Introduction générale à la philosophie chez les commentateurs néoplatoniciens 9782503588452, 250358845X

Les prolégomènes à la philosophie a été le tout premier ouvrage abordé par les étudiants en philosophie dans l'Anti

185 68 2MB

French Pages 208

Report DMCA / Copyright

DOWNLOAD FILE

Polecaj historie

Introduction générale à la philosophie chez les commentateurs néoplatoniciens
 9782503588452, 250358845X

Citation preview

Introduction générale à la philosophie chez les commentateurs néoplatoniciens

Monothéismes et philosophie Collection fondée par Carlos Lévy et dirigée par Gretchen Reydams-Schils

introduction générale à la philosophie chez les commentateurs néoplatoniciens

Édité par Min-Jun Huh

H

F

© 2020, Brepols Publishers n.v., Turnhout, Belgium. All rights reserved. No part of this publication may be reproduced, stored in a retrieval system, or transmitted, in any form or by any means, electronic, mechanical, photocopying, recording, or otherwise without the prior permission of the publisher.

D/2020/0095/136 ISBN 978-2-503-58845-2 E- ISBN 978-2-503-58846-9 DOI 10.1484/M.MON-EB.5.119539 ISSN 2295-0176 E-ISSN 2565-9839 Printed in the EU on acid-free paper.

TABLE DES MATIÈRES

Présentation

7

Les définitions de la philosophie : regards croisés sur les prolégomènes exégétiques et le Protreptique de Jamblique Sophie Van der Meeren

21

Les Prolégomènes à la philosophie et les commentaires de Boèce à l’Isagogè de Porphyre Min-Jun Huh

55

The Complete Philosopher Jaap Mansfeld

97

À propos de l’auteur des Leçons sur l’Isagogè de Porphyre (Westerink éd. 1967), éléments d’enquête et examen Pascal Mueller-Jourdan

123

Usages en syriaque des Introductions à la philosophie. Trois exemples : Sergius de Resh‘aina, Proba d’Antioche, Paul le Perse. Du curriculum à l’outillage mental Henri Hugonnard-Roche

151

Liste des abréviations

181

Bibliographie générale

185

PRÉSENTATION

Le présent volume réunit les communications présentées lors de la journée d’étude qui a eu lieu le 12 mai 2015 à l’École Pratique des Hautes Études, à Paris. Cette journée, organisée par Min-Jun Huh et par le Laboratoire d’études sur les Monothéismes, a reçu le soutien de la Fondation Maison des Sciences de l’homme et du Hastec. Le thème d’étude, centré sur l’introduction générale à la philosophie chez les commentateurs néoplatoniciens, invitait les chercheurs à considérer les problèmes philosophiques de transmission des doctrines ou des textes, de l’époque de Jamblique à la fin de l’Antiquité tardive. Par la suite, d’autres communications sont venues enrichir ce dossier, élargissant l’enquête vers le monde syriaque. Ces quelques pages présenteront brièvement l’introduction générale à la philosophie dans ses aspects historique et philosophique, notamment sa naissance et son évolution à l’intérieur de l’école néoplatonicienne, voire au-delà, et enfin sa transmission hors de l’aire culturelle proprement grecque. Pour la réception par les commentateurs arabes et du Moyen Âge, que nous ne traiterons pas dans ce volume, les lecteurs pourront consulter utilement les sections correspondantes dans le Dictionnaire des philosophes antiques.

Introduction générale à la philosophie : un genre isagogique L’introduction générale à la philosophie, ou communément appelée Les Prolégomènes à la philosophie (τὰ προλεγόμενα τῆς φιλοσοφίας), est un écrit qui, dans la tradition néoplatonicienne du v-vie siècle, revêt un double statut du point de vue du genre littéraire et philosophique : Introduction générale à la philosophie chez les commentateurs néoplatoniciens, éd. par ­Min-Jun Huh (Monothéismes et Philosophie, 29), p. 7-20 FHG DOI 10.1484/M.MON-EB.5.120301

Présentation

d’une part, en tant que premier ouvrage de philosophie destiné aux débutants, elle a une fonction exhortative et s’inscrit, sous cet aspect, dans la tradition des protreptiques, genre littéraire inauguré par Aristote et repris par Jamblique. Mais, d’un autre point de vue, elle a également une fonction pédagogique et doctrinale, visant à donner un aperçu du programme philosophique à venir, à travers les définitions et la division de la philosophie, et à légitimer l’orientation exégétique des œuvres à commenter1. Ces deux aspects se sont trouvés intrinsèquement liés dès le moment où les prolégomènes ont été établis comme la toute première lecture destinée aux étudiants. Le programme d’études dans lequel s’insère cette introduction a connu des variations au fil des générations, mais nous pourrions néanmoins proposer une présentation synthétique qui résume notre connaissance actuelle en la matière. Un étudiant qui, à la fin du vie siècle, frappe à la porte de l’école néoplatonicienne d’Athènes ou d’Alexandrie2 pour être initié à la philosophie, s’engage d’emblée dans un cursus d’enseignement progressif et méthodique, établi depuis plusieurs générations dans l’esprit d’harmonisation entre Pythagore, Platon et Aristote. Suivant la lecture commentée du professeur, il étudie d’abord les mathématiques à partir des ouvrages de Nicomaque de Gérasa, d’Euclide et de Ptolémée3, puis, avant d’aborder le cursus philosophique proprement dit, il est soumis à « une instruction éthique préparatoire » à travers la lecture du Manuel d’Épictète, ou du Carmen Aureum pythagoricien. Viennent ensuite l’Isagogè de Porphyre et les écrits logiques d’Aristote dans l’ordre constitutif de l’Organon actuel, et enfin une sélection de douze dialogues de Platon, établie par Jamblique selon une progression qui va de la connaissance de soi à la connaissance du Bien et du premier principe. Ce cursus est couronné par l’enseignement des Oracles Chaldaïques, un recueil de révélations 1 Sur ce dernier point, cf. Ph. Hoffmann, « La fonction des prologues exégétiques dans la pensée pédagogique néoplatonicienne » in J.-D. Dubois, B. Roussel B (éd.), Entrer en matière. Les prologues, Paris, 1998, p. 209-245. 2 Le programme d’enseignement philosophique de l’école de l’école néoplatonicienne d’Athènes semble avoir été introduit par Hermias, qui fut élève de Syrianus, cf. Prolégomènes à la philosophie de Platon, texte établi par L. G. Westerink, traduit par J. Trouillard, avec la collaboration de A. Ph. Segonds, Paris, 1990, p. X sq. De ce fait, il semble que l’école d’Athènes et l’école d’Alexandrie qui en était l’héritière avaient à peu près le même programme d’études. Sur ce point, cf. par exemple, Westerink, op. cit., XIII et également I. Hadot, Le problème du néoplatonisme alexandrin, Hiéroclès et Simplicius, Paris, 1978, p, 47-48. 3 Sur l’enseignement des mathématiques comme propédeutique à la philosophie, cf. par exemple, I. Hadot Arts libéraux et philosophie dans la pensée antique. Contribution à l’histoire de l’éducation et de la culture dans l’Antiquité, Paris, Vrin, 2e édition revue et augmentée, 2005, p. 399, p. 480.



Présentation

oraculaires du iie siècle de notre ère, qui fut considéré comme un texte sacré par les Néoplatoniciens à partir de Porphyre. Toutes ces étapes sont clairement délimitées par une série d’introductions, allant du plus général au plus particulier : celles, par exemple, qui précèdent les Catégories, première dans l’ordre de lecture des œuvres logiques d­ ’Aristote, se comptent au nombre de quatre : introduction générale à la philosophie, introduction spécifique à l’Isagogè de Porphyre de Tyr, introduction générale à la philosophie d’Aristote et enfin introduction spécifique aux Catégories4. La première de ces introductions contient une série de définitions de philosophie ainsi qu’une description des disciplines qui constituent ses parties, réunies à partir des écrits de Platon et d’Aristote ou de la tradition orale attribuée à Pythagore. De cette introduction générale à la philosophie, ou Prolegomena philosophiae, nous conservons des textes rédigés en grecs et latin, de tendances et de périodes différentes, mais tous issus de l’école néoplatonicienne. D’abord, les plus connus sont ceux de l’école d’Alexandrie, dont nous possédons quatre différentes versions transmises sous forme de notes de cours5. Il ne s’agit donc pas de textes rédigés par l’auteur luimême, mais par des élèves de manière anonyme6. Les commentaires 4 À ce propos, cf. Ph. Hoffmann, Les principes de l’interprétation néoplatonicienne des Catégories d’Aristote, de Porphyre au Pseudo-Aréthas, thèse d’habilitation, Paris, p. 215-217. Pour une vue d’ensemble de ces introductions, cf. I. Hadot (dir.), Simplicius, Commentaire sur les Catégories d’Aristote, Leiden, 1990, p. 44-47 et J. Mansfeld, Prolegomena : Questions to be Settled before the Study of an Author, or a Text, Leiden, 1994, p. 22-24 ; sur les problèmes posés par ce type de transmission, cf. Mueller-Jourdan, infra, p. 125-126. Précisons qu’une biographie d’Aristote, qui n’est pas incorporée dans les introductions précédant les commentaires aux Catégories, était peut-être lue au préalable, avant donc l’introduction générale à la philosophie d’Aristote. Sur ce point, cf. I. Hadot, op. cit., p. 27-28. 5 Sur cette question, cf. M. Richard, « ΑΠΟ ΦΩΝΗΣ », Byzantion 20, 1950, p. 191222, en particulier p. 196 où il note que « La marque extérieure de ce genre de commentaires oraux peut être leur division en πράξεις, c’est-à-dire en leçons, divisions qui, ou bien sont conservées comme telles dans le texte, ou bien, si elles ne figurent plus comme sous-titres dans le texte, sont assez facilement décelables à l’aide de quelques formules stéréotypées. » 6 Comme ce fut le cas pour David : Τὰ προλεγόμενα τῆς φιλοσοφίας ἀπὸ φωνῆς Δαβὶδ τοῦ θεοφιλεστάτου καὶ θεόφρονος φιλοσόφου (ed. A. Busse, CAG, XVIII/2, p. 1.) et Elias : Τὰ προλεγόμενα σὺν θεῷ τῆς φιλοσοφίας (mais l’éditeur A. Busse, CAG, XVIII/1, p.  VII fait l’hypothèse que le titre original était plutôt Τὰ προλεγόμενα σὺν θεῷ τῆς φιλοσοφίου εἰσαγωγῆς ἀπὸ φωνῆς ἠλίου φιλοσόφου). De fait, le titre Τὰ προλεγόμενα τῆς φιλοσοφίας n’est attesté que chez Elias et David. Il existe depuis peu une traduction anglaise de l’introduction à la philosophie d’Elias et de David, cf. S. Gertz (tr.), Elias and David : Introductions to Philosophy with Olympiodorus : Introduction to Logic, London / N.-Y., 2018.



Présentation

grecs à l’Isagogè contenant l’introduction générale à la philosophie sont édités dans la collection du Commentaria in Aristotelem Graeca et transmis sous le nom d’Ammonius (CAG, 4/3), fils d’Hermias7, Elias (CAG, 18/1) et David (CAG, 18/2). Ammonius ayant enseigné à Alexandrie à partir du second moitié du vie siècle jusqu’à 517 au moins8, la composition de ses Prolegomènes date probablement de cette période, tandis que ceux d’Elias et de David9 dateraient du milieu ou de la seconde moitié du vie siècle. Il existe aussi une introduction issue de cette même école transmise sous le nom de (Pseudo) Elias, qui relève vraisemblablement d’une attribution tardive, postérieure au vie siècle10. Outre ces ouvrages conservés, nous savons, d’après des témoignages anciens, que Olympiodore (505-post 565), qui fut peut-être le maître d’Elias11, d’Etienne et de David, a probablement écrit ses propres Prolegomena ainsi que Eutocius (première moitié du vie siècle)12 qui enseigna vraisemblablement après la mort d’Ammonius13. À cette liste d’auteurs dont les œuvres n’ont pas survécu, il faut ajouter un auteur plus tardif issu de cette même école,

Sur ce point, cf. Ch. Wildberg, « Three Neoplatonic Introductions to Philosophy : Ammonius, David and Elias », in Hermathena 149, 1990, p. 37. 8 Sur les dates de naissance (c. 435) et de mort d’Ammonius (517-526), cf. Westerink, op. cit., p. XI. 9 Bien que ces noms semblent le laisser penser, il n’est pas certain que ces philosophes aient été des chrétiens. Cf. Gertz, op. cit., p. 2-3. 10 Pseudo-Elias (Pseudo-David), Lectures on Porphyry’s Isagoge, L. G. Westerink (éd.), Amsterdam, 1967. Pour la traduction française, cf. P. Mueller-Jourdan, Une initiation à la philosophie de l’Antiquité tardive, les leçons du Pseudo-Élias, Fribourg, 2007. Sur l’identité controversée de cet auteur, cf. l’étude de synthèse de Muelller-Jourdan infra, p. 126 sq. Pour un résumé du contenu de ces prolégomènes, cf. Westerink, op. cit., XLIXLVI. 11 Cf. par exemple L. G. Westerink, « Elias on the Prior Analytics », Mnemosyne, 14/2, 1961, 127-128, et en particulier, cf., Id. (éd.), Prolégomènes à la philosophie de Platon, op. cit., p. XXXIII-XXXVI où il donne à comparer les Prolégomènes d’Elias avec les commentaires d’Olympiodore au Gorgias, Alcibiades et au Phédon. 12 D’après le témoignage d’Elias, cf.  la liste de la page suivante. Et également cf. M. Roueché, « The definitions of philosophy and a new fragment of Stephanus the philosopher », Jahrbuch der Österreichischen Byzantinistik 40, 1990, p.  108. Par ailleurs, on a conservé un extrait du commentaire d’Eutocius à l’Isagogè dans les scholies à ce même traité de Porphyre attribués à Aretas. Cf.  Arethas of Caesarea’s Scholia on Porphyry’s Isagoge and Aristotle’s Categories (Codex Vaticanus Urbinas Graecus 35), M. Share (ed.), XVI, Commentaria in Aristotelem Byzantina, Paris, 1994, Scol. 36, p. 20, 29 sq. Cet Eutocius est probablement identique au mathématicien Eutocius d’Ascalon, cf. I. Hadot, Arts libéraux et philosophie…op. cit., p. 445-446. 13 Westerink, « Elias on the Prior Analytics », art.  cit., p.  129 et 131 ; id. (éd.), Prolégomènes à la philosophie de Platon, op. cit., p. XVI. 7



Présentation

Stéphanus d’Alexandrie, qui fut actif à Constantinople14. Les auteurs connus des Prolegomena philosophiae sont donc15 : 1. Ammonius, fils d’Hermias (440-520/5) : Prolegomena Philosophiae dans CAG, IV/3 p. 1-16 2. Eutocius (première moitié du vie siècle) : ouvrage perdu, mais attesté d’après le témoignage d’Elias, in Priora analytica (Westerink, Mnemosyne, S. IV, 14, 191, 134-135) 3. Olympiodorus (505-post 565) : ouvrage perdu mais attesté dans son commentaire au Phédon, puis dans les Prol. Phil. de David (31.34)16 4. Elias (vie siècle) : Prol. Phil. dans CAG, XVIII/1, p. 1-34 ; supposé dépendant de ceux d’Olympiodore, en raison des parallèles avec les commentaires d’Olympiodore à Platon. [le Gorgias, l’Alcibiades et le Phédon.] 5. David (fin du vie ?-viie siècle) : Prol. Phil. dans CAG, XVIII/2 p. 1-79 6. (Ps.)  Elias (fin du vie ?-viie siècle) : Prol. Phil. dans Pseudo Elias : Lectures on Porphyry’s Isagoge, ed. L. G. Westerink, 1967, p. 1-48 ; la première partie du texte fait défaut. 7. [addition à cette liste ci-dessus : Stephanus d’Alexandrie ( ?) d’après une allusion dans son commentaire au De interpretatione 21.5-7]17 14 Roueché, « Stephanus the Philosopher… », art. cit., p. 123 : « That Stephanus the lecturer on Aristotle almost certainly wrote a Prolegomena Philosophiae may be deduced from the fact that he refers to his Introduction to the Categories (Stephanus In De interpretatione 21.5-7) ». 15 Nous reprenons la liste donnée par Roueché, « The definitions of philosophy… », art. cit., p. 108 avec quelques modifications mineures. Comme il le remarque, p. 109 : « it is generally assumed that the longer Prolegomena are later chronologically than the shorter ones, and on this basis the succession of lecturers is usually taken to be that shown in the list given above. » 16 Olympiodore, dans son introduction à la logique précédant son commentaire aux Catégories, fait référence à ce qui semble être une introduction à la philosophie, cf. Prol. 4.9-10 ; 16, 26 (références fournies par Gertz (éd.), Elias and David, Introductions to Philosophy, op. cit., p. 12, n. 4). 17 Roueché, « The definitions of philosophy… », art. cit., p. 123 : « That Stephanus the lecturer on Aristotle almost certainly wrote a Prolegomena Philosophiae may be deduced from the fact that he refers to his Introduction to the Categories (Stephanus In De interpretatione 21.5-7). » Cependant, le passage de Stephanus en question (In De Int. 21, 5-7 : εἴπομεν γὰρ ἐκεῖ ὅτι τοῦ ποσοῦ τὸ μέν ἐστι διωρισμένον, τὸ δὲ συνεχές· καὶ πάλιν τοῦ ποσοῦ τὸ μέν ἐστι θετόν, τὸ δὲ ἄθετον. ἐνταῦθα γὰρ τὸ θετὸν πάντως ἐν τῷ συνεχεῖ ποσῷ θεωρεῖται·) n’est qu’une vague allusion et ne constitue pas une preuve convaincante.



Présentation

Comme le montrent les œuvres existantes, les Prolégomènes se caractérisent d’abord par leur structure en deux parties : la première contient six définitions de philosophie issues des auteurs faisant autorité : trois sont attribuées à Pythagore « la philosophie est la connaissance des étants en tant qu’ils sont des étants »18 ; « la philosophie est la connaissance des affaires divines et humaines » ; « la philosophie est l’amour de la sagesse » ; deux à Platon : « la philosophie est la ressemblance (ὁμοίωσις) à dieu dans la mesure du possible pour l’homme » ; « la philosophie est la pratique de la mort » ; et une à Aristote « la philosophie est l’art des arts et science des sciences »19. Ce nombre qui va en ordre décroissant dénote probablement l’importance que les commentateurs néoplatoniciens accordent à chaque auteur20. S’ensuit la division de la philosophie en théorie et pratique établie d’après Aristote. La division de la partie théorétique en métaphysique, mathématiques, physique, proposée par Ammonius et suivie, dans ses grandes lignes par ses successeurs alexandrins, dérive en dernière analyse du livre E (1025b8-20) de la Métaphysique et fonctionne selon le critère de séparabilité de l’objet en pensée (τῇ ἐπινοίᾳ) et en acte (τῇ ὑποστάσει). Quant à la division de la partie pratique, elle se subdivise en politique, économique et éthique, selon que la mise en ordre concerne les mœurs d’un individu, sa maisonnée, ou la cité. Ces définitions et divisions d’Ammonius sont répétées, de manière plus ou moins étendue et souvent par transmission indirecte, chez les néoplatoniciens de l’école d’Alexandrie, toujours dans leurs Prolegomena précédant les commentaires à l’Isagogè.

L’origine des Prolegomena On voit donc que l’introduction à la philosophie d’Ammonius constitue, avec l’introduction à la philosophie d’Aristote et de Platon, le premier témoin d’une production littéraire qui obéit à des impératifs pédagogiques rigoureux, avec ses structures codifiées (définitions et divisions) et ses autorités philosophiques (Pythagore, Platon et Aristote) qui restent quasiment invariables au fil des générations. Or, si l’on Selon Elias, In Isag. 8,7-8,16, cette définition serait d’origine pythagoricienne. Aristote, Métaphysique, A, 2. Sur cette définition, cf. infra Van der Meeren, n. 58. 20 Par ailleurs, la définition de la philosophie compte six items au total parce que, selon David (Prol., 22, 34) et Elias (Prol., 24,26), six est le nombre parfait, (la somme de ses diviseurs est égale à elle-même). cf. également Gertz (éd.), Elias and David, Introductions to Philosophy, op. cit., p. 5. 18 19



Présentation

tente de remontrer le cours de cette tradition exégétique, dont Ammonius est l’héritier alexandrin, on trouve à son aval Proclus, qui enseigna à l’école néoplatonicienne d’Athènes. Proclus, le Diadoque, auprès de qui Ammonius a reçu son éducation philosophique, semble avoir étudié et peut-être commenté la plupart des œuvres logiques d’Aristote21. Les témoignages vont en ce sens pour le De interpretatione, les Premiers et les Seconds analytiques, mais on en est moins sûr pour l’Isagogè et pour les Catégories22. Même si les preuves matérielles manquent, il est néanmoins raisonnable de supposer qu’il a commenté ces deux œuvres, auxquelles l’introduction générale à la philosophie et celle à la philosophie d’Aristote semblent avoir été étroitement liées. En effet, les études récentes ont montré que Proclus serait précisément à l’origine des schémas introductifs qui préludent à l’étude des ouvrages logiques d’Aristote et aux dialogues de Platon, et on peut d’emblée supposer qu’il en allait de même des Prolegomena qui précédaient l’étude de l’Isagogè 23. Au-delà de Proclus, nous ne trouvons aucune trace de ce type d’introduction générale, sauf chez Boèce, qui semble avoir recueilli, dans ses deux commentaires latins à l’Isagogè, des éléments provenant de matériaux exégétiques d’époque plus ancienne. Ils exposent, dans leurs parties introductives, des thèmes analogues à ce qui sera développé plus tard dans l’introduction à la philosophie, comme la définition et la division de la philosophie, dans une présentation cependant moins codifiée et selon des critères philosophiques différents, ou encore une introduction propre à la discipline logique qui vise à retracer son origine et à établir son statut à l’intérieur de la philosophie. Ainsi, nous décelons, répartis dans ces deux commentaires boéciens, les ves-

21 Marinus, Proclus ou sur le bonheur (Vita Procli), texte établi, traduit et annoté par H. D. Saffrey et A.-Ph. Segonds avec la collaboration de C. Luna, Paris, 2001, p. 13, 15-16 : « … en moins de deux années complètes, Syrianus lut avec lui tous les traités d’Aristote, ceux de logique, de morale, de politique de physique et celui qui les dépasse tous, sur la science théologique. » 22 Sur ce point, cf. DPhA, 5b, 1556-1562. 23 Roueché, art. cit., p. 108, n. 4 : « it is just possible that Proclus, none of whose commentaries on Aristotle survive, may have been he first to introduce the Isagoge with the Prolegomena Philosophiae, and that Ammonius was merely following the model of his teacher. However, the text of Ammonius contains a number of features which suggest extemporeaneous composition, rather than the conscious repetition of a predecessor which normally characterises these texts, so we are probably safe in crediting him with its invention. » Ammonius, par exemple, dans son commentaire à l’Isagogè fait référence, en plusieurs endroits, à l’opinion des anciens exégètes : τινες 23, 1 ; 26,18 ; 37,21 ; 71,26 ; 72,13 : οἱ ἐξηγηταί. Sur le rôle de Proclus dans l’élaboration des schémas introductifs, cf. l’étude de Huh, infra, p. 55-57.



Présentation

tiges de la toute première tentative de systématisation d’une introduction à la philosophie rédigée à des fins proprement pédagogiques. Cependant, il ne serait pas exact de dire que les Prolégomènes à la philosophie ont été les premiers écrits spécifiquement destinés à des débutants. De fait, déjà Jamblique, avec son Protreptique, rénovait le genre isagogique puisqu’il l’inscrivait dans une série de plusieurs introductions successives, un véritable programme d’études ordonné, conçu dans l’esprit d’harmonisation de Pythagore, Platon et d’Aristote24. Néanmoins, ces introductions de Jamblique, mis à part les Protreptiques et ses commentaires aux traités mathématiques de Nicomaque, ne semblent pas avoir eu de postérité exégétique significative chez ses successeurs. Dans ce contexte historique, d’aucuns peuvent se demander si les Prolégomènes à la philosophie, en tant qu’écrit pédagogique, entretiennent quelque rapport avec les Protreptiques. C’est précisément cette enquête inédite que se propose de mener S. Van der Meeren. En effet, il existe de nombreuses analogies entre les Protreptiques de Jamblique, et les Prolégomènes des commentateurs néoplatoniciens, en particulier ceux d’Ammonius, dans le traitement de la définition (τί ἐστι). Ainsi, les critères définitionnels, basés sur le sujet (τὸ ὑποκείμενον qui peut également être rendu par « objet ») et le but, ou encore sur la suprématie, ou l’étymologie, sont attestés parfois de manière implicite chez Jamblique ou chez Aristote. D’ailleurs, l’étude sur l’origine de ces définitions met au jour les tribulations que certaines d’entre elles ont subies au cours de leur transmission : les commentateurs comme Elias et David, voulant faire de Pythagore l’autorité suprême, n’hésitent à faire de ce dernier l’auteur de trois définitions, alors que deux d’entre elles, « science de l’être en tant qu’être » et « la science des choses divines et humaines », ont pour origines respectives Aristote et les Stoïciens. C’est sans doute par adhésion à la doctrine d’harmonisation entre le Pythagorisme, le Platonisme et l’Aristotélisme, instaurée par Jamblique, que nos commentateurs d’Alexandrie procèdent à cette ­juxtaposition anachronique25 des définitions, à une époque même où le lourd programme pythagoricien établi par Jamblique a depuis longtemps été délaissé au profit d’Aristote et de Platon. Mais il est manifeste que certaines de ces définitions, considérées dans un premier temps indépendamment les unes des autres, avaient déjà 24 Sur toutes ces questions, cf. S. Van der Meeren, Exhortation à la Philosophie. Le dossier grec : Aristote, Paris; Jamblique, In Nicomachi Arithmeticam, introduction, texte critique, traduction française et notes de commentaire par N. Vinel, Pisa–Roma, 2014, p. 12 ; O’Meara, Pythagoras revived, Oxford, 1989, p. 32-34. 25 Cf. l’étude de Van der Meeren, infra, p. 40.



Présentation

occupé un statut canonique dès le Moyen Platonisme. En effet, l’étude de J. Mansfeld montre que, « la ressemblance à dieu autant qu’il est possible à l’homme » qui est en réalité le résultat d’une centonisation de deux extraits issus du Théétète et de la République26, a été au cœur d’un problème philosophique, en ce qu’il joint de manière implicite deux idées opposées, et peut-être contradictoires : la fuite du monde terrestre et l’exercice des vertus (la justice) qui ne peut être qu’une pratique sociale. C’est pour atténuer cette tension interne que les Médio Platoniciens ont cherché chez Platon d’autres passages susceptibles de fournir une justification, voire une explication systématique, comme on le voit dans le Didascalicus d’Alcinous27. C’est cette exégèse que l’on entrevoit chez Ammonius lorsqu’il affirme que cette définition, contrairement aux autres, implique à la fois la théorie et la pratique28, et c’est en référence à cette même définition que David dresse le portrait idéal du « philosophe complet » (teleios philosophos)29. Enfin, si l’on s’en tient à l’aspect formel de l’introduction à la philosophie, organisé en deux volets, définition et division, un ouvrage comme l’épitomè en six livres des Placita philosophorum du Pseudo-Plutarque (qui garde la trace de Συναγωγὴ τῶν ἀπρεσκόντων d’Aétios) pourrait être un antécédent significatif, dans la mesure où la préface fait office d’une brève introduction à la philosophie. On y lit une définition stoïcienne de la sagesse « la sagesse est la connaissance des choses divines et humaines » ainsi qu’une division de la philosophie en physique, éthique, logique que l’auteur dit être d’Aristote, de Théophraste, et presque de tous les péripa26 Theaet., 176b : φυγὴ δὲ ὁμοίωσις θεῷ κατὰ τὸ δυνατόν· ὁμοίωσις δὲ δίκαιον καὶ ὅσιον μετὰ φρονήσεως γενέσθαι et Resp.  10.613d–e δίκαιος γίγνεσθαι καὶ ἐπιτηδεύων ἀρετὴν εἰς ὅσον δυνατὸν ἀνθρώπῳ ὁμοιοῦσθαι θεῷ. Attesté déjà dans un discours de Thémistius datant du milieu du ive siècle À l’empereur Constance, que le souverain est surtout un philosophe ou (discours) de remerciement. Εἰς Κωνστάντιον τὸν αὐτοκράτορα, ὄτι μάλιστα φιλόσοφος ὁ βασιλεύς ἢ χαριστήριος. Sur ce point, cf. Mansfeld, infra, p. 97. n. 7. 27 Théétète, 176b ; Timée, 90d5 ; République, 10.613a7–b1 ; Phédon, 82a10–b, Lois, 4.715e7-8 ; Phèdre, 248a2. Cf. Mansfeld, infra, p. 106. 28 Ammonius, in Isag., 6, 6 sq. « Mais d’abord, il faut observer que la philosophie, possédant à la fois une partie théorétique et une partie pratique, possède également deux buts : 1) En effet, à chaque fois que nous disons que “la philosophie est la pratique de la mort”, c’est du point de vue du but [de la philosophie] pratique que nous la définissons, 2) tandis que [lorsque nous disons qu’elle est] “la connaissance des étants en tant qu’ils sont des étants”, c’est du point de vue de la connaissance, [6,10] 3) et lorsque [nous la définissons] comme “la ressemblance à dieu dans la mesure du possible pour l’homme”, c’est à partir des deux. » 29 David, in Isag., 17,1-21 : « Qui, comme Dieu, est caractérisé par la bonté (τὸ ἀγαθόν), la connaissance (τὸ γνωστικόν) et la capacité (τὸ δυνατόν). », cf. Mansfeld, infra, p. 101.



Présentation

téticiens30, si bien que « the function of this presentation in the introduction to the physical part of philosophy in the Placita is perfectly commensurate with its function in an Introduction to philosophy tout court »31.

La réception par le milieu chrétien du vie et du viie siècle Pour la période postérieure à Ammonius, malgré la disparition de certaines œuvres, nous disposons davantage de renseignements pour retracer les dernières phases de l’évolution de cette littérature isagogique produite à Alexandrie. Comme l’a bien montré Westerink, ce sont les Prolegomena d’Ammonius qui fournissent le modèle suivi de près ou de loin par tous les commentateurs alexandrins32, mais pour ce qui est d’Eutocius et d’Olympiodore, dont les Prolégomènes ne sont connus que par des témoignages, nous en sommes réduits à faire des hypothèses à partir des commentateurs postérieurs qui dépendent de ces derniers. Busse, l’éditeur du CAG, émettait l’hypothèse que Olympiodore était le modèle suivi par Elias et de David33. Westerink34 est d’avis que les Prolegomena de David et de Ps. Elias seraient plus tardifs que ceux d’Elias et reposeraient sur un auteur commun qui n’est pas Elias. Cette thèse ne semble pas être contestée et reste la plus plausible. Roueché35, en suivant sur ce point Westerink, pense que l’identité de cet auteur pourrait être Stephanus. Selon une autre hypothèse encore, cette fois de Wildberg, Elias et David dépendraient directement ou indirectement de Ps. Elias qui, en réalité, serait Olympiodore36, et ce dernier enfin d’Ammonius37. Cf. Mansfeld, infra, p. 113. Cf. Mansfeld, infra, p. 115. 32 Westerink (éd.), Prolégomènes à la philosophie de Platon, XXVIII-XXXII. 33 Ammonius, In Porphyrii isagogen sive V voces, A. Busse (éd.), CAG, 4/3, 1891, Praefatio, XIX et Wildberg, « Three Neoplatonic Introductions to Philosophy… », art. cit., p. 37. 34 Ps.-Elias, Lectures on Porphyry’s Isagoge, (éd. Westerink), introd. p.  XVI. Ce Ps. Elias aurait enseigné à Constantinople selon Westerink (p. XIII). 35 Roueché, art. cit., p. 126. 36 Wildberg, « Three Neoplatonic Introductions to Philosophy… », art. cit., p. 37 n. 16 pense que l’auteur véritable de l’introduction générale à la philosophie et du commentaire à l’Isagogè de Pseudo-Elias pourrait être Olymipiodre : « There is evidence, however, which suggests that David thought that Olympiodorus was the author of the commentary we now possess under the name of Elias », cf. également p. 43 et n. 64 où il donne à comparer David, Proleg., p. 31.34 sq. avec Elias, Proleg., 14.8 sq. 37 Wildberg, art. cit., p. 47, n. 15 : « …Elias refers to Ammonius (114.9 ; 31.34 ; 64.5 ; 65.2), but never to Olympiodorus, whereas David refers to Olympiodorus (16.3 ; 30 31



Présentation

Comme on le voit, pour ce qui est de la transmission des Prolegomènes de l’époque tardive, l’identité de Ps. Elias reste au cœur de la polémique38. Or, l’article de P.  Mueller-Jourdan apporte des éléments textuels nouveaux à ce dossier, sur la base desquels il émet l’hypothèse que cet auteur mystérieux serait en réalité Etienne le Sophiste d’Alexandrie. Cet examen, qui mêle l’étude philologique à une enquête historique, prend d’abord appui sur des citations de Maxime le Confesseur (lesquelles manifestement dérivent plus ou moins directement du commentaire de Ps. Elias à l’Isagogè) avant d’envisager les sources intermédiaires possibles, le reliant au Ps. Elias. Les habitudes de diffusion du savoir propre à l’environnement scolaire d’Alexandrie engendrent souvent des problèmes insolubles, comme c’est le cas des œuvres réalisées apo phônès. Nous ne savons pas si les textes, dans l’état où la tradition manuscrite nous les a transmis, sont le fruit de rédaction de l’auteur lui-même, de notes de cours des élèves (reportatio), ou encore d’un compendium de logique. Toujours est-il que ce mode de transmission est souvent générateur d’erreurs qui peuvent être prises à témoin pour déterminer les orientations culturelles ou religieuses de l’auteur. Par exemple, celles commises par Ps.  Elias montrent que ce dernier est « plus à l’aise avec la littérature médicale qu’avec la littérature philosophique », sans qu’il soit possible, entre autres, de préciser qu’il fut chrétien, tout comme pour David et Elias39. Ce qui est certain en revanche est que des passages du commentaire de Ps. Elias sont présents dans les Opuscules théologiques et polémiques de Maxime le Confesseur, ce qui prouve d’emblée que l’œuvre de Ps. Elias a connu une certaine diffusion dans le milieu chrétien. Ce texte de Maxime constitue donc un repère fiable pour dater la diffusion du commentaire de Ps. Elias, dont le terminus ante quem se situe vraisemblablement autour de 645-649. Selon la thèse de P. Mueller-Jourdan, le fait que les matériaux issus de Ps. Elias ont été transmis à Maxime le Confesseur pourrait s’expliquer si l’on identifie Ps. Elias à Etienne le Sophiste et si l’on suppose que Sophrone, le maître de Maxime, a été celui qui a servi de relais entre ce dernier et Ps. Elias. La diffusion des éléments logiques des commentateurs néoplatoniciens dans le milieu des théologiens chrétiens serait due à une réaction politico-religieuse à l’encontre des adversaires comme Sévère 31.34 ; 64.5 ; 65.2), but never to Ammonius. For a detailed structural analysis of the treatises, see Westerink (1962), XXVII-XXXII = id. (1990) ». 38 Sur ces différentes interprétations, cf. Mueller-Jourdan, infra, p. 126 sq. 39 Wildberg, art. cit., p. 42-45.



Présentation

d’Antioche, théologien monophysite, qui, lui, avait eu une formation de logique auprès d’Ammonius à Alexandrie. Du point de vue de la transmission des doctrines néoplatoniciennes, Maxime le confesseur serait donc celui qui a servi de pont entre « la dernière production de l’École d’Alexandrie et la première scolastique byzantine »40.

La diffusion dans le monde syriaque Les commentaires néoplatoniciens à l’Organon ont également connu une postérité significative dans la culture syriaque au tournant des cinquième et sixième siècles, dans les milieux savants et chez les érudits chrétiens41. Comme l’a bien montré H. Hugonnard Roche, trois auteurs syriaques héritent de cette tradition alexandrine : Sergius de Resh‘aina (mort en 536), Proba d’Antioche et Paul le Perse, qui tous reprennent, entre autres, les éléments de l’Introduction à la philosophie et de l’introduction spécifique à un traité d’Aristote (κεφάλαια : le but, l’utilité etc.). Cette filiation s’explique notamment par une transmission directe, comme c’est le cas de Sergius qui, outre sa formation de médecine, a très probablement suivi les cours de philosophie auprès d’Ammonius à Alexandrie42. C’est pourquoi nous retrouvons dans ses commentaires logiques des extraits provenant des introductions à la philosophie mais ceux-ci ne figurent pas, comme on pourrait s’y attendre, dans son commentaire à l’Isagogè. En effet, c’est dans le premier chapitre de son commentaire aux Catégories que se trouvent exposées la division de la philosophie en théorie et pratique ainsi que leurs subdivisions. L’absence des définitions pourrait peut-être s’expliquer en ce que, pour Sergius, le cursus aristotélicien, se suffisant à lui-même, n’était plus à considérer comme une propédeutique à la philosophie de Platon, si bien qu’il a peut-être jugé utile de se passer de ces définitions, et à plus forte raison celles de Pythagore, alors même qu’elles lui étaient connues. Il faut également noter que ce premier chapitre de son commentaire aux Catégories se termine par un exposé sur le statut de la logique, tandis que le traitement de cette question apparaissait chez les commentateurs grecs dans Mueller-Jourdan, infra, p. 137. Toute cette tradition syriaque nous est désormais bien connue grâce aux travaux exhaustifs de H. Hugonnard-Roche, dont nous nous contenterons ici reprendre les propos concernant l’introduction à la philosophie. Cf. H. Hugonnard-Roche, « Porphyre, survie orientale », DPhA, Vb, 1450-1460. 42 Cf. infra, p. 153. 40 41



Présentation

leurs introductions aux Premiers analytiques ou aux Catégories ou dans un commentaire à l’Isagogè comme chez Boèce. Quant à Paul le Perse, on ne sait pratiquement rien de lui si ce n’est qu’il a fait partie de l’entourage de Chosroès, celui même qui a accueilli les philosophes néoplatoniciens comme Damascius, Simplicius de Cilicie et Priscien, après la fermeture de l’école d’Athènes en 529 par l’Empereur Justinien Ier. Peut-être était-ce là l’occasion pour lui de prendre connaissance des commentaires néoplatoniciens ? Ce que l’on sait, du moins, c’est qu’il fut l’auteur d’un commentaire sur le Peri Hermeneias et d’un Traité logique, et que c’est dans le prologue de ce dernier ouvrage qu’il a incorporé les éléments de l’introduction à la philosophie, comme la division de la philosophie en théorie et pratique, avec, en outre, plusieurs définitions, dont deux proviennent directement des Introductions : « la philosophie est l’art de tous les arts et le savoir de tous les savoirs, en ce que la philosophie fournit l’instrument de tous les arts et de tous les savoirs », et « la philosophie est ressemblance à la divinité autant que les hommes peuvent lui ressembler »43. Ce fut également le cas de Proba, médecin-chef et archidiacre d’Antioche, qui fut actif dans la seconde moitié du vie siècle. Il est l’auteur de trois commentaires, respectivement sur l’Isagogè de Porphyre, sur le Peri Hermeneias, et sur les Premiers Analytiques. Bien qu’il n’ait pas écrit d’introduction à la philosophie, c’est dans la première des deux introductions à son commentaire au Peri Hermeneias, dans l’examen de la question « à quoi se rapporte [le traité] », que nous retrouvons encore la division de la philosophie en théorie et pratique, modelée d’après la division des puissances de l’âme, cognitive et désirante, explication qui tire son origine de l’introduction à la philosophie d’Ammonius44. On constate donc que ces commentateurs syriaques, dont le cadre de production littéraire n’est plus celui d’un cursus philosophique dispensé dans une école, prennent plus de liberté et n’hésitent pas à utiliser ces matériaux exégétiques dans d’autres contextes que ceux qui touchent à l’Isagogè45. Pour ces auteurs, les introductions et les commentaires néoplatoniciens ont plutôt constitué un réservoir de matériaux qu’ils pouvaient utiliser à leur profit selon leurs propres besoins exégétiques. Ainsi, l’appropriation délibérément partielle des définitions et des divi Cf. infra, Hugonnard-Roche, p. 168. Cf. infra, Hugonnard-Roche, p. 176 et Ammonius, in Isag. 11, 16-22. 45 Mais ce fut également le cas de Philopon, qui intègre des passages des prolégomènes d’Ammonius dans son commentaire aux Météorologiques, cf. Mansfeld, infra, p. 102. 43 44



Présentation

sions par ces auteurs syriaques, dans des œuvres philosophiques à caractères diverses, n’ont finalement permis qu’une transmission mutilée de l’introduction à la philosophie. Que soient remerciés ici tous ceux qui ont apporté leur aide et leur soutien à la réalisation de ce recueil d’articles : le Labex Hastec, M. Philippe Hoffmann et Sylvain Pilon pour l’organisation de la journée d’étude, les contributeurs pour la qualité de leurs articles et surtout pour leur patience. Mes reconnaissances vont également à M. Carlos Steel, mon ancien directeur de recherche, pour sa sollicitude, et à mes amis Jordi Pià et Adrien Lecerf pour leur aide. Je remercie tout particulièrement M. Carlos Lévy et Mme Gretchen Reydams-Schils, éditeurs de la collection « Monothéismes et Philosophie » de la maison d’édition Brepols, pour leur relecture attentive et pour leur attention scientifique, sans lesquelles ce recueil n’aurait jamais pu voir le jour.



LES DÉFINITIONS DE LA PHILOSOPHIE : REGARDS CROISÉS SUR LES PROLÉGOMÈNES EXÉGÉTIQUES ET LE PROTREPTIQUE DE JAMBLIQUE Sophie Van der Meeren (Université Rennes 2)

Un examen comparé de la littérature protreptique et des prologues placés par les néoplatoniciens en ouverture de leurs ouvrages exégétiques laisse apparaître de nombreux parallèles. Si certains d’entre eux ont déjà fait l’objet, depuis longtemps, de repérages ponctuels1, en revanche, les études menées de façon systématique sur le sujet sont relativement récentes2. Du côté des prologues exégétiques, nous prendrons en considération les introductions générales à la philosophie – ou prolégomènes, comme nous les désignerons dans la suite de cet article – qui précédaient l’introduction (et le commentaire) à l’Isagoge de Porphyre chez Ammo-

1 Sur les rapprochements entre littérature « isagogique » et littérature protreptique, on consultera, en particulier, E. Norden, « Die Composition und Litteraturgattung der Horazischen Epistula ad Pisones », Hermes 40, 1905, p. 481-528 (p. 516) ; K. Berger, « Hellenistische Gattungen im Neuen Testament », ANRW 2. 25. 2, 1984, p. 1031-1432 (p. 1299) ; Ch. Wildberg, « Three Neoplatonic Introductions to Philosophy : Ammonius, David and Elias », Hermathena 149, 1990, p. 3335 (p. 34) ; U. Neumann, « Isagogische Schriften », Historisches Wörterbuch der Rhetorik 4, 1998, col. 633-640 (col. 636-637) ; M. Asper, Griechische Wissenschaftstexte. Formen, Funktionen, Differenzierungsgeschichten, Stuttgart, 2007, p. 214. 2 Nous avons examiné une première fois le « dossier » des rapprochements dans notre monographie (Exhortation à la Philosophie. Le dossier grec : Aristote), 2011, p.  54-71 ; nous avons récemment repris et étendu les rapprochements dans « Protreptique et isagogique : les vestibules de la philosophie », in O. Alieva, A. Kotzé et S. Van der Meeren (éd.), When Wisdom Calls : Philosophical Protreptic in Antiquity, Turnhout, 2018, 497-454 ; voir également J.-P.  Schneider, « Les définitions de la philosophie dans l’Antiquité tardive : Ammonios, Commentaire sur l’Isagoge de Porphyre, 1,11-19,24 (Busse) », Revue de théologie et de philosophie 144, 2012, p. 1-27.

Introduction générale à la philosophie chez les commentateurs néoplatoniciens, éd. par ­Min-Jun Huh (Monothéismes et Philosophie, 29), p. 21-54 FHG DOI 10.1484/M.MON-EB.5.120302

Sophie Van der Meeren

nius3, David4, Elias5 et le Ps.-Elias6, et plus précisément encore la première partie de ces prolégomènes, dans laquelle figurent des définitions de la philosophie7. La structure des prolégomènes repose sur une série de κεφάλαια, dont plusieurs, comme nous avons tenté de le montrer en détail ailleurs, représentent également des topiques du « genre » protreptique8. Parmi ces arguments communs aux prolégomènes et aux protreptiques nous comptons la définition (ὁρισμός) de la philosophie. En ouverture de ses prolégomènes, Ammonius fait de la définition de la philosophie le préalable requis pour tout enseignement et pour toute étude des « discours philosophiques » (φιλόσοφοι λόγοι) : Quand nous nous disposons à aborder les discours philosophiques (φιλοσόφων λόγων), il est nécessaire d’apprendre ce qu’est (τί ἐστι) la philosophie. Il faut en effet que celui qui commence quelque chose apprenne d’abord ce qu’est cette chose (τί ὂν τυγχάνει). De cette façon, il saisira aussi avec plus de zèle (σπουδαιότερον) son objet (τοῦ πράγματος). Or, nous apprenons les choses à partir des définitions (ἐκ τῶν ὁρισμῶν)9.

3 Ammonius, in Isag., Busse (les prolégomènes généraux à la philosophie occupent les p. 1-21). 4 David, Prol. Busse, 1-79. 5 Elias, Prol. Busse, 1-34. 6 Les leçons du Ps.-Elias ont été éditées par Westerink : Pseudo-Elias (Pseudo-David), Lectures on Porphyry’s Isagoge, Introduction, text and indices by L.  G. Westerink, Amsterdam, 1967. 7 Sur les relations entre ces différents professeurs, voir L. G. Westerink (éd.), Prolégomènes à la philosophie de Platon, Paris, 1990, en particulier les p.  XLIII-LI ; Ibid., p. 325-348 ; Wildberg, « Three Neoplatonic Introductions to Philosophy… », art. cit. ; cf. la présentation synthétique donnée par C. Militello, I Commentari all’Isagoge di Porfirio tra V e VI secolo, Acireale-Roma, 2010, p. 44-49. 8 1) Existence de la philosophie (arguments contre ses détracteurs ; preuve ontologique ; histoire et ancienneté de la philosophie ; syllogisme) ; 2) Qu’est-ce que la philosophie ? (définitions ; divisions) ; 3) Finalité de la philosophie ; 4) Utilité de la philosophie (supériorité de la philosophie ; hiérarchie des arts et des sciences ; topos de l’art inutile) ; 5) Progression méthodique ; 6) Qualités des étudiants (aspect psychologique). Sur les rapprochements entre « genre » protreptique et « genre » isagogique, voir en particulier notre étude « Protreptique et isagogique : les vestibules de la philosophie », cité supra note 2. 9 Ammon., in Isag., 1, 2-5 (la traduction d’Ammonius, ici et ailleurs dans cet article, est celle de Schneider, « Les définitions de la philosophie dans l’Antiquité tardive… », art. cit.). Nous nous référerons de manière privilégiée aux définitions d’Ammonius, car elles sont plus synthétiques que celles de ses successeurs, chez lesquels l’exposition des définitions passe par des méandres analytiques ; notamment Elias, puis surtout David, sont très prolixes sur la méthodologie de la définition.



Les définitions de la philosophie

Dans la perspective éminemment pédagogique qui oriente l’enseignement des néoplatoniciens, connaître l’essence (τί ἐστι) de la chose enseignée apparaît ainsi comme une première étape indispensable. Quant à la définition, qui est une « formule concise montrant la nature de la chose »10, et qui permet, telles des bornes (ὅροι), de « délimiter le champ » en question, en le séparant des autres11, elle représente précisément le moyen nécessaire pour apprendre l’essence de la chose (ce qu’elle est), tout en suscitant le zèle des élèves. Or l’interrogation portant sur τί ἐστι reflète une démarche méthodologique aristotélicienne, que les éditeurs et commentateurs rattachent au début du livre II des Analytiques postérieurs. Lorsqu’on mène une enquête, écrit Aristote, « on cherche quatre choses : le fait (τὸ ὅτι) ; le pourquoi (τὸ διότι) ; si c’est (εἰ ἔστι) ; et enfin ce que c’est (τί ἐστι) »12. En réalité, comme l’a fait remarquer justement C. Hein, la formulation adoptée par David et Elias dans leurs propres prolégomènes est plus proche de celle employée par Thémistius dans le Commentaire aux Analytiques postérieurs13 : « Si quelque chose existe (εἰ ἔστι) ; ce qu’elle est (τί ἐστι) ; si tel prédicat lui appartient (εἰ ὑπάρχει τόδε τῷδε14) ; ce qu’elle vise (διά τί ἐστι). » De fait, David et Elias commencent tous deux par des développements consacrés à la question de l’existence (εἰ ἔστι) de la philosophie, avant d’aborder la rubrique τί ἐστι15. À celle-ci correspondent, dans les prolégomènes d’Ammonius, de David, d’Elias et du Ps.-Elias, les définitions et les divisions. Ces dernières, à la différence des définitions, envisagent la philosophie non comme un tout unitaire, mais comme un objet complexe se répartissant en deux grands domaines (théorétique et pratique), lesquels se subdivisent à leur tour. Quant à David, il aborde en outre la question de la « nature » (ὁποῖόν τί ἐστι) de la philosophie, en se fondant précisément sur les définitions et les divisions, lesquelles ont permis de déterminer les différences spécifiques de la philosophie. Ammon., in Isag., 1, 9-10 : λόγος σύντομος δεικνὺς τὴν τοῦ πράγματος φύσιν. Ibid., 1, 11-12 : περιλαμβάνουσι τὸ χωρίον. 12 Arist., Anal. post., II, 1, 89b 23-25. 13 Them., in Anal. post., 42, 13 (Wallies) : voir C. Hein, Definition und Einteilung der Philosophie. Von der spätantiken Einleitungsliteratur zur arabischen Enzyklopädie, Frankfurt am Main-Bern-New York, 1985, p. 57 qui mentionne également Eustratius (in Anal. post., 8 Hayduck) et un commentateur anonyme (in Anal. post., 547 Wallies). 14 Procl., in Alc., 275, 1-4, suit le même ordre que Thémistius mais présente la troisième question sous la forme ὁποῖόν τί ἐστι. 15 Chez Elias, seules quelques lignes sont consacrées à la question εἰ ἔστι (Prol., 3, 13-23 Busse), contre plusieurs pages chez David (Prol., 2, 22-29, 12 Busse). 10 11



Sophie Van der Meeren

Il consacre également un développement systématique à la quatrième question, celle de la finalité de la philosophie (διά τί ἐστι). S’il est vrai que, dans ces prolégomènes, l’importance donnée à la définition et à la formulation de celle-ci (τί ἐστι) renvoie à une méthodologie d’inspiration aristotélicienne, fondée sur l’union d’un genre et d’une différence, pour autant, l’usage de la définition en philosophie est ancien. On irait jusqu’à dire qu’il est aussi ancien que la philosophie elle-même, dans la mesure où la naissance de la philosophie en Grèce a partie liée avec l’exigence de définir systématiquement les objets qu’elle soumet à son interrogation. Aristote rappelle ainsi, au livre Μ de la Métaphysique, que dès avant Socrate, Démocrite et les Pythagoriciens s’étaient efforcés de déterminer certains concepts particuliers16. On pensera aussi au traité hippocratique Sur l’art qui, dans le droit fil du projet méthodologique puissant qui l’anime, cherche à définir d’emblée ce qu’est la médecine17. Mais c’est avec la pratique dialogique de Socrate et, par conséquent, avec le recours à une méthode formelle fondée sur les λόγοι, que la définition acquiert une véritable dignité philosophique, reconnue pleinement par Aristote : dans le même passage de la Métaphysique, l’auteur oppose ainsi aux définitions partielles des « physiciens » la nouveauté socratique consistant à « poser le problème de la définition générale »18, laquelle concerne, en association avec les « discours inductifs », le « point de départ de la science »19. L’une des formes d’aboutissement de l’activité de définition en philosophie est représentée par le « genre », né vraisemblablement dans l’Académie, des recueils de définitions destinés à exercer les élèves. Diogène Laërce signale ainsi un volume d’ὅροι parmi les ouvrages de Speusippe20 ; l’usage se retrouve chez Aristote et ses disciples21, ainsi que chez les Stoïciens22. Dans les prolégomènes néoplatoniciens, les définitions, qui font elles-mêmes l’objet d’un métadiscours au raffinement et à la virtuosité

Arist., Met., M, 1078b 17-30. Après avoir commencé par poser l’existence de la médecine en tant qu’art, l’auteur du traité annonce que, pour faire la démonstration de son existence, il va « définir ce qu’est, selon [lui] la médecine » (de Arte, III, 2). 18 Met., M, 1078b 18-19 : περὶ τούτων (sc. les vertus éthiques) ὁρίζεσθαι καθόλου ζητοῦντος πρώτου. 19 Ibid., 29-30 : ταῦτα γάρ ἐστιν ἄμφω περὶ ἀρχὴν ἐπιστήμης. 20 Diog. Laert., IV, 5. 21 Diog. Laert., V, 23-24 ; chez Théophraste : Diog. Laert., V, 43, 49, 50. 22 Diog. Laert., VII, 42. 16 17



Les définitions de la philosophie

technique remarquables23, laissent place aux « divisions » de la philosophie : celles-ci tirent également leur origine des premières tentatives de systématisation du savoir et de l’enseignement, que M. Fuhrmann fait remonter, avec raison, non seulement aux anciens traités de rhétorique (dont nous avons traces par exemple dans le Phèdre de Platon24), mais aussi à la sophistique25. Ces diverses traditions scolaires fort anciennes ont nourri tant la dialectique platonicienne26 – qui apparaît comme un développement autonome des opérations intellectuelles reposant sur la définition et la division – que la méthodologie à l’œuvre dans de nombreux traités aristotéliciens. Et l’usage de ces opérations scolaires ne s’éteindra pas avec les commentaires néoplatoniciens de l’Antiquité tardive ; il aura une grande fortune tant dans la culture de l’Islam que dans le monde byzantin27. En prenant pour guide les prolégomènes d’Ammonius, plus sobres que ceux de David et Elias, nous comparerons, dans les pages suivantes, On se reportera en particulier à David qui, avant de traiter de l’origine des définitions et d’énoncer celles-ci, s’interroge sur ce qu’est une définition (ὁρισμός) et sur ce qui la distingue tant d’une description (ὅρος) que d’une définition descriptive (ὑπογραφή) (Prol., 11, 1-14, 10) : sur la différence entre ces termes dans l’Antiquité tardive, cf. J. Barnes, Porphyry Introduction, Translated with a Commentary by J. Barnes, Oxford, p. 57-62 ; Militello, I Commentari all’Isagoge di Porfirio tra V e VI secolo, op. cit., p. 151-158. Après avoir mentionné les six définitions, David se livre à des considérations arithmétiques pour justifier leur nombre. 24 Comme l’a montré par exemple M. Fuhrmann, Das systematische Lehrbuch. Ein Beitrag zur Geschichte der Wissenschaften in der Antike, Göttingen, 1960, p. 122-128. 25 Et dont Anaximène aurait hérité : cf. ibid., p. 132-144. 26 Fuhrmann parle avec raison d’un « gemeinsamen scholastischen Ursprungsmilieu », cf. ibid., p. 142. 27 On trouvera un aperçu récent de la tradition des définitions philosophiques depuis l’Antiquité jusqu’au Moyen Âge, avec une série de références bibliographiques, dans Dominicus Gundissalinus, De divisione philosophiae ; über die Einteilung der Philosophie, A. Fidora, D. Werner (éd.), Herder, Freiburg-Basel-Wien, 2007, p. 13-24. On consultera également avec profit M. Roueché, « The definitions of philosophy and a new fragment of Stephanus the philosopher », Jahrbuch der Österreichischen Byzantinistik 40, 1990, p. 107-128. Pour des exemples en contexte byzantin précisément, voir notamment M. Cacouros, « Le lexique des définitions relevant de la philosophie du Trivium et du Quadrivium compilé par Néophytos Prodromènos, son activité lexicographique et les corpus de textes philosophiques et scientifiques organisés par lui au monastère de Pétra à Constantinople », in P. Volpe-Cacciatore (dir.), L’erudizione scolastico-grammaticale a Bisanzio. Atti della VII Giornata di Studi Bizantini, Naples, 2003, p. 165-220 ; B. Roosen et P. Van Deun, « Les collections de définitions philosophico-théologiques appartenant à la tradition de Maxime le Confesseur », in M. Cacouros et M.-H. Congourdeau (éd.), Philosophie et Sciences à Byzance de 1204 à 1453. Les textes, les doctrines et leur transmission, Actes de la Table Ronde organisée au xxe Congrès International d’Études Byzantines (Paris, 2001), Leuven-Paris-Dudley, 2006, p. 53-76. 23



Sophie Van der Meeren

les définitions de la philosophie proposées par les commentateurs à celles que nous lisons dans le Protreptique à la philosophie de Jamblique, dont on a pensé, depuis la fin du dix-neuvième siècle, qu’il contenait – dans les chapitres VII à XII – de longues citations de l’ouvrage homonyme d’Aristote. Parce que les discours protreptiques font traditionnellement la promotion d’une discipline ou d’un mode de vie déterminé, il n’est pas étonnant d’y trouver des définitions de la discipline en question. Car dans un contexte de concurrence – entre disciplines et, en particulier, entre modèles philosophiques rivaux –, il est nécessaire de délimiter précisément le champ de la discipline à l’étude de laquelle on exhorte, afin de montrer tant sa spécificité que sa supériorité et son utilité. Mais un ouvrage comme celui de Jamblique s’inscrit également dans un cadre pédagogique : il précède, comme on sait, les livres plus techniques qui s’échelonneront dans la suite de la Somme pythagoricienne. L’usage de la définition de la philosophie s’explique donc aussi chez Jamblique, exactement comme dans les prolégomènes, par l’intérêt qu’elle présente au niveau d’une phase encore préparatoire d’un apprentissage qui se déroulera en plusieurs étapes. Dans une première partie de cette étude, nous mettrons en évidence les rapprochements entre les définitions de la philosophie énoncées dans les prolégomènes néoplatoniciens et celles que l’on rencontre au fil du Protreptique de Jamblique. La présentation sera résolument synthétique : les citations complètes des textes rapprochés figurent dans un tableau synoptique en appendice. Nous ferons ensuite le point sur l’origine de ces différentes définitions, avant de proposer des éléments d’interprétation à la fin de cet article.

Les définitions de la philosophie dans les prolégomènes exégétiques et le Protreptique de Jamblique : illustration de quelques points communs Avant d’énoncer les définitions, Ammonius explicite les principes du classement qu’il s’apprête à entreprendre, en rappelant que tout art et toute science ont un sujet (τὸ ὑποκείμενον), c’est-à-dire le champ auquel se rapporte (περί) la discipline, d’un côté, et une fin visée (τὸ τέλος), de l’autre28. Sujet et fin sont deux notions dont on peut tirer, soit séparément, soit conjointement, des définitions (des arts et des sciences). On remarquera que le procédé permet à Ammonius de réinvestir d’emblée la David (16, 13-19, 8 Busse) et Elias (5, 32-38, 13 Busse) feront de même.

28



Les définitions de la philosophie

question aristotélicienne de la finalité de la philosophie (διά τί ἐστι), alors que David lui consacre, nous l’avons dit, un développement autonome. Puis il annonce « cinq définitions ou un peu plus », qui se succèdent de la façon suivante : les deux premières définitions dérivent du sujet (ou de la matière) (ἐκ τοῦ ὑποκειμένου) ; les deux suivantes de la finalité (ἐκ τοῦ τέλους), tandis que la cinquième est tirée de la supériorité de la philosophie par rapport aux autres arts (ἐκ τῆς ὑπεροχῆς ἧς ἔχει πρὸς τὰς ἄλλας τέχνας). La sixième, qui apparaît marginale ou excédentaire, et dont Ammonius lui-même ne donne aucune caractérisation technique, n’est autre qu’une définition nominale, tirée de l’étymologie29. La liste, d’ailleurs, reste ouverte chez Ammonius30, tandis qu’Elias31, David32 et le Ps.-Elias33 insistent pour dire que les définitions se limitent strictement à six, ce qui pourrait être interprété comme une allusion à la supposée perfection du nombre six, premier nombre parfait dans la série des nombres naturels34. Si c’est le cas, cette organisation porterait la marque du néopythagorisme. La succession revient donc, dans ses grandes lignes, à un découpage sémantique de la notion de philosophie, en fonction, au moins, de six aspects majeurs. Mais avant de dérouler les six définitions, Ammonius affirme la finalité théorétique de la philosophie, qui dominera, en particulier, dans la première définition : « Seule la philosophie – écrit-il – traite de tous les êtres, et a pour fin (τέλος) non de les produire, mais de les connaître »35. De même Jamblique, au septième chapitre du Protreptique, affirme l’impossibilité que la science dont il traite soit productive : elle sera forcément spéculative. Chez Jamblique comme chez Ammonius, la nature spéculative de la philosophie est, remarquons-le, en relation étroite avec sa finalité, car, écrit Jamblique, « il faut dire que cette science est spéculative (θεωρητικήν), puisqu’il est impossible que sa fin (τέλος) se réalise sous forme d’une production»36. 29 Contrairement à Ammonius, David (Prol., 23, 6) et Elias (Prol., 7, 29-30) la caractérisent précisément comme une définition ἐκ τῆς ἐτυμολογίας. 30 Ammonius dit ainsi à la fin du développement (in Isag., 9, 25) : « Il y a encore d’autres définitions, mais celles-là suffisent. » 31 Elias, Prol., 7, 26-27. 32 David, Prol., 21, 1-2. 33 Ps.-Elias, in Isag., 8, 1. 34 Cf. Gertz (tr.), Elias and David : Introductions to Philosophy with Olympiodorus : Introduction to Logic, London, 2018, p. 5. 35 Ammon., in Isag., 2, 14-16. 36 Iambl., Protr., VII, 43, 18-20 P. Ce passage de Jamblique rappelle des formules de la Métaphysique (par exemple Ε, 1025b 18-28 ; Κ, 1064a 16-18). Comme nous l’avons



Sophie Van der Meeren

Dans le droit fil de ce préambule, la première définition d’Ammonius rend compte du rapport qui unit la philosophie à son objet en en faisant un savoir théorique des êtres ou des essences. 1. in Isag. 2, 22 : « La philosophie est la connaissance des êtres en tant qu’ils sont êtres » (φιλοσοφία ἐστὶ γνῶσις τῶν ὄντων ᾗ ὄντα)

Connaître les êtres « en tant qu’êtres », explique juste après Ammonius, consiste non pas à les connaître dans leur singularité, mais à connaître leur nature (φύσις) – en tant que nature spécifique – ou encore leur essence (οὐσία), ou leur être (τὸ εἶναι). Cette définition, qui fait de la philosophie une science de l’être, reflète le projet ontologique de la Métaphysique aristotélicienne37. Or s’intéresser à « tout l’être en tant qu’être », telle est précisément la fonction que Jamblique assigne à la sagesse théorétique, au chapitre IV du Protreptique, comme il attribue pour fonction au philosophe d’« établir la vérité sur la réalité (τὸ περὶ τῶν ὄντων ἀληθεύειν) »38. 2. in Isag. 3, 1 : « La philosophie est la connaissance des réalités divines et humaines » (φιλοσοφία ἐστὶ θείων τε καὶ ἀνθρωπίνων πραγμάτων γνῶσις)

Comme la précédente, cette définition procède elle aussi du sujet (τὸ ὑποκείμενον) ou du domaine de la philosophie, lequel est à présent subdivisé en deux classes : en ce sens, cette double définition « est la même que la précédente », écrit Ammonius39 ; on la retrouve explicitement au chapitre III du Protreptique, lorsque Jamblique commente les Vers d’or et, en particulier, l’expression « tu connaîtras la nature constitutive (σύστασις) des dieux immortels et des hommes mortels »40 : En effet, la connaissance des dieux (ἡ γνῶσις τῶν θεῶν) est vertu, sagesse, et bonheur achevé, et nous rend semblables aux dieux (θεοῖς ὁμοίους) ; fait remarquer plus haut, la conception de la nature spéculative de la philosophie formulée ici par Ammonius, en faisant intervenir la finalité de la philosophie permet de rendre compte sommairement de l’une des grandes questions – celle du διά τί ἐστι – que se posent les commentateurs néoplatoniciens. 37 Aristote, Met., Γ, 1003a 21-22. 38 Iambl., Protr., VII, 42, 16 P. 39 Ammon., in Isag., 3, 2-3. 40 Iambl., Protr., III, 8-9 Des Places (= Carm. aur., 50 : nous suivons Schneider, « Les définitions de la philosophie dans l’Antiquité tardive. », art. cit., p. 7 et n. 44, pour l’interprétation de σύστασις, que Des Places traduit par « union »).



Les définitions de la philosophie

la science des choses humaines (ἡ τῶν ἀνθρωπίνων ἐπιστήμη) procure les vertus humaines et nous rend experts en nos affaires (…)41.

En ces pages du chapitre III du Protreptique, Jamblique accorde certes à la philosophie une portée pratique ou éthique, cependant, la philosophie pratique demeure une « science » qui émane de la philosophie théorétique et reconduit à celle-ci. On notera également que dans une perspective aristotélicienne, la première partie de cette définition est liée à la définition précédente : la science de l’être ou des premiers principes est aussi, selon Aristote, une science de ce qui est divin42. Enfin, dire de la philosophie qu’elle est « connaissance des réalités divines » infléchit sa signification dans le sens que lui donnera la troisième définition, c’est-à-dire en un sens théologique. C’est le cas chez Jamblique en tout cas, lorsque, au chapitre IV, il écrit que le sage « a découvert un bel observatoire, d’où il pourra contempler le dieu »43 ; ou encore au chapitre IX, où il assigne comme finalité à l’homme de « contempler le ciel »44. 3. « La philosophie est l’assimilation à dieu autant qu’il est possible à l’homme » (φιλοσοφία ἐστὶ ὁμοίωσις θεῷ κατὰ τὸ δυνατὸν ἀνθρώπῳ)

Il s’agit en l’occurrence d’une définition d’origine platonicienne, comme le rappelle immédiatement Ammonius45. Il n’est pas étonnant, par conséquent, de la retrouver en divers endroits du Protreptique jamblichéen : par exemple dans le passage du chapitre III que nous avons cité plus haut, en illustration de la deuxième définition46. Étant donné qu’elle fait l’objet de l’étude approfondie de J. Mansfeld dans ce volume47, nous

Ibid., III, 11, 14-18 P. Arist., Met., Α, 982b 7-983a 11 ; cf. Κ, 1064a 36-1064b 1. 43 Iambl., Protr., IV, 22, 21-23 P : Jamblique cite ici Archytas ; sur cette image, voir P. Courcelle, La Consolation de Philosophie dans la tradition littéraire. Antécédents et postérité de Boèce, Paris, 1967, p. 355-363. 44 Iambl., Protr., IX, 51, 13 P : le texte figure dans le tableau en appendice. 45 Ammon., in Isag., 3, 9. Elias (Prol., 8, 17), David (Prol., 26, 19) et Ps.-Elias (in Isag., ch. 10, 19) renvoient précisément au Théétète, dans lequel on trouve une expression littérale de cette définition (Theaet., 176b 1-2 et Resp., 613b 1). Sur ses origines platoniciennes, on consultera en particulier la bibliographie mentionnée par Mansfeld, « The Complete Philosopher » dans le présent volume p. 99, n. 7. 46 La connaissance des dieux (…) nous rend semblables aux dieux (θεοῖς ὁμοίους). 47 Cf. infra, Mansfeld, « The Complete Philosopher ». 41 42



Sophie Van der Meeren

ne formulerons à son sujet que quelques remarques, en lien direct avec notre propre enquête. Quelles sont les caractéristiques qui distinguent cette définition des deux premières, outre le fait qu’elle dérive non du sujet mais de la finalité de la philosophie ? Par rapport aux deux premières définitions, la troisième représente la philosophie moins comme un savoir que comme une pratique et une ascèse. Dans cette perspective, que l’on pourrait presque qualifier de mystique, la philosophie coïncide avec la religion, la spéculation avec l’intuition et l’extase. Cette ligne, déjà esquissée dans la première partie de la définition précédente – nous l’avons dit plus haut – nous semble parfaitement en accord avec l’orientation pythagoricienne des extraits du Protreptique de Jamblique que nous rapprochons de la définition donnée par Ammonius et d’autres commentateurs néoplatoniciens. Ensuite, à l’inverse de la quatrième définition, elle caractérise l’attitude positive à l’égard du bien suprême : elle est tension vers celui-ci48. Nous insisterons sur une troisième caractéristique, qui est au cœur de la contribution de J. Mansfeld dans ce volume : la finalité représentée par l’assimilation à dieu est composite, voire complète. En effet, poursuit Ammonius, des deux types d’activités du dieu, « les unes sont cognitives, grâce auxquelles il connaît toutes choses (…) ; les autres sont providentielles (…). Or le philosophe veut se rendre semblable au dieu selon ces deux types d’activités. Il veut contempler toutes choses (en effet, il les examine toutes), et en vérité il exerce aussi sa providence sur les êtres inférieurs (de fait, le philosophe rend la justice et établit les lois). Ainsi, c’est à bon droit que la philosophie est assimilation à dieu »49. Le philosophe dispose donc d’une double compétence : théorique, d’un côté, pratique (et politique), de l’autre, à la façon dont la deuxième définition lui attribuait deux niveaux de connaissance : les choses divines, d’un côté, les choses humaines, de l’autre50. Comme l’ont bien montré plusieurs chercheurs, cette conception composite de la philosophie dans les prolégomènes néoplatoniciens s’enracine dans diverses traditions, et fait écho aux débats ayant traversé les différentes écoles philosophiques, au sujet des parties de la philosophie et des rapports entre théorie et pratique. Cf. A.-H. Chroust, « The Definitions of Philosophy in the De Divisione Philosophiae of Dominicus Gundissalinus », The New Scholasticism 25, 1951, p. 259-260. 49 Ammon., Prol., 3, 9-19. 50 Le lien entre les deux définitions est également relevé par Mansfeld, « The Complete Philosopher », p. 101. 48



Les définitions de la philosophie

Or le rapprochement que l’on peut faire, sur ce point, avec Jamblique nous semble particulièrement intéressant. En effet, au chapitre X du Protreptique, la compétence politique émane de la science théorétique, tandis que l’articulation même entre théorétique et pratique-politique est rapportée au modèle de l’action divine. L’analogie avec le dieu permet ainsi d’exalter, chez Ammonius comme chez Jamblique avant lui, la figure d’un philosophe-législateur, voire d’un philosophe-roi. Et plus précisément chez Ammonius, qui reprend ici une tradition néoplatonicienne antérieure, l’action politique, dans la mesure où elle découle de la participation au Bien et à la contemplation du Bien, peut être qualifiée de « providentielle »51. Enfin, du point de vue de l’histoire des doctrines, cette troisième définition illustre de manière remarquable le travail de syncrétisme entre platonisme et aristotélisme opéré par les néoplatoniciens. On observera cette opération sous trois angles de vue. Tout d’abord, le fait que le thème résolument platonicien de l’« assimilation à dieu » soit exposé par les commentateurs dès leurs premières leçons sur la philosophie aristotélicienne est en soi très significatif52. Ensuite, si l’on interprète le concept d’assimilation à dieu dans son sens le plus obvie, à savoir comme la vie intellective, alors les néoplatoniciens pouvaient trouver sur ce point déjà, dans les textes d’Aristote eux-mêmes, des éléments en faveur d’une harmonisation des doctrines de Platon et de celles de son élève53. Mais surtout, l’idéal philosophique plus ample qui, dans les prolégomènes et le Protreptique, se déploie à partir de cette définition et prend la forme d’une double activité, s’ancre dans des traditions diverses, nous l’avons dit ; on rencontre cette image du philosophe « complet » aussi bien dans des textes platoniciens que dans des textes de tradition aristotélicienne. Par les développements auxquels il donne lieu, le thème représente donc aussi, chez les néoplatoniciens, un élé51 Voir en particulier Ammon., in Isag., 3, 13-24 : sur l’action « providentielle » du philosophe (une expression en laquelle résonnent des accents stoïciens), modelée sur le modèle divin dans le néoplatonisme, on consultera D. J. O’Meara, Platonopolis : Platonic Political Philosophy in Late Antiquity, Oxford 2003 (repr. 2005), p. 73-78. 52 Voir, sur ce point, Militello I Commentari all’Isagoge di Porfirio tra V e VI secolo, op. cit., p. 59-61. 53 Ainsi, L. P. Gerson « The harmony of Plato and Aristotle according to Neoplatonism », in H. Tarrant et D. Baltzly (éd.), Reading Plato in Antiquity, London, 2012, p. 202-205 a rappelé que certains textes de l’Ethique à Nicomaque par exemple pouvaient laisser penser que le bonheur consistait à s’assimiler à dieu et à mener une vie intellective, et qu’une telle interprétation représentait l’un des fondements de l’harmonisation entre Platon et Aristote dans le néoplatonisme.



