps de son abbaye, les moines disaient avoir des terres et des maisons dans la ville même, posséder la justice et la seigneurie sur les eaux de la Somme allant de Rouvroy à Harly au moulin de Rocourt, les moulins à eau de Becquerel, du Gronnart et de Rocourt 562 Sigebert de Gembloux, Chronica, Auctarium Ursicampinum, éd. G.H. Pertz, dans MGH, Scriptores, t. 6, an. 964,

p. 470.

563 Annales Sancti Quintini Veromandensis, an. 963, p. 508  ; Sigebert de Gemblou, Chronica, Auctarium Ursicam-

pinum, éd. op.cit., an. 964, p. 470  ; Ex annalibus Sancti Medardi Suessionensibus, éd. O. Holder-Egger, dans MGH, Scriptores, t. 26, p. 520, an. 965. 564 J.L. Collart, « Saint-Quentin », op.cit., p. 80. 565 Le Miracula sancti Quintini in coenobio Insulensi patrata (BHL, n° 7019), rapporte de nombreuses guérisons miraculeuses survenues grâce à cette eau. 566 Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° 9 (Gomart, t. 4, p. 238 ; Lemaire, 139), 19 mars 1293 n.st. 567 Saint-Quentin, BM, ms. n° 2–5. 568 BHL 7019. 569 Paris, AN, L 1016, fol. 6–7 ; JJ 44, fol. 21–21v, n° 53, 986, vidimé en 1307 ; Paris, AN, P 135, n° 281. 570 Gomart, t. 4, p. 172–173. 571 Paris, AN, JJ 53, fol. 20, n° 53, février 1317 n.st. Cette ferme apparaît dans les premiers comtes suivant le rétablissement de la commune. Saint-Quentin AM, liasse 68, n° 9 (Lemaire, n° 310), compte pour l’année 1323–1324 ; liasse 68, n° 24 (Lemaire, n° 597), compte pour l’année 1342–1343. 572 Aujourd’hui l’Abiettte, arr. de Saint-Quentin, com. De Gauchy.

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(détruits à cause de la fortification de la ville). Ils avaient également un moulin-à-vent à Neuville-Saint-Amant et le four d’Isle, des maisons, des rentes et des terres à Vieuville, Neuville-Saint-Amant, Harly, Maisnil, Rouvroy, Cameri, Regny, Ribemont, Alain court, Mezières, Bertenicourt, Moy, Villers-le-Sec, Rocourt, Nouvion-le-Comte, Essigny, Montigny-le-Court, Brancourt, Itencourt, Senghin, Merlentoy et le bois de Lenseval573. Pour administrer la justice temporelle sur ces possessions, l’abbaye disposait d’un bailli. Elle recevait onze aveux et dénombrements pour des fiefs tenus d’elle dans les possessions ci-dessus recensées. Enfin, d’un point de vue spirituel, l’abbaye nommait le curé de la paroisse Saint-Éloi, qui répondait à la juridiction spirituelle de l’Évêque de Noyon. La source majeure de conflit entre l’Abbaye d’Isle et la ville provenait de la canalisation des fontaines et les retenues des eaux de la Somme faisant face à la ville pour faire fonctionner ses moulins. Ces travaux, qui avaient fait sortir la Somme de son lit, ont créé une vaste zone inondée en amont de l’île où était installée l’abbaye. Sur la base de la donation de 986, l’abbaye affirmait avoir toute justice et seigneurie temporelles sur le cours de la Somme située devant la ville574. L’abbaye disposait d’une juridiction au ressort territorial aussi fluctuant que l’espace inondé : plus le cours de la Somme s’élevait, plus le ressort de la justice de l’abbaye s’agrandissait tout en restreignant celui de la commune. D’où une source de conflit incessant. Dès 1259, l’abbé et les religieux de Saint-Quentin-en-l’Isle reconnaissaient que les bourgeois de la ville de Saint-Quentin avaient le droit de faire paître leurs troupeaux dans la partie des biens de l’abbaye qui s’étendait du pré Musard, près de la léproserie de Saint-Lazare, jusqu’au vivier du couvent, et depuis ce vivier jusqu’à Viesvilles575. Les religieux conservaient intacts leur justice et la pêche, ainsi que tous leurs droits sur les eaux de la Somme faisant face à la ville576. En 1274, le maire et les jurés se plaignaient à nouveau du niveau trop élevé de l’eau, qui inondait le Grand-Pont. Ils demandèrent que les religieux respectassent leur accord sur le point d’eau de leur barrage de la Somme qu’ils avaient manifestement déménagé. Les moines rétorquaient qu’ils n’étaient pas tenus de respecter ce point d’eau, étant donné que celui-ci avait été avalé par les marais. Un premier arbitrage fut rendu en juillet 1274 par Gautier Bardin, bailli de Vermandois. Agissant en tant qu’arbitre désigné par les parties, ce dernier, après avoir pris conseil auprès des maîtres maçons et des maîtres charpentiers de l’hôtel du roi, décida que les moines de l’abbaye d’Isle paieraient 2 s. parisis de cens annuel et perpétuel à la ville de Saint-Quentin à Noël pour l’herbage et le droit d’usage du terrain. Ils laissaient au maire et aux jurés un droit de passage pour entretenir les forteresses de la ville577. Moins de dix années plus tard, en 1283, une nouvelle modification du point d’eau du Grand-Pont fut jugée préjudiciable et contre la teneur de l’accord précédant. De nouveau, le bailli Vermandois, cette fois-ci Jean de Montigny, fut amené à intervenir en tant que juge délégué par le Parlement. Avec le conseil de son ami le bailli d’Amiens et celui de bons maîtres maçons, après avoir observé le nouveau point d’eau et l’ancien, après avoir regardé les documents et les arguments produits par chacune des deux parties, le bailli jugea

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Paris, AN, LL 1016, fol. 58 ; Paris, AN, P 135, n° 281 (Gomart, t. 4, p. 268–269), 25 août 1384. Paris, AN, JJ 44, n° 53, 986, vidimus de 1307. Aujourd’hui Labiette, arr. de Saint-Quentin. Saint-Quentin, AM, liasse 7, n° 9 (Lemaire, n° 67), juillet 1259. Saint-Quentin, AM, liasse 261, dossier A, n° 3bis (Gomart, t. 4, p. 233), 1274.07.00

Les juridictions ecclésiastiques | chapitre vi

le nouveau point d’eau trop haut et situé en un lieu non approprié. Il trouva l’ancien point bon et suffisant, donnant raison au maire et aux jurés578. Vers 1305, plusieurs querelles de juridiction éclatèrent quant au droit de pêche dans la Somme, à l’arrestation des folles femmes, à la justice sur les serviteurs de l’abbaye et aux droits sur les marchandises. Ces différends furent cette fois-ci portés à la connaissance du Parlement. L’arrêt, rendu le 11 mars 1305, fit défense au maire de troubler l’abbé dans son droit de pêche dans la Somme, face à Saint-Quentin. L’abbé obtint de pouvoir poursuivre et arrêter les folles femmes (feminas fatuas), droit qui fut toutefois reconnu par prévention au maire. Le maire conservait le droit d’ajourner les serviteurs de l’abbé levant et couchant dans les limites de l’abbaye. Puis, l’abbé pouvait percevoir des droits sur les marchands vendant dans des étaux ou à des fenêtres579. La justice sur le détroit d’Isle posa à nouveau problème en 1340 à cause de la mort de Lune, dit Colard, bâtard, dont les biens avaient été pris par les religieux580. Pour bien de paix, les parties convinrent devant le Parlement de s’en remettre à la décision d’arbitres, prévoyant une peine de 1 000 £ tournois pour celui qui n’observerait pas la sentence arbitrale. En novembre 1342, les arbitres décidèrent finalement que dans le détroit d’Isle, la justice appartenait au maire et aux jurés, et les épaves aux religieux581. Outre la justice, une autre source de conflit fut la possibilité pour le maire de se faire accompagner par les sergents à verge de la ville, en armes dans l’abbaye lors des processions religieuses. Il faut dire que, depuis 1311, les moines avaient raison de se méfier. Cette année-là, le maire et les jurés, à la tête de gens armés, avaient brisé les portes de l’abbaye, y avaient pénétré de force, avaient enfoncé les portes de la cuisine et du jardin, puis emmené et jeté en prison le queux du couvent et un autre de ses domestique. Ce fait causa un bris de sauvegarde royale et infligea violence et injure à l’abbaye582. Le Parlement condamna le maire et les jurés à 1 000 £ tournois d’amende envers le roi, et à 300 £ tournois de dommages-intérêts au profit des religieux de l’abbaye de Saint-Quentin-en-l’Isle. Mais le maire, toujours accompagné par ses deux sergents à verges, réclamait la possibilité de se faire accompagner par des gens armés dans l’abbaye d’Isle pour l’occasion des processions religieuses qui s’y tenaient. En 1340, devant Drouart de Hainaut, lieutenant du bailli de Vermandois à Saint-Quentin, tenant les assises de la cour du roi à Saint-Quentin les parties convinrent d’un nouvel accord583. Ce n’est qu’en 1403 que l’on note un nouveau procès d’importance, débattu devant la cour du roi à Saint-Quentin à propos du droit de cuisson dans le détroit d’Isle. Plusieurs bourgeois avaient construit des fours dans leur maison, illégalement selon l’abbaye. Un jugement, rendu par le prévôt, avait admis les prétentions de la ville et légalisé ces fours584. Les religieux d’Isle interjetèrent appel devant le bailli de Vermandois. La stratégie de défense de l’abbaye sort ici de l’ordinaire. L’abbé Jean, licencié en decret et escolier de 578 Une clause du contrat prévoyait que l’abbaye ne devait pas payer sa rente si le niveau de l’eau n’était pas suffisant pour

faire tourner les moulins. Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° 9 (Gomart, t. 4, p. 328). Paris, AN, X1a 4, fol. 68v (Boutaric, n° 3292), 11 mars 1305. Saint-Quentin, liasse 21, dossier A, n° 39, mai 1340. AN, X1a 9, fol. 405 (Furgeot, n° 4527) ; Paris, AN, LL 1016, fol. 17v–18, 29 novembre 1342. Paris, AN, X1a 4, fol 168 (Boutaric, n° 3797) ; Saint-Quentin, AM, liasse 261, dossier A (Lemaire, n° 234), 18 mars 1311 n.st. 583 Saint-Quentin, liasse 7, dossier A, n° 9 ; Paris, AN, LL 1016, fol. 13–14 ; Paris, BN, lat. 10116, p. 86 ; Laon, AD Aisne, H 535, p. 48 (Gomart, t. 4, p. 261–264 ; Lemaire, n° 729). 584 Saint-Quentin, AM, liasse 7, n° 19 (Lemaire, n° 842 ; Gomart, t. 4, p. 270), 25 avril 1403 et 27 juillet 1411. 579 580 581 582

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l’Université de Paris, invoquant ses privilèges d’universitaire, porta la cause devant le prévôt de Paris. Simultanément, un appel fut fait devant le Parlement. Tanguy du Chastel, agissant comme garde de la prévôté de Paris, gardien et conservateur général donné et deputé de par le roy aux maistres regens et escoliers estudians en l’Université de Paris, confirma cependant le jugement du prévôt. Pour exécution, il renvoya l’affaire devant le bailli de Vermandois585. Par on ne sait trop quel moyen, le Parlement avait été également saisi de l’affaire. Peut-être la ville et l’abbaye étaient-ils allés au Parlement pour une question de juridiction, la ville refusant de prendre en compte le statut d’étudiant de l’abbé et de se soumettre à la juridiction du prévôt de Paris586. Néanmoins, le Parlement rendit un arrêt similaire à celui du garde de la prévôté de Paris587. b. L’abbaye de Saint-Prix L’abbaye de Saint-Prix est un établissement plutôt obscur, pour lequel il y a beaucoup moins de chartes que pour l’abbaye de Saint-Quentin-en-l’Isle588. Il s’agit d’une nouvelle fondation du xe siècle. Dom Mabillon a considéré, à tort, que l’abbé-comte Fulrad avait été le fondateur de l’abbaye589. À sa prière, Charlemagne aurait confié à l’église de Saint-Quentin deux morceaux des reliques de saint Prix, évêque de Clermont en 674 et dont la renommée guérisseuse était établie. Mais contrairement à ce que voulait faire Fulrad, un sermon du xiie siècle affirme que les reliques de saint Prix, lorsqu’elles furent amenées à Saint-Quentin, furent confiées à une communauté de frères, plutôt que d’être placées dans l’église590. Une seconde explication semble plus probable. Dès le temps du comte Herbert IV, la tradition locale attribue la fondation au comte Albert ier. Ce dernier, voyant avec peine que son palais avait été la prison du roi son souverain, avait décidé de l’abandonner aux religieux de Saint-Benoît. En 986, une communauté de moines bénédictins, composée d’un abbé et de trois frères, s’installait dans cette petite tour comtale où fut enfermé Charles le Simple et où les comtes réunissaient leurs vassaux pour rendre justice591. En fait, le comte ayant établi son lieu de résidence dans le castrum, cet ancien lieu de résidence avait été laissé à l’abandon. Le corps de l’abbaye était donc situé au lieu-dit Le Breuil, de l’autre côté de la vallée du Gronard, sur un îlot surélevé en plein marécage asséché par les moines, à environ 500 m à l’ouest de la ville. Ce lieu était à l’époque vraiment à l’écart et correspondait tout à fait à l’idéal bénédictin. Cette abbaye modeste comptait un abbé et trois moines lorsqu’elle fut fondé. Elle semble néanmoins avoir réussi à atteindre le nombre de douze moines et d’un abbé. Contrairement à Saint-Quentin-en-l’Isle, les abbés sont pour la plupart inconnus. En plus de l’abbaye, ces moines possédaient une église, une grange et les terres adjacentes. En 1076, Herbert IV ayant laissé son prévôt Gautier (Walterus) et ses hommes attaquer et spolier les hommes de l’abbaye, dut pour se laver de cette faute, confirmer les privilèges de l’abSaint-Quentin, AM, liasse 7, n° 20 (Lemaire, n° 842 note), 27 juillet 1415. Sur cette question, voir Serge Lusignan, Vérité garde le roi, op.cit., passim. Paris, AN, X1a 61, fol. 122v°, 5 juin 1416. Quentin de la Fons, Histoire particulière de la ville de Saint-Quentin, 1re partie, p. 229–240. Dom Mabillon, Annales Ordines Sancti Benedicti, t. 2, Paris, 1706, p. 411 ; GC, t. 9, col. 1093. Héméré, 2e partie, p. 26. Saint-Quentin, AM, liasse 263, n° 3. Il s’agit d’un autre document que la ville avait fait traduire en français à l’occasion d’un conflit l’opposant à l’abbaye à la fin du xiiie siècle.

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baye et lui verser une indemnité de 50 livres d’or et de 100 livres d’argent592. Cette charte décrit vaguement le temporel primitif de l’abbaye. Il s’agissait d’une mensa indominicata située sur le lieu-dit Broilus (Le Breuil). En outre, l’abbaye avait la justice sur les hommes des hameaux de Rocourt et d’Oestres, sur les eaux à proximité, et sur un moulin593. Sous la protection des comtes, son temporel crût rapidement. En plus des environs immédiats de leur abbaye, dès 1047 les moines reçurent plusieurs donations importantes dans les villes des alentours. Après le comte Albert ier, le chancelier d’Henri ier, Beaudouin, leur fit don de Senercy594. En 1108, alors que l’abbé et le couvent avaient demandé au pape confirmation de leur temporel, l’abbaye possédait déjà divers droits sur Happencourt, Fontaines, Dalon, Oestres, Remigii, Ulmisti, Mourcourt, Romuldicurt, Isigni, Fonsommess, Manencurt, Saisnencurt et Le Vergies Dalon, Hapencourt, Estreillers, Franchili, Fayel, Fresnoy, Le Vergies, Presel, Brancourt, Omissi, Mourcourt, Tilloy, Senechi, Lehau Wyart, Fontaines, Clastres, Gricourt, Fairvaques, Semilli et Borges, Vailly, Monchaux, Roucourt, Oistre, Béthune595. En 1175, Henri, sénéchal de Marle, donna Cohartille à l’abbaye de SaintPrix596. Pour administrer leur justice temporelle, ils nommaient un maire et des échevins597. Tout comme l’abbaye de Saint-Quentin-en-l’Isle, les eaux des environs leur appartenaient. Ils possédaient trois moulins à eau, un moulin-à-vent, l’église d’Oestres et le hameau de Rocourt. Dans Saint-Quentin même, l’abbaye avait, à la fin du xive siècle, deux maisons, deux fours et certaines juridictions dans la rue de Pontoilles pour laquelle elle touchait de la commune 26 £ de rente par an pour compensation et plusieurs rentes en chapon et en argent sur divers immeubles. Tout comme sa consœur d’Isle, l’abbaye de Saint-Prix nommait le curé de la paroisse Saint-Nicaise qui répondait à la juridiction spirituelle de l’Évêque de Noyon. Cette abbaye semble moins pointilleuse quant à la protection de ses droits de justice que sa consœur d’Isle. De par sa situation plus en dehors de la ville, elle était moins menaçante et les conflits de juridiction avec la commune furent plus rares, mais plus précoces. Dès février 1220, l’abbaye, le vicomte et les échevins convinrent de s’en remettre à l’arbitrage de P[ierre] d’Orgival, chanoine de Saint-Quentin, et de Guillaume du Châtellier. Ceux-ci furent chargés de déterminer si les hommes de l’abbaye étaient justiciables du vicomte et des échevins du roi à Saint-Quentin pour leur cause mobilière598. En juin 1283, ce furent les droits d’herbage et de pâturage des habitants de SaintQuentin qui posèrent problèmes. Les moines avaient fait agrandir et entourer de clôture un fossé situé derrière l’abbaye, vers le marais, et avaient jeté sur l’herbe les bourbes provenant du creusement de ce fossé. Ils avaient également planté des saules en vue d’assécher le marais. Me Jean, dit Flamand de Ribemont , clerc, et Robert, dit Bourchelles, bourgeois de Saint-Quentin, arbitres choisis par les parties décidaient que les clôtures du fossé seraient détruites, que trois voies de dix pieds de large chacune seraient tracées au milieu des plants Saint-Quentin, AM, liasse 263, n° 3. Ibid. Voir également Paris, AN, P 135, n° 278, 1384. Paris, AN, L 1001, n° 99. Paris, BN, Collection Baluze, vol 75, n° 37 (Papsturkunden in Frankreich, t. 7, p. 258–259, n° 21), 7 mai 1108. M. Melleville, Dictionnaire historique du département de l’Aisne, op.cit., t. 1, p. 264. Paris, AN, P 135, n° 278. Un seul chirographe, Saint-Quentin, AM, liassse 25, janvier 1346 n.st., mentionne les eskievins de Pontoilles du détroit de Saint Pry. 598 Paris, AN, J 232 (Saint-Quentin), n° 4bis (Delisle, n° 1953), février 1220 n.st. 592 593 594 595 596 597

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de saules et que l’abbaye de Saint-Prix ne pourrait plus faire de nouvelles plantations de nature à nuire aux droits de pâturage et d’herbage de la ville, droits auxquels participaient l’abbé et les religieux. Ils ne pourraient, non plus, élargir à nouveau ce fossé qui devait avoir la longueur et la largeur fixées par la sentence, c’est-à-dire a commencer au coron devers le vivier d’Isle jusqu’aux jardins de Pontoiles599. La justice et la seigneurie dans le détroit de Pontoilles, à Saint-Quentin, et sur les villages de Rocourt, Oestres, Happencourt, Omissy, Levergies et Francilly, posent de nouveaux problèmes, en juin 1297, à cause du droit de vinage. L’abbé et ses moines disaient posséder la saisine de la seigneurie et la haute et basse justice sur les endroits en litige, tant à l’intérieur comme à l’extérieur de la ville, depuis un temps suffisant pour avoir cette saisine. Ils possédaient des chartes pour le prouver600. Le maire, les jurés et le sénéchal de Vermandois prétendaient bien évidemment le contraire, à savoir que la justice sur le détroit et les villages litigieux leur appartenaient. Après l’envoi de commissaires du Parlement sur les lieux, par le conseil de bonnes gens, les parties, qui s’étaient apaisées, s’accordèrent amiablement. Les droits de justices, haute et basse, ainsi que la seigneurie sur le détroit de Pontoilles à l’intérieur de la ville, dans ses faubourgs et sur le marais de la Chapelle furent reconnus à la ville. Le détroit fut délimité par plusieurs bornes (mentionnées dans l’acte) fixées par Raoul de Bétancourt, jadis prévôt de Saint-Quentin, à présent homme du roi, et par Robert de Fonsommess, sénéchal de Vermandois. En contrepartie, l’abbé et le couvent de Saint-Prix disposèrent d’un maire et de trois échevins pour leur juridiction gracieuse. En compensation, le maire et les jurés durent payer chaque année une redevance de 20 £ parisis pour les droits de justice. L’accord fut entériné par l’évêque de Noyon601. Le conflit à propos de la justice que prétendait avoir l’abbaye sur la rue Pontoilles trouva une solution similaire à celle qui venait d’être adoptée, en 1292, pour régler le conflit qui opposait la ville au coûtre du chapitre pour la même raison : la prise à ferme perpétuelle de la justice litigieuse. De nouveau, en 1306, les droits de justice et de seigneurie de la ville dans le détroit de Pontoilles furent remis en cause. L’abbé et le couvent se plaignaient que le maire et les jurés avaient, sans leur permission, ouvert des fossés dans le détroit de Pontoilles et qu’ils avaient arbitrairement arrêté et emprisonné le valet de leur prévôt. Ils demandaient en outre que la ville leur restituât un trésor trouvé dans l’étendue de leur seigneurie que le maire et les jurés s’étaient à tort attribué, selon le droit d’estraherie. L’affaire se termina simplement par une reconnaissance. Le maire et les jurés reconnaissaient ne pas posséder le droit d’estraherie et de forfaiture dans le détroit de Pontoilles, mais que ces droits appartenaient aux religieux de Saint-Prix. Ils n’avaient pas voulu leur porter préjudice en creusant un fossé dans le marais, en dehors de la Porte Pontoilles. Ils remettaient également le trésor trouvé aux religieux602. La guerre de Cent Ans amena l’expropriation de l’abbaye pour des raisons de sécurité. Le promontoire où était située l’abbaye pouvait constituer une place forte menaçante. Après la défaite de Poitiers, en 1358, la perspective d’une invasion prochaine du Vermandois par l’armée anglaise amena la prise d’une décision draconienne de la part des autorités 599 Saint-Quentin, liasse 21, n° 1 (Lemaire, n° 113), juin 1283. 600 L’abbé faisait sans doute référence à la charte d’Herbert IV de 1076 : Saint-Quentin, AM, liasse 263, n° 3. 601 Saint-Quentin, AM, liasse 263, n° 10 (Lemaire, n° 131) ; Livre rouge, n° 136 ; Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° 22

(Livre rouge, n° 137, Lemaire, n° 164). En 1284, la déclaration du temporel de l’abbaye rapporte la somme de 26 £. Voir Paris, AN, P 135, n° 278, op.cit. 602 Saint-Quentin, AM, liasse 263, n° 11 et 12 (Lemaire, n° 207) ; Saint-Quentin, AM, liasse 263, n° 13 (Lemaire, n° 208).

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de la commune : la destruction manu militari de l’abbaye de Saint-Prix603. Cette décision, pour le moins radicale, fut essentiellement motivée par l’appréhension d’un siège. On craignait que l’abbaye ne se fasse prendre par des brigands, qui auraient pu en profiter pour rançonner la ville. Où alors l’arrivée de l’armée d’Édouard III, qui se préparait à la chevauchée pour 1359, précipita la destruction de l’abbaye. Ancienne tour comtale au sommet d’une butte, il devait rester quelques fortifications où de potentiels assiégeants auraient pu trouver un refuge utile et facilement défendable. De plus, l’endroit, qui dominait les remparts de la ville, offrait une position stratégique, exposant le côté ouest de la ville, alors à peine défendue par les marais. Vers 1358, par cry sur se fait, les bâtiments de l’abbaye de Saint-Prix furent rasés604. La décision de la ville, toute légitime fut-elle, méritait tout de même compensation. Après une décision défavorable rendue par le bailli de Vermandois, l’abbé et le couvent en appelèrent au Parlement et, invoquant un cas de nouvelleté comme d’attemptas, ils réclamèrent à la ville des dommages-intérêts de 10 000 £605. Les parties s’accordèrent, pour paix et amour dans la ville, pour s’en remettre à un arbitre606. La sentence arbitrale, rendue par Witasse du Bos, chanoine et official de Saint-Quentin, qui intervint le 14 février 1376 n.st., ne fut entérinée par le Parlement que l’année suivante, le 17 mars 1377 n.st.607. Après que, comme de raison, les deux parties se furent engagées à abandonner leur poursuite l’une envers l’autre, la ville dut tout de même verser une indemnité de 1 200 francs d’or à l’abbaye. La ville s’exécuta, apparemment sans rechigner, mais paya l’indemnité en plusieurs versements608. L’abbaye réussit à reconstruire une partie de ses bâtiments, mais elle fut temporairement délocalisée intra muros, rue Saint-Martin609. 4. La ville et les autres justices ecclésiastiques Les Dominicains sont arrivés à Saint-Quentin dès 1218 et se sont établit dans la ville en 1241 sur un terrain qui servait de cimetière aux églises Saint-Rémi et NotreDame de Labon. Couvent très actif au xiiie siècle, on le surnommait alors le couvent des Cent Pères. Dans leur maison, l’archevêque de Reims convoquait les synodes. Établissement encore considérable au xve siècle, tous les deux ans, de 1331 à 1428, au début du mois de mai, y avait lieu la réunion des chapitres cathédraux de la province. Des délégués s’y réunissaient pour discuter de leurs intérêts communs610. L’arrivée des frères mineurs fut un peu plus tardive. Ils s’installèrent à Saint-Quentin vers 1230611. Presque dès leur arrivée, ces deux ordres mendiants s’opposèrent au chapitre en encourageant les paroissiens à s’adresser à eux. Bien que n’ayant pas le pouvoir pour administrer les sacrements, ils faisaient attribuer les legs des mourants à leur couvent respectif C. Gomart, Études saint-quentinoises, op.cit., t. 4, p. 252. Saint-Quentin, AM, liasse 263, n° 18 (C. Gomart, Études saint-quentinoises, op.cit., t. 4, p. 253), 14 février 1376 n.st. Ibid. Paris, AN, X1c 34, n° 84, 17 mars 1377 n.st. Saint-Quentin, AM, liasse 263, n° 18, op.cit. Saint-Quentin, AM, liasse 93 (Lemaire, n° 743), le 21 avril 1379 ; liasse 263, le 1er juin 1380 et 15 juin 1384. Paris, AN, P 135, n° 278. Sur ce dernier point, voir T. Gousset, Les actes de la province ecclésiastique de Reims, t. 3, Reims, 1844, p. 707–778 et H. Nélis, « La congrégation des chapitres cathédraux de la province ecclésiastique de Reims à Saint-Quentin », op.cit., p. 447–470. 611 Voir R. W. Emery, The Friars in Medieval France, a catalogue of French Mendicant Convent, 1200–1500, New York, 1962, p. 24. 603 604 605 606 607 608 609 610

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et les engageaient à élire sépulture dans leurs églises afin d’en tirer les émoluments612. On ne note qu’un seul autre conflit entre les frères mineurs et le maire, les jurés, le doyen et le chapitre. En 1303, ces derniers s’étaient plaint de troubles portés par les frères mineurs à l’encontre de l’exercice de leur justice sur quatre maisons situées dans l’âtre de l’église Saint-Pierre, près de leur couvent613. Une enquête fut ordonnée par Philippe IV, mais les parties se retrouvèrent devant le Parlement. Les frères mineurs finirent par se désister, et la saisine des maisons litigieuses remises au maire et aux jurés de Saint-Quentin614. Quelques années plus tard, en novembre 1307, frères Jean le Beau, de Corbie, gardiens des frères mineurs de Saint-Quentin, reconnaissaient que les droits de justice et les maisons litigieuses appartenaient au maire et aux jurés615. Au xiie siècle, le chapitre donna des terrains aux Prémontrés qui établirent un prieuré Saint-Nicolas-de-Prémontré. La maison du Temple abritait des chevaliers Templiers. En 1226, Philippe Auguste leur donna une prébende qui vaquait dans le chapitre collégial616. Après la dissolution de l’Ordre, leurs biens furent remis aux hospitaliers en 1312. La Maison du Temple fut transformée en atelier monétaire en 1386617. Les Hospitaliers étaient installés à Saint-Quentin depuis la première moitié du xiie siècle dans la rue de la Boulangerie. En échange de la Maison du Temple, le roi leur donna la maison du Faucon-Vert, contiguë à la leur. L’ensemble prit le nom de Maison de Saint-Jean. Enfin, la guerre de Cent Ans provoqua l’installation intra muros de la plupart des institutions ecclésiastiques de la région. En plus des abbayes de Saint-Prix et de Saint-Quentin-en-l’Isle, les abbayes d’Homblières, de Vermand, de Fervaques, du Mont Saint-Martin, d’Origny-Sainte-Benoîte, de Royaumont, de Notre-Dame de Ham et de Longpont, possédaient toutes une maison refuge à Saint-Quentin sur laquelle elles détenaient les droits de justice temporelle618. Conclusion Les relations entre la ville et les juridictions ecclésiastique oscillèrent entre coopération et querelles de juridiction inextricables. L’alliance de la ville et du roi s’avéra être une stratégie rentable dans la perspective de l’élargissement de leurs pouvoirs respectifs contre l’Église. En même temps que la commune peinait à faire reconnaître ses droits face au pouvoir royal, elle utilisait sa justice pour venir à bout de ses adversaires ecclésiastiques. À cause de son ancien statut de cité épiscopale, la ville s’était retrouvée à la fin du Moyen Âge dans la situation peu commune d’être soumise à deux autorités ecclésiastiques indépendantes l’une de l’autre : le chapitre collégial de Saint-Quentin et l’évêque de Noyon. Malgré ce dédoublement de compétence, les officiers de justice ecclésiastiques étaient peu nombreux si on les compare aux auxiliaires de la justice municipale et royale : à peine une dizaine en comptant l’official. Rares furent également les officiers de justice associés au Laon, AD Aisne, G 783, p. 91, 151–152, 154–156 ; Paris, AN, LL 895b, fol. 161v, mai 1254. Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° 30 (Lemaire, n° 191), 12 octobre 1303. Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° 23, 4 juin 1304. Ibid. Paris, AN, J 232 (Saint-Quentin), janvier 1226 ou 1227. Quentin de la Fons, Histoire particulière de l’Église de Saint-Quentin, op.cit., p. 264–265  ; Coliette, t. 2, p. 405–407. 618 Voir J.-L. Collart, « Saint-Quentin », op.cit., p. 100. 612 613 614 615 616 617

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Les juridictions ecclésiastiques | chapitre vi

chapitre ou à l’évêque de Noyon que l’on retrouvait au service de la ville ou du roi. Mis à part les conseillers juridiques, qui agissaient en mercenaires et vendaient leur service à tout un chacun, le chapitre et l’évêque ne prenaient que très peu, voire pas du tout de bourgeois à leur service. Le service de l’Église fut assuré par des clercs dont il est souvent difficile de voir les origines. Les autres établissements religieux ne furent pas de véritables concurrents. Ils résistèrent mal à la pression exercée par les justices laïques, communale et royale. L’abbaye de Saint-Prix est demeurée un établissement obscur aux prétentions limitées sur le détroit de Pontoilles. L’abbaye Saint-Quentin-en-l’Isle, située sur un lieu de passage obligé pour qui voulait rejoindre la ville en venant du sud, posa plus de problèmes pour le développement judiciaire et économique de la ville. Son ressort, variable en fonction du niveau de l’eau de la Somme, avait de quoi irriter les autorités municipales. À force d’accords, elle finit par fléchir et à reconnaître à la commune l’exercice de la justice dans son détroit d’Isle. Il n’y eut guère que le chapitre et l’évêque qui furent des adversaires sérieux pour la ville. D’abord, ces deux pouvoirs se constituèrent en juridictions presque au même moment. Si la commune reçut sa charte de commune définitive en 1195, le chapitre ne règla ses querelles avec l’évêque de Noyon qu’en 1199. L’officialité apparut très peu de temps après. Tout comme les bourgeois, les chanoines formaient une élite soucieuse de protéger ses droits, ses privilèges et sa juridiction. Du point de vue temporel, c’est face à la commune qu’elle devait le faire ; du point de vue spirituel, c’est face à son ordinaire, l’évêque de Noyon. Le chapitre réussit à faire reconnaître sa juridiction spirituelle sur une majorité de paroisses et d’établissements charitables et sa juridiction temporelle, sur son quartier canonial. Mais, malgré ses prétentions, le chapitre ne remettait pas en cause les fondements mêmes de la commune, seulement certains pans de sa justice dans l’espace urbain que tous deux étaient contraints de partager. À la fin du xiiie siècle, la ville et le chapitre s’en remettaient surtout à la justice royale pour régler leurs différends. Cette dernière donnait plutôt raison au maire, aux échevins et aux jurés quand il s’agissait de l’exercice de la justice. Quant à l’évêque de Noyon, il était trop éloigné et trop occupé à se défendre face au chapitre pour constituer une menace réelle pour la justice municipale. À la fin du Moyen Âge, l’évêque disposait de ses prérogatives judiciaires dans les cinq paroisses qui n’étaient pas soumises au chapitre et sur une minorité d’établissements charitables. Quand il s’attaquait à la commune, le roi hésitait beaucoup moins à soutenir les prétentions de la ville que face au chapitre, composé en grande partie de ses plus proches collaborateurs ou de membres de sa famille. Pour la ville et pour le roi, l’érosion des droits de justices seigneuriaux (en totalité pour les seigneuries laïques) et de justice ecclésiastique (en faisant porter l’attaque principalement sur leur justice temporelle, mais en tentant également des attaques de leurs compétences spirituelles) a été un moyen d’extension de leurs pouvoirs respectifs. Les deux ont même collaboré quand ils y trouvaient chacun leur intérêt. Il faut d’ailleurs noter que le développement des institutions judiciaires royales au xiiie siècle a offert un soutien très utile à la commune. À partir de la seconde moitié du xiiie siècle, ses victoires contre l’Église furent remportées devant les juridictions royales, en particulier le Parlement, beaucoup plus favorables envers elle que les juridictions ecclésiastiques. Avec la justice royale, les différentes juridictions locales ci-dessus étudiées ont contribué au développement de la justice municipale. Par le conflit, elles l’ont forcé à définir sa procédure, son ressort territorial, sa compétence sur la matière et les personnes, bref, sa pratique judiciaire. 199

Troisième partie

La pratique judiciaire municipale

La pratique judiciaire était liée au fonctionnement des différents tribunaux municipaux. Ces tribunaux ordinaires des habitants non privilégiés étaient de première instance et donc, par principe, ils n’étaient pas des cours d’appel. Leurs compétences judiciaires englobaient la justice civile et la justice criminelle. Toutefois, pour le xiiie et la majeure partie du xive siècle, ces deux catégories judiciaires ne furent pas dans les faits utilisées par les juridictions municipales. La distinction entre justices civile et criminelle n’apparaît pas dans le langage de la justice municipale avant la toute fin du xive siècle. Tout au long de cette période, on est restée attachée au vocabulaire coutumier de haute et basse justice, puis, à partir du milieu du xive siècle, de haute, moyenne et basse justice (alta, media et bassa justicia)1. Comme l’a justement fait remarquer Bernard Guenée, il s’agit d’une justice définie au cas par cas2. Comme on l’a vue dans les chapitres précédents, ce que l’on conteste la plupart du temps ce n’est pas tant la connaissance globale des cas civils ou criminels, que celle de certains cas, civils ou criminels, de basse, de moyenne ou de haute justice. Ce problème de terminologie souligne que la compétence et la procédure du tribunal municipal ont été en constante réorganisation et adaptation face aux changements judiciaires. Les sources sont peu nombreuses pour observer ces changements et la majorité des actes de la pratique se concentrent sur une brève période d’environ trente ans, qui va du rétablissement de la commune, en 1322, à l’arrêt restrictif de décembre 1352. Cette première moitié du xive siècle correspond cependant une période de transition plus marquée dans les villes, ce qui permet de voir les transformations, les ajustements ou, tout simplement le fonctionnement probable du tribunal municipal dans l’espace et dans le temps en matière de compétence et de procédure. Les « usagers »3 de ce tribunal ont également été analysés selon leur état lorsqu’ils comparaissent devant leurs juges, c’est-à-dire en tant que parties, plaideurs ou justiciables.

Paris, AN, X1a 15, fol. 86v. B. Guenée, Tribunaux et gens de justice, op.cit., p. 77 et s. É. Chenon, Histoire du droit Français, Paris, 1926, vol. 1, p. 656–657 ; F. Olivier-Martin, Hitoire du droit Français, Paris, 1948, p. 138–139 et A. Esmein, Cours élémentaire d’histoire du droit Français, Paris, 1921, p. 254–255 ; A. Koch, « L’origine de la haute et moyenne justice dans l’Ouest et le Nord de la France », RHD, 21 (1953), p. 420–458 Tous émettent des opinions différentes quant à la haute, la moyenne et la basse justice. 3 D. Lord Smail, The Consumption of Justice. Emotions, Publicity, and Legal Culture in Marseilles, 1264–1423, Ithaca, London, 2003. 1 2

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Chapitre VII

La justice civile

La justice civile traite des rapports judiciaire entre les personnes, en dehors de ce qui est considéré comme un crime. Il faut cependant noter que le cas civil n’est pas une catégorie judiciaire utilisée par les autorités municipales ni même par la plupart des coutumiers avant le milieu du xive siècle4. Elle est à la foi gracieuse et contentieuse. A.

La justice gracieuse

Cette fonction juridictionnelle – la première à avoir laissé des traces écrites sous forme de chirographes – comportait le contrôle de la légalité de l’acte juridique qui lui est soumis lorsque deux personnes s’obligeaient l’une envers par simple requête dans le but de produire un effet de droit. Elle était exercée en dehors de toute contestation, d’où le nom de gracieuse ou volontaire qu’on lui donne en générale. Les conventions confirmées par la justice municipale servaient à créer, à raffermir et à valider la création de liens juridiques nouveaux entre des personnes désirant s’obliger l’une envers l’autre et à garder une trace de cette obligation5. Pour la justice municipale, la juridiction gracieuse concernait les inventaires après-décès. Contrairement à la ville de Douai, Saint-Quentin ne connut que très brièvement le testament coutumier au milieu du xiiie siècle6. Elle désigne principalement les cas dans lesquels les parties soumettent au juge un contrat formel, ou marché, qu’elles avaient elles-mêmes élaboré par un accord contractuel, ou convenance. Le contrat est une prérogative de basse justice7. Le maire, les jurés et les échevins agissaient alors essentiellement comme témoins, en tant que garants de l’exécution de l’acte et du maintien de la paix entre les parties. On suppose que l’origine de la pratique consistant à prendre des échevins comme témoins des transactions immobilières viendrait du fait que, comme les parties s’en remettaient à ceux-ci pour juger des contestations, il était plus facile de les prendre à témoin dès l’établissement de l’acte écrit, en l’occurrence un chirographe8. Selon l’adage testi unus, testi nulus, deux échevins étaient nécessaires pour assurer la validité de témoignage que constitue le chirographe. C’est également en tant que dépositaires des us et coutumes locaux que les échevins ont été appelés à jouer en quelque sorte le rôle occupé par les notaires dans le Midi. La justice gracieuse du maire et des jurés est plus difficile à expliquer. Mais elle peut simplement découler de leur rôle de gardiens des biens meubles et des personnes Paris, AN, X1a 15, fol. 86v, 22 décembre 1352. Le cas civil est mentionné par Le coutumier bourguignon glosé, éd. J. Barth, M. Petitjean, J. Metman, Paris, 1982, p. 106, et Le Songe du Vergier, s.l. 1731, t. 1, p. 53, t. 2, p. 149. 5 N’ont été analysés ici que les seuls chirographes produits par le maire et les jurés ou par les échevins de la Vicomtéle-Roi. Les chirographes des autres échevinages de la ville n’ont pas été retenus ici. 6 Douai, AM, FF 861–889. Voir M.C. Howell, « Fixing Movables : Gifts by Testament in Late Medieval Douai », Past and Present, 150 (1996), p. 3–45. 7 Jacques d’Ableige, Le grand coutumier de France, éd. R. Dareste de la Chavanne, E. Laboulaye, Paris, 1868, p. 644. 8 A. Giry, Manuel de diplomatique, op.cit., p. 852 ; R. Byl, Les juridictions scabinales, op.cit., p. 187 ; P. Godding, Le droit privé dans le Pays-Bas, op.cit., p. 436 4

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Troisième partie | La pratique judiciaire municipale

des bourgeois9. Comme ils connaissaient la plupart des contestations relatives à ces deux matières, il était plus simple de les prendre à témoin dès la convenance. Pour la même raison, l’apparition de l’écrit dans les échanges provient vraisemblablement d’une demande des parties et non pas des juges de la ville. Hors succession, la rupture du lien créé par contrat entre deux parties fournit une importante matière de contentieux civils. Le contrat utilise un vocabulaire rempli de particularismes locaux qu’il convient ici de définir et d’expliquer. 1.

L’utilisation de chirographes

Le maire, les jurés et les échevins ont utilisé le chirographe non scellé, ou chartepartie, comme mode d’authentification des contrats obligataires. La technique, quoique simple et bien connue, a des origines obscures10. En présence d’une autorité, deux ou trois copies à teneur identique d’un même acte étaient retranscrites sur un parchemin de format très variable. Chacun était séparé ensuite par une devise qui était découpée en son milieu. Une copie de l’acte était remise à chacune des parties, puis une copie était systématiquement conservée dans le coffre de l’échevinage, lui-même enfermé dans la tour aux archives de la ville11. En cas de contestation, il suffisait de produire les deux ou trois copies de l’acte. On vérifiait la similarité des différents textes et la correspondance de la devise12. Cette technique du chirographe a été utilisée pour authentifier de nombreux types d’actes de juridiction gracieuse. Mais on retrouve parfois des chirographes utilisés pour régler un contentieux sous la forme d’un accord ou d’une sentence d’échevins. Comme l’a souligné Robert Jacob, l’histoire juridique et culturelle du chirographe reste encore à faire13. Sur le plan social, son étude permet de reconstituer les familles, de déterminer le statut d’un individu, son niveau de richesse et une partie de ses possessions foncières. Le plus ancien chirographe daté, retrouvé dans les archives municipales de SaintQuentin, est de 1213, ce qui coïncide à peu de choses près avec l’entrée de la ville dans le domaine royal en 121414. Bien que la technique ait été employée jusqu’au milieu du xvie siècle, les bornes chronologiques de l’étude ont fait arrêter leur analyse aux environs de 1420. La forme diplomatique des contrats chirographiés des échevinages saint-quentinois est constante d’un siècle à l’autre tant ce type d’acte est stéréotypé. Tous les chirographes ont été rédigés sur parchemin, exception faite de trois copies sur papier de chirographes de la fin du xive siècle effectuées en juillet 141615. La taille des chirographes varie beaucoup. C’était même l’un des fondements de la commune : Charte de Philippe Auguste, § 1. A. Giry, Manuel de diplomatique, Paris, 1894, p. 511–512, 851–853 ; A. De Bouard, Manuel de diplomatique française et pontificale, t. 1, Diplomatique générale, Paris, 1929, p. 365–371 ; M.M. Cárcel Ortís, Vocabulaire international de la diplomatique, Valencia, 1994, § 44. En dehors des manuels de diplomatique, es études portent essentiellement sur les chirographes non échevinaux : B. Bischoff, « Zur Frühgeschichte des mittelalterlichen Chirographum », Archivalische Zeitschrift, 50–51 (1955), p. 297–300 ; Winfried Trusen, « Chirographum und Teilurkunde im Mittelalter », Archivalische Zeitschrift, 75 (1979), p. 232–249 ; M. Parisse, « Remarques sur les chirographes et les chartes-parties antérieures à 1120 et conservées en France  », Archiv für Diplomatik, 32 (1986), p. 546–567. Voir également B. Delmaire, «  La diplomatique des actes échevinaux d’Aire-sur-la-Lys au xiiie siècle », dans W. Prevenier, T. de Hemptinne (éd.), La diplomatique urbaine en Europe au Moyen Âge, Actes du congrès de la Commission internationale de Diplomatique, Gand, 25–29 août 1998, Leuven-Apeldoon, 2000, p. 101–122. 11 Charte de Philippe Auguste, § 3 et 23. Le corps et les biens des bourgeois de Saint-Quentin étant, selon la charte de commune de la ville, sous la protection des magistrats municipaux, une copie de chaque contrat qu’ils passaient devait d’office être consignée dans le coffre des échevins. Ce sont les copies conservées à ce titre qui ont survécu. 12 Il subsiste quelques exemples de chirographes non séparés et de chirographes dont on a deux copies. 13 R. Jacob, Les époux, le seigneur et la cité, op.cit., p. 78. 14 Arles, BM, Chartrier Véran, n° 20ter. Le plus ancien conservé à Saint-Quentin est de 1218 : Voir Saint-Quentin, AM, liasse 24 (Le Proux, n° 5 ; Lemaire, n° 349), s.d., vers 1218. 15 Saint-Quentin, AM, liasse 26, vers 1416, 1er juillet 1416 et 30 juillet 1416. 9 10

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La justice civile | chapitre vii

Les plus anciens, qui sont également les plus petits, font à peine dix centimètres de côté. Les plus grands, en revanche, atteignent jusqu’à 30cm de largeur pour 60cm de longueur. Mais en moyenne, ils font de 15cm à 20cm de largeur pour 25cm à 30cm de longueur. Tout semble être fonction du texte retranscrit. Les chirographes débutent dès l’origine par la notification des échevins qui agissaient comme témoins et qui validaient juridiquement l’acte posé. Cette formule est pratiquement la même pour tous les échevinages qui ont suivi les usages de la ville de rapporter l’action aux autres échevins. L’échevinage de la Vicomté-le-Roi a toutefois utilisé deux variantes de formules au début du xiiie siècle. La première – Che sachent li eskievins qui sunt et qui advenir sunt – est rapidement tombée en désuétude au profit de la seconde – Sachent li eskievins qui sunt et qui advenir sunt. C’est le seul échevinage de la région qui ne s’identifie jamais lors de la suscription. Le maire et les jurés utilisent une adresse similaire. Seule l’adresse diffère, puisque leurs actes avaient une autre portée que de notifier le témoignage des échevins. Les autorités communales utilisent la formule Sacent tout cil qui cest escrit verront. Le texte du chirographe va droit au but et est très technique. Il est construit comme une notice impersonnelle. En peu de mots, il décrit les personnes, l’objet et les lieux. Il débute par la déclinaison d’identité des parties. Celle-ci est brève, mais contient l’essentiel. Ainsi, il paraît à première vue facile d’établir l’identité sociale des parties en présence. On retrouve des individus mariés ou veufs, des bourgeois, de simples habitants, des clercs, des maîtres, des chevaliers ou des écuyers, des mineurs émancipés, hors de bail et de mainburnie, ou non, et des amis karnels. Cette déclinaison d’identité est entrecoupée par la nature juridique de l’acte. Suivent la description de l’objet de la transaction et sa localisation relative à l’aide de plusieurs points de repère, souvent difficiles à retrouver aujourd’hui : villes ou villages, chemins, rues, champs ou d’autres héritages limitrophes, référence à une paroisse ou à une enseigne de la ville. Pour l’ensemble du xiiie siècle, il faut noter une pratique documentaire particulièrement intéressante. Plusieurs transactions, jusqu’à cinq, ont été transcrites les unes à la suite des autres sur le même chirographe. Cette pratique, notamment utilisée à Cambrai16, tomba cependant en désuétude dans la seconde moitié du xive, où elle est beaucoup moins attestée17. Elle était employée lorsqu’un acquéreur voulait obtenir une sorte d’historique des diverses transactions relatives à l’immeuble qu’il venait d’acquérir. On l’utilisait aussi lorsqu’une transaction visait une action multiple, quand, par exemple, un acheteur rendait aussitôt l’immeuble au vendeur sous forme de don a otage, dans le but d’éviter le prêt à intérêt18. L’évolution de la forme et du contenu se fit essentiellement dans le dispositif des chirographes échevinaux. Elle s’est traduite par la description plus précise des objets et de leur localisation. Mais c’est surtout l’ajout clauses de sûretés réelles ou personnelles qui fit évoluer le dispositif du chirographe. Quoique discrète, parce que graduelle, c’est ainsi que s’est opérée une pénétration du droit savant dans les pratiques contractuelles à Saint-Quentin dans le courant du xiiie siècle19. Une clause du même ordre, relative à la Lille, ADN, 7 G 124, n° 1435, mars 1331. Neuf cas entre 1301 et 1350 contre 38 pour tout le xiiie siècle. A. Derville, L’économie française au Moyen Âge, Paris, 1995, p. 226. A. Rigaudière, « La pénétration du vocabulaire édictal romain dans les coutumiers des xiiie et xive siècles », dans A. Iglesia Ferreiros, El dret comù i Catalunya 1996, Barcelone, 1997, p. 161–197 ; J.-P. Lévy, A. Castaldo, Histoire du droit civil, Paris, 2002, chap. 7, p. 1046–1082. 16 17 18 19

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protection des intérêts de la commune, apparaît vers 1250. À partir de cette date, dans toutes les transactions immobilières, l’immeuble est dit tailliaule, traitaule, justichaule et maniaule a le ville et comugne de Saint-Quentin a tous jours20. Le montant des transactions est souvent absent dans la première moitié du xiiie siècle. Quand il apparaît, celui-ci n’est exprimé qu’avec la monnaie de compte en usage à Saint-Quentin, soit la livre parisis de France. Vers 1330, apparaît le type de monnaie utilisée pour régler la transaction. Il s’agit alors de denier sec et bien compté. Le protocole final fait une nouvelle fois mention de la juridiction devant laquelle avait été passé le chirographe. Une brève formule indique, lors d’une transaction immobilière, le nom du chef cens (ou de son représentant), c’est-à-dire le nom du titulaire du cens principal assis sur le fonds de la terre et qui devait consentir à la transaction21. Les actes sont datés dans le style de Pâques, en l’an del Incarnation et par le mois. L’emploi du quantième reste exceptionnel  : environ un dixième des actes le mentionne. Le nom du scribe n’est jamais indiqué. Mais on peut observer pour une même période et un même échevinage plusieurs mains d’écriture d’un chirographe à l’autre. Les seules mentions hors teneur se retrouvent au dos, où figure le nom du destinataire, celui qui avait conservé l’autre partie de l’acte qui n’était pas conservée dans le coffre des échevins. Ces actes ont toujours été rédigés en français. Il s’agit même du plus ancien type d’acte rédigé en langue vernaculaire qui soit connu à Saint-Quentin22. L’utilisation du français contribue à les distinguer des contrats antérieurs, passés devant l’officialité du chapitre de Saint-Quentin, qui sont restés rédigés en latin et par conséquent incompréhensibles pour la majorité des justiciables de l’échevinage. La scripta picarde utilisée est teintée de traits dialectaux plus ou moins flagrants selon les époques23. Certes, ces traits s’amenuisent, mais ils persistent tout au long des xive et xve siècles. D’après Serge Lusignan cette scripta, caractéristique des autorités municipales, sert à marquer une différence par rapport aux officiers royaux, par exemple24. La répartition chronologique des deux cent soixante-dix-sept chirographes analysés n’est pas uniforme. Le xiiie siècle est beaucoup mieux doté que le xive et encore plus que le xve siècle. Malgré tout, il ne reste qu’une infime partie des documents, si on compare à des fonds mieux préservés comme ceux de Douai (35 000), ou de Nivelles (65 000)25. La première mention est dans un chirographe du 25 août 1249 : Saint-Quentin, AM, liasse 24 (Le Proux, n° 37). Le nom du chef cens ou de son représentant est systématiquement indiqué. Voir J.-P. Lévy, A. Castaldo, Histoire du droit civil, op.cit., § 422, p. 616. En revanche, le seul exemple où le nom d’un ou de plusieurs échevins apparaît sur un chirographe à Saint-Quentin est celui mentionné par A. de Bouard, Manuel de diplomatique française et pontificale, op.cit., t. 2, p. 241 ; chirographe édité par Le Proux, n° 5. 22 Voir Le Proux, p. 437–477. 23 Carl T. Gossen, «  La scripta des chartes picardes  », dans Revue de linguistique Romane, 26 (1962), p. 285–299  ; Id., Französische Skriptastudien Untersuchungen zu den Nordfranzösischen urkundensprachen des Mittelalters, Wien, 1967, p. 213–241. 24 S. Lusignan, S. Brazeau, « Jalon pour une histoire de l’orthographe française au xive siècle : l’usage des consonnes quiescentes à la chancellerie royale », Romania, 122 (2004), p. 444–467. 25 P. Godding, « Le droit des gens mariés à Nivelles (14e–15e siècles) », RHD, 44 (1972), p. 74. La ville de Tournai en conservait plus de 120 000 au xixe siècle. De ceux-ci, on retrouve des épaves à Mons (P. Ruelle « 31 chirographes tournaisiens (1282-1366) », Compte-rendu des séances de la Commission royale d’histoire ou recueil de ses bulletins, 128 (1962), p. 1–67) et à Paris, BN, na.fr 1210. Il en resterait plusieurs millier en Angleterre dans la colletion Phillipps qui se trouvait à Cheltenham. Voir A. d’Herbomez, « Le fonds des chirographes aux archives communales de Tournai », BSHLT, 24 (1892), p. 269-270. 20 21

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Tableau 14 Nombre et chronologie des contrats chirographiés du maire, des échevins et des jurés répartis par quart de siècle Échevins

Maire et jurés

Total

1200–1225

9

2

11

1226–1250

31

2

33

1251–1275

60

34

94

1276–1300

43

2

45

1301–1325

38

2

40

1326–1350

26

26

1351–1375

17

17

1376–1400

6

6

1401–1420

5

5

Total :

235

42

277

Le tableau 14 ci-dessus montre a priori que l’emploi du chirographe a diminué à la fin du xiiie siècle, qu’il est tombé en désuétude au cours de la première moitié du xive siècle, pour finir par être d’emploi exceptionnel au début du xve siècle26. Toutefois, compte tenu des destructions, ces quelques constatations méritent d’être nuancées. De façon générale, les archives municipales de Saint-Quentin sont très riches avant la première moitié du xive siècle. Par la suite, il y a une diminution générale du nombre de documents. Mais ce n’est pas le seul facteur ayant contribué à la forte diminution des chirographes. Le déclin de l’usage du chirographe coïncide avec deux institutions nouvelles, celle du sceau de juridiction, reçu par la ville au début du xive siècle, et par l’instauration d’un garde du sceau du bailliage de Vermandois à Saint-Quentin vers 129027. Le maire et les jurés semblent quant à eux avoir utilisé le chirographe de façon courante jusqu’à la suspension de la commune, essentiellement pour des reconnaissances de dette passées devant eux par des particuliers28. Même si on retrouve deux chirographes dans le premier quart du xve siècle, l’obtention d’un sceau aux causes en 1307, et les suites de la suspension de la commune signèrent l’arrêt de mort de l’utilisation du chirographe par le maire et les jurés29. Ceux-ci préférèrent l’usage de leur petit sceau afin d’expédier les affaires courantes. L’union du corps des échevins à celui du maire et des jurés, qui eux disposaient d’un sceau, mit graduellement fin à l’emploi du chirographe. Après l’union des deux corps, les jugements furent rendus de concert et ne furent plus rédigés sous forme de chirographe. Au xve siècle, le chirographe ne concerne plus que les contrats entre particuliers passés devant les échevinages30. 26 Sur le déclin général du chirographe au cours du xive siècle, voir A. Giry, Manuel de diplomatique, op.cit., p. 512, A. de Bouard, Manuel de diplomatique française et pontificale, op.cit., t. 2, p. 243–246. 27 L. Carolus-Barré, « L’ordonnance de Philippe le Hardi et l’organisation de la juridiction gracieuse », op.cit. ; Id., « L’ordonnance de Philippe le Hardi sur la juridiction gracieuse et son application » ; Cette raison est également invoquée par A. De Bouard, Manuel de diplomatique française et pontificale, op.cit., t. 2, p. 244. 28 Le dernier date de août 1315. 29 Livre rouge, n° 10 (Lemaire, n° 210), février 1307 n.st. 30 A. Giry, Manuel de diplomatique, op.cit., p. 512,

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Si on suit Bernard Delmaire, la ville de Saint-Quentin peut être rangée au rang des villes novatrices en matière d’authentification des actes31. Ville novatrice ou réactionnaire ? Au latin, elle préféra certes sans aucune exception utiliser la scripta picarde. Mais au sceau, elle préféra une méthode plus qu’archaïque d’authentification, le chirographe, que plus personne n’utilisait, parce que jugé peu efficace, lorsqu’elle se généralisa dans les villes d’échevinage au xiiie siècle32. À Saint-Quentin, on utilisa même un chirographe pour attester de l’authenticité d’un sceau33. La ville suivit par la suite la tendance quasi-générale qui consista, dans le courant du xive siècle, à préférer graduellement l’usage du sceau pour l’abandonner complètement qu’au milieu du xvie siècle34. La chronologie précise de l’abandon du chirographe dans les villes reste à faire. À Ypres et à Saint-Omer, on l’abandonna dès la fin du xiiie siècle35. C’est sur décision du conseil de ville qu’Arras (1354), Amiens (1441) et Nivelles (1611) le remplacèrent au profit de registres aux contrats36. À Douai, on dut s’y reprendre sans succès à deux reprises : en 1368–1372 et en 1421–142737. La ville de Tournai et le pays de L’Alloeu conservèrent la technique jusqu’à la Révolution38. 2.

Les parties au contrat

Justice essentiellement volontaire, le statut personnel des parties n’entre pas toujours en ligne de compte pour s’obliger par contrat. Les parties sont d’abord des personnes que l’on définit à la fin du xive siècle en tant que particulier ou personne privée (personne physique) ou comme communauté (personne morale)39. Peu importe si on était un homme ou une femme, un bourgeois, un clerc, un chevalier, un écuyer ou un simple manant, une collectivité laïque ou ecclésiastique, il suffisait de disposer d’une capacité juridique totale. Mais le bourgeois privilégié avait l’obligation de déposer une copie des actes justifiant ses biens auprès de l’autorité communale40. Pour cette raison, le bourgeois représente la majorité des parties dont les chirographes ont été conservés. La mention du statut de bourgeois de Saint-Quentin dans les chirographes reste cependant une exception parce qu’elle renvoie à la présence d’un grand bourgeois, seuls a mettre de l’avant leur statut social.

B. Delmaire, « La diplomatique des actes échevinaux », op.cit., p. 115. Voir Humbert de Romans, Opera de vita regulari, éd. J.J. Berthier, Turin, 1956, vol. 2, p. 280 : De officio depositariorum : Item, solet interdum per chirographum, cujus una pars sit apud deponentem, alia apud depositarium, ordinari de deposito secundum voluntatem deponentis de modo reddendi, licet istud secundum jura non reputetur multum efficax ad aliquod probandum. 33 Saint-Quentin, AM, liasse 24 (Lemaire, n° 390), août 1256. C’est par un chirographe passé devant les échevins de la Vicomté-le-roi à Saint-Quentin que Godefrois Brebis d’Urvillers reconnut l’authenticité de son sceau qui y était apposé. 34 A. Bouard, Manuel de diplomatique française et pontificale, op.cit., t. 2, p. 243–246. 35 A. Giry, Histoire de la ville de Saint-Omer et de ses institutions jusqu’au xive siècle, op.cit., p. 186  ; G. Des Marez, Le droit privé à Ypres, Braine-L’alleud, 1927. Le Pays de L’Alloeu se situent dans le Nord-Pas-de-Callais entre Béthune et Armentières et regroupe les communes de Laventie, Fleurbaix, Sailly-sur-la-Lys et La-Gorgue. 36 A. Thierry, Recueil des monuments inédits de l’histoire du Thiers État, Première Série, t. 2, p. 149, n° 58, 13 décembre 1441 ; « Registres-Mémorial de la ville d’Arras, de 1354 à 1383 », dans Mémoires de l’académie d’Arras, 2e série, t. III (1869), p. 197-263 ; C. Casier, Coutumes du Pays et Duché de Brabant. Quartier de Bruxelles, t. II, Coutumes diverses, Bruxelles, 1873, fol. 388. 37 ORF, t. 5, p. 135, 5 septembre 1368 ; Douai, AM, layette BB 47, n° 1, 10 décembre 1421 ; Douai, AM, layette BB 49, n°1, 3 août 1427. 38 A. Giry, Manuel de diplomatique, op.cit., p. 512–513. 39 Par exemple, Saint-Quentin, AM, liasse 127, n° 8 (Lemaire, n°754), op.cit., 29 avril 1383. 40 P. Desportes, Testaments saint-quentinois, op.cit., p. xiv. 31 32

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Pour leurs transactions, les bourgeois bénéficiaient de diverses protections sur les biens qu’ils avaient obtenues lors de la concession de leur charte de commune41. Néanmoins, quand les contrats commencèrent à être mis par écrit, afin d’assurer ses transactions, un bourgeois pouvait obliger l’autre partie à passer une reconnaissance devant les échevins de la Vicomté-le-Roi. Ainsi, en octobre 1218, Gérard Malesmain, chevalier, et dame Agnès, sa femme avait vendu une terre à Holnon à Adam de Courcelle, bourgeois de Saint-Quentin42. Ce dernier avait vraisemblablement requis au maire et aux échevins du lieu de faire une reconnaissance de la vente devant les échevins de la Vicomté-le-Roi de Saint-Quentin pour garantir son marché43. a. Le bourgeois À Saint-Quentin, seul le kief d’hostel, c’est-à-dire le chef de famille, disposait d’une capacité juridique totale et presque sans contrainte. Il ne s’agit pas d’une contrainte de sexe, mais de fait. Perdre son mari, rester célibataire ou être orpheline faisait sortir de la tutelle masculine un certain nombre de femmes, promues par ce hasard au rang des kiefs d’hostels de la ville44. La femme majeure, émancipée et non mariée était un bourgeois à part entière. En revanche, la femme mariée, c’est-à-dire la femme de (209 mentions dans les chirographes analysés), était partiellement incapable juridiquement parce qu’elle était en la puissance de son mari45. Elle subissait des contraintes de nature sociojuridique visant à empêcher la dispersion des biens du lignage et à préserver la communauté de biens de la cellule conjugale46. Durant son mariage, la femme bourgeoise était en baronnage, c’est-àdire soumise à l’autorité de son baron, ou mari47. La femme mariée était sous le bail et le mainbour de son mari, ce qui en faisait son tuteur. La femme bourgeoise ne pouvait donc contracter qu’en compagnie de son mari. Mais il s’agit d’une obligation imposée au couple marié, donc pas seulement à la femme. La prédominance du couple dans la coutume de la ville, qui est du type picard/wallon, faisait que ni le mari ni la femme ne pouvaient s’obliger sans leur conjoint pour un marché impliquant le transfert de saisine d’un héritage48. Plusieurs contraintes étaient imposées à la cellule conjugale par l’intermédiaire des femmes. Elles visaient d’abord la protection du douaire qui, dans les chirographes, faisait l’objet de clauses de protection spéciales. S’il était vendu, en tout ou en partie, la femme devait fournir son consentement ou le soustraire de la vente. Selon les termes de la charte de Philippe Auguste, la femme mariée ne pouvait pas donner de plège (fidejubere) pour son mari49. C’est-à-dire que la femme mariée ne pouvait se porter caution pour son époux. Pour un marché conclu par les deux époux, la femme pouvait avoir à s’engager de le renouveler à la mort de son baron50. Toutefois, les parties pouvaient s’engager par tel devis que li ques d’iaus Charte de Philippe Auguste, § 1. Holnon, cant. de Vermand. Saint-Quentin, AM, liasse 24 (Le Proux, n° 3 ; Lemaire, n° 347). Saint-Quentin, AM, liasse 22 (Lemaire, n° 546), août 1338. Nouveau coutumier général, t. 2, Coutumes des ville, prevosté et ressort de Saint-Quentin, p. 524, §15 Nouveau coutumier général, t. 2, Coutumes des ville, prevosté et ressort de Saint-Quentin, p. 523, §1. Voir aussi Philippe de Beaumanoire, Coutumes de Beauvaisis, éd. op.cit., § 1061, § 1974. Nouveau coutumier général, t. 2, Coutumes des ville, prevosté et ressort de Saint-Quentin, p. 523, §18 ; Voir R. Jacob, Les époux, le seigneur et la cité, op.cit., p. 39 et s. 49 Charte de Philippe Auguste, § 21. La traduction de 1205 utilise le mot plege à la place de fidejussio. Voir Philippe de Beaumanoire, Coutumes de Beauvaisis, éd. op.cit., § 1330, 1334–1336. 50 Saint-Quentin, AM, liasse 24 (Lemaire, n° 408), janvier 1265 n.st. 41 42 43 44 45 46 47 48

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deus vivera plus longement, il goira de ce marchiet tout le cours de se vie51. Une femme mariée désirant disposer d’un héritage tenu avec son frère devait obtenir l’assentiment de son mari52. Plusieurs exemples démontrent également que la femme bourgeoise ne pouvait faire aveu et dénombrement pour un fief, sauf si elle était veuve ou noble53. Elle pouvait toutefois tester54. Au préalable, hors de question de conclure un marché. Le bourgeois non émancipé, que la charte de commune qualifie d’enfant (puer), de jeune (juvenis) ou d’adolescent (adolescens), était sous la tutelle (bail), et le mainbour (mundium) de son père, de sa mère ou d’un tuteur légal, c’est-à-dire de son kief d’hostel de référence55. L’homme majeur, mais non marié, était dit en son valotage (12 mentions), et la jeune fille en son demoisellage (18 mentions). Si on suit la charte de commune de Philippe Auguste, la durée de la tutelle du kief d’hostel n’était pas liée à l’âge, mais à la possession de biens (katels) suffisants pour permettre de subvenir à ses besoins56. Même marié, tant qu’on habitait sous le même toit que ses parents, on était sous la responsabilité du kief d’hostel. Tout comme la femme mariée, l’enfant mineur ou non émancipé ne pouvait faire aveu et dénombrement pour un fief, ou conclure un marché sans son tuteur légal57. La mort de la mère, sans faire disparaître la puissance paternelle, la diminuait fortement. Comme l’enfant recevait la succession de sa mère, au xive siècle, le père devait être nommé tuteur de ses enfants. Mais, tout comme la mère survivante58, il se pouvait que le père ne devienne pas automatiquement tuteur de ses enfants59. L’enfant mineur recevait également un tuteur lorsque leur père décédait, même s’il avait encore sa mère. Rien n’empêchait le beau-père, ou parâtre, d’être nommé tuteur de l’enfant issu du premier mariage de sa femme décédée60. Il pouvait arriver également que, à partir du xiiie siècle, l’enfant soit expressément mis hors de bail et de mainburnie par les autorités communales61. Cette émancipation expresse ne conférait vraisemblablement pas une capacité juridique complète : elle permettait d’acquérir pour soi, de jouir de ses biens et de s’obliger comme un kief d’hostel62. Les habitants de Saint-Quentin désirant mettre leurs enfants, ou leur pupille, hors de bail et de mainburnie, en d’autres termes les faire émanciper, devaient comparaître avec eux devant le maire et les jurés63. Le maire et les jurés, d’après la coutume de la ville, avaient la garde des kateux de l’enfant d’un bourgeois sous aagé ou en mainburnie64. Tous ses biens étaient remis entre leurs mains. L’argent était mis en dépôt dans le coffre de la commune et les autres biens meubles étaient administrés par des tuteurs établis par le maire, les échevins et les jurés par Saint-Quentin, AM, liasse 24, novembre 1280. Saint-Quentin, AM, liasse 24, octobre 1257. Par exemple, Paris, AN, P 135, n° 281. Seule Marie et Alix de Gauchi, châtelaine de Saint-Quentin, font aveu et dénombrement seule. 54 Plusieurs exemples dans Saint-Quentin, AM, liasse 28, édités par P. Desportes, Testaments saintquentinois, op.cit. 55 Charte de Philippe Auguste, § 30. 56 Ibid. Voir aussi J.-P. Lévy, A. Castaldo, Histoire du droit civil, op.cit., Paris, 2002, p. 165–166 ; G. Lepointe, Droit Romain et ancien droit Français, p. 248. 57 Plusieurs exemples dans Saint-Quentin, AM, liasses 24 et 25. 58 Par exemple, Saint-Quentin, AM, liasse 24 (Lemaire, n° 452), octobre 1310. 59 Saint-Quentin, AM, liasses 24 et 25. 60 Saint-Quentin, AM, liasse 22 (Le Proux, n° 44 ; Lemaire, n° 50), vers 1250 : 61 Saint-Quentin, AM, liasse 24. Voir aussi Philippe de Beaumanoire, Coutumes de Beauvaisis, op.cit., §641. 62 G. Lepointe, Droit Romain et ancien droit Français, op.cit., p. 248. Elle permettait au père de répondre au civil des forfaits du fils. 63 Saint-Quentin, AM, liasse 24 (Le Proux, n° 5 ; Lemaire, n° 349), avant 1218. 64 Saint-Quentin, AM, liasse 22 (Lemaire, n° 339), 28 septembre 1327. 51 52 53

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des lettres de tuteure, sainnes et entieres, scellées du sceau aux causes de la ville65. Les tuteurs étaient cependant choisis après consultation des amis communs de la veuve et de son mari décédé ou des parents décédés ou des exécuteurs testamentaires66. Un seul tuteur était nommé et, généralement, il s’agissait d’un ami ou d’un proche parent de la famille, d’un frère aîné pleinement émancipé ou du curé de la paroisse67. Les tuteurs devaient rendre compte de leur administration devant le maire et les jurés68. Les autorités communales pouvaient les contraindre à souscrire à un acte de cautionnement pour garantir les biens de leur pupille par une sûreté réelle et personnelle69. Cet acte leur imposait également l’obligation de le vêtir, de lui fournir toute autre nécessité et à restituer ses biens au jour de leur émancipation. En janvier 1332 n.st., Perrin Manesier fut confié à Margue par les exécuteurs testamentaires de son père Baudouin. Margue passa alors une reconnaissance de dette devant les échevins pour les 8 £ parisis provenant de la succession et elle s’engagea à restituer dans les 15 jours suivants une demande de remboursement faite par Perrin ou par le simple porteur du chirographe. Pendant le temps où Perrin serait sous son bail, Margue s’engagea également à le vêtir et lui fournir toute autre nécessité. En outre, trois personnes se portèrent caution pour Margue : Gilles Manesiers, Pierre Manesiers et Jean Gossuin70. Le bourgeois handicapé, mais majeur, devait également être placé sous tutelle. Savales Elios fut nommé tuteur par le maire et les jurés de Saint-Quentin et par les amis communs des parents de Gervaise et Jean, ses frères, tous deux muets. Il put alors effectuer un don à otage sur des maisons provenant de la succession de leurs parents71. Le bourgeois handicapé perdait également sa capacité de tester. En 1332, le testament d’Agnès, femme de feu Robert de Damlois, fut remis en cause par Maroie Fontaines, contre Jean le Clairier et sa femme. Maroie arguait qu’Agnès était sotte et qu’elle avait effectué son testament sous la contrainte72. b. L’habitant privilégié Les habitants privilégiés, qu’ils soient chevaliers, écuyers ou clercs, s’en remettaient également aux échevins pour leurs marchés. Ils représentent un peu moins de 10% des parties impliquées dans les chirographes, soit, dans le détail 7 chevaliers, 4 écuyers, 12 clercs, 13 prêtres, 6 chanoines et 6 chapelains. Le chevalier ou l’écuyer comparaissent devant les échevins pour effectuer une vente, un achat ou un don d’héritage73. Ils utilisent également l’échevinage de la ville pour transférer les redevances coutumières dont ils disposent sur un héritage, comme le chevage, le forage ou le vinage74. Vendant son droit de chevage qu’il possédait sur une maison à Jean Courcelle et dame Ermentru Rose, sa femme, Robert Musars, chevalier, et son acheteur durent comparaître devant l’échevinage pour effectuer le transfert de la saisine75. Par exemple Saint-Quentin, AM, liasse 26, août 1364. Avant l’arrêt de 1362, ce genre de lettres ne devaient être suscrites que par le maire et les jurés sans les échevins. 66 Par exemples, Saint-Quentin, AM, liasse 25 (Lemaire, n° 452), mars 1312, (Lemaire, n° 456), janvier 1315 n.st. 67 Par exemple, Saint-Quentin, AM, liasse 25 (Lemaire, n° 452), octobre 1310  ; Saint-Quentin, AM, liasse 25 (Lemaire, n° 456)janvier 1315 n.st. ; Saint-Quentin, AM, laisse 25, septembre 1351. 68 Saint-Quentin, AM, liasse 28 (Lemaire, n° 807), vers 1350. 69 Saint-Quentin, AM, liasse 22 (Lemaire, n° 339), 28 septembre 1327 ; liasse 133 (Lemaire, n° 535), 20 février 1337 n.st. 70 Saint-Quentin, AM, liasse 25, janvier 1332 n.st. 71 Saint-Quentin, AM, liasse 25 (Lemaire, n° 456). 72 Saint-Quentin, AM, liasse 22, 6 janvier 1332 n.st. 73 Par exemple, Saint-Quentin, AM, liasse 24 (Lemaire, n° 68), mai 1260 ; liasse 25 (Lemaire, n° 458), 16 juillet 1324. 74 Saint-Quentin, AM, liasse 22, vers 1330. 75 Saint-Quentin, AM, liasse 24 (Le Proux, n° 27 ; Lemaire, n° 372). À Saint-Quentin, le chevage et le forage appartenaient au chef de cens (seigneur foncier, c’est-à-dire le propriétaire du fond de la terre). Voir Saint-Quentin, AM, liasse 22, vers 1330. 65

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Troisième partie | La pratique judiciaire municipale

Personnes notables, on les retrouve également en tant qu’exécuteurs testamentaires des habitants de la ville, et donc forcément impliqués lors de la liquidation des successions. Comme l’écuyer et le chevalier, le clerc (prêtre ou curé d’une paroisse), agit le plus souvent en tant qu’exécuteur testamentaire de l’un de ses paroissiens, à titre de chef de cens ou de témoin76. Mais il agit également à titre personnel. Au xiiie siècle, avant la réorganisation de la juridiction gracieuse par Philippe le Hardi, il est courant pour les clercs de faire constater une vente devant le doyen ou l’official de Saint-Quentin77. Mais l’intervention des échevins reste nécessaire pour effectuer le transfert de saisine (werp) de la terre. En février 1254 n.st., Robert d’Estouilly, prêtre, faisait constater par l’official de Saint-Quentin une donation de deux setiers de terre, à titre d’aumône, et la vente de huit autres setiers de terres, le tout sis aux environs de Cepy78. Les échevins comparaissaient devant l’official avec les parties pour attester de la validité de la transaction. En mars 1263 n.st., Jean Haustarius, clerc du doyen de Saint-Quentin, reconnut, également devant l’official, avoir vendu une maison à Éloi de Bohain, bourgeois de Saint-Quentin, dont le tenement avait au préalable été légitimement fait par les échevins79. c. La personne morale Les personnes collectives sont astreintes à la même obligation que les personnes particulières pour le transfert d’héritage. La commune a, elle aussi, recours aux échevins pour transférer les héritages qu’elle administre pour le compte des pauvres ou de la Maison de Saint-Ladre. Elle désigne pour ce faire un juré qui agit à titre de procureur. Gestionnaire des biens des pauvres, c’est le commis aux pauvres de la commune qui fait pour eux les transactions. Enfin, le chapitre, grand propriétaire d’héritages dans la ville, devait également comparaître devant les échevins pour les mêmes raisons80. 3.

