Kabbale: Mort et Magie Juive
 9782140281655, 2140281659

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AVANT-PROPOS
CHAPITRE 1
La mort fait partie de l'ordre du monde
Chapitre 2
LA MORT DOIT ÊTRE CONSTATÈ
CHAPITRE3
La mort est un passage

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David Rouach

Kabbale Mort et Magie Juive

religions

~ ~

& spiritualité

Kabbale Mort et Magie Juive

Religions et Spiritualité fondée par Richard Moreau, Professeur émérite à l'Université de Paris XII dirigée par Gilles-Marie Moreau La collection Religions et Spiritualité rassemble divers types d'ouvrages : des études et des débats sur les grandes questions fondamentales qui se posent à l'homme, des biographies, des textes inédits ou des réimpressions de livres anciens ou méconnus. La collection est ouverte à toutes les grandes religions et au dialogue inter-religieux. Dernières parutions Emmanuel VANGU V ANGU, Indissolubilité du lien conjugal et divorces remaries aujourd'hui. Points de repère pour une pastorale de la miséricorde, 2023. Valerry D. A WILSON, Saint Augustin et le statut de l'âme. Tome 2, 2023. Valerry D. A WILSON, Saint Augustin et le statut de l'âme. Tome 1, 2023. Thibaut GIRARD, Chemin faisant. Pour une pastorale synodale, 2023. Elvis ELENGABEKA, L 'homélie en théorie et en pratique, 2023. Théodore CYEBWA KANYINDA, Parole de Dieu. La bouche du prêtre, 2023. UN RECUEIL DE MEDITATIONS POUR CHAQUE JOUR SAINT BONAVENTURE (Traduit par :Michel Caille avec Jacques :Miry), Sermons dominicaux. Volume 2. 27 à 50, 2023. SAINT BONAVENTURE (Traduit par :Michel Caille avec Bernard Verten), Sermons dominicaux. Volume 1. 1 à 26, 2023. Jean GUICHENÉ, Jésus et Marie : homme et femme selon Dieu, Le dialogue de la Noce de Cana, 2023. Jean GUICHENÉ,Adam et Ève: homme etfemme à l'épreuve, 2023. Jean GUICHENÉ, Le jardin d'Éden : lieu du péché originel, Récit biblique et approche scientifique, 2023.

David Rouach

Kabbale Mort et Magie Juive

1-f

L' êmattan

DU MÊME AUTEUR

Les Talismans, Magie et Tradition juives, Paris, Albin Michel 1989 Jmma, ou rites, coutumes, et croyances chez la femme j uive, Paris, Maisonneuve et Larose 199 5

La Divination Juive, magie et superstition, Gpress, 2021

Couverture: Talisman de protection composé d'un Maguen David extrait du Livre de Raziel

© 2023, L'Harmattan 5-7, rue de !'École-Polytechnique - 75005 Paris www.editions-harmattan.fr ISBN: 978-2-14-028165-5 EAN :9782140281655

AVANT-PROPOS

Le point de départ des recherches qui font l'objet de cette publication fut une thèse de doctorat sur l'imaginaire présentée à la faculté des lettres de l'Université de Grenoble, en 1992, intitulée « imaginaire chez la femme juive d'Afrique du Nord ».M. le Prof. Haïm Zafrani (1922-2004) nous avait fait l'amitié d'être rapporteur de notre thèse; mais malheureusement son état de santé ne lui avait pas permis de nous suivre jusqu'au bout. Nous avions remarqué que, comme pour les catholiques chez qui la pratique religieuse est minime, la pérennité des croyances chez les juifs ne s'exprime plus uniquement par la pratique religieuse mais aussi par des croyances et des pratiques magiques. C'est pourquoi nous avons étendu notre recherche à la mort et à ces croyances.

Plan de L'ouvrage L'ouvrage comprendra trois parties : la première partie traitera de la mort dans le judaïsme c'est-à-dire l'événement que constitue la disparition d'une personne. L'importance du fait lui-même, sera analysée à travers le prisme de la religion. Nous reprendrons le modèle d'analyse de l'historien Philippe Ariès qui distingue quatre attitudes qui se succèdent devant la mort : la mort apprivoisée, la mort de soi, la mort de toi et la mort interdite. La deuxième partie aura pour tâche d'appréhender les principes et les croyances magiques. Nous mettrons en relief leurs tolérances et leurs condamnations. Enfin, la troisième abordera les nouvelles pratiques et usages contemporains que sont le suicide, l'autopsie, l'euthanasie, la crémation, le don d'organe et le testament. Pour les textes bibliques, nous utilisons la traduction de la Bible de Jérusalem ; nous avons choisi de donner à chaque fois en français les titres des œuvres analysées.

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Première partie

LA MORT DANS LE JUDAÏSME

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CHAPITRE 1 La mort fait partie de l'ordre du monde 1.1.La mort apprivoisée C'est à Philippe Ariès, l'homme devant la mort,1985, p.36 que nous empruntons cette expression,« La mort apprivoisée »qui désigne une attitude presque inchangée devant la mort. Elle se traduit par une résignation naïve et résignée au destin et à la nature. Le mourant a la conviction intérieure qu'il va mourir et accepte sa mort. Ce modèle de mort qui couvrait la période entre le 5 ème et le 18ème siècle faisait partie en quelque sorte de la vie. On pouvait mourir très facilement et la mort ne paraissait pas quelque chose d'extraordinaire. Il existait une proximité des morts et des vivants. L'exemple choisi pour l'illustrer est celui des cimetières qui dans le passé étaient bâtis à proximité des villes et des campagnes dans la chrétienté latine. La mort apprivoisée, selon Ariès finit quand la proximité entre morts et vivants n'est plus tolérée. Pour le judaïsme la mort fait partie de l'ordre du monde, elle atteint chaque être humain, si panait soit-il, de manière identique, lorsque vient le moment. Quatre attitudes peuvent être définies : -L'homme ne peut éviter la mort. -La mort est la conséquence de ses péchés. -La mort n'a pas de raison d'être. -La mort annonce une ère nouvelle. 1.2. L'homme ne peut éviter la mort C'est dans le récit d'Adam et Eve que la mort apparaît pour la première fois, elle est la conséquence du péché. Dans le livre de la Genèse, chapitre II, verset 17, on lit : Mais l'arbre de la connaissance du bien et du mal, tu n'en mangeras point :car, le jour où tu en mangeras, tu devras mourir!

Cependant, l'analyse des sources traditionnelles juives laisse toujours sous-entendre la question suivante : la mort est-elle obligatoirement la conséquence d'une faute de celui qu'elle atteint ou peut-elle intervenir sans péché préalable? De nombreuses citations viennent attester qu'il n ' existe aucune relation de causalité entre faute et mort, et que tout homme peut

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fauter. Un célèbre verset de l'ecclésiastique l'illustre d'ailleurs parfaitement : Il n'est pas d'homme juste sur terre qui fasse le bien sans jamais faillir. (Ecclésiaste 7 :20).

De même, on constate l'inexistence de rapport entre faute et mort dans le livre de l 'Exode, 23 :26. « Je comblerai la mesure de tes jours».

Ceci signifie que Dieu fixe lui-même le nombre d'années d'existence qu'il va attribuer à chaque être humain. Rabbi Akiva (50-135) dans le traité T.B.Yebamot49b-50a enseigne: « Si l'homme par sa conduite le mérite, on lui accorde son quota de départ. Sinon, on lui diminue en temps le nombre de ses années».

Les sages sont d'avis que, s'il le mérite, on lui ajoute des années de vie supplémentaire. Sinon, on lui diminue d'autant le nombre de ses années» Comme on le voit, Rabbi Akiva pense que la conduite humaine, si parfaite soit-elle, ne saurait éviter à l'homme la mort, ni rallonger sa durée de vie. Une attitude exemplaire pourra cependant lui éviter une mort sortant de l'ordinaire : Rabbi Akiva enseigne(T.B.Traité Chabbat 156 b) « La vertu sauve de la mort » (Proverbes 10, 2), non pas de la mort ellemême, mais d'une mort sortant de l'ordinaire» (mita mechouna) Nahmanide (1194-1270) abonde également dans ce sens: « Il ne mourra pas à la guerre ou lors d'une épidémie, mais simplement de vieillesse en ayant atteint la mesure de vie normale d'un homme de sa de sa génération comme 70 à 80 ans pour la génération du roi David ».

La mort ne correspond donc pas à une punition divine. Faisant partie de l'ordre du monde, elle atteint chaque être humain, si parfait soit-il, de manière identique, lorsque vient le moment. 1.3. La mort est la conséquence de ses péchés La mort est dite expiatoire lorsqu'on l'attribue à une sanction divine. Les fondements de cette doctrine basée sur la punition consécutive aux infractions à la loi ou sur la récompense découlant du respect des commandements se retrouvent à plusieurs reprises dans la Bible et dans le Talmud. Ainsi, trois fautes sont à l'origine du décès d'une femme en couches. Il s'agit de l'inobservance des trois commandements (mitzvoth) que

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doit

accomplir

la

femme

juive :(michna,

Chabbat

II,

6)

- La pureté familiale. (niddah) - Le prélèvement de la pâte (hallah). - L'allumage des bougies du shabbat. L'attitude du père peut elle-même contribuer au décès des enfants mmeurs. Le traité du Talmud Chabbat 32 b y fait référence en évoquant le non-respect de ses voeux ou de ses engagements, son manque d'assiduité dans l'étude de la Torah, sa haine gratuite ... La Bible Hébraïque elle-même y fait référence : « Car moi, l'éternel ton Dieu, je suis un dieu jaloux qui poursuit le crime des pères sur les enfants jusqu'à la troisième et la quatrième génération pour ce qui m'offensent, et qui étend ma bienveillance à la millième pour ceux qui m'aiment et gardent mes commandements» .(Exode 20,5-6)

La lecture hi- quotidienne du Chéma (Deutéronome 6 :4-9 ;11 :1321 ;Nombres 15 :37-41)) reprend un thème maintes fois répété: elle apprend aux juifs à faire la relation entre la venue des pluies, la fertilité de la terre et une longue vie pour lui et les siens, et la soumission à la Torah; ce rappo1t s'accomplit alors que la volonté de se défaire de son joug conduit aux effets inverses. Comme nous aurions pu également le constater pour l'islam, il existe une théodicée juive classique. Les souffrances endurées par l'homme, voire même sa mort sont des conséquences de ses péchés. Et même s'il semble ne pas recevoir le salaire de ses mérites, l' homme ne doit pas remettre en question le principe de la bonté de Dieu, car récompense et punition ne s'apprécient que par leur addition dans ce monde-ci et dans le monde avenir. Si la souffrance et la mort servent en premier lieu à châtier les justes des fautes qu'ils ont pu commettre, elles sont également destinées à purifier l'âme, à la conduire à l'humilité, à procurer au juste une récompense particulièrement généreuse dont on se rend digne en supportant patiemment les épreuves. Ce type de théodicée se retrouve également chez un philosophe judéoarabe du Xe siècle, Saadia ben Youssef de Fayyoum(882-942) qui ajoute : « si la vie d'ici-bas est toujours mêlée de souffrance et de mort, on ne peut croire à la justice de Dieu qu'en acceptant l'existence

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d'un au-delà dans lequel toute souffrance inexplicable dans ce monde (des enfants en bas âge notamment) trouvera sa compensation. Chez cet auteur, cette théodicée suppose la liberté et la croyance en l'au-delà, lesquelles forment, avec la foi en Dieu les trois vérités fondamentales de la religion : Dieu, liberté, immortalité de l'âme. Pour Saadia, l'immortalité est subordonnée à la résurrection. On retrouve également ce type de théodicée chez Hasdaï Crescas (1340-1410), chef spirituel des communautés juives d'Aragon. Pour ce penseur, c'est la bonté de Dieu qui confère un sens à sa justice. Le caractère divin ne revêt point un caractère de vengeance, il est préventif : Dieu punit pour détourner du mal par la crainte. La félicité éternelle consiste en une communion interne avec Dieu, conséquence nécessaire de l'amour que l'homme lui porte. 1.4. La mort n'a pas de raison d'être. Il s'agit de la mort qui est apparemment imméritée et tnJuste. Elle s'explique par la volonté de Dieu d'accorder à l'affiigé une meilleure vie dans l'au-delà en compensation de ses misères sur terre. Elle touche le saint ou l'enfant, êtres innocents et purs qui n'ont rien commis de répréhensible pour avoir à en répondre. Cette mort ici-bas assurera au juste ou à l'enfant une récompense ou une compensation dans le monde futur. Dieu la leur accordera, ôtant à cette épreuve son caractère d'injustice. Les bases de cette théodicée juive sur la mort imméritée sont mentionnées dans un texte fondamental du talmud (TB. Berakhot Sa): Si un homme voit les souffrances l'atteindre, qu'il scrute ses actions comme il est dit : « Examinons nos voies, scrutons-les et retournons à l'Éternel.

>> (Lamentations

3 : 40)

S'il a scruté sans trouver ( de fautes justifiant pareille souffrance), qu'il les attribue à une vacance dans l'étude de la Torah comme il est dit: « Heureux l'homme que tu redresses, Éternel, et que tu inscris dans ta loi. (Psaumes 94 :12). »

Enfin, s'il ne les a pas attribuées à une vacance de l'étude de la Torah, il est évident que ces souffrances sont infligées par Amour, ainsi qu'il est dit: « Car l'éternel réprimande celui qu'il aime. » (Prov.3: 12);T.B Berakhot Sa

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Dans cette perspective, les souffrances infligées par amour (yissûrin méahabâh) en apparence sont imméritées, augmentent pour ainsi dire leur capital de mérites à valoir dans le monde à venir. Cette souffrance des Justes est une réponse que se fait l'âme croyante pour qui la vie présente n'est que le vestibule de la vie éternelle. Le chapitre 53 d'Isaïe (le serviteur souffrant) l'illustre en ces termes: « Raba au nom de Sehorâh, celui-ci au nom de rab Una : tout homme en qui Dieu se complaît, il l'accable de souffrances ainsi qu'il est dit:« Le Seigneur se complaît, il l'accable, il lui inflige la maladie. »

Est-ce le cas lorsque le sujet n'assume pas ses souffrances par amour? L'écriture répond (par la suite du verset) : S'il offre un sacrifice expiatoire. De même que ce sacrifice ne peut être offert qu'en pleine conscience, de même les souffrances (ne peuvent être assumées) qu'en pleine conscience. Quelle est la récompense du sujet qui les a acceptées (ainsi)? Il verra postérité, connaîtra longévité, bien plus, il conservera la maîtrise de ce qu'il a appris, car il est dit : « L'objet de la complaisance du Seigneur (c'est-à-dire la Torah) prospèrera dans sa mam. »

Toujours dans cette optique, le Talmud rapporte une discussion entre Rabbi Jacob bar Idî et Rabbi a'hâ bar Hanina. Selon le premier, seules les souffrances qui n'obligent pas à interrompre l'étude sont infligées par amour, à preuve ce verset des Psaumes 44: 12 « Heureux l'homme que tu châties, Seigneur, en même temps que tu l'instruis de ta Torah.»

Selon le second la souffrance infligée par amour est celle qui ne cause pas l'interruption de la prière, comme le montre le verset: « Béni soit Dieu qui n'a pas écarté ma prière et ne m'a pas retiré sa grâce ».

(Psaume 66 :20) .Un troisième docteur, Rabbi Aba, fils de Rabbi Hiyya bar Aba, arbitre la controverse en rappelant à ses collègues une solution transmise par son père au nom de Rabbi Yohannan. Dans les deux cas, les souffrances imméritées en stricte justice sont infligées par amour, car il est dit : « L'homme que le seigneur aime, il le châtie.» (Prov. 3 : 12)

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Les personnes ayant dispensé cette doctrine de compensation sont essentiellement des philosophes de la période judéo-arabe. Saadia Gaon (882-942) aborde dans son célèbre ouvrage de doctrine philosophique intitulé « livre des croyances et des convictions » rédigé en arabe sous le titre« kitab al amanâtw 'ali 'tiqâdât », le problème de cette souffrance apparemment imméritée : je dirai encore avoir reconnu l'existence de deux catégories de souffrances de justes dans ce monde-ci : - l'une pour les péchés minimes. -La seconde à titre d'épreuve (c'est-à-dire sans qu'il y ait de faute préalable). Dieu les fait souffrir quand il est sûr qu'ils pourront le supporter et plus tard il leur fera du bien pour cela comme il est dit : « Dieu

éprouve le juste, mais le méchant et le violence, il les hait de toute son âme. » (Psaumes 11 : 5).

partisan

de

la

Lorsque les souffrances sont une épreuve, Dieu ne le fait pas savoir à l'homme qui en est atteint ainsi que nous le constatons à propos de Moïse qui demanda: « Pourquoi as-tu rendu ton serviteur n'ai-je trouvé grâce à tes yeux?» (Nom. 11 : Il).

malheureux ?

Pourquoi

Il ne reçut pas plus de réponse que Job qui le supplia pourtant : « Fais-moi connaître tes griefs contre moi». (Job 10 :2)

Moïse ben Nahman (Nahmanide (1195- 1270) évoque lui aussi dans son livre consacré aux lois sur la personne humaine Tora ha-Adâm le problème de cette théodicée sur la souffrance du juste. Dans le chapitre final Sha 'ar ha- gamûl (portique de la rétribution) N ahmani de insiste sur l'obligation dans laquelle se trouve toute créature qui sert par amour et par crainte de se mettre en quête ( avec toutes les ressources de) son esprit afin de justifier autant qu'il le peut le jugement de Dieu et de démontrer la vérité de son arrêt. Pour approfondir cette idée Nahmanide rappelle un passage de son commentaire sur l'Exode 20: 6.et du Deut.5 : 10. « À ceux qui m'aiment et à ceux qui gardent mes commandements.»

De fait c'est l'amour pour lequel il nous incombe de donner nos âmes ainsi qu'il est dit : « Tu aimeras Dieu, tu livreras ton âme et ta vie pour son amour ». Cette exégèse de Nahmanide débouche sur la métensomatose dans laquelle l'âme se réincarnerait dans un nouveau corps après la mort physiologique. Cette réincarnation des âmes coupables sert de solution

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à cette théodicée. Cette théodicée désigne donc le passage de l'âme à un nouveau corps par une naissance physiologique et non d'une âme qui va d'un corps mort à un autre corps vivant ou dans un autre corps qui ne lui appartiendrait pas comme dans la métempsychose. Chez les musulmans il existe aussi une doctrine de compensation analogue appelée mutazilite. Cette très importante doctrine développée au huitième siècle est toujours en vigueur aujourd'hui. Elle est basée sur la raison avec comme principes fondamentaux, l'unité et la justice de Dieu. Sans entrer dans le détail nous pouvons dire qu'elle est l'une des principales causes de souffrance dans l'islam. En effet aux yeux d'un mutazilite la souffrance impliquera obligatoirement une compensation, soit pour lui-même soit éventuellement pour un proche. Elle a donc pour finalité l'effet salutaire maslaha et la valeur exemplaire i 'tibar. Le talmud relate une discussion entre Rabbi Jacob bar idî et Rabbi Ahâ bar Hanina docteur palestinien de la seconde moitié du troisième siècle. Selon le premier, seules les souffrances qui n'obligent pas à interrompre l'étude sont infligées par amour à preuve ce verset :(Psaume 94 : 12) « Heureux l'homme que tu châties, Dieu, en même tant que tu l'instruis de ta tora. »

Selon l'autre, la souffrance infligée par amour est celle qui ne cause pas l'interruption de la prière, car il est dit : « Béni soit Dieu qui n'a pas écarté ma prière et ne m'a pas retiré sa grâce. »

(Psaume 66 :20). Un troisième docteur, Rabbi Abba fils de Rabbi Hyya bar Abba arbitre la controverse en rappelant à ses collègues une solution transmise par son père au nom de Rabbi Yohanan décédé en 279. Dans les deux cas les souffrances imméritées en stricte justice sont infligées par amour car il est dit : « L'homme que Dieu aime il le châtie» (Prov. 3 : 12)

La méthode que les Mo'tazilites utilisent dans leurs recherches est appelée Kalân (en hébreu medabber). Ce mot signifie en arabe une suite de sons ayant un sens intelligible, puis un discours, ultérieurement l'énoncé d'une information intelligible. Dans cette théologie, l'homme est libre et peut obéir ou désobéir. Dieu est également tenu de le rétribuer avec équité : le juste ne sera pas

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frustré de sa récompense et le méchant n'échappera pas à ce châtiment. Si cependant Dieu a jugé nécessaire, pour le bon ordre des choses, d'infliger une souffrance imméritée à un juste ou à un irresponsable, sa justice lui imposera toutefois une récompense dans l'autre monde. Cette doctrine demande à être complétée par la définition du bien et du mal. Si pour un juif orthodoxe ce que Dieu interdit est mauvais, ce qu' il ordonne est bon. Pour un Mo'tazilite au contraire le bien et le mal ont pour critère la raison. Dieu y est soumis, donc il ordonne parce que c'est bon et il interdit parce que c'est mauvais. Ce type de théodicée est à l'origine de cette notion qu'est le fatalisme dans l'Islam. Cette attitude est certainement la plus extrême mais peut-être aussi la plus logique pour une conscience religieuse. Elle s'oppose catégoriquement à toute ingérence médicale et considère la mort comme un état à endurer avec philosophie puisque Dieu l'a décidé ainsi. Tout effort visant à se dégager de la mort est appréhendé comme une attaque contre l'agencement divin de la vie. La prière, le jeûne ou la consultation d'une autorité religieuse sont donc les seules attitudes convenables à adopter face à la mort, elle-même perçue comme un châtiment et/ ou un appel à la pénitence. Les bases de cette théodicée sont mentionnées dans de nombreux textes de la Bible hébraïque : « Si tu écoutes la voix de l'éternel ton Dieu, si tu t'appliques à lui plaire, si tu es docile à ces préceptes et fidèle à toutes ces lois, aucune des plaies dont j'ai frappé l' Egypte ne t'atteindra car c'est moi l'éternel qui te guéris.» (Exode.15 : 26). « Reconnaissez maintenant que c'est moi qui suis Dieu, moi seul et nul Dieu à côté de moi ! Que seul je fais mourir et vivre, je blesse et je guéris et qu'on ne peut rien soustraire à ma puissance. »Deutéronome 32 :39.