Sophie Van der Meeren

ment de « synthèse » entre les deux courants, pour reprendre l’expression de J. Mansfeld54. 4. « La philosophie est le souci de la mort »  (φιλοσοφία ἐστὶ μελέτη θανάτου)

Cette quatrième définition, fondée sur la finalité, fait allusion, comme la précédente, à la nature ascétique et thérapeutique, voire mystique, de la philosophie55. Cependant, elle représente l’exercice en négatif auquel il convient de se livrer pour obtenir la finalité, ou encore le versant apotreptique de la démarche philosophique qui consiste à nous détacher des liens périssables pour nous engager, libérés, sur la voie de la vie contemplative56. Elle est illustrée à plusieurs reprises dans le Protreptique de Jamblique57. 5. « La philosophie est l’art des arts et la science des sciences » (φιλοσοφία ἐστὶ τέχνη τεχνῶν καὶ ἐπιστήμη ἐπιστημῶν)

Tirée de la supériorité (ἐκ τῆς ὑπεροχῆς) de la philosophie, et attribuée unanimement par les commentateurs néoplatoniciens à Aristote58, cette cinquième définition place la philosophie dans une position architectonique par rapport à l’ensemble des sciences et des arts, auxquels elle 54 Cf. infra, Mansfeld, « The Complete Philosopher », p. 116 ; l’accord entre platonisme et aristotélisme à propos de la figure du philosophe telle qu’elle émerge très clairement en ces pages d’Ammonius pourrait fournir un argument supplémentaire à la thèse développée par I. Hadot, Athenian and Alexandrian Neoplatonism and the Harmonization of Aristotle and Plato, Leiden-Boston, 2015, en particulier au chapitre 9 : selon celle-ci, en effet, les introductions aux Commentaires des Catégories d’Aristote par Ammonius et son école, tout comme le Commentaire de Simplicius, témoignent d’une tendance à l’harmonisation entre Platon et Aristote. 55 Ammon., Prol., p. 6, 8, dit que cette définition est tirée « de la finalité pratique » (ἐκ τοῦ πρακτικοῦ τέλους) de la philosophie. Voir Chroust, « The Definitions of Philosophy in the De Divisione Philosophiae of Dominicus Gundissalinus », art. cit., p. 259. 56 Selon L.Baur (Dominicus Gundissalinus, De divisione philosophiae, Herausgegeben und philosophiegeschichtlich untersucht nebst einer Geschichte der philosophischen Einleitung bis zum Ende der Scholastik von Ludwig Baur, Beiträge zur Geschichte der Philosophie des Mittelalters, IV, 2, Münster, 1903, p. 171) cette définition représente « l’attitude négative » à l’égard du monde, qui répond à « l’attitude positive », laquelle est représentée par l’idéal suprême et religieux exprimé dans la première définition. 57 Comme on peut le voir dans le tableau en appendice. 58 Cf. Ammon., Prol., 6, 25 ; David et Elias évoquent la Métaphysique, tandis que le Ps.-Elias, in Isag., ch. 10, 23, renvoie précisément au livre Α : on pensera en particulier aux développements sur la sagesse comme science des principes en Met., Α, 982a 4-b10.



Les définitions de la philosophie

donne leurs règles et leurs principes. En effet, contrairement aux autres sciences, elle seule porte sur l’universel59. Cette cinquième définition est abondamment développée dans les prolégomènes d’Ammonius et de ses successeurs et, de toutes les définitions, c’est celle qui suggère les rapprochements les plus intéressants avec le Protreptique de Jamblique. Le premier de ceux-ci concerne la relation de supériorité de la philosophie à l’égard des sciences, qu’Ammonius illustre en comparant la philosophie à la géométrie : tandis que le géomètre se fonde sur certains principes pour mener ses opérations, le philosophe, au contraire, est capable d’en rendre raison, en établissant, par exemple, la séquence suivante : C’est que le corps ayant trois dimensions est limité par sa surface, qui a deux dimensions (…) ; que la surface ayant deux dimensions est limitée par la ligne, qui n’a qu’une dimension, la longueur seule ; que la ligne est limitée par le point qui, évidemment, n’aura aucune dimension, mais sera sans partie, s’il est vrai, comme on l’a dit, que “toute limite est inférieure au limité d’une dimension”60.

La séquence est certainement empruntée à la Métaphysique : « En outre, il serait clairement impossible qu’un corps soit divisé. En effet, il devrait être divisé selon une surface (ἐπίπεδον), et la surface selon une ligne (γραμμήν), et la ligne selon un point (στιγμήν) »62. Dans le Protreptique, pour démontrer que la philosophie nous est accessible, Jamblique affirme que les premiers principes sont plus connaissables que leurs dérivés, ce qu’il illustre au moyen d’une séquence similaire, formulée en ordre inverse : D’autre part, les réalités antérieures sont davantage causes que les postérieures (si l’on supprime les premières, on supprime aussi celles qui tiennent d’elles leur existence : avec les nombres63, par exemple, sont 59 Ammon., Prol., 7, 14-15 : « il appartient en effet aux philosophes de rechercher l’universel ». 60 Ibid., 7, 18-24. 61 Aristote réfute ici l’hypothèse selon laquelle les objets mathématiques existeraient dans les sensibles. 62 Arist., Met., M, 1076b 4-8. 63 Dans cette série qui relève de la géométrie, on peut s’étonner de voir figurer les « nombres » comme principes des longueurs, plutôt que les « points ». Pour résoudre la difficulté, Pistelli a suggéré, dans l’apparat, de remplacer ἀριθμῶν par στιγμῶν (en ré-



Sophie Van der Meeren

supprimées les longueurs, avec les longueurs, les surfaces, avec les surfaces, les volumes)64.

Or l’exemple de la géométrie sert à Ammonius à mettre en évidence le propre du philosophe : celui-ci est capable de montrer qu’un corps est, en théorie, divisible à l’infini. Tel est le principe donné par le philosophe, mais nous ne pouvons le « mener à terme » (ἀνύσθηναι), en raison de notre « faiblesse congénitale » (διὰ τὴν σύμφυτον ἀσθήνειαν)65 : cette expression tout à fait caractéristique présente des parallèles dans le Protreptique (au chapitre VIII)66 ; on la retrouvera également chez deux disciples d’Ammonius, Asclépius et Philopon67. Après avoir démontré la supériorité de la philosophie sur les sciences, Ammonius en vient aux arts, dont la philosophie connaît également les principes et les instruments, et qu’il sépare, en suivant une distinction traditionnelle, en deux groupes : les « arts rationnels » (λογικαὶ τέχναι), d’un côté, les « arts manuels » (βάναυσοι τέχναι), de l’autre68. Pour illustrer le groupe des arts « rationnels », Ammonius prend l’exemple de la rhétorique : le philosophe connaît les concepts de la rhétorique, parmi lesquels les notions de « beau, juste et utile », que le rhéteur utilise, quant à lui, sans les connaître réellement69. Or, au chapitre X du Protreptique, Jamblique assigne au politique la tâche d’emprunter « à la nature elle-même et à la vérité certains critères, qui lui permettent de juger ce qui est beau, juste et utile »70. Certes, en ce passage du Protreptique, une telle connaissance n’appartient pas, semble-t-il, au « philosophe », mais férence à Arist., Top., VI, 4, 141 b 6-8 : « ce qui est antérieur est plus connaissable que ce qui vient après, comme le point par rapport à la ligne, la ligne par rapport à la surface, la surface par rapport au solide »). Il est possible cependant d’adopter le texte des manuscrits, si l’on suppose que Jamblique a en tête ici les « doctrines non écrites » attribuées à Platon, et aux premiers Académiciens, par exemple, qui rapportaient toutes choses aux nombres, ou encore, bien sûr, aux doctrines des Pythagoriciens. 64 Iambl., Protr., VI, 38, 10-14 P. 65 Ammon., Prol., 7, 29-31. 66 Nous renvoyons au tableau en appendice. 67 Asclépius, In Met. (Hayduck) : 3, 21-25 ; 14, 32-15, 2 ; 114, 1-10 et 29-31, etc. ; Jean Philopon, In Anal. post. (Wallies) : 332, 15-21 et In De an. (Hayduck) : 23, 28-32. Nous avons traité le sujet dans l’article « “Tout cela montre avec clarté que la clarté est désirable” : Les enjeux philosophiques d’une argumentation circulaire dans le Protreptique de Jamblique » in P. Hummel (éd.), Exotérisme(s), Études sur les ressorts de la clarté, Paris, 2010, p. 33-72. 68 Ammon. Prol., 8, 24-25. 69 Ibid., 8, 18-20. 70 Iambl., Protr., X, 55, 1-3 P.



Les définitions de la philosophie

plutôt au « politique ». Cependant, parce que le véritable politique est celui qui légifère en imitant les « réalités exactes », et non les modèles offerts par les cités humaines, il est aussi un philosophe, ce qui rejoint très précisément la perspective de la troisième définition des prolégomènes sur le philosophe-roi71. Le passage de Jamblique nous invite à aller un peu plus loin. En effet, les catégories du « beau », du « juste » et de l’« utile » relèvent de la rhétorique délibérative. Jamblique trace ainsi comme Ammonius, mais cette fois de façon implicite, la distinction entre une utilisation superficielle de la rhétorique délibérative et la connaissance des réalités auxquelles se réfèrent ces topoi dont certains théoriciens de l’Antiquité faisaient des ressorts de l’argumentation protreptique précisément72. Il pourrait ainsi avoir en vue, en ces lignes, non seulement l’action législative du philosophe, mais également, dans une perspective méta-discursive, une refondation véritablement philosophique de l’argumentation protreptique, laquelle prendra pour critères non les biens apparents mais « la nature et le divin ». Il en va de même des arts « manuels », par exemple de l’architecture et de la menuiserie. Dans le Protreptique de Jamblique, il est question, comme plus haut pour les sciences, de faire ressortir la spécificité du philosophe-roi, dont le savoir est fondé sur la vision des réalités73 : de même, le bon artisan est celui dont les instruments – tels le cordeau, la règle, etc. – sont tirés de l’observation de la nature. Par conséquent, les prolégomènes et le Protreptique de Jamblique (en particulier dans les chapitres VI et X où la philosophie est envisagée en sa qualité d’art et de science) convergent dans une forme d’éloge de la philosophie fondé sur la supériorité de celle-ci d’abord par rapport aux sciences, puis par rapport aux différentes catégories d’arts. Nous ferons une dernière remarque : le lien entre la première définition – la philosophie comme science de l’être en tant qu’être74 – et la cinquième – la science des premiers principes et des causes de tous les 71 Jamblique passe d’ailleurs très rapidement du « politique » au « philosophe » (ibid., 55, 6-14 P). 72 Nous renvoyons à notre ouvrage, Exhortation à la Philosophie. Le dossier grec : Aristote, Paris, 2011, p. 48-52. 73 En cela, l’exemple de la menuiserie et de l’architecture chez Jamblique rejoint, comme l’exemple de la géométrie cité juste avant, la perspective de la troisième définition dans les prolégomènes (sur le philosophe-roi). 74 Même chose dans le préambule, où Ammonius déclare qu’elle est une connaissance théorétique de tous les êtres, mais aussi dans la première définition, selon laquelle la philosophie « examine l’essence de chaque réalité et son être (τὴν οὐσίαν ἐκάστου πράγματος καὶ τὸ εἶναι). »



Sophie Van der Meeren

êtres – est évident aux yeux du lecteur, mais il reste tacite dans les prolégomènes, tandis qu’il est explicite chez Aristote à propos de la πρώτη φιλοσοφία notamment au livre Ε de la Métaphysique75 : On pourrait se demander si la philosophie première porte sur l’universel (πόθερόν ποθ’ ἡ πρώτη φιλοσοφία καθόλου ἐστίν) ou bien sur un genre déterminé et une réalité particulière. (…) S’il existe une substance immobile, la science de celle-ci sera antérieure (aux autres sciences) et sera la philosophie première, et ainsi, en tant que première, elle portera sur l’universel (καθόλου οὕτως ὅτι πρώτη), et elle aura pour tâche d’étudier l’être en tant qu’être (περὶ τοῦ ὄντος ᾗ ὂν ταύτης ἂν εἴη θεωρῆσαι), c’est-àdire ce qu’est l’être et quels attributs, en tant qu’être, lui appartiennent76. 6. « La philosophie est l’amour de la sagesse » (φιλοσοφία ἐστὶ φιλία σοφίας)

Contrairement à Ammonius, David et Elias s’intéressent davantage à cette définition que l’on aurait tort de mépriser, écrit Elias, « sous prétexte qu’elle ne porterait que sur les mots, tandis que les autres s’occuperaient et traiteraient du contenu »77 ; en réalité, explique Elias, la sixième définition, que les néoplatoniciens rapportent à Pythagore, a « quelque chose en plus »78, car si les autres ne désignent que le contenu de la philosophie, elle dit, quant à elle, à la fois « ce qu’est son nom et en quoi elle consiste (καὶ τὸ ὄνομα καὶ τὸ πρᾶγμα) »79. De fait, la sixième définition, loin d’être périphérique, jette en réalité une lumière intéressante sur ce qui précède, en particulier sur la troisième définition, car elle souligne les limites en lesquelles est enfermée la vie humaine et en raison desquelles nous ne pouvons nous assimiler à dieu que « dans la mesure du possible »80, ni être jamais des sages au plein sens du terme, puisque seul le dieu est sage. À ces limites appartient notre « faiblesse congénitale », évoquée dans la cinquième définition. Le lien entre la troisième et la sixième définitions est aussi parfaitement 75 Voir sur ce point Chroust, « The Definitions of Philosophy in the De Divisione Philosophiae… », art. cit., p. 269-271. 76 Arist., Met., Ε, 1026a 23-32. 77 Elias, in Isag., 23, 21-23. 78 Ibid., 23, 23 : ἔχει γάρ τι πλέον ἐκείνων οὗτος. 79 Ibid., in Isag., 23, 24. 80 Κατὰ τὸ δυνατόν ἀνθρώπῳ (Ammonius, in Isag., 3, 8-9 Busse) : cette limite est indiquée dans la troisième définition.



Les définitions de la philosophie

illustré par Elias qui annonce déjà la différence entre philosophie et sagesse dans les développements qu’il consacre à l’assimilation à dieu : Le sage connaît (οἶδε) toutes choses, toutes ensemble et toujours, tandis que le philosophe fait profession de les connaître (ἐπαγγέλεται εἰδέναι), qu’il examine non pas toutes choses en même temps mais chacune en particulier, et qu’il ne les connaît pas tout le temps mais seulement parfois, comme le montre Platon, en disant que « l’on doit s’estimer heureux si la sagesse et la science nous parviennent dans la vieillesse »81.

Quelques remarques sur l’origine de ces définitions Il n’est pas toujours aisé de retracer l’origine exacte de ces définitions qui sont organisées, dans les prolégomènes, de manière systématique82. D’autre part, il convient évidemment de distinguer entre l’origine présumée par les néoplatoniciens dans les prolégomènes, et l’origine attestée dans d’autres sources plus anciennes. Ainsi, la première définition (la philosophie comme « science de l’être en tant qu’être »), pourtant clairement aristotélicienne, est attribuée par David, Elias, et le Ps.-Elias à Pythagore83. De même, la deuxième définition (« la science des choses divines et humaines »), qui est rapportée au stoïcisme par plusieurs sources anciennes84, mais qui apparaît également, sous une forme un peu différente, dans les Vers d’or, comme nous l’avons vu, remonterait à Pythagore selon ces trois auteurs85. La troisième définition (la philosophie comme assimilation à 81 Elias, in Isag., 17, 9-13. Même chose (de façon plus prolixe) chez David, Prol., 36, 15-23. Les deux auteurs reprennent, en les transformant, les mots de l’Athénien en Leg., 653a 8-9. 82 Nous nous contenterons ici de remarques ponctuelles : pour une étude beaucoup plus complète, voir par exemple A.-H. Chroust, « Philosophy : It’s Essence and Meaning in the Ancient World », The Philosophical Review 56, 1, 1947, p. 19-58 ; id., « The Definitions of Philosophy in the De Divisione Philosophiae… », art. cit. 83 Sur l’attribution à Pythagore, voir David, Prol., 26, 8-12 ; Elias, Prol., 10, 11-13 ; Ps.-Elias, in Isag., praxis 10, 13-16 ; praxis 11, 32 : selon David (Prol., 26, 8-12) et le Ps.Elias (praxis 10, 13-16), les deux premières définitions ainsi que la sixième auraient été attribuées à Pythagore par l’intermédiaire du pythagoricien Nicomaque (cf. infra note 90). 84 SVF II, 35-36 : voir A.-H. Chroust « Philosophy : It’s Essence and Meaning… », art. cit., p. 48-50. 85 David, Prol., 26, 12 ; Elias, in Isag., 11, 19-21 ; Ps.-Elias, in Isag., praxis 10, 13 ; praxis 11, 32, tandis qu’Ammonius ne dit rien de l’origine de ces deux premières définitions.



Sophie Van der Meeren

dieu), est rapportée à Platon par les auteurs des prolégomènes86. Illustrée, dans le Protreptique de Jamblique, tantôt par les Vers d’or87, tantôt par le Théétète88, elle représente un élément de la fusion caractéristique, opérée par cet auteur, entre platonisme et pythagorisme. Quant à la définition faisant de la philosophie le « souci de la mort », elle est développée dans les prolégomènes néoplatoniciens par l’exemple du Phédon : la référence platonicienne est donc explicite en ces textes89, comme est également déclarée l’origine aristotélicienne de la cinquième définition. Reste la sixième, que les prolégomènes rapportent spécifiquement à Pythagore90, comme le faisait déjà Jamblique91 : de toute évidence, l’attribution à Pythagore est liée à la tradition faisant de celui-ci l’inventeur du terme « philosophie »92. C’est sans doute pour faire de Pythagore l’autorité philosophique par excellence que les auteurs néoplatoniciens lui ont attribué trois définitions (les définitions 1, 2 et 6, contre deux définitions pour Platon, et une pour Aristote), en allant même jusqu’à faire de lui l’auteur de définitions provenant, en réalité, des stoïciens (définition 2) et d’Aristote (définition 1). L’empreinte pythagoricienne donnée à la plupart de ces définitions est donc un autre point commun entre Jamblique et les prolégomènes. Il serait certes intéressant d’enquêter sur le rôle individuel joué par les cf. supra note 45. Si cette définition est en général attribuée à Platon, on notera le témoignage isolé d’Eudore d’Alexandrie (apud Stobée, II, 49, 8 Wachsmuth) qui en fait une définition aussi bien pythagoricienne que platonicienne. 87 Chapitre III. 88 Chapitre XIV. 89 On pensera à Phaed., 64a ; 67a ; 80d-81a ; cf. Theat., 176b ; Gorg., 526d, etc. On connaît également l’importance du thème chez les Stoïciens, qui lient étroitement le souci de la mort au suicide (ἐξαγωγή). 90 Elias (Prol., 23, 24-26) fait remonter la définition à Pythagore, de même David (Prol., 26, 8-13 ; 46, 5-11) et le Ps.-Elias (in Isag., praxis 17, 1-2) ; mais David (Prol., 26, 8-13) et le Ps.-Elias (in Isag., praxis 10, 13-16) affirment qu’on trouve cette définition chez le pythagoricien Nicomaque (cf. supra note 83) : cf. Nicomaque, Arithmetica Introductio, I, i, 1 (2, 5-11 Hoche) : « Les anciens qui, les premiers, ont systématisé la science, à commencer par Pythagore, ont défini la philosophie comme l’amour de la sagesse (φιλίαν σοφίας) – le nom, lui-même, le montre déjà –, tandis qu’avant Pythagore, on appelait indistinctement sages tous ceux qui, tels le charpentier, le cordonnier, le pilote, possèdent un art ou un métier. » (traduction tirée de Nicomaque de Gérase, Introduction arithmétique, Introduction, traduction, notes et index par J. Bertier, Paris, 1978). 91 Jamblique, De vita pythagorica, (éd. L. Deubner) 32, 20 (en particulier : φιλοσοφία δὲ ἡ ζήλωσις τῆς τοιαύτης θεωρίας) et 89, 23 (ὄρεξιν αὐτὴν εἶπεν εἶναι καὶ οἱονεὶ φιλίαν σοφίας). 92 C’est très clair chez David par exemple, en Prol., 46, 5-11. L’importance de Pythagore dans le néoplatonisme a été magistralement illustrée par D. J. O’Meara, Pythagoras Revived. Mathematics and Philosophy in Late Antiquity, Oxford, 1990. 86



Les définitions de la philosophie

auteurs se déclarant explicitement pythagoriciens (tels Nicomaque ou Jamblique) dans la constitution de ces définitions et dans leur orientation ou leur attribution pythagoricienne ; pour autant, il nous semble plus risqué de chercher à établir une influence de Nicomaque ou de Jamblique sur les auteurs de nos prolégomènes. Car s’il est naturel que Jamblique, dans son programme de « pythagorisation » du platonisme, fasse remonter les définitions de la philosophie à Pythagore, en revanche, des attributions similaires chez les néoplatoniciens tardifs pourraient aussi être simplement la marque du prestige diffus et presque mystique dont jouissait Pythagore dans ces écoles de l’Antiquité tardive. Nous ferons une remarque sur le rôle joué par Aristote concernant la première et la cinquième définitions. Chez Jamblique, les réflexions menées à propos de la première définition, mais surtout celles qui concernent la cinquième se situent au cœur des chapitres traditionnellement attribués au Protreptique d’Aristote. Or Ammonius, David, Elias et le Ps.-Elias attribuent clairement la cinquième définition à Aristote93. Les ressemblances entre les développements liés à la cinquième définition dans les prolégomènes et chez Jamblique pourraient alors être un argument corroborant l’attribution à Aristote des passages jamblichéens eux-mêmes et fournir une pièce au dossier de la reconstruction du Protreptique perdu d’Aristote à partir de l’ouvrage de Jamblique. Rappelons qu’on trouve aussi chez David et Elias le célèbre argument, qu’Alexandre d’Aphrodise, dans le commentaire aux Topiques, attribuait déjà au Protreptique d’Aristote : « S’il ne faut pas philosopher, il faut philosopher, et s’il faut philosopher, il faut philosopher. Donc, dans tous les cas, il faut philosopher. »94

Les enjeux philosophiques et rhétoriques des définitions : remarques synthétiques Au terme de cette étude, nous mettrons en valeur quatre enjeux principaux de ces définitions ; les uns sont de nature philosophique, tandis que les autres sont plutôt de nature rhétorique. Les trois derniers citent la Métaphysique (cf. supra note 58). David, Prol., 9, 2-12 ; Elias, Prol., 3, 17-23. Sur la question de l’attribution au Protreptique d’Aristote de ces deux passages, voir notre article, « Protreptique et isagogique : les vestibules de la philosophie », art. cit., p. 432 et l’étude de D. S. Hutchinson et M. R. Johnson, « Protreptic and apotreptic », in O. Alieva, A. Kotzé et S. Van der Meeren (éd.), When Wisdom Calls : Philosophical Protreptic in Antiquity, Turnhout, 2018, p. 128-136. 93 94



Sophie Van der Meeren

1. La présence d’expressions parfois très similaires dans les deux corpus montre qu’il existait dans l’Antiquité tardive une série de définitions de la philosophie fondées sur ce qui était devenu, désormais, des lieux communs. Certes, la liste des définitions révèle des principes de classement rigoureux – que ce soit par le nombre des définitions, par leur dérivation (par le sujet ; la finalité ; ou l’importance), par l’ordre numérique, par la nature ou les natures de la philosophie (chez David et Elias), par la subdivision de la philosophie, ou encore par l’auteur de la définition95 –, cependant, les critères formels présidant à l’organisation des définitions les unes par rapport aux autres ne sauraient totalement éliminer une impression d’hétérogénéité sur le fond. Dans le cas des prolégomènes néoplatoniciens comme dans celui du Protreptique de Jamblique, ce qui nous frappe est, de fait, l’image intemporelle et statique de la philosophie qui ressort de ces définitions, alors que celles-ci sont le fruit de conceptions qui ont été élaborées, en réalité, dans des contextes bien différents. Les auteurs utilisent cet ensemble de définitions sans se poser systématiquement la question de leur compatibilité96. Or il nous semble, par exemple, que la première définition, qui fait de la philosophie une science ontologique préalable à toutes les autres sciences, est sinon incompatible avec la deuxième et la troisième, du moins fortement hétérogène par rapport à celles-ci, dans la mesure où la deuxième et la troisième insistent sur la dimension pratique et politique de la philosophie. Elle diffère également de la quatrième définition, laquelle voit dans la philosophie essentiellement une ascèse. Ce phénomène de juxtaposition hétérogène, qui semble l’effet d’un aplatissement chronologique, est bien visible dans le Protreptique de Jamblique, qui déclare tantôt, au chapitre IX97, que la philosophie est le bien suprême indépendamment de son utilité et tantôt, au chapitre suivant, que la philosophie a aussi des retombées pratiques98. Si le lecteur moderne peut s’étonner à juste titre de cette forme de composition littéraire achronique, il est évident, cependant, que les au95 Sur les critères de classement, avec leurs variantes d’un auteur à un autre, voir Roueché, « The definitions of philosophy… », art. cit., p. 114-119 ; Gertz (tr.), Elias and David : Introductions to Philosophy…, op. cit., p. 5-6, fait remarquer que la philosophie, en tant qu’elle a un nom et une existence, peut être définie en fonction des deux : la définition par le nom est la définition étymologique, tandis que les cinq autres définitions pourraient représenter la définition selon l’existence. 96 Cf. Chroust, « Philosophy: Its Essence and Meaning… », art. cit., p. 57-58. 97 Iambl., Protr., IX, 52, 16-54, 9 P. 98 Protr., X, 54, 10-12 P (l’utilité pratique de la philosophie guide l’ensemble du chapitre X).



Les définitions de la philosophie

teurs en question ne voyaient pas les choses de ce point de vue – qui est celui de l’historien de la philosophie. Il nous paraît dès lors plus intéressant de nous interroger sur le sens d’une telle juxtaposition (dans les deux corpus). Ce sera notre deuxième remarque. 2. Comme le notent les commentateurs néoplatoniciens eux-mêmes, mais aussi des spécialistes comme L. Baur, éditeur de la diuisio philosophiae de Dominicus Gundissalinus (xiie)99, J.-P.  Schneider, à propos d’Ammonius100, ou encore J. Mansfeld en ce volume à propos de la troisième définition chez Ammonius, les définitions de la philosophie servent à fixer le but de la philosophie, ainsi que le sujet dont il va être question dans l’enseignement, mais elles convergent également pour donner de la philosophie l’image d’une science et d’une pratique complètes couvrant tous les aspects de l’existence humaine. Du côté de l’objet, on dira de ces définitions qu’elles dessinent les contours « d’un savoir universel, abstrait », en reprenant les termes synthétiques de J.-P. Schneider101, tout comme d’un savoir « anthropologique et théologique »102. Mais elles font aussi de la philosophie « une pratique de transformation de soi »103, une ascèse par laquelle l’homme réalise sa finalité : il s’agit des définitions portant sur le telos de la philosophie. D’autre part, « dans l’ordre pourrait-on dire du législatif, le philosophe sait qu’il possède un savoir architectonique »104, comme le rappelle la cinquième définition ; enfin, la définition nominale, la sixième, souligne les limites de la nature de l’homme qui ne saurait se revendiquer comme étant le véritable sage, mais seulement comme un aspirant à la sagesse. Ces différentes orientations convergent en somme pour dessiner le programme général de la philosophie néoplatonicienne, à la fois théorétique et ascétique. Or cette orientation est la même dans le Protreptique de Jamblique, car l’auteur cherche constamment à démontrer que, quel que soit l’aspect sous lequel on envisage la philosophie, de toute façon celle-ci apporte le bonheur parfait à l’homme, et de toute façon il faut, toutes affaires cessantes, se mettre à philosopher. La démonstration de l’exhaustivité par accumulation des définitions est, dans les protreptiques, Dominicus Gundissalinus, De divisione philosophiae…op. cit., Baur (éd.), p. 168-186. Schneider, « Les définitions de la philosophie dans l’Antiquité tardive… », art. cit. 101 Ibid., p. 5. 102 Ibid. 103 Ibid. 104 Ibid., p. 6. 99

100



Sophie Van der Meeren

un procédé argumentatif visant à la persuasion. Chez Jamblique, il faut rappeler cet outil méthodologique que sont les « approches » (ἔφοδοι), comme les appelle l’auteur. Celles-ci – répète-t-il inlassablement de chapitre en chapitre – aboutissent toutes à la même conclusion (« il faut philosopher ») : C’est ainsi qu’en passant par tout ce qui est en nous, tout ce qui est dans la nature, et, pour ainsi dire, par tous les êtres, l’exhortation a récapitulé toutes les approches en une montée aboutissant au dieu (συνεκεφαλαιώσατο πάσας τὰς ἐφόδους εἰς μίαν τὴν ἐπὶ τὸν θεὸν ἀνήκουσαν ἀναγωγήν)105.

La représentation statique d’une philosophie « complète » repose assurément sur l’harmonisation des doctrines de Platon avec celles d’Aristote et celles de Pythagore. 3. Dans les prolégomènes néoplatoniciens, le double aspect de la philosophie – science, d’un côté, pratique du soi, de l’autre – recouvre donc, en partie, le principe de distinction des définitions, par le sujet, d’une part (pour la première et la deuxième définitions), et par la finalité, de l’autre (pour les troisième et quatrième définitions). Or, comme nous avons essayé de le montrer dans notre ouvrage sur les « Exhortations aristotéliciennes » contenues dans le Protreptique de Jamblique, les chapitres jamblichéens sont organisés eux aussi autour de ces deux aspects centraux de la philosophie, même si Jamblique ne fait jamais état explicitement de cette bipartition106. En effet, chez Jamblique, et en particulier dans les chapitres traditionnellement attribués à Aristote, la philosophie est présentée tantôt en qualité d’ἐπιστήμη ou de τέχνη, tantôt en qualité de τέλος ou de φύσις de l’homme, ou encore de voie menant à cette finalité naturelle. Mais les deux aspects sont intrinsèquement liés, car c’est à la philosophie comme science ou technique de faire advenir, en l’homme, la réalisation de sa finalité. Dans cette perspective, la division, opérée dans les prolégomènes, entre sujet (ou domaine) et finalité représente une preuve supplémentaire du caractère fortement organisé de la réflexion, chez les auteurs néoplatoniciens, sur le sens et la fonction de la philosophie. Mais nous ajouterions que la présentation méthodique et synthétique de la double valeur de la philosophie (comme science, et comme finalité), telle qu’elle est donnée dans les définitions analysées en ces pages, est le point d’aboutissement de deux longues traditions qui se Iambl., Protr., IV, 24, 9-13 P. Exhortation à la Philosophie. Le dossier grec : Aristote, p. 14-43.

105 106



Les définitions de la philosophie

sont côtoyées dans l’Antiquité sans toujours se rejoindre, et dont l’une faisait de la philosophie plutôt une science spéculative, et l’autre plutôt un mode de vie. 4. Dans les pages qui précèdent, nous avons surtout montré qu’une caractéristique spécifique du genre isagogique – la succession des définitions – se rencontre également dans le genre protreptique. Maintenant, on pourrait examiner la question en sens inverse, en mettant en relief les accents protreptiques des définitions dans les prolégomènes exégétiques. En ceux-ci, les définitions servent non seulement à fixer le sujet et le but de la philosophie, mais elles s’insèrent également dans un tissu exhortatif et motivent l’élève à pratiquer la philosophie107. Nous en donnerons trois exemples, dont le premier se trouve au tout début du prologue d’Ammonius, lorsqu’il dit que, grâce aux définitions de la philosophie, on « saisira aussi avec plus de zèle (σπουδαιότερον) son objet (τοῦ πράγματος) »108. La même perspective est également marquée en conclusion des divisions de la philosophie, c’est-à-dire à la fin du prologue général qui précède le prologue à l’Isagoge de Porphyre. Ammonius déclare : Lorsque quelqu’un lit en ignorant quel est le but de l’ouvrage, il traîne et abandonne en plein milieu, et se trouve dans la même situation que ceux qui cheminent vers un terme qu’ils ignorent. C’est pourquoi on parle du but. Qui connaît le but n’entreprendra assurément pas la tâche avec enthousiasme (προθύμως), tant qu’il n’a pas appris l’utilité découlant de celle-ci ; c’est pourquoi, à bon droit, on parle aussi de l’utilité109.

Elias fournira un dernier exemple. En effet, il insiste fréquemment, et davantage qu’Ammonius, sur la valeur suprême de la philosophie, qu’il décrit, dès le début, comme un don des dieux et un grand bien :

107 Sur la perspective pédagogique des prolégomènes, voir Ph.  Hoffmann, « La fonction des prologues exégétiques dans la pensée pédagogique néoplatonicienne », in J.-D. Dubois et B. Roussel (éd.), Entrer en matière. Les prologues, Paris, 1998, p. 209-245, qui a insisté sur le souci psychologique de la προθυμία chez les commentateurs (en part. p. 222-228) ; Wildberg, « Three Neoplatonic Introductions to Philosophy… », art. cit., (en part. p. 36 et note 8 p. 47) qui a mis en valeur le rôle des professeurs néoplatoniciens, consistant à motiver les élèves par ces prologues. Nous avons nous-même abordé cette question dans « Protreptique et isagogique : les vestibules de la philosophie », art. cit. p. 440-442, notamment à propos des « qualités de l’auditoire » requises dans les prolégomènes, d’une part, et dans le Protreptique de Jamblique, de l’autre. 108 Ammon., in Isag., 1, 4. 109 Ammon., in Isag., 21, 13-15 : sur la προθυμία, cf. supra n. 107.



Sophie Van der Meeren

Toute chose aspire au bien110[dit-il. D’autre part] « de même que ce qui est plus chaud chauffe davantage et ce qui est plus froid refroidit davantage, de même, toute chose aspire davantage à ce qui est meilleur. Quant à nous, nous devenons des amoureux de la philosophie enflammés et exaltés si nous savons quel est (ὁποῖόν ἐστι) le bien qui nous dérive de celle-ci. Or  le bien qui dérive de la philosophie est grand  (…) Mais  puisqu’il n’est pas possible de connaître le bien qu’apporte la philosophie sans connaître celle-ci, alors il faut découvrir sa nature (τὴν φύσιν αὐτῆς)111.

Le texte décrit le lien logique qui unit la connaissance objective de la nature de la philosophie (au moyen des définitions) à l’appréhension subjective et axiologique de la philosophie, car ce sont les définitions qui nous permettent de saisir la valeur et l’utilité pour nous-mêmes de la philosophie, et qui nous stimulent à sa pratique. Présente dans les prolégomènes, cette seconde perspective, qui envisage la philosophie par rapport au disciple, dans une perspective subjective, est assurément encore plus accentuée dans les protreptiques, où les définitions de la philosophie concourent à montrer que la philosophie nous apporte le bonheur véritable.

Elias, Prol., 1, 3 : πάντα τοῦ ἀγαθοῦ ἐφίεται. Ibid., 1, 17-12, 4.

110 111



Chapitre VII, 43, 14-25 P : « Donc, selon ce raisonnement également, il est impossible que cette science soit productive (ἀδύνατον εἶναι τὴν ἐπιστήμην ποιητικήν). Il faut en effet que la fin soit meilleure que ce qui est produit, or rien n’est meilleur que la sagesse, à moins que ce ne soit l’une des choses que nous avons mentionnées ; mais parmi elles, aucune ne représente une fonction qui serait distincte de la sagesse. Il faut donc dire que cette science est spéculative (θεωρητικήν τινα ἄρα φατέον εἶναι ταύτην τὴν ἐπιστήμην), puisqu’il est impossible que sa fin se réalise sous forme d’une production. Donc la pensée et la contemplation représentent la fonction de cette excellence, et c’est ce que les hommes doivent choisir par-dessus tout, comme, je pense, voir, pour les yeux : ce que chacun choisirait d’avoir, n’en devrait-il résulter rien d’autre que la vue elle-même. »

Jamblique, Protreptique à la philosophie

P. 2, 12-16 (Busse) : « Apprenons donc quel est le sujet de la philosophie et quelle est sa fin. Nous pourrons ainsi donner sa définition. Il faut donc savoir que les autres sciences et arts traitent de certains êtres particuliers ; par exemple, l’art du charpentier, des objets en bois seulement, l’astronomie, des corps célestes seulement, mais seule la philosophie traite de tous les êtres, et a pour fin non de les produire, mais de les connaître (φιλοσοφία περὶ πάντα τὰ ὄντα καταγίνεται, τέλος δὲ ἔχει οὐ ποιῆσαι ταῦτα ἀλλὰ γνῶναι αὐτά). »

Ammonius, Commentaire sur l’Isagogè de Porphyre

Prolégomènes à la philosophie Les définitions de la philosophie



1. La philosophie est la connaissance des êtres en tant qu’ils sont êtres

1. La philosophie est la connaissance des êtres en tant qu’ils sont êtres

Chapitre IV, 20, 2-6 P : « C’est pourquoi encore à propos de tout l’être en tant qu’être (περὶ πᾶν τὸ ὄν ᾗ ὄν), il (sc. l’homme) doit aspirer à la sagesse théorétique, Définition « tirée du sujet » (ἐκ τοῦ ὑποκειμένου) rechercher de manière méthodique les principes et les critères de toute connaissance à propos de tous les genres d’êtres (περὶ πάντα τὰ γένη). » P. 2, 22-23,1 : « “La philosophie est la connaissance des êtres en tant qu’ils sont êtres (φιλοσοφία ἐστὶ γνῶσις τῶν Chapitre VII, 42, 13-16 P : « Si donc l’homme est un vivant simple et si son es- ὄντων ᾗ ὄντα)”. L’expression « en tant que » vaut pour sence est ordonnée suivant la raison et l’intellect, il n’a pas d’autre fonction que la « selon qu’ils sont êtres » (τὸ ᾗ ἀντὶ τοῦ καθὸ ὄντα ἐστίν) ; vérité la plus exacte, c’est-à-dire établir la vérité sur la réalité (τὸ περὶ τῶν ὄντων en effet, le philosophe ne se propose pas de connaître tous ἀληθεύειν). » les hommes singuliers qui existent au monde, mais ce qu’est la nature de l’homme. Le philosophe examine l’essence Chapitre XI, 59, 13-17 P : « Car l’activité des pensées les plus vraies, qui s’accom- de chaque réalité et son être (τὴν οὐσίαν ἐκάστου plit dans les réalités qui existent au plus haut degré (ἀπὸ τῶν μάλιστα ὄντων πράγματος καὶ τὸ εἶναι). » πληρουμένη), et qui préserve avec une stabilité constante la perfection qu’elle reçoit, est, de toutes , la plus efficace pour la vie heureuse. » Origine prétendue : Pythagore : Elias ; David et Ps.-Elias (par le biais de Nicomaque) (Ammonius ne dit rien sur l’origine)

Prolégomènes à la philosophie

Jamblique, Protreptique à la philosophie

Sophie Van der Meeren





112

Carm. aur., 49-51.

Chapitre IX, 51, 6-9 P : « Et voici pour laquelle entre les réalités nous ont engendrés la nature et le Dieu : Pythagore, à qui l’on demandait de quoi il s’agissait, déclara que c’était pour “contempler le ciel” ». 52, 6-10 P : « Alors, du moins d’après ce raisonnement, Pythagore avait raison de dire que tout homme a été créé par le dieu pour connaître et contempler. Mais savoir si l’objet de cette connaissance est le monde, ou quelque autre nature, il nous faudra éventuellement l’examiner plus tard. »

Origine prétendue : Pythagore : Elias ; David et Ps.-Elias (par le biais de Nicomaque) (Ammonius ne dit rien sur l’origine)

P. 3, 1-5 : « Certains la définissent ainsi : “La philosophie est la connaissance des réalités divines et humaines (φιλοσοφία ἐστὶ θείων τε καὶ ἀνθρωπίνων πραγμάτων γνῶσις)”. Or il est manifeste que cette définition est la même que la précédente ; elles ne diffèrent que par le plus ou moins de clarté. En effet, celle-ci a divisé les êtres en divins et humains, appelant les êtres éternels divins, ceux qui sont soumis à génération et corruption, humains. »

Définition « tirée du sujet » (ἐκ τοῦ ὑποκειμένου)

2. La philosophie est la connaissance des réalités divines et humaines

2. La philosophie est la connaissance des réalités divines et humaines

Chapitre III, 11, 5-21 P : « Mais assurément, c’est à la sagesse théorétique (εἴς γε τὴν θεωρητικὴν σοφίαν) qu’il invite dans ces vers : “T’étant rendu maître de ces préceptes, tu connaîtras la nature constitutive des dieux immortels et des hommes mortels (…).”112 (…) En effet, la connaissance des dieux (ἡ γνῶσις τῶν θεῶν) est vertu, sagesse, bonheur achevé, et nous rend semblables aux dieux ; la science des choses humaines (ἡ τῶν ἀνθρωπίνων ἐπιστήμη) procure les vertus humaines et nous rend experts en nos affaires, distingue ce qu’elles produisent d’utile ou de nuisible, préserve de l’un, procure l’autre, et en général conçoit en parole et en acte la nature constitutive de l’existence humaine. »

Prolégomènes à la philosophie

Jamblique, Protreptique à la philosophie

Les définitions de la philosophie

Prolégomènes à la philosophie



Chapitre III, 15, 3-16, 7 P : commentaire de Vers d’or, 61-63 puis 69-71 : « Nul, en effet, ne pourrait remonter à ce qu’il y a de plus divin en lui et de principal dans son essence (πρὸς τὸ θειότατον ἑαυτοῦ καὶ τὸ κυριώτατον τῆς οὐσίας), s’il ne prend pour guide un tel démon, qui doit purifier réellement tout amant des dieux. » ; « Ainsi, au rang suprême, s’attacher comme guide le meilleur intellect, c’est garder intacte la ressemblance de l’âme avec les dieux (τὴν ὁμοιότητα διασῷζει πρὸς τοὺς θεούς), à laquelle tend l’exhortation initiale ; abandonner le corps et émigrer dans l’éther, amener aussi la nature humaine à la pureté des dieux (εἰς τὴν τῶν θεῶν καθαρότητα) et, au lieu d’une existence humaine, choisir une vie immortelle, voilà qui permet de rejoindre la même essence et la révolution avec les dieux (εἰς τὴν αὐτὴν οὐσίαν τε ἀποκαθίστασθαι), que nous avions déjà précédemment avant de venir dans la forme humaine. »

Chapitre III, 11, 13-15 P : « En effet, la connaissance des dieux (ἡ γνῶσις τῶν θεῶν) est vertu, sagesse, bonheur achevé, et nous rend semblables aux dieux. »

3. La philosophie est l’assimilation à dieu autant qu’il est possible à l’homme 3. La philosophie est l’assimilation à dieu autant qu’il est possible à l’homme Chapitre XIV, 76, 8-10 P : le chapitre contient une très longue citation du Théétète et notamment le passage où il est dit : « Aussi, il faut s’efforcer d’ici-bas vers là-haut Définition « tirée de la finalité » (ἐκ τοῦ τέλους) s’évader au plus vite. L’évasion, c’est de s’assimiler au dieu autant qu’on le peut (ὁμοίωσις θεῷ κατὰ τὸ δυνατόν). » P. 3, 8-9 : « “La philosophie est l’assimilation à dieu autant qu’il est possible à l’homme (φιλοσοφία ἐστὶ Chapitre III, 11, 1-5 P : « (Pythagore) ramène tout cela à la pratique de la vertu ὁμοίωσις θεῷ κατὰ τὸ δυνατὸν ἀνθρώπῳ)”. C’est ainsi que non celle qui nous échoit de façon ordinaire, mais celle qui nous éloigne de la Platon l’a définie. » nature humaine pour nous conduire à l’essence divine (ἐπὶ τὴν θείαν οὐσίαν), à la connaissance de la vertu divine et à son acquisition. »

Jamblique, Protreptique à la philosophie

Sophie Van der Meeren

Les retombées pratiques et politiques de la science théorétique Chap. X, 55, 1-56, 4 P : « Pareillement, le politique doit emprunter à la nature elle-même et à la vérité certains critères, qui lui permettent de juger ce qui est beau, juste et utile (…). Car il (sc. le philosophe) est le seul à vivre les yeux fixés sur la nature et sur le divin, et tel un bon pilote, après avoir amarré les principes de son existence aux réalités éternelles et permanentes, il s’élance, et vit en s’en remettant à lui-même. Cette science est donc spéculative, mais elle nous donne la possibilité d’être artisans de toutes choses en la prenant pour guide. »

Chapitre VIII, 48, 9-18 P : « Les hommes n’ont donc rien de divin ou de bienheureux, à part ce seul élément digne de nos efforts, c’est-à-dire ce qu’il y a en nous d’intellect et de sagesse. De tout ce qui fait notre être, il n’y a que cela, semble-t-il, d’immortel, que cela de divin. Et parce que nous pouvons participer de cette faculté (παρὰ τὸ τῆς τοιαύτης δυνάμεως δύνασθαι κοινωνεῖν), l’existence, quoique par nature misérable et difficile, est pourtant organisée de façon si agréable que l’homme semble être un dieu en comparaison de tous les autres êtres. Car “l’intellect en nous est dieu” – que ce soit Hermotime ou Anaxagore qui l’ait dit – et “l’existence mortelle contient une partie d’un dieu”. »

Jamblique, Protreptique à la philosophie



Origine prétendue : Platon : Ammonius ; Elias, David, Ps.-Elias.

P. 3, 9-19 En effet, le dieu a deux types d’activités ; les unes sont cognitives, grâce auxquelles il connaît toutes choses  (…) ; les autres sont providentielles (…). Or le philosophe veut se rendre semblable au dieu selon ces deux types d’activités. Il veut contempler toutes choses (en effet, il les examine toutes), et en vérité il exerce aussi sa providence sur les êtres inférieurs (de fait, le philosophe rend la justice et établit les lois). Ainsi, c’est à bon droit que la philosophie est assimilation à dieu. »

Prolégomènes à la philosophie

Les définitions de la philosophie

4. La philosophie est le souci de la mort

4. La philosophie est le souci de la mort



113

cf. Platon, Leg., V 726a.

Chap. XIII, 61, 11, 13 P : citations de Phaed. (64b) : « Ce dont la foule, en effet, ne Origine prétendue : se doute pas, c’est de quelle façon ils sont en mal de mort, de quelle façon aussi ils Platon : Ammonius ; Elias, David, Ps.-Elias. méritent la mort et quelle sorte de mort, ceux qui sont authentiquement philosophes. »

Chap. III, 13, 8-12 P : expressions de Phaed., 67c-e : « Et l’affranchissement du Définition « tirée de la finalité » (ἐκ τοῦ τέλους) mal, que peu de gens entrevoient, exhorte à la libération du corps, à la vie de l’âme pour elle-même, que nous nommons apprentissage de la mort (μελέτην P. 4, 15-15, 19 : « Il y a encore une définition tirée de la fin qui dit : “La philosophie est le souci de la mort (φιλοσοφία θανάτου). » ἐστὶ μελέτη θανάτου)”. Puisque la présente définition définit la philosophie comme souci de la mort, il faut dire comChap. V, 29, 20-27 P : « Ainsi donc, après les dieux, c’est l’âme qu’il faut préférer à ment il convient d’entendre ce souci de la mort. Un certain tous les autres biens113 ; et on ne l’honore ni en la rendant moins bonne de meil- Cléombrotos, en effet, après s’être penché sur le Phédon de leure qu’elle était (…), ni en fuyant la mort (οὐδ’ ὁ φεύγων τὸν θάνατον), car se Platon et avoir appris que le philosophe devait se soucier de serait refuser la séparation de l’âme avec le corps. » la mort (…). La mort est double, la mort naturelle, selon laquelle nous les hommes nous mourons tous, c’est-à-dire selon laquelle le corps se sépare de l’âme, et la mort dépendant Chap. VIII, 48, 18-21 P : « Aussi faut-il philosopher, ou dire adieu à la vie et d’un choix délibéré, selon laquelle les philosophes se souquitter le monde d’ici-bas puisque tout le reste semble bien n’être qu’un fatras de cient de séparer leur âme du corps. C’est dans ce sens qu’on futilités et de sottises. » les dit se soucier de la mort, c’est-à-dire de la séparation de l’âme par rapport au corps. »

Prolégomènes à la philosophie

Jamblique, Protreptique à la philosophie

Sophie Van der Meeren



114

Résumé d’Euthyd., 288d-289a ; cf. A.-J. Festugière, Les trois « protreptiques » de Platon, Euthydème, Phédon, Epinomis, Vrin, Paris, 1973, p. 29 et note 1.

P. 6, 25-27 : « Il y a une autre définition de la philosophie, d’Aristote, tirée de sa supériorité par rapport aux autres sciences et arts : “La philosophie est l’art des arts et la Chap. VI, 37, 16-22 P : « Si, alors, seule la science qui possède la rectitude du science des sciences (φιλοσοφία ἐστὶ τέχνη τεχνῶν καὶ jugement, qui utilise la raison et qui contemple le bien dans son entier – c’est ἐπιστήμη ἐπιστημῶν).” précisément la philosophie – est capable de tout utiliser et de tout diriger conformément à la nature, il faut philosopher par tous les moyens, puisque seule la philosophie comprend en elle-même le droit jugement et la sagesse directive qui ne se trompe jamais (τὴν ἀναμάρτητον ἐπιτακτικὴν φρόνησιν). »

Définition « tirée de la supériorité de la philosophie par rapport aux autres sciences » (ἐκ τῆς ὑπεροχῆς, ἧς ἔχει πρὸς τὰς ἄλλας τέχνας)

5. La philosophie est l’art des arts et la science des sciences

5. La philosophie est l’art des arts et la science des sciences

Chap. V, 26, 27-27, 9 P : À la fin d’un développement emprunté à l’Euthydème : « Il est donc besoin d’une science où se rencontrent tout ensemble la production, le savoir, l’utilisation de ce qui a été produit114. Maintenant, si toutes les autres sciences poursuivent les biens et les procurent, et que seule la justice et la prudence parfaites assurent à chacun l’usage convenable, en le réglant sur l’intellect directeur, c’est à cette science-là qu’il faut s’attacher prioritairement ; car elle a le pouvoir de s’examiner et de se juger elle-même, elle a les principes de l’usage correct des biens. »

Prolégomènes à la philosophie

Jamblique, Protreptique à la philosophie

Les définitions de la philosophie

(La philosophie et les sciences théorétiques ; la faiblesse congénitale de l’homme) P. 7, 13-31 : « (…) En vérité, la philosophie donne aux sciences et aux arts leurs principes : à la géométrie elle donne des raisons universelles, car il appartient en effet aux philosophes de rechercher l’universel ; et c’est autrement que le géomètre prend le point comme sans partie et divise la grandeur à l’infini : il utilise ces principes sur un mode non démonstratif, tandis que le philosophe les démontre. Lorsqu’il affirme : « Tout limitant est inférieur d’une dimension au limité », c’est que le corps ayant trois dimensions est limité par sa surface, qui a deux dimensions  (…) ; que la surface ayant deux dimensions est limitée par la ligne, qui n’a qu’une dimension, la longueur seule ; que la ligne est limitée par le point  (…). Mais, s’il est impossible pour nous de réaliser cette notion à cause de notre faiblesse congénitale (διὰ τὴν σύμφυτον ἀσθένειαν), celle-ci ne s’en trouve pas supprimée pour autant. »

Chap. VII, 42, 20-43, 8 P : « Or nous ne pouvons attribuer à la pensée ou à la partie pensante de notre âme meilleure fonction que la vérité. La vérité est donc la fonction suprême de cette partie de l’âme. Et elle l’accomplit purement et simplement par la science, et davantage par la science qui existe davantage (κατὰ τὴν μᾶλλον ἐπιστήμην), dont la finalité suprême est la contemplation. (…) Par conséquent, elle n’a pour fonction aucune des vertus qu’on appelle « particulières » ; en effet, elle est meilleure que toutes ces vertus, et la fin produite vaut toujours plus que la science qui la produit. »

[Chap. VI, 38, 10-14 P : « D’autre part, les réalités antérieures sont davantage causes que les postérieures (si l’on supprime les premières, on supprime aussi celles qui tiennent d’elles leur existence : avec les nombres, par exemple, sont supprimées les longueurs, avec les longueurs, les surfaces, avec les surfaces, les volumes) et les lettres sont davantage causes que ce que l’on appelle les syllabes. »] [Chap. VIII, 47, 18-21 P : « Qu’y a-t-il de durable ou qui résiste au temps dans les choses humaines ? C’est, je pense, à cause de notre faiblesse (διὰ τὴν ἡμετέραν ἀσθένειαν) et de la brièveté de la vie qu’elles aussi nous paraissent importantes. »/ Chap. XII, 60, 10-15 P : « Mais ici-bas, parce que notre race vit, peut-être, de manière contraire à sa nature, il est difficile d’apprendre et d’observer, et à peine peuton s’en apercevoir, à cause de cette inaptitude naturelle et de cette vie contre-nature (διὰ τὴν ἀφυΐαν καὶ τὴν παρὰ φύσιν ζωήν). Mais si nous pouvons un jour nous sauver pour retourner là d’où nous sommes venus, il est évident que la tâche nous sera plus agréable et plus facile. » ]

(La philosophie et les sciences théorétiques ; la faiblesse congénitale de l’homme)

Prolégomènes à la philosophie

Jamblique, Protreptique à la philosophie

Sophie Van der Meeren



(La connaissance du beau, du juste et de l’utile ; la philosophie et les arts) P. 8, 17-22 : « (…) la rhétorique a, elle aussi, reçu ses principes de la philosophie ; et en particulier le rhéteur utilise le beau, le juste et l’utile (τῷ καλῷ καὶ τῷ δικαίῳ καὶ τῷ συμφέροντι) en ignorant où réside le juste et s’il est identique à l’utile (…). Mais le philosophe démontre qu’ils sont identiques et sont convertibles. »

(La connaissance du beau, du juste et de l’utile ; la philosophie et les arts) Chap. X, 55, 7-21 P : « Dans les autres arts, en effet – ceux des artisans –, les meilleurs instruments sont inventés en partant de la nature, par exemple, dans la construction, le cordeau, la règle, le tour (στάθμη καὶ κανὼν καὶ τόρνος). (…) Pareillement, le politique doit emprunter à la nature elle-même et à la vérité certains critères, qui lui permettent de juger ce qui est beau, juste et utile (τί δίκαιον καὶ τί καλὸν καὶ τί συμφέρον). (…) De même que dans le domaine dont nous avons parlé ces instruments surpassaient tous les autres, de même la meilleure des lois est celle qui a été établie au plus près de la nature. Mais il n’est pas possible d’y arriver sans avoir pratiqué la philosophie et étudié la vérité. Et ceux qui pratiquent les autres arts se doutent bien qu’ils tirent leurs instruments et leurs raisonnements les plus exacts non des premiers principes eux-mêmes, mais des principes de deuxième, troisième rang, et de rangs encore plus éloignés, et ils empruntent leurs méthodes à l’expérience ; à l’inverse, seul le philosophe imite à partir des réalités exactes elles-mêmes, car ce sont elles, précisément, qu’il contemple et non leurs imitations. De même que n’est pas bon architecte celui qui n’utilise ni la règle (ὥσπερ οὐδ’ οἰκοδόμος ἀγαθὸς ἐστιν οὗτος ὅστις κανόνι μὴ χρῆται) ni aucun des autres instruments de ce genre, mais se rapporte à d’autres bâtiments, de même, il est fort probable que celui qui légifère pour des cités ou administre les affaires publiques en prenant pour guide et en imitant d’autres administrations ou d’autres constitutions humaines, comme celles des Lacédémoniens, des Crétois ou d’autres peuples encore, n’est ni un bon législateur, ni un législateur compétent. »115



115

Ce passage de Jamblique offre également un parallèle avec la troisième définition d’Ammonius, selon lequel « le philosophe rend la justice et établit les lois » (in Isag., 3, 18-19).

Origine prétendue : Aristote : Ammonius ; Elias, David, Ps.-Elias (dans la Métaphysique).

P. 8, 24-29, 6 : « (…) Non seulement les arts et les sciences rationnels ont besoin de la philosophie, mais aussi les arts appelés manuels. De fait, l’architecte se sert du fil à plomb (τῇ καθέτῳ χρῆται) pour juger si le mur est droit ou non ; cependant, ce qu’est le fil à plomb, il l’ignore. Mais le philosophe en connaît immédiatement la cause. (…) Le menuisier de son côté se sert du cordeau (ὁ τέκτων τῇ στάθμῃ κέχρηται) pour que la planche soit droite. Mais la géométrie, qui est elle aussi une partie de la philosophie, dira : « Est droite la ligne qui s’étend de façon égale par rapport aux points qui sont sur elle. » De la même façon, on peut trouver que toutes les autres sciences et tous les arts tiennent leurs principes de la philosophie. Par conséquent, la philosophie est l’art des arts et la science des arts. »

Prolégomènes à la philosophie

Jamblique, Protreptique à la philosophie

Les définitions de la philosophie



6. La philosophie est l’amour de la sagesse Définition étymologique P. 9, 7-24 : « Mais Pythagore affirme que “la philosophie est l’amour de la sagesse (φιλοσοφία ἐστὶ φιλία σοφίας)”, critiquant le premier l’erreur commise par les penseurs antérieurs. (…) voyant que les uns se lancent dans la rhétorique, les autres dans la grammaire, d’autres dans l’enquête sur les choses de la nature, d’autres encore dans d’autres domaines, il nomma ceux qui s’exercent à l’étude des choses de la nature « philo-sophes » comme s’ils étaient l’ami du sage – c’est ainsi qu’il voulait appeler le dieu – et la connaissance de ces choses, philosophie, par analogie avec l’amour de la sagesse. En effet, comme on l’a dit, il appelait sagesse la connaissance qui appartient au dieu. Voilà pour Pythagore. Il y a encore d’autres définitions de la philosophie, mais celles-ci suffisent. »

6. La philosophie est l’amour de la sagesse

Chap. VII, 44, 24-45, 3 P : « (…) Plus que la vie elle-même, il faudra choisir la sagesse, puisqu’elle exerce la suprématie sur la vérité. C’est pourquoi tous les hommes aspirent par-dessus tout à pratiquer la sagesse (τὸ φρονεῖν μάλιστα διώκουσι). Car en aimant la vie, c’est pratiquer la sagesse et connaître qu’ils aiment (τὸ φρονεῖν καὶ τὸ γνωρίζειν ἀγαπῶσι) ; et ils ne font cas de la vie que pour la sensation, et surtout pour la vue ; on voit bien en effet qu’ils ont un amour extrême pour cette faculté ; car, en comparaison des autres sensations, elle est tout simplement une sorte de science. »

Origine prétendue : Pythagore : Ammonius, Elias ; David et Ps.-Elias (par le biais de Nicomaque)

Prolégomènes à la philosophie

Jamblique, Protreptique à la philosophie

Sophie Van der Meeren

LES PROLÉGOMÈNES À LA PHILOSOPHIE ET LES COMMENTAIRES DE BOÈCE À L’ISAGOGÈ DE PORPHYRE Min-Jun Huh (Université nationale de Séoul)

Introduction Les prolégomènes ou introduction générale à la philosophie constituent, avec les introductions à la philosophie d’Aristote et de Platon, l’une des trois grandes introductions qui structurent le cursus philosophique de l’école néoplatonicienne d’Alexandrie au tournant des cinquième et sixième siècles. La première précède l’Isagogè de Porphyre, le tout premier ouvrage logique abordé par les débutants, tandis que les deux suivantes préludent au cursus logique d’Aristote (Organon) et aux dialogues de Platon1. Cette introduction générale, qui a pour fonction de donner un avant-goût et une orientation exégétique pour les lectures à venir, a été matériellement disposée au début des commentaires à l’Isagogè, ceux qui nous ont été transmis sous le nom d’Ammonius, d’Elias, de David, et de (Ps.) Elias2. Quant à l’introduction à la philosophie d’Aristote, elle est la première des deux introductions qui précèdent les commentaires aux Catégories de Simplicius, d’Ammonius, de Philopon, d’Olympiodore et enfin de David (Élias) : la première comprend neuf chapitres3, la seconde, qui 1 I. Hadot (dir.), Simplicius : Commentaire sur les Catégories, Traduction commentée, Fasc. I : Introduction, première partie (p. 1-9, 3 Kalbfleisch), Leiden, p. 21-47 ; Ph. Hoffmann, « La fonction des prologues exégétiques dans la pensée pédagogique néoplatonicienne », in D. Dubois, R. Roussel (éd.), Entrer en matière. Les prologues, Paris ; L. G., Westerink (éd.), Prolégomènes à la philosophie de Platon, Paris, 1990, introd., XLIX-LI. 2 Pour plus de détails, cf. la présentation de ce présent volume, p. 8-10. 3 Cf. par ex. I. Hadot (dir.), ibid., p. 26 : « 1. De combien de manières et selon quels principes les sectes philosophiques ont-elles reçu leurs dénominations ? ; 2. Quel est le classement des écrits d’Aristote ? ;  3. Par quoi faut-il commencer pour aborder les écrits d’Aristote ? 4. Quelle est la fin de la philosophie d’Aristote ? 5. Quels sont les

Introduction générale à la philosophie chez les commentateurs néoplatoniciens, éd. par ­Min-Jun Huh (Monothéismes et Philosophie, 29), p. 55-96 FHG DOI 10.1484/M.MON-EB.5.120303

Min-Jun Huh

correspond précisément au dixième chapitre, passe en revue 6 à 8 points capitaux (κεφάλαια) et constitue, à cet égard, l’introduction particulière aux Catégories4. Or, cette seconde introduction, datant d’une époque plus ancienne, n’était pas conçue à l’origine comme une partie de l’introduction à la philosophie d’Aristote. Comme l’a bien montré I. Hadot, on la trouve, sous une forme plus succincte, dans les commentaires aux Catégories de Porphyre et de Dexippe qui datent du quatrième siècle5. Quant à l’introduction à la philosophie d’Aristote, telle que nous la lisons chez les néoplatoniciens postérieurs, elle aurait eu comme modèle plus ou moins direct l’œuvre de Proclus (412-485)6. Pour le second cursus néoplatonicien qui comprend depuis Jamblique7 une sélection de douze dialogues de Platon, l’introduction présente une structure analogue  en deux parties : l’introduction à la philosophie de Platon en 10 points8, suivie d’une seconde introduction à chacun des moyens qui nous conduisent à cette fin ? 6. Quel est le type d’expression (εἶδος) dans les écrits d’Aristote ? 7. Pourquoi Aristote a-t-il cultivé l’obscurité (ἀσάφεια, scil. dans ses traités philosophiques) ? 8. Quelles sont les qualités requises de l’exégète ? 8. Quelles sont les qualités requises de l’auditeur ? 10. Pour chaque traité d’Aristote, combien y a-t-il de points capitaux à examiner préalablement, quels sont-ils et quelle est leur justification ? » Or, le dixième point constitue précisément l’introduction particulière aux Catégories, cf. note suivante. 4 Cf. I. Hadot, ibid., p. 45-46 : « 1) le but du livre ; 2) son utilité ; 3) son authenticité ; 4) sa place dans l’ordre de lecture ; 5) la raison d’être de son titre ; 6) à quelle partie de la philosophie appartient le traité ? ; 7) sa division en chapitres ; 8) la forme de l’enseignement. » 5 À ce sujet, cf. I. Hadot, ibid., p. 22. Le commentaire sur les Catégories de Porphyre traite du titre, la place du traité dans l’ordre de lecture des œuvres d’Aristote, le thème général et le plan du traité. Sur ce point, cf. ibid., p. 35. Le commentaire de Dexippe (éd. Busse) traite brièvement du titre (ἐπιγραφή 5, 30) ; du but (σκοπός 5.26, 12.26 ; 16.16 ; 42.10) de l’utilité de la logique dont les catégories fournissent les premiers principes (χρήσιμος 5.27). De fait, cette seconde introduction serait issue d’une tradition encore plus ancienne puisque son origine peut remonter jusqu’à Origène. Cf. I. Hadot, ibid., p. 36-44. Pour une approche historique et un exposé général des schemas introdutifs, cf. J. Mansfeld, Prolegomena : Questions to be Settled before the Study of an Author, or a Text, Leiden, 1994, ch. 1, « Schemata isagogica from Origen to Stephanus », p. 10-57. 6 D’après le témoignage de David (Elias), in Cat. 107, 24-26. Sur ce point, cf. I. Hadot, ibid., p. 27, n. 22 ; Mansfeld, ibid., p. 22 et « Proclus de Lycie », DPhA, Vb, 1555. 7 Cf. Proclus, in Alcib., 10, 2-5, 11, 11-17, (= éd. Westerink, p. 4-5), références fournies par I. Hadot, ibid., p. 31, et Prolegomènes à la philosophie de Platon, (éd. Westerink), p. 39, 13 sq. 8 I. Hadot, ibid., p. 46 : « De quel genre est la philosophie de Platon ? ; 2) Pourquoi Platon, à la différence de Pythagore et de Socrate, a-t-il cru qu’il était de son devoir d’écrire ; 3) Pourquoi s’est-il servi de la forme littéraire du dialogue ? 4) De quels éléments les dialogues de Platon sont-ils constitués ? ; 5) D’où Platon prend-il les titres de ses dialogues ? ; 6) Quel est le principe de division en chapitres de ces dialogues? ; 7) Sous



Les Prolégomènes à la philosophie

douze dialogues en 8 points9. Cette double introduction est attestée dans les Prolégomènes anonymes à la philosophie de Platon que Westerink attribue à l’un des successeurs d’Olympiodore, et dont la source remonterait jusqu’aux Prolegomena ad Platonis philosophiam de Proclus10. Cependant, tout comme l’introduction à la philosophie d’Aristote, Proclus n’a pas inventé de toutes pièces le schéma introductif de ces Prolegomena, étant donné que cette seconde introduction puise elle aussi dans une tradition exégétique plus ancienne. En effet, toujours selon I. Hadot, l’introduction du commentaire anonyme sur le Théétète, attribuée par H. Diels et W. Schubart, au Moyen Platonicien Albinus, expose déjà quatre des huit points : explication des personnages du dialogue ; le but du dialogue ; authenticité du proème ; la mise en scène du dialogue11. Ces observations nous conduisent, avec I. Hadot, à voir en Proclus celui qui a fixé la forme définitive des introductions aux écrits d’Aristote et de Platon, telle qu’elle apparaît chez ses successeurs, mais sa contribution nous paraît dépasser le cadre de ces deux œuvres à proprement parler. En effet, I. Hadot, nous semble-t-il, lui attribue également l’invention de l’Introduction générale à la philosophie12. Or, si le mérite d’avoir codifié les schémas introductifs aux écrits d’Aristote et de Platon revient quelle forme les entretiens des dialogues sont-ils présentés ? ; 8) Quelles sont les règles à l’aide desquelles on peut établir le but de chaque dialogue de Platon ? ; 9) Quel est l’ordre des dialogues de Platon ? ; 10) Quelle forme prend l’enseignement ? » 9 I.  Hadot, ibid., p.  46 : « la mise en scène dramatique du dialogue ; 2) les personnages du dialogue, leur interprétation symbolique ; 3) le thème général ou le but du dialogue ; 4) la place du dialogue dans l’ordre de lecture ; 5) l’utilité du dialogue ; 6) le ou les styles utilisés dans le dialogue ; 7) la division du dialogue en parties ou chapitres ; 8) la forme de l’entretien dans le dialogue et son interprétation symbolique. Les points 7 et 8 sont souvent liés ensemble. » 10 Sur cette question, cf. Westerink (éd.), Prolégomènes à la philosophie de Platon, introd., p. LVI-LIX ; sur l’identité de l’auteur anonyme de cet ouvrage, ibid., LXXXIX, cf. également DPhA, Vb,1564. 11 Renseignement fourni par I. Hadot, ibid., p. 36, n. 58 : Anonymer Kommentar zu Platons Theaetet (Papyrus 9782) et P. Moraux, Der Aristotelismus bei den Griechen, Band 2, Berlin, 1984, p. 288 sq. 12 I. Hadot, ibid., p. 31 : « Je viens donc de présenter les schémas d’introduction à la philosophie et aux œuvres de Platon et d’Aristote, comme ils étaient en usage chez les néoplatoniciens tardifs. Comme nous l’avons vu, nous avons de bonnes raisons d’attribuer la codification de ces schémas à Proclus et plus précisément à son traité intitulé Commentaire d’un texte sous la direction d’un maître. [i.  e. ἐν τῇ Συναναγνώσει] ». cf. également p. 34. Cependant, ἐν τῇ συναναγνώσει, au lieu de désigner un livre, signifie plutôt « dans la lecture en commun ». Cf. DPhA, Vb, 1555-1556 et également Mansfeld, Prolegomena : Questions to be Settled… op. cit., p. 22 (n. 28) et p. 28-30 ; M. Roueché, « The definitions of philosophy and a new fragment of Stephanus the philosopher », Jahrbuch der Österreichischen Byzantinistik 40, 1990, p. 108, n. 4.



