Ingénieur, un métier pour les filles: Panorama de carrières 9782759808410

Ingénieur, c’est métier d’homme, non ? Avoir entendu cette phrase maintes fois prononcée, tout en observant la réalité,

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Ingénieur, un métier pour les filles: Panorama de carrières
 9782759808410

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Ingénieur, un métier pour les filles 90e anniversaire des femmes ingénieurs Supélec 1918-2008

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Ingénieur, un métier pour les filles 90e anniversaire des femmes ingénieurs Supélec 1918-2008

Supélec au féminin Préface de Mme la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Valérie Pécresse Introduction par M. Alain Bravo, Directeur Général de Supélec Illustrations par Delize

17, avenue du Hoggar Parc d’activité de Courtaboeuf, BP 112 91944 Les Ulis Cedex A, France

Composition : FACOMPO – 14100 Lisieux Imprimé en France ISBN : 978-2-7598-0368-2 Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d’une part que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective », et d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (alinéa 1er de l’article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal.

© EDP Sciences 2008

1918-2008 Femmes ingénieurs Supélec *** Ce livre est l’aboutissement des actions lancées par le groupe Supélec au féminin tout au long de l’année du 90e anniversaire pour mettre en visibilité des carrières de femmes ingénieurs. Que la lecture de ce livre soit une source de plaisir, contribue à l’évolution des mentalités pour les générations à venir et déclenche de nombreuses vocations d’ingénieures.

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Sommaire

Avant-propos .............................................................................................................

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Préface .......................................................................................................................

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Introduction ..............................................................................................................

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Les filles et les études d’ingénieur ........................................................................

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Énergie – la puissance féminine ............................................................................

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Électronique – fortes en courant faible .................................................................

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Télécom – les femmes de réseaux .........................................................................

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Conseil – laissez-vous guider ..................................................................................

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Informatique – la logique féminine .......................................................................

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Finance – des femmes d’affaires ............................................................................

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Transport – en voyage avec Elles ...........................................................................

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Aéronautique – des ailes pour Elles ......................................................................

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Défense – le choix des armes .................................................................................

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Recherche – la créativité au féminin .....................................................................

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L’évolution des mentalités ......................................................................................

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Conclusion ................................................................................................................

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ingénieur, un métier pour les filles

Annexes Annexe 1 – L’organisation des études au fil du temps ........................................

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Annexe 2 – Chanson écrite pour les femmes Supélec de la promo 48 .............

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Annexe 3 – L’association des anciens élèves & Supélec au Féminin ................

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Annexe 4 – La Mission parité du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ...............................................................................................

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Annexe 5 – L’association française Femmes Ingénieurs www.femmes-ingenieurs.org ..........................................................................

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Remerciements ......................................................................................................

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Avant-propos par Supélec Au Féminin

Un anniversaire de 90 ans, cela se fête, mais pourquoi écrire un livre ? La plupart des femmes ingénieurs Supélec en activité exerce un métier en rapport avec leurs études ; or elles notent qu’il est très difficile d’expliquer de manière simple ce qu’est le métier d’ingénieur tant le nombre de facettes est important. Elles travaillent, en effet, dans la plupart des secteurs de l’économie et des services publics, dans des métiers d’études, de production, de vente et de direction, en France et à l’international. Afin de donner au lecteur un échantillon de ce que sont ces métiers d’ingénieur, le cœur de ce livre consacre un chapitre à chaque secteur où un nombre significatif de femmes Supélec œuvre au quotidien. Le lecteur a ainsi le loisir de composer librement son parcours, au gré de ses centres d’intérêt. Articulé selon une trame identique, chaque chapitre précise les caractéristiques et enjeux du secteur pour les ingénieurs, et relate des témoignages issus de situations professionnelles vécues par les femmes ingénieurs Supélec. Quelques entreprises en soutien à ce projet témoignent sur leur politique vis-à-vis des femmes. Aux chapitres sectoriels s’ajoutent des chapitres plus généraux consacrés aux jeunes femmes durant leurs études d’ingénieures et à l’évolution des mentalités vis-à-vis des femmes ingénieurs. 9

ingénieur, un métier pour les filles

Volontairement non technique afin de permettre à toutes et tous de le lire avec facilité, de partager des réflexions au sein des cercles familiaux, amicaux et professionnels, ce livre est le reflet de la vraie vie de femmes ingénieurs passionnées.

Préface

En 1917, deux jeunes femmes forçaient les portes de l’École supérieure d’électricité, future Supélec, et obtenaient un an plus tard leur diplôme d’ingénieur. Premières Françaises avec ce titre, elles faisaient mentir les membres du jury qui avaient mis en doute la capacité physique des femmes à mener une activité intellectuelle. En ce XXIe siècle commençant, on pourrait croire la question tranchée, prêtant à sourire, tant les parcours d’ingénieurs féminins sont devenus à ce point réalité. L’heure n’est cependant pas au bilan car les métiers d’ingénieurs sont encore trop souvent perçus comme des métiers d’homme au sein desquels les femmes restent marginales et marginalisées. Si le chemin parcouru est immense, la situation actuelle demeure insuffisante et les perspectives d’avenir restent encore largement à construire. En effet, l’intégration des carrières féminines parmi les carrières masculines reste un processus inachevé comme le montrent les études sur la place qu’occupent les femmes dans les conseils d’administration des grandes entreprises, et comme le révèlent aussi les inégalités de salaires versés aux femmes par rapport à leurs collègues masculins. Cet état de fait est aggravé par l’impact de la maternité sur les carrières de nos talents et forces féminines, dont les profils peuvent parfois être « black-listés » dans les fichiers de hauts potentiels quand elles sont enceintes. Le combat pour la mixité n’est donc pas encore gagné à tous les niveaux ! 11

ingénieur, un métier pour les filles

Je ne souhaiterais pas devoir rappeler ici l’évidence, quant aux compétences des femmes à exceller dans les domaines qu’elles choisissent d’investir, ni combien la maternité ne rend ni moins capables, ni moins volontaires les femmes qui la vivent. Elles subissent néanmoins chaque jour de leur vie professionnelle des préjugés nuisibles qu’elles se doivent de dépasser, comme un ultime effort pour prouver leurs compétences. On peut plus largement transposer ce combat à celui à mener contre la difficulté de notre société à inclure, dans son habilité malheureuse à compartimenter. On observe trop souvent encore des niches de classe, d’ordre, de sexe dans des domaines qui auraient fort à gagner à faire fructifier la mixité sociale et culturelle. Cette compartimentation sociétale résulte le plus souvent d’un conservatisme, incroyablement mal fondé : l’absence d’ouverture d’esprit, de curiosité, la frilosité quant au changement mènent encore trop souvent à un protectionnisme stérile. Chacun sait pourtant que les sociétés qui intègrent et bâtissent « avec » sont par essence plus créatives, plus toniques, plus à même de relever les défis et challenges de notre monde, et plus sûrement capables de se projeter dans celui de demain. Innover, c’est inclure, synthétiser et exploiter dans la diversité et dans la complémentarité. Il me semble important de dire combien je crois plus que jamais à l’addition des talents et des inspirations, combien je crois à la valeur de la combinaison, à la valeur ajoutée résultant de nos différences, et de façon plus générale, au talent qui consiste à savoir construire ensemble. Créer, développer, fabriquer, être ingénieur de sa vie et de notre monde, c’est aussi savoir se construire à soi-même un parcours riche et orienté. C’est la somme de ces parcours et de ces individualités qui fait évoluer notre société, et qui, pour revenir à ce recueil, réalise la féminisation des hautes responsabilités au sein de nos entreprises, de nos organismes, et plus largement contribue à la performance. Je crois en la force de ces exemples, à la preuve par la ténacité et par la créativité. Notre responsabilité collective est donc claire : l’audace s’impose car la fortune sourit aux audacieuses, telles que celles qui, il y a 90 ans, contribuaient par leurs actes à ouvrir un siècle de conquête féminine ; celles auxquelles ce livre rend un vibrant hommage.

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préface

Gageons que ces portraits de femmes exemplaires inspirent beaucoup de nos enfants, de nos élèves et de nos étudiantes, et qu’ils fassent naître des vocations en grand nombre. Il n’est pas, pour une école de renom comme Supélec, plus belle manière de fêter quatre-vingt dix ans d’ouverture aux femmes.

VALÉRIE PECRESSE Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche

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Introduction par Alain Bravo, Directeur Général de Supélec Cécile Hardebolle, chargée de mission « femme ingénieur »

Supélec, créée en 1894, est en France la Grande École de référence dans les sciences de l’information, de l’énergie et des systèmes. En 1918, la société occidentale avait à affronter les défis de sa reconstruction au sortir du premier conflit mondial du XXe siècle, au cours duquel de nombreuses femmes avaient pour la première fois assuré le fonctionnement de la société civile. C’est dans ce contexte que la formation dispensée à Supélec en électrotechnique et en radioélectricité apparût suffisamment attractive à des jeunes filles pour que de premières élèves prennent l’initiative, avant-gardiste, de créer la lignée des ingénieurs Supélec au féminin ! Nul doute que leur décision trouvait une origine dans l’attrait des immenses possibilités de ces deux nouvelles technologies, mais nul doute également qu’elle se fondait aussi sur leur confiance dans les progrès économiques et humains qu’elles apporteraient à la France. Puisque, dans cet ouvrage, il s’agit de fêter un anniversaire de 90 ans, empruntons à l’histoire la voie Électricité pour remonter un peu plus loin. En effet, avec la révolution industrielle – à partir de 1851 à Londres et de 1855 à Paris – se sont succédées dans le monde des expositions universelles offrant à tous les pays à tour de rôle l’occasion d’être, pendant quelques 15

ingénieur, un métier pour les filles

semaines, le centre du monde et l’organisateur d’une compétition hautement symbolique. C’est à l’Exposition de 1878, dite à la gloire des nouvelles technologies 1, que « au palais du Champ-de-Mars le public découvre pour la première fois que l’électricité produit de la lumière grâce à la bougie électrique (la première ampoule) du Russe Jablokoff ». À l’Exposition de 1889, qui voit le triomphe du fer avec la tour Eiffel et le palais des Machines, « contrairement à ce qui s’est fait en 1878, le Champs-de-Mars et ses annexes seront ouverts le soir et éclairés à l’électricité ». L’auteur de ces lignes, P. Legrand 2, conclut son article par ce propos : « L’exposition de 1889 est née en effet d’une pensée sincèrement pacifique ». Pour l’anecdote, signe de l’image de modernité associée à l’électricité, dans le cadre également de cette Exposition de 1889 qui, rappelons-le, a lieu 11 ans avant le début de l’art nouveau du métropolitain, « à 22 ans Hector Guimard accède à la notoriété avec un petit kiosque néo-gothique, hirsute et coloré, orné de faïence et d’oriflammes, au titre ambitieux de pavillon de l’Électricité ! 3 ». À l’Exposition de 1900, surnommée la fête foraine, « le palais de l’Électricité, construit en partie avec des éléments du palais du Champ-de-Mars de 1889, est surmonté d’une étoile lumineuse sur laquelle la fée Électricité, une statue de 6,50 mètres de haut, se dresse debout sur un char, brandissant un flambeau qui éclaire la nuit de ses 50 000 volts. L’illumination de cette étoile et du château d’eau situé en façade a nécessité 7 200 lampes à incandescence et 17 lampes à arc » (Sylvain Ageorges). Continuant à déployer ses bienfaits, à nouveau en 1937, la Fée Électricité est plus présente que jamais : « au cœur du palais de l’Électricité construit pour l’Exposition internationale des Arts et des Métiers, la Fée Électricité de Raoul Dufy consacre le triomphe de l’action culturelle de la Compagnie parisienne de distribution d’électricité. Après Man Ray et Jean Carlu, ce sont en effet Raoul Dufy, Robert Mallet-Stevens, Jean Tedesco et Paul Grimault qui puisent dans l’électricité les ferments de leur inspiration créatrice. Les féeries nocturnes, spectacle traditionnel des grandes expositions depuis la fin du XIXe siècle, ne peuvent faire oublier l’apparition de nouveaux thèmes 1. Sylvain Ageorges – Sur les traces des Expositions Universelles – 2006. 2. La Science Illustrée – Tome Troisième – 1889 – premier semestre. 3. Jean-Pierre Lyonnet et al. – Guimard Perdu – 2003.

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introduction

centrés sur les usagers : le “rôle social de la lumière” n’est pas seulement une rhétorique inspirée du Front populaire, mais bien le témoin du passage de l’électricité de l’espace public à la sphère domestique 4. » Il est tentant de penser que la diversité, la richesse et la reconnaissance des applications industrielles, sociétales et artistiques des sciences et technologies enseignées à Supélec a fortement contribué à l’entrée de jeunes filles à l’École. En 2008, 90 ans plus tard, les challenges scientifiques et technologiques, et les études qui doivent y préparer ont-ils toujours le même attrait et font-ils appel aux mêmes valeurs d’utilité sociale, de progrès humain, et de créativité ?

4. Cécile Buffat – La fée Électricité et le Mécénat électrique – Annales historiques de l’électricité – nº 4 – novembre 2006.

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ingénieur, un métier pour les filles

En 2008, les enseignements et la recherche de Supélec portent sur l’automatique, l’électromagnétisme, l’électronique et le traitement du signal, l’informatique, les télécommunications, les systèmes d’énergie. En 2008, dans de nombreuses régions du monde, le développement d’infrastructures de base comme les réseaux d’énergie et de communications reste encore à faire, et les besoins élémentaires à satisfaire restent prioritaires. En 2008, en France et dans les pays occidentaux, la part de la production intérieure brute créée par l’industrie est inférieure à 20 % et celle produite par le secteur tertiaire, dépasse 50 % : il est de plus en plus question de l’émergence d’une société de la connaissance et d’une économie numérique qui est encore à comprendre, organiser et piloter, et à laquelle il faut donner un visage humain. Mais au-delà de ces dimensions régionales, le développement humain est désormais de plus en plus caractérisé par une croissance démographique soutenue, par un niveau élevé d’efficience technologique et par un besoin planétaire émergent d’actions collectives. Ces évolutions posent des défis d’ingénierie immédiats et aigus en matière d’alimentation, de traitement de l’eau, de ressources minérales et minières, de soins médicaux, de sécurité collective et individuelle, de ressources énergétiques et de transports propres, de processus industriels, de qualité de la vie, de développement durable… À ces défis, il ne faut pas oublier d’ajouter celui de la convergence quotidienne de la sécurité intérieure et de la Défense, qui, au travers de la multiplication de systèmes d’alerte et de contrôle, se retrouve dans des applications civiles telles que par exemple la sécurité routière, la sécurité des bâtiments, la sécurité contre les aléas climatiques. Au cœur de ces formulations très générales, les problèmes à traiter ont une intensité technologique toujours aussi importante, voire accrue du fait de la complexité des systèmes : l’ingénierie des solutions à mettre en place à des échelles peu pratiquées à ce jour sera déterminante. Comme le souligne Hugues de Jouvenel 5, les technologies modernes sont radicalement différentes des technologies des générations

5. La recherche et l’innovation à la lumière de la prospective – FutuRIS 2007.

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introduction

précédentes dans la mesure où il s’agit de technologies génériques : à la différence, en effet, de la machine à tisser ou de la machine à écrire d’hier qui avaient en commun d’être dédiées à un usage unique, un micro-ordinateur, par exemple, ne sert à rien du tout. En revanche, on peut greffer sur ce micro-ordinateur d’innombrables logiciels qui permettront d’en faire de multiples usages. Ce sont par ailleurs des technologies combinatoires, comme le montre la combinaison informatique-télécom débouchant sur ce qu’on appelait hier la télématique et aujourd’hui les « autoroutes de l’information », ou encore la combinaison informatique-biologie, elle-même débouchant sur la biotechnologie qui, sans doute, jouera un rôle moteur dans l’essor de matériaux nouveaux qui, à leur tour, viendront peut-être donner une nouvelle impulsion aux technologies numériques, par exemple, en remplaçant le silicium (qui, par les effets de chaleur, limitera à terme les performances des microprocesseurs) par des matériaux nouveaux à base végétale. Du fait de leur caractère générique et combinatoire, ces technologies sont éminemment diffusantes ou contagieuses. Les métiers exercés par les ingénieurs du XXIe siècle vont donc avoir la double dimension de s’inscrire dans une transdisciplinarité de plus en plus large et de concourir à la résolution de problèmes de plus en plus vastes. Pour s’en convaincre, il suffit de lire le numéro de mai 2008 de la publication européenne « research*eu results supplement » dans les disciplines Biologie et Médecine, et Technologies de l’information et Télécommunications, qui présente les projets suivants : – « Implémentations matérielles de réseaux de neurones reprogrammables » (utilisation de connaissances sur les matériaux semi-conducteurs pour la réalisation de réseaux de neurones artificiels permettant à des machines de prendre des décisions en s’appuyant sur leur perception d’une situation) ; – « Technologie à base d’objets quantiques sophistiqués » (application de connaissances du domaine de la physique quantique à la conception de nouveaux composants sur des matériaux semi-conducteurs) ; – « Détection et analyse en temps réel de micro-embolies cérébrales par des méthodes non invasives » (utilisation de techniques à base d’ultrasons et d’imagerie numérique pour l’évaluation qualitative et quantitative du système d’irrigation sanguin du cerveau pour la prévention des embolies cérébrales) ; 19

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– « Vers le stockage optimal d’information » (application de connaissances sur les mécanismes de mémorisation d’information via les synapses du cerveau humain au stockage informatique de données). Dans ce contexte, de nombreuses voix s’élèvent pour affirmer que l’innovation devient le facteur essentiel pour la compétitivité des entreprises, pour la croissance de long terme et pour la création de richesse. Si, avec André-Yves Portnoff (Futuribles), je retiens que « l’innovation est l’application d’une idée conduite jusqu’à son exploitation effective dans la société » et que cette utilisation peut être commerciale, sociale ou politique, il n’y a pas en soi de novation car telle a bien été la fonction des ingénieurs depuis la création des Grandes Écoles. Si le concept est de plus à étendre à l’écosystème mondial, alors les valeurs d’humanisme, d’utilité au monde et de solidarité émergent et sont de nature à mobiliser les nouvelles générations de jeunes filles et de jeunes hommes qui veulent avoir le pouvoir de changer les tendances lourdes, et qui pour ce faire veulent se doter d’un bagage scientifique d’excellence. Supélec est convaincue que ce sont là les grands enjeux du XXIe siècle et, dans la continuité de ce qui a fait sa culture depuis son origine, elle s’adapte sans relâche pour former les ingénieurs de haut niveau, entrepreneurs, innovateurs, projetés dans le monde, qui peuvent assumer des responsabilités de leaders. Les témoignages qui composent ce livre « 90 ans de Supélec au féminin » en apportent la preuve.

Les filles et les études d’ingénieur

Tout le monde s’accorde à dire que les filles sont de bonnes élèves, assidues et très travailleuses dès leur entrée en scolarité. Si elles représentent encore près de 50 % dans les classes de terminales scientifiques, elles ne sont globalement plus que 20 % dans les classes préparatoires aux grandes écoles d’ingénieurs.

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ingénieur, un métier pour les filles

L’évolution des effectifs féminins à Supélec Le graphique ci-après montre les effectifs de femmes à Supélec entre 1918 et 2008. Jusque dans les années 1975, le nombre oscille pour chaque promotion entre 0 et 10 femmes suivant les années. Depuis 1975, la progression est presque quasi constante pour atteindre environ 20 % de l’effectif total, ce qui correspond à la proportion de femmes dans les classes supérieures scientifiques.

L’orientation des études Il est très difficile pour une jeune fille à la recherche de son orientation de se représenter ce qu’est un ingénieur. Ce qui ne facilite pas un choix volontaire et très arrêté de ce type d’étude. La plupart des Supélec se sont engagées sur cette voie car elles étaient des passionnées de maths ou de physique, ou parce que leurs parents (ingénieurs aussi) les ont poussées dans ces études et elles ont choisi Supélec tout simplement parce que c’était l’école la mieux cotée. « J’adorais la philo et l’anglais mais je n’avais pas d’idée précise de job associé et, poussée par mes parents, j’ai fait une année de math sup (sans engagement, m’ont-ils certifié). Je me suis prise au jeu et j’ai continué. » 22

les filles et les études d’ingénieur

« Jusqu’en terminale, je voulais être chirurgien. Mon père m’a finalement convaincue de tenter une prépa pour être ingénieur car les études étaient plus courtes. » « Un rêve d’enfant, devenir véterinaire. Au lycée je n’ai pas assez confiance en moi pour tenter une carrière médicale, la peur de se tromper. Avec un métier technique, si je me trompe, il y a moins de risques (ce n’est pas toujours vrai !!). » « Comment je suis devenue ingénieur ? En faisant des « potions magiques » à base de fruits écrasés et d’herbes du jardin coupés finement, le tout mélangé dans une bouteille de ketchup. Je voulais être ingénieur chimiste. J’avais 8 ans. » « Ma plus grande motivation scolaire était l’envie de réussir et de prouver que je pouvais y arriver. De plus, étant la première ingénieur de ma famille, une certaine fierté est certainement inconsciemment venue s’y greffer. » « Je suis assez naturellement devenue ingénieur car j’ai toujours aimé les sciences mais surtout lorsqu’elles me permettaient de comprendre un phénomène naturel : comment se font les aurores boréales ? Comment les cigognes retrouvent toujours leur chemin lors de leurs migrations ? … Plus tard j’appréciais qu’on m’explique comment les machines ou autres inventions humaines avaient été trouvées. De là, il ne restait plus qu’un pas pour que je veuille devenir ingénieur… » « Comme j’étais douée en maths au lycée, j’ai naturellement suivi les classes de Math Sup et Math Spé. Ensuite, le choix de Supélec s’est imposé lorsque j’y ai passé les oraux durant les concours : l’école répondait à mes aspirations quant aux domaines couverts, avec une image sympathique et dynamique, enfin le campus parisien répondait à mes souhaits d’autonomie et de confort, le tout dans un cadre vert. » « Je suis Espagnole, j’ai rejoint Supélec en deuxième année dans le cadre d’un double diplôme avec mon université en Espagne. Les accords entre les deux écoles sont forts et c’est pourquoi j’ai choisi Supélec. Les étudiants dans le cadre de ces échanges étaient assez nombreux et de tous pays, Espagne bien sûr, Chine, Maroc … Le campus de Rennes étant plus petit, la convivialité était le maître mot. Le campus de Gif, lui, était plus vivant du fait du nombre important d’étudiants. Après Supélec, je suis partie en Angleterre pour suivre des cours de finance avant de revenir à Paris pour démarrer ma carrière professionnelle. Bien sûr, je pense un jour retourner en Espagne. » 23

ingénieur, un métier pour les filles

« Au moment de choisir mon orientation scolaire suite à mon bac, je ne savais pas vers quel métier me tourner. Du fait de facilités scolaires, notamment scientifiques, je me suis naturellement dirigée vers une classe prépa sans grande conviction. Ayant toujours eu un goût pour la lecture (mais pas de facilité particulière dans ce domaine…), je me suis toujours dit que la culture littéraire serait plus facile à apprendre “seule”, en lisant, que la culture scientifique. Il est vrai qu’il est plus aisé de lire un livre de temps en temps que de se plonger dans des théorèmes mathématiques complexes du jour au lendemain sans bagage. Au départ, je me disais “si jamais c’est trop dur, je pourrais toujours retourner à la fac” – au moins, je pourrais dire que j’ai essayé. Finalement, je suis restée en prépa. Il est vrai que le parcours n’a pas toujours été simple, qu’il faut s’accrocher. Mais je me rends compte que cette période de ma vie a sûrement été celle pendant laquelle la stimulation intellectuelle a été la plus grande. En effet, même s’il est difficile d’appréhender l’intérêt de cette mise sous pression, la mécanique de raisonnement qui est mise en place pendant cette période est relativement impressionnante. » Les conditions n’ont pas toujours aussi favorables qu’elles le sont aujourd’hui. Dans les années 1940, les classes prépa n’étaient pas toutes mixtes, et bien souvent les réfectoires n’étaient pas autorisés aux filles qui devaient alors aller dans une autre école tous les jours pour prendre leur repas. Les femmes qui s’aventuraient dans ces études étaient victimes de réflexions. « Tu as pris la place d’un garcon pour le concours », une phrase lancée par ses camarades à l’une d’entre elles pourtant reçue 25e sur 130 au concours en 1946. Ceux-ci visiblement voyaient d’un mauvais œil cette concurrence. De la discrimination positive ? Probablement la consigne était présente pour favoriser l’entrée des femmes (en particulier pour les admis sur titre), mais tous les examinateurs n’étaient pas convaincus du bien-fondé de la démarche. Plusieurs candidates ont été marquées lors de ces entretiens, par des propos qui les projetaient bien rapidement dans leurs foyers. À l’issue de l’entretien, – « Vous pouvez préparer vos valises, vous aurez votre diplôme et ferez ensuite une excellente maîtresse de maison. » 24

les filles et les études d’ingénieur

Ou – « Vous aurez votre diplôme et 3 enfants. » « Voulez-vous vraiment travailler à la fin de vos études ? » N’était-ce pas une façon de tester si ces jeunes filles réalisaient bien vers quelles études elles se dirigeaient et leur vraie motivation ?

« Une particularité très marquée de ce type d’études et des entreprises que j’ai rejointes ensuite a été le fait d’être entourée de garçons. Ce n’est ni positif ni négatif, mais un fait dont il faut être consciente, car si l’on n’aime pas les ambiances masculines, on peut avoir un peu du mal à y tenir. Dans mon cas, je l’ai très bien vécu et ça ne m’a posé aucun problème. »

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ingénieur, un métier pour les filles

Cette idée que les femmes ne devaient peut-être pas faire des études d’ingénieurs a perduré et même dans les rangs des élèves puisqu’en 1986, un éléve garcon dit à une élève fille dans la file qui les emmène au réfectoire : « mais pourquoi tu fais Supélec puisque tu vas garder tes enfants à la maison ? ». Enfin, force est de constater que beaucoup vont y trouver leur mari. Qui se ressemble, s’assemble !

Des filles qui réussissent très bien Passés les interrogations et les choix d’orientation, les études sont vécues avec satisfaction.

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les filles et les études d’ingénieur

« Autant la classe préparatoire est un moment “purement intellectuel” où la vie sociale tend vers son strict minimum, autant la tendance s’inverse à l’école : une vie sociale et associative riche en regard d’un rythme de travail beaucoup moins intense. Supélec a été pour moi l’occasion de m’investir dans la vie associative mais également de rencontrer des personnes intéressantes avec lesquelles j’ai pu tisser des liens de longue durée. » « Ma formation initiale d’ingénieur Supélec m’a permis d’acquérir des compétences qui facilitent mon évolution professionnelle : – une adaptation facile et rapide à différentes problématiques ; – une capacité d’analyse des problèmes aussi bien à des niveaux macro tout en conservant une approche détaillée. Par ailleurs, le goût du travail en équipe qui m’a été donné à Supélec me suit tout au long de mon évolution professionnelle et sera une composante majeure du choix de mes postes à venir. » « Au début des études d’ingénieur, on peut se poser plein de questions sur la pertinence d’avoir choisi de telles études, mais je vous rassure : les opportunités de travail en sortant sont presque infinies. » Pour preuve de réussite à l’École, lors de la remise des diplômes de la promotion 2007, sur les 18 options présentes à Supélec, sept filles ont reçu la distinction de major de leur option, soit un taux de 39 % pour une représentativité de 20 % . Mais que font ces messieurs !!! Elles racontent leurs premiers pas après leur diplôme ; voici leurs témoignages. « Comme un certain nombre de mes camarades de promotion, je suis devenue ingénieur Supélec “un peu par hasard”… Je n’avais pas d’idée précise sur ce que je souhaitais faire après la Terminale. J’ai donc suivi les conseils de mon entourage et suis allée en classe préparatoire. Heureusement que je ne savais pas ce qui m’attendait ! Pendant ces deux années, j’ai travaillé comme jamais je ne pensais travailler, comme tous ceux qui sont passés par cette filière. Je ne regrette absolument pas ce choix, ayant énormément appris au cours de cette période. Étant toujours aussi indécise à la fin de la Spé (i.e. deuxième année des classes préparatoires), j’ai choisi d’intégrer l’école de laquelle j’étais le plus éloignée en termes de goût et de connaissances, afin de “m’ouvrir l’esprit”. C’est donc ainsi que je suis arrivée à Supélec… 27

ingénieur, un métier pour les filles

Je ne peux pas dire que j’avais de sérieuses raisons pour choisir des études d’ingénieur plutôt que d’autres, avant d’entrer à Supélec. Cependant, au cours des trois années d’enseignement, grâce aux divers projets scolaires que j’y ai menés, grâce aux stages en laboratoire ou en entreprise, grâce aux associations, j’ai compris que j’avais choisi la voie qui me correspondait. Je dirais que la motivation est venue en vivant l’expérience. Ne me demandez pas de définir ce qu’est le poste d’ingénieur, j’en suis toujours incapable. Par contre, je sais que j’ai énormément appris en termes d’organisation du travail, de gestion des priorités, de planification, de transmission d’informations, plus encore je crois qu’en termes de connaissances scientifiques. J’ai eu envie par la suite de mettre à profit tous ces acquis dans d’autres domaines que l’ingénierie. J’ai pu constater la polyvalence de ces compétences tant dans le milieu de la maintenance que celui de la vente… Désireuse cependant de revenir à mes premiers amours (la physique appliquée), j’ai décidé après cela de m’orienter vers une thèse. J’ai choisi de la faire au Mexique, toujours pour tester la faculté d’adaptation que j’ai acquise grâce à Supélec. J’y suis donc actuellement et m’apprête à découvrir les joies de l’émission en lumière blanche grâce à la nanostructuration de puits quantiques. Les études d’ingénieur, quelles qu’elles soient, sont des études très riches à tous les niveaux et il faut savoir recevoir tout ce qui nous est offert pendant ces trois années. Je crois que beaucoup ont découvert leur vocation au cours de ces trois ans. Je souhaite à tous les prochains et les prochaines Supélec de vivre une aussi bonne expérience ! »

« Je n’ai jamais spécialement envisagé de devenir ingénieure. Mon orientation a été liée à mon attrait pour les matières scientifiques. Après deux ans à l’université, j’ai eu l’opportunité de postuler à Supélec. À ce moment, j’ai choisi Supélec pour sa formation généraliste et pour la diversité des postes à la sortie. J’ai opté pour une spécialisation en automatique, par goût des maths. Durant cette troisième année, j’ai suivi en parallèle un master de recherche, très théorique. Ensuite, toujours plus ou moins par hasard, je me suis portée candidate sur une thèse CIFRE. Je suis actuellement en première année de thèse dans le secteur automobile, je travaille sur la modélisation et la simulation pour le réseau de bord. Le réseau de bord alimente les différents automatismes de la voiture, ceux liés à la conduite comme ceux liés au confort. Mes recherches seront 28

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utilisées pour la gamme de véhicules électriques. Les connaissances acquises à l’école me servent beaucoup, plus en fait que ce que j’avais imaginé. Les stages réalisés lors de la formation à l’école ont également été très utiles. Je n’ai pas trop passé de temps à m’investir dans les associations, hors pratique sportive. Mon premier objectif a été de réussir les modules d’enseignement, ce qui nécessite un investissement important après un parcours universitaire. Les matières en option étaient dans mon cas une bonne ouverture hors sujets techniques. La thèse est aussi pour moi une bonne passerelle vers la vie en entreprise. Si j’ai l’opportunité de rester, je la saisirai. Il faudra pour cela que l’entreprise soit intéressée, que ma thèse se soit bien passée, et que le poste proposé me plaise. Dans mon parcours, être une femme a été un point positif. Cela m’a aidée car l’école et l’entreprise choisie recherchaient des femmes et ont examiné mon dossier avec attention. Dans l’équipe, les quelques plaisanteries sont bon enfant. Pour moi, il y a un vrai mouvement de fond vers des équipes mixtes. Je ne pense pas d’ailleurs qu’il y ait des métiers plus faciles pour un homme que pour une femme et inversement. Pour la suite, je souhaite concilier, après quelques années, vie familiale et professionnelle. Les exemples ne manquent pas autour de moi de femmes qui ont des responsabilités. »

« Par sa formation généraliste, tout en étant orientée vers les nouvelles technologies, Supélec s’est rapidement distinguée dans mon choix de parcours. En quelques mots, intégrer Supélec a été pour moi un gage de réussite, non seulement de par sa réputation fortement ancrée dans le paysage industriel, mais aussi et surtout par son réseau d’entreprises qui lui font confiance pour la formation d’ingénieurs qualifiés. C’est par ce réseau efficace que tout a commencé. J’ai entendu parler pour la première fois des possibilités de cogénération à partir de biomasse, en particulier dans les pays d’Asie du Sud-Est, à l’occasion d’une conférence sur l’Énergie laissant la parole à des anciens de l’École. Séduite par le charisme, la passion et la chaleur humaine que dégageait le chef de la future unité Bioénergies d’une grande entreprise du secteur de l’énergie lors de cette conférence, j’ai décidé de le contacter plus tard pour discuter de son métier et de l’activité qu’il était en train de développer. L’unité, qu’il a mise en place fin 2006 pour compléter l’offre “sans CO2”, fournit des centrales énergétiques “clé en main” de cogénération 29

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biomasse et biogaz. Son activité nécessite des interactions régulières avec les autres unités implantées en Allemagne, Inde, Chine et Brésil. J’ai eu la chance de pouvoir effectuer deux stages consécutifs au sein de l’unité française et j’ai naturellement souhaité continuer en tant qu’ingénieur diplômée dans cette même équipe, jeune et dynamique. À l’époque de mon premier stage, je représentais seule la gente féminine dans l’équipe française. Ainsi, à l’heure du déjeuner, les commentaires et les paris sur les matchs de foot de la coupe du monde de football avaient le monopole des discussions. Aujourd’hui, l’équipe française a doublé d’effectif, s’est un peu plus féminisée et nous comptons même une femme à la tête de l’équipe technique. Lorsque l’unité française comptait moins de dix personnes, mon n + 1 et mon n + 2 étaient tous les deux ingénieurs Supélec, et les collègues aimaient alors à parler de la “confrérie Supélec”. Cependant, pour beaucoup encore, Supélec ne forme que des ingénieurs électriciens. Je me dois alors d’assumer le titre d’ingénieur Supélec en m’efforçant de répondre aux questions de collègues particulièrement curieux sur des sujets tels que les protections dans les armoires électriques des centrales ou même le réseau électrique de leur maison. Pourtant, je préfère me présenter en tant qu’ingénieur à dominante énergie. Pour conclure, j’aimerais vous faire partager mon intérêt pour le biogaz sur lequel j’interviens en tant qu’ingénieur projet. Il est issu du traitement anaérobie des déchets et résidus venant de l’industrie et de l’agriculture. Parmi les valorisations les plus efficaces du biogaz produit, sa combustion dans des moteurs permet de générer d’une part la chaleur pour les besoins propres de l’exploitation, et d’autre part de vendre le surplus d’électricité au réseau. Les pays sont encore très inégaux devant le biogaz, et, mon entreprise essaie de sensibiliser les industriels et les agriculteurs à cette nouvelle solution de production d’énergie respectueuse de l’environnement. »

Énergie la puissance féminine

Enseigné depuis toujours à Supélec, le domaine de l’énergie doit-il être pour autant considéré comme un « vieillard » ? Sûrement pas et encore moins aujourd’hui qu’hier. Il n’est pas un jour sans que les gouvernants et dirigeants, les médias, les associations et les individus eux-mêmes n’échangent sur ce sujet sous des formes qui auraient souvent à gagner en clarté et en objectivité pour une bonne compréhension des enjeux qui s’attachent à ce domaine. Les actes et les choix politiques, les opinions et les volumes de contributions relatifs à l’énergie sont aujourd’hui nombreux, différents, complexes – voire contradictoires – dans leur expression ou leur prise en compte. De toute évidence, l’énergie est un des enjeux fondamentaux majeurs à considérer pour répondre aux attentes immédiates et futures de l’humanité, quelles que soient les formes de sociétés et d’activités considérées. L’énergie traitée hier comme un « obscur moteur du développement » est devenue un levier économique de premier plan du fait de l’augmentation des besoins énergétiques, des élargissements successifs et du remodelage des économies au plan mondial et de l’émergence des besoins de gigantesques pays au développement rapide. Ce domaine est aujourd’hui un sujet de préoccupation existentielle concernant in fine chaque individu.

