Histoire du cinéma en Guinée depuis 1958 2343120439, 9782343120430

Sous la 1ère République, "le Guinéen n'avait rien mais il allait au cinéma tous les soirs". En 1971, pres

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Histoire du cinéma en Guinée depuis 1958
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Histoire du cinéma en Guinée depuis 1958 Jeanne COUSIN

Jeanne COUSIN

Histoire du cinéma en Guinée depuis 1958

Histoire du cinéma en Guinée depuis 1958

Jeanne COUSIN

Histoire du cinéma en Guinée depuis 1958

© L’Harmattan, 2017 5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Paris http://www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-343-12043-0 EAN : 9782343120430

Le cinéma est une conscience qui éclaire les peuples1 »

A tous les cinéastes guinéens disparus, particulièrement à Cheik Fantamady Camara

1 Samba Gadjigo, professeur de littératures francophones et de cinéma au Mount Hlyoke College de Massachusetts et qui par ailleurs fut pendant de longues années un proche collaborateur de Sembène Ousmane.

L’HERITAGE COLONIAL Ce sont principalement les milieux industriels du cinéma, par le biais des Sociétés Lumière et Pathé, qui furent à l’origine de l’introduction du cinéma en Afrique. Leur préoccupation à l’époque était de se servir des « contrées sauvages » comme décor naturel. Pour atteindre ses objectifs de propagande coloniale, l’administration institua le Service Photographique et Cinématographique de l’Armée, avec deux détachements situés l’un au Maroc l’autre en AOF2. Il faut attendre 1919 pour voir s’installer une politique systématique d’utilisation du cinéma sur le plan idéologique, visant à présenter une image particulière de la colonie et de ses habitants. Une image où les colons représentaient toujours le monde civilisé, éduqué, face à la sauvagerie des populations autochtones. (…) Entre autres, les Pères Blancs ont cerné très tôt les avantages indéniables des images pour la diffusion du message évangélique auprès des populations.3 Les séances ont commencé dans les rues, les cours ou les cafés. Puis surgirent les salles aux noms grandioses, tout droit venus d’Europe : Rex, Vox, Palace ou Palladium… Nous sommes en Afrique subsaharienne, (…) dans la période de l’entre-deux-guerres : « Fantômas », « Tarzan », « les Trois Mousquetaires », « King Kong », font désormais partie d’un paysage culturel partagé. (…) Le 7ème art est bien perçu par les populations comme un moyen d’échapper, provisoirement, à un quotidien marqué par la colonisation. Et le lieu de la projection est comme un espace étrange où Noirs et Blancs se côtoient sans se mêler, où s’exerce une censure qui ne dit pas son nom, où l’on apprend aussi, que les Européens ne sont pas invincibles, que leurs 2

Afrique Occidentale Française. Dragoss Ouédraogo, professeur d’anthropologie visuelle à Bordeaux II, cinéaste burkinabè. 3

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mœurs ne sont pas irréprochables et leur système politique pas exempt de critiques… Média importé, le cinéma fait certes irruption dans les pratiques sociales et culturelles, mais il endosse certaines formes antérieures de la sociabilité ; les interactions entre ce qui se déroule à l’écran et les spectateurs semblent calquées sur le dialogue qui s’établit entre le public et le conteur lors des veillées villageoises ou sur les échanges entre spectateurs et acteurs dans le théâtre Kotéba au Soudan. (…) Pendant la colonisation, les films sont pour plus de 50 % français, un tiers sont américains. Or « qui tient la distribution tient le cinéma4 » les salles de cinéma de l’Afrique Noire francophone étaient presque totalement dominées par les fournisseurs de films étrangers, les deux compagnies coloniales françaises SECMA et COMACICO, le reste du continent par les compagnies hollywoodiennes réunies dans la MPAA (Motion Picture Association of America). Cette politique de domination pour la rentabilisation de leurs produits a commencé dans les années 50. (…) Après 1950, l’expansion de la télévision dans les foyers américains prive brusquement les films hollywoodiens de 50 % de leurs spectateurs ; alors la MPAA use de tous les moyens, pression rétorsion, chantage économique, boycott… pour empêcher les pays qui ne l’ont pas encore fait, de contrôler totalement l’approvisionnement de leurs écrans de cinéma, ou de prendre des lois protectionnistes ou des quotas de diffusion en faveur de leur production cinématographique nationale.. (…) Face à de tels enjeux, les cinémas d’Afrique noire nés dans les années 60, après les indépendances, arrivent trop tard pour fonder des industries audio visuelles : non seulement leurs marchés de salles sont déjà dominés par les fournisseurs étrangers, mais ces marchés sont trop limités en salles pour pouvoir rentabiliser une industrie cinématographique nationale5.

4

Tahar Cheriaa, Tunisien, in « Ecrans d’abondance ou cinémas de libération en Afrique » ; 1979. 5 Afriques 50, singularités d’un cinéma pluriel ; ouvrage collectif ; Ed. L’Harmattan ; 2005.

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Sur le fond, le cinéma colonial figeait l’Africain dans des stéréotypes : les médias perpétraient l’image d’« un affamé dont l’agonie n’en finit plus de se banaliser ». Le cinéma des pays africains nouvellement indépendants s’est orienté en réaction contre cette image « du bon sauvage » du cinéma colonial, posant ainsi la possibilité du témoignage, de la construction identitaire, de l’affirmation nationale et du dialogue interculturel. Mais… «(…) tout reste à faire en Afrique dans le domaine du cinéma. Il est inconcevable que les dirigeants africains n’aient pas encore pris conscience du fait que l’audiovisuel est l’outil numéro un du développement dans des pays comme les leurs. Qu’une caméra vaut un bulldozer. Qu’un film éducatif bien fait est aussi actif qu’une charrue. Qu’un film de fiction réussi imprime dans le monde entier une image de marque indélébile de son pays d’origine.6 »

6

DEBRIX Jean-René, ministère français de la coopération ; cinem’action n° 3 ; 1978

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AVANT-PROPOS « Parce qu’un homme sans mémoire est un homme sans vie, un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir » (Ferdinand Foch ; Maréchal de France). « Le monde est vieux, mais l’avenir sort du passé ». (sagesse des griots mandingues ) La genèse de ce document tire sa quintessence du devoir de mémoire et de sa valorisation par la force cognitive des images filmiques, et concrètement par le projet de l’association « Guinée Solidarité Bordeaux » d’engager dès 2013, la réalisation d’un documentaire sur la riche histoire contemporaine du pays par le biais des œuvres des cinéastes guinéens. En effet, les productions cinématographiques de ces cinéastes sur maintes facettes des réalités socioculturelles depuis la période coloniale constituent indubitablement une source importante pour assouvir la soif de quête identitaire des générations actuelles et futures. Des pans entiers de la mémoire de ce pays se trouveraient en partie dans les Archives audiovisuelles, mais demeurent dans l’oubli voire ignorées, car marquées du sceau de l’invisibilité. Or le cinéma guinéen occupe une place de choix dans l’histoire des cinémas d’Afrique subsaharienne, nonobstant les difficultés structurelles qu’il rencontre aujourd’hui. Il figure parmi les pionniers et a été à l’avant-garde pour prendre des initiatives audacieuses dans la valorisation du patrimoine culturel africain par les images7. C’est à l’occasion du tournage qu’il m’a été donné d’entendre, puis de retranscrire les paroles des personnes interviewées, par là-même de prendre conscience de la 7

Dragoss Ouédraogo, note d’intention du film « mémoires de Guinée »

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méconnaissance par la jeunesse actuelle des nombreux cinéastes guinéens talentueux tombés dans l’oubli. Ainsi, cet écrit, en complément du documentaire, participe à la reconstruction mémorielle, du point de vue du cinéma, des évènements d’un passé à la fois lointain et proche, et invite les chercheurs à approfondir ce pan non négligeable d’un passé récent. « J’ai envie de comprendre sans beaucoup attendre. Les doyens sont encore vivants. Je suis à leur côté pour savoir comment on en est arrivé à ce cimetière de la pellicule. Je fais ce film pour revendiquer un droit d’attention à l’égard du cinéma en Guinée Ce film est pour moi un coup de gueule à l’endroit de tous ces politiques qui ne savent pas à quoi ça sert une image. Je fais ce film pour essayer de fixer la mémoire cinématographique de ma Guinée. Je fais ce film pour qu’il puisse aussi servir d’outil pédagogique sur l’histoire du Cinéma de mon pays et la partager avec le reste du monde. » Thierno Souleymane Diallo, réalisateur de la nouvelle génération. Il semble utile de préciser ici la différence entre les concepts de « l’histoire » d’un pays et de « la mémoire ». En effet, la quasi-absence d’archives écrites et/ou filmiques accessibles sur cette période, la « culture de silence » des Guinéens ont rendu ce travail d’investigation labyrinthique, et des lacunes demeurent. Dans les ouvrages traitant du cinéma en Afrique francophone dans la période des indépendances, la Guinée est rarement citée, ses cinéastes encore moins. De 1965 à 1975, Sékou Touré avait rompu toutes ses relations avec la France, ceci pouvant expliquer cela. Pour toutes ces raisons, les principales sources de ce travail sont orales, ce sont les paroles de survivants de l’époque ;

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paroles parfois témoignages...

contradictoires,

requérant

d’autres

Odile Goerg, professeure d’histoire de l’Afrique à la Sorbonne, invitée aux rencontres universitaires au CCFG en février 2015 sur le thème de la mémoire8, a bien évoqué la relation dialectique entre l’histoire et la mémoire : « L’histoire reconstruit le passé, elle reconstruit le passé à partir de traces que l’histoire a laissées et qu’il faut donc interpréter, analyser, situer dans le contexte. L’histoire se définit également par une prise de distance par rapport au passé pour pouvoir analyser des traces et sans rentrer dans les détails, je dirais que ces traces sont de nature très diverse : documents écrits… sources orales…, ce qui implique qu’… il y ait une politique de collecte et de constitution de fonds. … Il faut avoir une politique, qui est généralement une politique de la responsabilité de l’État, mais qui peut parfois être prise en charge par des individus, une politique de préservation de ces traces. … Si les historiens n’ont pas à leur disposition des documents, aussi divers soient-ils, ils ne peuvent pas écrire une histoire, qui ensuite pourrait être critiquée, bien évidemment, mais critiquée à condition d’opposer à l’argument de l’historien un argument, qui lui-même est basé sur un fondement… documenté, …des preuves. Sans ces preuves, on passe à quelque chose d’autre, la mémoire… Il n’est pas question ici de se situer dans une position, qui serait du côté du vrai ou du faux. C’est simplement que les objectifs, les procédures ne sont pas les mêmes et que l’histoire et la mémoire ne se situent pas sur le même plan, mais bien évidemment vont dialoguer, vont travailler de manière dialectique ensemble. » 8

Dans le cadre du second « Festival du Premier film » en 2015, organisé par Holowaba.

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INTRODUCTION En introduction, « plantons le décor » du cinéma en Afrique de l’Ouest aujourd’hui, prenant notamment appui sur les constats de Claude Forest9 en 2011 : En Afrique de l’Ouest, « le désert cinématographique s’est propagé plus rapidement que le Sahel lui-même…»10… Les fermetures des salles sont connues et ont été analysées depuis longtemps sans que les conséquences en aient toutefois clairement été tirées au niveau national, régional comme pour le soutien international (…) Au niveau des exploitants, on peut rappeler singulièrement l’absence de professionnalisme, les incompétences techniques et de gestion, les fraudes et malversations, les non-renouvellement et investissement dans des équipements, parmi les comportements qui ont accéléré la désaffection du public, la disparition des distributeurs, puis celle des producteurs et donc des films tournés. Depuis les indépendances (…) Sur la région d’Afrique de l’Ouest sub-saharienne, une volonté politique de soutien au cinéma ne s’est véritablement manifestée qu’au Burkina-Faso au début des années quatre-vingts sous le régime du capitaine Thomas Sankara, notamment en accueillant le FESPACO, Festival Panafricain du Cinéma de Ouagadougou, créé en 1969, et en aidant la filière cinéma (production et formation essentiellement). Partout ailleurs, seules des tentatives privées ont été observées au niveau de la diffusion du cinéma, parcellaires et éclatées, économiquement de faible ampleur, parfois soutenues sporadiquement par les anciennes métropoles, l’Union européenne ou des organismes internationaux avec une conception et une efficacité très discutables, aucune n’ayant perduré depuis lors en cette zone. 9

Claude Forest est maître de conférences en économie du cinéma à l’Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3. Il est également sociologue du cinéma et des pratiques qui l’entourent 10 Bilan de Claude Forest sur le CNA ; Chapitre 13 ; Le modèle politique et économique du Cinéma Numérique Ambulant en Afrique ; « Des villages aux savanes ; 2013

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En Guinée Le véritable développement du cinéma comme pratique de loisirs date des années 1950. En 1946, Conakry dispose de quatre cinémas, dont trois (le Rex, le Palace et le Rialto) se trouvent au centre-ville tandis que le quatrième, le Vox, est situé dans le quartier africain de Sandervalia, toujours à Kaloum11. Le cinquième cinéma est construit en banlieue, à Coléah, à la fin des années 1950.12 Dès 1947, le cinéma est actif dans cinq villes, et à la veille de l’indépendance en 1958, le nombre de salles a doublé. (…) Même si l’on ne compte au total qu’une quinzaine de lieux pour deux millions et demi de Guinéens, le cinéma a désormais un impact non négligeable et marque toute une génération.13 Pourquoi, comment le cinéma est-il « tombé » en GuinéeConakry ? La Guinée a été un pionnier du cinéma en Afrique : en 1922 « le premier film africain (court-métrage) tourné en Afrique par un Africain » aurait14 été écrit et réalisé par Mahmoud Touré, Guinéen vivant en France. Tourné dans le Fouta Djalon, il racontait « les aventures de Samba ». Nulle trace de ce film n’a été retrouvée. Il est par contre historiquement établi par Paulin Soumanou Vieyra15, entre autres, que le tout premier film du cinéma d’Afrique noire au Sud du Sahara est Mouramani16 réalisé par 11

PAUTHIER Céline; L’indépendance « ambiguë » - construction nationale – colonialisme et pluralisme culturel en Guinée (1945-2010) ; 2014 12 GOERG Odile (2009 : 263). « Les mémoires précités évoquent les personnalités comme Samia, un libano-syrien, qui aurait ouvert le Rialto avant de le vendre à la COMACICO et Maurice Achambo représentant la SECMA enGuinée. Ces informations sont à recouper avec d’autres sources. » 13 GOERG Odile, « Fantômas sous les tropiques ; aller au cinéma en Afrique coloniale » ; Ed. Vendémiaire, collection Empires ; 2015 ; p 143 14 Selon Cheik Doukouré, entretien 2015 15 Sénégalais, l’un des premiers documentaristes africains 16 Voici ce qu’écrit Jean Rouch dans La politique culturelle de République de Guinée ; Paris UNESCO ; 1979 « Si Mouramani, réalisé par Mamani Touré sur un petit conte du folklore guinéen, est d’un intérêt un peu mince, par contre Paulin Soumanou Vieyra, Jacques Melokane, Mamadou Sarr et l’opérateur Caristan réalisaient ce qui fut

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le Guinéen Mamadou Touré en France, en 1953. Ce courtmétrage (23 mn) de fiction, est historique et raconterait la vie d’Abdouramane KABA : Le patriarche Abdouramane KABA dit Mouramani, venu de Diafounou (près de Nioro, Mali) s’installe vers 1690, avec des marchands et soldats sarakholés ou markas (qui adoptèrent la culture malinké d’où le nom de Malinké Mory - marabouts malinkés - qui leur sera donné par la suite) à Diankana (en Haute-Guinée) pour créer le royaume musulman de Baté dont les plus importantes cités sont : Kankan, Bakonko, Fodékaria et Karifamoudouya17. Selon d’autres sources,18 Mouramani glorifie l’amitié entre un homme et un chien. Ce film serait conservé à la bibliothèque des Archives françaises du film à Bois-d’Arcy, en région parisienne. En 1954, La plus belle des vies, réalisé par Claude Vermorel, et sorti en 1956, fait partie des premiers films tournés en Guinée, avec Naby Youla, acteur et ambassadeur de Guinée en France. Syli-cinéma, l’entreprise d’État créée en 1967, dotée du monopole de la production, de la distribution et de l’exploitation, a produit jusqu’en l’an 2000 environ cent films. Un fonds de développement du Cinéma, le FODIG, alimenté en grande partie par les recettes des salles, les a financés de manière endogène et a permis des coproductions internationales surtout avec les pays de l’Est et d’autres pays dont le Maroc avec « Amok ». Le régime était conscient de la puissance du Cinéma et a mis en œuvre l’ambitieux projet d’un complexe-laboratoire à Boulbinet, visant à donner aux cinéastes africains leur indépendance pour la finition de leurs films sur le sol africain. sans doute le premier film noir, Afrique sur Seine, tentative intéressante où l’on montrait la vie des Africains à Paris. Malheureusement, il s’agissait d’une simple tentative : le film ne fut jamais ni complètement monté, ni complètement sonorisé. » 17 http://www.africine.org/?menu=art&no=7154 18

Sheila Petty http://www.filmreference.com/encyclopedia/Academy-AwardsCrime-Films/Africa-South-of-the-Sahara-BEGINNINGS.html#ixzz3xaZv73QR

19

En 1984, les héritiers de Sékou Touré voulaient parachever ce projet en passant un contrat « clé en main » avec des sociétés suisses, pour la post-production. Les bouleversements politiques de la IIème République ont changé la configuration du cinéma guinéen qui s’est progressivement assoupi. Depuis les années 90, des œuvres de bonne facture sont produites ou coproduites par l’État ou sur financements extérieurs. Elles ont fait entrer la Guinée de plain-pied dans le concert des images africaines : Blanc d’ébène (1991) et Ballon d’or (1995) de Cheick Doukouré ; Denko (1992), Minka (1994), Dakan (1995) de Mohamed Camara ; Paris selon Moussa (2000) de Cheick Doukouré ; Be Kunko de Cheick Fantamady Camara, poulain d’argent au FESPACO 2005 annonce la densité créatrice d’un talent qui se révèle avec Il va pleuvoir sur Conakry au FESPACO 2007. (ibid) Cheik Fantamady Camara est décédé le 6 janvier 2017. En 1982, à l’occasion de la projection au Palais du Peuple du film-ballet « Naïtou, l’orpheline » de Moussa Kémoko Diakité, primé à deux reprises19, le journaliste Ibrahim Kalil Diaré « croit qu’une nouvelle dynamique est ainsi amorcée qui engagera notre cinéma dans une spirale de production qualitative continue » (…) le cinéma guinéen compte la réserve la plus dense d’acteurs, de musiciens, de danseurs, de thèmes répertoriés à valeurs universelles ! »20 C’est l’inverse qui s’est produit : progressivement dans les années 80 « le cinéma est tombé ». Son dépérissement relève de plusieurs facteurs, explicites et implicites. Cette monographie tente de reconstituer les évènements, les personnes et les productions qui ont marqué le cinéma guinéen depuis 1958, Loin d’être exhaustif, en l’absence d’archives écrites sur cette période, elle a été élaborée essentiellement au travers du recueil des paroles des témoins de l’époque et/ou des cinéastes exilés. Nous les remercions sincèrement de leur précieuse contribution.

19 20

Cf filmographie en annexe I Revue : Horoya ; n° 2922 ; RPRG ; 13, 19 juin 1982

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1

LA IÈRE REPUBLIQUE : CONSTRUIRE UN CINEMA GUINEEN EQUIPER ET FORMER GENESE DE SYLI-CINEMA-PHOTO - LES ENJEUX -

Aucun film n’est fabriqué sur place avant 1958, seuls les films ethnographiques faits par les colons français sont réalisés sur le terrain21. Tout est à construire. Car un film coûte cher, une industrie de cinéma ne se conçoit pas sans l’existence d’un marché naturel de rentabilisation : un nombre suffisant de salles pour obtenir le nombre d’entrées et de recettes pour couvrir le coût du film et dégager des bénéfices à investir dans un nouveau film. L’indépendance La naissance du nouvel Etat indépendant de Guinée le 2 octobre 1958 fit déborder l’enthousiasme dans toute l’Afrique. De partout, les cerveaux, les bras, les fortunes du sang noir volèrent bénévolement au secours de la Guinée indépendante pour relever le défi lancé par le colonialisme blanc quant à l’incapacité congénitale du Noir. Sékou Touré se prit pour « un messie, invulnérable, immortel. »22 Et « nombreux furent les intellectuels progressistes africains, européens et ceux de la diaspora noire à voler au secours du nouvel État pour l’aider à relever le défi. (…) Ce faisant, la Guinée respectait ainsi l’article 46 de sa première Constitution qui accorde le droit d’asile aux citoyens étrangers poursuivis en raison de leur lutte pour la défense d’une cause juste ou pour leurs activités scientifiques et culturelles. C’étaient généralement des leaders de mouvements de libération nationale ou des militants de partis politiques interdits dans leur pays d’origine. Parmi lesquels : Louis Akin du Comité de libération de la Côte d’Ivoire »23 devenu par la suite directeur général et réalisateur de Sylicinéma.

21

Catalogue films ethnographiques sur l’Afrique noire, UNESCO, 1967 Capitaine Kaba 41 : Dans la Guinée de Sékou Touré cela a bien eu lieu ; Ed L’Harmattan, Coll. Mémoires Africaines ; 1998 23 IFFONO Aly Gilbert ; de Ahmed Sékou Touré à Alpha Condé ou le chemin de croix de la démocratie ; Ed L’Harmattan, Coll. Etudes Africaines ; 2013 ; pp45-46 22

23

Sarah Maldoror24, cinéaste et réalisatrice française, est née en 1939 à la Guadeloupe. Son cinéma est politique et engagé dans les indépendances africaines. Elle a étudié le cinéma au VGIK de Moscou, Institut National de la Cinématographie de Moscou, fondé par Vladimir Gardine en 1919. Elle est considérée comme la première réalisatrice du continent et comme une figure de proue du cinéma africain. Sarah Maldoror a réalisé en 1981 à Paris, Un dessert pour Constance (52 min fiction diffusée sur France 2) d’après une nouvelle de Daniel Boulanger avec Cheik Doukouré, acteur et réalisateur guinéen. « Le contexte historique de mes débuts exigeait un cinéma militant qui aujourd’hui me reste collé à la peau : j’ai, comme tout le monde, beaucoup de difficultés à travailler. Révolutionnaire et féministe : une image aujourd’hui négative que je suis obligée de gommer parfois pour arriver à faire des films. Le fait d’avoir fait Sambizanga (1972) et d’avoir été dans les maquis fait croire encore aujourd’hui que j’ai trois bombes dans les poches25… Ousmane Sembène26 : adhérent à la CGT et au Parti Communiste français dans les années 50, rentre en Afrique en 1960, l’année de l’indépendance du Soudan français — qui devient le Mali — et du Sénégal. Il voyage à travers différents pays : le Mali, la Guinée, le Congo. Il commence à penser au cinéma, pour donner une autre image de l’Afrique, voulant montrer la réalité à travers les masques, les danses, les représentations. Il part étudier au VGIK27, Institut National de Cinéma de Moscou, en 1961. La Première République est proclamée le 2 octobre 1958. Peu de pays ont soulevé, au moment de leur indépendance, autant d’espoirs que la Guinée : dotée d’un potentiel humain et économique exceptionnel, c’était la première colonie africaine de la France à rompre ses liens avec la métropole. Guidé par un leader au grand prestige, Sékou Touré, la Guinée fut l’un des 24

Ibidem wikipédia 26 IFFONO Aly Gilbert 27 Le mot VGIK est la transcription en français de la forme abrégée de sa désignation en russe : ВГИК 25

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premiers pays à embrasser résolument la voie socialiste du développement sur le continent africain, l’un des tout premiers à pratiquer le non-alignement, et l’un des plus engagés pour le soutien des mouvements de libération sur le continent, et pour la réalisation de l’unité africaine. De ce fait, le nouvel Etat apparaissait à tous, comme une expérience pilote, et beaucoup parmi les jeunes cadres et intellectuels africains, du tiers monde et d’ailleurs, le considéraient avec sympathie, avec intérêt et même avec enthousiasme. Puis, que de difficultés rencontrées, que d’obstacles à surmonter, que d’oppositions à vaincre, que de déceptions enregistrées, que d’excès commis, qui ont été soulignés avec virulence par ses détracteurs, avec regrets par ses partisans, avec honnêteté par bien de ses dirigeants eux-mêmes. Comme il fallait s’y attendre, cela a conduit à l’isolement du pays pendant de longues années, à l’échec économique, au cycle infernal du complot permanent et de la terreur permanente, qui ont conduit tout logiquement aux violations permanentes des droits de l’homme (…)28 « Omniprésent et omnipotent, le Parti Démocratique de Guinée neutralise ou détruit toutes les formes qui peuvent s’opposer à lui. Il assure, à travers son chef, la dictature populaire et révolutionnaire. C’est ainsi que tous ceux qui s’écartent à un moment ou un autre de la ligne politique sont qualifiés d’« ennemis de la révolution », en collusion évidemment avec l’impérialisme. La révolution dévore ses propres enfants, et toutes les couches sociales ou ethniques (Peul) seront frappées. Une quinzaine de complots seront « découverts » entre 1958 et 1984. Le petit noyau de dirigeants, souvent de la famille du dictateur, va utiliser la torture, la détention au camp Boiro, les exécutions, au mépris le plus total des droits de l’homme.

28

GOMEZ Alseny René ; Camp BOIRO parler ou périr ; Ed L’Harmattan ; 2008

25

1971 sera l’année de la grande purge qui frappa de terreur la population29. » Pourtant, d’après Mohamed Maouche30, Sékou Touré dira un jour à l’auteur qu’il avait, tout jeune garçon, assisté à des séances de cinéma données dans les petites villes par des commerçants libanais qui utilisaient des projecteurs et des écrans mobiles montés sur camions…

1.1. TRANSFORMER L’USAGE DE « L’ALIÉNATION CULTURELLE », ARME DE DOMINATION DE LA COLONISATION EN UNE CULTURE DE PROPAGANDE

(…) Au lieu de construire, transformer ou restaurer l’Afrique, au lieu de concevoir et réaliser de grands projets de société afin que l’Afrique devienne aussi une grande puissance, les pays indépendants africains de l’Ouest se sont contentés de se ranger au Bloc de l’EST afin de bénéficier des faveurs paternalistes31. En effet, l’indépendance des Etats africains est intervenue dans le contexte de la « guerre froide32 » période de 1960 à 1980, correspondant à l’émergence de pays dirigés soit par un despote, soit par l’Armée. La première vague (années 60 à 75) coïncide avec l’envoi d’Africains à l’extérieur, pour se former, entre autres, au prestigieux Institut Eisenstein de Moscou (le VGIK), et l’accueil d’experts étrangers russes, tchèques, yougoslaves, etc. Il y avait une réelle motivation à créer un cinéma d’Etat de propagande et dénigrant le colonialisme

29

Guinée, bibliographie commentée ; Ministère de la Coopération et de développement ; Coll. Réseaux documentaires sur le développement ; Paris 1993 ; page 15 30 Sékou Touré s’explique, in Révolution Africaine, no 399: 15-21 octobre 1971. 31 SA Benjamin La cause profonde… , document de Mission de l’Unité et l’Union de PFEED de l’ONG-FUAP, janvier 2002 [email protected] 32 Saving Bruce Lee African and arab cinema, collectif Garage Field research

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Au milieu des années 1950, en pleine Guerre froide, le Parti communiste d’Union soviétique s’engagea dans la conquête « des cœurs et des esprits » des populations d’Afrique. Peu connue, l’assistance en termes de matériel technique, de formation et de diffusion que l’URSS apporta à plusieurs pays africains des années 1950 aux années 1980 dans le domaine cinématographique, constitue un des volets de cette lutte idéologique.33 Sékou Touré désirait doter la jeune République guinéenne d’un cinéma national « authentiquement révolutionnaire » Pour atteindre ses objectifs, Sékou Touré consacra les moyens financiers et stratégiques nécessaires pour créer ce monopole national. Il aurait déboursé 1 650 millions de Francs suisses34 pour créer SYLI-CINEMA-PHOTO ; il envoya nombre d’étudiants se former à l’étranger – principalement dans les pays de l’Est - afin qu’ils constituent le personnel du futur office national du Cinéma. Les premiers étudiants à obtenir des bourses furent Costa Diagne envoyé à Moscou (URSS), au VGIK35 (Institut National de Cinéma) dont il sortit major de sa promotion. Gilbert-Claude Minot (qui deviendra directeur de Syli-cinéma) et Mamadou Alpha Balde dit Marlon furent envoyés à UCLA (Los Angeles, E-U) ; Sékoumar Barry à Belgrade (Yougoslavie) et Moussa Kémoko Diakité à Francfort (RFA) ; Mouctar Bah à l’école de cinéma–art–musique de Prague (1960-1964). Pendant leurs périodes de congé, ils se retrouvaient tous les ans en Guinée, prémisses d’une solide amitié professionnelle. Fodéba Keita36, alors ministre de la Défense et de la Sécurité, envoya également des militaires pour se former à la 33 https://www.cairn.info/revue-le-temps-des-medias-2016-1-page-111.htm ; et https://www.cairn.info/resultats_recherche.php?searchTerm=Guin%C3%A9e +syli+cin%C3%A9ma 34 Source : Mohamed Camara, directeur de l’ONACIG 35 Au total, onze Guinéens ont étudié au VGIK pendant cette période (Gabrielle Chomentowski) 36 Plus connu comme fondateur des Ballets Africains de Guinée

27

conception et à la réalisation cinématographique. Tous ces individus rentrèrent progressivement entre 1965 et 1969. Du côté de la technique, un cameraman tchèque dénommé Mikula Ljubo37 forma, à Conakry, les tout premiers techniciens de cinéma, photographes et cameramen, puis réussit à s’enfuir aux Etats-Unis38. D’autres furent envoyés à l’étranger (Allemagne, Bulgarie, France, Roumanie, Yougoslavie, Etats-Unis, URSS) pour y étudier le maniement de la caméra, la prise de son, le montage… Le 2 janvier 1967 un décret présidentiel (décret N° 001 / PRG du 2 janvier 196739) va marquer la vraie naissance du cinéma guinéen, avec la création de la Régie Nationale de Cinématographie et de Photographie « Syli-cinéma-photo », organisme dépendant du Ministère de l’information et de la communication, entièrement financé par le Ministère chargé du Plan, resserrement significatif du contrôle de l’État. Comme il s’agissait d’un Établissement Public Industriel et Commercial (EPIC), les salariés de Syli-cinéma-photo avaient par conséquent le statut de fonctionnaires. « Syli-cinéma-photo », recrutait a priori les personnes formées à l’extérieur, pour leurs compétences. Portés par l’esprit du socialisme tiers-mondiste de l’époque (…) les cinéastes, bien que souvent suspectés d’être « contestataires » par les nouveaux pouvoirs africains, estimaient que seul l’État pouvait être impartial dans l’organisation du bien public que devait être le cinéma. Les succès de la nationalisation du cinéma au Burkina-Faso, en Algérie, en Guinée-Conakry, vont pousser d’autres Etats africains à nationaliser à leur tour le secteur : Sénégal, Bénin, Madagascar, Tanzanie.40

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Mikula Ljubo fut l’auteur de plusieurs documentaires, dont Chants d’Afrique, Sory Kandia Kouyaté (1959) 38 Moussa Kémoko Diakité entretien février 207 39 Cf liste des décrets en Annexe III 40 Afriques 50 ; singularités d’un cinéma pluriel

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Quelques années plus tard, les premières éditions du Festival panafricain de Ouagadougou réservaient toujours une place de choix au cinéma de Guinée. Ainsi, au lendemain du festival de 1972, le critique français Guy Hennebelle pouvait-il commencer son article d’Afrique-Asie (avril 1972) par les remarques suivantes : « La Guinée s’est taillé un gros succès de prestige à Ouagadougou. À écouter le public applaudir à tout rompre, il ne fait aucun doute que ce pays représente aux yeux des masses une aspiration à une véritable dignité nationale et à la libération de la lourde tutelle étrangère d’évidence omniprésente ailleurs. »41

1.2. LE FONCTIONNEMENT, LES MISSIONS DE SYLI-CINÉMA-PHOTO En 1968, Sékou Touré au cours de la conférence tenue devant les cadres du ministère de l’Information déclara : L’impératif pour nous, c’est de faire du cinéma guinéen, un cinéma authentiquement révolutionnaire avec la conviction que ce cinéma servira d’élément accélérateur du mouvement de transformation dans lequel s’est résolument engagé le peuple de Guinée avec effet bénéfique pour l’Afrique et le reste du monde.42 Les missions de Syli cinéma-photo étaient de coordonner toutes les activités cinématographiques et photographiques, de contrôler et d’assurer la circulation des films sur le territoire guinéen, de réaliser tous les travaux photographiques (développement, tirage, reportages, studios de photos d’art, vente des clichés, édition des cartes postales, revues, brochures, livres illustrés), ainsi que l’achat, la vente et la distribution de tous les films (actualités, documentaires, films artistiques de long métrage).