L’accord contractuel ou convenance

Avant de comparaître devant le maire et les jurés ou les échevins pour faire valider et authentifier leur contrat, les parties devaient négocier leur marché, le convenancer81. Cet accord contractuel est la première étape du marché, qu’il s’agisse de katel ou d’héritages82. La pratique coutumière du contrat ne distingue pas le marché lui-même de la preuve de ce marché83. Cette dernière s’effectue par divers signes extérieurs destinés à démontrer la validité de la convenance en cas de contestation, c’est-à-dire de l’offre et l’acceptation de l’offre. Il fallait d’abord que les parties soient de bonne foi. Celle-ci n’avait pour garantie (créante) que le seul serment des parties, chacune engageant sa foi et fiance, sa foi plevie84. Ensuite, aucune des deux parties ne devait avoir été contrainte au marché85. L’absence de contrainte était démontrée par Ce fait a été noté par T. Dutour, « Les ecclésiastiques et la société laïque en ville. Le cas de Dijon à la fin du Moyen Âge  », dans Religion et société urbaine au Moyen Âge. Études offertes à Jean-Louis Biget par ses anciens élèves, Paris, 2000, p. 81–94. 77 L. Carolus-Barré, «  L’ordonnance de Philippe le Hardi et l’organisation de la juridiction gracieuse  », op.cit., p. 5–48. 78 Cant. de Saint-Quentin. 79 Saint-Quentin, AM, liasse 24, mars 1263 n.st. 80 Les chirographes du chapitre et des chanoines de Saint-Quentin se retrouvent pour l’essentiel dans la cote Paris, AN, L 738 et L 739. 81 Sur la place de la négociation dans l’échange G. Algazi et al. éd., Negotiating the Gift, op.cit. 82 À Saint-Quentin, le terme immeuble n’est pas utilisé. On lui préfère le terme non-meubles. 83 P.C. Timbal, Les obligations contractuelles, op.cit., p. 14–15. 84 Saint-Quentin, AM, liasse 24–26. 85 P. Violet, Histoire du droit civil français, op.cit., p. 596. 76

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des signes matériels visant essentiellement à accompagner l’acceptation de la convenance, et non la constitution du marché86. Ces signes extérieurs, en théorie volontaires, apparaissent en pratique obligatoires ne serait-ce que pour protéger et prouver l’accord contractuel. Pour qu’une convenance soit reconnue valable a posteriori, il fallait qu’il y ait eu, lors de la convenance, un échange de paroles87, puis la consommation de vin par les deux parties. Il s’agissait de créer par le partage du vin de marché un lien rappelant la parole donnée à l’issue de la négociation88. L’échange du denier Dieu, sorte d’arrhes symboliques qui valait acompte sur le prix, venait également confirmer l’entente89. Il signifie l’acceptation du marché90. Lors d’un conflit né de la rupture du contrat, un avocat voulant prouver la naissance d’une obligation commençait par dire que li markiet se fist entre les parties, denier Diu donnant91. Il prenait bien soin de signaler que, lorsque les parties convenencherent leur marché, celui-ci avait été conclu correctement, parce que en fu deniers Diu donnés et vins bus92. Le témoin du marché pouvait également être appelé à témoigner de la prestation de ces signes extérieurs93. Dans tout ce processus, l’acte écrit, c’est-à-dire le chirographe, n’est pas une preuve absolue du marché et de sa teneur : on pouvait facilement être admis à prouver le contenu d’un chirographe devant le maire et les jurés, l’écrit représentant un témoignage du marché parmi d’autres restés oraux ou gestuels. La répartition mensuelle des transactions chirographés conservées est, quant à elle, équilibrée, comme le démontre le graphique suivant : 16 13,8

14 12 10

9,2

8

8,1

8,9 7,8

8,4

7,8

6,9 5,5

6

6,6

7,2 5,8

4

4 2

Ao ût Se pt em br e O ct ob re N ov em br e D éc em br e In co nn u

t lle Ju i

Ju in

M ai

Av ril

M ar s

Fé vr ier

Jan vie r

0

Graphique 1 – Répartition des chirographes selon les mois de l’année (en %)

D’après le graphique ci-dessus, la majorité des marchés était conclue durant les six premiers mois de l’année, mois durant lesquels les deux tiers des transactions connues ont Iibid., p. 599. Au xiiie siècle, la parole de la négociation est mentionnée comme prémices au marché. Par exemple, Saint-Quentin, AM, liasse 24, mars 1219. Par la suite, on s’attarde plus aux signes matériels. Par exemple, Saint-Quentin, AM, liasse 22, juin 1325. 88 Paris, BN, ms. franc. 25 948, n° 896, 15 novembre 1381, op.cit.. 89 Voir Philippe de Beaumanoire, Coutumes de Beauvaisis, op.cit., § 1056. Voir également J.-P. Lévy, A. Castaldo, Histoire du droit civil, op.cit., § 488 ; 90 Saint-Quentin, AM, liasse 22, juin 1325. 91 Saint-Quentin, AM, liasse 22, vers 1325. 92 Saint-Quentin, AM, liasse 22, vers 1330. 93 Paris, BN, ms. franc. 25 948, n° 896, 15 novembre 1381. 86 87

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été effectués, mais en moyenne on trouve 26,7 chirographes par mois. Il n’est pas surprenant de voir arriver en tête le mois de juin, qui est de loin le mois le plus actif de l’année. Juin était le mois de la fin de l’année administrative dans la ville, le mois de la Saint-Jean, fête marquant l’échéance de la plupart des termes contractuels. Le mois suivant, juillet, marque d’ailleurs une baisse de près de moitié du nombre de chirographes. On remarque ensuite un petit sommet en octobre, mois durant lequel se tenait la foire de la ville. 4.

Typologie des contrat établis par chirographe

Plusieurs matières échappaient à la justice contractuelle du maire et des jurés ou des échevins. Tel était le cas pour les contrats de mariage et des testaments, qui relevaient tous deux de la justice gracieuse des deux officialités auxquelles étaient soumis les habitants de Saint-Quentin94. Si la vente, le don ou l’échange des kateux ne leur échappaient pas, en échange, ils ne faisaient pas, pour la plupart, objet d’actes écrits95. La coutume picarde ne connaissait que le katel, premier terme généralement employé dans le nord du royaume pour désigner le bien meuble96. À Saint-Quentin, le katel est assimilé au meuble97. Au xive siècle, les officiers royaux et les ecclésiastiques emploient, pour désigner les biens, les expressions muebles et cateus, meuble et hiretage ou encore meuble et non meuble. Les inventaires après décès du xive siècle, dressés par la commune, recueillent également la liste des biens meubles des bourgeois98. N’importe quelle personne peut disposer de son katel à sa guise. Celui-ci ne donne qu’exceptionnellement lieu à la rédaction d’un acte écrit : très peu de chirographes en font leur objet. Ce n’est pas pour autant que le katel ne fait pas l’objet de contrats formels. Mais seule la convenance entre les parties suffisait à former le marché99. La difficulté inhérente à ces marchés, en cas de contestation, est de prouver qu’il y a bel et bien eu convenance entre les parties. On doit alors s’en remettre aux signes extérieurs de la convenance. Il faut également signaler le fait que la commune garantissait toutez choses achettés par pris, d’où son intervention en la matière100. À partir de 1218, ou peut-être un peu avant, seuls les marchés relatifs aux héritages, appelés également non meubles au xive siècle, commencent à faire l’objet d’une rédaction sous forme de chirographes101. L’héritage étant un bien impérissable, familial et insaisissable, on ne pouvait en disposer qu’en suivant la coutume, en faisant appel aux échevins, gardiens de la coutume, pour en transférer la propriété. La conservation des héritages dans la famille impliquait également leur disponibilité limitée. D’où le principe coutumier – plus ou moins suivit à Saint-Quentin – voulant que les héritages ne puissent répondre des dettes. L’héritage désigne plusieurs types de biens non meubles ayant généralement rapport avec la terre. Ainsi, le sol est par nature immeuble, et tout ce qui s’y rattache (bâtiments et végétaux) y est 94 P. Desportes, Testaments saint-quentinois du xive siècle, op.cit. Un seul testament sur chirographe a survécu : SaintQuentin, AM, liasse 24 (Lemaire, n° 363), 1233. 95 Les deux termes, meuble et katel, sont utilisés. 96 P. Ourliac, « Beaumanoir et les Coutumes de Beauvaisis », Actes du Colloque organisé pour la commémoration du viie centenaire des Coutumes par le GEMOB, Beauvais, 1983, p. 77 ; A. Castaldo, « Beaumanoir, les cateux et les meubles par anticipation », RHD, 681–2 (2000), p. 1–46. 97 D’abord utilisé par le pouvoir royal et l’Église, le terme meuble reste d’un usage rare pour le commune et l’échevinage. 98 Saint-Quentin, AM, liasse 28. 99 P. Violet, Histoire du droit civil français, op.cit., p. 594. 100 Establissement, § 3 ; Charte de Philippe Auguste, § 1. 101 Les premiers chirographes datés sont de 1218. Mais un de la même époque ne ne porte pas de date. Voir Le Proux, n° 1 à 5.

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Tableau 15 la répartition des chirographes par justices émettrices selon leur nature juridique (xiiie–début xve siècle) Vente Don à otage Reconnaissance

É

M et J

113

1

44

1

M, J et É 1

Total

%

114

41,3

46

16,3

8

31

37

13,4

Don

13

1

14

5,1

Achat

14

14

5,1

Quittance

11

12

4,3

1

Relaissement

5

5

1,8

Don de mariage

4

4

1,4

Mise en contrefiance Échange

3

Don à cens

1

3

1

2

0,7

Louage

2

2

0,7

Partition d’héritage

1

1

0,4

Fermage

1

1

0,4

1

0,4

277

100

Don de dernières volontés

1

1 234

42

1

assimilé102. Les chirographes parlent de manoirs, de maisons, de cambres, de masures, de terres et de bois, de gardins ou de courtils103. Les rentes d’otage, qui sont des biens incorporels, mais par nature assignées sur un immeuble, sont également considérées comme non-meubles pour la période104. Enfin, dès 1244, les échevins de Saint-Quentin semblent compétents pour le transfert de fief dans la ville même. : Wis Le Moine vendit 10 muids de froment de rente qu’il tenait en fief de Jean Foilouel, chevalier105. Le tableau 15 ci-dessus fait la synthèse de la nature juridique des chirographes des échevins de la Vicomté-le-Roi et du maire et des jurés, qui ont été conservés. On remarque que la nature juridique des actes, très variée, fournit un échantillon de la justice gracieuse de la ville. Il ressort de ce tableau que les transferts de droits réels dominaient largement l’objet des actes passés sous forme de chirographe  : plus d’un chirographe sur deux est relatif à une vente ou à un achat d’un héritage, et les deux tiers si on y ajoute les dons à otage et les donations. Examinons les chirographes les plus courants. 102 Par contre les végétaux sont toutefois des meubles par anticipation : quand ils poussent, ils sont immeubles ; ils devien-

nent meubles en étant récoltés. Voir A. Castaldo, « Beaumanoir, les cateux et les meubles par anticipation », op.cit.

103 Sur les courtils, voir A. Derville, L’économie française, op.cit., p. 91 et s. 104 Il y aurait un certain flottement à la fin du xive siècle à l’égard des rentes. A. Castaldo, « Beaumanoir, les cateux et

les meubles par anticipation », op.cit., p. 30–31. 105 Saint-Quentin, AM, liasse 24 (Le Proux, n° 30), mai 1244.

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a. Les transferts de saisine Le transfert de la saisine d’un héritage pouvait se faire par achat, vente (vendage), don, échange ou partage (portion ou partition). À Saint-Quentin, la saisine est le seul droit réel immobilier que l’on connaisse au Moyen Âge. Elle tient à la fois de la possession et de la propriété, sans toutefois être ni l’une ni l’autre. La vente et l’achat de biens immobiliers (héritage) sont les transactions les plus abondantes et représentent à eux seuls près de la moitié des chirographes des échevins (157 sur 234 chirographes). Au xiiie siècle, on distinguait la vente de l’achat106. Cette distinction provient du rôle essentiel de l’offre et de la parole échangée dans la conclusion de l’accord. Ainsi, l’achat se produisait quand l’initiative de l’offre et de la parole naissait de l’acheteur, et la vente quand elle provenait du vendeur107. Vente et achat ne sont pas les seuls termes rencontrés. La plupart des chirographes effectuant ces types de transactions ne mentionnent que le werp (ou dévest) de l’héritage. Le chirographe notifiant une vente ou un achat ne transfèrait pas la saisine de l’héritage du vendeur à l’acheteur. Il ne créait qu’une obligation légale de créance personnelle pour l’acheteur et une obligation de se dessaisir de l’héritage pour le vendeur108. Ce contrat était donc consensuel, l’acheteur devenant tenancier par le seul consentement des deux parties. Le transfert de la saisine s’effectuait seulement lors de la publicité de la vente, son werp et son claim, lors de l’ensaisinement de l’acheteur. La formule utilisée mentionne que le vendeur a vendu, werpi et clamé quite a toujours ou werpi bien et loialement l’héritage à l’acheteur, c’est-à-dire qu’il avait vendu et abandonné publiquement et solennellement son héritage. Les échevins procédaient à ce transfert de saisine sur les lieux mêmes. Ils faisaient le werp et le tenance, c’est-à-dire qu’ils dépouillaient le vendeur de sa saisine et investissaient l’acheteur du droit abandonné par le vendeur. Ils prononçaient in fine un véritable jugement, comme s’il y avait eut contestation de la saisine de la maison entre le vendeur et l’acheteur. Ils constataient que toutes les formalités avaient été accomplies et que le disposant n’avait plus aucun droit sur l’héritage. Des propriétés simultanées, ou une juxtaposition de droits réels différents sur les biens non meubles concédés par une personne à une autre, coexistaient cependant109. Il y avait tout d’abord la propriété utile, pour le tenancier, à qui l’on reconnaissait la plupart des avantages de la chose concédée : l’usage, la perception des fruits, la disposition de la chose. Puis il y avait celui qui possèdait le fonds, c’est-à-dire celui qui disposait de la justice foncière, et qu’on appelait le kief, ou chef de cens110. C’était le propriétaire du fonds de la terre, et lui aussi intervenait lors du werp en tant que seigneur foncier. Sa présence était nécessaire pour que soit effectuée la transmission symbolique de l’héritage du vendeur à l’acheteur111. Le don, ou donation (14 chirographes), est un acte plus rare par lequel une chose, un bien ou un droit est abandonné volontairement, de façon définitive et irrévocable, d’un donateur à un donataire. Il pouvait être sous réserve d’usufruit, c’est-à-dire que le Le dernier achat est d’octobre 1282. Saint-Quentin, AM, liasse 24. Par exemple, Saint-Quentin, AM, liasse 24 (Le Proux, n° 14) septembre 1234 et vers 1260. P. Violet, Histoire du droit civil français, op.cit., p. 604. A.-M. Patault, Introduction historique au droit des biens, Paris, 1989. Grand Coutumier de France, éd. op.cit., p. 645. Ce transfert, présidé par le seigneur foncier ou son représentant, donnait lieu à des rituels divers (remise de motte de gazon ou d’un fétu ou d’un autre objet : gant, couteau, etc.) qui n’ont pas laissé de trace à Saint-Quentin outre le vin de marché et le denier Dieu. Voir P. Godding, Le droit privé dans le Pays-Bas, op.cit., § 420.

106 107 108 109 110 111

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donateur, tout en renonçant à sa saisine, continuait à jouir de son bien pour lui-même sa vie durant, ou éventuellement la vie durant de plusieurs personnes nommément désignées dans l’acte (conjoint, enfants, neveu, etc.). Faisant don d’une maison à la Maison de SaintLadre, Marie de Flavi en avait réservé l’usufruit à sa fille malade qui y était internée112. Le don pouvait également s’effectuer lors d’un partage d’héritage entre deux membres d’une même famille. C’était le don en non de parchon d’héritage113. Pour éviter des problèmes liés à la succession de leurs parents ou pour rééquilibrer leur part, Geffrois le Lionceau, en son valotage, hors de bail, de mainbourg et en âge suffisant, avait donné à son frère Simon le Lionceau, en son valotage, hors de bail de de mainbourg et en âge suffisant, 20 s. parisis d’otage sur sa part de succession114. On trouve également quelques dons de mariage (4 chirographes). Il s’agit dans tous les cas d’une donation d’un bien non meuble faite à un enfant par ses parents. Vers 1290, Huars l’Eskaus, veuf, donna à son fils Simon deux maisons à Saint-Quentin par maniere de don de mariage115. En août 1304, Thomas de Vermand, sellier, bourgeois de Saint-Quentin, donna à sa fille Jeanne, en don de mariage, 20 setiers de terre à Homblière116. L’échange consistait à remettre une chose ou un bien à une personne en contrepartie d’une autre chose ou d’un bien de valeur équivalente. Pierre le Monnier et Agnès, sa femme, de l’autorité de son mari, échangèrent avec Frère Nicoles de Douai, maître de la maison de Saint-Lazare 4 s., 4 d. et 4 chapons d’otage, assignés sur une masure et une maison, contre 4 s. parisis d’otage assignés sur une autre maison117. Pour les chanoines, on échangeait des rentes d’otage contre l’obligation d’habiter une maison canoniale118. Au cas où la valeur des biens échangés n’était pas exactement équilibrée, s’ajoutait le paiement d’une soulte (solute). En mai 1266, Étienne Hadilos, échangeant sa maison contre celle de Manisses Viterel, dut ajouter une soulte de 4 £ et 8 s. parisis119. b. Le don à otage Le don à otage d’un immeuble est une pratique difficile à cerner parce qu’elle s’apparente à la constitution de rente et à l’hypothèque. Le mot otage (également orthographié hostage) peut être pris dans son sens commun de garantie. Il pourrait alors s’agir à l’origine d’une garantie proche du plège ou de la fidéjussion. À la haute époque, lors d’un transfert de saisine sur un héritage, l’acquéreur devait avoir à donner son corps en gage. Puis ce fut un autre individu qui se donnait en otage à sa place. François Dumont propose de voir dans ces otages un principe très ancien de droit romain, qui supposait que des parents ou amis d’un débiteur principal se donnaient en otage pour garantir l’obligation, car le débiteur devait rester libre afin de pouvoir travailler pour s’acquitter du montant de sa dette120. Enfin, le 112 Saint-Quentin, AM, liasse 24 (Lemaire, n° 409), octobre 1261. 113 Lorsqu’un habitant décédait ses héritages étaient partagés entre ses hoirs ou héritiers. Cet acte s’appelait une portion,

parchons ou partition d’héritage. Pour répartir ainsi les biens entre les héritiers, on suivait la coutume, c’est-à-dire que chaque hoir recevait une part égale de l’héritage. 114 Saint-Quentin, AM, liasse 25, mars 1350. 115 Saint-Quentin, AM, liasse 24, s.d. 116 Saint-Quentin, AM, liasse 265 (Lemaire, n° 447). 117 Saint-Quentin, AM, liasse 269, dossier A, n° 39 (Lemaire, n° 158), octobre 1296. 118 Laon, AD Aisne, G 789, p. 684–687, 1397 ; p. 689–692, 23 mai 1411. 119 Par exemple, Saint-Quentin, AM, liasse 24 (Lemaire, n° 404), mai 1266. 120 F. Dumont, « Obligatio », dans Mélanges Philippe Meylans, t. 1, Lausanne, 1963, p. 77–90 ; J. Courtois, Les origines de l’hypothèque en Bourgogne, Dijon, 1907, p. 13–25 ; J.-P. Lévy, A. Castaldo, Histoire du droit civil, op.cit., § 749.

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débiteur, plutôt que de fournir un plège, dut en venir à donner en otage l’héritage lui-même. Le mot pourrait plus simplement se rapprocher d’un loyer payé pour se loger121. Perpétuel, le don à otage se rapproche également de la rente constituée : au xive siècle, on prit même l’habitude de qualifier la redevance perçue de rentes d’otage122. Il s’agit donc d’un droit réel qui permettait de jouir de la chose, du bien-fonds d’autrui, à la conclusion d’un bail perpétuel après le versement à date fixe – le plus souvent à Noël et à la Saint-Jean – d’une redevance en argent au montant plus ou moins élevé. Droit réel, comme tout héritage, l’otage pouvait se vendre. Mathieu de Brocourt et Luce, sa femme vendirent le 29 octobre 1277 à Clarembaut de Laon et à Alice, sa femme, 17 s. 7 chapons d’otage et le chevage qui étaient assignés sur 3 maisons à Hurtebise123. Le don à otage pourrait également constituer une forme archaïque d’hypothèque immobilière. Au xive siècle, le titulaire d’un otage peut se faire attribuer l’immeuble grevé pour défaut de paiement de la somme due, puisque l’héritage constitue un gage sans perte d’usage immédiate du débiteur. Mais, dans un premier temps, le créancier n’est autorisé qu’à se rembourser sur les fruits de l’immeuble. Ainsi, en septembre 1278, les échevins avaient autorisé Robert le Drapier, créancier de 10 £ parisis d’otage, à vendre, jusqu’à concurrence de sa créance, les droits de Colard Gossé, son débiteur, sur sa maison. En exécution de ce jugement, Robert le Drapier vendit à Jacques, son frère, moyennant 10 £ parisis, 20 s. d’otage annuel et perpétuel supplémentaire assis sur la maison de Colard Gossé, et Jacques, à son tour, vendit cet otage moyennant 14 £ parisis à Clarembaut de Laon124. Dans un deuxième temps, à partir de 1320, une ordonnance du bailli de Vermandois, venant sanctionner ce qui est dit comme une coutume, permettait désormais de déchoir de ses droits le débiteur d’un otage impayé et de vendre l’héritage aux enchères pour rembourser le créancier125. Un créancier pouvait dès lors réclamer la mise en vente de l’héritage grevé d’otage, devant le maire et les jurés, en suivant une procédure spéciale observée plus loin. De même, il peut arriver qu’un fonds grevé de plusieurs otages devienne une charge trop lourde. Le débiteur d’un otage a alors la possibilité de racheter sa redevance due. La pratique est attestée dès le début du xive siècle, mais elle devait être prévue d’avance par une clause de rachat incluse au chirographe. Une clause d’un chirographe de 1304 d’un don à otage de 65 s. annuels entre Jean l’Eskaus, fils de feu Simon l’Eskau, en son valotage, sous l’autorité de Gautier Roze, son tuteur, et Godefroy et Jeanne, sa femme, prévoyait que le preneur pouvait racheter 10 s. parisis d’otage par tranche de 9 £ parisis126. Puis, le rachat d’otage est admis en 1404, sous la forme d’un droit de retrait : si un otage est vendu par son titulaire à un tiers, celui qui a la saisine de l’héritage grevé peut faire valoir son droit de racheter l’otage à la place de l’acheteur en le remboursant127. L’otage est alors éteint. Mais on peut aussi se décharger d’un otage devenu trop lourd financièrement en délaissant le bien baillé à otage en dewerpissant. Cet abandon d’héritage, s’il exemptait le débiteur du paiement de l’otage, ne donnait pas pour autant la propriété de l’héritage au créancier. Ceci, au dire des autorités municipales, avait causé la ruine de plusieurs maisons. Une procédure Voir la Base des lexiques du moyen français, op.cit. Il y a plusieurs mentions de rentes d’otage dans les comptes d’argenterie de la ville, Saint-Quentin, AM, liasse 68. Saint-Quentin, AM, liasse 24 (Lemaire, n° 432). Hurtebise, cant. de Guise, com. de Malzy. Saint-Quentin, AM, liasse 24 (Lemaire, n° 434), septembre 1278. Livre rouge, n° 34, 6 avril 1320. Saint-Quentin, AM, liasse 25, septembre 1304 ; Saint-Quentin, AM, liasse 25 (Lemaire, n° 452), mars 1311 n.st. Livre rouge, n° 96, 1er février 1404. Voir P. Godding, Le droit privé dans le Pays-Bas, op.cit., § 443–444 ; J.-P. Lévy, A. Castaldo, Histoire du droit civil, op.cit., § 402. 121 122 123 124 125 126 127

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spéciale, la même que pour les otages impayés, fut mise en place afin que le titulaire d’un otage puisse devenir propriétaire de l’héritage abandonné. L’interdiction du prêt à intérêt pouvait être contournée par une pratique relative à ces dons à otage. L’acheteur d’une maison pouvait, aussitôt après le werp, la bailler de nouveau au vendeur en lui redonnant à otage : c’était une constitution de rente déguisée, procédé recommandé en 1276 par le théologien Henri de Gand pour éviter le péché d’usure128. En mai 1229, Adam de Courcelles et Ade, sa femme, achetèrent à Huon l’Escoier et Ricaut, sa femme, une maison. Le même jour, la maison fut redonnée à otage par les acheteurs aux vendeurs, moyennant 12 s. 6 d. et 1 chapon par an, à payer en trois versements à Noël, à la Saint-Jean et à la Saint-Rémi. Ce procédé pouvait également faciliter la saisie de l’immeuble si la rente n’était plus payée. c. Les reconnaissances La reconnaissance ne concerne essentiellement que la dette (31 chirographes). Toujours selon le même principe de protection des biens des bourgeois, la plupart des reconnaissances ont été passées devant le maire et les jurés. La reconnaissance de dette pouvait se faire sur des sommes d’argent ou sur des biens meubles. Le montant, la durée et les termes du remboursement étaient prévus. Le montant et les termes du remboursement pouvaient, en outre, être renégociés (dilués) si le débiteur n’arrivait pas à rembourser dans les délais prévus129. La dette pouvait également n’être remboursable qu’à la requête du créancier130. Lorsqu’un tuteur devait rembourser les biens qu’il avait reçus en dépôt, il devait reconnaître avoir une dette envers son pupille pour cause de carke et de commande131. d. Les quittances Une quittance est un acte constatant qu’une obligation, et notamment un paiement, a été exécutée. Elle pouvait se passer devant les deux juridictions municipales, mais comme il s’agit, pour la plupart, d’obligations liées au katel, une nette préférence va à l’endroit de la commune. Comme l’acheteur clamait quitte au vendeur le prix d’achat de l’héritage, les actes de vente ne sont, en quelque sorte, que des quittances. 5.

Garantir le contrat

Par le marché, les parties s’obligeaient à rendre une prestation convenue. Mais diverses clauses de garanties intervenaient pour s’assurer de son bon déroulement. Au départ très succinctes et générales, les garanties tendent vers la complexité à la fin du xiiie siècle et surtout au xive siècle. Il faut ici distinguer les garanties offertes par le débiteur de celles du créancier. Le créancier ne pouvait offrir qu’une garantie en des termes généraux, comme précaution, pour éviter d’être tenu de garantir à l’acheteur le paiement des droits associés à l’immeuble (otages, cens, forage, vinage, etc.)132. Les garanties du débiteur étaient plus précises. C’était d’abord sa personne, son corps, et, par extension, l’ensemble de ses

128 129 130 131 132

Voir A. Derville, L’économie française, op.cit., p. 226. Saint-Quentin, AM, liasse 24, juin 1272. Ibid. Saint-Quentin, AM, liasse 25, janvier 1314 n.st. et mai 1313. A.I. Marnier, Ancien coutumier de Picardie, op.cit., p. 80.

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biens meubles qui devaient répondre du marché. Mais d’autres garanties pouvaient être exigées par des prises de sûretés personnelles ou réelles. a. Les sûretés personnelles (cautionnement) La solidarité entre époux faisait que le couple marié s’obligeait conjointement en tant que débiteur principal. Le caractère patrimonial de cette garantie de solidarité engageait également les hoirs comme warants du marché133. Mais un créancier pouvait exiger que des tiers s’engagent à leur côté comme caution. L’Establissement et la charte de commune connaissent la sûreté personnelle germanique, c’est-à-dire le cautionnement de plèges ou de fidejusseurs, les deux termes étant synonymes134. Celle-ci consistait à ce que d’autres personnes s’obligent au côté du débiteur principal pour le défaut de celui-ci. La solidarité du couple faisait que la femme ne pouvait plegier pour son mari135. Les plèges sont donc des compagnons ou amis du débiteur136. Au xiiie siècle, le plège n’agit que comme garantie à l’exécution du paiement. En aucun cas, il n’était tenu de payer lui-même la dette. Il ne s’engageait qu’à intervenir auprès du débiteur pour le faire payer. Le plège-otage, qui s’engageait à se constituer prisonnier pour le débiteur, était interdit dans l’Establissement et par la suite137. b. Les sûretés réelles Le créancier, qui à l’échéance de la dette ne s’était pas fait payer, pouvait exercer contre son débiteur des voies d’exécution sur les biens de ce dernier. En l’absence de prise de garanties réelles, seuls les kateux répondaient de la dette, puisqu’ils étaient les seuls biens qui pouvaient être saisis-arrêtés. Les non-meubles, propriétés familiales, devaient être toujours disponibles et n’étaient pas, en principe, censés répondre de la dette. Mais comme les kateux répondaient implicitement de la dette, à Saint-Quentin, on pouvait prendre un gage (wage) sur un héritage. La pratique existait ailleurs138. En avril 1271, Pierre Aloin mit com plain wage deduit la moitié d’une maison pour garantir deux muids de froment achetés à Pierre de Cherisi avant la Toussaint (1er novembre)139. Mais ce type de gage n’entraînait pas la constitution d’un droit autre que la restitution du bien acheté en cas de non-paiement de la créance. Pierre Aloin ne s’était engagé qu’à restituer le grain acheté s’il ne s’était pas acquitté de sa dette à la date convenue. À côté de ces pleins wages deduits, existait la mise en contrefiance d’un immeuble devant l’autorité scabinale. Il s’agissait également d’une prise de sûretés réelles sur un héritage à titre de garantie sur la vente. Cette garantie était offerte par le vendeur à l’acheteur quand l’héritage vendu impliquait une partie du douaire de la femme. Elle était le plus souvent incluse dans l’acte de vente ou de don à otage lui-même, en tant que clause pour plus grant seureté140. Le but était manifestement de protéger l’acheteur contre une contestation éventuelle des héritiers de la femme. Mais cette garantie pouvait également faire l’objet d’un chirographe spécifique, c’est-à-dire une mise en contrefiance 133 Par exemple, Saint-Quentin, AM, liasse 24 (Lemaire, n° 425), janvier 1273 n.st. 134 Les deux termes, l’un germanique (plège) et l’autre romain (fidejussio) sont employés par la Charte de Philippe Auguste,

§ 21 : le premier dans sa version française, le second dans sa version latine. 135 Charte de Philippe Auguste, § 21. 136 Paris, AN, X1a 4786, fol. 6–7, novembre 1402. 137 Establissement, § 4 ; J.-P. Lévy, A. Castaldo, Histoire du droit civil, op.cit., §749. 138 Une pratique similaire existait également à Paris. Voir J. Mayade, Dans les geôles du roi. L’emprisonnement pour dette à Paris à la fin du Moyen Âge, Paris, 2007. 139 Saint-Quentin, AM, liasse 24. 140 Saint-Quentin, AM, liasse 24, avril 1282.

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prise sur un meuble et passée devant le maire et les jurés, ou prise sur un non meuble et alors passée devant les échevins141. 6.

Quelques clauses accessoires au contrat

En plus des garanties, les transactions comportaient des clauses accessoires, avec des buts divers de protection des droits de la commune, du douaire de la femme, de réfection, de réserve d’usufruit ou de servitude. a. Clause de protection des droits de la commune Vers 1260 environ, la commune a réussi à faire inclure au chirographe une garantie protégeant ses droits de justice et d’imposition sur les immeubles de la ville. Cette clause veut que tout immeuble de la ville faisant l’objet d’un marché soit dit tailliable, traitable, maniable et justiciable de la ville et commune de Saint-Quentin142. b. Clauses de protection du douaire de l’épouse Dès le début du xiiie siècle, la vente d’un héritage par un couple comprend la protection du douaire de l’épouse sous la forme d’une clause de garantie, ou créante, au preneur143. Pour la vente du douaire, la femme doit d’abord donner son consentement et clamer quite son douaire. Un couple ayant vendu plusieurs otages, ajouta avoir vendu tout le droit, raison et action que il avoient ou pooient avoir en toutes les cozes devant dites, fust par raison d’iretage, d’eskeanche, d’acquest, de lais d’aumosne ou de succession, de doaire, ou en quelconques autre maniere et par quelconques cauze que che fust144. La clause est sommaire : la vente se fait sauf le doaire de la femme145. Ou alors, elle peut s’engager à ne pas contester une vente en invoquant son douaire. C’est ce que fit Maroie, femme de Raoul le Cressonnier lorsqu’ils vendirent les eaux et un îlot de la Somme à Jean le Bon, veuf146. Il n’y a pas que le couple qui doit garantir le douaire. Il peut arriver que les enfants aient à sauvegarder le douaire de leur mère. Ainsi, Renaus li Agrenes et Agnès, sa femme, de l’autorité de son mari, ayant vendu un otage à Gérard d’Hesqueheries et a Ysabel, sa femme, durent garantir a Maroie, mere a le dessusdite Agnes, tel doaire qu’elle a ou puet avoir es hostages et ou demi kevage dessusdis147. c. Clauses de réfection, de réédification ou d’entretien des héritages Dès la fin du xiiie siècle, l’abandon et la ruine devenus plus fréquente des héritages, furent à l’origine d’une clause particulière de réfection et d’entretien. Le preneur s’engageait par ce type de clause à effectuer des travaux pour la valeur d’une somme prévue à l’avance. En novembre 1297, Gilles Navel et Maroie, sa femme ayant pris à otage une maison de frère Nicoles de Douai, maître de la maison de Saint-Ladre, avec le consentement du maire et des jurés de Saint-Quentin, s’étaient engagés à y effectuer 50 s. Saint-Quentin, AM, liasse 24 (Le Proux, n° 21), décembre 1237 ; liasse 24, vers 1260 ; liasse 25, aôut 1307. Saint-Quentin, AM, liasse 24 (Lemaire, n° 428), octobre 1276 ; Iibid., novembre 1278. Sur la créante, Timbal, Les obligations contractuelles, p. 15–21. Saint-Quentin, AM, liasse 24 (Lemaire, n° 443). Saint-Quentin, AM, liasse 24 (Le Proux, n° 18), août 1234 ; Iibid., juin 1235. Iibid., avril 1267 ; Iibid., liasse 269, dossier A (Lemaire, n° 99), mai 1271 ; Voir également J.-P. Lévy, A. Castaldo, Histoire du droit civil, op.cit., § 749. 146 Saint-Quentin, AM, liasse 24, 4 avril 1287. 147 Saint-Quentin, AM, liasse 25, 1331. 141 142 143 144 145

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de travaux sur 3 ans, sans quoi la maison reviendrait à la léproserie148. Ou, encore, le preneur d’un otage pouvait s’obliger à le restituer en l’état. En août 1310, Agnès, femme de feu Michel le Bateur, veuve, pour elle et en tant que bail et mainbourg de Quentin et Pierre, ses fils, qui avaient pris à otage une maison de frère Lambert, maître de la maison Saint-Ladre, s’était engagé à remettre la maison dans le même état qu’elle était quand elle leur avait été donnée par frère Nicoles de Douay, ancien maître de la léproserie de SaintLadre149. Dans le même ordre d’idées, le preneur d’un héritage devenu vacant pouvait s’obliger à construire une nouvelle maison. Jean dit le jeune et Jeanne, sa femme, qui, vers 1350, avaient pris à otage tout l’héritage de Jean Marchand et de sa femme, s’étaient engagés à y édifier une nouvelle maison d’une valeur de 40 s. parisis sur cet héritage dans les 6 ans150. d. Clause de réserve d’usufruit Les réserves d’usufruit devaient se prévoir à l’avance. Une réserve d’usufruit pouvait se faire à l’occasion d’une parchon d’iretage anticipée. Ainsi, Maroie de Flavy, veuve, avait donné à Agnès, sa fille malade de la lèpre, 12 sestrelés de terre au terroir de NeuvilleSaint-Amand, en accordant, avec la permission des frères et sœurs d’Agnès, l’usufruit à la maison de Saint-Ladre pour aussi longtemps qu’Agnès vivrait151. e. Clause de servitude Une servitude devait également être prévue à l’avance, lors de la convenance du marché. En juin 1333, Jean Bonne-Amour et Aelice, sa femme, qui avait pris une maison contre le versement d’une rente d’otage à Jean du Kesnoy et de sa femme, avaient autorisé que le dégoût et les eaux de cette maison puissent être utilisés pour arroser le jardin de Jean du Kesnoy, qui était derrière152.

B. 1.

Testaments et successions Le testament

Le maire et les jurés n’ont pas rédigé à proprement parler de testaments, qui furent passés sous le seing de l’official du chapitre153. Au début du xiiie siècle, alors que l’officialité se met en place, maire et jurés ont essayé d’agir en la matière, comme le montre un chirographe de 1234, sorte de testament coutumier comme ceux qui existent notamment à Douai154. On a du rapidement laisser cette compétence à l’officialité, sans contestation apparente. Toutefois, selon le principe de protection des biens des bourgeois de la commune, une copie des testaments bourgeois devait obligatoirement être déposée dans les archives communales. 148 149 150 151 152 153 154

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Saint-Quentin, AM, liasse 269, dossier A, n° 40, novembre 1297. Saint-Quentin, AM, liasse 269, dossier A, n° 53, août 1310. Saint-Quentin, AM, liasse 25, vers 1350. Saint-Quentin, AM, liasse 24 (Lemaire, n° 409), octobre 1261. Saint-Quentin, AM, liasse 25. Voir P. Desportes, Testaments saint-quentinois du xive siècle, op.cit., p. xxi et s. Saint-Quentin, AM, liasse 24 (Le Proux, n° 15 ; Lemaire, n° 363).

La justice civile | chapitre vii

tableau 16 Répartition par quart de siècle des inventaires après décès des bourgeois de Saint-Quentin (xive siècle)



Période

Nombre

avant 1300

12

1300–1325

1

1326–1350

25

1351–1375

3

1375–1400

1

Total

2.

42

L’inventaire après décès

Si la commune n’a que très brièvement effectué des testaments, en revanche les jurés effectuaient les inventaires après décès. Cet acte fournit la liste des biens meubles, ou katel, qui ont appartenu à un individu de son vivant155. Les plus anciens, non datés, sont du début du xiiie siècle. La liasse 28 des archives municipales de Saint-Quentin renferme douze pièces ou fragments qui, par leur écriture et leur langue, sont datables de 1220–1275. Ces inventaires semblent correspondre à des déclarations de biens faites par des bourgeois, dont rien n’indique cependant qu’ils sont décédés. Rédigés en français sur parchemin, tous de très petite taille et sans forme bien précise, ils ne font que rapporter le nom d’un individu avec la liste de divers biens meubles et leur valeur en argent. Sept s’intitulent Ce sont li frais [N] ou Veschi les frais [N], un autre C’est li breves [N], les quatre autres n’ayant aucun intitulé156. On retrouve également un inventaire après décès chirographié daté du 10 août 1341, qui présente la particularité d’avoir une série de traits obliques comme légende. Selon toute vraisemblance, cet inventaire fut effectué par les exécuteurs testamentaires du défunt. La forme la plus souvent rencontrée, à partir de l’époque du rétablissement de la commune, et la plus intéressante, est celle d’un rôle de parchemin plus ou moins long selon l’importance des biens du défunt et ressemblant à un compte157. Il subsiste trente de ces inventaires, complets ou à l’état de fragments, qui sont utilisables. Les quelques autres sont dans un piteux état. Rédigés en français, ils débutent par un protocole qui passe directement au sujet. Succinct et stéréotypé, l’inventaire après décès tend cependant à se complexifier à la fin du xive siècle. Il indique dans l’ordre ou le désordre, et de manière facultative la date à laquelle est mort le défunt, son nom et celui de sa femme (l’inverse dans le cas d’une femme), la mention des enfants, si le couple en avait, et celle de la présence des priseurs assermentés de la ville. Ces derniers estimaient la valeur des biens, sous 155 Sur les inventaires après décès, voir M. Garden, « Les inventaires après décès : source globale de l’histoire sociale

lyonnaise ou juxtaposition de monographies familiales ? » Cahier d’Histoire, (1967), p. 153–173 ; p. Wolff, « Inventaires villageois Toulousain (xive–xve siècle)  », BPH (1969), p. 481–544  ; G. Loubès, «  Inventaires de mobilier et outillage gascons au xve siècle », BPH, (1969), p. 583–627. 156 Le plus petit fait 110 mm sur 35 mm et le plus grand 160 mm sur 115 mm. 157 Le premier daté est de 1327 : Saint-Quentin, AM, liasse 28 (Lemaire, n° 581).

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la supervision de deux jurés commis par le maire ou la Chambre du conseil de ville et responsables de les faire dresser. Le dernier inventaire, daté de 1396, est marqué par quelques changements. On observe tout d’abord l’apparition des échevins, qui ne participaient pas jusqu’alors à ces inventaires, et des tuteurs des enfants mineurs. Puis, est mentionné comment furent effectuées la répartition et la liquidation des biens par les priseurs de la ville158. Le texte de l’inventaire des biens meubles et des dettes du trépassé suivait un schéma bien défini. Chaque catégorie de bien était regroupée sous un titre. Ainsi, apparaissent en fonction des défunts, variant selon leur métier et leurs possessions, les titres de futailles (tonneau en bois), linge (sous-vêtements en lin), candrelach (chandelier), estain, ferraille, orfaivrerie, dras, deniers monnees, frepperie, lainne et fille, vies saulers (vieux souliers), basenne (cuir de mouton), cordonay (cuir), dettes dewes, armoirie, sellerie, laigne sec (petit bois) et carbon. La description de ces biens ressemble à celle que l’on peut retrouver dans un compte. La quantité de ceux-ci est indiquée avec leur qualité et une estimation de leur valeur numéraire. On retrouve à la fin la déduction des frais divers, effectuée par les priseurs. Ce sont des frais d’obsèques, du testament en tant que tel, de la prisée et des écritures. L’inventaire, quand il est complet, se termine par l’estimation de la valeur totale des biens du défunt en argent. C.

Le procès civil

La justice dite civile s’occupe également des litiges issus de l’état des personnes et des biens quand il y a rupture du lien de personne à personne sans violence. Elle s’emploie à trouver une issue pacifique au conflit, c’est-à-dire à rétablir la paix entre les parties grâce à divers mécanismes socio judiciaires. Mais plusieurs questions se posent quant à la description de la compétence respective des juridictions communales et scabinales dans le règlement des conflits civils entre les habitants de la ville. Qui utilise le tribunal de la ville et pour quels motifs ? Comment fonctionne la procédure de ce tribunal et quels sont les divers mécanismes mis en place pour résoudre les conflits ? Est-ce que la justice municipale est une justice originale ou est-elle plutôt conforme à ce que l’on sait du fonctionnement de la justice médiévale ? 1.

Les plaideurs

Tribunaux ordinaires des bourgeois, maire, jurés et échevins recevaient les causes qui leur étaient soumises par ces derniers ou par les habitants non privilégiés. Bourgeois ou non, le défendeur ne devait pas être depaysié, c’est-à-dire qu’il devait résider en ville pour qu’une cause puisse être soumise au tribunal municipal. Par le privilège des bourgeois d’être jugés à domicile, le tribunal de la commune pouvait être amené à entendre des causes impliquant forcément un bourgeois ou un habitant résidant en tant que défendeur contre un demandeur d’un autre statut ou résidant à l’extérieur à la ville. En pratique, ces cas semble rare et, mis à part quelques clercs de la ville159, le tribunal entendait essentiellement les causes entre habitants non privilégiés ou entre les habitants et des personnes morales de la ville, comme la commune pour les pauvres (4 causes), la Maison de Saint-Ladre (5 causes) ou le chapitre de Saint-Quentin (6 causes). La plupart des parties en conflit se com158 Saint-Quentin, AM, liasse 28 (Lemaire, n° 807), vers 1350. 159 Par exemple, Saint-Quentin, AM, liasse 22 (Lemaire, n° 180), s.d., vers 1295–1300.

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posent d’une seule personne ou d’une cellule conjugale. Les membres d’une même famille peuvent également s’opposer, notamment lors des problèmes de succession160. Par ailleurs, les restrictions imposées au plaideur sont du même ordre que celles pour conclure un contrat. Devant les juges, la femme mariée agit avec le bail et la licence de son mari. Pour mener une action en justice sur l’héritage d’une femme mariée, il faut diriger le claim également contre son mari. De ce fait, en février 1260, c’est après avoir clamé contre Emeline Lorde et Jean, son baron, que, par jugement, les échevins attribuèrent une maison à Jean Énar et à Wiart Gonduins, titulaires de rentes d’otage assises sur la maison dont les défendeurs ne s’étaient pas acquittés161. De même, tant qu’il n’est pas en aage souffisant et hors et de mainburnie, l’enfant ne devait répondre en justice162. En conséquence, on ne pouvait mener une action en justice contre l’héritage d’un enfant mineur sans passer devant le maire, les jurés et obtenir, pour le bien de l’enfant, le consentement de son bail ou mainburnisseur (tuteur) et des amis communs de ses parents morts163. La mort de Jean Étienne avait entraîné plusieurs contestations de sa succession. Son fils, Jean Étienne, avait effectué une portion d’héritage au préjudice vraisemblable de Jean Hanequin et des filles de Dame Perrée, seconde femme de feu Jean Étienne père. L’enquête avait démontré que Jean Étienne était en droit d’en disposer, puisqu’il était en aage et non despayssiés et qu’il avait obtenu le consentement de Robert Prière, son tuteur légal164. 2.

Les assistants des plaideurs

À Saint-Quentin, outre les parents et les amis, il existait deux catégories d’assistants judiciaires : l’avocat et le procureur165. Le rôle des procureurs a été abordé plus loin, lors de la présentation des parties. Il n’est question ici que des avocats. Devant le tribunal de la ville, on ne pouvait se défendre qu’avec le conseil d’un avocat de la ville. C’était un privilège très ancien, que mentionne déjà l’Establissement qui l’avait institué pour obliger les étrangers à poursuivre les bourgeois dans la ville, et aussi pour limiter l’arbitraire du comte166. La charte de commune avait conservé cette obligation 167. On peut supposer que le but était d’assurer la défense pleine et entière des parties devant le tribunal du maire, des échevins et des jurés en les obligeant à avoir recours à un avocat qui avait la connaissance des usages et des coutumes. Pour l’ensemble du xive siècle, on compte à Saint-Quentin environ une douzaine de ces praticiens professionnels qui, en plus de conseiller les diverses juridictions de la ville, pouvaient assurer la défense, le conseil ou même parfois la représentation des parties devant 160 Ce fut le cas quand Ansel de Lambay clama la saisine d’une maison contre son oncle, Jean de Rocourt, qui l’habitait :

Saint-Quentin, AM, liasse 22 (Lemaire, n° 237), 4 mars 1313 n.st.

161 Saint-Quentin, AM, liasse 24 (Lemaire, n° 398), février 1260 n.st. 162 Charte de Philippe Auguste, § 30. Plusieurs exemples de la formule hors de bail et de mainburnie et en age souffisant dans

les chirographes de Saint-Quentin, AM, liasses 24 et 25. Saint-Quentin, AM, liasse 22, vers 1260. 163 Livre rouge, n° 34, 6 avril 1320. 164 Saint-Quentin, AM, liasse 22, 5 janvier 1324 n.st. La conclusion de cette affaire est inconnue, mais il y eut des errements suffisants pour obliger quelques jurés à se rendre à Laon pour obtenir conseil. Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 10, compte de l’année 1324–1325. Voir la Charte de Philippe Auguste, § 7. 165 Sur la question de l’assistance judiciaire, voir X. Rousseaux, « De l’assistance mutuelle à l’assistance professionnelle. Le Brabant (xive–xviiie s.) », dans L’assistance dans la résolution des conflits, Recueil de la société Jean Bodin, 643, Bruxelles, 1997, p. 129–161. 166 Establissements, § 10. 167 Charte de Philippe Auguste, § 34. Cette obligation est similaire à celle d’avoir recours aujourd’hui à un avocat inscrit au barreau du tribunal de grande instance ou l’on veut plaider sa cause.

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Troisième partie | La pratique judiciaire municipale

tableau 17 Les procès civils présentés devant le maire, les jurés et les échevins de Saint-Quentin. Objets

Maire et jurés

Échevins

Succession

26

1 (après 1362)

26

Dette/Créance

12

6

18

Héritage Katel Chevage/forage

Total

3

13

16

12

3

15

2

0

2

Retrait

1

0

1

Servitude

0

1

1

56

23

79

Total

le tribunal de la ville. Lorsqu’il était appelé au conseil d’un bourgeois ou d’un autre habitant, l’avocat ne pouvait fixer lui-même ses honoraires. Vers le milieu du xive siècle, le tarif fixé par la ville pour les avocats mis au service des plaideurs était de 6 d. par jour, pour un avocat ou conseiller mis au service d’un bourgeois, et du double, soit 12 d. par jour, pour un avocat de la ville mis au service d’une personne n’habitant pas la ville (forain)168. 3.

Les motifs de conflits civils

L’ensemble des sources disponibles a permis de répertorier soixante-dix mentions plus ou moins détaillées de procès civils portées à l’attention du maire, des jurés et des échevins169. L’échantillon est restreint, mais il permet de se faire une idée du genre de causes plaider devant du tribunal municipal et d’observer la répartition de compétence entre le maire, les jurés et les échevins. Les conflits entre habitants soumis au maire et aux jurés ou aux échevins sont, pour la plupart, relatifs à des droits réels ou successoraux. La distinction entre la compétence du maire et des jurés par rapport à celle des échevins saute aux yeux. Les premiers connaissent la plupart des procès causés par des successions, en principe hors retrait170, et des kateux litigieux171. Les seconds connaissent essentiellement des contestations quant à la saisine d’héritages, hors conflits de succession, et, par extension, des problèmes de servitude172. La dette et la créance sont d’une compétence partagée. S’il s’agit d’une dette mobilière, comme le prix d’une marchandise vendue, la connaissance appartient le jour même à la commune ; s’il s’agit d’une dette immobilière, comme l’arrérage d’une rente d’otage, elle appartient plus fréquemment à l’échevinage. 168 Saint-Quentin, AM, liasse 7, dossier A, n° 17 (Lemaire, n° 689), vers 1350–1360 ; liasse 22, février 1330. 169 Il n’y a aucun dossier complet de procès qui a subsisté. La majorité consiste en une ou deux pièces de procédure, comme

une enquête ou une écriture de partie.

170 Depuis l’arrêt de 1362 cette compétence appartenait aux échevins. 171 Il ne leur était toutefois pas permis de juger les litiges s’élevant à l’occasion d’une vente de vin, ou de quelques autres

denrées, entre l’acheteur, le vendeur et un tiers prétendant avoir droit à une partie des choses vendues. Paris, AN, X1a 15, fol. 86v–88. 172 L’arrêt de 1362 avait même interdit au maire et aux jurés de connaître des convenances relatives aux héritages (hereditagia) et à leurs dépendances sises à Saint-Quentin. Voir Saint-Quentin, AM, liasse 7, dossier A, n° 16.

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La justice civile | chapitre vii

Les problèmes de succession causent de loin le plus grand nombre de conflits (26 sur 70). Les successions sont de la juridiction exclusive de la commune, donc du maire et des jurés. Tous sont relatifs à la dévolution d’héritages. Ces nombreux différends, qui surgissent après un décès, sont soumis par un ou plusieurs héritiers au maire et aux jurés en vertu de leur pouvoir de protection des bourgeois. La plupart du temps, des parents du de cujus se sentent lésés par la teneur de son testament. Ils réclament alors la totalité ou une partie des biens du défunt173. Les enfants issus d’un premier mariage pouvaient également revendiquer des meubles de leurs parents remariés. Michel le Kutillier remarié avec Maroie, dut faire une quittance de 42 £ parisis, en décompte de 100 £ parisis, qu’il devait à son fil Gérard qu’il avait eu d’une première femme174. Ou les héritiers se sentaient insatisfaits par l’exécution de la succession, et réclamaient un nouveau partage (portion) des biens ou une autre interprétation du testament175. 4.

La procédure civile ordinaire

La procédure consiste dans l’ensemble des règles applicables lors d’un procès176. Elle concerne la marche à suivre pour régler les litiges, ou, en d’autres termes, le processus de résolution du conflit. On peut la considérer comme étant une technologie de pacification sociale177. La procédure détermine aussi comment faire pour s’adresser aux juges et obtenir justice. Puisque le procès était au cœur du système normatif, la procédure permet de voir l’action effective de la justice. La procédure civile ne pose fondamentalement pas de problèmes particuliers. Au cours des derniers siècles du Moyen Âge, elle n’a pas fondamentalement changé. Comme à Lille, elle n’a jamais perdu son caractère public – puisque les causes étaient entendues sur la grande place –, et oral – puisque les parties devaient en débattre178. Il s’agit de décrire les diverses étapes du procès civil à Saint-Quentin et de voir sa conformité, ou non, avec la procédure civile générale. a. Clamer contre la partie adverse La mise en marche d’une action civile devant l’une ou l’autre des deux juridictions municipales reposait sur le seul principe de la clamor, ou claim, c’est-à-dire la complainte judiciaire ou réclamation en justice179. Le claim en justice était un outil judiciaire qui permettait à une personne de saisir le tribunal municipal en lui demandant, soit d’assurer la ­protection d’un droit, soit de réparer une atteinte portée à un droit. Ce mot, claim est ­généralement répandu dans la procédure des villes du nord180. Il laisse entrevoir la place importante de la parole dans le processus de la saisine du tribunal municipal. Le claim était non seulement associé à la plainte judiciaire en général, autant civile que criminelle, mais également au cri d’improbation populaire ou de lamentation. En latin, la clamor est un cri de peur et de dou173 Saint-Quentin, AM, liasse 24 (Le Proux, n° 19), décembre 1235. L’acquêt était attribué à l’époux survivant, sauf s’il

subsistait des enfants issus du mariage : Saint-Quentin, AM, liasse 25 (Lemaire, n° 520).

174 Saint-Quentin, AM, liasse 25, octobre 1317. 175 Saint-Quentin, AM, liasse 21, vers 1330. 176 L. de Carbonnières, La procédure devant la chambre criminelle du Parlement, op.cit., définit la procédure comme

étant la science du déroulement du procès. 177 R. Jacob, « Le procès, la contrainte et le jugement », op.cit., p. 13. 178 R. Monier, Histoire de la procédurecivile à Lille du xiiie siècle à la fin du xve siècle, Lille, 1938. 179 Charte de Philippe Auguste, § 1, 7, 8, 20, 27, 40. Au début du xiiie siècle, une traduction en français de la charte de commune fut effectuée. Le terme employé par celle-ci est, selon le cas, clamer, clain ou clameur. 180 R. Monnier, Histoire de la procédure civile à Lille.

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Troisième partie | La pratique judiciaire municipale

leur qui, implicitement, requiert réparation. La partie instigatrice de l’instance devait aller clamer contre sa partie adverse publiquement et oralement et de vive voix. Elle ouvrait ainsi, par une parole fondatrice, une instance judiciaire pour obtenir réparation181. Deux distinctions peuvent être apportées au claim dans la procédure civile. On différenciait l’action personnelle de l’action réelle. Le claim pouvait être personnel : en exécution d’un contrat, le demandeur agissait en vertu d’un droit de créance et dirigeait son claim à l’encontre de la personne de son débiteur. Il donnait alors lieu à deux procédures spéciales observées plus loin. Le claim ordinaire était réel : on n’agissait alors pas comme créancier, mais on clamait la saisine d’un bien. C’est ce dernier claim qui ouvrait la procédure civile ordinaire de la ville tant en matière de katel que d’héritage. Bien que le claim sur un meuble se faisait le plus souvent en vertu d’un droit de créance, il y avait la possibilité d’en réclamer la saisine. Le claim sur le meuble était entre autres admis devant la commune en cas de rétention, ce qui ne conférait pas de droits réels sur le katel, mais une simple obligation de restitution en l’état. Ainsi, en admettant qu’un livre puisse être considéré comme un katel, un claim pouvait se faire auprès d’un dépositaire qui ne l’avait pas restitué à son propriétaire182. Un mari pouvait également clamer des meubles ostés et emportés de se maison par sa femme contre sa volonté et retenus en dehors du domicile conjugal183. En cas de non-restitution, celui qui clamait sur un meuble pouvait obtenir le montant de la valeur de l’objet et des dommages-intérêts, appelés également paines184. Pour les actions réelles, le claim de la saisine d’un héritage représente la très forte majorité de causes mewes devant le maire et les jurés dont on connaît la raison185. C’est la notion juridique qui semble la mieux maîtrisée par les plaideurs et leurs avocats. La saisine fut invoquée dès les premières demandes formulées devant le maire et les jurés qui ont été conservées186. Dans les villes du Nord, on connaissait la saisine coutumière, qui n’est ni tout à fait une possession, ni tout à fait une propriété, mais qui tient des deux187. Au xive siècle la documentation tend déjà à rapprocher la saisine de la possession. On ­commence alors à employer ce terme de droit romain et à utiliser l’expression double de saisine et possession188. Par conséquent, on ne trouve pas d’action possessoire ou pétitoire devant le tribunal municipal ; seulement plusieurs types d’action en saisine. 181 Le rôle de la parole est fondamental dans l’action judiciaire. C. Gauvard, « La Fama, une parole fondatrice », Médié-

vales, 24 (printemps 1993), p. 5–13 et C. Leveleux, La parole interdite. Le blasphème dans la France médiévale (xiiie–xvie siècles) : du péché au crime, Paris, 2001 ont toutes deux exploré son action au criminel. Le rôle de la parole paraît aussi important au civil. 182 Saint-Quentin, AM, liasse 24 (Lemaire, n° 89), 13 octobre 1268. L’acte, écrit en latin fait cependant douter que la réclamation fut portée devant la commune ou l’échevinage. Ou alors, le possesseur d’un livre de droit coutumier voulait-il faire son effet en faisant sa demande en latin, ce qui est une exception ! 183 Saint-Quentin, AM, liasse 30, n° 35 (Lemaire, n° 514), mars 1333. Durant le mariage, les meubles appartiennent au mari. Voir G. Lepointe, Droit Romain et anciens droit Français, op.cit., p. 217. 184 Ibid, et Saint-Quentin, AM, liasse 24, (Lemaire, n° 351), juin 1319. 185 Suivant le droit coutumier, à Saint-Quentin on invoquait la saisine plutôt que la possession. Le binôme saisine et possession commence à être parfois employé devant le maire et les jurés vers 1330, soit après le rétablissement de la commune. Par exemple, Saint-Quentin, AM, liasse 22, février 1330 n.st. et 14 août 1332. 186 Saint-Quentin, AM, liasse 22, s.d., vers 1252. 187 P. Godding, Le droit privé dans le Pays-Bas, op.cit., § 394 et s ; J.-P. Lévy, A. Castaldo, Histoire du droit civil, op.cit., § 358. 188 Par exemple, Saint-Quentin, AM, liasse 22, s.d., vers 1330. Sur la pénétration du vocabulaire romain voir J.-P. Lévy, « La pénétration du droit romain dans le droit francais de l’ancien régime (esquisse générale) », dans Nonagesimo anno. Mélanges en hommage à Jean Gaudemet, Paris, 1999, p. 475–499 ; Id., « La pénétration du droit savant dans les coutumiers angevins et bretons au Moyen Âge », RHD, 25 (1957), p. 1–53.

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La justice civile | chapitre vii

La saisine pouvait être de droit ou de fait. Elle pouvait alors conduire à la conquête d’un héritage en invoquant une saisine durable et ininterrompue189. L’acquisition de la sorte de la saisine sur un héritage de la ville était fixée par la charte de commune au délai de prescription coutumier normal, celui d’an et jour190. En deçà de ce délai, on pouvait revendiquer par droit l’héritage contre celui qui en jouissait de fait. Ce délai de prescription d’origine germanique n’est pas toujours mentionné systématiquement. Il est souvent remplacé par un délai de tel tamps et pour tel tamps qu’il souffist et doit souffire a bonne saisine avoir acquis191. On retrouve également la trace de la prescription trentenaire du droit romain. En 1260, Gilles d’Oisny, se faisant contester une portion des terres de ses parents par deux cousins germains, invoque que, selon l’usage du Pays, on devait tenir une terre depuis au moins 30 ans ou de si lonc tans que valoir li droit. Odierne, sa mère, et Robert, son père, ayant tenu la terre litigieuse depuis plus de 30 ans, il n’était donc pas tenu de répondre au claim de ses cousins192. La saisine de droit la plus fréquemment invoquée devant le tribunal municipal était la saisine héréditaire. Quand un tiers jouissait de fait d’un héritage, un hoir ne pouvait en recouvrer la saisine qu’après une demande formulée devant le maire et les jurés. Dès 1252, Thomas, fils de Sawale le Poissonier réclamait à titre de hoir de son père la saisine d’une maison193. Mais c’est surtout par l’ancien principe coutumier du mort saisi le vif que cette saisine héréditaire était invoquée. On retrouve cette maxime citée à trois reprises dans des demandes ou des plaids présentés devant le maire et les jurés194. Les actions coutumières en simple saisine sont ensuite les plus fréquentes. Plus rarement, on invoque la saisine de novel, c’est-à-dire un fait nouveau venant troubler une saisine de fait ou de droit. Deux exemples seulement ont subsisté : vers 1340, Hue Villart invoquait des empechemens que y a mis et met yndument et de novel l’abbé et les religieux de Saint-Quentin-en-l’Isle sur le chevage et le forage de l’une de ses maisons ; il invoqua la saisine de novel pour les mêmes raisons contre Jacques de Bellencourt sur une autre maison en la Sellerie195. Le claim d’un héritage pouvait également s’effectuer en faisant valoir un droit de retrait. Le seul exemple subsistant concerne un retrait de preismeté196. En matière de retrait (in causa retractus), le maire et les jurés avaient pris l’habitude, de faire ajourner devant eux l’acheteur, à la requête de la partie prétendant exercer le droit de retrait, et de juger le procès qui pouvait naître à cette occasion197. Cette coutume s’était introduite parce que les échevins n’avaient pas de sergents et que les ajournements étaient signifiés dans la ville par les jurés ou par les sergents de la commune. Le Parlement, en 1352, refusa d’approuver cet usage et décréta que, dorénavant, le jugement de ces affaires appartiendrait aux échevins, auxquels se joindraient le maire et les jurés. Saint-Quentin, AM, liasse 22, s.d., vers 1330 ; Saint-Quentin, AM, liasse 25 (Lemaire, n° 180), vers 1300. Charte de Philippe Auguste, § 7. Saint-Quentin, AM, liasse 22, vers 1340. Saint-Quentin, AM, liasse 22. Saint-Quentin, AM, liasse 22, vers 1252. Sawal est mort en novembre 1252. Son testament est le premier conservé et le seul sous forme de chirographe : Saint-Quentin, AM, liasse 22 (Lemaire, n° 59). Une enquête fut menée pour déterminer la saisine de la maison litigieuse : Saint-Quentin, AM, laisse 22. Voir également J.-P. Lévy, A. Castaldo, Histoire du droit civil, op.cit., § 982. 194 Saint-Quentin, AM, liasse 22, 14 août 1332, janvier 1336 n.st., février 1340 n.st. 195 Saint-Quentin, AM, liasse 22, s.d. vers 1340 et juillet 1341. 196 Saint-Quentin, AM, liasse 22, s.d. vers 1330. Voir P. Godding, Le droit privé dans le Pays-Bas, op.cit., § 426 et s. 197 Saint-Quentin, AM, liasse 7, n° 16, op.cit. 189 190 191 192 193

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Troisième partie | La pratique judiciaire municipale

b. Semondre son adversaire La semonce visait à informer la partie adverse du dépôt du claim contre elle. Jusqu’au début du xive siècle, c’est le seul terme rencontré pour signifier à une partie son obligation de comparaître devant le tribunal de la ville pour répondre d’un fait198. Par la suite, le vocabulaire se fait confus, sans doute à cause de la contamination du vocabulaire procédural des tribunaux royaux, qui eux emploient le terme d’ajournement depuis la fin du xiiie siècle199. La semonce devint synonyme d’ajournement au xive siècle. Elle introduisait l’instance devant le tribunal municipal200. Il s’agit d’une sommation à comparaître signifiée au défendeur afin qu’il se présente devant la juridiction municipale à un jour dit, afin de répondre à une demande faite contre lui201. Elle ne visait qu’à assurer la comparution de la partie adverse. Le demandeur n’était pas tenu de faire connaître sa prétention, sauf en matière immobilière et encore celle-ci restait vague202. Ainsi, pour clamer un héritage devant les échevins, le demandeur ne faisait que demander au défendeur s’il savoit que dire sur tel ou tel héritage203. Pour semoncer son adversaire, il y a plusieurs formes à suivre. D’abord, selon une coutume généralement répandue, la semonce ne se faisait pas directement par le demandeur204. Seul le maire a le droit de signifier les semonces dans la ville, mais à la requête de ce demandeur205. Pour ce faire, la ville mettait gratuitement à la disposition des plaideurs ses sergents à masse pour signifier la semonce à la partie adverse206. À l’époque où l’échevinage était une juridiction indépendante de la commune, il utilisait également les sergents de la ville pour signifier ses ajournements. Comme l’ajournement visait la comparution du défendeur, le sergent de la ville devait se rendre au domicile de l’ajourné. Il ne pouvait toutefois froisser l’huis de sa maison s’il était clos207. La partie semoncée pour un cas civil n’était tenue de répondre qu’à l’intérieur du délai fixé par la charte de commune, c’est-à-dire quinze jours, ou deux semaines208. Il s’agissait d’un des privilèges de la charte qui avait pour but, à l’origine, d’éviter les délais de comparution trop brefs auxquels étaient soumis les serfs. Si la partie adverse résidait à l’extérieur de la ville, le sergent devait faire appel au seigneur du lieu pour signifier l’ajournement. Inversement, un seigneur devait faire appel à un sergent de la commune pour faire ajourner devant lui un habitant de la ville. La semonce, qui était un acte public, se faisait de vive voix, car elle n’a laissé aucune trace écrite dans les archives. Sa forme est donc inconnue. Une fois la semonce signifiée, le défendeur devait faire opposition pour ensuite comparaître. Sans opposition de sa part, la marche du procès s’arrêtait, et l’objet litigieux revenait de fait au demandeur. En cas contraire, les parties 198 Saint-Quentin, AM, liasse 24 (Lemaire, n° 398), février 1260 n.st. 199 A. Tardif, La procédure civile et criminelle aux xiiie et xive siècles, op.cit., p. 46. À Saint-Quentin, le terme citation ne

fut employé que par l’officialité. L. Tanon, « L’ordre du procès civil au xive siècle », RHDFE, 9 (1885), p. 317. A. Tardif, La procédure civile et criminelle aux xiiie et xive siècles, op.cit., p. 46. Philippe de Beaumanoir, Coutumes de Beauvaisis, éd. op.cit., § 57 et s. Par exemple, Saint-Quentin, AM, liasse 24. Jean Boutillier, Somme rural, éd. op.cit., l. 1, tit. 3, p. 10. Devant le Parlement il fallait obtenir des lettres royaux. Voir L. de Carbonnières, La procédure criminelle, op.cit., p. 126 ; L. Tanon, « L’ordre du procès civil au xive siècle », op.cit., p. 317 ; R. Monnier, Histoire de la procédure civile à Lille, p. 6–7. 205 Saint-Quentin, AM, liasse 22 (Lemaire, n° 237), 4 mars 1313 n.st. 206 Saint-Quentin, AM, liasse 7, dossier A, n° 17. 207 Establissement, § 9. 208 Charte de Philippe Auguste, § 35. 200 201 202 203 204

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devaient se présenter devant le tribunal municipal à la date fixée lors de la semonce, et la procédure pouvait se poursuivre. c. Comparaître La comparution est le but de la semonce. Elle s’effectuait en deux temps. Tout d’abord, il y avait la présentation des parties, qui était en quelque sorte leur première comparution devant le tribunal municipal. La litiscontestatio y était subséquente. i. Se présenter devant ses juges Au jour fixé par la semonce, les parties effectuaient leur présentation. Celle-ci ne se faisait pas devant l’ensemble de la chambre, mais devant des juges délégués : d’abord, selon le cas, devant deux jurés ou deux échevins, puis, après l’arrêt de 1362, devant un juré et un échevin209. La présentation était la première formalité à accomplir. Le plus souvent, les parties devaient comparaître elles-mêmes devant le tribunal. Dans certaines circonstances, au xive siècle, il était toutefois possible pour une partie de se faire représenter par un procureur. La représentation par procureur était libre pour le défendeur. Le demandeur devait, quant à lui, obtenir des lettres de grâce du roi, nécessaires pour constituer suffisamment son procureur, tant devant le maire et les jurés que devant les échevins210. Faute de telles lettres, le procureur qui se présentait devant le maire et les jurés n’était pas suffisamment fondé211. Le procureur n’avait toutefois qu’à exhiber une seule fois ces lettres, lors de sa première comparution. Les exemples sont nombreux et montrent que, parmi ces procureurs obtenus par lettres de grâce – généralement une dizaine est nommée chaque fois – la partie désireuse de se faire représenter choisit au moins un membre de sa famille, quelques praticiens de la ville et quelques-uns de ses amis. Le 3 mai 1332, Pierre Baqueler fit établir en tant que procureurs devant le maire et les jurés Quentin, son fils, quatre jurisconsultes de la ville, Jean Blanc-Toupet, Pierre de Tombes, Pierre Foilluel, Robert des Lyonchiaus, et trois de ses amis, Jean de Primeri, Gilles de Jeancourt et Jean Grégoire212. Retenir un procureur était également nécessaire pour assurer sa comparution en cas de report de la cause de huitaine en huitaine213. Si une partie ne se présentait pas, ou si elle n’avait pas envoyé de procureur suffisamment fondé, la partie adverse pouvait prendre défaut contre elle. Chaque défaut de comparution non suffisamment excusé était puni par une amende envers les juges214. Au milieu du xiiie siècle, Pierre de Fontaines chiffre l’amende pour défaut à 2 s. 6 d., pour les villains215. Comme on peut le constater dans les comptes des amendes pour défauts prononcés par le tribunal municipal, encore à la fin du xive siècle, elle s’élevait vraisemblablement 209 Saint-Quentin, AM, liasse 7, dossier A, n° 16. Voir Jean Boutillier, Somme rural, éd. op.cit., l. 1, tit. 6, p. 33  ;

Tanon, « L’ordre du procès civil au xive siècles », op.cit., p. 319.

210 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 35 (Lemaire, n° 514). On invoque plusieurs motifs pour cette restriction.

Dubreuil et le Grand coutumier invoquent le fait que le juge est plus honoré par la présence des parties et que le demandeur, certain de son bon droit, ne devait pas craindre de venir le soutenir en justice. À la différence du demandeur, le défendeur n’avait pas choisi son jour. Le demandeur devait être toujours prêt à venir soutenir ses prétentions. Voir L. Tanon, « L’ordre du procès civil au xive siècles », op.cit., p. 318–319. 211 Saint-Quentin, AM, liasse 22, vers 1340. 212 Ibid. 213 Voir Saint-Quentin, AM, liasse 22. 214 Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 16 (Lemaire, n° 822), s.d. 215 Pierre de Fontaines, Le Conseil de Pierre de Fontaines, éd. op.cit., chap. 10, §1.

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Troisième partie | La pratique judiciaire municipale

à des multiples de ce tarif, selon la condition de la personne ayant fait défaut216. L’aveu et dénombrement du fief de la châtellenie taxe les défauts de 3 s. d’amende, dont 4 d. revenaient aux échevins, 12 d. au vicomte et le reste au châtelain217. Autant les échevins que le maire et les jurés toléraient trois défauts218. Après avoir épuisé les remises pour défaut, trois pour un claim portant sur un héritage, un seul pour un claim fait sur un katel219, de quinze jours en quinze jours et à défaut d’essoines suffisants, l’objet litigieux était remis par jugement au demandeur et le défendeur payait 3 s. d’amende220. Le demandeur avait cependant à se présenter ou se faire représenter à chaque fois et à veiller à ce que le défendeur soit de nouveau sommé de comparaître tous les quinze jours, jusqu’à épuisement des défauts. ii. Plaider et défendre sa cause La présentation accomplie, on attendait son tour pour présenter son plaid, le jour même ou à une date ultérieure. Le tour de l’affaire venu, le demandeur formulait sa demande vraisemblablement oralement221. Mais comme à Lille, l’écrit prit de plus en plus de place dans la première moitié du xive siècle222. Quand l’écrit intervenait, le demandeur joignait ses articles à sa demande. Celle-ci consistait en l’exposé de la prétention, avec l’offre de la preuve à l’appui tant qu’il souffira a sentention, sous peine de nullité223. Dans la formulation de sa demande, l’avocat devait prendre soin de réclamer les frais et couts de sa partie, sauf la taxation du juge. Suivait une première série d’arguments articulés. Pour soutenir sa demande, le demandeur pouvait invoquer, comme arguments, de manière générale les usages et coustumes notoires de Saint-Quentin. Souvent, ces arguments se faisaient plus précis et accompagnent ces usages et coustumes notoires par une citation de maximes de droit coutumier224, ou en invoquant la charte de commune par la simple mention par point de chartre225. Si la coutume est souvent invoquée, en revanche, contrairement à la pratique du Parlement, on n’invoque pas le précédent judiciaire226. On invoque également les ordonnances royales227. Le défendeur présentait ensuite sa defense, ou reponse, c’est-à-dire ses exceptions, à fin de non-recevoir, de la même manière, par articles, en commençant par la formule Defent… 216 Saint-Quentin, AM, liasse 119, nos 1–16 ; liasse 21, dossier B, 20 septembre 1395. 217 Paris, AN, P 135, n° 285, 1er juillet 1396. 218 Saint-Quentin, AM, liasse 7, dossier A, n° 16. C’était partout le cas : A. Tardif, La procédure civile et criminelle aux

xiiie et xive siècles, op.cit., p. 58.

