Grossesse et travail: Quels sont les risques pour l'enfant à naître ? 9782759808472

Ouvrage récompensé par le Prix Prescrire 2011 Chaque année, près de 530 000 enfants naissent de mères ayant eu une activ

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Grossesse et travail: Quels sont les risques pour l'enfant à naître ?
 9782759808472

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AVIS D’EXPERTS

GROSSESSE ET TRAVAIL Quels sont les risques pour l’enfant à naître ? Sous la direction de Dominique Lafon

Avec la collaboration de Geneviève Abadia, Sandy Basile, Jean-Claude Bastide, Marie-Cécile Bayeux-Dunglas, Virginie Bayon, Anne Brun, Claire Beausoleil, Pierre Campo, Stéphane Caron, Véronique Caron, Elodie Causse, Jean-François Certin, Olivier Claris, Agathe Croteau, Louise Devisme, Nicole Ducreux, Marielle Dumortier, Michel Falcy, Françoise Faupin, Anne Florentin, Bernard Fontaine, René Habert, Christine Hermouet, Yaël Ganem, Christine Gauron, Lise Goulet, Pierre Gressens, Simon Gressens, Isabelle Lanfranconi, Colette Le Bâcle, Damien Léger, Stéfania Maccari, Katy Maguin, Patricia Maladry, Jean-Pierre Meyer, Laurence Mousel, Luc Multigner, Karine Petitprez, Aurélie Poivey-Bellagamba, Maurice Poulin, Francis Puech, Anca Radauceanu, Mickaël Rinaldo, Anne-Marie Saillenfait, Irène Sari-Minodier, Marie-Josèphe Saurel-Cubizolles, Claire Soudry, Mylène Trottier Et l’assistance d’Annie Bijaoui, Christine Heitz et Déborah Payan

17, avenue du Hoggar Parc d’Activités de Courtabœuf, BP 112 91944 Les Ulis Cedex A, France

Illustrations de couverture : © INRS Kerbaol Gaël, Morillon Serge, www.imagessources.com

Mise en pages : Patrick Leleux

Imprimé en France

ISBN : 978-2-7598-0510-5

Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective », et d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (alinéa 1er de l’article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal.

© EDP Sciences 2010

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Table des matières

Introduction 1. Pourquoi un avis d’experts sur « Grossesse et travail » ? 2. Méthodologie de l’avis d’experts

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Remerciements aux contributeurs

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Partie I La grossesse – Généralités Chapitre 1. Données statistiques sur les femmes au travail

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Introduction 1. Enquête nationale périnatale 2. Enquête Emploi de l’INSEE 3. Enquête SUMER 4. Enquêtes sur les femmes enceintes au travail réalisées par des médecins du travail

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Chapitre 2. Déroulement normal d’une grossesse 1. Modifications physiologiques de l’organisme maternel pendant la grossesse 1.1. Généralités 2. Les échanges fœtomaternels 2.1. Rappel embryologique 2.2. Rappel anatomique 2.3. Échanges placentaires

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2.4. Régulation hormonale de la circulation placentaire 2.5. Fonction respiratoire du placenta 3. Barrière placentaire : état des connaissances sur l’exposition du fœtus aux xénobiotiques 3.1. Rappels sur les déterminants de l’exposition fœtale aux substances exogènes 3.2. Mécanisme des échanges fœtomaternels 3.3. Transfert transplacentaire de substances exogènes et expositions fœtales 4. Développement de l’embryon et du fœtus 4.1. Gènes du développement 4.2. Bases cellulaires de la morphogenèse 4.3. Étapes du développement prénatal 5. Développement du système nerveux central 5.1. Induction neurale et neurulation 5.2. Prolifération neuronale 5.3. Migration neuronale et lamination corticale 5.4. Organisation du système nerveux central 5.5. Mort cellulaire programmée 5.6. Prolifération gliale, différenciation et myélinisation 5.7. Développement des vaisseaux cérébraux 6. Développement des organes de la reproduction in utero 6.1. Du sexe génétique au sexe gonadique 6.1.1. Ontogenèse des gonades 6.1.2 Déterminisme de la différenciation des gonades 6.2. Du sexe gonadique au sexe phénotypique 6.3. Perturbateurs endocriniens environnementaux Chapitre 3. La grossesse : une attente et des risques Introduction 1. Avortements spontanés 1.1. Avortements spontanés 1.2. Cas particulier des grossesses extra-utérines 2. Morts fœtales : mortinatalité et mortalité périnatale 3. Malformations congénitales 4. Naissances prématurées 5. Enfants avec retard de croissance intra-utérin 6. Retard de développement psychomoteur des jeunes enfants Conclusion

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Partie II Les risques professionnels Chapitre 4. Risques chimiques Introduction 1. Comment évaluer le danger d’une substance chimique vis-à-vis du développement 4

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Table des matières

1.1. À partir de données chez l’homme 1.2. À partir d’études expérimentales 2. La réglementation 2.1. Ancienne réglementation 2.2. Nouvelles réglementations 3. Les questions en discussion 3.1. Effets retardés d’une exposition intra-utérine. Risques de cancer 3.2. Atteintes du développement neurologique 3.3. Produits non testés 3.4. Atteinte de l’appareil reproducteur mâle : l’exemple de phtalates 3.5. Perturbateurs endocriniens 3.6. Atteintes du développement du système immunitaire 4. Discussion sur l’évaluation des risques au poste de travail Annexes OCDE 414 : Étude de toxicité pour le développement prénatal OCDE 415 : Étude de toxicité de la reproduction sur une génération OCDE 416 : Étude de toxicité de la reproduction sur deux générations OCDE 421 : Essai de dépistage de la toxicité pour la reproduction et le développement OCDE 422 : Étude combinée de toxicité à doses répétées et de dépistage de la toxicité pour la reproduction et le développement OCDE 426 : Étude de neurotoxicité pour le développement Chapitre 5. Risques du travail physique, de la posture, des contraintes thermiques, des vibrations et du bruit sur la grossesse Influences du travail physique, de la posture, des contraintes thermiques et des vibrations sur la grossesse Introduction 1. Travail physique et grossesse 1.1. Changements physiologiques durant la grossesse 1.2. Activité physique sportive et de loisir 1.3. Activité physique au travail 2. Vibrations 3. Postures et dimensions du poste de travail 4. Contraintes thermiques 5. Fatigue 6. Cumul des facteurs de risque 7. Pathologie de l’appareil locomoteur 8. Après l’accouchement 9. Conclusion sur la prévention Bruit et grossesse : risques auditifs et extra-auditifs encourus par les enfants à naître Introduction 1. Effets auditifs d’une exposition au bruit : conséquences pour l’enfant à naître 1.1. Période critique ou phase d’hypersensibilité au traumatisme cochléaire 1.2. Ambiances sonores intra-utérines et perception 1.3. Traumatisme cochléaire chez le fœtus 1.4. Traumatisme cochléaire chez le prématuré

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2. Effets extra-auditifs d’une exposition au bruit : conséquences pour la grossesse et l’enfant à naître 3. Législation et proposition pour protéger les femmes enceintes travaillant dans des environnements bruyants 4. Conclusions et recommandations

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Chapitre 6. Risques des champs électromagnétiques Introduction 1. Champs électromagnétiques en milieu professionnel 2. État des connaissances sur l’impact des rayonnements électromagnétiques sur la grossesse 3. Discussion

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Chapitre 7. Risques des rayonnements ionisants Introduction / Notions de radiobiologie 1. Effets d’une exposition in utero : état des connaissances 1.1. Effets déterministes 1.2. Effets cardiovasculaires 1.3. Effets stochastiques 2. Évaluation de l’exposition du fœtus 3. Principales situations d’exposition professionnelle 4. Cadre réglementaire actuel pour la protection de l’enfant à naître 5. Conduite généralement adoptée selon la dose reçue

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Chapitre 8. Risques organisationnels et psychosociaux Travail de nuit et horaires irréguliers Introduction 1. Risque d’avortement spontané 2. Risque d’accouchement avant terme et d’insuffisance de poids pour l’âge gestationnel Conclusion Stress professionnel et grossesse Introduction 1. Évaluation du stress professionnel 2. Études épidémiologiques sur le stress au travail pendant la grossesse 3. Données des modèles animaux sur l’impact du stress Conclusion

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Chapitre 9. Risques biologiques Introduction 1. Généralités 1.1. Infection et grossesse 1.2. Fièvre et grossesse 1.3. Évaluation des risques 1.4. Prévention et grossesse 2. Maladies infectieuses à transmission interhumaine 2.1. Rubéole 2.2. Rougeole

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Table des matières

2.3. Oreillons 2.4. Infection à cytomégalovirus (CMV) 2.5. Varicelle et zona 2.6. Parvovirus B19 2.7. Hépatite B 2.8. Hépatite C 2.9. Infection à VIH 2.10. Tuberculose 2.11. Coqueluche 2.12. Grippe 3. Zoonoses, maladies infectieuses animales transmissibles à l’homme 3.1. Brucellose 3.2. Fièvre Q 3.3. Toxoplasmose 3.4. Listériose 3.5. Hépatite E 3.6. Chorioméningite lymphocytaire 3.7. Chlamydioses 3.8. Borréliose de Lyme 4. Maladies vectorielles : paludisme, dengue et chikungunya 4.1. Épidémiologie 4.2. Grossesse 4.3. Activités professionnelles exposantes 4.4. Prévention 5. Maladies à prions Conclusion Chapitre 10. Professions pour lesquelles des risques pour l’enfant sont décrits ou discutés dans la littérature Introduction 1. Rappel méthodologique 2. Métiers de la santé 2.1. Expositions professionnelles maternelles potentiellement nuisibles pour l’enfant à naître 2.2. Titres d’emplois potentiellement exposants par type d’exposition professionnelle 2.3. Effets de l’exercice des différents emplois du secteur de la santé sur l’enfant à naître : évidence épidémiologique 3. Emplois au contact des animaux 3.1. Vétérinaires 3.2. Autres personnels au contact des animaux 4. Personnel de laboratoire 5. Personnel au contact des enfants en bas âge 6. Activités agricoles et horticoles 7. Métiers des services 7.1. Coiffeuses, esthéticiennes et assimilées 7.2. Métiers du nettoyage et de l’entretien 7.3. Métiers de la restauration et de la vente

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8. Métiers de l’industrie et de l’artisanat 8.1. Industrie du cuir et des textiles 8.2. Industrie du caoutchouc et du plastique 8.3. Industrie de l’électronique, métaux, pétrochimie. Peintres 9. Personnel navigant 10. Profession d’avocate Conclusion générale

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Partie III Réglementation – Organisation – Expérience étrangère Chapitre 11. Réglementation relative à la grossesse au travail 1. Enjeux et perspectives 2. Protection du contrat de travail 2.1. Principe de non-discrimination et égalité professionnelle 2.2. Dispositions spécifiques relatives à la protection de la grossesse et de la maternité 3. Protection de l’état de santé de la salariée enceinte ou venant d’accoucher 3.1. Surveillance médicale renforcée 3.2. Changement temporaire d’affectation 4. Protection contre les risques particuliers : travaux interdits ou réglementés 4.1. Risques biologiques 4.2. Risques chimiques 4.3. Risques physiques 5. Droits aux congés et à l’assurance maternité 5.1. Congé de maternité 5.2. Assurance maternité 6. Droit au retour dans l’entreprise 6.1. Droit au retour à l’emploi 6.2. Droit à une surveillance médicale 6.3. Droit à l’allaitement dans l’établissement 7. Rôle des acteurs de la prévention 7.1. Services de santé au travail (SST) : rôle du médecin du travail 7.2. Rôle du CHSCT Chapitre 12. L’organisation du suivi de la grossesse en France Introduction 1. Organisation de la périnatalité 2. Principaux intervenants 3. Travail en réseau 4. Programme de suivi et contenu des consultations pour la surveillance d’une grossesse 5. Durée du congé maternité 6. Carnet de santé maternité 7. L’Académie de médecine 8. Charte de la parentalité 8

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Table des matières

9. La Haute Autorité de santé (HAS) 10. Surveillance des événements liés à la reproduction et à la naissance Bibliographie Chapitre 13. L’expérience du Québec 1. Objectif du programme québécois de protection de la maternité au travail 2. Portrait de l’utilisation du programme Pour une maternité sans danger 3. Conditions et démarche d’utilisation du programme Pour une maternité sans danger 4. Difficultés d’application du programme Pour une maternité sans danger 5. Le Groupe de référence grossesse-travail 6. Le Comité médical provincial d’harmonisation Pour une maternité sans danger 7. Évaluation de l’efficacité du programme Pour une maternité sans danger Conclusion

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Partie IV Synthèse – Recommandations Chapitre 14. Synthèse 1. La grossesse et le travail des femmes 2. Les risques pour l’enfant en France 3. Existe-t-il des facteurs de risque professionnels susceptibles d’engendrer des effets sur l’enfant ? 3.1. Les risques chimiques 3.2. Les risques du travail physique, de la posture, des contraintes thermiques, des vibrations, du bruit 3.3. Les risques des champs électromagnétiques 3.4 Les risques des rayonnements ionisants 3.5. Les risques organisationnels et psychosociaux 3.6. Les risques biologiques 4. L’évaluation des risques au niveau des postes de travail 4.1. L’identification des dangers 4.2. La connaissance des degrés d’exposition 4.3. La connaissance de la relation dose-effet et du seuil sans risque d’effet 5. Que peut-on conclure vis-à-vis des risques pour les enfants à naître dont les mères sont enceintes en exerçant une activité professionnelle en France ? 5.1. L’étude des conditions de travail 5.2 Surveillance des effets néfastes des expositions professionnelles sur la grossesse et sur la santé de l’enfant Chapitre 15. Recommandations 1. Développer la surveillance épidémiologique du déroulement des grossesses en milieu professionnel : exploitation des sources d’information existantes, création d’un observatoire

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1.1. Utiliser les sources d’informations déjà existantes en santé publique sur l’issue de la grossesse et le développement des enfants. L’objectif est d’y intégrer ou de traiter des informations sur l’exposition professionnelle. 1.2. Créer un Observatoire de l’impact des risques professionnels sur les naissances avec les médecins du travail 2. Créer un programme national de recherche sur l’impact du travail sur le déroulement des grossesses 3. Créer un groupe de référence et un réseau d’experts pour le développement de la prévention des risques professionnels vis-à-vis de la reproduction humaine 4. Développer l’information 4.1. Lancer une campagne nationale sur le thème « Agir à temps, c’est agir avant » 4.2. Améliorer l’information des femmes sur les risques pendant la grossesse 5. Optimiser la formation des professionnels 6. Développer le travail en réseau pluridisciplinaire 7. Améliorer l’accessibilité et la visibilité du système de prise en charge des arrêts de travail 8. Adapter la réglementation Perspectives

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Table des abréviations

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Glossaire

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Préambule

En 2008, la France métropolitaine retrouve, avec 801 000 naissances, un niveau de fécondité qu’elle n’avait plus atteint depuis 1981. Ce chiffre s’est stabilisé en 2009. Parallèlement, l’emploi féminin a progressé. D’après la dernière enquête nationale périnatale, 66 % des femmes avaient exercé un emploi durant une partie de leur grossesse en 2003. Chaque année, près de 530 000 enfants naissent ainsi de mères ayant eu une activité professionnelle durant leur grossesse. La majorité des enfants naissent en bonne santé. Pourtant, malgré toutes les mesures prises, un certain nombre de grossesses présentent des complications dont certaines atteignent l’enfant : avortement, mort fœtale, naissance prématurée, retard de croissance intra-utérin, malformations congénitales, retard de développement psychomoteur. Les étiologies de ces pathologies sont médicales ou génétiques mais aussi d’origines environnementale ou professionnelle. Les femmes enceintes sont en effet soumises à un certain nombre de risques professionnels : produits chimiques, agents biologiques, stress, rayonnements, travail physique intense (port de charges, travail debout prolongé…), des contraintes organisationnelles (horaires importants, travail de nuit). Certains de ces facteurs sont connus, d’autres soupçonnés, pour entraîner des effets néfastes sur l’enfant à naître. La prématurité a été longtemps une conséquence fréquente du travail physique intense. La prise en charge sociale de la grossesse en France, permettant des améliorations des conditions de travail ou des arrêts de travail au cours du 3e trimestre de la grossesse, a 11

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permis une nette amélioration, sans annuler complètement ces effets, notamment dans les populations fragiles vis-à-vis de l’emploi. La mortalité périnatale reste encore à des niveaux élevés, le nombre d’avortements ne diminue pas. De même, les malformations sévères restent encore fréquentes, entre 2 à 3 % des naissances, alors même qu’aucune étiologie n’est retrouvée dans de nombreux cas. Parallèlement, des produits chimiques et des agents biologiques sont reconnus comme étant tératogènes. Sur le terrain, médecins du travail ou gynécologues s’interrogent fréquemment sur le rôle de telle ou telle exposition professionnelle vis-à-vis de la grossesse et font face à des difficultés fréquentes pour en évaluer les risques. Les salariées enceintes sont de plus en plus interrogatives sur les risques encourus durant leur grossesse. L’INRS est aussi régulièrement sollicité sur l’impact de telle ou telle condition de travail sur la grossesse. Dans ce contexte, l’INRS a décidé de lancer une réflexion scientifique sur ce sujet. Vu la complexité du domaine et les enjeux en cause, l’INRS a proposé que les processus d’aide à la décision soient élaborés par un collectif d’experts internes et externes à l’INRS et ce, en s’appuyant sur la connaissance de l’existant, tant d’un point de vue scientifique que réglementaire. Il leur a été demandé d’éclairer les décideurs au sujet de la question suivante : « le travail est-il actuellement susceptible d’entraîner des conséquences délétères sur l’enfant naissant de mères ayant eu une activité professionnelle durant la grossesse ? ». En cas de réponse positive ou de difficultés pour y répondre, des recommandations seront proposées afin d’aider la décision des pouvoirs publics, des préventeurs, des responsables d’entreprises, ou des partenaires sociaux dans ce domaine. D. BAPTISTE Directeur scientifique de l’INRS

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Les auteurs

■ Geneviève ABADIA Médecin conseil à la MSA jusqu’au 30 novembre 2009, puis chef de département à l’INRS depuis le 1er décembre 2009 (Paris) ■ Sandy BASILE Juriste à l’INRS, responsable de pôle (Paris) ■ Jean-Claude BASTIDE Ingénieur-Statisticien à l’INRS (Paris) ■ Marie-Cécile BAYEUX-DUNGLAS Conseiller médical en santé au travail à l’INRS (Paris), spécialiste en risques biologiques ■ Virginie BAYON Chef de clinique-assistante de l’Université Paris Descartes et Hôtel-Dieu APHP (Paris), médecin du travail, spécialiste des troubles du sommeil et de la vigilance ■ Claire BEAUSOLEIL Pharmacienne, toxicologue à l’INRS (Paris) jusqu’au 30 septembre 2009 puis chef de projet à l’AFSSET depuis le 1er octobre 2009 (Paris) ■ Anne BRUN Médecin du travail, Service de médecine du travail, Université Paris Sud (Orsay) 13

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■ Pierre CAMPO Chercheur-neurophysiologiste, spécialiste des effets du bruit et de l’ototoxicité à l’INRS (Nancy) ■ Stéphane CARON Président du CMPH-PMSD - Médecin-Conseil, équipe Santé au travail - Direction de la santé publique de la Côte-Nord (Québec) ■ Véronique CARON Conseiller médical en santé au travail à l’INRS (Paris), spécialiste en risques biologiques ■ Élodie CAUSSE Médecin du travail, adjointe au coordinateur du service central de médecine du travail de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, Hôtel-Dieu (Paris) ■ Jean-François CERTIN Ingénieur conseil, CRAM Pays de la Loire (Nantes) ■ Olivier CLARIS Professeur de pédiatrie, Service de néonatalogie, Hôpital Femme-mère-enfant (Bron) ■ Agathe CROTEAU Médecin-Conseil, épidémiologiste, Unité Santé au travail, Institut National de Santé Publique du Québec, membre du Groupe de référence grossesse et travail (Québec) ■ Louise DEVISME Médecin, anatomopathologiste, Hôpital A. Calmette (Lille) ■ Nicole DUCREUX Médecin du travail, Hôpital Robert Debré (Paris) ■ Marielle DUMORTIER Médecin du travail, ACMS (Juvisy-sur-Orge) ■ Michel FALCY Conseiller médical en santé au travail à l’INRS (Paris), toxicologue, adjoint chef de département ■ Françoise FAUPIN Médecin du travail, directrice médicale adjointe, ACMS (Suresnes) ■ Anne FLORENTIN Médecin du travail, Hôpital Robert Debré (Paris) ■ Bernard FONTAINE Médecin du travail, toxicologue, coordinateur du Pôle santé travail (Lille) 14

Les auteurs

■ René HABERT Professeur à l’Université Paris 7 et Directeur du laboratoire de Développement des Gonades, CEA – INSERM U96, Université Paris 7 (Fontenay-aux-Roses) ■ Christine HERMOUET Médecin du travail, Direction Santé au Travail/Toxicovigilance, Sanofi-Aventis (Gentilly) ■ Yaël GANEM Conseiller médical en santé au travail à l’INRS (Paris), spécialiste des risques des rayonnements électromagnétiques ■ Christine GAURON Conseiller médical en santé au travail à l’INRS (Paris), spécialiste en rayonnements ionisants. ■ Lise GOULET Médecin-Conseil, professeur Unité santé au travail, membre du GRGT - Direction des risques biologiques et de la santé au travail (INSPQ - Québec) ■ Pierre GRESSENS Médecin neurologue, directeur de recherche INSERM U676, Physiopathologie et neuroprotection des atteintes du cerveau en développement, Université Paris 7, Faculté de Médecine Denis Diderot, Hôpital Robert Debré, Service de Neurologie Pédiatrique et PremUP ■ Simon GRESSENS INSERM U676, Physiopathologie et neuroprotection des atteintes du cerveau en développement (Paris) ■ Dominique LAFON Conseiller médical en santé au travail à l’INRS (Paris), toxicologue, responsable de pôle ■ Isabelle LANFRANCONI Conseiller médical, CRAMIF (Paris) ■ Colette LE BÂCLE Conseiller médical en santé au travail à l’INRS (Paris), spécialiste des risques biologiques, responsable de pôle ■ Damien LÉGER Professeur de l’Université Paris Descartes et Hôtel-Dieu APHP (Paris), spécialiste Médecine du Travail et des troubles du sommeil et de la vigilance 15

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■ Stéfania MACCARI Professeur, Unité de Glycobiologie structurale et fonctionnelle, UMR 8576 CNRS (Villeneuve-d’Ascq) ■ Katy MAGUIN Docteur en physiologie, faculté de pharmacie (Nancy) ■ Patricia MALADRY Médecin inspecteur du travail, adjointe au médecin chef de l’inspection médical, Ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité ■ Jean-Pierre MEYER Médecin chercheur, physiologiste à l’INRS (Vandœuvre) ■ Marie-Laurence MOUSEL Médecin du travail, Institut Pasteur (Paris) ■ Luc MULTIGNER Médecin épidémiologiste, INSERM U625, Groupe d’Étude de la Reproduction chez l’Homme et les Mammifères (GERHM) (Pointe-à-Pitre) ■ Karine PETITPREZ Chef de projet, Service des bonnes pratiques professionnelles, Haute Autorité de Santé (Saint-Denis-la-Plaine) ■ Aurélie POIVEY-BELLAGAMBA Interne en médecine du travail, INRS (Paris) ■ Maurice POULIN Médecin, Coordonnateur, Unité santé au travail, responsable du GRGT – Direction des risques biologiques et de la santé au travail (INSPQ, Québec) ■ Francis PUECH Professeur à l’Hôpital Jeanne de Flandre – CHRU (Lille), Obstétricien, Président de la Commission nationale de la naissance ■ Anca RADAUCEANU Médecin épidémiologiste à l’INRS (Vandœuvre) ■ Mickaël RINALDO Médecin du travail, assistant hospitalo-universitaire à la Consultation de pathologie professionnelle, Hôpital Pellegrin (CHU de Bordeaux) ■ Anne-Marie SAILLENFAIT Pharmacien-toxicologue, responsable d’études en toxicité du développement à l’INRS (Vandœuvre) 16

Les auteurs

■ Irène SARI-MINODIER Maître de conférences des universités-Praticien hospitalier, Service de médecine et santé au travail et Laboratoire de biogénotoxicologie et mutagenèse environnementale EA 1784 (Marseille) ■ Marie-Josèphe SAUREL-CUBIZOLLES Épidémiologiste, INSERM Unité 953, Recherche épidémiologique en santé périnatale et santé des femmes et des enfants (Paris) ■ Claire SOUDRY Chargée d’étude Juridique à l’INRS (Paris) ■ Mylène TROTTIER Médecin-Conseil, Unité santé au travail, membre du GRGT - Direction des risques biologiques et de la santé au travail (INSPQ, Québec)

Avec l’assistance de : ■ Annie BIJAOUI Chargée d’études bibliographiques et de veille au département Études et assistance médicales à l’INRS (Paris) ■ Christine HEITZ Assistante au département Études et assistance médicales à l’INRS (Paris) ■ Déborah PAYAN Secrétaire au département Études et assistance médicales à l’INRS (Paris)

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1

Introduction

D. Lafon

1. Pourquoi un avis d’experts sur « Grossesse et travail » ? Dans le cadre de ses activités d’assistance, l’INRS est régulièrement sollicité par des médecins du travail, des gynécologues ou même des salariées enceintes à propos des risques de certaines expositions professionnelles vis-à-vis de la grossesse. Si une grande partie des questions concerne des expositions à des produits chimiques, certaines ont trait à des expositions à des agents biologiques ou aux rayonnements ionisants ou électromagnétiques. L’exposition au bruit fait également l’objet d’interrogations. C’est moins le cas des contraintes physiques autres, telles que le port de charge ou l’exposition aux vibrations, probablement parce que le médecin, du travail ou en charge de la grossesse, est plus armé pour y répondre. Ces demandes soulèvent régulièrement deux difficultés : l’urgence de la situation (la salariée ayant généralement débuté une grossesse) et le manque de données scientifiques stabilisées. 19

GROSSESSE ET TRAVAIL

En 1998, l’INRS a commencé à sensibiliser la communauté des préventeurs à l’importance de la prise en charge précoce de ce risque en organisant une soirée-débat sur « fécondité, grossesse et risques professionnels » et en y consacrant un dossier dans sa revue Travail et sécurité. L’INRS a également rédigé puis diffusé une plaquette en direction des salariées afin de les sensibiliser sur l’importance de protéger leur grossesse vis-à-vis des produits chimiques et notamment en s’en préoccupant, si possible, avant le démarrage de la grossesse. Une collaboration a été conclue avec le Centre de renseignements sur les agents tératogènes, actuellement Centre de référence sur les agents tératogènes (CRAT). Interlocuteur privilégié des médecins gynécologues à propos des effets des médicaments sur la grossesse, le CRAT est régulièrement questionné sur les risques des produits chimiques. Cet accord prévoit que l’INRS réponde à ce type de sollicitations. Plus récemment, l’INRS a créé les fiches DEMETER (Documents pour l’évaluation médicale des produits toxiques vis-à-vis de la reproduction). Ces documents sont destinés aux médecins, en particulier aux médecins du travail, afin de les aider à évaluer le risque pour la reproduction lors d’expositions d’hommes ou de femmes à des produits chimiques en milieu professionnel. Ces fiches synthétisent l’état des connaissances sur la reprotoxicité d’un certain nombre de produits chimiques et donnent une conduite à tenir pour le médecin du travail. Il apparaît cependant que ces actions ponctuelles ne permettent pas de répondre à toutes les questions et difficultés soulevées. Dans de nombreux cas, les données scientifiques sont incertaines ou manquantes. Comment répondre dans ces cas ? Doit-on invoquer le principe de précaution ou ne se baser que sur les données stabilisées ? Comment définir des réponses qui soient fiables, stabilisées et non issues d’un jugement médical ou technique personnel ? Vu la complexité du sujet, les incertitudes scientifiques et l’importance sociétale de ce sujet, il a été proposé par la direction scientifique de réaliser un Avis d’experts, s’appuyant sur un collectif d’experts internes et externes à l’INRS. Cette démarche a été intégrée en 2009 dans le cadrage stratégique de l’INRS, approuvé par le conseil d’administration. L’INRS a décidé de centrer cet avis d’experts sur la problématique : « Grossesse et travail : y-a-t-il des risques pour l’enfant à naître ? ». L’impact du travail sur la fertilité a été volontairement écarté. Non que ce sujet n’ait pas été perçu comme important, mais dans un souci d’efficacité. Il a semblé en effet difficile d’aborder les deux thèmes lors d’une même expertise. La problématique grossesse est déjà extrêmement vaste et complexe. Le choix de commencer par la grossesse s’est effectué, d’une part du fait de l’importance de la protection de l’enfance et, d’autre part parce que la fertilité est un thème qui fait l’objet actuellement d’actions importantes dans le cadre de l’approche santé-environnement. Le même type de travail sur la fertilité pourrait être entrepris 20

Introduction

éventuellement ultérieurement. Dans le cadre de sa grossesse, la femme peut être exposée à des risques pour elle-même, indépendamment d’effets éventuels sur l’enfant. Ces risques ne font pas l’objet du cœur de cette expertise. Ils peuvent être signalés par tel ou tel expert au cours de l’ouvrage, mais ils n’ont pas fait l’objet d’une recherche exhaustive.

2. Méthodologie de l’avis d’experts Les Avis d’experts sont préparés, à l’initiative de l’INRS, dans le cadre d’une méthodologie validée par sa Commission scientifique. Ils ne représentent pas nécessairement l’avis de l’INRS, mais celui du collectif d’experts réuni en la circonstance. Chacun des experts s’exprime en son nom propre et non au nom de son institut ou organisme d’appartenance. L’Avis d’experts « Grossesse et travail » a été structuré en deux étapes : Une première étape a consisté à faire un point des connaissances sur la problématique « Grossesse et travail : quels sont les risques potentiels pour l’enfant ? ». Nous avons demandé à des spécialistes, internes ou externes à l’INRS, de rédiger une synthèse de l’état des connaissances sur ce sujet (plusieurs milliers de publications y sont consacrées). Il leur a été demandé d’axer leur travail sur la rédaction d’un document qui permette de comprendre où en est l’état des connaissances concernant les risques du travail vis-à-vis de l’enfant. L’objectif n’était pas de réaliser une synthèse exhaustive de l’ensemble des données, du type encyclopédique, mais de faire ressortir les connaissances considérées comme stabilisées, celles en discussion ou les domaines non étudiés. Il leur a été également demandé d’expliquer comment l’évaluation des risques pouvait être réalisée, afin d’éclairer les besoins dans ce domaine. Ont ainsi été sollicités des articles sur : – Le risque chimique (C. Beausoleil, M. Falcy, D. Lafon, L. Multigner, A.M. Saillenfait) ; – Le travail physique, les postures, les vibrations, les contraintes thermiques (J.P. Meyer) ; – Le stress (S. Maccari, M.J. Saurel-Cubizolles) ; – Le bruit (P. Campo) ; – Le travail de nuit et les horaires irréguliers (V. Bayon, D. Léger) ; – Les rayonnements ionisants (C. Gauron, A. Poivey-Bellagamba) ; 21

GROSSESSE ET TRAVAIL

– Les ondes électromagnétiques (Y. Ganem) ; – Le risque biologique (M.C. Bayeux-Dunglas, V. Caron, C. Le Bâcle). En plus de cette approche par risque, il a été proposé à un épidémiologiste de réaliser une synthèse des études épidémiologiques publiées sur les risques sur la grossesse dans les différentes professions (A. Radauceanu). Chaque auteur était lui-même en charge de sa recherche bibliographique. Chacune de ces synthèses a été relue de manière anonyme par des experts extérieurs auxquels une relecture critique scientifique a été demandée. Des modifications ont été apportées à l’issue de ces relectures. Les textes finaux n’engagent en aucune manière ces relecteurs. Pour compléter ces données, des chapitres ont également été sollicités sur les statistiques concernant le travail des femmes (J.C. Bastide, D. Lafon), sur l’organisation du suivi de la grossesse en France (D. Lafon) et sur la réglementation « travail – grossesse » (S. Basile, C. Soudry). Afin d’introduire le sujet et de donner une base de connaissance commune sur la grossesse, plusieurs praticiens ont rédigé un chapitre sur le déroulement normal d’une grossesse (L. Devisme, F. Puech, M. Rinaldo). Dans ce cadre, deux articles plus détaillés sur le développement neurologique (P. Gressens, S. Gressens) et de l’appareil reproducteur (R. Habert), deux domaines particulièrement d’actualité et complexes, ont été sollicités. Enfin, des experts québécois ont rédigé un chapitre explicitant l’expérience originale du Québec à ce sujet (S. Caron, A. Croteau, L. Goulet, M. Poulin, M. Trottier). Une deuxième étape a consisté à réunir un groupe d’experts afin de statuer collectivement sur l’existence ou non de risque pour l’enfant et de proposer des recommandations afin d’améliorer, si besoin, la situation. La constitution du groupe d’experts a été bâtie selon des critères de compétence (tels que : connaissance du sujet, formation scientifique, technique ou médicale, expérience de terrain), de langue (facilités d’échanges et de déplacements) et de disponibilité concrète (permettant une participation effective à la définition et à la réalisation du projet). Le groupe était composé de différents experts dont certains avaient également été sollicités pour rédiger le point sur les connaissances : – Des spécialistes médicaux de la santé au travail : médecins du travail d’horizon varié (hôpital, service inter-entreprises, milieu de la recherche universitaire ou privée, service autonome), d’universitaires en médecine du travail, de médecins 22

Introduction

des services prévention des Caisses régionales d’assurance maladie ou de la Mutualité sociale agricole ainsi que de l’Inspection médicale du travail. Tous ont été choisis du fait de réalisation de travaux ou de préoccupations sur ce sujet ; – Un obstétricien et un pédiatre ; – Des chercheurs : épidémiologistes, physiologistes, toxicologues ; – Des juristes ; – Un ingénieur de prévention. Comme évoqué précédemment, les experts ne parlent qu’en leur nom propre et non en celui de leur employeur. Ce groupe d’experts a eu comme mission de répondre à la question « le travail est-il susceptible d’engendrer des risques pour l’enfant du fait d’une exposition professionnelle de sa mère durant sa grossesse, si oui pourquoi ? Quelles sont les actions qui permettraient de mieux répondre à cette question ou de diminuer les risques pour l’enfant ? ». Pour y répondre, il a été proposé aux experts de se baser sur l’état des connaissances précédemment rédigé et leur expérience personnelle. Les experts ont ainsi rédigé en commun une synthèse et des recommandations, expression collective de cet Avis d’experts.

23

GROSSESSE ET TRAVAIL

Témoignages Pour illustrer les problématiques soulevées par la question « Grossesse et travail », nous vous proposons de lire quelques témoignages de médecins ou de salariées qui illustrent les différentes questions soulevées par la grossesse en milieu professionnel. Dr J.S., médecin du travail : « Je vois ce jour en visite Catherine, enceinte de 4 mois, intérimaire. Graveuse sur cuir dans une petite entreprise de 30 salariés, elle est exposée à un niveau sonore important dépassant les 85 dBA sur 8 heures d’exposition, avec des pics au-delà des 135 dBA. L’audition de Catherine est bien protégée par des protections auditives. Ce n’est pas le cas de son enfant, qui lui ne peut pas porter de casque. L’employeur est de bonne volonté mais il n’existe pas d’autre poste non exposé dans l’entreprise. Que faire ? » Dr M.M-S, médecin du travail : « Je surveille un garage dont l’employeur a embauché récemment une femme jeune au poste de peintre. J’ai refait le point des produits utilisés par rapport à un désir de grossesse. Un certain nombre de produits contiennent entre 1 et 2 % de N-méthyl-2-pyrrolidone, classée reprotoxique catégorie 2 – R 61 depuis la 31e adaptation de janvier 2009. J’ai eu un échange de mail avec le fabricant qui : – me confirme la présence à ce jour de N-méthyl-2-pyrrolidone dans ses préparations, – m’indique que l’étiquetage ne sera obligatoire qu’au 1/12/2010, – qu’il n’y aura pas d’étiquetage pour cette préparation car le pourcentage de N-méthyl-2-pyrrolidone est inférieur à 5 % dans la préparation (3 % dans la réglementation CLP), – que la reprotoxicité sera simplement notée au point 3 (composition) de la Fiche de données de sécurité avec la mention dans les composants de la N-méthyl-2pyrrolidone, – réglementairement, l’interdiction d’affecter une femme enceinte ne s’applique qu’aux préparations étiquetées reprotoxiques. Ce n’est pas ici le cas. Cette jeune femme pourra ainsi clairement être exposée à un reprotoxique. » Dr P.D., médecin du travail : « Une de mes patientes, enceinte de 4 mois, travaille dans un bâtiment au-dessus duquel passe une ligne haute tension. Cette personne s’interroge sur les risques obstétricaux et tératogènes. Que lui répondre ? » J.C., ingénieur CRAM : « Le gynécologue, via le médecin du travail, nous interroge sur la possibilité d’une étiologie professionnelle afin d’expliquer la fausse couche récente de sa patiente. Cette 24

Introduction

personne est esthéticienne et pose, entre autres, des ongles artificiels. Les produits qu’elle utilise sont-ils susceptibles d’entraîner de tels effets ? » Dr V.C., médecin du travail : « Je suis médecin du travail et j’ai en charge la surveillance d’un laboratoire vétérinaire. J’aimerais avoir votre avis sur le maintien des femmes enceintes dans les locaux où sont manipulés des échantillons et cadavres d’animaux susceptibles d’être contaminés par Coxellia burnetii. Chez la femme enceinte, l’infection (fièvre Q) peut être à l’origine d’avortement surtout pendant les trois premiers mois et compromettre les grossesses ultérieures en absence de traitement. » V.J., infirmière enceinte : « Je suis infirmière et travaille dans un service où on utilise de l’acide peracétique pour la désinfection des fibroscopes. J’allaite actuellement mon enfant. Y-a-t-il un risque ? Le médecin du travail m’a signalé qu’il n’existait pas de donnée scientifique sur le passage éventuel de l’acide peracétique dans le lait, ni sur son métabolisme précis dans l’organisme. » Dr M.D., médecin du travail : « Aude est vendeuse dans une parfumerie. Il y a six mois, elle a fait une fausse couche à 2 mois et demi de grossesse, aussi dès qu’elle est à nouveau enceinte, sur les conseils de son gynécologue, elle a demandé à me voir. J’ai demandé un aménagement de son poste de travail. Sa chef, elle-même maman, m’a alors expliqué qu’elle ne s’était jamais arrêtée lors de ses grossesses, que de toute façon la grossesse n’était pas une maladie, que si Aude était enceinte, c’est qu’elle l’avait voulu et qu’il n’y avait aucune raison de changer quoi que ce soit dans le fonctionnement du magasin… Il a fallu que je « menace » de mettre Aude en inaptitude temporaire pour qu’enfin un poste adapté soit trouvé, c’est-à-dire qu’Aude puisse simplement s’asseoir de temps en temps ! » Dr M.D., médecin du travail : « Il m’arrive malheureusement de voir en visite médicale des femmes enceintes en période d’essai qui refusent catégoriquement de déclarer leur grossesse, quitte à prendre des risques pour leur santé et celle de leur bébé, par peur de ne pas être embauchées. Je dois alors évaluer tous les risques encourus par ces jeunes femmes et prendre la meilleure décision possible, c’est parfois bien compliqué ! Je me souviens de Dorothée, elle est employée libre-service dans un hypermarché où elle fait des manutentions lourdes et répétées, le matin très tôt. Je la vois en visite d’embauche, c’est une jolie jeune femme de trente ans qui vit seule avec sa petite fille de quatre ans. J’examine Dorothée, devant « la masse abdominale » que je palpe, je demande à plusieurs reprises à Dorothée si elle est enceinte, elle m’affirme que non. 25

GROSSESSE ET TRAVAIL

Pas convaincue du tout, je fais un courrier à son médecin traitant pour lui demander un bilan. Le lendemain, je revois Dorothée en pleurs, elle me dit qu’effectivement elle est enceinte de cinq mois, me supplie de ne rien dire, et m’explique à quel point elle a peur de perdre ce travail, elle est couverte de dettes et a besoin de cette embauche… Je laisse Dorothée travailler, la dirige vers son médecin traitant pour faire la déclaration de grossesse et vers l’assistante sociale qui travaille avec moi. »

26

1

Remerciements aux contributeurs

D. Lafon

Nous tenons à remercier tout d’abord nos collègues du département études et assistance médicales, qui ont pris en charge la confection technique de cet ouvrage : Annie Bijaoui pour la recherche minutieuse bibliographique et sa mise en forme, Christine Heitz, pour la relecture attentive des épreuves et Déborah Payan, pour la mise en forme, la relecture et la coordination efficace de cette publication. Nous remercions les auteurs qui ont fourni un travail intense, dans un temps relativement court, sur un sujet complexe et souvent peu stabilisé. Un merci tout particulier à nos collègues de l’INRS qui ont été grandement mis à contribution pour ce travail, souvent dans l’urgence, en sus de leurs obligations habituelles et qui ont toujours répondu présent avec grand entrain. Une mention particulière à nos collègues québécois, très impliqués dans ce projet : le Docteur Mylène Trottier à l’origine des premières rencontres, le Professeur Lise Goulet et le Docteur Agathe Croteau qui ont participé activement à ce travail en nous apportant leur grande connaissance scientifique du sujet. Nos remerciements au Docteur Maurice Poulain qui a permis cette collaboration. Remerciement également au Professeur Puech, président du Collège national des gynécologues obstétriciens français (CNGOF) et de la Commission nationale de la 27

GROSSESSE ET TRAVAIL

naissance, qui nous a fait l’honneur de participer à cette expertise et nous a apporté sa grande expérience d’obstétricien et du monde de la périnatalité ainsi que MarieJosèphe Saurel-Cubizolles, épidémiologiste renommée sur ce sujet. Un remerciement collectif aux médecins du travail, médecin inspecteur du travail, conseillers médicaux en santé travail, universitaires de pathologie professionnelles, ingénieur conseil qui, outre leurs savoir scientifique et médicale, nous ont apporté une grande connaissance du terrain et nous ont permis de rester dans le concret. Nous souhaitons également remercier les relecteurs extérieurs, qui nous ont aidé par leurs remarques sur certaines parties du texte de l’état des connaissances : Patrick Choutet (CHU Tours, IMMA), Sylvaine Cordier (INSERM), Robert Garnier (CAP Paris), Martine Hours (INRETS), Jacqueline Lallemand (EDF), Odile Launay (Hôpital Cochin), Dominique Laurier (IRSN), Elodie Pasquier (AFSSET), Jean-Luc Poncy (CEA), François Testud (Centre de toxicovigilence, CAP Lyon). Remerciement enfin à Nicole Matet, de la Direction générale de la santé, au Professeur Jacques Lansac, ancien président du CNGOF qui nous ont permis un certain nombre de contacts ainsi qu’à Jean-Claude André et Bernard Siano, grâce à qui ce travail a pu être initié.

28

Données statistiques sur les femmes au travail

1

J.-C. Bastide, D. Lafon

Introduction Afin d’évaluer les risques encourus par les femmes enceintes du fait de leur travail, il est nécessaire de connaître leurs conditions de travail durant leur grossesse et les différents métiers qu’elles exercent. Bien que la grossesse soit une période concernant chaque année des centaines de milliers de femmes en France, peu d’études ont tenté de décrire ou d’explorer cette période en lien avec le travail, en dehors de celles publiées dans un but d’évaluer les risques professionnels. Combien de femmes enceintes exercent chaque année dans tel secteur professionnel, à quel moment s’arrêtent-t-elles de travailler, pourquoi ? Quel est le devenir des grossesses survenant dans telle profession ? Les réponses à ces questions permettraient d’éclairer la question « Grossesse et travail : l’enfant est-il correctement protégé ? ». Très peu de publications permettent de répondre directement à ces questions. Par contre, certaines apportent des éléments de réponses. C’est le cas de l’enquête nationale périnatale qui donne une image à intervalle périodique des conditions de déroulement des grossesses. Certaines informations sur les conditions d’exercice professionnel sont fournies. 31

GROSSESSE ET TRAVAIL

L’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), via son enquête Emploi, fournit des données sur le travail des femmes : familles professionnelles, âges… L’enquête SUMER, réalisée par la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), l’inspection médicale du travail et les médecins du travail donne également quelques informations sur le travail féminin. Enfin, deux études réalisées par des médecins du travail et l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) fournissent des renseignements intéressants sur les femmes enceintes au travail. Des données récentes sur les arrêts (maladie, travail, congé pathologique...) durant la grossesse ont été recherchées. Il aurait été intéressant de les mettre en relation avec l’emploi exercé. La Sécurité sociale a confirmé qu’actuellement ces données n’étaient pas traitées et donc pas disponibles aisément. La Direction de la recherche des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) a publié en octobre 2006 une étude sur les congés de maternité pris en 2004. Il s’agit d’une enquête auprès d’un échantillon de mères, réalisée 4 à 6 mois après la naissance. Les modalités précises de cette enquête ne sont pas indiquées dans la publication (Pénet, 2006). Il en ressort cependant plusieurs points instructifs : – Seules 4 % des mères de un ou deux enfants ont pris un congé de maternité inférieur à 16 semaines (durée légale du congé). – En revanche, à compter de la troisième naissance, environ un quart des mères de trois enfants et plus ont déclaré avoir pris un congé de maternité de moins de 6 mois (en moyenne 18 semaines, alors que le congé légal est de 26 semaines). – La durée moyenne de l’ensemble des congés pris à l’occasion d’une naissance s’élève à 150 jours pour les mères dont c’est le premier ou le deuxième enfant, soit en moyenne un mois et une semaine de plus que le congé légal de maternité. Cet ajout correspond à la fois à la prise de congés pathologiques et à la mobilisation d’autres jours de congés. – Un congé pathologique (en moyenne 21 jours) a été accordé à 70 % des mères de l’étude. L’enquête ne permet pas de connaître les raisons médicales de ces arrêts. Ils semblent peu liés à l’âge de la mère, ni au nombre d’enfants, ni à la durée des trajets ou à la pénibilité du travail. Il n’a pas été retrouvé de lien clair avec la profession, même si les arrêts semblent bénéficier plus aux professions intermédiaires. En revanche, être dans une situation instable au niveau professionnel ou exercer une profession indépendante apparaît comme un frein au recours au congé pathologique. 32

Données statistiques sur les femmes au travail 1

1. Enquête nationale périnatale Des enquêtes nationales périnatales sont réalisées à intervalle régulier, généralement tous les 5 ans. Elles sont mises en œuvre par la Direction générale de la santé (DGS) et réalisées par les services départementaux de Protection maternelle et infantile (PMI), la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) et l’Unité de recherches épidémiologiques en santé périnatale et santé des femmes (Unité 149) de l’Inserm. La dernière publiée et réalisée en 2003 portait sur un échantillon de 15 378 enfants. Les principales évolutions qui intéressent la problématique grossesse et travail sont les suivantes : – la situation sociodémographique des femmes a évolué dans un sens positif, du fait de l’augmentation de leur niveau d’études et de leur taux d’activité ; – la consommation de tabac a légèrement diminué ; – il se produit un décalage des naissances vers un âge maternel plus élevé ; – les taux de prématurité et d’enfants de poids inférieur à 2 500 g ont tendance à augmenter de manière continue depuis 1995 parmi les enfants vivants uniques. Cette tendance est significative pour le poids et à la limite de la signification pour la prématurité. En 2003, 66 % des femmes avaient exercé un emploi, même pour une période courte, pendant la grossesse (Tableau 1.1). Ce statut est en augmentation régulière puisqu’il concernait 60,2 % des femmes en 1995 et 64,3 % des femmes en 1998. La situation vis-à-vis de l’emploi n’est pas stable pendant la grossesse et un certain nombre de femmes qui ont travaillé pendant la grossesse se déclare sans emploi au moment de la naissance de leur enfant. Ceci pourrait s’expliquer par la précarité de l’emploi pendant la grossesse, mais il semble également que certaines femmes ont demandé un congé parental d’éducation à l’issue de cette grossesse et se déclarent sans emploi au moment de la naissance. Au total, 61,0 % des femmes ont un emploi au moment de la naissance, au lieu de 58,1 % en 1998, suivant ainsi la même évolution que l’exercice d’une profession pendant la grossesse. Près d’un quart des femmes se dit femmes au foyer et 10 % au chômage. Les professions les plus souvent occupées sont employées de la Fonction publique et des entreprises pour 33,9 % des femmes et professions intermédiaires (institutrice, infirmière, technicienne…) pour 21,3 % des femmes. Au total, seulement 7,5 % des femmes sont ouvrières. Entre 1998 et 2003, la proportion des femmes ouvrières a diminué passant de 9,7 % à 7,5 %, ainsi que celle des femmes appartenant au groupe des personnels de service qui est passée de 9,7 % à 7,9 %. 33

GROSSESSE ET TRAVAIL

Tableau 1.1. Activité et catégories professionnelles de la femme (échantillon des femmes en métropole). 1998 %

p

2003 %

n

IC à 95 %

Exercice d’un emploi pendant la grossesse(1) oui

64,3

non

35,7

0,004

(13 098)

9 178

66,0

65,2 - 66,8

4 726

34,0

33,2 - 34,8

8 386

61,0

60,1 - 61,8

(13 904)

Situation au moment de l’entretien avec un emploi

58,1

femme au foyer

24,7

3 282

23,9

23,2 - 24,6

1,4

230

1,7

1,5 - 1,9

12,0

1 372

10,0

9,5 - 10,5

3,8

487

3,5

3,2 - 3,8

0,7

0,6 - 0,9

étudiante au chômage autre situation(2)

< 0,001

(12 854)

(13 757)

(3)

Profession de la femme Agricultrice Artisan, commerçante

0,7

< 0,001

66

2,3

206

2,3

2,0 - 2,6

Cadre, profession libérale

12,4

1 079

11,8

11,2 - 12,5

Profession intermédiaire

24,8

1 947

21,3

20,5 - 22,2

Employée de la Fonction publique ou des entreprises

28,9

3 091

33,9

32,9 - 34,9

Employée de commerce

10,5

1 253

13,7

13,0 - 14,5

Personnel de service

9,7

722

7,9

7,4 - 8,5

Ouvrière qualifiée

4,4

331

3,6

3,3 - 4,0

Ouvrière non qualifiée

5,3

345

3,9

3,4 - 4,2

Sans profession

0,9

85

0,9

0,8 - 1,2

8,5

7,9 - 9,1

(8 372)

(9 125)

Âge gestationnel à l’arrêt de l’activité professionnelle(3,4) 1-14 semaines

7,9

< 0,001

755

15-28

32,2

3 759

42,1

41,1 - 43,2

29-32

28,7

2 279

25,4

24,7 - 26,5

2 129

23,9

23,0 - 24,8

> 32

31,1 (8 196)

(8 922)

(1) Y compris pour une courte période. (2) Y compris congé parental d’éducation, stage, absence de domicile fixe, handicap. (3) Pour les femmes ayant exercé un emploi pendant leur grossesse. (4) Arrêt sans reprise avant accouchement, quelle que soit la raison de l’arrêt (raisons médicales, congé maternité, fin de contrat de travail, raisons personnelles…).

34

Données statistiques sur les femmes au travail 1

Pendant la grossesse, le dernier arrêt de l’activité professionnelle – c’est-à-dire sans reprise du travail jusqu’à l’accouchement – a eu lieu pendant le deuxième trimestre pour 42,1 % des femmes et dans les quatre semaines suivantes pour 25,4 % des femmes. Ainsi près de 76 % des femmes ont arrêté de travailler à 32 semaines ou avant, c’està-dire avant la limite correspondant au début du congé maternité pour un premier ou deuxième enfant (si on y ajoute les deux semaines pour grossesse pathologique). Dans l’enquête, le motif de l’arrêt de l’activité n’était pas demandé ; les auteurs signalent qu’il est légitime de penser qu’il s’agissait souvent d’un arrêt maladie ou du congé maternité, mais étaient également inclus les congés, les arrêts pour fin de contrat, les mises au chômage ou les arrêts pour convenance personnelle. L’augmentation des arrêts entre 15 et 28 semaines entre 1998 et 2003 peut s’expliquer en partie par les dates d’enquête : en 2003, les femmes qui s’arrêtaient avant 29 semaines étaient en pleine période estivale, alors qu’en 1998, la situation était différente car l’enquête a été réalisée 7 semaines plus tard. Néanmoins une question reste sans réponse, pourquoi trois quarts des femmes s’arrêtent avant leur congé légal de maternité ?

2. Enquête Emploi de l’INSEE Réalisée par l’INSEE, depuis 1950, l’enquête Emploi fournit des données sur les professions, l’activité des femmes ou des jeunes, la durée du travail, les emplois précaires. En 2002, la DARES a publié des données sur l’emploi féminin à partir de l’enquête Emploi de l’INSEE. En 2002, 10,8 millions d’emplois sont occupés par des femmes. Les dix familles professionnelles qui comptent le plus de femmes (en 2002) sont : – agents d’entretien (798 000), – enseignants (716 000), – assistantes maternelles (656 000), – secrétaires (651 000), – employés administratifs de la fonction publique (Cat. C) (650 000), – vendeurs (555 000), – employés administratifs en entreprise (460 000), 35

GROSSESSE ET TRAVAIL

– infirmiers, sage-femmes (374 000), – aides-soignants (369 000), – professionnels de l’action sociale, culturelle et sportive (341 000). Ces dix familles d’emplois représentent 5 570 000 personnes. L’évolution du travail féminin est également bien explicitée dans le tableau 1.2, montrant la féminisation de certains emplois (Méron, 2006). Le taux de féminisation augmente dans 79 familles sur 84. Il augmente de plus de 10 % dans 18 familles.

36

Données statistiques sur les femmes au travail 1

Tableau 1.2. Effectifs féminins et variation de l’emploi par familles professionnelles sur 20 ans (Méron, 2006). Effectifs féminins en 2002 (en milliers)

Taux de féminisation (en %) En 1982

En 2002

Effectif total en 2002 (en milliers)

Variation des effectifs totaux 2002/1982 (en %)

Agents d’entretien

798

77

74

1 075

17

Enseignants

716

62

64

1 120

21

Assistants maternels

656

99

99

663

206

Secrétaires

651

95

97

672

–6

Employés administratifs de la Fonction publique (cat. C)

650

69

72

899

12

Vendeurs

545

71

69

792

– 15

Employés administratifs d’entreprises

460

74

76

605

37

Infirmiers, sages-femmes

374

88

87

431

51

Aides-soignants

369

90

91

405

85

Professionnels de l’action sociale, culturelle et sportive

341

59

65

524

105

Comptables

335

76

80

418

3

Employés de maison

258

98

98

263

–7

Caissiers, employés de libre service

228

90

84

271

51

Employés et agents de maîtrise de l’hôtellerie

216

57

62

351

32

Employés administratifs de la Fonction publique (cat. B)

203

60

63

325

12

Techniciens des services administratifs, comptables et financiers

198

45

63

313

69

Représentants

195

22

40

493

76

Cadres administratifs, comptables et financiers

195

26

43

459

109

Professions para-médicales

180

61

69

262

57

Agriculteurs, éleveurs

173

37

30

584

–62

Ouvriers non qualifiés des industries de process

152

36

41

374

– 32

Coiffeurs, esthéticiens

152

71

85

178

24

Employés et techniciens de la banque

146

51

62

235

–2

Maîtrise des magasins et intermédiaires du commerce

141

30

42

332

45

37

GROSSESSE ET TRAVAIL

Tableau 1.2. Effectifs féminins et variation de l’emploi par familles professionnelles sur 20 ans (suite).

38

Taux de féminisation (en %)

Effectif total en 2002 (en milliers)

Variation des effectifs totaux 2002/1982 (en %)

34

389

30

66

77

170

27

130

36

43

302

25

Cadres de la Fonction publique

129

28

37

345

50

Ouvriers qualifiés des industries de process

102

22

23

446

38

Cadres commerciaux et technicocommerciaux

98

9

25

392

57

Professionnels de la communication et de la documentation

97

44

58

167

108

Maraîchers, jardiniers

89

24

28

317

8

Informaticiens

89

34

20

452

147

Effectifs féminins en 2002 (en milliers)

En 1982

En 2002

Ouvriers non qualifiés de la manutention

133

36

Employés et techniciens des assurances

131

Médecins et assimilés

Formateurs, recruteurs

85

33

50

171

341

Ouvriers qualifiés du textile et du cuir

84

65

67

125

– 30

Patrons d’hôtels, cafés, restaurants

81

56

45

179

– 19

Agents adminis. et commer. du tourisme et des transports

74

34

56

132

92

Secrétaires de direction

73

96

97

75

– 26

Professionnels des arts et des spectacles

71

33

39

183

70

Cadres de la banque et des assurances

58

16

33

176

48

Agents de gardiennage et de sécurité

58

38

26

221

22

Employés des services divers

57

38

35

162

115

Techniciens, agents de maîtrise des industries de process

56

12

19

297

48

Cuisiniers

53

33

25

212

72

Personnels d’étude et de recherche

52

9

20

265

152

Données statistiques sur les femmes au travail 1

Tableau 1.2. Effectifs féminins et variation de l’emploi par familles professionnelles sur 20 ans (suite). Effectifs féminins en 2002

Taux de féminisation (en %)

(en milliers)

En 1982 En 2002

Effectif total en 2002 (en milliers)

Variation des effectifs totaux 2002/1982 (en %)

Conducteurs de véhicules

49

3

7

691

8

Ouvriers non qualifiés du textile et du cuir

47

82

73

64

– 79

Ouvriers non qualifiés de la mécanique

46

16

22

206

– 36

Ouvriers qualifiés de la manutention

46

8

11

402

8

Armée, pompiers, police

46

4

11

421

39

Artisans et ouvriers artisanaux

45

46

43

105

– 33

Ouvriers non qualifiés de l’électricité et de l’électronique

36

49

60

60

– 52

Ouvriers qualifiés de l’électricité et de l’électronique

29

20

34

83

– 26

Ouvriers qualifiés de la maintenance

27

2

8

355

40

Professionnels du droit

24

28

46

53

96

Ouvriers des industries graphiques

23

18

23

99

– 28

Ouvriers qualifiés de la mécanique

21

5

9

245

–7

Bouchers, charcutiers, boulangers

20

8

9

229

– 18

Dirigeants d’entreprises*

20

14

14

146

23

Ouvriers non qualifiés travaillant par enlèvement de métal

n.s.

25

30

62

– 60

Techniciens, agents de maîtrise des industries mécaniques

n.s.

4

7

243

–5

Techniciens, agents de maîtrise de la maint. et de l’orga.

n.s.

2

6

272

15

Techniciens, agents de maîtrise des indus. légères et graph.

n.s.

23

23

70

0

Ingénieurs et cadres techniques de l’industrie

n.s.

4

10

155

32

Agents d’exploitation des transports

n.s.

8

14

102

5

39

GROSSESSE ET TRAVAIL

Tableau 1.2. Effectifs féminins et variation de l’emploi par familles professionnelles sur 20 ans (suite). Effectifs féminins en 2002

Taux de féminisation (en %)

(en milliers)

En 1982 En 2002

Effectif total en 2002 (en milliers)

Variation des effectifs totaux 2002/1982 (en %)

Techniciens du bâtiment et des travaux publics

n.s.

9

9

138

14

Techniciens et cadres de l’agriculture

n.s.

6

17

75

66

Techniciens, agents de maîtrise de l’électricité

n.s.

4

9

136

– 15

Cadres des transports et navigants de l’aviation

n.s.

6

20

47

44

Ouvriers qualifiés travaillant par enlèvement de métal

n.s.

1

5

170

– 17

Cadres du bâtiment et des travaux publics

n.s.

2

5

186

–6

Ouvriers non qualifiés du bâtiment, second œuvre

n.s.

3

6

122

– 18

Ouvriers non qualifiés du bois

n.s.

23

14

40

– 61

Marins, pêcheurs

n.s.

12

12

44

– 28

Ouvriers qualifiés du bâtiment, second œuvre

n.s.

0

1

521

–3

Ouvriers de la réparation automobile

n.s.

1

2

223

0

Ouvriers qualifiés du bois

n.s.

5

6

71

– 32

Professionnels de la politique et clergé

n.s.

3

15

19

– 47

Ouvriers qualifiés des travaux publics

n.s.

2

2

108

– 10

Ouvriers non qualifiés du gros œuvre du bâtiment

n.s.

0

1

162

– 57

Ouvriers qualifiés du gros œuvre du bâtiment

n.s.

0

1

323

– 13

Ouvriers qualifiés travaillant par formage de métal

n.s.

0

1

135

– 13

Conducteurs d’engins de traction et de levage

n.s.

3

2

46

– 23

Conducteurs d’engins du bâtiment et des travaux publics

n.s.

0

0

47

19

10 830

40

45

23 924

10

Total

* En dessous de 20 000, les données statistiques sur les FAP ne sont pas significatives. Sources : Insee, enquêtes Emploi, traitement DARES.

40

Données statistiques sur les femmes au travail 1

Quelques données complémentaires sont fournies à partir de l’enquête Emploi de 2007, notamment une approche des emplois par tranches d’âges. Le tableau 1.3 fournit le taux d’activité des femmes depuis plus de 30 ans. Ce taux augmente régulièrement, notamment aux âges où la femme est susceptible d’être enceinte. Parmi les 25-49 ans, 82,9 % des femmes ont une activité professionnelle. Les différents secteurs d’activité sont précisés dans le tableau 1.4. Le tableau 1.5 détaille pour exemple ces chiffres pour le secteur de la santé. Tableau 1.3. Taux d’activité des femmes et des hommes selon l’âge en %. 1975

1985

1995

2005

2006

2007

50,1

44,3

31,1

30,7

30,7

31,8

Femmes 15-24 ans 25-49 ans

59,9

72,1

79,6

81,9

82,3

82,9

50-64 ans

42,9

39,8

43,9

55,0

54,9

55,2

Ensemble (15-64 ans)

53,3

57,4

61,6

64,7

64,8

65,3

60,6

53,0

37,4

38,0

38,0

38,0

Hommes 15-24 ans 25-49 ans

97,3

96,9

95,7

94,7

94,8

94,9

50-64 ans

79,5

64,5

58,6

63,7

62,7

62,2

Ensemble (15-64 ans)

83,9

78,6

75,1

75,0

74,8

74,6

Note : taux d’activité moyens dans l’année, données corrigées de la rupture de série en 2002. Champ : population des ménages, France métropolitaine, personnes de 15 à 64 ans (âge en fin d’année). Source : Insee, Séries longues sur le marché du travail.