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DAUDELIN Robert, historien du cinéma canadien ; Où sont les films guinéens ? Journal of Film Preservation / 74 / 2007 42 « Le responsable suprême de la révolution aux cadres de l’information du cinéma et de l’INRDG », 1968 ; p. 102

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Situé sur l’actuel site du CCFG43, la mise en place d’un « complexe cinématographique » Syli-cinéma (laboratoire, salle de mixage, plateau d’enregistrement, auditorium, etc.) ; l’ouverture d’une grande salle de cinéma au cœur de Conakry, constituaient autant de manifestations de la vitalité du cinéma guinéen. [..] Concernant les films, la distribution se fait par l’intermédiaire de la Régie moyennant soit un forfait (déterminé entre la Régie et l’entreprise d’exploitation) soit un pourcentage sur les recettes des salles d’exploitations privées. Le programme d’une projection-cinéma est fixé par le décret 001 du 2 janvier 196744 : 1ère partie (30 min max) : actualités guinéennes obligatoires + Court métrage 2e partie (80 min max) : un film long métrage ou plusieurs courts métrages Toute salle de cinéma est tenue de programmer au moins une fois par mois un film produit ou co- produit par la Guinée. 1.2.1. SYLI-PHOTO Parmi les missions de Syli photo et Syli son, les photographes avaient pour fonction d’immortaliser en images les tournées des artistes des Ballets Africains dans le monde entier, et ils participaient au tournage des films en qualité de « photographes de plateau ». A partir de novembre 1970, ils furent régulièrement appelés par le Comité Révolutionnaire, avec un preneur de son de Syli-phone, à 1h du matin pour se rendre au camp Boiro, photographier les portraits des prisonniers (« photos-ardoises ») ensuite publiées sur Horoya, ainsi que les interrogatoires. Ils ont assisté, impuissants, à cette mise en scène : « D’abord on offrait au prisonnier un café, pour le conditionner, puis on lui remettait un papier déjà écrit « ses aveux », qu’il devait lire, puis signer après des pratiques de

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Centre Culturel Franco-Guinéen Horoya 1100 ; 15-16 janvier 1967, cf Annexe IV

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torture plus ou moins longues selon la résistance du prisonnier »45. Ibrahima Diallo, était encore en formation de photographie à Dakar, 1970-72, lorsqu’à l’occasion de vacances en Guinée pour voir sa famille, Sekou Touré remarqua ses qualités de photo-monteur. Il lui demanda s’il « était prêt à travailler pour la révolution » M. Diallo a accepté, un refus l’aurait entraîné directement à Boiro. AST46 lui commanda une photo où il apparaîtrait avec sa femme et sa fille, grâce au processus de montage. Satisfait, AST confia au Ministre de l’Information le soin d’en effectuer cinq tirages. Par la suite, Ibrahima Diallo a été promu chef de service de Syli-Photo lorsque les deux services ont été séparés. Ses compétences suscitaient des jalousies, et des « sabotages » pour exemple, les consommables (révélateur…) qui lui étaient livrés étaient soit inadaptés, soit défectueux. D’abord fusionnés, Syli cinéma et Syli photo ont été séparés en deux budgets autonomes vers 1980. 1.2.2. SYLI-CINEMA Les réalisateurs de Syli Cinéma, quant à eux, réalisaient des documentaires « éducatifs » de commande, qui devaient narrer le passé du pays à travers des reconstitutions (enregistrement des traditions orales et regroupement des documents) ou des montages fondés sur des archives d’actualités. De plus, le cinéma documentaire devait diffuser les traditions et connaissances utiles à la nation : la pharmacopée et la médecine traditionnelle, les arts et la musique, la zoologie : par exemple deux documentaires, l’un sur les termites, l’autre sur l’homme et le serpent, ont été réalisés par Mandjou Touré en collaboration avec des cinéastes bulgares47. Ces thématiques justifient le développement du documentaire ethnographique. Enfin, le documentaire jouait un rôle didactique au niveau social : techniques agricoles, hygiène et santé, formation professionnelle, nécessité du parti, étaient autant de sujets 45

Ibrahima Diallo, photographe de Syli-photo de 1973 à 1995 Ahmed Sékou Touré 47 Entretien Sékoumar Barry, 4 février 2017 46

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possibles. Le cinéma devait permettre, par son effet de masse, de mettre un terme aux falsifications de l’histoire héritées de la colonisation. C’est ainsi, grâce aux films, que la nation pouvait retrouver la vérité de son histoire, et se la réapproprier : « Contribuer à la révision de l’ensemble des représentations d’où l’impérialisme tient sa justification nous paraît à l’heure actuelle la tâche la plus immédiate du cinéma nouveau. L’action continue des peuples dans leur lutte, leur passé héroïque, doit pouvoir être révélée par le biais du cinéma ». Syli-cinéma fut dès le départ partagé en deux entités : Syli Film s’occupait de la production nationale (réalisateurs, cameramen, monteurs) ; Syli cinéma était chargé de la distribution-exploitation, de l’exportation, de l’importation des films étrangers, de la programmation des salles de cinéma et de la censure. Ces activités étaient regroupées dans le bâtiment situé près du Pont du 8 novembre, (actuel Centre Culturel Franco Guinéen) qui comprenait également une salle de projection réservée aux cadres ; une tenue correcte était requise pour accéder à cette salle. Le local contigu était affecté à la filmothèque où étaient stockés les films de Syli-cinéma, et de nombreux films étrangers parmi lesquels des films russes faisant l’apologie de héros, des films d’Eisenstein, de Roman Polanski, d’Andrej Wajda. Ces films étaient sous la responsabilité de Abdoulaye Diarso. Ce dernier, séduit par le film soviétique « le destin d’un homme » avait quitté le lycée pour rejoindre l’équipe de Syli-cinéma, d’abord en qualité de stagiaire. Il travaillera par la suite avec « les plus grands », puis sous la seconde République et jusqu’à ce jour à l’ONACIG. Le bâtiment mettait par ailleurs une salle à disposition pour les répétitions de l’Ensemble Instrumental de Guinée, et logeait à l’étage Sory Kandia Kouyaté48. Le ciné-club de l’Institut Polytechnique projetait régulièrement les films empruntés à la filmothèque, suivis de

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Entretien Moussa Kémoko Diakité, février 2017

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débats animés par des professeurs français et guinéens (dont Telivel Diallo). Sur le plan technique, la finition des films s’effectuait alors toujours par des laboratoires de l’extérieur : dans les années 60, le laboratoire DEFA à Babelsberg (RDA), le studio de Belgrade (Yougoslavie), et à Varsovie (Pologne), le studio Barrandov49 de Prague (Tchécoslovaquie), à Sofia (Bulgarie), à Gennevilliers (Suisse) ; dans les années 80 et 90 c’est surtout le Maroc qui finalise les films. Il fut donc prévu la construction et l’équipement d’un complexe cinématographique équipé des aménagements nécessaires : laboratoire, éclairage, plateau de tournage, installation de prise de son, etc. à Boulbinet, devenu le site de l’actuel ONACIG. Le chef de l’Etat de l’époque avait mis 1 800.000 francs suisses dans le laboratoire cinématographique de la Guinée. Il voulait que l’Afrique de l’Ouest fasse sa post-production en Guinée. Ce bâtiment, a été doté des moyens pour finaliser un film jusqu’à copie zéro. Sékou Touré a dit « nous voulons que le FESPACO50 soit à Ouagadougou, mais les films vont être réalisés en Guinée »51. Le laboratoire a été construit et entièrement équipé par la RFA. « Plus de dix containers de matériels sont arrivés, tout a été démonté et chacun s’est servi. »52 : En 1984 l’ONACIG a ainsi hérité de locaux vidés de leur contenu. « Voilà aujourd’hui ce qu’on a fait de cela. Ils ont tout détruit ».53 Cependant, pendant ces années, aussi bien pour la mise en œuvre que pour le fonctionnement de ce complexe, la Guinée résista au « néo-colonialisme », plus précisément aux pressions des sociétés de distribution de films, tout en restant ouverte à la coopération bilatérale ou internationale, en allant monter ses films en France, en Pologne, en RDA ou encore en Chine.

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Le studio Barrandov a été privatisé dans les années 1995 FEStival PAnafriCain de Ouagadougou 51 Mohamed Camara guinee-culture info, août 2013 52 Ibrahima Diallo, Syli-photo, février 2016 53 Mohamed Camara guinee-culture info, août 2013 50

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Le contexte des conditions de développement d’un cinéma national indépendant a concerné aussi d’autres pays africains francophones : En avril 1973, à l’occasion du FESPACO, Antoine Petion écrivait dans « Le Monde Diplomatique », un article intitulé « Le contrôle impérialiste de la production et de la distribution » : (…) Trente-cinq longs métrages en 1972, une production équivalente à deux tiers de celle d’une décennie (1960-1970), une centaine de réalisateurs et de techniciens africains : tel est le bilan du quatrième festival panafricain qui s’est tenu à Ouagadougou. (…) Mais se pose le problème des conditions de développement d’un cinéma africain. De la production à la distribution, le néo-colonialisme français maintient l’Afrique dans l’état d’une « province cinématographique française », tout au moins pour la distribution. Au début de 1972, l’Afrique noire francophone comptait environ trois cent quinze salles de projection. Leur totalité était contrôlée directement ou indirectement par deux compagnies françaises la COMACICO, Compagnie Marocaine Cinématographique de l’Ouest Africain Français, créée en 1933 et en 1936, la SECMA, Société d’Exploitation Cinématographique Africaine. Ces sociétés, créées par deux entrepreneurs français, vont rapidement devenir les deux circuits dominants, propriétaires de 60 à 80 % des salles de l’AOF (soit 297 salles réparties dans les pays sous domination coloniale française) et jouer un rôle central, détenant le monopole de l’importation, de la distribution et de l’exploitation des films et proposant une rotation rapide des films.54(...) Cependant, (…) la sélection se fait toujours hors du continent. Seuls trois pays ont tenté de nationaliser les circuits de distribution. Ainsi le Sily-Cinéma gère vingt-huit salles en Guinée, la SONVACI (Société nationale voltaïque55 de cinéma) en contrôle six depuis janvier 1970 et l’OCINAM (Office 54 GOERG Odile, « Fantômas sous les tropiques ; aller au cinéma en Afrique coloniale » ; Ed. Vendemiaire, collection Empires ; 2015 ; p 105 55 Haute Volta devenue Burkina Faso

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cinématographique du Mali) a un droit de regard sur la distribution-exploitation de dix-huit salles. Ces tentatives provoquèrent immédiatement le boycottage de l’approvisionnement par les deux monopoles français, et firent reculer les gouvernements (...) Intégré au Ministère de l’Information et de la Propagande, Syli-cinéma-photo a compté 130 salariés et produit jusqu’à 100 films pour la période 1967-1984. 1.2.3. LES FILMS : QUE POUVAIT VOIR LE SPECTATEUR GUINÉEN ? - A partir de 1958, l’importation des films étrangers devait répondre à des critères précis. La censure fonctionnait autour d’une commission56 nationale, composée d’universitaires, de réalisateurs, de membres de la Centrale Nationale des Travailleurs de Guinée ainsi que d’autres techniciens de la culture et présidée par un ministre. Les critères retenus étaient : pudeur minimale requise, pas de pornographie, aucune allusion à la féodalité (si on montre des chefs…) ni au « luxe qui peut déranger la jeunesse », pas de vision négative de l’Afrique. Quelques mois avant l’indépendance, en mai 1958, le gouvernement de la Guinée française, par le biais du service d’information, avait créé quatre groupements itinérants de projection de films d’éducation, d’information et de documentation à destination des ouvriers et des paysans. Cette équipe de cinéma mobile, composée d’un projectionniste, d’un interprète et d’un chauffeur en 1958, continua d’arpenter la Guinée au volant d’une Volkswagen bien équipée, jusqu’en 1966. Un effort fut fait pour ouvrir des points de projection dans le pays (au nombre de 22) et des salles de projection dans les comités du parti à Conakry. A partir de 1967, ce cinéma itinérant s’est poursuivi grâce aux vingt camions donnés par le Canada et aux appareils de projection fournis par l’URSS57.

56 57

Cf Annexe III décrets d’application de Syli cinéma Abdoulaye Diarso février 2017

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La salle de Syli-Cinéma, quant à elle, disposait d’une capacité de 288 places, et proposait régulièrement des projections de qualité dans le cadre d’un ciné-club. En 1967 fut inauguré un nouveau lieu de projection baptisé « Salle du 8 novembre », d’une capacité de mille places, construit avec l’aide de la coopération chinoise. - Le contrôle de l’État se resserra lorsque, par décret N° 001 / PRG du 2 janvier 1967, est créée la régie nationale de cinématographie et photographie Syli-Cinéma-Photo. Dès 1971, Syli Cinéma bloqua les recettes de la COMACICO et de la SECMA, car : « le Parti a constaté que ces trusts étaient devenus de véritables centres d’espionnage au service de l’impérialisme international. Fidèle à son option idéologique, la Guinée rompit définitivement avec ces dites compagnies bourgeoises. » Elle chercha sans tarder d’autres sources d’approvisionnement : par des contrats avec les pays socialistes amis - on vit ainsi une « semaine du film soviétique » s’organiser tous les deux ans, de 1966 à 198658 ; ainsi qu’une « semaine du film cubain » à fréquence plus aléatoire - et par l’acquisition de films auprès des pays occidentaux par le truchement de SOCOPRINT (à Genève en Suisse, M. Franzel59 en était le correspondant), qui fournissait des films tchèques, français et américains ; les westerns étaient très appréciés, ainsi que les films russes « héroïques ». La « semaine du film soviétique » se déplaçait en régions - Kindia, Dalaba, Labé… parfois en présence d’acteurs et actrices russes. En échange de la bauxite fournie par l’Etat guinéen, l’URSS procurait des films soviétiques, mais aussi des camions, avions, jeeps, etc.

58 59

ibidem MK Diakité, entretien février 2017

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Semaine du film soviétique 1986 ; collection privée

- En 1967, par décret 273/74/PRG du 27 juillet, Syli Cinéma se divisa en deux pour donner naissance à Syli Films (production) et Syli Cinéma (distribution-exploitation) devenue la seule entreprise habilitée à importer des films ; les quelques exploitants privés devaient se fournir auprès d’elle. L’exploitation n’était pas complètement de son ressort, sauf pour la Salle du 8 novembre et quelques salles régionales. Au milieu des années 1970, il y avait une soixantaine de salles et plusieurs ciné-clubs. (…) Placée sous la tutelle du ministère de l’Information et de l’Idéologie, Syli Cinéma importait, en 1977, environ 300 films par an pour 576 locations, soit 48 films par mois. Elle devait aussi acheter les films produits par Syli Films. Cette nationalisation incomplète avait un inconvénient majeur aux yeux des autorités : les films guinéens restaient mal distribués auprès du public du pays. Il semble que les appels à une radicalisation des structures du cinéma se soient heurtés aux goûts du public et à la puissance des industries occidentales et indiennes :

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« Cependant, très paradoxalement, malgré cette tentative concluante servant à barrer la route à l’infiltration culturelle de l’Occident dans notre pays, on s’aperçoit que nos écrans dans leur généralité ne programment que les films que nous avons cependant jugés nocifs pour notre peuple et notre révolution, car ces films sont conçus sur une base mercantiliste sans rapport aucun avec notre révolution » 60. En mai 1979, les agences Syli film et Syli cinéma fusionnèrent à nouveau, rejointes en juillet 1980 par Syli photo.61

1.2.3.1. LE CONTENU DES FILMS DE SYLI-CINÉMA La production cinématographique guinéenne des années Sékou Touré a été utilisée pour glorifier la révolution et les actions du PDG. Les films répondaient à des exigences politiques, par exemple Journal de campagne agricole (1969) est un documentaire sur les fonctionnaires envoyés en séjours de 3 mois auprès des paysans pour les alphabétiser. En réalité cela impliquait de « donner des cours d’idéologie ». En 1969, Sékoumar Barry réalise en Pologne Et vint la liberté pour les dix ans de l’Indépendance. Ce film exalte les sentiments patriotiques du peuple afin de renforcer son adhésion aux principes du PDG. Il présente l’histoire de la Guinée, allant de la période coloniale et son cortège de calamités (impôt de capitation, travaux forcés…) jusqu’à la présentation des bienfaits de la révolution. L’œuvre mêle un récitatif (voix off), des images et de la musique qui fonctionnent comme un tout et constituent autant de lignes narratives de l’histoire du pays. La musique provient, pour l’essentiel, des enregistrements de l’Ensemble instrumental de la République de Guinée et des troupes artistiques. Les images sont un mélange d’archives et de photographies de la régie Syli-Cinéma et de l’INRDG. Le film 60

PAUTHIER Céline, L’indépendance « ambiguë » - construction nationale – colonialisme et pluralisme culturel en Guinée (1945-2010) 782 pages ; 2014 ; Université Paris VII Partie 3, chap.2. 61 Ibidem.

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s’organise de manière chronologique et raconte l’histoire du pays, depuis l’arrivée des Portugais sur les côtes guinéennes, la traite des esclaves, la fondation de Conakry, la résistance de Samory et d’autres héros régionaux jusqu’à l’avènement du PDG, la visite du général de Gaulle le 25 août 1958, l’indépendance et l’organisation du nouvel État indépendant. Le film montre ainsi Sékou Touré à l’ONU, des visites officielles à l’étranger ou la venue de chefs d’État en Guinée. La facture du film est classique, mais le montage permet un dialogue réussi entre l’image et le son : tandis que le narrateur évoque la géographie du pays, des paysages de l’intérieur défilent, des cascades du Fouta Djalon au majestueux Djoliba (le fleuve Niger), en passant par la Dame de Mali ou le Mont Nimba, ainsi que les rivages du Rio Nuñez. Il s’agit clairement de manifester le territoire guinéen à travers ses paysages et d’inscrire ses plus beaux sites dans l’imaginaire collectif. Le récit de la lutte de libération met aussi en scène la mobilisation du peuple, à travers des images assez impressionnantes de foules déferlant dans les rues de Conakry ou rassemblées autour du leader Sékou Touré prononçant un discours. Enfin, une insistance particulière est mise sur la renaissance culturelle de l’Afrique dans le dernier tiers du film, à travers un extrait des ballets africains. Plusieurs minutes du film sont également consacrées au retour des restes de l’Almamy Samory Touré et d’Alpha Yaya Diallo, à l’occasion du dixième anniversaire de la République de Guinée. Le film se termine par des plans des bâtiments modernes de Conakry et par l’image d’un véhicule roulant sur une route, allégorie de la marche inéluctable de la Révolution « sur la route infinie de l’histoire ». Sékou Touré aimait faire visionner ce film à ses hôtes de marque. C’est ce qui a valu la libération rapide de Sékoumar Barry du camp Boiro. Aujourd’hui Et vint la liberté est en accès libre sur le site YouTube, et en vente au marché de Madina de Conakry. Bakary Woulen réalisé en 1968 par Louis Akin, écrit par Emile Cissé, d’après la pièce de la troupe fédérale de Mamou primée en 1965, traite de l’émancipation de la femme africaine

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et de la lutte contre le fétichisme. Moussa Kémoko Diakité était acteur dans ce film. La production cinématographique guinéenne fut assez riche compte tenu des difficultés. Grâce à la coopération avec l’Est, les Guinéens furent à même de produire rapidement des journaux filmés réguliers. La liste partielle, mais assez représentative que nous proposons de la production (ci-après) montre que la fiction n’occupe pas, loin de là, la première place dans les priorités assignées au cinéma. Elle vient explicitement après les documentaires politiques, scientifiques, techniques et sociaux, mais aussi le théâtre filmé. Les pièces les plus connues, qui ont remporté des trophées aux Quinzaines artistiques, ont ainsi le privilège d’être fixées à l’écran. Parmi les reportages, on remarque l’importance des commémorations (1er mai, festivités de l’indépendance, « anniversaire » du 22 novembre 1970) et des visites officielles, qui témoignent de la renommée internationale de la Guinée et de son leader, et permettent d’entretenir la fierté nationale. Enfin, le cinéma documentaire est censé refléter la mobilisation des citoyens-militants et leur participation au développement de la Guinée : l’investissement humain vu dans l’assainissement, la place des femmes dans la société, les campagnes agricoles, etc… Les films documentaires sont conçus comme un moyen « d’amplifier » le message révolutionnaire et de diffuser les instructions dans les campagnes les plus reculées. Il est aussi considéré comme un bon outil pédagogique pour convaincre les paysans de réformer leurs pratiques. Selon Alsény Tounkara, reprenant le discours officiel, les dégâts des feux de brousse, par exemple, peuvent être démontrés par l’image de manière plus convaincante que par une explication orale. Mais surtout, le cinéma doit être au service de la consolidation nationale. Car émerge aussi l’idée qu’il faut combler le fossé entre la ville et la campagne. Le cinéma peut donner à voir aux ruraux

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les paysages et habitants des autres régions et ainsi susciter un imaginaire national au-delà des appartenances liées à la parenté et au village : « L’univers de la population rurale reste généralement centré sur le clan, la communauté villageoise qui constituent les seules références ignorant le concept de nation et de développement national harmonisé. En effet, l’organisation sociale empêche toute innovation, car ceux qui ont le privilège de la direction de la communauté sont généralement les gardiens fidèles et jaloux de la tradition. Les événements de la capitale y arrivent certes, mais avec un certain recul et bien souvent vidés de leur contenu, car le jugement qu’en fait le paysan est fonction de son horizon culturel. (…) Fidèle aux habitudes acquises depuis des générations, il se refuse à toute attitude qui lui demanderait un changement fondamental. (…) Cette population des campagnes, difficile à entraîner et susceptible, qu’il faut cependant instruire, diriger et organiser pour améliorer ses conditions d’existence. » Reposant sur une vision un peu caricaturale du monde rural et de la tradition, cette analyse fait du cinéma un levier de modernisation du pays tout entier. Cette vocation didactique assignée au cinéma documentaire a clairement guidé certains réalisateurs, sous l’influence directe ou indirecte de Sékou Touré lui-même. Comme le notait un témoin de l’époque, sans qu’on leur dicte ce qu’ils devaient dire ou écrire, les journalistes savaient, grâce aux discours-fleuves62 et aux tomes du président, quelle était la position adéquate sur des sujets variés. Mouctar Bah, technicien à la régie Syli Cinéma a rapporté qu’il arrivait à Sékou Touré d’intervenir sur un scénario – dans tous les cas Sékou Touré était l’unique premier spectateur de 62

Ces discours fleuves ou « discours-programmes » étaient obligatoirement étudiés à l’école, rassemblés en « livres-discours ; Jeune Afrique Plus n°8 juin 1984, p.41.

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chaque film - comme pour la fin du film Et vint la liberté, où il insista pour que le dernier plan montre un véhicule roulant sur une route s’étendant à perte de vue avec le commentaire suivant : « La Révolution ne connaît pas de pauses ni de retours en arrière. Au fur et à mesure de sa marche ascensionnelle, meurent de vieux objets et naissent de nouvelles espérances, sur la route infinie de l’histoire ». Autre exemple, Sékou Touré n’ayant pas adhéré à la forme poétique et symbolique du film de Costadès, Hier, aujourd’hui et demain, ce dernier n’a jamais été diffusé au motif que « les Guinéens ne comprendront pas ce film ».63 Les objectifs du cinéma populaire sont clairement identitaires. Il s’agit d’ancrer la communauté nationale dans son passé et de définir les traits de son identité, en se distinguant de ses voisins, mais aussi de rappeler le destin et l’avenir que la révolution lui prépare. « Ce cinéma doit illustrer les réponses aux questions suivantes : Qui sommes-nous ? Réponse : En dégageant clairement les caractéristiques de notre société, son passé, son présent, ses perspectives d’avenir. Comment vivons-nous ? Réponse : En montrant les relations humaines, la vie quotidienne du peuple. Où sommes-nous ? Réponse : En nous situant dans l’espace et le temps, en nous faisant voir à nos voisins avec toute la sagesse africaine ». Le cinéaste idéal, loin de la figure du créateur solitaire et marginal, est défini comme « un artisan créatif au service du peuple » qui ne peut choisir ni la passivité, ni la neutralité, ni la contemplation. Il ne doit fixer ses objectifs ni sur la rentabilité 63

Sékoumar Barry, entretien 4 février 2017

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commerciale, ni même sur le talent, ce sont la grandeur morale et la valeur idéologique des films qui comptent avant tout. Mais Sékou a toujours voulu que toute la création soit dirigée par lui. En septembre 1970, lors d’une réunion houleuse, il avait menacé les cadres de Syli-cinéma : « … Je vous mettrai au pas, hurlait-il, comme j’ai mis au pas les enseignants et les syndicalistes ! »

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LISTE (PARTIELLE) DES FILMS PRODUITS EN GUINÉE (1958-1984) Actualités Cinémagazine La Révolution en marche Les images de la Guinée Pièces de théâtre filmées en 16 mm et gonflées à 35 mm Karim (Faranah) Le deuxième front (Conakry I) L’Almamy Samory Touré (Kankan) Le palais de Nyagassola (Siguiri) Armée-milice (Kissidougou) L’Almamay Bocar Biro Barry (Mamou) Apha Yaya (Tougué) Alpha Yaya Diallo (Dalaba) Kabèlè (Kindia) MBalia Camara (Dubréka) Retour aux sources (Conakry II) El Hadj Millions (Labé) Et la nuit s’illumine (Labé- Kalédou) Le salaire de la trahison (Guéckédou) Danene (Youmou) Festival national de 1973 : L’unité du Mandingue (Conakry I) Le Wali de Gomba (Kindia) Sylvie ou la 5e bis (Mamou) Karimba (Labé) Thiaroye (Dabola) Maître Sory ou Toriakou (Kissidougou) Zébéla Togba (Macenta)

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Thierno Aliou avec les femmes du CRF (Dinguiraye) Conakry 73 (Festival 73) en deux parties Filmées au Festac 1977 (couleurs) Thiaroye ou l’Aube sanglante Ousmen Coproductions France : La Guinée touristique ; Guinée économique et Sur la route de Mamou-Faranah URSS : La Guinée indépendante ; Patrice Lumumba ; 8e Congrès du PDG ; Visite du premier ministre guinéen en URSS ; Visite d’une délégation parlementaire guinéenne en URSS RFA : L’Afrique danse (70 min) : RDA : Hirdè Dyamaa ; Reportage sur les problèmes sociaux en Guinée (alphabétisation, CER, économie) Bulgarie : Au pied du Mont Nimba (~ 1973) ; Les termites ; Maîtres artisans de Guinée (~ 1973) ; L’homme et le serpent Suède : La Guinée, tombeau de l’impérialisme ; A chaque peuple sa culture Yougoslavie : Visite du président Tito en Guinée ; Visite du Président Ahmed Sékou Touré en Yougoslavie Tchécoslovaquie : La mort sur l’île de sucre Films de fin d’études dans des studios extérieurs Cet hiver-là ; 43 Bah Ibrahima Donghol (1976-1977 : 80). Le sergent (ZMEA) ; Le ballet national à Paris Mon ami Cissoko de Himi Sylla ; La JRDA fête à Moscou ; Berlin aux yeux d’un ami ;

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L’anniversaire Guinée à Belgrade ; Les masques Reconstitutions historiques Dans la vie des peuples, il y a des instants… 1966, Mohamed Lamine Akin Hier, aujourd’hui et demain, 1968, Costa Diagne, sur l’histoire de l’Afrique Et vint la liberté, Sékoumar Barry, 1968 sur la décolonisation de la Guinée Hafia triple champion d’Afrique, 1977, Moussa Kémoko Diakité Fictions Mory le Crabe, Sékoumar Barry, 1966, comédie sur la polygamie Guinée Guinè, Baldé Mamadou Alpha, 1968, mélodrame sur la participation des femmes à la vie publique Sergent Bakary Woolen, de Mohamed Lamine Akin, 1967, comédie sur la réinsertion socioculturelle d’un ancien combattant avec Moussa K. Diakité Naïtou l’orpheline, Moussa K. Diakité, 1982, Prix au Festival de Carthage Reportages commémorations (16 et 35 mm) 1er mai 1959 1er mai 1961 Le 1er mai 1969 à Conakry Le 1er mai 1970 2e anniversaire de la République de Guinée 3e anniversaire de la République de Guinée 6e anniversaire de la Guinée 8 et 20 (8e anniversaire de la Guinée et 20e anniversaire du PDG) L’anniversaire du 22 novembre 1970

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L’an II du 22 novembre 1970 Hommage au président Nkrumah (ou Symposion Nkrumah ~ 1972) Funérailles d’Amilcar Cabral (ou Symposium Cabral de Moussa Kémoko Diakité, ~ 1973, Prix de l’Agence de coopération culturelle et technique) Reportages d’actualité politique (16 et 35 mm) La conférence Guinée-Ghana-Mali 1er sommet de l’OUA La visite de Patrice Lumumba en Guinée Le 3e Congrès du PDG Le président Houphouët-Boigny en Guinée Le président Ahmed Sékou Touré en RFA Le 3e sommet de l’OUA à Accra Le 4e sommet de l’OUA au Caire La visite de L. Brejnev en Guinée La visite de Tubman en Guinée La visite de Lulki en Guinée La conférence CCTA à Dalaba Les éphémérides : les visites du Président Ahmed Sékou Touré à travers le monde et les visites d’amitié en Guinée des chefs d’État africains Madame Tolbert en Guinée Fidel Castro en Guinée Le président Pal Lozansky en Guinée Visite du Général Youcoubou Gowon en Guinée Le festival mondial de la jeunesse à Helsinki (non sorti) Sommet de Monrovia (~1978) Le festival de Bamako La croisière de l’amitié La manifestation de la fidélité Le secrétaire général de la Ligue islamique mondiale en Guinée

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L’ensemble instrumental de la Voix de la Révolution en Afrique de l’est64 Un jour au petit village de la révolution65, 1979 Le festival panafricain d’Alger (1969) Kampala, Sékoumar Barry, 1972, sur la victoire du Hafia club à Kampala Documentaires Assainissement, Sékoumar Barry, 1965 Le plan triennal Chants d’Afrique, 1969 Le profil de la femme guinéenne Les 3 et ¼ de Myriam Makeba Le centre caféier de Nzérékoré ENTA, usine de cigarettes et allumettes de Conakry Campagne Agricole 1969 La riziculture dans le Bagataï Le meeting L’université à la campagne (~ 1975) Sports en Guinée (~ 1978)

Voir aussi en fin d’ouvrage une filmographie répertoriée par réalisateur.