219 Voir A.I. Marnier, Ancien coutumier de Picardie, op.cit., p. 117–119. 220 Par exemple, Saint-Quentin, AM, liasse 24 (Lemaire, n° 398), février 1260 n.st. ; Paris, AN, P 135, n° 201, 209, 241, 285. 221 Il ne subsiste aucune demande écrite dans Saint-Quentin, AM, liasse 22. Elles sont cependant formulées en préambule,

quand les parties fournissent leurs arguments par écrit. Guillaume Dubreuil, Stylus curie Parlamenti, éd. op.cit., chap. 19, § 1, admet la demande par écrit pour les causes immobilières. 222 R. Monnier, Histoire de la procédure civile à Lille, p. 29–32. 223 Saint-Quentin, AM, liasse 22 (Lemaire, n° 237), 4 mars 1313 n.st. 224 En voici un florilège d’après les plaids conservées de la liasse 22 : Le mort saisis le vif ; Li hons ou li femme puet laissier en sen testament ou en se darrainne volente le tierch de sen hyretage censel et nient plus ; Quiconques est kies du liu, li kievages a tout et lui le forage ; Se aucun est a son vivant en possession et en saisine d’autruis hiretages, desques hiretages il ne fait a son vivant aucun vendage, transport ou alienation, anchois muert et va de vie a trespassement tenans et possessans desdis hiretages, li droit de le succession desdis hiretages appartiens et doit appartenir a li plus prochain hoirs de le personne trespassé ; Sous aagiet ne sont mie tenut de respondre a claim d’iretage con fait seur yaus ; Hoir ou femme ne puissent laissier de leur biens li uns a l’autre en leur dairainne volenté a aucun pour revenir a l’un dyaus ; Li maris ne peut ne ne doit riens lessier a se femme ne li femme a son mari. 225 Saint-Quentin, AM, liasse 22, 14 aoput 1332. 226 A. Sergène, «  Le précédent judiciaire au Moyen Âge  », RHDFÉ, 1961, p. 224–254, 359–370  ; A. Demurger, « L’histoire au service de la chicane », op.cit. 227 Saint-Quentin, AM, liasse 22, vers 1330.

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ou A ce respont…228. Sous peine de perdre l’instance, le défendeur devait immédiatement répondre mot pour mot au demandeur et le contredire229. Cette défense consistait en une négation ou réfutation article par article des assertions du demandeur230. Le défendeur était en outre soumis aux mêmes obligations que le demandeur, et doit aussitôt s’offrir à prouver son dire et à réclamer ses frais231. Il devait ensuite contredire la demande par des exceptions contraires, c’est-à-dire énoncer des arguments de défenses tirés non du fond de l’affaire, mais d’une règle de procédure. Dans l’intérêt de sa défense, il pouvait faire valoir toutes les exceptions et fins de non-recevoir qui avaient pour effet, soit de surseoir au jugement de l’action, soit de faire déclarer cette action irrecevable, soit de la faire juger éteinte. Les exceptions du défendeur suivaient l’ordre normal du procès civil. Il présentait d’abord ses exceptions déclinatoires en proposant l’exception d’incompétence du juge ou toutes les causes d’extinction de la poursuite, comme la prescription232. Ensuite, il présentait ses exceptions dilatoires, par lesquelles il pouvait espérer obtenir, en vertu d’une disposition légale, l’ajournement des poursuites engagées contre lui. Il était admis à proposer l’irrégularité de l’ajournement ou du claims233, ou la contestation des procureurs de la partie adverse en affirmant que ceux-ci n’étaient pas suffisamment fondés234. Si le débat s’avérait compliqué, la cour pouvait appointer les parties en écriture de trois manières235. D’abord Par maniere de memoire, quand le débat se faisait sur le droit236. S’il y avait des faits à prouver, il y avait appointement par fait contraire. Chacune des deux parties exposait alors des arguments A ceste fin que…237. Enfin, les écritures par entendis se faisait par la formule Entend a prouver…avec une série d’articles à prouver par enquête238. Par la litiscontestation239, les parties avaient lié procès contradictoirement et les juges leur assignaient une nouvelle date de comparution devant le tribunal municipal pour entendre le jugement une fois l’administration de la preuve terminée ou pour présenter un complément d’arguments240. Le plaid ne servait cependant qu’à entendre la cause. Devant la justice municipale également, les causes pouvaient traîner en longueur241. De plus, comme la décision n’était jamais rendue immédiatement, les parties devaient comparaître de nouveau pour entendre leur jugement242. d. Prouver son dire Les différentes preuves admises devant le tribunal de la ville constituaient un choix, pas une obligation. Le tribunal de la ville utilisait les preuves de façon entropique. La preuve 228 Par exemple, Saint-Quentin, AM, liasse 22, vers 1330. 229 Saint-Quentin, AM, liasse 22, s.d. vers 1330. 230 Le meilleur exemple est Saint-Quentin, AM, liasse 22, s.d., vers 1330. Voir A. Tardif, La procédure civile et criminelle

aux xiiie et xive siècles, op.cit., p. 70. Par exemple, Saint-Quentin, AM, liasse 22, vers 1330. Par exemple, Saint-Quentin, AM, liasse 22, vers 1330. Saint-Quentin, AM, liasse 22, février 13330 n.st. Plusieurs exemples dans Saint-Quentin, AM, liasse 22. L. Tanon, L’ordre du procès civile au xive siècles, p. 328–329. Saint-Quentin, AM, liasse 22, vers 1340. Par exemple, Saint-Quentin, AM, liasse 22, vers 1330. Saint-Quentin, AM, liasse 22, vers 1325. Ce mot se rencontre à la fin du xive siècle : Paris, AN, P 135, 285, 1er juillet 1396. Par exemple Saint-Quentin, Am, liasse 30, n° 35, vendredi après la mi-carême 1332. Saint-Quentin, AM, liasse 22, vers 1330. Margue Cabache et Jaquemar, son fils, avait soutenu un procès pendant deux ans et six semaines contre Gérard de Bétancourt et Alice, sa femme. 242 Par exemple, Saint-Quentin, AM, liasse 22. 231 232 233 234 235 236 237 238 239 240 241

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devait être faite tant qu’il souffira a sentention243. Tant mieux si on pouvait se dispenser d’avoir à administrer la preuve. Tout était fait pour concilier les parties ou pour amener l’un des plaideurs à admettre le droit de l’autre. Néanmoins, la preuve pouvait avoir à être administrée. Comme le fardeau de la preuve incombait aux deux parties, chacune d’entre elles devait offrir spontanément de prouver son dire par l’une ou plusieurs des preuves admises par la cour municipale, c’est-à-dire par serment, par témoin ou à l’aide d’un écrit. i. Par serment purgatoire Il s’agissait du seul mode de preuve admis par l’Establissement. Au civil, le serment purgatoire y était admis après les plèges, pour défaut de garantie sur une créance : il servait à libérer le débiteur arrêté pour sa dette en la purgeant244. La charte de commune avait conservé ce principe245. À l’époque communale, on s’en remettait encore aux gages de bataille, donc à Dieu, pour départager deux parties s’étant offertes à prouver leur dire à l’aide d’un serment purgatoire. Toutefois, il fallait obtenir la permission du maire au préalable pour que le serment soit reconnu comme preuve. Au xive siècle, si on dut abandonner le duel, le serment était encore invoqué comme preuve. Vers 1330, Jeanne la Tourneresse, en procès contre Marguerite de Loué, offrit de prouver sa réponse aux reproches de Marguerite tout ou partie, ou tant qu’il souffira a sentention, pour protestation que che qu’il le vaille, et en requiert le serment a avoir de partie adverse246. ii. Par témoin Dans la première moitié du xiiie siècle, la justice de la ville acceptait plus fréquemment la preuve testimoniale247. Maire, jurés et échevins préféraient s’informer auprès de témoins ayant prêté serment avant de rendre justice, sans toutefois abandonner le gage de bataille de facto248. Cette préférence était, au départ, celle des parties. Il pouvait arriver qu’une partie, voire les deux, s’offrît à prouver certains des articles de leurs plaids par témoins plutôt que par un gage de bataille249. Il s’agissait alors pour les juges de faire mener une enquête contradictoire qui consignait des témoignages rendus sous serment. Cette pratique est attestée dès 1242250. Les parties produisaient alors des témoins, lesquels déposaient sur le fait litigieux. Outre ce cas d’arbitrage, vers 1240 également, on constate que le maire procédait à des enquêtes à la demande de l’une des parties à propos de successions litigieuses afin de déterminer ses liens de parenté avec le défunt251. La preuve par témoin

Saint-Quentin, AM, liasse 22 (Lemaire, n° 237), 4 mars 1313 n.st. Establissements, § 5 et 6. Charte de Philippe Auguste, § 35. Saint-Quentin, AM, liasse 22. Nous résumons ici et retouchons nos conclusions formulées dans S. Hamel, « Informer le juge », op.cit.. Sur le témoignage en général, voir Y. Mausen, ‘Veritatis Adiutor’. La procédure du témoignage dans le droit savant et la pratique française e (xii –xive siècles), Milano, 2006. 248 Aucune des deux preuves n’est plus rationnelle que l’autre. La preuve par témoins reposait sur le serment qui n’a pas une valeur plus absolue que la preuve par duel, ou gage de bataille, qui avait pour principe le jugement de Dieu. R.C. Van Caenegem, « Reflexions on Rational and Irrational Modes of Proof in Medieval Europe », RHD, 58 (1990), p. 263–279 ; F. Bougard, « Rationalité et irrationalité des procédures judiciaires autour de l’an mil », La Documentation française, 15 (2003), p. 93–122. 249 Saint-Quentin, AM, liasse 22, mars 1313. 250 Le Proux, p. 437–477, n° 26. Voir également Y. Bongert, Recherches sur les cours laïques, op.cit., p. 159–181  ; Boulet-Sautel, Aperçu sur les systèmes de preuves, p. 313–321. 251 Saint-Quentin, AM, liasse 22, vers 1240–1250 (Le Proux, n° 45 ; Lemaire, n° 35. 243 244 245 246 247

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existait auparavant : l’Establissement la mentionne252. Mais elle était subsidiaire aux gages de bataille, seule preuve notée par la charte de commune. La preuve par témoins, c’est-à-dire l’enquête, est plus compliquée à administrer parce qu’elle demande beaucoup de moyens humains. Non seulement la cour devait-elle déléguer des juges enquêteurs en plus ou moins grand nombre, mais aussi ces derniers devaient se faire accompagner par un clerc253. De plus, la Chambre devait aviser les témoins et les inviter à comparaître devant les enquêteurs à une date fixée. La preuve par témoins était également plus compliquée pour les plaideurs. Quand l’écrit a pris de l’importance dans la procédure, ceux-ci devaient , après leur présentation, s’offrir spontanément à prouver par enquête leur dire. Si ce mode de preuve était retenu, ils fournissaient un intendit et articulaient par écrit les faits à prouver lors de l’enquête254. La partie désirant prouver son dire par témoins devait les faire appointer par l’intermédiaire du maire. Les témoins se présentaient devant les juges enquêteurs, qui recevaient les reproches de la part des parties255. Puis, ils les faisaient prêter serment de vérité. Ce n’était qu’après que les témoins déposaient sur les articles qui leur étaient soumis. La nature du témoignage pose également problème. La théorie de l’enquête au Moyen Âge, qui emprunte sa méthode au droit savant, distingue les témoins de certa scientia de ceux de credulitate256. Parmi les premiers, c’est-à-dire parmi les témoins directs des faits, on fait une autre distinction entre les témoins de visu et les témoins de auditu. Le témoin de visu était celui qui avait eu connaissance des faits parce qu’il les avait constatés en les voyant. Dans les enquêtes conservées à Saint-Quentin, le témoin interrogé dit alors qu’il vit, avoit vu, bien vu ou toujours vu le fait. Le témoin de auditu, avait, quant à lui, entendu des paroles ou des cris accablants. On repère ce genre de témoins parce qu’il dit avoir oy ou entendit crier ou dire quelque chose257. Souvent, ce témoignage s’accompagnait de la mention des paroles, des cris prononcés, ou, a contrario, le témoin dit ne rien avoir entendu. Il pouvait arriver également qu’un témoin ayant donné une réponse claire et non équivoque à un article, sans toutefois avoir précisé comment il le savait, fut contre-interrogé par les enquêteurs afin de déterminer sa connaissance directe ou indirecte des faits258. Un dernier genre de témoignage, le témoignage indirect comprenant des réponses par oy dire n’était pas censé être utilisé pour constituer une preuve259. Enfin, le témoin de credulitate, ou de credence, était celui qui donne simplement son opinion sur les faits en disant les croire ou non. Celui-ci apparaît dans les enquêtes lorsque les enquêteurs posent une question débutant par requis ce qu’il croit, ou par une réponse croit que. Tout comme le témoin de certa scientia, le témoin de credence pouvait être contre-interrogé afin de savoir pour coy il le croit. Le témoin de credence était également celui qui témoigne dans l’enquête portant sur la renommée d’un individu260. Outre ces quelques critères, un certain nombre de précisions Establissement, § 40. Saint-Quentin, AM, liasse 22, vers 1330. Par exemple, Saint-Quentin, AM, liasse 22, vers 1325. Saint-Quentin, AM, liasse 22, vers 1330. Voir Y. Mausen, « Un procès dans le procès : la détermination du tempus des reproches in personas testium », dans C. Gauvard, L’enquête au Moyen Âge, Rome, 2008, p. 143-152. 256 Voir Y. Mausen, Veritas adjutor, op.cit. 257 Par exemple, Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier B, 2 avril 1263. Voir également S. Hamel, « De la voie accusatoire à la voie législative », op.cit. 258 Par exemple, Saint-Quentin, AM, liasse 22, 10 mai 1334. 259 Par exemple, Saint-Quentin, AM, liasse 22, vers 1252. 260 Saint-Quentin, AM, liasse 22, 1342, op.cit. Voir également Porteau-Bitker, Talazac-Laurent, La renommée dans le droit pénal laïc du xiiie au xve siècle. 252 253 254 255

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factuelles, également empruntées au droit savant, reviennent souvent dans les dépositions. Il s’agit, selon le cas, de précisions quant à la localisation du fait (de loco)261, de l’époque à laquelle il s’est passé (de tempore), en demandant quand ou depuis combien de temps, ou encore l’identité des autres témoins présents (de praesentibus) lors du fait. La présence de questions plus spécifiques n’est toutefois pas à exclure. C’était le cas lorsqu’un témoin était tenu de répondre de la commune renommée d’un individu262. Il y avait également le risque que le témoin ait été corrompu par l’une des deux parties. Les enquêteurs ne pouvaient alors s’en remettre qu’à l’honneur des témoins. En juillet 1316, Amile Poilet et Pierre Louis furent accusés d’avoir substitué un faux testament à celui de Jean Poilet, frère d’Amile. Dans l’enquête faite par le maire et les jurés, Ouede de la Capelle, interrogée comme témoin, rapporta qu’Amile avait tenté de la corrompre en lui offrant 10 £ pour témoigner en sa faveur. Elle lui aurait alors répondu que ele averoit plus kier c saudees d’onneur que x livrees de honte ne de vergoingne263. Malgré toutes ces contraintes, le choix du témoin apparaît conjoncturel. Le nombre de témoins entendus pour établir la preuve est fort variable264. La doctrine juridique du Moyen Âge exigeait la pluralité des témoins265. Dans les enquêtes conservées à Saint-Quentin, il n’y en a jamais moins de trois, il n’y en a jamais plus de quinze, la moyenne (6,8 avec un écart type par rapport à la moyenne de 3,5) se situant entre six et sept témoins. Comme ceux-ci devaient d’abord et avant toutes choses avoir une certaine connaissance des faits pour répondre aux questions des enquêteurs, les témoins sont choisis en fonction de ce qu’ils sont susceptibles de savoir, quel que soit leur sexe ou leur condition sociale266. Pour les mêmes raisons, l’âge du témoin importe peu, pourvu qu’il soit majeur. La répartition des âges se situe entre 18 et 75 ans, ou environ, mais la majorité se trouve dans la quarantaine. Selon le cas, le choix se porte sur des membres de la famille qui étaient au courant des liens de parenté ou des immeubles faisant partie du patrimoine familial ; des voisins qui, comme la famille, connaissaient bien les parties impliquées ; des personnes qui, par leur office, ont assisté aux faits. Les exécuteurs testamentaires, dans toutes les affaires relatives aux biens compris dans le testament, sont de facto pris comme témoins267, tout comme le tabellion qui a rédigé l’acte ou le curé de la paroisse qui a assisté aux dernières volontés d’un défunt268. Si un apaisement échoue, on interroge de même les amiaules apaisenteurs269.

Saint-Quentin, AM, liasse 22. Saint-Quentin, AM, liasse 22, 1342. Saint-Quentin, AM, liasse 22 (Lemaire, n° 248), 11 juillet 1316. A. Tardif, La procédure civile et criminelle aux xiiie et xive siècles, op.cit., p. 104. Voir également les articles « Procédure », « Serment judiciaire », et « Témoin judiciaire », dans le Dictionnaire de droit canonique, Paris, 1935–1965. En droit canon, deux témoins suffisaient pour établir une preuve. 265 A. Gouron, « Testis unus testis nullus dans la doctrine juridique du xiie siècle », Medievalia Lovanensia, serie 1, studia 24 (1995), p. 83–93 ; A. Padoa-Schioppa, « Unus testis nullus testis. Note sulla scomparsa di una regola processuale », dans Studia Ghisleriana (Serie speciale per il IV centenario del Collegio Ghislieri in Pavia), 1967, p. 334–357 ; C. Schott, « Ein Zeuge, kein Zeuge. Zur Entstehung und Inhalt eines Rechtssprichworts », dans Festschrift für Ferdinand Elsener zum 65. Geburtstag, Sigmaringen, 1977, p. 222–232. 266 S. Hamel, « Informer le juge », op.cit. 267 Saint-Quentin, AM, liasse 22, mai 1334. Voir également A. Tardif, La procédure civile et criminelle aux xiiie et xive siècles, op.cit., p. 103. 268 Saint-Quentin, AM, liasse 22, vers 1331. 269 Saint-Quentin, AM, liasse 22, 6 janvier 1324 n.st. 261 262 263 264

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Nonobstant toutes les difficultés à surmonter, au début du xive siècle, l’enquête est devenue, avec le plaid de chacune des parties et les titres produits, une des principales pièces du procès, un des préalables au rendu de la décision de justice. iii. Avec un titre écrit Pour les plaideurs, produire un document écrit, par exemple un chirographe, une charte ou un exploit de justice précédemment accompli, est une autre manière de prouver son dire270. Bref, il est permis aux plaideurs de soumettre tous leurs actes. Cette preuve est la plus simple à administrer. Pour prouver une saisine, produire un titre équivaut en quelque sorte à prouver la propriété en droit romain : la saisine prouvée de cette manière n’est plus de fait, mais de droit. En revanche, si les juges ou aucune des deux parties n’exigent la production d’un titre, un état de fait suffit. On doit alors démontrer une saisine similaire à la possession du droit romain. Mais la preuve par titre n’est pas dénuée de faiblesses, notamment quand il s’agit d’un chirographe, la pièce qui était la plus souvent fournie par les plaideurs à Saint-Quentin dans la première moitié du xive siècle. Comme l’a fait remarquer Robert Jacob, il faut éviter d’assimiler le chirographe à un acte authentique comparable aux actes notariés du Midi271. Le chirographe n’a pas la force probante de ce dernier, car son existence n’empêche pas de recourir à la preuve par témoins déposant contre son contenu. Vers 1336, Oeude Fremine tenta de faire annuler un chirographe en invoquant des vices lors de son établissement. Quatre témoins – Quentin Folloviaus, Pierre Moraus, Thassars Bigos et Robert de Dourlens – ayant assisté à l’écriture de l’acte en tant qu’échevin ou kief de cens ont été invités à se prononcer sur le contenu du chirographe litigieux272. C’est que le chirographe équivaut à un témoignage écrit, celui des deux échevins qui ont assisté au marché. L’acte écrit ne vient ici que soutenir la demande ou la défense. Il apporte un élément de persuasion de plus, mais celui-ci vaut souvent moins qu’un témoin vivant273. 5.

Les procédures personnelles spéciales

On a conservé la trace de procédures coutumières pour les actions personnelles, immobilière ou mobilière. La première consistait, pour le titulaire d’une rente d’otage, à se faire attribuer en vertu d’un droit de créance l’immeuble laissé à l’abandon sur lequel la rente était assignée. L’autre consistait à saisir-arrêter les biens ou le corps d’un individu débiteur d’une dette mobilière envers un bourgeois. C’est l’arrest de catel que on dit pour debte. a. La procédure pour les héritages en ruines ou abandonnés Une procédure spéciale existait devant l’échevinage pour régler les problèmes relatifs aux biens négligés ou abandonnés par le dewerpissement ou disparition de celui qui en avait la saisine. Une coutume en vigueur à Saint-Quentin et sanctionnée par ordonnance du bailli de Vermandois le 6 avril 1320, voulait que, quand le propriétaire d’une maison, sur laquelle étaient assises des rentes ou surcens, cessait de payer les redevances, et que, par R. Monnier, Histoire de la procédure civile à Lille, op.cit., 23–27. R. Jacob, Les Époux, le seigneur et la cité, op.cit., p. 105. Saint-Quentin, AM, liasse 22, vers 1336. J.-P. Lévy, La hiérarchie des preuves dans le droit savant du Moyen Âge, depuis la Renaissance du droit romain jusqu’à la fin du xive siècle, Paris, 1939, 68–105. 270 271 272 273

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suite du manque de réparations, les bâtiments tombaient en ruine et devenaient inhabités, tout titulaire d’une rente pouvait ajourner devant le tribunal des échevins de la ville le propriétaire de la maison et les autres titulaires de rentes pour faire reconnaître leurs droits en vertu de sa créance274. L’occupant pouvait s’obliger à effectuer toutes les réparations nécessaires sur l’immeuble275. Mais, si le semon faisait défaut, les droits qu’il possédait sur l’héritage abandonné étaient transférés par un jugement des échevins à celui qui avait fait la semonce276. Il s’agissait d’une forme d’exercice d’un droit d’hypothèque. La maison ou, si elle était en trop mauvais état, ses matériaux pouvaient dès lors être vendus aux enchères pour rembourser le créancier qui avait fait le claim277. b. L’arrestation pour dette, ou arrest de catel Cette procédure pouvait s’appliquer pour toutes dettes mobilières contractées à Saint-Quentin278. On a vu que le marché était garanti par la personne et les meubles du débiteur et que, hors garanties supplémentaires, les immeubles ne répondaient pas de la dette279. Quand un débiteur n’avait pas de meubles à saisir, le créancier ne pouvait concrètement pas s’attaquer à ses immeubles. Également, le cas pouvait se présenter ou le débiteur était étranger à la ville. Comme la dette était un cas privé280, en cas de nonpaiement d’une créance, Saint-Quentin était une ville d’arrest et y puet chascun crediteur faire arrester son debteur et ses biens281. C’est-à-dire que, pour une dette impayée, la coutume et la charte de commune offraient la possibilité pour un bourgeois d’opérer une saisie mobilière, un arrest de catel, sur les biens ou la personne d’un débiteur étranger à la ville, sans titre et sur sa seule parole282. C’était une disposition très ancienne, mentionnée par l’Establissement, qui avait pour but de faciliter le marché et de garantir les transactions283. Le bourgeois avait la possibilité d’opérer lui-même l’arrêt si son débiteur étranger était de passage à Saint-Quentin284. Au départ, il s’agissait vraisemblablement d’un emprisonnement par charte privée. Mais, au xive siècle, le créancier devait s’empresser de prévenir la justice de la ville et lui remettre son prisonnier. La charte de commune, qui garantissait le katel du bourgeois, accordait par le fait même au maire l’obligation de faire respecter les reconnaissances et le paiement des dettes, les contestations relatives à l’existence et au paiement des dettes causées par l’achat d’un bien285. Le maire et les jurés pouvaient contraindre le débiteur à payer le prix de ce qu’il avait acheté, pourvu toutefois qu’ils soient saisis d’un claim par le créancier286. Par contre, le maire et les jurés n’étaient compétents que le jour du dépôt du claim. Ils perdaient Livre rouge, n° 34. Saint-Quentin, AM, liasse 48, dossier B, n° 2bis (Lemaire, n° 777), vers 1394. Saint-Quentin, AM, liasse 45, dossier M, n° 5 (Lemaire, n° 770). Saint-Quentin, AM, liasse 37, dossier A, n° 6 (Lemaire, n° 766). Charte de Philippe Auguste, § 33, 35 Les immeubles, ou héritages, sont normalement insaisissables en droit coutumier. Saint-Quentin, AM, liasse 7, dossier A, n° 17. Ibid. On ne pouvait toutefois saisir les vêtements. Charte de Philippe Auguste, § 48. Voir J.-B. Denisart, Collection de décisions nouvelles et de notions relatives à la jurisprudence actuelle, t. 3, 2e partie, Paris, 1771, p. 288 : Ville d’arrêt. Voir J. Mayade, « Le petit peuple en difficulté : la prison pour dettes à Paris à la fin du Moyen Age », dans Le petit peuple dans la société de l’Occident médiéval, Actes du colloque international de Montréal octobre 1999, Paris, 2002, p. 453–466 ; Id., Dans les geôles du roi, op.cit. 283 Establissement, § 6. 284 Charte de Philippe Auguste, § 36. 285 Charte de Philippe Auguste, § 40. 286 Paris, AN, X1a 15, fol. 86v–88. 274 275 276 277 278 279 280 281 282

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la compétence si le débiteur du prix d’un bien vendu ne payait pas le jour du claim de son créancier, s’il refusait de le payer, ou s’il faisait défaut287. Ces arrests de catel étaient effectués de concert par un sergent à masse de la ville et par un sergent d’enseigne288. Même de nuit, ceux-ci pouvaient se rendre sur place, dresser un inventaire des biens saisis et des dettes mobilières ou immobilières, puis opérer l’arrêt. On ignore cependant si cet arrêt effectué par la ville coûtait quelque chose au créancier289. Le débiteur arrêté pour dette devenait l’homme jetit de son créancier290, parce que le débiteur avait au préalable engagé son corps et accepté de tenir prison en cas de non-paiement de sa part291. En cas d’opposition à cet arrest, le débiteur devait payer une caution pour récupérer ses biens ou sa liberté. L’Establissement autorisait le débiteur à se purger par son serment devant le maire, mais qu’il lui était interdit d’avoir recours aux wages de bataille292. S’il se sentait lésé, le débiteur était également autorisé à intenter un procès à son créancier293. C’était le seul cas où, dans la procédure de la ville, le défendeur pouvait éventuellement avoir l’initiative du procès. Dans les cas extrêmes, l’affaire se terminait vraisemblablement par le bannissement du débiteur294. Une coutume relative à ces arrests de catel fut modifiée par le Parlement en 1362. Lorsqu’un créancier portait plainte contre son débiteur devant un échevin et un juré, le débiteur était arrêté et livré au châtelain de la ville qui devenait de facto chargé de la dette295. L’office de châtelain étant habituellement donné à ferme, il arrivait fréquemment que les adjudicataires fussent des gens sans notoriété et peu solvables, et qui même favorisaient les débiteurs. Quand le maire et les jurés voyaient que cette faveur devenait une fraude au préjudice du créancier, ils obligeaient le châtelain à payer la dette. Le Parlement refusa au maire et aux jurés le pouvoir de contraindre le châtelain, et n’accorda ce droit qu’au juge ordinaire immédiatement supérieur à cet officier royal296. L’arrêt accorda également la connaissance exclusive des échevins, pour le roi, sur ces arrests de catel. Le créancier devait alors faire son claim devant le tribunal des échevins qui rendaient un jugement. S’il y avait lieu, ceux-ci seulement pouvaient ordonner la saisie des biens ou des marchandises du débiteur. 6.

Le jugement et son exécution

L’administration de la preuve et l’examen des arguments terminés, on arrivait au jugement. Au jour fixé, la cour rendait sa décision, qui est dit être rendue de façon responsaule et suffisante297.

287 Paris, AN, X1a 15, fol. 86v–88. 288 À Paris, celui qui désirait faire saisir-arrêter quelqu’un devait payer le sergent. Voir J. Mayade, « Le roi, la dette et le

juge », op.cit. Saint-Quentin, AM, liasse 22, 29 juin 1339. Charte de Philippe Auguste, § 48 ; Saint-Quentinm, AM, liasse 24 (Lemaire, n° 434), septembre 1278. J.-P. Lévy, A. Castaldo, Histoire du droit civil, op.cit., § 677. Establissement, § 6. Charte de Philippe Auguste, § 35. Charte de Philippe Auguste, § 37. À Paris, c’était le roi qui devenait de la même manière chargé de la dette lorsqu’un débiteur était emprisonné au Châtelet. Voir J. Mayade, « Le roi, la dette et le juge », op.cit. 296 Saint-Quentin, AM, liasse 7, n° 16. 297 Saint-Quentin, AM, liasse 22, op.cit. 289 290 291 292 293 294 295

239

Troisième partie | La pratique judiciaire municipale

a. Où juger ? Cour de justice régulière, le maire et les jurés possédaient un siège fixe. La trace d’un endroit spécifiquement affecté à la justice apparaît en même temps que la justice communale. L’Hôtel de Ville de Saint-Quentin était appelé la Maizon del Plait dès sa première attestation, en septembre 1234298. La constitution de la commune en juridiction, à peu près à la même époque, avait vraisemblablement entraîné une légère modification de l’espace judiciaire. La permanence du lieu semble quasi certaine depuis l’époque comtale. La commune n’a probablement fait que récupérer le lieu où les comtes de Vermandois devaient tenir les plaids depuis le xe siècle299. C’est à cet endroit, au centre de la vie urbaine et hors du castrum que s’était installé le tribunal de la commune. La permanence du lieu, dont on note l’occupation dans la continuité, est signe que, malgré les changements judiciaires et institutionnels, la justice, elle, restait ininterrompue. La justice était rendue dans un bâtiment spécialement affecté à cet effet, une maison qui portait le nom de sa fonction judiciaire : c’était en cette Maison des Plaids ou Maison de la Paix qu’étaient entendus les plaids et où était rétablie la paix entre les habitants de la ville. Les plaids se tenaient dans la Chambre basse de la Maison de la Paix qu’on appelait également l’escame ou banquet bas300. Cette Chambre basse donnait sur la Grande-Place de la ville afin que le maire et les jurés puissent rendre la justice à hui ouvert comme le voulait l’usage301. Il devait également y avoir deux bancs ; trois après la réunion des échevins au corps de la commune. Le maire occupait la place du président au centre, les échevins, le banc des échevins, et les jurés, le banc des jurés302. Le tout formait un parc entouré d’une barre303. Avant leur réunion à la commune, les échevins ne semblent avoir eu aucun point d’attache. Rien ne laisse entendre qu’ils aient pu jouir d’un endroit pour entendre les causes avant 1362. À partir de 1215, rien n’empêche de penser qu’ils siégeaient au même endroit que le maire et les jurés et qu’ils empruntaient au besoin la Maison commune pour rendre justice, tout comme le faisait le bailli de Vermandois. Comme à Douai, les échevins devaient agir in situ, en se déplaçant sur les lieux où s’effectuaient les transactions pour les transferts de propriété qui, à chaque fois, donnaient lieu à un jugement304. b. Quand juger ? C’était le maire qui décidait de la date ou devait se tenir une chambre ou un plaid à la fin de la réunion précédente305. Les quelques fragments de registres pour la période allant du 28 juin 1332 au 23 avril 1333, le 5 août 1338 et du 3 au 10 mai 1342, permettent de constater qu’en principe, à cette époque, le maire et les jurés se réunissaient deux fois par semaine, le vendredi et le lundi, pour entendre les plaids306. Ils se réunissaient ­également 298 Saint-Quentin, AM, liasse 24 (Le Proux, n° 14), septembre 1234. 299 Voir M. Tymowski (éd.), Lieux du pouvoir au Moyen Âge et à l’époque moderne, Varsovie, 1995. 300 Saint-Quentin, AM, liasse 21, dossier A, n° 30 (Lemaire, n° 698), 15 octobre 1365. Lemaire (no 752) rapporte une

charte de la liasse 23 (aujourd’hui perdue) du 27 août 1424 qui appel la chambre basse le bancquet bas.

301 Establissement, § 9. Il s’agit ici d’un héritage carolingien, qui voulait que la justice soit publique et orale. Cf.

E. Glasson, Les sources de la procédure civile, p. 36. Voir Quentin de la Fons, Histoire particulière de la ville de Saint-Quentin, 2e partie, p. 229, n 1. Saint-Quentin, AM, liasse 23 (Lemaire, n° 752), 9–15 décembre 1380. Voir R. Jacob, Image de la justice, p. 93–106. G. Espinas, La vie urbaine à Douai, op.cit., t. 1, p. 536–537. Saint-Quentin, AM, liasse 7, n° 16. Il faut sans doute rapprocher ces jours d’audience de l’Establissement, § 11, qui mentionne que les semonces des parties devaient se faire du lundi au vendredi et qu’on devait y répondre dès le lendemain, sauf si elles avaient été effectuées le vendredi ou le samedi. Dans ce cas, on n’était tenu de répondre que le lundi.

302 303 304 305 306

240

La justice civile | chapitre vii

une fois par mois, vers la fin de la semaine, en chambre, pour débattre des questions ­administratives et judiciaires à résoudre307. Ce temps de la justice se voulait stable et régulier afin que le justiciable sache où et quand il pouvait s’adresser à ses juges pour obtenir justice. Tableau 18 Les réunions du maire et des jurés (1332–1342) Jour

Date

Type

Maire

Lieutenant du maire

Jurés

Dimanche

28 juin 1332

Vendredi

Raison

Chambre

1

0

33

3 juillet 1332

Plaids

1

0

7

Remise

Lundi

6 juillet 1332

Plaids

0

1

8

Remise

Vendredi

10 juillet 1332

Plaids

1

0

4

Remise

Vendredi

10 juillet 1332

Cambre

1

0

13

Lundi

13 juillet 1332

Plaids

1

0

8

Remise

Vendredi

17 juillet 1332

Plaids

1

0

5

Remise

Mercredi

22 juillet 1332

Chambre

0

1

13

Administration

Vendredi

24 juillet 1332

Chambre

1

0

21

Justice

Mercredi

5 août 1332

Chambre

1

0

19

Justice

Dimanche

9 août 1332

Chambre

1

0

10

Justice

Lundi

17 août 1332

Chambre

1

0

7

Justice

Lundi

14 septembre 1332

Plaids

1

0

9

Justice

Dimanche

23 février 1333

Chambre

1

0

36

Vendredi

26 février 1333

Plaids

1

0

0

Justice

Lundi

1er mars 1333

Plaids

1

0

0

Justice

Vendredi

5 mars 1333

Plaids

1

0

5

Remise

Lundi

8 mars 1333

Plaids

1

0

0

Remise

Administration

Administration

Administration

307 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 35 (Lemaire, n° 514), 28 juin 1332–23 avril 1333.

241

Troisième partie | La pratique judiciaire municipale

Jour

Date

Type

Maire

Lieutenant du maire

Jurés

Raison

Vendredi

12 mars 1333

Plaids

1

0

19

Justice

Samedi

13 mars 1333

Chambre

1

0

24

Administration

Lundi

15 mars 1333

Plaids

1

0

4

Justice

Lundi

22 mars 1333

Plaids

1

0

8

Remise

Vendredi

26 mars 1333

Plaids

1

0

4

Remise

Lundi

29 mars 1333

Plaids

1

0

27

Remise

Vendredi

9 avril 1333

Plaids

1

0

9

Remise

Lundi

12 avril 1333

Plaids

1

0

6

Justice

Vendredi

16 avril 1333

Plaids

1

0

13

Remise

Samedi

17 avril 1333

Chambre

1

0

12

Justice

Lundi

19 avril 1333

Plaids

1

0

4

Remise

Vendredi

23 avril 1333

Plaids

1

0

9

Justice

Mercredi

5 août 1338

Chambre

1

0

27

Administration

Vendredi

3 mai 1342

Plaids

1

0

29

Justice

Lundi

6 mai 1342

Plaids

0

0

0

Remise

Vendredi

10 mai 1342

Plaids

1

0

24

Justice

Le tableau 18 ci-dessus, indique que, en 1332–1333, les questions relatives à la justice occupaient plus des deux tiers des réunions du maire et des jurés (quatorze séances) ; moins d’un tiers était consacré à des questions administratives (six séances). Mais la périodicité de la tenue des chambres et des plaids était moindre. Le maire et les jurés ne siégeaient que lorsqu’il y avait une affaire qui leur était soumise, les plaids étaient remis à l’audience suivante faute de causes à traiter ou à juger. Sur les trente-quatre réunions du maire et des jurés conservées, quatorze furent remises à huitaine ou à quinzaine, faute de débat ou à cause d’empêchements ponctuels, comme une joute308, un décès309, ou lorsqu’il n’y avait pas de cause ordenaires de cheens à traiter310. Mais il arrivait au maire et aux jurés de se réunir en chambre ou en plaid extraordinaire pour régler une 308 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 35 (Lemaire, n° 514), 6 juillet 1332. 309 Ibid. 310 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 35 (Lemaire, n° 514).

242

La justice civile | chapitre vii

question urgente. Évidemment, le tribunal ne siégeait pas la nuit311. Le maire, les échevins et les jurés ne siégeaient que jusqu’à l’heure du repas de mi-journée, car ils prenaient une pause pour aller se sustenter312. Les séances pouvaient en outre reprendre dans la journée, même s’il n’y avait rien eu à faire le matin313. Quant au tribunal des échevins, avant sa réunion à la commune en 1362, il ne semble se réunir qu’en cas de besoin, lorsqu’un demandeur faisait semondre son adversaire à comparaître devant eux pour répondre d’un claim314. Occasionnellement avant cette date, les échevins pouvaient avoir à se réunir avec le maire et les jurés315. Si la présence du maire, ou de son lieutenant, était requise, parce que le tribunal avait besoin d’un chef pour diriger les débats, le nombre de jurés ou d’échevins variait, mais il atteignait rarement le maximum. Le nombre de jurés présents, quoique fort irrégulier, semble plus élevé lors des cambres que lors des plaids. Il variait en fonction de la gravité des questions débattues, de la cause à juger ou tout simplement selon la disponibilité des jurés ou des échevins, souvent occupés à leur propre besogne. Pour la période 1332–1342, les séances répertoriées par le tableau 18 ci-dessus montrent également qu’en moyenne une douzaine de jurés siégeaient avec le maire, une vingtaine lors des chambres et une dizaine pour les plaids. Le minimum requis par le Parlement en juillet 1362 pour l’audition des causes était peu contraignant : il suffisait du maire, ou de son lieutenant, d’un échevin et d’un juré316. c. Comment juger ? Après avoir examiné les arguments des parties, la cour délibérait pour rendre sa décision collégialement. Celle-ci se prenait lors de débats secrets tenus durant les séances des Chambres du conseil de ville317. En plus des juges, c’est-à-dire le maire, les échevins et les jurés, assistaient parfois à ces réunions de la Chambre quelques conseillers, invités à donner leur avis sur les affaires en cours318. Avant l’arrêt de 1362, le maire, les jurés et les échevins siégeaient sur un pied d’égalité sans que ce droit ne leur soit reconnu, autant pour les affaires criminelles que civiles. C’est-à-dire que, même si un corps était conseillé par l’autre, les décisions étaient prises à la majorité simple, peu importe la nature de la cause entendue. En 1362, le Parlement établit une règle qui fut suivie depuis319. À partir de cette date, dans les affaires de la compétence du maire et des jurés, les échevins étaient devenus leurs assesseurs. Inversement, dans les causes dont la connaissance appartenait aux échevins, le maire et les jurés étaient devenus leurs conseillers. Ainsi, pour les cas relevant de la compétence des échevins, il fallait la moitié des voix des échevins plus une, la décision de sept des treize échevins l’emportant sur l’ensemble des voies du maire, des jurés et des six autres échevins. À l’inverse, pour les cas relevant de la compétence du maire et des jurés, il fallait obtenir la moitié des voies conjuguées du maire et des jurés plus une, peu importe le nombre d’échevins favorable ou non. Depuis, de gracia speciali, le Parlement avait accordé officiellement au maire la 311 312 313 314 315 316 317 318 319

C’est ce qui découle sans doute de l’esprit de la Charte de Philippe Auguste, § 18. Saint-Quentin, AM, liasse 23 (Lemaire, n° 752). 9–15 décembre 1380. Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 35 (Lemaire, n° 514), op.cit. Par exemple Saint-Quentin, AM, liasse 24 (Lemaire, n° 112bis), mars 1283 n.st. Une seule fois en 1332–1333, Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 35 (Lemaire, n° 514), 17 avril 1333. Saint-Quentin, AM, liasse 7, n° 16, op.cit., ; liasse 21, dossier A, n° 30 (Lemaire, n° 698), 15 octobre 1365. Saint-Quentin, AM, liasse 18, dossier A, n° 1, op.cit. Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 35 (Lemaire, n° 514), op.cit. Ibid.

243

Troisième partie | La pratique judiciaire municipale

présidence, la direction des débats et le prononcé des jugements et des sentences rendus par le nouveau tribunal formé par le regroupement des échevins aux jurés, sous réserve que dans les cas où la compétence appartenait aux échevins, le maire agissait en lieu, nom et du consentement de ceux-ci et comme délégué de leur pouvoir, et qu’il serait, en outre, tenu de faire connaître cette situation dans les actes. Bien que tout soit fait pour obtenir le consensus, en cas de désaccord entre les échevins ou la majorité d’entre eux, et le maire et les jurés ou la majorité d’entre eux, et si un accord n’intervenait pas, le maire perdait la présidence du tribunal320. Dès lors, les décisions furent prises à la majorité simple du corps de justice dont dépendait la compétence dans l’affaire jugée. Une fois la décision judiciaire prise, le plaideur devait être en mesure d’en connaître la teneur et ce même s’il ne savait pas lire. Elle devait alors être rendue oralement devant les parties ou leurs procureurs321. Le jugement n’était donc pas la reconnaissance d’une justice immanente exercée par la commune ou l’échevinage et acceptée de tous. Il apparaît plutôt comme une étape supplémentaire dans l’affrontement entre deux parties. D’où l’importance des modalités alternatives de règlements des conflits exposées ci-après, qui le plus souvent, impliquaient de toute façon l’autorité communale. d. L’exécution de la décision La décision rendue par le tribunal municipal prenait effet dès le prononcé du jugement. L’exécution des décisions civiles devait normalement revenir aux parties, qui s’engageaient à respecter la sentence ou le jugement. La signification du jugement était suivie d’un commandement et, si on s’en tient à la charte de commune, l’exécution du jugement devait avoir lieu dans l’an et jour. Si le perdant ne s’exécutait pas volontairement à l’intérieur de ce délai, la justice municipale avait le pouvoir de le contraindre. L’exécution judiciaire était de la responsabilité du maire et des sergents de la commune qui seuls avaient le pouvoir de soumettre les parties au besoin. En 1362, le maire et les jurés avaient demandé au Parlement l’autorisation d’exécuter leurs jugements par l’arrestation du perdant et la saisie de ses biens, et que, dans le cas où celui-ci n’habiterait pas Saint-Quentin, ou qu’il serait insolvable, ou en fuite, il leur fut permis de le bannir ou de lui interdire le séjour de la ville. Le Parlement repoussa cette requête, parce qu’il n’admettait pas que le maire et les jurés puissent bannir quelqu’un. Il permit cependant la saisie des biens des débiteurs par les échevins auxquels devaient se joindre le maire et les jurés322. Ainsi, lorsqu’un débiteur ne payait pas sa dette, on saisissait et on vendait ses biens, d’abord les meubles, puis les immeubles. La vente des biens avait lieu aux enchères publiques menées par les maires et les sergents d’enseignes323. On exerçait en dernier recours la contrainte de corps. 7.

Les autres modes de règlement du conflit civil

À tout moment, même avant le dépôt du claim, le litige pouvait trouver une autre issue que le procès ou le jugement du tribunal municipal. Les parties pouvaient décider 320 Saint-Quentin, AM, liasse 7, n° 16, op.cit. 321 Il faut attendre 1365 pour que les jugements soit systématiquement enregistrés : Saint-Quentin, AM, liasse 21, n° 30

(Lemaire, n° 698), 15 octobre 1365.

322 Saint-Quentin, AM, liasse 7, n° 16, op.cit. 323 Saint-Quentin, AM, liasse 37, dossier A, n° 6 (Lemaire, n° 766), 27 août 1389.

244

La justice civile | chapitre vii

de s’accorder ou de se soumettre à un apaisement ou à un arbitrage. Une fois la solution trouvée, il ne restait plus qu’à la faire approuver par le tribunal communal et à l’exécuter. a. Transiger Les parties en différend devant le maire, les jurés ou les échevins pouvaient choisir de s’entendre entre elles pour trouver une solution à leur litige324. Elles s’accordaient spontanément par la voie de la transaction, sans avoir recours à une personne étrangère à leur différend. Les parties s’apaisaient d’elles-mêmes plutôt que d’avoir recours à des tiers325. La transaction était en elle-même un marché. Ce moyen était le plus rapide et le moins coûteux à mettre en œuvre. Mais il n’y avait pas de transaction sans abandons réciproques de revendications pour chacune des parties. Les parties devaient donc être disposées au compromis. Une partie acceptait alors de remettre à l’autre le bien discuté, en échange d’une somme d’argent326. Comme pour tout autre type de marché, l’intervention de l’autorité municipale – vraisemblablement pas toujours nécessaire étant donné le peu de documents rapportant une transaction – ne se faisait qu’une fois le marché établi pour lui donner force obligatoire. b. Avoir recours à des amiaules apaisenteurs Les parties n’étaient pas toujours capables de trouver par elles-mêmes une solution à leurs différends. Aussi pouvaient-elles faire appel de leur gré à des amiaules apaisenteurs avant de s’en remettre à la justice municipale327. Il n’y avait pas de tribunal d’apaiseur à Saint-Quentin tel qu’on les connaît ailleurs, à Douai ou à Nivelles par exemple328. Les apaiseurs saint-quentinois étaient plutôt de la catégorie des arbitrateurs. Ils n’vaient qu’un pouvoir consultatif, celui de se prononcer sur le différend pour rétablir la paix entre les parties329. En 1296, le maître de la Maison Saint-Ladre avait fait semondre Jean, Pierre et Marie Colaye et Aude Cokel, enfants de feu Mathieu Cokel, de Gricourt, devant les échevins de la Vicomté-le-Roi dans un délai de 15 jours afin de répondre de la saisine d’une maison et d’un courtil situés dans la Neuve-Rue à Saint-Quentin. Dans la quinzaine qui avait suivi la semonce, les intimés étaient comparus devant les échevins, et avaient affirmé avoir la moitié de la saisine sur la maison et le courtil. Pour bien de Paix, les parties s’en remirent alors à Alart d’Oisny et à Jean Le Cat, comme apaiseurs, qui décidèrent que Jean, Pierre et Marie Colaye ainsi qu’Aude remettraient leur droit sur la maison et le courtil à Jean le Bon, bourgeois de Saint-Quentin, moyennant 100 s. parisis que leur paierait la Maison Saint-Ladre330. Au demeurant, il subsiste peu de renseignements à leur sujet, puisque l’on a le plus souvent connaissance d’un apaisement quand il échouait. Dans une enquête de janvier 1324 relative à une portion d’héritage litigieuse, relève l’échec d’un apaisement. Les apaiseurs étaient trois : Jean d’Oisny, Pierre le Mies et Jean de Grugies331. Tous trois avaient été choisis parmi des Y. Bongert, Recherches sur les cours laïques, op.cit., p. 98, § 1. Saint-Quentin, AM, liasse 269, dossier A, n° 37, août 1296. Ibid. Un autre exemple dans Saint-Quentin, AM, liasse 269, dossier A, n° 116, janvier 1370 n.st. Saint-Quentin, AM, liasse 22, 6 janvier 1324 n.st. X. Rousseaux, « Le prix du sang versé. La cour des ‘Appaisiteurs’ à Nivelles ( 1430–1655) », Bulletin trimestriel du Crédit communal de Belgique, 175 (1991), p. 45–56 ; M. Nikichine, « La justice et la paix à Douai à la fin du Moyen Âge », Position des thèse de l’École des chartes, 2005. 329 Saint-Quentin, AM, liasse 22, 6 janvier 1324 n.st., op.cit. Voir l’article « arbitrateurs », dans DDC. 330 Saint-Quentin, AM, liasse 269, dossier A, n° 37, 1296. 331 Saint-Quentin, AM, liasse 22, 6 janvier 1324 n.st. 324 325 326 327 328

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Troisième partie | La pratique judiciaire municipale

jurés en fonction à peu près à la même époque. On peut donc douter fortement que cette pratique de l’apaisement se soit située hors du cadre judiciaire municipal332. c. Avoir recours à des arbitres Un autre mécanisme existait, celui de l’arbitrage, mais cette fois-ci dans le cadre de la justice communale. Contrairement à l’apaisement, l’arbitrage n’était pas un mécanisme de justice privée. La distinction entre l’apaisement et l’arbitrage ne tient qu’au pouvoir remis pour l’occasion aux apaiseurs ou aux arbitres. Ainsi, après le claim, les parties pouvaient se soumettre volontairement à la décision de seigneurs arbitres investis pour l’occasion de pouvoirs extraordinaires, limités dans le temps et dans la matière333. Juges sans juridiction, les arbitres rendaient cependant un jugement en droit et sur le fond334. Leur pouvoir n’était donc pas que consultatif. Il était normatif, mais sans pouvoir de coercition. Afin de combler cet inconvénient, l’arbitrage faisait l’objet d’un accord préalable que chacune des parties s’engageait à suivre. De plus, le mécanisme, plus clairement judiciaire, était entièrement contrôlé par la commune. Peu importe si la cause avait été présentée devant l’échevinage ou devant le maire et les jurés, le processus de l’arbitrage s’effectuait sous le contrôle de ces derniers335. Seul le choix des trois arbitres de rigueur appartenait aux parties qui les élisaient séparément ou conjointement. En mars 1268 n.st., par les droits de sa fille Wedain, Drouar de Lambais clamast le quart d’une maison et le quart de 6 setiers de terre à Liegart, fille de feu Perron de Lier. Pour bien de pais, comme pour un apaisement, les parties avaient élu trois prud’hommes (Werri de Calais, Mathieu le Sellier et Jean c’on dist eskievin d’Urvillier) comme arbitres. Ces arbitres, après avoir entendu les clames, les veriteis et les sairement et les tesmoigages de l’une partie et de l’autre, avaient rendu leur ordonnance devant le maire et les jurés, par devant lesqueues les parties devant dites s’aloierent par leur fois fiancies de tenir le dit et l’ordenance des arbitres devant dis. Enfin, au début xive siècle, les arbitres étaient payés directement par les parties. Ceux-ci devaient également faire accorder leurs frais en présentant une liste au maire et aux jurés336. Les habitants n’étaient pas les seuls à s’en remettre au maire, aux échevins et aux jurés pour un arbitrage. En juillet 1396, on les vit intervenir pour régler une querelle qui s’était élevée entre le doyen et le chapitre et Guillaume de Harly, écuyer, et Audine, sa femme, pour le forage sur les maisons du Grand et du Petit Griffon, situées au Marché de Saint-Quentin, faisant le coin de la rue de la Poterie et tenant à la Maison du Bacinet337. 8.

Se faire accorder ses frais et ses cousts

L’instance terminée et le jugement rendu, la partie victorieuse avait la possibilité de se faire dédommager pour les diverses dépenses encourues lors du procès. Mais elle devait les avoir réclamées dès la formulation de sa demande338. Après l’instance, la partie victorieuse qui désirait se faire accorder ses dépens par la partie adverse devait 332 Ce n’est pas l’avis d’Y. Jeanclos, L’arbitrage en Bourgogne, op.cit., p. 11. 333 M. Bouchat, « La justice par arbitrage dans le diocèse de Liège au xiiie siècle : Les arbitres », Le Moyen Âge, 95

(1989), p. 439–474. 334 Saint-Quentin, AM, liasse 22, 1260. 335 Le premier exemple est de septembre 1242 : Saint-Quentin, AM, liasse 24 (Le Proux, n° 26). 336 Saint-Quentin, AM, liasse 22, vers 1330. 337 Laon, AD Aisne, G 788, p. 123–126. 338 Par exemple, Saint-Quentin, AM, liasse 22, s.d. vers 1330.

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soumettre au maire et aux jurés une requête sous forme de mémoire fournissant la liste détaillée de ses couts et de ses frais339. Ceux-ci examinaient les réclamations et fixaient le montant des dédommagements à accorder. Il fallait tout d’abord réclamer ses frais d’avocat et de procureur340. Pour avoir retenu à son conseil Me Simon Rivière pendant 2 ans et 6 semaines, Jaquemars Caboche réclama 10 £ parisis. Il requit, pour le même laps de temps, 6 £ pour son procureur, Pierre de Tombes, qui du wardé leur ajournement de huit jours en huit jours pendant tout ce temps. Même dans le cas où les parties décidaient de se soumettre à un arbitrage, il y avait des frais, car il fallait rétribuer les arbitres pour leur travail341. Les écritures étaient moins coûteuses : Jaquemars Caboche ne réclama que 6 s. Par contre, la demande d’une partie n’ayant pas montré d’écriture et qui en réclamait les frais, était rejetée342. Conclusion La répartition de la justice contractuelle entre les autorités municipales suivait une logique définie. Celle-ci concernait essentiellement la nature du bien. Le maire et les jurés, qui disposaient de la justice de la commune, étant responsables de la protection des biens et de ses membres, ils s’occupaient principalement des meubles (kateux). Le contrat sur le bien meuble est donc peu présent, le katel donnant rarement lieu à des actes écrits. Ce qui ne signifie pas qu’il n’y avait pas de contrat formel, car si on ne passait vraisemblablement pas devant une autorité judiciaire pour acheter ou vendre des draps, rien n’empêchait de s’entendre avec le marchand sur le prix, les modalités de livraison et de paiement, puis de valider la convenance à l’aide de divers signes extérieurs, comme l’Échange du denier Dieu et de boire ensemble. Les échevins, juges responsables des transferts de saisine sur les héritages, géraient de ce fait toutes transactions immobilières effectuées sur leur territoire. Seule la localisation du bien déterminait le recours à telle ou telle juridiction scabinale plutôt qu’à une autre. Le sol et l’immeuble étaient des biens familiaux, donc par nature socialement importants. Hors contrat, ils n’étaient pas transmissibles par testament, mais seulement en suivant la coutume. Afin de les protéger, on en était donc venu à effectuer le transfert de leur saisine par écrit et selon un processus judiciaire plus complexe visant à protéger les parties. La majorité des contrats chirographiés est du xiiie siècle. On perd peu à peu la trace de cette compétence de la ville au xive siècle, à cause de l’adoption du petit sceau, concomitante de l’abandon progressif de la technique du chirographe pour les actes touchant une autre matière que les transferts de saisine d’héritage. L’échec d’un marché, c’est-à-dire la rupture du lien juridique créé par contrat, est l’un des principaux générateurs de conflits civils entre les particuliers habitant la ville. Pour la régulation des conflits civils, on ne peut que schématiser, en décelant des tendances. Ainsi, le maire et les jurés, héritiers d’un passé commercial et communal, semblent plutôt compétent avoir sur les conflits relatifs aux biens meubles, ou katel, et aux successions. La compétence civile des échevins, quant à elle, touche plutôt les contestations des biens non meubles, ou héritages. Une des seules compétences des échevins en matière 339 Saint-Quentin, AM, liasse 22, vers 1330–1350. 340 La coutume du Ponthieu acceptait les frais d’écriture et d’ajournement des témoins mais n’acceptait pas les frais

d’avocat. Voir A.I. Marnier, Ancien coutumier de Picardie, op.cit., p. 53.

341 Saint-Quentin, AM, liasse 22, vers 1330. 342 Ibid.

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de katel est relative à l’arrestation pour dette, plus proche d’une compétence criminelle. Quant à la procédure civile en usage, le peu de sources disponibles la fait apparaître conforme à celle des autres cours laïques. L’ordre du procès civil à Saint-Quentin suit à peu de choses près celui exposé par les styles et les coutumiers contemporains343. La procédure terminée, la décision de justice n’apparaît pas comme étant une fin en soi. Sans vouloir déprécier son importance dans la résolution des conflits, d’autres moyens d’éteindre le contentieux existaient, comme la transaction, l’apaisement ou l’arbitrage. Ces arrangements restent cependant très difficiles à percevoir, puisqu’ils échappent souvent à l’écrit judiciaire. À la différence du jugement, l’arrangement exige la discrétion et préserve l’honneur des parties344. D’où son efficacité, mais aussi la rareté des sources le mentionnant. L’action pacificatrice de la justice municipale ne se limite pas qu’aux conflits civils entre habitants. Au Moyen Âge, l’exercice de la justice criminelle, à laquelle la ville tient beaucoup, est également de son ressort.

343 Philippe de Beaumanoir, Coutumes de Beauvaisis, éd. op.cit. ; Jean Boutillier, Somme rural, éd. op.cit.. 344 C. Gauvard, « Le jugement entre norme et pratique : le cas de la France du Nord à la fin du Moyen Âge », dans Norm

und Praxis im Alltag des Mittelalters und der frühen Neuzeit, Vienne, 1997, p. 27–38.

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Chapitre viii

La justice criminelle

La justice criminelle s’emploie à trouver une solution honorable à la rupture de la protection créée par la loi de la ville par un individu membre de la commune ou non. C’est donc, en quelque sorte, en enfreignant le serment de paix, constitutif de la commune ou en manifestant un état exagérément dangereux pour l’ensemble de la communauté, qu’un individu se rend coupable de crime345. L’exercice de la justice criminelle, bien qu’au départ mieux défini par la charte de commune (§ 27) que la justice civile, provoque en revanche beaucoup plus de confusion et de tâtonnements, tant au niveau de la compétence de la ville qu’au niveau de la procédure. Pour mieux comprendre le fonctionnement de cette justice criminelle, la démarche adoptée est celle de la criminologie. Celle-ci vise à cerner le crime tant sociologiquement que judiciairement. Mais, avant de parler des justiciables, des criminels, de la procédure, du jugement et des peines, il faut d’abord définir ce qu’est un crime aux derniers siècles du Moyen Âge. A.

Crime, forfait et méfait

Qu’est-ce qu’un crime, ou du moins qu’est-ce qui était considéré comme tel dans la ville ? La conception de ce qu’est un crime, et, par le fait même, un criminel, dépend de la manière dont la loi de la ville et les autorités chargées de l’appliquer l’entendaient. Le crime, de façon générale, recevait plusieurs dénominations qu’il convient de définir en premier lieu. Le vocabulaire utilisé pour dire le crime se fait le miroir des changements dans la conception du crime, de l’époque communale au début du xve siècle. Il faut d’abord être conscient du fait que, pas plus que le cas civil, le cas criminel (casus criminalis) n’existait en tant que catégorie judiciaire originelle346. Le crime, en tant que mot utilisé par les autorités municipales, n’a laissé ses premières traces qu’au début du xive siècle, par adoption progressive du vocabulaire judiciaire des tribunaux royaux et ecclésiastiques de la ville, qui utilisaient le terme depuis plus longtemps347. L’emploi par le maire, les jurés ou les échevins du mot crime et de ses dérivés criminels ou crimineux reste rare, sauf devant le Parlement. L’arrêt de juillet 1362 distingue le crime du forfait : le maire et les jurés s’y disent compétents pour connaître de tous les cas criminels et des forfaits348. En même temps que le crime apparaît, il commence à se distinguer plus nettement des petites contraventions à la 345 Voir N. Gonthier, «  Crimes et délits dans le droit urbain d’après quelques exemples de la fin du Moyen Âge

(xiie–xve siècles) », dans P. Monnet et O.G. Oexle, Stadt und Recht im Mittelalter – La ville et le droit au Moyen Âge, Göttingen, 2003, p. 153–165. 346 Le cas criminel est mentionné pour la première fois par l’arrêt de 1352 : Paris, AN, X1a 15, fol. 86v et s. op.cit. C. Gauvard, ‘De grace especial’, op.cit., vol 1, p. 111–143 ; Id. « La dénomination des délits et des peines en France à la fin du Moyen Âge », ‘99 Sciences et humanités. La dénomination, 1 (1999), p. 87–102, fait un état de la doctrine quant au vocabulaire du crime. 347 La première mention du mot crime provient d’une bulle de Grégoire IX daté du 30 juillet 1232  : Saint-Quentin, AM, liasse 185, dossier A (Lemaire, n° 24). Voir aussi Saint-Quentin, AM, liasse 21, dossier A, n° 7 ; Paris, AN, LL 1016, fol. 6v–11, 25 octobre 1313. 348 Saint-Quentin, AM, liasse 7, n° 16, op.cit.

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charte de commune qui font partie de ce que le pouvoir royal appelle, une première fois en s’adressant au maire, aux échevins et aux jurés en 1407, la police349. Pour la charte de commune, la justice criminelle ne relevait que du forfait et du méfait. La ville est restée attachée longtemps à cette double conception du crime, forfait et méfait étant les deux seuls mots que l’on rencontre dans les sources urbaines jusqu’au xive siècle. En 1317, préparant leur défense au Parlement, le maire et les jurés disaient avoir par point de chartre le connoissanche et le pugnition des meffais ou fourfais fais en la ville de Saint Quentin venus a leur connoissanche350. Mais ces deux mots ne parlent vraisemblablement pas de la même chose. On peut les distinguer en suivant la charte de commune et l’étymologie propre à chacun des deux termes. Le forfait (forisfactum, de foris et factum) concernait littéralement tout ce qui était fait en dehors [de la loi] (on trouve également forfaiteur et le verbe forfaire). Il s’agit vraisemblablement d’une infraction qui contrevient à la loi de la ville : la charte de commune. Tout acte commis par une personne à l’encontre d’un bourgeois ou envers le contenu de la charte de commune ou de son esprit, était considéré comme une forfaiture351. Dans les faits, tout forfait ne peut être considéré comme un crime. Jusqu’à ce que la distinction entre police et justice ne s’effectue au tournant du xve siècle, les petites infractions, celles liées à la pratique des métiers et du commerce ou aux défauts de justice, étaient également considérées comme des forfaits punissables d’une légère amende. Au xive siècle, la ville avait des commis as fourfais qui tenaient les comptes des amendes et fourfaiz tauxez pour et au proffit de la ville352. Ces forfaits étant tous taxés d’une amende de moins de 60 s., il n’est donc pas improbable ici d’assimiler le forfait à un délit et à la basse justice. Le deuxième mot qu’utilise la charte de commune pour parler du crime est le méfait (malefactum, de male et factum), c’est-à-dire mal faire, ou meffaire (on retrouve également malefactor ou meffaiteur). Les circonstances d’emploi de ce second terme sont plus claires. Les trois articles de la charte de Philippe Auguste qui l’utilisent (§ 13, 14 et 52) sont relatifs à la juridiction des échevins et à l’homicide en particulier. A priori, le méfait est plus grave que le forfait, d’autant plus s’il est énorme353. Il tient plus volontiers du crime et de la haute justice. Claude Gauvard a relevé plusieurs autres mots désignant le crime qui sont employés à Saint-Quentin. Toutefois, ces mots sont le plus souvent utilisés pas les justices royale et ecclésiastique : malefice (maleficium), exces (ou excessus), blasme et escande ne sont pas utilisés par la ville. L’expression villain criesme est adoptée une fois dans une supplique adressée au roi dans l’affaire Raoul le Ahennier de 1330354. Le reproche n’est utilisé que dans le contexte de la procédure civile pour des exceptions proposées par des parties355. Puis, un plaid tenu en 1395 par le maire et les jurés rapporte un cas de delit relatif à une infraction contre une main apposée par la justice municipale sur des biens meubles356. Le crime, tel qu’il est conçu par les autorités municipales, reste vraisemblablement cantonné au forfait et au méfait jusqu’au milieu du xive siècle. Les deux termes renvoient 349 Saint-Quentin, AM, liasse 2, n° 56 (Lemaire, n° 826), 25 mars 1407 n.st. 350 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 29 (Lemaire, n° 264), s.d., vers 1317. 351 Les peines appliquées pour un forfait – qui est puni d’amende, de confiscation, d’abattis de maison et de bannisse-

ment – montrent également qu’il s’agit là d’une infraction envers la commune. Ces comptes se retrouvent dans Saint-Quentin, AM, liasse 119. Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 30 (Lemaire, n° 282), 24 mai 1320. Saint-Quentin, AM, liasse 22 (Lemaire, n° 230), s.d. vers 1330. Saint-Quentin, AM, liasse 22. Saint-Quentin, AM, liasse 21, dossier B, septembre 1395.

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certes à des choses similaires, car il y a des forfaits graves, mais ils permettaient de distinguer le crime à proprement parler du délit et de la police, ces deux derniers termes qui n’apparaissant dans le vocabulaire municipal qu’au tournant du xve siècle357. B.

Prévenir le crime

L’un des principes fondateurs de l’exercice de la justice criminelle par la commune est la prévention. La prévention médiévale, telle qu’énoncée par Pierre de Fontaines, consiste pour le roi à évoquer le droit de juger un cas parce que la juridiction normalement compétente n’était pas intervenue358. Il s’agit d’un cas royal, mais la ville évoque elle aussi ce principe pour justifier son droit de juger un criminel qu’elle a pris le premier359. Il s’agit donc, comme le disent le maire et les jurés devant le Parlement, d’être plus diligents que les autres juridictions de la ville dans la prise, l’emprisonnement et la poursuite des malfaiteurs360. Il faut cependant élargir cette définition pour lui accorder une acceptation plus large. Un deuxième dispositif peut être lié à cette prévention criminelle. Il s’agit de l’emprisonnement préventif de la famille et des amis de deux parties en guerre suivi d’un contrat, nommé paix jurée, auquel on accordait la valeur d’un asseurement. L’exercice de la prévention et de l’asseurement par la ville peut être perçu comme un empiétement sur des prérogatives royales, d’où la difficulté à faire reconnaître ces deux prérogatives par le Parlement. Quand elle est invoquée, la prévention constitue toujours une novelleté ou un empêchement. 1.

Être le premier à prendre et à mettre en prison le criminel

Se saisir du criminel, le prendre et l’arrêter en premier constitue un premier type de prévention. Une prise consiste à se saisir d’une personne et à la priver provisoirement de sa liberté en la mettant aux arrêts. Elle peut se produire en vertu d’un mandement du maire. Elle peut également résulter d’un cas de flagrant délit de vol. Dans ce cas, le bourgeois pouvait, et même devait, soit appréhender lui-même l’auteur du fait et le conduire devant les autorités municipales, soit prêter main-forte à un autre bourgeois pour l’aider à maîtriser le voleur, soit l’immobiliser le temps nécessaire pour que les sergents de la ville interviennent361. Les échevins, à qui appartenaient la connaissance des crimes, avaient le grand désavantage de ne disposer ni de prison, ni de sergents. C’est pourquoi c’étaient les sergents de la commune qui procèdaient aux arrestations et à l’emprisonnement des criminels au nom des échevins. L’arrêt de juillet 1362 avait déterminé la procédure à suivre quant au droit de prise par la justice municipale362. Malgré l’arrêt de décembre 1352, le maire et les jurés avaient le droit d’arrêter les malfaiteurs coupables de crimes pouvant entraîner la peine capitale et ceux ayant émis de la fausse monnaie. Ce droit ne devait toutefois pas s’exercer à l’exclusion des échevins, mais seulement au cas où, par prévention, ils se montraient plus diligents que 357 La première attestation du mot police utilisé par la ville se trouve dans Paris, AN, X1a 4800, fol. 21v–23v, 27v–28v,

30v–31v, 38–39, 40v–42v et 45. Voir S. Hamel, Un conflit entre les autorités laïques et religieuses, op.cit. Le mot délit est utilisé dès 1395 : Saint-Quentin, AM, liasse 21, dossier B, septembre 1395. 358 Pierre de Fontaines, Le conseil à un ami, éd. op.cit., p. 375, § 17 ; Le Songe du Vergier, éd. M. Schnerb-Lièvre, Paris, 1982, t. 2, p. 201. Voir également E. Perrot, Les cas royaux, op.cit., p. 188–203 ; P. Violet, Histoire des institutions politiques et administratives de la France, op.cit., t. 2, p. 220. 359 Voir Saint-Quentin, AM, liasse 21, dossier A, n° 40, s.d., vers 1330, op.cit., chapitre VI, n 32. 360 Saint-Quentin, AM, liasse 7, n° 16, op.cit. 361 Charte de Philippe Auguste, § 29. 362 Saint-Quentin, AM, liasse 7, n° 16.

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ces derniers à agir. Ils devaient toutefois procéder à l’arrestation de concert avec eux. Le prisonnier devait être mis de manière préventive dans la prison du beffroi de la ville. La prise et détention des malfaiteurs furent probablement les cas les plus conflictuels dans l’exercice de la justice criminelle. Toutes les justices, sans exception, l’exerçaient, soit parce que le crime avait été commis à l’intérieur de leur ressort ou par un de leurs justiciables, soit à cause du principe de prévention. Le Livre rouge est rempli d’exemples de lettres de non préjudice provenant des juridictions concurrentes, royale ou ecclésiastique, relatives à l’arrestation et à la détention préventive d’un malfaiteur363. Chacun, sur son territoire, pouvait exercer ce droit et conduire la personne prise dans l’une de trois prisons de la ville  : celle de la commune, celle du roi ou celle du chapitre. La concurrence était donc forte, car qui prend le criminel augmente ses chances de le juger et de le punir. Pour la justice municipale, la prise du criminel était non seulement un moyen d’étendre à tâtons sa juridiction sur les personnes, mais une obligation liée au principe de prévention364. Les autorités municipales devaient prendre elles-mêmes le criminel ou prêter main-forte à la justice royale pour le saisir : il n’y avait donc pas que de la concurrence en matière d’arrestation. Une nécessaire collaboration entre les justices s’est donc mise en place. Dans ce contexte, il arrivait aux sergents du roi de requérir à la ville de Saint-Quentin l’aide de ses sergents. Quentin l’Oiseleur, sergent du roi, reçu l’aide d’un sergent du maire et des jurés pour signifier à Quentin le Chambellan son ajournement devant le bailli en décembre 1337365. En 1353, Jean Sartier, également sergent du roi, chargé de contraindre certaines personnes au paiement d’un impôt sur les marchandises, réclama à l’autorité communale de bien vouloir lui adjoindre un de ses sergents pour plus de sûreté366. Dans les suites de l’affaire de Baudrain du Hamel, Floridas de Villers et leurs complices, coupables de la mort du sire de Chivres367, le roi avait mandé au maire, aux échevins et aux jurés de surveiller étroitement l’église du couvent des Jacobins de leur ville, où s’étaient réfugiés les meurtriers du seigneur de Chivres, d’arrêter les criminels dès qu’ils pourraient être pris hors de cette église et de les déposer dans la prison du roi où ils seraient gardés368. En cas d’inaction, la ville peut se le faire reprocher vivement. Elle préférait se justifier d’elle-même, cherchant à écarter tout reproche de négligence. À l’occasion du meurtre de Simon de Maissemy, professeur à l’Université de Paris, tué en 1296 à Saint-Quentin par un bourgeois membre de la famille Porcelet369, le maire et les jurés adressèrent une requête au roi pour se prémunir de leur inaction370. S’ils n’avaient pas arrêté le meurtrier et ses complices, disaient-ils, c’était parce que le crime avait été commis dans l’enceinte de la juridiction du doyen et du chapitre et que les malfaiteurs s’étaient réfugiés au couvent des Cordeliers. Faute de moyens suffisants, il leur avait été impossible de garder toutes les issues de ce couvent. Pour leur défense, ils avancèrent que l’évêque de Noyon les avait détenus dans Livre rouge, n° 20, 21, 22, 23, 49, 60, 64, 74, 76, 77, 78, 81, 83, 88, 89, 91, 92, 93. Saint-Quentin, AM, liasse 7, n° 16, op.cit. Saint-Quentin, AM, liasse 22, 17 décembre 1337. Paris, BN, ms lat. 17777, fol. 316. Chivres-en-Laonnois, cant. de Sissonne, arr. de Laon, ou Chivres-Val, cant. de Vailly-sur-Aisne, arr. de Soissons. L’aveu et dénombrement de Jean, sire de Chivres se trouve dans Paris, AN, P 135, n° 235, 14 juillet 1373. Sur l’affaire, voir L. De Carbonnières, « Le pouvoir royal face aux mécanisme de la guerre privée au Moyen Âge. L’exemple du Parlement », Droits, 46 (2007), p. 3–17. 368 Saint-Quentin, AM, liasse 150, dossier A, n° 1 (Lemaire, n° 802), 13 février 1393 n.st. 369 CUP, n° 609, 1298 ; Coliette, t. 2, p. 716 ; A. Destemberg, « Morts violentes et lieux de mémoire. Les réparations faites à l’université de Paris à la fin du Moyen Age », op.cit. 370 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 31 (Lemaire, n° 157bis), s.d, vers 1296, op.cit.

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sa prison et qu’il les avait relâchés. Ils rappelèrent au roi qu’un arrêt du Parlement tenu à Pontoise les avait délivrés de cette négligence et, enfin, que leur ville, qui avait toujours été prête à servir le roi, avait récemment été grevée d’une contribution de plus de 30 000 £. La fuite du criminel hors de la ville entrainait l’intervention de l’autorité royale, seule compétente sur l’ensemble du royaume voire au-delà, jusqu’en Avignon. Hanequin de Ham, brabançon, valet dans l’auberge de Geoffroi Le Moine, avait occis Colard de Pons, bourgeois de Valencienne, en le navrant à la tête371. Il l’avait ensuite enfoui nu et laissé pour mort dans la remise aux fourrages. On soupçonna et détint Geffroy Le Moine, sa femme Rose, Michel le Mie, Jeannette Baissel, dite la Jeune, et une autre Jeannette. Hanequin s’enfuit en Avignon, où une commission ordonnée par le roi et dirigée par Pierre de Dury l’arrêta, puis le mena à Paris, au Châtelet. Emprisonné, il confessa avoir assommé Colard de Pons, et l’avoir laissé pour mort, ce pour quoi il l’avait enfoui. Il fut trayné et pendu à Paris le 26 janvier 1325 n.st. Il était toujours au gibet, en l’échelle, la chaîne au cou, trois jours plus tard. Michel le Mie et Jeannette Baissel la jeune furent alors libérés de la prison du Châtelet et remis aux échevins372. 2.

L’asseurement communal ou paix

Le contrevengement entre familles bourgeoises et les rixes amenaient l’intervention du maire et des jurés pour forcer les parties en guerre à faire la paix. Jusque dans la première moitié du xive siècle, la pratique de la guerre entre familles n’est pas l’apanage exclusif de la noblesse373. Elle était même prévue par le charte de commune comme une immunité au bannissement pour celui qui aurait commis un homicide hors de la ville à l’encontre d’un bourgeois pour were mortel374. Les exemples de bourgeois s’y adonnant abondent un peu partout dans les villes du nord du royaume de France, même s’ils en étaient en principe interdit375. Notons toutefois l’emploie d’un vocabulaire particulier qui contribue à distinguer la contrevengence bourgeoise de son pendant noble. En 1332, Jacquemin le Sellier fut tué par Raoulin Caufouret, qui, à son tour, fut tué. Guillaume Caufouret, frère de Raoulin et désigné comme kief de la besoingne376, voulut s’en prendre à Rikelet le Grenetier, cousin germain de par sa mère de Jaquemin le Sellier, et, sortant une épée, lui cria A le mort ! A le mort !377. Il ne réussit pas à l’atteindre, mais le père de Rikelet, Jacques le Grenetier, avait été mis au courant de cette nouvelle escalade dans le convengement. Comme on craignait qu’il ne s’en prenne à Guillaume avec l’aide de ses amis, on voulut tous les mettre en prison, parce qu’entre bourgois ne kaoit were (guerre). Lors d’une réunion de la Chambre du maire et des jurés, il fut décidé de ne pas mettre en prison Jacques le Grenetier, André le Convers et ses autres amis, parce que le meurtrier avait été banni comme pour homme mort. L’occision de Jaquemin avait été suffisamment punie et les menaces perpétrées par Guillaume furent considérées comme un contrevengement de l’affaire précédente et non comme un nouveau fait. Par contre, suivant la loi de la ville, les amis des 371 Livre rouge, n° 61 et 62, 27 août 1324. 372 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 22 (Lemaire, n° 317), 27 janvier 1325 n.st. 373 L. de Carbonnières, « Le pouvoir royal face aux mécanismes de la guerre privée à la fin du Moyen Âge », op.cit.,

y voit une coutume nobiliaire uniquement.