Min-Jun Huh

bien à Proclus, pour ce qui est de l’Introduction générale à la philosophie précédant l’Isagogè, nous ne disposons en revanche d’aucun témoignage probant ni de traces textuelles susceptibles de montrer qu’il ait pu effectivement composer une telle œuvre13. Mais au vu des deux introductions générales à la philosophie d’Aristote et de Platon existantes dont on lui prête la lointaine paternité, il faut supposer, suivant I. Hadot, que Proclus fut probablement celui qui a posé le socle le plus important de cette architecture isagogique que constitue l’Introduction générale à la philosophie telle qu’on la trouve exposée chez son élève direct Ammonius, c’est-à-dire structurée en parties traitant des définitions et des divisions de la philosophie. Mais, quand bien même Proclus en serait l’auteur, la possibilité que ce type de composition ait pu s’inscrire, ne serait-ce que partiellement, dans une tradition préexistante, n’est pas totalement à exclure, car nous savons, d’après le témoignage de son élève Marinus, que Proclus a suivi, à son arrivée à Athènes, un cursus philosophique déjà bien établi et structuré autour des écrits d’Aristote et de Platon sous la direction de Plutarque d’Athènes et de Syrianus14. Dès lors, on peut s’interroger sur l’existence, à une époque antérieure à Proclus, d’une introduction du même type ou, du moins, des matériaux exégétiques qui aient pu lui servir de base dans l’élaboration de ses propres écrits, comme ce fut le cas, nous l’avons vu, pour les introductions à la philosophie d’Aristote et de Platon. Or, les commentaires de Boèce à l’Isagogè, dont les sources grecques remontent vraisemblablement à une époque antérieure à Proclus, peuvent apporter quelques éléments de réponse à cette question. Boèce, comme on le sait, avait pour ambition de traduire et de commenter non seule13 Mis à part un témoignage indirect d’Asclépius, in Metaph. 142, 34-37 (Hayduck). À ce propos, cf. DPhA, Vb, 1556. Nous n’avons pas non plus de textes qui tendent à prouver que Proclus ait donné un commentaire écrit aux Catégories mais il semble difficile de croire que celui qui est à l’origine du premier schéma introductif précédant les Catégories ait pu négliger de commenter l’œuvre en question. Mais à défaut de témoignages ou de preuves textuelles, les auteurs de l’entrée « Proclus » dans le DPhA (Vb, 1556) n’incluent dans la liste des œuvres de Proclus ni le commentaire aux Catégories, ni l’Introduction générale à la philosophie. 14 Selon Marinus, Proclus a étudié avec Syrianus le cursus aristotélicien qui comprend la logique, la morale, la politique, la physique et la théologie, enseignement qui a duré deux années (cf. Marinus, Vita Procli, 13, 1-5 = Saffrey & Segonds éd. p. 15-16 et ibid., 16, n. 1). Ammonius ayant étudié avec Proclus, il est fort probable qu’il ait hérité des éléments exégétiques de son prédecesseur non seulement dans son commentaire aux Catégories, mais aussi dans les introductions qui précèdent celles-ci. Pour ce qui est du Peri hermeneias, des Premiers et Seconds analytiques, Proclus semble les avoir commentés dans le cadre d’un cours oral. Cf. DPhA, Vb, 1556-1562.



Les Prolégomènes à la philosophie

ment les écrits logiques d’Aristote, mais également les dialogues de P ­ laton conformément à la tradition néoplatonicienne héritée de Porphyre et de Jamblique15. Bien que sa mort prématurée ne lui ait pas donné le temps d’aborder les écrits de Platon, il a légué à la postérité la traduction de la quasi totalité de l’Organon et des commentaires exhaustifs sur l’Isagogè, les Catégories et le Peri hermeneias. Or, pour ce qui est des commentaires aux Catégories et au Peri hermeneias, les spécialistes modernes s’accordent désormais à dire qu’ils dépendent, dans ses grandes lignes, de sources grecques plus anciennes et indépendantes de l’école d’Ammonius16. Cette spécificité de Boèce apparaît nettement dans les introductions précédant ses commentaires à l’Isagogè et aux Catégories. L’unique commentaire de Boèce aux Catégories dont nous disposons ne contient pas l’introduction à la philosophie d’Aristote en dix points attestés, comme nous l’avons vu, chez Ammonius et autres commentateurs de l’école d’Alexandrie, mais seulement la seconde introduction spécifique qui énumère 6 des 7 points à examiner. De fait, les travaux sur les commentaires néoplatoniciens aux Catégories ont montré que ces écrits de Boèce dépendent dans leurs grandes lignes de Porphyre17. En résumé, « le commentaire [aux Catégories] de Boèce suivait une tradition grecque autre que celle instaurée par Proclus à Athènes et suivie par tous les commentateurs dits alexandrins. »18 15 Cf. Boèce in Per herm., 2, 79-80 (éd. Meiser) et S. Gersh, « Boèce », DPhA, 2, 1994, p. 117-118. 16 La thèse de P. Courcelle (Les Lettres Grecques en Occident de Macrobe à Cassiodore, Paris, 1948, p. 257-278) selon laquelle Ammonius serait la source des commentaires logiques de Boèce a été réfutée par les travaux de J. Shiel, « Boethius’ commentaries on Aristotle », Mediaeval and Renaissance Studies 4, 1958, p. 217-244 en particulier p. 226227 et 231. Pour un examen et une comparaison approfondie des commentaires néoplatoniciens aux Catégories, cf. I. Hadot, Simplicius : Commentaire sur les Catégories, op. cit., et C.  Luna, Simplicius, Commentaire sur les Catégories, chapitres 2-4, Traduction par Ph. Hoffmann, avec la collaboration de I. Hadot et P. Hadot, Commentaire par C. Luna, Paris, 2001. I.Hadot, ibid., p.  24  note à juste titre que « Boèce a dû utiliser  […] une source grecque autre qu’Ammonius et autre que la source d’Ammonius pour ses commentaires sur l’Isagogè et sur les œuvres logiques d’Aristote. » Pour ce qui est de la source du commentaire de Boèce sur le De interpretatione, cf. L. Taran anonymous commentary on Aristotle’s De interpretation, p. VII et XVII (référence fournie par I. Hadot, 1990, 24 et n. 14). 17 Cf. synthèse de Luna, ibid., p. 867, Hoffmann Les principes de l’interprétation néoplatonicienne des Catégories d’Aristote, de Porphyre au Pseudo-Aréthas, thèse d’habilitation, Paris, 1998, p. 151 sq. ; Shiel, « Boethius’ commentaries on Aristotle », art. cit., p. 219-213 ; J. Bidez, « Boèce et Porphyre », Revue belge de philologie et d’histoire 2, t. 2, Bruxelles, 1923, p. 189-201. 18 I. Hadot, Simplicius, Commentaires sur les Catégories..., p. 27.



Min-Jun Huh

La situation est à peu près la même pour les deux commentaires de Boèce à l’Isagogè pour la composition desquels il s’est servi de documents grecs issus de l’exégèse néoplatonicienne comme le suppose Shiel19. Selon ce dernier, Boèce a probablement réparti les matériaux exégétiques grecs à travers ses deux commentaires à l’Isagogè. Le premier commentaire contient, pour l’essentiel, des éléments qui relèvent de l’introduction spécifique à l’Isagogè (p.  3-16, 9 Brandt), tout à fait comparables à ce que nous trouvons chez Ammonius20, tandis que le second commentaire (p. 135-p. 143,7 Brandt) traite de l’origine, la naissance de la logique et la question portant sur son statut (instrument ou partie de philosophie ?), ce qui, en partie, présente une certaine analogie avec les introductions aux Premiers analytiques que l’on trouve chez Alexandre ou chez d’autres néoplatoniciens comme Ammonius, Philopon, Elias. En détaillant le contenu de ces deux introductions de Boèce et en comparant les caractéristiques doctrinales avec les commentaires grecs correspondants, je voudrais montrer que ces écrits rendent compte d’une littérature isagogique antérieure à Proclus, une sorte d’introduction à la philosophie avant la lettre, présentant des éléments inédits issus de Porphyre et qui n’ont pas survécu chez les commentateurs de l’école d’Alexandrie.

La partie introductive du In Isag. 1, p. 3.1-16.9 Le premier commentaire à l’Isagogè en deux livres se présente sous forme d’un dialogue philosophique entre Boèce et un certain Fabius autour de la traduction latine de l’Isagogè par Victorinus. Alors que ce dernier n’avait accompagné sa traduction d’aucun commentaire personnel21, Boèce s’efforce d’expliquer la version latine de son prédécesseur en s’aidant de matériaux d’exégètes grecs22. De ce point de vue, le schéma introductif précédant le commentaire à l’Isagogè proprement dit est particulièrement riche de renseignements : cette introduction, que Boèce Cf. Shiel, « Boethius’ commentaries on Aristotle », art. cit., p. 235. Pour une description synthétique du contenu de ces deux introductions, cf. par ex. Westerink (éd.), Prolégomènes à la philosophie de Platon, op. cit., introd., p. XLIX-LI. 21 Cf. P. Hadot, Marius Victorinus. Recherches sur sa vie et ses œuvres, Paris, 1971, p. 179-187. 22 In Isag. 1, p. 4, 1-3 : […] recensere libidum est ea quae doctissimi uiri ad inluminandas quodammodo res intellectus densitate caliginantissimas quibdam quasi introductioriis commentariis ediderunt. 19 20



Les Prolégomènes à la philosophie

appelle didascalica, reproduit, selon le dire même de Boèce, une pratique pédagogique déjà en usage chez les commentateurs23. Cependant, elle ne contient pas, pour ainsi dire, l’Introduction générale à la philosophie sous la forme que nous lisons chez Ammonius, mais seulement ce qui correspond à une introduction spécifique à l’Isagogè, c’est-à-dire, celle qui examine successivement 1) « le but » ; 2) « l’utilité » 3) « l’ordre » ; 4) « l’authenticité » ; 5) « le titre » ; 6) « à quelle partie de la philosophie se ramène la visée de chaque livre ? »24. Et c’est seulement dans le traitement de « l’utilité » que se trouvent insérés ce que l’on pourrait identifier, a posteriori, comme des éléments constitutifs de l’Introduction à la philosophie à savoir la définition de la philosophie et la division de la philosophie en théorie et pratique25. Le rapprochement de ces passages avec l’Introduction à la philosophie d’Ammonius révèle que nos deux auteurs dépendent de deux traditions distinctes.

Les définitions de la philosophie À partir d’Ammonius, les commentateurs grecs proposent dans leurs introductions générales à la philosophie six définitions de la philosophie26 établies du point de vue du but (τέλος), de l’objet (ὑποκείμενον), 23 In Isag. 1, 4, 14-16 : Et primum didacalicis quibusdam me imbue, quibus expositores uel etiam commentatores ut discipulorum animos docibilitate quadam assuescant, utuntur. 24 La division en chapitres que l’on trouve chez Ammonius est absente chez Boèce. 25 Comme l’a bien noté I.  Hadot, Simplicius, Commentaire sur les Catégories d’Aristote, op. cit., p. 24 « Le commentateur Boèce […] est le seul chez qui les développements généraux sur la philosophie sont assez restreints et ne suivent pas le schéma que je viens de décrire [c’est-à-dire celle des commentateurs grecs alexandrins]. Boèce se contente de donner une seule définition anonyme de la philosophie, et de traiter de la division de la philosophie en trois parties. De plus, dans la première édition de son commentaire sur l’Isagogè, ces développements ne se placent pas au début de l’introduction comme une première partie mais interviennent dans ce qui est, chez les commentateurs grecs, la deuxième partie de l’introduction [c’est-à-dire dans le traitement de l’utilité] et que nous appelons “introduction particulière à l’Isagogè” ». 26 Ammon. Prol. 2, 22 sq. Les deux premières sont issues de l’objet: « La connaissance des choses en tant qu’elle sont » (φιλοσοφία ἐστὶ γνῶσις τῶν ὄντων ᾗ ὄντα ἐστί.) ; 3.1 : « la philosophie est la connaissance des affaires divines et humaines. » (φιλοσοφία ἐστὶ θείων τε καὶ ἀνθρωπίνων πραγμάτων γνῶσις) ; troisième et quatrième issues du but : 3, 8 : la philosophie est la ressemblance (ὁμοίωσις) à dieu dans la mesure du possible pour l’homme » (φιλοσοφία ἐστὶ ὁμοίωσις θεῷ κατὰ τὸ δυνατὸν ἀνθρώπῳ.) 4.16 : « la philosophie est la pratique (μελέτη) de la mort » ; cinquième par suprématie 6.26 : « la philosophie est l’art des arts et science des sciences » (ἔστιν οὖν ἡ φιλοσοφία τέχνη τεχνῶν καὶ



Min-Jun Huh

des deux  à la fois, ou encore de la suprématie (ὑπεροχή), ou de l’étymologie27. De ces six définitions, seule la dernière, « la philosophie est l’amour de la sagesse » (φιλοσοφία ἐστὶ φιλία σοφίας / In Isag. 1, 7.16 : est enim philosophia amor et studium et amicitia quodammodo sapientiae), est présente dans le premier commentaire de Boèce à l’Isagogè, et les critères définitionnels selon le but, l’objet, etc. y sont absents. La philosophie comme amour de la sagesse, qui apparaît donc dans le traitement de l’utilité, était une définition déjà bien connue dans l’Antiquité et Boèce lui-même l’avait déjà énoncée dans un précédent ouvrage en l’attribuant à Pythagore28. Cependant, alors que cette définition ne fait l’objet d’aucun traitement significatif chez les commentateurs grecs, si ce n’est un simple rappel étymologique, elle est l’occasion chez Boèce d’une considération métaphysique autour du mouvement de conversion de l’âme vers l’Intellect, dont le sens ne peut être pleinement dégagé que pour un lecteur familier de la philosophie de Plotin ou de Porphyre. in Isag.1 (éd. Brandt), 7,12-17,24 : La philosophie, en effet, est l’amour, le désir (studium) et une sorte d’amitié29 pour la sagesse (sapientia), ἐπιστήμη ἐπιστημῶν) ; dernière attribuée à Pythagore issue probablement de l’étymologie : « la philosophie est l’amour de la sagesse » (φιλοσοφία ἐστὶ φιλία σοφίας). Pour la traduction française des Prolégomènes d’Ammonius, cf. Schneider 2012 et 2013. 27 Ammonius ne parle pas à proprement parler de définition tirée de l’étymologie. Cependant, ce critère est précisé par Elias (In Isag. 7,29 sq.). Sur l’analyse des définitions chez les commentateurs de l’école d’Alexandrie, cf. M. Roueché, 1990, p. 113 sq. 28 Elle est attestée par exemple chez le Moyen Platonicien Albinus (Alcinoos), Didas. I, 152, 2-3 (éd. Whittaker) : φιλοσοφία ἐστὶν ὄρεξις σοφίας (citée par D. J. O’Meara Structures hiérarchiques dans la pensée de Plotin, Leiden, 1975, p. 21), et chez plusieurs philosophes néoplatoniciens tels que Jamblique, in Nicomachi arith. intr. 5, 26-26, 2 (= 70, 20 sq. éd. Vinel) et Protreptique (éd. des Places) ch. 21, 144, 6-24 ; On la retrouve également chez les auteurs latins bien connus de Boèce, comme Cicéron, De off. II, 2, 5 : studium sapientiae ; Tuscul. V, ch. 3, § 7-9 et ch. 4, § 1 (où il rapporte que Pythagore fut le premier à qualifier de philosophes ceux qui s’attachent aux sciences contemplatives) ; Sénèque, Ad. Lucilium, 89, 4 : sapientiae amor est et adfectatio ; Saint Augustin, De uera religione, 5, 8 (Patr. Lat.), 126. Philosophia id est sapientiae studium (ces références latines sont fournies par G. Onofrio, « La scala ricamata. La Philosophiae Divisio di Severino Boezio, tra essere e conoscere », in G. Onofrio (éd.), La divisione della filosofia e le sue ragioni, Roma, 2001, p. 34), et même Apulée, Περὶ Ἑρμηνείας, 189,1 (Moreschini) : Studium sapientiae, quod philosophiam uocamus… Mais en dernière analyse, elle paraît remonter à Aristote, Éthique à Nicomaque, VI, 1141a7-19. Pour ce qui est de l’attestation de cette définition chez Boèce, cf. infra p. 69. 29 Sur la notion de philia dans la métaphysique néoplatonicienne, cf. par exemple, Plotin, Traité 38 [VI, 7], 14, 19, et commentaire de Fronterotta (éd. Brisson), 137 n. 116 : « C’est Empédocle qui fait de la philia le principe de l’union et de l’unification du tout, voir 31B17,7 et 26,5 DK. Dans l’Intellect se situe la véritable amitié, celle qui fait l’union organique de réalités différentes, sans aucune confusion ni dispersion, alors



Les Prolégomènes à la philosophie

mais non pas pour cette sagesse-là qui relève de quelques arts, ou du savoir-faire et de la compétence d’un artisan mais pour cette Sagesse qui, n’ayant besoin de rien (nullius indigens), est l’Intellect vivant (uiuax mens) et la seule Raison primitive des réalités (sola rerum primaeua ratio). Or, cet amour de la Sagesse est l’illumination de l’âme (animi…illuminatio)30 qui intellige (intellegens) grâce à cette Sagesse pure, et, d’une certaine façon, le retour et le rappel (retractio atque aduocatio) vers cette Sagesse même, si bien que le désir de la sagesse (i. e. philosophia) apparaît comme le désir à l’égard de la divinité et l’amitié à l’égard de cet intellect pur (mentis). Donc cette Sagesse accorde assurément au genre tout entier des âmes31 (genus animarum) le mérite de sa propre divinité et les ramène (reducit)32 vers la puissance (uim) et la pureté propre à sa nature (propriam naturae uim puritatemque)33. De là naissent la vérité des spéculations et des pensées et la sainte et pure chasteté des actes34. C’est cela qui se transpose dans la division et la partition de la philosophie elle-même.

Dans ce passage, Boèce propose par imitation au terme grec σοφία de distinguer deux acceptions de la sapientia qui de fait est un homonyme : le premier est relatif à un savoir-faire ou à une technique (ars) propre à un métier, tandis que le second désigne l’Intellect hypostase (mens). En effet, l’identification de l’Intellect (νοῦς) avec la sagesse (σοφία) est bien attestée chez Aristote35, mais, dans ce contexte où il est question de la que dans l’univers sensible (= « ce tout ») l’amitié n’est qu’une imitation de l’amitié dans l’intelligible, dans la mesure où elle se manifeste en des choses qui restent séparées et dispersées entre elles, sans jamais parvenir à l’unité. » 30 Animus désigne dans ce contexte l’âme humaine. À ce propos, cf. infra n. 64. 31 C’est-à-dire la classe des âmes qui sont subordonnées à l’Intellect hypostase. Cf. infra n. 63. 32 Boèce décrit ici la procession des âmes depuis l’Intellect et leur conversion. 33 C’est-à-dire les incorporels qui sont purs de toute matière. 34 Lesquels sont respectivement l’objet de la philosophie théorétique et la philosophie pratique. 35 De fait, c’est Aristote qui identifie la σοφία avec le νοῦς, dans l’Ethique à Nicomaque, VI, 1141a7-19 : (trad. Bodéüs) : « Quant à la sagesse, nous l’accordons, dans les techniques, aux experts les plus rigoureux, dans leurs métiers respectifs (Τὴν δὲ σοφίαν ἔν τε ταῖς τέχναις τοῖς ἀκριβεστάτοις τὰς τέχνας ἀποδίδομεν) (par exemple, à Phidias comme tailleur de pierre et à Polyclète comme statuaire). Mais alors, “sagesse” ne veut rien dire d’autre que l’excellence de la technique. Nous croyons, cependant, qu’il est des personnes sages en général, qui n’ont pas de secteur particulier et ne sont pas par ailleurs des sages dans un domaine quelconque. […] Donc, le sage doit non seulement savoir ce qui résulte des principes, mais, quand les principes sont en jeu, atteindre encore la vérité. Si bien que la sagesse doit être intelligence et science (ὥστ’εἴη ἂν ἡ σοφία νοῦς καὶ ἐπιστήμη) [Nous soulignons]. »



Min-Jun Huh

conversion de l’âme, c’est surtout les qualificatifs de uiuax et ratio (uiuax mens et sola rerum primaeua ratio) qui constituent des indices forts en faveur de la lecture plotinienne. En effet, si Aristote avait le premier identifié l’Intellect du premier Moteur avec la Vie36, le fait que l’Intellect soit également associé à la ratio (λόγος) montre que la mens de Boèce correspond plutôt à l’Intellect hypostase de Plotin. Ce dernier avait identifié l’Intellect avec la Vie (ζωή)37 (terme parfois concurrencé par τὸ ζῷον, « le vivant »38, ce que Boèce semble rendre ici par uiuax) et le Logos (λόγος). En effet, s’il s’agit bien de la Vie parfaite et totale qui est contenue dans l’Intellect qu’évoque Plotin39, la mens uiuax signifierait donc que l’Intellect est Vie, c’est-à-dire la Vie parfaite et première dont les vies particulières participent et sont des images imparfaites ; quant au Logos, que Boèce traduit par ratio, il s’agit originellement du λόγος stoïcien, principe actif de toutes déterminations40, mais réinterprété par Plotin comme la Forme originelle qui se trouve dans l’Intellect (mens), source de tous les λόγοι qui seront déployés de manière discursive au niveau des âmes, pour enfin se manifester au niveau des réalités sensibles par l’intermédiaire de la Nature41. Il en résulte que le λόγος se trouvant dans l’Intellect et dans l’éternité, l’adjectif primaeua (primus, aeuum qui rend sans doute αἰών) qui signifie littéralement « du premier âge » ou « du premier temps » n’est pas à prendre dans un sens temporel, mais plutôt dans le sens de cause ou de puissance non encore manifestée. En 36 Cf. Metaph. Λ, 7, 1072b26 : ἡ γὰρ νοῦ ἐνέργεια ζωή et ad locum P. Hadot 1974, 41 : « [Aristote définit le] premier Moteur comme un Vivant éternel parfait dont la vie consiste en son propre acte d’intellection. » 37 C’est Plotin qui donne à l’Intellect le qualificatif de vivant à la suite de son exégèse du Timée (Traité 26, [III, 6], 6), cf. J.-F. Pradeau, L’imitation du principe : Plotin et la participation, Paris, 2003, p. 47. ? 38 Cf. Traité 34 [VI,6], 7. 39 Traité 46 [I,4], 3,18-38 et en particulier 3, 33-38 (trad.Vidart) : « Mais que la vie parfaite (ἡ τελεία ζωή), celle qui est véritable et réelle, réside dans cette nature intellective, et que les autres vies sont imparfaites, qu’elles ne sont que des images de la vie, qu’elles ne sont pas parfaites ni même pures et qu’elles ne sont pas plus des vies que le contraire, cela a été dit à de nombreuses occasions. » Cf. également Traité 30 [III,8], 10, 1-3 (trad. Pradeau) : « Mais alors, qu’est-ce [l’Un] ? – La puissance de toutes choses ; si elle n’existait pas, absolument aucune chose n’existerait, et Intellect (νοῦς) ne serait pas non plus une vie, la vie première et totale (ζωὴ ἡ πρώτη καὶ πᾶσα). » 40 Cf. A. A. Long & D. N. Sedley (éd.), Les philosophes héllénistiques, traduction par J. Brunschwig et P. Pellegrin, Paris, 2001, vol. II, p. 241-247. 41 Sur cette question, cf. L. Brisson, « Logos et logoi chez Plotin. Leur nature et leur rôle », Les Cahiers Philosophiques de Strasbourg, no 8, 1999, p. 87-108, en particulier p. 90-94 et O’Meara, Structures hiérarchiques dans la pensée de Plotin, op. cit., p. 92.



Les Prolégomènes à la philosophie

fait, dans tout ce passage, on perçoit un écho atténué de la triade néoplatonicienne Être (sapientia)42 Vie (uiuax) Pensée (mens), que l’on rencontre également chez Marius Victorinus qui qualifie l’Intellect (Noûs) à la fois de Νοῦς et de Λόγος universel43. Cependant, cette métaphysique n’est pas tout à fait celle de Plotin, car la description de l’Intellect (mens) comme un principe autosuffisant (nullius indigens) comme le fait Boèce pose problème. En effet, chez Plotin, une telle autarcie qualifie non pas l’Intellect mais l’Un44. Or, comme cela est bien connu, à la suite de Plotin, les néoplatoniciens reconnaissent un ou deux principes avant l’Intellect hypostase (par exemple Jamblique, Proclus, Damascius), et il serait à leurs yeux absurde d’attribuer ce caractère d’autosuffisance à l’Intellect. Toutefois, un seul philosophe fait exception : Porphyre. Comme l’a bien montré P. Hadot, ce dernier, voulant sans doute concilier la doctrine des Oracles chaldaïques avec le système plotinien des hypostases, a été amené à proposer une interprétation hérétique, très proche du moyen platonisme, qui confond l’Intellect avec l’Un et où l’Intellect peut avoir les mêmes attributs que l’Un45. L’Intel42 Pour la sagesse comme Être, cf. Plotin, Traité 31, [V, 8] 4, 34-47, et en particulier, 5, 14-15 : « Ἡ ἄρα ἀληθινὴ σοφία οὐσία, καὶ ἡ ἀληθινὴ οὐσία σοφία… » et O’Meara, ibid., p. 75. 43 Ad. Arium I, 60, 1-3 (trad. P. Hadot) : « Le Noûs suprême et la sagesse parfaite, c’est-à-dire le Logos universel – car ils étaient identiques en un éternel mouvement… » (Summus νοῦς et sapienta perfecta, hoc est λόγος universalis – idem ipsum enim in aeterno motu –). cf. également P. Hadot, « L’image de la Trinité dans l’âme chez Victorinus et chez saint Augustin », Studia Patristica VI, 1962, p. 411-442 qui traite notamment de la triade néoplatonicienne dans les traités théologiques de M. Victorinus. Cette analogie doctrinale entre Boèce et Victorinus s’explique sans doute par leur dépendance commune à la métaphysique de Porphyre. 44 Les exemples sont nombreux : Traité 9 [VI,9], 6,16-57 (sur le caractère autarcique de l’Un) ; Traité 7 [V,4] 1,14 (trad. Pradeau) : « car ce qui n’est pas premier [i. e. l’Intellect] a besoin de ce qui est avant lui » (τὸ γὰρ τὸ μὴ πρῶτον ἐνδεὲς τοῦ πρὸ αὐτοῦ…) ; Traité 11, [V,2], 1, 7-8 (trad. Fronterotta) : « Étant parfait dans la mesure où il ne cherche rien, [l’Un] n’a rien et il n’a besoin de rien… » (ὂν γὰρ τέλειον τῷ μηδὲν ζητεῖν μηδὲ ἔχειν μηδὲ δεῖσθαι) ; Traité 51[I,8], 4-5 (trad. Lavaud) : « Mais il [i. e. le Bien] est sans besoin, il se suffit à lui-même et ne manque de rien (τὸ δ’ ἐστὶν ἀνενδεές, ἱκανὸν ἑαυτῷ, μηδενὸς δεόμενον…). 45 Cette doctrine, unique dans l’histoire du néoplatonisme, apparaît dans un commentaire anonyme au Parménide que Pierre Hadot (« Fragment d’un commentaire de Porphyre sur le Parménide », Revue des études grecques, 74, 1961, 410-438) attribue à juste titre à Porphyre. Nous pouvons en avoir un résumé synthétique à travers le commentaire qu’il en donne dans Porphyre et Victorinus, Paris, 1968, t. 1, p. 133 : « …pour Porphyre, l’Un qui est [de la deuxième hypothèse du Parménide] est identique à l’Intelligence [i. e. l’Intellect]. L’Un pris à part dans l’ “Un qui est” devra donc être un état de l’Intelligence, et l’Un participant à l’être, un autre état d’Intelligence. Ce sont effectivement deux états de l’Intelligence que distingue Porphyre [cf. Porphyre, in Parm. xiv, 2634, dans P. Hadot, ibid., t. 2, p. 112]. Selon son premier état, l’Intelligence aura les mêmes prédicats que le premier Un [nous soulignons] : elle ne sera ni en repos, ni en mouvement,



Min-Jun Huh

lect nullius indigens pourrait peut-être attester de cette doctrine porphyrienne, mais cette hypothèse demande à être approfondie et ne peut être traitée davantage dans le cadre de cette étude. La Sagesse, donc, étant le principe intelligible qui contient toutes les déterminations des réalités qu’il produit, l’amour de la sagesse, la philosophia, apparaît ainsi pour l’âme humaine (animus) comme le désir de se convertir vers le principe qui l’a produit. Lorsque l’âme se convertit vers l’Intellect, l’intellect psychique, qui possède une disposition naturelle à la raison, est porté pleinement à l’acte (intelligens) par la lumière (inluminatio) de l’Intellect hypostase, – de fait, Boèce ne fait que reprendre ici la métaphore de la lumière l’Intellect qui relève du lieu commun de la philosophie plotinienne46 – et se voit accorder le mérite de la divinité propre aux réalités intelligibles (meritum suae diuinitatis), c’est-àdire l’acte continu de l’intellection parce que pure de toute corporalité. Cette conversion de l’âme humaine vers l’Intellect produit la vérité dans le raisonnement et la droiture dans les actes, c’est-à-dire la rectitude spéculative et morale, et c’est ce qui se transpose, dit-il, dans la division de la philosophie en partie théorétique et pratique. Or, cette dernière déclaration, aussi laconique qu’obscure, ne peut faire sens que pour un lecteur romain (ou grec) déjà familier de la gnoséologie néoplatonicienne.

ni même, ni autre, ni en soi, ni en un autre. Selon son second état, elle aura les prédicats de la seconde hypostase : elle sera en repos et en mouvement, en soi et en un autre, même et autre, tout en ayant des parties. Ces deux états de l’Intelligence, Porphyre les oppose donc comme le premier Un et le second Un. Faut-il en conclure qu’en son premier état, l’Intelligence s’identifie purement et simplement à l’Un ? on peut dire qu’elle coïncide avec lui. » Autrement dit, l’intellect qui peut être présent dans l’Un comme une pure virtualité et qui, à ce titre, est totalement confondu avec ce dernier peut se voir attribuer les mêmes prédicats que l’Un. Le qualificatif de Boèce (nullius indigens) témoigne peutêtre de l’influence de cette métaphysique de Porphyre, bien que nous puissions également penser à une structure métaphysique du Moyen Platonisme qui pose l’Intellect comme principe suprême (Par exemple, chez Numénius. Cf. M.-O. Goulet-Cazé, « Le système philosophique de Porphyre dans les Sentences, A. métaphysique », in L. Brisson (éd.), Porphyre, Sentences, Paris, 2005, p. 32-33). 46 Cf. par exemple J. Moreau, Plotin ou la gloire de la philosophie antique, Paris, 1970, p. 106 et un parallèle textuel particulièrement intéressant chez Victorinus, Ad. Cand., 7,13-19 (éd. Hadot), où se trouve décrit le rapport entre les véritablement existants, (i. e. les intelligibles) et les existants (i. e. les âmes) à travers la métaphore de la lumière (trad. P. Hadot) : « Donc, les véritablement existants sont intelligibles, les existants sans plus, intellectuels. Et tous ces derniers constituent l’ordre des âmes intellectuelles, n’ayant pas encore exercé l’acte d’intelligence ; mais ils sont disposés pour la pensée. Car lorsque l’intellect (ὁ νοῦς) a été appelé dans l’âme, il éclaire la puissance intellectuelle de l’âme, il l’illumine (inluminat), il lui donne visage et forme ; ainsi naissent à l’âme pensée et perfection (innascitur animae intellegentia et perfectio). »



Les Prolégomènes à la philosophie

Le sens philosophique qu’elle implique peut être explicité à la lumière, par exemple, d’un commentaire de Jankélévitch qui a très bien montré que la raison discursive de l’âme tire ses principes spéculatifs et moraux, en dernière instance, des idées intelligibles qui sont dans l’Intellect : Le raisonnement, comme il reçoit les τύποι (impressions) de la sensation, reçoit du νοῦς ses principes (ἀρχαί) qui, comme des empreintes (ἴχνη), s’inscrivent dans l’âme dianoétique. La raison cognitive juge, donc, d’après des règles qui lui sont fournies par le νοῦς. Quels sont maintenant ces κανόνες (règles) ? On peut, croyons-nous, les ranger en deux classes : d’un côté les principes spéculatifs, et, de l’autre, les principes moraux. Parmi ces derniers, il faut citer des Idées intelligibles, des concepts platoniciens, comme les concepts de Bien, de “Juste” immuable, de Beau éternel, c’est-à-dire les archétypes idéaux dont le lieu est le τόπος νοητός (lieu intelligible) ; si, par exemple, la raison cognitive juge que Socrate est bon, c’est que, illuminée par la clarté du νοῦς, elle lui emprunte le κανὼν τοῦ ἀγαθοῦ (règle du bon) d’après lequel elle juge. Au nombre des principes spéculatifs, il faut compter soit des axiomes opératoires comme l’axiome de contradiction, soit enfin les genres premiers de l’Être ou catégories47.

Engendrée par l’Intellect, l’âme conserve en elle-même, dans sa partie noétique, la trace des idées (ou formes) intelligibles, à la connaissance desquelles elle accède lorsqu’elle se convertit vers l’Intellect. Mais ces idées, qui existent dans l’Intellect sous un mode uni et ramassé, l’âme les appréhende sous un mode discursif, comme des raisons (logoi) qui ne sont que des imitations fragmentées et des images imparfaites des formes intelligibles48. Aussi, les concepts premiers ou axiomes qu’elle mobilise dans son activité de réflexion discursive, l’âme ne les tire pas d’ellemême, mais des formes qui sont dans l’Intellect, lesquelles, en vertu de leur caractère éternel, sont garantes des vérités scientifiques. Or, ces principes peuvent être répartis en deux classes, spéculatives et morales : sont d’ordre spéculatif les principes comme les catégories, les axiomes mathématiques, les nombres, etc. les principes à partir desquels on construit un discours scientifique, tandis que sont d’ordre moral l’idée du bien, de la justice, du beau, etc. les principes à partir desquels on porte un ju47 V. Jankélévitch, Plotin, Ennéades I, 3 : sur la dialectique, Paris, 1998, p. 59-60. Il s’agit d’un extrait de son commentaire du Traité 20 [I, 3] de Plotin (Sur la dialectique). 48 Cf. Plotin, Traité 19 [I, 2], 3, 27-33 ; Traité 30 [III, 8], 6, 27-29.



Min-Jun Huh

gement moral49, de sorte que c’est à partir de ces deux classes de formes intelligibles que se trouve justifiée la division de la philosophie en partie spéculative et pratique. L’exposé de Boèce, qui fonde la division de la philosophie sur la conversion de l’âme vers l’Intellect, est donc davantage un résumé condensé, destiné à un lecteur déjà familier de la doctrine néoplatonicienne plutôt qu’un écrit de nature pédagogique visant à instruire l’élève étape par étape. Et le style ramassé de Boèce est loin de refléter un enseignement oral dispensé dans le cadre d’une école. Par ailleurs, chez les commentateurs alexandrins, nous ne trouvons rien de comparable dans l’exposé de la définition « la philosophie est l’amour de la sagesse » (φιλοσοφία ἐστὶ φιλία σοφίας)50. Cependant, bien que les autres définitions de la philosophie n’apparaissent pas dans ce commentaire à l’Isagogè, Boèce a certainement connu plusieurs d’entre elles, dans la mesure où quatre des six définitions mentionnées plus haut apparaissent de manière éparse dans ses autres œuvres. Dans son Institutio arithmetica qui a eu pour modèle l’Introduction arithmétique de Nicomaque de Gérase51, on apprend que Pythagore fut le premier à avoir donné à la σοφία un sens spéculatif, à savoir celui de la connaissance des réalités immuables, en écartant le sens traditionnel d’un savoir-faire ou d’une compétence artisanale. C’est dans ce traité boécien, dont la date de composition est antérieure aux traductions et commentaires des traités logiques52, que nous trouvons deux des six définitions d’Ammonius : Ammonius, Prol. 2, 22 : « φιλοσοφία ἐστὶ γνῶσις τῶν ὄντων ᾗ ὄντα ἐστί. » « La philosophie est la connaissance des choses en tant qu’elle sont. » Plotin, Traité 49, [V, 3], 3, 10-14. Ammonius, qui cite cette définition en dernier (Prol. 9,7-9,24), se contente de préciser que « sage » (σοφός) ne désigne pas un artisan ou un technicien, mais plutôt dieu (ὁ θεός) lui-même « parce qu’il possède la sagesse (σοφία) et la connaissance des êtres éternels. », de même qu’Elias (In Isag. 24, 5) qui n’apporte que cette précision supplémentaire : « Eh bien, Pythagore, né bien après [Homère], a réservé le nom de la sagesse seulement à ceux qui ont connaissance des réalités immatérielles, c’est-à-dire les philosophes : car pour eux, les réalités divines sont claires et lumineuses même si pour nous, elles sont obscures à cause de notre incapacité [naturelle], comme c’est le cas du soleil pour les chauves-souris ». Quant à David, bien qu’étant le plus prolixe des commentateurs, il ne donne pas de renseignement particulier à ce sujet. 51 Cf. J.-Y. Guillaumin (éd.), Boèce, Institution arithmétique (Institutio arithmetica), Paris, Les Belles Lettres, 1995, introd., XXXI-XLIV. 52 Cf. L. M. de Rijk, « On the chronology of Boethius’ works on logic II », Vivarium 2, 1, 1964, p. 129, n. 2. 49 50



Les Prolégomènes à la philosophie

Boèce, Inst. Arithm. 1.1.5 : « Est enim sapientia earum rerum quae uere sunt cognitio et integra comprehensio. » (trad. Guillaumin) « La sagesse, en effet, est la connaissance, la saisie pleine et entière, des choses qui ont une existence véritable. ») ; Inst. Arithm. I, 1.1 : « Est enim saptientia rerum quae sunt suique immutabilem substantiam sortiuntur comprehensio ueritatis. » « La sagesse en effet, est la saisie des vérités des choses qui sont et qui ont une substance propre immuable. » Ammonius, Prol. 9.7 : « φιλοσοφία ἐστὶ φιλία σοφίας. » « la philosophie est l’amour de la sagesse » Boèce, Institution arithmétique, 1.1.5 « siquidem philosophia amor sapientiae. » « Si la philosophie est bien l’amour de la sagesse. »

Or, de même qu’Ammonius et ses successeurs les avaient attribuées à Pythagore53, de même Boèce, en suivant Nicomaque, attribue ces deux définitions à Pythagore, bien que la première dérive, probablement, d’Aristote54. À partir de ce témoignage de Boèce, on pourrait émettre l’hypothèse que ces deux définitions, qui étaient d’abord présentes dans le traité arithmétique de Nicomaque et reprises textuellement par Jamblique dans son In Nicomachi Arithmeticam55, ont fini par la suite par intégrer la liste des six définitions des prolégomènes comme on le voit chez les commentateurs néoplatoniciens du sixième siècle. Pour les apprentis philosophes qui ont étudié l’introduction arithmétique de Nicomaque avant le cursus aristotélicien, ces deux définitions, qui leur étaient alors connues, pouvaient également avoir comme fonction de faciliter la transition vers l’étude de l’Organon. 53 Sur ce point, cf. Van der Meeren supra, p. 38, n.90 et p.37, n. 83 : « Sur l’attribution à Pythagore, voir David, Prol., 26, 8-12 ; Elias, Prol., 10, 11-13 ; Ps.-Elias, in Isag., praxis 10, 13-16 ; praxis 11, 32 : selon David (Prol., 26, 8-12) et le Ps.-Elias (praxis 10, 13-16), les deux premières définitions ainsi que la sixième auraient été attribuées à Pythagore par l’intermédiaire du pythagoricien Nicomaque : de toute évidence, l’attribution à Pythagore est liée à la tradition faisant de celui-ci l’inventeur du terme “philosophie”. L’empreinte pythagoricienne donnée à la plupart de ces définitions est donc un autre point commun entre Jamblique et les prolégomènes. » 54 Comme l’a bien montré Van der Meeren supra p. 28, n. 37 (Aristote, Met., Γ, 1003a 21-22). 55 In Nicomachi Arithmeticam 70. 21 (éd. et trad. Vinel) : φιλοσοφίαν Πυθαγόρας ὠνόμασε πρῶτος καὶ ὄρεξιν αὺτὴν εἶπεν καὶ οἱονεὶ φιλίαν σοφίας, σοφίαν δὲ ἐπιστήμην τῆς ἐν τοῖς οὖσιν ἀληθείας. « Pythagore a été le premier à parler de “philosophie” et l’a définie comme un désir et une sorte d’amour de la sagesse, la sagesse étant la science de la vérité qui est dans les êtres » ; 70. 30 : οὐκ ἄρα ὄρεξιν τῆς μὴ ὑφεστώσης ἐπιστήμης εἰκὸς εἶναι, ἀλλὰ μᾶλλον τῆς περὶ τὰ κυρίως ὄντα καὶ ἀεὶ κατὰ τὰ αὐτα καὶ ὡσαύτως ἔχοντα… « s’il y a donc désir, ce n’est pas de la science dépourvue de réalité, mais plutôt de celle qui concerne les êtres au sens propre, qui sont toujours les mêmes et dans le même état… ».



Min-Jun Huh

Deux autres définitions de la philosophie, la deuxième et la troisième définition chez Ammonius, apparaissent également dans la Consolation : Ammonius, Prol. 3.1 : « φιλοσοφία ἐστὶ θείων τε καὶ ἀνθρωπίνων πραγμάτων γνῶσις ». « la philosophie est la connaissance des affaires divines et humaines » Boèce, Consolation, I, ch.4, 2 : « Haecine est bibliotheca, quam certissimam tibi sedem nostris in laribus ipsa delegeras, in qua mecum saepe residens de humanarum diuinarumque rerum scientia disserebas ? » ; (trad. Vanpeteghem) « Est-ce ici la bibliothèque que tu avais toi-même choisie à mon foyer comme ton séjour le plus sûr et où tu raisonnais souvent avec moi sur la science des choses humaines et divines ? Ammonius, Prol. 3, 8 : « φιλοσοφία ἐστὶ ὁμοίωσις θεῷ κατὰ τὸ δυνατὸν ἀνθρώπῳ. » ; « la philosophie est la ressemblance (ὁμοίωσις) à dieu dans la mesure du possible pour l’homme. » Consolation, I, ch. 4, 39 : [me] quem tu in hanc excellentiam componebas ut consimilem deo faceres. » « (trad. Vanpeteghem) moi que tu [i. e. la Philosophie] préparais à cette élévation, me rendre semblable à dieu. »

Seules les definitions de la philosophie comme « pratique de la mort » et « art des arts, science des sciences » font défaut à cette liste, mais, pourrait-on dire, « la pratique de la mort » est précisément l’un des thèmes majeurs de la Consolation. Il est impossible de dire si Boèce a connu sa vie durant les six définitions de la philosophie comme un ensemble clos et structuré à l’image des Prolégomènes d’Ammonius, mais on peut déjà être sûr que certains d’entre elles faisaient déjà partie des topoi, dans la mesure où elles étaient étudiées en elles-mêmes dans le cadre du programme d’études d’Aristote et de Platon56. Mais au moment où il compose les commentaires à l’Isagogè, le ou les ouvrages grecs qu’il a consultés ne contenaient probablement pas l’ensemble des six définitions de la philosophie, et les éléments relatifs à la seule définition de la philosophie qu’il expose dans son In Isag. 1 sont sans doute issus non pas d’écrits à visée pédagogique et destinés à des débutants, mais plutôt d’exégèses élaborées dans le cadre d’un commentaire sur les écrits métaphysiques issus de Plotin et de Porphyre.

Les deux définitions de Platon (Phédon et Théétète) et une d’Aristote (Métaphysique) étaient certainement abordées dans le cadre des commentaires à ces œuvres qui faisaient partie du curriculum néoplatonicien. Cf. l’article de Mansfeld dans ce présent volume qui détaille l’histoire exégétique de la définition « se rendre semblable au dieu ». 56



Les Prolégomènes à la philosophie

La division théorétique de la philosophie chez Boèce Immédiatement après cette définition de la philosophie que nous venons d’analyser, Boèce nous donne une description de la division de la philosophie en théorie et pratique. Ce passage ayant fait récemment l’objet d’un article de notre part57, nous nous contenterons ici d’en rappeler les principales hypothèses et conclusions concernant la source grecque, en soulignant surtout les différences qui séparent Boèce des commentateurs alexandrins du point de vue de la doctrine et de la tradition exégétique. Quant au passage traitant de la partie pratique de la philosophie, que Boèce divise en éthique, économique et politique (in Isag. 1, 9,13-19,22), il ne contient pas d’éléments particulièrement significatifs, si bien que nous le laisserons de côté. En revanche, celui qui expose la partie théorétique (8,1-9,12) présente des éléments inédits en comparaison de ce que nous lisons chez les commentateurs grecs. En effet, la partie théorétique se trouve subdivisée d’après trois classes de réalités que Boèce appelle les intellectibilia, les intellegibilia et les naturalia. Les intellectibilia et les naturalia, font l’objet respectivement de la théologie et de la physique, tandis que pour les intellegibilia, qui sont en réalité des âmes, Boèce ne donne pas nom à la discipline correspondante. In  Isag. 1, 8,1-9,12 : Eh bien, relèvent de la philosophie théorétique (theoretices), c’est-à-dire contemplative ou spéculative, trois différentes classes , et la philosophie elle-même se divise en trois espèces. En effet, une partie de la théorétique a pour objet les réalités intelligibles (de intellectibilibus)58, une autre les réalités intellectuelles (de intellegibilibus) et une autre les réalités naturelles (de naturalibus). […] est intelligible ce qui, étant un et identique par soi et s’établissant toujours dans la divinité qui lui est propre, n’est jamais saisi [8,15] par les sens mais seulement par l’intellect (intellectus) et l’esprit (mens). Cette réalité s’adjoint à la spéculation sur Dieu, à l’incorporalité de l’Intellect (animus)59, c’est-à-dire à l’objet de la recherche de la vraie 57 Cf. M-J. Huh, « L’origine de la tripartition de la philosophie selon les substantiae intellectibiles, intellegibiles et naturalia dans le premier commentaire de Boèce à l’Isagogè de Porphyre », in A. Galonnier (éd.), avec la collaboration d’A. Lamy, Le néoplatonisme latin au Moyen Âge et à la Renaissance, Louvain, 2020. Nous reproduisons ici, avec des modifications mineures, la traduction et les notes partielles de cet article. 58 Nous traduisons intellectibilia (τὰ νοητά) par « intelligibles » et intellegibilia (τὰ νοερά) par « intellectuels » à partir des termes grecs afin de faciliter la compréhension. En effet, "intelligible" traduit habituellement νοητά et "intellectuel/intellectif " νοερά. 59 Animus désigne ici l’Intellect hypostase. cf. In Isag. 1, 30,1 où animus et deus sont décrits comme des réalités incorporelles tout à fait séparées du corps.



Min-Jun Huh

philosophie ; cette partie, les Grecs l’appellent θεολογία. vient en second le plan de l’intellectuel60 [8,20] qui saisit l’Intelligible premier61, par la pensée (cogitatio) et par l’intelligence (intelligentia)62. Ces facultés appartiennent à toutes les des ouvrages du ciel qui relèvent de la divinité supralunaire (superna divinitas)63, puis, à tout ce qui, sous la sphère de la lune, est capable d’une âme plus heureuse (beatiore animo)64 [9] et d’une substance plus pure, et, enfin, aux âmes humaines65. Toutes ces réalités, alors qu’elles avaient appartenu à la substance première de cet intelligible (prioris illius intellectibilis substantiae)66, ont toutes dégénéré au contact des corps, du niveau des intelligibles vers celui des intellectuels, de sorte qu’elles-mêmes (ipsa) sont devenues moins intelligibles qu’intellectuelles (ut non magis ipsa intellegantur quam intellegant)67 [9,5] et toutes les fois qu’elles s’appliquent

60 Pour pars intellegibilis, deux lectures sont possibles. On peut considérer que intelligibilis est le génitif du substantif intelligibile, et qu’il fait écho à alia [pars] de intellegibilibus de 9, 9. On traduirait alors par « la partie qui a pour objet l’intellectuel » ; ou bien il peut également être lu comme un adjectif qualificatif. Pars intellegibilis désignerait alors un plan de réalité et non une partie de la philosophie. 61 On peut lire « primam intellectibilem », c›est-à-dire la partie (ou le plan) de l›intelligible, ou « primam intellectibilem » d’après « intellectibilis substantiae » qui apparaît 4 lignes plus bas. Dans toute ce passage, Boèce emploie « pars » tantôt pour désigner une partie de la philosophie, tantôt un plan de réalité, ce qui peut prêter à confusion. Cf. également Huh, « L’origine de la tripartition de la philosophie… », art. cit., p. 287, n. 99. 62 Ces sont deux synonymes qui désignent la pensée discursive la διάνοια, propre à l’activité cognitive des âmes. 63 Boèce semble reprendre ici la tripartition néoplatonicienne des âmes encosmiques (sur ce point, cf. I. Hadot, Le problème du néoplatonisme alexandrin, Hiéroclès et Simplicius, Paris, 1978, p. 95 et n. 68 ; 169). Ce sont les âmes des planètes et les astres qui sont au-delà de la sphère de la lune (= supernus). Elles « occupent la région supralunaire, constituée surtout par l’Âme du monde, par les âmes des planètes et des astres fixes. » et également P. Hadot Porphyre et Victorinus, op. cit., p. 396-397. 64 Boèce peut utiliser le terme d’animus pour rendre ψυχή ; cf. In Isag. I, 28,8 : « ut in animo accidens est scientia » qui paraphrase Aristote, Cat. 1a29 : τὰ δὲ καθ’ ὑποκειμένου τε λέγεται καὶ ἐν ὑποκειμένῳ ἐστίν, οἷον ἡ ἐπιστήμη ἐν ὑποκειμένῳ μέν ἐστι τῇ ψυχῇ. 65 Le plan de l’intellectuel est donc constitué de trois classes d’âmes : les âmes des planètes et des astres qui sont au-delà de la lune ; les âmes des démons et des anges ; et les âmes des hommes. 66 « La substance première de l’intelligible » (prioris illius intellectibilis substantiae) est à rapprocher de la « substance seconde des intellectuels » qui apparaît sept lignes plus bas (secunda vero intellegibilium substantia). 67 …ut non magis ipsa intellegantur quam intellegant est une litote, qui équivaut pour le sens à ut minus ipsa intellegantur quam intellegant. Cependant, une autre traduction est possible, cf. par exemple Magee, 1989, 132, n. 151 : « so that they themselves are the objects of thought (intellegantur) to the extent that they exercise thought (intellegant) ».



Les Prolégomènes à la philosophie

aux intelligibles, elles deviennent alors plus heureuses (beatiora)68 par la pureté de leur pensée. La troisième espèce de la théorétique est celle qui s’occupe des corps (circa corpora…uersatur) et de la science et la connaissance qui les concernent : c’est la physiologie qui montre la nature et les affections des corps. Quant à la seconde substance, celle des intellectuels (secunda uero, intellegibilium substantia), c’est avec raison qu’elle a été placée au milieu [9,10] parce qu’elle possède à la fois la faculté d’animer et, pour ainsi dire, de vivifier les corps et, la faculté de contempler et de connaître les intelligibles.

Boèce qualifiant les intelligibiles et les intellectibiles de « substances » (cf. 9,2 : prioris illius intellectibilis substantiae et 9,9 : secunda uero, intellegibilium substantia), on peut supposer qu’il en va de même pour les naturalia (c’est-à-dire des subsantiae naturalium), si bien que Boèce rend probablement compte des termes grecs οὐσίαι νοηταί, οὐσίαι νοεραί et οὐσίαι φυσικαί, qui constituent donc les objets de la philosophie théorétique. Le plan des intellectibilia, qui occupe le rang intermédiaire entre les réalités intelligibles et les réalités sensibles, est constitué par trois classes d’âmes : 1) les âmes supralunaires (omnia caelestia supernae divinitatis opera), à savoir celles des planètes et des astres fixes ; 2) les âmes sublunaires (quicquid sub lunari globo beatiore animo), probablement celles des anges, des démons et des héros ; 3) et enfin, les âmes humaines (humanae animae), ce qui correspond à la tripartition néoplatonicienne des âmes encosmiques69. À notre connaissance, Boèce est le seul néoplatonicien à effectuer explicitement une division de la philosophie théorétique d’après les trois substantiae que sont les οὐσίαι νοηταί, οὐσίαι νοεραί et οὐσίαι φυσικαί. Or, cette division des ousiai fait écho, nous semble-t-il, d’une doctrine que l’on trouve dans le commentaire de Dexippe aux Catégories (éd. Busse, 41,3-13), dans un passage qui dépend de l’exégèse Porphyrienne du livre Λ de la Métaphysique (1069a30-1069b3 et 1071b3). Aristote y avait décrit plusieurs sortes d’ousiai : les ousiai immobiles et éternelles (1069a33 : ἀΐδιος ; 1071b5 : ἀκίνητος) ; les ousiai sensibles (αἰσθητή) 68 Il s’agit vraisemblablement de μακάριον, épithète qui chez Plotin qualifie en général les intelligibles ou l’Intellect, cf. Traité 2 [IV,7], 9,13 ; Traité 30 [III,8], 11, 30-31 ; Traité, 47 [III,2]1, 40. Autrement dit, les âmes deviennent bienheureuses à l’image des intelligibles lorsqu’elles exercent une pensée pure de toute corporalité. 69 Cf. Par exemple I. Hadot, Le problème du néoplatonisme alexandrin, op. cit., p. 95 et n. 67 où elle cite Proclus, Eléments de théologie, prop. 184 (trad. Trouillard : « Toute âme est ou bien divine (= âme des astres), ou bien sujette à osciller de la pensée à l’inconscience (= âme des hommes) ou bien dans une condition intermédiaire, c’est-à-dire toujours pensante, mais inférieure aux âmes divines (= âmes démoniques). »



Min-Jun Huh

et éternelles (οὐσία ἀΐδιος) ; et enfin les ousiai sensibles et corruptibles (φθαρτή). Commentant ce passage, Dexippe avait qualifié la première ousia d’ousia « intelligible (ἡ νοητὴ) » ou intellectuelle (ἡ νοερὰ) ; la deuxième d’« ousia physique (ἡ φυσική) ; ou ousia selon la forme et la matière (κατὰ τὸ εἶδος καὶ τὴν ὕλην) » et enfin la troisième d’ousia sensible ou composée. Lorsque Simplicius, dans son commentaire aux Catégories (76,2377,7), fait référence à ce même passage du livre Λ, il propose, en reprenant sans doute les éléments exégétiques de ses prédécesseurs (en particulier Jamblique), une division légèrement différente, opérée d’après l’ousia intelligible (νοητὴ), l’ousia mathématique οu psychique (ἡ μαθηματικὴ ἢ ἡ ψυχική)70, et enfin l’ousia sensible (αἰσθητή). Comme le suggère également P Hadot71, Simplicius présente ici une doctrine qui, à la suite de Jamblique, a déjà fait la synthèse entre le livre Λ de la Métaphysique 1069a30-1069b3 où les réalités sont divisées en trois classes d’ousiai et le livre E, 1026a6-19 qui divise la philosophie théorétique en théologie, mathématiques, et physique. À partir de la comparaison de ces trois textes, notre étude émettait l’hypothèse que, vue la tendance des doctrines néoplatoniciennes à devenir de plus en plus systématisées au fil des générations, la tripartition théorétique de Boèce, effectuée d’après les substantiae (ousiai), rendait probablement compte d’une exégèse néoplatonicienne antérieure à Simplicius ( Jamblique), en ce qu’il n’identifie pas encore le plan des âmes avec les mathématiques, mais postérieure ou identique à la source de Dexippe en ce qu’il décline l’ousia « intelligible (ἡ νοητὴ) » et l’ousia intellectuelle (ἡ νοερὰ) sur deux niveaux différents. Mais, ce qui est certain c’est que Boèce, ou sa source, avait élaboré une division de la philosophie à partir de l’exégèse néoplatonicienne du livre Λ de la Métaphysique, division que l’on ne trouve pas chez les commentateurs alexandrins72. En effet, afin de distinguer les réalités dont traite la philosophie théorétique, Ammonius (In Isag. 11,25-12,8) choisit comme critère de dis70 L’association des attributs psychique et mathématique semble être le fait de Jamblique. Sur cette question, cf.  Ph.  Merlan From Platonism to Neoplatonism, The Hague, 1968, p. 27. 71 P. Hadot « L’harmonie des philosophies de Plotin et d’Aristote selon Porphyre dans le commentaire de Dexippe sur les Catégories », in Atti del convegno internazionale sul tema : Plotino e il Neoplatonismo in Oriente e in Occidente, Roma, 1974, p. 39 : « …cette division ne se trouve pas dans le livre Λ, mais dans le livre E, 1026a6-19 et K, 1064b1-3. » 72 Ammonius, In Isag. 11,25-12 ; David, In Isag., 57,26-58,25 ; Ps.  Elias, In Isag. praxis 18, 17-22 (Mueller-Jourdan 2007, 63-65).



Les Prolégomènes à la philosophie

tinction la séparabilité de l’objet par rapport à la matière et à la pensée : « parmi les réalités (τῶν πραγμάτων), les unes sont tout à fait séparables de la matière (παντάπασίν ἐστι χωριστὰ τῆς ὕλης), à la fois par leur existence et par la pensée que l’on a à leur égard (τῇ ὑποστάσει καὶ τῇ περὶ αὐτῶν ἐπινοίᾳ), telles que les réalités divines (τὰ θεῖα). Ces « réalités (τὰ πράγματα) » ou « étants » (τὰ ὄντα) sont des formes qui sont immatérielles à la fois du point de vue de leur existence et de la pensée de celui qui les conçoit73. Ces réalités, qui sont divines (τὰ θεῖα)74, font l’objet de la théologie ; relèvent de la deuxième classe celles qui sont, d’après Ammonius, « tout à fait inséparables de la matière (παντάπασιν ἀχώριστα τῆς ὕλης) à la fois par leur existence et par la pensée comme les formes naturelles et matérielles (τὰ φυσικὰ καὶ ἔνυλα εἴδη) », c’est-à-dire les formes immanentes à la matière, comme « le bois, l’os, la peau (ξύλον καὶ ὀστοῦν καὶ σάρξ) »75. Ces formes font l’objet de la physique ; enfin les réalités intermédiaires entre les formes séparées et non séparées, ont un statut double, en ce qu’elles sont « sous un aspect, séparables (κατά τι μέν ἐστι χωριστὰ) sous un autre, inséparables  (κατά τι δὲ ἀχώριστα) », comme par exemple le cercle et le triangle qui ne peuvent subsister par soi sans quelque matière (καθ’ ἑαυτὰ ὑποστῆναι δίχα ὕλης τινὸς οὐ δύνανται), mais peuvent être conçues sans la matière par la pensée. Ces figures géométriques font précisément l’objet des mathématiques. Ce passage, bien que fondé sur la Métaphysique E, ne suit pas exactement les critères de distinctions fournis par Aristote que sont l’immobilité et la séparabilité76. Le critère de séparabilité en acte et en pensée, en particulier des figures géométriques, semble plutôt provenir du De anima 431b11377. 73 Elias, In Isag. 27,35-28, 6 utilise plutôt le critère de matérialité et d’immatérialité tandis que David, in Isag., 58,6 préfère celui de l’incorporalité. 74 Ou, selon David (In Isag., 58,7) « Dieu, ange et âme » (θεόν, ἄγγελον, ψυχήν). 75 Ammonius semble reprendre ici les exemples de Metaph. 1026a1-3. 76 Aristote précise que la théologie traite des objets éternels immobiles et séparables, Metaph. 1026a17 (trad. Duminil & Jaulin) : « La science première traite d’objets à la fois séparables et immobiles » ; les mathématiques traitent des objets immobiles et séparables  1026a 8 : « il est pourtant évident qu’elle étudie certains objets mathématiques en tant qu’immobiles et en tant que séparables. », mais ces objets mathématiques peuvent aussi être inséparables puisqu’il est aussitôt précisé que 1026a 15 : « certaines parties de la mathématique [traitent] d’objets immobiles, pourtant peut-être non séparables comme dans une matière ». Autrement dit, elles sont conçues en tant que réalités séparables mais n’existent pas séparément de la matière. 77 De anima 431b113 (trad. Jannone) : « Mais ce qu’on appelle les abstractions, on les pense de la même manière que le camus : le nez camus en tant que tel, on le pense sans le séparer de la matière ; mais, si l’on considère la concavité et qu’on la pense en acte, la pensée exclut la chair où s’inscrit cette concavité ; c’est ainsi que les objets mathéma-



Min-Jun Huh

Pour ce qui est de la division de la philosophie théorétique, deux doctrines distinctes semblent avoir vu le jour à l’intérieur de l’école néoplatonicienne : la première, celle représentée par Boèce, qui s’appuie sur les trois classes de réalité (οὐσίαι νοηταί, οὐσίαι νοεραί et οὐσίαι φυσικαί) dont l’origine remonte jusqu’au commentaire de Porphyre au livre Λ de la Métaphysique 1069a30-1069b3 et qui n’a pas encore identifié les âmes aux ousiai mathématiques ; et celle d’Ammonius qui provient grosso modo de la Métaphysique E. Nous constatons donc une nette divergence chez Boèce et Ammonius concernant le statut des réalités situées entre les intelligibles et les sensibles. Pour Boèce, ces réalités sont les substantiae intellectibiles (οὐσίαι νοεραί) ou les âmes, qui sont des incorporels par soi, mais incorporées à la suite de leur chute dans le monde sensible, tandis que pour Ammonius, ce sont les figures géométriques qui ne peuvent exister sans les corps mais qui sont néanmoins pensées comme des incorporels. Cette divergence de points de vue à l’intérieur de l’école néoplatonicienne concernant l’objet des mathématiques pourrait s’expliquer en partie si l’on recourt au commentaire de Proclus aux Éléments d’Euclide78. Dans les deux prologues, il rendait précisément compte de ce double statut ontologique des mathématiques (en particulier géométriques), en identifiant, d’une part, les formes mathématiques aux âmes (comme chez Simplicius), et, d’autre part, les figures géométriques aux projections de l’imagination79, doctrine qui, par ailleurs, pourrait remonter jusqu’à Jamblique. Il est donc possible que la division de la philosophie théotiques, quoique non séparés de la matière, sont pensés comme séparés, quand on pense les abstractions. » La question de savoir comment Ammonius (ou Proclus) a été amené à associer ce passage du De anima avec la Métaphysique 1026a17 devra faire l’objet d’une recherche plus approfondie, mais on peut déjà avoir un indice dans Simplicius, in De anima 431b113 (On Aristotle on the Soul 3.6-13, trad. C. Steel, 76-77). 78 Concernant le statut ontologique des réalités mathématiques en tant qu’essence, cf. Proclus, in Eucl., Prologue I, 3.1-5.14 et Lernould, Commentaire de Proclus sur le premier livre des Éléments d’Euclide, thèse d’habilitation, 2015. 79 À ce propos, Lernould, ibid., p. 66, n. 1 : « Le prologue I [du commentaire au Éléments d’Euclide] s’ouvrait sur la thèse selon laquelle l’essence mathématique tout entière est intermédiaire entre l’intelligible et le sensible. Ici, ce premier chapitre du Prologue II porte sur la question du statut ontologique des objets de la science géométrique. Les objets du géomètre sont, en tant que figures projetées […] dans l’imagination ou matière intelligible, des images des raisons essentielles psychiques, elles‑mêmes images des Formes dans l’Intellect divin. Comme dans le Prologue I c’est un statut d’intermédiaire qu’il s’agit d’affirmer, mais à la différence du Prologue I ce statut n’est pas ici attribué aux Formes mathématiques (psychiques) en elles-mêmes, mais à leurs représentations en l’âme humaine sous forme de figures étendues et divisibles mais séparées de toute matière sensible. »



Les Prolégomènes à la philosophie

rétique de Boèce et celle d’Ammonius ne font que refléter chacun un aspect particulier de cette doctrine. On remarque d’ailleurs que Boèce propose une autre division de la philosophie théorétique dans l’un de ses traités théologiques composés bien après ses commentaires à l’Isagogè80. En somme, l’examen du traitement de la définition et de la division de la philosophie dans le In Isag. 1, montre donc que Boèce suit une tout autre tradition exégétique que celle suivie par Ammonius et ses successeurs, et on décèle ici et là l’empreinte de Porphyre. Il est probable que la source grecque utilisée par Boèce remonte au-delà de l’époque de Proclus à qui, comme on l’a dit, revient probablement le mérite d’avoir mis en place les schémas des prolégomènes à la philosophie. Cette différence entre l’école de Boèce et celle d’Ammonius s’observe également dans la partie introductive de son second commentaire à l’Isagogè où l’auteur de la Consolation expose deux introductions, l’une dédiée à la logique, et l’autre spécifique à l’Isagogè. Comme l’a déjà noté Shiel81, Boèce semble avoir pris soin de ne pas répéter les éléments déjà exposés dans le premier commentaire, comme s’il avait voulu répartir les matériaux exégétiques grecs qu’il avait à sa disposition à travers ses deux commentaires. Le second commentaire étant encore mal connu des lecteurs modernes, nous donnerons pour commencer un résumé succinct de la partie introductive, avant d’en dégager les éléments exégétiques significatifs82.

Les introductions dans le In Isag. 2 Le schéma introductif précédant le second commentaire à l’Isagogè de Boèce (11 pages dans l’édition de Brandt) comporte une double introduction83 : la première (135,5-143,7) traite principalement de l’origine et du statut de la logique ; la seconde, plus brève, (143,8-146,25) examine le 80 En effet, Boèce, dans le De Trinitate, 2, 1, 68-83 (cf. A. Galonnier éd. Boèce, Opuscula Sacra, Louvain-Paris, 2013, p.  50-53.) propose une autre classification de la philosophie théorétique qui comprend cette fois les mathématiques dont l’objet réside dans notre pensée. Toutefois, les critères de distinction des disciplines théorétiques sont la séparabilité et la mobilité et non la séparabilité du pont de vue de la matière et de la pensée comme chez Ammonius. 81 Shiel, « Boethius’ commentaries on Aristotle », art. cit., p. 235. 82 Il existe seulement une traduction anglaise partielle du livre I, ch.10-11 (= éd. Brandt, p. 159,3-167,20), cf. P. V. Spade, Five Texts on the Mediaeval Problem of Universals : Porphyry, Boethius, Abelard, Duns Scotus, Ockham, Indianapolis, 1994, p. 20-25. 83 Cependant, Shiel (ibid., p. 236) divise le prologue de ce second commentaire de Boèce en quatre sections « a) The division of powers in the soul and the consequent



Min-Jun Huh

rapport entre les quinque res de Porphyre et les dix catégories d’Aristote à travres l’examen du but (intentio) et correspond, de ce point de vue, à l’introduction spécifique à l’Isagogè84. Ce découpage ainsi que l’identification du contenu nous sont autorisés par cette phrase qui articule ces deux « introductions » : (135, 14-143, 7) : « Mais puisque j’ai expliqué […] l’origine de la logique (ortum logicae) et ce qu’était la logique ellemême (quid ipsa logica esset) il faut maintenant dire quelques mots sur notre livre que nous avons entrepris ici d’expliquer (nunc de eo nobis libro pauca dicenda sunt quem in praesens sumpsimus exponendum) ». L’introduction dédiée à la logique est elle-même divisée en deux parties : la première traite de l’origine de la logique, la seconde de son statut, où on décèle des éléments aristotéliciens issus du De l’âme, des Premiers et Seconds analytiques. Comme nous le verrons, cette seconde partie reprend les éléments d’une introduction à la logique qui, à l’origine, se trouvait au début d’un commentaire aux Seconds analytiques. Avant d’aborder l’origine de la logique, qui constitue donc le cœur de cette première introduction, Boèce commence par un discours sur les facultés de l’âme85, parce que, comme il sera précisé plus loin, l’invention de la logique est étroitement liée à la nature même de l’homme. En effet, l’activité cognitive de l’âme humaine, qui vise de par sa nature la saisie du vrai et la pratique du bien, a nécessité l’invention de la logique qui s’avère précisément être le moyen de parvenir à cette fin. Ainsi, dans les premières pages qui résument la doctrine aristotélicienne de l’âme, se trouvent brièvement décrites les facultés de l’âme des êtres vivants en général (les végétaux et les animaux 136,6-137, 4) et celle de l’homme διαλεκτικαὶ μέθοδοι ; b) The origin of logic ; c) Is logic a pars or a supellex of philosophy ? d) The subject-matter of the Isagoge. » 84 Alors que dans le in Isag.1, Boèce avait traité six points à examiner (but, titre, utilité etc.), dans le in Isag. 2 n’apparaît que le but examiné en lien avec le titre « Voilà le but de ce livre : que Porphyre l’a écrit en vue de l’introduction des prédicaments, comme il a été dit, il l’a signalé dans l’annonce même du titre. » (Haec quidem intentio est huius libri, quem Porphyrius ad introductionem Praedicamentorum se conscripsisse ipsa, ut dictum est, tituli inscriptione signauit.) ; S. Brandt (Anicii Manlii Seuerini Boethii in Isagogen Porphyrii commenta, CSEL, 48, Vindobonae-Lipsiae, 1906, Excursus LXXIX), affirme que se trouve exposé dans ce passage le titre et l’utilité. Mais, en fait, l’utilité et le titre sont traités plutôt dans le commentaire même de l’Isagogè, cf. 151,10-154.8. Pour un résumé synthéthique de ce prologue, cf. J. Shiel, « The Greek Copy of Porphyrios’ Isagoge used by Boethius », in J. Wiesner (éd.), Aristoteles-Werk und Wirkung, Band II, Berlin, p. 319-320. 85 In Isag. 2, 136, 1 : « …il faut commencer avec les forces efficientes de l’âme ellemême pour que le discours procède selon une certaine méthode et un certain fil. » (…ut uia et filo quodam procedat oratio, ex animae ipsius efficientiis ordiendum est.)