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Tanzanie Ouganda De Justin Morel Junior

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Cette politique idéologique était valable pour toutes les pratiques culturelles. Selon l’ouvrage de la commission nationale de l’UNESCO sur la politique culturelle66, le rôle du cinéma guinéen ne se différenciait pas des autres domaines artistiques : « Informer, éduquer, instruire, servir les valeurs authentiques du peuple dans sa lutte pour sa réhabilitation, tels sont les objectifs majeurs du cinéma guinéen. (…) Toutes les réalisations cinématographiques guinéennes visent à éduquer les jeunes, les vieux, toutes les couches sociales, en vue d’une mobilisation générale pour le combat contre le sous-développement, la famine, l’exploitation de l’homme par l’homme et l’aliénation culturelle. » Même si le cinéma est une arme de combat (…) pour la transformation des mentalités et des consciences, et « malgré le cadre relativement contraignant dans lequel les réalisateurs évoluaient, ils réussirent à exprimer une véritable sensibilité »67. Passionnés de cinéma, cadres et réalisateurs de Syli-cinéma avaient mis en place des « clubs d’amitié » pour partager leur amour du cinéma avec les formateurs étrangers présents en Guinée, confronter leurs regards sur les scénarii en cours. A l’extérieur En 1969, Sékoumar Barry et Mamadou Camara, décorateur, ont été envoyés en mission en URSS, pour mettre en place une « semaine du cinéma guinéen » dans les villes de Kiev, Leningrad et Moscou68. La programmation comprenait entre autres films, Et vint la liberté de Sékoumar Barry, Huit et vingt de Costadès.

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VAN DE WIELE Brieuc ; La politique culturelle de l’Etat guinéen, éléments d’une stratégie d’unification nationale ; Mémoire de maîtrise d’histoire ; UFR Géographie Histoire et Sciences Sociales, Université Paris VII, année 2003-2004. 67 www.africultures.com 68 Entretien Sékoumar Barry 4 février 2017.

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1.2.3.2. LE PUBLIC En 1965, le journal HOROYA69 reproche aux salles privées de vendre plus de billets que de places, ce qui indique clairement le succès de ces projections, même s’il est difficile de dresser le profil des spectateurs sinon que l’assistance compte aussi bien des femmes que des hommes. Les autorités le déplorent officiellement, et l’on peut se demander pourquoi elles les autorisent tout de même. Le fait qu’elles soient limitées à Conakry est sans doute un élément d’explication, mais on peut aussi penser que le cinéma constituait l’une des seules « soupapes » dans un contexte socio-économique difficile et qu’il était politiquement peu opportun de le censurer davantage. Enfin, les cadres du régime devaient l’apprécier tout autant que les spectateurs décrits par le journaliste de Horoya. Au demeurant, la critique porte moins sur les enjeux politiques de ces films que sur leur supposée immoralité.70

1.2.3.3. OÙ SONT LES FILMS ? A l’extérieur Tout le cinéma guinéen de cette période se trouve à l’extérieur du pays, à l’exception de copies conservées par leurs auteurs « et vint la liberté », « Naïtou », etc. Les éléments de tirage (négatifs, contretypes négatifs ou positifs) des films guinéens sont (mais y sont-ils toujours) dans les laboratoires des pays suivants : Allemagne, Bulgarie, France, Maroc, Pologne, République populaire de Chine, Roumanie, Russie, Serbie, Suisse, Tchéquie. En 1999, à l’occasion du centenaire de la naissance du cinéma, Moussa Kémoko Diakité et quelques collaborateurs ont tenté d’aller rechercher ces films dans les studios pré-cités, le soutien logistique s’est révélé insuffisant pour aboutir. 69

Horoya signifie « dignité » en malinké. C’était l’organe de presse du Parti Démocratique de Guinée. 70 PAUTHIER Céline, L’indépendance « ambiguë - construction nationale – colonialisme et pluralisme culturel en Guinée (1945-2010) ; partie 3 chapitre 2.

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Pour l’hommage à Moussa Kémoko Diakité du festival de Lille 2011, certains de ses films ont été retrouvés, sans trop de difficultés, « car ils avaient été vus à l’extérieur71 ». Deux générations de Guinéens ont déjà été privées de tout accès au patrimoine le plus contemporain de leur culture nationale. Il y a urgence de reconstituer ce patrimoine, d’en assurer la conservation et l’accès. 72 Les films en Guinée : Le 03 avril 1984, peu après le décès de Sékou Touré, certains cadres « se sont rués au camp Boiro et à la Présidence de la République pour soustraire frauduleusement et conserver par-devers eux leurs archives. Pourraient être intéressantes les archives des Services de défense et de sécurité, de la Permanence nationale du Parti Démocratique de Guinée. (…) »73 Sur le site de Boulbinet Sous la seconde République lors du coup d’Etat de 1985 un obus a touché le bâtiment de la RTG Boulbinet où étaient stockées des archives. En 1992 lorsque Moussa Kémoko Diakité prend ses fonctions de direction à l’ONACIG, sis à côté de la RTG Boulbinet, il constate que le toit est percé, que la pluie a ainsi détérioré entre autres les films restants… Il finança lui-même l’achat de nouvelles tôles. « Les événements du 22 novembre 1970 ont provoqué la halte abrupte au beau projet Syli-cinéma qui aurait assurément constitué un pôle dynamique pour le cinéma de toute la région ; il n’en reste aujourd’hui que les équipements rouillés et le grand bâtiment qui loge l’ONACIG et le Ministère de l’Information et de la Communication »74. 71

MK Diakité entretien février 2017. www.bafilablog.com/p/crag.html 73 IFFONO Gilbert La Guinée de Ahmed Sékou Touré à Alpha Condé ou le chemin de croix de la démocratie ; Ed. L’Harmattan ; 2013 ; page 16. 74 DAUDELIN Robert ; Journal of Film Preservation / 74 / 2007. 72

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Sur le site de Syli cinéma, réaffecté en Centre Culturel francoguinéen (1999) En 1999, un accord avec la coopération Française a cédé les bâtiments du Syli cinéma et de la cinémathèque pour la création du Centre Culturel franco-guinéen (CCFG). Le jour de l’inauguration, Kobélé Keita75, déclame : (…) Enfin et pour ne pas abuser de votre attention, je termine par le bâtiment où nous nous trouvons : ici existaient le Syli-cinéma et la cinémathèque nationale. Ils ont été rasés pour construire ce centre. Au moment de cette destruction, Mr Aly Cissé76 a vu « enfouis dans la boue des milliers de courts métrages et longs métrages de notre cinématographie ». C’est dire que l’Ambassade de France d’alors a également participé à la destruction des traces historiques de la Guinée. Elle aurait dû refuser l’offre empoisonnée et construire ce centre ailleurs comme la France l’a fait dans d’autres pays. Par ailleurs, la salle de cinéma d’en face qu’on appelle aujourd’hui cinéma Liberté s’appelait auparavant cinéma du 8 novembre ; il s’agit du 8 novembre 196477, une date importante dans l’histoire du peuple de Guinée. 75

Auteur de plusieurs ouvrages sur l’histoire contemporaine de la Guinée, Sidiki Kobélé Keita est titulaire d’une licence ès-lettres (Sorbonne, Paris), du Certificat d’Aptitude Professionnelle de bibliothèque et dispensé du DEA par décision de l’Université Paris VII en vue du doctorat 76 Administrateur Civil, décédé en avril 2015 77 Le 8 novembre 1964 est promulguée une loi-cadre, aussitôt baptisée loi cafre -autrement dit loi infidèle, loi scélérate- par les Guinéens exténués par les marches forcées que leur impose leur leader versatile. Cette loi prétend assurer l’égalité entre les citoyens en opérant un nivellement par le bas. Elle impose entre autres une vérification des biens des commerçants et une limitation de leur nombre. Elle institue aussi le dépôt obligatoire à la banque guinéenne des sommes suivantes: 5 millions de FG pour les détaillants, 10 millions pour les demi-grossistes et 15 millions pour les grossistes ! Un revirement apparemment complet, donc, après les mesures de 1962 et 1963: le gouvernement affirme à nouveau des convictions socialistes. Mais cette

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(Nota : La volonté de destruction des traces du passé immédiat était telle que n’eût été le refus catégorique de la CAF et de la FIFA, les autorités de l’époque auraient changé le nom de l’équipe nationale du football, le nom Syli évoquant la Première République, et Ahmed Sékou Touré en particulier78.) En 2005, les conditions de conservation de plus de trois cents bobines ayant été jugées médiocres, (les locaux n’étaient plus climatisés) elles ont été détruites en Guinée, derrière l’actuel CCFG.79. Il reste quelques bobines « gâtées », irrécupérables, au cinéma Liberté et à l’ambassade de Russie à Conakry. Notons qu’auparavant, la coopération française avait lancé un appel à fonds pour numériser les archives, auquel la Guinée n’aurait pas répondu.

1.3. LA RUPTURE : UN CINEMA BRISE DANS SON ELAN

« C’est peut-être ça le sens de notre vie : être un morceau de la mémoire, un grain dans le grenier de l’Histoire, une parcelle fugitive de lumière. » Jean Ziegler Sous le régime de Sékou Touré, (Ière République), on estime que quelque 50 000 Guinéens ont été emprisonnés dans le sinistre camp Boiro, et beaucoup y perdirent la vie. La plupart des cinéastes guinéens ont été arrêtés, torturés et exécutés à cette époque, un véritable coup de massue pour la production artistique et cinématographique de toute une génération. fameuse loi-cadre est appliquée dans une confusion telle qu’elle crée surtout des mécontents. C’est le règne des nouveaux riches, d’une classe composée de parvenus plus ou moins liés au régime, seule capable désormais de satisfaire aux exigences permettant d’exercer une activité économique. Tous ceux qui possèdent quelque chose dans le pays sont spoliés. (Ibrahima Baba Kaké ; Sékou Touré : Le Héros et le Tyran ; Paris, 1987, JA Presses.) 78 Kobélé Keita (www.webguinee.net/) 79 Mamoud Konaté en a été le témoin oculaire, (entretien, 2013)

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Plus précisément, les activités de Syli-cinéma ont été suspendues après « l’agression portugaise » du 22 novembre 197080, dans le cadre du complot de « la cinquième colonne ». La première vague d’arrestations fin 1970 a concerné les techniciens, sauf Naby Laye Bangoura, cameraman, Bourama Mody Cossa, décorateur et artiste-peintre, - tous deux formés au VGIK - , Mamadou Sall, laborantin, Ibrahima Khalil Touré, monteur, Mamadou Dabo, son, Sory Touré, éclairage, Doukouré, garçon de salle, Moussa Sall (développement et agrandissement des images, formé à Paris et Moscou). Moussa Sall, amputé des deux jambes à la suite d’un accident survenu le 2 août 1965, était parti en Yougoslavie pour la pose de prothèses. Le 14 juin 1971, la seconde vague a enfermé au camp Boiro les cadres et tous les réalisateurs, à l’exception de Gilbert Minot81, de quelques mois à une dizaine d’années, sur le motif (…) « en tant que complices locaux qui étaient en rapport avec les autorités portugaises et d’autres puissances impérialistes dans la conception, la préparation et l’exécution de l’agression portugaise »82. Leurs relations amicales avec les formateurs étrangers auraient ainsi nourri la paranoïa de Sékou Touré. Selon Sékoumar Barry83 ce serait leur forte solidarité, « leur flirt avec l’Occident » et leur vision partagée contre le régime qui est à l’origine de leur arrestation. Abbas BAH, rescapé, qui a partagé cinq ans la cellule avec Costadès Diagne et « Petit Barry », déclare quant à lui : « ces

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Aussi dénommée :’opération Mer Verte (en portugais : Operação Mar Verde) a été une attaque amphibie à Conakry, la capitale de la République de Guinée, par entre 350 et 420 soldats portugais et combattants guinéens en novembre 1970. L’objectif était de capturer Amílcar Cabral, le chef du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC) ou de tuer Ahmed Sékou Touré et renverser son régime (source : Wikipédia) 81 Métis antillais, diplômé University of Southern California (source : aujourd’hui-en-guinee.com) 82 Le calvaire du peuple de Guinée ; Julien CONDE Thierno Abdouramane BAH ; 1992 83 Sékoumar Barry, entretien 4 février 2017

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cinéastes pionniers ont été enfermés pour leur enthousiasme, leurs compétences, leur créativité, leur indépendance d’esprit. » Dans le rapport de la mission AVRE84, mission sollicitée par « Médecins Sans Frontières » à la suite des lourdes conséquences sur l’état de santé constatées chez les détenus libérés après le décès de Sékou Touré, Hélène Jaffé, médecin, décrit parmi quelques cas cliniques : (…) « L’un d’eux, cinéaste, sept ans au camp Boiro, torturé, restait assis, crispé sur sa chaise, incapable de sortir un mot concernant sa détention. Libéré en 1978, il était incapable de dormir une nuit entière, ni de faire un repas complet. Il avait en tête l’image intrusive d’une scène, toujours la même qu’il ne pouvait décrire. Nous lui avons alors suggéré de l’écrire, comme un scénario de film, en notant tous les détails. Quelques jours plus tard, il revenait, ayant suivi le conseil. Pour la première fois, il avait dormi une nuit entière, et avait pu rester à table jusqu’à la fin du repas. » Cette purge fut lourde de conséquences pour le cinéma guinéen, « tous les cinéastes et réalisateurs guinéens ainsi que leurs collaborateurs (scénaristes comme moi) ayant été arrêtés et détenus pendant plusieurs années, il ne pouvait plus y avoir de cinéma guinéen, qui, de la position d’avant- garde qu’il occupait, se retrouva sans ressources humaines de qualité, donc dans l’impossibilité de s’épanouir ... » (Mamadou Barry, scénariste, surnommé « Petit Barry »). Seuls Moussa Kémoko Diakité et Sékoumar Barry ont été libérés rapidement, le 2 février 1972, car le Pouvoir avait besoin de documentaristes. Les activités de Syli-cinéma se sont progressivement réduites. 84

Rapport de la mission « Association des Victimes de Répression » de janvier à novembre 1985, docteur Hélène Jaffé

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1.3.1. LES FONCTIONNAIRES DE SYLI-CINEMA, LA RÉPRESSION DE 1970-71 Parmi les personnes emprisonnées ou exécutées, citons : Le Ministre de l’Information Alpha Amadou DIALLO, dit « M’en parler », a été arrêté en juin 1971, à l’âge de 61 ans, enfermé au camp Boiro, et exécuté le 18 octobre 1971 à Kindia (il s’agirait du sacrifice humain de 70 cadres fusillés à cette date pour que Sékou survive à Houphouët-Boigny, dont on célébrait le 70ème anniversaire85 . Le directeur général de Syli cinéma et réalisateur Louis Akin Mohamed Lamine Akin, de nationalité ivoirienne, faisait auparavant partie des Ballets Africains de Keita Fodéba qu’il a suivis en Guinée où il s’est marié à une Guinéenne de Yambéring appelée Ousmane - prénom féminin - Diallo. Il était le cousin d’Houphouët-Boigny. A l’origine dénommé Louis Akin il est devenu Mohamed Lamine Akin après sa conversion à l’Islam. Il a étudié le cinéma à l’Institut des Hautes Etudes de Cinéma86 aux Champs-Elysées à Paris (France). Il est le réalisateur du 1er long métrage national, Sergent Bakary Oulèn, en 1968. Arrêté le 31 décembre 1970, condamné aux Travaux Forcés à Perpétuité, il fut libéré en mai 1978. Dans le système Sékou Touré, son arrestation était inéluctable eu égard à ses liens avec Fodéba Keita (lui-même arrêté en 1969). Abbas BAH qui l’a connu à Boiro, raconte l’anecdote suivante : Un jour Sékou Touré confia à Akin une mission : « Tu vas aller à Dakar remettre une clef à telle personne ». Trois jours après, Sékou Touré le rappelle : « ce ne sera pas une clef, mais une valise ». M. Akin obéit, se rend à Dakar, remet la valise à cette personne, puis rentre à Conakry. Un mois plus tard, Akin se rend au Ministère des Affaires étrangères et reconnaît dans un escalier la personne de Dakar, prénommée

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site Konakry-Express. Devenue la FEMIS.

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Thiam, qui avait eu des démêlés avec les « agresseurs portugais »… Toute rencontre aléatoire donnait lieu à suspicion. Louis Akin a écrit des poèmes à Boiro, qu’il déclamait à ses compagnons de geôle. Après sa libération, Louis Akin a rejoint sa Côte d’Ivoire natale où il a été nommé Directeur des Ballets de Côte d’Ivoire. Il est décédé en avril 2004, à l’âge de 80 ans. Le directeur Capitaine Mandjou Touré 87 Officier, parent de Sékou Touré, formé au VGIK, il était aussi membre de la Commission d’enquête du Camp Boiro. Il a été exécuté sous la IIème République, en juillet 1985. « Mandjou Touré, neveu du président, dit-on officiellement, son fils adultérin affirme « radio-trottoir », photographe devenu lieutenant dans l’armée guinéenne, il s’illustra dans ce massacre. Son « plaisir » consistait à introduire le canon de son P.M. A.K. dans le fondement des mercenaires et à tirer. Plus tard, il sera nommé ambassadeur, donc représentant du peuple de Guinée, dans l’un des pays les plus civilisés et les plus raffinés du monde : le Japon. Quelle insulte à ce pays et à son grand peuple ! Quelle insulte au peuple de Guinée ! »88 Le directeur-adjoint de Syli cinéma, chargé de la distribution et de l’exploitation, Bob SOW Dès avant l’indépendance, en 1957, Bob Sow avait réalisé un film documentaire Cet hiver à Moscou sur la vie des étudiants africains en URSS. Il a par la suite collaboré avec des documentaristes soviétiques, s’est déplacé à plusieurs reprises en URSS pour des programmes de formation au sein du « Studio central des films documentaires de l’URSS »89. En 1968, il a participé à la création du documentaire lettonien Les rencontres en Guinée. 87

(après le 14 juin 1971 ?) : Site mémorial camp Boiro A.A. Portos Diallo. La vérité du ministre. 89 Asiya Khalitova février 2017 88

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Sous Lansana Beavogui90, « Bob SOW directeur-adjoint de Syli-Cinéma encadrait aussi les activités des membres du Cinéclub universitaire, de concert avec ses collègues cinéastes, Akin, Costadès, Gilbert Minot, Moussa Kémoko Diakité, Sékou Oumar Barry, Marlon Baldé, Abdoulaye Dabo, etc. « Je me rappelle notamment qu’il nous invita en 1969 à une séance de projection de Commando-52, un film documentaire que deux journalistes Est-Allemands — se faisant passer pour des Allemands de l’Ouest — avaient réalisé sur les derniers moments de Patrice Lumumba. » Bob Sow fut traîtreusement assassiné le 24 novembre 1970 pendant qu’il filmait les dégâts matériels de l’attaque guinéoportugaise au Camp Samori. Un soldat l’abattit à bout portant dans une rafale de balles explosives (vingt-huit balles91). Eviscéré par l’impact des projectiles, et dans un ultime réflexe de survie, Bob Sow prit ses boyaux dans ses mains avant de s’écrouler. Nous l’enterrâmes le même jour au cimetière de Camayenne au crépuscule. Au moment de l’ensevelissement, son frère Jules Sow détacha un morceau du linceul et le trempa dans ce qui restait de sang coagulé du cadavre recroquevillé de son aîné. Il plia soigneusement la relique et la mit en poche. Quelques mois plus tard, il fut luimême arrêté et croupit pendant des années au Camp Boiro. Après sa libération Jules Sow s’exila en France92.

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Lansana Béavogui, homme de confiance de Sékou Touré, fut un participanttémoin actif tous les complots inventés par le PDG.Il fut par la suite nommé 1er Ministre le 26 avril 1972 . Et le régime du père de Mariame Béavogui sévit particulièrement contre la famille maternelle de la ministre de la Santé. En effet sur la liste des victimes du Camp Boiro, on relève les deux oncles (Sow Mamadou Bobodit Bob et Sow Mamadou Oury dit Jules), respectivement l’aîné (?) et le cadet de feue Kadidiatou Sow (la mère de la ministre) et Binta Sow, la tante cadette de Mariame Béavogui. Tierno Siradiou Bah, source : http://www.webguinee.net/blogguinee/2008/09/vie-et-mort-de-lansanabeavogui/ 91 Abdoulaye Diarso, février 2017 92 Tierno SIradiou Bah, http://www.webguinee.net/blogguinee/2008/09/vie-etmort-de-lansana-beavogui/

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Inspecteur Syli cinéma CAMARA Bakary, maire du 6ème arrondissement Madina Président Comité Conakry II 1971, président de la cellule syndicale de Syli cinéma, et inspecteur des projectionnistes dans les PRL (Pouvoirs Révolutionnaires Locaux), fut torturé directement après son arrestation, et exécuté le 24 janvier 1971.93 Les réalisateurs Selon Abdoulaye DIARSO94 et d’autres témoignages, les quatre pionniers étaient : M. Akin, Marlon, Bob Sow cameraman et directeur de la production et de l’exploitation - et Costadès « le meilleur », sorti major de l’Institut VGIK de Moscou, fondé par Eisenstein, l’une des plus fameuses écoles de cinéma au monde. « Ces cinéastes pionniers étaient enthousiastes, motivés, ils se sont battus pour réaliser des films malgré les mauvaises conditions : des pistes dégradées (une seule route dans le pays en 1958), le danger des « coupeurs de routes », un hébergement en brousse parmi les serpents… » 95 Ils ne furent cependant considérés que comme « des moyens, des outils mis à la disposition du peuple de Guinée pour développer la révolution, des illustrateurs » selon les propos de Moussa Kémoko Diakité (2004). 96 Comme cité plus haut, tous les réalisateurs, à l’exception de Gilbert Minot97, ont été arrêtés le 14 juin 1971. Réunis dans un 93

Ce jour-là plus de 70 pendaisons publiques eurent lieu dans toutes les régions (rapport Amnesty International) ; de nombreux détenus furent également fusillés (Les cailloux de la mémoire » ; Nadine Bari ; Ed.3 Karthala ; 2003 ; p.24) 94 M. Diarso, ONACIG, février 2015 et 2017. Il a assisté tous les réalisateurs à Syli-cinéma, y compris le directeur général 95 Ibidem 96 VAN DE WIELE Brieuc ; La politique culturelle de l’Etat guinéen, éléments d’une stratégie d’unification nationale ; Mémoire de maîtrise d’histoire ; UFR Géographie Histoire et Sciences Sociales, Université Paris VII, année 2003-2004 97 Car son cousin était Directeur de la Police nationale

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salon, avec quelques assistants, ils ont vu arriver une jeep du BPN, et ont de suite compris… Les militaires sont entrés et appelé en premier « Costa Diagne ! La révolution a besoin de vous », puis « Petit Barry !». Les jours suivants, un par un, tous les cinéastes ont été emmenés au camp Boiro. DIAGNE Costa98, dit « Costades », car grand admirateur de Costa-Gravas et de Pier Paolo Pasolini, était de l’avis de tous le plus brillant, « un génie de cinéma, un don de Dieu » (Moussa Sall) « un esprit fertile, très doué » (Sékoumar Barry), mais aussi un « bon vivant » (Abdoulaye Diarso), « volage avec les femmes » (MK Diakité). Cinéaste surdoué, Il fut aussi nommé directeur de la production de Syli-cinéma le 19 décembre 1967. De son vrai nom Aristedes Tchombros de Panapoulos, son père biologique était un riche homme d’affaires grec installé en Guinée. Prenant le nom d’Aristides Costadès, il est ensuite devenu consul de Grèce en Guinée. Costadès est né à Boké en 1936, de mère guinéenne. Avec son frère aîné, ils ont suivi l’école primaire à Mamou de 1943 à 1950, logés au Foyer des métis ; puis au collège classique de Conakry. Costadès continue l’enseignement secondaire à Bordeaux puis étudie le journalisme à Paris avant d’aller à Moscou, au VGIK, en 1960. Il y obtient le diplôme de metteur en scène. La formation comprenait quatre ans de tronc commun « théâtre et cinéma » suivis de trois ans dans la spécialité « cinéma ». Il s’était fait une amie russe, plus âgée que lui. Employée dans la Culture, fréquentant le ciné-club du VGIK, elle connaissait les ballets de Fodéba Keïta, et partageait avec Costadès un intérêt pour les masques africains et leur signification99. Cela a probablement influencé le sujet de son film d’études : Les hommes de la danse100 (1966) inspiré d’un poème de Leopold Senghor Prières aux masques et d’après une idée de Fodéba Keita. En 1967, il 98 Surnommé Costa, en hommage à Costa Gavras, car Costadès était métis grec et admirait ce cinéaste 99 MK Diakité entretien février 2017 100 La danse du masque ou bien Le monologue du masque étaient les premiers titres prévus ; voir aussi la filmographie par réalisateur en fin de document

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rentre en Guinée au moment où la plupart de ses compatriotes préféraient rester en Europe après leurs études101. Il avait aussi une sœur, Maro Lily Diagne, qui était si belle qu’on l’avait surnommée Lily Marlène. Costa et sa sœur portent le nom de leur mère guinéenne, le père ne les ayant pas reconnus et ayant quitté le domicile conjugal. Sa mère s’est par la suite remariée à un Guinéen de Kindia, dont elle a eu un fils et une fille, Naboulé et Amo. Costa a cependant entretenu des contacts réguliers avec son père biologique. « Il fut un précurseur du 7ème Art en Guinée »102, (cf sa filmographie complète p. 83) En 1970, Costadès préparait un film, Kindy sur les gens qui volent les bœufs en Guinée. Pour ce faire, il avait fait venir un cameraman soviétique. L’arrestation de Costadès le 14 juin 1971 a brusquement interrompu le projet. Il fut emprisonné à Kindia, où il restera plus de sept ans103. Dans la salle TF (Travaux Forcés) de Kindia, qui abritait 129 détenus, Abbas Bah raconte que le soir, il tenait en haleine ses compagnons, en racontant des scenarii de films. Il mimait tant les techniciens que les acteurs ; les détenus retenaient leur souffle et applaudissaient à la fin. A d’autres moments, Costadès leur apprenait aussi le russe. « (…) Le soir venu, il fallait chanter, et raconter des films, car plus que jamais, les survivants avaient besoin d’évasion, ne serait-ce que par la pensée, puisque celle-là au moins ne pouvait être maintenue en cellule. »104 En exerçant son métier dans une salle de prison, par le rire, parfois jusqu’aux larmes, Costadès nous avait aidés à tenir debout (…)105.

