Janus Pannonius, Épigrammes: Traduites et annotées, avec texte latin en regard: Volume 365 (Collection Latomus) [1 ed.] 904294546X, 9789042945463

Janus Pannonius (1434-1472), poète hongrois de langue latine, a été envoyé très jeune à Vérone pour étudier auprès de Gu

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Janus Pannonius, Épigrammes: Traduites et annotées, avec texte latin en regard: Volume 365 (Collection Latomus) [1 ed.]
 904294546X, 9789042945463

Table of contents :
INTRODUCTION
BIBLIOGRAPHIE
ÉPIGRAMMES
Epigrammata Iani Pannonii episcopi Quinqueecclesiensis
Épigrammes de Janus Pannonius, évêque de Pécs
TABLE DE CONCORDANCE
TABLE DES MATIÈRES

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COLLECTION LATOMUS VOLUME 365

TEXTES MÉDIO- ET NÉO-LATINS VOLUME 1

Janus Pannonius Épigrammes

Traduites et annotées, avec le texte latin en regard, par Étienne WOLFF

SOCIÉTÉ D’ÉTUDES LATINES DE BRUXELLES – LATOMUS 2021

COLLECTION LATOMUS

VOL. 365

TEXTES MÉDIO- ET NÉO-LATINS

VOL. 1

JANUS PANNONIUS, ÉPIGRAMMES

LATOMUS www.latomus.be La Revue Latomus, ainsi que la Collection Latomus, sont publiées par la « Société d’études latines de Bruxelles – Latomus », A.S.B.L. La Collection publie depuis 1939 des volumes consacrés aux différentes disciplines qui composent les études latines : littérature, histoire, linguistique, épigraphie, archéologie, éditions et commentaires de textes ; elle comporte à l’heure actuelle plus de 360 volumes. Président honoraire de la Société : Carl Deroux. Conseil d’Administration de la Société : Philippe Desy, Marc Dominicy, Emmanuel Dupraz, Alain Martin (trésorier), Benoît Sans (secrétaire), Sylvie Vanséveren (présidente), Ghislaine Viré. Membres de la Société : La liste complète des membres effectifs et adhérents figure sur le site internet : www.latomus.be/membres. Comité de rédaction de la Collection : Emmanuel Dupraz (responsable), Alain Martin, Marc Vandersmissen, Sylvie Vanséveren, Ghislaine Viré, Arjan Zuiderhoek. Présentation des manuscrits : Nous invitons les auteurs à se conformer aux consignes énoncées dans le document « Recommandations aux auteurs », accessible sur le site internet de Latomus. Les monographies et volumes collectifs seront soumis à un processus d’expertise anonyme effectuée par des pairs (« peer review »). Contacts par courriel : Les auteurs sont priés d’envoyer une version électronique de leurs monographies ou volumes collectifs au Prof. Emmanuel Dupraz . Commandes : Éditions Peeters, Bondgenotenlaan 153, B-3000 Leuven, Belgique ; site internet : www.peeters-leuven.be. Droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés pour tous pays. © Société d’études latines de Bruxelles – Latomus, 2021

COLLECTION LATOMUS VOLUME 365

TEXTES MÉDIO- ET NÉO-LATINS VOLUME 1

Janus Pannonius Épigrammes

Traduites et annotées, avec le texte latin en regard, par Étienne WOLFF

SOCIÉTÉ D’ÉTUDES LATINES DE BRUXELLES — LATOMUS 2021

Avec le soutien de l’Institut Universitaire de France

ISBN 978-90-429-4546-3 eISBN 978-90-429-4547-0 D/2021/0602/82

Droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous pays. Toute reproduction d’un extrait quelconque, par quelque procédé que ce soit et notamment par photocopie ou microfilm, de même que la diffusion sur Internet ou tout autre réseau semblable sont strictement interdites.

INTRODUCTION Vie de Pannonius (1434-1472) Janus Pannonius 1, de son vrai nom János Csezmiczei ou Kesencei, est un humaniste et poète hongrois de langue latine, peu connu malgré son talent. Il est né en 1434 en Slavonie dans un petit village situé entre la Drave et la Save, Csázma, d’un père croate et d’une mère hongroise qui était la sœur de János Vitéz, futur chancelier de Hongrie et archevêque d’Esztergom 2. Les Croates et les Hongrois le revendiquent les uns et les autres comme un des leurs, mais il paraît préférable de le dire Hongrois, puisque la Croatie est unie ou plutôt intégrée à la Hongrie de 1102 à 1526. Comme le faisaient souvent les humanistes 3, Pannonius a modifié son nom pour lui donner une forme ancienne (cf. épigramme 169 4). Il a choisi Pannonius, du nom de la province romaine qui correspondait très grosso modo à la Hongrie d’alors. Tout en manifestant sa fierté d’être « pannonien » (épigrammes 45, 280, 282), et en attaquant ceux qui lui reprochent son origine barbare (épigrammes 39, 214, 267), il a aussi le sentiment que son pays est grossier et inculte (épigrammes 377, 391 5 et 404 ; lettre III à Galeotto Marzio 6). Cette ambivalence (patriotisme joint au sentiment que le pays natal n’est pas en

1 La bibliographie sur Pannonius est majoritairement en hongrois, comme on peut le constater dans la bibliographie trilingue BÉKÉS (2006), complétée par la même chercheuse dans Irodalomtörténeti Közlemények 115, 2011. Quand on ne maîtrise pas cette langue, ce qui est le cas de l’auteur de ces lignes, on consultera : BIRNBAUM (1981), ouvrage essentiel auquel nous devons beaucoup ; BIRNBAUM (1996), mais le livre est introuvable en France ; CSILLAGHY (2004), également introuvable en France ; BIETENHOLZ (1985-1987), t. II, p. 233-234 ; Acta Litteraria Academiae Scientiarum Hungaricae 14, 1972, numéro de cette revue qui consacre plusieurs articles à Pannonius pour l’anniversaire de sa mort, p. 229-400 ; GERÉZDI (1967) ; SANTARCANGELI (1973). 2 Sur Vitéz, voir DOMONKOS (1974) ; FÖLDESI (2008). 3 Voir WOLFF (1996). 4 Toutes les références sont données d’après la numérotation de MAYER (2006), que nous avons adoptée. 5 Dans cette pièce, le souvenir d’OVIDE, Tristes IV, 1, 89-91 est significatif : dans son pays, Pannonius vit un exil culturel. Voir KARDOS (1971). 6 On peut lire la lettre dans TELEKI (1784), t. II, p. 75. Il se plaint de la barbarie de son pays (barbaria nostra), du manque de livres (nec librorum copia dabatur), et de l’absence d’un public qui l’encouragerait à écrire (nec qui excitare studium posset, usquam applaudebat auditor).

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mesure d’apprécier l’art) existait déjà chez le poète latin Martial 7 et il est vraisemblable que Pannonius a senti une certaine ressemblance entre son destin et celui du poète espagnol qui sera son modèle épigrammatique. On aurait tort cependant de se représenter uniformément la Hongrie du XVe siècle comme un pays arriéré 8. Certes la société hongroise vit encore au Moyen Âge. Mais le pays s’est ouvert dès le début du siècle à l’influence italienne et à l’humanisme 9, fondé sur un retour aux auteurs de l’Antiquité et proposant une nouvelle vision de la place de l’homme dans le monde. L’humaniste Pier Paolo Vergerio l’Ancien, à l’occasion du concile de Constance (1414-1418), entra au service du roi Sigismond (1387-1437) qu’il suivit en Hongrie, où il demeura jusqu’à sa mort, en 1444 10. La cour vit passer comme ambassadeurs des figures nombreuses de la première grande génération de l’humanisme italien : Antonio Loschi, Branda da Castiglione, Francesco Filelfo, Francesco Barbaro, Giuliano Cesarini. Des artistes y vinrent aussi, comme Masolino da Panicale dans les années 1420. Cette tendance s’amplifia sous le roi Mathias Corvin (1458-1490), qui possédait une magnifique bibliothèque à Buda, siège de la cour royale de Hongrie, placée dans l’aile orientale du château 11. Cette bibliothèque, développée par Vitéz, son ancien précepteur, avait un fonds important d’auteurs grecs (le roi avait fait procéder à de nombreux rachats de manuscrits après la chute de Constantinople en 1453) ; à son apogée, elle pouvait rivaliser avec les collections des Médicis, des Sforza ou des Este. Mathias Corvin fit du savant italien Antonio Bonfini son historiographe 12. À sa cour séjournèrent notamment, parfois longtemps, les humanistes Galeotto Marzio, ami de Pannonius, Bartolomeo Fonzio (ou della Fonte 13), et Aurelio Brandolini Lippo. Le roi fit appel aussi à des artistes italiens (florentins surtout, par exemple Benedetto da Maiano) pour la décoration de son palais, et confia à un Italien, Taddeo Ugoletti, l’éducation de son fils naturel János Corvin, né en 1473. Ugoletti s’occupa également de sa bibliothèque et parcourut l’Europe à la recherche de manuscrits précieux que le roi acquérait ou faisait exécuter (le célèbre enlumineur Attavante degli Attavanti travailla pour lui). Mathias Voir WOLFF (2011). Mais évidemment la notion de pays natal est très différente pour Pannonius et pour Martial : l’Espagne du Ier siècle est politiquement et culturellement bien intégrée à l’Empire romain et la langue maternelle de Martial est le latin. 8 Pour un panorama historique, voir ENGEL / KRISTÓ / KUBINYI (2008), notamment le chapitre VII consacré à « Mathias Corvin, le dernier grand roi 1457-1490 ». 9 Voir EKLER (2010) ; CSAPODI (1967) ; le numéro 4, de 1989, de la Rivista di studi ungheresi, dédié à la mémoire de Mathias Corvin ; FEUER-TÓTH (1990) ; le numéro 20, de 2008, de la revue Nuova Corvina, consacré au « Rinascimento nell’età di Mattia Corvino ». 10 Voir BÁNFI (1939-1940) ; BEINHOFF (1995), p. 229-233. 11 Voir CSAPODI / CSAPODI-GÁRDONYI (1982) ; HOREMANS (1993) ; DILLON BUSSI et al. (2002) ; MAILLARD / MONOK / NEBBIAI (2009). Voir aussi le programme « Bibliotgeca Corviniana digitalis » à l’adresse http://www.corvina.oszk.hu/. 12 Voir MARTELLINI (2007). 13 Voir TAKÁCS (2009). 7

INTRODUCTION

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Corvin entretint des rapports privilégiés avec Florence (cf. épigrammes 448451) 14, et eut des échanges épistolaires et des contacts avec les cercles florentins 15 : Politien lui adressa une épître élogieuse (Epistolarum libri IX, 1) et lui dédia en 1486 son poème Nutricia 16, le poète Naldo Naldi composa une pièce sur sa bibliothèque (Epistola de laudibus Augustae Bibliothecae atque libri quattuor uersibus scripti, entre 1488 et 1490), Ficin lui dédia les livres III et IV de ses Epistolae et le troisième livre du De Vita. Le mariage de Mathias en secondes noces en 1476 avec la fille du roi de Naples, Béatrice d’Aragon, renforça l’influence italienne à Buda. Mais cette belle floraison culturelle, remarquable pour l’Europe centrale d’alors, ne survécut pas à la mort du roi (1490) ni surtout au désastre de Mohács (1526), où la victoire des Ottomans entraîna la partition de la Hongrie. Cependant la cour du roi Mathias apparaissait comme un îlot humaniste au sein d’une région médiévale et c’est en Italie seulement qu’on pouvait acquérir une véritable éducation classique. Pannonius est donc envoyé très jeune par son oncle János Vitéz en 1447 en Italie afin d’y recevoir une formation grecque et latine auprès de l’humaniste Guarino de Vérone (cf. épigramme 1). L’objectif était de lui faire acquérir les connaissances nécessaires pour qu’il puisse servir l’État hongrois à un rang élevé. Vitéz n’avait pas étudié en Italie, mais il avait côtoyé de manière suivie Vergerio à la chancellerie du roi Sigismond. C’est là aussi qu’il avait eu l’occasion de rencontrer les ambassadeurs des principautés italiennes. Évêque de Nagyvárad à partir de 1445, il y hérita d’un climat intellectuel italianisant qu’avait suscité son prédécesseur l’Italien Andrea Scolari ; il y créa la première bibliothèque humaniste de Hongrie et organisa, dans ce qui était une véritable cour épiscopale, des débats littéraires et philosophiques. Il était en contact avec Enea Silvio Piccolomini, le futur pape Pie II 17. C’est à lui aussi que fut confiée la direction de l’éducation du jeune Mathias, qui parlera le latin. On comprend que Vitéz ait voulu envoyer Pannonius en Italie. Mais pourquoi a-t-il préféré Ferrare et Guarino ? Certes depuis les années 1440 Ferrare connaît un âge d’or, et la cour des Este accueille de nombreux humanistes et artistes, on va y revenir ; d’autre part Guarino passait pour un excellent pédagogue et il avait eu des élèves célèbres, parmi lesquels Leonello d’Este lui-même, fils de Niccolò III. Mais c’est l’influence de Vergerio qui a déterminé le choix. Il avait été le condisciple de Guarino à Padoue auprès de Giovanni da Ravenna et c’est lui selon toute vraisemblance qui a recommandé Guarino.

Voir FARBAKY et al. (2013). Bien sûr le prestige de Mathias Corvin en Italie dépassait largement Florence et les témoignages en sont nombreux : le poète Marulle lui adresse des épigrammes, le poète Alessandro Cortese écrit un poème à sa gloire, etc. 16 Voir FUMAROLI (1999), p. 133-134. 17 Voir BORONKAI (1980) ; MARTON (2009). 14

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Niccolò d’Este, marquis de Ferrare de 1393 à sa mort en 1441, tout en accroissant les possessions et l’influence de la maison d’Este et de Ferrare, patronna les arts et soutint la culture. Il réussit à attirer de 1438 à 1439 le concile œcuménique, commencé à Bâle et transféré ensuite à Florence, qui amena dans la ville plusieurs savants, laïcs et ecclésiastiques, et notamment des Grecs. Niccolò invita aussi de nombreux humanistes qui, souvent, y enseignèrent au Studio (l’Université, créée en 1391 et plusieurs fois fermée et réouverte). Leonello d’Este, qui succéda à Niccolò de 1441 à 1450, continua et intensifia son action, accentuant le rayonnement intellectuel de la ville et le prestige de la cour. Séjournèrent ainsi à Ferrare, dans la première moitié du siècle, outre Guarino, qui y était depuis 1430, l’humaniste Giovanni Aurispa, le grammairien grec Théodore Gaza, le juriste Francesco Accolti, l’astronome Giovanni Bianchini. Parmi les artistes, ce fut le cas de Pisanello, de Jacopo Bellini, de Piero della Francesca, d’Andrea Mantegna. La convergence idéale entre Leonello le prince sage et Guarino l’humaniste a été illustrée dans un livre, la Politia litteraria 18 d’Angelo Camillo Decembrio (frère du plus connu Pier Candido Decembrio), qui avait été lui aussi élève de Guarino. Le titre renvoie à la recherche de l’élégance dans les belles-lettres. L’ouvrage fut dédié à Pie II en 1463. Ces sept livres de dialogues littéraires mettent en scène, comme personnages principaux, Leonello d’Este, Guarino, Giovanni Gualengo, un conseiller et ami de Leonello, le condottiere lettré Feltrino Boiardo, le poète Tito Strozzi, auxquels s’ajoutent des intervenants occasionnels. Ils ont pour cadre notamment le palais des Este à Ferrare et leur palais de campagne de Belfiore. On y traite de sujets très variés : la bibliothèque idéale, des questions philologiques sur les textes anciens, les rapports entre la poésie et la peinture, l’orthographe du latin et du grec, etc. Guarino 19, donc, nommé professeur au Studio, avait fait de sa maison à Ferrare une pension (contubernium) où il logeait certains de ses élèves, et ce fut le cas de Pannonius (cf. épigramme 16), qui se montra un des plus brillants. Il étudia ensuite le droit à l’Université de Padoue, période dont il ne nous dit presque rien. Les onze années du séjour italien révèlent ses qualités poétiques et le mettent en contact avec les humanistes contemporains. Apparaissent dans ses poèmes les noms de Tito Strozzi 20 (épigrammes 205-207), Antonio Beccadelli dit le Panormite (épigrammes 207, 311), Niccolò Perotti (épigramme 307), Leonardo Bruni (épigramme 311), Le Pogge (épigramme 311), Enea Silvio Piccolomini (épigrammes 322-324), Giovanni Pontano (épigrammes 207, 311, Voir WITTEN (2002). Sur Guarino, voir la note à l’épigramme 1 ; VERGER (1997), qui renvoie aux travaux essentiels de R. Sabbadini et E. Garin ; TATEO (1994). Sur l’enseignement du grec, voir WILSON (2015), et la note à l’épigramme 369. 20 Le livre II des Élégies est consacré pour une part à un échange poétique entre Pannonius et Strozzi (II, 5-10 Teleki). Voir CHARLET-MESDJIAN (2006) ; CHARLETMESDJIAN (2009). 18

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INTRODUCTION

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317, 338-339), Lorenzo Valla (épigrammes 352-353), etc., et Pannonius a clairement des échanges littéraires avec certains d’entre eux (cf. épigrammes 371, 379) 21. La vie de Pannonius en Italie, mal connue dans le détail, peut (même s’il ne faut pas confondre la littérature et la vie) se déduire partiellement de ses épigrammes, en particulier pour les cinq ou six ans du séjour à Ferrare. Les pensionnaires de Guarino constituaient une sorte de famille où le maître tenait lieu de père, montrant à l’égard de ses élèves une sévérité modérée et les laissant libres de leurs passe-temps (cf. épigrammes 17 et 176). Guarino dans la journée enseignait au Studio (lieu où se donnaient les cours), consacrant le matin aux études latines et l’après-midi aux études grecques. Le soir il tenait une sorte de séminaire avec les élèves qui logeaient chez lui. Pannonius était très lié avec Battista, un des fils de Guarino, lui aussi doué et précoce. Parmi les autres condisciples on peut citer Galeotto Marzio di Narni, dont il devint l’ami et qu’il retrouva ensuite à Padoue 22. Pannonius déclare souffrir de problèmes d’argent, puisqu’il n’avait pas de revenus en dehors de ce que lui envoyait sa famille : mais la pauvreté des étudiants et des poètes est un sujet topique depuis Catulle au moins, et Vitéz était un riche prélat. On doit supposer que Pannonius connaissait l’italien, appris sur le tas, puisqu’il traduit de l’italien en latin (cf. épigramme 281). L’adaptation chez Guarino et plus largement en Italie ne semble pas avoir été trop difficile pour lui. Il y avait à Ferrare et à Padoue de nombreux étudiants étrangers 23. En 1458, année de l’accession au trône du roi Mathias (à quinze ans), il retourne en Hongrie. Il est nommé évêque de Pécs en 1460, puis chancelier du royaume. Il est plus souvent à Buda que dans son évêché, administré par un vicaire, et son influence est grande. Ses contacts avec Mathias sont favorisés par leur proximité d’âge. De tels succès n’empêchent pas Pannonius d’éprouver un sentiment d’isolement intellectuel en Hongrie, surtout à Pécs. En 1465 il est chargé d’une ambassade en Italie auprès du pape Paul II pour obtenir une aide financière contre les Turcs. Au cours de ce voyage, il rencontre à Florence Marsile Ficin. Malgré sa santé fragile, il accompagne le roi dans plusieurs campagnes. Avec les années cependant, Mathias affirme son autorité et les relations avec Pannonius se refroidissent progressivement. Enfin, hostiles à la politique autoritaire du roi et lui reprochant de négliger le danger ottoman, Vitéz et Pannonius prirent la tête d’une conjuration contre lui. Mais le roi déjoua la conspiration : Vitéz fut incarcéré à Esztergom, où il mourut peu

Sur sa culture, voir CSAPODI (1974). Voir THOMSON (1988), p. 31-32 et 176-177 ; Dizionario biografico degli Italiani, t. 71, 2008, p. 478-479. 23 Voir THOMSON (1988), p. 6-7, et cela malgré l’existence de préjugés défavorables envers certains d’entre eux, ibid., p. 33. 21 22

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après. Pannonius se retira à Pécs, mais succomba également quelques mois plus tard, en 1472, à 38 ans. Il est enterré dans la cathédrale de Pécs. La notoriété dont il a joui est bien attestée. Mantegna avait fait vers 1458 un portrait de lui avec son ami Galeotto Marzio, aujourd’hui perdu 24 ; en revanche son « Portrait d’homme de profil » conservé à la National Gallery of Art de Washington peint Vitéz et non pas Pannonius comme on le prétend parfois. Seule une miniature en frontispice d’un manuscrit de Plaute exécuté à Ferrare vers 1459 le représente de manière à peu près certaine 25. Par ailleurs, le libraire et écrivain italien Vespasiano da Bisticci (1421-1498) l’a jugé suffisamment important pour lui consacrer une notice dans ses Vite, sous le titre « Vescovo di Cinque Chiese [nom italien de Pécs ; en latin Quinqueecclesiae], di natione ischiavo » 26. Œuvres de Pannonius L’œuvre de Pannonius est exclusivement en latin. Le hongrois ne pouvait en effet, à cette époque, prétendre à la dignité littéraire comme commençait à le faire l’italien (le toscan) depuis Dante. C’est le latin qui est pour lui la langue de la culture et de la littérature. En traduisant les poésies italiennes de l’humaniste et amiral vénitien Jacopo Antonio Marcello en latin (281-282 ; la pièce 283-284 pourrait être un extrait de cette traduction), Pannonius montre bien qu’il accorde à cette langue un statut supérieur. L’œuvre de Pannonius n’a pas encore été commodément éditée 27, malgré une entreprise en cours (voir plus bas). En dehors de quelques traductions du grec, essentiellement de Plutarque 28, Pannonius a composé des épigrammes, des élégies 29, des épithalames 30, et des panégyriques en vers 31. Ce sont ses épigrammes SIMONS (1997), p. 45 ; GARAVAGLIA (1978), p. 88 n° 13 ; MARGOLIN (1972). AGOSTI / THIÉBAUT (2008), p. 119. 26 GRECO (1970-1976), t. I, p. 327-335. 27 On utilisera KOVÁCS (1972) (texte latin et traduction hongroise) ; cette édition est en ligne, en une adaptation électronique due à Neven Jovanović, sur le site de l’Université de Zürich à l’adresse mlat.uzh.ch/MLS/xanfang.php?tabelle=Pannonius_Ianus_ cps8&corpus=8&lang=0&allow_download= ; TELEKI (1784), dans l’édition fac-similé de 2002 ; les épigrammes, en deux livres de respectivement 386 et 24 épigrammes, se trouvent dans le tome premier, consacré à la poésie ; le tome second contient, malgré le titre général, les œuvres de Pannonius en prose, notamment ses traductions de Plutarque ; une étude de Gyula Mayer sur cette édition accompagne le fac-similé. 28 Voir MAYER (2006), p. 23 et 32 ; NOVAKOVIĆ (2005) ; BLANCA (2005). On sait l’importance de Plutarque à la Renaissance. 29 Traduction allemande avec texte latin en regard : FABER (2009b). Faber ne suit pas l’ordre ni la division en deux livres de Teleki, il adopte un ordre chronologique, donnant d’abord les élégies composées en Italie puis celles qui ont été écrites en Hongrie. Sur les élégies de Pannonius, voir WIEGAND (2001). 30 Voir THOMSON (1988), p. 49-50 ; MAYER (2006), p. 33. 31 Sur son panégyrique de Guarino de Vérone (1074 vers), voir THOMSON (1988) (texte latin et traduction anglaise) ; sur le panégyrique de Jacopo Antonio Marcello (2871 vers), voir KARDOS (1975). Voir aussi JANKOVITS (2005). 24

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et (dans une moindre mesure) ses élégies qui font de lui le plus grand poète hongrois de la Renaissance. Pannonius illustre ainsi l’exceptionnelle floraison du genre épigrammatique chez les poètes néo-latins, succès dû notamment à la redécouverte de l’épigramme antique. Son talent a du reste été reconnu dès son époque. Après sa mort le roi Mathias, peu rancunier, chargea l’archevêque de Kalocsa Péter Váradi de recueillir et de rassembler ses poèmes qui étaient dispersés 32. C’est d’après cette collection disparue que fut fait le plus important manuscrit des œuvres de Pannonius, le codex Vindobonensis 3274 (B), d’environ 1500, aujourd’hui à Vienne, et qui commence significativement par des pièces à la gloire du roi Mathias. De nombreuses éditions des poèmes de Pannonius voient le jour au début du XVIe siècle (on citera celle due à l’humaniste Beatus Rhenanus, parue chez Froben à Bâle en 1518) et plus tard dans le siècle (ainsi celles dues à l’humaniste Johannes Sambucus 33, parues à Padoue en 1559 et à Vienne en 1569). Érasme fait l’éloge de Pannonius au détour d’une lettre 34. On ne dispose guère d’éléments pour évaluer la réception de sa production poétique au-delà de la Hongrie 35, en dehors de cas particuliers (comme les épigrammes 68-69, 392 et surtout 424). À l’époque moderne, les mots élogieux envers Pannonius du poète italien Carducci dans ses études sur l’Arioste des années 1870 ont pu relancer l’intérêt pour lui 36. Pannonius n’a pas donc organisé lui-même son œuvre. La différence entre les épigrammes et les élégies n’est pas toujours facile à faire ; elle est quantitative plutôt que thématique 37. Une pièce que l’édition Teleki classe comme élégie (Eleg. II, 13) est considérée comme une épigramme par Mayer (315), et des pièces de contenu proche peuvent se trouver séparées (ainsi 388 Mayer et Eleg. I, 4 Teleki, toutes deux sur la mort de sa mère Barbara ; 304-306 Mayer et Eleg. II, 2 Teleki, sur la mort de la mère du pape Nicolas V). Parmi ses élégies les plus belles, on citera : « Sur une inondation » (I, 13), inspirée par l’expérience des crues du Danube ; « À son âme » (I, 12), où l’âme du poète aspire à se libérer de la prison du corps ; « Sur la mort de sa mère Barbara » (I, 4), d’une sensibilité délicate 38 ; la « Plainte sur ses maladies » (I, 10), de ton réaliste et sincère ; l’« Éloge du peintre Mantegna » (I, 2) ; la pièce « Pour la divine Feronia, la première des Naïades d’Italie » (I, 1), qui est un hommage à la source Feronia près de Narni (la patrie de Galeotto Marzio).

Voir MAYER (2006), p. 38 ; HORVÁTH (1977), p. 2 ; BIRNBAUM (1981), p. 141 note 11. 33 Voir sur ce personnage ALMÁSI / KISS (2014). 34 ALLEN (1906-1958), t. III, n° 943. 35 Pour sa réception en Hongrie et plus largement en Europe centrale voir IMRE (1972) ; BIRNBAUM (1985), p. 55-62 et p. 124-125. 36 Voir CARDUCCI (1924) et la petite plaquette peu connue de REFORGIATO (1896). 37 Voir MAYER (2006), p. 9-10. 38 Elle aurait inspiré le poète polonais du XVIe siècle Jan Kochanowski dans ses poèmes sur la mort de sa fille, voir THOMSON (1988), p. VIII. 32

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On ne saurait trop souligner l’exceptionnelle précocité de Pannonius : une bonne partie de ses épigrammes, et sans doute la meilleure, a été écrite à Ferrare, quand il n’avait pas encore vingt ans. Les épigrammes C’est à ses épigrammes 39, domaine dans lequel il a le mieux réussi, que nous nous intéresserons ici 40. Elles constituent un corpus important (l’édition Mayer en donne 456) qui présente une grande variété. Même si le genre épigrammatique ne se limite pas à l’épigramme satirique comme on le croit trop souvent, certaines des pièces de Mayer peuvent difficilement être qualifiées d’épigrammes, par exemple les 14, 109, 321, 452 et 453. Les conditions de diffusion et de publication de ces poèmes sont mal connues. L’épigramme 92 est clairement une épigramme conclusive, mais on ne sait quel recueil elle fermait. L’épigramme 280 devait servir de préface à une composition longue ou à un livre. Certaines pièces semblent faire allusion à un recueil constitué (81, 128, 148 41, 199), mais nous n’avons pas trace de celui-ci. Les pièces 138 et 151, qui répondent à des protestations de victimes présumées, supposent une circulation des épigrammes. Inversement, la violence de quelques attaques transparentes (93-94, voir la note) amène à s’interroger sur leur divulgation. Un autre problème est celui des titres qui figurent, avec des différences, dans les manuscrits et les éditions anciennes. Il est difficile de dire quel est leur degré d’authenticité. On se rappellera que dans la tradition épigrammatique les pièces ne reçoivent pas de titre : ainsi en est-il chez Martial. Il est un point en tout cas qu’il faut bien garder à l’esprit : les épigrammes sont présentées ici dans un ordre qui ne remonte pas à l’auteur, et nous n’avons pas devant nous un recueil constitué ; on se gardera donc d’extrapoler sur la succession des pièces. Pannonius admet, comme son modèle Martial 42 et contrairement à la tradition du genre épigrammatique, des pièces un peu longues (143, 321, 402, 452, 453 dépassent les 30 vers ; mais plusieurs de ces pièces longues sont à peine des épigrammes, répétons-le). On peut cependant le juger meilleur dans les 39 On trouvera une sélection plus ou moins importante d’épigrammes avec traduction dans LAURENS (1975), t. II, p. 11-27 (texte latin et traduction française) ; KARDOS (1973) (texte latin et traduction française par plusieurs auteurs) ; TOTI (1993) (texte latin et traduction italienne). En revanche BARRETT (1985) offre une traduction anglaise très large, sinon complète (350 épigrammes, avec le texte latin en regard), et FABER (2009a) fait de même en allemand. En ce qui concerne les éditions sans traduction, c’est naturellement celle de MAYER (2006) qu’il faut utiliser. 40 On verra surtout HORVÁTH (1972) ; TÖRÖK (2005) ; COPPINI (1994). 41 Pannonius y attaque un poète qui le plagie. Or on ne peut plagier qu’un livre publié. 42 Martial a dû au reste se justifier sur ce point, cf. I, 110, II, 77, X, 59. Sur Martial modèle de Pannonius, voir plus bas.

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épigrammes brèves, sauf quand la recherche de la concision ou un excès de subtilité l’ont conduit à l’obscurité. Les thèmes des épigrammes sont, on l’a dit, variés, et ils ont évolué avec la vie de Pannonius. Il est vraisemblable, quand nous avons une série d’épigrammes sur le même sujet, qu’elles sont plus ou moins contemporaines. On trouve d’abord des traductions du grec 43, essentiellement de l’Anthologie grecque 44, intéressantes pour la conception de la traduction qu’elles révèlent 45 et pour ce qu’elles impliquent sur la circulation des manuscrits 46, et des poèmes à sujet antique, majoritairement mythologique 47. Autrement Pannonius pratique la plupart des types d’épigrammes traditionnels, et notamment : l’épigramme satirique, l’épigramme morale, l’épigramme narrative ou descriptive, l’épigramme érotique, l’épigramme funéraire (ce sont des épitaphes littéraires qui n’avaient pas vocation à être gravées), l’épigramme de circonstance (remerciement, invitation, compliments, etc.). Il a aussi un certain nombre d’épigrammes métapoétiques portant sur sa conception de l’épigramme, les modalités de l’imitation des anciens, la comparaison des anciens et des modernes. Il rend également hommage dans de nombreuses pièces à son maître Guarino de Vérone et à d’autres humanistes italiens. Enfin, et surtout après son retour en Hongrie, les épigrammes sont fréquemment inspirées par les événements publics 48 (entreprises du roi Mathias Corvin, etc.) et peuvent contenir un message politique ou religieux. Cette catégorie comprend de nombreuses épigrammes courtisanes au roi, qui restent mesurées dans l’adulation. Les expériences personnelles et les faits de la propre vie de Pannonius interfèrent avec tous ces thèmes. L’arrière-plan et le référent implicite des épigrammes sont la Rome antique, qui ressuscite à travers la renaissance de la langue latine et l’intertextualité poétique, et constitue un espace mythique adapté à la réunification virtuelle du monde cultivé. Cette Rome antique est glorieuse. En revanche la Rome chrétienne est chaotique, infestée de pèlerins, débauchée, cupide 49. 43

Les traductions de l’italien auxquelles on a fait allusion plus haut sont marginales. Pièces 21, 24, 72, 105-107, 110-111, 113-119, 123-126, 245-246, 258. Pour des traductions d’autres ouvrages, voir 14 (libre développement qui amplifie considérablement l’Hymne homérique 25 aux Muses), 27 (traduction de THÉOCRITE, Idylles 8, 53-56), 56 (traduction d’HÉSIODE, Les travaux et les jours 287-292) et 97 (variation sur NICANDRE, Thériaques 343-358). Rien ne prouve que ces épigrammes traduites du grec soient toutes des œuvres de jeunesse, mais c’est sans doute majoritairement le cas. 45 Voir WOLFF (2018b). 46 Il circulait donc dès les années 1440 en Italie des copies, souvent partielles, du manuscrit autographe de l’Anthologie de Planude que le cardinal Bessarion donnera en 1468 à la Biblioteca Marciana de Venise. 47 Pièces 25-27, 67-69, 108-109, etc. 48 On les appelle parfois « monumentales », voir HORVÁTH (1972), p. 258. 49 Voir CSEHY (2014). 44

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Les épigrammes satiriques peuvent nous paraître parfois violentes et excessivement acérées. En réalité elles ont souvent un aspect ludique, comme autrefois chez Catulle, et n’impliquent pas forcément de la haine contre la victime. Et on se gardera de prendre toutes les situations qu’elles présentent comme réelles, en partant de l’idée que l’épigramme est un genre réaliste. En fait elles reprennent souvent des schémas traditionnels du genre épigrammatique et peuvent ne refléter aucunement une expérience vécue ou un événement effectif. Dans cette production épigrammatique, deux aspects ont suscité l’interrogation de la critique. D’abord, comment expliquer qu’un évêque ait écrit des poèmes si scabreux (par exemple les séries sur Lucia et Ursula, 183-194 et 195198) ? On sait qu’ils lui ont été reprochés puisqu’il se justifie (épigrammes 59, 210-211). En réalité, Pannonius les a écrits avant son ordination. Si nous n’avons pas d’indication qu’il les ait ensuite reniés (comme Enea Silvio Piccolomini, devenu pape a fait pour l’Historia de duobus amantibus), l’épigramme 324, postérieure à son entrée dans l’Église, montre une prise de distance avec les sujets licencieux. Ensuite, on s’est étonné des attaques contre l’Église et d’un certain scepticisme religieux. Ceci concerne les poèmes contre le jubilé de 1450 (épigrammes 159-165), ceux qui attaquent Paul II (épigrammes 421-424) ou certains prédicateurs (épigrammes 100-104), et quelques poèmes isolés comme 352. La plupart de ces pièces visent l’usage immoral de la religion (ainsi pour le prédicateur Linus, qui sous couvert d’exorcisme vante la sodomie), l’exploitation de la crédulité du peuple (ainsi pour le pape, qui profite du jubilé pour s’enrichir voire l’a convoqué dans ce but), et l’immoralité de dignitaires religieux (ainsi celle du pape Paul II). C’est déjà beaucoup et soixante-dix ans plus tard cela aurait pu passer pour de l’hérésie. Mais certaines pièces vont plus loin : l’épigramme 159, où Pannonius se moque du pèlerinage à Rome de Galeotto, semble louer l’athéisme ; l’épigramme 352, déplorant la mort de Lorenzo Valla, met en doute l’existence de la Providence (cependant le texte parle des dieux au pluriel, non de Dieu au singulier, comme si l’on était dans un monde païen). Il est certain que Pannonius ne manifeste guère d’enthousiasme religieux dans ses épigrammes. Mais, plutôt que d’incroyance, difficilement concevable, il s’agit là d’un état d’esprit séculier et imprégné d’Antiquité qui convient à ce genre littéraire : l’épigramme 159 dit clairement qu’on ne peut être à la fois religieux et poète. Les modèles littéraires : Martial Le modèle affiché de Pannonius épigrammatiste est Martial 50. Un certain nombre d’épigrammes font directement allusion à Martial. On en retiendra deux. Dans l’épigramme 28, Pannonius démarque le célèbre poème I, 1 que 50

Pour une étude détaillée, voir WOLFF (2016).

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Martial (dans une seconde ou troisième édition) a mis en tête de son premier livre, et il utilise le même type de vers, des hendécasyllabes phaléciens, ici également au nombre de six. Cependant il y a en outre au vers 5 un souvenir de Martial V, 80, 1, une pièce également en hendécasyllabes, où le poète demandait à un certain Severus de consacrer une heure à lire et juger ses poèmes. Pannonius donc se définit comme un singe, ce qui est le degré le plus bas dans une relation d’imitation. Il n’y a là rien d’autre que l’habituel topos de modestie. Pannonius pratique en réalité une imitation créative et émulative, tout à fait noble et qui n’a rien à voir avec la vile copie dont certains se rendent coupables (par exemple le poète ciblé par les épigrammes 146-147, qui pille Virgile, ou le poète attaqué dans l’épigramme 148, qui plagie Pannonius). La pièce 237, où Pannonius s’adresse à Martial, est essentielle pour éclairer sa conception de l’épigramme. Il prend clairement Martial comme modèle, et souhaite être une réincarnation du poète. Il caractérise aussi l’épigramme, à la manière de Martial, par les mots de ludus, lepos, nugae, facetiae, sal. D’autres épigrammes font allusion à Martial d’une manière un peu moins directe mais en réalité transparente pour qui connaît un peu le poète latin. L’épigramme 255 à Severus commence d’une manière assez proche de la pièce VII, 53 de Martial (Omnia misisti mihi…), où le poète reprochait à un certain Umber de lui avoir offert pour les Saturnales tous les cadeaux minables qu’il avait luimême reçus à cette fête. La thématique ici est également celle des cadeaux, mais pour le nouvel an (Pannonius actualise, il n’est jamais question chez lui des Saturnales 51). Pannonius définit le maigre nombre de grives que lui a envoyé Severus par une double allusion à Martial : dans l’épigramme I, 19, la vieille Aelia n’a plus que quatre dents, et en perd deux dans un premier accès de toux ; dans l’épigramme XII, 7, la vieille Ligeia n’a plus que trois cheveux. Et il adresse ironiquement à Severus une quantité hyperbolique de remerciements, de même que Martial, en X, 17, à Gaius qui promettait sans donner, offrait en paroles, sur un ton épique, des présents d’un grand prix. En revanche la pointe finale n’a rien à voir avec Martial. Philemon, ami de Pannonius, est spirituel et astucieux, ce qui se dit en latin nasutus (« qui a du nez »). En dehors de ces pièces où la référence à Martial est claire, Pannonius suit le poète de Bilbilis à de nombreux autres égards. D’abord, il développe une théorie de l’épigramme assez proche et privilégie lui aussi – dans une moindre mesure – l’épigramme satirique. Si les épigrammes programmatiques sont beaucoup moins nombreuses que chez Martial, on en trouve néanmoins quelques-unes. Les pièces 81 et 92 soulignent l’avantage d’un livre bref (cf. Martial I, 118 ; II, 1). Les pièces 54, 377 et 444 insistent sur la nécessité de conditions favorables pour écrire (cf. Martial I, 107 ; VIII, 55 ; XII, 3). La pièce 382 rappelle que pour composer une épigramme à la saveur piquante (pungens…sapor) il faut une 51

Comme souvent chez les auteurs néo-latins, il y a chez lui un mélange de réalités anciennes et de réalités modernes.

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matière appropriée (cf. Martial XI, 42). La pièce 236 reprend le vocabulaire de Martial pour caractériser l’activité poétique 52 : ludere (l’idée de jeu est aussi exprimée en 79 et 128), iocus, nugae (on retrouve nugae en 307 et 379), tous mots qui s’appliquent aux petits genres, légers et divertissants. Les pièces 210211 et 236 revendiquent le droit aux sujets lestes et à la liberté de ton, et invitent les lecteurs sévères ou hypocrites à s’éloigner (cf. Martial XI, 2). La pièce 59 reprend, sur le mode offensif, la distinction traditionnelle entre les vers licencieux du poète et sa vie pure. La pièce 405 défend la qualité contre la quantité (cf. Martial IV, 29 ; IX, 51). Les pièces 13 et 440 sont des recusatio : le poète refuse d’écrire une épopée, genre qui ne correspond pas à sa Muse légère (cf. Martial VIII, 3 ; X, 4). Le rapport à Martial est aussi thématique. Pannonius reprend des thèmes de Martial, en particulier en ce qui concerne les cadeaux, la reconnaissance, les prêts d’argent et l’avarice (épigrammes 71, 230-232, 270-271, 273-274, 292, 348-349, 360, 436, 441-443). Les attaques contre les mauvais poètes (épigrammes 317-318, etc.) et les plagiaires (épigramme 148), rappellent aussi Martial (cf. I, 29, 38, 53, 72). Il en va de même pour le regret devant la préférence systématique accordée aux auteurs anciens (épigrammes 141, 212, 264, 268, 307 ; cf. Martial V, 10 ; VIII, 69). Quant aux pièces se moquant des disgrâces physiques (épigrammes 82, 95, 213, 286), elles relèvent certes de la tradition épigrammatique, mais abondent chez Martial. Cependant il y a de nombreux thèmes chers à Martial qui ne sont pas repris (les relations de clientèle, les dîners 53, les Saturnales), sans doute parce qu’ils ne correspondaient à aucune réalité au XVe siècle, ou qui sont transposés. Ainsi la critique sociale qui visait chez Martial les affranchis parvenus est dirigée ici contre l’Église, la papauté (Paul II), les moines (159-165, 421-424) 54. Par ailleurs, Pannonius développe des thèmes nouveaux, inconnus de Martial et de l’Antiquité. Par exemple, s’il exploite lui aussi la veine sexuelle (ainsi la pièce 187, sur la maîtresse idéale, s’inspire de Martial I, 57), c’est d’une manière différente et atténuée. Il n’est jamais question chez lui de sexe oral (seule exception : l’épigramme 152), alors que la fellation et le cunnilingus occupent une grande place chez Martial. En revanche, le thème de la vulve large des femmes qui ont de nombreux rapports sexuels (épigrammes 195-197) 55, et celui du nez comme révélateur de la taille de la verge (épigrammes 189-191, 193-194) viennent du Moyen Âge 56. Enfin, par ses épigrammes consistant en traductionsVoir WOLFF (2008), p. 40. On peut citer seulement la pièce 354, contre un hôte avare. 54 Cette tendance anticléricale qu’on retrouvera chez Érasme s’explique par l’influence sur Pannonius du mouvement de la devotio moderna. 55 Ce thème apparaît chez MARTIAL XI, 21 et III, 72, 5 et dans les Priapées 18 et 46, 5, et il n’est pas inconnu des comiques grecs, voir CALLEBAT (2012), p. 125 note 17. Il est cependant surtout médiéval. 56 Pour la vulve large, voir par exemple LE POGGE, Facéties 140, 180, 272, et BECCADELLI, Hermaphroditus II, 7. Pour le nez comme équivalent du sexe masculin, voir 52 53

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adaptations d’épigrammes grecques ou traitant un thème antique, souvent mythologique, Pannonius s’écarte sensiblement de Martial. La tradition de traduire ou d’adapter des épigrammes grecques renvoie à Ausone, un auteur avec lequel Pannonius semble avoir été moins familier (la pièce 346 fait cependant allusion à lui). Par ailleurs, Martial récusait la mythologie comme thème poétique et ne la prend jamais pour sujet 57. En troisième lieu, le rapport de Pannonius à Martial est stylistique. Pannonius emprunte certains mots à Martial : en 176, 11 le verbe perosculor (« couvrir de baisers ») ne se retrouve dans la littérature latine ancienne que chez Martial VIII, 81, 5 (vers que Pannonius reproduit en en changeant seulement les deux pronoms) ; de même en 298, 5 pour diapasma (« pastille parfumée »), qui ne se rencontre en poésie que chez Martial I, 85, 7 (le mot est très rare aussi en prose, attesté seulement chez Pline l’Ancien et dans des scholies à Horace), en 302, 5 pour dicterium (« bon mot, plaisanterie »), un mot très rare que Pannonius a lu chez Martial VI, 44, 5, en 303, 11 pour botellus (« boudin »), qui ne se lit que chez Martial V, 78, 9 et XI, 31, 13 (et plus tard chez Apicius et Sidoine Apollinaire), et sans doute en 402, 8, pour locellus, « boîte, écrin », un mot très rare en dehors de Martial XIV, 3 ; dans la pièce 237, 4 l’emploi de uerna au sens de « bouffon, farceur » vient de Martial I, 41, 2, et en 300, 26 l’emploi de curio au sens de « crieur public » très rare, vient sans doute de Martial II, praef. 2 ; il en va de même en 371, 6 pour l’emploi de sophos (graphié en grec dans certaines éditions) comme substantif (« un bravo »), fréquent chez Martial, et en 265, 4 pour dare au sens de se dare (« se donner », pour une femme). Pannonius reprend aussi à Martial des formules. Soit il démarque une pièce précise de Martial (quitte à en modifier le sens en une oppositio in imitando, imitation par contraste), soit il construit son poème avec une mosaïque d’emprunts à des pièces différentes (mais cela n’entraîne jamais une technique centonaire), soit il se contente de reprendre l’agencement d’un vers sans qu’il y ait d’analogie de contexte. La pièce 128 appartient à la première catégorie. Pannonius invite Leonello, duc de Ferrare, s’il venait par hasard à avoir son livre entre les mains, à le lire non pas avec l’état d’esprit qu’il a quand il rend la justice, mais avec celui qu’il a quand il joue à la balle. Pannonius reprend le sujet de l’épigramme I, 4 de Martial à Domitien, et sa pièce commence (Obtulerit sors si qua meum tibi forte libellum) comme celle de son prédécesseur (Contigeris nostros, Caesar, forte libellos). RABELAIS, Gargantua 41 et Quart Livre 54 (voir LEFRANC [1925], p. 11-12) ; un distique médiéval (attribué parfois à tort à Ovide) disait clairement : Noscitur ex labiis quantum sit uirginis antrum ; / noscitur ex naso quanta sit hasta uiri. BECCADELLI, Hermaphroditus I, 8, met en rapport la taille du nez avec celle du clitoris. Contrairement à ce qu’on lit parfois, l’épigramme VI, 36 de MARTIAL n’a rien à voir avec ce thème. 57 Voir MATTIACCI (2007).

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La pièce 218 reprend la structure et le thème de l’épigramme XIV, 195 de Martial. Mais alors que chez Martial Vérone était autant redevable à Catulle que Mantoue à Virgile (Tantum magna suo debet Verona Catullo / quantum parua suo Mantua Vergilio), chez Pannonius ce sont Rome et la langue latine qui sont respectivement redevables à Camille et à Guarino (Quantum Roma suo debet reparata Camillo, / tantum Guarino lingua Latina suo). La pièce 170 en revanche fonctionne selon le principe de la mosaïque. Le premier vers (Occurris quotiens, totiens me, Paule, salutas) est inspiré de Martial I, 117, 1 (Occurris quotiens, Luperce, nobis), le troisième (Quindecies una si fias obuius hora) de Martial II, 67, 3 (Hoc, si me decies una conueneris hora), le cinquième emprunte sa clausule (auere iubes) à Martial III, 5, 10 (hauere iubet). Cependant il y a un lien thématique entre la pièce de Pannonius et les pièces I, 117 et II, 67 de Martial : il s’agit à chaque fois d’un fâcheux qui dérange le poète. En revanche l’épigramme 222 constitue un cas complètement différent. Son dernier vers (progenerare leue est, uiuificare graue est) reprend, sans lien de contexte, l’architecture de Martial IX, 68, 10 (nam uigilare leue est, peruigilare graue est). Il s’agit d’une réminiscence rythmique et formelle. Il en va de même dans l’épigramme 59, dont le vers initial (Tu, qui Fabricius foris es, sed Apicius intus) est un souvenir de Martial X, 73, 3 (qua non Fabricius, sed uellet Apicius uti). Quand Pannonius suit une pièce de Martial, il peut en changer le sens, on l’a dit. Ainsi la pièce 51 a pour base l’épigramme II, 3 de Martial. À Sextus, qui prétendait ne rien devoir, Martial répliquait qu’en effet il ne devait rien, puisque seul est débiteur celui qui est en mesure de payer (debet enim si quis soluere, Sexte, potest). Pannonius dit l’inverse : à un quidam auquel il a prêté de l’argent et qui jurait n’avoir pas les moyens de rembourser, il rétorque qu’est débiteur celui qui a reçu un prêt, non celui qui peut payer (qui mutua sumpsit, is debet, non qui soluere, Galle, potest). Il prend donc l’exact contrepied de Martial. Pannonius reproduit aussi des principes de composition des épigrammes de Martial. On le voit par le procédé de la pointe finale, bien entendu, mais aussi par d’autres éléments : l’anaphore en tête de vers (épigrammes 18, 55, 112, 286, 291 ; en 303 le mot répété n’est pas à l’initiale) 58 qui donne une unité au poème ; la composition en boucle (ce que les Allemands appellent Ringskomposition), le dernier vers reprenant le premier (épigramme 272, cf. Martial II, 6) ou une partie du premier (épigrammes 36, 43, 152, 175, 295) ; l’usage du vocatif à l’avant-dernière place de l’hexamètre (ou, plus rarement, du pentamètre) pour interpeller la victime (épigrammes 32, 39, 81, 170, 279, etc.) ou le destinataire (épigramme 199), et la reprise du vocatif du premier vers dans le dernier (épigrammes 35, 36, 65, 66, 100, 134, 152, 173, 182, 231, 266, 295, 348, 391, 392, etc.). 58

Sur l’anaphore chez Martial, voir WOLFF (2008), p. 84-85.

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Pannonius ensuite pratique comme Martial les jeux de mots (épigramme 42, 72, 147, polyptote ; épigrammes 139-140, ambiguïté de debere ; épigrammes 210-211, création d’un diminutif obscène au substantif menta, « menthe » ; épigrammes 238-241, équivoque sur testis, qui désigne en latin à la fois le témoin et le testicule ; épigramme 244, paronomase), en particulier sur les patronymes (épigrammes 30, 41, 149, 172, 209, 255, 362, 392, 424), mais ils sont nettement moins nombreux que chez son modèle. Pannonius fait parfois dans un poème des emprunts à plusieurs pièces de Martial, on l’a vu. Mais il arrive aussi fréquemment qu’il puise à de multiples sources en une inspiration éclectique ; il ne se limite pas alors aux auteurs d’épigrammes, et prend chez Virgile, Ovide, Horace, etc., en brisant les frontières des genres littéraires. Parfois la source principale est un seul auteur, ainsi Virgile en 378. Plus intéressants sont les cas où il procède à une fusion de plusieurs sources. On se contentera d’un exemple. Dans l’épigramme 404, où il s’adresse à l’humaniste Gaspare Tribraco, il s’inspire d’Horace, Art poétique 323-324 pour les vers 7-8 (Vobis ingenium, uobis dedit ore rotundo / Musa loqui ; Pannonius applique aux Italiens des mots qu’Horace appliquait aux Grecs) ; de Martial X, 12 pour le vers 10 (sed Phaethontei brachia amoena Padi) ; de Virgile Bucoliques 9, 33-34 pour les vers 15-16 (Dicunt pastores ; sed non ego credulus illis, / inter nam cygnos anseris ore crepo) 59. Ainsi avec des éléments divers puisés chez plusieurs auteurs et fondus dans une seule composition, il parvient à composer une pièce originale. Plus largement, Pannonius reprend des morceaux de vers (incipits et clausules, essentiellement) à de nombreux auteurs. Ce sont des réminiscences phoniques qui attestent de la profondeur de sa culture classique. Ainsi les hémistiches uolucres agitabilis aer de 18, 12 et decidit imber aquis de 346, 2 viennent d’Ovide, respectivement Métamorphoses 1, 75 et Fastes 2, 494 ; l’hémistiche colui nam semper honores de 126, 1 ressemble à celle de Virgile, Énéide 12, 778 ; la clausule chirographa ligni de 229, 1 vient de Juvénal 13, 137 et 16, 41, etc. Mais il y a parfois une certaine analogie de situation entre les deux passages. Par exemple le premier vers de la pièce 197 reprend à un mot près Virgile, Géorgiques 4, 467 : Virgile parle de l’entrée des enfers au sens propre, Pannonius au sens figuré ; et la suite de l’épigramme contient plusieurs expressions empruntées à la descente d’Énée aux enfers du chant 6 de l’Énéide. Le premier hémistiche de 376, 1 reprend Ovide, Art d’aimer 2, 1 : dans les deux cas, il s’agit d’emprisonner quelqu’un, un tyran chez Pannonius, la personne aimée chez Ovide. Le vers initial de l’épigramme 406 reprend exactement Ovide, Métamorphoses 1, 625, à propos d’Argus. Les vers 3-4 du poème 288 sont inspirés de Properce II, 3, 2 : ils concernent à chaque fois l’orgueilleux qui se croyait hors d’atteinte de l’amour et y succombe lui aussi. Le vers 188, 5 est proche du vers 3 d’un poème attribué à Gallien par l’Histoire Auguste (« Les deux Galliens » 11, 8, poème repris dans Anthologie latine 711 Riese), dans le même contexte amoureux. 59

Voir HORVÁTH (1972), p. 284-285.

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Autres modèles Si Pannonius s’inspire surtout de Martial, il a d’autres modèles, plus récents, ses contemporains italiens Antonio Beccadelli dit le Panormite et Enea Silvio Piccolomini, le futur pape Pie II, qui tous deux ont écrit une œuvre épigrammatique en latin. Certes il est difficile d’identifier les emprunts et les points de contact, d’autant que Beccadelli comme Enea Silvio Piccolomini s’inspirent eux aussi de Martial 60. Mais, par exemple, le mot poppysma en 191, 1 dans le sens de « relation sexuelle, coït » 61 (alors que ce mot, qui se lit chez les Anciens uniquement chez Pline l’Ancien 28, 25, Martial VII, 18, 11 et Juvénal 6, 584, y désigne un claquement des lèvres ou de la langue, ou un bruit ressemblant à ce claquement) se rencontre chez Beccadelli, Hermaphroditus II, 24, 6, où il est également objet du verbe rogare. Le qualificatif d’hermaphroditus employé dans la pièce 62 est sans doute un hommage au recueil de Beccadelli. Le nom de certaines victimes (Ursula, épigrammes 195-198, Hodus, épigrammes 253254, 359) vient de Baccadelli (Hermaphroditus I, 20 et II, 11, pour Hodus ; I, 5, 8 et 21 ; II, 7-10, pour Ursa – ce poème II, 7 sur la vulve large d’Ursa est la source de la série de Pannonius sur la vulve d’Ursula). Enfin dans la pièce 59 Pannonius reprend, on l’a dit, la distinction traditionnelle entre les vers du poète et sa vie. Or il ne s’y inspire pas de Catulle 16 ou de Martial I, 4 et XI, 15, les pièces canoniques de l’Antiquité sur le sujet, mais de Beccadelli, Hermaphroditus I, 10. D’Enea Silvio Piccolomini, Pannonius a lu les épigrammes, mais aussi la Cinthia, recueil d’élégies : par exemple le vers 371, 3-4 (carmina… / iudicio misi discutienda tuo) reprend Cinthia 22, 14 (carmina iudicio discutienda tuo). Dans son œuvre épigrammatique, Pannonius a donc pour modèle principal Martial, comme il le déclare dans la belle épigramme 237. Il emprunte à Martial sa conception de l’épigramme (parenté programmatique), il traite pour partie les mêmes thèmes (parenté thématique), il reprend parfois ses formulations et ses procédés d’écriture (parenté stylistique). Dans l’opposition que la Renaissance a parfois voulu voir entre l’épigramme à la Martial et l’épigramme à la Catulle, Pannonius a clairement choisi. Cependant cette imitation n’est pas servilité. D’abord Pannonius a d’autres modèles, plus récents, principalement Beccadelli. Ensuite il sait faire œuvre personnelle et Martial lui sert avant tout de point de départ pour une création originale ; car souvent il retourne 60

Nous ne pouvons développer ici la question des modèles littéraires respectifs des deux auteurs. Les quelques rapprochements suivants suffiront pour montrer à quel point ils sont dans la lignée de Martial : ENEA SIVIO PICCOLOMINI, Epigrammata (on les lira dans VAN HECK [1994]) XL (64) et MARTIAL III, 93 ; LIII (77) et MARTIAL IX, 97 ; LXXIII (97) et MARTIAL X, 47. BECCADELLI, Hermaphroditus I, 13 et MARTIAL III, 26 ; I, 23 et MARTIAL I, 35 ; II, 16 et MARTIAL X, 60 ; II, 22 et MARTIAL I, 39 ; voir aussi Hermaphroditus I, 41. 61 Voir COPPINI (1984).

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l’épigramme qui est sa source, en la modifiant dans un sens différent, voire opposé. Enfin si Martial est essentiel pour les épigrammes satiriques, érotiques et celles qui traitent du comportement humain en général, il l’est beaucoup moins, voire pas du tout, pour les autres. Or la production épigrammatique de Pannonius est variée, on l’a dit, et a évolué avec sa vie : les pièces écrites après le retour en Hongrie n’ont pas la même tonalité. Et l’épigramme 324 montre que Pannonius entré dans l’Église a pris ses distances avec les poèmes scabreux de Martial. Pannonius a de nombreuses épigrammes qui traitent de la comparaison entre les auteurs anciens et les modernes 62, on y a fait allusion. Il s’y plaint régulièrement que l’on préfère par préjugé les anciens et que cet a priori dessert sa poésie. C’est une revendication en faveur des modernes et un plaidoyer personnel. Pannonius reconnaît la valeur des anciens, puisqu’il les imite, mais il affirme parallèlement le mérite des modernes qui savent rivaliser avec les modèles anciens et créer à partir d’eux une poésie personnelle : ainsi la gloire est partagée, comme il le déclare en s’adressant aux anciens en 141, 5 (At nunc ex aequo diuisa est gloria nobis). Les séries Comme Martial 63, Pannonius a parfois plusieurs épigrammes sur le même sujet. Il s’agit soit de cycles, procédé d’insistance et d’approfondissement, soit d’autovariation, ce par quoi nous entendons la réélaboration d’un thème à partir d’une épigramme de départ. On a ainsi des séries de deux ou trois épigrammes voire plus encore. On ne peut dire que les pièces se suivent, car si c’est le cas dans les éditions, ce n’est pas forcément vrai dans les manuscrits, qui de toute façon ne paraissent pas refléter une volonté d’organisation remontant à l’auteur. Au reste ces séries, comme chez Martial, sont de nature assez différente. Parfois le point commun est seulement le nom de la victime, et il ne s’agit pas véritablement de variation. Parfois la série a certes un thème commun, mais les épigrammes diffèrent beaucoup entre elles : c’est un cycle. Parfois enfin il s’agit d’épigrammes ayant une formulation très proche : c’est l’auto-variation. Pour la deuxième catégorie (le cycle), citons la série 99-103 contre l’étrange prédicateur Linus, 156-158 sur les espions, 159-165 sur le jubilé de Rome de 1450, 183 et 185-186 contre Lucia la péteuse, 189-191 et 193-194 contre la même Lucia ou une autre qui mesure le sexe des hommes à la longueur de leur nez, 195-198 contre Ursula à la vulve large, 325-328 sur une chasse à l’épervier, 367-369 diverses épitaphes de Guarino de Vérone, 400-402 sur Linus qui refuse

62 Voir sur ce point COPPINI (1994), p. 78-82. Le sujet est abordé par HORACE, Épîtres II, 1. 63 Voir WOLFF (2014).

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de publier ce qu’il écrit. Pour la troisième catégorie (l’auto-variation), citons 64 210-211 contre Carolus qui reproche à Pannonius ses poèmes licencieux, 281282 sur la traduction latine de Pannonius des poèmes italiens de Jacopo Antonio Marcello, 319-320 sur la gloire usurpée de Sigismond Malatesta de Rimini, 344-345 sur des vases en verre de Murano, 350-351 épitaphes de Jean (János) Hunyadi, père du roi Mathias Corvin. Il y a des séries mixtes : 30-39 s’en prennent au mauvais poète Gryllus, et dans ce cycle 35-36 ont des formulations très proches ; en 166-168 le poète indique son âge et les droits qui en découlent, et 166-167 sont très proches ; de même pour 218-224, consacrés à Guarino de Vérone, où 218-220 ont des formulations très proches ; 441-443 attaquent Crispus, qui veut recevoir des cadeaux sans rien donner lui-même, et 441-442 ont des formations très proches ; enfin 421-424 visent le pape Paul II, et 422423 sont très proches. On aurait tendance à penser que les poèmes constituant des séries sont contemporains, surtout quand il s’agit d’auto-variation, et qu’ils traduisent les diverses tentatives de l’auteur pour traiter le mieux possible un même sujet. Dans les séries, Pannonius peut introduire un changement métrique afin d’ajouter une variation supplémentaire, mais la chose est rare dans les cas de paires en auto-variation (on peut citer seulement 218-220, 422-423 et 441-442, avec distiques élégiaques puis hendécasyllabes phaléciens). La comparaison entre les différentes versions d’une série, qui peuvent être de longueur très différente, est loin d’être sans intérêt. Elle permet de mettre en évidence l’ingéniosité de Pannonius. Car la variation n’est pas répétition, mais dynamique créatrice. Langue, style, métrique Pannonius a une langue globalement classique et s’écarte peu des modèles anciens, même si certains mots de son vocabulaire sont tardifs (voir par exemple l’épigramme 162), ou sont employés dans un sens médiéval ou renaissant (voir les épigrammes 321, 354 et 401). La tournure avec génitif urbs Genuae (10, 5), le comparatif analytique magis doctus (77, 2), l’audacieux comparatif de participe futuentior (178, 1), la construction memor quod (123, 3), les interrogatives indirectes à l’indicatif et parfois introduites par si (133, 8 ; 143, 22, 27 et 30 ; 190, 2 ; 260, 4 ; 298, 2 ; 299, 1 ; 326, 3 ; 358, 8 ; 453, 38-39), le pluriel uos renvoyant à une seule personne (349, 6), l’emploi du réfléchi à mauvais escient (109, 10 ; 241, 3 ; 309, 5 ; 427, 10 ; titre de 10 ; voir aussi la note à 257, 4) sont des exceptions dans une syntaxe autrement très pure. Pour ce qui est de la morphologie, on trouve plusieurs cas de génitif pluriel de deuxième déclinaison en -um au lieu de -orum (13, 6 ; 54, 6 ; 117, 2 ; 159, 10 ; 198, 7 ; 408, 1 ; 418, 6 ; 426, 8 ; ce sont des archaïsmes), des ablatifs de troisième déclinaison en -e 64 Parfois l’auto-variation ne porte que sur une partie d’un poème : ainsi l’épigramme 361 reprend de près les deux derniers vers de l’épigramme 322.

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là où on attendrait -i (17, 19 ; 354, 1 ; 450, 2 ; la chose est banale), quatre datifs-ablatifs pluriels du relatif quis pour quibus (342, 6 ; 379, 4 ; 404, 13 ; 445, 2 ; c’est un archaïsme fréquent en poésie), deux futurs archaïques faxo de facio (229, 3 ; 259, 3), et plusieurs subjonctifs imparfaits archaïques du verbe esse de type forem (73, 4 ; 234, 4 ; 291, 5 et 7 ; 355, 4 ; 424, 4). Dans le lexique, on a vu que certains mots rares étaient des emprunts à Martial ou à Beccadelli. De même en 110, 1 le substantif palpo, « flatteur » est sans doute un emprunt au satiriste Perse 5, 176, puisque c’est la seule attestation du mot en poésie (et autrement on ne le trouve que chez des grammairiens et des glossateurs) ; ou en 321, 15, le verbe suburgeo, « pousser, rapprocher », est très vraisemblablement un emprunt à Virgile, Énéide 5, 202, puisqu’il n’apparaît autrement que chez le commentateur de Virgile Tiberius Donat et de manière sporadique au Moyen Âge ; ou en 343, 4 l’adjectif composé morbifer, « qui apporte, engendre la maladie », est certainement un emprunt à Paulin de Nole, Poèmes 28, 242 (c’est la seule attestation du mot en poésie, qui n’apparaît autrement en latin ancien que chez Nonius et dans une traduction d’Origène), comme le prouve la présence du substantif aura dans le vers de chacun des deux poètes (Paulin de Nole : sicut morbiferam de labe cadaueris auram) ; ou encore en 189, 1 l’adjectif mentulatus, « muni d’un gros sexe », est sans doute pris aux Priapées 36, 11, puisque le mot n’est pas attesté ailleurs ; un peu différemment, l’adjectif incoactus, « qui n’est pas contraint, indépendant », en 420, 2, dans un contexte philosophique, est certainement un emprunt à Sénèque, Lettres à Lucilius 66, 17, puisque le mot n’apparaît autrement en latin ancien que chez un auteur tardif, Cassiodore. La plupart des autres mots rares sont des calques du grec. Ainsi le substantif otacusta, « espion », qui apparaît dans les pièces 156-158, se lit chez Apulée, De mundo 26, mais il est vraisemblable que Pannonius l’a forgé à partir du grec, où ὠτακκουστής est bien attesté, notamment chez Plutarque, un auteur qu’il connaissait familièrement (voir la note au passage). Le substantif telones, « percepteur d’impôts », en 161, 3, est un pur calque du grec τελώνης puisque le mot n’existe pas en latin (on trouve telonarius en latin tardif et médiéval). Il en va de même pour cyminopristes, 175, exactement « scieur de grain de cumin », c’est-à-dire « avare », et pour echephron, « sage », en 420, 3 et 11, graphié en grec dans certaines éditions. En revanche en 99, 2 μητροδίδακτον, « instruit par sa mère », est en grec dans les manuscrits. Pannonius ne recule pas devant la création verbale : il forge les adjectifs composés sanguigenus, « sanglant » (13, 5) et plaustrisonus, « qui fait entendre un son depuis un chariot » (275, 1), le participe praefuratus, « volé auparavant » (147, 3), les adjectifs Parnasiacus, « du Parnasse » (198, 11) et Hippocreneus, « de la source Hippocrène » (347, 14), les verbes applangere, « s’affliger » (53, 9) et reblandiri, « répondre aux caresses » (298, 9) 65,

65 Il existe quelques rares emplois médiévaux de ce verbe, mais Pannonius ne devait pas les connaître.

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peut-être le verbe humare, « humidifier » (18, 15, voir la note au passage), et multiplie les hapax dans la pièce 426. Il emploie parfois dans ses vers des mots qui n’appartiennent pas au registre poétique : ainsi en 101, 9 l’adverbe libidinose, « par débauche, concupiscence » ; en 276, 2 le verbe fréquentatif uectitare, « transporter » ; en 285, 1 le substantif cauma, « forte chaleur », en 347, 7 l’adjectif imputrescibilis, « qui ne pourrit pas », et en 402, 21 le substantif surreptor, « qui dérobe furtivement », tous trois tardifs et chrétiens ; en 448, 3 le substantif conuenientia, « accord, conformité » ; et à plusieurs reprises dans les pièces philosophiques 293-294, etc. À mi-chemin entre le vocabulaire et la syntaxe, on citera trois emplois de l’adverbe forte pour forsitan (13, 16 ; 142, 3 ; 298, 4) et inversement un emploi de forsitan pour forte (240, 4), un emploi intransitif du verbe premere (197, 5) et une construction de carpere avec un génitif du grief (387, 2). Il est impossible de caractériser en quelques mots le style de Pannonius épigrammatiste. On a vu en étudiant ses liens avec Martial que dans l’expression et la forme il était souvent proche de son modèle. En ce qui concerne la prosodie et la métrique, Pannonius est très classique, respectant notamment les règles pour les clausules, les césures et les élisions ; les quelques écarts sont indiqués en note. Dans le choix des schémas métriques il privilégie le distique élégiaque (84,64 % des pièces), qui est la structure traditionnelle de l’épigramme ; le schéma qui vient ensuite est l’hendécasyllabe phalécien (10,08 %) 66, puis l’hexamètre (3,28 %) 67 ; 9 68 poèmes seulement recourent à des mètres rares. Pour établir une comparaison, Martial dans les livres I-XII a 73, 1 % de distiques élégiaques et 19, 4 % d’hendécasyllabes ; en revanche c’est le trimètre iambique scazon ou choliambe qui vient en troisième chez lui 69. Globalement les deux poètes sont néanmoins assez proches 70. Comme chez Martial, il n’est pas toujours facile de justifier chez Pannonius l’emploi des mètres autres que le distique.

66 Pièces 28, 35, 43, 61, 62, 80, 85, 101, 130, 142, 143, 156, 158, 159, 175, 176, 189, 191, 196, 206, 219, 221, 223, 224, 235, 237, 240, 254, 255, 272, 273, 274, 276, 289, 291, 300, 303, 317, 321, 334, 338, 339, 402, 420, 423, 441. 67 Pièces 14, 18, 56, 201, 202, 209, 293, 294, 305, 306, 308, 311, 312, 316, 337. L’hexamètre est inhabituel pour l’épigramme (cf. MARTIAL VI, 65), et de fait plusieurs de ces pièces en hexamètres ne sont pas véritablement des épigrammes, par exemple 293 et 294. 68 Pièces 4, 157, 207, 263, 354, 425, 426, 452, 453. Il s’agit majoritairement de trimètres iambiques et de choliambes (157, 263, 354, 426) ; 4 est en asclépiades mineurs. 69 Voir SCHERF (2001), les tableaux p. 113-116. 70 La métrique des poètes humanistes a ses spécificités, voir CHARLET (2020).

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Notre édition-traduction Nous présentons ici la totalité des 456 épigrammes de Pannonius répertoriées par Mayer, en donnant même plusieurs épigrammes vraisemblablement ou certainement incomplètes (par exemple 3, 91, 122, 153, 337) et quelques pièces dont le sens ou en tout cas le sel continue à nous échapper (par exemple 232 et 353), et en intégrant également les trois épigrammes (454-456) données comme douteuses par Mayer. Nous avons aussi retenu, par un souci d’exhaustivité qu’on jugera peut-être obsessionnel, les deux épigrammes fragmentaires 207 et 297, quoiqu’elles soient intraduisibles en l’état. En revanche nous n’avons pas eu d’hésitation pour la pièce 453, malgré sa structure strophique (strophes saphiques). En effet, l’épigramme de la Renaissance est un genre protéiforme, dont la variété se manifeste par une polymétrie souvent surprenante (voir la note au passage). Et le fait que cette épigramme soit adressée au même destinataire que la précédente (452) montre qu’elle en est sans doute le prolongement. Les titres donnés par les manuscrits et les éditions anciennes ne sont pas forcément authentiques, on l’a dit, comme le prouve le fait qu’ils varient d’un manuscrit et d’une édition à l’autre. Il s’agit parfois d’une glose explicative plus que d’un titre (épigramme 323 par exemple). Mais comme en général ils sont pertinents (sauf dans quelques rares cas comme les épigrammes 27 ou 188), nous les donnons par souci de clarté, en choisissant quand il y a des variantes la version qui nous est apparue la plus vraisemblable ou la plus explicite. Pour le texte latin, nous nous sommes basé sur l’édition critique de Mayer 71, qui fait autorité, en la modifiant parfois (la chose est toujours indiquée en note, avec des explications justificatives, sauf s’il s’agit seulement de la ponctuation ou de l’orthographe, que nous avons uniformisée et standardisée). Le volume de Mayer doit être le premier de l’édition des œuvres complètes de Pannonius, prévue en trois volumes de textes suivis d’un volume de commentaire 72. L’excellente qualité de cette édition dispense de revoir les manuscrits. Nous adoptons aussi sa numérotation, afin de ne pas ajouter un système supplémentaire (car chaque éditeur ou traducteur de Pannonius a le sien), mais nous donnons la numérotation correspondante dans l’édition de Teleki, majoritairement utilisée par la critique (une table de concordance en fin de volume facilite le repérage). L’ordre de Mayer se veut chronologique, mais l’éditeur admet que souvent la chronologie des épigrammes ne peut être fixée que de manière approximative 73, et de fait on peut quelquefois contester le classement. Teleki quant à lui suit l’ordre des manuscrits B (Vienne, Cod. Lat. 3274, d’environ 71

Nous remercions vivement le professeur Gyula Mayer, membre de l’Académie hongroise des sciences, de nous avoir autorisé à reproduire le texte latin de son édition. Les quelques modifications que nous y apportons concernent moins d’une quinzaine de passages. 72 MAYER (1989), p. 7. Aucun des autres volumes n’est cependant paru à ce jour. 73 Ibid.

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1500), R (Sélestat, Bibliothèque humaniste 326, d’environ 1520), et W (Budapest, Cod. Lat. 367, d’environ 1522), les plus anciens manuscrits connus de Pannonius avant la découverte des deux manuscrits de Séville (T et S). Barrett, qui ne retient que les poèmes « that might reasonably be assumed to have constituted the earliest collections of Janus’ epigrams », sans préciser ses critères (soit 350 pièces), adopte un ordre métrique (1-46 : pièces polymétriques ; 47-350 : pièces en distiques élégiaques ; mais curieusement il n’adopte pas la disposition traditionnelle pour le pentamètre du distique), en donnant une table de correspondance avec l’édition de Teleki. Faber 74 reproduit le choix et l’ordre de Barrett (il donne donc 350 pièces). Aucune édition ou traduction ne propose d’élément de commentaire (Mayer donne seulement des parallèles littéraires, mal triés mais néanmoins utiles ; ils sont dus à L. Török). Il est donc souvent délicat de comprendre et de dater telle épigramme quand elle ne renvoie pas à un événement bien connu de la vie de Pannonius ou de l’histoire de l’époque. Il en va de même en ce qui concerne l’identité du destinataire ou de la victime de telle épigramme, où l’on est fréquemment réduit à des hypothèses, quand ce n’est pas franchement l’incertitude. Nos notes ne constituent pas un commentaire, elles se limitent à fournir les explications nécessaires à la compréhension immédiate des pièces (notamment pour ce qui concerne les allusions mythologiques et historiques, assez nombreuses et parfois difficiles à élucider). Nous les avons conçues de telle sorte que l’ouvrage puisse être accessible à un public cultivé qui dépasse le cercle restreint des érudits. Mais même à ce niveau de base, elles demandent des compétences multiples, qui vont de la Rome antique et du latin à l’Italie de la Renaissance en passant par l’histoire de la Hongrie. Nous ne les possédons évidemment pas toutes. Les esprits chagrins relèveront certainement des lacunes. Peut-être le lecteur bien intentionné, conscient de la difficulté de la tâche (accrue par l’impossibilité d’accéder à la bibliographie hongroise 75), se montrera-t-il plus indulgent. Notre traduction est généralement la première en français 76, puisque l’ouvrage collectif Janus Pannonius, Poèmes choisis, Budapest, 1973, ne donne qu’une petite sélection de textes 77 et que les quelques anthologies françaises de poésie néo-latine en donnent moins encore 78. Elle vise à la clarté et traduire, c’est prendre parti. L’épigramme est par définition un genre difficile pour le traducteur, puisqu’il faut tenter de rendre le sel de l’original sans s’écarter à l’excès FABER (2009a). Certains savants hongrois ont la bonne idée de publier en allemand, anglais, italien ou français une seconde version de leurs articles d’abord donnés en hongrois. 76 Signalons que le poète Lionel-Édouard Martin a traduit sur son blog quelques épigrammes obscènes de Pannonius sur Lucia et Ursula. 77 Voir sur cet ouvrage le compte rendu sévère (mais justifié) de Pierre Laurens, LAURENS (1974). 78 Voir LAURENS (1975), t. II, p. 11-27. 74 75

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de la lettre du texte. Or parfois la pointe est peu claire (épigrammes 154, 349, etc.), ou presque impossible à transposer (épigrammes 42 et 211). Les nombreuses références érudites à l’Antiquité (par exemple épigrammes 55, 286) et le contexte antique (on parle de Calendes pour le premier jour du mois, la Hongrie est toujours la Pannonie et les Français les Gaulois) peuvent aussi être un obstacle pour le lecteur moderne. La traduction des prénoms et des noms est un autre point délicat : nous avons gardé la forme latine quand le personnage n’était pas identifiable, et adopté la forme italienne (le poète Tito Strozzi) ou française (le pape Nicolas V) pour les gens connus ou du moins identifiables ; quant à Pannonius lui-même, nous le prénommons Jean quand il dit Johannes, et Janus quand il dit Janus. Lorsque nous achoppions sur une épigramme ou un passage, nous avons évidemment consulté les traductions anglaise et allemande de Barrett et Faber si elles comportaient le texte. Elles nous ont assez rarement tiré d’affaire 79. Nous espérons en tout cas que ce livre permettra au public francophone d’apprécier Pannonius, chronologiquement un des premiers épigrammatistes de la Renaissance et, au-delà, source d’information non négligeable sur la période. Selon le critique Jean Paulhan, il ne faut jamais dire d’un écrivain qu’il est sous-estimé ou méconnu, car c’est le meilleur moyen pour qu’il le reste. Avouons cependant que Pannonius, cantonné dans son statut de poète hongrois de langue latine, mérite en dehors de son pays un meilleur sort. Au lecteur de goût difficile, nous rappellerons pour finir que dans un ensemble de plusieurs centaines de pièces il y en a nécessairement de moindre valeur : l’épigramme est un genre qui se déguste ; les épigrammes de Pannonius, pas plus que celles de Martial, ne sont faites pour être lues d’une traite. Il nous reste à remercier les éditions Latomus d’avoir accueilli cet ouvrage dans leur prestigieuse collection. Notre gratitude va aussi aux deux rapporteurs anonymes, dont l’acribie nous a permis de rectifier plusieurs erreurs et d’apporter quelques compléments ; nous avons généralement suivi leurs suggestions.

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Nous n’avons pu utiliser les diverses traductions hongroises ni la traduction croate (Zagreb, 1951), puisque, comme il a été dit, nous ne maîtrisons pas ces langues.

BIBLIOGRAPHIE 1. Éditions et traductions partielles ou complètes de Pannonius (par ordre de date) S. TELEKI (1784, reproduction anastatique Budapest, 2002), Jani Pannonii Poemata, Trajecti ad Rhenum [Utrecht], 2 vol. (C’est l’édition préparée par le comte Sámuel Teleki, dont le nom n’apparaît pourtant pas dans le volume). J. ÁBEL (1880), Adalékok a humanizmus történetéhez Magyarországon = Analecta ad historiam renascentium in Hungaria litterarum spectantia, Budapest / Lipsiae. S. V. KOVÁCS (1972), Janus Pannonius, Opera latine et hungarice. Vivae memoriae Iani Pannonii quingentesimo mortis suae anniversario dedicatum, Budapest. T. KARDOS (éd.) (1973), Janus Pannonius, Poèmes choisis, Budapest. P. LAURENS (1975), Musae reduces. Anthologie de la poésie latine dans l’Europe de la Renaissance, Leiden, 2 vol. J. HORVÁTH (1977), Les poésies inconnues de Janus Pannonius dans le manuscrit de Séville, in Acta Litteraria Academiae Scientiarum Hungaricae 19, p. 1-38. L. SZELESTEI NAGY (1985), Janus Pannonius-epigrammák egy XVI. századi formuláskönyvben, in Prodromus. Tanulmányok a régi és az újabb magyar irodalomról, Budapest, p. 15-17. A. A. BARRETT (1985), Janus Pannonius, Epigrammata. The Epigrams, édité et traduit par A. A. Barrett, Budapest. I. H. THOMSON (1988), Humanist Pietas: the Panegyric of Ianus Pannonius on Guarinus Veronensis, Bloomington (IN). G. MAYER 80 (1989), Preparando l’edizione critica delle opere di Janus Pannonius, in Rivista di Studi Ungeresi 4, p. 91-99. G. TOTI (1993), Janus Pannonius, Epigrammi lascivi, texte traduit par G. Toti, Roma. I. MAYER (2006), Iani Pannonii Opera omnia, vol. I. Epigrammata, texte établi par I. Mayer, Budapest. J. FABER (2009a, 2e éd. 2012), Janus Pannonius, Epigrammata - Epigramme, LateinischDeutsch, texte traduit par J. Faber, Norderstedt. J. FABER (2009b, 2e éd. 2012), Janus Pannonius, Elegiae – Elegien, Lateinisch-Deutsch, texte traduit par J. Faber, Norderstedt.

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ÉPIGRAMMES TEXTE ET TRADUCTION

Epigrammata Iani Pannonii episcopi Quinqueecclesiensis 1 Mayer = I, 185 Teleki Ad Leonellum Quod, Leonelle, tuam, princeps, accessimus urbem Arctoi gelido nuper ab axe poli, da ueniam : non nos rerum inclita fama tuarum, nec domus augustis splendida traxit auis, nec tua praefulgens uario Ferraria cultu, nec septemgemini brachia amoena Padi. Non oculos, auidas huc pascere uenimus aures quarum Guarini manat ab ore cibus.

2 Mayer = I, 177 Teleki De laudibus Guarini Si mihi gemmato propinet Iuppiter auro dulcia Dardania pocula mixta manu, non ego diuinos malim potare liquores, quam quod Guarini nectar ab ore fluit.

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Épigrammes de Janus Pannonius, évêque de Pécs 1 1 Mayer = I, 185 Teleki À Leonello 2 Si, prince Leonello, nous sommes venu récemment dans ta ville depuis la région glacée du ciel arctique, pardonne-nous : ce qui nous y a attiré, ce n’est pas l’illustre renommée de tes hauts faits, ni ta maison que distinguent ses augustes ancêtres, ni ta chère Ferrare qui brille dans les différents domaines de la culture 3, 5 ni l’agrément du delta du Pô aux sept branches. Nous sommes venus ici pour repaître non nos yeux, mais nos oreilles avides, qui se nourrissent de ce qui coule de la bouche de Guarino 4. 2 Mayer = I, 177 Teleki Éloge de Guarino Même si Jupiter m’offrait dans de l’or orné de pierreries de délicieuses coupes préparées par la main du descendant de Dardanos 5, je ne préférerais pas boire le liquide divin plutôt que le nectar qui coule de la bouche de Guarino.

1

Pannonius est évêque de Pécs à partir de 1460. Leonello (Lionel) d’Este, marquis de Ferrare de 1441 à 1450 ; voir aussi l’épigramme 128. 3 Pannonius ne mentionne pas la beauté de la ville ni ses œuvres d’art. Les arts plastiques ne semblent pas l’avoir intéressé. 4 L’humaniste Guarino de Vérone, qui fut le maître de Pannonius à Ferrare et dont il est souvent question dans les épigrammes, voir l’Introduction ; BIRNBAUM (1981), p. 38 ; THOMSON (1988) ; Dizionario biografico degli Italiani, t. 60, 2003, p. 357-369. 5 C’est-à-dire la main de Ganymède, l’échanson de Jupiter. Ganymède est un descendant de Dardanos, le fondateur de Troie. On buvait le vin mélangé d’eau dans l’Antiquité, et les coupes étaient donc préparées. 2

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3 Mayer = I, 180 Teleki Ad Guarinum Dulce nec eloquium linguae, quo Nestora uincis, nec, qua praecellis Nirea, forma decens, ………… 4 Mayer = I, 344 Teleki Ad Guarinum Non te mellifluae Nestor Homericus linguae dulciloquo nectare uicerit. 5 Mayer = I, 77, 1-2 Teleki Ad rectorem Accipe magnifici clarum rectoris honorem, accipe purpureae pallia rubra togae. 6 Mayer = I, 77, 3-4 Teleki De gymnasiarcho Festa sit in fastis, et semper maxima, qua tu luce magistratum gymnasiarchus inis. 7 Mayer = I, 109 Teleki De Theodoro Gaza Nobile linguarum decus, o Theodore, duarum, inclita quem nobis Thessalonica dedit.

ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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3 Mayer = I, 180 Teleki À Guarino Ni la douce éloquence de ta langue, par quoi tu surpasses Nestor 6, ni ta gracieuse beauté, par laquelle tu l’emportes sur Nirée 7 …………….. 4 Mayer = I, 344 Teleki À Guarino Le Nestor d’Homère, avec le nectar harmonieux de sa parole de miel 8, ne te surpasserait pas. 5 Mayer = I, 77, 1-2 Teleki À un recteur 9 Reçois le titre illustre de recteur magnifique, reçois la robe rouge de la toge pourpre 10. 6 Mayer = I, 77, 3-4 Teleki Sur un recteur d’école Que soit toujours dans le calendrier une très grande fête le jour où tu es entré en charge comme recteur de l’école. 7 Mayer = I, 109 Teleki Sur Théodore Gaza 11 Toi que nous a donné l’illustre Thessalonique, tu es, Théodore, la noble parure des deux langues 12. 6

Sur l’éloquence du roi Nestor, voir Iliade 1, 247-249. Elle était devenue proverbiale, cf. OVIDE, Métamorphoses 13, 63. 7 Selon Iliade 2, 673-674, Nirée était après Achille le plus beau des Grecs venus à Troie. L’épigramme est incomplète. 8 Voir l’épigramme précédente. 9 TELEKI (1784), BARRETT (1985), p. 124-125 et FABER (2009a), p. 156-157 font des pièces 5 et 6 un seul poème. 10 La description de cet habit officiel manque de clarté, car pallium et toga semblent renvoyer à la même réalité, la robe ou toge. 11 Théodore Gaza, philosophe et grammairien grec né à Thessalonique vers 1400, quitta Constantinople avant la prise de la ville par les Turcs et enseigna en Italie, notamment à Ferrare, où il diffusa la culture grecque. 12 Les deux langues de la culture humaniste, le grec et le latin. L’épigramme est peutêtre incomplète, n’ayant pas de verbe principal.

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8 Mayer = I, 80 Teleki Ad Franciscum Arretinum Francisce, interpres legum, Arretine, sacrarum, nec minus Aonia nobilis in cithara, iustitiae mensura tibi seruatur in omnes, in solo nostri est nullus amore modus ; nam me plus multo laudas, miraris, honoras, quam mea quod uirtus ingeniumque capit. Quare tu plus quam mereor, mihi ne, rogo, praestes, at tibi dent faciles, quanta merere, dei.

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9 Mayer = II, 15 Teleki Iohannes domino Manueli salutem Accipe, quaeso, tui munuscula parua Iohannis, exhilares frontem, dum capis, ipse tuam. Ante tamen nobis memor esto ignoscere, quod non redduntur meritis praemia digna tuis. 10 Mayer = II, 11 Teleki Iohannes ad Philippum Bibium pro conuiuio suo Quas tibi pro tanto referemus munere grates ? Quae dabimus meritis praemia digna tuis ? Tu decus es Bibiae lumenque propaginis ingens, tu patriam insigni laude sub astra feres. Vrbs Genuae semper tanto exultabit alumno, et quondam Idaliae Cypros amata deae. Rerum opifex summus tibi det quaecumque rogabis, et tribuat factis praemia digna tuis.

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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8 Mayer = I, 80 Teleki À Francesco d’Arezzo Francesco d’Arezzo 13, interprète des lois divines qui n’es pas moins illustre avec la cithare d’Aonie 14, tu observes les règles de la justice envers tous, c’est seulement dans ton affection pour moi que tu n’as aucune mesure : car tu me loues, m’admires, m’honores beaucoup plus que ma valeur et mon talent ne le justifient. Ne m’attribue pas, je t’en prie, plus que je ne le mérite, et que les dieux propices t’accordent autant que tu le mérites.

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9 Mayer = II, 15 Teleki Jean 15 salue le seigneur Manuel Accepte, de grâce, les petits cadeaux que t’offre ton cher Jean, et puisses-tu toi-même avoir l’air joyeux de les recevoir ! Mais auparavant souviens-toi de me pardonner de ne pas récompenser tes services comme ils le mériteraient. 10 Mayer = II, 11 Teleki Jean à Filippo Bixio 16 pour son banquet Quels remerciements t’adresserons-nous pour un si grand présent ? Quelles faveurs qui soient dignes de ton bienfait t’accorderons-nous ? Tu es la parure et la grandiose lumière de la famille Bibia, tu élèveras ta remarquable patrie jusqu’aux astres. La ville de Gênes sera toujours fière d’un tel enfant, 5 tout comme Chypre aimée jadis de la déesse d’Idalie 17. Que le suprême créateur du monde t’accorde tout ce que tu lui demanderas, et qu’il t’attribue des faveurs dignes de tes actes.

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Francesco Aretino Griffoloni, professeur de droit civil et canonique, traducteur et poète actif à Ferrare, voir BIRNBAUM (1981), p. 39. 14 En Aonie (nom poétique de la Béotie), sur le mont Hélicon, se trouvait la source Hippocrène, autour de laquelle se réunissaient les Muses. La cithare d’Aonie est donc la poésie, domaine dans lequel Francesco est aussi illustre que dans l’exégèse juridique. 15 Pannonius lui-même, puisque Janus est l’équivalent du latin Johannes, « Jean ». On ne sait qui est ce Manuel. 16 Personnage non identifié, originaire de Gênes par son père (Bixio est le nom d’une famille génoise) et de Chypre par sa mère. 17 Idalie est une ville de Chypre célèbre par son sanctuaire d’Aphrodite-Vénus. La déesse, née de l’écume de la mer ou du sperme d’Ouranos, aborda d’abord à Cythère puis vint à Chypre, île à laquelle elle est intimement liée.

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11 Mayer = II, 10 Teleki Iohannes grates agit Sigismundo Mazono pro membrana qua ab eo donatus fuerat Ocius ite deae, celeres, precor, ite Camenae, corripe dulcisonam, pulcher Apollo, lyram, et tot Mazono, pro munere, reddite grates, quot tenues umbras regia Ditis habet, quot flores pratis, quot sunt super arbore frondes, quot fulgent rapido sidera fixa polo, aequoreum flauis quot abundat litus arenis, quot gignit rabidas terra Libyssa feras, et quot in Hadriaco uersantur gurgite pisces, quot gerit horrentes Pannonis ursa pilos.

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12 Mayer = II, 19 Teleki Cuidam Ante reuertetur tepidos Hyperion ad ortus, excipiet stabilem Tethyos unda polum, Riphaeis niuibus canescere desinet orbis, nullus in Oceani gurgite piscis erit, mella ferent rupes, quercus producet aristas, quam meus in Petrum diminuatur amor.

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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11 Mayer = II, 10 Teleki Jean remercie Sigismondo Masoni 18 pour un parchemin dont il l’avait gratifié Venez vite, déesses, hâtez-vous, je vous en prie, venez, Camènes 19, saisis, bel Apollon, ta lyre harmonieuse, et remerciez Masoni pour son présent autant de fois que le palais de Dis contient d’ombres ténues 20, qu’il y a de fleurs dans les prés et de feuilles sur un arbre, qu’il brille d’étoiles fixées dans le ciel en mouvement, que le rivage marin abonde en grains de sable blond, que la terre de Libye enfante de bêtes enragées 21, qu’il se meut de poissons dans le gouffre Adriatique et que l’ourse de Pannonie 22 porte de poils hérissés.

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12 Mayer = II, 19 Teleki À quelqu’un Hypérion reviendra au tiède séjour où il naît 23, l’onde de Téthys 24 recevra le ciel immobile, la terre cessera de blanchir sous la neige du Riphée 25, il n’y aura aucun poisson dans le gouffre de l’Océan, les rochers porteront du miel et le chêne produira des épis de blé avant que ne diminue mon amitié pour Petrus.

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Sigismondo Masoni, alchimiste et antiquaire de Ferrare, voir BIRNBAUM (1981), p. 37. Le poème est basé sur une accumulation de comparaisons. 19 Les Camènes sont des nymphes assimilées aux Muses. Apollon est le dieu de la poésie. 20 Dis, dieu du monde souterrain identifié à Pluton. Les ombres sont celles des morts. 21 La répétition de l’adjectif rapidus, déjà employé deux vers plus haut, serait une maladresse ou une erreur de la tradition manuscrite. Aussi adoptons-nous la correction rabidas de TELEKI (1784). 22 On l’a dit dans l’Introduction, la Pannonie est le nom de la province romaine qui correspondait très grosso modo à la Hongrie de l’époque. 23 Hypérion, père du Soleil, est souvent identifié à lui ; c’est le cas ici. Le Soleil le matin s’élance sur son char de feu depuis le pays des Indiens pour parcourir le ciel ; il ne peut bien sûr revenir en arrière. L’épigramme est basée sur la figure de l’adynaton. 24 Téthys est la personnification de la mer. 25 Montagne plus ou moins mythique que les Anciens plaçaient au Nord du monde connu. 18

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13 Mayer = II, 20 Teleki Responsio Iohannis ad quemdam nimis ardua sibi suadentem Quae mihi misisti Clarium redolentia uatem, accepi placido carmina docta sinu. In quibus altarum memorans praeconia laudum siderei tollis me super astra poli, ac me sanguigenas hortaris dicere pugnas, et tot magnanimum splendida gesta ducum. Si mihi Pierium praestabit Apollo fauorem, parebo monitis, clare poeta, tuis. Sed mihi Castalium nec spirant pectora nectar, nec sunt Aonio labra rigata lacu. Non mihi Pegaseae ueniunt in carmina uires, ut possim tantos edere uoce duces. Non uerso tantum tenero sub pectore robur, tanta negant humeri pondera ferre mei. Postmodo maturis fuero cum doctior annis,

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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13 Mayer = II, 20 Teleki Réponse de Jean 26 à quelqu’un qui l’incitait à des choses trop difficiles Les vers savants, fleurant le poète de Claros 27, que tu m’as envoyés, je les ai recueillis dans mon sein tranquille 28. Reprenant les hommages des éloges anciens 29 tu m’élèves au-dessus des astres du ciel éthéré, et tu m’exhortes à raconter les combats sanglants 30 et les brillantes actions des chefs au grand cœur 31. Si Apollon me concilie la faveur des Piérides 32, j’obéirai à tes conseils, illustre poète. Mais ma poitrine n’exhale pas le nectar de Castalie et mes lèvres n’ont pas été trempées dans la fontaine d’Aonie 33. Les forces de Pégase 34 ne touchent pas assez mes vers pour permettre à ma voix de célébrer de si grands chefs. Je ne déploie pas une si grande vigueur dans ma tendre poitrine, mes épaules refusent de porter un si grand poids. Plus tard, dans mes années de maturité 35, quand je serai plus savant, 26

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Pannonius lui-même (cf. l’épigramme 9) qui répond ici à un poète qui lui suggérait apparemment d’écrire une œuvre épique. Ce poème est une recusatio qui présente le programme poétique de Pannonius ; il faut l’associer à la pièce 440, autre recusatio plus tardive. 27 Claros était une ville d’Ionie, célèbre par son sanctuaire oraculaire d’Apollon. Le poète/devin (car le mot uates a les deux sens) de Claros pourrait être Apollon, dieu de la musique et de la poésie. Mais sans doute s’agit-il plutôt d’Antimaque de Colophon, qu’Ovide appelle Clarius poeta (Tristes I, 6, 1), et qui composait de la poésie épique et de la poésie élégiaque. 28 Le vers signifie apparemment que Pannonius a mis les vers du destinataire dans une poche contre sa poitrine. 29 C’est-à-dire les formulations qu’adoptaient dans leurs éloges les poètes de l’Antiquité. 30 L’adjectif sanguigenus est un hapax. Il a parfois été simplifié en sanguineus dans les éditions. 31 Pannonius emploie pour l’adjectif magnanimus la désinence de génitif pluriel archaïque en -um au lieu de -orum, à l’exemple de VIRGILE (Géorgiques 4, 476 ; Énéide 3, 704 ; 6, 307). On ne sait quels sont exactement ces hauts faits que Pannonius était invité à célébrer. 32 Les Piérides, neuf jeunes filles rivales des Muses, leur sont identifiées en poésie. 33 La fontaine Castalie est une source, à Delphes, consacrée à Apollon et aux Muses. L’eau qui en coule, ici qualifiée de nectar, était censée donner l’inspiration poétique. La fontaine d’Aonie est la source Hippocrène, voir l’épigramme 8. 34 En frappant le sol de l’Hélicon de son sabot, le cheval Pégase fit jaillir la source Hippocrène, autour de laquelle les Muses se réunissent pour chanter. 35 On en déduit que le poème est une pièce de jeunesse. Indépendamment des considérations biographiques, la jeunesse relève du topos d’humilité et sert fréquemment d’argument dans la recusatio.

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si potero monitus forte subibo tuos. Interea fixum teneas sub corde Iohannem, digna Maronea carmina uoce canens. 14 Mayer = II, 6 Teleki Hymnus in Musas, Iouem et Apollinem ab Homero adhuc puero editus, de Graeco in Latinum traductus per Iohannem ad Lodouicum Cyprium Vos, o Thespiades, et carminis auctor Apollo, et tu stelliferi pater ac moderator Olympi, ardor inest uestras nobis exponere laudes. Vos, o Thespiades, et carminis auctor Apollo, orbe uiros toto uocali carmine claros redditis, et dulces cithara datis edere cantus. At tu, magne parens, radiantis rector Olympi, purpureos ornas pulchro diademate reges, imperiale decus et sceptra nitentia donans. Ille tamen cunctis felicior, ille beatus scilicet et merito fortunatissimus ille est, dulcia cui doctae tribuerunt carmina Musae, cui dedit ipse suum iaculator Apollo furorem. Illi nectareus sacro de pectore sermo suauior et flaui manat dulcedine mellis ; de Ioue nunc igitur genitae saluete sorores !

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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peut-être me soumettrai-je à tes conseils, si je peux. En attendant, garde Jean fixé dans ton cœur en chantant des vers dignes de la voix de Virgile. 14 Mayer = II, 6 Teleki Hymne aux Muses, à Jupiter et Apollon composé par Homère encore enfant et traduit du grec en latin par Jean, à Ludovico de Chypre 36 Vous, Muses de Thespies 37 et Apollon inspirateur des vers, et toi, père et souverain de l’Olympe étoilé, je brûle d’exposer vos mérites. Vous, Muses de Thespies et Apollon inspirateur des vers, vous rendez par des vers harmonieux les hommes illustres dans l’univers entier, 5 et vous donnez la capacité de composer à la cithare de doux chants 38. Quant à toi, vénérable divinité qui gouvernes l’Olympe étincelant, tu ornes d’un beau diadème les rois couverts de pourpre, leur donnant l’éclat du pouvoir et un sceptre brillant. Celui-là cependant a plus de chance que tous, celui-là est heureux 10 assurément et passe à juste titre pour le plus comblé par la fortune, à qui les Muses savantes ont accordé l’art des doux vers, et à qui Apollon l’archer 39 lui-même a donné la fureur poétique. De sa poitrine sacrée coulent des mots de nectar, plus agréables que la douceur du miel blond. 15 Salut donc, sœurs nées de Jupiter 40.

36 Il ne s’agit pas véritablement d’une traduction mais plutôt d’un développement à partir de l’Hymne homérique 25 aux Muses, qui ne compte que sept vers. Contrairement à ce qu’on croyait autrefois, les Hymnes homériques ne sont pas d’Homère. Jean est ici encore Pannonius (voir l’épigramme 9). Ludovico Podocataro, originaire de Chypre, est un ecclésiastique et humaniste italien, voir Dizionario biografico degli Italiani, t. 84, 2015, p. 442-443. Le poème peut assez difficilement être qualifié d’épigramme, mais nous l’avons néanmoins retenu. 37 Thespies est une ville de Béotie, proche de l’Hélicon, montagne consacrée aux Muses. 38 Les Muses et Apollon président à la fois à la poésie et à la musique. 39 Apollon est muni d’un arc : comme sa sœur Artémis-Diane il lance de loin des flèches qui ne manquent jamais leur but. 40 Les neuf Muses sont en effet sœurs et filles de Jupiter et de Mnémosyne.

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15 Mayer = II, 7 Teleki Ad Lodouicum Cyprium Nos tibi uersiculos, Lodouice, dicauimus istos, o decus et saecli gloria magna tui ! Hos ego de sacro conuerti nuper Homero, qui tibi mansuri pignus amoris erunt. 16 Mayer = II, 12 Teleki Ad Guarinum Veronensem Te precor, o nostri decus et noua gloria saecli, qui calles linguas, docte Guarine, duas, quo iam tot fuimus sub praeceptore per annos, hospes ut in cena nunc meus esse uelis. Quam dedit Euandro laudem Tirynthius hospes, hanc dabis ipse mihi, si meus hospes eris.

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17 Mayer = II, 14 Teleki Refellit Guarinicam excusationem Seria sunt, quae dura uocas, gratissima nobis, nec poterunt nostris illa nocere iocis, immo tua haud paruum mensae praesentia nostrae splendorem poterit, clare Guarine, dare. Frenaque ne nostro nimium sint libera ludo, neue suum excedant gaudia nostra modum, illa augusta tui faciet reuerentia uultus et grauitas magno dignaque forma deo. Nec tamen inter nos et te iuuenilia quaedam, quanquam sis canus, dicere turpe puta.

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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15 Mayer = II, 7 Teleki À Ludovico de Chypre Nous t’avons dédié ces petits vers 41, Ludovico de Chypre, parure et noble gloire de ton siècle. Je les ai traduits récemment du divin Homère, et ils seront pour toi le gage d’une affection 42 destinée à durer. 16 Mayer = II, 12 Teleki À Guarino de Vérone Je t’en prie, parure et gloire nouvelle de notre siècle, savant Guarino, expert dans les deux langues 43, sous qui j’ai étudié pendant tant d’années, accepte d’être aujourd’hui mon hôte à dîner. L’honneur que l’hôte de Tirynthe a procuré à Évandre 44, tu me le procureras toi, si tu es mon hôte.

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17 Mayer = II, 14 Teleki Il réfute l’excuse de Guarino 45 Les échanges sérieux, que tu qualifies d’austères, nous les apprécions beaucoup, et ils ne pourront nuire à nos plaisanteries ; bien au contraire ta présence à notre table pourra lui donner beaucoup d’éclat, illustre Guarino. Et le respect auguste que dégage ton visage, 5 ta gravité et ton apparence digne d’un grand dieu nous empêcheront de trop lâcher la bride à notre badinage et d’excéder la mesure dans nos amusements. Cependant ne juge pas honteux de tenir toi aussi parmi nous des propos de jeune homme, quoique tu aies des cheveux blancs. 10

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Il s’agit de la pièce 14 Mayer, qui précède. L’expression pignus amoris est souvent employée dans des pièces de dédicace, par exemple MARULLE, Épigrammes I, 1, 10 ou DU BELLAY, Épigrammes 27, 7. 43 Le latin et le grec. 44 L’hôte de Tirynthe (ville d’Argolide) est Hercule, dont l’origine est associée à l’Argolide. Lorsqu’il eut tué Cacus, Évandre, roi de Pallantée, le reçut et le purifia de ce meurtre. 45 Guarino, invité à un dîner organisé par Pannonius et d’autres de ses élèves, avait refusé en alléguant son âge et la différence de goûts entre les jeunes et les vieux (MAYER [2006], Appendix 1 = II, 13 TELEKI [1784]). 42

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Quippe nec in seris ‒ ex te hoc audiuimus ‒ annis horruit urbanos Tullius ipse sales. Socrate quis grauior fuit, aut quis sanctior umquam ? Lusit cum pueris saepius ipse suis. Isse datur quondam ‒ non est ea fabula falsa ‒ Stoicus ad Florae sacra iocosa Cato. Tantorum exemplis igitur moueare uirorum, et quae saepe probas, ne fuge facta sequi. Ne fuge te quamuis cum dispare iungere turba, nec mihi rescribas, sed magis ipse ueni.

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18 Mayer = II, 9 Teleki Ad Galeottum pro dono quodam Pectora si magnum redolerent nostra Maronem, diuinusque meo sub corde lateret Homerus, et mea centenis resonarent guttura linguis, uix, Galeotte, tibi meritas persoluere grates munere pro tali facundia nostra ualeret. Tot tibi sint igitur grates, quot litus harenas, Tmolus habet uites, maturas Gargara messes, dulcis Hymettus apes, uastas Hyrcania tigres, quot gruibus Strymon, niueis palus Asia cygnis, glandibus Epirus, quot abundat frondibus Ide,

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

Car même dans ses années tardives – nous l’avons appris de toi – Cicéron en personne n’a pas rejeté le plaisir des mots d’esprit 46. Qui fut jamais plus grave ou plus saint que Socrate ? Eh bien il a joué fort souvent avec ses enfants 47. On rapporte que le stoïcien Caton – l’histoire est véridique – s’est rendu un jour aux cérémonies joyeuses de Flore 48. Laisse-toi donc convaincre par l’exemple de si grands hommes, et les conduites que tu approuves en général, ne crains pas de les imiter. Ne crains pas de te joindre à notre groupe, si différent 49 de toi soit-il ; et ne me réponds pas par lettre, mais viens plutôt en personne.

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18 Mayer = II, 9 Teleki À Galeotto 50 pour un cadeau Même si ma poitrine fleurait le grand Virgile, si le divin Homère se cachait sous mon cœur et si mon gosier résonnait de cent langues 51, à peine, Galeotto, mon éloquence pourrait-elle te remercier comme tu le mérites pour un tel présent. 5 Reçois donc autant de remerciements que le rivage porte de grains de sable, le Tmolus de vignes, le Gargare de moissons mûres, le doux Hymette d’abeilles, l’Hyrcanie de tigres monstrueux, autant que le Strymon abonde en grues, le marais asien en cygnes blancs, l’Épire en glands, l’Ida en feuillages 52, 10 46 QUINTILIEN (Institution oratoire VI, 3) et MACROBE (Saturnales II, 3) citent de nombreux bons mots de Cicéron. 47 Selon VALÈRE-MAXIME, Faits et dits mémorables VIII, 8, ext. 1. 48 L’anecdote est rapportée par VALÈRE-MAXIME (Faits et dits mémorables II, 10, 8) et MARTIAL (I, praef. 7-8). Sur les fêtes en l’honneur de la déesse Flore, voir les épigrammes 120 et 152. 49 La forme normale d’ablatif de l’adjectif dispar est dispari, mais on trouve parfois dispare chez les poètes. 50 Galeotto Marzio, humaniste italien ami de Pannonius dont il est souvent question dans les épigrammes, voir Dizionario biografico degli Italiani, t. 71, 2008, p. 478-484 ; THOMSON (1988), p. 31-32. Le poème est construit sur une accumulation de comparaisons (cf. la pièce 11). 51 Hyperbole inspirée d’HOMÈRE (Iliade 2, 489) et de VIRGILE (Géorgiques 2, 43 ; Énéide 6, 625). 52 Le mont Tmolus, en Lydie (Asie Mineure), était couvert de vignobles. Le Gargare, sommet de l’Ida, domine la contrée fertile de Mysie (Asie Mineure). Le mont Hymette, en Attique, produisait un miel réputé ; doux a le sens de « parfumé », par allusion aux fleurs que butinent les abeilles, ou renvoie à la douceur du miel. L’Hyrcanie est une région au sud de la mer Caspienne souvent citée pour ses tigres. Le Strymon est un fleuve de Thrace sur les bords duquel les grues séjournent l’été. Le marais asien se trouve en Lydie, près du fleuve Caystre qui était peuplé de cygnes (cf. HOMÈRE, Iliade 2,

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quot fluuii pisces, quot sidera stellifer axis, terra feras nutrit, uolucres agitabilis aer, quot segetes aestas, uernalia tempora flores, quot pater Autumnus dulces in uite racemos, humantes pluuias quot bruma nouissima gignit, irrigui pictis quot abundant floribus horti, arboribus montes, maturis frugibus agri. Ergo uale, et nostri reminiscere semper amoris.

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19 Mayer = 122/2 Ábel Ad Galeottum Candida seu uultu ridet Fortuna sereno, seu praefert tristes nubila fronte minas, semper habe fidi secretum pectus amici, affectus credas cui Galeotte tuos : collatae leuius mordent praecordia curae, gaudia plus multo participata iuuant.

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20 Mayer = 2 Horváth Iohannes rogat magistrum Gregorium ut inceptam cuiusdam fontis descriptionem perficiat Te precor, inceptum pergas describere fontem ; quid facit in mediis ancora fixa fretis ? Certe erit optatos melius contingere portus : irrita ne media uela morentur aqua !

ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

autant que les fleuves nourrissent de poissons, le ciel étoilé d’astres, la terre de bêtes sauvages, l’air mobile d’oiseaux, autant que l’été produit de céréales, la saison printanière de fleurs, l’auguste automne de douces 53 grappes sur la vigne, le dernier hiver de pluies imprégnant le sol 54, autant que les jardins arrosés abondent en fleurs colorées, les montagnes en arbres, les champs en moissons mûres. Donc porte-toi bien, et souviens-toi toujours de mon amitié.

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19 Mayer = 122/2 Ábel À Galeotto Soit que la Fortune radieuse te sourie d’un visage serein 55, soit qu’elle affiche de sinistres menaces sur son front nuageux, aie toujours près de toi le sein discret d’un ami fidèle à qui confier, Galeotto, tes sentiments. Les soucis, racontés, mordent moins durement le cœur, et les joies partagées procurent beaucoup plus de plaisir.

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20 Mayer = 2 Horváth Jean 56 demande à maître Gregorius d’achever la description d’une fontaine qu’il a commencée Je t’en prie, continue la description de la fontaine que tu as commencée ; à quoi sert une ancre fixée au milieu des flots ? Assurément il vaudra mieux toucher le port souhaité : que tes voiles ne s’arrêtent pas vainement au milieu de l’eau ! 460). L’Épire, au nord-ouest de la Grèce, et notamment la région de Dodone, étaient célèbres pour leurs chênes. L’Ida est une chaîne montagneuse de Mysie, particulièrement boisée. 53 Les grappes sont douces parce que le raisin est savoureux ou parce qu’il est sucré. 54 L’unique manuscrit pour cette épigramme, T, donne humantes, généralement corrigé par les éditions en humentes, « humides », ce qui aboutit à une redondance (« les pluies humides »). Il existe un verbe humare, « mettre en terre », mais dans lequel le -u- est bref, ce qui est impossible du point de vue de la métrique. Si l’on garde avec MAYER (2006) humantes, il faut rattacher le verbe à la racine de humor/humidus et lui donner le sens de « humidifier, arroser ». Ce verbe est alors un hapax. Il n’est pas exclu enfin que Pannonius ait voulu jouer sur la proximité des deux racines humor/humidus et humus, comme nous le faisons nous-même dans notre traduction. Les vers 14-15 sont inspirés du vers 11 d’un poème (Anthologie latine 672 Riese) de datation incertaine, où Auguste se demande s’il doit brûler l’Énéide conformément à la volonté de Virgile. 55 Ce premier vers est inspiré d’OVIDE, Tristes I, 5, 27. 56 Pannonius lui-même, cf. les épigrammes 9, 13, 18. Maître Gregorius n’est pas identifié.

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21 Mayer = I, 24 Teleki De natura uitae humanae Nocte cadente orimur, nihil anterioris habentes temporis, excepit nos simul alma dies. Semper et hesterni uitam deperdimus aeui, principium reliquae lux modo nata facit. Esse tibi multos senior ne dixeris annos, nam de praeteritis nil hodie retines. 22 Mayer = I, 25 Teleki De Thalete ab anu irriso Hauserat intentum stellis scrobs caeca Thaletem, cui super illudens talia dixit anus : « Tu, qui fata aliis te pandere posse serebas, nescisti uitae fata uidere tuae ». 23 Mayer = I, 26 Teleki De lepore et uulpe Dum lepus instantes cursu non effugit Vmbros, uulpinam subito uanuit in foueam. Tum uulpes « Vos qui pedibus sic fiditis, inquit, cernite quam lentum plus ualet ingenium ! »

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21 Mayer = I, 24 Teleki Sur la nature de la vie humaine 57 Nous naissons quand la nuit se termine, et ne gardons rien du temps antérieur dès que le jour bienfaisant nous a accueillis. Toujours nous perdons notre vie d’hier, la lumière qui vient d’apparaître marque le début d’une lumière nouvelle 58. Ne dis pas, une fois vieux, que tu as de nombreuses années, 5 car aujourd’hui tu ne possèdes plus rien de tes années passées. 22 Mayer = I, 25 Teleki Sur Thalès tourné en dérision par une vieille femme Une fosse obscure avait englouti Thalès qui observait les étoiles ; une vieille femme ajouta la moquerie à son infortune en disant : « Toi qui racontais que tu pouvais dévoiler aux autres leur destin, tu n’as pas su voir le destin de ta propre vie » 59. 23 Mayer = I, 26 Teleki Sur le lièvre et le renard Un lièvre, rattrapé par des chiens d’Ombrie 60 lancés à sa poursuite, disparut soudain dans le terrier d’un renard. Alors 61 le renard : « Vous qui vous fiez tellement à vos pieds, voyez comme l’intelligence patiente a plus de pouvoir ».

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Traduction d’une épigramme grecque (Anthologie grecque 10, 79). La lumière est ici la lumière du jour. L’idée du poème est que personne n’est le même que ce qu’il a été la veille, et que nous vivons donc au jour le jour. 59 Pannonius s’inspire d’une anecdote célèbre rapportée notamment par DIOGÈNE LAËRCE (Vies, doctrines et sentences des philosophes illustres 1, 34) et PLATON (Théétète 174a), et, anonymement, par ÉSOPE (Fables 65, « L’astronome »), mais il la déforme doublement : d’abord en attribuant à Thalès des prétentions à la divination qu’aucune source antique n’atteste (si ce n’est que ses connaissances scientifiques lui permettaient de prédire certains phénomènes naturels, cf. HÉRODOTE 1, 74) ; ensuite, en suggérant par la formulation du vers 4 qu’il est mort de sa chute, ce que les sources contredisent mais qu’on lit fréquemment dans des ouvrages modernes. Le philosophe allemand Hans Blumenberg a analysé la reprise de cette anecdote dans toutes ses variantes, voir BLUMENBERG (2000). 60 Les chiens d’Ombrie étaient à Rome réputés pour la chasse (cf. VIRGILE, Énéide 12, 753). 61 Nous corrigeons le cui des manuscrits, inacceptable puisque le renard s’adresse aux chiens, en tum. 58

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24 Mayer = I, 27 Teleki In pumilionem In latebris habita, ne te petat oris acuti cuspide Pygmaeis grus inimica uiris. 25 Mayer = I, 30 Teleki De Phryne a qua Thebae restitutae fuerunt Quas ut Agenorides fundarat Apolline Cadmus, Amphion dulci carmine munierat, restituit stratas Phryne meretricula Thebas, dum petitur multis, candida forma, procis, risit Vitisator ; contra at Tirynthius heros « Nunc, inquit, uere moenia nostra iacent ».

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26 Mayer = I, 31 Teleki De eadem Phryne Euersas reparat dum Thebas aurea Phryne, femina tam multis una petita uiris, sacra Amphioniae fidis olim plectra secuti nudatis montes erubuere iugis. Illa leui risu « Nescitisne, improba, dixit, saxa, quid hac habeat iuris in urbe Venus ? Iam uos cum tenerae doceant ita currere chordae, quale nefas, homines si mea forma trahit ?

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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24 Mayer = I, 27 Teleki Contre un nabot 62 Habite dans un lieu caché, pour éviter que la grue ennemie des Pygmées ne t’attaque de la pointe de son bec aigu 63. 25 Mayer = I, 30 Teleki Sur Phryné, qui releva Thèbes Cadmus, fils d’Agénor, avait fondé Thèbes sur l’ordre d’Apollon, Amphion l’avait par son chant harmonieux entourée de murailles : après sa destruction, une courtisane, Phryné, la releva, grâce à son beau corps recherché 64 par de nombreux amants. La chose fit rire le planteur de la vigne. En revanche le héros de Tirynthe s’écria : 5 « Maintenant nos murailles sont vraiment abattues » 65. 26 Mayer = I, 31 Teleki Sur la même Phryné Comme la rayonnante Phryné, seule femme recherchée par autant d’hommes, restaurait les ruines de Thèbes, les montagnes qui avaient suivi jadis le plectre sacré de la lyre d’Amphion rougirent sur leurs cimes dénudées. Elle alors dit avec un rire léger : « Ignorez-vous, méchants 5 rochers, de quelle autorité jouit Vénus dans cette ville 66 ? Et du moment que les tendres cordes vous ont incité à courir de la sorte, où est le crime si ma beauté entraîne les hommes ? » 62

Traduction d’une épigramme grecque (Anthologie grecque 11, 369). Allusion à la légende, attestée dès HOMÈRE (Iliade 3, 4-7), de la guerre que chaque année les grues en migration livreraient aux Pygmées en faisant d’eux un grand carnage. Voir MATHIEU (1990), DASEN (1993). 64 MAYER (2006) écrit peritur : c’est évidemment une coquille pour petitur. 65 Selon la légende, Cadmus fonda la ville de Thèbes et Amphion construisit ses murailles en attirant les pierres au son de sa lyre. Lorsque Alexandre le Grand en 335 eut rasé une bonne partie de la ville, la richissime courtisane Phryné (le diminutif meretricula s’explique par la différence de statut entre Phryné et Cadmus et Amphion) proposa de financer la reconstruction des murs, à condition qu’on y grave une inscription en son honneur (ATHÉNÉE, Deipnosophistes 13, 591d). Contrairement à ce qu’indique Pannonius, l’offre (si du moins elle n’est pas une légende) semble avoir été refusée. Le planteur de la vigne (l’épithète vient de VIRGILE, Énéide 7, 179) est Dionysos-Bacchus, et le héros de Tirynthe, Hercule (voir la note au poème 16). Dionysos est lié à Thèbes par sa mère Sémélé, fille de Cadmos ; après son voyage en Inde, c’est à Thèbes qu’il revient et où il installe son culte. Quant à Hercule, il est né à Thèbes et y a passé une partie de sa vie. 66 Sans doute parce que Cadmos, fondateur de Thèbes, avait épousé Harmonie, fille d’Arès-Mars et Aphrodite-Vénus. 63

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27 Mayer = I, 34 Teleki Optat amici complexus Ne Pelopis regnum, ne sit mihi diuitis auri copia, neue leues anteuolem Zephyros, hic te complexus moduler sed rupe sub alta inter oues, Siculum prospiciens pelagus.

28 Mayer = I, 37 Teleki Suum opus modeste laudat Non est hic, studiosa turba, non est festiuissimus ille Martialis, uerum simia Martialis haec est, cui tu non quotiens sacro poetae, sed dumtaxat ea uacabis hora, qua cum simiola uoles iocari. 29 Mayer = I, 38 Teleki Ad librum suum Argiletanas non tu, mea charta, tabernas, non alte excussi ludibria ulla sagi,

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27 Mayer = I, 34 Teleki Il souhaite serrer dans ses bras son ami 67 Je ne désire pas posséder le royaume de Pélops 68 ou une abondance d’or opulent, ni devancer par mon vol les zéphyrs légers, pourvu qu’ici, te serrant dans mes bras, je module des vers au pied d’une roche élevée parmi mes moutons, en regardant au loin la mer de Sicile. 28 Mayer = I, 37 Teleki Il loue modestement son œuvre Cet homme n’est pas, foule admiratrice, le Martial très enjoué que tu connais, mais un singe 69 de Martial, auquel tu n’accorderas pas autant de temps qu’à l’auguste poète, mais seulement l’heure où tu voudras jouer avec un petit singe.

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29 Mayer = I, 38 Teleki À son livre 70 Ne crains pas, mon livre, les boutiques de l’Argilète 71, ni la brimade du manteau où l’on vous fait sauter en l’air 72, 67 Traduction d’un passage du poète grec THÉOCRITE, Idylles 8, 53-56. Le titre correspond mal au contenu du poème, qui exprime une aspiration à la vie simple que mènent les bergers-poètes de la tradition bucolique. Rien ni chez Théocrite ni chez Pannonius (en dehors du titre) n’indique que l’ami est de sexe masculin. 68 En venant en Grèce (et plus précisément dans le Péloponnèse auquel il a donné son nom) depuis l’Asie Mineure dont il était originaire, Pélops apporta avec lui des trésors, introduisant ainsi dans un pays jusque-là pauvre un peu du luxe oriental (cf. THUCYDIDE I, 9, 2). 69 Le singe symbolise pour les Romains l’imitation servile (cf. SÉNÈQUE LE PÈRE IX, 3, 12), et la métaphore simiesque est fréquente à la Renaissance dans les débats sur l’imitation des Anciens. Pannonius, avec une certaine humilité affectée, veut dire qu’il n’est qu’un pâle continuateur de Martial. 70 Pannonius démarque ici librement l’épigramme I, 3 de MARTIAL, où le poète, s’adressant à son livre impatient de quitter la maison de son auteur, lui indiquait tous les dangers qu’il aurait à affronter. Mais alors que Martial insistait surtout sur le goût difficile des Romains, Pannonius met en garde son livre contre la jalousie. 71 L’Argilète est un quartier de la Rome antique où se trouvaient les boutiques des libraires. Pannonius reprend la structure du vers initial de l’épigramme I, 3 de MARTIAL (Argiletanas mauis habitare tabernas), mais chez Martial le livre voulait habiter les boutiques de l’Argilète, il ne les craignait pas. 72 Ce qu’on appelle la berne (cf. MARTIAL I, 3, 8).

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nec subsannantum sorbentes aera ronchos, nec naso armatum rhinocerota time, non thura aut scombros, non cordylas uel oliuas, nec blattae morsus aut inopis tineae. Doctorum iste timor, timuit tuus ista magister ; sed liuidos homines tu, mea charta, time.

30 Mayer = I, 156 Teleki In Gryllum Cum tu, Grylle, sonas, reticent per tesqua cicadae ; malo sonent illae, dummodo tu taceas.

31 Mayer = I, 273 Teleki In Gryllum Aurea Pythagoras, argentea carmina fecit Phocylides ; sed tu plumbea, Grylle, facis.

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ni les sarcasmes qui hument l’air avec mépris 73, ni le rhinocéros armé de son nez 74, 5 ni l’encens ou les maquereaux, les alevins de thon ou les olives 75, ni la morsure de la blatte ou de la mite sans ressources 76. C’est là ce que craignent les savants, et ton maître dans l’épigramme 77 a eu ces craintes ; mais toi, mon livre, crains la jalousie des hommes. 30 Mayer = I, 156 Teleki Contre Gryllus Quand tu entonnes ton chant, Gryllus, les cigales dans les campagnes solitaires se taisent. Je préfère que les cigales chantent, pourvu que tu te taises 78. 31 Mayer = I, 273 Teleki Contre Gryllus Pythagore a fait des vers d’or, Phocylide des vers d’argent 79 ; mais toi, Gryllus, tu fais des vers de plomb 80.

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La formulation est étrange, et le verbe subsannare ne se lit presque que chez les auteurs chrétiens. L’idée est apparemment que les gens méprisants semblent humer l’air. 74 MARTIAL (I, 3, 5-6) disait qu’à Rome tout le monde avait un nez de rhinocéros (le rhinocéros a un nez prolongé par une ou deux cornes, et donc long). Or le nez était considéré comme le siège de la raillerie ou du dédain. Ici c’est le rhinocéros lui-même qui devient le symbole du mépris. 75 Les livres invendus servaient d’emballage (cf. MARTIAL III, 2, 4-5 ; III, 50, 9 ; IV, 86, 8 ; XIII, 1, 1-2). 76 La blatte ou la mite sont indigentes puisqu’elles sont affamées. Peut-être y a-t-il là un souvenir déformé de l’épigramme XIII, 1 de MARTIAL, où il est question de blattes et où l’adjectif inops qualifie non cet insecte mais la faim. 77 La périphrase tuus… magister désigne évidemment Martial. 78 Gryllus, dont le nom rappelle le latin grillus, « grillon », est évidemment un mauvais poète. Pannonius, comme souvent les Anciens (cf. MARTIAL X, 58, 3), juge le cri des cigales désagréable. 79 Pythagore en réalité n’a rien écrit. Ses « vers d’or » sont une sorte d’anthologie de ses préceptes moraux qui s’étaient transmis par voie orale. Phocylide est un poète élégiaque du VIe siècle avant notre ère, mais on a mis sous son nom beaucoup plus tard un poème gnomique en hexamètres qui suppose la connaissance de l’Ancien Testament ; c’est certainement à ce poème que Pannonius pense ici. 80 Sans doute un souvenir d’AUSONE, Epistulae 16, 1 : Aurea mala, Theon, sed plumbea carmina mittis.

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32 Mayer = I, 86 Teleki In Gryllum Nec bene, nec uere cum scribas, Grylle, uocari non bene, sed uere pseudopoeta potes. 33 Mayer = I, 353 Teleki In Gryllum Socratis effigiem damnauit Zopyrus olim ; quid si uidisset, pessime Grylle, tuam ? 34 Mayer = I, 154 Teleki De naso Cyri et Grylli Cyrus erat Persis naso gratissimus unco ; inuisus tota est Gryllus in Ausonia. 35 Mayer = I, 39 Teleki In Gryllum Merdas, Grylle, tuas meo libello te detergere uelle comminaris. Tergas, Grylle, licet, modo cruentas. 36 Mayer = I, 40 Teleki In eumdem Grylle, caca in nostrum, non deprecor, improbe, librum, dum tantum mixto sanguine, Grylle, caces.

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32 Mayer = I, 86 Teleki Contre Gryllus Tu écris sans élégance et sans justesse, Gryllus : tu peux être appelé, sans élégance mais avec justesse, pseudopoète. 33 Mayer = I, 353 Teleki Contre Gryllus Zopyrus autrefois a condamné la physionomie de Socrate 81 ; qu’aurait-il dit, infâme Gryllus, s’il avait vu la tienne ? 34 Mayer = I, 154 Teleki Sur le nez de Cyrus et de Gryllus Cyrus avec son nez recourbé était très cher aux Perses 82 ; Gryllus avec le sien est haï dans toute l’Ausonie 83. 35 Mayer = I, 39 Teleki Contre Gryllus Tu me menaces, Gryllus, d’essuyer ta merde avec mon petit livre. Tu peux l’essuyer ainsi, Gryllus, pourvu qu’elle soit mêlée de sang 84. 36 Mayer = I, 40 Teleki Contre le même personnage Misérable Gryllus, chie sur notre livre, je ne t’en dissuaderai pas, pourvu seulement, Gryllus, que tu chies un mélange de sang.

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Le physionomiste Zopyrus, qui prétendait connaître le caractère des hommes par la seule inspection de leur corps, voyant un jour Socrate, déclara qu’il était sot et porté à l’amour (cf. CICÉRON, Tusculanes 4, 80 ; Du destin 10). 82 Le nez de Cyrus est évoqué plusieurs fois par PLUTARQUE, par exemple dans les Préceptes politiques 28 (Moralia 821 E). 83 Nom poétique ancien de l’Italie. 84 Les selles mêlées de sang sont le symptôme principal de la dysenterie. Pannonius souhaite donc à Gryllus d’être frappé de cette maladie.

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37 Mayer = I, 174 Teleki Ad Gryllum Grylle, Lycambeos alias mittemus iambos ; imbelles elegi nunc tibi munus erunt.

38 Mayer = I, 190 Teleki In Gryllum Grylle, Lycambeos uacui mittemus iambos ; hoc breue sufficiat nunc epigramma tibi.

39 Mayer = I, 126 Teleki Ad Gryllum Mordes, et patria pastum me dicis ab ursa, tam durus uideor, tam tibi, Grylle, ferus. Pannonis ursa dedit lac nobis, Grylle, fatemur, at non ursa tibi, sed lupa, Grylle, dedit.

40 Mayer = I, 45 Teleki In arrogantem Tu, qui tanta sapis, dic unde ciconia rostrum sic quatiat, quamuis algeat illa nihil ?

ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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37 Mayer = I, 174 Teleki À Gryllus Gryllus, une autre fois nous t’adresserons des iambes comme il en a été écrit contre Lycambès 85 ; aujourd’hui tu auras en cadeau des vers élégiaques pacifiques 86. 38 Mayer = I, 190 Teleki Contre Gryllus Gryllus, quand nous serons de loisir nous t’adresserons des iambes comme il en a été écrit contre Lycambès ; que cette brève épigramme te suffise aujourd’hui. 39 Mayer = I, 126 Teleki À Gryllus Avec ta langue mordante, tu déclares que j’ai été nourri par une ourse de mon pays, tant je te parais dur, Gryllus, et cruel. Une ourse de Pannonie 87 m’a donné son lait, Gryllus, je l’avoue ; toi cependant ce n’est pas une ourse, Gryllus, mais une louve 88. 40 Mayer = I, 45 Teleki Contre un arrogant Toi qui es si intelligent, dis-moi d’où vient que la cigogne claque tellement du bec, bien qu’elle n’ait nullement froid 89 ?

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Lycambès avait promis sa fille Néobulé en mariage au poète grec Archiloque (VIIe siècle avant notre ère). Pour une raison inconnue de nous, il n’honora pas sa promesse et le poète l’attaqua dans des iambes impitoyables. 86 Apparemment les vers élégiaques pacifiques désignent cette brève épigramme. 87 Voir l’épigramme 11. 88 Lupa en latin signifie « louve » et « prostituée ». En langage noble, Pannonius traite Gryllus de fils de pute. 89 Par analogie avec les hommes, qui claquent des dents quand ils ont froid. Antigone sœur de Priam, jeune fille d’une très grande beauté, prétendit que sa chevelure était plus belle que celle d’Héra : elle fut changée en cigogne. Selon OVIDE, Métamorphoses 6, 97, si la cigogne claque du bec c’est qu’elle s’applaudit elle-même. Le sujet est approprié au destinataire, un arrogant.

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41 Mayer = I, 47 Teleki Ad Conradum Quod te Conradum Germania terra uocauit, a conradendo nominis istud habes. 42 Mayer = I, 48 Teleki In cinaedum furacem Plurima quando rapis, te conuasare facetus dicis, et hoc risu sordida furta premis. Conuasatorem nos te inuasabimus ergo ; uideris, an laedat poena iocosa minus.

43 Mayer = I, 50 Teleki Ad Rubertum Succenses quia te, Ruberte, bardum dixi, cum potius referre grates deberes mihi : quippe sic poetas Gallorum ueteres uocant tuorum. Quid tu, quid faceres, Ruberte, quaeso, si te uel fatuum uel imperitum uerbo simpliciore nominassem ? Quantum nunc tibi bilis et ueneni inflaret misero gulam tumentem ?

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41 Mayer = I, 47 Teleki À Conradus 90 La terre de Germanie t’a appelé Conradus ; tu portes ce nom parce que, radin, tu rafles tout 91. 42 Mayer = I, 48 Teleki Contre un inverti voleur Quand tu commets un très grand larcin, tu dis en badinant que tu prends en dépôt, et tu couvres par cette facétie tes vols ignobles. Nous donc, pour ces dépôts, nous te casserons le pot 92 : à toi de voir si un châtiment qui s’accompagne d’une plaisanterie fait moins mal. 43 Mayer = I, 50 Teleki À Roberto 93 Tu t’enflammes, Roberto, parce que je t’ai traité de barde, alors que tu devrais plutôt me remercier. De fait on appelle ainsi les anciens poètes de tes chers Gaulois 94. Que ferais-tu, je te le demande, Roberto, si, usant d’un mot plus simple, je t’avais dit fou ou ignorant ? Combien de bile et de venin gonflerait dans ton malheur ta gorge en colère ? 90

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Selon Mayer, les manuscrits portent Conradam, dans le titre et au vers 1. Nous corrigeons en Conradum, car le prénom Conrada n’existe pas. 91 Jeu de mots difficile à rendre entre le prénom Conradus et le verbe conradere, « râcler, ramasser ». BARRETT (1985), p. 109 comprend que le personnage est un balayeur. Non, c’est un homme cupide qui rafle tout ce qu’il peut. 92 L’épigramme est très élaborée dans le lexique. Pannonius utilise d’abord le verbe très rare conuasare, « empaqueter, entasser, rafler en faisant un tas », qu’il a lu chez TÉRENCE (Phormion 190) ou SIDOINE APOLLINAIRE (Lettres I, 9, 8 et VII, 2, 8). Puis il crée le substantif correspondant conuasator, et le verbe de la même racine inuasare, en lui donnant le sens sexuel (« posséder, pénétrer ») que peut avoir inuadere (cf. OVIDE, Métamorphoses 11, 260 ; NÉMÉSIEN 2, 6). Nous avons tenté de rendre le polyptote en recourant à l’expression « casser le pot », très vulgaire mais ennoblie par Proust (Albertine l’emploie dans La Prisonnière), qui signifie « sodomiser ». 93 Roberto Orsi da Rimini, homme politique et poète italien de langue latine, voir BIRNBAUM (1981), p. 54. 94 L’allusion n’est pas claire : peut-être Roberto Orsi soutenait-il les droits de René d’Anjou sur le royaume de Naples qui justifièrent l’expédition italienne malheureuse du roi.

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Quis fulmen caperet tui furoris ? Quod praeconia nostra si malignus in probris tibi computare perges, iam te bardum aliter, Ruberte, dicam.

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44 Mayer = I, 55 Teleki Quaestio ardua et difficilis Cur penem cunnus, cur contra mentula cunnum appetat, haec uulgo iudice causa facit : cum primos homines uda ex tellure Prometheus confinxit, geminum non uariauit opus, membra nec apposuit duplicem dirimentia sexum, unde nouum posset se reparare genus. Mox, cum non aliter naturae iura manerent, discreuit propriis corpora bina notis. Quippe puellari raptam de pectine carnem alterius mediis fixit in inguinibus. Inde suam partem semper locus ille requirit, inde suum semper pars petit illa locum. 45 Mayer = I, 61 Teleki Laus Pannoniae Quod legerent omnes, quondam dabat Itala tellus, nunc e Pannonia carmina missa legit. Magna quidem nogis haec gloria, sed tibi maior, nobilis ingenio, patria, facta meo. 46 Mayer = I, 62 Teleki De Phrando naufrago Naufragus Eridani dum Phrandus mergitur undis, « Siccine me miserum fata necatis ? ait. Si fueram liquida periturus morte, perissem per latices potius, dulcis Iacche, tuos ».

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Qui contiendrait la foudre de ta rage ? Si donc tu continues à compter avec malveillance nos éloges pour des insultes, je te traiterai désormais de barde, Roberto, dans un autre sens 95.

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44 Mayer = I, 55 Teleki Question ardue et difficile Pourquoi le con désire une verge, pourquoi inversement la mentule désire un con, en voici la cause selon le jugement commun 96. Quand Prométhée façonna les premiers hommes avec de l’argile humide, il ne différencia pas son double ouvrage, et n’y appliqua pas de membres particuliers à chacun des sexes, par lesquels l’espèce nouvelle puisse se reproduire. Ensuite, comme autrement les lois de la nature n’auraient pas subsisté, il distingua les deux corps par des marques propres. En effet ayant pris de la chair au pubis de la jeune fille il la fixa au milieu du bas-ventre de l’autre. Depuis l’endroit féminin recherche toujours sa partie, depuis la partie devenue masculine recherche toujours son endroit.

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45 Mayer = I, 61 Teleki Éloge de la Pannonie 97 La terre d’Italie autrefois produisait tout ce qu’on lisait, aujourd’hui elle lit des vers venus de Pannonie. C’est assurément une grande gloire pour moi, mais plus encore pour toi, ma patrie, qui es devenue célèbre par mon talent. 46 Mayer = I, 62 Teleki Sur Phrandus en train de faire naufrage Comme les eaux engloutissaient Phrandus, qui faisait naufrage sur le Pô, il s’écria : « C’est ainsi, destins, que vous me tuez, malheureux que je suis ? Si j’étais destiné à périr dans un liquide, j’aurais souhaité, doux Iacchus 98, que ce soit dans ton breuvage ». 95

En latin, il y a deux mots bardus : le substantif « barde », et un adjectif qui signifie « lourd, stupide ». Le jeu de mots est impossible à rendre en français, mais on pourrait dire, en une approximation familière : « je te traiterai désormais de barje, Roberto ». 96 Ce jugement commun s’inspire de la théorie de l’androgyne exposée par PLATON dans le Banquet 189d-191d. Cependant Platon ne mentionne pas Prométhée, qui passe en effet pour avoir créé les premiers hommes en les façonnant avec de l’argile. 97 Province romaine correspondant très grosso modo à la Hongrie (cf. l’épigramme 11), dont est originaire Pannonius. 98 Iacchus est un des noms de Bacchus, dieu du vin. Phrandus est donc un ivrogne : si son nom a un sens, celui-ci nous échappe.

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47 Mayer = I, 63 Teleki Ad Guarinum Veronensem Cur, Guarine, tuos, indulgentissime patrum, non cohibes natos turpibus a uitiis ? An nescis, pridem quid fecerit unus eorum ? Fecit ut ancillae sis socer ipse tuae, ut uernae sis fecit auus. Iam fabula tota urbe uolas, et adhuc te tua probra latent. Cur, inquam, Guarine, tuos, mollissime patrum, non cohibes natos turpibus a uitiis ? Talia in ancillas nam si illis saepe licebunt, in natas aliis crede licere tuas ! 48 Mayer = I, 67 Teleki Ad Laurum Mortem, Laure, times ? Frustra mors, Laure, timetur, siue Platon uerum, siue Epicurus ait. 49 Mayer = I, 68 Teleki Ad Gallum Galle, rogas, quae sit perfectae regula uitae ? Ne facias, nolis quod fieri ipse tibi. 50 Mayer = I, 69 Teleki Ad Galeottum Quaeris, amem quam te ? Breuiter, Galeotte, docebo : ante mori, quamuis iunior, opto tibi.

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47 Mayer = I, 63 Teleki À Guarino de Vérone 99 Pourquoi, Guarino, le plus indulgent des pères, n’empêches-tu pas les vices honteux de tes fils ? Ignores-tu ce que l’un d’eux a fait récemment ? Le résultat de ce qu’il a fait, c’est que tu es le beau-père de ta servante et le grand-père d’un petit domestique. Déjà l’histoire circule dans toute la ville, et ton déshonneur t’est encore inconnu. Pourquoi, je le répète, Guarino, le plus faible des pères, n’empêches-tu pas les vices honteux de tes fils ? Car s’ils peuvent agir ordinairement ainsi avec les servantes, crois bien que d’autres pourront agir ainsi avec tes filles !

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48 Mayer = I, 67 Teleki À Laurus Tu crains la mort, Laurus ? Il est vain de la craindre, si Platon ou Épicure disent la vérité. 49 Mayer = I, 68 Teleki À Gallus Tu me demandes, Gallus, quelle est la règle de la vie parfaite ? C’est de ne pas faire ce que toi-même tu ne voudrais pas qu’on te fasse 100. 50 Mayer = I, 69 Teleki À Galeotto 101 Tu me demandes combien je t’aime ? Je vais te le dire en deux mots, Galeotto : je te souhaite, quoique tu sois plus jeune, de mourir avant moi.

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Sur Guarino de Vérone, voir la note à l’épigramme 1. Cette règle est attestée dans l’éthique de nombreuses cultures, mais on l’attribue plus particulièrement à Hillel, érudit et exégète juif qui vécut à l’époque du Christ. Sous son caractère général l’épigramme contient une menace ou plutôt un reproche implicite à Gallus, coupable d’une mauvaise action envers Pannonius. 101 Sur Galeotto Marzio, humaniste italien ami de Pannonius, voir l’épigramme 18. Le souhait de Pannonius n’est pas une méchanceté (contrairement à celui exprimé dans la pièce 217). Quand deux êtres sont liés, celui qui meurt le premier n’a pas la douleur de vivre sans l’autre. L’épigramme est mal comprise par BARRETT (1985), p. 121. 100

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51 Mayer = I, 70 Teleki Ad Gallum Praestiteram decimis nummos tibi mille Calendis. Exigo : tu iuras prorsus habere nihil. Quid nostra ? iam redde datum : qui mutua sumpsit, is debet, non qui soluere, Galle, potest. 52 Mayer = I, 72 Teleki Ad Clementem Tempus, ais Clemens, edi mea carmina. Numquid iam nonus, postquam scripsimus, annus adest ? 53 Mayer = I, 76 Teleki Quando primum Romae Musis sit honor habitus Cum sola antiqui tractarent bella Quirites, Aonidum studiis non erat ullus honos. Nec nisi quas nuper contexerat aerea cassis, postmodo cingebant laurea serta comas. Mox ubi paulatim fratris surrepsit in urbem Delius, et fluxit Castalis in Tiberim, dulcisona inuictam uicerunt carmina gentem,

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51 Mayer = I, 70 Teleki À Gallus Je t’avais prêté mille pièces pour dix calendes 102. Je te les réclame ; tu jures que tu n’as absolument rien. Que m’importe 103 ? Allons, rends-moi ce que je t’ai donné. On est débiteur quand on a emprunté, Gallus, pas quand on peut rembourser 104. 52 Mayer = I, 72 Teleki À Clemens Il est temps, me dis-tu, Clemens, de publier mes poèmes. Huit ans se sont-ils écoulés depuis que je les ai écrits 105 ? 53 Mayer = I, 76 Teleki Quand pour la première fois les Muses ont été honorées à Rome Comme les antiques Quirites 106 s’occupaient seulement de la guerre, aucun honneur n’était accordé aux études des filles d’Aonie 107. Et les couronnes de laurier ne ceignaient que les chevelures que venait de couvrir le casque de bronze. Ensuite quand peu à peu le dieu de Délos 108 se fut introduit dans la ville de son frère, 5 et que la fontaine Castalie 109 eut coulé dans le Tibre, les chants harmonieux vainquirent le peuple invaincu,

102 C’est-à-dire pour dix mois. Les calendes étaient pour les Romains le premier jour du mois. C’est aux calendes que les dettes arrivaient à échéance, voir l’épigramme 273. 103 Il faut sous-entendre le verbe refert. 104 Pannonius s’inspire de l’épigramme II, 3 de MARTIAL qu’il détourne en un sens opposé, on l’a vu dans l’Introduction. 105 HORACE dans l’Art poétique (388-389) conseille (en se souvenant sans doute que la Zmyrna d’Helvius Cinna fut publiée, selon CATULLE 95, 1-2, « neuf moissons et neuf hivers » après qu’il l’eut commencée) de garder par devers soi huit ans ce qu’on a écrit avant de le publier. 106 Les Quirites sont les citoyens romains. Dans les premiers temps, le laurier ne récompensait pas les victoires poétiques, mais était réservé aux généraux qui obtenaient le triomphe. 107 Les filles de l’Aonie sont les Muses, voir l’épigramme 8. 108 Le dieu de Délos est Apollon, né dans cette île. Apollon est frère de Mars, fondateur de Rome par l’intermédiaire de son fils Romulus. 109 Sur la fontaine Castalie, consacrée à Apollon et aux Muses, voir l’épigramme 13. L’eau de cette fontaine n’a évidemment coulé dans le Tibre que par métaphore.

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nec lituo coepit uilior esse chelys. Tunc et Liuiacis applanxit Roma cothurnis, festiuos Plauti risit et illa sales. At postquam magno per somnia plenus Homero Ennius herois condidit arma modis, huic eques, huic mixta plaudebat plebe senatus, nec non belligeri, Martia tuba, duces. Sed sacrum in primis coleret cum Scipio uatem, uatis et ipse sacri maxima cura fuit. Praecipue Libycos nam rettulit ille triumphos, detractum et Latiis arcibus Hannibalem, nec minus Hispanas acies et foedere iniquo contentum Tauri finibus Antiochum. 54 Mayer = I, 78 Teleki Se ipsum commendat Si mihi sit quisquam, quod erat tibi Fuluius, Enni, aut qui periurum contudit Hannibalem,

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et la lyre cessa d’être plus vile que la trompette. Alors Rome s’affligea devant le cothurne de Livius 110, et rit des joyeuses plaisanteries de Plaute. Mais lorsque Ennius, rempli en songe du grand Homère, célébra les combats sur le rythme héroïque 111, les chevaliers et le sénat, mêlés à la plèbe, l’applaudirent, ainsi que la foule guerrière des chefs militaires. Et comme Scipion honorait particulièrement ce poète sacré, il devint lui-même 112 son plus grand sujet. Celui-ci en effet raconta principalement les triomphes sur la Libye 113, Hannibal écarté des citadelles du Latium, et aussi les combats d’Espagne 114, et Antiochus maintenu en un traité sévère au-delà des limites du Taurus 115.

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54 Mayer = I, 78 Teleki Il se recommande lui-même 116 Si quelqu’un était pour moi ce qu’étaient pour toi, Ennius, Fulvius et celui qui écrasa Hannibal le parjure,

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Livius Andronicus, fondateur de la littérature latine au IIIe siècle avant notre ère, et, notamment, de la tragédie. Le cothurne, chaussure montante des acteurs tragiques, symbolise le genre lui-même. Le texte applanxit, adopté par MAYER (2006) d’après les manuscrits B et W, suppose un verbe applangere, « s’affliger devant », qui est un hapax : il renvoie aux réactions du public romain devant les souffrances des personnages des tragédies de Livius Andronicus. 111 Ennius, endormi, avait vu en songe l’ombre d’Homère lui apparaître pour lui révéler que son âme s’était réincarnée en lui (cf. LUCRÈCE 1, 112-126). En tout cas il composa au début du IIe siècle avant notre ère une épopée, les Annales, qui était une histoire épique de Rome. Elle faisait la part belle à Scipion l’Africain, à ses victoires contre Hannibal dans la seconde guerre punique puis plus tard contre Antiochus de Syrie. 112 MAYER (2006) édite ut ipse qui est impossible pour le sens. Nous adoptons le texte et ipse des manuscrits R et W. 113 La Libye désigne par métonymie l’Afrique, et ici plus spécifiquement l’empire carthaginois. 114 Une partie de la deuxième guerre punique se déroula en Espagne, où Carthage avait étendu sa puissance. 115 Antiochus III de Syrie fut contraint de signer avec les Romains la paix d’Apamée par laquelle il perdait toute l’Asie à l’ouest d’une ligne tracée par le fleuve Halys et le mont Taurus, cf. TITE-LIVE 37, 45. 116 Si Pannonius avait un protecteur généreux comme en ont eu d’illustres écrivains de l’Antiquité (Fulvius Nobilior et Scipion l’Africain pour Ennius, Messalla pour Tibulle, Mécène pour Horace), il serait pour celui-ci ce que d’autres grands écrivains latins ont été pour l’homme politique qui les protégeait (Virgile pour Auguste, Claudien pour Stilicon), c’est-à-dire qu’il célébrerait son action. La structure par accumulation et anaphore de ce poème et du suivant se retrouve dans plusieurs pièces, par exemple la 112.

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bellator molli uel erat Messala Tibullo, quod Flacco Tuscis regibus ortus eques : huic ego sim contra, quod erat tibi, maxime Caesar, qui siluas et agros dixit et arma uirum, aut hoc si nequeam, Stilichoni quod fuit olim, qui cecinit raptus, Persephonea, tuos. Si sit et hoc nimium, saltem tamen hoc tibi fiam, quod fieri hoc aeuo uix duo tresue queunt.

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55 Mayer = I, 79 Teleki De Marcello Hoc mihi Marcellus, sacri quod uatibus aeui Pollio, Maecenas, et Proculeius erant. Hoc ego Marcello, quod Xerxi Choerilus olim, quod tibi nescio quis, perfide Sulla, fuit. Hoc modicum est, inquis ; nihilo tamen esse uidetur maius, nam nihilo quid minus esse potest ?

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ou ce qu’étaient pour le sensible Tibulle le vaillant Messalla et pour Horace le chevalier issu des rois étrusques 117, moi en retour je serais pour lui ce qu’était pour toi, très grand Auguste, celui qui a chanté les forêts, les champs, les armes des héros 118, ou, si je ne pouvais l’être, ce qu’a été pour Stilicon celui qui a chanté ton enlèvement, Proserpine 119 ; et si cela était encore trop, cependant je serais au moins pour toi ce qu’à peine deux ou trois personnes peuvent être à notre époque 120.

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55 Mayer = I, 79 Teleki Sur Marcello 121 Marcello est pour moi ce qu’étaient pour les poètes de l’âge auguste 122 Pollion, Mécène et Proculeius 123. Moi je suis pour Marcello ce que jadis Chérilus a été pour Xerxès, et ce que je ne sais qui a été pour toi, perfide Sylla 124. C’est peu de chose, dis-tu. Cela semble cependant davantage que rien : car qu’est-ce qui peut être moins que rien ? 125

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Le chevalier est Mécène, effectivement d’ascendance princière étrusque. Horace est désigné par son cognomen, Flaccus. 118 La périphrase désigne Virgile par ses trois grandes œuvres, les Bucoliques, les Géorgiques et l’Énéide. Malgré le souvenir évident du premier vers de l’Énéide, uirum nous paraît ici un génitif pluriel en -um au lieu de -orum (la forme est fréquente en poésie). 119 Le poète Claudien, au tournant du IVe et du Ve siècles, auteur d’un Rapt de Proserpine. 120 C’est-à-dire un poète, inférieur certes à Virgile et Claudien, mais néanmoins honorable. 121 Jacopo Antonio Marcello, humaniste et amiral vénitien protecteur de Pannonius, qui écrivit un panégyrique en son honneur. 122 L’expression sacrum aeuum désigne l’époque d’Auguste, âge d’or pour les poètes. 123 Pollion, protecteur de Virgile ; Mécène, protecteur de Virgile et d’Horace. Proculeius, dont HORACE célèbre seulement la générosité envers ses frères (Odes II, 2, 5-6), est mis sur le même plan que Mécène chez JUVÉNAL (7, 94). 124 Chérilos de Samos est l’auteur d’une épopée sur la deuxième guerre médique (l’information de Pannonius pourrait venir de FLAVIUS JOSÈPHE, Contre Apion I, 22, 172). Le vers suivant fait allusion à une anecdote rapportée par CICÉRON (Pour Archias X, 25) : Sylla, comme un mauvais poète avait fait quelques vers sur lui, ordonna de lui verser une récompense, à condition qu’il cesse d’écrire. Le qualificatif de « perfide » est un peu étonnant : en général c’est la cruauté de Sylla que les auteurs mettent en avant. Chérilos n’a pas fait la gloire de Xerxès (vaincu dans la guerre), ni le mauvais poète celle de Sylla : Pannonius s’amuse à se présenter, par modestie affectée, comme un poète de piètre talent. 125 La pointe du poème suggère que l’interlocuteur du vers 5 est, lui, moins que rien.

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56 Mayer = p. 42-43 Csapodi (Sine lemmate) Nam uitia ipsa uno uel tota apprendere captu perfacile est : uia prona patet, nec longius absunt. Pro lare uirtutis sudorem aeterna locarunt numina : longa illuc et praeceps semita ducit, aspera et imprimis, sed cum stetit arce suprema, quae modo dura fuit, facilem se praestat eunti.

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57 Mayer = I, 81 Teleki De episcopo Mutinensi Aonios nullo uates nunc esse querebar in pretio, et nostri temporis hostis eram, cum mea respexit Mutinensis carmina praesul, coepit et ingenio mitis adesse meo. Sic inopem nec adhuc notum tibi, Roma, Maronem Tyrrhenus placida mente refouit eques. Pergite Pierides, uestris me inducere lucis ; nunc mihi molle iugum, nunc mihi plana uia est.

58 Mayer = I, 82 Teleki Ad eumdem episcopum Vnde mihi hoc, quod me sic diligis, optime praesul ? Nempe tua id solum de pietate uenit.

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56 Mayer = p. 42-43 Csapodi (Sans titre) 126 Car les vices, il est très facile de les adopter même tous ensemble d’un seul coup : le chemin vers eux est aisément praticable, et ils ne logent pas loin. En revanche devant le domicile de la vertu les divinités éternelles ont placé la sueur : un chemin long et abrupt y conduit, rude d’abord ; mais quand il est parvenu à la cime la plus élevée, 5 lui qui était auparavant escarpé devient facile pour celui qui y marche. 57 Mayer = I, 81 Teleki Sur l’évêque de Modène Je me plaignais qu’aujourd’hui les poètes aoniens 127 ne jouissaient d’aucune estime, et j’étais un ennemi de notre époque, lorsque mes vers ont attiré l’attention de l’évêque de Modène 128 qui s’est mis dans son indulgence à favoriser mon talent. C’est ainsi que, quand Virgile était sans ressources et pas encore connu de toi, Rome, 5 le chevalier étrusque 129 l’a soutenu avec bienveillance. Continuez, Piérides 130, à me mener dans vos bois sacrés ; à présent mon joug 131 est doux, à présent mon chemin est aplani. 58 Mayer = I, 82 Teleki À l’évêque de Modène 132 D’où vient que tu me chérisses ainsi, excellent prélat ? Assurément la chose ne s’explique que par ta bienveillance. 126 Traduction du poète grec HÉSIODE, Les travaux et les jours 287-292. Ces vers très célèbres ont été souvent cités dans l’Antiquité, notamment par Platon. 127 Voir l’épigramme 8. 128 Giovanni Antonio della Torre, protecteur de Pannonius ; il paya notamment ses dettes envers Guarino pour lui permettre de partir en Hongrie (épigrammes 227-229) ; voir BIRNBAUM (1981), p. 38. 129 Mécène, qui était issu d’une famille aristocratique étrusque, voir l’épigramme 54. 130 Les Piérides sont les Muses, voir l’épigramme 13. Les bois sacrés sont un de leurs séjours favoris. L’édition de MAYER (2006) comporte ici une coquille : ludis au lieu de lucis. 131 Il est possible que le mot iugum renvoie ici à la montagne de l’Hélicon, séjour des Muses. Mais il semble plus vraisemblable de comprendre le mot dans son sens habituel de « joug », avec, dans le vers, un souvenir de Matthieu 11, 30 et Luc 3, 5. Le joug et le chemin désignent métaphoriquement la carrière poétique. 132 Voir l’épigramme précédente.

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Nil ego promerui, tibi quippe alienus et ante non uisus : tu me uis tamen esse tuum. Tu legis et laudas, tu carmina nostra tueris, tu patrio externum solus amore foues. Nec satis est, quod me ipse pia complectere cura : ut ueniam tota clarus in urbe, facis, nec dubitas sacri mihi conciliare fauorem principis, et per te nos Leonellus amat. Iustus homo est, meritis qui scilicet aequa rependit : omnia qui dat, ubi nil merui, deus est.

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59 Mayer = I, 83 Teleki Ad Petrum Tu, qui Fabricius foris es, sed Apicius intus, parcius in nugas, quaeso, uehare meas. Qualia uerba tibi, tales, Petre, sunt mihi mores, quomodo tu uiuis, sic ego, Petre, loquor. 60 Mayer = I, 84 Teleki In crudelem praetorem Quis Sylla hoc sanxit ? Dudum reus in cruce pendet, praetor nunc demum trista tribunal adit ! Nunc demum miseri causam cognoscit inanem ! Quid prodest, si iam pareat innocuus ? O theta infandum, iura o praepostera dirae legis et Arctoi moribus apta poli !

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Je ne t’ai rendu aucun service, puisque je suis un étranger et que tu ne m’avais jamais vu 133 : tu veux cependant que je sois ton ami. Tu lis, tu loues, tu défends mes poèmes, 5 tu soutiens seul avec un amour de père quelqu’un qui ne t’est rien. Et il ne te suffit pas de m’entourer d’un soin bienveillant ; tu fais en sorte que je devienne célèbre dans toute la ville ; tu n’hésites pas non plus à me concilier la faveur de l’auguste 10 prince : grâce à toi Leonello m’aime 134. C’est un homme juste, celui qui récompense à leur valeur les services reçus ; mais celui qui donne tout quand je ne lui ai rendu aucun service, c’est un dieu 135. 59 Mayer = I, 83 Teleki À Petrus Toi qui es extérieurement Fabricius, mais intérieurement Apicius 136, attaque avec plus de mesure mes bagatelles, s’il-te-plaît. La valeur que tu accordes aux mots, Petrus, moi je l’accorde aux moeurs, et ce qu’il y a dans mes écrits, Petrus, c’est ce qu’il y a dans ta vie. 60 Mayer = I, 84 Teleki Contre un juge cruel Quel Sylla 137 a ordonné cela ? Depuis longtemps l’accusé est suspendu à la croix, et c’est seulement maintenant que le juge se rend à son sinistre tribunal ! Seulement maintenant qu’il s’aperçoit que les griefs contre le malheureux sont inexistants ! À quoi sert qu’il lui paraisse désormais innocent ? Ô théta 138 funeste, ô justice à rebours d’une loi cruelle, 5 conforme aux mœurs des régions de l’Ourse 139. 133 Certes Pannonius n’avait jamais rencontré l’évêque de Modène, mais en tant que neveu du puissant Vitéz il ne pouvait être pour lui un inconnu. 134 Leonello (Lionel), prince de Ferrare, voir l’épigramme 1. 135 On évite dans l’hexamètre et le pentamètre de terminer le vers par un monosyllabe qui ne soit pas précédé d’un autre monosyllabe (comme en 6, 1 par exemple) ou ne soit pas lié au mot précédent par aphérèse (comme en 57, 8 par exemple). C’est ici la seule exception. 136 Fabricius est un consul romain célèbre par son désintéressement et son honnêteté ; Apicius est le célèbre gourmet. Les bagatelles de Pannonius sont ses épigrammes. 137 La cruauté du dictateur Sylla était passée en proverbe. 138 Le théta, abréviation du grec θάνατος (thanatos, « mort »), désigne la mort ou la sentence de mort. 139 Les pays du Nord, dont fait partie la Hongrie de Pannonius, où a eu lieu ce déni de justice.

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61 Mayer = I, 85 Teleki Ad Gratianum Fregisti mihi sinciput misellum, dum mecum male, Gratiane, ludis, ac fortis nimium cupis uideri. Nunc laesum miseraris, et cruentam plagam tutemet alligare temptas, errorem petis et tibi remitti. Sed tristes remoue procul medelas, non caeso ueluti prius catello collum postmodo mulceas et aures : tangi carnificis manu recuso. Non sum Telephus, ut leuer per hostem, nolo sis mihi, Gratiane, Achilles. 62 Mayer = I, 90 Teleki In Carbonem poetam Orator simul et poeta Carbo est. Non est hoc aliud profecto, quam si mas et femina Carbo diceretur : sic plane hermaphroditus ergo Carbo est. 63 Mayer = I, 91 Teleki Ad eumdem Qui nunc es Carbo, nempe olim pruna fuisti : pone animos, fies mox, Lodouice, cinis.

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61 Mayer = I, 85 Teleki À Gratianus Tu as brisé ma malheureuse tête par maladresse au jeu 140 avec moi, Gratianus, en voulant à l’excès te montrer vigoureux. Maintenant tu t’apitoies sur ma blessure, tu tentes de bander toi-même ma plaie sanglante, et tu me demandes de te pardonner ta faute. Écarte plutôt ces sinistres remèdes, et cesse de me caresser le cou et les oreilles comme tu ferais à un petit chien après l’avoir battu : je refuse d’être touché par la main de mon bourreau. Je ne suis pas Télèphe 141, pour être soulagé par mon ennemi, je ne veux pas que tu sois pour moi Achille, Gratianus.

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62 Mayer = I, 90 Teleki Contre le poète Carbone 142 Carbone est à la fois orateur et poète. C’est assurément comme si on disait Carbone homme et femme : ainsi donc Carbone est un véritable hermaphrodite 143. 63 Mayer = I, 91 Teleki Au même personnage Toi qui es maintenant charbon, tu as été jadis braise 144 ; laisse là ton orgueil : tu seras bientôt cendre, Lodovico.

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Sans doute le jeu de paume, qui se jouait avec des raquettes. Blessé par la lance d’Achille, Télèphe ne guérissait pas. Un oracle d’Apollon lui apprit que ce qui l’avait blessé le guérirait. Et de fait il fut guéri par l’application sur sa plaie d’un peu de rouille de la lance d’Achille. Gratianus, ce qui signifie à peu près « agréable, qui mérite de la reconnaissance » ne justifie pas son nom. 142 Lodovico Carbone, poète, orateur et traducteur italien du XVe siècle, voir BIRNBAUM (1981), p. 53. 143 Hermaphrodite est à la fois homme et femme, et il est fils d’Hermès (dieu de l’éloquence) et d’Aphrodite (déesse de la beauté). 144 Jeu de mots sur le nom de Carbone. En latin carbo désigne le charbon éteint, pruna le charbon qui brûle (cf. SERVIUS, ad Énéide 11, 788, repris par ISIDORE DE SÉVILLE, Étymologies XIX, 6, 7). 141

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64 Mayer = I, 93 Teleki De naso Harilli In caput exiguo creuit breue corpus Othoni, at caput in nasum creuit, Harille, tibi. 65 Mayer = I, 94 Teleki In Anellum Donec, Anelle, tibi solus portabat asellus flaua uolubilibus farra terenda molis, numquam iusta domum misero mensura redibat aut erat externo semine mixta Ceres. Hoc et praetori longo narrare libello, uicino et memini te mihi saepe queri. Sed nunc egregiam uafer inuenisse uideris, qua caueas posthac talia damna, uiam : nam custos coniunx molitoris furta dolosi seruat et ad saccum puluerulenta sedet. O quam salsus homo es : cui credere granula centum non potes, uxorem credere, Anelle, potes ! 66 Mayer = I, 221 Teleki Ad Anellum Centum conuiuas, tam pauper Anelle, uocasti ; cum te non pascas, pascis, Anelle, canes. 67 Mayer = I, 96 Teleki In Graeciam Improba deleta gauisa est Graecia Troia, postmodo sed dominos pertulit Aeneadas.

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64 Mayer = I, 93 Teleki Sur le nez d’Harillus Le corps menu du petit Otho 145 a pour excroissance une grosse tête ; mais toi, Harillus, ton gros nez est une excroissance de ta tête. 65 Mayer = I, 94 Teleki Contre Anellus Tant que, Anellus 146, ton petit âne emportait seul le froment pour le faire broyer par la rotation des meules, jamais à ton grand dam ne revenait chez toi la mesure exacte, ou bien le blé était mêlé de grains étrangers. Je me souviens que souvent tu t’en es plaint à moi ton voisin, 5 et que tu as exposé les faits au juge dans un long libelle. Mais maintenant tu crois avoir habilement trouvé un moyen excellent pour éviter à l’avenir une telle perte. En effet ta femme, postée en gardienne, surveille les vols du meunier rusé et reste assise, couverte de poussière de farine, auprès du sac. 10 Ô comme tu es plein d’esprit 147 : celui à qui tu ne peux confier cent petits grains, tu peux lui confier ta femme, Anellus ! 66 Mayer = I, 221 Teleki À Anellus Tu as invité cent convives, Anellus, toi qui es si pauvre ! Alors que tu ne te nourris pas toi-même, tu nourris les chiens. 67 Mayer = I, 96 Teleki Contre la Grèce La Grèce tenace 148 s’est réjouie de la destruction de Troie, mais ensuite elle a subi la domination des descendants d’Énée. Le nom d’Otho a peut-être un rapport avec le fait que, selon SUÉTONE (Vies des douze Césars, « Othon » 12, 1), l’éphémère empereur Othon était de petite taille ; mais il peut s’agir aussi d’un souvenir de CATULLE 54, 1, où un certain Oto, un inconnu, a une tête « tout à fait petite ». 146 La proximité des mots Anellus et asellus dans le vers suggère que le personnage est lui-même un âne. 147 Ironique, évidemment. Certains manuscrits ont falsus, dans le sens de « facile à tromper ». 148 La Grèce est tenace parce qu’elle a fait dix ans la guerre contre Troie. Beaucoup plus tard, elle a été conquise par Rome. Or Rome a été fondée par des descendants du troyen Énée. Ce renversement de situation est souvent souligné par les auteurs anciens. Le vers 1 est remarquable par l’allitération. 145

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68 Mayer = I, 97 Teleki De Roma Non secus e Phrygiis surrexit Roma ruinis, quam de reliquiis ales Eoa suis, sed Phoenice tamen melius iacet Ilia tellus : maiorem cinis hic rettulit, ille parem.

69 Mayer = I, 152 Teleki Comparatio Troiae et Phoenicis exusti Non secus e Phrygiis surrexit Roma ruinis, morte sua Phoebi quam reparatur auis ; nam simul ac fessam soluit longaeua senectus, rursum e reliquiis nascitur illa suis. Sed Phoenice tamen melius iacet Ilia tellus : maiorem cinis hic reddidit, ille parem.

70 Mayer = I, 98 Teleki Veris praenosticon Texit ut e uirgis arguta ciconia nidos, hibernum uel quae temperat aequor auis.

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68 Mayer = I, 97 Teleki Sur Rome 149 Rome s’est relevée de ses ruines phrygiennes 150 tout comme l’oiseau de l’Orient 151 se relève de ses restes. Mais cependant la terre d’Ilion 152 a eu une meilleure fin que le phénix : sa cendre à lui a produit quelque chose d’égal, sa cendre à elle quelque chose de plus grand. 69 Mayer = I, 152 Teleki Comparaison de Troie avec le phénix consumé par le feu Rome s’est relevée de ses ruines phrygiennes tout comme l’oiseau de Phébus 153 se remet de sa mort ; car dès que la longue vieillesse a détruit son corps fatigué, il renaît de ses restes. Mais cependant la terre d’Ilion a eu une meilleure fin que le phénix : 5 sa cendre à lui a produit quelque chose d’égal, sa cendre à elle quelque chose de plus grand. 70 Mayer = I, 98 Teleki Pronostic du printemps C’est quand avec des branches a construit son nid la cigogne criarde 154, ou l’oiseau qui calme la mer l’hiver 155.

149 Cette épigramme et la suivante pourraient avoir influencé le poète néo-latin du XVIe siècle Janus Vitalis Panormitanus, voir TUCKER (1986). 150 Phrygien signifie « troyen », parce que Troie se trouve à proximité de la partie de l’Asie Mineure appelée Phrygie. Rome, on l’a vu dans l’épigramme précédente, a été fondée par des descendants des Troyens et peut donc être considérée comme une nouvelle Troie ou une réincarnation de Troie. 151 L’oiseau de l’Orient est le phénix. Cet oiseau fabuleux, unique de son espèce et d’une beauté incomparable, vit pendant plusieurs centaines d’années. Quand il sent arriver la fin de son existence, il amasse des plantes aromatiques et en forme une sorte de bûcher, des cendres duquel surgit un nouveau phénix. 152 Ilion est un autre nom de Troie. 153 Phébus-Apollon, dieu du Soleil et donc de l’Orient. 154 C’est vers la fin du mois de février ou au début du mois de mars que les cigognes, revenues de leur migration, construisent leur nid. 155 L’oiseau en question est un oiseau fabuleux, l’alcyon, qui était censé faire son nid sur les flots de la mer juste avant le solstice d’hiver puis y couver ses œufs pendant sept jours où la mer se calmait, cf. PLINE L’ANCIEN, Histoire naturelle 10, 89-91. Sans annoncer véritablement le printemps, la période où l’alcyon fait son nid (on parle de jours alcyoniens) marque le moment où les jours recommencent à allonger.

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71 Mayer = I, 99 Teleki Ad Laurentium Quod mea, Laurenti, placide munuscula sumis, quam si tu tribuas, plus, mihi crede, facis. Donator det magna licet, maiora rependit, qui deuinciri se sinit officio. 72 Mayer = I, 100 Teleki De Pompeio Magno Magnus, magnorum modo maximus ille Quiritum, nuper habens aras nunc caret et tumulo.

73 Mayer = I, 102 Teleki De Magno Pompeio Quod nuper Magni, quod erat simul orbis et urbis, obtulit ut socero perfida dextra caput, ingemuit Caesar, sed nec Fortuna uidendo laeta fuit, quamuis Caesariana foret.

ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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71 Mayer = I, 99 Teleki À Laurentius En acceptant avec bonté mes modestes cadeaux, Laurentius, tu fais plus, crois-moi, que si tu m’en accordais. Même si un donateur distribue largement, il récompense davantage, celui qui se laisse lier par un bienfait. 72 Mayer = I, 100 Teleki Sur Pompée le Grand 156 Pompée le Grand, naguère le plus grand des grands Quirites 157, toi qui avais auparavant des autels 158, aujourd’hui tu ne possèdes même pas un tombeau. 73 Mayer = I, 102 Teleki Sur Pompée le Grand La tête qui était naguère celle de Pompée le Grand, la tête à la fois de la ville et du monde 159, quand une main perfide l’a présentée au beau-père 160, César a gémi, et la Fortune devant ce spectacle ne s’est pas non plus réjouie, quoiqu’elle fût du côté de César.