374 Charte de Philippe Auguste, §52. 375 R.W. Kaeuper, Guerre, justice et ordre public, Paris, 1994, p. 221 et s. ; ORF, t. 1, p. 328–329 ; Philippe de Beauma-

noire, Coutumes de Beauvaisis, éd. op.cit., chap. 59 et 60. 376 À Douai et à Arras notamment on parle de chef de guerre. 377 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 35 (Lemaire, n° 514), 24 juillet 1332.

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deux parties furent maintenus en prison jusqu’à ce qu’une paix ne soit convenue. Plus tard dans la journée, en pleine chambre, cette paix fut passée entre les amis des deux parties. Hue le Sellier, Jean le Sellier, Hennin le Sellier, frères de Rikelet le Grenetier, Thomas Belinne, Me Renier Rapine, Jacques de Hanapes, Geffroy Belinne, Gilles d’Audignies, Robert de l’Infirmerie, Gilles de Jeancourt, Jacques Gontier, Bertran d’Audignies, Quentin de Manessies, Jean de Chilly, Jean Fauket, Pierre de Brissi le jeune, Mathieu de Brissi, Guillaume de Barlet et Jean de Fieulaine, amis de Jakemin le Selier, Jean Ambesas, Pierre de Brissi l’aîné, Jean le Manniers, Louis Caufourés, Jean Caufouret, Jean Bonne Volonté, Jean de Ribemont, Jakemin le Blavetiers, Henri dit Martin, Jean d’Itencourt, Jaques le Mercier, Jean de Betancourt, Jean Roussiaus, Jean de Vermand, Rikeler de Ribemont , Henri d’Audignies, Jean, fils de Robert de Brissi et Guillemins de Vermand amis de Guillaume Caufouret, jurèrent tous que Guillaume Caufouret et Rikeler le Grenetier ils n’ayderont, conseilleront et ne conforteront, se n’est en apraisentant, anchois se ils savoient que maus en deust avenir, ils le feroient savoir au mayeur et as jurés souffissaument, et jurerent bonne pais sainne et ferme a tous jours de leurs personnes seulement. Deux autres paix furent nécessaires pour mettre fin au conflit. Le mercredi suivant, une nouvelle paix fut jurée selon les mêmes termes par Jean du Bosquiaus, clercs, et Me Guerri Fessart, doyen de Chrétienté, pour Guillaume Caufouret envers les amis de Rikelet le Sellier. Une dernière paix fut jurée par Hue le Sellier envers et les amis charnels de la famille Caufouret pour de nouveaux faits survenus entre-temps dans l’affaire. Cette paix avait valeur d’asseurement378. Elle était perçue comme un empiétement sur une prérogative royale379. Dès 1325, le bailli de Vermandois s’était élevé contre cette pratique380. Pour assurer la paix et la sécurité dans la ville, le maire et les jurés avaient fait emprisonner les amis et les parents de Colard de la Porte et les amis et les parents de Jean Léonard qui s’étaient livrés un combat. Le bailli de Vermandois s’était fait remettre les prisonniers qu’il détenait dans sa prison. Portant plainte au roi, afin de justifier cet emprisonnement, le maire et les jurés avaient invoqué un droit existant à leur profit depuis si longtemps qu’il n’était mémoire du contraire. Charles IV avait ordonné au bailli de mener une enquête, pour vérifier leurs allégations, et lui avait enjoint d’y faire intervenir le procureur du roi. Les commissaires à l’enquête, après en avoir délibéré avec leurs pairs jugeant en la cour royale à SaintQuentin, reconnaissaient finalement au maire et aux jurés leur saisine […] de contraindre et emprisonner leur bourgois, sous manans et autres, a donner et tenir pais ou asseurement les uns as autres, et les amis charnes des uns as autres, pour obvier aus perilz qui s’en pueent sivir, quant il y a eu bataille ou merlée ou apparail, ou doute de bataille, ou de merlée entre eulz ou aucuns d’iceus. Item, de avoir la cognoissance des fourfais et des merlées fais en la dite vile a armes, ou sans armes, de avoir la punition de meffaisans, et de lever amendes de yceus, selonc la qualité des dis meffais. Dans son arrêt de décembre 1352, le Parlement refusa au maire et aux jurés de les maintenir dans ce droit d’asseurement381. En cas de rixe, le maire et les jurés ne pouvaient désormais plus arrêter les belligérants pour les contraindre à se réconcilier et, si ceux-ci ne pouvaient être pris, il ne leur était plus permis d’arrêter à leur place les amis ou les parents de l’un et l’autre adversaire pour contraindre ces derniers à faire la paix entre eux. Ils n’avaient plus le droit d’obliger à la réconciliation celui dont l’adversaire, qui avait fait la preuve des 378 379 380 381

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Livre rouge, n° 64, 6 août 1325. E. Perrot, Les cas royaux, op.cit., p. 77–91. Livre rouge, n° 64. Paris, AN, X1a 15, fol. 86v, op.cit.

La justice criminelle | chapitre viii

violences ou des menaces qu’il avait subies, réclamait d’eux cette contrainte. Dans les cas de blessures, furent également interdits l’arrestation du coupable et son emprisonnement jusqu’à ce que les chirurgiens aient déclaré que la victime était en péril de mort, comme la saisie, de concert avec les échevins, des biens de ce coupable. Cette décision, contraire à l’esprit primitif de la commune, ne fut vraisemblablement d’aucun effet. Encore en 1395, Me Jean Morin, licencié in utroque jure, homme lettrez et de conseil, demeurant à Saint-Quentin, avait été victime d’un attentat perpétré par Perrin Boursene, Jean Plate-Corne et Mathieu le Drapier. Ceux-ci voulaient se contrevenger d’un certain Louvet, parent de Me Jean Morin, malgré le fait que le maire, les échevins et les jurés avaient fait crier la pais bien que se aroit esté per judicem non competentem, car du contrevengement nul ne congnoist que le roy382. C.

Les justiciables

Dans la bataille que livre la justice municipale dans la répression du crime, le justiciable est le premier concerné. Règle générale, c’est le statut personnel qui détermine si un individu est justiciable du maire, des jurés ou des échevins. La charte ne s’attarde qu’à définir la situation du bourgeois dont elle dit qu’il n’était justiciable en matière de forfaits que du maire et des jurés et en matière de méfaits que des échevins383. Mais la réalité des derniers siècles du Moyen Âge est beaucoup moins restrictive. Tous les habitants de Saint-Quentin et, selon le cas, certains privilégiés exceptés, étaient de facto justiciables de la commune et de l’échevinage dès qu’ils séjournaient ou venaient s’établir dans la ville384. L’auteur d’une infraction est une personne pénalement responsable. Comme en matière de contrat ou de justice civile, la femme était une personne pénale à part entière. En cas de crime, la femme mariée était poursuivie de concert avec son mari ou son chef d’hôtel385, mais sa capacité délictuelle restait totale. C’est Henri Dulart, et non pas sa femme Marguerite, qui fut accusé de proxénétisme pour avoir favorisé les amours adultérines de Jacques Molet et de la femme de Pierre Coquet386. Quelques exemples démontrent une situation similaire pour le mineur, qui restait sous l’autorité de sa famille ou peut-être de son chef d’hôtel de référence, qui possède sur lui un droit de correction387. Les sergents (servus), ou valets, que certains grands bourgeois ont à leur service encore à la fin du xive siècle, semblent eux aussi dépendre pénalement d’un chef d’hôtel388. L’Establissement et la charte de commune les mentionnent, mais ne disent presque rien quant à leur statut sociojuridique389. Vraisemblablement, jusqu’à une période indéterminée, tout comme les serviteurs des clercs du chapitre, ces serviteurs étaient sous la tutelle d’un bourgeois qui, mis à part les crimes graves, devait disposer à leur égard d’un droit de correction390. Quand le valet commet un crime, c’était le plus souvent avec son maître 382 Paris, AN, X1a 1477, fol. 466–466v, 19 janvier 1395 n.st. 383 Les protections des bourgeois au criminel sont les seules à former un bloc quasi-uniforme dans la charte de commune :

Charte de Philippe Auguste, § 8–15 ; Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 4 (Lemaire, n° 228), s.d., vers 1330.

384 Livre rouge, n° 59, 17 avril 1323 n.st ; n° 64, 6 août 1325 ; n° 87, 31 octobre 1350. 385 Voir A. Porteau-Bitker, A. Talazac-Laurent, « Assistance judiciaire et femme mariée dans le droit pénal des

pays coutumiers aux xiiie et xive siècle », dans L’assistance dans la résolution des conflits, Recueil de la société Jean Bodin, 643, Bruxelles, 1997, p. 99–122. 386 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier B (Lemaire, n° 834), 15 mai 1410. 387 Paris, AN, JJ 82, fol. 248, n° 367, juillet 1354. 388 Il faut peut-être assimiler les apprentis de métier à ces sergents. 389 Charte de Philippe Auguste, § 25 et 35. 390 Establissement, § 20.

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Troisième partie | La pratique judiciaire municipale

ou contre son maître. Il était le complice idéal de son maître, mais souvent à ses risques et périls. À la requête de l’official de Noyon, le maire et les jurés avaient fait arrêter par leur sergent Mathieu, Adam et Jean Malakin391. Résistant à leur arrestation de nuit, qu’ils jugeaient sans motif raisonnable, une rixe s’ensuivit et leur valet Colin fut tué. Les trois frères Malakin portèrent plainte pour occision devant le bailli de Vermandois à l’endroit des sergents de la ville, qui avaient déjà été jugés et acquittés par le maire et les jurés. L’affaire fut portée à l’attention du Parlement qui débouta les frères Malakin392. À cause de la proximité, il est également plus facile pour le serviteur de voler son maître. Ainsi, en août 1269, Gautier Martiaus fut banni par le maire et les jurés pour avoir volé à son maître Thomas le Clerc son palefroi et un coffret rempli de deniers393. Le 4 août 1353, Marguerite Glion, servante de Me Jean Chatelain (Castalani), médecin demeurant à Saint-Quentin, reçut une rémission du roi à la requête de son maître, après lui avoir dérobé 8 florins d’or394. Elle avait été condamnée à mort par la justice royale, bien qu’elle ait restitué 7 des 8 florins. Les habitants non privilégiés ne sont pas les seuls à devoir répondre au criminel devant le tribunal municipal. Les clercs et les nobles, qui échappaient par principe à la justice municipale, pouvaient avoir à répondre devant elle en cas de flagrant délit. Ce cas permettait en pratique à la justice municipale d’arrêter tout le monde sans véritable exception : étranger, officier royal, clerc, chevalier et noble. Quant à savoir si tous étaient justiciables pour leurs crimes de la justice municipale, la question est beaucoup plus complexe et donne lieu presque à chaque fois à un conflit interjuridictionnel. C’est pourquoi, une fois le criminel mis aux arrêts, une des premières choses dont devait s’assurer la justice municipale était l’état du suspect. Si pour les nobles arrêtés, bien connus dans la région, on ne rencontre aucun problème à ce sujet, en revanche, les affaires relatives aux personnes et aux biens ecclésiastiques génèrent plus de conflits395. Un charpentier clerc ne fut pas reconnu comme tel par le maire et les jurés parce qu’il était illetteratus396. Pour justifier l’exécution capitale d’Hanequin Van Sonherd, le maire, les échevins et les jurés invoquèrent le fait qu’il n’eut pas de tonsure apparente397. D’autres privilégiés échappaient à la justice municipale par leur fonction. C’est le privilège d’office dont jouissent dans le royaume les gens du roi dans l’exercice de leur charge398. Les officiers royaux de Saint-Quentin étaient sous sauvegarde royale, mais ils étaient justiciables de la ville pour les faits commis en dehors de l’exercice de leur fonction ou en cas de flagrant délit399. Seuls les monnayeurs du roi échappaient à ce privilège d’office. Les monnayeurs du serment de France étaient en principe sous sauvegarde royale et dépendaient du maître des monnaies, sauf s’ils étaient accusés de rapt, d’homicide ou d’incendie400. Ce 391 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier B (Lemaire, n° 203), s.d., vers 1306. 392 Paris, AN, X1a 4, fol. 83 (Olim, t. 3, pt. 1, n° 30 ; Boutaric, n° 3387) ; Livre rouge, n° 19 (Lemaire, n° 209), 23

décembre 1306.

393 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A (Lemaire, n° 95). 394 Paris, AN, JJ 81, n° 865 et JJ 81, n° 824. 395 L. De Carbonnières, « Le privilège de clergie devant la chambre criminelle du Parlement de Paris, 1375–1400 »,

dans Personnalité, territorialité et droit, Cahiers du Centre de recherches en histoire du droit et des institutions, 11–12 1999, p. 51–68. 396 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 1 (Lemaire, n° 61), 14 mai 1253. 397 Paris, AN, X1a 22, fol. 408–411, 28 août 1372. 398 E. Perrot, Les cas royaux, op.cit., p. 92–97. 399 Livre rouge, n° 26, op.cit., 23 décembre 1317. 400 Livre rouge, n° 12. Le maire et les jurés n’ont perdu cette garde de manière définitive que quand la ville est tombée sous la domination bourguignonne. Sur la monnaie de Saint-Quentin, voir J.-B. Giard, « La monnaie de Saint-Quentin au temps de Charles VI et de Charles vii (1385-vers 1447) », Position des Thèses de l’École des Chartes, 1960, p. 29–33 ; P. Desportes, « Monnaie et souveraineté. Les monnaies durant la période de domination bourguignonne à Amiens (1435–1475) », dans P. Contamine, T. Dutour, B. Schnerb, Commerce, finances et société (xie–xvie siècles), Paris, 1993, p. 201–216.

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La justice criminelle | chapitre viii

n’était pas le cas à Saint-Quentin, où ils étaient entièrement sous la garde partagée du maire et des jurés et celle du prévôt de la ville401. Il s’agit vraisemblablement d’une prérogative ancienne, qui remonte à l’époque des comtes de Vermandois. On peut facilement la rapprocher des clauses visant à empêcher les mutations monétaires contenues dans l’Establissement et dans la charte de Philippe Auguste402. À cause de leur fonction, les monnayeurs se trouvent en bonne position pour être suspectés d’émission de fausse monnaie. En novembre 1316, Gautier Paris, Jean Pensée et Jean Farbus, tous trois changeurs et monnayeurs du roi, furent suspectés de la sorte par le maire et les jurés et mis dans leur prison malgré les injonctions du prévôt de Saint-Quentin403. Ils sont également souvent impliqués dans des actes de violence. En 1279, des monnayeurs sont accusés d’avoir battu une femme. Après un court détour par le Parlement, la connaissance de l’affaire est remise au maire et aux jurés404. En 1330, un long procès en Parlement, qui se termina en 1333, accordait la connaissance des délits, rixes, coups et blessures volontaires, commis à Saint-Quentin par le prévôt de la monnaie, les maîtres et les ouvriers monnayeurs du Serment de France au prévôt de Saint-Quentin et au maire et aux jurés405. En générale, l’enfant né hors mariage, c’est-à-dire le bâtard, est justiciable de la cour du roi à Saint-Quentin pour les cas criminels. La seule exception concerne également les cas de flagrant délit. En janvier 1411 n.st., Philippe Ramiette fut pris en flagrant délit et condamné à mort par la justice de la ville. C’est en invoquant sa bâtardise qu’avant son exécution, le substitut du procureur du roi à Saint-Quentin et le lieutenant du collecteur des mortes-mains pour le bailliage de Vermandois voulurent connaître la cause406. Enfin, les étrangers étaient ceux qui ne séjournaient dans la ville que pour une période de temps plus ou moins longue407. Le maire et les jurés de Saint-Quentin prétendaient que, suivant les dispositions de leur charte de commune, ils avaient le droit d’arrêter et de jeter en prison les auteurs de tous crimes ou délits, hormis les étrangers soupçonnés de rapt, de meurtre ou de vol, qui étaient justiciables des officiers du roi408. Mais le forain, estrain, ou hôte de passage, n’est en fait soumis à la justice de la ville qu’en cas de flagrant délit ou pour dette due à un bourgeois409. Cette dernière clause visait la protection des biens des bourgeois, qui pouvaient détenir leur débiteur privément pour une dette contractée à leur égard. Une autre protection offerte par la commune voulait que l’étranger ayant commis un crime ailleurs ne puisse venir se réfugier dans la commune afin de bénéficier de sa protection juridique410. Pour le reste, l’étranger conservait son statut personnel de serf, de bourgeois

401 Livre rouge, n° 83, 12 mai 1333 ; Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier B (Lemaire, n° 659), 26 mars 1354 n.st. Le

Parlement ne reconnaissait pas sans grande difficulté les privilèges des monnayeurs. Voir F. Aubert, Le Parlement de Paris de Philippe le Bel à Charles VII (1314–1422) : son organisation, Paris, 1886, p. 42 et n. 4. 402 ORF, t. 1, p. 30. Voir E. Perrot, Les cas royaux, op.cit., p. 106–108. 403 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 14 (Lemaire, n° 254 ; Gomart, t. 5, p. 261), 27 novembre 1316. 404 Paris, AN, X1a 2, fol. 46v ; Livre rouge, n° 12 (Boutaric, n° 2235 ; Lemaire, n° 233). 405 Paris, AN, X1a 6, fol. 74v ; Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 27 (Furgeot, n° 188), 10 janvier 1330 ; Paris, AN, X1a 6, fol. 292v ; Livre rouge, n° 82 (Lemaire, n° 510 ; Furgeot, n° 660), 6 février 1333 n.st. ; Livre rouge, n° 83, 2 juillet 1333. 406 Paris, AN, X1a4789, fol. 220, jeudi 4 février 1413. 407 Sur la condition criminelle des étrangers, voir B. d’Alteroche, De l’étranger à la seigneurie à l’étranger au royaume (xie–xve siècle), Paris, 2002. 408 Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° 68 (Lemaire, n° 332), 20 juin 1326. 409 Charte de Philippe Auguste, § 20. 410 Charte de Philippe Auguste, § 4.

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d’une autre ville, d’aubain411, de clerc ou de noble et, hors cas de flagrant délit, il demeurait justiciable de son seigneur, d’une autre ville, de son ordinaire ecclésiastique ou du roi. D.

Qualifier le crime

Qualifier et distinguer les crimes les uns des autres ne semblent pas une préoccupation première de la justice municipale412. Le seul article de la charte de commune énumérant des crimes distincts est celui qui traite de cas réservés au roi, mais jugés par les échevins. L’article 27 de la charte énumère comme cas réservé le vol (latrocinium) le meurtre (multrum), le rapt (raptus), l’homicide (homicidium) et l’incendie volontaire (incendium). De plus, une dizaine d’individus sur les 208 recensés n’ont été condamnés et punis par la justice municipale que pour un méfait ou un forfait sans plus de précisions. Encore au début du xve siècle, les comptes d’amende pour forfaits ne mentionnent même pas la nature de ceux-ci413. Néanmoins, pour Saint-Quentin on peut a posteriori distinguer quatre grandes catégories de crimes servant à les regrouper : les crimes contre les personnes, les biens, la chose publique et la morale414. Selon ce schéma, les crimes recensés se répartissent comme ceci : tableau 19 Nombre de crimes recensés répartis par type (xiiie–début xve siècle) Sexe Type Personnes (homicide, rixe, blessure, rapt)

Homme

Femme

Total

126

3

129

Biens (vol, incendie, destruction)

29

5

34

Publique (contrefaçon, fraude, corruption de témoins, trahison, rupture de paix, rupture de ban, port d’armes, évasion, nondénonciation)

20

3

23

8

4

12

Sacré/morale (viol, suicide, injures, adultère, prostitution, sorcellerie) Inconnue (méfait ou forfait) Total

9

1

10

192

16

208

411 Etymologiquement, l’aubain n’était que celui qui provient d’un autre ban (alii bani), donc d’une autre juridiction

ou seigneurie. Saint-Quentin est la seule ville où le terme aubain est attesté dans la première moitié du xiie siècle hors de la zone Ouest et Sud-Ouest de l’Ile de France. Le terme aubain, ou alibani, apparaît pour la première fois à Saint-Quentin dans une charte de l’abbaye de Saint-Quentin-en-l’Isle de 1114 : J. Ramakers, Papsturkunden in Frankreich. Neue Folge, 4 : Picardie, Göttingen, 1942, n° 10, p. 75. Aux xive–xve siècles, l’aubain étai assimilé à l’étranger au royaume, comme le bâtard est l’étranger à la famille. Il disposait d’un statut similaire au bâtard. Il est soumis au droit d’estraierie, qui consiste en droit d’épave sur les étrangers. À la fin du xve siècle, le roi accorda des privilèges à la ville visant la suspension du droit d’aubaine pour favoriser le peuplement de la région située en zone frontalière. Voir B. d’Alteroche, « L’évolution de la notion et du statut juridique de l’étranger à la fin du Moyen Âge (xie–xve siècle) », RN, 85/345–346 (2002) p. 227–245, et De l’étranger à la seigneurie à l’étranger au royaume xie–xve siècle, op.cit. ; W. Paravicini, « La cour, une patrie ? L’exemption du droit d’aubaine accordée par les ducs de Bourgogne aux officiers de leur hôtel (1444–1505) », RN, 84/345–346 (2002), p. 248–294 ; K. Weidenfeld, Les origines médiévales du contentieux administratif (xive–xve siècles), Paris, 2001, p. 264. 412 C. Gauvard, « La dénomination des délits et des peines en France à la fin du Moyen Âge », ‘99 Sciences et humanités. La dénomination, 1 (1999), p. 87–102. 413 Saint-Quentin, AM, liasse 119, op.cit. 414 Ces distinctions ont également été adoptés à peu de choses près par C. Gauvard, ‘De grace especial’, op.cit., vol. 2, p. 789 et s. ; J.-M. Carbasse, « La justice criminelle en Rouergue au Moyen Âge », Découverte du Rouergue 3. Annales 1986/1987, 1988, p. 71–79.

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Il faut également tenir compte d’une variante chronologique. Les crimes sont globalement les mêmes durant la période médiévale, mais, comme l’a remarqué Jean-Marie Carbasse, des crimes non réprimandés auparavant le deviennent à la fin du Moyen Âge415. Si les crimes contre les biens et les personnes restent prépondérants, certains crimes contre la chose publique ou contre la morale ne sont pas attestés au xiiie siècle. Les crimes d’adultère, de prostitution, d’injure, de sorcellerie, de suicide, ou de trahison n’apparaissent que dans la seconde moitié du xive siècle. 1.

Les crimes contre les personnes

Les crimes contre les personnes répertoriées concernent essentiellement des crimes violents, soit plusieurs types d’homicides, la rixe (mêlée), la blessure et le rapt. Certains homicides, comme le suicide ou l’infanticide, de par leur caractère amoral, sont liés au sacré. Ils ont donc été abordés un peu plus loin, sous cette section. Le crime contre la personne le plus sévèrement puni est l’homicide, volontaire ou non. On n’envisage pas l’intention, seul le fait compte, la mort d’un homme416. Néanmoins, si l’intentionnalité a peu ou pas d’influence sur la peine imposée, elle en a sur le mot utilisé pour qualifier l’homicide. Peu importe la manière de l’homicide, il est la plupart du temps désigné par la périphrase pour homme mort417. Si on ne tient pas compte de l’intention, la préméditation et la mort violente introduisent une distinction de vocabulaire, qui n’a du reste rien d’exceptionnel. L’homicide est alors qualifié de mourdre ou d’occision, voire de mourdre et occision418. La mort provoquée de façon délibérément préméditée, dans le cadre d’un guet apensé, c’est-à-dire dans l’attente de la venue d’une personne, pendant un certain temps, en un lieu déterminé, afin d’exercer sur elle des actes de violence physique, voire de la tuer, augmente la gravité du délit, surtout s’il est commis de nuit et s’il y a port d’armes419. Le guet-apens n’est cependant pas toujours associé à la préméditation. Il ne suppose pas nécessairement une réflexion antérieure longuement réfléchie. En effet, un guet-apens peut être tendu dans le feu de l’action. Après une partie de dés avec Roitel de Guise, Wauteron dit le Bourouetteur, de Remicourt, l’avait suivi et attendu alors qu’il rentrait chez lui. L’apercevant, il avait couru après lui et l’avait jeté par terre. C’est toutefois un complice, Robikiau de Gricourt, qui les ayant rejoints entre-temps, porta un coup de couteau mortel à Roitel420. Les crimes contre la personne concernent également les blessures, aussi appelées navrures. Mais les deux termes sont le plus souvent utilisés conjointement sous la forme du binôme blessures et navrures421. La notion de blessure recouvre toute atteinte portée à l’intégrité physique, pourvu qu’il y ait du sang. La blessure est le plus souvent issue de la rixe ou de l’accident. Dans les deux cas, il fallait faire constater le sang par l’un des deux médecins jurés de la ville. En cas de blessure grave, si l’on sentait que le blessé risquait de mourir des 415 J.-M. Carbasse, « La justice criminelle en Rouergue au Moyen Âge », op.cit. Toutefois, le Grand Coutumier de France, éd. op.cit., p. 650, l’envisage. 416 J.-M. Carbasse, La justice criminelle en Rouergue au Moyen Âge, p. 76. 417 L’expression est déjà utilisée par la Charte de Philippe Auguste, § 13–14. 418 C. Gauvard, ‘De grace especial’, op.cit., vol. 2, p. 798–806. 419 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 36 (Lemaire, n° 504), 31 mai 1332. Voir également C. Gauvard, ‘De grace especial’, op.cit., vol 2., p. 799. 420 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 2 (Lemaire, n° 112 ; Gomart, t. 2, p. 6–11). 421 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 49, vers 1362.

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suites de la blessure, on appelait également l’un des médecins jurés de la ville422. Si la mort s’ensuivait, le témoignage de ce dernier pouvait intervenir pour justifier la rémission. Le prévenu passait alors de simple agresseur à meurtrier et pouvait dès lors être puni comme tel. Jean Aniouse, qui avait tué accidentellement d’un jet de pierre son frère aîné au cours d’une querelle, fut condamné pour homicide423. La rixe ou mêlée (31 cas) est certainement le crime urbain par excellence, non seulement par sa fréquence, mais également parce qu’il est générateur de crimes impliquant forcément plus d’une personne à la fois424. Là encore, il faut distinguer la mêlée spontanée à la sortie d’une taverne ou d’une discussion mouvementée425, de la mêlée armée et préméditée426. Difficile d’être discret quand une mêlée éclate, d’où le flagrant délit souvent constaté de mesleye faisant427. La rixe, par nature violente, entraînait des blessures fréquemment mortelles. La rémission pour blessures mortelles survenues lors d’une rixe représente une majorité de cas (12 sur 50 rémissions). Mais ce crime ne faisait pas que porter atteinte à l’intégrité physique des belligérants. Il causait également du désordre dans la ville et, par conséquent, on pourrait tout aussi bien l’assimiler au crime contre la paix communale. Pour dissuader les belligérants potentiels et réduire le nombre de rixes, une procédure d’asseurement, expliquée un peu plus loin, avait été mise en place. Le rapt est le crime d’enlèvement. Sa connaissance appartenait aux échevins, sauf s’il était commis par un noble, un étranger ou un officier royal. Le cas relevait alors de la justice royale428. Le rapt est un crime peu attesté. Un seul des deux exemples connus concerne un bourgeois429. Simon d’Oisny, fut accusé par la rumeur du rapt de Jacquemart le Rat430. Il ne s’agissait pas en fait d’un cas de rapt, mais d’un meurtre : Simon fut disculpé lorsque Arnoulet de Gand reconnut avoir tué Jacquemart le Rat. Mis à part le suicide, le crime contre la personne se commet rarement seul. S’il est évident qu’une mêlée implique plus d’une personne, l’homicide se commet souvent, lui aussi, en groupe de deux ou trois individus plus ou moins bien organisés. On recense 39 cas de complicité pour un meurtre ou un homicide, ce qui correspond à près de la moitié des cas. La complicité est toujours présente pour le guet-apens. Les quatre cas de guet-apens recensés mentionnent tous la participation de plusieurs complices : en 1269, Adam le Clerc est tué par Jacques Blond, fils de Pierre le Blond, Gilles, fils de Robert de Gricourt et Simon, fils de Robert de Vaux ; en 1274, Jean l’Esteulier est tué par Jean de Busigny, caudrelier, Wauteron de Busigny, son fils, et Pierre de Busigny, également caudrelier ; en 1322, Nicaise de Gant est tué par Jean de Saint-Pol, Henri de Rissue et d’autres complices  ; en 1332, Pierre de Buiron, de Reims est tué par Thomas Barré, dit Salemont, sergent du prévôt de l’archevêque

Saint-Quentin, AM, liasse 7, n° 16, juillet 1362, op.cit. Paris, AN, JJ 82, n° 367, juillet 1354. C, Gauvard, ‘De grace especial’, op.cit., vol. 1, p. 241. Par exemple, Paris, AN, JJ 84, n° 52, mai 1355 : Thomas Fame, pelletier à Saint-Quentin, accusé d’avoir causé la mort de Oudard Cairoys lors d’une rixe ; JJ 90, n° 547, mai 1360 : Jean Passeur, meunier à Saint-Quentin, blessa mortellement Gautier Paumette, meunier, lors d’une rixe à propos de la ferme du moulin de la Couture. 426 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier B (Lemaire, n° 75), 2 avril 1263. 427 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 29 (Lemaire, n° 264), s.d., vers 1317. 428 Livre rouge, n° 60, 13 mars 1323 n.st. 429 L’autre cas concerne une tentative de vol et de rapt chez la dame de Falviaco (Falvi, Somme, arr. Péronne, cant. Nesle), qui habitait Saint-Quentin, perpétrée par Jean Verpillerez, chevalier, et Jean Jaïet, son écuyer, clerc : Paris, AN, JJ 89, n° 386, novembre 1360. 430 Livre rouge, n° 60, op.cit. Voir également Livre rouge, n° 59, 17 avril 1323 n.st. 422 423 424 425

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de Reims, bourgeois de Saint-Quentin, et plusieurs autres complices. De même, en 1296, Simon de Maissemy fut tué par un membre de la famille Porcelet avec l’aide de complices431. 2.

Les crimes contre les biens

Les atteintes aux biens concernent essentiellement le vol. Au xiiie siècle, le voleur, qui commet un larcin est appelé lere (larron) et il emble sa victime432. Si le vol se rapproche de la détrousse, c’est-à-dire qu’il est commis en groupe et avec violence, le voleur est alors un reubeur qui toli et robe sa victime. La dette mobilière, qui est un quasi-vol ou un vol en devenir, n’est pas proprement un cas criminel. Avec l’injure, l’arrêt de juillet 1362 la qualifie de cas privé433. Les vols sont moins nombreux que ce à quoi l’on aurait pu s’attendre (29 voleurs pour 23 vols). Contrairement aux crimes contre la personne, dans la plupart des cas répertoriés, le voleur agit seul. Mais le vol recoupe une réalité diffuse qui va du jeune voleur à la tire à la détrousse, en passant par le vol avec effraction. Les objets volés sont tout aussi divers. Du vol de cheval au simple fil à tisser, de la paire de souliers au vêtement ou, bien entendu, d’une somme d’argent plus ou moins conséquente, tout bien meuble est susceptible d’être volé434. Le vol de nourriture, que l’on peut présumer être commis par nécessité, n’est pas très courant, parce qu’excusable435. On peut supposer que cela fut le cas pour le seul exemple répertorié de Jean Estous, de Rocourt, qui, en 1275, vola le pain de la Charité du four du Vieux Marché436. Le jugement des voleurs était l’un des cas réservés des échevins437. Néanmoins, dans l’Establissement, le larron pouvait être directement pris par sa victime bourgeoise. Mais il devait aussitôt le remettre à la justice du comte, sous-entendu les échevins438. La charte de commune conserva le même principe439, mais permettait toutefois au maire et aux jurés de bannir pour larcin440. Le crime contre les biens concerne également les crimes de destruction et d’incendie volontaire (arsin). Bien que prévu par la charte de commune au nombre des cas réservés aux échevins441, aucun crime d’arsin n’a été répertorié442. Un seul cas ancien de destruction d’une maison par Simon de Fontaine, chevalier, laisse penser que ce délit était

431 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 31 (Lemaire, n° 157bis), s.d, vers 1296. 432 Par exemple, Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A (Lemaire, n° 95). Le « laron » et l’« emble » sont également

associés dans l’Establissement, § 18. Sur le vocabulaire du vol, voir V. Toureille, Vol et brigandage au Moyen Âge, Paris, 2006, p. 9–56. 433 Saint-Quentin, AM, liasse 7, n° 16, op.cit. 434 Sur 30 vols, il y a 1 vol de cheval, 3 vols de vêtements, 1 vol de souliers, 4 vols d’argent, 1 vol de fils à tisser, 2 vols de draps, 1 vol de pain, 1 vol de fresenge (porcelet), 1 vol de traine a saie (i.e. traine à jupe), 1 vol de keute (bière) et 1 vol de fourrure, l’objet du reste des vols n’étant pas spécifié. 435 G. Couvreur, Les pauvres ont-ils des droits ? Recherches sur le vol en cas de nécessité depuis la Concordia de Gratien (1140) jusqu’à Guillaume d’Auxerre (1231), Rome-Paris, 1961. 436 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 2 (Lemaire, n° 112 ; Gomart, t. 2, p. 6–11), décembre 1275. 437 Charte de Philippe Auguste, § 29. 438 Establissement, § 18. 439 Charte de Philippe Auguste, § 29. 440 Charte de Philippe Auguste, § 50. Pour l’application de la peine de bannissement pour larcin par le maire et les jurés, voir Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 1 et 2 (Lemaire, n*s 95 et 112), op.cit. 441 Charte de Philippe Auguste, § 27. 442 R. Grand, «  Justice criminelle, procédure et peines dans les villes aux xiiie et xive siècles  », BÉC, 102 (1941), p. 51–108, note également le fait.

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assez courant au xiie siècle pour que la charte le prévoit443. Mais il était vraisemblablement tombé en désuétude par la suite. 3.

Les crimes contre la morale et le sacré

Cette juridiction empiète ou complète celle de l’Église. Sont ici considérés comme des crimes contre la morale et le sacré le suicide, l’infanticide, les crimes de mœurs (viol, prostitution et adultère), le travail lors des jours fériés et le délit d’injure. Le suicide, qui est également un homicide444, est pourtant présenté comme un crime contre le sacré445. Se tuer soi-même, s’est prendre la place de Dieu, qui seul choisit l’heure de la mort. Le suicide est donc un blasphème, car, en se tuant, le suicidé renie Dieu en se substituant à lui. Un suicide avéré est à la fois du ressort de la haute justice446, donc des échevins, et de l’officialité, qui déterminent si oui ou non il y avait bien eu suicide447. D’abord, parce qu’il est socialement important de bien prouver le suicide à cause de la morale chrétienne et des pratiques religieuses  : les échevins refusaient au suicidé de se faire enterrer en terre consacrée. Deux des trois cas de présomption de suicides répertoriés avaient dû être démontrés ou infirmés par enquête. On ne parle jamais directement de suicide, mais de soupçon de suicide, sauf quand le suicidé est fou, comme cette Jeanne la Moutardière qui, devenue folle, s’était jetée dans une fosse d’aisance et s’était vue refuser une sépulture religieuse par les échevins448. Le suicide est toujours associé au mourdre et à l’occision et fait peser en même temps des présomptions de meurtre sur d’autres individus. Un suicide peut aussi cacher un homicide déguisé, comme pour la mort suspecte de Simon Langlé449. Le suicide se répercute également sur la famille du suicidé, qui se trouve non seulement déshonorée, mais également privée de la succession. Marguerite, femme Simon Langlé, fut accusée de l’avoir empoisonné. Les biens ne furent restitués aux enfants qu’après une enquête de l’official qui détermina qu’il n’y avait pas eu suicide, et la rémission de Marguerite motivée par son entrée au monastère Beaumont450. Comme le suicide, l’infanticide est très tôt mal perçu dans la ville. En 1293, le maire et les jurés avaient arrêté et mis aux ceps le châtelain royal, parce que, vu l’heure du dîner, il avait tardé à faire justice d’une femme infanticide451. Il s’agit de l’un des crimes qui reçoit le moins de rémissions et qui afflige définitivement le criminel452. Une grand-mère, qui désirait recevoir les biens de sa belle-fille morte en couche, alla chez la nourrice de l’enfant pour l’étouffer453. La mort du nourrisson la fit suspecter de morte dicte infantis suspecta per communem famam dicte ville Sancti Quintini diffamata fuerat et erat.

443 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 22 (Lemaire, n° 19ter), vers 1184–1214. 444 Voir A. Porteau-Bitker, « Réflexion sur le suicide dans le droit pénal laïque des xiiie et xive siècles », dans Nonage-

simo anno, Paris, 1999, p. 305–323. 445 C. Gauvard, ‘De grace especial’, op.cit., vol. 2, p. 812–813. 446 A.-I. Marnier, Ancien coutumier de Picardie… , op.cit., p. 60–61. 447 J.-C. Schmitt, « Le suicide au Moyen Âge » , Annales ESC, 31 (1976), p. 3–28. 448 Paris, AN, JJ 88, n° 41, juillet 1360. 449 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier B (Lemaire, n° 827), 29 novembre 1407. 450 Livre rouge, n° 87, 31 octobre 1350 ; Paris, AN, JJ 81, n° 26, novembre 1351 ; Paris, AN, JJ 80, n° 674, 30 septembre 1350. 451 Paris, AN, X1a 2, fol. 98v (Olim, t. 2, p. 352, n° 1 ; Boutaric, n° 2822), 1er novembre 1293. 452 C. Gauvard, ‘De grace especial’, op.cit., vol 2, p. 823. 453 Paris, AN, X2a 16, fol. 365v, janvier 1417. Exemple cité par ibid.

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Le viol, qui s’accompagne souvent de violences physiques, touche également à des valeurs sacrées454. Le viol, ou la tentative de viol, n’est cependant connu que lorsque la victime ou ses proches le dénoncent. Il est répréhensible quand la victime est une jeune fille ou une femme mariée. Le maire et les jurés réclamèrent au bailli de Vermandois la prise et l’emprisonnement de Jean Liénars, comme leur sousmanant et leur justichable, qui avait connu violemment et charnellement et contre sa volenté l’avoit violee et efforciee, Belote, fille de Colard le Machecrier de Lehaucourt qui l’avait dénoncé455. Pour accréditer la suspicion de viol, la fama de la victime est alors primordiale. La victime de Jean Liénars était prave fame esse dicitur. Dans la longue liste de griefs adressés au roi à l’encontre de Pierre de Beaumont, bailli de Vermandois, le maire et les jurés l’accusent d’une tentative de viol sur la femme de Pierre Fastar, bourgeois de Saint-Quentin. Ils firent valoir qu’elle était preude femme et de bonne renommee et que, n’eût été de ses cris qui avaient alerté sa maisonnée, elle aurait été efforchiée456. Enfin, le viol peut être le fait d’un individu visiblement malade. En 1277, Raoul le Mesureur pénétra de force dans la maison d’une femme mariée, la jeta hors de son lit, et, sous la menace d’un couteau, la viola. Une fois banni de la ville, il revint dans le faubourg d’Isle et tenta de nouveau de s’en prendre à une autre femme457. Comme le viol, la morale de l’Église condamne l’adultère. La luxure est un péché mortel passible des tribunaux ecclésiastiques. Afin de contourner cette prérogative de la justice ecclésiastique, à la toute fin du xive siècle, le maire, les échevins et les jurés jugent les cas d’adultère en les faisant passer pour des cas de prostitution. Ainsi, en mai 1410, le procureur de la commune avait poursuivi pour proxénétisme Henri Dulart, dont la femme avait permis les amours de Jacques Molet et de la femme de Pierre Coquet, ce qu’il n’avait pas cherché à empêcher. Ce dernier répandait le bruit que sa femme était merveilleuse afin de la défendre. Henri Dulart et sa femme avaient surpris le mari de la femme adultère en train de la battre et étaient intervenus. Le procureur de la commune réclamait qu’il soit puni pour proxénétisme, c’est-à-dire comme maquereau et courtier458. La qualification du proxénétisme se fait ici par deux synonymes, maquereau et courtier. Le terme maquereau aurait une origine semblable au poisson du même nom. Il s’agirait d’un emprunt au flamand makelare qui signifie «  intermédiaire  » ou «  courtier  », qui dérive de makeln « trafiquer », lui-même dérivé de maken « faire ». Bien que d’origine controversée, selon l’étymologie généralement acceptée, il s’agirait d’un emploi figuratif de maquereau, ce poisson ayant, selon une croyance populaire (mais qui ne semble attestée qu’à partir du xixe siècle) pour rôle de rapprocher les harengs mâles des harengs femelles, qu’il accompagne dans leurs migrations459. Un autre cas du même genre montre que l’adultère scandalise. Le procureur de la ville plaidant contre Isabelle, femme de Pierre Bontemps, mercier et bourgeois de SaintQuentin, soupçonnée d’adultère, déclara que celle-ci était publiquement et notoirement diffamée de avoir folle amour et compaignie carnelle avec pluiseurs hommes mariés et autres, et par especial de avoir esté carnelement par pluiseurs fois et de long temps avec et en le compaignie de Jaquemart Molet, et depuis pluiseurs fois en le compaignie Perceval du Sart, escuier, et 454 455 456 457 458 459

C. Gauvard, ‘De grace especial’, op.cit., vol 2, p. 813–815. Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° 68 (Lemaire, n° 332), 20 juin 1326. Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier B (Lemaire, n° 75), s.d., vers 1326. Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 2 (Lemaire, n° 112 ; Gomart, t. 2, p. 6–11), novembre 1277. Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier B (Lemaire, n° 834), 15 mai 1410. Voir ATILF, Trésor de la langue française informatisé, http ://atilf.atilf.fr/tlf.htm.

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pluiseurs autres, lesquelz, et meismement le dit Jaquemart et plus que le dit Perceval, avoient amendé des biens de son dit mary et d’elle de son bon gré et consentement. Lesquelles choses estoient en grant escandle et vitupere de la ditte ville. De plus, la femme adultère est ici assimilée à une prostituée. Le procureur conclut son plaidoyer en réclamant qu’Isabelle aille demourer et habiter avec les femmes communes460. Le seul cas de sorcellerie connu à Saint-Quentin concerne une femme, Jeanne Diée. Celle-ci était connue, selon la rumeur publique, et diffamée de faire manger de la mandragore et de s’entremettre de facto sortilegii461. Le texte du Parlement reste laconique, ne s’attardant qu’à des points de procédure pour reléguer l’appel qu’avait fait Jeanne de sa condamnation au bannissement par le maire et les jurés. Jeanne n’est pas directement appelée sorcière. Il s’agit ici d’un crime de magie plutôt que de sorcellerie462. Bien que la question ait pris surtout de l’ampleur au xve siècle, déjà au xive siècle le travail lors des jours fériés est un forfait répréhensible463. Il s’agit également d’un péché assimilé au non-respect du dimanche. L’usage reconnaissait au maire et aux jurés une certaine participation à cette juridiction purement spirituelle et un certain désintérêt de la part du chapitre, qui possédait la prérogative de fixer les jours chômés dans la ville. À deux reprises au xive siècle, il y eut des frictions à ce sujet entre ceux-ci et le chapitre. Peu de temps avant l’accord de 1354 sur la juridiction temporelle du chapitre dans la ville, un des appariteurs de l’officialité du chapitre avait remis une assignation à comparaître devant l’official à un serrurier surpris à travailler un jour de fête. Probablement offusqués de voir un de leurs bourgeois assignés pour si peu, le maire et les jurés se saisirent de l’appariteur et l’emprisonnèrent. Après quelques interventions infructueuses pour obtenir sa libération, le doyen et le chapitre excommunièrent le maire et les jurés pour avoir enfreint leurs droits et libertés ecclésiastiques464. On ne sait pas précisément comment l’affaire s’est terminée, mais il apparaît que le maire et les jurés ont été excommuniés pour avoir arrêté un homme du chapitre afin de soustraire un de leurs bourgeois à la justice de l’official, plutôt que pour avoir voulu contester la juridiction sur le travail les jours de fête. Un second exemple démontre que le doyen et le chapitre avaient reconnu tacitement au maire, aux échevins et aux jurés le droit de punir les infractions des jours fériés dans les parties de la ville soumises à leur justice. Un jour de fête en 1387, Jean Wiard, appariteur du chapitre, avait averti, au nom de l’official, Pierre Flamant, qui était boucher, d’arrêter de dépecer un porc qu’il venait juste de tuer. Il l’avait menacé d’une peine corporelle et d’une amende. Le 17 décembre, le maire, les échevins et les jurés allaient intenter un procès au chapitre pour avoir commis un exploit de justice dans une partie de la ville soumise à leur juridiction, quand l’official se désista et désapprouva publiquement son appariteur en tenant ses menaces pour nulles

460 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 57 (Lemaire, n° 787). On trouve au moins deux étuves à Saint-Quentin :

celle de la Rose, pas très loin du Marché, et celle des Minets, dont la localisation est inconnue.

461 Saint-Quentin, Archives municipales, liasse 30, dossier A, n° 54 (Lemaire, n° 758), 21 novembre 1385. 462 Sur la distinction entre crime de magie et de sorcellerie, voir J.-P. Boudet, « La genèse médiévale de la chasse aux

sorcières. Jalons pour une relecture », dans N. Nabert, Le Mal et le diable. Leur figure à la fin du Moyen Âge, Paris, 1996, p. 35–52. Sur le laconisme des sources, voir C. Gauvard, « Paris, le Parlement et la sorcellerie au milieu du xve siècle », dans J. Kerhervé, A. Rigaudière dir., Finances, pouvoirs et mémoire. Hommages à Jean Favier, Paris, 1999, p. 85–111. 463 S. Hamel, Un conflit entre les autorités laïques et religieuses, op.cit. Au xve siècle, la ville le considérait comme un cas de police, ce qui ne peut être le cas au xive siècle. 464 Qentin de la Fons, Histoire particulière de l’Église de Saint-Quentin, op.cit., p. 337–338.

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et non avenues465. Au milieu du xve siècle, le cas fut jugé assez grave pour que l’inquisiteur s’en mêle466. Le délit d’injure (in casibus injuriarum) est, comme la dette, considéré comme un cas privé467. Il est pourtant réprimandé. Le délit d’injure tient de la parole excessive et l’insulte. Dans cette logique, l’injure attaque l’honneur de celui contre qui elle est prononcée. L’injure pouvait pousser au crime : ce n’est qu’après avoir été injurié et menacé par Jean le Roi que Hanequin Van Sonherd le tua en cas de légitime défense. Des jurons excessifs, prononcés sans raison, choquent également. Il est du devoir de l’habitant de Saint-Quentin de dénoncer l’individu qui jure exagérément. En décembre 1360, Jean Pigous, est emprisonné et condamné à 60 £ d’amende pour ne pas avoir dénoncé Colard le Listeur qui jurait outrageusement468. La source ne faisant que mentionner le délit d’injure, on ne peut pas distinguer s’il s’agissait d’une simple insulte ou d’un blasphème. 4.

Les crimes contre la chose publique

La justice municipale ne s’est pas occupée des crimes politiques, comme la trahison, le crime de lèse-majesté, le crime de guerre ou de port d’armes, qui sont des cas royaux469. Elle s’est toutefois attribué quelques cas qui peuvent être qualifiés de crimes contre la chose publique. Le maire, les jurés et les échevins ont connu de certains crimes qui mettaient en péril la foi ou la sécurité de la communitas, comme la fraude dans l’utilisation des poids et mesures, la contrefaçon (faux en écriture ou fausse monnaie), la rupture de paix, ou asseurement communal, et la rupture de ban. Ont été inclus sous cette catégorie les complices d’évasion, de fuite ou de non-dénonciation d’un criminel, qui eux aussi mettent en jeu la sécurité. Les mesures étant coutumières, le rendu des sentences liées aux infractions commises dans la ville sur ce sujet appartenait exclusivement aux échevins470. Les échevins faisaient le justemens de tous pois et mesures une fois par année en avril471. Les incriminations de fabrication, de détention et d’usage de faux poids et mesures, tendent à assurer la loyauté des opérations commerciales. Elles relèvent de la famille des dispositions protégeant la foi contractuelle. Elles constituent des incriminations de fraude commerciale, tendant à prévenir notamment le délit de tromperie sur le marché. Elles ne comportent dès lors qu’une simple réprimande, une peine d’amende qui compte parmi les tarifs recensés les plus élevés. La contrefaçon, qui consiste à reproduire par imitation frauduleuse un écrit ou une chose, relève de la notion générale de faux. Le faux en écritures est caractérisé par une altération de la vérité, de nature à causer un préjudice, commis intentionnellement dans un écrit susceptible de servir de preuve. Le faux peut également résulter de modifications apportées à un instrument authentique. C’est le crime de fausseté de rature et d’escripture dont on soupçonna, en novembre 1329, Jean dit Judas472. Le maire et les jurés en étaient venus à connaître des cas de fausse monnaie parce que, du temps du comte Raoul Ier, ils 465 466 467 468 469 470 471 472

Saint-Quentin, AM, liasse 37, dossier A, n° 9 (Lemaire, n° 762), op.cit. Voir S. Hamel, Un conflit entre les autorités laïques et religieuses, op.cit. Paris, AN, X1a 15, fol. 87, op.cit. Paris, AN, JJ 89, n° 428. E. Perrot, Les cas royaux, op.cit. ; C. Gauvard, ‘De grace especial’, op.cit., vol. 2, p. 832 et s. Saint-Quentin, AM, liasse 37, dossier C, n° 2 (Lemaire, n° 781), 21, 23 et 27 avril 1395, et 10 avril 1416. Saint-Quentin, AM, liasse 7, dossier A, n° 16, op.cit. Livre rouge, n° 74, 11 novembre 1329.

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avaient pris le contrôle de l’atelier monétaire de la ville473. Mais, toujours en 1352, le Parlement leur avait défendu de connaître du crime d’émission de fausse monnaie, bien qu’ils prétendaient avoir un privilège scellé sur lac de soie d’un sceau de cire verte leur accordant la compétence judiciaire en ce cas474. Ce crime est présent à Saint-Quentin pour deux raisons : d’abord à cause du commerce qui apporte la présence de nombreux changeurs, ensuite à cause de la présence de la Monnaie du roi. La rupture d’une paix communale ou de ban sont également considérés comme des crimes. À la fin du xiiie siècle, plusieurs individus sont bannis pour avoir rompu un asseurement475. Quant aux individus pris en rupture de ban, c’est-à-dire après être entrés dans la ville sans la permission du maire alors qu’ils en avaient été bannis jusqu’en 1352, on leur appliquait une peine de mutilation avant de les bannir de nouveau. E.

la criminologie urbaine

Le phénomène criminel doit être abordé dans sa réalité concrète. Il s’agit de saisir le criminel et sa victime. L’étude porte sur 208 criminels pour 141 crimes répertoriés entre 1200 et 1420 environ. Parmi eux, 133 criminels ont été jugés en tout ou en partie par le maire, les jurés ou les échevins. 1.

La sociologie des criminels

Mises à part les lettres de rémission répertoriées476, les sources pour appréhender le criminel saint-quentinois ne sont pas très parlantes. Seule une approche quantitative illustrée par quelques exemples permet d’obtenir des résultats intéressants. La majorité des criminels saint-quentinois sont des habitants de la ville plutôt que des individus de passage. Ce dernier cas existe – par exemple Hanequin de Ham, brabançon, ou Hanequin Van Sonherd, de Bruges – mais il reste marginal (17 criminels seulement). Du reste, la majorité de ces étrangers ne provient pas de très loin, rarement hors des limites de la prévôté : 2 de Remicourt, 1 de Fonsommes, 1 de Gricourt, 1 de Rocourt, 1 de Torigny, 1 de Crois et 1 autre de Saint-Amant. De ceux qui proviennent de plus loin, seulement 6 sont originaires d’en dehors du Royaume, soit 2 de Flandre, 1 du Brabant, 2 de Cambrai et 1 de Bruges. Les 3 autres viennent de Laon (2) ou de Reims. Il s’agit donc, pour la plupart, d’habitants de Saint-Quentin. Tous les statuts sociaux sont représentés. On retrouve 8 bourgeois de Saint-Quentin et 9 chevaliers, 19 clercs, dont 4 clercs mariés, 3 chanoines du chapitre et 4 valets. Si les crimes des clercs et des autres habitants ne sont pas très différents, ceux des chevaliers sortent de l’ordinaire. Ce sont les seuls qui osent s’en prendre aux officiers royaux en les injuriant ou en les frappant477, qui commettent rapt478 ou destruction479 et s’entremettent aussi ouvertement de guerre privée480. Establissement, § 41. Paris, AN, X1a 15, fol. 86v–88, op.cit. Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 1 et 2 (Lemaire, n° 95 et 112), op.cit. Sur le caractère des lettres de rémission, Voir C. Gauvard, ‘De grace especial’, op.cit., vol 1, p. 59 et s. Cette partie doit d’ailleurs beaucoup à cet ouvrage et à F. Collard, Le crime de poison au Moyen Âge, Paris, 2003. 477 Tournet de Moy et Jacques de Fressencourt. 478 Jean de Verpilerez. 479 Simon de Fontaines. 480 Baudrain du Hamel. Voir L. de Carbonnières, « Le pouvoir royal face aux mécanismes de la guerre privée à la fin du Moyen Âge. L’exemple du Parlement de Paris », Droit, 46 (2007), p. 3–17. 473 474 475 476

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La justice criminelle | chapitre viii

Pour les officiers royaux, seuls les monnayeurs (3) et les sergents (3) ont affaire à la justice municipale. Recrutés sur place et parmi les habitants de la ville, celle-ci rebute à leur accorder un statut différent du justiciable de base481. Du côté des métiers exercés, l’éventail est également très large  : barbier, chandelier (3), changeur (3), charpentier, menuisier, henuier, corroyeur, tellier, pelletier (4), questier, savetier, meunier. Il permet également d’établir un lien entre le métier exercé et le type de crime, certains utilisant leur métier pour frauder. Ainsi, les changeurs sont-ils plus à même d’être accusés du crime de fausse monnaie. En novembre 1316, le maire et les jurés ayant eu connaissance que des pièces de monnaie fausses circulaient dans la ville, ils ordonnèrent des perquisitions qui amenèrent la découverte de fausses pièces chez Jean Farbus, Jean Pensée et Gautier Paris, tous trois changeurs482. En avril 1391, Pierre Bernard et Jean Fillion, son gendre, tous deux pelletiers, avaient obtenu de Coppin de la Gode et Jean de l’Écluse, courtier à Dordrecht, pour 1 500 £ de pelleterie grâce à un faux les désignant comme mandataires de Pierre Bentin, marchand de pelleterie de Lille. Ils avaient apporté la marchandise à Saint-Quentin483. Les courtiers et les marchands de Dordrecht ayant découvert la fraude avaient porté plainte devant le maire, les échevins et les jurés. Interrogé par ce derniers, Pierre Benart, qui avoua son crime en présence des plaignants. Le crime met aussi en valeur certaines formes de solidarité socioprofessionnelle. En mai 1355, trois autres pelletiers, Jean Ervalé, dit Pauvret, Pierre Vretot et Thomas Fame, avaient été suspectés de la mort d’Oudard Cairoys, décédé à la suite d’une rixe dans une taverne484. Comme pour le métier ou le statut social, une distinction peut être établie quant au sexe du criminel. Statistiquement, on note beaucoup plus d’hommes que de femmes : dans une proportion de 180 hommes pour 17 femmes485. Les hommes, comme on l’a vu, sont largement impliqués dans la violence collective que constitue la mêlée. Cette distinction de sexe permet également de constater une différence dans les types de crime. Les crimes commis par les hommes sont en très grande majorité violents et sanglants. Ils sont impliqués dans les homicides à coup d’armes ou d’outils contondants. En revanche, la majorité des crimes commis par les femmes sont des vols peu graves (5 cas). Un des trois cas d’homicide commis par une femme n’est pas le fruit d’une violence, puisqu’il s’agit d’un cas d’empoisonnement486. Les deux autres sont des cas d’infanticides487. Les femmes sont en revanche les premières victimes du développement de la répression contre les crimes de mœurs dans la seconde moitié du xive siècle488. Le seul cas de sorcellerie connu à Saint-Quentin laisse paraître quant à lui l’exclusion d’une femme condamnée par la rumeur publique et bannie pour conserver la paix sociale489. Les femmes sont plus nombreuses à être poursuivies pour des crimes de mœurs que les hommes. Elles agissent aussi comme faussaires et faux monnayeurs, assistant leur mari dans ces crimes. Ainsi, la femme d’Andrieu aux Chevaux qui fut complice de son mari dans un cas de fausses mon481 S. Hamel, « Être sergent du roi dans la prévôté de Saint-Quentin », op.cit. 482 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 14 (Lemaire, n° 254 ; Gomart, t. 5, p. 261), 27 novembre 1316. 483 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 56 (Lemaire, n° 768 ; E. Janin, « Documents relatifs à la peine de ban-

nissement (xiiie–xivesiècle) », op.cit., p. 423–424), 15 avril 1391. Paris, AN, JJ 84, n° 52. C. Gauvard, ‘De grace especial’, op.cit., vol 1., p. 466–467, note des proportions similaires. Livre rouge, n° 87, 31 octobre 1350 ; Paris, AN, JJ 81, n° 26, novembre 1351, op.cit. Paris, AN, X2a 16, fol. 365v, janvier 1417, cités par C. Gauvard, ‘De grace especial’, vol 2, p. 823. Voir les exemples d’Isabelle, femme de Pierre Bontemps et de la femme d’Henri Dulart ci-dessus évoqués. Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 54 (Lemaire, n° 758).

484 485 486 487 488 489

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Troisième partie | La pratique judiciaire municipale

naies. Tous deux furent exécutés pour leurs demerites a la justice du Roy a Saint-Quentin et pour crime de leze majesté490. Ou encore Amile Poilet qui, en 1316, avait assisté Pierre Louis dans la falsification du testament de son frère Jean et avait corrompu des témoins lors de l’enquête. Le peu de crimes féminins recensés laisse cependant songeur. Comme l’a remarqué Claude Gauvard, la femme vole, tue son enfant ou empoisonne son mari491. Bref, les femmes commettent des crimes qui touchent directement à la sphère privée. On peut d’ailleurs deviner qu’elles étaient également punies dans le cadre familial. Depuis l’origine de la commune, le chef d’hôtel disposait d’un droit de justice sur sa mesnie, ce qui explique non seulement le peu de délits dénombrés commis par des femmes, mais également la rareté des criminels mineurs492. La justice municipale n’intervenait vraisemblablement que quand le crime était grave, comme l’homicide, commis dans la sphère publique ou quand la femme est diffamée493. L’âge du criminel étant peu connu, on ne peut citer que quelques exemples. Ainsi, en juillet 1354, Jean Aniouse le Jeune, âgé de 14 ans, avait tué accidentellement d’un jet de pierre son frère aîné au cours d’une querelle. Il avait reçu une rémission après l’enquête favorable qu’avait mené Raoul de Lory, lieutenant du bailli de Vermandois. Le témoignage de Louis de Pourville, chirurgien juré de la ville de Saint-Quentin, qui avait soigné le blessé et l’avait vu pardonner à son frère, avait été déterminant494. Lotin Kaignoncle, qui d’après son prénom était jeune, se fit prendre pour vol à la tire495. On pardonne les crimes commis étant jeune. Ce fut le cas pour Jean Bosqiaux, qui, vers 1340, avait blessé mortellement Pierre de Clary sergent de la ville lors d’une rixe dans une étuve. Il reçut certes sa rémission à l’occasion du sacre de Charles V, mais on évoqua le fait que le crime avait été commis alors qu’il était jeune496. La vieillesse est à la fois perçue comme cause du crime et de sa rémission. Jean Hanique, âgé de 80 ans, était dément lorsqu’il tua un homme497. Une vieille femme de 80 ans fut accusée de parjure, mais, étant donné son âge, elle ne devait plus avoir toute sa tête498. Le criminel véritablement dangereux et multirécidiviste est rare. Mis à part Raoul le Mesureur, violeur récidiviste499, l’exemple extrême est celui d’André le Roi, clerc. Il semble avoir bénéficié de son privilège pour commettre plusieurs crimes graves sans être lourdement sanctionné. En mai 1364, il reçut une rémission de Jean II pour le meurtre de Colard de Séraucourt, commis à Saint-Quentin. Malgré les privilèges interdisant à tout meurtrier d’entrer dans Saint-Quentin, son ban fut révoqué par Charles V, en vertu de son joyeux avènement dans la ville500. Pris et emprisonné par le bailli de Vermandois en 1378, l’évêque de Noyon invita tous les justiciers du diocèse de Noyon à venir devant son officialité le 4 mars, afin de porter accusations et plaintes contre André le Roi pour 490 Saint-Quentin, AM, liasse 23 (Lemaire, n° 783), 21 novembre 1395 ; Saint-Quentin, AM, liasse 2, n° 47 (Lemaire,

n° 783), 4 décembre 1395. C. Gauvard, ‘De grace especial’, op.cit., vol. 1, p. 317. Establissement, § 20–21. C. Gauvard, ‘De grace especial’, op.cit., vol. 1, p. 281 et s ; p. 316 et s. Paris, AN, JJ 82, fol. 248, n° 367, op.cit. Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier B (Lemaire, n° 553), 8 décembre 1347. Paris, AN, JJ 95, n° 182, 22 mai 1364. Paris, AN, JJ 88, n° 47, août 1360. Paris, AN, JJ 68, n° 156, septembre 1347. Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 2 (Lemaire, n° 112 ; Gomart, t. 2, p. 6–11), novembre 1277. Paris, AN, JJ 95, n° 200, mai 1364.

491 492 493 494 495 496 497 498 499 500

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le meurtre de Colard de Séraucourt, pour lequel il avait reçu une rémission, de même que pour le meurtre de Jean Morel, curé de Le Haucourt501, blessé à mort entre Saint-Quentin et Le Haucourt, où il se rendait pour célébrer l’office divin. André était également accusé de plusieurs vols à Paris et à Narbonne et de plusieurs autres homicides, crimes ou vols perpétrés à Saint-Quentin, dans les environs et ailleurs502. Ce qui advint de lui par la suite reste inconnu. Malgré ces deux exemples, l’ensemble des crimes recensés, montre que le criminel agit moins par prédisposition que pour des raisons sociales, fortuites ou accidentelles. 2.

Le lieu et le temps du crime

Le lieu et le temps du crime sont également peu indiqués. Ainsi, sur 35 lieux connus, peu sont précis et indiquent une taverne, une étuve ou une auberge503. On a plus souvent le nom d’une rue ou la mention de la Place du Marché. Cette dernière, qui est sans conteste l’endroit le plus fréquenté de la ville, est également le lieu du crime par excellence. Cependant, on se contente souvent de spécifier seulement que le crime avait été commis dedens le ville, dehors la porte ou dedens le porte. Ces mentions suffisent pour justifier l’action de la justice municipale et que celle-ci a bel et bien agi dans les limites de son ressort. La mention du temps du crime, s’il a été commis de jour ou de nuit, n’est faite que lorsque cela sert à démontrer une circonstance aggravante. Ainsi, quatre exemples mentionnent qu’un vol ou un homicide a été commis de nuit. L’heure peut alors se faire précise. Jean Grummelier, tisserand de Valenciennes, avait tué André de Marcoing à coup de couteau, le jour de la Pâques Fleurie, de nuit, entre les ii clokes504. Ou il fallait démontrer que le voleur ou le meurtrier n’avait pas agi de façon spontanée, espérant resté discret alors que tout le monde dormait. Jean, dit François Léoard, avait volé de la keute (bière) en pénétrant de nuit dans la maison de Jean le Feutrier et en s’enfuyant par le courtil à l’arrière. Malgré tout, plusieurs témoins l’avaient bien vu s’enfuir avec la bière505. 3.

L’arme du crime

L’arme utilisée pour commettre un crime est rarement indiquée au sein du corpus relatif aux crimes (28 mentions). Au demeurant, technologie oblige, les données ne seraient pas très différentes du peu d’attestations retrouvées. Il convient de remarquer que la notion d’arme varie en fonction de son contexte. Certaines choses sont des armes par nature : couteau, épée, masse, miséricorde (dague à lame mince ou carrée) ou poison. D’autres ne le sont que par l’usage qu’une personne entend en faire : une pierre, un bâton ou un outil (fauchoir) ou une corde, bref, tout objet contondant ou pouvant causer la mort ou des blessures, disponibles sur le moment, peut faire l’affaire506. Dans la plupart des cas (18 fois), il s’agit d’armes blanches, celles qui permettent de causer des blessures en perçant 501 Lehaucourt, arr. de Saint-Quentin, cant. du Catelet. 502 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier B (Lemaire, n° 737), 17 janvier 1378. 503 Hanequin Van Sonherd commis son homicide à l’étuve des mines, Hanequin de Ham commis le sien dans l’auberge

de Geoffroy Le Moine et Oudin Gatelot dans l’étuve de la Rose. 504 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 2 (Lemaire, n° 112 ; Gomart, t. 2, p. 6–11), 21 avril 1280. 505 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 2 (Lemaire, n° 112 ; Gomart, t. 2, p. 6–11), novembre 1281. 506 Robin Hunes tua ainsi Jean Gallot, tellier, à coup de « pied de hestaut », c’est-à-dire d’un pied servant à soutenir un étalage. Voir Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 2 (Lemaire, n° 112 ; Gomart, t. 2, p. 6–11), août 1277.

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ou en tranchant. L’arme la plus utilisée est le simple couteau (11 fois), parce qu’également disponible  : tout habitant de sexe masculin porte un en permanence sur lui507. L’épée, moins discrète, est une arme dont l’utilisation demande un minimum de préméditation, parce que, en principe, son port était interdit par les ordonnances. Elle n’est attestée que lors de guet-apens508. Le poison, qui n’est invoqué qu’une seule fois pour avoir causé la mort, est également considéré comme une arme, singulière au demeurant509. Il s’agit d’une arme sans parade et souvent sans remède, car la victime ignore son danger et se rend compte trop tard de sa mort imminente. C’est également la seule arme qui ne nécessite aucune force physique pour arriver à son but. D’où, peut-être, le fait que l’on ait accusé une femme de l’avoir employée contre son mari, grand bourgeois de la ville, pour camoufler le suicide de ce dernier510. En octobre 1350, quand Marguerite, femme de Pierre le Drapier, fut accusée d’avoir empoisonné son mari, on supposa qu’elle lui avait administré de la viande renfermant certains venins511. Il s’agit d’une manière banale d’administrer le poison, qui a besoin d’un support pour atteindre sa victime512. Du reste, le suicide par poison, très rare au Moyen Âge, est ici exclu : juré depuis les années 1330, Pierre le Drapier était âgé de 50 ou 60 ans en 1350. Une mort naturelle, subite et spectaculaire n’est donc pas exclue dans son cas513. 4.

La victime du crime

La victimologie, qui est aujourd’hui une branche particulière de la criminologie, peut se définir comme étant l’étude des victimes d’actes criminels et de tout ce qui peut y être lié514. Quel groupe d’individus est susceptible de devenir une victime d’un type de crime ? Le présupposé étant que, comme pour le criminel, on peut tenter d’établir le profil de la victime515. Néanmoins, l’exercice qui consiste à dresser le portrait des victimes d’un acte criminel au Moyen Âge reste difficile, hors crime particulier516. Parce qu’il rompt le pacte communal, le crime ne porte pas seulement atteinte à la victime directe elle-même et à sa famille. Il provoque l’opprobre de l’ensemble de la communitas, qui devient une co-victime du crime517. Depuis l’origine, la commune qui, dans une certaine mesure s’était substituée au lignage en exerçant une vengeance commune, percevait la compensation réparatrice. Il est significatif de constater qu’à la fin du Moyen Âge, les amendes, les biens confisqués et les matériaux provenant des maisons abattues devaient être affectés à la fortification de la ville. Il s’agissait non seulement d’un moyen de réparer le crime d’une manière profitable pour l’ensemble de la communauté, mais également de la rassurer en renforçant son moyen de défense face aux agressions extérieures. 507 Au Moyen Âge, le petit couteau individuel, porté en permanence et normalement destiné à découper la nourriture est

très commun. Voir B. Laurioux, Manger au Moyen Âge, Paris, 2002.

508 Les trois attestations concernent le même crime, celui d’un guet-apens contre Jean l’Esteulier : Saint-Quentin, AM,

liasse 30, dossier A, n° 2 (Lemaire, n° 112 ; Gomart, t. 2, p. 6–11), juillet 1274. F. Collard, Le crime de poison au Moyen Âge, op.cit., p. 49 et s. Iibid., p. 111 et s. Saint-Quentin, AM, Livre rouge, n° 87 (Lemaire, n° 641), op.cit. F. Collard, Le crime de poison au Moyen Âge, op.cit., p. 65–73. A. Murray, Suicide in the Middle Ages, t. 1, Oxford-New York, 1998, p. 464. S. Schafer, Victimology : The victim and his criminal, Reston, 1977. C. Gauvard, « La prosopographie des criminels en France à la fin du Moyen Âge : méthode et résultat », op.cit. F. Collard, Le crime de poison au Moyen Âge, op.cit., p. 97 et s. Voir J. de Pas, Le bourgeois de Saint-Omer, op.cit., p. 99 et s.

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Malgré cette réparation en faveur de la communauté, les parents et amis charnels de la victime continuaient à se sentir concernés par le déshonneur causé par le crime518. D’où l’utilité de la paix communale ayant valeur d’asseurement. Encore au xive siècle, les autorités municipales, qui craignent la vengeance de la famille ou le déclenchement de la guerre privée, qui n’est pas réservée aux nobles, n’hésitent pas, comme nous le verrons plus loin, à mettre en prison des dizaines de membres d’une même famille et leurs amis par mesure de prévention. Ces quelques remarques liminaires posées, y a-t-il une victime type à SaintQuentin ? A priori, elle n’existe pas. Dans le contexte de la ville médiévale, tout habitant est une victime potentielle d’actes criminels de quelque nature que ce soit, du plus grave au plus anodin. Il n’y a probablement pas de catégories d’âge qui définissent en particulier une victime, ni de sexe, même si l’homme est rarement victime d’un viol et que la femme ne participe guère aux mêlées. Tous deux peuvent être victimes d’un voleur ou d’un homicide. Une distinction peut être amenée quant au sexe de la victime. Ainsi, sur 141 crimes, on connaît 82 victimes : 7 femmes pour 75 hommes. Les hommes, dont on a vu qu’ils commettaient des crimes violents, sont également victimes de cette violence masculine. Les femmes sont victimes de crimes dans les mêmes proportions qu’elles sont criminelles (9 criminelles connues). Mais ces chiffres ne font que souligner, encore une fois, la nature privée de la criminalité féminine et de la violence faite aux femmes519. C’est ce que semble confirmer la nature des crimes dont elles sont victimes. Près de la moitié des femmes ont été victimes d’une violence sexuelle, soit deux cas de viols et une tentative de viol520. Pour le reste, il n’y a pas de particularité marquante. On note deux homicides, un cas de coups et blessures et un vol. La victimologie moderne cherche également à comprendre les effets psychologiques de l’acte criminel sur la victime. L’effet de traumatisme sur les victimes est rarement évoqué, puisque la plupart des sources sont allusives521. Il était éventuellement moins traumatisant de se faire voler que de se faire violer. Un seul exemple permet de le supposer. Si on s’en tient aux faits exposés il est vrai dans une supplique, la femme de Pierre Fastar, dont on a vu qu’elle fut victime d’une tentative de viol de la part du bailli de Vermandois, tomba gravement malade et mourut vraisemblablement d’un choc émotionnel grave522. F.

La procédure criminelle

La procédure criminelle concerne les règles applicables pour la poursuite d’un forfaiteur ou d’un malfaiteur. Après le rétablissement de la commune, à partir des années 1320–1330, il est possible de décrire une procédure criminelle sans pour autant qu’il n’y ait d’application systématique. Il n’y a pas une, mais plusieurs procédures criminelles. L’emploi de l’une plutôt que l’une autre dépend de la façon dont le tribunal municipal avait été saisi de la connaissance d’un crime perpétré à l’intérieur de son ressort. L’an518 C. Gauvard, « L’homicide est-il un crime ? », op.cit. 519 C. Gauvard, ‘De grace especial’, op.cit., vol. 1, p. 330 et s. 520 Notons que deux de ces crimes furent l’œuvre d’un seul criminel nommé Raoul le Mesureur dont le cas a été exposé

plus haut.

521 C’est le cas pour les rémissions et pour les listes de bannis. 522 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier B (Lemaire, n° 75), op.cit., s.d., vers 1326.

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cienne procédure accusatoire, par parties constituées, telle qu’utilisée au civil, est la procédure criminelle ordinaire. Mais, à partir de Louis IX, une distinction commence à s’installer entre procédure civile et procédure criminelle. La procédure municipale se teinte alors de procédure inquisitoire pour devenir mixte. La saisine des juges de la ville pouvait s’effectuer par présent méfait, par une clameur de haro, par une accusation, par une dénonciation ou par la rumeur publique. Chacune de ces différentes manières de saisir le tribunal municipal entraîne le déclenchement d’une procédure criminelle plus ou moins différente. 1. La procédure pour flagrant délit ou present meffait Roger de Fluquières avait suscité du désordre dans la ville par une mêlée avec Thomas du Bus. Le maire et les jurés les avaient pris ou fait prendre en état de mesleye faisant et en present meffait523. C’est le flagrant délit, autrement dit le present meffait meffaisant ou cas presens524. Mais, il pouvait arriver que le malfaiteur oppose de la résistance à ceux qui tentaient de l’arrêter et qu’il réussisse à s’échapper et à s’enfuir. Après le décès d’Alice, Yves le Mercier, son mari, montra le testament de celle-ci à son beau-frère, Yves le Ahennier. Celui-ci manifesta le désir d’en obtenir une copie. Les exécuteurs testamentaires – l’abbé de Saint-Quentin-en-l’Isle et quatre de ses moines – vinrent dans la maison de Guillaume Floure pour une lecture du testament d’Alice en compagnie de Hue Villart, un clerc chargé de rédiger une copie de l’acte, qui devait être remise à Raoul le Ahenier. Hue fit donc lecture du testament en faisant collation du vidimus sur l’original. Raoul vit que Hue y apportait des corrections de clauses qui, bien que présentes sur le testament, n’apparaissaient pas sur la copie. Après la lecture, Raoul discuta du testament avec l’abbé, puis l’assemblée quitta la maison. Mécontent de son contenu, croyant avoir été trompé, il se précipita sur Hue Villart, encore sur place, pour s’emparer du document, rompit les sceaux et le lacéra. On aurait alors entendu Raoul crier ribaut mauvais de cestui ci vous aiderez vous jamais525. Peu après, Hue se précipita à la fenêtre de la maison en criant hahay, hahay bonne gent, tené Raoul l’Ahenier qui m’a desreubé, mourdri et desonneré, il m’a tolu, robé et desquiré le testament Aelis, femme Yves le Merchié, tené le, tené le. Les voisins, les passants ou les sergents de la ville, interpellés par la victime, pouvaient dès lors se mettre à sa poursuite et, s’ils y arrivaient, l’arrêter. C’est une variante du flagrant délit, qui vise en fait à le provoquer par un cri, autrement appelé ailleurs clameur de haro ou cri de bourgeoisie526. Les deux cas ne donnent pas lieu à une procédure très compliquée. Le flagrant délit simplifie le problème de la preuve, car le malfaiteur était condamné sur le témoignage de ceux qui l’avaient pris sur le fait ou après avoir été invités à le faire par la clameur publique Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 29 (Lemaire, n° 264), vers 1317. Jean Boutillier, Somme rural, éd. op.cit, p. 378. Lemaire, n° 496, 11 mai 1331. É. Glasson, « Étude historique sur la clameur de Haro », RHDFÉ, 1882, p. 397–447, 517–550 ; S. Hamel, « De la voie accusatoire à la voie législative », op.cit. ; V. Toureille, « Cri de peur et cri de haine : Haro sur le voleur. Cri et crime en France à la fin du Moyen Âge », dans Iibid., p. 169–178. À Saint-Omer, on l’appelle « cri de bourgeoisie » et c’est un privilège des bourgeois. Voir J. de Pas, Le bourgeois de Saint-Omer, op.cit., p. 99 et s. C’est sans doute ce dont parle l’Establissement, § 16.