Les Prolégomènes à la philosophie

en particulier (137,4-138,4). D’après Boèce, parce que l’âme humaine possède, en plus de la sensation et de l’imagination, la raison (137, 6 in ratione constituta est), elle est capable de rechercher (uestiget) à travers les choses qui lui sont connues (per ea quae sibi nota), celles qui lui sont inconnues (ignota) », – c’est-à-dire déduire des principes connus des principes inconnus au moyen d’un raisonnement syllogistique – et cherche à les connaître en posant quatre questions : si une chose existe, ce qu’elle est, comment elle est et pourquoi elle existe86. L’âme humaine emploie alors toute son activité à ces deux choses : « connaître la nature des choses (rerum naturas) par une méthode éprouvée d’investigation (138, 8 : certa inquisitionis ratione) », c’est-à-dire connaître les objets de la philosophie théorétique au moyen du syllogisme ; puis, une fois cette connaissance acquise, les mettre en œuvre à travers la philosophie pratique. (138,9 : alterum uero ut ad scientiam prius ueniat quod post grauitas moralis exerceat.) Or, poursuit-il, alors qu’il faut connaître la « nature des choses », les Anciens, comme Épicure, parce qu’ils ne disposaient pas de la méthode d’argumentation (per imperitiam disputandi, c’est-àdire la logique), sont tombés dans de multiples erreurs et aboutissaient à des conclusions contradictoires à propos d’une même question. Ce sont donc ces erreurs commises par les Ancients qui ont été à l’origine de la naissance de la logique. Boèce, in Isag. 2, 139,14 : « C’est de là donc que débute la connaissance de la discipline logique (Hinc igitur profecta est logicae peritia disciplinae) qui procure les modes de raisonnement (disputandi modos) et les méthodes pour distinguer les raisonnements eux-mêmes (ipsas ratiocinationes internoscendi uias), de sorte que l’on puisse reconnaître quel raisonnement est tantôt faux tantôt vrai (ratiocinatio…nunc falsa… nunc… uera), lequel est toujours faux (semper falsa), et lequel n’est jamais faux (numquam falsa)87. » 86 Ces quatre questions sont issues des Anal. Post. 90a : Τὰ ζητούμενά ἐστιν ἴσα τὸν ἀριθμὸν ὅσαπερ ἐπιστάμεθα. Ζητοῦμεν δὲ τέτταρα, τὸ ὅτι, τὸ διότι, εἰ ἔστι, τί ἐστιν. 87 Nous avons ici une classification implicite des syllogismes apodictiques, dialectique et sophistiques. Les raisonnements « tantôt faux, tantôt vrais » (ratiocinatio…nunc falsa… nunc… uera) font l’objet des Topiques ; ceux qui sont « toujours faux » (semper falsa) des syllogismes sophistiques et ceux qui ne sont jamais faux (numquam falsa) des syllogismes apodictiques. (Sur ces distinctions, cf. J.-B. Gourinat « La postérité de la classification aristotélicienne des syllogismes aux iie et iiie s. : vers un Organon long ? » in J. Brumberg-Chaumont (éd.), L’organon dans la translatio studiorum à l’époque d’Albert le Grand, Studia Artistarum, Turnhout, 2013, p. 10-13) Ce passage est à associer avec l’ordre des traités de l’Organon exposé dans le in Isag. 1, 12,24-14,7 (Isagogè, Catégories, Peri hermeneias, Premiers analytiques, Seconds analytiques et Topiques. Cf. F. Solmsen,



Min-Jun Huh

Par la suite, Boèce reproduit une assez longue citation du début des Topiques de Cicéron88 : « Toute méthode exacte de discussion comporte deux parties, l’invention et le jugement ; dans les deux cas, Aristote, à ce qui me semble, a été celui qui a montré la voie… » qui est l’occasion pour lui d’illustrer la division de la logique en invention et en jugement89. Cette première partie sur l’origine de la logique s’achève par cette phrase (140,10) : « Puisque le fruit de cet examen est si grand, il faut porter toute l’attention de notre esprit à cette discipline si ingénieuse , de sorte que nous puissions, une fois les pieds fermement posés dans la vérité de l’argumentation (in disputandi ueritate), arriver facilement à une saisie assurée des choses elles-mêmes. (140, 10 : ad rerum ipsarum certam comprehensionem uenire possimus). Tout ce passage soustend donc l’idée que la philosophie est non seulement organisée en physique (connaissance de la nature des réalités), éthique (la pratique du bien) et la logique (connaissance du vrai et du faux), mais doit également être abordée dans un ordre fixe, à savoir la logique, la physique et l’éthique. À la suite de cette première partie qui traite de l’origine de la logique vient le traitement de son statut (140, 13-143,8), à savoir si elle est une partie ou un instrument de la philosophie : « Et puisque nous avons dit au préalable quelle était l’origine de la discipline logique (ortus logicae disciplinae), il semble qu’il reste à ajouter si elle est une partie de la philosophie ou bien, comme l’affirment certains, un outil et un instrument au moyen duquel la philosophie accède à la nature et à la connaissance des « Boethius and the history of the Organon », American Journal of Philology 65, 1944, p. 69-70. L’absence des Réfutations sophistiques dans la liste de Boèce peut s’expliquer par le fait que cet ouvrage était intégré dans les Topiques comme constituant le IXème livre (sur ce point, cf. Aristote, Les réfutations sophistiques, introduction, traduction et commentaire par Louis-André Dorion, Paris, 1995, p. 24 sq.). 88 Cicéron, Top., 2, 6s. (Trad. Bornecque légèrement modifiée) : « Toute méthode exacte de discussion comporte deux parties, trouver [les arguments] et juger [de leur valeur] ; dans les deux cas, Aristote me semble vraiment avoir montré la voie. Les Stoïciens se sont appliqués à la seconde partie. Ils ont en effet parcouru très exactement toutes les avenues du jugement, dans la science qu’ils appellent dialectique. Mais l’art de trouver [les arguments], nommé topique, préférable dans la pratique et, dans l’ordre naturel, assurément le premier, ils l’ont complètement laissé de côté. Pour nous, qui estimons l’une et l’autre très utile, et qui avons l’intention de traiter complètement de l’une et de l’autre, si nous en avons le loisir, nous commencerons par ce qui se présente en premier lieu. ». Il est certain qu’une telle citation ne peut provenir d’une exégèse néoplatonicienne. 89 Cicéron, Top., 2, 6s :  Cum omnis ratio diligens disserendi duas habeat partes, unam inueniendi alteram iudicandi, utriusque princeps, ut mihi quidem uidetur, Aristoteles fuit… De fait, Boèce semble affirmer plus bas que l’invention est la partie de la logique qui s’occupe de la partie active, le jugement de la partie spéculative. cf. infra, p. 82.



Les Prolégomènes à la philosophie

choses. » Boèce, avant de statuer sur cette question, présente d’abord deux positions des Anciens que l’on peut résumer comme suit : 1. Ceux qui déclarent que la logique est une partie de la philosophie (140,13-141,19) avancent un argument issu de l’objet. En effet, d’après eux, les objets (141, 9 subiecta) de la philosophie théorétique sont « la nature des choses  (de rerum naturis) », ceux de la philosophie active « les mœurs (de moribus) », tandis que la logique s’occupe (141, 12) « des propositions, des syllogismes et d’autres choses de ce genre (de propositionibus atque syllogismis et caeteris huiusmodi) ». Puis, ils poursuivent en disant : « or, si la philosophie consiste en ces trois choses, c’està-dire spéculative, active et logique, séparées les unes des autres par une délimitation (finis c’est-à-dire « objet ») qui leur est propre et qui sont au nombre de trois (proprio triplicique a se fino disiuncta), et que la philosophie spéculative et active sont dites être des parties, on a convaincu sans aucun doute que la philosophie rationnelle aussi est une partie (pars) »90. 2. Ceux pour qui, en revanche, la logique est un instrument (141,20-142,15), l’argument s’appuie sur le but (finis ; extremum) : en effet, le but de la philosophie spéculative est la « connaissance des choses » (rerum cognitionem), tandis que la philosophie active vise à rendre meilleures « les mœurs et l’institution [des lois] » (mores atque instituta). Quant au but de la logique, il ne peut être absolue (absolutus) mais entretient un lien étroit avec les deux autres parties (cum reliquis duabus partibus colligatus atque constrictus est). Car « c’est en vue de la recherche sur ces choses que la pratique de cet art a été inventée » (propter inuestigationem rerum huius effectio artis inuenta est.) « Savoir comment en effet on conclut une argumentation, ou savoir laquelle est vraie, laquelle est semblable à la vérité91, c’est à cela qu’il tend, de sorte que cette science des arguments [c’està-dire logique] se réfère ou bien à la connaissance des choses (ad 90 In Isag. 2, 141, 15-19 : Quodsi in his tribus (id est speculatiua, actiua, atque rationali) philosophia consistit quae proprio triplicique a se fino disiuncta sunt, cum speculatiua et actiua philosophia partes esse dicuntur, non dubium est quin rationalis quoque philosophia pars esse conuincatur. 91 C’est-à-dire des arguments basés respectivement sur les syllogismes apodictiques et syllogismes dialectiques. Les syllogismes apodictiques sont l’instrument par excellence de la philosophie spéculative.



Min-Jun Huh

rerum cognitionem), ou bien à la découverte des choses (ad inuenienda) qui, appliquées dans l’exercice de la morale, engendrent le bonheur (beatitudinem). »92 La logique est décrite ici comme ce qui, à travers le syllogisme apodictique, procure non seulement les critères du jugement vrai à la philosophie spéculative, mais également l’invention des arguments à la philosophie pratique93. Et ils concluent en disant (142, 11-14) : « puisque le but de [la philosophie] spéculative et active est propre à chacune d’elles et bien déterminé (quoniam speculatiuae atque actiuae suus certusque finis est), et que le but de la logique se réfère à ces deux autres parties (logicae autem ad duas reliquas partes refertur extremum), il est manifeste qu’elle n’est pas « une partie de la philosophie  mais plutôt un instrument. » Enfin, pour clore avec l’opinion des Anciens, Boèce ajoute que, bien que d’autres arguments peuvent être avancés par les deux parties, il suffit de connaître ceux qu’il vient d’exposer94. Quant à Boèce qui harmonise les deux positions, il adopte le critère à la fois de l’objet et du but pour définir le statut de la logique, qui est à la fois une partie et un instrument de la philosophie (142,16-143,7). En effet, puisque contient elle-même son propre objet (finis)95 et que cet objet est considéré par la philosophie seule, elle doit être posée comme une partie de philosophie (pars philosophiae esse ponenda est) ; mais puisque le but (finis) de la logique, qui est l’examen de la philosophie seule, est de proposer son service aux autres parties de celle-ci (ad alias eius partes suam operam pollicetur), nous ne nions pas qu’elle soit un instrument de la philosophie (instrumentum… philosophiae). 92 In Isag. 2,142, 7 : Scire enim quemadmodum argumentatio concludatur uel quae uera sit quae ueri similis, ad hoc scilicet tendit, ut uel ad rerum cognitionem referatur haec scientia rationum uel ad inuenienda ea quae in exercitium moralitatis adducta beatitudinem pariunt. 93 Il est possible que Boèce pense à la partie politique et éthique de la philosophie pratique en rapport avec ce qu’il a pu lire dans le De inventione de Cicéron. En effet, dans ce dernier ouvrage (qu’il cite dans le In Isag. 1) l’auteur recourt à l’argumentation rhétorique basée sur des preuves morales pour le genre démonstratif et délibératif. Les discours délibératifs usent, surtout dans la confirmation et la réfutation, des arguments fondés sur ce qui est moral (cf. De inventione, II, § 159-165). 94 In Isag. 2,142, 14-16 : Sunt uero plura quae ex alterutra parte dicantur quorum nos ea quae dicta sunt strictim notasse sufficiat. 95 Dans ce passage, Boèce emploie le terme finis tantôt dans le sens de l’objet délimité, tantôt dans le sens du but, comme il l’a déjà laissé entendre plus haut. Cf. respectivement in Isag. 2, 141, 17 : proprio triplicique a se fino disiuncta (l’objet) ; 141, 22 : logicae finem speculiuae atque actiuae partis extremo (le but).



Les Prolégomènes à la philosophie

Ainsi le rapport entre la logique et la philosophie est, dit-il, comparable aux parties du corps, telle la main qui peut être à la fois une partie et un instrument96. C’est là que prend fin la première partie de l’introduction consacrée à la logique et que commence le début de l’introduction spécifique à l’Isagogè, comme le montre la phrase de transition : 143, 8-11 : « Mais, puisque j’ai expliqué, dans la mesure de la brièveté succincte qui m’a été accordée, la naissance de la logique et ce qu’était la logique elle-même, il faut maintenant dire quelques mots sur notre livre que nous avons entrepris ici d’expliquer. »97 De fait, cette seconde introduction est entièrement consacrée à l’explication du but, en lien avec le titre, comme le montre la phrase qui suit immédiatement : « En effet, Porphyre annonce dans le titre qu’il écrit une Introduction aux Prédicament d’Aristote. Je vais expliquer brièvement ce que signifie cette introduction et ce à quoi (ad quid) elle prépare l’esprit des lecteurs »98. De fait, tout ce passage, où Boèce montre le lien entre les cinq prédicables de Porphyre et les dix catégories, reprend l’exposé du prologue du premier commentaire qu’il n’est pas utile de décrire ici99.

Les éléments exégétiques autour de l’introduction à la logique Dans cette double introduction du In Isag. 2 que nous venons de résumer brièvement, plusieurs éléments nous mettent sur la piste d’une exégèse néoplatonicienne plus ancienne qui fait la synthèse de plusieurs doctrines aristotéliciennes. Dans la première partie, où l’explication de la logique est de nature psychologique et historique, on constate l’influence 96 Cf. Militello, C. (2010), I Commentari all’Isagoge di Porfirio tra V e VI secolo, Acireale-Roma, 2010, p. 71 ; M. Capone Ciollaro « Ammonio e Boezio : i proemi dei commenti all’Isagoge di Porfirio », ΚΟΙΝΩΝΙΑ, vol. 18, 1994, p. 50 ; Rijk, « On the chronology of Boethius’ works on logic II », art. cit., p. 137 ; H. Chadwick, Boethius : The Consolations of Music, Logic, Theology, and Philosophy, Oxford, 1981, p. 148 et 175. 97 In Isag. 2, 143, 8-11 : Sed quoniam, quantum mihi quoque breuitas succincta largita est, ortum logicae et quid ipsa logica esset explicui, nunc de eo nobis libro pauca dicenda sunt quem in praesens sumpsimus exponendum. 98 In Isag. 2, 143, 11-13 : Titulo enim proponit Porphyrius introductionem se in Aristotelis Praedicamenta conscribere. Quid uero ualeat haec introductio uel ad quid lectoris animum praeparet breuiter explicabo. 99 Sur ce point, cf.  Shiel, « The Greek Copy of Porphyrios’ Isagoge used by Boethius », art. cit., p. 321.



Min-Jun Huh

des éléments aristotéliciens issus du De anima (doctrine psychologique) et des Seconds analytiques (les quatre questions), une description discrète des différents types de syllogismes qui feront respectivement l’objet des Seconds analytiques, Topiques et des Réfutations sophistiques, et, enfin, la division de la logique en invention et jugement attestée chez Cicéron. Or, à l’exception de cette citation de Cicéron, ces introductions présentent bien des similarités par rapport aux œuvres grecques correspondantes du point de vue du thème philosophique et de l’argumentation, mais tout rapprochement direct ou littéral nous paraît difficile, tant la terminologie et le contexte dans lequel elles apparaissent diffèrent. Puisqu’il n’est pas possible de traiter ici tous les aspects de cette divergence doctrinale, nous nous limiterons à en donner quelques exemples. On trouve chez Ammonius100 et David101 l’idée que de la nature de l’âme humaine est à l’origine de la division de la philosophie en théorie et pratique, mais leur argument est fondé sur la distinction des puissances cognitives (γνωστικαί) et pratiques ou vivifiantes (αἱ πρακτικαί ; αἱ ζωτικαί), termes absents chez Boèce. En outre, les quatre questions tirées des Seconds analytiques (τὸ ὅτι, τὸ διότι, εἰ ἔστι, τί ἐστιν) apparaissent, avec quelques modifications (εἰ ἔστι, τί ἐστι, ὁποῖόν, τί ἐστι, διὰ τί ἐστι) chez Elias (τέσσαρα προβλήματα) et David (τὰ τέσσαρα κεφάλαια) au début de 100 Ammonius, in Isag. 4, 8-15 : « En effet, puisque, comme je l’ai dit, les puissances de dieu sont doubles, à savoir les puissances cognitives (αἱ γνωστικαί) et pratiques (αἱ πρακτικαί), que sont doubles aussi les puissances de notre âme, à savoir les puissances théorétiques et pratiques, et que le philosophe veut mettre en ordre (κοσμεῖν) chacune de ces deux parties de l’âme par imitation à dieu, d’une part, en examinant la manière dont est constituée la nature des étants, en mettant en ordre, d’autre part, les puissances passionnelles de son âme et en prenant soin des autres [hommes], Platon a défini avec raison la philosophie comme ressemblance à dieu dans la mesure du possible pour l’homme. » Argument analogue chez Elias, in Isag. 27,8-27,13 ; et David, in Isag. 55, 33-56, 8. Mais aussi chez Thémisitus, Paraphrase sur le De anima d’Aristote, 1.18-12.3 (éd. Hayduck), cf. Mansfeld, infra, p. 116, n. 71. 101 Pour David, in Isag. 55, 25-56, 8 La philosophie se divise en théorie et pratique pour trois raisons liées à l’âme. « La première […] est que la philosophie théorique et pratique nous sont connaturelles (συνουσίωται ἡμῖν) : la théorie nous est connaturelle comme le montrent les enfants, pour dire en un mot, qui sont tous curieux (φιλοπευστεῖς), c’est-à-dire qui aiment apprendre (φιλομαθεῖς). […] la philosophie pratique [nous est également connaturelle], comme le montre l’âme qui n’est jamais en repos (μηδέποτε ἠρεμοῦσα). En effet, même dans le sommeil, elle n’est pas en repos puisqu’elle fait des rêves. » ; la deuxième raison est à peu près la même que celle exposée par Amm. dans notre précédente note ; la troisième raison est que « puisque la philosophie a pour but de mettre en ordre l’âme (κοσμῆσαι), et que l’âme possède deux puissances, cognitives (γνωστικάς) et vivifiantes (ζωτικάς) (les puissances cognitives sont la sensation, l’imagination, l’opinion, la raison discursive et l’intellect […], et les puissances vivifiantes la volonté, le choix, la colère et le désir) pour cette raison, la philosophie aussi se divise en deux […] pour que, à travers la théorétique, elle mette en ordre les puissances cognitives de l’âme, et à travers la pratique, les puissances vivifiantes. »



Les Prolégomènes à la philosophie

leurs introductions à la philosophie. Le recours à ces questions est pour eux l’occasion de justifier l’existence de la philosophie (la philosophie existe-t-elle ?)102 et d’en aborder les définitions et les divisions (qu’estce que la philosophie ?)103. On note donc chez Boèce et chez les autres commentateurs grecs des analogies d’ordre thématique, mais le contexte dans lequel elles apparaissent diffère : chez Boèce, ces arguments figurent dans l’introduction à la logique (origine et statut de la logique), tandis que chez les commentateurs grecs, ils sont inclus dans l’introduction générale à la philosophie. En revanche, la seconde introduction de Boèce, celle qui touche au statut de la logique, nous offre davantage de points d’ancrage dans les écrits grecs comparables. En effet, le problème relatif au statut de la logique, à propos duquel Boèce rapporte l’avis des Anciens, est attesté dans plusieurs commentaires grecs aux traités logiques d’Aristote. Comme l’a bien montré Westerink (cf. liste reproduite ci-dessous), ce thème est présent soit dans la partie introduisant les Premiers analytiques (Alexandre, Ammonius, Philopon), soit au début du commentaire aux Catégories (Olympiodore). [Dans la partie introductive des commentaires aux Premiers analytiques :] (i) Alexandre Aphrodisias, In Analyticorum priorum librum I, 1, 3-4, 29 ; (ii) Ammonius, In Analytica priora, 8, 15-11, 21. [CAG IV/6] (iii) Philopon, In Analytica priora, 6, 19-19,24 (qui est une autre version du précédent) (iv) Elias [fragment édité par Westerink 1961] (v) Extrait d’un commentaire anonyme sur le Premiers analytiques (Paris, gr. 2061) dans Brandis 140a45-141a2. Comme faisant partie des commentaires aux Catégories : (vi) Olympiodore, In Categorias 14, 12-18, 12. [intitulé Introduction à la logique dans Gertz, 2018] (vii) une suite à la Vita vulgata d’Aristote dans les meilleurs manuscrits édités par Busse, CAG XII 1, p. X-XII104. David, in Isag. 2, 21-29,12 ; Elias, in Isag., 3, 8-11. David, in Isag. 9,13-49,8 ; Elias, in Isag., 3, 29-10, 6. 104 L. G. Westerink, « Elias on the Prior Analytics », Mnemosyne, Vol. 14/2, 1961, p. 132. À cette liste, il faut ajouter le commentaire de David, in Anal. Pr. (traduction arménienne), qui contient dans la partie introductive le traitement du statut de la logique. Westerink a eu connaissance de ce texte, mais ne l’intègre pas dans cette liste, contrairement à I. Hadot, Simplicius, Commentaire sur les Catégories d’Aristote, op. cit., p. 162 et 195 sq. 102 103



Min-Jun Huh

Westerink n’a pas intégré dans cette liste le In Isag. 2 de Boèce qui pourtant examine le statut de la logique. Or, ce commentaire de Boèce, une fois comparé avec quelques-unes des œuvres de la liste ci-dessus, laisse apparaître plusieurs spécificités du point de vue à la fois de l’argumentation et de la tradition exégétique. En effet, du point de vue historique, ce commentaire latin semble attester de l’existence d’une tradition exégétique grecque qui a traité du statut de la logique non pas avant les Catégories mais avant l’Isagogè, et dont le contenu argumentatif diffère sensiblement de ce que l’on trouve dans les commentaires existants de l’école néoplatonicienne d’Alexandrie. À cet égard, les textes d’Alexandre et d’Ammonius peuvent nous servir de repère : le premier parce qu’il est le plus ancien105, donc antérieur à Boèce, le second (v-vie siècle), parce qu’il constitue le modèle suivi directement ou indirectement par tous les autres commentateurs alexandrins (Philopon, Elias, Olympiodore) qui traitent de cette question. Un bref résumé de l’argumentation de ces deux auteurs grecs nous permettra de recueillir les éléments susceptibles d’identifier et de situer dans le temps la tradition exégétique suivie par Boèce.

Alexandre, Ammonius et Boèce sur le statut de la logique Alexandre, au début de son commentaire aux Premiers analytiques, rapporte qu’il existe au sujet du statut de la logique deux positions divergentes. Selon la première, celle que l’on attribue aux Stoïciens106, la logique est une partie de la philosophie (1.10-12.1 éd. Wallies). Leur argument repose à la fois sur l’objet (τὸ ὑποκείμενον) et la fin (ἡ πρόθεσις) : l’objet puisque la logique s’occupe des axiomes et des propositions (ἀξιώματα γὰρ καὶ προτάσεις), ce qui n’est l’objet ni de la théorétique ni de la pratique ; la fin, puisque la visée de la logique consiste à démontrer que, à partir de l’assemblage des propositions, découle une autre proposition par nécessité. (ἡ γὰρ ταύτης πρόθεσις τὸ διὰ τῆς ποιᾶς τῶν προτάσεων συνθέσεως ἐκ τῶν τιθεμένων τε καὶ συγχωρουμένων ἐξ ἀνάγκης τι συναγόμενον δεικνύναι…) 105 Du moins, parmi les commentateurs des traités logiques d’Aristote. Pour un aperçu historique touchant d’autres écoles, cf.  P.  Hadot, « La logique, instrument ou partie de la philosophie ? », in I.  Hadot, Simplicius, Commentaire sur les Catégories d’Aristote, op. cit., p. 183-188. 106 Cf. Alexander of Aphrodisias, On Aristotle’s Prior Analytics 1.1-7, translated by J. Barnes, S. Bobzien, K. Flannery, K. Ierodiakonou, Ithaca, 1991, p. 41, n. 4 & 5.



Les Prolégomènes à la philosophie

En revanche, pour ceux qui soutiennent que la logique est un instrument, et avec lesquels Alexandre s’accorde, dire qu’une chose est l’objet d’un art ou d’une science ne suffit pas pour qu’elle soit considérée comme une partie d’un art ou d’une science. Il faut, en outre, que la réalisation et la fin de cet objet ne soient pas à l’usage d’une autre discipline. Or, les parties de la philosophie, la théorique tout comme la pratique, utilisent la logique comme d’un instrument puisqu’elles se servent des syllogismes et des démonstrations (2.24 : σύστασιν συλλογισμοῖς τε καὶ ἀποδείξεσι χρῶνται) en vue de leurs propres constitutions (πρὸς τὴν τῶν οἰκείων κατασκευήν τε καὶ σύστασιν)107. C’est pourquoi la logique est plutôt un instrument de la philosophie. Nous voyons donc que l’argument des Anciens rapporté par Boèce, fondé sur l’objet (subiecta) et la fin (in Isag. 2, 141, 7-10 : est enim logicae tractatus de propositionibus atque syllogismis et caeteris huiusmodi), avait déjà été employé par Alexandre. Outre cet argument, on retrouve chez nos deux auteurs cette idée commune que la logique se met au service de la partie théorétique et pratique, mais il demeure néanmoins difficile d’y déceler des parallèles textuels à proprement parler108. Alexandre et Boèce divergent cependant quant au statut qu’ils assignent à la logique, dans la mesure où pour le premier elle est un instrument, pour le second, à la fois un instrument et une partie. De fait, comme nous le détaillerons plus loin, la position conciliatrice de Boèce est celle qui est largement partagée par les autres commentateurs grecs109. Historiquement donc, le traitement du statut de la logique a d’abord été examiné dans la partie introductive d’un commentaire aux Premiers analytiques et il est possible Cf. le résumé de ce passage (2,1-22) par P. Hadot « La logique, instrument ou partie de la philosophie ? », art. cit., p. 184 : « ceux qui posent que la logique est l’instrument de la philosophie, c’est-à-dire Alexandre lui-même et les aristotéliciens, s’appuient sur des arguments de ce genre : la logique ne se suffit pas à elle-même, mais elle a sa fin dans quelque chose d’autre, précisément dans la réalisation des autres parties de la philosophie qui se servent d’elle dans leur raisonnement ; la logique peut être l’œuvre de la philosophie tout en étant son instrument, comme le marteau et l’enclume sont l’œuvre de l’art du forgeron, tout en étant les instruments de cet art ; si la logique était une partie de la philosophie, les autres sciences, comme la médecine, qui se servent de la logique, seraient supérieures à la philosophie, puisque celle-ci serait leur instrument. » Toute cette explication est absente dans les commentaires de Boèce à l’Isagogè. 108 Comparer Boèce, in Isag. 2, 143.5 (« le but (finis) de la logique, que seule la philosophie peut examiner, est de proposer son service aux autres parties de celle-ci ») avec Alexandre, in Anal. Pr. 2.24 (« les parties de la philosophie utilisent la logique comme d’un instrument puisqu’elles se servent de syllogismes et de démonstration. ») 109 Pour la traduction des passages parallèles chez les commentateurs grecs, cf. I. Hadot, Simplicius, Commentaire sur les Catégories d’Aristote, op. cit., p. 162-165. 107



Min-Jun Huh

que par l’intermédiaire de quelques commentaires néoplatoniciens certains éléments se soient retrouvés au début d’un commentaire à l’Isagogè, comme l’atteste Boèce. Cependant, d’autres commentateurs néoplatoniciens, fidèles à la tradition inaugurée par Alexandre, choisissent de traiter cette question dans le cadre exégétique des Premires analytiques. C’est le cas d’Ammonius qui examine en détail la question du statut de la logique au début de son commentaire aux Premiers analytiques (8. 15-11.21)110. En effet, il est le premier à nommer explicitement les écoles philosophiques qui ont traité ce sujet111. Avant de développer l’argument de chaque partie, Ammonius prend soin d’expliquer en quoi une partie (μέρος) diffère à la fois d’un instrument et d’une sous-partie (μόριον). Ainsi (8.28) « un instrument est ce qui ne contribue pas à l’existence d’une chose et ce qui, une fois détruit, n’entraîne pas avec lui la destruction de la totalité ». Selon ce critère (8.31) « le bras est une partie de l’homme, et la destruction du bras entraîne la disparition de l’homme tout entier ». Ensuite, la partie (μέρος) diffère de la sous-partie (μόριον) en ce que (8.35) « la partie est une grande partie (τὸ μέρος μέγα μέρος ἐστιν), tandis que une sous-partie est une petite partie (τὸ…μόριον μικρὸν μέρος) c’est-à-dire une partie d’une partie (τοῦ μέρους μέρος) », d’après quoi la théorétique est dite être une partie de la philosophie, tandis que la théologie, une sous-partie. Viennent ensuite les arguments des Stoïciens (trois), des Péripatéticiens (deux), et de certains Platoniciens (un seul) qui ne reflètent pas, selon Ammonius, l’intention réelle de Platon. L’essentiel de ces arguments étant traduit dans notre annexe, nous nous limiterons ici à résumer la position d’Ammonius. La solution proposée par Ammonius consiste à harmoniser les arguments des Péripatéticiens et de Platon qu’il tient pour vrais. Il pro110 Cependant, Ammonius l’évoque brièvement dans l’introduction à l’Isagogè, dans le traitement de la question « à quelle partie de l’ouvrage se range-t-il ? » (in Isag. 23,19-23,24) : « Et il classe ce présent ouvrage sous la partie logique instrumentale de la philosophie : en effet, il nous enseigne les éléments qui constituent les principes de la démonstration qui est précisément, du point de vue générique, un syllogisme, lequel est une espèce de discours composé, lequel est, à son tour, du point de vue générique, est un énoncé. Ensuite, il introduit les Catégories d’Aristote, celles qui précisément relèvent de la logique. Or, la logique n’est pas une partie mais un instrument de la philosophie, comme nous le montrerons dans un autre livre » Cependant, Ammonius affirmera, dans son commentaire aux Premiers analytiques (in Anal. Pr. p. 8,15-11,21, CAG, vol. IV/4), que la logique est à la fois une partie et un instrument de la philosophie. 111 Ammonius, in Anal. Pr. (éd. Wallies) Pour les Stoïciens (8.20) la logique n’est ni instrument ni une quelconque sous-partie (μόριον), mais une partie (μέρος) de la philosophie ; pour certains Platoniciens (8.23), elle n’est pas un instrument, mais la partie la plus digne (μέος καὶ τιμιώτατον) de la philosophie ; pour les Péripatéticiens (8.26), elle est un instrument et non une partie.



Les Prolégomènes à la philosophie

pose ainsi de distinguer, d’une part, les syllogismes considérés comme de pures règles formelles, détachés de toutes références concrètes (ψιλοῦς τοῦς κανόνας ἄνευ τῶν πραγμάτων) – par exemple (11.6) « A se prédique de tout Γ, et B se prédique de tout Γ, donc A se prédique de tout Γ. » – et, d’autre part, les syllogismes considérés « avec les réalités qui leur servent de substrats (μετὰ τῶν πραγμάτων τῶν ὑποκειμένων) » – par exemple (11.10) « L’âme est automotrice. Or, ce qui est toujours automoteur est immortel. Donc l’âme est immortelle ». Alors que les Péripatéticiens n’envisagent que la logique formelle, (donc ils ne la considèrent que comme un instrument), Platon (11.18) « affirme que, si on examine la discipline logique avec les réalités qui leur servent de substrats, elle est une partie de la philosophie, tandis que, si on la considère comme de simples règles sans les réalités [subjacentes], elle est un instrument ». Nous voyons donc que Boèce et Ammonius, qui traitent tous deux du statut de la logique, témoignent d’un débat historique qui a opposé deux ou trois écoles philosophiques (chez Boèce les Stoïciens et les Péripatéticiens ; chez Ammonius les mêmes avec, en outre, certains Platoniciens) et s’accordent à dire que la logique est à la fois un instrument et une partie de la philosophie. Mais, mis à part ces points communs, nous n’avons pas trouvé d’éléments probants ni de parallèles textuels significatifs susceptibles de montrer un quelconque lien direct112. Cependant, le témoignage d’Ammonius est important en ce sens que la plupart de ses arguments seront repris, mutatis mutandis, par ses successeurs qui traitent du statut de la logique. C’est le cas de Philopon (qui reprend les cours d’Ammonius), d’Elias (fragments édités par Westerink) et d’Olympiodore. Alors que les deux premiers traitent de ce sujet au début de leurs commentaires aux Premiers analytiques, Olympiodore et David l’insèrent dans leurs commentaires aux Catégories113. Or, comme l’a suggéré Westerink114, il apparaît que les exégètes ont eu, au Les analogies recueillies par Brandt (Anicii Manlii Seuerini Boethii in Isagogen Porphyrii commenta, op. cit., p. XXV-XXVI) et P. Courcelle (« Boèce et l’école d’Alexandrie », in Mélanges d’archéologie et d’histoire 52, 1935, p. 192-198) s’expliquent par le fait que Boèce et Ammonius dépendent de sources communes. 113 L’introduction à la logique d’Olympiodore en particulier contient trois parties qui correspondent en fait à : 1) une introduction à la philosophie d’Aristote, 2) une introduction à la logique, 3) puis une introduction aux Catégories. C’est dans la deuxième partie de ce traité que Olympiodore traite de la question de savoir si la logique est un instrument ou une partie de la philosophie. cf. Gertz (tr.), Elias and David : Introductions to Philosophy with Olympiodorus…, op. cit. ; pour David, cf. supra, n. 00. 114 Westerink (éd.), Prolégomènes à la philosophie de Platon, op. cit., p. XVI, n. 26 : « [Elias], In Arist. Anal. Pr. 134.4-5 […] y examine une question qui, sans avoir beaucoup d’intérêt, était néanmoins de rigueur : à quel point du cours faut-il poser la question 112



Min-Jun Huh

cours des générations, une hésitation quant à la place à assigner au traitement de cette question puisque, d’après le témoignage d’Elias, Eutocius, probable successeur d’Ammonius et auteur d’un commentaire perdu à l’Isagogè, l’a examiné au début de l’Isagogè. Elias, In Anal. Pr. (Westerink 1961, 134) : « Si la logique est une partie ou un instrument de la philosophie, Eutocius l’examine en commençant l’Isagogè, tandis qu’Alexandre et Thémistius115 en commençant l’étude des syllogismes. Et ceux-là valent mieux. Car la question de savoir si logique est une partie ou un instrument de la philosophie est examinée d’après la seule méthode syllogistique. »116

Westerink semble affirmer que le fait d’avoir déplacé le traitement de cette question dans l’introduction à l’Isagogè est une innovation d’Eutocius117. Or, l’état actuel de notre documentation nous indique aussi Boèce (ou sa source) puisqu’il constitue le témoin le plus ancien qui examine cette question avant d’aborder l’Isagogè. Mais alors, comment expliquer que cette question qui, à l’origine, faisait partie de l’introduction aux Premiers analytiques a fini par se trouver au début des commentaires aux Catégories ou de l’Isagogè ? La raison en serait que, les Catégories ayant été considérées comme le premier traité logique, on a jugé plus convenable, du point de vue pédagogique, de traiter cette question de savoir si la logique est une partie de la philosophie, ou son instrument ? Est-ce dans l’introduction à l’Isagogè (Eutocius) ou plutôt dans celle aux Analytiques (Alexandre) ? La même question est soulevée, en des termes à peu près identiques, par David, Sur les Analytiques, texte arménien, p. 54 Arevchatian (infra, p. xxxvii et n. 102). Un extrait du commentaire d’Eutocius sur Isagogè (p. 2.10-11) se trouve chez Aréthas, In Isagogen dans le Vat. Urb. gr. 35, f. 4r, ligne 9 (texte inédit ; éd. en préparation par M. Share). » 115 Cet ouvrage, perdu, est cité par plusieurs commentateurs néoplatoniciens comme Ammonius (in Anal. Pr., 6, 31, 17-21 Wallies) et Philopon (in Anal. Pr., 6, 14-18 Waillies) cf. DPhA, VI, 877-878. 116 Cf. Westerink, « Elias on the Prior Analytics », art. cit., p. 134. 117 Westerink, ibid., p.  131 : « The innovation for which Elias cites Eutocius concerns one of those petty problems of procedure that occupied the minds of the successors of Ammonius : what is the appropriate moment, in a course of logic, to deal with the function of logic in the whole of philosophy, in other words, with the question whether logic is a material part of philosophy or merely its instrument (ὄργανον) ? The traditional place was the introduction to the Prior Analytics (Alexander, Themistius, Ammonius, Philoponus) ; Eutocius, we learn now, transferred it to the introduction to the Isagoge, where the others are content to mention the point and refer to a later discussion of it. Olympiodorus found a place for it in the prolegomena to the Categories, to which he thus gave a beautiful concentric composition : (I) introduction to Aristotelean philosophy ; (II) introduction to Aristotle’s Categories. Elias returned to the usual schema, but David follows Olympiodorus. »



Les Prolégomènes à la philosophie

avant les Catégories, dans une introduction à la logique (Olympiodore), ou d’en toucher un mot à l’occasion du traitement de la question : « à laquelle partie de la philosophie appartient ce traité. » avant de lire l’Isagogè (Boèce). À partir du moment où l’Isagogè a intégré l’Organon – et nous savons que la tradition exégétique a fait de ce traité une introduction non seulement aux Catégories mais également à la logique (définition, division, démonstration) – il est devenu plus commode d’examiner la question du statut de la logique avant cet opuscule de Porphyre. De fait, les éléments exégétiques touchant à l’origine et au statut de la logique présents dans le In Isag. 2 de Boèce pourraient bien provenir d’une introduction générale à la logique, qui n’a pas survécu chez les commentateurs grecs.

Conclusion Les deux introductions du In Isag. 1 et In Isag. 2 de Boèce rassemblent, nous l’avons vu, des éléments issus de différentes introductions aux traités de l’Organon. C’est le cas non seulement des six points à examiner du In Isag. 1, dont la source la plus ancienne est le commentaire de Porphyre aux Catégories, mais également du traitement du statut de la logique du In Isag. 2 qui provient probablement d’un commentaire néoplatonicien aux Premiers analytiques. À cela s’ajoutent la définition et la division de la philosophie qui figurent en plein milieu de l’introduction du In Isag. 1 et non au début de l’introduction à l’Isagogè, (lesquelles constituaient, nous l’avons vu, une section presque indépendante chez Ammonius), et enfin un récit historique sur l’origine de la philosophie, parsemé de références aristotéliciennes (De anima, Premiers et Seconds analytiques). Nous avons donc affaire à des éléments d’origines disparates qui ont été réunis pour former l’ébauche d’une introduction à la philosophie et une introduction à la logique, le tout réparti à travers les deux commentaires de Boèce à l’Isagogè. Cependant, contrairement à Ammonius, dont l’introduction à la philosophie a été conçue pour être prononcée dans le cadre d’un cours oral et devant un parterre étudiants, Boèce présente un exposé peu adapté à un cours de philosophie à proprement parler, même s’il tente d’inscrire son œuvre dans une certaine oralité en empruntant la forme dialoguée. La définition et la division de la philosophie sont à cet égard significatives, dans la mesure où, loin d’être des explications d’ordre pédagogique destinées à l’instruction des élèves dans le cadre d’un enseignement scolaire, elles paraissent être des extraits issus d’exé-



Min-Jun Huh

gèse néoplatonicienne traitant de questions métaphysiques, car, il va de soi que la définition de la philosophie qui esquisse la triade sagesse (être), vie, pensée, et la division de la philosophie issue de l’exégèse de la Métaphysique Λ ne sont pas des thèmes adaptés à des débutants. De même, les éléments de ce que nous avons qualifié d’Introduction à la logique du In Isag. 2 sont le fruit, en partie, de l’exégèse néoplatonicienne de l’introduction aux Premiers analytiques comme le montre le statut de la logique qui est fixé selon la doctrine d’harmonisation entre la Platon et Aristote. Nous sommes donc face à un agrégat d’éléments détournés de leur contexte exégétique d’origine et rassemblés à l’occasion d’une introduction à la philosophie et à la logique. Ce besoin de concevoir une introduction à la philosophie s’est probablement imposé avec l’intégration de l’Isagogè à l’Organon et l’établissement de la logique comme première étape de l’enseignement philosophique avant l’étude des écrits théorétiques et pratiques d’Aristote118. Il est difficile de dire si Boèce ne fait que suivre et traduire un commentaire grec complet ou si, à partir des scholies marginales accompagnant le texte même de l’Isagogè, il a lui-même arrangé ces éléments pour leur donner l’apparence d’une suite plus ou moins cohérente. Mais il est certain que Boèce rend compte d’une tradition plus ancienne que celle représentée par Ammonius (Proclus) et qu’il est le témoin d’une phase de l’évolution du genre isagogique en cours de constitution, liée à un besoin croissant de faire précéder les traités de l’Organon d’une introduction structurée.

Cf. I. Hadot, Simplicius, Commentaire sur les Catégories d’Aristote, op. cit., p. 65 : « division des écrits d’Aristote ». 118



Les Prolégomènes à la philosophie

Annexe1 La logique est-elle une partie ou un instrument de la philosophie ? Arguments des Stoïciens : Premier argument : (9.1-2) « la philosophie a elle-même engendré (ἀπογεννᾷ) la logique, et de ce fait, celle-ci serait une partie [de la philosophie]. » ; Deuxième argument : (9.6-12) « Si quelque art (τέχνη) utilise une chose qui n’est ni une partie (μέρος) ni une sous-partie (μόριον) d’un autre art, alors, cette chose est toujours une partie ou une sous-partie de cet art. […] Or, la philosophie, disent-ils, utilise la logique, qui n’est d’un autre art. de la philosophie mais une partie ou une sous-partie . » Troisième argument : (9.22-29) « […] la matière (ὕλη) des trois parties pratique, ce sont les affaires humaines (τὰ ἀνθρώπινα), tandis que le but (τέλος), c’est le bonheur de la vie humaine que l’homme politique s’efforce de procurer (περιποιεῖν). Encore la matière (ὕλη) des sous-parties , ce sont les affaires divines (τὰ θεῖα πράγματα), tandis que la fin, c’est le bonheur théorétique (ἡ θεωρητικὴ εὐδαιμονία). Or, la discipline logique (ἡ λογικὴ πραγματεία) ne possède ni la même matière ni [le même] but . En effet, la matière de la logique, ce sont les énoncés (οἱ λόγοι), tandis que le but, c’est la connaissance des méthodes apodictiques (ἡ γνῶσις τῶν ἀποδεικτικῶν). […] De sorte qu’elle ne peut être rangée sous aucune des deux parties de la philosophie. » Réfutation d’Ammonius aux arguments des Stoïciens : Au premier argument : (9.36-10.1) : « […]  même si la philosophie a produit (ἀποτελεῖ) la logique, il n’est pas nécessaire que la logique en soit une partie. En effet, le forgeron produit l’enclume

1 Nous traduisons ici les extraits du commentaire d’Ammonius aux Premiers analytiques (In Aristotelis Analyticorum priorum librum I commentarium, éd. M.  Wallies, CAG, IV/6,1, 1899). Le lecteur pourra comparer cet extrait avec les parallèles correspondants chez les commentateurs alexandrins réunis par I. Hadot, ibid., p. 163-165.



Min-Jun Huh

(ἄκμων) pourtant, l’enclume n’en est pas une partie mais son instrument. » Au deuxième argument : (10. 4-7) : « [À la définition proposée par les Stoïciens] il fallait ajouter (προσθεῖναι) aussi “un instrument” et dire “si [un art utilise] une chose qui n’est ni une partie ni une sous-partie ni un instrument d’un autre art”. Or, ils ne se sont pas rappelé qu’un instrument n’était pas nécessairement l’instrument d’une seule chose. » Le troisième argument n’est pas réfuté par Ammonius, sans doute parce qu’il l’approuve. Arguments des Péripatéticiens : Premier argument : (10.10-11) : «  ne contribue pas à l’existence de la philosophie. Et, même si la discipline logique périt, la fin de la philosophie demeure. » Deuxième argument (10.11-19) : « si une chose (πρᾶγμα) est l’instrument d’un art mais le produit (ἀποτελέσμα) d’un autre, l’art qui l’utilise comme un instrument est meilleur que celui qui le produit. […] Si donc la logique est une partie et le produit de la philosophie, et que la médecine et d’autres arts utilisent, comme on l’a dit, le syllogisme comme un instrument, il advient que ces arts sont meilleurs et supérieurs (ὑπερτέρας) par rapport à la philosophie, ce qui est absurde. En effet, la philosophie est l’art des arts, science des sciences. Arguments de certains Platoniciens : (10.20-24) «  Certains parmi les Platoniciens (τινὲς δὲ τῶν Πλατωνικῶν) ont affirmé, suivant Platon (κατὰ Πλάτωνα), que la logique est la partie la plus honorable (τιμιώτατον) de la philosophie, et ils paraphrasent les propos qui ont été tenus dans le Phèdre2 au sujet de la dialectique, où il exalte la dialectique, et 2 La référence au Phèdre apparaît aussi chez Olympiodore, Introduction à la logique, trad. anglaise Gertz 2018 (= in Categorias, CAG, XII/1 éd : Busse, 14, 22 sq.) : « Plato says in the Phaedrus that logic is a part, where he says that it plays the role of coping stone for philosophy (Gertz, 2018, 228, n. 74 cf. Plato, Republic (not the Phaedrus) 7, 534E2-3 [c’est-à-dire (trad. E. Chambry) : « ainsi donc, repris-je, tu juges que la dialectique est pour ainsi dire le faîte et le couronnement des sciences, qu’il n’en est pas d’autre qu’on puisse raisonnablement placer au-dessus d’elle… »]. But in the Phaedo, he says that it is a tool, where he says : “Boy, train yourself in this so-called prating, as long as you are still young ; otherwise the truth will escape you”. (Gertz, 2018, 228, n.  75 : « The quotation does not come from Plato’s Phaedo but from his Parmenides 135D 3-6 ») [c’est-à-dire (trad. L. Brisson : « Mais exerce-toi, pendant que tu es encore



Les Prolégomènes à la philosophie

ceux tenus dans le Philèbe3 et dans d’autres parce que, pensent-ils, elle conduit les âmes jusqu’au Bien et qu’elle est cause de la connaissance des réalités. » Réfutation des arguments de certains Platoniciens par Ammonius (10. 25-29) : « Eh bien, face à ces arguments, nous disons que, certes, elle est une partie de la philosophie, mais elle ne peut être la partie la plus honorable. Car nous voyons que nous l’utilisons pour la préparation (κατασκευή) et pour la démonstration des parties de la philosophie, je veux dire la théorétique et la pratique. De sorte que, même si elle en est une partie, il ne lui sera pas possible d’être la partie la plus honorable. Au contraire, elle a été découverte en vue des autres parties de la philosophie… » Pour Platon, avec lequel Ammonius s’accorde, la logique est à la fois un instrument et une partie (10.34-11.3) : « Du point de vue de la vérité, ils affirment bien quelque chose, mais ils ne se saisissent pas complètement de la vérité. En effet, selon Platon et le discours vrai, la logique n’est ni une partie (comme le disent les Stoïciens et certains Platoniciens) ni seulement un instrument (comme le prétendent les Péripatétitiens), mais elle est à la fois une partie et un instrument de la philosophie. Si, en effet, si tu saisis les énoncés avec les réalités (ἐὰν μὲν γὰρ μετὰ τῶν πραγμάτων λάβῃς τοὺς λόγους), par exemple, les syllogismes eux-mêmes avec les réalités qui leur servent de substrats (μετὰ τῶν πραγμάτων τῶν ὑποκειμένων), la logique est une partie, mais si tu saisis les règles pures (ψιλοῦς τοῦς κανόνας ἄνευ τῶν πραγμάτων) sans les réalités, elle est un instrument. Les péripatéticiens ne considèrent que les règles formelles de la logique (11.3-7) De sorte que c’est de belles façons que les Péripatéticiens, scrutant (ἀφορῶντες) les transmis par Aristote (τὰ παρὰ Ἀριστοτέλει), disent qu’elle est un instrument. En effet, jeune encore, et entraîne-toi à fond en te livrant à ces exercices qui, aux yeux du grand nombre, paraissent être une perte de temps et qui sont par lui qualifiées de “bavardage”. Sinon la vérité se dérobera à tes prises. »] With these words Plato indicates precisely that logic is a tool for philosophy, since he would not have dared to call a part of philosophy “prating” and “exercise”: so much about Plato. » 3 15d sq. référence fournie par M. Wallies.



Min-Jun Huh

transmet les règles pures (ψιλοῦς τοῦς κανόνας) sans prendre en compte les réalités qui leur servent de substrats, mais associent les règles avec les lettres (τοῖς στοιχείοις τοὺς κανόνας ἐφαρμόζων). Par exemple, A se prédique de tout Γ, et B se prédique de tout Γ, donc A se prédique de tout Γ. » Platon considère les règles avec les réalités qui leur servent de substrats. (11.7-21) « Or, Platon utilise à la fois comme une partie et un instrument. En effet, lorsqu’il associe ces règles avec les réalités et use des syllogismes à propos des réalités, comme lorsqu’il dit « l’âme est automotrice, or, ce qui toujours automoteur est immortel, donc l’âme est immortelle. », alors, usant de la logique avec les réalités qui lui servent de substrat, il utilise comme une partie. Mais lorsqu’il transmet les méthodes seules et les règles pures sans les réalités, il l’utilise comme d’un instrument. Il n’est en rien étonnant qu’il l’appelle à la fois instrument et partie de façon homonyme. […] Ainsi, en examinant la discipline logique avec les réalités qui leur servent de substrats, il dit qu’elle est une partie de la philosophie, tandis qu’en examinant les règles pures sans les réalités, il dit que c’est un instrument. Voilà ce que l’on pouvait dire à ce sujet. »



THE COMPLETE PHILOSOPHER* Jaap Mansfeld (Utrecht University)

1 The first part of the title of the Armenian version of the Προλεγόμενα τῆς φιλοσοφίας / Prolegomena philosophiae of David the Invincible: Definitions and Divisions of Philosophy, which as we note deviates from the standard title of such introductions in Greek,1 has been quite well chosen. It provides a useful description of the contents of the treatise – and not only of David’s work, but also of the Prolegomena and comparable larger or smaller sections of other works of his predecessors and colleagues Ammonius Hermeiou (brief ), Olympiodorus, Boethius, Elias, David (the longest), the so-called ps.Elias or ps.David, Stephanus of Alexandria, and in another context for example John Philoponus. In this genre of introductory lecture courses the second so-called isagogic or introductory question to be dealt with is that of the division of * Warm thanks are due to Mauro Bonazzi, Pier Luigi Donini, and David Runia for critical suggestions and the elimination of infelicities. I am also grateful for the suggestions of the Parisian corona on May 12, 2015, and for those of students and colleagues when I read a version of this paper at the Department of Philosophy, Utrecht, on December 13, 2018. Errors that remain are mine. 1 B. Kendall, R. W. Thomson (eds), Definitions and Divisions of Philosophy by David the Invincible Philosopher. English Translation of the Old Armenian Version with Introduction and Notes, Chico CA, 1983; V. Calzolari, J. Barnes (eds), L’œuvre de David l’Invincible, Leiden – Boston, 2009, p. 39. The Prolegomena of Elias and David are the first part of their commentaries on Porphyry’s Eisagogê (‘Introduction’, sc. to Aristotle’s Categories). On this literature see e.g. Kendall, Thomson (eds), ibid.; Ch. Wildberg, ‘Three Neoplatonic Introductions to Philosophy: Ammonius, David and Elias’, in Hermathena 149, 1990, p. 33-51; M. Roueché, ‘The definitions of philosophy and a new fragment of Stephanus the philosopher’, Jahrbuch der Österreichischen Byzantinistik 40, 1990, p. 107-128 where further references may be found.

Introduction générale à la philosophie chez les commentateurs néoplatoniciens, éd. par ­Min-Jun Huh (Monothéismes et Philosophie, 29), p. 97-121 FHG DOI 10.1484/M.MON-EB.5.120304

Jaap Mansfeld

Aristotle’s writings, in the course of which physics, ethics, and logic/ dialectic are dealt with, often in detail.2 In the present paper I intend to look at the position in both these interrelated contexts of the ‘perfect philosopher’, or rather of the so-called ‘complete philosopher’, teleios philosophos,3 i.e. in that of the definitions of philosophy and in that of the divisions of philosophy into parts. Six standard definitions of philosophy are quoted and discussed in Ammonius and Elias and other late commentators,4 though not always in the same order. The sixth, philosophy as ‘love of wisdom’, or ‘love of the Wise’ (i.e. God), is a preliminary, so-called nominal or conceptual definition, which merely explains the meaning, or origin, of the word, and fails to tell us what philosophy really is.5 Though such preliminary definitions are usually found at the beginning of a presentation or discussion of various definitions pertaining to the same entity, this old etymology apparently had become sufficiently unimportant to be listed ad finem, par acquit de conscience so to speak. Among the five definitions of the essence two are of interest in our present context. In the first place ‘the assimilation unto God in as far as possible for a human being’, which famously de2 I. Hadot (dir.), Simplicius, Commentaire sur les Catégories d’Aristote, traduction commentée sous la direction de I.  Hadot, Fascicules  I, introduction, première partie (p. 1-9,3 Kalbfleisch), Leiden, 1990, p. 48-93. Cf. Cassiod. Inst. 2.2.3: ‘it is the custom of learned philosophers to touch briefly upon the division of philosophy before attending to the exposition of the Isagogê’ (consuetudo itaque est doctoribus philosophiae, antequam ad Isagogem veniant exponendam, divisionem philosophiae paucis attingere). 3 τέλειος, which often means ‘adult’, is not so easy to translate in the present context. Next to ‘complete’ one might use the terms ‘perfect’ and the very fine ‘accomplished’. A dictionary definition of ‘complete’ is ‘having all necessary or desired elements, or skills’. I need hardly recall that teleios, ‘complete’ or perfect’ is related to telos, and that whoever is teleios in whatever respect has reached a telos, an ‘end’, goal’, or ‘highest good’. 4 Wildberg, ‘Three Neoplatonic Introductions to Philosophy…’, art. cit., p. 35. 5 E.g. Elias in Isag. 8.12-13 ἕκτος ὁ ἐκ τῆς ἐτυμολογίας ὁ λέγων ‘φιλία σοφίας’, David Prol. 21.21 ἐκ τοῦ ὀνόματος ὅρον. See e.g. Porphyry (ad Gedal.?) F70 Smith at Simp. in Cat. 213.10-28 for the distinction, with examples, and S.E. P. 2.212, and Marius Victorinius Def. p. 16.18––17.5 Pronay. It goes back to Arist. APo. 2.10 93b29-94a19, and the Stoics, who distinguish delineation from rendering the particular individuality, see D.L. 7.60 = SVF 2.226 plus SVF 3 Antip. 23 and [Gal.] Def.Med. 19.349.6-350.2 K. = SVF 2.227. The author of Ethical Doxography A in Stobaeus Book 2 begins his ‘problematical’ account of the various views of the philosophers concerned with the telos (more about which below) with an overview of the numerous meanings of the word in ordinary language and literature, see Stob. 2.7.3a, p. 45.12-46.4 W., and he begins his account of ethics as a whole at 2.7.1 with explications of the words ἦθος (and words derived therefrom) and πάθος, also according to various authorities. This methodological point has quite often been passed over in silence, or misunderstood, as e.g. by Roueché, ‘The definitions of philosophy…’, art. cit., p. 115.



The Complete Philosopher

rives from Plato.6 In the form transmitted by these late authors, which for the first time is found several centuries earlier in Themistius’ oration That the King is the Best Philosopher (Ὅτι μάλιστα φιλόσοφος ὁ βασιλεύς), this definition is a cento, a combination of a phrase cited from the account of the true philosopher in the Theaetetus and an added phrase cited from Books 6 and 10 of the Republic.7 Earlier Platonists, as we shall see below, cite the phrase without this addition. We should note that Themistius, quoting proof-texts from Aristotle’s Nicomachean Ethics and referring to views of Plato,8 goes on to argue that the purpose of the philosophical virtue required is ‘not knowledge but action’.9 Since he must have known how Platonist philosophers conceived of the assimilation unto God, his quotation plus exegesis of their proof text amounts to a provocation. Ammonius, in his On the Eisagogê of Porphyry, insists that this Platonic definition of philosophy is linked with the telos, the highest good. He was in a position to do so because for Platonists this ‘assimilation unto God’ etc. had become the formula for the telos long ago, when in 6 C. Lévy, ‘Cicéron et le moyen Platonisme. Le problème du souverain bien selon Platon’, REL 68, 1990, p. 50-65, often overlooked; D. Sedley, ‘The ideal of godlikeness’, in G. Fine (ed.), Oxford Readings in Plato, 2: Ethics, Politics and the Soul, Oxford, 1996, p.  309-318; J.  Annas, Platonic Ethics Old and New, Ithaca – London, 1999,  p.  52-71; D.  Sedley, The Midwife of Platonism: Text and Subtext in Plato’s Theaetetus, Oxford, 2004, p. 74-81; J. A. Armstrong, ‘After the ascent: Plato on becoming like God’, OSAP 26, 2004, p. 171-183; D. Baltzly, ‘The virtues and “becoming like God”: Alcinous to Proclus’, OSAP 26, 2004, p. 297-321 and the useful compilation of G. H. Van Kooten, Paul’s Anthropology in Context: The Image of God, Assimilation to God, and Tripartite Man in Ancient Judaism, Ancient Philosophy, and Early Christianity, Tübingen, 2008, p. 124-181. 7 Them. Or. 2.32D: μηδὲν ἄλλο ἐστὶ φιλοσοφία ἢ ὁμοίωσις θεοῦ κατὰ τὸ δυνατὸν ἀνθρώπῳ is a cento of Tht. 176b φυγὴ δὲ ὁμοίωσις θεῷ κατὰ τὸ δυνατόν· ὁμοίωσις δὲ δίκαιον καὶ ὅσιον μετὰ φρονήσεως γενέσθαι and Resp. 6.500d θείῳ … ὅ γε φιλόσοφος ὁμιλῶν … θεῖος εἰς τὸ δυνατὸν ἀνθρώπῳ γίγνεται plus 10.613d–e δίκαιος γίγνεσθαι καὶ ἐπιτηδεύων ἀρετὴν εἰς ὅσον δυνατὸν ἀνθρώπῳ ὁμοιοῦσθαι θεῷ. Cited Ammon. e.g. in Isag. 3.8-9, Olymp. Prol. 16.25-26 (who has ἐξομοίωσις and ἀνθρώποις), Elias e.g. in Isag. 9.1-2, David Prol. 18.8-9 (who says it is ἀπὸ … τοῦ τέλους) and passim, and IoDam. Dial. c. 66.5-6 Kotter (in c. 3.1314 as ὁμοιοῦμεθα and without κατὰ τὸ δυνατόν). The genitive θεοῦ instead of θεῷ in Themistius (possibly mistaken: Maisano reads θεῷ) agrees with biblical usage, see e.g. Ep. Jacobi 3:9 τοὺς ἀνθρώπους τοὺς καθ’ ὁμοίωσιν θεοῦ γεγονότας (cf. Gen 1:26) and Clem.Alex. Strom. 6.7.60, Phlp. Op.Mu. 242.12-13. I note in passing that the phrase θεῖος ἀνθρώπος is not very common (Pl. Resp. 500d cited above, the only example relevant in the present context I have found; further e.g. Pl. Phlb. 18b, Leg. 851b, Porph. Marc. § 15.12, Iambl. VP 11.56.4, Olymp. in Gorg. 48.2.8), and that one should not forget that θεῖος is an adjective. 8 Them. Or. 2.31A-33A, including a sneer (not in SVF) at the Stoics ‘from Chrysippus to Antipater’, who practiced the virtues with ‘pen and ink’, at 31C (cf. Plu. SR 1033D = SVF 1.27). 9 In the words of Arist. EN 1.1 1095a5-6. On Themistius’ anti-theoretical stance see O’Meara 2003, 207-208.



Jaap Mansfeld

view of the rivalry with the telos formulas of the Hellenistic schools such a formula was believed to be indispensable.10 Assimilation unto God means achieving the telos both in respect of theory and of praxis, he tells us. Accordingly, the composite formula is interpreted as standing not only for the finalization and culmination of our cognitive faculty with regard to the theoretical and speculative disciplines, but also for the finalization of the faculty responsible for our political and social as well as our private life, the latter in view of the practical disciplines.11 This is set out the following three passages:12 (1) There is also a definition of philosophy based on the telos, which runs ‘philosophy consists in the ‘assimilation unto God in as far as possible for a human being’. Thus Plato’s definition. For God has two kinds of activities, some cognitive, according to which he knows all things, as the poets indicate saying ‘gods know all things’ (Hom. Od. 4.379), others providential with regard to lesser beings, according to which he provides for the whole cosmos – as the poets say ‘gods, givers of goods’ (Hom. Od. 8.325, Hes.  Th. 46).13 The philosopher desires to make himself equal (ἐξομοιοῦν) to God in both these respects, for he desires to contemplate all things (for he inquires into all things), and he actually exercises a kind of providence over weaker beings too (for the philosopher is a judge and legislator). So that philosophy is assimilation unto God, and rightly so. The addition of the words ‘in as far as possible for a human being’ is to the point, for neither is the knowledge the same nor the providence. … 10 See e.g. D.L. 3.78 τέλος μὲν εἶναι τὴν ἐξομοίωσιν τῷ θεῷ. I note in passing that according to ‘some people’, cited Ethical Doxography A at Stob. 2.7.4a, p. 55.15-17 W., the telos of human life according to Plato is the ‘second’ good, i.e. a ‘combination of pleasure and practical wisdom’ (τὸ ἐκ φρονήσεως καὶ ἡδονῆς σύνθετον, ὅπερ ἐνίοις δοκεῖ κατ’ αὐτὸ εἶναι τέλος τῆς ἀνθρωπίνης ζωῆς). 11 For what follows, cf. D. J. O’Meara, Platonopolis: Platonic Political Philosophy in Late Antiquity, Oxford, 2003 (repr. 2005), p. 77-78, who lays less stress on the bipartition of philosophy that is involved. 12 Ammon. in Isag. 3.7-21 (also referred to by O’Meara, ibid., p. 78 n. 247) plus 6.6-10 and 11.6-21. Parallel passage e.g. at Elias in Isag. 26.35-27.13, where it is philosophy that imitates God (cf. ibid. 24.1). Unless otherwise indicated translations are mine. 13 On these poetic proof texts see Wildberg, ‘Three Neoplatonic Introductions to Philosophy…’, art. cit., p. 37. They are first found together in Procl. in Remp. 1.167.10.14, and are paralleled in Olymp. in Gorg. 11.2.8-12, Elias in Isag. 16.19-25, and David. Prol. 17.1-17 (quoted below, text to n. 15), who all add ‘gods are capable of all things’ (Hom. Od. 10.306). In a similar context Ethical Doxography A ap. Stob. 2.7.3f, p. 49.1215 W. has one Homeric reference, namely κατ’ ἴχνια βαῖνε θεοῖο (Od. 2.406).



The Complete Philosopher

(2) One has to consider that philosophy, as it has a theoretical and a practical part, also has a double telos. For when we say philosophy is a ‘meditation about death’ (Pl. Phd. 81a1),14 we define it from its practical side, and when as ‘the knowledge of the things that are qua things that are’ (e.g. Arist. Met. Γ.2 1003b15-16), from its cognitive side, and when as ‘assimilation unto God in so far as is possible for a human being’, from both sides. … (3) Philosophy is divided … into the theoretical part and the practical. … Our soul has two kinds of activities, some cognitive …, others vital … The philosopher desires to put all the parts of his soul into good order [or: to adorn them] and to guide them towards completion. The cognitive faculty in us is made complete by the theoretical part, and the vital faculty by the practical part.

A somewhat more elaborate version is provided by David:15 That the complete philosopher (teleios philosophos) is ‘like the god’ is clear, since he is characterized by the same qualities as the god. Just as the god is characterized by being ‘good’ and ‘cognitive’ and ‘capable’, as poetry makes clear with regard to the ‘good’ by saying ‘gods, givers of goods’ (Hom. Od. 8.325, Hes.  Th. 46), and with regard to the cognitive (by saying) ‘gods know all things’ (Hom. Od. 4.379), and with regard to the capable (by saying) ‘gods are capable of all things’ (Hom. Od. 10.306), in the same way the philosopher is characterized by these three qualities, i.e. the ‘good’ and the ‘cognitive’ and the ‘capable’. For just as the god exercises providence This third definition does not concern us here. David Prol. 17.1-17. Cf. ps.David/ps.Elias in Isag. 17.34-18.10, 21.32-22.1; ms. Athous Vatopedi gr. 57 ed. Roueché, ‘The definitions of philosophy…’, art. cit., p. 112, Greek fr. lines 4-5 ἐκ δὲ τοῦ τέλους, φιλοσοφία ἐστὶν ὁμοίωσις θεῷ κατὰ τὸ ἐφικτὸν ἀνθρώπῳ ἐκ τῆς πρακτικῆς καὶ θεωρητικῆς (cf. Plu. Is. 351C ὅσον ἐφικτὸν ἐστιν ἀνθρώποις); and Sergius of Reshaina in Cat. I 1-2 cf. H. Hugonnard-Roche, La logique d’Aristote du grec au syriaque. Études sur la transmission des textes de l’Organon et leur interprétation philosophique, Paris, 2004, p. 109: ‘la philosophie est ressemblance à Dieu, ses parties premières sont au nombre de deux, la théorie et la pratique. Avec l’une, en effet, par laquelle elle connait toute chose, elle imite la puissance efficiente du Créateur. Avec l’autre, avec laquelle elle accomplit les choses qui sont justes, elle imite sa Providence admirable.’), and the echo at Steph.Alch. Art.Sacr. 2.224.27-31, with the bizarre error (or typo) ὁμοίωσις θοῷ. The Armenian Ps.Zeno, Anonymous Philosophical Treatise (probably end of sixth cent. CE), who 3.1.5-3.1.16 Stone – Shirinian deals with the divisions and definitions of philosophy in the manner of the late Neoplatonists, lists ‘conformity to God’ among the six definitions of philosophy (3.1.5), and speaks of ‘conformity to God through capability and knowledge and the good. The like(ness) is in accordance with human nature …’ (3.1.12). 14 15



Jaap Mansfeld

towards all things, so the philosopher takes providential care of incomplete souls and brings them towards completion by turning their condition of ignorance into knowledge. Also in respect of cognition, for just as the divinity knows all things, so the complete philosopher too proclaims to know all things. And in respect of capacity, for just as the divinity wills what it is able (to do), so the complete philosopher wills what he is able (to do).

This stance is also found elsewhere and in much the same words, for instance immediately at the beginning of Philoponus’ Commentary on Aristotle’s Meteorology:16 We have already said before that philosophy can on good grounds be divided into two parts, the practical and the theoretical, because the faculties of our soul are also two, a vital one and a theoretical one, to which philosophy strives to bring order [or: to adorn them] and completion: to the one through virtue, to the other through knowledge of reality (or: of the things that are), since each thing is brought to completion by attaining its own end for which it came into being. Hence philosophy is also said to be ‘assimilation to God as far as possible’ (Tht. 176b), for of divine actions, too, some are directed to the knowing of reality, others to creating and providing for it.

Accordingly, it is the assimilation unto God that enables and perhaps even constrains the philosopher to join theory and praxis together. God, who here can only be the Demiurge,17 not (I suppose) the fully transcendent Deity of Alcinous and the Neoplatonists, is characterized both by the possession of theoretical knowledge and the exercise of providential care, and not by the exclusive possession of one of these alone. The human being who strives to become equal to this God (in as far as possible) can therefore only be successful, that is, can only become a philosopher in the true sense of the word, or a complete or perfect philosopher, when he is able to develop his theoretical as well as his practical talents as far as is possible for a human being, which accordingly also includes imitating God’s providential activity.18 In this way he complies 16 Phlp. in Mete. 1.4-11, transl. I. Kupreeva (Philoponus: On Aristotle Meteorology 1.1-3, Bristol, 2011, p. 29) slightly modified. My italics. 17 As in Alc. Did. c. 28, p. 181.41-45 H. 18 See O’Meara, Platonopolis…, op. cit., p. 73-81. In Marinus’ Life of Proclus the great philosopher is presented as already in a preliminary way in possession of ‘the separate species of complete virtue’ (§  4.3-4 Saffrey – Segonds), and of excercising this virtue in a ‘complete life’ (ἐν βίῳ τελείῳ, § 27.25-28, cf. below n. 83 and text thereto). By taking providential care of human beings he strove to attain the best telos of the soul, viz.