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Traduction libre et amplifiée (un vers en grec, deux vers en latin) d’une épigramme grecque (Anthologie grecque 9, 402). Pompée, tout-puissant à Rome, puis traîtreusement assassiné en Égypte par les conseillers du roi Ptolémée XIII et privé même d’un tombeau décent, était souvent cité comme exemple des changements de la Fortune. L’épigramme joue sur le surnom de Pompée, Magnus, « le Grand ». 157 Les Quirites sont les citoyens romains. 158 L’épigramme grecque que reprend Pannonius est le seul témoignage de temples bâtis en l’honneur de Pompée, voir WALTZ / SOURY (1974), t. II, la note p. 195-196. 159 Le rapprochement entre urbis (la ville par excellence, Rome) et orbis (le monde) est formulé par OVIDE (Fastes 2, 684) mais existait avant lui. C’était une manière d’indiquer que Rome avait vocation à gouverner le monde auquel elle s’identifiait. Il y a ici un jeu de mots sur caput, qui signifie la tête à la fois au sens propre et au sens figuré (cf. LUCAIN 9, 123-124). 160 César était le beau-père de Pompée puisque celui-ci avait épousé sa fille Julie. Cependant Julie mourut en 54 et Pompée se remaria en 52. Ainsi les combats de la guerre civile n’opposent pas vraiment un gendre et un beau-père, même si les Anciens aiment présenter la chose ainsi. Sur l’épisode dont il est question ici, voir LUCAIN 9, 1000-1108.

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74 Mayer = I, 103 Teleki De se ipso Qualiter o crucior ! Certe modo cunnus adesset, possem ter quinas continuare uices. 75 Mayer = I, 110 Teleki In Nicolum Tam doctus quare nil profert Nicolus umquam ? Iungere tam doctus nec duo uerba potest. 76 Mayer = I, 111 Teleki De docto simulato Hic, qui numquam orat, nil scribit, doctus habetur. Sunt quibus immerito fama uenire solet. 77 Mayer = I, 112 Teleki De Aurispa Tam doctus scribat cur nil Aurispa, requiris : credatur multo doctus ut esse magis. 78 Mayer = I, 114 Teleki De Porcia Sic ait, ardentes haurit dum Porcia prunas : « Vos, uenerande parens, care marite, sequor ».

ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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74 Mayer = I, 103 Teleki Sur lui-même Comme je suis au supplice ! Ah si seulement un con s’offrait à moi ! Je pourrais faire la chose quinze fois de suite. 75 Mayer = I, 110 Teleki Contre Nicolus Pourquoi Nicolus ne dit-il jamais rien alors qu’il est si savant ? Tout savant qu’il est, il ne peut même pas aligner deux mots de suite. 76 Mayer = I, 111 Teleki Sur un faux savant Un tel, qui ne parle jamais et n’écrit rien, passe pour savant. Il y a des gens souvent qui ont une réputation usurpée. 77 Mayer = I, 112 Teleki Sur Aurispa 161 Tu demandes pourquoi Aurispa n’écrit rien, alors qu’il est si savant : c’est pour qu’on le croie beaucoup plus savant qu’il n’est. 78 Mayer = I, 114 Teleki Sur Porcia 162 Porcia, en avalant des charbons ardents, déclare : « Vénérable père, cher mari, je vous suis ».

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Giovanni Aurispa (1376-1459), humaniste italien. Pannonius se moque de sa faible production. Voir BIRNBAUM (1981), p. 23. 162 Porcia, fille de Caton d’Utique (qui se suicida après sa défaite contre César dans la guerre civile) et femme de Brutus (l’organisateur du complot contre César, qui se suicida après avoir été vaincu par les successeurs de César, Antoine et Octave), se suicida après la mort de son mari en avalant des charbons ardents (c’est du moins ce que rapportent les historiens anciens). Pannonius a vraisemblablement à l’esprit l’épigramme I, 42 de MARTIAL, sur le même sujet.

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79 Mayer = I, 116 Teleki Ad Ruffum Scripta quod et ludunt et amant mea, Ruffe, modestis illa placere negas : pluribus ergo placent.

80 Mayer = I, 362 Teleki In Ruffum Ne scribam, prohibes, et immerenti lecturos mea peieras minores. At nos et tua, Ruffe, lectitamus. 81 Mayer = I, 124 Teleki Ad Ruffum De breuitate mei miraris, Ruffe, libelli. Qui malus est adeo, qui breuis esse potest ? 82 Mayer = I, 74 Teleki Ad Ruffum Tot tibi sunt oculi, quot habebant Gorgones omnes : egerunt tecum quam bene, Ruffe, dei ! Solus habes, quod tres, effosso sed tamen uno ; sit, precor, incolumis, cetera turba tibi. 83 Mayer = I, 42 Teleki Ad Ruffum Cum domus arsisset penitus tibi, decidit imber : agnoscis liquido, iam puto, Ruffe, deos.

ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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79 Mayer = I, 116 Teleki À Ruffus Parce que mes écrits badinent et parlent d’amour, Ruffus, tu affirmes qu’ils ne plaisent pas aux gens pudiques 163 ; ils plaisent donc au plus grand nombre. 80 Mayer = I, 362 Teleki Contre Ruffus Tu m’interdis d’écrire, et tu affirmes perfidement que je ne mérite pas que les jeunes gens lisent mes vers ; mais nous, Ruffus, nous lisons bien les tiens 164. 81 Mayer = I, 124 Teleki À Ruffus Tu t’étonnes de la brièveté de mon petit livre, Ruffus. Comment serait-il donc mauvais, puisqu’il peut être bref 165 ? 82 Mayer = I, 74 Teleki À Ruffus Tu as autant d’yeux qu’en avaient les Gorgones ensemble 166 : comme les dieux t’ont bien traité, Ruffus ! Tu en as seul autant que trois, mais cependant l’un est crevé ; je prie pour que tu gardes intacte la foule des autres. 83 Mayer = I, 42 Teleki À Ruffus Alors que ta maison avait complètement brûlé, la pluie est tombée : tu reconnais désormais clairement, je pense, Ruffus, qu’il y a des dieux 167. 163

Sans doute les dévots. Nous tentons de donner un sens à cette épigramme que Teleki jugeait incomplète. 165 Cette pièce et la pièce 92 soulignent l’avantage d’un livre d’épigrammes bref. Pannonius s’inscrit ici dans la lignée de Martial, voir l’Introduction. 166 Pannonius fait une confusion, sans doute par une lecture trop rapide du livre 4 des Métamorphoses d’OVIDE : ce sont les Grées, sœurs des Gorgones, qui n’avaient à elles trois qu’un œil qu’elles se prêtaient à tour de rôle. Ruffus n’a donc qu’un œil, et cet œil est crevé ! 167 Épigramme ironique. Ruffus est un méchant. Les dieux pour le punir ont fait pleuvoir après l’incendie, et non pendant, ce qui aurait éteint le feu. On notera l’emploi 164

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84 Mayer = I, 118 Teleki Ad Rullum Cum tibi mas paritur, laetus conuiuia ponis, femina si fuerit nata, perire iubes. Rulle, puerperio tua iam Faustina propinquat, tempus et a medico poscere mandragoras. Delia iam pariter, pariter Lucina uocatur, at tibi sollicito pendula uota tremunt. En parit et uulua primum caput exit aperta ; quicquid id est, uiuat : forsitan Iphis erit.

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85 Mayer = I, 329 Teleki Ad Rullum Quantum Phryx Mida, Lydiusue Croesus, uel Xerxes habuit, paterue Xerxis, tantum si tibi, Rulle, opum suarum pleno Copia fundat alma cornu, dici non poteris tamen beatus, affectum nisi comprimas habendi. Non, cum plurima, Rulle, possidentur, sed cum nil cupitur, beatitudo est.

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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84 Mayer = I, 118 Teleki À Rullus Quand tu engendres un garçon, tu organises de joyeux festins, s’il te naît une fille, tu ordonnes de la faire périr 168. Rullus, ta Faustina approche du moment de la délivrance, et il est temps de demander au médecin de la mandragore 169. Déjà elle invoque à la fois la Délienne 170 et Lucine, 5 et toi tes vœux inquiets, suspendus à l’issue, te rendent tout tremblant. Voici qu’elle accouche et que de sa vulve ouverte commence à sortir une tête ; quel que soit le sexe de l’enfant, qu’il vive : peut-être ce sera un Iphis 171. 85 Mayer = I, 329 Teleki À Rullus Si de sa corne pleine l’Abondance bienfaisante te versait autant de ses richesses, Rullus, que Midas de Phrygie, Crésus de Lydie 172, Xerxès ou le père de Xerxès en ont eu, on ne pourrait cependant te dire heureux, sauf si tu réprimes ton envie d’avoir toujours plus. Le bonheur, Rullus, ce n’est pas de posséder beaucoup, c’est de ne rien désirer.

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humoristique de l’adverbe liquido, « clairement », formé sur une racine qui renvoie à l’idée de liquide. 168 Même thème, mais inversé, dans l’épigramme 90. 169 Les Anciens attribuaient à la mandragore des propriétés analgésiques et narcotiques, cf. PLINE L’ANCIEN, Histoire naturelle 25, 150, ou APULÉE, Métamorphoses X, 11, 2. 170 Nous corrigeons l’incompréhensible Lesbia des manuscrits en Delia : en effet Lucine, déesse des accouchements, est assimilée tantôt à Junon, tantôt à Diane (déesse de Délos). 171 Allusion à une histoire de changement de sexe de la mythologie. Ligdos avait ordonné à sa femme enceinte Téléthuse d’exposer l’enfant, si c’était une fille. Mais celle-ci, encouragée par la déesse Isis, refusa d’obéir. Donnant naissance à une fille, qui reçut le nom d’Iphis, elle l’éleva en la faisant passer pour un garçon. Cependant Iphis fut aimée par une jeune fille et leur mariage devait se célébrer. Isis alors, sur la prière de Téléthuse, résolut la situation en changeant le sexe d’Iphis. 172 Leur richesse était proverbiale (voir l’épigramme 272), de même que celle des rois de Perse Xerxès et Darius.

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86 Mayer = I, 119 Teleki In Vrsum cinaedum Nemo est Etrusco iuuenum lasciuior Vrso, possedit mollem tanta libido uirum, lasciuam aestiua nactus qui nocte puellam, nil putat esse uices continuare nouem. Idem septenos discidit ut inguine culos, quae fecit maribus, sustinet ipse libens. Ergo, uera licet nobis si dicere, non est, non est hic Vrsus, Ruffe. Quid ergo ? lepus. 87 Mayer = 121/4 Ábel Ad Vrsum Vrse, rogas, Ocni fuerim quot in urbe diebus : septem perpetuis noctibus urbe fui. Quippe ubi continue nebulis latet obsitus aer, illic aurorae quis locus esse potest ? 88 Mayer = I, 120 Teleki In Leonem cinaedum Nunc facit id, quod uir, nunc id, quod femina debet, parte tamen patitur posteriore Leo. Hunc ego Tiresiam uel Caenea dicere possum, ni melius dici posset hyaena Leo.

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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86 Mayer = I, 119 Teleki Contre l’inverti Ursus Personne parmi la jeunesse n’est plus sensuel que le Toscan 173 Ursus, tant la lubricité possède ce débauché. S’il trouve une nuit d’été une jeune fille sensuelle, il pense que ce n’est rien que de faire la chose neuf fois de suite. Mais tout comme il fend 174 sept culs de son aine, il subit volontiers lui-même ce qu’il fait aux mâles. Donc, s’il nous est permis de dire la vérité, cet homme n’est pas un ours, Ruffus 175. Qu’est-il donc ? Un lièvre.

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87 Mayer = 121/4 Ábel À Ursus Tu me demandes, Ursus, combien de jours j’ai passés dans la ville d’Ocnus 176 : j’y ai passé sept nuits de suite. Car là où le ciel est continuellement caché sous un voile de nuages, quelle chance peut-il y avoir que le jour se lève ? 88 Mayer = I, 120 Teleki Contre l’inverti Leo Tantôt Leo fait ce que fait l’homme, tantôt ce que doit faire la femme, mais lui joue ce rôle passif avec son derrière. Je pourrais le nommer Tirésias ou Caenée, si le nom d’hyène ne lui correspondait mieux 177.

173

Pannonius dit Etruscus pour Toscan (les Étrusques occupaient grosso modo la Toscane moderne). Peut-être y-a-t-il là une allusion à la réputation de mollesse et de sensualité qu’avaient les Étrusques dans l’Antiquité. 174 Dans ce sens obscène, on emploie habituellement percido ou caedo, non discido. 175 Ruffus est un tiers pris à témoin. Il y a un jeu de mots sur le nom Ursus, qui signifie « ours ». Sur le lièvre, voir la note au poème 88. 176 Mantoue, dont Ocnus est le fondateur mythique. La nébulosité est assez importante en Lombardie et en Émilie-Romagne, mais pas plus à Mantoue qu’à Ferrare. 177 Le devin Tirésias fut changé en femme, puis reprit sa forme masculine. Caenée fut femme avant d’être transformé en homme (cf. OVIDE, Métamorphoses 12, 146-209). L’hyène, selon OVIDE (Métamorphoses 15, 408-410), peut changer de sexe alternativement. Leo est donc homosexuel, tantôt actif, tantôt passif. Dans l’épigramme 86, il est qualifié de lièvre : cet animal, selon PLINE L’ANCIEN, Histoire naturelle 8, 219, a les deux sexes (l’erreur provient sans doute du fait que la hase peut porter deux générations de levrauts en même temps, c’est ce qu’on appelle la superfétation) ; il peut donc tenir alternativement le rôle de mâle et de femelle.

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89 Mayer = I, 265 Teleki Ad Lunam Quid metuis terraeue umbram magicosue susurros ? A toruo potius, Luna, Leone caue.

90 Mayer = I, 117 Teleki In Bertum Tollis femellas, occidis, Berte, puellos ; ne durum tandem, prospice, abaddir edas. 91 Mayer = I, 121 Teleki De signo Amphitryonis Phoebus quadriiugo surgit cum lampade curru, bellantis signum hoc Amphitryonis erat. 92 Mayer = I, 122 Teleki Ad lectorem Parco tibi, parco nobis iam candide lector ; finis adest : primum sit leue semper onus.

ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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89 Mayer = I, 265 Teleki À Luna Pourquoi crains-tu l’ombre de la terre 178 ou le chuchotement des formules magiques ? Prends plutôt garde, Luna, au regard de travers de Leo. 90 Mayer = I, 117 Teleki Contre Bertus Tu élèves les filles qui te naissent, Bertus, et tu tues tes enfants mâles ; veille à ne pas finalement dévorer une pierre dure 179. 91 Mayer = I, 121 Teleki Sur le sceau d’Amphitryon Phébus sur son char attelé de quatre chevaux se levant avec son flambeau 180, tel était le sceau du valeureux Amphitryon 181. 92 Mayer = I, 122 Teleki Au lecteur Je t’épargne et je m’épargne désormais, lecteur bienveillant ; c’est ici la fin : le premier fardeau doit toujours être léger 182.

C’est-à-dire les éclipses (cf. CICÉRON, De la nature des dieux 2, 103 ; PLINE Histoire naturelle 2, 47-57). 179 Abaddir est le nom de la pierre noire enveloppée de langes que Rhéa donna à Cronos-Saturne, qui dévorait ses enfants à la naissance, à la place de Zeus-Jupiter qu’elle sauva ainsi. L’idée est que la femme de Bertus pourrait vouloir conserver un fils et tromper son mari comme Rhéa a fait avec le sien. 180 Le flambeau de Phébus est le soleil, et Phébus est ici identifié au dieu Soleil. Le Soleil chaque matin s’élance sur un char tiré par quatre chevaux. 181 L’épigramme, sans doute incomplète, fait allusion à un passage de l’Amphitryon (421-422) de PLAUTE, où Mercure demande à Sosie de lui décrire le sceau fermant le coffret d’Amphitryon. 182 Cette épigramme clôt manifestement un livre d’épigrammes. Le second vers semble signifier qu’il s’agit du premier recueil de Pannonius, et en même temps annoncer une suite. 178

L’ANCIEN,

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93 Mayer = I, 125 Teleki In Phileticum Ne nimium tumeas, Philetice : nouimus omnes, qua tibi sit geminus nobilitate parens. Altera nam cubito nares emungit, at alter non spuit in terram, sit nisi festa dies. 94 Mayer = 5 Horváth Ianus Martino Philetico salutem Magna tuis ficis scribis me bella minari. Nescio quid de me suspicionis habes. Non uox nostra tibi, non lancea missa duellum indixit, pugnae nullaque signa dedi. Si quis auet tecum certamen inire uorandi, aduersis illi dentibus hostis eas. Me parce ad tales, Martine, lacessere pugnas, dedecet ingenuos uincere uentre uiros. 95 Mayer = I, 128 Teleki In Blasium pumilionem Pumilio Blasi, cum te mirantia spectant lumina, succendit protinus ira iecur. Esse pudet si te nanum, fuge solis ad ortus, inter Pygmaeos uel Polyphemus eris.

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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93 Mayer = I, 125 Teleki Contre Filetico Ne sois pas trop orgueilleux, Filetico 183 : nous savons tous quelle est la noblesse de tes deux parents. Elle, elle se mouche avec le coude 184, et lui, il ne crache par terre que les jours de fête 185. 94 Mayer = 5 Horváth Janus salue Martino Filetico 186 Tu écris que je menace d’une grande guerre tes figues. Je ne sais quel est ce soupçon que tu as conçu à mon sujet. Je n’ai déclaré de guerre ni par un discours, ni en envoyant une lance 187, je n’ai donné aucun signal du combat. Si quelqu’un désire rivaliser de gloutonnerie avec toi, avance-toi en lui montrant des dents hostiles. Abstiens-toi de me provoquer à de tels combats, Martino, il ne convient pas à des hommes bien nés de l’emporter par le ventre.

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95 Mayer = I, 128 Teleki Contre le nabot Blasius 188 Blasius le nabot, quand des yeux te regardent avec étonnement, aussitôt ton foie 189 s’enflamme de colère. Si tu as honte d’être un nain, enfuis-toi vers le soleil levant : chez les Pygmées tu seras même un Polyphème 190. 183

Ce Phileticus est Martino Filetico da Filettino, humaniste qui étudia auprès de Guarino de Vérone jusqu’en 1454, voir BIRNBAUM (1981), p. 46 et Dizionario biografico degli Italiani, t. 47, 1997, p. 636-640. 184 Cette conduite grossière est donnée comme le signe d’une ascendance vile dès la Rhétorique à Herennius 4, 67, au premier siècle avant notre ère. 185 Il s’agirait d’un dicton hongrois, voir HORVÁTH (1977), p. 13. 186 L’épigramme, sur une guerre autour d’un plat de figues, est humoristique. Sans doute, malgré le léger flottement sur les noms dans les manuscrits, s’agit-il du même personnage que dans la pièce précédente. La violence de l’attaque et l’identité transparente du destinataire posent la question de la publication des épigrammes. 187 Dans la Rome antique, on déclarait la guerre en envoyant symboliquement une lance dans le territoire de l’ennemi. 188 Ce Blasius n’a rien à voir avec le Blasius destinataire de l’élégie I, 3, qui est Blasius Magyar, un grand officier au service de Mathias. 189 Le foie est pour les Romains le siège de la colère, cf. HORACE, Odes I, 13, 4. 190 Le peuple nain des Pygmées était censé habiter en Orient ou au sud de l’Égypte. Polyphème, qui captura Ulysse et ses compagnons, est le plus célèbre des Cyclopes, des géants qui n’ont qu’un oeil.

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Illic sublimis solio ueneratus in alto, gentibus exiguis iura seuera dabis. Illic tota tuo pugnabunt agmina ductu, aduena cum pacis foedera rumpet auis. Sed tibi terga tument putri deformia gibbo, surgit et e medio pectore turpe caput. Amplius hoc, fateor, nos te ridemus, at illis maiorem incutiet tam noua forma metum. Vnde tamen subiti tanta inclementia morbi ? An nihil est quod non improba fata petant ? Certe sospes eras, certe conuiua sedebas nobiscum ad festas nuper et ipse dapes. Mortuus ecce iaces, nec adhuc te fabula uulgi distulit in maesto decubuisse toro. Terra tibi reliquos quantumlibet ingrauet artus, sit tantum gibbo non onerosa tuo. 96 Mayer = I, 129 Teleki In Dionysium Perpetuis totus, Dionysi, sordibus horres : hoc uera dignum religione putas. Nimirum porco non esset sanctior ullus, si faceret quemquam sordida uita probum. 97 Mayer = I, 144 Teleki Cur aetatem exuant serpentes cum senio intereant homines. Ex Nicandro Ab Ioue perpetuam mortalis turba iuuentam cum peteret, uanas audiit ille preces. Impositum tardo referabat munus asello ; ad liquidas sitiens flexit asellus aquas.

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Là-bas, objet d’adoration sur un trône qui t’élèvera jusque dans les airs, 5 tu imposeras des lois sévères à ces peuples de petite taille. Là-bas des armées entières combattront sous ta conduite, quand l’oiseau étranger brisera les traités de paix 191. Ton dos certes se gonfle d’une bosse putride qui l’enlaidit, et ta tête hideuse sort du milieu de ta poitrine. 10 Pour nous, je l’avoue, c’est un sujet de moquerie supplémentaire, mais eux, une forme si étrange leur inspirera une crainte plus grande. Cependant d’où t’est venue soudain cette maladie si cruelle ? N’y a-t-il rien que les destins inflexibles n’épargnent ? Tout récemment pourtant tu étais en bonne forme, tu participais toi aussi 15 avec nous comme convive aux repas de fête. Et voici que tu gis, mort, sans que la rumeur de la foule ait encore divulgué que tu étais étendu dans ton lit funèbre. Que la terre écrase autant qu’elle voudra tes autres membres, pourvu qu’elle ne pèse pas sur ta bosse 192. 20 96 Mayer = I, 129 Teleki Contre Dionysius Tu es tout entier couvert d’une saleté continuelle, Dionysius ; selon toi c’est l’apparence qui convient à la religion véritable. Sans doute personne ne serait plus saint qu’un porc, si une vie dans la saleté rendait vertueux. 97 Mayer = I, 144 Teleki Pourquoi les serpents se délivrent de leur âge tandis que les hommes périssent de vieillesse. D’après Nicandre 193 Comme la foule des mortels demandait à Jupiter la jeunesse éternelle, celui-ci acquiesça à leurs futiles prières. Ils mirent le présent, pour le rapporter, sur un ânon qui avançait lentement ; l’ânon, assoiffé, se pencha vers des eaux limpides.

191 L’oiseau est la grue. Allusion à la guerre des grues et des Pygmées, voir l’épigramme 24. 192 Les deux derniers vers parodient la formule finale des épitaphes romaines, « Que la terre te soit légère ! ». La seconde partie de l’épigramme, à partir du vers 13, paraît en contradiction avec la première, puisqu’on y apprend que Blasius est mort. BARRETT (1985), p. 142-144 et FABER (2009a), p. 189-190 en font deux épigrammes distinctes. 193 Adaptation d’un passage d’un poète didactique grec, NICANDRE, Thériaques 343-358. Mais en écrivant cette épigramme, Pannonius a certainement aussi à l’esprit l’épisode de la Genèse où Ésaü vend à Jacob son droit d’ainesse pour un plat de lentilles.

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« Non, ait, inde bibes, seruator gurgitis hydrus, quae portas dorso, ni mihi dona dabis ». Iumentum imprudens lymphis heu uilibus illud nobilius sacro nectare uendit onus. Ex illo posita iuuenescunt pelle colubri, conficit humanum dura senecta genus. 98 Mayer = I, 145 Teleki In Philippum Esse meum mihi te dicebas saepe Philippum : at tu, iam uideo, Pseudophilippus eras. 99 Mayer = I, 146 Teleki Ad Linum Posse domi fieri sapientem te, Line, credis. Vnum cuncta aetas μητροδίδακτον habet. 100 Mayer = I, 315 Teleki In Linum docentem paedicare Praeco salutiferi, Line flagrantissime, uerbi, siccine deterres turpibus a uitiis ? Cum quis paedicat, fugere inquis daemonas omnes. Quis non paedicet, si, Line, uera refers ?

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

« Tu n’y boiras pas, dit l’hydre qui gardait la source, si tu ne m’offres en cadeau ce que tu portes sur le dos. » L’animal, sans réfléchir, vendit hélas pour un liquide de peu de prix cette charge qui valait plus que le nectar sacré. Depuis les serpents rajeunissent en muant, tandis que la dure vieillesse accable l’espèce humaine.

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98 Mayer = I, 145 Teleki Contre Philippus Tu me disais souvent que tu étais mon ami Philippus ; mais, à ce que je vois maintenant, tu étais un faux Philippus 194. 99 Mayer = I, 146 Teleki À Linus Tu crois, Linus, que tu peux devenir savant en restant chez toi. Chaque époque a un seul homme instruit par sa mère 195. 100 Mayer = I, 315 Teleki Contre Linus qui enseignait la sodomie Prédicateur au discours salutaire, bouillant Linus, est-ce ainsi que tu détournes des vices honteux ? Tu déclares que quand on sodomise, tous les démons s’enfuient. Qui s’abstiendra de la sodomie si ce que tu rapportes est vrai 196 ?

194 C’est-à-dire un faux ami. Pseudophilippus est le surnom d’un aventurier thrace du IIe siècle avant notre ère qui se fit passer pour le fils de Persée, le dernier roi de Macédoine, et réussit à tenir tête quelque temps aux Romains. 195 Pannonius emploie le mot grec « métrodidacte », qui fut donné comme surnom au philosophe Aristippe le Jeune (cf. STRABON, Géographie XVII, 3, 22), parce qu’il avait été instruit en philosophie par sa mère Arétè, elle-même fille d’Aristippe de Cyrène, fondateur de l’école cynénaïque ou hédoniste. Il y a certainement là une insinuation perfide dont le sens échappe en bonne partie. 196 L’épigramme repose sur un jeu de mots implicite entre praedicare, « proclamer, prêcher », et paedicare, « sodomiser ». Le prédicateur Linus identifie sodomie et exorcisme. La série 100-104 pourrait être inspirée de BECCADELLI, qui attaque violemment Mattia Lupi, un professeur de grammaire, dans l’Hermaphroditus, en le traitant de paedico, « sodomite » en I, 26 et 36, voir BIRNBAUM (1981), p. 105 note 10.

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101 Mayer = I, 317 Teleki In eumdem Interpres, Line, codicum sacrorum, Francisci rigidam secute sectam, audires mea forte confitentem dum me crimina ‒ saepe non negaui lasciuo cubuisse cum cinaedo ‒, tu zelo ilicet ac furore plenus clamasti subito per omne templum, cur tantum facinus miser patrassem. Hoc egi, Line, non libidinose, sed taetros uti daemonas fugarem. 102 Mayer = I, 317 Teleki De eodem Orabam frustra, frustra ieiunus agebam, nil opis in donis, nil erat in crucibus, nam tanto diris grauius temptabar ab umbris. Sed nunc paedico : daemones aufugiunt. 103 Mayer = I, 318 Teleki De eodem Infesti possent qua daemones arte fugari, nemo prius norat ; nunc Linus edocuit. 104 Mayer = I, 319 Teleki De eodem Ite procul supera lapsi de sede maligni : formosus nostro est Troilus in gremio.

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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101 Mayer = I, 317 Teleki Contre le même personnage Linus, exégète des textes sacrés et membre de l’ordre sévère de François 197, comme un jour tu m’écoutais te confesser mes fautes – je n’ai pas nié avoir couché souvent avec un inverti sensuel −, aussitôt plein de colère zélée et de fureur tu as demandé en criant brusquement à travers toute l’église pourquoi j’avais commis un si grand crime. Je l’ai fait, Linus, non par concupiscence, mais pour mettre en fuite les démons repoussants.

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102 Mayer = I, 317 Teleki Sur le même personnage Je priais en vain, je jeûnais en vain, la charité, les mortifications ne me servaient à rien, je n’en étais que plus violemment tourmenté par les esprits infernaux. Mais maintenant je pratique la sodomie : les démons s’enfuient. 103 Mayer = I, 318 Teleki Sur le même personnage L’art de mettre en fuite les démons hostiles, personne ne le connaissait auparavant ; maintenant Linus l’a enseigné. 104 Mayer = I, 319 Teleki Sur le même personnage Allez-vous en au loin, démons tombés 198 du séjour d’en haut : le beau Troilus 199 se presse sur notre sein.

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C’est donc un franciscain. Les démons sont des anges déchus, c’est-à-dire qui sont tombés du ciel d’où ils ont été chassés après s’être rebellés contre leur créateur. 199 Le nom n’est pas choisi au hasard. Troilus, un des fils de Priam, était réputé pour sa beauté, voir QUINTUS DE SMYRNE, La suite d’Homère 4, 419-421 et 430. 198

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105 Mayer = I, 149 Teleki De Xerxe et Tito Duxerat et Xerxes Medos in Achaida terram, duxit et Ausonidum belliger arma Titus. Ille sed Inachidas missurus sub iuga uenit, hic tibi dempturus, Graecia, triste iugum. 106 Mayer = I, 150 Teleki De Troia euersa et Roma imperante Cum grauis Herceas Priamus procumbit ad aras, « Summus, ait Lachesis, sit cruor iste Phrygum, nam procul Ausonios portus Aeneia classis iam subit, aeternae principium patriae ». Quam bene, Troia, iaces, de cuius tanta ruinis urbs oritur, mundi quae tenet imperium.

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105 Mayer = I, 149 Teleki Sur Xerxès et Titus 200 Xerxès avait conduit les Mèdes en terre achéenne 201, le vaillant Titus y a conduit les armes des Ausoniens. Mais le premier est venu pour envoyer sous le joug les enfants d’Inachus 202, le second pour t’enlever, Grèce, ton funeste joug. 106 Mayer = I, 150 Teleki Sur la destruction de Troie et le pouvoir de Rome 203 Quand Priam accablé par l’âge s’écroule devant les autels de Jupiter Hercéen 204, Lachésis déclare : « Que ce sang soit le dernier que versent les Phrygiens. En effet, loin d’ici, la flotte d’Énée touche déjà aux ports ausoniens 205, origine d’une patrie éternelle ». Comme tu as eu une bonne fin, Troie : de tes ruines 5 naît une ville illustre qui possède l’empire du monde 206.

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Traduction d’une épigramme grecque (Anthologie grecque 16, 5). Le roi de Perse Xerxès, après la mort de son père Darius, organisa contre la Grèce une seconde expédition qui fut elle aussi un échec. Titus est Titus Quinctus Flamininus, qui chassa de Grèce Philippe V de Macédoine et proclama en 196 avant notre ère la liberté des cités grecques. 201 L’Achaïe, à l’origine une région du Péloponnèse, désigne ensuite la Grèce entière. L’Ausonie est l’Italie, voir l’épigramme 34. 202 Les enfants d’Inachus sont les Grecs : Inachus est le premier roi d’Argos (ville du nord-est du Péloponnèse). 203 Traduction d’une épigramme grecque (Anthologie grecque 9, 236). 204 Le vieux Priam fut tué la nuit de la prise de Troie, dans son palais royal, devant un autel. Euripide (Troyennes 483) précise que c’était l’autel de Zeux Hercéen, protecteur de l’enceinte de la maison. Pannonius a lu l’adjectif Herceus chez OVIDE, Héroïdes 7, 113, à qui il emprunte le groupe Herceas… ad aras. Lachésis est une des Parques, les trois divinités qui fabriquent, déroulent et coupent le fil des destinées humaines, et les Phrygiens sont les Troyens, voir l’épigramme 68. 205 Habituellement, Énée quitte Troie la nuit de la prise de la ville. Il peut alors difficilement arriver peu après en vue des ports de l’Italie (l’Ausonie, voir l’épigramme précédente). Il y a ici un raccourci chronologique. La formulation de la seconde partie du vers est elliptique et syntaxiquement peu claire. Pannonius y joue sur le thème de Roma aeterna : à l’éternité du pouvoir romain à laquelle croyait les Anciens a succédé l’éternité de Rome comme capitale de la chrétienté. 206 Sur la thématique, voir les épigrammes 68-69.

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107 Mayer = I, 151 Teleki De Achille Hector bellipotens, sub terris sicubi sentis, salue, et pro patria, quaeso, resurge parum. Ciuibus innumeris en Pergama sacra coluntur, haud tibimet paribus, sed tamen egregiis. Thessalia at nulla est ; accede, et dicito Achilli legibus Aeneadum Thessala regna premi.

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108 Mayer = I, 153 Teleki De superbia Xerxis Per freta dum pedibus, per summa cacumina remis Eoum Xerxes improbus agmen agit, confusas rerum leges natura gemebat, cum dedit hos sacro Iuppiter ore sonos : « Pone metus : aliter, quam nunc uenit, iste redibit ; pensabit Salamis dedecus omne tuum ».

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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107 Mayer = I, 151 Teleki Sur Achille 207 Si, vaillant Hector 208, tu éprouves des sentiments sous terre, reçois mes salutations et, je t’en prie, rassure-toi 209 un peu sur ta patrie. La sainte Pergame 210 est habitée par d’innombrables citoyens, qui ne t’égalent pas, certes, mais sont cependant éminents. En revanche la Thessalie n’existe pas : va dire à Achille que le royaume thessalien subit la loi des Énéades 211.

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108 Mayer = I, 153 Teleki Sur l’orgueil de Xerxès Comme l’insolent Xerxès menait son armée orientale à pied sur les mers et à rame sur le sommet des montagnes 212, la nature gémissait de voir ses lois bouleversées, quand Jupiter de sa bouche sacrée fit entendre ces mots : « Abandonne ta crainte : son retour ne ressemblera pas à son arrivée. Salamine 213 compensera tout ton déshonneur ».

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5

Traduction d’une épigramme grecque (Anthologie grecque 9, 387) déjà traduite en latin dans l’Antiquité (Anthologie latine 708 Riese). La pièce grecque est attribuée à Germanicus ou Hadrien et la pièce latine, sans doute à tort, à Germanicus également. 208 Hector, le plus vaillant des combattants troyens, a été tué par Achille dans la guerre de Troie. 209 Le verbe employé dans l’original grec signifie « reprendre haleine », d’où « reprendre courage, confiance » ; resurgere est un équivalent approximatif, plus que respirare dans la pièce 708 de l’Anthologie latine. 210 Pergame, forteresse de Troie, désigne Troie elle-même par métonymie. Ici il s’agit de la nouvelle Troie, Rome, et non de la nouvelle ville d’Ilion à laquelle les Julio-Claudiens accordèrent de nombreux avantages. Le destin organise une sorte de revanche en soumettant le pays d’Achille à la glorieuse descendance de Troie. 211 Achille règne sur les Myrmidons, un peuple de Thessalie. La Thessalie fut au e II siècle avant notre ère incorporée à la province romaine de Macédoine (Rome a été fondée par les Énéades, c’est-à-dire les descendants d’Énée). 212 Xerxès, lançant sa campagne contre la Grèce, fit faire un pont de bateaux sur l’Hellespont (les Dardanelles) pour franchir ce détroit, et perça l’isthme qui unissait le mont Athos au continent pour donner passage à sa flotte. Dans l’Antiquité il est régulièrement cité par les auteurs grecs et romains comme exemple d’orgueil et de démesure. 213 En 480 devant l’île de Salamine le général athénien Thémistocle anéantit la flotte de Xerxès.

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109 Mayer = I, 155 Teleki Verba Andromedae pugnante aduersus cetum Perseo Me miseram ! Quae triste manet fortuna duellum ? Cur mea nunc grauius quam modo corda pauent ? Haerebam duris, fateor, minus anxia saxis, propugnator adhuc cum mihi nullus erat. Ipsis cum uinclis utinam fera monstra uorassent me prius, huc uolucrem quam tulit iste gradum ! Indefensa quidem, sed certe sola perissem, nec noster cuiquam letifer esset amor. Nunc timeo, pereat ne insons, seruare nocentem dum studet, et pietas sit sibi causa necis. Quid tibi nobiscum, pulcherrime ? Non ego mater, non ego sum coniunx, non tua cara soror, ut tanto nostram quaeras discrimine uitam impulsus non ui, non prece, non pretio. Vel forsan nostrae mouit te gratia formae. Haud ego sum tanti, nec genus omne meum. Me fatis permitte meis, tu sospes abito, quae secet aerias, est tibi penna, uias. Dum loquor, e mediis ter se ardua sustulit undis belua ; ter fuso contigit astra salo. Heu, quam uix diros fugit celer ales hiatus, quam paene occasus occidit ante meos. Dii, si quos lingua genitrix non laesit iniqua, hoc uos iam solum, uiuat ut ille, rogo.

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109 Mayer = I, 155 Teleki Paroles d’Andromède tandis que Persée combattait contre le monstre marin 214 Malheureuse que je suis ! Quel destin est réservé à ce sinistre combat ? Pourquoi mon cœur éprouve-t-il à présent une crainte plus profonde qu’auparavant ? J’étais moins anxieuse, je l’avoue, attachée à ces durs rochers, quand je n’avais encore aucun défenseur. Ah si seulement le monstre sauvage m’avait dévorée avec mes liens mêmes 5 avant que ce brave ne porte ici ses pas ailés ! J’aurais péri sans défense, certes, mais j’aurais du moins péri seule, et personne n’aurait trouvé la mort par amour pour moi. Maintenant je crains qu’un innocent ne périsse en désirant sauver une coupable 215, et que sa bonté ne soit la cause de son trépas. 10 Qu’as-tu à voir avec nous, très beau jeune homme ? Je ne suis pas ta mère, je ne suis pas ta femme, je ne suis pas ta sœur chérie, pour que tu cherches mon salut en t’exposant à un si grand danger, sans y être poussé par la force, par la prière, ni par l’argent. Ou peut-être est-ce le charme de ma personne qui t’a touché ? 15 Je ne vaux pas un si grand prix, non plus que tout mon sexe. Laisse-moi à mon destin, et va-t’en sain et sauf, tu as des ailes pour emprunter la voie des airs. Tandis que je parle, la bête dressée s’est soulevée trois fois du milieu des flots ; trois fois elle a touché les astres en projetant l’eau de la mer. 20 Hélas, comme, tout rapide qu’il est avec ses ailes, il a esquivé avec peine sa gueule cruelle, comme il a presque succombé avant que je ne succombe ! Dieux que la langue de ma mère n’a pas offensés, je vous demande seulement qu’il conserve la vie.

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Cette épigramme, si du moins le poème mérite ce nom, est une pièce scolaire. Il s’agit d’une éthopée, exercice rhétorique antique où l’apprenti orateur devait imaginer les paroles d’un personnage mythologique ou historique célèbre placé dans une situation particulière, en faisant ressortir au mieux son caractère. Voici la légende d’Andromède. Comme sa mère Cassiopée, femme du roi Céphée, prétendait être plus belle que les Néréides, Poséidon pour les venger envoya un monstre marin qui ravageait le royaume. L’oracle d’Ammon, consulté, annonça que le pays serait délivré de ce fléau si Andromède était exposée comme victime expiatoire. On attacha donc la jeune fille à un rocher. Mais Persée qui, porté par ses ailes, passait par là, devint amoureux d’Andromède en la voyant et promit à Céphée de la délivrer s’il consentait à la lui donner en mariage. 215 En réalité Andromède n’est pas coupable, c’est sa mère qui l’est. Un peu plus loin, le réfléchi sibi est incorrect, on attendrait ei.

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110 Mayer = I, 157 Teleki Ad nummos Palponum patres, curarum pignora, nummi, uos habuisse timor, non habuisse dolor. 111 Mayer = I, 158 Teleki De se ipso Nudus humum scandi, nudus terrae ima subibo ; quid frustra afflictor nuda suprema uidens ? 112 Mayer = I, 159 Teleki Ad Marcellum Quod fuit astuto pugnax Aetolus Vlixi, quod duro Telamon Amphitryoniadae,

ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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110 Mayer = I, 157 Teleki À l’argent 216 Père des flatteurs et enfant des soucis, argent, on tremble quand on te possède, on souffre quand on ne te possède pas. 111 Mayer = I, 158 Teleki Sur lui-même 217 Nu je suis venu sur la terre, nu je m’en irai dans la profondeur de la terre ; pourquoi me désolé-je en vain en voyant que la fin est nue 218 ? 112 Mayer = I, 159 Teleki À Marcello 219 Ce qu’a été le belliqueux Étolien pour l’astucieux Ulysse, ce qu’a été Télamon pour l’endurant fils d’Amphitryon 220,

216 Traduction d’une épigramme grecque (Anthologie grecque 9, 394). Le poème est remarquable par ses symétries, par l’anaphore du verbe, l’homéotéleute du second vers et l’allitération du premier ; la pièce grecque était moins élaborée (mais le jeu généalogique s’y trouvait déjà). Le choix du substantif palpo, « flatteur », dont on ne connaît qu’une occurrence en latin littéraire ancien (voir l’Introduction), illustre cette recherche formelle. 217 Traduction d’une épigramme grecque (Anthologie grecque 10, 58). 218 Le vers grec signifie : « Pourquoi peiner en vain quand je vois que la fin est nue ? », c’est-à-dire quand je vois qu’à la fin de ma vie je serai nu ; mais on peut aussi comprendre : en voyant la fin de ma vie à nu. Pannonius, en rendant par le latin afflictor, « s’affliger, se désoler », le verbe grec employé pour « peiner », μοχθῶ, semble avoir mal compris celui-ci. 219 Jacopo Antonio Marcello, humaniste et amiral vénitien dont Pannonius écrivit un panégyrique, voir l’épigramme 55. En 1449, dans les conflits qui déchiraient l’Italie du Nord, il obtint l’appui de René d’Anjou. Pannonius célèbre cette amitié (toute politique) par une série de comparaisons avec des couples d’amis célèbres de l’Antiquité plusieurs fois désignés par des périphrases savantes : Diomède (héros originaire d’Étolie, région de Grèce continentale) et Ulysse ; Télamon et Hercule (fils d’Amphitryon) ; Patrocle et Achille ; Nisus et Euryale (deux compagnons d’Énée dont l’amitié a été racontée par Virgile au livre IX de l’Énéide) ; Tydée (ayant commis un meurtre, Tydée dut quitter sa patrie, la ville de Calydon en Étolie) et Polynice (fils d’Œdipe, chassé d’Argos par son frère Étéocle) ; Thésée (père d’Hippolyte) et Pirithoos ; Héphestion (général macédonien ; l’Émathie, partie de la Macédoine, désigne par extension ce pays) et Alexandre le Grand (le dompteur du monde) ; Pélopidas et Épaminondas ; Laelius père et fils et Scipion l’Africain et Scipion Émilien, vainqueurs respectifs des deuxième et troisième guerres puniques ; Agrippa, général et gendre d’Auguste. 220 Les polysyllabes en fin de pentamètre sont exceptionnels et concernent souvent des noms propres. Ici Pannonius peut s’autoriser du précédent de CATULLE 68, 112 Amphitryoniades.

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quod fuit inflexo mitis Patroclus Achilli, formoso Nisus quod celer Euryalo, quod fuit e Thebis profugo Calydonius exul, Pirithoo casti quod pater Hippolyti, quod fuit Emathius domitori Hephaestio rerum, trux Epaminondae quod Pelopida suo, quod totidem Libyae uictoribus unus et alter Laelius, Augusto quod gener ipse fuit ; hoc tu magnanimo nunc es, Marcelle, Renato, felix, qui regum dignus amore uenis. 113 Mayer = I, 160 Teleki In Spem et Fortunam Inueni portum. Spes et Fortuna ualete : nil mihi uobiscum, ludite nunc alios. 114 Mayer = I, 161 Teleki De agna nutriente lupum Agna lupum pasco propriis inuita mamillis, pastoris fatui sed iubet imperium. Nutritus per me, rursus, scio, saeuiet in me : uertere naturam gratia nulla potest.

115 Mayer = I, 162 Teleki De se ipso Tu, qui nocturnum temptas accendere lychnum, ne silicis uenas quaerito, neue focos : cor tribuet nostrum lumen tibi, nam mea saeuis flammauit facibus pectora durus amor.

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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ce qu’a été le doux Patrocle pour l’inflexible Achille, ce qu’a été le rapide Nisus pour le bel Euryale, ce qu’a été l’exilé de Calydon pour le banni de Thèbes, 5 ce qu’a été le père du chaste Hippolyte pour Pirithoos, ce qu’a été l’Émathien Héphestion pour le dompteur du monde, ce qu’a été le farouche Pélopidas pour son cher Épaminondas, ce qu’ont été l’un et l’autre Laelius pour les deux vainqueurs de la Libye, ce qu’a été son propre gendre pour Auguste, 10 voilà ce que tu es aujourd’hui, Marcello, pour le noble René : heureux es-tu toi qui deviens digne de l’amitié des rois ! 113 Mayer = I, 160 Teleki Contre l’Espoir et la Fortune 221 J’ai trouvé le port. Espoir et Fortune, adieu : je n’ai plus rien à voir avec vous, jouez-vous à présent des autres. 114 Mayer = I, 161 Teleki Sur une agnelle nourrissant un loup 222 Moi, une agnelle, je nourris contre mon gré un loup de mes propres mamelles, la folie du berger me l’ordonne. Ayant grandi grâce à moi, il s’attaquera sauvagement à moi en retour, je le sais : aucun bienfait ne peut changer le naturel. 115 Mayer = I, 162 Teleki Sur lui-même 223 Toi qui essaies d’allumer une lampe de nuit, ne cherche ni les veines du silex 224, ni les braises d’un foyer : notre cœur te fournira de la lumière, car l’amour inflexible a de ses torches cruelles enflammé mon sein. 221

Traduction d’une épigramme grecque (Anthologie grecque 9, 49) qui a été plusieurs fois reprise en latin dans les Carmina epigraphica Latina, voir CLE (Bücheler Lommatzsch) 1498 et 2139 et ZARKER (1958) 119 (c’est cette version qui est citée dans l’Histoire de Gil Blas de Santillane de Lesage IX, 10). L’espoir est un sentiment négatif pour les Anciens, car il est illusoire et incertain. 222 Traduction d’une épigramme grecque (Anthologie grecque 9, 47). 223 Traduction d’une épigramme grecque (Anthologie grecque 9, 15). 224 Selon VIRGILE, Géorgiques 1, 131-135, Jupiter a caché le feu pour que l’homme apprît à le faire jaillir des veines de la pierre. Et on le fait jaillir effectivement en frappant une pierre contre une autre ou contre un morceau de fer.

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116 Mayer = I, 163 Teleki De Amore deo Nullus amor deus est, hominum sed praua uoluptas praetendit uitio numinis arma suo. 117 Mayer = I, 164 Teleki De cupidine pharetrato Thure pharetratum quidam formauit Amorem, hunc, quae saepe deum sentit et ipse pater. Vulcano obicitur tandem, qui debuit olim non nisi flammarum tabe liquefieri. 118 Mayer = I, 165 Teleki De Amore Ad fontes quidam tornatum erexit Amorem, dum putat has unda extinguere posse faces. 119 Mayer = I, 166 Teleki De gratia Gratia cum properat, fit dulcior, ast ubi tardat, tota perit nec iam nomine digna suo est.

ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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116 Mayer = I, 163 Teleki Sur le dieu Amour L’amour n’est nullement un dieu, c’est le plaisir dépravé des hommes qui pour justifier sa faute allègue les armes de la divinité 225. 117 Mayer = I, 164 Teleki Sur Cupidon muni d’un carquois 226 Quelqu’un a formé avec de l’encens un Amour muni d’un carquois 227, cet amour que le père des dieux lui-même a souvent ressenti. Il est enfin exposé à Vulcain 228, lui qui depuis longtemps n’aurait dû faire autre chose que fondre sous la langueur des flammes 229. 118 Mayer = I, 165 Teleki Sur l’Amour 230 Quelqu’un, après avoir sculpté un Amour, l’a dressé près de sources, dans la pensée que l’onde pouvait éteindre ces torches 231. 119 Mayer = I, 166 Teleki Sur le bienfait 232 Quand le bienfait vient à la hâte, il est d’autant plus doux, mais lorsqu’il tarde, il est entièrement perdu et ne mérite plus son nom.

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Traduction d’une épigramme grecque (Anthologie grecque 10, 29). Traduction d’une épigramme grecque (Anthologie grecque 9, 179). 227 Le poème décrit une peinture à l’encaustique, c’est-à-dire qui utilise de la cire chaude. Aucun texte antique, à part cette épigramme grecque, ne nous dit qu’on mélangeait parfois de l’encens à la cire. Au vers suivant, deum est un génitif pluriel, la forme est fréquente en poésie (de même pour uirum en 54, 6). 228 Dieu du feu. L’Amour est exposé au feu puisqu’il est peint avec de la cire chauffée au feu. 229 Il y a dans l’épigramme une double plaisanterie mythologique : l’Amour, qui est feu, aurait dû depuis longtemps fondre sous ses propres flammes ; lui qui impose sa loi à Jupiter en personne est vaincu par le seul Vulcain, le dieu boiteux et laid. 230 Traduction d’une épigramme grecque (Anthologie grecque 16, 14). 231 Il s’agit d’un ensemble sculpté où la source (le pluriel est sans doute poétique) aussi était représentée. Le jeu sur le motif antithétique de l’eau et du feu est fréquent à la fois dans l’épigramme érotique et dans les épigrammes décrivant des thermes. 232 Traduction d’une épigramme grecque (Anthologie grecque 10, 30) déjà traduite dans l’Antiquité par AUSONE (Épigrammes 93 et 94 Green) et qui a été très souvent traduite à la Renaissance, mais Pannonius en donne la première version latine, voir DI BRAZZANO (2019), p. 269-274. 226

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120 Mayer = I, 167 Teleki De theatro Veronensi Est tibi prostibulum, quod erat, Verona, theatrum ; assidue Floram nunc colit ille locus. 121 Mayer = I, 169 Teleki De arte Ars iuuit neruos ; tunc perfectissima rebus summa uenit, cum uis nititur ingenio. 122 Mayer = I, 170 Teleki (Sine lemmate) Tu mihi per terras, nec non iurata per undas ; laeua tibi pontum, dextra premebat humum. 123 Mayer = I, 171 Teleki Venus ad Palladem Tu quid me Venerem, Iouis edita uertice uirgo, laedis et arripiens praemia nostra tumes ? Esto memor, quod me frondenti nuper in Ida,

ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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120 Mayer = I, 167 Teleki Sur un théâtre de Vérone Tu as pour lupanar, Vérone, ce qui était un théâtre ; maintenant ce lieu honore continuellement Flore 233. 121 Mayer = I, 169 Teleki Sur l’art L’art a secondé ma vigueur ; la création atteint sa perfection quand la force s’appuie sur le talent. 122 Mayer = I, 170 Teleki (Sans titre) Tu m’as juré par les terres, et aussi par les ondes ; ta main gauche touchait la mer, ta droite le sol 234. 123 Mayer = I, 171 Teleki Vénus à Pallas 235 Pourquoi, vierge sortie de la tête de Jupiter 236, me provoques-tu moi Vénus, et fais-tu la fière en saisissant ma récompense 237 ? Souviens-toi que 238 jadis sur l’Ida boisé c’est moi, 233 On ne sait de quel théâtre il s’agit. Ce n’est pas, en tout cas, le célèbre Teatro olimpico de Palladio et Scamozzi, postérieur de plus d’un siècle, et qui est considéré comme le premier théâtre permanent couvert de l’époque moderne. Les fêtes en l’honneur de la déesse de la végétation Flore étaient marquées par des exhibitions théâtrales particulièrement licencieuses, voir l’épigramme 152. Pannonius s’inspire peut-être d’un passage d’ISIDORE DE SÉVILLE (Étymologies XVIII, 42, 2) qui assimile le théâtre à un lieu de prostitution. 234 Poème fragmentaire, adressé à une femme. On jurait par les éléments comme la mer ou la terre (cf. par exemple OVIDE, Tristes 2, 54), en tournant les mains vers eux. Mais c’est seulement à partir de l’époque médiévale qu’on touche un objet sacré (autel, relique, Saintes Écritures) en prêtant serment. 235 Traduction d’une épigramme grecque (Anthologie grecque 9, 576). Il s’agit de la description d’une statue d’Athéna tenant une pomme à la main : Aphrodite interpelle la déesse. 236 Pallas Athéna est née en sortant toute armée de la tête de son père Zeus-Jupiter. 237 La récompense est la pomme que Pâris, dans le fameux jugement rendu sur le mont Ida près de Troie, attribua à Vénus en la déclarant la plus belle des trois déesses ; voir l’épigramme 126. 238 La construction memor quod, tardive (cf. LUXORIUS 368, 4 Riese), est calquée sur le grec et influencée par le latin biblique. C’est un rare exemple chez Pannonius de construction non classique.

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non te formosam censuit ipse Paris. Hasta tua est et parma ; meum, Tritonia, malum : sunt isti malo pristina bella satis.

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124 Mayer = I, 172 Teleki Ptolemaeus Noui ego mortalem, nec me esse ignoro diurnum, at cum sidereas mente requiro uias, non iam tellurem pedibus contingo, sed alma cum Ioue discumbens impleor ambrosia. 125 Mayer = I, 173 Teleki De Amore deo Passio, non deus est amor ; ast humana libido praetendit uitiis nomen inane suis. 126 Mayer = I, 175 Teleki Verba Troiae ad Palladem Parce, precor, Pallas ; colui nam semper honores aureis in templis, Troia misella, tuos. At tu me uastas, et pomi unius ob iram decerpis tristi moenia tota manu. Pastor ut occideret, fuerat satis ; improbus, esto, ille fuit, patriae non ea culpa tamen.

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

non toi, que Pâris lui-même a jugé belle. Tu as la lance et le bouclier ; moi, Tritonia 239, j’ai la pomme : pour ce fruit les guerres d’autrefois suffisent 240.

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124 Mayer = I, 172 Teleki Ptolémée 241 Je sais que je suis mortel et je n’ignore pas que ma vie est d’un jour ; cependant quand mon esprit étudie le cours des astres, je ne touche plus la terre de mes pieds, mais, allongé à table avec Jupiter, je me nourris de bienfaisante ambroisie. 125 Mayer = I, 173 Teleki Sur le dieu Amour 242 L’amour est une passion, non un dieu ; mais la sensualité des hommes allègue un nom vide pour justifier ses fautes. 126 Mayer = I, 175 Teleki Paroles de Troie à Pallas 243 Sois clémente, de grâce, Pallas, car moi, l’infortunée Troie, je t’ai toujours accordé dans ton temple étincelant d’or 244 les honneurs qui te revenaient. Mais toi tu me ravages, et, en colère à cause d’une simple pomme 245, tu fauches toutes mes murailles d’une main funeste. Il aurait suffi que le berger 246 meure ; il a été 5 malhonnête, soit ; cependant ce n’était pas la faute de sa patrie. 239

Surnom d’Athéna. Déesse guerrière, elle a pour attributs le casque, la lance et l’égide. 240 Ces guerres sont la guerre de Troie. La formule pristina bella, « guerres d’autrefois », est en contradiction avec le nuper, « récemment », du vers 3 ; il faut alors supposer que Pannonius donne à cet adverbe le sens inhabituel de « jadis, il y a longtemps ». 241 Traduction d’une épigramme grecque (Anthologie grecque 9, 577) dont l’astronome Ptolémée est présenté comme l’auteur. 242 Même sujet que la pièce 116. 243 Traduction d’une épigramme grecque (Anthologie grecque 9, 154). 244 Athéna Pallas est hostile aux Troyens depuis que Pâris dans son jugement lui a refusé le prix de la beauté. La déesse avait à Troie un temple qui contenait le Palladion, statue aux pouvoirs magiques la représentant. 245 La Discorde avait lancé une pomme d’or au milieu des dieux, en disant qu’elle était destinée à la plus belle des trois déesses Athéna-Minerve, Héra-Junon et AphroditeVénus. Zeus chargea Pâris de choisir : il attribua la pomme à Aphrodite. On présente souvent son jugement comme partial : il aurait tranché en faveur d’Aphrodite parce qu’elle lui avait promis l’amour de la plus belle des femmes. 246 Pâris, qui avait été exposé à sa naissance à la suite d’un présage défavorable, mena d’abord la vie d’un berger.

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127 Mayer = I, 176 Teleki De uua Est simul et potat, qui dulci uescitur uua : hoc tibi, sed solo, cedit, Iacche, Ceres. 128 Mayer = I, 178 Teleki Ad Leonellum ducem Ferrariae Obtulerit sors si qua meum tibi forte libellum, perpetua Estensis lux, Leonelle, domus, non illo hunc uultu relegas, quo iura ministras, sed quo saepe leuem pellis et ipse pilam. 129 Mayer = I, 179 Teleki Ad eumdem Ludere, diue, tuos festiuo carmine uates ne, Leonelle, ueta : ludis et ipse pila. 130 Mayer = I, 181 Teleki Ad Guarinum Phoebum Graecia, gens Latina Faunum, Hammonem Libye, Pharos Serapim, consultum in dubiis, Guarine, adibant. Te toto simul orbe confluentes accedunt populi, tua ut beata tingant arida corda disciplina.

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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127 Mayer = I, 176 Teleki Sur le raisin Il mange et il boit en même temps, celui qui absorbe du raisin doux : en cela, mais en cela seul, Cérès t’est inférieure, Bacchus 247. 128 Mayer = I, 178 Teleki À Leonello seigneur de Ferrare 248 Si quelque hasard te met dans les mains mon petit livre, Leonello, lumière éternelle de la maison des Este, ne le lis pas avec le visage que tu prends pour rendre la justice, mais avec celui avec lequel souvent, toi aussi, tu lances la balle légère. 129 Mayer = I, 179 Teleki Au même personnage N’interdis pas à tes poètes de s’amuser à des vers enjoués, divin Leonello : tu t’amuses bien toi-même au jeu de la balle. 130 Mayer = I, 181 Teleki À Guarino 249 Dans le doute, Guarino, la Grèce allait consulter Phébus, les Latins Faunus, la Libye Hammon, Pharos Sérapis 250. Vers toi, c’est du monde entier que les gens affluent en masse, pour imprégner leur esprit assoiffé de ton enseignement fécond.

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Cérès est la déesse du blé, et Bacchus le dieu du vin. Leonello d’Este, seigneur (sens ici de dux) de Ferrare (voir l’épigramme 1), était un homme cultivé, mécène de plusieurs artistes et écrivains. Cette épigramme (qui s’inspire de MARTIAL I, 4, voir l’Introduction) et la suivante sont moins une critique à son égard qu’un moyen pour Pannonius de définir sa conception de l’épigramme. 249 Sur l’humaniste italien Guarino de Vérone, voir l’épigramme 1. 250 Pannonius énumère ici différents dieux qu’on allait consulter dans l’Antiquité pour connaître l’avenir : Faunus à Rome (voir par exemple VIRGILE, Énéide 7, 81-103 ; OVIDE, Fastes 4, 649-673), Phébus-Apollon en Grèce (Delphes), Ammon en Égypte (oasis de Siwa), et Sérapis en Égypte encore (Alexandrie, ici désignée par l’île de Pharos située devant la ville). 248

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131 Mayer = I, 182 Teleki In Theodorum Mentiris, Theodore miser : sunt numina caelo, nec uacat omnino regia celsa poli. Nil sentis, Epicure : dii mortalia curant, nec frustra in terras fulmina torta cadunt. Numina, clamemus, sunt et mortalia curant, pendentem postquam cernimus Ambrosium.

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132 Mayer = I, 184 Teleki De morte amici O numquam mihi mors odiosior ! O mihi numquam stamina Parcarum flebiliora trium ! 133 Mayer = I, 187 Teleki Populos non producere electrum Quid manifesta adeo canitis mendacia uates ? Non placet id Phoebo : uerum amat ille deus. At uos hoc omnes uno uelut ore sonatis populeum in ripis Eridani esse nemus, unde fluant rutilo simulata electra metallo, migret et in gemmam, quae modo gutta fuit. En Padus, Heliadum famosa en silua sororum, dicite, si pudor est, succina uestra ubi sunt.

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131 Mayer = I, 182 Teleki Contre Theodorus Tu mens, misérable Theodorus : il y a des divinités dans le ciel, et le haut palais céleste n’est absolument pas vide. Tu ne comprends rien, Épicure : les dieux se soucient des affaires des mortels, et la foudre qu’ils lancent ne tombe pas au hasard sur la terre. Il y a des divinités et elles se soucient des mortels, crions-le 5 depuis que nous voyons Ambrosius pendu 251. 132 Mayer = I, 184 Teleki Sur la mort d’un ami Ô jamais la mort ne m’a été plus odieuse ! Ô jamais les fils des trois Parques 252 n’ont causé plus de pleurs ! 133 Mayer = I, 187 Teleki Les peupliers ne produisent pas d’ambre Pourquoi proférez-vous des mensonges si manifestes, poètes ? Cela ne plaît pas à Phébus 253 : le dieu aime la vérité. Mais vous tous comme d’une seule bouche vous chantez qu’il y a sur les rives du Pô un bois de peupliers, d’où coule l’ambre semblable à l’or jaune et où devient pierre précieuse ce qui à l’instant était goutte. Voici le Pô, voici la célèbre forêt des Héliades : dites-moi, si vous avez quelque pudeur, où est votre ambre 254.

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251 On ne sait qui est cet Ambrosius. Épicure ne niait pas l’existence des dieux mais affirmait qu’ils ne s’occupaient pas des affaires humaines. L’impie Theodorus porte humoristiquement un nom qui signifie en grec « don de dieu ». Le thème du poème rappelle Martial IV, 21. 252 Sur les Parques, voir l’épigramme 106. 253 Phébus-Apollon est ici le dieu de la musique et de la poésie. 254 Les Héliades étaient les sœurs de Phaéthon. Lorsque leur frère foudroyé par Zeus tomba dans l’Éridan (le Pô), elles le pleurèrent et furent métamorphosées en peupliers. Leurs larmes donnèrent naissance aux gouttes d’ambre. Pannonius, dans la lignée de Martial, dénonce la poésie mythologique pour son éloignement de la réalité ; mais il n’y a pas ici de critique du paganisme.

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134 Mayer = I, 188 Teleki In Cressam Lacte tuum nutris caprino, Cressa, puellum ; numquid uis alium tollere, Cressa, Iouem ? 135 Mayer = I, 192 Teleki De uitae mutatione Sat cuiuis semel est habitum mutare priorem ; felices, quibus id contigit in melius. 136 Mayer = I, 193 Teleki De quodam iactabundo Est quidam, nostri qui se uocat archipoetam temporis : en titulum, Bartholomaee, nouum ! Sed cum nunc fatui sint mille, poeta nec unus, hos inter primum, se, reor, ille uocat. 137 Mayer = I, 364 Teleki De amatore librorum ueterum Sunt quaedam, prope mille, puto, iam scripta per annos, docta quidem, sed non et speciosa satis. Tu tamen illa magis quam nostra poemata laudas, hoc solo, quod sint anteriora meis. Tanta tibi nunc est prisci reuerentia saecli, tam senium canos et uenerare dies. At rerum plures nouitate placere uidemus, non carie et putri, Bartholomaee, situ.

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134 Mayer = I, 188 Teleki Contre Cressa Tu nourris de lait de chèvre, Cressa, ton petit enfant : est-ce que tu veux, Cressa, élever un second Jupiter 255 ? 135 Mayer = I, 192 Teleki Sur le changement de vie Il suffit à chacun d’abandonner une fois son ancien genre de vie ; heureux ceux qui se trouvent mieux d’un tel changement 256. 136 Mayer = I, 193 Teleki Sur un vantard Il y a quelqu’un qui se proclame l’archipoète 257 de notre temps : voici, Bartholomaeus, un titre original ! Mais comme il y a aujourd’hui mille bouffons et pas un seul poète, il se proclame, je pense, le premier des bouffons. 137 Mayer = I, 364 Teleki Sur un amateur de vieux livres Depuis je crois environ mille ans, il est paru des livres, savants, certes, mais qui manquaient de brillant. Toi cependant tu les loues de préférence à nos poèmes, pour la seule raison qu’ils sont antérieurs à ce que j’écris. Si grand est en vérité ton respect pour les siècles du passé ! Tant tu vénères l’antiquité et les jours chenus ! Mais nous voyons plus de choses plaire par la nouveauté que par la décomposition et la saleté putride, Bartholomaeus.

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Alors qu’il était recherché par son père Cronos qui voulait le dévorer, Zeus fut nourri secrètement en Crète par une chèvre, comme le raconte notamment OVIDE au cinquième livre des Fastes. Le sel du poème tient à ce que le nom de la femme, Cressa, signifie aussi « la Crétoise ». 256 On ne comprend pas bien de qui parle Pannonius. De ceux qui quittent leur patrie comme lui ? De ceux qui, renonçant à une existence frivole, décident de mener une vie édifiante ? La chose n’est pas claire. 257 Il est difficile de savoir si le vantard en question et Pannonius lui-même connaissaient l’Archipoeta, nom par lequel se désignait un poète goliardique actif dans la seconde moitié du XIIe siècle en Allemagne.

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Quid pro peruersis adeo tibi moribus optem ? Hoc opto quamuis exitiosa parum : plus sapiat musto uetus ut tibi uappa Falerno, nec gustare nisi marcida poma uelis, dormiat et tecum formosa Polyxena numquam, uerum Hecube, sed iam non anus, immo canis.

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138 Mayer = I, 133 Teleki Ad Bartholomaeum In te nos quereris fecisse epigramma : fatemur. Quae ratio est ? inquis. – Nulla, nisi libuit. Sed delere iubes. Nemo est insanior ; et quem uidisti natos tu iugulare suos ? Non aliter nobis fore te promittis amicum. Nil est quod metuam, Bartholomaee, minus. Abscedens digitum mordes et saeua minaris. Quod scripsi, scripsi ; quidlibet i facias. 139 Mayer = I, 210 Teleki Ad Bartholomaeum Mutua da septem : superos et sidera testor, semper debebo, Bartholomaee, tibi. 140 Mayer = I, 211 Teleki Ad eumdem Non idcirco fidem laesi, quod credita nondum persolui ; laedam, si data reddidero. Nam bene si memor es : semper debere nec umquam reddere iuraui, Bartholomaee, tibi.

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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Que puis-je te souhaiter pour un goût si perverti ? Avec certes trop d’indulgence, voici ce que je te souhaite : 10 de trouver plus de saveur au vin éventé qu’au vin nouveau, à la piquette qu’au Falerne 258 ; de ne vouloir manger que des fruits pourris ; et de n’avoir jamais pour compagne de lit la belle Polyxène 259, mais Hécube plus que vieille, déjà changée en chienne. 138 Mayer = I, 133 Teleki À Bartholomaeus Tu te plains de ce que j’ai écrit des épigrammes contre toi : je ne le nie pas. Quelle en est la raison ? me demandes-tu. – Aucune, si ce n’est mon envie. Tu m’ordonnes de les détruire. Il n’y a pas plus fou que toi ; as-tu déjà vu quelqu’un égorger ses propres enfants ? Tu m’assures que sinon tu ne saurais être mon ami. 5 Il n’y a rien, Bartholomaeus, que je craigne moins. Tu me quittes en te rongeant les doigts 260 et en lançant de cruelles menaces ; ce que j’ai écrit, je l’ai écrit : va donc, fais ce que tu veux. 139 Mayer = I, 210 Teleki À Bartholomaeus Prête-moi sept pièces : j’en atteste les dieux et les astres, j’aurai toujours une dette envers toi, Bartholomaeus 261. 140 Mayer = I, 211 Teleki Au même personnage Je n’ai pas violé ma promesse parce que je ne t’ai pas encore rendu ce que tu m’as prêté ; je la violerai, si je te rembourse ce que tu m’as donné. Car si tu te souviens bien, j’ai juré d’avoir toujours une dette envers toi et de ne jamais te rembourser, Bartholomaeus.

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Voir l’épigramme 254. Polyxène est une des filles de Priam et Hécube. Sa beauté est attestée par HYGIN (Fables 110). Cette beauté, dans les versions tardives du mythe, fascina Achille qui, pour obtenir la main de Polyxène, proposa à Priam de trahir les Grecs. 260 On se ronge les ongles sous l’effet de la colère, de l’impatience, de la jalousie. 261 Il y a dans cette épigramme et dans la suivante un jeu sur le verbe debere, qui signifie, comme « devoir » en français, à la fois être débiteur et avoir une obligation envers quelqu’un. Ici le narrateur sera toujours débiteur parce qu’il n’a pas l’intention de rembourser. On trouve une plaisanterie analogue chez LE POGGE, Facéties 164. 259

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141 Mayer = I, 194 Teleki De se ipso Confiteor ueteres, ingentia nomina, uates, uestra prius mihi sors inuidiosa fuit, quod uos et rerum delectu et uoce diserta praestantes nemo posset adire nouus. At nunc ex aequo diuisa est gloria nobis : uinco materia, uincitis eloquio.

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142 Mayer = I, 195 Teleki Ad Perinum De te nos, tamen innocente, dicis incassum mala multa suspicari. Recte id forte putas, Perine, uerum culpa non uacat ille, qui meretur, insons sit licet, esse sons putari.

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143 Mayer = I, 197 Teleki De aue quae capite licet abscisso adhuc uolabat Quis credat ? Bifido sagitta ferro currenti caput abscidit uolucri, desit currere non tamen uolucris, dum deesset caput. Vnde uis peremptae, cum sic curreret, unde iners eunti ? An pars mortua, pars erat superstes, nec, quamuis posito procul cerebro, cor disperdiderat suum uigorem ? An casus leuis hoc repente lusit, dum uiuae tenor ille motionis nec iam frigida membra derelinquit ? An, dum mors subito uocata tardat, lentus substitit, et morae uacantis momentum breue sensus occupauit ?

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141 Mayer = I, 194 Teleki Sur lui-même Je l’admets, poètes anciens à l’immense renom, votre sort a d’abord été pour moi un objet d’envie, parce qu’aucun moderne ne pouvait approcher de vous qui triomphiez par le choix des sujets et l’éloquence de votre voix. Mais à présent la gloire est répartie entre nous à égalité : je l’emporte par la matière, vous l’emportez par le style.

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142 Mayer = I, 195 Teleki À Perinus Tu dis que nous te soupçonnons sans motif de nombreuses vilénies, alors que tu es irréprochable. Tu as peut-être raison de penser cela, Perinus, mais il n’est pas exempt de faute, celui qui mérite, bien qu’il soit innocent, de passer pour coupable.

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143 Mayer = I, 197 Teleki Sur un oiseau qui, malgré sa tête coupée, volait encore Qui le croirait ? Une flèche au fer fendu a tranché la tête d’un oiseau en plein vol ; l’oiseau cependant n’a pas cessé de voler, privé de tête 262. D’où une créature morte trouve-t-elle la force de voler ainsi, comment peut-elle se déplacer ? Est-ce qu’une partie était morte, tandis que l’autre survivait, et que, bien que le cerveau fût au loin, le cœur n’avait pas perdu sa vigueur ? Est-ce que le hasard frivole s’est soudain amusé à ce que la continuité du mouvement vivant demeure et n’abandonne pas les membres déjà froids ? Est-ce que, tandis que la mort brusquement convoquée tardait, les sens sont demeurés tenacement, et ont profité du bref instant de répit resté libre 263 ?

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LUCRÈCE 3, 634-669 donne des exemples analogues pour montrer que l’âme est divisible et ne saurait donc être immortelle. La forme contracte desit pour desiit n’est pas rare. 263 Le texte uocantis édité par MAYER (2006) n’offre pas un sens satisfaisant et une faute par saut du même au même (on a uocata au vers précédent) est possible. Nous adoptons la leçon uacantis du manuscrit R. 262

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An quoddam medium locare tempus uitam inter licet et necem supremam, quod neutrum magis altero putari confusis pariter queat duobus, ceu confinia noctium et dierum nec lux, nec tenebrae solent uocari, sed mixtum et dubium tenere nomen. Verum quae potius fuere causae, uos inquirite, quos fatigat ingens naturae labor et profunda rerum ; me facti satis est uenire testem. At tu, Graecia fabulosa, profer, si quid tale tui tulere agones, quos Pytho, Nemee, Isthmos, Elis egit. Dic centum celebrata Roma ludis, uiderunt tua si theatra quando, truncum uiuere, mortuum moueri. 144 Mayer = I, 198 Teleki In mendacem Cum tua non ullus de te mendacia credat, mentiris soli, tu licet ipse, tibi. 145 Mayer = I, 199 Teleki In eumdem Te, non nos fallis, cum nos ea credere credis, credere tute alio quae referente neges. Desine mentiri, iam desine dicere ficta quae uix crediderit morio Musicius.

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Est-ce qu’il est possible de poser un temps intermédiaire entre la vie et la fin dernière, qui puisse être considéré comme n’étant pas l’un plus que l’autre, mais un mélange des deux, de même que les confins du jour et de la nuit ne sont appelés habituellement ni lumière ni ténèbres, mais portent un nom confus et indécis ? Cependant quelle a été la cause la plus vraisemblable du phénomène, recherchez-le, vous que préoccupent l’immense travail de la nature et la profondeur des choses ; pour moi il me suffit de venir en témoigner. Quant à toi, Grèce portée aux fables, révèle si ont produit 264 quelque chose de tel les concours organisés par Pytho, Némée, l’Isthme et l’Élide 265. Et dis-nous, Rome célèbre pour tes cent jeux, si tes théâtres ont jamais vu un tronc vivre et un mort bouger.

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144 Mayer = I, 198 Teleki Contre un menteur Comme personne ne croit les mensonges que tu fais sur toi-même, tu peux bien mentir, tu mens pour toi seul. 145 Mayer = I, 199 Teleki Contre le même personnage Tu te trompes, loin de nous tromper, en croyant que nous croyons ces choses que tu refuserais de croire si un autre les racontait. Cesse de mentir, cesse désormais de proférer des fables que croirait avec peine Musicius le fou 266.

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Comme au vers 22 et 27, l’interrogative indirecte est à l’indicatif, et comme au vers 27 elle est introduite par la conjonction si : c’est un double écart par rapport à la norme classique. 265 Allusion aux quatre grands concours panhelléniques : concours pythiques de Delphes (Pytho est l’ancien nom de Delphes), concours néméns de Némée (dans le Péloponnèse), concours isthmiques (sur le territoire de Corinthe), concours olympiques (célébrés à Olympie en Élide). 266 On ignore qui est ce Musicius. Au vers précédent, le texte des manuscrits est corrompu et amétrique et les corrections proposées peu convaincantes : nous écrivons ficta.

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146 Mayer = I, 200 Teleki In furem Vergilianum Excusas sic te, cum quid furare Maroni, surripuit Chio quod Maro multa seni. Excusatus eris, quin et laudabere uates, si modo surripias, ut Maro surripuit. 147 Mayer = I, 201 Teleki In eumdem Non te ex Vergilio, sed magno dicis Homero furari, furtum quando poeta facis. Sed cum furaris iam praefurata Maroni, furari ex ipso te puto Vergilio. At male cum uati simul huic furaris et illi, quid, nisi iure malam, stulte, merere crucem ?

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148 Mayer = I, 202 Teleki In furem suorum carminum Quod, Valline, tui tot habent mea carmina libri, uis imitatorem te rear esse meum. Totos saepe locos uerbum transcribis ad unum, materia est mecum saepius una tibi. Non imitari hoc est, laus id, non culpa fuisset, hoc est pro scriptis edere nostra tuis. 149 Mayer = I, 205 Teleki In Basinum Cum sis Basinus, cur esse Basinius optas ? Aptius ut fiat, littera prima cadat.

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146 Mayer = I, 200 Teleki Contre un plagiaire de Virgile Quand tu voles un passage à Virgile, tu t’excuses en alléguant que Virgile a abondamment pillé le vieillard de Chio 267. Tu serais excusé, et même loué comme grand poète, si seulement tu pillais comme Virgile l’a fait 268. 147 Mayer = I, 201 Teleki Contre le même personnage Tu dis que voles non Virgile, mais le grand Homère, quand dans tes poèmes tu commets un vol. Mais quand tu voles ce qui a déjà été volé 269 par Virgile, tu voles Virgile lui-même, à mon avis. Et quand tu voles malhonnêtement ces deux poètes à la fois, 5 que mérites-tu, idiot, sinon la croix justement réservée aux gens malhonnêtes ? 148 Mayer = I, 202 Teleki Contre quelqu’un qui s’appropriait ses poèmes Si, Vallinus, tes livres contiennent tant de mes poèmes, c’est que, veux-tu me faire croire, tu me prends pour modèle. Souvent tu transcris des passages entiers au mot près, et ton texte souvent est le même que le mien. Cela n’est pas imiter (ce qui serait un mérite, non une faute), c’est publier mes écrits en les faisant passer pour tiens.

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149 Mayer = I, 205 Teleki Contre Basinus Alors que tu t’appelles Basinus, pourquoi souhaites-tu être appelé Basinius ? Il serait plus approprié d’enlever la première lettre de ton nom 270. 267

Le vieillard de Chio est Homère. Chio est une des villes qui prétendaient être la patrie du poète. 268 C’est-à-dire si tu faisais de tes emprunts un aussi bel usage que Virgile, qui a su, en s’inspirant d’Homère, créer une œuvre personnelle. 269 Le participe praefurata, qui a un sens passif, est un hapax. À l’exception du dactyle cinquième, le vers est entièrement spondaïque. 270 Cela donnerait Asinus, « âne » (ce type de jeu sur les lettres s’appelle logogriphe et les Anciens en étaient friands). Le personnage visé est Basinio da Parma, voir l’épigramme 318. Dans la documentation sur cet auteur, il y a hésitation entre les formes Baxinus (Basino) et Baxinius (Basinio) ; quant aux textes littéraires, ils écrivent toujours

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150 Mayer = I, 212 Teleki In excommunicatum Interdicta tibi est hominum communio, et audet uadere nemo una, nemo comesse simul. Ast ego, censurae quamuis id, Marce, iuberent, nec conuiua tibi, nec comes esse uelim. 151 Mayer = I, 132 Teleki Ad Marcum Scriptum in te dicis tetrastichon esse : negamus. Nomine teste probas ; nomine teste nego. Marcus, ais, ego sum. Viuunt hoc nomine multi ; an, rogo, tu Phoenix esse uidere tibi ? Daunia quot mulos, Nonacria pascit asellos, tot passim Marcos degere, Marce, puta.

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152 Mayer = 123/3 Ábel In Marcum Tempora, Marce, soles praeponere nostra uetustis ; adicis hoc etiam, qua ratione putes. Nunc, inquis, media nemo iam nocte salutat astutum portans irrequietus aue, nunc fellat nemo, nemo nunc inguina lingit. Nemo facit Florae sacra Bonaeue Deae,

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150 Mayer = I, 212 Teleki Contre un excommunié Tu as été exclu de la communauté des hommes, et personne n’ose marcher à tes côtés ni manger avec toi. Pour ma part, Marcus, même si une sentence l’ordonnait, je ne voudrais être ni ton convive, ni ton compagnon 271. 151 Mayer = I, 132 Teleki À Marcus Tu affirmes que j’ai écrit un quatrain contre toi 272 : je le nie. Tu le prouves en invoquant le nom ; je le nie en invoquant le nom. Je suis Marcus, me dis-tu. Beaucoup de gens portent ce nom ; t’imagines-tu par hasard, je te prie, être le phénix 273 ? Il vit çà et là autant de Marcus, crois-le bien, Marcus, que la Daunie nourrit de mulets et la Nonacrie 274 d’ânons.

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152 Mayer = 123/3 Ábel Contre Marcus Tu as l’habitude, Marcus, de mettre notre temps au-dessus des temps anciens, tu ajoutes même pour quelle raison tu penses ainsi. Aujourd’hui, dis-tu, personne ne salue au milieu de la nuit, apportant sans répit un bonjour trompeur 275 ; aujourd’hui personne ne suce, personne ne lèche de bas-ventres ; 5 personne ne célèbre le culte de Flore ou de la Bonne Déesse 276 ;

Basinius. Seul Pannonius suggère qu’il ait voulu changer de nom. Nous gardons ce nom sous sa forme latine dans la traduction, contrairement au principe exposé dans l’Introduction, pour la clarté du jeu de mots. 271 Pannonius semble avoir voulu donner des gages d’orthodoxie, ou exprimer sa haine particulière pour le Marcus en question. 272 Peut-être le poème précédent, composé de quatre vers. 273 Le phénix (voir l’épigramme 68) est un oiseau unique de son espèce. 274 La Daunie et la Nonacrie sont d’anciens noms pour l’Apulie (la Pouille) et l’Arcadie (au centre du Péloponnèse). Pannonius suggère que Marcus est lui-même un âne. 275 Allusion à une pratique sociale romaine, l’obligation pour le client, c’est-à-dire le protégé d’un patron, d’aller saluer celui-ci chez lui tôt le matin. Le bonjour est trompeur parce qu’il n’est pas sincère. 276 Les Ludi Florales, jeux en l’honneur de Flore, comportaient des mimes théâtraux souvent licencieux, voir l’épigramme 120. Les mystères de la Bonne Déesse étaient réservés aux femmes ; en 62, l’agitateur Clodius y fut surpris, déguisé en femme, et le scandale que provoqua l’affaire a valu à cette cérémonie une mauvaise réputation.

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paedicant pauci, recitant mala carmina pauci, omnia cum scaenis amphitheatra silent, crimina seu portenta magis quibus ista uigebant. Saecula quis merito praeferat illa nouis ? Vis tibi uersiculo me respondere sed uno, quod uerum non est, dicere, Marce, soles.

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153 Mayer = I, 215 Teleki De Sclauonia Pars ea Pannoniae, quae nunc Sclauonia fertur, pagos compluris, oppida rara gerit. 154 Mayer = I, 218 Teleki De Vincentino Vincentinus eques tumidi rudis ante profundi, miratus Venetae dum redit urbis opes, post uomitus crebros et uersum paene cerebrum, post fractum rigido robore molle latus, contigit ut litus « Non me uehet amplius, inquit, ad culum quisquis frena caballus habet ». 155 Mayer = I, 219 Teleki Ad Orinthum Ibim cerua, canis Cyrum, lupa nutriit illos, quos grauida armifero Siluia Marte dedit.