Tableau 1.4. Actifs occupés selon le sexe et le secteur d’activité en milliers, en 2007.

Agriculture, sylviculture et pêche

Industrie

Femmes

15 à 29 ans

30 à 49 ans

257

21

122

Part des Hommes Ensemble femmes en %

% de la population féminine occupée

618

875

29,4

2,1

1 156

203

694

Industries agricoles

260

60

152

374

634

41,1

2,2

Industries des biens de consommation

307

60

180

332

639

48,1

2,6

41

GROSSESSE ET TRAVAIL

Tableau 1.4. Actifs occupés selon le sexe et le secteur d’activité en milliers, en 2007 (suite). Part des Hommes Ensemble femmes en %

% de la population féminine occupée

Femmes

15 à 29 ans

30 à 49 ans

Industrie automobile

52

10

28

266

318

16,2

0,4

Industries des biens d’équipement

149

23

101

684

833

17,9

1,2

Industries des biens intermédiaires

338

42

200

964

1 302

25,9

2,8

49

7

33

188

237

20,8

0,4

1 516

1 668

9,1

1,3

Énergie

Construction

152

21

91

10 435

2 085

5 652

1 604

459

799

1 899

3 503

45,8

13,4

Transports

269

56

163

880

1 149

23,4

2,2

Activités financières

485

89

265

338

823

58,9

4,0

Activités immobilières

204

35

105

157

361

56,5

1,7

Services aux entreprises

1 342

322

749

1 937

3 279

40,9

11,2

Services aux particuliers

1 357

330

656

839

2 196

61,8

11,3

3 643

593

2 058

1 222

4 865

74,9

30,3

1 530

201

858

1 379

2 909

52,6

12,7

12 015

2 333

6 566

13 613

25 628

46,9

100,0

Tertiaire Commerce et réparations

Éducation, santé, action sociale Administrations (1)

Total

Note : Résultats en moyenne annuelle. (1) le total inclut les personnes dont le secteur d’activité est inconnu. Champ : France métropolitaine, personnes des ménages, actifs de 15 ans ou plus (âge au 31 décembre) ayant un emploi. Source : Insee, enquêtes Emploi du 1er au 4e trimestre 2007.

42

Données statistiques sur les femmes au travail 1

Tableau 1.5. Détails des emplois occupés par des femmes (exemple de certains métiers de la santé). SANTÉ Féminin

De 15 à 29 ans De 30 à 49 ans 50 ans et plus

Médecins libéraux spécialistes

18 296

8 534

9 762

Médecins libéraux généralistes

23 949

18 299

5 650

Médecins hospitaliers sans activité libérale

43 538

2 130

26 796

14 612

Médecins salariés non hospitaliers

8 253

96

3 871

4 287

Internes en médecine, odontologie, pharmacie

8 826

7 660

1 166

Chirurgiens dentistes (libéraux ou salariés)

12 480

2 727

5 730

4 023

Cadres infirmiers et assimilés

28 949

1 084

15 642

12 223

Infirmiers psychiatriques

8 503

6 853

1 650

Puéricultrices

16 919

1 738

9 144

6 037

Infirmiers spécialisés (autre que infirmiers psychiatriques et Puéricultrices)

12 008

115

9 636

2 258

Sages-femmes (libérales ou salariées)

13 460

2 694

8 724

2 041

305 400

79 892

164 304

61 204

Infirmiers libéraux

45 333

4 398

25 003

15 933

Masseurs-kinésithérapeutes rééducateurs, libéraux

19 890

7 149

8 044

4 697

Masseurs-kinésithérapeutes rééducateurs, salariés

11 240

3 032

4 514

3 693

Autres spécialistes de la rééducation, libéraux

23 096

5 234

11 435

6 427

Autres spécialistes de la rééducation, salariés

23 577

6 848

11 264

5 465

Techniciens médicaux

40 165

6 208

22 411

11 546

Infirmiers en soins généraux, salariés

Préparateurs en pharmacie

72 158

23 493

41 991

6 674

Aides-soignants (de la Fonction publique ou du secteur privé)

306 132

63 212

188 061

54 860

Assistants dentaires, médicaux et vétérinaires, aides de techniciens médicaux

46 522

8 834

28 706

8 983

43

GROSSESSE ET TRAVAIL

Enfin, il faut souligner une certaine précarité du travail féminin. L’INSEE signale que 1,2 million de personnes sont en situation de sous-emploi en 2008, c’est-à-dire ont un emploi (le plus souvent à temps partiel) mais souhaitent travailler davantage. Plus de trois quarts sont des femmes. Ce taux varie fortement selon la catégorie socioprofessionnelle. Il est ainsi de 1,7 % pour les cadres et 9,5 % pour les employés. La tranche d’âge 15-25 ans est particulièrement représentée (Chevalier, 2009). Milewski précise en 2005 que les femmes sont surreprésentées dans les emplois peu qualifiés. Parmi les 5 millions de salariés peu qualifiés, 61 % sont des femmes. Trente pour cent des emplois occupés par les femmes sont peu qualifiés, contre 19 % pour les hommes. Parmi les employés non qualifiés, 78 % sont des femmes. Quarante pour cent des employés non qualifiés n’ont pas deux jours de repos consécutifs. Toujours d’après le même auteur, la part des bas salaires dans l’emploi des femmes et des hommes est disproportionnée, touchant plus d’une femme salariée sur quatre, contre à peine un homme sur dix. Quatre-vingt pour cent des salariés à bas salaire sont des femmes et 74 % d’entre-elles occupent des emplois à temps partiel.

3. Enquête SUMER L’enquête SUMER fournit également des données intéressantes sur les risques professionnels des femmes (Guignon, 2008). Cette enquête lancée et gérée conjointement par la Direction générale du travail (DGT : inspection médicale du travail) et la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) dresse un état des lieux des expositions des salariés aux principaux risques professionnels en France. Basée sur les déclarations des salariés, l’enquête s’est déroulée de juin 2002 à fin 2003 ; 1 792 médecins du travail ont tiré au sort 56 314 salariés, dont 49 984 ont répondu. Dans son article, N. Guignon rapporte que les femmes salariées du champ de l’enquête SUMER sont moins souvent exposées que les hommes à certaines nuisances physiques spécifiques au monde industriel : bruit nocif, nuisances thermiques, travail sur outils vibrants, etc. L’écart entre femmes et hommes est moindre concernant la conduite de véhicule sur la voie publique et d’autres pénibilités physiques, comme la station debout prolongée ou la manutention manuelle des charges. En revanche, les femmes exécutent plus souvent des gestes répétitifs plus de 10 heures par semaine, dans toutes les catégories, sauf les employés administratifs ; en particulier, les ouvrières y sont deux fois plus exposées que les ouvriers.

44

Données statistiques sur les femmes au travail 1

4. Enquêtes sur les femmes enceintes au travail réalisées par des médecins du travail Les données sur les femmes enceintes au travail, en dehors de celles consacrées à l’étude d’un risque professionnel particulier, sont rares. Des médecins du travail ont publié quelques études sur ce sujet. Deux d’entre elles sont présentées. En 1987, des médecins du travail avec l’aide de l’INSERM ont publié une étude sur les conditions de travail de 2 363 femmes enceintes travaillant dans cinq secteurs d’activité : banques, hôpitaux, grands magasins, entreprises de confection-chaussures, entreprises de constructions mécanique-électrique-électronique (Bertucat et al., 1987). L’application de la technique de quantification de la fatigue a conduit à associer un indice à chaque source de fatigue et à calculer le pourcentage de femmes soumises à trois sources de fatigue concomitantes : le secteur bancaire paraît le plus favorisé avec seulement 2 % des femmes présentant un tel score, tandis que les autres secteurs apparaissent offrir des postes de travail beaucoup plus fatigants : 20 % des femmes dans le secteur hospitalier sont soumises à trois sources de fatigue, 25 % dans le secteur grands magasins, 56 % dans le secteur confection-chaussures et 71 % dans le secteur constructions mécanique-électrique-électronique. Des éléments analytiques complémentaires sont fournis : – dans le secteur bancaire, les contraintes relevées sont la station debout au moins 4 h/j (39 %), le travail sur machine de bureau au moins 4 h/j (17 %), le bruit (49 %) et le travail continu sur écran (12 %) ; – dans le secteur hospitalier sont cités le piétinement (76 %) plutôt que la station debout, l’effort physique important dû à un transport de charges (75 %), une exposition à une température ambiante trop élevée (76 %) et une manipulation de produits toxiques (désinfectants, médicaments) ; l’utilisation de machines industrielles avec vibrations (17 %) est spécifique des agents de service ; – dans le secteur grands magasins, les postes de caissières associent la répétitivité et le travail continu sur machine de bureau (42 %), les postes de vendeuses une station debout prolongée (60 %) et un effort physique (33 %) lié au transport de charges (poste de réserve et mise en rayon) ou à des manipulations d’objets (poste de vendeuse) ; l’exposition au bruit est retrouvée dans 23 % des cas (ambiance sonore) ; 45

GROSSESSE ET TRAVAIL

– dans le secteur confection-chaussures, 86 % des femmes effectuent un travail répétitif et 60 % exercent un travail sur machine industrielle demandant le plus souvent un effort physique permanent et/ou la soumettant à des vibrations ; l’exposition à la chaleur, très fréquente (68 %), est ici liée au travail lui-même (poste de repassage, de collage, de presse), contrairement aux hôpitaux où la chaleur est ambiante ; – dans le secteur mécanique-électrique-électronique, 83 % des femmes effectuent des tâches répétitives, mais surtout la moitié d’entre elles travaille à la chaîne ; le travail continu sur machine industrielle (65 %), l’exposition aux vibrations dues aux machines (47 %), le bruit (70 %) et la charge visuelle (20 %) sont aussi les points marquants de ce secteur. Si globalement une femme sur trois trouve son travail pénible en dehors de toute grossesse, ce sont les femmes du secteur hospitalier qui en ont la plus mauvaise image et celles du secteur bancaire qui en ont la meilleure. Parmi les 1 626 femmes trouvant leur travail peu ou pas fatigant avant la grossesse, 42 % le trouvent devenu pénible ou très pénible en fin de grossesse. Ce chiffre varie de 52 % dans le secteur grands magasins à 30 % dans le secteur bancaire qui reste, semble-t-il, le mieux apprécié. En 2005, Fanello et al. ont publié une étude du même type sur le déroulement des grossesses du personnel hospitalier du CHU d’Angers. Cent soixante-quatorze sur 181 grossesses ont été suivies durant une année par les médecins du travail du personnel hospitalier. Les données socioprofessionnelles, le déroulement de la grossesse, l’accouchement et les suites de couches, l’absentéisme et les conditions de reprise du travail ont fait l’objet d’un questionnement individualisé. Une enquête similaire avait été réalisée dans le même hôpital en 1982. La moitié des femmes estimait avoir des contraintes de port de charge ; 20 sur 33 exposées aux rayonnements ionisants, et 6 sur 12 aux antimitotiques, avaient bénéficié d’une éviction. Quarante-trois pour cent avaient obtenu une réduction horaire d’une heure de travail à partir du troisième mois de grossesse, 16 % des travailleuses de nuit étaient passées de jour et 30 % avaient bénéficié d’une réduction du port de charge. Quarantequatre pour cent avaient présenté un problème médical durant leur grossesse. Il a été recensé 3,4 % d’accouchements prématurés, 5,7 % d’hypotrophies, 6,8 % de macrosomies et 15,3 % de complications maternelles (hémorragies ou infections). Si les pathologies au décours de la grossesse avaient peu évolué en vingt ans, en revanche était notée une nette réduction du taux de prématurité (3,4 % contre 11,6 %) ; ce taux ainsi que celui de l’hypotrophie étaient désormais comparables à ceux de la population générale. Cette amélioration des données pédiatriques s’était cependant accompagnée d’une nette inflation de l’absentéisme, qui passait de 21,4 semaines en 1982 à 46

Données statistiques sur les femmes au travail 1

26,8 semaines en 2002. Les aménagements des postes de travail sont restés modestes d’après les auteurs ; afin de préserver le bon déroulement de leur grossesse, les femmes enceintes semblent avoir choisi de s’arrêter de travailler.

Bibliographie Bertucat I, Mamelle N, Munoz F, Monestier F et al. Conditions de travail des femmes enceintes. Étude dans cinq secteurs d’activité de la région Rhône-Alpes. Arch Mal Prof. 1987 ; 48 (5) : 375-85. Blondel B, Supernant K, Du Mazaubrun K, Bréart G. Enquête nationale périnatale 2003. Situation en 2003 et évolution depuis 1998. Paris : Ministère du Travail et des Affaires sociales. INSERM ; 2005 : 58 p. Chevalier F, Mansuy A. Une photographie du marché du travail en 2008. Résultats de l’enquête Emploi. INSEE Prem. 2009 ; 1272 : p1-4. Fanello S, Ripault B, Drüker S, Moisan S et al. Déroulement des grossesses du personnel d’un établissement hospitalier. Évolution en vingt ans. Arch Mal Prof Env. 2005 ; 66 (3) : 24451. Guignon N. Risques professionnels : les femmes sont-elles à l’abri ? In: Femmes et hommes : regards sur la parité. Paris : INSEE ; 2008 : 51-63, 238 p. Méron M, Okba M, Viney X. Les femmes et les métiers : vingt ans d’évolutions contrastées. In : Données sociales. La société française. Édition 2006. Paris : INSEE ; 2006 : 225-34, 667 p. Milewski F. La précarité des femmes sur le marché du travail. Lett OFCE. 2005 ; 263 : 1-4. Pénet S. Le congé de maternité, Etud Résult. 2006 ; 531 : 1-8.

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Déroulement normal d’une grossesse

F. Puech, M. Rinaldo, L. Devisme, S. Gressens, P. Gressens, R. Habert

1. Modifications physiologiques de l’organisme maternel pendant la grossesse (F. Puech) 1.1. Généralités Au-delà des modifications visibles, l’organisme maternel subit de profondes modifications physiologiques pour s’adapter et fournir l’environnement nécessaire au développement de l’enfant à venir. La première modification, la plus évidente, est l’augmentation du poids de la mère. Elle est d’environ 12 kg en fin de grossesse, variant de plus ou moins 2 à 3 kg selon les individus. Cette augmentation de poids est le résultat non seulement de l’augmentation du poids du fœtus, mais aussi de celle du placenta et du liquide amniotique. D’autre part, on constate l’apparition d’un œdème, ainsi que l’accumulation de tissu adipeux. 48

Déroulement normal d’une grossesse 2

1.1.1. Modifications des organes l Appareil cardiovasculaire Le débit cardiaque augmente de 30 à 50 %, le volume d’éjection systolique de 25 %, la fréquence cardiaque de 25 % et le volume d’éjection systolique de 10 à 15 mL ; ceci explique les souffles précordiaux d’éjection systolique dans 80 % des cas. Ces modifications systoliques apparaissent entre la 12e et la 20e semaine d’aménorrhée (SA) et disparaissent dans les 8 jours après l’accouchement. Par ailleurs, on note de grandes variations selon la posture (orthostatisme, décubitus...). La pression veineuse centrale est inchangée, mais le syndrome de la veine cave qui est une hypotension en décubitus dorsal est fréquent, la veine cave étant écrasée par l’utérus ce qui entraîne une gêne du retour veineux. La pression artérielle diminue au cours de la grossesse du fait d’une diminution de 20 à 30 % des résistances vasculaires systémiques. Les chiffres tensionnels perdent de 15 à 20 mm de Hg. Cette baisse a lieu de la 14e à la 36e semaine, puis on note un retour à la normale à la 36e semaine. Cette tension varie avec le cycle nycthéméral : la tension est plus basse la nuit. La diminution des résistances périphériques est liée au système utéroplacentaire (Barron et al., 1990 ; Blanc et al., 1988), qui est un système à basse pression, et est due aux prostaglandines : le thromboxane est vasoconstricteur, les prostacyclines sont vasodilatatrices. Physiologiquement, ce sont les prostacyclines qui dominent, entraînant la vasodilatation ce qui, malgré l’hypervolémie, est responsable de l’hypotension physiologique. La pression veineuse est augmentée au niveau des membres inférieurs du fait de la gêne au retour veineux entraînée par la compression de la veine cave par l’utérus gravide (Kerr, 1965). Lors de l’accouchement, la poussée de la mère provoque une augmentation de la tension artérielle et du débit cardiaque, celui-ci augmente de 20 à 30 % pendant la contraction utérine et de 45 à 50 % à l’expulsion et de plus de 80 % immédiatement après l’accouchement. La normalisation se fait en 2 semaines. La pression veineuse centrale atteint 50 cm d’eau pendant les efforts expulsifs.

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■ Modifications du volume sanguin La grossesse entraîne une augmentation du volume sanguin maternel d’environ 30 % (1 à 1,5 L). Le volume plasmatique augmente de 40 %. Le volume globulaire n’augmente lui que de 20 %. Il existe donc une hémodilution, anémie de dilution normochrome normocytaire, avec chute de l’hématocrite (qui passe de 40 à 34 %) et de l’hémoglobine (11 à 12 g/100 mL environ) (Blanc et al., 1988 ; Papiernik et al., 1995). La quantité de fer sérique (sidérémie), qui est de 75 à 140 μg pour 100 mL de sang en dehors de la grossesse, passe de 50 à 100 μg/L durant la grossesse. La quantité de ferritine est, en dehors de la grossesse, située entre 60 et 65 μg/L ; elle dépasse 100 μg/L durant le premier trimestre, puis revient à 22 μg/L durant le deuxième trimestre pour descendre à 15 μg/L à partir du troisième trimestre. La quantité de transferrine plasmatique est d’environ 2 g à 4 g/L durant la grossesse. La quantité de transferrine plasmatique passe de 4 g à 7 g/L pendant la grossesse. L’hyperleucocytose à 10-12 000/mL est habituelle, avec une majorité de polynucléaires neutrophiles. Elle rend l’utilisation de la numération-formule peu informative lors du dépistage des infections. ■ Modifications de la crase sanguine Au cours de la grossesse, l’hémostase est modifiée dans ses trois temps : hémostase primaire, coagulation et fibrinolyse (Papiernik et al., 1995 ; Puech et Valat, 1995). Si le nombre de plaquettes n’est que peu ou pas modifié, leur agrégabilité serait accrue. Il y a une augmentation du taux des facteurs de coagulation : on constate le doublement du fibrinogène (jusqu’à 5-6 g/L), des facteurs II, V et X, l’augmentation la plus forte concerne les facteurs VII, VIII et le facteur Willebrand (Fournié et al., 1981). Il y a une diminution des inhibiteurs de la coagulation, diminution de l’antithrombine III, une légère augmentation du taux de protéine C compensée par la diminution de la protéine S (les facteurs V et IX semblent stables et les facteurs XI et XIII sont légèrement abaissés). Enfin, on constate une diminution de la fonction fibrinolytique par altération des voies d’activation du plasminogène : augmentation de l’inhibiteur de la formation plasmine et inhibition de l’activateur tissulaire plasminogène. On note l’élévation fréquente des D-dimères et des complexes thrombine-antithrombine. Au cours de la grossesse apparaît donc une tendance nette à l’activation de la coagulation. 50

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■ Espace extracellulaire L’augmentation du volume interstitiel accompagne l’augmentation du volume plasmatique. Les échanges entre secteur plasmatique et secteur interstitiel dépendent de la perméabilité capillaire et des gradients de pression oncotique et hydrostatique transcapillaire. Le volume de l’espace extracellulaire est principalement conditionné par le sodium et l’accumulation d’eau secondaire à l’accumulation de sodium. La grossesse normale se caractérise par l’accumulation d’environ 900 mmol de sodium. Ce surplus de liquide extracellulaire correspond à une balance sodée positive de 3 à 4 mmol par jour (Lindheimer et Katz, 1992). La baisse de l’albumine sérique, par phénomène de dilution, modifie la capacité de transport non spécifique sanguine. L’augmentation de la vitesse de sédimentation, 40 à 50 mm à la première heure, est secondaire à l’élévation du fibrinogène. Elle rend cet examen inutile durant toute la grossesse. L’élévation du taux de protéine C réactive (CRP) est, quant à elle, peu spécifique durant la grossesse.

l Appareil respiratoire La consommation d’O2 augmente de 20 %. La ventilation minute augmente de 30 à 50 %, elle est liée à l’augmentation du volume courant alors que la fréquence respiratoire reste stable. Par ailleurs, il existe une diminution du volume résiduel et une diminution parallèle de la capacité résiduelle fonctionnelle. C’est ce qui est source d’hypocapnie et d’alcalose ventilatoire (Barron et al., 1990 ; Blanc et al., 1988). Ces modifications de la ventilation maternelle sont la conséquence de l’action de la progestérone, qui diminue la sensibilité des centres respiratoires à la PCO2 : la progestérone a une action au niveau du système nerveux central et plus précisément au niveau du bulbe rachidien où se trouvent les zones de régulation de la respiration. La baisse de la PCO2, accompagnée d’une baisse équivalente des bicarbonates plasmatiques, fait que le pH artériel n’est pas modifié, à environ 7,4. Il faut noter que certaines femmes ont des difficultés à respirer durant le dernier trimestre de la grossesse. Ceci est le résultat du refoulement du diaphragme par l’utérus gravide.

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l Appareil rénal et voies excrétrices On constate une dilatation des voies excrétrices. Cette modification anatomique, qui apparaît dès la 20e semaine, est secondaire à l’action relaxante de la progestérone. Ce relâchement a pour conséquence l’apparition d’une stase urinaire, ce qui peut favoriser les infections urinaires, d’autant plus qu’à la fin de la grossesse vient se rajouter une compression de la partie basse de l’uretère par l’utérus gravide. Enfin, on note une pollakiurie en raison d’une diminution de volume de la vessie. La filtration glomérulaire et le flux plasmatique rénal augmentent de 50 % au cours des deux premiers trimestres. Près du terme, l’augmentation ne serait que de 25 % (Lindheimer et Katz, 1992). En conséquence, la créatininémie diminue de 64 μmol/L à 44 μmol/L. L’uricémie diminue au début puis augmente progressivement pour atteindre 300 μmol/L en fin de grossesse. La limite pathologique est de 350 μmol/L. Une glycosurie est fréquente. Elle est due à l’augmentation de la filtration glomérulaire mais aussi à l’abaissement de la capacité tubulaire maximale d’excrétion. Il existe une diminution de la réabsorption tubulaire. L’excrétion de nombreux acides aminés augmente au cours de la grossesse ce qui peut poser des problèmes si l’apport protéique est insuffisant. Une faible protéinurie peut également survenir. Elle est due aux modifications de la filtration. Elle est acceptée jusqu’à 0,3 g/L.

l Appareil digestif Le tube digestif subit également une transformation. Les nausées, les vomissements concernent la majorité des grossesses. Ils sont particulièrement fréquents au premier trimestre, au moment où la quantité d’hormones gonadotrophines chorioniques est élevée. L’effet relaxant de la progestérone se manifeste de la même manière sur le tube digestif (Gabbe et al., 1996). La motilité de l’estomac est diminuée. La sécrétion de gastrine placentaire entraîne une augmentation du volume et de l’acidité du liquide gastrique. On constate également un relâchement des fibres du cardia qui favorise l’apparition de reflux gastro-œsophagien. Le transit gastro-intestinal est le plus souvent perturbé, la mobilité du grêle est réduite. Ceci se traduit par une constipation. La diminution du péristaltisme intestinal et le 52

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ralentissement du transit permettent une meilleure assimilation des aliments par l’organisme maternel.

l Système endocrinien Hypophyse. On note une augmentation importante en rapport avec l’hyperplasie des cellules lactotropes, due à la stimulation œstrogénique (Fournié et al., 1999). Glande surrénale. En ce qui concerne les glucocorticoïdes, il existe un hypercorticisme physiologique. Le taux d’ACTH augmente progressivement au cours de la grossesse. Glande thyroïde. On constate une augmentation de la globuline liant la thyroxine ou thyroglobuline (TBG), liée elle-même à l’hyperœstrogénie. La T4 est augmentée. Glande parathyroïde. Peu de modifications sont notées, mais un apport calcique quotidien de 1,2 g/j est requis.

l Appareil ostéo-articulaire Des modifications physiologiques maternelles sont susceptibles de survenir : elles sont également liées à l’imbibition hormonale de l’organisme par la progestérone. Ainsi, les articulations du bassin, les articulations sacro-iliaques ont tendance à être douloureuses. Il en est de même du rachis lombaire et du sacrum.

1.1.2. Modifications métaboliques l Métabolisme glucidique Au début de la grossesse, la glycémie à jeun diminue (0,7 à 0,8 g/L), alors qu’en deuxième partie seront en équilibre les hormones hyperglycémiantes (HPL, cortisol, PRL) et un hyperinsulinisme (Buchanan, 1995). Durant la grossesse, on assiste à une élévation du métabolisme de base de la mère qui est le résultat d’une adaptation de la mère au fœtus. Il en est de même des besoins caloriques, qui sont estimés à 2 500 calories par jour. Ainsi, la quantité d’hydrates de carbone utilisés par les deux organismes est augmentée. En effet, le sucre est l’une des principales sources d’énergie utilisée par le fœtus. La glycémie maternelle doit toujours subvenir aux besoins du fœtus. Il existe pour cela la néoglucogenèse qui permet de maintenir un taux de sucre convenable dans le sang maternel en dehors des repas. Après 53

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les repas, le maintien de la glycémie fait intervenir l’insuline fabriquée par le pancréas de la mère. Si le pancréas ne suffit pas à la demande d’insuline, on voit apparaître un diabète gestationnel. En réalité, la grossesse se caractérise par une résistance aux effets de l’insuline. Cette diminution de l’action de l’insuline paraît liée à l’influence de l’HPL, la progestérone, la prolactine et le cortisol. Le taux élevé d’acides gras libres joue aussi un rôle dans cette résistance à l’insuline.

l Métabolisme lipidique Les lipides augmentent pendant la grossesse. Le cholestérol augmente de 40 %. Le cholestérol total, de 1,6 à 2 g/L en dehors de la grossesse, passe à 2,6-3 g/L durant la grossesse (Dejager et Turpin, 1996 ; Desoye et al., 1987). Les acides gras libres augmentent de 60 % : leur dosage est ininterprétable donc inutile. Les triglycérides sont compris entre 0,5 et 1,5 g/L en dehors de la grossesse. Ils sont plus que doublés pendant la grossesse puisque le taux passe de 2 à 3 g par litre. Les lipoprotéines augmentent toutes. Ces changements sont en relation avec les bouleversements hormonaux. Ils ont de multiples fonctions dont l’apport d’énergie à la mère en économisant le glucose pour le fœtus. Ces modifications lipidiques mettent 2 à 3 mois avant de se stabiliser.

l Métabolisme protidique La grossesse entraîne une baisse de la concentration totale sérique en protéines qui diminue de 10 g/L. Il y a une hémodilution responsable de la diminution des albumines et une petite diminution des protéines totales (Hytten et Chamberlain, 1991). L’albumine est le support majeur de la pression oncotique du plasma qui diminue au cours de la grossesse. Les œdèmes témoignent en partie de cette diminution de la pression oncotique.

Bibliographie Barron WM, Lindheimer MD, Davison JM, Grünfeld JP. Médecine de la femme enceinte. Paris : Flammarion Médecine-Sciences ; 1990 : 652 p. Blanc BJ, Agher JP, Boubli L, Ruf H. Les constantes biologiques pendant la grossesse. Encycl. Méd. Chir. (Paris-France), Obstétrique, 5010 A10, 3-1988, 24 p. 54

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2. Les échanges fœtomaternels (F. Puech) Le placenta constitue l’interface entre deux êtres vivants dont l’un est totalement tributaire de l’autre ; il est l’organe qui assure les échanges gazeux et nutritifs entre la mère et l’enfant. Le sang maternel n’entre jamais en contact direct avec le sang fœtal, il doit pourtant assurer la nutrition, l’oxygénation et l’épuration des déchets métaboliques du fœtus. Le placenta humain est un placenta hémochorial : le sang maternel est directement en contact avec le tissu chorial, c’est-à-dire le trophoblaste (Schaaps, 1995). 55

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2.1. Rappel embryologique La nidation, qui a lieu en fin de la première semaine postconceptionnelle, est précédée d’une phase pré-implantatoire pendant laquelle il faut noter la relative pauvreté du site d’implantation en cellules lymphocytaires T et B ; il existe au contraire une importante population de type macrophagique ce qui témoigne d’une base cellulaire à la suppression de la réponse immune (Kabawat et al., 1985). La phase embryonnaire commence avec l’invasion trophoblastique. Le contact du blastocyste avec l’endomètre induit la prolifération du trophoblaste au niveau du bouton embryonnaire. Certaines cellules en voie de prolifération perdent leurs membranes et se réunissent pour former le syncytiotrophoblaste. Ce syncytiotrophoblaste s’infiltre au travers de l’endomètre et, à 12 jours postconceptionnels, le cytotrophoblaste s’engouffre à son tour dans les lacunes formées par le syncytiotrophoblaste pour former les villosités primordiales.

Figure 2.1. Développement des vaisseaux fœtaux à J 21 (d’après B. Mitchell et R. Sharma, Embryology – an illustrated colour text, Elsevier 2005, London, 81 p.). 56

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À 18 jours postconceptionnels, les premiers vaisseaux fœtaux apparaissent, dérivant du mésoderme extra-embryonnaire. Il n’y pas de contact entre les vaisseaux fœtaux, d’une part, et les artères spiralées et maternelles qui se développent, d’autre part. Le cytotrophoblaste continu de proliférer et obstrue les artères spiralées. À 8 semaines d’aménorrhée (SA), le cytotrophoblaste extra-villositaire ne comble plus que partiellement la lumière des artères spiralées et de la décidue, et le plasma et quelques hématies maternelles viennent baigner les villosités (Hustin et Schaaps, 1987 ; Jansson et al., 1993 ; Schaaps, 1995). À 12 SA, les bouchons filtrants cytotrophoblastiques disparaissent et le sang maternel pénètre l’espace intervilleux. Dans la grande majorité des cas, entre 18 et 20 SA, les modifications vasculaires maternelles auront pris leur aspect définitif : remplacement de l’endothélium par le trophoblaste qui, en plus, a supprimé les composants musculo-élastiques des parois. Les portions terminales des artères utéro-placentaires n’ont plus de paroi résistante, les possibilités de vasoréactivité y sont devenues nulles. Elles échappent aux contrôles neurovasculaires et aux médiateurs locaux du tonus vasculaire (prostaglandines, endothélines, NO...). Le placenta est alors mature (Schaaps, 1995).

2.1.1. Placenta et oxygène Avant 8 semaines d’aménorrhée, le conceptus est nourri et oxygéné par les sécrétions des glandes utérines. Par la suite, et jusqu’à 12 semaines, ce sont les villosités baignant dans le plasma maternel qui assurent ce rôle. Le plasma maternel est pauvre en O2. Les mesures de pression partielle d’O2, à 8 et 10 semaines d’aménorrhée, indiquent une valeur de 18 mL de mercure dans l’espace intervilleux et de 40 mL de mercure dans les tissus déciduaux. Par la suite, les artères spiralées irriguent librement les villosités et la pression d’O2 placentaire augmente en conséquence (Hustin et Schaaps, 1987). L’hypoxie physiologique du placenta au cours du 1er trimestre permet la transcription de gènes oxygénodépendants, responsables du développement optimal des villosités. L’embryon lui-même est protégé de l’O2 : d’abord par l’expression d’enzymes antioxydantes (SOD, catalase, glutathion peroxydase) retrouvées dès la 8e semaine d’aménorrhée dans le liquide de la cavité extra-cœlomique, ensuite par la PaO2 basse de cette même cavité, l’oxygène n’y pouvant diffuser que passivement à travers le placenta (Jansson et al., 1993). Ces données anatomophysiologiques tentent à prouver qu’un environnement hypoxique est nécessaire au bon développement du placenta et du fœtus et que leur métabolisme est essentiellement anaérobie au cours du 1er trimestre de la grossesse. 57

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2.2. Rappel anatomique La structure du placenta est acquise à la fin du 4e mois. En fin de grossesse, le placenta est un disque de 500 à 600 g (1/6e du poids fœtal). Il présente une face maternelle, au contact de l’utérus, c’est la plaque basale ; son bord libre se continue avec le chorion, c’est la membrane située à l’extérieur du sac ovulaire. La face fœtale ou amniotique est tapissée par l’épithélium amniotique sous lequel cheminent les vaisseaux : c’est la plaque choriale. Le cordon s’insère en général vers le centre du placenta. Il porte deux artères, qui amènent le sang au placenta, et une veine, qui amène le sang du placenta au fœtus.

Figure 2.2. Fœtus à la fin du 3e mois (d’après B. Mitchell et R. Sharma, Embryology – an illustrated colour text, Elsevier 2005, London, 81 p.).

2.2.1.

Lobule placentaire

C’est l’unité fonctionnelle du placenta. Il y a 20 à 40 lobules par placenta. Le lobule est centré par un tronc villositaire de premier ordre. Chaque tronc donne une dizaine de troncs de second ordre. Ceux-ci donnent des troncs de troisième ordre, lesquels donnent 58

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les villosités placentaires. L’insertion de certaines villosités sur la plaque basale forme une sorte de couronne d’implantation ; ces villosités sont les villosités crampons. Les lobules sont séparés par des septas inter-cotylédonaires. Ces septas limitent les cotylédons.

2.2.2. Structure villositaire Elle va conditionner les échanges placentaires. Elle comprend un axe capillaire, un stroma avec des fibroblastes, des histiocytes et des macrophages (cellules de Hofbauer) et un revêtement trophoblastique fait du syncytiotrophoblaste en superficie, doublé du cytotrophoblaste (cellules souches) ; l’assise de cytotrophoblaste à terme est discontinue puisqu’elle ne couvre que 20 % des 10-12 m2 de la surface villositaire. La microscopie électronique permet de distinguer deux zones d’échange : – la membrane vasculosyncytiale. C’est une zone de très faible épaisseur (3,5 μm en moyenne). Elle est utilisée par les échanges gazeux ; – une zone plus épaisse, riche en microvillosités (1 200 millions de microvillosités par cm2). C’est une zone différenciée vers la pinocytose. Les villosités représentent une surface d’échange considérable : 5 m2 vers 20 semaines, 11 m2 à terme (en tenant compte des microvillosités, la surface serait de 96 m2 à 36 SA et de 67 m2 à terme…).

2.2.3. Chambre intervilleuse ou espace intervilleux L’espace intervilleux représente 40 % du poids du placenta ; le tissu chorial en représente 60 %. La chambre intervilleuse contient 200 mL de sang environ (150 à 250). Elle est limitée par du trophoblaste ou par ce qu’il en reste. L’apport sanguin à la chambre intervilleuse se fait à partir des artères radiales qui traversent le myomètre. Au niveau du placenta, elles donnent d’une part les artères basales qui vascularisent la caduque, d’autre part les artères spiralées, qui se jettent dans la chambre intervilleuse. Il y a environ une centaine d’artères spiralées pour le placenta. Ces artères se dilatent à leur partie distale et s’ouvrent en entonnoir dans la chambre intervilleuse. Ceci fait que la pression sanguine moyenne (75 mmHg dans les artères spiralées) a une valeur beaucoup plus basse (25 mmHg à l’entrée de la chambre intervilleuse). La pression chute ensuite progressivement dans la chambre intervilleuse. Le sang s’évacue dans les veines, sous une pression de 5 mmHg environ. Le débit sanguin maternel est d’environ 100-150 mL/100 g/min. 59

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2.2.4. Circulation fœtoplacentaire Elle est assurée par les artères ombilicales puis les artères des troncs villositaires. Elle draine en fin de grossesse 40 % du débit cardiaque fœtal, débit évalué à 180 à 200 mL/kg de fœtus/min ; soit très grossièrement 600 mL/min (Blackburn, 2003). Les vaisseaux villositaires sont pourvus d’une couche musculaire, mais dépourvus d’innervation. Ils fonctionneraient normalement en vasodilatation maximum. Leur aptitude à répondre à des agents vasomoteurs est mal connue.

2.3. Échanges placentaires Il existe un équilibre entre les circulations utéroplacentaires et fœtoplacentaires. Le placenta fonctionnerait comme le poumon (ventilation et perfusion s’équilibrent). Le placenta est le lieu principal des échanges entre la mère et le fœtus. Les membranes représentent sans doute aussi une zone d’échanges, mais leur importance reste à préciser tant du point de vue qualitatif que quantitatif (Tsatsaris et al., 2006). Au niveau du placenta, les échanges obéissent à 4 mécanismes : diffusion simple (on ajoute à cette diffusion simple les transferts par des canaux trans-syncytiaux), diffusion facilitée, transport actif (contre un gradient), pinocytose. Les deux premiers mécanismes dépendent surtout du flux sanguin ; les deux autres dépendent des caractéristiques de la membrane (Boyd et al., 1994) : – La diffusion simple : substances relativement lipophiles : gaz peu polaires (O2), polaires (CO2, N2O), et les petites molécules liposolubles (antipyrine, anesthésiques). – Les canaux trans-syncytiaux ou les pores. La dimension des canaux serait de 10 nm de diamètre. Les aquaporines 1 et 9 ont été identifiées dans le syncytiotrophoblaste et pourraient expliquer le passage de l’eau et d’autres petites molécules (Diamano et al., 2001). – Le transfert facilité. Le transfert du glucose est assisté par des transporteurs non Na dépendants : les Glut 1 et 3 ont été identifiés au pole maternel (Glut 1) et fœtal (Glut 1 et 3), cependant que le Glut 4 est identifié dans les cellules du stroma des villosités (Acevedo et al., 2005 ; Ericsson et al., 2005 ; Jansson et al., 1993 ; Jansson et al., 1995). – Le transfert actif ; il consomme de l’énergie, et requiert des transporteurs : c’est le mode de transport des acides aminés. Une douzaine de systèmes transporteurs 60

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ont été identifiés ; certains sont Na+ dépendants (transport secondaire au gradient de Na généré par une Na/K ATPase), d’autres non. Le transfert actif explique que les concentrations de nombreux acides aminés soient plus importantes dans le sang fœtal que dans le sang maternel. La plus grande partie des acides aminés captés par le placenta est donnée au fœtus. Mais ces échanges peuvent témoigner de la coopération qui existe entre le placenta, la mère et le fœtus. En effet, un métabolisme intra-placentaire peut survenir, et des échanges bidirectionnels avec le fœtus sont décrits. Par exemple, le foie fœtal transforme la glutamine et la glycine en glutamate et en sérine, qui retournent au placenta. Le placenta contient de très grandes concentrations d’aminotransférases, qui entrent dans le métabolisme des acides aminés à chaîne courte. Ces enzymes transforment ces acides aminés à chaîne courte en corps cétoniques, qui sont une source d’énergie. Si l’on restreint la croissance fœtale, le fœtus libère vers le placenta des acides aminés non essentiels (phénomène d’amaigrissement fœtal). L’alanine, ou les acides aminés à chaîne courte, sont très augmentés, ce qui fournit des produits utiles au métabolisme oxydatif placentaire, et augmente la production de lactates, alors que la consommation de glucose diminue. Ainsi, le placenta consomme relativement moins d’oxygène et de glucose. Les acides aminés sont utilisés presque exclusivement pour les processus d’oxydation, plus que pour les processus de croissance. Cela préserve le glucose pour le cerveau et pour le cœur. – La transendocytose. Elle concerne la transferrine, les immunoglobulines G : les IgG 1 et 3 traversent bien – anticorps anti-D – ; les IgG 2 traversent mal – anticardiolipides – ; les IgG 4 ne traversent pas (Malek et al., 1995). Le placenta présente une réserve fonctionnelle considérable : le fœtus ne « manque de rien » si plus de 30 % des villosités sont non fonctionnelles ou si un tiers des artères fœtales et villositaires sont thrombosées. La circulation placentaire joue également un rôle majeur dans la croissance, la nutrition et l’oxygénation fœtales, comme en attestent les expériences d’embolisation par microsphères, qu’elles soient entreprises du côté maternel ou fœtal. Il a par exemple été montré que le transfert de glucose est corrélé au débit sanguin placentaire dans l’espèce ovine. Le principal régulateur de la circulation placentaire est l’oxyde nitrique (NO), relaxateur volatile des fibres musculaires lisses vasculaires, sécrété par l’endothélium vasculaire 61

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adjacent, à la suite de sa synthèse par un système enzymatique, celui des NO synthases. L’action de NO sur les fibres musculaires lisses est médiée par le guanosyl-monophosphate cyclique (cGMP) (Chang et al., 1992 ; Clapp et al., 1981 ; Myatt et al., 1991). Outre ses propriétés vasculotropes, NO induit des effets paracrines sur la différenciation trophoblastique par le biais de son second messager, cGMP, synthétisé par les fibres musculaires lisses. Ces effets ont été démontrés sur des lignées cellulaires in vitro et l’autre second messager d’AMP cyclique, généré sur place par la gonadotrophine placentaire, exerce sur les mêmes cellules à la fois des effets de prolifération et de différenciation.

2.4. Régulation hormonale de la circulation placentaire Le champ des connaissances dans le domaine de la régulation des fonctions placentaires se caractérise par le contraste entre l’accumulation de données concernant les facteurs d’origine fœtale, principalement liés à la signalisation de la partie distale de l’axe somatotrope et l’insuline et la modulation de la circulation placentaire via la synthèse de NO d’un côté, et la part d’ombre quant à l’intervention d’hormones maternelles et placentaires dans le transfert placentaire de nutriments à proprement parler, d’un autre côté. La régulation hormonale de la circulation placentaire est modulée par des hormones principalement synthétisées sur place (voie paracrine), qui modulent la synthèse de NO. En effet, l’activité des NO synthases est augmentée par plusieurs hormones vasculotropes – angiotensine II, endothéline-1, catécholamines via les récepteurs alpha-adrénergiques –, par des hormones angiogéniques – Vascular Endothelium derived Growth Factor (VEGF), angiopoïétine-1 et -2. NO est par ailleurs potentialisé par les hormones natriurétiques, dont il partage le second messager, le GMP cyclique. Enfin un rétrocontrôle positif, s’établit entre NO et le facteur de libération de l’ACTH, Corticotropin Releasing Factor (CRF), synthétisé par les cellules trophoblastiques. Le CRF stimule l’activité des NO synthases qui, à leur tour, favorisent la libération de CRF. Cette régulation amplificatrice connaîtra son apogée dans la phase de pré-partum, où le CRF est largement impliqué dans le déclenchement de l’accouchement et où les besoins circulatoires placentaires sont accrus. Certaines hormones génèrent une vasodilatation indépendante de NO : la parathormone, le peptide qui lui est apparenté, Parathyroid Hormone Related Peptide, et le peptide apparenté au gène de la calcitonine (CGRP), ces derniers sécrétés par divers organes fœtaux et le placenta (Mandsager et al., 1994).

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2.5. Fonction respiratoire du placenta Elle permet l’apport d’oxygène au fœtus et l’évacuation du dioxyde de carbone fœtal (Puech, 1972). Les échanges vont se faire entre le sang maternel (riche en oxygène) et le sang artériel ombilical (mélange de sang artériel et veineux, pauvre en oxygène). L’oxygène va donc passer de la circulation maternelle vers la circulation fœtale par diffusion (PO2 mat > PO2 fœtale). Le sang fœtal oxygéné repart vers le fœtus par la veine ombilicale, alors que le sang maternel désaturé repart vers les veines utérines. L’approvisionnement en oxygène du fœtus est facilité essentiellement par quatre facteurs : – une augmentation du débit cardiaque de la mère, dont 70 % est destinée au placenta ; – les différences de concentration et de pression partielle de l’oxygène dans la circulation fœtomaternelle ; – la plus grande affinité de l’hémoglobine fœtale pour l’O2, par rapport à l’hémoglobine adulte, qui facilite le passage de l’O2 de la mère au fœtus. La cause de cette affinité accrue est la plus faible liaison de la chaîne gamma (spécifique à l’hémoglobine fœtale) au 2,3-di-phospho-glycérate (DPG), chaîne remplaçant la chaîne bêta de l’hémoglobine adulte ; – le 2,3-DPG intra-érythrocytaire établit une liaison compétitive avec l’O2 au niveau de la molécule d’hémoglobine. La cavité au centre des quatre chaînes de globine fixe une molécule de 2,3-DPG entre les deux chaînes bêta (de l’hémoglobine adulte) alors que ce n’est pas possible entre les chaînes gamma (de l’hémoglobine fœtale). La P50 (PO2 à laquelle l’hémoglobine est saturée à 50 % avec l’O2) de l’hémoglobine fœtale est donc réduite par rapport à celle de l’hémoglobine adulte ; – l’effet Bohr qui aboutit, en cas d’acidose, à déplacer la courbe de dissociation de l’O2 vers la droite ce qui, en diminuant l’affinité du sang pour l’oxygène, aboutit à un transfert facilité vers les tissus. C’est ainsi que le transfert d’O2 de la mère vers le fœtus est facilité malgré un gradient de pression assez faible alors, qu’à l’inverse, le transfert de CO2 est facilité du fœtus vers la mère par un gradient mère-fœtus important, une affinité pour l’hémoglobine fœtale inférieure pour le CO2 et l’effet Haldane. Cet effet, à l’inverse de l’effet Bohr, 63

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modifie la courbe de fixation du CO2 en cas d’augmentation de la PCO2, ce qui aboutit à un transfert augmenté du CO2 des tissus vers le sang et en facilite ainsi l’élimination. Quant à la production d’énergie par le fœtus, elle se fait à partir de la glycolyse et de (si nécessaire) la glycogénolyse. En situation normale, le fœtus est capable à partir du glucose, d’une part de le métaboliser et d’autre part d’augmenter les stocks glycogènes. Le métabolisme du fœtus sain a lieu de façon aérobie et aboutit à la production de quantités importantes d’énergie (38 ATP) et à la libération de CO2 et d’H2O (Adamson et al., 1968 ; Bartels et al., 1962 ; Boyd et al., 1994 ; Dawes, 1968 ; Hellegers, 1963 ; Longo et al., 1973, 1970 et 1977 ; Metcalfe et al., 1967 ; Siggard Andersen et al., 1962).

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3. Barrière placentaire : état des connaissances sur l’exposition du fœtus aux xénobiotiques (M. Rinaldo) 3.1. Rappels sur les déterminants de l’exposition fœtale aux substances exogènes Le placenta est l’organe qui permet les échanges nécessaires à la respiration, la nutrition et l’élimination des déchets du fœtus. Il joue également un rôle de barrière de protection contre des agressions infectieuses, toxiques ou immunologiques (Merger, 2001). Il ne constitue pas un filtre parfait : le fœtus peut être exposé tout au long de la grossesse à de nombreuses substances chimiques qui peuvent être à l’origine d’effets délétères (Bradman et al., 2003 ; Berkowitz et al., 2004 ; Eskenazi et al., 2004 ; Perera et al., 2003 ; Whyatt et al., 2005). Compte tenu d’une immaturité de beaucoup des systèmes enzymatiques de détoxification et d’excrétion du fœtus, la demi-vie d’élimination d’un toxique dans le compartiment fœtal est intimement liée au profil toxicocinétique maternel. Ce profil dépend des propriétés physicochimiques de la substance et des capacités physiologiques maternelles qui détermineront son absorption, sa distribution, son métabolisme et son excrétion (Carney et al., 2004). Mais cette cinétique est également modulée par les facteurs conditionnant les échanges fœtomaternels avant et après la mise en place du placenta.

3.2. Mécanisme des échanges fœtomaternels 3.2.1. Avant la mise en place du placenta À ce stade précoce, les échanges de l’embryon se font avec les sécrétions tubaires puis le mucus utérin, par diffusion à travers la membrane pellucide, enveloppe acellulaire, constituée de polysaccharides, qui joue également le rôle de barrière immunologique. À partir de l’implantation, ils se font directement avec le milieu extracellulaire de la muqueuse utérine. 66

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Cette période qui précède la circulation placentaire est la période histiotrophe (Merger, 2001). Des données récentes, expérimentales et humaines, suggèrent que des structures embryonnaires, telles que la vésicule vitelline, pourraient jouer un rôle dans les échanges fœtomaternels, avant que la circulation placentaire ne soit pleinement efficace. Les échanges fœtomaternels reposeraient alors sur un mécanisme de transport vésiculaire (pinocytose) (Carney et al., 2004).

3.2.2. Échanges transplacentaires La membrane placentaire est une membrane lipoprotéique semi-perméable. Les échanges placentaires se font selon les mécanismes classiques de transport membranaire rappelés précédemment : transport passif, actif, vésiculaire par endocytose ou exocytose (Merger, 2001 ; Larsen, 2003). Le transfert global par ces différents mécanismes est modulé par différents facteurs tels que : l’âge gestationnel, les caractéristiques hémodynamiques de la circulation placentaire, la liaison de la substance aux protéines plasmatiques et le pH sanguin (fœtal et maternel) (Brion, 2003). Le placenta humain contient du cytochrome P450 ainsi que les enzymes de la chaîne d’oxydation microsomial. Il a donc également une activité enzymatique qui peut être à l’origine de la formation de métabolites toxiques pour le fœtus (Brion, 2003). Il peut également stocker des xénobiotiques, c’est le cas par exemple du cadmium (Myllynen et al., 2005).

3.3. Transfert transplacentaire de substances exogènes et expositions fœtales 3.3.1. Mécanismes de transfert transplacentaire des xénobiotiques En ce qui concerne les substances exogènes dissoutes, le mécanisme prépondérant est la diffusion simple. Le placenta est donc d’autant plus perméable que la substance est lipophile, peu ionisée dans les conditions physiologiques et de faible poids moléculaire (inférieur à 600 daltons) (Brion, 2003 ; Barr et al., 2007). 67

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Les mécanismes de transports passifs ou actifs, reposant sur des transporteurs spécifiques, peuvent concerner théoriquement des molécules exogènes de structures voisines de molécules endogènes. Les données de la littérature sur cet aspect concernent principalement des médicaments (méthyldopa, bromure de pancuronium) (Brion, 2003). Le transport des xénobiotiques par pinocytose est très peu documenté. L’activité enzymatique du placenta concerne a priori un nombre limité de molécules exogènes. On peut citer, par exemple, l’action de l’aryl hydrocarbone hydroxylase placentaire qui catalyse l’hydroxylation du benzo(a)pyrène et dont l’activité est augmentée en cas de consommation tabagique durant la grossesse (Brion, 2003).

3.3.2. Perméabilité du placenta aux xénobiotiques dissous La perméabilité du placenta à des substances chimiques exogènes dissoutes peut être explorée par différents modèles expérimentaux (Myren et al., 2007) : – des modèles ex vivo : les monocouches de cellules placentaires, les études sur des dérivés de tissus placentaires (vésicules, microsomes), les techniques de perfusion ex vivo de cotylédons placentaires, – des modèles in vivo : analyse du sang du cordon et calcul de ratios de concentrations plasmatiques fœtomaternelles, analyse du liquide amniotique et du méconium. De très nombreux xénobiotiques ont été mis en évidence, chez l’homme, dans le compartiment fœtal que ce soit dans le sang cordal, le liquide amniotique ou le méconium (Autrup et Vestergaard, 1996 ; Bradman et al., 2003, Barr et al., 2007). Sur le plan des substances d’usage industriel ou pouvant provenir d’une exposition environnementale, on peut citer de façon non exhaustive : – des éléments traces métalliques tels que le plomb, le cadmium, le mercure, le manganèse, le zinc, – des pesticides : organochlorés, organophosphorés, carbamates, pyréthrinoïdes, – des retardateurs de flammes : PBDE (polybromodiphényléther), – des hydrocarbures aromatiques polycycliques, – des solvants organiques, – des intermédiaires de synthèse comme le bisphénol A. 68

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Les concentrations retrouvées dans le compartiment fœtal sont très variables, parfois supérieures aux concentrations plasmatiques maternelles (Ikezuki et al., 2002). Certaines de ces substances sont des composés organiques persistants et/ou des perturbateurs endocriniens (Foster et al., 2000). Du point de vue de la prévention ou du suivi, les mesures biométrologiques maternelles ne sont un bon reflet des expositions fœtales que pour les substances à demi-vie plasmatique longue, telles que les métaux lourds ou certains polluants organiques persistants. Pour les substances à demi-vie courte, lorsque l’exposition n’est pas continue ou à l’arrêt de l’exposition, la concentration dans le méconium, si elle est disponible, est un meilleur reflet de l’exposition fœtale (Brion, 2003).

3.3.3. Perméabilité du placenta aux particules La perméabilité des barrières biologiques (cutanée, digestive, alvéolocapillaire, hématoencéphalique, placentaire) aux particules, et particulièrement à la fraction ultrafine des particules (dont la taille est inférieure à 100 nm), est un sujet encore controversé. De nombreux auteurs évoquent la possibilité d’une translocation systémique de particules ultrafines inhalées (Oberdörster et al., 2002 ; Mills et al., 2006 ; Furuyama et al., 2009 ; Nemmar et al., 2002). Cette hypothèse reste discutée, notamment chez l’homme (Wiebert et al., 2006). L’interprétation de la littérature est rendue difficile par la diversité des schémas expérimentaux en termes de mode d’administration (aérosols, instillation intra-trachéale), de dose ou de nature chimique des particules testées. Si une translocation systémique de particules est possible, la question d’une transmission à travers le placenta se pose. Cette transmission a été évaluée pour deux types de particules : les fibres d’amiante et les nanoparticules (particules dont la taille est inférieure à 100 nm). Les travaux d’une équipe américaine évoquent une transmission transplacentaire de fibres d’amiante chez la souris et également chez l’homme, mais ces résultats doivent cependant être interprétés avec précaution en raison des possibilités de contamination environnementale (Haque et al., 1996, 1998 et 2001). Concernant les nanoparticules, les résultats sont variables en fonction de la composition chimique des particules, mais suggèrent globalement la possibilité d’un passage transplacentaire des nanoparticules chez l’animal (Saunders, 2009). Certaines études animales in vivo évoquent ainsi une perméabilité placentaire pour des nanoparticules 69

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de dioxyde de titane (Takeda et al., 2009) ou d’or (Semmler-Behnke et al., 2007). Ce passage n’est pas retrouvé par d’autres auteurs notamment pour les nanoparticules d’or (Sadauskas et al., 2007). Chez l’homme, les données reposent sur des schémas expérimentaux de perfusion de cotylédons placentaire ex vivo qui ne permettent pas à l’heure actuelle de conclure à une perméabilité du placenta aux nanoparticules (Myllynen et al., 2008). Une perspective de recherche repose sur des modèles in vitro de culture monocouche de cellules constituant la barrière placentaire (cytotrophoblaste). À l’heure actuelle aucune étude reposant sur ces modèles n’a été publiée sur le transport des nanoparticules (Saunders, 2009).

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4. Développement de l’embryon et du fœtus (L. Devisme) Le développement embryonnaire peut être considéré comme une succession d’événements programmés par le génome, permettant, à partir d’une seule cellule (le zygote), d’arriver à la formation d’un corps humain fait de milliers de milliards de cellules qui se disposent selon un ordre parfait dans le temps et dans l’espace, nécessitant une organisation temporospatiale précise. À l’échelle cellulaire, les étapes du développement procèdent d’interactions cellulaires selon une chronologie précise. La régulation de ce système hiérarchisé est assurée par des facteurs génétiques que sont les gènes régulateurs du développement.

4.1. Gènes du développement Le développement d’un nouvel individu nécessite la réalisation du programme génétique contenu dans le noyau des cellules. Peu de gènes sont actifs dans le zygote ; ils sont inactifs, réprimés. Avec le développement, ils sont dé-réprimés et deviennent fonctionnels. Au départ, le zygote utilise les transcrits maternels, qui sont ensuite remplacés par des transcrits zygotiques. La transition, entre le contrôle maternel et embryonnaire de l’activité génomique, se fait progressivement après la dégradation des transcrits maternels. Pendant l’organogenèse et l’histogenèse, d’autres gènes contrôlent l’activité spécifique des cellules différenciées. Les gènes de polarité interviennent les premiers. Ils sont d’origine maternelle et s’expriment dans l’ovocyte. L’angle de pénétration du spermatozoïde dans l’ovocyte et la position du blastocyste interviennent aussi dans la polarité antéropostérieure et la dorsiventralité du zygote. L’expression des gènes de segmentation débute après la fécondation. 72

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Les homéogènes gèrent l’organisation régionale du plan du corps. Leur homologie de structure témoigne de leur conservation au cours de l’évolution des espèces. L’expression sélective du génome est induite par les voies de signalisation (Wnt, TGFβ, Hedgehog, RTK-ras, Notch/Delta).

4.2. Bases cellulaires de la morphogenèse Les divisions cellulaires sont capitales dans le processus de développement. Elles comprennent les mitoses, qui font partie du cycle cellulaire des cellules somatiques et les méioses, limitées aux gamètes. La première mitose survient environ 36 heures après la fécondation. L’apoptose, ou mort cellulaire programmée, fait partie intégrante du développement, en particulier de la face, du tube digestif et des extrémités. Les blastomères anormaux sont éliminés par apoptose. La migration cellulaire constitue un aspect important de la morphogenèse en général et de la mise en place du système nerveux en particulier. Elle concerne des cellules isolées (cellules germinales, cellules des crêtes neurales) ou des groupes de cellules, sur des distances plus ou moins longues. Elle est possible grâce aux protéines contractiles du cytosquelette de la cellule et aux interactions avec la matrice extracellulaire environnante. Les cellules sont situées dans la matrice extracellulaire, maille de macromolécules, dont la composition varie d’un tissu à l’autre et d’une période du développement à une autre. Les protéines d’adhésion cellulaire sont des protéines membranaires spécialisées qui contribuent à assurer l’adhérence des cellules entre elles ou à la matrice extracellulaire. Il en existe quatre principales familles : les cadhérines, les intégrines, les immunoglobulines et les sélectines. Les trois premières interviennent au cours de l’embryogenèse. Elles assurent la cohésion et la migration cellulaire, à l’origine de l’organisation des cellules en tissus et en organes. La différenciation cellulaire permet à une cellule totipotente de devenir différenciée, sous l’influence de facteurs génétiques (appartenance à une lignée cellulaire) et des signaux des tissus avoisinants. Les premiers blastomères sont des cellules totipotentes, qui restent indifférenciées jusqu’à J4. Ils peuvent se transformer aussi bien en structures embryonnaires qu’en structures annexielles. Ce potentiel de différenciation se restreint ensuite. Entre J5 et J7, apparaît la différenciation de deux populations cellulaires distinctes : les cellules du bouton embryonnaire et les cellules trophoblastiques. 73

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Les cellules différenciées acquièrent une morphologie et des fonctions spécifiques, ainsi qu’un profil d’activité génique particulier. L’induction procède d’interactions entre deux populations cellulaires distinctes, dans une fenêtre chronologique précise, et détermine la différenciation des cellules embryonnaires de façon irréversible. Les cellules dites inductrices émettent des signaux vers un groupe de cellules dites réceptrices. Ainsi, les tissus passent par un état transitoire pendant lequel ils sont capables de répondre à un signal. L’induction, limitée dans le temps et dans l’espace, joue un rôle fondamental dans la mise en place des structures. Les signaux inducteurs sont des molécules de signalisation pouvant agir localement comme facteur de transcription ou à distance, par l’intermédiaire de protéines sécrétées. Il existe une grande précision avec laquelle les signaux de développement sont générés, transmis et reçus.

4.3. Étapes du développement prénatal Le développement prénatal est partagé en deux périodes. La période embryonnaire couvre les 60 premiers jours du développement à partir de la fécondation. Cette période est courte, mais fondamentale. Elle correspond à la mise en place des organes (organogenèse) et au modelage de l’aspect externe de l’embryon (morphogenèse). Elle est elle-même divisée en deux périodes : la période pré-embryonnaire, couvrant les quatre premières semaines, avec la mise en place des trois feuillets primitifs et la délimitation de l’embryon, et la période embryonnaire, de la quatrième à la huitième semaine, phase critique de l’organogenèse. La période fœtale, à partir de la 9e semaine jusqu’au terme, correspondant aux 7 derniers mois de grossesse, est une période de croissance du fœtus et de maturation des organes, notamment du cerveau, des poumons et des reins.

Figure 2.3. Développement de l’embryon. 74

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Figure 2.4. Développement du fœtus.

Figure 2.5. Périodes de susceptibilité des organes aux tératogènes (d’après BM. Carlson, Human embryology and developmental biology, third edition, Mosby, 2004, 527 p.).

4.3.1. Période pré-embryonnaire : embryologie générale Il est admis que le développement embryonnaire commence au moment de la fécondation, dans la trompe utérine, d’un ovocyte, entouré de sa zone pellucide, par un spermatozoïde, donnant lieu à la constitution du zygote, à un seul noyau diploïde.

l Première semaine Au cours de sa migration dans la trompe, l’embryon nouvellement formé subit une série de divisions cellulaires : c’est la segmentation. Ce processus divise le zygote en 2, puis 4, puis 8 cellules et ainsi de suite. Les cellules, appelées blastomères, sont de 75

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plus en plus petites. Ainsi l’embryon n’augmente pas de volume et reste inclus dans la zone pellucide.