Ce courant de pensée fataliste fut repris essentiellement au Moyen Âge puis au-delà par de nombreux penseurs juifs dont Ibn Ezra Abraham (1089-1164), Nahmanide (1190 - 1270) ou Rabbi Bahya ben Asher ban Hlava ( 13ème siècle). Il fut adopté par les communautés juives et également par les musulmans. Dès le XIe siècle apparurent chez ces derniers des tendances opposées à la médecine « qui conduit à un manque de foi en Dieu » et qui étaient le fait des théologiens Alghâzali. Il convient aussi de remarquer que l'islam admet que la prière, le jeûn et l'aumône annulent le jugement divin. Dans un enseignement d' Abu 18

Hurayra il est notifié qu'à l'entrée du mois de ramadan le paradis s'ouvre, l'enfer se ferme et les Satan sont garrottés. (Cf Vajda ,1957) 1.5. La mort annonce une ère nouvelle. Les périodes de persécutions et de martyrs ont été très souvent voire même toujours considérées comme des morts messianiques, ces dernières se faisant annonciatrices d'une ère nouvelle. Dans la littérature biblique le Messie (mashiah) est conçu selon trois modèles: - le messie peut être un homme : un roi, un prêtre ou un prophète -Le messie peut être une figure eschatologique destinée à survenir dans le futur sous la forme d'un roi. - le messie est conçu comme une espérance. Dans la Bible hébraïque datant d'avant l'exil à Babylone 597-538 avant J.C., le messie est associé au statut du roi ou du prêtre qui étaient tous les deux oints en vue d'assurer leurs fonctions.Le roi est appelé oint de Yahvé (mashiah YHVH). En effet, le rite de l'onction était nécessaire pour qu'un être humain puisse revêtir la dignité royale. Le roi est donc le représentant de Dieu sur Terre, il est le canal par lequel la bénédiction, le bonheur et la fertilité s'épanchent de Dieu aux hommes. Après l'exil à Babylone, le terme Messie s'applique au roi à venir destiné à restaurer la splendeur d'antan. Il devient ainsi cette figure eschatologique. Le troisième modèle est conçu comme un messianisme apocalyptique et annonciateur d'une ère nouvelle. Les persécutions sous l'empire Hadrien (Ilème siècle)eurent une influence conséquente sur la théologie juive : beaucoup d'esprits juifs pressentirent la restauration imminente de la souveraineté juive sur la Palestine (jusqu'au célèbre et sage Rabbi Akiva qui vit en Bar Korkhba chef militaire de la révolte, le messie.) Les martyrs victimes de persécutions sont considérés comme des morts messianiques. Dans les livres bibliques tardifs et dans le talmud, l'accent est mis sur ce troisième modèle : le Messie est une figure nationale descendant de la ligne princière du roi David et sa fonction essentielle est de sauver les enfants d'Israël. La rédemption des juifs constitue le but principal de la fin du monde. Elle n ' a pas grand-chose de commun avec l'attitude universaliste du sauveur chrétien ou du Mahdi musulman qui conçoivent le messie comme un être de chair et 19

de sang le plus souvent comme un guerrier ou un roi. Dans la littérature apocalyptique comme le Sefer Zerubabel, les Nistarotde Rabbi Shimon bar Yohaï il est une figure récurrente de l'archange Métatron. Saadia Gaon (882-942)aborde ce messianisme apocalyptique suivant trois principes : - la certitude de l'événement. - l'exil est un châtiment qui ne peut se prolonger indéfiniment. - il suffit de conserver la foi en un retour. Isaac Abarbanel (1437-1508) aborde dans son ouvrage Rosh Amanah (les principes de la Foi) le problème du messianisme apocalyptique. « J'ai la tâche de révéler aux enfants de Juda le jour de la rédemption; d'annoncer à pleine voix que le salut est proche, qu'Israël n'est point abandonné, que l'arrivée du Messie est imminente et ne saurait plus tarder. >>

Abarbanel fixera la date de la rédemption à partir de la prophétie de Daniel (8 :14). « Encore deux mille trois cents soirs et matins, et le sanctuaire sera rétabli dans son droit. »

Le chapitre 8 de son livre les sources du Salut l'illustre en ces termes : Un autre verset de la prophétie de Daniel parle d'un total de trois temps et demi soit 1435 années et le sanctuaire sera rétabli. Abarbanel estime qu'un temps doit correspondre à une portion de temps bien défini, il ne peut s'agir selon lui que de la durée du premier temple soit 410 ans. Notre verset parle donc d'un total de trois temps et demi soit 1435 années. Si l'on accepte l'an 68 de notre ère comme étant celui de la destruction du second temple, 1503 sera l'année de la rédemption pour le bonheur du monde. On retrouve une autre prédiction de Daniel dans laquelle Abarbanel retrouve cette date. « Le déclin du peuple a commencé lors du schisme des deux royaumes, premier soir d'une longue nuit qui ne s'achèvera que par le matin de la délivrance. Celle-ci surviendra donc 2300 années (un jour signifiant ici une année) après le schisme ».

Ce messianisme apocalyptique appelé « espérance diffuse d'une rédemption » occupe une place centrale dans l' ceuvre d' Abarbanel. (Cf. Idel, 2005, p.67). Elle résume assez bien les tendances eschatologiques juives durant tout le Moyen Âge. Toutes ces 20

prédictions rendaient au peuple meurtri l'espoir d'une délivrance proche. 1.6. Le livre de Job interprété par Maünonide (1135-1205) Au départ Job est homme riche, droit et pieux qui mène une existence heureuse. Marié et père d'une importante progéniture il vit dans la crainte de Dieu. Un jour, sans qu'il ait fauté sa vie va basculer dans le malheur : il va successivement perdre ses biens matériels, puis ses enfants enfin sa santé car il sera atteint d'une lèpre maligne. Ebranlé dans sa foi profonde Job va finir au fil de ces épreuves par ne plus être croyant, se plaignant puis se révoltant contre le sort. Ces trois amis Eliphaz, Bildad et Tsofar vont chercher à l'apaiser et à justifier le châtiment divin mais en vain. Elihaou, un quatrième interlocuteur va alors intervenir en proclamant la justice et la grandeur divine tout en le sermonnant vertement de s'être révolté contre Dieu. Ce dernier se révélera à Job qui se soumettra et regrettera ses paroles. Le livre de Job se termine lorsque celui-ci, restauré dans ses biens, rendu heureux par la naissance de nouveaux enfants, est gratifié de bénédictions. Selon Maïmonide (T.J.Ta'anit 4 :8) : « On serait tenté de croire que ce que l'un ( des interlocuteurs) dit, tous les autres le disent également et que les mêmes idées se répètent et se croisent».

Au-delà de ce sentiment Maïmonide a eu plutôt à cœur connaître ce que chacun d'eux professait sur un événement duquel l'homme le plus intègre est frappé des calamités grandes. Job, tout comme ses trois amis, possède une différente des autres sur les malheurs subis.

de faire au cours les plus opinion

1.6.1. Job Cet homme atteint par la souffrance et la mort déduit de son expérience que tous les hommes sont égaux devant Dieu qu'ils soient pieux ou non : « Tout revient au même: c'est pourquoi je dis :« Justes et méchants, il les fait pareillement périr si le flot tue subitement, il se rit de l'épreuve des innocents ».

22-23). Sa douleur est aussi violente que la force avec laquelle il invective et interpelle Dieu : « Moi-même en évoquant mes souvenirs je suis effrayé et ma chair est saisie de

(JOB.9 :

tremblements. Pourquoi les méchants demeurent-ils envie ? Pourquoi vont-ils progressant et augmentant de force?» (JOB :21 : 6).

21

On pourrait ainsi énumérer nombre de citations pouvant illustrer l'état d'esprit dans lequel se trouve Job. 1.6.2.Eliphaz. Il voit en la souffrance de Job la preuve flagrante que ce dernier a commis de nombreux méfaits pour mériter une telle adversité : « Certes il faut que ta perversité soit grande et innombrables tes méfaits » (JOB.22: 5-10). « Songes-y donc : est-il un innocent qui ait succombé? Où est-il arrivé que des justes aient péri ? Pour moi, j'ai observé ce fait : ce sont ceux qui cultivent l'iniquité et sèment le mal qui les récoltent». ( 4 : 7-8).

Il n'existe aucun doute dans l'esprit d'Eliphaz: toute impiété entraîne nécessairement une sanction de Dieu. Quant à l' innocent, il ne pourra rien lui arriver puisqu'il n'a rien fait de mal. 1.6.3.Bildad Bildad possède également sa propre interprétation de la souffrance avec le postulat suivant :si Job est innocent, son extrême souffrance aura pour but de lui procurer une récompense divine extraordinaire. Il s'agit de la souffrance compensation préconisant que toute souffrance, même si elle est imméritée aura pour effet une récompense divine : « Si tu es innocent et droit sa bonté s'éveillera en ta faveur. Il rendra la paix à la demeure qui abrite la piété. Humbles auront été tes débuts mais combien brillant sera ton avenir ! » (JOB. 8 : 6-7)

1.6.4. Tsofar Pour Tsofar enfin, il ne faut pas chercher à percer le dessein de Dieu : l'homme est incapable de pénétrer les secrets de la sagesse de Dieu. Prétends- tu pénétrer le secret insondable de Dieu, saisir la perfection du Tout-Puissant? (Job 11 : 5-7).Comme nous le disions plus haut Maïmonide a mis en évidence chacune des quatre opinions des intervenants que nous venons de passer en revue. Maïmonide résuma ainsi la pensée de chacun d' entre eux. L'opinion de Job est proche de celle d'Aristote à savoir que l'homme pieux et l'homme impie sont égaux devant Dieu; celle d'Eliphazest conforme à l'esprit de la Torah c'est-à-dire que l'innocent ne subira pas de châtiment car seul le coupable est puni par Dieu. L'opinion de Bildad s'apparente à la doctrine Mu'tazilite préconisant que toute souffrance même imméritée aura pour conséquence une récompense divine ; enfin, celle de Tsofar rejoint celle des Ash'arites disant qu'il 22

ne faut pas chercher à percer le dessein de Dieu. La pensée la plus évidente serait donc celle d'Eliphaz conforme à la Torah. Tout- au- contraire, Dieu, au moment de sa révélation, semoncera sévèrement Eliephaz en lui disant: « Ma colère est enflammée contre toi et contre tes deux amis parce que vous n'avez point parlé de Moi avec rectitude comme mon serviteur Job » (JOB.42 :7).

Voilà une intervention surprenante. Pour Maïmonide, Job a parlé avec rectitude en ce sens que, atteint par la souffrance il n'était plus responsable des paroles qu'il proférait. Cette attitude dura jusqu'au moment où Job eut la révélation de Dieu parlant des merveilles insondables de l'univers et se repentit: « Oui je me suis exprimé sur ce que je ne connaissais pas. Je ne te connaissais que par ouï-dire mais maintenant je t'ai vu de mes propres yeux ».

C'est pourquoi je me rétracte et me repends sur la poussière et la cendre. (JOB.42 :3-6) Ceci est corroboré par Maïmonide : « ... Job était revenu de cette opinion extrêmement erronée et en avait lui-même démontré la fausseté. Il ne prononçait ces paroles que tant qu'il était dans l'ignorance et qu'il ne connaissait Dieu que par tradition comme le connaît la foule des hommes religieux; mais dès qu'il eut de Dieu une révélation certaine, il reconnut que la félicité qui consiste en la connaissance de Dieu est réservée à tous ceux qui le connaissent et qu'aucune de toutes ces calamités ne saurait la troubler chez l'homme».

Quant à Eliphaz, ve1tement semoncé par Dieu, Maïmonide l'explique indirectement en arguant que l'opinion d'Eliahou est supérieure à celle des autres, car il décrit la justice divine et les merveilles de l'univers, il proclame que Dieu n'est affecté ni par la vertu de l'homme pieux ni par les péchés de l'impie. Si Eliphaz a raison quant aux causes (selon la Torah point de souffrance sans faute), il ne dépasse pas ce stade pour trouver un sens à sa souffrance. Pour Maïmonide il existe effectivement une différence essentielle entre réfléchir sur les causes de la souffrance et réfléchir sur le sens de la souffrance. Selon lui l'homme ne peut atteindre la connaissance qu'en passant par la souffrance. À partir de là il peut accéder au but essentiel que l'homme doit se fixer: se rapprocher de Dieu par sa connaissance.

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Chapitre 2 LA MORT DOIT ÊTRE CONSTATÈ 2.1. Un souffle de vie dans la narine Le judaïsme retient comme critère principal de mort l'arrêt respiratoire, reflet de l'activité cardiaque. Les bases de cette théodicée juive se trouvent dans deux textes ( 1). Le premier texte est un verset de la Genèse.7 :22 qui relate la destruction des Etres vivants par le déluge. « Tout ce qui avait une âme, un souffle de vie dans ses narines, tous ceux qui étaient dans la terre ferme expirèrent. »

Le terme de souille est à comprendre dans le sens de respiration (Nechima ; Le lien est établi entre vie et respiration, et par corollaire entre absence de souille et mort. Le deuxième texte est un commentaire extrait de la Guémara ( TraitéYoma 85a). Ce texte évoque le cas d'un individu pris sous un éboulement le jour du shabbath. Le problème que pose la Guémara est donc de savoir à partir de quel moment du déblaiement une certitude de vie ou de mort est possible. Si la vie est certaine, il est permis et même obligatoire de violer le jour du shabbath; car même si ce jour-là est un jour saint consacré à la prière, à l'étude et au repos, le sauvetage d'une vie (Pikouah' nefesh) ne souffre d'aucune exception car la sainteté suprême est celle de la vie humaine. Par contre, si la mort est certaine, le respect du shabbath primera et le déblaiement et l'exhumation seront repoussés au lendemain. Pour établir à quel moment du déblaiement une certitude de vie ou de mort est possible, le texte énonce deux avis : - un premier avis nécessite le déblayage jusqu'aux narines et donc, recherche une respiration. - un second avis nécessite le déblayage jusqu'au cœur et recherche donc une activité cardiaque. La Guémara développe la question en affirmant que la discussion n'a lieu que si le déblayage s'effectue de bas en haut, c'est-à-dire en commençant par les pieds. Le deuxième avis considère que l'arrêt cardiaque signe l'arrêt respiratoire et n'oblige pas la poursuite de la recherche aux narines, alors que le premier avis s'en tient au principe de base qui est l'arrêt respiratoire et nécessite un déblayage plus poussé.

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Si toutefois le déblayage s'effectue de haut en bas, c'est-à-dire par la tête, les deux avis se rejoindront pour an-êter le déblayage aux narines, donc avec l'analyse de la respiration. Car, termine la Guémara, la vie se juge à la respiration, comme le dit le verset de la Genèse 7 : 22 « Tout être possédant un souffle de vie dans ses narines. » Il semble donc bien ressortir de ce texte que le critère d'an-êt respiratoire est suffisant pour établir le diagnostic de la mort et qu'une discussion s'établit sur l'importance à accorder à l'an-êt cardiaque. Maimonide, dans son code Michné Torah (llh'ot Chabat) statue suivant le premier avis : « Si la recherche dans l'éboulement s'est faite jusqu'aux narines sans découverte de respiration, l'individu doit être laissé, car il est déjà mort»

Le Tour (2)et le ChoulkhanAroukh (3) ont légiféré dans le même sens. Il convient de noter que deux autres critères furent introduits par la suite. Tout d'abord par Maïmonide (1138-1204) sur la nécessité d'un temps d'attente variant de 20 minutes à une heure. Cette condition vise à éviter la confusion entre un état comateux et la mort. « Tout homme fermant les yeux d'un agonisant est un criminel car il faut attendre un instant, de peur d'une confusion avec un évanouissement» (Ilh'hotAvel).

Le second critère fut établi par le Hatam Sofer (1762-1839) qui introduisit la nécessité d'absence de mouvement.

1. OUALID D. - LES CRITERES DE LA MORT DANS LE JUDAISME - Thèse de médecine n°129 - Grenoble, 1983. 2Le Tour est un recueil de lois juive écrit par Yaakov ben Asher (1270-1340) 3. Il s'agit d'un code de Loi juive compilé par Joseph Caro (1488-1575)

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2.2. La mort par un baiser Bien que la mort soit toujours cruelle, on distingue toutefois la bonne mort de la mauvaise. La bonne mort est associée à l'âge : décéder à un âge avancé est une bénédiction, et l'on accepte mieux de mourir âgé, le corps usé, que jeune ou à la fleur de l'âge. Elle est également associée à la manière de mourir : la " mort dans un baiser " (mitah bene shiqah) est comme le cheveu que l'on retire d'un verre de lait ou la goutte d'eau que l'on prélève d'un seau. Elle permet de passer de la vie d'ici-bas à celle de l'au-delà sans souffrance. Ainsi meurent les Justes, les tsaddiquim comme Moise, par " la bouche de Dieu". (Deutéronome 34, 5). La bonne mort est aussi liée au jour du décès· Mourir un vendredi ou une veille de shabbath est un signe de reconnaissance distinguant les Justes qui quittent le monde d'ici-bas. Les Musulmans attribuent au jour du décès la même signification : "Il est mort un vendredi, quelle bonne mort!", dit-on chez les BéniDrar(Maroc) pour faire l'éloge d'un défunt car le vendredi est un jour privilégié du fait de la prière hebdomadaire. Les jours de fêtes religieuses sont également un moment privilégié pour mounr: « Heureux celui qui serait mort pendant le mois de Ramadan, surtout la nuit du 27ème jour, moment du commencement de la révélation ... »(Cf Yachouti p.109)

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CHAPITRE3 La mort est un passage 3.1. Le Sefer Ha-Zohar ou le livre de la splendeur Nous disposons de nombreuses références sur la conception mystique du sort de l'âme. Le Sefer Ha-Zohar ou le livre de la splendeur est le livre majeur de la Kabbale qui traite de l'eschatologie juive. Littéralement, la Kabbale signifie transmission. Elle constitue la Sagesse secrète, l'enseignement ésotérique du Judaïsme. Pour la tradition qu'elle véhicule, la Kabbale représente la loi orale que Moïse reçut au Mont Sinaï en même temps que la loi écrite, la Torah. Elle se transmet en ligne ininterrompue à travers les âges, de maître à disciple. La tradition juive attribue quatre niveaux d'interprétation à la Torah écrite : le Pshat, la signification simple ou littérale, le Remez, la signification allusive, le Drash, la recherche et le Sod, la signification cachée. La littérature kabbaliste ne s'attache qu'au sens caché. Le principe sous-entendu est que le texte de la Torah doit être considéré comme un texte codé. Le code qui déchiffre ce texte est la Kabbale qui possède de multiples aspects. Le Zohar et ses annexes connues sous les titres de Raya Mehemma et Tiqqunim sont des textes fondamentaux de la destinée de l'âme. Ainsi, par exemple ce livre doit son nom à un verset du dernier chapitre de Daniel qui décrit la fin des temps : « et les intelligents, les maskilim, ceux qui possèdent le se 'hel, c'est-àdire l'esprit saint, resplendiront (Yazehirou) comme la splendeur (Zohar) de l'étendue céleste. Le livre du Zohar est donc le livre de la splendeur. Œuvre clef de la Kabbale, le Zohar prépare l'être à pénétrer dans les secrets de la création. Ce livre très important est attribué au Tana, c'est-à-dire à l'un des maîtres de la Michna Shi mon bar Yohaï (Hème siècle). On sait désormais que le Zohar date du XIIIème siècle et qu'il fut écrit en Castille par Moïse de Léon. Dans sa forme, le livre du Zohar est composé d'un grand nombre d'écrits (plus de 3000 folios) rédigés dans une langue proche de l'hébreu, l'araméen. Elevé à la dignité de livre sacré à l'instar de la Bible et du Talmud, le Zohar se présente d' abord comme un long commentaire des cinq livres de la Tora,« le Houmach », et de certains livres des Ecritures comme le Cantique des Cantiques ou le livre de Ruth. 29

C'est le livre central de la Kabbale, qui désigne en hébreu la réception. Ces enseignements secrets de la Torah furent créés depuis le premier homme Adam jusqu'aux prophètes en passant par Moïse, David et Salomon. D'après la tradition, le Zohar dévoile le sens caché des versets, des mots, des lettres et aussi des Noms de Dieu. Tous les grands maîtres de la Kabbale comme le AriZal, rabbi Yishak Louria (1534-1572), mais aussi le Hida, rabbi Haim David Azoulay (1724-1806) ou encore le Ramhal, Rabbi Moché Luzzato en Italie (1707-1746) ou encore le Baal ShemTov, rabbi Israël ben Eliezer (1698-1760) en Pologne se sont nourris du Zohar pour élaborer leur enseignement. Il est écrit dans : (Eccl. 8: 8) « Il n'y a point d'homme qui ait pouvoir sur le souffle de l'esprit et personne n' a pouvoir sur le jour de la mort».

Rabbi Judah ajoute : dès que débute cette période de trente jours l'image de l'homme s'obscurcit. Sa forme, sa silhouette et son ombre habituellement visibles sur la terre s'évanouissent et disparaissent. Perdre son ombre, rêver de parents et amis, voir en songes un rouleau de la Thoras ont des signes avant-coureurs d'une mort prochaine et annoncent du même coup l'entrée en scène de l'ange de la mort. De ce texte on apprend tout un imaginaire sur le monde de la mort et de ses mythes, sur le paradis, les rites funéraires, les devoirs et obligations. D'où tiens-tu que tu es sur le point de mourir?

L'autre répondit : « Mon âme me quittait toutes ces dernières nuits sans que je fusse illuminé par un rêve comme auparavant; bien plus encore quand dans ma prière je m'incline, je ne vois pas mon ombre sur le mur c'est donc que le messager est sorti annoncer ma mort car il est dit: c'est par son ombre que l'homme chemine ». (Ps. 39 : 7). Et nos jours sur terre sont une ombre. (Job 8 : 9).

Ajoutons une autre idée zoharique développée dans ce texte : « Lorsque approche pour l'homme l'heure du jugement, un nouvel esprit pénètre en lui grâce auquel il perçoit ce qu'il ne pouvait percevoir auparavant, la présence divine. Puis il part de ce monde. Il est en effet écrit : nul homme ne peut me voir et vivre. (Exode.33 :20).