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Hier, des choix technologiques structurants De longue date, le domaine de l’énergie a été marqué par ses liens étroits avec l’industrie et en a fait un puissant facteur de développement des sociétés modernes. Dans les années 1950, la création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier a eu un effet déterminant pour la relance de l’industrie et de l’économie européenne meurtrie par la Seconde Guerre mondiale. Dans les années 1970 en France, les « chocs pétroliers » imposés de l’extérieur ont fait adopter des choix énergétiques engageant sur le long terme. Ces exemples montrent clairement que l’énergie est un facteur déterminant pour la croissance de nos sociétés et combien il est important d’inscrire les choix et les objectifs qui s’y rapportent dans la durée. Au fil des années, les problèmes posés sont devenus plus complexes, plus sensibles, comme ceux liés à la sécurité des ressources énergétiques et à leur approvisionnement durable, l’efficacité de la mise en œuvre tout en limitant l’impact sur l’environnement. Bien que ces changements aient été perçus depuis de nombreuses années, l’opinion se focalise sur les questions de mise en œuvre, de maîtrise et d’économie des énergies ; tout ceci renforcé par les épisodes de crises qui se répètent depuis plusieurs dizaines d’années. Chacune de ces crises donne lieu à des prises de décisions, certaines parfois erratiques contribuant à faire douter, ou pire, à culpabiliser tout citoyen se sentant concerné par les problèmes posés et leurs possibles solutions.

Et demain ? La complexité des problèmes posés concerne tout autant l’explication et la formalisation des enjeux à traiter que la recherche des meilleures solutions possibles pour préparer durablement l’utilisation efficace des sources d’énergie connues ou nouvelles. Dans cette perspective, les sciences et les métiers de l’ingénieur seront de plus en plus sollicités pour participer à ce mouvement, en ayant recours à l’esprit créatif et novateur qui est une des qualités majeures des ingénieurs. Les domaines cibles des travaux de recherche et de développement sont ceux qui ont trait aux ressources et usages des combustibles fossiles, au développement de nouvelles générations de centrales nucléaires, de plus en 32

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plus sûres et permettant le traitement des déchets radioactifs à vie longue, aux dispositifs de limitations des émissions de CO2 et aux systèmes de séquestration de ce gaz, à l’évolution des motorisations des moyens de transport de toute nature, en particulier par un recours important à l’électricité ou à l’hydrogène. Les études prévisionnelles des besoins en énergie selon les usages envisagés, les recherches concernant les économies d’énergie, le développement des énergies renouvelables, la mise en œuvre de nouvelles sources d’énergie sont aussi des thèmes qui connaissent des développements importants. La formation des individus et leur sensibilisation aux questions relatives au recours à l’énergie, présentée comme un élément aussi vital que l’eau, l’air ou la lumière solaire, constitue également un sujet de développement important. Pour cela, une coopération étroite entre le monde des formateurs, des communicants et des scientifiques est à envisager pour préparer les esprits aux devoirs du « citoyen-utilisateur » de l’Énergie, en cherchant à éviter le caractère souvent « technico-rébarbatif » des concepts à traiter.

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Le rôle des ingénieurs dans le traitement de ces questions est essentiel pour montrer qu’il existe ou existera des solutions aux problèmes posés, solutions qui ne devraient pas brider la croissance ni être génératrices de crises graves. Contribuer à la recherche de solutions adaptées à ces situations constitue, aujourd’hui comme hier, une formidable opportunité pour les ingénieurs.

Témoignages d’ingénieures Supélec L’École Supérieure d’Électricité, ancêtre de Supélec, a été créée à l’initiative de la Société des Électriciens et Électroniciens. Le secteur de l’énergie a toujours accueilli beaucoup de Supélec. Traditionnellement masculin, les femmes y sont relativement nombreuses. Quelles sociétés leur ouvrent leurs portes ? Les opérateurs historiques d’électricité et de gaz bien sûr, mais aussi les groupes pétroliers, le nucléaire, les sociétés d’études et d’ingénierie des installations électriques.

Pourquoi choisir le secteur de l’énergie ? L’enseignement à Supélec donne de bonnes bases de connaissances par rapport aux compétences recherchées par les entreprises qui viennent y puiser leurs nouvelles recrues et pas seulement à la suite de stages. Les femmes ingénieurs recherchent à la fois un premier emploi s’inscrivant dans leurs préférences et aussi à rejoindre un grand groupe qui offre des perspectives d’évolution vers d’autres activités, d’autres fonctions y compris dans d’autres pays. Elles ont aussi une image de groupes où il est plus aisé de concilier une vie de famille et une carrière professionnelle que dans beaucoup d’autres entreprises. « J’ai eu l’opportunité de travailler sur des sujets très variés : du commerce à la distribution en passant par le nucléaire, aussi bien, sur des projets majeurs pour l’entreprise que sur des problématiques plus récurrentes. Les contacts que j’ai pu avoir m’ont permis de découvrir une multitude de compétences et de personnalités. Le rythme intense des missions m’a demandé une adaptation très rapide aux sujets traités ainsi qu’aux différentes personnalités côtoyées. 34

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De plus, l’entreprise m’a également permis de concilier un environnement professionnel très riche avec des étapes importantes dans ma vie privée (mariage et naissance). » « J’ai tout d’abord rejoint un cabinet d’audit. Les missions étaient trop courtes à mon goût, sans possibilité d’approfondir véritablement l’activité industrielle. Je suis maintenant à la direction de l’audit d’un groupe d’électricité. » « À la sortie de Supélec, j’étais guidée par la volonté d’entrer dans le monde de l’énergie et servir ainsi l’intérêt général, univers toujours passionnant. Les débats actuels sur l’énergie en sont bien la preuve ! » « Au sein des grands groupes du secteur de l’énergie, il est relativement aisé d’alterner les postes fonctionnels et opérationnels. C’est une grande chance car, après des responsabilités managériales très prenantes, il est parfois rafraîchissant de s’investir dans des projets ou activités d’études. » D’autres s’engagent dans ce secteur pour les aspects « terrain » qui y sont clairement très présents. « J’aimais essentiellement les mathématiques, ce qui m’a amenée à faire Math Sup. Ingénieur ou chercheur, c’était pour moi une façon d’utiliser l’abstraction que j’aimais particulièrement. Avec le temps, le concret m’a aussi attirée, en particulier je rêvais d’avoir un casque et d’être sur un chantier ! »

Une expérience dans des postes techniques facilite leur prise de responsabilités Les ingénieures Supélec s’orientent souvent assez naturellement vers des postes à dominante technique, que ce soit en recherche et développement, en informatique, en ingénierie, ou encore dans les activités opérationnelles. La France, leader dans ce domaine, met d’ailleurs les talents des ingénieurs français à la disposition d’autres pays, en particulier pour la construction des centrales de production d’énergie. « Mon activité sur le contrôle commande du système de surveillance des installations de la centrale consiste à pérenniser le matériel en réalisant soit des améliorations, soit des rénovations. » 35

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« Adjointe au chef du service d’automatismes, j’ai pour mission de préparer des arrêts de tranches de centrale nucléaire, d’une durée de 3-4 mois, pour le renouvellement de combustible et pour la maintenance. » « J’interviens dans le cadre d’un projet de réalisation de deux centrales nucléaires pour la Chine. Je suis responsable de la conception et de la réalisation de l’imagerie des écrans de la salle de commande, partie visible du logiciel de contrôle-commande et qui nécessite une bonne compréhension du processus pour en améliorer la surveillance. » Certaines ingénieures Supélec se voient alors confier, au bout de quelques années, des postes à responsabilité, impliquant par exemple l’encadrement de centaines ou milliers de collaborateurs, majoritairement masculins. « Mes plus belles expériences resteront celles de la conduite d’équipes. Donner du sens aux missions, faire partager des objectifs, accomplir des actions en commun, piloter le changement, représentent des tâches lourdes et prenantes mais ô combien stimulantes. » « Mon premier véritable test en matière de management se produit lorsque je prends la tête d’une division d’un centre de distribution d’électricité. 80 agents (tous masculins) découvrent pour la première fois le management au féminin. C’est un choc culturel pour eux comme pour moi ! J’apprends le métier de l’exploitation de réseau et … le dialogue, parfois musclé quand les mouvements sociaux se dessinent. » « En tant que directrice des sites de formation professionnelle, je pilote plus de 400 personnes réparties à travers toute la France et qui assurent des métiers aussi variés que la maintenance d’immeuble, la maintenance informatique, la PAO, l’accueil et l’hébergement des stagiaires… Pour développer le professionnalisme, je monte des réseaux par métier regroupant tous ceux qui exercent des activités similaires à des kilomètres les uns des autres. Chaque réseau est piloté par un cadre qui assure la diffusion des bonnes pratiques et facilite les échanges au sein du réseau… Grâce à cette méthode, la qualité des prestations s’accroît tout comme le dynamisme des équipes. » « Je dirige un service technique de 100 personnes dans une centrale nucléaire. Mon rôle est essentiellement axé vers le management humain avec des dossiers sensibles concernant la sécurité. Mon assistante veille minutieusement à mon emploi du temps ; j’assume ainsi cette responsabilité 36

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professionnelle et je peux aussi me consacrer à mes deux jeunes enfants, sans oublier mon activité sportive régulière. » « Je dirige la direction régionale de mon entreprise. J’ai sous mes ordres environ 1 000 personnes au siège et dans les unités d’exploitation de la région. Cela couvre les activités de maintenance et d’ingénierie de réseaux de transport d’électricité. Les membres de mon CODIR, à l’exclusion de la responsable RH, sont tous des hommes. Ce poste m’apporte beaucoup de satisfaction ; je suis consciente d’avoir réussi à percer ce fameux plafond de verre. »

Des atouts indéniables pour les affaires Certaines s’investissent dans des activités commerciales pour lesquelles elles s’appuient sur leur formation technique, même si elles déploient également d’autres qualités. « Je travaille actuellement au sein du projet de construction du terminal méthanier de Dunkerque, en tant qu’ingénieur commercial. C’est un vrai métier opérationnel dans une structure projet. » « J’assure actuellement un poste de développement de matériels électriques dans les secteurs Agroalimentaire, Pharmacie et Céramique. Mon travail regroupe les fonctions marketing et commerciale. Mes actions sont très diverses et je dispose de beaucoup d’autonomie pour innover dans le cadre de mes objectifs. J’organise notamment des journées techniques adressées à des collectivités, des voyages promotionnels avec des clients, des contrats de collaborations. Je réalise des guides spécifiques pour les secteurs qui me concernent. Je publie des articles techniques dans les revues spécialisées, ou sur le web… » « Les relations personnelles sont très importantes pour réaliser une vente. Il faut également être créative et travailler son image. La pensée structurée d’ingénieur imagine souvent que les choix d’achats sont plutôt techniques. Mais la réalité montre que la confiance entre les personnes ainsi que le besoin d’être soutenu et accompagné influent notablement dans la décision d’achat et le choix d’un fournisseur. » « Le fait d’être une femme dans le monde commercial a un certain impact, surtout quand il s’agit des services en électricité. Les clients ne sont pas habitués à recevoir des commerciaux femmes. Je suis incapable de 37

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savoir si cela a joué en ma faveur ou contre moi. J’ai l’impression qu’une fois passé les premières minutes de surprise du client, c’est le discours et les capacités à argumenter et à écouter, qui sont devenus importants plutôt que le sexe de l’interlocuteur. » Et elles y vivent des sensations fortes. « J’ai été particulièrement fière de mes deux gros projets gagnés en Syrie et en Tunisie. Je les ai signés et paraphés au nom de ma compagnie : un pour une trentaine de millions d’euros, et un d’une quarantaine. »

Le terrain, historiquement fait pour les hommes… Celles qui occupent des postes opérationnels de terrain initient, avec beaucoup de professionnalisme, l’évolution des mentalités et l’acceptation des femmes dans un milieu traditionnellement masculin. Cette évolution suit une pente positive, bien qu’il reste encore du chemin à parcourir. « Il y a encore quelques années, nos chantiers et en particulier les centrales de production étaient dépourvus de vestiaires et de sanitaires femmes ; pas toujours très pratique et assez révélateur de l’état d’esprit qui y régnait. » « Lors de mes déplacements sur le terrain, les opérationnels me voient arriver avec un mauvais œil car, sur le terrain, il est moins facile de gérer l’aspect “toilettes” et même le repas dans le restaurant routier habituel, avec une femme. Ils se sentent gênés mais ce n’est pas mon cas. » « Le management opérationnel dans le monde des hommes, cela ne s’apprend pas dans les livres, c’est de l’expérience et du vécu. » « Ma première prise de l’astreinte de direction (nda : il s’agit de la possibilité pour les opérateurs d’appeler, en dehors des heures et jours travaillés, un directeur pour une prise de décision ; ce directeur assure l’astreinte) quand j’ai décroché le téléphone, l’appelant (un homme bien sûr) a demandé à parler au monsieur d’astreinte. Je lui ai répondu que j’étais la personne d’astreinte pour prendre en compte son problème. Visiblement, il ne s’attendait pas du tout à cela. »

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… et dans des pays de culture différente Certaines ingénieures sont confrontées à des mentalités où l’image de la femme est bien loin de leurs références, ce qui ne les empêchent pas pour autant de s’affirmer. « À Dubaï, certains hommes ne voulaient pas serrer la main à une femme ni la regarder. Je tendais néanmoins systématiquement la main tout en sachant que parfois ils allaient me la refuser. » « Pour mon premier voyage en Iran, j’étais prévenue : il faut “cacher ses formes” par exemple avec un imperméable couvrant plus bas que le genou (“mais ne t’inquiète pas, tu pourras l’enlever à l’intérieur”). Malheureusement mon imperméable était doublé, donc chaud et il faisait plus de 30 ºC à l’ombre. J’ai dû le garder aussi à l’intérieur dans des locaux non climatisés. La première journée a été un enfer puis notre contact local m’a emmenée dans un magasin de “sur-robes”, où j’ai pu en acheter une “d’été” avec son conseil. “Surtout ne pas en prendre une qui soit au-dessus du genou”, même si dessous, évidemment, il y a un pantalon… » Si elles supportent stoïquement les conditions de vies rudimentaires des chantiers, elles n’y sont toutefois pas les bienvenues… « Pour ma première mission de quelques mois sur un chantier, à mon arrivée sur le site de la centrale thermique en Chine après 2 heures d’avion entre Chongqing et Hong Kong, et 1 h 30 de route d’un taxi qui ne parlait que chinois, il faisait nuit, 40 ºC et personne pour m’accueillir. Les employés de la guest house me lancent un formulaire à remplir (ils ne parlent que chinois, ce qui n’est pas mon cas) et me conduisent à une chambre très sale dans laquelle la climatisation n’était pas en marche. Dans la chambre, le téléphone sonne, c’est le chef de chantier : “tu as besoin que je vienne ?” Ce n’était plus vraiment la peine ! – “Alors rendezvous demain matin : prends le bus à 8 h 30 pour la centrale”. Après le rangement de mes affaires dans les placards, je finis la nuit toujours sans la climatisation qui refusait de s’enclencher, et sans bouteille d’eau potable. Le lendemain, le même chef de chantier, toujours aussi aimable, me demanda de changer de chambre : “tu comprends, on t’a donné la chambre de Marcel, qui est en vacances, il ne serait pas content à son retour…” »

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Mais, elles profitent aussi de quelques plaisirs. « En Syrie, je visitais des centrales thermiques. Le directeur d’une des centrales m’a reçue comme une “personnalité”, thé et gâteaux mais surtout il m’avait demandée de rester assise. Il faisait courir un de ses employés entre les archives et la photocopieuse dès que je demandais un document. En partant, un des employés m’a offert des roses de Damas cueillies dans le jardin de la centrale. »

Les chemins d’énergie ou comment construire son parcours professionnel Avec l’expérience, les ingénieures considèrent qu’il est important d’être soi-même et de se prendre en main pour avancer sur les chemins de la vie professionnelle. « Après trois ans au même poste, j’ai fait ce que certains pourraient appeler le grand saut : j’ai décidé de quitter Paris pour la province, de changer d’entreprise et de type de poste (abandon de l’aspect technique). Mon ancienne entreprise a tenté de me mettre en garde vis-à-vis de l’impossibilité d’un retour-arrière, tant en terme d’entreprise que de nature de poste et du manque d’intérêt de la province par rapport à Paris. J’ai maintenu ma décision. Et finalement, trois ans plus tard, cette même entreprise est revenue vers moi pour me proposer un poste en province… Il s’agit d’un poste à dominante technique qui m’intéresse beaucoup. Avec le recul, je suis pleinement satisfaite de mes décisions. Et je considère que, dans tout changement de poste (interne ou externe), il faut savoir reprendre les bases du métier et se remettre en cause. » « Au-delà de tous les bons conseils, il est important de poursuivre ses rêves et de gérer sa carrière au mieux. Il faut lire, s’informer, se confronter, discuter, s’enrichir en permanence et ne pas oublier ses propres convictions avant de prendre des décisions. » « Oser, être sûre de soi et de ses capacités ; ne pas négliger de cultiver les sympathies et d’entretenir un réseau de connaissances ; ne pas avoir peur de ne pas être appréciée par certains, c’est inévitable ; ne pas faire de différence homme/ femme et ne surtout pas se laisser entraîner dans ces logiques. » 40

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Propos d’une entreprise du secteur

Avec une présence industrielle dans 43 pays et un réseau commercial couvrant plus de 100 pays, AREVA propose à ses clients des solutions technologiques pour produire de l’énergie sans CO2 et acheminer l’électricité en toute fiabilité. Leader mondial de l’énergie nucléaire, le groupe est le seul acteur de ce marché à proposer une offre intégrée aux professionnels de l’énergie. Ses 71 000 collaborateurs s’engagent quotidiennement dans une démarche de progrès continu, mettant ainsi le développement durable au cœur de la stratégie industrielle du groupe. Les activités d’AREVA contribuent à répondre aux grands enjeux du XXIe siècle : permettre au plus grand nombre d’avoir accès à une énergie toujours plus propre, plus sûre, plus économique. Pour répondre à un fort développement international, AREVA doit attirer, développer et fidéliser tous les talents. La politique Diversité, exprimée dans la charte des valeurs du groupe, s’inscrit dans cette dynamique et répond aux enjeux d’anticipation de ses besoins en matière de recrutement, de gestion prévisionnelle des métiers et de mobilité. Elle apparaît comme un des piliers majeurs de la responsabilité sociale et sociétale d’AREVA. Trois thématiques sont aujourd’hui développées par le groupe : • l’égalité professionnelle femmes/hommes, • l’emploi des personnes en situation de handicap, • la diversité ethnique et culturelle. L’égalité professionnelle est portée comme pour les autres thématiques, par la présidente du directoire du groupe qui marque particulièrement son implication à travers sa présence chaque année au Women’s Forum.

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Une démarche de contractualisation des engagements AREVA a dès le départ formalisé ses engagements en privilégiant la pratique de la concertation avec les partenaires sociaux. Cette approche repose sur les principes d’honnêteté et de transparence, éléments importants de la collaboration étroite entre les responsables des ressources humaines, les partenaires sociaux et le management. Dans cet esprit, l’Accord européen en faveur de l’égalité des chances du 16 novembre 2006, signé entre la Direction et la Fédération européenne de la métallurgie, affirme dans son préambule que l’égalité professionnelle est un droit et que la mixité professionnelle est un facteur d’enrichissement collectif, de cohésion sociale et d’efficacité économique.

La diffusion des bonnes pratiques La démarche de progrès conduite par le groupe se base sur l’identification de bonnes pratiques, leur diffusion et les résultats qui en découlent. Quelques exemples sont mis en exergue sur les thèmes de : • Recrutement : – Promouvoir nos métiers auprès des collégiens et lycéens ; – Témoignages de femmes ingénieurs d’AREVA dans les écoles et les universités. D’après l’Observatoire des métiers d’AREVA, entre 2005 et 2007, la population féminine parmi les salariés du groupe en France a augmenté de 6,2 %. Plus particulièrement, à fin 2007, AREVA a recruté en France 35 % de femmes jeunes diplômées de niveau Bac + 5. • – – –

Évolution professionnelle/mobilité : Suivi du taux de promotion en France avec un objectif de parité ; Mentoring ; Attention particulière dans les processus de gestion de carrière.

• Formation : – Recours possible à la période de professionnalisation au retour d’une absence liée à la parentalité de plus de 6 mois afin d’accompagner l’évolution professionnelle et le développement des compétences.

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• Égalité de rémunération : – Enveloppe budgétaire spécifique pour réduire les écarts de rémunération éventuellement constatés entre les femmes et les hommes ; – Entretien au retour de congés de longue durée, révision du salaire (congé maternité, congé parental…). • L’accompagnement de la parentalité : – Crèches d’entreprises en France et en Allemagne ; – Conciergeries ; – Guide dédié aux managers pour les aider dans la conduite d’entretien avant/après congé parental. La démarche du groupe se trouve aujourd’hui renforcée par la mise en place, à l’initiative de salariés femmes comme hommes, du réseau « WE » (qui signifie « Nous, salariés d’AREVA ») qui facilite l’échange, le partage d’expérience et qui est surtout force de proposition pour faire progresser l’égalité professionnelle femmes/hommes dans le groupe. Les objectifs de ce réseau sont de contribuer concrètement aux changements en cours sur les questions de la diversité dans le groupe, participer au développement personnel des femmes du groupe, permettre aux salariés de tisser des relations et de partager des savoirs et des savoir-faire, et enfin promouvoir la conciliation vie professionnelle/vie privée. Ce réseau, force de proposition, a ainsi permis de fixer des objectifs chiffrés : – 50 % de femmes dans les recrutements à terme ; – 20 % de femmes dans les comités de direction ; – parité dans l’accès à la formation (même nombre d’heures moyen pour les hommes et les femmes).

Paroles de salariées Céline et Christelle n’aiment pas la routine, souhaitent du concret, de la technique, veulent se confronter au terrain et à la gestion de l’humain. Ces deux anciennes de Supélec sont respectivement responsable de département Telecom et responsable Sécurité-Qualité-Environnement. Elles ont appris au fur et à mesure des années à transmettre leur savoir et leurs compétences. Ont-elles pour autant ressenti à un moment donné, pendant 43

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leurs études ou durant leur parcours professionnel, de l’indifférence ou de la discrimination ? Absolument pas ! Elles ont fait leurs preuves, elles ont beaucoup donné. Ce qui fait la différence selon elles ? « Les valeurs morales et le courage ». Après chaque maternité, pour chacune d’elles, cela a été un moment de remise en question, un moment où les envies de carrière et d’évolution se font plus ressentir, où le besoin de changer et la soif d’apprendre se font plus présents. Malgré leurs postes à fortes responsabilités managériales, elles savent très bien gérer leur vie professionnelle et leur vie personnelle, en alternant déplacements à l’étranger et petits bonheurs de la vie familiale, tels que la rentrée des classes. Leurs conseils pour les futures promotions de femmes ingénieurs issues de Supélec à venir ? « S’ouvrir aux autres, ne pas rester uniquement dans son rôle, savoir sortir du cadre et surtout faire quelque chose qui plaît et motive tout au long de la carrière professionnelle. »

Électronique fortes en courant faible

Le secteur d’activité de l’électronique englobe toutes les activités d’étude, de conception, de fabrication et de vente des composants électroniques et de leurs applications comme l’informatique, la téléphonie, l’électronique grand public, l’électronique automobile, les cartes à puce… Les services rendus par l’électronique dans toutes nos activités, qu’elles soient professionnelles ou de loisirs, sont indéniables. Pourtant c’est un domaine dont les principaux enjeux sont peu connus du grand public.

Les débuts de l’électronique Ce secteur industriel a vu le jour avec le développement de la télégraphie sans fil juste après la première guerre mondiale. Les centres de recherche en électronique développaient des produits de communication et des calculateurs à des fins presque exclusivement militaires. L’évolution était lente et les produits électroniques très coûteux, ce n’était pas encore un marché de masse. Le formidable essor de l’électronique civile est principalement dû aux travaux d’un seul laboratoire de Bell Telephones. En 1947, les chercheurs, John Bardeen et Walter Brattain, ont observé une amplification de signal électrique appliqué à un cristal de germanium. William Shockley a exploité 45

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cette découverte pour en faire l’une des plus grandes inventions du XXe siècle : le transistor. Dès les années 1960, l’utilisation des transistors se généralise à la place des tubes électroniques pour les unités de calcul puis pour les mémoires des calculateurs. La production en grande série pour des produits grand public se développe très rapidement. Aujourd’hui, plus de 300 milliards de composants électroniques se vendent chaque année dans le monde.

Une miniaturisation exponentielle Le principal fondement de la croissance de ce secteur depuis ses origines est la miniaturisation permanente des fonctionnalités proposées par l’industrie du semi-conducteur qui conçoit et fabrique les composants électroniques. Selon la « loi de Moore », développée dans les années 1970, tous les deux ans, une révolution technologique permet d’intégrer encore plus de puissance de calcul et encore plus de mémoire sur une seule puce. Jamais démentie jusqu’à présent, elle se heurte aujourd’hui aux limites de la matière. Les composants les plus avancés, utilisés par exemple dans les processeurs pour consoles de jeu, sont faits de transistors ayant une largeur de grille nanométrique, plus de mille fois plus fine que le diamètre d’un cheveu. En intégrant plusieurs millions de portes logiques par mm2, la complexité des puces avoisinera bientôt celle du cerveau humain. Ces prouesses technologiques sont le résultat du travail de milliers d’ingénieurs du monde entier qui mettent en application les développements de la recherche fondamentale en physique des matériaux, en physique des plasmas, en optique, en statistiques, en thermodynamique, en informatique…

Les partenariats industriels : une nécessité absolue Les investissements de R & D nécessaires pour continuer la course à l’intégration se chiffrent en milliards d’euro et ne peuvent plus être supportés par des entreprises isolées. Pour rendre possible le développement des prochaines générations de puces, les concurrents européens, américains et asiatiques mutualisent leurs ressources et compétences dans de 46

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grands projets coopératifs. Ainsi ils développent en commun des briques technologiques et redeviennent concurrents voire partenaires pour la mise sur le marché des produits qui les utilisent. Ces alliances en tout genre, omniprésentes dans le secteur de l’électronique, en font un domaine dynamique et très international. Le dynamisme est aussi entretenu par l’accélération des cycles de vie des produits high-tech, produits de grande consommation par excellence. Ils sont soumis à la volatilité des effets de mode avec une influence grandissante des discours marketing qui s’appliquent à créer en permanence de nouveaux besoins. Le secteur est donc très concurrentiel, la compétition comme les marchés sont mondiaux. Cela demande aux entreprises de combiner une taille critique, nécessaire pour maîtriser la technologie, avec une flexibilité de start-up.

De belles perspectives pour les ingénieurs Les ingénieurs sont très prisés par ce secteur d’activité qui leur propose une grande diversité de postes et offre de belles perspectives de carrière dans toutes les fonctions de l’entreprise (R & D, conception, production, marketing/ventes, direction générale) en France et à l’étranger. L’expertise technique est bien valorisée et respectée. Cependant, il n’y a pas de parcours type pour les ingénieurs, à chacun de construire le sien en fonction de ses aspirations et des opportunités. D’après les derniers résultats de l’enquête du CNISF, près de 10 % des ingénieurs français travaillent dans l’électronique, dont seulement 10 % de femmes. Cette désaffection des femmes s’explique probablement par leur faible présence dans les formations spécialisées en électronique, principal vivier de recrutement des entreprises. Ce secteur finalement méconnu souffre d’une image de très grande technicité et serait réservé aux passionnés de la « bidouille » électronique.

Et demain ? Pendant quelques années encore, l’industrie électronique va probablement continuer de se développer et proposer à un rythme soutenu des produits multimédia communicants de plus en plus sophistiqués aux 47

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consommateurs. Les composants électroniques quant à eux se transformeront progressivement en des « System On Chip » c’est-à-dire qu’un système complet sera intégré en une seule puce. En parallèle la croissance du secteur sera alimentée par les innovations des nanotechnologies, notamment dans le domaine médical ou encore les MEMS, composants électromécaniques promis à un brillant avenir. Mais le secteur doit aussi relever le défi de sa survie en Europe et réagir à la désindustrialisation de nos pays, en particulier grâce à l’innovation apportée par la diversité des talents. Les témoignages qui suivent donnent un aperçu de la grande variété et richesse des carrières dans l’électronique. Les femmes qui s’y aventurent, parfois par un hasard de circonstances, se plaisent dans ce secteur d’activité et y trouvent leur voie.

Témoignages d’ingénieures Supélec Le secteur d’activité de l’électronique attire a priori les ingénieures qui aiment la technique et souhaitent évoluer dans un environnement professionnel de haute technologie, dynamique et exigeant. Un grand nombre de postes d’ingénieur sont spécifiques au secteur et évolutifs car les connaissances et outils utilisés sont loin d’être figés.