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Hommage posthume ; ONACIG ; 1994. Ibidem. 103 cf attestation de libération, du 13 mai 1978 en Annexe III. 104 A. R. Gomez, Camp Boiro. Parler ou périr, Paris, L’Harmattan, 2007, pp. 55, 75-77. R. Gomez a été incarcéré en 1971 au camp Boiro où il passe 8 ans 105 Lamine CAMARA « Guinée, sous les verrous de la révolution » ; Ed L’Harmattan, 2012. Voir aussi en annexe II. 102

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En détention, Abbas Bah a écrit trois scenarii sous la dictée de Costadès, sur du papier fabriqué avec les boîtes de sucre et cartons humides qu’il laissait ensuite sécher. Quant à l’encre, elle était obtenue en laissant pourrir les comprimés de « Litissol106 » dans un chiffon mouillé, ce qui donnait un liquide noir. Ces scenarii avaient pour titres : « Mignan » (= petit frère aimé en pular) ; « Les sensitives du soleil » (sur les plantes) ; « Oedipus »107. (Oedipa, version africaine) Libéré le 22 novembre 1978 : diminué physiquement, presque aveugle, les mains broyées, et mentalement fragilisé, il s’est d’abord réfugié chez sa sœur Maro qui était mariée à un professeur du lycée de Donka. Parti à Dakar chez son frère, il est ensuite allé à Paris chez son demi-frère recevoir des soins, grâce à une bourse obtenue par son ami le colonel Mohamed Lamine Traoré108, ancien étudiant du VGIK. Après un AVC (accident vasculaire cérébral) il fut hospitalisé à Vienne (Autriche) où il a vécu neuf mois, chez « petit Barry ». Ils ont co-écrit deux scénarii dont le premier s’intitulait Haala ceede en pular, soit Haala (la parole) et Ceede (les cauris), ce qui signifie les cauris ne parlent qu’aux initiés. S’il n’a jamais parlé de sa détention109, il a écrit un deuxième scénario portant sur les disparus : Stèle pour l’avenir. Revenu en Guinée, il a poursuivi l’écriture de scénarii, avec l’aide de ses amis110, notamment avec Ousmane Sembène, Souleymane Cissé111, et Paulin Souleymane Vieyra ; Là où le soleil passe la nuit, Dix heures sonnaient, Garafiri… mais aucun film n’a abouti, faute de moyens. Le synopsis de Lait et 106

Comprimés distribués et présentés comme des vitamines, qui en réalité provoquaient une grande torpeur. 107 Abbas BAH, 2015 et A. R. Gomez, Camp Boiro. Parler ou périr, Paris, L’Harmattan, 2007, pp. 55, 75-77. 108 Ou Kama Diaby ? selon Abdoulaye Diarso. 109 Abdoulaye Diarso février 2017. 110 Presque aveugle, Costadés dictait ses scénarios à El Oumar Camara, Konaté Alama et bien d’ autres disciples.(…) 111 Tous deux étaient ses compagnons étudiants au VGIK de Moscou.

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des larmes112 raconte l’histoire d’un bébé et d’un veau nés au même moment ; la maman meurt en couches. La mère adoptive nourrit le nourrisson avec le lait cette vache. L’enfant grandit bien, puis la vache meurt brutalement. Se sentant abandonné, l’enfant pleure et pleure en courant autour de la vache. Le lait était une symbolique récurrente dans les films de Costadès. Il était aussi écrivain : il a participé à des concours de nouvelles à Dakar et Conakry, et obtenu un Second Prix à l’occasion des Festivités du 3 avril 1987113. Il a eu une fille en 1986 puis s’est marié en 1989 avec Aminata Diallo, dont il a divorcé. Il a confié sa fille dès l’âge de trois ans à son frère vivant au Sénégal, afin de lui assurer une bonne éducation. Il adorait sa fille et ne manquait aucune occasion de lui montrer son affection. Sous la IIème République, Costadès a assumé les fonctions de conseiller de l’audiovisuel et du cinéma auprès de Zaïnoul Abidine Sanoussi (ZAS) Ministre de l’information de la Culture et du Tourisme, puis la fonction de directeur général de l’ONACIG en 1986, jusqu’en 1992. Il vivait modestement, dans une chambre à Boulbinet, sortait le soir dans les bars. En mars 1994, rentrant chez lui tardivement, il acheta une boîte de sardines, qui lui valut une intoxication alimentaire (la date de péremption était dépassée). Hospitalisé au CH Ignace Deen de Conakry, il n’a pas reçu les soins requis, car il était sans le sou. Il est décédé au bout de quelques jours… Sa disparition a fait l’objet d’un vibrant hommage de ses collègues cinéastes, lu par Moussa Kémoko Diakité, et débutant par ces mots « Un éminent homme politique a dit que la vie d’un homme se mesure par son taux d’utilité sociale. Pour son action linéaire au service de son pays, nous rendons aujourd’hui un hommage sincère à un cinéaste émérite, à un précurseur du 7ème Art en Guinée, il s’agit de notre regretté N’Diaye Costa. » Enterré au cimetière Camayenne, sa tombe, carrelée de blanc, porte l’inscription : 112 113

Alseny Tounkara, entretien, janvier 2017. Hommage posthume, ONACIG ; 1994.

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« Ci-gît Costadès DIAGNE cinéaste émérite ». Costadès (…) cette icône qui rêvait de faire de la Guinée un grand pays de cinéma. Formé en URSS dans les années 1960, le portrait géant de « Costadès » comme on l’appelle communément, trône parmi d’autres grandes figures passées par le prestigieux institut VGIK de Moscou, qui a forgé des cinéastes comme Ousmane Sembène ou encore Souleymane Cissé114. En 1966 son documentaire artistique « Les Hommes de la Danse » inspiré du poème de Senghor, Prière aux masques115 avait été présenté, et primé, au Festival des Arts Nègres de Dakar116 en 1966 alors même que Sékou Touré avait boycotté la manifestation (les deux chefs d’État étaient en brouille). Dans ce film de fin d’études, Costa Diagne met en scène Himi Sylla alors qu’il visite une exposition organisée à Moscou sur les masques africains, avec en voix off le poème de Leopold Senghor, Prière aux masques117. A son retour de Dakar, Costa Diagne avait été mis à pied pendant huit mois. BALDE Mamadou Alpha Baldé dit « Marlon », arrêté le 27 décembre 1971, condamné aux travaux forcés à perpétuité, enfermé au Camp Boiro, puis à Kindia, a été libéré le 22 novembre 1978. Son épouse Néné Galle Diallo a elle aussi été arrêtée et a passé cinq ans en prison. « Marlon » s’est exilé à Washington (Etats Unis), il est actuellement malade.

114

source : http://www.africine.org/?menu=art&no=7154. Cf Annexe VII. 116 Il est à noter que ce Festival de Senghor sur le concept de négritude ne rencontrait pas l’adhésion de tous les intellectuels, car il relevait d’une répartition de la culture africaine entre « négritude » et « arabité ». 117 Cf Annexe VII. 115

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Diagne COSTA (photo Horoya)

BALDE Mamadou Alpha (photo Horoya)

Sékou Oumar (dit Sékoumar) Barry, et Moussa Kémoko Diakité cinéastes, formés respectivement en Yougoslavie et en RFA, ont été arrêtés le 14 juin 1971, puis libérés le 02 février 1972. En 1971 Sékoumar était en mission en Chine avec Gilbert Minot. Malgré les conseils de sa famille de ne pas rentrer, il est revenu en Guinée et a été aussitôt arrêté. Sékou Oumar Barry doit sa liberté à un concours de circonstances : Sékou Touré aimait faire visionner « Et vint la liberté » à ses hôtes de marque. Il demande sa libération immédiate, car il voulait rencontrer le réalisateur. En plus de cet argument, il fallait filmer les prochaines cérémonies118, il fallait un cinéaste et celui qui pouvait le faire était en prison.119 118 119

Festival 73 BARRY Alpha Ousmane ; Les racines du mal guinéen.

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Moussa Kémoko Diakité 2013. Collection privée.

Moussa Kémoko Diakité, né en 1940 à Mamou, éduqué par sa grand-mère paternelle, qui lui a appris à puiser l’eau, à arroser les cocotiers, faire la vaisselle, cuire le riz… Etudes : « J’ai été formé à la bonne école, le primaire avec des instituteurs français, qui avaient une bonne pédagogie. J’ai obtenu le certificat d’études, le concours national d’entrée en 6ème ouvrant à l’une des 3 orientations : classique, cycle court, apprentissage (d’un très bon niveau aussi) » Je suis entré au collège en 1953. Ce n’était pas du chiqué comme maintenant. » Moussa Kémoko Diakité a ensuite eu le Bac philo. « Chaque enfant a une sorte de mimétisme, une tendance. » Lui, a été attiré par le cinéma, les acteurs. Le cinéma était un lieu de rencontres, de spectacle, les gens s’habillaient correctement. C’est ainsi qu’il a attrapé le « virus du théâtre et du cinéma ». Son père souhaitait qu’il se dirige vers des études de chimie, médecine… Il a démarré chimie et a vite interrompu pour s’inscrire au Conservatoire national d’Art dramatique de Paris au début des années 60.

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Le président de la Ière République priorisait l’édification et la construction du pays ; les bourses avaient été supprimées en 1962. Il a chômé pendant un an. À l’époque, il n’existait pas de Ministère de la Culture à proprement parler, mais une Commission « Arts et culture » rattachée au Ministère de l’Education et de la Jeunesse (Jean Faraguet). La RFA avait octroyé des bourses dont une dédiée au théâtre et cinéma. Ayant le niveau requis, il a pu suivre cette solide formation, motivé pour apprendre la mise en scène, la réalisation en cinéma. Il part donc en Allemagne suivre des études supérieures en sciences théâtrales à l’université de Francfort, et devient assistant metteur en scène au sein du Théâtre de Francfort, (théâtres de poche, montage de l’opéra le couronnement de Poppée ). Il assistera Harald Reinl sur la grande fresque chevaleresque La Vengeance de Siegfried (Die Nibelungen) tourné entre 1965 et 1966. Au Frankfurt Schauspielhaus théâtre, il sera également l’assistant du metteur en scène Heinrich Koch sur l’adaptation de la pièce d’Eugène O’Neill le Deuil sied à Electre (Trauer muß Elektra tragen). Son approche du cinéma se réalise en qualité d’assistant réalisateur au studio CC-Films à Spandau jusqu’en 1967. Curieux de nature, il a saisi l’opportunité de suivre des tournages en Tunisie, pour y « jouer l’acteur », et a vécu en Yougoslavie pendant 6 mois (Belgrade – Zagreb). De retour en Guinée, Moussa Kémoko Diakité joue dans le film du cinéaste Mohamed Lamine Akin Sergent Bakary Woolen, scénario de Emile Cissé, dans lequel il interprète le rôle principal. Il passe ensuite derrière la caméra pour réaliser en 1969 deux courts-métrages éducatifs, Journal de la campagne agricole, puis Centre caféier de N’zérékoré120. Comme tant d’autres, il était soupçonné de subversion en raison de sa fréquentation des étrangers. Il n’en fallait pas beaucoup pour être emprisonné et nombre de cinéastes y passeront six à huit ans, n’y voyant ensuite plus assez clair pour 120

Africultures ; et entretien février 2015, Conakry.

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faire du cinéma. Cela ne voulait pas dire que Moussa Kemoko Diakité soit contre les idéaux défendus par ce régime socialiste épris de panafricanisme. Conscient des limites et du cadre imposé tout comme de la répression à l’œuvre, mais opérant ses choix en toute conscience, il est à l’image d’une génération qui a nagé dans les contradictions, mais a quand même cru dans ces idéaux et les a défendus avec talent. Ses films en épousent et magnifient les thèmes : fraternité panafricaine, révolution populaire sous la houlette du parti, émulation des artistes pour mobiliser le peuple, appel à la créativité et à l’énergie de la jeunesse pour construire un avenir heureux… Pendant l’année 1972, il a dirigé « Ciné magazine » et les « actualités » de Syli cinéma. Naïtou L’orpheline tourné en 1982 est son premier film de fiction, « c’est l’histoire d’une Cendrillon africaine », inspirée du répertoire des Ballets africains, Ballets créés par Fodéba Keita, puis repris par Achkar Maroff , interprétée par la Troupe Nationale des Ballets de la République de Guinée. Il fallait que sur la scène soit montrée la culture africaine. On sent dans ce film l’inspiration inconsciente de son expérience de l’Opéra et de la musique classique à Francfort. En 1982, MK Diakité a été directeur de production d’Amok de Ben Barka Souheil, Marocain. Film coproduit par Interfilms (Maroc) MC (Sénégal) et Sylicinéma (Guinée) d’une durée de 107 mn, avec Miriam Makeba actrice. Le film exalte la lutte de l’ANC. Toute la partie du film en Afrique du sud a été tournée en Guinée. « Lors du tournage Ben Barka s’était gravement brûlé en jetant du gas-oil sur un car. Sékou Touré et Hassan II s’entendaient très bien. A l’époque les gouvernants africains prenaient la culture très au sérieux. »121 A l’occasion du Festival international de cinéma de Lille 2011, certains de ses films ont été sauvés de l’oubli et projetés au public :

121

Moussa Kémoko Diakité, entretien 2015.

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« Ce sont certes des films de propagande, mais le talent de Moussa Kemoko Diakité est patent. Profitant de sa connaissance de la langue allemande, Diakité a travaillé avec des techniciens d’Allemagne de l’Est pour son premier documentaire, Hirde Dyama (1972), sur le Festival artistique et culturel de Conakry du 9 au 27 mars 1970, pendant du Festival mondial des arts nègres (FESMAN) de Dakar de 1966 et du Festival panafricain d’Alger (PANAF) de 1969. Le film s’ouvre sur une cantatrice accompagnée à la kora et chantant d’une voix douce la disposition du peuple à soutenir la révolution, se poursuit par des images en montage serré du défilé des délégations étrangères dont l’une porte un panneau bien mis en avant : “chaque peuple a sa culture”. Une large place est laissée à la prestation de Miriam Makeba, qui s’était installée en Guinée, en avait adopté la nationalité et disposait d’une maison. Elle chante en soussou l’hymne du parti repris en chœur par les spectateurs. Mais Hirde Dyama n’a rien d’un reportage spontané sur la vitalité de la diversité artistique. Il reste autocentré sur le spectacle offert par l’art officiel, et documente un orchestre moderne d’élèves ou un chœur traditionnel chantant tous la gloire de la révolution. La propagande reste dominante : un montage parallèle met l’accent sur des chantiers industriels du pays et un commentaire appuyé célèbre la “vérité” que comportent les traditions, source d’inspiration de la révolution. Même commentaire officiel dans Fidel Castro, un voyage en Guinée(1972), mais on y sent davantage de construction personnelle. Ce qui intéresse Moussa Kemoko Diakité, c’est le couple parfait que représentent Castro et Sékou Touré, leur accord idéologique total. “Nous ressentons les mêmes choses”, répète Castro dans les meetings, étendant aux deux peuples le couple des deux leaders. Diakité utilise toutes les ficelles du film de propagande pour installer le thème : intérêt commun des deux hommes pour les productions nationales, enthousiasme permanent des populations, portraits d’hommes et de femmes quand on évoque le travail du peuple, superposition d’images de foules sur les discours, etc.

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(…) Ces films, si bien faits soient-ils, ne font pas un auteur. Par contre, alors même qu’il s’agit également d’un film de propagande, Hafia football club, triple champion d’Afrique, long métrage qui prend le temps de la démonstration, témoigne d’une nette évolution de traitement, incluant par le biais du commentaire du célèbre Pathé Diallo, ancien policier reconverti en commentateur sportif, décédé en 2007, une certaine liberté de ton. Ici, le film ne se contente pas de reproduire les thèmes officiels, il les problématise. Débutant sur des joueurs échangeant des ballons par coups de tête en une chorégraphie aérienne, il élève d’emblée son propos. Les victoires de l’équipe nationale guinéenne ne portent pas seulement la gloire de la révolution, elles sont emblématiques des tactiques adoptées par le Régime, l’équipe étant décrite comme un corps social vivant, traversé de contradictions, mais tendu vers un même but. Le commentaire étonnamment détaché, en recul, improvisé, de Pathé Diallo n’hésite pas à relever à deux reprises les “cafouillages du camp guinéen”. Pas vraiment langue de bois ! Le montage se garde bien d’éliminer les tentatives de but avortées ou ratées. Les matchs évoluent tels qu’en la vie, complexe, et jamais gagnés d’avance, impliquant une stratégie. L’apothéose est atteinte lors de la troisième victoire en finale du championnat interafricain en 1978. Le film documente la mobilisation de toute la ville, de tout le peuple derrière son équipe. Les supporters sont joyeux et fair-play : l’affrontement se veut fraternel et amical, à l’image de l’idéal panafricaniste. Les joueurs sont nommés tour à tour, héros méritant chacun leur distinction. L’harmonie générale est renforcée par la musique de Sory Kandia Kouyaté et Fodé Diabaté ainsi que du Bembaya Jazz National. Le commentaire de Pathé Diallo s’efface alors devant la victoire. Le guide de la révolution prend le relais, et ne cesse d’agiter son mouchoir blanc pour saluer et galvaniser les foules. Les images sont alors empruntées à la célébration de la victoire au même stade le lendemain, show organisé dans la plus pure

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tradition soviétique, avec défilés des étudiants, performances des policiers à moto, danses ordonnées et signifiantes de centaines de femmes munies de calebasses, murs de pancartes à la gloire de Sékou Touré et de la révolution portés par des pans entiers du stade… Habilement, mais non sans anachronisme, le film ne fait pas la différence entre le moment du match, où Sekou Touré était absent, et celui du triomphe, tout à sa gloire. Son discours rythme les images, éloge du panafricanisme, appel à la jeunesse pour dépasser les tensions entre les pays, comme si elle y pouvait quelque chose, notamment avec le Sénégal et la Côte d’Ivoire, les ennemis du moment. Une soirée officielle où dansent très dignement les tenants du régime offre un édifiant contraste avec la vitalité du foot. Le summum de l’habileté est atteint lorsqu’il est finalement demandé à des journalistes sportifs étrangers de commenter le match. Un Français attribue la victoire à l’offensivité “à la brésilienne” de l’équipe nationale tandis qu’un Algérien célèbre la créativité et la force d’innovation du football africain. Du foot au politique, le pas est définitivement franchi et le film peut se clore sur les effigies géantes de Sékou Touré portés en mosaïque par des milliers de supporters »122. Il a été libéré du camp Boiro le 02 février 1972, pour être présent au Festival de Ouagadougou le 2 mars de la même année. « La culture a un tel potentiel dans la vie de l’homme, c’est la manière dont le peuple divise sa pensée ; c’est un vecteur de développement. » « Avant, les politiques étaient convaincus : on commence par la culture et on finit par la culture »123. Scénariste Mamadou Barry dit « Petit Barry » titulaire d’une licence ès Lettres (Université de Grenoble) et d’une maîtrise en 122

Olivier Barlet in Hommage à Moussa Kémoko Diakité ; Festival international de Lille (11-17 avril 2011) – Africultures 123 Ibidem

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Sciences Politiques (Institut Universitaire des Hautes Etudes Internationales de Genève). Il a été tour à tour chef de Division Afrique-Asie et Europe de l’Est à la Direction générale de la Coopération Internationale - au Ministère des Affaires Etrangères - et cumulativement Professeur de droit international (pro bono) à l’Institut Polytechnique de Conakry ; Sous la Ière République, « Petit Barry » était directeur de la chaîne internationale « la Voix de la Révolution » ; directeur Bureau de presse de la Présidence de la République, député à l’Assemblée nationale. Arrêté à 36 ans le 14 juin 71, enfermé au Camp Boiro, puis à Kindia, il a été libéré le 22 novembre 78, et s’est exilé aux Etats-Unis. Recruté comme fonctionnaire international à l’Office des Nations Unies de Vienne (Autriche) de 1980 à 1983, puis au Secrétariat des Nations Unies à New York de 1993 à 1995, il est depuis 2010 Conseiller en matière de gouvernance démocratique dans 15 pays africains. Mamadou Barry a été le scénariste de plusieurs films et documentaires : Et vint la Liberté de Sékou Oumar Barry ; 8 et 20 de Costa Diagne sur le 8eme congrès du PDG et le 20ème anniversaire du Parti unique en 1967 ; Hirdjè Djama – Le Festival des Arts et de la culture d’Alger de Gilbert Minot - la Guinée Guinè de Mamadou Alpha Balde dit « Marlon ». Les techniciens : Le lieutenant Himi Sylla, caméraman personnel de Sékou Touré, formé au VGIK de Moscou de 1959 à 1966, il y a obtenu les diplômes de caméraman et de photographe. Il a été arrêté le 16 mai 1980. Le motif officiel de son arrestation était « une bande effacée » : lors de la soirée anniversaire le 14 mai au Palais du Peuple, un lancement de grenade avait semé la panique dans la salle. « Est-ce que les cameramen ont filmé ça ? ». Ce qui était irréalisable, toutes les lumières étant éteintes ! Himi Sylla a été libéré mi-septembre 1980, mais n’a pas retrouvé sa fonction, désormais confiée à Nabi Bangoura qui la convoitait.

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Sékou avait son équipe personnelle, caméraman, photographe, un technicien son. Himi Sylla a joué dans La danse du masque de Costa Diagne, en 1966 ; ils étaient au même moment étudiants au VGIK de Moscou. Plus tard, Himi Sylla a été le premier à utiliser la vidéo, pour les images retransmises par la RTG (don de la Libye). Sept techniciens avaient été envoyés à Benghazi. Bah Thierno Mouctar, photo-chimiste et responsable du laboratoire (rebaptisé complexe cinématographique en 1983) de Boulbinet, ancien stagiaire au studio Barrandov en 1961 au cours de ses études à Prague ; arrêté le 6 janvier 1971, à l’âge de 37 ans, enfermé à Kindia, libéré en 1978, il est décédé en août 2002. Dans ses « aveux », il a reconnu que le laboratoire avait été équipé par l’Allemagne de l’Ouest. Mais il pensait que son arrestation était plutôt en lien direct avec « L’affaire Tidiane ». En juin 69 : le jeune Tidiane, toxicomane avéré, avait agressé à mains nues le Président Sékou Touré, lors de la visite officielle du président de Zambie, Kenneth Kaunda. Il a été tué aussitôt sur ordre d’AST par Guichard (responsable de la sécurité) et le lieutenant Diagay. Sékou Touré a demandé à visionner le reportage effectué par Syli-cinéma (car la télévision n’existait pas encore, elle a été créée ultérieurement, en 1978). Thierno Mouctar était alors directeur de la production de la Régie et dirigeait les techniciens qui réalisaient les reportages. Or, depuis des semaines Syli-cinéma avait des difficultés d’approvisionnement, et ne disposait plus de pellicules pour tourner. Les reporters faisaient semblant de filmer… Il n’y eut par conséquent aucune image sur cet évènement124, en dehors de celles de la télévision zambienne. Conscient de la puissance du cinéma, le Guide suprême de la 1ère République n’a cessé de le doter de moyens et d’utiliser l’élite pour valoriser l’identité africaine et à l’embrigader pour sa propagande. Le carcan idéologique a brisé les ailes d’une 124

BARI Nadine ; Les cailloux de la mémoire ; Ed Karthala ; 2003 ; pp 59-

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création plurielle des cinéastes et leur forte expression sur la scène africaine125. Les arrestations de 1970-71 ont décapité le cinéma, activité qui n’était plus une priorité pour Sékou Touré. Les films ultérieurs n’ont plus bénéficié du même élan de créativité, ni surtout des mêmes moyens matériels et humains. Enfin, 1970 a créé un «fossé terrible », car il n’y a pas eu de transmission des cinéastes enfermés à Boiro envers la nouvelle génération »126, outre ceux qui sont décédés, les rescapés de longs séjours avaient perdu la vue. 1.3.2. APRÈS 1971, L’APRÈS-BOIRO En 1972 la décision de confier aux entrepreneurs privés la direction de l’entreprise cinématographique ne devait pas affecter le message idéologique contenu dans les films ; la mesure visait seulement à améliorer la qualité de la direction administrative. Cependant les activités de Syli-cinéma ont décliné. Les survivants sont virtuellement réintégrés dans l’effectif de Syli-cinéma, mais les emplois sont des « coquilles vides ». En 1977 la télévision naissante (Radio Télévision Guinéenne) fait appel aux employés de Syli cinéma - qui n’étaient guère occupés - pour les assister. Mais, ces employés n’ont pas retrouvé à la télévision l’aspect créatif du cinéma. Ainsi Moussa Sall explique que la « matérialisation d’images latentes » (transformation de pellicule en images) « c’est vivant », cela relève d’un processus artistique : choix des couleurs, étalonnage ... C’est la « magie » du cinéma, inexistante à la télévision. Thierno Mouctar Bah devient à nouveau directeur à Boulbinet du futur complexe cinématographique, cette fois avec l’aide d’experts et de financeurs suisses. (…) « Plus le projet avance, plus des difficultés inattendues surgissent. C’est qu’il 125

http://www.africine.org/?menu=art&no=7154 Sékoumar Barry, juin 2013

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faut compter avec l’animosité des collègues et anciens copains d’avant, jaloux de voir ce projet à financement suisse confié à un type qui aurait dû mourir à Boiro127 … » Le complexe cinématographique de Boulbinet n’a jamais été opérationnel. Les machines (fabriquées en 1970) stockées dans des conditions précaires pendant huit ans, n’avaient pu être installées que grâce à l’intervention de techniciens étrangers. En 1996, les équipements ne fonctionnent toujours pas (…)128 . Mouctar Bah demande une expertise technique, mais les fonds ne suivent pas (cf aussi au chapitre II, page 54). En 1982, Moussa Kémoko Diakité réalise le premier longmétrage sous la forme d’une comédie musicale Naïtou, l’orpheline129, chef d’œuvre primé à plusieurs reprises130. Le film reprend un conte de l’Afrique de l’Ouest, tragi-comédie dansée et chantée, sans paroles. Il avait fait venir un directeur de la photographie marocain, car la Guinée ne disposait déjà plus de telles compétences. La même année, sa projection au Palais des Peuples amorce une nouvelle dynamique, mais les meilleurs sont absents, morts au camp Boiro ou exilés. L’Acteur et cinéaste Mohamed Dansoko, découvert dans les années 70 grâce à ses talents d’interprète de Soundiata dans une pièce de théâtre joué par la troupe de sa ville de Siguiri, Dansoko bénéficiera d’une bourse d’études pour apprendre l’art cinématographique.

127

Les cailloux de la mémoire Nadine Bari; Ed Karthala ; 2003 Cf en Annexe V la Lettre d’explication de Mouctar Bah 129 Naïtou reste le seul film-opéra africain à ce jour 130 Cf filmographie en fin de document 128

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. Mohamed Dansoko (source : internet)

En 1989, il réalise un film de fiction intitulé Séré, le témoin, film commencé avant sa mort par David Achkar ; 1983, il réalise Ouloukörö post-synchronisé par le Maroc ; en 1990, il est acteur dans Camp Thiaroye. En avril 2004, il a été élu comme président du Bureau guinéen de l’Union des Créateurs et Entrepreneurs du Cinéma et de l’audiovisuel (UCECAO131), il est décédé peu après. L’année 1982 marque un tournant : plus de budget de l’Etat, les films réalisés se sont réduits aux appels d’offres et aux commandes institutionnelles d’ONG. 1983 est l’année du dernier film coproduit par Syli-cinéma : Amok de Souheil Ben-Barka ;(Interfilms Maroc, MC Sénégal Guinée) ; 107 mn ; avec Myriam Makeba actrice, et Moussa Sall, figurant. Les scènes se déroulant en Afrique du Sud ont été tournées en Guinée. 131

L’Union des créateurs et entrepreneurs du cinéma et de l’audiovisuel de l’Afrique de l’Ouest (UCECAO) est une organisation professionnelle créée le13 janvier 1997, qui regroupe des professionnels du cinéma des différents pays ouest-africains (Bénin, Burkina Faso, Cap-Vert, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, GuinéeConakry, GuinéeBissau, Liberia, Mali, Mauritanie, Niger, Nige ria, Sénégal, Sierra Leone, Togo). Le siège de l’UCECAO est à Bamako. L’UCECAO organise chaque année les Rencontres cinématographiques de Bamako.

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En 1987, un autre film devait être coproduit par Sylicinéma et le Maroc : Ouloukörö du réalisateur Dansoko Camara (beau-frère de MK Diakité) en langue malinké. Débuté à Siguiri le tournage avait connu un arrêt de quelques semaines, dû à un simple incident entre le réalisateur et l’équipe technique marocaine qui avait plié bagage. Le budget de production a été renfloué. Ouloukörö a été projeté en 1989 au cinéma liberté à Conakry. Par la suite, « Les choses ont commencé à languir » (MK Diakité).

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LA IIÈME REPUBLIQUE (1984) LE DESINTERET ET LE DESINVESTISSEMENT DE L’ETAT, LA CREATION DE L’ONACIG

La libéralisation de la vie nationale au moment de la Deuxième République (3 avril 1984) a transformé ce paysage en profondeur. Toujours sous la tutelle du Ministère de l’Information et de la communication, l’Office National de la Cinématographie de la Guinée (ONACIG) succède à SyliCinéma-Photo par fusion des 3 services ; il y a compression de personnel et la production est en chute libre. En 1985, L’une des premières missions des photographes de l’ONACIG (ex Syli-Photo) a été de photographier la mise en terre des membres du gouvernement déchu, au-dessus du charnier de la « Cinquième colonne132» au pied du Mont Gangan. L’Arrêté du 19 janvier 1993133 crée la « Commission consultative chargée de la lecture de scénarios ». À l’article 1er (…) Cette Commission, outre la lecture des scénarios, est invitée à donner son avis sur le contenu socio-culturel et historique du sujet traité afin d’éviter que celui-ci ne porte atteinte à nos mœurs et coutumes, et ne déforme la réalité historique de notre nation. » Durant ces années 90, les films étaient acquis auprès de deux sociétés de distribution suisses, SATECOMER, et TECHNOSA ; au prix unitaire de 1500 dollars US ; Gwendoline, Dracula père et fils, Mon oncle Benjamin, Divorce à Hollywood, Destruction/les guerriers du futur, Charlie Bravo,134 etc. Le 28 janvier 1997 un nouveau décret précise les statuts de l’ONACIG, lui donnant pleine autorité sur « toutes les activités du secteur cinéma » (Article 4) et, qui plus est, lui confiait la 132

Après l’agression portugaise du 22 novembre 1970, Sékou Touré durcira encore son régime, opérera une purge des cadres au nom du soi-disant complot de « la cinquième colonne » ourdi par les présidents Senghor et Houphouet Boigny pour le renverser. Les opposants seront incarcérés au camp Boiro, à Kindia, à Kankan, puis torturés avant d’être pendus ou exécutés d’autre manière. Lire aussi : http://www.campboiro.org/bibliotheque/gomez_alseny/parler_perir/chap12.ht ml 133 Arrêté n°92/ / MC/CAB/ du Ministère de la Communication 134 Archives du Centre International de Recherche et de Documentation – Conakry- Kipé

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responsabilité « de veiller à la fixation et à la conservation du patrimoine national et de la mémoire collective sur support durable » (Article 5). Le laboratoire de production situé à Boulbinet (Ministère de l’information) a été vidé de ses équipements, et les locaux ont accueilli l’Office National de la Cinématographie de la Guinée (ONACIG). Les bâtiments du site de Syli-cinéma-photo près du pont du 8 novembre ont été cédés à la France et réaffectés en Centre Culturel FrancoGuinéen en 1999. Les traces historiques de Syli cinéma sont définitivement effacées.