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On sait que la colère de l'ange de la mort est apaisée par les bonnes actions. Cependant sitôt qu'il reçoit les ordres de Dieu lui-même, liberté lui est laissée de supprimer sans distinction les bons et les mauvais. Dans Zohar II, 174b on lit sur l'avènement de la maladie avant la mort : « On dit à joseph : voici que ton père est malade. (Gen. 48 :1). Rabbi Una dit: « dans les temps anciens avant l'avènement de Jacob, l'homme vivait tranquillement chez lui dans sa maison. Quand arrivait pour lui le moment de mourir, la mort le surprenait et il mourait sans maladie. Quand vint Jacob, il adressa cette prière à Dieu: Maître du monde, je te demande de faire de telle sorte que l'homme tombe malade deux ou trois jours et qu'il ne rende le dernier souffle qu'après qu'il eût exprimé ses dernières volontés à sa famille et qu'il se fût repenti de ses fautes. Dieu en convint et exauça son vœu ».

Dans Zohar 1, 24Y; 54b et 126b à propos des « sept épreuves qm attendent l'homme à sa mort». La première épreuve est celle subie au moment où l'âme quitte le corps : elle punit l'un et l'autre pour les fautes commises. La deuxième épreuve a lieu quand le cortège funèbre est conduit du domicile du défunt jusqu'au cimetière. Tout au long du chemin les actes et les paroles de l'homme le précèdent, l'accusent et l'humilient publiquement. Les transgressions, les crimes et délits commis sont proclamés, suivis de la peine et du châtiment qu'il encourt et qui l'attendent dans le monde à venir. La troisième épreuve et celle que le défunt traverse dès son entrée dans la tombe, considérée comme la porte de sortie de ce monde et le seuil d'un autre ... La quatrième épreuve lui est infligée dans la tombe même, immédiatement après l'enterrement, ce que la littérature rabbinique désigne par le hibbut ha-qeber la flagellation de la tombe. L'ange de la mort relayé par celui qu'on surnomme Dumah et qui règne sur le monde du silence frappe violemment le cadavre avec des chaînes métalliques. La cinquième épreuve est le passage à la Géhenne, à l'enfer. Il est plus spécialement destiné à purifier l'âme. Au cours de la sixième épreuve, le corps est livré à la vermine qui prend possession de lui et le dévore. Il souffre atrocement ainsi qu'il est dit : la morsure du ver est aussi douloureuse pour le corps du défunt (pour son cadavre) que peut être la piqûre de l'aiguille enfoncée dans la chair du vivant.

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L'exil de l'âme est la septième et dernière épreuve: ce sont ses continuelles migrations et transmigrations, incarnations et réincarnations successives. Elle est condamnée à errer et vagabonder çà et là, sans le moindre répit jusqu'au terme de son long et pénible voyage qui se termine par son définitif rachat, par sa rédemption payée au cours de ces errances et transmigrations, par la réalisation des tâches qu'elle avait à accomplir en ce monde. Dans Zohar III, 158b; 11,17a. Rabbi Judah et Rabbi Abba dialoguent avec les morts. « Rabbi Juda ben Shalom voyageait en compagnie de Rabbi Abba. Ils entrèrent en un certain lieu pour y passer la nuit. Ils se couchèrent et posèrent leur tête sur un monticule de terre qui se trouve être une tombe. Juste avant de dormir, ils entendirent une voix s'élever de la tombe, disant: il y a douze ans que ma semence est enterrée en cette terre. Je ne me suis jamais réveillé jusqu'à l'heure présente etje vois le visage de mon fils. Rabbi Judas lui demanda: « Qui es-tu ? Je suis judéen. Je reste là, proscrit dans l'impossibilité de rejoindre ma place là-haut à cause de la souffrance de mon fils qu'un idolâtre avait enlevé quand il était enfant et qu'on fouette chaque jour. Sa souffrance m'empêche d'entrer (à l'endroit qui m'est destiné). Rabbi Judah lui pose la question : vous les morts êtes-vous informés de la souffrance des vivants?. Il répondit: N'étaient les prières des habitants de la poussière pour L'humanité vivante, celle-ci n'aurait pas subsisté la moitié d'une journée. Si je me suis réveillé aujourd'hui, ici, c'est parce qu' il m'a été dit que mon fils viendrait là; et je ne sais si il est vivant ou mort. Rabbi Judah dit encore : Quelles sont vos occupations en ce monde-là? dans l'au-delà? Au même instant, la tombe fut secouée d'un tremblement et on entendit un cri : « levez-vous, partez! On est en train de fouetter mon fils en cette heure-ci »! Frappés de stupeur les deux hommes prirent la fuite ne s'arrêtant qu'à une distance d'une d'un-demi- mille. Ils attendirent la lumière de l'aube, se levèrent pour poursuivre la route quand ils virent un homme les dépasser, courant et fuyant, les épaules ensanglantées Il s' arrêta et leur raconta son histoire. Il se nommait Lahma bar Liway. Ils se dirent que la mort se nommait sûrement Liway bar Lahma. Ils prirent peur, cessèrent de lui parler et ne retournèrent pas à la tombe. Rabbi Abba dit: c'est bien à ce propos qu'il est dit: « la prière des morts protège les vivants»; et c'est le sens du verset:« ils montèrent par le sud et ils arrivèrent jusqu'à Hebron ».

Dans Zohar I, 217b-218aon lit: « Quand approche pour un homme les jours de sa mort, trente jours auparavant, l'annonce de cet instant suprême est proclamée, criée de par le monde ; les oiseaux du ciel eux-mêmes s'associent à ce cri, à cette proclamation.»

Les lettres comprises dans Ha-Satan (le Satan) ont pour valeur numérique 374, ce qui veut dire que son pouvoir d'accusateur s'exerce durant les 374 jours de l'année, mais cesse le jour des expiations (Yoma, 20 a). 32

Enfin, c'est Satan qui fait mourir, d'où ce surnom d'ange de la mort qu'on lui connaît. Dans Zohar (I,217b-218a): Un jour, R. Isaac était assis à la porte de la maison de R. Judah, plongé dans une profonde tristesse. « Qu'y a-t-il de particulier aujourd'hui ? R. Isaac répondit : Je suis venu te demander trois choses : quand, étudiant la Torah, il t'arrivera de citer certainesde mes paroles, tu devras les dire en mon nom et faire mention de leur auteur; tu feras à mon fils la grâce de lui enseigner la Torah; tous les sept jours, tu iras prier sur ma tombe. R. Judah demanda: « D'où tiens-tu que tu es sur le point de mourir. » L'autre répondit: Mon âme me quitte toutes ces dernières nuits sans que je fusse Illuminé par un rêve comme auparavant; bien plus encore, quand dans ma prière je m'incline, je ne vois pas mon ombre sur le mur; c' est donc que le messager (Satan) est sorti annoncer ma mort, car il est dit: C' est par son ombre que l'homme chemine.» ( Psaume 39, 7)

3.2. La mort de soi

Nous continuons à emprunter à l'historien Philippe Ariès cette expression. Son second modèle « la mort de soi » se caractérise par une personnalisation de la mort. Une grande place est donnée au bilan individuel. Cette attitude peut se percevoir à partir dès 11 ème- l 2ème siècles selon la grande place qui est accordée à l'eschatologie. Dans le judaïsme le sort de l'âme tient aussi une grande place. Si la mort, considérée comme une rupture et une dispersion, représente avant tout une continuité, un passage et le refus de la coupure, il est cependant important de savoir comment se conçoit l'après-mort. La mort n'est pas un état définitif et statique, mais plutôt une série de mutations qui se déroulent dans la durée, Dans l'imaginaire juif, la mort rapproche deux dimensions du temps à la fois opposées et complémentaires : le temps - éternité et le temps concret dans lequel s'inscrit la rupture de la mort. Dès que l'homme meurt, les trois degrés de l'âme se séparent du corps, puis montent et regagnent le lieu d'où ils étaient venus, dit un texte du Zohar (Zohar I, 81A. ) Dans la tradition juive, il existe trois degrés dans l'âme : nefesch, rouah et neshama. - Nefesch représente l'âme vitale, végétative, sensitive et motrice (donnée à l'homme pour se nourrir et procréer): elle constitue ce que l'on appelle la personnalité. - Rouah est l'âme spirituelle, l'inspiration sainte qui émane de Dieu. Il s'agit de l'âme rationnelle, apte à devenir intellect en acte.

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- Neshama désigne l'âme supeneure, le souffle de vie que Dieu a insufflé à l'homme, l'élément divin qu'il porte en lui-même : c'est l'âme des âmes, "neshamali neshamat", l'âme suprême. 3.3.Les justes jouiront de la splendeur de la Chekhina (T.B.Berakhot17a) Lors du décès, le souffle (rouah) revient à Dieu qui l'a donné, dit un texte de }'Ecclésiaste XII : 7. Le souffle, en quittant le corps et ce monde-ci, se sépare de la personnalité (nefesh) pour entrer au Jardin d'Eden terrestre. Quant à l'âme suprême ou neshama, elle s'élève directement vers Dieu immédiatement après la mort, sans faire au préalable, comme le rouah, un séjour au Jardin d'Eden terrestre. Enfin nefesh, l'âme végétative, ne s'écarte jamais de la tombe. Quand le souffle (rouah) quitte ce monde et manifeste le désir de s'élever jusqu'au Jardin d'Eden céleste, il pénètre dans la grotte d'Adam et les patriarches ou Justes du Jardin d'Eden terrestre lui remettent une carte d'identité et de signalement en vue de son entrée. Il effectue son ascension et gravit la colonne centrale dressée dans le Jardin. Chemin faisant, il rencontre les " chérubins et la flamme de l'épée tournoyante" (Genèse 3 : 24) et les " gardiens des remparts de Jérusalem." S'il le mérite, ceux-ci examinent son carnet de signalement, lui ouvrent la porte et le laissent entrer. Sinon, ils lui prennent le carnet et le repoussent au-dehors (2). Il reste là le temps qu'il doit y rester, revêtu de la forme propre à ce monde-là. L'eschatologie juive repose sur un postulat de base qui veut que, dans le monde futur, l'âme existe éternellement comme celle du créateur. Les maîtres ont dit:" Dans le monde futur, il n'y a pas de nourriture, de boisson, pas d'ablutions, pas d'onctions, pas de rapports sexuels, mais les Justes siègeront la tête couronnée (immortalité de l'âme) et jouiront de la splendeur de la Chekhina (T.B.Berakhot I7a) 3.4. Les sept épreuves. La séparation du corps et de l'âme ne s'opère pas sans épreuves, c'est du moins ce que laissent entendre divers textes mystiques juifs. Un texte du Zohar décrit sept épreuves qui attendent l'homme à sa mort depuis l'instant de la séparation de l'âme et du corps jusqu'à l'heure du rachat et de la réincarnation.

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- la première épreuve se produit lorsque l'âme quitte le corps. A ce moment, l'âme et le corps sont punis de leurs fautes par l'Ange de la Mort. - pour la seconde, le cortège funèbre est conduit du domicile du défunt jusqu'au cimetière Tout-au-long du chemin, les actes et les paroles de l'homme l'accusent et l'humilient publiquement pour tous ses crimes et délits. - la troisième épreuve est celle que le défunt traverse dès son entrée dans la tombe. - la quatrième lui est infligée dans la tombe elle-même. L'Ange de la mort frappe violemment le cadavre avec des chaînes métalliques ... ("Hi but Ha-geber") (Zohar. I, 245; III, 546 et 126b). La quatrième épreuve d'expiation consiste en la flagellation du cadavre (hibbutha-geber), - la cinquième est le passage à la Géhenne, à l'enfer: il est destiné à purifier l'âme. - à la sixième épreuve, le corps est livré à la vermine. - lors de l'ultime épreuve, l'âme est vouée à de continuelles migrations et transmigrations, incarnations et réincarnations successives et ce, jusqu'à la rédemption définitive. Elle aura lieu au cours de ses errances par la réalisation des tâches qu'elle avait à accomplir en ce monde ... Si la plupart de ces épreuves peuvent être cataloguées comme des épreuves d'expiation dont l'objectif consiste en l'absolution des péchés du défunt, la première est en revanche celle qui a le plus retenu l'attention des commentaires mystiques. 3.5. Lève-toi ta fin est arrivée (Abraham Ben Mordekhay Azoulay (1570-1643). Voici un commentaire d'Abraham Ben Mordekhay Azoulay (15701643) kabbaliste originaire du Maroc (1): « La première épreuve, infligée à l'instant suprême où l'âme quitte le corps, est douloureuse, dure et difficile ; la séparation peut aussi être douce et légère, aussi facile que d'enlever un cheveu d'un verre de lait.» (TB Berakhot 8a, Baba Batra 17a).

L'opération est exécutée par l'Ange de la mort, autorisé en cette occasion à châtier et faire souffrir à proportion de la gravité de la transgression. Dans la mesure-même où l'homme avait "adhéré" à la

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faute, il est donné à l'exécuteur des hautes oeuvres de prélever son dû ... " Abraham Azoulay, dans la suite de ce même texte, revient sur la description de l'instant suprême, disant :" Quatre hommes surviennent au chevet de l'agonisant. L'un appartient à la cohorte des Anges de services (mal'akhe ha-sharet), le second est l'Ange de la mort; le troisième fait office de greffier (sofer); le quatrième est comptable (moreh). On lui dit :" Lève-toi, ta fin est arrivée." Il répond : « Non, je ne suis pas encore parvenu au terme de ma vie». Il ouvre un œil. Que voit-il? Un Ange de la taille du monde, le remplissant d'un bout à l'autre ; des yeux innombrables le recouvrent tout entier de la plante des pieds au sommet du crâne. Il est habillé de feu, revêtu d'un manteau de flammes. Il tient dans la main une épée, une "goutte amère" est suspendue à la lame. L'agonisant ouvre la bouche, l'Ange y fait tomber la goutte. C'est par elle que sa face verdit, c'est par elle que son corps exhale une odeur fétide. Mais il ne rend l'âme qu'après avoir vu, face à lui, le Saint, Béni soit-il, en personne... "(2) La quatrième épreuve d'expiation consiste en la flagellation du cadavre (hibbut hageber), qu'Abraham Azoulay commente de la façon suivante: " La flagellation du cadavre punit ceux qui se réjouissent les II jours interdits de joie." (3) Comme il n'y a de joie qu'en mangeant de la viande et en buvant du vin, il est donc interdit d'en consommer ces jours-là... et la transgression d'un tel interdit est punie de la flagellation de la tombe ... " 3.6. Les anges torturent les méchants. Le passage à la géhenne, à l'enfer constitue, comme nous l'avons vu précédemment, la cinquième épreuve que subit l'âme (rouah). La Géhenne tire son nom d'un lieu situé autour de Jérusalem, la vallée de Hinnom. Dans cette vallée se trouvait Topheth (2 Rois XXIII, 10), site utilisé à l'origine pour des sacrifices humains dédiés au dieu Moloch (2 chroniques 33 : 8) puis ensuite destiné à brûler les ordures ménagères de la ville). ( 4)La tradition hébraïque situe la Géhenne à Arga, la cinquième terre (5). Cette dernière comprend la Géhenne et les sept strates, chacune possédant ses entrepôts de ténèbres. La couche la plus élevée se nomme le Shéol ; au-dessous d'elle se trouvent les autres appelées Perdition, Basse-Fosse, Sentine, Silence, 36

Porte de la mort et Porte de l'ombre de la Mort: À chaque étape, le feu est soixante fois plus intense qu'au niveau inférieur. C'est dans ces lieux que les anges torturent les méchants et les punissent (6). Le Talmud de Babylone (T.B.Hagiga 12b) situe la Géhenne dans le troisième ciel, où se trouve également le jardin d'Eden. Ainsi, au Nord de l'Eden s'étend la Géhenne, où couvent perpétuellement de sombres feux et où coule à travers un pays de glace et de froid intense un fleuve de flammes ; c'est ici que les méchants endurent leurs tourments. Le premier ciel renferme les nuages, les vents, les eaux supérieures, les deux cent anges chargés de surveiller les étoiles et les entrepôts de neige, de glace et de rosée ainsi que leurs anges gardiens. Le deuxième ciel contient des pêcheurs qui sont enchainés là dans l'attente du jugement. Dans le troisième ciel se trouve le jardin d'Eden, rempli de merveilleux arbres frnitiers, y compris l'Arbre de Vie sous lequel Dieu se repose quand il y vient en visite. Dans le quatiième ciel se trouvent les chars conduits par le soleil et la lune, chacun ayant dans son sillage un millier d'étoiles grandes et petites. Dans le cinquième ciel demeurent les anges déchus, géants, tapis là dans le silence du désespoir éternel. Dans le sixième ciel vivent les sept phénix, les sept chérnbins ainsi que des légions d'anges qui veillent sur les heures, les années, les fleuves, les mers, les récoltes, les pâturages et l'humanité : ils attirent l'attention de Dieu sur tout spectacle inhabituel qui s'offre à leur observation... Dans le septième ciel vivent les archanges, chérnbins, séraphins et les roues divines. Dans ce lieu de lumière, sur son trône divin siège Dieu (7). 3.7.Leparadis ou jardin d'Eden. Après avoir subi toutes ces épreuves, l'âme (rouah) pénètre dans le paradis ou jardin d'Eden. Dans la pensée hébraïque, le paradis comprend sept portes ou maisons dont chacune mène à la suivante (8). La première Maison, face à l'entrée, abrite les convertis qui sont venus à Dieu de leur plein gré. Ses murs sont en cristal, ses poutres en cèdre et c'est Abdias, le juste prophète, qui la gouverne. La seconde Maison est constrnite de la même manière et elle abrite les pénitents d'Israël. C'est Manassé ben Hizkiyaou qui la gouverne. La troisième Maison est d'argent et d'or. Là pousse l'Arbre de Vie à l'ombre duquel sont assis Abraham, Isaac et Jacob, les patriarches des douze tribus, tous les Hébreux qui sortirent d'Egypte et toute la génération du désert ; également le roi David, son fils Salomon ainsi

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que tous les rois de Juda, excepté Manassé qui est en enfer. Moise et Aaron ont la garde de cette Maison. Laquatrième Maison est faite d'or (ses poutres sont en bois d'olivier) et elle abrite les Justes dont la vie a été amère comme l'olive encore verte. La cinquième Maison est faite d'argent, de cristal, d'or pur et de verre. La sixième Maison abrite ceux qui sont morts en accomplissant leur devoir envers Dieu. La septième Maison abrite ceux qui sont morts de chagrin à cause des péchés d'Israël . Dans la tradition juive, deux hommes furent jugés dignes de se trouver au paradis après leur mort : Moise et Jehoshua ben Lévi (T.B.Ketubot, 77b). Moise fut conduit dans l'Eden par l'ange Shamshiel qui lui montra, entre autres merveilles, soixante dix trônes rehaussés de joyaux destinés aux Justes et posés sur des pieds d'or fin, flamboyant de saphirs et de diamants. Sur le plus grand et le plus riche était assis le père d'Abraham (9). 3.8. La résurrection. L'esprit remonte à Dieu Rappelons pour mémoire que dans le judaïsme, l'être humain est constitué d"une âme et d'un corps. L'âme, qui prend naissance avec le corps, subsiste cependant après la disparition du corps. Dans cette religion, l'âme, principe de l'existence et de l'organisation du corps est appelée à le transformer afin de le rendre apte à participer à sa vie immortelle au-delà de la mort. Dans le christianisme au contraire, la résurrection va consister en la réunification l'âme et du corps. Cette résurrection préfigure celle du Christ, pivot-même chrétien. « Si le Christ n'est pas ressuscité, alors mangeons et buvons, car notre foi est vaine », écrit Saint Paul aux Corinthiens. La notion de résurrection apparaît dans le judaïsme à de nombreuses repnses : dans le Livre de Job 14 :14. « Lorsque l'homme meurt, revivra-t-il ? La nuée se dissipe et disparaît; aussi celui qui descend au chéol ne remonte plus. » -dans Isaïe 26 :19. « Puissent donc tes morts (ceux du peuple d'Israël) revenir à la vie et les cadavres des miens ressusciter ! Réveillez-vous et entonnez des cantiques vous qui dormez dans la poussière ». Dans le Livre de Daniel 12 :2. « Beaucoup de ceux qui dorment dans la poussière du sol se réveillent pour une vie éternelle». Selon Maimonide, « la résurrection des morts est un des principes de la Tora de Moise, que la paix soit sur lui, et elle n'est pas la fin dernière et la vie

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du monde à venir.» (10) Mais la fin dernière est la vie du monde à

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« Nous avons également expliqué que, dans le monde à venir, il n'y a pas d'' existence des corps, conformément aux dires de nos maîtres (TB.berakhot 17a) de mémoire bénie : il n'y a pas là-bas de manger, ni de boire, ni de rapports sexuels (11) ».