Concevoir un circuit électronique La conception de composants électroniques va de l’idée, exprimée en spécification de produit, à la génération des fichiers de données pour la production de masse des composants. Afin de garantir la conformité du produit final au cahier des charges, chacune des étapes de conception est pilotée par des ingénieurs experts en vérification. Les équipes de développement sont le plus souvent réparties sur plusieurs continents et très spécialisées. « J’ai démarré ma carrière en R & D par un poste de coordination et de support client sur des librairies de mémoires dédiées au design digital ; ce poste de coordination a été pour moi extrêmement enrichissant car pluriculturel (États-Unis, Inde et Italie) et très relationnel. » 48

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« J’occupais un poste de chef de projet de développement de composants électroniques, coordonnant les activités des différents membres de l’équipe basés aux États-Unis, en Asie et à Toulouse. Une de mes premières réunions projet au Japon a été particulièrement épique. En effet, lorsque que mes interlocuteurs japonais acquiesçaient, je pensais qu’ils allaient faire ce que je leur demandais alors qu’ils me signifiaient simplement qu’ils avaient compris ma question. »

Produire des circuits électroniques Lorsque le design du nouveau circuit est finalisé, des centaines d’étapes de procédé sont appliquées aux « wafers » de silicium. Des ingénieurs adaptent les équipements aux spécificités de chaque production dont le temps de cycle total est de quelques semaines. « Je suis en charge des étapes de gravure par plasma des grilles des transistors, particulièrement critique car cela conditionne directement les performances du circuit. Mon travail consiste à développer les recettes de fabrication (qui ressemblent finalement à des recettes de cuisine), à les qualifier en production, à améliorer les équipements avec les fournisseurs, à former les opérateurs et techniciens de maintenance. Dans la salle blanche, tout le monde doit revêtir une combinaison intégrale pour éviter tout risque de contamination des puces en cours de fabrication car la moindre poussière leur est fatale. Avec cet uniforme unisexe, les femmes passent inaperçues. » « Après beaucoup de théorie pendant mes études, je voulais enfin voir de près comment sont fabriquées les puces électroniques, rentrer dans les salles blanches. C’était une année faste pour le semi-conducteur, j’ai trouvé un premier emploi dans une unité de fabrication de puces DRAM, locomotive technologique dans les années 1990. J’ai beaucoup apprécié le milieu de la production, ses réunions matinales pour fixer les objectifs de la journée, les résolutions de crise et l’esprit d’équipe. » « Bien sûr, il y a des souvenirs amusants comme celui du premier jour où j’ai commis l’erreur d’arriver en jupe et ai enfilé, par-dessus, une tenue de “clean room”, tout en m’efforçant d’ignorer que la jupe remontait jusqu’à mes fesses sous la combinaison blanche. »

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Vendre des circuits électroniques Les fabricants de composants électroniques emploient majoritairement des ingénieurs dans les fonctions de vente et de marketing. Leur rôle se rapproche de celui d’un ingénieur d’affaires ; leurs interlocuteurs clients sont aussi ingénieurs. « Tout au long de ma carrière, j’ai privilégié les postes me permettant d’avoir des contacts professionnels variés. J’occupais un poste de vente de composants électroniques auprès de clients français du domaine des télécommunications. Les relations avec mon client principal pouvaient être très tendues lors des négociations de marché annuel, celui-ci ayant même été une fois jusqu’à refuser de nous recevoir jusqu’à ce qu’un problème de livraison soit résolu. »

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Les fonctions de marketing combinent intérêt technique par la définition de nouveaux produits et contacts clients sans les contraintes liées à la gestion de compte. « J’assurais un poste de marketing sur une gamme de composants discrets. Ce poste me permettait d’être impliquée dans la définition technique de nouveaux composants et d’entretenir des relations commerciales avec les clients européens. Il m’a permis de me familiariser avec les cultures des différents pays et d’apprendre par exemple que le mutisme total d’un client finlandais lors d’une présentation de produits n’était pas forcément un signe de désintérêt. Puis je suis passée du côté client en devenant responsable achats électroniques. Ce poste me permet de rencontrer les principaux fournisseurs et d’auditer certains de leurs sites. »

S’expatrier Vu l’importance des partenariats et la mondialisation des marchés, les grandes entreprises de l’électronique offrent de nombreuses perspectives à l’international, que ce soit pour des missions courtes ou pour vivre dans le pays. L’expatriation n’est plus un passage obligé pour des postes à responsabilité, ni une garantie de promotion au retour, mais reste une expérience enrichissante. « L’opportunité d’aller vivre et travailler au Japon se présenta pendant un projet de collaboration entre mon entreprise et une grosse compagnie japonaise. Il est vrai que, quelques semaines auparavant, le concept avait été discuté dans une réunion de mon groupe de développement et que, toute jeune ingénieur célibataire, j’avais spontanément annoncé ma candidature avec aplomb et enthousiasme. C’est quand je fus face à face avec le chef de projet me demandant d’y résider pendant cinq semaines que je réalisai que la plupart de mes collègues, ayant conjoints et enfants, n’étaient guère prêts à déserter leurs familles pour si longtemps. C’est encore bien plus tard que je compris que mon rôle principal pendant mon séjour était uniquement par ma présence de rappeler concrètement et quotidiennement à nos partenaires japonais combien ce projet était important pour notre entreprise. » « Je vivais à l’hôtel, dans une petite ville avec très peu de visiteurs étrangers, et prenais un taxi matin et soir pour me rendre sur mon lieu de 51

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travail, une chaîne de fabrication de composants électroniques, plantée au milieu de rizières. Chaque matin, je traversais l’usine, pleine d’ouvrières affairées en blouses, pour rejoindre mon bureau à l’autre bout du bâtiment. En guise de bureau, j’avais une table et une chaise au bout d’une rangée de bureaux bien alignés. Les 50-70 ingénieurs, tous masculins, partageaient une grande salle, et la disposition des bureaux reflétait exactement la structure hiérarchique. Le long du mur du fond et face au reste de la pièce s’asseyait le patron. Devant lui, aussi faisant face au reste de la pièce et sur une même ligne, se situaient les bureaux de ses sous-chefs, et chaque sous-chef réunissait son groupe, en deux rangées se faisant face à face, devant lui, avec les ingénieurs ayant le plus de séniorité le plus près de lui. Donc naturellement, j’étais installée le plus loin, pour effectuer cette mission de mesures sur un testeur de circuits intégrés à haut voltage. » « L’expérience était autrement différente de celle d’Amélie Nothomb dans “Stupeurs et tremblements”. Comme elle toutefois, j’étais décidément très “Gaijin”, ce qui veut dire “étranger” en japonais. Ne parlant pas la langue, je réussissais néanmoins à naviguer dans les transports publics nippons grâce à la sollicitude volontaire des voyageurs. Je garde le souvenir très net d’avoir vécu une expérience unique en tant que minorité, non seulement comme femme ingénieur mais aussi comme Européenne. » Les considérations géographiques sont également intéressantes. Contrairement à d’autres secteurs centrés sur la région parisienne, celui de l’électronique permet de travailler en province. En particulier la région grenobloise est un important centre d’innovation technologique du domaine et compte le rester, notamment grâce aux pôles de compétitivité. « Fana de montagne et de ski, j’ai privilégié la province et plus particulièrement la région grenobloise dans ma recherche d’emploi… Je ne pouvais rêver mieux… le site de mon entreprise, situé à Crolles sous la fameuse “dent”, fait face à la merveilleuse chaîne de Belledonne, idéal pour « une Grenobloise pure souche ! »

Faire ses preuves De par leur rareté, les femmes ingénieurs sont très visibles dans le secteur de l’électronique. Elles constatent qu’elles doivent démontrer leur 52

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compétence technique par rapport à leurs homologues masculins à chaque nouvelle prise de fonction. Ainsi les moindres détails sont relevés et amplifiés. « Cela faisait une petite année que je travaillais. Il y a eu une crise sur un calculateur électronique. J’ai pris des notes rapides, et ai écrit “la zic” pour “l’ASIC”. Cela a fait le tour de mon département. » « J’ai été la première femme cadre à être embauchée en Intégration de calculateurs électroniques. Les ouvriers et techniciens n’avaient pas l’habitude. J’ai donc beaucoup été testée. Cela va de celui qui m’a présenté une batterie de voiture et m’a demandé de la brancher devant lui pour voir “si je savais faire” au troupeau d’une dizaine de personnes qui ont arrêté de travailler pour venir me voir faire une soudure sur une carte électronique. J’étais tellement appliquée que je ne les ai pas entendus venir et j’ai sursauté en les voyant tous autour de moi. Une fois acceptée, ils ont été non seulement super sympas avec moi mais ils m’aidaient plus que mes homologues. » « Ma mission consistait à tester l’électronique dans les prototypes véhicule. J’ai été la première à coupler les tests à des ondes CEM tout en simulant un roulage. Au début, personne ne croyait en mes tests… Je démontrais que certains calculateurs étaient fragiles mais peu l’entendaient. Jusqu’au rappel de plusieurs centaines de milliers de véhicules déjà commercialisés pour ce défaut. Depuis, les tests que j’avais mis en place doivent être fait systématiquement avant le lancement d’un véhicule. » « Il est naturel de faire ses preuves au début de sa carrière, même si le diplôme de Supélec ouvre des portes dans la recherche du premier emploi et dans des succès professionnels rapides. Au début de ma carrière, je devais créer un ficher ASCII comportant des codes spéciaux afin d’identifier les pixels défectueux d’une tête d’imprimante électrostatique. Le fichier a marché du premier coup, mon chef en a été surpris et j’ai eu l’impression que mon statut en avait été immédiatement élevé. Dans le domaine technique, je crois que faire ses preuves fait simplement partie du jeu, que ce soit pour s’intégrer dans une nouvelle équipe, pour se voir confier les projets intéressants, ou pour se bâtir une bonne réputation et crédibilité au sein de l’entreprise. “Le monde est petit”. J’ai découvert que chaque nouvel emploi était l’occasion de faire ses preuves rapidement et continuellement. Cette compétition entre ingénieurs avait 53

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commencé avant l’intégration à Supélec, elle ne fait que continuer somme toute. »

Être une femme dans l’électronique : atout ou handicap ? La variété de postes d’ingénieurs et la taille du secteur de l’électronique permettent de changer assez facilement et régulièrement de poste pour enrichir ses compétences ou mieux concilier vie professionnelle et vie familiale. « Après trois années de coordination et malgré mon engouement pour ce type de poste, soucieuse d’accroître mes compétences techniques, j’ai choisi de rejoindre une division produit pour un poste de designer digital dans une équipe concevant un microprocesseur. Après avoir contribué à la conception d’un DSP et mis au monde un joli petit Alexis, j’ai souhaité retourner à mes premiers “amours” et faire de nouveau de la coordination. J’ai alors pris en charge un poste de “design leader” sur des produits de téléphonie mobile. Sur le plan personnel, un petit Mathieu est également venu tenir compagnie à Alexis. En 10 ans d’expérience dans la même entreprise, j’ai pu travailler dans trois domaines techniquement et humainement très différents et concilier avec succès vie professionnelle et familiale… Un beau challenge à mes yeux. » « J’ai pu faire évoluer mon métier en fonction de mes contraintes personnelles en venant sur Toulouse par exemple lors de la mutation de mon mari ou en passant sur des postes avec moins de déplacements fréquents quand j’ai eu des enfants. Lors de ces différents changements, mon diplôme m’a certainement ouvert des portes assez facilement. » Mais le plafond de verre est encore bien présent dans le secteur de l’électronique ; les choses évoluent et des femmes s’engagent, très motivées par des changements en profondeur dans leurs entreprises. « Depuis deux ans, je travaille avec le département Ressources Humaines sur le développement de la mixité au sein de mon entreprise et au sein des grandes entreprises de haute technologie en général. J’ai participé à l’organisation d’une conférence internationale de femmes ingénieurs et scientifiques qui a lieu tous les trois ans et s’est tenue en France cette année (ICWES). Il reste encore du chemin à parcourir au niveau du plafond de verre ! » 54

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« Un groupe de travail a été créé dans mon entreprise pour veiller au respect de l’égalité homme-femme dans l’accession aux postes à responsabilité et à l’équilibrage des salaires… On est sur la bonne voie ! »

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L’être humain est doté d’une capacité de communication supérieure à celle des autres êtres vivants sur cette planète, à savoir la parole et depuis toujours il l’utilise au mieux. Mais les télécoms ne se réduisent pas uniquement à la téléphonie ; une part importante est la transmission de données. Ces deux marchés initialement scindés sont en cours de fusion avec les offres convergentes liées à l’essor d’Internet.

Le téléphone, la Data et Internet Le téléphone a été exploité commercialement en France dès 1879 et la téléphonie mobile a pris son essor dans les années 1980. Depuis 2001, le nombre de téléphones mobiles dépasse celui des lignes fixes. En 2007, la France dénombrait 55,4 millions de mobiles ! Les transmissions de données par l’intermédiaire du télégraphe datent de la fin du XIXe siècle. Aujourd’hui, elles s’effectuent via de multiples supports : câble, fibre optique, radio, liaison satellite… Internet est le réseau public mondial utilisant le protocole de communication IP (Internet Protocol). Communément confondu avec une de ses applications majeures, le Web, Internet est aussi le support d’autres applications telles que le courrier électronique et la messagerie instantanée. 57

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Un secteur normé et réglementé L’interopérabilité entre équipements ou systèmes différents à travers le monde pour pouvoir communiquer nécessite des standards et des protocoles de télécommunications précis qui évoluent en fonction des progrès technologiques et des besoins des utilisateurs. Pour les néophytes du secteur, ces normes et protocoles ne sont que des sigles (ADSL, GSM, WAP, GPRS, EDGE, UMTS…), la plupart du temps de signification anglaise et même, de significations différentes dans le temps !

Un secteur fortement lié aux changements culturels et sociétaux Nous avons besoin de communiquer, que cela soit dans la sphère privée entre famille et amis, ou professionnellement ou tout simplement pour être informé de l’actualité. Ce besoin de communication et les possibilités ouvertes par les technologies dans ce domaine accompagnent et même suscitent l’évolution des sociétés et les événements. Le développement des moyens de transmission hertzien, terrestre puis satellitaire, a favorisé le déploiement à grande échelle des médias de masse (radio, télévision…), au niveau mondial, modifiant ainsi les modes de pensée et les schémas culturels traditionnels. Ces médias sont aussi utilisés pour de la propagande sur les idéologies : la guerre froide, la guerre d’Irak et Al Quaida en sont des exemples. Les télécommunications modernes permettent de transmettre de l’image, du son et du texte dans le monde entier. Ces nouvelles possibilités d’échange entraînent des mouvements profonds dans nos sociétés soit par l’uniformisation des cultures et des modes de vie, soit à l’opposé par le déclenchement d’expressions identitaires. Cela a même permis la création d’un nouveau langage, le SMS. Dans des pays en voie de développement ou en forte croissance, des projets télécoms permettent de réduire la fracture numérique et d’accélérer leur développement : par exemple en Afrique, autour du lac Victoria, l’extension de couverture du réseau GSM va permettre aux pêcheurs de naviguer avec plus de sécurité, ils auront connaissance en temps réel des conditions météorologiques, pourront appeler les secours si nécessaire notamment lors des actes de pirateries encore malheureusement courants dans cette région. Cela va leur permettre aussi de mieux commercer en choisissant le lieu de 58

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vente par la connaissance des cours du poisson dans les différentes criées de la région. Sur l’impulsion des femmes, les pratiques professionnelles comme le télétravail permettant de mieux concilier la vie professionnelle et familiale se sont développées et profitent à l’ensemble des employés. La communication « Always on, Anywhere and Everywhere » grâce au mobile et à l’Internet est une réalité mondiale aujourd’hui, mais aussi une révolution pour l’humanité, comme l’ont été précédemment, la voiture, l’avion ou encore le réfrigérateur.

Au niveau du commerce, le Web permet de vendre très facilement dans le monde entier, mais engendre aussi des pratiques illégales comme le téléchargement de musique. Dans le milieu professionnel, la télécommande, généralement couplée à la télémesure, permet de s’affranchir de la présence physique sur des sites industriels et soustraient l’homme aux effets néfastes sur sa santé. Dans la 59

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vie quotidienne, des initiatives sont en cours dans le domaine de la santé pour l’aide au maintien à domicile, la surveillance des personnes souffrant d’Alzheimer, la surveillance des enfants sur leur trajet scolaire… tout ceci contribuant à l’évolution de notre société dans l’intérêt des finances étatiques. Cependant, ces changements entraînent aussi leur lot de difficultés : juridique car Internet est mondial mais le droit est en général national et l’identification des acteurs est souvent une opération délicate ; sanitaire, car l’utilisation du téléphone dans la rue est devenue banale et ce, dès le plus jeune âge, sans étude accomplie sur les impacts des ondes sur le corps humain ; une nouvelle maladie vient d’ailleurs d’être répertoriée, la blackberryite, une tendinite du pouce liée aux SMS ; difficultés de sécurité nationale car les groupes terroristes se mobilisent plus aisément ; enfin judiciaires et moraux par la propagation d’images pédophiles ou pornographiques.

Résolument, un secteur pour des ingénieurs Le domaine des télécommunications est un lieu de convergence et d’interaction entre les différentes technologies et disciplines scientifiques : les mathématiques appliquées, base du développement des théories du traitement du signal, de la cryptologie, de la théorie de l’information et du numérique ; la physique, base de l’électronique ; la chimie, qui a permis de réduire le poids et d’allonger l’autonomie des batteries ; et bien sur l’informatique fondamentale et appliquée. C’est un secteur majeur d’innovation. Derrière toujours plus de fonctionnalités, de simplicité, se cachent toujours plus de complexité, de technicité. Qui se souviendra encore dans quelques années du téléphone fixe, du Minitel, des écrans et claviers d’ordinateurs ? Le terminal du futur sera un accessoire personnel incluant téléphone, musique, photo, vidéo, assistant personnel, GPS, TV et vidéo à la demande, publicité ciblée, accompagnement médical et encore beaucoup d’autres services… et ceci à travers le monde entier. Les femmes y trouveront réellement un espace pour y exprimer leur créativité, leur pragmatisme et cette capacité d’écoute des utilisateurs qui les caractérisent et ainsi participer à la construction du monde de demain. 60

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Témoignages d’ingénieures Supélec Souvent recrutées à l’issue de leur stage de fin d’étude, les femmes Supélec démarrent dans le secteur pour faire de la recherche appliquée dans les services de R & D. Elles y remarquent une très bonne ambiance de travail, sans doute peu différente de celle de l’École où la technique est reine et elles y sont très bien préparées ; elles y sont aussi largement minoritaires. À travers des projets innovants, de haute technicité, impliquant des équipes pluridisciplinaires et multiculturelles, elles vivent intensément des moments exceptionnels. « J’ai assuré un cycle de plusieurs conférences mondiales en radiocommunication avec un anglais approximatif à mon goût et beaucoup de stress ; l’objectif était le partage des fréquences radio dans les systèmes non géostationnaires. J’ai ressenti beaucoup de plaisir lorsque mon chef a reçu la légion d’honneur pour avoir protégé les enjeux français lors de ce projet et une grande satisfaction d’y avoir contribué. » « Lorsque je travaillais sur un projet de télé-exploitation des émetteurs du réseau, on m’a chargée de la représentation internationale de l’entreprise dans les organismes de régulation de fréquences, en relation avec le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, notamment sur la radio numérique. Je suis partie seule, à Tunis, comme une grande, à 26 ans, présenter mon projet 61

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lors d’une conférence des pays arabes sur la radiodiffusion. Tout s’est très bien passé. J’ai conservé des photos souvenir de cette intervention avec mon petit tailleur rose ! » « J’ai travaillé sur une expérimentation de téléchirurgie (par cœlioscopie), le chirurgien se trouvait physiquement à New York et le patient à Metz. Un projet très stressant même si nous avions pris toutes les précautions pour maîtriser la situation quoi qu’il arrive : une architecture technique hyper sécurisée, un chirurgien “de secours” présent à Metz. Une super expérience technique accompagnée d’une expérience de communication : le plan de communication pour la presse a duré plus de 20 heures ! »

La connaissance des techniques impérative pour le commerce Le marché du mobile est résolument tourné vers le consommateur et s’appuie davantage sur les techniques de marketing de grande consommation, la technologie par elle-même étant quasi absente dans la démarche de vente. Qui sait ce qui compose un mobile (en dehors de la batterie pour la durée d’usage) et comment ça marche ? « Mon bagage d’ingénieur et mon expérience technique sont d’une très grande utilité. Toujours être capable de comprendre les problématiques des clients, en particulier les directeurs techniques ou informatiques auxquels on s’adresse et relayer ces demandes auprès des ingénieurs produits et R & D. » Que cela soit pour des affaires pour des collectivités locales ou pour des réseaux internationaux, l’élaboration des offres télécom nécessite une bonne connaissance technique et des modèles économiques (modèle opérateur avec beaucoup d’investissement amorti dans le temps, modèle achatrevente, modèle intégrateur…). Cela donne une grande ouverture d’esprit de la relation technico-économique et de grands moments inoubliables : « Vendre un réseau haut débit à une très grande région française, monter le projet techniquement, financièrement ; faire la réponse à l’appel d’offre (la nuit jusqu’à 3 heures du matin les 15 derniers jours) ; apporter sa réponse dans un carton comme un trésor de pierres précieuses ; présenter son projet à une commission d’élus où chaque mot est pesé et répété jusqu’à dix fois. Grand challenge pour une moins que trentenaire. »

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« Prendre l’avion, le taxi, l’hôtel, salle de réunion, hôtel, salle de réunion, hôtel, taxi, avion. Repartir. Puis revenir. Ainsi, j’ai revu, derrière le hublot et la grande fenêtre de ma chambre d’hôtel du douzième étage, la grisaille humide qui surplombe le grand port de Hong Kong, le bleu cinglant de la Méditerranée à l’approche d’Israël et la chaleur torride et sèche qui plombait Madrid. Je n’ai souvent fait que passer, me présenter, remplacer quelqu’un, prendre contact avec des clients potentiels pour nos infrastructures réseaux. Un jour, deux jours, il fallait rentrer vite pour travailler sur les réponses aux appels d’offres de ces nouveaux réseaux 3G qui allaient bientôt fleurir autour de nous. Puis il fallait repartir, présenter les prix, avoir toutes les explications sous la main, négocier, calculer les marges, soutenir les commerciaux qui s’appuyaient sur nos énormes fichiers de cotation. Des jours. Des nuits presqu’entières. Des nuits entières à changer quelques chiffres seulement. 63

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Quelques chiffres qui pouvaient faire basculer la balance ? Jusqu’à combien de chiffres après la virgule allions-nous ? À l’heure où l’aube s’annonçait, je ne savais plus trop, je n’y voyais plus très clair. Un pas de deux, un pas de trois, les commerciaux anglais m’emmenaient valser au milieu de la salle de travail, un pas de danse pour me réveiller. Ces voyages étaient vibrants. Ces voyages vibraient de rapidité. Dans leurs intenses difficultés, ces voyages m’ont enrichie et marquée à vie. »

Management et organisation internationale Le secteur télécom ayant connu une croissance très forte, il est par conséquent propice à beaucoup d’opportunités de carrière et une possibilité d’évolution rapide vers des fonctions de management. Est-ce la dynamique du secteur qui forge les caractères des acteurs ou plutôt inversement ceux qui choisissent ce secteur sont-ils des hyper actifs ? Mais un fait est constaté que la mobilité de poste y est très forte. « Embauchée dès ma sortie de l’École comme ingénieur Support niveau 2, j’ai la bougeotte, deux ans sur un poste et je me lasse : décision donc de procéder à une mobilité interne pour travailler au plus près des services offerts aux clients. Au bout d’un an et demi, le poste de management de l’équipe dans laquelle je me trouvais m’a été proposé. Je l’ai accepté avec beaucoup de motivation, consciente qu’une phase de transition allait être nécessaire et difficile : ce fut le cas ! J’ai été confrontée à un certain nombre de problématiques telles que le sexisme envers le management, les problématiques de périmètre avec mon manager : comment trouver sa place avec un manager qui l’occupe déjà ? Qui traite directement des sujets avec mon équipe, etc., le fait de s’imposer auprès de collaborateurs qui ont été des collatéraux. Bref, un an et demi plus tard, je suis ravie de ce choix qui m’a énormément apporté humainement et professionnellement. En devenant ingénieur, je savais que mon envie était de manager. Revers de la médaille, un manager ne change pas de poste au bout de 2 ans… Il me faut donc apprendre à tirer parti de la situation et réinventer en permanence mon poste. » Le secteur ayant été chahuté par une concurrence forte (et des salaires à faire tourner la tête), l’euphorie suivie par l’explosion de la surenchère de la 64

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bulle Internet, les femmes ont ainsi pu progresser très rapidement grâce aux opportunités. « En 2003, je me suis retrouvée quasiment du jour au lendemain à la tête d’une unité d’exploitation de 240 personnes réparties sur quatre sites différents, suite aux départs simultanés de deux responsables, alors qu’à l’époque, je n’avais concrétisé qu’une petite expérience de management. Là encore on m’a fait confiance, et je me suis régalée sur ce poste. » Si cette opportunité ne s’était pas présentée ainsi, aurait-elle osé postuler sur ce poste ? Sûrement pas.

La diversité des métiers peut aussi conduire à un autre type de management, auquel une ingénieure ne pense pas forcément lorsqu’elle s’engage dans cette voie d’étude, mais tout aussi intéressant en expérience pour celles qui l’ont vécue : manager des ventes en boutique. Est-ce que l’on est bien préparée à être chef d’une centaine de vendeurs, la plupart non cadres ? Sûrement pas mais une ingénieure ne se laisse jamais décontenancer, il y a toujours une solution à tout. La preuve avec cette anecdote vécue : « Alerte, grève le 20 décembre. Les résultats de l’agence sont en jeu, une journée de ventes avant Noël dans la plus grande boutique de Paris… le comité de direction de l’agence se met à vendre dans la boutique avec le piquet de grève en face de la boutique. Et voilà ! » 65

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Le besoin de communiquer à travers la planète, les réglementations ont conduit les entreprises à devenir très vite internationales d’un point de vue exploitation et représentation commerciale. Les structures organisationnelles de ces entreprises sont donc très souvent matricielles avec une hiérarchie administrative dans le pays de localisation et une hiérarchie fonctionnelle dans l’activité pratiquée. Cela peut susciter beaucoup d’inquiétude à celles qui aiment la proximité des relations, le maternage, mais aussi beaucoup de satisfaction par la richesse de ce mode de fonctionnement. Vue côté manager : « L’internationalisation du secteur m’a permis de développer la diversité dans les équipes, diversité géographique, mais aussi culturelle, de religion et mixité aussi bien sûr ; cela constitue pour moi une richesse inégalable et apporte beaucoup dans le management au quotidien. » Et vue côté collaborateur : « Comment arriver à avoir un vrai rapport de confiance avec une chef située en télétravail à l’autre bout du monde et que l’on a vu que deux fois. Rien que de l’instant messaging, de la conf call et du mail. Mais ça marche ! » L’international apporte aussi son lot de surprises plus ou moins agréables. Comme l’a vécu cette ingénieure de projet qui a failli perdre son job en Russie lors de la crise du rouble en août 1998. Comme après les phases d’enchères d’attribution des licences dans les différents pays lors de l’ouverture du marché déréglementé, où après la frénésie ne restent que des vides économiques laissés par les opérateurs non sélectionnés et le retrait des investisseurs concernés.

Voyager, un rêve devenu réalité Quand activité professionnelle rime avec voyage, que de sensations et plaisirs ! « Mon ambition, beaucoup voyager avec mon métier ; aussi, à peine arrivée à mon poste de testeuse de réseau mobile, j’ai insisté auprès de mon 66

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chef pour partir. Partir ailleurs, loin du bureau et des commutateurs français, pour aller voir comment on faisait à l’étranger. Le premier avion partait pour les Caraïbes, et celui-là, pas pour moi, trop jeune, pas assez d’expérience. Alors j’ai encore insisté, insisté un peu plus et le deuxième avion, je l’ai eu. En partance pour l’île de Taiwan. Il était question, là-bas, d’aller tester une interface au standard CDMA. Armée de plans de tests, d’un ordinateur et d’une collègue, quand même, un peu plus senior que moi, je suis partie. C’est un peu loin maintenant dans mon esprit, mais je sens encore la douce vapeur d’eau chaude qui s’écoulait dans le hall de l’aéroport de Hong Kong où nous faisions un arrêt. Je vois encore le joli sourire de l’hôtesse de l’air chinoise qui passait à côté de moi, dans un vol presque vide ; le grandiose hôtel rouge et or, puis l’hôtel international au centre ville de Taipei ; les plats de nouilles qui nous arrivaient sans bien savoir ce que nous commandions ; les employés locaux du constructeur d’infrastructures télécoms que nous venions tester qui dormaient toujours après le repas, la tête sur leurs coudes repliés ; la cantine assez étrange qui offrait une soupe encore plus étrange ; puis le soir, la nuit que nos hôtes nous faisaient découvrir et partager. Il flottait toujours de lourds nuages de vapeur d’eau tout autour de nous et de la ville. Il faisait chaud. Il faisait humide. J’étais à l’autre bout du monde et je n’en revenais pas. En rentrant à Paris, rapports écrits et soumis au chef, j’ai continué à montrer mon enthousiasme pour les voyages et je suis repartie. Direction Raleigh, en Caroline du Nord, aux États-Unis. Pour moi, encore une autre destination insolite. J’allais y tester un autre constructeur télécom, fournisseur de services de réseaux intelligents, comme nous disions à l’époque. Les Américains qui nous ont reçus étaient adorables. Nous étions partis en renfort ; j’étais la seule femme. Nous passions de bonnes journées à tester leurs matériels, à émettre un jugement, à rédiger nos opinions. Et le soir, ils nous invitaient à manger d’énormes pièces de bœuf dans le restaurant local. Je revois encore, de derrière mon petit hublot, le sol qui s’en va quand nous avons redécollé de Raleigh pour atteindre New York. Il était vert et gris. Durant le voyage du retour, j’ai eu la chance de rentrer à Paris en Concorde. Voir New York disparaître derrière les nuages à la vitesse de l’éclair, cela, je ne l’oublierai jamais. Je ne sais pas pourquoi je voulais autant voyager dans mes premières années. Je me disais peut-être que si je ne le faisais pas au début, je ne le ferais sans doute jamais. C’était une opportunité rêvée. Alors, j’ai insisté pour continuer. Plusieurs allers-retours pour Amsterdam où, non loin de là, il me 67

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fallait encore tester des équipements de réseaux intelligents pour l’opérateur mobile local. Je suis restée des journées entières à tester, des journées entières parfois à attendre que le matériel fonctionne, j’ai même failli y passer un Noël version hollandaise avant de pouvoir m’éclipser, quelques heures, dans le brouillard tombant, pour aller écouter sonner les cloches de Delft qui fêtaient ses marchés de Noël. »

Propos d’une entreprise du secteur Face au défi que constituera la pénurie d’ingénieurs en Europe dans les années à venir, un des grands enjeux des entreprises est d’inciter les jeunes à embrasser des carrières scientifiques. C’est pourquoi Orange s’investit dans différentes initiatives internationales afin de sensibiliser les jeunes filles, dès le collège, à l’intérêt et aux opportunités offertes par les formations d’ingénieurs et lutter contre le déterminisme qui fait que les filles douées en sciences sont souvent orientées vers d’autres types de parcours. Du fait de l’apport déterminant des femmes que nous avons constaté ces dernières années, Orange croit en la mixité des organisations pour faire face à ses nouveaux challenges liés à l’évolution très rapide des technologies et pour répondre aux opportunités que crée la concurrence ; la complémentarité des visions et des approches des femmes et des hommes se révèle particulièrement efficace pour gagner en agilité. Elle a été souvent mise en évidence dans la conception de produits et services innovants ou encore dans l’amélioration des modes de gouvernance. Une femme ingénieur bénéficie d’une double compétence : sa compétence technique et sa sensibilité qui lui fait mieux comprendre les attentes de nos clients, puisque ce sont les femmes qui prennent la plupart des décisions d’achats des ménages. En terme managérial aussi, la mixité est immédiatement bénéfique aux équipes : l’arrivée d’une femme dans une équipe d’hommes ingénieurs introduit une façon différente d’aborder les problèmes et rend souvent les relations plus sereines. De l’avis même des hommes, les femmes utilisent leur temps de façon optimale pour atteindre un équilibre entre sphère personnelle et professionnelle. Cela permet, entre autres, de limiter les réunions en les rendant plus productives.

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L’entreprise se mobilise donc pour offrir aux femmes ingénieurs qui la rejoignent toutes les conditions d’un épanouissement professionnel. Elles sont d’ailleurs de plus en plus nombreuses à le faire puisqu’elles représentent la moitié de nos Télécom Talents (notre promotion annuelle de 60 jeunes diplômés qui bénéficient d’un accompagnement spécifique). En 2008, 7 Supélec en font partie dont 4 femmes. Un parcours chez Orange n’est pas tracé dès le départ : un jeune talent bénéficie de toutes les opportunités d’un groupe présent sur les cinq continents et offrant des métiers variés pour lesquels une formation d’ingénieur constitue un atout de taille. La variété des activités qui vont de la téléphonie mobile à l’Internet, en passant par les contenus (cinéma, télévision, musique, jeux…) et la diversité des clients du particulier à la multinationale, sans oublier les horizons bien au-delà du strict périmètre des télécommunications, tout ceci est le gage de challenges passionnants à relever. Chaque talent fait l’objet d’un soin attentif : des conseillers carrière sont à l’écoute pour identifier les souhaits d’évolution dans des métiers techniques ou dans des domaines complètement différents. Des carrières internationales dans nos entités ou dans nos Orange Labs sont proposées à ceux qui le souhaitent. Nos jeunes ingénieurs sont ainsi aujourd’hui chefs de projets dans le SI ou le réseau mais aussi commerciaux sur le marché des entreprises, marketeurs, auditeurs internes ou encore responsables dans les contenus, voire directeurs d’unités opérationnelles s’ils ont la fibre du management d’équipes importantes. L’accès aux responsabilités s’effectue sur la base du potentiel, de la motivation et des résultats et l’entreprise veille tout particulièrement à l’accès des femmes aux postes de direction, notamment dans les fonctions techniques. Différentes initiatives ont été mises en place pour agir dans ce sens : mentoring des talents féminins, analyse de la mixité des plans de succession ou de celle des « short lists » des postes de direction. Naturellement l’épanouissement personnel est pris en compte pour que nos collaborateurs soient les plus efficaces possible. Dans son accord d’entreprise sur l’égalité professionnelle, Orange met en place les conditions d’un équilibre vie personnelle – vie professionnelle pour laisser à chacun la capacité de vivre à la fois pleinement une vie familiale, des activités sportives ou encore artistiques ET un engagement professionnel gratifiant. Notre ambition est de permettre à chaque talent de s’épanouir tout en contribuant au succès d’Orange.

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Conseil laissez-vous guider

Le conseil est un secteur jeune, à la fois connu – tout le monde connaît au moins un consultant – et paradoxalement méconnu. Il n’est pas rare d’entendre dire aux consultants « Tu fais du conseil ? C’est quoi exactement ton métier ? ».

En quelques mots… Le dictionnaire décrit le conseil comme une activité économique visant à fournir des services aux entreprises. Il revêt diverses formes, couvre tous les secteurs d’activité et est mis en œuvre par des entreprises très variées, aussi bien de très petites entreprises, voire des indépendants (dits « free-lance »), que de puissantes multinationales. Aujourd’hui, le terme de consultant est employé pour toute personne fournissant des prestations de service dans une entreprise cliente. Ainsi, être consultant ne permet pas de qualifier précisément un poste, cela couvre une large palette de métiers : le développement informatique, l’assistance à maîtrise d’ouvrage, l’expertise sur un secteur, un métier ou une technologie particulière, l’analyse et la synthèse de divers problématiques, le conseil pur sur des choix stratégiques, le coaching, etc.

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La terminologie conseil regroupe plusieurs métiers, notamment et de manière non exhaustive le conseil en stratégie, le conseil en informatique, le conseil en management, le conseil en organisation, le conseil en logistique. Néanmoins, tous les métiers du conseil présentent de réelles caractéristiques communes.