Figure 2.6. Cycle pré-embryonnaire – première semaine (d’après BM. Carlson, Human embryology and developmental biology, third edition, Mosby, 2004, 527 p.).

À partir du stade de 8 ou 16 cellules, celles-ci se répartissent en deux groupes : une masse cellulaire externe, périphérique, appelée trophoblaste, à l’origine du placenta et une masse cellulaire interne, correspondant au bouton embryonnaire. C’est le phénomène de compaction. Au stade de 30 cellules (J4), on parle de morula (petite mûre) qui se creuse ensuite d’une cavité centrale, donnant le blastocyste (100 cellules). À ce stade, l’œuf entre dans la cavité utérine et s’implante dans l’endomètre (J5-J12), après s’être séparé de la zone pellucide. Le blastocyste adhère à l’épithélium endométrial, c’est la nidation. Le trophoblaste prolifère et se différencie en deux couches : une interne, le cytotrophoblaste, lui-même à l’origine de la couche externe, le syncytiotrophoblaste qui émet des évaginations, érode l’épithélium endométrial et infiltre le chorion.

l Deuxième semaine La deuxième semaine se caractérise par la mise en place du disque embryonnaire didermique vers J8 et l’établissement de la circulation utéroplacentaire. L’embryon 76

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se partage en deux feuillets : l’ectoblaste, feuillet dorsal où se met en place la cavité amniotique et l’entoblaste, feuillet ventral au sein duquel se creuse une cavité appelée lécithocèle puis vésicule vitelline. Au 16e jour, dans la région caudale du lécithocèle, apparaît un petit diverticule entoblastique, l’allantoïde qui va rester rudimentaire et dont seule la partie intra-embryonnaire donnera la vessie. Cet ensemble est situé dans une troisième cavité, le cœlome extra-embryonnaire, formé par la confluence de microcavités dans le mésenchyme extra-embryonnaire. La croissance de la cavité amniotique réduit progressivement le cœlome externe en une cavité virtuelle. Pendant ce temps l’implantation se poursuit par l’intermédiaire du trophoblaste qui envahit l’endomètre, commençant à former le placenta. Les tissus fœtaux présentent des excroissances, les villosités choriales, qui envahissent les sinus sanguins maternels.

l Troisième semaine La troisième semaine comprend la gastrulation, événement complexe et capital de la période embryonnaire, la formation du disque embryonnaire tridermique et le développement initial des somites et du tube neural. La gastrulation commence par la mise en place, au début de la troisième semaine, de la ligne primitive à partir d’un épaississement de l’ectoblaste caudal. Cette structure progresse rapidement en direction crâniale (axiation de l’embryon dans le sens craniocaudal) et elle présente, à son extrémité supérieure qui se situe à mi-distance du pôle céphalique, une dépression, entourée par une surélévation de l’épiblaste (futur ectoderme) : le nœud de Hensen. Des cellules ectoblastiques s’infiltrent entre l’ectoblaste et l’entoblaste pour donner le mésoblaste sur toute la surface du disque, sauf en avant (membrane pharyngienne) et en arrière (membrane cloacale), formant ainsi un disque embryonnaire tridermique. Les cellules du nœud de Hensen migrent en direction de la membrane pharyngienne et forment, sur la ligne médiane, le processus chordal, cordon cellulaire plein qui se creuse secondairement en canal chordal, puis s’épaissit en plaque chordale qui s’isole de l’ectoblaste sous forme d’un cordon cellulaire plein : la chorde définitive. Ainsi, le mésoderme dorsal, issu du nœud de Hensen, donne le processus chordal, précurseur de la notochorde, après fusion transitoire avec l’entoblaste. Le mésoderme latéroventral se subdivise en trois domaines : le mésoderme para-axial, donnant des massifs cellulaires distincts, les somites ; le mésoderme intermédiaire, formant les cordons néphrogènes et les lames latérales qui délimitent le cœlome interne, en continuité avec le mésoderme extra-embryonnaire. La face dorsale (gouttière neurale et somites) et la face ventrale (prolifération du mésenchyme et expansion de l’amnios en avant) sont individualisées. En avant de la membrane pharyngienne, se forme une condensation mésenchymateuse, à l’origine du septum transversum (futur diaphragme) et de l’ébauche cardiaque en arrière de celui-ci. 77

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Figure 2.7. Gastrulation (d’après Universités de Fribourg, Lausanne et Berne, Suisse. Cours d’embryologie en ligne à l’usage des étudiants et étudiantes en médecine, www.embryology.ch).

L’ectoderme est en contact avec la chorde sous-jacente qui induit la différenciation du neuroectoderme, à l’origine du tube neural primitif. La croissance de la plaque neurale, à partir d’un épaississement de l’ectoblaste de chaque côté de la ligne médiane, est plus rapide à l’extrémité crâniale qui s’élargit et donnera les vésicules cérébrales, puis l’encéphale, qu’à l’extrémité caudale qui reste fine, formant un cylindre de petit calibre, à l’origine de la moelle épinière. La plaque neurale subit une dépression médiane qui donne la gouttière neurale dont les berges se rapprochent sur la ligne médiane et fusionnent pour donner le tube neural primitif. Cette fusion débute au milieu, au niveau des 3e et 4e somites, puis s’étend vers les régions rostrales et caudales, laissant persister les neuropores antérieur et postérieur qui se ferment en dernier (respectivement vers J24 et J26). Sur les bords de la plaque neurale, se détache un nouveau groupe de cellules, les cellules des crêtes neurales qui vont migrer dans l’embryon. NB : La gastrulation est une période de grande sensibilité aux tératogènes, alors que la femme ne sait pas encore qu’elle est enceinte (cette période entre le 15e et le 20e jour de grossesse coïncide avec l’absence de retour des règles). 78

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l Quatrième semaine Entre les 4e et 5e semaines, des mouvements d’enroulement latéraux (plicature transversale), dus à la croissance de la cavité amniotique et des somites et des mouvements de plicature céphalocaudale, dans un plan longitudinal, par croissance rapide du tube neural, transforment le disque embryonnaire plan en un cylindre. La délimitation de l’embryon permet l’internalisation des feuillets embryonnaires ventraux (endoderme et mésoderme), la mise en place des téguments à partir du feuillet dorsal (ectoderme) et l’individualisation de l’embryon par rapport aux annexes, avec formation du cordon ombilical. En même temps que se termine la délimitation de l’embryon et que les somites apparaissent successivement, le premier et le deuxième arc branchial se développent à l’extrémité crâniale. Au cours de la quatrième semaine, les trois feuillets embryonnaires se différencient pour constituer les ébauches de la plupart des organes. C’est le début de l’organogenèse.

4.3.2. Période embryonnaire : embryologie spéciale ou organogenèse La chronologie de la mise en place des organes au cours de la période embryonnaire permet de décrire, pour chaque appareil, un moment critique, important à connaître en cas d’exposition à un facteur tératogène.

l Dérivés ectodermiques Sous l’induction de la chorde, la plaque neurale se forme à partir de l’ectoblaste pour donner le tube neural primitif d’où dérive le système nerveux central. Les cellules des crêtes neurales sont des cellules pluripotentes qui migrent à partir des bords du tube neural. Après la fermeture du tube neural, le reste de l’ectoderme donne l’épiderme qui recouvre la surface embryonnaire. La région craniofaciale est une région complexe, faisant intervenir les voies aériennes et digestives, le système nerveux central et les organes des sens. Des tissus d’origine embryologique différente, ectodermique, endodermique et mésodermique, ainsi que la population craniofaciale des cellules des crêtes neurales y participent. Cette complexité explique la fréquence élevée des malformations craniofaciales. Cette région se forme 79

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entre les 3e et 8e semaines du développement. Elle nécessite une synergie temporospatiale des phénomènes cellulaires, la croissance adéquate et simultanée des cinq bourgeons de la face et du cerveau et des interactions de l’endoblaste et de l’ectoblaste avec la matrice extracellulaire. Elle implique le rôle d’induction du système nerveux central, les propriétés du liquide amniotique, qui joue un rôle tensioactif et intervient sur le modelage externe, ainsi que l’activité succion-déglutition à partir du 3e mois. La formation du crâne comprend la base du crâne ou chondrocrâne, issu du mésenchyme préchordal qui donne les os de la base du crâne et les capsules sensorielles, la voûte du crâne ou calvaria qui se forme par ossification membraneuse, non achevée à la naissance puisque les fontanelles antérieure et postérieure sont perméables, et le viscérocrâne, formé par l’axe mésenchymateux des arcs branchiaux qui donnent les structures osseuses et cartilagineuses des oreilles et du larynx. Les arcs branchiaux, issus de l’intestin antérieur, se forment à partir de J22, avec apparition, dans l’ordre craniocaudal, des six paires numérotées de 1 à 6, comprenant un axe mésenchymateux cartilagineux, un revêtement extérieur ectoblastique et un revêtement intérieur endoblastique. Ils possèdent chacun une innervation par un nerf crânien et une vascularisation à partir d’un arc artériel aortique. La face et le cou se forment à la fin de la 4e semaine à partir des cinq bourgeons faciaux : un frontal médian impair, deux maxillaires et mandibulaires pairs qui convergent vers le stomodæum. Le mésenchyme craniofacial est constitué de mésoderme préchordal colonisé par les cellules des crêtes neurales formant le chordomésenchyme. À la 5e semaine se mettent en place le processus frontonasal et les placodes nasales. À la 6e semaine se met en place le processus nasal médian et latéral et s’individualisent la dépression nasale et les orifices narinaires. À la 7e semaine, le processus intermaxillaire, résultant de la fusion des processus nasaux médians, donne l’arête nasale, le philtrum, la lèvre supérieure et le palais primaire. Au 2e mois, les joues se développent et la bouche se réduit à sa grandeur définitive. Les organes sensoriels de la face résultent d’interactions entre le tube neural et l’ectoderme épaissi. Les yeux apparaissent à la 4e semaine, formés par la vésicule optique (rétine) et la placode optique (paupières, cornée, cristallin). Les oreilles, externe, moyenne et interne, se forment à la fin de la 3e semaine. Le nez se forme à la 3e semaine à partir du télencéphale (nerf olfactif) et des placodes olfactives (muqueuse). Les bourgeons dentaires se constituent dès la 6e semaine à partir de l’ectoderme de la cavité buccale (lame dentaire) et de l’ectomésenchyme sous-jacent (pulpe dentaire). Les bourgeons dentaires apparaissent vers la 12e semaine. Le palais primaire se ferme à la 7e semaine par fusion des processus nasaux médians et le palais secondaire entre les 8e et 9e semaines par fusion des processus palatins. 80

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l Dérivés endodermiques Le tube digestif primitif, d’origine endodermique, se met en place à la 4e semaine, à partir de la vésicule vitelline. Divisé en trois segments, antérieur, moyen et postérieur, il donne la totalité du tube digestif et ses annexes ainsi que l’appareil respiratoire. Étant initialement relié à la partie extra-embryonnaire de la vésicule vitelline (vésicule ombilicale) par le canal vitellin, il existe une hernie ombilicale physiologique entre les 6e et 10e semaines. Puis l’anse intestinale réintègre la cavité abdominale vers la 10e semaine et accomplit alors une rotation autour de l’axe mésentérique. Le tube digestif est initialement fermé à ses extrémités : en avant par la membrane pharyngienne qui se résorbe à la 4e semaine, la déglutition apparaissant dès la 10e semaine et, en arrière, par la membrane cloacale, qui se rompt vers la 9e semaine, le sphincter anal se formant à 20 semaines. Entre les 6e et 8e semaines, le tube digestif passe par un stade transitoire de comblement de sa lumière par des villosités primitives larges, ensuite remplacées par des villosités secondaires dont l’axe mésenchymateux est plus fin. L’intestin pharyngien (partie crâniale de l’intestin antérieur) forme l’appareil branchial, entrant dans la constitution de la face et du cou. Les deux ébauches thymiques se forment à partir de la 3e poche. Dès la 4e semaine, l’œsophage s’individualise du diverticule respiratoire. L’estomac se forme vers la 5e semaine par dilatation de l’intestin antérieur, puis le duodénum est formé par la partie terminale de l’intestin antérieur. L’intestin moyen s’étend du duodénum au côlon transverse. L’intestin postérieur donne la fin du côlon transverse, le côlon descendant, le sigmoïde, le rectum et la partie supérieure du canal anal. Il s’abouche dans le cloaque avec le diverticule allantoïdien qui forme la vessie. Le septum urorectal cloisonne le cloaque en deux parties : le sinus urogénital en avant et le canal anorectal en arrière. L’ébauche du foie et des voies biliaires apparaît à la 3e semaine. Le pancréas se forme à partir de deux bourgeons endodermiques, l’un ventral et l’autre dorsal, qui fusionnent ensuite. L’ébauche pulmonaire se forme vers J21 à partir d’une évagination ventrale de l’intestin antérieur et s’isole d’emblée du reste de tube digestif par la mise en place de la cloison œsotrachéale qui sépare la trachée en avant de l’œsophage en arrière. La trachée et les bronches se divisent de façon dichotomique et se ramifient au sein du mésenchyme, faisant intervenir des interactions entre l’épithélium et le mésenchyme. À la 4e semaine, 81

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apparaissent les bourgeons bronchiques droit et gauche, puis une semaine après, les bronches lobaires. À la 10e semaine, 70 % des ramifications bronchiques sont en place, mais les bronchioles terminales ne se forment qu’à 26 semaines. Le développement pulmonaire comporte un stade embryonnaire (4e-6e semaine), un stade pseudoglandulaire (6e-16e semaine), un stade canaliculaire (15e-25e semaine), un stade sacculaire (24e-36e semaine), marqué par la formation de la barrière air-sang et la sécrétion du surfactant donnant un poumon fonctionnel mais immature, puis le stade alvéolaire, à partir de la 36e semaine et au cours des dernières semaines de la vie fœtale et dont la maturation se poursuit après la naissance. À la naissance le poumon prend, en quelques secondes, le relais du placenta pour assurer l’hématose.

l Dérivés mésodermiques Le mésoderme dorsal donne la chorde qui régresse après l’induction du tube neural, sauf au niveau des disques intervertébraux où elle forme le nucleus pulposus. Le devenir du mésoderme latéroventral varie selon les domaines : – Le mésoblaste para-axial donne l’appareil locomoteur : squelette (os, cartilage), tissu conjonctif (muscle, derme, hypoderme et vaisseaux). Les membres se mettent en place entre la 4e et la 8e semaine, à partir d’une condensation mésenchymateuse, suivie d’une chondrification au début de la 6e semaine. L’ossification endochondrale s’effectue entre la 8e et la 12e semaine. – Le mésoblaste intermédiaire donne l’appareil urinaire (reins et voies urinaires hautes) et l’appareil génital. Les reins se mettent en place à partir de la 5e semaine et leur développement se poursuit pendant toute la durée de la grossesse. Trois structures se succèdent, de la région céphalique à la région caudale : le pronéphros, éphémère mais nécessaire à la mise en place des deux suivantes, le mésonéphros ou canal de Wolff et le métanéphros. Le canal de Wolf donne le bourgeon urétéral et le système collecteur : bassinets, calices, tubes collecteurs, ainsi que le tractus génital masculin. Le bourgeon urétéral se ramifie de façon dichotomique au sein du blastème métanéphrogène. Il existe une induction réciproque entre ces deux structures, nécessaire à l’accroissement du bourgeon urétéral et à la différenciation du blastème métanéphrogène. Le bout de chaque tube collecteur induit le développement du tissu métanéphrique se transformant en un amas cellulaire plein, puis en vésicule rénale, en virgule et en corps en S, particulièrement vulnérable. La néphrogenèse se poursuit, de la profondeur vers la surface, jusqu’à la 34e semaine. 82

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L’appareil génital est d’origine mésodermique. Sa différenciation se fait en cascade, touchant successivement les gonades, les voies génitales et les organes génitaux externes. Il existe un stade morphologiquement indifférencié commun aux deux sexes jusqu’à la moitié du 2e mois. Les gonades se différencient à la fin de la 4e semaine. Elles sont issues des gonocytes primordiaux qui migrent à la 5e semaine le long de la ligne médiane pour coloniser les crêtes neurales de chaque côté. La différenciation testiculaire est précoce, débutant vers la 7e semaine, par la transformation des cordons sexuels en tubes séminifères. La différenciation ovarienne est lente et tardive, vers la 15e semaine, caractérisée par la formation de follicules ovariens. Les voies génitales restent indifférenciées jusqu’à la fin de la 6e semaine. Pour les garçons, elles se différencient à partir des canaux de Wolff dont la croissance, entre les 8e et 12e semaines, est à l’origine de l’épididyme, des canaux déférents, des vésicules séminales et des canaux éjaculateurs. Pour les filles, les canaux de Müller se développent entre la 9e et la 10e semaine pour donner les trompes, l’utérus et une partie du vagin. La différenciation des organes génitaux externes est hormonodépendante. Ils se constituent autour de la membrane cloacale, là où confluent les voies génitales et urinaires, pour former à la 3e semaine le tubercule génital. À la 8e semaine se forment les bourrelets génitaux, puis l’ouverture de la membrane urogénitale forme la fente urogénitale. Jusqu’à la fin de la 8e semaine, le sinus urogénital reste indifférencié, identique dans les deux sexes. Puis, chez le garçon, se forme le pénis, tandis que chez la fille, la fente urogénitale reste ouverte, les bourrelets génitaux forment les petites et grandes lèvres et le tubercule génital donne le clitoris. La puberté marquera l’achèvement de la différenciation sexuelle. Le mésoblaste latéral est à l’origine des séreuses : Le diaphragme se forme entre les 5e et 7e semaines. Il dérive de quatre structures embryonnaires : le septum transversum qui donne le centre tendineux du diaphragme, les membranes pleuropéritonéales dont la fermeture postérieure est plus tardive à gauche, le mésoblaste para-axial des parois du tronc et le mésenchyme péri-œsophagien. Les cavités pleurales, péricardiques et péritonéales dérivent du cœlome embryonnaire. Entre les 5e et 7e semaines, les membranes pleuropéritonéales ferment les canaux péricardopéritonéaux et séparent les cavités pleurales de la cavité péritonéale. Le cœur, d’origine mésodermique, se met en place à J21 sous la forme du tube cardiaque primitif qui comporte quatre segments : le conotroncus, qui sera colonisé par des cellules des crêtes neurales, le ventricule et l’oreillette primitifs, et le sinus veineux. Des courbures et des cloisonnements permettent d’arriver à la forme définitive du cœur avec 4 cavités. Le mésoderme assure aussi la vasculogenèse et l’angiogenèse. L’hématopoïèse se forme à partir de J21, d’abord dans la vésicule vitelline, de la 3e à la 8e semaine, puis dans le foie, principal organe hématopoïétique fœtal, de la 9e semaine 83

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à la naissance et, en parallèle, à partir du 4e mois, dans la moelle osseuse qui sera le siège définitif de l’hématopoïèse. Le réseau lymphatique se développe vers la 5e-6e semaine, soit deux semaines après l’angiogenèse, dans la région cervicale, puis lombaire. La rate se forme vers la 5e semaine par prolifération mésodermique. Il en est de même pour les ganglions et le tissu lymphoïde. La corticosurrénale est d’origine mésodermique, alors que la médullosurrénale, d’origine ectodermique, provient des crêtes neurales.

l Aspect externe de l’embryon Le développement embryonnaire peut être décrit dans le temps, en jour ou en semaine. Il peut aussi être estimé selon la longueur de l’embryon, le nombre de somites ou en fonction des 23 stades de Carnegie. Au moment de l’implantation utérine, au 10e jour, l’œuf mesure 0,4 mm. Au 13e jour, l’embryon est un disque de 0,15 mm de diamètre. À J21, apparaissent les premiers somites (1-3) et l’embryon mesure 2,5 mm. À J22, au stade des somites 4-12, il mesure 3,5 mm. À J24, au stade des somites 13-20, la longueur embryonnaire est de 4,5 mm, le neuropore antérieur se ferme et la vésicule optique apparaît. À J26 (somites 21-29, longueur de 3 à 5 mm), le neuropore postérieur se ferme et apparaissent les bourgeons des membres supérieurs. Au 28e jour, quatre paires d’arcs branchiaux sont présentes et les ébauches des membres se dessinent, celles des membres supérieurs, au 26-28e jour, étant plus précoces que celles des membres inférieurs. Les placodes otiques et optiques apparaissent aussi, ces dernières seront mieux visibles en raison de leur pigmentation. Ainsi, de J28 à J37, plus de 30 somites sont en place et l’embryon mesure de 4 à 9 mm. Les bourgeons des membres inférieurs apparaissent entre J28 et J30 et les palettes des mains se forment, de même que la vésicule otique. Entre J38 et J40, l’embryon mesure 8 à 11 mm, les palettes des membres inférieurs se développent et la rétine est pigmentée. À J41, l’embryon mesure 11 à 14 mm et les rayons des doigts s’individualisent. À J44, la longueur est de 13 à 18 mm, les coudes se dessinent ainsi que les paupières. Entre J50 et J60, l’embryon mesure 18 à 24 mm. Les mains et les pieds se rapprochent vers la ligne médiane, les orteils sont présents et les coudes sont fléchis. Les pavillons des oreilles apparaissent. À la fin du deuxième mois (soit 8 semaines de vie embryonnaire), l’aspect extérieur du corps est reconnaissable.

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4.3.3. Période fœtale La période fœtale, correspondant aux sept derniers mois de grossesse, permet essentiellement d’assurer la maturation des organes et leur croissance. La régulation de la croissance fœtale est multifactorielle, contrôlée par des facteurs génétiques et fœtoplacentaires, et modulée par des facteurs maternels. Les principaux facteurs de croissance d’origine fœtale sont l’insuline et l’IGF (insulin-like growth factor) qui agissent en synergie avec des hormones de croissance d’origine placentaire. Les glucocorticoïdes et les hormones thyroïdiennes fœtales sont les facteurs endocriniens les plus importants de la maturation fœtale. Tous les organes sont présents à 9 semaines, mais peu d’entre eux sont fonctionnels. Un certain nombre d’organes n’achèvent leur maturité qu’après la naissance, notamment les poumons, le cerveau et le cervelet. Le fœtus passe de 8 g à 8 semaines à environ 3 500 g à la naissance, soit un poids multiplié par 425, la plus grande partie de cet accroissement pondéral étant acquise au cours du troisième trimestre, alors que le fœtus s’allonge surtout au cours du second trimestre. La vie fœtale est sous la dépendance du placenta qui comporte des constituants maternels et fœtaux. Les agents tératogènes peuvent atteindre le fœtus en traversant le placenta et provoquer une malformation spécifique ou un retard de croissance intra-utérin.

5. Développement du système nerveux central (S. Gressens, P. Gressens) Le développement du système nerveux central (SNC) résulte de la réalisation de programmes génétiques aux différentes étapes ontogéniques. Le développement cérébral débute avec l’individualisation d’une plaque neurale au début de la 3e semaine postconceptionnelle et s’achève à l’adolescence (il persiste une production neuronale tout au long de la vie : cette neuronogenèse tardive est bien démontrée au niveau des bulbes olfactifs et du gyrus dentelé ; son importance au niveau du néocortex associatif reste à démontrer). Les facteurs d’environnement (moléculaire, cellulaire, de l’organisme, de l’individu...), dès la période prénatale mais surtout après la naissance (avec des implications potentielles pour le grand prématuré par exemple), vont moduler l’expression des programmes génétiques. 85

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Les grandes étapes du développement cérébral peuvent se résumer comme suit : induction du neuroectoderme, neurulation, production des précurseurs neuraux, production neuronale, migration neuronale, mort neuronale programmée, production des neurites (axones et dendrites), élimination des neurites excédentaires, synaptogenèse, élimination et stabilisation sélective des synapses, gliogenèse (production des astrocytes et oligodendrocytes), myélinisation, angiogenèse. Ces différentes étapes du développement et de la maturation du cerveau sont contrôlées par l’interaction entre les gènes et l’environnement. De nombreux gènes impliqués dans le développement du cerveau ont été identifiés : les gènes contrôlant la neurulation, la prolifération neuronale, la taille et la forme des neurones, la mort cellulaire programmée, les interactions neuronogliales, et la stabilisation synaptique (Simeone, 2002). Cependant, il semble peu probable que les trente mille gènes humains puissent totalement contrôler l’organisation de cent milliards de neurones et de trilliards de synapses. Un patron neuronal de l’expression de ces gènes requiert un environnement adéquat. Les interactions avec le milieu intra-utérin (facteurs provenant de la mère, du placenta, ou du fluide amniotique) et avec l’environnement postnatal modifient de façon cruciale l’expression des gènes à travers une action réciproque avec les neurotransmetteurs, les facteurs trophiques, et les hormones et leur machinerie. Dès lors, les malformations cérébrales peuvent être dues à des facteurs environnementaux, des facteurs génétiques, ou une combinaison des deux. Pour réaliser ces différents processus développementaux, le cerveau va avoir recours à des outils moléculaires, qui auront un rôle tout à fait différent dans le fonctionnement du cerveau mature. Une même molécule pourra également avoir des rôles variables d’une étape ontogénique à une autre et des molécules antagonistes dans le cerveau mature comme le glutamate et le GABA peuvent avoir une action synergique sur le cerveau en développement. On assiste donc, au cours de l’ontogenèse cérébrale, à une superposition de la mise en place progressive des patrons d’expression des molécules qui contrôleront les fonctions du cerveau mature et de l’intervention orchestrée et séquentielle de certaines de ces molécules pour réguler cette structuration du cerveau de type adulte (stade postpubertaire). Dès lors, la perturbation au cours du développement cérébral d’un facteur donné pourra avoir trois types de conséquences : – une anomalie de la mise en place du patron d’expression adulte de ce facteur et un fonctionnement adulte anormal des systèmes utilisant ce facteur ; – une déviance des programmes de développement aboutissant, dans le cerveau mature, à un dysfonctionnement de systèmes pouvant ne plus avoir de lien fonctionnel avec le facteur initialement perturbé ; – une combinaison des deux phénomènes précédents. 86

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Parmi les grands acteurs moléculaires du développement cérébral potentiellement impliqués dans certaines pathologies du cerveau en développement, on peut citer le système glutamatergique et le NO, les systèmes aminergiques (dopamine, sérotonine, catécholamines et leurs récepteurs), les facteurs de croissance comme le brain-derived neurotrophic factor (BDNF), certains neuropeptides tels le vasoactive intestinal peptide (VIP) et les opiacés. L’influence du stress (agissant par l’intermédiaire d’une production accrue de glucocorticoïdes) et des cytokines sur plusieurs de ces facteurs semble actuellement acquise. La perturbation de ces mécanismes peut survenir à n’importe quel stade du développement cérébral. Il est clair que les conséquences fonctionnelles vont dépendre de l’étape développementale incriminée. La connaissance des processus développementaux du système nerveux central a largement bénéficié des progrès majeurs en biologie cellulaire et moléculaire. La description de modèles animaux d’anomalies du développement du cerveau a connu un essor extraordinaire ces vingt dernières années. Ce chapitre se concentre principalement sur le développement du néocortex. Des descriptions détaillées du développement d’autres structures du système nerveux central tel que le cervelet peuvent être trouvées dans Ten Donkelaar et al. (2003) et Wang et Zoghbi (2001).

5.1. Induction neurale et neurulation Durant les premières étapes de la gastrulation, des centres organisateurs produisent des molécules inductives qui initient les programmes génétiques amenant à la différenciation des tissus neuraux à partir des tissus environnants (Smith et Schoenwolf, 1989). Des expériences de greffes sur les amphibiens ont montré que l’apparition des tissus neuraux dépend de signaux provenant des cellules mésodermiques de la zone marginale dorsale (le centre organisateur de Speeman) et que d’autres signaux provenant de cette zone permettent aussi la régionalisation du neuroectoderme le long de l’axe rostrocaudal. Des études ont identifié une partie des facteurs impliqués dans l’induction neurale, tels follistatin, noggin, notch, dorsalin1, wnt1, et hedgehog. La neurulation est le processus par lequel les cellules du neuroectoderme sont transformées en un tube neural, qui se différenciera en cerveau et moelle épinière. La neurulation peut être divisée en quatre étapes qui se chevauchent dans le temps et l’espace : – formation de la plaque neurale, – modelage de la plaque neurale, 87

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– formation de la gouttière neurale, – fermeture de la gouttière neurale pour former le tube neural. Chez les humains, la plaque neurale apparaît au début de la troisième semaine de grossesse, dans la zone médiodorsale de l’embryon, juste en avant (dans l’axe rostrocaudal) du nœud d’Hensen. La gouttière neurale apparaît pendant la troisième semaine de grossesse. La fermeture du tube neural commence au début de la quatrième semaine de gestation avec la formation de crêtes neurales (qui donneront naissance aux ganglions de la racine dorsale, aux cellules de Schwann, à la piale et à l’arachnoïde). La fermeture du tube neural débute dans la région basse de la moelle épinière et progresse rostralement et caudalement. Le neuropore antérieur se ferme approximativement au 24e jour de grossesse et le neuropore supérieur se ferme approximativement au 26e jour de grossesse. Ce site postérieur de fermeture est localisé au niveau lombosacré et la moelle épinière plus caudale est formée secondairement par un processus indépendant de canalisation (semaines 4 à 7 de la grossesse) et de différenciation (de la 7e semaine de grossesse à la période postnatale ; ce processus donne naissance au ventriculus terminalis et au filum terminal). Le tube neural est initialement une structure rectiligne. Avant la fermeture du neuropore postérieur, la partie antérieure du tube neural est remodelée en trois vésicules primaires : le prosencéphale, le mésencéphale et le rhombencéphale. La phase d’individualisation du prosencéphale et de formation des hémisphères se déroule entre la 5e et la 10e semaine de grossesse chez l’humain. La régionalisation du SNC résulte de la combinaison de deux mécanismes. La régionalisation rostrocaudale crée des domaines transversaux avec des compétences distinctes au niveau de la plaque et du tube neural (Hynes et al., 1995 ; Simon et al., 1995 ; Yamada et al., 1993), alors que la régionalisation dorsoventrale crée des domaines alignés longitudinalement. La combinaison de ces deux axes donne un patron de régionalisation en forme de grille (Rubenstein et al., 1998). Différents gènes impliqués dans ce processus de régionalisation ont été identifiés. Ils incluent les gènes BMP (bone morphogenic protein), PAX (gènes paired box), et SHH (gène Sonic Hedgehog) pour l’axe dorsoventral, KROX20, FGF8 (fibroblast growth factor-8), EN (gènes engrailed), WNT, OTX (gènes à homéoboîte homologues du gène orthodenticle de la drosophile), EMX (lié à empty spiracles, un gène exprimé au cours du développement de la tête de la drosophile), et DLX (gène à homéoboîte homologue du gène distal-less de la drosophile) pour l’axe rostrocaudal.

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5.2. Prolifération neuronale Il n’y a pas de donnée précise à ce jour concernant le nombre de neurones chez les différentes espèces de mammifères. Dans le cerveau adulte humain, il est estimé que le nombre de neurones est compris entre trois et cent milliards. De façon similaire, la proportion précise de cellules gliales est inconnue, avec un ratio neurone-cellule gliale estimé entre 1:1 et 1:10. Dans certaines régions du SNC, la production de neurones continue durant toute la vie. Cette neurogenèse tardive est clairement apparente dans le bulbe olfactif et le gyrus denté de l’hippocampe. Son importance au niveau du néocortex, particulièrement dans des conditions physiologiques, reste à démontrer. Dans ce contexte, la production de neurones pour le néocortex humain est généralement considérée comme un phénomène se produisant majoritairement durant la première moitié de la grossesse. Le néocortex est composé d’unités verticales (colonnes neuronales) : le nombre de neurones dans une unité donnée semble stable chez tous les mammifères étudiés et est constant à travers les différentes zones corticales (avec l’exception du cortex visuel). En revanche, le temps nécessaire pour produire les neurones néocorticaux d’une colonne donnée augmente avec l’accroissement de la complexité durant l’évolution des mammifères. En effet, la période de neurogenèse (intervalle neurogénique) dure six jours chez la souris tandis qu’elle dure dix semaines chez les humains (de la 10e à la 20e semaine de grossesse approximativement). Cette période de neurogenèse correspond à la production de neurones à partir des précurseurs présents dans le neuroépithélium germinatif. L’administration de bromodéoxyuridine ou de thymidine tritiée, qui sont incorporées dans l’ADN durant la phase S du cycle mitotique, a permis d’étudier les différents paramètres du cycle mitotique et leur évolution durant la neurogenèse chez les rongeurs et le singe. Dans le modèle original décrit par Caviness et al. en 2003 et qui est basé sur l’existence d’une population homogène de précurseurs dans le neuroépithélium ventriculaire germinatif, la durée du cycle mitotique total s’accroît progressivement durant l’intervalle neurogénique. Cet accroissement dans la durée est dû à l’accroissement progressif de la durée de la phase G1, pendant que les phases G2, M, et S restent constantes. Cependant, des perturbations des systèmes GABA-ergiques ou glutamatergiques chez le singe sont capables de moduler la longueur de la phase S durant cette période développementale. La seconde contribution majeure de ces études est de montrer que la proportion de cellules filles qui entre à nouveau dans le cycle mitotique (phase G1) ou qui quitte le cycle (cellules postmitotiques en phase G0 qui migreront vers le cortex) est variable et dépend du stade dans l’intervalle neurogénique. Dans ce modèle, à chaque étape de l’intervalle neurogénique, le neuroépithélium 89

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périventriculaire peut être caractérisé par deux variables : la durée de G1 et la fraction de cellules filles qui continueront à se diviser. Bien que ce modèle soit basé sur l’hypothèse que la mort cellulaire est négligeable dans le neuroépithélium germinatif, une étude suggère qu’une proportion significative des cellules précurseurs meurt dans le neuroépithélium germinatif pendant l’intervalle neurogénique (Blaschke et al., 1996). L’existence d’un neuroépithélium germinatif régionalisé a également été proposée où les paramètres du cycle cellulaire dépendraient de la localisation de la cellule en division (Polleux et al., 1997). Cette régionalisation permettrait une spécification précoce des caractéristiques pour les futures zones corticales. Durant l’intervalle neurogénique, après la phase M du cycle mitotique, les cellules filles font face à un choix dichotomique : entrer à nouveau dans le cycle mitotique (G1) ou quitter ce cycle (G0) et, ce faisant, devenir postmitotiques pour le reste de leur vie. Certains facteurs, comme l’insulin-like growth factor I (IGF-I), le FGF ou le VIP stimulent les mitoses des précurseurs neuronaux, alors que des facteurs comme le glutamate ou le GABA réduisent la prolifération de ces cellules mais ne poussent pas ces cellules à devenir postmitotiques. De très rares facteurs ont été décrits comme capables d’induire la sortie des cellules précurseurs du cycle mitotique. Le pituitary adenylate cyclase-activating polypeptide (PACAP) semble être l’un de ces facteurs, car il est capable d’empêcher les cellules filles d’entrer à nouveau dans le cycle mitotique et d’induire leur migration pour devenir des neurones corticaux (Lu et DiCicco-Bloom, 1997).

5.3. Migration neuronale et lamination corticale Les neurones néocorticaux dérivent du neuroépithélium primitif et migrent à leur position appropriée dans le manteau cérébral. Chez les humains, la migration des neurones néocorticaux se produit surtout entre la 12e et la 24e semaine de grossesse (Sidman et Rakic, 1973). Les premiers neurones postmitotiques produits dans le neuroépithélium germinatif périventriculaire (zone ventriculaire) migrent pour former la plaque plexiforme primitive ou préplaque. La deuxième vague de neurones migre dans la préplaque et la divise en donnant la couche moléculaire superficielle (couche I ou zone marginale contenant les neurones de Cajal-Retzius) et la sous-plaque en profondeur. Schématiquement, les vagues successives ultérieures de migration de neurones traversent les neurones de la sous-plaque et terminent leur parcours migratoire sous la couche I, formant successivement (mais avec un chevauchement important) les couches corticales VI, V, IV, III et II, suivant un patron « inside-out ». 90

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Les neurones néocorticaux en migration peuvent adopter plusieurs types différents de trajectoires (Gressens, 2000 ; Rakic, 2003) : – Une large proportion de neurones migre de façon radiaire, le long des cellules gliales radiaires, depuis la zone germinative jusqu’à la plaque corticale. Les cellules gliales radiaires sont des cellules gliales spécialisées présentes dans le cortex durant la période de migration neuronale. Ces cellules ont une forme radiaire avec un noyau localisé dans la zone germinative, un prolongement basal attaché à la surface ventriculaire et un prolongement apical attaché à la membrane piale. Rakic (1988) a postulé que ces cellules gliales radiaires permettent de conserver une correspondance topographique entre une précarte hypothétique au niveau de la zone germinative (zones ventriculaire et sous-ventriculaire) et les cartes corticales. – Un groupe important de précurseurs neuronaux adopte initialement une trajectoire tangentielle au niveau des zones germinatives ventriculaire ou subventriculaire avant d’adopter un parcours classique de migration radiaire le long de la glie radiaire. Cette migration tangentielle pourrait permettre une certaine dispersion au niveau de la plaque corticale de neurones originaires d’un même clone dans le neuroépithélium germinatif, accroissant l’hétérogénéité clonale au sein d’une même zone corticale. – Des neurones migrant tangentiellement ont également été décrits au niveau de la zone intermédiaire (future substance blanche). La plupart de ces cellules neuronales ayant un parcours migratoire orthogonal à la glie radiaire proviennent de l’éminence ganglionnaire. La plupart des interneurones exprimant le GABA semblent être produits par ce mécanisme chez le rongeur. Chez l’homme, la contribution de ce phénomène à la production des neurones de type GABA-ergique semble être plus modérée. Le phénotype de glie radiaire semble être déterminé par les neurones migrants et par les facteurs intrinsèques exprimés par les cellules gliales. Parmi ceux-ci, le facteur transcription Pax6, spécifiquement localisé dans la glie radiaire durant le développement cortical, est essentiel à la morphologie, au nombre, à la fonction, et au cycle cellulaire de la glie radiaire. Les fibres de glie radiaire sont groupées en faisceaux de cinq ou huit fibres (Kadhim et al., 1988). La localisation corticale finale des neurones, qui est en partie déterminée par le faisceau glial utilisé pour la guidance migratoire, détermine partiellement les connections que le neurone sera à même d’établir. Les faisceaux de fibres gliales, qui contiennent d’importantes réserves de glycogène peuvent aussi fournir l’approvisionnement en énergie pour les neurones en migration, lesquels sont distants des vaisseaux sanguins en phase de développement. 91

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L’unité ontogénique comprenant le faisceau de glie radiaire est très conservée chez la souris, le rat, le hamster, le chat et l’humain (Gressens et Evrard, 1993). Cette unité gliale étant constante à travers les espèces de mammifères étudiés, cela pourrait représenter le module de développement de base dans le développement du cortex : cette unité reste stable pendant que le nombre d’unités adjacentes croît pour permettre l’expansion du cerveau dans l’évolution des espèces mammifères. La connaissance de la génétique et des facteurs environnementaux qui contrôlent l’organisation, le nombre et la fonction de ces faisceaux gliaux pourrait dès lors améliorer notre compréhension du développement cortical et de l’évolution du cerveau. Des études au cours de la dernière décade ont identifié différentes molécules impliquées dans le contrôle de la migration et de l’adressage neuronaux. Ces molécules peuvent être divisées de façon schématique en quatre catégories : – Des molécules du cytosquelette qui jouent un rôle important dans l’initiation et la progression (extension du prolongement apical et nucléokinèse) du mouvement neuronal. Les molécules contrôlant l’initiation comprennent la filamine-A (une protéine se liant à l’actine et impliquée dans les hétérotopies périventriculaires nodulaires) et Arfgef2 (molécule jouant un rôle dans le trafic vésiculaire et impliquée dans les hétérotopies périventriculaires nodulaires associées à une microcéphalie). Les molécules contrôlant la progression comprennent la double cortine (une protéine associée aux microtubules – MAP – impliquée dans le double cortex), Lis1 (une MAP impliquée dans la lissencéphalie de type 1 et le syndrome de Miller-Diecker) et d’autres molécules qui sont associées à des anomalies de migration chez des souris transgéniques mais qui n’ont pas encore été associées à des maladies chez l’homme (inhibiteur 14-3-3epsilon de phosphatase, MAP1B, MAP2 et Tau). – Des molécules de signalisation qui jouent un rôle dans la lamination. Ces molécules comprennent la Reeline (glycoprotéine impliquée dans une maladie humaine combinant une lissencéphalie et une hypoplasie cérébelleuse) ainsi que d’autres molécules qui sont associées à des anomalies de migration chez des souris transgéniques mais qui n’ont pas encore été associées à des maladies chez l’homme (protéine adaptatrice Disabled-1 ou Dab1, récepteur ApoE de type 2, Vldlr, sérine-thréonine kinase Cdk5). – Des molécules modulant la glycosylation qui fournissent un signal stop aux neurones en migration. Ces molécules comprennent la POMT1 (protéine O-mannosyltransférase associée au syndrome de Walker-Warburg), la POMGnT1 (protéine O-mannose bêta-1,2-N-acétylglucosaminyltransférase impliquée dans la maladie muscle-œil-cerveau), la fukutine (une possible glycosyltransférase 92

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impliquée dans la dystrophie musculaire de Fukuyama) et la focal-adhesion kinase (Fak impliquée dans des désordres de migration neuronale chez des souris transgéniques). Ces trois maladies humaines présentent une lissencéphalie de type 2. – En plus de ces trois groupes principaux de molécules, d’autres facteurs peuvent moduler la migration neuronale, tels certains neurotransmetteurs (glutamate et GABA), certains facteurs trophiques (brain-derived neurotrophic factor – BDNF – et hormones thyroïdiennes), des molécules dérivées du métabolisme peroxysomal et certains facteurs environnementaux (éthanol et cocaïne).

5.4. Organisation du système nerveux central 5.4.1. Neurones de la sous-plaque Comme mentionné précédemment, les neurones de la sous-plaque constituent une structure distincte et transitoire au cours du développement cérébral (Kostovic et Judas, 2002). Les neurones de la sous-plaque sont générés aux environs de la 7e semaine de grossesse et la sous-plaque est formée à partir de la préplaque aux environs de la 10e semaine de grossesse. Cette structure localisée sous la plaque néocorticale atteint son épaisseur maximale entre 22 et 36 semaines de grossesse. La sous-plaque est présente chez le nouveau-né prématuré mais a disparu chez le nouveau-né à terme. Certains auteurs ont suggéré que ces neurones disparaissent par apoptose tandis que d’autres ont proposé que ces neurones sont incorporés dans la couche VI (couche la plus profonde) du néocortex mature. Les neurones de la sous-plaque expriment différents neurotransmetteurs, neuropeptides et facteurs de croissance. Ils reçoivent des synapses et forment des connexions avec les structures corticales et sous-corticales. Ces neurones jouent d’importants rôles durant le développement cérébral : – ils produisent des axones pour la capsule interne qui joueront un rôle de guidance pour les axones issus des neurones des couches V et VI ; – entre 25 et 32 semaines de grossesse, ils produisent des axones pour le corps calleux ; – ils constituent une zone d’attente pour les axones thalamocorticaux (avec lesquels ils établissent des synapses) avant que ces derniers n’envahissent la plaque néocorticale pour atteindre la couche IV. Cette zone d’attente est nécessaire pour le ciblage adéquat des afférences thalamocorticales. 93

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Les neurones de la sous-plaque peuvent être touchés ou détruits chez les nouveau-nés prématurés présentant des lésions de la substance blanche périventriculaire (Sarnat et Flores-Sarnat, 2001). Ces données ont été récemment confirmées dans des modèles animaux néonatals de lésions de la substance blanche périventriculaire (McQuillen et al., 2003).

5.4.2. Croissance axonale et dendritique Lorsque les neurones en migration approchent leur destination finale, ils commencent à produire un axone et des dendrites qui vont permettre de les connecter avec des structures cérébrales distantes. Cette étape ontogénique survient largement, mais pas exclusivement, durant la deuxième moitié de la grossesse et s’étend dans la période postnatale. Par exemple, des potentiels évoqués visuels peuvent être obtenus dès 24-27 semaines de grossesse chez des nouveau-nés humains, confirmant l’existence d’un câblage fonctionnel à ce stade relativement précoce du développement cérébral. Les axones en croissance doivent trouver leur chemin dans le cerveau en développement pour atteindre leur cible. Différents mécanismes participent à cette guidance axonale et font intervenir l’extrémité distale de l’axone appelée cône de croissance : – Le transcriptome de chaque neurone contient des informations déterminant le type de connexions qu’il peut établir. – Les neurones cibles ou les neurones disposés sur la trajectoire de l’axone en croissance sécrètent ou expriment à leur membrane des facteurs de chémo-attraction ou de chémo-répulsion qui vont interagir avec des récepteurs présents sur le cône de croissance et induire l’attraction ou le retrait du cône de croissance. Dans ce contexte, plusieurs familles de ligands-récepteurs ont été décrites, tels la neétrine, slit, comm, robo, les sémaphorines, les cadhérines, et les récepteurs aux éphrines (Lagercrantz et Ringstedt, 2001). L’interaction entre ces différents ligands et leurs récepteurs conduit à des modifications calciques au niveau du cône de croissance. Ces modifications calciques semblent jouer un rôle clé dans la motilité et l’orientation du cône de croissance. – Des neurotransmetteurs et des facteurs de croissance vont faciliter ou au contraire inhiber l’extension du cône de croissance présentant à sa surface le récepteur correspondant. – Les cônes de croissance peuvent interagir avec différentes glycoprotéines de la matrice extracellulaire qui vont agir comme des molécules de guidance. 94

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– Aux stades précoces du développement cérébral, les distances séparant les structures sont plutôt réduites, facilitant ainsi la navigation des cônes de croissance pour atteindre leur cible. Ces premiers axones, appelés axones pionniers, vont ensuite servir de guide pour la croissance des axones produits ultérieurement, lorsque les distances séparant les structures cérébrales seront devenues nettement plus importantes. Comme pour la production neuronale, certaines projections axonales sont initialement produites en excès, reliant trop de structures cérébrales ou de neurones entre eux. Cette étape initiale est suivie d’une phase de régression où les axones redondants ou mal connectés sont éliminés ou rétractés, permettant l’émergence d’un patron de connexions adéquates et fonctionnelles. Cette balance entre le maintien et l’élimination des axones est régulée par différents mécanismes. De façon évidente, la survie du neurone est un élément déterminant dans cette décision. De plus, la compétition pour les facteurs trophiques disponibles interagit avec des facteurs génétiques pour moduler cette balance (Cabelli et al., 1997). D’autre part, l’activité électrique est un élément clé pour la maintenance des axones. Le corollaire est que les stimuli et les expériences durant la vie in utero et surtout durant la vie postnatale vont avoir un impact majeur en modulant la maintenance et l’élimination de certains axones (Zheng et Purves, 1995). Certaines connexions callosales, certaines connexions intracorticales de type « feedback » et certaines projections corticofuges (comme la voie motrice pyramidale) semblent être des exemples de connexions qui obéissent largement à ce principe de « surproduction-élimination » et sont donc très influencées par l’environnement (Huttenlocher et Bonnier, 1991). À l’opposé, certaines connexions intracorticales de type « feedforward » semblent être très prédéterminées génétiquement et sont donc beaucoup moins sensibles aux facteurs d’environnement (Polleux et al., 2001).

5.4.3. Synaptogenèse Le concept de stabilisation synaptique (avec l’élimination des synapses non stabilisées) a été proposé par Changeux et Danchin en 1976, et Edelman en 1981. De façon schématique, au cours du développement cérébral, des phases successives de surproduction de synapses labiles aboutissent à des connexions redondantes et ce, de façon assez aléatoire. Cette étape est largement contrôlée par des facteurs génétiques. Chaque vague de surproduction est suivie par une période de stabilisation des synapses, qui ont une valeur fonctionnelle, et une élimination des synapses redondantes ou inutiles. Cette période de stabilisation et d’élimination est fortement influencée par les stimuli environnementaux et l’expérience. Dans ce modèle, un accroissement modéré du nombre 95

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de gènes aboutirait à un substrat plus riche sur la base duquel l’environnement et l’expérience pourront produire un réseau plus complexe. La libération de glutamate au niveau synaptique induit un influx calcium postsynaptique au niveau du récepteur NMDA (N-méthyl-D-aspartate). Ces modifications calciques conduisent à la production de facteurs trophiques, tel le BDNF, qui vont stabiliser les synapses labiles, les protégeant ainsi de l’élimination. Le NO, qui est rapidement produit après activation du récepteur NMDA, est un autre acteur moléculaire central de la stabilisation et de la plasticité synaptiques. Ce modèle de stabilisation et élimination synaptiques n’exclut pas l’existence d’un mécanisme « instructif » où les connexions synaptiques sont d’emblée établies de façon adéquate. Au niveau du néocortex occipital du singe, cinq vagues successives de synaptogenèse ont été décrites (Bourgeois, 1997). Sur la base de données obtenues dans le cortex occipital humain (Lagercrantz et Ringstedt, 2001), la chronologie suivante est proposée pour le cortex humain : – une première phase débutant aux environs de la 6e-8e semaine de grossesse et limitée aux couches profondes telle la sous-plaque ; – une seconde phase débutant vers 12-17 semaines de grossesse avec relativement peu de synapses produites dans le cortex ; – une troisième phase débutant vers la mi-grossesse et s’achevant aux environs du 8e mois postnatal ; cette phase est caractérisée par un taux de production de nouvelles synapses estimé à 40 000 par seconde chez le singe ; – une quatrième phase s’étendant jusqu’à la puberté et caractérisée par un taux de production synaptique élevé ; – une dernière phase s’étendant jusqu’à l’âge adulte mais en quelque sorte masquée par la perte importante de synapses liée à l’âge. Expérimentalement, ces deux premières phases ne sont pas influencées pas la déprivation en stimuli sensoriels. La troisième phase est partiellement dépendante de l’input sensoriel tandis que la quatrième phase est fortement sous le contrôle des stimuli sensoriels et de l’expérience. Notre compréhension des mécanismes de synaptogenèse et de stabilisation synaptique soulève de nombreuses questions en médecine néonatale et en neurologie pédiatrique. Les nouveau-nés très prématurés sont un exemple typique de cette problématique : – Quels sont les effets des modifications de l’environnement après la naissance prématurée sur la stabilisation synaptique ? 96

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– Quelles sont les influences (positives ou négatives) de stimuli sensoriels trop précoces et intenses sur la synaptogenèse ? – Quels sont les effets sur l’équipement synaptique de médicaments qui interfèrent avec le système glutamatergique ou le NO ?

5.5. Mort cellulaire programmée Selon la région cérébrale considérée, entre 15 et 50 % des neurones initialement produits vont mourir par un processus physiologique appelé mort cellulaire programmée ou apoptose. Environ 70 % de ces neurones qui vont disparaître semblent mourir entre 28 et 41 semaines de grossesse chez l’homme (Bhutta et Anand, 2001). La mort cellulaire programmée est un mécanisme complexe qui implique une balance entre des signaux de mort et des signaux de survie, des programmes génétiques de mort et de survie, des effecteurs de mort cellulaire et des inhibiteurs de ces effecteurs (Polleux et al., 2001). Sous l’influence d’une combinaison de facteurs endogènes et exogènes, des programmes génétiques sont activés (d’où le nom « mort cellulaire programmée ») et sont capables de déborder les mécanismes de défense naturelle du neurone. La cellule une fois morte est rapidement phagocytée par les cellules gliales avoisinantes sans induire de phénomène inflammatoire ou de processus de cicatrisation. Dans ce processus de mort cellulaire, l’activation en cascade de caspases (enzymes protéolytiques) est une étape clé aboutissant à la fragmentation de l’ADN et la mort du neurone. La voie des caspases peut être activée par un mécanisme intrinsèque ou extrinsèque. Le mécanisme intrinsèque (ou dépendant de la mitochondrie) est induit par la libération par la mitochondrie du cytochrome C et est contrôlé par des membres de la famille Bcl-2 tandis que le mécanisme extrinsèque est déclenché par l’activation de récepteurs dits de mort (un sous-groupe de la superfamille des récepteurs au TNF) et exprimés à la surface du neurone. L’apoptose neuronale peut également être déclenchée par un mécanisme indépendant des caspases et lié à la libération par la mitochondrie du AIF (apoptosis-inducing factor). L’activité électrique semble être un facteur critique pour la survie neuronale. Durant la période de pic de croissance cérébrale chez le rongeur, l’administration de substances bloquant l’activité électrique induit une aggravation majeure de la mort neuronale développementale dans différentes régions cérébrales. Ces substances comprennent des inhibiteurs des récepteurs NMDA (MK-801 ou ketamine), des agonistes des récepteurs GABA-A tels des antiépileptiques classiques (phénytoïne, phénobarbital, diazépam, clonazépam, vigabatrine ou acide valproïque), et des anesthésiques (combinaison de midazolam, oxyde nitrique et isoflurane). Ces effets sur la mort neuronale 97

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sont mimés par l’administration aiguë d’éthanol qui bloque les récepteurs NMDA et active les récepteurs GABA-A. Bien que le mécanisme moléculaire soit incompris, l’injection systémique de sulfites (qui sont présents dans l’excipient de préparations injectables de glucocorticoïdes et d’amines vasoactives disponibles en pharmacie) combinée à la dexaméthasone chez le souriceau nouveau-né induit une aggravation de la mort neuronale développementale dans le cortex et le striatum (Baud et al., 2001).

5.6. Prolifération gliale, différenciation et myélinisation La glie est composée de trois types de cellules : astrocytes, oligodendrocytes et microglie (macrophages du cerveau).

5.6.1. Astrocytes Les astrocytes néocorticaux ont deux origines. À la fin de la migration neuronale, les cellules gliales radiaires (qui sont les cellules gliales spécialisées pour le guidage des neurones en migration) se transforment en astrocytes, qu’on retrouvera essentiellement dans les couches corticales profondes et la substance blanche. La transformation de la glie radiaire en astrocytes implique une digestion autophagique des prolongements apicaux et une translocation nucléaire du neuroépithélium germinatif vers la substance blanche. Les mécanismes moléculaires contrôlant cette transformation demeurent inconnus. In vitro, il a été démontré que les neurones sont nécessaires au maintien du phénotype radiaire de ces cellules gliales. Dans le néocortex humain, la prolifération astrocytaire commence probablement aux alentours de la 24e semaine de grossesse, avec un pic vers 26 à 28 semaines. La date exacte de la fin de production des astrocytes n’est pas connue, mais on peut supposer que la majorité de la production astrocytaire est terminée à la fin de la grossesse normale. Cependant, il est important de se rappeler que les astrocytes gardent la capacité de se diviser tout au long de leur durée de vie. Ce pic de production astrocytaire aux alentours de 26-28 semaines peut être particulièrement important pour les nouveaunés prématurés. En effet, les astrocytes jouent plusieurs rôles importants au cours du développement cérébral, incluant la guidance axonale, la stimulation de la croissance des neurones, la formation synaptique, le transfert de métabolites entre les vaisseaux sanguins et les neurones, l’établissement du patron de certaines structures cérébrales, la production de composants de la matrice extracellulaire, la production de facteurs 98

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trophiques, la survie neuronale, la myélinisation, et la participation à la barrière hématoencéphalique. Par exemple, le blocage expérimental transitoire de la production astrocytaire dans le néocortex des rongeurs induit une augmentation de la mort cellulaire programmée des neurones et des changements à long terme dans l’équipement synaptique néocortical (Zupan et al., 2000).

5.6.2. Oligodendrocytes et myélinisation Les oligodendrocytes, qui produisent la myéline, peuvent être divisés en quatre types de cellules en fonction de leur degré de maturation : précurseur d’oligodendrocyte (NG2+), préoligodendrocyte (O4+, O1–), oligodendrocyte immature (O4+, O1+) et oligodendrocyte mature myélinisant (O4+, O1+, MBP+, PLP+). Les précurseurs, qui proviennent de la zone proliférative subventriculaire, sont bipolaires et mitotiquement actifs. Ils sont produits durant les derniers mois de la gestation et dans la période postnatale précoce. Durant la migration dans la substance blanche, la différenciation en préoligodendrocytes survient. Ces derniers sont des cellules multipolaires gardant une capacité proliférative. Ce second type de cellule est prédominant dans la substance blanche périventriculaire au cours de la seconde moitié de la grossesse. L’oligodendrocyte immature est une cellule multipolaire qui apparaît au cours du troisième trimestre et qui entoure les axones en préparation de leur myélinisation. La dernière étape est la différenciation en oligodendrocyte mature, myélinisant, très multipolaire. Chaque étape de différenciation peut être marquée par des anticorps monoclonaux spécifiques. Des facteurs de croissance, hormones et cytokines (FGF, IGF-1, neurotrophine 3, interleukine-6 et hormones thyroïdiennes) sont impliqués dans la maturation des oligodendrocytes, mais jusqu’à 50 % des oligodendrocytes subissent une mort cellulaire programmée (apoptose) au cours du développement (Volpe, 2001). Les précurseurs des préoligodendrocytes sont éminemment vulnérables au stress oxydatif, à la cascade excitotoxique (via les récepteurs alpha-3-amino-hydroxy-5-methyl-4-isoxazole propionic acid [AMPA]-kainate et NMDA) et les agressions hypoxiques-ischémiques (Volpe, 2001). La myélinisation survient sur une période prolongée, se terminant longtemps après la naissance. La chronologie et le degré de myélinisation varient avec la structure cérébrale étudiée. Les structures qui fonctionnent les premières tendent à être myélinisées les premières. Cependant, alors que la myélinisation induit une accélération importante de la conduction nerveuse, des études humaines et expérimentales ont rapporté plusieurs exemples de dissociation entre le degré de myélinisation et la maturation 99

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d’une fonction donnée. La myélinisation débute dans les hémisphères cérébraux aux alentours de la naissance et est largement complétée à l’âge de 2 à 3 ans. Il n’y a pas de myélinisation détectable dans le prosencéphale avant le septième mois de grossesse et ce processus continue en partie jusqu’à l’âge de maturité. La myélinisation est plus intense dans le télencéphale pendant le troisième trimestre et en postnatal. Les voies de l’olfaction, de l’audition et le cortex sensorimoteur sont les premières à être myélinisées, alors que les voies de projection et association le sont en dernier. Les fibres de projection commencent leur myélinisation avant les fibres d’association. La myélinisation des fibres d’association se poursuit jusqu’à l’âge adulte.

5.6.3. Microglie et macrophages cérébraux La microglie constitue 5 à 15 % du nombre total des cellules cérébrales. L’hypothèse la plus largement acceptée est que les cellules microgliales dérivent de précurseurs circulant trouvant leur origine dans la moelle osseuse (Ling et Wong, 1993). Durant le premier trimestre de la grossesse chez l’homme, les cellules qui pénètrent dans le cerveau ont une morphologie amiboïde. Cette morphologie évolue progressivement vers un phénotype intermédiaire puis mature avec un petit corps cellulaire et de longs prolongements. À la moitié de la grossesse, les populations de macrophages/microglies sont principalement détectées au niveau des faisceaux de substance blanche, tels les capsules internes et externes et le corps calleux. Les études expérimentales chez le rongeur suggèrent que ces cellules pourraient, au cours du développement cérébral, participer à des phénomènes physiologiques de remodelage via la phagocytose de fragments cellulaires issus de l’apoptose développementale et via l’élimination de neurites exubérants (Mallat et Chamak, 1994). Cependant, la corrélation entre les événements régressifs et la distribution des macrophages n’est pas parfaite, suggérant d’autres rôles pour ces cellules durant le développement cérébral. En cas de lésion cérébrale, les données expérimentales sont en faveur d’un rôle neurotoxique des macrophages/microglies cérébraux via la production de radicaux libres, de NO et de cytokines. Après la période développementale, la microglie mature constitue une population quiescente mature avec un rôle potentiel dans la régulation du milieu extracellulaire et la protection immunitaire du cerveau.

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5.7. Développement des vaisseaux cérébraux Malgré leur rôle central dans le développement et le fonctionnement du cerveau, l’ontogenèse des vaisseaux cérébraux n’a été que peu étudiée et l’on ne dispose pas d’étude détaillée des différentes étapes de l’angiogenèse cérébrale chez l’homme. De même, on dispose de très peu de données concernant les mécanismes moléculaires contrôlant l’angiogenèse cérébrale. Dans ces conditions, le terme précis auquel se fait la transition entre un métabolisme anaérobie et un métabolisme aérobie pour les neurones est inconnu. Dès que le tube neural est formé, des vaisseaux sanguins pénètrent dans le neuroépithélium primitif. Durant la migration des neurones néocorticaux, la densité des vaisseaux sanguins est faible, avec une distance relativement importante séparant les neurones en migration des vaisseaux. La pénétration des vaisseaux dans le manteau cérébral se fait de façon radiaire et ventriculopète, partant des plexus leptoméningés et orientée vers le ventricule latéral (Kuban et Gilles, 1985 ; Norman et O’Kusky, 1986). Des collatérales horizontales apparaissent en suivant un gradient ventriculofuge qui atteint la substance blanche périventriculaire aux environs de la 20e semaine de grossesse chez le fœtus humain. La formation des ramifications horizontales débute vers 20 semaines de grossesse dans la sous-plaque et les couches corticales profondes, atteint la couche III autour de la naissance et se complète (couches II et I) durant la période postnatale. La plupart des vaisseaux du manteau cérébral sont dépourvus de musculaire lisse durant toute la grossesse (Kuban et Teele, 1984). La musculaire se développe en suivant un gradient ventriculopète. L’absence de musculaire au niveau des artères néocorticales et le gradient de formation de cette musculaire pourraient expliquer la grande susceptibilité des artères immatures de la substance blanche aux hémorragies chez le nouveau-né prématuré.