The Complete Philosopher

with the traditional claim that life and doctrine must be in agreement with each other. A variety of this ‘complete philosopher’ is already found in a passage in Epictetus, Diss. 3.7.17, who asks his addressee if he wishes to be a ‘philosopher such as you ought to be, a complete philosopher (φιλόσοφος … τέλειος), consistent with your own doctrines’. The theoretical sciences (and even wisdom) can also be illustrated by means of another well-known definition of philosophy cited by the late Neoplatonists, to which I will turn presently. It is in the first place familiar as one of Stoic provenance: ‘the science (or knowledge) of things divine and human’.19

2 Julia Annas has proved that the account of the assimilation to God in Tht. 176a–b involves an inner tension or imbalance, which is quite typical of Plato’s philosophy.20 The Socrates of the Phaedo, for ins‘assimilation unto god’ (ἵνα καὶ τὴν ῾ὁμοίωσιν’ ἔχῃ ῾πρὸς τὸν θεόν’, § 15.8-9). On the scala of virtues in Damascius’ Life of Isidore see D. J. O’Meara, ‘Patterns of perfection in Damascius’ Life of Isidore’, Phronesis 51, 2006, p. 74-90. On the ideal of the wise man (sophos generally, or also spoudaios in Stoic contexts) as somehow combining theory and praxis, see A. Schniewind, L’éthique du sage chez Plotin: le paradigme du spoudaios, Paris, 2003, p. 25, 31. On the bios as needed to understand or complement the works and placita of a philosopher and the common view that life and doctrines have to be in agreement see the evidence collected at J. Mansfeld, Prolegomena: Questions to be Settled before the Study of an Author, or a Text, Leiden, 1994, p. 179-191. 19 Chrysipp. SVF 2.36 ap. S.E. M. 10.13; anticipated as a description of the ‘philosophical character’ (φύσιν φιλόσοφόν) at Pl.  Resp.  6.486a, see I.  Männlein-Robert, ‘“Wissen um die göttlichen und menschlichen Dinge”. Eine Philosophiedefinition Platons und ihre Folgen’, WJA 26, 2002, p. 13-38. Cited Ammon. e.g. in Isag. 3.1-2, Olymp. Prol. 16.23-24, Elias e.g. in Isag. 11.18-19, David e.g. Prol. 20.28, ps.David e.g. in Isag. 13.2-3. Also cited IoDam. Dial. 3.4-5 and 66.2-3 Kotter. 20 Annas, Platonic Ethics Old and New, op. cit., p. 52-71, cf. Baltzly, ‘The virtues and “becoming like God”…’, art. cit., p. 298-299; J. M. Dillon, ‘The hierarchy of being as framework for Platonic ethical theory’, in C.  Pietsch, (ed.), Ethik des antiken Platonismus: der platonische Weg zum Gluck in Systematik, Entstehung und historischem Kontext, Stuttgart, 2013, p. 96-97; M. Bonazzi, ‘Plato systematized: doing philosophy in the imperial schools’, OSAPh 53, 2017, p. 227; C. Helmig, ‘Hilfe der Götter für das gute Leben – Die Rolle der Religiosität in der Ethik des antiken Platonismus’, in C. Pietsch (ed.), Ethik des antiken Platonismus: der platonische Weg zum Gluck in Systematik, Entstehung und historischem Kontext, Stuttgart, 2013, p.  246 believes that ‘für Platon der ethische Aspekt (und nicht der jenseitsgerichtete, soteriologische) im Mittelpunkt steht’. G. Reydams-Schils, ‘“Becoming like God” in Platonism and Stoicism’, in T. Engbers-Pederson, ed., From Stoisim to Platonism. The Development of Philosophy 100 BCE –100 CE, Cambridge, 2017, p. 144-145 argues that reflecting the right order of reality



Jaap Mansfeld

tance, emphasizing that one has to take one’s distance from the body and the world, is quite different from the Socrates of the Apology, who dwells at some length on his ethical mission in this our world. According to the Theaetetus passage, which depicts the true philosopher as being unworldly, one has to flee from the earth to the abode of the divinity as fast as one can,21 for this is what becoming like God as far as possible means. On the other hand this becoming like God is also to become ‘just and holy (or: pure) with understanding’ (δίκαιον καὶ ὅσιον μετὰ φρονήσεως). It is not difficult to correlate holiness and understanding with the flight from here to the supramundane realm, but for justice, which after all is a social virtue, this is not so easy. Plato adds (Tht. 176c) that God is perfectly just, and there is nothing so like him as who becomes as just as possible. But this rather suggests that divine justice resembles human justice, and is concerned with life on earth. On any interpretation Plato leaves several things unsaid here. To argue that leading a just and virtuous life on earth amounts to assimilation unto God22 fails to solve the conflict of this idea with the hurried departure from the earth when taken at face value.23 It is not for nothing that Plotinus allegorizes the ‘flight’ as a change of life and refuses to see it as a change of place,24 but one may feel that this is cutting the knot

in the beyond produces justice in the human soul, though bringing in a communal and political dimension is tricky. 21 Tht. 176a–b, πειρᾶσθαι χρὴ ἐνθένδε ἐκεῖσε φεύγειν ὅτι τάχιστα. Anticipated Phd. 61d–e (cf.  67c), where Socrates suggests how to spend the time till sundown, i.e. announces the theme of the dialogue: ‘maybe it is especially fitting that someone about to make the journey thither (πρέπει μέλλοντα ἐκεῖσε ἀποδημεῖν) should inquire and speculate as to what we suppose the journey thither (τῆς ἀποδημίας τῆς ἐκεῖ) to be’. 22 Thus Sedley, ‘The ideal of godlikeness’, art. cit., p. 313-314. 23 To see justice in the first place as the proper division of competence and activity among the three parts of the soul, as argued in the Republic, is to limit it to ethics and psychology. It still has to be installed among the classes in the body politic through the agency of the philosopher-rulers. 24 This is what the argument of Enn.1.2[19] amounts to. Plotinus is explicit at Enn. 1.8[51].6.10-14: ‘when he says “we must take flight from thence” he is no longer referring to things on earth. For “flight” he says, is not going away from earth but to be “just and holy with the help of wisdom” even while on earth’ (trans. Armstrong, slightly modified). This is not to deny that this allegorical exegesis makes sense in terms of Plotinus’ own philosophy to the extent that this flight would be the escape towards our inner self (cf. the final sentences of Enn. 6.9[9], the elitist φυγὴ μόνου πρὸς μόνον clearly constituting the high point for Porphyry). See e.g. E. Song, Aufstieg und Abstieg der Seele. Diesseitigkeit und Jenseitigkeit in Plotins Ethik der Sorge, Göttingen, 2009, p. 30.



The Complete Philosopher

rather than untying it. After all his written philosophy remains focused upon the transcendent realm.25 Because this tension was experienced as disquieting, some Platonists looked for passages in the master that compensated for this withdrawal from the world in order to arrive at a systematic doctrine without internal contradictions by interpreting Platonem ex Platone,26 or so I believe. Two fairly parallel Middle Platonist laudationes of proof-texts concerned with the telos according to Plato that were assembled for this purpose are extant, one in the so-called Ethical Doxography A in Stobaeus, the other in the Didascalicus of Alcinous.27 In Alcinous the pas See J.-M., Flamand (tr.), Plotin 19 (I, 2), in L. Brisson, J.-F. Pradeau (eds), Plotin: Traités 7-21, Paris, 2003 p. 429-424; P. Kalligas, The Enneads of Plotinus, Vol. 1: A Commentary, Princeton, 2014, p. 134; M. Bonazzi (ed.), Plotino: Sulla felicità, Turin, 2016, p.  XLVI-LII. For Porphry’s Life of Plotinus as complementing the doctrines centered on the spiritual ideal from the side of praxis and actual conduct see I. Männlein-Robert, ‘Tugend, Flucht und Extase: Zur ὁμοίωσις θεῷ in Kaiserzeit und Spätantike’, in C. Pietsch, (ed.), Ethik des antiken Platonismus: der platonische Weg zum Gluck in Systematik, Entstehung und historischem Kontext, Stuttgart, 2013, p. 105-111. This implies that the bios compensates for what is lacking in the logos. Cf. also above, n. 18. For Proclus’ efforts to reduce the tension between the spiritual and the ethical aspects of the assimilation unto God see Baltzly, ‘The virtues and “becoming like God”’, art. cit., p. 306-319. 26 On the construction of a system of Platonic philosophy in Middle Platonism see P.-L.  Donini, ‘Testi e documenti, manuali e insegnamento: la forma sistematica e i metodi della filosofia in età postellenistica’, ANRW II 36.7, 1994, p. 5027-5035, and F. Ferrari, ‘Esegesi, commento e sistema nel medioplatonismo’, in Neschke-Hentschke, et al. (eds), Argumenta in Platonis dialogos, Basel, 2010, p. 54-55 with further references. On the interpretation of an author from his genuine works see Mansfeld, Prolegomena: Questions to be Settled before the Study of an Author, op. cit., p. 177-179, p. 204-205. 27 Stob. Ecl. 2.7.3f, p. 49.8-50.10 W., discussed by Van Kooten, Paul’s Anthropology in Context…, op. cit., p. 141-148, Dillon, ‘The hierarchy of being as framework for Platonic ethical theory’, art. cit., p. 93-95, and briefly by F. Karfik, ‘Mittelplatonische Lehre De Finibus bei Stobaios, Alkinoos und Apuleius’, in C. Pietsch, (ed.), Ethik des antiken Platonismus: der platonische Weg zum Gluck in Systematik, Entstehung und historischem Kontext, Stuttgart, 2013, p.  118; and Alcin. Did. c. 28, for which see the commentaries ad loc. of Whittaker (Alcinoos: Enseignement des doctrines de Platon, Paris, 1990) and Dillon (Alcinous: The Handbook of Platonism, Oxford, 1993), Baltzly, ‘The virtues and “becoming like God”…’, art. cit., p. 300, Reydams-Schils, ‘“Becoming like God” in Platonism and Stoicism’, art. cit., p. 150-152, who rewardingly discusses the theological context in Alcinous, and Van Kooten Paul’s Anthropology in Context, op. cit., p. 154158. Cf.  L. Campbell, The Theaetetus of Plato with a Revised Text and English Notes, Oxford, 1861, p. 112-113; H. Dörrie – M. Baltes, Die philosophische Lehre des Platonismus [1], Stuttgart, 1996, Baustein 102 and p. 233-255; M. Erler, Platon = Flashar, H. ed., Die Philosophie der Antike. Bd. 2.2, Basel, 2007, p. 431. I shall refrain from trying to identify the author. Eudorus has often been suggested (p. 49.8-18 is fr. 25 Mazzarelli). But the fact that Philo of Larissa and Eudorus are cited and quoted at length at 2.7.2 for the division of the ethical topos, and that the author of Doxography A at the end of 2.7.2, p. 45.7-10 W., tells us that such is the division of ethical theory and that from now on, 25



Jaap Mansfeld

sages that are quoted verbatim apart from the one from the Theaetetus are Timaeus 90d5 (only the word τέλος), Republic 10.613a7–b1, Phaedo 82a10–b, Laws 4.715e7-8, and Phaedrus 248a2. In Doxography A we have the Theaetetus quotation at the beginning. Here it is presented as a clarification of the maxim ‘follow God’ attributed to Pythagoras,28 and followed by references to the titles of four dialogues: Timaeus, Republic, Theaetetus and Laws, and only further down by a single verbatim quotation, of Timaeus 90d5-7. We may be certain that these references to the Timaeus, Republic, and Laws are meant to refer to the same passages as are quoted in the Didascalicus. These two accounts either depend on a shared tradition, or the one in Doxography A depends on Alcinous, for with the exception of the single word from the Timaeus the latter obviously cannot have derived his verbatim quotations from the former, while the converse cannot be excluded. This would make Doxography A later than the Didascalicus, the date of which, however, is uncertain. I have no suggestions to offer.29 After citing the Theaetetus passage Alcinous, clearly wishing to include the social and political virtues explicitly, adds that Plato in the final Book of the Republic only mentions justice;30 so no withdrawal from ‘beginning with the problems’, he will present matters ‘according to my own disposition’ (κατὰ τὴν ἐμοὶ φαινομένην διάταξιν), militates against sponsoring Philo of Larissa or Eudorus, as is pointed out by Lévy, ‘Cicéron et le moyen Platonisme’, art. cit., p. 54-55 (that he still believed Arius Didymus to be the author is irrelevant). The first problem to be treated concerns the various views of the telos of the Stoics, Plato, and Aristotle. 28 Pl. Phdr. 248a has the best soul ‘follow a god most closely and making itself most like (him)’, ἡ μὲν ἄριστα (sc. ψυχὴ) θεῷ ἑπομένη καὶ εἰκασμένη. Alc. Did. c. 28, p. 181.3637 H. (for his laudatio of passages in this chapter see text to this n.) tells us that Plato used both expressions, and Plu. Vind. 550D states that human virtue, which is some sort of assimilation to the divinity, is accessible to all who are able to ‘follow God’. 29 Philo of Alexandria is the earliest extant author to quote the Tht. passage, and he does so verbatim (Fug. 62-63, illustrating the soul’s movement to the world beyond); he alludes to it Opif. 144 and elsewhere, see Runia 2001, 343-344 for Philonic and other parallels, discussion, and references; add Van Kooten, Paus Aththropology…, op. cit., 181-199. Apuleius provides paraphrases of Tht. 176a–b and Leg. 4.715e, too, but quotes neither titles nor texts verbatim (Plat. § §252-253, the affinity of which with Alc. Did. c. 28 should not be exaggerated). Clement of Alexandria in his discussion of various philosophical views of the telos refers to quite a few passages in the chapter dedicated to Plato (Strom. 2 ch. 22): it contains paraphrases of Tim. 90c and Resp. 6.500d plus 10.613a–b (no titles mentioned) and of passages from some dialogues, and verbatim quotes of Leg. 4.715e-716d, a generous cento, and Tht. 176b, with titles. The Tht. passage is also quoted elsewhere in Clement. The passages of Tht., Resp., Tim. and Leg. are the same as in Alcinous and Doxography A, so the same tradition seems to be involved. 30 Alc. Did. c. 28, p. 181.26-30 H. A similar thought is perhaps expressed by the Anonymus in Theaetetum, col.  7.14-20, according to whom Plato derives justice from



The Complete Philosopher

the world here. And though the closure of the Timaeus is in the first place about the training of the intellect,31 Alcinous, who purposely at the beginning of his chapter only quotes the key word τέλος from this passage as part of an imbedded heading, manages to remain silent about the primacy there accorded to reason over action. But in what follows32 he emphasizes that, though on the one hand we need to acquire proper habits, a proper education, and lead a life according to the law, we on the other, and most importantly, should use reason and avail ourselves of the doctrines that are transmitted in order to keep our distance from most human occupations, and consort with the intelligible reality. So both praxis and theory are involved after all, but with a difference. Without reference to the assimilation unto God this bipartition is already stipulated in ch. 2 of the Didascalicus. Here the theoretical life is the most precious while the practical life is unavoidable, a hierarchic nuance to be appreciated. Even so, the impression provided by Alcinous’ treatment is that assimilation unto God requires both praxis and theory, and that a proper ethical attitude is one of the necessary conditions for consorting with the intelligible.33 the assimilation unto God and not from oikeiôsis, see Lévy, ‘Cicéron et le moyen Platonisme.’, art. cit. p. 62 and Sedley at G. Bastianini – D. N. Sedley (eds), ‘Commentarium in Platonis Theaetetum’, in Adorno, F. et al. (eds), Corpus dei Papiri Filosofici Greci e Latini, P. III: Commentari, Florence, 2005, p. 494-495. Clement of Alexandria, who cites the Theaetetus passage more than twenty times (see previous n.), does not enter into its other-wordly aspect, see H. König, ‘Verähnlichung mit Gott’, in P. Hünermann, (ed.), Gott – ein Fremder in unserem Haus? Die Zukunft des Glaubens in Europa, Freiburg, 1996, p. 78-95. 31 Sedley, ‘The ideal of godlikeness’, art. cit., p. 320-324. 32 I here lean heavily upon the translations of the chapter by John Whittaker (Alcinoos: Enseignement des doctrines de Platon, op.  cit.) and John Dillon (Alcinous: The Handbook of Platonism, op. cit.). 33 Alc. Did. c. 2, p. 152.30-153.2 H. See T. Bénatouïl, ‘θεωρία et vie contemplative du stoïcisme au platonisme: Chrysippe, Panétius, Antiochos et Alcinoos’, in M. Bonazzi – J. Opsomer, (eds), The Origins of the Platonic System. Platonisms of the Early Empire and their Philosophical Contexts, Leuven, 2009, p. 25-28; D. J. O’Meara, ‘Preparing Platonopolis – political philosophy in Middle Platonism’, in C. Pietsch (ed.), Ethik des antiken Platonismus: der platonische Weg zum Gluck in Systematik, Entstehung und historischem Kontext, Stuttgart, 2013, p. 286-287; J. Feke, Ptolemy’s Philosophy: Mathematics as a Way of Life, Princeton, 2018, p. 58, 65; also Bonazzi, ‘Plato systematized…’, art. cit., p. 227-228 on the position of politics in Middle Platonism in general, and ibid. p. 229230 on the exceptional view represented by Apuleius(?) De Platone Book 3.8.6-16 Stover. See further the balanced view of Aspasius in EN 1.2-4, according to whom ‘ethics, esp. politics, is prior to theoretical philosophy according to necessity, but secondary according to worth’; cf. R. W. Sharples, ‘Aspasius on Eudaimonia’, in A. Alberti – R. W. Sharples (eds), Aspasius: The Earliest Extant Commentary on Aristotle’s Ethics, Berlin



Jaap Mansfeld

The account in Doxography A, containing no verbatim quotations apart from Tht. 176b and Timaeus 90d, is in other respects more explicit, and also in interesting ways closer to the discussions of the late Neoplatonists cited above. It will be recalled that Ammonius speaks of two activities of God to which the philosopher tries to assimilate himself, a cognitive and a providential one, and that according to him the phrase ‘in as far as possible for a human being’ is to the point, because ‘neither the knowledge is the same nor the providence’.34 Doxography A, without abolishing the difference between God and man, already formulates this view as well, but in a more positive way. The phrase ‘in as far as possible’ (note the absence of the words ‘for a human being’) is said to mean that the assimilation to God according to Plato is possible only by means of practical reason (phronêsis),35 which means to live according to virtue. For in the god there is the capacity to create the cosmos and to organize and govern it, and in the wise man (the sophos)36 there is the capacity to plan his life and to direct his way of life.37

This point about the assimilation to the constructive and providential capacities of the divinity means that the phrase from the Theaetetus is interpreted with the assistance of ideas in the Timaeus (think of the Demiurge), and the Laws (the divinity enjoining the guardians to rule the city and attend to the virtue of its inhabitants). Thus, from the Theaetetus to the Laws Plato’s view of the assimilation of God seems to have changed significantly.38 As far as I know the passage from Doxography A just quoted is among our earliest evidence that the other-wordly stance of the Theaetetus is neutralized through the reception and incorporation of ideas from these later dialogues. Doxography A further stipulates that assimilation unto God involves the whole of philosophy according to each of its three parts, namely ‘physically’ in the Timaeus, ‘ethically’ in the Republic, and ‘logically’ in the Theaetetus. So the order is physics – ethics – logic (i.e. epistemolo– New York, 1999, p. 85-86. On theoria and praxis in this context see Reydams-Schils, ‘“Becoming like God” in Platonism and Stoicism’, art. cit., p. 152-153. 34 Above, text (1) to n. 12. 35 φρονήσει, which reproduces the μετὰ φρονήσεως (‘with understanding’) of Tht. 76b, is used in a different sense here. 36 One is tempted to emend to φιλόσοφῳ. 37 Stob. Ecl. 2.7.3f, p. 49.10-14 W. 38 Argued by Armstrong, ‘After the ascent: Plato on becoming like God’, art. cit.



The Complete Philosopher

gy), and the Theaetetus passage, coming first in the account as a whole, now finishes last.39 This arrangement, different from the bipartition of the Neoplatonists and others,40 but echoing the tripartition of the Stoics (note the use of the term ‘logical’), is perhaps also formulated as an alternative to that of the rival school, though a tripartition is frequently attributed to Plato also elsewhere.41 In an earlier chapter of his treatise a version of this tripartition is also presented by Alcinous, who likewise insists on the completeness of Plato’s philosophy:42 The concern (or ‘serious effort’, σπουδή) of the philosopher, according to Plato, would seem to be channeled in three directions: (1) the contemplation of and understanding of what exists, (2) the performance of what is noble, and (3) the actual study of reason. The understanding of what exists is called ‘theoretical’, that which concerns what is to be done ‘practical’, and the knowledge of reason ‘dialectical’.

The famous concluding sentence of the account in Doxography A: ‘Plato uses many (different) expressions but does not hold many (different) views’,43 stipulates that he is consistent throughout, and neutralizes 39 This order is Platonic according to Albinus Intr. 3.56, Alc. Did. c. 3, p. 153.25-30 H. (cited below, text to n. 42), and D.L. 3.56; Stoic according to D.L. 7.39 = SVF 1.45 plus 2.37, Aët. Plac. proem § 2 = SVF 2.35 (see text to n. 65 below), S.E. 7.16 = SVF 2.38, etc. At D.L. 3.58-60 the second titles of these dialogues are ‘On nature’ for the Timaeus, ‘On the just’ for the Republic, and ‘On knowledge’ for the Theaetetus, which agrees rather well with their representation of the parts of philosophy in the passage in Doxography A. Dörrie – Baltes, Die philosophische Lehre des Platonismus [1], op. cit., p. 246, who objects to the use of ‘logical’, call this Systemzwang. 40 For these others see below, p. 116–120.. 41 E.g. Cic.  Ac.Post. 1.19, S.E.  M. 7.16-17, Apul. Plat. 1.187, D.L. 3.8, and 3.56 (Arist. de poet. fr. 42 Janko), Plot. Enn. 3[20].5 (where dialectic is taken in a purely Platonic sense, though syllogistic is a part as well), and Hipp. Ref. 1 pinax 3.3-5. See further Dörrie – Baltes, ibid., Baustein 102 and p. 231-256, Dillon, Alcinous: The Handbook of Platonism, op. cit., p. 57, and Annas, Platonic Ethics Old and New, op. cit., p. 198-112, p. 115-116. The point is that Plato made philosophy complete, see also Atticus fr. 1 Des Places (éd.) Atticus: Fragments, texte établi et traduit, Paris, 1977, ap. Eus. PE 11.2.2-4, ‘Plato was the first to put all the parts of philosophy together … so that philosophy … was visibly complete’ (ἵν’ ὁλόκληρος ὀφθῇ ἡ … φιλοσοφία). 42 Alc. Did. c. 3, p. 153.25-30 H.; trans. Dillon, with a tiny addition. See O’Meara, Platonopolis…, op. cit., p. 53, whose suggestion that Alcinous added logic under the influence of the Stoic division should also hold for the passage in Doxography A. 43 Stob. 2.7.3f, p. 49.25-50.1 W. τὸ δέ γε πολύφωνον τοῦ Πλάτωνος οὐ πολύδοξον, cf.  ibid. 2.7.4a, p.  55.5-7 W. Πλάτων πολύφωνος ὤν, οὐχ ὥς τινες οἴονται πολύδοξος, πολλαχῶς διῄρηται τἀγαθόν. Cf. Ferrari, ‘Esegesi, commento e sistema nel medioplatonismo’, art. cit., p. 56-59.



Jaap Mansfeld

the tension produced by the Theaetetus text. What follows is also interesting:44 He has spoken of the telos in many different ways. It possesses this richness of expression because of its prophetic and elevated tone, to which the consistency (sumphônon) of the doctrine contributes as well. This means living according to virtue. And that, in its turn, means the acquisition and use of the complete virtue (arête teleia).

As Filip Karfik has pointed out, the attainment of the Platonic telos through ‘complete virtue’ places it on a par with the telos according to Aristotle (to which I will turn presently) that is discussed next in Doxography A.45 With regard to the formula from the Theaetetus the dual interpretation, namely that it pertains to both theory and praxis, is also attested in other representatives of Middle Platonist literature: in a brief tract with an in our present context striking title, the Prologue of Albinus, and in the isagogic monograph On Plato and his Doctrine of Apuleius.46 So there appears to be a consensus among Platonists.

3 It was often argued that theoretical philosophy, or physics, is vitally important for ethics and the good life. Thus, Chrysippus posited that there is no other or more appropriate way of approaching the theory of good and evil or the virtues or happiness from universal nature and from the organization of the cosmos.47 Stob. 2.7.3f, p. 50.1-6. Karfik, ‘Mittelplatonische Lehre De Finibus bei Stobaios…’, art. cit., p. 118. This passage is rewardingly discussed by P. Moraux, Der Aristotelismus bei den Griechen von Andronikos bis Alexander von Aphrodisias. Bd. 1: Die Renaissance des Aristotelismus im 1.Jh. v. Chr., Berlin – New York, 1973, p. 308-313 (that he still ascribes it to Arius Didymus is irrelevant). 46 Alb.  Intr. c. 6, p.  151.35-152.4 H., Apul. Pl.  2.23 (§§  252-253). M.  Bonazzi, ‘Theoria and praxis: on Plutarch’s Platonism’, in T.  Bénatouïl – M.  Bonazzi (eds), Theoria, Praxis and the Contemplative Life after Plato and Aristotle, Leiden, 2012, esp.  149-153, has shown that Plutarch, too, posits that assimilation unto God entails that the theoretical and the practical life become united. On the Apuleius passage see also A. Vasiliu, Images de soi dans l’antiquité tardive, Paris, 2012, p. 115-117. 47 A verbatim quotation from the Physikai Theseis ap. Plu. SR 1035CD = SVF 3.86. 44 45



The Complete Philosopher

Obviously, this is not a question of Naturgefühl: universal nature and the organization of the cosmos are to be studied scientifically and theoretically, not approached intuitively. Other authors too, from the anonymous Sophist who wrote the Dissoi Logoi, to Cicero to Simplicius, posit that physical philosophy, or the study of reality, is not only closely connected with ethics, but downright conducive to it.48 Quintilian even claims that ‘the physical part comprises the whole of ethics’.49 On the fabric of the robe of Boethius’ Lady Philosophia the letter Π (pi), for praxis, has been embroidered, and above this Π the letter Θ (thêta), for theôria. These letters are linked by a little ladder allowing one to ascend from the lower to the higher, and presumably also to descend from the higher to the lower.50 The ‘political philosophy’ of the Platonists has been brilliantly reconstructed by Dominic O’Meara.51 In Neoplatonic metaphysics as construed by Plotinus, the transcendental highest principle produces the second one, which in its turn produces the third immanent one, and so on until the cosmos with its population has been constituted. This take place eternally because it is the nature of these principles to 48 E.g. Dialex. (Dissoi Logoi) 90.8.2 DK, Cic. Fin. 3.73, Tusc. 5.68-72, Philo Her. 45-46, Sen. Dial. 8.5.1, Simp. in Phys. 4.17-15.26. For Plato see e.g. G. Betegh, ‘Cosmological ethics in the Timaeus and early Stoicism’, OSAP 24, 2003, p. 273-302. Galen’s monograph ‘Whether the study of nature is useful for ethical philosophy’ has been lost (reference at Lib.Prop. 19.48.6-7 K.). Probably it dealt among other things with his wellknown reservations against questions that are incapable of a generally accepted solution, such as what is the substance of the gods, or of the soul, or what is the location of the hêgemonikon (see e.g. PHP 9.6.21, Loc.Aff. 8.158.14-159.8 K., Prop.Plac. 2, p. 172.31173.2 Boudon-Millot – Pietrobelli), and with his defense of design in nature and divine providence (De usu partium, passim) and his belief in the existence of the gods (e.g. Propr.Plac. 2, p. 173.1-4 Boudon-Millot – Pietrobelli). See V. Nutton ed., Galen: On my Own Opinions. Edition, Translation and Commentary, Berlin, 1999, p. 131-132. 49 Quint. Inst. 12.2.20. 50 Boëth. Consol. 1, prosa 1.4. 51 O’Meara, Platonopolis…, op.  cit. The word ‘political’, rendering the πολιτικός used in the sources, is perhaps not entirely fortunate in this context. It may give rise to false associations; the more neutral ‘civic’ or ‘social’ are perhaps to be preferred. The ‘political virtues’ of Plot. Enn. 1.2[19] are man’s as a social living being according to Macr. in Somn. 1.8.5-6: primae politicae vocantur … et sunt politicae hominis, qua sociale animal est. In the division of philosophy attributed to Aristotle at D.L. 5.28 the practical part comprises ethics and politics, and the latter comprises both ‘the doctrine of the state and that of the household’ (τόν τε ἠθικὸν καὶ πολιτικόν, οὗ τά τε περὶ πόλιν καὶ τὰ περὶ οἶκον ὑπογεγράφθαι). Neoplatonist ‘politics’, as O’Meara of course makes clear throughout, therefore also comprises questions of what with some latitude one may call domestic politics, e.g. how one should live one’s life without being a recluse, or how one should look after one’s own or someone else’s children.



Jaap Mansfeld

produce through emanation. A prior entity does not lose anything by creating what comes next through what may be called a process of undiminished giving, as for example in teaching. In the same way, the theoretical knowledge of and identification (as far as possible) with these principles and this process should unavoidably result in ethically and politically responsible activity and conduct. The traditional postulate that physics, or the study of reality, of what is, is indispensable for ethics, and the traditional claim that the life as lived should be in agreement with the theoretical doctrine as professed, are in this way provided with solid credentials.52 Nevertheless a tension remains, in the first place because contemplation is after all superior to action, however much the two are inextricably bound together.53 According to Enn. 2.1[19] the so-called political virtues constitute the first stage of the ascent towards the divine and so are indispensable for the attempted assimilation unto God. But that the philosopher is said to possess the virtues ‘by nature’54 already at the outset of the ascent is no more than a postulate. In what respect the natural virtues that, as Plotinus maintains,55 have been influenced via the intellectual virtues by and after our contemplation of the higher realities are different from those at the beginning of the ascent also remains somewhat unclear. One cannot help thinking of the Socratic paradox. In concrete terms, as we have already noted above, one may think of a sort of personal union. The ideal person should be an expert in both fields, in theory or the study of reality and the theoretical sciences as well as in practice or the world of politics and conduct and the practical sciences. Just as Ammonius before him in his Commentary on the Isagogê of Porphyry,56 so David when discussing the bipartition of philosophy is very clear that the efforts of the philosopher, or rather the accomplished or complete philosopher, are to be devoted to the Cf. above, text to nn. 48-51, and n. 18. O’Meara, Platonopolis…, op.  cit., p.  75-76 argues that Plotinus’ view at Enn. 3.8[30]. 4.31-43 that action results from a weakening of contemplation is compensated for by more positive evidence elsewhere in the Enneads. See also O’Meara, ibid., p. 108-110, Song, Aufstieg und Abstieg der Seele, op. cit., p. 24-30. R. Harder – R. Beutler – W. Theiler, Plotins Schriften, Hamburg, 1964, p. 370 had spoken of a ‘Tragik des Handelns’: ‘man will von außen sehen, was geistig nicht erfaßt wird’. 54 Enn. 1.3[20].3.8. 55 Enn. 1.3[20].6. See P. Plass, ‘Plotinus’ ethical theory’, Illinois Classical Studies 7, 1982, p. 241: ‘In his treatise On Dialectic (1.3.6.6) Plotinus remarks that the theoretical part of ethics is provided by dialectic, while practical discipline is something “added on”’. 56 Cited above, text to n. 12. 52 53



The Complete Philosopher

improving and perfecting of his cognitive (or theoretical) faculty, but also and equally to that of his vital (or practical/ethical) faculty. In his own words:57 The complete philosopher should not only be adorned with theory, but also be embellished by practice.

4 This demand is already found several centuries before, in the proem of the Placita, or Physical Tenets Held by the Philosophers, of Aëtius (extant only in ps.Plutarch), to be dated to the first century of our era. Here it is not the complete philosopher, but the ‘complete man’, or perhaps ‘complete human being’, teleios anêr, who has to possess both these forms of expertise. This looks like a more general claim, but judging from the subjects he is required to study this complete human being is in fact a philosopher. Elias and his colleagues would probably have observed that the philosopher is the most complete human being, and so more than capable to represent man in general. Let us consider this somewhat neglected earlier text for a moment, too:58 Aristotle and Theophrastus and almost all the Peripatetics divided philosophy as follows: the complete human being (ton teleion andra) should both theorise about the things that are [or: about reality], and perform the acts that must be done. This can also be understood from the following considerations: when research takes place on (the question) ‘whether the sun is a living being or not a living being’, ‘whether it is fire’, ‘whether it is just as large as it is seen to be’,59 the person who does this research is a theoretician (theôrêtikos), for what is theorised about goes not beyond what is. Similarly research is done on whether the cosmos is infinite and whether there is anything outside the cosmos, for all these subjects are theoretical. On the other hand research is done on how one should live one’s life and look after one’s children and how to rule and how to legislate. All these matters are researched with a view to conduct, and the person who does this is a man of action (praktikos anêr). David Prol. 71.3-4 δεῖ γὰρ τὸν τέλειον φιλόσοφον μὴ μόνον τῇ θεωρίᾳ κοσμεῖσθαι, ἀλλὰ καὶ τῇ πράξει ἐγκαλλωπίζεσθαι. 58 Aët. Plac. proem § 3, Diels DG p. 273a25-274a17. 59 εἴ π⟨ῦ⟩ρ, ⟨εἴ τηλικοῦτος ἡλίκος scripsi⟩ ὁρᾶται. For the ethical examples regarding the household and the state cf. above, n. 51. 57



Jaap Mansfeld

The proem of the Placita provides a definition and preliminary account of the physikos logos or physical theory, the physical part of philosophy that is the subject matter of the treatise, as is announced in its first paragraph. It does so first in its second paragraph by means of an explicit definition of philosophy and its equally explicit division into three parts (physics ethics logic, in this order) according to the Stoics, though these parts qua virtues60 are united in the one virtue that is supreme. Elsewhere this Stoic tenet is expressed by the doctrine of the inseparability and mutal implication of the virtues, for whoever has one virtue has them all.61 As we have just seen this Stoic division into parts and combination through (of course human) virtue is followed in the third paragraph by an indirect description of philosophy’s two parts and their spheres of competence according to the Peripatetics, through an analysis of what is required of the complete human being. Though these spheres of competence are de iure separate, they under ideal circumstances are de facto united in a sort of personal union, for the ‘complete’ person avails himself of both.62 Accordingly, for both Stoics and Peripatetics philosophy is by implication presented as actually practised and lived, that is, as a way, or perhaps even as the way, of life. The Peripatetic paragraph concludes with examples of topics, or problems, to be studied from more than one side, in physics as well as ethics. Precedent for this division, inclusive of concrete examples, is found in Aristotle’s Topics:63 A dialectical problem is a subject of inquiry, directed either to choice and avoidance or to truth and knowledge … For it is useful to know some problems only with a view to choice and avoidance, e.g. whether Cf. D.L. 7.92 ἄλλοι δὲ λογικὴν καὶ φυσικὴν καὶ ἠθικήν (sc. ἀρετήν). D.L. 7.125-126, citing Chrysippus, Apollodorus and Hecaton. Not all Stoics accepted the three parts of philosophy. Zeno’s pupil Aristo only recognized ethics (D.L. 7.160 = SVF 1.351, etc.), and Panaetius (D.L. 7.92 = t. 67 Alesse) bisected it into theoretical and practical virtues. The ‘complete human being’ (ἄνδρα τέλειον) is attested for Stoic doctrine at Arius Didymus ap. Stob. 2.7.11g, p. 98.14 Wachsmuth as ‘lacking in no virtue’ (μηδεμιᾶς ἀπολείπεσθαι ἀρετῆς). This is in agreement with the Peripatetic doctrine attested in the Aëtian text. The ‘complete human being’ (ἄνδρα τέλειον) is also found in Eph 4:14, a verse of the Pauline letter that is abundantly cited by Christian authors. 62 Underestimated by Bénatouïl, ‘θεωρία et vie contemplative du stoïcisme au platonisme…’, art. cit., p. 7-8. 63 Aristotle Top. 1.11 104b1-8 πρόβλημα δ’ ἐστὶ διαλεκτικὸν θεώρημα τὸ συντεῖνον ἢ πρὸς αἵρεσιν καὶ φυγὴν ἢ πρὸς ἀλήθειαν καὶ γνῶσιν. … ἔνια μὲν γὰρ τῶν προβλημάτων χρήσιμον εἰδέναι πρὸς τὸ ἑλέσθαι ἢ φυγεῖν, οἷον πότερον ἡ ἡδονὴ αἱρετὸν ἢ οὔ· ἔνια δὲ πρὸς τὸ εἰδέναι μόνον, οἷον πότερον ὁ κόσμος ἀίδιος ἢ οὔ. 60 61



The Complete Philosopher

pleasure is to be chosen or not, while some it is useful to know only with a view to knowledge, e.g. whether the universe is eternal or not.

In this passage theoretical and ethical problems are distinguished from each other, but we should of course assume that someone receiving dialectical training (which is the purpose of studying the Topics) needs to deal with both of them. In the Peripatetic paragraph in the proem of the Placita the theoretical and practical problems are distinguised form each other via the theoretical and the practical person qua students of such theses in either field. The proem, after all, serves to introduce a treatise that is concerned with a dialectical-doxographical treatment of the many theses constituting the physical part of philosophy, and the subjects of theses that are cited are so exempli gratia.64 The Stoic definition of philosophy in the second paragraph depends on their definition of wisdom, which is the same as the (originally Stoic) definition of philosophy quoted by the late Neoplatonists:65 The Stoics said that wisdom is the knowledge of divine and human matters, while philosophy is the practising of the appropriate discipline.

The combination of these explicit Stoic and implicit Peripatetic definitions in the context of divisions of philosophy in the terse proem of the Placita is presented on a much smaller scale than the treatment of the divisions and definitions of philosophy in the introductory works of the late Neoplatonists.66 But the function of this presentation in the introduction to the physical part of philosophy in the Placita is perfectly commensurate with its function in an Introduction to philosophy tout court. The analogy between these two varieties of rendition, separated by five centuries and more of tenacious tradition, is indeed striking, and is further illuminated by an impressive shared detail, the role of the ‘com Some of the theses listed occur as topics of chapters in the body of the treatise. ‘Whether the cosmos is infinite’, for instance, is one of the themes of Aët. Plac. chs. 1.5 and 2.1. The ethical theses of course do not recur. Aristotle himself argues that ‘there are propositions about physics on which you cannot base an enthymeme or deduction about ethics, and propositions about ethics on which you cannot base anything about physics’ (Rhet. 1.2 1358a17-20); see further Mansfeld 2017, 102 n. 5. This does not entail that there are no propositions at all which would allow for a passage from one part of philosophy to another. And the philosopher will of course study both fields. 65 Aët. Plac. proem § 2, Diels DG p. 273a10-14 = SVF 2.35. Cf. above, n. 19. 66 It is also briefly presented in the introductory passage in Philoponus cited above, text to n. 16. 64



Jaap Mansfeld

plete human being’ in the Placita and of the ‘complete philosopher’ in the late Neoplatonists, both of whom derive their purported completeness from their expertise in both physics and ethics, or both theory and practice. Ammonius and his colleagues, or the tradition on which they depend, incorporated an originally Peripatetic doctrine into Platonic philosophy, and this is of course not the only case of the Aristotelico-Platonic synthesis characteristic of most of Middle Platonism and all of Late Neoplatonism. In the tradition a division of philosophy into a theoretical and a practical part, with a concomitant division of ways of life into one dedicated to theory and one dedicated to practice, was in fact often ascribed to Aristotle,67 or to Aristotle and his school.68 Thus, for example, also already by Arius Didymus and Diogenes Laertius, as well as Nemesius.69 The division is promoted by the commentators on Aristotle, who reject the Stoic view that logic is a part of philosophy, and define it as its organon, or instrument.70 Remarkably enough, in the above-cited passage in the proem of the Placita on bipartition according to the Peripatetics, logic (or dialectic) is not even mentioned, though it does occur in the earlier paragraph on tripartition according to the Stoics. Several centuries later Themistius, in the first pages of his Paraphrase of Aristotle’s On the Soul, argues in a similar way that Aristotle’s psychology provides notable points of departure for ‘all the parts of philosophy’, the practical part and the ‘study of nature’, that is.71 ‘All’ here means ‘two’. But this bipartition is also widely present without being attributed, as a generally accepted and (if I may say so) practical division into two parts, for it is easier to handle than the Stoic division of philosophy into three parts: physics, ethics, and logic. It has been accepted and applied Who Met. α.1 993b19-23 actually speaks of a distinction between a theoretical and a practical side to philosophy. 68 Cf. O’Meara, Platonopolis…, op. cit., p. 53. 69 Ar.Did. ap. Stob. 2.13, p. 117.17-118.4 W., D.L. 5.28 (logic as organon), Nem. c. 41, p. 117.17-20 Morani. 70 E.g. Boëth. in Isag. ed. pr. 1.3, p. 8.1-2 and p. 10, 3-4 Brandt, Ascl. in Met. 359.35, Simp. in Phys. 4.17-29, Phlp. in Cat. 4.23-27 and above, text to n. 16, and already in Diogenes Laertius, see previous n. Bipartition also in Calc. in Tim. c. 264. See further e.g. C. Hein, Definition und Einteilung der Philosophie. Von der spätantiken Einleitungsliteratur zur arabischen Enzyklopädie, Frankfurt am Main-Bern-New York, 1985, p. 153-162 and P. Hadot, ‘La logique, partie ou instrument de la philosophie?’, in I. Hadot (ed.), Simplicius, Commentaire sur les Catégories d’Aristote, Fascicule I, introduction, première partie (p. 1-9,3 Kalbfleisch), Leiden, 1990, p. 183-188. 71 Them. in de An. 1.18-12.3. 67



The Complete Philosopher

by rhetoricians such as Aelius Theon (traditionally to be dated to end of the first century CE),72 and someone falsely called Hermogenes, who allow themselves to be informed about and to deal with general issues in what according to them is the purely philosophical domain of physical theory, but reserve more professional discussion and treatment for general issues of a practical, that is, an ethical nature:73 Since some theses are theoretical – where the inquiry is about theory and knowledge, for instance ‘whether the gods take providential care of the world’ – and some are practical – and pertain to some action or other, for instance ‘whether one should marry’ –, it is clear that the practical theses are more political and have a rhetorical character, while the theoretical are more suitable for philosophers. Nevertheless it is also possible for students of rhetoric to take these in hand, by starting from traditional themes (topoi) relating to practical theses.

Even Seneca, who as a rule sticks to the Stoic tripartition, sometimes comes down in favour of a distinction between theoretical and practical.74 Soranus begins his account of gynecology by telling us that some people divide the discipline into two parts, the theoretical and the practical.75 And in the collection of Medical Definitions attributed to Galen the ‘accomplished doctor’, iatros teleios, is defined as ‘the one who has reached completeness in theory and practice’.76 Ptolemy, on the other hand, though like most others basing himself on the division, definitely prefers the theoretical part, for he begins the proem of his opus magnum by pointing out that ‘the genuine philosophers do well in separating the theoretical part of philosophy from the practical’. Even though the ethical part may be mastered before the theoretical, the ethical virtues, he says, are within reach of hoi polloi also without study, while the theory of 72 I note that M. Heath, ‘Theon and the history of the Progymnasmata’, Greek, Roman and Byzantine Studies 43, 2002, p. 129-160, argues for a date in the fifth century. 73 Theon Prog. 11, 121.7-15 Patillon – Bolognesi, trans. G. A. Kennedy (Progymnasmata Greek textbooks of prose composition and rhetoric, trans. with introduction and notes, Leiden, 2003), slightly modified. Similarly ps. Hermog. Prog. 11.4-5 Patillon, who as ‘unpolitical theses’ cites the traditional questions ‘whether the heavens are spherical’, ‘whether there are many kosmoi’, and ‘whether the sun is fire’ (the latter is also in the Aëtian proem, see above, text to n. 58), and as a ‘political’ thesis the question ‘whether one should practise oratory’. 74 Dial. 8.5.1, Ep.Luc. 95.10-12. 75 Sor. Gyn. 1.1 Ilberg. 76 [Gal.] Def.Med. 19.355.3-4 Κ., cf. Gal. in Hipp. NH 15.60.7 K., who speaks of ‘complete dogmatic philosophers’.



Jaap Mansfeld

the whole cannot be mastered without being taught. Appropriate moral behaviour is not so difficult. Nevertheless he argues elsewhere that a truthful and open-minded attitude, or love of truth, is characteristic of human beings in both theoretical and practical pursuits.77 According to Diogenes Laertius certain Stoics ventured in the direction of a choice of the best sort of life as well. The Stoic tripartition of philosophy entails a view of three bioi: the theoretical life (where theôria is represented by physics), the practical life, and the logical life. Here this third way of life is the one that should be chosen, because man, the zôion logikon or living being endowed with reason (logos), has been produced by nature for both theory and practice.78 St. Augustine quotes Varro for the information that the option in favour of this composite life was attributed by Antiochus of Ascalon to the members of the Early Academy.79 It is often viewed as ideal. Cicero claims that it is the kind of life he has lived himself, and is still living, and its popularity is also apparent from its appearance in a ps.Pythagorean tract.80 As we have noted it is also the way of life of the complete human being of the Placita, and of the complete philosopher of the late Neoplatonists. Aristotle himself, in his philosophical dictionary or dictionary of definitions, Book 5 of Metaphysics, in the chapter dealing with the concept of ‘completion’, does not speak of a teleios man or a teleios philosopher, but gives as examples the ‘complete doctor’, iatros teleios, and the ‘complete flute player’, aulêtês teleios, who ‘according to the form of their proper excellence/virtue (aretê) leave nothing to be desired’. This great realist adds that we also speak of a complete sycophant, or a complete thief, and even of a ‘good thief ’.81 Ptol. Synt. 1.1, p. 4.6-5.4 Heiberg, Iudic. 2, p. 4.21-25.3 Lammert. For the bipartition also cf. Judic. 10, p. 16.10-12, Harm. 3.6. See J. Mansfeld, Prolegomena Mathematica. From Apollonius of Perga to the Late Neoplatonists, with an Appendix on Pappus and the History of Platomism, Leiden, 1998, p. 66-67, Feke, Ptolemy’s Philosophy…, op. cit., p. 53, 57. 78 D.L. 7.130 = SVF 3.687, cf. Sen. Dial. 8.5.1. 79 Var. fr. 5 Langenberg and Antioch. fr. 57 Luck ap. Aug. CD 19.3.71-73 Dombart – Kalb. This is not confirmed by the meagre information about the Early Academy we have. 80 Ps.Archytas Περὶ παιδεύσεως ἠθικῆς p.  42.5-16 Thesleff ap. Stob. 2.31.120, p. 230.6-10 W. For Cicero see below, text to n. 87. 81 Ar. Met. Δ.16 1021b12-20. For the use of the adjective in a general way cf. e.g. Clem.Alex. Strom. 7.88.5: ‘just as we speak of a complete doctor and philosopher (τέλειόν φαμεν ἰατρὸν καὶ τέλειον φιλόσοφον), so we may also speak of a complete gnostic’. 77



The Complete Philosopher

Aristotle himself, speaking of the ergon, the specific task or function of the human being, stipulates that the best way of life is that of the anêr spoudaios, the ‘excellent individual’, who lives according to aretê, ‘virtue’ or ‘excellence’, and in the best possible intellectual condition – but during a bios teleios, a ‘complete’ or ‘full life’, ‘for a single swallow does not make a spring’.82 This ‘use of arête in a complete life’ is attributed to Aristotle as his definition of the telos, the highest good, in Doxography A and Diogenes Laertius.83 We do know that, like Plato, so also Aristotle, in the Nicomachean Ethics and elsewhere, held the vita contemplativa, the speculative or theoretical life, to be the best way of life.84 For him the practical life comes second.85 In a perhaps somewhat neglected passage of Book 7 of his Politics he refers to an actual difference of opinion about this best way of life. According to some people, he tells us, this should be the life of politics and practice, but according to others it is the life of theoretical activity, which, according to some people again, is the life of ‘the philosopher’ (so the other is not). The names of these contestants are not revealed, but that the life of the philosopher is in the first place the theoretical life is of course Aristotle’s own view.86 Cicero, in one of his Letters to Atticus, cites as protagonists in this controversy Theophrastus as champion of the theoretical and Dicaearchus as champion of the practical life. He adds that, for his part, he has practised both practice and theory.87 So one is not surprised to find that Ar. EN 1.7 1098a12-20. Stob. 2.7.3g, p. 50.10-11 W. (cf. above, n. 45 and text thereto); D.L. 5.30. 84 Ar. EN 10.7 and 10.9, etc. The literature is abundant. See the illuminating overview of Bénatouïl – Bonazzi, Theoria, praxis, op. cit., p. 1-6. 85 Ar. EN 10.8, etc. 86 Ar. Pol. 7.2 1324a25-29, a passage missed by W. W. Fortenbaugh, ‘Cicero’s Letter to Atticus 2.16: “a great controversy”’, Classical World 106, 483-486, 2012-2013, and others. On the bios philosophos see A.-M. Malingrey, «Philosophia»: Étude d’un groupe de mots dans la littérature grecque des Présocratiques au ive sìecle après J.-C., Paris, 1961, p. 61-62. Pier Luigi Donini (per litt.) advises me that Aristotle at EN 10.8 1178b 5-7 ‘chiarisce che al filosofo, in quanto è uomo e convive con molti altri uomini, appartiene anche e nella sua forma migliore la vita pratica. In un solo testo, curiosamente, hai la prova che tra i due modi di vita c’è una totale contrapposizione, ma anche che questa contrapposizione in qualche modo si attenua (o addirittura, forse, sparisce?) nel filosofo che è capace di vivere bene entrambe le vite’. Exactly. 87 Cic. Att. 2.16.3, cf. above, text to n. 80; Dicaearch. fr. 33 Mirhady, Thphr. fr. 481 FHS&G. See e.g. P. M. Huby, ‘The controversia between Dicaearchus and Theophrastus about the best life’, in W. W. Fortenbaugh – E. Schütrumpf (eds), Dicaearchus of Messana. Text, Translation, and Discussion, New Brunswick – London, 2001, p. 311-328; 82 83



Jaap Mansfeld

in one of his rhetorical works, the On the Orator, Cicero defines what, in view of his description, can only be an accomplished or complete philosopher (though he does not add an adjective) in a way that is ad sententiam the same as the definition of the complete human being according to the proem of the Aëtian Placita, or of the complete philosopher according to Ammonius and David: Of the philosopher himself, who by reason of his energy and wisdom is virtually unique in possessing the required expertise, there is after all a kind of definition, to the effect that he who strives (1) to know the significance, nature and causes of everything divine and human, and (2) to master and follow out as a whole the theory of right living, is the one who is to be called by this name.88

The objectives of theoretical inquiry are explained as coinciding with the contents of the Stoic definition of philosophy qua striving for wisdom (the knowledge of things human and divine),89 a combination that to some degree anticipates the larger exegetical stance of the late commentators as well. We note that he does not speak of assimilation unto God more Platonico.90 A similar description is found in Philo of Alexandria.91 In the early seventh century this definition of Cicero’s is quoted anonymously by Isidore of Seville, who, following in the footsteps of Cassiodorus, seems to be rather well informed about the Prolegomena to Philosophy and similar literature.92 It is clear that the concept of the accomplished philosopher, as found in the late treatises entitled Introduction to the Isagogê and Prolegomena G. Tsouni, ‘Antiochus on contemplation and the happy life’, in D. Sedley ed., The Philosophy of Antiochus, Cambridge, 2012, p. 147-148. 88 Cic.  de Or. 1.212, transl. Sutton and Rackham 1942, modified. Not cited by H. Hine, ‘Philosophy and philosophi: From Cicero to Apuleius’, in G. D. Williams, G.D. Williams – K. Volk (eds), Roman Reflections: Studies in Latin Philosophy, Oxford, 2016, p. 13-29. 89 Cf. above, n. 19 and text thereto. 90 For an astute explanation of its absence from Cicero’s works as a view explicitly ascribed to Plato see Lévy, ‘Cicéron et le moyen Platonisme…’, art. cit., p. 58-64. Dillon, ‘The hierarchy of being as framework for Platonic ethical theory’, art. cit., p. 92 quotes Cic. Leg. 1.25 virtus eadem in homini ac deo est (= SVF 1.164) … est igitur homini cum deo similitudine (which he ascribes to Antiochus) as not radically distinguished from the Platonist formula. But as A. R. Dyck, A Commentary on Cicero, De Legibus, Ann Arbor, 2004, p. 135-136 points out, the background is Stoic. 91 Philo Praem. 11. 92 Isid. Etym. 2.22.3, 2.23.9, Cassiod. Inst. 2.3.3-4.



The Complete Philosopher

that have been cited above, took some time to reach its ripest form and goes back a very long way indeed.93 The concern of the Neoplatonists with the business of philosophy and of the philosopher, and the answers provided, are solidly rooted in a venerable tradition of presentation and discussion. That Cicero’s view, looking back to disputes that in his time were already centuries old and prefiguring the expositions of the late Neoplatonists, is cited at the very end of Antiquity in the great encyclopedia of Isidore of Seville, who has been called ‘the last scholar of the ancient world’, is a another sign of the vitality of this tradition.

93 The issue is discussed in the commentary on the proem of Aëtius in J. Mansfeld – D. T. Runia (2020.), Aëtiana: The Method and Intellectual Context of a Doxographer. Vol. V: An Edition of the Reconstructed Text of the Placita, With a Commentary and a Selection of Parallel Passages, Leiden, etc. The present essay is a prepublication on a smaller scale.



À PROPOS DE L’AUTEUR DES LEÇONS SUR L’ISAGOGÈ DE PORPHYRE (WESTERINK ÉD. 1967), ÉLÉMENTS D’ENQUÊTE ET EXAMEN Pascal Mueller-Jourdan (Université catholique de l’Ouest, Angers), Laboratoire d’Études sur les Monothéismes (UMR 8584)

Introduction Il y a un demi-siècle déjà (1967), Westerink édite à Amsterdam les Leçons sur l’Isagogè de Porphyre (Lectures on Porphyry’s Isagoge) d’un auteur anonyme en complément à des œuvres similaires attribuées à Elias et à David, parues respectivement en 1900 et en 1904 à Berlin dans les Commentaria in Aristotelem Graeca. Le texte édité par Westerink comporte trois parties : des Prolégomènes à la philosophie, des Prolégomènes à l’Isagogè de Porphyre et un commentaire partiel de l’Eisagogè. Il s’inscrit dans la même forme littéraire que celle de ses prédécesseurs, forme déclinée comme chez eux en « leçons » (praxeis) selon une pratique qui paraît remonter à Olympiodore. Mon propos voudrait tenter, sinon d’approfondir la question controversée de l’identité de l’auteur du cours, du moins tenter d’éclaircir celle du milieu qui l’a porté. À cette fin, je reprendrai en les étayant certaines des observations faites par Westerink dans l’introduction et explorerai un nouvel élément que j’avais déjà signalé dans une précédente publication1, élément qui n’a pas encore, me semble-t-il, suffisamment retenu l’attention de ceux qui s’adonnent à cette recherche. Ce nouvel élément porte sur la présence d’un propos clairement identifiable du cours édité dans la littéra P. Mueller-Jourdan, Une Initiation à la Philosophie de l’Antiquité Tardive : les leçons du Pseudo-Elias, Paris, Cerf, Vestigia n°34, 2007, p. XXI-XXIII. 1

Introduction générale à la philosophie chez les commentateurs néoplatoniciens, éd. par ­Min-Jun Huh (Monothéismes et Philosophie, 29), p. 123-149 FHG DOI 10.1484/M.MON-EB.5.120305

Pascal Mueller-Jourdan

ture théologique byzantine demandant un minimum d’explication. Les conclusions que je présenterai de ce bref parcours ne seront pas définitives comme il sera aisé de le constater. Elles auront, je l’espère, apporté quelques indices sérieux à ce dossier que d’autres, peut-être, reprendront.

Les leçons éditées Le cours édité devait comprendre cinquante-et-une leçons. Chaque leçon présente approximativement la même dimension. Elle est en règle générale introduite par un très bref rappel des acquis de la veille, une annonce du contenu du cours et la mention d’objections ou de difficultés qu’il faut traiter avant d’entreprendre l’exposé. Il est assez fréquent que l’exposé lui-même donne lieu à des digressions en raison d’autres difficultés2, réelles et parfois anticipées, à titre d’exercice sans doute, difficultés qu’il faut résoudre avant de pouvoir progresser. La leçon s’achève par une formule presque invariable, de type : « ces choses ayant été dites, avec l’aide de dieu, le cours prend fin » ; ou plus simplement, « voilà pour la leçon, avec l’aide de dieu »3. À la différence des éditions d’Elias et de David, le document édité par Westerink a été quelque peu malmené par les aléas de la tradition manuscrite. Une comparaison avec les Prolégomènes de David nous montre qu’il nous est parvenu amputé des sept premières leçons ne commençant qu’à la huitième, introduite par l’annonce de la poursuite d’un propos tenu la veille4. Les leçons du Pseudo-Elias comportent plusieurs lacunes relativement importantes laissées, semble-t-il, en l’état dans l’opération de transmission5. À ce problème important vient s’en ajouter un autre, celui de la fiabilité du contenu rapporté. Il est facile d’observer que la tradition manus2 Introduites par la formule consacrée : Ἀποροῦσι δέ τινες λέγοντες ὅτι… ; par exemple : Praxis 14.9, 16, 26. Un bel exemple de digressions se trouve dans la treizième leçon qui déborde l’explication de la troisième définition de la philosophie (la philosophie est préparation à la mort) en une longue réfutation de la justification du suicide prôné selon lui par les Stoïciens. 3 Je propose en annexe un plan des Prolégomènes à la philosophie attribués à David pour en avoir un aperçu général, ainsi que le plan des Prolégomènes attribués à celui que j’appellerai Pseudo-Elias selon l’usage qui s’impose aujourd’hui. 4 Voir Praxis 8.1 : « Hier, nous avons promis de démontrer au moyen de la connaissance arithmétique la raison pour laquelle il y a six définitions de la philosophie ». 5 Voir : Praxis 9.43 (parallèle : David, Prol. 54. 5-18) ; Praxis 12.2 (parallèle : David, Prol. 29. 23-25) ; Praxis 20.27 (parallèle : David, Prol. 69. 23-27).



À PROPOS DE L’AUTEUR DES LEÇONS SUR L’ISAGOGÈ DE PORPHYRE

crite nous a légué plusieurs types de documents provenant de l’édition parfois publique, parfois privée, de matériaux tardo-antiques. (1) Le premier type est celui du texte rédigé par un professeur en vue de la publication, que ce soit celle du commentaire savant des auteurs inscrits au programme d’études, comme Aristote et Platon, la publication de syllabii, ou encore la publication de traités originaux. (2) Le deuxième type, fréquent surtout à partir d’Ammonius est le type « notes prises apo phonès… », autrement dit « prises à partir de ce qui a été entendu au cours de… »6. Ces notes peuvent avoir été parfois destinées à la publication, parfois non. Elles peuvent provenir de disciples aguerris, mais aussi d’étudiants distraits, aux propos parfois fidèles et parfois remplis d’incorrections. À cela, nous pourrions ajouter l’attention qu’il faudrait toujours porter au souci que peut avoir eu ou non le reportator de se limiter strictement au cours entendu, et dans quelle mesure, s’il y a lieu, il s’est autorisé à y insérer des notes personnelles comme c’est le cas, par exemple, pour un certain nombre de séminaires d’Ammonius rapportés par Philopon qui signale avoir ajouté aux notes prises en cours des observations personnelles7. (3) À ces deux types, on peut en ajouter un troisième qu’on pourrait appeler genre mineur de la production philosophique, bien mis en lumière ces quarante dernières années par les travaux de Mossman Roueché : le compendium de logique8. Il semble Sur ce type de document, cf.  l’article capital bien qu’ancien de  M.  Richard, « ΑΠΟ ΦΩΝΗΣ », Byzantion 20, 1950, p. 191-222. 7 Par exemple : (1) De Jean grammairien d’Alexandrie. Notes scolaires sur le premier livre des Premiers Analytiques à partir des séminaires d’Ammonius d’Hermeias (CAG 13.2) ; (2) Jean d’Alexandrie. Notes scolaires à partir des séminaires d’Ammonius d’Hermeias, avec quelques observations personnelles, sur le premier livre des Analytiques Postérieurs d’Aristote (CAG 13.3) ; (3) De Jean grammairien d’Alexandrie. Notes scolaires à partir des séminaires d’Ammonius d’Hermeias, avec quelques observations personnelles, sur le premier des livres De la génération et de la corruption d’Aristote (CAG 14.2) ; (4) De Jean d’Alexandrie. Sur le traité De l’âme d’Aristote, notes scolaires à partir des séminaires d’Ammonius d’Hermeias, avec quelques observations personnelles (CAG 15). 8 Voir en particulier les travaux de M. Roueché, « Byzantine philosophical Texts of the seventh Century », Jahrbuch der Österreichischen Byzantinistik 23, 1974, p. 6176 ; « A middle byzantine Handbook of logic Terminology », Jahrbuch der Österreichischen Byzantinistik 29, 1980, p. 71-98 ; « The definitions of philosophy and a new fragment of Stephanus the philosopher », Jahrbuch der Österreichischen Byzantinistik 40, 1990, p. 107-128. Les matériaux exhumés, recensés et édités par Roueché eurent le mérite d’attirer l’attention sur le besoin d’abrégés de logique dans la première scolastique byzantine, compendia dont le contenu tendait à se limiter au survol des cinq vocables de 6



Pascal Mueller-Jourdan

provenir d’un besoin croissant de matériaux de base, destinés à l’élite byzantine, pour affronter, ou simplement comprendre les subtilités dialectiques d’un certain nombre de problèmes de nature théologique. Nous sommes au sixième et au septième siècle à l’aube de ce que l’on peut convenir appeler la première scolastique byzantine qui pourrait pour une part avoir pris sa source dans la nécessité de résoudre par la logique les difficultés rationnelles soulevées par la crise monophysite qui a été, on peut en convenir, une crise éminemment politique. Les Leçons sur l’Eisagogè de Porphyre édités par Westerink entrent sans conteste dans la deuxième catégorie, celle de notes prises par les auditeurs d’un cours et, on peut le regretter, provient selon toute vraisemblance d’un reportator dont l’incurie n’a pas manqué de laisser en l’état de nombreuses erreurs, certaines mineures, d’autres plus embarrassantes, comme nous le verrons ci-après.

Le profil de l’auteur présumé Dans le cas de ces leçons, il faut veiller à ne pas confondre, avant d’entreprendre un essai d’identification, (1) l’auteur du cours, à savoir le professeur, (2) le preneur de notes, soit l’étudiant et (3) l’auteur d’un possible remaniement des notes, à savoir son éditeur. Westerink a fait plusieurs propositions en vue d’identifier l’auteur du cours laissant dans l’ombre -mais peut-on vraiment faire autrement ?- l’auteur de la « prise de notes ». Il n’est d’ailleurs pas impossible que le preneur de notes parasite, au moins partiellement, toute tentative d’identification du professeur. Il est en effet très difficile d’imputer à l’un ou à l’autre, les lacunes, erreurs et imprécisions dont ce texte n’a pu faire l’économie. Parmi celles-ci, il faut relever, à la suite de Westerink, les fragiles connaissances philosophiques qui ressortent du cours édité. C’est notamment vrai de la connaissance de Platon. Cette faiblesse en matière de philosophie complique sérieusement l’effort qui voudrait clarifier l’identité de l’auteur du cours car après tout, il nous est pratiquement impossible de savoir s’il faut imputer telle déficience au professeur ou, l’Eisagogè de Porphyre et à un bref examen des dix catégories d’Aristote. Il semble que ces matériaux aient surtout servi à fournir des outils linguistiques destinés à définir de la manière la plus précise qui soit l’union hypostatique des natures humaine et divine dans le Verbe incarné.



À PROPOS DE L’AUTEUR DES LEÇONS SUR L’ISAGOGÈ DE PORPHYRE

s’il faut l’imputer à l’étudiant, sans doute novice, qui saisit le cours. En effet, bien qu’il convoque de façon standard des textes de Platon supposés connus, le cours n’évite pas bien des maladresses. Dans la dixième leçon par exemple, se trouve cité avec beaucoup d’approximation le Phédon à propos de l’homme qui s’attache à la philosophie et dont l’unique occupation est de mourir et d’être mort (Praxis 10.18 ; comparer Phéd. 64a 4-6 ; citation littérale avec une incise propre dans : David, Proleg. 26.17-19) ou, toujours dans le Leçon 10, quand se trouve cité avec la même approximation le Théétète à propos de la définition de la philosophie comme « ressemblance à dieu dans la mesure du possible pour l’homme » (Praxis 10.20 ; comparer Théét. 176a5-b3 ; citation littérale dans : David, Prol. 26.20-26)9. Dans la vingt-troisième leçon également on trouve convoqué le Théétète à propos de l’œil de l’âme, éteint et ruiné par des occupations qui ne ressortissent pas à sa nature ; œil de l’âme qui se rallume et retrouve sa vigueur par la seule philosophie. Mais on constate avec étonnement qu’il s’agit, non d’une citation du Théétète convoqué mais d’un propos provenant de la République, là encore rapporté avec une liberté déconcertante (Praxis 23.5 ; comparer République VII, 527d7-e3 ; le même thème chez David n’est simplement pas référé à Platon ; voir : David, Prol. 77.14-19). On trouve un problème similaire dans la seizième leçon (Praxis 16.5)10 où prétendant citer le Gorgias, le cours ne va guère au-delà d’une vague réminiscence d’un texte des Lois (808b3-6). À ce qui paraît être une connaissance de seconde main de Platon, il faut ajouter à la suite de Westerink, la difficulté qu’éprouve soit le professeur, soit l’étudiant reportator à comprendre quelques notions fondamentales de logique aristotélicienne et les incohérences de certains arguments11. Curieusement, pour contrebalancer ce fond d’approximation de référence à Platon, il faut mentionner le fait que, par exemple, les citations d’Hésiode et celles plus nombreuses d’Homère sont littérales. Il en va de même de la citation du De Sectis de Galien (2, 67.17-18) dans la Comparer également Praxis 12.7, 13.27 et Phédon 62b3-5 ; Praxis 14.30 et Lois 653a7-9. 10 Le parallèle chez David étonne car il annonce lui aussi le Gorgias (449a3-4), mais la citation est littérale et n’a rien à voir avec le propos que rapporte le Pseudo-Elias. Voir : David, Prol. 43.3. 11 Cf. L. G. Westerink (éd.), Pseudo-Elias (Pseudo-David), Lectures on Porphyry’s Isagoge, Amsterdam, 1967, p. XV. Il renvoie pour les incompréhensions relevant de la logique à Praxis 31.33-37 ; 33.19-24 et à deux exemples pour les incohérences dans l’argument : Praxis 9.31 ; 36.17 laissant entendre qu’il y a de nombreux lieux qu’il ne recense pas. 9



Pascal Mueller-Jourdan

dix-septième leçon (Praxis 17.22) à propos de l’autopsia et de l’historia12. Il n’est guère évident de comprendre pareil contraste. Tout cela est bien énigmatique. La citation littérale de Galien permet d’introduire une spécificité du Pseudo-Elias par rapport aux Prolégomènes à la philosophie de David, spécificité maintes fois relevée par Westerink. Il s’agit de sa familiarité affichée avec la médecine, avec ses pratiques, avec son discours et avec ses autorités. David, pourtant de l’avis unanime très proche du Pseudo-Elias, se montre beaucoup moins bien renseigné que ce dernier à ce propos13. Quelques années avant la parution de l’édition critique des Leçons du Pseudo-Elias, Westerink qui la préparait avait déjà signalé que celui-ci semblait beaucoup plus à l’aise avec la littérature médicale qu’avec la littérature philosophique14. Il tendait alors à penser que le professeur avait pu être un médecin donnant un cours élémentaire de logique15. Les faiblesses du texte du Pseudo-Elias en matière de connaissance philosophique posent plusieurs problèmes. Le premier, peut-être insoluble, je viens de l’évoquer, est celui de la responsabilité de ce lot d’imprécisions. Sont-elles toutes le fait d’un étudiant maladroit, un novice comme le suggère par exemple Westerink au regard de méprises similaires dans les Prolégomènes à la philosophie de Platon16 ? Proviennent-elles de l’enseignant lui-même ? C’est une piste qu’on ne saurait totalement écarter. Ou faut-il simplement penser que ces notes saisies un peu comme ça n’ont simplement jamais fait l’objet d’une relecture sérieuse et d’une Praxis 17.22 : « Cela, en effet, Galien aussi en a parlé dans le De sectis : il dit que l’autopsie [αὐτοψία = le fait de voir par soi-même] est une aide, par exemple, pour celui qui observe, alors que pour celui qui apprend ce qui est observé, ce sont les “rapports d’observation” (ἱστορία) qui le soutiennent. Constituée à partir de l’autopsie et du “rapport dobservation”, l’expérience a pour cause de l’autopsie d’une part, la sensation et l’imagination, et pour cause du “rapport d’observation” d’autre part, l’opinion non-raisonnée ». 13 Cf. Westerink (éd.), Pseudo-Elias, op. cit., p. XIII-XV. 14 Westerink (éd.), Pseudo-Elias, op. cit., p. 174. 15 Voir en particulier dans la Praxis 27 où le professeur annonce la continuité du programme qui, à la suite du commentaire de l’Eisagogè, prépare selon toute vraisemblance à un commentaire des Catégories ou comme le suggère Westerink (éd., Pseudo-Elias, p. XV) à un commentaire sur les Premiers Analytiques. En Praxis 27.20, il affirme : « Le présent livre vient donc se placer sous la logique. Que la logique soit une partie de la philosophie, ou qu’elle soit un instrument, nous en serons instruits, avec l’aide de dieu, à l’occasion d’études plus avancées. Quant à nous, nous réserverons ces choses pour plus tard à cause de leur fragmentation. Nous nous en instruirons en effet au moyen de divisions variées ». 16 Cf. L. G. Westerink (éd.), Prolégomènes à la philosophie de Platon, Paris, 1990, p. LVI-LVII; p. LXXI-LXXII. 12



À PROPOS DE L’AUTEUR DES LEÇONS SUR L’ISAGOGÈ DE PORPHYRE

comparaison rigoureuse avec les sources citées, notoirement les sources platoniciennes ? Mais alors que penser du caractère plus rigoureux des citations des Poètes antiques  et de Galien17 ? Je tenterai d’apporter quelques éléments de réponse ci-après.