Selon Maimonide, l'âme est la raison et l'intelligence en acte ; elle demeure d'une existence éternelle après la séparation du corps. Ceci est une chose naturelle et va selon l'ordre du monde (10) : La forme de cette âme (créée à l'image de Dieu) n'est pas composée d'éléments afin qu'elle soit séparée d'eux. Elle ne fait pas partie de la forme de l'âme vitale au point qu'elle soit nécessaire à l'être vivant, comme l'âme vitale est nécessaire au corps : mais elle est donnée par Dieu, elle provient des cieux. C'est pourquoi lorsqu'elle est séparée de la matière qui est composée d'éléments et que l'âme vitale est anéantie parce qu'elle n'existe que dans un corps et qu'elle a besoin d'un corps pour toutes ses actions, cette forme n'est pas retranchée, parce qu'elle n'a pas besoin de l'âme vitale pour agir. Mais elle connaît et atteint les connaissances immatérielles parce qu'elle connaît le créateur de toutes choses et existe dans une éternité sans fin. C'est ce que dit Salomon dans sa sagesse.11)

« Que la poussière retourne à la poussière, redevenant ce qu'elle était, et que l'esprit remonte à Dieu qui l'a donné.» L'eschatologie populaire ne conçoit la survie, la résurrection sans le corps. C'est dans, et par le corps que la résurrection est possible ... A cette fin, la plupart des pratiques funéraires se proposent de cacher aux vivants la pourriture des corps ou de les empêcher de pourrir. On cache la réalité pour que le mort puisse survivre dans l'imaginaire des vivants. Un commentaire du livre du Zohar présente comme suit cette résurrection (1) :I l\fflfl ._ q ,._ -

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Illustration 4.Shemira qui protège la parturiente et son nouveau-né. (coll. Rouach) 82

Traduction et commentaire Ce papier découpé est destiné à la protection de l'enfant et de l'accouchée. Ce papier découpé est composé d'un texte réparti en deux colonnes et de deux figures, une main et d'un oiseau stylisé. Voici ce texte. : « Les trois premières lignes se réfèrent au psaume 121 ou (Cantiques des degrés). Son usage est de se protéger de Lilith « Je lève les yeux vers les montagnes. D'où me viendra de l'aide? Mon aide viendra de Dieu qui a fait le ciel et la terre. Qu'il fasse que ton pied ne se brise. Ton protecteur ne dort pas. Le protecteur d'Israël ne dort ni de somnole. Dieu te garde. Dieu est ton ombre, à ta droite. La journée, le soleil ne te frappera pas, ni la lune pendant la nuit. Dieu te protège de tout mal, il protège ton âme. Dieu protège désormais tes allées et venue à partir de maintenant et pour toujours. »

Les deux colonnes du texte représentent un appel exprimé en ces termes: « Je vous fais jurer : « à toutes les sortes d'yeux, œil courbé, œil bleu, œil blanc, œil vert, œil allongé, et raccourci, œil large, œil rétréci, œil droit, œil tordu, œil rond, œil droit, œil rentré dans un autre œil, œil d'un homme et de sa femme, œil de sa femme et de sa fille, œil d'une femme et de ses voisines, œil d'un jeune homme, œil d'une jeune fille, œil d'une femme, œil d'une veuve, et d'une mariée, et d'une divorcée, à toute espèce de mauvais œil existant dans le monde, à celui qui a vu, a regardé et a parlé de mauvais œil. Je décrète etje fais jurer de s'orienter vers l'œil céleste et saint. Tous les yeux existant dans le monde et ceux qui auront voulu du mal seront annulés par les yeux célestes protecteurs. » De même qu'il est écrit: le chef d'Israël ne dort ni ne somnole, il est également inscrit : l' œil de Dieu regarde ce qui le craignent et ceux qui espèrent en sa bonté, grâce à quoi toute espèce de mauvais œil sera exterminée et éloigné Que ce soit le jour, la nuit, réveillé ou dans le rêve, le mauvais œil ne parviendra à trouver la force de dominer le moindre membre ou le moindre nerf. Au nom d'Israël, dont le nom est grand est redoutable. »

La deuxième partie du texte est une incantation (hashba'ah): « Eliaou se promener et en chemin, il rencontra Lilith. Il lui demanda : impure, où vas-tu? Elle lui répondit: je me rends à la maison de l'accouchée pour la faire mourir dans son sommeil, prendre son enfant et le dévorer Il lui dit : que tu te retrouves seule et loin de Dieu, et que tu deviennes muette comme la pierre ! Elle lui répondit: oh, mon maître, délivre-moi je te jure d'abandonner cette voie, au nom de Yahvé. Désormais, chaque fois que j'entendrai quelqu'un m'appeler par l'un de mes noms, je m'en fuirai à la hâte. Maintenant je vais te révéler tous mes noms, car pour ceux qui les connaîtront je ne pourrais être d'aucune nuisance et c'est pour cela que l'on accroche cette feuille dans la chambre de l'accouchée et du bébé.

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Voici mes noms • Chétrina, Lilith, Abito, Amizo, Amigrapo, Kachech, Odem, Ik, Podo,Ayilo, Pétrota, Abko, Kata, Kéli, Batna, Talto, Partacha. Celui qui connaîtra mes noms et accrochera cette feuille protectrice à l'entrée de la maison et de la chambre de maternité me fera fuir de la maison du nouveau-né. Ainsi la mère et le bébé ne subiront aucun mal » Aucun mal ne t'approche ! Adam et Hava Abraham et Sarah Israëlet Riv ka Yaakov et Leah Qu'aucune sorcière ne vive. Mauvais esprit • soit chassé hors de cette demeure. »

Ce papier découpé se tennine par la figure d'un oiseau. Ce type d'oiseau est appelé dans les écrits du kabbaliste Abraham Azulay (1724-1806) abes mudas (volatiles muets). C'est à l'endroit des abes mudas que l 'Écriture parle de« gens ailée » (des porteurs d'ailes). Ils sont attirés par Lilith, la démone qui tue les enfants non encore parvenus à l'âge et au stade de la parole. C'est à eux que revient la mission d'annoncer, de prononcer le décret de mort contre ces jeunes enfants .... 2.3. Les amulettes. Les amulettes ne doivent pas être confondues avec les talismans. L'amulette vient du latin amuletum. Pline l'utilisait pour désigner un objet qui préservait les gens des maladies de manière directe ou indirecte. Elles sont le plus souvent portées comme des bijoux. Ce terme inclus toujours un sens prophylactique, tant médical que magique puisque pendant longtemps, maléfice équivalait à maladie. Bien souvent, l'amulette tire sa substance du monde animal ou végétal : scarabée, scorpion, poisson ... Voici un exemple d'amulette: la main. Il s'agit d'un symbole très souvent rencontré dans le bassin méditerranéen. Cette main a pour but de se protéger contre le mauvais œil. On peut constater pour ce cas présent une convergence des cultures juive et musulmane et un parallélisme culturel, plutôt qu'une influence directe de l'une sur l'autre. Cette protection est assurée par les vertus-mêmes de la main d'une part, et par le chiffre magique cinq d'autre part. Elle est également connue sous la dénomination de Khemsa, littéralement cinq ou main de Fatima par allusion au nombre de doigts.

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La mam appartient à des symboles d'identification dont elle est imprégnée, tant par leur potentiel magique que mystique. L'identification tend à approprier à un sujet les vertus et les forces de l'être-objet auquel il s'assimile. Ainsi la main est-elle le symbole de la puissance et de la suprématie. Dans une main, si personnelle, il semble que se concentrent tous les pouvoirs : c'est la main que l'on serre et que l'on baise, que l'on joint à la main de celui avec lequel on vient de sceller l'union des volontés, doigts entrecroisés (chebbak) ; c'est elle que l'on ouvre, les doigts brusquement écartés en lançant : « cinq dans ton œil », pour conjurer le mauvais sort ; enfin ce sont les mains que l'on impose et celles de celui qui prie, les paumes tournées vers le ciel pour implorer. En vérité, la main représente tout cela et sa simple évocation participe à sa vertu. La main est un emblème royal, instrument de la maîtrise et signe de domination. Le mot yad, même terme en hébreu et en arabe, signifie à la fin à la fois main et puissance. Dans l'Islam sous l'appellation main de Fatima (celle-ci est la fille du prophète Mahomet), il est fait allusion à la main de Dieu. Ce symbole fait référence à Dieu dans la totalité de sa puissance et de son efficacité : la main de Dieu protège, s'oppose ou détruit. Il est important de distinguer la main droite, celle des bénédictions, de la main gauche, celle des malédictions. De toutes façons, toutes les mains doivent être représentées et observées les doigts pointés vers le ciel. Ainsi la main possède une valeur magique en ce sens qu'elle protège et éloigne des mauvaises influences et de l' action des mauvais esprits. Pour illustrer ce propos, on constate que souvent, à l'approche d'un étranger, les femmes ramènent devant leur bouche un coin de voile ou le bord de leur mante : l'étranger traîne avec lui toutes sortes d'influences et de génies, bons ou mauvais. Or, il arrive que des djenûns pénètrent à l'intérieur du corps par les lèvres laissées distraitement entrouvertes. C'est pourquoi, pris au dépourvu, on mettra sa main devant sa bouche, ce geste constituant la protection la plus rapide et la plus efficace. Dans l'art juif, l'intervention divine étaient représentée par une main descendant du ciel. Dans la fresque de T.:l. ,~.,.., aonr, ' ï ,"-,;n.?).:, ~'"YN1"l c•~..!>'1->.?:>"'T • ~")>'1'

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2.5. Le saclifice. Il se tient lorsque dans une maison se produisent deux décès consécutifs au cours du même mois ou de la même année. Quand c'était le cas, les Juifs de Tlemcen avaient recours à la coutume suivante : lors du deuxième décès, on ne procédait à la levée du corps qu'après avoir égorgé un coq sur le seuil de la maison ou au milieu de la cour. Puis, tandis que les hommes faisaient sortir la dépouille mortelle, on aspergeait le linteau et les chambranles de la porte avec le sang du coq. Enfin, le coq devait être exclusivement consommé par la famille du défunt ou par les voisins de cour. Cette coutume donne lieu à de nombreuses interprétations qui convergent toutes vers le même but prophylactique : celui de protéger de la mort et des mauvaises influences. Le choix de l'animal n'est pas fortuit non plus. Comme nous l'avons déjà vu", le coq est un animal cher à la magie : faire savoir au monde que le jour pointe le fait paraître initié aux desseins de Dieu; de même, annoncer l'avènement du soleil, symbole de la lumière et de la vie, rend le coq efficace contre les mauvaises influences de la nuit et contre les néfastes génies nocturnes. Ce sacrifice n'est pas sans rappeler les pratiques de la Ziara arabo-berbère (décrites par Westermarck) au cours desquelles on procède à la mise à mort de moutons ou de bœufs au pied de la tombe de certains Marabouts. Les sacrifices dédiés aux djenûns !(esprits malfaisants) et aux Marabouts sont très fréquents en Afrique du Nord, et l'on peut leur attribuer différentes significations :En premier lieu, nous sommes en présence d'un rite de magie imitative ou propitiatoire. De même que l'on sacrifiera un coq, noir de préférence (de la couleur des nuages qui apportent la pluie) afin de faire pleuvoir, de même, dans le cas présent, on sacrifiera un coq noir, couleur de la mort et du néant. En second lieu, il s'agit d'un rite expiatoire : en Afrique du Nord, tout manquement rituel et religieux doit être expié par un sacrifice, par un jeûne ou par une aumône. D'ailleurs, plusieurs références extraites du Zohar et de nombreuses légendes qui circulent font état de l'action del' Ange Exterminateur. On sait que la colère de l'Ange de la mort est apaisée par les bonnes actions. Aussi, lors d'un manquement religieux ou d'une mauvaise action, il est important de s'en préserver par différentes méthodes dont le sacrifice. Pour pouvoir comprendre comment le sacrifice peut servir à expier une peine, il faut se rappeler que dans les sociétés traditionnelles, le mal physique et le mal moral ne sont pas différenciés :on sacrifie aussi bien pour demander la guérison d'un malade que pour en terminer avec une 90

période de malheur. De même, tout manquement ou erreur dans le rituel est considéré comme souillant le fidèle ; celui-ci a donc contracté une véritable tare morale dont il doit se libérer comme d'un mal physique : le sacrifice prend ainsi le sens d'une purification. Dans le même ordre d'idées, on peut mentionner le rite des kapparoth. Le mot kappara signifie sacrifice, et être kappara veut dire que l' on souhaite pour soi-même le mal qui pourrait arrivera à un être bienaimé : la personne est donc prête à se sacrifier, voire mourir pour l'être cher. En pratique, la kappara donne lieu à un rite annuel qui s'accomplit l'avant-veille du grand jeûne de Kippur: dans les familles, on fait tuer par le rabbin un coq pour chaque homme ou garçon et une poule pour chaque femme ou fille, et ce, autant qu'il existe de personnes dans la maison, si petites soient-elles. Ce sacrifice a pour but de faire supporter par ces animaux tous les maux qui doivent s'appesantir sur la famille au cours de l'année. Ce rite de l'expulsion du mal et de son transfert révèle l' absolue sacralité de cette société selon laquelle le sacrifice est le moyen d'entrer en communication avec le Divin. Ceci s'effectue par l'intermédiaire d'un être vivant qui est tué au cours de la cérémonie. Ce rite est d'ailleurs décrit dans le Lévitique 1, 6 : « Et Aaron, mettant ses deux mains sur la tête du bouc vivant, conféra sur lui toutes les iniquités d'Israël et tous leurs forfaits selon tous leurs péchés, et les mettra sur la tête du bouc, et l'enverra au désert par un homme exprès. »

Pour sacrifier, c'est-à-dire pour communiquer avec la divinité, plusieurs éléments sont nécessaires à la cérémonie : tout d'abord le sacrificateur ou shohet : le sacrifice est une opération tellement grave qu'elle ne peut être accomplie que par une personne qualifiée et engagée dans les choses sacrées. la victime doit également revêtir un caractère sacré : la poule est la victime habituelle des sacrifices populaires dédiés aux djenûns. Cette formule était (et le reste) à tel point ancrée que le Rabbin Yossef Messas (1892-1974) qui officiait à l'époque à Tlemcen en Algérie décida, pour tenir compte de cette coutume locale de ne pas l' interdire mais il incorpora la formule rituelle de la kappara pratiquée en Afrique du nord la veille de Kippour. « Ceci est la rançon des gens de la maison, leur substitution et leur rachat » Enfin, pour compléter cette analyse, nous pouvons dire qu'il s'agit d'un sacrifice communiel : il est destiné à mettre en communication le profane et le sacré, le fidèle et son Dieu. Lorsqu'un sacrifice est

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effectué par un groupe, il s'accomplit une communion entre tous les individus car ceux-ci consomment tous la même chair. D'ailleurs, le seul fait de manger de la viande issue du même animal crée, en vertu des lois de la magie, une relation sympathique entre tous les convives. Dans le même ordre d'idées, c'est la raison pour laquelle on offre à manger à un hôte. Ce dernier, en général un étranger, est donc un inconnu pour celui qui l'héberge. C'est pourquoi ce dernier, afin que l'invité ne lui nuise pas mais lui soit au contraire favorable, lui offrira à manger, liant ainsi leurs destinées. D'autres coutumes relatives à l'action prophylactique du coq sont en vigueur en Afrique du Nord. A Tlemcen, quand une femme est enceinte, elle garde dans sa maison une poule noire afin d'éloigner les djenûns et de protéger tous les habitants du foyer, et ce, du septième mois jusqu'à l'accouchement. Lorsqu'elle ressent les premières douleurs, la femme la plus âgée de la maison va emmener la poule dans le quartier juif et l'y lâcher afin qu'elle emmène les djenûn savec elle. Toujours en Algérie, dans le but de guérir de l'épilepsie et de certaines maladies nerveuses, on sacrifie une volaille, à savoir une coq pour un homme et une poule pour une femme, tout en mettant de côté son sang et ses plumes. Le soir, l'animal (cuisiné) est placé sur un plat à l'endroit le plus élevé de la maison sur un meuble quelconque. On va ensuite éteindre les lumières et pendant une heure, personne ne va toucher au plat ni entrer dans la pièce afin de laisser aux djenûns le temps d'en manger. Au terme de cette heure, la famille consomme la volaille tout en conservant la tête et les os. Ceux-ci, auxquels on aura rajouté le sang et les plumes, vont être placés sur une marmite et déposés sur un chemin. Le malade guérira au moment où un inconnu, qui aura malencontreusement heurté la marmite, tombera malade. À Tlemcen, il existe un rite analogue destiné à éloigner les djenûns de l'enfant nouveau-né. Le sens du rite sacrificiel est maintenant pour nous évident : pendant ce long trajet, on aura procédé à l'expulsion de la mort tandis que la victime sera placée en communication avec Dieu par son sang, chargé de berakhah et répandant une influence bienfaisante par son contact. On peut également attribuer un sens religieux à cette coutume qui rappelle un épisode biblique relatif à la sottie d'Egypte : les enfants d'Israël, pour se protéger de l' Ange de la Mort, devaient asperger le linteau de la porte avec le sang d'un agneau sacrifié.

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CHAPITRE3 La divination juive 3.1. Pour savoir A la question « Pour savoir en quel mois tu quitteras ce monde » l'homme Inquiet veut obtenir des réponses. C'est à la divination et au devin qu'est dévolue la tâche redoutable de répondre à cette question. A la fois prophète, prêtre, roi, rabbin, il a pouvoir absolu de parler au nom de Dieu. Divination vient du grec "mantéia" divination et du latin « divinare » qui signifie deviner, présager, prévoir. Le radical latin" divin" associe donc étroitement le mot divination à l'action d'une divinité. En somme, la divination répond à une aspiration: approcher l'inaccessible de Dieu, d'où le caractère presque exclusivement religieux des pratiques divinatoires. Dieu se révèle à l'homme, se fait connaître à lui. On chercherait en vain une définition unique de la divination, tant il existe de dénominations en hébreu : Kosem :pratiquer des enchantements (pluriel kesamim) Me 'onen : pratiquer la divination Mena'hech: faire des augures Me 'hachef:pratiquer la sorcellerie 'hover: faire des incantations Choelovv'yiddoni: consulter les esprits Dorech el hametim : interroger les morts De même il s'avère aussi difficile d'établir une ligne de démarcation nette et radicale entre magie (me 'hachef) et divination (me 'onen) entre magie et astrologie, nécromancie et divination proprement dite. Le Talmud Babylone T.b. Guemara (Sanhedrin 65b)pose cette question?. Quelle est la définition du devin mentionnée dans le verset : « il ne sera pas trouvé parmi vous .... Un devin » ? Rabbi Shimon dit : « C'est celui qui applique sept types de sperme [zekhur] à son œil afin de pratiquer la sorcellerie. »

Et les rabbins disent: c'est celui qui trompe les yeux comme s'il accomplissait de la sorcellerie. Rabbi Akiva dit : c'est celui qm calcule la fortune des temps et des heures et dit par exemple :aujourd'hui est un jour propice pour acheter une propriété avec succès; ou il dit qu'à la veille des années sabbatiques, la récolte

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de blé est généralement bonne ; déraciner les légumineuses plutôt que de les couper au-dessus du sol les empêche de se détériorer » Les sages ont enseigné :

« L' enchanteur est celui qui s' appuie sur des signes superstitieux. Par exemple, celui qui dit; si son pain est tombé de sa bouche, c' est un mauvais signe pour lui ; ou: si un bâton est tombé de sa main, c'est un mauvais signe ; ou :si un fils l'appelle par derrière, c'est un signe qu'il doit revenir de son voyage ; ou si un corbeau l'appelle, ou si un cerf le bloque sur le chemin, ou si un serpent est à droite, ou si un renard est à sa gauche, tout cela est un mauvais signe. Un enchanteur est celui qui s'appuie sur ceux -ci comme de mauvais signes et change par conséquent son plan d'action».

Le judaïsme orthodoxe s'est toujours opposé à la divination. Il considérait que le faitd 'invoquer des Noms de Dieu déviait du strict monothéisme. « Il ne se trouvera chez toi personne pour faire passer le feu son fils ou sa fille, Interroger les oracles, pratiquer l'incantation, la magie, les enchantements 11 et les charmes, recourir à la divination consulter les morts ».

Dans le code de lois juives (Choulhan Aroukh), tome YoréDéa, chapitre 179 alinéa 1 : « Il est interdit de consulter les astrologues ou les tirages au sort »

C'est ainsi qu'au Moyen Age, de grandes figures de ce judaïsme orthodoxe comme Rashi ou son petit fils Rabbi Tarn, Yehiel de Paris ou Meir de Rothenburg se sont tenus à l' écart de toutes les pratiques magiques et divinatoires. Malgré ces interdictions scripturaires, des textes essentiellement talmudiques attestent que déjà, à l'époque de la Mishna, ( Illè siècle), la divination était d'usage courant. Cependant, l'usage de la divination était si répandu et populaire qu'il devenait impossible d'en empêcher la pratique dans ces sociétés Juives. La divination est un fait anthropologique aussi vieux que l'humanité elle-même. Elle se nourrit de l'angoisse des hommes. Lors de l'antiquité, tous les peuples du Moyen-Orient pratiquaient la divination. Malgré les exhortations des prophètes, les pratiques divinatoires n'ont jamais été éradiquées au sein du monde juif. Bien que l'objectif du judaïsme fut d'avoir consisté à éradiquer toutes ces pratiques, ceux-ci ont été maintenus chez les Juifs à toutes les époques parce que les guides spirituels savaient que l'homme est réticent à changer ses habitudes.

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L'objectif était donc d'éloigner le peuple de toutes ces pratiques de manière pédagogique. Maïmonide s'exprime à ce propos dans le Guide des égarés : III, 29. « Il n'eût pas été convenable d'exiger de renoncer complètement aux sacrifices. Le faire eût semblé aussi impensable que si l'on exigeait aujourd'hui une religion de pure méditation, sans culte, sans prière, sans aucune pratique. Le culte sacrificiel est un pis-aller pour que le peuple ne sacrifie pas aux démons ou aux anges .»

Cette ambiguïté manifeste s'avère extrêmement intéressante dans l'histoire de la philosophie juive. Maïmonide par exemple, bien qu'il condamne ce type de pratique, explique cependant que certaines coutumes possèdent une signification qui reste contingente et liée à des événements historiques précis. Il développe également que certaines pratiques représentent une sorte de concession divine à la façon de penser d'une culture idolâtre, concession ayant pour but, malgré cette base et à partir d'elle, de créer une culture monothéiste. Ainsi, lorsque Dieu voulut édifier une communauté monothéiste, il ne put changer en une nuit la mentalité polythéiste en mentalité monothéiste. Il a fallu la conduire par étape vers le monothéisme. Cette façon pour Dieu de s'adapter, de se conformer et de se mêler au monde sans porter atteinte aux lois de la nature se nomme pour Maïmonide, « sa ruse et sa sagesse». L'idée maïmonidienne d'une « ruse et sagesse de Dieu» se rapproche de celle de Hegel dans sa philosophie de l'histoire. Il analyse en effet« la ruse de la raison » et montre comment la raison se sert des besoins et des désirs des individus dans l'histoire pour atteindre ses propres buts. Ces pratiques et coutumes (Minhag, plur. Minhaguim)se sont donc imposées comme source de droit pouvant entrer en contradiction avec la loi divine. C'est dans le Talmud que les références aux coutumes comme sources de loi apparaissent les plus évidentes. Dans la Tossefta (ter.3,12), RabbiYehouda dit: « La loi (Halaha) serait comme Beth Shammaî) mais la majorité des gens agissent comme Beth Hillel ».