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6. Développement des organes de la reproduction in utero (R. Habert) Le développement des gonades pendant la vie intra-utérine est particulièrement crucial pour l’acquisition du potentiel reproductif quantitatif et qualitatif de l’individu. Chez le mâle, c’est pendant cette période que le testicule sécrète des hormones indispensables à la masculinisation des organes génitaux internes et externes qui, en l’absence de ces hormones, évolueraient spontanément dans le sens femelle. D’autre part, c’est pendant la vie fœtale que se développent les cellules germinales fœtales, qui se différencieront ultérieurement en spermatogonies souches. Ces dernières seront à l’origine de la production de tous les spermatozoïdes pendant toute la vie adulte. Chez la femelle, toutes les cellules germinales fœtales entrent en méïose pour former des ovocytes et la femelle possède son stock définitif d’ovocytes à la naissance. Toute perturbation du développement des gonades fœtales pourra donc altérer définitivement la fertilité de l’individu. Le sexe biologique d’un individu se définit à trois niveaux qui correspondent à trois stades chronologiques successifs de la différenciation sexuelle : 1) le sexe génétique (XX ou XY) qui s’instaure au moment de la fécondation ; 2) le sexe gonadique (testicules ou ovaires) qui s’instaure pendant la vie fœtale ; 3) le sexe phénotypique (= somatique = corporel). Ce sexe correspond à deux grands éléments : – les caractères sexuels primaires (tractus génital + organes génitaux externes) qui se développent pendant la vie fœtale ou postnatale précoce ; – les caractères sexuels secondaires (dimorphisme corporel selon le sexe) qui s’instaurent pendant la puberté ; notons que la différenciation sexuelle du système nerveux et celle du comportement sexuel s’inscrivent à la fois dans les caractères sexuels primaires et secondaires. La différenciation sexuelle est donc une histoire longue et complexe, qui s’étend depuis la fécondation jusqu’à la puberté. C’est un processus en cascade chez les Mammifères car le sexe génétique détermine le sexe gonadique puis le sexe gonadique impose le sexe phénotypique, quel que soit le sexe génétique. Le présent chapitre est centré exclusivement sur le développement in utero des organes reproducteurs.

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6.1. Du sexe génétique au sexe gonadique 6.1.1. Ontogenèse des gonades l Mise en place d’une gonade indifférenciée Au cours de la 4e semaine de grossesse, il se forme, à la surface du mésonéphros, un petit bourrelet appelé la crête génitale qui est l’ébauche gonadique. Cette ébauche provient d’une migration cellulaire des cellules somatiques depuis le mésonéphros et depuis l’épithélium cœlomique et d’une prolifération de ces cellules (Figure 2.8).

Figure 2.8. Schéma de la différenciation gonadique. Les cellules germinales primordiales migrent vers les ébauches gonadiques indifférenciées et prennent le nom de gonocytes lorsqu’elles atteignent ces ébauches. Puis l’ébauche gonadique XY évolue vers un testicule avec formation de cordons séminifères et différenciation de cellules de Leydig productrices de testostérone et d’Insl3. Dans l’ébauche XX, les cellules germinales entrent en méiose. Lorsque ces cellules ont atteint le stade diplotène, l’évolution méiotique est arrêtée et les ovocytes s’entourent de cellules folliculaires. 105

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Les cellules germinales viennent ensuite coloniser l’ébauche gonadique. Ces cellules expriment la phosphatase alcaline qui peut être utilisée comme marqueur histochimique, et qui permet donc de les identifier très précocement. Les premières cellules germinales sont les cellules germinales primordiales (CGP) observables à l’extérieur de l’embryon, au niveau de la racine de l’allantoïde et de la vésicule vitelline, dans les annexes embryonnaires. Ces cellules sont visibles dès 24 jours chez l’Homme. Elles migrent ensuite, passent dans le tube digestif et le mésentère dorsal, et viennent coloniser l’ébauche gonadique : on parle alors de gonocytes. Après colonisation de la gonade, les gonocytes se différencient soit dans le sens mâle ou dans le sens femelle en fonction de l’environnement somatique (Capel, 2000).

l Différenciation de la gonade indifférenciée en testicule Au cours de la 6e semaine de grossesse, les cellules somatiques se différencient en cellules de Sertoli et englobent les gonocytes, formant ainsi des cordons séminifères (Magre et Jost, 1991). Les cellules de Sertoli sécrètent de l’hormone anti-müllérienne et sont alors facilement visualisables par ce marqueur. Les gonocytes se différencient ensuite dans le sens mâle. Ils se multiplient ou entrent en apoptose pendant des périodes limitées chez le rat et la souris et pendant la totalité de la vie intra-utérine chez l’Homme. Après la naissance, les gonocytes seront les cellules mères des spermatogonies souches adultes à partir desquelles se formeront des spermatozoïdes pendant toute la vie adulte (Olaso et Habert, 2000). La gamétogenèse fœtale aboutit donc à la mise en place d’une population de gonocytes dont le nombre et la qualité influeront sur le nombre et la qualité des futurs spermatozoïdes. En fin de 6e semaine - début de la 7e semaine, des cellules de Leydig fœtales se différencient entre les cordons séminifères ; elles sécrètent essentiellement de la testostérone. Elles sont physiologiquement et morphologiquement différentes des cellules de Leydig adultes qui se formeront au moment de la puberté (Habert et al., 2001). Enfin, les cellules péritubulaires entourent les cellules de Sertoli.

l Différenciation de la gonade indifférenciée en ovaire Chez le fœtus XX, l’état de la gonade indifférenciée sans organisation histologique perdure. C’est à la 11e semaine qu’apparaît le premier signe de la différenciation ovarienne avec l’entrée en méiose de cellules germinales qui deviennent des ovocytes. L’évolution 106

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méiotique est limitée puisque tous les ovocytes se bloquent en prophase de première division méïotique (au stade diplotène). Une forte apoptose germinale a lieu à tous les stades. À la naissance, toutes les cellules germinales sont bloquées au stade diplotène. À partir de la 20e semaine, les cellules somatiques s’associent aux ovocytes pour constituer des follicules primordiaux qui pourront évoluer jusqu’au stade de follicules à antrum pendant la vie fœtale (Guigon et Magre, 2006). La folliculogenèse commence donc pendant la vie fœtale et peut atteindre le stade petit follicule à antrum avant de dégénérer. Des follicules continueront à se développer et à dégénérer tout au cours de la vie de l’individu. Ainsi, à la puberté, il ne subsistera plus que 300 000 follicules alors qu’il y avait 5 millions d’ovocytes au 5e mois de vie fœtale. Cette dégénérescence ou atrésie folliculaire a donc lieu de façon massive. Notons que seulement 300 follicules environ iront jusqu’au stade follicule mûr et ovuleront au cours de la vie fertile de l’individu et les autres dégénéreront avant la ménopause. En raison de l’absence de développement de follicules à antrum mûrs avant la puberté, il n’y a pas de sécrétion d’œstrogènes avant ce stade de développement.

6.1.2 Déterminisme de la différenciation des gonades l Déterminisme génétique Dans les cas d’anomalies de la différenciation sexuelle liées à des anomalies chromosomiques de la méiose tels que le syndrome de Klinefelter (47,XXY), le syndrome de Turner (45,X0), les individus 47,XXX et les individus 47,XYY, on a observé, dès les années 50, que la présence du chromosome Y était corrélée avec le développement d’un testicule alors que l’ovaire correspondait à une absence de chromosome Y. Donc, l’ovaire se différencie, non pas en raison des deux chromosomes X, mais parce que le chromosome Y est absent. Le chromosome Y porte le gène SRY (Sex Region of Y chromosome) près de l’extrémité du bras court. Ce gène s’exprime dans les futures cellules de Sertoli et il impose une différenciation de ces cellules vers les cellules de Sertoli. Le gène SRY agit en contrôlant directement ou indirectement l’expression de nombreux gènes et l’on commence à bien connaître la cascade génique impliquée (DiNapoli et Capel, 2008). La différenciation ovarienne est très complexe, car il ne suffit pas de ne pas posséder le gène SRY pour différencier un ovaire. Il faut aussi qu’il y ait expression de gènes « proovariens » dont certains commencent à être identifiés (Chassot et al., 2008). 107

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l Déterminisme paracrine Par fusion expérimentale de deux boutons embryonnaires XX et XY, on peut obtenir expérimentalement une souris chimère XX/XY. Si la gonade chimère contient plus de 40 % de cellules XY, elle se différencie en testicule. Dans ce testicule chimère, toutes les cellules de Sertoli sont XY, alors que tous les autres types cellulaires (gonocytes, cellules de Leydig, cellules péritubulaires) sont XX ou XY (Burgoyne et al., 1988). Cette expérience démontre que le gène SRY s’exprime seulement dans les cellules de Sertoli et que ce sont les cellules de Sertoli qui imposent la différenciation de tous les autres types cellulaires du testicule, quel que soit leur caryotype. Les cellules de Sertoli agissent en sécrétant les facteurs paracrines qui diffusent vers les cellules proches et par des facteurs juxtacrines qui agissent sur les cellules adjacentes par contacts intermembranaires et sans être sécrétés (Rouiller-Fabre et al., 2008). En outre, les différents types cellulaires communiquent entre eux par la sécrétion de nombreux facteurs paracrines. Ainsi la testostérone produite par les cellules de Leydig contrôle le développement des gonocytes, des cellules de Sertoli et des cellules péritubulaires (Merlet et al., 2008). Existe-t-il également un contrôle paracrine de la différenciation ovarienne ? Si on injecte des substances qui détruisent spécifiquement toutes les cellules germinales dans l’ovaire fœtal, les follicules ne se forment pas. Les cellules germinales sécrètent donc des facteurs de survie et/ou de différenciation pour les cellules somatiques. Notons qu’on ne trouve jamais de follicules dépourvus d’ovocytes alors qu’il existe des cas cliniques de tubes séminifères sans cellules germinales (syndrome des « Sertoli Cells Only »). La relation cellules germinales - cellules somatiques est donc différente selon le sexe.

6.2. Du sexe gonadique au sexe phénotypique 6.2.1. Ontogenèse des caractères sexuels primaires l Tractus génital Avant sa différenciation sexuelle, le tractus est identique dans les deux sexes et il est formé de trois éléments : les canaux de Wolff, les canaux de Müller et le sinus urogénital. 108

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Lorsque la différenciation du tractus se fait dans le sens mâle, les canaux de Müller régressent à partir de la 8e semaine de grossesse. À partir de la 10e semaine, les canaux de Wolff forment l’épididyme, les canaux déférents et les vésicules séminales. Pendant la même période, le sinus urogénital est à l’origine de la prostate et des glandes bulbourétrales. Lorsque la différenciation se fait dans le sens femelle, les canaux de Wolff régressent à partir de la 10e semaine. Puis les canaux de Müller forment les oviductes, l’utérus et le tiers supérieur du vagin. Le sinus urogénital donne les deux tiers inférieurs du vagin.

l Organes génitaux externes L’ébauche de ces organes se forme de façon identique dans les 2 sexes. Cette ébauche est formée de deux éléments : les replis urogénitaux (urétraux) de part et d’autre de la fente urogénitale et, plus latéralement, les épaississements labioscrotaux. Lorsque la différenciation se fait dans le sens mâle, les deux replis urétraux se soudent du bas vers le haut à partir de la 10e semaine de grossesse et ils croissent dans leur partie antérieure, ce qui forme le pénis. Les épaississements labioscrotaux se soudent dans leur partie postérieure formant ainsi le scrotum. Lorsque la différenciation se fait dans le sens femelle, il n’y a pas de modification dans l’organisation initiale, mais une croissance générale. Les replis urogénitaux sont à l’origine des petites lèvres et du clitoris. Les épaississements labioscrotaux forment les grandes lèvres.

6.2.2. Déterminisme de la différenciation phénotypique l Déterminisme hormonal Dans les années 50, Jost a mis en évidence les mécanismes de la différenciation phénotypique. En pratiquant différentes interventions chirurgicales in utero sur les fœtus de lapin, il a démontré que : – le testicule fœtal impose la différenciation du tractus génital et des organes génitaux externes dans le sens mâle et, en son absence, cette différenciation se ferait spontanément dans le sens femelle, – le testicule fœtal exerce son action par voie hormonale, 109

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– l’ovaire, chez le fœtus femelle, n’est pas nécessaire à la différenciation dans le sens femelle des organes génitaux internes et externes, – la réceptivité aux hormones testiculaires du tractus génital et des organes génitaux externes est la même, quel que soit le sexe génétique (ex. : formation d’un épididyme XX si greffe de testicule à un fœtus femelle). Ces expériences ont permis de mettre en évidence la donnée de base de la différenciation sexuelle chez les Mammifères selon laquelle le sexe gonadique dépend du sexe génétique et détermine le sexe phénotypique. La génétique n’intervient pas dans le passage du sexe gonadique au sexe phénotypique (Jost et al., 1973).

l Nature des hormones testiculaires Jost a implanté un cristal de propionate de testostérone chez un fœtus femelle. Il observe alors une différenciation mâle des canaux de Wolff, du sinus urogénital et du tubercule urogénital, mais un maintien des canaux de Müller. Cette expérience de base a permis de démontrer que le testicule sécrète de la testostérone permettant la différenciation des canaux de Wolff, du sinus et du tubercule urogénital et qu’il sécrète également une autre hormone induisant la régression des canaux de Müller. Cette hormone a été appelée l’hormone anti-müllerienne (AMH). L’AMH est une protéine produite très précocement par les cellules de Sertoli fœtales et néonatales et elle cesse d’être produite à la puberté (Josso et al., 2005). Plus récemment, il a été montré que la descente des testicules depuis leur position abdominale vers le scrotum est le résultat de l’effet de deux hormones sécrétées par les cellules de Leydig, l’Insulin Growth Factor 3 (Insl 3) et la testostérone qui imposent respectivement la descente transabdominale et transinguinale des testicules (Kubota et al., 2002).

6.3. Perturbateurs endocriniens environnementaux 6.3.1. Altération de la fonction reproductive masculine Les changements environnementaux et leurs conséquences sur la fonction reproductive masculine sont une préoccupation majeure depuis ces 20 dernières années. 110

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Les altérations de la fonction de reproduction masculine ont d’abord été observées dans la faune sauvage, dans des études décrivant les effets de contaminations accidentelles de l’environnement naturel par des produits chimiques œstrogéniques. Ces changements engendrent des modifications subtiles voire permanentes, comme la féminisation ou des variations du comportement reproducteur. Des perturbations ou altérations de l’activité et de la physiologie reproductive ont été corrélées avec l’exposition des poissons, des amphibiens, des reptiles, des oiseaux et des mammifères à des polluants chimiques (Delbes et al., 2006). Les données épidémiologiques ont également montré un accroissement des troubles de la fonction reproductrice chez l’homme au cours des 50 dernières années. La production de spermatozoïdes n’a certes pas diminué de façon généralisée mais des études prospectives à grande échelle, utilisant des méthodes normalisées, ont montré un déclin de 170 à 70 millions de spermatozoïdes par millilitre entre 1940 et 1990 en moyenne en Europe. L’incidence du cancer testiculaire, qui est le cancer le plus fréquent chez l’homme jeune, a régulièrement augmenté dans tous les pays où les études ont été réalisées. Par exemple, son incidence est passée de 3,4 pour 10 000 en 1973 à 5,5 pour 10 000 en 1997 en Amérique du Nord. Les cas d’hypospadias (orifice urinaire sur la face ventrale du pénis et résultant d’une mauvaise fermeture des replis urétraux) et de cryptorchidisme (nondescente des testicules) se sont également accrus, passant de 0,2 à 0,38 % et de 2 % à 3,5 % respectivement entre 1970 et 1991 en moyenne en Europe (Sharpe et Irvine, 2004). Les quatre anomalies décrites ci-dessus (baisse du nombre de spermatozoïdes, cancer testiculaire, hypospadias et cryptorchidisme) semblent être liées entre elles. Par exemple, une étude comparative faite dans divers pays européens a montré que l’incidence de chacune de ces quatre altérations est maximale au Danemark et minimale en Finlande. De plus, le cryptorchidisme est un facteur de risque des trois autres désordres. De même, l’hypospadias augmente les risques de développer un cancer testiculaire ainsi que l’oligospermie. Ces observations ont fait suggérer que ces quatre altérations étaient les symptômes d’un même syndrome, le syndrome de dysgénésie testiculaire (TDS) (Sharpe et Skakkebaek, 2008).

6.3.2. Importance de la période fœtale L’hypothèse actuellement la plus plausible est que le TDS décrit plus haut a pour origine une altération du développement du testicule fœtal (Skakkebaek et al., 2001 ; Delbes et al., 2005). En effet, l’hypospadias résulte d’une altération de la production ou de l’action des androgènes durant le développement fœtal. Le cryptorchidisme résulte d’anomalies de 111

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la production et/ou de l’action de l’Insl3 et/ou des androgènes régulant la descente des testicules. Bien que l’étiologie du cancer testiculaire reste hypothétique, plusieurs arguments suggèrent que les cellules tumorales proviendraient de gonocytes qui ne se seraient pas différenciés normalement pendant la vie fœtale et qui, à l’âge adulte, se retrouveraient dans un environnement n’assurant plus le contrôle de leur prolifération. Enfin, de multiples raisons peuvent expliquer la diminution de la production spermatique. Un mauvais développement qualitatif et/ou quantitatif du stock de gonocytes durant la vie fœtale est une des causes possibles puisque la production spermatique adulte dépend en partie de la gamétogenèse fœtale et de la capacité des gonocytes à se transformer en spermatogonies souches. De plus, le nombre de spermatozoïdes produits chez l’adulte dépend du nombre de cellules de Sertoli et ces dernières prolifèrent uniquement pendant la vie fœtale et l’enfance.

6.3.3. Perturbateurs endocriniens De nombreuses données cliniques, épidémiologiques et expérimentales soutiennent l’hypothèse que le TDS est engendré par les perturbateurs endocriniens agissant durant la vie fœtale ou néonatale. (Sharpe et Irvine, 2004 ; Lambrot et al., 2009). Les perturbateurs endocriniens sont des molécules exogènes qui peuvent altérer la production, le métabolisme ou l’action des hormones naturelles. Ils peuvent également mimer l’action des hormones naturelles. Ils peuvent perturber le développement de l’appareil reproducteur en agissant comme des anti-androgènes ou comme des xéno-œstrogènes (Delbes et al., 2006). L’exposition aux perturbateurs endocriniens a beaucoup augmenté quantitativement et qualitativement durant ces dernières décennies. Ils proviennent de sources extrêmement variées incluant les plantes (phyto-œstrogènes), l’agriculture (insecticides, herbicides et fongicides) et de nombreux produits chimiques (produits pharmaceutiques, plastifiants, résines, détergents, PCB, retardateurs de flamme, bisphénol A, parabens antimicrobiens, dioxines…). En conclusion, la différenciation sexuelle est un processus en cascade qui met en jeu des contrôles génétiques, épigénétiques, paracrines et hormonaux. La vie intra-utérine est une période cruciale pour l’établissement des potentialités de reproduction de l’individu adulte. De plus, cette période est particulièrement sensible à une exposition à des polluants environnementaux chimiques.

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La grossesse : une attente et des risques

M-J. Saurel-Cubizolles

Introduction En France, les grossesses surviennent le plus souvent après décision du couple parental et constituent un moment privilégié de la vie, jusqu’à la naissance. Cette réalité se situe dans le contexte d’une société où la planification des naissances, permise aux couples par la contraception ou l’interruption volontaire de grossesse, est très fréquente, et où les interrogations sur les risques encourus sont nombreuses. En effet, durant cette période, le couple mère-embryon, puis mère-fœtus peut être exposé à divers agents de l’environnement professionnel et non professionnel. Les connaissances sur les causes environnementales sont moins bien établies que celles sur les causes strictement médicales. Dans une perspective de l’évaluation des risques pendant la grossesse, il est particulièrement fondé de se poser la question du rôle des étiologies environnementales au sens le plus large – exposition in utero aux substances toxiques, aux agents physiques, aux facteurs de stress aigu ou chronique que cette exposition soit d’origine professionnelle ou non. Ces connaissances doivent être développées afin de fonder des politiques de prévention les plus raisonnables et efficaces possibles. Toutes les grossesses débutées ne se terminent pas par la naissance d’un enfant en bonne santé et certaines mettent en danger également la santé des femmes enceintes. 114

La grossesse : une attente et des risques 3

Les grossesses à risque, pour les obstétriciens et les sages-femmes, sont celles qui se développent dans des conditions difficiles, qui nécessitent une surveillance médicale renforcée et une prise en charge spécifique. Ces risques peuvent provenir d’une pathologie liée à la mère, du développement du fœtus, ou de la survenue d’événements spécifiques pendant la grossesse. Plus précisément, la grossesse à risque est évoquée lorsque la future mère présente une fragilité particulière – par exemple, une femme très jeune ou âgée, ou une femme qui souffre d’une maladie chronique telle un diabète, une hypertension artérielle, une pathologie cardiaque… ou une femme qui présente des antécédents obstétricaux pathologiques. Une grossesse gémellaire ou triple est aussi considérée comme à risque. Les femmes sans problème particulier en début de grossesse peuvent présenter des complications au cours de leur grossesse telles une hémorragie, une hypertension artérielle gravidique, un diabète gestationnel, une infection (par exemple, une infection urinaire sévère), une phlébite, voire une embolie pulmonaire ou toutes pathologies ou complications qu’il est alors particulièrement urgent de diagnostiquer et de traiter. Ce chapitre présente la définition et la fréquence des principaux risques pour le fœtus.

1. Avortements spontanés 1.1. Avortements spontanés Un avortement spontané – ou fausse couche – est l’expulsion non provoquée du produit de conception avant le terme de 22 semaines d’aménorrhée – SA – (moins de 6 mois après la fécondation ou moins de 180 jours de grossesse). Une frontière arbitraire sépare la fausse couche tardive de l’accouchement prématuré, fondée sur le concept de viabilité potentielle (Mandelbrot, 2003). Les avortements spontanés sont dits précoces si la grossesse a moins de 15 semaines révolues d’aménorrhée ou tardifs au-delà, c’està-dire les avortements du deuxième trimestre de la grossesse. La fréquence des fausses couches est élevée et la majorité se produit avant 8 semaines d’aménorrhée. Quinze à 25 % des grossesses normales se concluent par un avortement spontané. Les fausses couches tardives sont beaucoup moins fréquentes et surviennent dans 1 à 2 % des grossesses. La cascade d’événements allant d’un facteur de risque à la survenue d’une fausse couche est complexe et multifactorielle (Garel et al., 2005). Les anomalies de l’œuf, en particulier les anomalies chromosomiques (les triploïdies, par exemple) semblent être 115

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la cause la plus fréquente, surtout pour les fausses couches précoces. Par ailleurs, des anomalies utérocervicales (malformation utérine, fibrome, endométriose ou béance du col), des causes infectieuses (bactérie, parasite ou virus), ovulaires (placenta-fœtus), iatrogènes ou accidentelles peuvent aboutir à un avortement spontané. Après un premier avortement spontané, le risque lors de la grossesse suivante est légèrement augmenté. Par contre, après deux ou trois avortements successifs, le risque de répétition augmente fortement : 30 % après deux avortements et 40 % après trois avortements spontanés. Les consommations de tabac et d’alcool sont associées au risque d’avortements spontanés, la responsabilité d’une consommation élevée de caféine est suspectée. La majorité des études sur les effets de l’activité professionnelle n’ont pas trouvé de lien avec les avortements spontanés. Toutefois certaines conditions de travail constituent des facteurs de risque. Par exemple, les soignantes qui manipulent des substances cytostatiques, celles exposées aux produits anesthésiants ont un risque augmenté d’avoir un avortement spontané (Stücker et al., 1990 ; Saurel-Cubizolles et al., 1994). Il en est de même pour celles exposées aux rayonnements ionisants.

1.2. Cas particulier des grossesses extra-utérines Les grossesses extra-utérines (GEU) sont toutes les grossesses implantées hors de la cavité utérine et pour lesquelles l’œuf a commencé à se développer. La localisation la plus fréquente est celle des trompes utérines, conduisant à une grossesse tubaire, ou l’ovaire, le col de l’utérus, la paroi musculaire de l’utérus ou, enfin, la cavité abdominale (Abbara, 2008). La fréquence des grossesses extra-utérines est en augmentation depuis ces 30 dernières années et représente actuellement 1,5 à 2 % des grossesses « déclarées ». La déclaration, auprès des caisses de Sécurité sociale ou de la caisse d’allocations familiales, qui est nécessaire pour l’accès aux soins médicaux ou aux prestations familiales nécessite une consultation médicale. Cette fréquence de GEU est donc estimée sur la part des grossesses qui ne se terminent pas spontanément par un avortement précoce. Ces GEU peuvent avoir de graves conséquences sur la santé des femmes, immédiates liées aux risques hémorragiques et différées par l’atteinte à la fertilité. Les principaux facteurs de risque sont médicaux, à travers l’histoire obstétricale des femmes : antécédents d’avortements spontanés, d’infections pelviennes – notamment les infections sexuellement transmissibles – et un âge élevé. L’usage du tabac au 116

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moment de la conception est un facteur de risque retrouvé par toutes les études qui en tiennent compte, dont le caractère causal se trouve confirmé par un important « effet dose » : le risque de GEU est d’autant plus important que le nombre de cigarettes quotidiennement fumées est élevé. Le type de contraceptif utilisé est généralement évoqué comme facteur de risque, incriminant le port de stérilet (tout type de DIU : dispositif intra-utérin). En réalité, les stérilets sont placés pour éviter la grossesse intra-utérine (98 % des situations) et n’évitent pas l’implantation extra-utérine. Les agents chimiques ou physiques de l’environnement pourraient être des facteurs de risque de GEU dès lors qu’ils portent atteinte à la capacité de l’œuf à migrer ou à s’implanter. Plusieurs études ont abordé cette question, surtout pour les agents auxquels sont exposés les personnels soignants ou de laboratoires pharmaceutiques (Bouyer et al., 1998). À l’heure actuelle, il n’est pas établi que des toxiques tels les produits anticancéreux, les solvants, les désinfectants, les gaz anesthésiques ou les radiations ionisantes soient facteurs de risque de GEU.

2. Morts fœtales : mortinatalité et mortalité périnatale On appelle mort-nés, les morts fœtales à partir de 22 semaines de gestation. Dans les statistiques de l’état-civil français, jusqu’en 2001, les mort-nés n’étaient enregistrés qu’à partir de 28 semaines et n’étaient pas comptabilisés entre 22 et 27 semaines. En France, le taux de mortinatalité (naissances d’enfants sans vie) est de 9 pour 1 000 naissances totales entre 2003 et 2009 ; il est le plus élevé d’Europe (EUROPERISTAT), ce qui s’explique en grande partie par une politique active de dépistage des anomalies congénitales et la possibilité de pratiquer des interruptions médicales de grossesse relativement tardives (Blondel et Zeitlin, 2009). Les principaux facteurs de risque de mortinatalité sont un âge élevé, l’obésité, la consommation de tabac et certaines pathologies maternelles (Cnattingius et Stephansson, 2002). Il s’agit de facteurs de risque individuels et maternels ; les variations géographiques observées à l’échelle européenne de mortalité périnatale (qui cumule mort-nés et décès de la première semaine de vie) montrent d’importantes inégalités socioéconomiques. Les principales causes de la mortalité périnatale sont liées au développement ou à l’état du fœtus, anomalies chromosomiques ou malformations congénitales.

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3. Malformations congénitales Les registres des malformations congénitales produisent une information régulière sur les fréquences des principales anomalies. Toutefois, ces registres ne couvrent pas l’intégralité du territoire national (BEH, 2008). Le registre des malformations de Paris, qui est le plus ancien, permet de décrire des évolutions importantes (De Vigan et al., 2008a). Le pourcentage de malformations enregistrées est proche de 4 %, qu’elles concernent les enfants mort-nés, les naissances vivantes ou les interruptions médicales de grossesse (IMG). Ce pourcentage a été multiplié par plus de 1,5 depuis les années 80, en raison de l’augmentation de l’incidence des anomalies chromosomiques, en lien avec l’augmentation de l’âge à la maternité et des progrès du diagnostic prénatal, associant indicateurs biologiques et examens échographiques, ce qui permet la détection d’anomalies qui n’étaient pas identifiées à la naissance autrefois (Khoshnood et al., 2008). À partir des données du registre de Paris, pendant la période 2001-2005, on a pu établir que les anomalies congénitales ou chromosomiques demeurent la deuxième cause de mortalité infantile, avec 20 % des décès de la première année ; près de la moitié de cette mortalité est due aux malformations cardiaques (De Vigan et al., 2008b). Les anomalies congénitales sont devenues la cause principale de mortalité infantile dans les pays industrialisés, pour un quart environ, et une cause majeure de handicap et déficiences. Elles représentent 3 à 4 % des naissances. Ces anomalies sont diverses dans leur forme et dans leur impact sur la santé de l’enfant et la fréquence de chacune est très variable. De nombreuses publications ont été consacrées au rôle des facteurs environnementaux, notamment professionnels, sur le risque de malformations congénitales. Une étude récente montre, par exemple, que le risque d’avoir un enfant souffrant d’une malformation congénitale à la naissance se trouve multiplié par 2,5 quand la mère a été exposée pendant la grossesse, dans le cadre de sa profession, à des solvants (Garlantézec et al., 2009). Les malformations concernées sont principalement les fentes orales (becs de lièvre), les malformations du rein et des voies urinaires et les malformations génitales du garçon. Ces substances sont présentes dans les colles, les peintures, les vernis, les encres, les produits d’entretien... Les professions les plus concernées sont celles des secteurs de la santé, de l’entretien, de la recherche, de l’esthétique et de la coiffure. Principalement absorbés par les voies respiratoires ou la peau, les solvants ont la propriété de passer la barrière placentaire et, de ce fait, peuvent nuire au fœtus.

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La grossesse : une attente et des risques 3

4. Naissances prématurées La prématurité est définie par l’OMS comme un accouchement survenant entre 22 et 36 semaines révolues d’aménorrhée (SA). Cela conduit à distinguer différents types de prématurité, notamment en termes de gravité indiquée par l’âge gestationnel auquel la grossesse est interrompue : on parle d’extrême prématurité avant 27 ou 28 SA, de grande prématurité, de 28 à 31 SA, et de prématurité modérée de 32 à 36 SA (Ancel, 2009). Toutefois ces limites en âge gestationnel ne sont pas reconnues par des définitions internationales et leur utilisation n’est pas homogène dans les études épidémiologiques. Outre les données d’état-civil dont l’objectif n’est pas principalement de produire des connaissances épidémiologiques, les enquêtes nationales périnatales (ENP) sont la source de données statistiques, qui décrit l’ensemble des naissances en France ; la plus récente est celle de 2003 (rapport accessible sur le site internet http://www.sante.gouv. fr/htm/dossiers/perinat03/2005). La prématurité concerne 7 % des naissances (6 % des naissances vivantes), en légère mais régulière augmentation au cours des quinze dernières années (Blondel et al., 2006). Selon les bornes énoncées plus haut, le pourcentage d’enfants grands prématurés était de 2 % et celui d’enfants prématurés modérés de 4 % en 2003. Les causes de l’augmentation des naissances prématurées sont multiples : la première serait un changement dans la technique de mesure de la durée de la grossesse – jusqu’à la généralisation des échographies précoces –, la seconde est la conséquence d’un changement dans la limite entre « avortement » et « accouchement » et surtout dans leur prise en charge médicale, puisque ces fœtus sont considérés comme des enfants nés vivants. Une troisième cause est l’augmentation des grossesses multiples, en lien avec l’âge plus élevé des femmes et le recours plus fréquent aux traitements de l’infertilité, à laquelle s’ajoute la prématurité plus fréquente des jumeaux ou des triplés (Blondel et al., 2002). La prématurité est beaucoup plus fréquente pour les grossesses gémellaires (44 % contre 5 % respectivement en 2003). Une autre raison est le résultat d’une approche plus active en cas d’anomalies ou de complications. Environ un tiers de la prématurité est médicalement induite, par césarienne avant travail ou déclenchement de l’accouchement, et deux tiers sont spontanés. Plusieurs facteurs de risque sont associés à la prématurité, et ceux liés à la grande prématurité, avant 32 SA, sont globalement les mêmes que ceux liés à la prématurité modérée, de 32 SA à 36 SA (Ancel et al., 1999). Toutefois une situation sociale défavorisée, indiquée par la position professionnelle du couple parental, un âge maternel élevé et des antécédents obstétricaux pathologiques sont plus fortement liés à la grande 119

GROSSESSE ET TRAVAIL

prématurité qu’à la prématurité modérée. La consommation de tabac pendant la grossesse, le très jeune âge (moins de 20 ans) et une faible corpulence maternelle sont liés nettement à la prématurité, mais sans interférer sur son degré. En France, en 2003, des inégalités sociales de prématurité persistent, observées aussi lors des enquêtes périnatales précédentes : le taux varie de 4 % lorsque la mère a fait des études supérieures à 9 % lorsqu’elle n’a pas dépassé le niveau d’études primaires ; il est particulièrement élevé pour les couples sans profession, 7 % (Leclerc et al., 2008). En ce qui concerne les risques professionnels, les obstétriciens et sages-femmes français ont été alertés, depuis la fin du XIXe siècle, sur l’effet nocif de certaines situations de travail impliquant des efforts physiques comme les longues stations debout, le port de charges lourdes, les postures exigeant les bras levés, le travail à la chaîne... Ce constat avait été confirmé par des études épidémiologiques à la fin des années 70 (Mamelle et al., 1984 ; Saurel-Cubizolles et al., 1982). À la suite de modifications relatives au congé de maternité, à son augmentation et à ses modulations en période pré- et post-natales, ce lien entre les conditions de travail physiquement exigeantes et la prématurité n’apparaissait plus à l’échelle de la population générale (Saurel-Cubizolles et al., 1991). Il est possible que, dans certaines situations particulières (professions spécifiques, précarité du statut d’emploi, zone géographique…), un excès de risque de prématurité reste attribuable à ces conditions de travail.

5. Enfants avec retard de croissance intra-utérin Le retard de croissance intra-utérin (RCIU) est la principale cause, avec la prématurité, de morbidité et de mortalité périnatales. À âge gestationnel égal, la mortalité périnatale est liée de manière inverse au poids de naissance de l’enfant (Goffinet et Grangé, 2003). La croissance fœtale est généralement estimée rétrospectivement par le poids de naissance, même si diverses mesures échographiques (longueur du fémur, diamètre bipariétal et périmètre céphalique, poids estimé) reflètent cette croissance à différentes étapes de la grossesse. Malheureusement ces données ne sont pas disponibles pour les études en population. Pour discuter des causes ou des facteurs de risque relatifs au petit poids de naissance, il est important de distinguer un enfant ayant un petit poids constitutionnel, non malade, d’un enfant ayant eu une croissance retardée in utero, souffrant lui-même d’une anomalie ou d’une pathologie maternelle. 120

La grossesse : une attente et des risques 3

L’hypotrophie – ou RCIU – est habituellement définie par un poids inférieur au 10e percentile pour l’âge gestationnel et le sexe. Ce type de définition pose la question des courbes de référence pour désigner le poids correspondant au seuil choisi. Dans les études épidémiologiques, les indicateurs le plus souvent utilisés sont : – le pourcentage d’enfants de moins de 2 500 g. En France, en 2003, 8 % des enfants pesaient moins de 2 500 g, 7 % des enfants parmi les nés vivants ; – le pourcentage d’enfants hypotrophiques ou ayant un RCIU. Pour la France, les courbes AUDIPOG (www.audipog.net/courbes_morpho.php), établies sur de très nombreuses naissances de 1999 à 2005, sont beaucoup utilisées. L’hypotrophie 10e percentile de ces courbes concerne moins de 9 % des enfants nés vivants en 2003 (Leclerc et al., 2008). Les facteurs en relation avec un petit poids de naissance sont bien connus : petite taille maternelle, faible poids maternel avant la grossesse, faible prise de poids pendant la grossesse. Les relations entre la consommation de tabac et le RCIU sont connues depuis de nombreuses années, elles sont importantes et directement dose-dépendantes ; elles s’observent même si l’on tient compte des caractéristiques médicales (Kaminski, 2003). Comme pour la prématurité, on retrouve des différences sociales d’hypotrophie, que ce soit selon le niveau d’études des mères ou la position sociale du couple de parents. Les liens entre les conditions d’emploi ou de travail des femmes pendant la grossesse et l’hypotrophie ont été moins étudiés que ceux avec la prématurité. Les conditions de travail physiquement exigeantes – type soulèvement de charges lourdes, exposition aux ambiances bruyantes – paraissent des facteurs de risque de RCIU (Saurel-Cubizolles et Lelong, 1998). En toxicologie, l’exposition professionnelle aux cytostatiques est associée au poids à la naissance, tenant compte de l’âge gestationnel (Stucker et al., 1993). Les travaux en cours à l’échelle internationale posent la question du rôle du stress professionnel et convergent dans un sens préoccupant (Vrijkotte et al., 2009 ; Croteau et al., 2006). Mais ces travaux doivent être poursuivis en raison des difficultés méthodologiques à appréhender et à quantifier le stress pour les femmes pendant la grossesse.

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GROSSESSE ET TRAVAIL

6. Retard de développement psychomoteur des jeunes enfants Pour définir comme pour donner la fréquence des troubles liés à un retard de développement psychomoteur des jeunes enfants, la grande difficulté réside dans la mesure du développement du nouveau-né et du jeune enfant. L’expression habituelle « retard de développement psychomoteur » comprend différentes composantes : développement moteur, cognitif, et difficultés comportementales et psychologiques. Pour une connaissance plus approfondie des instruments disponibles et pour avoir des indications précises relatives aux fréquences en population générale, on peut se reporter à l’expertise collective INSERM, publiée en 2004, et consacrée aux handicaps et déficiences d’origine périnatale (INSERM, 2004). Une enquête longitudinale sur les conséquences d’une naissance très prématurée (EPIPAGE) pour la santé et le développement des enfants a débuté en 1997 et s’est poursuivie jusqu’à l’âge de 8 ans. Un groupe d’enfants nés à terme a servi de référence et permet d’avoir une estimation de la fréquence de ces troubles dans la population générale en France jusqu’à 8 ans (Larroque et al., 2001 ; Larroque et al., 2008). En outre, ces résultats soulignent le rôle majeur et prépondérant de l’accouchement très prématuré dans le retard de développement psychomoteur des jeunes enfants.

Conclusion L’information aux femmes enceintes et aux futurs parents doit intégrer les connaissances scientifiques, médicales, toxicologiques, ergonomiques, et le contexte dans lequel ils vivent et travaillent. Sur le thème « grossesse et travail », les professionnels susceptibles d’assurer cette information sont les sages-femmes, gynécologues, obstétriciens, médecins généralistes et médecins du travail. Les réglementations sociales et sanitaires prévoient – et obligent, en partie – que toutes les grossesses soient suivies périodiquement lors de consultations d’obstétrique et par des échographies. Ces consultations, auxquelles peuvent s’ajouter celles auprès de tout autre spécialiste médical et les visites en médecine du travail, contribuent à informer les futures mères et futurs parents sur les risques encourus. Cette mission d’information est difficile à remplir car d’une part, elle exige la maîtrise de nombreux savoirs et d’autre part, elle demande un dialogue où la distinction entre « facteur de risque » et « cause » puisse être comprise par les futurs parents.

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La grossesse : une attente et des risques 3

Je remercie mes collègues épidémiologistes de l’Unité 953 de l’INSERM : Monique Kaminski, Pierre-Yves Ancel, Béatrice Blondel, Babak Khoshnood et François Goffinet. Merci à Micheline Garel pour ses leçons à propos des fausses couches.

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GROSSESSE ET TRAVAIL

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Risques chimiques

4

C. Beausoleil, M. Falcy, D. Lafon, L. Multignier, A-M. Saillenfait

Introduction La prise de conscience du risque pour la descendance engendré par la présence d’un xénobiotique dans l’organisme d’une femme enceinte date de la fin des années 50 et de la survenue de près de 8 000 enfants malformés (phocomélie, enfants sans partie proximale des membres) dans plusieurs dizaines de pays suite à la prise de thalidomide par des femmes enceintes. À l’époque, les effets tératogènes de ce sédatif anti-nauséeux ont été largement médiatisés. Cet épisode dramatique a définitivement sensibilisé la communauté scientifique à la réalité de ce risque, jusqu’alors totalement négligé. Depuis, des effets sur la descendance ont également été démontrés pour de nombreux agents chimiques non médicamenteux : – C’est notamment le cas pour le méthylmercure. Entre 1953 et 1965, dans la région de la baie de Minamata au Japon, les femmes de pêcheurs dont le régime était constitué essentiellement de poissons, présentaient d’une part des troubles neurologiques et d’autre part donnaient naissance à des enfants porteurs de nombreuses anomalies neurologiques (retard mental, paralysies, mouvements involontaires, convulsions, troubles de la vision et/ou de l’audition). Les poissons contenaient 127

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des taux élevés de méthylmercure. Des effets identiques ont été observés en Irak chez des femmes ayant consommé un pain confectionné à partir de céréales traitées par le méthylmercure qui servait de fongicide. – Les effets nocifs pour le développement de la consommation d’alcool sont également connus depuis très longtemps. La survenue d’un syndrome d’alcoolisme fœtal, se traduisant par un retard intellectuel et un faciès caractéristique, est décrite pour des consommations importantes durant la grossesse. – L’exposition au plomb, autre toxique très étudié, est associée à des excès de risque d’avortements, de prématurité ainsi que de retard du développement intellectuel. L’exposition à l’oxyde de carbone pendant la grossesse peut entraîner fausses couches, retard psychomoteur, épilepsie et anomalies cérébrales chez l’enfant. Une augmentation du risque de cancer dans la descendance est également régulièrement évoquée, sans avoir toujours été démontrée, avec de nombreux agents chimiques. Elle est établie pour un médicament, le diéthylstilbestrol (ou Distilbène®). Œstrogène non stéroïdien, synthétique, administré comme thérapie hormonale pour traiter la menace d’avortement à partir des années 50 (200 000 enfants exposés in utero en France jusqu’en 1977), il est responsable d’un risque augmenté d’adénocarcinome du vagin dans la descendance. La toxicité de certains produits chimiques pour le développement est ainsi prouvée chez l’homme. L’Union européenne a classé 22 substances en catégorie 1 « substances connues pour provoquer des effets toxiques sur le développement dans l’espèce humaine ». La liste des substances pour lesquelles la toxicité a été démontrée chez l’animal, mais non encore chez l’homme, est beaucoup plus fournie. L’Union européenne classe 13 substances dans la catégorie 2 « substances devant être assimilées à des substances causant des effets toxiques sur le développement dans l’espèce humaine » (Tableau 4.1). Où se situe la réalité du risque pour l’homme ? Seules 135 substances sur les 30 000 d’usage courant en Europe sont-elles dangereuses pour le développement ? Il est impossible dans le cadre d’un tel travail d’explorer la toxicité de toutes ces substances. Un point sur les connaissances concernant les principales familles de produits chimiques aurait pu être réalisé. Nous avons choisi une autre démarche afin d’éclairer cette problématique : explorer le chemin emprunté par les experts pour évaluer la toxicité d’une substance, les différentes obligations réglementaires et les interrogations actuelles sur les effets mal explorés ou mal connus. L’exposé de ces différents points permettra d’avoir une idée plus précise sur l’état des connaissances sur les risques des produits chimiques.

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Risques chimiques 4

Tableau 4.1. Chronologie des classifications des substances R61-R63 jusqu’à la 31e ATP par l’Union européenne(1). Numéro d’adaptation de la directive 67/548/CEE

Date

R 61

19

01/09/1993

8

20

11/11/1993

21

19/12/1994

1

1

22

30/07/1996

2

4

23

05/12/1997

24

18/09/1998

1

1

25

30/12/1998

17

4

26

19/05/2000

4

2

27

25/04/2000

28

06/08/2001

17

6

29

29/04/2004

29

22

30

21/08/2008

19

6

31

15/01/2009

37

12

135

58

Total

R 63

(1) R61 = Risque pendant la grossesse d’effets néfastes pour l’enfant. R63 = Risque possible pendant la grossesse d’effets néfastes pour l’enfant.

1. Comment évaluer le danger d’une substance chimique vis-à-vis du développement L’exposition pendant la grossesse à certaines substances chimiques peut être responsable d’avortements, de malformations, de retards du développement fœtal. Dès lors se pose la question des méthodes utilisables pour évaluer le danger de l’exposition à des agents chimiques pendant la grossesse. 129

GROSSESSE ET TRAVAIL

Idéalement, la preuve d’effets nocifs sur le développement embryonnaire et fœtal devrait être apportée chez l’homme. Pour ce faire, seules les études épidémiologiques apportent la preuve de l’impact sur l’homme. Des études de cas ou les renseignements fournis par les registres de malformations peuvent être des signaux d’alerte. Pour des raisons qui vont être explicitées dans le chapitre suivant, ces données restent rares et ne permettent souvent pas de conclure de façon définitive. C’est pourquoi, la détermination des dangers des substances passera souvent par des études expérimentales. Leurs principes et leur cadre réglementaire seront développés.

1.1. À partir de données chez l’homme (M. Falcy) 1.1.1. Études épidémiologiques l Types d’études épidémiologiques : cohorte ou cas témoins En matière de risque sur le développement, les deux types d’études classiques en épidémiologie ont été utilisés. Rappelons que les études de cohorte comparent une série d’individus ayant une propriété donnée (utilisation d’une substance, travail dans un secteur professionnel…) à un groupe de référence n’ayant pas la même caractéristique. On recherche ensuite dans ces deux groupes un effet particulier (malformations congénitales ou cancers dans la descendance, retard de développement fœtal, avortement, accouchement prématuré…), une différence pourra être mise en évidence par des analyses statistiques plus ou moins complexes. La difficulté de ces études est la constitution de la cohorte (exhaustivité), la détermination des expositions professionnelles et le suivi des sujets. Ces études demandent l’inclusion d’un nombre souvent important de sujets pour avoir une bonne puissance statistique. Selon l’effet recherché, les cohortes peuvent être rétrospectives ou prospectives. Dans le cas des cancers, il faudrait attendre un temps très long (parfois vingt, trente ans) avant de pouvoir obtenir des résultats sur une cohorte formée à un moment donné ; aussi reconstitue-t-on des cohortes en remontant dans le passé, le résultat peut être obtenu plus rapidement au prix d’un travail important de recherche et d’une perte non négligeable de qualité dans le recueil des données d’exposition. Dans le cas des effets pour la reproduction, on peut également utiliser des cohortes prospectives formées à un moment donné et dont on suivra les expositions et le déroulement des grossesses. Le deuxième type d’études (cas-témoins) est basé sur la comparaison entre un groupe de sujets présentant une pathologie (fausse couche, enfant malformé) et un groupe n’ayant pas cette anomalie. Pour ce type d’étude, le nombre de sujets à inclure est moins important que pour les études de cohorte, à condition que l’exposition ne soit pas trop rare. 130

Risques chimiques 4

Dans les deux cas, les sujets doivent répondre à un questionnaire sur leur carrière professionnelle et leurs conditions de travail actuelles, mais également pour préciser des éléments qui pourraient perturber les résultats de l’étude (facteurs confondants comme le tabagisme ou l’alcoolisme, par exemple). Ces deux types d’études ont été utilisés pour évaluer les effets sur le développement de professions particulières (encadrés 1 et 2) ou pour rechercher des produits à risque. Encadré 4.1. Exemple de cohorte historique rétrospective Swan et al. Am. J. Ind. Med. 1995, 28, pp. 751-769. Exposées : Femmes âgées de 18 à 44 ans employées dans le secteur de production de 14 entreprises fabriquant des semi-conducteurs. Non exposées : Femmes n’ayant pas d’exposition aux agents spécifiques étudiés que ce soit dans le groupe fabrication ou non. Issues étudiées : Pour 904 femmes, les auteurs recherchent les grossesses et leurs issues confirmées par les dossiers médicaux ou une entrevue avec un médecin (1 grossesse par femme analysée) ou les avortements spontanés à moins de 20 semaines. Expositions étudiées : Exposition aux solvants pendant le premier trimestre de la grossesse : 1- solvants de résines photoréticulables et de développement : éthers de glycol (dérivés de l’éthylène glycol ou du propylène glycol), xylènes, acétate de n-butyle, 2- solvants de nettoyage : acétone, alcool isopropylique, méthanol.

Autres expositions : Fluorures et agents dopants (bore, phosphore, arsenic). Facteurs confondants : Âge maternel, tabac, race, niveau socioculturel, antécédents de fausse couche spontanée, année de la grossesse et facteurs de stress. Mode opératoire : Contact téléphonique. Les expositions sont évaluées par des hygiénistes industriels : tâches, produits utilisés et fréquence de leur manipulation. Ils déterminent ainsi plusieurs niveaux d’exposition selon les produits (0, 1, 2, 3). Les métabolites urinaires n’ont pas été dosés. Les niveaux atmosphériques mesurés étaient faibles, souvent aux limites de détection des appareils de mesure. Deux groupes sont formés en fonction des agents utilisés : 1- solvants photorésist et de développement (éthers de glycol et fluorures), 2- solvants de nettoyage.

Résultats : Excès significatif d’avortement spontané : – pour le groupe 1, lors des expositions de niveau 3 [RR = 2,7 ; IC 95 % (1,4-4,55)], – pour l’exposition à l’éther monoéthylique de l’éthylène glycol (EGEE), avec une relation dose-réponse : bas niveau d’exposition [RR = 1,56 ; IC 95 % (1,02-2,31)], haut niveau [RR = 2,4 ; IC 95 % (1,24-4,11)].

131

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Encadré 4.2. Exemple d’étude cas-témoins Pinney et Lemasters, J. Occup. Hyg. 1996, 2, pp. 387-401. 454 grossesses pour 1 368 femmes employées en 1988 dans une usine de semiconducteurs.

Cas : Deux groupes de femmes travaillant à la fabrication de galettes de circuits imprimés (wafers) : – Femmes fabriquant des wafers (subdivisé en photolithographie, diffusion et autre) (FW) : 189 grossesses, – Femmes ne fabriquant pas de wafers mais exposées à des agents chimiques (NFC) : 74 grossesses.

Témoins : Femmes ne fabriquant pas de wafers et sans exposition à des agents chimiques (NFNC) : 191 grossesses. Inclusion de plusieurs grossesses par femme. Issues étudiées : Avortements spontanés (moins de 20 semaines de gestation) et enfants mort-nés (plus de 20 semaines de gestation). Solvants : Xylènes, n-butyl acétate, acétone, 1,1,1-trichloroéthane et éthers de glycol. Facteurs confondants : Âge maternel, alcool, activité (travail horaire ou salarié). Mode opératoire : Exposition et déroulement de la grossesse recueillis par questionnaire de la mère. Exposition évaluée par des hygiénistes industriels : travail effectué pendant les 20 premières semaines de grossesse. Résultats : Augmentation non significative du risque d’avortements spontanés pour les groupes FW [OR = 1,62 ; IC 95 % (0,77-3,39)] et NFC [OR = 2 ; IC 95 % (0,85-4,71)]. Excès significatif : – d’avortements spontanés chez les ingénieurs de production = 37 %, p < 0,001 ; – de mort-nés chez les salariées employées à l’assemblage = 8,5 %, p < 0,01.

l Difficultés Pour illustrer ce chapitre sur les difficultés, il a semblé intéressant de prendre l’exemple des études consacrées aux solvants. L’exposition aux solvants a donné lieu en effet à la réalisation de nombreuses études qui montrent un certain nombre de contraintes rencontrées en utilisant cette démarche et les moyens de les éviter ou de les réduire. Elles tiennent avant tout dans la définition des expositions. Sur le plan qualitatif, les salariés sont généralement exposés à un grand nombre de substances et rarement à une seule. En ce qui concerne les solvants organiques, les 132

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expositions multiples sont fréquentes ; il peut s’agir de solvants de la même famille chimique ou appartenant à des familles différentes. Ceci ne permet généralement pas d’identifier de façon précise un composé responsable. Cette difficulté oblige les épidémiologistes à réaliser des études sur des professions utilisatrices de solvants (peintres, imprimeurs, laborantines…), dans le meilleur des cas une famille de solvants peut être évaluée (industrie des semi-conducteurs et éthers de glycol), rarement une substance (perchloroéthylène et nettoyage à sec). Sur le plan quantitatif, l’interprétation des études est rendue délicate par le fait que rares sont les cas où l’exposition des salariés a fait l’objet d’une évaluation quantitative précise. Ceci est important dans le cas des solvants dont les expositions sont multiples et les modes d’exposition potentiellement variés : exposition chronique à faible concentration, pics d’exposition importants mais limités dans le temps. Ces deux modes d’exposition peuvent avoir des conséquences dans le cas des effets sur le développement. Souvent, malheureusement, les expositions ne sont évaluées que de façon qualitative (fortes, moyennes, faibles). Enfin, on note que les produits utilisés changent parfois rapidement dans le temps pour les mêmes activités. Ceci entraîne des différences d’exposition parfois difficiles à prendre en compte. Ainsi, dans les industries des semi-conducteurs, la nature des éthers de glycol utilisés s’est modifiée en fonction des connaissances toxicologiques. Des études épidémiologiques sur ce secteur ne peuvent être comparées facilement selon leur date de réalisation et les périodes évaluées. D’autres difficultés sont liées à la diversité des effets susceptibles d’être provoqués par les solvants. Rien que pour les effets sur le développement, les points suivants doivent être évalués : avortement précoce, malformation, prématurité, poids de naissance, développement psychomoteur. Chacun de ces effets survenant dans une fenêtre particulière d’exposition, il sera difficile de disposer d’une cohorte de sujets exposés de façon homogène. De plus, afin d’obtenir une puissance statistique suffisante, plusieurs de ces effets pourront être évalués de manière globale. De nombreux facteurs de confusion sont à prendre en compte afin de dissocier leur influence de celle de l’exposition suspectée (solvant ou autre) (AFSSET, 2007) : – l’âge maternel et paternel ; – la catégorie socioprofessionnelle des parents ; – l’exercice professionnel et les expositions professionnelles paternels et maternels ; – les antécédents médicaux de la fratrie ; – les habitudes tabagiques avant et pendant la grossesse ; 133

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– les antécédents médicaux, chirurgicaux et reproductifs ; – le style de vie (consommation d’alcool avant et pendant la grossesse, consommation médicamenteuse, consommation de produits stupéfiants pendant la grossesse) ; – le stress et les apports nutritionnels pendant la grossesse ; – les susceptibilités génétiques (si décrites) ; – pour les effets sur le développement postnatal : le terme de la grossesse, l’histoire obstétricale, l’allaitement, le niveau d’éducation parentale, les infections intercurrentes, les expositions domestiques possibles et plus généralement l’environnement familial. Toutes ces difficultés et biais étant pris en compte, des études épidémiologiques peuvent permettre de mettre en évidence une relation de causalité entre une exposition et une pathologie ; le fait que l’observation soit réalisée chez l’homme permet de s’affranchir des difficiles problèmes de transposition entre l’animal et l’homme. Quels que soient les essais réalisés, il n’est cependant pas inutile de rappeler des critères d’évaluation qui permettent de déterminer si une relation de causalité est plausible. Les critères les plus fréquemment utilisés sont ceux proposés en 1965 par Bradford Hill. Nous indiquons ces 9 considérations : – Puissance de l’association. Plus une association est forte et moins elle a de chance de pouvoir être expliquée par un autre facteur, toute chose égale par ailleurs. Cette force est souvent exprimée comme une estimation du risque relatif. – Permanence de l’association. La preuve est d’autant plus forte que la liaison est observée à plusieurs reprises dans des études impliquant d’autres populations. – Spécificité de l’association. La preuve est plus flagrante si la cause produit un seul effet et non des myriades. – Temporalité de l’association. La cause doit précéder l’effet. Cette clause doit être impérativement satisfaite. – Relation dose effet. Le risque augmente lorsque l’exposition augmente. – Plausibilité biologique de la relation potentielle dose/effet. – Cohérence de l’hypothèse qui ne doit pas aller à l’encontre des fondements biologiques connus de l’affection étudiée. – Preuve expérimentale qui pour Hill signifiait que la suppression de la cause devait supprimer ou réduire l’effet. 134

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– Analogie à partir de données provenant d’associations similaires pour lesquelles des hypothèses plus élaborées sont cohérentes avec l’association étudiée. Les nombreuses études épidémiologiques consacrées aux solvants se sont heurtées à ces multiples biais et difficultés. Il n’est pas possible de les rapporter toutes dans le cadre de cette synthèse. Le lecteur pourra retrouver l’ensemble de ces études épidémiologiques et leurs analyses dans un certain nombre de documents de synthèse (Pagès et al., 1999 ; Saillenfait et al., 2000 ; Health Council of the Netherlands, 2008). Malgré tous ces biais et difficultés, plusieurs conclusions peuvent être tirées des études épidémiologiques réalisées sur les solvants : – Plusieurs solvants, souvent lorsque les expositions sont fortes, peuvent provoquer des avortements précoces. Il s’agit des mélanges d’éthers de glycol, du perchloroéthylène, et d’hydrocarbures aromatiques (toluène, xylènes, benzène et styrène). Ces effets sont constatés dans le secteur de production des semiconducteurs, le nettoyage à sec, la maintenance, l’industrie pétrochimique et la peinture. – Des malformations ont été mises en évidence chez des enfants de femmes exposées à des éthers de glycol (anomalie du tube neural et fentes palatines). – L’éthanol est susceptible de provoquer un syndrome complexe mais celui-ci n’a été observé que lors d’expositions par ingestion. – D’autres perturbations sont suspectées mais pas formellement identifiées comme la diminution de poids de naissance ou les retards de développement neuro psychique. Ces effets sont difficiles à observer car ils nécessitent vraisemblablement de fortes expositions et des études de suivi des descendants sur plusieurs années. – Plusieurs points restent à évaluer comme le rôle des pics d’exposition, peut être important à certaines périodes de la grossesse, et celui de l’exposition paternelle aux solvants.

l Méta-analyse Cette méthode consiste à évaluer et analyser de façon groupée les résultats de plusieurs études épidémiologiques publiées sur un même sujet. Il faut naturellement que les objectifs des études soient les mêmes, que la méthodologie et les données recherchées soient superposables ou compatibles. Ce type d’analyse permet alors de reconstituer une 135

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cohorte plus importante que celles des différentes études primaires et donc d’améliorer la puissance globale des résultats. Ceci est nécessaire dans les cas où les risques relatifs sont faibles.

1.1.2. Registres de malformations Un point complet sur ces registres a été publié dans le BEH du 8 juillet 2008, numéro 28-29, les informations suivantes sont tirées de l’article d’Isabelle Perthus, Emmanuelle Amar, Catherine De Vigan, Bérénice Doray et Christine Francannet de ce document. Les registres de malformations congénitales ont été mis en place dans de nombreux pays industrialisés à la suite du drame de la thalidomide, responsable de la naissance de milliers d’enfants porteurs de malformations sévères entre 1956 et 1961. La France comptait en 1998 quatre registres de malformations : le registre de Paris, le registre d’Alsace, le registre des malformations en Rhône-Alpes (Remera) et le Centre d’études des malformations congénitales en Auvergne (CEMC-Auvergne). Ces registres assurent la surveillance épidémiologique systématique des issues de grossesse de 14 départements, soit environ 16 % des naissances françaises. Ils font partie de réseaux internationaux de registres de malformations. À l’initiative de l’Institut de veille sanitaire (InVS), ils travaillent actuellement à l’harmonisation de leurs pratiques en vue de se fédérer en réseau national. Le rôle premier de ces registres de population est la détection précoce de clusters de malformations, secondaires à l’introduction d’un nouvel agent tératogène dans l’environnement. Ainsi, les données de l’ancien registre Centre-Est ont permis la détection de l’effet tératogène du valproate de sodium vis-à-vis du spina bifida. Avec le développement des mesures de prévention, cette mission de surveillance-alerte a progressivement été complétée par un rôle primordial d’évaluation en population de l’impact des politiques de santé publique dans le domaine de la périnatalité. Les données recueillies sur les activités professionnelles ne sont toutefois pas assez complètes dans ces registres pour permettre d’effectuer des évaluations des risques au travail.

1.1.3. Études de cas Elles sont souvent liées à des accidents mettant en cause un nombre d’intoxiqués important. Lorsque des effets sur la reproduction sont constatés, ils sont souvent assez 136

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caractéristiques et similaires pour attirer l’attention des observateurs. Le plus souvent la description de ces « épidémies » qui donne l’alerte est suivie par des études épidémiologiques structurées. Ces études de cas sont particulièrement importantes lorsque le phénomène constaté est caractéristique et rare dans la population générale, comme ce fut le cas pour la thalidomide (malformation de membres).

Bibliographie (AFSSET) Valeurs toxicologiques de référence (VTR) pour les substances reprotoxiques. Méthode de construction de VTR fondées sur des effets toxiques pour la reproduction et le développement. Saisine AFSSET n° 2003/AS03. Avis de l’AFSSET, rapport du groupe d’experts, annexes. 2 volumes. Maisons-Alfort : Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail ; 2007 : 72 p. InVS. Numéro thématique. Registre de malformations congénitales. Bull Epidémiol Hebd. 2008 ; 28-29 : 245-60. Health Council of the Netherlands. Occupational exposure to organic solvents : effects on human reproduction. Publication n° 2008/11OSH. The Hague : Health Council of the Netherlands ; 2008 : 238 p. Hill AB. The environment and disease: Association or causation? Proc R Soc Med. 1965 ; 58 : 295-300. Pagès M, Falcy M. Evaluation du risque solvants pour la grossesse. Dossier médico-technique TC 75. Doc Méd Trav. 1999 ; 80 : 335-53. Saillenfait AM, Robert E. Exposition professionnelle aux solvants et grossesse. État des connaissances épidémiologiques. Rev Epidémiol Santé Publique. 2000 ; 48 (4) : 374-88.

1.2. À partir d’études expérimentales Autre source de données sur les dangers des substances chimiques vis-à-vis du développement, les études expérimentales se répartissent en deux domaines : les études de toxicologie in vivo et les études de toxicologie alternatives (in vitro, in silico, structure/ activité).