Éléments complémentaires d’enquête Pour progresser dans le recueil des éléments qui permettraient à défaut d’identifier l’auteur de ces Leçons, du moins de circonscrire plus aisément le milieu dans lequel elles ont été données, il faut également évoquer le délicat dossier du rapport du Pseudo-Elias au christianisme. Selon Westerink18, le Pseudo-Elias serait chrétien comme l’autre Elias et comme David. Il s’est fait un large consensus sur l’appartenance parfois supposée, parfois tenue pour acquise, de ces auteurs au christianisme, en raison de leurs noms et de leurs apparents statuts sociaux bien qu’ils ne laissent rien filtrer dans leur propos qui puisse valider avec certitude une telle appartenance. On peut regretter que la littérature, même spécialisée, n’ait guère pris en compte les difficultés pourtant bien réelles soulevées par Christian Wildberg à propos d’une telle attribution19. Il est vrai que les objections de Wildberg concernent surtout les auteurs connus sous les noms de David et d’Elias, et pas directement l’auteur des notes anonymes que je discute présentement. Mais force est de constater que le Pseudo-Elias ne laisse transparaître que de très faibles indices en faveur de son éventuelle appartenance au christianisme. Pour Westerink, il ferait usage d’expressions bibliques20. L’idée est d’ailleurs entérinée et relayée par la notice du Dictionnaire des Philosophes Antiques portant sur Elias21, mais l’examen des parallèles est un peu décevant car aucun n’est explicitement une citation de la Bible et les thèmes pointés ne sont pas spécifiques au christianisme même s’ils y ont connu une certaine fortune. Cela pourrait en partie s’expliquer par le fait que les Poètes pouvaient avoir fait partie d’un fond d’éducation déjà acquis chez le reportator qui, les connaissant, les auraient recopiés sans difficulté alors que Platon pouvait n’avoir jamais été lu. 18 Cf. Westerink (éd.), Pseudo-Elias, op. cit., p. XIII. 19 Wildberg 1990. Voir en particulier en fin d’article « Christianity and Neoplatonism in Elias and David » (42-45) et la conclusion (45-46). 20 Cf. Westerink (éd.), Pseudo-Elias, op. cit., p. XIII. 21 Cf. R. Goulet, « Elias », DPhA, t. III, 2000, Paris, p. 60. 17



Pascal Mueller-Jourdan

Une enquête un peu approfondie, que l’on trouvera en annexe 3, montre qu’on ne peut guère affirmer sur la base des seuls parallèles proposés par Westerink que le Pseudo-Elias fut un professeur chrétien de philosophie, ni non plus infirmer définitivement cette hypothèse. À défaut de citations bibliques littérales convaincantes, il faut se contenter d’admettre l’idée d’emprunts à bien des lieux communs qui n’ont pas moins de points d’ancrage dans le paganisme que dans le christianisme. Mais si rien ne peut être établi de façon définitive de l’affiliation du Pseudo-Elias au christianisme, il est par contre beaucoup plus probable que sa diffusion eût lieu dans un environnement chrétien comme en témoigne le parallèle assez précis qu’on peut établir entre une section de la dix-septième leçon du Pseudo-Elias et les Opuscules théologiques et polémiques de Maxime le Confesseur (580-662). Le parallèle porte sur la place de l’opinion dans la théorie de la connaissance. Pour faire bref, le texte sur l’opinion, plus précisément sur la double opinion, apparaît dans l’explication de la sixième définition de la philosophie comme « amour de la sagesse ». Il y a, pour le Pseudo-Elias mais la position est classique, cinq facultés qui relèvent des puissances cognitives de l’âme : la sensation, l’imagination, l’opinion, la pensée discursive et l’intellect. L’opinion peut être double, soit une opinion accompagnée d’un raisonnement explicatif, soit une opinion dépourvue de ce raisonnement. L’opinion accompagnée de raison résulte du raisonnement discursif comme s’en explique le Pseudo-Elias. Il vient de parler des sens particuliers qui convergent dans le sens commun et de l’imagination capable de reconstruire les observations faites jadis, il en vient ensuite à l’opinion qui peut être double comme on vient de le signaler. Pseudo-Elias, Praxis 17.16-19 Westerink

Maxime le Confesseur, OpThPol 1, PG 91, 20ab

ἡ δὲ δόξα διττή ἐστιν, ἢ γὰρ μετὰ λόγου ἡ μὲν γὰρ δόξα διττή· λογική τε καὶ ἢ ἄνευ λόγου ἐστὶ δόξα, ἄλογος· ἡ δὲ προαίρεσις τρεπτή. Τὴν μὲν οὖν ἄλογον δόξαν εἶναι φασιν, ἁπλῆν γνῶσιν καὶ πρόχειρον· ἡ μὲν γὰρ δόξα διττή· λογική τε καὶ ὡς ὅταν τις πρόφέρη δόξαν ἀλλοτρίαν, ἄλογος· ἡ δὲ προαίρεσις τρεπτή. Τὴν ἀγνοῶν τὴν αὐτῆς αἰτίαν. μὲν οὖν ἄλογον δόξαν εἶναι φασιν, ἁπλῆν γνῶσιν καὶ πρόχειρον· οἶον τί ; προφέρει τις τὴν  δόξαν τοῦ Οἷον, ἀθάνατον λέγων τὴν ψυχὴν, καὶ Πλάτωνος ὅτι ἡ ψυχὴ ἀθάνατός ἐστι. μὴ διδοὺς ἀποδεικτικὴν αἰτίαν τῆς ἀθανασίας αὐτῆς.



À PROPOS DE L’AUTEUR DES LEÇONS SUR L’ISAGOGÈ DE PORPHYRE

Pseudo-Elias, Praxis 17.16-19 Westerink

Maxime le Confesseur, OpThPol 1, PG 91, 20ab

λογικὴ δὲ δόξα ἐστὶν ἡ κατὰ Τὴν δὲ λογικὴν δόξαν, γνῶσιν εἶναι ἀποπεράτωσιν συστᾶσα τῆς διανοίας, λέγουσι, κατὰ ἀποπεράτωσιν τῆς διανοίας συνισταμένην· ὡς ὅταν λογισάμενός τι καὶ αἰτίαν οἶδε ὡς ὅταν τις λογισάμενός τι, καὶ τὴν τούτου ἀποδοῦναι. αἰτίαν αὐτοῦ ἐπιστημονικῶς ἀποδίδωσι. διάνοια δέ ἐστιν ἡ διήκουσα καὶ διαστηματικῶς ἐνεργοῦσα, οἶον τυχὸν ἀπὸ προτάσεων ἀρχομένη καὶ ἐρχομένη μέχρι συμπερασμάτων.

Διάνοια γάρ ἐστιν, ἡ διήκουσα καὶ διαστηματικῶς ἐνεργοῦσα, ἀπὸ προτάσεως ἀρχομένη μέχρι συμπεράσματος.

προτίθεται γὰρ δεῖξαι τυχὸν ὅτι ἡ ψυχὴ ἀθάνατός ἐστι· καὶ λέγει ὅτι ἐπειδὴ αὐτοκίνητός ἐστιν ἡ ψυχή, τὸ δὲ αὐτοκίνητον ἀεικίνητον, τὸ δ’ ἀεικίνητον ἀθάνατον, ἄρα ἡ ψυχὴ ἀθάνατος.

Οἷον, προτίθεται τις δεῖξαι τὴν ψυχὴν ἀθάνατον, καὶ λέγει· ἐπειδὴ αὐτοκίνητος ἐστιν ἡ ψυχή· τὸ δὲ αὐτοκίνητον, ἀεικίνητον· τὸ δὲ ἀεικίνητον, ἀθάνατον· ἡ ψυχὴ ἄρα ἀθάνατος. (…)

καὶ τοῦτο ἴδιόν ἐστι διανοίας, τὸ ὡς Διανοίας γὰρ ἴδιον, τὸ διανύειν τινὰ εἴρηται διανύειν τινὰ ὁδόν· ὁδὸν ἐπὶ τὴν τοῦ πράγματος γνῶσιν φέρουσαν· ἀπὸ γὰρ προτάσεων ὡς ἐλέχθη ἔρχεται ὁδεύει δὲ ἀπὸ τῶν προτάσεων διὰ τῶν ἐπὶ συμπέρασμα· συλλογισμῶν ἐπὶ τὰ συμπεράσματα, καὶ ποιεῖ τὴν λογικὴν δόξαν.

Ce parallèle assez clair, on peut en convenir, et l’examen du passage correspondant chez David (Prol. 47.1-15), ne laisse subsister que peu de doutes. La source de Maxime le Confesseur semble bien être, soit le Pseudo-Elias, soit quelque auditeur relais entre le Pseudo-Elias et Maxime. Ce rapprochement précise en outre le terminus ante quem du cours dispensé ou du moins d’une partie des matériaux utilisés par le Pseudo-Elias, car on situe habituellement la rédaction des Opuscules de Maxime entre 626 et 64922. Or, les travaux d’érudition récents datent l’Opuscule 1, cité ici, des dernières années de cette période, soit 645-646 ou même 64923. 22 Cf.  G. Van Deun, P.  Mueller-Jourdan, « Maxime le Confesseur », in G.  C. Conticello (éd.), La théologie byzantine et sa tradition, Tome I/1 (vie-viiie s.), Turnhout, 2015, p. 411-416. 23 Il semble prématuré de tirer de ce rapprochement une preuve de la formation de Maxime à Alexandrie plutôt qu’à Constantinople. Ce qu’on peut dire avec une relative certitude, c’est que Maxime a en sa possession, à défaut du cours lui-même, ce qu’on ne peut exclure, un certain nombre de matériaux qui en proviennent.



Pascal Mueller-Jourdan

Cette hypothèse réduirait de plusieurs décennies la conjecture de Westerink qui plaçait le terminus ante quem du cours dispensé en 72624. Il est intéressant de noter que la citation du Pseudo-Elias est transplantée chez Maxime le Confesseur dans un environnement qui ne correspond plus du tout à son terreau originel. Il n’est plus question d’expliquer la sixième définition de la philosophie ; plus question de penser la double opinion en tension entre d’une part la sensation et l’imagination et d’autre part l’intellection. Cette section est repositionnée dans un contexte radicalement différent dans lequel Maxime le Confesseur analyse avec force détails l’acte humain entre volonté et connaissance. Pour être plus précis encore, il cherche à démontrer que l’acte humain se décline en plusieurs opérations dont on ne saurait confondre ni la réalité, ni le nom. Il avoue d’ailleurs dès le début de l’Opuscule ne pas puiser dans son propre fond le propos qu’il y tient mais reconnaît s’être approprié les travaux sur lesquels d’autres ont peiné25. Cet opuscule tardif est rédigé au moment le plus aigüe de la crise monophysite, qui est devenue par mutation assez naturelle monoénergisme, puis monothélisme. Tout le contexte littéraire proche montre Maxime le Confesseur visant à clairement distinguer le choix délibéré (προαίρεσις) d’autres opérations. Dans le contexte qui nous intéresse, il vise à distinguer le choix délibéré, qui relève des puissances pratiques de l’âme, de l’opinion qui ressortit à ses puissances cognitives26. Pour comprendre le chemin qui a vu passer la section de la double opinion des Prolégomènes à la philosophie du Pseudo-Elias à sa transplan Westerink (éd.), Pseudo-Elias, op. cit., p. XVI. Maxime le Confesseur, Opuscula Theologica et Polemica, 1, J.-P. Migne (éd.), Patrologia Graeca 91, 1815-1875, Paris, 12B-C : « Pour chacun de ces pris dans l’ordre, [Il vient de mentionner tous les termes à distinguer qui entrent dans l’analyse de l’élaboration de l’acte humain, à proprement parler : « ϑέλημα - βούλησις - βουλή - προαίρεσις - γνώμη - ἐξουσία - δόξα - φρόνημα - φρόνησις » en 12B] je ferai un écrit sommaire contribuant aussi à les définir, en inscrivant des notions, non de mon propre cru  – comment, en effet celui qui en est privé – mais en collectant celles à propos desquelles d’autres ont peiné, afin que nous sachions que pour toutes les deux, je veux dire pour l’appellation (κλῆσις) et pour la réalité (πρᾶγμα), ces diffèrent les uns des autres. » 26 Il venait, avant de distinguer le choix délibéré de l’opinion, de faire une distinction similaire entre le choix délibéré et le libre-arbitre (ἐξουσία). Il fera, suite à la distinction du choix délibéré d’avec l’opinion, une distinction de celui-ci avec l’objet de pensée (φρόνημα) et la pensée (φρόνησις). Il faut préciser que l’opinion ressortit aux facultés cognitives de l’âme, avec l’intellect et la raison discursive, alors que le choix délibéré relève des facultés vitales rationnelles. Les confondre contrevient non seulement aux règles élémentaires de la logique mais relève surtout d’une confusion dans la conception de la nature de l’âme. Ces distinctions nécessaires apparaissent clairement dans le cours du Pseudo-Elias dont Maxime a dû avoir copie. Pour cette distinction clairement énoncée, voir : Pseudo-Elias, Praxis 23.18-20. 24 25



À PROPOS DE L’AUTEUR DES LEÇONS SUR L’ISAGOGÈ DE PORPHYRE

tation dans un texte censé contrecarrer par la logique une opinion théologique tenue pour erronée, à savoir le monothélisme qui abolissait, contre Chalcédoine, l’intégrité des natures humaine et divine dans l’Hypostase du Verbe incarné, je dois me risquer à un prudent détour.

Enquête sur un lien possible entre le Pseudo-Elias et Maxime le Confesseur Dans un très long article, très bien documenté, paru en 1989 dans la Revue des Etudes Byzantines, Wanda Wolska-Conus fut la première à tenter un rapprochement entre le Pseudo-Elias et Etienne d’Alexandrie, auteur d’un commentaire du De Interpretatione et du troisième livre du De Anima d’Aristote, le même Etienne dont on croit qu’il aurait tenu une chaire de philosophie à Constantinople sous le règne d’Héraclius. Ce rapprochement a rencontré une vive opposition en la personne de Mossman Roueché qui n’a eu de cesse, au long de ces dernières décennies, de discuter tant la méthode que les résultats de Wolska-Conus qui a, quant à elle, continué jusqu’à sa récente disparition à affiner les contours de son hypothèse. La dernière contribution de Roueché : Stephanus the Philosopher and Ps Elias : a case of mistaken identity, parue en 2012, me semble en effet avoir eu raison des derniers arguments de Wolska-Conus en faveur de la tentative d’unification d’Etienne d’Alexandrie et du Pseudo-Elias. J’avoue me ranger ici à la démonstration récente de Roueché jusqu’à de plus amples recherches mais l’article de Wolska-Conus avait, il y a quelques années, attiré mon attention sur un point particulier. En effet, dans cet effort d’unification et d’identification, elle croyait pouvoir associer à cet Etienne d’Alexandrie, commentateur d’Aristote et professeur à Constantinople, un autre Etienne, sophiste et philosophe d’Alexandrie, que l’auteur du Pré spirituel, Jean Moschus et Sophrone son disciple et ami, allaient visiter avec des livres, « … à l’église de la Théotokos, appelée Dorothea, que le bienheureux pape Euloge avait édifiée »27. Ils y allaient afin d’y étudier ou peut-être de suivre des cours (ἲνα πράξωμεν). L’association de cet Etienne, sophiste et philosophe, résidant à l’église de la Théotokos avec Etienne d’Alexandrie, commentateur d’Aris-

Jean Moschus, Pratum Spirituale LXXVII, in J.-P. Migne (éd.), Patrologia Graeca 87/3, Paris, 1815-1875, 2929d. 27



Pascal Mueller-Jourdan

tote et professeur de Constantinople28, et l’association de ce dernier, commentateur d’Aristote avec le Pseudo-Elias, me conduisit naturellement à m’interroger sur l’association des noms d’Etienne le sophiste, résidant à l’église de la Théotokos et du Pseudo-Elias. L’hypothèse, sans doute fragile, me séduisit en ce qu’elle facilitait la reconstruction d’une voie possible de transmission des matériaux issus du Pseudo-Elias à Maxime le Confesseur par le truchement de Sophrone comme je vais m’en expliquer dans une enquête que je voudrais indépendante de la discussion Wolska-Conus versus Roueché en ce qu’elle porte sur une pièce de dossier que ni l’un, ni l’autre n’a envisagée, à savoir le parallèle mentionné ci-dessus entre le Pseudo-Elias et Maxime à propos de la double opinion. Le témoignage du Pré spirituel de Jean Moschus doit attirer notre attention sur deux noms, celui de Sophrone son compagnon et celui d’Etienne appelé tantôt le sophiste, tantôt le philosophe. Ce témoignage doit également attirer notre attention sur l’activité projetée, à savoir « étudier ». La séance de travail est renvoyée à plus tard car le texte nous renseigne plaisamment sur le fait qu’Etienne fait la sieste ; c’est le milieu du jour. Nous apprenons incidemment que Jean Moschus et Sophrone sont venus avec des livres. Peu d’informations filtrent sur la personnalité d’Etienne le philosophe sinon qu’il loge dans une maison attenante à l’Église de la Théotokos que le pape Euloge a fait édifier. Cette information, qui n’est anodine qu’en apparence, nous renseigne sur le statut confessionnel d’Etienne le philosophe dans une Alexandrie tourmentée par la crise monophysite. Euloge, pape d’Alexandrie est tenu pour avoir été un fervent défenseur du Concile de Chalcédoine contre les monophysites qu’il cherche par ailleurs à rallier à la christologie de ce Concile. Cette information nous amène naturellement à penser qu’Etienne le philosophe est non seulement chrétien, mais, au moment où il réside en ce lieu, partisan d’un chalcédonisme strict. Cette information nous indique également que le séminaire d’études donné par Etienne n’a pu se tenir qu’après 580/581, date à laquelle Euloge accède à sa fonction de pape d’Alexandrie29. 28 W. Wolska-Conus (« Stéphanos d’Athènes et Stéphanos d’Alexandrie », Revue des études byzantines 47, 1989, p. 60-68) détaille les raisons d’une telle association dans l’enquête qu’elle a menée dans le chapitre suivant : V. Stephanos sophiste d’Alexandrie et l’Histoire ecclésiastique de Denys de Tell-Mahré (Michel le Syrien). 29 Sur Euloge d’Alexandrie : Goubert, P., « Patriarches d’Antioche et d’Alexandrie contemporains de saint Grégoire le Grand (Notes de prosopographie byzantine) », Revue des études byzantines 25, 1967, p. 71-74.



À PROPOS DE L’AUTEUR DES LEÇONS SUR L’ISAGOGÈ DE PORPHYRE

Un autre personnage ressort de cette scène, il s’agit de Sophrone (550-638/9). Nous apprenons par le Pré spirituel que Sophrone a été sophiste, avant de renoncer au siècle, autrement dit avant de devenir moine30. Mais il est fort probable qu’il ne l’est pas encore au moment de sa visite avec Jean Moschus chez Etienne car il est nommé kyrios comme dans d’autres épisodes du Pré spirituel31. L’analyse détaillée réalisée par Wolska-Conus d’un recueil de soixante-dix miracles rapportés par Sophrone dans les Miracles des saints Cyr et Jean32, montre que Sophrone, nonobstant la critique radicale qu’il adresse dans cet ouvrage à la médecine officielle et à ses représentants, est pourvue de bonnes connaissances tant du milieu médical que de ses pratiques33. Ces observations donnent sérieusement à penser que Sophrone pourrait avoir suivi un cursus de formation médicale34 comme il semble en exister un certain nombre à Alexandrie, ou, a minima, avoir eu accès aux syllabi et notes de cours qui y circulaient35. Nous pouvons ajouter que Sophrone est familier d’autres lettrés qui apparaissent dans Le Pré spirituel de Jean Moschus. Par exemple, Théodore le philosophe qui donne des cours privés à Alexandrie et dont Jean Moschus rapporte qu’il ne possède qu’un manteau de philosophe et quelques livres36. Nous apprenons qu’il fréquente également un certain Cosmas, dit le scholastique, qui donne lui aussi des cours et qui possède, aux dires de Jean Moschus, plus de livres que quiconque à Alexandrie37. Ces figures seraient restées dans l’ombre sans le récit de Jean Moschus qui ne vise d’ailleurs qu’à l’édification spirituelle. Elles témoignent de l’existence d’un réseau de lettrés chrétiens dotés de connaissances philosophiques, dont l’épicentre est Alexandrie, un cercle de lettrés donc qui Cf. Jean Moschus, Pratum Spirituale, op. cit., 2919a. Sur Sophrone kyrios et sur la possible datation de la visite à Etienne, voir Ch. Von Shönborn, Sophrone de Jérusalem, Vie monastique et confession dogmatique, Paris, 1972, p. 59, n. 22. Von Schönborn date cet entretien des années 581-583. 32 Cf.  Sophrone de Jérusalem, Miracles des saints Cyr et Jean (BHG I 477-479), J. Gascou (éd.), Paris, 2006. 33 Voir  Wolska-Conus, « Stéphanos d›Athènes et Stéphanos d’Alexandrie », art. cit., p. 47-59. 34 J’admets ne pas savoir encore que faire de cette information, et comment m’en servir, au regard des connaissances médicales manifestées par le Pseudo-Elias (Étienne d’Alexandrie ?). Il serait tentant de penser qu’ils peuvent avoir appartenu au même milieu. 35 Voir J. Duffy, « Byzantine Medicine in the Sixth and Seventh Centuries : Aspects of Teaching and Practice », Dumbarton Oaks Papers 38, p. 21-22. 36 Cf. Jean Moschus, Pratum Spirituale op. cit., 3037bc. 37 Cf. Jean Moschus, Pratum Spirituale op. cit., 3040c. 30 31



Pascal Mueller-Jourdan

a quitté le siècle, pour s’adonner à l’ascétisme monastique, sans pourtant se priver de ce que devait permettre la possession de livres, à savoir l’étude et l’enseignement. Les recherches de Chadwick (1974) et beaucoup plus récemment celles de Boudignon (2004) et de Van Deun (2015) montrent que le Sophrone, sophiste travaillant avec Etienne le Philosophe en compagnie de Jean Moschus, et le Sophrone, qui devient quelques années plus tard le maître avisé de Maxime le Confesseur et dont ce dernier affirme qu’il possède une riche bibliothèque, selon toute probabilité à Alexandrie38, sont bien la seule et même personne39. Si l’on admet cette hypothèse, et si l’on admet le postulat induit par Wolska-Conus, à savoir que le Pseudo-Elias et Etienne le philosophe que fréquente pour raison d’étude Sophrone sont sinon la même personne, du moins, pour rester extrêmement prudent, deux personnes du même cercle, la connexion du cours du Pseudo-Elias avec Maxime le Confesseur s’éclairerait naturellement. Sophrone aurait pu être le relais entre les cours du Pseudo-Elias, dispensés dans le cercle alexandrin, et Maxime le Confesseur. En effet, dans un contexte de crise dogmatique qui prit très largement la tournure d’une crise politico-religieuse, il devenait indispensable à Maxime le Confesseur, chalcédonien combattant et très tôt allié à Sophrone dans ce combat, de pouvoir s’appuyer sur les règles élémentaires de la logique en raison de l’influence que continuait à exercer sur les courants monophysites, la doctrine de Sévère d’Antioche (c. 465-538), qui avait suivi les leçons d’Ammonius à Alexandrie quelques décennies plus tôt. On peut aisément penser que Sévère en tira parti. Ce qui lui donnait un net avantage sur la plupart des auteurs fidèles au Concile de Chalcédoine, mal renseignés pour certains d’entre eux sur les règles élémentaires de la logique. Il est d’ailleurs significatif que ce soit contre la doctrine de Sévère que Maxime le Confesseur rédigea des courriers et certains opuscules qui comptent, dans la vaste production 38 Cf. Lettre XIII, PG 91, 533a. Voir H. Chadwick, « John Moschus and his friend Sophronius the Sophist », The Journal of Theological Studies 25/1, 1974, p. 41-74. Mais également Ch.  Boudignon, « Maxime le Confesseur était-il constantinopolitain ? », in B. Janssens, B. Roosen, P. van Deun (éd.), Philomathestatos :Studies in Greek and Byzantine Texts Presented to J. Noret for his Sixty-Fifth Birthday, (Orientalia Lovaniensia Analecta, 137), Louvain, 2004, p. 14-16. 39 On doit ajouter le fait qu’Etienne, Sophrone et Maxime sont tous trois partisans d’une adhésion stricte à la doctrine de Chalcédoine dans une Alexandrie dominée par le parti des monophysites constitue un indice non négligeable autorisant leur rapprochement.



À PROPOS DE L’AUTEUR DES LEÇONS SUR L’ISAGOGÈ DE PORPHYRE

qu’il a laissée, parmi les plus redevables du monde théologique byzantin à l’Eisagogè de Porphyre et à la logique aristotélicienne. L’obscurité de la biographie de Maxime, notamment en ce qui concerne sa formation intellectuelle ne rend guère aisé l’explication de sa relative maîtrise de la logique ; mais sa proximité d’avec Sophrone qui a pu être son initiateur en la matière ouvre actuellement la voie à de nouveaux terrains d’exploration sur Maxime le Confesseur comme un point de connexion, sans doute majeur, entre la dernière production de l’École d’Alexandrie et la première scolastique byzantine.

Une objection possible Considérer Sophrone comme le relais entre le Pseudo-Elias/Etienne et Maxime, comme je tente de le faire ici, doit faire face à une réelle difficulté car, je suppose alors que les leçons qui comprenaient les Prolégomènes à la philosophie, Les Prolégomènes à l’Isagogè et le Commentaire de l’Isagogè sont dispensées à Alexandrie, seul endroit où Sophrone a pu les entendre. Or, les notes que nous possédons, j’entends celles que Westerink a éditées, ne peuvent avoir été prises à Alexandrie. En effet, un certain nombre d’indications issues du texte édité en notre possession donnerait à penser que le cours fut dispensé à Constantinople. La plus sérieuse indication apparaît lorsque le professeur affirme incidemment dans la Praxis 29.6 : « je peux me penser et m’imaginer en un autre lieu, à Alexandrie par exemple ou à Athènes (εἰς ἕτερον τόπον, οἶον ἐν Ἀλεξανδρεία ἢ ἐν Ἀθήναις) ». Le lieu d’où parle le professeur, de l’avis de Westerink, suivi par Wolska-Conus qui apporte des arguments complémentaires à cette localisation40, ne semble pouvoir être que Constantinople renforçant l’idée que celui dont le cours qui porte toutes les caractéristiques des productions d’Alexandrie41, s’est déplacé dans la capitale. Cette indication toutefois, sans doute embarrassante, pourrait 40 Cf. Wolska-Conus, « Stéphanos d’Athènes et Stéphanos d’Alexandrie », art. cit., p. 70-71. 41 De nombreux indicateurs relevés par Westerink font pencher l’attribution de ce texte à la faveur d’un professeur d’Alexandrie. Westerink pense par exemple que le fait de désigner, dans la vingt-deuxième leçon [Praxis 22.8], Alexandre comme le bâtisseur [ὁ κτίστης] témoigne à la faveur de cette attribution. La division du texte en leçons (praxeis) va d’ailleurs dans le même sens. On peut noter que dans le Pratum spirituale (op. cit., 2932a), Alexandre aussi est appelé le bâtisseur de ville (ὁ κτίστης τῆς πόλεως) et s’étonner du fait que, dans le passage parallèle de David (Proleg. 74.11-75.2) dont l’origine alexandrine n’est pas contestée, même Alexandre n’est pas nommé.



Pascal Mueller-Jourdan

ne pas contredire mon hypothèse qui voudrait voir en Sophrone le relais entre le cours du Pseudo-Elias/Etienne et Maxime dans la mesure où le professeur peut parfaitement avoir donné son cours d’abord à Alexandrie dans un cadre privé, peut-être celui rapporté par Jean Moschus, puis à Constantinople. Les notes à notre disposition doivent avoir été prises à Constantinople, on peut l’admettre, mais rien n’empêche que ces Leçons aient été répétées d’année en année et dans notre cas en des lieux différents42. On peut en effet parfaitement admettre que, pour l’essentiel, les Prolégomènes à la philosophie dispensés par le Pseudo-Elias/Etienne n’aient pas beaucoup varié d’une année à l’autre allant jusqu’à conserver la marque et le style du professeur qui les dispensait qu’ils aient été donnés ici ou ailleurs. Et il n’est pas incongru de se demander si Sophrone ne s’est pas fait lui-même l’un, peut-être, des reportator du cours dispensé à Alexandrie cette fois-ci. Quant aux curieuses anomalies relevées précédemment, nous pouvons parfaitement les imputer à un étudiant, sans doute dans un moindre inconfort avec les textes médicaux et avec les textes poétiques qu’avec les dialogues de Platon43, inconfort qui pourrait s’expliquer aussi par le fait que les milieux chrétiens, dans lesquels ces leçons ont probablement été données, ont, peut-être pour des raisons idéologiques, négligé le second cycle d’études qui commençait lui par des Prolégomènes spécifiques, Prolégomènes qui faisait de Platon le principal intermédiaire entre les dieux et les hommes.

42 Comme l’affirme Westerink (éd.), Prolégomènes à la philosophie de Platon, p. LVII : « La plupart des professeurs de philosophie platonicienne doivent avoir répété leur cours d’introduction année après année (ou au moins à intervalles assez courts) ; ils commençaient peut-être avec leurs propres notes de cours ; ensuite, ils ajoutaient à partir de sources écrites ou de mémoire, réarrangeant, corrigeant, abrégeant et commettant des erreurs. À chaque fois un certain nombre de copies étaient prises par les étudiants, qui à leur tour abrégeaient sérieusement le texte et y introduisaient des fautes encore plus grossières. Ensuite, un nouveau processus de rédaction et de mise au point de ces notes commençait entre les mains de ceux qui conservaient leur intérêt pour la philosophie platonicienne. » 43 En ce sens, au cas où ce cours peut être attribué à Etienne d’Alexandrie, par ailleurs auteur d’un commentaire au De Interpretatione d’Aristote et d’un commentaire du troisième livre du De Anima, faussement attribué à Philopon, on ne saurait en aucun cas imputer à celui-ci les maladresses rencontrées dans les Leçons éditées. Le sérieux mis à ses propres commentaires d’Aristote montre qu’Etienne ne saurait être responsable des nombreuses bévues que n’a pu éviter le reportator de son cours introductif à la philosophie.



À PROPOS DE L’AUTEUR DES LEÇONS SUR L’ISAGOGÈ DE PORPHYRE

Conclusion Risquons-nous à quelques éléments conclusifs. Admettons que la théorie de la double opinion à laquelle souscrit Maxime le Confesseur relève bien de la même veine que celle qui apparaît dans les Prolégomènes à la philosophie du Pseudo-Elias comme je pense l’avoir démontré. Admettons qu’il soit possible que le Pseudo-Elias dont le cours édité a été saisi à Constantinople a pu donner son cours quelques années plus tôt à Alexandrie. Il porte d’ailleurs très nettement les caractéristiques des dernières productions de l’École d’Alexandrie. Admettons qu’il y a un lien, dont je ne parviens pas encore à complètement déterminer la nature, entre ce Pseudo-Elias et Etienne, le sophiste et philosophe qui donnait des cours privés dans les annexes de l’Église de la Théotokos. Admettons que c’est bien ce même Etienne que Jean Moschus et Sophrone le sophiste devenu moine, allaient voir à Alexandrie en vue de travailler sur quelques savants livres aux confins des sixième et septième siècles. Admettons enfin que ce Sophrone, celui qui a étudié sous la direction d’Etienne à Alexandrie ait bien été le maître de Maxime le Confesseur comme ce dernier l’affirme à plusieurs reprises44. Il ne devient plus invraisemblable d’associer les noms du Pseudo-Elias et d’Etienne le sophiste d’Alexandrie, peut-être, par la suite, chargé d’enseignement à Constantinople. Une fois encore, rien ne dit qu’il faille confondre les deux personnages mais de sérieux indices attesteraient d’un lien qui justifierait des recherches complémentaires. Il est dès lors plausible d’imaginer une voie de transmission de certains matériaux philosophiques provenant de la source Pseudo-Elias/Etienne, par l’intermédiaire de Sophrone - mais pas forcément - à Maxime le Confesseur dont la production littéraire mobilise fréquemment les concepts issus de l’Eisagogè de Porphyre et des Catégories d’Aristote. Nous établirions ainsi, mais peut-être n’est-ce encore qu’une piste de recherche, une des voies de transmission possible du patrimoine scolaire du néoplatonisme alexandrin à la première scolastique byzantine. Mais, cela fait beaucoup de conditions requises, peutêtre trop, qui mériteraient d’être davantage étayées, d’être reprises l’une après l’autre et, le cas échéant, confirmées ou infirmées.

Maxime le Confesseur, Opuscula Theologica et Polemica, op. cit., 12, 141a-146a ; Id., Lettre 13, J.-P. Migne (éd.), Patrologia Graeca 91, 1815-1875, Paris, 533a. 44



Pascal Mueller-Jourdan

Annexes Annexe 1 Structure type des Prolégomènes à la philosophie (source : David, Prolegomena, A.Busse ed., Berlin, CAG 18/2, 1904) Entrée en matière [1.1-2.29], les quatre questions à examiner. I. Première question τὸ εἰ ἔστιν (la philosophie existe-t-elle ?) [2.30-39.12] Quatre arguments Aporie et solution. – Arg. 1 : le problème de l’homonymie de l’être [3.1-3.31] – Arg. 2 : le problème de l’écoulement des êtres [3.32-34.35] – Arg. 3 : le problème relatif à la prédominance des sens dans l’acte de connaissance [5.1-6.21] – Arg. 4 : la philosophie est-elle ou n’est-elle pas « connaissance » ? [6.22-28.9] – Argumentation finale en faveur de l’existence de la philosophie [8.9-9.12] II. Deuxième question : τὸ τί ἐστι (qu’est-ce que la philosophie ?) [9.13-76.29] – Introduction : d’abord définir puis diviser, justification. II.1. De la définition en général aux définitions de la philosophie – Premier point : Qu’est-ce qu’une définition ? [11.15-12.18] – Deuxième point : Qu’est-ce qui différencie une définition d’une délimitation et une description d’une définition descriptive ? [12.19-15.9] – Troisième point : À  partir de quoi une définition est-elle dite ? [15.10-16.12] – Quatrième point : À partir de quoi les définitions sont-elles prises ? [16.13-19.8] – Cinquième point : De quelle sorte est une définition parfaite et de quelle sorte est une définition imparfaite ? Et : Qu’est-ce qu’une mauvaise et qu’est-ce qu’une saine définition ? [19.9-20.23] – Sixième point : Combien y a-t-il de définitions de la philosophie ? [20.24-20.31]



À PROPOS DE L’AUTEUR DES LEÇONS SUR L’ISAGOGÈ DE PORPHYRE

Septième point : Pour quelle raison y a-t-il un tel nombre de définitions de la philosophie, ni plus, ni moins ? [21.1-23.2] (i) justification à partir de la division [21.3-22.19] (ii) justification arithmétique [22.19-23.2] – Huitième point : L’ordre des définitions de la philosophie [23.325.24] – Neuvième point : Qui sont les inventeurs de ces définitions ? [25.25-26.28] II.2. Les définitions de la philosophie [26.29-54.26] – Définition 1 : la philosophie est « connaissance des êtres en tant qu’êtres » [27.1-28.23] – Définition 2 : la philosophie est « connaissance des choses divines et humaines » [28.23-29.11] – Définition 3 : la philosophie est « préparation à la mort » [29.1234.12] – Définition 4 : la philosophie est « ressemblance à dieu dans la mesure du possible pour l’homme » [34.13-39.13] – Définition 5 : la philosophie est « art des arts et science des sciences » [39.14-45.25] – Définition 6 : la philosophie est « amour de la sagesse » [45.2648.13] – Six définitions, quatre points de départ (de l’objet, de la fin, de la suprématie et de l’étymologie) : justification par les nombres, leurs noms et leurs natures [48.14-54.26] II.3. Les divisions de la philosophie [54.27-76.28] – Première division : les deux parties théorétique et pratique [54.27-57.7] – La subdivision du théorétique [57.8-65.9] – la différence entre Platon et Aristote [57.8-57.25] – la tripartition du théorétique [57.26-58.25] – l’ordre des parties du théorétique [58.26-60.8] – la division des mathématiques [60.9-65.9] (i) Combien et de quelles sortes sont les espèces des mathématiques ? [60.22-60.24] (ii) Pourquoi les espèces des mathématiques sont-elles de cette sorte ? [60.24-62.3] (iii) L’ordre des parties des mathématiques et les raison de cet ordre [62.24-63.23] –



Pascal Mueller-Jourdan

(iv) Les inventeurs des espèces mathématiques [63.24-64.12] (v) L’objet propre de chacune des espèces mathématiques [64.13-65.9] – Les modes de la division – Combien et de quelles sortes sont les modes généraux de la division ? Les huit modes [65.10-68.19] – Selon lequel de ces modes la philosophie se divise-t-elle en théorétique et pratique ? [68.20-71-20] – Comment (= selon quel mode) le théorétique se divise-t-il en sciences physique, mathématique et théologique ? [71.21-73.8] – Comment les mathématiques se divisent-elles en arithmétique, musique, géométrique et astronomie ? [73.9-73.32] – La division de la partie pratique de la philosophie [74.1-76.28] Introduction [74.1-74.10] Selon les Aristotéliciens [74.11-75.2] Objection des Platoniciens [75.3-75.31] Selon les Platoniciens [75.32-76.28] III. Troisième question : τὸ ὁποῖόν τί ἐστιν (de quelle qualité est la philosophie ?) [76.2978.28] III.1 Du point de vue de la division [76.31-77.21] III.2 Du point des définitions [77.-21-78.28] IV. Quatrième question : τὸ διὰ τί ἐστιν (pourquoi {à quelle fin} y a-t-il la philosophie ?) [78.27-79.29] Annexe 2 Plan des Prolégomènes à la philosophie du Pseudo-Elias [Westerink (1967)] [Lacune Praxeis 1-7] Définitions de la philosophie

– Justification du nombre des définitions de la philosophie au moyen de la connaissance arithmétique. Première raison: les rapports numériques [8.1] – Deuxième raison : dignité et situation particulière du nombre 6 [9.1]



À PROPOS DE L’AUTEUR DES LEÇONS SUR L’ISAGOGÈ DE PORPHYRE

Digression : Les nombres de 1 à 10, noms, justification du noms et caractères propres [9.14]

– Ordre des définitions de la philosophie [9.47] – La raison de l’ordre des définitions [10.1]

– Les auteurs des définitions [10.13]

– Explication des définitions [11.1] – La philosophie est connaissance des êtres en tant qu’être (1ère définition) [11.1] – La philosophie est connaissance des choses divines et humaines (2ème définition) [11.20] – La philosophie est préparation à la mort (3ème définition) [12.1] – Première digression : A propos de la vie et de la mort [12.21] – Deuxième digression : la question du suicide [13.1] – La philosophie est ressemblance à Dieu dans la mesure du possible pour l’homme (4ème définition) [14.1] – La philosophie est art des arts et science des sciences (5ème définition) [15.1] – Digression sur l’art et la science [16.1] – La philosophie est amour de la sagesse (6ème définition) [17.1] - [à propos de la double opinion] – Des définitions aux divisions de la philosophie : transition [18.1] –

Divisions de la philosophie – Les trois formes de division [18.4] – La division de la philosophie [18.8] – La subdivision de la partie théorétique [18.17] – L’ordre de subdivision du théorétique [18.23] – La subdivision de la partie mathématique [19.3] – L’ordre des divisions de la partie mathématique [19.9] – Les inventeurs des mathématiques [19.19] – Mathématiques universelles et mathématiques appliquées [19.25] – Les inventeurs particuliers des mathématiques [19.30] – Les huit modes généraux de division [20.1] – Le mode de division applicable à la philosophie [20.20] – Le mode de division du théorétique [21.1]



Pascal Mueller-Jourdan

– – – – – –

Le mode de division des sciences mathématiques [21.10] La division de la partie pratique de la philosophie… [22.1] …selon Aristote [22.4] Objections des Platoniciens [22.12] La division… selon les Platoniciens [22.16] L’accord de Platon et d’Aristote [22.26]

troisième question à examiner [τὸ ὁποῖόν τί ἐστι] [23.1] – Du point de vue de la division [23.1] – Du point de vue des définitions [23.7] Quatrième question à examiner [τὸ διατί ἐστι] [23.16] Annexe 3 Examen des indices bibliques relevés par Westerink (1967) Indice 1 La douzième leçon [Praxis 12.2 (cf.  NT, Colossiens 3.5 ; Romains 6.2-5)] aborde le thème du « faire mourir » les désirs du corps et du « décéder » par rapport aux passions. Ce thème est introduit pour expliquer le sens de la troisième définition de la philosophie qui veut qu’elle soit une « préparation à la mort », ou un « s’exercer à mourir ». Soucieux de ne pas voir le fâcheux exemple de Cléombrotos se reproduire, lequel se suicida pour avoir interprété littéralement le propos de Platon, le Pseudo-Elias précise : (Praxis 12.2) « Il faut savoir que « mourir et être mort » (θνήσκειν καὶ τεθνάναι) ne sont pas dits sans-raison. Le « mourir », en effet, est le « faire mourir » les désirs du corps et le « décéder » par rapport aux passions. Tandis que le « être mort », est le fait pour l’âme, après la mort des désirs, d’être tendue en haut vers les réalités divines ». On trouve bien en effet dans les Épîtres de Paul aux Colossiens et aux Romains auxquels renvoie Westerink, une exhortation à un mouvement similaire, d’abord faire mourir les désirs concupiscents et les passions, pour s’acheminer vers la vraie connaissance, mais le thème est sans doute trop classique dans la morale antique pour constituer une preuve. On ne saurait honnêtement y reconnaître une spécificité biblique.



À PROPOS DE L’AUTEUR DES LEÇONS SUR L’ISAGOGÈ DE PORPHYRE

Indice 2 Toujours dans l’explication de la troisième définition de la philosophie comme préparation à la mort, nous sommes dans la treizième leçon [Praxis 13.22 : cf. AT (LXX), Siracide 2.5 ; Zacharie 13.9 ; Malachie 3.2-3], sans doute le lendemain, le Pseudo-Elias établit une comparaison entre l’or, éprouvé et purifié de ses impuretés par le feu, et l’âme qui est, elle, purifiée par les vicissitudes de l’existence. Certes, le thème de la purification de l’âme comparée à la purification de l’or par le feu n’est pas absent de la Bible mais il ne l’est pas non plus de la morale antique. Je pense qu’un examen un peu approfondi des conditions de cette purification par les événements douloureux de l’existence, comme l’or passé à l’épreuve du feu, conduirait à faire relever ce thème plutôt de la République de Platon que de la Bible. En effet pour Platon, parmi les jeunes gens, celui qui est capable de ne pas renier ses engagements dans les situations d’effort, de souffrance, et d’adversité, mais qui ressort de ces situations entièrement purifié, comme l’or passé à l’épreuve du feu, c’est celui-ci qui doit être institué comme gouvernant1. Indice 3 Sitôt après, dans le même mouvement et la même treizième leçon, le Pseudo-Elias [Praxis 13.26, cf. NT, 1 Corinthiens 9.24] compare la vie à une palestre. L’âme, triomphant des passions, qui affronte les événements malheureux en vue de remporter la victoire, c’est-à-dire les vertus, est couronnée par le Démiurge. Certes la première Épître de Paul aux Corinthiens mentionnée en note par Westerink parle bien de prix à remporter, de couronnement et d’entraînement nécessaire, mais là encore, aucune trace d’indice littéral qui permette de soutenir avec certitude que le Pseudo-Elias fasse directement allusion à l’exhortation paulinienne2, d’autant plus que le Pseu1 Platon affirme en effet à propos des gouvernants (Rép. 503ab, trad. G. Leroux) : « Nous avons dit, tu t’en souviendras, qu’ils doivent se montrer amis de la cité, mis à l’épreuve dans les plaisirs et dans les peines, et qu’ils ne doivent pas se montrer prompts à renier leur engagement dans les situations de grand effort ou de souffrance, ni dans aucune forme d’adversité. Celui qui en est incapable doit être rejeté, alors que celui qui en ressort entièrement purifié, comme l’or passé à l’épreuve du feu, doit être institué gouvernant et on doit lui offrir des privilèges et des présents, durant sa vie comme après sa mort. », et 413d-414a ; voir également Chrysippe, Fragmenta logica et physica, 630, H. von Arnim (éd.), SVF 2, Leipzig, 1903, ainsi que Jean Chrysostome, Sur la Providence de Dieu [XXI.1-4], A.-M. Malingrey (éd.), Paris, Sources Chrétiennes 79, 1961. 2 Le Pseudo-Elias se trouve tout de même proche du Discours sur la Providence de Jean Chrysostome où ce dernier compare également la vie présente à une palestre et



Pascal Mueller-Jourdan

do-Elias introduit ce thème pour commenter Hésiode qui affirme dans Les Travaux et les Jours : « Mais les dieux immortels ont placé la sueur devant la vertu. Long et escarpé est le chemin qui y conduit et d’abord pénible. Or quand il aura atteint la cime, alors facilement il se mouvra quoique le chemin fut difficile »3. À quoi il faudrait ajouter que l’Épître aux Corinthiens parle de course de stade et non de palestre comme le fait exclusivement le Pseudo-Elias réduisant la pertinence de la comparaison. Indice 4 Dans la quinzième leçon (Praxis 15.4, cf. NT, I Timothée 6.15), alors qu’il explique, dans le contexte de la cinquième définition de la philosophie, la raison des redoublements « art des arts » et « science des sciences », le Pseudo-Elias affirme que le premier redoublement fait ressembler la philosophie au roi qui est dit « archonte des archontes » correspondant à la forme « art des arts ». Il affirme que le second redoublement fait ressembler la philosophie à dieu en ce que, quand nous cherchons à signifier le dieu, nous le disons « roi des rois », comme quand par analogie nous cherchons à signifier la philosophie, nous la disons « science des sciences ». Certes l’expression « roi des rois »4, se trouve dans la Première Lettre de Paul à Timothée. C’est un fait. Et cette expression connaîtra une assez grande fortune dans la littérature chrétienne. Mais force est de constater qu’outre la ressemblance formelle de deux mots, rien dans le contexte où se trouve convoquée cette expression n’autorise à fonder, en l’état, une quelconque référence de cette leçon à l’épître de Paul à Timothée. Une expression similaire est présente chez Plotin et Proclus5 dans un usage qui éclaire davantage le propos du Pseudo-Elias, rendant la référence de la formule au seul texte biblique quelque peu suspecte. le prix remporté à la vertu (Cf., Jean Chrysostome, Sur la Providence de Dieu XXI.1-4). Mais Chrysostome pourrait avoir suivi les leçons de Libanius avant ses propres compositions religieuses, bien que la question soit loin de faire l’unanimité dans la communauté scientifique. Il est du moins certain qu’il a lu les productions du Maître antiochien. Pour une présentation récente de cette question : P.-L. Malosse, « Jean Chrysostome a-t-il été l’élève de Libanios ? », Phoenix 62-63/4, 2008, p. 273-280. 3 Cf., Hésiode, Les Travaux et les Jours, 289-292, P. Mazon éd. Il est à noter qu’à la différence des citations qu’il fait de Platon, cette citation est à deux ou trois détails près rigoureusement identique au texte d’Hésiode. 4 On la trouve également chez David (Prol. 39.28-29) mais alors que ce dernier propose la forme βασιλέα βασιλέων, le Pseudo-Elias a βασιλέα βασιλευόντων. 5 Cf. Plotin, Enneades [V.5], 3, 20, P. Henry & H. R. Schwyzer (éd.) ; Proclus, In Parm. 719, 9, Cousin (éd.) ; Proclus, In Tim. 3, 203, 22 Diehl (éd.).



À PROPOS DE L’AUTEUR DES LEÇONS SUR L’ISAGOGÈ DE PORPHYRE

Indice 5 Dans la dix-neuvième leçon en revanche (Praxis 19.21, cf. AT (LXX), Ezéchiel 11.19 ; 36.26), le Pseudo-Elias fait mention d’une expression qui est, à ma connaissance, inconnue du commentarisme néoplatonicien ; expression qui apparaît dans la partie sur les inventeurs des sciences mathématiques, dans la section portant sur l’origine de l’harmonie. Le Pseudo-Elias, se faisant l’écho d’une tradition antique, affirme qu’Orphée, par le très plaisant caractère de l’harmonie de sa lyre « …transformait l’impulsivité et la bestialité de l’âme des hommes et rendait aptes à le suivre ceux qui couraient le danger d’être changé en arbres, de devenir entièrement cœurs de pierre [λιθοκάρδιος] et d’être au stade ultime privés de paroles à l’instar des poissons »6. Le nom λιθοκάρδιος n’apparaît ni chez les auteurs païens, ni non plus dans la Septante même si le thème du cœur de pierre y est connu mais sous une autre forme grammaticale. Il remonte au livre d’Ezéchiel. Le terme λιθοκάρδιος se rencontre cependant plusieurs fois dans la littérature chrétienne primitive qui pourrait l’avoir inventé7. Mais après tout, l’expression très imagée et très parlante bien que possiblement d’origine patristique, peut parfaitement être passée dans le langage populaire sans qu’il soit nécessaire de la convoquer à titre de preuve qui confirmerait l’appartenance religieuse de celui qui en fait usage. Indice 6 Sur un autre registre, pour compléter cette liste, Westerink a signalé, dans la treizième leçon (Praxis 13.14), un autre indice qui contribuerait à valider la thèse d’une identité chrétienne de l’auteur du cours. Il s’agit de l’emploi du terme ἐθνικοί qui désigne chez le Pseudo-Elias des peuples qui, aujourd’hui encore préfèrent faire disparaître les vieillards ; la vieillesse dans la vie étant assimilée à l’ivresse dans un banquet, car elle produit des radoteurs. Le terme ἐθνικοί n’est guère aisé à traduire : ethnies, races, peuples, païens. On le rencontre cinq fois dans le Nou-

6 Cf. Praxis 19.20-21. Sur la musique (i. e. l’harmonie), ses propriétés transformatrices et éducatives, son action moralisatrice, voir Platon, Rép. 399ab et Protag., 326ab ; Plutarque, Moralia (Sur la Musique) 1146ab. 7 Par exemple : Origène, Homélies sur Jérémie, 4.6.5-6, P. Nautin, P. Husson (éd.), Paris, Sources Chrétiennes 232, 1976 ; Basile de Césarée, Lettre 8, 7.74, in Saint Basile, Lettres, t. 1, Y. Courtonne (éd.), Paris, 1957.



Pascal Mueller-Jourdan

veau Testament8 pour désigner les païens et il a conservé ce sens péjoratif dans le christianisme antique. La forme ἐθνικά, par exemple, n’est pas rare dans la tradition non-chrétienne où elle désigne des peuples étrangers aux mœurs différentes. Elle acquiert même un sens technique, classificatoire, à la fin du sixième siècle comme en témoigne un abrégé sur les peuples [ἐθνικά] attribué à Etienne de Byzance9. L’usage qu’en fait le Pseudo-Elias paraît davantage relever d’une information ethnique sur des pratiques propres à certains peuples plutôt que ressortir au sens péjoratif que lui donnent la Bible et la tradition patristique. Indice 7 Une autre expression pourrait contribuer à orienter les recherches vers l’identité chrétienne du Pseudo-Elias. Il fait en effet usage du surnom dépréciatif d’apostat (13.7 : ὁ παραβάτης) pour désigner l’Empereur Julien qui, philosophe d’inspiration néoplatonicienne, avait tenté de restaurer officiellement le paganisme lors de son accession au trône impérial. Dans le passage parallèle des Prolégomènes de David, Julien est simplement appelé l’Empereur. Les quelques sondages conduits dans la littérature patristique ne parviennent pas à me convaincre du fait qu’il était d’usage dans le christianisme des cinquième et sixième siècle d’accoler l’épithète « apostat » à Julien. Si c’est le cas, il n’en reste que peu de traces écrites sinon chez quelques historiens, Eunape, Philostorge et Malalas10. Pour brièvement conclure l’examen des indices relevés par Westerink, on peut faire quelques constats et pointer quelques interrogations. Sur les sept indices convoqués, cinq relèvent de l’explication de la définition de la philosophie comme préparation à la mort, explication donnée dans les leçons 12 et 13. Il s’agit des indices 1 : du faire mourir les désirs du corps et du décéder par rapport aux passions, 2 : de la purification de l’âme par les vicissitudes de l’existence comparée à l’or éprouvé par le feu, Matthieu 5.47 ; 6.7 ; 18.17. Galates 2.14. 3 Jean 7. Cf. M. Billerbeck (dir.), Stephani Byzantii Ethnica, 5 vol., Berlin, (Corpus Fontium historiae byzantinae, series Berolinensis), 2006-2017. 10 Voir Eunape, Fragmenta historica [I. 205.18], in L. Dinfort (éd.), Historici Graeci minores, vol.  1, Leipzig, 1870, p.  205-274 (comme le fragment provient de la Bibliothèque de Photius [Bibl.77.54a10], il est plus que vraisemblable qu’Eunape, zélé partisan de Julien, ne soit pas l’auteur de cette expression) ; Philostorge, Historia ecclesiastica, 2.16a.15 ; Jean Malalas, Chronographia, 326.13 ; 334.13 ; 479.4, in Ioannis Malalae chronographia, Dindorf (éd.) op. cit. 8 9



À PROPOS DE L’AUTEUR DES LEÇONS SUR L’ISAGOGÈ DE PORPHYRE

3 : de la vie comparée à une palestre, 6 : de l’usage du terme ἐθνικοί pour désigner des populations aux mœurs différentes, 7 : de l’usage de l’épithète « apostat » pour désigner l’Empereur Julien. Les autres indices relèvent – pour l’indice 4, de la cinquième définition, à savoir de l’usage de la formule « roi des rois » pour désigner le dieu, et ce pour éclairer l’usage de la forme « science des sciences » pour désigner la philosophie ; – pour l’indice 5, de la mention des inventeurs de l’harmonie, où l’on trouve l’usage curieux de l’expression du « cœur de pierre ». Ces indices pourtant caractérisent les Prolégomènes à la philosophie du Pseudo-Elias et leur donnent leur coloration propre.



USAGES EN SYRIAQUE DES INTRODUCTIONS À LA PHILOSOPHIE. TROIS EXEMPLES : SERGIUS DE RESH‘AINA, PROBA D’ANTIOCHE, PAUL LE PERSE. DU CURRICULUM À L’OUTILLAGE MENTAL Henri Hugonnard-Roche (CNRS) C’est au tournant des cinquième et sixième siècles que se produisirent des mouvements de pensée qui eurent une influence décisive sur l’évolution de la philosophie d’inspiration grecque dans la culture syriaque, cette philosophie que l’on a désignée du nom de falsafa dans la tradition arabe postérieure. Les motivations de ces mouvements sont diverses sans doute et demanderaient une analyse, qui n’est pas notre propos1. Mais ces mouvements se traduisirent par l’apparition de productions littéraires nouvelles par leurs formes et leurs sujets, notamment des traductions et des commentaires d’œuvres d’Aristote. Ainsi, des traductions anonymes des Catégories d’Aristote, ainsi que de l’Isagoge de Porphyre, furent réalisées dès la première moitié du vie siècle, et une traduction du Peri Hermeneias d’Aristote le fut sans doute dans la seconde moitié du siècle2. Ces traductions illustrent la percée de la philosophie aristotélicienne dans les milieux savants syriaques, percée directe des œuvres elles-mêmes, que les érudits chrétiens, et leurs élèves, peuvent désormais 1 Sur le contexte historique de ces mouvements de pensée, voir par exemple H. Hugonnard-Roche, « Le mouvement des traductions syriaques : arrière-plan historique et sociologique », in R.  Goulet, U.  Rudolph (éd.), Entre Orient et Occident : la philosophie et la science gréco-romaines dans le monde arabe, Genève, (Entretiens sur l’Antiquité classique, 57), 2011, p. 45-86. 2 On trouve un bref panorama des traductions et commentaires syriaques des œuvres logiques d’Aristote, dans S.  Brock, « The Syriac Commentary Tradition », in Ch.  Burnett (éd.), Glosses and Commentaries on Aristotelian Logical texts. The Syriac, Arabic and Medieval Latin Traditions, London (Warburg Institute Surveys and Texts, 23), 1993, p. 3-18. Voir aussi la notice de H. Hugonnard-Roche, « Aristote. L’Organon. Tradition syriaque et arabe », in R. Goulet (dir.), Dictionnaire des Philosophes Antiques, I, Paris, 1989, p. 502-528.

Introduction générale à la philosophie chez les commentateurs néoplatoniciens, éd. par ­Min-Jun Huh (Monothéismes et Philosophie, 29), p. 151-180 FHG DOI 10.1484/M.MON-EB.5.120306

Henri Hugonnard-Roche

lire dans leur propre langue de culture. Certes un certain nombre de lettrés, qui avaient fréquenté les écoles supérieures, et non point seulement les écoles paroissiales ou locales, pouvaient lire le grec, spécialement dans la partie occidentale de l’aire syriaco-phone. La connaissance de la langue grecque permettait alors une compréhension bien supérieure des textes originaux, comme on le verra à propos des commentaires de Proba (Probus). Il n’est pas sans intérêt pour notre sujet, d’autre part, de noter que ces œuvres logiques sont parmi les premières à composer le corpus traditionnel aristotélicien, tel qu’il est placé en tête du corpus scolaire, dans la tradition de l’école néoplatonicienne. Car l’introduction de la philosophie grecque dans la culture syriaque au tournant des cinquième et sixième siècles est directement liée aux rapports étroits que les lettrés de langue syriaque ont entretenus à cette époque avec la tradition philosophique alexandrine, comme les exemples des auteurs syriaques dont nous allons parler le montreront clairement. Trois figures principales représentent pour nous, dans l’état de notre documentation, l’assimilation de la philosophie alexandrine, au sixième siècle : Sergius de Resh‘aina, Proba d’Antioche et Paul le Perse. Tous trois sont, chacun à leur manière, représentants de l’assimilation des Introductions à la philosophie dans le domaine syriaque, et nous allons les étudier l’un après l’autre, de ce point de vue.

Sergius de Resh‘aina Certainement le plus fameux des trois, de nos jours, Sergius (mort en 536) est un exemple remarquable du lien entre l’école philosophique d’Alexandrie et la culture syro-occidentale de son temps. Il était encore bien connu en plein neuvième siècle pour ses traductions de quelque trente-sept œuvres médicales de Galien (parmi lesquelles presque tous les ouvrages fondamentaux pour l’enseignement réunis dans le « canon alexandrin »), et plusieurs œuvres d’Hippocrate. Nombre de ses traductions de Galien furent notamment reprises (ou critiquées) par Ḥunayn ibn Isḥāq (m. 873), le plus fameux traducteur en son temps du grec en syriaque, ou en arabe3. Sergius reçut une partie de sa formation, médicale 3 Sur l’état des traductions syriaques et arabes des œuvres de Galien on peut trouver une vue d’ensemble commode (avec bibliographie) dans V. Boudon-Millot, « L’écdotique des textes médicaux grecs et l’apport des traductions orientales », in R. Goulet, U. Rudolph (éd.), Entre Orient et Occident, op. cit., p. 321-387, en part. Annexe A, 370387.



USAGES EN SYRIAQUE DES INTRODUCTIONS À LA PHILOSOPHIE. TROIS EXEMPLES

et philosophique, à Alexandrie, auprès d’Ammonius lui-même très probablement pour la philosophie. À ce titre, il était familier du cursus des études, et des dispositifs d’introduction, qui précédaient la lecture des textes, introduction à la philosophie en général d’abord, et introduction à la philosophie d’Aristote ensuite4. Sergius combinait en lui une triple compétence, pourrait-on dire : compétence médicale, comme traducteur de Galien, et praticien lui-même, comme médecin-chef, dans la ville de Resh‘aina (Theodosiopolis en grec) en Haute Mésopotamie, où il résida ; compétence philosophique, acquise dans l’école d’Ammonius5 ; compétence en matière de théologie, illustrée par ses traductions des œuvres du pseudo-Denys l’Aréopagite, les premières réalisées en syriaque, à peu de chose près contemporaines de leur rédaction par leur auteur, toujours non identifié de nos jours6. En matière de philosophie, Sergius exerça une double activité, comme traducteur, d’une part, d’œuvres touchant la cosmologie, à savoir le De mundo pseudo-aristotélicien et le traité d’Alexandre d’Aphrodise Sur les causes du tout (aussi appelé Sur les principes de l’univers), perdu en grec (mais conservé également en arabe)7 ; comme commentateur d’autre part, en tant qu’auteur de deux commentaires sur les Catégories d’Aristote, dont le second est un abrégé du premier, et de quelques brefs 4 Pour une vue d’ensemble sur Sergius, voir par exemple H. Hugonnard-Roche, « Sergius de Reš‘ainā », in R. Goulet (dir.), Dictionnaire des Philosophes Antiques, VI, 2016, Paris, p. 214-227 ; E. Fiori, « Un intellectuel alexandrin en Mésopotamie. Essai d’une interprétation d’ensemble de l’œuvre de Sergius de Reš‘aynā », in E.  Coda et C. Martini Bonadeo (éd.), De l’Antiquité tardive au Moyen Âge. Études de logique aristotélicienne et de philosophie grecque, syriaque, arabe et latine offertes à Henri Hugonnard-Roche, Paris (Études musulmanes 44), 2014, p. 59-90. 5 Sur les œuvres philosophiques de Sergius, voir H. Hugonnard-Roche, La logique d’Aristote du grec au syriaque. Études sur la transmission des textes de l’Organon et leur interprétation philosophique, Paris, 2004, p. 123-142 (chapitre VI : « Sergius de Reš‘ainā, traducteur du grec en syriaque et commentateur d’Aristote ») ; voir aussi la mise au point récente de S. Aydin (éd.), Sergius of Reshaina, Introduction to Aristotle and His Categories, Addressed to Philotheos, Leiden, 2016, p. 2016, 10-39, qui traite de l’ensemble de l’œuvre de Sergius. 6 Voir E. Fiori (éd.), Dionigi Areopagita, Nomini divini, Teologia mistica, Epistole. La versione siriaca di Sergio di Rēš‘aynā (VI secolo), Louvain (Corpus Scriptorum Christianorum Orientalium, 252-253), 2014. 7 Cf. A. McCollum, « Sergius of Reshaina as Translator : The Case of the De mundo », in J. Lössl, J. W. Watt (éd.), Interpreting the Bible and Aristotle in Late Antiquity : The Alexandrian Commentary Tradition between Rome and Baghdad, Farnham, 2011, p. 165-178 ; D. King, « Alexander of Aphrodisias’ On the Principles of the Universe in a Syriac adaptation », Le Muséon 123, 2010, p. 159-191 ; E. Fiori, « L’épitomé syriaque du Traité sur les causes du tout d’Alexandre d’Aphrodise attribué à Sergius de Reš‘aynā », Le Muséon 123, 2010, p. 127-158.



Henri Hugonnard-Roche

opuscules, touchant à la logique8. Les commentaires sur les Catégories sont les ouvrages qui nous intéressent le plus directement ici9. La visée de Sergius est d’introduire le lecteur à toute la philosophie d’Aristote, dont le commentaire sur les Catégories n’est que la première étape, selon l’annonce qui en est faite. Dans le prologue du commentaire à Théodore, Sergius expose à ce dernier qu’Aristote est l’origine, le commencement et le principe de tout savoir, dont il a réuni toutes les parties, comme un médecin ou comme un statuaire : Jusqu’à l’époque, en effet, où cet homme [i. e. Aristote] vint au monde, toutes les parties de la philosophie et du savoir tout entier étaient éparpillées, à la manière de drogues simples, et disposées sans aucun ordre ni science chez tous les auteurs. Celui-là seul, à la manière d’un savant médecin, réunit toutes les parties qui étaient dispersées et il les assembla avec art et science, et il prépara à partir d’elles le remède parfait de son enseignement, qui extirpe et ôte de ceux qui s’appliquent à ses écrits avec sérieux les maladies graves et les infirmités de l’ignorance. De même, en effet, que ceux qui font des statues façonnent à part chacune des parties de la forme par elle-même, puis en les assemblant l’une avec l’autre, ainsi que l’art le requiert, font la statue achevée, de même lui aussi [Aristote] assembla, ajusta et disposa chacune des parties de la philosophie selon l’ordre requis par elle, et il façonna à partir d’elles, dans tous ses livres, la forme parfaite et admirable de la science de toutes les réalités10. 8 Le premier commentaire, adressé à Théodore, évêque de Karkh Ğuddān, a été partiellement traduit en italien par G. Furlani, « Sul trattato di Sergio di Rêsh‘âynâ circa le Categorie », Rivista trimestrale di studi filosofici e religiosi 3, 1922, p. 135-172. Voir aussi la traduction française du prologue et du premier livre, avec commentaire détaillé, dans H. Hugonnard-Roche, « Sergius de Res‘ayna : Commentaire sur les Catégories… », op. cit., p. 165-231. Le second livre a été partiellement traduit en anglais, avec commentaire, par J. Watt, « Sergius of Reshaina on the Prolegomena to Aristotle’s Logic : The Commentary on the Categories, Chapter Two »,  in E.  Coda et C.  Martini Bonadeo, op. cit., 2014, p. 31-57. Le second traité sur les Catégories, adressé à un certain Philotheos, a été édité et traduit par Aydin (Sergius of Reshaina, Introduction to Aristotle, op. cit.). On trouvera dans ce dernier ouvrage des informations récentes sur les opuscules logiques, dont Sergius est l’auteur ou qui lui ont été attribués. Sur le second traité sur les Catégories, voir aussi une analyse partielle de H.  Hugonnard-Roche, La logique d’Aristote du grec au syriaque, op. cit., (chapitre VII « Les Catégories d’Aristote comme introduction à la philosophie, dans un commentaire syriaque de Sergius de Reš‘ainā »), p. 143-164. 9 Le second commentaire étant un abrégé du premier, nous nous intéresserons seulement à celui-ci qui, de plus, comporte seul des emprunts importants aux Introductions à la philosophie ou à Aristote. Voir un tableau comparatif du contenu de chacun des deux commentaires dans Aydin (éd.), Sergius of Reshaina, Introduction to Aristotle, op. cit., p. 72-75. 10 Nous tirons cette citation de notre traduction du prologue du traité de Sergius, dans Hugonnard-Roche La logique d’Aristote du grec au syriaque, op. cit., p. 168.



USAGES EN SYRIAQUE DES INTRODUCTIONS À LA PHILOSOPHIE. TROIS EXEMPLES

Pressé par Théodore d’écrire sur l’enseignement d’Aristote, Sergius s’y résout, et se propose d’écrire « sur tout l’enseignement de ce savant », « à propos de chacun de ses écrits particuliers ». À l’arrière-plan du projet de Sergius, se trouve sans doute le cursus scolaire néoplatonicien, que lui-même avait probablement suivi à Alexandrie. Mais à ce propos il faut faire une remarque essentielle : l’apprentissage de la philosophie évoqué par Sergius se rapporte à la philosophie d’Aristote, et il n’est pas question de Platon, la philosophie d’Aristote n’étant nullement conçue comme une étape menant à l’étude de la philosophie de Platon, à la différence de la conception qu’en avaient les philosophes néoplatoniciens. Des introductions à la philosophie, Sergius ne retiendra que quelques éléments généraux, ou ceux qui se rapporteront plus précisément à la philosophie d’Aristote. Néanmoins Sergius connaît bien les topoi rhétoriques de toute préface : c’est ainsi qu’il place au début de son prologue, comme point de départ de toute étude philosophique, la nécessité de la connaissance de soi, explicitée comme l’exigence de se séparer du corps et du sensible, afin que l’esprit soit en mesure d’appréhender les secrets des livres des Anciens. Cette connaissance est associée à la séparation du monde et de ses affaires, à l’éloignement de la chair et des désirs11. Les thèmes platoniciens fondamentaux, qui règlent la philosophie comme « art de vivre », sont donc bien connus de Sergius et présents chez lui12. Ce n’est toutefois pas dans cette voie qu’il engage son lecteur, mais dans la voie de la connaissance de toutes les réalités, au moyen d’exposés à venir à propos de chacun des écrits en particulier du Philosophe. Ce que Sergius se propose de faire connaître est le « but » (en syriaque nīšā), entendons le skopos, de l’enseignement d’Aristote, et l’ordre de ses écrits et la suite de ses idées. La forme même que Sergius donne à sa présentation de la philosophie d’Aristote, dans son commentaire aux Catégories en l’occurrence, n’est pas celle d’un commentaire exégétique, à la manière de ceux de son 11 Cf. le début du prologue du commentaire de Sergius, dont nous citons l’extrait suivant : « […] personne ne peut comprendre les doctrines des Anciens ni pénétrer les secrets de la science de leurs livres s’il ne quitte pas le monde et ses affaires, et s’il ne s’éloigne pas non plus de la chair – non par le lieu, mais par la pensée – et ne rejette pas tous ses désirs derrière lui. C’est qu’alors, en effet, l’esprit est libre de se tourner vers lui-même et de regarder en lui-même, et de voir clairement ce qui a été écrit par eux [les Anciens] et de juger correctement de ce qui a été dit avec exactitude et de ce qui n’a pas été affirmé de même manière, car il ne se trouve rien pour l’en empêcher dans une pareille manière de vivre, – rien des choses qui s’opposent à sa légèreté sous le poids de la chair » (notre traduction, dans Hugonnard-Roche, ibid., p. 167). 12 Sur les topoi rhétoriques dans le prologue du commentaire de Sergius, voir nos remarques dans Hugonnard-Roche, ibid., p. 170-185.