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peu de gens pratiquent la sodomie, et peu donnent lecture de mauvais poèmes ; c’est partout le silence dans les amphithéâtres ainsi que dans les théâtres, où fleurissaient les crimes et les monstruosités 277. Qui aurait raison de préférer les époques lointaines à celle de maintenant ? 10 Tu veux que je te réponde en un seul petit vers : tu as l’habitude, Marcus, de dire des choses qui ne sont pas vraies 278. 153 Mayer = I, 215 Teleki Sur la Slavonie 279 La partie de la Pannonie qui maintenant est dite Slavonie 280 contient de nombreux villages, mais peu de villes. 154 Mayer = I, 218 Teleki Sur le voyage en mer de Vincentinus Le chevalier Vincentinus, qui ignorait auparavant l’emportement des flots, revenait de Venise dont il avait admiré les richesses. Comme il avait abondamment vomi et s’était presque retourné le cerveau, que ses tendres côtes avaient été brisées par le dur bois du pont, il déclara en atteignant le rivage : « Je ne me ferai jamais plus transporter 5 par un cheval qui a les rênes au cul » 281. 155 Mayer = I, 219 Teleki À Orinthus 282 Une biche a nourri Ibis, une chienne Cyrus, une louve les enfants que Silvia enceinte a donnés au belliqueux Mars 283. 277

Reprise de la critique chrétienne contre l’immoralité des spectacles de l’amphithéâtre (les jeux de gladiateurs) et du théâtre. 278 La pointe est paradoxale, on attendrait que Pannonius approuve ce Marcus qui refuse de louer systématiquement le passé. Sans doute veut-il dire que l’exemple de Marcus montre bien que les vices n’ont pas disparu (il y a peut-être là un souvenir de MARTIAL IX, 70). 279 La Slavonie est une région agricole, aujourd’hui en Croatie, où est né Pannonius (voir l’épigramme 280). Elle faisait partie de l’ancien royaume de Croatie, lui-même intégré à la Hongrie. L’épigramme est sans doute incomplète. 280 Elle s’est appelée longtemps Esclavonie. 281 Le sens exact de cette déclaration du chevalier n’est pas totalement clair. Peutêtre compare-t-il le bateau ballotté par la tempête à un cheval dont on ne peut saisir les rênes, ou bien n’a-t-il pas compris qu’il était monté sur un bateau. 282 Si le personnage a bien pour nom Orinthus, le vers 3 est amétrique. 283 Il ne s’agit pas d’Ibis, mais d’Habis, un roi légendaire de l’Espagne antique (cf. JUSTIN 44, 4, sans doute la source de Pannonius puisqu’il y est aussi question de

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Par dis cura tui fuit, Orinthe, nam tibi paruo admouit mammas sus lutulenta suas. 156 Mayer = I, 226 Teleki In otacustas Inter tot mala, pessimi otacustae, hoc unum facitis bonum : siletur. 157 Mayer = I, 227 Teleki De eodem Tanta est malorum copia otacustarum ut ipse taceat, Eustachi, Ladislaus. 158 Mayer = I, 228 Teleki De eodem Plus iam, Lazare, quam tacere oportet : nil dicas licet, audit otacustes. 159 Mayer = I, 22 Teleki Galeotti peregrinationem irridet Cur et tu, rogo, cur, poeta cum sis, Parnasi tamen arce derelicta cum capsa, Galeotte, cum bacillo, Romanam peregrinus is in urbem ? Hoc plebs credula gentium exterarum, hoc laruas solitum timere uulgus,

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Les dieux ont eu pareillement souci de toi, Orinthus, car à ta naissance une truie couverte de boue t’a présenté ses mamelles. 156 Mayer = I, 226 Teleki Contre les espions 284 Détestables espions, au milieu des innombrables maux que vous causez, vous produisez un bien, un seul : le silence. 157 Mayer = I, 227 Teleki Sur le même sujet Les espions sévissent en si grande quantité que Ladislaus 285 lui-même se tait, Eustachius. 158 Mayer = I, 228 Teleki Sur le même sujet Il ne suffit plus désormais de se taire, Lazarus : même si tu ne dis rien, les espions entendent quelque chose. 159 Mayer = I, 22 Teleki Il se moque du pèlerinage de Galeotto 286 Pourquoi toi aussi, je te le demande, pourquoi, alors que tu es poète, délaissant la citadelle du Parnasse 287 et ta boîte à manuscrits, Galeotto, vas-tu avec un bâton en pèlerinage à Rome ? C’est ce que fait la masse crédule des peuples étrangers, c’est ce que fait la multitude habituée à craindre les fantômes,

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Cyrus et des jumeaux fondateurs de Rome). Cyrus, le fondateur de l’empire perse, aurait été, selon certaines versions, exposé dans la montagne et nourri par une chienne (cf. JUSTIN 1, 4). L’histoire de Romulus et Rémus, fils de la vestale Réa Silvia et du dieu Mars, exposés et recueillis par une louve, est bien connue. 284 Apparemment les espions dont s’entourait le roi Mathias Corvin, devenu soupçonneux et autoritaire. Pannonius recourt au mot otacusta, qu’on ne lit qu’une fois en latin ancien, et qui est la transcription d’un mot grec qu’il a dû lire dans le De la curiosité 16 de PLUTARQUE (Moralia 522 F) à propos des espions des tyrans. 285 Personnage (évidemment un bavard importun) non identifié. Il en va de même pour Eustachius. 286 Sur Galeotto, voir l’épigramme 18. Il s’agit du pèlerinage à Rome pour le jubilé de 1450, convoqué par Nicolas V. Sur les sentiments religieux de Pannonius, voir l’Introduction. 287 Montagne de Grèce consacrée à Apollon et aux Muses.

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hoc turbae faciant hypocritarum. Tu senti mihi, quod putauit olim uafri callidus Euathli magister, aut diuum Theodorus abnegator, uel sectae pater ille delicatae, summum qui statuit malum dolorem. Sin deuotio iam beata cordi est, si torto iuuat ambulare collo, cuncta et credere, quae dies per omnes rauca praedicat altus e cathedra Albertus pater et loquax Rubertus, gaudens lacrimulis anicularum, dilectis, age, dic ualere Musis, sacras rumpe fides et alma Phoebi claudo carmina da fabro deorum : nemo religiosus et poeta est. 160 Mayer = I, 246 Teleki Deridet euntes Romam ad iubilaeum Mille quadringentis Hyperion aureus annis adicit haec decimae tempora Olympiadis, natus ut aeterni, qui condidit omnia, Patris

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c’est ce que fait la foule des hypocrites. Réfléchis, je te prie, à ce qu’ont pensé jadis le maître habile du rusé Évathlos 288, ou Théodore qui niait les dieux 289, ou le père de la secte voluptueuse 290 qui a estimé que le plus grand mal était la douleur. Mais si désormais tu as à cœur de pratiquer la dévotion sainte, s’il te plaît de te promener le cou tordu 291 et de croire sans réserve ce que tous les jours prêche du haut de sa chaire enrouée 292 le père Alberto ou Roberto le bavard qui se réjouit des larmes des petites vieilles 293, alors dis adieu aux Muses que tu as chéries, brise tes engagements sacrés et livre les doux poèmes de Phébus au forgeron des dieux 294 : personne n’est à la fois religieux et poète.

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160 Mayer = I, 246 Teleki Il se moque de ceux qui vont à Rome pour le jubilé À mille quatre cents ans Hypérion 295 d’or a ajouté la durée de dix olympiades, depuis que le fils du Père éternel, créateur de toutes choses, 288

Cette périphrase savante désigne Protagoras. Elle est inspirée d’un procès qu’il eut avec un de ses élèves, Évathlos (cf. AULU-GELLE V, 10). Protagoras professait un certain scepticisme religieux. Mihi au vers précédent est un datif éthique difficile à traduire. 289 Théodore de Cyrène dit parfois Théodore l’Athée, philosophe grec. La forme diuum de génitif pluriel est fréquente en poésie (cf. 408, 1 et 418, 6). 290 Épicure, qui place le souverain bien dans le plaisir, défini essentiellement comme absence de douleur. 291 L’expression veut dire : comme un bigot ou un cagot, par allusion à l’attitude et à la démarche (le cou de travers) qu’on attribuait traditionnellement à ces gens. L’italien « torcicollo » et le français « torticolis » signifient d’ailleurs anciennement « faux dévots » (cf. RABELAIS 1, 54 « torcoulx » ; 2, 30 « tortycolly » ; on n’en conclura pas que Rabelais avait lu Pannonius), voir DOREZ (1904). 292 Par hypallage : c’est Alberto qui est enroué (à force de prêcher), non la chaire. Allusion à Alberto Berdini da Sarteano ou Sarziano (1385-1450) et Roberto Caracciolo da Lecce (1425-1495), deux prédicateurs franciscains qui attiraient un vaste public, voir BIRNBAUM (1981), p. 97 et les notes p. 104-105. 293 On notera les deux diminutifs expressifs lac(h)rimula et anicula. 294 Phébus-Apollon est le dieu de la poésie. Le forgeron des dieux est Vulcain, dieu du feu. Il s’agit donc de brûler les poèmes. 295 Hypérion désigne le Soleil, voir l’épigramme 12. Une olympiade fait en principe quatre ans, mais souvent on emploie le mot en latin au sens de lustre, qui désigne une période de cinq ans. Nous sommes en 1450.

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prodiit intacta uirgine factus homo. Nunc propius quaerenda salus, et ad aethera clarum uilibus e terris maxima porta patet. Iam Zephyri et Boreae gentes, Occasus et Arctos, omne quod hinc Tanais claudit et inde Tagus, Romam festinant, et confluit orbis in Vrbem, nec capiunt ipsae milia tanta uiae. Nescio, credulitas haec si sua proderit ipsis, hoc scio : pontifici proderit illa satis. 161 Mayer = I, 247 Teleki De eodem Hispani, Galli, Sclauini, Teutones, Hunni, clauigeri petitis limina sancta Petri. Quo ruitis stulti, Latios ditare telonas ? Saluari in patria siccine nemo potest ? 162 Mayer = I, 248 Teleki De eodem Iam fora cuncta uiris, meritoria cuncta replentur, agmine tam denso barbara turba uenit. Ipsum diuitiis nullus non caupo lacesset Cosmum, si talis proximus annus erit.

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est venu, homme né d’une mère vierge. 5 Maintenant le salut est à chercher de plus près 296, et de la terre vile une vaste porte s’ouvre vers le ciel éclatant. Déjà les peuples du Zéphyr et du Borée, les régions du Couchant et de l’Ourse, tout ce que limite d’un côté le Tanaïs et de l’autre le Tage 297, se hâtent vers Rome ; l’univers afflue dans la ville 298, et les routes elles-mêmes peinent à contenir tant de milliers de gens. 10 J’ignore si cette crédulité leur sera profitable à eux, mais ce que je sais, c’est qu’elle sera très profitable au pape. 161 Mayer = I, 247 Teleki Sur le même sujet Espagnols, Gaulois, Slavons 299, Teutons, Huns, vous vous hâtez tous vers les seuils sacrés de Pierre, le porteur des clés 300. Pourquoi, sots, courez-vous enrichir les collecteurs d’impôts 301 du Latium ? Est-ce que donc personne ne peut trouver le salut dans sa patrie ? 162 Mayer = I, 248 Teleki Sur le même sujet Désormais toutes les places, toutes les hôtelleries 302 sont pleines de monde, tant la foule barbare arrive en rangs serrés. Il n’est pas d’aubergiste qui ne rivalisera de richesses avec Cosme lui-même 303, si l’année prochaine est semblable.

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Allusion à l’Épître aux Romains 13, 11. Le Zéphyr est un vent d’Ouest, le Borée un vent du Nord, l’Ourse est une constellation située près du pôle arctique, le Tanaïs est aujourd’hui le Don (en Russie actuelle). 298 La paronomase orbis-urbis, qui suggère que l’univers est contenu dans Rome ou que Rome domine l’univers, vient d’OVIDE (par exemple Art d’aimer 1, 174). 299 Sur la Slavonie, voir l’épigramme 153. Les Teutons et les Huns sont des peuples de l’Antiquité : par ces mots Pannonius doit désigner les Allemands et les Hongrois. 300 Saint Pierre, voir les épigrammes 395-396. Le seuil sacré de Pierre désigne la tombe de l’apôtre, dans la basilique Saint-Pierre. 301 Le substantif telones, ae, est un calque du grec, voir l’Introduction. 302 Le substantif meritorium a le sens rare et tardif d’« auberge, hôtellerie », voir ThLL VIII, 843, 74-80. 303 Cosme de Médicis dit Cosme l’Ancien, gonfalonier de Florence de 1434 à sa mort, possédait une exceptionnelle fortune reposant sur la banque familiale. 297

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163 Mayer = I, 249 Teleki De caupone qui anno iubilaei ditatur Pastor ueris opes, aestatis carpit arator, uinitor autumni. Lenta quiescit hiems, nec nisi raro capit quicquam piscator et auceps ; cauponis nullo tempore lucra uacant. 164 Mayer = I, 250 Teleki De eodem Nec mercatori, nec nunc ego bella gerenti, nec nautae inuideo, nec, Macer, agricolae, nec medico, nec causidico, nec, crede, poetae, cauponi multum sed, Macer, inuideo. 165 Mayer = I, 251 Teleki De eodem Vtere, caupo, tuo, nunc utere, si sapis, anno ; quam longe distant altera lustra decem. 166 Mayer = I, 208 Teleki De aetate sua Sextus hic et decimus uitae mihi ducitur annus, si uerum nato rettulit ipsa parens. Septimus incipiet, medio cum ardebit Olympo mensis ab Augusti tertia fine dies.

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163 Mayer = I, 249 Teleki Sur l’aubergiste qui s’enrichit l’année du jubilé Le berger recueille les productions du printemps, le laboureur celles de l’été, le vigneron celles de l’automne 304. L’hiver engourdi se repose, le pêcheur et l’oiseleur n’y attrapent que rarement quelque chose 305. Mais les gains de l’aubergiste ne cessent à aucun moment. 164 Mayer = I, 250 Teleki Sur le même sujet Je n’envie à présent ni le marchand, ni celui qui fait la guerre, ni le marin, ni, Macer, le paysan, ni le médecin, ni l’avocat, ni, crois-moi, le poète, mais l’aubergiste, oui, Macer, je l’envie beaucoup. 165 Mayer = I, 251 Teleki Sur le même sujet Profite de ton année, aubergiste, profites-en maintenant, si tu es sage. Car les prochains dix lustres sont bien loin 306 ! 166 Mayer = I, 208 Teleki Sur son âge Voici que s’étire la seizième année de ma vie, si ma mère a déclaré la vérité à son fils. La dix-septième commencera quand brillera au milieu de l’Olympe 307 le troisième jour avant la fin du mois d’août 308.

304 Ces productions sont, respectivement, les nouveau-nés du troupeau, les céréales moissonnées, les raisins vendangés. 305 Dans les mosaïques et les calendriers illustrés antiques, l’hiver est souvent associé à la chasse au petit gibier (lièvre) et au gibier d’eau (grive, canard), voir STERN (1981) ; PARRISH (1984). Et c’est de toute façon la saison où on pratique ces activités. 306 Le jubilé, année sainte, revient tous les cinquante ans, soit dix lustres. À cette époque en effet, et cela depuis Clément VI en 1343, les années jubilaires avaient lieu tous les cinquante ans. C’est Paul II en 1470 qui fixera l’intervalle à vingt-cinq ans. 307 L’Olympe désigne le ciel. 308 Pannonius est né le 29 août 1434 : c’est bien le troisième jour avant la fin du mois d’août dans le système latin, où l’on compte le jour de départ et le jour d’arrivée.

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167 Mayer = I, 107 Teleki De se ipso Sextus hic et decimus uitae mihi degitur annus, narrauit nato si modo uera parens. Septimus incipiet Septembres ante Calendas, si modo producant tres mihi fila deae. 168 Mayer = I, 332 Teleki De sua aetate Sextus hic et decimus uitae mihi ducitur annus, si nato uerum tradidit ipsa parens. Septimus accedet, cum flaua cucurrerit aestas, mitior et Phoebum deuehet Erigone. Iam mihi uox grauior, iam pubes inguina circum serpit, et in Venerem mentula saepe tumet. Ignea iam uisa uibrantur corda puella, iam mihi per somnum lintea saepe madent. Eminus hinc igitur moneo, liberte, recedas, quem puero comitem cura paterna dedit. Cedat et hircoso trux cum tutore magister, nec iuris quisquam me uetet esse mei. Hac nucibus, teneris hac luce renuntio bullis, hac decus Ausoniae sumo uirile togae. 169 Mayer = I, 130 Teleki De immutatione nominis Iohannes fueram, Ianum quem pagina dicit ; admonitum ne te, lector amice, neges. Non ego per fastum spreui tam nobile nomen, quo nullum toto clarius orbe sonat.

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167 Mayer = I, 107 Teleki Sur lui-même Voici que s’étire la seizième année de ma vie, si du moins ma mère a raconté la vérité à son fils. La dix-septième commencera avant les calendes de septembre, si du moins les trois déesses prolongent les fils de mon destin. 168 Mayer = I, 332 Teleki Sur son âge 309 Voici que s’étire la seizième année de ma vie, si ma mère a dit la vérité à son fils. La dix-septième s’ajoutera quand l’été blond aura accompli sa course et que la clémente Érigoné 310 emmènera Phébus. Déjà ma voix devient plus grave, déjà des poils rampent 5 sur mon aine, et ma verge souvent se gonfle de désir. Déjà mon cœur ardent tressaille quand il voit une jeune fille, déjà dans mon sommeil je mouille mes draps. Retire-toi loin d’ici, je le veux, serviteur que mon père dans sa sollicitude a chargé d’accompagner l’enfant que j’étais. 10 Que disparaissent aussi le professeur cruel et le surveillant à l’odeur de bouc, et que personne ne m’empêche de ne dépendre que de moi. Aujourd’hui je renonce aux noix, à la bulle 311 de l’âge tendre, et je prends la parure virile de la toge ausonienne. 169 Mayer = I, 130 Teleki Sur son changement de nom J’ai été Jean, la page désormais me nomme Janus ; tu ne pourras nier, ami lecteur, que je t’aie informé. Je n’ai pas méprisé par orgueil un si noble nom, qui retentit dans le monde entier avec un éclat sans égal.

Pannonius s’inspire dans ce poème de MARTIAL XI, 39, voir WOLFF (2016). Érigoné est une héroïne de la mythologie qui fut changée en la constellation de la Vierge. Or le Soleil (Phébus) est dans la Vierge à la fin de l’été, quand la chaleur diminue. 311 La bulle est un médaillon que portaient au cou les enfants romains de sexe masculin et qu’ils consacraient aux dieux vers 17 ans quand ils prenaient la toge virile (ici dite ausonienne, c’est-à-dire romaine, voir l’épigramme 34). Ils jouaient aux noix comme jusque récemment on jouait aux billes. 309 310

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Compulit inuitum mutare uocabula, cum me lauit in Aonio flaua Thalia lacu.

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170 Mayer = I, 131 Teleki Ad Paulum Occurris quotiens, totiens me, Paule, salutas ; ut resaluteris, scilicet ista facis. Quindecies una si fias obuius hora, consuetum repetis sedulus officium. Si quando in summa scribo meditorue fenestra, clamatum e platea semper auere iubes. Sic uaga sollicitae pereunt meditamina mentis, auolat et cerebro pulsa Thalia meo. Ni fallor digitis, hodie centesima nobis a te dicta modo est et, puto, quinta salus. At nobis esset uitam satis una per omnem, ut superent Pylios tempora nostra dies. Dum queror, ecce iterum misero fers, Paule, salutem : o quam te longe, Paule, ualere uelim ! Parce, precor, tenero capiti, et crudelia differ taedia ; sic semper sit tibi, Paule, salus. Quodsi forte placet numero certare salutis, more potes uulgi dicere mille semel.

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C’est la blonde Thalie 312 qui m’a forcé malgré moi à ce changement, quand elle m’a baigné dans la fontaine d’Aonie 313.

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170 Mayer = I, 131 Teleki À Paulus Chaque fois que tu me rencontres, Paulus, tu me salues ; tu le fais visiblement pour que je te salue en retour. Si tu me croises quinze fois en une heure, tu répètes avec application tes civilités habituelles. Si jamais j’écris ou je médite à la fenêtre la plus élevée, 5 inévitablement depuis la rue d’un cri tu m’envoies le bonjour. Ainsi dérangé, mon esprit en oublie ses méditations vagabondes, et Thalie 314 chassée de mon cerveau s’envole. Si je ne me trompe pas dans mon compte, aujourd’hui tu viens de m’adresser, je crois, ton cent cinquième salut. 10 Mais pour moi un seul suffirait pour toute la vie, à supposer même que je dépasse le nombre de jours du vieillard de Pylos 315. Au milieu de mes plaintes, voici que de nouveau, Paulus, tu m’adresses un salut : oh comme je voudrais, Paulus, que tu ailles au loin avec ta pleine forme 316 ! Épargne, je t’en prie, ma tendre tête, et cesse tes cruelles 15 importunités : à cette condition aie toujours la santé 317, Paulus. Et si par hasard il te plaît d’engager un concours de saluts, tu peux à la manière du peuple en dire mille d’un coup 318.

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Thalie, considérée comme la Muse de la poésie légère et plus spécifiquement de l’épigramme (cf. MARTIAL IV, 8, 12, etc.). La blondeur connote la beauté, comme dans l’épigramme 234. 313 La fontaine d’Aonie est la source Hippocrène, voir l’épigramme 8. Le caractère profane de son inspiration a poussé Pannonius à préférer le prénom de Janus (latinisation de son prénom János) à celui de Jean (équivalent latin de János), porté par l’évangéliste. Sur cette épigramme, voir PAJORIN (2003). 314 Voir la note au poème précédent. 315 Nestor, roi de Pylos (dans le Péloponnèse), traditionnellement cité dans l’Antiquité comme exemple de longévité. 316 Ambiguïté sur le verbe ualere, qui signifie « se bien porter » mais sert aussi de formule d’adieu. 317 Jeu de mots sur salus, qui signifie à la fois « salut (salutation) » et « salut (santé, vie sauve) ». 318 On dit en italien mille saluti, où mille est un intensif comme en français dans « mille mercis ».

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171 Mayer = I, 66 Teleki Ad Paulum Carmina quae nobis, Paule, emendanda dedisti, signata haud ullis quod rediere notis, ne frustra exultes, neu te spes irrita ludat : nil opus est signis, pars ubi nulla placet. 172 Mayer = I, 87 Teleki In Paulum Littera prima tui si nominis aspiretur, uerum, Paule, tibi demum ita nomen erit. 173 Mayer = I, 92 Teleki Ad Paulum Paule, superiecta quae portem ueste, requiris ? Si te scire uelim, non ea, Paule, tegam. 174 Mayer = I, 363 Teleki De Laide Cum dare non ualeas quantum petit improba Lais, iudice me, frustra, Paule, Corinthon adis. 175 Mayer = 125/4 Ábel Cyminopristes Quid nam sit, rogitas, cyminopristes ? Tu, Paule, es proprie cyminopristes.

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171 Mayer = I, 66 Teleki À Paulus Les poèmes que tu nous as donnés à corriger, Paulus, ne te réjouis pas en vain s’ils te sont revenus sans aucune annotation, et qu’un faux espoir ne t’abuse pas : les annotations sont parfaitement inutiles quand rien ne plaît. 172 Mayer = I, 87 Teleki Contre Paulus Si l’on aspire la première lettre de ton nom, alors seulement, Paulus, tu auras un nom conforme à la réalité 319. 173 Mayer = I, 92 Teleki À Paulus Paulus, tu me demandes ce que je porte sous mon vêtement ? Si je voulais que tu saches ce que c’est, Paulus, je ne le dissimulerais pas 320. 174 Mayer = I, 363 Teleki Sur Laïs Puisque tu ne peux donner la somme que te réclame cette impudente de Laïs 321, il est inutile, à mon avis, Paulus, de te rendre à Corinthe. 175 Mayer = 125/4 Ábel Pince-maille 322 Tu me demandes ce qu’est un pince-maille ? Tu es, Paulus, proprement un pince-maille.

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Cela donnera Phaulus, qui en grec signifie « sans valeur, méchant, laid ». On avait un jeu analogue sur un patronyme en 149. 320 L’anecdote, transposée, vient du De la curiosité 3 de PLUTARQUE (Moralia 516 D). 321 Célèbre courtisane de Corinthe, qui mettait ses faveurs à un prix si élevé que la chose devint proverbiale dans l’Antiquité. 322 Le texte latin dit cyminopristes, calque d’un mot grec que Pannonius a lu chez ARISTOTE (Éthique à Nicomaque IV, 1, 1127b27) ou chez ATHÉNÉE (Deipnosophistes VIII, 365c), et qui signifie « scieur de grain de cumin », c’est-à-dire « avare ». Nous avons cherché un équivalent.

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176 Mayer = I, 263 Teleki Conqueritur, quod eum socii ad lupanar seduxerant Quo me, quo trahitis, mei sodales ? Ad foedum, puto, adimus lupanar. Nam quis tam procul hic locus recessit, post pomoeria sacra, post tot hortos, cellis uilibus et frequens cathedris, fucatae quibus insident puellae, structuris caput arduae superbis, collo pendula uela gestitantes, nec pressae teretes sinu mamillas. Quidnam hoc ? Ille manu leui retractat, ille amplectitur, hic perosculatur, in cellam praeit ille subsequentem. Ite hinc, ite malam in crucem, scelesti ; non uos ducere me deambulatum dixistis, simul ire cum negarem ? Hoc me iam indice resciet Guarinus. 177 Mayer = I, 108 Teleki De se ipso Virginitas ualeas : hodie mihi forcipe crinem tondeo, et abiectis sumo togam nucibus. 178 Mayer = I, 104 Teleki De amica sua Certe ego uel Proculo si sim futuentior ipso, luxuriae possim non satis esse tuae.

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176 Mayer = I, 263 Teleki Il se plaint que ses compagnons l’aient emmené au lupanar Où m’entraînez-vous, oui, où, mes amis ? Nous allons, je crois, dans un infâme lupanar. Car quel est ce lieu si écarté, au-delà des murs augustes de la ville, au-delà de tant de jardins, avec de pauvres chambres et un grand nombre de chaises 5 où sont assises des filles fardées, la tête rehaussée de constructions orgueilleuses 323, qui portent un simple voile fixé au cou et dont les seins arrondis ne sont pas couverts d’une écharpe ? Que cela peut-il être d’autre ? L’un d’une main légère caresse une fille, 10 un autre en prend une dans ses bras, un troisième en couvre une de baisers, un quatrième précède la fille dans la chambre. Allez-vous en d’ici, allez au diable, scélérats ; ne m’avez-vous pas dit que vous m’emmeniez en promenade, quand je refusais de venir avec vous ? 15 Guarino 324 saura bientôt la chose, je la lui révélerai. 177 Mayer = I, 108 Teleki Sur lui-même, quand il a perdu sa virginité Virginité, adieu ! Aujourd’hui je coupe mes cheveux au ciseau et, après avoir jeté les noix, je prends la toge 325. 178 Mayer = I, 104 Teleki Sur son amie Oui même si j’étais un plus grand baiseur que Proculus 326 lui-même, je ne pourrais suffire à ton appétit de luxure.

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Ces constructions sont bien sûr une coiffure élaborée. Guarino de Vérone, dont Pannonius devait être alors l’élève. Voir l’épigramme 1. 325 Dans la Rome antique, les enfants portaient les cheveux longs. Ils jouaient aux noix, voir l’épigramme 168. La prise de la toge virile, vers dix-sept ans, marquait pour l’adolescent de naissance libre le passage à l’âge adulte et aux activités sérieuses. Ici c’est la première expérience sexuelle qui illustre ce changement d’état. 326 Proculus est, selon l’Histoire Auguste (« Quadrige des tyrans » 12-13), un éphémère empereur du IIIe siècle qui se vantait d’exploits sexuels. La forme futuentior est un curieux comparatif de participe présent. 324

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179 Mayer = I, 105 Teleki De Laelia Laelia, quid nostram totiens petis, improba, linguam ? Si iuuat, hoc totum, uipera, sorbe caput. 180 Mayer = I, 106 Teleki Ad Laeliam Tam coeunt arctis gemini complexibus angues, ut duplex uni quis putet esse caput. Ast ego sic iungi cupio, mea Laelia, tecum, ut mihi diuersum nec caput esse uelim. 181 Mayer = I, 147 Teleki De Siluia Ex te concipio, meretrix mihi, Siluia, dicis. Siluia, non magis hoc dicere, crede, potes, quam si per spinas incedens, Siluia, densas, dixeris : « Ista meum laesit iniqua pedem ». 182 Mayer = I, 203 Teleki In Liberam Cum uolo, tu non uis ; cum nolo, Libera, tu uis ; quando igitur sumes, Libera, quando dabis ?

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179 Mayer = I, 105 Teleki Sur Laelia Laelia, pourquoi, effrontée, recherches-tu tant de fois ma langue 327 ? Si cela te plaît, vipère, absorbe ma tête tout entière 328. 180 Mayer = I, 106 Teleki À Laelia Les serpents s’accouplent en un entrelacement si étroit qu’on pourrait les prendre pour un animal unique avec deux têtes 329. Mais moi je désire être uni à toi, ma Laelia, au point de n’avoir même pas la tête séparée de la tienne. 181 Mayer = I, 147 Teleki Sur Silvia C’est de toi que je suis enceinte, me dis-tu, garce de Silvia. Silvia, tu ne peux pas plus dire cela, crois-moi, que si, marchant sur des buissons d’épines, Silvia, tu disais : « C’est celle-ci, la méchante, qui m’a piqué le pied » 330. 182 Mayer = I, 203 Teleki Contre Libera Quand je veux, tu ne veux pas ; quand je ne veux pas, Libera, tu veux ; quand donc me prendras-tu, Libera, et quand te donneras-tu 331 ?

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Apparemment pour un baiser profond (cf. la pièce 192). Selon les Anciens (PLINE L’ANCIEN, Histoire naturelle 10, 169-170 ; PRUDENCE, Hamartigénie 582-592), l’accouplement des vipères se passe de la manière suivante : la vipère mâle introduit sa tête dans le gosier de la femelle et y verse son venin fécondant ; celle-ci sous l’emprise du plaisir brise d’un coup de dents la gorge du mâle qui meurt ainsi dans le rapport sexuel. L’invitation de Pannonius est étrange : car si Laelia absorbe sa tête entière, cela signifie pour lui la mort. 329 Selon PLINE L’ANCIEN, Histoire naturelle 10, 169. 330 Silvia a couché avec tant d’hommes qu’elle ne peut savoir qui est le père de son enfant. 331 Libera, malgré son nom, n’est donc jamais libre. 328

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183 Mayer = I, 141 Teleki De Lucia Cum sese nobis futuendam Lucia praebet, dum fero sublatos ad mea colla pedes, terribilem foedo misit de podice bombum, qualiter aestiua fulmina nube crepant. Territus auertor, digitis simul obstruo nasum, uena retenta cadit, cogit abire pudor. Lucia, nulla tuo contingent gaudia cunno, tam male moratus si tibi culus erit.

5

184 Mayer = I, 204 Teleki Ad amicam Hei mihi ! Tam tarde congressi, tam cito quare digredimur, nec fas longius esse simul ? Hos ego complexus tunc uellem, uita, resolui, quercubus implexae cum caderent hederae. Haec ego tum cuperem disiungi basia, quando desereret concham lubrica concha suam. Consortes utinam Veneris sic uincla catenent, haeret ut implicito cum cane nexa canis !

5

185 Mayer = I, 206 Teleki In Luciam Immerito plane succenses, Lucia, nobis, prodita sit tamquam res tua uoce mea. Prodita uoce mea non est. – Vnde ergo loquuntur uicini et tota rumor in urbe sonat ? – An, rogo, tu quemquam tam surdum existere credis, qui non ballistas audiat et tonitrus ?

5

ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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183 Mayer = I, 141 Teleki Sur Lucia Comme Lucia s’offrait à moi pour que je la baise et que j’avais ses jambes soulevées autour de mon cou, elle a lâché de son hideux derrière un terrible grondement 332, pareil au fracas de la foudre dans les nuages d’été. Terrifié je me détourne, en même temps je me bouche le nez, ma verge tendue se relâche, la honte me force à m’en aller. Lucia, ton con ne connaîtra aucune joie si ton cul se montre si malpoli.

5

184 Mayer = I, 204 Teleki À son amie Hélas ! Pourquoi, après nous être rencontrés si tard, nous séparons-nous si vite ? Ne nous est-il pas permis de rester plus longtemps ensemble ? Je voudrais que nos étreintes, ma vie, ne se desserrent que quand le lierre tombera des chênes autour desquels il s’entrelace. Je souhaiterais que nos bouches ne se séparent que quand la coquille lisse délaissera sa coquille sœur 333. Puissent les liens de Vénus nous enchaîner l’un à l’autre comme la chienne reste nouée au chien auquel elle s’accouple 334.

5

185 Mayer = I, 206 Teleki Contre Lucia Tu t’enflammes tout à fait à tort contre nous, Lucia, comme si mes mots avaient trahi ton secret 335. Ils n’ont rien fait de tel. – D’où vient donc que les voisins en parlent et que le bruit en circule dans toute la ville ? – Est-ce que tu crois, je te le demande, qu’il y a quelqu’un d’assez sourd pour ne pas entendre les catapultes et le tonnerre ?

5

Le mot bombus, « grondement », désigne le pet en latin de la Renaissance (cf. LE POGGE, Facéties 103). 333 Allusion aux coquilles bivalves de certains mollusques. 334 Pannonius s’inspire ici d’OVIDE, Art d’aimer 2, 484, mais il s’agit d’un phénomène réel : dans l’accouplement, le chien et la chienne restent noués entre cinq et trente minutes. 335 Ce secret, dont il est question dans les pièces 183 et 186, est celui des flatulences bruyantes de Lucia. 332

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186 Mayer = I, 207 Teleki In eamdem Lucia, uis futui ; faciam, sed lege sub illa, ut teneas culi murmura foeda tui. Spondes ; non equidem credo, nisi pignora ponas ; sed nec sic credit mentula nostra tamen. 187 Mayer = I, 271 Qualem optet amicam Si iaceat mecum laeta et lasciua, licebit ne sit bella nimis, neue puella nimis. Non tristis facies, non me rudis allicit aetas ; omnibus his unam plus amo nequitiam. 188 Mayer = I, 276 Teleki In meretricem lasciuam Cum uentrem uentri, femori femur, ora labellis conserui, et cunno mentula delituit, principio cunctas uincis lasciua puellas, nequitiae et cedit nostra libido tuae. Amplexus hederas superant, et basia conchas, nec deest officio dextera, lingua, natis. Postquam effusa tibi est nimium festiua uoluptas, « iam satis est, clamas, Lucia, iam satis est ». Quid medium praecidis opus, quid inepta repugnas ? Expecta, nondum, Lucia, defutui.

5

10

ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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186 Mayer = I, 207 Teleki Contre la même Lucia, tu veux que je te baise ; j’y consens, mais à la condition que tu retiennes les bruits répugnants de ton cul. Tu me le promets ; je ne te croirai que si tu donnes des gages ; mais cependant même ainsi ma verge, elle, ne te croit pas. 187 Mayer = I, 271 Quel genre de maîtresse il souhaite 336 Si celle qui couche avec moi est joyeuse et câline, je consens qu’elle ne soit ni trop belle ni trop jeune. Ni un visage sévère, ni un âge tendre ne m’attire. Ce que j’aime plus que tout ce sont les jeux coquins. 188 Mayer = I, 276 Teleki Contre une courtisane sensuelle 337 Lorsque j’ai collé mon ventre contre ton ventre, ma cuisse contre ta cuisse, ma bouche contre tes lèvres, et que ma verge s’est enfouie dans ton con 338, d’abord tu l’emportes en sensualité sur toutes les jeunes filles, et mon désir se plie à tes jeux coquins. Tes étreintes enserrent plus que le lierre, tes baisers plus que les coquillages 339, 5 et ne manquent à leur devoir ni ta main ni ta langue ni tes fesses. Mais quand tu as pris, trop hâtivement, ton plaisir, tu t’écries, Lucia : « Allons, cela suffit, cela suffit ». Pourquoi interromps-tu l’ouvrage en plein milieu, pourquoi, folle, résistes-tu ? Attends, Lucia, je n’ai pas encore fini de baiser. 10

Épigramme inspirée pour la thématique de MARTIAL I, 57. Le titre ne paraît pas entièrement adapté. La jeune femme, courtisane ou non, est surtout égoïste, à moins qu’elle ne soit prudente face aux risques de grossesse. 338 Plusieurs manuscrits, dans ce passage et dans d’autres de même nature, usent d’un code (assez simple) pour transcrire les mots qu’ils jugent choquants : cunno mentula devient ainsi dxoop nfouxmb. 339 Le vers est très proche du vers 3 d’un poème attribué à l’empereur Gallien par l’Histoire Auguste (« Les deux Galliens » 11, 8), voir l’Introduction. 336 337

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189 Mayer = I, 289 Teleki In Luciam Hunc cum, Lucia, mentulatiorem, qui nasutior est, inepta credas, riuali puto me carere summo, quod nondum tibi uisus est Philemon. 190 Mayer = I, 290 Teleki In Luciam eamdem Dum iuuenes poppysma rogant, tu, Lucia, nasum inspicis, et quantum prominet ille, notas. Hoc perpendiculo uirgas metire uiriles, hic tibi pro palmo est scilicet et cubito. Si placuit nasus, placet illico mentula amantis, nec plus blanditiis addita dona ualent. Nil iam in te lenone opus est, nil arte magistra : lenonis uires nasus et artis habet. Nec nisi nasutus tecum decumbit adulter, ut iam ego me fieri rhinocerota uelim. Lucia, crede mihi, multum prognostica fallunt, in me nam certe regula uana tua est.

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191 Mayer = I, 291 Teleki De eadem Astutus modo Luciam sodalis miri fraude noua doli subegit : nasum, qui sibi non satis tumebat, nam carbonibus obtulit notandum. Sic dum turgidus ore subrubenti transire assimulat, uocatus ultro est.

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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189 Mayer = I, 289 Teleki Contre Lucia Tu t’imagines sans raison, Lucia, qu’a le plus gros sexe celui qui a le plus gros nez : je pense ne pas avoir de rival sérieux tant que tu n’as pas vu Philemon 340. 190 Mayer = I, 290 Teleki Contre la même Lucia Quand les jeunes gens demandent à copuler 341, toi, Lucia, tu regardes leur nez, et tu notes de combien il est proéminent. C’est à cette aune que tu évalues les membres virils, c’est pour toi la paume et le coude 342. Si le nez t’a plu, te plaît aussitôt la verge d’un amant, et les cadeaux joints aux cajoleries ont moins de valeur. Avec toi il n’est nullement besoin d’entremetteur ni d’un art magistral : le nez a la puissance d’un entremetteur et de l’art. Un séducteur ne couche pas avec toi s’il n’a un grand nez ; aussi voudrais-je désormais devenir rhinocéros. Lucia, crois-moi, les pronostics sont souvent trompeurs, car pour moi du moins ta règle est fausse.

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191 Mayer = I, 291 Teleki Sur la même Récemment un camarade à moi, astucieux, a possédé Lucia en l’abusant par une ruse extraordinaire : en effet comme son nez n’était pas suffisamment gonflé, il l’a fait marquer au charbon 343. Quand ainsi avec son visage rouge il a feint de passer devant elle sans s’arrêter, elle l’a appelé spontanément.

340

5

Ce Philemon a un grand nez, voir l’épigramme 255. Le mot poppysma n’a pas son sens ancien (« claquement de lèvres, bruit semblable à un claquement de lèvres »), mais le sens de « coït », qu’on trouve chez BECCADELLI, Hermaphroditus II, 24, 6. 342 Anciennes unités de mesure. 343 Il faut à l’évidence corriger le crabronibus (« frelons ») des manuscrits en carbonibus (« charbon »), ce que ne font ni MAYER (2006) ni BARRETT (1985), p. 70. 341

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192 Mayer = I, 348 Teleki Ad Luciam Laesisti stultae morsu me, Lucia, linguae. Nunc ego me pulicem scilicet esse uelim, ut possem contra te laedere : nunc ego maestus quam iaceo, fieret tam tibi amara quies. 193 Mayer = I, 351 Teleki De Luciae prognostico Fecit Vergilius prognostica, fecit Aratus, praesciat unde imbres rusticus, unde Notos. Hoc, iuuenes, uestris prognosticon addite libris, quod nec Vergilius, sed nec Aratus habet. 194 Mayer = I, 352 Teleki De Luciae prognostico Pisaeo a stadio doctissimus ille sophorum mensuram plantae repperit Herculeae ; Lucia cum nasum cuiusquam mensa uidendo est, inguinis extemplo conicit inde modum. Vel physiognomon es, Lucia, uel geometres : tale magisterium sola mathesis habet.

5

ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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192 Mayer = I, 348 Teleki À Lucia Tu m’as blessé, Lucia, en me mordant de ta langue stupide 344. Je voudrais maintenant vraiment être une puce 345, pour pouvoir te rendre la pareille ; car alors ton repos serait aussi amer que moi je me morfonds dans l’affliction. 193 Mayer = I, 351 Teleki Sur le pronostic de Lucia Virgile a fait des pronostics, Aratos en a fait 346, pour que le paysan connaisse à l’avance les pluies et les vents. Ajoutez à vos livres, jeunes gens, ce pronostic que n’ont ni Virgile, ni Aratos. 194 Mayer = I, 352 Teleki Sur le pronostic de Lucia Le plus savant des philosophes trouva d’après le stade de Pisa la dimension du pied d’Hercule 347 ; Lucia, quand elle a mesuré des yeux le nez de quelqu’un, en conjecture aussitôt la taille de son membre. Ou tu es physiognomoniste, Lucia, ou géomètre : seules ces sciences comportent un tel enseignement.

5

344 La morsure est-elle métaphorique et désigne-t-elle des propos désagréables, ou s’agit-il d’une morsure faite en donnant des baisers fougueux ? Les poèmes précédents, et notamment le 179, orienteraient plutôt dans la seconde direction. 345 Nous gardons le pulicem (« puce ») des manuscrits, préférable pour le sens, bien qu’il donne un vers amétrique (d’où la correction séduisante culicem, « moustique », proposée par TELEKI [1784]). Il n’y a pas ici de sous-entendu érotique comme dans le sonnet 24 des Amours de Cassandre de RONSARD où le poète souhaite être puce pour « baisoter » son amie et mordre ses beaux tétins. 346 Les pronostics, ici, sont les prévisions météorologiques basées sur la position des astres, le comportement des animaux et divers autres signes. VIRGILE consacre au sujet la seconde moitié du premier livre des Géorgiques, et le poète grec ARATOS la seconde partie de ses Phénomènes. Le pronostic de Lucia consiste, on l’a vu dans la pièce 190, à évaluer d’après la taille du nez celle du membre viril. 347 La tradition voulait qu’Hercule ait établi les dimensions du stade de Pisa (ville d’Élide, près d’Olympie) avec ses pieds. Comme ce stade était nettement plus grand que les autres stades de Grèce, Pythagore détermina d’après cette différence la taille du pied d’Hercule (voir AULU-GELLE I, 1).

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195 Mayer = I, 306 Teleki De uulua Vrsulae Blanda est lingua tibi, mollis caro, uultus honestus ; ante opus et nobis, Vrsula, tota places. Cum uero incubui, tum laxo mentula cunno incidit, ut cunnum nec subiisse putet. Non latus aut fundum sentit, uelut aere nudo palpitet, in liquidis uel spatietur aquis. Sed uasto infelix late bacchatur hiatu, ac frustra in uotum nititur aegra suum. Nec uibrare nates aut stringere brachia prodest, alta nec in scapulas tollere crura iuuat. Conatus pereunt, perit omnis sudor anheli pectoris, et ruptis ilibus ossa dolent. Dii tibi uel tollant, quo digna uideris amari, uel tribuant, possis, Vrsula, quo futui. 196 Mayer = I, 321 Teleki De uulua Vrsulae Totus deuoror Vrsulae barathro ; Alcide, nisi subuenis, periui. 197 Mayer = I, 322 Teleki De eadem Taenarias uideor fauces, alta ostia Ditis ingressus, quotiens, Vrsula, te futuo, tam patet inguinei siquidem descensus Auerni, sed reuocare gradum plurimus inde labor.

5

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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195 Mayer = I, 306 Teleki Sur la vulve d’Ursula Tu as une voix câline, une chair douce, un visage honnête ; et avant l’acte, Ursula, tu me plais tout entière. Mais une fois que je suis étendu sur toi, ma verge pénètre dans un con si large, qu’elle a l’impression d’être entrée dans autre chose qu’un con. Elle ne sent ni bord ni fond, comme si elle s’agitait dans le vide de l’air ou se mouvait dans la fluidité des eaux. La malheureuse se démène en tous sens dans la vaste cavité et tente en vain, péniblement, de réaliser son désir. Il ne me sert à rien de remuer les fesses ou de serrer tes bras, inutile également de poser tes jambes haut sur mes épaules. Mes efforts sont perdus, avec toute la sueur de ma poitrine haletante, et dans mes flancs brisés mes os sont douloureux. Que les dieux t’enlèvent ce qui te fait paraître digne d’amour, ou qu’ils t’attribuent, Ursula, ce qui permette de te baiser.

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196 Mayer = I, 321 Teleki Sur la vulve d’Ursula Je suis entièrement englouti dans le gouffre d’Ursula ; Hercule, si tu ne me portes pas secours, je suis mort 348. 197 Mayer = I, 322 Teleki Sur la même vulve Je crois pénétrer dans les gorges du Ténare, profonde entrée de Dis 349, chaque fois que je te baise, Ursula, si ouverte est la descente vers l’Averne 350 de ton sexe ; en revanche c’est une très grande épreuve que d’en ressortir 351.

348

Vraisemblablement Pannonius pense-t-il ici à l’histoire d’Alceste, qu’Hercule ramena des Enfers (cf. la thématique des deux épigrammes suivantes). 349 Le Ténare est un cap de Laconie (sud du Péloponnèse) où une caverne ou une gorge passait pour une entrée des Enfers ; Dis est Pluton, voir l’épigramme 11. Ce premier vers reprend à un mot près VIRGILE, Géorgiques 4, 467 : Virgile parle de l’entrée des Enfers au sens propre, Pannonius au sens figuré ; et la suite de l’épigramme contient plusieurs expressions empruntées à la descente d’Énée aux Enfers du chant 6 de l’Énéide. 350 Le lac Averne, en Campanie, dégageait des vapeurs méphitiques, ce qui le faisait passer pour une des entrées des Enfers. Il y a une certaine contradiction entre l’idée d’une gorge, par définition étroite, et le thème de la vulve large. Elle s’explique par le désir de Pannonius d’assimiler la vulve d’Ursula aux Enfers. 351 De même qu’on ne revient pas des Enfers.

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Nam quanto pressi magis, hoc magis atra uorago panditur, et late cedit inane chaos, quod caperet teneri coeuntia semina mundi, quo possent atomi peruolitare leues. Nec tantum penem, sed testes, ilia, lumbos deuorat, ac pariter brachia, crura, caput. Pridem me trepidi planta eduxere ministri, tractus ab Alcida Cacus ut ante fuit. Desine iam miseros Erebo deducere manes : amplius hic barathrum, Pliade nate, patet.

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198 Mayer = I, 323 Teleki De eadem Quantus ad aethereum caeli suspectus Olympum, in praeceps tantum bis tibi uulua patet. Huius non toto sentirem Cerberon antro, non Stygis hanc obeant flumina tota nouem. Haud illinc Castor fraterna morte redisset, uirtute Alcides, carmine Threicius.

5

ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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5 Car plus j’appuie 352, plus se déploie un gouffre noir et plus largement s’étend un chaos vide, capable de contenir les semences agrégées du monde neuf et où pourraient voler les atomes légers. Il dévore 353 non seulement la verge, mais les testicules, le ventre, les reins et également les bras, les cuisses, la tête. 10 Il y a quelque temps mes domestiques tremblants m’ont retiré de là par le pied, comme autrefois Cacus fut traîné par l’Alcide 354. Cesse désormais, fils de la Pléiade 355, de pousser dans l’Érèbe les malheureuses âmes : ici s’ouvre un abîme plus vaste. 198 Mayer = I, 323 Teleki Sur la même vulve Ta vulve s’ouvre en profondeur deux fois autant que le regard embrasse d’espace dans le ciel jusqu’à l’Olympe éthéré 356. Dans tout l’antre qu’elle forme je n’apercevrais pas Cerbère, et les neuf replis du Styx ensemble ne parviendraient pas à en faire le tour 357. De là Castor ne serait pas revenu à la mort de son frère 358, 5 ni l’Alcide malgré sa vaillance, ni le poète thrace malgré son chant 359.

352 Le verbe premere ne s’emploie pas en latin de manière intransitive, mais on ne voit pas bien ici quel complément d’objet il faut sous-entendre. 353 Le sujet du verbe deuorat est soit le chaos, soit le chaos et le gouffre, qui du reste se confondent. 354 Hercule (dit l’Alcide car il est le petit-fils d’Alcée), après avoir tué le monstre Cacus qui lui avait dérobé des bêtes, le tira par les pieds hors de la caverne où il avait cherché à s’enfermer (cf. VIRGILE, Énéide 8, 264-265). 355 La périphrase désigne Mercure, fils de Jupiter et de Maia, la plus jeune des sept sœurs que sont les Pléiades. Mercure est Psychopompe, il conduit aux Enfers (l’Érèbe est la personnification des ténèbres infernales) les âmes des défunts. 356 Pannonius reprend en l’appliquant à la vulve d’Ursula une comparaison de l’Énéide 6, 578-579, qui chez VIRGILE se rapportait au Tartare. Tout ce passage de Virgile sur les Enfers influence notre épigramme, qui est de tonalité héroï-comique comme la précédente. 357 Le Styx, fleuve infernal, entoure les Enfers de ses neuf méandres ou replis (cf. VIRGILE, Géorgiques 4, 480). Cerbère est le chien monstrueux qui garde l’empire des morts. 358 Castor et Pollux sont deux frères. Castor était mortel, et Pollux un demi-dieu. Quand Castor eut été tué, Jupiter proposa l’immortalité à Pollux, mais celui-ci refusa si son frère restait aux Enfers. Jupiter alors leur proposa un système d’alternance entre le séjour infernal et le séjour divin dont les modalités précises varient selon les auteurs. 359 L’Alcide est Hercule (voir le poème précédent). Il se rendit aux Enfers pour en ramener le chien Cerbère, c’est le onzième de ses travaux. Le poète thrace (« le Thrace » dit exactement le texte latin) est Orphée, originaire de cette région. Orphée descendit aux Enfers pour y chercher Eurydice morte d’une piqûre de serpent ; par les accents de sa

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Si sciat hoc rector superum, qui iactat ab alto facta Pyracmonia tela trisulca manu, hac et Aloidas geminos demergat abysso, huc pariter Coeum trudat et Iapetum. Si Parnasiacae sciat hoc deus incola Cirrhae, uulture rodendum porrigat hic Tityon, nec quinquagenis immanem faucibus hydram ipse alio Pluton mallet hiare loco. Omnia sed quamuis concurrant monstra, nequibunt dimidia cunnum parte replere tuum.

199 Mayer = I, 127 Teleki Ad Guarinum Perlegeres nostrum cum forte, Guarine, libellum, dixisti, ut perhibent : haec ego non doceo. Non haec tu, uenerande, doces, Guarine, fatemur, sed quibus haec fiunt, illa, Guarine, doces.

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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Si le souverain des dieux 360 connaissait ta vulve, lui qui lance des hauteurs du ciel les traits à triple pointe faits par la main de Pyracmon 361, il engloutirait dans cet abîme les deux Aloades et y précipiterait également Coeus et Japet 362. 10 Si le dieu qui habite Cirrha sur les flancs du Parnasse connaissait ta vulve 363, c’est là qu’il offrirait au vautour Tityos à ronger 364, et Pluton lui-même ne préférerait pas que l’Hydre affreuse 365 ouvre ses cinquante gueules à un autre endroit. Cependant, même si tous ces monstres se rassemblent, ils ne pourront 15 remplir la moitié de ton con. 199 Mayer = I, 127 Teleki À Guarino Alors que tu lisais par hasard notre petit livre, Guarino, tu as dit, à ce qu’on raconte : « Je n’enseigne pas ces choses-là 366 ». Tu n’enseignes pas ces choses-là, je l’avoue, respectable Guarino, mais tu enseignes comment les écrire, Guarino 367.

lyre, il réussit à charmer non seulement les monstres des Enfers, mais les dieux infernaux eux-mêmes, et Hadès-Pluton consentit à lui rendre sa femme. 360 Superum est une forme de génitif pluriel bien attestée en poésie (voir la note à l’épigramme 54). 361 Les traits à triple pointe sont la foudre (cf. OVIDE, Métamorphoses 2, 848 ; Amours 2, 5, 52). Pyracmon est un des trois Cyclopes : les Cyclopes sont les forgerons de la foudre divine (cf. VIRGILE, Énéide 8, 424-428). 362 Les Aloades sont deux Géants qui voulurent s’en prendre aux dieux et finirent tués par eux. Coeus et Japet sont des Titans. Dans la guerre qui opposa Zeus-Jupiter à son père Cronos, les Titans, frères de Cronos, étaient les alliés de celui-ci. Ils furent précipités par Jupiter dans le Tartare. 363 La périphrase désigne Apollon. Cirrha est une ville maritime de Phocide proche de Delphes, sur les contreforts du mont Parnasse, et qui est comme Delphes consacrée au dieu Apollon. L’adjectif Parnasiacus est un doublet non attesté de l’habituel Parnas(s)ius. 364 Tityos est un Géant à qui Héra-Junon inspira le désir de faire violence à Latone, la mère d’Apollon et Artémis-Diane. Mais ceux-ci l’en empêchèrent et le tuèrent (dans d’autres versions, c’est Zeus qui le frappe). Aux Enfers il est condamné à avoir le foie éternellement rongé par un vautour. 365 L’Hydre de Lerne, monstre à plusieurs têtes dont l’haleine était mortelle, fut tuée par Hercule et placée ensuite à l’entrée des Enfers. Il y a ici encore un souvenir de VIRGILE, Énéide 6, 576. 366 Allusion à l’obscénité de certaines épigrammes. Sur Guarino, dont Pannonius suivit l’enseignement, voir l’épigramme 2. 367 Guarino lui a appris les bases et les principes de l’écriture poétique.

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200 Mayer = I, 233 Teleki Epitaphium Leonelli, Ferrariae ducis Principis hic artus Leonelli terra recepit, ast animam reducem lacteus orbis habet. Huc illam pietas, huc uirgo Astraea leuauit, huc cum Pierio docta Minerua choro. Quodsi dexteritas, nitidae si gratia formae corporeum pariter tollere posset onus, qua solum nunc parte sui tellure resedit, hac etiam summo fulgeret ille polo.

5

201 Mayer = 98/1 Ábel Epitaphium in Leonellum principem Ferrariae marchionem Hoc decus Hesperiae Leonellus marchio gentis est situs in tumulo, quo sceptra tenente quietem omnis tranquilla populus sub pace tenebat, et uetus astrifero remearat ab aethere uirgo. Infantes, pueri, iuuenesque uirique senesque hunc lugete ducem, toto qui praesul in orbe saecula per Latias diffuderat aurea terras, et clara priscos aequarat laude Quirites. 202 Mayer = 98/3 Ábel Threnos in eumdem Pallas et aurata testudine pulcher Apollo, et quae Pieriam colitis Libethrides arcem,

5

ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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200 Mayer = I, 233 Teleki Épitaphe de Leonello, seigneur de Ferrare 368 Cette terre a reçu le corps du prince Leonello, mais son âme habite la voie lactée où elle est retournée. Elle y a été amenée par la piété, par la vierge Astrée 369, et par la savante Minerve avec le chœur des Piérides. Et si l’agilité physique, si le charme d’une beauté resplendissante pouvaient également soulever le fardeau du corps, la seule partie de lui par laquelle il reste en terre brillerait 370 aussi au sommet du ciel.

5

201 Mayer = 98/1 Ábel Épitaphe du prince Leonello, marquis de Ferrare Le marquis Leonello, parure du peuple d’Hespérie 371, est placé dans ce tombeau ; quand il tenait le sceptre, tout le peuple connaissait la sérénité dans une paix tranquille, et la vierge antique était revenue de l’éther qui porte les astres 372. Bébés, enfants, jeunes gens, hommes faits et vieillards, pleurez ce seigneur, qui, gouverneur du monde entier, aurait répandu le siècle d’or sur les terres latines et égalé par l’éclat de sa gloire les anciens Quirites 373.

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202 Mayer = 98/3 Ábel Thrène sur le même personnage Pallas, bel Apollon à la lyre dorée 374, Libethrides qui habitez la citadelle des Piérides 375, 368

Sur Leonello, mort en 1450, voir l’épigramme 1. Astrée, la Justice, vivait sur terre à l’Âge d’or. Quand la méchanceté s’empara du monde, elle remonta au ciel où elle devint la constellation de la Vierge. Les Piérides sont les Muses (voir l’épigramme 13), et Minerve, déesse romaine identifiée à l’Athéna grecque, préside comme elle à l’activité intellectuelle (voir l’épigramme suivante). 370 Pannonius fait de fulgeret un dactyle, comme s’il s’agissait du verbe fulgo et non fulgeo : il peut s’appuyer sur plusieurs précédents, notamment VIRGILE, Énéide 6, 826. 371 L’Hespérie désigne l’Italie chez les poètes latins. 372 Il s’agit d’Astrée, voir le poème précédent. L’éther est la partie la plus élevée du ciel. 373 Les citoyens romains, voir l’épigramme 53. 374 Athéna Pallas préside aux arts et à diverses activités manuelles (tissage, etc.). Apollon est le dieu de la musique et de la poésie, voir l’épigramme 11. 375 Les Libethrides sont des nymphes mentionnées par VIRGILE (Bucoliques 7, 21) qui vivent autour de la source Libethra, mal localisée, consacrée aux Muses (les Piérides sont les Muses, voir l’épigramme 13), cf. POMPONIUS MELA 2, 36 (= II, 3, 36). 369

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et Pax et mitis Pietas et Vesta Fidesque, squalentis laniate comas, contundite pectus ! Italiae lumen, princeps Leonellus, et ingens iustitiae cultor, pius ac placidissimus heros, condidit aeterno morientia lumina somno. Vester hic in toto pugil inuictissimus orbe extitit et summo uos semper honore colebat.

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203 Mayer = I, 217 Teleki De Borsio duce Ferrariae Qualis, ubi plena per noctem lampade fulsit, pallida mox orto Cynthia fratre latet, succedens patria Leonello talis in aula, splendida germani Borsius acta premit. Comprime plangores, cohibe, Ferraria, luctus : iure potes fatis parcere, iure deis. Quod rapuere tibi, cumulo en maiore refundunt, ingenti pensant et tua damna lucro. Felix, qui tanto rediit cum foenore iactus ; quae sic conualuit plaga, salubris erat. 204 Mayer = 99/1 Ábel Tetrastichon in Borsium Ferrariae marchionem Ipse suas laudes toto memoratus in orbe ponat Alexander, ponat et ipse Titus ; gaude Estense genus, felix Ferraria gaude : maior Alexandro, maior et ille Tito est.

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

Paix, douce Piété, Vesta, Bonne Foi 376, souillez et déchirez vos chevelures, frappez-vous la poitrine 377 ! Le prince Leonello, lumière de l’Italie et solide gardien de la justice, héros pieux et clément, a enfoui ses yeux mourants dans le sommeil éternel. Ce pugiliste de votre cause a été invincible dans le monde entier, et il vous rendait toujours les plus grands honneurs.

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203 Mayer = I, 217 Teleki Sur Borso duc de Ferrare 378 Telle, après avoir brillé dans la nuit d’une pleine lumière, la pâle Cynthie se cache dès que naît son frère 379, tel, succédant à Leonello à la cour de sa patrie, Borso surpasse les actes splendides de son frère. Arrête tes gémissements, contiens ton chagrin, Ferrare : tu peux à bon droit épargner 380 les destins, épargner les dieux. Ce qu’ils t’ont pris, ils te le restituent avec surcroît, et compensent ta perte par un gain immense. Heureux le préjudice qui a rapporté un si grand profit ; la blessure qui a guéri de la sorte était saine.

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204 Mayer = 99/1 Ábel Quatrain sur Borso marquis de Ferrare Qu’Alexandre, connu dans le monde entier, renonce à sa gloire, et Titus 381 lui-même aussi. Réjouis-toi maison d’Este, réjouis-toi heureuse Ferrare : lui est plus grand qu’Alexandre, et plus grand que Titus.

376 La Paix, la Piété, la Bonne Foi sont des abstractions divinisées. Vesta est la déesse romaine du foyer. 377 Manifestations du chagrin et du deuil à Rome. 378 Borso d’Este, marquis puis duc de Ferrare, succéda à son frère Leonello d’Este en octobre 1450 à la tête de Ferrare. 379 Cynthie est Artémis-Diane (née sur le mont Cynthe à Délos) sous la forme de la Lune. Son frère est Apollon, ici en tant que dieu du Soleil. 380 C’est-à-dire épargner tes plaintes ou tes récriminations aux destins et aux dieux. 381 Titus est l’empereur romain, qui fut, selon SUÉTONE, « l’amour et les délices du genre humain » (Vies des douze Césars, « Titus » 1, 1). Alexandre est le roi de Macédoine Alexandre le Grand.

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205 Mayer = I, 254 Teleki Laudat carmina Titi Strozzae Edita Stroccigenae iam uatis Erotica tota uulgus in urbe sonat : culte Tibulle, uale. 206 Mayer = 124/3 Ábel De Titi libellis Si quem forsitan in Titi libellis Ianum comperies, amice lector, illum protinus esse me putato. Hoc, ne deciperemur ambo, dixi. 207 Mayer = p. 41 Csapodi (Sine lemmate) Quantum nec Titus Anthia flagrauit, nec Marrasius arsit Angelinam, nec Lauram Sicula satus Panormo… Anthia pulchra Titum, Iouianum Cinnama torquet, aut odorati strue cinnamomi…

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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205 Mayer = I, 254 Teleki Il loue les poèmes de Tito Strozzi Le peuple célèbre dans toute la ville l’Eroticon que vient de publier le poète issu de la famille Strozzi : élégant Tibulle, adieu 382 ! 206 Mayer = 124/3 Ábel Sur les petits livres de Tito Si d’aventure dans les petits livres de Tito tu découvres un Janus, ami lecteur, pense aussitôt que c’est moi 383. Je t’ai dit cela pour éviter que nous ne soyons déçus tous deux 384. 207 Mayer = p. 41 Csapodi (Sans titre) Plus que Tito s’est enflammé pour Anthia 385, que Marrasio a brûlé pour Angelina et le Sicilien de Palerme pour Laura… La belle Anthia torture Tito, et Cinnama Giovanni 386, ou avec quantité de cannelle 387 parfumée…

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L’Eroticon, de Tito Vespasiano Strozzi, est d’abord un recueil d’élégies, qui s’enrichit dans les éditions suivantes de pièces appartenant à d’autres genres littéraires. Pannonius veut dire que Strozzi éclipse le poète élégiaque latin Tibulle, qu’Ovide déjà qualifiait de culte (OVIDE, Amours I, 15, 28 ; III, 9, 66). 383 Pannonius est au centre de la pièce I, 8 de l’Eroticon de Tito STROZZI et il apparaît aussi en II, 12. 384 Le vers est obscur. BIRNBAUM (1981), p. 41 interprète le poème de manière complètement différente : selon elle, Pannonius reprocherait à un certain Titus de l’avoir plagié. 385 La construction de flagrare avec un ablatif de personne n’est pas attestée. 386 Tito est Tito Strozzi, voir l’épigramme 205 ; il célèbre Anthia dans l’Eroticon. Giovanni Marrasio, poète qui a séjourné à Ferrare de 1432 à 1442, est l’auteur d’un Angelinetum, où il chante une Angela qui appartenait à la famille Piccolomini. Le Sicilien de Palerme est Antonio Beccadelli, né à Palerme en 1394 ; il épousa en secondes noces en 1447 une jeune fille de la noblesse napolitaine, Laura Arcella. Giovanni est Giovanni Pontano (Ioannes Jovianus Pontanus), voir les épigrammes 317 et 338, qui au premier livre de son Parthenopaeus brûle pour une certaine Cinnama. Ce poème fragmentaire est postérieur à 1447 (remariage de Beccadelli) et antérieur à 1452 (mort de Marrasio). 387 La cannelle (cinnamomum) est amenée par le nom de Cinnama.

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208 Mayer = II, 4 Teleki Ianus in Hectorem Sacratum Sacratae hoc tumulo gentis decus occubat Hector, cui uirtus claro sanguine maior erat. Hunc pietas superis, probitas mortalibus, olim principibus gratum fecerat alma fides. Tunc etiam, aethereis animam cum redderet astris, Rodigio praeses iura uerenda dabat. Extinctum cuncti flerunt ; nam comis in omnes, iustitiae salua sed grauitate fuit. 209 Mayer = I, 23 Teleki Laudat opus theologi cuiuspiam Quae dictas, ea nec dulci Lactantius aequet lacte fluens, nec culta Leonis homilia primi. 210 Mayer = I, 189 Teleki In Carolum Carole, me laudas, uerum mea carmina culpas, praecipis et saltem tectius illa loqui. Parebo monitis et flammea uersibus addam ; insit uisceribus menta pusilla tuis.

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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208 Mayer = II, 4 Teleki Janus sur Ettore Sacrati 388 Repose dans ce tombeau Ettore, gloire de la famille Sacrati, dont la valeur l’emportait jusque sur l’éclat du sang. Sa piété envers le ciel, sa probité envers les mortels, son humaine droiture l’avaient depuis longtemps fait chérir des princes. Et quand il a rendu son âme aux astres de l’éther, il exerçait avec dignité comme gouverneur la justice à Rovigo 389. Tous pleurent sa disparition ; car il était toujours bienveillant, mais avec une gravité qui préservait la justice.

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209 Mayer = I, 23 Teleki Il loue l’ouvrage d’un théologien Ce que tu écris, ni la douceur de Lactance qui coule comme le lait ni les homélies soignées de Léon Ier ne peuvent l’égaler 390. 210 Mayer = I, 189 Teleki Contre Carolus Carolus, tu me loues, mais tu blâmes mes poèmes, et tu m’invites à m’exprimer en tout cas avec plus de réserve. Je vais suivre tes recommandations et mettre un voile de pudeur à mes vers : on accrochera à ton bas-ventre un brin de menthe plutôt qu’une mentule 391.

388 Les Sacrati sont une famille noble de Ferrare. Ettore Sacrati fit carrière politique sous Hercule Ier d’Este et Alphonse Ier d’Este. 389 La ville de Rovigo était sous le pouvoir des Este. 390 Pannonius fait un jeu de mots étymologique sur le nom de Lactance, rapproché du mot lac, « lait », et applique à cet auteur chrétien une formule proche de celle que QUINTILIEN employait pour Tite-Live (Liui lactea ubertas, Institution oratoire X, 1, 32). Léon Ier est le pape Léon le Grand, premier pape dont nous ayons conservé les sermons. 391 Jeu de mots difficile à rendre, emprunté à CICÉRON (Ad familiares IX, 22, 3) : Cicéron explique que certains mots ne peuvent admettre de diminutif parce que cela donne une obscénité, et il prend l’exemple de menta, « menthe », dont le diminutif serait mentula, « membre viril, verge » (voir NICOLAS [2007]). Pour satisfaire la pudeur hypocrite de Carolus, Pannonius, au lieu de parler de mentula, « membre viril, verge », parlera donc de menta pusilla, « petite menthe, brin de menthe ».

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211 Mayer = I, 253 Teleki In Carolum Carole, memet amas, uerum mea carmina damnas ; hoc saltem uelles, tectius ut loquerer. Parebo monitis et flammea uersibus addam ; insit uisceribus menta pusilla tuis. 212 Mayer = I, 303 Teleki In Carolum Antiquarius es, dicis mihi Carole. Certe ; sed peius multo est esse neotericum. 213 Mayer = 127/1 (Eleg. XXXI) Ábel (Sine lemmate) Irrita si nostram non fallit opinio mentem, Pegasei cultor, docte Carole, chori, hisce tibi uerbis me conciliare solebas, cum nouus inter nos incipiebat amor : « Si quid opus fuerit, si quid tibi forte lubebit, arbitrio nobis utere, Iane, tuo. Dura licet iubeas, non tantum dura iubebis, quae pro te merito defugienda putem. Efficiam quodcumque uoles, quodcumque rogabis, et dabitur precibus nulla repulsa tuis ». Iusta tibi dignas persoluant numina grates ; nil peto, nil abs te, care Carole, rogo, hoc praeter, labris ne figas oscula nostris ; cuncta dabis certe, si minus illa dabis.

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211 Mayer = I, 253 Teleki Contre Carolus Carolus, tu m’aimes, mais tu condamnes mes poèmes ; tu voudrais en tout cas que je m’exprime avec plus de réserve. Je vais suivre tes recommandations et mettre un voile de pudeur à mes vers : on accrochera à ton bas-ventre un brin de menthe plutôt qu’une mentule. 212 Mayer = I, 303 Teleki Contre Carolus Tu chéris l’antiquité 392, me dis-tu Carolus. Assurément. Mais il est bien pire de chérir la modernité 393. 213 Mayer = 127/1 (Eleg. XXXI) Ábel (Sans titre) Si une vaine idée n’abuse pas mon esprit, savant Carolus, adorateur du chœur de Pégase 394, tels sont les mots par lesquels tu avais l’habitude de m’attirer à toi, à l’époque où l’amitié nouvelle commençait entre nous : « Si par hasard quelque chose t’est nécessaire ou te ferait plaisir, recours à moi à ton gré, Janus. Même si tes ordres sont durs, ils ne seront pas si 395 durs que je pense pour toi être en droit de m’y soustraire. Je ferai tout ce que tu voudras, tout ce que tu réclameras, et tes prières n’essuieront aucun refus. » Que les justes divinités t’accordent les remerciements que tu mérites ; je ne demande rien, cher Carolus, je ne réclame rien de toi, si ce n’est de ne pas poser de baisers sur mes lèvres ; tu donneras assurément tout, si tu ne me donnes pas les baisers.

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Il s’agit d’être partisan des auteurs anciens voire archaïques dans le style et le choix des mots. Si Pannonius s’inspire des Anciens, il désapprouve les excès du goût antiquaire, comme le montre le poème 268 où se retrouve le mot antiquarius. 393 Sous le nom de neoterici ou poetae noui (« poètes nouveaux »), on désigne des poètes romains du Ier siècle avant notre ère, qui ont introduit une poésie nouvelle inspirée de l’alexandrinisme et de Callimaque. Pannonius vise Carolus lui-même, qui était poète (cf. la pièce suivante) et devait adopter une modernité artificielle. 394 Le chœur des Muses, voir l’épigramme 13. Carolus est donc un poète ou un amateur de poésie. 395 Tantum est ici l’équivalent de tam, c’est un emploi poétique rare.

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Quippe tibi taetri putet malus halitus oris, et subito nares suffocat ille meas. Non grauius redolent centena cadauera, nec qui ex Acheronteis fontibus halat odor. Ergo sulphureas malo sentire mephites, his etiam si quid tristius esse potest. Mille ego me capras, mille olfecisse recordor ante capros ; animam non queo ferre tuam. Saepe tuis uirides marcent afflatibus herbae, et quae praetereunt emoriuntur aues. Ite procul uolucres, tenuem quae carpitis auram : hic scatet infestis ater Auernus aquis.

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214 Mayer = I, 148 Teleki Ad Prosperum Quod rudis ingenio talem me terra creauit, miraris Tusci, Prosper, alumne poli. Possunt et stulti sub utrolibet aere nasci, possunt et quorum feruida corda micant. Democriti pectus pecorosa Abdera tulerunt, crassa dedit tenuem Mantua Vergilium. Tu tamen exemplis, dubitas si credere priscis, nos ambo, quales simus et unde, uide.

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

En effet la mauvaise haleine de ta bouche infecte empeste, et oppresse 396 aussitôt mes narines. Cent cadavres ne dégagent pas une puanteur plus pénible, ni non plus le fleuve de l’Achéron 397. Je préfère donc renifler des miasmes soufrés ou même ce qu’il peut y avoir de plus désagréable encore. Je me souviens d’avoir dans le passé senti l’odeur de mille chèvres, de mille boucs ; mais je ne peux supporter ton haleine. Souvent sous ton souffle les herbes vertes se flétrissent, et les oiseaux qui passent devant toi meurent. Éloignez-vous, oiseaux qui parcourez l’air léger : ici jaillissent les eaux hostiles du noir Averne 398.

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214 Mayer = I, 148 Teleki À Prosper Tu t’étonnes, Prosper, enfant du ciel toscan, qu’une terre grossière ait créé un homme si talentueux que moi. Les sots peuvent naître sous n’importe quel climat ainsi que ceux en qui bat un cœur ardent. Abdère avec ses troupeaux a produit l’esprit de Démocrite, et l’épaisse Mantoue a donné le subtil Virgile 399. Si cependant tu hésites à te fier aux exemples anciens, examine ce que nous valons l’un et l’autre, et d’où nous venons.

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Pannonius abrège le -o- de la deuxième syllabe du verbe suffocare. L’Achéron, fleuve des Enfers, est presque stagnant et ses bords sont lourds de

vase. 398 L’Averne est un lac de Campanie que les Anciens considéraient comme une des entrées des Enfers, voir l’épigramme 197. Nul oiseau ne pouvait le survoler impunément, en raison des exhalaisons mortelles qu’il était censé dégager (cf. VIRGILE, Énéide 6, 237-241). L’épigramme est originale en ce qu’elle pratique la surprise : on s’attend à ce que Pannonius dénonce en Carolus un faux ami qui ne respecte pas sa parole, comme chez MARTIAL VII, 92, mais il s’en prend en fait à son haleine infecte. Le thème de la mauvaise odeur est un thème épigrammatique traditionnel, bien attesté chez Martial (voir III, 17 pour un cas d’haleine pestilentielle). 399 Démocrite était originaire d’Abdère, une ville de Thrace dont les habitants passaient pour stupides (cf. MARTIAL X, 25, 4). La région de Mantoue était encore très rurale à l’époque de la naissance de Virgile.

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215 Mayer = I, 123 Teleki In Prosperum Non bona me iactas epigrammata fingere, Prosper. Verum est, confiteor : tu meliora facis. 216 Mayer = I, 225 Teleki Ad Prosperum Qui centena tuo numerauit nomine nobis, attulit is nullum, Prosper, epistolium. An ueritus non es centum cui credere nummos, es ueritus totidem credere litterulas ? 217 Mayer = I, 288 Teleki In Prosperum Quam te, Prosper, amem, potes hoc cognoscere solo, in caelum e terris te quod abire uelim. 218 Mayer = I, 56 Teleki De Guarino Quantum Roma suo debet reparata Camillo, tantum Guarino lingua Latina suo. 219 Mayer = I, 113 Teleki De Guarino Guarinum meritis parem Camillo quis non censeat ? Ambo reddiderunt, is regnum Latio, sed iste linguam.

ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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215 Mayer = I, 123 Teleki Contre Prosper Tu clames partout, Prosper, que je compose des épigrammes médiocres. C’est vrai, je l’avoue : tu en fais de meilleures 400. 216 Mayer = I, 225 Teleki À Prosper L’homme qui nous a compté cent pièces de ta part ne nous a apporté, Prosper, aucune lettre. Est-ce que par hasard celui à qui tu n’as pas craint de confier cent pièces, tu as craint de lui confier autant de mots 401 ? 217 Mayer = I, 288 Teleki Contre Prosper 402 Combien je t’aime, Prosper, ceci te suffira pour le savoir : je voudrais que, délaissant ce monde, tu accèdes au ciel 403. 218 Mayer = I, 56 Teleki Sur Guarino Autant Rome est redevable à son cher Camille de son redressement, autant la langue latine est redevable à son cher Guarino 404. 219 Mayer = I, 113 Teleki Sur Guarino Qui n’estimerait que les mérites de Guarino égalent ceux de Camille ? Ils ont rendu au Latium, l’un sa souveraineté, l’autre sa langue.

400 La pointe est elliptique. Il faut comprendre que Prosper n’écrit rien. Pannonius suppose chez le lecteur la connaissance des pièces I, 110 et II, 8 de MARTIAL dont il s’inspire, voir WOLFF (2016). 401 Le mouvement des deux vers reproduit celui du distique final de la pièce 65. 402 Le titre donné par MAYER (2006), De Byzantio, résulte manifestement d’une méprise. 403 Pannonius souhaite donc la mort de Prosper. La pièce 50 contient un souhait analogue mais à la signification inverse. 404 Le général romain Camille rétablit la situation de Rome après la prise de la ville par les Gaulois de Brennus (390 av. J.-C.). L’humaniste Guarino de Vérone est donc considéré comme le restaurateur de la langue latine.

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220 Mayer = 124/5 Ábel Laus Guarini Multum Roma suo debet reparata Camillo, sed plus Guarino lingua Latina suo. Illa truci non prorsus erat calcata ruina, haec cum seruata est, barbara prorsus erat. 221 Mayer = 124/6 Ábel De eodem Priscae lingua Latina dignitati Guarino faciente restituta est. Hunc laudent ueteres, noui, futuri, huic nam quilibet obligatur uni, unus sit licet, obligamur omnes. 222 Mayer = 125/1 Ábel De eodem Rursus, io, quae tot iacuit sopita per annos, Guarini studio lingua Latina uiget. Dulcia Maenaliae cedant inuenta parentis : progenerare leue est, uiuificare graue est. 223 Mayer = 125/3 Ábel De eodem Floret lingua Latina, confitemur ; duplo floreat amplius licebit, Guarino tamen illa redditori grates dicere non ualebit aequas.

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220 Mayer = 124/5 Ábel Éloge de Guarino Rome est grandement redevable à son cher Camille de son redressement, mais la langue latine est plus redevable encore à son cher Guarino. L’une n’avait pas été complètement écrasée par une destruction sauvage, mais quand l’autre a été sauvée, elle était complètement barbare. 221 Mayer = 124/6 Ábel Sur le même personnage L’antique dignité de la langue latine a été rétablie par l’action de Guarino. Qu’il soit loué par les anciens, par les modernes, et par les hommes de demain ! Car chacun est son obligé, et à lui seul, il a en nous tous des obligés. 5 222 Mayer = 125/1 Ábel Sur le même personnage Joie 405 ! La langue latine, restée assoupie pendant tant d’années, a recouvré sa vigueur grâce au zèle de Guarino. Que cèdent les douces inventions de la déesse du Ménale 406 : il est facile de créer, il est dur de ranimer 407. 223 Mayer = 125/3 Ábel Sur le même personnage La langue latine est florissante, nous le reconnaissons ; elle aura beau être deux fois plus florissante, elle ne pourra cependant remercier comme il convient Guarino qui l’a restaurée.

405 Le texte dit io : io était un cri de joie dans les fêtes et les triomphes, voir l’épigramme 376. 406 La nymphe Carmenta, qui vient d’Arcadie (le Ménale est le mont le plus important de cette région située au centre du Péloponnèse), aurait introduit en Italie l’alphabet (HYGIN, Fables 277 ; ISIDORE, Étymologies I, 4, 1). Le vers 4 suggère que Pannonius a connaissance de la tradition qui fait d’elle une divinité de la génération (voir AULUGELLE XVI, 16). 407 Ce vers reprend, sans lien de contexte, la structure du dernier vers de l’épigramme IX, 68, de MARTIAL, voir l’Introduction.

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224 Mayer = I, 73 Teleki Ad Guarinum Commendas et amas, Guarine, nostrum quem de te tibi misimus libellum. Sed laudes et ames librum licebit, malles uersiculis parem monetam. 225 Mayer = I, 256 Teleki In Aulum Nil satis, Aule, tibi est ; cupis omnia et omnia captas. Quid dignum factis imprecer, Aule, tuis ? Aut tibi, quanta Midae fuerat, sit copia rerum, aut Erysichthonia discruciere fame. 226 Mayer = I, 257 Teleki In Carolum Aureolos abs te peterem cum forte nouenos, utebar multis, Carole, blanditiis. Nec dominum, nec te regem appellare uerebar, tunc frugi et pulcher, doctus et acer eras. Miraris quod te contra nunc, Carole, culpo ; non ego, sed tempus dixerat illa tibi. 227 Mayer = I, 259 Teleki Conqueritur de sua inopia Nec remanere queo, sed nec discedere possum, talia iussa uocant, talia uincla tenent.

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224 Mayer = I, 73 Teleki À Guarino Tu célèbres et tu aimes, Guarino, le petit livre que nous avons écrit sur toi 408. Mais tu auras beau le louer et l’aimer, tu préférerais une somme d’argent égale au nombre des vers 409. 225 Mayer = I, 256 Teleki Contre Aulus Rien ne te suffit, Aulus : tu convoites tout, tu veux posséder tout. Que te souhaiter qui soit digne de tes actes, Aulus ? D’avoir une aussi grande abondance de biens qu’autrefois Midas, ou d’être torturé par la faim d’Erysichthon 410. 226 Mayer = I, 257 Teleki Contre Carolus À une époque où j’ai eu à te demander plusieurs fois neuf pièces d’or, j’usais abondamment, Carolus, de la flatterie. Et je ne craignais pas de t’appeler seigneur et roi ; alors tu étais vertueux et beau, savant et vif. Tu t’étonnes, Carolus, qu’aujourd’hui au contraire je te critique ; 5 ce sont les circonstances, et non moi, qui t’avaient adressé des compliments. 227 Mayer = I, 259 Teleki Il se plaint de son dénuement Je ne peux pas rester, mais je ne peux pas non plus ne pas m’en aller, certains ordres m’appellent, certains liens me retiennent 411.

408 Il s’agit du panégyrique de Guarino que composa Pannonius, achevé sans doute en 1454, voir THOMSON (1988), p. 8 et 56. 409 Pannonius, en proie à des difficultés financières, avait parfois du mal à payer à Guarino le prix de ses cours, voir les épigrammes 227 et 229. Mais Guarino, qui devait nourrir une famille nombreuse, avait besoin d’argent, voir THOMSON (1988), p. 43-44. 410 À la suite d’un vœu imprudent, tout ce que touchait le roi Midas se transformait en or : il mourait donc de faim au milieu de ses richesses ; voir aussi l’épigramme 85. Déméter, pour punir l’impie Erysichthon, lui envoya une faim dévorante que rien ne pouvait calmer. 411 Pannonius souhaite se rendre en Hongrie, mais il en est empêché par les dettes qu’il a envers Guarino.

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Pressus in angusto quid agam, quae numina clamem ? Sunt, puto, sed miseris dura fauere negant. Te precor, affer opem, Mutinae placidissime praesul, o decus, o Musis prime patrone meis. Non tamen aut Boreae pulsurum flabra cucullum aut mulae posco mollia terga tuae, nec frenum aut sellam, nec quicquam tale. Quid ergo ? debeo Guarino pauca : fideiubeas.

228 Mayer = I, 260 Teleki In Gallionem Gallio, quid prensas, quid adhuc, infeste, resistis ? Si caueat, satis est, qui rediturus abit. 229 Mayer = I, 261 Teleki In eumdem Si nec legitimi curas chirographa ligni, nec te nostra fides, numina nostra mouent, securum faxo te praestet idoneus auctor : an dubitas etiam credere pontifici ?

230 Mayer = I, 262 Teleki Ad Iohannem Antonium Quod tibi, Iohannes Antoni, nulla refertur tam magnis in me gratia pro meritis, ne crede ingratum, neue admirere ; referri gratia tunc debet, cum satis aequa potest.

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Pressé par la gêne, que faire, quelles divinités 412 invoquer ? Il en existe, je pense, mais dans leur dureté elles refusent de s’intéresser aux malheureux. Je t’en prie, toi, apporte-moi ton aide, bienveillant évêque de Modène 413, 5 artisan de ma gloire, premier soutien de mes Muses. D’ailleurs je ne réclame pas un manteau destiné à repousser le vent ni le dos confortable de ta mule, ni un frein ou une selle, ni rien de tel. Quoi alors ? Je dois un peu d’argent à Guarino : porte-toi garant. 10 228 Mayer = I, 260 Teleki Contre Gallio 414 Gallio, pourquoi me retiens-tu, pourquoi résistes-tu encore, acharné que tu es ? C’est bien assez que quelqu’un fournisse une caution : celui qui s’en va reviendra. 229 Mayer = I, 261 Teleki Contre le même personnage Si tu ne prends pas en considération un engagement autographe sur une tablette légale, si ni notre promesse, ni les divinités que nous invoquons ne te touchent, je ferai en sorte qu’un garant convenable te tranquillise : ou bien hésiterais-tu même à te fier à un prélat 415 ? 230 Mayer = I, 262 Teleki À Giovanni Antonio 416 Si, Giovanni Antonio, tu ne reçois aucun bienfait en échange des immenses services que tu m’as rendus, ne t’en étonne pas et ne me crois pas ingrat ; on ne doit accorder un bienfait en remerciement que quand il peut égaler les services.

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Le terme numina pourrait désigner ici des puissances humaines. Voir les épigrammes 57 et 58. 414 Gallio serait Guarino selon BIRNBAUM (1981), p. 31. Sur la situation, voir l’épigramme précédente. 415 L’évêque de Modène, voir l’épigramme 227. Il se portera garant pour les dettes de Pannonius ou les paiera. 416 Giovanni Antonio della Torre, l’évêque de Modène, voir la note précédente. 413

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231 Mayer = I, 186 Teleki Ad Petrum Quid tibi, Petre, meo tulerim, scitaris, ab Istro : quod pridem e Cypro tu mihi, Petre, tua. 232 Mayer = I, 101 Teleki Ad Lodouicum Mutua cum reddam, simul ipsum me tibi dedam : aspice quam praestem plus, Lodouice, tibi. 233 Mayer = I, 234 Teleki Artemisia ad Mausolum In caelum si te poteram, dulcissime coniunx, tollere, caeliferi pondus Atlantis eras. Quod licuit, pelagi fluida nec mersus in unda, nec tegeris uili contumulatus humo ; sed leuat arte noua suspensum tertius aer : mortales ultra non ualuere manus.