Le service et la relation client au cœur du métier de conseil Particularité numéro 1 du conseil, le métier des consultants est entièrement centré sur le client. Avant tout, le consultant travaille au service d’un client, soit en effectuant un travail similaire, soit en l’assistant, soit en lui livrant des analyses ou réflexions, ou des modules informatiques. Ainsi, la relation client est à la base de ce métier.

Les qualités incontournables des consultants Il semble indéniable que le relationnel et les capacités de communication, aussi bien orales qu’écrites, sont des qualités attendues chez le consultant. Il se doit d’être attentif et à l’écoute du client, qui détient en toute logique les compétences de son métier. La qualité et l’excellence sont également des maîtres mots dans ce secteur du service au client. L’esprit d’analyse et de synthèse est indispensable pour fournir des prestations de conseil pur. Il est entendu que des qualités d’organisation et de gestion de plusieurs tâches en parallèle sont indispensables en mode projet, du fait de la multiplicité simultanée des projets. En plus, selon le type de conseil, certaines capacités et compétences particulières sur des domaines métiers, fonctionnels ou techniques sont nécessaires. En général peu mentionnées, la disponibilité et la capacité à gérer le stress et les situations d’urgence, à utiliser le système D tout en gardant le sourire sont des qualités très appréciées et surtout très utiles dans le quotidien du consultant.

Les consultants : le fonds de commerce d’un cabinet de conseil Une des caractéristiques très spécifique au cabinet de conseil est son fonds de commerce : composé de ses consultants, de sa méthodologie pour 72

conseil – laissez-vous guider

la réalisation des missions et de sa base de connaissance. Ainsi, le modèle d’activité d’une entreprise de conseil est centré sur les consultants, qui constituent sa « matière première ». Les modèles adoptés sont divers d’une entreprise à une autre. Certaines misent sur le développement des consultants et de leur valeur ajoutée dans la durée au travers de leurs expériences, d’autres tableront sur des cycles plus courts « en tirant un maximum de » leurs consultants pendant leur passage. Certains cabinets sont composés uniquement de consultants seniors indépendants et autonomes sur leur portefeuille de clients afin de maximiser leurs profits, d’autres s’intéressent à des profils plus jeunes, qu’il est nécessaire de former, afin de donner une dimension plus « projet d’entreprise » à leur cabinet. Certains cabinets sont de taille très importante, ils peuvent ainsi répondre à des besoins de projets de grande ampleur qui nécessitent des dizaines, voire des centaines de consultants ; d’autres ont des dimensions beaucoup plus modestes et se positionnent sur des problématiques plus stratégiques ou plus pointues.

Les a priori de ce secteur encore jeune Le conseil fait l’objet de beaucoup d’idées préconçues, souvent obscures dans les esprits. Cependant, il est important de noter que les réponses à ces idées préconçues ne peuvent pas être homogènes et identiques à tout le secteur du fait de la variété des cabinets de conseil décrite précédemment. Quelques a priori du secteur ont été relevés : « Les consultants ont des horaires de travail importants » ? D’une manière générale, si l’on compare les horaires de travail des consultants avec ceux des employés des autres secteurs, ils seront certainement sensiblement plus importants, mais tout à fait comparables à ceux du secteur de la finance. Si l’on creuse un peu plus, la démesure des horaires et de la charge de travail n’est pas systématique : elle dépend beaucoup de la culture d’entreprise des cabinets de conseil, très ponctuelle dans certains, systématique dans d’autres car correspondant à l’image que doit donner le consultant. « Il est difficile de concilier son travail de consultant avec une vie de famille » ? La capacité à concilier son travail et sa vie de famille ne dépend pas uniquement des horaires travaillés. Elle dépend également des choix que font 73

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les consultants, de leur manière de s’organiser et du fonctionnement de l’ensemble de la famille. Aujourd’hui, des moyens techniques permettent de s’organiser autrement, et notamment de travailler à distance.

« La progression en responsabilité et hiérarchique est plus rapide que dans les autres secteurs » ? Encore une fois, cela dépend des entreprises. Dans les petits cabinets, la prise de responsabilités peut être plus rapide, elle dépendra de toute façon du développement des compétences du consultant. Dans les plus grandes structures, des parcours d’évolution sont définis de façon précise avec une évolution progressive au fil des années. « Les consultants ont des conditions salariales plus intéressantes que dans les autres secteurs » ? Souvent, les entreprises offrent des conditions salariales plus avantageuses afin de compenser la forte disponibilité, la flexibilité et l’investissement attendus des consultants. Il n’est pas rare qu’un consultant apprenne la 74

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veille pour le lendemain qu’il aura une réunion à l’autre bout de la France, voire à l’étranger. Les situations sont cependant variées, et dépendent de la nature des cabinets, de leur taille, de leurs clients, ou encore de leur politique salariale. De plus, par la nature même de son métier au service du client, chaque consultant est en général doté d’équipements lui permettant d’être mobile avec, a minima, un ordinateur portable et un téléphone mobile. Toujours en déplacement, les notes de frais font parties de son quotidien. Le secteur du conseil, en pleine croissance, accueille aussi bien hommes et femmes, ingénieurs et non ingénieurs (selon le domaine de compétence requis). Aujourd’hui, il est au cœur de la transformation des modèles économiques des entreprises, qui externalisent – confient à d’autres – toujours plus de fonctions. Il n’est pas rare de voir, dans des entreprises, des entités entières composées uniquement de chefs de projet, manageant des projets réalisés par des consultants. De quoi offrir des opportunités intéressantes pour les femmes ingénieurs !

Témoignages d’ingénieures Supélec Le choix du conseil : ouverture et diversité Aux dires des consultantes et des consultants, le conseil offre des métiers passionnants orientés sur l’ouverture et la diversité. L’ouverture se fait par rapport à la formation initiale d’ingénieur ; finalement, le conseil permet le développement de qualités complémentaires aux compétences acquises en école d’ingénieur. La diversité offerte par le conseil est multidimensionnelle : diversité des missions, des secteurs, des clients ou encore des interlocuteurs. « Comme d’autres, j’ai initialement fait le choix du métier du conseil pour apprendre beaucoup, rapidement, avoir un métier riche, multipliant les expériences auprès d’entreprises très diverses, me permettant de développer de nombreuses compétences au-delà des seules compétences techniques, à savoir la capacité d’analyse et de synthèse, la communication sous toutes ses formes, le management de projets, le commerce, le recrutement, etc. Mon choix d’entreprise a permis de remplir pleinement ces objectifs, voire plus, en m’offrant une véritable autonomie dans mon mode de travail et en valorisant mes initiatives personnelles. » 75

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« Avant même l’obtention de mon diplôme, je savais que je voulais m’ouvrir vers les métiers du conseil ou de la finance, assez complémentaires de mes études techniques. Ce sont grâce aux relations que j’ai construites par mon implication associative que j’ai trouvé mon stage de fin d’étude, dans le conseil. Je dirai que j’ai non seulement eu beaucoup de chance à mes débuts et qu’en plus j’ai su saisir les opportunités. En effet ma première mission s’est déroulée pour un client, grand nom du secteur du luxe. Mon travail portait sur la prévision des ventes : je travaillais directement avec le responsable marketing. Cette première expérience, puis les autres qui ont suivi, toujours dans le luxe, m’ont permis de me forger une expertise sur ce secteur, et par suite, de continuer à être sollicitée pour y travailler. » Pour des raisons similaires, une ingénieure Supélec raconte comment ses choix et aspirations l’ont naturellement conduite dans un cabinet d’audit. Le métier d’auditeur ressemble en tout point au métier de consultant, à la différence près que les missions sont forcément des audits, des missions en général plus courtes (de quelques jours à 3 mois). Selon les cabinets, les audits peuvent être de diverses natures, finance, informatique, qualité, etc. « À la sortie de Supélec, j’ai préféré faire un choix me permettant de continuer d’explorer le monde de l’entreprise en rejoignant un cabinet d’audit. Globalement à partir de mes études secondaires et jusqu’à mon passage en cabinet d’audit, mes choix ont plutôt consisté à conserver une approche généraliste sans chercher à me spécialiser. Mon expérience en cabinet d’audit m’a permis de découvrir des entreprises variées, des domaines d’activité différents, tout en comprenant les mécanismes internes d’une entreprise. Toutefois, la profondeur des missions réalisées en cabinet d’audit ne me permettait pas de capitaliser à long terme sur la connaissance détaillée d’une activité, ni d’aborder la composante “industrielle”. »

Implication, stimulation intellectuelle, évolution rapide… de vrais facteurs de motivation Qu’il s’agisse de grandes ou petites structures, les ingénieures s’accordent à dire que le conseil est un métier exigeant, permettant d’évoluer 76

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rapidement, aussi bien sur des domaines de compétences sectoriels que managériaux. Si elles s’impliquent beaucoup dans leur métier, elles en tirent également beaucoup de bénéfices. Elles décrivent leur environnement de travail comme idéal pour la stimulation intellectuelle et les échanges riches d’enseignements. « L’organisation pyramidale du cabinet, par petites équipes, m’a permis de progresser tous les jours, en travaillant sur des problématiques stratégiques et peu informatiques (stratégie de développement, optimisation ou réduction des coûts, etc.), dans des secteurs variés. » « Ce qui était très stimulant dans le conseil était pour moi de travailler avec des personnes présentant des profils équivalents au mien (écoles d’ingénieurs ou de commerce essentiellement) et de bon niveau. » « Il y avait beaucoup de solidarité entre les consultants, avec de la communication d’information fluide sur les différentes missions. J’ai même conservé des amitiés avec des personnes rencontrées à l’époque. L’ambiance de travail était saine au sens où nous nous comprenions et étions au même niveau – il y a un véritable « savoir être » consultant en plus du savoir faire. Je pense finalement avoir beaucoup appris au contact des autres. » « Pour ma part, j’ai choisi de travailler dans une plus petite structure, à dimension humaine (terme consacré), où la composante humaine des consultants est effectivement respectée. Ainsi, même si le métier du conseil implique un engagement significatif de chacun, mon entreprise mise sur le développement de chaque consultant dans la durée et s’attache à ce que chacun trouve sa place dans le projet d’entreprise. Finalement, contrairement à d’autres, je vois le métier de conseil dans la durée, et non uniquement comme une étape transitoire et tremplin dans ma carrière. »

Des expériences marquantes Par la nature du métier et de ses spécificités, multiplicités des clients et secteurs, déplacements fréquents, diversité des missions et des interlocuteurs, les consultants vivent forcément des moments marquants, souvent dus à des imprévus, à un manque de connaissance de l’entreprise dans laquelle ils démarrent une mission ou encore dus à l’originalité de leurs interlocuteurs. 77

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Les témoignages suivants rapportent des épisodes les plus marquants, qui prêtent à rêver, sourire ou s’interroger. « J’ai mené une mission pour une entreprise de spiritueux ; à la fin des comités de pilotage, certains participants, également œnologues, nous faisaient participer à une dégustation de vins. » « J’ai un souvenir assez ému du jour où j’ai visité une usine de betteraves, lieu très sale, en escarpins et tailleur-jupe ; heureusement, ils m’ont prêté des bottes pour faire le tour. » « Dans le cadre d’une mission, j’ai été invitée par le créatif à prendre un petit déjeuner dans un hôtel très chic à un prix exorbitant, alors que mon travail consistait à réduire les coûts. » « Mon client était une multinationale française pour laquelle j’étais susceptible de me déplacer en Angleterre, en Pologne et en Espagne. Lorsque je suis allée faire une présentation en Angleterre, à Bristol, je l’avais appris deux jours avant. Je me suis empressée de réserver billet d’avion et hôtel. Il était temps, les places étaient rares et chères. L’hôtel que j’ai trouvé s’est avéré être un magnifique château. Tandis que j’avais réservé la plus petite chambre, j’ai eu le droit à un traitement de faveur à mon arrivée : j’ai été installée dans une suite magnifique. C’est certainement mon meilleur souvenir de déplacement. »

En contrepartie, il y a forcément quelques « mais »… Bien que les métiers du conseil soient, au dire de beaucoup, des métiers passionnants, stimulants par la diversité des secteurs et des clients, et aussi par l’environnement intellectuellement exigeant, il est important de comprendre que cet effet de « zapping » entre les missions peut être frustrant pour certaines. « À la fin d’une mission, nous sommes obligés de partir de la société où nous sommes intervenus pendant un temps et à laquelle nous commencions à nous attacher. Paradoxalement, on ne se sent jamais totalement intégré dans les entreprises clientes. » Par ailleurs, certaines missions peuvent conférer aux consultants des rôles peu sympathiques ; par exemple, lorsque les consultants doivent 78

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annoncer à leurs clients que des licenciements sont nécessaires pour la survie de l’entreprise ou encore lorsque leur mission consiste à identifier les dysfonctionnements internes d’une entreprise, d’une entité ou d’un projet. « L’image de “coupeur de tête” dans les missions de réduction et optimisation des coûts n’est pas un aspect très positif de mon métier. »

La place privilégiée de la femme ingénieur Bien que les métiers du secteur du conseil semblent peu marqués par la distinction des genres, certaines femmes ont la sensation d’y avoir une place privilégiée. « Je travaille dans un environnement très peu féminin : à la fois au sein de mon cabinet, ainsi que dans les réunions de travail chez nos clients. C’est essentiellement dû au fait que le monde de l’informatique n’est pas encore très féminisé. J’ai la certitude que cela change progressivement (même si le constat est difficilement observable sur une échelle de 3 ans). Dans un tel contexte, je suis tout particulièrement visible : on ne m’oublie jamais. » En plus d’avoir une place parfois privilégiée, les femmes ingénieurs semblent plutôt bien armées pour leur métier de consultante. « Les atouts que présente un ingénieur dans notre entreprise me semblent quelque part évidents ; ce sont les profils que mon entreprise privilégie dans son recrutement. C’est la manière dont les ingénieurs abordent les sujets, aussi bien métiers que techniques, qui fait leur force : nous avons apparemment une approche très structurée pour analyser tout type de problématique. Si cette caractéristique est typique des ingénieurs, elle n’est pas systématique pour tous les ingénieurs, et d’autres personnes issues d’autres formations peuvent avoir tout aussi bien développé cette qualité. » « J’ai intégré une équipe composée de Sciences Po et de diplômés d’écoles de commerce ; mon profil ingénieur n’en ressort que mieux. En effet, que ce soit au cours de discussions plus ou moins techniques ou au bureau face à des problèmes fonctionnels, mon pragmatisme et mon sens logique sont toujours là et me distinguent. »

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Il faut cependant reconnaître que c’est la diversité dans son ensemble, femmes et hommes, ingénieurs et non ingénieurs qui fait la richesse d’une entreprise, et plus précisément le succès des missions de conseil. « Le conseil m’a permis d’apprendre les “sciences molles”, et donc de savoir sortir de cet esprit “carré” pour mieux m’adapter et mieux cerner les problématiques, souvent liées à une évolution peu pragmatique des pratiques des clients. »

Le conseil et son lot d’anecdotes Certaines anecdotes sont sympathiques et typiques des petites entreprises. « En étant la seule consultante de mon cabinet, le contexte m’est finalement plutôt favorable : il me rend visible, et cela, de manière positive. Pour l’anecdote, mon anniversaire est fêté tous les ans depuis trois ans que je suis dans cette entreprise, avec fleurs et gâteaux. Il n’en est pas de même pour tous. » D’autres sont étonnantes et typiques du secteur du conseil. « En plus d’être une femme dans un monde d’hommes, j’ai un physique assez jeune, ce qui peut produire des situations assez amusantes. Lors d’une avant-vente (que nous avons gagnée), où mon cabinet s’était associé à un autre cabinet de conseil, les profils des jeunes consultants ont été rehaussés de quelques années. Me concernant, il a été difficile de me vieillir de beaucoup d’années, de deux ans tout au plus. Comme notre cabinet n’avait pas recours à ce type de pratique, la situation nous a bien amusés, mes collègues et moi-même : en effet, il s’agissait de me faire passer pour une consultante senior plutôt précoce. Heureusement, nos interlocuteurs sur la mission n’ont pas vérifié les fiches qui nous présentaient. En termes d’éthique vis-à-vis du client, on a vu mieux. » Certaines sont grinçantes typiques de ces « hauts lieux » non encore adoucis par les femmes. « Je garde quelques souvenirs d’associés du cabinet qui se montraient assez machos, ce qui n’était pas le cas des managers. 80

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Depuis, le climat à ce niveau s’est amélioré avec un programme interne pour la promotion des femmes ; il vise notamment à promouvoir des femmes aux postes d’associés. »

Quelques recommandations d’ingénieures Pour bien démarrer sa carrière de consultante : « Il me semble qu’il faut d’abord avoir une bonne visibilité sur les différents métiers du conseil. Ensuite, il faut choisir le type de structure (organisation) qui convient le mieux pour débuter : l’environnement humain peut être très différent, et le métier en lui-même peut être exercé de façon très dissemblable dans les grandes ou petites structures. » Lorsque l’on a pris le rythme de croisière : « Dans un tel contexte, où tout s’enchaîne rapidement, et où l’on se laisse griser par la prise croissante de responsabilités, il me semble important de préserver sa vie personnelle et sa santé. Mon conseil serait de s’assurer par une remise en question ponctuelle et régulière que notre quotidien est toujours en adéquation avec nos aspirations professionnelles et personnelles. Lorsque cela n’est plus le cas, il est important de rétablir l’équilibre rapidement par des actions concrètes, parfois très simples. Par exemple, lorsque je me suis rendue compte que je n’avais plus de vraies coupures entre mon boulot et mes temps libres, alors que j’en avais besoin, je me suis imposée une règle très simple : ne plus traiter mes e-mails le soir et le weekend, idem pour le travail. Cela a eu pour conséquence d’améliorer visiblement la qualité de ma vie et m’a obligée à plus d’efficacité au travail. » Un conseil dédié aux femmes : « Mon conseil pour les femmes qui évoluent dans des contextes très masculins est de ne pas se formaliser (sauf si cela devient systématique) lorsque nos confrères mettent parfois trop en valeur notre féminité par rapport à nos compétences. Cela peut être une manière pour eux de nous valoriser et de marquer leur reconnaissance. » Selon une ingénieure, la réussite professionnelle dans le secteur Conseil s’articule en trois points : 81

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« 1) Savoir saisir les opportunités ; 2) Être à l’écoute et ouverte ; 3) Être une éponge afin d’apprendre son métier et le management auprès des autres. » Un dernier petit conseil très pragmatique, qui laisse penser que la situation décrite a été vécue : « Chez le client, attention à ne pas laisser traîner le trombinoscope de son cabinet : on s’expose irrémédiablement à une sélection des consultant(e)s qui n’a rien à voir avec leur CV et leurs diplômes ! »

Propos d’une entreprise du secteur Fontaine Consultants doit-il mettre en place une politique spécifique à l’égard des femmes ? Avant que l’équipe de Supélec au féminin n’échange avec nous sur ce sujet, nous aurions été tentés de répondre par la négative. En effet, nous avions la conviction que notre métier, tout autant que notre positionnement, ne nécessitaient pas de prédispositions particulières liées au genre ou à l’inverse ne s’adressaient pas plus particulièrement à un public masculin qu’à un public féminin. Notre métier tout d’abord, la stratégie des systèmes d’information, demande des qualités d’analyse, de réflexion, de synthèse et une capacité de travail prenante, autant chez les hommes que chez les femmes dès lors qu’ils disposent d’une tête bien faite. L’environnement intellectuellement stimulant dans lequel il s’exerce (la nécessité de s’immerger rapidement dans le métier et les problématiques de nos clients, la diversité des contextes et des missions, etc.) est unique. Notre positionnement quant à lui se caractérise principalement par le fait que Fontaine Consultants est en amont des grands projets, à l’articulation entre les directions générales et les directions des systèmes d’information. Là encore, rien qui n’exige un genre particulier, mais simplement un goût et des dispositions pour les réflexions de nature stratégique. En ce qui concerne notre entreprise, si la surreprésentation masculine est une réalité, elle se caractérise surtout par un projet d’entreprise qui associe l’ensemble des équipes autour de valeurs et d’objectifs auxquels 82

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chacun contribue. Ce projet offre une opportunité à toutes celles et ceux qui, au-delà de leur adhésion aux valeurs de l’entreprise et de leur volonté d’apporter un conseil de qualité à nos clients, souhaitent façonner et maîtriser leur outil de travail. Ainsi, rien dans ce qui caractérise notre entreprise n’a de genre particulier ou ne favorise le « beau sexe » ou le « sexe fort ». On pourrait dès lors penser que la répartition des deux sexes au sein de notre entreprise se conformerait à celle de la population française, ou tout au moins à celle des écoles d’ingénieurs. Or ce n’est pas le cas. Pourtant, l’analyse de nos statistiques de recrutement sur ces 4 dernières années met en évidence le fait que, à profil équivalent, la probabilité qu’une femme passe avec succès les étapes de notre processus de recrutement est la même que pour un homme. Partant de ce constat, deux phénomènes expliquent le très faible nombre de femmes dans nos rangs. Tout d’abord, la proportion de candidates est très nettement inférieure à celle des candidats, ce qui se traduit mécaniquement par un nombre plus faible de candidates éligibles. Ensuite, il apparaît que nombre d’ingénieures qui ont consacré plusieurs années à l’étude des systèmes d’information et qui ont passé avec succès les étapes du processus de recrutement vont finalement préférer des entreprises de plus grande taille, au motif que le risque serait moins grand que dans une entreprise de petite taille. Au-delà du fait que la notion de risque est difficilement justifiable pour quelqu’un en début de carrière avec un diplôme d’ingénieur en poche, un tel arbitrage est particulièrement surprenant étant donné que d’une part le risque est globalement le même quelle que soit la taille de l’entreprise (il revêt des formes différentes mais reste comparable) et que d’autre part, lorsque le risque est avéré, une grosse entreprise préfèrera une réaction globale dans laquelle les considérations individuelles auront peu de place. Cette attitude n’est pas exclusivement féminine, mais nous l’observons plus fréquemment chez les femmes que chez les hommes que nous avons pu rencontrer dans ce cadre. Partant de là, faut-il que Fontaine Consultants mette en place une politique spécifique à l’égard des femmes ? Encore faudrait-il que nous sachions la construire. Nous disposons déjà de certains éléments, en complément de 83

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notre vision asexuée de nos activités, qui sans constituer une politique peuvent y contribuer : la possibilité de télétravailler, le fonctionnement au forfait qui privilégie un fonctionnement par objectifs et permet une certaine souplesse dans l’organisation personnelle, etc. Que pourrait-on ajouter pour bâtir une politique à l’égard des femmes qui permette de convaincre les femmes ingénieurs qu’elles ont toutes les qualités requises pour participer à un projet entrepreneurial et pour embrasser avec succès le métier du conseil en stratégie des systèmes d’information au sein de notre entreprise ? Probablement beaucoup de choses auxquelles nos esprits masculins n’ont pas pensé. Alors, mesdames et mesdemoiselles, si vous avez ne serait-ce qu’un début de réponse, nos portes vous sont grandes ouvertes.

Informatique la logique féminine

L’informatique (information automatique) désigne l’ensemble des sciences et techniques relatives au traitement de l’information et s’appuie sur deux grandes composantes : les matériels et les logiciels. Ces deux domaines très imbriqués au début se sont progressivement scindés pour créer de véritables spécialités.

Tout d’abord un peu d’histoire Les racines de la science informatique sont issues de nombreux domaines anciens des mathématiques (systèmes de numération, division euclidienne…). L’utilisation industrielle des machines à cartes perforées date de 1890, prémices des premières machines IBM, mais l’essor de l’informatique moderne repose sur des concepts et travaux réalisés pendant la seconde guerre mondiale avec les développements de l’électronique et à partir des années 1980 avec l’émergence de la micro-informatique (PC). Ce secteur a vécu de profondes mutations sur une très courte période. En quelques dizaines d’années, un ordinateur qui occupait bien souvent une pièce entière est devenu un objet beaucoup plus puissant que l’on tient dans la main. La miniaturisation des composants et la réduction des coûts de production, associées à un besoin de plus en plus pressant de traitement des informations de toutes sortes (scientifiques, financières, commerciales, etc.) 85

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ont entraîné une diffusion de l’informatique dans l’ensemble des entreprises ainsi que dans la vie de tous les jours.

Informaticien, un métier ? L’omniprésence actuelle de l’informatique est, pour ceux qui la pratiquent dans un cadre professionnel, une force car le nombre de postes à pourvoir est important ; mais aussi si banale que la reconnaissance n’est pas toujours au niveau des compétences requises. En fait, le métier recouvre de multiples facettes. Si autrefois, les informaticiens étaient plutôt chez les constructeurs, aujourd’hui, la population des informaticiens est majoritairement dans les SSII (sociétés de services informatique) et chez les utilisateurs finaux. En quelques années, les pionniers sont devenus une population de plus d’un demi-million de personnes 86

informatique – la logique féminine

exerçant des métiers d’architectes, urbanistes, experts réseaux, administrateurs de bases de données, chef de projet, consultant fonctionnel, développeurs, recetteurs,… L’informatique, présente partout, permet à ceux qui en font leur métier de mieux choisir dans quelle entreprise l’exercer, et ceci en fonction de plus de critères (valeurs morales, affinités, géographie, taille d’entreprise…).

De beaux projets et une organisation en mutation Ces dernières années, le secteur de l’informatique a vécu de gros chantiers : le passage à l’euro, le délicat passage à l’an 2000 (nommé Y2K dans le jargon), la vague internet, la mondialisation des entreprises entraînant encore plus d’échanges d’informations. Ces projets nécessitaient un grand nombre d’informaticiens et ce secteur a donc attiré des scientifiques de tout horizon reconvertis aux techniques des développements informatiques. Depuis 2004, le paysage des développements informatiques s’est profondément modifié par une utilisation accrue de l’off-shore. Comme le développement logiciel est quantifié en jours-homme et la main-d’œuvre beaucoup moins chère et tout aussi compétente dans les pays de l’Europe de l’Est, l’Inde ou le Maghreb, les SSII ont massivement délocalisé la production et maintenu en France le « FrontOffice », interface des utilisateurs, chargé des spécifications et de l’accompagnement final du projet. La forte normalisation des pratiques de développement est aussi une des caractéristiques du secteur. Toutes les sociétés informatiques dignes de ce nom sont certifiées ISO 9001 depuis de nombreuses années ; à l’international, le CMM (Capability Maturity Model) règne en maître sur les développements. Quasi toutes les entreprises indiennes sont au niveau 5 (le niveau maximum) alors que les françaises sont pour la plupart encore au niveau 3.

Et les femmes ? Contrairement à d’autres milieux plus exigeants, l’informatique est un secteur bien adapté aux femmes. Le travail sur ordinateur ne requiert aucune force physique mais uniquement de faire fonctionner ses neurones et ses doigts (bien sûr !) en même temps. 87

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Plus sérieusement, les femmes réussissent particulièrement bien dans ces métiers qui demandent une adaptation permanente, aux nouvelles techniques en évolution (du binaire au code objet en moins de 20 ans), à un contexte de projet chaque fois renouvelé (que ce soit en taille d’équipe ou en fonctionnalités à produire). La logique féminine, pragmatique, efficace est redoutable pour l’avancement des projets et en général pour une réussite collective plus qu’individuelle. En conclusion, les femmes qui cherchent la plupart du temps un grand intérêt du travail peuvent le trouver en informatique du fait de la multiplicité des métiers. Au fur et à mesure de l’expérience acquise, les postes s’ouvrent vers plus de technicité, plus de fonctionnel, plus de contact avec les utilisateurs finaux ou vers le management de petites équipes ou d’entité. Que l’embarras du choix en fonction des affinités et des aspirations !

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Témoignages d’ingénieures Supélec Les débuts de carrière Il y a peu de changement entre les études et la vie professionnelle lorsque sa carrière débute par du développement. La seule chose et non la moindre, c’est qu’il faut respecter le nombre de jours prévus et les délais (pas le temps de se faire plaisir, c’est quelquefois un peu frustrant mais le temps, c’est de l’argent) et faire proprement les tests avec tous les cas d’erreur car les programmes mis en production ne doivent pas « se planter ». Cependant, il ne faut pas se leurrer le zéro bug n’existe pas : « En informatique industrielle, j’ai eu une erreur de programmation 8 ans après la mise en production, avec des programmes qui tournaient 24h/24 7j/7 mais le déroutement d’une erreur fatale de disque dur, je ne l’avais pas testé et lorsque c’est arrivé, tout a planté !! » En ce qui concerne la compétence technique, Supélec prépare bien au monde professionnel. D’ailleurs à profil égal, bien souvent, le recruteur pour des postes informatiques aura tendance à choisir une femme. De manière générale, elles n’ont jamais ressenti de doute sur leurs compétences. Au début de l’informatique, certaines ont parfois joué de leur état de femme : « quand je ne savais pas répondre, je me faisais passer pour la secrétaire ». Eh oui, il fallait bien que cet a priori serve aussi exceptionnellement la cause féminine. L’inconvénient des débuts de carrière c’est la jeunesse des femmes par rapport à leurs souhaits ; si les hommes qui choisissent cette activité sont souvent des « accro de la technique » et sont rivés sur leur écran-clavier, les femmes préfèrent le fonctionnel et ainsi, ont beaucoup plus rapidement des contacts avec d’autres personnes (client ou autres équipes projet). Une jeunesse qui engendre des réflexions plus ou moins agréables à entendre : « Je travaille depuis 2 ans et mon responsable me confie un stagiaire ; il est plus âgé que moi (résultat du syndrome de bonne élève et du service militaire encore imposé !). À la cantine, il me dit toi aussi tu es stagiaire ? Euh non j’encadre ! » « Dans les années 80, 22 ans, mon premier projet, ma première réunion chez le client, je me lève pour présenter la solution et là, le client comme un 89

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cri du cœur dit à mon chef de projet “mais elle s’occupe du projet, ce n’est pas votre assistante ?” ; dure réalité du terrain pour le client et pour moimême ! » Mais, les femmes y survivent et cela ne dure pas car malheureusement elles vieillissent…

Régie chez le client Très pourvoyeuses de postes pour les débutants jusqu’à cinq ans d’expérience, les SSII attirent les ingénieurs qui viennent y rechercher leur première expérience et éventuellement leur futur employeur à travers de nombreuses missions dans des secteurs divers. Les objectifs de l’entreprise diffèrent quelquefois de ceux de l’ingénieure : «Je suis rentrée dans cette SSII en précisant que je souhaitais faire de courtes missions entre 3 et 6 mois maximum, au moins pendant les deux premières années. Placée en clientèle dès mon premier jour, comme compétente sur un calculateur que je ne connaissais pas (!), le client me testa pendant les trois premières semaines. Au bout de ce test, visiblement satisfait de ma prestation, il m’annonça ravi que j’allais enfin démarrer sur le projet… d’une durée de près de trois ans. Quel écart avec mes souhaits ! J’ai quitté immédiatement cette SSII, très insatisfaite de cette fausse relation au sein de cette entreprise. » L’assistance technique (aussi appelée régie) est un poste à composante technique majoritairement. Les équipes sont jeunes avec une bonne ambiance plateau/projet ; le plus stressé est en règle générale le chef de projet ; il porte les résultats avec des personnes en régie qui souvent ne souhaitent que mettre en valeur leur CV par un beau projet (mais pas forcement leur propre travail). Ces postes en régie n’apportent souvent que peu de responsabilité et sont très vite délaissés par les femmes Supélec. Les « plateaux informatiques » sont assez souvent le lieu de réflexions (macho/sexiste) à l’égard des femmes dont ce livre fera grâce de l’exhaustivité, mais ne peut s’empêcher d’en citer quelques-unes entendues encore très récemment et qui montrent que les clichés ont la vie dure. « C’est le lancement des soldes aujourd’hui, qu’est-ce que tu fais là ? Demain c’est la chandeleur, tu nous fais des crêpes ? 90

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Tu t’es garée sur la place de parking handicapé, c’est normal tu es une femme ! Pour ta promo, tu as couché ? » Il n’en reste pas moins que ce sont de bons postes d’observation pour connaître une entreprise de l’intérieur avant de postuler dans celle-ci. « J’étais contente d’être externe à mon client où tout était assez politique. Je me permettais des choses que ne pouvait pas faire le personnel de l’entreprise, à savoir refuser de travailler en horaire décalé tôt le matin et/ou tard le soir, car je n’étais pas en retard sur les tâches qui m’étaient attribuées (et pour lesquelles j’étais payée), et aussi surtout parce qu’en tant que femme sans voiture, je n’envisageais pas de prendre le RER en horaire décalé. »

Projet de développement Que cela soit dans une SSII ou dans l’entreprise utilisatrice, les projets de développement d’applications logicielles suivent tous la même logique. Les femmes y réussissent plutôt mieux que les hommes grâce à leur aptitude aux relations humaines, une plus grande rigueur et une grande efficacité (pause cigarettes et pause café optimisées car les journées sont plus courtes : les femmes ne traînent pas au bureau, leur vie de famille les attend à la maison). « De nombreuses fois, en contact avec les clients, j’ai remarqué qu’ils étaient plus sensibles et plus réceptifs lorsqu’une femme gérait leur projet ; ils sont en général plus agréables, plus charmants si l’interlocuteur est féminin. » « Les clients de mes différents projets ont toujours été très respectueux voire même attentionnés, par exemple à m’apporter un verre d’eau lorsque j’étais enceinte, attention qui rendait jaloux mes camarades masculins. Je me souviens d’une réunion où ma fille me donnait des coups de pied si fort que tous ont remarqué la forme du pied qui marquait ma robe bien remplie par un ventre de sept mois. » « Parmi les quatre personnes de l’équipe projet, j’étais la seule femme et j’ai été la seule à être invitée au repas de Noël du client dans l’atelier : 91