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ou cri de haro. C’est le seul cas qui, vraisemblablement, dispensait la justice de la ville d’avoir recours à une accusation formelle. Le flagrant délit permettait également à la ville d’étendre sa compétence sur la matière et les personnes. Par ce biais, elle pouvait connaître de certains cas réservés, comme de l’émission de fausse monnaie527, d’un individu qui, en d’autres circonstances, n’aurait pas été son justiciable528. Le flagrant délit est ainsi la seule façon pour la ville d’arrêter et punir les serviteurs du chapitre529 et les officiers royaux530. Un accord conclu avec l’évêque de Noyon en 1314, ne permettait pas au maire et aux jurés d’arrêter et de punir les clercs bourgeois de la ville, se che n’est en cas enorme, notoirez et maniffes531. De même, les sergents de la ville de Saint-Quentin ayant menacé les domestiques du prévôt de Saint-Quentin de les mettre en la prison du beffroi, le bailli de Vermandois avait mandé à Simon PlateCorne, lieutenant du prévôt, de se rendre auprès du maire et des jurés de Saint-Quentin et de leur faire défense d’arrêter et d’incarcérer les serviteurs du prévôt, sauf s’ils avaient été pris en present meffait meffaisant532. En 1331, Jean Blondel, bailli de Vermandois, jugeant en ses assises avec les hommes du roi, reconnaissait les prétentions du procureur du roi : le maire et les jurés ne pouvaient être condamnés pour l’arrestation de sergents royaux quand ils s’agissait d’actes ayant un caractère privé sans aucune relation avec leurs offices, pourvu qu’ils avoient esté pris en present meffait ou assez prez533. 2.

La procédure accusatoire

Malheureusement pour Yves le Mercier, malgré son cri, Raoul le Ahennier ne fut pas arrêté sur le fait ni dans la poursuite du fait. Se sentant lésé, il décida de signaler le méfait à la justice communale en faisant un claim contre son beau-frère  : c’est l’accusation534. À cause de sa charte, qui ne contient que ce seul principe de procédure dont le but était à l’origine de protéger les bourgeois contre l’arbitraire du seigneur, la justice de la commune n’a connu jusqu’au milieu du xiiie siècle que cette procédure criminelle par parties formées. C’était jusqu’alors le seul moyen pour mettre en marche une action criminelle devant la justice de la ville et elle consistait, comme au civil, à se constituer partie contre le malfaiteur et de clamer contre lui535. Le claim fait, on procédait ensuite comme au civil. L’instance débutait par une semonce de la partie adverse. La semonce devait s’effectuer de jour, du lundi au vendredi. Le semon devait y répondre dès le lendemain, sauf si la semonce avait été faite le vendredi ou le samedi, auquel cas il n’était tenu de répondre que le lundi suivant536. On autorisait 527 Livre rouge, n° 26, 23 décembre 1317. 528 Paris, AN, X1a 4787, fol. 225v, 19 novembre 1405. 529 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier B (Lemaire, n° 19bis), 1228  ; Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 2

(Lemaire, n° 19ter), 1228 ; Laon, AD Aisne, G 788, p. 83–84 (Héméré, p. 218), août 1228 ; Laon, AD Aisne, G 783, p. 158–159, juin 1270 ; Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° 24 (Lemaire, n° 171 ; Gomart, t. 2, p. 15), 13 septembre 1300 ; Saint-Quentin, AM, liasse 186, dossier B, n° 1 (Lemaire, n° 181), 11 février 1301 n.st. 530 Saint-Quentin, AM, liasse 186, dossier B, n° 1 (Lemaire, n° 181), 11 février 1301 n.st. 531 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 13 (Lemaire, n° 241), 1er novembre 1314. 532 Saint-Quentin, AM, liasse 21, dossier A, n° 14 (Lemaire, n° 322), 9 novembre 1325. 533 Saint-Quentin, AM, liasse 21, dossier A, n° 23 (Lemaire, n° 498), 18 juillet 1331. 534 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 4 (Lemaire, n° 228), s.d ; liasse 30, dossier B (Lemaire, n° 229), s.d ; liasse 22 (Lemaire, n° 230), s.d ; Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° 81 (Lemaire, n° 496), 11 mai 1331. 535 Charte de Philippe Auguste, § 1, 7, 8, 20, 27, 40. 536 Establissement, § 11 ; Charte de Philippe Auguste, § 17.

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également trois défauts pour la personne sommée en cas de crime, après quoi, à la différence de la procédure civile qui n’imposait qu’une amende, le contumax était banni. Puis, après s’être présenté, et le jour de l’audience fixé, l’accusateur (qui peut être la victime ou ses parents) effectuait sa demande contre l’accusé en s’offrant de la prouver. Le débat, qui n’engageait que les parties, se faisait comme au civil et chacun argumentait ou répondait aux faits allégués. Dans cette procédure de type accusatoire, les deux parties étaient sur un pied d’égalité. L’accusateur encourait, en principe, la même peine en cas de défaite que la partie intimée si elle avait été reconnue coupable. De plus, l’accusateur devait, comme au civil, avoir pleine capacité judiciaire et être en mesure de se soumettre au duellum, ou bataille devant témoins pour prouver son fait537. Cette procédure induisait pour ces raisons un effet pervers. Découragé par les risques encourus, il pouvait arriver que l’on résigne à poursuivre pour ne pas s’exposer aux dangers de l’accusation. L’Establissement avait interdit le recours aux gages de bataille pour cette raison538, mais la peine encourue décourageait tout de même. Ce pourquoi, à Saint-Quentin, au milieu du xive siècle du moins, le demandeur qui perdait son procès n’encourait plus aucune peine539. Comme on le constate par l’exemple cité de Yves le Mercier contre Raoul le Ahennier, l’accusation criminelle de particulier à particulier était encore d’usage dans la première moitié du xive siècle. Mais, hors flagrant délit, ce n’était plus la condition sine qua non permettant à la justice municipale d’agir540. 3.

La procédure par dénonciation

Il pouvait arriver que la partie lésée, ou ses parents, ne se portent pas accusateurs, mais que des tiers dénoncent le méfait à la justice. C’est la dénonciation. Celle-ci n’entraîne pas les mêmes conséquences que l’accusation, car la responsabilité de la preuve revenait au juge et au dénonciateur541. Même s’il s’agissait d’une obligation pour le bourgeois542, la dénonciation apparaît toutefois d’un usage restreint : on ne note qu’un cas de viol, dénoncé par la victime543, et un autre de fausse monnaie544. Dans ce dernier cas, la dénonciation fut néanmoins utile, puisqu’elle a entraîné la constatation d’un flagrant délit545. Du reste, elle aussi a un effet pervers, celui d’être faite par hayne546. Car, contrairement à l’accusateur, le dénonciateur n’encourait aucune responsabilité juridique. Rien ne l’empêchait donc de dénoncer quelqu’un simplement pour lui nuire, sauf peut-être la crainte de la vengeance du dénoncé ou celle de sa famille ! 537 Voir J. Declareuil, « À propos de quelques travaux récents sur le duel judiciaire », RHDFÉ, 33 (1909), p. 73–95 ;

G. Guyon, « La procédure du duel judiciaire dans l’ancien droit coutumier bordelais », SHDE, 9 (1974), p. 385–409 ; C. Morris, « Judicium Dei : The Social and Political Significance of the Ordeal in the Eleventh Century », Studies in Church History, 12 (1975), p. 95–111 ; O. Guillot, « La participation au duel judiciaire de témoins de condition serve dans l’Île-de-France au xie siècle », Droit privé et institutions régionales. Études historiques offerts à Jean Yver, Paris, 1976, p. 345–60 ; M. Chabas, Le duel judiciaire en France (xiiie–xvie siècles), Paris, 1978. 538 Voir J. Schneider, « Libertés, franchises, communes », op.cit. 539 Saint-Quentin, AM, liasse 7, n° 16, op.cit. 540 Roger Grand, « Justice criminelle, procédure et peines dans les villes aux xiiie et xive siècles », op.cit., p. 72. 541 Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 14 (Lemaire, n° 477), 24 juin 1329. 542 Establissement, § 2. 543 Livre rouge, n° 67, 9 juillet 1326. 544 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 14 (Lemaire, n° 254), 27 novembre 1316. 545 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 14 (Lemaire, n° 254 ; Gomart, t. 5, p. 261), 27 novembre 1316. 546 Paris, AN, X1c 110A, n° 109, 2 août 1415.

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4.

La procédure d’enquête (information et apprise)

Sans accusation ni dénonciation, la rumeur publique, la fama, pouvait signaler le méfait et son auteur à la justice municipale547. Isabelle, femme de Pierre Bontemps, mercier et bourgeois de Saint-Quentin, fut publiquement et notoirement diffamee d’adultère548. C’est la diffamation qui s’apparente à une dénonciation collective. La justice se devait alors de procéder d’office et, en absence d’aveu, mener une enquête criminelle (information ou apprise) afin de se renseigner sur le crime. Cette procédure est dite inquisitoire. Au xiiie siècle et au début du xive siècle, elle est confuse à Saint-Quentin. On voit poindre une procédure d’enquête pour les causes criminelles au début du xive siècle. Dans un premier temps, cette procédure inquisitoire consiste en une information menée par le maire et les jurés, sans les échevins. Le 11 juillet 1316, le maire et plusieurs jurés firent une information seur chou que renommee keurt que li testamens, que demisele Amile de Rouecourt et Pierre Loys ont aporté avant comme testament Jehan de Rouecourt, est faus et mauvais, assavoir mon par cui pourcach il a esté fais, ne en quele maniere peut savoir le verité seur les chozes dessus dites549. Ce cas est le seul exemple qui ait subsisté dans les archives de la ville. Il est donc difficile de dire en quoi comportait l’information à Saint-Quentin. Mais il est probable que, comme dans le sud du Royaume, l’information consistait en une phase d’instruction des procès criminels550. On constate par cet exemple que le maire et les jurés avaient voulu s’attribuer d’office un cas criminel, sans le concours des échevins et sans en avoir été saisis par un accusateur, mais simplement par la renommée d’un crime551. On comprend alors pourquoi la connaissance d’office de ce cas criminel fut un des arguments invoqués par le procureur du roi devant le Parlement pour justifier la suspension de la commune, le 23 décembre 1317552. Après le rétablissement de la commune, le 13 septembre 1322553, les modalités de l’enquête criminelle sont plus claires. Une procédure d’apprise était venue remplacer celle de l’information. La différence entre l’information et l’apprise n’est toutefois pas facile à établir à Saint-Quentin554. D’autant plus que, à la fin du xiiie siècle et au début xive siècle, la confusion règne dans le discours du maire et des jurés quant à ces deux types d’enquêtes criminelles. Ceux-ci associent volontiers, sous forme de binôme ou de trinôme, l’information à l’apprise et à l’enquête555. Comme l’information, l’apprise consiste en une phase préliminaire du procès criminel, une phase d’examination durant laquelle le juge devait s’informer556. En absence d’accusateur ou de flagrant délit, mais en présence d’une dénonciation557 ou encore d’une diffamation par commune renommee à propos d’un forfait ou d’un méfait qui est venu troubler la paix, la justice de la ville se saisit de l’individu. En Claude Gauvard, « La ‘Fama’, une parole fondatrice », Médiévales, 24 (printemps 1993), p. 5–13. Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 57 (Lemaire, n° 787), op.cit. Saint-Quentin, AM, liasse 22 (E Lemaire éd., Archives anciennes… op.cit., n° 248). Voir par exemple J.-M. Carbasse, « La justice criminelle à Castelnaudary au xive siècle », dans Le Lauragais, Montpellier, 1983, p. 142 ; Id., Histoire du droit pénal et de la justice criminelle, op.cit., n° 87, p. 155–157. 551 A. Porteau-Bitker, A. Talazac-Laurent, «  La renommée dans le droit pénal laïc du xiiie au xve siècle  », Médiéval, 24 (1993), p. 68. 552 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 15 ; Livre rouge, n° 26, op.cit. 553 Paris, AN, JJ 61, fol. 121v, n° 269 ; Livre rouge, n° 46. 554 Voir Philippe de Beaumanoire, Coutumes de Beauvaisis, éd. op.cit. § 1224 et 1238. 555 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 31 (Lemaire, n° 157bis) ; dossier B (Lemaire, n° 203), vers 1306. 556 Philippe de Beaumanoire, Coutumes de Beauvaisis, éd. op.cit. § 1224 et 1238. 557 Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 14 (Lemaire, n° 477), op.cit. 547 548 549 550

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absence de flagrant délit, ou n’ayant pas obtenu la confession du prévenu558, on enferme celui-ci dans la prison du beffroi de la ville. Ensuite, on cherche à apprendre sur les faits auprès de témoins559, d’où le nom d’apprise donnée à ce type particulier d’information judiciaire560. C’était seulement après avoir appris suffisamment auprès des témoins que la justice de la ville décidait ou non de juger l’individu. On invite alors des accusateurs à se manifester en faisant appel à eux publiquement par plusieurs criées. Mais, cet appel public à l’accusation ne rencontra pas toujours le succès espéré en raison du danger potentiel de devenir accusateur. Pour pallier la lacune de cette procédure et libérer les particuliers des risques inhérents à la procédure accusatoire, deux solutions ont été utilisées par la justice de la ville afin d’éviter l’interruption de son action. La première consistait à demander au prévenu d’accepter liberalement d’être jugé sans accusateur, en lui proposant de se soumettre à une nouvelle enquête sur sa renommée puis à être jugé d’après les témoignages recueillis561. Le 23 février 1380, la ville, qui détenait dans sa prison Jean de Haussi, avait fait mander à Jean Boutillier, alors lieutenant du bailli de Vermandois en Tournaisis, de faire venir de Lille les témoins pour deposer verité562. Le 15 mai 1410, ce fut Henry Dulart, menuisier, dont l’exemple a été évoqué plus haut, qui avait consenti de sa pure et liberal volenté, que il se raportoit et raporta de tous les fais porposés contre lui en l’informacion que nous aviens faicte sur ce et en le depposicion et confession de se dicte femme, et consenti que elles volsissent enqueste et lui furent nommez les noms et surnoms des tesmoings nommez en le dicte informacion, lesquels ne aucuns de eulx il ne volt aucunement reprocher, mais renonça a toutes reproces. Et conclurent les dictes parties en droit et volrent que, sur icelles informacion et confession, drois leur fust fais563. Advenant un flagrant délit, l’aveu du criminel était suffisant564. Après avoir accepté cette solution, le prévenue avait la possibilité de récuser des témoins. Le vendredi 12 août 1346, François de Villers, maire, Jean Prière, Thassar Craulet et Pierre Baqueler, échevins, Jacques Lalemant et Simon Pointe, jurés, firent connaître à Jean Guery, détenu dans la prison du beffroi pour le souppechon de le mort Regnaut de Nauroy, les noms des témoins à charge que le procureur de la ville se proposait de faire entendre dans son procès. Sur l’invitation qui fut faite à Jean Guery de dire s’il entendait reprocher des témoins, ce dernier déclara reprocher Jeanne, femme de Wyart de Nouroy, parce que son mari est le frère de la victime565. Ainsi, en cas d’acceptation de l’enquête et de ses résultats, 558 Un exemple de confession  : Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier B (Lemaire, n° 553), 8 décembre 1347. Voir

également R. Besnier, «  ’Inquisitiones’ et ‘recognitiones’. Le nouveau système des preuves à l’époque des Coutumiers normands », RHDFÉ, 4e série, 28 (1950), p. 183–212 ; J. Chiffoleau, « Avouer l’inavouable : l’aveu et la procédure inquisitoire à la fin du Moyen Age », dans R. Dulong dir., L’aveu. Histoire, sociologie, philosophie, Paris, 2001, p. 57–97. 559 Le maire, les échevins et les jurés avaient mis en prison Jean de Haussi, prévenu d’avoir tuer un homme à Lille, avant d’entendre des témoins pour établir sa culpabilité. Voir Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier B (Lemaire, n° 746), 23 février 1380. 560 Cette procédure d’apprise n’a donc rien de très original. Voir A. Descamps-Lacour, « La procédure judiciaire de l’archevêque de Reims à la fin du Moyen Âge », Annales de l’Est, 6e série, 48e année, 2 (1998), p. 325–351. 561 Voir Philippe de Beaumanoir, op. cit., chap. 49 : Des prueves et de fausser tesmoins ; chap. 50 : Des enquesteurs, des tesmoins. A. Esmein, Histoire de la procédure criminelle en France, et spécialement de la procédure inquisitoire, Paris, 1882, p. 52–53 ; Id., « L’acceptation de l’enquête dans la procédure criminelle au Moyen Âge », RGD, 1888, p. 13–27, 107–115. 562 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier B (Lemaire, n° 746), op.cit,. 563 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier B (Lemaire, n° 834), 564 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier B (Lemaire, n° 553). Voir également J. Chiffoleau, « Sur la pratique et la conjoncture de l’aveu judiciaire en France du xiiie au xve siècle », dans L’aveu, Actes de la table ronde organisée par l’École française de Rome avec le concours du CNRS et de l’Université de Trieste (Rome, 28–30 mars 1984), Rome, 1986, p. 341–380 ; A. Laingui, A. Lebigre, Histoire du droit pénal, vol. 2, La procédure pénale, Paris, 1980, p. 24. 565 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 43 (Lemaire, n° 619), 12 août 1346.

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la justice de la ville pouvait procéder librement jusqu’au jugement. On ne sait ce qui se passe en cas de refus de l’enquête. Généralement, le juge interrompt toutes procédures entreprises et oblige à libérer le prévenu après un an et un jour si aucune accusation n’a été portée, à l’élargir sous caution ou, solution plus courante, à le bannir de la ville et de sa banlieue, tout en réservant la possibilité qu’une accusation future puisse être portée566. La seconde solution, utilisée dans le cas de la non-acceptation de l’enquête par le prévenu, consistait à ce que le procureur de la commune se porte accusateur au nom de toute la communauté, vraisemblablement selon le principe voulant que tout forfait était une atteinte portée à la commune567. Ceci permettait de ne pas déroger aux divers principes de droit contenus dans la charte de commune qui oblige à avoir recours à un accusateur et qui vise, selon l’idée empruntée au droit romain, à ne pas laisser de crimes impunis dans la ville568. C’était une application concrète du principe de prévention expliqué ci-dessus. La procédure par enquête de la ville, telle que l’on peut arriver à la reconstituer au terme du xive siècle, était une procédure hybride ou mixte569. L’accusation ou la dénonciation restent nécessaires, que ce soit le procureur de la commune, qui agit comme accusateur, ou la commune renommée, qui dénonce collectivement le crime aux juges de la ville. 5.

La procédure contre les défaillants ou contumaces

La justice de la ville connaissait une procédure de contumace pour les cas criminels. Mais celle-ci n’aboutissait pas à une condamnation pour le fait visé dans la poursuite. Elle mettait simplement hors la loi le contumax en le bannissant du ressort de la ville, en saisissant ses biens et en ordonnant la démolition de sa maison570. En 1338, Jean Putepainne et Jean de Haveraincourt avaient été reconnus coupables de l’occision de Jean de Chevresis. Ils furent punis de leur crime suivant la loi de la Ville, c’est-à-dire qu’après avoir été jugés par les échevins, ils furent remis entre les mains du châtelain royal qui les fit exécuter571. Mais l’apprise faite contre les meurtriers fit peser de graves soupçons de complicité sur un troisième personnage, filleul de Jean de Haveraincourt, soupçons que la commune renommée et sa fuite avaient aggravés et transformés en aveu tacite. En conséquence, le maire, les jurés et les échevins l’ajournèrent devant eux par criz souffissaument afin qu’il puisse se purger de cette accusation de complicité. Comme il ne comparut pas après trois ajournements successifs faits en la forme accoutumée, par iii quinsaines, par vii jours et vii nuis et iii jours et iii nuis, ils le bannirent à toujours de la ville et de sa banlieue, comme convaincu de participation à l’occision de Jean de Chevresis. Ses biens avaient, bien entendu, été confisqués. En outre, si on le prenait dans l’étendue de la ville et de sa banlieue, il encourait une peine d’amputation. Il 566 A. Porteau-Bitker, «  L’emprisonnement dans le droit laïque du Moyen Âge  », RHD, 1968, p. 211–245 et 389–420. 567 Quelques exemples dans Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier B, à partir de 1380. Voir A. Descamps-Lacour, « La procédure judiciaire de l’archevêque de Reims à la fin du Moyen Âge », op.cit., p. 325–351, note la même procédure à Reims. Voir également G. Leyte, « Les origines médiévales du ministère public », op.cit. 568 Arrêt de 1352 . Voir J.-M. Carbasse, « La peine en droit français des origines au xviie siècle », dans La peine… , p. 157–172 ; C. Gauvard, « La justice pénale du roi de France à la fin du Moyen Âge », dans X. Rousseau, R. Lévy, Le pénal dans tous ses états. Justices, États et Sociétés en Europe (xiie–xxe siècles), Bruxelles, 1997, p. 81–112. 569 A. Esmein, A History of Continental Procedure, op.cit., p. 11–12. 570 Charte de Philippe Auguste, § 10 ; Saint-Quentin, AM, liasse 7, n° 16 ; Voir également S. Hamel, « Bannis et bannissement à Saint-Quentin aux derniers siècles du Moyen Âge », Hypothèse 2002, Travaux de l’école doctorale d’histoire de l’Université de Paris I – Panthéon Sorbonne, Paris, 2003, p. 123–133. 571 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 39 (Lemaire, n° 550).

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lui était toutefois possible, en principe, d’obtenir des lettres de rappel. Cette procédure, avec la peine d’amputation pour rupture de ban, furent interdites par l’arrêt de 1352572. L’union des échevins à la commune a réintroduit cette procédure à la différence que, dans ce cas, les échevins invitant le maire et les jurés à se joindre à eux, devaient assigner devant eux l’accusé en fuite. Si celui-ci ne comparaissait toujours pas, c’est seulement alors qu’il pouvait être banni de la ville. On ne pouvait plus ordonner la démolition de sa maison, qui serait plutôt confisquée au profit du roi ou affectée à un autre usage convenable déterminé par le roi573. G.

Prouver le crime

De même que pour le civil, le pénal cherchait une économie de preuve. Évidemment, le flagrant délit était le cas idéal et l’aveu ou confession la preuve absolue574. Mais, en leur absence, il fallait tout de même procéder. Au criminel, les preuves sont essentiellement les mêmes qu’au civil : le serment purgatoire et les témoignages. La preuve écrite n’est pas absente. Elle est plus rarement administrée et elle dépend du cas criminel à prouver. Elle constituée par les diverses pièces de procédure du dossier d’instruction ou même par un ancien jugement. Pour les faux en écriture ou la lacération de document judiciaire, le document lui même pouvait être produit en preuve575. Les preuves les plus anciennes ont rapport avec le serment purgatoire, qui consiste à faire jurer de son innocence un accusé sur les Évangiles. Il est mentionné à deux reprises par l’Establissement afin d’éviter la vengeance576. Encore au milieu du xive siècle, après une rixe, le maire et les jurés faisaient prêter serment aux belligérants comme déclaration de leur bonne volonté de respecter l’asseurement, ou paix conclue entre eux577. Ce seul serment ne se suffisait pas à lui-même pour établir la preuve d’innocence, au sens où il fut utilisé par les cours d’Église, mais plutôt comme une preuve de bonne volonté de celui qui l’avait prononcé. Une fois le serment prêté, selon la loi de la ville, celui qui ne le respectait pas s’exposait à l’arsin judiciaire578. À chaque fois, le maire recevait le serment. Absent de la charte de commune de Philippe Auguste, au xive siècle, il était encore utilisé pour qu’un individu puisse se purger d’un crime. Dans le cas où la renommée d’un individu était mise en doute, la personne diffamée, après y avoir été invitée, se devait de comparaître devant le maire et les jurés pour se purger de l’accusation portée contre elle579. La justice royale l’utilisait également cette preuve. Selon la coutume du pays, vers 1353, Jean et Ferry de Ham, chevaliers, suspects de vol, d’agression et d’autres crimes, s’étaient rendus de leur propre volonté à la prison du roi à Saint-Quentin pour prouver leur innocence par serment580. En absence de flagrant délit, l’aveu est la reine des preuves581. L’aveu consiste en une déclaration par laquelle le prévenu d’un crime reconnaît, complètement ou partiellement, l’exactitude de certains faits qui lui sont imputés et sa participation à leur déroulement. Le mot aveu n’est pas utilisé par la justice municipale, qui lui substitue la 572 573 574 575 576 577 578 579 580 581

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Paris, AN, X1a 15, fol. 86v–88, op.cit. Saint-Quentin, AM, liasse 7, n° 16, op.cit. J.-M. Carbasse, Histoire du droit pénal et de la justice criminelle, op.cit., § 91. Voir l’exemple de Raoul le Ahennier, cité plus haut. Establissement, § 13 et 38. Establissement, § 38. Voir C. Gauvard, ‘De grace especial’, op.cit., p. 172 et s. Establissement, § 13. Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 39. Paris, AN, JJ 81, n° 267, 13 mai 1353. J.-M. Carbasse, Histoire du droit pénal et de la justice criminelle, op.cit., § 91.

La justice criminelle | chapitre viii

confession582. On doit manifestement exclure l’usage de la torture par le tribunal de la ville pour obtenir l’aveu583. Les seules traces retrouvées dans la documentation proviennent de la cour du roi et elle semble très mal perçue par le maire et les jurés qui la trouvent répréhensible. Ils y voient une atteinte portée à l’encontre de leurs justiciables584. Les juges de la ville n’ont probablement pas utilisé la torture, mais ils exerçaient parfois des pressions sur le prévenu. Lorsque la justice municipale désirait obtenir la confession d’un prévenu, elle cherchait à l’impressionner en le faisant interroger par plusieurs échevins et jurés. Le 8 décembre 1347, Lotin Kaignoncle, prévenu d’un vol, confessa son forfait en prison devant François de Villers, agissant comme lieutenant du maire, Thomas du Cavech, échevins, et deux jurés, Jean le Convers et Jean Caboche585. Isabelle, notoirement diffamée d’adultère, fut quant à elle mise dans la prison du beffroi. Alors confrontée au sévère réquisitoire du procureur de la commune, qui réclamait contre elle une peine de bannissement, elle confessoit bien que long temps avoit, durant son dit mariaige et tousjours continuelement jusques presentement, elle avoit amé de folle amour et amoit encores Jaquemart Molet et avoit esté avec lui carnelement en se compaignie par pluiseurs fois, et aussi depuis avoit esté pluiseurs fois carnelement en le compaignie de Perceval du Sart, escuier, lesquelz Jaquemart et Perceval et meismement le dit Jaquemart avoient amendé des biens de son dit mary et d’elle de son bon gré et consentement, et que pareille confession elle avoit fait par-devant les gens du Roy, nostre sire, et que elle savoit bien que des dessus nommés et autres elle en estoit diffamee et que renommée en couroit contre elle586. Mais il n’y avait pas que l’aveu formel. L’aveu pouvait également découler implicitement de la fuite du suspect. Cette fuite transformait alors le suspect en coupable qui était jugé et condamné par une procédure de contumace587. Faute d’aveu, le crime peut également être prouvé par témoins. Dans les causes criminelles, la pénétration de la procédure inquisitoire et de la preuve par témoin a été plus longue à se mettre en place parce que plus compliquée à administrer qu’au civil. L’enquête criminelle, c’est-à-dire l’apprise, n’est utilisée convenablement qu’à partir du rétablissement de la commune en 1322588. Surtout, au criminel, l’enquête n’est une preuve que si elle est acceptée par le prévenu. H.

Juger le crime

Une fois la procédure terminée, les juges devaient rendre sentence, jugement et appointements accompagnés de la peine applicable589. Comme pour un jugement civil, le tribunal de la ville ne rend jamais une décision criminelle immédiatement. Il remet ses décisions à une date ultérieure, le temps de prendre conseil et de bien évaluer le cas, car jugement est espoventable590. 582 Cet état de fait du vocabulaire de l’aveu a été remarqué pour le Châtelet par C. Gauvard, ‘De grace especial’, op.cit.,

p. 153 et s.

583 C. Gauvard, « Théorie, rédaction et usage du droit dans les villes du royaume de France », op.cit., note également

que les justices municipales ne sont pas adeptes de la torture judiciaire. Saint-Quentin, AM, liasse 7, n° 15 (Lemaire, n° 670), 8 mai 1357. Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier B (Lemaire, n° 553), op.cit. Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 57 (Lemaire, n° 787), op.cit. Sur la fuite des criminels, voir C. Gauvard, ‘De graces especial’, op.cit., p. 163 et s. La première apprise conservée date du 17 juin 1339 : Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier B (Lemaire, n° 553). Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 68 (Lemaire, n° 950), 17 mai 1455. Grand coutumier de France, éd. op.cit., p. 651 ; Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 57 (Lemaire, n° 787), op.cit.

584 585 586 587 588 589 590

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Troisième partie | La pratique judiciaire municipale

Pour juger un criminel, le maire, les échevins et les jurés se rassemblent dans la chambre haute du premier étage de l’Hôtel de ville, dite bancquet hault591. Cette chambre est réservée à l’audience des causes criminelles et aux réunions de la Chambre du Conseil, toutes deux supposées être tenues en secret592. Cette chambre devait être bien éclairée par des verrières, une grant lanterne et un lampier593. Les jugements et sentences criminelles sont décidés selon le même procédé que pour les décisions civiles, c’est-à-dire à la majorité simple du corps de justice concerné594. Elles sont prononcées par le maire d’après le jugement des jurés ou des échevins. Le droit de juger des cas criminels est cependant plus compliqué à départager entre le maire, les jurés et les échevins. Contrairement à ce que disent le maire et les jurés, ce n’est pas tant l’obscurité des dispositions de la charte de commune en matière criminelle (carta predicta in pluribus capitulis multum obscura esse) que le simple fait que le maire et les jurés nommaient les échevins fourni matière aux contestations, aux interprétations et aux abus de la part de la commune595. Les échevins étant chargés avec le vicomte ou le châtelain royal de juger les crimes au nom du roi. Il est fort probable que les empiétements de la commune sur la justice criminelle commencèrent dès 1215, quand le maire et les jurés reçurent du vicomte le droit de nommer les échevins596. De plus, la justice criminelle nécessite de vastes moyens de coercition, ceux-là mêmes qui, comme on l’a vu précédemment, font défaut aux échevins qui non servientes habere597. Enfin, la charte de commune ne contient que quelques dispositions pénales très sommaires. En s’appuyant sur la charte de commune, on peut simplifier le problème et dire que les jurés connaissent des forfaits et les échevins de cas réservés et des méfaits. La plupart des dispositions mentionnant les échevins réservent la connaissance des crimes graves au roi, en tant que seigneur de la ville, mais le jugement appartient aux échevins598. La justice des échevins connaît pour le roi des crimes de sang, c’est-à-dire tous les crimes pouvant entraîner pour le coupable une forte amende, une peine afflictive ou la peine de mort : le droit de prise, de condamnation et de confiscation des biens des meurtriers, le jugement des larcins, des meurtres, des rapts, des homicides, des incendies et autres semblables, ainsi que les cas de vol sans flagrant délit et avec violence599. On reconnaît ici les grands cas, ceux réservés à la haute justice600. À la fin du xiie siècle, la commune n’a pas vu d’inconvénient à abandonner au roi le jugement de ces crimes qui sont punis de mort ou d’une peine corporelle. Il n’y avait aucune amende à percevoir, que des ennuis à récolter face aux justiciables ou à leurs familles. La juridiction criminelle du maire et des jurés s’est vraisemblablement développée 591 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier B (Lemaire, n° 827), 29 novembre 1407 ; liasse n° 16 (Lemaire, n° 822), s.d. 592 Sur le secret des débats tenus en Cambre, voir Saint-Quentin, AM, liasse 18, dossier A, n° 1 (Lemaire, n° 88), op.cit. Le

secret de la justice n’est de rigueur qu’au criminel, voir J.-M. Carbasse, « Secret et justice, les fondements historiques du secret de l’instruction », Clés pour le siècle, Paris, 2001, p. 1243–1269. 593 Saint-Quentin, AM, liasse 116, n° 15 (Lemaire, n° 577),vers 1340 ; liasse 116, n° 32 (Lemaire, n° 701), 16 juin 1366. 594 Le processus de rendu des sentences est bien expliqué dans l’arrêt principal relatif à l’affaire de l’évêque de Noyon et Berthe du jardin. Paris, AN, X1a 22, fol. 410, 28 août 1372. 595 Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° 133 (Lemaire, n° 657), 7 juin 1353. 596 Mais les échevins et le maire et les jurés semblent agir ensemble avant cette date, puisqu’eux aussi avaient à prononcer le serment au chapitre à leur établissement depuis 1213. Si ce n’est pas le cas, alors on peut tenir pour preuve le fait que, en décembre 1313, on voit les échevins s’engager avec le maire et les jurés à rembourser une dette contractée par la commune (Lemaire, n° 239). 597 Argument invoqué devant le Parlement pour justifier la connaissance des cas de retraits par la commune. Voir SaintQuentin, AM, liasse 7, n° 16. 598 Charte de Philippe Auguste, § 27. 599 Charte de Philippe Auguste, § 17, § 32 et § 34. 600 A. Koch, « L’origine de la haute et de la moyenne justice », op.cit.

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autrement, par nécessité. Comme ils le disent eux-mêmes, c’est par prescription et par prévention, ou pour protéger la commune que le maire et les jurés en sont venus à se mêler de justice criminelle. Invoquant la procédure du claim et une définition restreinte des cas dont la connaissance appartient aux échevins, ils se disent dès lors compétents pour juger tout le reste, pour tous les crimes non susceptibles d’entraîner la peine capitale601. Si le maire a la responsabilité de faire exécuter les sentences prononcées par les jurés, les jugements des échevins sont, quant à eux, exécutés par le châtelain royal. Après la réunion des deux corps, le châtelain exécute toutes les sentences criminelles dans la ville. À partir de la fin du xive siècle, changement de procédure oblige, le réquisitoire du procureur de la commune joue un rôle important dans la prise d’une décision, menant la poursuite de bout en bout, suggérant en conclusion la peine applicable602. Lors de l’audience, tenue dans la Maison de la Paix le vendredi 29 novembre 1398, le procureur de la commune ayant cité Andrieu Rainouart, marchand de guèdes, demeurant à Saint-Quentin, pour respondre sur pluseurs fraudes, delix et malefices commis et perpetres par ledit Andrieu en sa dite marchandise de waides, conclut que le prévenu devait être puni d’un châtiment corporel ou tout au moins de prison, que le commerce des guèdes lui fût désormais interdit, enfin qu’il fût condamné envers la commune à une amende qui serait fixée par les juges. Après avoir opposé ses moyens de défense à ce réquisitoire, Andrieu Rainouart sollicita sa mise en liberté et demanda à plaider sa cause par procureur. Le procureur de la ville s’y étant opposé, le maire, les échevins et les jurés appointèrent les deux parties en écriture huit jours plus tard, par maniere de memoire, pour qu’ils puissent ensuite statuer sur le fond du procès603. En outre, le jugement criminel fait intervenir la responsabilité du juge604. Bien que rare, l’affaire Berthe du Jardin et de l’évêque de Noyon reste un cas représentatif de cette responsabilité du maire, des échevins et des jurés en tant que juges criminels. Ce cas témoigne de deux exigences de la justice : le souci de la bonne et raisonable justice et celui du respect de la procédure605. Il remet également en doute la compétence du maire, des échevins et des jurés sur les personnes. Ne pouvant attaquer le pouvoir de mise à mort des échevins, les opposants s’étaient rabattus sur leur incompétence à juger et à condamner les clercs, ce qui constituait selon eux un abus. I.

Punir le crime

En matière de punition des crimes, la ville ne fit pas valoir de doctrine très compliquée. La peine devait simplement être utile et profitable. La peine était un mal nécessaire et elle ne faisait qu’ajouter un mal supplémentaire à l’infraction commise si elle ne servait à rien. Le principe de prévention actuelle s’appliquait également pour la peine. Comme le dit si bien le Grand coutumier de France, s’il vauldroit mieux prendre deux innocens que laisser aller ung coupable […] vauldroit mieulx espargner deux coulpables que de punir ung 601 Paris, X1a 15, fol. 86v, op.cit. 602 G. Leyte, « L’origine médiévale du ministère public », op.cit. 603 Saint-Quentin, AM, liasse 23 (Lemaire, n° 797) aujourd’hui perdu. Andrieu Rainouart fit appel de ce jugement. Deux

autres exemples dans Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 57 (Lemaire, 787), 7 mai 1397 ; dossier B (Lemaire, n° 834), 15 mai 1410. 604 Y. Bongert, « Question et responsabilité du juge au xive siècle d’après la jurisprudence du Parlement », op.cit. ; C. Gauvard, « Les juges devant le Parlement de Paris aux xive et xve siècle », dans Juger les juges, Paris, 2000, p. 25–51. 605 Saint-Quentin, AM, liasse 7, n° 16, op.cit.

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Troisième partie | La pratique judiciaire municipale

i­ nnocent606. La peine n’a pas de valeur en soi. Elle est un moyen pour atteindre un but  : réparer le crime. Dans la conception communale, toute atteinte portée à l’encontre d’un habitant est perçue comme une atteinte envers l’ensemble de la communitas. Par conséquent, la peine devait servir à rétablir l’état primitif de la paix communale un moment interrompue. Mises à part la confiscation des biens, qui touche évidemment l’ensemble de la famille du criminel, et les violences collectives pour lesquelles c’est l’ensemble de la communitas qui est tenu responsable, la peine est personnelle607. En principe, seuls les coupables directs des faits sont punis. Dans la pratique, on reprocha au maire, aux échevins et aux jurés de punir également les amis et la famille de l’auteur des faits en les faisant comparaître de concert et en les mettant en prison de manière préventive608. La charte de commune prévoyait cinq peines que le maire et les jurés pouvaient appliquer selon le cas : le pilori (une seule mention), la confiscation des biens (4 mentions dans 2 articles), l’amende (7 mentions dans 4 articles), l’abattis de maison (9 mentions dans 6 articles) et le bannissement (12 mentions dans 11 articles). Elle suggère également, sans toutefois l’énoncer clairement, la peine de mort à deux reprises, mais celle-ci devait être appliquée exclusivement à la discrétion de la justice scabinale. De ces peines, l’abattis de maison n’a pas laissé de trace d’application concrète. En revanche, d’autres peines qu’elle ne prévoyait pas, comme la peine d’amputation que seul mentionne l’Establissement, sont utilisées jusqu’au xive siècle609. Le tableau suivant résume la peine appliquée en fonction du crime commis : Ont donc été recensées les applications des peines de bannissement, d’amende, de mort, de confiscation, de mutilation et de prison. D’autres, comme l’abattis de maison et plusieurs peines infamantes, mentionnées par les sources normatives, n’ont pas laissé de traces dans les sources conservées. 1.

Amende, confiscation et abattis de maison

Dans le cas d’une procédure criminelle, la ville pouvait condamner à l’amende. L’amende, généralement dénommée peine, est une sanction qui consiste en une condamnation, prononcée contre l’auteur d’un délit, au paiement d’une certaine somme d’argent. Son domaine d’application est normalement limité aux infractions les moins dangereuses, les forfaits. Elle ne saurait suffire à réprimer des agissements graves tels que les infractions contre l’intégrité physique ou morale des personnes. Il existe également des amendes civiles, qui seraient mieux nommées amendes procédurales, prononcées pour défaut ou pour fol appel610. L’amende est sans conteste la peine la plus utilisée, mais pour des délits peu graves ; tellement peu graves, que les comptes d’amende pour forfaits n’ont même pas conservé le détail de son application611. Le tarif des amendes varie entre 2 s. 6 d. pour les plus faibles, à 60 s. pour les plus élevées612. Fixés par la coutume, ces montants n’ont pas beaucoup varié tout au long du Moyen Âge. Pour les forfaits, ce sont des multiples du taux 606 607 608 609 610 611 612

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Grand coutumier de France, éd. op.cit. p. 651. Sur la doctrine, voir J.-M. Carbasse, Histoire du droit pénal et de la justice criminelle, op.cit., § 145. Saint-Quentin, AM, liasse 127, n° 8 (Lemaire, n° 754), 29 avril 1383. Paris, AN, X1a 15, fol. 86v, 22 décembre 1352. Rappelons que, comme pour les amendes pour forfaits, la ville tenait des comptes d’amende pour défaut. Saint-Quentin, AM, liasse 119 et 122. Saint-Quentin, AM, liasse 119, n° 1–16.

La justice criminelle | chapitre viii

Tableau 20 Type de peine associé au type de crime Type de crime

Bannissement

Adultère

1

Destruction

1

Sorcellerie

1

Viol

1

Effraction

1

Faux

5

Rixe

11

Vol

18

Rupture de ban

2

Homicide

47

Amende

Mort

Prison

1

1 2 4

1 2

Nondénonciation Total

Mutilation

5

Suicide

Autre

Confiscation

1 1 89

7

5

2

2

1

le plus anciennement noté par Pierre de Fontaines : 2 s. 6 d., 5 s., 10 s., 30 s., 40 s. et 60 s.613. Dans les cas de fraude, les échevins imposaient des amendes autrement plus importantes. Ainsi, les 21, 23, et 27 avril de l’année 1395, les échevins avaient imposé une amende de 20 £ chacun à trois commerçants coupables d’usage de poids frauduleux614. Ce crime de fraude, taxé d’une lourde amende, était un cas de moyenne justice615. Quand un forfait était commis à Saint-Quentin, le coupable était frappé de deux amendes, l’une au profit du roi, l’autre au profit de la commune. Un bourgeois de cette ville, neveu de Baudouin de Honnecourt, ayant injurié un chanoine du chapitre de l’Église en un lieu placé sous la juridiction du maire et des jurés, les gens du Roi levèrent une amende au profit du prince, mais voulurent, malgré l’usage établi, empêcher le maire et les jurés de percevoir la leur616. Ces amendes prononcées par le maire et les jurés devaient être utiles : elles étaient affectées à l’entretien et à l’extension des fortifications de la ville617.

613 614 615 616 617

Pierre de Fontaines, Le Conseil de Pierre de Fontaines, éd. op.cit., chap. 10, § 1 Saint-Quentin, AM, liasse 37, dossier C, n° 2 (Lemaire, n° 781), 21, 23 et 27 mars 1395. A. Koch, « L’origine de la haute et moyenne justice dans l’Ouest et le Nord de la France », op.cit., p. 420–458. Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° 62 (Lemaire, n° 308). Paris, AN, X1a 15, fol. 86v–88, op.cit.

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Troisième partie | La pratique judiciaire municipale

L’abattis de la maison du condamné et la confiscation de ses biens meubles en faveur du roi étaient deux peines accessoires du bannissement et de la peine de mort618. La peine est généralement répandue dans les villes du Nord et en Hainaut619. Comme la confiscation, l’arsin judiciaire est une survivance de la vengeance de la commune, la seule vengeance licite dans la ville620. Le criminel, après avoir été châtié sur sa personne, devait l’être dans ses biens. À l’origine, la maison était détruite puis brûlée afin que soit annihilé jusqu’au souvenir du criminel621. Plus tard, cette peine dut tomber en désuétude, car on ne la trouve nulle part appliquée complètement : au pire la maison était confisquée, mais pas détruite. Quant aux meubles, qui continuent à être confisqués, ils revenaient au roi qui en disposait à sa guise, en les mettant aux enchères. Le Parlement mit fin à cette pratique 1352. À partir de cette date tant les meubles que les immeubles revenaient au roi622. Plusieurs maisons confisquées furent redistribuées par le roi sous forme de dons à de fidèles serviteurs623. 2.

Bannissement et peine de mort

On ne doit pas distinguer la peine capitale de la peine de bannissement. Si, sans conteste, la première cause la mort physique du criminel, la seconde cause sa mort civile, ce qui dans un contexte urbain est à peine préférable624. On ne trouve aucune allusion à la peine capitale dans l’Establissement. La peine de mort n’était vraisemblablement prévue par la charte de Philippe Auguste que pour les cas dont la connaissance était réservée aux échevins, uniquement pour les homicides commis à l’intérieur ou à l’extérieur de la ville et de sa banlieue625. Les termes de son énoncé sont plutôt obscurs et ambigus. La charte ne parle que de faire justice sicom pour homme mort, faciet justiciam sicut pro homine mortuo626. Mais la charte laissait place à interprétation et à l’arbitraire des juges. La peine de mort ne devait pas être appliquée systématiquement pour l’homicide, également punissable de bannissement com pour houme mort627. La banaliser, la sur utiliser aurait provoqué plus de mal que de bien en déclenchant des représailles de la part de la famille et des amis du criminel mis à mort. Pour ces raisons, la peine de mort n’est pas d’un emploi fréquent. Elle ne semble appliquée que dans le cas où la justice municipale était quasi certaine de ne pas subir de représailles de la part de la famille ou des amis de la personne mise à mort. Il ne subsiste aucune trace de bourgeois, ou même d’un habitant de la ville mis à mort par la justice scabinale. Dans leur cas, on préfère la mort civile, le bannissement, qui prend alors la forme 618 Charte de Philippe Auguste, § 8 et 9. Voir A. Delcourt, La vengeance de la commune, op.cit. ; J. Gessler, « Notes sur

le droit d’arsin ou d’abattis », dans Mélanges Paul Fournier, Paris, Sirey, 1929, p. 293–312.

619 Voir J. Gesler, « Notes sur le droit d’arsin ou d’abattis », op.cit., p. 294 ; S. Poignant, La condition juridique du

bourgeois de Lille en droit criminel au xive siècle, Lille, 1929, p. 260–261 ; A. Delcourt, La vengeance de la commune. L’arsin et l’abattis de maison en Flandres et en Hainaut, Lille, 1930. 620 Il s’agit d’une transformation d’une très ancienne forme de vengeance familiale connu des Germains et des Saxons. Voir J. Gesler, « Notes sur le droit d’arsin ou d’abattis », op.cit., p. 294 ; S. Poignant, La condition juridique du bourgeois de Lille, op.cit., 1929, p. 260–261. 621 J. Gessler, « Notes sur le droit d’arsin ou d’abattis », op.cit. 622 Paris, AN, X1a 15, fol. 86v, op.cit. 623 Par exemple Paris, AN, JJ 40, fol. 10v, n° 23 ; JJ 56, fol 1, n° 2, fol 11, n° 36, fol. 108, n° 237 ; JJ 64, fol. 146v, n° 297 ; JJ 71, fol. 108v, n° 142 ; JJ 80, fol. 171, n° 224. 624 J.-M. Carbasse, Histoire du droit pénal et de la justice criminelle, op.cit. ; S. Hamel, « Bannis et bannissement », op.cit. 625 C’est ce que laisse entendre à mots couverts la Charte de Philippe Auguste, § 13 et 14. 626 Ibid. 627 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A (Lemaire, n° 95), avril 1270 n.st..

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La justice criminelle | chapitre viii

d’un privilège bourgeois. C’est pourquoi la justice municipale utilisait la peine capitale avec parcimonie. Attestée douze fois dans la ville, elle ne fut administrée que trois fois par la justice municipale628. Il est significatif de constater que les quatre seuls exemples de son application pour homicide concerne un étranger, Hanequin Van Sonherd, un bâtard, Philippe Ramiette629, un valet, Robikiau de Gricourt, et une femme coupable d’infanticide630. On ne sait si les meurtriers de Jean de Chevresis, c’est-à-dire Jean Putepaine, Jean de Haveraincourt, valet de Jean de Chevresis, furent mis à mort. On sait seulement qu’ils furent punis suivant la loi de la Ville. Le troisième complice, Jean de Haveraincourt, filleul de Jean de Haveraincourt, fut banni pour contumace631. Malgré ces précautions, un cas exceptionnel démontre les risques que fait encourir l’application de la peine de mort par la justice de la ville. En 1367, Hanequin (Jean) Van Sonherd, clerc originaire de Bruges, s’était rendu à Saint-Quentin pour la Foire de la SaintDenis (10 octobre)632. Dans un endroit reconnu pour être un lupanar et appelé les mines, il est dit qu’il tua en légitime défense Jean le Roi, homme arrogant, mal famé et malhonnête, qui l’avait injurié et menacé d’un couteau. Pris par les sergents de la ville, il fut conduit en la prison du beffroi. Quand il fut pris, il semblait mener une vie dissolue, celle d’un goliard (goliardus), fréquentant lupanars et tavernes, portant des vêtements laïques, sans tonsure. Ayant obtenu sa confession et recueilli plusieurs témoignages concordants de personnes évidemment dignes de foi, le maire, les échevins et les jurés, qui sont des hommes bons et prudents, se rassemblèrent dans la chambre où ils avaient l’habitude de se réunir. Ils délibérèrent et reconnurent Hanequin coupable de meurtre. Condamné à mort, il fut exécuté comme un laïc, par pendaison, par le lieutenant du châtelain royal de Saint-Quentin. La famille se retourna contre cette exécution et l’affaire fut portée devant le Parlement. Se portèrent comme partie civile contre le maire, les échevins, les jurés et le châtelain comme défendeurs, le procureur général du roi, l’évêque de Noyon, pair de France, Berthe (Elizabeth) du Jardin, Jean Caplacee et Lambert Bride, amis charnels et affins de Hanequin, comme demandeurs. À cause de sa juridiction spirituelle, l’évêque de Noyon prétendait qu’il aurait dû avoir connaissance de l’affaire, les justices laïques ne pouvant punir les clercs. En tant que personnes privées, les défendeurs et leurs complices n’avaient pas la juridiction, la connaissance, la correction et la punition sur la personne d’Hanequin. Ils avaient par conséquent gravement injurié, préjudicié et offensé l’évêque et sa justice spirituelle. Hanequin Van Sonhert, neveu de Berthe, beau-frère de Jean et parent au troisième degré de Lambert, était notoirement connu pour être clerc tonsuré par l’évêque de Tournai à Bruges. De plus, la famille avait dû dépendre Hanequin de ses propres mains et, pour rétablir sa mémoire, elle avait fait brûler 30 ou 40 torches, organiser une procession solennelle, fonder deux chapelles, chacune dotée 60 £ de revenu. Elle réclamait 10 000 £ parisis d’amende profitable et 4 000 £ parisis de dommages et intérêts pour les amis du défunt. Le Parlement se refusa à trancher. L’affaire, qui connut de nombreux incidents de 628 Le plus grand exécuteur de la ville reste la justice royale, prévôt de Saint-Quentin en tête avec 5 exécutions, suivi du

bailli de Vermandois avec 4.

629 Paris, AN, X1a 4789, fol. 220. 630 Paris, AN, X1a 2, fol. 98v (Olim, t. 2, p. 352, n° 1 ; Boutaric, n° 2822) 1er novembre 1293. L’arrêt ne fait que men-

tionner que le châtelain avait tardé de facere justiciam cujusdam mulieris que puerum suum murtriverat. 631 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 39 et 39bis (Lemaire, nos 549 et 550) 12 novembre et 8 janvier 1339 n.st. ; Paris, AN, JJ 71, n° 142, janvier 1339 n.st. 632 Paris, AN, X1a 22, fol. 410, 28 août 1372, op.cit.

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procédure, se conclut par un accord trente ans plus tard, après la mort de Berthe. En 1398, Allard du Bourc, neveu et unique héritier de Berthe du Jardin, se désista du procès toujours pendant, le mettant au néant, sans dépens à payer pour l’une ou l’autre des parties633. L’exécution de la sentence de mort des échevins était appliquée par le châtelain royal, qui se serait peut être bien passé de cette prérogative634 ! D’un point de vue matériel, haute justicière, la ville dispose de fourches patibulaires à trois piliers qui étaient situés, comme il se doit, hors de la ville, au croisement des chemins menant de Saint-Quentin à Lehaucourt et Valenciennes635. Comme en témoigne l’affaire de Hanequin Van Sonherd, la mort était donnée par pendaison et on laissait le corps sur place jusqu’à ce qu’il keu des fourkes, c’est-àdire jusqu’à ce que, en état de décomposition avancée, il se décroche de lui-même636. Si la peine capitale est la peine la plus extrême, mise à part l’amende, la peine de bannissement est sans conteste la plus utilisée. Parmi l’arsenal pénal dont pouvait disposer la justice du maire, des jurés et des échevins de Saint-Quentin, le bannissement est celui pour lequel on dispose du plus de renseignements637. Attesté et amplement utilisé dès le milieu du xiie siècle à Saint-Quentin638, il présentait l’avantage non négligeable pour la justice municipale de pouvoir se débarrasser des individus au comportement menaçant pour la communauté sans pour autant avoir à les éliminer physiquement. Dans un article sur le sujet, Robert Jacob a souligné la rupture de lien créée par la loi, lorsqu’un individu est banni de son groupe social639. L’individu banni perdait ses privilèges, c’est-à-dire qu’il était non seulement expulsé de la ville et de sa banlieue, mais qu’il perdait également son lieu de résidence, ses biens, ses appuis sociaux économiques et la protection juridique que lui procurait la commune. Le bannissement équivaut à une mort civile et entraînait une incapacité juridique totale sur le territoire de la ville de celui qui y était condamné640. La charte de commune permettait au maire et aux jurés de bannir quiconque (quicumque) pour tous forfaits perpétrés à l’intérieur de leur ressort. Le coupable avait le choix de réparer son forfait par une amende. Le bannissement n’intervenait que dans le cas où l’individu reconnu coupable d’un forfait n’avait ni maison à abattre, ni bien à confisquer et dans le cas où un prévenu, sommé de comparaître, ne comparaissait pas641. À cause du manque de moyens pour faire prendre les prévenus, cette dernière disposition, le bannissement pour contumace, visait manifestement à les dissuader de s’enfuir et était également une manière simple de résoudre le crime642. Il était dans ce cas perpétuel. Bien que la charte n’en fasse aucune mention, l’arrêt de juillet 1362 pose une distinction pour les cas d’homicides non prémédités, survenus à la suite d’une rixe ou d’une 633 Paris, AN, X1c 76b, n° 131, 25 mai 1398 ; Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 59 (Lemaire, n° 793), 21 août 1398. 634 Paris, AN, P 135, n° 285, 7 janvier 1398 n.st. op.cit. 635 Paris, AN, X1a 22, fol 409, 28 août 1472. Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier B (Lemaire, n° 944), vers 1450. Quentin de la Fons, Histoire particulière de la ville de Saint-Quentin, op. cit., t. 2, p. 263 ; Les fourches à 3 piliers sont signe de haute justice. Les moyens justiciers n’en ont que 2. Voir le Grand Coutumier de France, éd. op.cit., p. 638 et 643. 636 Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 15 (Lemaire, n° 481), compte du 24 juin 1328 au 25 décembre 1329. Voir C. Gauvard, « Pendre et dépendre à la fin du Moyen Âge : les exigences d’un rituel judiciaire », dans Rites et rituels dans les sociétés médiévales (xiiie–xvie siècle), Histoire de la justice, Table ronde, Erice, 1990, 4 (1991), p. 5–25. 637 S. Hamel, « Bannis et bannissement à Saint-Quentin », op.cit. ; R. Jacob, « Bannissement et rite de la langue tirée au Moyen Âge. Du lien des lois et de sa rupture », Annales, HSS, 55, n° 5 (sept.–oct. 2000), p. 1039–1079. 638 Establissement, § 40. 639 R. Jacob, « Bannissement et rite de la langue tirée au Moyen Âge. Du lien des lois et de sa rupture », op.cit. 640 J.-P. Lévy, A. Castaldo, Histoire du droit civil, op.cit., p. 249. 641 Charte de Philippe Auguste, § 10. 642 C. Gauvard, ‘De grace especial’, op.cit., p. 466.

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guerre privée, ayant entraîné ou non des blessures ou mort d’homme643. La peine prévue était le bannissement et non pas la mort644. Le chirurgien juré de la ville devait toutefois avoir déclaré que la victime était en danger de mort avant l’arrestation du ou des coupables. Ces derniers ne devaient être bannis que de façon temporaire, et seulement si la partie lésée avait fait la preuve qu’elle avait reçu des menaces ou qu’elle avait été victime de violence. Il s’agissait de laisser le temps au maire et aux jurés de rétablir la paix entre les deux parentés. Le maire et les jurés contraignaient, bon gré mal gré, les belligérants, toute leur famille et amis à se réconcilier pour éviter le déclenchement de la vengeance. Une des dernières dispositions de la charte permettait au maire et aux jurés de bannir temporairement un individu pour dette mobilière645. L’arrêt de décembre 1362 note que c’était même le seul moyen coercitif auquel le maire et les jurés avaient recours pour obliger un débiteur à payer son créancier. Ces derniers avaient également la permission de bannir les voleurs pris en flagrant délit646. Finalement, était également banni tout individu qui tuait un bourgeois en voyage pour ses affaires, peu importe l’endroit où le crime avait été commis647. Ce qui suppose une extension du ressort municipal dans le but de protéger les bourgeois et d’empêcher le séjour en ville des criminels. Le bannissement apparaît donc comme une peine extrême, du même ordre que la peine de mort. Si cette dernière est une mise à mort physique, que le maire et les jurés n’avaient, en principe, pas le droit d’appliquer, le bannissement est, quant à lui une mise à mort sociale. L’individu était exclu de la communauté à laquelle il appartenait et n’avait d’autre choix que d’aller tant bien que mal s’établir ailleurs648. Jean-Marie Carbasse a émis l’idée que le bannissement ne faisait que déplacer le problème649. Quelques moyens existaient en vue de se prémunir des individus bannis par d’autres juridictions, et de prémunir les autres juridictions des individus bannis par la leur. À la fin du xiiie siècle, le maire et les jurés échangeaient des listes de bannis avec d’autres villes650. Un autre moyen, avéré pour la fin du xive siècle, consiste à marquer au fer rouge le banni d’une fleur de lys, en signe de flétrissure651. Il portait donc le signe corporel de son exclusion. Le condamné, banni de Saint-Quentin avait du mal à se rétablir ailleurs et, dans les faits, l’étendue géographique du bannissement était bien plus grande que la simple juridiction de la ville. Il semble également avoir existé une sorte de mise à l’écart partielle de la ville, attestée pour le cas de pratique morale répréhensible. Ainsi, le procureur de la ville plaidant contre Isabelle, femme de Pierre Bontemps, réclama qu’on la bannisse de la ville, sinon, qu’on 643 Saint-Quentin, AM, liasse 7, dossier A, n° 16 (Lemaire, n° 689). 644 Ibid. Cette distinction est attestée dès le milieu du xiiie siècle à Noyon. Voir A. Lefranc, Histoire de la ville de Noyon

jusqu’à la fin du xiiie siècle, op.cit., p. 73. 645 Charte de Philippe Auguste, § 37. 646 Charte de Philippe Auguste, § 50. 647 Charte de Philippe Auguste, article 52. 648 C. Gauvard, ‘De grace especial’, op.cit., p. 467, note le que les bannis ont une plus grande proportion que les autres criminels à avoir mal de leur attachement au pays natal et des ‘amis’ qu’ils ont laissés. 649 J.-M. Carbasse, Histoire du droit pénal et de la justice criminelle, op.cit., p. 265. 650 Il subsiste deux exemples de ce genre de lettres. Le premier est relatif à la ville de Valenciennes : Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 4bis (E. Janin, «  Documents relatifs à la peine de Bannissement (xiiie–xivesiècle)  », op.cit., p. 422–423, Lemaire, n° 128 ; Gomart, t. 2, p. 12–13), vers 1290 ; le second concerne la ville Laon : Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 5 , édité par Eugène Janin, Iibid., p. 425–426 ; Lemaire, n° 174 ; Gomart, t. 2, p. 13.), vers 1300. La ville constitue elle-même des listes de bannis. Voir Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 2, juin 1261, 9 avril 1270 et 1281. 651 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 56 (E. Janin, « Documents relatifs à la peine de Bannissement (xiiie–xivesiècle) », op.cit., p. 423–424 ; Lemaire, n° 768).

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tableau 21 nombre d’individus bannis de Saint-Quentin (xiie–xive siècle) Période

Nombre de bannis

1180–1214

19

1268–1281

46

1300–1403

22

Total

87

la mette hors de le congregation et compaignie des autres femmes de bonne renommee pour qu’elle aille demourer et habiter avec les femmes communes. Il termina sa requête en exigeant tout au moins qu’elle ne se trouve plus sur la place du Marché ni dans les autres rues notables de la ville652. Un individu pouvait être plus ou moins exclu de la vie du groupe pour certaines activités, mais pouvait continuer à vivre en son sein, sans pour autant être en rupture totale. Des 133 individus ayant commis un crime à Saint-Quentin qui furent justiciés par la ville, 87 ont été punis de bannissement, soit près de la moitié. Il faut cependant nuancer ces chiffres à cause de la distorsion due aux sources. Il subsiste aussi des listes quasi complètes de bannis pour un forfait concernant la période 1268–1281653. Malgré la disparité induite par les listes de bannis du xiiie siècle, le bannissement reste quand même la peine la plus appliquée quand on ne dispose que de sources ponctuelles, comme c’est le cas au xive siècle. Cependant, les fragments de comptes de la ville mentionnent par année deux ou trois bannis par la justice municipale de Saint-Quentin654, ce qui concorde à peu près avec la moyenne obtenue pour la période 1268–1281 qui est de 3,5. Le profil des individus bannis est très difficile à établir, les renseignements sur le statut social du criminel faisant le plus souvent défaut. Quand il y en a, on se rend compte qu’il s’agit, sauf exception, de criminels plutôt ordinaires, parfois des clercs655 ou des chevaliers656 et souvent des serviteurs657. Si les renseignements recueillis sur chaque banni ne permettent pas d’effectuer une réelle typologie, en revanche, on peut tenter de les classer par type de crimes. Ainsi, ce sont les crimes violents et le vol, qui sont de loin les raisons pour lesquelles on bannit le plus. Les cas de rixe sont les plus nombreux, parce qu’ils entraînent à chaque fois le bannissement de plus d’un individu. Selon la coutume, on éloignait celle des deux parties qui avait provoqué la rixe. Le plus souvent, le bannissement pour rixe était décidé après la mort accidentelle d’un des belligérants. L’offense contre un individu portant atteinte à son groupe, le coupable était mis à l’écart de la vie de la commune afin d’éviter que le groupe lésé ne cherche à se venger. S’il semble vraisemblable de penser que l’homicide était peut être puni de mort quand il était commis par un étranger, on observe 652 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 57 (Lemaire, n° 787). 653 Aux xiiie siècle, la ville a également mis hors de le quemugne plusieurs individus pour le non-paiement des tailles com-

munales. Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 2 (Lemaire, n° 70). Par exemple, Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 5–7 et 12. Paris, AN JJ, 95, n° 200 ; Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier B (Lemaire, n° 737), 17 janvier 1378 n.st.. Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 2 (Lemaire, 19ter). Ibid.  ; Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A (Lemaire, n° 95)  ; Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 2 (Lemaire, n° 112 ; Gomart, t. 2, p. 6–11).

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cependant que le bannissement était la peine appliquée pour les bourgeois coupables d’avoir causé la mort d’un homme. Le bannissement était également la peine infligée au complice d’homicide. En 1281, Robikiau de Gricourt et Wauteron le Bouroueteur, qui avaient tendu un guet-apens de nuit après une partie de dés, à Roitel de Guise ayant entraîné la mort de ce dernier, furent pris par la justice communale. Robikiau fut exécuté et Wauteron banni pour toujours658. Le bannissement pour vol n’était qu’une application du point de la charte qui permettait au maire et aux jurés de bannir en cas de flagrant délit de larcin. Enfin, le bannissement pour dette fut interdit par le Parlement en 1352659. Maire et jurés ne pouvaient dès lors plus bannir le débiteur du prix d’une marchandise qui, après avoir reconnu sa dette devant le maire ou son lieutenant, n’avait pas donné satisfaction à son créancier dans le délai qui lui avait été fixé par un sergent de la ville. À partir de l’arrêt interprétatif de 1362, il n’était permis au maire et aux jurés de bannir qu’une fois réunis aux échevins et seulement contre le coupable d’homicide. Enfin, le roi se réserva le pouvoir d’annuler la condamnation et de rappeler les bannis dans la ville660. La mise en application d’une sentence de bannissement prononcée par la justice communale revenait au maire. Mais, depuis la réunion de l’échevinage à la commune, l’exécution de cette peine était également le fait du châtelain royal. Le déroulement des exécutions nous est connu. Le 15 avril 1391, on avait procédé selon les formes accoutumées afin de bannir de la ville et de sa banlieue Pierre Bénart, reconnu coupable de vol et d’usage de faux par les échevins de la Vicomté-le-Roi avec le conseil du maire et des jurés. La scène débuta par une proclamation publique de la sentence  : le maire et les jurés avaient fait mander à tous leurs officiers et à leurs justiciables, que se d’ore en avant il le treuvent [Pierre Bénart] en la ditte ville et banlieue, que il l’amainent a justice, et on en fera la justice et prendra pugnicion selon le cas. Avant l’exécution de cette sentence, le samedi, le banni avait été mis six heures durant en l’eschiel, lors du Marché de la ville qui se tenait sur la Grande Place chaque samedi661, en signe de repentance662. Le samedi suivant, il avait été mis au pilori et marqué au fer rouge d’une fleur de lys. Puis, au son de la cloche, il avait été accompagné par une escorte de gens en arme hors des limites de la juridiction municipale. Une borne avait été plantée afin de signifier au banni les limites de l’endroit où il ne devait plus se trouver663. Le coupable avait dû faire montre de sa repentance, par une peine d’échelle. Il fut également rendu honteux de ses agissements. Sa condition était devenue notoire, dans le lieu le plus fréquenté de la ville, lors du jour de marché hebdomadaire, au moment où s’y trouvait le plus de monde. Le rituel avait également une fonction exemplaire : les peines d’échelle et de pilori sont manifestement afflictives : elles sont prononcées pour plonger le condamné dans la douleur et la tristesse. En exposant le criminel, les juges cherchaient à valider leur décision par le consentement de la foule. Le son de la cloche, souvent associé à la paix664, 658 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 2 (Lemaire n° 112 ; Gomart, t. 2, p. 6–11), op.cit. 659 Paris, AN, X1a 15, fol. 86v–88, op.cit. 660 Saint-Quentin, AM, liasse 7, n° 16, op.cit. Ce pouvoir appartenait précédemment au maire et aux jurés  : Charte de

Philippe Auguste, § 9. 661 Sur le marché de Saint-Quentin, voir S. Hamel, Un conflit entre les autorités laïques et religieuses… , op.cit, p. 40 et s. 662 L’échelle, à associer à celle de Jacob, est symbole de repentance. Elle est, avec les fourches à trois piliers, un des principaux signes de la haute justice. Voir Le grand coutumier de France, éd. op.cit., p. 638. 663 Paris, AN, LL 1016, fol. 6–11v ; Saint-Quentin, AM, liasse 21, n° 7 (Lemaire, n° 238). Charles Gomart, op.cit., t. 1, p. 1–16, cite un chemin des bannis, situé au Nord de la ville. 664 Sur l’association entre cri et paix, voir N. Offenstadt, « Cri et cloches. L’expression sonore dans les rituels de paix à la fin du Moyen Âge », op.cit., 1997, p. 51–58.

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avait une valeur informative : on voulait informer que la paix, qui avait été momentanément rompue, était revenue au sein de la communauté. Cette proclamation publique se faisait non seulement dans la ville, mais également à l’extérieur de celle-ci. À cause de la flétrissure, quiconque trouverait le banni et l’examinerait, pourrait conclure qu’il s’agissait d’un criminel, ou tout au moins d’un individu au potentiel de dangerosité avéré. L’expulsion avait pris tout de même une semaine avant d’être effective, comme si la communauté voulait rompre les liens progressivement. Il s’agit également un rite de séparation, confirmé par le fait qu’on faisait marcher le banni jusqu’aux limites de la juridiction de la commune. Ce rituel avait pour principale fonction de structurer la communication entre juges et justiciables. Il cherchait à canaliser les émotions de la foule, en soumettant le jugement à l’approbation populaire, afin d’éviter que la vengeance ou le lynchage ne s’instaurent. Il existait ainsi une sorte de synchronisme entre le jugement et l’application de la peine prononcée. 3.

Les peines infamantes

Les peines infamantes atteignent le condamné dans sa fama et son honneur plutôt que dans son intégrité physique ou sa fortune. Elles sont rarement utilisées seules. La peine de pilori, qui consiste à exposer un condamné sur la Grande-Place, était vraisemblablement appliquée seule, pour les voleurs (larron)665. Il s’agit dans la plupart des cas de peines accessoires : à une peine qualifiable de principale, peuvent venir s’ajouter une, voire plusieurs peines humiliantes. Avec l’échelle, le pilori était, comme on vient de le voir, préliminaire au bannissement. La peine d’immersion est une autre peine qui peut être considérée comme infamante. Elle est courante dans les coutumes médiévales pour les crimes de mœurs, mais elle n’est attestée en ce sens qu’au xiie siècle, dans l’Establissement contre la femme médisante ou l’homme ribaud, qui était battu avant d’être jeté à l’eau, puis ensuite banni666. Il s’agit d’une ordalie dont le but manifeste n’est pas ici de causer la mort, mais simplement de projeter la personne dans la Somme en signe d’infamie. Elle rappelle le rituel du baptême, qui vise à purifier, ou bien elle avait une fonction médicinale : empêcher par suffocation les blasphémateurs de parler et refroidir les ardeurs des débauchés667. On trouve également une trace de la peine d’enfouissement administrée contre les personnes en rupture de ban668. Cette peine, utilisée à Laon, ne le fut pas à Saint-Quentin. Mais on savait qu’elle existait. 4.

Les mutilations

La peine de mutilation semble très utilisé au xiie siècle. L’Establissement la mentionne à quatre reprises (§ 9, 13, 17, 33), alors que la charte de Philippe Auguste la néglige. L’ablation d’un poing est prévue par l’Establissement comme alternative à l’abattis de maison669, comme peine accompagnant la mise hors de la ville pour un refus de prêter un 665 Charte de Philippe Auguste, § 50. Saint-Quentin, AM , liasse 7, dossier A, n° 7, op.cit. La course est une peine méridio-

nale. Voir J.-M. Carbasse, Histoire du droit pénal et de la justice criminelle, op.cit., § 151.

666 Establissement, § 45. 667 C. Leveleux, La parole interdite. Le blasphème dans la France médiévale (xiiie–xvie siècles) : du péché au crime, op.cit.,

p. 295. 668 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 5 (Lemaire, n° 174), vers 1300. 669 Establissement, § 9.

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serment purgatoire670, ou pour le cas de blessures graves671. Pour la rupture de ban, le membre à enlever n’est pas spécifié672. Aux siècles suivants, la mutilation pour rupture de ban est la seule qui persiste. Ainsi, dans le cas où un individu était trouvé dans la ville ou sa banlieue après en avoir été banni, la charte laissait la sanction à la discrétion du maire, qui devait prendre vengeance selon leur volonté673. En réalité, la pratique montre qu’on avait continué à appliquer ce que prévoyait l’ancienne coutume de l’Establissement : on amputait d’un membre, la pratique attestant l’ablation du pied ou du poing674. Ainsi, en 1277, Raoul le Mesureur, condamné une première fois pour viol avec violence, avait été pris de nouveau à l’intérieur de la banlieue en pleine récidive. Il fut mutilé du pied droit, puis banni de nouveau675. Le Parlement réprouva cette pratique de l’amputation pour rupture de ban en 1362, en l’interdisant. Elle s’était tout de même adoucie : l’arrêt note que, au milieu du xive siècle, on n’amputait plus que d’un doigt de pied. Reste l’idée que, qui a mal fait une fois peut récidiver. C’est pourquoi on cherche à se prémunir de lui en le marquant dans sa chair. Plus tard, à la fin du xive siècle, le banni était marqué au fer rouge d’une fleur de lys pour la même raison. 5.