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234 Mayer = I, 238 Teleki De amore suo in Ledam puellam Flaua Cupidineis laesit me Leda sagittis, nubere digna deo, gignere digna deos. Haec mihi nescio quas continget capta per artis, nam seruat clausas Tyndarus ipse fores. Si uia nulla patet, nisi quam mens alta Tonantis commenta est, et me candida pluma tegat.

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231 Mayer = I, 186 Teleki À Petrus Tu me demandes, Petrus, ce que je t’ai rapporté de mon pays du Danube : ce que tu m’as rapporté il y a quelque temps de ton île de Chypre 417. 232 Mayer = I, 101 Teleki À Lodovicus En même temps que je te rembourserai ton prêt, je me mettrai à ton service : considère comme je t’accorde plus que tu ne l’as fait, Lodovicus 418. 233 Mayer = I, 234 Teleki Artémise à Mausole 419 Si j’avais pu t’élever au ciel, très cher époux, tu t’ajouterais aux fardeaux d’Atlas le porteur céleste 420. Autant qu’il m’a été possible, tu n’es ni englouti dans l’onde liquide de la mer, ni enseveli dans la terre vile, mais le troisième élément, l’air, par l’effet d’un art singulier te retient suspendu : 5 des mains mortelles n’ont pas pu davantage. 234 Mayer = I, 238 Teleki Sur son amour pour la jeune Léda La blonde Léda m’a frappé avec les flèches de Cupidon, Léda digne d’épouser un dieu, digne d’enfanter des dieux. Je ne sais par quel artifice réussir à la séduire, car Tyndare lui-même surveille les portes closes. Si aucune voie ne s’ouvre à moi, excepté celle qu’a imaginée l’esprit profond 5 du Tonnant, je veux moi aussi me couvrir de plumes blanches 421. 417

C’est-à-dire rien. Le Petrus en question était donc chypriote. Le sens de cette épigramme nous échappe, et ni BARRETT (1985), p. 135 ni FABER (2009a), p. 174 ne sont éclairants. 419 Artémise, femme du roi Mausole, lui fit construire un tombeau monumental, le mausolée d’Halicarnasse (aujourd’hui Bodrum, en Turquie), considéré dans l’Antiquité comme une des Sept merveilles du monde. Il était très élevé et le principe des sections superposées accentuait l’impression de hauteur. Le texte joue sur les quatre éléments composant le monde dans la théorie naturaliste antique, la terre, l’eau, l’air, le feu (ici le ciel, dont la partie supérieure est ignée). 420 Le Géant Atlas soutient sur ses épaules la voûte du ciel. 421 Zeus-Jupiter (le Tonnant, car il lance la foudre) s’unit à Léda, la femme de Tyndare, sous la forme d’un cygne. De cette union naquirent notamment Castor et Pollux. 418

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235 Mayer = I, 239 Teleki In Seuerum Scripsisti egregium, Seuere, librum, quo contemnere gloriam docemur. Quae si uile quid est putanda cunctis, ut credi cupis, et probare temptas, quare tu minio tuum rubenti summo margine nomen adnotasti ?

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236 Mayer = I, 240 Teleki De libro suo Ludimus ecce iocos, ades huc non tetrice lector, tu procul hinc contra, tetrice lector, abi. Triste supercilium cum sit tibi, ne lege nugas, aut, si forte legis, pone supercilium. 237 Mayer = I, 241 Teleki Ad poetam Martialem Te, uatum optime, culte Martialis, ludorum pater et pater leporum, nugarum simul et facetiarum, prae cuius sale Plautus ipse uerna est, qua possum, sequar in meis libellis. Nec Phoebum libet aut uocare Musas, ut coeptis properent adesse nostris.

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235 Mayer = I, 239 Teleki Contre Severus Tu as écrit, Severus, un livre remarquable, où tu nous enseignes à mépriser la gloire. Mais si tous nous devons juger qu’elle est sans valeur, comme tu désires qu’on le croie et comme tu tentes de le montrer, pourquoi toi-même as-tu marqué ton nom en vermillon vif à la marge supérieure 422 ?

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236 Mayer = I, 240 Teleki Sur son livre Nous nous amusons à ces badinages, n’approche pas, lecteur sévère, va-t’en au contraire loin d’ici, lecteur sévère. Tu es sourcilleux et renfrogné ? Ne lis pas nos bagatelles. Ou si par hasard tu les lis, déride ton front 423. 237 Mayer = I, 241 Teleki Au poète Martial 424 Toi le plus grand des poètes, savant Martial, père des divertissements et père des grâces, ainsi que des bagatelles et des plaisanteries 425, devant la finesse duquel Plaute même est un bouffon 426, je te prendrai pour modèle, comme je pourrai, dans mes petits livres. Et je ne veux pas invoquer Phébus 427 ni les Muses, pour qu’ils viennent à la hâte seconder mon entreprise. 422

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La morale sévère de Severus (son nom est un nom parlant) est contredite par son comportement dans la réalité. 423 Cette épigramme s’inspire de MARTIAL XI, 2 (voir l’Introduction), mais la clausule pone supercilium est prise à MARTIAL IV, 29, 8. 424 Pannonius s’adresse à Martial comme PÉTRARQUE a adressé les lettres du XXIVe livre de ses Lettres familières aux grands auteurs de l’Antiquité. Deux autres poètes néo-latins se sont également adressés à Martial par un poème, FRANCESCO UBERTI au XVe siècle avec un « In laudem Marci Valerii Martialis, uatis arguti » (voir PICCIONI [1912], p. 252-253), et le Gallois JOHN OWEN au début du XVIIe siècle, dans une pièce intitulée « Ad Martialem » (Épigrammes 2, 160). Chez les auteurs en langue vernaculaire, on citera le poème « To the ghost of Martial » de BEN JONSON (Épigrammes 36). 425 Il y a là un souvenir de CATULLE 12, 8-9 (leporum / disertus puer ac facetiarum) : Pannonius savait évidemment que Martial s’est beaucoup inspiré de Catulle, voir SWANN (1994). 426 Sur l’emploi du mot uerna, qui vient de Martial, voir l’Introduction. 427 Phébus-Apollon, dieu de la poésie.

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Vnum te omnibus e deis uocamus ; tu tantum, licet aemulo poetae, ne quaeso inuideas tuos fauores. Quin si uera senis silentiosi est sententia, qui putauit unam multos posse animam uolare in artus, si mixtus sacer Ennio est Homerus, postquam desierat superbus ales pictam sideribus leuare caudam, nostras labere totus in medullas. Mentem certe ego si tuam merebor, iam nostrae dabo, crede, commeatum. 238 Mayer = I, 242 Teleki De Galaeso Non credis nostro cur, praetor inique, Galaeso ? Legitimos testes nonne Galaesus habet ? 239 Mayer = I, 243 Teleki Ad Telesphorum cinaedum Lis magna est nobis, formose Telesphore, tecum, non tamen illa foro, uerum agitanda toro. Quid frustra ambigimus ? Testes admitte : probabo ; nec tibi magnus erit succubuisse dolor.

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C’est toi seul de tous les dieux que j’invoque ; je t’en prie, ne refuse pas ta faveur à un poète sous prétexte qu’il est ton rival. Bien plus : si le vieillard silencieux 428 a raison de penser qu’une seule âme peut migrer dans plusieurs corps, et si le vénérable Homère s’est incarné en Ennius quand l’oiseau magnifique eut cessé de lever sa queue peinte d’étoiles 429, alors descends tout entier au fond de notre cœur. Assurément si j’obtiens ton esprit, je donnerai aussitôt, crois-moi, congé au mien.

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238 Mayer = I, 242 Teleki Sur Galaesus Pourquoi ne crois-tu pas notre cher Galaesus, juge injuste ? Galaesus n’a-t-il pas des témoins 430 convenables ? 239 Mayer = I, 243 Teleki À l’inverti Telesphorus J’ai un grand différend avec toi, beau Telesphorus, qui doit cependant se régler non au forum, mais au lit. Pourquoi débattons-nous en vain ? Produis tes témoins, je les examinerai, et ce ne sera pas pour toi une grande douleur que de succomber 431.

428 Pythagore, qui défendait la théorie de la transmigration des âmes, imposait à ceux qui voulaient devenir ses disciples de longues périodes de silence (cf. PLUTARQUE, De la curiosité 9 = Moralia 519 C). Pannonius exprime aussi des idées pythagoriciennes dans l’élégie I, 12 « À son âme » ; elles lui viennent de Marsile Ficin (voir l’épigramme 434). 429 Homère, avant de se réincarner en le poète latin Ennius, avait été un paon. Voir LÉVI (2013), p. 25-28. 430 Il y a un jeu de mots sur l’ambiguïté de testis, qui en latin signifie à la fois « témoin » et « testicule », mais l’épigramme, omettant dans sa brièveté les circonstances, reste obscure. 431 L’épigramme n’est pas claire. Il y a un jeu de mots sur l’ambiguïté de testis comme dans le poème précédent, et un autre sur succumbo, qui signifie « succomber », mais aussi « être dessous, se donner » dans un sens sexuel comme chez MARTIAL XIV, 201. Et de fait Telesphorus est un cinaedus, c’est-à-dire un homosexuel passif. Le nom est emprunté à MARTIAL XI, 26, où Telesphorus est un bel esclave.

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240 Mayer = I, 244 Teleki Ad Luciam Quid nos, Lucia, temnis et repellis ? Numquam displicuisse me puellae ‒ sic uiuam et ualeam ‒ recordor ulli. Quodsi credere forsitan recusas, magnis testibus approbare possum. 241 Mayer = I, 245 Teleki De Ambrosio Non instrumento grandi, non testibus amplis in causa quicquam proficit Ambrosius. Lis sibi cum Thecla est, sed quicquid pondere magno proferat Ambrosius, nil nisi Thecla negat. 242 Mayer = I, 255 Teleki In Celsum Dico prudentem, dico te, Celse, disertum ; omnia tu credis, mentiar ipse licet. 243 Mayer = I, 258 Teleki De Dionysio tyranno Syracusarum Cum Siculis dapibus trepidus male uescitur hospes, ac suspensa horret tela, tyrannus ait : « Haec mea condicio est, quem tu rebare beatum ; i nunc, felicem qui timet esse puta ».

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240 Mayer = I, 244 Teleki À Lucia Pourquoi, Lucia, nous dédaignes-tu et nous rejettes-tu ? Sur ma vie et sur ma santé, je ne me souviens pas avoir jamais déplu à une jeune fille. Et si par hasard 432 tu refuses de le croire, je peux le démontrer avec des témoins de grande valeur 433.

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241 Mayer = I, 245 Teleki Sur Ambrosius Ambrosius n’obtient aucun résultat dans son affaire avec son instrument convaincant, avec ses témoins imposants 434. Ambrosius a un différend avec Thecla, mais les arguments de grand poids qu’il présente, Thecla les récuse sans exception. 242 Mayer = I, 255 Teleki Contre Celsus Je te dis sage, je te dis, Celsus, éloquent ; et tu crois tout, bien que je mente. 243 Mayer = I, 258 Teleki Sur Denys tyran de Syracuse Comme l’hôte tremblant ne se régalait pas des mets de la Sicile 435, et qu’il regardait en frissonnant les traits suspendus au-dessus de lui, le tyran lui dit : « Voici ma condition, moi que tu croyais comblé ; va maintenant estimer heureux celui qui vit dans la peur ! ». 432

L’adverbe forsitan est ici employé pour forte. Même jeu sur testis que dans l’épigramme précédente. 434 Jeu sur testis encore, et sur instrumentum, « document officiel, pièce de droit », et « outil, instrument » (ici avec un sous-entendu sexuel). Au vers suivant, on attendrait ei au lieu du réfléchi sibi. 435 Les repas siciliens étaient renommés pour la bonne chère qu’on y faisait. L’anecdote que reprend Pannonius, très célèbre et racontée notamment par Cicéron, illustre le malheur du tyran. Comme le courtisan Damoclès vantait la félicité de Denys, tyran de Syracuse, celui-ci lui proposa de prendre un moment sa place. Denys le fit asseoir sur un lit d’or, il ordonna que Damoclès y fût servi par de beaux esclaves, et qu’on lui proposât les mets les plus exquis. Ainsi Damoclès se croyait le plus fortuné des hommes, lorsque tout à coup, au milieu du festin, il aperçut au-dessus de sa tête une épée nue, que Denys y avait fait attacher, et qui ne tenait au plafond que par un simple crin de cheval. Aussitôt Damoclès se troubla, il ne vit plus le luxe qui l’environnait, et demanda au tyran la permission de s’en aller, ne voulant pas être heureux à ce prix. 433

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244 Mayer = I, 266 Teleki De Bononia Quae poterat dici studiosa, Bononia, quondam, nunc eadem dici seditiosa potest. 245 Mayer = I, 267 Teleki De sacrilego Ferreus iste Iouem spectans quasi talia fatur : « Terra, uolo, mea sit, tu, pater, astra tene ». 246 Mayer = I, 268 Teleki De Tynnicho patre Thrasybuli In clipeo exanimis Pytanem uenit Thrasybulus septena Argolico uulnera ab hoste ferens, cuncta aduersa tamen. Perfusum sanguine flammis Tynnichus iniciens protulit ista senex : « Dent timidi lacrimas, ego te sine fletibus uram, nate, meum nec non et Lacedaemonium ».

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244 Mayer = I, 266 Teleki Sur Bologne Bologne, qui pouvait autrefois être qualifiée de studieuse, peut maintenant aussi être qualifiée de séditieuse 436. 245 Mayer = I, 267 Teleki Sur un sacrilège 437 Cet homme de fer, regardant Jupiter, semble dire : « Je veux que la terre m’appartienne ; toi, père des dieux, gouverne les astres ». 246 Mayer = I, 268 Teleki Sur Tynnichus père de Thrasybulus 438 Thrasybulus sans vie a été rapporté à Pytane sur son bouclier ; il présentait sept blessures causées par l’ennemi argien 439, mais toutes reçues de face. Le vieux Tynnichus, le posant couvert de sang dans les flammes 440, déclara : « Que les lâches fassent verser 441 des larmes ; moi je te livrerai au bûcher sans pleurer, 5 enfant, car tu t’es montré mon fils et aussi celui de Lacédémone 442 ». 436 L’université de Bologne est la plus ancienne université européenne. On ne sait à quoi renvoie cette sédition dont parle Pannonius. 437 Traduction du second distique d’une épigramme grecque (Anthologie grecque 16, 120) qui s’appliquait à une statue en bronze d’Alexandre le Grand. PLUTARQUE (Sur la fortune d’Alexandre 331A et 335B) se contente lui aussi de citer ces deux vers. Le titre De sacrilego, donné par les manuscrits, s’il était authentique, suggérerait que Pannonius ignorait qu’il s’agissait d’Alexandre dans le texte grec. 438 Traduction d’une épigramme grecque (Anthologie grecque 7, 229) déjà traduite par AUSONE (Épigrammes 24 Green). L’épigramme grecque est aussi chez PLUTARQUE (Apophthegmes des Lacédémoniens, Moralia 16, 235 A). Filelfe a traduit en 1453 cet opuscule de Plutarque. L’épigramme de Pannonius date grosso modo de la même époque. Il existe ensuite à la Renaissance de nombreuses autres versions latines de l’épigramme grecque, voir DI BRAZZANO (2019), p. 227-231. Le titre qu’on trouve dans les manuscrits BRWG de Pannonius, « Sur Pytane, père de Thrasybulus », montre une mauvaise compréhension du poème : Pytane est un quartier de Sparte (cf. PLUTARQUE, De l’exil 6 = Moralia 601 B), non le père de Thrasybulus. 439 D’Argos, ville du Péloponnèse avec laquelle Sparte (Lacédémone) était apparemment alors en guerre. 440 Il y aura donc crémation du corps. À l’époque classique en Grèce, les pratiques de l’inhumation et de l’incinération se concurrençaient. 441 Il faut donner à l’expression lacrimas dare le sens de « susciter, causer des larmes », et non celui de « verser des larmes » qu’elle a habituellement ; mais il est exclu que Pannonius n’ait pas compris le passage correspondant de l’épigramme grecque, qui est très clair. 442 Les polysyllabes sont rares en fin de vers (voir la note à 112, 2). Pannonius peut s’autoriser ici du précédent d’AUSONE (Épigrammes 24 Green), qui met lui aussi le mot Lacedaemonius en fin de vers dans l’épigramme où il traduit cette même pièce de l’Anthologie grecque.

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247 Mayer = I, 272 Teleki In adulterum Cum uicina magis sectere cubilia Crispo, uxorem quare non potes, Arbe, tuam ? An tibi securo languet permissa uoluptas, nec nisi in illicito mentula amore uiget ? 248 Mayer = I, 274 Teleki In Crispum Hispani ne, quaeso, legas epigrammata uatis cum mea legisti, sed tua, Crispe, legas. 249 Mayer = I, 275 Teleki De littera Pythagorea Turma gruum bifido tranat connexa uolatu, inde nouae Samio ducta figura notae. 250 Mayer = 1, 277 Teleki Vbi asini exonerantur Dura, uiatores, deponite pondera lassi, nam iubet hic asinos exonerare locus.

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247 Mayer = I, 272 Teleki Contre un homme adultère Tu recherches plus que Salluste 443 le lit de tes voisines, mais pourquoi ne peux-tu pas faire la chose avec ta femme, Arbus ? Est-ce que le plaisir permis, dans la sécurité, te rend tout flasque, et ta verge n’a-t-elle de vigueur que pour un amour illicite ? 248 Mayer = I, 274 Teleki Contre Crispus Ne lis pas, je t’en prie, les épigrammes du poète espagnol après les miennes, mais plutôt les tiennes, Crispus 444. 249 Mayer = I, 275 Teleki Sur la lettre de Pythagore Une bande de grues passe, soudée en un vol qui se partage en deux ; c’est de là que le sage de Samos a tiré la forme d’une lettre nouvelle 445. 250 Mayer = 1, 277 Teleki Où l’on décharge les ânes Voyageurs fatigués, déposez ici vos rudes fardeaux, car ce lieu invite à décharger les ânes 446.

443 Plusieurs auteurs antiques (notamment AULU-GELLE XVII, 18) nous rapportent que l’écrivain Salluste fut pris en flagrant délit d’adultère, et que le mari ne le relâcha qu’après l’avoir flagellé et avoir exigé une rançon. 444 Si Crispus, après avoir lu les épigrammes de Pannonius, lisait celles du poète espagnol Martial, il verrait que les premières sont bien inférieures ; mais si ce sont les siennes qu’il lit en second, comme il est un mauvais poète, celles de Pannonius par comparaison lui sembleront bonnes. L’épigramme en deux vers atteint trois objectifs : faire l’éloge de Martial ; rappeler que Pannonius se situe dans la lignée de Martial ; critiquer Crispus. La question de l’ordre des épigrammes est très délicate : on notera cependant que le poème 248 contre Crispus suit dans les manuscrits un poème où il est question de l’historien Salluste, dont le nom complet est Sallustius Crispus. 445 Le sage (l’« homme », dit exactement le texte) de Samos est Pythagore, originaire de cette île. La disposition en vol des grues lui aurait suggéré l’invention de la lettre upsilon (Υ). D’autres sources attribuent cette invention au héros Palamède. 446 Jeu sur le nom d’un lieu qui s’appelait « Déchargement des ânes », voir les PIE II, Commentarii rerum memorabilium, chap. IV, 6 (VAN HECK [1984], t. I, p. 248, l. 7-8) : Venit deinde ad locum, cui Asinorum Exoneratio nomen est, in summo Apennino.

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251 Mayer = I, 278 Teleki In Theclam Dum culta incedis, maior mihi, Thecla, uideris quam fuit Alcmene, quam fuit Andromache ; stringere cum nudam uolui, tunc corpore maius deplumata tuo noctua corpus habet. 252 Mayer = I, 279 Teleki In Ouillum Esse super terras si quis genus acephalorum haesitat, is uultus cernat, Ouille, tuos. Nam tibi tam paruum caput est, ut sit prope nullum, at minor et nullo est sensus, Ouille, tibi. 253 Mayer = I, 280 Teleki In Hodum Pomorum genus est, quae turpia, sed bona dicunt ; tu dici bellus, sed potes, Hode, malus. 254 Mayer = I, 281 Teleki In adulterum Dum quasses aliena fulcra moechus, uxori propriae, Seuere, parcis. Sic, cui cellula rumpitur Falerno, uicina bibit Hodus e taberna.

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251 Mayer = I, 278 Teleki Contre Thecla Quand tu marches couverte de tes vêtements, tu me parais, Thecla, plus grande que ne furent Alcmène ou Andromaque 447 ; mais un jour où j’ai voulu te saisir nue, j’ai découvert qu’une chouette déplumée a un plus grand corps que toi. 252 Mayer = I, 279 Teleki Contre Ovillus Si quelqu’un doute que l’espèce des acéphales 448 existe bien sur terre, qu’il regarde ton visage, Ovillus. Car ta tête est si petite qu’elle n’est presque rien ; quant à ton esprit, il est encore moins que rien. 253 Mayer = I, 280 Teleki Contre Hodus Il y a une espèce de fruits qu’on dit laids mais bons 449 ; toi en revanche, Hodus, on peut te dire beau mais mauvais. 254 Mayer = I, 281 Teleki Contre un mari adultère Tu fatigues le lit d’autrui de tes ébats adultères et tu épargnes ta propre femme, Severus. De même Hodus, dont le cellier déborde de Falerne 450, boit à la taverne voisine.

Plusieurs auteurs anciens nous assurent qu’Andromaque était grande (cf. OVIDE, Art d’aimer 2, 645) ; pour Alcmène, la source de Pannonius est HÉSIODE, Bouclier 4-5 (Jupiter la qualifie de « grande femme blonde » dans Amphitryon 38, II, 2). 448 Peuplade de Libye selon HÉRODOTE 4, 191. Le nom d’Ovillus suggère que sa tête a la taille d’un œuf. 449 Voir PLINE L’ANCIEN, Histoire naturelle 14, 28. 450 Le Falerne était un vin de Campanie réputé dans l’Antiquité. Sur la thématique du poème, voir la pièce 247. 447

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255 Mayer = I, 74 Teleki Ad Seuerum Misisti mihi, tot, Seuere, turdos Iani scilicet ad nouas Calendas, quot post primam habuit misella tussim dentes Aelia, quot Ligia crines, unum si tamen auferas et illis. Tot grates igitur tibi remitto, quot stellans oculos habebat Argus, quot centumgemini manus Gigantes ; quae si forte satis, Seuere, non sunt, sint, nasos quot habet meus Philemon. 256 Mayer = I, 286 Teleki In Laduancum Est, mollis Laduance, tibi tam mascula coniunx, uxoris possis uxor ut esse tuae. 257 Mayer = I, 287 Teleki De Byzantio Prima mihi Odrysius praetendit moenia Byzas, proxima Amyclaeo debeo Pausaniae.

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255 Mayer = I, 74 Teleki À Severus Tu m’as envoyé, Severus, pour les nouvelles calendes de Janus 451, autant de grives qu’avait de dents la malheureuse Aelia après son premier accès de toux, et une de moins qu’avait de cheveux Ligeia 452. Je t’adresse donc en échange autant de remerciements qu’Argus constellé avait d’yeux et les Géants aux cents bras de mains 453 ; si cela ne te suffit pas, Severus, ajoute autant de nez qu’a mon ami Philemon 454.

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256 Mayer = I, 286 Teleki Contre Ladvancus Tu es mou et tu as, Ladvancus, une épouse si mâle, que tu pourrais être la femme de ta femme. 257 Mayer = I, 287 Teleki Sur Byzance Byzas l’Odryse a dressé mes premières murailles 455, je dois mes murailles suivantes à Pausanias d’Amyclées 456. 451

Le latin Iani est ambigu : il renvoie au dieu Janus, qui ouvrait l’année (il s’agit donc des calendes, c’est-à-dire du premier jour, de janvier) ; mais il désigne aussi le prénom de Pannonius, Janus. 452 Double allusion à MARTIAL : dans l’épigramme I, 19, la vieille Aelia n’a plus que quatre dents, et en perd deux dans un premier accès de toux ; dans l’épigramme XII, 7, la vieille Ligeia n’a plus que trois cheveux. Deux grives font un présent un peu chiche, et les remerciements sont donc ironiques. 453 Argos avait une infinité d’yeux répartis sur tout son corps, qui était ainsi constellé d’yeux ; les Géants aux cents bras sont les Hécatonchires, monstres de la mythologie. 454 Ce Philemon a un grand nez au sens propre (voir l’épigramme 189), mais il a sans doute aussi du nez au sens figuré, c’est-à-dire qu’il est spirituel et astucieux (ce qui se dit en latin en latin nasutus, « qui a du nez »). 455 Byzas est le fondateur mythique de Byzance (cf. CLAUDIEN, Contre Eutrope 2, 83). Odrysius, adjectif poétique tiré du nom d’une peuplade thrace, signifie par extension thrace, et de fait on présente parfois ce Byzas comme un Thrace, voir RE III, 1, 11581159. Il était contemporain des Argonautes selon DIODORE DE SICILE IV, 49, 1. 456 D’autres traditions font de Pausanias, roi de Sparte (Amyclées est une ville de Laconie qui désigne Sparte par synecdoque), le fondateur de Byzance, cf. OROSE III, 13, 2 ; ISIDORE, Étymologies XV, 1, 42. Pannonius considère que Pausanias a construit de nouvelles murailles.

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Haec postquam Libyci trux uerterat ira Seueri, abstulit Augustis qui sua regna tribus, reddidit hinc lapsos mutato nomine muros, dum secat Ausonium, Flauius, imperium.

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258 Mayer = I, 292 Teleki Verba Clytaemnestrae ad filium Orestem In uentremne tuum uel mammas dirigis ensem ? Haec te mamma aluit, uenter at iste tulit. 259 Mayer = I, 293 Teleki Ad libros suos Vos, Ouidi, Lucane, Maro, si forte potestis, mutua praestetis bis mihi, quaeso, decem. Cessatis ; iam uos faxo Iudaeus habebit, qui seruat magnae lintea iuncta uiae. Istic ignaui tineas et pascite mures ; nil opus est uestris nunc mihi carminibus. Nunc mihi opus nummis ; quarto uos mense uidebo, uenerit interea si quid ab Hungaria.

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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Lorsqu’elles eurent été abattues par la farouche colère du Libyen Sévère 457, qui enleva leur 458 royaume à trois Augustes 459, 5 Flavius 460, en divisant l’empire d’Ausonie 461, restaura mes murs écroulés en changeant mon nom. 258 Mayer = I, 292 Teleki Paroles de Clytemnestre à son fils Oreste 462 Diriges-tu ton épée contre mon ventre ou contre ma poitrine ? Cette poitrine t’a nourri, et ce ventre t’a porté. 259 Mayer = I, 293 Teleki À ses livres Ovide, Lucain, Virgile, si par hasard vous le pouvez, prêtez-moi deux fois dix pièces, je vous en prie. Vous vous dérobez : eh bien je vais tâcher 463 de vous laisser au juif qui surveille ses étoffes à la jonction de la grande rue. Nourrissez là-bas les blattes et les souris de ce paresseux 464 ; je n’ai actuellement nul besoin de vos poèmes. Actuellement j’ai besoin d’argent ; je vous reverrai dans trois mois, si dans l’intervalle quelque chose me vient de Hongrie 465.

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L’empereur romain Septime Sévère était originaire de Leptis Magna, une ville de la Libye actuelle. Après un long siège, il prit Byzance qui se trouvait au pouvoir de son rival Pescennius Niger, et en détruisit les murs, voir CASSIUS DION 74, 11-14. 458 Soit Pannonius fait un emploi abusif du réfléchi, soit il lui donne le sens de « son propre » ; une troisième solution consisterait à comprendre : « qui arracha son royaume à trois Augustes ». 459 Didius Julianus, Pescennius Niger et Clodius Albinus, empereurs ou prétendants à l’empire que Septime Sévère élimina. 460 L’empereur Constantin, qui fonda la nouvelle ville de Constantinople en 324 sur une superficie bien supérieure à celle de l’ancienne Byzance et lui donna son propre nom, s’appelait Flavius Valerius Aurelius Constantinus. 461 L’empire romain. L’Ausonie est un nom poétique ancien de l’Italie, voir l’épigramme 34. En faisant de Constantinople une capitale, Constantin peut passer pour avoir divisé en deux l’empire romain. 462 Traduction d’une épigramme grecque (Anthologie grecque 9, 126). Il s’agit du moment où Oreste va tuer sa mère pour venger l’assassinat de son père Agamemnon. 463 Faxo est une forme de futur archaïque de facio. 464 L’accusation de paresse est traditionnelle contre les juifs. On la trouve déjà dans le De superstitione de Sénèque, voir SCHÄFER (2003), p. 148-150. 465 Pannonius joue le rôle de l’étudiant ou du poète pauvre qui doit laisser ses livres en gage à un usurier, mais il avait réellement des difficultés financières, voir l’épigramme 224.

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260 Mayer = I, 294 Teleki In Iudaeum feneratorem Lucanum et iuncto pariter Nasone Maronem redde mihi Iuda, seu mage tu Salomon. Quid dubitas ? Dedi ego olim tres tibi nempe libellos ; inspice, si Iani chartula nomen habet. Quis modus usurae ? Sortem, inquis, fenus adaequat. Si uerum dicis, perfide, non redimo. Hic pereant ; tanti uix illos auctio uendet. Insanit suamet pignora quisquis emit.

261 Mayer = I, 300 Teleki De Romanorum potentia Iulius aethereas diuus cum scanderet arces, Iuppiter ad superos talia dicta dedit : « Nec pontus rerum dominos, nec terra Quirites iam capit ; en etiam sidera nostra petunt ! » 262 Mayer = I, 301 Teleki De eodem Aeternum magni, deus, obstrue lumen Olympi, arces custodi, Iuppiter, aethereas. Iam mare, iam terras uirtus Romana subegit, nec nisi sidereum scandere restat iter.

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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260 Mayer = I, 294 Teleki Contre un usurier juif Toi, Juda, ou plutôt 466 Salomon, rends-moi mon Lucain, et avec lui Virgile et Ovide. Pourquoi hésites-tu ? Je t’ai bien remis il y a quelque temps ces trois petits livres 467 ; regarde si 468 la page ne porte pas le nom de Janus. Quelle limite y aura-t-il à l’usure ? Les intérêts, affirmes-tu, égalent la valeur des garanties. 5 Si tu dis vrai, fourbe, je ne les rachète pas. Qu’ils périssent ici ; tu les vendras avec peine aux enchères à un tel prix. Il est fou, celui qui achète ce qu’il a donné en gage. 261 Mayer = I, 300 Teleki Sur la puissance des Romains Comme le divin Jules montait aux citadelles du ciel 469, Jupiter déclara aux dieux d’en-haut : « La mer ni la terre ne contiennent plus les Romains dans leur domination sur le monde ; ils veulent aussi nos astres ! » 262 Mayer = I, 301 Teleki Sur le même sujet 470 Divin Jupiter, barre le seuil éternel du grand Olympe, défends les citadelles de l’éther. La vaillance romaine a déjà soumis la mer et les terres, il ne lui reste plus qu’à gravir le chemin vers les astres.

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Mage, pour magis, est un archaïsme métriquement commode. On le retrouve dans l’épigramme 400. Le juif n’a pas de nom précis, sa seule caractérisation est d’être juif. Il y avait à Ferrare une importante communauté juive, qui bénéficiait de la politique tolérante de la famille d’Este. C’est cette présence juive, et l’impact du roman de Georgio Bassani Le jardin des Finzi-Contini, qui expliquent le choix de Ferrare comme siège du récent Museo dell’Ebraismo Italiano e della Shoah. 467 Nous adoptons pour la seconde partie du vers la correction Dedi ego olim tres tibi nempe libellos de BARRETT (1985), p. 202, la phrase sans verbe Ego tris olim tibi nempe libellos telle que l’édite MAYER (2006) d’après les manuscrits paraissant difficilement acceptable. 468 La proposition interrogative est introduite par la conjonction si et son mode est l’indicatif : voir l’épigramme 143. 469 Jules César fut le premier empereur à être divinisé : à ce titre, il monte au ciel. 470 Traduction d’une épigramme grecque (Anthologie grecque 9, 526).

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263 Mayer = I, 304 Teleki In Paulum Orationem, Paule, tu prosam dictas, ego dulce carmen concino, sed ut censent sane haud maligni iudices, nec indocti, ambo figuris utimur parum bellis : facio archaismos, Paule, ego, et metaplasmos, tu barbarismos et facis soloecismos.

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264 Mayer = I, 361 Teleki Ad Paulum Carminibus nostris nocet illud, Paule, notaui, quod non sunt Latiis edita consulibus. Quiduis cana facit multo pretiosius aetas, rebus et a longo tempore surgit honos. At tu, si quando mea legeris, esse putato prisca ; uidebuntur sic meliora tibi.

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265 Mayer = I, 305 Teleki In Vgonem Diuitior cum sim, cum sim te iunior, Vgo, sanguinis et clari nobilitate prior, cum melius cantem, cum pulchro pectore praestem, cur dat nulla mihi, cur tibi nulla negat ? An te tam gratum fecerunt balnea nuper ? Nempe illic multis mentula uisa tua est, mentula, Sileni quantam nec uector habebat, Hellespontiaco mentula digna deo. Nimirum huic omnes se deuouere puellae, haec premit, haec dotes obruit una meas.

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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263 Mayer = I, 304 Teleki Contre Paulus Tu écris de la prose libre, Paulus, moi je compose de la poésie rythmée ; mais, à en croire des juges qui ne sont certes ni malveillants ni ignorants, nous recourons tous deux à des figures peu élégantes : moi je fais des archaïsmes et des métaplasmes, Paulus, toi tu fais des barbarismes et des solécismes 471.

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264 Mayer = I, 361 Teleki À Paulus Ce qui dessert nos poèmes, Paulus, je l’ai remarqué, c’est qu’ils ne sont pas nés sous des consuls romains. La vieillesse chenue donne à tout beaucoup de prix, et les choses acquièrent la gloire avec le temps. Quant à toi, si un jour tu lis mes vers, pense qu’ils sont anciens : ils te paraîtront ainsi meilleurs.

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265 Mayer = I, 305 Teleki Contre Ugo Alors que je suis plus riche et plus jeune que toi, Ugo, que je l’emporte par l’illustre noblesse de mon sang, que je suis un meilleur poète, et que je te surpasse par la beauté de mon apparence, pourquoi aucune ne se donne à moi, pourquoi aucune ne se refuse à toi ? Ne seraient-ce pas les bains qui t’ont rendu récemment si attirant ? 5 Car beaucoup y ont vu ta verge, une verge telle que n’en avait pas l’âne qui portait Silène, une verge digne du dieu de l’Hellespont 472. Assurément c’est à elle que toutes les jeunes filles ont voué leur adoration, c’est elle seule qui écrase, qui anéantit mes qualités. 10 471 Les juges en question sont les théoriciens anciens de la langue et du style (par exemple QUINTILIEN, Institution oratoire I, 8, 14), qui parlent de métaplasme pour un barbarisme en poésie, c’est-à-dire quand il y a modification de la structure prosodique du mot. Il s’agit d’une licence poétique. Mais Paulus, lui, commet de vrais barbarismes et solécismes. 472 Silène est un vieillard souvent ivre qui fait partie du cortège de Bacchus ; on le représente habituellement porté par un âne, animal auquel les Anciens attribuent de grandes capacités sexuelles. Le dieu de l’Hellespont est Priape, originaire de la ville de Lampsaque, sur l’Hellespont (actuel détroit des Dardanelles).

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266 Mayer = I, 314 Teleki In Vgonem In re uis omni sapiens nimis, Vgo, uideri ; sed minus ille sapit, qui nimis, Vgo, sapit. 267 Mayer = I, 326 Teleki In Vgonem Barbara me mater quod protulit, obicis, Vgo. De Phrygia nati sunt genitrice dei. 268 Mayer = I, 307 Teleki In Theodorum Antiquarius es nimium, Theodore, nec illis uteris in nitido quae Cicerone legis, sed Plauti tibi uerba placent, et si qua proteruus incidit priscis Appius in tabulis. Nec nisi sumpta probas de docto nomina Festo quondam roboreis illita caudicibus. At Cadmi linguam non affectauit Homerus, nec Numa Pilumni, Scipiadesue Numae. Quodsi bella negas, culto quae protulit usu, aetas bis senis inclita Caesaribus, iam, licet, usurpes, quae dixit Tullus et Ancus, quae fratri et tenero tradidit Acca Remo, uel potius Fauno Picus, Faunusue Latino, Euandri quibus est uaticinata parens,

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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266 Mayer = I, 314 Teleki Contre Ugo En toutes choses tu veux paraître sage à l’excès, Ugo ; mais il n’est guère sage, celui qui est sage à l’excès, Ugo. 267 Mayer = I, 326 Teleki Contre Ugo Tu me reproches, Ugo, d’avoir été enfanté par une mère barbare 473. Des dieux sont nés d’une mère phrygienne 474. 268 Mayer = I, 307 Teleki Contre Theodorus Tu chéris l’antiquité à l’excès, Theodorus : tu ne te sers pas des mots que tu lis chez l’élégant Cicéron, mais ce sont les mots de Plaute qui te plaisent, et ceux que l’impudent Appius a gravés sur les vieilles tables de loi 475. Tu n’approuves que les termes empruntés au savant Festus 476, et qui ont été appliqués jadis sur des troncs de chêne. Pourtant Homère n’a pas recherché la langue de Cadmus, ni Numa celle de Pilumnus, ou les Scipions celle de Numa 477. Si tu refuses les mots de bon aloi qu’a proférés sur un mode soigné l’époque illustre des douze Césars 478, il t’est alors possible d’employer ceux qu’ont prononcés Tullus et Ancus, ceux qu’Acca a enseignés au tendre Rémus et à son frère, ou plutôt Picus à Faunus, et Faunus à Latinus, ceux avec lesquels a prophétisé la mère d’Évandre,

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Il y a ici un jeu de mots, car la mère de Pannonius s’appelait Barbara, voir l’épigramme 388 et BIRNBAUM (1981), p. 100-101. 474 Cybèle, la grande déesse de la Phrygie (région de l’Asie mineure antique), était appelée la Mère des Dieux ou la Grande Mère. On la considérait souvent comme une incarnation de Rhéa, la mère de Zeus et d’autres dieux. 475 Appius Claudius Sabinus est l’un des décemvirs chargés à Rome au milieu du Ve siècle avant notre ère de mettre par écrit le droit (Lois des douze tables). Mais les décemvirs, et Appius Claudius en particulier, se comportèrent en tyrans, ce qui explique l’adjectif proteruus. 476 Festus est un grammairien latin du IIe siècle qui explique la signification de mots anciens et/ou rares. 477 Cadmus est le fondateur mythique de Thèbes, Numa le deuxième roi de Rome, Pilumnus une divinité romaine mal connue. 478 Les douze premiers empereurs, dont Suétone a écrit les biographies.

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exul quae Latiis didicit Saturnus in oris, qualia non uno Ianus ab ore dabat. Scilicet istud agis, solum miremur ut omnes. Falleris ; haud tali gloria calle uenit. Sit tibi praesentum sermo, sit uita priorum, laudari si uis et, Theodore, legi. 269 Mayer = I, 308 Teleki Cur stellatum sit caelum Ante fuit simplex caeli color ; ast ubi furto Titanum paene est regia capta Iouis, arcis Olympiacae tum demum in turribus altis astrorum excubias disposuere dei. 270 Mayer = I, 309 Teleki In non restituentem mutuum Plus me te perdis, data quod duo reddere non uis : si duo reddisses, mille daturus eram. 271 Mayer = I, 320 Teleki De negante mutuum Mutua nescio cui dederam duo nuper amico, accepisse tamen perfidus ille negat. Iactura o felix, o nobis utile damnum ! Si duo soluisset, mille daturus eram.

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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ceux que Saturne exilé a appris sur les rivages du Latium 15 et ceux que Janus émettait de ses deux bouches 479. Tu agis évidemment ainsi dans le seul but de susciter notre admiration à tous. Mais tu te trompes : la gloire ne vient pas par un tel chemin. Aie le langage de maintenant et les mœurs d’autrefois si tu veux, Theodorus, être loué et lu. 20 269 Mayer = I, 308 Teleki Pourquoi le ciel est étoilé Auparavant la couleur du ciel était unie ; mais depuis que par la ruse des Titans 480 le palais de Jupiter a presque été pris, les dieux ont placé une garnison d’étoiles sur les hautes tours de la citadelle de l’Olympe. 270 Mayer = I, 309 Teleki Contre un homme qui ne rendait pas un prêt Tu perds plus que moi, en ne voulant pas rendre les deux pièces données : si tu m’avais rendu les deux, j’étais prêt à t’en donner mille. 271 Mayer = I, 320 Teleki Sur un homme qui niait un prêt J’avais prêté récemment deux pièces à je ne sais quel ami, le perfide nie cependant les avoir reçues. Ô perte heureuse, ô préjudice avantageux ! S’il m’avait remboursé les deux, j’étais prêt à lui en donner mille.

479 Tullus Hostilius et Ancus Martius sont des rois de Rome, Acca Larentia la mère adoptive de Romulus et Rémus, Picus, Faunus son fils et Latinus son petit-fils des anciens rois du Latium ; la mère d’Évandre est la nymphe Carmenta, qui possédait le don de prophétie ; Saturne détrôné par Jupiter s’installa sur le Capitole à l’emplacement de la Rome future ; enfin le dieu Janus a deux visages, et donc deux bouches. Grosso modo, cette énumération humoristique remonte dans le temps. 480 Zeus-Jupiter, avec l’aide de ses frères, déclara la guerre à son père CronosSaturne, qui avait pour alliés les Titans. La lutte entre les Titans et les Olympiens dura dix ans, jusqu’à ce que les seconds l’emportent. Cependant il est possible que Pannonius fasse ici une confusion avec d’autres monstres de la mythologie qui cherchèrent à détrôner les dieux de l’Olympe, par exemple les Aloades et les Géants pour lesquels le terme de furtum conviendrait mieux (ce serait alors une allusion à la tentative d’escalader le ciel en entassant des montagnes).

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272 Mayer = I, 313 Teleki In Guidonem Cum sis pauperior Codro uel Iro, cur diues, Guide, quaeris aestimari ? Conducti tibi quid, rogo, clientes, quid falso uirides uitro smaragdi, quid mentita Tyron lacerna prodest, sortis praestigiae beatioris ? An passim tibi ducis inuideri, nec cuiquam esse putas cor aut ocellos ? Sed iam te licet esse ditiorem Lydorum simul et Phrygum tyrannis ostendas, Guide ; credimus, fatemur, dum sis pauperior Codro uel Iro.

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273 Mayer = I, 330 Teleki In Lippum Mendicissime de meis amicis, si censum tibi, Lippe, dent equestrem mensores leuium dei bonorum, iam numquid eris memor sodalis ? « Vel centum tibi mutuabo nummos, nec totis, ais, exigam Calendis ». Nolo sim tibi, Lippe, tam molestus ; istud, nunc quod es, esse perseuera.

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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272 Mayer = I, 313 Teleki Contre Guido Alors que tu es plus pauvre que Codrus et Irus 481, pourquoi, Guido, cherches-tu à passer pour riche ? À quoi te servent, je te le demande, ces clients dont tu loues les services, ces émeraudes vertes dont la pierre est fausse, ce manteau qui imite la pourpre ‒ illusions d’une condition fortunée ? T’imagines-tu par hasard qu’on t’envie partout, et que personne n’a d’esprit ni d’yeux 482 ? Mais allons, tu peux te montrer plus riche que les rois de Lydie et de Phrygie 483 réunis, Guido ; nous le croyons, nous l’admettons, quoique tu sois plus pauvre que Codrus et Irus.

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273 Mayer = I, 330 Teleki Contre Lippus Si, Lippus, le plus miséreux de mes amis, les dieux, qui mesurent les biens périssables, te donnent le cens équestre 484, te souviendras-tu de ton camarade Janus ? « Je te prêterai jusqu’à cent pièces, et ne viendrai pas réclamer à toutes les calendes 485 ». Je ne veux pas, Lippus, te causer tant d’ennuis : continue à être ce que tu es à présent.

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Codrus est un mendiant cité par JUVÉNAL 3, 203 et Irus un mendiant effronté d’Ithaque assommé par Ulysse selon l’Odyssée 18, 1-109. Leur pauvreté était passée en proverbe (cf. ÉRASME, Adages 576). 482 Le diminutif ocellus est ici une commodité métrique : Pannonius a besoin d’une avant-dernière syllabe longue. 483 C’est-à-dire Crésus et Midas, voir l’épigramme 85. 484 Dans la Rome ancienne l’ordre équestre, le deuxième ordre de l’État, est défini par un certain chiffre de fortune (le cens), assez élevé. 485 Les intérêts des prêts venaient à échéance aux calendes de chaque mois (cf. HORACE, Satires I, 3, 86-88 ; MARTIAL VIII, 44, 11). Lippus donc acceptera un paiement différé des intérêts, voire peut-être fera grâce du montant de quelques échéances. C’est évidemment mesquin par rapport à la richesse que suppose le cens équestre. Le nom de Lippus signifie « chassieux », suggérant par là un personnage répugnant. 481

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274 Mayer = I, 333 Teleki In Syllam Cum debes mihi, Sylla, fingis iram, ne te scilicet aes meum reposcam, sed dicam : « Tibi habe, modo grauari desistas, et, ut ante, sis amicus ». At numquam hoc ego dixerim, sed illud : « Quantum me libet oderis, licebit, obtrectes, miniteris, insequaris, dum tantum mihi creditum refundas ». 275 Mayer = I, 334 Teleki De Thespi et Aeschylo Primus plaustrisono mirandus carmine Thespis unxit picta sui faecibus ora chori. Proximus ingentem traxit per pulpita pallam Aeschylus, et fictas addidit arte genas. 276 Mayer = I, 335 Teleki De Thespi Coepit sordidus ore faeculento plaustris carmina uectitare Thespis. 277 Mayer = I, 336 Teleki In Cyprianum Quo tibi personam ? Nudo licet ore uageris, omnes laruatum te, Cypriane, putant.

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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274 Mayer = I, 333 Teleki Contre Sylla Quand tu me dois quelque chose, Sylla, tu simules la colère, évidemment pour que je ne te réclame pas mon argent et que je te dise : « Garde-le pour toi, à condition de ne plus être fâché et de redevenir mon ami comme avant ». Cependant je ne te dirai jamais cela, mais plutôt : « Tu peux me haïr autant que tu veux, me dénigrer, me menacer, m’attaquer, pourvu seulement que tu me restitues ce que je t’ai prêté ».

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275 Mayer = I, 334 Teleki Sur Thespis et Eschyle 486 Le premier, Thespis, admirable par ses vers débités d’un chariot, enduisit de lie le visage barbouillé de son chœur 487. Ensuite Eschyle amena sur les tréteaux le manteau d’apparat, et ajouta des joues façonnées avec art 488. 276 Mayer = I, 335 Teleki Sur Thespis Thespis, le visage souillé de lie, commença à transporter ses vers sur des chariots. 277 Mayer = I, 336 Teleki Contre Cyprianus À quoi bon portes-tu un masque ? Tu peux te promener le visage découvert, Cyprianus, tout le monde te croit un spectre 489. Variation sur HORACE, Art poétique 276-279. Thespis, à la fois auteur et acteur, serait l’inventeur du genre tragique en Grèce. Il se déplaçait de bourgade en bourgade sur un chariot depuis lequel il déclamait ses pièces avec ses acteurs, le visage barbouillé de lie. 488 Eschyle, selon Horace, aurait inventé l’estrade scénique (« les tréteaux »), la longe robe des acteurs tragiques et le masque (« les joues façonnées avec art »). L’invention du masque est en général attribuée plutôt à Thespis (voir la notice de la Souda). 489 Jeu de mots difficile à rendre : Cyprianus porte un masque, apparemment pour cacher la laideur de son visage, mais c’est inutile, car tout le monde sait qu’il a l’air d’un spectre ; de plus larua, « spectre », est une injure en latin. On a fait allusion en 248 à la question de l’ordre des épigrammes. Ici, le thème du masque fait un lien avec les deux épigrammes précédentes. 486 487

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278 Mayer = I, 337 Teleki In eumdem Quod totiens ficta tua uelas ora figura, non solo facis hoc, tu Cypriane, ioco, sed magis ut foedus tali sub imagine uultus deliteat ; laruam sic tibi larua tegit. 279 Mayer = I, 209 Teleki Ad Marcellum Non ego te idcirco uatem, Marcelle, negarim, uulgares numeros quod tua Musa sonat. Quid refert, qua quis scribat bona carmina lingua ? Laudamus mutam, si bene cantat, auem. 280 Mayer = I, 338 Teleki De se ipso Ille ego et haec cecini Drauum generatus ad altum ; perlege et haec, si quis cetera forte legis.

281 Mayer = I, 339 Teleki De uersibus Marcelli a se Latine expressis Saepe suas flammas ueteres fleuere poetae, cuilibet et pro se Musa diserta fuit. Nos in amore rudes Marcelli lusimus ignis, quos modo uulgari luserat ille lyra.

ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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278 Mayer = I, 337 Teleki Contre le même personnage Si tu voiles si souvent ta face derrière une figure d’emprunt, ce n’est pas seulement par jeu, Cyprianus, mais bien plutôt pour que ton visage hideux soit caché sous une telle image : ainsi le masque couvre le spectre 490. 279 Mayer = I, 209 Teleki À Marcello 491 Je ne saurais te nier le titre de poète, Marcello, sous prétexte que ta Muse s’exprime en langue vulgaire. Qu’importe la langue quand le poème est bon ? On loue l’oiseau privé de la parole 492 s’il se met à bien chanter. 280 Mayer = I, 338 Teleki Sur lui-même C’est moi qui ai composé ces vers, moi, né sur les bords de la Drave profonde 493 ; lis-les aussi, si par hasard tu lis le reste 494. 281 Mayer = I, 339 Teleki Sur les vers de Marcello qu’il a traduits en latin Souvent les poètes anciens ont gémi sur la passion qui les enflammait, et la Muse pour chacun se faisait éloquente. Nous qui sommes ignorant en amour, nous nous sommes amusé à rendre les feux que Marcello venait d’exprimer sur la lyre vulgaire 495. 490 Jeu de mots analogue à celui du poème précédent : Cyprianus a l’air d’un spectre, d’un fantôme (larua), et il couvre donc son visage d’un masque (sens ici de larua). 491 Jacopo Antonio Marcello, voir l’épigramme 55. 492 Comme tous les animaux, l’oiseau est muet, c’est-à-dire privé du langage (cf. LUCRÈCE 5, 1059-1088). La pointe de l’épigramme place clairement la langue vulgaire à un niveau inférieur. 493 Pannonius est né en Slavonie dans un petit village qui n’est pas véritablement sur les bords de la Drave, mais entre la Drave et la Save. 494 Ce second vers (inspiré de MARTIAL XII, 5, 4) n’est pas entièrement clair. On peut supposer que le distique introduisait un poème (peut-être la pièce 281 ou 282) servant lui-même de préface à une composition plus longue (peut-être la traduction latine des vers de Marcello). BARRETT (1985), p. 220 fait de cette pièce le début de la suivante. 495 C’est-à-dire en langue italienne.

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ÉTIENNE WOLFF

Siue uoles cultos Itala testudine rhythmos, ille dabit, quales ante Petrarca dedit ; seu cupies elegos Latia sub lege sonantes, sumetur uacuo pagina nostra tibi.

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282 Mayer = I, 340 Teleki De eodem Saepe suos ignes ueteres cecinere poetae, cuilibet et pro se Musa diserta fuit. Ipse in amore rudis Marcelli incendia lusi, ille ego Pannoniae gloria prima meae.

283-284 Mayer = I, 341 Teleki Ad amicam Agnes, uita, tuos, quotiens contemplor ocellos, sidera me totiens bina uidere puto, sidera sed toto longe pulcherrima caelo, qualia sunt nitido cum Ioue nostra Venus, aut inter fixos stellarum Sirius ignes, Sirius Arcturo si coeunte micet. 285 Mayer = I, 342 Teleki In Malchum Ieiunam tolerare sitim, sudare sub armis, frigus et insani caumata ferre Canis, cum belle possis haec omnia, non potes illud : ne, facias, male sit, cum bene, Malche, tibi est.

5

ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

Si tu veux les rythmes que cultive la cithare italienne, il t’en produira qui valent ceux que Pétrarque a produits dans le passé 496 ; si tu désires les vers élégiaques dont le mètre obéit à la loi latine, tu prendras notre page quand tu seras de loisir.

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282 Mayer = I, 340 Teleki Sur le même sujet Souvent les poètes anciens ont chanté les feux de leur passion, et la Muse pour chacun se faisait éloquente. Moi, qui suis ignorant en amour, je me suis amusé à rendre les ardeurs de Marcello, moi la première gloire de ma Pannonie 497. 283-284 Mayer = I, 341 Teleki À son amie 498 Agnès, ma vie, chaque fois que je contemple tes petits yeux, je crois voir deux astres, mais des astres de loin les plus beaux de tout le ciel, tels que sont notre Vénus et l’éclatant Jupiter, ou Sirius, s’il brillait uni à Arcturus 499 parmi les feux immobiles des planètes.

5

285 Mayer = I, 342 Teleki Contre Malchus Tu peux endurer la soif desséchante, suer sous les armes, supporter le froid et les brûlures de la folle Canicule ; tu peux tout cela joliment, mais il y a une chose dont tu es incapable : c’est de ne pas aller mal quand tout va bien pour toi, Malchus 500.

496

Allusion à la poésie italienne de Pétrarque, principalement le Canzoniere et les Trionfi. 497 Voir l’épigramme 45. 498 L’édition de MAYER (2006) divise en deux pièces différentes, à tort selon nous, cette épigramme au reste assez fade dans ses hyperboles. Au premier vers, quoique la presque totalité des manuscrits et MAYER (2006) donnent alte, « profondément », à associer au verbe contemplor, nous écrivons Agnes avec l’édition de 1559. 499 Depuis la Terre, Sirius est l’étoile la plus brillante du ciel après le Soleil. Quant à Arcturus, c’est une des étoiles les plus lumineuses de l’hémisphère nord. 500 Malchus est le nom d’un moine syrien dont la vie a été écrite par saint Jérôme.

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286 Mayer = I, 343 Teleki In Senecam lippum Quid, Seneca, obtusos frustra causaris ocellos ? Ingenium clades adiuuat ista magis. Testis Democritus, qui, quo sapientior esset, luminibus tenebras intulit ipse suis. Caecus erat Cyclops, calamis cum dulce creparet, cum caneret Troiam, caecus Homerus erat. Caecus et ille senex, Pyrrho qui pace negata, reppulit a Latio dedecus imperio. Stesichorus sonuit melius, cum lucis egebat ; plus etiam Thamyrim tunc placuisse ferunt. Caecum diuitiis dominatur numen ; an hoc est, tam male quod mundi distribuuntur opes ? Caecus Amor, Graio si uerum carmine lusit Sicelis arguti fistula Simichidae.

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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286 Mayer = I, 343 Teleki Contre Seneca le chassieux 501 Pourquoi, Seneca, allègues-tu en vain tes pauvres yeux affaiblis ? Ce malheur favorise plutôt l’esprit 502. Témoin Démocrite qui, pour devenir plus sage, amena lui-même les ténèbres sur ses yeux 503. Le Cyclope était aveugle quand il tirait de sa flûte une douce musique 504, 5 Homère était aveugle quand il chantait Troie 505. Était aussi aveugle le vieillard qui, en refusant la paix à Pyrrhus, écarta le déshonneur de l’empire du Latium 506. Stésichore composa de meilleurs vers, une fois privé de la lumière 507 ; et Thamyris, rapporte-t-on, charma alors encore davantage 508. 10 Une puissance aveugle commande aux richesses 509 : est-ce pour cela que les ressources du monde sont si mal réparties ? L’Amour est aveugle, si l’ingénieux Simichidas 510, avec sa syrinx sicilienne, a déclaré la vérité dans les chants grecs qu’il s’est amusé à écrire.

501

Tommaso Seneca da Camerino, poète et historien italien de langue latine (vers 1390-1472). 502 Seneca devait alléguer ses yeux malades pour se justifier de ne plus écrire ou d’écrire avec moins de réussite. 503 Le philosophe Démocrite se serait privé volontairement de la vue, pour que sa pensée ne soit pas troublée par les distractions que le sens de la vue fait naître, voir CICÉRON, Tusculanes 5, 114 ; AULU-GELLE X, 17. 504 Il s’agit du Cyclope Polyphème, qui, amoureux de Galatée, jouait de la flûte pour la séduire, cf. OVIDE, Métamorphoses 13, 784-786. Il n’était pas aveugle alors, puisqu’Ulysse ne lui avait pas encore crevé son œil unique. 505 Les auteurs anciens ont souvent souligné qu’Homère, bien qu’il fût aveugle, a parfaitement su décrire toutes choses, cf. CICÉRON, Tusculanes 5, 114. 506 La périphrase désigne Appius Claudius, qui repoussa en 280 avant notre ère les propositions de paix de Pyrrhus, cf. CICÉRON, Caton l’Ancien 16. Pannonius s’inspire dans le vers 7 d’OVIDE, Fastes 6, 203. 507 Le poète grec Stésichore, ayant diffamé Hélène, fut rendu aveugle par Castor et Pollux, ses frères, mais recouvra la vue lorsqu’il eut composé une palinodie ; voir PLATON, Phèdre 243A ; HORACE, Épodes 17, 42-44. Les meilleurs vers dont parle Pannonius renvoient à cette palinodie. 508 Thamyris, musicien mythique, tenta de rivaliser avec les Muses, mais il fut vaincu et les déesses, irritées, l’aveuglèrent et le privèrent de son habileté musicale (cf. HOMÈRE, Iliade 2, 594-600). Pannonius modifie la légende. 509 Ploutos, dieu de la richesse, est aveugle (cf. ARISTOPHANE, Ploutos 90-91 ; THÉOCRITE, Idylles 10, 19), parce qu’il attribue indifféremment ses faveurs aux bons et aux méchants. 510 Simichidas est le pseudonyme sous lequel le poète THÉOCRITE, né à Syracuse, se désigne lui-même, cf. Idylles 7, 21. C’est dans Idylles 10, 20 qu’un personnage déclare l’Amour aveugle.

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Quid, quod et ipsa caret nitido Rhamnusia uisu, omnia quae rapidae uentilat orbe rotae ? Hoc tamen illa unum recte iustissima uidit, quod de te, Seneca, reddidit Oedipodem.

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287 Mayer = I, 345 Teleki De Narcisso Visa in aquis suamet Narcissum torsit imago ; Pygmalion mutum stultus amauit ebur. 288 Mayer = I, 346 Teleki De se qui amare coeperat Quod mihi diuino tu saepius ore solebas dicere, nunc, Michael, exitus ecce probat. Haesimus, et totis concepimus ossibus ignem, concidit et tandem spiritus ille meus, cum te dementem dementia nostra uocabat, cum mox ridendo tu mihi risus eras. Quare in amore rudi, doctissimus ipse, sodali, consilium, quaeso, confer et auxilium.

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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Que dire de la déesse de Rhamnonte elle-même 511, qui, sans avoir une bonne vue, 15 fait tourner toutes choses sur le cercle de sa roue rapide ? Et cependant elle a, avec une très grande justice, été clairvoyante sur un point : en faisant de toi, Seneca, un Œdipe 512. 287 Mayer = I, 345 Teleki Sur Narcisse Sa propre image vue dans les eaux a obsédé Narcisse ; Pygmalion dans sa folie a aimé de l’ivoire sans voix 513. 288 Mayer = I, 346 Teleki Sur lui-même, quand il avait commencé à aimer Ce que tu avais l’habitude de me dire de ta bouche prophétique, Michael, est à présent justifié par l’événement. Je suis pris, un feu a pénétré tous mes os, et enfin mon orgueil est tombé, sous l’effet duquel, dans ma folie, je te traitais de fou et me riais de toi − alors que je devais bientôt prêter à rire. Aussi, toi qui es très savant en amour, apporte à ton camarade ignorant en cette matière, de grâce, conseil et secours 514.

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511 La déesse de Rhamnonte est Némésis, qui avait un sanctuaire célèbre dans cette petite ville de l’Attique. Némésis personnifie la vengeance divine qui abat notamment toute démesure humaine. Ici elle est confondue avec la Fortune, comme le montre l’allusion à la roue. C’est du reste la Fortune, et non Némésis, qu’on dit (métaphoriquement) aveugle, cf. OVIDE, Pontiques IV, 8, 16 ; SÉNÈQUE, Phéniciennes 632. 512 Œdipe s’est crevé les yeux pour se punir de ses crimes. Pannonius suggère que la maladie oculaire de Seneca est un châtiment divin pour ses fautes ou ses vices. L’épigramme est complexe. Dans un premier temps (vers 1-10) Pannonius montre par une série d’exemples que la cécité, loin d’empêcher l’intelligence ou le talent, les favorise. Dans un second temps (vers 11-16), au contraire, il cite un certain nombre de puissances aveugles dont le comportement est arbitraire voire inique. Il conclut (vers 17-18) en expliquant que Némésis/Fortune, quoique habituellement aveugle, a fait preuve de clairvoyance en frappant Seneca. 513 Pygmalion devint amoureux d’une statue d’ivoire représentant une femme qu’il passe souvent pour avoir sculptée lui-même. L’épigramme est peut-être incomplète. 514 Le ton de cette épigramme est élégiaque, d’où les souvenirs de PROPERCE II, 3, 2 aux vers 3-4.

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289 Mayer = I, 347 Teleki Ad Magdalenam Commater mea, Magdalena, quantis te possum precibus misellus oro, praestes auxilium meo furori. Priscam depereo tuam propinquam, hanc, quae continuis fere diebus ad te uentitat assequente nullo, tecum lusitat, ambulat, lauatur, tecum cantilat, et tuos per hortos ceruo saltitat ocior quadrimo. Noui, quam tibi nil neget iubenti, quantum consilio tuo acquiescat. Tu si praecipias, diebus octo potum non capiet, cibo abstinebit. Commenda, precor, huic meos amores, neu me despiciat, mone propinquam ; quodsi plus aliquid mihi ordinares, illud quod prohibet pudor fateri, donarem tibi quicquid ipsa uelles. 290 Mayer = I, 222 Teleki In Priscam Quid tibi cum claudo, dicebam, Prisca, marito ? « Optimus est claudus », Prisca, « fututor » ait. 291 Mayer = I, 349 Teleki Optat coitum puellae Agnes, da mihi, quod tuo marito, quod si des, tamen inde nil peribit, ambos quod pariter datum iuuabit, ad quod uos opifex deus creauit,

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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289 Mayer = I, 347 Teleki À Magdalena Magdalena, ma commère, je te supplie, dans mon malheur, avec toutes les prières possibles, apporte ton aide à ma passion furieuse. Je meurs d’amour pour ta parente Prisca, celle qui tous les jours ou presque vient chez toi sans être accompagnée, qui avec toi joue, se promène, se lave, chante, et dans ton jardin danse 515 avec plus d’agilité qu’un faon de quatre mois. Je sais qu’elle ne refuse rien quand tu le lui demandes, et à quel point elle acquiesce à ta volonté. Si tu le lui prescrivais, pendant huit jours elle ne prendrait rien à boire et s’abstiendrait de nourriture. Dévoile-lui mon amour, je t’en prie, engage-la à ne pas me repousser ; et si tu lui ordonnais en ma faveur quelque chose de plus, que la pudeur empêche de dire, je te donnerais tout ce que tu voudrais.

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290 Mayer = I, 222 Teleki Contre Prisca Qu’as-tu à faire d’un mari boiteux, Prisca ? demandais-je. « Le boiteux baise parfaitement 516 », me répond Prisca. 291 Mayer = I, 349 Teleki Il souhaite les faveurs d’une jeune femme Agnès, accorde-moi ce que tu accordes à ton mari ; ce qui, si tu l’accordes, restera cependant entier 517 ; ce qui, quand tu l’accorderas, nous fera plaisir également à tous deux ; ce pour quoi le dieu artisan vous a créées ;

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On notera dans l’évocation des activités de la jeune fille les verbes fréquentatifs (uentitat, lusitat, saltitat) et les homéotéleutes. 516 Proverbe grec qui signifie, soit qu’il faut savoir se contenter de ce qu’on a quand on a l’essentiel, soit qu’un handicap physique n’empêche pas d’accomplir les actes essentiels de la vie. Voir LEUTSCH / SCHNEIDEWIN (1839-1851), t. I (DIOGENIANOS 2, 2). 517 Les deux premiers vers sont clairement inspirés d’une pièce des Priapées (3, 1-2).

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quod si non foret, unde gigneremur, quod mater tua si patri negasset, nec tu nata fores, tui nec isti qui me urunt facibus suis ocelli, semper quod dare feminae potestis, semper sumere quod uiri nequimus, quod praesens placet, urit adfuturum, nec triste est, nisi quando non habetur, quod terram replet, et profunda ponti, quo iucundius esse nil putatur, primo quod dare uirgines recusant, aeternum dare deinde concupiscunt, quod dat Iuno Ioui, Venus Gradiuo, quod mortalibus et deae dederunt, quod tu si dederis, lucrum assequeris, quod si non dederis, diu dolebis. Respondet nihil, ergo iam negauit, sed ridet tamen, ergo iam spopondit. 292 Mayer = I, 350 Teleki Ad Georgium Nil mihi das, quando tristi das fronte, Georgi : larga suam faciem debet habere manus.

293 Mayer = I, 354 Teleki De corporibus mathematicis Punctum sit, cuius non possis sumere partem. Extento gracilis decurrat linea puncto. Inde superficiem geminato linea tractu

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

ce sans quoi, si cela n’existait pas, nous ne serions pas conçus 518 ; ce sans quoi, si ta mère l’avait refusé à ton père, tu ne serais pas née, ni tes petits yeux qui me brûlent de leurs torches ; ce que toujours vous les femmes pouvez donner, et que nous les hommes ne pouvons pas toujours prendre 519 ; ce qui plaît quand il est présent, brûle quand on l’attend, et n’apporte de tristesse que si l’on en est privé ; ce qui remplit la terre et les profondeurs de la mer 520 ; ce qui passe pour la chose la plus agréable ; ce que d’abord les jeunes filles refusent d’accorder, et qu’ensuite elles désirent accorder sans cesse ; ce que Junon accorde à Jupiter, Vénus à Mars Gradivus 521, ce que même des déesses ont accordé à des mortels 522 ; ce que tu gagneras à accorder, ce que tu regretteras longtemps de n’avoir pas accordé. Elle ne répond rien, donc elle a déjà refusé ; mais pourtant elle rit, donc elle a déjà promis.

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292 Mayer = I, 350 Teleki À Georgius C’est comme si tu ne donnais rien quand tu donnes quelque chose d’un air renfrogné, Georgius : la main généreuse doit avoir le visage qui lui correspond. 293 Mayer = I, 354 Teleki Sur les corps mathématiques 523 Le point est ce à quoi on ne peut enlever une partie. L’extension du point trace une ligne fine. Ensuite la ligne en doublant son trait produit une surface, 518 Il faut sous-entendre un non foret introduisant unde gigneremur, ou considérer unde gigneremur comme une interrogation directe à l’irréel. 519 Parce que les hommes ne sont pas toujours sexuellement opérationnels (cf. LE POGGE, Facéties 47). 520 L’acte d’amour assure la reproduction et peuple l’univers. 521 Gradivus (« qui marche en avant ») est une épiclèse de Mars. 522 Par exemple Vénus à Anchise, Thétis à Pélée, etc. 523 Ce poème et le suivant sont des variations poétiques sur des théories mathématiques exposées par MACROBE dans son Commentaire au Songe de Scipion (voir les références dans MAYER [2006]). Le subjonctif employé dans l’ensemble des deux textes (avec l’exception curieuse de ambit à la fin de la pièce 293) doit se comprendre comme l’expression du style indirect, ou comme une manière de formuler une définition.

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efficiat, nullo pateat quae lata profundo. Bina superficies solidi uim corporis edat, quod longo et lato dimensum constat et alto. Tessera, seu cubus, seu quadrantale uocatum, quod promptum semper quouis consistere iactu, sena superficies, octonus et angulus ambit.

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294 Mayer = I, 355 Teleki De monade et dyade numeris Quod sit prima monas summae deitatis imago, mascula diuiduas admittere nescia partes, non numerus, uerum numeri pollentis origo, haec dyadem geminata creet, quam prima secari possit, et imbellem referat, ceu femina, sexum.

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295 Mayer = I, 356 Teleki Ad Lazarum Valde crassus homo es, crebro mi, Lazare, dicis. Qui te non nouit, Lazare, crassus homo est. 296 Mayer = I, 357 Teleki Ad Iustinam Mel, Iustina, meum, mea cara sororcula, quare missa remisisti munera nostra tibi ? Non ideo misi, quo te corrumpere uellem, ‒ sit procul a nobis hic, mea uita, furor ‒, sed magis ut scires, quam te deuotus amarem : uult aliquo nosci pignore castus amor. Qualiter offensam ualeas pensare, requiris ? Tu mihi fac mittas, ut nec ego accipiam.

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

qui, large, ne s’ouvre nullement en profondeur. Deux surfaces génèrent l’essence d’un corps solide qui a des dimensions en longueur, en largeur et en profondeur. Le dé, appelé aussi cube ou volume carré, toujours prêt à s’arrêter sur n’importe quel chiffre, est enfermé dans six surfaces et huit angles.

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294 Mayer = I, 355 Teleki Sur les nombres monade et dyade 524 La monade, début des choses, image de la divinité suprême, qui est masculine et ne peut admettre d’être divisée en parties, n’est pas un nombre, mais l’origine de la multiplicité des nombres ; doublée elle crée la dyade, qui est le premier nombre sécable, et qui, en tant que féminine 525, reproduit le sexe faible 526.

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295 Mayer = I, 356 Teleki À Lazarus Tu es un homme vraiment grossier, me dis-tu fréquemment, Lazarus. Si on ne te connaît pas, Lazarus, on est un homme grossier 527. 296 Mayer = I, 357 Teleki À Justina Justina, mon miel, ma chère petite sœur, pourquoi m’as-tu renvoyé les cadeaux que je t’avais envoyés ? Je ne les ai pas envoyés dans l’intention de te séduire ‒ loin de moi une telle folie, ma vie ‒, mais plutôt pour que tu saches avec quel dévouement je t’aime : 5 l’amour chaste veut se faire connaître en donnant un gage de sa foi. Tu me demandes comment tu pourrais contrebalancer cette offense ? Fais en sorte de m’envoyer quelque chose que moi non plus je ne saurais accepter 528.

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C’est-à-dire les nombres un et deux. Les nombres pairs sont féminins, les impairs masculins. 526 Multiplié, un nombre pair donne toujours un nombre pair. 527 L’épigramme semble vouloir dire que Lazarus n’a d’estime que pour ses proches. 528 Pannonius souhaite recevoir de Justina des cadeaux qui prouveraient son amour pour lui et qu’il feindrait de ne pouvoir accepter. Car l’épigramme est ironique : le je-poète recherche en réalité les faveurs de Justine tout en affirmant que ses sentiments sont purs. 525

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297 Mayer = I, 365 Teleki (Sine lemmate) Turris auiclarum, quae cincta palustribus undis instrepit argutis persona passeribus, ……… 298 Mayer = I, 366 Teleki In Pindolam Quid mihi nescio cur arrides, Pindola, semper, istud non noui, qua ratione facis. Nil umquam de te merui bene, nil tibi certe ante dedi, sed nec forte deinde dabo. Crustula tu nobis tamen et diapasmata donas, uel ficos plena castaneasue manu. Saepe ultro calamum largiris, saepe papyrum, saepe mihi dicis : « Sum tuus, esto meus ». Qui reblandiri norunt, blandire Latinis, Pindola, dedidici nondum ego barbariem. 299 Mayer = I, 369 Teleki In Pindolam O scelus, o facinus ! Quare mihi saepe solebas, Pindola, blandiri, iam scio, iam uideo. Quippe meum (pudet heu !) paedicas ecce sodalem, nam sic praeceptor nominat illud opus,

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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297 Mayer = I, 297 Teleki (Sans titre) Une tour aux petits oiseaux 529 qui 530, entourée d’eaux marécageuses, retentit de toute part du gazouillis des moineaux, …….. 298 Mayer = I, 366 Teleki Contre Pindola Pourquoi tu m’adresses toujours une sorte de sourire, Pindola, j’en ignore la raison 531. Je ne t’ai jamais rendu de service, je ne t’ai assurément fait aucun cadeau dans le passé et il n’y a pas non plus de chance 532 que je t’en fasse dans l’avenir. Toi cependant tu me donnes des gâteaux et des pastilles parfumées, 5 des figues ou des châtaignes à pleine main. Souvent, sans que je te demande rien, tu m’offres une plume, du papier, souvent tu me dis : « Je suis à toi, sois à moi ». Montre-toi caressant avec les Latins qui savent répondre aux caresses, Pindola, moi je n’ai pas encore désappris la barbarie 533. 10 299 Mayer = I, 369 Teleki Contre Pindola Ô scélératesse, ô crime ! Pourquoi tu avais l’habitude 534, Pindola, de te montrer caressant avec moi, désormais je le sais, je le vois. Car tu sodomises (ah ! quelle honte !) mon camarade ; c’est ainsi que le maître 535 nomme cette besogne, 529

La syncope auicla pour auicula n’est pas attestée en latin ancien, mais elle peut s’autoriser de précédents qui ne sont pas des diminutifs, comme les fréquents saeclum (15, 2, etc.), uinclum (cf. 109, 5, etc.), periclum (378, 6). 530 Nous corrigeons avec Juhádsz le qua des manuscrits en quae ; si on garde le qua comme fait MAYER (2006), il faut supposer au vers 3 un substantif féminin qui sera sujet du verbe instrepit. De toute façon la pièce est incomplète, il manque au moins un distique. 531 L’interrogative indirecte est à l’indicatif, voir l’épigramme 143. 532 Forte au sens de forsitan ou fortasse, « peut-être », et par extension « probablement ». 533 L’attaque contre le sodomite Pindola se double d’une attaque contre les Italiens (les Latins), accusés de céder à l’homosexualité. La pointe n’a pas été comprise par FABER (2009a), p. 328. 534 L’interrogative indirecte est à l’indicatif, voir l’épigramme précédente. 535 Le maître ne peut être qu’Ovide, considéré comme un professeur d’amour. Mais son Art d’aimer ne parle pas de relations homosexuelles.

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quando incuruati pueri fodit inguine culum maior, et obscenis turpe tremit natibus. Istud idem tu nempe mihi patrare uolebas, hinc illae illecebrae, dona et amicitiae. Nil tibi nobiscum, nil nobis, pessime, tecum, iam tua sunt etiam munera amara mihi. Reddo datos calamos, malesuadas reddo papyros, quin et, si possim, poma comesa uomam. Vana loquor, nihil ille rubet, nihil improbus horret, mulcet adhuc blanda sed mea colla manu. Desinis, aut clamo : « Succurrite ! Pindola numquam dat requiem ! ». Vel sic, o scelerate, fugis.

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300 Mayer = I, 370 Teleki Ad Rinucium Sunt natae tibi nubiles, Rinuci, moratae satis et satis decentes. Has tu tradere nuptui laboras, ac toto generos foro requiris. Sed sic aedibus intimis retrusas custodis, uti Perseos parentem Argiuus socer aurei Tonantis. Non illas, miser, ad sacella, sanctas, non accedere praedicationes permittis, quotiens pater Rubertus rauca se crucifigit in cathedra. Nedum uisere festa uel choreas, per conuiuia uel sinis uagari, aut communibus interesse ludis. Non est haec uia filias locandi, o uicine pater, meo nec umquam hunc tu consilio modum sequeris, sed uenalia mercium tuarum

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quand l’aîné fouille de son aine le cul de l’enfant 5 incliné, et qu’il agite avec impudeur ses fesses obscènes. C’est assurément la même chose que tu voulais accomplir avec moi ; de là venaient ces cajoleries, ces dons et ces manifestations d’amitié. Tu n’as rien à faire avec moi, méchant, je ne veux rien avoir à faire avec toi, désormais tes cadeaux mêmes me sont amers. 10 Je te rends les plumes que tu m’as données, les feuilles de papier séductrices ; et même, si je le pouvais, je vomirais les pommes que j’ai mangées. C’est en vain que je parle, il ne rougit nullement, il n’éprouve aucune horreur ce vicieux, au contraire il me câline encore le cou de sa main caressante. Tu cesses, ou je crie. « Au secours, Pindola ne me laisse 15 jamais en repos ! » Cette fois du moins, scélérat, tu t’enfuis. 300 Mayer = I, 370 Teleki À Rinucius Tu as des filles nubiles, Rinucius, qui ont un caractère agréable et sont bien faites. Tu t’efforces de les donner en mariage, et tu cherches des gendres sur toutes les places de la ville. Mais tu les gardes enfermées au fond de ta maison, comme le beau-père argien du Tonnant en or gardait la mère de Persée 536. Tu ne leur permets pas, misérable, d’aller à l’église écouter les prêches, chaque fois que le père Roberto 537 se crucifie sur la chaire rauque. Tu ne les laisses pas non plus participer aux fêtes ou aux danses, fréquenter les banquets ni assister aux jeux publics. Ce n’est pas là le moyen pour placer tes filles, cher voisin et père, et, si tu m’en crois, tu renonceras à une telle méthode. Tu placeras plutôt tes marchandises à vendre 538 536

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Le roi d’Argos Acrisios, ayant appris d’un oracle que sa fille Danaé aurait un fils qui le tuerait, la fit enfermer dans une chambre souterraine. Mais Zeus-Jupiter (le Tonnant, car il lance la foudre) posséda la jeune fille sous la forme d’une pluie d’or qui tomba dans son sein. De cette union naquit Persée. 537 Voir la note au poème 159. 538 Le glissement métaphorique des filles à marier aux marchandises à vendre apparaît choquant d’un point de vue moderne : c’est souligner de manière brutale la réalité économique du mariage.

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prima fronte locabis officinae, imis nec penetralibus recondes, tali tractus ut hospes illecebra uel nolens emat, et nec autumanti securum tibi promat arrabonem. Omnis, iudicio meo, Rinuci, maturae genitor uiro puellae, mores debet habere uenditoris.

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301 Mayer = I, 373 Teleki In mancum Arua fodit mancus, regit et iumenta flagello. Redde manus illi : desidiosus erit. 302 Mayer = I, 374 Teleki In Demetrium Morio Demetri, nempe intellecta patescit ars tua : deprenso fallere parce dolo. Nam sapis, immo equidem plus quam sapis : omnia lustras tu loca, nec te usquam lauta culina latet. Mentiris, nummos poscis, dicteria dicis. Qui facit haec, non est morio, sed nebulo.

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303 Mayer = I, 375 Teleki In eumdem Fingis te, miser, esse morionem, uiuas scilicet ut labore nullo. Nobis morio non tamen uideris : numquam morio taliter iocatur, nullus morio litigare nouit, nescit morio corrogare nummos, nil non morio praestat exigenti, quicquid praecipio, statim facessit, quicquid porrigo, corripit libenter. Tu structae petis unctiora mensae, turdos, sumina, phasidas, botellos ; lambis crustula, deuoras placentas, nec potas, nisi de priore musto. Quare morio uerus est habendus, qui te censeat esse morionem.

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

sur le devant de ta boutique, au lieu de les cacher au fond, pour que l’étranger, ainsi attiré et séduit, achète même s’il ne le voulait pas, et te fournisse sans que tu t’y attendes un acompte solide. À mon avis, Rinucius, tout père d’une fille mûre pour le mariage doit adopter le comportement d’un crieur public.

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301 Mayer = I, 373 Teleki Sur un manchot Quoique manchot, il travaille les champs, mène les bêtes avec le fouet. Rends-lui ses mains : il sera désœuvré. 302 Mayer = I, 374 Teleki Contre Demetrius Demetrius le fou, ton art est découvert et on le voit à nu : éloigne tes ruses et cesse de tromper. Car tu es sage, ou mieux, tu es plus que sage : tu inspectes partout, et jamais une cuisine richement fournie ne t’échappe. Tu mens, tu demandes de l’argent, tu lances des bons mots. Celui qui agit ainsi n’est pas un fou, mais un vaurien.

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303 Mayer = I, 375 Teleki Contre le même personnage Tu feins d’être fou, misérable, manifestement pour vivre sans avoir à travailler. À moi cependant tu ne parais pas fou : jamais un fou ne plaisante comme tu fais ; aucun fou n’est habile à chercher querelle ; un fou ne sait pas quémander partout de l’argent ; il n’y a rien qu’un fou n’accorde à qui le lui réclame ; tout ce que je lui ordonne, il le fait aussitôt avec empressement, tout ce que je lui offre, il le prend volontiers. Toi tu recherches l’opulence d’une table bien garnie, les grives, la tétine de truie, les faisans, les boudins ; tu grignotes les friandises, tu dévores les gâteaux, et tu ne bois que du vin doux de première qualité. Aussi faut-il considérer comme un vrai fou celui qui t’estime fou.

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304 Mayer = II, 2 Teleki Epitaphium clarissimae matronae dominae Andreolae Nicolai quinti pontificis Romani et Philippi cardinalis Bononiensis matris Cuius puniceum proles gerit una galerum, altera Romanae praesidet ecclesiae, Andreola hoc sacro recubat conclusa sepulcro ; membra solum repetunt, spiritus astra tenet. Postera uenturae uix credent saecula famae, tam breuis ut teneat uiscera tanta locus.

5

305 Mayer = I, 385 Teleki Epitaphium Andreolae, matris Nicolai quinti pontificis Romani Matronale decus et moribus inclita sanctis, Andreola obscuro cubat hic celebrata sub antro, quae gemino fudit Christo, duo sidera partu : retia Nicolaum moderantem mystica Petri, cardine Bononiae sacratum iure Philippum. Hanc igitur natis illustrem mundus adoret.

5

306 Mayer = I, 386 Teleki Aliud in eamdem Cui Deus immensi patiens consortia regni aetheris et rerum mundi permisit habenas, pontifici summo, Nicolao ex ordine Quinto, Andreolae hunc sacro genuerunt uiscera partu. Adde et puniceo redimitum sacra galero tempora Bononiae seruantem iura Philippum. Quae defuncta breui iacet hoc contenta sepulcro, cui probitas morum nec sancta modestia uitae,

5

ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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304 Mayer = II, 2 Teleki Épitaphe de la très illustre matrone dame Andreola, mère de Nicolas V pontife romain et de Philippe cardinal de Bologne 539 Andreola, dont un enfant porte la barrette rouge, et dont l’autre dirige l’Église de Rome 540, repose enfermée dans ce saint tombeau ; ses membres regagnent la terre, son esprit occupe les astres. Les siècles futurs, qui transmettront sa réputation, croiront avec peine qu’un espace si petit contienne de si grandes entrailles.

5

305 Mayer = I, 385 Teleki Épitaphe d’Andreola, mère de Nicolas V, pontife romain Mère glorieuse et renommée pour ses mœurs saintes, Andreola tant célébrée repose ici dans une fosse obscure, elle qui par un double enfantement produisit deux astres pour le Christ : Nicolas qui tient les filets mystiques de Pierre 541, Filippo, consacré évêque de Bologne et cardinal. Que donc le monde rende un culte à cette femme illustre par ses enfants !