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1.2.1. Études de toxicologie in vivo (C. Beausoleil / D. Lafon / A.M. Saillenfait) L’évaluation des effets des substances ou produits chimiques sur le développement est réalisée à partir d’études expérimentales sur l’animal selon des protocoles standardisés. Les premiers tests standardisés ont été proposés par la FDA (Food and Drug Administration) en 1966 suite aux malformations congénitales initiées par la thalidomide. Ces premiers tests avaient pour but d’identifier les propriétés tératogènes des composés testés. Depuis, plusieurs organismes internationaux ont développé des tests standardisés (EPA, ICH, FDA, OCDE). L’ICH (International Conference for Harmonization) et la FDA établissent des protocoles pour évaluer les propriétés toxicologiques des médicaments. La FDA élabore également des tests pour les additifs et les colorants alimentaires. L’EPA (US Environmental Protection Agency), l’EPA-OPPTS (Office of Prevention, Pesticides and toxic Guidelines) et l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Économiques) s’intéressent aux produits chimiques. De plus en plus, une harmonisation est en cours entre l’OCDE et l’EPA. Un certain nombre d’auteurs ont tenté de valider les résultats expérimentaux obtenus chez l’animal par rapport aux données humaines, principalement avant les années 80. Aucun n’a pu le faire de manière complète, cependant il est admis qu’un effet positif dans une étude in vivo de toxicité du développement est révélateur d’un effet possible chez l’humain (OCDE n° 43). La prédictivité exacte ne peut se faire qu’à partir d’un faisceau de résultats convergents à partir de diverses études, des différences entre espèces pouvant néanmoins persister. Ce point est détaillé dans un chapitre ultérieur. La réglementation européenne sur les produits chimiques utilise des méthodes d’études calquées sur les lignes directrices de l’OCDE ou très proches de celles-ci, c’est pourquoi, seules les méthodes OCDE seront présentées.

l Méthodes OCDE Les méthodes OCDE sont au nombre de 6 (plus une 7e dont la validation est en cours) en ce qui concerne l’impact des produits chimiques sur la reproduction (Tableau 4.2). Le but de ces tests est de détecter un éventuel effet sur la reproduction. Pour cela, il est nécessaire d’étudier la toxicité de la substance à tous les stades du développement : de la conception à la maturation sexuelle. 138

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On distingue donc plusieurs stades : 1. avant accouplement jusqu’à la conception : fonction de reproduction chez le mâle et la femelle adulte, développement et maturation des gamètes, accouplement, fertilité ; 2. conception jusqu’à l’implantation : fonctions de reproduction de la femelle adulte, développement pré-implantatoire, implantation ; 3. implantation jusqu’à fermeture du palais : fonctions de reproduction de la femelle adulte, développement embryonnaire, formation des organes ; 4. fermeture du palais jusqu’au terme de la grossesse : fonctions de reproduction de la femelle adulte, développement et croissance du fœtus, développement et croissance des organes ; 5. naissance jusqu’au sevrage : fonctions de reproduction de la femelle adulte, adaptation des nouveau-nés à la vie extra-utérine, développement et croissance des nouveau-nés ; 6. sevrage jusqu’à maturité sexuelle : développement et croissance après sevrage, adaptation à la vie indépendante, maturité sexuelle. Tableau 4.2. Lignes directrices OCDE pour l’étude de la toxicité de la reproduction. Ligne directrice 414

Étude de toxicité pour le développement prénatal.

Ligne directrice 415

Étude de toxicité pour la reproduction sur une génération.

Ligne directrice 416

Étude de toxicité pour la reproduction sur deux générations.

Ligne directrice 421

Essai de dépistage de la toxicité pour la reproduction et le développement.

Ligne directrice 422

Étude combinée de toxicité à doses répétées et de dépistage de la toxicité pour la reproduction et le développement.

Ligne directrice 426

Étude de neurotoxicité pour le développement.

Le lecteur pourra retrouver une description de ces différentes méthodes en annexe. Il existe également des méthodes OCDE pour évaluer les risques des produits chimiques vis-à-vis des effets de perturbation endocrinienne. Quatre sont validées : – Ligne directrice 407 : Toxicité orale pendant 28 jours sur les rongeurs (nouvelle méthode révisée qui inclut entre autres une évaluation de certains effets endocriniens). – Ligne directrice 440 : Bio-essai utérotrophique chez les rongeurs : essai de dépistage à court terme des propriétés œstrogéniques. 139

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– Ligne directrice 441 : Bio-essai de Hershberger chez le rat : essai de dépistage à court terme de propriétés (anti)androgéniques. – Ligne directrice 455 : essai d’activation transcriptionnelle faisant intervenir le récepteur d’œstrogène alpha humain hERalpha transfecté de façon stable pour la détection de l’activité œstrogénique agoniste des substances testées. Ces lignes directrices ne seront pas décrites dans ce document.

l Stratégies d’utilisation des tests Un certain nombre de stratégies d’utilisation de ces tests ont été proposées par diverses instances. Aux États-Unis, l’EPA a publié un guide pour l’évaluation des risques des substances vis-à-vis de la reprotoxicité (EPA, 1991). L’Union européenne a également publié un document (ECB, 2003). Il a été récemment remplacé par un nouveau texte dans le cadre de REACH (ECHA, 2008b). L’OCDE propose de même un document de synthèse sur l’évaluation du risque toxique sur la reproduction (OCDE, 2008). Du fait de ces implications réglementaires, seule la stratégie proposée par l’Union européenne sera présentée.

l Stratégie de l’Union européenne ■ Objectif L’objectif poursuivi par l’Union européenne est d’évaluer la toxicité sur la reproduction d’une substance chimique en couvrant tous les stades de la reproduction que ce soit la fonction et la capacité de reproduction chez l’homme et la femme, l’induction d’effets non héréditaires dans la descendance, tels que la mort, les retards de croissance, les effets structuraux ou fonctionnels. Dans le document guide européen (ECB, 2003), les objectifs généraux des tests de toxicité sur la reproduction étaient d’établir : 1. si une exposition humaine à une substance donnée avait été associée à des effets néfastes sur les fonctions ou les capacités de reproduction ; 2. si dans des études animales, l’administration d’une substance à des mâles et/ou des femelles avant la conception et durant la gestation ou la lactation entraîne des effets néfastes sur la fonction ou la capacité de reproduction ; 3. si l’administration d’une substance chez l’animal avant ou après la naissance entraîne des effets néfastes non héréditaires sur la progéniture ; 140

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4. si la femelle gravide est potentiellement plus sensible à une toxicité générale ; 5. s’il existe des relations doses-réponses pour tout type d’effets néfastes sur la reproduction. Dans le cadre du règlement REACH, les objectifs ont été modifiés ; les alinéas 1, 4 et 5 sont globalement les mêmes, par contre les 2 et 3 sont remplacés par le suivant : – si sur la base d’informations autres que les données humaines, il peut être prédit que la substance entraînera une toxicité sur la reproduction chez l’être humain. Cette phrase permet d’ouvrir les sources d’information à d’autres données que celles issues des études expérimentales sur l’animal. Dans tous les cas, l’objectif est bien de vérifier si des effets néfastes sont anticipés. À noter que les substances mutagènes sur les cellules germinales (catégories 1 et 2) et cancérogènes génotoxiques (catégorie 3 mutagènes et catégories 1 et 2 cancérogènes) ne sont généralement pas testées vis-à-vis de la reproduction. Elles sont considérées d’emblée comme potentiellement toxiques pour la reproduction. Une substance génotoxique sur les cellules germinales est en effet susceptible d’entraîner avortements, malformations et maladies héréditaires. De plus, on ne peut exclure qu’une substance génotoxique sur des cellules somatiques puisse engendrer des cancers. ■ Données minimales requises Afin de pouvoir correctement évaluer les propriétés dangereuses d’une substance, le TGD (Technical guidance document) préconisait de disposer au minimum de trois études : – une étude sur deux générations (EU annexe V B 35 ou OCDE 416) ; – une étude de toxicité sur le développement prénatal (tératogénicité) sur 2 espèces (EU annexe V B 31 ou OCDE 414). Cette position était présentée dans la réglementation antérieure à REACH. Dans REACH, cette position n’apparaît plus clairement. Dans la réglementation antérieure, il était cependant précisé que ces études pouvaient être réduites si l’on disposait de données le justifiant. Les études pouvant être utilisées pour évaluer le potentiel toxique d’une substance sont listées dans les guides concernant la réglementation avant REACH (que nous appelerons ancienne réglementation) puis REACH (que nous appelerons nouvelle réglementation) ; dans la nouvelle réglementation apparaissent les SAR et les modèles R(Q)SA (relations structures activités quantitatives). 141

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■ Évaluation d’une dose seuil La toxicité pour la reproduction est généralement considérée comme un effet avec un effet seuil. Il est donc important de déterminer si possible une NOAEL (No Observable Adverse Effect Level), voire une LOAEL (Lowest Observed Adverse Effect Level) et de pouvoir calculer une benchmark dose. ■ Principes généraux Le TGD proposait la démarche par étape suivante : – commencer par collecter toute information sur les caractéristiques physicochimiques de la substance, sa toxicocinétique et les informations sur des substances équivalentes (relations structure-activité) ; – choisir des espèces animales à utiliser. En règle générale, le rat est l’espèce de premier choix pour les études sur deux générations. Les études sur la toxicité sur le développement sont généralement conduites chez le rat et le lapin du fait de l’importance des données disponibles sur ces deux espèces. On ne doit utiliser d’autres espèces que si des informations claires sur leur meilleure indication sont disponibles ; – choisir la voie d’exposition en fonction des conditions d’exposition humaine, des caractéristiques physicochimiques de la substance, de sa toxicité et des contraintes techniques du test. Idéalement les données de toxicocinétiques et de métabolisme devraient guider ce choix. En règle générale, la voie orale est largement utilisée sauf s’il est démontré qu’elle est inappropriée. Il est recommandé de ne pas utiliser la voie intrapéritonéale ni des voies parentérales. La voie dermique peut entraîner des effets de stress. Le principe de base de cette stratégie est de fonctionner étape par étape en attendant les résultats de la première étude avant de commencer la seconde. Il est recommandé que le premier des tests de reproduction effectué soit le test sur deux générations. Ce test devrait démarrer après une étude sub-chronique 90 jours afin de déterminer les doses à utiliser, et éventuellement orienter vers certains types de toxicité à étudier plus précisément ou des effets spécifiques comme la neurotoxicité. L’étude sur la toxicité du développement intervient ensuite et doit tenir compte des relations doseréponse et de la toxicité maternelle. Il est préférable de commencer par le rat, espèce déjà utilisée dans l’étude sur deux générations. L’utilité de la deuxième étude sur le lapin est fonction des résultats de la première étude chez le rat. REACH propose également un fonctionnement par étape. Étape 1 : deux questions doivent être posées : 142

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– la substance est-elle déjà classée toxique pour la reproduction (fertilité et développement : catégorie 1ou 2 R60 et catégorie 1 ou 2 R61) ou mutagène catégorie 1 ou 2 ou cancérogène catégorie 1 ou 2 (mais avec en sus une classification mutagène catégorie 3) ? – la substance est-elle peu toxique, son absorption systémique est-elle négligeable et l’exposition humaine nulle ou non significative ? Si la réponse est positive à une de ces questions, aucun test spécifique pour la reproduction n’est généralement exigé. Étape 2 (s’applique à partir d’un tonnage mis sur le marché supérieur à 10 tonnes par an) : recueillir l’ensemble des données toxicologiques disponibles afin de décider si la substance ne présente pas de danger pour la reproduction ou que des données supplémentaires ne permettraient pas de changer une classification catégorie 3. Si les données sont insuffisantes ou s’il existe des signaux d’alerte, il faut passer à la 3e étape. À cette étape, les questions suivantes vont se poser : – Y a-t-il des signaux d’alerte de toxicité pour la reproduction ? – Les données sont-elles suffisantes et adéquates pour évaluer la classification, l’étiquetage et le risque ou des tests complémentaires sont-ils nécessaires ? – Si non, quels tests supplémentaires sont nécessaires ? Étape 3 : elle consiste à réaliser les tests spécifiques chez l’animal. Les 4 tests qui permettent de faire une évaluation sont : – OCDE 421 ou 422 ; – OCDE 414 ; – OCDE 416. Il n’est cependant pas toujours nécessaire de réaliser les 4. Les tests demandés sont fonction du tonnage tel que retranscrit dans le tableau 4.5. ■ Niveau de dose La dose maximale administrée ne doit pas excéder 1 000 mg/kg/j. Elle doit entraîner si possible une légère toxicité chez les parents, notamment une légère perte de poids mais ne pas provoquer plus de 10 % de mortalité maternelle (il est recommandé qu’il n’y ait pas de mort maternelle). Les doses les plus faibles doivent être choisies avec l’objectif de pouvoir établir une relation dose-réponse et un niveau sans effet.

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l Éléments de discussion sur l’interprétation des études expérimentales de toxicité du développement in vivo ■ Évolution des protocoles expérimentaux Les lignes directrices et les pratiques des laboratoires ont évolué ces dernières années. Ces améliorations doivent être prises en considération lors de l’interprétation des études anciennes. • Études de toxicité prénatale La susceptibilité aux agents toxiques dépend du stade de développement au moment de l’exposition. Dans la nouvelle ligne directrice de l’OCDE concernant la toxicité prénatale (N° 414), la période de traitement a été étendue jusqu’au terme de la gestation. Dans l’ancienne ligne directrice, la période de traitement était limitée à l’organogenèse majeure, qui correspond à la période la plus sensible à l’induction de malformations structurelles majeures (ex. : jour 6-15 de gestation chez le rat). Toutefois, certains organes/systèmes continuent à se développer (ex. : système nerveux) et l’objectif est de détecter les effets sur ces structures encore vulnérables. Ainsi, la toxicité des phtalates vis-à-vis de l’appareil reproducteur mâle n’a été mise en évidence que récemment, après des administrations périnatales. Des efforts très importants ont été faits pour harmoniser les termes employés dans les études de toxicité du développement, en particulier pour décrire les observations morphologiques fœtales. Ceci a conduit à améliorer la compréhension des effets rapportés et leur correspondance d’une étude à l’autre. Néanmoins, il n’existe pas de catalogue établi pour les malformations et les variations. Des différences persistent entre les laboratoires, concernant le degré de préoccupation associé à certaines altérations (ex. : altération classée en variation ou malformation mineure), en partie parce que l’évolution entre le développement normal et anormal est progressive. Il existe des différences entre espèces et entre souches (ex. : souris), et des données historiques actualisées (et un témoin contemporain) sont indispensables pour déterminer l’occurrence et la signification de l’observation dans le contexte du bruit de fond de la population testée. • Études de toxicité pré- et postnatale La mise en évidence des effets dépend de la nature et du nombre de paramètres examinés. Dans les études de toxicité pour la reproduction sur deux générations (ligne directrice OCDE N° 416), il est maintenant recommandé de compléter les informations sur le 144

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gain de poids de la descendance dans la phase postnatale, par l’évaluation d’autres paramètres de développement physique et sexuel (ex. : puberté) et par la réalisation d’explorations fonctionnelles (« activité motrice, ontogenèse des réflexes, fonctions sensorielles »). Ces recommandations restent toutefois assez imprécises (nombre d’animaux testés, nature des tests). Il est admis que, comme pour les autres paramètres de toxicité du développement, les déficits fonctionnels chez l’animal indiquent un danger possible chez l’homme. Mais il faut rester circonspect quant à leur extrapolation directe (ex. : modifications comportementales). Jusqu’à présent, les investigations postnatales (fonctionnelles et histologiques) se sont surtout portées sur la détection des effets sur le développement du système nerveux (ligne directrice OCDE 426 - Étude de neurotoxicité du développement). La mise au point de protocoles standards permettant d’évaluer d’autres systèmes (ex. : immunitaire) est en cours, mais il n’existe pas encore d’étude réglementaire. Les investigations postnatales ciblées sont encouragées quand les substances sont suspectées d’interférer avec le développement de certains organes/systèmes (ex. : neuroendocrinien). Toutefois, leur application systématique n’est pas envisagée et elles restent optionnelles. Elles peuvent être intégrées aux études de toxicité sur deux générations, ce qui permet une économie d’animaux. Toutefois, dans les études de toxicité sur deux générations, la substance est administrée aux femelles pendant la gestation et la lactation et directement à la progéniture après le sevrage. Les doses utilisées peuvent être très inférieures à celles utilisées pour les études de toxicité du développement prénatal (expositions à plus court terme). Aussi, il peut être jugé utile de mener ces études spécifiques visant à évaluer les effets postnatals. En outre, ces études peuvent apporter des informations sur les conséquences à long terme des altérations induites in utero (ex. : persistance d’un retard de croissance fœtal), et faciliter des comparaisons avec les doses qui produisent d’autres formes de toxicité. Remarque : Les études de screening 421 et 422 de l’OCDE n’apportent pas autant d’informations sur la toxicité du développement que celles obtenues dans les études de toxicité pour la reproduction sur deux générations et de toxicité prénatale. En particulier, les effets postnatals résultant d’une exposition pré- et/ou postnatale et les anomalies morphologiques internes ne sont pas examinés dans ces études. De plus, le nombre d’animaux par dose est limité. Elles constituent une alerte et concourent à établir des priorités et à sélectionner les paramètres/organes qui seraient à examiner plus spécialement dans des études plus complètes, voire chez l’homme. Les méthodes OCDE 421 et 422 peuvent être intéressantes en cas de résultats positifs. Les résultats négatifs ne sont par contre pas jugés très fiables (trop petit nombre d’animaux et durée de l’étude 145

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trop courte). L’OCDE dans son guide n° 43 de 2008 considère cependant qu’ils peuvent suffire pour l’évaluation des dangers, sauf s’il existe des structures d’alerte ou des expositions critiques. REACH, tout en réaffirmant les limites de ces tests, signale que leurs résultats peuvent servir pour classer une substance et réaliser l’évaluation du risque. La dose sans effet peut notamment servir à élaborer une DNEL (Derived No Effect Level) en prenant un facteur de sécurité spécifique. Il souligne pourtant qu’ils ne permettent pas d’évaluer les effets postnatals associés à une exposition prénatale (comme des malformations non détectées qui affecteraient la viabilité ou la fonctionnalité), des effets produits par une exposition postnatale ou via la lactation. Enfin il signale que le nombre limité d’animaux utilisés affecte la puissance statistique de l’étude pour détecter un effet. Le guide conclut qu’un résultat négatif indique que la substance peut être moins inquiétante quant à d’éventuels effets toxiques sur la reproduction, mais que cela ne fournit pas une assurance de l’absence de propriétés dangereuses. Si REACH signale que ces tests ne permettent pas de dire qu’une substance ne présente pas de risque pour la reproduction, il s’en sert cependant pour dire que la substance n’a pas à être classée toxique pour la reproduction et que d’autres tests ne sont pas nécessaires pour un tonnage donné (ex. ≥ 10 t/an). ■ Hiérarchisation des effets Les manifestations des effets sur le développement dépendent de la dose et de la durée de l’exposition. Il existe un continuum dans les réponses aux agents toxiques pour le développement. La mort prénatale, les altérations structurelles (malformations, variations), les retards de croissance, et les déficits fonctionnels représentent différents degrés de toxicité. Les effets observés ne sont pas nécessairement les mêmes d’une espèce à l’autre, et en particulier chez les rongeurs et l’homme. De plus, des différences de génotypes ou des interactions avec d’autres facteurs (ex. : environnementaux) peuvent conduire à des différences entre individus dans la population humaine. La valeur prédictive des études conduites chez l’animal augmente quand les effets sont observés dans plusieurs espèces et qu’il y a concordance dans le type d’effet (ex. : malformations similaires). Quand des effets modérés sont observés (ex. : augmentation de variations communes), les résultats obtenus dans une deuxième espèce peuvent aider à évaluer le potentiel de la substance à induire des effets structuraux plus sévères. L’évaluation de la toxicité repose à la fois sur des données quantitatives et qualitatives. Le degré de préoccupation augmente quand le spectre et la sévérité des effets augmentent avec la dose. Les effets les plus préoccupants sont les malformations et la mortalité, 146

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qui peut être le résultat d’un effet direct ou d’une malformation non viable (ex. : un effet tératogène peut être suspecté face à une substance induisant un fort taux d’embryolétalité sans malformations détectées associées). Il est généralement difficile de détecter les effets rares (en faible incidence) avec les protocoles actuels et il est indispensable de prendre en compte toutes les manifestations de toxicité vis-à-vis du développement. Des effets multiples sont plus convaincants qu’un effet isolé, mais la survenue d’un effet unique ne peut pas être ignorée (signification biologique/statistique). Souvent, un poids moins important est accordé aux variations. Si elles peuvent survenir de façon indépendante, l’augmentation d’une variation à une dose faible peut, dans certains cas, présager l’induction d’un effet tératogène/d’une malformation à des doses supérieures, et/ou suggérer un mécanisme d’action possible (ex. : variations du squelette liées à des modifications de l’expression de certains gènes). Les déficits fonctionnels postnatals peuvent être liés à d’autres altérations du développement ou à des effets systémiques. Les plus préoccupants surviennent en dehors de tout autre effet nocif évident (ex. : diminution sensible de la prise de poids). Une diminution des effets avec l’âge peut être le signe d’une réversibilité, mais aussi d’une compensation. Inversement, des effets peuvent rester latents et n’être observés que chez l’adulte. ■ Toxicité maternelle Les altérations du développement peuvent avoir pour origine l’action intrinsèque de la substance sur l’embryon/fœtus. Elles peuvent également être secondaires ou exacerbées par la toxicité (et/ou le stress) maternelle (SGH, 2009). Toutefois, dans la majorité des études, ce lien de cause à effet n’est pas clairement établi. D’autre part, une toxicité maternelle n’est pas toujours associée à des effets embryo/fœtotoxiques. Le fait qu’une toxicité du développement soit observée en présence d’une toxicité maternelle n’implique pas automatiquement un lien causal et il n’est pas pertinent de négliger les effets qui se manifestent uniquement à des doses qui provoquent aussi une toxicité maternelle. Si un lien de cause à effet est établi, on peut conclure que la toxicité du développement ne se produit pas à des doses inférieures au seuil de toxicité maternelle, mais la substance possède néanmoins des effets néfastes sur le développement, que la cause en soit directe ou indirecte. L’influence de la toxicité maternelle sur le développement n’est pas bien comprise et reste l’objet de discussions, surtout dans un contexte réglementaire. De plus, des expositions humaines peuvent se produire à des niveaux toxiques pour les mères ; quel que soit le mécanisme à l’origine des effets sur le développement, il se peut que des effets nocifs soient transitoires chez la mère et permanents dans la descendance. 147

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■ Interprétation des résultats L’interprétation des résultats est généralement faite au cas par cas, en tenant compte du poids de l’évidence. Sont pris en compte : la nature et la sévérité des effets embryo/ fœtaux au regard des signes de toxicité maternelle, les progressions respectives des toxicités maternelles et du développement (surtout l’écart/marge de sécurité entre la NOAEL développement et la NOAEL maternelle), le stade de développement (période de vulnérabilité ?), les informations sur le profil toxicologique d’autres substances de la même classe chimique, et les données d’ordre mécanistique (bien qu’assez rarement disponibles dans le cas de produits chimiques industriels) et cinétique. En plus du minimum requis par les lignes directrices, les experts insistent sur la nécessité d’une bonne description de la toxicité maternelle. Elle permet d’affiner la relation dose-effet et de mieux identifier le seuil de toxicité (ex. : biochimie du sang et hématologie à évaluer en plus de l’évolution pondérale, des signes cliniques, et de la consommation alimentaire, qui sont les critères habituellement utilisés. Ces tests ne sont pas formellement demandés dans la ligne directrice 414 de l’OCDE, et B 31 de l’Union européenne concernant les substances chimiques). L’intervalle entre les doses doit être choisi afin de dissocier les toxicités maternelles et du développement et s’approcher au mieux de la dose sans effet embryo/fœtal. Dans certains cas, il peut être nécessaire de tester plus que les trois doses habituellement utilisées ou d’administrer des traitements séquentiels. Quand la NOAEL maternelle est inférieure à la NOAEL du développement, il est néanmoins utile de déterminer la LOAEL du développement. La toxicité maternelle peut « masquer » un effet spécifique du produit. Les résultats des études non BPL (Bonnes Pratiques de Laboratoire) ou non conduites selon les lignes directrices OCDE ou européennes peuvent être utilisés pour conclure si une substance est toxique pour la reproduction lorsqu’un nombre suffisant d’animaux a été utilisé, qu’ils ont survécu, qu’il s’agit d’une espèce appropriée, que les niveaux de dose ont été suffisants en nombre et suffisamment élevés et que les observations pertinentes ont été relevées.

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1.2.2. Études de toxicologie alternatives (relation structure/activité, tests in vitro) (A.M. Saillenfait)

l Relations quantitatives structure / activité (R(Q)SA) Comparativement à d’autres domaines (ex. : mutagénicité, cancérogénicité, écotoxicologie), il y a peu d’études de R(Q)SA en toxicologie de la reproduction et du développement. Les R(Q)SA ne sont utilisées qu’occasionnellement en raison de la complexité et de la multiplicité des paramètres à évaluer. Surtout, il y a peu de données à partir desquelles construire les modèles. Actuellement les seuls largement développés concernent les perturbateurs endocriniens se liant aux récepteurs, en particulier œstrogéniques et, dans une moindre mesure, aux récepteurs androgéniques. Leur développement a été encouragé par les travaux de l’EPA américaine et de son équivalent danois (Cronin and Worth, 2008). Les approches R(Q)SA les plus satisfaisantes ont été obtenues en analysant des groupes limités de substances, qui ont été étudiées dans les mêmes conditions expérimentales (avec le même test), et qui agissent vraisemblablement par le même mécanisme d’action (ex. : acides carboxyliques avec FETAX, Frog embryo teratogenesis assayXenopus). Dans ses recommandations générales, le règlement REACH prévoit que « les résultats de R(Q)SA peuvent être utilisés, lorsque les conditions suivantes sont réunies : les résultats sont issus d’un modèle R(Q)SA dont la validité scientifique a été établie, la substance relève du domaine d’applicabilité du modèle R(Q)SA, les résultats conviennent pour la classification et l’étiquetage et/ou pour l’évaluation des risques, et une description suffisante et fiable de la méthode appliquée est fournie » (ECBa, 2005). Un groupe de travail (RIP 3.3 EWG), mis en place dans le cadre de l’implantation de REACH, a établi une stratégie d’essais pour la toxicité de la reproduction et du développement et a fait un bilan sur les R(Q)SA dans ce domaine (ECBb, 2005). Il conclut : « les modèles pour la toxicité de la reproduction constituent un défi particulier en raison de la diversité des facteurs/mécanismes susceptibles d’être impliqués dans les nombreux systèmes d’essai, y compris les essais in vivo à long terme, où beaucoup de paramètres différents sont examinés (ECHA, Chapter R6, 2008). Il n’y a pas actuellement, dans la littérature, de base établie contenant des données de bonne qualité, pour les effets détectés dans les essais à long terme. Il n’y a pas non plus un modèle général applicable à une majorité des produits. Cela ne veut pas dire qu’il n’y ait pas, 150

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dans certains cas, de modèles qui pourraient être utiles pour prédire des effets sur la reproduction ». Ce groupe souligne que les résultats expérimentaux sont rares et souvent issus d’études anciennes qui n’ont pas été conduites selon les exigences des lignes directrices actuelles. Il encourage la production de guides et d’exemples illustrant l’intérêt et les limites des différentes approches et modèles de R(Q)SA. Il recommande la formation d’experts spécialisés pour optimiser l’interprétation des R(Q)SAs. Il est probable que les modèles de R(Q)SA vont prendre de plus en plus d’importance en toxicologie de la reproduction et du développement, pour établir des priorités, identifier des produits toxiques, ou faire des évaluations de risque. Toutefois, au moins pour ces deux dernières applications, certains points sont encore à améliorer. Il est crucial de disposer de plus de données sur lesquelles appuyer les modèles (des bases de connaissances imprécises peuvent conduire à des généralisations inadéquates de quelques exemples). Il est également nécessaire de mieux connaître leurs limites d’utilisation et leur pouvoir prédictif, y compris pour les modèles existants (Cronin et al., 2003, 2008 ; ECBb, c, 2005 ; ECHA, Chapter R6, 2008 ; ECETOC, 2003 ; OCDE, 2006). Il est admis que ceci ne peut être atteint que par une validation appropriée et l’établissement des règles d’application. L’OCDE indique que, pour être pris en considération dans un contexte réglementaire, un modèle R(Q)SA devrait porter sur un effet précis, avoir un processus de prédiction (algorithme) et un domaine d’applicabilité (ex. : limites en terme de structure chimique, mécanisme d’action) bien définis, disposer d’indicateurs de performances (ex. : spécificité, sensitivité), et dans la mesure du possible, fournir une interprétation mécanistique de la R(Q)SA (ex. : justification de la sélection des descripteurs moléculaires discriminants par rapport à l’activité biologique à détecter). ■ Outils informatiques (in silico) spécifiques Il existe des systèmes experts visant à prédire l’activité toxique, directement à partir d’éléments de la structure chimique (descripteurs) (ECETOC, 2003 ; ECBa, 2005 ; ECHA, Chapter R6, 2008). Plusieurs comportent des modules dédiés à la reprotoxicité et à la toxicité du développement, comme DEREK (Deductive Estimation of Risk from Existing Knowledge) et HazardExpert. Les bases de données de ces deux systèmes contiennent quelques structures chimiques d’alerte qui peuvent servir à la détection d’un potentiel tératogène. Les logiciels TOPKAT (TOxicity Prediction Computer Assisted Technology) et CASETOX (Computer-Automated Structure Evaluation-CASE) utilisent des banques de données hétérogènes, beaucoup plus larges. Ainsi, TOPKAT calcule la probabilité qu’un produit chimique soit toxique pour le développement chez le rat, après avoir analysé de façon discriminante plusieurs milliers d’études de la littérature. Une probabilité 151

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inférieure à 0,3 indique une absence de potentiel toxique, une probabilité supérieure à 0,7 signifie un potentiel toxique, et une probabilité entre 0,3 et 0,7 renvoie à une zone « indéterminée » (Cronin et al., 2003, 2008). Le modèle de tératogénicité du logiciel Multicase est dérivé des données humaines et animales du Teratogen Information System (TERIS) et de la FDA américaine. Il couvre environ 43 % des 46 000 substances EINECS (ECBb, 2005). Le pouvoir prédictif de Multicase, TOPKAT et DEREK a été évalué en analysant 105 composés testés in vivo dans des études de tératogénicité (34 tératogènes et 71 négatifs, chez le rongeur). La concordance allait de 50 à 72 %, avec un taux important de faux négatifs (ECETOC, 2003). Une capacité à prédire correctement des produits actifs de 63 % a été rapportée pour le système Multicase (ECBb, 2005).

l Tests in vitro Le cycle de reproduction est complexe. Il n’est pas possible de le modéliser en un ou deux tests in vitro permettant de prévoir tous les types d’effets toxiques susceptibles de se produire de la formation des gamètes à la fécondation, jusqu’au développement préet postnatal des descendants. Il peut néanmoins être divisé en différentes phases qui pourront être examinées séparément ; il n’existe pas actuellement de batterie de tests validés permettant de couvrir l’ensemble du cycle de reproduction. À l’heure actuelle, seuls trois tests d’embryotoxicité ont été évalués de façon extensive par plusieurs laboratoires et validés selon les critères de l’ECVAM (European Centre for the Validation of Alternative Methods) : les cultures de cellules souches embryonnaires (embryonic stem cells test, EST), le test de culture de cellules embryonnaires en micromasse (MM), les cultures d’embryon entier de rat (whole embryo culture, WEC) (Genshow et al., 2004 ; Piersma et al., 2004 ; Spielman et al., 2004 ; Lilienblum et al., 2008). Les WEC, et surtout les EST, apparaissent comme les tests les plus prometteurs. Ils se sont montrés convaincants comme tests de criblage/méthode de tri pour dégager des priorités dans certaines classes de produits, et pour étudier des mécanismes d’action (Flick et Klug, 2006 ; Paquette et al., 2008). Un séminaire a été organisé par l’ECVAM en 2003 pour faire le point sur les avantages et les inconvénients de ces trois tests. Il est apparu que, à ce stade de la validation, ils n’étaient pas prêts pour une utilisation réglementaire, mais pouvaient être employés comme compléments d’information, de la même façon que les RSA, les données toxicocinétiques, etc. (Spielman et al., 2006). Des suggestions ont été faites pour les améliorer (en particulier augmenter le nombre de substances et de classes chimiques étudiées pour leur validation) développer d’autres modèles statistiques prédictifs (ex. : 152

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plus ciblés sur des effets toxiques spécifiques) et intégrer des systèmes d’activation métabolique. Le pouvoir prédictif de ces tests étant nettement meilleur vis-à-vis des produits fortement embryotoxiques, certains auteurs envisagent qu’un résultat très positif puisse néanmoins conduire à prendre des mesures en terme de classification (Grindon et al., 2008). Brièvement, le test des EST utilise une lignée établie de cellules de souris. Il porte sur les stades précoces du développement embryonnaire. La méthode standard consiste à examiner si l’agent à tester inhibe la différenciation de cellules souches pluripotentes en cellules cardiaques, identifiables par microscopie. Des évolutions sont en cours, qui n’ont pas encore été validées, parmi lesquelles l’étude de la différenciation des cellules souches en des tissus autres que cardiaque, l’utilisation de marqueurs moléculaires de différenciation (ex. : systèmes de gènes rapporteurs) et l’emploi de cellules souches humaines (Seiler et al., 2006). La technique des WEC conserve l’intégralité de la structure de l’embryon. Ce test ex vivo consiste à prélever des embryons entiers de rongeurs (généralement de rat), après l’implantation et à les maintenir en culture 24 à 48 heures, pendant une période d’organogenèse intense. Après traitement par les produits chimiques, les critères analysés sont la morphologie des ébauches des principaux organes, et la croissance et la viabilité des embryons. Dans les méthodes de WEC et de EST validées par l’ECVAM, le potentiel embryotoxique de la substance testée est évalué par des modèles de prédiction (algorithmes), qui classent les produits en composés fortement, faiblement ou non embryotoxiques (Genshow et al., 2004 ; Piersma et al., 2004). En 2004, l’ECVAM a initié le projet ReProTect. Il rentre dans le 6e programme cadre de la Commission européenne et est prévu pour 5 ans. Il a pour objectif général d’intégrer des méthodes in vitro nouvelles ou existantes dans des stratégies d’évaluation (batteries de tests), afin d’apporter des informations détaillées sur les dangers potentiels des produits chimiques vis-à-vis du cycle de reproduction des mammifères. Les recherches portent sur trois grands domaines du cycle de reproduction : la fertilité, l’implantation et le développement prénatal. Ce dernier thème est couvert par deux tests, les WEC et les EST, qui ont été optimisés en tenant compte des observations faites en 2003. Des travaux portent également sur les perturbateurs endocriniens (R(Q)SA, compréhension des mécanismes d’action, etc.) (Bremer et al., 2005, 2007 ; Hareng et al., 2005). En plus des trois tests d’embryotoxicité validés par l’ECVAM, un test sur des nonmammifères, le FETAX, a fait l’objet de nombreux travaux. Il a été proposé comme 153

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test de screening pour la détection de substances tératogènes. Le FETAX consiste à évaluer l’action d’un produit chimique sur la morphologie et la survie d’embryons entiers de batraciens mis en culture à un stade précoce. Mandaté par l’EPA américaine, l’ICCVAM (Interagency Coordination Committee on the Validation of Alternative Methods) a expertisé ce test en 2000 et a conclu qu’il n’était pas suffisamment validé et optimisé pour avoir des applications réglementaires (http://iccvam.niehs.nih.gov). Les relations effet-dose et la détermination des doses sans effet adverse (NOAEL) sont des éléments critiques du processus d’évaluation de risques. Quelques études récentes ont examiné la possibilité d’extrapoler les concentrations actives in vitro à des niveaux d’exposition in vivo, en combinant des techniques in vitro et in silico. Ont notamment été associés, les WEC avec des modèles statistiques théoriques de relation effet-dose (benchmark dose), et les EST avec des modèles PBPK. Toutefois, ces approches n’en sont qu’au stade de recherches (Verwei et al., 2006 ; Janer et al., 2008 ; Piersma et al., 2008). Récemment, les utilisateurs (industriels, académiques, réglementaires) de trois tests, WEC, EST et le « test zebrafish », ont établi un bilan sur leurs avantages et leurs limites, et ont proposé des pistes d’améliorations (Chapin et al., 2008). Aucune ligne directrice portant sur des tests in vitro de toxicité du développement n’a été approuvée par l’OCDE ou l’UE jusqu’à présent. Dans un document guide de l’OCDE sur l’évaluation de la toxicité de la reproduction et du développement, il est fait mention des tests in vitro : « Ces dernières années, de nombreux systèmes de tests in vitro ont été proposés comme alternatives aux essais sur animaux dans le domaine de la toxicité du développement. Ces tests portent en général sur des événements isolés du cycle de reproduction et, de ce fait, sont insuffisants pour la détermination d’effets adverses in vivo. Ils ne remplacent pas les essais sur animaux pour l’évaluation de risque des produits chimiques. Toutefois, ils peuvent être utiles pour le criblage/screening de produits proches ou pour élucider des mécanismes. Ils peuvent être également des éléments importants des stratégies d’essais ». « Si un test de tératogenèse in vitro indique un effet sur le développement et que des données toxicocinétiques et de RSA étayent la pertinence de cet effet, d’autres études peuvent ne pas être nécessaires pour une première évaluation du danger. Toutefois, une étude de toxicité pour le développement prénatal (standard in vivo) apporterait des informations utiles » (OCDE, 2008). Dans ses recommandations générales, le règlement REACH stipule que « les résultats obtenus à partir de méthodes in vitro appropriées peuvent indiquer la présence d’une certaine propriété dangereuse ou peuvent avoir du poids dans le cas d’une approche mécanistique qui peut être importante pour l’évaluation ». « Il peut être dérogé à cette obligation de confirmation si les conditions suivantes sont réunies : les résultats sont 154

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dérivés d’une méthode in vitro dont la validité scientifique a été établie par une étude de validation conformément aux principes de validation internationalement reconnus (ex. : critères de l’ECVAM), les résultats conviennent pour la classification et l’étiquetage et/ou pour l’évaluation des risques, et une description suffisante et fiable de la méthode appliquée est fournie » (ECBa, 2005). Le groupe de travail (RIP 3.3 EWG), mis en place dans le cadre de l’implantation de REACH, a fait un bilan sur les tests in vitro dans le domaine de la toxicité du développement (ECBb, 2005). Il conclut : « Les méthodes in vitro actuelles d’évaluation de l’embryotoxicité ont d’importantes limitations, par exemple, l’absence de métabolisation dans les tests in vitro ou la solubilité d’une substance dans le milieu de culture. Il faut prendre conscience que les méthodes in vitro peuvent conduire à des faux négatifs ou des faux positifs. Il se peut que les méthodes soient aptes à prévoir les substances avec un potentiel embryotoxique. Toutefois, la signification d’un résultat négatif dans les tests de criblage in vitro est incertaine. De ce fait, les résultats des tests in vitro peuvent être pris en compte dans l’appréciation globale des éléments de preuve (« poids de l’évidence ») quand une classification est envisagée, mais un examen approfondi des paramètres importants, telle qu’une activation métabolique, est nécessaire. De plus, la toxicité de la reproduction comprend d’autres effets que ceux évalués dans les études d’embryotoxicité in vitro, par exemple les effets sur le développement postnatal » (ECHA, Chapter 7a, 2008).

l Regroupement de substances en catégories et extrapolation à des substances de structure chimique ou de mécanisme d’action proches Le regroupement de substances en catégories est déjà bien établi et utilisé dans le programme HPV (High Production Volume) de l’OCDE. Un guide d’utilisation de cette méthode a été établi dans le cadre de l’implémentation de REACH (ECHA, 2008). Une collaboration existe sur ce sujet entre l’Union européenne et divers organismes internationaux, dont l’OCDE. C’est une des techniques de l’outil informatique en cours de mise au point par l’OCDE, pour analyser les R(Q)SA ((Q)SAR application toolbox). Dans le document du groupe de travail (RIP 3.3 EWG) finalisé sous la forme du guide : « R7a, Guidance for the implementation of REACH, European Chemicals Agency, 2008 » élaboré dans le cadre de l’implémentation de REACH en reprotoxicité, il est indiqué que, bien que des structures d’alerte aient été identifiées pour certains effets toxiques (ex. : mutagénicité, sensibilisation), aucun critère formel n’a été établi pour identifier des structures d’alerte pour la toxicité de la reproduction. Ceci implique qu’en l’absence d’information sur des analogues proches, il est nécessaire de tester la substance (ECBb, 2005). 155

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Remarque Le règlement REACH est en faveur de l’utilisation de méthodes alternatives, si elles sont validées et appropriées. Certains scientifiques soulignent que de nombreux progrès ont été faits dans la mise au point de méthodes alternatives pour certains types de toxicité (ex. : génotoxicité). Toutefois, le développement et la validation de méthodes in silico et de batteries de tests (in silico et in vitro) se heurtent à d’importants obstacles dans des domaines complexes, comme la toxicité de la reproduction et du développement. Aux raisons scientifiques (complexité, connaissances limitées), s’ajoute le temps nécessaire à la validation des méthodes alternatives et à leur acceptation par les organismes réglementaires. À l’heure actuelle, trois tests alternatifs (in vitro) sont reconnus en toxicité du développement (i.e. validés par l’ECVAM), mais il n’y a pas encore de stratégie d’essais alternatifs établie et de nombreux paramètres ne sont pas couverts par les tests in vitro disponibles (ex. : période postnatale). Aussi, pour le court et moyen terme, ces experts préconisent que la stratégie de développement d’alternatives aux essais standards s’oriente vers le raffinement et ou la réduction des tests in vivo (ex. : réflexion sur les études sur deux générations) (deux des moyens préconisés pour réduire l’utilisation des animaux selon la règle des « 3 R », le troisième étant le « remplacement ») (Lilienblum et al., 2008 ; Scialli, 2008).

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Risques chimiques 4

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158

Risques chimiques 4

2. La réglementation (D. Lafon / C. Beausoleil) 2.1. Ancienne réglementation La réglementation européenne sur la classification, l’emballage et l’étiquetage des produits chimiques, transcrite en droit français et antérieure à la réglementation REACH, se rapporte d’une part aux substances dangereuses (arrêté du 20 avril 1994 modifié pris en application de la directive 67/548/CEE modifiée), d’autre part aux préparations dangereuses (arrêté du 9 novembre 2004 pris en application de la directive 1999/45/CE modifiée). Concernant les effets vis-à-vis de la reproduction, cette réglementation classe ces produits en plusieurs catégories.

2.1.1. Classification : substances toxiques pour la reproduction Les produits sont classés en trois catégories, pour deux types d’effets : fertilité ou développement. Ces catégories sont décrites dans le tableau 4.3.

2.1.2. Principes de la classification La toxicité pour la reproduction comprend l’altération des fonctions ou de la capacité de reproduction chez l’homme ou la femme et l’induction d’effets néfastes non héréditaires sur la descendance. Les effets sur la fertilité masculine ou féminine comprennent les effets néfastes sur la libido, le comportement sexuel, les différents aspects de la spermatogenèse ou de l’ovogenèse ou sur l’activité hormonale ou la réponse physiologique qui perturberaient la capacité de fécondation, la fécondation elle-même ou le développement de l’ovule fécondé jusqu’à et y compris l’implantation. La toxicité pour le développement est considérée dans son sens le plus large, y compris tout effet perturbant le développement normal, aussi bien avant qu’après la naissance. Elle englobe tant les effets qui sont induits ou se manifestent avant la naissance que ceux qui se manifestent après la naissance. Cela comprend les effets embryotoxiques/fœtotoxiques tels que la réduction du poids corporel, le retard de croissance et de développement, la toxicité pour les organes, la mort, l’avortement, les anomalies structurelles (effets tératogènes), les anomalies fonctionnelles, les anomalies péri- ou postnatales 159

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Tableau 4.3. Critères de classification. Catégories

Dénomination Substances connues pour altérer la fertilité dans l’espèce humaine.

Catégorie 1 Substances connues pour provoquer des effets toxiques sur le développement dans l’espèce humaine. Substances devant être assimilées à des substances altérant la fertilité dans l’espèce humaine.

Catégorie 2 Substances devant être assimilées à des substances causant des effets toxiques sur le développement dans l’espèce humaine.

Critères de classification On dispose de suffisamment d’éléments pour établir l’existence d’une relation de cause à effet entre l’exposition de l’homme à la substance et une altération de la fertilité. On dispose de suffisamment d’éléments pour établir l’existence d’une relation de cause à effet entre l’exposition humaine à la substance et des effets toxiques ultérieurs sur le développement de la descendance. On dispose de suffisamment d’éléments pour justifier une forte présomption que l’exposition de l’homme à de telles substances peut altérer la fertilité. Cette présomption se fonde sur : – la mise en évidence nette, dans des études sur l’animal, d’une altération de la fertilité intervenant soit en l’absence d’effets toxiques, soit à des niveaux de doses proches des doses toxiques, mais qui n’est pas un effet non spécifique secondaire aux effets toxiques ; – d’autres informations pertinentes. On dispose de suffisamment d’éléments pour justifier une forte présomption que l’exposition humaine à de telles substances peut entraîner des effets toxiques sur le développement. Cette présomption se fonde généralement sur : – la mise en évidence nette, dans des études appropriées sur l’animal, d’effets observés soit en l’absence de signes de toxicité maternelle marquée, soit à des niveaux de doses proches des doses toxiques, mais qui ne sont pas un effet non spécifique secondaire aux effets toxiques ; – d’autres informations pertinentes.

Généralement sur la base : Substances préoc– de résultats d’études appropriées sur l’animal qui cupantes pour la fournissent suffisamment d’éléments pour entraîfertilité dans l’espèce ner une forte suspicion d’une altération de la fertihumaine. lité intervenant soit en l’absence d’effets toxiques, soit à des niveaux de doses proches des doses Catégorie 3 toxiques, mais qui n’est pas un effet non spécifique secondaire aux effets toxiques, ces preuves étant toutefois insuffisantes pour classer la substance dans la catégorie 2 ; – d’autres informations pertinentes.

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Risques chimiques 4

Tableau 4.3. Critères de classification (suite). Catégories

Dénomination

Critères de classification

Substances préoccu- Généralement sur la base : pantes pour l’homme – de résultats d’études appropriées sur l’animal qui en raison d’effets fournissent suffisamment d’éléments pour entraîtoxiques possibles sur ner une forte suspicion de toxicité pour le dévele développement. loppement soit en l’absence de signes de toxicité maternelle marquée, soit à des niveaux de doses Catégorie 3 proches des doses toxiques, mais qui n’est pas un effet non spécifique secondaire aux effets toxiques, les preuves étant toutefois insuffisantes pour classer la substance dans la catégorie 2 ; – d’autres informations appropriées.

ainsi que l’altération du développement mental ou physique après la naissance, jusqu’à et y compris le développement pubertaire normal. Remarque La classification des produits chimiques comme toxiques pour la reproduction est destinée à être utilisée pour les produits chimiques qui présentent une propriété intrinsèque ou spécifique de produire de tels effets toxiques. Les produits chimiques ne sont pas classés comme toxiques pour la reproduction si ces effets interviennent uniquement en tant que conséquence secondaire non spécifique d’autres effets toxiques.

l Classement d’une substance dans la catégorie 1 La classification d’une substance dans la catégorie 1 pour les effets sur la fertilité ou la toxicité pour le développement repose sur des données épidémiologiques.

l Classement d’une substance dans la catégorie 2 ou la catégorie 3 La classification dans les catégories 2 et 3 s’effectue essentiellement à partir de données animales1. Les données d’études in vitro, ou d’études sur des œufs aviens, sont

1. Comme la plupart des autres types d’effets toxiques, il est vraisemblable que les substances manifestant une toxicité pour la reproduction auront un seuil sous lequel les effets néfastes ne seraient pas démontrés. Même lorsque des effets nets sont établis dans des études sur l’animal, l’extrapolation à l’homme peut être incertaine, du fait des doses administrées, par exemple lorsque des effets se sont manifestés uniquement à des doses élevées, que les toxicocinétiques sont nettement différentes ou que la voie d’administration

161

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considérées comme des « preuves complémentaires » et ne pourraient qu’exceptionnellement permettre une classification en l’absence de données in vivo. Remarque : effets durant la lactation En ce qui concerne la classification, les effets toxiques sur la descendance résultant uniquement de l’exposition via le lait maternel ou les effets toxiques résultant de l’exposition directe des enfants ne seront pas considérés comme « toxiques pour la reproduction », sauf si ces effets entraînent une altération du développement de la descendance.

2.1.3.

Autres dispositions réglementaires

Sans procéder à une énumération exhaustive des dispositions générales ou spécifiques prévues par les textes réglementaires, nous rappelons ci-dessous les exigences particulières qui découlent directement du classement réglementaire cancérogène, mutagène et toxique pour la reproduction.

est inadéquate. Pour ces raisons ou d’autres raisons analogues, il se peut que la classification dans la catégorie 3, voire l’absence de classification, soit justifiée. L’annexe V de la directive 67/548/CEE prévoit un essai de limite dans le cas des substances de faible toxicité. Si une dose d’au moins 1 000 mg/kg par voie orale ne produit aucun signe de toxicité pour la reproduction, les études à d’autres doses peuvent être considérées comme inutiles. S’il existe des données d’études effectuées à des doses supérieures à la dose limite précitée, ces données doivent être prises en compte avec les autres informations pertinentes. Dans des circonstances normales, on considère que les effets constatés uniquement à des doses supérieures à la dose limite n’entraînent pas nécessairement une classification comme toxique pour la reproduction. Pour être classé dans la catégorie 2, il doit exister des preuves manifestes d’effets néfastes dans des études correctement menées sur une ou plusieurs espèces. Comme les effets néfastes survenus pendant la grossesse ou en période postnatale peuvent être une conséquence secondaire de la toxicité pour la mère, d’une absorption réduite de nourriture ou d’eau, du stress maternel, du manque de soins maternels, de déficits alimentaires spécifiques, de conditions d’élevage médiocres, d’infections intercurrentes, etc., il importe que les effets observés interviennent dans des études correctement menées et à des doses non associées à une toxicité maternelle marquée. La voie d’exposition est également importante. En particulier, l’injection intrapéritonéale de substance irritante peut provoquer des lésions locales de l’utérus et de son contenu, et les résultats de telles études doivent être interprétés avec prudence et n’entraînent normalement pas à eux seuls une classification. La classification dans la catégorie 3 se fonde sur des critères similaires à ceux de la catégorie 2, mais elle peut être utilisée lorsque le protocole expérimental présente des défauts qui rendent les conclusions moins convaincantes, ou lorsqu’il est impossible d’exclure que les effets puissent être dus à des facteurs non spécifiques tels qu’une toxicité générale. En général, la classification dans la catégorie 3 ou la non-classification est décidée sur une base ad hoc lorsque les seuls effets enregistrés sont des modifications réduites de l’incidence des défauts spontanés, des proportions des variations courantes observées dans les examens du squelette ou des différences réduites dans l’appréciation du développement postnatal.

162

Risques chimiques 4

2.1.4.

Étiquetage

Les substances toxiques pour la reproduction pour lesquelles un classement harmonisé a été établi au niveau communautaire doivent être étiquetées conformément à l’annexe I et VI de l’arrêté du 20 avril 1994 modifié relatif à la classification, l’emballage et l’étiquetage des substances dangereuses. Rappelons que l’annexe I de l’arrêté du 20 avril 1994 modifié n’est pas une liste exhaustive des substances dangereuses. En effet, les prescriptions en matière d’étiquetage s’appliquent également aux substances qui, bien que ne figurant pas à cette annexe, peuvent être classées dangereuses conformément aux critères de classification au vu des données existantes. Des substances ne figurant pas dans cette liste peuvent donc être étiquetées volontairement et provisoirement toxiques pour la reproduction par le fabricant. Les substances classées toxiques pour la reproduction vis-à-vis de la fertilité catégorie 1 ou 2 devront être classées toxiques (T) accompagnées de la phrase de risque R 60 : Peut altérer la fertilité. Les substances classées toxiques pour la reproduction vis-à-vis du développement catégorie 1 ou 2 devront être classées toxiques (T) accompagnées de la phrase de risque R 61 : Risque pendant la grossesse d’effets néfastes pour l’enfant. Les substances classées toxiques pour la reproduction vis-à-vis de la fertilité catégorie 3 devront être classées nocives (Xn) accompagnées de la phrase de risque R 62 : Risque possible d’altération de la fertilité. Les substances classées toxiques pour la reproduction vis-à-vis du développement catégorie 3 devront être classées nocives (Xn) accompagnées de la phrase de risque R 63 : Risque possible pendant la grossesse d’effets néfastes pour l’enfant. Les préparations contenant une substance toxique pour la reproduction doivent également être étiquetées si leur teneur est égale ou supérieure aux limites de concentration fixées dans la réglementation. Le tableau 4.4 reprend, pour chaque catégorie, le symbole, la ou les phrase(s) de risque ainsi que le seuil de concentration déterminant la classification d’une préparation selon l’arrêté du 9 novembre 2004, définissant les critères de classification et les conditions d’étiquetage et d’emballage des préparations dangereuses (sauf indication contraire figurant à l’annexe I de l’arrêté du 20 avril 1994 modifié).

163

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Tableau 4.4. Classification des préparations. Classement

Symbole

Phrases de risque

Seuil (1)

Seuil (2)

Toxique pour la reproduction catégorie 1

T (toxique)

R 60 et/ou R 61

≥ 0,5 %

≥ 0,2 %

Toxique pour la reproduction catégorie 2

T (toxique)

R 60 et/ou R 61

≥ 0,5 %

≥ 0,2 %

Toxique pour la reproduction catégorie 3

Xn (nocif)

R 62 et/ou R 63

≥5%

≥1%

(1) : Préparations autres que gazeuses. (2) : Préparations gazeuses.

2.1.5. Interdiction de mise à la disposition du grand public La mise sur le marché et l’importation, à destination du public, sont interdites pour les substances citées aux annexes III (toxiques pour la reproduction de catégorie 1 ou 2) de l’arrêté du 7 août 1997 modifié (transcrivant dans le droit français certaines modifications de la directive 76/769/CEE) et pour les préparations contenant une ou plusieurs de ces substances à une concentration égale ou supérieure au seuil de classement. Cette interdiction ne s’applique pas : – aux médicaments à usage humain ou vétérinaire, mentionnés à l’article L. 511 du Code de la santé publique ; – aux produits cosmétiques au sens de l’article L. 658-1 du Code de la santé publique ; – aux produits dérivés des huiles minérales, prévus pour être utilisés comme combustibles ou carburants dans des installations de combustion mobiles ou fixes ; – aux couleurs pour artistes. Outre l’étiquetage mentionné au paragraphe précédent, l’emballage de ces substances et préparations doit porter la mention lisible et indélébile : « Réservé aux utilisateurs professionnels ». Il existe par ailleurs une réglementation particulière pour les cosmétiques. En règle générale, il existe une interdiction d’utiliser les substances CMR de catégorie 1 ou 2. Des exceptions semblent pouvoir être possibles, mais dans des conditions strictes, s’il a été jugé que leur utilisation dans les produits cosmétiques était sans danger. Les produits CMR 3 ne peuvent être utilisés qu’après autorisation.

164

Risques chimiques 4

2.1.6. Règles particulières de prévention Toute activité susceptible de présenter un risque d’exposition à une substance ou à une préparation toxique pour la reproduction de catégorie 1 ou 2 doit faire l’objet des règles particulières de prévention prescrites par les articles R. 4412-59 à R. 4412-93 et R. 4412-4 du Code du travail. En particulier, l’employeur est tenu de réduire l’utilisation d’un agent toxique pour la reproduction sur le lieu de travail, notamment en le remplaçant dans la mesure où cela est techniquement possible, par une substance, une préparation ou un procédé qui, dans ses conditions d’emploi, n’est pas ou est moins dangereux pour la santé ou la sécurité des travailleurs. Les femmes enceintes et les femmes allaitant ne peuvent être affectées ou maintenues à des postes de travail les exposant à des agents avérés toxiques pour la reproduction (article D. 4152-10 du Code du travail).

2.2. Nouvelles réglementations 2.2.1. REACH Le règlement REACH s’applique en Europe depuis le 1er juin 2007 sans transcription nationale. Il s’agit d’un règlement européen qui signifie « enRegistrement, Évaluation, Autorisation des substances CHimiques ». Il comporte 4 grands volets : l’enregistrement, l’évaluation, l’autorisation, la restriction. Ce règlement concerne les substances chimiques en tant que telles, ou contenues dans les préparations ou dans les articles. Certaines substances sont exemptées de REACH. Ce sont : les substances radioactives, les substances soumises au contrôle douanier, les intermédiaires non isolés, les substances nécessaires pour les intérêts de la défense, les déchets et des substances dont les dangers et les risques sont connus par l’expérience acquise. Il existe d’autres exceptions spécifiques suivant les différents processus (enregistrement, évaluation ou autorisation). Il s’agit d’une réglementation assez complexe qui nécessite différentes étapes, la première étant l’enregistrement. Après seulement d’autres étapes sont demandées, notamment l’évaluation des risques. Les obligations sont fonction du tonnage de la substance mise sur le marché. Un résumé des obligations concernant les effets sur la reproduction est reproduit dans le tableau 4.5.

165

REACH

Substances fabriquées ou importées en quantités :

Tests exigés vis-à-vis de la toxicité pour la reproduction

Conditions d’exonération de ces tests

Ancienne réglementation sur les substances nouvelles Règles spécifiques

Délais d’enregistrement

Tests exigés vis-à-vis de la toxicité pour la reproduction

< 1 tonne

Aucun

Procédure d’autorisation ou de restriction possible si substance connue comme étant CMR cat. 1 ou 2, PBT (Persistantes, Bioaccumulables et Toxiques) ou vPvB (Très persistantes, très bioaccumulables).

Pas d’enregistrement Aucun

≥ 1 tonne

Aucun

Cette annexe ne s’applique pas aux substances mises sur le marché entre 1 et 10 tonnes par an et ayant déjà été mises sur le marché (en quelque quantité que ce soit) avant 1981 (soit 100 204 substances), et possédant un numéro EINECS ou mises sur le marché après 1981 et retirées depuis le 1er juin 1992. Elle ne s’applique pas non plus aux substances pour lesquelles sur la base de modèles R(Q)SA ou par d’autres moyens une classification CMR catégorie 1 ou 2, PBT ou vPvB ne peut être anticipée. Pour ces substances, il y a uniquement obligation de fournir toute autre information disponible pertinente d’ordre toxicologique, écotoxicologique et physicochimique. Elle s’appliquerait donc, pour les substances chimiques, uniquement aux substances mises sur le marché depuis 1981 (soit 4 381 substances) (sauf si retirée du marché depuis le 1er juin 1992) avec un tonnage supérieur à 10 tonnes et aux substances nouvellement mises sur le marché avec un tonnage compris entre 1 et 10 tonnes par an et non considérées comme notifiées conformément à l’article 8, paragraphe 1, premier tiret, de la directive 67/548/CEE.

1er juin 2018

Évaluation de la reprotoxicité sur des critères particuliers

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Tableau 4.5. Obligations de tests vis-à-vis de la reproduction selon REACH et l’ancienne réglementation sur les substances nouvelles

REACH

Substances fabriquées ou importées en quantités :

En cas d’absence de signal d’alerte (sur la base d’analogie de structure, d’estimations R(Q)SA ou de méthodes in vitro), faire un test de dépistage (OCDE 421 ou 422).

Conditions d’exonération de ces tests

– cancérogène génotoxique et mesures appropriées de gestion des risques mises en œuvre, – mutagène sur cellules germinales et mesures appropriées de gestion des risques mises en œuvre, – si une exposition humaine peut être exclue, – étude de toxicité disponible au stade du développement prénatal ou pour la reproduction sur deux générations.

Règles spécifiques

Délais d’enregistrement

Si les risques de la substance le justifient

Risques chimiques 4

Dans les cas où les effets nocifs potentiels 1er juin 2018 sur la fertilité ou le développement suscitent de sérieuses préoccupations, le déclarant peut proposer de remplacer l’étude de dépistage par une étude de toxicité sur le développement prénatal ou une étude de toxicité pour la reproduction sur deux générations. Si une substance est connue pour avoir des effets néfastes sur la fertilité, répond aux critères de classification des catégories 1 ou 2 pour la classe R 60, et que les données disponibles conviennent à une évaluation robuste des risques, il ne sera pas nécessaire de procéder à d’autres essais en matière de fertilité. Il faut, toutefois, envisager des essais portant sur la toxicité au stade du développement. Si une substance est connue pour être à l’origine d’une toxicité sur le développement, répond aux critères de classification des catégories 1 ou 2 pour la classe R 61, et que les données disponibles conviennent à une solide évaluation des risques, il ne sera pas nécessaire de procéder à d’autres essais en matière de toxicité au stade du développement. Il faudra toutefois envisager des essais concernant les effets sur la fertilité.

Tests exigés vis-à-vis de la toxicité pour la reproduction



≥ 10 tonnes

Tests exigés vis-à-vis de la toxicité pour la reproduction

Ancienne réglementation sur les substances nouvelles

167

REACH

Substances fabriquées ou importées en quantités : ≥ 100 tonnes

Tests exigés vis-à-vis de la toxicité pour la reproduction

Conditions d’exonération de ces tests

Étude de toxicité sur le développement prénatal, une espèce, voie d’administration la plus appropriée, compte tenu de la voie probable de l’exposition humaine.