2.1. DES TENTATIVES POUR RELANCER L’ACTIVITÉ Au gouvernement, dans un premier temps, Zaïnoul Abissi Saronssi (ZAS) a été nommé Ministre de l’Information et de la Culture. Dans les années 90, Telivel Diallo, en qualité de Ministre de la Culture a tenté de relancer une dynamique, en organisant concours et compétitions. C’est ainsi qu’est né Circus Baobab sur une idée de Laurent Chevallier, réalisateur de cinéma français. Séduit, Telivel Diallo supporte le projet. - Au printemps de 1998, l’équipe artistique cherche à réaliser un long métrage sur un cirque guinéen itinérant, centré sur « une troupe de saltimbanques africains, autour de sa vie quotidienne, de son périple le long des pistes, de ses représentations sur les places de villages. » L’idée est séduisante, mais il n’existe pas de cirque itinérant en Guinée. Le Ministère de la Culture rebondit sur l’idée et envisage la création d’une Troupe Nationale de cirque, s’inspirant ainsi des Ballets Africains créés par Keïta Fodeba dans les années 1950. Trois mois plus tard, le projet est lancé. Telivel Diallo rencontre les directeurs de troupes et ballets de quartier de Conakry. Pierrot Bidon, fondateur d’Archaos et figure du cirque contemporain français est contacté pour participer à la sélection des artistes et jeter les bases du projet : créer une troupe qui deviendrait ainsi le premier cirque acrobatique aérien d’Afrique. L’idée d’un spectacle dont la scénographie s’articulerait autour d’un baobab prend forme. En septembre 1998, Circus Baobab est né : huit filles et vingt garçons âgés de

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15 à 25 ans, danseurs, percussionnistes et acrobates travaillent avec Pierrot Bidon et les chorégraphes guinéens sur un thème inspiré d’une ancienne légende de l’ethnie bambara : La Légende du Singe Tambourinaire. Laurent Chevallier en fait un film, sorti en France en 2000. - Moussa Kémoko Diakité a été nommé de 1986 à 1992 à l’Office guinéen de publicité dont il est le fondateur ; en effet, il avait eu l’opportunité d’être formé à ce secteur par une amie allemande. M K Diakité a mis en place les bases de ce secteur nouveau, il a requis un encadrement juridique pour l’Office Guinéen de Publicité, et recruté jusqu’à 32 personnes. Cet Office a occupé les locaux de Syli-phone, qui avaient été bradés sous Lansana Conté. L’Office était principalement financé par les cigarettiers Marlboro, Dunhill, et la banque BICIGUI d’une part, par les recettes publicitaires d’autre part. La législation anti-tabac des années 90 a entraîné l’effondrement des recettes.

2.2. L’ONACIG 1) Le premier Directeur Général de l’ONACIG est le capitaine CAMARA Kaba dit « Kaba 41 »135, colonel de l’armée guinéenne formé à la photo et au cinéma en URSS, lauréat du 3ème concours international de la poésie africaine 85 en Côte d’Ivoire, poète renommé de la douleur et de l’espoir. Jeune lieutenant il joua un rôle déterminant dans l’agression portugaise le 22 novembre 70, ce qui lui valut le grade de capitaine. Il fut arrêté et incarcéré 10 ans au camp Boiro (19701980). Il est décédé le 1er octobre 95. 2) Revenu dans son pays, Costadès Diagne est nommé directeur général de l’ONACIG de 1986 à 1992. - Himi Sylla, ancien cameraman personnel de Sekou Touré, a été nommé inspecteur général de l’ONACIG, puis en 1996, directeur du service de presse militaire au camp Samory.

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Auteur de Dans la Guinée de Sékou Touré, cela a bien eu lieu ; Ed L’Harmattan 1998.

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3) En 1992, Moussa Kémoko Diakité prend la tête de l’Office National de la Cinématographie de Guinée jusqu’en 1999. Le décret n°D/92/186/PRG/SCG/ du 06 août 1992 fait de l’ONACIG un Établissement Public à caractère Industriel et Commercial, chargé de la régulation des activités relevant du cinéma et de l’audiovisuel. Le secteur s’est libéralisé. Dès 1993 MK Diakité adresse un « appel aux hautes autorités guinéennes en vue d’une décision politique sur le sort du cinéma guinéen136 » faisant état d’un effectif pléthorique de 109 employés « sous utilisés à 90 % en raison du caractère spécifique de l’activité cinéma (…) cet effectif ne compte que 64 professionnels du cinéma, résultat de l’héritage de la Ière et de la seconde Républiques ». Cet appel dénonce douze mois d’arriérés de salaires cumulés de 1991 à 1993, la carence des directeurs qui se sont succédé de 1984 à 1992, et la fraude récurrente sur les billets de cinéma. » MK Diakité transforme cet appel en proposition de réforme, écrite en 1995, qui envisageait que les droits d’auteurs reviennent désormais aux réalisateurs. Reçu en audience par le président de la République, Lansana Conté, celui-ci reconnaîtra la qualité de son mémorandum, car enrichi de préconisations pour restructurer le cinéma guinéen, conformes à la politique de libéralisation de la IIème République. Le Ministre de l’époque (Telivel Diallo) réussit à obtenir des fonds de la Banque Mondiale destinés à verser à chaque employé de l’ONACIG deux annuités de salaire. MK Diakité et Mammoud Konaté ont ainsi pu créer leur propre société de production en 1994. Moussa Kémoko Diakité réalise depuis des films institutionnels et assure les productions exécutives de tournages en Guinée comme L’enfant noir de Laurent Chevallier et I.T. (Immatriculation Temporaire) de Gahité Fofana en 2000. En parallèle, en 1994 Mouctar Bah est confirmé Directeur du complexe Boulbinet qu’il tente à plusieurs reprises de rendre opérationnel. En effet, les machines et installations techniques mises en place en 1970, ont été stockées dans des conditions 136

Cf Annexe VII ; archives du centre de documentation de Kipé

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inappropriées et se sont détériorées. Grâce à ses relations, il obtient une expertise suisse recommandant un audit plus approfondi pour leur remise en état, par la même société (devis obtenu). Mouctar Bah signale également les détériorations liées au nombre important de personnes fréquentant le bâtiment Au moment où l’Etat parle de mise à disposition des fonds, le Ministère du Plan affirme « avoir perdu le dossier »137. Jusqu’en 2000, Mouctar Bah continuera à se battre, sans succès. Les machines ont été retirées et les locaux transformés en bureaux. « La Guinée est un pays qui fonctionne par ruptures…» exprime MK Diakité.138 4) En 1999, Hamid SOUMAH, ancien chimiste de Sylicinéma, prend la suite de la direction de l’ONACIG, jusqu’en 2009. 5) En 2009, Mohamed Camara, cinéaste confirmé, devient directeur de l’ONACIG. Il fait un état des lieux affligeant : « A mon arrivée à l’ONACIG, il n’y avait même pas une caméra. Au fil du temps, je me suis rendu également compte que les films faits par les Guinéens comme ceux importés sont à moitié détruits. Autre fait marquant : avec 500 francs guinéens, un enfant de dix ans peut se procurer un film pornographique en Guinée. Autrefois, les films étaient contrôlés et réglementés dans notre pays. De nos jours, les vidéoclubs ont remplacé les salles de cinéma et on y projette n’importe quoi. Cela contribue à la prolifération du banditisme, de la dépravation, sans parler des câblodistributeurs. » L’ONACIG prend le nom de l’Office National du Cinéma, de la Vidéo et de la Photo (ONCVP) dans le décret N° D /221/PRG/CNDD/SG PRG/2009 signé à Conakry, le 09 novembre 2009 par le Capitaine Moussa Dadis CAMARA, Président de la République. Mohamed Camara, appelé par Justin Morel Junior, Ministre de la Culture est confirmé comme Directeur Général. Puis, le 25 mars 2010, par décret du président de la République par intérim et président de la Transition le général 137 138

Ibidem : Lettre de Mouctar Bah. entretien février 2017.

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Sékouba Konaté, ont été nommés respectivement - Directeur général de l’office national du cinéma, de la vidéo et de la photographie (ONACIG), Mohamed Camara, cinéaste (confirmé dans ses fonctions) - Directeur général adjoint de l’office national du cinéma, de la vidéo et de la photographie (ONACIG), monsieur Gahité Fofana, Cinéaste (en remplacement de M. Nabika SYLLA). En 2010139, Gahité Fofana est nommé Directeur Général Adjoint de l’ONACIG et Chef de Projet du Centre De Ressources Audiovisuelles en Guinée (CRAG), centre national de conservation, d’archivage et de promotion du patrimoine audiovisuel guinéen et / ou étranger. 6) Fin 2016, Mariam Camara est nommée directrice de l’ONACIG, Noël Lama Vâgbanan directeur-adjoint. La jeune génération prend les rênes du cinéma en Guinée. Mariam Camara, par ailleurs secrétaire sous-régionale de la fédération panafricaine du cinéma (FEPAC) s’était révoltée en juillet 2015 lors d’une conférence de presse : « (…) ne faisant nullement dans la langue de bois, elle en veut à des cadres du département qui profitent indûment des fruits du labeur des cinéastes qu’ils ne soutiennent, ni ne considèrent aucunement ils accusent certains responsables du département en charge de la culture de siphonner les maigres revenus qu’ils tirent des productions qu’ils réussissent péniblement à mettre sur le marché.140. »

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Vu l’Arrêté N° 2884 MAC/CAB/2010 du 16 juillet 2010 ; Ibrahima Kindi BARRY http://www.ledjely.com/2015/07/07/cinemaguineen-les-acteurs-se-disent-victimes-darnaque-et- descroquerie/ 140

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3

LES SALLES

3.1. LA IÈRE RÉPUBLIQUE Dans les années 60, tout Guinéen avait accès au cinéma tant les lieux de projections étaient nombreux. Plusieurs projectionnistes intervenaient dans chaque quartier et dans chaque « point de projection » En région également, chaque Section du Parti-Etat avait son « point de projection ». La Première République a construit des salles dans les centres des villes qui en étaient dépourvues. Les films projetés étaient essentiellement des documentaires « scientifiques141 »… Pour rappel, La SECMA et le COMACICO, deux entreprises privées françaises, géraient l’exploitation. L’Etat guinéen avait créé des sources de financement : les places étaient payantes, beaucoup étaient réservées à l’avance tellement les Guinéens aimaient le cinéma. Quatre-vingt-douze salles existaient dans tout le pays, la majorité (quatorze en 1980) était concentrée à Conakry, parmi lesquelles une salle et une filmothèque sur le site de l’actuel CCFG. Le cinéma Rialto servait tous les mercredis soirs aux réunions régulières du PDG. Mais il pouvait y avoir également des meetings occasionnels les autres jours de la semaine. Le cinéma qui se trouve aujourd’hui au même emplacement s’appelle Liberté. Mohamed Dansoko, acteur et cinéaste des années 80, luttera sans succès contre la privatisation et la fermeture des 92 salles de cinéma existantes sous Sékou Touré. Les dérives M. Jacques Demarchellier, entrepreneur de spectacles, gérait entre autres le cinéma « Le Ranch » à Labé et « le Vox » à Kindia. M. Demarchellier a été emprisonné au camp Boiro en 1971, libéré en 1975. Le « Vox » a été repris par un Libanais René Chédiac.

141

M. Diarso, ONACIG, janvier 2015

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Sous la Ière République, dans les années 60, les salles ont été utilisées pour des opérations de rafles aux sorties, notamment à Conakry et à Kankan, équipée de quatre salles142. Pour exemple, en 1964, Sékou Touré voulait rafler les désœuvrés, les « voyous » venus à Conakry se ravitailler, pour les ramener dans leurs villages : On garait les camions militaires devant les cinémas, par exemple et on embarquait tout le monde à la sortie. Les raflés étaient conduits au camp Alpha Yaya et dans les régions. (…) Plus tard, dans les années 80, un Plan International pour la Guinée (PIG), mené par les E-U, dota les villages de Guinée Forestière de paraboles, téléviseurs, magnétoscopes et cassettes vidéo. Des projections étaient organisées : films de karaté (Bruce Lee) et pornographiques.

3.2. LA DEUXIÈME RÉPUBLIQUE (3 AVRIL 1984) La deuxième République initie une libéralisation et toutes les salles de cinéma sont vendues, souvent à des commerçants qui les ont réaffectées en entrepôts, en magasins, et les bâtiments ne sont pas entretenus. (…) Mais lorsque l’armée a pris le pouvoir en 1984, les gens ont dit que c’est le libéralisme économique. Certains en ont profité pour brader des édifices culturels et toutes les salles de Cinéma. Il n’y a aucun pays au monde où l’État n’a pas une salle de Cinéma, sauf la Guinée. L’État n’a aucune salle de Cinéma, c’est grave pour une nation. Comment les jeunes peuvent apprendre la culture de chez eux, quand les satellites nous abreuvent des images incongrues, des images qui n’ont rien voir avec nos coutumes et cultures. On voit dans nos rues que les jeunes filles sont presque nues… On dit que la jeunesse guinéenne est dépravée, mais on oublie que cette dépravation

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Capitaine Kaba 41 : Dans la Guinée de Sékou Touré cela a bien eu lieu ; Ed L’Harmattan, Coll. Mémoires Africaines ; 1998

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vient du fait que la culture occidentale nous abreuve de choses qui ne sont même pas comestibles chez elle (…)143 L’unique salle conçue par l’État, et construite par les Chinois en 1967 en même temps que le Palais du Peuple, le cinéma Liberté (près du pont du 8 novembre à Conakry), d’une capacité de 1000 places, a été loué à M. Antonio Martins en 1998, par le grand frère de l’épouse du président Lansana Conté, surnommé « docteur ». Un contrat aurait été signé entre les deux parties pour que le nouveau propriétaire exploite la salle144. Le montant de la location-bail devait être dédié au cinéma, ce qui ne s’est jamais produit, les fonds étant détournés. Les doyens continuent de revendiquer l’octroi de ce fonds à la réhabilitation des salles, à la création d’une cinémathèque et d’une videothèque145. Des promesses ont été énoncées : l’octroi de moyens à l’ONACIG, mais pas à la Maison du cinéma, structure associative, créée en 2016. Le cinéma Liberté n’est pas trop dégradé, et M. Martins démarre progressivement des travaux de réhabilitation, souhaitant à terme en faire un lieu pluriculturel de spectacles. L’ancienne salle est toujours gardée par M. Abdou Bangoura, successivement projectionniste opérateur de Syli-cinéma, puis chef de cabine du cinéma « Le 8 novembre » en 1983, véritable gardien de la mémoire du cinéma. Il conserve précieusement quelques bobines « gâtées » 35 et 16 mm, et les photos de cette époque, soigneusement regroupées dans des albums. Les rares salles existantes ont désormais une vocation strictement commerciale. « Le Vox » à Kindia, construit par les colons, salle restée en l’état146, (sièges et guichet décatis) est aujourd’hui exploitée par des Libanais qui y diffusent matches

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Mohamed Camara, site guinee-culture.info ; août 2013 Mahmoud Konaté, janvier 2016 145 RV avec le secrétaire général de la culture le 4 mars 2016 146 C’est un bâtiment privé construit par un Français ou un circuit de distribution pendant la colonisation 144

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de foot et films « Bollywood147 », moyennant un prix par place de 1000 FG. A Conakry-Matoto148 et Dixinn subsistent des salles privées exploitées par des commerciaux, de manière ponctuelle. A Kankan, parmi les salles privées « le Vox » est géré par la famille Sassine149 depuis trois générations (le père de William Sassine, l’a transmise à sa fille, dont les enfants ont ensuite hérité).

Cinéma VOX à Kindia (Guinée Maritime), 2015

À Conakry, en mars 2015, le cinéma Le Rialto – qui avait été cédé à un commerçant - a été détruit. En 2016, le Cinéma Mimo, situé à Conakry-Matoto est le seul à être géré par un Guinéen, Bobo Dioulasso. 147

Films de qualité médiocre réalisés en Inde ; « Nollywood » est le même concept transposé au Niger 148 2016 : le Cinéma Mimo, situé à Conakry-Matoto est le seul à être géré par un Guinéen, Bobo Dioulasso. 149 Williams Sassine (né en 1944 à Kankan en Guinée, mort le 9 février 1997 à Conakry) est un écrivain guinéen francophone.

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4.

LES CINEASTES DES ANNEES 90 LES « ENTRE-DEUX

»

Exilés en France sous la Ière République, dans les années 70 et 80, ces cinéastes bénéficiant de la coopération Nord-Sud, ont tourné la plupart de leurs films en terre de Guinée. Ils expriment aujourd’hui que le problème prioritaire reste le financement, totalement dépendant des pays occidentaux. « Le fait d’avoir dit non à de Gaulle, on le paie encore maintenant (…) ». Par ailleurs, il existe un trou béant avec les jeunes générations. « Il faut aider notre culture, notre cinéma. Sinon demain la Guinée sera sans mémoire, sans culture et sans passé. »150 Enfin, Mohamed Camara et Cheik Doukouré, ayant joué dans des films avant de devenir réalisateurs, expriment que les acteurs africains ont été longtemps limités à des rôles subalternes « limités au critère physique d’avoir des muscles151 ». • David Achkar réalise en 1990, Allah Tantou152, (« Dieu Merci » en Soussou) un documentaire fiction retraçant à partir des lettres de son père Marouf Achkar, diplomate et chorégraphe des Ballets Africains, l’enfermement de celui-ci au sinistre Camp Boiro de 1970 à 1977, (il est décédé en 1978) avec photos de son père, et de rares images du camp Boiro. Vincent Bruyère153 qualifie ce film d’« épreuve mémoriale » : (…) Ainsi, diplomate emprisonné dans la pénombre des cellules du camp Boiro, Marof Achkar retrouve la lumière et son histoire dans les décombres du régime de Sékou Touré, et se réinscrit dans une mémoire filmique et filiale. » (…) « Ce film sur un « détail » de l’histoire guinéenne constituerait-il plutôt un témoignage sur l’acte mémoriel même, sur cette autre survivance qu’est la filiation ? » (…) A travers ces paroles éparses, à travers la reconstitution des scènes de torture et de faux aveux, dans la reproduction même du procès autobiographique inquisitorial, par la suggestion de l’humiliation subie et de la faim endurée, le film représente le dispositif de manipulation et de production d’une mémoire à 150

Cheik Doukouré entretien février 2015 Mohamed Camara entretien février 2015 152 Ce film est visible sur le site du mémorial camp Boiro. 153 L’Afrique fait son cinéma, regards et perspectives sur le cinéma africain francophone ; sous la direction de Françoise Naudillon, Janusz Pszychodrenet Sathya Rau 151

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l’œuvre ainsi que la logique proprement cathartique du régime de Sékou Touré, servant de palliatif et de dérivatif à la gestion désastreuse de son gouvernement. (…) .Allah Tantou se fait l’écho anonyme de la mémoire des autres condamnés dont on perçoit les tourments derrière les cloisons des cellules, quelque part dans une autre salle d’interrogatoire, accueillant en silence les portraits d’autres prisonniers exécutés auxquels le film est également dédié. » David Achkar a ensuite débuté les repérages pour un autre film le fleuve comme une fracture avec son ami Mama Keita. Mais il est mort brutalement d’un arrêt cardiaque. Pressentant sa mort, il avait confié à son ami la responsabilité de poursuivre le film qu’il a intitulé le fleuve (cf ci-après). • Mama Keita, né en 1956, à Dakar, au Sénégal, d’une mère vietnamienne et d’un père guinéen, a d’abord fait des études de droit à La Sorbonne. Puis il devient scénariste et s’oriente dans la réalisation. Il signe plusieurs courts métrages : Le Cafard (1981), L’Oriental (1982), Opus (1985) et Une étoile filante (1998), portrait du cinéaste David Achkar, son ami et collègue disparu. En 1990, il signe Ragazzi, son premier long métrage, suivi de Le 11ème commandement en 1997. Le Fleuve a reçu le Prix de la Presse au Festival du film de Paris, en 2003. Métaphore, Le Fleuve questionne la source et rend un virulent hommage au métissage. C’est aussi l’histoire de son auteur, Mama Keïta, franco-guinéen, et de son ami cinéaste, David Achkar. Enfin, L’Absence obtient le Prix du meilleur scénario FESPACO en 2009. • Cheick Doukouré, né en 1943 à Kankan, a quitté la Guinée à pied, fin 1962, comme beaucoup de lycéens, suite au « complot des enseignants » dont il a subi les exactions en tant qu’élève. Il arrive en France en 1964. Il s’inscrit à la Sorbonne, en lettres modernes et parallèlement au Cours Simon puis au Conservatoire de la rue Blanche. Il entame une carrière de comédien et tourne avec des réalisateurs comme Michel Audiard, Jean-Pierre Mocky, Francis Girod. Au théâtre, il joue dans des pièces mises en scène par Patrice Chéreau, Robert

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Hossein, Pierre Mondy... En 1977, il écrit le scénario de Bako, l’autre rive et en 1985 co-écrit Black Mic-Mac. En 1991, il entame une carrière de réalisateur avec Blanc d’ébène154 En 1993, Cheik Doukouré obtient une reconnaissance internationale grâce à l’immense succès de son film Le ballon d’or, toujours diffusé en salles à ce jour. En 2001 il réalise « Paris selon Moussa », sur l’immigration en France : « Les personnages, hantés par l’idée de leurs racines, souffrent d’isolement dans une culture qui leur est étrangère déclenchant des processus d’hybridation, d’imitation et même de parodie. »155 • Mohamed Camara, né en 1959 à Conakry, est cinéaste de profession, et directeur de la Bibliothèque nationale de Conakry depuis la fin 2016. Il aurait pu être un grand économiste ou un banquier, mais le destin en a décidé autrement. Sa passion l’a conduit vers le plus complet des arts, le cinéma. C’est en 1982 que le jeune Camara quitte la Guinée pour l’hexagone où il va faire de brillantes études en informatique et gestion des banques à l’Université Paris 10 Nanterre, puis à l’atelier Blanche Salant (Paris). Devenu scénariste, comédien. Il a travaillé à plusieurs reprises avec René Féret, cinéaste français. S’il n’est pas le plus connu des cinéastes guinéens, il reste le plus récompensé sur la scène internationale. L’homme a gagné 50 grands prix dans le monde, dont le grand prix du FESPACO et dans les années 1990, le grand prix international de courtmétrage et le prix de la presse internationale de ClermontFerrand pour Denko .

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source : images francophones L’Afrique fait son cinéma, regards et perspectives sur le cinéma africain francophone ; sous la direction de Françoise Naudillon, Janusz Pszychodrenet Sathya Rau ; Ed. Mémoires d’encrier, Québec, 2006. 155

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Entre autres, il est l’auteur de quatre films remarquables à savoir : - Dakan, premier long-métrage de fiction à aborder le thème de l’homosexualité en Guinée : les amours de deux jeunes garçons âgés de vingt ans, dans une grande ville africaine, bouleversent une société régulée par les tabous et les interdits… - Deux moyens métrages, Denko sur l’inceste en 1992 : dans un petit village africain, Mariama, pauvre et abandonnée, rejetée de tous, habite à l’écart des autres cases… - Minka en 1994 sur le suicide des enfants. Qualifié de provocateur, parfois menacé, Mohamed Camara explique qu’il montre dans ses films les réalités de son pays. - Balafola, court-métrage en 2000 raconte l’histoire de Balla, jeune Guinéen joueur de balafon. Lors d’une tournée en France, il découvre par hasard le testament de son père. Il a aussi réalisé des films documentaires sur les grands orchestres guinéens, avec des témoignages pathétiques. Ce sont : Balla et ses Baladins, Bembeya Jazz, Les Amazones, Horoya band national et Keletigui et ses Tambourinis. Il a par ailleurs été membre du jury au Festival de Venise en 1993. De 2009 à fin 2016, Mohamed Camara a été le Directeur Général de l’ONACIG (Office national du Cinéma de Guinée) auquel il a tenté de donner une nouvelle dynamique malgré la précarité des moyens mis à disposition. • Gahité Fofana a étudié la littérature et le cinéma à Paris. Il s’est principalement distingué en tant que documentariste. Il a réalisé Mathias ou le procès des gangs ; documentaire, en 1997 : Mathias fait partie de la cinquantaine d’adolescents qui ont semé la terreur en 1994 à Conakry la capitale guinéenne. Gahité FOFANA fait son portrait à travers le procès retransmis à la télévision. Un matin bonne heure obtient le Prix des Nations Unies pour la promotion des droits de l’enfant au FESPACO en 2007.

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Synopsis : à Conakry, deux enfants ont tenté le grand voyage. Ils avaient ramassé tout ce qu’ils pouvaient comme habits chauds, mais ne savaient pas qu’il ferait plus que froid dans le train d’atterrissage où ils se sont cachés. Yaguine Koïta et Fodé Tounkara ont été retrouvés morts le 2 août 1999 à Bruxelles. Ils avaient laissé une lettre à l’intention « des membres et responsables d’Europe » : « Nous avons l’honorable plaisir et la grande confiance de vous écrire cette lettre pour vous parler de l’objectif de notre voyage et de la souffrance de nous, les enfants et jeunes d’Afrique. » Et ils poursuivaient par ce cri : « Aidez-nous, nous souffrons énormément en Afrique, nous avons des problèmes et quelques manques au niveau des droits de l’enfant. » Le long métrage IT (Immatriculation Temporaire) reçoit le Prix spécial du Jury au Festival International du Film Francophone de Namur 2001. Par ailleurs, sollicité par le directeur du Centre de ressources audiovisuelles de Guinée (CRAG), Gahité Fofana, a fait des recherches approfondies dans les laboratoires européens pour retrouver les négatifs originaux des films de Moussa Kemoko Diakité, films qui ont fait l’objet d’une rétrospective au festival international du cinéma de Lille en 2011. • El Hadj Alseny Tounkara est né en 1942. Devenu enseignant à l’école primaire de Wourous, il est inquiété en 1961 lors du « complot des enseignants ». Il fuit la Guinée à pied pour partir en France où il suit des études universitaires de sociologie à Toulouse. Il a exercé les fonctions de Bibliothécaire à Dakar avant de revenir en Guinée en 1973 et enseigner l’histoire au lycée de Fria puis servir au Ministère de l’Information dans le secteur du Cinéma. Depuis lors il exerce le métier de réalisateur. Il a notamment été assistant-réalisateur de Naïtou, a tourné en 1981 Mercedes, un court-métrage sur la corruption, interdit dès sa sortie… « Pour obtenir une licence d’importation, un fonctionnaire indélicat verse une forte somme d’argent à son propre ministre. Or, celui-ci est démis de ses fonctions. Le fonctionnaire menacé par ses commanditaires doit vendre sa

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Mercedes pour reconstituer la somme et tenter de corrompre le nouveau ministre. » Mercedes a été enfin projeté en Guinée, à l’occasion du second Festival du 1er film 2015, et se révèle d’une cuisante actualité. Il continue à réaliser des films à petit budget, car « Nous devons ramener nos ambitions à nos moyens », par exemple, Tempête dans la cité, réalisé en 2014, décrit la situation de Fria, après 3 années d’arrêt des l’usine de bauxite. Alseny Tounkara a mis fin à ses fonctions d’enseignement à l’ISAG de Dubréka en septembre 2016, du fait de la fatigue engendrée par les déplacements et le peu de motivation des étudiants. Il se consacre désormais à l’écriture de livres et de scénarii. • Cheick Fantamady Camara, se revendique autodidacte. Né en 1960 à Conakry, il a suivi l’enseignement de l’école de cinéma à Ouagadougou, formation qu’il a financée en vendant des gâteaux. Il s’installe ensuite à Paris, et revient régulièrement en Guinée. Il travaille ensuite comme assistant réalisateur avec plusieurs cinéastes africains, il participe aux tournages de La Genèse de Cheick Oumar Sissoko, de Dakan de Mohamed Camara et de Macadam Tribu de Zeka Laplaine. En 2000, il réalise son premier court-métrage Konorofili primé au Fespaco. Dans les années qui suivent, il met en scène deux autres courtsmétrages Little John et en 2005, Bé Kunko, prix du meilleur court-métrage au FESPACO, qui témoignent de la violence de la société guinéenne confrontée à l’afflux de milliers de réfugiés venus du Libéria et de Sierra Leone. En 2006, Cheick Fantamady Camara réalise son premier long métrage, Il va pleuvoir sur Conakry, primé dans une vingtaine de festivals à travers le monde, dont le prix du public au FESPACO, et le Prix du public décerné par Radio France internationale (RFI) et le ministère français des Affaires étrangères. Ce film illustre les problèmes politiques, sociaux et religieux qui rongent la Guinée, à travers l’histoire d’un jeune caricaturiste qui travaille dans un journal d’opposition et des relations avec son père, imam de la grande mosquée de Conakry3 :

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À partir du thème de l’amour entravé, Cheick Fantamady Camara passe au crible une société guinéenne morcelée, hésitant entre modernisme et tradition. Les aspirations de la jeune génération, progressiste et éprise de liberté, se heurtent à l’intransigeance des aînés, figés dans le respect de préceptes dépassés. Tour à tour léger, satirique et tranchant, le film dénonce l’obscurantisme religieux, téléguidé parfois, voire « manipulé” selon le réalisateur, par les pouvoirs en place. « Nous sommes issus de sociétés qui sont têtues. Les traditions, la religion, sont devenues un moyen d’asservir les populations », déclarait-il au site afrik.com à la sortie du film. En 2007, Cheick Fantamady Camara témoigne dans Mambety For Ever, un documentaire sur le cinéaste sénégalais emblématique Djibril Diop Mambéty. En juillet 2010, il débute à Dakar, au Sénégal, le tournage de son second long métrage Morbayassa. Compte tenu de la difficulté pour les cinéastes africains de produire leur film, Cheick Fantamady Camara sollicite pour la postproduction de ce film la contribution des internautes coproducteurs par le biais du site touscoprod.com. Dans ce film, le cinéaste travaille avec les principaux acteurs de son précédent long métrage, parmi lesquels : Fatoumata Diawara, Alexandre Ogou et Koumba Doumbouya. Morbayassa est sorti en salles en 2014. Choisi pour réaliser le documentaire sur « Conakry capitale mondiale du livre 2017 », Cheik Fantamady Camara décède le 6 janvier 2017 en France à l’âge de 56 ans. Une grande perte pour le cinéma guinéen.