La prison

La prison fut utilisée de deux manières par la ville. Un criminel est pris et, pour éviter qu’il ne s’enfuie ou qu’il ne commette un autre méfait jusqu’à ce que son procès ait lieu, il est conduit dans la prison du beffroi de la ville. On agissait de même envers les débiteurs qui, dans le cadre d’un arrest de katel, était mis en prison jusqu’à ce qu’ils en aient payé leur dette ou que leur créanciers aient reçu des garanties suffisantes. Il s’agit de la prison préventive. Hors tribunaux ecclésiastiques, qui utilisent la prison comme moyen de pénitence, c’est la seule utilité reconnue à la détention pour le Moyen Âge676. Elle fut appliquée de même par la justice municipale sur un mineur. Jean Aniouse, dont on a vu qu’il avait tué accidentellement son frère, fut contraint de rester 40 jours en prison ad panem, aquam et legumen après sa rémission677. L’analogie christique des 40 jours de jeûne isolé démontre sans ambiguïté que la prison fut ici employée comme pénitence et non comme peine. Dans le cas des arrêts de katel, il faut y voir une combinaison des deux. En effet, l’emprisonnement du débiteur insolvable par son créancier visait non seulement à obtenir des garanties, mais également à lui imposer une pénitence678. L’éclairage, le chauffage et le pain distribué aux prisonniers étaient pris en charge par la ville679. Néanmoins, il devait en coûter quelque chose aux prisonniers enfermés dans le beffroi, parce que le châtelain et les échevins percevaient le geôlage de la ville, qui était imposé

Establissement, § 13. Establissement, § 17. Establissement, § 33. Charte de Philippe Auguste, § 15. L’Establissement, § 7,8, 10, 14 et 29, mentionne des peines d’amputation souvent associées au bannissement ou à l’arsin judiciaire. 675 Saint-Quentin, AM, liasse 7, dossier A, n° 16, op.cit. 676 J.-M. Carbasse, « La justice criminelle en Rouergue au Moyen Âge », op.cit., p. 78. 677 Paris, AN, JJ 82, fol. 248, n° 367, op.cit. 678 On peut ici faire un parallèle avec la partes secanto à Rome, où le créancier découpait lui-même son débiteur insolvable en morceaux pour le consacrer aux Dieux des enfers. 679 Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 14 (Lemaire, n° 477), 24 juin 1329 ; liasse 68, n° 15. 670 671 672 673 674

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aux non-bourgeois680. Le maire et les jurés, invoquant une disposition de leur charte681, soutenaient que le bourgeois emprisonné par l’ordre des gens ou des officiers du roi n’était pas tenu de payer ses fers, quod burgensis cepagium solvere minime teneatur682. En 1362, le Parlement condamna cette interprétation qu’il déclara contraire à la lettre et à l’esprit de la charte de commune. Depuis, comme tout habitant de la ville, le bourgeois payait le droit de ceps. Conclusion Cette étude de la justice criminelle se voulait criminologique, c’est-à-dire sociale et judiciaire. Du point de vue de la sociologie des criminels, l’image que projette la majorité de ceux qui ont été répertoriés, est celle d’une criminalité non préméditée. La grande criminalité marque les esprits, mais le criminel professionnel ou multirécidiviste reste rare. D’où l’emploi de stéréotypes à leur endroit683. La criminalité se polarise fortement autour des crimes contre la personne et ceux contre les biens. Pour le premier pôle, l’homicide et la blessure sont souvent commis par accident, dans le cadre de la mêlée ou de la vengeance entre familles. Pour le second, c’est le vol qui domine. Ici, l’occasion a fait très souvent le larron : le serviteur vole quelques pièces à son maître négligeant, ou le jeune délinquant chaparde une bourse pleine qui traîne ostentatoirement à la ceinture de son propriétaire. Ceci explique pourquoi la justice municipale se devait d’user de mesures pour juger et punir ses criminels. Mais pas seulement, car la prévention est l’un des fondements de la commune. Par souci d’efficacité et de modération, la procédure criminelle, au départ accusatoire comme au civil, se complexifia. Si bien que, au xive siècle, la saisine du tribunal municipal pouvait se faire de différentes manières. Que ce soit par accusation, dénonciation, à cause d’un flagrant délit ou encore parce que la rumeur publique les y invitait, le but manifeste était de ne pas laisser de crimes impunis dans la ville. D’où également la recherche de la vérité lors de l’enquête684. À l’issue du processus judiciaire, le jugement paraît mûrement réfléchi. Il n’est jamais rendu sur-le-champ et est toujours décidé par une majorité de juges. Ceci ne signifie pas que la ville punissait peu sévèrement. Le système pénal de la ville était à géométrie variable. Pour un crime similaire, l’application arbitraire de la peine permettait au maire, aux échevins et aux jurés de punir de bannissement l’habitant de la ville qui pouvait compter sur le soutien de sa famille et de ses amis, ou de punir de la peine capitale un étranger ou un bâtard, et de maintenir la paix. Une peine mal choisie aurait pu donner l’occasion à des représailles aussi graves que le crime lui-même : dans le premier cas, c’est la famille du criminel ou de sa victime qui se sent solidaire et qui, dans l’absolu, pouvait s’en prendre l’une à l’autre ou directement aux juges ; dans le second cas, c’est l’ensemble de la communauté qui ne voit pas le danger suffisamment sanctionné pour rétablir l’état de paix communale. Comme le démontre l’application majoritaire des peines d’amendes ou de bannissement, dans la plupart des cas, le but n’était pas de punir de façon irrémédiable. La possibilité de racheter son crime ou de contester un jugement peu favorable était largement ouverte. Paris, AN, P 135, n° 201, 25 mai 1367, et 209, 8 juin 1373 Charte de Philippe Auguste, § 17. Saint-Quentin, AM, liasse 7, n° 16. C. Gauvard, ‘De grace especial’, op.cit., vol 1, p. 197 et s. Iibid., vol 1, p. 145 et s ; Y. Mausen, « ’Oficium Testis’ : au service de la vérité. Aperçus sur le témoin judiciaire médiéval », Hypothèses, 1999, p. 87–94 et ‘Veritatis Adjutor’. La procédure du témoignage dans le droit savant et la pratique française (xiie–xive siècles), op.cit., à paraître.

680 681 682 683 684

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Chapitre ix

Les voies de recours contre la justice de la ville

L’Establissement se montrait radical à propos des voies de recours contre une décision de justice en ordonnant d’abattre la maison de quiconque contredirait un jugement des échevins685. La charte de commune, moins vindicative, reconnaissait, elle aussi, l’autorité de la chose jugée dans la ville686. Mais, elle permettait de faire appel d’une décision de justice par gage de bataille. Graduellement, les voies de recours se sont démultipliées, tant au civil qu’au criminel. Au civil, jusqu’au milieu du xiiie siècle, on pouvait en appeler d’un jugement rendu par la justice municipale en prenant les juges à partie par gage de bataille. Contre l’échevinage, contrairement à la Flandre, l’appel au chef de sens n’existait pas687. À partir du milieu du xiiie siècle, l’appel hiérarchique, que ce soit à la cour du roi ou au Parlement commença à se mettre en place. Mais pour cela, il fallait être certain de son bon droit, au risque de voir son appel qualifié de frivole. Quant aux recours criminels, ils étaient plus restreints. En principe, la charte ne permettait que l’appel par gage de bataille. Mais, à la fin du Moyen Âge, la grâce royale, c’est-à-dire la rémission, servait aussi de voie de recours,. A.

Propositions d’erreurs et gage de bataille

Alors que l’Establissement avait sinon interdit, du moins fortement limité son usage , la charte de commune, qui suivait en cela la procédure coutumière, ne permettait que le recours par gage de bataille, le jugement de Dieu689. C’est la plus ancienne forme d’appel attestée dans la ville690. Il semble assez utilisé pour avoir laissé sa trace dans la topographie de la ville. Les duels se tenaient sur la Place des Campions, située non loin de la Place du Marché, entre la rue des Juifs et celle du Froimentel691. Au xiiie siècle, les deux parties s’adonnaient encore au pugilat pour se départager692. La charte de commune de Philippe Auguste, qui fut rédigée entre 1182 et 1195, avant que soit interdit le recours au jugement de Dieu promulgué par le quatrième concile de Latran de 1215693, permettait à un bourgeois mécontent d’un jugement de prendre à 688

685 Establissement, § 51. 686 Charte de Philippe Auguste, § 2. 687 R. Monier, « Le recours au chef de sens au Moyen Âge dans les villes flamandes », RN, 14 (1928), p. 5–19 ; R. Byl,

Les juridictions scabinales dans le duché de Brabant (des origines à la fin du xve siècle), Paris, Bruxelles, 1965, p. 140–146 ; P. Godding, « Appel et recours à chef de sens », op.cit., p. 281–297. 688 Establissement, § 6. 689 Sur ce recours, voir J.-M. Carbasse, Histoire du droit pénal, op.cit., § 96. 690 Dès l’époque de Grégoire de Tours, on pouvait laisser Dieu décider si le juge avait bien jugé : Grégoire de Tours, Liber in gloria martyrum, op.cit., § 72. 691 Sur la Place de Campion, voir J.-L. Collart, « Saint-Quentin », op.cit., p. 87. 692 Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° 3 (Lemaire, n° 33), février 1240 n.st. 693 R.M. Fraher, « IV Lateran’s Revolution in Criminal Procedure : The Birth of Inquisitio, the End of Ordeals, and Innocent iii’s Vision of Ecclesiastical Politics », Studia in honorem eminentissimi Cardinalis Alphonsi M. Stickler, Rome, 1992, p. 97–111.

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partie le juge pour défaute de droit, ou autrement dit pour faux jugement, ce qui débouchait d’abord sur un duel judiciaire entre le juge et le perdant. Par la suite, quand les gages de bataille furent interdits, l’appel donnait lieu à un nouveau procès entre le justiciable – qui en appelait alors pour faux jugement – et le maire et les jurés. L’appel pour faux jugement n’est pas un véritable appel, puisque ce n’est pas la sentence qui est contestée, mais le juge qui est poursuivi parce qu’il avait mal jugé. C’est cette voie de recours qui a été utilisée par le maire, en 1317, pour en appeler de la décision du Parlement de suspendre la commune. C’est en quelque sorte une application de l’appel du droit de Justinien pour faussement de jugement694. À partir du règne de Louis IX, la prise à partie du juge ne pouvait plus, en principe, se résoudre ainsi. Le fait que la ville fut condamnée à 10 000 £ tournois d’amende en 1240 pour des pugilats, démontre que l’on n’avait pas tout à fait renoncé aux gages de bataille avant le milieu du xiiie siècle695. On a encore la trace de gages de bataille au début du xive siècle : c’est par ce moyen que, en 1326, Robert le Père, appela d’une sentence rendue par les hommes jugeant en la cour du roi à Saint-Quentin dans son procès contre Jean Sohier, bourgeois de Saint-Quentin696. B.

L’appel à une juridiction supérieure

L’appel ou appellation, est une voie de recours ordinaire exercée contre une décision de justice rendue par un tribunal ordinaire, en l’occurrence celui du maire, des échevins et des jurés. Son effet était suspensif, en ce sens qu’il faisait obstacle temporairement à ce que le jugement rendu par la justice municipale puisse être exécuté tant que le juge d’appel n’a pas tranché. L’appellation s’est mise en place sous Louis IX pour suppléer l’appel par gages de bataille697. Les villes adoptèrent alors la pratique de la cour du roi. Pierre de Fontaines raconte comment, à Saint-Quentin, il fut témoin pour la première fois de ce recours autre que la bataille après que des parties eurent préféré en appeler au roi pour faus jugemenz d’une décision des homs le roi de Saint-Quentin698. Peu de temps après, les choses ne devaient pas être différentes pour les décisions rendues par le tribunal de la commune ou des échevins. Graduellement, on dut en venir à abandonner la prise à partie du juge pour en appeler que de sa décision. À partir du règne de Philippe IV, c’est la cour du roi, que tiennent périodiquement le baillis ou le prévôt royal, qui commence à apparaître comme le recours naturel contre le tribunal de la ville. D’une certaine manière, il s’agissait pour le pouvoir royal d’exercer sur la justice municipale un contrôle de ses décisions. Ainsi, à partir du milieu du xive siècle, pour ceux qui ne bénéficiaient pas de lettres de commitimus ou, pour les établissements ecclésiastiques, de lettres de garde, le déroulement ordinaire de l’appel passait en premier lieu par la cour du roi, puis, en ultime recours, devant le Parlement699. En effet, l’ordonnance de 1278 décidait que le Parlement ne retiendrait aucune J.-P. Lévy, A. Castaldo, Histoire du droit civil, op.cit., § 37. Saint-Quentin, AM liasse 1, n° 3 (Lemaire, n° 33), op.cit. Paris, AN, X2a 3, fol 99 (Boutaric, n° 7755), 13 janvier 1326 n.st. Philippe de Beaumanoire, Coutumes de Beauvaisis, éd. op.cit. § 1532, rapporte que, pour les villes de commune, l’appeaus demenés par devant le seigneur a qui li ressort de la commune appartient, et non par gages de bataille. 698 Pierre de Fontaines, Le Conseil de Pierre de Fontaines, éd. op.cit. p. 303–304, § 23. 699 Littéralement nous commettons. On appelle ainsi des lettres de chancellerie par lesquelles les causes, tant en demandeur que défendeur, étaient commises en première instance aux requêtes du Palais ou de l’Hôtel. 694 695 696 697

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cause que le bailli aurait pu connaître700. Sans effet réel, car au xive siècle, on note un grand nombre de causes simplement renvoyées du Parlement au bailli de Vermandois701, parfois même devant le maire, les échevins et les jurés702. Il fallut renouveler cette décision, en 1335, et attendre la seconde moitié du xive siècle pour que la chaîne d’appel rentre dans les pratiques703. L’argument fut pour la première fois clairement énoncé dans le cadre de l’affaire de Berthe du Jardin et de l’Évêque de Noyon qui, comme on l’a vu, en appelait de l’exécution capitale d’Hanequin Van Sonherd. Le maire et les jurés firent valoir contre cet appel que, si a sententia seu judicio dictorum scabinorum vel maiorum, pro ipsis sententia vel judicium preferenter ad baillivium nostrum Viromendensis vel alibi appelletur pertinenter704. La cour du roi à Saint-Quentin se tenait en assise. Le mot assise a dû s’opposer au plaid, en ce sens que l’assise se tient, du moins au xiiie siècle, au chef-lieu de châtellenie, tandis qu’à la même époque le prévôt se transporte avec toute sa cour pour encore tenir des plaids. La justice prévôtale est restée ambulante, tandis que la justice bailliagère jugeait à lieu et à date à peu près fixe. Les assises du bailli à Saint-Quentin se tenaient de manière périodique. Pour la première moitié du xive siècle, Henri Waquet avance l’hypothèse tout à fait plausible d’après la documentation existante que les assises du bailli se tenaient deux fois par année, soit à la fin de l’été, vers août-octobre, et à la fin de l’hiver, vers janviermars705. Au milieu du xive siècle, le prévôt de Saint-Quentin, Jean du Verger, tenait ses plaids dans une simple maison706. Le bailli empruntait quant à lui le plus souvent la Maison de la Paix pour tenir ses assises707. Lors de ses assises, le bailli, le prévôt ou leur lieutenant respectif, ne jugeaient pas à proprement parler. Ils présidaient ces assises ou jugent les hommes du roi, qu’on appelait également hommes jugeant. Il arrivait cependant au bailli de se faire remplacer, une première fois en 1304 où les assises furent tenues par Jacques de Mulli, clerc du bailli de Vermandois et son lieutenant. Les ennuis rencontrés par Pierre de Beaumont font apparaître pour la première fois un président autre que le bailli pour une plus longue période. Lors des assises de février 1325 n.st., Simon Plate-Corne, agissant comme garde de la prévôté, tenait les assises d’hiver à sa place. En août de la même année, pour la même raison, les assises de l’été siègent sous la présidence d’une commission composée de trois hommes du roi : Oudard, sire de Ham, Robert, sire de Gauchy, chevalier, Guillaume du Fay, écuyer708. À partir de la fin du règne de Jean II, le bailli ne présidait les assises qu’exceptionnellement. C’était son lieutenant ou le prévôt de Saint-Quentin qui présidait la cour du roi le plus souvent. Pour juger, le bailli et le prévôt devaient réunir ces hommes du roi, c’est-à-dire ceux qui tenaient un fief du roi dans la prévôté-châtellenie de Saint-Quentin et qui, pour cette raison, lui devaient service de cours au roi709. Il s’agit d’une persistance de la pratique féodale 700 Éd. p. Guilhiermoz, Enquêtes et procès, op.cit. p. 602, § 20. Voir également C.V. Langlois, Le règne de Philippe III

le Hardi, Paris, 1887, p. 429.

701 Par exemple Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 4 (Lemaire, n° 228), mai 1331 ; Paris, AN, X1a 9, fol 132

(Furgeot, n° 3126), 1340. 702 Par exemple, Paris, AN, X1a 2, fol 46v ; Livre rouge, n° 12 (Boutaric, n° 2235 ; Lemaire, n° 233), 1er novembre 1279 ; Paris, AN, X1a 10, fol 225v (Furgeot, n° 6090), 1344. 703 ORF, t. 2, p. 542. 704 Paris, X1a 22, fol 410, 28 août 1472, op.cit. 705 H. Waquet, Le bailliage de Vermandois, op.cit., p. 50, et p. 51, n. 1. 706 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 41 (Lemaire, n° 591), 28 mars 1342 n.st. 707 Paris, AN, X1a 4785, fol 2v–4, 16 novembre 1400. 708 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 21 (Livre rouge, n° 63 ; Lemaire, n° 316). 709 La formule peut en être plus générale et simplement indiquer un service de fief. Voir Paris, AN, P 135, n° 171 à 287.

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du jugement par les pairs – les boni homines carolingiens qui assistaient le comte – récupérées par la justice royale710. Dans les sentences des assises, on trouve la liste des assesseurs qui jugent à côté du bailli ou du prévôt. Ces listes comportent des clercs, des nobles, des chevaliers, des écuyers, des juristes, ou des bourgeois. Autant les seigneurs laïcs qu’ecclésiastiques, comme le doyen du chapitre ou le coutre, le chantre, ou les abbés de Saint-Quentin-enl’Île, de Saint-Prix ou d’Homblières, y était assujettis. Par contre, le bailli disposait d’une certaine liberté. Il lui arrivait de donner un fief pour s’attacher les services d’un personnage particulièrement compétent. C’est pour cette raison que, vraisemblablement, Jean de Rocourt reçut de Guillaume de Staise un fief pour estre homme du roy711. Mais le rôle d’hommes du roi était loin de se limiter au seul jugement en assise. En effet, ces hommes étaient ceux qui étaient délégués par la justice royale pour mener des enquêtes, mettre terme à un conflit par un accord ou en tant qu’arbitre. En 1350, l’enquête menée afin de déterminer à qui appartenait la saisine du droit d’épave (estraherie) dans le détroit d’Isle fut confiée aux hommes du roi712. À la fin du xiiie siècle, ils agissaient par groupe de deux comme témoins pour des quittances du prévôt713. On retrouve donc les hommes du roi dans les pièces de procédure de la cour du roi à Saint-Quentin. Les jugements donnent les listes les plus complètes. Pour les assises tenues à Saint-Quentin, le maximum est de trente-six hommes en février 1334 n.st.714. En général, ils sont rarement plus de dix-huit, la moyenne est largement inférieure, de six à huit hommes du roi siégeant. Mais les listes sont le plus souvent incomplètes : l’énumération des hommes du roi ayant participé au jugement se termine par la mention et plusieurs autres. La composition de ces assises varie en fonction de la personne du défendeur, s’il est noble, clerc ou aucun des deux. Ce que l’on observe, entre la fin du xiiie siècle et le début du xve siècle, c’est la place grandissante qu’occupent les bourgeois qui ont acquis un fief royal. Les premiers bourgeois à siéger aux assises de la cour du roi ne sont que deux : Renaud du Cavech et Quentin Ravenier en février 1317 n.st. Leur nombre change. Des dix-sept hommes du roi siégeant avec le bailli Galérand de Vaux le 19 février 1340 n.st., cinq au moins sont des bourgeois. Le 25 juin 1370, ils étaient six sur quatorze à siéger avec Jacques de Moy, prévôt de Saint-Quentin. Ils sont encore plus nombreux (sept sur dix-huit) à siéger avec le bailli Tristan du Bos le 8 novembre 1374. Même si la plupart des listes sont incomplètes, les voir graduellement remonter en tête de liste est également significatif de leur place grandissante au sein des assises, à un moment où, vers 1350, le rythme des conflits de juridiction entre la commune et les officiers royaux se ralentit. En même temps que les bourgeois deviennent majoritaires au sein des officiers royaux de la ville, ils occupent, comme on le constate ici, plus de place parmi les hommes du roi, juges d’appel du tribunal de la ville. Outre les bourgeois, les listes d’hommes du roi mentionnent des clercs et des nobles. Les clercs sont peu nombreux et siègent seulement quand une partie ecclésiastique est impliquée dans un litige. En 1403, des bourgeois avaient fait construire des fours dans 710 Monique Bourin, « Les boni homines de l’an mil », dans La justice en l’an mil, op.cit., p. 53–65. 711 Paris, AN, P 135, n° 173, 28 mai 1367. 712 Paris, AN, LL 1016, fol 16–17v, 4 avril 1350. Autres exemples dans Livre rouge, n° 64, (Lemaire, n° 320), 6 août

1325 ; Saint-Quentin, AM, liasse 21, dossier A, n° 23 (Lemaire, n° 498), 19 juillet 1331. 713 Saint-Quentin, AM, liasse 93, dossier A, n° 36 (Lemaire, n° 156, n.), 21 janvier 1296 n.st. 714 Paris, BN, coll. de Picardie (Dom Grenier), vol. 290, n° 57, février 1334 n.st. Voir H. Waquet, Le bailliage de Vermandois, op.cit., p. 56.

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le détroit d’Isle, portant atteinte aux droits de cuisson de l’abbaye de Saint-Quentin-enl’Isle. L’affaire fut soumise au jugement de la cour du roi à Saint-Quentin qui comptait parmi les assesseurs Guy le Clerc, doyen de l’Église de Saint-Quentin715. Comme pour les autres hommes du roi, ce sont les titulaires de fiefs royaux qui y siègent, c’est-à-dire le coûtre et le doyen du chapitre, l’abbé de Saint-Quentin-en-l’Isle, ou celui d’Homblières. Enfin, ces listes d’hommes du roi permettent de repérer les nobles de la région, ceux qui, contrairement aux autres titulaires de fiefs royaux, se font appeler seigneur. Il faut donc relativiser le contrôle exercé par les assises royales de la ville sur la justice municipale. À partir de la seconde moitié du xive siècle, la présence accrue de bourgeois en leur sein rendent ces assises plus favorables envers la ville, ce qui n’était vraisemblablement pas le cas auparavant. Dans les années précédant la suspension de la commune, les hommes du roi prennent clairement position pour le prévôt Jean de Chevresis contre la ville. Après le rétablissement de la commune, les choses changent et les exemples démontrent que la cour du roi soutient la justice municipale en confirmant souvent ses jugements716. Il est arrivé au moins à deux reprises que les hommes du roi soient appelés au Parlement de concert avec le maire, les échevins et les jurés, pour avoir confirmé l’une de leur décision en premier appel. Jeanne Diée, dénoncée pour avoir pratiqué la magie en 1385, en avait appelé de la décision du maire, des échevins et des jurés de la bannir devant la cour du roi, qui avait confirmé cette décision. Un nouvel appel fut tenté devant le Parlement, mais Jeanne fit défaut717. En novembre 1400, les échevins et les hommes du roi sont de nouveau appelés conjointement devant le Parlement par le doyen du chapitre de Saint-Quentin718. Le ressort territorial de la cour du roi siégeant à Saint-Quentin est essentiellement déterminé par la coutume et n’est à peu près fixé que sous Philippe IV719. Il outrepasse largement les limites de la prévôté de Saint-Quentin, à cause des translations de ressorts. Des translations de ressorts sont réclamées par grâce royale pour commodité, par des communautés religieuses ou des seigneurs, pour ne dépendre que d’une juridiction quand ils ont des terres situées dans plusieurs prévôtés720. Ce qui amène parfois les officiers royaux à agir hors de la prévôté, que ce soit pour aller signifier un ajournement, pour contraindre des officiers royaux d’autres ressorts qui faisaient mal leur travail, ou pour des raisons politiques721. Ces assises du bailli devinrent la première instance d’appel des décisions émises par le maire, les jurés et les échevins. La compétence des assises du bailli s’appliquait à tous les laïcs désireux d’en appeler d’un jugement du tribunal de la ville rendu en première instance. En outre, il était le seul tribunal compétent pour juger en première instance les nobles de la ville et les officiers royaux, exception faite du bailli qui, lui, ne répondait que du Parlement et du roi. Mais deux parties qui normalement auraient dû aller directement 715 Saint-Quentin, AM, liasse 7, n° 19 (Lemaire, n° 842 ; Gomart, t. 4, p. 270), 25 avril 1403. 716 Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° 63 (Lemaire, n° 309), 26 mai 1324 ; Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° 70 (Lemaire, n° 336),

5 août 1324 ; Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° (Lemaire, n° 336), 24 septembre 1324.

717 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 54, 21 novembre 1385. 718 Paris, AN, X1a 4785, fol 3, 18 novembre 1400. 719 A. d’Herbomez, « À propos des baillis d’Arras sous le règne de saint Louis », BÉC, 67 (1906), p. 452–455 ; Id.,

« Notes et documents pour servir à l’histoire des rois fils de Philippe le Bel », BÉC, 59 (1898), p. 497–500 ; H. Waquet, Le bailliage de Vermandois, op.cit., p. 9. 720 Paris, AN, JJ 82, fol 38, n° 64 ( ORF, t. 4, p. 147–148 ), janvier 1354 ; Lille, ADN, 6G, n° 42, pièces 386 à 393quat, 1330–1346 ; 7G, n° 102, pièce 1333, vers 1355. Voir S. Hamel, « Être sergent du roi », op.cit. 721 Lille, AD Nord, 6G, n° 42, pièce 288, 4 août 1334 ; Saint-Quentin, AM, liasse 2, n° 26 (Lemaire, n° 740), 5 novembre 1378.

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au Parlement pour entendre leur cause, pouvaient se mettre d’accord pour la faire entendre par le bailli. En mars 1342 n.st., sur la poursuite du procureur du roi, le bailli de Vermandois, jugeant en ses assises à Saint-Quentin, avait condamné le maire et les jurés à une amende de 600 £ parisis envers le roi. Ceux-ci avaient remis en liberté, sans l’assentiment du prévôt de Saint-Quentin, deux habitants de la ville que ce dernier avait fait incarcérés. Les parties avaient, d’un commun accord, accepté la juridiction de la cour du bailli, au lieu de celle du Parlement, qui, normalement, disaient-ils, aurait dû être compétente722. C.

L’appel au Parlement

Après avoir épuisé les voies d’appels locales, pour en appeler d’une décision rendue par la justice municipale, l’ultime recours est le Parlement. Le Parlement ne sert pas uniquement de voie de recours contre la justice municipale. Chacune des juridictions présentes dans la ville avait, en principe, un domaine bien circonscrit. On a vu dans la section précédente qu’il leur arrivait de dépasser leurs limites légitimes. Il en résulte une certaine rupture d’équilibre de la justice qui, dans des cas plus ou moins extrêmes de conflits de juridiction, aboutit devant le Parlement. C’est devant l’instance suprême du Royaume, que la ville arrive le mieux à défendre ses intérêts judiciaires. À partir de Louis IX, cette instance s’impose d’elle-même comme instrument de régulation des conflits inter-juridictionnels. Cette section met en perspective l’ensemble des causes portées au Parlement par les plaideurs, qu’il s’agisse d’appel à proprement parlé, ou d’une cause portée en première instance. Rares sont les travaux portant sur le Parlement qui étudient de façon systématique les justiciables provenant d’un même lieu723. Une description des incidents judiciaires, qu’il s’agisse d’un appel ou d’une première instance, portés à l’attention du Parlement paraissait dès lors nécessaire pour expliquer le recours suprême, les conflits de juridiction et leur morphologie. 1.

La fréquence des causes

Avec l’installation de la justice royale dans la ville, dès lors que celle-ci est entrée dans le domaine royal en 1213, on pouvait en appeler au roi. Depuis l’époque de Louis IX, les conflits qui n’arrivent pas à se résoudre au niveau local sont pour la plupart soumis au roi. Mais si l’on veut être juste, il faut remonter à l’époque de Philippe Auguste pour observer les interventions du roi dans le règlement des conflits, même avant l’entrée de la ville dans le domaine royal724. En 1211, Philippe Auguste régla en tant qu’arbitre un important conflit de juridiction entre la comtesse Aliénor et le chapitre725. En 1213, c’est encore Philippe Auguste qui nomma les arbitres pour régler une émeute menée par les bourgeois contre le chapitre. Enfin, en avril 1220, Philippe Auguste intervint encore une 722 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 41 (Lemaire, n° 591), 28 mars 1342 n.st. 723 R.C. Van Caenegem dir., Les arrêts et jugés du Parlement de Paris sur appels flamands, 3 t., Bruxelles, 1967–2002 ;

S. Dauchy, Les appels flamands au Parlement de Paris (1320–1520). Regestes des dossiers de procès, Bruxelles, 1998. 724 Les prémices du Parlement date de cette époque. Voir F. Aubert, Le Parlement de Paris de Philippe le Bel à Charles VII (1314–1322), Son organisation, Paris, 1886, p. viii–xii ; S. Dauchy, Les arrêts et jugés du Parlement de Paris sur appels flamands, t. 3, Introduction historique, Bruxelles, 2002, p. 29. 725 Paris, AN, J 232 (Saint-Quentin), n° 3 (Héméré, Augusta Viromanduorum, p. 50  ; Coliette, Mémoires pour l’histoire du Vermandois, t. 2, p. 546 ; Douet d’Arcq, Recherches sur les comtes de Beaumont, p. 61 ; Boutaric, Arrêts et Enquêtes antérieurs, n° 7 ; Teulet, Layettes, t. 1, p. 366, n° 967 ; L. Delisle, Catalogue des actes de Philippe Auguste, n° 1297 ; Recueil des actes de Philippes Auguste, n° 1199 ; Indiqué par Wauters, Table chronologique, t. 111, p. 343).

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fois pour ratifier un accord conclu toujours entre le maire et les jurés contre le chapitre, quant aux revenus provenant de quatre fours : de la Chapelle-Ronde, de Sainte-Pécinne, de Hastise et de Robert de Neuvillette726. On a déjà pu observer que, même avant la constitution du Parlement, que l’on place après la réforme de Louis IX en 1258727, la ville avait eu recours à la curia regis, qualifiée de Parlamentum à partir de 1239728, pour régler trois différends avec son chapitre : en 1244, 1247 et en 1257729. C’est d’ailleurs ce dernier qui s’est retrouvé le premier au Parlement contre le roi, en 1258, pour déterminer à qui appartenait la justice sur la ville de Fontaine730. En plus de Pierre de Fontaines, un chanoine de la collégiale, Eudes de Saint-Denis, compte parmi les premiers membres du Parlement731. En ce qui concerne les autorités municipales, le maire s’y retrouve pour la première fois en 1266 contre le roi, à l’occasion d’une querelle de juridiction à propos de la connaissance de violences commises par un bourgeois de Saint-Quentin, nommé Eustache de Bantues, contre un chevalier du châtelain de Beaumetz732. On recense 27 causes portées en appel au Parlement, majoritairement de jugements du bailli de Vermandois (23 interventions), qui juge en premier appel les décisions du maire, des échevins et des jurés (2 interventions). Mais les litiges portés à l’attention du Parlement ne relèvent pas tous de l’appel, loin de là. Parmi les officiers royaux, seul le bailli de Vermandois, quand il ne fait pas lui-même objet d’un appel, porte ses causes directement au Parlement. À partir de 1310 environ, il se fait le plus souvent adjoindre le procureur du roi733. Les autres officiers royaux devaient, en principe, s’en remettre également à la cour du roi à Saint-Quentin. En 1345, invoquant les dépenses et les travaux que leur occasionnait la soutenance de leurs procès devant des juridictions multiples, le doyen et le chapitre avaient obtenu de Philippe VI des lettres de gardes leur permettant de soutenir toutes leurs causes au Parlement pendant dix ans, comme demandeur ou défendeur. Le maire et les jurés, appuyés dans leur requête par plusieurs religieux et de nombreux nobles de la région, exposèrent à leur tour au roi que, en accordant ce privilège de garde au chapitre, il avait porté atteinte aux franchises de la commune. Vu ces remontrances, Philippe VI annula ce privilège, parce que le chapitre avait faculté de grant conseil et pensionnaires ou dit païs pour demener et soustenir ses procès. Le roi décida en outre qu’à l’avenir les procès entre les chanoines et la commune devaient être portés devant le bailli en première instance734.

726 Paris, AN, L 738, dossier 4, n° 20 ; Laon, AD Aisne, G 788, p. 79–82 (Héméré, p. 210 ; Coliette, t. 2, p. 586 ;

Quentin De La Fons, t. 2, 1ère partie, p. 101 ; Delisle, n° 1964 ; Recueil des actes de Philippes Auguste, n° 1633 et 1634 ; V. de Beauvillé, Recueil de documents inédits, t. 1, op.cit., p. 12, n° 12). 727 J. Tardif, «  La date et le caractère de l’ordonnance de saint Louis sur le duel judiciaire  », RHDFÉ, 11 (1887), p. 163–174 ; F. Aubert, Le Parlement de Paris de Philippe le Bel à Charles VII (1314–1322), Son organisation, op.cit., p. xi . 728 C.V. Langlois, « Les origines du Parlement de Paris », RH, 42 (1890), p. 74–114. 729 Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° 4 ; Laon, AD Aisne, G 788, p. 84–85 (Lemaire, n° 41), 26 mars 1244 ; Laon, AD Aisne, G 783, p. 153–154, mars 1247 ; Paris, BN, Coll. de Picardie (Dom Grenier), vol. 352 (Lemaire, n° 64ter) ; Laon, AD Aisne, G 788, p. 85–89, mai 1257. 730 Paris, AN, X1a 1, fol 7 (Olim, t. 1, p. 51 ; Boutaric, n° 223), 2 février 1258 n.st. Il s’agit de Fontaine-les-Clercs, cant. de Saint-Simon. 731 Voir Q. Griffith, « Les collégiales royales et leurs clercs sous le gouvernement capétien », op.cit.. 732 Paris, AN, X1a 1, fol 150 (Boutaric, n° 1039), 16 mai 1266. Probablement Beaumetz, Somme, cant. de Bernaville. 733 Le premier procès impliquant le bailli de Vermandois et le procureur du roi contre le maire, et les jurés est celui pour les limites de la banlieue : Livre rouge, n° 4, 12 février 1311, n.st. 734 Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° 112 (Lemaire, n° 613), 20 septembre 1345.

299

Troisième partie | La pratique judiciaire municipale

Faisant partie du bailliage de Vermandois, sauf exception735, les causes présentées par la ville au Parlement étaient parmi les premières à être entendues, lors des jours de Vermandois, qui se tenaient dès l’ouverture de la session à la Saint-Martin d’hiver (12 novembre)736. Pour cette raison, la très grande majorité des plaidoiries retrouvées furent prononcées en novembre-décembre. Ces jours réservés pour le bailliage sont anciens737. On l’attribue au fait que le bailliage de Vermandois fut le premier créé738. Ces jours réservés posaient le problème des délais d’ajournement. L’ordonnance de décembre 1344 pausa une exception à la règle de l’impétration de l’ajournement dans le délai de 3 mois pour les appels provenant du Vermandois, qui devait être présenté avant le commencement de la session, quand bien même celle-ci débuterait avant l’expiration du délai de trois mois739. L’analyse quantitative des causes portées à l’attention du Parlement par le maire, les échevins et les jurés, présentée dans le graphique 4, nécessite quelques remarques préliminaires. Pour le dresser, ont été retenus les mêmes critères que pour la constitution des dossiers de procès exposés dans la section méthodologie du premier chapitre. Les procès ont donc été présentés par ordre chronologique de la dernière pièce de procédure retrouvée, c’est-à-dire l’arrêt, le jugé ou l’accord, peu importe le fonds d’archives d’où elle provient. Les causes ont été recensées à partir de 1244, date d’un recours au roi sous Louis IX et à son proto Parlement, pour se terminer à la fin du règne de Charles VI en 1422. Le taux de litigiosité des autorités municipales est le plus important de la ville. Pour la ville de Saint-Quentin, toutes parties confondues, 199 procès ont été relevés pour la période 1244–1422. Le maire et les jurés, rejoints par les échevins, essentiellement à partir de 1362740, ou les échevins seuls, se sont rendus à 87 reprises devant le Parlement, dans 47 cas en tant qu’appelant ou demandeurs et dans 36 cas en tant qu’appelés ou défendeurs  ; 4 cas où leur position dans le procès n’est pas claire. Un peu moins d’un procès sur deux (45 %) provenant de la ville et porté à l’attention du Parlement a impliqué le maire, les échevins ou les jurés. Pour point de comparaison, le doyen et le chapitre de Saint-Quentin ont soutenu 78 procès en Parlement pour la même période. L’essentiel des causes relevèrent de la Chambre civile. Les autorités municipales n’ont que très peu été confrontées à la Chambre criminelle (2 mentions), qui, dans le cas présent, a connu essentiellement des crimes commis par des nobles ou des officiers royaux, comme Jean de Chervresis ou Baudrain du Hamel. Il faut également souligner que ces 87 interventions au Parlement n’ont pas toutes débouché sur un procès en bonne et due forme. Il y a 23 contentieux du Parlement qui n’ont pas donné lieu à un arrêt-jugé ou à un accord. Il convient donc de parler d’interventions du Parlement plutôt que de procès au Parlement. 735 Par exemple, Paris, AN, X1a 1469, fol 212, 20 mai 1367. 736 F. Aubert, Le Parlement de Paris de Philippe le Bel à Charles VII, son organisation, op.cit., p. 151, et Histoire du Parle-

ment de Paris, t. 2, p. 34 737 Dès 1278. Voir Paul Guilhiermoz, Enquêtes et procès, op.cit., p. 602. 738 H. Waquet, Le bailliage de Vermandois, op.cit., p. 63–64, 739 ORF, t. 2, p. 211. Voir Louis de Carbonnières, La procédure criminelle, op.cit. 740 Une seule cause commune le 12 mars 1312 n.st. en tant que demandeurs contre le bailli de Vermandois et les hommes du roi relative à l’inventaire des biens des prévenus de crimes capitaux : Paris, AN, X1a 3, fol 123–123v ; Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° 39 (Boutaric, n° 3913 ; Livre rouge, n° 3 ; Lemaire, n° 236).

300

Les voies de recours contre la justicede la ville | chapitre ix

18

Maire, échevins et jurés

16

Doyen et chapitre

16

15

14 12 10

10

8

8

6 4 2

2

3 2

3 2

1

4

5

5

2

2

4 3

7 6

5 4

6 5

7 5

4

5

58

12

12

44

–1 25 8 –1 12 27 70 0 – 12 128 80 0 – 12 129 90 0 –1 13 30 00 0 –1 13 310 10 – 13 132 20 0 – 13 133 30 0 – 13 134 40 0 –1 13 35 50 0 – 13 136 60 0 –1 13 370 70 – 13 138 80 0 –1 13 390 90 –1 14 400 00 – 14 141 10 0 –1 42 2

0

2 1

4

6 5

Graphique 2 – Évolution des interventions du Parlement dans les affaires de la ville de ­Saint-Quentin et, à titre de comparaison, dans celle du chapitre collégial (1244–1422)

L’analyse du graphique 2 ci-dessus permet d’observer une progression constante des causes impliquant les autorités municipales au Parlement avec, à partir de 1300, une moyenne d’environ cinq causes par décennie. En comparaison, le doyen et le chapitre ont une moyenne un peu inférieure d’environ quatre causes par décennie et une évolution quasi similaire du rythme de leur procès. Un premier recul se fait sentir après la suspension de la commune (1317–1322) qui semble avoir affecté tout le monde. Un second se fait également sentir sous Jean II pour les raisons évoquées précédemment. Le début du xve siècle, marque une hausse subite très visible, qui s’explique en partie par l’apparition des registres de plaidoiries : un quart des causes de la période 1400–1410 ne sont que de simples mentions au conseil ou des plaidoiries prononcées qui n’aboutissent pas forcément à un arrêt ou à un accord. 2.

Les adversaires

Les conflits ont été abordés séparément, par juridiction, dans les chapitres précédents. Il est cependant essentiel d’aborder l’usage du Parlement de façon globale. Ceci permet de voir les adversaires de la ville devant une même juridiction et de répondre à la question : contre qui la ville se retrouve-t-elle au Parlement ? Le tableau 22 suivant résume ses adversaires. Pour plus de commodité, ils ont été classés selon qu’il s’agit d’une personne physique ou morale. Notons que souvent la partie adverse compte plus d’une personne qui est recensée séparément dans le tableau 22 après. Pour les 87 interventions de la ville au Parlement, on note 22 catégories d’adversaires différents. Une catégorie d’adversaires ressort clairement du tableau 22 ci-dessous : les officiers royaux, le procureur du roi sont en tête. Ce dernier apparaît plus souvent que les autres parce qu’il est presque toujours partie jointe avec un officier royal quand les intérêts du roi sont en jeu. Il lui arrive également d’être partie jointe avec la ville lorsque la cause combine les 301

Troisième partie | La pratique judiciaire municipale

intérêts du roi à ceux de la ville. En 1340, le procureur du roi s’était associé au maire, aux échevins et aux jurés contre l’abbé et les religieux de Saint-Quentin-en-l’Isle pour un procès quant à la saisine et possession de la justice dans le détroit d’Isle causé par la dévolution des biens de Lune, dit Colard, bâtard, dont les biens avaient été pris par les religieux741. Le second adversaire, en quantité de procès est le chapitre collégial. Au total, la ville a eu à gérer 15 procès contre lui. Le maire, les échevins et les jurés ne se querellent pratiquement pas avec d’autres villes. Le seul cas recensé, qui fut l’occasion de deux procès contre la ville de Compiègne, porte sur le partage des frais pour l’entretien d’otages en Angleterre. Face aux autorités municipales, certains clercs ayant statut d’universitaires invoquent bien entendu leur privilège pour se remettre au prévôt de Paris, conservateur de leur privilège742. En 1367, Me Hue Ambesas, étudiant à l’Université de Paris, perçoit une rente de la commune que lui avait assignée et transportée sa mère pour le temps qu’il étudierait à l’Université743. Comme le maire, les échevins et les jurés refusaient de la lui délivrer à Paris, il les poursuivit devant le prévôt de Paris qui lui donna raison. En appel au Parlement, la commune invoqua une coutume de la ville voulant que les rentes assignées à Saint-Quentin devaient être perçues à SaintQuentin, que la cause n’enfreignait pas la sauvegarde des privilèges de l’Université et qu’ils devaient avoir congé et dépens pour avoir été follement ajourné. En faisait foi le titre original de la rente, qui indiquait sa perception sur place, à Saint-Quentin. Le Parlement recevant la requête de la ville de prouver leur fait afin de non recevoir, chacune des parties dut produire six témoins qui furent examinés par la cour744. Le Parlement, rendant son arrêt d’après l’enquête et les mémoires déposés par les parties, déclara qu’il fut bien jugé et mal appelé745. Le tableau 22 démontre également que ce sont principalement les personnes morales, les officiers royaux et les clercs qui en appellent ou se font poursuivre par la ville devant le Parlement. Pour les particuliers, l’appel au Parlement pose vraisemblablement plus de difficultés. D’où, le nombre peu élevé de causes impliquant le simple justiciable. En novembre 1385, Jeanne Diée, fit défaut de son appel au Parlement d’une sentence de bannissement prononcée par le maire, les échevins et les jurés, et confirmée par le bailli746. Visiblement acharnée, elle n’avait probablement pas eu les moyens financiers et techniques de poursuivre son appel jusqu’à Paris. On remarque que les particuliers qui vont au Parlement contre la ville sont soit des membres du chapitre, soit des officiers royaux ou des nobles. Plusieurs personnes physiques ou morales peuvent aussi s’unir pour affronter la ville. L’appel au Parlement est également un moyen utilisé par les plaideurs pour courtcircuiter la justice de la ville en plein procès. Thomas de Pinon, un grand marchand de vin à Saint-Quentin, avait refusé de contribuer aux tailles pour l’envoi de gens de guerre à l’armée royale et pour les travaux de défense de la ville. Il avait refusé également de payer l’imposition sur les vins et toutes les autres aides ayant cours à Saint-Quentin pour le fait 741 Saint-Quentin, liasse 21, dossier A, n° 39, mais1340 ; Paris, AN, X1a 9, fol 405 (Furgeot, n° 4527) ; Paris, AN, LL

1016, fol 17v–18, 29 novembre 1342 ; Saint-Quentin, liasse 21, dossier A, n° 43 (Lemaire, n° 645), vers 1342. Rappelons que les biens de bâtards devaient être dévolus au roi. 742 Voir S. Lusignan, ‘Vérité garde le roy’. La construction d’une identité universitaire en France (xi iie–xve siècle), Paris, 1999, passim. 743 Paris, AN, X1a 1469, fol 212, 20 mai 1367 : « Hue recite le contraire, et vendition de la rente et comment sa mere li assigna et transporta pour sa vie a l’escole ». 744 Paris, AN, X1a 1469, fol 294, vendredi 19 novembre 1367. 745 Paris, AN, X1a 1469, fol 303, mercredi 29 mars 1368. En 1415, un procès pendant depuis 1403 contre l’abbaye de Saint-Quentin-en-l’Isle invoqua ces mêmes privilèges. 746 Saint-Quentin, Archives municipales, liasse 30, dossier A, n° 54 (Lemaire, n° 758), 21 novembre 1385, op.cit.

302

Les voies de recours contre la justicede la ville | chapitre ix

Tableau 22  Les adversaires de la ville de Saint-Quentin au Parlement (1258–1422) Demandeurs contre

Défendeurs contre

Total

Personnes physiques   clercs    séculiers     chanoines

1

2

3

    coûtre

1

2

3

3

3

    évêque de Noyon   nobles    duc d’Orléans

1

   seigneurs

1

   chevaliers

2

   écuyers

1 1 1

3

1

1

  officiers royaux    bailli de Vermandois

7

2

9

   prévôt de Saint-Quentin

3

1

4

   monnayeurs

4

1

5

14

7

21

   sergent

1

1

2

   collecteur de mortes-mains

2

 bourgeois ou habitants de SaintQuentin

2

   procureur du roi

2 4

2

Personnes morales   autres villes

2

2

  abbayes    Saint-Quentin-en-l’Isle

3

5

   Saint-Prix

2

2

2

   autres abbayes

3

3

  mendiants    frères mineurs

1

  doyen et chapitre de Saint-Quentin

4

  hôpital de Buridan

1

1 5

9 1

des guerres du roi. Il était devenu débiteur de plus de 100 £ envers la commune. Le maire, les échevins et les jurés ayant entamé contre lui des poursuites, il en appela directement au Parlement. Thomas justifia son refus de payer l’aide en se déclarant noble de droite ligne, qu’il s’était donné le titre de chastellain et gouverneur du chastel de Perreumont lez Bouhaing, et qu’il avait prétendu que lui et ses predecesseurs avaient toujours servi le roi en ses guerres en armes et en chevaux au péril de leur vie. Après enquête de vérité, il fut trouvé 303

Troisième partie | La pratique judiciaire municipale

que Thomas de Pinon avait menti : il n’avait jamais servi le roi à la guerre et le château de Prémont, dont il se disait châtelain, était situé hors de la frontière du royaume et non dans le domaine royal747. Suite à quoi, le roi manda au bailli de Vermandois de laisser le maire, les échevins et les jurés régler l’affaire. Comme dans la majorité des cas, le Parlement renvoya simplement l’affaire devant le maire, les échevins ou les jurés, ou devant sa cour à Saint-Quentin. À défaut d’en appeler au Parlement d’une décision du tribunal municipal, les particuliers pouvaient compter sur le soutien du maire, des échevins et des jurés contre des adversaires disposant de plus de moyens. Le cas n’est pas rare, puisqu’à cinq reprises le maire, les échevins et les jurés se sont portés parties jointes de leur bourgeois quand la question touchait leur juridiction ou les franchises de la ville et quand l’adversaire des bourgeois disposait de moyens pour bien se défendre. Un procès au Parlement était non seulement coûteux, mais il pouvait traîner en longueur. Retenons qu’un seul exemple particulièrement évocateur de cette situation. Vers 1394 deux bourgeois de Saint-Quentin, Pierre d’Amiens et Jean Seguin, ont vu plusieurs de leurs biens saisis pour caution à SaintQuentin par le gruyer du duc Louis d’Orléans parce qu’ils avaient refusé d’acquitter les droits pour son péage de Crépy-en-Valois dont ils se disaient francs. Invoquant un cas de saisine et novelleté portant atteinte aux franchises des bourgeois de la ville, le maire, les échevins et les jurés de Saint-Quentin, se portèrent alors partie jointe de Pierre d’Amiens et de Jean Séguin. Un projet d’accord fut élaboré par les parties dès juillet 1394, mais il n’aboutit pas748. Celui-ci dit en substance que les bourgeois de Saint-Quentin, peu importe la route qu’ils pouvaient prendre, paieraient le péage de Crépy pour le transport de toutes denrées venant de Flandre qu’ils mèneraient en France, en Bourgogne, en Champagne, en Provence et au-delà des monts. Ils le paieraient également pour les vins qu’ils mèneraient de Bourgogne et de France dans les Flandres, mais ils ne le paieraient pas pour les marchandises prises à Saint-Quentin et ne venant pas de Flandre, ni pour les vins qui ne seraient pas conduits dans ces derniers pays. Quant aux droits de justice à exercer à Saint-Quentin, les sergents du gruyer du duc d’Orléans porront faire tous adjournemens, arrestz et emprisonnemens dedens la ville de Saint Quentin et la banlieue pour cas touchant fait de bois et la gruerie de Chauny, et d’iceuls cas le dit gruier aura la congnoissance, mais les sergents chargés de faire les exploits devraient montrer leur commission au maire de la commune ou à son lieutenant avant toute exécution, ou tout au moins, et en cas d’impossibilité seulement, avant de quitter la ville. Ce projet de transaction n’eut pas de suite, du moins en ce qui concerne le droit réclamé par le duc d’Orléans que ses officiers puissent faire des exploits de justice à SaintQuentin. En effet, à la date du 30 septembre 1394, le roi, sur la plainte des maires, échevins et jurés, ordonnait au bailli de Vermandois de maintenir ceux-ci dans le droit d’empêcher les gens du duc d’Orléans d’instrumenter dans leur ville. Le roi mandait, en même temps au bailli, que dans le cas où le duc ferait opposition à cette décision, de renvoyer les parties devant le Parlement qui statuerait sur le fond du procès. Ce qu’il fit. Le maire, les échevins et les jurés réussirent à ce que le Parlement s’en mêle. Au Parlement, ils soutinrent que les bourgeois de Saint-Quentin avaient le droit de conduire en franchise toutes les denrées ou marchandises, 747 Saint-Quentin, AM, liasse 2, n° 21, 25 mai 1370. 748 Saint-Quentin, AM, liasse 21, dossier A, n° 37 (Lemaire, n° 773), 19 avril 1394.

304

Les voies de recours contre la justicede la ville | chapitre ix

venant de leur ville ou y allant, dans les villes de Laon, Bruyères, Reims, Châlons-sur-Marne, et dans le Laonnois et la Champagne, en paiant les paages et travers anciens, sans devoir aucun paage ou coustume audit Monseigneur le duc, a cause du paage de Crespy en Valois. Ils reprochaient en outre au duc d’Orléans d’avoir, à plusieurs reprises, fait faire à Saint-Quentin, sans leur consentement, des ajournements, saisies-exécutions et autres exploits de justice par son gruyer de Chauny, ses sergents ou d’autres de ses officiers749. Au contraire, le duc d’Orléans pour appuyer son droit de péage de Crépy-en-Valois, invoquait des usages anciens dont il produisait le texte. Il reprochait également aux bourgeois de Saint-Quentin de faire passer leurs marchandises par Pont-à-Nouviant et Nouviant-l’Abbesse750, pour éviter son péage de Crépy-en-Valois. Il avait dû, en conséquence, placer dans ces deux localités des préposés chargés d’y percevoir le péage de Crépy. En ce qui concernait les exploits de justice faits à Saint-Quentin par son gruyer de Chauny, il disait qu’il était seigneur de cette ville et de sa châtellenie, ou il avoit grant nombre de bois en sa gruerie et que, de temps immémorial, ce gruyer et ses autres officiers avaient instrumenté en la ville de Saint-Quentin. L’arrêt, qui ne mit pas fin au litige, ordonnait de rendre aux demandeurs les biens qui avaient été injustement saisis et détenus par les gens du duc d’Orléans en manière de caution751. Parce que le duc d’Orléans invoquait le préjudice causé à cause de la durée du procès, qui traînait en longueur, en février 1398, Charles VI manda au bailli de Vermandois de désigner, en audience de ses assises, une personne compétente avec mission de faire, à Saint-Quentin, tous les actes judiciaires utiles pour sauvegarder les intérêts du duc d’Orléans pendant la durée du procès752. Dix-huit mois s’écoulèrent encore avant que le bailli ne s’occupât de nommer son lieutenant, Thomas Ravenier, à cette mission en lui mandant d’ajourner toutes les personnes que le duc jugerait nécessaire d’assigner pour arriver à la désignation de l’administrateur chargé de veiller sur ses intérêts jusqu’à la solution du litige, dont le dénouement est inconnu753. On constate que ce ne sont pas les justiciables qui en appellent majoritairement au Parlement contre ou avec le maire, les échevins de Saint-Quentin. L’appel au Parlement existait, mais l’instance servait essentiellement à autre chose : pacifier les querelles institutionnelles. 3. L’objet des litiges soumis au Parlement Parmi les 87 affaires répertoriées impliquant le maire, les échevins et les jurés, seulement deux sont relatives à un appel de l’une de leurs décisions. L’objet des litiges soumis au Parlement est autre. Il convient de les classifier afin de voir l’utilité du Parlement pour la justice municipale. D’un point de vue quantitatif, les matières donnant lieu à un procès en Parlement sont les suivantes754 : Les procès impliquant le maire, les échevins et les jurés peuvent être arbitrairement répartis en sept grandes catégories. Le tableau 23 ci-aprés cache cependant deux choses : Saint-Quentin, AM, liasse 2 n 42 (Lemaire, n° 773), 30 septembre 1394. Pont-à-Bucy et Nouvion-l’Abbesse, cant. de Crécy-sur-Serre, arr. de Laon. Paris, AN, X1a 44, fol 43–44, 16 juillet 1397. Saint-Quentin, AM, liasse 2 no 42 (Lemaire, n° 773), 1er février 1398 n.st Saint-Quentin, AM, liasse 2 no 42 (Lemaire, n° 773), 24 juillet 1399. La classification retenu est librement inspirée de S. Dauchy, Introduction historique, dans Raoul C Van Caenegem dir., Les arrêts et jugés du Parlement de Paris sur appels flamands, t. 3, op.cit., p. 49. 749 750 751 752 753 754

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Troisième partie | La pratique judiciaire municipale

tableau 23  Objets des Procès au Parlement impliquant le maire, les échevins et les jurés de Saint-Quentin (1244–1422) Objets

Nombre

  Droit privé    Biens

1

   Successions, testaments

2

   Obligations

2

  Fiscalité et prélèvements

17

  Conflits de juridiction

38

  Magie

1

  Abus de justice

7

  Administratif

5

  Autres

9

 Inconnu Total

5 87

d’abord l’évolution des objets des conflits, difficilement représentable sous cette forme ou même par un graphique. Par exemple, pour la première lacune, à partir de 1340–1350, les conflits fiscaux et de droit privé deviennent plus fréquents qu’auparavant, bien qu’il ne prennent pas le pas sur les conflits de juridiction. Il faut également noter le fait qu’une affaire pouvait avoir plusieurs objets. Par exemple, en 1340, la mort et la succession de Lune, dit Collart, bâtard, habitant du détroit d’Isle, avait entraîné un procès au Parlement entre le maire et les jurés, d’une part, et l’abbaye de Saint-Quentin-en-l’Isle, d’autre part755. Bien que le procès touchait subsidiairement la succession d’une personne à cause de son statut, donc un cas de droit privé, il a été préféré de le considérer comme un conflit de juridiction quant à la connaissance de ses biens, objet principal de cet appel au Parlement le procès ayant été soumis en premier au bailli de Vermandois. Regardons maintenant dans le détail l’objet de ces litiges impliquant le maire, les échevins et les jurés au Parlement. a. Les conflits de droit privé Les conflits de droit privé touchent les biens, les successions ou les testaments litigieux, et les obligations contractuelles. Cette matière, qui n’est jamais soumise au Parlement en première instance, fit toujours l’objet d’une première décision rendue au niveau local et est systématiquement renvoyée devant le bailli ou les autorités municipales. La plupart se règlent également par un accord. Une seule cause a eu pour objet des biens. En 1380, Jean le Comte et Jeanne Solempmes, sa femme, demeurant à Arras, contestaient la saisine et la propriété de la Maison de l’Aigle située à Saint-Quentin, derrière le Beffroi. Ils décidèrent de faire appel 755 Saint-Quentin, liasse 21, dossier A, n° 39, mai 1340 ; Paris, AN, X1a 9, fol 405 (Furgeot, n° 4527) ; Paris, AN, LL 1016, fol 17v–18, 29 novembre 1342 ; Saint-Quentin, liasse 21, dossier A, n° 43 (Lemaire, n° 645), s.d. vers 1340–1342.

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Les voies de recours contre la justicede la ville | chapitre ix

au Parlement après un premier jugement du bailli de Vermandois favorable à la partie adverse, c’est-à-dire feu Jean le Lormier, Oudard le Lormier, Colard Garet, pour sa femme Jeanne, Jean Louvet, pour sa femme Marguerite, ainsi que le maire, les échevins et les jurés de Saint-Quentin, comme tiers756. À la requête de ces derniers, invoquant leur charte, le Parlement renvoya la cause devant eux. L’affaire se termina néanmoins par un accord, en 1383, nettement favorable aux habitants de Saint-Quentin : Jean le Comte et sa femme se départirent de leur droit sur la maison litigieuse et quittèrent les défendeurs de leurs dépens757. Le fait que les demandeurs furent arrageois ne fut pas étranger à ce que cette cause ait été portée au Parlement malgré un objet qui relevait clairement de la justice d’échevinage. Les testaments, les successions et les obligations litigieuses de droit privé furent des causes de litige à peine plus fréquentes. Le Parlement considérait les instances locales tout à fait compétentes et leur renvoya systématiquement les causes. Par exemple, Me Pierre du Cange, clerc et conseiller du roi, coûtre de l’église de Saint-Quentin, Guillaume de Grainville, chanoine et trésorier du chapitre, Jacques de Warlicourt, chanoine et huissier, Quentin Ravenier, tuteur de Mondin Prière, Jean de Monchy et Enguerrand Porcelet, huissiers laïcs de cette église, étaient titulaires de rentes hebdomadaires totalisant 8 setiers 3 mancauds de blé assignés sur les moulins de Beaurepaire et de Luvignies laissés à l’abandon. En 1348, pour se faire payer, ils décidèrent tous ensemble de poursuivre le maire et les jurés, comme gouverneur ou administrateurs des frères et sœurs de la maison de Saint-Ladre à qui ces deux moulins appartenaient. Encore une fois, le Parlement renvoya l’affaire devant les assises de Saint-Quentin et le bailli reçut l’ordre, en cas de désaccord, de renvoyer l’affaire au prévôt de Saint-Quentin dans l’état où elle serait à la fin de ses assises758. Trois années plus tard, en 1351, les parties en vinrent finalement à un accord. Après l’abandon du moulin par les défendeurs au coûtre, ce dernier, en tant que justicier des moulins litigieux, donna la permission à Guillaume de Grainville et à Enguerrand Porcelet de les réparer à l’aide des biens, profits, recettes et revenus divers provenant de ceux-ci, et le droit d’exploiter les moulins à leurs profits sous réserve de la justice759. b. Les litiges fiscaux et prélèvements seigneuriaux La catégorie fiscalité et les prélèvements englobent tous les troubles vécus par la ville quand elle-même perçoit une aide ou l’exemption des bourgeois qu’on force à acquitter un prélèvement seigneurial. Il s’agit de la cause la plus fréquente après le conflit interjuridictionnel, dont il n’est finalement pas si éloigné. La levée d’une aide pose essentiellement problème quand un habitant de la ville se dit franc de la payer. Il s’agit parfois d’un bourgeois qui refuse d’y contribuer, mais plus fréquemment des membres du chapitre ou de leurs familiers. Devant le Parlement, le privilège de ces derniers ne fut invoqué qu’une seule fois, en 1405, pour l’occasion de la levée de l’aide sur le vin récemment renouvelée par le roi. Étienne Tassart, alors lieutenant du bailli de Vermandois à Saint-Quentin, avait refusé d’entériner les lettres du roi renouvelant la concession à la ville de l’aide de 2 d. perçus sur la vente du vin au détail et de 1 d. sur la 756 757 758 759

Paris, AN, X1a 30, fol 21v, 18 décembre 1380. Paris, AN, X1c 49, n° 160, 14 novembre 1383. Paris, AN, X1a 12, fol 81v (Furgeot, n° 7942), 9 février 1348 n.st. Saint-Quentin, AM, liasse 269, dossier A (Lemaire, n° 649), 13 février 1351 n.st.

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vente des autres boissons. Profitant de l’occasion, le chapitre voulut étendre l’exemption à ses familiers760. La ville poursuivit donc le chapitre au Parlement, auquel s’était joint le procureur du roi afin d’obtenir l’entérinement des lettres leur donnant cette permission. Suite à quoi, le Parlement manda à son premier huissier d’ajourner les parties lors des prochains jours de Vermandois761. Au Parlement, le maire, les échevins et les jurés font essentiellement valoir qu’ils avaient besoin de cet argent pour entretenir leurs fortifications et garder la ville. Il apparut que, conformément à l’usage, ils avaient demandé l’approbation d’une assemblée composée du maire, des échevins, des jurés, des maires et prud’hommes d’enseignes représentants de la communauté. Le refus d’entériner l’aide avait selon eux été fait en contempt et haine de certain grans procès et descors qui ont esté nagaire et sont meuz et pendant au Parlement contre le chapitre762. La recette de la taille, qui s’élevait à 500 £ seulement, ne suffisait pas selon eux à combler leurs charges qui montaient annuellement à plus de 8 000 £. Parce que la taille est une chose haineuse à Saint-Quentin et ailleurs et qu’à cause d’elle plusieurs habitants étaient partis vivre en dehors du royaume, il était préférable de percevoir le droit de 2 d. sur le lot de vin et de 1 d. sur la cervoise et le vin d’épice, ce qui rapporterait au bas mot 3 000 £. Le doyen et le chapitre répliquèrent que, de toute façon, ils ne payaient ni l’impôt sur le vin, ni pour l’entretien des fortifications. Ils étaient gardés et protégés gratis, ce pour quoi ils avaient tout intérêt à ce que l’aide soit levée. Le chapitre, fit également valoir le principe du Quod omnes tangit… , c’est-à-dire le non-consentement de la majorité des habitants de Saint-Quentin. Lors de l’assemblée, le maire et les échevins furent réputés de faire l’impôt pour eux et non pour la ville. Ils supposaient de plus que les prud’hommes d’enseignes, qui devaient consentir au nom de la communauté, n’oseraient rien dire contre, car ils risqueraient de ne plus être prud’hommes d’enseignes l’année suivante763. Voici deux exemples de conflits fiscaux contre des bourgeois récalcitrants. En 1412, Jacques le Roi, bourgeois de Saint-Quentin refusa de payer l’aide perçue sur chaque cuve de guède vendue ou transportée dans la ville. En première instance le bailli de Vermandois lui donna raison. Le maire, les échevins et les jurés décidèrent d’en appeler au Parlement, où Jacques fit valoir des lettres du roi mettant à néant cet appel. Le Parlement renvoya la cause devant le bailli. Un accord intervint764. Un second exemple du même genre montre que la cause peut également provenir d’un premier appel porté devant la Cour des Aides. Philippe Prière, qui refusait d’acquitter les aides de la ville en se disant noble, avait appelé d’une première décision défavorable à son égard rendu par le bailli de Vermandois avant de porter sa cause devant le Parlement en décembre 1420765. Le maire et les jurés ont eu à défendre au Parlement l’exemption de droits de passage de leurs bourgeois. L’exemple évoqué plus haut contre le duc d’Orléans pour son péage de Crépy-en-Valois a bien illustré cette situation. Mais la querelle peut être inversée et la ville peut avoir à défendre ses propres droits de perception. Le maire et les 760 Selon les termes de la lettre de Philippe VI datée du 18 janvier 1342 n.st., seuls les chanoines et leurs domestiques en

étaient exempt. Jean de Thiergeville, Colard du Castel, Matheo le Lombard, Guillaume le Cras, et Jean de Paris, avocats domiciliés à Saint-Quentin et au service du chapitre, refusaient de payer l’aide sur le vin. Voir Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° 103 (Lemaire, n° 590), 18 janvier 1342. 761 Saint-Quentin, AM, liasse 2, n° 55 (Lemaire, n° 817), 8 octobre 1405. 762 Il s’agit sans doute d’un procès commencé en 1396 : Laon, AD Aisne, G 788, p. 121–123, 6 avril 1396. 763 Paris, AN, X1a 1478, fol 248, 15 janvier 1406 n.st. ; Paris, AN, X1a 4787, fol 225v, 19 novembre 1405. 764 Paris, AN, X1c 104, n° 97, 16 septembre 1412 ; Paris, AN, X1c 104, n° 97v, 16 septembre 1412 ; Paris, AN, X1c 104, n° 98, 2 septembre 1412. 765 Paris, AN, X1a 4793, fol 3v, fol 4, fol 7, 16 décembre 1420, op.cit, chapitre V.

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tableau 24 Les motifs de querelle de juridictions avec le maire, les échevins et les jurés Motif

Nombre d’interventions

Querelle de juridiction criminelle

18

Querelle de juridiction territoriale (civile ou criminelle)

11

Querelle de juridiction civile Plusieurs querelles de juridiction (civile et criminelle) Total

5 3 37

jurés ont eu à affronter le prévôt et les jurés de Tournai qui affirmaient que leurs bourgeois pouvaient venir à Saint-Quentin sans acquitter les tailles sur les marchandises. Le maire et les jurés évoquaient le dernier article de leur charte de commune, qui leur donnait le droit de lever la taille sur toutes les marchandises achetées à Saint-Quentin, sans qu’il y ait lieu de ­distinguer si ces marchandises étaient revendues ensuite à l’intérieur ou à l’extérieur de la ville. Après examen de la charte, le Parlement donna raison au maire et aux jurés766. c. Les querelles de juridiction Cette troisième catégorie ressort clairement du tableau 24 ci-dessus. On pouvait soupçonner facilement que les conflits de juridiction – particulièrement ceux liés à l’exercice de la justice criminelle – prédomineraient dans les procès au Parlement. Cette catégorie représente plus du tiers des objets de conflits (37 sur 87). Il faut noter que les querelles interjuridictionnelles sont des causes portées quasi systématiquement en première instance devant le Parlement, puisqu’il n’y a que quatre causes en appel. Il apparaît donc clairement que le roi et le Parlement ne laissaient pas régler ce genre de conflits par les instances locales, qui, de toute façon, étaient souvent personnellement impliquées dans le conflit. Pour l’essentiel, ces affaires ont été maintes fois évoquées. Il convient donc seulement de schématiser les grands motifs de ces conflits pour en dresser un tableau sommaire. Les causes des querelles de juridiction sont nombreuses. Elles se produisent quand deux juridictions se disent compétentes pour connaître un même cas, civil ou criminel, ou quand une juridiction fait un exploit de justice dans le territoire d’une autre. Le tableau 24 met en relief une cause de conflits plusieurs fois abordée jusqu’ici : l’exercice de la justice criminelle dans la ville. C’est clairement ce qui pose le plus de problèmes au maire, aux échevins et aux jurés. En comparaison, l’exercice de la justice civile passe presque inaperçu, parce que ce rôle leur est pleinement reconnu par l’ensemble des juridictions de la ville, par le roi et par le Parlement. d. L’abus de justice L’abus de justice, qui représente la cause de sept procès, n’est pas très éloigné du conflit de juridiction à la différence près que la violence intervient presque à chaque fois. Il faut noter que l’abus fut également invoqué lors de querelle de compétences, par 766 Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° 8 (Lemaire, n° 122) ; Paris, AN, X1a 2, fol 86 (Beugnot, p. 304, n° 15 ; Boutaric, n° 2697), août 1290. L’arrêt cite in extenso l’article invoqué par le maire et les jurés.

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exemple, pour le procès qui mena à la suspension de la commune en 1317 ou pour l’arrêt de décembre 1352767. Pour sept causes, la ville a été poursuivie six fois et elle a poursuivi une fois un officier royal : Jean de Chevresis768. La ville fut poursuivie pour abus pour différentes causes : lorsqu’elle emprisonna le châtelain royal qui tardait à faire justice d’une femme coupable d’infanticide769, pour la mort du serviteur des frères Malakin, pour avoir entré avec des gens armés dans l’abbaye de SaintQuentin-en-l’Isle, pour avoir exproprié et détruit l’abbaye de Saint-Prix, pour l’exécution d’Hanequin Van Sonherd et pour le bannissement injustifié de Hesse de Vaux, povre femme vefve, qui prétendait, en 1392, avoir été dépouillée par le maire, les jurés et les échevins de Saint-Quentin, pendant sa minorité, après la mort de son père, d’une somme de 1 200 £ parisis et d’autres biens laissés par celui-ci. Elle ajoutait que, à ses réclamations, ceux-ci avaient répondu en la faisant emprisonner, en la maltraitant puis, finalement, en la bannissant de leur ville770. e. Les contentieux administratifs Pour cette dernière catégorie des conflits d’ordre administratif, je n’ai retenu que les problèmes liés à la nomination aux offices771. La première cause de ce genre remonte à 1281. Cette année-là, le maire et les jurés s’étaient insurgés contre le fait que le doyen et le chapitre avaient nommé de riches marchands à certains de leurs offices, ce qui n’était pas convenable selon eux772. Après enquête, le Parlement leur donna raison et enleva leurs offices respectifs à Jean de la Tour, esveiller, André Solences, messager, Me Jean As Prins, bouteiller, et Gautier l’Orfèvre, cuisinier. La nomination aux offices de la ville posa problème quand, au début du xve siècle, on manqua vraisemblablement de personnes compétentes pour les occuper. En 1402, Colard Lanchart refusa d’exercer l’office d’argentier. Après avoir été obligé une première fois d’accepter sa nomination par le lieutenant du bailli, il en appela au Parlement773. Mais l’affaire dut se régler à l’amiable, car aucun arrêt et aucun accord n’ont pu être retrouvés. Le conflit administratif le plus récurrent est celui relatif à la nomination des échevins par le maire et les jurés qui possédaient ce droit depuis 1215. Une première fois, en 1335, le procureur du roi avait voulu remettre en doute ce droit. Après avoir perdu sa cause devant le bailli, il en appela au Parlement qui admit la quasi-possession du droit de créer des échevins par le maire et les jurés de Saint-Quentin et qui rejeta de la requête du procureur tendant à la confiscation de la commune et à la suppression des privilèges de Saint-Quentin774. Le

767 Livre rouge, n° 26, op.cit. ; Paris, X1a 15, fol 86v, op.cit. 768 Paris, AN, X2a 2, fol 91v, 19 décembre 1321 ; Paris, AN, X2a 4, fol 100v (Boutaric, n° 7802), 27 février 1326 n.st. ;

Paris, AN, X1a 5, fol 596–597 (Furgeot, n° 3), 27 août 1328 ; Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° 76 (Lemaire, n° 474), 24 février 1329 n.st. 769 Paris, AN, X1a 2, fol 98v (Beugnot, t. 2, p. 227, n° 1 ; Boutaric, n° 2822), 1er novembre 1293 ; Saint-Quentin, liasse 1, n° 12 (Lemaire, n° 141), 23 décembre 1293 ; Saint-Quentin, liasse 1, n° 13 (Lemaire, n° 146), 15 janvier 1295 n.st. 770 Paris, AN, X1a 39, fol 176, 16 mars 1392 n.st. ; Saint-Quentin, AM, liasse 2, n° 39 (Lemaire, n° 772), 18 avril 1394. 771 K. Weidenfeld, Les origines médiévales du contentieux administratif, op.cit. p. 455 et s. donne une définition beaucoup plus large du conflit administratif. 772 Boutaric, n° 480. 773 Paris, AN, X1a 4786, fol 6–7, 23 novembre 1402. 774 Paris, AN, X1a 7, fol 89 (Furgeot, n° 1374), 16 décembre 1335 ; Paris, AN, X1a 7, fol 86 (Furgeot, n° 1350), 21 novembre 1335.

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problème ressurgit au Parlement en 1356, quand Blanche de France devint vicomtesse de Vermandois775, et ne fut définitivement réglé que par l’arrêt interprétatif de 1362776. 4.

L’issue des litiges de la ville au Parlement

La ville de Saint-Quentin a-t-elle eu raison de s’en remettre au Parlement ? Les chiffres démontrent indubitablement que tout a été fonction de l’adversaire. Pour les 87 procès répertoriés, le Parlement a autorisé 11 accords, obligé à 4 arbitrages et rendu 57 arrêts-jugés. Il y a 16 décisions qui restent inconnues, parce que simplement évoquées au Conseil, par leurs plaidoiries ou par une pièce de procédure locale. Pour les 87 interventions du Parlement recensées, on dénote 28 victoires nettes de la ville contre 13 défaites tout aussi évidentes. Il y a 23 causes qui donnèrent lieu soit à un accord ou pour lesquelles, malgré un arrêt, on ne peut pas réellement déterminer de vainqueur. Pour le reste, c’est-à-dire 23 causes, la décision finale reste inconnue. C’est le cas quand aucun arrêt-jugé et aucun accord n’a été retrouvés à la suite d’une procédure engagée ou quand l’arrêt ne fait que mander de mener une enquête ou de renvoyer le jugement au bailli dont la décision reste inconnue. Selon ces chiffres, on peut affirmer que le maire, les échevins et les jurés sont sortis largement favorisés par Parlement. En revanche, ces chiffres ne montrent pas la très grande disparité des victoires, des défaites ou des accords en fonction de l’adversaire que la ville a affronté. La justice royale favorisa la ville face aux établissements ecclésiastiques. Le Parlement faisait de même soit en rendant des arrêts-jugés majoritairement favorables à la ville (10 victoires contre 2 défaites), soit en les forçant à s’accorder (14 accords). Quand la ville perdait contre un établissement ecclésiastique, c’est qu’elle avait largement abusé de sa justice. Ce fut, par exemple, le cas lorsqu’en 1311 le maire était entré à la tête de gens armés dans l’abbaye de Saint-Quentin-en-l’Isle pour saisir le queux. La situation semble légèrement différente face aux officiers royaux. La ville ressortit quasisystématiquement perdante quand elle défendit ses droits de justices (cinq défaites pour une victoire), souvent avec des conséquences désastreuses : plusieurs menaces de suspension de la commune, dont une effective entre 1317–1322, et des amendes faramineuses. Elle gagnait lorsque la cause concernait la défense de droits réels (droit de péage, levée d’une aide) ou d’une question administrative, comme la nomination des échevins ou la publication des ordonnances (6 victoires pour 1 défaite). La ville fut également systématiquement victorieuse contre les monnayeurs de la Monnaie de Saint-Quentin avec lesquels elle a eu à soutenir quatre procès, en 1330, 1350, 1371 et 1376. Contre les officiers royaux, il y a accord seulement quand la cause touche la personne de l’officier. Il y eut accord entre la ville et Jean Martin, sergent du roi qui refusait d’acquitter l’aide sur le vin777. 5.

L’appel frivole ou fol appel

L’appel, s’il était rejeté, présentait un risque : celui du fol appel, également appelé appel frivole778. Cet argument fut tiré du droit romain de Justinien pour punir les appels Saint-Quentin, AM, liasse 3, dossier B (Lemaire, n° 669), s.d., vers 1356. Saint-Quentin, AM, liasse 7, n° 16. Paris, AN, X1c 46, n° 138, 22 avril 1383. À distinguer de l’appel frivole de la prévôté de Laon limitrophe qui consistait, pour un défendeur dans un procès devant une justice seigneuriale, de ne pas répondre devant cette justice et, avant qu’une sentence ne soit prononcée, de faire appel

775 776 777 778

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abusifs par une amende779. Il fut progressivement mis en place à partir de Louis IX780. On ne note qu’un seul exemple d’appel frivole. Huart as Pois avait fait un appel frivole au Parlement d’une décision du maire et des jurés qui avaient ordonné la destruction de sa grange. Sans doute était-ce un cas d’expropriation pour l’édification de nouvelles fortifications. Le samedi, jour de la mi-août 1338, Huart renonça à son appel et consenti a prendre droit en le court des dis mayeur et jurés en le cause principal pour lequelle li appiaus estoit fais, et empoursivant, Jehan [le] Kiens, clers procureres, souffissaument fondes pour les dis maieur et jurés […] assigna journee au dit Huart par devant les dis maieur et jurés, en plainne cambre, du diemence ensivant en viii jours, pour proceder et aler avant en le cause principal comme de raison sera, laquelle journee li dis Huars accepta781. D.