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privilège féminin sans doute, mais un très bon moment de convialité avec le client du projet. » Une constante dans cette activité de projet, les équipes sont toujours relativement jeunes car les techniques changeant beaucoup, il est souvent difficile d’évoluer avec les nouveaux langages de programmation. Lors de projets pour des clients, plutôt industriels, ayant bien souvent des personnes plus âgées dans leurs services techniques, cela peut provoquer des interrogations pendant la durée du projet, telle la déclaration de ce client de chimie lourde qui avait pour la première fois lancé un projet de rénovation d’automatisme & informatique dans son usine : « Lorsque j’ai vu cette jeune équipe, il y a 7 mois, cela m’a inquiété mais j’ai décidé de vous faire confiance et je ne le regrette pas, vous avez réalisé un bon projet dans les temps. » Quelle fierté de cette équipe de moyenne d’âge 25 ans ! L’informatique peut être mise en œuvre dans tous les secteurs, industriel, tertiaire et administratif, ce qui procure un champ d’investigation large et riche en découvertes pour ces ingénieures curieuses de par leur nature féminine. « Ce que j’ai beaucoup apprécié dans ma vie d’informaticienne sur les projets d’informatique industrielle, c’était les visites des usines de production qu’il fallait informatiser ; en 5 ans, j’ai fait l’automatisation d’un banc de test de disjoncteurs 800 kV au SF6 (imaginer 500 000 mesures en une demi-seconde), la régulation d’un réseau d’eau potable (la vue en haut du château d’eau et le fou rire suite à la chute des lunettes de mon collègue dans celui-ci lorsqu’il s’est penché pour régler le capteur de mesure ; le client qui voulait les voyants en bleu et non en vert sur l’écran car c’était de l’eau potable…). La surveillance de la pollution d’une grande ville de province nous permettait de connaître les rues les plus polluées à éviter. Le suivi de la qualité de fabrication de flacons dédiés au luxe (parfum, alcool) avec un client qui m’autorisait à prélever sur la chaîne, a été l’occasion de rapporter à mes filles un exemplaire de ceux-ci pour leurs jeux à leur grand bonheur. Mon seul regret : je n’ai pas pu intégrer le projet de relèvement des plates-formes pétrolières qui s’enfonçaient en mer du Nord et ceci du fait de ma condition féminine, les femmes étaient interdites sur les plates-formes ! » 92

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« J’ai découvert la complexité de l’élaboration d’une voiture à travers le système d’information. Je ne m’étais pas imaginée au préalable les simulations économiques nécessaires au fur et à mesure de l’ingénierie du véhicule pour pouvoir rester dans le segment de marché choisi qui correspond bien entendu à une fourchette de prix que le client est prêt à investir pour celui-ci. » « Je travaille dans la recherche en imagerie médicale pour un des leaders du marché. C’est un domaine passionnant, qui fait le lien entre mathématiques appliquées, informatique et le côté médical. Nous créons de nouveaux produits pour aider les médecins dans leur pratique quotidienne. Personnellement, je travaille dans la détection et le suivi de cathéters d’électrophysiologie dans des images cardiaques rayons X, mais il existe (dans notre équipe ou ailleurs) de nombreux projets allant de l’amélioration de la qualité d’image à l’aide au diagnostic pour les médecins. » « Dans mon travail, je suis amenée à rencontrer des médecins afin de comprendre leurs attentes, et de valider avec eux des prototypes qui pourront ensuite devenir des produits. Lors d’une de mes visites dans un hôpital, le médecin souhaitait que ce soit moi qui fasse le choc cardiaque d’un jeune patient ! J’ai préféré refuser, et pour une première fois seulement y assister. »

Carrières commerciales et management Après les premières années de mise en œuvre des techniques informatiques sur les projets, les femmes s’orientent vers des postes de vente des solutions ou de management d’équipe multi-projets ou très gros projets. Là encore, les femmes y réussissent plutôt bien : plus de facilités pour obtenir un rendez-vous auprès de ces messieurs en majorité aussi chez les clients, curiosité, vanité masculine, nul ne sait vraiment mais c’est un fait. Certains clients se laissent charmer comme ce DSI qui, lorsque l’ingénieure commerciale lui a présenté un avenant au projet égal à 50 % du projet initial, lui a dit : « avec votre grand sourire, vous ne pensez pas que je vais signer sans discuter ! » et il l’a fait, à la grande surprise du responsable de l’ingénieure qui s’attendait à une longue discussion pour arracher 20 % ! Qui dit vente, dit promotion des produits dans des espaces dédiés et là, la condition féminine se révèle et subit des situations assez cocasses :

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« Sur les salons professionnels, on se sent invisible : certains visiteurs ne m’adressaient pas la parole cherchant des yeux un homme pour poser leurs questions techniques. Un en particulier, parlant à un de mes collègues, m’a tendu son badge sans même me regarder pour relever ses coordonnées pour l’envoi d’une documentation. À leur décharge, les hôtesses sont toujours des femmes, je ne crois pas avoir vu un seul homme assurer ce poste. » « Contact et abord très très convivial (trop !) : les visiteurs de type “princes libyens” nous ont abordées, très intéressés sur nos études et pour nous proposer d’aller dans leur pays… et devenir une de leurs femmes. » Le management, c’est aussi une affaire de femmes dans ces milieux d’informaticiens comportant essentiellement des ingénieurs ; elles y pratiquent un management coopératif (et non viril) favorisant l’épanouissement de leurs collaborateurs. « Dans les responsables qui m’entourent, il y a vraiment une conscience de ce que peut apporter une femme en milieu masculin ; elles sont responsables qualité, directrices de production (aux 4/5), chefs de projet et responsables techniques. » « J’ai eu “9 gars” à manager, pas de problème, j’étais crédible techniquement et c’était des jeunes. Mon collègue de bureau m’a dit que j’étais “maternante” ; c’est vrai je les appelle “mes gars”. Je revendique ce mode de management comme je le fais avec mes enfants “en les aidant à aller plus loin, sans les étouffer.” » « J’avais tellement l’habitude d’un contexte masculin que lorsqu’une femme est arrivée dans mon équipe pour me remplacer à terme sur le projet, je me suis interrogée, j’ai eu besoin d’un peu de temps pour trouver quelle attitude adopter. » Cependant, ce management au féminin est parfois aussi redouté par les collaborateurs qui s’imaginent à tort ou à raison qu’ils vont mal le vivre. Il faut reconnaître que chacun a un style de management différent, tous ne réussissent pas dans toutes les situations, que ce soit des hommes ou des femmes. « J’étais manager depuis de nombreuses années et lors d’un changement d’entité, un de mes reports directs d’une quarantaine d’année m’a avoué : “c’était la première fois que j’étais managé par une femme, au début 94

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cela m’a inquiété mais finalement maintenant que tu pars je vais te regretter”. Je n’avais pas du tout remarqué cette inquiétude mais j’ai compris alors pourquoi cela pouvait être plus difficile avec certains. » « J’ai eu à une époque une femme pour manager. “Parachutée” à ce poste alors que certains avaient envisagé une promotion interne à l’équipe, les membres de son staff direct ne l’appréciaient pas. J’étais prête à l’aider comme d’autres collègues femmes, parce que ça nous plaisait d’avoir enfin une femme manager, mais elle nous a toutes renvoyées dans nos petits coins (remarques cinglantes, mail qu’on reçoit comme une gifle…) ce qui nous a beaucoup déçues. Par ailleurs et heureusement, elle n’est pas restée à son poste. » Ces ingénieures informaticiennes ont une forte exigence envers ellesmêmes mais aussi par voie de conséquence envers les autres. Il faut « mériter » de travailler avec une femme. Elles ont une grande fierté personnelle d’avoir bien réussi, et ne l’expriment pas en vantardise personnelle mais plutôt en réussite collective de l’équipe. Elles se sentent à l’aise dans ce secteur où les lignes hiérarchiques sont souvent « légères » permettant ainsi des relations franches où seul compte le résultat.

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Finance des femmes d’affaires

2008, est sans doute une année où les médias ont le plus parlé de la Finance, à travers l’affaire des sub-primes aux États-Unis, l’affaire Kerviel en France, la banqueroute de grandes banques et la crise financière qui a suivi. C’est un secteur où les enjeux d’équilibre mondial, d’impact sociétal et les montants financiers sont si gigantesques qu’ils font tout autant peur qu’ils attirent. Selon le Larousse, la finance est la science de la gestion des patrimoines individuels, des patrimoines d’entreprises et des deniers publics. Elle s’intéresse donc à la façon dont les individus, les entreprises et les organisations obtiennent des ressources monétaires et les investissent. Ce secteur d’activité comprend notamment la banque, l’assurance et les Bourses, l’investissement immobilier, sans oublier les budgets publics. Le monde de la finance s’articule autour de différents acteurs et entre différents lieux d’échange. Le marché, c’est le lieu de la rencontre entre l’offre et la demande. Les marchés financiers sont devenus depuis les années 1980 le principal circuit de financement de l’économie, en complément des banques. Du fait de la superposition des différents marchés financiers (actions, taux d’intérêts, devises et matières premières), le système financier est international : il est présent dans chaque pays, avec des flux circulant de l’un à 97

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l’autre avec toutefois certaines restrictions locales. La politique monétaire est menée par les banques centrales, avec des interactions avec les organismes officiels internationaux (FMI, Banque mondiale, Banque des règlements internationaux, BEI, BERD, etc.). Chaque pays se dote de structures adéquates pour veiller au bon fonctionnement des marchés financiers. En France, l’AMF, Autorité des Marchés Financiers définit la réglementation et s’assure de la protection de l’épargnant en décrivant les droits et obligations des acteurs financiers. Elle contrôle les opérations financières sur les sociétés cotées et sanctionne si nécessaire.

Les ingénieurs sont présents dans les systèmes d’information… Traditionnellement les entreprises de ce secteur offrent de nombreux postes dans les systèmes d’information et l’organisation. L’informatique est le back-bone entre tous les acteurs. Le monde de la finance a donc de plus en plus besoin de compétences en maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’œuvre pour faire communiquer l’ensemble des systèmes et répondre aux contraintes d’efficacité, de rapidité, de fiabilité et de sécurité. Les changements qui se sont opérés ces dernières années dans ce secteur en ont fait un secteur où le système d’information est le deuxième poste budgétaire (informatique et flux financiers) après les salaires. C’est ce qui explique la recrudescence des embauches d’ingénieurs pour répondre à ces problématiques. Avoir des équipes qualifiées capables de gérer des portefeuilles avec de bonnes performances, c’est bien. Ne pas gâcher ces résultats par une ou des erreurs, voire des malveillances, c’est encore mieux. Cela implique la mise en place de systèmes de suivi des risques opérationnels et des risques de marchés. En termes informatiques, il faut limiter l’intervention humaine en automatisant le maximum de tâches, suivre qui a fait quoi (avoir une piste d’audit) dans les systèmes et savoir à tout moment quels sont les risques financiers encourus et comment ils évolueraient en fonction de l’évolution plus ou moins brutale des marchés.

… Mais aussi dans les métiers de finance de marché Ce phénomène est assez nouveau ; en 2005 seulement 2 % des jeunes diplômés Supélec rejoignaient ce secteur. Les entreprises les attirent sur ces 98

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postes grâce notamment à des niveaux de salaire élevés. Leurs compétences sont recherchées pour les outils d’optimisation et d’aide à la décision financière (calculs sur les taux d’intérêts, instruments financiers divers, critères et méthodes pour sélectionner des investissements en fonction de leur rentabilité prévisionnelle ou de leur création de valeur, optimisation de la répartition des actifs par diversification, évaluation financière…). Outre les conditions salariales, ce qui semble attirer les ingénieurs, c’est le cycle rapide des transformations et adaptations nécessaires, cycle qui leur permet de voir très vite si ce qu’ils font a de l’impact, est utile et reconnu. Les autres raisons de ce choix sont la fierté de travailler pour des établissements prestigieux, l’influence et la prise directe avec l’économie mondiale. En terme de métier, la finance de marché ne se résume pas au trading ; il y a aussi le courtage, la vente, la structuration, la recherche financière, la recherche quantitative, le contrôle de risques, le contrôle des opérations… Il y a largement de quoi y faire plusieurs carrières passionnantes !

L’ingénieur : un bon investissement Pour les systèmes d’information, la question ne se pose pas. Pour la finance, elle-même, un vrai trader, qui réussit, doit connaître ses limites et ne pas faire n’importe quoi. Il doit interpréter, traiter l’information rapidement, aller droit au but. De bonnes bases mathématiques lui permettent de comprendre les informations reçues, en vérifier leur fiabilité et leur cohérence. N’est-pas ce que l’on apprend aux ingénieurs ?

Témoignages d’ingénieures Supélec Comment se retrouve-t-on dans le secteur finance ? Les jeunes femmes qui franchissent les portes de Supélec ne sont pas toutes passionnées par la technique. Certaines adorent les mathématiques. D’autres sont intéressées par l’économie et la logique de fonctionnement des marchés. En bref, plutôt un penchant pour une activité professionnelle qui sera plus proche du fonctionnement de la société que de la technique 99

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pure. Une école d’ingénieurs de bon niveau permet de garder cette ouverture et faire le choix de l’emploi dans une banque ou dans une assurance. Certaines aspirent à travailler dans ce monde de la bourse, des salles de marchés, des opérations financières pour l’adrénaline produite par les montants mis en jeu. « Une salle des marchés est au cœur de l’activité d’une banque et le lieu de toutes les transactions financières, exécutées électroniquement ou par téléphone. Je côtoie différents métiers : Le vendeur qui construit des relations commerciales à long terme avec ses clients en leur fournissant des conseils d’investissement. Il doit s’informer en permanence de l’évolution des marchés et des produits (via les morning meetings, les news flow et la recherche dérivés). Le trader, opérateur pour compte propre, qui est responsable d’un portefeuille, assure la cotation d’un ou plusieurs produits, gère le risque associé et les positions prises. 100

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Le quant qui est un ingénieur R&D (modélisation et stratégies de couverture). Le structurer qui associe compétences techniques et capacité à innover afin de développer de nouveaux produits structurés. Le point commun de tous ces métiers est l’exigence et la réactivité. Il faut être capable de travailler sous pression. Les montants en jeu sont importants et l’erreur peut être extrêmement coûteuse : rigueur et maîtrise de soi sont nécessaires. » « Je travaille dans une société d’asset management classiquement composée d’un front office, middle office et back office qui s’appuient sur les services support : juridique, marketing/communication, commercial, reporting et système d’information. Mon métier consiste à gérer les fonds. »

Un monde ouvert aux ingénieures ? La réponse semble être positive mais avec des nuances suivant l’activité réalisée. « La majorité des vendeurs ont une formation d’École de commerce, et donc hommes et femmes sont également représentés. Ce n’est pas le cas pour les postes de trader, structurer, et quant dérivés car ces activités nécessitant une compréhension des modèles mathématiques de valorisation des produits dérivés, les recrutements se font plutôt dans les Écoles d’ingénieurs entraînant une plus faible représentativité des femmes. » « Dans la banque où je travaille, je suis encore aujourd’hui la seule trader femme parmi une centaine d’opérateurs de marchés sur les dérivés et il n’y en avait jamais eu avant moi. Le milieu est traditionnellement très masculin et accumule les “codes”. Il n’est pas si loin ce temps où les brokers (les intermédiaires de marché) emmenaient après une bonne journée de travail les traders dans des boîtes de strip-tease (!). Aujourd’hui, même si ces pratiques semblent révolues, l’ambiance de salle de marché est électrique, et on demande, en particulier aux traders, de savoir négocier ferme, de savoir trancher, en un mot de s’imposer, ce qui a pour effet de dissuader les candidatures féminines. La plus grande technicité des produits financiers, la prépondérance des mathématiques et des outils informatiques ont cependant eu tendance à estomper cet état de fait. » « La féminisation des salles des marchés est effective aujourd’hui, mais reste principalement cantonnée à certains types de postes : vendeur, 101

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fonction de support (middle office, contrôle des risques…), quand d’autres postes, qui sont d’ailleurs souvent les plus rémunérateurs (trader…) restent encore essentiellement masculin. » Les métiers de la finance offrent les perspectives d’une activité passionnante où les techniques acquises en école d’ingénieur sont nécessaires. Alors, pourquoi ne pas franchir le pas pour y aller ! Enfin pas tous, car si les ingénieurs désertent les milieux industriels et techniques, la finance n’aura plus de fonds à gérer.

Transport en voyage avec Elles

En 1900, Paris inaugurait sa première ligne de métro tandis qu’on électrifiait les voies de chemin de fer et que Monsieur Louis Renault venait de lancer sa voiturette…. Que de chemin parcouru depuis plus d’un siècle ! Et cela notamment grâce aux ingénieurs qui s’y sont investis. Aujourd’hui, le secteur du transport terrestre regroupe à la fois des constructeurs et des équipementiers qui conçoivent et produisent les moyens de transport, et des opérateurs, publics et privés, qui en assurent l’exploitation au service des entreprises et des particuliers. La construction automobile se caractérise notamment par la production de véhicules en grande série à destination du consommateur final qui recherche toujours plus de confort d’innovation et de sécurité au moindre coût. Les constructeurs ferroviaires développent des systèmes de transport (train, métro, tramway) toujours plus rapides et performants tout en obéissant à des contraintes de sécurité très strictes. Quant aux opérateurs, ils s’attachent à réduire leurs coûts d’exploitation tout en développant de nouveaux services destinés à leurs clients.

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L’activité des opérateurs ferroviaires se distingue encore des autres activités très concurrentielles du secteur du transport, en restant localisée et protégée par les lois de régulation européennes. En Europe, les grandes orientations sont décidées par les autorités organisatrices (États, régions, communautés locales…) et la Communauté européenne elle-même. Cependant, cette activité sera prochainement ouverte à la concurrence comme l’ont été précédemment les secteurs de l’électricité et des télécommunications.

Des techniques de pointe au service de systèmes de transport plus performants, plus sûrs et plus écologiques Le secteur du transport se caractérise par une forte activité de recherche et développement notamment liée à l’amélioration des performances, du confort et de la sécurité. Ainsi, les systèmes d’anti-patinage des voitures ou encore les annonces sonores et visuelles automatiques d’arrivée en station dans les transports publics font aujourd’hui partie de notre quotidien. Notons que l’aspect sécurité touche à la fois la sécurité du moyen de transport lui-même (train ou voiture), mais aussi celle du système global de transport, via, par exemple, les systèmes de signalisation ferroviaires ou encore les systèmes de vidéosurveillance. Par ailleurs, suite aux diverses mesures internationales et gouvernementales, les constructeurs automobiles et ferroviaires ont investi, et continuent à le faire, des budgets conséquents de R&D dans la conception, la production et l’exploitation de moyens de transport plus écologiques. Ainsi, les voitures électriques ou hybrides, ou encore les bus au gaz font de plus en plus partie de notre panorama. De même, bien que ce soit moins visible des usagers, les eaux usées des machines à laver des matériels roulants sont aujourd’hui recyclées, et les particules des gaz d’échappement des voitures sont brûlées par les filtres à particules avant leur rejet dans l’atmosphère. Ainsi, les passionnés d’innovation technologique peuvent s’investir pleinement dans l’étude et la conception des systèmes de transport du futur.

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transport – en voyage avec elles

Des moyens de production toujours plus performants En 1948, lorsque Citroën a lancé la commercialisation de sa célèbre 2CV, conçue 10 ans auparavant, il était fréquent, pour un particulier, d’attendre 2 ans entre la commande et la livraison de sa voiture. Impensable, aujourd’hui… La planification, la logistique, la qualité et, en règle générale, tout ce qui concourt à une gestion de production efficace sont des activités clés pour les constructeurs qui doivent constamment réduire les délais et les coûts de production afin de rester à la fois attractifs et compétitifs. Aujourd’hui environ 15 à 20 % du coût d’une automobile est lié au coût de production. Intégrer les réflexions sur les méthodes et moyens de production dès les phases de conception des véhicules est une absolue nécessité.

Un secteur de plus en plus tourné vers les services Initialement de simples moyens de locomotion, les systèmes de transport doivent aujourd’hui intégrer toute une palette de services pour trouver grâce aux yeux de consommateurs exigeants. Aujourd’hui, il est banal de brancher un ordinateur portable sur secteur dans le train ou encore d’utiliser le téléphone mobile dans les stations 105

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souterraines du métro, et pourtant cela n’a été possible que grâce à des études et aménagements spécifiques. Sans toutes les lister, il faut noter les améliorations réalisées pour un meilleur confort ou plus de sécurité telles que l’ouverture et la fermeture automatique des toits des cabriolets, l’assistance au créneau ou encore l’appel d’urgence qui permet à la voiture de contacter toute seule les secours en cas d’accident, les panneaux lumineux qui indiquent en temps réel les temps d’attentes des prochains bus ou métros, ou les durées de trajet prévisionnelles et incidents divers… La notion de services s’étend également à la maintenance des systèmes de transport où les métiers requièrent à la fois des compétences techniques et des qualités d’organisation et de coordination. Ainsi, les transports de demain seront très techniques mais aussi, durables, économiquement efficaces et résolument tournés vers tous les usagers, les actifs, les jeunes, les seniors, les handicapés, etc. Le client sera plus que jamais au cœur de l’activité.

Et les femmes ? D’une manière générale, dans le secteur du transport, tant chez les constructeurs que chez les opérateurs, les femmes ingénieurs sont encore relativement peu représentées (de 11 à 16 % selon les sources). Pourtant, ce secteur offre une grande palette de métiers où la créativité, la rigueur, l’organisation et le management d’équipe sont des qualités essentielles permettant de s’y épanouir totalement. D’ailleurs, 50 % des utilisateurs des systèmes de transport ne sont-ils pas des utilisatrices ?

Témoignages d’ingénieures Supélec Comme beaucoup d’ingénieurs, les ingénieures Supélec du secteur transport se sont majoritairement orientées vers une formation d’ingénieur par goût des matières scientifiques, de la créativité et de l’innovation. « J’ai été attirée par le métier d’ingénieur à la fin du lycée par goût pour les sciences et l’idée de participer concrètement au développement de 106

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produits technologiques. Je n’avais pas de domaine particulier de prédilection, si ce n’est un penchant pour le domaine de la physique. Cela s’est précisé ensuite à Supélec, où je me suis orientée vers le secteur du traitement du signal, qui m’a intéressée car il utilise les mathématiques, l’informatique et la physique au service de domaines innovants. » « Ayant un esprit cartésien, j’ai toujours aimé apprendre, d’où l’envie de devenir ingénieur. Le métier d’ingénieur est en constante évolution. Un ingénieur doit se remettre en cause tout au long de sa carrière qui l’amène à acquérir des nouvelles connaissances. C’est un métier qui permet d’être proche du milieu industriel, qui me semblait dès le départ propice à d’intéressantes évolutions de carrière. »

Si le hasard des stages les aide à se déterminer pour le secteur transport… Bon nombre d’étudiants n’ont qu’une vague idée de ce qu’ils souhaiteraient faire à l’issue de leur formation. Les stages leur procurent alors l’opportunité de découvrir un type de métier ou un secteur d’activité, même si leur motivation initiale peut être tout autre, en particulier le désir très répandu d’avoir une expérience à l’international. Et le hasard fait bien les choses… « La recherche d’un premier poste dans un grand groupe industriel m’a motivée car mon expérience au Canada durant mes études à Supélec m’avait fait prendre conscience de mon besoin de travailler en équipe, d’être en interaction avec différents métiers, de travailler opérationnellement dans l’action et dans un monde qui bouge sans cesse. » « À Supélec, je pensais qu’il était intéressant de pouvoir partir à l’étranger pour pratiquer une autre langue. J’ai finalement trouvé un stage dans l’automobile en Allemagne. Ensuite, je suis allée naturellement vers l’électronique automobile après avoir été diplômée. » « Je voulais travailler “utile”, sur du concret. Comme j’avais commencé l’italien à Supélec, j’ai voulu travailler l’été en Italie. Mon parrain Supélec m’a aidée à trouver un stage dans l’automobile dans la région de Milan. Cela m’a beaucoup plu. En fin de troisième année, j’ai présenté mon sujet de stage au Concours de la SIA (Société des ingénieurs automobile), où j’ai reçu un prix. Parmi le jury se trouvait un directeur français de l’entreprise où 107

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j’avais fait mon stage. Avec son soutien et la recommandation de mes patrons de stage italiens, j’y ai obtenu un poste dès mon diplôme en poche. »

… Le goût du produit et du service les attire fortement L’attrait pour le produit est un vecteur fort de motivation à travailler chez un équipementier ou un constructeur. « Mon premier emploi était dans une usine de semi-conducteurs dont l’unique activité était la fabrication de puces logiques. Le fait de ne pas connaître le produit final me frustrait, je souhaitais en fait travailler sur un produit grand public. J’ai donc recherché un poste dans le développement des pièces électroniques dans l’automobile. » « J’ai ressenti le besoin de travailler dans le cœur de métier technique de l’entreprise pour participer au développement et à la production d’un produit que l’on peut “toucher”, dont on peut être fier et qui touche notre sensibilité collective. Pour moi, la motivation passe nécessairement par l’attrait fort pour le produit développé par l’entreprise, se sentir fier de la réalisation d’un produit complexe aux enjeux technologiques importants. Mes premiers postes, décrochés dans le secteur de l’automobile, m’ont permis de plonger dans le monde des systèmes électroniques embarqués, dans le monde de la production industrielle aux contraintes nombreuses. Toute cette complexité de l’électronique embarquée dans les véhicules, de la recherche jusqu’à la production, est un véritable challenge qui est passionnant, et permet d’aller toujours plus loin dans les prestations (de confort ou de sécurité) offertes aux clients, clients extrêmement diversifiés puisque tout le monde ou presque possède une voiture. Je me suis donc forgée une motivation manifeste pour le domaine des transports où l’électronique embarquée est un point stratégique et passionnant pour les évolutions du futur. » Chez les opérateurs de transport, la dimension technologique est également importante mais elle se complète par celle du service. « Je crois que j’ai toujours été attirée par l’idée de travailler au service de la collectivité. J’ai fait mon stage de fin d’études dans le service où j’ai ensuite débuté. Le statut très particulier des agents de cet opérateur de transport public m’avait d’abord fait hésiter. Néanmoins, les outils étaient très performants et les projets pour lesquels on me proposait de travailler 108

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tout à fait innovants. Presque 20 ans plus tard, je ne regrette pas ce choix, j’ai réalisé des projets passionnants, j’ai eu rapidement des responsabilités aussi bien techniques que managériales. »

Des débuts de carrières marqués par la technique Les carrières des ingénieures Supélec dans le secteur transport démarrent généralement avec des postes techniques, notamment orientés vers les systèmes électroniques et logiciels, dans la ligne des enseignements de Supélec, qui constituent des bases techniques tout à fait essentielles. « Pour mon premier poste, j’ai été embauchée comme ingénieur développement et vérification logicielle contrôle moteur chez un constructeur automobile. » « J’ai abordé les différents aspects des contrôles de vitesse embarqués des trains : leur conception au travers de la qualification des logiciels de sécurité qui les constituent, leur utilisation, leur définition actuelle et future, en Europe et dans le monde. » Sans oublier les activités de production, qui toutefois, ne comptent que peu de femmes Supélec dans leur rang. « J’ai obtenu mon diplôme d’ingénieur Supélec dans la spécialité “Conduite de processus industriels”. Fortement motivée par l’automobile, j’ai été embauchée, dès ma sortie de l’École, par un constructeur automobile comme ingénieur d’études dans un projet informatique de pilotage des flux de production. » Et même après quelques années d’expérience, l’enseignement diversifié de Supélec les aide à mieux appréhender leur métier. « Au bout de trois ans, j’ai pris un poste de pilotage de fournisseur dans le domaine de l’autoradio avec système de navigation GPS intégré. Cela me faisait toucher à tous les domaines enseignés à Supélec : soft, hard, télécoms, réseaux multiplexés, énergie électrique… » Pour elles, démarrer dans des postes techniques s’inscrit évidemment dans la suite de leurs études mais leur permet également de se plonger dans 109

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le cœur de métier de l’entreprise et facilite ensuite leur évolution vers d’autres fonctions. « La performance d’un constructeur automobile reste très liée à la qualité de ses équipes techniques. Il existe une grande variété de postes à dominante technique. Les postes à responsabilité au cœur du métier de constructeur automobile sont majoritairement tenus par des ingénieurs. Après 10 années passées en production, je reste persuadée que l’expérience acquise dans des fonctions très opérationnelles est indélébile et irremplaçable. »

Le phénomène de la rareté : atout ou handicap ? Dans le secteur transport, les femmes ingénieurs sont encore relativement peu nombreuses et se retrouvent parfois à être la seule femme au sein d’une équipe exclusivement masculine. Certaines y voient des avantages…

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« Aujourd’hui vu le nombre de femmes ingénieurs malgré tout très restreint, il est aisé de se faire connaître de nos hiérarchies (n+2 voire n+3). Souvent ils nous connaissent par notre prénom et nous disent bonjour lors de rencontres fortuites. Ceci rend parfois un peu jaloux certains collègues masculins ! » … Même s’il faut encore malheureusement passer par quelques épreuves. « Lors de mon premier poste, mon département, où j’étais la seule ingénieure, se réunissait tous les mois. Nous étions alors une cinquantaine dans une salle exiguë. La réunion commençait systématiquement par une blague machiste. Cela a duré un an et demi. J’étais à chaque fois blessée. Un jour, j’ai rebondi avec humour et il n’y en a plus jamais eu. » « Le fait d’être une jeune femme pose la question de la gestion d’éventuelles grossesses. Il m’est arrivé une fois de sortir d’une réunion difficile avec des fournisseurs, accompagnée de mon chef et d’autres collègues, tous des hommes. Il avait fait très chaud dans la salle, nous venions d’y travailler près de quatre heures, et je ne me sentais pas très bien. L’un de mes collègues me demande : “Tu ne serais pas enceinte ?” et mon chef, très sincèrement et spontanément a réagi : “Ah non ! Ce n’est pas le moment !” certes en rigolant, quoique… » … Et parfois être confrontée à des situations plutôt cocasses ! « Je gérais le dossier de réalisation d’un énorme banc de test de plusieurs millions d’euros. Ma hiérarchie était convaincue de son bien-fondé et de sa nécessité, mais il fallait convaincre les responsables des investissements de mon entreprise. Un directeur prit rendez-vous avec moi et, lorsque j’entrai dans la salle, il se leva contrairement à ses habitudes et vint me faire un baise-main. Tout le monde se tut. Il me dit alors que j’étais la première femme qu’il rencontrait à un tel poste, à la fois responsable des bancs de test et des investissements de mon département, poste très technique habituellement tenu par un homme. »

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Testées à leurs débuts, elles savent parfaitement relever les défis qui se présentent Dans la pratique, les débuts des femmes ingénieurs sont parfois un peu chaotiques. Les équipes sont souvent plus dures avec elles qu’avec leurs collègues masculins, du fait sans doute de la rareté. « Quelques jours après mon arrivée dans l’entreprise, je me suis rendue à une réunion en Angleterre avec mon directeur afin de faire connaissance avec des collègues britanniques (exclusivement masculins) avec lesquels j’allais travailler avec mon équipe sur un projet international. J’ai été très surprise de les entendre dire à mon directeur (et en ma présence), dès le début de la réunion, qu’ils se demandaient si j’avais les compétences nécessaires pour travailler sur le projet… ce qu’ils n’avaient visiblement pas évoqué vis-à-vis de mon collègue qui encadrait une autre équipe en interaction avec eux. » « Les ouvriers et techniciens n’avaient pas l’habitude de travailler avec des femmes cadres. Mon plus grand désarroi arriva certainement le jour où j’ai décidé de rentrer moi-même un véhicule dans notre atelier. L’ensemble de l’atelier (30 hommes) a arrêté de travailler et s’est mis à me regarder le long de l’allée centrale. Et ce qui devait arriver arriva : j’ai calé lorsque j’ai fait mon créneau… à leur plus grande satisfaction (on le savait bien !). » « Dans le secteur du transport persiste parfois une ambiance et une “façon de penser” plutôt masculine. Dans ce contexte, une attitude et une approche plus “féminine” et pourtant tout aussi efficace sur certains sujets comme le pilotage des fournisseurs ou le management d’équipe m’a parfois desservie. Mon empathie, mon calme et ma diplomatie se sont parfois retournées contre moi car donnant l’image d’une personne qui ne sait pas dire “non”. J’ai dû prouver avec persévérance que cette attitude différente amenait également de bons résultats et permettait une bonne affirmation de soi. » Mais, une fois qu’elles ont fait leurs preuves, elles constatent souvent que ce phénomène s’inverse. « Une fois mes preuves faites, j’ai toujours été surprise de voir que les ouvriers et techniciens étaient plus compatissants et bienveillants avec moi qu’avec les hommes ingénieurs. Être une femme était devenu un atout. » 112

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« Lorsque j’ai quitté mon service, où j’étais la seule femme à mon arrivée 3 ans auparavant, je me suis rendue compte que c’est avec moi que les techniciens préféraient travailler alors qu’au début ils étaient très méfiants et testaient régulièrement mes compétences techniques. » Les femmes ingénieurs réalisent d’ailleurs très vite que les compétences techniques sont loin d’être suffisantes, même pour des postes à dominantes techniques. « Je me suis aperçue que mes qualités humaines étaient appréciées au même titre que mes qualités techniques. On n’en est pas consciente lorsque l’on est étudiante ! » « J’ai appris que pour être crédible, il faut être techniquement au point et organisée. Il faut aussi trouver le juste équilibre entre être humaine et être directive. » « Le fait d’être une femme permet de remporter certaines victoires lorsque les personnes qui travaillent avec vous respectent ou estiment vos qualités humaines, d’écoute, de communication, de rigueur et de compréhension technique. » Le secteur du transport procure de nombreux défis à relever, comme concevoir et produire dans des délais de plus en plus courts et avec un niveau de qualité élevé. Et les femmes ingénieurs s’en sortent plutôt bien. « C’est en travaillant dans l’automobile que j’ai bien compris l’importance du respect des délais : on sait des années à l’avance que la production du véhicule démarre tel jour et il faut que les équipements soient prêts. » « Quand j’ai commencé comme chef de projet chez un équipementier automobile, on m’a confié le développement d’un module électronique. Lorsque mon client m’a rencontré pour la première fois, j’ai bien vu à son air dubitatif que mes 28 ans, sans expérience de management de projet, ne le convainquaient pas. 6 mois après, lors de la livraison des premiers prototypes dans les temps, notre équipe a reçu “par écrit” les félicitations de notre client. J’étais très fière ! » « J’étais responsable de la conception du logiciel embarqué dans un calculateur. Le responsable des tests en sortie de ligne production demandait régulièrement à tous les responsables logiciels d’intégrer, au sein de leur produit, un nouveau bout de code par ci, un autre par là…, faire et défaire… 113