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Cheik Fantamady Camara, février 2016. Collection privée.

• Laurent Chevallier, français, marié à une Guinéenne, a réalisé de nombreux films en Guinée et notamment sur la musique traditionnelle de Guinée. Il est passionné de musique Manding, et filme Djembefola, en 1992, le retour au pays d’un des plus grands joueurs guinéens de djembé, instrument du pays mandingue Mamady Keita ; L’enfant noir, d’après le livre éponyme de Camara Laye, 1995 : C’est l’histoire de Baba, « l’enfant noir » du film, qui joue une partition qui n’est pas la sienne, mais celle écrite par le réalisateur à partir de celle écrite par Camara Laye ; un jeune garçon quitte la brousse pour continuer sa scolarité dans la capitale, à Conakry. Il expérimente la séparation d’avec les siens, la solitude et la violence de la grande ville, le temps, le premier amour, le retour, tous aspects qui donnent au film sa dimension universelle. Baba est d’ailleurs le narrateur du film. Par une voix « off » qui est la sienne, on entre dans la fiction : « Un jour, un marchand d’or est arrivé dans mon village. Jamais j’aurais pu penser qu’à partir de là, ma vie allait changer... »156 La bande-son de ce film est à la fois captivante et magnifique. 156

Source : Wikipédia.

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Circus baobab, en 2001 : Un cirque acrobatique vient de naître à Conakry, trente garçons et filles enfants des rues, enfants déscolarisés ; danseurs et percussionnistes surdoués. Le 1er mars 2000, la troupe du Circus Baobab est prête à entreprendre sa première tournée à travers toute la Guinée. Une grande tournée, six semaines, trois villes, quatre mille kilomètres jusqu’au plus profond du pays. Curieux convoi hétéroclite couvert de latérite qui s’arrête au milieu d’un stade de brousse. Puis, comme par magie se dresse une immense scène d’où émerge un surprenant Baobab construit à partir de métal, de teck et d’acajou. Les premiers trapèzes y sont accrochés. Dans ce village où l’électricité est rare, brusquement les feux de la rampe s’allument. Une foule colossale est au rendez-vous pour l’Evènement. Les Djembés se mettent en branle, les danseurs jaillissent, les trapézistes volent, les acrobates se contorsionnent, les cracheurs de feu illuminent la nuit, les spectateurs n’en croient pas leurs yeux. Plus la tournée va s’enfoncer au cœur du pays, plus les jeunes acrobates citadins de la Troupe découvrent qu’un cirque, c’est aussi l’apprentissage de la vie. Momo le doyen, en 2007, illustre le parcours artistique de Momo Wendel, saxophoniste musicien, acteur incontournable de l’afro-beat. « Véritable roi du swing et de l’improvisation, Momo Wandel Soumah (1926-2003) était le doyen du jazz africain. Il créait sa musique sans l’écrire, en s’inspirant des chansons populaires, et en réunissant autour de sa voix " façon Louis Armstrong qui serait sorti de sa savane " et de son vieux saxo desséché, les grands maîtres des instruments traditionnels africains : kora, balafon, flûte pastorale, djembé, etc157. » Expérience africaine en 2009. Sur la trace de Kandia, en 2014. Kaâbi Kandia fils héritier du n’goni transmis par son père Sory Kouyaté Kandia, revient 157

Source : Télérama.fr.

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dans le village de son père… Ce film a obtenu le Prix Charles Cros 2015, symbole fort, puisque Sory Kouyaté Kandia avait lui-même obtenu le grand prix du Disque d’Or Charles Cros en 1970. L’ensemble de ces films, de bonne qualité, ont été coproduits par la France. Il serait réducteur et vain aujourd’hui de rejeter les financements du nord au nom d’un prétendu complot « néocolonial » de la France et de ses alliés de « l’exception culturelle ». Car la France, pour des raisons probablement liées à son histoire culturelle et à l’héritage de 1789, reste le champion de « la diversité culturelle » de l’humanité face à la monoculture du plus riche imposée par Hollywood. Pour cela, elle continue de financer les films africains, asiatiques, latinoaméricains et coproduit des films d’auteurs européens de l’Est comme de l’Ouest ».158 Par ailleurs, la France est le principal marché de distribution des films africains (…) « bien que souvent réduite aux strapontins159 ».

158

Afriques 50 ; Singularités d’un cinéma pluriel ; collectif dirigé par Catherine Ruelle, en collaboration avec Clément Tapsoba et Alessandra Speciale ; Ed. L’Harmattan ; 2005. 159 http://www.nonfiction.fr/article-677-samba_le_berger.htm ; 2008.

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LE CINEMA GUINEEN AUJOURD’HUI, ÉTAT DES LIEUX

5.1. LA FORMATION L’Institut Supérieur des Arts de Guinée a ouvert le 1er mars 2004 à Dubreka, à 55 km de Conakry, dans le cadre de la décentralisation de la formation supérieure. Accessible après le bac, ses filières, cinéma, art dramatique, musique, danse et beaux-arts, ont pour objectif de former des artistes capables de maîtriser le mécanisme de la création artistique, de la conception d’une œuvre musicale, picturale ou cinématographique. Depuis l’ouverture, l’ISAG est confrontée à des difficultés : manque de professeurs nationaux qualifiés ; insuffisance d’infrastructures et d’équipements adéquats pour les cours, y compris les travaux pratiques. Par ailleurs, de nombreux étudiants orientés vers l’ISAG n’avaient pas opté pour la culture et ne sont pas motivés, d’où un absentéisme fréquent aux enseignements. En effet la procédure d’orientation des bacheliers vers un cursus d’études supérieures est contraint : seuls les étudiants ayant obtenu une mention « très bien » ou « bien » au baccalauréat obtiennent satisfaction dans leur choix de filière d’études supérieures. Pour les autres, la répartition entre les disciplines est totalement aléatoire. En outre, l’unique filière cinéma de l’ISAG ne permet pas d’aboutir à un statut professionnel reconnu. Ceux qui le peuvent finalisent leurs compétences avec un Master 1 à Niamey (Niger) puis avec un Master 2 à St Louis (Sénégal). Les cinéastes doyens Sékoumar Barry, Alseny Tounkara, Moussa Kémoko Diakité ont enseigné auprès des étudiants de la section cinéma de l’Institut Supérieur des Arts de Guinée à Dubreka, devant des salles quasi désertes (2 à 3 étudiants) pendant 12 ans. Ils ont mis fin à ces fonctions d’enseignement à l’ISAG en septembre 2016, du fait de la fatigue engendrée par 107

les déplacements et du peu de motivation des étudiants. Les films réalisés sont des parodies de comportements occidentaux, « il n’y a que la couleur de la peau qui reste africaine »160. Le contexte sociologique d’une corruption endémique gangrénant tous les secteurs du pays peut-il être un élément d’explication à cette mentalité ? (tout s’achète, même les diplômes). « Un grand défaut ici : le Guinéen pense qu’il n’a pas besoin d’apprendre, qu’il sait tout. Il y a amalgame total entre réalisateur, caméraman, son, script, etc. Or, le cinéma c’est d’abord le travail d’une équipe. » (Mohamed Camara) Propos tenus également par Moussa Touré sur les jeunes du Sénégal (…) :« cette jeunesse d’aujourd’hui qui n’a pas envie d’apprendre »161... Le constat de méthodes de formation dépassées, au contenu théorique incomplet (les cours sur « l’histoire des cinémas du monde » n’inclut pas la Guinée…), des moyens matériels et humains insuffisants, pose la question des investissements que l’Etat met ou non pour la formation professionnelle à l’art du cinéma. Pour Mohamed Camara : « Le manque de professionnalisme est évident ». Alseny Tounkara va plus loin : « c’est l’école de la médiocrité ». Pour illustrer ces propos, il existe en 2015, un seul ingénieur du son compétent, autodidacte, pour tout le pays, qui s’est formé à l’occasion des tournages réalisés en Guinée. Billy Touré a quitté l’école pour se rendre utile sur ces tournages. Encouragé par Laurent Chevallier, celui-ci l’a orienté vers une formation professionnelle en électricité industrielle, pour parfaire ses connaissances techniques. Billy poursuit l’ingénierie du son sur les films ; cependant, il reconnaît manquer de connaissances théoriques. Motivation et persévérance sont un moteur nécessaire pour faire du cinéma aujourd’hui en Guinée. 160

Sékoumar Barry entretien 4 février 2017 http://www.imagesfrancophones.org/ficheGrosPlan.php?no=13935 ; janvier 2017 161

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L’impact des images reste vivace : l’essor du numérique et l’absence de réseau de distribution organisé, font que les marchés pullulent de vidéos médiocres, parmi lesquelles se distinguent quelques chefs-d’œuvre potentiels, mais l’ONACIG est dans l’incapacité de subventionner des films même lorsque leurs sujets rentrent théoriquement dans ses missions. (…)Mais ce qui est surtout visible c’est le manque de moyens. On ne peut pas faire un film sans investir, ça demande beaucoup de moyens. Ces jeunes qui font des films, ils sont techniquement au point, mais ils utilisent des moyens rudimentaires. S’ajoute à cela, l’absence de bons techniciens : ingénieur de son, électro ou ingénieur caméraman de cinéma. Malgré tout, le niveau du cinéma guinéen est acceptable. Le problème de la nouvelle génération des cinéastes, c’est que leurs œuvres ne sont pas vendues. Or, cela devrait permettre à la Guinée d’être connue sur le plan culturel. Ce qui pourrait être bénéfique pour elle. La piraterie incontrôlable est aujourd’hui le plus grand mal du cinéma guinéen162. Par exemple, les vidéos-clubs (lieux de projection utilisant des vidéos piratées) existent sur tout le territoire. Alors qu’au Nigeria la majeure partie des vidéos-clubs sont répertoriés par le gouvernement et paient à l’État les taxes et redevances nécessaires.163

5.2. LE PASSAGE D’UN CINÉMA D’ETAT AU SECTEUR PRIVÉ

La consigne adressée aux cinéastes sous la IIème République était : « débrouillez-vous », sans mesures d’accompagnement, ni créneau de financement. 162

Source : https://www.facebook.com/lecinemaguineen. Afriques 50 ; Singularités d’un cinéma pluriel ; collectif dirigé par Catherine Ruelle, en collaboration avec Clément Tapsoba et Alessandra Speciale, Ed. L’Harmattan ; 2005. 163

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A titre d’exemple, après avoir dirigé de 1986 à 1992 l’Office guinéen de publicité dont il est le fondateur, Moussa Kémoko Diakité réalise des films institutionnels et assure les productions exécutives de tournages en Guinée comme L’enfant noir de Laurent Chevallier ou I.T. (Immatriculation Temporaire) de Gahité Fofana en 2000. Pour subsister au quotidien, afin de « faire manger sa famille », il réalise des films publicitaires. En effet, même la demande de documentaires institutionnels leur échappe aujourd’hui, le marché est devenu « captif ». Tous les cinéastes « entre-deux » déplorent la disparition des salles ; parallèlement le développement de la télévision (qui diffuse des séries « de l’extérieur », Brésil, etc.) et des vidéoclubs participent à la disparition de la « culture cinéma ». « On ne peut pas parler de cinéma sans salles. 80 % des Guinéens ne savent pas ce qu’est une salle de cinéma : un espace de rencontre, de partage, de convivialité. « Aujourd’hui, les jeunes ne se retrouvent que dans les maquis164. » (MKD) « Alors que la Guinée est un pays de culture (...) Et que la culture est le vecteur de communication le plus efficace. » (Mohamed Camara)165 « le cinéma, ce sont les cours du soir. » (Moussa Kémoko Diakité) « Les jeunes n’ont plus de repères culturels ni identitaires. Pour la musique par exemple, ils « copient » (…) Le cinéma a son importance pour la transmission de la culture Seule une volonté politique pourra faire renaître le cinéma en Guinée166. »

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Maquis : bars qui servent de l’alcool. MC : Mohamed CAMARA ; MKD : Moussa Kemoko Diakité. 166 Mahmoud Konaté, 2013. 165

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DES PETITS PAS… QUELQUES INDICATEURS DE REPRISE

6.1. LES INITIATIVES GUINÉENNES - l’Institut Supérieur des Arts de Guinée a tenté la mise en œuvre d’un ciné-club en mars 2015 : « Sur initiative du ministre d’État chargé de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique Bailo Téliwel DIALLO, l’Institut Supérieur des arts de Guinée, est maintenant doté d’un ciné-club. Le baptême de feu de ce ciné-club a eu lieu le week-end passé dans la salle polyvalente dudit Institut. »167Mais il n’a pas duré : « en Guinée on applaudit les initiatives, mais on enterre les initiateurs168 ». - En 2007, la RTG initie une émission hebdomadaire thématique sur le cinéma « Clap »169. De nombreux cinéastes guinéens y ont été invités, ainsi que les réalisateurs étrangers effectuant leur tournage en Guinée. - En 2014, une Commission culturelle est créée à l’Assemblée Nationale de Guinée. Elle dispose de fonds170 dédiés à la relance du cinéma, fonds géré par le Ministère des Finances. Bien que cette commission soit déjà, semble-t-il noyautée par d’autres Ministères (Jeunesse, éducation…) : le 7 juillet 2015 : « Ce sont des cinéastes guinéens particulièrement remontés qui ont fait leur sortie ce lundi à la Maison de la presse de Coléah. Déjà amers du fait du peu de considération de leur corporation par les autorités, ils accusent certains responsables du département en charge de la culture de siphonner les maigres revenus qu’ils tirent des productions qu’ils réussissent péniblement à mettre sur le marché. (…) Outre la tendance qui consiste à rançonner les distributeurs des œuvres cinématographiques, les responsables 167

(Source : https://www.facebook.com/lecinemaguineen). Sansy Kaba, directeur de L’Harmattan Guinée, 2017. 169 Animée par Sano Alhassein et Fatoumata Alpha Bah. 170 Projet de décret écrit par Mahmoud Konaté. Ce fonds serait alimenté par la location-bail cédée à M. Antonio Martins (propriétaire du Martins Lounge Bar S contigu, 168

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en charge de la culture en Guinée seraient coupables, aux yeux des cinéastes, d’une mauvaise gestion des maigres recettes engrangées par le département. À ce propos, Ibrahima Aminata Kaba, président de la Coordination nationale des producteurs et réalisateurs de l’audio-visuel (CNPRIA-GUINEE) met en doute la gestion des 200 millions de GNF versés annuellement par le MLS louange Bar, au titre des frais d’occupation d’une partie du cinéma Liberté. Selon lui, ce montant, au lieu d’atterrir dans les caisses du département, iraient tout droit dans les poches du ministre et de certains de ses collaborateurs. » Ibrahima Kindi BARRY 171 - Depuis 2014, un Festival172 récompense les meilleurs premiers courts-métrages. Il a été initié par la société de production d’un jeune réalisateur, Noël Vâgbanan et des étudiants motivés de l’ISAG, pour créer une industrie du film. En 2016 il devient « Festival de la création cinématographique » et ouvre la compétition à tous les pays d’Afrique ainsi qu’à la diaspora. Au-delà des projections, il propose des ateliers, sur le thème de la production, sur l’écriture de scénario, etc. En 2017, la quatrième édition du Festival sera placée sous le thème « littérature et cinéma », pour s’inscrire dans l’événement « Conakry, capitale mondiale du livre 2017 ». - En 2015, trois jeunes ont créé leur propre société de production, ce qui chiffre à cinq le nombre total pour le pays, au 1 er juin 2016. Ces sociétés de production ne subsistent que parce que leurs gérants exercent une autre activité rémunératrice, mais elles sont le signe d’une réelle motivation à « réanimer » le cinéma en Guinée. Un réseau informel de distribution de films amateurs existe : il regroupe les vendeurs de vidéos du marché de Madina, qui vend ses DVD dans tout le pays. 171

http://www.ledjely.com/2015/07/07/cinema-guineen-les-acteurs-se-disentvictimes-darnaque-et-descroquerie/ 172 Financé en partie par l’ambassade des E-U, et soutenu par la Cinémathèque Afrique de l’Institut français

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- En juin 2015, une « Maison du cinéma » est créée. Sise à Kipé, elle est gérée par la Fédération des cinéastes, la fédération panafricaine du cinéma (FEPAC) et deux sociétés de production. Ce lieu propose conseils et ressources aux jeunes désireux et motivés pour apprendre la réalisation, et des ateliers d’écriture de scénario. En février 2016, un atelier d’écriture de scénario a été animé gratuitement par Cheik Fantamady Camara - Les 25 et 26 septembre 2016, la société de production naissante « Les greniers de l’ombre173 » du réalisateur Thierno Souleymane Diallo, a organisé « Les jours du doc » au CCFG. Au programme six films de jeunes réalisateurs d’Afrique de l’Ouest, Voyage vers l’espoir moyen-métrage de TS Diallo, et Mam Koumba d’Alioune Diop ont été projetés, et suivis d’un débat sur le thème de « la mémoire et les nouvelles technologies ». Thierno Souleymane Diallo est un réalisateur 100 % Guinéen. Né en 1983, il suit après le bac (lycée Yimbaya de Conakry) la filière cinéma à l’ISAG. Il obtient par la suite le Master 1 en réalisation Documentaire de Création à Niamey, (Niger) en 2012, puis le Master 2 Réalisation documentaire de Création à Saint-Louis (Sénégal) en 2013. Il a réalisé Voyage vers l’espoir moyen-métrage de fin d’études, en 2013, qui a obtenu à l’unanimité le premier Prix de réalisation du « Festival du premier film » en 2014, et a été primé également au Festival d’Amiens en France. En 2016 le long-métrage Un Homme pour ma famille, Quand l’objet raconte son histoire, Synopsis : Mon père est mort il y a huit ans et pourtant, il ne cesse de m’apparaître en rêve. Il me transmet des messages que j’arrive parfois à décoder : en fait, il est inquiet que la famille soit divisée à cause d’un terrain qu’il a vendu avant sa mort. Pour que son âme repose en paix, la tradition peule recommande que j’organise le sacrifice d’une vache… 173

Créée en 2016.

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Ce film de 58 mn a été sélectionné aux Festivals de Louxor (Egypte), de Nouméa (Nouvelle-Calédonie) et de Lyon (France). Thierno S. Diallo a été sélectionné à la résidence d’écriture de documentaire à Bobo Dioulasso (Ouagadougou) en 2016, pour le documentaire Au cimetière de la pellicule. Du 8 au 10 décembre 2016, il participe avec des professionnels du documentaire à l’initiative du réseau africadoc174 à Saint-Louis du Sénégal pour un Tënk, mot wolof qui veut dire « résumé », équivalent du « pitch », pratiqué dans le cinéma : des réalisateurs africains présentent leur projet de film, accompagnés de leur producteur africain et du formateur qui les a suivis durant leur résidence d’écriture. Thierno Souleymane Diallo a débuté sa présentation par une minute de silence « pour les films qui sont morts ». « Thierno Souleymane Diallo n’a pas froid aux yeux. Diplômé du master en 2013, il intitulait son film de fin d’étude Voyage vers l’espoir et interrogeait sous des angles originaux ce qui peut permettre à son pays, la Guinée, de décoller. Avec Matricule 60 076, il permettait à un ancien tirailleur et soldat guinéen de revenir sur sa vie dramatique. Dans Un homme pour ma famille, il trimbale une vache durant tout le film pour le sacrifice traditionnel qui permettrait la réconciliation de sa famille. Son projet Au cimetière de la pellicule présenté au Tënk est sans doute le plus physique de tous : à la recherche du premier film guinéen tombé dans l’oubli et au contenu incertain, il interroge le regard des autres sur ce que peut être le cinéma. Il compte là encore s’investir corps et âme, le film se faisant performance artistique pour déclencher les réactions. Car tous ces jeunes réalisateurs se demandent un jour s’ils ont fait le bon choix : tant d’énergie pour des films de faible diffusion, les télévisions n’étant pas sensibles au documentaire 174

Africadoc est un réseau panafricain du documentaire porté par de jeunes professionnels (auteurs et producteurs) et leur désir de création depuis 2002, mis en place par Ardèche Images et Dakar Images.

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de création. De création ? Oui, car ces films revendiquent une vision, une esthétique permettant un échange de regards avec le spectateur, et dépassent ainsi le reportage tout en tournant le dos au formatage. C’est ainsi qu’ils espèrent toucher en profondeur, faire bouger les consciences et partant leur société. »175 Enfin, il lui est difficile de légitimer son statut de cinéaste dans un pays où le cinéma, pour ne pas dire la culture, est la dernière roue du carrosse.

6.2. LES INITIATIVES PRIVÉES FRANÇAISES 6.2.1. DE NOUVEAUX LIEUX DE PROJECTION Le concept des « Blue zones » Alimentées par de l’énergie solaire stockée dans des batteries, les blue zones accueillent des espaces éclairés multifonctionnels, avec de l’eau potable, des centres de santé, d’écoute et de prévention pour les jeunes, une école où des cours de e-learning pourront être dispensés, des activités sportives, des ateliers pour les artisans, et un espace couvert adapté pour des projections. La première « bluezone » de Guinée a été inaugurée jeudi 12 juin 2014, par le président de la République Alpha Condé et Vincent Bolloré, président du Groupe Bolloré (Bolloré Africa Logistics et Blue Solutions) concepteur des bluezones. Première du genre dans le pays d’Afrique de l’Ouest, elle est située à Kaloum, la presqu’île de Conakry où se trouve également le port de commerce.176 Une seconde située à Dixinn a été inaugurée le 8 octobre 2015. « Cet espace sis dans le quartier Dixinn Gare est la deuxième Bluezone ouverte en République de Guinée dans le souci de fournir aux riverains de l’électricité de façon continue, de l’eau potable, de l’internet illimité, des installations culturelles et 175

Olivier Barlet, africultures 24 décembre 2016 http://www.jeuneafrique.com/9260/economie/bollor-offre-sa-premi-reblue-zone-la-guin-e/ 176

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sportives, des services d’éducation dans le but d’accélérer le développement énergétique, économique et social de la Guinée. Dans les locaux, se trouve un incubateur d’idées, espace réservé aux jeunes entrepreneurs. « (…) Cet outil servira à la jeunesse guinéenne pour s’exprimer et créer des sociétés », explique le Directeur pays de Bolloré Africa Logistics, Jean Michel Maheut. Pour rappel, le premier démonstrateur de cette solution énergétique « Bluezone » créé à Kaloum compte de nos jours 10.000 abonnés et a permis de développer des pôles d’activités économiques et sociales destinés en priorité aux générations de moins de 35 ans. Ces espaces de vie font la preuve au quotidien de leur capacité à répondre aux besoins des populations. Devant le succès rencontré, les demandes se multiplient pour la création de nouveaux espaces de vie. C’est dans cette optique que 50 Bluepoints et Bluezones disposant de la même technologie, seront déployés sur l’ensemble du territoire national au service de tous les Guinéens. »177 6.2.2. UNE SALLE DE CINÉMA « L’OLYMPIA » À KALOUM « 10 janvier 2017 : dotée d’équipements de projection et de sonorisation numériques modernes, la salle Canal Olympia à Kaloum du groupe Vivendi a été inaugurée en présence du président de la République et de membres du gouvernement. D’une capacité de 300 places, elle est la toute première d’un réseau de salles de cinéma et de spectacle que Vivendi ouvrira dans différents pays de l’Afrique de l’Ouest et du centre au cours des prochains mois. (…) L’occasion a été mise à profit pour rendre hommage à plusieurs pionniers du cinéma guinéen notamment Cheick Fantamady Camara, réalisateur décédé la semaine dernière à Paris, et le doyen Sékoumar Barry. 177

http://guineenews.org/alpha-conde-inaugure-la-deuxieme-bluezone-deconakry/

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Canal Olympia de Kaloum propose 3 séances de cinéma quotidiennes à 14h, 17h et 20h du mardi au dimanche avec de nouveaux films qui sortiront le plus souvent en même temps qu’en France. Une journée entière sera consacrée chaque mois au cinéma africain ou de Nollywood. Le prix d’entrée est fixé à 15.000 francs guinéens et le tarif avant-première à 80.000 francs guinéens, selon nos informations. »178

6.3. UN SOUTIEN POTENTIEL DE L’ÉGYPTE Le 14 février 2017, l’ONACIG a reçu l’ambassadeur d’Égypte « Mohamed FATHI, ambassadeur de l’Égypte en Guinée a fait savoir qu’il a convenu avec le ministre guinéen de la Culture, que l’année 2017 serait l’année des relations culturelles entre la Guinée et l’Égypte. Il s’est dit surpris de constater que la Guinée n’a pas une grande industrie cinématographique alors qu’elle est connue pour sa grandeur culturelle : «Personnellement, j’ai du mal à imaginer qu’un pays aussi grand que la Guinée, qui a aussi une grande culture, n’a pas jusqu’à présent une grande industrie du cinéma.» C’est pourquoi il a promis aux cinéastes et photographes guinéens d’œuvrer pour la revalorisation du cinéma guinéen : «s’il plaît à Dieu, il y aura une coopération dans le domaine des bibliothèques, musées, musique et surtout dans le domaine du cinéma. On va essayer, selon les possibilités, d’envoyer le cinéma égyptien en Guinée. On va prendre certaines personnes qui étudient ou qui travaillent dans le domaine du cinéma pour aller en Egypte. On va essayer d’organiser des stages de formation pour les étudiants et les travailleurs dans le domaine du cinéma. Dans un futur proche, on va essayer de faire la base de la construction du cinéma guinéen. Durant l’année 2017, je voudrais que des responsables, des artisans, des travailleurs dans le domaine du cinéma puissent aller voir les studios 178

Boussouriou Doumba, pour VisionGuinee.Info.

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égyptiens et essayer de créer des studios en Guinée. Je vous promets que je ferai tout le possible pour que la Guinée participe au Festival du cinéma international au Caire à la fin de cette année. »179

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http://guineenews.org/culture-lambassadeur-degypte-en-guinee-promet-detirer-le-cinema-guineen-de-sa-torpeur/.

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EN CONCLUSION Pour élargir cet état des lieux de la vie cinématographique en Guinée à la place et aux enjeux de la culture, je soumets au lecteur plusieurs réflexions énoncées par des cinéastes et intellectuels africains : « Nos Etats n’ont jamais pris conscience que la crise d’aujourd’hui est une crise culturelle. Ils n’y voient qu’une crise économique. Nous ne pourrons jamais nous développer tant qu’on ne développe pas notre culture : c’est là qu’est la santé dans l’homme » Souleymane Cissé, lors du FESPACO 1991 ; cinéaste malien, formé au VGIK de Moscou, réalisateur entre autres films de Finyè (Le Vent) en 1982. - Le 25 mai 2014, à l’occasion d une conférence à « la Bellevilloise » à Paris sur le thème : « Face à la crise, la Culture africaine : Quelle formation ? Quelles œuvres ? - Pour quels publics ? – Quels circuits de diffusion ? - Quels financements ? » Souleymane Koly, ancien conseiller au Ministère de la culture en Guinée, préconisait : « Cette crise ne pourrait-elle pas être saisie comme une opportunité pour une remise à plat et un recentrage des politiques culturelles africaines (quand elles existent). Ce qui aurait dû être fait immédiatement après l’accession à l’indépendance… .» - En 2016, Achille M’Bembé (Camerounais) historien et politologue180, tente une réponse à la question : Existe-t-il encore une culture ?

180

Télérama n° 3462, 18 mai 2016 ;

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« La culture c’est ce qui nous survit, ce qui nous permet d’inscrire la fragilité de l’humain dans la durée, d’entrer dans une forme de permanence alors que tout n’est que précarité. » - De Louis Emgba Mekongo, intellectuel camerounais : (…) « C’est la culture qui conditionne le développement. Sans une solide culture nationale, aucun développement humain n’est possible. Le tort de l’Africain est d’avoir confondu la culture avec l’instruction. Celle-ci accompagne celle-là et lui permet d’étendre ses racines. Mais par elle-même l’instruction ne précède guère la culture et ne saurait se substituer à elle. Cet ordre naturel des choses a été renversé après les indépendances. De cette conception erronée est née la dégradation des valeurs millénaires africaines. Au lieu des métis culturels que Senghor voulait faire naître en Afrique, celle-ci n’a su produire que des bâtards culturels. »181 Et « La culture c’est notre terreau. » - Alhassane Cherif, ethnopsychanalyste guinéen.