– cancérogène génotoxique et mesures appropriées de gestion des risques sont mises en œuvre, – mutagène sur cellules germinales et que des mesures appropriées de gestion des risques mises en œuvre, – si la substance a une faible activité toxicologique (si aucun des tests disponibles n’a fourni de preuves de toxicité), si des données toxicocinétiques permettent de prouver qu’aucune absorption systémique ne se produit par les voies d’exposition prises en considération (par exemple : concentrations plasma/ sang inférieures à la limite de détection en cas d’utilisation d’une méthode sensible, et absence de la substance et de métabolites de la substance dans l’urine, la bile ou l’air exhalé), et s’il n’y a pas d’exposition humaine ou pas d’exposition humaine importante.

Étude de toxicité pour la reproduction sur deux générations, une seule espèce, mâle et femelle, voie d’administration la plus appropriée, compte tenu de la voie probable de l’exposition humaine, si l’étude de 28 jours ou de 90 jours fait apparaître des effets nocifs sur les organes ou les tissus reproductifs.

Ancienne réglementation sur les substances nouvelles Règles spécifiques

L’étude est effectuée initialement sur une espèce. En fonction du résultat du premier essai et de toutes les autres données pertinentes disponibles, il peut être décidé d’effectuer une étude sur une deuxième espèce à ce niveau de quantité ou au suivant.

Délais d’enregistrement

1er juin 2013

Tests exigés vis-à-vis de la toxicité pour la reproduction - étude de tératogenèse : 1 espèce. En cas de résultats douteux, une étude sur deux générations est nécessaire.

– étude de fertilité : 1 espèce, 1 génération

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Tableau 4.5. (suite)

REACH

Substances fabriquées ou importées en quantités :

Tests exigés vis-à-vis de la toxicité pour la reproduction

≥ 1 000 tonnes Étude de toxicité au stade du développement, une espèce, voie d’administration la plus appropriée, compte tenu de la voie probable de l’exposition humaine (OCDE 414).

– cancérogène génotoxique et mesures appropriées de gestion des risques mises en œuvre, – mutagène sur cellules germinales et mesures appropriées de gestion des risques mises en œuvre, – si la substance a une faible activité toxicologique (si aucun des tests disponibles n’a fourni de preuves de toxicité), si des données toxicocinétiques permettent de prouver qu’aucune absorption systémique ne se produit par les voies d’exposition prises en considération (par exemple : concentrations plasma/ sang inférieures à la limite de détection en cas d’utilisation d’une méthode sensible, et absence de la substance et de métabolites de la substance dans l’urine, la bile ou l’air exhalé), et s’il n’y a pas d’exposition humaine ou pas d’exposition humaine importante.

Règles spécifiques

Délais d’enregistrement

Si une substance est connue pour avoir des 1er décembre 2010 effets néfastes sur la fertilité, répond aux critères de classification des catégories 1 ou 2 pour la classe R 60, et que les données disponibles conviennent à une évaluation robuste des risques, il ne sera pas nécessaire de procéder à d’autres essais en matière de fertilité. Il faudra, toutefois, envisager des essais portant sur la toxicité sur le développement. Si une substance est connue pour être à l’origine de toxicité sur le développement, répond aux critères de classification des catégories 1 ou 2 pour la classe R 61, et que les données disponibles conviennent à une évaluation robuste des risques, il ne sera pas nécessaire de procéder à d’autres essais en matière de toxicité sur le développement. Il faudra, toutefois, envisager des essais concernant les effets sur la fertilité.

Tests exigés vis-à-vis de la toxicité pour la reproduction – étude de toxicité liée au développement concernant les effets péri- et postnatals, – étude de tératogenèse (autre espèce).

– étude de fertilité (étude sur 2 générations) : seulement si un effet sur la fertilité a été constaté précédemment.

Risques chimiques 4

Étude de toxicité pour la reproduction sur 2 générations, une seule espèce, mâle et femelle, voie d’administration la plus appropriée, compte tenu de la voie probable de l’exposition humaine, sauf si ces données sont déjà fournies en vertu des prescriptions de l’annexe IX.

Conditions d’exonération de ces tests

Ancienne réglementation sur les substances nouvelles

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2.2.2. Règlement CLP Le règlement européen CLP (Classification, Labelling and Packaging) a été publié le 31 décembre 2008 au Journal officiel de l’Union européenne. Ce texte organise, dans les secteurs du travail et de la consommation, l’application en Europe du Système général harmonisé de classification et d’étiquetage des produits chimiques (SGH). Dès 2009, les opérateurs pourront voir apparaître de nouvelles étiquettes, avec notamment de nouveaux pictogrammes et des mentions de danger en remplacement des symboles et des phrases de risque actuels. Outre la définition de nouvelles règles de classification, d’emballage et d’étiquetage, ce règlement prévoit l’établissement d’une liste de substances avec classification et étiquetage européens harmonisés et d’un inventaire des classifications et des étiquetages. Il fixe aussi de nouvelles obligations de transmission d’information pour les fabricants et importateurs de substances chimiques. Les ancien et nouveau systèmes coexisteront durant une période transitoire. La mise en œuvre du nouveau système s’achèvera en 2015. Les critères de classification des substances chimiques toxiques pour la reproduction selon le règlement CLP sont relativement proches de ceux existants actuellement. Les définitions et les critères de classification sont semblables. Le texte est reproduit en annexe. Les catégories de danger sont au nombre de 2 : catégorie 1 et 2, avec une sous-catégorie 1A et 1B pour la première. La catégorie 1A correspond à la catégorie 1 précédente, la 1B à la 2 et la 2 à la 3. La mention d’avertissement sera « danger » avec la mention de danger H360 « peut nuire à la fertilité ou au fœtus » pour la catégorie 1 et « attention » avec la phrase H361 « susceptible de nuire à la fertilité ou au fœtus » pour la catégorie 2. Les règles de classification des mélanges (ce terme remplace celui de préparation qui existait dans la précédente réglementation) ont été légèrement modifiées (Tableau 4.6).

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Risques chimiques 4

Tableau 4.6. Règles de classification des mélanges* (règlement CLP). Composant classé comme

Limites de concentration génériques qui déterminent la classification du mélange (CLP) Ayant des effets sur ou via Toxique pour Toxique pour Toxique pour la reproduction la reproduction la reproduction l’allaitement (catégorie 2) (catégorie 1A) (catégorie 1B) (catégorie supplémentaire)

Toxique pour la reproduction (catégorie 1A) Toxique pour la reproduction (catégorie 1B) Toxique pour la reproduction (catégorie 2)

≥ 0,3 %

≥ 0,3 %

≥ 3,0 %

Ayant des effets sur ou via l’allaitement (catégorie supplémentaire)

≥ 0,3 %

* Les limites de concentration présentées au tableau ci-dessus s’appliquent aux solides et aux liquides (unités poids/poids) et aux gaz (unités volume/volume).

3. Les questions en discussion 3.1. Effets retardés d’une exposition intra-utérine. Risques de cancer (D. Lafon) L’European automated childhood cancer information system (ACCIS) rapporte une augmentation des cancers chez l’enfant de 1 % et chez l’adolescent de 1,5 % en Europe pour la période 1970-1999. Cette augmentation concerne les cancers classiques : leucémies, lymphomes, tumeurs du système nerveux central, neuroblastomes, sarcomes des tissus mous, rétinoblastomes, tumeurs germinales, tumeurs hépatiques et rénales. Chez les adolescents, il s’agit des tumeurs des os, carcinomes, lymphomes, sarcomes des tissus mous, tumeurs des cellules germinales et du système nerveux central. Pour certains cancers, il existait une différence entre l’Europe de l’Ouest ou de l’Est. Des données similaires ont été publiées aux États-Unis avec une augmentation de près de 25 % des cancers chez l’enfant entre 1975 et 2000. 171

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En France, cette augmentation est également retrouvée : incidence de 11,3 (10,7 ; 11,9) en 1980, 14,6 (14 ; 15,2) en 2000, avec une évolution annuelle de 1,3 % (1 ; 1,5). Cette augmentation est plus importante chez les garçons : 12,7 (11,8 ; 13,6) en 1980 à 17 (16 ; 18) en 2000, soit 1,5 % (1,1 ; 1,9) chaque année, que chez les filles : 9,9 (9,2 ; 10,6) en 1980, 12,1 (11,3 ; 12,9) en 2000, soit 1 % (0,6 ; 1,4) par an. Les lymphomes malins sont en progression pour les garçons. Les tumeurs du système nerveux central augmentent plus fortement chez les filles [2,4 % (–0,8 ; 5,7)] que chez les garçons [1,3 % par an (–1,5 ; 4,1)]. Le cancer du rein est en progression dans les deux sexes. Les différentes publications rapportent autour de 1 500 cancers pédiatriques en France (Dulioust et al., 2008). Des discussions relativisent ces chiffres en prenant en compte différents biais notamment les modifications concernant les méthodes de diagnostic, rendu plus précoce par les progrès médicaux (imagerie par résonance magnétique pour les tumeurs cérébrales par exemple au début des années 80), l’amélioration des classifications et des diagnostics histologiques, et de meilleurs systèmes de comptages des cas (Anderson, 2006). Les évolutions de certains cancers (lymphomes malins non hodgkiniens, tumeurs du système nerveux central) présentent cependant des contrastes importants selon le sexe et l’âge, suggérant une réelle augmentation (Dulioust et al., 2008). La question se pose du rôle éventuel de l’exposition aux substances chimiques durant la grossesse dans la survenue de cancers chez l’enfant ; ce facteur de risque est soupçonné au même titre que d’autres (virus…). De nombreuses études épidémiologiques ont examiné les liens possibles entre la survenue de cancers chez l’enfant et les expositions à des agents chimiques, avant la conception, pendant la période prénatale et/ou la période périnatale. Certaines suggèrent un risque accru de leucémies chez des enfants nés de pères exposés professionnellement à des solvants ou des peintures, ou ayant un emploi en relation avec des véhicules à moteur. Le CIRC (Centre international de recherche sur le cancer) vient de publier en novembre 2009 des conclusions concernant le tabac. Il considère comme certain le lien entre tabagisme des parents et cancers chez l’enfant. Il signale que quatre études récentes montrent que les enfants nés de parents qui ont fumé avant ou pendant la grossesse présentaient une augmentation significative d’hépatoblastomes. L’augmentation du risque existait si un seul des parents fumait ; elle était augmentée si les deux fumaient. Le CIRC signale également une augmentation possible des leucémies en cas de tabagisme paternel (IARCa, 2009). Le CIRC a également publié fin 2009 une réactualisation des risques de l’exposition aux peintures. Il conclut à une évidence limitée pour un lien causal entre l’exposition maternelle à la peinture (incluant la phase préconceptionnelle et la grossesse) et des leucémies chez leurs enfants (IARCb, 2009). 172

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L’utilisation professionnelle de pesticides par le père pourrait également conduire à un risque accru de cancer du cerveau chez l’enfant. Les données concernant les expositions maternelles professionnelles ou environnementales sont relativement succinctes, mais quelques études rapportent une augmentation de certains cancers (leucémies, cerveau) associée à l’utilisation de pesticides. Pour le moment, les liens de causalité ne sont pas clairement établis et restent encore à confirmer (Colt et Blair, 1998 ; Infante-Rivard et Weichenthal, 2007 ; Wigle et al., 2008). Très peu d’études ont examiné l’impact possible des expositions prénatales à des agents chimiques, sur le risque de cancer chez l’adulte. Cela tient vraisemblablement à la complexité de leur mise en œuvre, en particulier à la difficulté de documenter les expositions, plusieurs décennies après la grossesse (Hardell et al., 2006). Un sujet d’actualité concerne l’augmentation de l’incidence du cancer du testicule dans plusieurs pays européens qui a soulevé de nombreuses interrogations. Elle a été mise en relation avec l’augmentation de certaines malformations de l’appareil reproducteur (hypospadias, cryptorchidie et la diminution de la qualité du sperme), rapportées ces vingt dernières années. Ces altérations ont fait l’objet d’une description sous le nom de « syndrome de dysgénésie testiculaire », qui pourrait être en relation avec une perturbation du développement testiculaire pendant la vie intra-utérine liée éventuellement à l’exposition à des substances à action endocrinienne. L’hypothèse a été émise que des niveaux élevés d’œstrogènes pendant certaines phases de la grossesse pourraient constituer un facteur de risque et que l’exposition intra-utérine à des produits chimiques dotés de propriétés de type œstrogénique pourrait jouer un rôle (Garner et al., 2005 ; Grotmol et al., 2006 ; Storgaard et al., 2006). Un argument en faveur de cette hypothèse est l’augmentation (modérée) du risque de cancer des testicules observée chez les fils de femmes traitées avec du diéthylstilbestrol pendant leur grossesse. Une augmentation de l’incidence des cryptorchidies et des hypospadias a également été rapportée chez ces garçons (Strohsnitter et al., 2001 ; Martin et al., 2008). Les données épidémiologiques (quantitatives) sur les relations entre la survenue de cancer du testicule et des expositions prénatales, environnementales ou professionnelles, à des produits chimiques sont rares. Bien que certaines évoquent un lien de causalité possible, il reste encore beaucoup d’incertitudes et les investigations méritent d’être poursuivies (Kardaun et al., 1991 ; Toppari et al., 1996 ; Knight et Marrett, 1997 ; Grotmol et al., 2006 ; Nori et al., 2006 ; Martin et al., 2008 ; Wigle et al., 2008). Des publications signalent également l’impact potentiel d’une exposition in utero aux œstrogènes sur le développement à l’âge adulte de cancers de la prostate (Prins et al., 2007). Le développement de la prostate se déroule durant les 2e et 3e trimestres de la grossesse et est terminé à la naissance. Chez les rongeurs, le développement continue 173

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durant les premiers jours de la vie. Le développement de la prostate est dépendant des androgènes (dihydrotestostérone – DHT) produits par les testicules fœtaux. Dans le domaine des cancers initiés lors d’une exposition in utero, il existe cependant des certitudes : les radiations ionisantes et le DES (diéthylstilbestrol) entraînent lors d’une exposition in utero des cancers dans la descendance, que se soit chez l’animal ou l’être humain. La mise en évidence épidémiologique des effets des radiodiagnostics durant la grossesse a été publiée à la fin des années 50 (Anderson et al., 2000). Elle a été depuis confirmée par de nombreuses études expérimentales. Ces données montrent que le fœtus est plus sensible que l’adulte aux effets des rayonnements ionisants. Herbst a publié en 1971 les premières études sur le DES et son impact sur les adénocarcinomes à cellules claires du vagin de la descendance. Cet impact a été confirmé depuis par de nombreuses études. Des cas ont été observés pour des doses totales inférieures à 500 mg (Anderson, 2004). Chez l’animal, des cancers ont même été observés dans les 2e et 3e générations qui n’avaient pas été directement exposées au DES (Anderson, 2004). Ford en 1993 a montré que les modifications du locus 11q23 observé dans une majorité des leucémies de l’enfant pouvaient avoir une origine in utero. Par ailleurs, bien que les études épidémiologiques aient du mal à être conclusives, les études chez l’animal ont montré qu’un certain nombre de produits cancérogènes administrés in utero ou dans la période postnatale, pouvaient entraîner des cancers chez l’enfant (EPA, 2005). Il a été prouvé, toujours chez l’animal, que l’exposition des cellules germinales à des cancérogènes ou mutagènes pouvait entraîner un excès de tumeurs dans la descendance (Anderson, 2000). Hayashi en 2000 a publié une étude montrant que des substances mutagènes engendraient plus facilement des micronoyaux dans des tissus fœtaux que maternels. Il a été également montré que la susceptibilité d’un embryon ou d’un fœtus à un cancérogène peut être différent de celle d’un adulte (Buschmann, 2006). Ceci peut-être dû à la susceptibilité spécifique du conceptus, mais aussi au métabolisme différent. Le produit doit passer le placenta, peut y être métabolisé puis ensuite peut ou non être métabolisé dans le conceptus et ce de manière différente de l’adulte. Un certain nombre de facteurs ont été avancés afin d’expliquer une susceptibilité accrue aux substances cancérogènes durant la gestation : – Nombre de cellules à risque : plus le fœtus comporte de cellules, plus il est à risque (donc plutôt fin de gestation). 174

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– Plus les cellules sont en phase de division, plus elles sont sensibles à l’action d’un génotoxique. Le temps nécessaire pour la réparation des lésions de l’ADN est trop long. Cependant cela pourra se traduire plutôt par une destruction des cellules (d’où d’éventuelles malformations) que par un phénomène cancérogène. – Certaines cellules embryonnaires manquent d’enzymes de réparation de l’ADN. – Certains composants du système immunitaire ne sont pas fonctionnels durant le développement. – Le fonctionnement du système hormonal est différent. – Certaines anomalies du développement peuvent entraîner une prédisposition à la survenue de cancers ultérieurement. – La capacité de réparation des dommages à l’ADN est différente.

Comment évaluer le risque de cancer lors d’exposition in utero Les études épidémiologiques sont susceptibles de mettre en évidence la survenue de cancers chez des individus exposés in utero, qu’ils surviennent à l’âge adulte ou dans l’enfance. La réalisation de telles études est cependant complexe. La plupart de ces études présentent des limites méthodologiques, en particulier en ce qui concerne l’évaluation des expositions et la taille des échantillons. Pour arriver à mettre en exergue une différence statistiquement significative pour des pathologies rares, le nombre de sujets à enrôler est important : 15 000 sujets dans une cohorte pour avoir 80 % de chance de montrer une différence pour une pathologie présente dans moins de 0,1 % des cas. Dans une étude rétrospective, il faudrait 600 cas comparés à 1 200 témoins (Anderson, 2000). En cas d’étude rétrospective, il est difficile de déterminer avec pertinence les expositions durant la grossesse (multi-exposition, biais de mémoire…). Se baser uniquement sur l’épidémiologie pour évaluer de tels effets est donc insuffisant. Comme pour les autres effets potentiellement engendrés lors d’une exposition in utero, il est nécessaire de disposer de tests expérimentaux prédictifs. Les tests de cancérogenèse actuels sont réalisés sur des animaux âgés de 6 à 8 semaines. Comme expliqué précédemment, ces animaux matures ne réagissent pas obligatoirement comme des animaux immatures, tels que ceux présents in utero. L’extrapolation de leurs résultats à ce type d’exposition n’est donc pas scientifiquement valable, dans un sens ou dans un autre. Il aurait été intéressant de pouvoir comparer pour un même produit des études de cancérogenèse dont la phase d’exposition se déroule durant la 175

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gestation avec des études de cancérogenèse classique avec exposition de sujets adultes. L’EPA a effectué une recherche bibliographique dans ce sens (EPA, 2005). Plus d’une cinquantaine de substances chimiques ont engendré des cancers chez l’animal lors d’expositions périnatales. Très peu d’études ont été effectuées lors d’exposition uniquement intra-utérine. Elles ne permettent pas de réaliser des comparaisons et d’en tirer des conclusions. Dans l’idéal, il serait donc nécessaire de réaliser des études de cancérogenèse avec des expositions in utero. Actuellement, il n’existe pas de ligne directrice OCDE validée pour cela et ces tests ne sont pas réalisés en routine. Dans le doute, et en absence de données spécifiques, il semble cependant légitime de penser qu’une substance capable d’engendrer des cancers chez l’animal ou l’homme soit également susceptible d’en créer lors d’une exposition in utero. Le même raisonnement peut être tenu vis-à-vis des substances mutagènes.

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3.2. Atteintes du développement neurologique (A.M. Saillenfait, M. Falcy) 3.2.1. Rappels sur le développement du système nerveux central (Evrard et al., 1989 ; Larsen, 2003 ; Rice et al., 2000 ; Universités suisses ; Marret et al., 2005 ; Watson et al., 2006) Le développement du système nerveux central a été décrit en détail dans le chapitre 2 « Déroulement normal d’une grossesse ». Les grandes étapes sont rappelées ci-après. Le premier événement à l’origine du futur système nerveux central est la mise en place de la plaque neurale à la fin de la 3e semaine de développement (18e jour). Au cours de la 4e semaine, la plaque neurale se déprime en son centre et ses bords se surélèvent. Ils fusionnent pour former un cylindre creux (neurulation), le tube neural, qui commence à se transformer pour donner le cerveau et la moelle épinière. Avant la fin de la 4e semaine, il est possible de distinguer les grandes régions du cerveau, et les principaux types cellulaires à l’origine des neurones et des cellules gliales apparaissent (neuroblastes et glioblastes). L’interruption du développement (i.e. de la fermeture du tube neural) pendant ces stades précoces (3e et 4e semaines) peut conduire à des malformations morphologiques sévères, tel que le spina bifida. L’histogenèse neuronale est complexe et suit une chronologie bien définie. Dans une première phase, il y a multiplication et migration des neuroblastes par vagues successives, depuis les régions sous-ventriculaires, vers la surface pour former la future substance grise. Les neuroblastes deviennent des neurones matures en rejoignant leur destination finale et en acquérant des caractéristiques morphologiques et fonctionnelles propres aux neurones par un processus de différenciation. La majorité des neurones est en place vers la 20e semaine. Les 5 derniers mois, il y a essentiellement une croissance cérébrale, une multiplication gliale (astrocytes), et les neurones développent les arborisations et les synapses. Il y a également un processus physiologique d’élimination de neurones excédentaires qui se poursuit au-delà du 6e mois, par mort cellulaire programmée, avec des variations régionales. Les hémisphères ont d’abord un aspect lisse, la gyration et l’apparition de sillons s’accélèrent au cours du 3e trimestre. Un défaut de multiplication des cellules, et des troubles dans la mort neuronale programmée et/ou dans le développement de l’arborisation, peuvent conduire à des réductions du volume et du poids cérébral (microcéphalies). La myélinisation centrale commence à partir du 4e mois et n’est pas complète à la naissance. Son développement le plus intense se fait au cours des 6 premiers mois 178

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postnatals et se poursuit toutefois jusqu’à la puberté, voire au-delà à un rythme moins marqué. La myélinisation des faisceaux reliant le cerveau à la moelle (faisceau corticospinal) se poursuit jusqu’à la fin de la 2e année postnatale. La croissance du cerveau est plus importante au cours du 3e trimestre de la grossesse mais l’essentiel se déroule après la naissance. La stabilisation des synapses fonctionnelles et l’élimination des synapses redondantes sont essentiellement des processus postnatals très liés à l’environnement et aux apprentissages.

3.2.2. Quelques exemples de substances avérées ou suspectées chez l’homme (données humaines) La période de développement neurologique, et donc de vulnérabilité, est précoce, longue et de nombreuses structures peuvent être touchées. Le développement cérébral fait intervenir toute une variété d’acteurs aux niveaux cellulaire et moléculaire (ex. : gènes) et il est modulé par des facteurs endogènes ou exogènes incluant des facteurs de croissance, des hormones (ex. : stéroïdes sexuels), certains neurotransmetteurs qui ont un rôle de morphogène (ex. : glutamate) et des facteurs nutritionnels ou vitaminiques. Il est clairement établi que des substances chimiques environnementales peuvent altérer ce développement. Il peut y avoir des anomalies morphologiques cérébrales macroscopiques ou microscopiques, mais aussi des troubles fonctionnels (ex. : retard psychomoteur, trouble de l’humeur, du comportement, trouble neurosensoriel). Le toxique peut entraîner une désorganisation profonde de la fonction cérébrale sans nécessairement laisser une trace anatomique durable. Les altérations dépendent de l’étendue de l’effet toxique et du moment où il se produit. Il semble qu’il existe un continuum dans la sévérité des anomalies et pour plusieurs substances la possibilité d’établir un seuil en deçà duquel il n’y aurait pas de danger pour le fœtus est controversée. Ainsi, dans le cas de l’alcool, les données et/ou les méthodologies utilisables actuellement pour déterminer une dose sans effet ne paraissent pas suffisantes pour démontrer formellement un seuil et écarter des effets qui se limiteraient à un déficit relativement discret sur le plan fonctionnel et/ou neurocomportemental. L’atteinte neurologique est clairement établie chez l’enfant pour des expositions prénatales à certains toxiques comme l’alcool, le plomb et le méthylmercure (Grandjean, 2006 ; Wigle, 2008).

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l Alcool Le syndrome d’alcoolisme fœtal (SAF) est la première cause non génétique de handicap mental chez l’enfant. Il associe un retard de croissance prénatal et/ou postnatal, une dysmorphie craniofaciale et une atteinte du système nerveux central (microcéphalie, malformations cérébrales telle qu’une agénésie du corps calleux, troubles neurocomportementaux). La désignation « effets possibles de l’alcool sur le fœtus » (EAF) sert à décrire les enfants ayant été exposés à l’alcool avant la naissance, mais qui ne présentent que quelques caractéristiques du SAF. Les troubles du comportement et du développement qui découlent du EAF recoupent, dans une large mesure, ceux du SAF. Il s’agit de troubles du sommeil, d’un retard dans le développement mental, d’une intelligence déficiente (baisse du quotient intellectuel), de troubles de l’attention, de l’apprentissage et de la mémoire, d’une motricité fine perturbée, d’hyperactivité, et de troubles de l’élocution et de l’ouïe. Dans la littérature récente, certains auteurs utilisent le terme « Fetal Alcohol Spectrum Disorder » (FASD) qui indique que les effets de l’alcool peuvent conduire à un syndrome à spectre variable (Sampson et al., 2000 ; INSERM, 2001 ; Marret, 2003). Le mécanisme d’action de l’éthanol est connu : il provoque une diminution de la prolifération neuronale, un trouble de la différenciation neuritique, des destructions neuronales, un retard de la myélinisation, des anomalies de la gyration neuronale et/ou une combinaison de ces facteurs en fonction du moment où le cerveau en développement a été exposé à l’alcool. Le SAF apparaît pour des consommations très élevées, mais un certain nombre de dommages peuvent être observés chez des enfants exposés à des niveaux plus modérés d’éthanol. Des déficits intellectuels ou des troubles du comportement ont été rapportés pour des consommations maternelles supérieures ou égales à 20 g d’éthanol par jour. En ce qui concerne des consommations plus faibles, les observations restent discordantes sur la présence ou l’absence d’éventuels effets adverses sur le développement cérébral (INSERM, 2001 ; Sood et al., 2001 ; Testa et al., 2003 ; Hendersen et al., 2007a ; O’Callaghan et al., 2007 ; Sayal et al., 2007 ; Kelly et al., 2009 ; O’Leary et al., 2009). D’autre part, une récente étude épidémiologique prospective réalisée en Grande-Bretagne sur plus de 10 000 enfants laisse penser qu’une consommation d’alcool faible pendant la grossesse (maximum de 2 verres par semaine soit 22 à 24 g d’éthanol) pourrait avoir un effet favorable sur le développement neuropsychique des garçons (tests portant sur les couleurs, les formes, les nombres et le langage, effectués à l’âge de 3 ans) (Kelly et al., 2009). Pour des consommations supérieures, des effets délétères sont observés. Même si cette affirmation est difficile à étayer et a fait l’objet de critiques (Gijsen et al., 2008 ; Sayal, 2009), cette valeur pourrait servir de base à l’évaluation de ces risques. Notons que la prise occasionnelle d’une forte quantité 180

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d’alcool pendant la grossesse a été associée à des déficits cognitifs, mais que cela reste controversé (Hendersen et al., 2007b ; Sayal et al., 2009). Dans le document publié par le DECOS en 2006, on trouve une comparaison des éthanolémies susceptibles d’être induites par une exposition à l’éthanol par voie orale et d’autre part par inhalation pendant 3 heures à deux niveaux différents de fréquence respiratoire (DECOS, 2006). L’ingestion orale d’une dose d’alcool de 11 g en une fois conduit à un pic d’alcoolémie au bout de 30 minutes qui atteint 200 mg/L. L’inhalation au repos de 1 900 mg/m3 induit une éthanolémie de 2 mg/L en plateau et lors d’une activité physique intense l’éthanolémie maximum est de 20 mg/L. Ces chiffres sont à comparer à l’éthanolémie endogène de 1 mg/L mais laissent penser qu’il est difficile d’extrapoler les résultats des études épidémiologiques réalisées sur des consommations d’alcool aux effets éventuels d’une exposition professionnelle à l’éthanol. De même, l’exposition par voie cutanée, dans des conditions similaires à celles liées à l’utilisation des solutés hydroalcooliques en milieu hospitalier, ne provoque pas d’élévation mesurable de l’éthanolémie. S’il est actuellement raisonnable de conseiller une abstinence totale de boissons alcoolisées pendant la grossesse, il est par contre difficile de déterminer si une exposition professionnelle peut avoir des conséquences néfastes sur l’enfant. En première intention, il semble recommandable d’éviter, chez la femme enceinte, une élévation de l’éthanolémie endogène.

l Plomb (Banks et al., 1997 ; Canfield et al., 2003 ; Koller et al., 2004 ; Lanphear et al., 2005 ; Hu et al., 2006 ; Ministère de la Santé et des Solidarités, 2006 ; Schnaas et al., 2006 ; ATSDR, 2007 ; Surkan et al., 2007 ; Chiodo et al., 2007 ; Yazbeck et al., 2007 ; Bellinger, 2008 ; Jusko et al.,2008 ; Wang et al., 2008) Les encéphalopathies liées au plomb sont connues depuis l’antiquité. Il y a une corrélation entre la gravité de l’intoxication et la plombémie. Le système nerveux en développement est plus vulnérable aux effets du plomb que celui de l’adulte. Le plomb franchit facilement la barrière placentaire et passe dans le lait maternel. L’exposition au plomb via le placenta et le lait est d’autant plus grave que la barrière hémato-encéphalique est immature et très perméable dans les premiers stades de développement cérébral. Dans les cas sévères de saturnisme chez l’enfant, les signes cliniques d’empoisonnement sont une hypertension intracrânienne, des convulsions, un coma, une insuffisance rénale, une anémie. À des niveaux plus bas, le plomb affecte les fonctions comportementales et cognitives. De nombreuses études épidémiologiques, dont certains prospectives, montrent que l’exposition pré- et/ou postnatale à de faibles concentrations en plomb (< 100 μg/L) a des effets, mêmes modestes, sur le développement mental, 181

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les capacités motrices fines, et le comportement. Malgré des limites méthodologiques, plusieurs études ont mis en évidence des effets négatifs sur le quotient intellectuel (QI) d’enfants avec des plombémies n’ayant jamais excédé 100 μg/L, voire 50 μg/L. Des déficits induits pendant le développement précoce persistent au moins pendant l’enfance. Là encore, la question d’un seuil de sécurité concernant la toxicité du plomb a été posée. L’exposition au plomb dans l’environnement professionnel est réglementée. Il est interdit d’affecter des femmes qui se sont déclarées enceintes ou allaitantes à des travaux les exposant au plomb. Toutefois, pendant la grossesse, il y a mobilisation du plomb déjà stocké au niveau des os, avec augmentation de la plombémie. La valeur limite biologique contraignante pour la plombémie des travailleuses est de 300 μg/L (2003) ; elle n’est donc pas protectrice pour le fœtus, du fait de la lente diminution de la charge en plomb de l'organisme après l'arrêt des expositions. La valeur d'intervention actuelle est fixée à 100 μg/L chez la femme, la valeur de référence française concernant la plombémie de la population générale étant de 60 μg/L chez les femmes (Falq et al., 2008). Après la naissance, le système nerveux du nourrisson et du jeune enfant reste particulièrement sensible à ce toxique et des effets délétères ont pu être observés pour de très faibles niveaux de plombémie (potentiellement transmis par la mère).

l Méthylmercure (Gilbert et Grant-Webster, 1995 ; Myers et Davidson, 1998 ; Murata, 1999 ; Cordier et al., 2002 ; AFSSE, 2004 ; Cohen et al., 2005 ; Davidson et al., 2006, 2008 ; Debes et al., 2006 ; Myers et al., 2003, 2005 ; Spurgeon, 2006 ; Axelrad et al., 2007 ; Castoldi et al., 2008a et b, Choi et al., 2008 ; Lederman et al., 2008 ; Rice, 2008) Le mercure a de nombreuses applications industrielles (industrie du chlore et de la soude, cimenteries, papier, électrolyses, fongicides, etc.), et il peut y avoir des rejets de mercure dans l’eau des rivières. L’orpaillage est une source de contamination des cours d’eau en Guyane française. La source d’exposition majeure au mercure est la consommation de poissons dans lesquels il est présent sous forme de méthylmercure. La neurotoxicité du méthylmercure pour le fœtus et le nourrisson a été largement démontrée lors d’intoxications accidentelles au Japon et en Irak dans les années 50-70. Il s’agissait d’expositions massives. Des études ultérieures ont porté sur des populations consommatrices de poissons ou de mammifères marins, peu ou modérément contaminées par du méthylmercure (ex. : études prospectives dans les Seychelles, les îles Féroé et en Nouvelle-Zélande). Plusieurs ont mis en évidence des atteintes neuropsychologiques subcliniques chez des enfants exposés in utero, et éventuellement de façon postnatale, à des niveaux nettement 182

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inférieurs aux cas japonais. Aucun déficit grave n’a été observé. Les expositions sont bien quantifiées dans les études les plus récentes (i.e. mesures de mercure dans les cheveux des mères et des enfants). Les relations dose-réponse (valeur seuil), et l’influence de cofacteurs, comme la présence d’autres neurotoxiques (PCB, pesticides), ont fait l’objet de nombreuses discussions. L’analyse bénéfice/risque de la consommation des différentes espèces de poissons a été analysée, en tenant compte que les effets néfastes du méthylmercure sur le développement cérébral pouvaient être contrebalancés par la présence d’acides gras polyinsaturés. Il en a résulté des recommandations par les autorités sanitaires, vis-à-vis des femmes enceintes et allaitantes, et pour les enfants en bas âge (ex. : AFSSA, 2002b, 2006 ; AFSSE, 2004). En ce qui concerne l’environnement professionnel, les études sont assez anciennes et ne concernent pas les dérivés organiques du mercure mais essentiellement les effets de l’exposition au mercure métallique lors de la préparation d’amalgames dentaires. Une augmentation possible des avortements spontanés a été rapportée de façon inconstante. À notre connaissance, le développement psychomoteur n’a pas été étudié. Des mesures préventives ont été prises ces dernières années pour diminuer la pollution et protéger les populations, en premier lieu les patients et les professionnels de santé (AFSSAPS, 2005). Ex. : préférence pour d’autres matériaux d’obstruction ou pour des amalgames qui libèrent peu de mercure, retraitement des déchets par des sociétés spécialisées, information des chirurgiens dentistes). Le méthylmercure est classé dans l’Union européenne pour ses effets toxiques, mais sans indication de danger pour la reproduction. Cette classification devrait évoluer sous peu.

l PCB et dioxines (INSERM, 2000 ; Ribas-Fito et al., 2001 ; Jacobson et Jacobson, 2003 ; Schantz et al., 2003 ; Stewart et al., 2003, 2008 ; Longnecker et al., 2004 ; Gray et al., 2005 ; Nakajima et al., 2006 ; Chevrier et al., 2007, 2008 ; Korrick et Sagiv, 2008 ; Wilhelm et al., 2008a et b) Des effets sévères ont été observés chez des enfants, allaités ou non, nés de mères contaminées par des niveaux élevés de PCB (polychlorobiphényles) ou des dioxines, principalement lors de contamination d’aliments. Il s’agissait de retard de croissance intra-utérin, de poids plus faible à la naissance, d’hyper-pigmentation, d’augmentation des risques d’infections cutanées et respiratoires, d’altérations du développement neurocomportemental (retard mental) et sexuel, et d’altération du développement des dents de lait. 183

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Outre ces épisodes accidentels, plusieurs études ont porté sur des expositions prénatales aux PCB et/ou les dioxines via l’environnement (ex. : régions industrielles). Des effets négatifs, en général modestes, sur le développement neurologique, moteur et/ ou cognitif, ont été observés chez des enfants jusqu’à l’âge scolaire. Concernant leur mécanisme d’action, l’hypothèse d’effets liés à un dysfonctionnement de la thyroïde reste à confirmer. Des interrogations persistent sur la contribution possible d’autres contaminants, les niveaux précis auxquels il n’y a plus de signes légers d’altérations du développement (seuil), la réversibilité/compensation des atteintes, les relations entre structure et activité et le rôle individuel de ces substances chimiques. Les nourrissons peuvent être exposés aux dioxines via le lait maternel (AFSSA, 2002a).

l Tabagisme Le tabagisme pendant la grossesse a été associé à des difficultés neuropsychologiques et des problèmes comportementaux durables chez l’enfant (hyperactivité avec déficit de l’attention et troubles des conduites sociales) et l’adulte. En plus d’effets hypoxiants sur le fœtus, la nicotine a été directement mise en cause car elle agit notamment sur les récepteurs nicotiniques à l’acétylcholine chez l’animal (Ernst et al., 2001 ; Larroque, 2003 ; Linnet et al., 2003 ; Marret, 2003 ; Rodriguez et al., 2005 ; Julvez et al., 2007 ; Gilman, 2008 ; Pauly et Slotkin, 2008 ; Rogers, 2008 ; Shea et al., 2008 ; Kafoury et al., 2009). Toutefois, les données disponibles chez l’homme restent restreintes et certains liens ne peuvent être considérés comme définitivement établis (Batty et al., 2006 ; Herrmann et al., 2008) (ex. : comportements antisociaux rapportés par Räsänen et al., 1999 ; Brennan et al., 2002).

l Autres Jusqu’ici, seul un petit nombre de substances a été évalué, tant sur le plan épidémiologique qu’expérimental. L’attention s’est souvent portée vers des substances neurotoxiques chez l’adulte, même si les effets de ces substances sur le cerveau en développement peuvent être différents qualitativement et quantitativement. Le nombre d’études épidémiologiques portant sur quelques grandes familles chimiques rencontrées en milieu de travail tend à s’accroître (Fei et al., 2008). Toutefois, les résultats sont souvent discordants et on ne peut pas considérer que leurs effets sur le développement du système nerveux central soient formellement démontrés dans l’état actuel des connaissances. Les solvants ont été mis en cause (Till et al., 2001, 2005 ; Laslo-Baker et al., 2004). Il y a des résultats contradictoires pour les pesticides. Certains ont été directement 184

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incriminés, comme des organochlorés (Young et al., 2005 ; Colborn, 2006 ; Engel et al., 2007 ; Bjorling-Poulsen et al., 2008 ; Jurewicz et Hanke, 2008 ; Korrick et Sagiv, 2008 ; Eskenazi et al., 2008 ; Rosas et Eskenazi, 2008). Remarques Certains auteurs suggèrent que l’exposition prénatale à certains produits chimiques, dont le plomb et le perchloroéthylène, pourrait augmenter le risque de troubles psychiatriques graves de l’enfant et de l’adulte (Opler et al., 2004 ; Perrin et al., 2007).

3.2.3. Comment évaluer le risque d’atteinte du développement neurologique Les études épidémiologiques sont essentielles, la preuve ultime d’un effet chez l’homme devant malheureusement reposer sur des données humaines (constat d’effets préexistants). En plus des difficultés méthodologiques auxquelles sont souvent confrontées les études épidémiologiques menées dans un contexte professionnel (échantillonnage, mesures quantitatives des expositions, date de l’exposition), les recherches comportementales peuvent être gênées par l’absence de techniques d’examen précises et/ou homogènes des déficits neurocomportementaux, et par l’influence possible de cofacteurs pré- et postnatals, comme l’alimentation maternelle et l’environnement familial économique et socioculturel (Choi et al., 2008). Ces effets peuvent être difficiles à déceler et ne se révéler que tardivement, par exemple lors du développement psychomoteur de l’enfant. On comprend la difficulté qu’il peut y avoir à établir un lien de causalité entre des effets délétères parfois modestes et une exposition à une substance chimique survenue longtemps avant, pendant une période à risque (ex. : retard scolaire et exposition anténatale à un poste de travail). Les études peuvent utiliser des indicateurs différents (tests neurologiques, neurophysiologiques, neuropsychologiques, comportementaux), ce qui complique les comparaisons/interprétations, mais augmente les chances de détecter la toxicité du produit (Dietrich et al., 2005 ; Jacobson et Jacobson, 2005). Les substances peuvent n’affecter que certaines structures de façon subtile, et donc certaines tâches très spécifiques. Malgré leurs limites, les données obtenues chez les animaux sont une aide indispensable et ce sont souvent les sources principales d’informations. L’EPA dispose d’une directive de test normalisée depuis 1991. Plus récemment, l’OCDE a validé une ligne directrice pour les essais de produits chimiques portant sur la neurotoxicité développementale (426, 2006) (SGOMSEC, 1996 ; Makris et al., 2009). 185

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Les descendants d’animaux traités sont examinés pendant le développement postnatal et l’âge adulte. L’évaluation repose sur des observations visant à détecter un spectre assez large d’anomalies neurologiques et comportementales (ex. : fonction motrice, apprentissage/mémorisation, fonctions sensorielles), l’évaluation du poids du cerveau et la neuropathologie. Des investigations neurocomportementales peuvent également être menées en plus du minimum requis dans les études sur deux générations. Ces essais ont fait l’objet de plusieurs années de mises au point, portant en particulier sur le choix (fiabilité, sensitivité, prédictivité) et l’harmonisation des tests, l’identification et l’interprétation des effets neurotoxiques, et l’analyse statistique (Tyl et al., 2008 ; Makris et al., 2009). Actuellement, le règlement européen REACH n’exige pas d’étude de neurotoxicité pour le développement dans l’évaluation des substances chimiques, quel que soit le tonnage (Hass, 2006). Néanmoins, il est recommandé de tenir compte du poids de l’évidence. Par exemple, elles doivent être considérées si la substance est neurotoxique chez l’adulte ou si elle est suspectée d’interférer avec les phénomènes de neurotransmission ou les systèmes neuroendocriniens (ex. : thyroïde) au niveau du système nerveux central. Des recherches sur des méthodes alternatives sont en cours, comme la mise au point de méthodes in vitro et le développement de bases de données dédiées aux effets neurotoxiques avec pour objectif de mieux appréhender les relations structure activité (BalPrice et al., 2009).

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3.4.3. Données humaines l Études chez l’homme Des phtalates ont été détectés dans le liquide séminal de volontaires issus de la population générale en Inde et en Corée du Sud (Pant et al., 2008 ; Han et al., 2009). Les études concernant les effets des phtalates sur l’appareil reproducteur d’hommes adultes donnent des résultats contradictoires. Quelques-unes, provenant principalement du même laboratoire, ont associé la présence de métabolites de certains phtalates dans les urines à des altérations de la qualité du sperme (MBP – monobutylphtalate , MBzP), des lésions d’ADN spermatique (phtalate de monoéthyle) et des modifications équivoques d’hormones sexuelles (inhibine B avec le MBP et FSH avec le MBzP, marqueurs de la spermatogenèse) (Hauser et Calafat, 2005 ; Matsumoto et al., 2008 ; Wirth et al., 2008 ; Herr et al., 2009 ; Meeker et al., 2009). 198

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■ Expositions professionnelles Une étude récente a porté sur l’équilibre hormonal de 74 hommes exposés à des niveaux élevés de DEHP et de DBP dans une usine chinoise de fabrication de revêtement de sol en PVC (Pan et al., 2006). Les concentrations urinaires de leurs métabolites étaient 5-100 fois supérieures à celles de salariés non exposés (prélèvements spots), avec une moyenne de 644 μg/g de créatinine pour le MBP et 566 μg/g de créatinine pour le MEHP [phtalate de mono(2-éthylhexyle)]. Une association a été établie entre une légère diminution de la concentration sérique en testostérone et l’exposition combinée au DEHP et au DBP. La quantité de DEHP absorbée par les sujets exposés a été estimée à environ 48,2 μg/kg/jour (0,5 μg/kg/jour pour les témoins non exposés). Une étude rétrospective suédoise a porté sur des salariés exposés à une concentration moyenne ≤ 0,5 mg/m3 de DEHP (< 0,1-2,1 mg/m3), dans trois usines produisant ou utilisant du DEHP (Modigh et al., 2002). Aucun allongement du délai à concevoir n’a été observé (193 hommes et 326 grossesses éligibles pour l’étude). Dans une étude cas-témoins conduite en 1989-1992, Hardell et al. ont noté une augmentation du risque de cancer du testicule chez des salariés suédois exposés à des PVC plastiques (Hardell et al., 1997). Cette augmentation n’a pas été retrouvée dans une étude ultérieure réalisée par les mêmes auteurs, ni dans d’autres études menées dans l’industrie du PVC en Scandinavie (Hansen, 1999 ; Langard et al., 2000 ; Hardell et al., 2004 ; Westberg et al., 2005). La présence de phtalates était présumée, aucun n’a été mesuré directement.

l Études chez la femme Elles sont peu nombreuses et ne sont pas très concluantes. Une association entre des taux sanguins élevés de phtalates et un développement mammaire précoce a été envisagée à la suite d’observations chez des jeunes filles portoricaines, mais la qualité de l’étude a été discutée (Colon et al., 2000 ; McKee, 2004 ; ECB, 2008). Une autre étude a établi un lien entre les taux sanguins en DEHP et MEHP, et une gynécomastie chez des adolescentes présentant un bilan hormonal normal (Durmaz et al., 2010). Cobellis et al. (2003) ont observé une relation possible entre l’endométriose et les taux sanguins de DEHP, mais pas de MEHP. D’autres phtalates (DBP, BBP, DnOP et DEHP) ont également été mis en cause dans une autre étude cas-témoins menée en Inde (Reddy et al., 2006). Toutefois cette association n’a pas été retrouvée dans une étude récente (Itoh et al., 2009). Latini et al. (2003) ont recherché le DEHP et le MEHP dans le sang du cordon ombilical de 84 nouveau-nés ; ils ont trouvé un lien possible entre une durée de gestation légèrement plus courte et la présence de MEHP. Toutefois, les concentrations sanguines mesurées étaient étonnamment élevées (Kavlock et al., 2006). L’hypo199

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thèse d’une modification de la durée de la grossesse par les phtalates a été évoquée dans d’autres études, sans qu’il soit possible de conclure avec certitude (Adibi et al., 2009 ; Meeker et al., 2009b ; Huang et al., 2009 ; Whyatt et al., 2009).

l Toxicité du développement. Appareil reproducteur Les principaux phtalates ont été détectés dans le liquide amniotique, le sang du cordon ombilical et de nouveau-nés, et dans le lait maternel. Deux études épidémiologiques suggèrent que certains phtalates pourraient avoir des effets adverses sur le développement de l’appareil reproducteur des enfants de sexe masculin. Swan et al. (2005) ont examiné le développement génital de 134 garçons âgés de 2 à 36 mois. Les concentrations des métabolites de plusieurs phtalates ont été mesurées dans les urines de 85 mères. Les niveaux d’exposition maternels étaient du même ordre que ceux retrouvés chez d’autres femmes américaines de la population générale (ex. : médiane des concentrations égale à 20,6 μg/g de créatinine pour le MBP, avec une dose journalière absorbée estimée à 0,99 μg DBP/kg) (Marsee et al., 2006). Aucune malformation génitale franche n’a été observée, mais les phtalates de diéthyle, de di-n-butyle, de diisobutyle et de butylbenzyle ont été associés à une diminution de la distance anogénitale (DAG), qui est un marqueur de masculinisation/androgénisation très utilisé chez le rongeur. Toutefois, il n’existe que très peu d’informations sur ce paramètre chez l’homme. Aucun lien statistiquement significatif n’a été établi en ce qui concerne le DEHP. Les résultats de cette étude ont été largement discutés du fait de nombreuses limites méthodologiques (ex. : un seul prélèvement urinaire pendant le 3e trimestre de grossesse, exploitation statistique approximative des données) (Kavlock et al., 2006). D’autres études sont nécessaires pour établir les valeurs de DAG dans des populations « normales » plus importantes, en utilisant un protocole de mesure standardisé. De plus, il reste à déterminer les implications cliniques, à long terme chez l’homme adulte, des modifications de DAG relevées peu après la naissance. Néanmoins, Swan (2008) a réactualisé ces premiers résultats. Par rapport à la première étude, elle a trouvé une association entre une diminution de la distance anogénitale et la concentration de DEHP et trois de ses métabolites, mais plus aucun lien entre la distance anogénitale et le phtalate de butylbenzyle. Des relations ont également été établies entre le MEHP et la largeur du pénis (mais pas la longueur), ainsi qu’une probabilité plus importante de descente incomplète des testicules. Dans une étude prospective menée entre 1997 et 2001, Main et al. (2006) ont examiné les relations entre les hormones sexuelles d’une cohorte de 130 garçons danois 200

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et finlandais âgés de 1 à 3 mois et les concentrations en phtalates dans le lait de leur mère. Aucun lien entre les phtalates et la présence de cryptorchidie n’a été établi. Les monoesters des phtalates de diméthyle, de diéthyle, de dibutyle et de diisononyle ont néanmoins été associés à de légères modifications de certaines hormones sexuelles. Il s’agissait essentiellement d’une augmentation de la SHBG sérique (sex hormonebinding globulin, protéine de liaison des hormones sexuelles) qui était considérée comme un indicateur indirect d’androgénisation et/ou du ratio LH/testostérone sérique qui est lié au fonctionnement de la cellule de Leydig. Il y avait également une diminution de la concentration de testostérone libre sérique avec le monobutyl phtalate. Toutefois, un risque de contamination lors du prélèvement du lait n’a pu être exclu (Kavlock et al., 2006). Les concentrations en phtalates très inférieures qui ont été mesurées en Suède en 2001 vont dans ce sens (ex. : pour le MBP : 0,6-10 900 μg/L au Danemark, n = 65 ; 2,4-123 μg/L en Finlande, n = 65 ; 0,54-5,7 μg/L en Suède, n = 42) (Högberg et al., 2008). Dans une étude à long terme, aucun effet adverse sur la croissance et les hormones sexuelles n’a été détecté chez des adolescents (13 garçons et 6 filles) exposés au DEHP via des systèmes de transfusion sanguine (OCME : Oxygénation extracorporelle par oxygénateur à membrane) à la naissance (Rais-Bahrami et al., 2004). Aucune information sur les niveaux réels d’exposition n’est toutefois disponible. Vrijheid et al. (2003) ont utilisé une matrice emploi-exposition portant sur 3 471 cas d’hypospadias enregistrés entre 1980 et 1996 en Grande-Bretagne. Globalement, aucun lien n’a été établi entre la survenue d’hypospadias et l’exposition professionnelle des mères aux phtalates. Toutefois, une tendance a été détectée pour la période 1992-1996 avant ajustement sur le niveau social ; les coiffeuses formaient la majorité des salariées exposées aux phtalates. Les auteurs concluent avec prudence en soulignant que cette association était limitée dans le temps et n’était pas significative après ajustement sur le niveau social. Les coiffeuses étaient également exposées à des solvants et des colorants. Les effets du MEHP ont été évalués in vitro en utilisant des cultures de testicules de fœtus humains de 7 à 12 semaines (Lambrot et al., 2009). Le MEHP (10–4 M) a entraîné une diminution du nombre de cellules germinales par apoptose, sans affecter leur prolifération. Cet effet n’était pas lié à une diminution de la production de testostérone par les cellules de Leydig. À la concentration de 10–6 M, le MEHP était inactif. En ce qui concerne les enfants de sexe féminin, une étude a établi une relation entre les concentrations en MBP dans le liquide amniotique (85,2 ng/mL) et une diminution de la distance anogénitale (ajustée par le poids corporel) chez des filles nouveau-nées (Huang et al., 2009). Aucune modification de la DAG n’a été observée chez les garçons en lien avec une exposition prénatale aux principaux phtalates.

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■ Syndrome de dysgénésie testiculaire Ces dernières années, plusieurs études ont fait état d’une augmentation de divers problèmes concernant la reproduction masculine, notamment le cancer des testicules, la diminution de la qualité du sperme et des excès de risque de plusieurs malformations de l’appareil génital comme les cryptorchidies et les hypospadias. Bien que leur augmentation fasse l’objet de controverses, des scientifiques estiment que ces perturbations sont liées entre elles. L’hypothèse a été émise qu’elles seraient les manifestations d’un « syndrome de dysgénésie testiculaire », et qu’elles auraient pour origine un défaut du développement du testicule pendant la vie intra-utérine. Même si des facteurs génétiques sont souvent incriminés, les expositions prénatales à des polluants chimiques sont de en plus en plus suspectées, en particulier ceux ayant une activité œstrogénique ou anti-androgénique (Shakkebaek et al., 2001). À l’exception des cancers des cellules germinales, l’exposition in utero de rats à de fortes doses de DBP, DEHP ou BBP conduit à un spectre d’altérations correspondant aux anomalies du syndrome de dysgénésie testiculaire. Bien que les doses provoquant des effets toxiques irréversibles chez le rat soient très supérieures aux niveaux d’exposition rapportés chez l’homme, cette similarité soulève la question d’une éventuelle implication de certains phtalates dans ce syndrome. Cependant, il y a très peu d’éléments à ce jour pour indiquer que l’exposition à des phtalates pendant la gestation pourrait induire des altérations chez les descendants mâles, analogues à celles décrites chez le rat (i.e. DAG à la naissance, culture de testicules fœtaux humains) (Sharpe, 2008). Ils ne permettent pas d’affirmer avec certitude que les phtalates pourraient affecter le processus de masculinisation du fœtus humain (i.e. DAG à la naissance) et éventuellement conduire aux pathologies du syndrome de dysgénésie testiculaire.

3.4.4. Réglementation européenne En ce qui concerne l’hygiène et la sécurité du travail (Tableau 4.7), la mise en évidence de leurs propriétés reprotoxiques chez l’animal a conduit au classement et à l’étiquetage de plusieurs phtalates. Quelques pays ont adopté des valeurs limites d’exposition professionnelle. L’Union européenne réglemente la mise sur le marché et l’emploi de certains phtalates en cosmétologie (DEHP) et en puériculture. Le DEHP, le DBP, et le BBP sont interdits dans tous les jouets et articles de puériculture. Dans le cas du DnOP, du DINP, et du DIDP, la législation porte sur les jouets et articles de puériculture qui pourraient être portés à la bouche des enfants de moins de trois ans. En France, un arrêté récent (06/2008) fixe des restrictions pour l’utilisation de quelques phtalates (ex. : DEHP, BBP, DBP) dans des matériaux et objets en matière plastique mis ou destinés à être 202

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mis au contact des denrées, produits et boissons alimentaires, et spécifie des limites de migration dans les denrées alimentaires (ex. : phtalate de diallyle). Le Comité scientifique pour la toxicité, l’écotoxicité et l’environnement a fixé des doses journalières acceptables (TDI) de 0,1 mg/kg/jour pour le DBP, de 0,037 mg/kg/jour pour le DEHP, de 0,37 mg/kg/jour pour le DnOP, et de 0,15 mg/kg/jour pour le DINP (1998). Les doses de référence (RfD) de l’EPA américaine sont respectivement de 0,1 et 0,02 mg/kg/jour pour le DBP et le DEHP. En 2005, le Scientific Panel on Food additives de l’EFSA (European Food Safety Authority) a fixé une TDI de 0,01 mg/kg/jour pour le DBP. Le DEHP, le DBP, le BBP (1re liste, 2008) et le DIBP (2e liste, janvier 2010) ont été identifiés comme des substances extrêmement préoccupantes par l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) et ont été inscrites dans les liste des substances candidates à la procédure d’autorisation du règlement REACH. Tableau 4.7. Dispositions réglementaires et recommandations. Substances

Valeurs limites d’exposition (1)

Classification (2)

DIBP

5 mg/m3 (Royaume-Uni)

T; Repr. Cat 2 ; R61 Repr. Cat. 3 ; R62 31e ATP (2008)

DBP

5 mg/m3 (USA ; France)

T; Repr. Cat 2 ; R61 Repr. Cat. 3; R62 28e ATP (2001)

BBP

DINP

T; Repr. Cat 2 ; R61 Repr. Cat. 3 ; R62 29e ATP (2004) 5 mg/m3 (Royaume-Uni) 3

(4)

DIDP

5 mg/m (Royaume-Uni)

(4)

DEHP

5 mg/m3 (USA ; France) 10 mg/m3 (Allemagne) 10 mg/m3 (USA-STEL(3))

T; Repr. Cat 2 ; R60-61 28e ATP (2001)

(1)

VME : Valeurs limites de moyenne d’exposition (France). Elles correspondent aux TLV-TWA (threshold limit value-time weighted average) de l’ACGIH (American Conference of Governmental Industrial Hygienists, États-Unis) et aux valeurs MAK (Maximale Arbeitsplatzkonzentrationen) (Allemagne). Elles représentent les valeurs moyennes pondérées sur 8 heures par jour et 40 heures par semaine. (2) Classement figurant à l’Annexe I de la directive européenne 67548/CEE et dans les Adaptations au Progrès Technique (ATP) de cette directive. (3) STEL : (short-term exposure limit) ou valeurs limites d’exposition de courte durée de l’ACGIH. Elles représentent les concentrations moyennes pondérées sur 15 minutes qui ne doivent être dépassées à aucun moment de la journée. (4) Sur la base des données physicochimiques, toxicologiques et écotoxicologiques disponibles en 2001, ce phtalate n’a pas été classé au niveau communautaire.

203

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3.5. Perturbateurs endocriniens (L. Multigner) La coordination des diverses activités des cellules qui constituent l’organisme dépend de leur capacité à communiquer entre elles. Cette communication est assurée par des messagers chimiques. Les hormones sont l’un de ces messagers, sécrétées par des glandes dites endocrines, véhiculées par le sang, et agissant à distance en réponse à un signal. L’action d’une hormone suite à un signal ne pouvant perdurer indéfiniment, des systèmes de rétrocontrôle permettent de moduler leur action dans le temps. C’est ainsi qu’est assurée l’homéostasie de nombreuses fonctions physiologiques. Certaines étapes de la vie subissent l’action des hormones de manière plus importante ou critique que d’autres. C’est le cas particulier du développement intra-utérin et postnatal. Au cours de cette période, où les événements s’enchainent dans une chronologie précise, toute modification intervenant dans la qualité de l’émission ou de la réception d’un signal hormonal peut entraîner des conséquences néfastes. On comprend alors, au moins intuitivement, que ce qu’on appelle des perturbateurs hormonaux ou endocriniens puissent aboutir à des dérèglements parfois irréversibles.

3.5.1. Perturbateurs endocriniens L’existence de substances chimiques exogènes à l’organisme ayant des propriétés hormonales est connue depuis 1938, date où les propriétés œstrogéniques du bisphénol A ont été mises en évidence. À partir des années 50, de nombreux travaux expérimentaux 207

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chez des vertébrés ont montré la capacité qu’ont diverses substances chimiques à altérer des fonctions physiologiques très dépendantes d’une régulation hormonale, en particulier la fonction de reproduction. Ces travaux ont conduit à attribuer à ces substances des propriétés hormonales, confirmées par la suite par des études in vitro telles que leur capacité à se fixer aux récepteurs hormonaux. Parallèlement, des observations réalisées auprès de la faune sauvage, telles que l’amincissement de la coquille des œufs d’oiseaux sauvages, ou la masculinisation des femelles de gastéropodes marins, ont été attribuées aux propriétés hormonales de substances polluant les écosystèmes. Les substances chimiques alors pointées du doigt appartenaient à des composés de synthèse, principalement organochlorés ou organoétains. Cependant, de nouvelles observations, cette fois-ci dans la faune domestique, ont mis en exergue des composés naturels présents dans l’alimentation du bétail, possédant des propriétés hormonales (phyto-œstrogènes) et entraînant des troubles de la fertilité. Finalement, c’est chez l’Homme qu’on a pu constater les effets néfastes suite à l’administration pendant la grossesse, à des doses pharmacologiques, d’un œstrogène de synthèse (distilbène) : anomalies morphologiques de l’utérus ou adénocarcinomes à cellules claires du vagin chez les filles des mères traitées. Ce n’est qu’en 1991 qu’apparaît le concept de perturbateur endocrinien. On émet alors l’hypothèse comme quoi l’exposition à des substances chimiques pourvues de propriétés hormonales, y compris à faibles doses, pendant les périodes critiques du développement pourrait entraîner des conséquences à court terme, visibles à la fin de la grossesse, et à long terme pendant la vie adulte. Cette hypothèse, qui rejoint celle des origines fœtales de diverses pathologies se développant à l’âge adulte, se construit à partir des observations précédemment citées et des nouvelles études suggérant l’existence d’une dégradation séculaire de la fonction de reproduction chez l’espèce humaine (en particulier la diminution du nombre de spermatozoïdes). Le succès de l’appellation perturbateur endocrinien a été immédiat, aussi bien pour la communauté scientifique que pour le grand public. Pourtant sous sa simplicité apparente se cache un concept flou. Déjà le terme lui-même, traduction de l’anglais endocrine disruptor, est décliné également sous des formes multiples : imposteurs hormonaux, xénohormones, hormones environnementales, toxiques hormonaux et bien d’autres. Historiquement, il faisait référence à des substances pourvues d’une activité œstrogénique, puis progressivement il s’est étendu à celles ayant d’autres activités en rapport avec les autres hormones stéroïdiennes (androgènes, progestagènes), et finalement à tout type d’hormones, thyroïdiennes, surrénaliennes, etc. À ce jour, il n’existe pas de définition unanimement admise. L’une des plus usitées considère les perturbateurs endocriniens comme des substances exogènes à l’organisme qui interfèrent avec la production, la sécrétion, le transport, le métabolisme, la liaison, l’action ou l’élimination 208

Risques chimiques 4

des hormones naturelles. Cette définition ne relie pas les perturbateurs endocriniens à un effet. D’autres définitions précisent qu’il s’agit de substances qui entraînent, ou peuvent entraîner, des effets délétères sur un organisme vivant ou sa descendance résultant de changements dans la fonction endocrine. Mais aucune précision n’est apportée sur la nature précise des effets. On voit bien alors que le cadre conceptuel où se situent les perturbateurs endocriniens est vaste. Quelles idées fortes doit-on retirer ? – Les perturbateurs endocriniens font avant tout référence à un mécanisme d’action et non pas à une cible toxique, comme c’est le cas, par exemple, pour les agents cancérogènes ou reprotoxiques pour lesquels les pathologies tumorales ou les troubles de la reproduction constituent les effets attendus. – L’action des hormones étant pléiotrophique, les effets attendus pour les perturbateurs endocriniens peuvent être tout aussi étendus. – Il n’existe pas de liste unanimement reconnue de perturbateurs endocriniens, les critères les définissant n’étant pas standardisés. – Le fait qu’une substance soit décrite comme un perturbateur endocrinien ne préjuge pas qu’elle soit ni à l’origine de conséquences néfastes, ni que l’effet éventuellement observé suite à une exposition soit la conséquence de ses propriétés hormonales.