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Je sentais que ces méthodes allaient à l’opposé de la qualité du code et j’ai refusé en lui imposant une autre façon de travailler. Il a commencé par se fâcher (en me disant que tous mes collègues faisaient ce qu’il demandait et que je n’allais pas lui apprendre son métier) mais il s’y est plié. Deux ans plus tard, il m’a conviée à une réunion où il définissait les standards de test de production en citant mon projet en exemple. Victoire ! »

Avec le recul, qu’est-ce qui les motivent à continuer à travailler dans ce secteur ? « La question fondamentale à se poser avant toute chose, et à tout moment de notre carrière est la question de la motivation. Pourquoi je me lève le matin ? Apprendre, rencontrer des personnes qui m’enrichissent, chercher, organiser, réfléchir, changer, bouger… Cette question essentielle nous aide à cerner le type de poste ou d’entreprise qui nous convient le mieux. Il est inutile d’essayer d’intégrer à tout prix une entreprise dont les valeurs ou l’ambiance ne correspondent pas du tout à ce qui nous motive. » Leur passion pour le produit s’enrichit et se développe au fil du temps… « On se rend compte de la complexité qui se cache derrière un objet usuel (l’automobile), on en apprécie davantage la technique que l’on comprend toujours mieux. » « J’ai particulièrement apprécié la variété des techniques mises en œuvre qui allaient du programme de régulation de l’air conditionné dans le véhicule jusqu’au processus de tannage du cuir qui garnit les sièges. J’ai également fait connaissance avec le style qui a pour rôle de définir les formes et l’esthétique intérieure et j’ai réalisé l’importance cruciale de la convergence style & technique. » « Chargée de valider les prototypes avant leur commercialisation, j’avais la chance de voir tous les véhicules bien avant leur sortie de confidentialité. » … quitte à modifier leur comportement d’utilisatrices. « Un jour, j’accompagne mon mari chez un concessionnaire automobile pour le choix de sa voiture de société. Le vendeur nous explique le fonctionnement de la nouvelle “boîte automatique à variateur”. Mon mari lui répond “ce sujet, il faut le discuter avec ma femme ; elle, elle choisit le modèle, le 114

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moteur et la boîte de vitesses, moi je choisis la couleur et les options.” Le vendeur, quoique surpris, le fait de bonne grâce et je finis par lui expliquer le principe technique du système qu’il vend. » « Il m’arrive régulièrement de faire un tour dans les voitures de la famille pour mieux rédiger la vision client du défaut qu’ils vont transmettre à leurs garagistes. La difficulté reste toutefois de s’exprimer à la fois dans des termes de client standard et dans notre jargon de spécialiste pour que le garage identifie la panne plus rapidement. » « À l’époque où je spécifiais, pour un opérateur ferroviaire britannique, des fonctions liées au déclenchement de la poignée d’alarme dans un train, j’ai profité d’un déplacement en TGV pour observer de près une poignée d’alarme et son environnement dans la rame. Je me suis alors rendue compte que le contrôleur était près de moi et m’observait attentivement. Je lui ai expliqué ce que je faisais. Je ne sais pas s’il m’a crue. » La motivation vient aussi de la variété des métiers offerte aux ingénieures par le secteur transport. Cela leur procure des carrières très enrichissantes où la communication est un facteur clé d’évolution. « L’intérêt principal pour moi de travailler dans ce secteur est la multiplicité des métiers et des nouveautés à découvrir. Ce secteur est en perpétuelle évolution. Cela me demande souvent de m’adapter au changement ce qui est très stimulant. » « Ce qui me motive le plus est certainement la richesse des métiers que l’on peut exercer mais aussi la richesse des rencontres que l’on fait. Je n’ai jamais eu deux jours qui se ressemblaient : innovations techniques, management, investissements financiers, interface avec les chefs de produits… Le périmètre d’un poste d’un ingénieur peut être vaste et passionnant, avec de réels challenges à relever. » « Aujourd’hui j’ai la responsabilité d’une partie de l’architecture du domaine multimédia : 18 calculateurs, de nombreuses diversités à gérer, énormément de nouveautés et d’innovations. Mon poste est en interface avec un grand nombre d’acteurs de l’entreprise : ergonomes, chargés de développement vis-à-vis des fournisseurs, valideurs, experts de chaque domaine (réseaux, énergie électrique, sûreté de fonctionnement…). » « Mon dernier projet portait sur la définition et la mise en œuvre de dispositifs d’aide à l’accessibilité des transports publics aux personnes 115

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handicapées. Notre rôle d’ingénieur peut aller au-delà des simples développements techniques et apporter des solutions à de réels besoins sociétaux. J’ai travaillé avec d’autres mondes que celui des ingénieurs et des techniciens : designers, architectes, juristes, communication… Il est important d’être ouvert, de respecter d’autres cultures, d’écouter et, parfois, de savoir se remettre en cause. La réussite d’un projet est collective. »

Enfin, comment se voient-elles en tant que femmes ? Elles savent parfaitement faire reconnaître leurs compétences sans renoncer à leur féminité… « Adapter notre “féminité” au monde du travail dans un grand groupe industriel est important mais rester soi-même est, selon moi, fondamental. Il faut garder confiance en soi, même dans les situations difficiles, s’affirmer, s’opposer lorsque c’est nécessaire, oser. Être une femme dans ces métiers techniques, notamment dans le secteur transports où les hommes sont encore nombreux, est, au travers des difficultés et des victoires rencontrées, une aventure passionnante où encore beaucoup d’avancées tant technologiques que managériales restent à faire ! » … et bénéficient aujourd’hui d’une volonté affichée par les entreprises de renforcer la mixité de leurs équipes. « Nous profitons aujourd’hui de la prise de conscience des grands groupes de la valeur ajoutée de la mixité dans les performances de l’entreprise. Aussi, j’ai le sentiment que le fait d’être une femme à postuler sur des postes techniques dans l’automobile a été clairement un point positif pour mon embauche. Je pense que c’est une raison pour laquelle, aujourd’hui, les jeunes filles intéressées par les métiers techniques disposent de vraies opportunités pour intégrer ce secteur très motivant. »

Aéronautique des ailes pour Elles

Lorsque l’on parle d’aéronautique, la plupart des gens pensent immédiatement aux avions ce qui, somme toute, est légitime. Cependant parler du secteur aéronautique en se cantonnant aux avions est un peu réducteur car c’est un secteur extrêmement diversifié. Un avion de transport civil, comme un avion de combat militaire, n’est pas un vecteur isolé dans son coin. De sa fabrication jusqu’à son retrait de service, il va dépendre d’un vaste tissu de fabricants, d’exploitants et va évoluer dans un système de régulation et de contrôle aussi fin et réglementé qu’un réseau routier. De plus, l’aéronautique fait appel à des technologies extrêmement poussées pour deux raisons essentielles : la sûreté et la longévité.

D’abord les avions Il faut plutôt parler d’aéronefs pour englober également les hélicoptères et les drones ; leur vie commence dans un bureau d’étude. Les ingénieurs vont imaginer des solutions novatrices comme, par exemple, le respect de l’environnement pour un avion civil ou la furtivité pour un avion militaire, pour pouvoir proposer un produit qui soit le plus en avance possible sur ce qui existe et ce dans le but de durer. Car il s’agit bien de durer. Un avion est 117

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fait pour voler 20 ou 30 ans ce qui implique qu’un programme complet, A380 ou Rafale, porte sur 50 ans. Cinquante ans entre le premier coup de crayon et la mise hors service du dernier appareil. À la vitesse où évoluent les technologies – est-ce que vous aviez un téléphone portable, un écran plat HD, un GPS dans votre montre quand vous étiez adolescent ? – il est absolument vital que, dès la conception, un avion prenne en compte les nouveautés technologiques les plus avancées et que surtout, il soit conçu dès le départ pour pouvoir évoluer, s’adapter, au prix de plusieurs « retrofits » dans le jargon du métier, qui vont émailler ses trente années de service. Donc pour concevoir un aéronef, il faut être moderne pour connaître les nouveautés et visionnaire pour imaginer l’évolution des technologies mondiales et leur garder de la place dans les équipements.

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Le secteur aéronautique est marqué au fer rouge par une contrainte absolument vitale pour lui : la sûreté. Sur un vol Paris-Washington ou Lisbonne-Tokyo, il n’y a pas de bande d’arrêt d’urgence. Lorsque le moteur d’un Mirage 2000 s’arrête en vol, le pilote n’a que deux solutions : réussir à le redémarrer ou continuer son voyage au bout d’un parachute. Et encore ce pilote a la chance d’avoir un siège éjectable. Que se passe-t-il lorsqu’il s’agit d’un petit monomoteur civil ou d’un hélicoptère ? La seule consigne permanente pour les ingénieurs du secteur aéronautique est simple : un moteur ne doit jamais s’arrêter en vol ni une dérive perdre un morceau, un train d’atterrissage n’a pas le droit de casser à l’impact avec le sol, une aile ne doit pas givrer en traversant un nuage en haute altitude… Cette recherche permanente de la sûreté des vols est la particularité numéro 1 du secteur aéronautique bien devant la rentabilité ou les coûts. C’est une sûreté bien au-delà de celle prise en compte dans les autres secteurs de transport, bateau, véhicule ou train. C’est une responsabilité énorme qui nécessite de la part de tous les acteurs du secteur aéronautique une rigueur de tous les instants. Et ces acteurs sont nombreux.

Puis l’exploitation Après la conception et la fabrication d’un aéronef qui monopolisent de très nombreuses entreprises – avionneurs, motoristes, équipementiers – travaillant aux normes aéronautiques, vient la mise en service. Il faut une compagnie pour exploiter l’avion : achat et revente des matériels, formation des équipages et des techniciens, planification et suivi des vols, des entretiens, des réparations, activités commerciales, recherche et suivi de la clientèle, répartition des voyageurs, des poids sur des systèmes informatiques complexes… et donc autant de métiers techniques correspondants. Lorsqu’un avion est en ligne, révisé, carburant chargé, passagers embarqués, fret à bord, pilotes aux commandes, toboggans armés, il ne reste plus qu’à tourner la clé, démarrer et partir en vol vers une lointaine destination. Cependant, le pilote ne peut pas s’envoler, ni même rouler au sol ni même démarrer les moteurs si les structures de contrôle ne lui donnent pas le « feu vert ».

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Et enfin, la régulation

La troisième – et non la moindre – activité du secteur aéronautique comprend les infrastructures au sol (aéroports, aides radioélectriques, communications, radars) et les structures de contrôle (« la tour », les stations radars et leurs équipes de contrôleurs). Tous les aéronefs en vol doivent, au-dessus d’une certaine altitude, s’incorporer dans un schéma de circulation aérienne, vaste réseau mondial composé de balises radioélectriques et de radars mis en œuvre par les contrôleurs qui autorisent ou refusent aux pilotes de monter, de descendre, de tourner, qui dirigent chaque aéronef sur une route virtuelle dans le ciel, les « étagent » en altitude pour éviter les collisions.

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Toutes ces activités de régulation s’appuient sur des matériels très sophistiqués que les ingénieurs doivent concevoir, faire évoluer dans la plus grande sûreté possible. Un balisage au sol ou un radar ne peut pas s’arrêter de fonctionner au moment où un avion atterrit ou quand deux avions sont proches en vol.

Un secteur mondial Comme peu de pays sont capables de produire des avions de ligne ou militaires, ces pays fournissent le reste du monde : la conception et la fabrication sont à vocation internationale. Comme les compagnies aériennes relient des pays dans le monde entier : l’exploitation est à vocation internationale. Comme les structures de contrôle doivent dialoguer de pays en pays au fur et à mesure du cheminement de l’avion : la régulation est à vocation internationale. Un secteur international soumis à une normalisation de ses produits : mêmes fréquences radio, même balisage de piste, même carburant, mêmes normes anti-bruits… Il est régi par des règlements et des obligations, techniques et d’exploitation, qui sont étroitement élaborés et suivis par l’OACI (Organisation de l’aviation civile internationale). C’est une contrainte de plus, garante encore et toujours de la sûreté des vols à travers le monde. En synthèse, un ingénieur plongé dans le secteur aéronautique se doit d’être ouvert à l’international, rigoureux, car il va concevoir des produits qui ne peuvent pas avoir de défaillance grave, il se doit d’être attentif aux nouvelles technologies et surtout assez imaginatif car son travail doit pouvoir fournir un produit dont la longévité est de l’ordre du demi-siècle.

Témoignages d’ingénieures Supélec Les carrières de l’aéronautique ont été marquées dans les dernières décennies par l’évolution très rapide des technologies et leur intégration simultanée dans la conception des avions. Cette forte connotation technique « high-tech » a permis à des ingénieures de participer de façon active à la création des concepts qui régissent 121

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de façon incontournable l’industrie aéronautique actuelle et de participer à la conception des avions.

Pourquoi choisir un métier dans l’aéronautique ? Comme très souvent dans le métier d’ingénieur et des Supélec en particulier, c’est le hasard qui détermine le choix et il faut saisir l’occasion lorsqu’elle se présente : « Une opportunité s’est présentée à moi à la sortie de l’école. Une société aéronautique française recherchait un ingénieur d’études pour le “soutien série” des systèmes d’un programme avion. Bien que ne sachant pas trop ce qui se cachait sous la dénomination du poste, je me suis dit “Pourquoi pas une ingénieure” ? C’est dans cet état d’esprit que je me suis présentée pour un entretien d’embauche. Ma détermination m’a réussie puisque peu de temps après je me suis retrouvée au bureau d’études de la société avec devant moi une pile énorme de documentation (les manuels d’entretien de l’avion) … et personne pour m’expliquer ce que la société attendait exactement de moi, et donc par quel bout prendre le sujet. Cela commençait bien ! Après quelques jours à tourner les pages, j’ai eu la bonne idée de vouloir me dégourdir les jambes et je suis partie “en exploration”. Mon parcours découverte m’a amenée dans une grande salle de traçage ; tout au fond, il y avait quelques bureaux. Par curiosité naturelle, avantage féminin indiscutable, j’ai interrogé une des personnes qui était là : chance, c’était un “ancien” Supélec et il était responsable d’un projet consistant à ajouter une fonction atterrissage au pilote automatique de l’avion. Nous avons vite sympathisé et, condescendant à ma situation plutôt floue, il s’est proposé de négocier avec mon chef (que je n’avais pas encore rencontré) mon transfert dans son équipe ; nouvelle opportunité que je saisis au vol, c’est le cas de le dire ! C’est ainsi que ma carrière dans les systèmes aéronautiques a vraiment commencé. » « J’ai intégré Supélec par le hasard des concours, sans connaître vraiment, en choisissant l’école la mieux “cotée” parmi celles auxquelles je pouvais accéder. À la sortie de l’école, diplômée en mesures/métrologie, j’étais peu intéressée par un travail en région parisienne et je cherchais un poste d’ingénieur en province. Lors d’un forum du GIFAS (Groupement des industriels français de l’aéronautique et de l’espace) à l’hippodrome de Vincennes, entre les gens en 122

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shorts et les appareils photos, j’ai rencontré un responsable du recrutement pour un poste à Toulouse chez un équipementier aéronautique. C’est comme cela que j’ai commencé à travailler dans un bureau d’études de câblages électriques d’avion. »

Techniques aéronautiques Le secteur aéronautique procure fréquemment à un ingénieur l’opportunité d’apprendre le « métier » en touchant un peu à tout sous les directives d’aînés compétents, des études théoriques (mécanique du vol, lois d’asservissement) aux essais en laboratoire ou en vol, en passant par le calcul et l’implantation des solutions dans les équipements ou dans l’avion. « J’ai pu apprendre comment était conçu un avion : la structure, les systèmes (des commandes de vol aux systèmes de navigation ou d’électricité). J’ai appris avec quelles machines-outils et en combien de temps étaient fabriquées chaque pièce. J’ai découvert le partage industriel entre quatre sociétés européennes. J’ai pu vraiment utiliser les deux compétences majeures acquises pendant mes études : “savoir apprendre” et “travailler vite”. Au chef de programme, nous donnions des informations de coûts pour qu’il décide de faire ou non une modification. Celle-ci pouvait porter sur une évolution d’un calculateur, d’un système, d’un assemblage structural, ou d’une installation électrique. Pour l’électronique, mon passage à Supélec m’a permis de parler le même langage que les concepteurs. En complément, j’ai dû apprendre la résistance des matériaux, les moyens de calculs, les concepts de la mécanique de structure. » « Je suis responsable, au sein de mon département, d’une équipe d’experts chargés d’évaluer les tâches du bureau d’études, pour tous les programmes avion de l’entreprise. J’ai l’impression d’être une chef d’orchestre dans cette équipe : je sais jouer un peu de tous les instruments, je peux conseiller les musiciens, je suis capable de fredonner l’air, mais ce sont les musiciens qui jouent ensemble. Ma responsabilité est de veiller à ce que le morceau soit bien joué, en mesure et juste. Cela me convient tout à fait : à la fois expert et manager ! »

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L’utilisation importante du numérique dans les programmes aéronautiques va entraîner la banalisation de l’informatique dans la conception et la réalisation des systèmes. Et cette informatique, tout à fait au début, était encore une grande inconnue pour la plupart : « Il m’a fallu aussi éduquer beaucoup de monde, y compris des pilotes, sur ce qu’était un processeur et un programme informatique… et dire qu’à Supélec je n’avais appris que les rudiments du transistor ! » Des problèmes plus complexes doivent également être pris en compte : « Le numérique, souple d’emploi, est paradoxalement à l’origine des “bêtes noires” des constructeurs d’avion, la gestion des modifications à répétition. En effet, développer des systèmes de plus en plus complexes alors même que le besoin n’est pas totalement défini ne peut se faire que par des révisions de ses spécifications. Le problème se complique car pour prendre rang aux côtés de gros concurrents étrangers, américains essentiellement, le constructeur est obligé d’accepter toutes les demandes, parfois contradictoires entre elles, des compagnies aériennes, potentiellement futurs clients. » « Cette période fut aussi pour moi l’occasion de faire l’évaluation d’autres techniques ou technologies, mais mon équipe est restée “classique” dans ses choix : les méthodes d’intelligence artificielle pour la conception, l’utilisation de liaisons optiques dans l’avion n’ont pas montré de réels avantages à l’époque. Cela ne veut pas dire que ces techniques ne pourront pas être utilisées un jour ; tout évolue et il faut sans cesse savoir se remettre en cause. »

Être une femme peut parfois aider à résoudre des problèmes Dans le métier de l’aéronautique, il est nécessaire de côtoyer les utilisateurs principaux que sont les pilotes. Dans cette profession, le dialogue est quelquefois facilité lorsqu’une femme est correspondante : « Les pilotes voulaient un système (un calculateur embarqué) en remplacement de ce qu’ils faisaient mentalement avec le support de manuels de procédures et de cartes de navigation. 124

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Les concepteurs se sont très vite rendus compte que, lorsqu’ils questionnaient un pilote pour savoir ce qu’il faisait exactement en vol, ils devaient “deviner” : à la place de réponses assez génériques et précises qui auraient permis de définir leur besoin, il n’y avait qu’une collection “d’anecdotes” plus ou moins en rapport avec la préoccupation initiale. De plus, si la chance d’avoir deux pilotes en même temps se présentait pour confirmer les interprétations techniques de leurs “anecdotes”, non seulement les deux avis étaient plus ou moins divergents mais en plus une nouvelle série “d’anecdotes” remettait tout en cause ! J’ai compris alors les difficultés qu’il y avait à obtenir et formaliser une bonne expression des besoins : pilotes, ingénieurs sont tous passionnés par l’avion mais ont des cultures et des langages assez différents. Il fallait faire preuve de patience, chose que les pilotes acceptaient volontiers, peut-être parce qu’ils ne voulaient pas brusquer une femme comme ils auraient pu le faire avec un ingénieur masculin. Les discussions devenaient horriblement compliquées lorsqu’elles se déroulaient en anglais, un anglais non seulement technique (mes années précédentes m’avaient permis d’acquérir le vocabulaire !) mais aussi opérationnel : un monde à peine soupçonné par moi jusque-là. Heureusement deux autres filles sont venues renforcer le service ; elles nous ont rendu de fiers services tant dans nos relations avec les pilotes qu’avec celles que nous avions avec le fournisseur. » Manager une équipe peut être aussi une épreuve : « J’encadrais 60 techniciens, qui avaient la particularité d’être des rugbymen. Après avoir entendu que les ingénieurs étaient “l’élite de la France”, j’ai su que je n’avais pas appris grand chose notamment en management. J’avais l’intuition que les cinq premières minutes de mon poste allaient être déterminantes. J’ai fait confiance à mon instinct, j’ai été acceptée et reconnue. Mon supérieur, un autodidacte qui avait bâti ce bureau d’études, me faisait confiance, et me trouvait “mûre” pour mon âge (23 ans) ! »

Un métier international Côté relations internationales, si elles sont banales et courantes à notre époque, ce n’était pas forcément évident au début. Ainsi, en se référant à 125

ingénieur, un métier pour les filles

cette anecdote des années « guerre froide », il existait encore des zones d’ombre : « Il a été un moment question que je parte pour trois ans en URSS afin d’assister un constructeur russe à installer notre système sur un de ses avions. Je n’avais jamais pensé qu’une telle proposition puisse m’être faite un jour, et je me suis mise à apprendre le russe. Les discussions ont été longues avec les autorités russes et le projet de coopération a finalement capoté, sans doute parce qu’ils en avaient appris assez à notre insu comme nous l’a montré une mystérieuse affaire, résolue grâce au scotch que nous utilisions pour consolider les pages abîmées de la documentation. » Bien entendu, la maîtrise de la langue anglaise dans une industrie aussi internationalisée reste une grande constante : « La première tâche qui m’a été confiée en tant qu’ingénieure spécialiste a été de suivre la fiabilisation de l’équipement que devait faire le fournisseur du système ; c’était un Américain et moi qui n’avait guère appris l’anglais qu’au travers du dialogue des sorcières dans Macbeth ! Après des débuts plutôt difficiles, la compréhension s’est installée avec de la bonne volonté de part et d’autre. » « Nous travaillons de plus en plus en équipe avec nos collègues allemands, anglais et espagnols. Les différences tendent à se fondre, petit à petit. Avec les années, je peux enfin parler anglais sans difficulté, sans réfléchir. À mon époque, ce n’était pas le cas à la sortie de Supélec ! » Les activités du secteur permettent une ouverture sur le monde et permettent aussi de « voir du pays » : « Le concepteur a tout intérêt à faire standardiser ses conceptions pour ne pas avoir à les reprendre lors de la réalisation… mais sans trop en dire à la concurrence ! C’est un peu le jeu du chat et de la souris. Numérisation et systèmes nouveaux m’ont donc amenée à fréquenter assidûment les organismes de standardisation, qui sont majoritairement outre-Atlantique ; il faut aimer les voyages ! » « On recherche quelqu’un pour aller en Angleterre auprès du fournisseur du système de façon à pouvoir résoudre sur place des problèmes de 126

aéronautique – des ailes pour elles

livraison : les tolérances de fabrication, la qualité de la soudure à la vague, de nouveaux connecteurs dits “centraux”, autant d’aspects technologiques qu’il avait du mal à maîtriser. Je saute sur l’occasion bien que cela soit assez loin de mon expérience. C’est une aventure nouvelle que je vais vivre car, après le monde des études chez un avionneur, je vais découvrir le monde de la production chez un équipementier et de surcroît anglais ! »

En conclusion quelques conseils « Aujourd’hui, à 42 ans, ingénieur Supélec, travaillant à la finance d’un grand constructeur aéronautique, reconnue comme une experte dans mon domaine, je suis dans une phase de questionnements. Faut-il quitter un métier qui continue à me passionner, pour suivre le dogme des changements de postes pour faire évoluer sa carrière ? J’ai pu concilier jusqu’ici ma vie de famille (avec quatre enfants), parfois, en équilibre fragile, avec un métier où je continue à apprendre tous les jours, à être à la fois en contact avec les concepteurs, et aussi à avoir une vision sur les coûts. Que retenir de ce parcours ? À première vue, en sortant de Supélec, je me suis vite écartée de la technique, en “m’engouffrant” dans un poste de management ; mais finalement, après presque 20 ans de carrière, je suis toujours en contact avec la technique, passionnée de savoir et comprendre comment est fait un avion. Cela me fait encore rêver. Intellectuellement, j’ai toujours eu besoin d’avoir une activité professionnelle, pour utiliser mes connaissances, pour partager avec les collègues. J’ai eu l’intuition que la vie était comme un tabouret, il fallait plusieurs pieds : famille (en premier), métier, amis et vie sociale, au cas où l’un flancherait… » « Ma carrière, je le crains, peu de personnes pourront en avoir une aussi diversifiée que la mienne dans le futur car la complexité de plus en plus grande des systèmes aéronautiques nécessite de nos jours une partition des tâches. Des jeunes que je rencontre de temps en temps le déplorent, mais je constate que malgré tout ils (et elles) restent passionné par l’avion : Aviation rime bien avec Passion. Soyons vigilantes : son métier, c’est bien, mais il faut aussi penser à la famille. J’ai eu la chance d’avoir un mari et des enfants qui ont accepté ma 127

ingénieur, un métier pour les filles

passion et permis de faire ce que j’ai pu faire ; je ne les en remercierai jamais assez. Un dernier conseil pour les jeunes : ne cherchez pas à franchir trop vite les échelons. Être quelques années ingénieure spécialiste apporte le complément nécessaire aux enseignements de l’école, même si c’est Supélec ! Mon expérience m’a fait dire que je me serais bel et bien “plantée” si j’avais débuté ma carrière en tant que chef de projet. »

Défense le choix des armes

Les conflits représentent une part inévitable des civilisations. Au travers de l’histoire, les nations ont souvent dû faire face à des oppositions de point de vue, de motivation ou d’idéaux. Les cent dernières années ont eu leur lot d’exemples extrêmes, des conflits mondiaux aux récentes et sanglantes attaques terroristes. Ces conflits ont amené une montée croissante des menaces et des moyens mis en œuvre, voire une mutation profonde des stratégies de défense. Ce secteur se doit d’être, suivant l’éternel principe du glaive et du bouclier, à la pointe de la technologie, voire même aux frontières extrêmes de la création scientifique et technique. Les entreprises d’armement doivent pouvoir proposer très rapidement aux utilisateurs finaux, essentiellement les militaires, des solutions aux menaces nouvelles qui apparaissent sans répit années après années. Apparition des chars contre les chevaux, des missiles contre les chars, des contremesures électroniques contre les missiles, des systèmes de poursuite contre les contre-mesures… C’est un engrenage sans fin qu’il faut impérativement maîtriser pour garantir la liberté et la sécurité d’un peuple, d’une nation, d’une civilisation. Et les domaines d’action sont innombrables : aéronautique, spatial, maritime, terrestre, électronique, informatique, automatique, médical, chimique, 129

ingénieur, un métier pour les filles

nucléaire… Peu de domaines industriels échappent à une militarisation d’une partie de leur secteur de recherche et développement. Il faut pouvoir détecter à tout instant l’apparition d’une menace, la comprendre pour pouvoir la contrer si jamais elle venait à menacer l’intégrité de la nation, et ce, dans tous les domaines. Et pour la contrer il faut être doté d’un outil militaroindustriel performant et d’une réactivité sans commune mesure avec d’autres secteurs industriels. Au temps de la guerre froide, le bloc américain se heurtait au bloc soviétique. Les autres nations du monde assistaient presque impuissantes à ce bras de fer où la démonstration technologique jouait un rôle primordial, garantissant par effet rebond une pseudo-stabilité mondiale. Quelques nations, dont la France, avaient alors choisi de développer une protection locale de leur territoire, basée sur le nucléaire, et une protection de leurs intérêts outre-mer, basée sur des projections de forces par voie de mer ou par air. Mais ce choix restait toujours limité. La France, jusqu’il y a peu de temps, imaginait, développait et produisait ses propres outils de défense comme l’avion de combat Rafale ou le char Leclercq. 130

défense – le choix des armes

Mais actuellement, les moyens mis en œuvre sont d’une telle ampleur qu’une mutualisation des connaissances et des moyens s’avère incontournable au sein du bloc politique que constitue l’Europe. Développer un système de surveillance par satellites n’est pas à la portée d’une nation européenne seule. Développer un avion de combat, voire même un porteavion va devenir également une affaire européenne. Pour résumer, le secteur de la défense est un secteur très diversifié, essentiellement réactif, basé sur la créativité de ses ingénieurs, et le tout dans un environnement nécessairement international.

Et les femmes dans tout ça ? Il peut être paradoxal, si l’on s’en tient aux vieux schémas populaires, de voir des femmes engagées dans des métiers où la finalité, même lointaine, est la destruction d’autres êtres humains. Cela ne colle pas avec l’image de la femme qui donne la vie, qui ne se bat que rarement. Essayez, cependant, pour voir, de faire du mal à un enfant en présence de sa mère ! Et vous constaterez que les femmes savent parfaitement agir pour défendre la vie. Les industries de l’armement sont au service de la Défense nationale et élaborent des outils qui serviront à se protéger d’agressions extérieures. Les femmes ingénieurs – tout comme les hommes d’ailleurs – qui élaborent de près ou de loin des armes le font dans un esprit de protection de la paix ou dans un esprit de dissuasion envers des nations désespérées ou des extrémismes aveugles. « Si vis pacem, para bellum », Si tu veux la paix, prépare la guerre. Les ingénieurs du secteur de la défense sont engagés dans ce processus paradoxal, imaginer des solutions éminemment destructives pour ne pas avoir à s’en servir. Et pour cela, ils se doivent d’être au fait des techniques les plus avancées avec une source inépuisable de créativité et dans des délais à la limite de la faisabilité de par l’urgence du besoin.