Seulement l'usage, le Minhag s'est imposé comme Loi. Dans le traité du Talmud Berahot 54a, les sages, confrontés à une difficulté pour décider de la loi, concluent: « sors et vois comment agit le peuple ». Rabbi Rothenbourg (XIIIe siècle, Worms) pose un principe qui s'est confirmé à travers les siècles : « Pour tout sujet de loi (halahique), celle-ci doit aller dans le sens du Minhag ». 95

A partir de ce principe de loi, l'un des bons résultats du judaïsme fut d'avoir su canaliser avec sagesse une grande partie de la magie, évitant ainsi l'horreur de cette « folie des sorciers ».

3.2. les devins juifs Parmi les devins bibliques acceptés on trouve les prophètes (navi)et les voyants de Dieu (ish elohim). (Deuteronome18: 14-22; I Samuel 9: 6; II Rois 3 : 11) Il existe également plusieurs autres termes de la prophétie, tous étant des cibles de condamnation: baal ov, itztzim, kosem, Ksamim, menahech, meonen et yeddioni. L'insertion de la divination dans le courant prophétique est établi dans deux textes de Maïmonide. Moïse Maïmonide ou Moïse ben Maïmon est connu sous l' acronyme de RaMBaM dans le Judaïsme (1138 - 1204).Dans son code de loi écrit en hébreu Mishné Torah (Répétition de la Torah) ou dans un autre texte écrit en arabe intitulé Dalâlat al- hayrân, connu sous son titre hébreu Moreh Nabûkimou dans sa traduction française de Munk Guide des égarés, paris,1856-1866), le lien entre la divination et la prophétie est établi. Maïmonide voit, dans ces deux manifestations, une continuité entre la prophétie qui est une émanation de Dieu et le rêve vrai. « Sache que la prophétie est en réalité, une émanation de Dieu qui se répand par l'intermédiaire de l'intellect actif sur la faculté rationnelle d' abord, sur la faculté imaginative ensuite » Deuxième partie, chapitre 36« C'est l'un des fondements de notre foi que Dieu communique avec l'homme par la prophétie » Michné Torah,

chapitre 7. Dans son commentaire sur la Michna, Maïmonide cite le concept de prophétie comme le Sixième des Treize Principes de foi. Dans les Hilkhoth Téchouvah 3.8, Maïmonide inclut dans la catégorie des hérétiques qui n'ont pas de part au monde futur « celui qui dit que la prophétie n'existe pas et que la connaissance n'est pas communiquée par Dieu au cœur de l'homme.

« La prophétie n'est accordée qu'à un sage imminent au caractère fort, qui n'est jamais soumis à ses tendances naturelles, mais qui, au contraire, les maîtrise par son esprLit, à tout moment» Michné Torah, chapitre sept.

Le Rambam considère donc comme essentiel que l'esprit contrôle le caractère pour atteindre une conduite raffinée. 96

« C'est le plus haut degré de l'homme et le tenne de la perfection à laquelle son espèce peut atteindre, et cet état est la plus haute perfection de la faculté imaginative».

Trois perfections sont requises au prophète : La perfection de la faculté rationnelle au moyen de l'étude. La perfection imaginative La perfection des mœurs qui s'obtient lorsqu'on fait taire le désir de toute espèce de sottes et pernicieuses grandeurs. Maïmonide a consacré dix- sept chapitres à la prophétie, permettant de conclure à l'existence d'une continuité entre divination et prophétie. Concernant cette faculté de divination (qu'on rencontre chez les prophètes), Maïmonide écrit dans son Guide des égarés, paris, 18561866) (Deuxième partie, chapitre 38, p.371): « Cette faculté existe dans tous les hommes, mais varie par le plus et le moins ;(elle existe) particulièrement pour les choses dont l'homme se préoccupe fortement dans lesquelles il promène sa pensée. Tu devines, par exemple qu'untel a parlé ou agi de telle manière dans telle circonstance et il en est réellement ainsi. Tu trouves tel homme chez lequel la faculté de conjecturer et de deviner est tellement forte et juste que presque tout ce que, dans son imagination, il croit être, est (réellement) tel qu'il se l'est imaginé ou l'est (du moins)en partie. Les causes en sont diverses (et cela arrive)par un enchaînement de nombreuses circonstances antérieures, postérieures et présentes ; mais, par la force de cette faculté de divination, l'esprit parcourt tous ces prémices et en tire les conclusions en si peu de temps que cela semble l'affaire d'un instant. Ces deux facultés, je veux dire, la faculté de hardiesse et la faculté de divination, doivent nécessairement être très fortes dans les prophètes. De même, par le grand développement de leurs facultés de divination, ils prédisent promptement l'avenir. Ajoutons à cela qu'Il existe plusieurs niveaux panni les prophètes. De même qu'en sagesse, un sage peut être supérieur à son collègue, en prophétie, un prophète peut être supérieur à l'autre».

« Toutefois, tous reçoivent les visions prophétiques uniquement au cours d'un rêve nocturne ou le jour après que le sommeil les ait vaincus, ainsi qu'il est écrit» : (Nombres 12 :6) « Je Me fais connaître à eux dans une vision. Je leur parle en rêve».

Lorsqu'ils prophétisent, leurs membres tremblent, leurscapacités physiques s'affaiblissent, ils perdent le contrôle de leurs sens, et ainsi, leur esprit est libre de comprendre ce qu'ils voient,, ainsi qu'il écrit (Genèse 15.12) à propos d'Abraham: « Et une profonde terreur sombre s'empara de lui.»

De même, Daniel (10.8) annonça: « Mon apparence était horriblement changée, et je n'avais plus de force ».

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Quand un prophète est informé d'un message dans une vision, celui-ci lui est transmis par une métaphore. Instantanément, l'interprétation et l'imagerie sont gravées en son esprit et il comprend sa signification. Par exemple, l'échelle que vit le patriarche Jacob sur laquelle les anges montaient et descendaient était une allégorie représentant les empires et l'assujettissement (de ses descendants]. De même, les créatures que vit Ezéchiel, la casserole bouillante et la branche d'amandier que vit Jérémie, le rouleau de parchemin que contempla Ezéchiel et la mesure aperçue par Zacharie (étaient toutes des métaphores]. 3.3. Les procédés divinatoires (kesamim) Dans notre classification, la divination comprend six grandes catégories subdivisées en plusieurs branches : 3.3.1. Les procédés cléromantiques. Il s'agit des procédés basés sur le tirage au sort. Lorsque l'on veut savoir si une personne vivra ou mourra, on utilise la table dite« de Vie et de Mort » ; il s'agit de deux tableaux divisés en cases contenant des nombres. Pour connaître le destin du consultant, on prend le numéro du jour dans le mois courant (exemple le nombre 4 pour le 4 juin) où il est tombé malade, la valeur numérique de son nom et de celui de sa mère. Sur ces nombres ainsi obtenus, on va se livrer à de nombreux calculs en y introduisant une constante qui est le plus souvent le nombre vingt. Au terme de ces comptes, on obtient un nombre que l'on retrouvera soit dans la table de vie, soit dans la table de mort, obtenant ainsi une réponse à la question que l'on se posait. 3.3.2. Les procédés oniromantiques « D'où tiens tu que tu es sur le point de mourir? L' autre répondit « Mon âme me quittait toutes ces dernières nuits sans que je fusse illuminé par un rêve comme auparavant; bien plus encore quand dans ma prière je m'incline, je ne vois pas mon ombre sur le mur c'est donc que le messager est sorti annoncer ma mort: c' est par son ombre que l'homme chemine. (Ps. 39 :7)

Perdre son ombre, rêver de parents et amis, voir en songe un rouleau de la Loi (sefer Torah) sont les signes avant coureurs d'une mort prochaine et annoncent du même coup l'entrée en scène de l'Ange de la Mort (Cf.Zafrani,1983, p.97). Rêver de son père décédé est le signe d'une mort sans sépulture. Rabbi Yossi ben R.Tanhum raconte ce qu'il arriva en Asie.

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« Aba voulut partir en mer entre la fête de Sukkot et H anuka. Une matrone lui dit:« c' est maintenant qu'on voyage? » Son père aussi lui apparut et lui récita le verset : « il n'aurait même pas de sépultures» (Eccl.6.3 ). « Il n'en eut cure et prit la mer et ce qui devait arriver arriva. » (Gen.rabba. 6 :5 ;Qoh.rabba. 3 2)

Dans Zohar 1, 217b-218a on lit: « Quand approche pour un homme les jours de sa mort, trente jours auparavant, l'annonce de cet instant suprême est proclamée, criée de par le monde ; les oiseaux du ciel eux-mêmes s'associent à ce cri, à cette proclamation ».

Les lettres comprises dans Ha-Satan (le Satan) ont pour valeur numérique 374, ce qui veut dire que son pouvoir d'accusateur s'exerce durant les 374 jours de l'année, mais cesse le jour des expiations (TB Yoma: 20 a). Enfin, c'est Satan qui fait mourir, d'où ce surnom d' ange de la mort qu'on lui connaît. (Zohar,217b-218a) La Bible attribuant aux songes une telle importance, il était tout naturel que l'oniromancie soit une science de divination officielle. Notre postulat de départ a été de considérer que les songes ont une valeur prophétique étant donné qu'ils sont envoyés par Dieu. Dieu lui-même déclare, selon le Talmud. « Quoique j'ai caché ma face à Israël, je veux communiquer avec lui par des songes » (TB Kharg : 5b)

On évaluait les songes à "un sixième de la prophétie"(TB Ber :57b) Il faut également noter que dans la tradition musulmane, Mahomet aurait dit : " Les songes sont la quarante-sixième partie de la prophétie." (Cf. DoutteMagie et religion.p.397) Les songes sont également pour les morts le moyen de communiquer avec les vivants. Ainsi que Dieu, les morts se servent des rêves pour faire parvenir des messages aux vivants. Le Talmud abonde en nombreux récits relatifs à ce sujet. (Cf. Cohen A. Le Talmud. p.349) Quand les maîtres apparaissent en rêve après leur mort.Dans TB Moed Qatan28 a on lit : Rava (Mort en 353) était assis devant Rabbi Nahman (son maître mort en 321) et vit qu'il s'éteignait. Rabbi Nahman lui dit: «Lemaître pourrait-il dire à l'ange de la mort qu'il ne le fasse pas souffrir? Raval lui répondit: le maître Rabbi Nahman n' est-il pas un homme éminent? Il lui répondit : qui est estimé à l'heure de la mort, qui est respecté ? Qui est digne de

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considération? Il lui demanda alors : est-ce que le maître a souffert en mourant ? Rabbi Nahman lui répondit: comme on retire un cheveu de la surface du lait. Mais si le Saint, béni soit-il, me disait de retourner dans ce monde comme j 'étais, je ne le voudrais pas: l'effroi devant l'ange de la mort est trop grand ! ».

Dans le voisinage du Roi Juda, quelqu'un mourut sans laisser personne qui pût porter son deuil. Durant la semaine funèbre, le roi Juda amena sept hommes pour s'asseoir dans la maison du défunt. Au bout de sept jours, le mort lui apparut en songe et lui dit : « Que votre en esprit puisse reposer en paix, comme repose le mien grâce à vous »

(Chab.l 52a,b) Parmi tous les procédés divinatoires, l'interprétation des songes et des rêves est des plus utilisée pour prédire les évènements futurs. Dans Zohar I, 199b, 130\ 238a , 183a; II, 82b) on lit :R. Yossi commença ainsi son propos : «Carle rêve vient de l'abondance des soucis et la voix du sot de l'abondance des paroles » (Ecclésiaste 5 :2) » 11 a été expliqué par ailleurs qu'en matière de rêve, il existe plusieurs degrés et que le rêve possède lui-même plusieurs sources et fondements. Il est des rêves qui sont entièrement vérité ;il en est d'autres où vérité et mensonge ont leur part. Les justes de vérité, eux, connaissent les rêves d'où le mensonge est exclu, tous leurs rêves sont entièrement vérité. Dans la tradition Jmve, les procédés oniromantiques peuvent être divisés en deux catégories : les vrais et les faux. Les rêves vrais sont bons, propres, clairs et prophétiques sont suscités au nom de DIEU et possèdent la faculté de révéler l'avenir. (nombres.12 : 6) « Je me révèle à lui en songe ». Nos maîtres ont enseigné : « Si quelqu'un rêve qu'il y a un mort dans la maison, la paix sera dans la maison. S'il a mangé ou bu à la maison, c'est un bon présage pour elle. S'il a pris un objet de la maison, c'est de mauvais augure».

Rav Papa (300-375) enseigne : « tout ce qu'un mort prends (en rêve)est de bon augure, à l'exception des chaussures et des sandales. Et tout ce qu' il a tout ce qu'un mort donne et de bon augure. » (T.B. Berakhot 57 b ). Les rêves fauxsont mauvais, confus, effrayants, ordinaires ou sexuels. Cette classification des rêves que nous adopterons est aussi relevée dans l'Islam suivant la classification de Nabulsi 100

(mort en 1731 ). On retrouve dans la catégorie des vrais rêves (Rûyat), ceux envoyés par Dieu et dans les faux rêves (ah'lâm) , ceux envoyés par Satan, par les sorcières, et par les mauvais génies (lesjinn). (Fahd, 1966, Doutté, 1908, Kilborne, 1973.) Les mauvais rêves et le hatavat chalom Rêver que vous perdiez toutes vos dents, que votre maison s'écroulait, que vous priiez au dernier moment du jour du Cn:and pardon était considéré comme des rêves terribles annonçant une mort imminente. Il existe dans le judaïsme un rituel pour « améliorer un mauvais rêve», c'est hatavat chalom. En voici la source talmudique :

« Si quelqu'un a un rêve qui le rend triste il devrait le faire interpréter en présence de trois personnes. Il devrait le faire interpréter ! » R. Hisda n'a-t-il pas dit:« Un rêve qui n'est pas interprété est comme une lettre qui n'est pas lue » ? Disons plutôt que le rêve devrait être changé en bon rêve en présence de trois personnes. Qu'il rassemble trois personnes et leur dise : » J'ai vu un bon rêve», et ils devraient lui dire : « Il est bon et qu'il soit bon. Que le tout compatissant le rende bon... >>

On pratique encore ce rituel de nos jours. Quelqu'un qui a un mauvais rêve va réunir trois amis chers et réciter des prières demandant que le mauvais rêve se change en bon rêve. Pour le Talmud, un mauvais rêve est considéré comme un décret maléfique du ciel. Pour inverser le décret on exhorte la personne à prier, jeûner et faire la charité. Perdre son ombre, rêver de parents et amis, voir en songe un rouleau de la loi (sefer Torah) sont des signes avant-coureurs d'une mort prochaine et annoncent l'entrée en scène de l'ange de la mort. Dans Zohar 1, 2 l 7b-2 l 8a on lit : « quand approche pour un homme les jours de sa mort, trente jours auparavant, l'annonce de cet instant suprême est proclamée, criée de par le monde; les oiseaux du ciel eux-mêmes s'associent à ce cri, à cette proclamation »

Les lettres comprises dans Ha-Satan (le Satan) ont pour valeur numérique 374, ce qui veut dire que son pouvoir d'accusateur s'exerce durant les 374 jours de l'année, mais cesse le jour des expiations. (TB Yoma20 a).Enfin, c'est Satan qui fait mourir, d'où ce surnom d'ange de la mort qu'on lui connaît. Dans Zohar (I,217b-218a): «Un jour, R. Isaac était assis à la porte de la maison de R. Juda, plongé dans une profonde tristesse. Qu'y a-t-il de particulier aujourd'hui ? » R.Isaac répondit : « Je suis venu te demander trois choses : quand, étudiant la Torah, il t'arrivera de citer certaines de mes paroles, tu devras les dire en mon nom et faire mention de leur auteur; tu feras à mon fils la grâce de lui enseigner la Torah ; tous les sept jours, tu iras prier sur ma tom be »

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R. Juda demande :« D'où tiens-tu que tu es sur le point de mourir? » L'autre répondit:« Mon âme me quittait toutes ces dernières nuits sans que je fusse illuminé par un rêve comme auparavant; bien plus encore, quand dans ma prière je m'incline, je ne vois pas mon ombre sur le mur; c' est donc que le messager (Satan) est sorti annoncer ma mort, car il est dit:» C'est par son ombre que l'homme chemine (Ps. 39 :7).

Rabbi Nahman eu une vision effrayante: ce que Rachi commente : « des anges effrayants lui firent peur. Le mot siyuta signifie cauchemar, responsable d'une peur suscité par le démon d'un rêve. Dans TBNedarim 41 a: on raconte à Raba b. Chila: « Ce grand homme est mort. Il chevauchait pourtant un petit âne, mais quand il fut arrivé sur le pont, un mauvais esprit s'empara (de l'âne) qui projeta (le cavalier) dans l'eau et où il mourut: Rabbi Nissim explique: on dit qu'un esprit de démence (le satata) s'empara de lui. Citons encore un passage du Midrach où l'on parle « d'un esprit de démence (mahtazezit) qui surprend les animaux comme les hommes dans leur sommeil. (Cf.Kristianpoller. p.104).

3.3.3. Les procédés physiognomantiques ou m01phopsychologiques Il s'agit de procédés divinatoires basés sur les particularités physiques du corps humain pour aboutir à la connaissance psychologique de l'homme. Dans cette partie du Zohar II, 70a intitulée Raza de - razin « Mystère des mystères » on peut lire : « Tu (Moïse) examineras chacune des formes humaines, chacune des figures sous ses six aspects : les cheveux, les yeux, le nez, les lèvres, les traits du visage, les mains et les lignes des mains. De chacun de ces six aspects, il est dit « tu verras ». Tu verras l'aspect des cheveux, les rides du front, l'épaisseur des sourcils, les yeux, les plis des paupières, les lignes du visage et son teint, les lignes des mains et les marques qu'elles portent. ... C'est ainsi que tu reconnaîtras les hommes de valeur .... ; les hommes de vérité, les ennemis du lucre , de la vénalité ... Moïse fut ainsi initié à cette science occulte. Cependant les kabbalistes porteurs de cette « science» des visages et des formes, ont l'obligation d'être attentifs et prudents quant à l'usage qu'ils sont appelés à en faire. « Elle doit, en effet, servir exclusivement au salut des hommes, à guérir leurs corps et leurs âmes. Ils mériteront alors ce monde-ci et le monde à venir .... »

3.3.3.1. La chiromancie, la chirologie ou chirognomonie C'est dans le Zohar. II, 76 a qu'on en fait mention. Il est écrit : « Les lignes de la paume et des doigts (la chiromancie) sont à l'homme ce que les étoiles et les autres corps célestes sont au firmament>>

Les rides sur la paume de la main droite aussi bien que de la main gauche indiquent le caractère et le tempérament de l'homme.

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Dans le judaïsme il s'agit plutôt de chirologie ou chirognomonie que de chiromancie. La chirologie étudie les lignes de la paume et des doigts de la main en vue de déterminer certaines tendances physiques, psychiques et mentales d'un individu. C'est ainsi qu'on pourra par exemple indiquer qu'une ligne verticale sur la face antérieure du majeur correspond à un homme posé qui réfléchit avant d'agir et qui n'entreprend rien sans avoir pesé au préalable tous les inconvénients qui pourraient résulter de son acte. Néanmoins, dans le Zohar, il est aussi fait mention de la chiromancie qui permet de deviner à partir des lignes de la main la brièveté de la vie d'un homme, son avenir heureux ou malheureux. Ainsi l'homme qui « a trois lignes sur la partie inférieure de l'auriculaire et quatre autres sur la paume disposées verticalement doit apprendre à bref délai des nouvelles. « Une ligne verticale sur la face antérieure du doigt majeur indique un homme posé qui réfléchit avant d'agir et n'entreprend rien sans avoir pesé au préalable tous les inconvénients qui pourraient résulter de son acte. Deux lignes verticales sur la même face du doigt qui ne disparaissent pas même lorsque le doigt est tendu indiquent un homme qui réfléchit peu et dont tous les actes sont faits avec précipitation. Trois lignes verticales sur la même face du doigt, augmentées de deux ou trois lignes sur la face antérieure du même doigt indiquent un esprit fin et réfléchi; tous les efforts de cet homme tendent à marcher dans la voie du saint, béni soit-il ; il n'a pas d'autre ambition. Quatre ou cinq lignes sur la face antérieure et autant de lignes sur la face intérieure du majeur indiquent un homme qui ne pense qu' à faire le mal et s'en targue. Outre ce dernier indice, la marque susnommée indique également que l'homme sera favorisé par la fortune, mais qu'il ne jouira pas longtemps du bonheur car il mourra peu de temps après. Cependant, grâce à la contrition et à la prière, l'homme peut changer son destin; et, dans ce cas, le nombre des lignes se modifie: trois lignes sont parfois réduites à deux , deux sont parfois changées en quatre , et ainsi de suite. Car les lignes de la main ne sont point permanentes ; elles se transforment de temps en temps, suivant la conduite de l'homme. »

3.3.3.2. L'onychomancie L 'onychomancie est la divination tirée de la forme des ongles. Elle pe1met de deviner avenir heureux ou malheureux, une réussite ou un échec dans toutes les entreprises, le moment favorable ou non pour des projets. Elle indique aussi si les mesures de rigueur décrétées par le ciel viennent d'être levées ou non. Et cela à partir de l'examen de la surface de l' ongle. On voit souvent, dit le Zohar, ( II,76a), sur les ongles de petites taches blanches en forme d'étoiles. Ces taches proviennent du vide qui existe entre l'ongle et la main. Certains vides sont profonds : dans ce cas, la 103

tache ressort davantage à la surface de l' ongle. D'autres vides ne sont pas très profonds ; dans ce cas, les taches ne sont pas prononcées. Ces dernières n'ont aucune importance dans l'onychomancie. Les premières sont d'un bon augure pour l'homme. 3.3.3.3. Les naevi ou« grains de beauté »(1) Lorsque l'individu a un grain de beauté sur le corps pourvu de trois poils, dit le Zohar, les initiés dans les mystères de ces marques du corps humain nomment ce grain de beauté « tête de l'aigle». Parfois ce grain est situé entre les épaules patfois il se trouve sur le bras droit et quelquefois sur les doigts de la main droite. Un grain formé régulièrement dont le point le plus élevé se trouve au centre indique la richesse et la gloire. Un grain formé ÜTégulièrement indique une descendance mâle. Quand ce grain n'apparaît que dans la vieillesse, il indique que cet homme arrivera à une grande richesse ou à une gloire extraordinaire et qu'il réussira dans l'étude de la loi en s'y consacrant. La« tête de l'aigle »est patfois noire, patfois rougeâtre elle peut aussi être pourvue de poils ou non. Certaines fois le grain sera d'un rouge vif et cela indiquera que l'homme a eu des relations avec une femme pendant ses menstrues et qu'il ne s'en est pas encore repenti. Mais dès que l'homme aura fait pénitence, la rougeur du grain disparaitra. Quand les initiés aperçoivent cette marque qui indique le pêché sur le corps de quelqu'un, ils ont coutume de dire à l'individu: « Tâche de te guérir».