3.5.2. Fenêtres d’exposition et fenêtres d’effets Le développement intra-utérin est considéré, à juste titre, comme l’une des étapes de la vie particulièrement sensible aux expositions à des perturbateurs endocriniens. En dépit de leurs courtes durées, les fenêtres d’exposition ainsi que celles des effets potentiels peuvent largement déborder la période de la grossesse proprement dite. La période préconceptionnelle représente une première fenêtre d’exposition maternelle, en particulier pour les substances chimiques ayant des demi-vies prolongées. C’est le cas pour les polluants dits persistants tels que les dioxines, PCB et pesticides organochlorés. L’exposition à ces substances, en grande partie bannies, se produit tout le long de la vie via l’alimentation. Leur accumulation dans l’organisme, préférentiellement dans les compartiments graisseux, est à l’origine d’un stock susceptible de se remobiliser au cours de la grossesse. Elles peuvent alors présenter un potentiel délétère tant pour la mère que pour l’embryon ou le fœtus moyennant leur action sur l’unité fœtoplacentaire ou sur le développement fœtal. Au cours de la période préconceptionnelle, il est également important de tenir compte de l’exposition paternelle, celle-ci pouvant avoir des 209

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effets sur la qualité spermatique et in fine sur la qualité du produit de conception, mais également se traduire par la présence de substances chimiques dans le plasma séminal. La période postconceptionnelle, correspondant à la grossesse elle-même, constitue la fenêtre d’exposition externe des substances ayant une demi-vie réduite, tout comme la fenêtre d’exposition interne à des substances à demi-vie prolongée, déjà présentes dans l’organisme maternel et libérées au cours de la grossesse. Schématiquement, on peut distinguer trois périodes postconceptionnelles correspondantes à l’implantation, l’embryogenèse puis le développement fœtal. La première période va de la fusion des gamètes jusqu’à l’invasion trophoblastique et l’établissement d’une circulation utéroprimitive placentaire (aux alentours du 13e jour). La deuxième période, qui s’étale de la 3e à la 8e semaine, se caractérise par le développement rapide des systèmes d’organes (organogenèse). Finalement la troisième période (période fœtale) est celle où les organes croissent et se différencient. Les effets des expositions à des perturbateurs endocriniens au cours des périodes pré- ou postconceptionnelles peuvent se manifester dès le début de la grossesse jusqu’au terme de celle-ci, tout comme au cours de la période postnatale où le développement du système nerveux se poursuit. À ces périodes relativement classiques, et sur la base d’hypothèses plus récentes, s’ajoutent maintenant de nouvelles tout le long de la vie, en particulier celles qui sont rythmées par des changements profonds de l’homéostasie hormonale telles que la puberté, la ménopause ou le climatère masculin.

3.5.3. Nature des effets D’une manière générale, on ne dispose pas aujourd’hui de certitudes, au sens d’une relation de cause à effet, concernant les effets néfastes des perturbateurs endocriniens sur la grossesse et le développement embryonnaire et fœtal. Parmi les quelques certitudes figure le cas de l’exposition maternelle au distilbène, un œstrogène de synthèse administré en début de grossesse pour lutter, naïvement, contre les fausses couches. Cette exposition a été à l’origine d’adénocarcinomes du vagin et d’anomalies morphologiques graves de l’utérus chez les filles. Ces dernières, entraînant une infertilité, ne se sont manifestées cliniquement que lorsque les filles ont voulu concevoir. L’épisode du distilbène a été éclairant à plusieurs aspects. D’une part la barrière placentaire n’est pas infranchissable à des xénobiotiques, d’autre part les effets peuvent se manifester à un âge avancé de la vie chez la descendance. Cependant, l’une des particularités du distilbène est qu’il a été administré à des doses pharmacologiques (plusieurs grammes au cours de la grossesse), ce qui contraste avec les niveaux d’expositions, plutôt faibles, de la plupart des perturbateurs endocriniens présents dans notre environnement. 210

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Comme évoqué plus haut, les effets des hormones sont multiples et il y a lieu de penser que pour les substances chimiques pourvues d’activités hormonales la situation soit similaire. Nous évoquerons ci-dessous quelques exemples parmi eux. L’hypothèse initiale, à partir de laquelle le terme de perturbation endocrinienne fut conceptualisé en 1993, est partie d’observations rétrospectives décrivant des modifications séculaires de la fonction de reproduction masculine (diminution du nombre de spermatozoïdes, augmentation de l’incidence du cancer des testicules et de certaines anomalies congénitales de l’appareil reproducteur). Selon leurs auteurs, ces modifications pourraient être la conséquence d’expositions au cours de la grossesse à des substances chimiques pourvues d’activités hormonales stéroïdiennes (œstrogéniques ou anti-androgéniques). Depuis, de nombreux travaux expérimentaux, in vitro et in vivo, ont montré que le processus de différenciation des gonades pouvait être profondément modifié en contact avec des faibles doses de certaines substances chimiques pourvues d’activité hormonale et répandues dans l’environnement. Cela expliquerait les atteintes du développement des organes sexuels, de la spermatogenèse à l’âge adulte et la survenue des tumeurs testiculaires. Néanmoins, en dépit de la plausibilité biologique apportée par ces travaux, on manque de preuves épidémiologiques soutenant la réalité de ces effets suite à des expositions chez la femme enceinte. C’est dû, en partie, à la myriade de substances susceptibles d’entraîner de tels effets, aux difficultés objectives d’évaluer leurs niveaux d’exposition, ainsi qu’au caractère, généralement rétrospectif, des études épidémiologiques menées à ce jour. L’exposition aux polychlorobyphényles (PCB) illustre les effets sur le développement neurologique. Ces polluants persistants et ubiquitaires présentent une toxicité variable selon leurs poids moléculaires et leurs structures. Certains sont susceptibles d’interférer avec les hormones stéroïdiennes et thyroïdiennes. Des études épidémiologiques prospectives, cohortes mère-enfant, ont mis en évidence un lien entre l’exposition maternelle aux PCB et la survenue d’effets neurocomportementaux chez les nourrissons. Ces effets sont subtils et on ignore s’ils auront un retentissement ultérieur dans la vie. Par ailleurs, il n’est pas prouvé que ces effets soient effectivement la conséquence des propriétés hormonales des PCB. Récemment, outre les aspects relatifs à la fonction de reproduction et au neurodéveloppement, des interrogations se sont portées sur des effets touchant le métabolisme. Quelques études ont suggéré que l’exposition maternelle à des perturbateurs endocriniens – sans autre précision – pourrait favoriser le développement de troubles métaboliques tels que l’obésité. Cette hypothèse est soutenue par le fait que les processus physiopathologiques qui conduisent à l’obésité sont intimement liés à des régulations hormonales, elles-mêmes susceptibles d’êtres modifiées par des interactions ayant eu lieu au cours du développement intra-utérin. Bien que cela reste à être démontré, il 211

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n’en reste pas moins que la problématique concernant les perturbateurs endocriniens soulève chaque jour de nouvelles interrogations.

3.5.4. Quelles précautions prendre ? Le domaine des perturbateurs endocriniens reste à ce jour un domaine de recherche. Les certitudes sur leurs effets sanitaires sont réduites. Néanmoins, ils font l’objet d’une importante médiatisation et suscitent des craintes importantes auprès du public. Il faut savoir raison garder sans être impressionné par des déclarations, ici et là, faisant allusion à des scénarios catastrophes. Toutefois, tenant compte de la très grande sensibilité du développement embryonnaire et fœtal – voir postnatal – à de nombreux xénobiotiques, il convient de prendre un certain nombre de mesures. Au cours de la grossesse, et en particulier au cours du premier trimestre, il apparaît nécessaire de réduire au maximum les expositions évitables. Cela concerne en premier lieu celles qui se produisent dans des circonstances professionnelles où l’exposition est censée être plus élevée. Des recommandations et réglementations ont été faites afin d’adapter ou changer les postes de travail chez les femmes enceintes en cas d’exposition à des substances de type CMR. En dehors du contexte professionnel, de nombreuses substances suspectées d’être des perturbateurs endocriniens n’ont pas fait l’objet d’évaluations de risque adaptées. De ce fait, elles sont peu, ou pas réglementées, pour leurs usages dans des préparations à usage courant tels que les produits cosmétiques ou dermatologiques ainsi que dans des produits d’entretien.

Bibliographie Multigner L. Reprotoxiques - Perturbateurs endocriniens. Environ, Risques Santé. 2007 ; 6 (6) : 461-62. Multigner L, Kadhel P. Perturbateurs endocriniens, concepts et realité. Arch Mal Prof Environ. 2008 ; 69 (5-6) : 710-17. Pilière F. Perturbateurs endocriniens et risques professionnels. Encyclopédie médico-chirurgicale. Toxicologie, pathologie professionnelle 16-537-A-10. Paris : Editions scientifiques et médicales Elsevier ; 2005 : 8 p.

3.6. Atteintes du développement du système immunitaire (A.M. Saillenfait) La vulnérabilité du système immunitaire commence assez tôt au cours de la vie intrautérine. Chez l’homme, les cellules souches hématopoïétiques sont présentes dans le 212

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sac vitellin 21 jours après la conception. La production des lymphocytes T par le thymus commence aux alentours de la 9e semaine de vie intra-utérine. La maturation des lymphocytes B, qui s’effectue dans le foie puis dans la moelle osseuse, est également précoce. Dans la moelle, la lymphopoïèse débute vers la 12e semaine. La maturation du système immunitaire spécifique se poursuit pendant la gestation et les premiers mois de la vie postnatale, elle n’est complète que vers la puberté (ex. : équilibre des réponses Th1/Th2, instauration de la mémoire immunitaire) (Dietert et al., 2000, 2008 ; Holsapple et al., 2003). Des recherches chez le rongeur ont clairement établi que les expositions in utero à certains produits chimiques peuvent entraîner un défaut du développement de la réponse immunitaire et causer des altérations persistantes. Les manifestations de la toxicité varient beaucoup en fonction du stade de développement au moment de l’exposition. Jusqu’à présent, les altérations ont généralement été observées à des doses plus faibles que celle de la toxicité de l’adulte. Les préoccupations ont surtout porté sur des produits connus pour être immunotoxiques chez l’adulte, mais il est possible que certains produits agissent plus spécifiquement sur le système immunitaire en développement (ex. : diazépam). Les agents essentiellement mis en cause sont la 2,3,7,8-tétrachlorodibenzop-dioxine (TCDD), des biphényles polychlorés (PCB), des pesticides (ex. : chlordane), des métaux lourds (ex. : plomb) (Holladay et Smialowicz, 2000 ; Dietert et al., 2004 ; Luebke et al., 2006 ; Weselak et al., 2007 ; Park et al., 2008). Les études épidémiologiques sont rares et fournissent des preuves limitées de l’immunotoxicité de quelques agents (Hertz-Picciotto et al., 2008). Néanmoins, l’exposition prénatale aux PCB a été associée à une diminution de la taille du thymus chez des nouveau-nés (Park et al., 2008), et à une augmentation des affections ORL et respiratoires chez de jeunes enfants (Dallaire et al., 2006). Une étude danoise a établi une relation entre une exposition pré- et postnatale à des PCB et des dioxines, et des anomalies de la formule lymphocytaire (Weisglas-Kuperus et al., 1995, 2000, 2004). Des enfants nés de mères exposées accidentellement à des organochlorés (PCB, polychlorodibenzofuranes) ont eu d’avantage d’épisodes infectieux (bronchite, pneumonie, otite de l’oreille moyenne) (Rogan et al., 1988 ; Chao et al., 1997). Dewailly et al. (2000) font également état d’un risque accru d’otites moyennes à la suite d’une exposition périnatale à des organochlorés. Un lien a été établi entre risque accru d’affections respiratoires chez des nourrissons et la présence d’hydrocarbures polycycliques aromatiques dans l’air ambiant de leurs mères pendant le 2e trimestre de grossesse (Jedrychowski et al., 2005). Le tabagisme maternel pendant la grossesse a été associé à une augmentation du risque d’asthme (Wang et Pinkerton, 2008).

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l Méthodes d’évaluation chez l’animal (Barrow et Ravel, 2005 ; Dietert et Holsapple, 2007 ; Burnes-Naas et al., 2008) Il n’y a pas encore d’exigences réglementaires formelles vis-à-vis de l’évaluation de l’immunotoxicité du développement. Toutefois, la mise au point de systèmes d’essais standards est en cours, en particulier sous l’impulsion relativement récente de l’EPA et de la FDA américaines. Les protocoles d’essais tiennent compte des périodes critiques/ de vulnérabilité du développement du système immunitaire. Ils prévoient des examens jusqu’à l’âge adulte pour évaluer la persistance et/ou la latence des effets à long terme. Il est possible d’intégrer ces évaluations dans les études standards de toxicité pré- et postnatales (ex. : étude sur deux générations). Les tests effectués jusqu’à présent visent principalement à mettre en évidence des propriétés immunosuppressives. Il existe quelques modèles d’hypersensibilité et d’auto-immunité, mais ils ne sont pas toujours appropriés pour une utilisation en routine. Les tests les plus courants sont l’analyse des lymphocytes dans le sang, la rate et le thymus et l’examen histopathologique des organes lymphoïdes (ganglions lymphatiques, rate, thymus). Il serait préférable de conduire également des tests fonctionnels (ex. : réponse humorale après administration de l’antigène KLH ou réponse primaire anti-globules rouges de mouton ; réaction de DTH, delayed-type hypersensitivity). Remarque Ce chapitre porte uniquement sur les expositions pendant la grossesse. Les expositions d’enfants en bas âge à des polluants ne sont pas traitées ici (Salam et al., 2004).

Bibliographie Barrow PC, Ravel G. Immune assessments in developmental and juvenile toxicology: practical considerations for the regulatory safety testing of pharmaceuticals. Regul Toxicol Pharmacol. 2005 ; 43 (1) : 35-44. Burns-Naas LA, Hastings KL, Ladics GS, Makris SL et al. What’s so special about the developing immune system? Int J Toxicol. 2008 ; 27 (2) : 223-54. Chao WY, Hsu CC, Guo YL. Middle-ear disease in children exposed prenatally to polychlorinated biphenyls and polychlorinated dibenzofurans. Arch Environ Health. 1997 ; 52 (4) : 257-62. Dallaire F, Dewailly E, Vézina C, Muckle G et al. Effect of prenatal exposure to polychlorinated biphenyls on incidence of acute respiratory infections in preschool Inuit children. Environ Health Perspect. 2006 ; 114 (8) : 1301-05. 214

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Dewailly E, Ayotte P, Bruneau S, Gingras S et al. Susceptibility to infections and immune status in Inuit infants exposed to organochlorines. Environ Health Perspect. 2000 ; 108 (3) : 205-11. Dietert RR, Dietert JM. Potential for early-life immune insult including developmental immunotoxicity in autism and autism spectrum disorders: focus on critical windows of immune vulnerability. J Toxicol Environ Health Part B Crit Rev. 2008 ; 11 (8) : 660-80. Dietert RR, Etzel RA, Chen D, Halonen M et al. Workshop to identify critical windows of exposure for children’s health: immune and respiratory systems work group summary. Environ Health Perspect. 2000 ; 108 (Suppl 3) : 483-90. Dietert RR, Lee JE, Hussain I, Piepenbrinck M. Developmental immunotoxicology of lead. Toxicol Appl Pharmacol. 2004 ; 198 (2) : 86-94. Dietert RR, Holsapple MP. Methodologies for developmental immunotoxicity (DIT) testing. Methods. 2007 ; 41 (1) : 123-31. Hertz-Picciotto I, Park HY, Dostal M, Kocan A et al. Prenatal exposures to persistent and nonpersistent organic compounds and effects on immune system development. Basic Clin Pharmacol Toxicol. 2008 ; 102 (2) : 146-54. Holladay SD, Smialowicz RJ. Development of the murine and human immune system: differential effects of immunotoxicants depend on time of exposure. Environ Health Perspect. 2000 ; (Suppl 3) : 463-73. Holsapple PM, West LJ, Landreth KS. Species comparison of anatomical and functional immune system development. Birth Defects Res Part B Dev Reprod Toxicol. 2003 ; 68 (4) : 321-34. Jedrychowski W, Galas A, Pac A, Flak E et al. Prenatal ambient air exposure to polycyclic aromatic hydrocarbons and the occurence of respiratory symptoms over the first year of life. Eur J Epidemiol. 2005 ; 20 (9) : 775-82. Luebke RW, Chen DH, Dietert R, Yang Y et al. The comparative immunotoxicity of five selected compounds following developmental or adult exposure. J Toxicol Environ Health Part B Crit Rev. 2006 ; 9 (1) : 1-26. Park HY, Hertz-Picciotto I, Petrik J, Palkovicova L et al. Prenatal PCB exposure and thymus size at birth in neonates in Eastern Slovakia. Environ Health Perspect. 2008 ; 116 (1) : 104-09. Rogan WJ, Gladen BC, Hung KL, Koong SL et al. Congenital poisoning by polychlorinated biphenyls and their contaminants in Taiwan. Science. 1988 ; 241 (4863) : 334-36. Salam MT, Li YF, Langholz B, Gilliland FD. Early-life environmental risk factors for asthma: findings from the Children’s Health Study. Environ Health Perspect. 2004 ; 112 (6) : 76065. Wang L, Pinkerton KE. Detrimental effects of tobacco smoke exposure during development on postnatal lung function and asthma. Birth Defects Res Part C Embryo Today. 2008 ; 84 (1) : 54-60. Weisglas-Kuperus N, Sas TC, Koopman-Esseboom C, Van Der Zwan CW et al. Immunologic effects of background prenatal and postnatal exposure to dioxins and polychlorinated biphenyls in Dutch infants. Pediatr Res. 1995 ; 38 (3) : 404-10. Weisglas-Kuperus N, Patandin S, Berbers GA, Sas TC et al. Immunological effects of background exposure to polychlorinated biphenyls and dioxins in Dutch preschool children. Environ Health Perspect. 2000 ; 108 (12) : 1203-07. 215

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Weisglas-Kuperus N, Vreugdenhil HJ, Mulder PG. Immunological effects of environmental exposure to polychlorinated biphenyls and dioxins in Dutch school children. Toxicol Lett. 2004 ; 149 (1-3) : 281-85. Weselak M, Arbuckle TE, Wigle DT, Krewski D. In utero pesticide exposure and childhood morbidity. Environ Res. 2007 ; 103 (1) : 79-86.

4. Discussion sur l’évaluation des risques au poste de travail (C. Beausoleil, M. Falcy, D. Lafon, A-M. Saillenfait) Dans le cadre de leurs activités professionnelles, les chefs d’entreprise et les préventeurs dont le médecin du travail sont tenus d’évaluer les risques auxquels sont soumis les salariés. Pour les produits chimiques, ils doivent s’interroger sur leur impact potentiel sur la reproduction et notamment si ces produits sont susceptibles d’entraîner un risque pour l’enfant qui sera conçu par ces salariés.

l Des dangers pour le développement Des paragraphes précédents, il ressort que les risques pour l’enfant exposé in utero ou dont les gamètes des parents ont été exposés avant la conception sont divers : – Malformations structurales qui peuvent survenir du fait d’une exposition principalement lors du premier trimestre de la grossesse chez l’être humain. – Mort intra-utérine ou périnatale qui peut être dû à des malformations mais aussi à des défauts génétiques. – Retard de croissance et de développement : le conceptus peut avoir une croissance et un développement soit retardés, soit diminués. Cela peut se traduire par une hypotrophie, une taille réduite, un retard de développement en particulier du système nerveux. Les conséquences à terme sont encore discutées ; la réversibilité de ces effets peut en moduler la gravité. – Troubles du comportement. – Grossesse écourtée, donnant des enfants nés prématurés. Plus discutées, des atteintes systémiques dans la descendance de différents types (cancer, atteintes du système immunitaire…) sont parfois signalées. 216

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l Évaluation des risques L’évaluation des risques suivra les étapes classiques : – Étude des dangers de la substance. – Évaluation des expositions. – Étude de la relation dose-effet. – Caractérisation des risques. ■ Une méthodologie En 2004, la Société française de médecine du travail (SFMT) a publié des recommandations pour la surveillance médicale des salariées enceintes exposées à des substances toxiques pour le développement embryofœtal. Ces recommandations comportent un chapitre sur l’évaluation des risques sur les lieux de travail dont la portée dépasse les seuls médecins du travail. Tout préventeur peut utiliser ces recommandations. La SFMT rappelle que la caractérisation du risque consiste à comparer les résultats de la mesure de l’exposition à la nuisance considérée à une valeur toxicologique sans effet sur le développement (VTD) ou à une valeur-guide dérivée de cette dernière. L’évaluation des expositions implique deux étapes préalables : l’identification des substances et préparations présentes dans l’entreprise et toxiques pour le développement fœtal et le recensement et la caractérisation des tâches exposant à ces nuisances chimiques. Ensuite la mesure de l’exposition pourra être réalisée soit par mesure d’exposition externe, soit par biométrologie. Les résultats seront comparés à une valeur guide vis-à-vis de la reproduction, appelée par la SFMT valeur toxicologique sans effet sur le développement (VTD). C’est la concentration atmosphérique d’un agent chimique, ou la dose journalière ingérée par kg de poids corporel, n’entraînant pas d’effet nocif sur le développement. Cette valeur correspond également à la VTR (Valeur toxicologique de référence) pour la reproduction (si l’effet concerne le développement) éditée par l’AFSSET depuis 2007. Pour la fixer, il est nécessaire de déterminer une dose sans effet chez l’animal (plus rarement chez l’homme) et d’utiliser des facteurs de sécurité pour extrapoler la valeur observée chez l’animal à l’homme. Plusieurs valeurs de ce type existent sans qu’il y ait de consensus à leur propos. Les lecteurs intéressés pourront les retrouver dans le document de l’AFSSET ou la recommandation de la SFMT. Le calcul de ces VTD ou VTR est cependant difficile, consommateur de temps. Dans un but de pragmatisme, la SFMT propose, quand il n’existe pas de VTD ou VTR établie, 217

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de prendre le 1/10e de la valeur limite d’exposition professionnelle et/ou le 1/10e de la valeur limite de l’indicateur biologique d’exposition. La VLEP 8 heures prend en compte théoriquement les risques pour la reproduction. C’est le cas lorsqu’il existe des données publiées. Lorsqu’un produit n’a pas été testé vis-à-vis de ce risque, la VLEP ne peut prendre en compte cet effet. Par ailleurs, la prise en compte de ce type d’effets est relativement récente et il est difficile de savoir, face à une VLEP si, lors de sa fixation, ces effets ont été étudiés. Il est à souligner que dans le cas où la reprotoxicité est d’origine génotoxique, il sera prudent de ne pas considérer un seuil de dose ou de concentration dénué de risque. Dans ce cas de figure, une évaluation des risques adaptée aux composés génotoxiques sans seuil devrait être entreprise. ■ Des difficultés L’évaluation des risques nécessite cependant de posséder des données toxicologiques vis-à-vis du développement, ce qui n’est pas souvent le cas. En pratique, il existe très peu de substances pour lesquelles l’ensemble des tests nécessaires pour étudier toutes les phases de la reproduction et tous les effets ont été réalisés. Les dispositions réglementaires en vigueur jusqu’à la mise en place de REACH ont amélioré cet état des connaissances de manière très partielle. REACH permettra de continuer à améliorer la connaissance des effets des agents chimiques sur la reproduction en élargissant les exigeances des tests en fonction de leur tonnage, à toutes les substances chimiques quelle que soit leur date de mise sur le marché. Le délai nécessaire cependant pour traiter les données concernant les 60 000 substances mises sur le marché dans l’Union européenne est difficile à évaluer à ce jour. Le développement de batteries validées de tests in vitro, de méthodes in silico ou de R(Q)SA pourrait améliorer l’état des connaissances sur ces substances et ainsi accélérer le processus d’acquisition de données. Il faut donc s’attendre à ce que les acteurs de la prévention soient pendant de nombreuses années face à des substances que l’on pourrait très schématiquement classer en 5 catégories :

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+

des substances connues comme toxiques pour le développement ou considérées comme telles ;

+

des substances ne présentant aucun signe d’alerte après un ensemble d’études fiables (études épidémiologiques, études animales…) ;

++

des substances présentant quelques signaux d’alerte sans qu’il soit possible de conclure dans un sens ou dans un autre ;

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+++ des substances ne présentant pas de signal d’alerte mais n’ayant fait l’objet que de tests partiels ; +++ des substances pour lesquelles on ne dispose d’aucune information visant leurs effets sur la reproduction (études épidémiologiques, études animales, méthodes alternatives…). +, ++ et +++ indiquent de manière semi-quantitative le nombre de produits concernés. Actuellement la majorité des substances se situe dans les deux derniers alinéas. Les substances mises sur le marché à fort tonnage devraient être mieux étudiées grâce à REACH, en revanche pour les substances les plus nombreuses sur le marché, celles à faible ou moyen tonnage, il est actuellement trop tôt pour dire si REACH améliorera substantiellement la connaissance de leurs effets. Dans tous les cas, cela demandera un certain nombre d’années. Quant aux actions d’autorisation et d’évaluation initiées par REACH, elles risquent de concerner en priorité les substances du premier alinéa, éventuellement celles du troisième. D’autre part, REACH propose une approche possible par famille. Cette approche scientifique discutée risque d’entraîner un appauvrissement des informations sur les dangers de certains produits. Une approche des priorités centrée sur les expositions (nombre de personnes, niveaux) pourrait apparaître comme plus pertinente que celle basée sur le tonnage de mise sur le marché. Rappelons qu’en plus de l’étiquetage officiel, il existe une obligation d’étiquetage volontaire par le fabricant lorsqu’il a connaissance de certains résultats toxicologiques. La toxicité d’un certain nombre de produits n’est pas évaluée. C’est le cas des produits de dégradation ou de réactions chimiques liés au processus industriel ; les substances n’étant pas commercialisées, fabriquées ou utilisées intentionnellement, elles ne sont pas soumises à essai systématique, ni évaluation des risques. Dans le cas des multi-expositions, l’évaluation des effets (additifs, synergiques ou antagonistes) pourrait être effectuée. Elle est cependant difficile en pratique du fait de la complexité et de la grande variabilité des mélanges. Les toxiques cumulatifs devraient faire l’objet d’une évaluation spécifique des risques. Des tests ad hoc sont à envisager. Enfin l’évaluation des risques des déchets et des produits de retraitement reste un sujet à traiter. Comme il a été souligné au paragraphe 2, plus de 90 % des substances ne possèdent pas de telles données. D’autre part, dans un certain nombre de cas, les données existent mais peuvent être soit de mauvaise qualité, soit incomplètes. 219

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Quelle est la conduite à tenir dans ce cas : considérer le produit sans danger (ce que fait la réglementation) ou appliquer des précautions et lesquelles ? Le seuil d’effet est également nécessaire pour évaluer les risques. Les difficultés pour l’obtenir sont fréquentes. Outre la difficulté de posséder des données suffisantes sur les dangers potentiels des substances et les seuils à risque, deux remarques doivent être apportées dans le cadre de la maîtrise du risque. La première concerne la difficulté pour obtenir des mesures d’exposition (prélèvements atmosphériques ou biométrologie). Encore rarement effectuées, elles manquent fréquemment lors de l’évaluation des risques. De plus, leur réalisation demande des moyens techniques, humains et financiers mais aussi du temps notamment pour qu’elles soient fiables. Il est donc très rare de pouvoir les obtenir lorsque la grossesse est débutée. Leur réalisation et plus généralement l’évaluation des risques pour le développement doivent être réalisées longtemps avant le démarrage d’une grossesse pour être efficaces. La deuxième concerne la phase particulière d’exposition du premier trimestre et plus particulièrement des deux premiers mois. C’est la phase la plus à risque de décès ou de malformations. Or la femme peut ne pas se savoir enceinte ou ne pas avoir déclaré sa grossesse à son employeur. Les obligations de ce dernier, notamment en cas de produits CMR, ne s’appliquent que dès que la grossesse est déclarée. Cette période à risque n’est donc que très partiellement protégée. Ce fait renforce la nécessité d’évaluer les risques et d’agir avant le début d’une grossesse

Bibliographie Conso F, Contassot JC, Falcy M et al. Salariées enceintes exposées à des substances toxiques pour le développement foetal. Surveillance médicale. Recommandations de la Société française de médecine du travail, novembre 2004. Documents pour le médecin du travail, 101 ; 1er trimestre 2005 : 11-23.

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Annexes OCDE 414 : Étude de toxicité pour le développement prénatal But : L’objectif de cette étude est d’évaluer les propriétés toxiques vis-à-vis du développement pré-natal de la substance testée, c’est-à-dire les effets sur la mère, les pertes pré- ou post-implantatoires, la mortalité fœtale, les anomalies structurelles ou les altérations de croissance du fœtus. Animaux d’expérience : Il est demandé au moins deux espèces (rongeurs et non-rongeurs), généralement le rat et le lapin. Il est conseillé d’utiliser un nombre suffisant d’animaux pour pouvoir autopsier environ 20 femelles présentant un point d’implantation. Programmes expérimentaux : La substance testée est administrée aux femelles gravides, pendant la période d’organogenèse : de l’implantation jusqu’à la veille du sacrifice. La mère est sacrifiée environ 1 jour avant la parturition. Les fœtus sont extraits par césarienne pour éviter une sélection naturelle de la mère (élimination des nouveau-nés malformés ou morts nés). En règle générale, on doit disposer d’au moins 3 groupes de traitement et 1 groupe témoin. Sous certaines conditions, un essai limite peut être réalisé. Observations : – pendant l’étude : • signes de toxicité, mortalité ; • poids corporel ; • consommation de nourriture. – examen terminal de la mère : • autopsie ; • évaluation macroscopique de tous les organes ; • examen de l’utérus : poids de l’utérus gravide, nombre de corps jaunes, sites d’implantations, résorptions ; • examen du placenta.

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– examen terminal des fœtus : • nombre de fœtus vivants et morts ; • sexe des fœtus ; • poids des fœtus ; • malformations, anomalies du squelette et des tissus mous. Rapport et données : Les résultats doivent être évalués d’après les effets observés chez les fœtus et les mères et en fonction de l’incidence et de la sévérité des effets, d’une relation dose-réponse, des doses auxquelles on observe des effets et doivent permettre de déterminer une dose sans effet toxique pour le développement et pour les mères.

OCDE 415 : Étude de toxicité de la reproduction sur une génération But : L’objectif de cette étude est d’évaluer les effets d’une substance testée sur les performances de reproduction des mâles et des femelles, telles que la fonction génitale, le cycle œstral, le comportement lors de l’accouplement, la conception, la gestation, la parturition, la lactation et le sevrage. Animaux d’expérience : Au moins une espèce, généralement le rat. Il est conseillé d’utiliser un nombre suffisant d’animaux afin d’obtenir au moins 20 femelles gravides. Programmes expérimentaux : Le traitement doit être appliqué en phase de gamétogenèse, avant l’accouplement : 3 semaines pour le rat femelle et 10 semaines pour le rat mâle. Les animaux sont identifiés et accouplés selon un rapport 1 : 1 (un mâle pour une femelle) ou 1 : 2 (un mâle pour deux femelles). Le traitement se poursuit pendant l’accouplement, puis jusqu’au sevrage des nouveau-nés pour les femelles. Les mâles sont sacrifiés après l’accouplement et les femelles après le sevrage. En règle générale, on doit disposer d’au moins 3 groupes de traitement et 1 groupe témoin. Sous certaines conditions, un essai limite peut être réalisé. Observations : – pendant l’étude : • signes de toxicité, mortalité ; • comportement pendant la gestation ; • poids corporel ; 222

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• consommation de nourriture (avant et pendant l’accouplement, pendant la gestation et la lactation) ; • durée de gestation ; • parturition. – après la naissance : • mortalité à la naissance ; • nombre et sexe des petits ; • poids à la naissance et à J4, puis chaque semaine jusqu’à la fin de l’étude ; • développement physique, malformations ou anomalies ; • fonctions sensorielles et réflexes ; • survie jusqu’à 1 semaine. – examen terminal : • examen macroscopique des adultes et des nouveau-nés ; • examens histologiques des organes de la reproduction des adultes (testicules, épididymes, vésicules séminales, prostate, glande coagulante, ovaires, utérus, cervix, vagin, hypophyse) ; • isolement des autres organes pour examen histologique éventuel. Rapport et données : Les résultats doivent être évalués d’après les effets observés et en fonction des doses auxquelles on observe des effets (anomalies, fertilité, modification de poids, mortalité) et doivent permettre de déterminer la dose sans effet. Ces études doivent fournir une estimation satisfaisante d’une dose sans effet toxique et permettre d’évaluer les effets nocifs sur la reproduction, la parturition, la lactation et la croissance postnatale des nouveau-nés.

OCDE 416 : Étude de toxicité de la reproduction sur deux générations But : L’objectif de cette étude est d’évaluer les effets d’une substance testée sur l’intégrité et le fonctionnement des appareils reproducteurs mâles et femelles, notamment la fonction gonadique, le cycle œstral, le comportement à l’égard de l’accouplement, la conception, la gravité, la mise-bas, la lactation, le sevrage ainsi que la croissance et le 223

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développement de la descendance. L’étude peut aussi montrer les effets de la substance sur la morbidité et la mortalité néonatales, fournir des données préliminaires sur la toxicité prénatale et postnatale pour le développement de la descendance et orienter des essais ultérieurs. Cette ligne directrice étudie non seulement la croissance et le développement de la génération F1, mais évalue aussi l’intégrité et le fonctionnement des appareils reproducteurs mâles et femelles, ainsi que la croissance et le développement de la génération F2. Il est possible d’obtenir des informations supplémentaires sur la toxicité pour le développement et les déficits fonctionnels, en complétant le présent protocole d’après les lignes directrices se rapportant à la toxicité pour le développement et/ou à la neurotoxicité pour le développement, ou en étudiant ces effets dans le cadre d’autres essais, en utilisant les lignes directrices appropriées. Animaux d’expérience : Au moins une espèce, généralement le rat. Il est conseillé d’utiliser un nombre suffisant d’animaux afin d’obtenir au moins 20 femelles gravides. Programmes expérimentaux : La substance d’essai est administrée durant la phase de gamétogenèse avant l’accouplement : durant plusieurs cycles œstraux pour la femelle et un cycle de spermatogenèse complet pour le mâle (70 jours chez le rat ; 56 jours chez la souris). Les animaux sont identifiés et accouplés selon un rapport 1 : 1 (un mâle pour une femelle) ou 1 : 2 (un mâle pour deux femelles). Les animaux parents (génération P) continuent à être traités pendant la période d’accouplement (mâles et femelles), de gravidité et jusqu’au sevrage des nouveau-nés (femelle uniquement). Après le sevrage, les nouveaunés (génération F1) sont eux aussi traités puis accouplés entre eux (mâle et femelle de portées différentes). La procédure ensuite est identique à celle appliquée aux animaux parents jusqu’à la production d’animaux de la deuxième génération (génération F2). En règle générale, on doit disposer d’au moins 3 groupes de traitement et 1 groupe témoin. Sous certaines conditions, un essai limite peut être réalisé. Observations : – pendant l’étude : • signes de toxicité, mortalité ; • comportement pendant la gestation ; • poids corporel ; • consommation de nourriture (avant et pendant l’accouplement, pendant la gestation et la lactation) ; • durée de gestation ; • parturition. 224

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– après la naissance : • mortalité à la naissance ; • nombre et sexe des nouveau-nés ; • poids à la naissance et à J4, puis chaque semaine jusqu’à la fin de l’allaitement ; • développement physique, malformations ou anomalies ; • activité réflexe, fonctions sensorielles et réflexes ; • informations relatives à la maturité sexuelle ; • survie jusqu’à 1 semaine. – examen terminal : • examen macroscopique des adultes et des nouveau-nés ; • pesée des organes de la reproduction des animaux (P et F1) : testicules, épididymes, vésicules séminales, prostate, glande coagulante, ovaires, utérus ; • pesée des organes suivants : cerveau, foie, rate, hypohyse, glande thyroïde, glandes surrénales et organes cibles connus chez les animaux (P et F1) ; • pesée du cerveau, de la rate et du thymus des petits (F1 et F2) destinés à l’autopsie ; • isolement des autres organes pour examen histologique éventuel ; • examens histologiques des organes de la reproduction des animaux parents (P et F1) (testicules, épididymes, vésicules séminales, glande coagulante, prostate, ovaires, utérus, cervix, vagin, hypophyse). Rapport et données : Les résultats doivent être évalués en fonction des effets observés, des doses auxquelles on observe des effets (anomalies, fertilité, modification de poids, mortalité). Ils permettent de déterminer la dose sans effet. Ainsi on peut évaluer les effets sur la reproduction, la parturition, l’allaitement, la croissance postnatale et la maturation sexuelle des nouveau-nés.

OCDE 421 : Essai de dépistage de la toxicité pour la reproduction et le développement But : L’objectif de cette étude est d’obtenir une première série d’informations sur les effets possibles d’une substance sur les performances de la reproduction chez le mâle et 225

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la femelle, notamment la fonction gonadique, le comportement lors de l’accouplement, la conception, le développement de l’embryon et la parturition. Cette ligne directrice ne vient pas en remplacement des lignes directrices OCDE 414, 415 et 416 ; elle ne fournit pas toute l’évidence nécessaire à l’étayage d’une conclusion définitive quant à une absence d’effets. Des résultats négatifs obtenus avec cette méthode, bien qu’ils ne garantissent pas une entière sécurité pour la reproduction et le développement, peuvent dans une certaine mesure apaiser les craintes si l’exposition effective a été incontestablement inférieure à la concentration maximale sans effet nocif observé (CSENO). Animaux d’expérience : Cette méthode vise les essais sur le rat. Il est recommandé de constituer des groupes d’au moins 10 animaux de chaque sexe, pour obtenir au moins 8 femelles gestantes/dose. Programmes expérimentaux : La substance testée est administrée aux mâles et aux femelles et le traitement doit commencer au moins deux semaines avant l’accouplement. Cette administration se poursuit pendant la période d’accouplement (14 jours maximum). Les mâles sont traités un minimum de 4 semaines. L’administration aux femelles de la génération parentale continue pendant toute la gestation et au moins jusqu’au 3e jour post-partum inclus ou juqu’au jour précédant le sacrifice. Les animaux sont accouplés selon un rapport 1 : 1 (un mâle pour une femelle). Tout au long de l’essai, les animaux sont soumis à des observations cliniques au moins une fois par jour. Les signes de parturition difficile ou prolongée, les signes de toxicité, mortalité comprise, doivent être consignés. Les mâles sont généralement sacrifiés après l’accouplement après un minimum de traitement de 28 jours. Les femelles de la génération parentale ainsi que les nouveau-nés survivants sont sacrifiés au 4e jour post-partum. En règle générale, on doit disposer d’au moins 3 groupes de traitement et 1 groupe témoin. Sous certaines conditions, un essai limite peut être réalisé. Observations : – pendant l’étude : • signes de toxicité, mortalité ; • poids corporel ; • consommation de nourriture (avant et pendant l’accouplement, pendant la gestation ainsi qu’à J0-J1 et à J4 du post-partum) ; • durée de gestation ; • parturition ; • mortalité à la naissance ; • nombre et sexe des nouveau-nés ; • poids des portées à J0-1 et à J4 post-partum ; 226

Risques chimiques 4

• développement physique, malformations ou anomalies ; • fonctions sensorielles et réflexes ; • comportement pendant la gestation ; – après sacrifice : • autopsie générale ; • pesée des organes de la reproduction des mâles (P) : testicules, épididymes ; • examens histologiques des organes de la reproduction des animaux parents ayant reçu les doses les plus élevées (testicules, épidymes, ovaires) ; • examen macroscopique des nouveau-nés ou des petits morts (anomalies) ; • nombre de sites d’implantation et de corps jaunes. Rapport et données : Les résultats doivent être évalués en fonction des effets observés, des doses auxquelles ces effets sont observés (anomalies, action sur la reproduction, fertilité, modification du poids corporel, organes cibles, atteintes histologiques, mortalité), et doivent permettre de déterminer une dose sans effet. Ces données contribuent à l’évaluation des effets sur la reproduction, la parturition, l’allaitement et le développement postnatal des nouveau-nés.

OCDE 422 : Étude combinée de toxicité à doses répétées et de dépistage de la toxicité pour la reproduction et le développement But : L’objectif de cette étude est d’obtenir des informations initiales relatives aux dangers possibles pour la santé découlant d’expositions répétées pendant une période relativement limitée incluant la neurotoxicité et l’immunotoxicité. Cette méthode d’essai permet également de fournir des informations initiales sur les effets possibles sur la reproduction et le développement : tels que la fonction gonadique, le comportement lors de l’accouplement, la conception, le développement de l’embryon et la parturition. Cette ligne directrice ne fournit pas une information exhaustive sur tous les aspects de la reproduction et du développement et ne fournit pas toute l’évidence nécessaire à l’étayage d’une conclusion définitive quant à une absence d’effets. Des résultats négatifs obtenus avec cette méthode, bien qu’ils ne garantissent pas une entière sécurité pour la reproduction et le développement, peuvent dans une certaine mesure apaiser les craintes si l’exposition effective a été incontestablement inférieure à la concentration maximale sans effet nocif observé (CSENO). 227

GROSSESSE ET TRAVAIL

Animaux d’expérience : Cette méthode vise les essais sur le rat. Il est recommandé de constituer des groupes d’au moins 10 animaux de chaque sexe, pour obtenir au moins 8 femelles gestantes/dose. Programmes expérimentaux : La substance testée est administrée aux mâles et aux femelles et le traitement doit commencer au moins deux semaines avant l’accouplement. Cette administration se poursuit pendant la période d’accouplement (14 jours maximum). Les mâles sont traités un minimum de 4 semaines. Les mâles sont ensuite sacrifiés ou, le cas échéant, maintenus en vie et restent soumis à l’administration de doses en vue d’un second accouplement, si on le juge approprié. Lorsque la substance est administrée par voie orale, le traitement des femelles de la génération parentale se poursuit pendant toute la gestation et au moins jusqu’au 3e jour post-partum inclus ou juqu’au jour précédant le sacrifice. Les animaux sont accouplés selon un rapport 1 : 1 (un mâle pour une femelle). Tout au long de l’essai, les animaux sont soumis à des observations cliniques au moins une fois par jour. Les signes de parturition difficile ou prolongée, les signes de toxicité, mortalité comprise doivent être consignés. Les mâles sont généralement sacrifiés après l’accouplement après un minimum de traitement de 28 jours. Les femelles de la génération parentale ainsi que les nouveau-nés survivants sont sacrifiés au 4e jour post-partum. En règle générale, on doit disposer d’au moins 3 groupes de traitement et 1 groupe témoin. Sous certaines conditions, un essai limite peut être réalisé. Observations : – pendant l’étude : • signes de toxicité, mortalité ; • examen clinique minutieux (comportements, démarches, stéréotypes, activités réflexes…) ; • évaluation de la réactivité sensorielle à des stimuli auditif, visuel et proprioceptif, force d’agrippement et activité motrice… ; • hématologie et biochimie clinique ; • poids corporel ; • consommation de nourriture (avant et pendant l’accouplement, pendant la gestation ainsi qu’à J0-J1 et à J4 du post-partum) ; • durée de gestation ; • comportement pendant la gestation ; • parturition ; • mortalité à la naissance ; 228

Risques chimiques 4

• nombre et sexe des nouveau-nés ; • poids des portées à J0-J1 et à J4 post-partum ; • développement physique, malformations ou anomalies ; • fonctions sensorielles et réflexes ; • survie. – après sacrifice : • autopsie générale ; • pesée des organes de la reproduction des mâles (P) : testicules, épididymes ; • examens histologiques des organes de la reproduction des animaux parents (testicules, épididymes, ovaires, utérus et organes sexuels secondaires) ; • examens histologiques des organes tels que : foie, rein, surrénales, thymus, rate, cerveau, cœur, moelle épinière, estomac, intestin grêle, gros intestin, trachée, poumons, vessie, ganglions lymphatiques, nerf périphérique, moelle osseuse ; • examen macroscopique des nouveau-nés ou des petits morts ; • nombre de corps jaunes (facultatif) et de sites d’implantation ; • examen macroscopique des nouveau-nés ou des petits morts (anomalies). Rapport et données : Les résultats doivent être évalués en fonction des effets observés, des doses auxquelles ces effets (anomalies, action sur la reproduction, fertilité, modification du poids corporel, organes cibles, atteintes histologiques, mortalité) sont observés et doivent permettre de déterminer la dose sans effet. Ces données doivent rendre possible l’évaluation des effets sur la reproduction, la parturition, l’allaitement et la croissance postnatale des nouveau-nés.

OCDE 426 : Étude de neurotoxicité pour le développement But : Les études de neurotoxicité sur le développement ont pour objectif de produire des résultats relatifs aux effets fonctionnels et morphologiques potentiels exercés sur le système nerveux en développement de la progéniture après exposition in utero et aux premiers stades de la vie, notamment des caractérisations par des courbes de réponse à la dose. Animaux d’expérience : L’espèce animale expérimentale recommandée est le rat. D’autres espèces peuvent être utilisées sous réserve de respecter certaines conditions décrites dans cette ligne directrice. Chaque groupe traité et témoin doit contenir un 229

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nombre suffisant de femelles gravides exposées à la substance à tester afin de garantir l’obtention d’un nombre adéquat de descendants pour évaluer la neurotoxicité. Un nombre total de 20 portées est recommandé pour chaque niveau de dose. Programmes expérimentaux : Les petits sont sélectionnés pour chaque groupe de dose et affectés à une évaluation ciblée des effets à partir du jour 4 après la naissance. La sélection des petits doit permettre, dans la mesure du possible, une représentation équilibrée des deux sexes de chaque portée, pour chaque groupe de dose, dans tous les essais. On doit utiliser trois niveaux de doses différents et un groupe témoin en parallèle. La dose élevée ne doit pas dépasser 1 000 mg/kg/jour de poids corporel, sauf exception. La substance d’essai ou le véhicule doivent être administrés au minimum quotidiennement aux femelles fécondées généralement à partir du moment de l’implantation (JG- Jour de gestation 6) et jusqu’à la fin de la lactation (J21 postnatal), de façon à exposer les petits à la substance d’essai pendant le développement neurologique prénatal et postnatal. Ces moments d’administration peuvent être ajustés si besoin. Observations : – observation des mères : Conditions sanitaires des mères, notamment morbidité et mortalité, au moins une fois par jour. Des observations cliniques plus détaillées doivent être réalisées périodiquement sur au moins dix mères par dose. Seront observées (liste non exhaustive) : des modifications de la peau, de la fourrure, des yeux, des muqueuses, la présence de sécrétions et l’activité autonome (par exemple, larmoiement, horripilation, taille des pupilles, mode de respiration inhabituel, et/ou respiration par la bouche, et tous signes inhabituels de miction ou défécation). Il faut également noter toutes les réponses inhabituelles relatives à la position du corps, à l’intensité de l’activité et à la coordination des mouvements. Les signes de toxicité doivent être enregistrés. Les animaux sont pesés, la consommation d’aliments et d’eau est notée. – observation de la progéniture : Tous les petits doivent être attentivement examinés au moins quotidiennement pour détecter les signes de toxicité et déterminer la morbidité et la mortalité. Des effets fonctionnels ou comportementaux vont être recherchés par la mesure de l’ontogénie comportementale (ex. : réflexe de redressement, géotaxie négative et activité motrice), le suivi de l’activité motrice, l’étude des fonctions motrice et sensorielle, des essais d’apprentissage et de mémoire. Les mères sont euthanasiées après sevrage de leur progéniture. L’évaluation neuropathologique des descendants sera menée sur des tissus prélevés sur des animaux sacrifiés au 22e jour postnatal ou entre le 11e jour et 22e et également à la fin de l’étude. 230

Risques chimiques 4

Rapports et données : Le rapport d’essai doit comporter de nombreuses informations qui sont listées dans la ligne directrice. L’objectif d’une étude de neurotoxicité développementale est de fournir des informations sur les effets d’une exposition répétée à une substance pendant le développement in utero et postnatal précoce. L’étude est axée tant sur la toxicité générale que sur les effets neurotoxiques sur le développement, et c’est pourquoi les résultats de l’étude devront permettre de distinguer les effets neurodéveloppementaux qui apparaissent en l’absence de toxicité maternelle générale de ceux qui ne sont exprimés qu’à des doses également toxiques pour la mère. La complexité des interrelations entre le modèle de l’étude, l’analyse statistique et la signification biologique des résultats exige l’avis d’un expert pour assurer une interprétation correcte des données de neurotoxicité pour le développement. L’interprétation des résultats de l’essai observera une approche basée sur le poids de la preuve.

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Risques du travail physique, de la posture, des contraintes thermiques, des vibrations et du bruit sur la grossesse

Influences du travail physique, de la posture, des contraintes thermiques et des vibrations sur la grossesse J-P. Meyer

Introduction La grossesse est un état physiologique transitoire qui rend le travail plus dur. Celui-ci peut, dans des situations rares, induire des pathologies pour la mère et des répercussions sur le fœtus. L’objet de ce chapitre est de faire le point sur les risques physiques au travail susceptibles d’entraîner de tels effets. Ont été étudiés plus particulièrement l’activité physique, les vibrations, les postures et les contraintes thermiques

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Risques du travail physique, de la posture, des contraintes thermiques, des vibrations et du bruit 5

1. Travail physique et grossesse 1.1. Changements physiologiques durant la grossesse Les trois trimestres successifs d’une grossesse présentent chacun des caractéristiques spécifiques dédiées au développement harmonieux du fœtus jusqu’à sa naissance. Ces caractéristiques vont modifier les capacités biologiques, fonctionnelles et morphologiques de la femme. Le 1er trimestre est biologique et endocrinien avec une charge œstrogénique qui entraîne une rétention hydrique et des troubles digestifs à l’origine de malaises. Le 2e trimestre reste endocrinien avec une sécrétion augmentée de relaxines, une diminution du seuil de douleur et le début de la prise de poids. Ce trimestre voit apparaître des troubles musculosquelettiques (lombosciatiques et syndromes canalaires). De façon plus courante apparaissent des plaintes pour fatigue. Le 3e trimestre amplifiera ces plaintes qui gênent la mobilité. La prise de poids va augmenter sensiblement l’astreinte cardiorespiratoire des tâches. Bouger devient plus dur et la morphologie de la femme va lui poser des problèmes de volumes de déplacement et de positionnements à un poste de travail fixe (Dumas et al., 2009). Comme signalé au chapitre 2, la grossesse entraîne au repos une augmentation progressive du volume sanguin, du débit cardiaque, du volume d’éjection systolique et une diminution de la tension artérielle. Ces changements débutent dès la 8e semaine de grossesse et s’accélèrent à la fin du 2e trimestre. La fréquence cardiaque (FC) de repos augmente d’environ 15 battements par minute (bpm) entre le début et la fin de la grossesse. L’hypertrophie cardiaque et le plus gros volume de remplissage systolique exposent à des extrasystoles. Ces changements de volumes et de fonctionnement cardiaque expliquent la fréquence des hypotensions orthostatiques de la femme lors des changements de positions en toute fin de grossesse. Par ailleurs les ajustements de l’hématocrite entre le début et la fin de la grossesse permettent une augmentation de la différence artérioveineuse d’oxygène au cours de la grossesse.

1.2. Activité physique sportive et de loisir Lors d’exercices physiques intenses, le point critique est le risque d’hypoxie du placenta et du fœtus. La réponse à la pratique sportive pendant la grossesse a fait l’objet de nombreuses publications basées sur des modèles animal ou humain (Hartmann et Bung, 1999 ; Clapp et al., 1987). Au cours d’un exercice intense, le débit cardiaque peut passer de 5 l/min à 25 l/min mais cette augmentation peut être détournée vers les 233

GROSSESSE ET TRAVAIL

muscles actifs. La diminution de la circulation sanguine placentaire pourrait provoquer une hypoxie fœtale. En fait, les modifications de volume sanguin et de fonctionnement cardiaque, la meilleure extraction de l’oxygène artériel en fin de grossesse et des adaptations circulatoires au niveau de l’utérus et du placenta permettent de protéger le fœtus de l’hypoxie (Hartmann et Bung, 1999 ; Wolfe et al., 2005). En fin de grossesse, la perfusion du placenta augmente alors que celle de l’utérus diminue. Les adaptations cardiovasculaires au repos entraîneraient une réduction des capacités maximales à l’effort. En fait cette relation est discutée car si pour certains les capacités sous-maximales sont réduites en fin de grossesse (Clapp et Dickstein, 1984 ; Pivarnik et al., 2002), pour d’autres elles se maintiennent et ne sont limitées que par la réduction des capacités ventilatoires en fin de grossesse (Watson et al., 1991). L’essoufflement fréquemment perçu par les femmes enceintes en fin de grossesse est plus important que ne l’explique l’accroissement des volumes ventilés du fait de la grossesse (Jensen et al., 2009 ; Field et al., 1991). Ce symptôme pourrait permettre une régulation protectrice en limitant l’intensité des efforts. Lors d’efforts maximum sur vélo ou en nage, entraînant des FC de la mère de 180 bpm, la variation concomitante de la FC du fœtus n’est pas significative dans la majorité des cas et présente toujours une variation inférieure à 20 bpm (Watson et al., 1991 ; Bonen et al., 1992). Les travaux sur les adaptations physiologiques à l’effort de femmes enceintes sportives ne présentent pas de risque particulier pour le fœtus et ceci même en fin de grossesse. Le risque cardiaque pour la mère n’est pas plus important du fait de la grossesse. Cependant, ces études ont été menées avec des femmes actives. La recommandation de ne pas commencer à être active au début d’une grossesse et de ne pratiquer que des activités d’intensité modérée doit s’appliquer. De même doivent être évitées toutes les activités qui présentent un risque de chute ou de choc (Stevenson et al., 1998 ; Davies et al., 2003). Une étude danoise suggère qu’une activité physique intense, surtout si elle comporte des impacts, pouvait entraîner des avortements spontanés (Madsen et al., 2007). Peu de données de la littérature confirment ces éléments. Pour beaucoup de publications plus récentes, l’activité physique de loisir est favorable à une grossesse réussie (Evenson et al., 2002 ; Juhl et al., 2008). Hors quelques sports qui exposent aux chocs et/ou à des contacts violents, l’activité physique de loisir est à encourager (Stevenson et al., 1998 ; Reilly, 2000). Une étude de cas a même montré que chez une femme dite « sport addict » qui mène des activités physiques « frénétiques », le décours de la grossesse avait été tout à fait normal (Penney, 2008). Une revue Cochrane récente appuie ces conseils en indiquant l’absence de risque de prématurité pour des activités physiques de loisir (Kramer et McDonald, 2006). Cette revue confirme qu’un exercice commencé tôt et avant la grossesse, dont le volume est diminué progressivement au cours de la grossesse, produit les plus gros bébés et les plus gros placentas. L’exercice a un effet 234

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protecteur contre le développement du diabète gestationnel (Dye et al., 1997) ou la prééclampsie (Rudra et al., 2008 ; Magnus et al., 2008). L’exercice limite la prise de poids de la mère sans réduire le poids de naissance de l’enfant (Clapp et Dickstein, 1984). À notre connaissance, une seule étude relative aux effets de l’activité physique a évalué l’issue d’une grossesse par l’APGAR du nouveau-né. Ses résultats montrent que l’exercice d’intensité modérée, entamé lors de la grossesse, n’a aucune conséquence négative sur la vitalité du nouveau-né (Barakat et al., 2008). Pour tous les auteurs, une activité physique ne doit pas être interrompue à cause d’une grossesse. Par contre, ils s’accordent pour proposer à une femme inactive de débuter prudemment une activité physique en début de grossesse (Rudra et al., 2008).

1.3. Activité physique au travail Il est difficile d’extrapoler ces données collectées à partir d’exercices physiques de loisir, intenses, dynamiques dont la durée était en général inférieure à 1 heure à des activités professionnelles. En effet, au travail, l’activité physique n’est pas une activité sportive rythmée et régulière. Elle présente des variations importantes en intensité, en fonction de la localisation anatomique de l’activité et de sa durée. Enfin, l’activité physique au travail est réalisée sous forte contrainte de temps et de qualité. Elle est de ce fait source de stress qui peut aussi influencer péjorativement la conception et l’évolution de la grossesse (Saurel-Cubizolles et al., 2004 ; Barzilai-Pesach et al., 2006). Plusieurs enquêtes épidémiologiques ont montré que les activités physiques au travail augmentaient significativement le risque de prématurité et de petit poids de naissance (Mamelle et al., 1984 ; Homer et al., 1990 ; Niedhammer et al., 2009). La prématurité est définie ici comme une naissance 3 semaines ou plus avant terme et un petit poids de naissance est inférieur à 2,5 kg. Dans une méta-analyse, Mozurkewich et al. (2000) montrent que des conditions de travail jugées dures à partir de 3 éléments : la manutention manuelle, un travail manuel ou des efforts importants, augmentent significativement le taux de prématurité [OR = 1,22 ; (1,16-1,29)], de pré-éclampsie [RR = 1,60 ; (1,30-1,96)] et d’insuffisance de poids pour l’âge gestationnel [OR = 1,37 ; (1,30-1,44)]. Plusieurs études ne retrouvent pas d’effet négatif du travail physique dur sur les issues de la grossesse (Ahlborg et al., 1990 ; Blank et Diderichsen, 1995). Les résultats d’une revue récente confirment en partie les données de ces études ponctuelles. En effet, Bonzini et al. (2007) ne mettent pas en évidence de facteur de risque significatif mais restent prudents et préconisent qu’en fin de grossesse soient évitées les postures debout prolongées, des durées de travail longues et les manutentions manuelles sans préciser de limites à ces manutentions. Dans une revue récente de la littérature sur les causes de prématurité, aucun facteur de risque lié au travail n’est pris en compte, le travail y est 235

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même totalement ignoré (McElrath et al., 2008). L’activité physique professionnelle est une composante mineure de l’activité physique d’une femme enceinte, ce qui pourrait expliquer les résultats contrastés sur la recherche d’effets de différentes contraintes professionnelles (Borodulin et al., 2008). L’analyse de données d’une enquête récente, menée en Irlande, montre qu’une activité physique au travail élevée, estimée par une seule question, diminue significativement le poids de naissance (Niedhammer et al., 2009). La grossesse peut fragiliser la femme enceinte exposée à une activité physique au travail si celle-ci impose des contraintes spécifiques à l’appareil locomoteur. Ces expositions présentent exceptionnellement un risque pour le fœtus, mais leur inconfort pour la future mère peut altérer la qualité de la grossesse. Les conséquences pour l’enfant à naître ne sont pas connues avec précision et il n’est pas possible de définir avec certitude des limites à ces contraintes pour éviter tous les risques. Enfin, le travail physique a deux conséquences. D’une part, il impose un apport d’oxygène accru vers les muscles qui se traduit par une augmentation du débit ventilé (Tardif et al., 2008) et d’autre part, afin de dissiper la chaleur produite par le travail musculaire, la régulation thermique va imposer une vasodilatation des vaisseaux cutanés et la mise en route de la sudation. Ces deux modes d’adaptation à l’exercice vont augmenter l’absorption de toxiques par voies respiratoire et cutanée (Tardif et al., 2008). Cette absorption est difficile à modéliser et dépend du toxique, de sa solubilité et de son passage transcutané. Les modèles liant la ventilation à des dosages sanguins de toxiques atmosphériques ont été établis pour des sujets en situation de laboratoire et montrent que le taux d’absorption pulmonaire d’un toxique dépend de la ventilation mais aussi très largement de la nature du toxique (Tardif et al., 2007 ; Nadeau et al., 2007). L’absorption par les voies respiratoires est évaluée à partir de relations entre les volumes ventilés (VE) et la fréquence cardiaque (Horwat et Meyer, 1998). Des volumes ventilés habituels en situation de travail vont de 10 l/min au repos à 20 l/min pour un travail modéré et 40 l/min pour un travail physique moyen. Ce niveau est assez fréquent en situation de travail si celle-ci comporte par exemple des déplacements rapides ou répétés sur des distances de quelques mètres. Ainsi, dans une même ambiance, une tâche d’intensité physique moyenne imposant une ventilation de 40 l/min peut exposer le salarié 4 fois plus à un polluant que s’il était au repos (VE = 10 l/min). Chez la femme enceinte, cette extrapolation en utilisant la relation entre la fréquence cardiaque et le volume ventilé doit être prudente. En effet, pour des fréquences cardiaques identiques, la femme à 32 semaines de grossesse ventile entre 30 et 50 % moins qu’après son accouchement (Pivarnik et al., 2002). Ceci est lié à la surcharge cardiaque pendant la grossesse et en particulier au cours du dernier trimestre de la grossesse et peut faire surestimer l’exposition réelle aux toxiques. 236

Risques du travail physique, de la posture, des contraintes thermiques, des vibrations et du bruit 5

La manutention manuelle a fait l’objet de nombreuses études qui montrent d’un point de vue biomécanique une augmentation sensible de la pression intra-abdominale et, pour les aspects cardiovasculaires, une augmentation souvent brutale de la tension artérielle liée à la composante statique de l’effort de manutention (Marras, 2000). La plausibilité biologique d’effets néfastes pour la grossesse existe donc et est reconnue. Cependant les études épidémiologiques nombreuses ne montrent pas toujours ces conséquences et ne trouvent pas ou peu de complications de grossesse ou de prématurité liées à la manutention manuelle isolée (Misra et al., 1999 ; Ahlborg et al., 1990 ; Bodin et al., 1999 ; Pompeii et al., 2005 ; Saurel-Cubizolles et al., 2004 ; Haelterman et al., 2007). Ceci pourrait être lié au fait que les manutentions manuelles sont souvent associées à des contraintes de temps, des postures inconfortables et qu’il est de ce fait difficile d’analyser spécifiquement l’effet des manutentions manuelles. Ceci explique la prudence de la plupart des auteurs. Certains proposent des limites de charges à manutentionner de 12 kg après la 24e semaine (Cannon et al., 2000 ; Rayburn et Phelan, 2008) ou, selon Reilly (2000) si la manutention est régulière, la charge admissible passe de 23 kg à la 20e semaine à 11 kg après la 35e semaine (Tableau 5.1). Ces charges paraissent élevées au regard des 5 kg préconisés par un projet de norme à l’adresse de populations à risque que sont les femmes enceintes (réactualisation de la norme NFX 35-109). Tableau 5.1 Seuils d’intensités d’astreintes physiques pour différents critères physiologiques et subjectifs (Reilly, 2000). FC

Charges

Posture debout

20 ans 120

15 kg à 24 semaines

4 heures

40 ans 110

5 kg à 36 semaines

30 minutes

Prévention : Les données épidémiologiques sur les effets délétères des contraintes physiques de travail sur la grossesse montrent que ces effets ne peuvent être négligés. Cependant, leur quantification ou des limites précises de risques pour ces contraintes sont peu précises, en particulier lorsqu’elles sont analysées de façon isolées alors que la réalité de l’exposition est complexe. En conséquence, la prudence impose d’être attentif aux contraintes qui sont mal vécues par la salariée. Même en l’absence de risque avéré, la perception par la salariée de la pénibilité de son travail doit être le point focal des décisions de demande de changement ou d’aménagement de poste ou d’interruption du travail.