5

306 Mayer = I, 386 Teleki Une autre pièce sur la même personne Le souverain pontife Nicolas, cinquième du nom, à qui Dieu, acceptant de partager son immense royaume, a remis les rênes des affaires de l’éther et du monde, ce sont les entrailles d’Andreola qui, en un enfantement sacré, lui ont donné la vie. Ajoute aussi Filippo, dont les tempes sacrées 542 sont ceintes 5 de la barrette rouge, et qui fait respecter le droit à Bologne. Défunte elle gît, contente de cet humble tombeau, elle dont les mœurs honnêtes, la sainte modestie de vie,

539

Pannonius traite le même thème dans l’élégie II, 2. Filippo Calandrini, frère utérin du futur Nicolas V, fut nommé évêque de Bologne et cardinal par son demi-frère devenu pape. 541 Allusion à Matthieu 4, 18-19. Pierre et André jetaient leur filet dans la mer. Le Christ les voyant leur dit : « Venez à ma suite, et je vous ferai pêcheurs d’hommes ». La formulation du vers 5, un peu embrouillée, joue sur l’étymologie du mot cardinal, qui vient du latin cardo, « gond, pivot ». 542 La répétition de l’adjectif sacer, déjà employé au vers précédent, est une maladresse. 540

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inclita nec soboles produxit longius annos, at praelustre suum fecere in saecula nomen, mens quoque sidereas, qua uenerat, iuit ad arces.

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307 Mayer = I, 32 Teleki Laudat Nicolaum Perottum Mittere laurigero temptabam nostra Perotto carmina, cum domino sic ait ipse liber : « Inspice quid facias, doctissimus ille nouorum dicitur et priscis non minor esse uiris. Acria formido subtilis acumina limae, neue notet nugas stella ueruue meas. Quodsi contingat tanto me uate probari, tunc ego uel Mecio Quintilioue legar ».

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308 Mayer = II, 8 Teleki Versus pro pace per Ianum Pannonium O Pater omnipotens, qui caelum et sidera solus aeterna dicione premis, defige potentes his miseris oculos terris, quas Marte feroci uastari cernis longoque perire duello, et nobis tandem, tribuas, Pater optime, pacem, quae mala cuncta procul mortesque repellit acerbas. 309 Mayer = 121/1 Ábel Ianus Pannonius pro Constantinopoli diruta Concidit antiquae Byzantion aemula Romae : heu peragunt quales lubrica fata uices ! Sub Constantino nomen sublime parauit,

5

ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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et la glorieuse descendance n’ont pas prolongé les années, mais ont rendu le nom illustre pour des siècles ; 10 son esprit quant à lui s’en est allé vers les citadelles des astres, d’où il était venu. 307 Mayer = I, 32 Teleki Il loue Niccolò Perotti Je me disposais à envoyer à Perotti, poète couronné de laurier 543, mes vers, quand le livre lui-même parla ainsi à son maître : « Examine ce que tu fais : on dit que c’est le plus savant des modernes et qu’il n’est pas inférieur aux anciens. Je crains la finesse perçante de sa lime subtile, je crains qu’un astérisque ou un obèle 544 ne flétrisse mes bagatelles. Mais si j’avais la chance d’obtenir l’approbation d’un si grand poète, alors je pourrais être lu même par Mecius ou Quintilius 545 ».

5

308 Mayer = II, 8 Teleki Vers de Janus Pannonius pour la paix Père tout-puissant, qui tiens seul sous ton autorité éternelle le ciel et les astres, fixe tes yeux puissants sur ces terres malheureuses 546 : Mars farouche les dévaste, tu le vois, et elles périssent sous une longue guerre. Attribue-nous, Père bienveillant, une paix capable de repousser au loin tous les maux et la mort cruelle.

5

309 Mayer = 121/1 Ábel Janus Pannonius devant la destruction de Constantinople Elle est tombée Byzance 547, la rivale de Rome autrefois : hélas quels retournements accomplissent les destins inconstants ! Sous Constantin elle a acquis un renom sublime,

543 Le philologue et prélat italien Perotti avait reçu en 1452 à Bologne le laurier poétique des mains de l’empereur Frédéric III. 544 Sur ces signes critiques, voir l’épigramme 379. 545 Mecius et Quintilius (le poète Quintilius Varus), présentés par HORACE (Art poétique 387 et 438) comme des critiques sévères. 546 Peut-être les dernières possessions de l’Empire byzantin. 547 Pannonius fait de Byzantion un toponyme féminin et non neutre, originalité qui ne se rencontre en latin ancien que chez OROSE III, 13, 2 et VENANCE FORTUNAT, Poèmes, app. 1, 97.

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sub Constantino depopulata perit. Nomen idem geminum miserae sibi praestitit omen, funestum nunc est, quod fuit ante bonum.

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310 Mayer = I, 95 Teleki Commendat Veronae suum libellum Commendo, Verona, tibi, quem nostra libellum Guarino lusit Calliopea tuo. Materiae debetur honos, si carmina temnis, quae sonat hunc, abs te pagina digna legi est. Romulidis placuit, quamuis rudis Ennius esset, Scipiadae magni dum fera bella canit. 311 Mayer = 98/1 Ábel Tetrastichon Iani Pannonii in clarissimum uirum Guarinum Veronensem Interpres Graios uertis, Leonarde, libellos, blanda Panormigenam delectant carmina uatem, Poggius Arpinae sectatur fulmina linguae, at Verona, tuus transfert, canit, orat alumnus.

5

ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

sous Constantin, ravagée, elle a péri 548. Le même nom lui a valu, la malheureuse, un double présage : aujourd’hui est funeste ce qui a été auparavant bénéfique.

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310 Mayer = I, 95 Teleki Il recommande à Vérone son petit livre Je te recommande, Vérone, le petit livre que notre Calliope 549 s’est amusée à composer sur ton cher Guarino. Si tu en dédaignes les vers, tu dois respecter le sujet, et des pages qui célèbrent cet homme méritent que tu les lises. Ennius, quoiqu’il fût grossier, a plu aux descendants de Romulus, quand il a chanté les dures guerres du grand Scipion 550.

5

311 Mayer = 98/1 Ábel Quatrain de Janus Pannonius sur l’illustre Guarino de Vérone Leonardo 551, tu fais passer en latin les précieux livres des Grecs ; le poète panormitain 552 est charmé par la mélodie des vers ; le Pogge cherche à reproduire les traits foudroyants de l’Arpinate 553 ; quant à toi, Vérone, ton enfant compose à la fois des traductions, des vers, et des discours 554.

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Constantinople, fondée par l’empereur Constantin en 324, a été prise par les Turcs en 1453 alors qu’était empereur Constantin XI Paléologue. Au vers suivant, le réfléchi sibi est employé à mauvais escient. 549 Muse de la poésie héroïque et parfois de l’éloquence. Le petit livre est le panégyrique en vers de Guarino (voir l’épigramme 224). 550 Ennius, un des premiers poètes latins, présente dans ses Annales une histoire épique de Rome. Il insistait particulièrement sur la deuxième guerre punique et les exploits de Scipion l’Africain. Les Romains de l’époque classique l’admiraient tout en jugeant son style grossier (cf. OVIDE, Amours I, 15, 19 ; Tristes 2, 424). Romulidae, « descendants de Romulus », est une appellation poétique pour les Romains. 551 Le célèbre humaniste et historien Leonardo Bruni (vers 1374-1444), originaire d’Arezzo, fit d’importantes traductions de Platon et d’Aristote. Le diminutif libellos ne renvoie pas à la taille des livres, c’est un hypocoristique. 552 Antonio Beccadelli dit le Panormite (1394-1471), humaniste et poète né à Palerme. Il est notamment l’auteur de l’Hermaphroditus, un recueil dont s’est inspiré Pannonius dans certaines de ses épigrammes. 553 Poggio Bracciolini, dit le Pogge (1380-1459), humaniste florentin surtout connu aujourd’hui par son recueil de Facéties. En le présentant comme un héritier de Cicéron orateur (Cicéron était né dans le petit bourg d’Arpinum), Pannonius fait allusion à ses violents pamphlets, notamment à ses cinq invectives contre Lorenzo Valla. 554 Guarino de Vérone (voir l’épigramme 1) a en effet donné des traductions du grec, composé des poèmes (des pièces de circonstance) et prononcé des discours.

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312 Mayer = Mayer RSU In eumdem Guarinum Sidoniae Baccho laetantur et Hercule Thebae, Delos Apollineis gaudet celeberrima cunis, Gradiuus Thracas, Cyllenius Arcadas ornat, aethereum regem Crete genuisse superbit, Mulciberum Lemnos, celebrem Verona Guarinum.

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313 Mayer = 9 Horváth Fratri Timotheo Ianus salutem Tardauere meae nimium, Timothee, tabellae ; polliciti dudum praeteriere dies. Aequa tamen causa est, quae me tardere coegit. Da ueniam iustae, praeco uerende, morae. Non Lethaea meam tenuere obliuia mentem : curarum magna mole grauatus eram, et peragendarum torquebar pondere rerum. Haec nobis tantae causa fuere morae. Quantum laudata sese exerceret in arte simplex officium turba secuta tuum,

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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312 Mayer = Mayer (1989) Sur le même Guarino Thèbes la Sidonienne 555 est fière de Bacchus et d’Hercule, la très célèbre Délos se réjouit du berceau d’Apollon 556, Mars Gradivus est l’ornement de la Thrace, le Cyllénien celui de l’Arcadie 557, la Crète s’enorgueillit d’avoir enfanté le roi de l’éther 558, Lemnos d’avoir enfanté Mulciber, Vérone le célèbre Guarino. 5 313 Mayer = 9 Horváth Janus salue frère Timotheus Mes tablettes ont été trop lentes, Timotheus 559 ; la date promise est passée depuis longtemps. Cependant il y a une juste raison qui m’a contraint à une telle lenteur. Pardonne, vénérable héraut de la foi, à un juste retard. Un oubli digne du Léthé 560 ne s’est pas emparé de mon esprit : j’étais accablé par une grande masse de soucis, et tourmenté par le poids des choses à faire. Voilà la raison de mon si grand retard. J’avais reçu de toi l’ordre d’exposer comment s’applique à son art louable la foule intègre

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Sidon est une ville de Phénicie, et Sidonien équivaut à phénicien. Thèbes a été fondée par Cadmos (voir l’épigramme 25), qui était originaire de Tyr en Phénicie. Sur les liens de Bacchus et Hercule avec Thèbes, voir l’épigramme 25. Les vers 1, 2 et 4 de notre poème sont étroitement inspirés de CLAUDIEN, Panégyrique pour le quatrième consulat d’Honorius 132-134. 556 Apollon et sa sœur Artémis-Diane sont nés à Délos. L’édition de MAYER (2006) écrit par erreur curris au lieu de cunis. 557 Sur l’épithète de Gradivus, voir l’épigramme 291 ; Mars est censé habiter la Thrace (cf. Iliade 13, 301 ; OVIDE, Art d’aimer 2, 588). Le Cyllénien est Mercure, voir l’épigramme 404. 558 La tradition la plus courante veut que le roi du ciel, Jupiter, soit né en Crète, sur le mont Ida ou sur le mont Dicté. Mulciber est un des noms de Vulcain. Vulcain n’est pas né à Lemnos, mais c’est dans cette île qu’il est tombé quand il eut été lancé en bas de l’Olympe par Jupiter. 559 Timotheus, un moine non identifié (son nom, qui signifie « qui craint Dieu », est peut-être un nom fictif parlant), avait apparemment demandé à Pannonius de célébrer les prédicateurs ou les missionnaires chrétiens. Mais celui-ci, à la fois parce qu’il était occupé par d’autres affaires et qu’il trouvait la tâche trop ardue, n’a rien écrit et ses tablettes sont restées vides. Au vers 2, le participe déponent pollicitus a un sens passif (cf. OVIDE, Fastes 3, 366). 560 Léthé, l’Oubli, avait donné son nom à une source située aux Enfers et où les morts buvaient pour oublier leur vie terrestre.

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quae sacras leges diuinaque uerba docendo instruit humanum religione genus, pandere iussus eram. Verum taceamne loquarne ? non facit ingenio sarcina tanta meo. Exigis, ut monstrem, cum sim rudis aequoris undae, nauita ueliuolam qua regat arte ratem, ut doceam ualere duces et arare colonos, cum sim terrarum militiaeque rudis.

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314 Mayer = II, 16 Teleki Ad Antoniolum Placidum Marsupium nummo, nummus custode crumena indiget ; hoc etiam munera nostra probant. 315 Mayer = Eleg. II, 13 Teleki Ad eumdem Sensimus, Antoni, Romanam pergis ad urbem : felices dextro sidere carpe uias. Sed quoniam Romae pollet tua plurima uirtus, est tibi cum summis gratia magna uiris. Te norunt omnes et amant, te maximus unum praeses Romanae diligit Ecclesiae, Quare age cum dominam terrarum intraueris urbem, ne mea Lethaeis nomina trade uadis. Esto memor Musae, quae te cecinitque canetque : succurrant animo munera nostra tuo. 316 Mayer = 121/2 Ábel Epitaphium per Ianum Pannonium Heu, qualem Veneti Francisci funere ciuem amittunt, qualem gens Barbara perdit alumnum !

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

qui, continuant ton ministère 561, instruit le genre humain dans la religion en lui enseignant la loi sacrée et le verbe divin. Tairai-je la vérité ou la dirai-je ? Un si lourd fardeau ne convient pas à mon talent. Tu exiges que je montre, alors que j’ignore tout des flots marins, par quel art le pilote dirige son bateau à voile, et que j’enseigne aux chefs à faire la guerre et aux paysans à labourer, alors que j’ignore tout de l’agriculture et des combats.

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314 Mayer = II, 16 Teleki À Antoniolus Placidus 562 Ma bourse manque d’argent, mon argent manque d’une bourse qui le protège : c’est ce que prouvent aussi les cadeaux que je fais. 315 Mayer = Eleg. II, 13 Teleki Au même personnage Nous l’avons compris, Antonius, tu te rends à Rome : accomplis sous un astre favorable un voyage heureux. Mais comme tes nombreuses vertus ont beaucoup de pouvoir à Rome, tu jouis d’un grand crédit auprès des personnages les plus éminents. Tous te connaissent et t’aiment, le chef souverain de l’Église romaine te chérit. Aussi, quand tu seras entré dans la ville maîtresse du monde, ne livre pas mon nom aux eaux du Léthé 563. Souviens-toi de la Muse qui t’a chanté et te chantera : que mes présents poétiques restent fixés dans ton esprit.

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316 Mayer = 121/2 Ábel Épitaphe 564, par Janus Pannonius Hélas, de quel concitoyen les Vénitiens se voient privés avec le décès de Francesco, quel enfant perd la famille Barbaro ! 561

Le texte latin n’est pas bien établi et les deux vers manquent de clarté. Personnage non identifié auquel Pannonius, dans la pièce suivante, adresse une demande de nature imprécise. 563 Voir l’épigramme 313. 564 Le manuscrit Pb auquel nous empruntons ce titre en le corrigeant donne « Épitaphe du même personnage, par Janus Pannonius », sans pourtant qu’une autre pièce consacrée à ce défunt précède celle-ci ou même se rencontre ailleurs dans les épigrammes de Pannonius. Le personnage en question est Francesco Barbaro, humaniste et homme politique vénitien, mort en 1454 ; voir Dizionario biografico degli Italiani, t. 6, 1964, p. 101-103. 562

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Quantus doctrina fuerit, gesta inclita monstrant ; quantus iustitia, sex rectae legibus urbes testantur. Iaceat licet hoc sub marmore corpus, nomen in orbe tamen, superis mens uiuit in astris.

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317 Mayer = 124/4 Ábel De Porcellio et Iouiniano Disceptant, sit uter poeta peior, hinc Porcellius, hinc Iouinianus. Parcamus patris Aeaci senectae, nec tantam pigeat secare litem. Est peior reliquis Iouinianus, sed Porcellius et Iouiniano. 318 Mayer = 120/1 Ábel Iani Pannonii in Basinium Parmensem epicum Pagina cum longo pridem tua certat Oreste longius aut ipso si quid Oreste fuit. Parcere iam sacro debes, Basine, furori, iamque sibi requiem fessus Apollo petit.

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

Combien il a été grand par le savoir, ses actes illustres 565 le montrent ; combien grand par la justice, six villes 566 aux lois droites l’attestent. Quoique son corps gise sous ce marbre, son nom cependant vit dans le monde, et son esprit là-haut dans les astres.

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317 Mayer = 124/4 Ábel Sur Porcellius et Jovinianus Il y a discussion pour déterminer lequel des deux est le plus mauvais poète, Porcellius 567 ou Jovinianus. Épargnons la vieillesse du vénérable Éaque 568 et ne répugnons pas à trancher un si grand débat. Jovinianus est le pire de tous, 5 mais Porcellius est pire encore que Jovinianus. 318 Mayer = 120/1 Ábel De Janus Pannonius, contre Basinio de Parme, poète épique 569 Depuis longtemps ta page rivalise avec une longue Orestie 570 ou avec quelque chose de plus long qu’une Orestie même. Tu dois à présent, Basinio, modérer ta fureur sacrée, et Apollon fatigué demande désormais du repos.

565 Pannonius semble faire allusion, plutôt qu’à la brillante carrière politique de Barbaro, à son activité humaniste : il était particulièrement attaché à la promotion des études grecques. 566 Vicence, Bergame, Vérone, Brescia, Padoue et le Frioul (une région, non une ville), dont il fut successivement le gouverneur. 567 Giovanni Antonio Pandoni, dit « il Porcellio », humaniste et poète italien, voir BIRNBAUM (1981), p. 39-40. Jovinianus est Giovanni Pontano (voir l’épigramme 207), qui adopta le surnom de Gioviano (en latin Jovianus), voir Dizionario biografico degli Italiani, t. 84, 2015, p. 729. Pannonius changera d’avis sur la poésie de Pontano, voir les épigrammes 338-339. Nous avons laissé le nom des deux poètes sous la forme latine par souci d’uniformité. 568 Éaque, un des trois juges des Enfers. Un poète qui porte le nom de Porcellius ne peut évidemment rien écrire de bon. 569 Basinio da Parma (1425-1457), poète. L’Hesperis, une longue épopée historique sur un sujet contemporain à la gloire de Sigismond Malatesta, est son œuvre majeure ; voir Dizionario biografico degli Italiani, t. 7, 1965, p. 89-98 ; BIRNBAUM (1981), p. 39 et 54, qui considère que Pannonius parodie ici une épigramme élogieuse de Roberto Orsi (voir l’épigramme 43) sur l’Hesperis. 570 Pourquoi une Orestie (un Oreste, dit exactement le texte latin) est-elle particulièrement longue ? Peut-être y a-t-il là un souvenir de JUVÉNAL 1, 5-6, qui se plaint d’avoir à écouter toute la journée la lecture publique d’un Oreste.

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Qualis, io, Latiis ea lux fulgebit in oris, quantus in Aonio uertice risus erit ! Hesperis illa tuas totiens compassa lituras in populi ueniet conspicienda manus. Non metuet scombros, sed turis plena Sabaei ante deos omnes stabit et ante deas. 319 Mayer = I, 213 Teleki De Sigismundo Malatesta tyranno Arimini Cum Malatestaeos aetas uentura triumphos, cum tot Sismundi splendida facta leges, nil nisi uana leges leuium mendacia uatum, quorum sola fuit Calliopea fames. 320 Mayer = I, 214 Teleki De eodem Vrbis Arimineae modicus Malatesta tyrannus Caesaribus summis maior in orbe sonat. Sic e formica faciunt elephanta poetae, cogunt et muscas fulmina ferre Ioui.

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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5 Ô joie 571 ! Quelle lumière va briller sur les rivages latins, quel rire va retentir sur la cime de l’Aonie 572 ! Cette Hespéris qui a tant de fois enduré tes ratures arrivera dans les mains du public pour y susciter l’admiration. Elle n’aura pas à craindre les maquereaux et, pleine de l’encens sabéen 573, se dressera devant tous les dieux et toutes les déesses 574. 10 319 Mayer = I, 213 Teleki Sur Sigismond Malatesta, tyran de Rimini Quand tu liras, postérité, les triomphes des Malatesta et tous les exploits éclatants de Sigismond, tu ne liras que les vains mensonges de poètes médiocres 575, et dont la seule Muse était la faim. 320 Mayer = I, 214 Teleki Sur le même personnage Le nom de Malatesta, modeste tyran de Rimini, retentit davantage dans le monde que celui des plus grands empereurs. Ainsi d’une fourmi les poètes font un éléphant, et ils forcent des mouches à tenir la foudre de Jupiter 576.

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Le texte dit : io, voir l’épigramme 222. Le mont Hélicon, voir la note à la pièce 8. 573 Les Sabéens étaient un peuple de l’Arabie heureuse, région d’où venait l’encens qu’utilisaient les Romains. 574 La fin du poème est ironique sous une apparence de compliment. Les pages des mauvais livres servaient en effet d’emballage pour le poisson ou de cornet à encens (voir l’épigramme 29) et tel sera le sort de l’Hespéris. L’épigramme 149 nous confirme que Pannonius n’appréciait pas Basinio. 575 Il y avait parmi eux Basinio de Parme et Giovanni Antonio Pandoni dit « il Porcellio », dont il est question dans les deux épigrammes précédentes. Montherlant a mis en scène ces deux personnages dans sa pièce Malatesta. 576 Variation sur le proverbe grec « Faire d’une mouche un éléphant » (cf. LUCIEN DE SAMOSATE, Éloge de la mouche 12). 572

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321 Mayer = II, 5 Teleki Abiens ualere iubet sanctos reges Varadini Omnis sub niue dum latet profunda tellus, et foliis modo superbum canae dum nemus ingrauant pruinae, pulchrum linquere Chrysium iubemur, ac longe dominum uolare ad Istrum. Quam primum, o comites, uiam uoremus. Non nos flumina, nec tenent paludes, totis stat rigidum gelu lacunis. Qua nuper timidam subegit alnum, nunc audax pede contumelioso insultat rigidis colonus undis. Quam primum, o comites, uiam uoremus. Non tam gurgite molliter secundo lembus remigio fugit uolucri, nec quando Zephyrus leui suburgens crispum flamine purpurauit aequor, quam manni rapiunt traham uolantem. Quam primum, o comites, uiam uoremus. Ergo uos, calidi, ualete, fontes, quos non sulphurei grauant odores, sed mixtum nitidis alumen undis uisum luminibus salubriorem offensa sine narium ministrat. Quam primum, o comites, uiam uoremus.

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321 Mayer = II, 5 Teleki S’en allant il dit adieu aux saints rois de Várad 577 Tandis que toute la terre disparaît sous la neige profonde, et que les gelées blanches pèsent sur la forêt naguère fière de ses feuilles, je reçois l’ordre de quitter le beau Chrysius et de voler au loin vers le seigneur Hister 578. Dévorons la route, camarades, le plus tôt possible. Les fleuves, les marais ne nous arrêtent pas, une glace solide couvre tous les étangs. Là où auparavant le paysan poussait timidement son canot, à présent que les ondes sont durcies, plein d’audace, il saute d’un pied insolent. Dévorons la route, camarades, le plus tôt possible. La barque aux rames ailées n’avance pas autant sur les flots calmes et favorables, même quand le zéphyr, par l’effet de son souffle léger, a teint de pourpre la mer qui se ride, que les poneys n’emportent notre traîneau 579 rapide. Dévorons la route, camarades, le plus tôt possible. Adieu donc, sources chaudes 580 que n’accable pas une odeur de soufre 581, où l’alun mêlé aux ondes resplendissantes procure aux yeux, sans heurter les narines, une vision plus saine. Dévorons la route, camarades, le plus tôt possible.

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577 Ce poème (voir des éléments bibliographiques dans l’édition de MAYER [2006], p. 23 note 22 et y ajouter MUNIER [2007-2008] ; voir aussi BIRNBAUM [1981], p. 112114) est considéré par FABER (2009b), p. 144-148 comme une élégie. Il est en tout cas remarquable par l’emploi du refrain. Varadinum est le nom latin de la ville de Nagyvárad (autrefois Várad), en Transylvanie, aujourd’hui Oradea en Roumanie, où Vitéz était évêque, et que Pannonius doit quitter en 1460 pour gagner son siège épiscopal de Pécs. Le développement du poème explique qui sont les saints rois. 578 L’Hister est le Danube, près duquel se trouve Pécs. Le Chrysius est le Körös, rivière de Transylvanie qui se jette dans la Tisza et traverse Nagyvárad. 579 Le mot traha, dans le sens de « traîneau », ne paraît attesté dans l’Antiquité que chez SERVIUS (ad Géorgiques 1, 164), mais il est plus fréquent en latin médiéval. 580 La région de Nagyvárad (Oradea) possède des sources thermales encore exploitées aujourd’hui. La suite du texte montre qu’on y soignait les faiblesses et affections des yeux. 581 Comme c’était le cas de certaines sources thermales de Campanie.

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Ac tu, bibliotheca, iam ualeto, tot claris ueterum referta libris, quam Phoebus Patara colit relicta, nec plus Castalios amant recessus uatum numina, Mnemonis puellae. Quam primum, o comites, uiam uoremus. Aurati pariter ualete reges, quos nec sacrilegus perussit ignis, dirae nec tetigit fragor ruinae, flammis cum dominantibus per arcem obscura latuit polus fauilla. Quam primum, o comites, uiam uoremus. At tu, qui rutilis eques sub armis dextra belligeram leuas securim, cuius splendida marmorum columnis sudarunt liquidum sepulcra nectar, nostrum rite fauens iter secunda. Quam primum, o comites, uiam uoremus.

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

Toi aussi adieu désormais, bibliothèque 582 remplie de tant de livres illustres des anciens, que Phébus habite, délaissant Patara 583, et que les filles de Mnémosyne 584, divinités des poètes, préfèrent aux retraites de Castalie 585. Dévorons la route, camarades, le plus tôt possible. Adieu également, rois couverts d’or 586 que n’a pas brûlés le feu sacrilège 587 ni atteints le fracas du sinistre effondrement, quand, la citadelle devenue la proie aux flammes, le ciel a disparu sous la cendre sombre. Dévorons la route, camarades, le plus tôt possible. Quant à toi 588, chevalier aux armes étincelantes qui lèves dans ta droite une hache de guerre, et dont le tombeau, resplendissant de ses colonnes de marbre, a exsudé un nectar limpide, seconde notre voyage en le favorisant selon ton usage. Dévorons la route, camarades, le plus tôt possible.

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La riche bibliothèque que János Vitéz possédait dans sa ville épiscopale de Nagyvárad. 583 Ville de Lycie (Asie mineure), célèbre par son oracle d’Apollon. Pannonius fait de Patara un féminin singulier, alors que majoritairement c’est un neutre pluriel. 584 Pannonius semble par le nom de Mnemon désigner Mnémosyne (comme on trouve Μνημώ en grec en ce sens), personnification de la Mémoire et mère des sept Muses. OVIDE appelait les filles de Mnémosyne Mnemonides (Métamorphoses 5, 268 et 280). 585 Sur la fontaine Castalie, voir l’épigramme 13. 586 Les statues des rois Ladislas Ier, Étienne Ier, et Émeric, du XIVe siècle, dues aux frères Kolozsvári, qui décoraient la ville de Nagyvárad, voir FABER (2009b), p. 148 et les traducteurs des Poèmes choisis de Pannonius (KARDOS [1973], p. 124-125). 587 Allusion à un incendie qui ravagea la ville. MAYER (2006) renvoie à une lettre de Vitéz (BORONKAI [1980], lettre 6, p. 50). Mais dans cette lettre il est seulement question de l’effondrement d’une tour de la cathédrale, pas d’un incendie. 588 Il s’agit du roi Ladislas Ier de Hongrie († 1095), plus tard canonisé, saint patron de la ville. On avait érigé en 1390 à Várad une statue équestre le représentant et il avait son tombeau dans la cathédrale. Des miracles s’y produisirent : c’est à une exsudation miraculeuse d’huile que Pannonius fait ici allusion (voir la note dans l’édition de MAYER [2006]). On l’invoquait dans de nombreuses circonstances.

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322 Mayer = I, 384 Teleki Epistola. Excusat se cur non mittat uersus. Iohannes custos Varadiensis ecclesiae Aeneae episcopo Senensi salutem plurimam dicit Desine, quaeso, meas, Aenea, poscere Musas, auribus et dignas esse putare tuis. Non radios Phoebus lunari sumit ab umbra, nec petit a riuis maxima Tethys aquas. Adde, quod Italiae ueni nouus hospes ab oris, nec, si quod lusi, me comitatur opus. Ipse tuos igitur, cui scribere Caesaris actus contigit et Claria cingere fronde comas, ipse tuos potius nobis transmitte libellos. Ne dubites : censor non ero, lector ero.

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323 Mayer = I, 381 Teleki Epistola. Petit opera Martialis Bilbitani cum excusatione. Iohannes custos Varadiensis ecclesiae Aeneae episcopo Senensi salutem plurimam dicit Si Bilbitani tibi sunt epigrammata uatis, protinus huc ad nos fac, precor, illa uolent. Nonne uides, quantos moueat Fortuna tumultus, nec sperare sinat nos meliora timor ? Tempore sollicito tragicos deponere luctus conuenit et leuibus pellere maesta iocis.

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322 Mayer = I, 384 Teleki Épître. Il s’excuse de ne pas envoyer des vers. Jean custode de l’église de Várad salue chaleureusement Enea évêque de Sienne 589 Cesse, je t’en prie, Enea, de réclamer les productions de mes Muses, et de penser qu’elles sont dignes de tes oreilles. Phébus 590 ne tire pas ses rayons de l’ombre de la lune et l’immense Téthys 591 ne cherche pas ses eaux dans les ruisseaux. Ajoute que je suis arrivé tout récemment des rivages de l’Italie 5 et que les ouvrages que j’ai pu composer en badinant ne sont pas en ma compagnie. Toi, qui as eu le bonheur d’écrire les actes de l’empereur et de ceindre ta chevelure du feuillage de Claros 592, adresse-moi donc plutôt tes petits livres 593. N’hésite pas : je serai pour eux un lecteur, non un censeur. 10 323 Mayer = I, 381 Teleki Épître. Il demande en se justifiant les œuvres de Martial de Bilbilis. Jean custode de l’église de Várad salue chaleureusement Enea évêque de Sienne Si tu possèdes les épigrammes du poète de Bilbilis 594, arrange-toi, je t’en prie, pour me les envoyer aussitôt à tire-d’aile. Ne vois-tu pas quels troubles provoque la Fortune et comme la crainte ne laisse espérer aucune amélioration ? Dans les temps d’inquiétude il faut laisser la douleur tragique 595 et chasser l’affliction par le badinage léger. 589

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Pannonius revenu en Hongrie (en 1458) est custode de l’église de Nagyvárad (Oradea), ville dont son oncle János Vitéz a été l’évêque jusqu’en 1465. Il s’adresse à Enea Silvio Piccolomini, qui fut évêque de Sienne de 1450 à 1458 avant d’être élu pape. Nous sommes donc en 1458. Sur les relations d’Enea Silvio Piccolomini et de Pannonius, voir PAJORIN (2001) ; MARIOTTI (1980). 590 Phébus-Apollon, le Soleil. 591 Téthys, épouse de l’Océan, personnifie la mer. Les deux vers, bon exemple de modestie affectée (locus humilitatis), indiquent par une image que les grands écrivains ne sauraient trouver intérêt ni profit à la lecture des œuvres des petits auteurs. 592 Claros était une ville d’Ionie, célèbre par son temple d’Apollon (voir l’épigramme 13). Le feuillage de Claros est le laurier qui récompense les poètes. Les deux vers font allusion à l’Historia rerum Friderici III imperatoris, empereur au service duquel fut Enea Silvio Piccolomini de 1442 à 1445, et à son couronnement par cet empereur comme poète lauréat en 1442. 593 Le diminutif libelli est hypocoristique (cf. 311, 1), il ne signifie rien sur la taille des livres en question. 594 L’adjectif Bilbitanus (pour le plus logique Bilbilitanus, qu’on lit par exemple chez Perotti), est une création de Pannonius, qui allonge au reste indûment le -i- de la syllabe centrale. 595 C’est-à-dire ne pas lire d’ouvrage inspirant des émotions douloureuses. On ne sait quels sont les troubles dont parle Pannonius.

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324 Mayer = I, 383 Teleki Epistola responsiua. Iohannes custos ecclesiae Varadiensis Aeneae episcopo Senensi salutem plurimam dicit Causaris senium, ne mecum carmine certes, sed plus eloquio pectora cana ualent. Aptior est tirone rudi ueteranus in armis, certius et uitulo taurus aratra mouet. Nos petimus, tu summa tenes ; spes lubrica nobis spondet adhuc, quod iam res dedit ipsa tibi. Necdum Pegaseis te Cynthius arcet ab undis, non uox refrixit, non lyra muta silet. Ergo caue, ne qua cupis excusatus haberi, accuses illa te ratione magis. Quod Bilbitani rogitaui epigrammata uatis, suspecta est, uideo, nostra iuuenta tibi. Crede, precor, melius ! Relegi non improba possunt lasciuos oculo praetereunte modos. Ille quidem gressu profugo mea castra petiuit, sic tamen, ut redeat, cum reuocabit herus.

325 Mayer = 122/3 Ábel De accipitris uenatione Latratu dum silua canum, clamore uirorum personat, ecce dedit callida praeda fugam ; sed, pede quem nulli possunt aequare molossi, accipiter penna consequitur leporem.

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324 Mayer = I, 383 Teleki Épître de réponse 596. Jean custode de l’église de Várad salue chaleureusement Enea évêque de Sienne Tu prétextes la vieillesse pour ne pas rivaliser en poésie avec moi, mais les esprits chenus sont supérieurs dans le style. Un vétéran est plus apte au combat qu’une jeune recrue inexpérimentée, et le taureau tire la charrue plus sûrement que le veau. Je vise les sommets, tu les occupes ; un espoir incertain me 5 promet seulement ce que la réalité t’a déjà donné. Le dieu du Cynthe ne t’écarte pas encore des eaux de Pégase 597, ta voix n’a pas perdu sa chaleur, ta lyre n’est pas réduite à un silence muet. Veille donc à ce que le moyen par lequel tu veux te faire excuser ne t’accuse davantage. 10 Comme par ailleurs j’ai réclamé les épigrammes du poète de Bilbilis, tu suspectes, je le vois, ma jeunesse 598. Aie une meilleure idée de moi, je t’en prie ! On peut en lire les passages décents, en sautant de l’œil les vers licencieux 599. Sans doute le livre a rejoint mon camp comme un fugitif, 15 mais à la condition de rentrer quand son maître le rappellera 600. 325 Mayer = 122/3 Ábel Sur la chasse à l’épervier Tandis que la forêt retentissait de l’aboiement des chiens et de la clameur des hommes, la proie habile a pris la fuite ; mais, à une vitesse qu’aucun molosse 601 ne peut égaler, l’épervier de son vol poursuit le lièvre. 596 Pannonius répond à un poème de Piccolomini (MAYER [2006]), Appendix 2 = I, 382 TELEKI [1784]). 597 Le Cynthe est le mont culminant de l’île de Délos, où naquit Apollon. Les eaux de Pégase désignent la source Hippocrène, voir l’épigramme 13. Pannonius veut dire à Piccolomini qu’il ne peut alléguer son âge (cinquante-trois ans) pour refuser d’écrire des vers, car il a précisément montré par son poème qu’il était encore en pleine possession de son talent poétique. 598 Né en 1432, il a vingt-six ans. 599 Le propos est paradoxal : on ne peut sauter les passages licencieux qu’après les avoir identifiés comme tels, c’est-à-dire après les avoir lus. Quoi qu’il en soit, Pannonius entré dans l’Église prend ses distances avec les poèmes scabreux de Martial. 600 Piccolomini dans son poème disait que le livre de Martial, dès qu’il avait appris que Pannonius avait quitté l’Italie, était parti le rejoindre. Le livre est assimilé à un esclave fugitif. Mais Pannonius le restituera à son maître dès que celui-ci le réclamera. 601 Chien originaire de la Molossie, une partie de l’Épire, et utilisé pour la chasse.

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Nunc tergum rostro carpit, nunc uerberat alis, obsessum multo nunc premit ungue caput. Oscula iam tutae iungant impune columbae, secura in medio flumine ludat anas. Cognatis auibus parcit iam raptor aduncus, saeuit et in solas alitis ira feras.

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326 Mayer = 122/4 Ábel De eodem Corripuit campo leporem sacer ales aperto, prendere quem celeres non ualuere canes. Quaeritur, aucupium dici an uenatio debet, cum uolucris captam detinet unca feram. 327 Mayer = 123/1 Ábel De eodem Prostratum leporem cum iam ferus ungue secaret Daedalion, adsunt improba turba canes. Quo ruitis segnes ? Captae iam parcite praedae, dum fera diripitur, ne lanietur auis. Ignaui stupuere canes, dum uiscera uictor deuorat et praeda pascitur ille sua.

328 Mayer = I, 282 Teleki De carminibus suis Accipitrum et leporum si te repetita fatigat fabella, Hispani respice uatis opus. Inuenies illic toto quam saepe libello uelox Marmarico ludat in ore lepus.

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Tantôt il déchire son dos de son bec, tantôt il le frappe de ses ailes, 5 tantôt il se pose sur sa tête et l’accable de nombreux coups de griffes. Désormais les colombes peuvent impunément échanger des baisers tranquilles et le canard jouer en sécurité au milieu du fleuve. Désormais le ravisseur crochu 602 épargne les oiseaux ses parents et sa colère se déchaîne contre les seules bêtes courant sur le sol. 10 326 Mayer = 122/4 Ábel Sur le même sujet L’oiseau sacré 603 a saisi dans la plaine dégagée le lièvre que les chiens rapides n’avaient pas réussi à attraper. On se demande si l’on doit parler de fauconnerie ou de chasse, quand l’oiseau crochu retient une bête prisonnière. 327 Mayer = 123/1 Ábel Sur le même sujet Comme déjà le féroce Daedalion 604 déchirait de ses griffes le lièvre à terre, la troupe vorace des chiens arriva. Où courez-vous, paresseux ? Allons, épargnez la proie d’autrui, ne mordez pas l’oiseau pendant qu’il dépèce la bête. Les chiens, indolents, demeurèrent immobiles, tandis que le vainqueur dévorait 5 les entrailles du lièvre et se repaissait de sa proie. 328 Mayer = I, 282 Teleki Sur ses poèmes Si la répétition de l’histoire des éperviers et des lièvres te lasse, regarde l’œuvre du poète espagnol. Tu verras comme plusieurs fois dans un seul petit livre un lièvre rapide joue dans la gueule d’un lion de Marmarique 605.

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Aux serres crochues. L’épervier est un oiseau sacré (cf. VIRGILE, Énéide 11, 721) parce qu’on tirait des présages de son vol. 604 Daedalion, après la mort de sa fille, fut transformé par Apollon en épervier. 605 Pannonius vient de consacrer plusieurs poèmes à une chasse à l’oiseau de proie. Il renvoie le lecteur qui s’offusquerait de cette répétition au premier livre des Épigrammes de MARTIAL, où on trouve une série de poèmes sur un lion dressé à recevoir un lièvre dans sa gueule sans lui faire de mal. La Marmarique est une ancienne région d’Afrique du Nord. 603

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329 Mayer = I, 285 Teleki De Bilbili Bilbilis et ferrum pariter producit et aurum ; perdere mortales ista metalla solent. Aurum nam bellis causas et pabula praebet, cudit de ferro noxia tela faber. 330 Mayer = I, 283 Teleki Belinis Brigida Belinis, siue haec tibi nomina regum Bela parens, cete siue dedere fera. 331 Mayer = I, 284 Teleki In Brigidam podagrosam Brigida dum molli podagrosa quiescit in herba, repsit ad infirmum longa colubra pedem. Quam simul aspexit toto circum orbe uolutam, prosiliens stratis currere coepit anus, nec deinceps ullos sensit curata dolores ; contulit et casus quod medicina negat, seu timor id fecit, seu tactos forsan in artus Paeonia arcanam bestia misit opem. Heu, sua quam meritis redduntur praemia raris, ille opifer serpens fuste peremptus obit. Iudice me reduci fueras mox digna chiragra in benefactorem, femina iniqua, tuum.

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329 Mayer = I, 285 Teleki Sur Bilbilis 606 Bilbilis produit à la fois du fer et de l’or ; ces métaux font habituellement le malheur des mortels. Car l’or cause les guerres et les alimente ; et l’artisan avec le fer forge les traits meurtriers. 330 Mayer = I, 283 Teleki Belényes 607 Brigida Belényes, c’est Béla père de rois qui t’a donné ce nom, ou les cétacés monstrueux 608. 331 Mayer = I, 284 Teleki Contre Brigida la podagre Tandis que Brigida la podagre se reposait sur l’herbe tendre, une longue couleuvre a rampé jusqu’à son pied infirme. Dès qu’elle l’a vu dérouler autour d’elle tous ses anneaux, la vieille, sautant de sa couche, s’est mise à courir, et, guérie, n’a plus senti ensuite aucune douleur. 5 Le hasard lui a apporté ce que la médecine lui refusait ; soit un tel résultat a été produit par la crainte, soit peut-être la bête péonienne 609 a instillé un remède secret dans les membres en les touchant. Hélas, la récompense due est rarement accordée à qui la mérite : car le serpent secourable meurt sous les coups de bâton. 10 À mon avis, femme injuste envers ton bienfaiteur, tu aurais mérité d’être aussitôt frappée en retour d’une chiragre 610. 606 Bilbilis est la ville de naissance du poète Martial (voir l’épigramme 323). En soulignant qu’elle produit aussi des métaux nuisibles, Pannonius veut montrer que le bien n’est jamais sans mélange. 607 Nous corrigeons le nom donné dans le titre (Belenes) pour le faire correspondre à celui du premier vers (Belinis). 608 Belényes(i) est un patronyme hongrois fréquent. Béla est le nom de plusieurs rois de Hongrie. Les cétacés en question sont les baleines. Nous adoptons, contre le banal certae…ferae des manuscrits et de MAYER (2006), la correction cete…fera de BARRETT (1985). L’épigramme est peut-être incomplète. 609 Paean est l’épithète rituelle d’Apollon guérisseur. La couleuvre salutaire est un animal péonien dans la mesure où Asclepios-Esculape, dieu de la médecine et fils d’Apollon, se montrait fréquemment sous la forme d’un serpent (ses attributs sont d’ailleurs des serpents enroulés autour d’un bâton). 610 Le thème de l’animal qui sauve un être humain et en est récompensé par la mort est attesté dès l’Antiquité avec le Culex pseudo-virgilien.

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332 Mayer = I, 216 Teleki De fortuna curialium Qui modo summus erat, nunc tota est imus in aula, est hodie summus, qui fuit imus heri. Tene iuuat rebus, Fortuna, ita ludere nostris, regia uel potius ludere corda suis ? 333 Mayer = I, 230 Teleki In superflua quaeritantem Hoc unum semper quaeris, superetne Maronem Tullius, an maior sit Cicerone Maro. Nescio, uerum illud belle scio, quod tibi numquam est uisus, Procopi, nec Maro, nec Cicero. 334 Mayer = I, 358 Teleki Epitaphium Nicolai pontificis maximi Quintum quae tegit urna Nicolaum, cunctarum tegit artium parentem. 335 Mayer = I, 36 Teleki De comparatione Marcellorum Si Marcellorum componas facta duorum, Romani Venetus uincet aui acta nepos.

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332 Mayer = I, 216 Teleki Sur le sort des courtisans Celui qui tenait naguère le premier rang à la cour est maintenant au dernier, et il est aujourd’hui au premier, celui qui était hier au dernier 611. Trouves-tu plaisir, Fortune, à jouer ainsi avec nous 612 ? Ou serait-ce plutôt les rois qui aiment à jouer avec leurs serviteurs 613 ? 333 Mayer = I, 230 Teleki Contre quelqu’un qui posait des questions oiseuses Tu demandes toujours la même chose : est-ce que Cicéron l’emporte sur Virgile, ou est-ce que Virgile est supérieur à Cicéron ? Je l’ignore, mais ce que je sais bien, c’est que jamais tu n’as fréquenté Virgile ni Cicéron 614, Procopius. 334 Mayer = I, 358 Teleki Épitaphe de Nicolas souverain pontife 615 Ce sarcophage qui recouvre Nicolas V, recouvre le père de tous les arts. 335 Mayer = I, 36 Teleki Comparaison des Marcellus 616 Si tu confrontes les hauts faits des deux Marcellus, le descendant vénitien surpassera les actes de son aïeul romain. 611

Allusion au logion biblique : les premiers seront les derniers et les derniers les premiers (Matthieu 20, 16 ; Marc 10, 31). 612 Mot à mot : « avec notre situation ». 613 La périphrase regia…corda (pour reges) est sujet de ludere, et suis est un adjectif substantivé. 614 Nous donnons un sens vraisemblable. Pannonius, en employant chacun des deux noms de Virgile (Vergilius et Maro) et de Cicéron (Tullius et Cicero), introduit une variation qui n’est pas transposable en français. 615 Nicolas V, pape de 1447 à 1455, pape humaniste et promoteur des arts. Il est enterré dans la nécropole papale de la basilique Saint-Pierre. 616 Pannonius compare le général romain Claudius Marcellus (que nous connaissons bien par la troisième décade de TITE-LIVE et par la biographie que lui consacre PLUTARQUE dans ses Vies des hommes illustres) et l’amiral vénitien Jacopo Antonio Marcello (voir l’épigramme 55 et le panégyrique de Marcello, vers 2840-2857), en imaginant que l’un est le descendant de l’autre. On attribuait fréquemment à la Renaissance des ancêtres romains aux grandes familles italiennes. Les exploits dont Pannonius crédite Marcello, et qui figurent aussi dans son panégyrique (voir les renvois dans l’édition de MAYER [2006]), sont largement exagérés et reviennent parfois à d’autres que lui.

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Transeo, quam praestet seruatam Brixia Nolam, quantum septenas perpetuae trabeas. Numquam illi uisas totiens hic contudit Alpes, uecta illi caesis nulla carina iugis. Illum unus Sicula superatum depulit unda, paruus adhuc toto luserat iste mari. Ille Syracusas trinis uix cepit in annis, Verona huic trinos ante recepta dies. Ille egit uetitos Albano in monte triumphos, posse sua hic numquam plus uoluit patria. Alter Virdomari tulit, alter opima Philippi : si palmam pendas hoste, prior Venetus. Hic urbem obsedit Ligurum, Romam ille potentem uallari Libycis pertulit agminibus.

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Je laisse de côté combien sauver Brescia l’emporte sur sauver Nole 617, et combien la trabée continue vaut mieux que sept trabées 618. Marcello a plusieurs fois soumis les Alpes 619 que Marcellus n’a jamais vues, 5 Marcellus n’a pas transporté de bateaux en fendant les montagnes 620. Un seul homme 621 a vaincu Marcellus et l’a chassé des eaux de Sicile, Marcello, encore enfant, avait déjà joué dans la mer toute entière. Marcellus a pris avec peine Syracuse en trois ans, Marcello a reçu la soumission de Vérone en moins de trois jours. 10 Marcellus a mené un triomphe interdit sur le mont Albain 622, Marcello n’a jamais voulu avoir plus de pouvoir que sa patrie. Marcellus a remporté les dépouilles opimes de Viridomar, Marcello celles de Philippe 623 : si on évalue la palme de la victoire d’après l’ennemi, le Vénitien a la primauté. Marcello a investi la ville des Ligures, Marcellus a laissé 15 les troupes libyennes encercler la puissante Rome 624.

617 C’est Marcello qui en 1440 sauva Brescia assiégée, et Marcellus qui empêcha Hannibal de s’emparer de Nole (ville de Campanie) en 216. 618 La trabée blanche que portent les consuls lors des fêtes publiques symbolise le consulat. Marcello n’a bien sûr pas exercé le consulat et l’adjectif perpetuae est une hyperbole, mais il a été provveditore pendant quelque vingt-cinq ans. De son côté Marcellus n’a pas exercé sept consulats, mais cinq consulats et deux proconsulats (cf. PLUTARQUE, Vie de Marcellus 30, 7-9). 619 Le passage veut dire, plus modestement, que Marcello a traversé à de nombreuses reprises certaines parties des Alpes, ou bien il renvoie au transport des bateaux par voie terrestre dont il est question dans le vers suivant (dans ce cas contundit signifie « entailler, entamer »). 620 Marcello fit remonter l’Adige à une flottille de quatre-vingts bateaux, qui passa ensuite dans le lac de Garde en franchissant par voie terrestre les hauteurs du mont Baldo, voir KING (1994), p. 247. 621 Archimède, grâce à ses machines, retarda les Romains qui assiégeaient Syracuse en détruisant leurs bateaux et leurs machines de siège (en revanche l’histoire des miroirs géants avec lesquels il aurait enflammé ces bateaux semble une légende). Marcellus finit par prendre la ville en 212. 622 Sur cet épisode, voir TITE-LIVE XXVI, 21, 1-10 ; PLUTARQUE, Vie de Marcellus 22. La présentation de Pannonius est tendancieuse. 623 Les dépouilles opimes étaient les dépouilles qu’avait enlevées un général romain au général ennemi après l’avoir tué. En 222, à Clastidium, Claudius Marcellus, consul menant la guerre en Gaule Cisalpine, tua en combat singulier le chef gaulois Viridomar (Viridomaros). Quant à Philippe, ce doit être Filippo Maria Visconti, duc de Milan mais il est mort de maladie en 1447. 624 L’allusion à la ville des Ligures (qui devrait être Gênes) nous reste obscure. En 211 les Carthaginois (les « troupes libyennes ») marchèrent sur Rome, mais ils ne purent s’emparer de la ville et rebroussèrent chemin vers l’Italie du sud. C’était apparemment une manœuvre de diversion pour pousser les Romains à abandonner le siège de Capoue et de toute façon Marcellus, n’étant pas consul cette année-là, ne peut être tenu responsable de cette tentative d’Hannibal.

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Primo illi Poenus cessit, Picininus at isti, sed uicti insidiis concidit ille tamen. Desine Marcellum ueterem conferre nouello, omnis Scipiadas hic premit et Fabios.

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336 Mayer = 125/2 Ábel De Marcelli tropaeo Rettulit hos late uictis Insubribus angues Marcelli nuper bellica dextra ducis. Exuuiae domitum testantur fortiter hostem : accipe, Sancte Leo, ciuis opima tui. Qui modo uibrantes trifidas ex gutture linguas fundebant celsis sibila dira iubis, collecti in paruos cristis languentibus orbes seruitura tuo colla dedere iugo. Talia Virdomari tergo detracta ferocis obtulit Iliadae Claudius arma patri.

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Le Punique a cédé pour la première fois devant Marcellus 625, mais Piccinino devant Marcello 626, et Marcellus cependant est tombé sous les ruses du vaincu 627. Cesse de rapprocher l’ancien Marcellus du Marcello d’aujourd’hui, car celui-ci surpasse tous les Scipions et tous les Fabius 628. 20 336 Mayer = 125/2 Ábel Sur le trophée de Marcello La dextre valeureuse du général Marcello vient de rapporter ces serpents après avoir largement vaincu les Insubres 629. Le butin atteste la bravoure avec laquelle on a dompté l’ennemi : reçois, saint Lion 630, les dépouilles opimes prises par ton concitoyen. Eux qui récemment, dardant de leur gorge 631 leur langue fourchue, lançaient, la crête dressée, d’affreux sifflements, ont présenté le cou pour le soumettre à ton joug, après avoir, la crête abattue, ramassé leur corps en petits anneaux. Telles étaient les armes enlevées au dos 632 du farouche Viridomar que Claudius a offertes au divin fils d’Ilia 633.

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La victoire de Marcellus à Nole montra en effet pour la première fois aux Romains qu’Hannibal n’était pas invincible, cf. TITE-LIVE XXIII, 16, 15-16 ; PLUTARQUE, Vie de Marcellus 11. 626 Niccolò Piccinino, condottiere au service de Filippo Maria Visconti, fut défait en 1438 à Casalmaggiore, voir KING (1994), p. 244-245. 627 Marcellus fut tué en 208 dans une embuscade tendue par Hannibal. 628 Allusion à Scipion l’Africain et Scipion Émilien, qui conclurent victorieusement l’un la deuxième guerre punique, l’autre la troisième, puis à Fabius Maximus Cunctator, qui par sa politique de temporisation face à Hannibal permit aux Romains de reconstituer leurs forces (voir l’épigramme 384). 629 Les Insubres, population gauloise de l’actuelle Lombardie, avaient pour capitale Milan. Or en 1446 Jacopo Antonio Marcello infligea une lourde défaite aux Milanais de Filippo Maria Visconti. Les serpents sont ceux des enseignes prises à l’ennemi. Les armoiries des Visconti figurent une guivre, serpent fantastique, en train de dévorer un enfant. Ce serpent devait apparaître sur les drapeaux milanais. 630 Le lion de Saint-Marc, représentation symbolique de l’évangéliste Marc et emblème de la république de Venise. Marcello est vénitien. Sur les dépouilles opimes, voir le poème précédent. 631 Le texte qui guttura édité par MAYER (2006) est difficilement acceptable : la répétition de qui est maladroite et guttura doit être interprété comme un accusatif de relation très librement construit. Nous corrigeons donc en ex gutture. 632 Soit parce que le baudrier s’attache dans le dos, soit parce que Viridomar est tombé face contre terre. 633 Sur Viridomar, voir le poème précédent. Le fils d’Ilia (autre nom de Rhéa Silvia) est Romulus, qui fut assimilé au dieu Quirinus. Selon VIRGILE, Énéide 6, 859, c’est en effet à Quirinus, et non à Jupiter Férétrien comme le veulent PROPERCE (IV, 10, 45-48)

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337 Mayer = p. 44 Csapodi (Sine lemmate) Tum subiti sonitus et clamor et horrida matrum lamenta, abstruso gaudet procul hostis in antro. 338 Mayer = 99-100 Ábel Ianus Pannonius Iohanni Sagundineo suo salutem. Alloquitur Musam Iohannem pete, Musa, Chalcidensem : Pontani hendecasyllabos poetae ad nos mittere ne moretur, insta ; illos nam cupio uidere plus quam dilectam iuuenis cupit puellam ; ut non insipidos, nec inuenustos, sed quales tenero prius Catullo, aut Marso lepidoue Martiali dictauit Iocus et leuis Cupido. Quodsi mittere forsitan grauatur Pontani hendecasyllabos poetae, saltem mittere ne suos grauetur.

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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337 Mayer = p. 44 Csapodi (Sans titre) Alors un bruit soudain, des cris et les affreuses lamentations des mères, tandis qu’au loin l’ennemi se réjouit dans sa caverne secrète 634. 338 Mayer = 99-100 Ábel Janus Pannonius salue Giovanni Sagundino 635. Il s’adresse à sa Muse Rends-toi, Muse, auprès de Giovanni de Chalcis : demande-lui instamment de nous envoyer sans retard les hendécasyllabes du poète Pontano 636 ; car je désire les voir plus qu’un jeune homme désire voir la jeune fille qu’il aime ; je sais qu’ils ne manquent ni de saveur ni de grâce, et sont tels que le Jeu et le Désir léger en ont dicté autrefois au tendre Catulle, à Marsus ou au spirituel Martial 637. Et si par hasard il refuse d’envoyer les hendécasyllabes du poète Pontano, que du moins il ne refuse pas d’envoyer ses hendécasyllabes à lui.

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et PLUTARQUE (Vie de Marcellus 8), que Claudius Marcellus consacra les dépouilles opimes enlevées à Viridomar. 634 Évidemment un fragment, qui paraît plus épique qu’épigrammatique. Il pourrait s’agir des réactions des Troyens après la mort de Laocoon ; les ennemis dans la caverne sont alors les Grecs dissimulés dans le cheval. 635 Giovanni Sagundino de Chalcis, humaniste vénitien fils de Niccolò Sagundino (on italianise habituellement son nom ainsi), humaniste grec né à Chalcis en Eubée et lié à Venise, voir KING (1986), p. 427-429. Ce poème et le suivant peuvent être complétés par les réponses du destinataire, Sagundino (MAYER [2006], Appendix 3 et 4 = 100-101 et 102-103 ÁBEL [1880]). Sur cet échange, voir DIONISOTTI (2009), p. 84-85 et 92-93. 636 Giovanni Pontano, homme politique, humaniste et poète italien de langue latine du XVe siècle, voir les épigrammes 207 et 317. Pannonius ne peut faire allusion ici au recueil des Hendécasyllabes (où Pontano recourt exclusivement à ce vers de 11 pieds, traditionnellement destiné à traiter des sujets légers et érotiques et abondamment utilisé par Catulle), dont le premier livre a été composé seulement dans les années 1470. Il s’agit plutôt du Parthonopeus sive Amores, paru vers 1455-1458 et dont le premier livre est constitué pour partie de poèmes en hendécasyllabes. 637 MARTIAL qualifie deux fois Catulle de tener, « tendre, voluptueux » (IV, 14, 13 et VII, 14, 3), et il l’associe souvent à Domitius Marsus, un autre auteur latin d’épigrammes (I, praef. 4 ; II, 71, 3 ; V, 5, 6 ; VII, 99, 7).

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339 Mayer = 101-102 Ábel Ianus Iohanni suo salutem. Alloquitur Musam Vnde huc laeta uenis, Camena ? Numquid a nostro remeas Sagundineo ? Agnosco in tenero sinu latentem Pontani lepidum tui libellum. Quin plus quam fueram precatus affers Iohannis pariter gerens tabellas. O dulces lyricos et elegantes ac plenos salis et facetiarum ! Hos nobis dedit ille corrigendos, hos lima putat indigere nostra ? Tam sunt iudicio meo politi, tam belli, ut merito politiores ac bellos magis edidisse nullum nostris temporibus rear poetam. Quod uero implacidae iugum puellae captiuo gemit imminere collo, hoc fatum premit eruditiores, saeuo ut semper amore macerentur, nec Phoebus magis aut pater Lyaeus illis, quam puer imperat Cupido. Nec sane mea tam potens Thalia est, ut magnae Veneris leuet catenas, quae Martis ualidos ligant lacertos, et telo spoliant Iouem trisulco. Ipse, inquam, potius lyra sonanti blandas eia iterum canat querelas, exoretque sibi suam puellam : infernum prece mitigauit Orpheus.

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339 Mayer = 101-102 Ábel Janus salue son cher Giovanni 638. Il s’adresse à sa Muse D’où arrives-tu joyeusement, Camène 639 ? Est-ce que tu reviens de chez notre cher Sagundino ? Je reconnais, caché dans ton tendre sein, le charmant 640 petit livre de ton fidèle Pontano. Et, m’offrant plus que ce dont je t’avais priée, tu apportes aussi les tablettes de Giovanni. O vers lyriques harmonieux et élégants, pleins d’esprit et d’enjouement 641 ! Il nous les a donnés à corriger, dans l’idée qu’ils ont besoin de notre lime ? Selon moi ils sont si bien polis, si gracieux que, je le pense assurément, aucun poète de notre temps n’en a publié de plus polis ou de plus gracieux. Il y révèle en gémissant que le joug d’une jeune fille implacable pèse sur son cou captif : c’est ainsi que le destin accable les gens savants, afin qu’ils soient continuellement tourmentés par le cruel amour, et que Phébus ou le divin Lyaeus 642 ne leur commande pas plus que l’enfant Cupidon. Et certes ma Thalie 643 n’est pas assez puissante pour alléger les chaines de la grande Vénus, qui enserrent les bras robustes de Mars et dépouillent Jupiter de son trait à trois pointes 644. Que lui-même 645, dis-je, chante plutôt, une et deux fois, ses douces plaintes sur sa lyre retentissante, et qu’il cherche à fléchir en sa faveur la jeune fille : Orphée a adouci les Enfers par sa prière 646. 638

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Giovanni Sagundino, voir l’épigramme précédente. Les Camènes sont les Muses, voir l’épigramme 11. 640 L’adjectif est hypocoristique et n’implique pas que Pannonius connaisse déjà le contenu du volume. 641 C’est de Sagundino et de ses vers dont il est question dans le poème, non de Pontano. 642 Phébus-Apollon est le dieu de la poésie. Lyaeus (« qui délie », en grec) est un des noms de Bacchus, dieu du vin et de l’inspiration. 643 Thalie est ici la Muse en général, voir l’épigramme 169. 644 Le trait à trois pointes de Jupiter est la foudre, voir l’épigramme 198. Jupiter délaisse la foudre quand il se consacre à ses conquêtes amoureuses, nombreuses comme on sait. 645 Sagundino. 646 Orphée, ayant perdu sa femme Eurydice, descendit aux Enfers et y charma par sa lyre les dieux infernaux, voir l’épigramme 198. 639

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340 Mayer = 122/1 Ábel Epitaphium Pauli logici Arte potens logicae iacet hoc sub marmore Paulus, quem rapuit subiti funeris atra lues. Scilicet idcirco Parcae properastis iniquae, ne uos arguto uinceret ille sono. 341 Mayer = II, 3 Teleki Epitaphium in Bartholomaeum Montagnam physicum Qui fueras medicae doctor celeberrimus artis, hoc situs in tumulo, Bartholomaee, iaces. Credo te Stygias mundo inuidisse sorores, miratas raros Tartara ad ima trahi. Quippe incredibiles poteras depellere morbos, et uitae exanimes reddere paene uiros. At licet extinctus sis corpore, nomine uiuis, nam longe Ausonio clarus in orbe uiges.

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342 Mayer = II, 22 Teleki Epitaphium in Andream Marionum sophistam Quisquis ad hoc rigidum flectis tua lumina saxum, perlege flebilibus carmina scripta notis. Andreas parua iacet hac Marionus in urna, qui doctor logicae maximus artis erat. Vincere sed duram nequiere sophismata mortem, quis fertur reliquos exuperasse uiros. Nil tibi, quin caderes, iuuenilis profuit aetas, nec genus et mores, ingeniumue capax.

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340 Mayer = 122/1 Ábel Épitaphe de Paulus, logicien Paulus, souverain dans l’art de la logique, gît sous ce marbre, emporté par le noir malheur d’une mort soudaine. Sans doute, Parques injustes, vous êtes-vous hâtées, pour éviter qu’il ne vous convainque par sa parole ingénieuse 647. 341 Mayer = II, 3 Teleki Épitaphe de Bartolomeo Montagnana, médecin 648 Toi qui étais un savant très célèbre dans l’art médical, tu gis enseveli dans ce tombeau, Bartolomeo. Je crois que les sœurs du Styx 649 t’ont enlevé au monde, indignées de ne plus recevoir que de rares personnes au fond du Tartare. Car tu pouvais repousser des maladies incroyables, et rendre à la vie des gens presque trépassés. Mais quoique de corps tu sois mort, tu restes vivant par ton nom, et jouis d’une brillante gloire dans tout le pays d’Italie.

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342 Mayer = II, 22 Teleki Épitaphe d’Andreas Marionus, maître en sophistique 650 Qui que tu sois qui tournes tes yeux vers cette pierre dure, lis ces vers écrits avec des larmes en guise de lettres. Andreas Marionus gît dans cette petite urne, lui qui était un très grand docteur dans l’art de la logique. Cependant ils n’ont pu triompher de la mort cruelle, ses raisonnements sophistiques 5 par lesquels, rapporte-t-on, il réduisait tous les hommes à sa merci. Ton 651 jeune âge ne t’a pas permis d’échapper à la mort, ni ta naissance, tes mœurs ou ta vaste intelligence.

647 Qu’il ne vous convainque de le laisser en vie. Sur les Parques, voir l’épigramme 106. On ignore qui est ce Paulus. 648 Bartolomeo Montagnana, médecin qui exerça à Padoue ; il mourut vers 1460. Galeotto Marzio (voir l’épigramme 18) avait épousé sa fille ; voir BIRNBAUM (1981), p. 57-58. 649 Les Furies, qui habitent dans l’obscurité infernale (le Tartare). 650 Andreas Marionus ou de Marionibus, professeur de logique à Padoue. Sophistes n’est pas péjoratif, non plus que sophisma au vers 5. TELEKI (1784) doute de l’authenticité de l’épigramme, voir la note dans MAYER (2006). 651 Un tel brusque changement de personne est assez fréquent dans les épigrammes funéraires, qu’elles soient gravées ou purement littéraires.

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343 Mayer = I, 89 Teleki De Arquada Arquada Euganeos inter celeberrima pagos, quondam Antenorei quos tenuere Phryges, quamuis pulchra situ, quamuis sis ubere felix, nec tua morbiferum nouerit aura Canem, inde tamen longe maior tibi gloria surgit, uatis Petrarcae sancta quod ossa foues.

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344 Mayer = 124/1 Ábel Crystallina Esse putas si nos crystallina, falleris, hospes : Murani aequoreae uitrea uasa sumus. 345 Mayer = 124/2 Ábel Eadem Vitrea crystallo Murani pocula certant. Non sunt bella minus, sed pretiosa minus. 346 Mayer = 1 Horváth Ianus ad Nicolaum Scholam Dum, Nicolae, tuos cuperemus adire penates, intempestiuus decidit imber aquis. Postmodo purgato melius cernemus Olympo, cum clarus pulsis nubibus axis erit. Ausonium interea nobis huc mitte, precamur, si iam forte tuas contigit ille manus. Vale.

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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343 Mayer = I, 89 Teleki Sur Arquà Arquà, le plus célèbre des villages euganéens qu’habitèrent autrefois les Phrygiens d’Anténor, quoique tu jouisses d’une belle situation et d’un sol fertile, et que ton air ne connaisse pas la canicule avec ses maladies, tu tires cependant une gloire beaucoup plus grande de ce que tu abrites les os sacrés du poète Pétrarque 652.

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344 Mayer = 124/1 Ábel Vaisselle en cristal Si tu penses que nous sommes des coupes en cristal, tu te trompes, étranger : nous sommes des coupes en verre de l’île de Murano 653. 345 Mayer = 124/2 Ábel Même vaisselle Les coupes en verre de Murano rivalisent avec le cristal. Elles ne sont pas moins belles, mais ont moins de valeur. 346 Mayer = 1 Horváth Janus à Nicolaus Schola 654 Tandis, Nicolaus, que nous désirions nous rendre à ta demeure, une pluie importune s’est mise à tomber à torrents. Nous y verrons mieux plus tard, une fois l’Olympe 655 nettoyé, quand le ciel sera clair et débarrassé de ses nuages. En attendant envoie-nous ici Ausone 656, de grâce, si par hasard il est arrivé entre tes mains. Adieu.

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652 Arquà, aujourd’hui Arquà Petrarca, est le village où Pétrarque s’installa à la fin de sa vie et où il mourut. Il est situé dans les collines euganéennes, près de Padoue, ville fondée selon la tradition antique par le Troyen Anténor. Phrygiens signifie Troyens, voir l’épigramme 68. Dans cet éloge de Pétrarque poète, Pannonius célèbre sans doute Pétrarque à la fois comme poète italien (la pièce 281 montre qu’il connaissait sa production italienne) et comme poète latin (bien qu’il ne mentionne pas ses œuvres latines). 653 L’île bien connue de la lagune de Venise. 654 Personnage identifié comme le fils d’un correspondant de Guarino, qui fut peutêtre le condisciple de Pannonius, voir HORVÁTH (1977), p. 6. 655 C’est-à-dire le ciel (cf. la pièce 166). 656 Poète latin gallo-romain du IVe siècle.

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347 Mayer = 10 Horváth Iohannes ad Bartholomaeum Melcium Mediolanensem Laetor Apollineis studium te impendere Musis, gratulor ingenio, Bartholomaee, tuo. Fama quidem nostras celebris peruenit ad aures te cecinisse graui carmina multa pede, in quibus insignem caelesti uoce triumphum, nec non Sfortiadam tollis ad astra ducem. Imputrescibili dignissima carmina creta tu facis et Clario pectine digna lyrae. Miror et ingenium, miror lectissima uerba, et quod sit mixtus cum grauitate lepos. Aut latet ipse tuo Smyrnaeus pectore uates, aut tibi Apollo suam tradidit ipse fidem. Iam te post morsas quam rectum est dicere lauros Hippocreneo labra rigasse lacu, Castaliasque sacra uidisse in ualle sorores, quas simul Ascraeus uiderat ante senex.

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347 Mayer = 10 Horváth Jean à Bartolomeo Melzi 657 de Milan Je me réjouis que tu consacres tes soins aux Muses apolliniennes 658, et me félicite de ton talent, Bartolomeo. Le bruit répété est venu à mes oreilles que tu as composé en un mètre noble 659 de nombreux vers où tu portes aux nues, d’une voix céleste, le triomphe insigne du duc Sforza 660. Tu fais des vers dignes au plus haut point de la craie imputrescible 661 et dignes du plectre de la lyre de Claros 662. J’admire ton talent, j’admire tes mots parfaitement choisis, et le mélange de grâce et de gravité. Ou le poète de Smyrne 663 lui-même se cache dans ta poitrine, ou Apollon t’a remis sa propre lyre. Comme il est juste de dire que, après avoir mâché le laurier 664, tu as trempé tes lèvres dans la fontaine Hippocrène 665, et vu dans la vallée sacrée les sœurs de Castalie 666 qu’avait vues ensemble auparavant le vieillard d’Ascra 667 !

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Voir BIRNBAUM (1977) ; HORVÁTH (1977), p. 18-19. Apollon est le dieu de la poésie, voir l’épigramme 11. 659 L’hexamètre dactylique, vers des genres nobles en latin. 660 Francesco Sforza, duc de Milan de 1450 à sa mort en 1466, dont Bartholomeo avait composé un panégyrique. Le triomphe est la conquête du pouvoir à Milan par le duc (1450). 661 Le texte du manuscrit unique, T, est sans doute corrompu : la répétition dignissima-digna est indigne de Pannonius. La craie imputrescible permet d’écrire des choses qui ne s’effaceront pas ; voir aussi la note sur la craie pourrie dans l’épigramme 453. 662 Claros était une ville d’Ionie, célèbre par son sanctuaire oraculaire d’Apollon, voir l’épigramme 13. 663 Le poète de Smyrne est Homère, car Smyrne est une des nombreuses villes qui prétendaient avoir donné naissance au poète. 664 Le vers est corrompu : nous écrivons quam rectum est. Le laurier est consacré à Apollon et aux Muses, cf. HÉSIODE, Théogonie 30-31. 665 La source Hippocrène autour de laquelle se réunissaient les Muses, voir l’épigramme 8. 666 Les sœurs de Castalie sont les Muses, puisque la fontaine Castalie est une source, à Delphes, consacrée à Apollon et aux Muses (voir l’épigramme 13). La « vallée sacrée » est un souvenir d’OVIDE, Art d’aimer 1, 27-28, qui parle des vallées d’Ascra où Hésiode a vu les Muses (voir la note suivante). 667 Le vieillard d’Ascra (la périphrase est attestée dès VIRGILE, Bucoliques 6, 70) est HÉSIODE, originaire de ce village de Béotie. Il raconte au début de la Théogonie (22-34) que les Muses lui sont apparues et lui ont donné l’inspiration. 657 658

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348 Mayer = I, 327 Teleki Ad Troilum Vis tua facta canam, nec uis dare, Troile, quicquam, sed dicis : « Tua sic fama perennis erit ». Nil de te scribam licet, hoc Tirynthius heros, hoc Ithacus nobis, hoc dabit Aeacides, uel Pagasaea ratis, uel mutua uulnera fratrum, uel pars Romanae quaelibet historiae. Quid, quod tu pariter celebraberis, et tua semper uiuent nominibus nomina iuncta meis ? Aut etiam si me neglectus omiserit index, te tamen insignem pagina tota feret. Nil ago ; cunctaris pretium taxare poetae. Haec summa est : uel da, Troile, uel taceo.

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349 Mayer = I, 328 Teleki Ad eumdem Troile, non tantum nostrae mea carmina prosunt, sed famae prosunt amplius illa tuae. Fac tamen amborum ponantur commoda in aequo, sic etiam medium iure subibis onus. Pallori nostro sit inanis gloria merces, at uobis constet, quod uenit inde, decus. Si pro me non uis, uel pro te, Troile, soluas ; perdo meam partem, perdere nolo tuam. Hoc eme de nostro, gratis hoc sume libello ; qui sua partitur, non uel iniquus homo est.

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348 Mayer = I, 327 Teleki À Troilus Tu veux, sans rien me donner, que je chante tes hauts faits, et tu me dis : « Ainsi ta renommée sera éternelle ». Quand bien même je n’écrirais rien sur toi, le héros de Tirynthe, l’homme d’Ithaque, l’Éacide, 5 la nef de Pagase, les blessures mutuelles des deux frères 668 ou n’importe quelle partie de l’histoire romaine m’accordera cette renommée. Mais toi tu obtiendras la gloire en même temps que moi, et toujours ton nom vivra uni au mien ; ou même, si le titre, par négligence, ne me mentionne pas, tu verras la page tout entière exalter tes mérites. 10 Je ne fais rien, si tu hésites à payer un salaire au poète. En bref, voici : donne, Troilus, ou je me tais. 349 Mayer = I, 328 Teleki Au même personnage Troilus, mes vers ne servent pas ma réputation seule, ils servent beaucoup plus la tienne. Fais cependant en sorte de mettre nos deux bénéfices à égalité 669, ainsi tu assumeras comme il est juste la moitié de la tâche. Qu’une vaine gloire récompense ma pâleur, mais que l’éclat que tu 670 en tires te coûte quelque chose. Si tu ne veux pas payer pour moi, paie au moins pour toi, Troilus ; je perds ma part, je ne veux pas perdre la tienne 671. Achète l’une grâce à notre petit livre, prends l’autre gratuitement ; celui qui partage ses propres biens n’est certes pas un homme injuste 672.

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Il s’agit de différents sujets de poésie élevée empruntés à la mythologie, respectivement Hercule (voir pièce 16), Ulysse (roi de l’île d’Ithaque), Achille (petit-fils d’Éaque), le navire Argo (construit à Pagase en Thessalie), Étéocle et Polynice (les deux fils d’Œdipe, qui s’entretuèrent). Quant au destinataire, Troilus, il porte le nom d’un des fils de Priam et Hécube. 669 Pannonius écrit des vers sur Troilus et juge que ce dernier en tire un plus grand avantage que lui. Il lui demande donc de l’argent pour compenser la différence. 670 Nous comprenons le pluriel uobis comme un pluriel de majesté, certes inhabituel en latin à la deuxième personne. 671 Je perds ma part de travail, qui ne me donne que de la vaine gloire, je ne veux pas perdre ta contribution, le don d’argent. 672 Le sens du dernier distique est obscur.

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350 Mayer = I, 18 Teleki Epitaphium Iohannis Huniadis Iohannes iacet hic, Turcorum ille horror in armis, ille gubernatae gloria Pannoniae. Huniadum creat hunc, comitem Bistricia sumit, Nandoris Albe rapit, hunc tenet Alba Iulae. 351 Mayer = I, 13 Teleki Epitaphium Iohannis, Mathiae regis patris Pannoniae murus, Turcorum terror in armis, si qua, Iohannes hac tegeretur humo. Sed sub Belgrado mundi superauit ut hostem, morte simul domita sidera uiuus adit. Multi laurigeris Capitolia celsa triumphis conscendere duces, solus at iste polum. 352 Mayer = I, 134 Teleki De Laurentio Valla Saecula tot ceruus, tot uiuit saecula cornix ; Valla obit ante diem : quis putet esse deos ?

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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350 Mayer = I, 18 Teleki Épitaphe de Jean Hunyadi 673 Jean gît ici, lui objet d’horreur pour les Turcs dans les combats, lui gloire de la Pannonie qu’il gouvernait. Hunyad 674 lui a donné le jour, Bistrița 675 l’a nommé comte, Alba Nandoris 676 l’a emporté, aujourd’hui Alba Iulia 677 contient ses restes. 351 Mayer = I, 13 Teleki Épitaphe de Jean, père du roi Mathias Rempart de la Pannonie, terreur des Turcs dans les combats, Jean serait ici, si la terre contenait ses os. Mais après avoir vaincu à Belgrade l’ennemi du monde 678, domptant la mort, il s’est élevé vivant jusqu’aux astres. De nombreux chefs sont montés au Capitole pour y triompher couronnés de laurier 679, mais lui seul est monté au ciel.

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352 Mayer = I, 134 Teleki Sur Lorenzo Valla 680 Le cerf vit plusieurs générations, la corneille de même 681. Valla est mort prématurément : qui peut croire qu’il y a des dieux 682 ? 673

Jean (János) Hunyadi, père du roi Mathias Corvin. En tant que régent de Hongrie, ici nommée Pannonie (1446-1452), il reprit la lutte contre les Turcs (« l’ennemi du monde » de l’épigramme suivante). Il mourut peu après sa victoire de Belgrade en 1456, sans doute de la peste. Les deux derniers vers de l’épigramme reprennent la structure de la célèbre épitaphe de Virgile transmise par Donat et Servius (Mantua me genuit, Calabri rapuere, tenet nunc / Parthenope  ; cecini pascua, rura, duces), abondamment imitée depuis l’Antiquité. 674 Ville de Transylvanie, aujourd’hui Hunedoara en Roumanie. 675 Ville de Transylvanie (nommée Beszterce en hongrois) ; voir le texte de la Chronica Hungarorum donné dans MAYER (2006). 676 Nom latin de Belgrade (en hongrois Nándorfehérvár). On trouve plus souvent Nandralba ou Nandoralba. 677 Alba Iulia (Pannonius déforme Iulia en Iulae pour des raisons métriques), ville de Transylvanie. 678 Voir l’épigramme précédente. 679 Allusion au triomphe des généraux romains, dont le cortège se rendait au Capitole. 680 Célèbre humaniste italien, mort à cinquante ans en 1457. 681 Le cerf et la corneille sont traditionnellement cités comme exemples de longévité dans l’Antiquité (par exemple CICÉRON, Tusculanes 3, 69), sans fondement scientifique. Ces animaux sont un motif traditionnellement convoqué soit dans les souhaits de longue vie (par exemple pour Guarino de Vérone, voir SABBADINI [1916], t. I, p. 576 vers 55), soit, comme ici ou par exemple chez LANDINO (Xandra III, 7, 19-22), pour opposer à la mort trop rapide de personnes de mérite la longue vie de gens médiocres. 682 Dans la pièce 131, la mort d’un méchant amenait au contraire Pannonius à croire à l’existence des dieux.

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353 Mayer = I, 33 Teleki Distichon in Vallam Ipse deas ausus reprehendere Valla Camenas, iudicium fertur pertimuisse suum. 354 Mayer = I, 115 Teleki In Antonium hospitem Cum me minori fors locarat in gradu, conuiua, memini, non semel fui tuus, nec par fuisset denegare me pari. Sed clericum tunc, non uocasti antistitem. Nolo superbum me putes : uenio libens. Papae, rotata cocta rapa testula, quam belle acernis afferuntur alueis ! Hanc sibi parabat Curius ipse cenulam, ergastulis hoc conuenit conuiuium. Quid hoc rubelli est ? Tolle funestam picem, lanae hoc lauentur aut equorum colei. At iam secunda mensa sublatis adest fictilibus : uuae rancidae et fici putres. Quid hoc amabo ? Nilne ponis amplius ? Vale, ut mereris, hospes Antoni, uale ! Tam non putabam familiarem me tibi.

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353 Mayer = I, 33 Teleki Distique sur Valla Valla, ayant osé blâmer les divines Camènes 683, a craint lui-même, rapporte-t-on, son jugement. 354 Mayer = I, 115 Teleki Contre son hôte Antonius 684 À l’époque où le hasard m’avait placé dans une condition inférieure à la tienne, j’ai été, je m’en souviens, plusieurs fois ton convive ; il n’aurait pas été juste que je refuse une fois devenu ton égal 685 ; mais alors tu invitais un clerc, maintenant tu invites un évêque. Je ne veux pas que tu me croies orgueilleux : je viens volontiers. 5 Oh ! oh ! des raves cuites à la tête 686 arrondie, élégamment servies dans des bols en érable ! C’est là le petit repas que Curius 687 se préparait lui-même, et un banquet qui convient pour des esclaves. Qu’est-ce que ce liquide rougeâtre 688 ? Enlève cette poix funeste, 10 qu’on y lave des laines ou les couilles des chevaux. Mais déjà on débarrasse et arrive le second plat : des raisins rances et des figues pourries. Qu’est ceci, de grâce ? N’offres-tu rien de plus ? Je te dis adieu comme tu le mérites, mon hôte Antonius. 15 Je ne pensais pas être à ce point ton intime 689. 683

Les Camènes sont les Muses, voir l’épigramme 11. Le sens de cette épigramme, peut-être fragmentaire, nous échappe. On ne voit pas notamment à quoi renvoient ces reproches supposés de Valla aux Muses. 684 Il est vraisemblable que cet Antonius soit le même que celui de la pièce 356, et il s’agit alors, si l’on se fonde sur les indications des manuscrits, d’un évêque de Nitra en Slovaquie. Le poème implique qu’Antonius ait obtenu la dignité épiscopale avant Pannonius. 685 L’adjectif par a un sens différent dans chacune de ses deux occurrences. 686 Le mot testula ne désigne pas ici un pot ou une marmite, mais signifie « petite tête », un emploi du latin de la Renaissance qu’on retrouve par exemple chez ÉRASME (De pueris instituendis, ASD I, 2, 35, 17 ; Paraclesis, LB V, 144 A). Le vers est remarquable par ses allitérations et ses assonances. 687 Sur Curius Dentatus, modèle de frugalité, voir l’épigramme 419. 688 La chose rougeâtre et la poix sont à l’évidence du vin. PERSE 5, 147 et MARTIAL I, 103, 9 appliquent l’adjectif rare rubellus à du mauvais vin de Véies. 689 Pannonius s’inspire ici d’une anecdote, rapportée par MACROBE, Saturnales II, 4, 13, illustrant la patience avec laquelle Auguste supportait la grossièreté d’autrui. Auguste, invité à un dîner, se voit servir un repas frugal et sans aucune recherche. En partant, il murmure simplement au maître de maison : « Je ne pensais pas être à ce point de tes intimes ».

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ÉTIENNE WOLFF

355 Mayer = I, 115 Teleki Ad Antonium Vitrea quae nuper mittebas pocula nobis, Antoni, media rupta fuere uia. Nos tamen haud alias agimus, carissime, grates, integra quam nobis si tua dona forent. Peccat, ab euentu mentem qui pensat amici : semper in officiis est uoluisse satis.

5

356 Mayer = I, 143 Teleki Ad eumdem Perfusam rutilo pateram tibi mittimus auro : aspice quam praestent munera nostra tuis. Ex hac materia uellem tua uasa fuissent : fracta licet quererer, non tamen abnuerem. At tu non ullis obnoxia dona ruinis exemplo, Antoni, mittere disce meo.

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357 Mayer = I, 324, 1-2 Teleki Roma loquitur Quisquis es, ignotis huc uecte a sedibus hospes, aduena nunc, olim ciuis et ipse meus. 358 Mayer = I, 324, 3-10 Teleki Roma ad hospites Seu leuis ambitio, seu lis te huc improba duxit, seu peregrinandi religiosus amor, hoc te, care hospes, precor urbs ueneranda Quirini : cum secura tuis otia rebus erunt, percensere meas pia sit tibi cura ruinas ; sic uideas patriae moenia salua tuae ; uel si festinas, semel udo lumine saltem aspice sim qualis, concipe qualis eram.

5

ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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355 Mayer = I, 115 Teleki À Antonius Les coupes en verre que tu nous as envoyées récemment, Antonius, se sont brisées au milieu du chemin. Cependant, très cher, nous te remercions comme si tes cadeaux étaient arrivés intacts. Il se trompe, celui qui apprécie les intentions d’un ami d’après le résultat : toujours dans les manifestations d’obligeance il est suffisant de vouloir.