Henri Hugonnard-Roche

maître Ammonius, dont il a manifestement eu connaissance13. Mais il organise son exposé selon une manière propre, plutôt en forme d’un épitomé, lui-même organisé selon son propre dessein. Le texte est divisé en sept livres, dont les deux premiers touchent aux Introductions, le troisième concerne la substance, le quatrième la quantité, le cinquième les relatifs, le sixième la qualité, et le septième les autres catégories restantes14. Nous nous intéresserons ici aux deux premiers chapitres. Afin de faciliter l’exposé, nous rappellerons d’abord très brièvement le schéma général simplifié des Introductions, en mentionnant plus particulièrement les parties auxquelles nous nous référerons dans la suite. Selon ce schéma : – vient d’abord une introduction à l’Isagoge de Porphyre, en deux parties : Introduction à la philosophie en général, puis Introduction spécifique à l’Isagoge, celle-ci en huit points : but, utilité, authenticité, place dans l’ordre de lecture, raison d’être du titre, à quelle partie de la philosophie appartient le traité, sa division en chapitres, la forme de l’enseignement. – vient ensuite une introduction aux Catégories, qui comprend, après une biographie d’Aristote, une Introduction à la philosophie d’Aristote en dix points, parmi lesquels (2) le classement des écrits d’Aristote, (7) pourquoi Aristote a cultivé l’obscurité ; puis une Introduction spécifique aux Catégories, en sept points : but, utilité, authenticité, place dans l’ordre de lecture, raison d’être du titre, division en chapitres, à quelle partie de la philosophie appartient le traité. – puis viennent l’Introduction au Peri Hermeneias, et l’Introduction aux Premiers Analytiques, chacune d’elles en sept points comme l’Introduction aux Catégories15. Nous venons donc maintenant au commentaire de Sergius. Dans son chapitre premier, il fait précéder son exposé d’éléments tirés des introductions à la philosophie, mais selon son propre choix. Ainsi, parmi les Voir notre traduction du livre premier du traité de Sergius avec nos commentaires, dans Hugonnard-Roche, ibid., p. 187-231. 14 Voir un plan détaillé du commentaire dans Aydin (éd.), Sergius of Reshaina, Introduction to Aristotle, op. cit., p. 72-75. 15 Sur ce schéma général, voir une présentation commode dans L.  G. Westerink (éd.), Prolégomènes à la philosophie de Platon, Paris, 1990, introd. XLIII-LVI ; voir aussi une excellente présentation dans Ph. Hoffmann, « La fonction des prologues exégétiques dans la pensée pédagogique néoplatonicienne », in D. Dubois et B. Roussel (éd.), Entrer en matière. Les prologues, Paris, 1998, p. 209-245, en part. 221. 13



USAGES EN SYRIAQUE DES INTRODUCTIONS À LA PHILOSOPHIE. TROIS EXEMPLES

introductions à la philosophie en général, et parmi les introductions à la philosophie d’Aristote en particulier, qui comportent ensemble l’étude de nombreux points, comme on vient de le rappeler, Sergius a fait choix de ne retenir que deux points seulement qu’il a estimés nécessaires à la réalisation de son projet, c’est-à-dire exposer la visée d’Aristote dans ses ouvrages. Le premier point est l’exposé sur la division des parties de la philosophie, le second est l’exposé sur la division des écrits d’Aristote. Dans chacune de ces parties, Sergius emprunte la matière de son exposé aux commentaires alexandrins, comme la comparaison avec ceux d’Ammonius, mais aussi de Philopon, le met clairement en évidence16. Plus précisément, Sergius emprunte à la tradition de l’Introduction à l’Isagoge de Porphyre pour présenter sa division de la philosophie, en deux parties, la théorie et la pratique, ainsi que les raisons qui justifient cette bipartition, puis les subdivisions de chacune de ces deux parties : à savoir la tripartition de la théorie en théologie, physique, mathématique, et la tripartition de la pratique en gouvernement général de tout un peuple, gouvernement de la maison d’un homme, et gouvernement de sa personne seule17. Sergius emprunte ensuite à la tradition de l’introduction à la philosophie d’Aristote, qui précède le commentaire aux Catégories, pour n’en retenir que le point touchant la division des écrits d’Aristote, dont il connaît les critères de division selon les néoplatoniciens18. La juxtaposition des deux divisions de la philosophie, puis des écrits d’Aristote, répond clairement à l’idée exprimée par Sergius dans son prologue, selon laquelle Aristote a réuni toutes les parties de la philosophie et les a assemblées selon l’ordre requis par elle, façonnant ainsi dans tous ses livres, la forme parfaite de la science de toutes les réalités. Au long de son exposé, Sergius ne cesse d’associer étroitement classement et but (τάξις et σκοπός, taksā et nīšā en syriaque) : la composition de tout l’ouvrage, et même de tous les ouvrages à venir, est ordonnée à l’exposé de tous les livres d’Aristote, qui sont censés contenir la philosophie, dont les divisions ont été décrites. Ce qui illustre déjà l’idée que, pour Sergius Il faut tenir compte du fait que la recension du commentaire d’Ammonius qui nous est parvenue est une recension apo phônès, qui ne reproduit pas nécessairement la totalité du commentaire exposé par Ammonius dans un cours (auquel Sergius a pu assister), et qu’il est nécessaire de prendre en compte aussi la recension écrite par Philopon, – étant admis que ce dernier a pu apporter des éléments personnels à la recension en question. 17 On peut lire une analyse détaillée du texte de Sergius, dans Hugonnard-Roche, La logique d’Aristote du grec au syriaque, op. cit., p. 203-215. 18 Analyse détaillée, ibid., p. 215-221. 16



Henri Hugonnard-Roche

et les autres auteurs dont nous parlerons, les introductions ne sont pas seulement un cadre à visée pédagogique, mais aussi et surtout qu’ils fournissent un outillage mental, dont Sergius en premier va faire usage pour écrire son commentaire selon son ordre propre. Tout le premier chapitre vise à la justification implicite de la première place assignée aux Catégories, pour commencer une suite d’ouvrages sur la philosophie d’Aristote. Certes l’institution scolaire avait déjà mis en place un curriculum ou cursus d’études, dans lequel l’étude des Catégories était précédée par des introductions, à la philosophie, à l’Isagoge, à Aristote et, s’agissant de celui-ci, en premier lieu aux Catégories. Mais Sergius ne prend pas pour guide ce curriculum, car il veut aborder d’emblée la philosophie d’Aristote, et non point préparer un cours qui aura pour fin la philosophie de Platon, comme nous l’avons dit, et il ne veut utiliser du matériel traditionnel que ce qui sert sa visée propre. Un dernier point est abordé par Sergius dans son premier chapitre, celui de la question de savoir si la logique est partie ou instrument de la philosophie. Ce qui fait la transition avec le chapitre II, dans lequel Sergius déclare : Puis donc qu’on a montré que la logique est un instrument, qui distingue clairement dans la connaissance le vrai du faux, et dans la pratique sépare le bien du mal, le Philosophe veut, avant ses autres écrits sur la théorie des choses naturelles et des mathématiques et de toutes les choses spirituelles, composer cet art de la logique qui fournit l’instrument nécessaire dans chacune de ces sciences19.

Puis il poursuit : Puisque la logique est une démonstration vraie, que la démonstration vraie est composée de syllogismes posés correctement, et que le syllogisme est la composition de deux ou trois noms, à laquelle sont antérieures les dénominations simples, Aristote a commencé dans ses écrits sur la logique par la doctrine des dénominations simples, puis il a enseigné leur composition première et simple, puis le syllogisme, d’où dérivent les démonstrations20.

19 Notre traduction d’après le manuscrit de Londres, BL Add. 14658, fol. 2ra ; cf. la traduction anglaise de Watt, « Sergius of Reshaina on the Prolegomena to Aristotle’s Logic », art. cit., p. 34. 20 Notre traduction d’après le manuscrit de Londres, BL Add. 14658, fol. 2ra-b ; cf. la traduction anglaise de Watt, ibid., p. 34.



USAGES EN SYRIAQUE DES INTRODUCTIONS À LA PHILOSOPHIE. TROIS EXEMPLES

Dans ces deux textes, Sergius reprend une matière extraite du deuxième point de l’introduction à la philosophie d’Aristote, à savoir le classement des écrits du Philosophe, dont Sergius lui-même avait déjà extrait des éléments dans la troisième section de son premier livre, à propos du statut de la logique. On trouve donc là un exemple de la recomposition par Sergius des éléments de l’introduction, aux fins de rédaction de sa propre présentation desdits éléments. Négligeant alors les points 3 à 10 de l’Introduction générale à la philosophie d’Aristote21, Sergius passe à un thème traité par Philopon dans le premier point, le skopos, de l’introduction aux Catégories, à savoir l’analogie entre la construction de l’art de la logique avec la construction d’une maison : l’architecte qui veut construire une maison pense d’abord au toit, lequel ne peut se faire sans l’élévation de murs, qui requièrent eux-mêmes des fondations. La construction effective se fait dans l’ordre inverse, en partant des fondations, sur lesquelles sont construits les murs, et elle s’achève par la pose du toit. Ainsi, le commencement de la théorie devient la fin de la pratique, et le commencement de la pratique la fin de la théorie. De même, Aristote, ayant en vue la fabrication d’un instrument propre à séparer le bien du mal, et le vrai du faux, est parti de la théorie de la démonstration, dont il a analysé les éléments – syllogisme, proposition, dénominations simples –, puis dans son enseignement il a parcouru l’ordre inverse, depuis les dénominations simples, et la proposition, jusqu’au syllogisme, ainsi qu’aux choses qui sont utiles à la démonstration de diverses manières. D’où l’ordre canonique des traités que retrouve Sergius : Catégories, Peri Hermeneias, Analytiques premiers et Seconds (ces derniers aussi appelés Apodictique), Topiques et Réfutations Sophistiques22. Alors que l’on pourrait s’attendre que Sergius traite ensuite de la question essentielle que posent les commentateurs à propos du skopos des Catégories, puisqu’il vient de parler d’un aspect de cette question du skopos, il introduit une digression en abandonnant provisoirement l’introduction aux Catégories et en faisant retour à l’Introduction générale à la philosophie d’Aristote : il tire la matière de cette digression, en effet, 21 C’est-à-dire les points suivants : par où faut-il commencer pour aborder les écrits d’Aristote, quelle est la fin de la philosophie d’Aristote, quels sont les moyens qui conduisent à cette fin, quel est le type d’expression des écrits d’Aristote, quelle est la cause de l’obscurité d’Aristote, quelles sont les qualités requises de l’exégète d’Aristote, quelles sont les qualités requises du bon auditeur, exposé des kephalaia constituant le schéma introductif avant l’étude de tout ouvrage d’Aristote ; cf.  Ph.  Hoffmann, « La fonction des prologues exégétiques… », art. cit., p. 218-219. 22 Cf. la traduction anglaise de Watt, ibid., p. 34-35.



Henri Hugonnard-Roche

du huitième point de l’introduction générale (selon le décompte d’Ammonius), celui qui concerne l’obscurité de l’enseignement d’Aristote : « pour quelle raison le Philosophe a utilisé l’obscurité du discours dans la plupart de ses écrits ». L’argumentation développée par Sergius vise à établir que cette obscurité ne provient pas de la nature du Philosophe, mais de sa volonté. C’est sa volonté de réserver son enseignement à ceux qui en sont dignes et aspirent véritablement à cette connaissance, s’y adonnent avec persévérance et y prennent peine. Ainsi voulait-il éprouver la nature de ses disciples et vérifier qu’ils étaient dignes de son enseignement23. Sergius en vient ensuite au cœur de la question du skopos, dont ont largement débattu les commentateurs « anciens », à savoir si le but du traité porte sur les choses simples qui sont dans le monde, ou sur les concepts simples que nous en avons, ou encore sur les expressions simples au moyen desquelles nous les signifions (respectivement πράγματα, νοήματα, φωναί, dans le langage d’Ammonius, dans les prolégomènes de son commentaire aux Catégories)24. À la différence des choses simples et des concepts simples que nous en avons, qui sont naturellement dans le monde, et qui sont donc les mêmes pour tous en tous lieux, les noms et les dénominations qui signifient ces choses ne sont pas naturellement, mais c’est par imposition de la part de groupes d’hommes qu’ils ont été institués, et c’est pourquoi ils ne sont pas les mêmes chez tous les peuples. Sergius déclare ainsi que les choses sont appelées autrement chez les Grecs, les Perses, les Indiens, ou encore les Scythes. Il rappelle ensuite que les avis ont différé sur ce sujet, les uns soutenant que le but du livre porte sur les choses simples, les autres sur les concepts simples, les autres encore sur les expressions simples, et il rapporte, à la suite des commentateurs, comment les uns et les autres ont rattaché leur point de vue à tel ou tel passage du texte aristotélicien. Ce faisant il présente tour à tour les arguments de ceux qui tiennent pour les choses simples, puis pour les expressions simples, enfin pour les concepts simples. Touchant ce dernier cas, il écrit : « ceux qui ont dit que le but du traité des Catégories est seulement à propos des concepts simples que nous possédons des choses,

23 Nous résumons l’exposé de Sergius ; pour le texte complet, voir la traduction de Watt, ibid., p. 35-36. 24 Cf. Ammonius, In Cat., 8.21-29.1 Busse. Un point de départ de ce débat est le paragraphe sémantico-noétique du premier chapitre du Peri Hermeneias (16a3-13) dans lequel Aristote examine les relations entre les sons vocaux (τὰ ἐν τῇ φωνῇ), les affections de l’âme (τὰ ἐν τῇ ψυχῇ παθήματα) et les réalités (πράγματα).



USAGES EN SYRIAQUE DES INTRODUCTIONS À LA PHILOSOPHIE. TROIS EXEMPLES

ont tiré la raison de ce qu’ils veulent dire d’autres considérations, dont il n’est pas possible de parler sans interrompre notre discours ici »25. Sergius interrompt alors son exposé, et il déclare : « De cela il n’est pas possible de parler autrement si ce n’est en interrompant ici notre discours et en traitant de ces choses d’un peu plus avant ». Il entame alors une digression portant sur les genres et les espèces, qui se rapporte à ce que l’on désigne dans la littérature érudite comme les trois états de l’universel. Il écrit : Dans la recherche qui porte sur les genres et les espèces, les philosophes ne furent pas d’accord entre eux, mais ils manifestèrent des opinions diverses dans l’enseignement sur ces . Platon, en effet, et tous les gens de l’Académie avaient sur les genres et les espèces l’opinion suivante. Ils disent que toute chose qui existe naturellement dans le monde a une certaine forme, celle de son hypostase (qnomā, ὑπόστασις), et elle possède aussi une forme auprès de son Créateur, qui est sa subsistance par soi, par laquelle elle a été imprimée et est venue à l’existence ici-bas. En outre, lorsque quelqu’un la voit, il prend alors sa forme dans sa mémoire, et alors il advient que la chose subsiste dans sa pensée, en sorte que la forme existe de trois manières, auprès du Créateur, dans la chose, et dans la mémoire de celui qui la connaît26.

Pour exposer cette doctrine, Sergius s’appuie sur la tradition des commentaires sur l’Isagoge, où elle est exposée. C’est ainsi qu’Ammonius, dans son propre commentaire sur le traité de Porphyre, explique la tripartition des universaux en donnant l’exemple d’un anneau dont le sceau représente l’universel séparable de la matière (antérieur à la pluralité), et dont les empreintes dans la cire représentent l’universel inséparable de la matière (engagé dans la pluralité des individus), tandis que l’idée conçue à partir de la pluralité des empreintes, par celui qui a observé leur identité, représente l’universel séparable des corps et existant sous une forme dérivée (ὑστερογενές)27. Cette doctrine, exposée dans les commentaires sur l’Isagoge d’Ammonius et de Philopon, ne se retrouve pas comme telle dans leurs commen-

25 Notre traduction d’après le manuscrit de Londres, BL Add. 14658, fol.  5rb ; cf.  la traduction de Watt, ibid., 37 ; pour les sources grecques sur ce sujet, on peut se reporter au commentaire de Watt, ibid., p. 50-52. 26 Notre traduction  d’après le manuscrit de Londres, BL Add. 14658, fol.  5rb ; cf. la traduction de Watt, ibid., p. 37. 27 Cf. Ammonius, In Isag., 41.10-42.22 Busse.



Henri Hugonnard-Roche

taires sur les Catégories, même si elle y est sous-jacente certainement28. Sergius, pour sa part, non seulement insère, dans son commentaire sur les Catégories, la doctrine des trois états de l’universel, mais il souligne fortement la nécessité de cette insertion, en affirmant que la suite de l’exposé sur le skopos du traité aristotélicien ne peut se faire sans la considération de la doctrine en question. C’est là un nouvel exemple remarquable de la liberté avec laquelle Sergius use des introductions à la philosophie, – qu’il s’agisse de l’introduction générale qui précède tout le cursus philosophique, ou des introductions particulières, soit à l’Isagoge de Porphyre soit aux Catégories, pour construire son propre commentaire, prenant ici où là ce qui est utile au développement argumenté de son exposé.

Paul le Perse On ne sait presque rien de la vie de Paul le Perse, sinon qu’il fut probablement actif dans l’entourage du souverain sassanide Chosroès Anushirwan (regn. 531-578), auquel il adressa un Traité de logique29. Paul est aussi l’auteur d’un commentaire sur le Peri Hermeneias, dont le caractère d’exégèse littérale du texte aristotélicien laisse supposer qu’il ne s’adressait pas directement à Chosroès30. En outre, un texte de Paul nous est conservé dans le traité arabe de Miskawayh (932-1030) sur « les degrés du bonheur », (Tartīb al-sa‘ādāt), qui est composé de deux parties : la première porte sur les diverses sortes de bonheur, tandis que la seconde partie expose une classification des parties de la philosophie d’Aristote31. Cette 28 Un indice en est, dans le texte de Philopon, l’emploi des expressions ἐπὶ τοῖς πολλοῖς (applicable à une pluralité) et ὑστερογενές pour caractériser le mode d’être des genres qui sont l’objet des Catégories, selon les tenants de la thèse (attribuée à Porphyre par Philopon), selon laquelle cet objet n’est autre que les choses qui sont dans notre pensée (ἐν τῇ ἡμετέρᾳ διανοίᾳ) ; cf. Philopon, In Cat., 9.4-8 Busse. 29 Cf. notre notice « Paul le Perse », in Goulet (dir.), Dictionnaire des Philosophes Antiques, Va, Paris, 2012, Va, p. 183-187. Brève notice aussi de Rompay, « Pawlos the Philosopher », in S. Brock et al. The Gorgias encyclopedic dictionary of the Syriac heritage, NJ, 2011, p. 325. J. P. N. Land, Anecdota Syriaca, IV, Leiden, 1862, p. 1*-32* (texte syriaque), 1-30 (traduction latine), 99-113 (notes). 30 Édition du commentaire sur le Peri Hermeneias par H.  Hugonnard-Roche, « Sur la lecture tardo-antique du Peri Hermeneias d’Aristote : Paul le Perse et la tradition d’Ammonius. Édition du texte syriaque, traduction française et commentaire de l’Élucidation du Peri Hermeneias de Paul le Perse », Studia graeco-arabica 3, 2013, p. 37-104. 31 Sur le texte de Paul conservé par Miskawayh, voir D. Gutas, « Paul the Persian on the classification of the parts of Aristotle’s philosophy : a milestone between Alexan-



USAGES EN SYRIAQUE DES INTRODUCTIONS À LA PHILOSOPHIE. TROIS EXEMPLES

classification, reproduite par Miskawayh, est présentée également comme écrite à l’intention du souverain. Miskawayh introduit la question de la division de la philosophie, en déclarant que quiconque veut se perfectionner lui-même en tant que nature humaine doit acquérir les « arts » des philosophes, à savoir les parties théoriques et pratiques de la philosophie : Whoever wishes to perfect himself as a human being [insāniyya] and reach the rank which is meant by « human nature » in order to integrate his self and have the same preferences and intentions as those of the philosophers, let him acquire these two arts – I mean the theoretical and practical parts of philosophy ; as a result, there will accrue to him the essential natures of things by means of the theoretical part, and good deeds by means of the practical part. As for the classification [of the parts] of these two arts and how they are to be followed toward the two goals mentioned above, this has to be done in accordance with what Aristotle the philosopher did32.

Et Miskawayh de citer alors la classification de ces parties par Aristote, car c’est ce dernier qui a établi la méthode à suivre pour parvenir à cette fin, « ainsi que Paul l’a mentionné dans ce qu’il a écrit à Anushirwan ». Miskawayh rapporte ainsi les premières paroles de Paul : He [i. e. Paul] said : Prior to this philosopher, [the parts of ] philosophy were dispersed like the rest of the useful things which God created and with the exploitation of which he entrusted men’s natural disposition and the capacity he gave them for this purpose – [things] like medicaments which, found dispersed in the countryside and the mountains, result in useful medication when collected and combined. In a similar manner Aristotle collected the dispersed parts of philosophy, combined each part with what was conformable to it, and placed it in its [appropriate] place, so that he produced from it a complete course of treatment by means of which the souls are cured of the diseases of ignorance33.

Cette métaphore de la philosophie, assimilée à une médecine de l’âme, nous l’avons déjà rencontrée plus haut dans le prologue de Serdria and Baġdâd », Der Islam 60, 1983, p. 231-267, où l’on trouvera toutes les indications bibliographiques nécessaires. Plus généralement sur Miskawayh, on peut se reporter à M. Arkoun, L’humanisme arabe au ive/xe siècle. Miskawayh, philosophe et historien, 2e édition revue, Paris, 1982. 32 Nous citons la traduction de Gutas, « Paul the Persian on the classification of the parts of Aristotle’s philosophy… », art. cit., p. 232-233. 33 Cf. Gutas ibid., p. 233.



Henri Hugonnard-Roche

gius, et il s’agit d’un topos largement répandu dans la littérature antique. Dans la tradition néoplatonicienne des commentateurs, on la trouve notamment dans les Prolégomènes à la philosophie d’Élias et dans ceux de David34. La classification décrite par Paul, selon Miskawayh, est semblable à celles que donnent les commentateurs alexandrins, et elle est nettement orientée vers la description d’un parcours pédagogique, visant à enseigner les œuvres d’Aristote, comme l’indiquent les derniers paragraphes du texte de Miskawayh, ainsi résumés par Gutas : « For the student with the proper qualities, opportunities, and teacher, the time period necessary to learn Aristotle’s philosophy is ten to twenty years »35. Le commentaire de Paul le Perse sur le Peri Hermeneias, qui porte le titre d’Élucidation du Peri Hermeneias dans le manuscrit qui le contient, ne comporte aucune introduction, dans la traduction syriaque faite par Sévère Sebokht, évêque de Qenneshre, qui nous en a conservé le texte36. En fait, la visée de l’ouvrage que nous découvre sa lecture, n’est pas de commenter tout le traité d’Aristote, mais d’en extraire une théorie des propositions contradictoires. Une fois terminée, à la fin de son ouvrage, l’énumération de toutes les propositions contradictoires possibles (selon un calcul qui reprend Ammonius), l’auteur considère son ouvrage comme achevé. Et il n’a pas produit un commentaire exégétique d’ensemble du traité, à la manière des philosophes alexandrins, dont il 34 Cf. Élias, Prol., 9, 6-9 Busse : οἱ γὰρ ἰατροί […] τὴν ἰατρικὴν ὡρίσαντο φιλοσοφίαν σωμάτων, τὴν δὲ φιλοσοφίαν ἰατρικὴν ψυχῶν ; David, Prol., p. 25, 5-8 Busse : καὶ γὰρ οἱ ἰατροὶ […] ὁρίζονται λέγοντες ὅτι φιλοσοφία ἐστὶν ἰατρικὴ ψυχῶν, ἰατρικὴ δέ ἐστι φιλοσοφία σωμάτων. Voir des références à d’autres auteurs dans notre commentaire au traité de Sergius, dans Hugonnard-Roche 2004, 183 n. 2, en particulier une référence à une préface, écrite vers 543-550 par Cyrus d’Édesse, qui enseigna probablement à Séleucie-Ctésiphon, en introduction à un traité de théologie nestorienne : sur ce point, voir Riad 1988, p. 145. 35 Cf. Gutas, ibid., p. 235. 36 Cf. notre édition, avec traduction française, déjà citée plus haut, note 30. Selon l’incipit du texte, le traité de Paul aurait été traduit du persan en syriaque par Sévère Sebokht (mort apr. 665), évêque au monastère de Qenneshre sur la rive du Haut-Euphrate, qui était alors le plus important centre d’études grecques dans l’aire culturelle syriaque au milieu du septième siècle. Que le traité de Paul ait été, ou non, traduit en syriaque ne change fondamentalement rien du point de vue de notre étude, qui s’attache à la tradition des Introductions à la philosophie dans l’aire syriaque, qui couvrait largement, rappelons-le, les terres de l’empire sassanide. Et l’étude des traités de Paul le Perse le montre clairement un héritier de la philosophie grecque tardo-antique : cf. le commentaire qui accompagne notre édition, dans H. Hugonnard-Roche, « Sur la lecture tardo-antique du Peri Hermeneias d’Aristote : Paul le Perse et la tradition d’Ammonius. Édition du texte syriaque, traduction française et commentaire de l’Élucidation du Peri Hermeneias de Paul le Perse », Studia graeco-arabica 3, 2013, p. 69-104.



USAGES EN SYRIAQUE DES INTRODUCTIONS À LA PHILOSOPHIE. TROIS EXEMPLES

connaît par ailleurs manifestement l’œuvre. L’ouvrage commence par un bref prologue, que voici : L’homme est supérieur par la logique aux êtres qui sont sans logos, et tout ce qu’il ne sait pas et qu’il est possible de savoir, et qu’il veut savoir, il le sait par le moyen de la logique, parce que la logique est l’instrument pour savoir toute chose, et c’est pourquoi il convient de savoir d’abord la logique37.

Paul reprend donc ici le topos qui fait de la logique l’instrument de la philosophie, celle-ci étant implicitement conçue comme la connaissance de toute chose, selon l’une de ses définitions traditionnelles38. Ceci fait, il entame d’emblée son commentaire par l’exposé des parties du discours. L’originalité de cet exposé, au regard de la tradition philosophique néoplatonicienne, est que Paul s’inspire, pour définir les termes qui désignent les constituants de la proposition ou du discours (nom, verbe, etc.), à la fois de la tradition logique, représentée par Ammonius (et ses successeurs) et de la tradition grammaticale, qui emprunte au traité de Denys le Thrace, alors tout récemment traduit en syriaque39. Le Traité de logique de Paul le Perse, d’autre part, ne se présente nullement comme un commentaire d’un traité particulier d’Aristote. De fait, il a pour visée l’exposé de la théorie syllogistique aristotélicienne, qui y est toutefois interprétée en des termes de « modalité matérielle »40. Paul emprunte les éléments de son exposé à plusieurs ouvrages, l’Isagoge, les Catégories, le Peri Hermeneias, et bien évidemment les Premiers Analytiques, et il est donc normal qu’il ne comporte pas une introduction traditionnelle (c’est-à-dire celle pratiquée dans l’école néplatonicienne d’Ammonius). Néanmoins il comporte un prologue qui reprend une partie de l’enseignement des introductions. Ainsi, l’auteur Cf. notre traduction, dans Hugonnard-Roche, ibid., p. 49. Plus précisément, selon cette définition, la philosophie est la « connaissance des choses en ce qu’elles sont » ; cf. Ammonius, In Isag., p. 2, 22-23 Busse : φιλοσοφία ἐστὶ γνῶσις τῶν ὄντων ᾗ ὄντα ἐστὶ ; de même, Élias, Proleg., p. 10, 13 Busse ; David, Proleg., p. 27, 2-3 Busse. 39 Cf. notre étude de 2018, 55-93. 40 Sur ce sujet, qui est extérieur à la présente étude, nous nous permettons de renvoyer à certains de nos articles, par exemple Hugonnard-Roche, « Le traité de logique de Paul le Perse : une interprétation tardo-antique de la logique aristotélicienne en syriaque », Documenti e studi sulla tradizione filosofica medievale 11, 2000, p. 59-82, réimpr. in Hugonnard-Roche, La logique d’Aristote du grec au syriaque, op. cit., p. 233-254. 37

38



Henri Hugonnard-Roche

fait précéder la division de la science – autrement dit de la philosophie – en deux sortes, l’une théorique, l’autre pratique, par une description, placée au tout début de son traité, de la philosophie comme étant « la science vraie de toute chose »41. On retrouve la définition qui est l’arrière-plan du passage cité plus haut de l’Élucidation du Peri Hermeneias, à savoir que « la philosophie est la science de toutes choses en ce qu’elles sont »42. Plus loin dans son prologue, Paul reprend d’ailleurs et précise sa description initiale de la philosophie en la définissant ainsi : « la philosophie est la science de toute chose en ce qu’elle est »43. L’expression syriaque b-hoy d-itawhy (« en ce qu’elle est ») est la traduction quasi-littérale, ou qui se veut telle, de l’expression grecque ἐν τῷ τί ἐστι, littéralement « dans le ce que c’est », c’est-à-dire « relativement à la question : qu’est-ce que c’est ? ». À  l’aide d’exemples, Paul éclaire la signification de cette expression : chercher à savoir, par exemple, le « ce qu’est un homme » est rechercher l’humanité qui est l’essence de l’homme44. L’expression grecque ἐν τῷ τί ἐστι, reprise à son compte par Paul le Perse, est utilisée par Porphyre dans sa définition du genre (et aussi dans celle de l’espèce), dans son Commentaire « par questions et réponses » sur les Catégories : τὸ δὲ νῦν λαμβανόμενον γένος ἐστὶν ἐκεῖνο, ὃ κατὰ πλειόνων καὶ διαφερόντων τῷ εἴδει ἐν τῷ τί ἐστι κατηγορεῖται45. La formule est également utilisée par Porphyre dans l’Isagoge, où elle est présentée comme celle (parmi plusieurs) qu’utilisent les philosophes pour décrire le genre : γένος εἶναι λέγοντες τὸ κατὰ πλειόνων καὶ διαφερόντων τῷ εἴδει ἐν τῷ τί ἐστι κατηγορούμενον οἷον τὸ ζῷον (« [ils disent que] le genre est ce qui est prédicable de plusieurs différant par l’espèce, relativement à Cf. Land, Anecdota Syriaca, op. cit., p. 1 (sauf indication contraire, nous citons le texte dans la traduction latine de Land) : philosophia quae est scientia vera omnium rerum ; p. 1, 4 (syr.) filosofia d-iteh ida‘tā šarīrtā d-kul. 42 Cf. ci-dessus note 38. 43 cf. Land, Anecdota Syriaca, op. cit., p. 4 : scientia omnis rei ratione ejus, quid sit ; 3, 19 (syr.) [filosofia] hāy d-iteh ida‘tā d-kul b-hāy d-itawhy. Dans une note de sa traduction, p. 4, note 4, Land rapproche à juste titre l’expression syriaque, que lui-même traduit par ratione ejus, quid sit, de l’expression grecque ἐν τῷ τί ἐστι. 44 Cf. Land ibid., 4*, 2-10. 45 Cf. Porphyre, In Cat., 82.6-7 Busse ; la traduction ad locum de Bodéüs (Commentaire aux Catégories d’Aristote, édition critique, traduction française, introduction et notes par R. Bodéüs, Paris 2008, p. 203), se lit : « Mais, à présent, il conçoit le genre comme ce qui se prédique de plusieurs choses différentes spécifiquement quand il s’agit d’exprimer l’essence ». 41



USAGES EN SYRIAQUE DES INTRODUCTIONS À LA PHILOSOPHIE. TROIS EXEMPLES

la question : “Qu’est-ce que c’est”, par exemple “animal”) »46. Le but de la philosophie est donc défini par Paul dans les termes utilisés par Porphyre, dans le sillage d’Aristote, pour définir le genre en tant qu’il est prédicable de plusieurs items différant par l’espèce. D’autres définitions encore de la philosophie sont formulées par Paul dans son prologue. L’une d’elles est la suivante : « la philosophie est la science exacte des choses sensibles et intelligibles », à quoi il ajoute « et de la substance, et de ce qui est dit de la substance et de ce qui est dans la substance »47. La première partie de cette définition précise que toutes les choses considérées par la philosophie relèvent tant du domaine du sensible que de celui de l’intelligible, tandis que la seconde partie a pour source la double division ontologique aristotélicienne entre substance première et substance seconde d’une part, et entre substance et accidents d’autre part, telle qu’elle est formulée au chapitre 5 des Catégories, – l’autre source étant l’analyse sémantique des expressions « être dit de » et « être dans », telle qu’elle est formulée au chapitre 2 des mêmes Catégories48. À vrai dire, cette définition n’est pas présente comme telle dans les Introductions à la philosophie, même si la matière en est tirée, pour l’essentiel, des œuvres d’Aristote. Les deux définitions suivantes de la philosophie énoncées par Paul, au contraire, proviennent des Introductions, ou ont leur équivalent dans les Introductions. La première, selon laquelle « la philosophie est l’art de tous les arts et le savoir de tous les savoirs, en ce que la philosophie fournit l’instrument de tous les arts et de tous les savoirs »49, a sa contrepartie chez Ammonius, par exemple, en ces termes : φιλοσοφία ἐστὶ τέχνη τεχνῶν καὶ ἐπιστήμη ἐπιστημῶν50. Et Ammonius l’attribue explicitement Cf. Isag., 2, 15-16 Busse ; nous citons la traduction A. De Libera et A.-Ph. Segonds (éd.), Porphyre, Isagoge, Paris 1998, p. 3. Des occurrences de la même expression grecque, en plusieurs passages des Topiques d’Aristote, sont signalées par De Libera, ibid., XX et n. 25. 47 Cf. Land, Anecdota Syriaca, op. cit., p. 4-5 : Itaque philosophia est scientia accurata rerum sensibilium et intelligibilium et substantiae et ejus quod est substantiae et ejus quod est in substantia. 48 Cf. Aristote, Cat., 5, 2a11-2b6c, et Cat., 2, 1a20-1b9 respectivement. Sur ce sujet, lire l’étude de Vuillemin 2008, 35-114. 49 Cf. Land, Anecdota Syriaca, 5 : Porro philosophia est ars omnium artium et disciplina omnium disciplinarum, quia omnium artium et disciplinarum instrumentum philosophia paratur. 50 Ammonius, In Isag., 6, 27 Busse ; cf. de même Elias, Prol., 20, 18 (qui mentionne explicitement la Métaphysique), et David, Prol., 39, 17-21. 46



Henri Hugonnard-Roche

à Aristote51. La seconde définition, selon laquelle « la philosophie est ressemblance à la divinité autant que les hommes peuvent lui ressembler »52, a également son équivalent chez Ammonius, comme suit : φιλοσοφία ἐστὶ ὁμοίωσις θεῷ κατὰ τὸ δυνατὸν ἀνθρώπῳ. Et Ammonius l’attribue explicitement à Platon53. Tout ceci est en somme une compilation de trois des définitions que contiennent habituellement les Introductions. Il est remarquable que les deux dernières s’inspirent respectivement d’Aristote et de Platon et l’on peut sans doute voir dans cette juxtaposition les traces du présupposé de l’accord doctrinal (συμφωνία) entre Platon et Aristote, qui avait largement cours dans l’école néoplatonicienne, et dont Paul le Perse a hérité à travers ses sources54. Enfin le prologue se termine sur l’affirmation que les deux parties de la philosophie sont connues au moyen d’un instrument, qui est la logique. Dans son prologue à son traité de syllogistique, Paul reprend donc et organise à sa convenance trois éléments essentiels des introductions, à savoir plusieurs définitions de la philosophie, la division de la philosophie en deux parties, et la logique conçue comme instrument de la philosophie, sans d’ailleurs qu’il y ait discussion pour savoir si elle est partie ou instrument55.

51 La définition ne se trouve pas explicitement sous cette forme chez Aristote, mais les commentateurs en tirent la formulation des développements de Métaphysique, A, 2, destinés à examiner de quoi la philosophie (σοφία) est la science (ἐπιστήμη). 52 Cf. Land, Anecdota Syriaca, 5 : Iam porro philosophia est divini similitudo, quatenus homines ei similes esse possunt. 53 Cf. Ammonius, In Isag., 3, 8-9 ; de même, Elias, Prol., 16, 9-12, et David, Prol., 34, 14-16. La source de cette définition est le Théétète 176 a-b. On peut lire la liste des six définitions traditionnelles, entre autres lieux, dans Hoffmann, « La fonction des prologues exégétiques… », art. cit., p. 216-217, et p. 236 et n. 109 (avec références aux sources chez les commentateurs). 54 Sur l’accord entre Platon et Aristote dans le néoplatonisme, voir les remarques de Ph. Hoffmann, « Sur quelques aspects de la polémique de Simplicius contre Jean Philopon : de l’invective à la réaffirmation de la transcendance du ciel », in I. Hadot (éd.), Simplicius. Sa vie, son œuvre, sa survie. Actes du colloque international de Paris (28 sept. – 1er oct. 1985), Berlin – New York, 1987, p. 183-221, en part. p. 212-221. 55 Le prologue de Paul mériterait une analyse pour lui-même, qui prendrait en considération toutes ses sources, ce qui n’était pas ici mon propos. On peut au moins consulter les notes publiées sous le titre « Scholia in Pauli Persae logicam », par Land, Anecdota Syriaca, art. cit., p. 103-113, en part. p. 104-107.



USAGES EN SYRIAQUE DES INTRODUCTIONS À LA PHILOSOPHIE. TROIS EXEMPLES

Proba Le troisième auteur que nous considérons ici, dénommé Proba dans les manuscrits qui contiennent ses œuvres, y est décrit sobrement comme médecin-chef et archidiacre d’Antioche. L’époque à laquelle il vécut n’est elle-même connue que par l’analyse interne de ses œuvres, qui conduit à le placer dans la seconde moitié du vie siècle56. Proba est l’auteur de trois commentaires connus, sur l’Isagoge de Porphyre, sur le Peri Hermeneias, et sur les Premiers Analytiques. Au début de son commentaire sur les Premiers Analytiques, il énonce qu’ « il y a sept points principaux qu’avant tout ouvrage il convient de poser, comme nous l’avons appris dans le traité qui précède celui-ci : le but, l’utilité, le rang , par qui il est composé, la raison du titre, la division en chapitres, à quoi il se rapporte »57. Par suite d’un accident matériel dans la tradition manuscrite (commune aux manuscrits connus), seuls sont préservés les premier, avant-dernier et dernier points. Le dernier point retient l’attention, car après avoir répondu que le livre se rapporte à la logique, l’auteur introduit un exposé sur la question de savoir si la logique est instrument ou partie de la philosophie, ce qui est en effet le sujet abordé à propos de ce point, en général, par les commentateurs. Rappelons que ce point avait été introduit par Sergius aussitôt après la division de la philosophie et celle des écrits d’Aristote, avant d’entreprendre le commentaire sur les Catégories. À la suite de cet exposé, qui clôt les prolégomènes58 (c’est-à-dire, ici, l’introduction particulière à l’ouvrage étudié), le texte comporte une suite de quatre divisions, dont l’objet se rapporte manifestement au skopos de l’ouvrage énoncé plus haut, où Proba a divisé le syllogisme en trois sortes : apodictique, dialectique, sophistique. La reprise de la divi56 Cf.  H. Hugonnard-Roche, « Probus (Proba) », in Goulet (dir.), Dictionnaire des Philosophes Antiques, Vb, Paris, 2012, p. 1539-1542 ; S. Brock, « The Commentator Probus : Problems of Date and Identity », in J. Lössl and J. W. Watt (éd.), Interpreting the Bible and Aristotle in Late Antiquity, The Alexandrian Commentary Tradition between Rome and Baghdad, Farnham, 2011, p. 195-206. 57 Édition et traduction française par A. van Hoonacker, « Le traité du philosophe syrien Probus sur les Premiers Analytiques d’Aristote », Journal Asiatique 16, 1900, p. 70166 ; nouvelle édition et traduction française par H. Hugonnard-Roche, « Un cours sur la syllogistique d’Aristote à l’époque tardo-antique : le commentaire syriaque de Proba (vie siècle), sur les Premiers Analytiques, édition et traduction du texte, avec introduction et commentaire », Studia graeco-arabica 7, 2017, p. 105-170. 58 Les manuscrits portent, en ce lieu, la mention : « Fin des prolégomènes au commentaire qui explique la raison du livre des Analytiques », qui est probablement l’œuvre d’un glossateur et non point de l’auteur.



Henri Hugonnard-Roche

sion triple du syllogisme, à la fin du proême, se trouve également chez Ammonius, mais sous une forme différente : le commentateur grec met en relation les trois espèces du syllogisme, apodictique, dialectique et sophistique, avec les traités qu’Aristote est censé avoir consacrés à chacune de ces espèces, Seconds Analytiques, Topiques et Réfutations Sophistiques, et il caractérise en outre la Rhétorique et la Poétique comme traitant des espèces non syllogistiques. Le point de vue adopté ici par Ammonius est donc plutôt celui de l’organisation d’un curriculum, qui classe les ouvrages du Philosophe selon la pure classification méthodique traditionnelle (c’est-à-dire celle en usage au sein de l’école néoplatonicienne d’Athènes et d’Aexandrie). Proba procède différemment. Pour la clarté de l’exposé, voici les divisions qu’il énumère : Espèces du syllogisme : – apodictique : celui-ci toujours dit vrai – dialectique : dans la plupart des cas dit vrai – sophistique : dans la plupart des cas dit faux La présentation des deux dernières espèces est différente chez Ammonius, qui déclare que les syllogismes dialectiques sont tantôt vrais, tantôt faux, et que les syllogismes sophistiques sont faux. En revanche, la division de Proba fait écho à celle d’Elias, qui toutefois pousse l’analyse plus loin que Proba, en sorte d’inclure les syllogismes rhétorique et poétique : les prémisses toujours vraies produisent le syllogisme apodictique, les prémisses toujours fausses produisent le syllogisme poétique ; quant aux prémisses plus vraies que fausses, elles produisent le syllogisme dialectique, les plus fausses que vraies produisent le syllogisme sophistique, et les également vraies ou fausses produisent le syllogisme rhétorique59. Après le tableau précédent, Proba introduit trois autres divisions du syllogisme, dans les termes suivants : « Autre exposé sur le syllogisme du point de vue de celui qui connaît, de la connaissance, et de ce qui est connu. Les cognitives sont : 59 Sur tout ceci, cf. Hugonnard-Roche, ibid., p. 155, n. 18. La division d’Elias se trouve dans le fragment conservé de son commentaire sur les Premiers Analytiques, édité par L. G. Westerink, « Elias on the Prior Analytics », Mnemosyne, Vol. 14/2, 1961, p.  139. La même division se trouve dans Élias, In Cat., 116, 35-117, 8 Busse, et dans David the Invincible, Commentary on Aristotle’s Prior Analytics (tr. Topchyan), 35.



USAGES EN SYRIAQUE DES INTRODUCTIONS À LA PHILOSOPHIE. TROIS EXEMPLES

– – – –

l’intellect n’a pas besoin du syllogisme pour connaître la pensée discursive fait le syllogisme apodictique la puissance de conjecture fait le syllogisme dialectique l’imaginative et le sens font le syllogisme sophistique

Toute connaissance quelle qu’elle soit : – est ou bien solidement établie et elle fait le syllogisme apodictique – ou bien difficile à défaire et elle fait le syllogisme dialectique – ou bien facile à défaire et elle fait le syllogisme sophistique Tout ce qui est – ou bien est nécessairement et fait le syllogisme apodictique – ou bien est possible et fait le syllogisme dialectique – ou bien est impossible et fait le syllogisme sophistique ».

Toutes les quatre divisions exposées ont manifestement pour visée de justifier la triple division du syllogisme énoncée plus haut. La toute première s’appuie clairement sur les valeurs de vérité des trois énoncés distingués, apodictique, dialectique, et sophistique. Les trois autres divisions s’appuient sur des critères dont on trouve la définition dans le commentaire de Philopon, dans la partie de l’introduction précisément qui traite du skopos du traité. Le fil de l’argumentation développée par Philopon est celui-ci : le syllogisme est une sorte de connaissance qui est en position moyenne entre celui qui connaît et la chose connue : ὁ συλλογισμὸς γνῶσίς τίς ἐστιν· ἡ δὲ γνῶσις μέση ἐστὶ τοῦ τε γινώσκοντος καὶ τοῦ γινωσκομένου60. L’analyse de chacun de ces éléments conduit alors au résultat dont les trois divisions de Proba offrent l’exemple : la division des facultés cognitives, comme celle des choses connaissables, et de la connaissance elle-même, mettent toutes trois en évidence qu’il n’y a que trois sortes de syllogismes61. S’agissant des troisième et quatrième divisions de cet ensemble, il est intéressant de les confronter avec les classements établis par Philopon, à partir de la même grille d’analyse. En effet, selon ce dernier, l’imagi Philop., In Anal Pr., 1, 14-16 Wallies. Cf.  le long développement de Philop., In Anal Pr., 1, 16-14, 14 : τριῶν οὖν τούτων ὄντων, γινώσκοντος, γνώσεως καὶ γνωστοῦ, καθ᾽ ἕκαστον αὐτῶν ἔστι τὴν διαίρεσιν ποιήσασθαι τῶν συλλογισμῶν, ἔκ τε τοῦ γινώσκοντος καὶ τῆς γνώσεως καὶ τοῦ γινωσκομένου. […] δῆλον ἄρα ἐκ τούτων ὅτι τρία μόνα ἐστὶ τὰ τῶν συλλογισμῶν εἴδη καὶ οὔτε πλείονα οὔτε ἐλάττονα. 60 61



Henri Hugonnard-Roche

native et le sens ne font pas de syllogisme, même sophistique, avec cette remarque toutefois que la διάνοια produit des syllogismes sophistiques à partir de prémisses reçues de la φαντασία62. Pour Proba, en revanche, la pensée discursive fait le syllogisme apodictique, on l’a vu. La différence essentielle entre Proba et Philopon est que pour ce dernier la διάνοια est la faculté productrice de toute argumentation logique, dont les espèces sont déterminées par la qualité épistémique des prémisses, selon qu’elles sont reçues du νοῦς, de la δόξα ou de la φαντασία. Une autre différence remarquable entre Proba et Philopon concerne la division selon la nature de la connaissance elle-même. Pour Philopon, ce sont les notions sémantiques du toujours vrai, toujours faux, tantôt vrai tantôt faux, qui caractérisent chacune des trois sortes de syllogismes, à savoir apodictique, sophistique, et dialectique. Proba, en revanche, fait appel à un nouveau critère de type plutôt pragmatique, à savoir la solidité de la connaissance et la facilité ou non de la défaire63. Les introductions à la philosophie ont évidemment, dans la tradition néoplatonicienne, comme des études du type de celles menées notamment par I. Hadot l’ont montré (par exemple dans Simplicius, Commentaire sur les Catégories, fasc. 1. Les Belles Lettres, Paris 1990), pour fonction d’organiser la suite des études dans l’école, en mettant en évidence la succession des textes, et des sujets, que l’étudiant devra étudier dans un curriculum strictement défini. Mais ces introductions sont aussi le lieu où sont définies des notions essentielles aux analyses menées dans les traités eux-mêmes, où sont formulés des critères permettant d’organiser la matière même de l’étude, comme l’exemple comparé de Proba et de Philopon le montre à propos de la définition du syllogisme et de ses espèces. Ces introductions, soulignons-le, sont le lieu où sont élaborés des instruments analytiques, un outillage “mental”, dont font usage les commentateurs pour mettre en place leur interprétation. Un autre commentaire de Proba, celui sur le Peri Hermeneias, présente un caractère tout à fait remarquable, celui de contenir une double introduction, modelée sur les introductions néoplatoniciennes64. Le traité commence par un bref prologue, exposant que les arts sont les uns en vue d’eux-mêmes, les autres en vue d’autres choses, à l’instar des choses Philop., In Anal Pr., 2, 1-5, et 2, 33-35 Wallies. Sur les différences entre Proba et Philopon, voir aussi Hugonnard-Roche, « Un cours sur la syllogistique d’Aristote… », art. cit., p. 117-120. 64 Le traité a fait l’objet d’une édition partielle (à partir du seul manuscrit de Berlin Petermann 9, qui contient un texte incomplet), par J. G. E. Hoffmann, De Hermeneuticis apud Syros Aristoteleis, Leipzig, 1869, p. 62-89, avec traduction latine et notes, p. 90-140. 62 63



USAGES EN SYRIAQUE DES INTRODUCTIONS À LA PHILOSOPHIE. TROIS EXEMPLES

naturelles : « Par exemple, l’homme est en vue de lui-même, la main et le pied sont en vue de leur utilité pour lui et de son achèvement », c’est-à-dire utilité pour l’homme et achèvement de l’homme65. D’autres exemples explicitent ce propos, qui conduisent à celui-ci : Par exemple, en médecine, certains livres sont en vue d’eux-mêmes, certains sont en vue d’autres. Le livre, en effet, qui enseigne telle plante est posée pour telle maladie, pour produire la santé, est en vue de lui-même ; celui qui enseigne quand adviennent les plantes et quand elles sont cueillies, est en vue d’un autre et non en vue de lui-même. De même aussi la fin de la logique est de séparer le vrai du faux. Ce livre donc du Peri Hermeneias, c’est-à-dire Sur les interprétations, n’est pas en vue de lui-même, mais en vue de la logique. […] Et il convient qu’à tout ce qui est en lui nous donnions nos soins, afin que sans empêchement nous parvenions à ce qui a été dit auparavant être la fin de la logique66.

Après ce prologue, Proba expose une première version des sept points de l’introduction traditionnelle : Puisque nous voulons commencer ce livre, il nous faut savoir qu’avant la lecture de tout le livre certains points sont requis. C’est pourquoi nous disons d’abord combien de points sont requis, et quels ils sont, et pourquoi ils sont requis. Au nombre de sept sont les points qui avant tout livre sont requis. Ceux-ci sont : le but, l’utilité, de qui il est exactement, l’ordre , la cause du titre, la division en parties, et à quoi il se rapporte67.

Au lieu de passer alors en revue les points énumérés, Proba se propose d’abord d’examiner, et de faire savoir, pourquoi l’examen de ces points est requis. Cette entreprise nous semble se justifier comme une démarche Cf. Hoffmann, ibid., p. 62, 4-5, trad. p. 90. Cf. ibid., p. 63, 8-21, trad. p. 90. 67 Cf. ibid., p. 63, 23-30, trad. p. 90. Le nombre de points à étudier est variable, on le sait, selon les commentateurs et selon les œuvres. Dans son commentaire sur les Catégories, Ammonius mentionne six points : but, utilité, place dans l’ordre, raison du titre, authenticité, division en parties ; cf. In Cat., 7, 15-18, 10 Busse. Philopon fait de même, In Cat., 8, 23-26 Busse, mais dans le commentaire sur les Premiers Analytiques, il ajoute un septième point (ὑπὸ ποῖον τῆς φιλοσοφίας μέρος ἀνάγεται), qui correspond au septième point de Proba ; cf. In Anal. Pr., 1, 5-9 Wallies. Dans son commentaire sur le Peri Hermeneias, au contraire, Ammonius omet de présenter l’utilité, car elle est superflue, selon lui, comme l’exposé du but (πρόθεσις) le montre clairement ; cf. In De Int., 1, 18-20 : τὸ γὰρ ἐπιζητεῖν πρὸς τί χρήσιμον ἂν εἴη τῷ φιλοσοφεῖν βουλομένῳ τὸ Περὶ ἑρμηνείας βιβλίον ἡ πρόθεσις αὐτοῦ φανεῖσα ἡμῖν περίεργον ἐπιδείξει. 65 66



Henri Hugonnard-Roche

pédagogique. L’étudiant ou l’auditeur doit comprendre à quoi vise l’examen de ces points avant la lecture du traité, – examen qui peut sembler de prime abord retarder inutilement l’accès au traité lui-même. Proba commence donc par le but, qu’il définit comme « la fin qui se conçoit en premier », et qu’il explicite en faisant appel à une comparaison traditionnelle, celle de la construction d’une maison : Par exemple, lorsque des hommes viennent construire une maison, d’abord ils ont en tête le toit. Puisque celui-ci ne pourrait tenir par luimême, alors ils ont pensé aux murs. Parce que les murs sont stables lorsqu’ils sont posés sur des fondations, pour cela ensuite ils ont pensé aux fondations. Et ceci est la fin de la réflexion, qui est le commencement de l’action. Là, en effet, commence l’action, où se termine la réflexion. […] La fin de l’action, comme il a été dit, c’est ce que la pensée a conçu d’abord68.

Le but, qui est, de tous les points, le plus important, a ainsi fait l’objet d’une première explication. Et Proba passe alors à ce qu’il a annoncé déjà plus haut : faire savoir pourquoi chacun de ces points est requis. S’agissant du but, il s’inspire d’une citation (implicite) du Phèdre de Platon, lorsqu’il écrit : Le but est requis pour que notre pensée soit déterminée vers ce que nous voulons faire, parce qu’il faut que celui qui s’efforce de faire quelque chose sache ce qu’il veut faire. Platon a dit, en effet : ô enfant, un est le principe de ceux qui délibèrent, ou bien qu’ils sachent ce vers quoi tend leur effort, ou bien qu’il manquent nécessairement toute chose69.

Ce que Proba commente en disant qu’il faut connaître le but de l’œuvre que l’on entreprend, afin de ne pas ressembler à quelqu’un qui 68 Cf. ibid., 64, 1-11, trad. p. 91. L’exemple de la construction d’une maison, pour illustrer la relation entre connaissance et action, est un lieu commun des introductions néoplatoniciennes à la philosophie : cf. par exemple, la leçon figurant dans l’apparat critique du texte édité d’Ammonius, In Cat., 10, 22 Busse, cf. Y. Pelletier (tr.), Les Attributions (catégories) : Le texte aristotélicien et les prolégomènes d’Ammonius d’Hermias, Montréal – Paris 1983, p. 168-169 ; cf. aussi Philop., In Cat., 11, 5-16 Busse ; Olymp., Prol., 2, 10-12, et 24, 2229 Busse ; Simpl., In Cat., 14, 5-15, 8 Kalbfleisch. Le même exemple, pour illustrer la même idée, se trouve aussi dans le commentaire de Sergius de Resh‘aina sur les Catégories : cf. Watt, « Sergius of Reshaina on the Prolegomena… », art. cit., p. 34 (trad.), et 46 (commentaire). 69 Cf.  Hoffmann, De Hermeneuticis apud Syros Aristoteleis, op.  cit. p.  64, 15-20, trad. p.  91 ; cf.  Platon, Phèdre, 237b-c  (trad. L.  Brisson 1992, 102 : « En toute chose, mon garçon, il n’y a qu’un point de départ : quand on vise à bien délibérer, il faut savoir sur quoi on délibère, autrement, c’est forcé, on ne peut éviter une erreur complète »).



USAGES EN SYRIAQUE DES INTRODUCTIONS À LA PHILOSOPHIE. TROIS EXEMPLES

se mettrait en route sans savoir où il veut aller et serait conduit à dévier de son chemin, en prenant une voie quelconque qui se présenterait à lui. Ceci s’applique en particulier à l’étude d’une œuvre : « […] du fait que nous connaissons le but, toutes les choses qui se trouvent dans les livres, justement nous les écoutons et l’auteur n’est pas calomnié parce que selon sa volonté nous écoutons ses discours »70. En somme la connaissance du but permet d’adopter la bonne attitude pour recevoir la leçon de l’œuvre car l’on sait où l’auteur veut aller, et l’on ne prononce pas un jugement hâtif qui serait dû à l’ignorance du but visé. Et Proba de passer ensuite en revue très brièvement les six autres point, pour expliquer en somme la raison d’être de chacun de ces points, en relation avec l’étude d’une œuvre. A propos de l’utilité, Proba écrit : L’utilité, nous la recherchons pour la raison qu’il convient que nous fassions avec diligence, et non point avec indolence, toute chose que nous désirons faire. Et nous accomplissons toute chose avec diligence, lorsque nous apprenons l’utilité de sa possession. À bon droit donc l’utilité aussi est recherchée71.

S’agissant ensuite de l’authenticité de l’œuvre, Proba fait observer que la connaissance de ce point permet d’éviter que de mauvaises personnes ne fassent passer leurs doctrines sous le nom d’une personne digne d’être crue, et n’entraînent ainsi à leur suite les simples72. Quant à l’ordre (de lecture), Proba écrit : L’ordre est recherché, car il ne convient pas que nous posions le pied au-delà du pas . Il convient, en effet, d’apprendre d’abord ce qui nous est utile en vue de ce qui est proposé, s’il y a quelque chose avant cela. Ainsi en effet il devient facile d’étudier la chose elle-même. Sinon nous sommes semblables à ceux qui veulent lire des livres, avant d’apprendre les lettres. Il est donc utile aussi que nous sachions l’ordre73. 70 Cf. ibid., p. 64, 26-28, trad. p. 91. Le passage pourrait faire allusion à la leçon orale d’un maître. L’idée, voisine de celle qu’exprime Proba, que se mettre en route sans savoir où l’on doit aller, c’est s’exposer à ne pouvoir reconnaître si on a trouvé ce que l’on cherchait, se trouve dans Aristote, Métaph., B, 1, 995a33-b1. 71 Cf. ibid., p. 64, 29-33, trad., p. 91. 72 Cf. ibid., p. 65, 1-3, trad., p. 91. Une semblable mise en garde contre des falsifications qui ont été faites des écrits d’Aristote se trouve dans Ammonius, In Cat., p. 8, 2-6 Busse ; voir aussi la leçon ad loc. dans l’apparat critique, et sa traduction dans Pelletier, Les Attributions (catégories)…op. cit., p. 168. 73 Cf. ibid., 65, 4-10, trad., p. 91-92.



Henri Hugonnard-Roche

Passons sur le titre. Quant à la division en chapitres, Proba fait remarquer que, si une chose est difficile à connaître, prise en sa totalité, elle devient plus facile à saisir, une fois divisée en parties. Enfin le dernier point, « à quoi se rapporte » le traité, concerne en fait la division de la philosophie en théorie et pratique. À chacune de ces deux parties correspond une puissance de l’âme, la cognitive pour la théorie, l’opérante pour la partie pratique. La théorie enseigne les connaissances, la pratique enseigne la réformation des mœurs. Tout livre, selon Proba, enseigne donc soit la théorie, soit la pratique, soit les deux ensemble. Ammonius ne traite pas de ce septième point, ni dans le commentaire aux Catégories, ni dans le commentaire sur le Peri Hermeneias74, mais dans le proême de son commentaire à l’Isagoge il divise les puissances de l’âme en deux sortes, les unes qui se rapportent à la connaissance (γνωστικαί), les autres qui touchent à la partie vitale (ou animale) et désirante (ζωτικαὶ καὶ ὀρεκτικαί), d’où se déduit que la philosophie à son tour se divise en deux parties, l’une se rapportant à la théorie, l’autre à la pratique75. Proba importe donc, de l’introduction à l’Isagoge dans sa propre introduction au Peri Hermeneias, les instruments d’analyse lui permettant de justifier l’énoncé selon lequel tout livre, qui est objet de commentaire, enseigne soit la théorie, soit la pratique. Ainsi s’achève cette première introduction, modelée sur le système des introductions mises en forme par les philosophes néoplatoniciens, dans la tradition du commentarisme tardo-antique. Il s’agit en fait d’un exposé, par Proba, des raisons d’être de ce système et des points qui le composent, et d’une justification de leur propre utilité pour régir la dé-

Cf. la note 67 ci-dessus. Ammonius, In Isag., 11, 16-22 : πάλιν δὲ τῆς ἡμετέρας ψυχῆς διτταὶ αἱ ἐνέργειαι, αἱ μὲν γνωστικαὶ οἷον νοῦς διάνοια δόξα φαντασία καὶ αἴσθησις, αἱ δὲ ζωτικαὶ καὶ ὀρεκτικαὶ οἷον βούλησις θυμὸς ἐπιθυμία. ὁ οὖν φιλόσοφος πάντα τὰ τῆς ψυχῆς μέρη βούλεται κοσμῆσαι καὶ εἰς τελείωσιν ἀγαγεῖν· διὰ οὖν τοῦ θεωρητικοῦ τελειοῦται τὸ ἐν ἡμῖν γνωστικόν, διὰ δὲ τοῦ πρακτικοῦ τὸ ζωτικόν. εἰκότως οὖν ἡ φιλοσοφία εἰς δύο διαιρεῖται, εἴς τε θεωρητικὸν καὶ πρακτικόν. Cf.  Ph.  Hoffmann, « La fonction des prologues exégétiques… », art.  cit., p. 236-237, qui explique que, selon la conception néoplatonicienne, les deux puissances de l’âme (cognitive et pratique) « nous sont “consubstantielles” (συνουσίωνται ἡμῖν), et elles sont portées à leur perfection (τελειοῦσθαι) par les deux parties, théorique et pratique, de la philosophie. La bipartition de la philosophie est en effet une conséquence de sa définition comme “assimilation à Dieu autant que cela est possible à l’homme” (ὁμοίωσις θεῷ κατὰ τὸ δυνατὸν). Car Dieu lui-même possède deux types de “puissances” ou d’“activités” : les activités “cognitives” grâce auxquelles il connaît toutes choses, et les activités “providentielles” qui s’exercent à l’endroit des êtres inférieurs que nous sommes […] » ; voir aussi ibid. les notes qui se rapportent à cette citation. 74 75



USAGES EN SYRIAQUE DES INTRODUCTIONS À LA PHILOSOPHIE. TROIS EXEMPLES

marche du commentateur. Mais les réponses apportées ne concernaient pas spécifiquement le traité à venir76. En revanche, l’introduction nouvelle (qui fait suite à la précédente) en sept points, les mêmes qu’auparavant, est spécifiquement adaptée au traité que Proba va commenter, le Peri Hermeneias. Le premier point est évidemment celui du but : celui du Peri Hermeneias est d’enseigner ce qu’est l’énoncé, qui se divise en cinq espèces : interrogatif, vocatif, précatif, impératif, déclaratif77. Ceci reproduit la division exposée par Ammonius78. Seul l’énoncé déclaratif, ou encore apophantique, est susceptible de recevoir le vrai ou le faux, et il est seul l’objet du traité, du moins quant à sa partie dite assertorique, celle qui détermine, par opposition à la partie dite hypothétique, qui a la forme d’une proposition que nous appelons conditionnelle. En outre, c’est l’énoncé assertorique simple, ou encore l’énoncé que nous appelons l’énoncé catégorique, qui est le but du traité. Tout ceci, encore une fois, est conforme à ce que l’on peut lire chez Ammonius79. Quant aux autres points, Proba les traite de manière très succincte, et il ne se distingue pas non plus d’Ammonius sur ces sujets, excepté par l’addition d’une cinquième section dans la partie consacrée à la division du traité en chapitres. Ammonius, en effet, distingue quatre chapitres : le premier chapitre consacré à élucider la signification des mots « nom », « verbe », « affirmation », « négation », « proposition » ; le deuxième chapitre consacré à la proposition composée de deux termes, sujet et prédicat ; le troisième chapitre consacré aux propositions contenant un mot co-prédiqué (propositions de tertio adiacente, dans le langage médiéval) ; le quatrième chapitre consacré aux propositions modales80. Proba reprend les quatre chapitres d’Ammonius, mais il ajoute un chapitre portant sur les oppositions dans le cas des propositions métathétiques. C’est ce que signifie le texte suivant : « Dans le chapitre cinquième il [Aristote] nous enseigne laquelle est plus contraire à l’affirmative, la négative de celle-ci ou l’affirmative de son opposé, comme par exemple : à l’affirmative qui dit “Socrate est juste”, laquelle est plus 76 La première introduction de Proba, peut-on supposer, pourrait être mise en relation avec une démarche pédagogique et serait la suite d’une expérience d’enseignement, elle viserait alors à répondre à une demande des auditeurs, cherchant à comprendre la raison d’être des sujets abordés dans les introductions qui précèdent l’étude d’un texte. 77 Cf. Hoffmann, De Hermeneuticis apud Syros Aristoteleis, op. cit. p. 66, 1-16, trad. p. 92-94. 78 Cf. Ammonius, In De Int., 2, 10-25 Busse. 79 Cf. Ammonius, In De Int., 3, 7-4, 4 Busse. 80 Cf. Ammonius, In De Int., 7, 22-28, 19 Busse.



Henri Hugonnard-Roche

contraire : la négative qui dit “Socrate n’est pas juste” ou l’affirmative qui dit “Socrate est injuste” »81. Ainsi s’achève la seconde introduction au traité. Il est intéressant de remarquer que le commentaire de Proba sur les Premiers Analytiques ne comporte que ce second type d’introduction, et non pas le premier type dans lequel l’introduction est en somme son propre objet. D’autre part, Proba fait allusion dans son introduction aux Premiers Analytiques à celle qu’il a donnée au Peri Hermeneias, comme nous l’avons cité plus haut : « il y a sept points principaux qu’avant tout ouvrage il convient de poser, comme nous l’avons appris dans le traité qui précède celui-ci ». Ceci suggère qu’il y a une profonde unité d’enseignement entre les deux commentaires, que renforcerait la remarque suivante : seul le commentaire sur le Peri Hermeneias comporte la première sorte d’introduction, et il nous semble probable que cette première introduction vaut en quelque manière pour les deux commentaires. S’il en était ainsi, peut-être pourrait-on avancer l’hypothèse suivante : si la première sorte d’introduction précède le commentaire du Peri Hermeneias, Proba n’a sans doute pas écrit un commentaire de même sorte sur les Catégories, sans quoi cette première sorte aurait dû se trouver avant ce dernier commentaire, et non pas avant celui sur le Peri Hermeneias.

Conclusion Dans un article fondateur sur la fonction des prologues dans la pensée néoplatonicienne, Ph. Hoffmann a mis en avant trois aspects différents du rôle des prologues : tout d’abord, la logique aristotélicienne y reçoit une fonction d’introduction, en tant que partie instrumentale, dans un 81 Cf. Hoffmann, De Hermeneuticis apud Syros Aristoteleis, op. cit. p. 68, 6-10 ; trad. p. 94. Cette question de l’opposition des propositions métathétiques a sa source dans un passage crucial du Peri Hermeneias, 10, 19b19-30, dans lequel Aristote déclare que lorsque est vient s’ajouter comme troisième à la prédication, les oppositions se disent de deux manières : en effet, dans l’affirmation est vient se placer ou bien devant le prédicat (par exemple, juste), ou bien devant sa négation (non-juste), et il en va de même dans la négation. Aristote avait pris aussi en considération les propositions privatives, dont le prédicat est du type injuste. Les consécutions possibles entre ces différentes sortes de propositions, et leurs négations, ont durablement embarrassé les lecteurs du traité d’Aristote, et l’on en trouve des traces dans les œuvres syriaques de Sévère Sebokht, au milieu du viie siècle ; voir notamment notre étude Hugonnard-Roche, « Questions de logique au viie siècle. Les épîtres syriaques de Sévère Sebokht et leurs sources grecques », Studia graeco-arabica 5, 2015, p. 53-104.



USAGES EN SYRIAQUE DES INTRODUCTIONS À LA PHILOSOPHIE. TROIS EXEMPLES

vaste système architectural, dont le terme est l’étude de la philosophie de Platon ; ensuite les prologues relèvent d’un genre littéraire particulier, caractérisé par l’emboîtement de plusieurs introductions, celles que nous avons mentionnées au cours de l’exposé : introductions à la philosophie en général, à la philosophie d’Aristote (et à celle de Platon), introductions à des œuvres particulières ; enfin, les prologues peuvent comporter une description ou une légitimation du prologue de l’œuvre commentée, en particulier, dans le cas des Catégories82. À propos du premier de ces aspects, on a vu que l’absence de Platon, dans le cursus philosophique, est particulièrement nette dans la préface de Sergius, qui expose que la philosophie d’Aristote est « l’origine et le commencement et le principe de tout savoir », et que le Philosophe a façonné « dans tous ses livres, la forme parfaite et admirable de la science de toutes les réalités ». Et quiconque voudrait s’élever au-delà de cette connaissance, devra se tourner, tout naturellement, vers la science divine. Le nouveau cursus, conçu alors par Sergius, est exposé par lui dans son Discours sur la Vie spirituelle, où sont étroitement imbriqués le cursus alexandrin des études profanes selon Aristote et la mystique de Denys l’Aréopagite, dont Sergius fut le traducteur, pour fonder « un ordo studiorum qui pût conférer aux études profanes leur sens spirituel, en en faisant les étapes d’une ascension vers la contemplation de Dieu »83. Les auteurs dont nous avons parlé n’ont présenté, d’autre part, que des extraits des introductions, qui s’emboîtaient selon le cursus néoplatonicien complet, comme on l’a vu spécialement, encore, dans le cas de Sergius. Cela tient évidemment au but assigné à leurs œuvres. Sergius reprend des extraits de l’introduction générale à la philosophie et de l’introduction à la philosophie d’Aristote, afin de décrire le projet qui est le sien dans son commentaire. Mais, à ce propos, il emprunte aussi à l’introduction à l’Isagoge de Porphyre, lorsqu’il introduit dans sa descrip82 Cf. Ph. Hoffmann, « La fonction des prologues exégétiques… », art. cit., p. 209245, en part. p. 211. 83 Cf. E. Fiori, « Un intellectuel alexandrin en Mésopotamie… », art. cit., p. 82 ; le Discours sur la vie spirituelle fut placé par Sergius comme préface à sa traduction de Denys l’Aréopagite, mais composé avant la traduction ; on peut lire une étude détaillée de l’œuvre dans E. Fiori, « “É lui che mi ha donato la conoscenza senza menzogna” (Sap 7.17). Origene, Evagrio, Dionigi e la figura del maestro nel Discorso sulla vita spirituale di Sergio di Resh‘ayna », Adamantius 15, 2009, p. 43-59, où l’auteur avance l’hypothèse que « le Discours esquisse un curriculum idéal d’études scientifiques et théologiques qui modifie le cursus studiorum philosophique alexandrin en lui intégrant les catégories de l’ascétique évagrienne » (Fiori, « Un intellectuel alexandrin en Mésopotamie… », art. cit., p. 77). Le même auteur a effectué une traduction du Discours : voir Sergio di Resh‘ayna, Trattato sulla vita spirituale, E. Fiori (tr.), Magnano, 2008.