1. Cf H.Sérouya, La KABBALE, Paris, 1947,p.521. 3.3.3.4-Le mystère de la chevelure Celui dont les cheveux sont raides et droits sur sa tête est irascible. Son cœur est dur comme une cale de bronze, un coin d'acier. Il n ' est pas loyal et il ne convient pas de cultiver sa compagnie, il faut s'éloigner de lui. (Zohar Il, 71 b)

Celui qui a des cheveux très doux lui tombant sur le cou mérite qu'on s'associe à lui, et de cette association peut résulter un profit.. (Zohar II, 71 b) Celui dont les cheveux sont noirs et brillants réussit en tout ce qu'il fait dans le commerce comme dans les autres affaires de ce monde. Il y réussit seul sans les autres. Cette chevelure est 104

sous le signe ésotérique de la lette Zayin, la septième lettre de l'alphabet, qui renvoie à un verset du livre des Nombre 6, 7 :« La couronne de son Dieu est sur lui ». Il est fait mention ici de Samson dont les armes et les instruments guerners résident dans sa chevelure .. (Zohar II, 71b) Un homme aux cheveux noirs tombants et non lisses est un taciturne ; il est prudent, mais il a une mauvaise langue ; en outre, il est porté à la colère et provoque toujours des querelles dans sa maison. A peu d'exception, un tel homme réussit dans ses entreprises.. (Zohar II, 71 b) Un homme aux cheveux rouges frisés craint les péchés, il est compatissant avec tous les malheureux et porte autant d'intérêt aux autres qu'à sa propre personne ; il est fidèle et bon. Cependant, celui qui s'associera à lui ne réussira pas, et luimême ne réussira dans aucune entreprise .. (Zohar II, 71 b) Un homme aux cheveux roux tombants et lisses est un rusé ; il n'a pas de respect pour ses supérieurs et éprouve une joie de voir souffrir son prochain. Il est infidèle et dissimulateur. Qu'on se garde de s'associer à lui .. (Zohar II, 71b) 3.3.3.5. Le mystère du front réside dans la lettre Nun, lettre finale deZayin. L'homme dont le front est bas et plat n'est pas constant dans ses idées ; il se croit sage et ne comprend rien, il agit sans réflexion. (Zohar II, 71 b) L'homme qui a un front court, abrupt, sans le moindre arrondi est un homme instable ; il croit tout savoir comme un sage mais il ne sait rien ..... , c'est un esprit inquiet ; il arrive que sa mauvaise langue morde comme la langue du serpent ... il ne faut pas se fier à lui. (ibid., Il,7lb) L'homme qui a un grand front arrondi est un homme de science, de parole et de mémoire : il fait bien sa besogne, il le fait intelligemment alors même qu'il n'a pas de maître expert pour l'instruire dans son métier ou lui communiquer la science. Il réussit en tout ce qu'il entreprend sauf en matière d'argent et en affaires où sa réussite est intermittente .... (ibid., II,7lb)

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3.3.3.6. Le mystère des yeux Les yeux jaunes indiquent un homme mélancolique ;il se tourmente constamment sans raison. Les yeux bleus indiquent un homme inconsidéré; il rit de tout, même des choses qui n'offrent aucune matière à rire ; il est avare dans sa maison et prodigue lorsqu'il est en compagnie d'étrangers. Les yeux larges sont l'indice d'un homme envieux, et il convient de ne pas le fréquenter. Les yeux verts ou noirs appartiennent à l'homme qui baigne constamment dans la joie; il ne pense jamais à mal. Le succès veille sur lui quand il se livre à des occupations précises, désintéressées. Il faut l'encourager à étudier la Torah. Les yeux verts ou bleus, teintés de jaune, sont habités par la folie ; l'individu parle trop, fort et haut, il a des prétentions à la grandeur, mais il ne résiste pas à une discussion sérieuse ; vanité, mégalomanie et logomachie dessinent son profil moral et intellectuel. Il n ' est pas digne de recevoir les mystères de la Torah. 3.3.3.7. Le mystère des lèvres Ce mystère est sous le signe ésotérique de la lettre Pe intégrée dans le mystère de la lettre Samekh. Des grandes lèvres indiquent un homme qui médit les autres. Il est effronté et crâneur, querelleur et mouchard ; il sème la discorde entre frères (Pro.XXI, 29). Des lèvres épaisses, sèches et rugueuses montrent qu'il est irascible, intolérant et agit avec préméditation quand il fait mal ; il est parfois railleur. .. et cligne de l'œil. C'est de lui qu'il est dit: « l'homme méchant prend un air hardi. (Il convient de s'en éloigner. ... (Pro.XXI,29) 3.3.3.8. Le mystère des oreilles Des grandes oreilles indiquent un homme habité par la sottise et la folie dans son esprit. Des oreilles petites et droites signalent que l'homme est porteur de la sagesse de cœur et une fine sensibilité. Ce trait se trouve sous le signe ésotérique de la lettre yod, intégrée ellemême au mystère de toutes les autres. Un homme qui a des poils à la partie supérieure des oreilles est un présomptueux; il se croit un grand homme alors qu'il ne l'est pas, il aura des fils et des filles.

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Un homme qui aura un grain de beauté sur l'oreille sera un grand maître de la loi et mourra jeune. 3.3.3.9. Le mystère des rides Un homme qui a trois rides sur le front dont deux paraissent et disparaissent de temps en temps et dont une subsiste toujours réussira dans ses études s'il s'y consacre. Un homme qui a six rides sur le front dont trois sont très prononcées et les trois autres peu profondes est un individu colérique, avare, jamais gai et très souvent sourd de l'oreille gauche. Deux rides transversales sur un nez droit est un indice de bonté ; cet homme craint le Seigneur et craint le péché ; il passe sa jeunesse sans connaître de maladies. Si des rides paraissent et disparaissent à certaines époques, l'homme est malade dans sa jeunesse et jouit d'une bonne santé dans sa vieillesse. 3.3.3.10. Le mystère du visage C'est l'âme qui imprime ces marques sur le visage, les traits transmis par la mère forment quatre types généraux: Zohar (11,73b - 74a ) Visage d'homme, visage de lion, visage de bœuf et visage d'aigle. La première figure est celle de l'homme :Les kabbalistes reconnaissent la vertu de l'amour. La figure, dite figure d'Adam, est parfaite ; Une nervure fine parcourt le côté droit du visage ; une seconde nervure est rejointe par deux autres sur le côté gauche ; l'ensemble se présente sous la forme de quatre signes qui sont les quatre lettres du mot« edut » (témoignage). Psaume LXXXI . La seconde figure est celle du lion. Les kabbalistes y reconnaissent l'homme tenté par la voie du mal. Il finira par s'en éloigner pour retourner à son Maître et créateur. Il s'agit de la figure du lion triomphant (surat arye hamitgabber) La troisième figure est celle du taureau (shor).Ceci révèle un homme qui ne marche pas dans la voie droite, qui s'écarte des chemins que lui trace la Torah. La quatrième figure est celle de l'aigle (nesher). Pour les kabbalistes cet homme n'appartient pas à au genre dont on peut lire le caractère en explorant le visage. Les yeux n'ont pas d'éclat même dans ses moments de joie, quand il se coupe les cheveux ou se taille la barbe, car son esprit ne brille pas et n'émerge pas au-dehors par des signes et des lettres. 107

3.3.3.11. Le mystère de la cicatrice (Cf H.Zafrani, op.cit., p.124) R .Abba se rendait à Cappadoce en compagnie de R. Yosi. Chemin faisant, ils virent un homme s'approcher d'eux; son visage portait une profonde cicatrice. R. Abba dit : Quittons ce chemin ; le visage de cet homme témoigne qu'il a transgressé l'un des préceptes de la Torah interdisant l'inceste. Cette cicatrice sur son visage en est la marque, le signe. (Zohar III, 75b -75a) .... R.Abba appela l'homme et lui posa la question: Cette cicatrice sur votre visage, d' où vient-elle ? L'homme répondit : Je voyageais un jour en compagnie de ma sœur. Il advint que nous passâmes la nuit dans une auberge. Je bus du vin et m'enivrai ... Depuis ce jour-là, je fais pénitence ; R.Abba dit :« Plût au ciel que ton repentir ne cesse pas et je ferai en sorte que cette cicatrice disparaisse de ton visage ! J'invoque néanmoins ce verset pour toi : « ta faute est enlevée et ton péché pardonné » (Isaïe VI, 7) Répète -le trois fois . L'homme répéta trois fois le texte et la cicatrice disparut. 3.3.4.Les omens Du latin « omen », présage, augure, pronostic. On retrouve deux catégories de procédés : les auspices et l'astrologie. 3.3.4.1. Les auspices : du latin avesspicere ; « observer les 01seaux » C'est une divination réalisée à partir de l'observation des oiseaux du ciel, des eaux et de la terre. Le Zohar (I, 183b; Il, 6b) détaille les augures que fournissent les cris, les chants, l'apparence, et le vol des oiseaux. « ... Sache qu'il y a des oiseaux chargés d'annoncer toutes sortes de catastrophes et de fléaux, les uns la famine, les autres la peste, d'autres les invasions de sauterelles, .Il en est aussi qui sont porteurs de bonnes nouvelles et d'heureux présages, de message confus ou ambivalents». « Avant qu'une chose n'arrive en ce monde , on en fait la proclamation au firmament; de là, le message est transmis ici-bas, soit par l'intermédiaire d'un héraut extra ~terrestre, soit par le truchement des oiseaux ». « Balaq, fils de Sippor(littéralement « fils d'oiseau») vécut de cet oiseau bien connu, cet oiseau sorcier dont il utilisait les charmes dans ses opérations magiques. Il le mettait dans une cage, brûlait devant lui de l'encens et, aussitôt, l'oiseau lui racontait bien des choses.... C'est pourquoi on l'appelait « fils de l'oiseau » et c'est la raison pour laquelle il voyait et savait ce qu'aucun autre homme ne pouvait voir et savotr. »

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Outre le nom de l'oiseau, les modalités de leur vol étaient analysées. Ainsi, les vols venant de la droite (d'Orient) étaient considérés comme d'heureux présages. (en relation avec la séfira Hesed: bonté) A contrario, ceux venant de la gauche (d'Occident) étaient malheureux. (en relation avec la séfira Guévoura, rigueur) Un autre procédé consistait à lancer un caillou contre un oiseau. Si l'oiseau volait à droite, il agissait d'un bon présage. S'il volait à gauche, on en tirait un mauvais présage. 3.3.4.1.1. Le corbeau Cet oiseau était considéré comme de mauvais présage dans la tradition juive. « Au moment de la création du monde, le Saint Béni -soit il, avait convenu avec les corbeaux, comme condition à leur propre existence, qu'ils nourriraient le prophète Elie quand se produirait la fameuse sècheresse » (Roi ,I, 17, 6 ) ».

Un corbeau annonça de mauvaises nouvelles à R. Eleazar. Celui-ci lui dit : « C'est bien pour ça que tu as été créé, et c'est là ton destin ! Ses cris sont le signe de la peste et du choléra; ce n'est qu'occasionnellement qu'il dit la bonne nouvelle. (VoirZafrani,op,cit.,p .24) 3.3.4.1.2. La cigogne Pourquoi la cigogne porte - t-elle le nom de hasidah (de hesed « grâce »Parce qu'elle rend service à ses compagnes. (ibid. ,p.24) 3.3.4.1.3. L'épervier Selon le Zohar; L'épervier et son congénère dit milano est de bon augure . (ibid. ,p.24) 3. 3. 4.1. 4. L'hirondelle Connue sous le nom de « golondrina »elle est un oiseau dit « libre » Sache qu'au moment où le Temple fut incendié, les hirondelles en disparaissant des lieux, révélèrent aux humains la fin de cette calamité. (ibid. ,p.24) 3.3.4.1. 5. Le héron Pourquoi le héron porte-t-il le nom d'anafah? C'est parce qu'il est irritable et se querelle avec ses congénères. (ibid. ,p.24)

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3.3.4.2.L' ASTROLOGIE Astrologie vient du grec astrologia, de astron « astre», et logos « discours ».Il convient de ne pas confondre astronomie et astrologie. L'astronomie est une science qui comprend l'observation des étoiles, des planètes et autres objets se trouvant dans l'espace.L'astrologie est basée sur l'observation des influences des astres sur la destinée humaine. On observe plusieurs formes d'astrologie. Autrefois, on distinguait une astrologie relative à la médecine et une autre relative à l'influence des astres. Seule la seconde sera étudiée dans notre ouvrage.Le Talmud et le Zohar lui attribuent une crédibilité considérable mais affirmentégalementque l'homme pieux peut vaincre son influence. Le mot employé par le Talmud« mazal » est habituellement traduit par « chance » mais il signifie littéralement «constellation». 3.3.4.2.1. Tout est régi par les planètes (Zohar,I, 198a)D'après le Talmud, traité Chabbat, 156a : « Celui qui naît sous le signe du Soleil atteindra la grandeur et celui qui naît sous le signe de Vénus deviendra riche et immoral. Naître sous le signe de Mercure confère la sagesse et une mémoire puissante alors que naître sous le signe de la lune attire des malheurs. Saturne est signe de frustration, Jupiter signe de vertu et celui qui naît sous l'influence de Mars deviendra soit chirurgien, soit sacrificateur».

3.3.4.2.2. « Ne pas recourir aux prédictions et aux astrologues ». (Pes., 113b) « RabbiYo'hanan dit que les astres n'ont aucune influence sur Israël et il le démontre ainsi: Comment savons -nous que les astres n'ont aucune influence sur Israël? Parce qu'il est dit ainsi parle l'Eternel : N'imitez pas la voie des nations, et ne craignez pas les signes du ciel parce que les nations les craignent. (Jér. 10: 2).

« Que les autres nations les craignent, mais pas Israël. » (TBCha. 156a) ».

« Un jour, Samuel et Abalat (un astrologue) étaient assis ensemble. Passèrent devant eux des hommes qui allaient aux champs.Cet homme là-bas s'en va, mais il ne reviendra pas: un serpent le mordra et il mourra, dit Abalat.Si c'est un enfant d'Israël il reviendra, répondit Samuel. Ils étaient encore assis lorsqu'il revint. Abalat se leva, défit le sac que l'homme portait et y trouva un serpent coupé en deux. Qu'est-ce que tu as fait de particulier aujourd'hui? demanda Samuel à l'homme. Nous avons l'habitude tous les jours de rassembler le pain de chacun d'entre nous, puis nous le mangeons ensemble. Aujourd'hui l'un d'entre nous n'avait pas de pain. Comme il était gêné, je dis aux autres: « Aujourd'hui, c'est moi qui rassemble le pain». Quand ce fut à lui de me tendre son pain, je fis semblant de le prendre pour lui éviter d'avoir honte. C'est une bonne action. Samuel s'en alla et fit le 110

commentaire suivant: les actions justes délivrent de la mort (Prov. 11 : 4), non seulement de la mort accidentelle, mais aussi de la mort naturelle. »

Qu'Israël ne subit pas l'influence des astres, nous le savons aussi par Rabbi Akiva. Celui-ci avait une fille qui, selon les prédictions des devins devait, un jour où elle entrerait dans un jardin, être mordue par un serpent et en mourir. Cette prédiction inquiétait beaucoup son père. Un jour la jeune fille, ayant dégrafé sa broche, enfonça la pointe dans le mur et creva ainsi les yeux d'un serpent. Le lendemain matin, lorsqu'elle prit son habit, le serpent était suspendu à sa broche et elle le trainait derrière elle. Son père lui demanda :Qu'as-tu fait de particulier ?Hier après-midi, un pauvre homme est venu à ma porte. Il a appelé. Toute la famille était en train de manger et personne ne l'a entendu. Je me suis levée, j'ai pris la part qu'on venait de me servir et je la lui ai donnée. C'est une bonne action, dit Rabbi Akiva. Et il fit le commentaire suivant: les actions vertueuses délivrent de la mort, non seulement de la mort accidentelle, mais aussi de la mort naturelle. Un des plus grands décisionnaires, Maïmonide (1138-1204) invalidera complètement l'astrologie dans ses deux ouvrages Epitre au Yemen au chapitre III, et dans Michna, TBA voda Zara 4 : 7. 3.3.4.2.3. Dieu est l'unique détenteur de tous les pouvoirs( Midracherabbah , Eikhah, chap.3).Comme sur la plupart des sujets qui y sont débattus, l'astrologie symbolise fort bien la tension qui existe entre les pratiques populaires juives et les principes des rabbins et guides religieux, tel Maïmonide. Le judaïsme adopte une attitude différente. Selon le Midrache : « Il est des personnes qui attribuent aux constellations certains pouvoirs et, par conséquent, leur vouent un culte. Les croyants monothéistes, cependant, savent que Dieu est l'unique détenteur de tous les pouvoirs et que toutes les forces de la création ne sont que différentes expressions de son pouvoir » « Un roi conquit un jour une nouvelle province. Les élites de ce pays décidèrent alors qu il était opportun d'établir des relations avec les nouvelles autorités . Certains cherchèrent à se lier aux nobles, d'autres aux chevaliers et d'autres encore aux ministres. Le plus sage d'entre eux déclara« je vais tâcher de me lier au roi luimême ».

3.3 .. 4.2.4. Moshe Ben Mimoun El - Baz. Ce kabbaliste marocam raconte dans son livre Sefer Hekhal Haqodesh ( Le palais de la Sainteté (1653) la naissance des planètes et des constellations.

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« Lorsqu'il voulut le monde, Il fit sortir un souffle de sa bouche ; et ce souffle-là, de simplicité absolue, d'émanation fine, se divisa en trois luminaires (sources de lumière) appelés« (or sah). De ces lumières s'éclairent toutes les créatures .... De la puissance de la lumière primordiale, il fit émaner un souffle simple appelé« Couronne Suprême » (Keter elyon), une lumière spirituelle . .. . De la puissance de la lumière claire, la Couronne (keter) conçut la Sagesse primordiale (hokhmah). De la puissance de la lumière transparente, la Sagesse conçut l'intelligence (Binah).La force d'émanation poursuivit son cycle d'opérations créatrices, procédant de la même manière que pour les trois premières. C'est ainsi qu'en émanèrent les trois pères, les trois patriarches dont les archétypes sont les trois sefirot • la Grandeur (Gedulah),laPuissance(Geburah) et la Beauté (Tif'eret). Puis s'enchaîna le troisième processus émanateur. Ainsi furent conçues les trois sefirot appelées monde des prophètes • Eternité (Netsah), Majesté(Hod) et Fondement (Yesod). Une dernière force émana de toutes les toutes les autres pour concevoir la dernière sefira Royauté (Malkhut). A partir des dix sefirot, le flux poursuivit son processus créateur pour donner naissance à dix classes d'anges homologues• ce sont les hayots ha -qodesh, les serafim, les ofanim, les er'elim, les Elohim, les mal'akhim, les hashmalim, les beneElohim, les tarshitim et les ishim. Le flux (l'influence divine) se manifesta une troisième fois et les corps célestes surgirent en neuf cercles • le premier cercle , uni, plat; le second, celui des « astres» Mazalot ; le troisième , Shabtay « Saturne » ; le quatrième, Sedeq « Jupiter » ; le cinquième, Madim« Mars » ; le sixième, Hammah « Soleil » ; le septième, Nogah « Vénus» ; le huitième ; Kokhab «Mercure» ; le neuvième,Lebanah« Lune » .