181

Afriques sans foi ni loi ; Ed La Bruyère ; 1990 ; p. 247

122

BIBLIOGRAPHIE

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124

Naudillon, Janusz Pszychodrenet Sathya Rau ; Ed. Mémoires d’encrier, Québec, 2006 - Afriques 50, singularités d’un cinéma pluriel ; ouvrage collectif sous la direction de Catherine Ruelle, en collaboration avec Clément Tapsoba et Alessandra Speciale ; Ed. L’Harmattan ; 2005 - Guinée, bibliographie commentée ; Ministère de la Coopération et de développement ; Coll. Réseaux documentaires sur le développement ; Paris 1993 - La politique culturelle de République de Guinée ; Ministère de l’Education et de la Culture de l’UNESCO ; Paris UNESCO ; 1979 ; 92 pages ; http://unesdoc.unesco.org /images/0013/001341/134151fo.pdf - Jeune Afrique Plus n°8 juin 1984, p.41 - Saving Bruce Lee ; african and arab cinema in the era of soviet cultural diplomacy (a prologue) ; Juin à août 2015 ; http://cdn-staticgaragemca.r.worldssl.net/storage/tinymce_asset/80/file037df681-a181-4a49-9e06-b66068a96f24.pdf - Rapport de la mission AVRE183 de janvier à novembre 1985, docteur Hélène JAFFé - Dictionnaire du cinéma africain ; Association des 3 mondes » ; Ministère de la coopération et du développement ; France ; 1991 -Dictionnaire : Les cinémas d’Afrique ; association des trois mondes FESPACO, Ed Karthala-ATM ; 2000. - Catalogue de films ethnographiques sur l’Afrique noire ; UNESCO ; 1967 Divers - Sites internet : www.africultures ; www.africine.org ; www.webguinee.net ; guinee-culture.info ; visionGuinee.Info ; www.nonfiction.fr (le quotidien des livres et des idées)

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Association pour les Victimes de la Répression en Exil

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- Documents radiophoniques : série d’entretiens menés en 2015, 2016 à Radio Djoliba sur MK Diakité par Alphamady Traoré Et sur RFI184 ; http://m.rfi.fr/emission/20160730-le-mimodernier-cinema-guineen Les publications de Paulin Soumanou VIEYRA né à PortNovo, Bénin en 1925 ; historien du cinéma africain, décédé en 1987 : - Le film africain d’expression française, African Arts, vol. 1, n° 3, printemps 1968 - Le Cinéma et l’Afrique, Paris, Présence africaine, 1969, 218 pages. - Le cinéma africain, tome 1 : Des origines à 1973, Paris, Présence Africaine, 1975, 444 pages. Quelques images d’archives dans les films : « Momo le doyen » de Laurent Chevallier ; 2006 ; Sombrero productions (www.sombrero.fr.) Images de la période Sékou Touré et le faste de la troupe nationale des Ballets « Françafrique, 50 années sous le sceau du secret », de Patrick Benquet, conseiller historique Antoine Glaser , coproduction avec l’NA. Images du « non » de Sékou Touré à de Gaulle, du voyage de Valery Giscard d’Estaing en Guinée, etc. « Allah Tantou » (« Dieu Merci ») de David Achkar un documentaire fiction retraçant à partir des lettres de son père Marrouf Achkar, l’enfermement puis la disparition de celui-ci au Camp Boiro, (avec photos de son père, historien et du cinéma, et images du camp Boiro).

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Radio France International.

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Collection Abdou Bangoura

FILMOGRAPHIE DE SYLI-CINÉMA Il s’agit essentiellement de documentaires sur la vie économique, la société… Peu de fictions. Le premier film documentaire sur la Guinée fut réalisé en 1958 par l’URSS : La Guinée indépendante AKIN Mohamed Lamine (par ailleurs membre des Ballets africains) : Le sergent Bakary Ouèlen ; 1966, 100 mn ; scénario de Emile Cissé, interprète principal Moussa Kémoko Diakité. De retour de France, le sergent Bakary réclame la fiancée qu’il avait choisie. Mais celle-ci refuse ce mariage imposé. Mary Narken ; 1966, 90 mn Dans la vie des peuples il y a des instants ; 1966, 105 mn ; documentaire. BALDE Mamadou Alpha Baldé dit « Marlon » Guinée Guiné ; 1968 Femmes de Guinée. BARRY Sekoumar Koundara Grenier à riz ; An II du 22 novembre ; court-métrage L’assainissement ; 1965, 30 mn Mory le crabe ; 1966, 40 mn, fiction ; Comédie sur le thème de la jalousie, d’après une pièce primée à la Quinzaine des artistes. Costadès y joue le rôle d’un commerçant libanais. Jusqu’à ce jour on surnomme encore Sekoumar Mory.. Et vint la liberté ; 1969, 90 mn ; documentaire sur la naissance de l’Etat de Guinée Festival 73 ; long-métrage DIAGNE Costa Une femme, 18 mn ; 1965 ; « excellent film à suspense185 » adaptation de la nouvelle de Moravia, avec deux acteurs qui

185

Abdoulaye Diarso février 2017.

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deviendront des stars du cinéma soviétique, dont l’un a émigré aux Etats-Unis186. Le feu vert ; 1965 ; court-métrage (20 mn) fait à l’Institut de Moscou. L’histoire d’un chômeur en régime capitaliste. L’étau ; 1965 ; 18 mn ; « Touré à Paris. La violence d’un « blouson noir français et l’humanité d’un médecin noir187. » Ou : La condition d’un petit fonctionnaire à Moscou. Les hommes de la danse188 ; 1966 ; 20 mn, documentaire. D’après un poème de Leopold Senghor Prières aux masques, l’Art nègre dans les musées de Moscou. : avec des acteurs russes - film de fin d’études au VGIK, présenté et primé (Prix « l’Antilope d’or ») au Festival des Arts Nègres de Dakar en 1966, alors même que Sékou Touré a boycotté la manifestation. Dans cette réflexion sur la signification des masques africains en général, Costa Diagne met en scène Himi Sylla alors qu’il visite une exposition organisée à Moscou sur l’art africain, et s’inspire du poème de Senghor « Prière aux masques » (extrait du recueil Chants d’ombre, 1945). Huit et vingt ; 1967 ; 80 mn, documentaire. Film de propagande exaltant les sentiments patriotiques du peuple et les objectifs du Parti. Son titre correspond au 8ème anniversaire de l’indépendance189 et au 20ème anniversaire du Parti Démocratique de Guinée. Peau noire ; 1967 ; 18 mn ; fiction. La réadaptation d’un Guinéen de retour au pays. Equilibre, 1968 ; moyen-métrage. Tous ces films ont été développés au laboratoire studio de l’institut VDIL de Moscou190.

186

Source ; Gabrielle Chomientski. Source : répertoire de Mamoud Konaté. 188 Ou : L’antilope d’or ? d’après Alseny Tounkara. 189 dont un congrès au cours duquel Sékou Touré a pris le nom de Responsable Suprême de la révolution (MK Diakité). 190 Selon l’inventaire de Mamoud Konaté. 187

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Hier, aujourd’hui, demain ; 1968 ; 45 mn, documentaire. L’évolution politique de la Guinée du colonialisme à l’indépendance, qui le hisse au niveau des plus grands cinéastes africains. MK Diakité y joue le rôle principal d’un Guinéen, autour de l’accueil qu’il reçoit lorsqu’il revient après des études dans son village, près de Boké. Musique de l’Ensemble instrumental national de Guinée. Prix Josée Ivens du Festival de Terpzig en RDA ; Prix de l’Union Internationale des Etudiants ; Prix de la critique internationale. Ce film a aussi été présenté à Tachken, dans l’actuel Ouzbekistan. Trois Un Quart de Miriam Makéba ; 1967 ; 45 mn ; documentaire sur le premier séjour de Miriam Makeba en Guinée. (Ainsi nommé, car Miriam chante les ¾ du temps, sa fille le ¼ restant) Ces deux films ont été développés au studio de films documentaires à Varsovie (Pologne) 191 Lait et larmes Dix heures sonnaient d’après une nouvelle éponyme de Costa Ces deux scénarii n’ont pas abouti. DIAKITE Moussa Kémoko Riziculture dans le Bagataï ; 1969 ; 10 mn ; documentaire, Journal de la campagne agricole, 1969 ; 30 mn ; documentaire, Centre caféier de N’zérékoré, 1969 ; 15 mn ; documentaire, au moment où la majorité des caféiers étaient laissés en jachère. Le 14 mai 1970 ; 1972, 10 mn ; documentaire sur la création du Parti Démocratique de Guinée Documentaire sur la visite de Fidel Castro en Guinée192 ; 1972

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Selon l’inventaire de Mahmoud Konaté. MK Diakité La plupart de ses documentaires sont en ex-RDA (autonuchStrasse), DEFA films.

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Hirde Dyama (« veillée populaire » en pular) ; 1972 ; 90 mn ; documentaire. Réflexion sur la culture africaine à partir du Festival des Arts de Conakry de mars 1970, synthèse de cette semaine artistique. La DEFA (RDA) a proposé une coproduction sur ce festival. Le film prix FESPACO 1972 de l’authenticité africaine, Sembène Ousmane était membre du jury) Les funérailles de Kwame Nkrumah 193; 1972 ; 90 mn ; documentaire Hommage à Kwame Nkrumah194 ; 1972 ; 90 mn ; documentaire. Portrait de l’ancien président du Ghana ; Prix ACCT FESPACO 1973 L’université à la campagne ; 1975 ; court-métrage, documentaire Hafia, triple champion d’Afrique ; 1978 ; 90 mn. L’équipe de football Le sport en Guinée ; 1978 ; court-métrage, documentaire Sommet de Monrovia ; 1978 ; court-métrage. La plupart de ces films ont été montés en RDA qui entretenait de très bons rapports avec la Guinée, même après l’agression portugaise195. Naïtou L’orpheline ; 1982 ; 120 mn ; fiction Inspiré du répertoire des Ballets africains, créés par Fodéba, puis repris par Achkar Maroff. Interprètes : la Troupe Nationale des Ballets de la République de Guinée ; affiche originale de COSSA Bounama Mady ; musique : les Ballets de la République de Guinée. Adaptation d’un conte populaire narré dans toute l’Afrique de l’Ouest. Par jalousie, une femme, Damayé, empoisonne sa co-épouse, puis s’acharne sur Naïtou, la fille de la morte. 193

Kwame Nkrumah était président du Ghana, premier pays indépendant d’Afrique, en 1957 et co-président de la Guinée après son renversement dans son propre pays. Il partageait la même vision du Panafricanisme que Sékou Touré. Décédé de cancer. 194 Sorte de symposium. 195 MK Diakité.

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Elle l’accable de travaux ménagers et refuse de recevoir son fiancé. Brimée par sa marâtre, cette Cendrillon va chercher refuge au bord de la rivière auprès des génies, les Dogonis. La reine des Dogonis, une très vieille femme, l’encourage à tenir bon et lui enseigne la patience, l’endurance et la générosité. La conscience collective du village punira Damayé et la reine l’envoûtera. Naïtou pourra enfin épouser son fiancé. Adolescentes soumises à l’initiation, animaux fantastiques et personnages allégoriques peuplent une des légendes les plus connues de la tradition orale. Naïtou a obtenu en 1983 : prix de l’Unesco au Fespaco à Ouagadougou, et en 1983 : Mention spéciale du Jury au Festival de Carthage, Tunisie. Sous la seconde République : 1999 : Avis de recherche contre M. Bouge documentaire de sensibilisation au BOUGE de l’an 2000 ; produit par le Ministère du Plan avec le soutien financier de l’ambassade du Canada 2000 : Production exécutive du long-métrage de fiction I.T. Immatriculation temporaire, de Gahité Fofana 2001 : Magazines divers et spots publicitaires 2002 : La femme guinéenne au-delà de l’alphabet ; documentaire sur l’alphabétisation des femmes et jeunes filles en Guinée ; produit par le Ministère des Affaires Sociales, de la promotion féminine et de l’enfance, 2003 : Croisade anti-SIDA en Guinée ; produit par Le Comité National de Lutte contre le SIDA, avec le soutien financier du PNUD196 ; et : L’alliance contre la faim et la malnutrition en Guinée ; téléfood ; produit par la FAO/Guinée. 2004 : La femme guinéenne au cœur de la sécurité alimentaire ; produit par le Ministère des Affaires Sociales et l’ONG Africaire,

196

Programme des Nations Unies pour le Développement.

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2005 : Action préventive Guinée 2004-2005 ; produit par le Réseau des femmes du fleuve Mano pour la paix (REFMAP), avec le soutien financier du PNUD ; et : La GIPA, grande implication des PVVIH ; produit par Le Comité National de Lutte contre le SIDA, avec soutien financier du Fonds mondial SIDA 2008 : PROCONSOGUI, documentaire (16 mn) de la promotion concertation sociale en Guinée 2008 ; produit par le PNUD, 2010 : Croisade des femmes guinéennes pour la paix ; produit par le Ministère de la solidarité, de la promotion de la femme et l’enfance, avec le soutien financier du PNUD. MINOT Gilbert197 est né en Martinique. Son père est venu travailler en Guinée en tant que fonctionnaire des impôts. Son épouse, américaine noire, a dirigé l’Ecole Américaine de Conakry. 22 novembre Amilcar Cabral L’homme et l’environnement Le Festival panafricain d’Alger, réplique du Festival des Arts de Conakry Madame Tolbert

197

Dictionnaire du cinéma africain de « l’Association des 3 mondes » ; France. Ministère de la coopération et du développement ; 1991.

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Gilbert Minot « La maison du cinéma » Conakry-Kipé SOW Bob, Cet hiver-là

ANNEXES Sommaire des annexes Annexe I : Le cinéma au camp Boiro Annexe II : Extraits de « écrire et filmer l’histoire » Communication prévue pour le Festival des premiers films guinéens (5-7 février 2015)198 de Sidiki Kobélé Keita, Enseignant-chercheur Annexe III : Extraits du journal HOROYA199 1967 Annexe IV : Journée d’études au CESSMA, 4 novembre 2016 ; Syli-cinéma Annexe V : ONACIG complexe de Boulbinet années 90 Annexe VI : Prière aux masques poème de Léopold Sédar SENGHOR 1945, qui a inspiré le film Les hommes de la danse de Costa Diagne

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http://lexpressguinee.com/fichiers/blog16.php?type=rub38& langue=fr& code=calb6173 199 HOROYA signifie « dignité » en malinké. Horoya était l’organe de presse du Parti Démocratique de Guinée.

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ANNEXE I Le cinéma au camp Boiro…

Témoignage de Lamine Kamara, extrait de La Guinée sous les verrous de la Révolution ; Ed L’Harmattan, 2012. « (…) Après les contes et récits, ce fut la « projection » de films. Par soirée, on programmait un ou deux films à raconter par celui ou ceux qui les avaient vus en liberté. Face à un écran imaginaire, matérialisé par le raconteur qui tournait sur luimême pour nous faire mieux participer à son spectacle, nous nous régalions avec l’illusion de nous trouver dans une vraie salle de cinéma. Or, des cinéastes, à Kindia, il y en avait quelques-uns parmi nous, dont Costadès Diagne, un métis grec que nous nous plaisions à appeler Zorba à cause d’un film que plusieurs d’entre nous avaient vu et où un Grec portait ce nom, et Mamadou Alpha Baldé dit Marlon que nous avions surnommé Bon Cœur à cause de sa grande bonté, deux de nos brillants cinéastes de la génération formée après l’indépendance. Le premier était sorti de l’école moscovite et le second était de formation hollywoodienne ayant fait ses études à Los Angeles. Tous deux débordaient de talents. S’ajoutait à ces deux, Mouctar Bah Tinka, un technicien de laboratoire de cinéma formé en Tchécoslovaquie où il s’était marié avec une femme de ce pays. Il y avait aussi Louis Akin, un Béninois qui avait été leur patron pour avoir dirigé l’Office National de Cinéma Guinéen. Tous arrêtés à Conakry où ils avaient subi leurs interrogatoires et passé leurs premiers mois de détention, ils avaient été transférés à la Maison Centrale de Kindia. Au passage, disons que le jeune cinéma guinéen, qui faisait figure de pionnier en Afrique postindépendance, avait été complètement décapité, d’autant que « Sergent Bakary Oulén », Moussa Diakité, un metteur en scène et un acteur talentueux, et Sékoumar Barry, un autre cinéaste, étaient arrêtés eux aussi et détenus au Camp Boiro. 139

(…) Transféré lui aussi au camp Boiro après son interrogatoire et plus connu sous le pseudonyme de « petit Barry » surnom que lui avaient donné ses camarades du collège moderne de Donka à Conakry, , Mamadou Bowoï Barry était un brillant littéraire et juriste ; formé en France et en Suisse, il était l’un des plus grands sinon le plus grand journaliste que la Guinée ait jamais connu. » (…) Depuis les débats animés avant même la première capture200 jusqu’à la fin de l’épisode, un homme était resté étranger à toutes ces scènes (pourtant, à l’heure du partage, il aurait eu comme tous les affamés sa portion de rat), mais il s’était tenu discrètement à distance dans la salle. C’était Costadès, notre cinéaste de l’école moscovite. En véritable champion de l’autodérision et de l’humour, de nos péripéties, il avait, avec « des yeux attentifs « en observant une vie commune dans le dénuement et la faim, tiré mentalement un film en y mettant tout son cœur. A la fois producteur, scénariste, metteur en scène, caméraman, acteur, il avait bien campé ses personnages, distribué les rôles, les premiers pour des compagnons très en vue comme Mandiana, des moins importants, des rôles de seconds couteaux pour quelques autres apparus sans éclat dans leurs prises de position au moment de faire pencher la balance dans un sens ou dans un autre : il avait retouché à plusieurs reprises ses montages, en introduisant astucieusement des « effets spéciaux », en cherchant à mettre en valeur les aspects les plus croustillants. Le décor lui, il était tout planté : TF avec son vaste espace, son aménagement spécial et ses pots alignés au fond. Journellement, en nous observant, puisque chaque matin de plus belle et sans relâche les prises se poursuivaient et devenaient de plus en plus « juteuses », il enrichissait sa production, améliorait ses images en n’oubliant aucun détail

200

Chasse aux rats, afin de les manger NDLR.

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même les plus menus. Il tenait à ce que le film soit parfait avant de le projeter. Après chaque capture, avec raffinement la façon de manger les rats avait elle aussi évolué. Au cours du tournage, un événement apparemment inattendu, mais prévisible dans notre situation, se produisit. En effet, avec le traitement spécial qu’on commençait à aménager à leur viande, ils ne pouvaient pas ne pas réagir, les rats. La conservation de leur viande, faisandée parfois deux jours durant avant de la consommer, leur offrait, même mangés et digérés, des conditions idéales pour se venger de nous. La diarrhée, une diarrhée profuse parfois accompagnée de vomissements, éclata. Une aubaine pour le couronnement de l’œuvre de notre cinéaste.. Cela porta son scénario à son sommet et lui permit de mettre la dernière main à son œuvre tout en l’enrichissant… En effet, s’étendant sans aucun répit à toute la salle, et offrant à chaque épisode une nouvelle aubaine, à Costadès, du « pain béni », la diarrhée, comme la Révolution, devint globale et multiforme, chacun la sienne et à son rythme. Même Mandiana et Moribaya, nos deux ruraux qui avaient dû en voir d’autres et de toutes couleurs dans leur vie à la campagne, avaient rendu les armes ; le mal avait fini par les terrasser. (…) A la surprise générale, à la seule exception de Petit Barry qu’il avait mis dans le secret, et qui avait été un des rares à n’avoir pas été un des mangeurs de rat, c’est cette période de grande animation et de fébrilité en allées et venues incessantes des malades de la diarrhée vers le caniveau du fond de la salle où étaient alignés les pots que Costadès choisit pour nous servir la première de son film : lui seul dans tous les rôles, nos rôles à chacun, le sien avec un art merveilleusement maîtrisé du mime. Pour donner un titre à son film, il eut l’embarras du choix. « La Rato-protestation » et la « La Rato-contestation » après que petit Barry les ait génialement trouvés, retinrent son

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attention. C’était selon ! En définitive le nom de baptême qui s’imposa fut La Rato-protestation. Les images défilaient devant nous. Dans les différentes séquences, sans aucune parole, sans commentaire, chacun de nous instantanément se reconnaissait, les autres aussi : les mangeurs de rats d’office, les mangeurs de rats par nécessité, les non-mangeurs par la culture, les non-mangeurs par foi religieuse, ceux qui avaient, à plusieurs reprises, changé de camp, enfin toutes les catégories et gammes intermédiaires que je vous ai présentées. L’attention du public médusé n’était distraite de temps à autre que par les contestations ou les protestations des rats, des rats décidés à ne pas nous laisser, à leurs dépens, savourer ce délicieux spectacle et même carrément l’interrompre quand ils s’attaquaient, par diarrhée interposée, à notre projectionniste de cinéaste lui-même en contestant sa version en images. Notre champ s’était de nouveau élargi. Après les couvertures, les patchworks, les tableaux sur les murs, les chapelets œuvres d’art, les contes, les projections de films, l’écriture, nous venions, grâce à un travail de réalisation cinématographique de faire un pas supplémentaire dans l’univers de la créativité, malgré notre dénuement. (…) et cette fois-ci à partir de scènes vécues, c’est nous-mêmes qui en étions les personnages grâce à un acteur de génie, Costadès. La mise en scène était éblouissante, un chef-d’œuvre du genre, digne des plus grands artistes couverts de lauriers çà et là à travers le monde dans les festivals. L’art que Costadès avait appris, il l’avait fort bien maîtrisé. Mais ce qu’il ne savait pas et que nous ignorions aussi, c’est que c’était son dernier film. Après sa libération (paix à son âme puisque nous l’avons hélas perdu) diminué aussi bien physiquement que moralement, matériellement démuni, il finit ses jours dans la misère et pratiquement dans la mendicité. A la fin de sa vie, ce qui le faisait souffrir par-dessus tout, c’était sa vue, parce que l’empêchant de continuer à exercer son métier et à en vivre dignement à la sueur de son front. Sa vue était complètement

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détériorée (conséquence de l’avitaminose carentielle) il lui fallait user d’un instrument d’optique pour déchiffrer les lettres et les chiffres ; il ne pouvait en effet ni lire ni écrire, sans se munir d’une loupe très grossissante d’horloger. Sans ses yeux, il se serait senti perdu pour le cinéma et la vie de tous les jours… A TF, au moment où se déroulait l’épisode des rats, il avait des yeux qui fonctionnaient tant bien que mal, des yeux initiés de cinéaste distingué. Encore une fois, à chacun son métier. En exerçant le sien dans une salle de prison, par le rire, parfois jusqu’aux larmes, Costadès nous avait aidés à tenir debout (…).

Lamine Kamara, La Guinée sous les verrous de la Révolution ; Ed L’Harmattan, 2012 ; pp.186-188

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Costa DIAGNE, 1985 Collection privée

Attestation de libération de Costa Diagne. Collection privée.

ANNEXE II Extraits de « écrire et filmer l’histoire » Communication prévue pour le Festival des premiers films guinéens (5-7 février 2015)201 de Sidiki Kobélé Keita, Enseignant-chercheur ; 04 février 2015. Auteur de plusieurs ouvrages sur l’histoire récente de la Guinée, l’enseignant-chercheur Sidiki Kobélé Keita a assumé plusieurs fonctions en Guinée depuis 1967 : maître assistant à l’université de Conakry, directeur des Archives et de la bibliothèque de Conakry, et directeur général de l’Institut central de coordination et de la documentation de Guinée (ICCRDG). De novembre 1994 à décembre 1997, il a été chef de cabinet civil du président de la République Lansana Conté. Pourquoi écrire ou filmer l’Histoire ou la mémoire récente de la Guinée paraît aujourd’hui très difficile?

I. Bref aperçu du patrimoine documentaire guinéen au 2 avril 1984 Etat des Archives nationales en Guinée (…)

201

http://lexpressguinee.com/fichiers/blog16.php?type=rub38&langue=fr& code=calb6173

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Le cinéma, la photographie, la musique Elles n’étaient pas en reste puisqu’elles avaient été organisées très tôt : le 2 janvier 1967, un décret présidentiel crée une régie nationale de la cinématographie et de la photographie Syli cinéma-photo. En 1974, Le secteur devenu très important, deux entreprises nationales avaient été créées : syli- film et syli-photo qui ont eu, chacune, leurs archives conservant des exemplaires de leur productions pour des besoins de participation à quelques rencontres africaines et étrangères. Des films comme Bakary Woulen, Mory le crabe, Huit et vingt, Hier, aujourd’hui et demain, riziculture dans le Baga, Guinée touristique en coproduction avec la France, l’ Afrique danse avec la République fédérale d’Allemagne faisaient la joie des mélomanes.(…) Archives de la RTG Au 3 avril 1984, la RTG s’appelait encore la Voix de la Révolution. Jusqu’en 1977, c’étaient des archives sonores, la radio seule existait et ses archives comprenaient tous les discours officiels, tous les travaux de toutes les instances du parti, les documents sonores de toutes les rencontres internationales in situ, les dépositions enregistrées des accusés et tous les documents sonores des différents procès, etc. En 1977, c’est l’installation de la télévision. Les archives étaient désormais à la fois sonores (audio) et visuelles (vidéo).

II.- La situation du patrimoine documentaire à partir du coup d’Etat du 3 avril 1984 L’une des conséquences désastreuses du coup d’Etat du 3 avril 1984, c’est la destruction en très grande partie du patrimoine documentaire du peuple de Guinée produit par ces institutions et services ou conservés en leur sein ; patrimoine essentiel à l’écriture correcte de son histoire récente, en général

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et nécessaire à la compréhension et à la solution de certaines de ses énigmes contemporaines en particulier ; plus ou moins bien conservé et bien classé, ce patrimoine avait non seulement le mérite d’exister, mais il traduisait l’œuvre propre des Guinéens dans tous les domaines et encourageait l’expansion de cette forme d’expérience autonome défendue depuis 1958. Dès la prise du pouvoir par certains officiers guinéens le 3 avril 1984, l’idée centrale fut de faire disparaître toutes les traces écrites, orales et matérielles de la première République synonyme de la révolution. La jeune génération ne doit rien connaître du passé récent de son peuple de peur d’être atteinte par le virus de cette phase exaltante de son combat pour sortir du sous-développement grâce à des solutions endogènes. Aussi, presque toutes les archives écrites ou traces matérielles significatives guinéennes ont-elles été l’objet d’un vandalisme inqualifiable dont la Guinée se remettra difficilement : destruction, vols, jets à la mer, incinération, confiscation, vente de l’infrastructure économique à vil prix, transfert de documents importants hors du pays, etc. ; des délateurs qui avaient peur d’être démasqués ont cherché à se débarrasser de certaines archives compromettantes ; des hommes de l’opposition au régime ont tenu à faire disparaître toute preuve de leur culpabilité ; d’autres ont non seulement détruit les documents qui les embarrassaient, mais ils ont gardé aussi des pièces importantes. Quant aux pays étrangers qui ont « aidé » à perpétrer le coup d’État, ils emporteront également d’importants documents d’archives, certains par les conseillers, africains (dont des Guinéens de double nationalité) et européens placés, dès la prise du pouvoir, dans différents départements ministériels, à la Banque Centrale, dans les autres banques spécialisées ou à la Présidence de la République. Ce sont ces destructions d’importants documents d’archives et cette confiscation de la mémoire collective des Guinéens qui permettent à certains de mentir effrontément aujourd’hui puisqu’ils supposent que toutes les archives primaires ont été détruites par incinération, jet à la mer ou vol, etc. ; qu’ils continuent à appuyer l’affirmation que la Première République

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n’a rien fait, puisque tout ce que le peuple a réalisé en ne comptant essentiellement que sur ses propres moyens durant la période de vingt-six ans a été détruit, sauf les cadres qui avaient été formés in situ et qu’on a voulu, un moment dévaloriser en les soumettant à des test humiliants sous le prétexte fallacieux de compresser le trop-plein du personnel de la Fonction publique qui n’est toujours pas assainie; or, ceux qui ont confisqué une partie de ce patrimoine documentaire devraient les livrer, ne serait-ce que par respect pour notre pays. »

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ANNEXE III Extraits du journal HOROYA202 1967 Horoya 1099, 14 janvier 1967 Coopération cinématographique avec la Tchécoslovaquie : soirée à l’ambassade avec M. Louis Akin, Directeur de la régie nationale de Guinée et l’ambassadeur. Diffusion du film tchèque Tchécoslovaquie, pays inconnu et un LM couleur Janosik avait déjà été offert par la Tchécoslovaquie. Horoya 1100, 15-16 janvier 1967 Création de la Régie Nationale de Cinématographie et de Photographie Par décret 001 du 2 janvier 1967 : établissement public à caractère industriel et commercial dotée de la personnalité civile et de l’autonomie financière. Siège à Conakry, sous la tutelle du Haut commissariat à l’Information, INRDG et Tourisme. Objet Développer et exploiter les industries cinématographies en Guinée Coordonner et orient les activités cinéma et phot Contrôler et assure la circulation des films sur le territoire Réaliser tous travaux photos : développement, tirage, reportage, création de studios d’art, édition de cartes postales, revues, brochures et livres avec photos Compétente pour achat et distribution de films d’actualité, documentaires et films artistiques de long métrage ; la réalisation et circulation de films, de pubs, de matériel cinématographique professionnel. 202

Horoya signifie « dignité » en malinké. Horoya était l’organe de presse du Parti Démocratique de Guinée.

150

Organisation : Sily Film : Service de la production : étude et réalisation des films ; 4 sections = réalisation, laboratoire, montage, sonorisation Syli Cinéma : Service de la distribution-exploitation : achat, vente, circulation, exportation et importation des films ; Service distribution (circulation des films guinéens et étrangers) et service exploitation (projection des films guinéens et étrangers en Guinée) Sily Photo : Service de la photographie : section noir et blanc, section couleurs, section archives et section comptabilité. Syli Publicité : Service Publicité : publicité audiovisuelle faite par ou pour la Régie et exécution des contrats signés par la Régie Responsable de la formation de ses cadres et techniciens à l’école nationale de cinématographie et photographie créée en son sein La distribution se fait par l’intermédiaire de la Régie moyennant soit un forfait (déterminé entre la Régie et l’entreprise d’exploitation) soit un pourcentage sur les recettes des salles d’exploitations privées Programme : 1ère partie (30 min max) : actualités guinéennes obligatoires + Court métrage 2e partie (80 min max) : un film long métrage ou plusieurs CM Toute salle de cinéma est tenue de programmer au moins une fois par mois un film produit ou co produit par la Guinée. Suite du décret 1101, 17 janvier 1967 Commission de contrôle des films cinématographiques chargée de :

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Donner un avis sur la valeur des films et de faire objection le cas échéant sur ce qu’elle juge répréhensible Sélectionner les œuvres et proposer la meilleure diffusion Composition : un représentant par département ministériel, 2 représentants de la permanence nationale du PDG, 2 membres du bureau Confédéral de la CNTG, 2 membres du Conseil national de la JRDA, 3 membres de la Régie. Commission appelée à assistée au moins 48 h à l’avance à la projection d es films sollicitant le visa pour exploitation commerciale ou diffusion non commerciale. Chaque membre vote pour ou contre et fait un rapport comprenant 2 docs : fiche de contrôle avec appréciations, votes et émargements, fiche de sélection comportant l’analyse technique et critique du film avec recommandations ou réserves spéciales. Nécessité d’un visa Capital financier : Capitaux de l’ancienne régie Syli Cinéma photo + subvention de l’Etat + dons publics ou privés Suite 1103, 19 janvier 1967 Rien de notable 1105, 21 janvier 1967 Du cinéma national par Louis Akin, directeur de SyliCinéma Le décret de 1967 = il s’agit bien d’une réorganisation de la régie Réflexion économique sur la dépendance des pays africains vis-à-vis des pays producteurs, le rapatriement des bénéfices sans investissements productifs vers ces derniers. Même si des films ont été produits en Afrique, ce n’est pas suffisant pour une réelle intégration économique de l’Afrique dans les circuits mondiaux du films, ni pour que les préoccupations réelles des Africains soient couchées sur la pellicule. Risque de dépersonnalisation et de dépendance culturelle, en liant le public à des vertus morales intellectuelles et pratiques étrangères. Il cite deux fois ST longuement.