Henri Hugonnard-Roche

tion du but du traité des Catégories la question fameuse des trois états de l’universel. En somme Sergius prend ce dont il a besoin dans chacune des introductions grecques à sa disposition. Quant à Paul le Perse, il n’a pas fait précéder son Traité de logique d’une introduction sur le modèle des introductions néoplatoniciennes, mais il puise plusieurs de ses définitions de la philosophie dans l’introduction générale à la philosophie, et il tire celle qu’il met en avant, et considère probablement comme la plus pertinente, directement de l’Isagoge84. La fonction des prologues, dans ces cas, n’a plus de rapport avec un curriculum, mais elle est de fournir un corpus exégétique, où les auteurs syriaques puisent des éléments d’analyse à leurs fins propres. S’agissant du troisième aspect signalé par Ph. Hoffmann, le double prologue placé par Proba en tête de son commentaire du Peri Hermeneias est particulièrement remarquable. Le premier prologue a une fonction de légitimation, pour reprendre l’expression de Ph. Hoffmann, du second prologue, celui qui se rapporte directement à l’œuvre dont l’étude va suivre. Bien mieux, cette fonction du premier prologue s’étend, selon toute vraisemblance, d’après les termes mêmes de Proba, au prologue propre à son commentaire aux Premiers Analytiques. Et il pourrait valoir pour toute justification d’un autre prologue à un traité dont la lecture serait guidée par une telle énumération de points (κεφάλαια) introductifs.

Cf. plus haut les notes 43 et 46.

84



LISTE DES ABRÉVIATIONS

Aët. Plac. Aëtius, Placita philosophorum, éd. Diels Alb. Intr. Albinus, Introductio in Platonem, éd. Hermann Alc. Did. Alcinous, Didaskalikos, éd. Hermann Amm. in Isag. Ammonius Hermiae, In Porphyrii  Isagogen, éd.  Busse — In De Int. in Aristotelis de  interpretatione  commentarius, éd.  Busse — Prol. Prolegomena, in In Porphyrii Isagogen, éd. Busse Anonyme, in Anal. Post. In Analyticorum Posteriorum Librum Alterum Commentarium, éd. Wallies Antip. Antipater, Fragmenta, éd. Arnim, SVF, III, 244-258 Apul. Peri herm. Apuleius, Περὶ Ἑρμηνείας in Apulei Platonici Madaurensis Opera quae supersunt, éd. Moreschini — Pl. De Platone et eius Dogmate (=De Platon et son enseignement), éd. Moreschini Ar.Did. Arius Didymus in Stobaeus, Anthologium II, éd. Wachsmuth  Arethas, in Isag. Scholia on Porphyry’s Isagoge Ar. Aristote — Anal. post. Analytica posteriora — Cat. Categoriae — de Poet. De Poetica — EN Ethica Nicomachea — Met. Metaphysica — Pol. Politica — Rhet. Rhetorica — Soph. El. Sophistici Elenchi — Top. Topica



Ascl. In Mét. Asclepius, in Aristotelis Metaphysicorum libros Α Ζ commentaria Aug. CD Augustinus, Civitas Dei, éd. Dombart & Kalb Boëth. Boethius — arith. Institutio arithmetica, éd. Guillaumin — in Isag.1 Isagogen Porphyrii commentorum editio prima, éd. Brandt — in Isag.2 Isagogen Porphyrii commentorum editio secunda, éd.  Brandt — in Peri herm. 2 commentarii in librum Aristotelis ΠΕΡΙ ΕΡΜΗΝΕΙΑΣ, editio secunda, éd. Meiser Calc. in Tim Calcidius, Commentarius in Platonis Timaeum, éd.  Bakhouche Cassiod. Inst. Cassiodorus, Institutiones, éd. Mynors Cic. Cicero — Ac. Post. Academica posteriora, éd. Plasberg — Att. Epistulae ad Atticum, éd. Shackleton Baily — de off. de officiis, éd. Atzert — Fin. De finibus bonorum et malorum, éd. Moreschini — Leg. De legibus, éd. Powell — Tuscul. Tusculanae disputationes, éd. Pohlenz Clem. Alex. Strom. Stromata, éd. Stälin & Früchtel David, Prol. Prolegomena in Porphyrii Isagogen Commentarium, éd. Busse DG Doxographi Graeci, éd. Diels dialex. Dialexeis ou Dissoi Logoi, (Anonyme), éd.  DielsKranz in Die Fragmente der Vorsokratiker D.L. Diogenes Laertius, Vitae philosophorum, éd. M.  Marcovich Elias, Prol. Prolegomena in Porphyrii Isagogen, éd. Busse Gal. in Hipp. Galenus, Commentarius in Hippocratis aphorismos, éd. Kühn — Loc. Aff. De locis affectis, éd. Kühn — PHP De placitis Hippocratis et Platonis, éd. Kühn — Prop. Plac. De propriis placitis, éd. Boudon-Millot & Pietrobelli [Gal.] Def. Méd. Ps. Galenus, Definitiones medicae, éd. Kühn Hipp. Ref. Hippolytus, Refutatio Omnium Haeresium, éd. Marcovitch IoDam. Dial. Ioannes Damascenus, Dialectica, éd. Kotter Isid. Etym. Isidorus, Etymologiae, éd. Lindsay Jamblique, Protr. Protrepticus, éd. Des Places — VP De vita pythagorica, éd. Deubner





NH

Gaius Plinius Secundus, Naturalia historia, éd.  Beaujeu et alii NT Nouveau testament Olymp. in Gorg. in Platonis Gorgiam Commentaria, éd. Westerink — Prol. Olympiodorus, Prolegomena, éd. Busse Philo Her. Philo Judaeus, Quis rerum divinarum heres sit, éd.  Harl — Praem. De praemiis et poenis, éd. Beckaert Phlp. in Mete. Philoponus, in Aristotelis meteorologicorum librum primum, éd. Hayduck, Phlp.Op.Mu. Philoponus, De Opificio Mundi, éd. Reichardt —In Anal Pr. In Aristotelis Analytica priora commentaria, éd. M. Wallies Platon, Gorg. Gorgias — Leg. Leges — Phaéd. Phaedrus — Phlb. Philebus — Resp. Respublica — Tht. Theaetetus — Tim. Timaeus Plotinus, Enn. Enneades, éd. Henry & Schwyzer Plu. SR Plutarchus, De Stoicorum Repugnatiis, éd. ­Westman Porph. Marc. Porphyrius, Epistola ad Marcellam, éd. Nauck Proclus, in Parm. Commentarium in Platonis Parmenidem, éd. ­Cousin Ps. Elias, in Isag. Praxis, Lectures on Porphyry’s Isagoge, éd. Westerink — In Alc. In Platonis Alcibiadem I, éd. Westerink, 1954 Ptol. Synt. Ptolemaeus, Syntaxis Mathematica, éd. Heiberg — Harm. Harmonica, éd. Düring — Iudic. De iudicandi facultate et animi principatu, éd. ­Lammert & Boer S. E. M. Sextus Empiricus, Adversus Mathematicos, éd.  Mutschmann & Mau — P Sextus Empiricus, Pyrrhoneioi hypotyposeis, éd.  Mutschmann Sen. Dial Seneca, Dialogi, éd. Hermes — Lucil. Seneca, Epistulae morales ad Lucilium, éd. Hense Simplicius, in De anima in Libros Aristotelis De Anima, éd. Hayduck — in Phys. In Aristotelis Physica commentaria, éd. Diels Sor. Gyn. Soranus, Gynaeciorum, éd. Ilberg Steph. Alch. Art. Sacr. Stephanus (Alchimist), De magna et sacra arte, éd. Ideler Stob. Ecl. Stobaeus, Eclogæ physicæ et ethicæ, éd. ­Wachsmuth





SVF Stoicorum veterum fragmenta, éd. Arnim Themistitus, in Anal. post. Analyticorum posteriorium paraphrasis, éd. Wallies — in de An. In libros Aristotelis de Anima paraphrasis, éd.  Heinze — Or. Orationes, éd. Schenkl Theon, Prog. Aelius Theon, Progymnasmata, éd. M. Patillon & Bolognesi Thphr. fr. FHS&G.  Theophrastus, Fragmenta, éd. Fortenbaugh, Huby, Sharples & Gutas Victorinus, ad. Arium Adversus Arium, cf. Traités théologiques sur la Trinité, éd. Henry — ad. Cand. Ad Candidum Arrianum, cf.  Traités théologiques sur la Trinité, éd. Henry — Def. Liber De definitionibus, éd. Pronay



BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE

Sources Aelius Theon, Progymnasmata, éd. M. Patillon, G. Bolognesi, Paris, Les Belles Lettres, 1997 Aëtius, Placita philosophorum, éd. H. Diels, Doxographi Græci, Berlin, Reimer, 1879, 267-444 Albinus, Introductio in Platonem, éd. K. F. Hermann in Platonis dialogi secundum Thrasylli tetralogias dispositi, vol. 6, Leipzig, Teubner, 1853, 147-69 Alcinoos, Didaskalikos, éd. K. F. Hermann, Platonis dialogi secundum Thrasylli tetralogias dispositi, vol. 6, Leipzig, Teubner, 1853, 152-189 ; Enseignement des doctrines de Platon, Introduction, texte établi et commenté par J.  Whittaker et traduit par P.  Louis, Paris, Les Belles Lettres, 1990 Alexander of Aphrodisias, On Aristotle’s Prior Analytics 1.1-7, translated by J. Barnes, S. Bobzien, K. Flannery, K. Ierodiakonou, London, Bloomsbury, 2013 Ammonius Hermiae, In Porphyrii  Isagogen siue Quinque uoces, éd. A.  Busse, Commentaria in Aristotelem Graeca, IV/3, Berlin, Reimer, 1891. trad. française annotée, in J.-P. Schneider (2012), 1-27 ; (2013), 1-38 — Les Attributions (Catégories): Le texte aristotélicien et les Prolégomènes d’Ammonius d’Hermias, traduits et annotés par Y. Pelletier, Montréal – Paris, Les Belles Lettres, 1983 — In Aristotelis de interpretatione commentarius, éd. A. Busse, Commentaria in Aristotelem Graeca, IV/5, Berlin, Reimer, 1897 — In Aristotelis analyticorum priorum librum 1 commentarium, éd. M. Wallies, Commentaria in Aristotelem Graeca, IV/6, 1899 Anonyme, Dialexeis ou Dissoi Logoi, éd. H. Diels, W. Kranz in Die Fragmente der Vorsokratiker, vol. II, Berlin, Weidmann, 1937, 405-16.

Bibliographie générale

Anonyme, In Analyticorum Posteriorum Librum Alterum Commentarium, éd. M. Wallies in Aristotelis analytica posteriora commentaria cum Anonymo in librum II, Commentaria in Aristotelem Graeca, XIII/3, Berlin, Reimer, 1909, 546-602 Anonyme, Prolégomènes à la philosophie de Platon, texte établi par L. G. Westerink, traduit par J. Trouillard, avec la collaboration de A. Ph. Segonds, Paris, Les Belles Lettres, 1990 Anonymer Kommentar zu Platons Theaetet (Papyrus 9782), éd. H. Diels, W. Schubart, Hildesheim, Weidman, 1905 Antipater de Tarse, Fragmenta, éd. H. von Arnim in Stoicorum Veterum Fragmenta, vol. 3, Stuttgart, Teubner, 1964, 244-258 Apuleius, De Platone et eius Dogmate, éd. C. Moreschini in Apuleius, De philosophia libri, Teubner, Stuttgart – Leipzig, 1991, 87-145 — Peri hermeneias, in Apuleius, De philosophia libri, éd. C. Moreschini, Teubner, 1991, 189-215. Arethas of Caesarea, Scholia on Porphyry’s Isagoge and Aristotle’s Categories (Codex Vaticanus Urbinas Graecus 35), a critical edition by M. Share, XVI, Commentaria in Aristotelem Byzantina, Athens, The Acamedy of Athens, Paris, Vrin, 1994, 1-130 Aristote, Ethique à Nicomaque, traduction et présentation par R. Bodéüs, Paris, GF Flammarion, 2004 — De l’âme, traduction et présentation par R. Bodéüs, Paris, GF Flammarion, 1999 — Métaphysique, présentation et traduction par M.-P. Duminil & A. Jaulin, Paris, GF Flammarion, 2008. — Les Métaphysiques, traduction analytique d’André de Muralt, Paris, Les Belles Lettres, 2010 — Les réfutations sophistiques, introduction, traduction et commentaire par Louis-André Dorion, Paris, Vrin, 1995 Asclepius, Aristotelis Metaphysicorum libros Α-Ζ commentaria, éd. M. Hayduck, Commentaria in Aristotelem Graeca, VI/2, Berlin, Reimer,1888 Augustinus, Civitas Dei, éd. B. Dombart, A. Kalb, Leipzig, Teubner, 1928 Boèce, De Trinitate in Opuscula Sacra, vol. 2, De Sancta Trinitate, De Persona et duabus naturis, (traité I et V), éd. C. Moreschini, tr. A. Galonnier, Louvain-Paris, Peeters, 2013 — Institution arithmétique (Institutio arithmetica), texte établi et traduit par J.-Y. Guillaumin, Paris, Les Belles Lettres, 1995 — In Isagogen Porphyrii commentorum editio prima, éd. S.  Brandt in Anicii Manlii Seuerini Boethii in Isagogen Porphyrii commenta, (Corpus scriptorum Ecclesiasticorum Latinorum 48), Vindobonae-Lipsiae, Academia Litterarum Caesareae Vindobonensis, 1906, 1-132



Bibliographie générale

— In Peri hermeneias in Anicii Manlii Seuerini Boethii commentarii in librum Aristotelis ΠΕΡΙ ΕΡΜΗΝΕΙΑΣ, éd. C.  Meiser, Lipsiae, Teubner, 1877 ; Boethius, On Aristotle on Interpretation 1-3, translated by A. Smith, London, Bloomsbury, 2010 ; On Aristotle on Interpretation 4-6, translated by A.  Smith, London, Bloomsbury, 2011 ; Boethius, On Aristotle on Interpretation 9 first and second commentaries, translated by N. Kretzmann, with essays by R. Sorabji, N. K & M. Mignucci, London, Duckworth, 1998 — La consolation de Philosophie, édition de C. Moreschini, traduction et notes de E.  Vanpeteghem, introduction de J.-Y.  Tiliette, Paris, Le livre de Poche, 2005 Calcidius, Commentaire au Timée de Platon, édition critique et traduction française par B. Bakhouche, 2 tomes, Paris, Vrin, 2011 Cassiodorus, Institutiones, éd. R. A. B. Mynors, Oxford, Clarendon Press, 1937 Chrysippe, Fragmenta logica et physica, in Stoicorum veterum fragmenta, vol. 2, éd. H. von Arnim Leipzig, Teubner, 1903, (réimp. 1968), 1-348 Cicéron, Academica posteriora, éd. O. Plasberg, Leipzig, Teubner, 1922 — De finibus bonorum et malorum, éd. C. Moreschini, Munich, Teubner, 2005 — De officiis, éd. C. Atzert, M. Tulli Ciceronis scripta quae manserunt omnia, fasc. 48, Teubner 1949 ; Les Devoirs, introduction, livre I, texte établi et traduit par M. Testard, Paris, Les Belles Lettres, 1965 — De legibus, éd. J. G. F. Powell, Oxford, Oxford University Press, 2006 — Epistulae ad Atticum, éd. D.R. Shackleton Baily, Leipzig, Teubner, 1987 — Tusculanae disputationes, éd. M. Pohlenz, Leipzig, Teubner, 1918 — Tusculanes, tome 1 et 2, texte établi par G. Fohlen et traduit par J. Humbert, Paris, Les Belles Lettres, respectivement 1964 et 1968 Clemens Alexandrinus, Stromata, éd. O. Stälin, L. Früchtel, Buch I-VI, Berlin, Akademie, 1960 David the Invicible, Commentary on Aristotle’s Prior Analytics. Old Armenian Text with an English Translation, Introduction and Notes by A. ­Topchyan, Leiden – Boston, Brill (Philosophia Antiqua 122), 2010 ; Definitions and Divisions of Philosophy. English Translation of the Old Armenian Version with Introduction and Notes, éd. B. Kendall & R. W. Thomson Chico-California, Scholars Press, 1983 — Prolegomena et in Porphyry Isagogen commentarium philosophiae, éd. A. Busse, CAG XVIII/2, Berlin, Reimer, 1904  Dexippe, In Aristotelis Categorias commentarium, éd. A.  Busse, CAG, IV/2, 1988 ; Traduction du commentaire des Catégories d’Aristote par Dexippe d’après le texte d’A. Busse: Dexippi in Aristotelis categorias commentaria, Thèse de doctorat 3ème cycle soutenue à l’Université de Tours, 1983 Diogenes Laertius, Vitae philosophorum, éd. M. Marcovich, 3 vols, Stuttgart, Teubner, 1999-2002.



Bibliographie générale

Dominicus Gundissalinus, De divisione philosophiae ; über die Einteilung der Philosophie, éd. A. Fidora, D. Werner, Freiburg-Basel-Wien, Herder, 2007 ; De divisione philosophiae, éd. L. Baur, Herausgegeben und philosophiegeschichtlich untersucht nebst einer Geschichte der philosophischen Einleitung bis zum Ende der Scholastik von Ludwig Baur, Beiträge zur Geschichte der Philosophie des Mittelalters, IV, 2, Münster, Aschendorff, 1903 Elias, In Porphyrii Isagogen et Aristotelis Categorias commentarium, éd. A. Busse, Commentaria in Aristotelem Graeca, XVIII/1, Berlin, Reimer, 1900  Elias and David, Introductions to Philosophy ; Olympiodorus : Introduction to Logic, translated by S. Gertz, Ancient Commentators on Aristotle, London-New York-Oxford-New Dehli-Sydney, Bloomsbury, 2018 Eunape, Fragmenta historica, éd. L. Dinfort in Historici Graeci minores, vol. 1, Leipzig, Teubner, 1870, 205-274 Galienus, De locis affectis, éd. C. G. Kühn in Claudii Galeni opera omnia, vol. 8, Leipzig, Knobloch, 1824, 1-452 — De placitis Hippocratis et Platonis, éd. C. G. Kühn in Claudii Galeni opera omnia, vol. 5, Leipzig, Knobloch, 181-805 — De propriis placitis, éd. V. Boudon-Millot, A. Pietrobelli, « Galien ressuscité: Edition princeps du texte grecque du De propriis placitis », Revue des Etudes Grecques 118, 2005, 168-213 — In Hippocratis Aphorismos Commentarii vii, éd. C. G. Kühn, in Claudii Galeni opera omnia, vols 17,2 (pp. 345-887) & 18,1 (pp. 1-195), Leipzig, Knobloch, 1829, (réimp. Hildesheim, 1965) Hippolytus, Refutatio Omnium Haeresium, éd. M. Marcovitch, Berlin - New York, Water De Gruyter, (Patristische Texte und Studien 25), 1986 Ioannes Damascenus, Dialectica sive Capita philosophica, éd. B. Kotter, in Die Schriften des Johannes von Damaskos, vol.  1., Berlin, Walter De Gruyter, 1969, 47-146 Isidorus, Etymologiae, éd. W. M. Lindsay, Oxford, Oxford University Press, 1911 Jamblique, De vita pythagorica, éd. L. Deubner, Leipzig, Teubner, 1937 — In Nicomachi Arithmeticam, Introduction, texte critique, traduction française et notes de commentaire par N. Vinel, Pisa–Roma, Fabrizio Serra editore, (Mathematica Graeca Antiqua 3), 2014 — Protreptique, texte établi et traduit par E. Des Places, Paris, Les Belles Lettres, 1989 Jean Chrysostome, Sur la Providence de Dieu [XXI.1-4], introduction, texte critique, notes de A. M. Malingrey, Paris, Cerf, (Sources Chrétiennes 79), 1961 Jean Malalas, Chronographia in  Ioannis Malalae chronographia, éd. L.  Dindorf, Bonn, (Corpus scriptorum historiae Byzantinae), Weber, 1831 (réédition : Corpus Fontium Historiae Byzantinæ, Series Berolinensis, H. Thurn éd., Berlin, Walter de Gruyter, 2000)



Bibliographie générale

Jean Moschus, Pratum Spirituale LXXVII, éd. J.-P. Migne in Patrologia Graeca 87/3, Paris, Imprimerie Catholique, 1815-1875, 2929d-2932a ; John Moschus, The Spiritual Meadow, J.  Wortley transl., Kalamazoo-Michigan, Cistercian Publications, 1992 Marinus, Proclus ou sur le bonheur (Vita Procli), texte établi, traduit et annoté par H. D. Saffrey et A.-Ph. Segonds avec la collaboration de C. Luna, Paris, Les Belles Lettres, 2001 Marius Victorinus, Traités théologiques sur la Trinité, texte établi par P. Henry, introduction et traduction et notes par P. Hadot, Paris, Cerf, 1960 Maxime le Confesseur, Opuscula Theologica et Polemica, éd. J.-P.  Migne in Patrologia Graeca 91, Paris, Imprimerie Catholique, 1815-1875, 9a-214a Nicomaque de Gérase, Introduction arithmétique, introduction, traduction, notes et index par J. Bertier, Vrin, Paris, 1978 Olympiodorus, in Platonis Gorgiam Commentaria, éd. L. G. Westerink, Leipzig, Teubner, 1970 — Prolegomena et in Categorias Commentarium, éd. A. Busse, Commentaria in Aristotelem Graeca, XII/1, Berlin, Reimer, 1902 Origène, Homélies sur Jérémie, P.  Nautin, P.  Husson éd., Paris, Cerf, (Sources Chrétiennes 232), 1976 Philon d’Alexandrie, De praemiis et poenis, de exsecrationibus, introduction, traduction et notes par A. Beckaert, (Les œuvres de Philon d’Alexandrie, vol. 27), Paris, Cerf, 1961 — Quis rerum divinarum heres sit. Introduction, traduction et notes par M. Harl (Les œuvres de Philon d’Alexandrie, vol. 15), Paris, Cerf, 1966 Philoponus, De Opificio Mundi, éd. G. Reichardt, Leipzig, Teubner, 1897 — In Aristotelis Analytica priora commentaria, éd. M. Wallies, Commentaria in Aristotelem Graeca, XIII/2, Berlin, Reimer, 1905 — in Aristotelis Meteorologicorum librum primum, éd. M. Hayduck, Commentaria in Aristotelem Graeca, XIV/1, Berlin, Reimer, 1901 Philostorge, Historia ecclesiastica (Philostorgius, Kirchengeschichte), éd. F. Winkelmann Berlin, Akademie Verlag, (Die griechischen christlichen Schriftsteller), 1981 Platon, Phèdre, traduction inédite, introduction et notes par L. Brisson, suivi de La pharmacie de Platon de J. Derrida, Paris, Flammarion, 1992 Pline l’Ancien, Histoire Naturelle, texte établi, traduit et commenté par J. Beaujeu, J. Desanges, R. Schilling, A. Ernout, E. De Saint Denis, R. Pépin, J. André, H. Le Bonniec, G. Serbat, H. Zehnacker, M. Croisille, L. Bloch, A. Rouvert, Vol. 1-37, Paris, Les Belles Lettres, 1949-1987, Plotin, Plotini Opera, texte établi et traduit par P. Henry et H.-R. Schwyzer, 3 vol., Oxford, Clarendon Press, 1964-1982; Plotin, Traités, traductions sous la direction de Luc Brisson et J.-F. Pradeau, Paris, GF Flammarion, 2002-2010



Bibliographie générale

Plutarchus, De Stoicorum Repugnatiis, éd. R. Westman, in Plutarchi Moralia, vol. VI/2, Leipzig, Teubner, 1959, 2-58 Porphyre, ad Gedalium, éd. A. Smith in Porphyrii Philosophi fragmenta, Berlin, Walter De Gruyter, 1993 — Isagoge et in Aristotelis Categorias Commentarium, éd. A. Busse, Commentaria in Aristotelem Graeca, IV/1, Berlin, Reimer, 1887 ; Commentaire aux Catégories d’Aristote, édition critique, traduction française, introduction et notes par R. Bodéüs, Paris, Vrin, 2008 — Isag. = Porphyre, Isagoge, texte grec et latin, traduction par A. de Libera et A.Ph. Segonds. Introduction et notes par A. de Libera, Paris, Vrin, 1998 — Opuscula tria: Vita Pythagorae, De abstinentia, Epistola ad Marcellam, éd. A. Nauck, Leipzig, Teubner, 1860. — Sentences, éd. L. Brisson, études d’introduction, texte grec et traduction française, commentaire, tome 1 & 2, Paris, Vrin, 2005 Proclus, in Parm. = Procli commentarius in Platonis Parmenidem, éd. V. Cousin, Paris, Durand, 1864, (réimp. Hildesheim, 1961) Pseudo-Elias (Pseudo-David), Lectures on Porphyry’s Isagoge, Introduction, text and indices by L.  G. Westerink, Amsterdam, North-Holland Publishing Company, 1967. Pour la traduction française, cf. P. Mueller-Jourdan, 2007 Pseudo-Galien, Definitiones medicae, éd. C. G. Kühn in Claudii Galeni opera omnia, vol. 19, Leipzig, Knobloch, 1930, 346-462 Ptolemaeus, De iudicandi facultate et animi principatu, éd. F. Lammert et A. Boer in Claudii Ptolemaei opera quae extant omnia, Bd. 3, 2, Leipzig, Teubner, 1961 —Die Harmonielehre des Klaudios Ptolemaios, éd. I. Düring, Göteborg, Elanders, 1930 (réimp. New-York, 1980) —Syntaxis Mathematica, éd. J. L. Heiberg, 2 vols, Leipzig, Teubner, 1898-1903 Saint Augustin, De vera religione, ed J.-P., Migne in Patrologia latina, 34, Paris, Imprimerie Catholique, 1865 Sénèque, Ad Lucilium Epistularum Moralium quae supersunt, éd. O. Hense, Leipzig, Teubner, 1914 ; Lettre à Lucilius, tome II (livre V-VII) texte établi par F. Préchac, et traduit par H. Noblot, Paris, les Belles Lettres, 1969 — Dialogi, éd. E. Hermes, Leipzig, Teubner, 1904 Sergio di Resh‘ayna, Trattato sulla vita spirituale, intr., trad. dal siriaco e note a cura di E. Fiori, Magnano, Qiqajon, (Testi dei Padri della Chiesa 93), 2008 Sergius of Reshaina, Introduction to Aristotle and his Categories, Addressed to Philotheos, Syriac Text, with Introduction, Translation, and Commentary by S. Aydin, Leiden, Brill, (Aristoteles Semitico-Latinus 24), 2016 Sextus Empiricus, Adversus Mathematicos, éd. H. Mutschmann in Opera, vol. 2 : Adversus Mathematicos VII-XI, Leipzig, Teubner, 1914; vol. 3: Adversus Mathematicos, I-VI, éd. J. Mau, Leipzig, Teubner, 1954



Bibliographie générale

— Pyrrhoneioi hypotyposeis (Πυῤῥώνειοι ὑποτύπωσεις), livre I-III, éd. H. Mutschmann, Leipzig, Teubner, 1958 Simplicius, in Libros Aristotelis De Anima, éd. M. Hayduck, Commentaria in Aristotelem Graeca, XI, Berlin, Walter De Gruyter, 1882 — In Aristotelis Physica commentaria, éd. H. Diels, Commentaria in Aristotelem Graeca, IX, X, Berlin 1882-95, Sophrone de Jérusalem, Miracles des saints Cyr et Jean (BHG I 477-479), éd. J.  Gascou, Paris, De Boccard (Études d’archéologie et d’histoire ancienne), 2006 — Panégyrique des saints Cyr et Jean, éd., P. Bringel, Turnhout, Brepols, 2008 Soranus, Gynaeciorum libri IV, éd. J. Ilberg, Leipzig-Berlin, Teubner, 1927 Stephanus, De magna et sacra arte, éd. J. L. Ideler in Physici et medici Graeci minores II, Berlin, Reimer, 1842 (Réimp. Amsterdam, 1963), 199-253 Stobée, Ioannis Stobaei Anthologium, éd. C. Wachsmuth, O. Hense, vols 1-5, Berlin, Weidmann, 1884-1912, (réimpr. 1958) — Eclogæ physicæ et ethicæ in Stobaeus, Anthologium, vols 1-2 Stoicorum veterum fragmenta, éd. H. von Arnim, 1-4 vols, Leipzig, Teubner, 1903— 1905 Thémistius, Analyticorum posteriorium paraphrasis, éd. M. Wallies, Commentaria in Aristotelem Graeca, V/1, Berlin, Reimer, 1900 — In libros Aristotelis ‘De anima’ paraphrasis, éd. R. Heinze, Commentaria in Aristotelem Graeca, XXIII/1, Berlin, Reimer, 1899 — Orationes quae supersunt, éd. H. Schenkl, G. Downey, A.F. Norman, vols 1-2, Leipzig, Teubner, 1965, 1971. Theophrastus, Fragmenta, in Theophrastus of Eresus éd. W.  W. Fortenbaugh, P.M. Huby, R.  W. Sharples & D. Gutas, Leiden, Brill, 1992, 1995, 1998. Victorinus, Marius, Liber de Definitionibus, Eine Spätantike Theorie der Definition Und des Definierens, éd. A. Proney, Frankfurt am Main, P. Lang, 1997

Études Annas, J. (1999), Platonic Ethics Old and New, Ithaca – London, Cornell University Press Arkoun, M. (1982), L’humanisme arabe au ive/xe siècle. Miskawayh, philosophe et historien, 2e édition revue, Paris, Vrin Armstrong, J.  A. (2004), « After the ascent : Plato on becoming like God », Oxford Studies of Ancient Philosophy 26, 171-183 Asper, M. (2007), Griechische Wissenschaftstexte. Formen, Funktionen, Differenzierungsgeschichten, Stuttgart, Franz Steiner



Bibliographie générale

Baltzly, D. (2004), « The virtues and “becoming like God” : Alcinous to Proclus », Oxford Studies of Ancient Philosophy 26, 297-321 Barnes, J., & alii (1991), cf. Alexander of Aphrodisias, On Aristotle’s Prior Analytics 1.1-7, London, Bloomsbury — (2003), Porphyry Introduction, Translated with a Commentary by J. Barnes, Oxford, Clarendon  Bastianini, G. – Sedley, D. N. éd. (2005), « Commentarium in Platonis Theaetetum », in Adorno, F. & al. éd., Corpus dei Papiri Filosofici Greci e Latini, P. III : Commentari, Florence, 227-562 Baur, L. éd., cf. Dominicus Gundissalinus, De divisione philosophiae Beaujeu, J. éd. (1973), Apulée: Opuscules philosophiques (Du dieu de Socrate, Platon et sa doctrine, Du monde) et fragments, Paris, Les Belles Lettres Bénatouïl, Th. (2009), « θεωρία et vie contemplative du stoïcisme au platonisme : Chrysippe, Panétius, Antiochos et Alcinoos », in Bonazzi & Opsomer éd. 3-31 Bénatouïl, Th. – Bonazzi, M. (2012a), Theoria, Praxis and the Contemplative Life after Plato and Aristotle, Leiden, Brill Bénatouïl, Th. – Bonazzi, M. (2012b), « θεωρία and βίος θεωρητικός from the Presocratics to the end of Antiquity : an overview », in Bénatouïl – Bonazzi (2012a), 1-14 Berger, K. (1984), « Hellenistische Gattungen im Neuen Testament », ANRW 2. 25. 2, 1031-1432 Betegh, G. (2003), « Cosmological ethics in the Timaeus and early Stoicism », Oxford Studies of Ancient Philosophy 24, 273-302 Bidez, J. (1923), « Boèce et Porphyre », Revue belge de philologie et d’histoire 2, t. 2, Bruxelles, 189-201 Billerbeck, M. dir. (2006-2017), Stephani Byzantii Ethnica, 5.vol., Berlin, Walter de Gruyter, (Corpus Fontium historiae byzantinae, series Berolinensis) Bonazzi, M. & Opsomer, J. éd. (2009), The Origins of the Platonic System. Platonisms of the Early Empire and their Philosophical Contexts, Leuven, Peeters — (2011), « Il Platonismo nel secondo libro dell’Anthologicum di Stobeo : il problema di Eudoro », in Reydams-Schils, G. éd., Thinking through Excerpts. Studies on Stobaeus, Turnhout, Brepols, 441-456 — (2012), « Theoria and praxis: on Plutarch’s Platonism », in Bénatouïl & Bonazzi (2012a), 139-161 — (2013), « Il posto dell’etica nel sistema del platonismo », in Pietsch éd., 25-33 — éd. (2016), Plotino: Sulla felicità, Turin, Einaudi — (2017), « Plato systematized : doing philosophy in the imperial schools », Oxford Studies in Ancient Philosophy 53, 215-236



Bibliographie générale

Boudignon, Ch. (2004), « Maxime le Confesseur était-il constantinopolitain ? », in B. Janssens, B. Roosen, P. van Deun, éd., Philomathestatos :Studies in Greek and Byzantine Texts Presented to J. Noret for his Sixty-Fifth Birthday, Louvain, Peeters, (Orientalia Lovaniensia Analecta, 137), 11-43 Boudon-Millot, V. & Pietrobelli, A. éd. (2005), « Galien ressucité : édition princeps du texte grec du De propriis placitis », Revue des Études grecques 118, 168-213 — (2011), « L’écdotique des textes médicaux grecs et l’apport des traductions orientales », in R.  Goulet & U.  Rudolph éd., Entre Orient et Occident : la philosophie et la science gréco-romaines dans le monde arabe, Vandœuvres-Genève, Fondation Hardt, (Entretiens sur l’Antiquité classique 57), 321-387 Boyancé, P. (1971), « Cicéron et les parties de la philosophie », Revue des études latines 49, 127-154 Brandt 1906, cf. Boèce, in Isag.1 Brisson, L. (1999), « Logos et logoi chez Plotin. Leur nature et leur rôle », Les Cahiers Philosophiques de Strasbourg 8, 1999, 87-108 Brock, S. (1993), « The Syriac Commentary Tradition », in Ch. Burnett, éd., Glosses and Commentaries on Aristotelian Logical texts. The Syriac, Arabic and Medieval Latin Traditions, London, Warburg Institute, (Warburg Institute Surveys and Texts 23), 3-18 — (2011), « The Commentator Probus : Problems of Date and Identity », in J. Lössl & J. W. Watt éd., Interpreting the Bible and Aristotle in Late Antiquity, The Alexandrian Commentary Tradition between Rome and Baghdad, Farnham, Ashgate, 2011, 195-206 Cacouros, M. (2003), « Le lexique des définitions relevant de la philosophie du Trivium et du Quadrivium compilé par Néophytos Prodromènos, son activité lexicographique et les corpus de textes philosophiques et scientifiques organisés par lui au monastère de Pétra à Constantinople », P.  Volpe-Cacciatore dir., L’erudizione scolastico-grammaticale a Bisanzio. Atti della VII Giornata di Studi Bizantini, Naples, M. D’auria editore, 165-220 Calzolari, V. & Barnes, J. éd. (2009), L’œuvre de David l’Invincible, Leiden – Boston, Brill, (Philosophia antiqua 116) — (2009), « La version arménienne des Prolegomena philosophiae de David et son rapport avec le texte grec », in Calzolari & Barnes éd., 39-65 Campbell, L. (1861), The Theaetetus of Plato with a Revised Text and English Notes, Oxford Oxford University Press (repr. New York, Arno, 1973), Capone Ciollaro, M. (1994), « Ammonio e Boezio : i proemi dei commenti all’Isagoge di Porfirio », ΚΟΙΝΩΝΙΑ, vol. 18, 39-57 Chadwick H., (1974), « John Moschus and his friend Sophronius the Sophist », The Journal of Theological Studies, New Series 25/1, 41-74



Bibliographie générale

— (1981), Boethius: The Consolations of Music, Logic, Theology, and Philosophy, Oxford, Clarendon Press Chroust, A.-H. (1947), « Philosophy : It’s Essence and Meaning in the Ancient World », The Philosophical Review 56/1, 19-58 — (1951), « The Definitions of Philosophy in the De Divisione Philosophiae of Dominicus Gundissalinus », The New Scholasticism 25, July, 253-281 Coda E., & Martini Bonadeo, C. éd. (2014), De l’Antiquité tardive au Moyen Âge.  Études de logique aristotélicienne et de philosophie grecque, syriaque, arabe et latine offertes à Henri Hugonnard-Roche, Paris, Vrin, (Études musulmanes 44) Courcelle, P. (1935), « Boèce et l’école d’Alexandrie », Mélanges d’archéologie et d’histoire 52, 185-223 — (1948), Les Lettres Grecques en Occident de Macrobe à Cassiodore, Paris, de Boccard — (1967), La Consolation de Philosophie dans la tradition littéraire. Antécédents et postérité de Boèce, Paris, Études augustiniennes, (Série Antiquité 28) Daiber, H. (2018), « Ethics as likeness to God in Miskawayh: an overlooked tradition », Studia Graeco-Arabica 8, 195-204 Des Places, E. éd. (1977), Atticus: Fragments, texte établi et traduit, Paris, Les Belles Lettres Diels, H., Doxographi Graeci, Berlin, Reimer, 1879 (reimp. De Gruyter, 1965) Dillon, J. M. (1993), Alcinous: The Handbook of Platonism. Translated with an Introduction and Commentary, Oxford, Clarendon — (1996), « An ethic for the late antique sage », in Gerson éd. (1996), 315-335 — (2013), « The hierarchy of being as framework for Platonic ethical theory », in Pietsch éd., 91-111 Dindorf, L. A. (1879), Historici Graeci minores, vol. 1, Leipzig, Teubner Donini, P.-L. (1994), « Testi e documenti, manuali e insegnamento : la forma sistematica e i metodi della filosofia in età postellenistica », ANRW II 36.7, 5027-5100 (repr. in M. Bonazzi, éd., P.-L. Donini, Commentary and Tradition. Aristotelianism, Platonism and Post-Hellenistic Philosophy, Berlin, Walter de Gruyter, 211-281) Dorion, J.-A., tr. (1998), Aristote, Les réfutations sophistiques, Paris, Vrin Dörrie, H. & Baltes M. (1996), Die philosophische Lehre des Platonismus, Einige grundlegende Axiome ; Platonische Physik  I. Baustein 101-124, Stuttgart, Frommann-Holzboog Dubois, J.-D. et Roussel B, éd. (1998), Entrer en matière. Les prologues, Paris, Cerf Duffy, J. (1984), « Byzantine Medicine in the Sixth and Seventh Centuries : Aspects of Teaching and Practice », Dumbarton Oaks Papers 38, (Symposium on Byzantine Medicine), 21-27 Dyck, A. R. (2004), A Commentary on Cicero, De Legibus, Ann Arbor, University of Michigan Press



Bibliographie générale

Erler, M. (2007), « Platon », in Flashar, H. éd. Falcon, A. éd. (2016), Brill’s Companion to the Reception of Aristotle in Antiquity, Leiden – Boston, Brill Feke, J. (2018), Ptolemy’s Philosophy: Mathematics as a Way of Life, Princeton, Princeton University Press Ferrari, F. (2010), « Esegesi, commento e sistema nel medioplatonismo », in A. Neschke-Hentschke dir., Argumenta in Platonis dialogos, Basel, Schwabe, 51-76 Festugière, A.-J. (1973), Les trois « protreptiques » de Platon, Euthydème, Phédon, Epinomis, Paris, Vrin Fine, G. éd. (1996), Oxford Readings in Plato, 2: Ethics, Politics and the Soul, Oxford, Oxford University Press Fiori, E. (2009), « “É lui che mi ha donato la conoscenza senza menzogna” (Sap 7.17). Origene, Evagrio, Dionigi e la figura del maestro nel Discorso sulla vita spirituale di Sergio di Resh‘ayna », Adamantius 15, 43-59 — (2010), « L’épitomé syriaque du Traité sur les causes du tout d’Alexandre d’Aphrodise attribué à Sergius de Reš‘aynā », Le Muséon 123,  127158 — éd. et tr. (2014a), Dionigi Areopagita, Nomini divini, Teologia mistica, Epistole. La versione siriaca di Sergio di Rēš‘aynā (VI secolo), Louvain, Peeters, (Corpus Scriptorum Christianorum Orientalium 253) — (2014), « Un intellectuel alexandrin en Mésopotamie. Essai d’une interprétation d’ensemble de l’œuvre de Sergius de Reš‘aynā », in E. Coda & C. Martini Bonadeo éd., 59-90 Flamand, J.-M. (2003), Plotin, Traité 19 (I, 2), in L. Brisson & J.-F. Pradeau éd., Plotin, Traités 7-21, Paris, Flammarion Flashar, H. éd. (2007), Die Philosophie der Antike. Bd. 2/2, Basel, Schwabe Fortenbaugh, W. W. & Gutas, D. éd. (1992), Theophrastus. His Psychological, Doxographical and Scientific Writings, New Brunswick – London, Transaction  — & Schütrumpf, E. éd. (2001), Dicaearchus of Messana. Text, Translation, and Discussion, New Brunswick – London, Transaction — (2012-2013), « Cicero’s Letter to Atticus 2.16 : “a great controversy” », Classical World 106, 483-486 Fuhrmann, M. (1960), Das systematische Lehrbuch. Ein Beitrag zur Geschichte der Wissenschaften in der Antike, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht Furlani, G. (1922), « Sul trattato di Sergio di Rêsh‘âynâ circa le Categorie », Rivista trimestrale di studi filosofici e religiosi 3, 135-172 Galonnier, A., éd. (2013), cf. Boèce, Opuscula Sacra, vol. 2, De Sancta Trinitate, De Persona et duabus naturis, (traité I et V), éd. C. Moreschini, trad. A. Galonnier, Louvain-Paris, Peeters Gersh, S., (1994), « Boèce », in R. Goulet éd., DPhA, II, Paris, CNRS, 117-122



Bibliographie générale

Gerson, L. P. éd. (1996), The Cambridge Companion to Plotinus, Cambridge, Cambridge University Press — éd. (2010), The Cambridge History of Philosophy in Late Antiquity. 2 vols, Cambridge, Cambridge University Press — (2012), « The harmony of Plato and Aristotle according to Neoplatonism », in H. Tarrant & D. Baltzly éd., Reading Plato in Antiquity, London, Duckworth, 193-221 Gertz, S. tr. (2018), Elias and David : Introductions to Philosophy with Olympiodorus, Introduction to Logic, London, Bloomsbury Goubert, P., (1967), « Patriarches d’Antioche et d’Alexandrie contemporains de saint Grégoire le Grand (Notes de prosopographie byzantine) », Revue des études byzantines 25, 65-76 Goulet, R. éd. (2012), Dictionnaire des philosophes antiques (DPhA), Paris, CNRS éditions Goulet-Cazé, M.-O., (2005), « Le système philosophique de Porphyre dans les Sentences, A. métaphysique », in éd. L. Brisson, Porphyre, Sentences, Paris, Vrin Gourinat, J.-B. (2013), « La postérité de la classification aristotélicienne des syllogismes aux iie et iiie  s. : vers un Organon long ? » in J.  Brumberg-Chaumont éd., L’organon dans la translatio studiorum à l’époque d’Albert le Grand, Studia Artistarum, Turnhout, Brepols  Griffin, M. (2016), « Ammonius and the Alexandrian school », in Falcon, A. éd. (2016), 394-418 Guillaumin, J.-Y. éd. (1995), Boèce, Institution arithmétique (Institutio arithmetica), Paris, Les Belles Lettres Gutas, D. (1983), « Paul the Persian on the classification of the parts of Aristotle’s philosophy : a milestone between Alexandria and Baġdâd », Der Islam 60, 231-267 Hadot, I., (1978), Le problème du néoplatonisme alexandrin, Hiéroclès et Simplicius, Paris, Études Augustiniennes — dir. (1990), Simplicius, Commentaire sur les Catégories d’Aristote, Fascicules I, introduction, première partie (p. 1-9,3 Kalbfleisch), trad. de Ph. Hoffmann (avec la collaboration de I. et P. Hadot), commentaire et notes à la traduction par I. Hadot avec des appendices de P. Hadot et J.-P. Mahé, (Philosophia Antiqua 50), Leiden, Brill — (2003), « Der philosophische Unterrichtsbetrieb in der römischen Kaiserzeit », Rheinisches Museum für Philologie 146/1, 49-71 — (2005), Arts libéraux et philosophie dans la pensée antique. Contribution à l’histoire de l’éducation et de la culture dans l’Antiquité, Paris, Vrin, 2e édition revue et augmentée — (2015), Athenian and Alexandrian Neoplatonism and the Harmonization of Aristotle and Plato, Leiden-Boston, Brill, (Studies in Platonism, Neoplatonism, and the Platonic Tradition, 18)



Bibliographie générale

Hadot, P. (1961), « Fragment d’un commentaire de Porphyre sur le Parménide », Revue des études grecques 74, 410-438 — (1962), « L’image de la Trinité dans l’âme chez Victorinus et chez saint Augustin », Studia Patristica 6, 411-442 — (1968), Porphyre et Victorinus, Paris, Études Augustinicnnes — (1971), Marius Victorinus. Recherches sur sa vie et ses œuvres, Paris, Études Augustiniennes — (1974), « L’harmonie des philosophies de Plotin et d’Aristote selon Porphyre dans le commentaire de Dexippe sur les Catégories », Atti del convegno internazionale sul tema : Plotino e il Neoplatonismo in Oriente e in Occidente, Roma, Accademia Nazionale dei Lincei, 31-47 — (1979), « Les divisions des parties de la philosophie dans l’Antiquité », Museum Helveticum 36, 202-223 — (1990), « La logique, partie ou instrument de la philosophie ? », in I. Hadot dir., 183-188 Harder, R., Beutler, R. & Theiler, W. tr. (1964), Plotins Schriften, Hamburg, Meiner Heath, M. (2002), « Theon and the history of the Progymnasmata », Greek, Roman and Byzantine Studies 43, 129-160 Hein, C. (1985), Definition und Einteilung der Philosophie. Von der spätantiken Einleitungsliteratur zur arabischen Enzyklopädie, Frankfurt am MainBern-New York, Peter Lang, (Europäische Hochschulschriften 177) Helmig, C. (2013), « Hilfe der Götter für das gute Leben – Die Rolle der Religiosität in der Ethik des antiken Platonismus », in Pietsch éd., 237-258 Herzberg, S. (2013), Menschliche und göttliche Kontemplation. Eine Untersuchung zum bios theoretikos bei Aristoteles, Heidelberg, Winter Hine, H. (2016), « Philosophy and philosophi : From Cicero to Apuleius », in G. D. Williams & K. Volk éd., 13-29 Hoffmann, J. G. E. (1869), De Hermeneuticis apud Syros Aristoteleis, Leipzig, Hinricis Hoffmann, Ph. (1987), « Sur quelques aspects de la polémique de Simplicius contre Jean Philopon: de l’invective à la réaffirmation de la transcendance du ciel », in I. Hadot éd. Simplicius. Sa vie, son œuvre, sa survie. Actes du colloque international de Paris (28 sept.–1er oct. 1985), Berlin – New York, Walter de Gruyter, 183-221 — (1998a), « La fonction des prologues exégétiques dans la pensée pédagogique néoplatonicienne », in D. Dubois & B. Roussel éd., 209-245 — (1998b), Les principes de l’interprétation néoplatonicienne des Catégories d’Aristote, de Porphyre au Pseudo-Aréthas, thèse d’habilitation non publiée, Paris — (2020), « Du danger de ne point parler : un argument d’Elias » , in S. Hermann de Franceschi, D.-O. Hurel, B. Tambrun-Krasker éd., ­ ­Affamés volontaires. Les monothéismes et le jeûne : austérités religieuses et privations alimentaires dans une perspective comparative, Limoges, Presses de l’Université de Limoges, 207-237



Bibliographie générale

Hoonacker, A. van (1900), « Le traité du philosophe syrien Probus sur les Premiers Analytiques d’Aristote », Journal Asiatique 16, 70-166  Huby, P. M. (2001), « The controversia between Dicaearchus and Theophrastus about the best life », in Fortenbaugh & Schütrumpf éd., 311-328 Hugonnard-Roche, H. (1989), « Aristote. L’Organon. Tradition syriaque et arabe », in R. Goulet éd., Dictionnaire des Philosophes Antiques, vol. I, 502-528 — (2000), « Le traité de logique de Paul le Perse : une interprétation tardo-antique de la logique aristotélicienne en syriaque », Documenti e studi sulla tradizione filosofica medievale 11, 59-82, réimpr. in Hugonnard-Roche (2004b), 233-254 ; — (2004a), « Sergius de Res‘ayna : Commentaire sur les Catégories (à Théodore). Livre premier », in Hugonnard-Roche, éd. (2004b), 187-231 — (2004b), La logique d’Aristote du grec au syriaque. Études sur la transmission des textes de l’Organon et leur interprétation philosophique, Paris, Vrin — (2004c), « La constitution de la logique tardo-antique et l’élaboration d’une logique “matérielle” en syriaque », in V. Celluprica & C. D’Ancona, éd., Aristotele e i suoi esegeti neoplatonici. Logica e ontologia nelle interpretazioni greche e arabe. Atti del convegno internazionale, Roma, 19-20 ottobre 2001, Napoli, Bibliopolis, (Elenchos 40), 55-83, réimpr. in Hugonnard-Roche éd. (2004b), 255-273 — (2011), « Le mouvement des traductions syriaques : arrière-plan historique et sociologique », in R. Goulet & U. Rudolph éd., Entre Orient et Occident : la philosophie et la science gréco-romaines dans le monde arabe, Genève, Droz, (Entretiens sur l’Antiquité classique 57), 45-86 — (2012), « Paul le Perse », in Goulet éd., Dictionnaire des Philosophes Antiques, Va, 183-187 — (2012), « Probus (Proba) », in Goulet éd., Dictionnaire des Philosophes Antiques, Vb, 1539-1542 — (2013), « Sur la lecture tardo-antique du Peri Hermeneias d’Aristote: Paul le Perse et la tradition d’Ammonius. Édition du texte syriaque, traduction française et commentaire de l’Élucidation du Peri Hermeneias de Paul le Perse », Studia graeco-arabica 3, 37-104 — (2015), « Questions de logique au viie siècle. Les épîtres syriaques de Sévère Sebokht et leurs sources grecques », Studia graeco-arabica 5, 53-104 — (2016), « Sergius de Reš‘ainā », in R. Goulet éd., DPhA, VI, 214-227 — (2017), « Un cours sur la syllogistique d’Aristote à l’époque tardo-antique : le commentaire syriaque de Proba (vie siècle), sur les Premiers Analytiques, édition et traduction du texte, avec introduction et commentaire », Studia graeco-arabica 7, 105-170 — (2018), « La tradition du Peri Hermeneias d’Aristote en syriaque, entre logique et grammaire », in M. Farina, éd., Les auteurs syriaques et leur langue, Paris, Geuthner, (Études syriaques 15)



Bibliographie générale

Huh, M-J. (2020), « L’origine de la tripartition de la philosophie selon les substantiae intellectibiles, intellegibiles et naturalia dans le premier commentaire de Boèce à l’Eisagogè de Porphyre », A. Galonnier éd., avec la collaboration d’A. Lamy,  La tradition du néoplatonisme latin  au Moyen Age et à la Renaissance, Louvain, Peeters, 253-276 Hutchison, D. & Johnson, M.  R. (2019), « Protreptic and apotreptic », in O. Alieva, A. Kotzé & S. Van der Meeren éd., When Wisdom Calls : Philosophical Protreptic in Antiquity, Turnhout, Brepols, (Monothéismes et Philosophie), 111-154 Ierodiakonou, K. (1993), « The Stoic division of philosophy », Phronesis 38, 57-74 Jankélévitch, V., Plotin, Ennéades I, 3: sur la dialectique, Paris, Cerf, 1998 Kalligas, P. (2014), The Enneads of Plotinus, Vol. 1: A Commentary, translated by E. K. Fowden, & N. Pilavachi, Princeton, Princeton University Press Karfik, F. (2013), « Mittelplatonische Lehre De Finibus bei Stobaios, Alkinoos und Apuleius », in Pietsch éd., (2013), 115-129 Kendall, B. – Thompson, R. W. éd. (1983), Definitions and Divisions of Philosophy by David the Invincible Philosopher. English Translation of the Old Armenian Version with Introduction and Notes, Chico CA, Peeters Kennedy, G.  A. (2003), Progymnasmata. Greek textbooks of prose composition and rhetoric, trans. with introduction and notes, Leiden, Brill King, D. (2010), « Alexander of Aphrodisias’ On the Principles of the Universe in a Syriac adaptation », Le Muséon 123, 159-191 König, H. (1996), « Verähnlichung mit Gott », in P. Hünermann éd., Gott – ein Fremder in unserem Haus ? Die Zukunft des Glaubens in Europa, Freiburg-Basel-Wien, Herder, 78-95 Kotter, B. éd. (1969), Die Schriften des Johannes Damascenus. Bd. 1 : Institutio elementaris. Capita philosophica (Dialectica). Als Anhang: Die philosophische Stücke aus Cod. Oxon. Bodl. Auct. T. 1.6, Berlin, Walter de Gruyter Kupreeva, I. & Westerink, L. G. (2011), Philoponus: On Aristotle Meteorology 1.1-3, Bristol, Bloomsbury Land, J. P. N. éd. (1862), Anecdota Syriaca, IV, Leiden, Brill Langenberg, G. éd. (1959), M. Terenti Varronis Liber de philosophia. Ausgabe und Erklärung der Fragmente, Diss. Cologne Lernould, A.  (2015), Commenter et philosopher  dans le Néoplatonisme tardif. Philosophie de la nature, philosophie des mathématiques, métaphysique, thèse d’habilitation, EPHE, Paris Lévy, C. (1990), « Cicéron et le moyen Platonisme. Le problème du souverain bien selon Platon », Revue des études latines 68, 50-65 — (2012), « Philosophical life versus political life : An impossible choice for Cicero ? », in W. Nicgorski éd., 58-78



Bibliographie générale

Liebersohn, Y. Z., Ludlam, I., Edelheit A. éd. (2017), For a Skeptical Peripatetic, Sankt Augustin, FS Glucker Long A. A., & Sedley D. N., éd. (2001), Les philosophes héllénistiques, traduction par Brunschwig, J., & Pellegrin, P., Paris, Flammarion Luck, G. éd. (1953), Der Akademiker Antiochos, Bern, Paul Haupt Luna, C. (2001), Simplicius, Commentaire sur les Catégories, chapitres 2-4, Traduction par Ph. Hoffmann, avec la collaboration de I. Hadot et P. Hadot, commentaire par C. Luna, Paris, Les Belles Lettres Magee, J. (1989), Boethius on signification and mind, Leiden, Brill (Philosophia Antiqua 52) Maisano, R. éd. (1995), Discorsi di Temistio, Turin, UTET Malingrey, A.-M. (1961), « Philosophia » : Étude d’un groupe de mots dans la littérature grecque des Présocratiques au ive siècle après J.-C., Paris, Klincksiek Malosse, P.-L. (2008), « Jean Chrysostome a-t-il été l’élève de Libanios ? », Phoenix 62/4, 273-280 Männlein-Robert, I. (2002), « “Wissen um die göttlichen und menschlichen Dinge”. Eine Philosophiedefinition Platons und ihre Folgen », Würzburger Jahrbuch der Altertumswissenschaft 26, 13-38 — (2013), « Tugend, Flucht und Extase : Zur ὁμοίωσις θεῷ in Kaiserzeit und Spätantike », in Pietsch éd. 99-11l Mansfeld, J. (1994), Prolegomena: questions to be settled before the study of an author, or a text, Leiden, Brill — (1998), Prolegomena Mathematica. From Apollonius of Perga to the Late Neoplatonists, with an Appendix on Pappus and the History of Platomism, Leiden, Brill — (2017), « Aristotle’s disciplines », in Liebersohn et al., éd., 101-121 Masullo, R. éd. (1985), Marino di Neapoli: Vita di Proclo, testo critico, introduzione, traduzione e commentario, Naples, M. D’Auria Mazzarelli, C. (1985), « Raccolta e interpretazione delle testimonianze e dei frammenti del medioplatonico Eudoro di Alessandria », Rivista di Filosofia Neo-Scolastica 77, 197-209 ; 535-555 McCollum, A. (2011), « Sergius of Reshaina as Translator : The Case of the De mundo », in J. Lössl & J. W. Watt, éd., Interpreting the Bible and Aristotle in Late Antiquity : The Alexandrian Commentary Tradition between Rome and Baghdad, Farnham, J. W. Watt, 165-178 Merki, H. (1952), ὁμοιωσις θεῳ. Von der platonischen Angleichung an Gott zur Gottähnlichkeit bei Gregor von Nyssa, Freiburg CH, Paulus Merlan, Ph. (1968), From Platonism to Neoplatonism, The Hague, Nijhoff Militello, C. (2010), I Commentari all’Isagoge di Porfirio tra V e VI secolo, Acireale-Roma, Bonanno  Mirhady, D. C. (2001), « Dicaearchus of Messana : The sources, text, and translation », in Fortenbaugh – Schütrumpf éd., 1-142



Bibliographie générale

Moraux, P. (1973), Der Aristotelismus bei den Griechen von Andronikos bis Alexander von Aphrodisias. Bd. 1: Die Renaissance des Aristotelismus im 1.Jh. v. Chr., Berlin – New York, Walter De Gruyter — (1984), Der Aristotelismus bei den Griechen, Band 2, Berlin – New York, Walter De Gruyter Moreau, J. (1970), Plotin ou la gloire de la philosophie antique, Paris, Vrin Motta, A. tr. (2014), Prolegomeni alla filosofia di Platone, Rome, Armando Mueller-Jourdan, P. tr. (2007), Une initiation à la philosophie de l’Antiquité tardive, les leçons du Pseudo-Élias, Fribourg. — (2007), « A propos d’une définition de la nature chez Maxime le Confesseur. Ambiguïté d’un appel à l’autorité patristique », Freiburger Zeitschrift für Philosophie und Theologie LIV, 1/2, 224-229 — (2009), « Logik », Reallexicon für Antike und Christentum 23, 178-185. — (2018), « Anonymi ‘Prolegomena in Platonis Philosophiam’ », in Ch. Horn, Ch. Riedweg, D. Wyrwa dir., Grundriss der Geschichte der Philosophie (Ueberweg). Die Philosophie der Antike, Band 5 : Philosophie der Kaiserzeit und der Spätantike, Basel, Schwabe Neschke-Hentschke, A. éd. (2010), Argumenta in Dialogos Platonis. T. 1: Platoninterpretationen und ihre Hermeneutik von der Antike bis zum Beginn des 19. Jahrhunderts, Basel, Schwabe Neumann, U. (1998) : « Isagogische Schriften », Historisches Wörterbuch der Rhetorik 4, col. 633-640 Nicgorski, W. éd. (2012), Cicero’s Practical Philosophy, Notre Dame, University of Notre Dame Press Norden, E. (1905) : « Die Composition und Litteraturgattung der Horazischen Epistula ad Pisones », Hermes 40, 481-528 Nutton, V. éd. (1999), Galen, On my Own Opinions, edition, translation and commentary, Berlin, Akademie O’Meara, D. J. (1975), Structures hiérachiques dans la pensée de Plotin, Leiden, Brill — (1989), Pythagoras revived, Oxford, Oxford University Press — (1993), Plotinus : An Introduction to the Enneads, Oxford Oxford University Press — (2003), Platonopolis : Platonic Political Philosophy in Late Antiquity, Oxford — (2006), « Patterns of perfection in Damascius’ Life of Isidore », Phronesis 51, 74-90 — (2013), « Preparing Platonopolis – political philosophy in Middle Platonism », in Pietsch éd., 283-290 Onofrio, G. (2001), « La scala ricamata. La Philosophiae Divisio di Severino Boezio, tra essere e conoscere », in G. Onofrio, éd., La divisione della filosofia e le sue ragioni, Roma, Avagliano Pelletier, Y. (1983), cf. Ammonius, Les attributions



Bibliographie générale

Pietsch, C. éd. (2013), Ethik des antiken Platonismus: der platonische Weg zum Gluck in Systematik, Entstehung und historischem Kontext, Stuttgart, Franz Steiner  Plass, P. (1982), « Plotinus’ ethical theory », Illinois Classical Studies 7, 241259 Pradeau, J.-F. (2003) L’imitation du principe: Plotin et la participation, Paris, Vrin Pronay, A. éd. (1997), Victorinus Gaius Marius Liber de definitionibus: Eine spätantike Theorie der Definition und des Definierens, mit Einleitung, Übersetzung und Kommentar, Francfort, Peter Lang Reydams-Schils, G. (2017), « “Becoming like God” in Platonism and Stoicism », in T. Engbers-Pederson, éd., From Stoisim to Platonism. The Development of Philosophy 100 BCE –100 CE, Cambridge, Cambridge University Press, 142-158 Riad, E. (1988), Studies in the Syriac Preface, Uppsala, Almqvist & Wiksell International Richard, M. (1950), « ΑΠΟ ΦΩΝΗΣ », Byzantion 20,191-222 Richter, G. (1964), Die Dialektik des Johannes von Damaskos : Eine Untersuchung des Textes nach seinen Quellen und seiner Bedeutung, Ettal, Buch-Kunstverlag Rijk L. M. de (1964), « On the chronology of Boethius’ works on logic II », Vivarium 2/1, 125-161 Rompay, L. Van (2011), « Pawlos the Philosopher », in S. Brock, A. M., Butts, G. A. Kiraz, L. van Rompay, éd., The Gorgias encyclopedic dictionary of the Syriac heritage, Piscataway, NJ, Gorgias Press  Roosen, B. & Van Deun, P. (2006), « Les collections de définitions philosophico-théologiques appartenant à la tradition de Maxime le Confesseur », in M.  Cacouros et M.-H.  Congourdeau éd., Philosophie et Sciences à Byzance de 1204 à 1453. Les textes, les doctrines et leur transmission, Actes de la Table Ronde organisée au xxe Congrès International d’Études Byzantines (Paris, 2001), Leuven-Paris-Dudley, Petters, (Orientalia Lovaniensia Analecta 146), 53-76 Roueché, M. (1974), « Byzantine philosophical Texts of the seventh Century », Jahrbuch der Österreichischen Byzantinistik 23, 61-76 — (1980), « A middle byzantine Handbook of logic Terminology », Jahrbuch der Österreichischen Byzantinistik 29, 71-98 — (1990), « The definitions of philosophy and a new fragment of Stephanus the philosopher », Jahrbuch der Österreichischen Byzantinistik 40, 107-128 — (2012), « Stephanus the Philosopher and Ps. Elias : a case of mistaken identity », Byzantine and Modern Greek Studies 36/2, 120-138 Runia, D.  T. (2001), Philo of Alexandria : On the Creation of the Cosmos according to Moses Introduction, Translation and Commentary, Leiden, Brill



Bibliographie générale

Saffrey, H.-D. & Segonds, A. Ph. éd. (2001), Marinus : Vie de Proclus, Paris, Les Belles Lettres Schneider, J.-P. (2012), « Les définitions de la philosophie dans l’Antiquité tardive : Ammonios, Commentaire sur l’Isagoge de Porphyre, 1,11-19,24 (Busse) », Revue de théologie et de philosophie 144, 1-27 — (2013), « Les divisions de la philosophie dans l’Antiquité tardive : Ammonios, Commentaire sur l’Isagoge de Porphyre, 9,25-16,20 (Busse) », Revue de théologie et de philosophie 145, 1-38 Schniewind, A. (2003), L’éthique du sage chez Plotin: le paradigme du spoudaios, Paris, Vrin, (Histoire des doctrines de l’Antiquité Classique 31) Sedley, D. (1996), « The ideal of godlikeness », in Fine éd. (1996), 309-318 — (2004), The Midwife of Platonism: Text and Subtext in Plato’s Theaetetus, Oxford, Oxford University Press Sedley, D. éd. (2012), The Philosophy of Antiochus, Cambridge, Cambridge University Press Share, M. (1994), cf. Aréthas, in Isag. Sharples, R. W. & Sheppard, A. éd. (2003), Ancient Approaches to Plato’s Timaeus, London, Institute of Classical Studies — (1999), « Aspasius on Eudaimonia », in A. Alberti & R. W. Sharples éd., Aspasius : The Earliest Extant Commentary on Aristotle’s Ethics, Berlin – New York, Walter De Gruyter 85-95 — éd. (2010), Peripatetic Philosophy 200 BC to 200 AD. An Introduction and Collection of Sources in Translation, Cambridge, Cambridge University Press Shiel, J., (1958), « Boethius’ commentaries on Aristotle », Mediaeval and Renaissance Studies 4, 217-244. Article réédité dans Shiel, « Boethius commentaries on Aristotle », in M. Fuhrmann, J. Gruber (éd.), Boethius, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1984, vol. 1. — (1987), « The Greek Copy of Porphyryos’ Isagoge used by Boethius », in J. Wiesner éd., Aristoteles-Werk und Wirkung, Band II, Berlin – NewYork, Walter De Gruyter, 312-340 Solmsen,  F.  (1944), « Boethius and the history of the Organon », American Journal of Philology 65, 69-74 Song, E. (2009a), Aufstieg und Abstieg der Seele. Diesseitigkeit und Jenseitigkeit in Plotins Ethik der Sorge, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht — (2009b), « The ethics of descent in Plotinus », Hermathena 187, 27-48 Spade, P. V. éd. & tr. (1994), Five Texts on the Mediaeval Problem of Universals : Porphyry, Boethius, Abelard, Duns Scotus, Ockham, Indianapolis, Hackett Stone, M. E. Shirinian, M. E., éd. (2000), Pseudo-Zeno : Anonymous Philosophical Treatise, Leiden, Brill Stover, J. A. éd. (2016), A New Work by Apuleius: The Lost Third Book of the De Platone, Oxford, Oxford University Press



Bibliographie générale

Sutton, E. W. & Rackham, H. éd. (1942), Cicero: On the Orator Books 1 and 2, Cambridge MA – London, Loeb Thesleff, H. éd. (1963), The Pythagorean Texts of the Hellenistic Period Collected and Edited, Turku, Åbo Tsouni, G. (2012), « Antiochus on contemplation and the happy life », in Sedley éd., 131-150 Van den Berg, R. M. (2003), « “Becoming like God” according to Proclus’ interpretation of the Timaeus, the Eleusinian Mysteries and the Chaldaean Oracles », in R. W. Sharples & A. Sheppard éd., 189-202 Van der Meeren, S. (2011), Exhortation à la Philosophie. Le dossier grec : Aristote, Paris, Les Belles Lettres — (2010), « “Tout cela montre avec clarté que la clarté est désirable”: Les enjeux philosophiques d’une argumentation circulaire dans le Protreptique de Jamblique », in P. Hummel éd., Exotérisme (s), Études sur les ressorts de la clarté, Paris, Philologicum, 33-72 — (2019), « Protreptique et isagogique : les vestibules de la philosophie », in O. Alieva, A. Kotzé & S. Van der Meeren éd., When Wisdom Calls : Philosophical Protreptic in Antiquity, Brepols, (Monothéismes et Philosophie 24), Turnhout, Brepols, 407-454 Van Deun, G. & Mueller-Jourdan P. (2015), « Maxime le Confesseur », in G. C. Conticello éd., La théologie byzantine et sa tradition, Tome I/1 (vie-viiie s.), Turnhout, Brepols Van Kooten, G. H. (2008), Paul’s Anthropology in Context: The Image of God, Assimilation to God, and Tripartite Man in Ancient Judaism, Ancient Philosophy, and Early Christianity, Tübingen, Mohr Siebeck Vasiliu, A. (2012), Images de soi dans l’antiquité tardive, Paris, Vrin Von Shönborn, Ch. (1972), Sophrone de Jérusalem, Vie monastique et confession dogmatique, Paris, Beauchesne Vuillemin, J. (2008), « Le système des Catégories d’Aristote et sa signification logique et métaphysique », dans idem, De la logique à la théologie. Cinq études sur Aristote, nouvelle version remaniée et augmentée, Louvain-la-Neuve, Peeters, 35-114 Watt, J. (2014), « Sergius of Reshaina on the Prolegomena to Aristotle’s Logic: The Commentary on the Categories, Chapter Two », in E. Coda & C. Martini Bonadeo éd., 31-57 Westerink, L.  G. (1961), « Elias on the Prior Analytics », Mnemosyne 14/2, 126-139 — (1964), « Philosophy and Medicine in Late Antiquity », Janus 51, 169-177, repris dans L. G. Westerink, Texts ans Studies in Neoplatonism ans Byzantine Literature, Amsterdam, A. M. Hakkert, 1980, 83-91 — (1967), cf. Pseudo-Elias, Lectures on Porphyry’s Isagoge



Bibliographie générale

— (1990), « The Alexandrian commentators and the introductions to their commentaries », R.  Sorabji éd., Aristotle transformed. The ancient commentators and their influence, London, Bloomsbery, 325-348 — éd. (1990), Anonyme, Prolégomènes à la philosophie de Platon, Paris, Les Belles Lettres Whittaker, J. éd. & Louis, P. tr. (1990), Alcinoos: Enseignement des doctrines de Platon, Paris, Les Belles Lettres Wildberg, Ch. (1990), « Three Neoplatonic Introductions to Philosophy: Ammonius, David and Elias », Hermathena 149, 33-51 Williams, G.  D. & Volk, K. éd., (2016), Roman Reflections : Studies in Latin Philosophy, Oxford, Oxford University Press Wolska-Conus, W. (1989), « Stéphanos d’Athènes et Stéphanos d’Alexandrie », Revue des études byzantines 47, 5-89