5

356 Mayer = I, 143 Teleki Au même personnage Nous t’envoyons une coupe recouverte de l’éclat de l’or : regarde comme mes présents l’emportent sur les tiens. Je regrette que tes pièces de vaisselle n’aient pas été faites de cette matière : je déplorerais certes qu’elles se soient brisées, mais je ne les refuserais pas 690. Toi de ton côté apprends, à mon exemple, Antonius, à envoyer 5 des cadeaux qui ne soient pas susceptibles de se casser. 357 Mayer = I, 324, 1-2 Teleki 691 Rome parle Qui que tu sois, voyageur venu ici depuis un séjour inconnu, tu es un étranger aujourd’hui, mais autrefois toi aussi tu étais mon concitoyen 692. 358 Mayer = I, 324, 3-10 Teleki Rome aux voyageurs Que t’ait conduit ici une vaine ambition, un procès acharné, ou le pieux amour du pèlerinage, cher voyageur, je te demande ceci, moi la ville vénérable de Quirinus 693 : quand la tranquillité sera assurée à tes affaires, aie le pieux souci de parcourir mes ruines ; puisses-tu à cette condition voir sains et saufs les murs de ta patrie ; ou, si tu es pressé, regarde du moins une fois d’un œil humide ce que je suis, et imagine ce que j’étais 694. 690

5

Antonius avait envoyé en cadeau à Pannonius des coupes en verre qui s’étaient brisés en chemin, le poème précédent l’a expliqué. Si ces coupes avaient été dorées, Pannonius regretterait qu’elles soient brisées, mais il pourrait en recueillir la dorure. 691 Ce poème et le suivant, séparés dans les manuscrits, ont été réunis en un seul par l’éditeur TELEKI (1784). Cela ne semble pas indispensable. 692 Ceux qui aujourd’hui sont des étrangers à Rome ont fait partie autrefois de l’Empire romain. Rome est la patrie historique de tous. 693 Quirinus est un ancien dieu romain auquel Romulus a été identifié après sa mort. 694 Ce poème s’inscrit dans la tradition des regrets sur les ruines de Rome illustrée notamment au Moyen Âge par l’élégie d’HILDEBERT DE LAVARDIN (Carmina minora 36) Par tibi, Roma nihil, cum sis prope tota ruina. Voir IMBERT (2011), p. 407-408.

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359 Mayer = I, 252 Teleki De se ipso Laudas me nimium, priscis et uatibus aequas. Mentiris, noui ; me tamen, Ode, iuuat. 360 Mayer = I, 299 Teleki In Lappum Pauper eram : tunc me nec noscere, Lappe, uolebas ; sum locuples : offers mutua, Lappe, decem. Sume triplum, dono, sed condicione sub illa, ut miser aduerso numine semper agas. 361 Mayer = I, 71 Teleki Ad Agapetum Mitte tuos tandem nobis, Agapete, libellos, mitte, inquam : censor non ero, lector ero. 362 Mayer = I, 183 Teleki De Argyropulo philosopho Iure dedit clarum tibi porta argentea nomen, qui nitidum ad sophiam tam bene pandis iter. 363 Mayer = I, 237 Teleki Aristoteles Argyropulo Gratia magna tibi, de Graio qui facis ut sim Italus, et facilis, qui modo durus eram. Vix bene nota meis olim mea dicta Pelasgis te duce nunc Latiis en patuere uiris.

ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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359 Mayer = I, 252 Teleki Sur lui-même Tu me loues à l’excès, tu m’égales aux poètes anciens. Tu mens, je le sais ; cependant cela me fait plaisir, Odus 695. 360 Mayer = I, 299 Teleki Contre Lappus J’étais pauvre : alors tu ne voulais pas même me connaître, Lappus. Je suis riche : tu m’offres de me prêter dix pièces. Prends le triple, je t’en fais cadeau, mais à la condition que tu vives toujours dans le malheur et en butte à l’hostilité divine. 361 Mayer = I, 71 Teleki À Agapetus 696 Envoie-nous enfin tes petits livres, Agapetus, envoie-les, te dis-je : je serai pour eux un lecteur, non un censeur 697. 362 Mayer = I, 183 Teleki Sur le philosophe Argyropoulos 698 C’est à bon droit qu’une porte d’argent t’a donné un nom illustre, puisque tu ouvres véritablement un chemin lumineux vers la sagesse. 363 Mayer = I, 237 Teleki Aristote à Argyropoulos Je t’ai une grande reconnaissance de ce que de Grec tu m’aies rendu Italien, et facile à comprendre quand auparavant j’étais dur. Mes propos, que depuis longtemps mes chers Pélasges 699 connaissent à peine, par tes soins sont aujourd’hui accessibles aux Latins. 695 Cet Odus n’est apparemment pas à identifier avec le Hodus des épigrammes 253-254. 696 Peut-être Agapito Rustici, homme d’Église et poète. 697 Pannonius reprend en substance les deux derniers vers de l’épigramme 322 et notamment la formule finale. 698 Jean Argyropoulos, lettré byzantin qui émigra en Italie après la chute de Constantinople. Il a laissé notamment des traductions latines d’Aristote. Son nom, déformé dans les manuscrits, signifie en effet « porte d’argent ». Pannonius lui rendit visite à Florence, voir BIRNBAUM (1981), p. 60. 699 Poétique pour les Grecs. Les Pélasges seraient les premiers habitants de la Grèce. C’est Aristote qui est censé parler.

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Quid, consanguinei quod sunt interpres et auctor, possidet et geminum Graecia nostra decus ? Scriptores alios ipsi uertere Quirites, at me gentili munere Roma legit.

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364 Mayer = I, 1 Teleki De coruo in uexillo Mathiae regis Dum uidet Hungarici uectum ad fastigia regni Mathiam presso gutture coruus ait : « Illa ego uexillis ales gestata paternis iam fateor geminae cedere laeta cruci. Sin uel sculpar adhuc, uel pingar forte sub illa, ingens et uoto gratia maior erit ». 365 Mayer = I, 360 Teleki De Aenea Pio summo pontifice Qui fuit Aeneas, mutato nominis usu nil aliud certe, quam Pius, esse potest. 366 Mayer = I, 231 Teleki Epitaphium Alphonsi, regis Neapolitani Si Iouis ossa iacent Dictaeo condita busto, Alfonsi hic regis condita membra iacent. Iuppiter aethereas sin possidet integer arces, integer Alfonsus sidera summa tenet.

5

ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

En outre le traducteur et l’auteur sont de même race, et notre Grèce possède là une double gloire. Les Quirites 700 ont traduit eux-mêmes d’autres écrivains, mais moi Rome me lit par le travail d’un homme de ma nation.

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364 Mayer = I, 1 Teleki Le corbeau sur l’étendard du roi Mathias Voyant le roi Mathias porté au faîte du royaume de Hongrie 701, le corbeau dit, la gorge serrée : « Moi, l’oiseau promené sur les étendards de son père, je cède aujourd’hui joyeusement la place à la double croix 702, je l’avoue. Mais si d’aventure on me sculptait ou me peignait en dessous par surcroît, ma reconnaissance infinie dépasserait même mon voeu. »

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365 Mayer = I, 360 Teleki Sur Enea Pio, souverain pontife Celui qui a été Énée ne peut assurément, en changeant de nom, devenir que Pie 703. 366 Mayer = I, 231 Teleki Épitaphe d’Alphonse, roi de Naples 704 Si les os de Jupiter gisent enfouis dans le tombeau du mont Dicté 705, le corps du roi Alphonse gît enfoui ici. Mais si Jupiter occupe intact les citadelles de l’éther, Alphonse habite intact les plus élevés des astres 706. 700

Poétique pour les Romains. Les Quirites sont les citoyens considérés dans leur condition privée. 701 En 1458. Le blason de la famille de son père montre un corbeau (qu’il faut évidemment mettre en relation avec le nom de Corvin) tenant un anneau. 702 La double croix est un des éléments des armoiries de la Hongrie. En devenant roi, Mathias abandonne le blason de sa famille pour celui de la Hongrie. 703 Enea Silvio Piccolomini (voir l’épigramme 323) devint pape en 1458 sous le nom de Pie II, choisi par souvenir de Virgile. Dans l’Énéide, le héros, Énée, est qualifié de pius, « pieux », en italien pio. Pie II voulait exprimer la vision religieuse qu’il avait de son rôle à la tête de l’Église. 704 Alphonse V d’Aragon dit le Magnanime, roi de Naples et de Sicile de 1442 à 1458 sous le nom d’Alphonse Ier. Il tint une cour brillante et favorisa les arts et les lettres. 705 On montrait en Crète (la localisation précise varie) un tombeau qu’on prétendait être celui de Zeus-Jupiter, mais de nombreux auteurs dénonçaient là une invention mensongère des Crétois ; voir CALLIMAQUE, Hymne à Zeus 8-9 ; LUCIEN DE SAMOSATE, Timon 6, Sur les sacrifices 10, Les amis du mensonge 3, L’assemblée des dieux 6, Zeus tragédien 45 ; LUCAIN 8, 872 ; MARTIAL IX, 34, 1. 706 C’est évidemment la seconde hypothèse qui est vraie : Alphonse continue à vivre dans le ciel, ne pouvant pas plus que Jupiter être mortel.

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367 Mayer = I, 135 Teleki Epitaphium Thaddeae Hic tumulata iacet magni Thaddea Guarini, sero secuturum laeta praeisse uirum. Nullum se tanto iactabit nomine marmor : artibus haec uicit Pallada, prole Rheam. 368 Mayer = I, 136 Teleki Epitaphium Guarini Calliope, Clio, Polyhymnia, flete : Guarinus ecce iacet, uestri gloria, uester honos. Occiderit licet ille senex, absoluere nemo fata potest ; semper uiuere dignus erat. 369 Mayer = I, 269 Teleki Epitaphium Guarini Guarinus iacet hic, linguam diffudit in orbem qui Latiam, Latio reddidit Inachiam. 370 Mayer = I, 137 Teleki Epitaphium in Valerium Marcellum Improba ni tenerum, Valeri, te fata tulissent, esses Marcellae fama secunda domus.

ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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367 Mayer = I, 135 Teleki Épitaphe de Thaddea Ici gît ensevelie Thaddea, la femme du grand Guarino, joyeuse d’avoir précédé son mari qui ne devait la suivre que tardivement. Aucun marbre ne se vantera d’un si grand nom : elle a vaincu Pallas dans les arts, et Rhéa dans la descendance 707. 368 Mayer = I, 136 Teleki Épitaphe de Guarino 708 Calliope, Clio, Polymnie 709, pleurez : ici gît Guarino, votre gloire, votre fierté. Bien qu’il soit mort âgé, on ne saurait en aucun cas absoudre le destin ; il était digne de vivre éternellement. 369 Mayer = I, 269 Teleki Épitaphe de Guarino Guarino gît ici, lui qui a propagé dans le monde la langue du Latium, et rendu au Latium la langue d’Inachus 710. 370 Mayer = I, 137 Teleki Épitaphe de Valerio Marcello 711 Si les destins implacables, Valerio, ne t’avaient emporté en pleine jeunesse, tu serais la seconde gloire de la maison de Marcello. 707

Elle eut en effet de très nombreux enfants (neuf étaient encore vivants à la mort de leur père, voir Dizionario biografico degli Italiani, t. 60, 2003, p. 366), alors que Rhéa, épouse de Cronos, n’en avait eu que six. Athéna Pallas préside aux arts, voir l’épigramme 202. 708 L’humaniste Guarino de Vérone (voir l’épigramme 1) est mort en 1460. 709 Calliope est la Muse de la poésie épique et parfois de l’éloquence, Clio la Muse de l’histoire, Polymnie la Muse de l’hymne et de la pantomime, mais elle est parfois associée aussi à la rhétorique. Guarino de Vérone a composé des discours et des poèmes (des pièces de circonstance), ce qui peut expliquer les larmes de Calliope et Polymnie ; en revanche la présence de Clio s’explique mal. Cependant la fonction respective de chacune des Muses a toujours été flottante. 710 La langue d’Inachus est le grec, voir l’épigramme 105. Guarino est donc loué pour avoir répandu dans le monde la connaissance du latin et rétabli dans le Latium, c’est-à-dire plus largement en Italie, la connaissance du grec. C’est naturellement hyperbolique. Pour la connaissance du grec à la Renaissance, voir SALADIN (2000) ; HUMMEL (2009) ; BOULHOL (2014). 711 Valerio Marcello, fils de Jacopo Marcello, protecteur de Pannonius (voir l’épigramme 55).

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Tecum spes Venetum, tecum solacia matris, tecum deliciae disperiere patris. Si probitas, si forma deos, si lingua moueret, Nestoris aetatem uiuere dignus eras. Mota erat his Clotho, Lachesis non ipsa negabat, tertia sed rupit stamina pulla soror.

5

371 Mayer = I, 64 Teleki Ad Galeottum Cum nec amicitia nobis sit iunctior ullus, nec Permessiacis tam madefactus aquis, carmina Marcelli patrios solantia luctus iudicio misi discutienda tuo. Non ego nunc abs te plausus expecto crepantis nec uanum clames ut Galeotte, sophos ; Ista dabit uulgus uel garrula turba clientum, tu fac Quintilio me recitasse putem.

5

372 Mayer = 99/2 Ábel Epitaphium in Lazarum marchionem Malaspinam Gente Malaspina deducens Lazarus ortum hac cubat in parua contumulatus humo, qui quondam uiridis primaeuo in flore iuuentae mortis inaudito procubuit genere. Cum famulo nitidis sese exercebat in armis, nec galea, ut famulus, tempora tectus erat ;

5

ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

Avec toi ont péri l’espoir de Venise, avec toi le réconfort d’une mère, avec toi les délices d’un père. Si la droiture, si la beauté, si l’éloquence pouvaient émouvoir les dieux, tu méritais de vivre l’âge de Nestor 712. Clotho était émue, Lachésis elle-même se ne montrait pas inflexible, mais la troisième sœur a rompu le fil sombre 713.

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371 Mayer = I, 64 Teleki À Galeotto Comme personne ne m’est plus lié d’amitié que toi, ni n’est autant imprégné des eaux du Permessos 714, je t’ai envoyé pour les soumettre à ton jugement les vers où je console Marcello en deuil de son fils 715. Je n’attends pas maintenant de toi des applaudissements retentissants ni que tu cries, Galeotto, un vain bravo. Cela, le public me l’accordera, ou la foule bavarde de ses clients 716 ; toi, fais en sorte que j’aie l’impression d’avoir lu devant Quintilius 717.

5

372 Mayer = 99/2 Ábel Épitaphe du marquis Lazzaro Malaspina 718 Lazzaro, qui tire son origine de la famille Malaspina, repose ici, enseveli sous ce petit tertre ; lui qui était dans la fleur première de sa verte jeunesse a succombé à un genre de mort incroyable. Il s’exerçait avec un serviteur en usant d’armes bien fourbies, 5 et n’avait pas couvert ses tempes d’un casque, comme son serviteur l’avait fait.

712

Nestor est un exemple traditionnel de longévité, voir l’épigramme 170. Clotho et Lachésis sont deux des trois Parques, les divinités du destin, la troisième est Atropos ; voir l’épigramme 106. 714 Le Permessos est un fleuve de Béotie qui prenait sa source sur l’Hélicon, montagne des Muses. Ses eaux sont donc celles de la poésie. 715 Jacopo Marcello avait perdu son fils Valerio, comme on l’a vu par l’épigramme précédente. Pannonius composa pour lui un poème de consolation et en adressa copie à son ami l’humaniste Galeotto (voir l’épigramme 18) ; voir BIRNBAUM (1981), p. 89 et 105 note 19 ; KING (1987) ; KING (1994). 716 Les clients de Jacopo Marcello. 717 Quintilius Varus, critique sévère, voir l’épigramme 307. 718 Les Malaspina sont une famille italienne noble d’origine lombarde. Ce Lazzaro Malaspina n’est pas particulièrement connu. Pannonius traite ici le thème de la mort extraordinaire. 713

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curritur, et falsum pugnae certamen initur. Corruit inflictis unus et alter equis ; pars galeae anterior iugulum perrupit herilem, dum famulum praeceps desuper urget herus.

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373 Mayer = I, 6 Teleki De Catherina regina Hungariae Nostri primus amor, stirps regis clara Bohemi, post matris lacrimas, oscula pauca patris, cum iam Pannonicas auecta inuiseret oras, edidit hos praesens Calliopea sonos : « Mutasti patriam, mutare uocabula debes : sis Catherina uolo, quae Cunigundis eras ».

5

374 Mayer = I, 5 Teleki Conqueritur de mora regis Mathiae in Moldauia Sarmatici montes et uos septemplicis Istri caerulea Euxino cornua mixta mari, ac tu Romanis olim possessa colonis, sed iam corrupto barbara terra sono, quid dominum lentis longe retinetis in armis ? An gelidum Tanain uultis ut ille bibat ? Plena quater totidem complet iam Cynthia menses, dicere adhuc magno nec licet ore : « Venit ».

5

ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

On court, et le faux combat s’engage. Ils s’effondrent l’un et l’autre dans le choc de leurs chevaux ; le maître est tombé la tête la première sur son serviteur, et le devant du casque de celui-ci lui a brisé le cou.

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373 Mayer = I, 6 Teleki Sur Catherine reine de Hongrie 719 Notre plus grand amour, l’illustre fille du roi de Bohème, s’en allant après les larmes de sa mère, les brefs baisers de son père, avait déjà aperçu les régions de Pannonie, quand Calliope 720 en personne a émis ces mots : « Tu as changé de patrie, tu dois changer de nom : je veux que tu t’appelles Catherine, toi qui étais Cunégonde ».

5

374 Mayer = I, 5 Teleki Il se plaint que le roi Mathias s’attarde en Moldavie Montagnes des Sarmates 721, delta bleuté où l’Hister aux sept branches se mêle aux eaux de l’Euxin 722, et toi terre jadis possédée par les colons romains 723 mais aujourd’hui barbare avec ta langue corrompue, pourquoi retenez-vous au loin notre maître dans des combats prolongés ? Voulez-vous qu’il boive le Tanaïs 724 glacé ? Cynthie quatre fois pleine achève déjà un quatrième mois 725, et il n’est pas possible encore de dire d’une voix forte : « Il arrive ».

5

719 Catherine (Cunégonde de son prénom de naissance) de Poděbrady, fille du roi de Bohème Georges de Poděbrady, épousa en 1463 Mathias Corvin et vint s’installer définitivement en Hongrie (la Pannonie). Elle mourut un an et demi après son mariage, à quatorze ans. 720 Le choix de Calliope, la plus éminente des Muses, qui préside à la poésie héroïque, s’explique par le statut élevé de Catherine. 721 Les Sarmates sont un ancien peuple scythe nomade. Il est donc difficile de déterminer à quoi renvoie précisément l’expression Sarmatici montes. 722 L’Hister est le Danube, l’Euxin (le Pont-Euxin) la Mer Noire. 723 La zone a en effet été province romaine sous des noms différents selon les époques. Le sens du vers suivant n’est pas totalement clair. Il fait peut-être allusion au slavon d’église, qui était alors langue officielle et liturgique en Moldavie et concurrençait le roumain d’origine latine. 724 Aujourd’hui le Don. Pour les Romains, c’était un fleuve lointain marquant la frontière entre l’Europe et l’Asie. 725 Cynthie est la lune (non le soleil comme l’écrit FABER [2009a], p. 99), voir l’épigramme 203.

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Quando erit ut redeat ? quando redimita coronis plaudet laeta suo Buda Neoptolemo ? Reddite, si pudor est, absentem reddite tandem : nubere parua uiro iam Catherina potest.

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375 Mayer = I, 3 Teleki Iohannes ad regem Mathiam ut differat bella in tempora ueris Horrida saeuit hiems, et adhuc, rex inclite, bellas, excutiunt densae nec tibi tela niues. Ipsos triste gelu uaginis detinet enses, nec possunt rigidae frena mouere manus. Tu tamen et pugnas misces et moenia frangis, tantum uel Martis, uel genitoris habes. Otia iam placeant ; castris mox rite locandis commodiora noui tempora ueris erunt. 376 Mayer = I, 4 Teleki De captiuitate Dragol, uoiuodae Transalpini Dicite io paean : captus fert uincla tyrannus, si modo non falsum publica fama sonat. Dicite rursus io paean et carmina festis, Pierides Nymphae, iungite festa choris.

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

Quand se produira son retour ? Quand ceinte de couronnes Buda 726 joyeuse applaudira son Néoptolème 727 ? Rendez-nous l’absent, si vous avez quelque pudeur, rendez-le enfin : la petite Catherine peut désormais se marier 728.

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375 Mayer = I, 3 Teleki Jean au roi Mathias pour qu’il diffère la guerre jusqu’au printemps L’âpre hiver sévit, et tu continues à faire la guerre, illustre roi, sans que la neige épaisse ne t’incite à lâcher tes traits. Le gel rigoureux retient les épées elles-mêmes dans le fourreau, et les mains raidies ne peuvent tenir les rênes. Toi cependant tu livres des combats et tu brises des murailles, tu as la force de Mars ou celle de ton père 729. Laisse-toi à présent séduire par le repos : le printemps nouveau sera une saison plus appropriée pour établir ton camp dans les règles.

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376 Mayer = I, 4 Teleki Sur l’emprisonnement de Dragol, voïvode transalpin 730 Chantez joie et victoire 731 : le tyran, prisonnier, est couvert de chaînes, si seulement la rumeur publique ne transmet pas un faux bruit. Chantez encore joie et victoire, et mêlez, nymphes de Piérie 732, les vers de fête aux danses de fête. 726 La ville de Buda, à l’ouest du Danube, capitale de la Hongrie, n’a été réunie avec Pest pour former Budapest qu’en 1873. Buda sera couronnée de fleurs pour fêter le retour du roi. 727 Néoptolème est le fils d’Achille, le plus valeureux des Grecs à la guerre de Troie, et il a participé lui-même à la prise de la ville. Mathias peut être qualifié de Néoptolème dans la mesure où, vaillant lui-même, il est le fils de Jean Hunyadi, qui combattit énergiquement les Ottomans (voir les épigrammes 350 et 351). 728 Les négociations pour ce mariage, qui eut lieu en 1463, avaient commencé en 1458, quand Catherine n’avait que neuf ans. 729 Jean Hunyadi, voir les épigrammes 350 et 351. 730 Le tyran emprisonné est Vlad, surnommé Drăculea, voïvode de Valachie (le qualificatif de « transalpin » du titre doit s’expliquer par le fait que la Valachie, d’un point de vue hongrois, est au-delà des Carpathes) célèbre par sa cruauté. Lorsqu’il eut été battu par les Turcs en 1462, le roi Mathias Corvin (dans le poème le vainqueur absent) le remplaça par Radu et le mit en prison. Voir BIRNBAUM (1981), p. 118 ; CAZACU (1988). 731 Le texte dit exactement : « Dites io péan » : io était un cri de joie dans les fêtes et les triomphes en Grèce et à Rome, voir l’épigramme 222 ; sur le péan, voir l’épigramme 399. 732 Les nymphes de Piérie sont les Piérides, c’est-à-dire les Muses, voir l’épigramme 13.

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At tu, cui nullo decus hoc cum sanguine uenit, ecquid iam medio frigore uictor abes ? Hoc unum cuncti te supplice uoce rogamus, redde tuos uultus, rex uenerande, tuis. Sin populi nil uota mouent, hoc sponsa precatur, hoc genitrix ; an et his, dure, negare potes ?

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377 Mayer = I, 35 Teleki Ad Galeottum Haec tibi Pannonicis epigrammata mittit ab oris inter Hyperboreas maximus Ister aquas. Nec te mirari nimium, Galeotte, decebit, esse uidebuntur uix mea si qua tibi. Scilicet ingenio multum locus addit et aufert, inter et est sub quo sidere carmen eat. In Latiis scripsi fortasse Latinius oris, at nunc barbarico barbara in orbe crepo. Hic Maro ponatur, lyra fiet rauca Maronis ; huc Cicero ueniat, mutus erit Cicero. Tu tamen haec tali poteris deducere lima, uel critici ut medio nata Helicone putent.

378 Mayer = I, 140 Teleki Iohannes episcopus Quinqueecclesiensis de reditu Polycarpi ab urbe Gratulor a terra saluum rediisse Latina, numina nec uotis surda fuisse tuis.

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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Mais toi à qui revient cette gloire qui n’a coûté aucun sang, 5 resteras-tu absent, vainqueur, alors que c’est déjà le milieu des froids ? Voici la seule chose que nous te demandons tous d’une voix suppliante : accorde aux tiens, roi vénérable, de revoir ton visage. Et si les vœux du peuple ne te touchent en rien, ta fiancée et ta mère 733 t’adressent la même prière : peux-tu à elles aussi, cruel, opposer un refus ? 10 377 Mayer = I, 35 Teleki À Galeotto 734 Ces épigrammes, le grand Danube aux eaux hyperboréennes te les envoie depuis les rives de la Pannonie. Et tu ne dois pas trop t’étonner, Galeotto, si certaines te paraissent à peine être de moi. Assurément le lieu ajoute ou retranche beaucoup au talent, 5 et l’astre sous lequel naît un poème a une grande importance 735. Aux rives du Latium j’écrivais peut-être un assez beau latin, mais maintenant dans cette contrée barbare je fais entendre des accents barbares. Installe Virgile ici, sa lyre deviendra rauque ; que Cicéron vienne ici, il sera muet. 10 Toi cependant tu pourras soumettre mes vers à une lime telle que même les critiques sévères penseront qu’ils ont germé au milieu de l’Hélicon 736. 378 Mayer = I, 140 Teleki Jean évêque de Pécs 737 sur le retour de Rome de Polycarpus 738 Je me réjouis que tu sois revenu sain et sauf de la terre latine, et que les dieux n’aient pas été sourds à tes vœux. 733 Respectivement Catherine de Poděbrady, dont il a été question dans les pièces 373 et 374, et Erzsébet Szilágyi. 734 Sur Galeotto, voir l’épigramme 18. L’épigramme a une tonalité ovidienne : Pannonius en Hongrie (la Pannonie) est exilé loin de la culture. Sur l’impossibilité d’écrire en bon latin sur une terre barbare, cf. OVIDE, Tristes III, 1, 17-18 ; Pontiques IV, 2, 19-22 et 13, 17-18. Mais il y a aussi au premier vers un souvenir de MARTIAL III, 1, 1, qui repose sur une analogie de situation : Martial envoie son livre III à Rome depuis Forum Corneli (l’actuelle Imola), où il s’est retiré quelque temps. 735 On notera la tmèse rare du verbe interesse (inter et est), voir ThLL VII¹, 2281, 62-67. 736 Montagne de Béotie qu’habitaient les Muses. 737 Il s’agit bien sûr de Pannonius lui-même, évêque de Pécs depuis 1460. 738 George Polycarpus (György Kosztolányi), hongrois comme Pannonius, fut son ami et son condisciple à l’école de Guarino de Vérone. Il accomplit plusieurs missions diplomatiques en Italie pour le compte de la cour de Hongrie. Pannonius souhaite donc

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Gratius hoc fiet, si nos, Polycarpe, reuisas, ni post tam longum tam breue laedit iter. Quando ego te tota suspensus luce tenebo narrantem uastae dura pericla uiae, quis status Ausoniae, quae sint ibi tempora rerum, quas urbis, quales uideris ipse uiros ? Quodsi non fallit cupidam spes irrita mentem, tota tuo nobis pectore Roma uenit.

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379 Mayer = I, 65 Teleki Ad Galeottum Esse quid hoc dicam ? Rediit, Galeotte, libellus, pagina sed nullas rettulit alba notas. Ast ego Aristarchi stellas et acuta uerebar spicula, Maeonium quis iugulatur opus. Quid faciam, nisi uti placuisse uel omnia credam, omnia uel prorsus displicuisse tibi ? Omnia qui possunt placuisse ? Relinquitur ergo, omnia iudicio displicuisse tuo. Est quiddam ulterius : facturas taedia nugas ne legisse quidem, te, Galeotte, puto.

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Ma joie sera plus grande encore, Polycarpus, si tu me rends visite, à condition qu’un petit déplacement après un grand ne te gêne pas. Quand, suspendu à tes lèvres, t’entendrai-je un jour entier 739 raconter les rudes épreuves de ton long voyage, quel est l’état de l’Ausonie 740, quels sont les événements là-bas, quelles villes, quelles gens tu as vues ? Et si un vain espoir n’abuse pas mon esprit avide, c’est Rome tout entière qui vient à moi avec ton cœur 741.

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379 Mayer = I, 65 Teleki À Galeotto Que dois-je en dire ? Mon petit livre, Galeotto, m’est revenu, mais la page restée blanche ne porte aucune annotation 742. Moi cependant je craignais les astérisques et les chevrons aigus d’Aristarque qui ruinent l’oeuvre du poète méonien 743. Que faire, sinon croire que tout t’a plu ou au contraire complètement déplu ? Comment tout aurait-pu te plaire ? C’est donc que tout ce que j’ai soumis à ton jugement t’a déplu. Il y a quelque chose qui va plus loin : je pense, Galeotto, que tu n’as même pas lu ces bagatelles susceptibles de t’ennuyer.

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que Polycarpus fasse le voyage de Buda à Pécs pour venir le voir. Voir MONFASANI (1976), p. 196-199. 739 Souvenir de VIRGILE, Énéide 6, 722. Les vers 7 et 8 sont, eux, inspirés de Énéide 7, 37-38 et 8, 434. 740 Voir la note à l’épigramme 34. 741 Polycarpus devient en quelque sorte l’esprit de Rome. 742 Pannonius avait envoyé à Galeotto (voir l’épigramme 18) un livre pour qu’il en corrige les imperfections (sur cette pratique, voir l’épigramme 171). Il ne s’agit pas du poème dont parle l’épigramme 371, car le terme de « bagatelles » ne peut s’appliquer à un poème de consolation, mais plutôt des épigrammes mentionnées dans la pièce 377. 743 Aristarque de Samothrace, grammairien d’Alexandrie, utilisait des signes critiques (astérisque, chevron avec pointe à droite appelé diplè, trait en forme de broche nommé obèle) pour annoter les textes. Il s’est particulièrement occupé des poèmes homériques (Homère est le poète méonien, car la Méonie, ancien nom de la Lydie, région d’Asie Mineure, passait pour sa patrie). La sévérité des jugements d’Aristarque était proverbiale. Comme en 342, 6, 404, 13 et 445, 2, quis est un archaïsme pour quibus.

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380 Mayer = I, 139 Teleki Ad Galeottum Tu nunc in patria laetum me uiuere credis, cum tamen in dubio sit mihi uita loco. Nunc fluidus laxa procumbit sanguis ab aluo, nunc saeuit rapida tertia febre dies. Si natalis humus nobis tam triste parabat hospitium, melius non rediisse fuit. Quodsi te incolumem superi, Galeotte, reseruant, dimidia uideor parte ualere mei.

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381 Mayer = I, 138 Teleki Ad Galeottum Vt poma et crudas sumam securior uuas, qui medicum mittas, tu, Galeotte, facis. 382 Mayer = 123/2 Ábel Ad Polycarpum Occurrit quicquid, tu mox epigrammata poscis. Nec fieri hoc debet, nec, Polycarpe, potest, nec ualet ex omni signata moneta metallo, sed quae uel rutilat fulua, uel alba nitet. Tum demum facili componam pectore carmen, si dederis dignam carmine materiam. Hanc olim festiua tenent epigrammata legem, commendet pungens semper ut illa sapor. Sunt quaedam, nullo quae possim dicere metro, sunt quaedam, quae nil dicta leporis habent.

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380 Mayer = I, 139 Teleki À Galeotto Tu crois que je mène une vie agréable dans ma patrie, alors pourtant que ma vie même est en danger. Tantôt un sang abondant s’écoule de mes intestins relâchés, tantôt m’attaque avec fureur une violente fièvre tierce. Si le sol natal nous préparait un si triste accueil, il aurait mieux valu ne pas revenir. Mais si les dieux, Galeotto, te conservent sain et sauf, j’aurai l’impression que la moitié de moi est en bonne santé.

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381 Mayer = I, 138 Teleki À Galeotto Pour que je prenne sans risque des fruits et des raisins verts, tu fais en sorte, Galeotto, de m’envoyer un médecin 744. 382 Mayer = 123/2 Ábel À Polycarpus 745 Quel que soit le sujet qui te vienne à l’esprit, tu me demandes aussitôt une épigramme. On ne doit pas écrire ainsi, Polycarpus, et on ne le peut ; la monnaie frappée dans n’importe quel métal n’a pas de valeur ; il faut celle qui a un éclat jaune ou celle qui a un blanc brillant 746. C’est seulement si tu me donnes une matière digne d’un poème 5 que je composerai un poème avec une inspiration aisée. La règle veut d’ordinaire que les épigrammes plaisantes se recommandent par une saveur piquante. Il y a des choses que je ne pourrais aucunement mettre en vers, il y a des choses qui, en vers, n’ont aucun charme. 10

744 Le texte latin mittis est problématique ; nous adoptons la correction mittas de BARRETT (1985), p. 148 et comprenons facis qui mittas au sens de facis ut mittas, mais le sens reste obscur. 745 Voir la pièce 378. 746 La monnaie d’or et la monnaie d’argent, bien sûr.

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383 Mayer = I, 17 Teleki De corona regni, ad Fridericum Caesarem Quid retines nostram, Caesar Friderice, coronam ? Fausta umquam genti non fuit illa tuae. Testis erit primae fraudatus flore iuuentae Henricus, Stephano quem pia Gesla dedit. Testis bis pulsi letum miserabile Petri, ac Salomoniacae crebra ruina fugae. Testis quin etiam spoliati casus Othonis, nec non Alberti mors properata tui. Testis et ille tua puer enutritus in aula, qui nuper thalamos occidit ante nouos.

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383 Mayer = I, 17 Teleki Sur la couronne royale, à l’empereur Frédéric Pourquoi conserves-tu notre couronne, empereur Frédéric 747 ? Elle n’a jamais porté chance à ton peuple 748. Témoin Henri 749, que la pieuse Gisèle enfanta pour son mari Étienne, et qui fut emporté dans la fleur de sa première jeunesse. Témoin le trépas pitoyable de Pierre, deux fois chassé du trône 750, et les défaites répétées de Salomon condamné à la fuite 751. Témoin encore le malheur d’Othon dépouillé du pouvoir 752, et la mort prématurée de ton cher Albert 753. Témoin aussi cet enfant élevé à ta cour et décédé récemment peu avant son mariage 754. 747

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Mathias Corvin avait été élu en 1458 roi de Hongrie. Mais des nobles hongrois mécontents proposèrent la couronne à Frédéric III, empereur du Saint-Empire (14521493), et un contre-couronnement eut lieu en 1459. Il s’ensuivit un conflit qui dura jusqu’en 1462 et à l’issue duquel Frédéric renonça contre une importante somme d’argent. Frédéric avait au reste en sa possession la couronne de Saint-Étienne, symbole de la Hongrie, qui lui avait été apportée à Vienne en 1439 par Élisabeth, veuve d’Albert II de Habsbourg (voir la note plus bas). Dans notre épigramme, corona peut s’entendre au sens propre ou au sens figuré. 748 Le mot gens ne peut signifier « famille » comme le veulent BARRETT (1985), p. 97 (« kin ») et FABER (2009a), p. 112 (« Geschlecht »). En effet l’empereur Frédéric II et le roi Albert II sont des Habsbourg, mais ni Gisèle de Bavière, ni Pierre de Hongrie, ni Salomon, ni Othon III n’appartiennent à cette famille. En revanche ils sont tous Allemands ou liés à des Allemands. C’est donc au peuple allemand que renvoie gens. 749 Le fils d’Étienne Ier de Hongrie († 1038) et de Gisèle de Bavière ne s’appelait pas Henri mais Imre (Emmerich). Il mourut avant son père à l’âge de trente ans. C’est en raison de son ascendance maternelle que Pannonius le considère comme Allemand : Gisèle était la sœur de l’empereur Henri II. 750 Étienne Ier, privé de descendance directe, désigna comme successeur son neveu vénitien Pietro (Pierre) Orseolo, connu ensuite sous le nom de Pierre de Hongrie. Celui-ci, jugé trop favorable aux Allemands et aux Italiens, fut déposé une première fois en 1041, remonta sur le trône avec l’appui de l’empereur Henri III, puis fut chassé par une révolte en 1046 et exécuté. 751 Le roi Salomon de Hongrie, mari de la sœur de l’empereur Henri IV, régna de 1063 à 1074, date à laquelle il fut vaincu par ses cousins Géza et Ladislas à la bataille de Mogyoród. Il essaya ensuite plusieurs fois de reprendre le pouvoir, mais fut toujours défait et mis en fuite. 752 Othon III de Bavière tenta de s’imposer sur le trône de Hongrie et fut couronné en 1305. Cependant, capturé par le voïvode de Transylvanie, il dut renoncer à ses prétentions et se retira en Bavière. 753 Albert II de Habsbourg, couronné roi de Hongrie sous le nom d’Albert Ier en 1438, mourut en 1439 à quarante et un ans de la dysenterie aux cours des préparatifs d’une offensive contre les Turcs. Il était cousin de Frédéric III. 754 Ladislas V le Posthume, fils d’Albert II et d’Élisabeth de Luxembourg, régna sur la Hongrie de 1445 à 1457 mais sans exercer la réalité du pouvoir en raison de son jeune âge. Il mourut à dix-sept ans alors que se préparait son mariage avec Madeleine de France.

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Horum tu, si quid sapies, exempla timebis : felix, alterius qui cauet ipse malo. Nec tanti facies tam uani nominis umbram, fatorum ut similes experiare uices. 384 Mayer = I, 20 Teleki Ad Fridericum Caesarem Romula res olim Fabio cunctante reuixit, nunc cunctante eadem te, Friderice, perit. Nam tu continue consultas, nec facis umquam : mallem aliquid faceres uel sine consilio. Quid tibi cum gelido Saturni sidere inertis ? Caesaribus mores Martis inesse decet.

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385 Mayer = I, 196 Teleki In inconstantem Fortunae non hac tantum ratione uideris filius, assidue quod fauet illa tibi, sed quod proposito nec tu persistis in uno, euehis et prauos, pellis ad ima probos. Quid precor ergo tibi, nisi quod tua, pessime, mater, in te etiam solitis moribus esse uelit. 386 Mayer = I, 2 Teleki Imprecatio deorum pro rege Mathia in Turcos bellum sumente Rex pia Mathias in Turcos signa resumit, nunc age de toto numina adeste polo. Da clauam, Alcide, iuueni, da, Phoebe, sagittas, Mars, gladium, Pallas, Gorgona, Castor, equum.

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Si tu es sage, tu craindras leur exemple : heureux, celui qui se préserve du malheur d’autrui. Et tu ne mettras pas à si haut prix l’ombre d’un vain nom 755 au risque de connaître un pareil retournement de destin. 384 Mayer = I, 20 Teleki À l’empereur Frédéric La temporisation de Fabius autrefois a sauvé Rome 756, aujourd’hui ta temporisation, Frédéric, la fait périr. Car tu délibères continuellement et n’agis jamais ; je préférerais que tu agisses même sans avoir pris conseil. Qu’as-tu à faire avec l’astre glacé de l’inerte Saturne 757 ? Les empereurs doivent avoir le caractère de Mars.

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385 Mayer = I, 196 Teleki Contre un inconstant Tu ne parais pas le fils de la Fortune pour la seule raison qu’elle te favorise continuellement, mais parce que tu ne persistes jamais dans le même dessein, que tu promeus les méchants et abaisses les bons. Que te souhaiter sinon que ta mère, scélérat, consente à avoir avec toi aussi son comportement habituel 758 ?

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386 Mayer = I, 2 Teleki Prière aux dieux pour le roi Mathias qui engage la guerre contre les Turcs Le roi Mathias reprend la pieuse guerre contre les Turcs, allons, divinités, venez ici de tout le ciel. Donne une massue à ce jeune homme, Hercule, donne-lui des flèches, Phébus, toi, Mars, une épée, toi, Pallas, la Gorgone, toi, Castor, un cheval 759. 755 Le nom de roi. L’ombre, parce que Frédéric ne possède que l’apparence du pouvoir royal, détenu dans la réalité par Mathias. La clausule est un souvenir de LUCAIN 1, 135 magni nominis umbra. 756 Lors de la deuxième guerre punique Fabius Cunctator, pour ne pas risquer une nouvelle défaite face à Hannibal, évita systématiquement le combat rangé, permettant ainsi à Rome de reconstituer ses forces, voir l’épigramme 335. L’empereur est Frédéric III, comme dans le poème précédent. L’épigramme pourrait dater de 1463, voir BARRETT (1985), p. 243 note 65. 757 La mélancolie était attribuée à l’influence de la planète Saturne. 758 C’est-à-dire qu’elle se montre changeante et fasse succéder le malheur à la faveur. La pièce pourrait être dirigée contre le roi Mathias Corvin lui-même, voir HORVÁTH (1972), p. 291. 759 Les dieux donneront à Mathias ce qui est un de leurs attributs : la massue pour Hercule ; les flèches pour Phébus-Apollon, dieu-archer ; l’épée pour Mars, dieu de la

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Mulciber arma para non ullis peruia telis, qualia Pelidae, Dardanioue duci. Hunc inter pugnae certamina uulnere ab omni, aegide praetenta, Iuppiter, ipse tegas. Quodsi lenta iuuant residis uos otia uitae, solum siderea mittite ab arce patrem. Ille suo custos satis est in proelia nato, ille modo in caelo missile fulmen habet.

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387 Mayer = I, 12 Teleki Se ipsum excusat quod non proelia tractet Belligeri proceres, me regia castra sequentem ne frustra ignaui carpite, quaeso, metus, quod numquam aduersos decurro armatus in hostes, scando nec obsessi moenia celsa loci, sed spectator iners aliena pericula miror. Non timor hoc, uestri, credite, cura iubet. Gloria nempe, uiri, petitur longissima uobis : haec faciles plagas, funera grata facit. Quodsi pugnantem rapiat sors ulla poetam, quis uestras mortes, funera uestra, canet ?

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388 Mayer = II, 1 Teleki Epitaphium Barbarae matris Nobilior uitae meritis, quam praesule nato hac sub marmorea Barbara mole iacet. Dum licuit, stirpis fouit pia cura parentem, illi dulce fuit sospite prole mori. Nunc pro se uicibus numen caeleste precantur, filius in terris, mater in arce poli.

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

Mulciber, prépare-lui un bouclier qu’aucun trait ne transperce, comme pour le Pélide ou le chef dardanien 760. Jupiter, protège-le toi-même de toute blessure au milieu de la mêlée en tendant devant lui l’égide 761. Mais si vous préférez vivre dans le repos paresseux et l’inaction, envoyez son père 762 seul depuis la citadelle des astres. Il suffit pour protéger son fils dans les combats, il a seulement à brandir dans le ciel la foudre.

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387 Mayer = I, 12 Teleki Il s’excuse de ne pas participer aux combats Nobles guerriers qui me voyez suivre le camp du roi, ne m’accusez pas à la légère de peur et de lâcheté 763, je vous en prie, sous prétexte que je n’affronte jamais en armes les ennemis qui nous font face, ni n’escalade les remparts élevés de la place que nous assiégeons, me contentant de regarder en spectateur inerte les dangers d’autrui. 5 Croyez-le, ce n’est pas la crainte, mais le souci de vous qui m’incite à agir ainsi. Vous recherchez, messieurs, une gloire durable : cette gloire rend les plaies légères et le trépas agréable. Mais si le sort enlève au milieu des combats le poète, qui chantera votre mort et vos blessures ? 10 388 Mayer = II, 1 Teleki Épitaphe de sa mère Barbara 764 Plus illustre par les mérites de sa vie que pour avoir donné naissance à un prélat, Barbara gît sous cette masse de marbre. Le pieux souci de son enfant 765 l’a soutenue tout le temps possible, il lui a été doux de mourir en voyant sa descendance en bonne santé. Maintenant ils prient l’un pour l’autre la puissance céleste, 5 le fils sur la terre, la mère dans la citadelle du ciel. guerre ; la Gorgone pour Athéna-Pallas (il s’agit de la tête de la Gorgone Méduse, tuée par Persée et que la déesse fixa sur son bouclier) ; le cheval pour Castor, grand cavalier. 760 Mulciber est un des noms de Vulcain. C’est ce dieu qui a forgé les armes d’Achille (dit le Pélide car il est fils de Pélée) et celles d’Énée (« dardanien » signifie « troyen », voir la pièce 2). Arma a ici le sens de « bouclier », voir ThLL II, 591, 56-77. 761 L’égide est le bouclier de Jupiter, recouvert d’une peau de chèvre (tel est le sens du mot en grec), celle de la chèvre Amalthée qui avait nourri le dieu enfant. 762 Jean Hunyadi, père du roi Mathias Corvin, voir les épigrammes 350 et 351. 763 La construction de carpere avec le génitif du grief est inhabituelle. L’épigramme est humoristique. 764 La mère de Pannonius, Barbara Vitéz (voir l’épigramme 267), mourut le 10 décembre 1463. Pannonius consacre aussi à la mort de sa mère l’élégie I, 4. 765 Le mot stirpis est un collectif. De fait Barbara avait eu trois fils et une fille, et, à son décès, étaient encore vivants, outre Pannonius, un autre des fils et la fille, voir BIRNBAUM (1981), p. 12. Cependant la suite de l’épigramme montre que Pannonius pense ici à lui seul.

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389 Mayer = I, 28 Teleki De amygdala in Pannonia nata Quod nec in Hesperidum uidit Tirynthius hortis, nec Phaeaca Ithacae dux apud Alcinoum, quod fortunatis esset mirabile in aruis, nedum in Pannoniae frigidiore solo, audax per gelidos en floret amygdala menses, tristior et ueris germina fundit hiems. Procne, Phylli, tibi fuit expectanda ; uel omnes odisti iam post Demophoonta moras ? 390 Mayer = p. 45 Csapodi Ad Anthimum Quid frustra miseros uitta tegis, Anthime, canos ? Celari nequeunt tussis, amor, senium. 391 Mayer = I, 312 Teleki Ad Vitum Lector et auditor cum desit, Vite, requiris cur scribam. Musis et mihi, Vite, cano.

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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389 Mayer = I, 28 Teleki Sur un amandier né en Pannonie 766 Ce que le Tirynthien n’a pas vu dans le jardin des Hespérides, ni le chef d’Ithaque chez le Phéacien Alcinoos 767, ce qui serait admirable au séjour fortuné 768 et qui l’est plus encore sur le sol très froid de la Pannonie : un amandier audacieux fleurit pendant les mois de gel mais le sombre hiver disperse ces germes du printemps 769. Phyllis, il te fallait attendre Procné, ou bien tous les retards te sont-ils odieux depuis Démophoon 770 ?

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390 Mayer = p. 45 Csapodi À Anthimus Pourquoi caches-tu sous un bandeau tes misérables cheveux blancs, Anthimus ? C’est inutile : ni la toux, ni l’amour, ni la vieillesse ne se peuvent dissimuler. 391 Mayer = I, 312 Teleki À Vitus 771 Alors que je n’ai ni lecteur ni auditeur, tu me demandes, Vitus, pourquoi j’écris. Je chante pour les Muses et pour moi, Vitus 772.

766 Cet amandier de Hongrie (la Pannonie) symbolise évidemment Pannonius luimême, arbre méditerranéen transplanté et dont les fleurs poétiques précoces sont condamnées à mort dans ce rude pays engourdi par le froid de l’ignorance. 767 Le Tirynthien est Hercule, voir l’épigramme 16. Un de ses travaux consistait à rapporter les pommes d’or qui poussaient dans le jardin des Hespérides et que gardait un dragon. Le chef d’Ithaque est Ulysse (voir l’épigramme 348). Après un naufrage, il aborda au pays des Phéaciens, où il fut reçu par leur roi Alcinoos. Le palais royal d’Alcinoos était entouré d’un verger merveilleux où des fruits variés mûrissaient sans interruption durant toute l’année. 768 Les Champs Élysées, séjour des bienheureux après leur mort. 769 Les fleurs ne donneront donc pas de fruits. 770 Phyllis, une jeune princesse de Thrace, tomba amoureuse de Démophoon qui, au retour de Troie, avait été jeté sur la côte de ce pays. Il lui promit le mariage, mais elle consentit à le laisser partir régler quelques affaires à Athènes avant qu’il ne la rejoigne définitivement. Il ne revint pas, et elle se pendit. Elle fut transformée en amandier. Procné, qui fut métamorphosée en hirondelle, désigne ici le printemps. 771 Il s’agit de Vitus Huendler, vicaire de Pannonius à Pécs, voir BIRNBAUM (1981), p. 115, 119 et 153 note 1. 772 Pannonius n’a pas en Hongrie un public capable de l’apprécier. Le vers 2 peut être un souvenir d’OVIDE, Tristes IV, 1, 91 (ipse mihi…scriboque legoque), qui, exilé à Tomes, se trouvait lui aussi isolé.

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392 Mayer = I, 235 Teleki In Vitum Nomine te uitulum qui dixit, Vite, minuto, uerius hic potuit dicere, Vite, bouem. 393 Mayer = I, 325 Teleki De Pio pontifice maximo, qui obiit in expeditione contra Turcos Cum Pius in Turcos pia tollit signa Secundus, dum culpant segnes strenua bella patres, dum simul Occasus sequitur, simul Arctos euntem, soluere dum classem, dum dare uela parat, Hadriaci extinctus Piceno in litore ponti famosum subito funere rupit iter. Sis licet ingentis uana spe lusa triumphi, da ueniam fatis, anxia Roma, tamen, praecisas neu plange uias ; fortasse fuisset peruenisse minus, quam properasse fuit.

394 Mayer = I, 232 Teleki Epitaphium papae Pii Cum totus petit astra Pius, de praesule tanto indignata sibi est terra manere nihil ; sed frustra conata animam retinere uolucrem hic cupido pressit corpus inane sinu.

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392 Mayer = I, 235 Teleki Contre Vitus Celui qui t’a appelé du petit nom de veau, Vitus 773, aurait été plus près du vrai en t’appelant bœuf, Vitus. 393 Mayer = I, 325 Teleki Sur Pie, souverain pontife, mort dans l’expédition contre les Turcs 774 Pie II levait ses pieuses enseignes contre les Turcs, non sans que les cardinaux 775 nonchalants ne blâmassent cette guerre énergique. Tandis qu’à la fois les régions du Couchant et de l’Ourse 776 le suivaient dans sa marche et qu’il se préparait à appareiller et à mettre à la voile, il s’est éteint dans le Picenum 777 sur le rivage de la mer Adriatique, 5 et a interrompu par sa mort soudaine un voyage illustre. Bien que tu aies été trompée dans ton vain espoir d’un immense triomphe, pardonne cependant, Rome inquiète 778, aux destins, et ne te lamente pas sur cette entreprise brisée : peut-être aurait-il été moins grand d’arriver à destination qu’il ne l’a été de se hâter. 10 394 Mayer = I, 232 Teleki Épitaphe du pape Pie 779 Comme Pie gagnait tout entier les astres, la terre s’est indignée qu’il ne lui restât rien d’un si grand prélat ; ayant tenté en vain de retenir son âme ailée, elle a pressé ici dans son sein avide le corps vide. 773

Jeu de mots très difficile à rendre sur le nom Vitus et le mot latin uitulus, « veau », présenté comme un diminutif de Vitus. Cette épigramme a pu inspirer la pièce de Friedrich von Logau intitulée « Auf Vitum », voir Fr. VON LOGAU (1967), p. 178 : « Veit, man nennt dich ein Ochsen ; dies gefüllt dir schwerlich halb. Ochse kannstu künftig heißen ; bleib jetzunder noch ein Kalb. » 774 Le pape Pie II, voir l’épigramme 365. En juin 1464, il se dirigea vers Ancône (port des Marches) pour conduire lui-même la croisade qu’il avait lancée contre les Turcs. Mais il y mourut en août 1464 et l’entreprise fut abandonnée. 775 On peut hésiter sur le référent de patres : s’agit-il des princes chrétiens de l’Europe, peu enthousiastes devant ce projet de croisade, ou des cardinaux, plus attachés à leur vie luxueuse qu’à la lutte contre les Turcs ? Nous avons choisi la seconde solution. L’interprétation de BARRETT (1985), p. 217 (« slothful elders ») et de FABER (2009a), p. 305 (« träge Väter ») selon laquelle il s’agirait des anciens ou des pères de famille ne semble pas devoir être retenue. 776 Manière de désigner les pays du Nord, l’Ourse étant une constellation située près du pôle arctique, voir l’épigramme 160. 777 Région de l’Italie ancienne qui correspond à l’actuelle province des Marches. 778 Rome est sans doute dans l’inquiétude parce qu’elle n’a plus de pape. 779 Voir l’épigramme précédente.

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395 Mayer = I, 264 Teleki De Paulo pontifice summo Qui modo Petrus eras, Paulus nunc diceris idem, ac Petri et Pauli culmina summa tenes. Claue potens meritis reserat caelestia Petrus, at Paulus gladio noxia cuncta secat. Sic et tu amborum fungens uice, maxime praesul, percute sacrilegos, sidera pande piis.

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396 Mayer = I, 29 Teleki De prodigio cladem summo pontifici significante Quem meus aligera uenator cuspide ceruum perculerat, raui diripuere lupi. Omine perturbor, ne forsitan improbus hostis, Petre, tibi sacras depopuletur oues. Astra minantur idem ; sed tu, sanctissime mundi ianitor, in melius tristia monstra refer. Summa tibi terrae, caeli est tibi summa potestas, soluere siue aliquid, siue ligare uelis. Quodsi non aptas haec ad tutamina claues causaris, gladium te prope Paulus habet. Armato manda collegae proelia inermis : ille tuum stricto proteget ense gregem.

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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395 Mayer = I, 264 Teleki Sur Paul souverain pontife Toi qui naguère étais Pierre, maintenant on t’appelle Paul 780, et tu possèdes la dignité suprême de Pierre et de Paul 781. Pierre, par le pouvoir de sa clé 782, ouvre le séjour céleste à ceux qui le méritent, pendant que Paul de son glaive abat toutes les forces du mal. Acquitte-toi donc du rôle de l’un et de l’autre, souverain pontife : 5 frappe les incroyants, ouvre aux hommes pieux la voie des astres. 396 Mayer = I, 29 Teleki Sur un prodige annonçant au souverain pontife un malheur Le cerf que mon chasseur avait transpercé de son épieu ailé a été mis en pièces par les loups gris 783. Ce présage me trouble : je crains que peut-être l’ennemi mauvais 784, Pierre, ne fasse des ravages parmi tes saintes brebis. Les astres expriment la même menace : mais toi, très saint portier du monde 785, change en bien ces sinistres avertissements. Tu as le pouvoir suprême sur la terre et sur le ciel, que tu veuilles délier ou lier 786. Et si tu allègues que tes clefs ne sont pas adaptées à de tels actes de défense, Paul près de toi a le glaive 787. Toi qui es sans armes, confie les combats à ton collègue armé, il protégera ton troupeau en tirant l’épée. 780

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Paul II, pape de 1464 à 1471, s’appelait Pietro Barbo. Pannonius parle beaucoup moins favorablement de lui dans les épigrammes 421-424. 781 Le pape est le successeur de Pierre, premier évêque de Rome. Mais, dans la mesure où les deux apôtres Pierre et Paul ont été martyrisés à Rome, le siège de Rome a un double caractère apostolique et le pape peut être dit, même si la chose est moins fréquente, successeur de Pierre et de Paul. Ici l’appellation est amenée par le jeu de mots sur le nom de Paul II. 782 Voir l’épigramme suivante. 783 L’adjectif rare rauus, « gris », est ici un souvenir d’HORACE, Odes III, 27, 3 raua… lupa. 784 Le diable. Pierre est le pape Paul II, voir l’épigramme précédente. On ne sait à quel événement le poème fait allusion. 785 Le pape est le portier du monde dans la mesure où le Christ a confié à Pierre les clefs du royaume des cieux (Matthieu 16, 19). 786 Allusion à Matthieu 16, 19 : « Je te donnerai les clefs du royaume des Cieux, et ce que tu lieras sur la terre se trouvera lié dans les cieux, et ce que tu délieras sur la terre se trouvera délié dans les cieux ». 787 En tant que successeur de Paul (voir l’épigramme précédente), le pape peut aussi agir par l’épée pour protéger les chrétiens. La préposition prope est postposée, ce qui est très rare (voir cependant CATULLE 68, 109).

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397 Mayer = I, 223 Teleki De homine praepostero Quem tenebris uigilare iuuat, dormire diebus, cur non et uersis uestibus ire iuuat ? 398 Mayer = I, 224 Teleki De intempestiue comedente Ante diem prandes ; medio uix pronus Olympo deflexit Titan, cena parata tibi est. Quis ferat haec ? Illud tamen indulgebimus omnes, exul ab octaua si, Ludouice, bibas.

399 Mayer = I, 51 Teleki De translatione Iohannis episcopi Varadiensis in ecclesiam Strigoniensem Pangite, laurigeri, laetum paeana, sodales, festius et solito Calliopea sonet ! Metropolitanae supremum sedis honorem dat princeps domino, dat pia Roma meo. Haec uox per populos immensi transeat orbis, uox haec a terris sidera summa petat. Cedat Strigonio Varadinum, Chrysius Istro ; sit patrum primus, qui modo quartus erat.

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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397 Mayer = I, 223 Teleki Sur un homme faisant tout à rebours Tu aimes rester éveillé la nuit et dormir le jour : pourquoi n’aimes-tu pas sortir avec les vêtements à l’envers ? 398 Mayer = I, 224 Teleki Sur quelqu’un qui mangeait à contretemps Tu déjeunes avant le jour ; à peine le Titan 788, commençant sa descente, s’est-il écarté du milieu de l’Olympe, ton dîner est prêt. Qui supporterait cela ? Tous nous te l’accorderons cependant, Lodovicus, si c’est parti en exil que tu bois dès la huitième heure 789. 399 Mayer = I, 51 Teleki Sur l’élévation de János évêque de Várad à l’église d’Esztergom 790 Composez un joyeux péan 791, compagnons couverts de laurier, et que Calliope entonne un chant plus allègre que d’habitude 792 ! Le prince accorde à mon maître, la pieuse Rome accorde à mon maître 793 l’honneur suprême du siège métropolitain 794. Que cette nouvelle se répande parmi les peuples dans l’immensité du monde, que cette nouvelle gagne depuis la terre le sommet des astres. Que Várad cède à Esztergom, le Chrysius à l’Hister 795 ; qu’il soit le premier des évêques, lui qui auparavant était le quatrième 796.

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Le Soleil (Hélios), fils du Titan Hypérion, est lui-même souvent en poésie qualifié de Titan. L’Olympe désigne le ciel (cf. l’épigramme 166). 789 Selon JUVÉNAL 1, 49, le général et homme d’État Marius, exilé, se mettait à boire dès la huitième heure, c’est-à-dire vers 13 heures. Pannonius souhaite donc à Lodovicus d’être exilé. 790 János Vitéz, l’oncle de Pannonius, d’abord évêque de Nagyvárad (autrefois Várad), en Transylvanie (voir l’épigramme 321), fut nommé en 1465 archevêque d’Esztergom. 791 En Grèce, chant d’action de grâce à un dieu, pour célébrer un succès ou une victoire. Les compagnons couverts de laurier (voir l’épigramme 322) sont apparemment des poètes amis de Pannonius. 792 Calliope préside à la poésie héroïque, un genre noble mais grave. En la circonstance elle doit montrer de la gaieté. 793 Évêque de Pécs, Pannonius est soumis à l’archevêque d’Esztergom. 794 L’archevêque d’Esztergom est primat de Hongrie. 795 Voir l’épigramme 321. 796 János Vitéz est devenu le premier évêque de Hongrie. Il en était avant le quatrième, en raison de la hiérarchie des provinces ecclésiastiques de la Hongrie d’alors.

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400 Mayer = I, 367 Teleki Ad Iulium Scribendi ratio cum sit uel sola poetis gloria, uel certe maxima, solus is es, qui scripta abscondas. Vel, Iuli, plus sapis unus, uel nihil omnino (quod mage credo) sapis. 401 Mayer = I, 368 Teleki Ad eumdem Quid tua tantum in te peccarunt carmina, Iuli, tristibus in tenebris semper ut illa premas, nec leuius serues, quam carcere quaestor in imo custodit, si quos ultima poena manet. Tandem ea mitte foras, aut si meruere necari, fige cruci uel sic perfruitura die.

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402 Mayer = I, 371 Teleki Ad Iulium Gratum est, quod mea perlegenda poscis, Iuli, carmina, gratius sed illud esset, si tua mitteres uicissim. Nam sunt iudicio diserta nostro, nec communis habent notam monetae. Cunctis et dubio procul placerent. Sed tu sic ea condis et relegas intra scrinia, cistulas, locellos, communita seris fere ducentis, ut nec sol ualeat uidere, summo solus qui omnia cernit ex Olympo. Tam seruas uigili reposta cura, quam Phoebi Scythicos aues smaragdos,

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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400 Mayer = I, 367 Teleki À Julius Alors que pour les poètes la seule raison d’écrire, ou du moins la principale, est la gloire, tu es le seul à dissimuler tes écrits. Soit, Julius, tu es plus sage que les autres, soit (ce que je croirais davantage) tu ne l’es absolument pas. 401 Mayer = I, 368 Teleki Au même personnage De quel grand crime tes poèmes sont-ils coupables envers toi, Julius, pour que tu les enfermes toujours dans de tristes ténèbres, et que tu les y maintiennes avec plus de sévérité que le prévôt 797 garde au fond de la prison ceux qu’attend le châtiment suprême ? Laisse-les enfin sortir ou, s’ils ont mérité la mort, mets-les en croix, afin que même ainsi ils profitent du jour.

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402 Mayer = I, 371 Teleki À Julius Je me réjouis que tu me demandes mes poèmes à lire, Julius, mais je me réjouirais davantage si tu m’envoyais les tiens en retour ; car ils sont, à mon avis, éloquents, et ne portent pas la marque d’une frappe commune 798. Sans aucun doute ils plairaient à tous. Mais tu les dissimules et les relègues dans des coffrets, des cassettes, des boîtes, en les défendant par environ deux cents serrures, de sorte que même le soleil ne peut les voir, lui qui seul aperçoit tout depuis le sommet de l’Olympe 799. Tu les gardes enfouis avec un soin aussi vigilant que les oiseaux de Phébus gardent les émeraudes de Scythie 800,

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797 L’emploi du mot quaestor pour désigner un personnage en charge de la justice et de la police est un italianisme. Notre traduction est une adaptation. 798 Métaphore empruntée au domaine de la fabrication des monnaies. 799 L’Olympe désigne le ciel, voir l’épigramme 166. Le passage porte la trace de l’explication étymologique du nom du soleil par l’adjectif solus, « seul », bien attestée dans l’Antiquité (cf. CICÉRON, De la nature des dieux II, 27, 68 ; MACROBE, Saturnales I, 17, 7). 800 Les émeraudes de Scythie sont les plus renommées selon PLINE L’ANCIEN, Histoire naturelle 37, 65. Plusieurs oiseaux sont associés à Apollon, mais il doit s’agir

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quam custos suus Inachi iuuencam, quam mala Hesperidum pecusue Phrixi nullo perdomitus sopore serpens. Securus potes esse, nec rapacis ullas praestigias timere dextrae. Non haec Autolycus, nec ipse posset furari Autolyci pater sagacis, surreptor Clariae Deus pharetrae, Titani radios, Stygi tenebras qui uafro queat amouere furto. At possunt tineae, potest teredo, ac mus improbus et situs putrescens. Quare si sapies, amice Iuli, captiuos ita detinere uersus parces ut capitis reos nocentes ; in lucem magis efferes apertam. Nolunt Pieriae latere merces, quas famae pretium manet perennis. Quodsi perpetuo legi recuses, multo simplicius nihil reponas.

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

que le préposé à sa surveillance garde la génisse d’Inachus 801, que le serpent inaccessible au sommeil garde les pommes des Hespérides ou le bélier de Phrixus 802. Tu peux être tranquille, et ne craindre aucun mauvais tour d’une dextre rapace. Autolycus 803 ne pourrait les voler, ni le père même de l’habile Autolycus, le dieu qui déroba le carquois de Claros 804, ni quelqu’un capable de soustraire par un vol rusé les rayons de Titan 805, les ténèbres du Styx ; en revanche les teignes peuvent les faire disparaître, le ver à bois le peut, ainsi que le rat vorace et la moisissure putride. C’est pourquoi, si tu es sage, ami Julius, tu cesseras de retenir tes vers prisonniers comme s’ils étaient coupables d’un crime capital ; tu les amèneras plutôt à la franche lumière. Les Piérides 806 ne veulent pas que demeurent cachées les productions auxquelles est réservée la récompense d’une renommée éternelle. Et si tu refuses définitivement d’être lu, il est beaucoup plus simple de ne rien garder.

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ici non du corbeau (cf. OVIDE, Métamorphoses 2, 545), encore moins du phénix comme le veut BARRETT (1985), p. 83, mais plutôt du griffon, oiseau fabuleux qui est un des attributs du dieu, voir DELPLACE (1980), p. 365-372. Selon PLINE L’ANCIEN, Histoire naturelle 7, 10, les griffons, près de chez les Scythes, extraient l’or de la terre et le gardent avec acharnement tandis que les Arimaspes cherchent à le leur ravir. Certes Pline parle d’or et non d’émeraudes, mais ce passage est néanmoins la source vraisemblable de Pannonius. 801 Io, fille d’Inachos, fut aimée de Zeus-Jupiter. Pour la soustraire à la jalousie de sa femme Héra-Junon, il la transforma en génisse. Mais Héra la confia à la garde d’Argos (le custos du texte), monstre dont les yeux multiples ne dormaient jamais que par moitié (voir l’épigramme 255), et les épreuves d’Io commencèrent. 802 Un dragon nommé Ladon gardait les pommes d’or du jardin des Hespérides (voir l’épigramme 389) ; selon certaines traditions (SÉNÈQUE, Hercule furieux 530-532), Hercule l’endormit pour s’emparer des pommes. La Toison d’or du bélier de Phrixos que Jason devait conquérir était gardée par un dragon ; Médée l’endormit par ses sortilèges (SÉNÈQUE, Médée 472-473). 803 Fils d’Hermès-Mercure, Autolycos tient de son père le don de voler sans être surpris. 804 Claros, ville d’Ionie, célèbre par son sanctuaire oraculaire d’Apollon (voir l’épigramme 13), désigne ici par synecdoque le dieu lui-même. L’arc et le carquois sont des attributs d’Apollon. Hermès enfant lui déroba son carquois, voir HORACE, Odes I, 10, 11-12. 805 Le Soleil, voir l’épigramme 398. Le Styx est un fleuve des Enfers, voir l’épigramme 198. 806 Les Piérides sont les Muses, voir l’épigramme 13.

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403 Mayer = II, 18 Teleki Ianus Porcellio poetae Misisti nobis et mala et carmina uates, nec factum hoc casu, sed ratione, reor. Totum me duplici uoluisti pascere dono, hic solet esse animi, corporis ille cibus. Quam numeri oblectant mentem, tam poma palatum, ista sapore placent, illa lepore iuuant. Mala aurum superant et uincunt carmina gemmas ; aurum da et gemmas, deteriora dabis. Poma nec Alcinous misisset talia nobis, carmina nec Clarius tam bene culta deus.

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404 Mayer = I, 49 Teleki Ad Tribrachum poetam Tribrache, candentes (si nos ea cura teneret) de Rubris gemmas erueremus aquis, gentibus ex Arabum uarios peteremus odores, uellera Ser nobis mitteret, Indus ebur. Nunc animum capiant cum tantum carmina nostrum, non nisi ab Oenotriis poscimus illa plagis. Vobis ingenium, uobis dedit ore rotundo Musa loqui ; externi barbara turba sumus.

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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403 Mayer = II, 18 Teleki Janus au poète Porcellius 807 Tu m’as envoyé, poète, des pommes et des vers, et ce n’est pas, je pense, l’effet du hasard, mais de la réflexion. Tu as voulu me nourrir complètement par ce double don : l’un est habituellement la nourriture de l’esprit, l’autre du corps. Les rythmes poétiques charment l’âme, autant que les fruits le palais, 5 ceux-ci plaisent par leur saveur, ceux-là séduisent par leur grâce. Tes pommes surpassent l’or et tes vers l’emportent sur les pierres précieuses ; si tu nous donnes de l’or et des pierres, tu nous donneras moins. Alcinoos ne nous aurait pas envoyé de tels fruits, ni le dieu de Claros des vers aussi soignés 808. 10 404 Mayer = I, 49 Teleki Au poète Tribraco 809 Tribraco, si un tel souci nous possédait, nous pêcherions les pierres blanches 810 dans les eaux de la mer Rouge, nous demanderions des parfums variés aux peuples de l’Arabie, le Sère 811 nous enverrait des soieries et l’Indien de l’ivoire. Mais en réalité, puisque seule la poésie séduit notre esprit, 5 nous ne demandons pas autre chose aux rivages de l’Oenotrie 812. À vous la Muse a accordé le génie, accordé de parler d’une bouche harmonieuse 813 ; nous les étrangers sommes une foule barbare. 807

Porcellius avait envoyé à Pannonius des fruits qu’il avait accompagnés d’un billet en vers (MAYER [2006], Appendix 5 = II, 17 TELEKI [1784]) pour rehausser le présent. La pièce 317 montre que c’était un poète exécrable. L’épigramme avec ses hyperboles est alors ironique. 808 Sur le palais d’Alcinoos, voir l’épigramme 389. Le dieu de Claros est Apollon, dieu de la musique et de la poésie, voir l’épigramme 13. 809 Tribrachus est le poète Gaspare Tribraco, né en 1439, qui avait suivi lui aussi les leçons de Guarino de Vérone, voir BIRNBAUM (1981), p. 123 note 42. L’épigramme est complexe : Pannonius explique d’abord qu’il ne s’intéresse pas aux objets de luxe, mais à la poésie. C’est l’Italie le pays de la poésie (latine). La Pannonie, où il se trouve lui-même, ne connaît que la guerre. Mais, rectifie-t-il, je n’ai pas à demander à l’Italie ce que j’ai moi-même, puisque je suis illustre pour mes vers latins. Cependant il lira quand même les vers des Italiens. Car c’est de l’aveuglement que de n’apprécier que ses propres productions. 810 Les pierres précieuses blanches, bien sûr. 811 Les Sères sont le nom que les Romains donnaient aux Chinois. 812 Ancienne région d’Italie du Sud qui désigne souvent chez les poètes latins l’Italie entière. 813 Reprise d’un passage célèbre de l’Art poétique d’HORACE (232-324), qui s’appliquait chez lui aux Grecs.

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Nec Geticum Pallas colit aut Cyllenius Istrum, sed Phaethontei brachia amoena Padi. Istrum concreto uectantem proelia dorso Mars colit et Martis sanguinolenta soror. At frustra mendico procul, quis solus abundo, scilicet Ausonia clarus et ipse lyra. Dicunt pastores ; sed non ego credulus illis, inter nam cygnos anseris ore crepo. Quodsi non etiam prorsus triuiale sonarem, haud ideo legerem, Tribrache, uestra minus. Ipse Maro assidue Varium Flaccumque terebat ; non bene se nouit, cui sua sola placent.

405 Mayer = I, 229 Teleki In Gasparem Cum duo mitto tibi, reddis mihi carmina centum, sic tamquam numero sit superare satis. Sed nil, Gaspar, agis, nam libro Persius uno quam longam Marsi uicit Amazonidem.

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Pallas et le Cyllénien 814 n’habitent pas l’Hister Gétique 815, mais les bras riants du Pô où tomba Phaéthon 816. 10 L’Hister qui porte sur son dos durci par le gel l’appareil des combats 817, ce sont Mars et la sœur sanglante de Mars 818 qui l’habitent. Cependant il est inutile de mendier au loin ce qu’à moi seul je possède en abondance : en effet moi aussi je suis illustre pour ma lyre ausonienne 819. Les bergers le disent ; mais je ne les crois pas trop, 15 car je criaille parmi les cygnes avec une voix d’oie 820. Du reste même si mes vers n’étaient pas absolument communs, je n’en lirais pas moins votre poésie 821, Tribraco. Virgile lui-même avait continuellement dans les mains Varius et Horace 822 ; il ne se connaît pas bien, celui à qui seule sa production plaît 823. 20 405 Mayer = I, 229 Teleki Contre Gaspare 824 Quand je t’envoie deux poèmes, tu m’en adresses cent en retour, comme s’il suffisait de l’emporter par le nombre. Mais tu perds ta peine, Gaspare ; car Perse avec son unique livre a surpassé la longue Amazonis de Marsus 825.

814 Le Cyllénien est Mercure, né sur le mont Cyllène, en Arcadie. En tant qu’inventeur de la lyre, il peut symboliser la poésie. Sur Pallas, voir l’épigramme 202. 815 L’Hister est le Danube, au bord duquel vivait le peuple des Gètes. 816 Voir l’épigramme 133. 817 Quand le Danube est gelé (ce qui arrive encore de nos jours), les ennemis peuvent faire passer sur lui tout l’appareil de leurs expéditions militaires (cf. PLINE LE JEUNE, Panégyrique de Trajan 12, 3). 818 Enyo-Bellone, déesse de la guerre qui passe pour la fille, la mère ou la sœur d’Arès-Mars. 819 C’est-à-dire pour mes vers latins. Sur l’Ausonie, voir l’épigramme 34. 820 Reprise de VIRGILE, Bucoliques 9, 33-34 et 36. Pannonius veut montrer sa bonne connaissance des classiques latins. 821 La poésie écrite par les poètes vivant en Italie. 822 Horace est désigné par son cognomen (comme dans l’épigramme 54). Varius est le poète Varius Rufus, ami de Virgile et d’Horace. 823 HORACE déjà dans l’Art poétique 444 mettait en garde les poètes contre l’amour exclusif de leur propre production. 824 Le poète Gaspare Tribraco, voir le poème précédent. 825 Pannonius reprend ici un passage de Martial (IV, 29, 7-8) : Perse est l’auteur d’un petit livre de Satires ; Marsus, autre poète du Ier siècle, a composé une longue épopée intitulée Amazonis que Martial jugeait insipide.

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406 Mayer = 120/3 Ábel Ianus Pannonius Gaspari Tribracho Centum luminibus cinctum caput Argos habebat, sed tamen alipedis concidit ense dei ; nec tibi sit mirum bifrontis lumina Iani non expectatis succubuisse dolis. Quin etiam nobis damnum fortuna redemit, at numquam fieri uiribus ipse potest.

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407 Mayer = 7 Horváth (Sine lemmate) Lumen ad hibernae uigilans, Zacchaee, lucernae, dum Siculo aethereas quaeris in orbe uias, improuisa leues rapuere incendia circos, nec se deprendi sustinuere dei. Quis iam mentitos contenderit omnia uates ? Forsitan hoc Phaethon usserat astra modo.

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406 Mayer = 120/3 Ábel Janus Pannonius à Gaspare Tribraco 826 Argos avait la tête entourée de cent yeux, et pourtant il est tombé sous l’épée du dieu aux pieds ailés 827 ; aussi ne t’étonne pas que les yeux de Janus aux deux visages aient succombé à des ruses inattendues. Qui plus est la fortune a réparé notre dommage, mais lui ne peut jamais recouvrer ses forces 828.

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407 Mayer = 7 Horváth (Sans titre) Tandis que, à la lumière de la lampe d’hiver, Zacchaeus, tu cherchais sur ton globe sicilien les chemins de l’éther, un incendie soudain a emporté les cercles légers 829, et les dieux n’ont pas accepté d’être découverts. Qui alors pourrait affirmer que les poètes ont entièrement menti ? Peut-être Phaéthon 830 avait-il brûlé les astres de cette manière.

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Pannonius répond ici à un poème humoristique que lui avait adressé Tribraco (MAYER [2006], Appendix 6 = 120/2 ÁBEL [1880]). Tribraco, jouant sur le nom de Janus, qui renvoie au dieu Janus, pourvu de deux visages opposés, mais est aussi le prénom de Pannonius, demandait à celui-ci s’il était vrai qu’il avait été victime d’un voleur. Pourtant, ajoutait-il, on rapporte que Janus a deux visages qui lui permettent de voir devant et derrière et devraient donc le préserver de telles ruses. 827 Mercure, qui a des ailes fixées aux pieds. Argos avait une infinité d’yeux qui ne dormaient que par moitié. Aussi Héra-Junon le chargea-t-elle de garder la vache Io, dont elle était jalouse (voir l’épigramme 402). Mais Hermès le tua et délivra Io. Le premier vers est une exacte reprise d’OVIDE, Métamorphoses 1, 625. 828 Argos, étant mort, ne peut recouvrer ses forces. 829 Les cercles détruits par la flamme de la lampe sont les anneaux d’une sphère armillaire. Le globe (globe terrestre qui avec les anneaux constitue la sphère armillaire) est dit sicilien par allusion à Archimède de Syracuse qui, selon CICÉRON (La République 1, 21-22), était l’inventeur de cet instrument. 830 Phaéthon obtint de son père le Soleil la permission de conduire son char. Mais, perdant le contrôle de son attelage, il monta trop haut, incommodant les astres, puis descendit trop bas, risquant de mettre le feu à la Terre. Zeus-Jupiter le foudroya (voir l’épigramme 133). Pannonius veut dire que peut-être l’embrasement causé par Phaéthon ne concernait qu’une représentation de l’univers.

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408 Mayer = I, 21 Teleki Inuitat regem Mathiam ad hospitium suum Sic tibi, sed sero, pateat domus aurea diuum, Mathia, regi rex adamate Ioui. Huc ades et nostris succede penatibus hospes, nec modicum, princeps, despice, magne, larem. Fertur et immensi pacator maximus orbis parua Molorcheae tecta subisse casae. 409 Mayer = I, 59 Teleki Epitaphium Petri Zobii militis preastantissimi Petrus in hoc Zobius tumulo iacet alter Achilles, iste Bohemorum terror, at ille Phrygum. Morte tamen prior hic : Paridis cadit ille sagitta, hunc ballista modo fulminis acta rapit.

410 Mayer = I, 60 Teleki De Messio Cum spoliare parat deiectum Messius hostem, quod faciat lucri, conspicit esse nihil. Percitus ergo ira supra caput ense leuato, « Hoc, inquit, solum, quod rapiamus, habes ».

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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408 Mayer = I, 21 Teleki Il invite le roi Mathias 831 à recevoir l’hospitalité chez lui Que la maison dorée des dieux s’ouvre à toi – mais tard –, Mathias, roi aimé du roi 832 Jupiter, si tu accèdes à ma demande. Viens et pénètre en hôte dans mes pénates, sans mépriser, tout grand prince que tu es, un lare modeste. On rapporte que le grand pacificateur de l’immensité du monde s’est glissé sous le petit toit de la case de Molorchus 833.

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409 Mayer = I, 59 Teleki Épitaphe de Péter Szobi 834, guerrier incomparable Péter Szobi, un second Achille, gît dans ce tombeau ; il était la terreur des Bohémiens, l’autre celle des Phrygiens 835. Cependant il s’est montré supérieur par sa mort : Achille est tombé sous la flèche de Pâris, lui c’est un projectile 836 lancé comme la foudre qui l’a emporté. 410 Mayer = I, 60 Teleki Sur Messius 837 Comme Messius se préparait à dépouiller un ennemi à terre, il remarque qu’il n’a rien de valeur sur lui. Alors saisi de colère il lève son épée sur sa tête et dit : « Tu as là l’unique chose que nous puissions te prendre » 838.

831 Le roi Mathias Corvin, dont il a déjà été question plusieurs fois. Il devait donc être de passage à Pécs, voir BIRNBAUM (1981), p. 138. 832 La juxtaposition regi rex est évidemment une flatterie : Mathias devient Jupiter sur terre. 833 Hercule (pacificateur du monde qu’il débarrasse de nombreux monstres et brigands), avant d’affronter le lion de Némée, passa la nuit chez le berger Molorchos. 834 Noble hongrois qui fut nommé ban (gouverneur) de Croatie-Slavonie en 1465, voir BIRNBAUM (1981), p. 182. 835 Les Phrygiens sont les Troyens, voir l’épigramme 68. Achille est le plus vaillant des Grecs à la guerre de Troie. Il fut tué traîtreusement d’une flèche par Pâris dans le temple d’Apollon Thymbréen où il s’était rendu sans armes. 836 Balista peut désigner des projectiles assez différents, du javelot au boulet de canon. 837 Personnage non identifié. 838 La thématique est proche de celle du voleur qui, ne trouvant rien à dérober, commet un vol absurde pour ne pas repartir les mains vides, cf. MARTIAL VI, 72 ; VIII, 59, 13-14.

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411 Mayer = I, 270 Teleki Epitaphium Christophori Galli Nomine Christophorus fuerat, cognomine Gallus, cuius in hoc tumulo condita membra iacent. Heu quantum distat natali a sede sepulcrum : Pannonia extinxit, Brixia progenuit. Saepe colos medica fatales arte morantem tres indignatae praeripuere deae.

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412 Mayer = I, 372 Teleki Epitaphium Georgii More Fida iacet nostrae tutela Georgius arcis : amissam Martis nunc ego credo manum. Vix reducem castris rapuit domus ; occidit aeger, inter tot sospes qui modo tela fuit. I nunc, et placidae lentus confide quieti : cum minime speras, mors inopina subit. Ille tamen pulchro fuerat per uulnera leto dignior ; ignauos segnia fata decent.

413 Mayer = I, 19 Teleki Ad Iohannem archiepiscopum Strigoniensem Quo tibi tot duros et luce et nocte labores, o numquam curis non agitate pater ? Hoc aue Caucasia est sine fine Promethea rodi, hoc fulcire humeris semper Atlanta polum.

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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411 Mayer = I, 270 Teleki Épitaphe de Christophorus Gallus Il avait pour nom Christophorus, pour surnom Gallus, lui dont les membres gisent enfouis dans ce tombeau. Hélas ! combien son sépulcre est éloigné de son lieu de naissance : la Pannonie l’a vu mourir, Brescia lui a donné la vie 839. Les trois déesses 840 l’ont enlevé, indignées de ce que souvent il ait retardé par l’art médical les fuseaux du destin.

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412 Mayer = I, 372 Teleki Épitaphe de György Moré 841 Il gît inanimé, György, fidèle protecteur de notre citadelle : nous avons perdu aujourd’hui, je crois, le bras de Mars. À peine sa maison l’a-t-elle aperçu à son retour du camp : il a succombé à la maladie, lui qui avait préservé sa vie au milieu de tant de projectiles. Va donc, et fie-toi nonchalamment au repos tranquille : 5 la mort survient à l’improviste du côté où tu l’attends le moins. Lui cependant aurait mérité un beau trépas sous les blessures ; c’est aux lâches que convient une fin dans l’inaction. 413 Mayer = I, 19 Teleki À János archevêque d’Esztergom 842 À quoi bon tant de durs travaux de jour et de nuit, père 843 toujours tourmenté par les soucis ? C’est être Prométhée rongé sans fin par l’oiseau du Caucase 844, c’est être Atlas soutenant éternellement le ciel sur ses épaules.

839 Il s’agit donc d’un médecin italien venu s’installer en Hongrie (la Pannonie). Son surnom, Gallus, faisait pourtant plutôt penser à une origine française. Voir BIRNBAUM (1981), p. 200. 840 Les trois déesses sont les Parques, voir l’épigramme 106. 841 Vaillant capitaine hongrois, voir BIRNBAUM (1981), p. 100. Peut-être la citadelle qu’il défendait est-elle Esztergom. 842 János Vitéz, voir l’épigramme 399. 843 Le mot pater est ici un terme de respect pour désigner un dignitaire catholique, en l’occurrence János Vitéz. 844 Pour avoir dérobé le feu aux dieux, Prométhée fut condamné par Jupiter à rester enchaîné sur un rocher du mont Caucase, tandis qu’un aigle dévorait son foie qui renaissait sans cesse. Sur Atlas, voir l’épigramme 233. Promethea et Atlanta sont des accusatifs grecs.

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Tamne iuuat nulla mentem requiete remitti, sic leue continuis insenuisse malis ? Nil est in terris, quod non aerumna fatiget, nec tua perpetuo membra adamante rigent. Trux quondam Alcides, uagus et requieuit Vlixes, credimus et dominum saepe uacare Iouem. Si sapis, ex aliqua tuus esto parte, nec umquam sic aliis uiuas, ut tibimet pereas.