En appeler à la justice retenue du roi

Le recours le plus fréquent contre une sentence criminelle prononcée par le tribunal de la ville était l’appel à la justice retenue du roi. On ne le voit apparaître à SaintQuentin que dans la première moitié du xive siècle, en mars 1340782. Tout condamné avait, en théorie, la possibilité de se pourvoir devant la justice retenue du roi en sollicitant sa grâce783. Ce recours n’est attesté que pour les crimes graves, ceux punissables de la peine capitale ou de bannissement. Les autorités municipales se montraient souvent hostiles aux lettres de rémission ou de rappel de ban. En principe, après le prononcé d’une sentence de bannissement, seul le maire était en droit de réintégrer un banni au sein de la commune784. La réalité est tout autre. Le roi ou l’archevêque de Reims avait le privilège de gracier les criminels à l’occasion de leur avènement785. Il ne s’agit pas vraiment d’une voie de recours, même si le don de joyeux avènement produit le même effet  : celui d’infirmer une décision du tribunal municipal. Les autorités de la ville avaient du mal à l’accepter, non seulement parce qu’elle mettait la paix et la sécurité de la ville en péril, mais également leur autorité. En mars 1300, ils mirent en prison les bannis rappelés par l’archevêque de Reims, s’attirant un procès au Parlement786. L’arrêt ordonna la mise sous la main royale du temporel de l’archevêque tant que celui-ci n’aurait pas cessé ses poursuites à l’encontre de la juridiction du maire et des jurés. Le roi également, en accordant des lettres de rémission ou de rappel de ban, permettait à certains individus, à titre individuel, de rentrer de nouveau dans la commune. devant les juges royaux siégeant à Laon. Voir M. Jusselin, « Le droit d’appel dénommé ‘appel volage’ et ‘appel frivole’ », BÉC, 71 (1910), p. 527–587. 779 J.-P. Lévy, A. Castaldo, Histoire du droit civil, op.cit., § 37. 780 L’amende encourue par le mauvais appelant était de 60 s. : A.I. Marnier, Ancien coutumier de Picardie, op.cit., p. 61. Voir également S. Dauchy, « Quelques remarques sur les amendes prononcées par le Parlement de Paris au Moyen Âge pour ‘fol appel’ provenant de Flandres », RHD, 55 (1987), p. 49–54. 781 Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° 90. 782 Paris, AN, JJ 72 , n° 451 : Lettres de rémission en faveur de Jean le Mercier, ancien maître de la monnaie de SaintQuentin, qui avait été banni du royaume pour malversations dans l’exercice de son office. 783 C. Gauvard, ‘De grace especial’, op.cit. ; L. de Carbonnières, « Les lettres de rémission », op.cit. 784 Charte de Philippe Auguste, § 10 et 15. 785 Ce droit royal avait fait l’objet d’une reconnaissance de la part des bourgeois de Saint-Quentin en novembre 1223. Voir C. Petit-Dutaillis, Actes de Louis VIII, n° 46. Quelques exemples de rappel de ban lors de joyeux avènements du roi de France : Saint-Quentin, Archives municipales, liasse 1, n° 43, 20 septembre 1315 ; Livre rouge, n° 14, 2 novembre 1315 ; Paris, AN, JJ 95, fol 81v, n° 200, mai 1364 ; Paris, AN, JJ 95, fol 74, n° 182, mai 1364 ; de l’archevêque de Reims : Saint-Quentin, AM, liasse 185, dossier C, 17 avril 1328 ; Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 3bis, 4 mars 1300 n.st. 786 Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 3 et 3bis (Lemaire, n° 169).

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Cela posait problème au maire et aux jurés, qui y voyaient une atteinte aux privilèges de leur ville et ils forçaient même le roi à annuler ses lettres de rémission. Le 19 septembre 1341, à leur requête, le roi annula des lettres de rémission accordées à plusieurs individus bannis, parce que préjudiciables aux privilèges de la ville787. Les bannis ont également de très grande difficultés à faire entériner leurs lettres de rappel de ban. Le maire et les jurés y faisaient certainement opposition de manière systématique devant la cour du bailli de Vermandois788. Quand un banni arrivait à se faire réintégrer au sein de la commune, le bannissement se transformait en amende. Simon Lécuyer, qui avait racheté son bannissement pour 2 s. 6 d., s’était soumis à l’obligation de quitter la ville chaque fois qu’il en serait requis par le maire et les jurés789. Robert le Maire, coupable d’homicide, avait non seulement dû faire intervenir le roi pour qu’il force le maire et les jurés à le réintégrer au sein de la commune, mais il avait également dû faire la paix avec les amis de sa victime. Il avait effectué le pèlerinage d’Outremer en signe d’expiation, ce qui lui avait pris trois ans. De ce pèlerinage, il avait également dû rapporter de bonnes lettres et le témoignage de bonnes gens790. En quelque sorte, il avait dû prouver sa réhabilitation totale et complète et rendre sa récidive peu probable. Malgré toutes les difficultés rencontrées par les condamnés pour se faire réintégrer, il faut tout de même noter l’idée de réversibilité du châtiment. On peut réintégrer le criminel qui a été gracié par le roi, mais pas à n’importe quel prix. Il lui faut avoir réparé son forfait. On ne rentre pas dans la ville sans avoir prouvé sa réhabilitation ou du moins sans avoir payé une amende profitable. Conclusion Les différentes voies de recours contre la justice municipale révèlent une transformation des pratiques de la ville. Comme en bien d’autres points, l’Establissement se montre radical et opposé au renversement d’une décision de justice rendue par les échevins en interdisant le recours par gages de bataille. Il rend illégale toute contestation. La charte de commune a marqué une avancée en la matière en autorisant, dans un premier temps, le recours aux gages de bataille pour en appeler d’une décision de justice rendue dans la ville, substituant au jugement des hommes celui de Dieu. Mais l’hostilité grandissante à l’endroit du duel judiciaire et un changement de rationalité juridique ont rapidement fait abandonner cette voie de recours au profit de l’appel judiciaire. Vers le milieu du xive siècle, une chaîne d’appels est bien définie. Si un justiciable ne se sentait pas satisfait d’une décision rendue par le maire, les échevins et les jurés, il se devait d’abord de soumettre son appel à la cour du roi, puis, in fine, au Parlement. Les résultats obtenus quant aux adversaires de la ville devant le Parlement démontrent, à la suite de Serge Dauchy, qu’on ne peut souvent pas dissocier les parties de l’objet des litiges791. Les justiciables de la ville utilisent très peu l’institution, parce qu’elle coûte très cher et les procédures peuvent s’étendre en longueur. Peut-être, également parce que les recours locaux sont suffisants pour régler les problèmes judiciaires rencontrés par de simples particuliers ce 787 788 789 790 791

Saint-Quentin, AM, liasse 1, n° 104. Paris, AN, JJ 95, fol 74, n° 181. Saint-Quentin, AM, liasse 68, n° 5–7. Saint-Quentin, AM, liasse 30, dossier A, n° 6 (Lemaire, n° 12) ; liasse 23 (Lemaire, n° 688). S. Dauchy, Les appels flamands au Parlement de Paris (1320–1520), op.cit., t. 3, Regestes, p. 49.

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Troisième partie | La pratique judiciaire municipale

qui, ultimement, démontrerait l’utilité qu’avait la justice municipale. Manifestement, le Parlement sert à pacifier les querelles de juridiction ou les conflits entre personnes morales. L’étude des procès au Parlement confirme des tendances déjà observées. Devant le Parlement, lorsqu’il y a affrontement entre la ville et le pouvoir royal, soit directement, soit indirectement par l’entremise du bailli, du prévôt ou du procureur du roi, l’entreprise apparaît plus que risquée pour la ville, surtout si l’objet du litige est l’exercice de la justice. Par contre, quand la ville affronte une institution ecclésiastique, le Parlement lui donne très souvent raison, confirmant son droit ou sa décision. Le maire, les échevins et les jurés prennent dans ce cas le rôle que jouent contre eux les officiers royaux, c’est-à-dire celui d’instrument d’affirmation du pouvoir royal au niveau local. Autant le maire, les échevins et les jurés que le pouvoir royal poursuivent le même but, celui de réduire le plus possible le nombre d’acteurs de la justice afin de faire de la ville un territoire régi par un même droit et une même justice. Pour les criminels, au xive siècle et par la suite, deux recours étaient possibles : le Parlement et la grâce royale, c’est-à-dire la rémission. La ville resta peu encline à accepter que l’on renverse une de ses décisions en matière criminelle. Elle fit quasi systématiquement opposition aux personnes réintégrées par manière de don de joyeux avènement dans la ville et à l’entérinement des lettres de rémission reçues par une personne qu’elle avait condamnée. À la fin du Moyen Âge, la justice royale se pose comme le recours naturel pour ou contre la justice municipale.

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Conclusion

À la fin du xive siècle, après avoir contourné plusieurs écueils, la justice municipale réussit à atteindre sa vitesse de croisière. Le temps des conflits de juridictions incessants avec les officiers royaux ou les institutions ecclésiastiques n’est certes pas révolu. Mais, au xve siècle, même lors de querelles graves, on ne remet plus en doute les fondements de la justice exercée par le maire, les échevins et les jurés comme on l’avait fait en 1317 et en 13521. Cette justice urbaine avait réussi à s’intégrer au système judiciaire du royaume de France et a contribué d’une certaine façon à faire des bourgeois un nouveau groupe de serviteurs de l’État naissant2. Ce livre avait pour but d’étudier un phénomène social, la justice, dans un cadre particulier, celui d’une ville. L’approche choisie, celle de faire le tour d’une vaste question, mais dans un cadre restreint et comparatif, présentait le risque de ne pas pouvoir tout étudier avec la même minutie. Je ne prétends donc pas avoir épuisé le sujet, au contraire. Cette histoire presque totale de la justice municipale particulièrement à Saint-Quentin, n’était possible qu’en adoptant le point de vue des bourgeois. Ce sont eux qui ont constitué le fil d’Ariane de cet ouvrage. Comme c’est souvent le cas, cette approche a été déterminée par les sources disponibles, essentiellement constituées par les documents que les autorités municipales ont conservés. Ces documents sont nombreux, mais diluées sur une longue période. Si plusieurs questions sont restées en suspens ou simplement ont été ignorées, c’est souvent parce qu’il n’y avait pas de sources pour les aborder ou pour aller plus loin. Ceci a également contribué à orienter la bibliographie, qui est considérable quand on traite à la fois de l’histoire urbaine, de l’histoire du droit et de la justice3. Il était humainement impossible de tout lire sur la totalité des sujets. Le temps long a permis d’expliquer l’origine de cette justice et un modèle anthropologique s’en dégage. La justice municipale est née de la fraternité, c’est-à-dire de sa commune. Mais pour que celle-ci se développe, il fallut que naquissent d’abord la guilde, vers 800, puis la commune, à la fin du xie siècle, et enfin sa justice, entre 1150 et 1200. L’histoire des communes souffrait d’anachronisme, plusieurs ayant fait d’elles des structures institutionnelles et judiciaires dès leur origine, ce qui ne fut pas le cas. Quand les communes apparaissent, il existe déjà à Saint-Quentin ce que nomme la commune justice, c’est-à-dire la solidarité de chacun des bourgeois les uns envers les autres, principalement dans la vengeance commune. En ce sens, suivre l’évolution de l’espace judiciaire est particulièrement éclairant pour retracer ce long processus d’élaboration de la justice municipale. Autour d’un noyau S. Hamel, Un conflit entre les autorités laïques et religieuses, op.cit. N. Bulst, « Les officiers royaux en France dans la deuxième moitié du xve siècle : bourgeois au service de l’État », dans J.-P. Genet, G. Lottes, L’État moderne et les élites, xiiie–xviiie siècles : apport et limites de la méthode prosopographique, Paris, 1996, p. 111–121. 3 Pour l’histoire urbaine : P. Dollinger, P. Wolff, S. Guénée, Bibliographie d’histoire des villes de France, op.cit. ; I. Backouche (dir.), L’histoire urbaine en France (Moyen Âge–xxe siècle). Guide bibliographique 1965–1996, op.cit. Pour l’histoire du droit et de la justice : Bibliographie en langue française d’histoire du droit 987–1875, 37 vol. parus, Paris, 1957-. 1 2

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conclusion

constitué par l’Hôtel de Ville, il y a d’abord la ville en tant que telle, puis, un autre cercle apparaît, moins concentré, la banlieue. Cet espace s’est développé avec la ville pour se transformer, avec la commune, en espace de paix, puis avec la transformation de celle-ci en juridiction, au xiiie siècle, en espace judiciaire à proprement parler. L’accroissement de cet espace a aussi contraint les bourgeois à remembrer la justice, qui avait éclaté à l’époque comtale. Ils s’approprièrent d’abord la nomination des juges ordinaires des bourgeois : les échevins. Puis, c’est à coup de prise de contrôle de fait et d’achat de plusieurs fiefs urbains qu’ils réussirent à rendre le territoire urbain judiciairement quasi-homogène. À la fin du xive siècle, l’ensemble de cet espace est à peu d’exception près à nouveau sous le contrôle d’une seule autorité, celle des bourgeois œuvrant autant pour leur ville que pour le roi ou l’Église. L’uniformisation de l’espace, provoquée par l’apparition d’un nouveau pouvoir, la commune, amena également l’élaboration d’un nouveau droit. Ce droit de la ville est le plus flagrant résultat du processus d’acculturation judiciaire de la justice municipale. Celui-ci reposait sur des assises doctrinales plutôt fragiles sur le long terme : l’usage, la coutume, la prescription et la prévention. La charte de commune, seule source de droit écrit, ne retient non seulement qu’une partie du droit de la ville, mais elle ne montre ce droit qu’à un moment précis. Elle constitue une sorte de carcan dont la ville peine à sortir. Même transformée par son interprétation à partir des théories savantes et par l’action du pouvoir royal, plus particulièrement par le Parlement, la ville est contrainte de s’y conformer4. Entre le moment où Philippe Auguste confirma une première fois la charte de commune, en 1195, et l’arrêt du Parlement qui l’interprétait, en 1362, le droit de la ville n’est plus le même, malgré le fait que le document, lui, reste identique. Cette élaboration du droit et de la justice dans la ville est indissociable des hommes qui ont participé à son action : ceux qui jugeaient, ceux qui les conseillaient et ceux qui contraignaient les justiciables et exécutaient les décisions. Parmi eux, les juges sont au premier rang. Si l’instrument judiciaire a été progressivement accepté par la population de la ville qui n’hésite pas à l’utiliser dans la régulation de ses conflits, c’est que les juges ont réussi à établir un lien d’autorité sur ses justiciables. Les autorités municipales avaient la lourde tâche de faire appliquer la norme coutumière, puis les décisions imposées par les ordonnances royales et le Parlement. Ces hommes qui jugent, c’est-à-dire le maire, les échevins et les jurés, appartiennent non seulement tous à une même catégorie juridique, les bourgeois, mais ils se sont constitués en groupe social prédateur de la justice. Au départ, le groupe s’était défini par la pratique d’activités économiques communes. Mais au xive siècle, comme le mentionnent plusieurs sources, il se définit principalement par la participation au gouvernement de la ville dont la constituante clé est l’exercice de la justice. Ceci a certainement contribué au développement d’une identité bourgeoise qui s’est développée en parallèle avec la construction de la justice municipale. Malgré des sources pour la plupart allusives, la prosopographie de ce groupe fait ressortir sa domination sur la ville. On le savait déjà, le gouvernement des villes était, au Moyen Âge, entre les mains d’une élite dominante. La domination sociale est un concept fondamental pour comprendre le fonctionnement Le processus n’est pas très différent de la genèse du droit coutumier africain pendant la période coloniale, le pouvoir royal jouant ici le rôle du colonisateur. Voir R. Jacob, « Les coutumiers du xiiie siècle ont-ils connu la coutume ? », dans La coutume au village dans l’Europe médiévale et moderne. Actes des vingtièmes journées d’Histoire de Flaran, Toulouse, 2001, p. 103–119.

4

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de la justice municipale5. Celle-ci a présenté l’avantage d’installer progressivement un nécessaire rapport de force et d’autorité entre le groupe dirigeant et les justiciables. On peut aller un peu plus loin et remarquer que, dans une certaine mesure, ce groupe a adopté un comportement protecteur envers ses justiciables, n’hésitant pas à les défendre contre les autres juridictions concurrentes, et ce, même jusque devant le Parlement. Certes, il le fait pour protéger son propre pouvoir. Mais le justiciable en profite également : nul doute que sans ce soutien, rares auraient été ceux qui seraient parvenus à poursuivre une instance devant le Parlement. Au commencement de la commune, les offices de justice apparaissent polymorphes : les jurés sont à la fois juges et exécutants. La charte de commune mentionne des sergents, mais il faut attendre le début du xive siècle pour que des offices spécialisés apparaissent, quant il y a eu dissociation de la fonction de juge de celle d’exécutant. Par la suite, le nombre plus ou moins élevé du personnel au service de la justice de la ville est un bon indicateur des difficultés et de l’autonomie de la justice municipale : la ville a un personnel très nombreux dans la première moitié du xive siècle ; beaucoup moins après l’arrêt interprétatif de la charte de commune de 1362. Ce groupe dominant ne fait pas qu’exercer sa propre justice. Les bourgeois semblent s’être rendu compte qu’acheter des fiefs ou occuper un office royal présentait plusieurs avantages. En devenant officiers du roi ils parvinrent à contrôler la justice sur leur territoire, voire au-delà dans la prévôté. Dans la seconde moitié du xive siècle, les bourgeois écartèrent la petite noblesse des environs. Non pas qu’il n’y eût pas de bourgeois officiers royaux ou hommes du roi auparavant – il y en avait déjà vers 1290 – mais ceux-ci sont devenus sans cesse plus nombreux. Les gens de justice de la ville alternent souvent d’une juridiction à l’autre. On voit les très grands bourgeois abandonner leurs activités principales, celles de marchands, pour se consacrer à la profession juridique. Les querelles relatives à l’exercice de la juridiction criminelle entre la commune et les officiers royaux disparaissent presque complètement dans les années 1350–1360. La tactique, quoiqu’efficace, ne fut pas due qu’à une stratégie mûrement réfléchie. Il y eut vraisemblablement une large part d’opportunisme. Les troubles de la Guerre de Cent Ans firent que le roi les utilisent, si bien qu’après s’être fait la main avec leur propre justice, à partir de 1350 environ, ils s’occupèrent également d’exercer la justice du roi. L’alliance de la ville avec le roi apparaît comme une stratégie d’élargissement du pouvoir bourgeois au fil des décennies. Il n’y a pas que l’arrêt interprétatif de 1362 qui stabilisa la justice dans la ville. Le meilleur moyen d’éliminer un conflit, c’est de l’éliminer à la racine, c’est-à-dire en maîtrisant le facteur humain. Prédateur de la justice, l’image qui ressort est celle d’une domination de l’aristocratie bourgeoise locale. Pour les bourgeois, cette domination restait le meilleur moyen de s’assurer que la justice fonctionne dans la ville. Le système mis en place fut tellement efficace, que même les Bourguignons ne purent rien contre lui6. Il en va de même avec les pouvoirs féodaux et ecclésiastiques concurrents avec qui la ville réussit plus facilement à s’accorder. Contre eux, la ville obtient presque toujours le soutien du roi qui, après tout, poursuit le même but d’uniformisation de la justice. Pour la ville et pour le roi, le grignotage des droits de justice seigneuriale – en totalité pour les 5 6

Selon J. Morsel, L’aristocratie médiévale, op.cit. et A. Guerreau, L’avenir d’un passé incertain, op.cit. Paris, AN, X1a 4800, fol 38, lundi, 30 décembre 1443. Voir S. Hamel, Un conflit entre les autorités, op.cit.

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seigneuries laïques – et de justice ecclésiastique, se fit en portant l’attaque principalement sur leur justice temporelle, mais en tentant également des attaques contre leurs compétences spirituelles, fut une stratégie d’extension de leurs pouvoirs respectifs. Les deux ont même collaboré quand ils y trouvaient chacun leur intérêt. Le développement même des institutions judiciaires royales au xiiie siècle offrit un levier très utile à la commune. Ses victoires contre l’Église furent toujours remportées devant les cours royales, à partir de la seconde moitié du xiiie siècle. Seuls les offices judiciaires ecclésiastiques échappent peutêtre aux bourgeois. Peu importe, car les intérêts sont différents et ce qui compte réellement dans ce cas c’est d’obtenir un canonicat, car il y a de plus en plus de bourgeois qui deviennent chanoines dans la seconde moitié du xive siècle, jusqu’à ce l’un d’entre eux devienne doyen vers 1440. Quant à la pratique judiciaire, les exemples recueillis à ce jour, tant en ce qui concerne la justice contractuelle que la justice civile et criminelle, donnent une idée approximative de la pratique judiciaire de la ville. Quelques centaines d’actes ont été conservés à Saint-Quentin alors qu’il dut y en avoir des dizaines de milliers, du moins pour les chirographes. Paradoxalement, c’est la plus active, la justice contractuelle, qui est la moins bien connue. Le trou historiographique est béant, tant au niveau des pratiques sociales du contrat, que du droit et de la justice contractuelle. La question n’a pu ici être entièrement développée, mais l’exemple de Saint-Quentin illustre une idée de Marcel Mauss voulant que l’échange, soit à l’origine de la judiciarisation de la société7. C’est en assistant les habitants dans leur convenance que la justice municipale s’est d’abord développée. En effet, les premiers actes écrits conservés, les chirographes, sont des contrats, tout comme la trace des premiers conflits entre habitants. Si la ville peut réclamer une totale autonomie, c’est en matière de contrat. Vers 1200, le développement des institutions judiciaires a accompagné la montée en puissance de la preuve écrite. À cette époque, la nature du contrat change : on passe d’un système essentiellement oral, d’où l’absence de charte de commune au départ, basé sur le pacte et le serment, à des instruments écrits plus nombreux et ayant force exécutoire. L’étude des relations contractuelles entre les personnes, privées ou publiques, n’a pu ici n’être qu’effleurée. Elles suivaient des processus rituels et judiciaires tout aussi complexes que les conflits avant d’en arriver à la conclusion d’un accord, à son exécution et, éventuellement, à sa contestation en justice. La procédure de la conclusion du contrat est plus difficile à établir que celle du conflit, une large part du contrat étant faite oralement, lors de rituels préliminaires dont les traces sont rares. Aussi, conviendrait-il d’étudier la question en l’élargissant à plusieurs villes afin de mieux comprendre ce processus. L’analyse des caractères socio-juridiques des relations contractuelles devrait permettre de mieux comprendre comment elles se nouaient, se sanctionnaient ou s’exécutaient. Pour aller plus loin, il faut donc aborder le chirographe de manière qualitative et quantitative. Le but serait d’observer le processus ayant mené à la conclusion du contrat ; de faire une sociologie des contractants ; d’établir une typologie des chirographes quant à leur forme et à leur contenu juridique en fonction de leur usage ; d’analyser la nature des relations entre les parties, dans la mesure où le contrat est une modalité d’alliance basée sur la négociation et le don servant à créer le lien social ; de faire une chronologie de la pénétration du droit contractuel romain dont l’influence se fait pressante 7

318

M. Mauss, « Essai sur le don », op.cit.

conclusion

au xiiie siècle en France par l’ajout permanent de nouvelles clauses de protection ; d’établir une chronologie linguistique, pour voir l’apparition des langues vernaculaires dans les actes de la pratique. Rétablir la compétence judiciaire civile et criminelle du maire, des jurés et des échevins tout au long de la période n’a pas été facile. La répartition des différents cas criminels entre la commune et l’échevinage est tout aussi difficile à établir avant le rétablissement de la commune, en 1322, l’arrêt de décembre 1352 et celui interprétant la charte de commune de juillet 13628. La confusion est totale, tant pour nous que pour eux. Auparavant, si la connaissance de certains cas semble clairement définie, d’autres sont plus flous. Ce n’est qu’après la réunion des échevins à la commune en 1362, que les données se clarifient. À partir de cette date, le tribunal de la ville, présidé par le maire et au sein duquel jugent selon le cas les échevins ou les jurés, se dit capable de connaître de tous les cas de justice civile et criminelle, haute, moyenne et basse, sur tous les habitants de la ville non privilégiés dans toute la ville et sa banlieue, sauf sur les domaines royal et ecclésiastique que sur les fiefs, pourvu qu’ils soient saisis par claim. C’est justement l’étude des procédures mises en œuvre dans la ville qui a permis d’aborder de plain-pied la pratique judiciaire. La distinction qui a été faite entre procédures civile et criminelle est inappropriée avant le second tiers du xiiie siècle. Par la suite, on remarque bien qu’il n’y a pas une, mais des procédures et qu’elles sont loin d’être parfaitement linéaires. Elles ont certes un début, le claim, et plusieurs fins sont prévus – le jugement, l’arbitrage, l’apaisement ou l’accord – mais plusieurs événements peuvent intervenir entre les deux et les faire dévier ou s’interrompre. Elles peuvent également faire l’objet d’actions multiples et parallèles, judiciaires ou non. Cet état de fait souligne que, en abordant la pratique judiciaire du point de vue de la ville, je n’ai fait qu’effleurer un autre problème majeur lié à la pratique judiciaire médiévale sur lequel Bernard Guenée avait pourtant attiré l’attention : les conflits de juridiction9. Ceux-ci font partie intégrante de la vie judiciaire de la ville, non seulement parce qu’ils obligent les différentes juridictions à se définir les unes par rapport aux autres, mais également parce qu’ils permettent de comprendre leur fonctionnement. De l’analyse des nombreux conflits de juridiction impliquant le maire, les jurés et les échevins, la justice criminelle apparait clairement comme étant celle qui génère le plus de conflits. La justice civile, contractuelle ou contentieuse, qui visait essentiellement à créer ou maintenir le lien judiciaire n’a pas posé de problème fondamental. D’abord parce qu’elle ne nécessitait aucun outil de coercition. Les échevins le disent eux-mêmes, ils n’avaient pas de sergents et étaient obligés d’emprunter ceux de la commune pour exécuter leurs commandements. Au contraire, la commune n’avait pas compétence pour juger la plupart des cas criminels. L’un n’allant pas sans l’autre, la confusion a du s’installer progressivement entre ces deux juridictions, qui trouvaient leur bassin de recrutement au sein du même groupe social. L’étude criminologique de la justice pénale a fait ressortir l’image déjà remarquée par Claude Gauvard d’une criminalité ordinaire10. La grande criminalité marque les esprits, mais le criminel professionnel ou multirécidiviste reste rare. La manière dont la ville gère le crime laisse voir que l’esprit primitif de la commune a perduré : dans la réparation du 8 9 10

Paris, AN, X1a 15, fol. 86v–88 ; Saint-Quentin, AM, liasse 7, n° 16, op.cit. B. Guenée, Tribunaux et gens de justice, op.cit., p. 529–530. C. Gauvard, ‘De grace especial’, op.cit., p. 939 et s.

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crime, celle-ci se pose en co-victime solidaire des habitants de la ville. Pour cette raison également, quand le maire, les échevins et les jurés punissent, ils prennent bien soin d’évaluer le cas, préférant, par exemple, user de la peine de bannissement plutôt que la peine de mort contre leurs justiciables. Ces divers constats et explications ne font que souligner la complexité de la justice médiévale dont la justice municipale a été partie intégrante. Mais, au terme du processus d’acculturation judiciaire étudié, pris séparément, chacun des éléments constituant cette justice ne se démarque pas exceptionnellement des autres juridictions laïques, voire même ecclésiastiques. La procédure, la manière d’effectuer un contrat ou les peines se retrouvent ailleurs avec plus ou moins de nuance. C’est justement dans l’agencement qu’elle a fait de chacun des principes de base qu’elle tire son originalité et son indépendance. Tout se joue dans la nuance, car malgré l’uniformisation de la justice que cherche à obtenir le pouvoir royal, le tribunal municipal a conservé quelques traits caractéristiques. Comme ailleurs, on devait fournir des gages lors des transactions, mais ils pouvaient également se prendre sur un immeuble. Comme ailleurs, on devait faire signifier ses ajournements par un sergent, mais la commune le payait, non les parties. Comme ailleurs, on acceptait la dénonciation, mais à Saint-Quentin, au milieu du xive siècle, le dénonciateur n’encourait plus aucune peine. Comme ailleurs, on avait recours à l’enquête, mais jusqu’au début du xve siècle, elle se faisait aux frais de la ville et non des parties. À la fin du Moyen Âge, la justice fut sans conteste le principal outil d’affirmation de l’identité et du pouvoir bourgeois. Mais à ce niveau, les intérêts du roi et ceux des villes concordèrent rarement. Si le roi a laissé survivre cette justice, ce fut par pragmatisme. Dans les villes, il est incontestable que ce furent les autorités municipales qui arrivaient à traiter du plus grand nombre de cas, certes en majorité peu grave. Ce qui compte, c’est qu’ils le faisaient à peu de frais pour le roi.

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Abréviations

AD AM AN BM BN

Coliette Héméré

Homblières Isambert

Lemaire Le Proux Livre rouge

BHL GC GR

Archives départementales Archives municipales Archives nationales Bibliothèque municipale Bibliothèque nationale –ms. fra. : manuscrit français –ms. lat. : manuscrit latin L.P. Coliette, Mémoire pour servir à l’histoire du Vermandois . . ., 3 vol., Cambrai, 1771–1773. C. Héméré,  –Augusta Viromanduorum . . . = Augusta Viromanduorum vindicata et illustrata duobus libris quibus antiquitates urbis, et ecclesiae Sancti-Quintini, Viromadensiuinque Comitum feries explicatntur, Adiectum est regestum veterum chartarum, cum indice, Paris, 1643.  –De Scholis Publicis . . . = De Scholis Publicis earumque Magisteriis, Dissertatio. Pro Regali Ecclesia Sancti Quintini. Adjuncta es, Tabella Chronologica decanorum, custodorum et Canonicorum eiusdem Eccleesiae [. . .], Paris, 1633. T. Evergates éd., The Cartulary and Charters of NotreDame of Homblieres, Cambridge (Mass.), 1990. Decrussy, Isambert, Jourdan, Recueil général des anciennes lois françaises, depuis l’an 420 jusqu’à la révolution de 1789, 29 vol., Paris, 1821–1833. E. Lemaire, Archives anciennes de la ville de Saint-Quentin, 3 vol. Saint-Quentin, 1888–1911. F. Le Proux, « Chartes françaises du Vermandois de 1218 à 1250 », BÉC, 35 (1874), p. 437–477. H. Bouchot, E. Lemaire (éd.), Le livre rouge de l’hôtel de ville de Saint-Quentin, cartulaire des franchises et privilèges de la ville au Moyen Âge, Saint-Quentin, 1881. Bibliotheca Hagiographica Latina Antiquae et Mediae Aetis Gallia Christiana Gallia Regia

321

Abréviations

MGH

CUP ORF RHGF PL AESC ANorm AS BARB BÉC BMon BSAF BPH CA CH JS MÂ MAH MSA RA RAPic RHDFÉ RHD RH RN RNum

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Monumenta Germaniae Historica   Auct. Ant = Auctores antiquissimi   Cap. Regn. Franc. = Capitularia regum Francorum   Poet. Lat. = Poetae Latini   Script. Rer. Mer. = Scriptores rerum Merovingicarum   Script. Rer. Germ. = Scriptores rerum Germanicarum H. Denifle, É. Chatelain, Chartularium Universitatis Parisiensis, 4 vol., Paris, 1891–1897. Ordonnances des rois de France Recueil des historiens des Gaules et de la France. J.-P. Migne, Patrologia cursus completus [. . .], 221 vol. Paris, 1844–1864. Annales. Économies, Sociétés, Civilisations Annales de Normandie L’année sociologique Bulletin de l’Académie royale de Belgique Bibliothèque de l’École des chartes Bulletin monumental Bulletin de la société nationale des antiquaires de France Bulletin philologique et historique (jusqu’à 1610) du Comité des travaux historiques et scientifiques Cahiers archéologiques Cahiers d’Histoire Journal des savants Le Moyen Âge Mélanges d’archéologie et d’histoire Mémoires de la Société académique de Saint-Quentin Revue archéologique Revu archéologique de Picardie Revue (et Nouvelle revue) historique de droit français et étranger Revue d’histoire du droit Revue historique Revue du Nord Revue numismatique

Sources et bibliographie

A.

Sources manuscrites

1.

Dépôts d’archives et bibliothèques de Saint-Quentin

Archives municipales de Saint-Quentin Registres Sans cote : cartulaire municipal dit Livre rouge de l’Hôtel de Ville de Saint-Quentin (xive– xviiie siècle ; Stein, n° 3540). Série AA Liasse 1–3  : lettres patentes, édits, ordonnances (1214–…)  ; liasse 7  : franchises et privilèges (1195–1411). Série BB Liasse 13 : élections municipales (1215–1406) ; liasse 18 : offices municipaux (1268–1350). Série FF Liasse 21 : juridiction civile, procès relatifs à la juridiction civile du maire, des jurés et des échevins de Saint-Quentin (1231–1395) ; liasse 22–23 : juridiction civile, procès civils entre particuliers (1223–1406)1  ; liasse 24–26  : juridiction civile, contrats entre particuliers (1218–milieu xvie siècle) ; liasse 27 : juridiction civile, testaments (1248–…) ; liasse 28 : juridiction civile, prisées et inventaires (vers 1220–1396)  ; liasse 29  : juridiction civile, procédures, remises de causes, ajournements, poursuites (1236–…) ; liasse 30 : juridiction criminelle (1242–…) ; liasse 37 : dossier A, police, voirie urbanisme (1300–…) ; dossier B, bourgeoisie (1300–…) ; dossier C, poids et mesures (1342) ; dossier D, afforage des vins et autres denrées (1350–…) ; liasse 38 : police et voirie (xive siècle) ; liasse 42 : domaine, maisons et titres de propriété (1252–…) ; liasse 45 : domaine, pressoir, moulins, rentes, arbres, fossés, droits de chaussée et maisons appartenant à la ville de Saint-Quentin (1321–…). Série DD Liasse 46 : domaine et rentes actives et passives (1220–…) ; liasse 48 : domaine (1309–…) ; baux des boucheries, réglementation et fixation du prix de la viande (1251–…) ; baux et adjudications des étaux des halles aux poissons, aux cuirs, aux poids, règlements, pièces de procédure (xive siècle). Série EE Liasse 50 : munitions de guerre (1338–1373) ; liasse 53 : archers (1380). Série HH Liasse 57 : arts et métiers (1330–1332) ; liasse 64 : foires et marchés (1296–1410). Série CC Liasse 68 : comptes des argentiers (1260–1438) ; liasse 93 : comptabilité municipale, reçus et quittances (1244–1436) ; liasse 116 : comptes des commis aux ouvrages (1328– 1

La liasse n° 23 est aujourd’hui perdue.

323

Sources et bibliographie

1389)  ; liasse 119  : comptes des commis aux amendes (1400–1405)  ; liasse 122  : comptes de la Halle aux draps (1318–1405) ; liasse 123 : comptes et quittances de présents de vins (1367–1400) ; Liasse 127 : tailles (1294–1434) ; liasse 130 : comptes des commis aux tailles (vers 1280–1386) ; liasse 133 : aides et octrois (1315–1446) ; liasse 138 : aides et octrois (1338–1425). Série AA Liasse 150–151 : correspondance (1290–1446). Série II Liasse 176, 179 : seigneuries (1243–1300). Sans série Liasse 182 : objets divers (1276–1359). Série GG Liasse 185  : actes du Saint-Siège (1199–1338)  ; liasse 186  : église et chapitre de SaintQuentin (1223–1411)  ; liasse 187  : biens du chapitre (1251)  ; liasse 188  : rentes dues au chapitre par la ville (1350–1421) ; liasse 189 : église Saint-André (1421) ; liasse 247 : église Sainte-Pécinne (1232) ; liasse 261 : abbaye Saint-Quentin-en-l’Isle (1237–1331) ; liasse 263 : abbaye de Saint-Prix (1076–1379) ; liasse 264–267 : abbaye d’Homblières (1234–1413)  ; liasse 268  : communautés religieuses (1261–1398)  ; liasse 269  : maladrerie Saint-Lazare (1170–1422)  ; liasse 273  : Grand Hôtel-Dieu (1222–1370) ; liasse 274 : hôpital du Petit-Pont ; liasse 279 : hôpital des Suzannes ; liasse 291–292 : biens des Pauvres (1323–1420). Bibliothèque municipale de Saint-Quentin Manuscrits n° 192 : cartulaire de l’abbaye de Saint-Quentin-en-l’Isle (copie de Paris AN, LL 1016 ; Stein, n° 3541 ; fonds de l’abbaye de Saint-Quentin-en-l’Isle). 2.

Dépôts d’archives départementaux

Archives départementales de l’Aisne (Laon) Série G G 780, 783, 787–789 : inventaires analytiques des archives du chapitre de Saint-Quentin. Série H H 534  : cartulaire de l’abbaye de Saint-Quentin-en-l’Isle (copie du xviiie siècle  ; Stein, n° 3544). H 535 : cartulaire de l’abbaye de Saint-Quentin-en-l’Isle (copie du xviiie siècle de Paris, AN, LL 1016 ; Stein, n° 3541). Archives départementales du Nord (Lille) Série B B 771. Série G G 6 (n° 42), G 7 (n° 102). 1 G–16G.

324

Sources et bibliographie

Archives départementales de la Somme (Amiens) Série F F 459 : abbaye de Saint-Prix. 3.

Dépôts d’archives parisiens

Archives nationales de France Série J, Layettes du Trésor des chartes J 230 (n° 15), J 232 Saint-Quentin, n° 1–8, J 344 (n° 29, 35 et 57), J 345, (n° 66), J 415a (n° 8), J 627 (n° 8g), J 808, n° 11–12, J 948 (n° 2), J 1032, (n° 11), J 1044 (n° 1). Série JJ Registres du Trésor des chartes JJ 40 à JJ 151. Série K, cartons des rois K 24 (n° 14), K 37 (n° 22), K 41 (n° 23), K 49 (n° 21), K 54 (n° 62). Série L Monuments ecclésiastiques L 738 : Juridiction et biens temporels du chapitre de Saint-Quentin (1140–1279). L 739 : Juridiction et biens temporels du chapitre de Saint-Quentin (1279–1449). L 1001 : Abbaye de Saint-Prix (n° 99, 103, 106–111) ; hôpital de Saint-Quentin (n° 138) ; abbaye de Saint-Quentin-en-l’Isle (n° 140 et 141). Série LL Monuments ecclésiastiques, cartulaires LL 985b  : cartulaire du chapitre de Saint-Quentin, dit Livre rouge (xive siècle  ; Stein, n° 3536). LL 1016 : cartulaire de l’abbaye de Saint-Quentin-en-l’Isle (1386 ; Stein, n° 3541). LL 1017 : cartulaire de l’abbaye de Saint-Quentin-en-l’Isle (1588 ; Stein, n° 3543). Série M M 106 : comptes du collège des Bons Enfants de Saint-Quentin, dossiers 29 (1292), 30 (1323), 31 (1335) et 32 (1415). Série P Chambre des comptes P 135 : aveux et dénombrements de la prévôté de Saint-Quentin (n° 171 à 287). Série X Parlement civil X1a Jugés, Lettres et Arrêts X1a 1–63 (1254–1421). X1a Conseil et plaidoiries X1a 1469–1480 (1364–1421) X1a Plaidoiries matinées X1a 4784–4793 (1395–1424). X1a Plaidoirie après-dînées X1a 8300a (1372). X1c Accords X1c 1–122 (1334–1421). X2a Parlement criminel X2a 2–17 (–1425)

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356

Annexes

Annexe 1 – Le grand sceau et le contre-sceau ­ de la ville de Saint-Quentin

Paris, AN, Coll. Sigill., moulage D5796 et D5796bis (Photos de l’auteur).

359

Annexe 2 – Liste des familles bourgeoises qui ont participé au gouvernement de la ville de Saint-Quentin (par ordre ­alphabétique)

La liste suivante recense les 189 familles qui ont participé au gouvernement de la ville à un office, du début du xiiie siècle au début du xve siècle. La première date indique la première mention et la seconde la dernière mention de cette famille en tant que maire, échevin ou juré. Le dernier chiffre indique quant à lui la différence entre ces deux dates. Ahennier Aisonville Amiens Arras Audigny Avesnes Aynart Baqueler Barlet Bastien Bauchant Beau Bedrum Bègue Bel Bel-Ami Berbizoun Berne Bohain Bon Bordel Bordiaus Borgne Bourgeois

1321 1317 1342 1330 1291 1291 1291 1332 1344 1322 1358 1218 1291 1355 1332 1291 1218 1352 1361 1291 1332 1218 1361 1333

1322 1340 1347 1353 1374 1370 1292 1362 1348 1342 1389 1219 1292 1380 1338 1292 1219 1354 1362 1292 1348 1219 1362 1334

1 23 5 23 83 79 1 30 4 20 31 1 1 25 6 1 1 2 1 1 16 1 1 1

Boursene Bray Brissy Buridan Burry Bus Caboche Calardie Carbonné Carette Carlier Caron Cat Caufournet Cavech Caveron Cepier Chalemars Chapelle Chaule Chevresis Cirier Clef Clerc

1369 1367 1291 1291 1400 1291 1347 1377 1218 1361 1291 1318 1376 1336 1244 1352 1291 1291 1291 1291 1291 1369 1291 1328

1382 1371 1362 1292 1410 1292 1356 1378 1394 1362 1292 1322 1415 1378 1361 1356 1292 1292 1292 1292 1342 1370 1292 1329

13 4 71 1 10 1 9 1 176 1 1 4 39 42 117 4 1 1 1 1 51 1 1 1 361

Annexes

Cochon Conte Convers

1218 1352 1314

1219 1356 1391

1 4 77

Coquelaire Coquelles Coquin Corbeny Cornet Cras Craulet Croix Dalon Docle Douay Dourlens Drapier Erart Eschohier Espinoy Esqueheries Étienne Fastar Favier Fercos Fere Fevre Flamand Foillouel Fontainnes Foubelois Franchon Franquet Gaisdon Gand Gauchy Gibecourt

1359 1369 1361 1291 1291 1291 1323 1369 1359 1361 1317 1334 1291 1291 1218 1314 1313 1291 1332 1291 1359 1315 1358 1291 1331 1353 1314 1218 1342 1323 1333 1359 1235

1360 1379 1362 1355 1399 1292 1342 1379 1360 1362 1369 1335 1342 1292 1219 1381 1340 1333 1347 1292 1360 1316 1359 1292 1344 1354 1315 1219 1343 1340 1342 1369 1236

1 10 1 64 108 1 19 10 1 1 52 1 51 1 1 67 27 42 15 1 1 1 1 1 13 1 1 1 1 17 9 10 1

362

Godart Godet Gossiaume Grenetier Grugies Haidaing Harli Hatet Hanequin Hennet Hious Honnecourt Hoppin Horbe Jeune Kieret Lallemand Lanchart Laon Lestoy Linart Listeur Longnart Loré Lormier Louis Louvet Loyeur Maieur Maillé Maingre Malaffait Malassise Malesmains Malines Marchand

1291 1333 1359 1291 1291 1314 1314 1400 1291 1368 1218 1314 1394 1338 1291 1330 1331 1400 1291 1353 1291 1338 1405 1375 1332 1315 1398 1336 1316 1218 1291 1314 1291 1355 1361 1358

1292 1335 1369 1401 1343 1339 1315 1401 1380 1370 1219 1318 1403 1342 1292 1354 1355 1401 1314 1354 1292 1339 1406 1418 1371 1316 1399 1340 1318 1219 1292 1362 1304 1361 1362 1359

1 2 10 110 52 25 1 1 89 2 1 4 9 4 1 24 24 1 23 1 1 1 1 43 39 1 1 4 2 1 1 48 13 6 1 1

Liste des familles bourgeoises qui ont | Annexe 2

Marechal Marle Martequin Marvoyet Mathieu Maubeuge Mie Mire Moine Monchy Montegny Mote Nave Noire Oisny Origny Paris Patelers Payen Pesier Petit-Pont Pise Plate-Corne Pointe Pois Ponchart Pons Porcelet Porée Priere Provenceau Putepainne Ravenier Regny

1374 1332 1380 1338 1291 1318 1291 1355 1323 1332 1396 1338 1393 1314 1288 1380 1325 1240 1377 1404 1330 1291 1330 1342 1355 1314 1332 1262 1314 1291 1218 1306 1291 1289

1406 1333 1381 1339 1292 1319 1310 1356 1371 1371 1397 1360 1395 1366 1354 1382 1333 1241 1381 1405 1349 1292 1416 1371 1400 1315 1348 1366 1330 1410 1219 1318 1382 1378

32 1 1 1 1 1 19 1 48 39 1 22 2 52 66 2 8 1 4 1 19 1 86 29 45 1 16 104 16 119 1 12 91 89

Remicourt Renouart Ribemont Ricaus Rivière Robart Rocourt Roi Roitel Rouve Ruban Sairans Salemont Sellier Sens Seraucourt Sissi Sohier Souchet Terrouanne Tourneur Tourtier Trueneton Vairier Valenciennes Vergnies Vermand Vilardun Villecholle Villerel Villers Vranequin Villart Ysembair

1291 1353 1361 1243 1377 1361 1291 1355 1291 1359 1291 1243 1314 1314 1347 1347 1332 1314 1372 1359 1291 1371 1291 1328 1291 1361 1332 1368 1359 1322 1240 1291 1329 1355

1362 1363 1371 1244 1378 1362 1292 1416 1333 1369 1292 1244 1315 1405 1348 1348 1358 1407 1373 1360 1292 1378 1292 1341 1292 1362 1378 1370 1363 1369 1420 1342 1399 1356

71 10 10 1 1 1 1 61 42 10 1 1 1 91 1 1 26 93 1 1 1 7 1 13 1 1 46 2 4 47 180 51 70 1

363

Annexe 3 – Listes chronologiques des officiers municipaux, féodaux, royaux et ecclésiastique

A.

Les officiers municipaux

Pour le maire et les jurés, jusqu’en 1291-1292, les dates sont celles ou le personnage est attesté dans l’office. Après la date restituée est celle l’année administrative de Saint-Quentin, c’est-à-dire de la Saint-Jean d’une année jusqu’à la Saint-Jean de l’année suivante. 1.

Les maires de Saint-Quentin

Drogon (?) Gautier Oylard Widon Guerri de Reims Herbert Symon Robert Nez de Cat Bernard du Cavech Gautier de Gibecourt Roger de Villers Robert Pateler Bernard du Cavech Robert Porcelet Renaud du Cavech Renaud du Cavech Thomas de Corbeni Renaud du Cavech Renaud du Cavech Pierre de Regny

1076 1113 1119… 1146 1148 v. 1170–1171 1174 1189 1212 1229 1235 1240 1241 1244 1262 1291–1292 1302–1303 1303–1304 1313–1314 1314–1315 1316–1317

Thomas Hanequin

1317–déc. 13171



1 2

Thomas Hanequin André le Convers Jean Porcelet André le Convers Quentin Ravenier

Sept. 1322–13232 1329–1330 1332–1333 1335–1336 1338–1339

André le Convers Jean Porcelet André le Convers Simon Plate-Corne François de Villers

1339–1340 1340–1341 1341–1342 1344–1345 1346–1347

Jean Prière 1353–1354 Thomas de Corbeny 1354–1355 Jean de Ribemont 1359–1360 Jean le Convers Quentin Ravenier Quentin Ravenier Jean de Ribemont Simon Plate-Corne Simon Plate-Corne Quentin Ravenier

1360–1361 1362–1363 1365–1366 1367–1368 1368–1369 1369–1370 1371–1372

Jusqu’à la suspension de la commune. Depuis le rétablissement de la commune.

365

Annexes

Simon Plate-Corne Thomas Ravenier Thomas Ravenier Philippe Prière Wermond Prière Gérart Louvet Philippe Prière Mathieu Plate-Corne Philippe Prière Jean de Villers Thomas le Cat Thomas le Cat 2.

1376–1377 1380–1381 1382–1383 1383–1384 1391–1392 1399–1400 1403–1404 1405–1406 1410–1411 1416–1417 1420–1421 1424–1425

Les lieutenants du maire

Guillaume le Moine Guillaume d’Aisonville Simon d’Oisny Pierre Fastar André le Convers Thassart Craulet François de Villers Philippe Prière Jean le Lormier 3.

1329–1330 1332–1333 1332–1333 1334 1334–1335 1336–1337 1347–1348 1359 1359

Les jurés

Roger de Villers Jean Sairans Gilles Ricaus

1244 1244 1244

Pierre d’Oisny Jacques de Regny Jean Hanequin Jean de Grugies Mathieu Porcelet

1288 1289 1291–1292 1291–1292 1291–1292

Jean de Pise Jacques de Rocourt

1291–1292 1291–1292

Pierre de Villers

1291–1292

366

Jacques de Regny Jean dit le Bon Hue de Chalemars

1291–1292 1291–1292 1291–1292

Anselme Cornet 1291–1292 Jean dit Godart 1291–1292 Amand, dit de Remicourt 1291–1292 Pierre d’Oisny Mathieu de Buridan Pierre de Chevresis Jean, le jeune Jean de Trueneton Oudart le Carlier Jean, le jeune Robert Ravenier Jean Bel-Ami Bartholomé de Pisa Alard d’Oisny Thomas de Corbeni Philippe de Villers Pierre Erart Jean dit Étienne Egidium Roitel Quentin Mateus Quentin Aynart Renaud Roitel Egidium Linart Anselme de Valencienne Jean Mateus Gossuin le Grenetier Bauduin d’Audigny Jean Prière Philippe Ravenier Raou Linart Hue Ravenier Robert le Drapier Jean de Malassise

1291–1292 1291–1292 1291–1292 1291–1292 1291–1292 1291–1292 1291–1292 1291–1292 1291–1292 1291–1292 1291–1292 1291–1292 1291–1292 1291–1292 1291–1292 1291–1292 1291–1292 1291–1292 1291–1292 1291–1292 1291–1292 1291–1292 1291–1292 1291–1292 1291–1292 1291–1292 1291–1292 1291–1292 1291–1292 1291–1292

Listes chronologiques des officiers | Annexe 3

Richer le Grenetier Jean d’Audigny Roger le Grenetier Baudouin de la Capelle Jean Flamand Jean Maigre-Main Gobert de Brissi Guillaume de la Clef Guillaume le Cras Mathieu le Tourneur Pierre Bedrum Guillaume Rubant Jean de Bus Jean de Chaule Adam Medicum Jean de Laon Gerard le Favier Rémi le Cepier Mathieu Vranequin Jean du Cavech Thomas d’Avesnes Jean Prière Hue Ravenier Jacques de Regny Hue Ravenier Hue Ravenier Jacques de Regny Hue Ravenier Jean de Malassise Jean de Malassise Jean de Malassise Jean de Malassise Huart dit Putepainne Pierre le Mie Huart dit Putepainne Pierre le Mie

1291–1292 1291–1292 1291–1292 1291–1292 1291–1292 1291–1292 1291–1292 1291–1292 1291–1292 1291–1292 1291–1292 1291–1292 1291–1292 1291–1292 1291–1292 1291–1292 1291–1292 1291–1292 1291–1292 1291–1292 1291–1292 1292–1293 1293–1294 1295–1296 1295–1296 1296–1297 1297–1298 1298–1299 1299–1300 1301–1302 1302–1303 1303–1304 1305–1306 1306–1307 1309–1310 1310–1311

Yves le Mercier André le Convers Jean d’Esqueheries André le Convers Jean le Noire de Mercourt Jean de Grugies Pierre de Chevresis Simon d’Oisny Huar dit Putepainne Jean d’Espinoy Jean d’Esqueheries Quentin Carbonnée Pierre de Harli Jean Porée Colard Salemont Bauduin de Honnecourt Wyart de Laon Jean le Sellier Quentin Malaffait Ponchart Ponchart Jean Sohier Yves le Mercier Raoul Foubelois Quentin Cornet André le Convers Guillaume d’Aisonville François de Villers Robert le Drapier Jean Sohier

1312–1313 1313–1314 1313–1314 1314–1315 1314–1315 1314–1315 1314–1315 1314–1315 1314–1315 1314–1315 1314–1315 1314–1315 1314–1315 1314–1315 1314–1315 1314–1315 1314–1315 1314–1315 1314–1315 1314–1315 1314–1315 1314–1315 1314–1315 1314–1315 1315–1316 1316–1317 1316–1317 1316–1317 1316–1317

Pierre Louis Surien dit le Maieur Guillaume Fere Quentin de Douay André le Convers

1316–1317 1316–1317 1316–1317 1316–1317 1317–déc. 1317

François de Villers Jean le Noire

1317–déc. 1317 1317–déc. 1317 367

Annexes

Quentin Vranekin Renaud du Cavech Huart dit Putepainne Jean Sohier

1317–déc. 1317 1317–déc. 1317 1317–déc. 1317 1317–déc. 1317

Pierre de Regny Surien dit le Maieur Pierre de Honnecourt Guillaume d’Aisonville Ernoul de Maubeuge

1317–déc. 1317 1317–déc. 1317 1317–déc. 1317 1317–déc. 1317 1317–déc. 1317

François de Villers Yves le Mercier Jean Carbonnée

sept. 1322–1323 sept. 1322–1323 sept. 1322–1323

Guillaume d’Aisonville

sept. 1322–1323

Simon d’Oisny

sept. 1322–1323

Guillaume d’Aisonville Thassart Craulet Geffroy le Moine Jean de Villerel Alain Gaidon Jaques Bourgeois André le Convers Guillaume d’Aisonville Simon le Moine Guillaume le Moine Jean Sohier Jean Bouffel Gautier de Paris Guillaume d’Aisonville Yves le Mercier Pierre de Grugies Jean le Vairier Jean Porée Simon d’Oisny Quentin Ravenier Guillaume d’Aisonville Jean Carbonnée

1323–1324 1323–1324 1323–1324 1323–1324 1323–1324 1323–1324 1324–1325 1324–1325 1324–1325 1324–1325 1324–1325 1324–1325 1325–1326 1326–1327 1326–1327 1327–1328 1327–1328 1327–1328 1328 vers 1328–1329 1328–1329 1328–1329

368

Jean le Vairier Jean Porée Yves le Mercier Guillaume d’Aisonville Hue Villart Jean le Vairier Guillaume le Moine Jean Porée Guillaume d’ Aisonville Robert d’Arras Geffroy le Moine Hue Villart Simon de Regny Pierre de Grugies Jean le Noire de Mercourt Jean Carbonnée Jaques du Petit–Pont Simon Plate-Corne Thomas d’Avesnes Pierre de Grugies Jacques l’Allemand Jean de Villerel Simon Plate-Corne Quentin Vranekin Raoul Bourdel Jean le Vairier Michel Foillouel Guillaume le Moine Quentin Ravenier André le Convers Guillaume d’Aisonville Thassart Craulet Simon le Moine François de Villers Jacques l’Allemand Jean le Bel

1328–1329 1328–1329 1328–1329 1329–1330 1329–1330 1329–1330 1329–1330 1329–1330 1330–1331 v. 1330–1340 v. 1330–1340 v. 1330–1340 v. 1330–1340 v. 1330–1340 v. 1330–1340 v. 1330–1340 v. 1330–1340 v. 1330–1340 v. 1330–1340 v. 1330–1340 1331–1332 1331–1332 1331–1332 1331–1332 1331–1332 1331–1332 1331–1332 1331–1332 1332–1333 1332–1333 1332–1333 1332–1333 1332–1333 1332–1333 1332–1333 1332–1333

Listes chronologiques des officiers | Annexe 3

Gérard d’Esquéheries Geffroy le Moine Gilles Mercier Renaud de Gand Jean Bastien Jean le Lormier Jean de Villerel Pierre de Pons Jean le Noire de Mercourt Jean Carbonnée Jacques du Petit–Pont Simon Plate-Corne Quentin Vranekin Jean de Marle Jean de Chevresis Jacques le Grenetier Pierre Fastar Philippe de Douay Raoul Bourdel Jean le Vairier Michel Foillouel Jean de Sissi Pierre Baqueler Jean de Grugies Alain Gaidon Mathieu le Grenetier Jean Roytel, Roitel Guillaume le Moine Pasquier de Monchy Jean Goudet Jean Étienne Jaques Bourgeois Gautier de Paris Jaques d’Espinoy Simon d’Oisny Thomas d’Avesnes Jean le Ahennier

1332–1333 1332–1333 1332–1333 1332–1333 1332–1333 1332–1333 1332–1333 1332–1333 1332–1333 1332–1333 1332–1333 1332–1333 1332–1333 1332–1333 1332–1333 1332–1333 1332–1333 1332–1333 1332–1333 1332–1333 1332–1333 1332–1333 1332–1333 1332–1333 1332–1333 1332–1333 1332–1333 1332–1333 1332–1333 1332–1333 1332–1333 1332–1333 1332–1333 1332–1333 1332–1333 1332–1333 1332–1333

Quentin de Vermand Pierre le Drapier Guillaume d’Aisonville Jacques l’Allemand Jean le Bel Hue Villart Pierre de Pons Pierre Fastar Philippe de Douay Jean le Vairier Jean le Vairier Guillaume le Moine Thomas d’Avesnes Simon d’Aisonville Guillaume le Moine Jacques Bourgeois André le Convers Guillaume d’Aisonville Thomas du Cavech Jean de Villerel Jean Caufouret, dit le Clarier Jean Carbonnée Quentin Vranekin Jacquees le Grenetier Raoul Bourdel Jean le Vairier Michel Foillouel Mathieu le Grenetier Jean Goudet Thassart Craulet Simon le Moine Jean le Bel Quentin le Loyeur Jean Caufouret, dit le Clarier Pierre Fastar

1332–1333 1332–1333 1333–1334 1333–1334 1333–1334 1333–1334 1333–1334 1333–1334 1333–1334 1333–1334 1333–1334 1333–1334 1333–1334 1333–1334 1334–1335 1334–1335 1335–1336 1335–1336 1335–1336 1335–1336 1335–1336 1335–1336 1335–1336 1335–1336 1335–1336 1335–1336 1335–1336 1335–1336 1335–1336 1336–1337 1336–1337 1336–1337 1336–1337 1336–1337 1336–1337 369

Annexes

Jean de Grugies Jacques l’Allemand Jean Caufouret, dit le Clarier Pierre de Grugies Alain Gaidon Pierre le Drapier Quentin Ravenier André le Convers Thassart Craulet Simon le Moine François de Villers Thomas du Cavech Robert d’Arras Robert Porcelet Jacques l’Allemand Jean Porcelet Jean le Bel Gérard d’Esquéheries Geffroy le Moine Gilles Mercier Renaud de Gand Jean le Listeur Jean Bastien Thomas de Corbeny Jean le Lormier Jean de Villerel Simon de Regny Simon de Regny Jean Caufouret, dit le Clarier Mathieu Hanequin Simon Pointe Pierre de Grugies Pierre de Pons Jean Carbonnée

370

1336–1337 1337–1338 1337–1338 1337–1338 1337–1338 1337–1338 1338–1339 1338–1339 1338–1339 1338–1339 1338–1339 1338–1339 1338–1339 1338–1339 1338–1339 1338–1339 1338–1339 1338–1339 1338–1339 1338–1339 1338–1339 1338–1339 1338–1339 1338–1339 1338–1339 1338–1339 1338–1339 1338–1339 1338–1339 1338–1339 1338–1339 1338–1339 1338–1339 1338–1339

Jean Kieret Quentin de Villerel Guillaume de Grugies Jean le Horbe Jean de Marvoiet Mathieu de Crois Pierre de Chevresis Pierre le Drapier Jean de la Mote Pierre de Grugies Jacques l’Allemand Gérard d’Esquéheries Geffroy le Moine Quentin le Loyeur Jean Caufouret, dit le Clarier Pierre de Grugies Jean Carbonnée Jacques du Petit–Pont Pierre Fastar Pierre Baqueler Alain Gaidon Pierre le Drapier Jean Prière Jean le Lormier Simon de Regny Pierre de Pons Jean Carbonnée Richer le Grenetier Jean le Vairier Quentin Ravenier Thassart Craulet François de Villers Thomas du Cavech Robert d’Arras Robert Porcelet

1338–1339 1338–1339 1338–1339 1338–1339 1338–1339 1338–1339 1338–1339 1338–1339 1338–1339 1338–1339 1339–1340 1339–1340 1339–1340 1339–1340 1339–1340 1339–1340 1339–1340 1339–1340 1339–1340 1339–1340 1339–1340 1339–1340 1339–1340 1340–1341 1340–1341 1340–1341 1340–1341 1340–1341 1340–1341 1341–1342 1341–1342 1341–1342 1341–1342 1341–1342 1341–1342

Listes chronologiques des officiers | Annexe 3

Jacques l’Allemand Jean Porcelet Renaud de Gand Jean Bastien Jean Bastien Jean de Villerel Simon de Regny Jean Caufouret, dit le Clarier Simon Pointe Pierre de Grugies Jean le Noire de Mercourt Jean Carbonnée Quentin Vranekin Jean de Pons Jacques le Grenetier Jean le Horbe Pierre Fastar Philippe de Douay Michel Foillouel Jean le Convers Pierre de Chevresis Mathieu d’Amiens Thomas d’Avesnes Simon Plate-Corne, le jeune Guillaume de Baqueler Pierre le Drapier Robert Sohier Geoffroy Franquet Jean Prière Pierre de Grugies Geffroy le Moine Jacques l’Allemand Geffroy le Moine Jean le Lormier

1341–1342 1341–1342 1341–1342 1341–1342 1341–1342 1341–1342 1341–1342 1341–1342 1341–1342 1341–1342 1341–1342 1341–1342 1341–1342 1341–1342 1341–1342 1341–1342 1341–1342 1341–1342 1341–1342 1341–1342 1341–1342 1341–1342 1341–1342 1341–1342 1341–1342 1341–1342 1341–1342 1341–1342 1341–1342 1341–1342 1341–1343 1342–1343 1342–1343 1342–1343

Jean Caufouret, dit le Clarier Pierre de Grugies Jean de Pons Pierre le Drapier Geffroy le Moine Michel Foillouel Thomas d’Avesnes Guillaume de Barlet Simon Plate-Corne, le jeune Geffroy le Moine Jacques l’Allemand Hue Villart Simon Pointe Jean Prière François de Villers Jacques l’Allemand Richer le Grenetier Jean de Pons Jean le Convers Jean Caboche Jean Caboche Jean de Seraucourt Mathieu d’Amiens

1342–1343

Guillaume de Barlet Guillaume de Sens, dit le Leu de Sons Jean Bordel Jacques du Petit–Pont Pierre Baqueler Jean le Convers Jean Sohier Jacques Caboche

1347–1348 1347–1348

Jean Bouffel Pierre le Sellier

1349–1350 1349–1350

1342–1343 1342–1343 1342–1343 1343–1344 1343–1344 1343–1344 1343–1344 1344–1345 1345–1346 1346–1347 1346–1347 1346–1347 1346–1347 1347–1348 1347–1348 1347–1348 1347–1348 1347–1348 1347–1348 1347–1348 1347–1348 1347–1348

1347–1348 1349–1350 1349–1350 1349–1350 1349–1350 1349–1350

371

Annexes

Guillaume le Grenetier

1349–1350

Robert d’Arras Geffroy le Moine Pierre Baqueler Jean Coffart Jean de Ribemont Quentin Caveron Jean de Berne Philippe le Compte Jean Renouart Jean Pointe Simon de Regny Jean Caboche Jean Coffart Philippe Prière Simon Plate-Corne, le jeune Jean des Fontainnes Quentin Caveron Jean de Berne Mathieu Ravenier Jean d’Oisny Jacques Lestoy Richer le Mercier Jacques l’Allemand Jean Coffart Philippe Prière Louis de Pourville Geffroy le Moine Thomas de Corbeny Jean de Villerel Mathieu Hanequin Richer le Grenetier Jean le Bègue Jean le Convers Jean Caboche

1352–1353 1352–1353 1352–1353 1352–1353 1352–1353 1352–1353 1352–1353 1352–1353 1353–1354 1353–1354 1353–1354 1353–1354 1353–1354 1353–1354 1353–1354

372

1353–1354 1353–1354 1353–1354 1353–1354 1353–1354 1353–1354 1353–1354 1354–1355 1354–1355 1354–1355 1354–1355 1355–1356 1355–1356 1355–1356 1355–1356 1355–1356 1355–1356 1355–1356 1355–1356

Simon Malesmains 1355–1356 Mathieu as Pois 1355–1356 Jacques le Roi 1355–1356 Quentin Caveron 1355–1356 Jean le Mire 1355–1356 Jean Conte 1355–1356 Jean Ysembair 1355–1356 Mathieu Bauchant 1358–1359 Jean de Sissi 1358–1359 Pierre le Fevre 1358–1359 Simon de Gauchy 1358–1359 Jean Marchant 1358–1359 Quentin Ravenier, le jeune 1359–1360 Colard de Villecholle 1359–1360 Jean Porcelet 1359–1360 Jean le Lormier 1359–1360 Mathieu Hanequin 1359–1360 Jean le Noire de Mercourt 1359–1360 Wermond Prière 1359–1360 Pierre Baqueler, Vaqueler 1359–1360 Guillaumes Gossiaume 1359–1360 Jean Sohier 1359–1360 Jean Sohier 1359–1360 Philippe Prière 1359–1360 Simon Plate-Corne, le jeune Jean de Coquelaire

1359–1360

Simon de Dalon Regnault de Dalon Jean Fercos Jean de la Mote Enguerand Porcelet Clement le Rouve Simon le Moine Jean de Terrouanne Jean de Gauchy

1359–1360 1359–1360 1359–1360 1359–1360 1359–1360 1359–1360 1359–1360 1359–1360 1359–1360

1359–1360

Listes chronologiques des officiers | Annexe 3

Richer le Grenetier Jean de Ribemont Simon Plate-Corne, le jeune Pierre du Cavech Simon Malesmains Jean Prière Richer le Grenetier Simon Plate-Corne, le jeune

1360–1361 1360–1361 1360–1361

Jean de Remicourt Jean Renouart Jean Pointe Colard de Regny Jean Carette Colard de Villecholle Jean de Bohain Quentin de Brissy Mathieu Bauchant Robert Porcelet Simon Plate-Corne, le jeune Pierre le Bègue Jean de Monchy l’aîné André Prière Philippe Prière Jean de Villerel Jean le Noire de Mercourt Regnier de Villers Enguerand Porcelet Regnier de Villers Richer le Mercier Regnier de Villers Richer le Mercier Jean de Bray Thomas Plate-Corne

1361–1362 1362–1363 1362–1363 1362–1363 1362–1363 1362–1363 1362–1363 1362–1363 1362–1363 1362–1363 1362–1363

1360–1361 1360–1361 1360–1361 1361–1362 1361–1362

1362–1363 1362–1363 1362–1363 1363–1364 1365–1366 1365–1366 1365–1366 1365–1366 1366–1367 1366–1367 1367–1368 1367–1368 1367–1368 1367–1368

Colard de Regny Jean le Lormier Jean de Villerel Wermond Prière Jaques d’Espinoy Quentin Cornet Guillaumes Gossiaume Simon de Crois Thomas Ravenier Pierre le Hanequin Thomas de Douay Jean Boursene Jean Ravenier Jean d’Audigny Thomas Plate-Corne Jacques le Roi Jean le Grenetier Clement le Rouve Simon des Coquelles Pierre Plate-Corne René de Vilardun Simon le Cirier Jean le Lormier Thomas Ravenier Jean d’Audigny André d’Avesne Jean Prière Simon des Coquelles Jean de Gauchy Pierre Plate-Corne René de Vilardun Simon le Chirier, Cirier Jean de Franchillon Regnier de Villers Jean Pointe

1368–1369 1368–1369 1368–1369 1368–1369 1368–1369 1368–1369 1368–1369 1368–1369 1368–1369 1368–1369 1368–1369 1368–1369 1368–1369 1368–1369 1368–1369 1368–1369 1368–1369 1368–1369 1368–1369 1368–1369 1368–1369 1368–1369 1369–1370 1369–1370 1369–1370 1369–1370 1369–1370 1369–1370 1369–1370 1369–1370 1369–1370 1369–1370 1370 1370–1371 1371

373

Annexes

Jean le Lormier 1371 Mathieu Hanequin 1371 Richer, Rikier le Mercier 1371 Jean le Tourtier 1371 Philippe Prière 1371 Jean de Ribemont 1371 Pierre le Bègue 1371 Pierre le Hanequin 1371 Jean de Bray 1371 Jean de Villers 1371 Jean d’Audigny 1371 Jean le Grenetier 1371 Simon le Moine 1371 Jean de Monchy l’aîné 1371 Yvard Carbonnée 1371 André Prière 1371 Colard de Regny 1371–1372 Pierre le Hanequin 1371–1372 Jean d’Audigny 1371–1372 Mathieu Souchet 1372 Regnault de Dalon 1372 Jean d’Audigny 1373–1374 Louis Marechal 1374–1375 Colard de Regny 1375–1376 Louis Marechal 1375–1376 Simon de Crois 1375–1376 Jean le Tourtier 1375–1376 Jean Loire 1375–1376 Simon le Cat 1376 Louis Marechal 1376–1377 Jean Loire 1376–1377 Quentin Ravenier, le jeune 1377–1378 Colard de Regny 1377–1378 Jean le Bègue 1377–1378 Richer le Mercier 1377–1378 Louis Marechal 1377–1378 374

Simon de Crois Jean le Tourtier Quentin Plate-Corne l’aîné Jean de la Rivière Jacque Caufouret, le jeune Quentin Calardie Jean de Vermans Wermond Prière Louis Marechal Simon de Crois Simon le Cat Simon des Coquelles Quentin Calardie Mathieu Bauchant Simon le Cat Jean le Bègue Jean Martequin Jean d’Origny Pierre le Hanequin Quentin as Pois Raoul Payen Raoul d’Espaigny Jean Boursene Simon le Cat Robert le Convers Louis Marechal Louis Marechal Quentin as Pois Quentin Plate-Corne l’aîné Mathieu Bauchant Louis Marechal Robert le Convers Hue Villart Mathieu Bauchant

1377–1378 1377–1378 1377–1378 1377–1378 1377–1378 1377–1378 1377–1378 1378–1379 1378–1379 1378–1379 1378–1379 1378–1379 1378–1379 1379–1380 1379–1380 1380–1381 1380–1381 1380–1381 1380–1381 1380–1381 1380–1381 1381–1382 1381–1382 1383–1384 1383–1384 1384–1385 1385–1386 1385–1386 1385–1386 1388–1389 1388–1389 1388–1389 1388–1389 1389–1390

Listes chronologiques des officiers | Annexe 3

Quentin as Pois Robert le Convers Quentin as Pois Simon de Naves Quentin as Pois Wermon Carbonné Jean Hoppin l’aîné Simon de Naves Nicaise Poilet Hue Willart

1390–1391 1391–1392 1393–1394 1393–1394 1394–1395 1394–1395 1394–1395 1394–1395 1394–1395 1395–1396

Riquier le Grenetier Gilles de Montegny Hue Villart Gilles le Sellier Philippe Prière Quentin as Pois Guillaume Cornet Hue Villart Quentin as Pois Richer le Grenetier Adam Lanchart Colard Lanchart Michel de Burry Jean Hatet Jean Hoppin l’aîné Gérard le Pesier Gilles le Sellier Louis Marechal Simon Longnart Simon le Cat Simon le Cat Gilles le Loré Tassart Sohier Jean Poilet Jean Poilet

1396–1397 1396–1397 1397–1398 1397–1398 1398–1399 1398–1399 1398–1399 1398–1399 1399–1400 1400–1401 1400–1401 1400–1401 v. 1400–1410 1402–1403 1402–1403 1404–1405 1404–1405 1405–1406 1405–1406 1412–1413 1415–1416 1417–1418 1417–1418 1424–1425 1425–1426

4.

Les échevins

Mathieu Provenceau Thomas Hious Drieux Bordeau, le jeune Bouvar l’Eschohier

1218 1218 1218 1218

Robert le Beau Herbert Cochon Bertremius Berbizoun Aubri Maillé Thomas Carbonnée Jean le fils Franchon Wedes Bordiaus Simon d’Audigny Jean Caron Jean Caron Jean de Villerel Jean Bastien Jean Carbonnée Robert de Dourlens Robert d’Arras Guillaume d’Aisonville Simon le Moine Thassart Craulet Robert Porcelet Robert d’Arras Simon le Moine Guillaume d’Aisonville Jean Prière Pierre Baqueler Jean Prière Pierre Baqueler Thassart Craulet Pierre Fastar Robert Porcelet Thomas du Cavech

1218 1218 1218 1218 1218 1218 1218 1318 1318 1322 1322 1322 1333 1335 1336 1339 1339 1339 1339 1339 1339 1339 1342 1346 1346 1346 1346 1347 1347 1347

375

Annexes

Jean Prière Jean Malaffait Colard le Borgne l’ancien Jean de Robart, dit de Prions Ponchar de Vugnies Renier de Villers Raoul Docle Jean de Malines Jean le Bègue Pierre le Coquin Jean le Noire de Mercourt Pierre Baqueler Michel le Roi Michel le Roi Wermond Prière Raoul Payen Louis Marechal Jean le Bègue Raoul Payen Jean d’Origny Jean le Bègue Louis, Loys Marechal Jean d’Audigny Jean d’Origny Louis, Loys Marechal Mathieu Plate-Corne Simon de Naves Mathieu Plate-Corne Quentin as Pois Adam Lanchart Philippe Prière Regnaud Prière



3 4

376

Échevin depuis 14 ans. Échevin depuis 6 ans.

1362 1362 1362 1362 1362 1362 1362 1362 1362 1362 1362 1362 1362 1371 1377–1378 1377–1378 1377–1378 1377–1378 1380 1380 1380 1380 1381 1382 1382 v. 1392 1393 13963 13964 1406 1407 1407

Adam Lanchart Étienne Renouart Jaquemar le Roi Adam Lanchart Mathieu Plate-Corne Raoul Payen Jaquemart le Roi Adam Lanchart 5.