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ingénieur, un métier pour les filles

Témoignages d’ingénieures Supélec Les carrières d’ingénieur dans le secteur Défense se déroulent à la fois dans les services étatiques (ministère de la Défense, Direction générale de l’Armement, CEA…) et chez les industriels. Si très peu d’élèves-ingénieures de Supélec s’imaginent naturellement embrasser une carrière dans le secteur de la Défense, elles y arrivent fréquemment au détour de postes à forte composante technologique. « Suite à un stage, un industriel de la défense m’a proposé un précontrat associé à une bourse d’étude. Les produits étaient techniquement complexes et très intéressants. J’ai accepté sous réserve, toutefois, de travailler dans un service en interface avec les clients. » … même si parfois certaines circonstances balisent le terrain. « 6 mois, c’est l’âge que j’avais lors de mon premier meeting aérien ! Avec un père féru d’aéronautique militaire, je crois effectivement que tous les éléments étaient réunis pour embrasser une carrière d’ingénieur et d’officier dans l’armée de l’air. » « À l’École, je me suis retrouvée avec un binôme polytechnicien et génie maritime ; ça ne plaisantait pas ! Mais il m’a aussi beaucoup apporté, en esprit de synthèse notamment et cela m’a donné une image positive du secteur de la Défense. » Il leur faut savoir ensuite résister à ce monde très masculin. « Un ingénieur de l’armement gérait le contrat du projet sur lequel j’avais été affectée. Experte technique en traitement de signal, j’avais été conviée à la réunion d’avancement du projet pour présenter les premiers résultats. Le client me salue du bout des lèvres sans me regarder, s’adresse à moi pour se faire servir un café avec une attitude limite polie, puis passe toute la réunion à ne s’adresser qu’à mon chef de projet (homme). Je n’ai eu droit à aucun regard et aucune question malgré les tentatives de mon chef de projet pour me relancer dans la réunion : j’étais totalement transparente et j’aurais très bien pu quitter la salle sans que le client ne s’en rende compte ! À l’issue de ce type de réunion, on se demande, en tant que femme, si on a choisi le bon secteur d’activité… » 132

défense – le choix des armes

Et celles qui choisissent la fonction militaire doivent en mesurer certaines spécificités. « Mon métier s’adresse plutôt à celles et ceux en quête d’action et pourvus d’une grande capacité d’adaptation et de remise en question car les postes proposés peuvent être très variés. Je suis ainsi passée des avions de chasse aux réseaux informatiques, ce qui n’est pas anodin. Et évidemment, il est préférable d’apprécier une certaine mobilité car la durée d’affectation d’un officier est souvent de deux ou trois ans. »

Essais sur site : des expériences inoubliables Tout développement de produit (logiciel, module électronique, système complet) intègre une phase d’essais en conditions réelles d’utilisation avant la mise en service du produit. Dans le cas de systèmes de défense, ces phases de « tests grandeur nature » peuvent prendre des dimensions totalement inattendues. Difficiles parfois mais qui laissent avec le recul des souvenirs extraordinaires. « Je suis allée en Australie pour réaliser une campagne de mesure d’un système de détection (radar et caméra infrarouge). Les essais avaient lieu dans une immense ferme, de jour comme de nuit. Nous détections des kangourous, des moutons et… des blocs de quartz présents en grande quantité sur les terres de la ferme. C’était fascinant ! » En 2008, la Marine nationale refuse toujours aux femmes l’accès à des postes de sous-marinier. Cela ne signifie pas pour autant qu’il n’y a jamais eu de femmes à bord des sous-marins… « Le service, dans lequel j’ai travaillé en 1952, étudiait pour la Marine nationale du matériel de détection sous-marine. Sur nos spécifications, un petit atelier fabriquait des maquettes que nous devions essayer sur le “site”, c’est-à-dire en mer : c’est ainsi que j’ai passé des milliers d’heures sur de nombreux sous-marins dont un allemand. Tout était passionnant : les essais eux-mêmes, bien sûr, mais aussi la vie à bord, en particulier en plongée. » Même dans les bâtiments de surface qui accueillent des femmes militaires (en très faible nombre toutefois), la vie des « testeuses » de l’industrie 133

ingénieur, un métier pour les filles

peut être par moment assez difficile. Mais les satisfactions professionnelles les aident à prendre le dessus. « J’étais responsable de la conception d’un sous-système radar. À ce titre, j’ai participé aux phases de mise au point en rade de Brest sur un bâtiment d’essais de la Marine nationale. Pendant la campagne de tests, tous les matins, je montais à bord du bâtiment sous les regards incisifs d’une cinquantaine d’hommes en train de boire un café ou de fumer sur le quai. C’était un moment très pesant. » « Mon premier contact opérationnel : installer un système à bord d’un navire de la Marine nationale. Une collègue femme m’avait prévenue de me mettre en tailleur pantalon. Les jupes, dans les échelles entre étages sur un navire, ne font pas bon ménage avec l’ambiance masculine des équipages ! J’ai vécu pendant deux journées entières, sous des regards inquisiteurs, pas malveillants mais intrigués de la présence de cette jeunette qui pourtant faisait des manipulations sur un système comme si elle le maîtrisait à fond. Très dur à assumer au début, très flatteur à la fin avec les félicitations du chef de bord sur la qualité de l’intervention. » « Lorsque l’équipage n’est pas mixte, une femme embarquant à bord d’un navire de la Marine nationale a forcément une cabine à elle. Mon premier embarquement fut mémorable. Je me retrouvais à passer cinq jours dans l’infirmerie. Je n’étais malade mais c’était la seule cabine avec salle d’eau et WC privatif. Un vrai luxe ! Si le soir, après dîner, je ne traînais pas dans les coursives, dans la journée, les corrections du logiciel en plein roulis, à gaver mon estomac de pain pour ne pas être malade, m’a laissé des souvenirs impérissables. Mon responsable technique, pendant ce temps, tentait de maîtriser les spasmes de son estomac en prenant l’air sur le pont. Et moi je faisais les allersretours entre le CO (centre opération) et le pont pour lui faire état des corrections et des progressions dans la mise au point du logiciel expérimental. Nous sommes devenus, suite à cette expérience, de vrais bons amis. » Les essais nucléaires n’ont pas bonne presse. Ils ont été soupçonnés de présenter de risques pour les populations vivant à proximité. Ils ont aussi été accusés d’être à l’origine de perturbations des écosystèmes. Les ingénieurs y ayant participé ont parfois connu des conditions de travail éprouvantes mais y ont aussi vécu des moments forts de leur carrière. Les femmes ne font pas exception. 134

défense – le choix des armes

« Au Sahara, les tirs se faisaient en galerie, dans les montagnes du Hoggar. Un de ces tirs avait notamment irradié le poste de commandement, le bourrage de la galerie n’ayant pas résisté à l’onde de choc. C’était très impressionnant : les tirs étaient capables de soulever de gros camions militaires à plus de 10 km du point de tir, toute la montagne était ébranlée. Pendant deux ans, j’ai travaillé essentiellement sur l’identification des signaux électromagnétiques émis par une explosion nucléaire en galerie, tout était à découvrir, la bibliographie étant extrêmement réduite compte tenu du caractère confidentiel du sujet. Sur le plan humain, il fallait se faire à un travail d’équipe incontournable et essentiellement avec des hommes. Faire de la physique expérimentale sur un chantier est très différent de la physique expérimentale en laboratoire. »

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ingénieur, un métier pour les filles

Si la Polynésie fait rêver par ses images de cartes postales, elle a été avant tout une destination de travail pour ces ingénieures vivant de longues périodes éloignés de leurs proches. « Pendant les trois premières années, les femmes étaient exclues du champ de tir de Mururoa. Je l’ai découvert en 1970 : une petite couronne de corail entourant un lagon, le tout perdu au milieu de l’océan Pacifique à des heures d’avion de l’île la plus proche. Nous logions alors sur des bateaux ancrés dans le lagon, le peu de femmes rassemblées sur le même bateau. Le soutien opérationnel et logistique des militaires était constant. Il fallait vivre avec ! Et rester disponible 24 h/24 pour mener à bien nos expériences. La cohésion dans les équipes était vitale. » « Premier tir souterrain sous l’atoll de Fangataufa en 1975. Ce fut une prouesse technique, engin et systèmes de détection étaient placés dans un conteneur d’environ 10 à 15 mètres de haut et de l’ordre de 2 mètres de diamètre. Le tout devant être descendu à une profondeur de 600 mètres voire plus car il fallait trouver le basalte en dessous du corail pour que les éléments radioactifs après tir restent confinés d’une part et d’autre part assurer l’étanchéité des câbles qui remontaient les signaux en surface en traversant un milieu gorgé d’eau (le corail). Et la physique dans tout ça… Pour les premiers tirs, la détection fut réduite au minimum, puis devint extrêmement sophistiquée. Nous savions que les essais nucléaires ne dureraient plus très longtemps, et les défis à relever étaient très importants : puissance, miniaturisation, etc. Le plus gros projet dont je me suis occupée est ce que l’on appelait les “imageries” soit neutronique, soit gamma, expérience qui permettait de faire des photos du cœur de l’engin au cours de son fonctionnement. L’échelle de temps du phénomène d’exaltation à étudier étant de l’ordre de la dizaine de nanosecondes pour les moins rapides. Imaginez la précision avec laquelle il fallait ouvrir nos obturateurs pour que l’expérience soit exploitable ! Et cela dans un milieu extrêmement agressif (niveau d’irradiation intense et courant de perturbation énorme dans les masses métalliques du conteneur). Le stress au moment des résultats était très grand : un engin n’étant tiré qu’une fois, une expérience mal calculée était définitivement perdue. » Après ces moments intenses, la vie de famille reprend ses droits… « Après m’être beaucoup investie pour la recherche nucléaire en tant que physicienne, j’ai accepté de faire des cours d’optique à la nouvelle 136

défense – le choix des armes

université du Pacifique sud, ce qui m’a permis de faire connaître la Polynésie à ma famille dont mes deux enfants. Elle l’avait bien méritée ! »

Des femmes de caractères

Très spécifique, le secteur Défense ne convient pas à tous les ingénieurs, femmes et hommes. Les femmes se heurtent souvent à des freins culturels, qu’elles dépassent avec beaucoup de professionnalisme ; elles savent aussi les retourner à leur avantage. « À la suite d’une installation, à bord d’un bâtiment, qui s’était déroulée avec succès, mon chef de projet, resté à Paris, m’indique par téléphone de fêter cette réussite en invitant au restaurant le client et notre interlocuteur opérationnel, un capitaine de corvette. Au moment de régler l’addition, tollé général ! Un marin ne peut accepter de se faire inviter par une femme ! Seule la complicité du maître d’hôtel m’a permis d’y parvenir. » « Après trois années à l’École de l’air et mon diplôme d’ingénieur en poche, j’ai d’abord exercé mon “métier” pendant cinq années au sein d’une unité de maintenance de Mirage 2000. Ce fut une expérience forte tant sur le plan technique que sur le plan humain. En tant que responsable d’une division d’une centaine de personnes, j’ai appris à gérer le personnel, à “commander” puisque c’est le terme dédié dans notre institution, à appréhender et résoudre de nombreux problèmes techniques. Être une femme peut apparaître comme un frein à l’exercice de telles responsabilités mais j’ai plutôt considéré cela comme un atout. Même si la relation de confiance est plus difficile à installer entre le personnel et un “chef” féminin, une fois mise en place, les échanges sont plus francs et par-dessus tout plus “affectifs”. Les gens se confient plus volontiers, ce qui facilite grandement la gestion du quotidien. » « Devenue experte en ingénierie système, j’animais des réunions de recueil de besoin donnant lieu à débats. En présence d’une quinzaine de militaires (la plupart au grade de colonel), je tranchais et arbitrais leurs desiderata avec beaucoup de verve et de présence, forçant l’admiration de nombre d’entre eux. Plus tard, certains m’avoueront que ma situation de femme m’a beaucoup aidée à tenir ce rôle : un officier n’aurait pas hésité à remettre un homme à sa place, mais une femme… 137

ingénieur, un métier pour les filles

Nul doute que finalement, avec l’expérience, je considère qu’être une femme dans ce secteur est plus un atout qu’une contrainte. Quel plaisir de voir ces militaires venir me saluer à chaque occasion où nos chemins se croisent, comme si nous étions de vieilles connaissances, et de continuer en toute confiance à me faire part de leurs idées. »

Recherche la créativité au féminin

La recherche, fruit de talents individuels conjugués au travail d’équipe, conduit à produire de nouvelles connaissances, sources de développement économique et social. Recherche et innovation sont des enjeux majeurs pour répondre aux grands défis économiques et sociétaux du XXIe siècle et accroître la compétitivité de la France au sein de l’Espace européen de la recherche et sur la scène internationale. Les nouvelles applications, les grandes avancées technologiques résultent de plus en plus d’un travail d’équipe multiculturelle et multidisciplinaire où chercheur, ingénieur et technicien apportent chacun des compétences indispensables pour atteindre l’excellence scientifique.

Recherche et innovation : un métier à multiples facettes… Réaliser des activités de recherche, c’est tout à la fois de la réflexion rigoureuse, beaucoup de communication et la construction d’un réseau d’échanges et de savoirs, aux niveaux national et international. En effet, souvent connu pour ses phases de réflexion intenses sur des problématiques diverses et d’expérimentation dans la recherche fondamentale ou appliquée, le métier de la recherche doit également axer ses actions 139

ingénieur, un métier pour les filles

sur la communication, le partage et la valorisation, sans quoi les résultats obtenus n’auraient ni application, ni utilité, aussi bien pour la communauté, que pour les entreprises. Ainsi, le chercheur est amené à participer à des colloques, à des « écoles d’été » ou à de grandes conférences internationales, pour contribuer aux activités de normalisation par exemple. Son travail ne peut être réellement reconnu qu’au travers de nombreuses publications dans des revues scientifiques, souvent internationales. Parfois, il aura également l’occasion de déposer un brevet, ce qui permettra de valoriser ses résultats auprès des entreprises. Il est également invité à expliquer son métier aux jeunes, et ensuite à les former lorsqu’ils choisissent la même voie.

… en pleine mutation Aux côtés de compétences scientifiques et techniques, de multiples savoir-faire sont donc nécessaires, à tous les niveaux de responsabilités, pour assurer le fonctionnement de l’activité de recherche, développer sa visibilité auprès de la société et aider au transfert de résultats. Les métiers d’interface se développent tels que le management et la gestion de projet. Les exigences de compétences se diversifient : les capacités de mobilisation, de communication, d’adaptation, d’évaluation sont de plus en plus reconnues et appréciées. C’est un gage de réussite et de performance des activités de recherche. Cela concerne tout autant la recherche publique, menée au sein des universités, des établissements d’enseignement supérieur, des organismes de recherche à vocation multidisciplinaire (CNRS) ou finalisée (INSERM, CEA, CNES, INRIA, INSA…), que la recherche privée pilotée par les entreprises. Si les candidats aux métiers de chercheurs et d’enseignants-chercheurs sont presque toujours titulaires d’un doctorat, les diplômés des écoles d’ingénieurs sont toujours plus prisés, notamment dans le secteur de la recherche industrielle, directement connexe aux activités de développement : 50 % des personnes recrutées sont diplômées d’écoles d’ingénieurs, sans être pour autant titulaires d’un doctorat.

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recherche – la créativité au féminin

Où sont les femmes ingénieurs ? Au total, la population des femmes dans la recherche représente un quart de l’ensemble des effectifs, secteurs public et privé confondus. Cependant, leur répartition est très inégale ; les femmes travaillent majoritairement, avec même une place prépondérante, dans les domaines pharmaceutique et agroalimentaire pour le secteur privé, dans le domaine des sciences du vivant pour le secteur public ; elles occupent une place encore trop minoritaire dans beaucoup d’autres secteurs. Concernant les femmes ingénieurs, environ 15 % d’entre elles ont rejoint le secteur de la recherche. Elles ont tendance à se spécialiser plus que leurs collègues masculins dans leur domaine de connaissances, avec des masters ou des thèses pour être en mesure de saisir toute opportunité privée ou publique dans leurs domaines d’expertise de prédilection. En général, elles sont davantage attirées par les nouveaux secteurs, nés des évolutions des professions et de la société, comme, par exemple, l’environnement et le développement durable.

Un secteur porteur d’avenir : la création d’entreprise innovante Moins de 4 % des femmes s’y sont lancées à ce jour, et la moitié sont des ingénieures. Jusqu’à présent, la majorité des ingénieurs n’a créé ou repris une entreprise qu’après suffisamment d’expérience ou de réseaux. Peu d’entre eux ont suivi un module de préparation à l’entreprenariat. Or, aujourd’hui une tendance se confirme : des pépinières d’entreprises innovantes se développent en lien direct avec certaines formations d’enseignement supérieur. Une nouvelle forme de créativité à saisir pour les femmes ingénieurs et entreprenantes…

Témoignages d’ingénieures Supélec

Les débuts Environ 5 % des Supélec se tournent vers le secteur de l’enseignement / recherche une fois le diplôme d’ingénieur en poche. Quelles sont les spécialités qui les attirent ? 141

ingénieur, un métier pour les filles

« Quel DEA choisir ? J’étais attirée par la nature. J’ai pensé à l’océanographie, ou bien à la géophysique, interne ou externe. La géophysique interne pouvait conduire à la prospection des ressources naturelles, ce qui aurait bien convenu à mon goût de l’aventure et des voyages. Mais peut-être trop délicat pour une femme. J’avais en effet approché les sociétés d’Iran, d’Afghanistan et du Pakistan, lors d’un voyage, initiatiquement fort, de plusieurs mois en compagnie d’amis également élèves-ingénieurs Supélec : direction l’Inde, trajet Paris Katmandu aller-retour, en 2CV pour la plus grande partie. J’ai alors pris la mesure du sort des femmes dans certains pays. Ainsi, j’ai choisi un DEA de géophysique externe. J’ai été particulièrement séduite : enseignants de haut niveau et très bonne ambiance sur le lieu du stage, le GRI (Groupe de recherches ionosphériques). On m’y a proposé un sujet et une bourse de thèse. La thèse portait sur la conception et mise au point d’un analyseur de particules. » « La recherche a toujours été ma passion, mon moteur dans ma vie professionnelle. Ma formation d’ingénieur m’a été précieuse pour le domaine dans lequel j’ai travaillé : mise au point d’instruments destinés à la recherche spatiale (relations Soleil-Terre), suivi d’opérations et analyse des données obtenues dans le cadre des théories en cours sur l’environnement terrestre. » La recherche, c’est aussi une activité dans le cadre d’une entreprise au sein d’un service la plupart du temps nommé R&D (recherche et développement). S’y côtoient effectivement de la recherche prospective mais aussi de la recherche appliquée (projet de mise en œuvre de prototype). Souvent, lorsqu’ils ont fait un stage dans un service de R&D, les jeunes diplômées choisissent d’y démarrer leur carrière. Le contrat moral les engage à y rester environ trois ans avant de passer dans un autre secteur de l’entreprise. « Je suis rentrée dans cette entreprise un peu par hasard, sans avoir un intérêt particulier pour l’énergie. J’avais effectué auparavant un stage passionnant dans un service de R&D, avec des personnes compétentes et essayant de transmettre leur goût pour leur activité. Ainsi, j’ai souhaité continuer à faire partie d’une telle équipe. Ce n’est qu’au fil des années que j’ai compris le changement en cours dans le secteur de l’énergie, et les enjeux, aussi bien techniques que sociétaux. 142

recherche – la créativité au féminin

J’ai intégré un groupe de recherche, dans un domaine plus appliqué que scientifique : il s’agissait de développer des logiciels non critiques, et j’en avais la responsabilité de bout en bout. Ce premier poste m’a passionnée. » « J’ai choisi de rejoindre la R&D de mon entreprise plus par intérêt pour le projet que l’on me proposait que par choix de m’investir dans la recherche. Aujourd’hui, le poste que j’occupe comporte deux facettes. La première est directement en relation avec les problématiques industrielles très court terme de l’entreprise et consiste à apporter un support technique à une entité opérationnelle interne. La seconde correspond à un volet plus innovant et long terme, à une réflexion sur les besoins futurs de l’entreprise. » « Dans ma carrière, j’ai eu l’opportunité de participer à différents projets de développement, comme le projet de “nouveaux compteurs adaptés pour l’électrification rurale décentralisée”, en partenariat avec une entreprise, ou une “étude de faisabilité technico-économique de l’intégration des éoliennes adaptées dans le milieu urbain”, en collaboration avec l’Université de Toulouse. J’ai aussi eu la chance de participer à un jury de la Commission Européenne à Bruxelles qui allouait des budgets de développement. »

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ingénieur, un métier pour les filles

« Dans mon entreprise, toute idée était permise dans le service de la R&D, ce qui, je l’ai constaté plus tard, n’était pas le cas dans les autres services. »

Chercheur mais aussi enseignant Les ingénieurs ne sont pas forcément préparés pour être des enseignants. Cependant, un chercheur dans le secteur public est très souvent amené à exercer une fonction d’enseignement en plus de ses activités de recherche. Certaines ingénieures découvrent alors une nouvelle vocation. « Le métier d’enseignante n’était pas une vocation. Je l’ai exercé au mieux, très consciente des responsabilités qui y sont attachées. Si les débuts ont été épuisants : un bébé, un autre en route, un mari parti très souvent en mission, un enseignement à créer, et en plus, quelques collègues assez machos, j’y ai finalement trouvé de nombreuses satisfactions, notamment celle de maintenir un contact avec une population jeune, tournée vers l’avenir. »

La rareté des femmes Si les femmes ingénieurs sont peu nombreuses à choisir la voie de la recherche tout au long de leur vie professionnelle, celles qui ont fait ce choix s’y sont réellement épanouies. « J’ai intégré un groupe de recherche en laboratoire, très peu féminisé, dans un domaine plus appliqué que scientifique. Je me souviens d’un échange particulièrement cocasse avec un recruteur masculin : “Malheureusement, je ne suis pas convaincu que vous serez capable d’emmener des troupes dans les tranchées.” Pour ma part, j’avais suivi en troisième année un coaching spécial étudiantes, qui conseillait comment traiter toutes les questions de ce type. Je lui ai fait cette réponse : “il y a des contacts avec l’armée de terre dans votre activité de développement logiciel ?” » « Mon N+2 recevait tous les jeunes arrivants. À cette occasion, il me confia son inquiétude à mon égard, seule femme, jeune, dans un laboratoire, un lieu sauvage selon lui. Il me donna son numéro de téléphone, à appeler en cas d’urgence. Peu après, mon chef direct me demanda si ce n’était pas 144

recherche – la créativité au féminin

trop dur. Me voulant rassurante, je lui ai confirmé que tout allait bien et que j’avais un numéro de téléphone à appeler en cas de difficulté. Inutile de préciser que cela n’a pas plu à mon chef direct et que je n’ai jamais utilisé ce fameux numéro ! » « Au sein de mon projet, je me suis vue confier entre autres missions le suivi d’un groupe de normalisation internationale. Difficile tâche pour une débutante, que d’arriver à comprendre les problématiques techniques et les subtils jeux d’acteurs associés. Je me souviens de mon entrée en la matière alors que j’avais quelques mois d’ancienneté dans l’entreprise. Lors de la première réunion, j’arrive en pleine discussion. Après une brève présentation, les têtes se tournent toutes vers moi, indiscutablement étonnées – mais qui est donc cette femme, si jeune, qui débarque ? Je ne me suis pas tout de suite sentie à l’aise, mais par la suite, cette différence a été un atout, me permettant de me démarquer plus facilement parmi la population masculine et réellement plus âgée. Les gens se souvenaient de moi et d’une de mes collègues ingénieurs, mais rarement des représentants masculins qui s’étaient pourtant intercalés entre nous. » « Je n’ai jamais eu de difficultés particulières en tant que femme dans un milieu alors très masculin. Tout au contraire, nous étions, mes quelques collègues de laboratoires et moi-même, souvent l’objet de gentillesses et d’attentions sympathiques. J’ai le souvenir d’un colloque international à Innsbruck, où nous étions trois intervenantes parmi plusieurs dizaines d’orateurs, françaises toutes les trois. L’organisateur du colloque, dans son adresse finale, a indiqué qu’il avait été spécialement impressionné par les contributions “of the three French females”. La France aurait-elle été distinguée de la sorte si nous n’avions pas été des femmes ? »

Propos d’un organisme de Recherche

Le Centre national de la recherche scientifique est un organisme public de recherche (Établissement public à caractère scientifique et technologique, 145

ingénieur, un métier pour les filles

placé sous la tutelle du ministre chargé de la Recherche). Il produit du savoir et met ce savoir au service de la société. Avec 30 000 personnes (26 078 statutaires, dont 11 641 chercheurs) il est implanté sur l’ensemble du territoire national et aussi dans le monde. Il exerce son activité dans tous les champs de la connaissance, en s’appuyant sur des unités de recherche et de service, le plus souvent en partenariat avec l’université. Il développe de façon privilégiée, des collaborations entre spécialistes de différentes disciplines, tout particulièrement avec l’université, ouvrant ainsi de nouveaux champs d’investigations qui permettent de répondre aux besoins de l’économie et de la société.

Les carrières au CNRS Deux possibilités s’offrent aux élèves de Supélec au sein du CNRS : devenir chercheur ou devenir ingénieur de recherche. « Pendant mes études à Supélec, j’ai été enthousiasmée par les premiers cours de physique quantique ; je me suis rendue compte que j’avais envie d’approfondir ce sujet et peut-être de m’orienter vers la recherche, même si j’hésitais encore entre recherche fondamentale ou plus appliquée. Quand j’ai appris que l’école permettait de suivre les cours de certains DEA en troisième année, ce système m’a semblé parfait. Effectivement, il m’a permis de m’investir dans la préparation de ce diplôme, tout en me remettant à niveau sur certaines notions de physique non traitées en détail à Supélec. J’ai ensuite continué par une thèse expérimentale en physique des solides, à la suite de laquelle j’ai été embauchée au CNRS. J’ai beaucoup appréciée la liberté avec laquelle j’ai pu faire ces choix, et je n’ai jamais eu l’impression au cours de ce parcours d’être considérée ou traitée différemment parce que j’étais une femme, que ce soit avec des collaborateurs masculins ou féminins. Par la suite, j’ai également eu la chance de travailler deux ans aux États-Unis, où j’ai été très bien accueillie. Je recommande vivement à toutes celles (et tout ceux) qui se sentent intéressées par la recherche de s’informer sur les différents DEA qui existent et de ne pas hésiter à se lancer dans cette voie. » « J’ai grandi au Québec, de parents français. Après des études en physique à l’Université de Montréal (B.Sc. l’équivalent de la Licence française), 146

recherche – la créativité au féminin

j’ai fait le choix de venir en France compléter ma formation dans une Grande École d’Ingénieurs, comme admise sur titres à Supélec. J’ai choisi “Physique des composants électroniques” comme section de 3e année. Suite à un cours qui m’avait emballée sur “la lithographie et les nanotechnologies”, j’ai voulu en savoir plus sur les “nanostructures” et les procédés de fabrication de ces tout petits objets. Après avoir suivi quelques cours à l’Université Pierre et Marie Curie afin d’obtenir l’équivalence du DEA d’électronique, j’ai démarré une thèse qui portait sur l’élaboration et l’étude des propriétés optiques de “fils quantiques”. Après un post-doctorat au MIT (États-Unis), j’ai passé le concours d’entrée chercheurs au CNRS en 1996. Je me suis d’abord intéressée à la nanoélectronique et la fabrication de dispositifs comme les transistors à un électron, puis en 2000 j’ai décidé de me tourner vers les nanobiotechnologies. » Pour devenir chercheur, un doctorat et la réussite au concours d’entrée sont nécessaires afin d’intégrer le corps des chargés de recherche. Après huit ans d’exercice des métiers de la recherche, le chercheur du CNRS peut envisager d’accéder au poste de directeur de recherche. Les missions du chercheur au CNRS sont nombreuses : il participe au développement des connaissances et à leur application, dans les entreprises et dans tous les domaines contribuant au progrès de la société ; il diffuse de l’information dédiée à la culture scientifique et technique ; il forme des étudiants et des doctorants ; il exerce des activités de valorisation, d’expertise, d’administration et de gestion des projets. Pour devenir ingénieur de recherche au CNRS, une fois le diplôme d’ingénieur obtenu, il suffit de réussir le concours d’entrée. L’ingénieur de recherche au CNRS est impliqué dans la participation à la mise en œuvre des activités de recherche, de valorisation et de diffusion de l’information scientifique et technique. Sa mission s’articule notamment autour de la définition des caractéristiques techniques des projets scientifiques importants, de leur pilotage depuis la conception jusqu’à la réalisation, ainsi que de leur instrumentation. L’ingénieur de recherche construit des prototypes, des appareils originaux, développe des méthodes et des techniques nouvelles. « Les personnels des laboratoires CNRS sont très variés : chercheur-e-s théoricien-ne-s et expérimentateurs/trices, ingénieur-e-s, technicien-ne-s, étudiant-e-s, d’âges différents et d’origines diverses. Les contacts avec des collègues et collaborateurs d’autres laboratoires en France et à l’étranger 147

ingénieur, un métier pour les filles

sont permanents. La possibilité de se déplacer est régulière, dans le cadre de conférences internationales ou de contrats européens, notamment. Quant au travail de chercheuse dans un laboratoire de recherche public, et plus particulièrement au CNRS, j’apprécie tout particulièrement la liberté qui nous est offerte de développer les thématiques et les collaborations de notre choix, la possibilité de se consacrer pleinement à la recherche – même si la majorité des chercheur-e-s CNRS dispensent également des enseignements et que ce contact avec les étudiant-e-s sont très importants. »

Et la place des femmes au CNRS ? Fin 2006, l’Établissement comptait plus de 40 % de femmes, se répartissant ainsi : plus de 30 % dans la population de chercheurs, et plus de 50 % dans la population des ingénieurs et techniciens, avec une tendance à la hausse pour les ingénieures (43 %). En examinant d’un peu plus près la répartition hiérarchique chez les chercheurs, de larges différences du taux de féminisation apparaissent selon les corps et grades : environ 35 % sur les premiers grades, mais moins de 15 % sur les plus hauts postes. Concrètement, seulement 16 femmes sont directrices de recherche de classe exceptionnelle (appelé DRCE) contre 110 hommes. Les femmes sont inégalement représentées selon les disciplines : plus de 30 % des effectifs dans les domaines sciences de l’homme et de la société, sciences de la vie, et chimie ; mais moins d’un cinquième des effectifs en sciences pour l’ingénieur, en sciences et technologies de l’information et de la communication, en physique et en mathématiques. « J’apprécie bien sûr, la sécurité de l’emploi, avec un statut de fonctionnaire acquis à un âge relativement jeune que nous envient de nombreux chercheur-e-s à l’étranger, en particulier des femmes, pour lesquelles l’articulation vie professionnelle-vie familiale est souvent critique à cette période de leur carrière. » Le CNRS, conscient de la richesse et du dynamisme qu’apportent la mixité et la diversité de son personnel et soucieux d’améliorer l’équilibre entre les hommes et les femmes en son sein, a été le premier EPST (Établissement Public à caractère Scientifique et Technologique) à initier une démarche 148

recherche – la créativité au féminin

originale et à se doter dès 2001 d’une structure opérationnelle « la Mission pour la place des femmes ». Cette mission est placée auprès de la Gouvernance et est chargée de promouvoir la place des femmes au CNRS, de proposer toutes mesures visant à favoriser la parité et d’en mesurer l’efficacité. Les actions prioritaires menées dans le cadre de cette démarche ont consisté à produire et analyser des données sur les genres, identifier et analyser les facteurs bloquant ou affectant le déroulement de carrière des femmes, faire évoluer les représentations et perceptions de la femme au CNRS, et de manière plus globale, analyser la situation des femmes au travail. Cela a conduit à identifier différentes actions pour valoriser la place des femmes au CNRS en faisant émerger des modèles féminins, à développer une « culture » du genre, notamment par des formations, et à promouvoir les recherches sur le genre. Les mesures adoptées visent notamment à une représentation plus équilibrée des femmes et des hommes dans les instances d’évaluation et à une transparence des critères de recrutement, de promotion et d’évaluation. À l’heure actuelle, le CNRS entend poursuivre de façon constructive la démarche visant à intégrer la dimension du genre dans tous les axes de développement de l’Établissement.

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L’évolution des mentalités

Ingénieur, un statut plus qu’un métier Le diplôme d’ingénieur en France recouvre une réalité bien différente de celle qu’il revêt dans les pays anglo-saxons ou en Allemagne. L’ingénieur renvoie plus en France vers une fonction sociale que vers un métier. Il peut s’orienter soit vers les fonctions techniques, soit vers les fonctions managériales.

Un peu d’histoire féminine En France, pendant longtemps, les filles n’ont pas eu accès à un véritable baccalauréat et donc pas accès aux études supérieures. Parmi les femmes pionnières de l’époque, Julie Daubié prépare seule son baccalauréat en 1861, elle l’obtient et rencontre beaucoup de difficultés pour faire valider son diplôme. En 1881, Blanche Edwards est reçue au concours de l’externat en médecine. Des médecins brûlent son effigie boulevard Saint-Michel. En 1884, Clémence Royer est la première femme de Science qui donne des cours à la Sorbonne.

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ingénieur, un métier pour les filles

Marie Curie, à l’époque encore Maria Sklodowska, polonaise, arrive à Paris en 1891. Elle réussit aisément une licence de physique, puis de mathématiques. Elle décide, en 1897, de faire un doctorat de physique. En 1903, Marie soutient sa thèse et la même année, les Curie reçoivent en commun avec Henri Becquerel, le prix Nobel de physique pour leur découverte de la radioactivité naturelle. En 1924, les programmes unifiés permettent un baccalauréat commun qui donne aux femmes le droit d’entrer à l’Université mais ce n’est qu’à partir de 1938 qu’elles peuvent s’inscrire à l’Université sans l’autorisation de leurs maris. L’ouverture des grandes écoles d’ingénieurs aux filles : – Supélec et Centrale en 1917, – Ponts & chaussées en 1962, – Mines de Paris en 1969, – Polytechnique en 1972. Paradoxalement, l’École Polytechnique Féminine (EPF), créee en 1925, n’a ouvert ses portes aux hommes qu’à partir de 1994.

L’admission des femmes à Supélec – 10 octobre 1917 Le 2 juin 1916, M. Janet informe le conseil de perfectionnement qu’il a été saisi d’une demande d’admission de la part d’une jeune fille. Le conseil est partagé et des oppositions fermes se manifestent. Par exemple, Picou, l’un des membres fondateurs, ne pouvant être présent, envoie une lettre au président Bouty pour affirmer de manière péremptoire son opposition. La simple mise à l’ordre du jour de la question paraît soulever de telles oppositions que le débat est ajourné. Néanmoins les demandes continuent à parvenir à la direction et d’autres écoles ont déjà admis des femmes ; alors comment justifier une différence pour des diplômées qui peuvent être admises sur titre. La question est donc remise à l’ordre du jour du 10 octobre 1917 (soit un an plus tard !), ordre du jour qui ne comporte d’ailleurs que ce point. Bien que la situation due à la guerre ait obligé les femmes à « fréquenter les ateliers où rien n’est organisé pour les recevoir », se pose la question de savoir si les professions comme celle d’ingénieur peuvent leur 152

l’évolution des mentalités

convenir. Pour Hillairet et Picou, par exemple, les études techniques supérieures sont très pénibles et il serait regrettable de voir des femmes s’engager dans cette filière de formation qui débouche tout naturellement sur un travail d’ingénieur. Le métier d’ingénieur oblige à « faire cette sorte de tour de France d’usine en usine qui est si utile à la formation de l’ingénieur. Les conditions de début, dans la carrière d’ingénieurs, sont beaucoup plus dures que les carrières d’avocat ou de médecins ». Ces membres du conseil de perfectionnement s’interrogent au sujet des femmes sur leur constitution physique, sur leur rôle social. Certains sont plus favorables : P. Janet fait remarquer qu’il ne s’agit pas de dissuader les femmes de fonder un foyer mais de donner satisfaction à leur « désir d’assurer leur indépendance. Nous leur ouvrons un débouché nouveau ». Pour d’autres, « la femme ingénieur sera très utile dans les ateliers de femmes » ; de plus il faut prévoir que pendant longtemps les hommes « manqueront et manqueront d’autant plus que nous chercherons davantage à conquérir les marchés étrangers ». Autre question abordée : La femme est-elle capable d’un travail intellectuel ? Des doutes sont exprimés quant à leur capacité à soutenir les efforts demandés par les études supérieures. Ainsi le fait bien connu que les « femmes intellectuelles qui suivent les cours à la Sorbonne ne sont pas de santé brillante » mais sans doute dû au fait que « généralement sans fortune […] elles se nourrissent très mal ». Le débat n’en finissant pas, le président demande un vote. Par 10 voix contre 6 et 3 abstentions, les femmes sont admises. Un deuxième vote porte sur les candidatures de Madeleine Havard, de Marseille, et Denise Kahn, de Paris. Les deux postulantes sont admises. Un troisième vote est validé pour réserver ce privilège uniquement à des femmes de nationalité française et ayant fait leurs études en France (décision abolie 6 ans plus tard). Comme tous les licenciés ès sciences, ces deux pionnières durent se soumettre aux épreuves complémentaires de dessin et de résistance des matériaux.