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414 Mayer = I, 15 Teleki De munitionibus ab archiepiscopo Strigoniensi constructis Pannonici dum sceptra tenet felicia regni Mathias, clarum stirps imitata patrem, condidit hoc pastor Iohannes nobile saeptum, in patulo positae ne raperentur oues. Pro quibus officiis superae tu ianitor aulae sidera, Petre, duci, sidera pande gregi.

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415 Mayer = I, 359 Teleki De tectis per Iohannem archiepiscopum Strigoniensem instauratis In cathedra Petri Paulo residente Secundo, tertius imperium dum Fridericus habet, haec instaurauit Iohannes tecta sacerdos, funditus obruerat quae prius ignis edax. Pro quibus officiis aeternum uiuat Olympo, sed postquam in terris uixerit ille diu.

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

Te plaît-il tant de ne jamais accorder à ton esprit la détente du repos, est-ce pour toi chose si légère que de vieillir dans des maux continuels ? Il n’y a rien sur la terre que les peines ne fatiguent, et tes membres n’ont pas la dureté sans faille de l’acier. Le farouche Alcide 845, l’errant Ulysse se sont reposés parfois, et nous croyons savoir que le seigneur Jupiter reste souvent oisif. Si tu es sage, appartiens-toi un peu, et ne vis pas toujours pour les autres au point de mourir pour toi.

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414 Mayer = I, 15 Teleki Sur des fortifications construites par l’archevêque d’Esztergom 846 Tandis que Mathias tient avec bonheur le sceptre du royaume de Pannonie, à l’image de son illustre père, le pasteur János a édifié ce noble enclos, pour éviter que ses brebis, laissées à découvert, ne soient enlevées 847. Pour ce service, toi, Pierre 848, portier de la cour céleste, ouvre le chemin des astres au berger et à son troupeau.

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415 Mayer = I, 359 Teleki Sur des édifices restaurés par János archevêque d’Esztergom Tandis que Paul II occupait le trône de Pierre et que Frédéric III tenait l’empire 849, le prélat János a restauré ces édifices que le feu vorace avait détruits de fond en comble. Pour ce service qu’il vive éternellement dans l’Olympe 850, mais après avoir longtemps vécu sur la terre.

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845 Hercule, voir l’épigramme 198. Les errances d’Ulysse constituent le sujet de l’Odyssée. 846 János Vitéz, voir l’épigramme précédente. 847 Il n’est pas facile de savoir précisément, derrière la métaphore biblique du bon pasteur, ce qu’a fait construire Vitéz. Si l’on se fonde sur le titre donné par les manuscrits, il s’agit de fortifications protégeant la ville d’Esztergom. ANTONIO BONFINI dans ses Rerum Ungaricarum decades IV, 3, 103 dit seulement que Vitéz a recouvert la basilique de saint Albert de tuiles de verre (uitraria tegula) pour qu’elle ne soit pas victime du feu et qu’il lui fit un toit pointu (tectum fastigiatum) capable de repousser les pluies et la neige (FÓGEL / IVÁNYI / JUHÁSZ [1936-1941], t. III, p. 48). De son côté VESPASIANO DA BISTICCI dans ses Vite se contente de mentionner la « forteza » de Vitéz, « ch’era delle belle cose del mondo… e avevala fatta murare gran parte lui, e aconciare bellissime stanze » (GRECO [1970-1976], t. I, p. 325). 848 Saint Pierre, bien sûr, voir l’épigramme 395. 849 Paul II, pape de 1464 à 1471 ; Frédéric III, empereur du Saint-Empire de 1452 à 1493 dont il est question dans les épigrammes 383-384. 850 L’Olympe désigne le ciel, voir l’épigramme 166.

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416 Mayer = I, 14 Teleki Palaestra Galeotti Qualis in Aetola maerens Achelous arena Herculea legit cornua fracta manu, talis luctator Galeotto fusus Halesus turpia puluerea signa reliquit humo. Mathiae regi Latiae placuere palaestrae, risit Strigonia clarus ab arce pater. At te ne pudeat ludi cessisse magistro, improbe, Mercurius noster et ista docet. 417 Mayer = I, 43 Teleki Ad Galeottum Qui pueros elementa doces, rutilare capillum si doceas, facias plus, Galeotte, lucri. 418 Mayer = I, 44 Teleki Ad eumdem Vnde tibi ut, nuper quod erat pice nigrius atra, tam subito rutilum sit, Galeotte, caput ? Non magis intonsi radiat coma torta Sicambri,

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ÉPIGRAMMES, TEXTE ET TRADUCTION

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416 Mayer = I, 14 Teleki Victoire à la lutte de Galeotto 851 Tel Acheloos affligé a recueilli dans le sable étolien ses cornes brisées par la main d’Hercule 852, tel le lutteur Halésus renversé par Galeotto a laissé sur la terre poussiéreuse sa marque honteuse. Cette victoire latine a plu au roi Mathias, 5 et l’illustre père 853 a ri depuis la citadelle d’Esztergom. Quant à toi, présomptueux 854, n’aie pas honte d’avoir cédé à un maître d’école 855, notre Mercure enseigne aussi cela 856. 417 Mayer = I, 43 Teleki À Galeotto Toi qui enseignes l’alphabet aux enfants, si tu leur enseignais à teindre les cheveux en blond, tu ferais plus de gain, Galeotto 857. 418 Mayer = I, 44 Teleki Au même personnage Comment se fait-il que ta tête, qui était plus brune que la poix noire, soit devenue si soudainement blonde, Galeotto ? La chevelure tordue du Sicambre 858 qui ignore le ciseau ne brille pas davantage, 851

L’humaniste italien Galeotto Marzio (voir l’épigramme 18), venu en Hongrie en 1465 auprès du roi Mathias (voir Dizionario biografico degli Italiani, t. 71, 2008, p. 479), remporta la victoire dans un concours de lutte organisé à l’armée en terrassant le Hongrois Halésus, voir le long titre du manuscrit Qp dans l’édition MAYER (2006). 852 Hercule et le dieu-fleuve Acheloos (fleuve d’Étolie, en Grèce) luttèrent l’un contre l’autre pour la possession de Déjanire. Hercule brisa une des cornes d’Acheloos ou les deux (les cornes sont un attribut traditionnel des divinités fluviales, c’est un signe de puissance), et celui-ci alors s’avoua vaincu (cf. OVIDE, Héroïdes 9, 139-140 ; 16, 267). 853 Comme dans l’épigramme 413, pater est ici un terme de respect pour désigner un dignitaire catholique : il renvoie donc à János Vitéz (voir l’épigramme 399) plutôt qu’à Jean Hunyadi, père du roi Mathias Corvin, qui n’a rien à voir avec Esztergom. BARRETT (1985), p. 95 comprend, à tort selon nous, que la périphrase clarus pater renvoie au roi. 854 Pannonius s’adresse au vaincu, le Hongrois Halésus. 855 Galeotto n’était pas vraiment maître d’école, voir la note à l’épigramme suivante. 856 Hermès-Mercure, plus connu comme dieu du commerce et de l’éloquence, a aussi enseigné aux hommes l’usage de la palestre (cf. HORACE, Odes I, 10, 4 ; OVIDE, Fastes 5, 667) et il est le patron des athlètes. 857 Sur Galeotto, voir l’épigramme 18. Le poème, hyperbolique (Galeotto, professeur à l’Université de Padoue puis de Bologne, n’enseignait pas l’alphabet aux enfants), dénonce le peu de considération dont jouit le savoir. 858 Peuple germanique. Les Sicambres, selon MARTIAL (De spectaculis 3, 9-10) dont Pannonius s’inspire ici, nouent leur chevelure en un chignon.

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nec si quam Crathis perluit aut Sybaris. Quae, precor, ars istud uel quae fortuna peregit ? An potius diuum nobile munus habes ? Hoc monstrum posset mutatis addere formis, in noua discreuit qui rude membra chaos. Ipse ego te primo dubitaui agnoscere uisu, mox fictum dixi ferre capillitium. Iam tango, uix credo tamen ; cura irrita multis canitiem tincto dissimulare pilo. Hic nihil est fuci, sed de radicibus imis pullulat et penitus nascitur iste color. Ergo ut uera tibi est, ita sit longaeua iuuentus, nec decus hoc senio laeserit ulla dies. Quae fieri e pulla potuit sic flaua, meretur ut fiat numquam candida caesaries.

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419 Mayer = I, 11 Teleki De diuite laudante pauperiem Candida restituit uersi clementia fati, tristior abstulerat quas tibi casus opes. Laudata ueterum tu paupertate uirorum de Cincinnatis disseris et Curiis. Sic ubi securos tetigit iam nauita portus, uentorum faciles despicit ille minas. Cum miser es, mihi tunc, Mathia, Stoicus esto, nunc impune tibi fortia uerba uolant.

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même si elle est baignée dans le Crathis ou le Sybaris 859. Quel art, de grâce, ou quelle circonstance a accompli cela ? 5 Ou bien est-ce là plutôt un noble présent des dieux ? Il pourrait ajouter ce prodige à ses métamorphoses, celui qui a séparé le chaos informe en éléments nouveaux 860. Moi-même à première vue j’ai hésité à te reconnaître, ensuite je me suis dit que tu portais une chevelure postiche. 10 À présent je peux toucher, et cependant j’ai peine à y croire ; beaucoup ont le vain souci de dissimuler la blancheur de leurs cheveux sous une teinture 861. Ici aucun artifice, la couleur se déploie depuis la racine et commence en profondeur. Donc, en admettant que cette jeunesse soit véritable, puisse-t-elle te durer longtemps, 15 et qu’aucun jour dans ta vieillesse n’endommage une telle parure. Ce qui de sombre a pu ainsi devenir clair mérite de ne jamais devenir une chevelure blanche. 419 Mayer = I, 11 Teleki Sur un riche louant la pauvreté La clémence radieuse du destin, par un retournement, t’a rendu les richesses qu’un funeste accident t’avait enlevées. Mais toi tu loues la pauvreté des hommes d’autrefois et tu dissertes sur les Cincinnatus et les Curius 862. De même, quand le navire a atteint un port tranquille, on méprise comme légères les menaces des vents. Sois stoïcien quand tu es malheureux, Mathias, aujourd’hui c’est impunément que tu proclames ta force d’âme.

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859 Le Crathis et le Sybaris sont des fleuves d’Italie du Sud qui ont la capacité, d’après OVIDE (Métamorphoses 15, 315-316) qui est ici la source de Pannonius, de donner aux cheveux la couleur de l’ambre et de l’or. 860 Il s’agit du poète Ovide, auteur des Métamorphoses. Le début du premier livre raconte la création du monde à partir du chaos et la séparation des éléments. 861 Comme fait par exemple la victime de l’épigramme III, 43 de MARTIAL, qui a teint en noir ses cheveux blancs. Mais ici Galeotto est passé du noir au blond, ce qui est plus surprenant. La blondeur des cheveux est valorisée depuis l’Antiquité (c’était le teint des déesses et des héroïnes, cf. l’épigramme 169), mais chez les femmes principalement ; voir GERBOD (1995), p. 28, 35, 61, 67-69. 862 Cincinnatus qui travaillait ses champs quand on vint le nommer dictateur et Curius Dentatus qui refusa l’or de Pyrrhus étaient des exemples traditionnels de la frugalité et du désintéressement des anciens Romains (cf. l’épigramme 452).

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420 Mayer = I, 331 Teleki Ad Stoicum quemdam Virtutem nihil exteris egentem, inuictam, inuiolabilem, incoactam, semper, Stoice, praedicas echephron, quam qui pectore possidebit alto, nudus mille licet ferat labores, plagas, uulnera, carceres, catenas, quamuis per cumulos Libyssae arenae, Arctoaeue niuis uagetur exul, non, inquis, poterit miser uocari, sed semper bene uiuet ac beate. Respondere sinas tibi me, echephron : concedo, bene, sed nego, beate. Aut pugnantia copulare si uis, dicas hunc misere licet beatum. Sin perstas et adhuc tenere crudum ac defendere dogma perseueras, dii talem tibi dent beatitatem. 421 Mayer = I, 52 Teleki De Paulo summo pontifice Pontificis Pauli testes ne Roma requiras, filia quem similis sat docet esse marem. 422 Mayer = I, 53 Teleki De eodem Sanctum non possum, patrem te dicere possum, cum uideo natam, Paule Secunde, tuam.

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420 Mayer = I, 331 Teleki À un stoïcien Toujours, sage 863 stoïcien, tu célèbres la vertu qui n’a nul besoin des biens extérieurs, qui est invincible, inviolable, indépendante ; et celui qui la possède dans le fond de son cœur, même s’il endure nu mille épreuves, les coups, les blessures, la prison, les chaînes, qu’il erre exilé à travers les dunes de sable de la Libye ou les neiges du Grand Nord, ne pourra, dis-tu, être qualifié de malheureux, mais mènera toujours une vie droite et heureuse. Laisse-moi te répondre, homme sage : j’admets que sa vie sera droite, mais heureuse, non. Ou, si tu veux associer les contraires, tu peux dire que, quoique heureux, il mènera une vie malheureuse. Si cependant tu persistes et persévères encore à approuver et défendre ce dogme impitoyable, puissent les dieux t’accorder une telle béatitude 864.

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421 Mayer = I, 52 Teleki Sur Paul, souverain pontife Que Rome ne vérifie pas les testicules du pape Paul 865 : sa fille qui lui ressemble montre suffisamment qu’il est un homme. 422 Mayer = I, 53 Teleki Sur le même personnage Je ne peux te dire saint, mais je peux te dire père, quand je vois ta fille, pape Paul II.

863 Le mot echephron, graphié en grec dans certaines éditions, est le calque d’un adjectif grec signifiant « sage ». 864 Les paradoxes des stoïciens (le sage seul est riche, le sage seul est libre, etc.) ont été l’objet de moqueries dès l’Antiquité pour leur caractère radical et outrancier. 865 Paul II, voir l’épigramme 395. Sur la vérification à laquelle fait allusion le texte, voir l’épigramme 424. Nous n’avons pas trouvé d’autre trace d’une telle accusation contre Paul II. On critique plus souvent son goût pour la magnificence, la gloire mondaine et l’argent. Il faut supposer, soit que la série 421-424 est postérieure à 1465, soit que Paul II n’a pas eu connaissance de ces vers : sinon Pannonius, envoyé en ambassade à Rome par le roi Mathias pour solliciter une aide contre les Turcs, n’aurait certainement pas été reçu.

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423 Mayer = I, 54 Teleki De eodem Cum sit filia, Paule, sit tibi aurum, quantum pontifices habere raros uidit Roma prius, pater uocari sanctus non potes, at potes beatus. 424 Mayer = I, 58 Teleki Quare nunc ut quondam summorum pontificum testiculi non explorantur Femina, Petre, tua quondam ausa sedere cathedra, orbi terrarum iura uerenda dedit. Indeprensa quidem cunctos latuisset in annos, facta foret partu ni manifesta nouo. Post haec Roma diu simili sibi cauit ab astu, pontificum arcanos quaerere sueta sinus, nec poterat quisquam reserantes aethera claues non exploratis sumere testiculis. Cur igitur nostro mos hic iam tempore cessat ? Ante probat quod se quilibet esse marem.

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423 Mayer = I, 54 Teleki Sur le même personnage Tu as une fille, Paul, et tu as de l’or, comme Rome dans le passé a rarement vu des papes en avoir : tu ne peux être appelé Saint-Père, mais bienheureux père, tu le peux. 424 Mayer = I, 58 Teleki Pourquoi aujourd’hui on n’examine pas comme jadis les testicules des souverains pontifes Une femme, Pierre 866, ayant osé s’asseoir jadis sur ton siège, a donné à la chrétienté des lois respectables. Elle aurait assurément abusé tout le monde pendant des années sans être découverte, si ne l’avait trahie un accouchement imprévu. Après quoi Rome s’est longtemps prémunie contre une pareille ruse, 5 par l’habitude de scruter les replis intimes des pontifes, et personne ne pouvait prendre les clés qui ouvrent le ciel sans qu’on ait examiné ses testicules 867. Pourquoi donc cette coutume n’a plus cours aujourd’hui ? Parce que chaque pape prouve auparavant qu’il est un homme 868. 10 866

Jeu de mots implicite entre le siège de l’apôtre Pierre et le nom originel de Paul II, Pietro Barbo (cf. l’épigramme 395). 867 Allusion à la légende médiévale de la papesse Jeanne. Au IXe siècle, une jeune fille cultivée, déguisée en homme, entra à la curie romaine puis fut élue pape. Mais deux ans plus tard elle accoucha en public, révélant ainsi sa nature. L’épisode amena l’Église à procéder à une vérification rituelle de la virilité des papes nouvellement élus. Un ecclésiastique examinait manuellement les organes génitaux, au travers d’une chaise percée. L’inspection terminée, il s’exclamait : Duos habet et bene pendentes (« Il en a deux [testicules], et bien pendants »), ce à quoi le chœur des cardinaux répondait : Deo gratias. Rien de tout cela n’est historique, voir BOUREAU (1993). 868 Cette épigramme dénonce comme les précédentes l’immoralité des papes. Elle a connu une certaine célébrité, notamment chez les protestants, et elle est passée dans le recueil satirique parfois attribué à Caelius Secundus Curio Pasquillorum tomi duae, Eleutheropolis, 1544, t. I, p. 70. Henri Estienne en propose une traduction des quatre derniers vers dans le Traité préparatif à l’Apologie pour Hérodote (chap. 39, 14 ; dans l’édition de 1735, l’annotateur Jacob Le Duchat en ajoute une autre). Ces quatre vers sont cités plus tard par le protestant Maximilien Misson dans son Nouveau voyage d’Italie, fait en l’année 1688 (MISSON [1698], t. II, p. 191). Il développe ainsi la fin : « Les petits enfants qu’ils font, / Sont preuves assez réelles, / Que les Saints-Pères ne sont / Ni coquâtres ni femelles ». Ils sont aussi traduits par Florimond de Raemond dans L’anti-papesse (1613), un passage rapporté par Bayle dans son Dictionnaire à l’article « Papesse » : « Prendre les clefs des cieux, personne ne pouvait, / Sans montrer ses

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425 Mayer = I, 41 Teleki Ad Mathiam regem Hic me rogare tua modo est humanitas dignata, summe principum : « Quid tibi meorum, uis, poeta, impertiam ? » Secreta praeter quidlibet. 426 Mayer = I, 7 Teleki Ad Martem imprecatio pro pace Gradiue, quinti clare dominator poli, spargens coruscas luce sanguinea iubas, Iunone magna genite, Saturni nepos, tutela caeli, summe Titanum timor, gaudens tropaeis, pacis ac belli arbiter, decorator hominum, consecrator numinum, Gradiue, ferro tecte semper fulgido, uastator agrum, dissipator urbium, uacuator orbis, Tartari impletor trucis, potor cruorum, deuorator corporum,

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425 Mayer = I, 41 Teleki Au roi Mathias Ta bonté récemment a daigné me demander, très grand prince : « Que veux-tu que je t’accorde dans ce que je possède ? » Tout ce qu’il te plaira, hormis tes secrets 869. 426 Mayer = I, 7 Teleki À Mars, prière pour la paix Mars Gradivus, illustre souverain du cinquième domaine 870, toi qui fais voler ton aigrette étincelante dans une lueur de sang, enfant de la grande Junon, petit-fils de Saturne 871, soutien du ciel, crainte extrême des Titans 872, toi qui te réjouis des trophées, qui arbitres la paix et la guerre, qui glorifies 873 les hommes et consacres les divinités 874, Mars Gradivus, toujours couvert de fer brillant, toi qui dévastes les champs 875, détruis les villes, vides le monde, remplis le Tartare 876 menaçant, toi qui bois le sang, engloutis les corps,

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témoins d’une coutume sale. / Pourquoi cette coutume aujourd’hui ne se voit ? / Chacun auparavant se montre être bon mâle. » 869 Inspiré d’une anecdote racontée à plusieurs reprises, avec de légères variantes, par PLUTARQUE (Vie de Démétrius XII, 9 ; Apophtegmes de rois et de généraux 183 E, etc.). La source est sans doute les Apophtegmes de rois et de généraux, que Pannonius a traduits et dédiés à Mathias en 1467, voir BIRNBAUM (1981), p. 143 note 40. On notera la postposition de praeter, très rare (voir néanmoins TIBULLE III, 19, 3). 870 Dans le système solaire des Anciens, il y a sept planètes décrivant un cercle sous le ciel à partir de la Terre : la première est la Lune, puis viennent Mercure, Vénus, le Soleil, Mars, Jupiter, et enfin Saturne. Sur l’épithète de Gradivus, voir l’épigramme 291. Sur l’ensemble de l’épigramme, voir BIRNBAUM (1981), p. 148-149. 871 Mars est fils de Junon et Jupiter et donc petit-fils de Saturne, le père de Jupiter. 872 Dans la lutte contre les Titans (voir l’épigramme 269), Zeus-Jupiter eut pour alliés les Olympiens, et donc notamment Arès-Mars. 873 Le substantif decorator est un hapax, et dans la suite du poème on trouve plusieurs déverbatifs d’action en -tor qui sont des hapax (uacuator) ou des mots rares (ditator). C’est le désir de structurer le poème autour de symétries et d’homéotéleutes qui a conduit Pannonius à cette créativité verbale. 874 Le vers semble signifier que Mars donne la gloire aux hommes et qu’il fait de certains d’entre eux des dieux par l’apothéose. 875 La contrainte métrique, et le caractère solennel de ce texte de prière, ont amené Pannonius à adopter la désinence de génitif pluriel archaïque en -um au lieu de -orum, qui n’est attestée à la deuxième déclinaison que pour certains mots spécifiques, mais pas pour ager, voir la note aux pièces 13 et 54. 876 Les Enfers, voir l’épigramme 341.

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lues uirorum, mulierum execratio, ditator inopum, pauperator diuitum, osor quietis, genitor obscenae famis, auctor pauorum, concitor formidinum, iam parce fessis, quaeso, Pannoniis, pater.

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427 Mayer = I, 57 Teleki De rebellione regni Transsiluani Castrorum septem crudelis et impia tellus, quid dominum contra perfida colla leuas ? Oblita es famulam : saltem te agnosce parentem ! Hic tibi ni princeps esset, alumnus erat. Diuitiisne tumes ? Cecidit Campania diues. An populo ? Marathon milia quanta premit ! Sed tibi forte animos periurus proditor auget : aspice quam stultum, stulta, sequare ducem ! Sit licet ille ferox, et sit bellare peritus, sit licet ille potens : improba causa sua est. Vincitur ut causa, pariter uincetur et armis ; bella placent iusto non nisi iusta Deo. 428 Mayer = I, 380 Teleki (Sine lemmate) Inuia saxa prius Mathias peruia fecit ; haec erat Herculea gloria digna manu.

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fléau des hommes, objet de l’exécration des femmes, toi qui avantages les indigents, appauvris les riches, toi qui hais la tranquillité, engendres la faim hideuse, toi qui crées la peur, suscites l’effroi 877, épargne désormais, je t’en prie, vénérable, les Pannoniens épuisés.

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427 Mayer = I, 57 Teleki Sur la rébellion du royaume de Transylvanie Terre cruelle et impie de Septem castra 878, pourquoi lèves-tu ton cou perfide contre ton maître ? Tu as oublié que tu es servante : du moins reconnais que tu es mère 879 ! S’il n’était pas ton prince, il était du moins ton enfant. Tu t’enorgueillis de tes richesses ? La riche Campanie est tombée 880. 5 De ta population ? Combien de milliers d’hommes Marathon a anéantis 881 ! Mais peut-être un traître parjure augmente ton audace 882 : regarde, insensée, comme tu suis un chef insensé ! Admettons qu’il soit intrépide et expérimenté à la guerre, admettons qu’il soit puissant : sa 883 cause est mauvaise. 10 Tout comme il est vaincu par sa cause, il est vaincu également par ses armes : seules les guerres justes plaisent au Dieu juste. 428 Mayer = I, 380 Teleki (Sans titre) Ces rochers où l’on n’accédait pas auparavant, Mathias les a rendus accessibles 884. C’est là une action glorieuse digne de la main d’Hercule. 877

Arès-Mars est accompagné de démons qui lui servent d’écuyers, en particulier Deimos et Phobos, la Crainte et la Terreur. 878 Nom latin de la Transylvanie (en allemand Siebenbürgen). Les événements auxquels le texte fait allusion nous restent obscurs. Ils se déroulent apparemment en 1467, voir BARRETT (1985), p. 244. 879 La Transylvanie est une principauté vassale du royaume de Hongrie. Elle a donné naissance à Jean Hunyadi, voïvode de Transylvanie de 1441 à sa mort et père du roi Mathias, voir les épigrammes 350 et 351. 880 La Campanie, riche région d’Italie méridionale, et notamment sa ville principale Capoue, étaient passées du côté d’Hannibal au cours de la deuxième punique. Elles en furent sévèrement punies en 211 quand les Romains reprirent le dessus. 881 En 490 avant notre ère, les Athéniens et leurs alliés écrasèrent l’infanterie perse à Marathon en Attique. 882 Nous n’avons pas identifié ce traître qui sert de chef à la révolte de la Transylvanie. 883 Le réfléchi est employé à mauvais escient, on attendrait eius. 884 Pannonius loue Mathias pour la construction d’une route, on l’a compris.

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429 Mayer = 8 Horváth (Sine lemmate) Inuia quae fuerant pediti, nunc peruia plaustro sunt loca : Mathiae nobile regis opus. 430 Mayer = I, 8 Teleki Gratulatur de duplici uictoria Mathiae Nunc age, si quando, sacrum paeana, Camenae, tollite dulcisonis sidera ad alta modis, qualem Phlegra Ioui cecinit, uel Lydia Baccho, sub iuga cum tigres India uicta dedit. Sed Iouis et Bacchi felix uictoria quondam magna licet fuerit, non nisi sola fuit. Mathiae gemini simul accessere triumphi, una simul fixit bina tropaea manus. Nam Transsiluanae subit en Moldauia palmae, non tam astu ferro quam superata graui. Succubuere duae diuersis artibus orae, hanc uirtus, illam contudit ingenium. Pugnauit nullo sollers ibi sanguine Pallas, hic Bellona suos perculit ipsa Getas. Quid nunc, sancte, tuis optemus, Iane, Calendis ? Talibus auspiciis proximus annus eat !

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429 Mayer = 8 Horváth (Sans titre) Ces lieux où l’on ne pouvait accéder même à pied, on y accède maintenant en chariot ; c’est là l’œuvre remarquable du roi Mathias. 430 Mayer = I, 8 Teleki Il félicite Mathias pour sa double victoire 885 Allons, Camènes 886, c’est le moment, lancez un péan sacré sur un rythme harmonieux jusqu’à la hauteur des astres, tel que Phlégra en a chanté pour Jupiter 887, ou la Lydie pour Bacchus 888, quand l’Inde vaincue eut mis des tigres sous le joug. Mais bien que l’heureuse victoire de Jupiter et de Bacchus autrefois ait été grande, elle est restée unique. Mathias a remporté deux triomphes en même temps, une seule main a planté en même temps deux trophées 889. Car à la palme sur la Transylvanie a succédé la Moldavie, vaincue moins par la ruse que par le fer pesant. Deux pays ont succombé sous des procédés différents, la vaillance a écrasé l’un, l’ingéniosité l’autre. Ici l’adroite Pallas 890 a combattu sans verser aucun sang, là Bellone 891 elle-même a frappé ses Gètes 892. Que souhaiter à présent, vénérable Janus 893, pour tes calendes ? Que l’année qui vient s’écoule sous de tels auspices !

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885 Cette épigramme et les deux suivantes font allusion à la campagne de Moldavie de 1467 et à la rébellion de la Transylvanie dont il était question dans l’épigramme 427. 886 Les Camènes sont les Muses, voir l’épigramme 12 ; sur le péan, chant de victoire, voir l’épigramme 399. 887 Phlégra, dans la presqu’île de Pallèné (aujourd’hui Cassandra), la péninsule la plus occidentale de Chalcidique en Grèce, est donné traditionnellement comme le lieu de la lutte des dieux et des Géants. Les dieux, conduits par Zeus-Jupiter, l’emportèrent. 888 Dionysos-Bacchus, après avoir soumis l’Inde, en revint sur un char tiré par des tigres. EURIPIDE donne la Lydie et la Phrygie comme lieux de résidence du dieu (Bacchantes 13-14, 55, 140). 889 Originellement, le trophée est un arbre ou un pieu que l’on dresse et auquel on accroche les armes prises à l’ennemi. 890 Si elle est déesse guerrière, Athéna Pallas est aussi et surtout déesse de la raison et de l’intelligence. La soumission de la Transylvanie a donc été obtenue par la diplomatie. 891 Déesse de la guerre. 892 Par le nom de ce peuple de l’Antiquité Pannonius désigne les Moldaves. Les Moldaves appartiennent à Bellone soit parce qu’ils sont belliqueux, soit parce qu’ils habitent le même pays qu’elle. Ils occupent en effet une partie de la Thrace antique. Or Bellone, passant pour la fille, la mère ou la sœur de Mars (voir l’épigramme 404), habite logiquement comme lui la Thrace. 893 Le dieu Janus ouvrait l’année et les calendres étaient à Rome le premier jour du mois (cf. l’épigramme 255). Il s’agit donc des souhaits pour la nouvelle année.

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431 Mayer = I, 9 Teleki De signo suo Dum fera Mathiae premitur Moldauia regi, Iohannis signum praesulis istud erat. Rettulit hoc domino fusis sua turma Valachis, deuota templis obtulit ille manu. 432 Mayer = I, 10 Teleki De signis quae Moldauis erepta templo Virginis Budae fixa fuerant Rex tibi Mathias haec signa, puerpera Virgo, Moldauis forti nuper adempta manu. Quae modo barbaricas duxere in bella cateruas, nunc sacro pendent conspicienda tholo. O mactum uirtute ducem, cui contigit uni in propria duros sternere sede Getas. At tu, Diua, suis iterum sic annue uotis, uictor ut e Turcis mox tibi plura ferat.

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433 Mayer = I, 13 Teleki De ceruo regium trahente uehiculum Quod nemorum oblitus posita formidine ceruus non homines metuit, nec rabida ora canum, mollia sed leuiter docili trahit esseda collo, inclite rex, meriti quis neget esse tui ? Talis cornigeris Diana iugalibus alte frondosi uehitur per iuga Taygeti.

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431 Mayer = I, 9 Teleki Sur son enseigne à lui Quand le roi Mathias terrassait la sauvage Moldavie, cette enseigne était celle du prélat Jean 894. Son escadron, après avoir dispersé les Valaques, l’a rapportée à son maître, et lui d’une main pieuse l’a offerte aux temples. 432 Mayer = I, 10 Teleki Sur les enseignes enlevées aux Moldaves et fixées dans le temple de la Vierge à Buda Le roi Mathias te consacre 895 ces enseignes, Vierge mère, prises récemment aux Moldaves par sa main courageuse. Elles qui auparavant conduisaient à la guerre les escadrons barbares, sont maintenant suspendues à ta voûte sacrée et offertes aux regards. Sois félicité pour ta vaillance, général qui seul as réussi 5 à abattre dans leur propre pays les Gètes 896 cruels. Quant à toi, Vierge divine, acquiesce de nouveau à ses vœux de sorte que, vainqueur, il t’apporte bientôt en plus grand nombre des enseignes des Turcs. 433 Mayer = I, 13 Teleki Sur un cerf tirant la voiture du roi Si, oubliant les forêts et libéré de la peur, un cerf ne craint ni les hommes, ni la gueule enragée des chiens, mais tire avec douceur de son cou docile ton carrosse confortable, qui nierait, illustre roi, que ce soit là l’effet de ton mérite ? Telle Diane dans les hauteurs est transportée à travers les sommets du Taygète feuillu par son attelage cornu 897.

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Pannonius lui-même (cf. l’épigramme 9), comme l’indique le titre, qui accompagna le roi dans certaines de ses campagnes. Les Valaques étaient alliés aux Moldaves. 895 Le verbe manque dans la phrase latine. Il n’est pas sûr cependant qu’il y ait là une lacune. Sur l’événement en question, voir la note dans MAYER (2006). 896 Voir l’épigramme 430. 897 Artémis (Diane) était honorée dans les lieux montagneux, ainsi sur la montagne du Taygète en Laconie. Elle se déplaçait souvent sur un char tiré par des cerfs (cf. CLAUDIEN, Panégyrique pour le consulat de Stilicon 3, 286).

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Talis erat nondum famulorum praeda suorum, compos adhuc mentis uersus Agenorides. Quis iam adeo ferus est, tibi qui seruire recuset, accipiant ipsae cum tua frena ferae ? 434 Mayer = I, 236 Teleki De Marsilio Ficino Nuper in Elysiis animam dum quaero Platonis, Marsilio hanc Samius dixit inesse senex. 435 Mayer = I, 191 Teleki In Lupum Vel metuunt uel amant, qui te, Lupe, non bene norunt ; ast ego qui noui, nec metuo, nec amo. 436 Mayer = I, 310 Teleki In Lupum Mutua dissimules cum soluere, munera mittis. Redde meum primo, da, Lupe, deinde tuum.

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Tel était le descendant d’Agénor, métamorphosé mais encore en possession de son esprit, avant d’être la proie de ses serviteurs 898. Qui serait dès lors à ce point sauvage pour refuser de te servir, quand les bêtes elles-mêmes se soumettent à ton frein 899 ! 10 434 Mayer = I, 236 Teleki Sur Marsile Ficin Comme récemment aux Champs Élysées je cherchais l’âme de Platon, le vieillard de Samos m’a dit qu’elle était en Marsile 900. 435 Mayer = I, 191 Teleki Contre Lupus Ceux qui ne te connaissent pas bien, Lupus, te craignent ou t’aiment ; mais moi, qui te connais, je ne te crains ni ne t’aime. 436 Mayer = I, 310 Teleki Contre Lupus Quand tu négliges de rembourser un emprunt, tu envoies un cadeau. Rends-moi d’abord mon bien, Lupus, donne le tien ensuite.

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Le descendant d’Agénor est Actéon, métamorphosé par Diane en cerf (mais gardant sa raison d’homme, cf. OVIDE, Métamorphoses 3, 203) parce qu’il avait vu la déesse nue, et ensuite dévoré par ses chiens qui ne l’avaient pas reconnu sous sa nouvelle forme. Les deux comparaisons ne sont pas sur le même plan : le roi Mathias est comparé à Diane, puis le cerf qui tire son carrosse comparé à Actéon changé en cerf. Le terme de famuli, « serviteurs », est rare pour désigner des animaux. Il est possible que Pannonius ait connu une interprétation allégorique marginale du mythe d’Actéon, selon laquelle Actéon était un prodigue qui finit ruiné (dévoré) par ses serviteurs et ses courtisans, voir CASANOVA-ROBIN (2003), p. 124. 899 On a ici le thème, attesté chez MARTIAL (IV, 30), de l’influence surnaturelle qu’exerce un grand personnage sur les animaux. 900 Le vieillard de Samos est Pythagore, né dans cette île. Il défendait, on l’a vu dans l’épigramme 237, la théorie de la transmigration des âmes, soutenue aussi par Platon. Marsile Ficin, philosophe humaniste, fut le maître de l’école platonicienne de Florence. Il avait offert à Pannonius en 1463 le manuscrit de la première rédaction de son Commentaire au Banquet de Platon, et Pannonius le rencontra à Florence en 1465, voir BIRNBAUM (1981), p. 168. Mais le Ioannes Pannonius qui adresse une lettre à Ficin n’est pas notre poète, voir MAYER (2006), p. 31 et KÖSZEGHY (2012).

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437 Mayer = I, 311 Teleki In eumdem Grandem te et luscum, uere Cyclopa uocamus ; uerius id fiet cum, Lupe, caecus eris. 438 Mayer = I, 220 Teleki In Lupum fallacem « Fert aliud Leucon, aliud Leuconis asellus », dicere, si memini, Graecula turba solet. Forsitan ista tuos tangunt prouerbia mores, nam, Lupe, mens aliud, quam tibi lingua gerit. 439 Mayer = I, 302 Teleki Ad Mathiam regem Quae te ultra tellus, quae gens feret, inclite regum ? Quis non auditas procidet ante tubas, quandoquidem saeui tibi iam cessere Bohemi, haud umquam externum natio passa iugum ? Si uenit insignis de quolibet hoste triumphus, hactenus inuicto qualis ab hoste uenit ?

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440 Mayer = II, 21 Teleki Christophoro Crispo Scribere, Crispe, iubes regis me proelia nostri, nec non magnanimi fortia facta patris. Si superent uires, nec desint otia nobis, exequar hortatus forsan, amice, tuos. Sed sunt non culicis memorandi uoce leones, nec bene grandisonas cantat auena tubas. Tu, cui cura minor simul et facundia maior, cur aliis mandas quod magis ipse potes ?

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437 Mayer = I, 311 Teleki Contre le même personnage Tu es grand et borgne : nous te qualifions à juste titre de Cyclope ; cela sera plus juste encore, Lupus, quand tu seras aveugle 901. 438 Mayer = I, 220 Teleki Contre Lupus le menteur « Leucon raconte une chose, l’ânon de Leucon une autre », ont l’habitude de dire familièrement les Grecs 902. Peut-être ce proverbe s’applique-t-il à ton comportement. Car, Lupus, ce que tu as dans l’esprit diffère de ce que tu as sur la langue. 439 Mayer = I, 302 Teleki Au roi Mathias Quel pays, quel peuple encore va subir ton pouvoir, illustre roi ? Qui ne tombera à tes pieds avant d’avoir entendu tes trompettes, puisque désormais la cruelle Bohème s’est soumise à toi, une nation qui n’avait jamais subi un joug étranger 903 ? Si un triomphe sur n’importe quel ennemi est remarquable, que dire d’un triomphe sur un ennemi jusqu’ici invaincu ?

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440 Mayer = II, 21 Teleki Pour Christophorus Crispus Tu m’invites, Crispus, à écrire les combats de notre roi et les hauts faits de son noble père 904. Si j’avais des forces en abondance, et que le loisir ne me manquât pas, je suivrais peut-être, ami, tes exhortations. Mais il ne convient pas de parler des lions avec une voix de moustique, et la flûte n’est pas bonne pour jouer de la trompette sonore. Toi, qui as à la fois moins de soucis et plus d’éloquence, pourquoi confies-tu aux autres ce que tu peux mieux faire toi-même ? 901

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Les Cyclopes, géants de la mythologie, n’avaient qu’un œil, voir l’épigramme 95. Le sel de cette épigramme nous échappe. Peut-être Pannonius souhaite-t-il à Lupus de perdre son oeil unique comme le Cyclope Polyphème. 902 Voir LEUTSCH / SCHNEIDEWIN (1939-1851), t. I, p. 74 (ZENOBIOS 1, 74) et 198 (DIOGENIANOS 2, 21). 903 À la suite de l’excommunication en 1466 du roi de Bohème Georges Poděbrady qui était hussite, Mathias Corvin envahit le pays et se fit couronner par les catholiques roi de Bohème en 1469. 904 Jean Hunyadi, régent de Hongrie et père du roi Mathias Corvin, voir les épigrammes 350 et 351.

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441 Mayer = I, 376 Teleki In Crispum Nil danti tibi, Crispe, quod nihil do, dicis me minus esse liberalem. Qui nil dantibus ipse multa donat, non est, ut puto, Crispe, liberalis. Quidnam est ergo ? rogas : furens et excors.

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442 Mayer = I, 377 Teleki In eumdem Das mihi, Crispe, nihil ; uis dem tibi multa petenti. Os tibi deest ; deerit cor mihi, si faciam.

443 = I, 378 In eumdem Vina rogas ; dabimus, si tu des, Crispe, caballum, nam tua belligerum uix capit herba pecus. Da gratis, inquis. Nescis, puto, lege caueri, ut curatorem prodigus accipiat. 444 Mayer = I, 88 Teleki Ad Philelphum Tu scribis Graio, scribis sermone Latino, at tibi nos contra barbara dicta damus. Tempus erat, cum me Musarum plectra tenebant, dulcis et Aonio potus ab amne liquor. Nunc Marti miles, non Phoebo seruio uates, obstrepit et molli buccina rauca lyrae. 445 Mayer = I, 168 Teleki De arbore pomis grauata Furca leuat, quam poma grauant ; sic saepe fuerunt praesidio externi, quis nocuere sui.

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441 Mayer = I, 376 Teleki Contre Crispus Alors que tu ne me donnes rien, Crispus, tu déclares, sous prétexte que je ne te donne rien, que je ne suis pas généreux. Celui qui de lui-même fait de gros dons à ceux qui ne lui donnent rien n’est pas généreux, selon moi, Crispus. Qu’est-il donc ? demandes-tu : un fou et un insensé.

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442 Mayer = I, 377 Teleki Contre le même personnage Tu ne me donnes rien, Crispus, et tu veux que je te donne tout ce que tu réclames. Tu manques de pudeur ; moi je manquerais de bon sens, si je le faisais. 443 = I, 378 Contre le même personnage Tu me demandes du vin ; je t’en donnerai si tu me donnes, Crispus, un cheval ; car tes prés contiennent avec peine ton troupeau de destriers. Donne m’en pour rien, me dis-tu. Tu ignores, je pense, que la loi veille à ce que les prodigues soient mis sous curatelle. 444 Mayer = I, 88 Teleki À Philelphe 905 Tu écris en grec, tu écris en latin, moi en revanche je ne t’adresse que des mots barbares. Il fut un temps où je cultivais le plectre des Muses, et j’ai bu le doux liquide de la rivière d’Aonie 906. À présent, je sers Mars comme soldat, non plus Phébus 907 comme poète, et la trompette rauque couvre le son de la douce lyre.

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445 Mayer = I, 168 Teleki Sur un arbre que les fruits font plier Une perche fourchue soulage l’arbre que ses fruits font plier ; ainsi souvent des étrangers ont secouru des gens auxquels les leurs avaient nui. 905 906 907

François Philelphe (Francesco Filelfo), le célèbre humaniste italien (1398-1481). La source Hippocrène, voir la pièce 8. Dieu de la poésie.

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446 Mayer = I, 379 Teleki Michaeli Vitezio nepoti Misisti clipeum nobis. Si miseris hastam, Martis ero, Phoebi qui modo miles eram. 447 Mayer = I, 46 Teleki Ad Mathiam regem Iure colis Venerem mediis, rex inclite, castris : illa tibi Martem conciliare potest. 448 Mayer = I, 297 Teleki De leonibus per Florentios missis Non tibi, Mathia, rex inuictissime, frustra gens Massyleum misit Etrusca pecus. Multarum fecit par conuenientia rerum, haec merito possent ut tibi dona dari. Tu princeps hominum, princeps leo nempe ferarum, nobilis ille iuba, pulcher es ipse coma. Vnguibus ille ferox, gladio tu fortis et hasta ; parcere tu uictis, parcere et ille solet. Quid, quod idem ducibus clarum est insigne Bohemis ? Grande noui sceptri scilicet omen habes.

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446 Mayer = I, 379 Teleki À son neveu Michaelis Vitéz 908 Tu nous as envoyé un bouclier. Si tu nous envoies une lance, je serai soldat de Mars, moi qui étais jusqu’à présent soldat de Phébus 909. 447 Mayer = I, 46 Teleki Au roi Mathias Tu as raison, illustre roi, d’honorer Vénus au milieu des combats : elle peut te concilier Mars 910. 448 Mayer = I, 297 Teleki Sur les lions envoyés par les Florentins Ce n’est pas inconsidérément, Mathias, roi invincible, que le peuple toscan t’a envoyé des animaux massyles 911. Une correspondance dans plusieurs domaines justifiait qu’on t’offre un tel cadeau. Tu es le prince des hommes, le lion est le prince des bêtes sauvages ; 5 il a une noble crinière, toi tu as une belle chevelure ; il a la griffe hardie, tu montres ton courage par l’épée et la lance ; tu as l’habitude d’épargner les vaincus, lui les épargne de même 912. Et que dire du fait que le lion est l’emblème illustre des rois de Bohème ? Tu as là à l’évidence le grand présage d’un sceptre nouveau 913. 10

908 Apparemment un fils d’un frère ou d’une sœur de Pannonius (voir la note à l’épigramme 388). 909 La lance et le bouclier constituent l’armement complet du soldat (cf. OVIDE, Fastes 3, 1). Phébus est le dieu de la poésie, voir l’épigramme 444. On ne sait dans quelles circonstances Michaelis Vitéz a fait cadeau d’un bouclier à Pannonius. 910 Mars est l’amant de Vénus. On ne sait ce que signifie exactement « honorer Vénus ». Sans doute Mathias Corvin était-il accompagné dans cette campagne de sa maîtresse (sa femme était morte en 1464) Barbara Edelpöck, rencontrée au début de l’année 1470, voir KUBINYI (2008), p. 134. Cet éloge de l’amour hors mariage est surprenant de la part d’un évêque. 911 Les Massyles sont un peuple de la Numidie antique, et les animaux massyles des lions. Les Florentins (la Toscane correspond grosso modo au territoire qu’occupaient autrefois les Étrusques, d’où l’adjectif Etrusca, cf. l’épigramme 86) avaient envoyé au roi Mathias deux lions en cadeau. Laurent de Médicis, maître de Florence depuis 1469, possédait en effet une ménagerie avec des lions, voir PICQUET (2008), p. 66 (§ 39 dans la version en ligne) ; BUQUET (2013), p. 103 et 105. 912 La légende selon laquelle le lion épargne un ennemi à terre remonte à l’Antiquité (cf. OVIDE, Tristes III, 5, 33-34 ; PLINE L’ANCIEN, Histoire naturelle 8, 48). 913 Voir l’épigramme 439.

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449 Mayer = I, 296 Teleki De eodem ad Mathiam Iunge, licet, sacros, iunge ad tua frena leones, hoc tibi, Mathia, dat Cybele ipsa decus. Seu te per terras uectari forte iuuabit, non cadet illorum sub pede laesa seges ; siue uoles pelago Neptuni currere ritu, planta leuis summa non madefiet aqua. Tu tamen in caelum potius, sed serus, abito ; nouere has etiam talia monstra uias.

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450 Mayer = I, 297 Teleki De eodem ad eumdem Nil est, magnorum, Mathia maxime, regum, quod iam dite petas amplius e Latio. Tota tibi in uarios Oenotria certat honores, quaelibet et proprias ora ministrat opes : aurum Roma parens, Veneti sua serica mittunt, praebet cornipedes Apulus, arma Ligur. Contulerat nullum Florentia sola tributum, quae nunc Marmaricas obtulit, ecce, feras. Dignum te nostro uectigal et illa pependit iudicio : fortem fortia dona decent.

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449 Mayer = I, 296 Teleki Sur le même sujet, à Mathias Attelle, cela t’est permis, attelle ces lions sacrés et mène-les de ton frein, Cybèle elle-même, Mathias, t’accorde cet honneur 914. S’il te plaît par hasard de voyager à travers les terres, leurs pas ne meurtriront ni ne feront tomber la moisson ; si tu veux parcourir la mer à la manière de Neptune, ton pied rapide ne sera pas mouillé par la surface de l’eau. Cependant dirige-toi plutôt vers le ciel, mais tard 915 ; ces bêtes prodigieuses en connaissent aussi le chemin.

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450 Mayer = I, 297 Teleki Sur le même sujet, au même personnage Il n’y a rien, Mathias, le plus grand des grands rois, que tu puisses aujourd’hui demander en plus à la riche 916 Italie. L’Oenotrie 917 tout entière t’accorde à l’envi des honneurs variés, et chaque région te fournit ses propres richesses : la vénérable Rome t’envoie de l’or, les Vénètes leurs étoffes de soie, l’Apulien 918 offre des chevaux, le Ligure des armes. Seule Florence ne t’avait adressé aucune contribution ; elle vient de te donner ces bêtes de Marmarique 919. À mon avis elle aussi a estimé que c’était un présent digne de toi : pour un audacieux conviennent des cadeaux audacieux.

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914 Pannonius fait comme si les lions envoyés par les Florentins (voir l’épigramme précédente) étaient les lions sacrés du char de la déesse phrygienne Cybèle (cf. par exemple VIRGILE, Énéide 10, 253). 915 Même idée dans l’épigramme 408. 916 La forme d’ablatif dite (au lieu du diti qu’on attendrait) est exceptionnelle pour l’adjectif dis quand il ne désigne pas le dieu ; voir cependant SIDOINE APOLLINAIRE, Poèmes 5, 463. 917 Ici pour l’Italie, voir l’épigramme 404. 918 L’Apulie est l’ancienne région correspondant aujourd’hui à la Pouille. Les chevaux d’Apulie étaient célèbres, cf. VARRON, Économie rurale II, 7. 919 Voir l’épigramme 328.

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451 Mayer = I, 298 Teleki De eodem ad eumdem Haud leuiter quondam laetatum Eurysthea dicunt, nec decus id titulis uile putasse suis, Alcides cum prima uiri mandata secutus torua Cleonaeae protulit ora ferae. Clarior at quanto est Mathiae gloria regis : cui uenit hic longe, sed duplicatus, honos. Quippe illi extremis geminam, nec iussus, ab oris sponte tua mittis, monstrifer Arne, iubam.

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452 Mayer = 3 Horváth Ad Henricum poetam Germanum Henrice, nostri quando praeclaras uoles cantare laudes praesulis, ne, quaeso, longis excites prooemiis iuncto Camenas Pythio. Cocco rubenti tu modo summa sacrum praescribe nomen pagina : irreuocatus ultro Musarum chorus tuo aduolabit carmini ; nec coepta solum promouebit Delius, uerum ipse rector caelitum

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451 Mayer = I, 298 Teleki Sur le même sujet, au même personnage On dit qu’Eurysthée 920 jadis s’est abondamment réjoui et n’a pas considéré ce trophée comme négligeable pour sa renommée, quand l’Alcide, ayant exécuté le premier ordre de cet homme, lui a présenté la gueule farouche de la bête de Cléones 921. Mais combien plus illustre est la gloire du roi Mathias : 5 c’est de loin que lui vient une telle marque d’honneur, et elle est multipliée par deux 922. De fait, sans avoir reçu d’ordre et spontanément, tu lui envoies, Arno fécond en prodiges 923, une double crinière 924 venue de l’extrémité du monde. 452 Mayer = 3 Horváth À Henricus, poète allemand 925 Henricus, quand tu voudras chanter les louanges de notre prélat, n’invoque pas, de grâce, en de longs proèmes 926 les Camènes avec le Pythien. Écris seulement en haut de la page son saint nom à l’écarlate rouge : de lui-même, sans être appelé, le chœur des Muses viendra seconder ton chant, et non seulement le Délien 927 soutiendra l’entreprise, mais le maître des dieux célestes en personne 920

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Sur l’ordre de la Pythie, Hercule (l’Alcide, voir l’épigramme 198) se mit au service du roi Eurystée et celui-ci lui imposa les douze travaux qui devaient faire sa gloire. 921 Cléones est une ville d’Argolide, en Grèce, près de laquelle Hercule tua le lion de Némée, premier des douze travaux. 922 Les Florentins avaient offert deux lions à Mathias. 923 L’Arno est le fleuve qui coule à Florence. Le sens de l’adjectif monstrifer n’est pas clair : l’Arno est-il fécond en prodiges ou en monstres ? Est-ce une allusion aux Étrusques, spécialistes de la conjuration des prodiges, et dont les œuvres d’art portent de nombreuses représentations de monstres ? 924 La crinière désigne le lion par synecdoque. 925 Ce poète n’est pas identifié, voir HORVÁTH (1977), p. 35-36 note 28 ; on sait seulement par la pièce suivante qu’il est iuuenis. Le prélat dont il est question ici doit être Vitéz (voir l’épigramme 399). 926 Le proème est l’exorde, le début d’un poème. Les Camènes sont les Muses, voir l’épigramme 11. Le Pythien est Apollon, dieu honoré à Pytho, c’est-à-dire Delphes (voir l’épigraphe 146), et qui préside notamment à la poésie. 927 Le Délien est Apollon, né dans l’île de Délos, voir l’épigramme 53. La lyre est un de ses attributs (voir l’épigramme 11), et il est tout à fait extraordinaire que le maître des dieux, Jupiter, se mette à en jouer avec lui.

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fulmen reponet et simul plectro leui temptabit argutas fidis. Nam cuius umquam tanta diis magnis fuit, aut esse cura debuit, quantam irreprensis noster emeruit parens mentis beatae dotibus ? Fabiis, Metellis, Quinctiis, Catonibus, Curiis, Camillis sanctior ‒ melioris illos saeculi sinceritas uirtute fecit praeditos ‒ iste, iste maior, labe quem nulla inquinat nec ultimi faex temporis, sed sic nitescit improbos inter probus, spinas ut inter lilium. Quare superbas parce mirari domos, sacer colit quas pontifex. Haud ulla talem ceperit digne uirum sedes, nisi aether igneus, animae molestis qua solute uinculis in orbe gaudent lacteo. Diu tamen tu, si sapis, tellus, tene sortita quod uix es decus ; tot pictus astris nec tibi inuideat polus sidus quod semper unicum.

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déposera sa foudre et, de son plectre léger, s’essaiera avec lui à la lyre harmonieuse. Car qui a jamais été ou aurait dû être autant l’objet de la sollicitude des grands dieux que notre père 928 a mérité de l’être pour les dons indéniables de son esprit béni ? Plus vertueux que les Fabius, Metellus, Quinctius, Caton, Curius, Camille 929 – eux c’est la pureté d’un siècle meilleur qui les a pourvus de leurs qualités – lui, lui est plus grand : même la lie d’une époque vile ne le souille d’aucune tache, et il brille, honnête parmi les malhonnêtes, comme un lis au milieu des épines 930. Aussi cesse d’admirer la demeure altière qu’habite ce saint pontife. Aucune résidence ne saurait accueillir dignement un tel homme, si ce n’est l’éther igné, où les âmes libérées de leurs liens pénibles 931 se réjouissent d’avoir atteint la Voie lactée 932. Cependant, terre, si tu es sage, garde longtemps cet ornement 933 que tu as difficilement obtenu ; et que le ciel émaillé de tant d’étoiles ne t’envie pas cet astre toujours unique.

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928 Le mot parens, comme pater dans les épigrammes 413 et 416, est un terme de respect pour désigner un dignitaire catholique, ici le prélat en question. 929 Fabius Cunctator, Caecilius Metellus Macedonicus, Quinctius Cincinnatus, Caton l’Ancien, Curius Dentatus, Camille : énumération, sans ordre chronologique, de grands personnages de la République romaine célèbres pour leur intégrité et leur valeur, voir les épigrammes 218-219 et 384. 930 On notera la double anastrophe de la préposition inter. L’image est empruntée au Cantique des cantiques 2, 2. 931 Le lien avec le corps. 932 Selon une théorie pythagoricienne reprise par CICÉRON (De republica 6, 16) et MANILIUS (Astronomica 1, 758-804), la Voie lactée est le séjour des héros et des grands hommes après leur mort. 933 L’ornement est bien sûr le prélat.

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453 Mayer = 4 Horváth Ad eumdem ode dicolos tetrastrophos O nouem cultor iuuenis dearum patrius cui non generosa Rhenus, sed Medusae liquor Hippocrenes ora rigauit, Orpheis plectris mea tu caueto plectra componas ; bene comparari stridulus numquam potuit canoro passer olori. Nos leui raucum strepimus cicuta, quod rudis carbo putrideue cretae adnotet puluis, piper unde uel tus iure tegatur. At uetustorum pater orgiorum editus Musa Rhodopeus Orpheus beluas nec non elementa blando carmine mouit. Mouit et duri mala regna Ditis, omne poenarum genus ut uacaret

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453 Mayer = 4 Horváth Au même, ode en strophes de quatre vers de deux espèces différentes 934 Jeune homme qui cultives les neuf déesses 935, et dont le noble visage n’a pas été arrosé par le Rhin de tes pères, mais par le liquide d’Hippocrène né du cheval méduséen 936, garde-toi de rapprocher mon plectre du plectre d’Orphée ; jamais le moineau siffleur n’a pu à bon escient être comparé au cygne harmonieux 937. Nous nous faisons entendre un son rauque sur un pipeau léger, qui mérite d’être noté seulement par le charbon grossier ou la poussière de craie pourrie 938, et digne à bon droit d’envelopper le poivre ou l’encens 939. Mais le père des mystères anciens né d’une Muse 940, Orphée du Rhodope, a ému les bêtes et les éléments par la séduction de son chant. Il a ému aussi le royaume funeste du cruel Dis, au point que toute forme de châtiment y a cessé 941

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934 C’est-à-dire (en langage de grammairien) des strophes composées de trois vers d’une espèce suivis d’un quatrième d’une espèce différente. En l’occurrence il s’agit de strophes saphiques. C’était une pratique fréquente à la Renaissance que d’introduire quelques pièces en strophes lyriques horatiennes dans un recueil d’épigrammes. On en trouve deux chez Enea Silvio Piccolomini (VAN HECK [1994], p. 138-139 et 145-149), trois chez Marulle (GUILLOT [2011], p. 836), et 10 (1, 7 %) chez Nicolas Bourbon (LAIGNEAU-FONTAINE [2008], p. 973). 935 Les neuf Muses. 936 La source Hippocrène, qui passait pour favoriser l’inspiration poétique, a jailli du sabot du cheval Pégase (voir l’épigramme 13), lui-même né du sang ou sorti du cou de la Gorgone Méduse. 937 Les auteurs anciens attribuent traditionnellement au cygne un chant harmonieux (voir l’épigramme 404, où le chant du cygne est opposé au cri de l’oie). Il est plus étrange que le moineau soit qualifié de stridulus (« qui émet un son strident, qui siffle »), mais SÉNÈQUE (Hercule furieux 146) applique l’adjectif à l’hirondelle. 938 Souvenir de MARTIAL XII, 61, 8-10, où un poète ivre écrit avec du charbon ou de la craie pourrie sur les murs des latrines d’une taverne des vers que liront seuls ceux qui vont à la selle ; on utilisait à Rome le charbon ou la craie pour écrire sur les murs publics, pas pour copier un vrai poème. 939 Les livres invendus servaient d’emballage, comme le souligne Martial, voir l’épigramme 29. 940 Orphée est généralement considéré comme le fils de la Muse Calliope (cf. VIRGILE, Bucoliques 4, 56-57). Il serait le premier à avoir institué des mystères (cf. OVIDE, Métamorphoses 11, 92-93 ; SERVIUS, ad Énéide 6, 645 : qui primus orgia instituit). Il est originaire de Thrace, région où se dresse le mont Rhodope. 941 Quand Orphée descendit aux Enfers (Dis est Pluton, voir l’épigramme 11) pour rechercher Eurydice (voir l’épigramme 198), les châtiments des grands criminels s’interrompirent (cf. OVIDE, Métamorphoses 10, 41-44).

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nec prius cuiquam reuocata Parcae fila renerent. Orba quin uatis lyra iam perempti garrulas nullo feriente chordas, dum natat ponto strepuisse fertur flebile murmur. Ergo Musaei ueteris magistrum ipse non uincat numeris Apollo, ipsa non aequet genitrix sonorae prima cateruae. Tu tamen tantam teneris in annis indolem praefers, fore te poetam ut rear summum, modo in alta coepto limite pergas. Perge per sacras Heliconis umbras arta qua raro uia trita gressu Phoebeum celsi per opaca montis ducit in antrum. Te uocant lauri ; uiden ut Cithaeron grande responsat, tibi iam beatis implicant laetae digitis Camenae nobile sertum. Turbidi me sors miseranda regni tristibus curis tenet inuolutum nec sinit dulces meminisse rhythmos metraque Phoebus.

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et que les Parques, ce qu’elles n’avaient fait auparavant pour personne, ont ramené et tissé à nouveau les fils d’un destin 942. Bien plus, la lyre veuve du poète désormais défunt, sans que personne n’en fasse vibrer les cordes babillardes, tandis qu’elle nageait sur la mer, a lancé, rapporte-t-on, un murmure plaintif 943. Donc ce maître du vieux Musée 944, Apollon lui-même ne saurait le surpasser par ses rythmes, sa mère elle-même, première de la troupe à la voix sonore 945, ne saurait l’égaler. Toi cependant tu montres dès tes tendres années de si grandes qualités que tu seras, à mon avis, un éminent poète, pourvu que tu continues ton ascension par le chemin que tu as commencé. Continue d’avancer à travers les ombres sacrées de l’Hélicon 946, là où une voie étroite, que n’ont foulée que de rares pas, mène, dans l’obscurité de cette montagne élevée, à l’antre de Phébus 947. Les lauriers t’appellent ; tu vois comme le Cithéron 948 t’adresse une puissante réponse, comme déjà les Camènes 949 joyeuses de leurs doigts bienheureux te tressent une noble couronne. Moi le sort pitoyable d’un royaume en proie aux troubles me tient enveloppé dans de tristes soucis, et Phébus ne me permet pas de me rappeler la douceur des rythmes et des mètres 950. 942

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Elles ont accepté de laisser Eurydice morte revenir à la vie. Dans la version la plus courante du mythe, les femmes de Thrace déchirent le corps d’Orphée et jettent les morceaux, avec sa lyre, dans le fleuve Hebrus qui les emporte jusqu’à la mer ; mais au milieu du courant sa tête et sa lyre font entendre une mélodie plaintive, cf. OVIDE, Métamorphoses 11, 50-55. 944 Selon SERVIUS, ad Énéide 6, 667, le poète semi-légendaire Musée a été l’élève d’Orphée. 945 La troupe est le chœur des Muses, dont Calliope est le chef, cf. OVIDE, Fastes 5, 80. 946 Le mont Hélicon, séjour des Muses, voir l’épigramme 8. 947 Nous adoptons le Phoebeum de Horváth, quoique la métrique s’y oppose. Cet antre de Phébus doit être une des grottes autour de la source Hippocrène, sur l’Hélicon (cf. OVIDE, Métamorphoses 5, 266). Apollon-Phébus est, rappelons-le, le dieu de la poésie. 948 La mention du Cithéron, montagne qui sépare l’Attique de la Béotie, semble amenée par un souvenir de VIRGILE, Géorgiques 3, 43, peut-être mal interprété (car le Cithéron n’a rien à voir avec Apollon ou la poésie). 949 Les Muses, voir l’épigramme 11. 950 Nous adoptons là aussi le texte de Horváth. 943

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454 Mayer = II, 23 Teleki Epitaphium Homeri Mole sub hac situs est heroum orator Homerus ; qui transis, dicas : « Summe poeta, uale ». 455 Mayer = 131 Ábel Ianus Pannonius moriens Abstulit atra dies una cum corpore nomen : sic miseri nobis accumulamus opes. 456 Mayer = p. 15 Szelestei Epigramma in abbatem Zekzardiensem religionis ergo se castrantem Testibus exectis duo grandia dona Tonanti obtuleras nuper, religiose pater. Munera caelestes dum conspexere puellae, uersa est in risum regia celsa Iouis. Iuppiter exclamat : « Mentem castrare necesse est, haec obscena lupis tradere membra potes ».

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454 Mayer = II, 23 Teleki Épitaphe d’Homère 951 Sous ce tertre est enseveli Homère, le chantre des héros ; passant, dis-lui : « Porte-toi bien, le plus grand des poètes 952 ». 455 Mayer = 131 Ábel Janus Pannonius mourant 953 Un jour noir a emporté un nom et un corps : c’est ainsi que pour notre malheur nous accumulons sur nous les richesses. 456 Mayer = p. 15 Szelestei Épigramme contre l’abbé de Szekzárd 954 qui s’était châtré par zèle religieux Après t’être coupé les testicules, tu les as récemment offerts au Tonnant 955 comme deux grands cadeaux, père imbu de religion. Tandis que les vierges célestes 956 regardaient ces présents, le palais majestueux de Jupiter 957 s’est mis à rire. Jupiter s’écrie : « Il faut te châtrer l’esprit 958 ; quant à ces organes obscènes, tu peux les abandonner aux loups. »

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951 Mayer range cette épigramme et les deux suivantes dans les Dubia, pièces d’attribution douteuse. 952 Souvent dans l’épigramme romaine le défunt invite les passants à lire son épitaphe et à lui adresser un salut ; c’est le cas dans cette épitaphe qui appartient à un genre littéraire abondamment pratiqué dans l’Antiquité : l’épitaphe (fictive) de grands personnages. 953 Cette épitaphe que Pannonius aurait écrite au moment de sa mort a très peu de chances d’être authentique, et elle manque de clarté. Le premier vers est inspiré de VIRGILE (Énéide 6, 429 et 11, 28), le second de la fin de l’épitaphe du pape Martin V par Enea Silvio Piccolomini (VAN HECK [1994], p. 100, vers 14) : non ut ego uanas accumulabis opes). Mais que veut-elle dire dans le contexte ? Selon les traducteurs des Poèmes choisis de Pannonius (KARDOS [1973], p. 130), Pannonius dans sa fuite devant le roi aurait emporté avec lui ses trésors. Cependant Mathias Corvin ne le poursuivait pas pour s’emparer de ses biens, mais pour le punir de sa trahison. 954 Ville du sud-ouest de la Hongrie. Sur l’autocastration au Moyen Âge, voir MOULINIER-BROGI (2011). 955 Tonans, qui qualifie habituellement Jupiter, est employé par les auteurs chrétiens pour Dieu. 956 Il s’agit apparemment des vierges qui se sont vouées à Dieu, les martyres et les religieuses. 957 Jupiter désigne ici le Dieu chrétien, beaucoup plus nettement que dans les épigrammes 386 et 408. 958 On peut comprendre la phrase de deux manières : soit Jupiter veut dire que l’abbé est fou ; soit il indique que dans la tentation et le péché charnels, l’initiative vient de l’esprit, non du corps (le sexe).

TABLE DE CONCORDANCE Table de concordance Teleki (1784)-Mayer (2006) : la première référence est donnée dans la numérotation de l’édition de Teleki (qui est encore largement suivie), la seconde dans celle de l’édition de Mayer (que nous adoptons). Cette table complète la concordance inverse (Mayer-Teleki) que nous fournissons en tête de chaque épigramme. I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I,

1 = 364 2 = 386 3 = 375 4 = 376 5 = 374 6 = 373 7 = 426 8 = 430 9 = 431 10 = 432 11 = 419 12 = 387 13 = 351 14 = 416 15 = 414 16 = 433 17 = 383 18 = 350 19 = 413 20 = 384 21 = 408 22 = 159 23 = 209 24 = 21 25 = 22 26 = 23 27 = 24 28 = 389 29 = 396 30 = 25 31 = 26 32 = 307 33 = 353 34 = 27 35 = 377

I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I,

36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70

= = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = =

335 28 29 35 36 425 83 417 418 40 447 41 42 404 43 399 421 422 423 44 218 427 424 409 410 45 46 47 371 379 171 48 49 50 51

I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I,

71 = 361 72 = 52 73 = 224 74 = 82 75 = 255 76 = 53 77, 1-2 = 5 77, 3-4 = 6 78 = 54 79 = 55 80 = 8 81 = 57 82 = 58 83 = 59 84 = 60 85 = 61 86 = 32 87 = 172 88 = 444 89 = 343 90 = 62 91 = 63 92 = 173 93 = 64 94 = 65 95 = 310 96 = 67 97 = 68 98 = 70 99 = 71 100 = 72 101 = 232 102 = 73 103 = 74 104 = 178

I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I,

105 106 107 108 109 110 111 112 113 114 115 116 117 118 119 120 121 122 123 124 125 126 127 128 129 130 131 132 133 134 135 136 137 138 139

= = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = =

179 180 167 177 7 75 76 77 219 78 354 79 90 84 86 88 91 92 215 81 93 39 199 95 96 169 170 151 138 352 367 368 370 381 380

376 I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I,

140 141 142 143 144 145 146 147 148 149 150 151 152 153 154 155 156 157 158 159 160 161 162 163 164 165 166 167 168 169 170 171 172 173 174 175 176 177 178 179 180 181 182 183 184 185 186 187 188

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378 183 355 356 97 98 99 181 214 105 106 107 69 108 34 109 30 110 111 112 113 114 115 116 117 118 119 120 445 121 122 123 124 125 37 126 127 2 128 129 3 130 132 362 132 1 231 133 134

I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I,

189 190 191 192 193 194 195 196 197 198 199 200 201 202 203 204 205 206 207 208 209 210 211 212 213 214 215 216 217 218 219 220 221 222 223 224 225 226 227 228 229 230 231 232 233 234 235 236 237

= = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = =

210 38 435 135 136 141 142 385 143 144 145 146 147 148 182 184 149 185 186 166 279 139 140 150 319 320 153 332 203 154 155 438 66 290 397 398 216 156 157 158 405 333 366 394 200 233 392 434 363

I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I,

238 239 240 241 242 243 244 245 246 247 248 249 250 251 252 253 254 255 256 257 258 259 260 261 262 263 264 265 266 268 269 270 271 272 273 274 275 276 277 278 279 280 281 282 283 284 285 286 287

= = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = = =

234 235 236 237 238 239 240 241 160 161 162 163 164 165 359 211 205 242 225 226 243 227 228 229 230 176 395 89 244 246 369 411 187 247 31 248 249 188 250 251 252 253 254 328 330 331 329 256 257

I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I,

288 = 217 289 = 189 290 = 190 291 = 191 292 = 258 293 = 259 294 = 260 295 = 448 296 = 449 297 = 450 298 = 451 299 = 360 300 = 261 301 = 262 302 = 439 303 = 212 304 = 263 305 = 265 306 = 195 307 = 268 308 = 269 309 = 270 310 = 436 311 = 437 312 = 391 313 = 272 314 = 266 315 = 100 316 = 101 317 = 102 318 = 103 319 = 104 320 = 271 321 = 196 322 = 197 323 = 198 324, 1-2 = 357 324, 3-10 = 358 325 = 393 326 = 267 327 = 348 328 = 349 329 = 85 330 = 273 331 = 420 332 = 168 333 = 274 334 = 275 335 = 276

377

TABLE DE CONCORDANCE

I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I,

336 337 338 339 340 341 342 343 344 345 346 347 348 349 350 351 352 353

= = = = = = = = = = = = = = = = = =

277 278 280 281 282 283-284 285 286 4 287 288 289 192 291 292 193 194 33

I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I, I,

354 355 356 357 358 359 360 361 362 363 364 365 366 367 368 369 370 371

= = = = = = = = = = = = = = = = = =

293 294 295 296 334 415 365 264 80 174 137 297 298 400 401 299 300 402

I, 372 = 412 I, 373 = 301 I, 374 = 302 I, 375 = 303 I, 376 = 441 I, 377 = 442 I, 378 = 443 I, 379 = 446 I, 380 = 428 I, 381 = 323 I, 383 = 324 I, 384 = 322 I, 385 = 305 I, 386 = 306 II, 1 = 388 II, 2 = 304 II, 3 = 341 II, 4 = 208

II, 5 = 321 II, 6 = 14 II, 7 = 15 II, 8 = 308 II, 9 = 18 II, 10 = 11 II, 11 = 10 II, 12 = 16 II, 14 = 17 II, 15 = 9 II, 16 = 314 II, 18 = 403 II, 19 = 12 II, 20 = 13 II, 21 = 440 II, 22 = 342 II, 23 = 454 Eleg II, 13 = 315

Concordance avec quelques éditions partielles : Ábel (1880), Horváth (1977), Csapodi (1981), Szelestei (1985), Mayer (1989). La seconde référence est celle de l’édition Mayer (2006). 98/1 Ábel = 311 98/2 Ábel = 201 98/3 Ábel = 202 99/1 Ábel = 204 99/2 Ábel = 372 99-100 Ábel = 338 101-102 Ábel = 339 120/1 Ábel = 318 120/3 Ábel = 406 121/1 Ábel = 309 121/2 Ábel = 316 121/4 Ábel = 87 122/1 Ábel = 340 122/2 Ábel = 19 122/3 Ábel = 325 122/4 Ábel = 326 123/1 Ábel = 327 123/2 Ábel = 382 123/3 Ábel = 152 124/1 Ábel = 344 124/2 Ábel = 345 124/3 Ábel = 206 124/4 Ábel = 317

124/5 Ábel = 220 124/6 Ábel = 221 125/1 Ábel = 222 125/2 Ábel = 336 125/3 Ábel = 223 125/4 Ábel = 175 127/1 (Eleg. XXXI) Ábel = 213 131 Ábel = 455 Mayer 1 Horváth = 436 2 Horváth = 20 3 Horváth = 452 4 Horváth = 453 5 Horváth = 94 7 Horváth = 407 8 Horváth = 419 9 Horváth = 313 10 Horváth = 347 p. 41 Csapodi = 207 p. 42-43 Csapodi = 56 p. 44 Csapodi = 337 p. 45 Csapodi = 390 p. 15 Szelestei = 456 Mayer (1989) = 312

TABLE DES MATIÈRES INTRODUCTION ............................................................................................

1

BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................

24

ÉPIGRAMMES,

..........................................................

31

TABLE DE CONCORDANCE ............................................................................

375

TEXTE ET TRADUCTION

COLLECTION LATOMUS OUVRAGES DISPONIBLES 21. Deonna W., De Télésphore au “moine bourru”. Dieux, génies et démons encapuchonnés, 1955, 168 p. + 50 pl. 23. Hommages à Max Niedermann, 1956, 352 p. 27. Van Weddingen R., Favonii Eulogii Disputatio de Somnio Scipionis, 1957, 72 p. 28. Hommages à Waldemar Deonna, 1957, 548 p. + 69 pl. 30. Bolaffi E., La critica filosofica e letteraria in Quintiliano, 1958, 64 p. 32. Astin A.E., The Lex Annalis before Sulla, 1958, 47 p. 33. Favez C., Saint Jérôme paint par lui-même, 1958, 56 p. 35. Paladini M.L., A proposito della tradizione poetica sulla battaglia di Azio, 1958, 48 p. 36. Richter G.M.A., Greek Portraits II. To what extent where they faithful likenesses?, 1959, 49 p. + 16 pl. 39. Tsontchev D., Monuments de la sculpture romaine en Bulgarie méridionale, 1959, 44 p. + 24 pl. 40. Deonna W., Un divertissement de table. “À cloche-pied”, 1959, 40 p. 41. Stengers J., La formation de la frontière linguistique en Belgique ou de la légitimité de l’hypothèse historique, 1959, 56 p. 42. Van Essen C.-C., Précis d’histoire de l’art antique en Italie, 1960, 152 p. + 71 pl. 43. Bodnar E.W., Cyriacus of Ancona and Athens, 1960, 256 p. 44. Hommages à Léon Herrmann, 1960, 815 p. + 52 pl. 47. Balty J.C., Études sur la Maison Carrée de Nîmes, 1960, 204 p. + 27 pl. 51. Harmand J., Les origines des recherches françaises sur l’habitat rural galloromain, 1961, 52 p. + 6 pl. 52. Cambier G., Embricon de Mayence. La vie de Mahomet, 1961, 94 p. 53. Chevallier R., Rome et la Germanie au Ier siècle de notre ère, 1961, 49 p. 55. Vandersleyen C., Chronologie des préfets d’Égypte de 284 à 395, 1962, 202 p. 56. Le Glay M., Les Gaulois en Afrique, 1962, 43 p. + 1 carte 58. Renard M. (ed.), Hommages à Albert Grenier, 1962, 1679 p. + 338 pl. (3 vol.) 59. Herrmann L., Perse: Satires, 1962, 55 p. 61. Joly R., Le Tableau de Cébès et la philosophie religieuse, 1963, 92 p. 62. Deonna W., La Niké de Paeonios de Mendé et le triangle sacré des monuments figurés, 1968, 220 p. 63. Brown E.L., Numeri Vergiliani. Studies in “Eclogues” and “Georgics”, 1963, 146 p. 64. Detsicas A.P., The Anonymous Central Gaulish Potter known as X-3 and his Connections, 1963, 73 p. + 16 pl. 65. Bardon H., Le génie latin, 1963, 264 p. 67. Herrmann L., Le rôle judiciaire et politique des femmes sous la République romaine, 1964, 128 p. 69. Herrmann L., Les fables antiques de la broderie de Bayeux, 1964, 62 p. + 42 pl.

30 € 50 € 30 € 50 € 30 € 30 € 30 € 30 € 30 € 30 € 30 € 30 € 30 € 40 € 60 € 40 € 30 € 30 € 30 € 40 € 30 € 90 € 30 € 30 € 40 € 30 € 30 € 40 € 30 € 30 €

71. Fletcher G.B.A., Annotations on Tacitus, 1964, 108 p. 72. Decouflé P., La notion d’ex-voto anatomique chez les Étrusco-Romains. Analyse et synthèse, 1964, 44 p. + 19 pl. 73. Fenik B., “Iliad X” and the “Rhesus”. The Myth, 1964, 64 p. 75. Pascal C.B., The Cults of Cisalpine Gaul, 1964, 122 p. 76. Croisille J.-M., Les natures mortes campaniennes. Répertoire descriptif des peintures de nature morte du Musée National de Naples, de Pompéi, Herculanum et Stabies, 1965, 134 p. + 127 pl. 77. Zehnacker H., Les statues du sanctuaire de Kamart (Tunisie), 1965, 86 p. + 17 pl. 78. Herrmann L., La vision de Patmos, 1965, 150 p. 79. Pestalozza U., L’éternel féminin dans la religion méditerranéenne, 1965, 83 p. 80. Tudor D., Sucidava. Une cité daco-romaine et byzantine en Dacie, 1965, 140 p. + 30 pl. 81. Fitz J., Ingenuus et Régalien, 1966, 72 p. 82. Colin J., Les villes libres de l’Orient gréco-romain et l’envoi au supplice par acclamations populaires, 1965, 176 p. + 5 pl. 84. des Abbayes H., Virgile: Les Bucoliques, 1966, 92 p. 85. Balty J.C., Essai d’iconographie de l’empereur Clodius Albinus, 1966, 70 p. + 10 pl. 86. Delcourt M., Hermaphroditea. Recherches sur l’être double promoteur de la fertilité dans le monde classique, 1966, 76 p. + 10 pl. 87. Loicq-Berger M.-P., Syracuse. Histoire culturelle d’une cité grecque, 1967, 320 p. + 21 pl. 89. Newman J.K., The Concept of Vates in Augustan Poetry, 1967, 132 p. 92. Cambier G. (ed.), Conférences de la Société d’Études Latines de Bruxelles. 1965-1966, 1968, 132 p. 93. Balil A., Lucernae singulares, 1968, 98 p. 97. Cambier G., La vie et les œuvres de Gislain Bulteel d’Ypres 1555-1611. Contribution à l’histoire de l’humanisme dans les Pays-Bas, 1951, 490 p. + 1 pl. 101. Bibauw J. (ed.), Hommages à Marcel Renard I. Langues, littératures, droit, 1969, 840 p. + 14 pl. 102. Bibauw J. (ed.), Hommages à Marcel Renard II. Histoire, histoire des religions, épigraphie, 1969, 896 p. + 41 pl. 104. Veremans J., Éléments symboliques dans la IIIe Bucolique de Virgile. Essai d’interprétation, 1969, 76 p. 105. Benoit F., Le symbolisme dans les sanctuaires de la Gaule, 1970, 109 p. 106. Liou B., Praetores Etruriae XV populorum. Étude d’épigraphie, 1969, 118 p. + 16 pl. 107. Van den Bruwaene M., Cicéron: De Natura Deorum. Livre I, 1970, 191 p. 111. Mansuelli G.A., Urbanistica e architettura della Cisalpina romana fino al III sec. e.n., 1971, 228 p. + 105 pl. 113. Thevenot E., Le Beaunois gallo-romain, 1971, 292 p. 114. Hommages à Marie Delcourt, 1970, 454 p. + 17 pl. 115. Meslin M., La fête des kalendes de janvier dans l’empire romain. Étude d’un rituel de Nouvel An, 1970, 138 p. 117. Dulière W.L., La haute terminologie de la rédaction johannique. Les vocables qu’elle a introduits chez les Gréco-Romains: Le Logos-Verbe, le Paraclet-Esprit-Saint et le Messias-Messie, 1970, 83 p.

30 € 30 € 30 € 30 € 30 € 30 € 30 € 30 € 30 € 30 € 30 € 30 € 30 € 30 € 50 € 30 € 30 € 30 € 50 € 75 € 78 € 30 € 30 € 30 € 30 € 40 € 40 € 50 € 30 € 30 €

118. Bardon H., Propositions sur Catulle, 1970, 160 p. 119. Righini V., Lineamenti di storia economica della Gallia Cisalpina. La produttività fittile in età repubblicana, 1970, 102 p. 120. Green R.P.H., The Poetry of Paulinus of Nola. A Study of his Latinity, 1971, 148 p. 122. Fitz J., Les Syriens à Intercisa, 1972, 264 p. 123. Stoian L., Études Histriennes, 1972, 176 p. 124. Jully J.J., La céramique attique de La Monédière, Bessan, Hérault. Ancienne collection J. Coulouma, Béziers, 1973, 362 p. 125. De Ley H., Macrobius and Numenius. A Study of Macrobius, In Somn., I, c. 12, 1972, 76 p. 126. Tordeur P., Concordance de Paulin de Pella, 1973, 122 p. 128. Mortureux B., Recherches sur le “De clementia” de Sénèque. Vocabulaire et composition, 1973, 88 p. 129. Broise P., Genève et son territoire dans l’Antiquité. De la conquête romaine à l’occupation burgonde, 1974, 370 p. 131. Piganiol A., Scripta Varia I – Généralités. Éditées par R. Bloch, A. Chastagnol, R. Chevalier et M. Renard, 1973, 564 p. 132. Piganiol A., Scripta Varia II – Les origines de Rome et la République. Éditées par R. Bloch, A. Chastagnol, R. Chevalier et M. Renard, 1973, 384 p. 133. Piganiol A., Scripta Varia III – L’Empire. Éditées par R. Bloch, A. Chastagnol, R. Chevalier et M. Renard, 1973, 388 p. 134. Amit M., Great and Small Poleis. A Study in the Relations between the Great Powers and the Small Cities in Ancient Greece, 1973, 194 p. 136. Hierche H., Les Épodes d’Horace. Art et signification, 1974, 212 p. 138. Gramatopol M., Les pierres gravées du Cabinet numismatique de l’Académie Roumaine, 1974, 131 p. 139. Hus A., Les bronzes étrusques, 1975, 164 p. 140. Priuli S., Ascyltus. Note di onomastica petroniana, 1975, 67 p. 143. Sauvage A., Étude de thèmes animaliers dans la poésie latine. Le cheval – les oiseaux, 1975, 293 p. 144. Defosse P., Bibliographie étrusque. Tome II (1927-1950), 1967, 345 p. 145. Cambier G. (ed.), Hommages à André Boutemy, 1976, 452 p. 146. Hus A., Les siècles d’or de l’histoire étrusque (675-475 avant J.-C.), 1976, 288 p. 147. Cody J.V., Horace and Callimachean Aesthetics, 1976, 130 p. 148. Fitz J., La Pannonie sous Gallien, 1976, 88 p. 150. Desmouliez A., Cicéron et son goût. Essai sur une définition d’une esthétique romaine à la fin de la République, 1976, 937 p., ISBN: 978-2-87031-000-7 154. Van den Bruwaene M., Cicéron: De Natura Deorum. Livre II, 1978, 224 p., ISBN: 978-2-87031-004-5 158. Cambier G., Deroux C., Préaux J. (eds), Lettres latines du Moyen Âge et de la Renaissance, 1978, 249 p., ISBN: 978-2-87031-008-3 160. Le bucchero nero étrusque et sa diffusion en Gaule Méridionale. Actes de la Table-Ronde d’Aix-en-Provence (21-23 mai 1975), 1979, 170 p. 161. Develin R., Patterns in Office-Holding, 366-49 B.C., 1979, 109 p., ISBN: 978-2-87031-101-1 162. Olmsted G.S., The Gundestrup Cauldron. Its Archaeological Context, the Style and Iconography of its Portrayed Motifs, and their Narration of a Gaulish Version of Táin Bó Cúailnge, 1979, 306 p., ISBN: 978-2-87031102-8

30 € 30 € 30 € 40 € 30 € 50 € 30 € 30 € 30 € 50 € 57 € 50 € 50 € 30 € 40 € 30 € 30 € 30 € 40 € 50 € 50 € 40 € 30 € 30 € 63 € 40 € 40 € 30 € 30 €

50 €

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