Ces neuf cercles correspondent aux neuf premières sefirot. La sphère Terre reçoit de toutes les autres sphères et correspond à la sefirah Malkhut qui elle-même se nourrit du flux des neuf autres sejirot. 3.3.4.2.5. LES 12 CONSTELLATIONS « SIGNES DU ZODIAQUE »Dans Le Talmud, Traité Berakhot, 32b, on lit : « j'ai créé douze constellations au Firmament » . On peut lire dans le site Web 1 « Torah- Box.corn» mise en ligne le 20 avril 2020 les prévisions astrologiques pour le signe du Taureau. (Chor en hébreu). Il s'agit du texte suivant que je retranscris intégralement.« ... Les Taureaux : un grand potentiel. ... à développer ! .... Le mois duquel sont natifs les Taureaux prédispose à l'élévation et la réussite spirituelles. Majestueux, forts et bons, les taureaux ont même la capacité de devenir de grands leaders du peuple juif, à l'instar du taureau qui prépare le terrain pour laisser éclore la récolte après son passage. Pourtant, afin de ne pas tomber dans les travers qui les guettent, les Taureaux devront entreprendre un important travail sur leur personnalité. C'est d'ailleurs la raison pour 112

laquelle ils naissent pendant le décompte du Omer, période propice à la progression et l'amélioration de soi. L'élément du Taureau est la terre, ce qui fait de lui un être paisible mais aussi enclin aux plaisirs de ce monde tels que la luxure, la gourmandise, l'oisiveté, le sommeil, etc. Pourtant, s'il fait l'effort de cultiver son monde spirituel, le Taureau deviendra alors un roi véritablement capable de s'élever et d'entraîner les autres dans son ascension, car il a faculté de descendre au plus bas (vers la terre, son élément) pour élever les âmes qui aspirent à se hisser au-delà de leur piètre condition morale. Tout son défi est justement de ne pas se laisser emporter par sa nature qui le pousse à mener une vie dénuée de sens et vouée à la satisfaction de ses instincts .... » ..... « Dans sa vie de tous les jours, le Taureau a un grand besoin de se sentir en sécurité. C'est pourquoi il est généralement économe et enseigne à ses proches l'art de l'épargne et de la prudence financière. S'il s'agit indéniablement d'une qualité, le Taureau doit aussi veiller à ne pas se montrer économe à outrance et à dépenser lorsque c'est nécessaire, notamment pour les causes charitables. C'est aussi un excellent éducateur : patient et soucieux de la réussite de ses enfants, il sait leur prodiguer amour et chaleur tout en les protégeant des mauvaises influences extérieures. Enfin, comme il est très têtu et sait défendre ses intérêts ....... » ( fin du texte extrait de Torah-Box.corn). 1. https ://www.torah-box.com/femmes/torah-feminine/astrologie-juivele-signe-taureau_ 11490. html. Association de diffusion du Judaïsme

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TABLEAU DE CORRESPONDANCES ENTRE LES CONSTELLATIONS ZODIACALES CALENDRIER SIGNE SIGNE COURANT ASTROLOGIQU ASTROLOGIQU E E Hébreu MARS/AVRIL BELIER TALE AVRIL/MAI TAUREAU CHOR MAI JUIN GEMEAUX TEOUMIM JUIN/JUILLET CANCER SARTAN JUILLET/AOU LION ARIEH T AOUT/SEPT VIERGE BETOULA SEP/OCT. BALANCE MOZNAIM OCT/NOV. SCORPION AKRAV NOV/DEC. SAGITTAIRE KECHET DEC./JANVIER CAPRICONE GDI JANVIER/ VERSEAU DLI FEV. FEVRIER/ POISSONS DAGUIM MARS

MOIS ET LES CALENDRIE R Hébraïque NISSAN IYYIAR SIVAN TAMOUZ AV ELOUL TICHRI HECHVAN KISLEV TEVET CREVAT ADAR

Le calendrier juif débute au jour de la création d' Adam et Eve (le sixième jour de la création). Il est lunaire et contient 12 (ou 13 mois), chaque mois durant 29 ou 30 jours, commençant et se terminant par un jour spécial appelé Roch 'Hodesh ( « tête du mois « ). Autrefois, le nouveau mois était proclamé par une cour Rabbinique (bethdin) après que la nouvelle lune ait été vue mais aujourd'hui le calendrier est prédéterminé. Chaque année, l'anniversaire de la naissance est considéré par les rabbins « comme un jour où le destin est fortement influencé par l'astrologie ». Sur le plan pratique, pour connaître sa date de naissance hébraïque on utilisera un convertisseur de dates 1 du calendrier grégorien en date du calendrier hébreu. 1.https://fr.chabad.org/calendar/converter_ cdo/aid/6225/jewish/DateConverter.htm 3.3.4. 2. 6. Les 12 anges tutélaires.

Sur le plan pratique, lorsque l'on voulait invoquer une constellation pour une action désirée, on préférait invoquer les douze anges qui sont sous leur autorité. 114

Nous donnons ici la liste des correspondances entre les constellations et leurs anges attribués. Il existe de nombreuses versions de cette association. Voici la liste donnée par R. Hayyim Ben Attar (6961743), un kabbaliste de Jérusalem originaire du Maroc dans son ouvrage Sha'ar hattara ( la porte de la geôle). Sur ce tableau de correspondances figure le nom des constellations et des anges qui les gouvernent. CALENDRIER COURANT

SIGNE ASTROL.

SIGNE ASTROL. Hébreu TALE

CALENDRIER

Hébraïque

NISSAN AVRIL/MAI TAUREAU CHOR IYYIAR GEtvlEAUX MAI JUIN TEOIBvfIM SIVAN TTJIN /TTJILLET CANCER SARTAN TAMOUZ TTJILLET/AOUT LION ARIEH AV AOUT/SEPT VIERGE BETOULA ELOUL SEP/OCT. BALANCE MOZNAIM TICHRI OCT/NOV SCORPION AKRAV HECHVAN NOV/DEC. SAGITTAIRE KECHET KISLEV DEC/JANVIER CAPRICONE GDI TEVET JANVIER/ FEY VERSEAU DLI CREVAT FEVRIER/ POISSONS DAGUIM ADAR MARS/AVRIL

BELIER

ANGE TUTÉL. Mikhael Qadmiel Pada'el Gabri'el Sadqi'el Hasdi'el Rafa'el Razi'el Satriyah Nuri'el Yufi'el Ana'el

MARS

3.3.4.2. 7.Les 7 planètes L'action exercée par les planètes sur le cours de la vie humaine faisait, comme le mentionne le Talmud, l'objet d'une croyance des plus fermes parmi le peuple. Sur les animaux on refusait toute influence(Chab.53b). Mais les cultures, herbages et fruits leur étaient soumis(Gen.R, 6).

Les planètes SATURNE JUPITER MARS SOLEIL VENUS MERCURE LUNE

Les planètes en hébreu SHABTAY SEDEQ MADIM HAMMAH NOGAH KOKHAB LEBANAH 115

3.3.4.2.8. Les 7 planètes et la date de naissance. Généthialogie ou Omen de naissance. Né sous l'influence de Hammah (Soleil), tu seras un homme distingué, tu mangeras et boiras de ce qui t'appartient en propre, tes secrets seront révélés et si tu te risques à voler, ce sera en vain . Autrement dit, tout dans ta vie sera clair et apparent comme la lumière du Soleil. En outre, comme le Soleil ne reçoit pas de lumière d'une autre planète, l'individu dont il s'agit ne dépendra que de lui-même. Né sous l'influence de Nogah(Vénus) tu seras riche et voluptueux, parce que le feu fut créé par l'entremise de cette planète. Né sous l'influence de Kohab(Mercure) tu seras une bonne mémoire et la sagesse parce que Mercure est le scribe (au service) du Soleil. Né sous l'influence de Lebanah(la Lune) tu seras souffrant. Né sous l'influence de Shabtay (Saturne) tes projets échoueront. Né sous l'influence de Sedeq(Jupiter) tu seras juste.Né sous l'influence de Madim (Mars) tu verseras du sang. 3.3.4.3.9. L'action des planètes sur le calendrier des jours et des heures (L 'hémérologie) Les planètes exerçaient leur influence sur les jours et les heures du calendrier. L 'hémérologie divinatoire consiste à établir le calendrier dit du« faste et néfaste ».On fixera ainsi le moment de l'action ou de l'abstention des actions qu'on peut entreprendre avec succès et de celles auxquelles on doit renoncer. Ceci est l'une des prérogatives de l'astrologue.

Les planètes SATURNE JUPITER MARS SOLEIL VENUS MERCURE LUNE

JOUR D'INFLUENCE SHABTA Y : samedi SEDEQ : jeudi MADIM : mardi HAMMAH : dimanche NOGAH: vendredi KOKHAB : mercredi LEBANAH :lundi

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Tableau de con-espondances entre les jours et les planètes CONSTELLATIONS ZODIACALES

Les planètes SATURNE

JOUR D'INFLUENCE SHABTAY: samedi JUPITER SEDEQ : jeudi MADIM : mardi MARS SOLEIL HAMMAH dimanche VENUS NOGAH: vendredi MERCURE KOKHAB mercredi LUNE LEBAN AH :lundi

SAGITTAIRE ET POISSONS BELIER ET SCORPION LION

CAPRICORNE, VERSEAU, TAUREAU, BALANCE GEMEAUX ET VIERGE CANCER

Tableau de cotTespondances entre les planètes, les Jours et constellations zodiacales

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Tableau des heures planétaires du coucher soleil. Dun. Lun. Mardi Mer. Tableau de minuit Des Heures à minuit Jup. Vén. Mercu. Sat. 81 Jup. 92 Lune Mars Mer. Saturne Soleil Lun. Mar. 10 3 Jupit. Vénus Sat. Sol. 11 4 Jup. Mars Mer. Vén. 12 5 Soleil Lune Mar. Mer. 1 6 Vénus Satu. Sol. Lun. 27 Mercure Jup. Vén. Sat. 38 Lune Mars Mer. Jup. 49 Saturne Sol. Lun. Mar. 5 10 Jupiter Vén. Sat. Sol. 6 11 Jup. Mars Mer. Vén. 7 12 Soleil Lun. Mar. Mer. 8 1 Vénus Sat. Sol. Lun. 92 Mere. Jup. Vén. Sat. 10 3 Jup. Lune Mar. Mer. 11 4 Satur. Sol. Lun. Mar. 12

Jupit. Mars Soleil Vénus Mercure Lune Saturne

Vén. Mer. Lun. Sat. Jup. Mar. Sol.

Sat. Jup. Mar. Sol. Vén. Mer. Lun.

Sol. Vén. Mer. Lun. Sat. Jup. Mar.

5 16 27 38 49 5 10 6 11 7 12

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du soleil au coucher de Jeud.

Vend.

Soleil. Lune Vénus Satur. Mer. Jup. Lune Mars Sat Sol Jup Vén Mars Mere Sol Lun Vév Sat Mer Jup Lune Mars Sat Sol Jup Vén Mars Mere Sol Lun Vénus Satu Mere Jup

Lun Sat Jup Mars Sol Vén Mere

Sam.

Mars Sole. Vén. Mere. Lune Sat Jup Mars Sol Vén Mer Lune Sat Jup Mars Sole Vénus

Mars Mere Sol Lune Vénus Sat Mere Jup Lune Mars Sat Soleil Jup Vén

3.3.4.3.10.Champs d'influence des planètes.

Les planètes SATIJRNE nJPITER MARS SOLEIL VENUS MERCURE LUNE

CHAMPS D'INFLUENCE SHABTA Y : pauvreté, blessures, maladie, m01t SEDEQ vie, paix, joie, richesse, honneur, bonheur, souveraineté MADIM : sang, épée, mal, guerre, inimitié, envie, destruction HAMMAH : activité, souveraineté NOGAH : grâce, beauté, passion, conception, fertilité, KOKHAB sagesse, intelligence, apprentissage, métiers, professions LEBANAH : croissance, décomposition

3.3.4.3.11. Le pouvoir des planètes s'exerce sur les organes du corps (Tikounim) Les devins qui désirent agir sur telle ou telle partie du corps doivent invoquer les planètes qui leur correspondent selon le tableau ci-dessous.

Les planètes SATIJRNE nJPITER MARS SOLEIL VENUS MERCURE LUNE

Les organes du corps SHABTA Y : le bras droit SEDEQ : le bras gauche MADIM : le cœur HAMMAH : la jambe droite NOGAH : la jambe gauche KOKHAB : les organes génitaux LEBANAH : les pieds

3.3.4.3.12. Invoquer les sept anges planétaires. Sur le plan pratique, lorsque l'on veut invoquer une planète pour une action désirée, on préfèreinvoquer les sept anges planétaires qui sont sous leur autorité. Nous donnons ici la liste des correspondances entre les planètes et leurs anges attribués. Il existe de nombreuses versions de cette association. Voici la liste donnée par Joshua Trachtenberg ,Jewish Magic and Superstition, p.251,dans laquelle figure le nom des planètes et des anges qui les gouvernent . Les chiffres représentent le nombre de fois qu'un nom apparaît sur les compilations collectées.

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Les planètes SATURNE nJPITER MARS SOLEIL VENUS MERCURE LUNE

LES ANGES QUI LES GOUVERNENT (dans les ouvrages iuifs) SHABTA Y :KAFZIEL 4 / MICHAEL 2 SEDEQ ZADKIEL 4 IBARKIEL 1 MADIM SAMAEL4 / GABRIEL 1 HAMMAH RAPHAEL 4 / MICHAEL 2 NOGAH ANIEL 4 HASDIEL 1 KOKHAB MICHAEL 2/ZADKIEL 1/BARKIEL l lHASDIELl IRAPHAELl LEBANAH GABRIEL 4/ANIEL OU ANAEL 1

Sur ce tableau figure le nom des planètes et des anges qui les gouvernent provenant du philosophe musulman Andalou A verroes (1126-1198) Les planètes SATURNE nJPITER MARS SOLEIL VENUS MERCURE LUNE

LES ANGES QUI LES GOUVERNENT SHABTAY KAFZIEL SEDEQ ZADKIEL MADIM SAMAEL HAMMAH MICHAEL NOGAHANAEL KOKHAB RAPHAEL LEBANAH GABRIEL

3.3.5. Les procédés onomantiques Il s'agit de l'utilisation des noms propres comme présages. Dans un passage du Zohar on lit:« Noé trouva grâce aux yeux de Dieu lorsque naquit Noé ».On lui donna un nom qui évoque la« consolation» (en hébreu, neh 'amah), espérant que ce nom en sera l'augure.Mais ajoute le Zohar, le Saint Béni Soit-il, il en était autrement. En inversant l'ordre des lettres hébraïques du nom de Noé (NH) on obtient Hen (HN) « grâce, ainsi qu'il est écrit : « Et Noé trouva grâce aux yeux de Dieu». Rabbi Yossi dit : H en « grâce », c'est Noé.S'agissant des justes, leurs noms exercent sur leur destin une influence heureuse tandis qu'elle est malfaisante pour les impies.Pour AR, l'ainé de Judah, l'inversion de son nom donne RA (en hébreu Rah= «mauvais». En effet, il est dit de lui mauvais aux yeux de Dieu (Gen. 7).

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L'usage des noms propres tellement populaire comme présage est devenu force de loi. Ainsi par exemple, une question concernant la pratique de vérifier les noms des futurs époux a été posée au rabbin Yaakov Y srael Kanievsky, dit le Steipler, talmudiste et décisionnaire du XXème siècle. (1899-1985). L'anecdote suivante est relatée : Après que la date du mariage ait été fixée et tous les préparatifs terminés, un membre de la famille informa le fiancé qu'il était de coutume de vérifier si les noms des futurs époux étaient compatibles. Le fiancé alla immédiatement à Jérusalem pour consulter un kabbaliste. Ce dernier lui annonça que les noms n'allaient pas ensemble et décida que le mariage devait être annulé car il serait un échec. Passablement remué, le fiancé se retourna vers son rabbin pour un conseil. Il lui enjoignit de ne pas prêter attention au kabbaliste en vertu de ce que la torah enseigne. « Tu auras entièrement confiance en « Hachem ton Dieu» (Devarim 18 :13). Afin d'être entièrement rassuré, son rabbin envoya le fiancé auprès du Steipler pour avis. Le fiancé entra dans le bureau du Steipler et lui tendit un morceau de papier sur lequel l'histoire était résumée. Dès qu'il commença à lire, le Steipler entra dans une profonde colère, se lamenta contre le détournement de la Vérité et condamna sévèrement le kabbaliste pour avoir essayé d'annuler ce mariage. Plus il lisait, plus ses pleurs étaient forts et son courroux violent, jusqu'à ce qu'un membre de sa famille entra dans son bureau, réprimanda les visiteurs pour avoir fâché un sage âgé et leur demanda de quitter les lieux. A l'intérieur, le Rabbin continuait à lire comme ils pouvaient le voir à travers la fenêtre. Après qu'il eût fini, vingt minutes passèrent avant qu'il ne recouvre son calme. Puis il les invita à entrer à nouveau. Le Steipler bénit le fiancé et lui assura que le mariage serait un succès. Il déclara que la vérification des noms était un pur non-sens qui déplaisait à Dieu et que cela ne dépendait que de lui, comme il écrit : « Tu auras entièrement confiance en ton Dieu. » ( Dev. 18 :13) Cette histoire illustre bien la tension qui peut exister entres les pratiques populaires juives et les principes des maîtres à penser, des guides religieux, tel le Steipler. 3.3.6. La nécromancie dorech el -hametim. Du grec necro « mort » et mancie« divination ».La nécromancie est donc une divination basée sur l'interrogation des morts. Il en est fait état dans les écritures.

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« Manassé (?me siècle avant J.C.) fit passer son fils par le feu, il pratiqua présage, magie et nécromancie. Il offensa YHWH à force de faire ce qui est mal à ses yeux». (Rois 2. 21: 6) « ... et quand ils vont diront: consultez les esprits des morts, les devins, ceux qui chuchotent et murmurent; un peuple ne doit-il pas consulter ses dieux, les morts en faveur des vivants». (Isaïe. 8 : 19).

3.3.6.1. Les deux types de nécromantie. « Les sages ont enseigné : la catégorie d'un nécromancien comprend à la fois celui qui ressuscite les morts avec son zekhur qui est une forme de sorcellerie et celui qui s'enquiert de l'avenir à partir d'un crâne BéfiUlfiolette. Quelle est la différence entre ce type de nécromancien et ce type de nécromancien? Quand on ressuscite le mort avec zekhur, le mort ne se lève pas de sa manière habituelle, mais apparaît à l'envers. Il ne se lève pas le shabbat. En revanche, quand on s'enquiert de l'avenir à partir d'un crâne, le mort se lève de sa manière habituelle et il se lève même le shabbat. » (T.B. Sanhedrin, 65b) Les sages ont enseigné : « Un nécromancien est celui qui fait entendre la voix des morts qui parle entre ses articulations ou sous son aisselle Un sorcier (yideoni) est celui qui place l'os d'un animal appelé yadua dans sa bouche et l'os parle de luimême. »

Le Talmud soulève une objection du verset : « Et ta voix sera comme un fantôme sorti du sol. (Esa. 29 :4). Quoi ? Le mort ne parle-t-il pas seul de la tombe ? La Guemara répond : « Non, car le mort se lève par la sorcellerie et s'assoit entre les articulations du nécromancien et parle. » La Guemara suggère : « Venez entendre une preuve de la déclaration du nécromancien au roi Saül : et la femme dit à Saül, je vois un être divin sortir de la terre. (Sam. 1 28 : 13) « Quoi, le verset ne veut -il pas dire que la personne décédée a parlé de son propre chef? La Guemara réfute cette preuve : « Non, ce n'est pas le cas, car le mort est assis entre les articulations du nécromancien et parle».

3.3.6.2. La femme d'En-Dor On interroge dans un but de divination des personnes décédées qui survivent et communiquent avec les vivants. Voici l'épisode de la femme d'En -Dor tel qu'il est relaté (Samuel I. 28 : 3-25) dans lequel elle invoque le prophète Samuel : « . A la mort de Samuel, tout Israël avait pris part aux cérémonies de deuil, puis on l'avait enterré dans sa ville de Rama. Par ailleurs, Saul avait interdit dans son royaume les pratiques consistant à invoquer et interroger les morts. Un jour, les

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Philistins rassemblèrent leurs troupes et vinrent camper près de Chounem. Saül mobilisa l'armée d'Israël. Lorsque Saül vit le camp des philistins, il eut très peur et se mit à trembler comme une feuille. Il voulut consulter Dieu mais comme celui-ci ne lui répondit ni par un rêve, ni par les dés sacrés du prêtre ni par un prophète. Alors Saül donna cet ordre à ses officiers :« Cherchez-moi une femme capable d' interroger les morts pour que je puisse aller la consulter. « Il y en a une à En- Dor », lui répondit - on.-Saül se déguisa et partit pour En- Dor avec deux compagnons. li arriva de nuit chez la femme et lui dit :« Je désire que tu interroges un mort pour moi. Fais apparaître celui que je vais t'indiquer.-Mais répondit la femme, tu sais bien que Saül a éliminé du pays les pratiques consistant à invoquer et interroger les morts. Est-ce que tu cherches à me tendre un piège pour me faire mourir ? - Par YHWH ? déclara Saül, je te jure que tu ne risques rien dans cette affaire « Qui donc dois-je faire apparaître pour toi? demanda la femme. Il répondit :« Samuel .Lorsque la femme vit Samuel, elle poussa un grand cri, puis elle interpella Saül en ces mots: Mais tu es Saül! pourquoi m'as - tu trompée? « Ne crains rien, répondit le roi. Dis-moi plutôt ce que tu as vu. » « j'ai vu un Dieu qui montait de la terre. -Il lui dit: « Quelle apparence a-t-il?» Elle dit: « C'est un vieillard qui monte. Il est enveloppé d'un manteau». Saül sut alors que c'était Samuel. Il s'inclina, la face contre terre, et se prosterna.-« Dieu s'est détourné de moi. Il ne me répond plus, ni par les prophètes, ni par les rêves». Alors je t'ai fait appeler : viens me dire ce que je dois faire ».

3.3.6.3. Interroger l'esprit de la tombe.« Nehinah ». Celui qui se propose d'interroger une personne décédée sur sa tombe doit au préalable préparer un mélange d'huile et de miel qu'il déposera dans une coupe de forme circulaire ; On brûlera des épices et de l'encens ;Tout en agitant une baguette de myrte on prononcera l'incantation suivante : « Je te conjure, esprit de la tombe Nehinah. Accepte cette offrande et obéis à mes ordres : Amène-moi N fils de N qui est mort, et fais le tenir droit et fasse qu'il me parle sans crainte et qu'il me dise la vérité. Qu'il réponde à la question que je lui poserai ».Cette incantation pourra être répétée trois fois. Le défunt apparaîtra immédiatement. Alors, il conviendra de placer la coupe d'offrande devant lui et de tenir la baguette de myrte dans la main.