1416 1416 1416 1416 1416 1416 1416 1416

Les maires d’enseigne

a. Gréance Quentin Boves Simon Mauvoisin Jaques du Petit–Pont Jean Renouard Mathieu Oudard

1320–1321 1323–1324 1325 1332–1333 1365–1366

b. Sellerie Jean le Sellier Robert de Lesdins Jean le Lormier Pierre Wariaus, Wariel Pierre le Barbier Robert Guillot Jean Pastourel

1302–1303 1320–1321 1323–1326 1332–1333 1365–1366 1371–1372 1372–1373

c. Neuve–Rue Jean Bliart Adam Foubelois Quentin le Bègue

1302–1303 1320–1321 1332–1334

d. Pontoiles Nicaise de Pontoille

1320–1302

Listes chronologiques des officiers | Annexe 3

e. Beauvoire Quentin Hesete Geoffroy Franquet Jean de la Horbe Gérard de la Vigne Jean Hémart

1320–1321 1323–1326 1332–1333 1365–1366 1370–1373

f. Castel Jean d’Arras Jean Roytel Mathieu le Grenetier Jean le Fèvre Raoul Goudet Simon Roquet

1302–1303 1319–1321 1323–1326 1332–1333 1365–1366 1372–1373

g. Belles–Portes Jean de Regny Philippe de Douay Étienne de Dalon Jean Grégoire Robert d’Espinoy

1302–1303 1320–1321 1323–1326 1332–1333 1365–1370

h. Vieux-Marché Mathieu le Rouve Baudouin le Rouve

1320–1326 1332–1333

i. Tannerie Pierre de Villerel Jean de Chauny Quentin de Villerel Jean de Sissi Simon de Bohain Jean de Marle

1302–1303 1320–1326 1332–1333 1356 1365–1366 1370–1371

Pierre de Villerel Jean de Sissi

1302–1303 1373–1374

j. Ronde–Chapelle Renier Frappart Jean de la Vigne Gérard d’Esquehéries Pierre de Marle Gervaise de Grugies Pierre Poutrain

1301–1302 1319–1320 1320–1321 1322–1333 1365–1366 1370–1373

k. Boulangerie Guillaume le Moine Pierre de Grugies André de Lesquielles

1320–1321 1322–1333 1370–1372

l. Fontaine Gérard de gauchy Jean le Ahennier Wyart de Moy Renaud de Dalon Jean Coquelare

1302–1303 1319–1324 1332–1333 1365–1371 1372–1373

m. Marché Henri d’Audigny Jean Caufouret Jean Martin

1320–1321 1323–1333 1365–1366

n. Sainte–Pécinne Herbert de Castres Mathieu de Dain André Blanc –Toupet

1301–1302 1320–1333 1365–1366

377

Annexes

o. Touquet Robert Muset Geoffroy le Moine Jacques Loingnars Jean le Tourtier

1301–1302 1321–1322 1323–1333 1365–1373

p. Détroit d’Isle Jean le Cressonnier Colard de Villerel 6.

Les sergents d’enseigne

Jean de Graves Jean de Bietery 7.

1320–1326 1332–1333

1389 1389

Les argentiers

Pierre d’Oisny Jaquemart de Regny

1288–1289 1289–1290

Jean Prière Hue Ravenier Jaquemart de Regny Hue Ravenier

1292–1293 1294–1295 1295–1296 1295–1296

Hue Ravenier Jaquemart de Regny Hue Ravenier

1296–1297 1297–1298 1298–1299

Jean de Malassise Jean de Malassise

1299–1300 1300–1301

Jean de Malassise Jean de Malassise Jean de Malassise Huart dit Putepainne Pierre le Mie Huart dit Putepainne Pierre le Mie Yves le Mercier André le Convers Yves le Mercier

1301–1302 1302–1303 1304–1305 1305–1306 1306–1307 1309–1310 1310–1311 1312–1313 1313–1314 1314–1315

378

André le Convers Quentin de Douay André le Convers Ernoul de Maubeuge Guillaume d’Aisonville Guillaume d’Aisonville Yves le Mercier Jean Carbonnée Simon d’Oisny Guillaume d’Aisonville Guillaume d’Aisonville André le Convers Guillaume d’Aisonville Guillaume d’Aisonville Yves le Mercier Guillaume d’Aisonville Guillaume d’Aisonville Yves le Mercier Guillaume d’Aisonville Guillaume d’Aisonville Jacquemart le Grenetier Jacquemart le Grenetier Guillaume d’Aisonville Guillaume d’Aisonville Rikier le Grenetier Robert d’Arras Thomas d’Avesnes Geffroy le Moine Simon Plate-Corne Geffroy le Moine Robert d’Arras Philippe Prière Philippe Prière Rikier le Grenetier Rikier le Grenetier Simon Plate-Corne

1314–1315 1316–1317 1317–1318 1318–1319 1319–1320 1320–1321 1320–1321 1321–1322 1321–1322 1322–1323 1323–1324 1324–1325 1324–1325 1325–1326 1326–1327 1327–1328 1328–1329 1328–1329 1329–1330 1330–1331 1332–1333 1334–1335 1335–1336 1339–1340 1340–1341 1341–1342 1343–1344 1345–1346 1345–1346 1352–1353 1352–1353 1353–1354 1354–1355 1355–1356 1360–1361 1360–1361

Listes chronologiques des officiers | Annexe 3

Rikier le Grenetier Simon Plate-Corne Simon Plate-Corne Philippe Prière Jean de Villerel Regnier de Villers Regnier de Villers Regnier de Villers André d’Avesne Regnier de Villers Pierre le Hanequin Jean d’Audigny Louis Marechal Simon de Crois Simon le Cat Louis Marechal Simon le Cat Louis Marechal Pierre le Hanequin Raoul d’Espaigny Jean Boursene Robert le Convers Simon le Cat Louis Marechal Louis Marechal Louis Marechal Louis Marechal Hue Villart Quentin as Pois Quentin as Pois Robert le Convers Quentin as Pois Quentin as Pois Quentin as Pois Hue Villart Gilles de Montegny

1361–1362 1361–1362 1362–1363 1363–1364 1365–1366 1365–1366 1366–1367 1367–1368 1369–1370 1370–1371 1371–1372 1373–1374 1374–1375 1375–1376 1376–1377 1376–1377 1378–1379 1378–1379 1380–1381 1381–1382 1382–1383 1383–1384 1383–1384 1384–1385 1385–1386 1386–1387 1388–1389 1389–1390 1390–1391 1390–1391 1391–1392 1393–1394 1393–1394 1394–1395 1395–1396 1396–1397

Hue Villart Guillaume Cornet Hue Villart Quentin as Pois Colard Lanchart Adam Lanchart Jean Hatet Louis Marechal Michel de Burry Simon le Cat Simon le Cat Gilles le Loré Jean Poilet 8.

1397–1398 1398–1399 1398–1399 1399–1400 1400–1401 1400–1401 1402–1403 1405–1406 1410 vers 1412–1413 1415–1416 1417–1418 1424–1425

Les commis aux enquêtes

Robert le Drapier 1316 Guillaume Fere 1316 Surien dit le Maieur 1316 Pierre de Regny 1316 Jean Sohier, Soyer 1316 François de Villers 1316 Jean Bastien 1322 Jean de Villerel 1322 Jean de Villerel 1324 Jean Bouffel 1325 Jean Sohier, Soyer 1325 Guillaume d’Aisonville 1330 Raoul Bourdel, Bardel 1332 Jean de Villerel 1332 Michel Foillouel, Foloviaus, 1332 Alain Gaisdon, Kaisdon, Gaidon 1332 Guillaume d’Aisonville 1334 Jean le Vairier 1334 Raoul Bourdel, Bardel 1336 Thomas du Cavech 1336 Robert d’Arras 1336

379

Annexes

Jean Caufouret, dit le Clarier 1336 Jean Caufouret, dit le Clarier 1337 Guillaume d’Aisonville 1339 Simon le Moine 1339 Robert d’Arras 1339 Jean Bastien 1339 André le Convers 1339 Thassart Craulet 1339 Pierre de Grugies, Grugies, 1339 Grougies Pierre de Grugies, Grugiez 1339 Robert Porcelet 1339 Quentin Ravenier 1339 Pierre Fastar 1340 Alain Gaisdon, Kaisdon, Gaidon 1340 Jean Caufouret, dit le Clarier 1342 Jean Prière 1342 Pierre Baqueler, Vaqueler 1346 Simon Pointe 1346 Jean Prière 1346 Mathieu d’Amiens 1347 Jean Caboche 1347 Pierre Fastar 1347 Robert Porcelet 1347 Jean de Seraucourt 1347 François de Villers 1347 Philippe Prière 1407 9.

Les commis aux ouvrages

Jean Porée Jean le Vairier Jean Porée Jean le Vairier Jean Porée Jean le Vairier Guillaume le Moine

380

1327–1328 1327–1328 1328–1329 1328–1329 1329–1330 1329–1330 1331–1332

Jean le Vairier 1331–1332 Guillaume le Moine 1333–1333 Jean le Vairier 1333–1333 Guillaume le Moine 1333–1334 Jean le Vairier 1333–1334 Guillaume le Moine 1334–1334 Michel Foillouel, 1335–1336 Foloviaus, Jean le Vairier 1335–1336 Jean de Grugies, Grugiez 1336 Alain Gaisdon, Kaisdon, 1337–1338 Gaidon Jean Caufouret, dit le 1337–1338 Clarier Geffroy le Moine 1339–1340 Jean Caufouret, dit le 1339–1340 Clarier Gérard d’Esquéheries 1340–1340 Geffroy le Moine 1340–1340 Jaques du Petit–Pont 1340–1340 Jean Prière 1340–1340 Jean Caufouret, dit le 1340–1340 Clarier Jean le Lormier 1340–1341 Jean le Vairier 1340–1341 Jean le Lormier 1342–1343 Jean Caufouret, dit le 1342–1343 Clarier Richer, Rikier le Grenetier 1350 vers Jean de Ribemont 1352–1352 Pierre Baqueler, Vaqueler 1352–1353 Quentin Caveron 1352–1353 Jean de Berne 1353–1354 Quentin Caveron 1353–1354 Jean Pointe 1354 Quentin Ravenier, le jeune1359–1360 Jean le Lormier 1359–1359

Listes chronologiques des officiers | Annexe 3

Jean de la Mote Jean de Terrouanne, Therouenne Jean Sohier, Soyer Jean de Gauchy Colard de Villecholle Jean le Noire de Mercourt Enguerand Porcelet Simon de Crois Simon des Coquelles Mathieu Bauchant Mathieu Bauchant Robert le Convers Mathieu Bauchant

1359–1359 1359–1359 1359–135 1359–1360 1359–1360 1365–1366 1365–1366 1378–1379 1378–1379 1379–1380 1388–1389 1389–1390 1390–1391

10. Les commis aux pauvres Guillaume d’Aisonville Simon le Moine Simon Plate-Corne Geffroy le Moine Jean Carbonnée Jean Carbonnée Jean Carbonnée Geffroy le Moine Geffroy le Moine Geffroy le Moine Geffroy le Moine

1317–1318 1324–1325 1331–1332 1338–1339 1338–1339 1338–1339 1339–1340 1339–1340 1341–1343 1342–1343 1343–1344

11. Les commis aux présents Jaques du Petit–Pont Richer, Rikier le Mercier

v. 1335–1340 1366–1367

12. Les commis aux issus Guillaume d’Aisonville Jean Carbonnée Geffroy le Moine Simon Plate-Corne

v. 1335–1340 v. 1335–1340 v. 1335–1340 v. 1335–1340

13. Les commis aux mainbourgs Robert d’Arras Pierre de Grugies

v. 1335–1340 v. 1335–1340

14. Les commis à l’imposition, assise, aide ou maltote du vin Geffroy le Moine Pierre de Grugies Pierre de Grugies Pierre le Drapier Jacques l’Allemand Pierre le Drapier Jacques l’Allemand Pierre de Grugies Pierre de Grugies Pierre le Drapier Jacques l’Allemand Pierre de Grugies Jean de Pons Jean de Pons Pierre le Drapier Jacques l’Allemand Pierre de Grugies Rikier le Grenetier Jean de Pons Jacques l’Allemand Jean Bordel Rikier le Mercier Jean des Fontainnes Jean Renouart Jean des Fontainnes Jacques Lestoy Rikier le Mercier Jacques l’Allemand Jean Caboche

1323–1324 1327–1328 1337–1338 1337–1338 1337–1338 1338–1339 1338–1339 1338–1339 1339–1340 1339–1340 1339–1340 1341–1342 1342–1342 1342–1342 1342–1342 1342–1342 1342–1343 1347–1348 1347–1348 1347–1348 1347–1348 1353–1354 1353–1354 1353–1354 1353–1354 1353–1354 1353–1354 1354–1355 1355–1356

381

Annexes

Quentin Caveron Simon Malesmains Jean Caboche Quentin Caveron Jean le Mire Jean Conte Jean le Bègue Jean Ysembair Rikier le Mercier Jean de Bray Rikier le Mercier Jean de Bray Thomas Plate-Corne Jean le Tourtier Jean le Lormier Jean de Bray Pierre Hanequin Colard de Regny Colard de Regny Jean le Tourtier Colard de Regny Louis Marechal Colard de Regny Jean le Tourtier Colard de Regny Louis Marechal Quentin as Pois Philippe Prière Guillaume Cornet

1355–1356 1355–1356 1355–1356 1355–1356 1355–1356 1355–1356 1355–1356 1355–1356 1366–1367 1367–1368 1367–1368 1367–1368 1367–1368 1371 1371 1371 1371–1372 1371–1372 1375–1376 1375–1376 1375–1376 1375–1376 1377–1378 1377–1378 1377–1378 1377–1378 1385–1386 1398–1399 1398–1399

15. Les commis aux forfaits François de Villers Jean Sohier, Soyer Jean Sohier, Soyer Thomas d’Avesnes Jean Carbonnée Simon de Regny 382

1320–1321 1324 1324 v. 1335–1340 1335–1336 1353–1354

Jean Caboche Mathieu Hanequin Jean de Remicourt Richer le Grenetier Jean Hoppin l’aîné

1353–1354 1355–1356 1361–1362 1400–1401 1402–1403

16. Les sergents à Verge Wagné Gerart de Thupegni Gille de Maucho Huart le Selier Jacques de Laon Raulin le Pesier Thomas d’Avesne Geoffroy du Castel Michel le Mie Marchi Jean Bauchant Jean Fastar Jean Carbonnée Thassar Bauchant Jean Sohier Jean le Clerc Jean Fastar Mathieu d’Esquehéries

v. 1335–1340 v. 1335–1340 v. 1335–1340 v. 1335–1340 v. 1335–1340 v. 1335–1340 v. 1335–1340 1335 1335 1335 v. 1335–1360 1360–1363 1393 1400–1425 1400–1425 1401 1411–1415 1415

17. Les sergents à masse Gerard de Thuppegny Jean Bauchant Jean Marnoyet Robert Piot Jean de Villers Jean Bourgeois Jean Seguin Yves du Rue Clément de Grugies

v. 1335–1340 v. 1335–1340 v. 1335–1340 v. 1335–1340 v. 1335–1340 v. 1335–1340 v. 1335–1340 v. 1335–1340 1335

Listes chronologiques des officiers | Annexe 3

Jean le Clerc Jean des Mares Jacques d’Estaquois Petit Pierrot Pierre de Fontaines Grolu

1372–1380 1384–1394 1384 1384 1399 1405

18. Les clercs de la ville Pierre de Hedin Jean de Hedin Jean Kieret Quentin le Loyeur, Guillaume de Grugies Jean Marnier Simon de Naves 19.

1313–1332 v. 1335–1340 v. 1335–1354 v. 1335–1346 1353–1354 1388 v. 1390

Les médecins–chirurgiens jurés

Nicole des Fossés Jean Bailli Jean Coffart Jean Patenostre Louis de Pourville Jean Queue de Vers Molenet Jean de Franchillon

1331 1335 1352–1354 1352–1353 1354 1365–1366 1365–1366 1370

20. Les gardes du Beffroi Mathieu des Bardu Pierre de Harli Mathieu de Crois Jean Fastar



5 6

v. 1335–1340 v. 1335–1340 1335–1336 av. juil.. 1362

21. Les fermiers de la justice du destroit d’Aouste Jean de Nueville Jean Pignon

1323–1325 1342–1344

22. Les fermiers de la justice du destroit d’Isle Robert de Pas Jean de Ribemont scel »

1323–1325 1342–1344

23. Les fermiers du « rouge

Robert de Pas Jean de Ribemont B.

1323–1325 1342–1344

Les officiers féodaux

1. Les châtelains de Saint-Quentin Hildrad Lambert5 Godefroi Lambert Anseau Roger Pierre Guy de Moy Guerry de Moy Gilles de Marquenay6 Robert de Gauchy Wiart de Gauchy

954 982–988 1010 1021–1043 1075–1104 1124 1125–1126 1138 1179 1195 v. 1200 1284–1292

À la même date, Bardelon est sous-châtelain. Pour sa femme.

383

Annexes

Robert de Gauchy Jean I de Gauchy Jean II de Gauchy Alix de Gauchy Marie de Gauchy Pierre Boursene7 2.

1316–1328 1335–1352 1352–av. déc. 1373 1373–av. 1396 1396–1398 1398

Vicomtes féodaux

Odon Robert Guerry de Moy Guy de Moy Baudoin de Moy 3.

Vicomtes censiers

Évrard du Vivier Étienne le Poissonnier Simon le Sellier Jean du Rues France

4.

Raoul Moit C.

1256 1260 1275 1283

Vicomte pour Blanche de

Me Nicoles Morin8 Thierry de Moiri 5.

1076 1096 1189 1215–1237 1237–…

1353 1356

Vicomte cencier 1393 Les officiers royaux

Les source Saint-Quentinoise qui n’ont jamais vraiment été dépouillées à cet effet, ont préciser la chronologie de l’ensemble des officiers royaux jusqu’à présent répertorié par la Gallia Regia, Henri Waquet et le RHGF. 7 8

Pour le chapitre de Saint-Quentin. Pour Blanche de France.

384

1.

Les baillis de Vermandois

André le jeune Simon des Fossés Pierre de Fontaines Pierre Angelart Mathieu de Beaune Geoffroy de Roncherolles Bertier Angelart Gautier Bardin Jean de Montigny Philippe de Beaumanoir Gautier Bardin Gautier d’Autrèche Guillaume de Hangest Jean de Trie Jean de Vères Jean de Waissi Pierre le Jumeau Firmin, Fremin Coquerel Guy, sire de VillersMorhier Jean Bertrans Michel de Paris Jean de Saillenay, Seignelay Pierre de Beaumont Henri de Genoilly Jean Blondel Fauvel de Vadencourt Robert de Chargny Galeran de Vaux Godemar du Fay

1236–1246 1246–1251 1253 1253–1255 1256–1260 1260–1266 1266–1268 1268–1286 1287–1289 1289–1291 1292–1296 1297–1298 1298–1302 1302–1303 1303 1303–1306 1306–1308 1308–1313 1315–1316 1316–1318 1319–1320 1320–1322 1322–1326 1326–1327 1328–1331 1332–1336 1336 1337–1340 1341–1342

Listes chronologiques des officiers | Annexe 3

Olivier de Laye 1343 Guillaume de Spiry 1343–1344 Guillaume de la 1344 Bannière Payen de Mailly 1345–1346 Godemar du Fay 1345–1347 Olivier de Laye 1346–1348 Guillaume de Staise 1349–1353 Jean de Vaunoise 1354–1357 Guillaume Blondel 1356–1358 Jean de Vaunoise 1358–1361 Jean, sire d’Arentières 1361–1365 Guillaume Blondel 1363 Jean, sire de Tintrey 1366–1369 Tristan du Bois 1369–1378 Robert de la Bove 1379–1382 Henri le Masier 1382–1389 Guy de Honcourt 1389–1394 Gilles du Plessis-Bryon 1394–1400 Ferry de Hangest 1400–1407 Jean de Bains 1408–1414 Pierre de Beauvoir 1414–1415 Thomas de Larzy 1415–1418 Jacques de Lamban 1418–1419 Jean de la Cour, dit Barat1419 Morard de Quein 1420 Regnault de Tictonville 1421–1422 2. Les lieuteants du bailli de Vermandois à Saint-Quentin Jacques de Mailly Jean de Chevresis Robert Sarazin de Laon Jean de Chevresis Jean de Tierceville

9

1304 1315–1315 1316 1317–1319 1324–1329

Mathieu des CoursJumelles Jean de Bernoville Drouart de Hainaut Raoul de Lory Nicole Morin Jean Prière Drouart de Hainaut Jean Prière Philippe Prière Drouart de Hainaut Philippe Prière Herbert le Potier Philippe Prière Drouart de Hainaut Philippe Prière Thomas Ravenier Étienne Tassart Vincent Malaffait Étienne Tassart Vincent Malaffait Philippe Prière Jean Roart Philippe Prière 3.

1334 1351 1351 1351–1354 1353 1359 1362–1367 1370–1370 1373 1374–1375 1376–1379 1379 1380–1381 1382 1383 1387–1401 1405–1411 1412 1413 1416 1418–1420 1420 1421–1428

Les prévôts de Saint-Quentin

Drouart de Pinon Jakier de Pargny Jean du Fay Clérambauld de Franqueville Hue li Bulles Wis dit le Moine Jean Malingres Jean dit le Panetier (G)9

1225–1237 1229–v. 1248 1264 1272 1277 1284 1287 1288–1292

Le « G » indique que la prévôté était en garde à cette date.

385

Annexes

Raoul de Bétancourt Jean du Rues Renaud du Cavech (G) Jacques de Lesdins Adam des Masnius Jacques de Lesdins Adam des Masnius Jean de Chevresis Jean d’Avesne Jean de Chevresis Gautier de Paris Jean de Chevresis Simon Plate-Corne (G) Jean de Chevresis Jean Liénard (G) Jean de Chevresis Jean le Gontier Thassart de Jeancourt Jean de Chevresis Jean le Gontier Thassart de Jeancourt Jean du Verguier Jean Ysaak, Isaac Mathieu de Savi (G) Jean de Chevresis Mathieu de Savy (G) Jean Fercos Jean du Verguier Jean Fercos Jean de Chevresis Quentin le Chambellan (G) Jean de Chevresis Jean Fercos (G) Jean de Chevresis Jean Fercos (G)

386

1295–1296 1300–1301 1302 1303 1306 1306 1307–1308 1310–1314 1316–1317 1317–1321 1322 1323–1324 1325 1325 1328 1328 1329 1329 1330 1330 1330–1331 1332–1334 1338–1338 1338 1338 1338 1339–1340 1342 1342 1344–1345 1346 1346–1347 1349 1350 1352

Jean Ravenier Thomas Plate-Corne Jean de Corbeny Jacques de Corbeni Jacques de Moy Grisol Dohis Jacques de Moy Jacques de Morchain Jean Frappart Jean de Vaux Quentin Ravenier, le jeune Estenne Tassart Pierre Bourssene Estenne Tassart Jean Rehoar, Roart Jean Loré Raoul Miot Regnault de Lehaucourt Simon Prière Robert de Jumilles (G) Mathieu Feré Jean du Tronquoy Jean du Moustier (G)

1353 1356 1357 1358 1362–1364 1365–1366 1370–1374 1378 1383–1384 1388 1392 1395–1397 1398 1400 1406 1408 1408 1411–1412 1413 1413 1419–1419 1420–1420 1423

4. Les lieuteants du prévôt de Saint-Quentin Gérard de Bétancourt 1289–1291 Thomas d’Avesnes 1319 Jean d’Avesne 1320 Simon Plate-Corne 1325 Jean de Chevresis 1328 Quentin le Chambellan 1336–1338 Jean Migno v. 1340 Jean de Tierceville 1345 Huart as Pois 1350 Jean Sohier 1351

Listes chronologiques des officiers | Annexe 3

Jean de Corbeny Gerars de Senerchi Jean d’Estrées Robert Boulet Jean de la Bare 5.

1359 1375 1384–1390 1395–1396 1398

Les garde du sceau

Philippe de Villers Renaud du Cavech Jean Porcelet Simon Plate-Corne André le Convers Jean Prière Quentin Ravenier, l’aîné Colard Ravenier Quentin Ravenier, l’aîné Jean Prière Jean Burel, Buret Thomas Ravenier Jean Hanaquin Estenne Tassart Quentin Machue Hue Vilart sceau

6.

1289 1291–1315 1317 1320–1332 1335 1335–1350 1351–1352 1353 1353–1357 1359–1374 1377–1389 1390–1394 1403–1404 1408 1410 1414–1417

Lieutenants du garde du

Jean d’Oisny Jean de Malassise

1296 1303–1303

Hue dit Vilar André le Convers Quentin le Chambellan Jean Prière Quentin Cornet Jean de Soigniez

1328 1329 1335 1341 1384–1389 1390

Pierre Bertault Colard Carette Quentin Machue Jacques Gaillart Colard Carette royaux

7.

1397 1403 1405 1410 1417

Les notaires–tabbellion

Jean Soignies Quentin Cornet Colard Carette Jean Courbet

1376–1390 1389 1403–1424 1417–1442

8. Les clercs du bailli de Vermandois Nicolas du Bois– Commun Jacques de Mulli Me Laurent Jean de Tierceville

1262 1304–1305 1311–1324 1316–1323

9. Le clercs du prévôt de Saint-Quentin Jean Migno

1329

10. Les substituts du procureur du roi du bailliage de Vermandois à Saint-Quentin Jean de Tierceville Pierre de la Rivière Jean Marnier Mathieu Plate-Corne Thierry Vielle Jean de Sons Pierre le Poivre

1325–1331 1365–1380 1390 1394–1398 1403–1404 1408–1411 1420

387

Annexes

11. Les sergents royaux Jean de Holnon Philippe d’Andrechi Pierre de Latre Baudouin de Macquincourt Oudard Castelain Jean de Paris Quentin l’Oiseleur Roger de Fluquiere Roger du Four Robert des Muriaus Jean Chauvel Jean l’Enfant Jean Brochard Jean Polart Colard de Targny Gérard Cochon Pierre de Waulaincourt Renier Doucet Pierre du Manoir Jean Bouillon Pierre Sartier Simon de Bohain Goulard du Reux Jean du Liochart Jacques le Huissier Jean le Grenetier Jean Sartier Pierre Villette Nicaise de Hamicourt Geffroy de Bernonville Jean Frappart Jean Loiré Jean de la Barre Quentin Migno 388

1290 1290 1309 1309 1309 1315 1316–1338 1317 1323–1324 1323–1324 1324–1329 1324–1331 1326–1337 1329–1334 1329–1343 1330–1342 1330–1331 1331–1334 1333–1333 1334 1339 1341–1346 1341–1347 1341 1342 1346 1349–1354 1353–1356 1353–1357 1360 1361–1361 1365–1370 1371–1402 1378–1384

Guillebert de Mennevret Quentin de Moy Pierre Lanchart Jean Marnier Noël de Reims Regnault de Monchy Thierry Vielle Colard le Doyen Jean de Marbais Jean de Barlet Jean Bride Jacques Charlet Simon de Vaux André Bourbaille Robert Trousset

1378 1380 1380–1402 1383–1399 1393 1394–1399 1394–1402 1398–1402 1394 1399–1405 1400–1402 1402 1402 1406 1413–1415

12. Les hommes de fief du roi Guillaume d’Orléans Robert Porcelet Jean de Rocourt Étienne le Poissonnier Quentin le Chambellan Wiart de Moiri Girard de Chevresis Wiart de Moiri Nicaise de Fieulaine Robert de Fonsommes Jean le Gontier Robert de Gauchy Wiart de Moiri Gui, dit Goulard de Moy Jean, dit le borgne de Cramaille Jean, dit Tournés de Moy Simon de Villers le Vert Jean de Hamel

1277 1277 1277 1277 1277 1291 1296 1296 1299 1299 1299 1299 1299 1299 1299 1299 1299 1299

Listes chronologiques des officiers | Annexe 3

Jean de Renansart Guillaume de Pontruet Robert le Bel Guillaume Burdin Guillaume du Fay Robert de Gauchy Wiart de Moiri Quentin Ravenier, l’aîné Renaud du Cavech, Kavech Gilles de Wallaincourt Quentin le Chambellan Wiart de Moy Jean dit Tournes de Moy Robert le Bel Guy, dit Goulard de Moy Pierre le Mie Quentin Ravenier, l’aîné Jean Sohier Jean de Clastres Jean de Chevresis Jean, dit le borgne de Cramaille Jean de Hamel Guillaume de Pontruet Guillaume du Fay Oudars de Ham Jean de Marteville Jean de Picquegni Baudouin des Aues Gui, dit Goulard de Moy Jean Sohier Oudars de Ham Simon Rivière Jean de Marteville Robert de Gauchy Guillaume du Fay Oudars de Ham

1299 1299 1299 1299 1299 1309 1309 1317 1317 1317 1317 1319 1319 1319 1319 1324 1324 1324 1325 1325 1325 1325 1325 1325 1325 1325 1325 1325 1325 1325 1325 1325 1325 1325 1325 1325

Jean de Thiars Jean de Tiergeville Jean le Gontier Mathieu de la Mote Jean, dit le borgne de Cramaille Jean de Hamel Guillaume de Pontruel Oudars de Ham Eustache de Homblière Jean de Marteville Simon Rivière Jean de Picquegni Guillaume Havart Robert de Luchi Guy, dit Goulard de Moy Jean de Chevresis Jean de Tierceville Jean Sohier, Soyer Mathieu de la Mote Simon Rivière Jean Prière Jean Ysaak Mathieu de la Mote Quentin le Chambellan Jean de Picquegni Baudouin des Aues Jean de Wallaincourt Thibaut de Moreuil Gérard de Fontainne Gérard de Villers Pierre Sacques Nicolas, Nicole Robert de Fonsommes, le jeune Jean de Thiars Jean Prière Jean de Tiergeville

1326 1326 1326 1326 1326 1326 1326 1326 1326 1326 1326 1326 1326 1326 1326 1328 1328 1328 1328 1328 1329 1329 1329 1329 1329 1329 1329 1329 1329 1329 1329 1329 1329 1330 1330 1330 389

Annexes

Jean le Poivre Jean de Chevresis Mathieu de Savi, dit le Clerc Nicaise de Fieulaine Simon de Moiry Jean de Chevresis Jean de Marteville Oudars de Ham Jean de Tierceville Jean de Bohain Simon de Mouy Jean de Picquegni Jean Prière Quentin Ravenier, l’aîné Jean Migno Mathieu de Savi, dit le Clerc Robert d’Arras Jean Carbonnée Pierre de Chevresis Jean de Tierceville Jean Isaac Jean dit Tournés de Moy Robert le Beau Jean de Picquegni Pierre le Contes Anssiaus de Vermans Jean le Moine de Plaine Selve Jena de Chilli Quentin le Chambellan Jean de Tierceville Robert d’Arras Hugue, Hue dit Vilar Philippe Prière Jean Mignos Jean Caufouret, dit le Clarier Gérard de Bétancourt 390

1330 1330 1330 1330 1330 1331 1331 1331 1334 1336 1336 1339 1340 1340 1340 1340 1340 1340 1340 1340 1340 1340 1340 1340 1340 1340 1340 1340 1340 1343 1344 1349 1349 1349 1349 1349

Jean de Paris Robert de Fonsommes, le jeune Mathieu de Chevresis Jean de Morry Mathieu de la Mote Jean de Bohain Pierre de la Rivière Quentin Ravenier, le jeune André d’Avesne Jean Fercos Mathieu de Roumeries Jean de Rocourt Philippe Prière Jean de Villerel Jean Prière Jacques Caboche Pierre de la Rivière Jean de Gauchy Jean Ravenier Jean Rehoar, Roart Jaquemart le Mie Jean le Gobers, dit le clerc de Pontruet Regnau Sohier Robert de Hervilly Mathieu de Chevresis Jean Espaulart Philippe Prière Thomas Ravenier Pierre de la Rivière Jean Fastar Jean Burel Gui, dit Goullard de Moy Guillaume de Sens, dit le Leu de Sons Jean Ravenier

1349 1349 1349 1349 1349 1351 1359 1359 1359 1359 1359 1367 1370 1370 1370 1370 1370 1370 1370 1370 1370 1370 1370 1370 1370 1370 1374 1374 1374 1374 1374 1374 1374 1374

Listes chronologiques des officiers | Annexe 3

Jean le Grenetier Jean de la Mote Pierre Fercos Gilles Courtois Thierry de Moiry Robert de Hervilly Jean de Gauchy Jean Espaulart Guyart de Jeumont Regnaud de Nouroy Quentin Ravenier, le jeune Jean Burel Jean Fastar Jean de Lehaucourt Gérard Prière Robert de Hervilly Thierchelez de Montigny Jean le Gobers, dit le clerc de Pontruet Philippe Prière Jean de Barlet Jean de Vaux Jean de Sons Quentin Plate-Corne l’aîné X de Fonsomme Jean l’Orfèvre Simon le Moine Jean de la Bare, Barre Hue Villart Jacques de Mastaing Étienne Noël Simon le Cat Thierry Vielle Jean le Grenetier Guy le Clerc Thierry de Fressencourt

1374 1374 1374 1374 1374 1374 1374 1374 1374 1374 1379 1379 1379 1379 1379 1379 1379 1390 1398 1398 1398 1398 1398 1398 1398 1406 1406 1406 1406 1406 1411 1411 1411 1411 1411

Grignart de Mastaing Jean de la Barre Simon le Cat D.

1411 1411 1419

Les officiers ecclésiastiques

1. Les officiaux du chapitre de Saint-Quentin Me Pierre d’Orgival Pierre de Beauvois Me Thierry Me Jean de Thiars Me Herbert de Marle Me Eustache du Bois Me Gilles de Crépy Me Eustache du Bois Me Pierre Hachereau Me Quentin Machue

1204 1229 1231 1326–1328 1342 1358 1368 1370–1379 1396–1397 1402

2. Les doyen de chrétienté de Saint-Quentin Robert H[enri] Thomas Raoul Werry Fessart Jean

1231 1251 1277 1247 1332 1336

3. Les tabellions/notaires du chapitre de Saint-Quentin Pierre de Pulli Colard de Lesquielle Simon Férin Nicolas Férin Jean de Quercet Pierre Cordier Jean Aurii

1305 1331 1333 1337–1342 1339–1347 1339–1342 1340–1343 391

Annexes

Nicolas de Lesquielle Jean Baillekin Simon le Tonelier Jean Payen Jean de Macheni Jean de Soignies Guillaume Haulin Jacques Gaillart Jean Dudel

1341–1342 1352–1361 1352–1358 1353–1358 1358 1368 1383 1395 1407–1421

4. Les tabellions/notaires de l’évêque de Noyon à Saint-Quentin Raoul de Buignies

1340

E. Les jurisconsultes de la ville Robert d’Atilly Mathieu du Marché

392

v. 1184–1214 v. 1184–1214

Robert des Lyonchiaus Pierre Blanc-Toupets Pierre Foillouel Pierre de Tombes Jean du VieuxMarché Simon Rivière Quentin Foillouel Ansel de Lambai André as Pois Colard du Castel Hue Villart Pierre de Tombes Simon le Cat

1332–1337 1328–1341 1326–1332 1330–1335 1330–1341 1324–1332 1332–1359 1328–1329 1324 1342 1329–1346 1330–1347 1350

Index des noms de personnes et de lieux

Abbeville (Somme), 2, 14, 21, 22, 66, 145 Adèle de Valois, 15, 172 Agrenes (li), Renaud, 221 ; Agnès, 221 Aisonville (d’), 74 ; Robert, 185, 186 ; Guillaume, 59, 60 Alaincourt (Aisne), 192 Albert Ier de Vermandois, 14, 161, 191, 194, 195 Aliénor de Vermandois, 18, 23, 24, 25, 26, 27, 29, 31, 32, 35, 36, 41, 42, 55, 185, 187, 298 Aloin, Pierre, 220 Ambesas, Me Hue, 302 ; Jean, 254 Amiens (d’), Mathieu, 80 ; Pierre, 304 Amiens (Somme), 2, 14, 16, 21, 22, 24, 25, 29, 48, 49, 58, 66, 145, 172, 176, 192, 208 Andechi (d’), Philippe, 129, 130 Andigny (d’), 74 ; Simon, 142 Angleterre, 135, 147, 206, 302 Anjou (d’), Louis, 121 Aniouse, Jean, 100, 268, 291 Anvers (Belgique), 22, 78 Aouste/Augusta (Saint-Quentin), détroit d’, 105, 165, 171, 177, 187 Arras (d’), 74 ; Jean, 94 ; Robert, 81 Arras (Pas-de-Calais), 2, 13, 21, 22, 25, 26, 55, 66, 151, 208 As Pois, 74, 76 ; Huart, 312 Athies (Somme), 30, 39 Atilly (d’), Robert, 98 Attilly (Aisne), 164 Aubenton (Aisne), 2 Audigny (d’), Bertrand, 254 ; Gilles, 254 ; Henri, 94 Auquers, Jean, 55 Avesne (d’), 74 ; André, 165 ; Baudouin, 123 ; Henri, 254 Avignon (Vaucluse), 253 Bailleul (Nord), 2 Baissel, Jeannette, 253

Bantues (de), Eustache, 299 Baqueler, 74 ; Pierre, 231, 276 Barastre, Jean, 181 Bardin, Gautier, 119, 192 Bardin, Gautier, 30, 135 Barlet (de), Guillaume, 254 Barre (de la), Pierre, 129 ; Jean, 130, 131 Barré, Thomas, 260 Bauchant, 74 ; Jacques, 87 ; Jean, 101 ; Tassart, 101 Baudouin IV de Hainaut, 24 Baudouin, frère de Oilard, 49 Beaumetz (Somme), 299 Beaumont (de), Pierre, 127, 142, 263 Beaumont-sur-Oise (Somme), 262 Beaune (de), Mathieu, 127 Beauvais (Oise), 2, 14, 21, 22, 49, 185, 187 Beauvoir (Oise), 160 Beauvois (de), Pierre, 181 Belinne, Geffroy, 254 ; Thomas, 254 Belloy (de), Philippe, 130 Benart, Pierre, 267, 289 Berlet (de), Jean, 130 Bernard, saint, 26 Bernoville (de), Geffroy, 130 Berthenicourt (Aisne), 192 Bertrand, Jean, 127 Bétancourt, (de), Jean, 254 ; Raoul, 123, 196 Bigos, Thassart, 237 Bihécourt (Aisne), 72 Blanc-Toupet, Jean, 231 Blanche de France, 65, 134, 147, 159, 160, 311 Blondel, Jean, 273 Bohain (de), Simon, 94, 131 ; Éloi, 212 Bohain-en-Vermandois (Aisne), 120 Bois-Commun (du), Nicolas, 127 Bonne Volonté, Jean, 254 Bonne-Amour, Alice, 222 ; Jean, 222

393

Index des noms de personnes et de lieux

Bontemps, Pierre, 263, 275, 287 ; Isabelle, 275, 287 Bony (Aisne), 49, 172 Bordeaux (Gironde), 39 Bos (du), Witasse, 197 ; Tristan, 296 Bosquiaux (du), Jean, 254, 268 Bourc (du), Allard, 286 Bourchelles, Robert, 195 Bourg-Dun (Seine-Maritime), 173 Bourgogne, 304 ; duc de, 151 Boursene, Perrin, 77 ; Pierre, 124, 157, 255 Bouvines (Nord), 27 Brabant (Belgique), 266 Brancourt-le-Grand (Aisne), 192 Bray-sur-Somme (Somme), 30, 39 Bretteville (Seine-Maritime), 172 Bride, Lambert, 285 Brie, 22, 78, 139 Brissy (de), 74 ; Jean, 254 ; Mathieu, 254 ; Pierre, 254 Brochart, Jean, 131 Brocourt (de), Amile, 275 ; Jean, 275 ; Luce, 218 ; Mathieu, 218 ; Bruges (Belgique), 2, 13, 22, 266, 285 Buignies (de), Raoul, 185 Buiron (de), Pierre, 260 Buridan (de), Mathieu, 89 ; Eude, 89 Busigny (de), Jean, 260 ; Pierre, 260 ; Wauteron, 260 Caboche, Jaquemart, 247 ; Jean, 279 Caillouel (de), Gonthier, 64 Cairoys, Oudard, 267 Calais (de), Werri, 246 Calais (Pas-de-Calais), 123 Cambrai (Nord), 2, 14, 15, 16, 22, 39, 266 Cange (du), Me Pierre, 307 Caplacée, Jean, 285 Carbonné, 64, 74, 76 ; Jean, 101 Carette, Colard, 128 Caron, Jean, 142 Cassel (Nord), 16 Cassien, saint, 176 Caufouret, 74 ; Jean, dit Le Clarier, 93, 94, 254 ; Louis, 254 ; Mathieu, 79 ; Raoulin, 253 ; Guillaume, 253, 254 Caumont (Pas-de-Calais), 174 394

Caux (pays, Haute-Normandie et Seine-Maritime), 173, 183 Cavech (du), 51, 64, 73, 74, 76, 82 ; Bernard, 50, 51, 55, 73 ; Renaud, 51, 70, 73, 123, 124, 126, 127, 153, 296 ; Jean, 73 ; Pierre, 73 ; Thomas, 73, 279 ; Wermont, 126 Chalon-sur-Marne (Marne), 2, 22, 305 Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire), 174 Champagne (comté), 2, 22, 78, 139, 304, 305 Chapelle-sur-Dun (Haute-Normandie), 173 Charlemagne, 170, 194 Charlemars (de), Hue, 69 Charles III Le Simple, 194 Charles V, 37, 87, 124, 134, 149, 150, 171, 172, 268 Charles VI, 3, 11, 50, 83, 124, 134, 149, 150, 254, 300, 305 Charles VII, 123 Charles, IV, 140, 141, 145, 146 Charles Le Mauvais, 147 Chartres (Centre), 172, 187 Chastel (du), Tanguy, 194 Chatelain, Me Jean, 256 Chatelier (du), Guillaume, 195 Chauny, 2, 20, 23, 39, 49, 147, 173, 304, 305 Cherisi, Pierre, 220 Chevaux (aux), Andrieu, 267 Chevresis (de), 74 ; Jean, 121, 122, 123, 124, 125, 135, 138, 139, 140, 141, 142, 164, 165, 277, 285, 297, 300, 310 Chilly (de), Jean, 254 Chivres-en-Laonnois (Aisne), seigneur de, 77, 252 Clary (de), Pierre, 268 Clastres (de), Jean, 135 Clastres (Aisne), 166 Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), 194 Cléry-sur-Somme (Somme), 85 Cochon, Gilles, 55 ; Jean, 55 ; Gérard, 130 Cokel, Aude, 245 ; Mathieu, 245 Cokelaire (de), Jean, 93 Colaye, Jean, 245 ; Marie, 245 ; Pierre, 245 Collart, Lune dit, 302, 306 Compiègne (Oise), 30, 147, 302 Condé-en-Brie (Aisne), 127

Index des noms de personnes et de lieux

Coquet, Pierre, 255, 263 Corbeny (de), 51, 73, 76 ; Jacques, 124 ; Jean, 124, 165 ; Thomas, 51, 73, 147 ; Corbie (Somme), 39, 66, 198 Cornet, 74, 76 ; Quentin, 69, 128 Coucy (Champagne-Ardenne), 23 Courbet, Jean, 128 Courcelles (de), Adam, 219 ; Jean, 211 Courcelles (Somme), 209 Cours-Jumelles (des), Mathieu, 125 Courtonne (de), Robert, 178 Craulet, Thassart, 74, 276 Crécy-en-Ponthieu (Somme), 123, 142, 143 Crépy (de), Guillaume, 171 Crépy-en-Valois (Oise), 22, 304, 305, 308 Crois (de), Mathieu, 71 Croix-Fonsomme (Aisne), 266 Croisilles (de), François, 64 Dalon (de), Étienne, 94 ; Renaut, 93 Dalon (Aisne), 166, 195 Damlois (de), Robert, 211 Deutans, Mathieu, 55 Diée, Jeanne, 264, 297, 320 Dixmude (Belgique), 2, 22 Dohis, Grisol, 123 Dordrecht (Pays-Bas), 267 Douai (de), 74 ; Isabelle, 165 ; Nicoles, 217, 221, 222 ; Philippe, 93, 94 Douai (Nord), 2, 22, 203, 208, 222, 245 Double, Jean, 104 Dourlens (de), Robert, 237 Doys (de), Jean, 54 Dudon de Saint-Quentin, 173, 183 Dulart, Henri, 255, 263, 276 ; Marguerite, 255 Durba (de), Milles, 85 Dury (de), Pierre, 253 Ebertramne (Ebertramnus), 170 Édouard III, roi d’Angleterre, 143, 197 Elios, Gervaise, 211 ; Jean, 211 ; Savales, 211 Élisabeth de Vermandois, 24, 25 Éloi, saint, 174 Empire (Saint), 36, 77, 147 Énar, Jean, 225 Errart, Pierre, 126 Ervalé, Jean, dit Pauvret, 267

Espaigny (d’), Raoul, 79 Espinoy (d’), 74 ; Robert, 94 Esqueheries, Eskeheries (d’), 74 ; Gérard, 80, 82, 89, 93 ; Isabelle, 82, 89 Essigny-le-Grand (Aisne), 166, 192 Estaquois, Jaquemart, 102 ; Jacquotin, 131 Estouilly (d’), Robert, 212 Estous, Jean, 261 Estrée (Pas-de-Calais), 131, 156 Étienne, 74 ; Jean, 225 Étreillers (Aisne), 164, 166 Étricourt (Somme), 166 Eu (Seine-Maritime), 17 Evrars, Pierre, 161 Fame, Thomas, 267 Farbus, Jean, 257, 267 Fastar, 76 ; Jean, 101, 104, 165 ; Pierre, 263, 271 Faukert, Jean, 254 Fay (du), Guillaume, 295 Fayel (Oise), 166 Fayet (Aisne), 166 Fercos, Jean, 124 Ferré, Mathieu 124 Fervaques (Calvados), 198 Fessart, Me Werry, 184, 254 Fiennes (de), Robert, 121 Fieulaine (de), Huon, 166 ; Jean, 254 Flamand, Me Pierre, 184, 195 Flandre, 13, 26, 36, 141, 143, 150, 266, 293, 304 Flaucourt (Somme), 85 Flavi (de), Marie, 217, 222 ; Agnès, 222 Florie, Raoul, 55 Floure, Guillaume, 272 Fluquières (de), Roger, 136, 137 Foillouel (de), Jean, 135 ; Pierre, 231 Foilouel, Jean, 215 Folloviaus, Quentin, 237 Fonsomme (de), Évrard, 162 ; Gérard, 89 ; Robert, 162, 163, 196 ; Maurel, 143 Fonsommes (Aisne), 69, 266 Fontaines-lès-Clercs (Aisne), 195 Fontaines, Maroie, 211 ; Simon, 266 Foukart, Jean, 161 ; Maroie, 161 Francilly (Aisne), 196 Franquet, Geffroy, 93

395

Index des noms de personnes et de lieux

Franqueville (de), Clérambault, 123 Frappart, Jean, 78, 124, 130, 131 ; Quentin, 79 Fremine, Oeude, 237 Fresnoy-le-Petit (Aisne), 166 Fresnoy-lès-Gricourt (Aisne), 166 Fressencourt (de), Jacques, 266 ; Jean, 131 Fulrad, 13, 194 Gand (de), Arnoulet, 260 ; Henri, 219 ; Nicaise, 260 Garembert, saint, 48 Garet, Colard, 307 ; Jeanne, 307 Gauchy (de), Alix, 156 ; Jean, 81, 156, 159 ; Gérard, 94 ; Marie, 156, 159, 167 ; Robert, 295 Gauchy (Aisne), 166 Gibecourt (de), 51 ; Gautier, 50, 51, 52 Gison, 176 Glion, Marguerite, 256 Gode (de la), Coppin, 267 Godefroy d’Ostrevent, 24 Gonduin, Wiart, 225 Gontier, Jacques, 254 Gossé, Colard, 161 Gossé, Colard, 218 Gossuin, Jean, 211 Goudet, Raoul, 94 Gouelle, Jeanne, 76 Grainville (de), Guillaume, 307 Grégoire de Tours, 174 Grégoire IX, 175 Grégoire, Jean, 231 Gricourt, 245, 259, 266 Gricourt, Gilles, 260 ; Robert, 260 ; Robikiau, 285, 289 Gronnard (de), 76 Grugies (de), 74, 76 ; Clément, 101 ; Jean, 80, 87, 245 ; Pierre, 79, 93 ; Guillaume, 69, 71, 81 Grummelier, Jean, 269 Guery, Jean, 276 Guise (de), Roitel, 259, 289 Gand (Belgique), 2, 13, 22, 121 Guibert de Nogent, 15, 16 Hadilos, Étienne, 217 Hainaut (de), Drouart, 193 Hainaut (Belgique), 24, 145, 284 396

Ham (de), Ferry, 278 ; Hanequin, 266 ; Jean, 278 ; Oudard, 295 Ham (Somme), 39, 99, 198 Hamel (du), Baudrain, 77, 252, 266, 300 ; Bertrand, 85 ; Hanequin, 253 Hanapes (de), Jacques, 254 Hanequin, 51, 73 ; Thomas, 51, 73, 140 ; Jean, 73, 78, 225 ; Mathieu, 73 ; Pierre, 73 Hangest (de), Pierre, 100 Hanique, Jean, 268 Happencourt (Aisne), 195, 196 Harly (de), Pierre, 71 Harly (Aisne), 166, 191, 192, 246 Haussi (de), Jean, 276 Haustarius, Jean, 212 Havraincourt (de), Jean, 277, 285 Hennet, Colard, 159 Henri Ier, 195 Herbert II de Vermandois, 14 Herbert IV de Vermandois, 14, 15, 16, 22, 23, 159, 194 Hervilly (d’), Robert, 162 Hervilly (le Cat d’), 69 Hesdin (de), 74 ; Jean, 98 Hesqueheries (d’), Gérard, 221 ; Isabelle, 221 ; Maroie, 221 ; Mathieu, 101 Hilrad, 89, 178 Hincmar de Reims, 174 Holnon (de), Jean, 129 Holnon (Aisne), 209 Homblières (Aisne), 190, 198, 217, 296, 297 Honnecourt (de), Baudouin, 283 Honorius III, 174, 175 Hoppin, Jean, 69 Hugues Le Grand, 172 Hurtebise (Aisne), 218 Huy (Belgique), 2 Innocent III, 174 Innocent IV, 175 Isabelle d’Angleterre, 135 Isabelle de Vermandois, 191 Italie, 12, 13, 78 Itancourt (Aisne), 166, 192 Itancourt (d’), Jean, 254 Jacques de Révigny, 41 Jardin (du), Berthe, 159, 280, 285, 286, 295

Index des noms de personnes et de lieux

Jean Boutillier, 66, 276 Jean de Meung, 87 Jean de Salisbury, 26 Jean II, 104, 123, 124, 129, 134, 143, 144, 159, 172, 295, 301 Jean XXII, 185 Jeancourt (de), Gilles, 231 Jeancourt (de), Gilles, 254 Jeancourt (Aisne), 166 Jonas de Bobio, 174 Josquin des Prés, 171 Kaignoncle, Lotin, 268, 279 Kesne (du), voir Le Caisne Kesnoy (du), Jean, 222 Kieret, 74 ; Jean, 69, 71, 98 L’Écluse (de), Jean, 267 L’Épicière, Maroie, 76, 79, 90 L’Escoier, Huon, 219 L’Eskaus, Jean, 218 ; Huars, 217 ; Simon, 217, 218 L’Esteulier, Jean, 260 L’Infirmerie, Robert, 254 L’Oiseleur, Quentin, 131, 252 L’Orfèvre, Gautier, 310 La Grenetière, Jeanne, 84, 89 La Moutardière, Jeanne, 262 La Tourneresse, Jeanne, 234 La-Fère-sur-Oise (Aisne), 23 La Vieuville (Aisne), 192 Lagbard, 170 Lallemand, Jacques, 74, 276 Lambais (de), Anselme, 89, 179 ; Drouart, 246 Lambert, 156 Lanchart, Colard, 60, 68, 71, 76, 87, 310 ; Adam, 69 ; Jean, 71 Langlé, Simon, 262 ; Marguerite, 262 Laon (de), Guy, 85 ; Marguerite, 162 ; Clarembaut, 218 ; Alice, 218 Laon (Aisne), 14, 15, 29, 30, 39, 66, 85, 98, 102, 139, 170, 172, 176, 266, 305 Le Ahennier, Jean, 93 ; Yves, 272, 273, 274 Le Bateur, Agnès, 221 ; Michel, 221 ; Pierre, 221 ; Quentin, 221 Le Beau, Jean, 198 Le Bègue, 74 ; Quentin, 94 ; Robert, 79

Le Blavetier, Jakemin, 254 Le Blond, Jacques, 260 ; Pierre, 260 Le Bon, Jean, 221, 245 Le Boulanger, Robinet, 121 Le Bourouetteur, Wauteron, 259, 289 Le Caisne, Philippe, 86 Le Cat, 51, 52, 69, 72, 74, 76, 77 ; Me Thomas, 51, 68, 72, 86 ; Thomas, écuyer, 72 ; Gautier, 71, 72 ; Simon, 72, 77, 79, 86 ; Robert, 73 ; Jean, 73, 245 ; Me Jacques, 77, 86 Le Chambellan, Quentin, 131, 163, 164, 252 Le Changeur, Robert, 21, 78 Le Clairier, Jean, 211 Le Clerc, Adam, 260 ; Guy, 297 ; Thomas, 256 Le Cokins, Pierre, 71 Le Comte, Jean, 306, 307 Le Convers, 51, 73, 76 ; André, 51, 73, 253 ; Jean, 51, 73, 279 ; Renier, 166 ; Robert, 73 Le Cressonnier, Raoul, 221 ; Maroie, 221 Le Doyen, Robert, 166 Le Drapier, 74 ; Robert, 161, 218 ; Pierre, 69, 76, 270 ; Marguerite, 270 ; Mathieu, 77 Le Feutrier, Jean, 269 Le Fèvre, Renier, 166 ; Wedain, 166 Le Forbus, Tassin, 133 Le Grenetier, 74, 76 ; Gossuin, 84, 89 ; Jacques, 253 ; Jean, 77, 129 ; Mathieu, 93, 94 ; Ponchart, 129 ; Rikelet, 253, 254 ; Robert, 81 ; Roger, 81 ; Simon, 131 ; Guillaume, 69 Le Horbe, Jean, 93 Le Jeune, Jean, 222 ; Jeanne, 222 Le Kien, Jean, 312 Le Kieure (de), Jean, 165 ; Pierre, 165 Le Kutillier, Gérard, 227 ; Michel, 227 Le Lier, Perron, 246 Le Lionceau, Geffrois, 217 ; Simon, 217 Le Listeur, Colard, 265 ; Robert, 77 ; Raoul, 77 Le Lormier, 74 ; Jean, 93, 307 ; Oudard, 307 Le Loyeur, Quentin, 71, 98 Le Machecrier, Colard, 263 Le Maire, Robert, 313 Le Mannier, Jean, 254 397

Index des noms de personnes et de lieux

Le Mercier, Alice, 272 ; Charles, 71 ; Gilles, 79, 80 ; Jacques, 254 ; Yves, 272, 273, 274 Le Mesureur, Raoul, 263, 268, 291 Le Mie, 74, 76 ; Jacques, 77 ; Michel, 101, 253 ; Pierre, 245 Le Moine, 64, 74 ; Geffroy, 79, 94, 121, 253 ; Guillaume, 94 ; Wis, 215 Le Monnier, Agnès, 217 ; Pierre, 217 Le Noir, 74, 76 ; Jean, 98 Le Pendeur, Pierre, 104 Le Père, Adam, 135 ; Robert, 294 Le Poissonier, Sawale, 229 ; Thomas, 229 Le Poivre, Pierre, 128 Le Rat, Jacquemart, 260 Le Roi, 74 ; André, 268 ; Colard, 63, 265 ; Jean, 285 ; Jacques, 308 Le Sellier, 74 ; Hennin, 254 ; Hue, 254, Jacquemin, 253, 254 ; Jean, 69, 94, 254 ; Mathieu, 246 ; Rikelet, 254 ; Simon, 161 Le Tonnelier, Simon, 183 Le Tourtier, Jean, 94 Lécuyer, Simon, 313 Lehaucourt (de), Robert, 121 Lehaucourt (Aisne), 166, 263, 269, 286 Lendit, foire du, 22, 78 Léonard, Jean dit François, , 254, 269 Lesdins (de), Jacques, 122 Levergies, 196 Liénart, Jean, 123, 153, 263 Lille (Nord), 2, 22, 66, 227, 267, 276 Loiré, Jean, 124, 130, 131 Loiri, (de), Me Raoul, 99, 100, 268 Longchamp, abbaye, 159 Longpont (de), Gaucher, 185, 187 Longpont (Aisne), abbaye, 198 Lorde, Emeline, 225 ; Jean, 225 Lotharingie, 13 Loué (de), Marguerite, 234 Louis IX, 28, 33, 35, 44, 45, 50, 58, 73, 91, 93, 111, 112, 113, 114, 115, 116, 128, 159, 167, 176, 179, 186, 272, 294, 298, 299, 300, 312 Louis VI, 22, 23 Louis VII, 22, 24 Louis, Pierre, 136, 236, 268, 275 ; Jean, 268 Louvet, 51, 52, 255 ; Gérard, 51, 52, 76, 77, 78 ; Jean, 307 ; Marguerite, 307 398

Lyon (Rhône), 147 Lyonchiaus (des), Robert, 231 Machue, Me Quentin, 181 Mainlevrel, Guillebert, 129 ; Jean, 129 Maisnil (Pas-de-Calais), 192 Maissemy (de), Simon, 52, 73, 118, 252, 261 Maissemy (Aisne), 166 Majorque (de), Philippe, 172 Malaffait, 74 Malakin, 310 ; Adam, 101, 256 ; Guillaume, 77, 85 ; Jean, 101, 256 ; Mathieu, 101, 256 Malesmain (de), Gérard, 209 Manesier, Baudouin, 211 ; Gilles, 211 ; Margue, 211 ; Perrin, 211 ; Pierre, 211 Manessies (de), Quentin, 254 Manoir (du), Pierre, 133 Marbais (de), Jean, 133 Marcel, Étienne, 147 Marchand, Jean, 222 Marché (du), Mathieu, 98 Marcoing (de), André, 269 Maréchal, Louis, 74 Mares (de), Jean, 131 Marguerite d’Alsace, 24 Marle (de), Me Herbert, 99, 181 ; Jean, 94 Marnier, Jean, 130, 132 Martin, Henri dit, 254 Mas (du), Marie, 134 ; Robinette, 134 Masnius (des), Adam, 122 Mastain (de), Louis, 156 Matiaus, Gautier, 256 Maubeuge (de), Ernoul, 60 Maunier, Jean, 128 Médard, saint, 173, 174 Melun (de), Jean, 89 ; Guillaume, 172 Mennevret (de), Jean, 130 ; Guibert, 130 Mezières-sur-Oise (Aisne), 192 Migno, Jean, 127, 131 Miot, Raoul, 64, 124 Moiry (de), 164 ; Jean, 164 ; Thierry, 160, 164 Molet, Jacques, 255, 263 ; Jaquemart, 279 ; Jean, 77, 189 ; Renier, 77 Monchiaus (de), Jean, 166 ; Marois, 166 ; Quentin, 166 Monchy (de), 74 ; Jean, 307 Mondescourt (Oise), 173

Index des noms de personnes et de lieux

Mont-Saint-Martin (Aisne), abbaye, 49 Montdidier (Somme), 30, 49, 173 Montigny (de), Jean, 192 Montigny-le-Court (Somme), 192 Montreuil (Pas-de-Calais), 2, 22 Moraus, Pierre, 237 Morel, Jean, 269 Morin, Me Nicoles, 53, 65, 159, 160 ; Me Jean, 76, 77, 255 Motte (de la), 74 Moustier (du), Jean, 123 Moy (de), Colard, 162 ; Guerry, 159, 161 ; Guy, 40, 159 ; Jacques, 124, 296 ; Tournet, 131, 266 Moy (Aisne), 156, 192 Mulli (de), Jacques, 127, 295 Muriaux (des), Robert, 130 Musart, Robert, 211 Musset, Jean, 131 Narbonne (Aude), 172, 269 Navel, Gilles, 221 ; Maroie, 221 Naves (des), Simon, 71 Nesle (de), Simon, 180 Nesle (Somme), 147 Neuflieux (Aisne), 173 Neuville-Saint-Amant (Aisne), 192, 222, 266 Neuvillette (de), Robert, 299 Nez-de-Cat, 52 ; Robert, 52, 186 ; Michel, 52, 55 Nivelles (Belgique), 208, 245 Normandie, 173, 183 Nouroy (de), Jeanne, 276 ; Regnaut, 276 ; Wyart, 276 Nouvion-l’Abbesse (Aisne), 305 Nouvion-le-Comte (Aisne), 191, 192 Noyon (Oise), 2, 14, 15, 29, 30, 39, 49, 98 ; évêque, 52, 69, 71, 98, 99, 101, 119, 169, 170, 173, 174, 175, 176, 178, 179, 180, 181, 182, 184, 185, 187, 188, 189, 192, 195, 196, 198, 199, 252, 256, 268, 273, 281, 285, 287, 295 Odon, 159 Oestres, 195, 196 Oilard (Oylardus), 40, 48, 50, 68, 82 Oisny (d’), 74 ; Alart, 245 ; Jean, 79, 245 ; Gilles, 229 ; Odierne, 229 ; Robert, 229 ; Simon, 127, 260

Omissy (Aisne), 166, 196 Orchies (Nord), 2 Orgival (d’), Pierre, 195 Oriensson, Pierre, 104 Origny-Sainte-Benoite (Aisne), 25, 198 Orléans (d’), Louis, duc, 123, 304 Orléans (Loiret), 2, 87, 172, 173, 304, 305, 308 Pargny (de), Jacques, 123 Paris (de), Michel, 30, 118 ; Jean, 133 ; Gautier, 140, 257, 267 Paris, 2, 77, 86, 87, 118, 119, 132, 160, 172, 185, 187, 191, 194, 252, 253, 269, 302 Pateler, 51 ; Robert, 50, 51, 52 Payen, 74 ; Jean, 102, 133, 165, 182, 183 ; Raoul, 165 Pensée, Jean, 257, 267 Péronne (Somme), 2, 25, 39, 173 Petit-Pont (du), 74 ; Jacques, 94 Petit, Jean, 135 Philippe d’Alsace, 20, 23, 24, 25, 26, 191 Philippe de Beaumanoir, 28, 126 Philippe Ier, 16 Philippe II Auguste, 3, 11, 12, 18, 20, 21, 23, 25, 26, 27, 28, 29, 31, 32, 33, 35, 36, 39, 40, 41, 42, 44, 50, 55, 65, 87, 112, 122, 138, 142, 144, 146, 161, 170, 175, 186, 209, 210, 257, 278, 290, 293, 298 Philippe III, Le Hardi, 115, 119, 126, 134, 146, 212 Philippe IV Le Bel, 29, 33, 58, 85, 111, 115, 116, 118, 128, 134, 135, 143, 144, 172, 198 Philippe V, 111, 115, 128, 129, 132, 135, 137, 140, 141, 151 Philippe VI, 123, 134, 139, 141, 142, 143, 144, 145, 146, 172, 294, 297, 299 Philippe Le Bon, 162 Picardie, 12, 14, 17, 39, 48, 57, 62, 76, 112, 126 Picquigny (de), Gérard, 147 Pied-de-Loup, Simon, 55 Pierre de Fontaines, 112, 114, 231, 251, 283, 299 Pigous, Jean, 265 Pinon (de), Drouart, 123 ; Thomas, 302 Plantaveine, Me Jean, 85 399

Index des noms de personnes et de lieux

Plate-Corne, 51, 64, 73, 76 ; Jean, 77, 255 ; Mathieu, 51, 64, 65, 69, 73, 128 ; Simon, 51, 53, 69, 73, 76, 77, 90, 123, 124, 126, 153, 273, 295 ; Thomas, 122, 124, 147 Poilet, Amile, 136, 236, 268 ; Jean, 236 ; Nicaise, 102 ; Pierre, 71 Pointe, 74, 76 ; Simon, 276 Poires (as), Widele, 161 Poitiers (Vienne), 147, 196 Pokette, Maroie, 166 Pons (de), Colard, 253 ; Pierre, 53, 79, 80, 90 Pont-à-Nouvion (Aisne, auj. Nouvion-etCatillon), 305 Pontenay (de), Pierre, 103, 104 Ponthieu (comté), 66, 145 Ponthoile (Somme), 82, 166, 196, 199 Poperinge (Belgique), 2 Porcelet, 51, 64, 73, 74, 76, 252, 261 ; Robert, 51, 52, 73, 79 ; Jean, 51, 52, 69, 73 ; Enguerrand, 73, 307 Porte (de la), Colard, 254 Pourville (de), Louis, 100, 268 Prés (des), Guy, 179 Prière, 51, 64, 73, 76, 77, 125, 164 ; André, 73 ; Gérard, 77, 166 ; Robert, 225 ; Jacques, 166 ; Jean, 51, 73, 164, 276 ; Mondin, 76, 307 ; Me Philippe, 73, 150 ; Philippe, 51, 68, 73, 74, 149, 308 ; Quentin, 77 ; Regnaul, 79 ; Simon, 71, 77, 124 ; Wermond, 51, 73 Primeri (de), Jean, 231 Prins (As), Me Jean, 310 Prix, saint, 194, 196 Provenceaus, Robert, 55 Provins (Seine-et-Marne), 2 Ptolémaïs/Saint-Jean-D’acre (Israël), 25 Puisius (de), Me Pierre, 99 Putepainne, Jean, 277 Quentin, saint, 13, 18, 20, 33, 34, 88, 170, 176, 177, 191 Radegonde, 173 Rainouart, Andrieu, 281 Ramiette, Philippe, 257, 285 Raoul de Nesle, 176 Raoul Ier de Vermandois, 22, 23, 24, 26, 40, 44, 64, 142, 155, 176

400

Raoul II de Vermandois, 24 Rapine, Me Renier, 254 Ravenier, 50, 51, 69, 74, 76, 125 ; Adam, 71 ; Jean, 68, 71, 124 ; Quentin, 51, 69, 74, 76, 79, 124, 296, 307 ; Thomas, 51, 74, 79, 99, 305 ; Regny (de), 51, 74 ; Jacques, 74 ; Jean, 74 ; Pierre, 51, 74 ; Simon, 74. Regny (Aisne), 192 Reims (de), Noël, 102, 130 ; Raoul, 185 Reims (Marne), 2, 14, 15, 22, 23, 29, 98, 99, 116, 119, 170, 181, 182, 187, 188, 260, 266, 305, 312 Rémicourt (de), 74, 116 Rémicourt (Aisne), 37, 82, 259, 266 Renouart, 74 ; Jean, 94 Reux (du), Goulard, 130 Ribemont (de), 51, 74, 76, 115 ; Jean, 51, 74, 98, 99, 254 ; Rikelés, 254 ; Thassart, 99 Ribemont (Aisne), 25, 121,192 Richilde, 16 Rissue (de), Henri, 260 Rivière (de la), 76 ; Jean, 65 ; Me Simon, 99, 128, 247 ; Pierre, 128, 160 Roart, Jean, 124 Robert Le Frison, 16 Robert, 159 Rocourt (de), Jean, 83, 295 ; Gilles, 160, 164 Rocourt-Saint-Martin (Aisne), 186, 195, 196, 261, 266 Roitel, 74 ; Jean, 94 Rome (Italie), 186 Roncherolles (de), Geoffroi, 118 Roquerolle (de), Bernier, 185 Rose, Ermentru, 211 ; Gautier, 218 Rouen (Seine-Maritime), 172, 175 Roupy (de), Thomas, 161, 184 Rousseau, Jean, 254 Rouve, Baudouin, 94 ; Mathieu, 94 Rouvroy (Aisne), 191, 192 Royaumont, abbaye (Val-d’Oise), 164 Roye (de), Dreu, 166 Roye (Somme), 30, 39, 127 Rue (du), Jean, 161 Saint-Denis (de), Eudes, 171, 299 Saint-Jacques-de-Compostelle (Espagne), 179

Index des noms de personnes et de lieux

Saint-Just (de), Nicolas, 179 Saint-Ladre/Lazare, léproserie, 164, 180, 192, 212, 217, 221, 222, 224, 245 Saint-Maur (de), Guillaume, 172 Saint-Nicolas-de-Veules (Seine-Maritime), 173 Saint-Omer (Pas-de-Calais), 2, 13, 22, 29, 33, 208 Saint-Pol (de), Jean, 260 Saint-Prix, abbaye, 16, 19, 37, 119, 132, 159, 161, 178, 184, 190, 194, 196, 197, 198, 199, 296, 310 Saint-Quentin-en-l’Isle, abbaye, 19, 33, 37, 116, 119, 134, 165, 180, 190, 191, 192, 193, 194, 195, 198, 199, 229, 272, 297, 302, 306, 310, 311 Saint-Quentin (Aisne), passim ; Vicomtéle-Roi, 39, 62, 66, 102, 142, 157, 158, 160, 161, 165, 166, 204, 209, 289 ; banlieue, 32, 37, 38, 39, 116, 121, 136, 144, 150, 155, 166, 190, 277, 284, 286, 289, 291, 299, 304, 316, 319 Saint-Simon (de), Eudes, 185, 186 Saint-Valéry-sur-Somme (Somme), 145 Sainte-Pécinne, collégiale, 172, 177 Salency (Oise), 174 Santerre, 25 Sarny (de), Jean, 162 Sart (du), Perceval, 279 Sartier, Jean, 103, 129, 132, 134 Savy (Aisne), 164 Sébastien, saint, 13 Séguin, Jeannin, 100, 101 ; Jean, 304 Senercy (Aisne), 159, 195 Senlis (Oise), 138, 187, 189 Sens (de), Guillaume, 68 Sens (Yonne), 172 Sequehart (de), Heisse, 166 ; Jean, 166 ; Robert, 166 Seraucourt (de), Colard, 268, 269 Seraucourt-le-Grand (Aisne), 164 Sissi (de), 74 ; Witasse, 166 Sissy (Aisne), 166 Sohier, 74, 164 ; Jean, 101, 164 ; Regnaut, 37, 160, 165 Soigniez, Jean, 128 Soissons (de), Me Jean, 99 Soissons (Aisne), 2, 24, 29, 30, 49, 50, 54, 102, 138, 139, 147

Solempmes, Jeanne, 306 Solences, André, 310 Somme (rivière), 22, 29, 38, 221 Sons (de), Jean, 128 Sotteville-sur-Mer (Seine-Maritime), 173 Soyecourt (Somme), 166 Staise (de), Guillaume, 83, 295 Stançon, Jacques, 71 ; Nicolas, 71 Suger, 22, 23, 176 Tassart, Étienne, 124, 307 Ternois, 145 Theudo, 161 Thiérarche, 139 Thierry de Flandre, 24 Thontiaco (de), Marguerite, 76 Tierceville (de), Jean, 125, 127, 128 Tombes (de), Jean, 130 ; Pierre, 231, 247 Thorigny (Aisne), 166, 266 Tournai (Belgique), 2, 22, 66, 120, 147, 208, 276, 285, 309 Tours (de la), Jean, 310 Tours (Centre), 170, 172 Tupigny (Aisne), 104 Urvilliers (Aisne), 166, 246 Valenciennes (Nord), 2, 14, 22, 269, 286 Valois, 24 Van Sonherd, Hanequin, 190, 256, 265, 266, 285, 286, 295, 310 Vaux, (de), Hesse, 310 ; Robert, 260 ; Simon, 260 ; Galérand, 296 Verger (du), Jean, 130 ; Jacques, 295 Vergny (de), Ponchart, 165 Vermand (de), 74 ; Jean, 254 ; Jeanne, 217 ; Thomas, 217 ; Willemins, 254 Vermand (Aisne), 198 Vermandois, 17, 18, 24, 25, 26, 27, 28, 30, 34, 35, 38, 49, 52, 63, 73, 74, 87, 101, 102, 116, 118, 119, 121, 122, 123, 125, 127, 128, 129, 130, 131, 132, 133, 134, 135, 140, 142, 147, 149, 152, 155, 156, 157, 159, 160, 161, 162, 163, 167, 169, 170, 172, 173, 174, 176, 185, 187, 188, 192, 193, 194, 196, 218, 237, 254, 256, 257, 263, 268, 271, 273, 276, 295, 298, 299, 300, 304, 305, 306, 307, 308, 311, 313

401

Index des noms de personnes et de lieux

Verpilerez (de), Jean, 266 Victoric, saint,176 Viele, Thierry, 78, 128, 130, 131 Villart, 74 ; Hue, 69, 126, 229, 272 Villart d’Honnecourt, 176 Viller-le-Sec, 192 Villerel (de), 74 ; Collard, 94 ; Quentin, 94 Villeret (Aisne), 166 Villers (de), 51, 64, 74, 76 ; Pierre, 21, 76, 78 ; Roger, 50, 51, 74 ; Jean, 51, 68, 74, 101 ; Floridas, 252 ; François, 51, 74, 81, 276, 278 ; Régnier, 74 Vimeu (Somme), 145

402

Vranekin, 74 Vretot, Pierre, 267 Wadencourt (de), Fauvel, 133 Waissi (de), Jean, 127 Waripont (Aisne), 173 Warlicourt (de), Jacques, 307 Wancourt (Pas-de-Calais), 166 Wiart, Jean, 184, 264 Ydet, Jean, 77 ; Jeannet, 77 Ypres (Belgique), 2, 22, 208 Yves de Nesle, 24

Cartes

Moulin des Coutures

Les Coutures Vue 6

Jardins de l

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Faubourg de Saint-Jean

Faubourg de Remicourt

Belle Porte

BELLE PORTE

Vue 5

Faubourg du Vieux-Marche

Vue 1 Porte o de Remicourt m

TOUQUET M E VIEUX MARCHE

Vue 4

Porte du Vieux-Marche SAINTE-PECINNE N CASTEL EL MARCHE

Vue 7

SEL ELLLERI E IE SELLERIE

Vuee 3 BOULANGERIE N E E

RONDE D CHAPELLE P

TANNERIE PONTOILES

BEAUVOIR/ E O COPPECAIRE O A

A GREANCE

Vue 2

RUE NEUVE Porte Pontoilles FONTAINES / SAINTE-CATHERINE

Vivier du Grand-Pont

Poterne du

Poterne ot eSainte-Caterine

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Can

Îlots de Saint-Prix

DETROIT D'ISLE

Bie

Abbaye de Porte d'Isle

Bié

Abbaye de Saint-Prix

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Carte I – La ville de Saint-Quentin vers 1400 (vue générale)

403

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Carte II – La ville de Saint-Quentin vers 1400 (vue 1)

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Carte III – La ville de Saint-Quentin vers 1400 (vue 2)

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Carte IV – La ville de Saint-Quentin vers 1400 (vue 3)

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Carte V – La ville de Saint-Quentin vers 1400 (vue 4)

407

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Carte VI – La ville de Saint-Quentin vers 1400 (vue 5)

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Carte VII – La ville de Saint-Quentin vers 1400 (vue 6)

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Carte VIII – La ville de Saint-Quentin vers 1400 (vue 7)

410

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Carte IX – Restitution de la banlieue de Saint-Quentin d’après la charte de 1316 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13

l’arbre de la banlieue en allant sur le chemin de Rouppi, planté sur le lieu-dit « Dalon ». le moulin de Dalon. en face, sur l’autre rive de la Somme, le moulin de Giffecourt. une tombelle à Giffecourt. le grand arbre d’Eurviler, la croix de l’église paroissiale d’Homblières. et un tilleul situé contre les murs de l’abbaye d’Homblières. l’arbre qui se trouve dans le cimetière de Morcourt. le moulin de Morcourt. une tombe à Oumissi. les arbres jumeaux sur le chemin de Cambrai. l’arbre de la banlieue à Selenci situé sur le chemin de Mainsemi, entre le village de Holenon et le village de Fayet. le puits de Franchili.

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