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Puis il regrette l’impact des films sur les citadins, il faut donc protéger les ruraux. Et il ne faut pas laisser le cinéma aux mains de ceux qui ont si longtemps nié la culture africaine. Citation de ST sur l’action révolutionnaire : or le cinéma africain ne s’inscrit pas encore dans l’action révolutionnaire et ne favorise pas la prise de conscience ; 1107, 24 janvier 1967 Du coup : réactions = nationalisation des circuits pour briser les résistances reposant sur le chantage de la non-importation de films, de la non-coopération. Prendre en considération ce chantage dû au monopole de fait, c’est renoncer à une parcelle de souveraineté, perpétuer l’injuste, c’est rejeter encore dans la nuit des temps la naissance d’un véritable cinéma africain tourné vers la libération et l’émancipation de l’homme d’Afrique vers la réhabilitation et le développement de la culture authentiquement africaine. Dès le lendemain de l’indépendance, création d’un cinéma national : premiers éléments d’un laboratoire de développement et de tirage de films implanté à Conakry ; formation de Guinéens aux techniques (prise de vue, montage, sonorisation, développement et tirage) sur place ou par des bourses à l’étranger. Aujourd’hui les techniciens ne dépendent plus de l’étranger que pour l’importation de films vierges et des produits chimiques. Construction d’un laboratoire moderne traitant des films 35 et 16 mm va débuter. Donc il faut protéger la jeune industrie, ce qui ne constitue pas une « entrave au développement des entreprises d’exploitation de films, mais ouvre la voie à l’intégration du cinéma dans un processus révolutionnaire ».

153

ANNEXE IV

Journée d’études au CESSMA203, 4 novembre 2016 Circulations culturelles, villes et identités en Afrique subsaharienne (XIXe-XXIe s.) Communication par Gabrielle Chomentowski (INALCO, Sociétés plurielles) et Céline Pauthier Syli Cinéma en Guinée : Créer un cinéma national à l’aide de la coopération internationale Nous proposons une communication à deux voix autour de l’institution Syli Cinéma, réorganisée en janvier 1967 en Guinée. Cette régie nationale de cinématographie et de photographie avait pour mission de coordonner la production cinématographique, mais aussi d’assurer la circulation des films sur le territoire et de contrôler l’achat, la vente et la distribution de tous les films. L’histoire de cette institution permet d’abord de comprendre les défis d’une politique culturelle nationale au lendemain de l’indépendance, dans un secteur où la production et la diffusion supposent des infrastructures industrielles et commerciales qui créent une forte dépendance vis-à-vis de l’étranger. La coopération internationale fut donc importante et s’inscrivait dans les logiques de guerre froide. Elle favorisa les circulations des cinéastes et des productions : étudiants guinéens formés à travers le monde, films américains, européens, soviétiques ou chinois diffusés localement ou encore diffusion des films guinéens aux festivals culturels panafricains. Ces circulations contribuèrent à la fabrique d’identités collectives ou individuelles et à des réflexions sur l’altérité et ses représentations.

203

Centre d’études en sciences sociales sur les mondes africains, américains...

154

1. Faire et diffuser un « cinéma populaire » : les défis d’une politique culturelle nationale Au niveau national, Céline Pauthier retracera les différentes étapes du contrôle de la production et de la diffusion du cinéma en Guinée : l’année 1967 apparaît ainsi comme un moment de resserrement du contrôle étatique sur la distribution des films, qui jusque-là lui échappait, car était restée aux mains des compagnies françaises SECMA et COMACICO, existant dès avant l’indépendance. Un paradoxe majeur de l’histoire du cinéma en Guinée réside dans la nationalisation incomplète de ce secteur culturel, alors que d’autres activités, comme la musique, le théâtre militant ou le sport sont plus étroitement contrôlées dans les structures du parti unique. Au niveau de la production, l’enjeu majeur était de former des réalisateurs et techniciens capables faire un cinéma national. Cette formation se faisait en général à l’étranger et les premiers étudiants de retour en Guinée furent les chevilles ouvrières de la création de Syli Cinéma. 2. La coopération internationale dans le secteur cinématographique : La réorganisation de Syli cinéma intervient après sept années durant lesquelles le gouvernement de Sékou Touré a signé différents accords internationaux de coopération cinématographique, notamment avec les pays du bloc communiste. Gabrielle Chomentowski reviendra sur le cadre de ces accords, et plus précisément ceux signés entre l’Union soviétique et de nombreux pays d’Afrique à partir des indépendances. Ce sera l’occasion de poser la question de la concurrence entre l’URSS et l’ancienne puissance impériale française, les relations avec les États-Unis, mais également la rivalité au sein même du bloc communiste, en particulier entre l’URSS et la Chine, vis-à-vis des pays africains indépendants, et enfin d’esquisser des comparaisons entre la Guinée et d’autres pays d’Afrique de l’ouest, comme le Mali.

155

3. Identités collectives, représentations de soi et de l’altérité dans les films : Enfin, on évoquera plus précisément les films eux-mêmes et la mission politique et idéologique qui leur était assignée dans le cadre de la révolution guinéenne. Céline Pauthier fera un état des lieux de la production guinéenne, censée donner naissance à un « cinéma populaire ». Elle présentera notamment le film Et vint la liberté, de Sékoumar Barry (1969), qui constitue une mise en image du destin national et participe de la fabrique nationale. Mais ces productions cinématographiques sont aussi à envisager à travers une histoire sociale fine des acteurs. La plupart des acteurs de Syli Cinéma ont été formés à l’étranger (États-Unis, RFA, Tchécoslovaquie, URSS, etc…). Leur identité artistique et individuelle est marquée par ces séjours d’étude à l’étranger. Gabrielle Chomentowski abordera le cas singulier du cinéaste Costa Diagne, formé au VGIK (Institut du cinéma) de Moscou, et de son film Les Hommes de la danse, présenté au Festival des Arts Nègres de Dakar en 1966 alors même que Sékou Touré a boycotté la manifestation. Dans ce film de fin d’études, Costa Diagne se met en scène alors qu’il visite une exposition organisée à Moscou sur l’art africain, et utilise le poème de Senghor « Prière aux masques » (Chants d’ombre, 1945). En conclusion, nous montrerons que l’usage croisé d’archives inédites en Guinée et en Russie, et la confrontation de deux histoires nationales différentes, permettent de retracer l’histoire du cinéma en Guinée, nourri à ses débuts par des circulations intenses. On s’interrogera également sur la mémoire du cinéma guinéen, autrefois jugé avant-gardiste, mais aujourd’hui largement oublié.

156

ANNEXE V

ONACIG complexe de Boulbinet années 90 Lettre de Mouctar BAH au Directeur Général ONACIG, 1996

Archives du Centre International de Recherche et de Documentation – Conakry- Kipé

Archives du Centre International de Recherche et de Documentation – Conakry- Kipé Appel aux autorités (1993 ?) Lettre de l’ONACIG

Archives du Centre International de Recherche et de Documentation – Conakry- Kipé

Archives du Centre International de Recherche et de Documentation – Conakry- Kipé

Archives du Centre International de Recherche et de Documentation – Conakry- Kipé

Archives du Centre International de Recherche et de Documentation – Conakry- Kipé

ANNEXE VI Prière aux masques Poème de Léopold Sédar SENGHOR, Qui a inspiré Les hommes de la danse de Costa Diagne Léopold Sédar SENGHOR, 1945 Recueil poétique : « Chants d’ombre » « Masques! Ô Masques! Masques noirs masques rouges, vous masques blanc-et-noir Masques aux quatre points d’où souffle l’Esprit Je vous salue dans le silence! Et pas toi le dernier, Ancêtre à tête de lion. Vous gardez ce lieu forclos à tout rire de femme, à tout sourire qui se fane Vous distillez cet air d’éternité où je respire l’air de mes Pères. Masques aux visages sans masque, dépouillés de toute fossette comme de toute ride Qui avez composé ce portrait, ce visage mien penché sur l’autel de papier blanc À votre image, écoutez-moi! Voici que meurt l’Afrique des empires – c’est l’agonie d’une princesse pitoyable Et aussi l’Europe à qui nous sommes liés par le nombril. Fixez vos yeux immuables sur vos enfants que l’on commande Qui donnent leur vie comme le pauvre son dernier vêtement. Que nous répondions présents à la renaissance du Monde Ainsi le levain qui est nécessaire à la farine blanche. Car qui apprendrait le rythme au monde défunt des machines et des canons?

163

Qui pousserait le cri de joie pour réveiller morts et orphelins à l’aurore? Dites, qui rendrait la mémoire de vie à l’homme aux espoirs éventrés? Ils nous disent les hommes du coton du café de l’huile Ils nous disent les hommes de la mort Nous sommes les hommes de la danse, dont les pieds reprennent vigueur en frappant le sol dur. »

164

GLOSSAIRE AFRICADOC : Partant de la conviction qu’il faut envisager le documentaire de création comme une activité artistique et industrielle nécessitant une chaîne de fabrication à plusieurs niveaux, Ardèche Images et Dakar Images ont créé le programme Africadoc en 2002, et mis en place les premières « Rencontres Tënk de coproduction » au Sénégal en 2003. Un espace unique qui propose des rencontres professionnelles organisées autour de la découverte de nouveaux projets de films documentaires développés dans le cadre de résidences d’écriture ou du Master de Saint-Louis. AOF : Afrique Occidentale Française AST : Ahmed Sékou TOURE BPN : Bureau Politique National CCFG : Centre Culturel Franco Guinéen. Inauguré en juin 1999 par les Présidents Jacques CHIRAC et Lansana CONTE, le CCFG de Conakry est l’un des cinq centres binationaux du réseau culturel français à l’étranger. Nommé « Sory Kandia Kouyaté » du nom du grand griot guinéen, le CCFG a pour mission essentielle, d’une part, de mettre en œuvre l’appui que la France apporte en Guinée dans les domaines de la création, de la préservation du patrimoine et du développement de la lecture publique, et d’autre part, de favoriser les échanges culturels entre les deux pays par l’organisation de manifestations pluridisciplinaires en Guinée. CNA : Cinéma Numérique Ambulant COMACICO, Compagnie Marocaine Cinématographique de l’Ouest Africain Français

165

DEFA : studio de Babelsberg fondé en 1912 et situé dans la banlieue de Berlin à Potsdam FESMAN : Festival mondial des arts nègres FESPACO : Ouagadougou

FEStival

Panafricain

de

Cinéma

de

ONACIG : Office National du Cinéma Guinéen PAIGC : Parti Africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert PRL : Pouvoirs Révolutionnaires Locaux RDA : République Démocratique Allemande RFA : République Fédérale Allemande RTG : Radio Télévision Guinéenne SECMA : Africaine

Société

d’Exploitation

Cinématographique

UCECAO : Union des Créateurs et Entrepreneurs du Cinéma et de l’audiovisuel VGIK : Institut national de la cinématographie de Moscou, fondé par Vladimir Gardine en 1919. (Le mot VGIK est la transcription en français de la forme abrégée de sa désignation en russe : ВГИК.) Elle fut la première école de cinéma au monde, créée afin de former les nouveaux réalisateurs du cinéma révolutionnaire. 204

204

http://pelechian.free.fr/Pelechian/Pelechian_Le_VGIK.html.

166

REMERCIEMENTS Dragoss Ouédraogo, pour son indéfectible soutien et les références fournies, Abdou Bangoura, Abdoulaye Diarso, Ibrahima Diallo, « anciens » de Syli-cinéma-photo, pour leurs précieuses informations, Sékoumar Barry, Moussa Kémoko Diakité, Alseny Tounkara, doyens du cinéma, Et Mamadou Bowoï Barry, dit « Petit Barry », pour leurs témoignages, Seydouba Cissé, directeur des archives, Justin Morel Junior, Mahmoud Konaté pour leurs indications utiles, Safiatou Diallo, pour son accueil au Centre International de Recherche et de Documentation, Sidiki Keïta, président de l’AVCB, pour ses analyses pertinentes, Nadine Bari, Odile Goerg, Céline Pauthier, Anne Glaviano pour leurs relectures et conseils, Asiya Khalitova, André Chestopaloff pour leur contribution, Clémence Faure pour son aide à la mise en forme, Le Bureau de « Guinée solidarité Bordeaux », pour son fidèle soutien, Mes enfants, Marie et Quentin, pour leur aide et leur confiance, Et last but not least, Thierno Souleymane Diallo et Billy Touré, l’équipe du tournage d’ « Au cimetière de la pellicule », pour leur investissement personnel et leur réel intérêt pour l’Histoire du cinéma de leur chère Guinée. 167

TABLE DES MATIÈRES

L’HERITAGE COLONIAL .............................................................. 9 AVANT-PROPOS ............................................................................ 13 INTRODUCTION ............................................................................ 17 1. LA IÈRE REPUBLIQUE : CONSTRUIRE UN CINEMA GUINEEN. EQUIPER ET FORMER - GENESE DE SYLICINEMA-PHOTO - LES ENJEUX - ............................................ 21

1.1. Transformer l’usage de « l’aliénation culturelle », arme de domination de la colonisation en une culture de propagande ...........................................................................26 1.2. Le fonctionnement, les missions de Syli-cinéma-photo ...........................................................29 1.2.1. SYLI-PHOTO ............................................................30 1.2.2. SYLI-CINEMA ..........................................................31 1.2.3. LES FILMS : que pouvait voir le spectateur guinéen ? ..............................35 1.2.3.1. Le contenu des films de Syli-cinéma ......................38 1.2.3.2. Le public..................................................................50 1.2.3.3. Où sont les films ? ...................................................50 1.3. La rupture : un cinéma brisé dans son élan ...................53 1.3.1. Les fonctionnaires de SYLI-CINÉMA, la répression de 1970-71 ......................................................56 1.3.2. Après 1971, l’après-Boiro ..........................................74 2. LA IIÈME REPUBLIQUE (1984). LE DESINTERET ET LE DESINVESTISSEMENT DE L’ETAT. LA CREATION DE L’ONACIG ................................................................................. 79

2.1. Des tentatives pour relancer l’activité ...........................82 2.2. L’ONACIG ...................................................................83 3. LES SALLES ................................................................................ 87

3.1. La Ière République ..........................................................89 3.2. La deuxième République (3 avril 1984) ........................90

169

4. LES CINEASTES DES ANNEES 90. LES « ENTRE-DEUX »93 5. LE CINEMA GUINEEN AUJOURD’HUI. ÉTAT DES LIEUX......................................................................... 105

5.1. La formation ................................................................107 5.2. Le passage d’un cinéma d’Etat au secteur privé ........109 6. DES PETITS PAS… QUELQUES INDICATEURS DE REPRISE .................................................................................. 111

6.1. Les initiatives guinéennes ...........................................113 6.2. Les initiatives privées françaises .................................117 6.2.1. De nouveaux lieux de projection ..............................117 6.2.2. Une salle de cinéma « L’Olympia » à Kaloum ........118 6.3. Un soutien potentiel de l’Égypte .................................119 EN CONCLUSION ........................................................................ 121 BIBLIOGRAPHIE ......................................................................... 123

FILMOGRAPHIE de Syli-cinéma .....................................129 ANNEXES .............................................................................137 ANNEXE I .........................................................................139 ANNEXE II ........................................................................146 I. Bref aperçu du patrimoine documentaire guinéen au 2 avril 1984 ....................................................................146 II. La situation du patrimoine documentaire à partir du coup d’Etat du 3 avril 1984 ...........................................147 ANNEXE III ......................................................................150 ANNEXE IV ......................................................................154 ANNEXE V .......................................................................157 ANNEXE VI ......................................................................163 GLOSSAIRE .................................................................................. 165 REMERCIEMENTS ...................................................................... 167

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Cinéma et Photographie aux éditions L’Harmattan

Dernières parutions

Un abécédaire de la fantasmagorie Prélude

Vimenet Pascal - Préface de Marcel Jean

Un abécédaire de la fantasmagorie se distingue de tous les ouvrages parus sur le cinéma d’animation par son architecture et son sujet. Sans visée encyclopédique, ces soixante-quatre entrées questionnent la propagation internationale de la fantasmagorie et ses manifestations dans le cinéma d’animation aux plans graphique, technique, littéraire, politique, philosophique et plastique et forme un ensemble unique retraçant l’histoire des «phantasmagories» jusqu’aux expériences hybrides actuelles. (Coll. Cinémas d’animations, 39.00 euros, 402 p.) ISBN : 978-2-343-06514-4, ISBN EBOOK : 978-2-336-38422-1 Art-vidéo et fictions du quotidien Sur les traces de Bob Santiano / Oublier Zanzibar / Disparitions

Thomas Erika

Cet ouvrage présente trois actions artistiques ayant servi de supports pédagogiques à des cours et ateliers portant sur la création artistique et audiovisuelle à partir du quotidien et ayant été présentées et sélectionnées lors d’événements culturels en France et à l’étranger. Le goût du quotidien et celui du jeu ritualisé associés au désir de faire de l’action artistique le vecteur de nouvelles réélaborations relationnelles et de nouvelles approches spatiales irriguent ces trois actions. (Coll. Audiovisuel et communication, 18.00 euros, 184 p.) ISBN : 978-2-343-05904-4, ISBN EBOOK : 978-2-336-38243-2 Essais et documentaires des Africaines francophones Un autre regard sur l’Afrique

Assiba d’Almeida Irène, Lee Sonia

Il y a presque un demi-siècle, les Africaines entraient dans la littérature afin de prendre publiquement la parole. Aujourd’hui, membres de l’intelligentsia et citoyennes à part entière de leur continent, elles se sont approprié l’essai et le film documentaire. Dans cet ouvrage novateur, les auteures nous font découvrir le dynamisme de la pensée des essayistes et l’acuité du regard des documentaristes

africaines qui se portent, par la parole et l’image, en témoins éclairés de l’Afrique des Indépendances. (Coll. Écrire l’Afrique, 20.00 euros, 202 p.) ISBN : 978-2-343-05967-9, ISBN EBOOK : 978-2-336-38229-6 Jean Rollin, être et à voir

Jean-Loup Martin

Portrait de Jean Rollin, disparu en 2010, l’un des rares cinéastes français à s’être illustrés essentiellement dans le fantastique. Jean Rollin a frisé le génie en réalisant des films de genre à petit budget, ramant à contre-courant entre la nouvelle vague dorée hexagonale et les ouragans argentés d’Hollywood. À travers de nombreux extraits de ses films fantastiques et du making-of de son dernier long métrage, voici une face cachée de Jean Rollin qui était fasciné par les femmes et les vampires. Ce documentaire dévoile sa façon de tourner, unique en France, et permet de mieux comprendre ses films devenus cultes dans le monde entier. BONUS : Journée de tournage (2015, 60 min.). Jean Loup Martin a filmé le 22 janvier 2010 une partie du tournage du dernier film de Jean Rollin, Le masque de la méduse. (20.00 euros) ISBN : 978-2-336-29715-6 Le casse des casses

Florian Hessique

Ludo, chercheur au CNRS de son état, vient d’être licencié pour faute grave. Il ne veut pas que quelqu’un l’apprenne et doit assumer un train de vie soutenu ainsi qu’une pension alimentaire élevée. En désespoir de cause, il se tourne vers son beau-frère Sébastien en espérant qu’il trouve une solution. Après quelques minutes de réflexion, la seule (mauvaise) idée que Sébastien propose à Ludo est de cambrioler la station-service où il travaille avec son ami Nicolas. Bien que très perplexe et connaissant la facilité exemplaire avec laquelle Sébastien arrive à se retrouver dans des situations délicates et à y entraîner les autres, Ludo finit par accepter mais à SES conditions... «Une vraie comédie familiale.» (Téléstar) (20.00 euros) ISBN : 978-2-336-29707-1 Argent, dette et music-hall !

Nigel Hollidge, Armel Petitpas, Stefano Amori

Dans un petit théâtre d’aujourd’hui, trois comédiens et un pianiste laissent pour une soirée leurs tracas en coulisse. Car ce soir c’est music-hall ! Tous les talents sont réquisitionnés. Travestis, paillettes et claquettes, magie, impros et ombres chinoises ! Dans un jeu de miroirs et d’allers-retours, le souvenir des années 30 (quand on tentait de se divertir en chansons des traumatismes de la grande crise) résonne avec notre époque, ambivalente et trouble. Des numéros de grand talent lèvent le voile sur la grande illusion aux origines de l’argent. Peu à peu, sur scène comme derrière le rideau, le clinquant se fissure, le vice s’immisce, les intérêts sont mis à jour, à tout moment la bulle menace d’éclater, laissant place peut-être à une autre donne… «Argent, dette et Music-Hall ! offre la preuve sonnante et fort dansante que le manque de moyens est parfois une chance. Si l’argent ne fait

pas le bonheur, il fait au moins celui des spectateurs le temps de ce spectacle.» (Marianne). (15.00 euros) ISBN : 978-2-336-29719-4 Le cinéma, un art imaginaire ?

Yves Patricia

Pourquoi choisir de publier un auteur qui exerce sa vivacité d’esprit contre le cinéma ? Parce qu’il est stimulant de soupçonner encore et sans relâche le rapport entre l’art et le régime politique de la Cité. Et particulièrement le cinéma en tant qu’aboutissement historique des perfectionnements de la capacité mimétique de l’art, une merveilleuse boîte à illusions. Au surplus, cette critique, nourrie de philosophie et de psychanalyse, ne cherche-t-elle pas à nous amener à défendre le cinéma ? (Coll. Le Parti pris du cinéma, 14.50 euros, 146 p.) ISBN : 978-2-343-06174-0, ISBN EBOOK : 978-2-336-38151-0 Architecture et design dans les films de James Bond

Pignol Alexandra, Mroczkowski Stéphane

Il y a un style James Bond. Mélange de design contemporain, d’architecture radicale, le tout plongé dans un environnement technologique menaçant. Ken Adam, chef décorateur de génie, façonne les décors des premiers Bond selon une vision ancrée dans l’époque de la guerre froide, de la conquête de l’espace et de l’architecture radicale, en jouant sur des associations explosives des contraires. Ce livre décode à la fois décors fabriqués en studio et objets créés par des designers. En quoi donnent-ils du sens aux images et à l’action ? (Coll. Esthétique série Ars, 27.00 euros, 256 p.) ISBN : 978-2-343-06344-7, ISBN EBOOK : 978-2-336-38166-4 Les images qui se suivent Réflexion sur la continuité visuelle

Chih-Wei Lin

Les images successives, comme la bande-dessinée, ont toujours attiré notre regard. Néanmoins, en nous penchant sur ces images, nous nous apercevons qu’elles ne sont pas très réfléchies ; et donc nous questionnent. Pourquoi sentonsnous un mouvement même si en réalité ces images ne bougent pas ? Quels sont les faits d’essence de ces images curieuses ? Le temps accompagne toujours le mouvement ; alors quel rôle joue-t-il dans ces images successives ? Composé de théories et d’exemples artistiques, divers domaines sont traversés : la philosophie, la photographie, la cinématographie, l’art plastique... (Coll. Champs visuels, 24.00 euros, 232 p.) ISBN : 978-2-343-04440-8, ISBN EBOOK : 978-2-336-37615-8 20 cinématons olé olé !

Gérard Courant

Au début de l’année 1978, Gérard Courant commence une aventure cinématographique unique : la réalisation d’une vaste anthologie de portraits, appelés cinématons, de personnalités des arts et du spectacle. Un cinématon est le gros plan d’un visage en Super-8 muet. Voici enfin regroupés sur ce dvd les

cinématons les plus «olé olé» de tous les temps...»Gérard Courant a filmé plus de 2800 personnalités (exactement 2880 personnalités - 192 heures au total) et continue sa démarche artistique à travers le temps. Depuis près de 40 ans, sa méthode est toujours restée la même : filmer en une seule prise, sans répétition, en un seul gros plan, sans montage et toujours en 3’20», une personne qui décide elle-même ce qu’elle veut faire devant la caméra. Ce DVD très riche réunit les cinématons les plus sexe et/ou drôles : Noël Godin l’entarteur, Élodie star du X, Brigitte Lahaie, Marie-France...» (2X). BONUS : tournage du cinématon de Salim Kechiouche, 6 couples, documents sur Gérard Courant. ISBN : 978-2-336-29702-6, 20.00 euros Les films à voir cette semaine Stratégies de la critique de cinéma

Sous la direction de Laurent Jullier

Comme le remarquait Guy Debord, la critique de cinéma est un «spectacle au deuxième degré, où le critique donne en spectacle son état de spectateur même». La mise en scène de ce spectacle a-t-elle des règles ? Suit-elle un rituel précis ? Une douzaine d’auteurs y étudient les stratégies mises en œuvre par les critiques, à différentes époques et dans différents pays, pour exposer leurs goûts ou pour convaincre leur public du bien-fondé de leurs positions. On trouvera en fin d’ouvrage, des entretiens avec des critiques de Positif et des Cahiers du cinéma. (Coll. Champs visuels, 26.50 euros, 256 p., ) ISBN : 978-2-343-05992-1, ISBN EBOOK : 978-2-336-37497-0 Des vidéoclubs pour l’Afrique ? «Salles» de cinéma populaires et lieux de sociabilités au Tchad

Ndiltah Patrick - Préface d’Olivier Barlet

Depuis 20 ans, les salles de cinéma ferment en Afrique. Quelques projets ont reçu un soutien médiatique important, mais qui parle des millions d’Africains qui fréquentent chaque jour les «cinéclubs» où sont projetés des DVD pirates ? L’auteur étudie ces établissements qui prolifèrent au Tchad et dans la plupart des villes africaines, en toute illégalité. Il analyse leur modèle économique, leur programmation, leur public. Il s’agit de «salles» où se construisent à la fois une forme de culture cinématographique et des modes de sociabilité. (Coll. Images Plurielles, 26.00 euros, 258 p.) ISBN : 978-2-343-06132-0, ISBN EBOOK : 978-2-336-37580-9 Une lettre ne s’écrit pas (DVD)

Guillaume Levil

Julien et Nina établissent un pacte avec l’univers : ils doivent profiter de la vie, quel qu’en soit le prix. Cette décision les mènera-t-elle au bonheur, ou au contraire à leur disparition ? “Un premier long-métrage éclairé.” (aVoir-aLire. com) “Des images magnifiques.” (Silence-moteur-action.com). Bonus : “Making of” de Theo Semet, Un Tour de cheville, court-métrage de Guillaume Levil, bande-annonce du film. (20.00 euros) ISBN : 978-2-336-29680-7

L’HARMATTAN ITALIA Via Degli Artisti 15; 10124 Torino [email protected] L’HARMATTAN HONGRIE Könyvesbolt ; Kossuth L. u. 14-16 1053 Budapest L’HARMATTAN KINSHASA 185, avenue Nyangwe Commune de Lingwala Kinshasa, R.D. Congo (00243) 998697603 ou (00243) 999229662

L’HARMATTAN CONGO 67, av. E. P. Lumumba Bât. – Congo Pharmacie (Bib. Nat.) BP2874 Brazzaville [email protected]

L’HARMATTAN GUINÉE Almamya Rue KA 028, en face du restaurant Le Cèdre OKB agency BP 3470 Conakry (00224) 657 20 85 08 / 664 28 91 96 [email protected]

L’HARMATTAN MALI Rue 73, Porte 536, Niamakoro, Cité Unicef, Bamako Tél. 00 (223) 20205724 / +(223) 76378082 [email protected] [email protected]

L’HARMATTAN CAMEROUN TSINGA/FECAFOOT BP 11486 Yaoundé 699198028/675441949 [email protected] L’HARMATTAN CÔTE D’IVOIRE Résidence Karl / cité des arts Abidjan-Cocody 03 BP 1588 Abidjan 03 (00225) 05 77 87 31 [email protected] L’HARMATTAN BURKINA Penou Achille Some Ouagadougou (+226) 70 26 88 27

L’HARMATTAN ARMATTAN SÉNÉGAL SÉNÉGAL L’H 10 VDN en face Mermoz, après le pont de Fann « Villa Rose », rue de Diourbel X G, Point E BP 45034 Dakar Fann 45034 33BP825 98 58Dakar / 33 FANN 860 9858 (00221) 33 825 98 58 / 77 242 25 08 [email protected] / [email protected] www.harmattansenegal.com

Achevé d’imprimer par Corlet Numérique - 14110 Condé-sur-Noireau N° d’Imprimeur : 140128 - Juillet 2017 - Imprimé en France

Sous la 1re République, « le Guinéen n’avait rien mais il allait au cinéma tous les soirs. » En 1971, presque tous les travailleurs du Sily Cinéma sont partis faire « un stage » au camp Boiro… Certains y perdirent la vie, d’autres en sortirent traumatisés. Le Sily Cinéma produisit encore le chef-d’œuvre Naïtou l’orpheline, de Moussa Kémoko Diakité, en 1982, puis languit progressivement. En 1984, Sékou Touré meurt, avec ses idéaux, et on enterre avec lui le Sily Cinéma et les salles. Depuis les années 90, les cinéastes guinéens expatriés en France reviennent tourner régulièrement des films de bonne facture en Guinée. Ce livre veut rendre hommage à tous les cinéastes talentueux de Guinée et inscrire les jeunes désireux de « faire du cinéma » dans cette histoire. Jeanne COUSIN est née en 1955 en France. Après des études d’infirmière, puis de cadre de santé, elle a été diplômée de l’École nationale de santé publique de Rennes et de l’Institut d’études politiques (IEP) de Bordeaux. Cinéphile, elle est venue pour la première fois en Guinée en 2007 et a fondé, en 2012, une antenne de « Guinée solidarité » à Bordeaux, proposant des projets culturels liés au cinéma. Depuis, elle séjourne trois mois par an en Guinée.

Photographie de couverture : Ciné Vox Kindia. ISBN : 978-2-343-12043-0

18 €

Jeanne COUSIN

Histoire du cinéma en Guinée depuis 1958

Histoire du cinéma en Guinée depuis 1958