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ingénieur, un métier pour les filles

Monsieur le directeur, Sur les conseils de mon père, inspecteur général de l’instruction publique, je désirerais entrer à l’école supérieure d’électricité. J’ai fait mes études de faculté à Marseille, où j’ai été reçue licenciée avec les quatre certificats suivants : – Physique générale – Mathématiques générales : mention bien – Mécanique rationnelle : mention bien – et physiologie [assez bien] J’ai eu pour professeur de physique Monsieur Houllevigne et pour professeur de mécanique Monsieur Charve, qui nous a fait par surcroit un cours sur la statique graphique et la résistance des matériaux. Je vous serais très reconnaissante de vouloir bien m’envoyer le programme de l’école avec l’indication des pièces à fournir et de la date de l’ouverture des cours. J’ai étudié assez sérieusement le dessin et les applications sur la statique graphique m’ont fourni l’occasion de faire des épures sans me spécialiser dans le dessin industriel. Pourrais-je dans ces conditions être admise directement à l’école ? Ne connaissant qu’imparfaitement les carrières qui s’ouvrent aux femmes en sortant de l’école, je vous serais très obligée de me donner à ce sujet quelques renseignements. Veuillez agréer Monsieur le Directeur, avec mes remerciements anticipés, l’assurance de mon respect.

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Et elle a plutôt bien réussi, selon son bulletin de notes :

Promotion 1918 155

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Qu’en est-il depuis 1918 ? Les femmes diplômées Supélec à partir de 1918 ont réellement été des pionnières pendant de nombreuses années. Elles se sont imposées pour réaliser ce dont elles étaient capables. La Société n’était pas vraiment mûre pour les accueillir sur ces postes. Mais elles ont ouvert la voie, fait changer le mode de pensée et les générations actuelles ne peuvent que les en remercier. Il reste encore beaucoup de stéréotypes et c’est pourquoi il faut continuer à communiquer sur les belles histoires des ingénieures et aussi sur ces fausses idées ancrées dans les esprits afin de faire prendre conscience de leur absurdité. Le plus inquiétant, est sans doute que ces stéréotypes ne se cantonnent pas aujourd’hui uniquement à l’adresse des femmes, mais se perpétuent auprès des minorités considérées en marge de la « normalité », comme les jeunes des banlieues, les homosexuels… Sachons tirer de l’expérience des leçons de non-discrimination : qui aujourd’hui contrarie un gaucher ? Personne depuis que la science a prouvé qu’il avait des facultés de rapidité et de créativité supérieure à un droitier ! Et profitons des atouts et des compétences de chacun pour une humanité encore plus performante. Sans provoquer de polémique, ce livre ne pouvait pas passer à côté de l’énoncé de certains propos entendus par des ingénieures ; les femmes ne les acceptent pas forcement mais la plupart passent outre, assurées de leur compétence. Et si certaines finissent par partir, c’est sans aucun doute au détriment de l’entreprise. Que les expériences vécues rapportées ci-après provoquent ce déclic pour que les situations changent dans les années à venir.

Témoignages d’ingénieures Supélec Le recrutement Longtemps, les femmes qui devenaient ingénieures étaient jugées comme « spéciales » : « En 48, j’ai été convoquée dans une entreprise. La personne n’avait pas de poste à me proposer mais “il voulait voir à quoi ressemblait la tête d’une femme ingénieur”. » 156

l’évolution des mentalités

A-t-il été déçu ? « En 80, en entretien, le recruteur m’a demandé si mon diplôme, c’était le même que celui des garçons ? » C’est vrai l’École aurait pu les faire bleu et rose ! ! « Le métier d’ingénieur est très motivant pour les femmes. En effet, nous avons deux fois plus à prouver à nos managers pour y arriver ! » « En sortant de Supélec, j’ai postulé pour un poste au bureau d’études/ service technique, un poste d’un ingénieur automaticien, juste ma spécialité. À l’issue des entretiens, le DRH m’a contactée par téléphone : “Vous étiez nº 2 sur la liste (après un homme candidat !) mais il ne donne pas suite. On souhaite vous embaucher à tel salaire par an.” Ravie de cette proposition, j’accepte. Quelques instants plus tard, j’ai à nouveau le DRH : “Excusez-moi, le salaire que je vous ai indiqué était le salaire pour l’autre candidat ; pour vous c’est… (évidemment inférieur). Vous comprenez, il avait fait son service militaire avant…” ; première “désillusion” sur l’égalité hommes/femmes dans le travail ! » Fort heureusement les attitudes changent. « Il n’a pas eu de différence de traitement entre les hommes et les femmes dans le service d’expertise où j’ai travaillé. Seulement la compétence comptait. » Aujourd’hui, la politique est de favoriser l’embauche des femmes, c’est bien mais pas n’importe comment : « Sur les présentations internes, l’embauche des femmes est toujours citée une ligne en dessous de l’embauche des personnes handicapées. » Et de rappeler ici les citations célèbres de Françoise Giroud : « La féminité n’est pas une incompétence. Elle n’est pas non plus une compétence. » – Chienne d’année « La femme serait vraiment l’égale de l’homme le jour où, à un poste important, on désignerait une femme incompétente. »– Extrait du journal Le Monde, 11 mars 1983

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Les freins familiaux et culturels… De nombreux stéréotypes sont solidement ancrés dans les mentalités mais changent doucement au fil des générations. « Par chance, on ne m’a jamais dit qu’être une femme pouvait être un frein pour le métier d’ingénieur sinon je ne me serais peut-être pas engagée sur cette voie. Ma mère est médecin (il ne doit pas y avoir beaucoup de sa génération à avoir été chef de service aussi vite). Mon père travaille dans la sidérurgie, et au début, les seules femmes étaient les secrétaires. »

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Certains stéréotypes s’affichent avec contradiction : « Veuve très tôt (à 30 ans) avec 2 enfants, on ne m’a jamais reproché de travailler alors que ces remarques étaient courantes dans les années 50, bien au contraire “heureusement que tu avais une situation pour t’en sortir”. Mais du fait de mes obligations familiales, je n’ai jamais voulu d’un poste à l’international. »

… liés au physique « Quand on fait 1 m 60, une femme doit faire ses preuves. Les collègues de travail sont inquiets. On est très challengée. » « Lorsque l’on est grande, plus d’1 m 75, certains clients sont vraiment mal à l’aise. » « Je n’ai jamais apprécié les séminaires “au-delà de soi” dont les hommes sont si friands pour affirmer leur supériorité vis-à-vis des autres. »

… liés au mental « Ma plus grande frustration est certainement le jour où mon chef me donna l’ordre de donner la fin de notre budget à un autre département. Lorsque je lui ai demandé une explication, j’ai eu la surprise d’entendre : “t’es une femme, tu ne peux pas comprendre”. Nous étions alors dans le bureau où se trouvait toute mon équipe. Je suis partie en claquant la porte. » « J’ai été la première femme manager de l’entité et bien sûr la plus jeune : “on recrute à la maternelle”. » « Comment ça, me faire manager par une femme, mais c’est impossible (la personne a démissionné au bout de 2 mois) ! » « Lors de l’annonce devant tout notre service de la nouvelle organisation et de ma promotion, mon N+1 (qui venait de poser sa démission) a eu le tact de sous-entendre que j’avais couché pour décrocher le poste. Il s’en est excusé à la fin de la réunion. » « Mon N+1 m’a envoyé la fumée de son cigare d’après déjeuner en pleine figure alors que je devais être bien enceinte de 5 à 6 mois et que je ne le cachais pas… » 159

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… liés aux usages « Je n’ai pas pu assister aux essais de mon travail, les femmes n’étaient pas autorisées sur le champ de tir de Mururoa. » « Le plus dur, c’est d’inviter les clients (hommes) à déjeuner ; certains ne veulent pas, d’autres y prennent un malin plaisir et c’est très drôle lorsque le serveur donne la note au monsieur et non à la dame qui invite… »

… liés à l’activité « Comme je tape vite au clavier, il s’est bien trouvé deux de mes chefs pour me dire en rigolant que, si nécessaire, je pourrais toujours me recycler comme secrétaire… »

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« Je m’occupais des investissements. Un jour sur un salon, un fournisseur a dit à son collègue devant moi que maintenant les ingénieurs envoyaient même leurs secrétaires à leur place. J’acquiesçais poliment, j’ai pris sa carte et je n’ai jamais rien commandé chez lui… »

… liés aux habitudes d’entreprise Classique, l’emploi du masculin uniquement : « Un jour, le directeur général adjoint a commencé son discours annonçant une réorganisation par “Bonjour Messieurs…”. Il y avait quand même 10 % de femmes dans la salle. » Classique, les horaires : « Cela m’agace d’entendre les petites remarques des gens qui me voient partir à 17 h 30 pour être chez la nounou à 18 h, mais qui ne me voit pas arriver le matin à 7 h ! » « Demain, réunion à 19 h. » « Un jour, lors d’une réunion qui s’était prolongée, mon chef m’a interpellée ouvertement en public : “il est 18 h, tu dois aller t’occuper de tes enfants”. Étant donné que mon organisation personnelle me permet de rester sans problème et couramment bien plus tard, le sentiment d’humiliation est profond, même si cela vient d’un bon sentiment. Les hommes euxmêmes devraient se sentir concernés par le fait de passer la soirée auprès de leurs enfants au même titre que les femmes. » Classique d’être considérée comme l’assistante : « Mon bureau est sur un open space mais pas très loin de mon hiérarchique. Si son assistante n’est pas là, les visiteurs voient que je ne suis pas loin et en tant que femme, me prenne automatiquement pour son assistante ! » « À une époque, mon bureau jouxtait celui de mon manager et ses interlocuteurs venaient régulièrement me voir lorsqu’il était absent pour me demander où il était et quand il allait revenir. Question pour une assistante mais fréquemment ils me faisaient part de la raison pour laquelle ils 161

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voulaient le contacter et me demandaient mon avis ou mon aide sur le même sujet. Finalement intéressant ! » « Par téléphone : “oui, Ok pour le RDV, mais maintenant dites-moi qui va venir ?” – euh, c’est moi ! » « Le soir, mon assistante part avant moi. Alors je réponds directement au téléphone et passe régulièrement pour l’assistante. » « Je constatais régulièrement que dans une réunion où les gens se connaissaient peu et où il n’y avait que des hommes sauf une femme, pour le compte-rendu de la réunion ou le café pas encore arrivé, les regards se portaient automatiquement vers la femme présente. »

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Certaines ingénieures ont été confrontées à des attitudes plutôt négatives, curieusement souvent le fait de pères de familles « Les femmes étaient minoritaires dans tous les services où j’ai travaillé mais globalement bien intégrées. Lors de mes premiers entretiens d’embauche, j’ai été particulièrement marquée lorsqu’un recruteur évoqua le fait que la maternité n’était pas souhaitable en début de carrière. Je ne me sentais pas concernée à l’époque, mais tout de même ! » « Chaque année le directeur nous faisait la bise pour nous souhaiter ses meilleurs vœux et chaque année il ajoutait en riant “ah-ah-ah mais pas d’autre bébé dans l’année”. Pour lui pas de problème de donner des responsabilités à une femme tant qu’elle ne projette pas de faire des enfants. » « Mon nouveau PDG me parlait de rentrer rapidement au directoire, mais bizarrement c’est beaucoup moins urgent depuis que je lui ai dit que je souhaitais me garder la possibilité d’un congé parental (4/5e ou 9/10e) à mon retour de congé maternité… Il n’est pourtant pas si vieux ! » « Je ne vis pas le fait d’être une femme ingénieur comme un handicap, même s’il est indéniable que les congés maternité soient une pause dans notre évolution. » À l’opposé… « J’ai eu la chance d’avoir un responsable hiérarchique qui m’a confié une équipe à encadrer sachant que je souhaitais avoir des enfants. » Parfois les situations deviennent franchement cocasses… « Mon chef de projet tout stressé vient de découvrir, parce que le chef l’a annoncé officiellement, que je suis enceinte (à huit mois, ça commence franchement à se voir, et tout le monde se demande comment il a pu ne pas s’en rendre compte jusque-là), il me demande tout paniqué et très sérieusement “mon Dieu, mais comment on va faire, qui est-ce qui va te remplacer ; je ne te laisse pas partir tant que je ne connais pas le nom de ton remplaçant” » ; la nature n’attendra pourtant pas ! Le maître mot reste l’organisation et il faut encore bien souvent rassurer son entreprise sur cette question. 163

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« Au début de ma carrière, je n’ai pas ressenti d’inégalité. La question de l’égalité professionnelle ne se posait pas pour moi, elle était acquise. Un peu plus tard, avec la venue des enfants, les choses sont devenues plus délicates à gérer. Il y a eu soudain de nouvelles priorités et surtout des contraintes horaires pas toujours compatibles. » « Je suis en congé maternité, un nouveau challenge pour moi ! Il a fallut prouver à mon management que ma grossesse n’altérait en aucun cas mon travail et ma motivation, rassurer mon équipe, préparer ce congé maternité et préparer mon retour. » « J’arrive sans problème à concilier mes responsabilités professionnelles et l’organisation de la vie familiale, en m’appuyant au besoin sur des personnes de ma famille proche. » « J’ai eu mes enfants jeune et je pense que c’est plutôt plus commode professionnellement. J’ai bénéficié d’un temps partiel et maintenant, à la quarantaine, je peux de nouveau être plus présente au bureau. »

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Les femmes ont aussi des avantages Est-ce qu’ils dureront lorsqu’elles seront plus nombreuses dans les entreprises ? « Quand c’est une femme qui va voir la logistique pour demander quelque chose, elle l’a plus rapidement que lorsque c’est un grand barbu ! » « Je suis à temps partiel (au 4/5) depuis un an, mon chef pourtant bien au courant me croise et me demande “alors ça y est, tu es revenue à temps plein, ça avance mieux ton projet maintenant ?” Eh non j’étais toujours au 4/5 ; c’est cela l’organisation féminine. »

L’émergence des réseaux féminins professionnels Progressivement les femmes, en minorité dans les entreprises, se sont regroupées pour échanger leurs informations et vaincre certaines de leurs difficultés en particulier le fameux « plafond de verre ». Ce phénomène a beaucoup inquiété les hommes : « Mais que complotent-elles lors de ces rencontres dont nous sommes exclus ? » Cela a-t-il contribué à leur faire prendre conscience que les femmes existaient bien au niveau des entreprises ? Probablement, mais cela a surtout permis de réfléchir à des adaptations des conditions de travail, adaptations qui, bien que poussées par les femmes, ont aussi satisfait les hommes qui n’osaient pas les revendiquer (télétravail, congé parental…). Depuis quelques années, les réseaux féminins se sont développés dans d’autres communautés, tels ceux des anciennes des grandes écoles comme Supélec au féminin. Ils ne sont aucunement des groupements féministes, mais participent activement à la vulgarisation des métiers et des postes auprès des jeunes filles afin d’inhiber les freins culturels qui leur feraient renoncer à avancer selon leurs affinités et compétences.

Ingénieur ou ingénieure ? La féminisation des titres est un débat qui, depuis longtemps et encore aujourd’hui, fait couler de l’encre et anime les discussions de salon autant parmi les hommes que parmi les femmes. 165

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La circulaire Fabius du 11 mars 1986 prescrivait de se conformer aux féminisations des noms de fonction, de grade ou de titre, dans les textes réglementaires, et dans tous les documents officiels émanant des administrations et établissements publics de l’État, Jamais abrogée, mais guère appliquée, elle fut réactivée par une nouvelle circulaire de Lionel Jospin en 1998 : des femmes appartenant à son gouvernement revendiquaient d’être appelées la Ministre et non le Ministre. Dès lors, Madame le… commença à reculer devant Madame la… et la Documentation française fit paraître en juin 1999 le guide Femme j’écris ton nom, donnant la liste des noms officiellement féminisés. Mais ce fut contre l’avis de l’Académie dont le service du dictionnaire réagit par une note du 4 février 1999 qui révèle une véritable hostilité à la féminisation : « Quand bien même un mot serait correctement formé, il peut ne pas trouver sa place dans l’usage. » Aujourd’hui, les avis sont toujours aussi partagés sur l’utilisation de tel ou tel mot. Il est vrai que l’orthographe est aussi fortement malmenée par les nouveaux langages qui apparaissent tel le SMS, langage du téléphone mobile et du mail et le « globish », langue du monde international puisant son vocabulaire dans les différentes langues courantes. Il suffit de lire la presse pour s’apercevoir que le féminin est de plus en plus employé pour les titres. Cependant, la règle de base est de toujours s’informer auprès de l’intéressée, elle-même, pour connaître sa préférence.

Conclusion par Marie-Annick Chanel (84), Présidente de Supélec au féminin

Cet ouvrage, réalisé pour fêter 90 ans d’ingénieures Supélec, est le témoignage de l’enthousiasme, de la force et de la volonté de réussir de ces femmes qui ont choisi, pour différentes raisons, d’effectuer des études d’ingénieur et d’assurer ce poste au cours de leur vie professionnelle. Au sein de la communauté féminine de Supélec, ce projet a réactivé et rapproché les liens entre trois générations (les témoignages recueillis sont issus des promotions 1948 à 2007). Six mois d’intenses échanges avec l’inquiétude de ne pas y parvenir dans les temps (les auteurs de ce livre menaient de front leur vie professionnelle et familiale) mais aussi et surtout, avec beaucoup de plaisir.

Et maintenant, destination vers le futur… À l’écoute de celles qui ont déjà déroulé une partie de leur vie professionnelle, à l’écoute des aspirations de chacune, étudiantes et ingénieures, avancez selon le triptyque équilibre, plaisir et évolution. Que veut dire équilibre ? La vie est faite de plusieurs composantes, notion exprimée par l’une d’entre nous comme un tabouret (famille, amis, travail et société) ; il est primordial de s’interroger sur la part à accorder à 167

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chaque pied, et sur les sacrifices – car il y en aura – à consentir, homme et femme. Du plaisir, bien sûr. Il y a tellement de domaines et d’activités à explorer et à pratiquer que les sources de plaisir dans le travail sont inépuisables. Il faut prendre le temps de choisir son premier poste et ses mobilités interne ou externe, rencontrer des personnes pour s’assurer que le sujet est intéressant, que l’environnement sera favorable à l’épanouissement personnel. Enfin évolution. Une carrière, c’est long en nombre d’années mais si court en sensation avec une succession de postes différents (géographiquement, fonctionnellement, avec alternance de management…) ou d’entreprises. Les changements sont à entreprendre en toute connaissance de cause car ils ne sont pas toujours synonyme de progression ; il faut bouger lorsque le poste s’englue dans la routine, lorsque l’opportunité est là. Oser ! Oser prendre un poste même si les compétences ne sont pas toutes là, la motivation fera le reste. Les ingénieures ne sont pas assez nombreuses. Mobilisons-nous tous ensemble pour promouvoir ce métier merveilleux qu’est celui d’ingénieur. Communiquons plus encore sur les réussites, sur les expériences. Partageons-les dans nos différentes sphères professionnelles, privées et sociales. Rendez-vous dans dix ans pour fêter le centenaire des ingénieures Supélec et raconter nos remarquables participations à la création du monde de demain. Et si Leonard de Vinci se réincarnait en femme !

Annexes

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Annexe 1 L’organisation des études au fil du temps

Une seule année d’études de 1894 à 1938 1894-1903 : ancien élève de l’ESE 1904-1911 : Ingénieur ESE 1912-1938 : Ingénieur électricien ou Ingénieur radiotélégraphiste (jusqu’en 1922) Puis radioélectricien Deux années d’études de 1938 à 1964 Ingénieur électricien ou Ingénieur radioélectricien Trois années d’études depuis 1964 1964-1965 : Ingénieur électricien ou Ingénieur radioélectricien 1969 : retour au diplôme unique d’Ingénieur de l’École supérieure d’électricité Aujourd’hui, trois campus (Gif sur Yvette – 1975, Rennes – 1972, Metz – 1985) mais une direction des études unique et un titre unique : le diplôme d’Ingénieur de l’École supérieure d’électricité, nommée communément Supélec.

Annexe 2 Chanson écrite pour les femmes Supélec de la promo 48, section RADIO sur l’air de « Gentil coquelicot » Chef de chorale : Jacques Houdiard (49) Nous sommes de la section Radio On nous appelle le chameau C’que les garçons peuvent être idiots En section Radio Mesdames Vive la section Radio Nous sommes avec les militaires Des gars de la marine ou d’l’air Qui s’occupent de prises de terre Vive la Radio Mesdames Ah oui vive la Radio

Nous n’aimons pas toutes leurs romances Nous préférons la basse fréquence À la valse et aux autres danses Vive la Radio Mesdames Ah oui vive la Radio Dire qu’il y a des filles de notre âge Qui songent à entrer en ménage C’est peut-être tout aussi sage Que d’faire de la Radio Mesdames Que de faire de la Radio

Tous ces messieurs nous font la cour Ils nous tiennent de beaux discours Pendant les essais et les cours Vive le cours Bedeau Mesdames Ah oui vive la Radio

Nous trouverons le mari qu’il nous faut Parmi tous ces garçons si beaux Nous choisirons le moins ballot Vive la Radio Mesdames Ah oui vive la Radio

Oui mais mieux que tous ces bavards Nous savons construire un radar Et faire d’autres calculs barbares Vive la Gonio Mesdames Ah oui vive la Radio

Et quand nous aurons un mari La Radio, c’est le plus gentil À cela nous aura servi Faites de la Radio Mesdames Ah oui vive la Radio

Annexe 3 L’association des anciens élèves & Supélec au Féminin

L’association des anciens élèves de l’École supérieure d’électricité a été créée en 1895 par vingt-quatre camarades ayant suivi en 1894 ou 1895 les cours du Laboratoire central d’électricité ou de l’École d’application qui prendra en 1897 le nom d’École supérieure d’électricité. L’amicale, devenue Association régie par la loi 1901, a été reconnue d’utilité publique par décret du 4 février 1924. Jeanne Poyen (55) est la première femme et la seule à ce jour qui a assuré les fonctions de président de l’Amicale (1987-1989). Le comité directeur est renouvelé par tiers tous les ans. Son président, élu chaque année, ne peut assurer son mandat plus de trois ans consécutifs. Les membres du comité ne peuvent assurer plus de trois mandats successifs de trois ans. Sur les 24 membres que compte le comité directeur, le nombre de femmes n’a jamais excédé six. L’origine de Supélec au féminin Après l’opposition du comité directeur en 2002 sur la création du groupe (« il n’y a pas de groupe pour les hommes, pourquoi en aurait-il un pour les femmes ? »), le sujet est relancé en 2006 après la publication de l’enquête du GEF (Grandes Écoles au Féminin) et cette fois-ci recueille l’accord. Le groupe sera officiellement créé en juin 2006 lors de sa première conférence. 173

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Le groupe Supélec au féminin a pour vocation de favoriser les rencontres et les synergies entre Supélec avec comme objectifs majeurs : – accompagner la progression des femmes dans les entreprises ; – sensibiliser les futures diplômées aux possibilités de carrières offertes après Supélec ; – aborder les thèmes généraux avec un angle féminin. Exemples d’activités destinées aux femmes ingénieurs Fiches bonnes pratiques pour aider à faire progresser l’égalité dans les entreprises. Organisation d’ateliers comportementaux en petits groupes animés par une professionnelle (réservée aux femmes uniquement). Organisation d’événements mettant en visibilité les carrières des femmes ingénieurs et propices au networking, événements aussi ouverts aux hommes.

Annexe 4 La Mission parité du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche

La progression de la parité entre les femmes et les hommes est une préoccupation forte des pouvoirs publics depuis de nombreuses années. C’est un atout et un formidable levier de la croissance et de l’emploi qui s’inscrit tout naturellement dans la politique générale du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche mais également dans les recommandations du Conseil de l’Union européenne. Depuis 2001, le ministère et la Mission pour la Parité s’engagent à promouvoir une réelle égalité des chances entre les hommes et les femmes dans les filières de formations scientifiques et les métiers de la recherche. Plusieurs temps forts rythment cette démarche : Le diagnostic qui, avec le concours de la DEPP du ministère de l’Éducation nationale, permet de réaliser des études et de publier des indicateurs sur la place des femmes dans la Recherche et l’Enseignement supérieur. La Mission a réalisé plusieurs publications : « les femmes dans la recherche française » en 2002, « les femmes dans la recherche privée » en 2004 ainsi que « les femmes dans les organismes de recherche » en 2007. La force de proposition au sein, par exemple, du Comité pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, mis en place, en janvier 2006, par le ministre délégué à la Recherche en guise de veille et 175

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d’observatoire. Ce comité viendra, en appui de la mission confiée au Président Collet (Lyon 1) pour proposer d’ici à la fin de l’année 2008 aux universités la possibilité d’adopter une charte nationale pour renforcer l’égalité femmes/hommes. Dans les organismes de recherche, le contrat d’objectifs conclu avec l’État doit intégrer une politique en faveur de la parité, accompagnée d’indicateurs de réalisation. Plus globalement, la Mission veille à ce que la dimension du genre soit prise en compte dans les institutions, les programmes et les politiques de recherche et d’innovation en France. L’incitation qui vise à faciliter l’orientation des jeunes filles vers les filières de formation et les métiers scientifiques et techniques notamment dans le cadre de la Convention interministérielle qui lie plusieurs ministères pour promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes, les filles et les garçons dans le système éducatif (2006-2011). Le soutien qui permet d’accompagner les associations de femmes scientifiques telles que « femmes et mathématiques », « Femmes et Sciences » et « Femmes Ingénieurs » et encourager un dialogue permanent et interactif avec les élèves, les parents, les enseignants grâce au site internet www.elles-en-sciences.org. L’animation de réseaux de correspondant-e-s Parité dans les organismes de recherche publique ou des chargées de mission égalité des chances dans la majorité des universités pour améliorer les politiques en matière d’égalité professionnelle. La reconnaissance enfin, qui met en lumière des parcours de femmes exemplaires et favorise ainsi leur accès aux instances de décision. C’est ainsi que la Mission organise, chaque année, depuis 2004, le prix Irène JoliotCurie, en partenariat avec la fondation d’entreprise EADS. Un jury composé de femmes et d’hommes de haut niveau récompense des parcours d’excellence scientifique selon quatre catégories : « la jeune femme scientifique », « la femme scientifique de l’année », le « parcours femme d’entreprise » ou encore « le mentorat » Depuis 2007, le prix « Avenir d’outre-mer » récompense, quant à lui, une jeune fille originaire des DOM pour lui permettre de poursuivre un cycle d’études supérieures ou de recherche en rapport avec le développement de son département d’origine sur le territoire métropolitain. Les actions de la Mission Parité s’inscrivent dans le cadre des efforts nationaux des États membres de l’Union européenne pour gagner en 176

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efficacité et construire un grand Espace Européen de la Recherche. La Mission participe, à ce titre, aux travaux du groupe d’Helsinki – au sein de l’unité de la culture scientifique et du genre, composée d’experts et de représentants des États membres.

Annexe 5 L’association française Femmes Ingénieurs www.femmes-ingenieurs.org

L’association Femmes Ingénieurs regroupe des femmes diplômées des grandes écoles d’ingénieurs et des femmes scientifiques depuis sa création, dans sa forme actuelle, en 1982. L’association est lauréate du Prix Irène Joliot-Curie 2003. En 2007, près de 100 000 femmes ingénieurs diplômées exercent une activité professionnelle et représentent un peu plus de 17 % de l’ensemble des ingénieurs 1 avec 25 % des étudiantes dans les écoles d’ingénieurs. Elles sont présentes dans tous les secteurs d’activités, mais pas dans toutes les fonctions ; elles sont peu nombreuses à des postes avec d’importantes responsabilités hiérarchiques ou stratégiques. Parce que nous ne constatons pas d’évolution croissante notable de ces chiffres depuis plusieurs années et qu’une désaffection des jeunes pour les études scientifiques se développe : Femmes Ingénieurs a pour objectifs : – la promotion de la place des femmes scientifiques dans le monde du travail,

1. Selon l’exploitation sexuée, réalisée par Femmes Ingénieurs, de l’enquête socio-économique annuelle du Conseil national des ingénieurs et scientifique de France.

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– la promotion du métier d’ingénieur auprès des jeunes filles dans le monde l’éducation par : – des échanges internationaux avec les ingénieurs d’autres pays et du monde entier, – des relations de partenariat avec et dans les entreprises, – le développement des relations avec le monde politique. Ses actions : – promouvoir l’orientation des filles vis-à-vis des sciences et technologies, en témoignant sur votre métier, – participer aux jurys régionaux du PVST, Prix de la vocation scientifique et technique) des jeunes filles, – intervenir dans les lycées et collèges, – faire tomber les stéréotypes comme : « les filles ne sont pas bonnes en maths ! », – échanger nos expériences professionnelles avec son réseau de femmes engagées dans un projet de société, – produire et diffuser les statistiques de la représentativité des femmes ingénieurs en France, – participer aux débats de société sur l’égalité des chances dans l’enseignement et l’égalité professionnelle et contribuer à l’animation de débats, forums… – coopérer avec les entreprises sur leur besoin de diversité dans les métiers d’ingénieurs et être partenaire des associations d’entreprises. Femmes Ingénieurs contribue à la promotion, au niveau mondial, de la place des ingénieures et des femmes scientifiques dans le monde professionnel, en démarrant les activités de la nouvelle commission permanente internationale : « Women in Engineering & technology » (WiE) créée au sein de la Fédération mondiale des organisations d’ingénieurs (FMOI-WFEO), avec le support du CNISF, en 2008. L’association est membre et en réseau principalement avec : – Conseil national des ingénieurs et scientifiques de France (CNISF) : www.cnisf.org ; – Femmes et Sciences : www.femmesetsciences.fr ; – Femmes et mathématiques : www.femmes-et-maths.fr ; 179

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– World Federation of Engineering Organizations (WFEO-FMOI) : www.wfeo.org ; – European Platform of Women Scientists (EPWS) : www.epws.org ; – International Network of Women Engineers and Scientists : www.inwes.org.

Remerciements

Supélec au féminin tient à exprimer sa reconnaissance à toutes celles et ceux qui ont permis que ce livre paraisse à l’occasion du 90e anniversaire des femmes diplômées de Supélec. Tout d’abord les Supélec de l’équipe projet, tous bénévoles et enthousiastes, le noyau dur : Charlotte Baccon (2005), Marie-Annick Chanel (1984), Sandrine Peltre (1989), Pascal Pouzet (1988) et Yves Chelet (1956), André Coustère (1961), Pierrette Decreau (1966), Anne-Lise Didierjean (1997), Catherine Gibert (1997), Marianne Lévy (1990), Françoise Maigret (1966), Aude Pelletier (2005), Anne Rapinat (2002), Jolanta Ricard (1988), Christine Sauvage (1996). Avec un hommage particulier à Jean Grossin (1959), expert de renommée mondiale en aéronautique, qui nous a quitté brutalement pendant la réalisation de cet ouvrage auquel il avait généreusement contribué. Merci à toutes les Supélec qui nous ont apporté un témoignage de leur vécu : Valerie Barraud (2005), Anne-Sophie Blau (2004), Virginie BouquetFerran (2005), Véronique Brouet (1993), Sandrine Burriel (2002), Macarena Campos-Bravo (2007), Françoise du Chaffaut (1962), Christine Charles (1996), Catherine Chaulet (1988), Monique Chauveau (1985), Peggy Cousteix (1995), Jeanine Crenn (1966), Pascale Delmas (1983), Sandrine Esposito 181

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(2001), Christelle Evrard-Muller (1998), Annie Faugeras (1948), Anne Ferry (1988), Céline Feugier (1998), Anne Figuereo (1981), Mireille Garnier (1987), Noëlle Janiaud (2007), Alice Jeannenot (2004), Laurence Gille Jouhaneau (2002), Valerie Gouyou (1990), Sophie Hamon (2007), Marina Hashim (1996), Isabelle Hennebique (1979), Christelle Kerdoncuff (1995), Christine Landrevot (1984), Annette Lauret-Loubry (1948), Béatrice Leblanc-Escande (1989), Anne-Lise Magnet (1997), Brigitte Marguerie (1986), Sophie Moreau (2002), Sabine Ostermann (1992), Ellora-Julie Parekh (1998), Anne Pépin (1991), Marjorie Perrissin-Fabert (2004), Cécile Picard (2003), Céline Piques (1998), Carine Piquet (1995), Anabel Rodriguez (2007), Marie-Pia de Rolland (1997), Caroline du Roscoat (2007), Anne-Marie Rotter (1988), Annie Rousseau (1956), Sabine Saint-Supéry (1994), Sara Sanchidrian (1998), Delphine Servot-Gambini (2002), Aurélie Thomas (2003), Nadia Tran (2007), Florence Trichet-Bonnechère (1988), Diana Urbanowski – De Montalembert (2006), Isabelle Van Grunderbeeck (1995). Merci pour leur aide : Jean-Christophe Dantonel, Conseiller technique pour les sciences du vivant et les biotechnologies, Cabinet de la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Joëlle Le Morzellec, Recteur, ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Marie-Hélène Therre, Présidente, Association Femmes Ingénieurs, Michèle Villard, Chargée de mission, ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Merci à nos sponsors contact AREVA : Caroline Marionnaud, International HR Communications Manager, [email protected] Contact Orange : Laurent Depond, Directeur Diversité du Groupe France Télécom Orange, [email protected] Contact Fontaine Consultants : Patrick Vu-Huy-Dat, Associé et co-fondateur de Fontaine Consultants, [email protected] Contact CNRS : Agnès Netter, Directrice Mission pour la place des femmes, [email protected]