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Troisième Partie LES PRATIQUES RITUELLES ET SYMBOLIQUES

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Chapitre 1. La veillée mortuaire

L'étude des rites funéraires peut être conduite selon deux axes : • Celui de la mort où on prendra en compte la mort comme un événement social qui concerne les survivants et le groupe élargi. Les rites funéraires auront pour effet de rétablir une normalité gravement mise en cause par la mort. Ils permettront au groupe de transcender ce désordre. Les rites sont d'autant plus nombreux que la période de chagrin est intense. On se réunira pour parler, boire et manger. •Celui des morts où l'accent sera mis dans le traitement du cadavre et de l'âme. L'idée dominante est celle d'un processus dont la finalité est de préparer l'âme à la vie immortelle. Les ouvrages les plus utilisés dans les communautés juives qui incluent les rituels de la mort sont :Le Maané Lachon (Expression de la langue), le Sefer ha-hayim (Livre de la vie) et le Maavar Yabbok.(Cf.Goldberg, 1989, p.132). Dès l'instant où le mort a rendu l'âme, une veillée mortuaire est organisée par la Confrérie dernier devoir « Hebra qadischa » jusqu'à l'inhumation du corps. L'idée dominante est que les morts font peur. Le problème est celle d'un processus en deux temps : 1) Le mort demeure à proximité des vivants et il peut venir perturber leur existence. 2) De nombreuses épreuves attendent l'homme à sa mort depuis l'instant de la séparation de l'âme et du corps jusqu'à la réincarnation. C'est pourquoi on a recours un certain nombre de pratiques prophylactiques. Dans les communautés, il est d'usage de lire uniquement ce1taines prières telles que les Psaumes, les Proverbes ou des pièces poétiques comme celle de Nehunya Ben Haqqana en Afrique du Nord. Cette pièce se compose de quarante deux mots répartis en sept lignes métriques se terminant par la rime RA. Elle est supposée représenter les quarante-deux lettres du grand nom de Dieu que l'on fait intervenir ici pour protéger l'âme du défunt. Le second vers porte en outre en acrostiche les lettres formant la séquence suivante : QR'STN, une formule adjurant Dieu de " déchirer Satan ", c'est-à-dire révoquer son réquisitoire. (Cf.H. Zafrani, p. l 04)

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CHAPITRE 2. Le traitement spécial du cadavre Le chef de la HebraKadischa et le rabbin ont droit à un traitement spécial appliqué au moment de leur décès qui intervient avant le lavage du cadavre et comprend quatre parties : • La sekila ou simulacre du jet de sept petites pierres de la grandeur d'un oeuf de pigeon sur le corps du défunt. • La serefa ou simulacre de brûlure des ongles des mains et des pieds •Le hekhekh ou trainement du mort par les pieds dans la chambre. Une autre variante consiste à abattre les pieds du défunt contre le sol • Le hanek ou simulacre d'étranglement du mort avec un morceau d'étoffe ; une autre variante consiste à passer une cordelette autour du cou du défunt. Chacune de ces étapes s'accompagne de prières invoquant Dieu : on lui demande qu'il pardonne au défunt les péchés rentrant dans la catégorie de la sekila, de la serefa, du hekhekh et du hanek. Après ces prières, tous les membres de la Hebra s'éloignent du corps en reculant d'environ quatre coudées, s'an-êtent unmoment puis reviennent près de lui et proclament : « Tu es notre frère, tu es notre frère, tu es notre frère. Dès l'instant où tu as accepté la sentence, tu es absout et pardonné, relevé de tout anathème et exclusion... » Cette cérémonie est un rite d'expiation dont l'objectif est l'absolution des péchés du défunt. Ces quatre étapes font partie des sept épreuves qui attendent l'homme à sa mort et qui correspondent à sept moments capitaux qui se succèdent depuis l'instant de la séparation de l'âme et du corps jusqu'à l'heure du rachat et de la réincarnation. Trois de ces épreuves consistent à infliger au mort une souffrance et un châtiment proportionnels à la gravité des fautes qu'il a commises en ce monde, le châtiment suprême étant la réalisation symbolique par la mort. La lapidation (sekila), l'étranglement (hanek), et le trainement par les pieds (hekhekh) sont trois manières de mourir:

« Il existe neuf cent trois manières de mourir, la plus douloureuse et la plus dure étant la mort par l'étouffement (T.B.Berakhot Sa)».

Quant à l'épreuve qui consiste à brûler symboliquement les ongles des pieds et des mains, il s'agit là d'un rite de purification par le feu sur un élément du corps considéré comme impur ( étant un déchet).

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Au-regard de ces épreuves se dégagent deux attitudes différentes : - D'une part celle qui dicte les purifications et ne diffère guère de ce que nous avons décrit plus haut. - D'autre part l'attitude de l'être qui répète un évènement traumatique pour le maîtriser. Il est facile de voir que la seconde attitude ne porte que sur les deux extrémités du changement :la sortie d'un monde (les vivants) et l'entrée dans un autre monde (les morts), tandis que lespurifications s'appliquent plutôt à la phase intermédiaire. Cette dernière, que van Gennep nomme " marginale ", est la période dans laquelle l'être passe d'un état à un autre. (Cf. Van Gennep, Les Rites de passage, p.27) Ces deux sortes de rites sont en fait, comme nous l'avons vu ici, intimement mêlées. En-dehors de ce traitement spécial accordé au chef de la Hebra Qaddischa et au rabbin, le traitement des morts est unique, tous les mortssont traités de la même manière, c'est-à-dire la même toilette, le même linceul et la même inhumation. Les préparatifs du mort dans leur caractère égalitaire sont une réplique aux rapports sociaux inégalitaires, dont la société est constituée. Le désir égalitaire répond aux désirs de son inconscient et sert à résoudre, sous une forme transposée dans la sphère des fantasmes, les contradictions de notre société. (Cf.Levy-Strauss,Tristes Tropiques, pp. 183-203).

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CHAPITRE3 La toilette du mort. Lorsque la mort est constatée, on déshabille le défunt pour le laver. Cette fonction incombe aux membres de la HévraQaddisha. Le cadavre, posé sur des tréteaux dans le fond de la chambre, est lavé en fonction de son sexe par des hommes ou par des femmes, avec de l'eau chaude et du savon. Tout en procédant à la toilette, des prières sont lues afin de purifier l'âme du défunt de toute souillure. La toilette du mort détermine aussi un certain nombre d'actes positifs et négatifs (tabous ou interdictions) qui s'expliquent la plupart du temps par la théorie contagionniste et d'impureté. Les principales règles sont les suivantes: -- ne pas regarder le visage --ne pas retirer les fausses dents du défunt s'il en avait. -- ne pas lui laisser les mains fermées -- ne pas se passer les récipients de main en main après usage -- ne pas retourner la planche sur laquelle on procède à la toilette - ne pas laisser le corps une fois lavé à la même place mais le placer face à la porte.

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Chapitre 4 Placer le pouce dans le creux de la paume.

Dans les sociétés juives, on a coutume de disposer les mains du défunt d'une ce1iaine manière. Dans la main droite, le pouce est placé dans le creux de la paume de façon à exprimer le saint Nom de Dieu, Chaddai; qui constitue une protection contre Satan et les démons car Chaddai signifie Dieu tout-puissant. Chaddaï est composé de trois lettres. - la lettre Shin (rv trois jambages ou trois barres) - la lettre Dalet(rune barre) représentée par l'auriculaire -la lettre Yod ('un point) représentée par le pouce qui, replié dans la paume de la main, forme un point. On ne comprend cette coutume que dans la mesure où la mort est vécue comme un phénomène important dans la pensée juive. En effet, elle marque le bilan de la vie, le jour du jugement et de la reddition des comptes (Yom Ha-din ,yom din vé hesbon), l'instant dans lequel va se décider une fois pour toute le caractère de son existence éternelle, à savoir si l'être humain sera éternellement banni ou sauvé. Les doigts de l'autre main sontpar contre complètement étendus : cela signifie que le défunt renonce à tous les biens de ce monde. Car au moment de la mort, le croyant se détache des choses de la vie et devient indifférent à la banalité de l'existence terrestre. La voie de la béatitude à laquelle aspire tout être de foi et de religion s'ouvre maintenant à lui pour accéder à un monde nouveau, le monde futur ou olam habba. Un rite analogue et possédant la même signification est accompli lors du bain rituel dans le mikhvé. Lorsque la femme s'immerge complètement dans l'eau, il est d'usage de retirer tous les objets qu'elle porte habituellement, bagues, boucles d'oreille, etc. De même, elle étend et écarte complètement les doigts, afin de prouver qu'elle se détache des biens de ce monde. (J. Goulven, les mellahs de RabatSalé, p. 149). La valeur symbolique du côté droit se retrouve dans nombre de situations autres que la main droite : dans le judaïsme, c'est la main droite qui bénit alors que la main gauche maudit. Dans l'Islam(Yachouti, pp. 204-205) le corps doit être allongé sur le côté droit, il est d'ailleurs préférable de dormir de ce côté-là. Il convient également de manger avec la main droite et d'entrer dans la mosquée avec le pied droit. La prééminence de la main droite trouverait son explication et sa justification dans l'opposition fondamentale qui 131

domine le monde spirituel, en l'occurrence celle du sacré et du profane. C'est pourquoi dans l'Islam, mettre le corps du côté droit revient à s'intégrer parmi les hommes de la droite, ceux dont Dieu a parlé : la droite et la gauche ne font certes pas exception à cette dualité qui caractérise l'univers et qui peut se réduire à un seul antagonisme, en l'occurrence le mal d'un côté et le bien de l'autre, la droiture par opposition à la fotfaiture. Cette attitude répond à la croyance en la résurrection promise et à l'espoir en la survie dans le bonheur parmi les hommes de la droite, les élus de Dieu.

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Chapitre 5 Vêtir le mort. Dès la fin de la toilette, il faut vêtir le mort. Pour procéder à son habillage du mort, on commence par lui enfiler une cagoule recouvrant la tête et le visage que l'on attache au cou de façon à ne pas voir la figure après la toilette. On lui passe ensuite un pantalon et une chemise avec manches par-dessus laquelle on rajoute une seconde chemise sans manches. Enfin, s'il s'agit d'un homme, on termine de l'habiller avec un pantalon et on le recouvre de son taleth (châle rituel) dont on aura pris soin de nouer les franges afin de le rendre impropre à la prière. Si c'est une femme, on lui passera une jupe. L'habillage se conclut par la pose du dernier vêtement ou linceul. Il convient de noter que toutes ces opérations sont accompagnées de prières demandant à Dieu de pardonner au défunt. Le linceul, qui possède la forme d'un sac de toile blanche et soyeuse cousu avec de minuscules cordes en boyau, véhicule de nombreuses croyances. Les morceaux de toile et les cordes qui restent du linceul sont recherchés en Afrique du Nord et sont considérées comme des porte-bonheur (Cf. J. Goulven., p.148). A ce titre, la littérature mystique juive fourmille d'exemples : « Sache encore qu'il y a un mystère des vêtements en toile de lin » ; ce matériau est doué d'un pouvoir surnaturel, bénéfique pour les vivants et les morts, pour les petits et les grands. Quand un être humain quitte ce monde, revêtu d'un linceul de lin blanc, même si sa mort survient en " terre étrangère", les anges accusateurs venus le confondre sont réduits au silence et immédiatement remplacés par d'autres plus cléments qui prennent sa défense. Il (Joseph) sait que les vêtements de lin blanc avaient le pouvoir d'écarter de quiconque les portait toutes les espèces de fléaux et de calamités, celles qui ont pour origine le mauvais œil,celles qui proviennent de sortilèges, de charmes ou d'opérations de sorcellerie, de toutes ces forces du mal relevant des génies malins, des souilles et des esprits hormis, bien évidemment, celui du Créateur et Maître de l'univers. Il faut cependant ajouter que ces vêtements ne préservent pas contre les catastrophes naturelles causées par l'eau et le feu, le froid et le chaud, la pierre et le fer ( Cf. Zafrani.,p.239).Cette attitude est retrouvée chez de nombreux peuples, en particulier dans l'Egypte pharaonique qui embaumait ses morts dans des bandelettes de lin blanc. Ce texte, tiré du Zohar (Zafrani, 1986) atteste du fait : 133

« Pharaon connaissait, grâce à son éminent savoir, les vertus de ce genre de vêtements. Habillé de lin blanc, il paradait, hautain et superbe, proclamant qu'il était Dieu en personne devant ses savants magiciens et les grands de son empire, tous frappés d'étonnement dans leur ignorance du pouvoir et du charme des vêtements que revêtait leur monarque ».

De même que pour le linceul, il est d'usage, dans certaines familles juives d'Afrique du Nord (Zafrani, 1983) de répartir les morceaux de la dernière chemise du mort, ceci afin que chaque membre de la famille reçoive sa part de la bénédiction du père ou du grand-père défunt. Que le linceul ait été l'objet de superstitions n'est pas étonnant. On constate ce fait dans de nombreuses contrées : en Bretagne, il était défendu d'y toucher ou de s'en approprier un; en Normandie, on disait qu'un damné mangeait le linceul qui lui recouvrait le visage après sa mort. Les aiguilles au moyen desquelles il avait été cousu étaient également censées posséder une vertu puissante : on s'en servait soit pour envoûter, soit pour assurer à un conscrit un bon numéro (1). Il faut noter que pour certains auteurs (2), l'usage du linceul aurait pour fonction dans certains cas "non pas de protéger le mort, mais d'éviter à la terre vivante le contact de l'impureté du cadavre."(3) Le contact du cadavre avec la terre se révèle dangereux et l "action du symbolique impose entre eux une médiation. Le linceul ou les autres moyens de séparation du cadavre et de la terre sont inventés d'ailleurs, non pas au bénéfice du cadavre... mais au bénéfice de la terre que le contact avec le cadavre souille et stérilise ... un cadavre qui touche la terre contamine plantes et fruits ... "(4) Cette conception de l'utilisation du linceul n'est pas évoquée dans la tradition juive comme dans l'Islam d'ailleurs, la terre étant considérée comme un élément de purification au même titre que l'eau.

! .VAN GENNEP, MANUEL DE FOLKLORE FRANCAIS. Torne Il, p ;712 . 2. cîté par M. YACHOUTI, p .. 149/150. 3. LV.THOMAS LE CADAVRE, DE LA BIOLOGIE A L'ANTHROPOLOGIE - Ed. Complexe, Bruxelles, 1980, p.74. 4.J.T. MAERTENS - RITOLOGIQUES. LE JEU DE LA MORT - Ed. Aubier Montaigne.,Paris, 1979, p.132.5.

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CHAPITRE 6. La lecture du Ben Adama Après la mise du linceul suit la lecture d"une élégie appelée Ben Adama qui fut composée par le rabbin Abraham Ben Meir Ibn Ezra ( 1092-1167) dont voici le texte : « Fils de la Terre, qu'il te souvienne de ta patrie, la Poussière, Car, au dénouement, tu retourneras vers ta mère, la Terre.

CINQ ANS Lève-toi et puisses-tu réussir, dit-on à l'enfant de cinq ans. Il grandit par degrés comme le soleil qui monte Il dort au sein de sa mère et ne veut le quitter Et, pour monture, il prend le cou de son père DIX ANS Pourquoi accablez-vous de morale l'enfant de dix ans ? Encore un peu, il grandira et se corrigera. Parlez-lui avec grâce et annoncez-lui d'agréables nouvelles. Ses jouets à lui ce sont ses parents, les membres de sa famille VINGT ANS Quelle douceur dans les jours d'un jeune homme de vingt ans. Rapide comme le faon qui bondit sur les monts Il fait fi des conseils et se rit de ses maîtres. Mais bientôt la biche pleine de grâce deviendra son filet et son rets TRENTE ANS A trente ans, il est tombé aux mains d'une femme Il se lève, examine sa situation : le voici pris au piège De toutes parts des flèches le percent Les caprices de ses enfants et ceux de sa femme QUARANTE ANS Errant et soumis, il atteint les quarante ans Content de son sort, qu'il soit bon ou mauvais Il court son chemin, abandonne ses amis Il reste à son poste pour remplir sa tâche.

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CINQUANTE ANS A cinquante ans, il se souvient des jours de vanité Il s'attriste parce que les jours de deuil approchent Il méprise alors tous les biens de ce monde Car il tremble à la pensée que son heure est proche SOIXANTE ANS Demandez donc ce qu'il advient de l'homme à soixante ans Il n'agit plus : il a perdu ses branches, il a perdu ses racines Les forces qui lui restent s'appauvrissent et décroissent Elles ne lui sont plus d'aucun secours dans sa lutte SOIXANTE-DIX ANS Si ses années atteignent le chiffre de soixante-dix Ses paroles ne sont adoptées ni même écoutées Il n'est plus qu'une charge pour ses amis Un poids pour lui-même, un poids pour sa canne QUATRE-VINGTS ANS A quatre-vingts ans, c'est un fardeau pour ses enfants Son cœur n'est plus à lui non plus que sa vue Objet de mépris pour ses connaissances, de moquerie pour ses voisins Plein de poison est son verre, et son pain est amer

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EPILOGUE A-t-il dépassé cet âge, il n'est plus alors qu'un mort. Mais bienheureux qui est considéré comme un étranger établi sur cette terre. Lui n'a de pensée et de souci que pour l'avenir de son âme Et pour le salaire qui l'attend dans le monde d'en- haut. Une fois le mort habillé, le corps est placé dans un cercueil et recouvert d'un drap noir s'il s'agit d'un homme ou d'un drap blanc pour une femme. Le visage ne doit en aucun cas être découvert, contrairement à l'usage chrétien : dans certaines régions françaises, il n'est pas une rare que le corps reste exposé dans la bière, le visage découvert jusqu'au moment du départ à l'église. La tradition juive ne permet pas de laisser au défunt ses objets préférés tels que des bijoux par exemple, ou des jouets pour des enfants. Le seul élément autorisé est un objet de culte, le taleth (châle de prière) si le défunt est un homme.

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CHAPITRE 7. Le devoir d'enterrer

Dans la loi mosaïque (Deut. 34 : 6) enterrer les mo1is est une obligation. La loi biblique exigeait déjà qu'on enterre jusqu'au criminel condamné à mort et exécuté ou l'ennemi tombé dans la bataille. Obligation est faite à celui qui trouve un mort en un lieu désert ou en " terre étrangère" (non juive) de l'enterrer sans le moindre retard, voire même sans prendre le temps de chercher de l'aide dans une localité voisine. La mise en terre, disent les textes talmudiques, empêche la « dégradation matérielle du corps ». Cette inhumation doit avoir lieu le jour-même du décès, et en règle générale, dans un délai aussi bref que possible. Toutefois, les obsèques peuvent être remises au lendemain pour des raisons touchant à l'organisation des funérailles ou pour permettre aux parents et amis d'y assister. Il est à noter que la loi française impose un délai minimum de vingtquatre heures entre le décès et l'inhumation. Voici quelques exemples relatifs aux délais d'inhumation et extraits des textes de Salomon Melloul auteur de Yekara Decharbe d'un opuscule sur le rituel de la mort. - Quand deux décès surviennent le même jour, le premier décédé est le premier enterré, à moins que l'état de décomposition avancé ou de maladie contagieuse du second exige une inhumation immédiate. - si un rabbin vient à décéder en même temps qu'une autre personne, on procèdera d'abord à son inhumation. - si un homme et une femme décèdent le même jour, la femme sera enterrée la première .. Il en va de même pour un rabbin et une femme décédée le même jour. - pour un dayane (un juge rabbinique) et une femme rendant l'âme le même jour, le grand rabbin sera inhumé le premier. une femme décédée des suites de couches est enterrée prioritairement avant qui que ce soit, y compris le grand rabbin lui-même, sans qu'il ne soit procédé à la toilette rituelle. - lorsqu'un décès a lieu un premier jour de fête, les obsèques sont célébrées le même jour avec le concours d'une main-d 'œuvre non juive qui confectionne le linceul et creuse la tombe. Les membres de la société du dernier devoir ou Hebra Kadischa procèdent à la toilette 138

rituelle et à la mise en fosse. Quant à l'ensevelissement, il est laissé aux non-juifs. - il n'y a point d'inhumation le shabbat et le Yom Kippour. - en cas de décès des parents de l'un des conjoints le jour de leur mariage (par exemple décès du père ou de mère), les obsèques se dérouleront selon l'usage et la cérémonie nuptiale sera maintenue et célébrée. Le mariage sera consommé et le deuil ne se prendra qu'au terme des sept jours de la houpa ou dais nuptial. Toutefois, la vie intime sera suspendue durant les sept jours de la houpaet des sept jours de deuil. Le devoir d'inhumer s'explique par deux raisons :la première sert, selon un texte talmudique à éviter la dégradation matérielle du corps. La seconde précise, d'après une doctrine mystique kabbalistique, que tout retard entraine de terribles souffrances pour le mort et peut être la cause de grands malheurs pour l'humanité toute entière. (Cf H.Zafrani). L'ensemble de cette conduite funéraire peut également s'analyser à partir d'un thème essentiel, la hantise de La« pourriture ». La présence du cadavre suscite l'horreur et le dégoût. Rien de bien tangible ne nous donne objectivement la nausée, mais notre sentiment est celui d'un vide et nous l'éprouvons dans la défaillance "(CfGeorges Bataille).La chair inerte, en voie de décomposition renvoie à l'image de la néantisation de la personne. Dans toutes les sociétés, les pratiques funéraires ont pour but de pallier à l'angoisse insupportable qui en résulte. Selon les systèmes en place, le fantasme de la pourriture impose qu'on l'évite et qu'on la cache le plus rapidement possible... Bref, en la maitrisant, on se donne l'illusion de maîtriser la mort pour neutraliser les peurs et préserver l'homme. Plus précisément. la peur du cadavre prend racine dans le sentiment de culpabilité que suscite la mort. Par un mécanisme de projection, la culpabilité des survivants s'exprime dans l'agressivité attribuée au mort. Mort dangereuse, mort impure, voilà aussi un fantasme universel qui s'alimente de toutes les incertitudes inhérentes au mystère de la mort, d'autant plus impure qu'il s'agit d'une femme ou "pire", d'une femme décédée des suites de couches (impureté du sang).Par conséquent pour apaiser le mort et pour se protéger de la contamination de la mort on aura recours à toutes sortes de conduites symboliques :toilette du corps, veillées, prières, inhumation rapide ...

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CHAPITRE 8 A vis à la population

Comme tout décès intéresse à la fois la communauté, la famille et la parenté, il est normal que des procédés d'information aient été élaborés. Dans les communautés juives, la règle générale encore en usage de nos jours en Israël, consiste à préparer et à placarder sur les murs ou les arbres des avis muraux en caractères hébraïques. A titre d'exemple, voici un avis placardé en Israël et sa traduction : Avec angoisse et tristesse. Nous faisons savoir la mort de mon époux, Notre père, notre grand-père chéri NOM ... PRENOM ... Le cortège sortira aujourd'hui ... (teljour) du mois de ... (mois hébraïque), année ... (année hébraïque) le ... (jour, mois et année du calendrier grégorien) à... heures (du matin ou de l'après-midi) de la maison du défunt, rue ... Pour aller au nouveau cimetière, l'autobus se tiendra à disposition de ceux qui l'accompagnent à côté de la maison du défunt. La famille endeuillée

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