237

GROSSESSE ET TRAVAIL

2. Vibrations Exposé aux vibrations du corps entier, le corps subit un phénomène appelé résonance lors d’exposition à des vibrations entre 3 et 7 Hz, fréquences habituelles de véhicules routiers. Très schématiquement, la résonance va entraîner un déplacement du haut du corps plus important que celui du bassin et ainsi augmenter les contraintes subies par les structures vertébrales et ceci tout particulièrement dans la zone de transition qu’est l’ensemble abdomen-colonne lombaire (Trottier, 1997). En situation de moindre résistance musculosquelettique liée à la charge hormonale et aux modifications structurelles de la ceinture pelvienne au cours de la grossesse, la femme enceinte souffre plus souvent de lombalgie et de sciatique du fait de l’exposition aux vibrations (Seidel et Heide, 1986). Cependant, la littérature sur les effets de l’exposition aux vibrations du corps entier sur les issues de la grossesse est peu importante et peu probante (Trottier, 1997). Des expérimentations menées sur l’animal dans des conditions vibratoires très élevées ont causé des avortements spontanés et des anomalies neurologiques. Chez la femme enceinte, ces vibrations pourraient avoir des répercussions sur la grossesse et sur le fœtus par un effet direct des vibrations sur le rachis et/ou par l’effet physique des vibrations sur le fœtus et en particulier son attache placentaire dans l’utérus (Seidel et Heide, 1986). Mamelle et al. (1984) concluent sur l’existence d’un éventuel risque de prématurité lorsque l’exposition aux vibrations est subie en position debout. La combinaison de contraintes, postures et vibrations, démontre qu’il s’agit bien d’expositions multiples qui posent problème (Mamelle et al., 1984). La posture debout, déjà citée, pourrait potentialiser l’effet isolé des vibrations. Une étude plus récente de Haelterman et al. (2007) indique que l’effet des vibrations n’est pas significatif mais que les risques d’hypertension ou de pré-éclampsie ne peuvent pas être négligés. Aucun effet dose-réponse n’a été mis en évidence. Le doute sur ce facteur spécifique, aggravé par les chocs inhérents à la conduite de véhicules sur des sols inégaux, impose une grande prudence lors d’expositions aux vibrations et aux chocs éventuels. Lorsqu’une contrainte posturale s’ajoute à l’exposition aux vibrations dans des métiers tels que caristes, pontiers, préparateurs de commandes sur chariots autoportés, les contraintes se cumulent. Il est alors nécessaire de surveiller la salariée et de l’écarter de ces tâches dès la fin du deuxième trimestre. Pour les femmes, qui conduisent des chariots élévateurs en entrepôt ou sur sols durs, une attention particulière devra être apportée aux nettoyages des sols afin d’éviter les obstacles même minimes (câbles, planches, bordures, glissières…) à l’origine de chocs importants dont les répercussions sur la grossesse ne sont pas connues avec précision. 238

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Prévention : Malgré le manque de données probantes, la plausibilité biologique de lésion et quelques données animales montrent qu’il faut rester prudent et limiter l’exposition aux vibrations en début et en fin de grossesse. La norme qui limite à 0,5 m/s2 l’intensité vibratoire admissible pendant 8 heures le permet. La prudence doit rester la règle au moment du retour au travail pour une salariée dont la sangle abdominale et le plancher pelvien n’ont pas encore totalement récupéré leurs capacités fonctionnelles. Cette prudence s’impose aussi pour des femmes amenées à se déplacer en voiture personnelle (déléguées médicales, commerciales…) ou conduisant des poids lourds ou véhicules de transports en commun, bien qu’aucune étude ne leur ait été consacrée.

3. Postures et dimensions du poste de travail Alors que l’activité de loisir comporte peu de composante statique, l’activité professionnelle est une combinaison d’activités dynamiques et statiques. Un travail est dit statique lorsque la contraction musculaire, qui peut être très élevée, n’entraîne pas de mouvement. Ces contractions au niveau des membres augmentent la pression artérielle. S’il s’agit de maintenir une posture penchée par exemple, la contraction statique de la sangle abdominale peut augmenter la pression intra-abdominale (Marras, 2000). Ces conditions pourraient être immédiatement défavorables pour le fœtus (ralentissement cardiaque…). Cependant, de telles situations ont été décrites lors d’activités physiques intenses sans montrer de répercussions importantes sur le niveau de la fréquence cardiaque fœtale ou sur sa vitesse de retour à une valeur de « repos ». Au cours du troisième trimestre, l’augmentation du volume abdominal va gêner la femme enceinte dans ses mouvements (Nicholls et al., 1992), ses postures et ses espaces de travail (Jang et al., 2008). La marche est ralentie et peut devenir pénible à cause des douleurs fréquentes de la ceinture pelvienne (Juhl et al., 2005). Les perturbations de l’équilibre, en particulier antéropostérieur, augmenteraient le taux de chutes, trop fréquemment à l’origine de complications de grossesse (Jang et al., 2008). De plus, afin d’augmenter son équilibre et d’être plus prudente, la femme enceinte modifie ses stratégies de mouvement même pour des mouvements simples (Gilleard et al., 2008). Le travail doit laisser assez de latitude en temps et en espace pour permettre ces ajustements. La charge hormonale (œstrogénique) va, en fin de grossesse, entraîner un relâchement tendineux, ligamentaire et collagène. Ceci va permettre au fœtus de se positionner dans l’utérus et de préparer son passage dans le bassin (Hartmann et Bung, 1999). Ces relâchements physiologiques vont avoir pour conséquence des remaniements biomécaniques et articulaires. En premier lieu, pour équilibrer la protubérance abdominale, le 239

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bassin va se mettre en antéversion, augmenter la lordose lombaire et permettre ainsi, en amenant le thorax en arrière, de maintenir le centre de gravité du corps en avant de la colonne lombaire. Cette posture permet à la femme enceinte de rester debout sans effort particulier de maintien d’équilibre (Hartmann et Bung, 1999). La contrepartie biomécanique à ces adaptations favorables au fœtus et à l’issue de la grossesse sont les laxités ligamentaires et tendineuses, à l’origine de douleurs lombaires et de la ceinture pelvienne (Wu et al., 2008). Les postures prolongées debout présentent un risque de prématurité (Bonzini et al., 2007 ; Mzurkewitch et al., 2000), de faible poids de naissance (Croteau et al., 2006) et augmentent le risque de varices (Cherry, 1987). Dans une revue approfondie de la littérature, Croteau (1999) situe des risques relatifs significatifs de la position debout prolongée pour l’avortement spontané [RR = 1,16 ; (1,03-1,29)], la prématurité [RR = 1,27 ; (1,14-1,42)], un petit poids de naissance [RR = 1,10 ; (0,99-1,23)], l’insuffisance de poids pour l’âge gestationnel [RR = 1,31 ; (1,17-1,48)] et même un risque élevé d’hypertension gestationnelle [RR = 1,21 ; (0,93-1,56)]. Pour Haelterman et al. (2007), la posture debout (> 1 heure par jour ; RR = 2,5) et la montée fréquente d’escaliers (RR = 2,3) sont des facteurs de risque de pré-éclampsie. À l’inverse, Pompeii et al. (2005) ne mettent pas en évidence de risque accru de prématurité ou de petit poids à la naissance lorsque la femme est debout longtemps (> 30 heures par semaine). Dans une étude récente, Bonzini et al. (2009) indiquent qu’une position penchée pendant plus d’une heure par jour multiplie par trois le risque de prématurité [RR = 2,92 ; (1,27-6,70)]. Une étude sur la posture de travail sur écran montre également un risque de surcharge dorsale car les femmes enceintes se tiennent très droites (Dumas et al., 2009). Cette situation est délicate à corriger. Les auteurs en modifiant le plan de travail diminuent la contrainte des muscles dorsaux en permettant à la femme enceinte de se tenir moins droite. Par contre, l’intensité du travail des extenseurs du membre supérieur (deltoïdes antérieurs et extenseurs des doigts) est augmentée et pourrait favoriser l’apparition de tendinites du membre supérieur (Dumas et al., 2009). Les résultats relatifs à la posture prolongée sont généralement en faveur d’un risque augmenté en particulier pour la mère (pré-éclampsie, hypertension, varices). Comme précédemment, le facteur de risque est à considérer mais la durée d’exposition pour devenir dangereux ne fait pas consensus. Prévention : L’organisation du travail doit conserver des déplacements en assurant des voies de circulation larges et sans obstacle. Les postures penchées à l’origine d’astreintes musculaires excessives et de déséquilibres doivent être évitées. Le travail debout sans bouger ne devrait pas excéder 30 minutes en fin de grossesse (Reilly, 2000) et des pauses de 15 minutes au moins toutes les 4 heures devraient être allouées pendant la grossesse (Rayburn et Phelan, 2008). 240

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4. Contraintes thermiques La température fœtale est supérieure de 0,5 à 1 °C à la température centrale de la mère afin d’assurer un gradient de température permettant la diffusion de chaleur du fœtus vers la mère (Hartmann et Bung, 1999 ; Bung, 2001). Par ailleurs, l’efficacité de la thermolyse (dissipation de chaleur) augmente progressivement en cours de grossesse et permet ainsi à la femme enceinte de dissiper plus de chaleur en fin de grossesse qu’au début de celle-ci (Clapp et Dickstein, 1984). Cette adaptation importante est liée à l’augmentation des volumes sanguins circulants en particulier vers la peau et à l’augmentation de la ventilation pulmonaire et de la sudation. La température centrale de la femme enceinte au repos diminue de 0,1 °C par mois de grossesse. En conséquence, à une intensité d’effort donnée, la température centrale de la femme enceinte passe de 38,1 °C à 7 semaines de grossesse à 37,4 °C en fin de grossesse (Bung, 1997). Ce changement du « set point » de la température corporelle est physiologique et propre à la grossesse (Clapp et al., 1987 ; Wang et Apgar, 1998 ; Hartmann et Bung, 1999). Il permet une plus grande amplitude de variation de la température fœtale et augmente la protection du fœtus par rapport à l’astreinte thermique de sa mère. Ainsi, en cas d’exposition à la chaleur, si la température de la mère augmente, le fœtus va stocker de la chaleur pour conserver son gradient de température avec sa mère (0,5 à 1 °C) pour dissiper de la chaleur vers le placenta et le liquide amniotique (Hartmann et Brung, 1999). La fièvre, l’exercice physique (source endogène) et l’exposition à la chaleur (origine thermique exogène) vont se répercuter sur le fœtus par réduction du flux sanguin placentaire redirigé vers les muscles ou la peau pour assurer la thermolyse ou par effet direct en induisant une hyperthermie fœtale. Ces deux altérations de la situation du fœtus peuvent avoir pour conséquences des anomalies majeures, principalement neurologiques, telle que la non-fermeture du tube neural (Stevenson et al., 1998) ou cardiaques (Trottier et al., 2006). Le risque sera plus élevé dans les premiers mois de la grossesse, période durant laquelle les développements du fœtus sont les plus importants, la thermorégulation pas encore la plus efficace et enfin, et surtout, la grossesse n’est pas encore connue ou déclarée. Des études ont été menées à la recherche d’anomalie fœtale, d’avortement spontané, de prématurité ou de petit poids de naissance. Dans les expositions professionnelles, aucune étude ne montre de lien significatif entre l’exposition à une contrainte thermique (chaleur ou froid) et une anomalie du décours de la grossesse (Mamelle et al., 1984). Les rares études publiées sur l’exposition à la chaleur présentent des résultats contradictoires ou incohérents (Trottier et al., 2006). Ceci est probablement lié au fait que les femmes sont peu nombreuses à être exposées conjointement à des travaux durs 241

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physiquement et à une ambiance de travail chaude mais peut aussi s’expliquer par l’absence de recherche de ces expositions rares lors d’accidents de grossesse tels que avortements spontanés, anomalies nerveuses, cardiaques ou squelettiques. Néanmoins, la réalité du risque tératogène lié à la chaleur existe et a été démontrée par de nombreuses expériences sur les animaux (Trottier et al., 2006). Chez ceux-ci, la chaleur est tératogène en début de gestation ; les anomalies rencontrées sont la non-fermeture du tube neural, l’anencéphalie, des anomalies de l’œil, du cœur et des reins. Les anomalies neurologiques les plus graves sont induites à la période initiale de gestation (Trottier et al., 2006). Prévention : Au cours de l’exposition à des contraintes thermiques élevées ou si cellesci sont associées à un travail physique important, la prudence s’impose au cours du premier trimestre et même plus particulièrement au cours des 2 premiers mois de grossesse. En effet, celle-ci peut être ignorée et c’est à cette période de fermeture du tube neural que le fœtus est le plus sensible à une élévation de sa température qui peut entraîner des anomalies nerveuses majeures (Stevenson et al., 1998). Il n’existe qu’un texte réglementaire spécifique aux femmes enceintes. En Suisse, elles ne doivent pas être exposées, en intérieur, à une température d’air ambiant de plus de 28 °C.

5. Fatigue La fatigue est une sensation souvent décrite dans l’évolution d’une grossesse (Fairbrother et al., 2008 ; Elek et al., 2002 ; Lee et Zaffke, 1999). La fatigue n’est pas spécifique au travail (Pailhé et Solaz, 2006). Elle est rapportée plus souvent par les femmes sans activité professionnelle que par les salariées (Chien et Ko, 2004). Près de deux tiers des femmes sans profession se plaignent de fatigue au cours de la grossesse et celle-ci est, dans l’étude de Chien et Ko (2004), prédictive d’accouchement par césarienne. Cependant, le travail augmente cette sensation qui est souvent liée à l’activité physique ou aux contraintes posturales (Fairbrother et al., 2008). La fatigue exprimée pourrait être une cause importante de prématurité (Mamelle et al., 1984 ; Homer et al., 1999 ; Mozurkewich et al., 2000) ou de difficulté à mener la grossesse (Nicholls et al., 1992). Mozurkewich et al. (2000) construisent un score qui intègre plusieurs facteurs de pénibilité (travail physique, posture debout et travail posté). Cependant, dans les conditions de leur revue de la littérature, le risque de prématurité est mieux prédit par l’indice de fatigue au travail (RR = 1,63) que par le score composite de pénibilité (RR = 1,22). La fatigue est une sensation à rechercher simplement en questionnant la salariée enceinte. C’est un indicateur précieux de risque de prématurité ou de pré-éclampsie 242

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(Mamelle et al., 1984 ; Chien et Ko, 2004). Par ailleurs, l’essoufflement qui est décrit par de nombreuses femmes de façon plus ou moins marquée et gênante en fin de grossesse ne semble pas présager de difficultés particulières. En effet, ce symptôme est simplement lié à l’hyperventilation secondaire, à l’augmentation des besoins en oxygène pendant la grossesse et en particulier au cours du dernier trimestre (Field et al., 1991 ; Jensen et al., 2009). Prévention : Même si aucun risque manifeste pour la grossesse n’est mis en évidence, l’expression de la fatigue par une salariée enceinte doit faire rechercher des signes plus précis de risques et en tout cas rester attentif à cette grossesse.

6. Cumul des facteurs de risque De nombreuses études épidémiologiques ont été menées sur les conséquences éventuelles de tel ou tel facteur de risque pour la femme enceinte ou pour le fœtus. Très souvent, ces études concluent qu’il n’existe pas d’effet, que les effets sont peu importants et parfois que les résultats sont contradictoires (Croteau et al., 2006 ; Kramer et McDonald, 2006 ; Bonzini et al., 2007). Cependant, plusieurs études importantes ont analysé le cumul des contraintes au travail. Ces cumuls comportaient des contraintes d’activité physique (montée d’escaliers, posture debout, manutention manuelle), environnementales (chaleur, bruit), organisationnelles (travail de nuit, durée de travail) ou psychologiques. Ce mode d’analyse des effets du travail sur la conduite d’une grossesse montre que, plus que des facteurs de risques individuels, c’est le cumul de ces facteurs qui induit les complications de la grossesse (Mamelle et al., 1984 ; Mozurkewich et al., 2000 ; Croteau et al., 2006 ; Niedhammer et al., 2009). Mozurkewitch et al. (2000) dans leur revue distinguent plusieurs facteurs de contrainte mais la définition de travail dur associe manutention manuelle, travail manuel ou expression d’un travail dur. Ainsi, leur revue peut aussi être considérée comme basée sur le cumul de contraintes et montre alors que le « travail dur » augmente significativement le taux de prématurité, de petit poids de naissance et de pré-éclampsie. La revue récente de Bonzini et al. (2007) est à ce titre intéressante, car s’ils concluent à l’innocuité de différentes contraintes, ils appellent néanmoins à la prudence pour des activités qui comportent postures debout prolongées, horaires longs et manutentions et demandent une plus grande vigilance lorsque ces contraintes sont associées. L’étude récente de Niedhammer et al. (2009) montre également l’importance du cumul des contraintes. En effet, pour ces auteurs, alors que les effets des contraintes isolées ne sont pas toujours significatifs, les risques relatifs de l’association d’au moins deux contraintes (travail > 40 heures par semaine, travail posté, travail physique, statut d’emploi) sont élevés pour un poids de naissance 243

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inférieur à 3 kg [RR = 2,44 ; (1,17-5,08)], inférieur à 2,5 kg [RR = 4,65 ; (1,08-20,07)] ou pour un accouchement prématuré [RR = 5,18 ; (1,00-27,01)]. D’autres auteurs, sans rechercher systématiquement les cumuls de contraintes, ont travaillé sur des professions particulières comme les soignantes (Koemmester et al., 1997 ; Kaerlev et al., 2004) ou une classification par intitulé de professions (McDonald et al., 1987 ; Homer et al., 1999 ; Meyer et al., 2008) ou sur des facteurs ergonomiques et individuels. Ces études montrent que les contraintes professionnelles les plus pénalisantes sont les volumes de travail et les zones d’atteintes, les escaliers et les accès (Nicholls et Grieve, 1992). Les classifications par professions montrent que les salariées dans la vente, les services ou travaillant en usine ont plus souvent des enfants de petit poids de naissance que les femmes travaillant dans un bureau (McDonald et al., 1987). Homer et al. (1999) ont classé le travail en 4 classes de pénibilité en fonction de l’intitulé de leur métier. Du quartile de plus faible pénibilité au quartile le plus élevé, les taux de petit poids de naissance passent de 3 à 9 % et ceux de prématurité de 4 à 8 %. Ces analyses par métiers s’éloignent de la démarche par cumul de contraintes de base. Cependant, elles démontrent également le poids pour les préventeurs que prend cette démarche holistique d’analyse du travail même si elle donne peu d’explications causales. Prévention : Les cumuls de contraintes doivent être recherchés avec soin par le préventeur car il s’agit d’indicateurs précoces de grossesse à risque (McDonald et al., 1987 ; Bonzini et al., 2007). Les risques importants pour la grossesse liés à ces cumuls font consensus. Les contraintes les plus fréquemment citées dans ces cumuls sont le travail de nuit, les horaires irréguliers, la posture debout, la fatigue perçue et la demande psychologique.

7. Pathologie de l’appareil locomoteur Les modifications hormonales liées à la grossesse fragilisent les structures de l’appareil locomoteur et augmentent la rétention hydrique. Ainsi, parmi les syndromes de compression de causes variées mais dans lequel la rétention hydrique n’est pas négligeable, le syndrome du canal carpien. C’est l’un des troubles musculosquelettiques les plus courants et son incidence est de 20 à 45 % pendant la grossesse et surtout au cours du troisième trimestre. La symptomatologie disparaît après l’accouchement (Cranford et al., 2007). Les douleurs lombaires sont très fréquentes au cours de la grossesse et de sa deuxième partie en particulier. Liées aux relâchements musculotendineux et aux rééquilibrages biomécaniques du bassin, elles sont sans caractère de gravité mais peuvent toutefois 244

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inquiéter la femme enceinte (Gutke et al., 2008 ; Sabino et Grauer, 2008). Pendant la grossesse, leur association à des douleurs pelviennes est fréquente si un interrogatoire attentif est mené sur l’histoire et la nature des douleurs (Pool-Goudzwaard et al., 2005 ; Juhl et al., 2005). En cas d’association, la récupération spontanée de la lombalgie après l’accouchement est moins systématique (Padua et al., 2005 ; Gutke et al., 2008). La charge physique de travail est un facteur aggravant reconnu des douleurs pelviennes (Vleeming et al., 2008). Enfin, l’incontinence urinaire dont l’incidence augmente avec le nombre de grossesses est l’un des TMS les plus fréquents. Elle est particulièrement handicapante pour les activités professionnelles à charge physique importante même si celle-ci est brève (soins, travail debout, manutentions de toutes sortes…). Statistiquement, 30 % des femmes qui ont conduit plus de 2 grossesses à terme présentent une incontinence urinaire. Celle-ci est handicapante pour 10 % d’entres elles (ANAES-HAS, 2003). À la reprise, le travail physique peut, très significativement, aggraver les conséquences de ce trouble musculosquelettique du plancher pelvien trop souvent ignoré (Rodgers, 2008). En tout état de cause, un travail, qui implique des manutentions, impose des postures prolongées, limite les pauses, ne permet pas un accès rapide à des toilettes, peut représenter un handicap important pour une salariée qui a une incontinence urinaire même minime. Le contact avec des clients est un facteur aggravant de ces gênes. La rééducation périnéale est encore trop peu pratiquée. Sa capacité à recréer une continence acceptable n’est pas systématique mais l’amélioration est très fréquente (Rodgers, 2008). Des adaptations au travail restent souvent nécessaires de façon temporaire ou définitive. La réduction des efforts et des postures prolongées, la mise à disposition de toilettes peu éloignées (50 mètres, même étage) et des pauses adaptées permettent de solutionner la grande majorité de ces difficultés.

8. Après l’accouchement Le retour en forme ne se pose pas trop dans la mesure où l’arrêt de travail après l’accouchement dure souvent plus de 2 mois en France et est, en général, assez long dans les pays européens (Saurel-Cubizolles et al., 2004). Durée qui, si aucune pathologie n’interfère, assure un bon rééquilibrage des capacités musculaires abdominales et des restructurations tendineuses. Par exemple, les plaintes pour douleurs dorsales apparues au cours de la grossesse disparaissent au cours de cette période (Padua et al., 2005 ; Sabino et al., 2008). L’évolution peut être plus longue et des dysfonctionnements musculotendineux complexes à gérer sont plus délicats à traiter chez les femmes enceintes les plus âgées (Pool-Goudzwaard et al., 2005). 245

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La charge mentale et psychologique du retour au travail est souvent sous-estimée. Pourtant le retour au travail impose un rééquilibrage délicat entre famille et travail qui peut être source de difficultés psychologiques (Grice et al., 2007 ; Fairbrother et al., 2008). L’existence d’un soutien au travail est une aide particulièrement efficace pour prévenir ce « mal-être ». Enfin, la fatigue apparue du fait de l’accouchement et du retour du nouveau-né à la maison est une donnée de bon sens. Ses causes sont multiples et ses répercussions sur l’activité des parents doivent être prises au sérieux et analysées pour en réduire les conséquences (Elek et al., 2002). L’allaitement est la méthode la plus efficace, la plus sûre et la plus simple d’alimentation du nourrisson jusqu’à plusieurs mois. La possibilité donnée par l’entreprise d’allaiter ou de faciliter l’allaitement doit être envisagée. Le travail doit permettre à la jeune mère de prolonger l’allaitement le plus longtemps possible (Jacknowitz, 2008).

9. Conclusion sur la prévention La prévention va donc porter sur l’intensité de l’activité physique au cours de la grossesse, la protection d’un appareil locomoteur fragilisé, la surcharge cardiovasculaire due au poids et au débit sanguin nécessaire et enfin aux problèmes anthropométriques et d’équilibre. Dans le domaine des charges physiques de travail, des lois existent pour la manutention manuelle, les postures prolongées et l’adaptation des postes aux mères qui allaitent. L’environnement physique (chaleur, vibrations…) est moins bien cerné. Le bon sens et la connaissance de l’histoire des salariées doivent permettre aux médecins traitant et du travail de prendre des dispositions de retrait partiel ou complet d’une situation à risque présumé. Les niveaux d’activités préconisées dans les quelques recommandations sont souvent supérieures aux contraintes physiques au travail (Reilly, 2000 ; Wolfe et al., 2005 ; Hartmann et Bung, 1999). Il serait donc imprudent de proposer ces limites pour définir des contraintes professionnelles applicables pendant des durées réalistes de travail. Jurewicz et al. (2005) proposent comme seuil de travail dur une valeur de 2 kcal par minute soit une intensité d’activité physique modérée dans le monde du travail. Plusieurs documents proposent des limites d’activité physique de loisir pour les femmes enceintes au cours du troisième trimestre de grossesse (Cannon et al., 2000 ; Davies et al., 2003 ; Jurewicz et al., 2005 ; Wolfe et al., 2005). Ces données sont basées sur l’évolution de la fréquence cardiaque ou de l’évaluation subjective de l’intensité de l’activité physique à partir d’une échelle RPE (rating of perceived exertion, Figure 5.1) de Borg (1982) qui va de 6 à 20. Ces limites font consensus autour d’une valeur de FC comprise entre 120 et 150 battements par minute (bpm) à moduler en fonction de l’âge 246

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de la femme enceinte (150 bpm à 20 ans et 130 bpm à plus de 40 ans) et une zone cible de 12 à 14 sur une échelle de Borg. Juhl et al. (2008) proposent comme seuil d’activité physique une valeur de 12-13 sur l’échelle RPE de Borg soit un exercice jugé un peu dur. Cette conclusion, proposée par des auteurs qui ont analysé 87 000 grossesses, a pour objectif de réduire le taux de prématurité.

Figure 5.1. Échelle RPE (Rating of Perceived Exertion) de Borg.

L’indicateur subjectif de Borg (1982) semble l’outil le plus intéressant pour limiter le travail car il intègre différents aspects de la pénibilité d’une activité (Stevenson et al., 1998). Cependant, en utilisant l’échelle RPE de Borg, la zone cible qui fait très largement consensus pour une activité acceptable est comprise entre 12 à 14 (Hartmann et Bung, 1999 ; Stevenson et al., 1998 ; Davies et al., 2003 ; Wolfe et al., 2005). Cette plage, acceptable pour une activité sportive de courte durée, est une valeur trop élevée en référence au seuil de 11 proposé par Borg pour une activité physique acceptable pendant une durée de 8 heures (Borg, 1998). Néanmoins, l’évaluation subjective de son activité au travail par la femme enceinte est un indicateur précieux de l’astreinte et des difficultés vécues. C’est un outil que peuvent utiliser les soignants ou le médecin du travail pour quantifier la perception qu’a de son travail la femme enceinte et décider ou non de la mettre en arrêt de travail. Le tableau 5.1 a rappelé les limites subjectives d’astreinte cardiaque, de charges transportées et de contraintes posturales qu’il faudrait pouvoir respecter au cours de la grossesse. Encourager l’activité physique avant le début de la grossesse et la réduire progressivement au cours de celle-ci sans l’interrompre à moins d’un incident grave sont les conseils individuels utiles (Evenson et al., 2002 ; Davies et al., 2003 ; Kramer et McDonald, 2006 ; Juhl et al., 2008 ; Rayburn et Phelan, 2008). En parallèle, des conseils de prudence doivent être rappelés en cas de postures prolongées debout, de manutentions manuelles, de déplacements longs, de montées d’escaliers, de vibrations 247

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et plus généralement d’activités de conduite et de toute sensation de fatigue particulière (Stevenson et al., 1998 ; Bonzini et al., 2008 ; Barakat et al., 2008). Enfin, pour diverses raisons, l’accès aux conseils d’un médecin et au suivi de la grossesse est facilité par le travail et fait de celui-ci un facteur positif au bon suivi de la grossesse (Vagero et al., 1999 ; Saurel-Cubizolles et al., 2004 ; Van Zutphen et al., 2008).

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Bruit et grossesse : risques auditifs et extra-auditifs encourus par les enfants à naître P. Campo, K. Maguin

Introduction Sur leur lieu de travail, de nombreuses salariées sont exposées quotidiennement à des niveaux de bruit supérieurs à 85 dB(A) (DARES, 2006). De tels niveaux de bruit sont présents dans les industries du textile, du papier, du caoutchouc, du tabac, des matières plastiques, de même que dans les entreprises impliquées dans les secteurs alimentaire et aéronautique. Dans les deux derniers secteurs cités, les femmes sont même exposées à des bruits dont la composante en fréquence peut être particulièrement riche en basses fréquences. En dépit de ces expositions professionnelles, beaucoup de ces salariées poursuivent leurs activités pendant la grossesse. 252

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Si le bruit fait l’objet d’une réglementation qui protège les travailleurs, hommes et femmes, contre les risques d’une dégradation de l’acuité auditive (Directive « bruit » 2003/10/CE du Parlement européen, transposée en droit français par le décret 2006892), il n’existe pas de réglementation spécifique pour protéger la travailleuse enceinte et son futur enfant. Pourtant, l’analyse de la littérature laisse penser que le fœtus pourrait subir des agressions physiques ou ressentir les effets du stress inhérents à l’exposition au bruit de la mère. L’objectif de cette revue de la littérature est de souligner les risques auditifs et extraauditifs encourus par les enfants à naître, et d’analyser les carences éventuelles de la réglementation professionnelle. Des mesures adaptées à la protection des travailleuses enceintes, exposées à des environnements bruyants sont également proposées.

1. Effets auditifs d’une exposition au bruit : conséquences pour l’enfant à naître Si les équipements de protection individuelle peuvent protéger l’audition de la mère, il n’en est pas de même pour l’oreille du fœtus. De plus, l’oreille interne du fœtus est particulièrement sensible aux agressions sonores et chimiques pendant la « période critique » (Pujol, 1986 ; Lenoir et al., 1986).

1.1. Période critique ou phase d’hypersensibilité au traumatisme cochléaire Chez l’embryon humain, la neurogenèse de l’appareil auditif commence très tôt et se traduit d’abord par l’apparition de placodes sensorielles, puis par la mise en place de réseaux de neurones. La maturation de l’appareil auditif commence par le fonctionnement physiologique des cellules ciliées de l’organe de Corti et celui des relais nerveux assurés par le système auditif afférent (de la cochlée vers les centres nerveux) et efférent (des centres nerveux vers la cochlée) (Pujol et al., 1991; Rubel et Fritzsch, 2002). Dès le sixième mois de gestation, le fœtus est capable de percevoir, de réagir et de stocker des informations auditives (Kisilevsky et al., 2007). Les premières activités physiologiques de la cochlée du fœtus sont limitées à la perception et à la discrimination des fréquences basses et moyennes, entre 250 Hz et 3 kHz. Ensuite, la cochlée 253

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gagne en sensibilité et augmente la largeur de sa gamme de fréquences perçues (Hepper et Shahidullah, 1994 ; Shahidullah et Hepper, 1994). La période critique correspond à la fin de la période de maturation du système auditif (Cook et al., 1982b, Lenoir et al., 1986), c’est-à-dire aux trois derniers mois de la grossesse. Pendant cette période, l’oreille interne est particulièrement sensible aux agressions sonores et aux substances ototoxiques. En effet, plusieurs auteurs ont montré que chez l’animal l’exposition du fœtus à des bruits de forte intensité pouvait altérer l’audition (Griffiths et al., 1994 ; Huang et al., 1997 ; Gerhardt et al., 1999) et que la cochlée était particulièrement sensible aux antibiotiques de type aminoside pendant la période de maturation du système auditif (Pujol, 1986) et juste après la naissance (Osako et al., 1979 ; Daniel et Laciak, 1982). Par analogie, Pujol (1986) fait l’hypothèse que la cochlée humaine est vraisemblablement sensible aux antibiotiques, puis au bruit, aux stades de développement de l’oreille interne correspondant aux trois derniers mois de la grossesse. Premiers potentiels cochléaire

Seuils et sélectivité en fréquence

Conception

Naissance

8 Périodes critiques

18

21

semaines 30 36

27

Trauma acoustique

Aminoglycosides

Figure 5.2. Séquence des principaux événements survenant au cours de la maturation anatomo-fonctionnelle de la cochlée chez l’Homme.

1.2. Ambiances sonores intra-utérines et perception L’environnement acoustique du fœtus in utero est dominé par des sons émis par la mère lors de son activité respiratoire, cardiaque et intestinale, et par les mouvements gestuels de la mère. D’après Brezinka et al. (1997), le bruit de fond intra-utérin n’est jamais inférieur à 28 dB et peut atteindre 84 dB lorsque la mère chante. De plus, l’analyse spectrale du bruit intra-utérin dans les derniers mois de grossesse montre qu’il 254

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est principalement constitué par des bruits de basses fréquences : des niveaux de 60 à 90 dB pour les fréquences inférieures à 100 Hz tandis que le niveau avoisine 60 dB pour les fréquences supérieures à 100 Hz (Benzaquen et al., 1990 ; Gagnon et al., 1992). Dès la 35e semaine de grossesse, le fœtus est capable de percevoir et discriminer des unités phonologiques discrètes émises par un haut-parleur placé à proximité de l’abdomen de la mère (Lecanuet et al., 1987 ; Shahidullah et Hepper, 1994). Dès lors, le fœtus peut entendre des bruits extérieurs dont le spectre et l’intensité parvenant à son oreille interne sont différents de ceux parvenant à celle du nouveau-né. Pour être perçus par la cochlée du fœtus, les bruits extérieurs doivent d’une part, traverser les parois abdominale et utérine, puis le placenta et le liquide amniotique et d’autre part, être supérieurs au bruit de fond intra-utérin. Or, l’atténuation apportée par cette barrière varie en fonction des fréquences qui composent la stimulation sonore. En fait, la barrière de transmission et la cavité utérine sont considérées comme un filtre passe-bas. Les basses fréquences, inférieures à 250 Hz, ne sont que faiblement atténuées (< 5 dB), tandis que les fréquences supérieures à 250 Hz, sont atténuées d’environ 6 dB par octave (Gerhardt et al., 1990). Par exemple, pour un son de 4 kHz, l’atténuation de la barrière abdominale et utérine peut atteindre 20 dB. Il n’en demeure pas moins que la cochlée du fœtus peut percevoir des bruits pendant la période critique et qu’elle serait donc susceptible de subir des traumatismes sonores.

1.3. Traumatisme cochléaire chez le fœtus Peu d’études épidémiologiques se sont intéressées aux effets auditifs des enfants exposés au bruit durant leur vie fœtale. Les études de Daniel et Laciak (1982), Lalande et al. (1986) et celle de Rocha et al. (2007) sont le plus souvent citées dans la littérature. Daniel et Laciak, en 1982, ont réalisé deux études en une : une étude clinique et une étude expérimentale chez le cobaye. Au cours de l’étude clinique, des mesures audiométriques ont été réalisées chez 75 enfants, âgés de 10 à 14 ans, nés de mères ayant travaillé pendant leur grossesse dans un atelier de tissage où le bruit ambiant avoisinait 100 dB. Sur cette population, 35 enfants présentaient des pertes auditives de 20 à 55 dB à 4 et 5 kHz, par rapport aux données audiométriques d’une population de référence du même âge. Dans cette étude, l’absence de tests audiométriques chez des enfants témoins (du même âge issus de mères ayant été peu ou pas exposées au bruit durant la grossesse), un taux de participation inconnu1, un délai de 10 à 14 ans entre l’évaluation audiométrique 1. Taux de participation : rapport entre le nombre d’individus ayant participé à l’enquête épidémiologique et le nombre d’individus sollicités au départ de l’enquête.

255

GROSSESSE ET TRAVAIL

et l’exposition prénatale au bruit, l’absence de prise en compte d’autres facteurs d’exposition professionnelle ou extra-professionnelle et la méconnaissance du spectre du bruit auquel la population a été exposée, diminuent considérablement la validité des résultats. Lalande et al. (1986) ont examiné l’audition de 131 enfants, âgés de 4 à 7 ans, nés de mères exposées pendant leur grossesse à des ambiances bruyantes comprises entre 65 et 95 dB(A). Les résultats de cette étude ont montré que la proportion d’enfants qui présentait une perte auditive significative d’au moins 10 dB HL à 4 kHz était 3 à 4 fois plus grande lorsque les mères avaient été exposées à un bruit dont le LAeq, 9 mois (niveau sonore moyen pondéré A, calculé sur 9 mois) était compris entre 85 et 95 dB(A) comparées à celles ayant été exposées à un Laeq, 9 mois compris entre 65 et 75 dB(A). En dépit de l’utilisation par les auteurs de la pondération (A) qui atténue les basses fréquences, ces derniers soulignent le risque aggravant de la composante « basses fréquences » des bruits d’exposition de la mère dans l’apparition des déficits auditifs chez les enfants testés. Les principales faiblesses de cette étude sont l’erreur de mesure possible lors de la détection d’une perte auditive aussi minime que 10 dB chez des enfants et le délai de 4 à 7 ans entre l’évaluation audiométrique et l’exposition prénatale au bruit. Enfin, Rocha et al. (2007) ont évalué, à l’aide de mesures d’oto-émissions, en l’occurrence des produits de distorsions acoustiques, l’audition de 35 nouveau-nés âgés de moins de 6 mois, nés de mères ayant travaillé durant la quasi-totalité de leur grossesse, soit 8 mois, dans une usine où les niveaux de bruit étaient compris entre 80 et 90 dB SPL. Parallèlement, les auteurs ont testé l’audition de 45 nouveau-nés dont les mères n’avaient pas été exposées à du bruit pendant la grossesse. Ces derniers étaient considérés comme témoins. Les résultats de cette étude montrent que l’exposition professionnelle de ces mères ne semble pas avoir affecté l’audition des nouveau-nés évaluée par la mesure des oto-émissions acoustiques. Cependant, il importe de souligner que l’évaluation de l’audition par la mesure des oto-émissions acoustiques permet habituellement de détecter une perte auditive de 30 dB et plus (Roman et al., 2001). Dans l’étude de Rocha, la méthode de mesure ne permettait donc pas de déceler uniquement une perte auditive inférieure à 30 dB. Par ailleurs, aucune précision n’est donnée quant au spectre du bruit auquel la population a été exposée et le taux de participation à l’étude est inconnu. Les résultats relatifs au traumatisme cochléaire chez le fœtus après exposition de la mère pendant la grossesse sont donc encore partagés selon les auteurs. Cependant, les différentes méthodes utilisées pour mesurer les pertes auditives pourraient expliquer ces divergences. Par ailleurs, les études chez l’homme souffrent de biais méthodologiques : absence de suivi audiométrique chez un groupe de témoins peu ou pas exposés (Daniel et Laciak, 1982), absence des spectres des bruits d’exposition (Daniel et Laciak, 1982 ; 256

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Rocha et al., 2007), délai de plusieurs années entre l’évaluation audiométrique et l’exposition prénatale au bruit (Daniel et Laciak, 1982 ; Lalande et al., 1986), taux de participation inconnu (Daniel et Laciak, 1986 ; Rocha et al., 2007) et non prise en compte des autres expositions professionnelles (Daniel et Laciak, 1982). Ainsi la validité des résultats est moyenne pour les études de Lalande et al. ainsi que pour celles de Rocha et al. ; elle est faible pour l’étude de Daniel et Laciak. Bien qu’un risque de perte auditive pour le fœtus n’ait pu être mis clairement en évidence par les études portant sur les travailleuses enceintes exposées au bruit en milieu professionnel, les résultats ne nous permettent pas d’écarter tout risque potentiel de perte auditive. Chez l’animal, les études sur des brebis gestantes ont montré que l’exposition du fœtus à des bruits de forte intensité (120 dB pendant 16 heures) pouvait endommager ou détruire les cellules ciliées de la cochlée du fœtus (Griffiths et al., 1994 ; Pierson et al., 1995 ; Huang et al., 1997 ; Gerhardt et al., 1999). Dans ces études, il a été montré que le traumatisme cochléaire dépend de la maturité (période critique) du récepteur auditif périphérique du fœtus au moment de l’exposition, de l’intensité, du spectre et de la durée de l’exposition au bruit. Même si la brebis se révèle être un bon modèle animal pour étudier la perception des bruits par le fœtus et les effets traumatisants d’une exposition prénatale au bruit, les niveaux des expositions utilisés dans ces études étaient très élevés (120 dB pendant 16 heures) comparés à ceux rencontrés dans les milieux professionnels. À notre connaissance, seule l’étude menée par Daniel et Laciak, en 1982, chez le cobaye, a été réalisée avec des conditions expérimentales similaires à celles rencontrées en milieu professionnel. En effet, les auteurs ont exposé des cobayes gravides à un bruit d’un atelier de tissage durant toute la durée de gestation. Cependant, le suivi audiométrique des cobayes nouveau-nés reposait sur une technique de détection du réflexe de Preyer (mouvement du pavillon de l’oreille) dont la sensibilité est discutable. Bien que l’exposition sonore ait cessé à la naissance, la moitié des nouveau-nés testés par cette technique présentait une dégradation de leur audition au 14e jour et tous les animaux présentaient des lésions de l’audition au 60e jour postnatal. En résumé, les études chez l’homme soulèvent un risque potentiel de perte auditive et ce risque n’est pas démenti par les résultats obtenus chez animal. Compte tenu des conditions d’exposition au bruit peu réalistes (120 dB pendant 16 heures), la transposition des risques de surdité chez les enfants à naître reste pour le moins délicate. Comme préconisées par Hepper et Shahidullah (1994) et Pierson (1996), des études prospectives longitudinales semblent indispensables pour confirmer ou infirmer les risques de perte prématurée de l’acuité auditive chez l’enfant, lorsque la mère a été exposée pendant la grossesse. Dans ces études, une attention particulière devra être apportée aux effets des bruits riches en basses fréquences. 257

GROSSESSE ET TRAVAIL

1.4. Traumatisme cochléaire chez le prématuré Chez l’Homme, il semble que l’exposition au bruit durant la période néonatale (période de maturation cochléaire et du système nerveux auditif) puisse aussi avoir des répercussions sur l’audition du nouveau-né, surtout si ce dernier est prématuré (Glass, 1999). Contrairement aux enfants nés à terme, les prématurés placés en couveuses sont exposés à des ambiances sonores dont les niveaux peuvent être élevés. Si le niveau sonore produit par les couveuses n’excède pas généralement 55 à 60 dB, des niveaux de bruit de 90 dB, avec des pics à plus de 120 dB, ont pu être mesurés dans des unités de soins intensifs néonatals. Les sources de bruit dans ces unités de soins proviennent essentiellement du fonctionnement des différents appareils destinés à la réanimation et au contrôle des paramètres physiologiques de l’enfant. Les bruits provenant de l’activité du personnel et celui provenant des prématurés eux-mêmes ont été parfois incriminés (Benini et al., 1996 ; Robertson et al., 1998 ; Chen et Chang, 2001 ; Kent et al., 2002). En 1992, Letko a estimé entre 2 et 10 % l’apparition d’altération auditive chez des enfants ayant séjourné dans des unités de soins néonatals. Ce risque élevé ne serait pas dû uniquement à l’exposition sonore, mais aussi à l’administration de substances ototoxiques (aminoglycosides, diurétiques) (Roizen, 1999).

2. Effets extra-auditifs d’une exposition au bruit : conséquences pour la grossesse et l’enfant à naître Chez la femme exposée au bruit, les effets du stress induit par le bruit se résument principalement à une augmentation du taux de catécholamines, une diminution du taux d’hormone lactogène et une vasoconstriction des vaisseaux placentaires (Ando et Hattori, 1977 ; Cook et al., 1982a). Il est clair que les effets du stress chez la mère peuvent se répercuter sur le fœtus par voie humorale (Van Dijk, 1986 ; Garabedian, 1999). L’impact du stress de la mère exposée au bruit a été étudié chez l’enfant à naître en analysant les relations existant entre le bruit et : – le retard de croissance fœtale, – l’augmentation de nombre de prématurés, – le faible poids chez le nouveau-né, 258

Risques du travail physique, de la posture, des contraintes thermiques, des vibrations et du bruit 5

– les malformations congénitales, – les avortements spontanés et mortinaissances, – l’hypertension gestationnelle et la pré-éclampsie. Les références des études qui rapportent ces effets sont citées dans l’article de Croteau (2009). La difficulté majeure rencontrée au cours de ces études était d’isoler les effets du bruit de ceux engendrés par d’autres agents physiques (vibrations, température), biologiques ou chimiques, présents dans l’environnement professionnel. Par ailleurs, il était difficile d’apprécier l’impact du bruit par rapport à celui des conditions de travail (station debout, travail posté). Pour finir, il faut souligner que les facteurs extra-professionnels tels que la nutrition, le tabagisme et l’alcoolisme se sont révélés des facteurs confondants des effets du bruit. En conséquence, l’établissement d’une relation entre les effets extra-auditifs recherchés et l’exposition sonore est rendu difficile. Toutefois, d’après la synthèse systématique (méta-analyse) réalisée par Croteau (2009), regroupant 27 études sur les effets du bruit en milieu professionnel durant la grossesse, le bruit peut être considéré comme facteur de stress pouvant occasionner des effets extra-auditifs néfastes pour les travailleuses enceintes et leurs enfants à naître. En effet, l’auteur conclut à un risque modéré d’insuffisance de poids du nouveau-né et à un risque faible d’avortement spontané, de naissance prématurée, d’hypertension gestationnelle et de pré-éclampsie lié à l’exposition au bruit de la travailleuse durant la grossesse. Par contre, le niveau de risque de mortinaissance, de malformation congénitale et de faible poids du nouveau-né n’a pas pu être défini compte tenu des données disponibles.

3. Législation et proposition pour protéger les femmes enceintes travaillant dans des environnements bruyants En 1992, la directive 92/85/CEE a édicté une réglementation pour améliorer la sécurité et la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail. Elle a fixé un congé prénatal de 6 semaines (1 mois et demi) et un congé postnatal de 10 semaines (art. L. 122-26). Récemment, un assouplissement de ce congé a été autorisé par la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 : seules les 3 dernières semaines avant la date présumée de l’accouchement sont désormais incompressibles ; pendant cette période, la femme enceinte doit obligatoirement suspendre ses activités professionnelles. 259

GROSSESSE ET TRAVAIL

En France, il n’existe pas de réglementation spécifique pour protéger les femmes enceintes de l’exposition au bruit. Elles travaillent donc dans le cadre défini par le décret n° 2006-892, du 19 janvier 2006, concernant la protection des travailleurs contre les effets nuisibles du bruit sur l’audition. Le niveau d’exposition maximal des femmes enceintes ne peut donc pas dépasser 87 dB(A) pendant 8 heures de travail en tenant compte de l’atténuation apportée par l’équipement de protection individuelle. En d’autres termes, l’intensité sonore de l’environnement dans lequel se trouvent les travailleuses enceintes peut donc atteindre des niveaux supérieurs à 87 dB(A), si la travailleuse porte un protecteur individuel contre le bruit. Or, l’équipement de protection individuelle porté par la mère ne protège en rien l’audition du fœtus. De plus, la pondération (A), qui est utilisée dans la législation européenne pour mesurer le niveau de bruit, atténue surtout les fréquences basses, inférieures à 250 Hz (Figure 5.3A). Comme ces fréquences sont particulièrement nocives pour l’oreille interne du fœtus (voir paragraphe 1.2. et résultats de l’étude de Lalande et al., 1986), la pondération (A) semble particulièrement inadaptée pour protéger l’audition du fœtus pendant la période critique qui s’étend sur les trois derniers mois de la grossesse. Niveau de pression sonore (dB) 20 10

Courbe de pondération C

0 10 20

Courbe de pondération A

30 40 50 20

100

1 000

10 000

Fréquence (Hz)

A Figure 5.3A. Courbes de pondération (A) et (C). La pondération (A) est utilisée pour exprimer un niveau sonore en tenant compte de la sensibilité de l’oreille humaine. En revanche, la pondération (C), utilisée pour mesurer les niveaux crêtes de bruit, ne pondère pas les basses fréquences. 260

Risques du travail physique, de la posture, des contraintes thermiques, des vibrations et du bruit 5

80

Niveau de pression sonore (dB)

75 70

88,4 dB(C)

65 60 55 50 45

83,0 dB(A)

40 35 50 63 80 100 125 160 200 250 315 400 500 630 800 1k 1,25k 1,6k 2k 2,5k 3,15k 4k 5k 6,3k 8k 10k

30

B

Fréquence (Hz)

Figure 5.3B. Exemple de spectre de bruit riche en basses fréquences (< 250 Hz) mesuré à un poste de travail d’un atelier de cartonnage : le niveau sonore du bruit est de 83 dB en pondération (A), tandis qu’il atteint 88,4 dB en pondération (C). 80

Niveau de pression sonore (dB)

75

84,0 dB(C)

70 65 60 55 50 45 40 35

82,7 dB(A)

C

50 63 80 100 125 160 200 250 315 400 500 630 800 1k 1,25k 1,6k 2k 2,5k 3,15k 4k 5k 6,3k 8k 10k

30

Fréquence (Hz)

Figure 5.3C. Exemple de spectre de bruit riche en moyennes fréquences mesuré à un poste de travail d’un atelier d’embouteillage : le niveau sonore du bruit est de 82,7 dB en pondération (A), tandis qu’il atteint 84,0 dB en pondération (C). 261

GROSSESSE ET TRAVAIL

Pour prendre en compte le risque inhérent aux basses fréquences, la pondération (C) (Figure 5.3A) serait plus adaptée pour protéger l’audition du fœtus des femmes exposées au bruit pendant les trois derniers mois de la grossesse. En effet, la pondération (C) ne pondère pas les basses fréquences dangereuses pour le fœtus et augmente ainsi la protection de l’audition du fœtus (voir exemples Figures 5.3B et C). La pondération (C) présente également l’avantage d’être déjà employée pour mesurer les niveaux crêtes (décret n° 2006-892 du 19 janvier 2006) et pour évaluer l’atténuation apportée par les protecteurs auditifs individuels (Norme NF EN ISO 4869-2). L’obtention de cette mesure ne nécessiterait donc pas de mesures supplémentaires.

4. Conclusions et recommandations Les risques d’atteintes auditives du fœtus liés à l’exposition à un bruit professionnel de la femme enceinte font encore l’objet de controverses. À la lecture de la littérature, il est clair que des études complémentaires seraient souhaitables pour pallier les biais expérimentaux relevés : absence de témoins et d’analyse de spectre pour certaines études, mesure du bruit en dB(A). Quoi qu’il en soit, les risques éventuels seraient limités aux trois derniers mois de grossesse et pour des bruits riches en basses fréquences essentiellement. Compte tenu de la nocivité particulière des basses fréquences chez le fœtus, l’utilisation d’une limite d’exposition au bruit ambiant mesurée en dB(C) semble mieux adaptée à la protection de la femme enceinte. Dans cette optique, en lieu et place du niveau d’exposition maximal de 87 dB(A) qui prend en compte l’atténuation apportée par l’équipement de protection individuelle, une limite d’exposition au bruit ambiant égale à un Lex,8h de 87 dB(C) (niveau sonore moyen pondéré C, calculé sur 8 heures) semble recommandable pour les femmes enceintes pendant les trois derniers mois de leur grossesse. Remerciements Les auteurs remercient Thomas Venet pour ses commentaires précieux lors de la rédaction du manuscrit et pour les illustrations de spectres de bruit qu’il leur a fournies, ainsi qu’Agathe Croteau et Mylène Trottier pour leurs commentaires et aides bibliographiques.

262

Risques du travail physique, de la posture, des contraintes thermiques, des vibrations et du bruit 5

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GROSSESSE ET TRAVAIL

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265

6

Risques des champs électromagnétiques

Y. Ganem

Introduction Les champs électriques, magnétiques et électromagnétiques font partie des rayonnements dits non ionisants ; avec les rayonnements ionisants, ils forment le spectre électromagnétique, mais eux ne sont pas suffisamment énergétiques pour éjecter un électron d’un atome ou d’une molécule. Ils sont présents partout dans notre environnement puisqu’ils se créent autour de chaque équipement électrifié. En milieu de travail, certaines installations peuvent générer de tels rayonnements et exposer des salariées enceintes. L’impact sur le déroulement de leur grossesse se pose dès lors. C’est l’objet de ce chapitre. Les rayonnements infrarouges, visibles ou ultraviolets, qui font partie des rayonnements non ionisants, ne seront pas étudiés.

1. Champs électromagnétiques en milieu professionnel Dans le spectre des champs électromagnétiques, les rayonnements non ionisants sont schématiquement répartis en plusieurs catégories (Figure 6.1) : 266

Risques des champs électromagnétiques 6

Figure 6.1. Spectre des champs électromagnétiques : fréquence et longueur d’onde.

– les champs statiques, – les champs électromagnétiques de basse fréquence, – les ondes radio électromagnétiques : radiofréquences (RF), hautes fréquences, micro-ondes, – les rayonnements infrarouges, – les rayonnements visibles, – les ultraviolets. Les champs statiques sont de deux types : – champ électrique statique qui apparaît dès lors qu’il y a une accumulation de charges électriques, – champ magnétique statique, présent autour des aimants permanents et autour des conducteurs (« fils électriques », etc.) parcourus par un courant continu. Les champs électromagnétiques de basse fréquence (en anglais ELF : extremely low frequency) coexistent dans l’environnement de tout appareil électrique en fonctionnement et sont particulièrement importants à proximité des lignes électriques à haute et à basse tension, des appareils de soudage électrique, ainsi que dans l’électrométallurgie et les industries de l’électrochloration. L’intensité du champ électromagnétique diminue lorsque la distance à la source augmente. 267

GROSSESSE ET TRAVAIL

Radiofréquences : les champs électriques et les champs magnétiques sont d’autant plus liés et se propagent d’autant plus que leur fréquence augmente. C’est ce phénomène de propagation qui est utilisé dans les applications radio et hyperfréquences courantes : radiodiffusion, télévision, téléphonie mobile, radars, etc. Les sources industrielles de radiofréquences se rencontrent dans le secteur du bois (séchage, formage, collage) et du textile (séchage, découpage, formage, moulage, soudage), mais aussi dans la sidérurgie (électrothermie par induction). Les sources des hyperfréquences sont aussi présentes dans les secteurs de l’agroalimentaire et du caoutchouc, avec l’usage de fours industriels.

2. État des connaissances sur l’impact des rayonnements électromagnétiques sur la grossesse Les effets sur la santé des champs électromagnétiques soulèvent de nombreuses interrogations dans le monde scientifique depuis la fin du XXe siècle. L’exposition environnementale engendrée par les téléphones portables, les antennes relais ou les installations électriques, notamment de transport d’électricité, fait l’objet de la majorité des études. L’impact sur le déroulement de la grossesse a donné lieu à de nombreuses publications, elles-mêmes analysées dans le cadre de synthèses internationales variées et réunissant des experts de tout bord. L’évaluation des études réalisées est donc disponible, la dernière synthèse publiée étant celle de l’AFSSET en octobre 2009. Dans le cadre de cet avis d’experts, la décision a été de ne pas refaire le même travail, mais de se baser sur des synthèses déjà publiées et d’en retirer les enseignements afin de pouvoir répondre à l’objectif initial « existe-t-il des risques pour l’enfant à naître en cas d’exposition de sa mère durant sa grossesse dans le cadre de son activité professionnelle ? ». Pour cela, trois synthèses ont été retenues du fait du sérieux de leurs travaux et de leur complémentarité : – La monographie du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) sur les effets des champs électromagnétiques, parue en 2002. Cette synthèse est consacrée aux effets des champs statiques et des champs électromagnétiques de basse fréquence (ELF). – Le projet EMF-NET, publié en 2005 et financé par l’Union européenne, qui a fait une mise au point sur l’état des connaissances concernant les ondes radiofréquences. 268

Risques des champs électromagnétiques 6

– La saisine de l’AFSSET sur les risques des radiofréquences, publiée fin 2009. Elle est complémentaire de la publication précédente car elle traite des études les plus récentes. Plutôt que de reprendre la description et les commentaires de chaque étude analysée, seules les conclusions de l’ensemble seront présentées. Le lecteur souhaitant approfondir une question pourra se rapporter à ces documents de base. Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a publié une synthèse sur les effets des champs électromagnétiques. Bien que centrée sur les effets cancérogènes, cette monographie fait aussi le point des études publiées concernant les effets sur la reproduction et le développement ; près de 70 études expérimentales y sont détaillées, que ce soit in vivo (rongeurs…) ou in vitro (cultures cellulaires ou d’embryons). À l’issue d’une analyse détaillée de chacune de ces études, les experts concluent que « les études expérimentales chez les animaux mammifères ou non mammifères ne mettent pas en évidence d’effets sur la reproduction et le développement en cas d’exposition à de forts champs magnétiques (0,25-1 T) et champs électriques ELF (supérieur à 150 kV/m). Les champs magnétiques statiques, à fort gradient et ceux combiné avec des champs alternatifs, ont rapporté des effets sur le développement embryonnaire des grenouilles et des souris, mais le nombre d’études est limité. L’exposition prénatale aux champs magnétiques basses fréquences ELF n’a pas donné de résultat sur des effets sur la reproduction et le développement des mammifères exposés ; lorsque des effets sont observés, il s’agit d’anomalies du développement bénin ». De nombreuses études épidémiologiques ont également été décrites et analysées dans ce document. Elles concernent principalement des populations exposées lors d’utilisation de couvertures chauffantes électriques ou habitant sous des lignes hautes tensions. Quelques expositions professionnelles sont également analysées, ainsi que l’utilisation des écrans vidéo. Le CIRC conclut que « Pris dans leur ensemble, les résultats des études chez l’homme n’ont pas établi d’association entre des effets sur la reproduction et l’exposition aux champs électriques et magnétiques basse fréquence. Les effets qui ont pu être rapportés dans quelques études concernent spécifiquement des champs d’intensité élevée et pour des durées d’exposition plus longues. En ce qui concerne les écrans de visualisation, un grand nombre d’études n’ont pas mis en évidence d’effet sur la reproduction ». Dans le cadre du 6e programme de recherche de la Commission européenne, le projet EMF-NET a été consacré à la synthèse des effets des champs électromagnétiques des radiofréquences comprises entre 100 kHz et 300 GHz. Un document fait le point sur les effets sur la reproduction et le développement. L’analyse des études expérimentales a été réalisée par des experts de 6 pays européens sous la direction de l’ENEA (Agenzia nazionale per le nuove tecnologie, l’energia e lo sviluppo economico sostenibile) située 269

GROSSESSE ET TRAVAIL

à Rome. Les experts se sont basés sur les multiples synthèses publiées ces dernières années sur ce sujet (Saunders et al., 1991 ; IPCS, 1993 ; Jensh, 1997 ; Verschaeve et Maes, 1998 ; O’Connor, 1999 ; Zmirou, 2000 ; Krewski et al., 2001a ; AGNIR, 2003 ; Heynick et Merritt, 2003 ; Mc Kinlay, 2004 ; Stewart, 2004 ; Barnes, 2005 ; Juutilainen, 2005), les complétant des études publiées ultérieurement. Ils ont essayé d’en ressortir les points qui font consensus. Leurs conclusions sont les suivantes : « des études de qualité indiquent que l’exposition des rongeurs gestantes aux champs RF entraîne des effets tératogènes (malformations squelettiques et viscérales) ainsi que des avortements précoces ou tardifs. Ces effets sont accompagnés d’hyperthermie. Des petits poids à la naissance ainsi que des changements de comportement sur la descendance sont également observés ». Ils précisent qu’ « au moment du stade embryonnaire avant implantation, l’hyperthermie entraîne une augmentation des décès quand la température du rongeur a augmenté de 2-2,5 °C. Pour les malformations, l’augmentation de température doit être supérieure à 40-41 °C chez la femelle sur une durée importante. En absence d’hyperthermie, il n’a pas été observé de malformation, d’avortement, de décès, d’hypotrophie, ou de retard du développement cérébral ». Ils tempèrent leurs conclusions en signalant une publication de Nawrot en 1981, qui rapporte que l’échauffement de souris lors de la première semaine de gestation, en utilisant des champs RF de 2,45 GHz cause une diminution significative du nombre d’implantation des ovocytes fécondés par portée plus importante que celle entraînée par une augmentation de la température corporelle équivalente créée par une température élevée de l’air ambiant. Ils signalent également qu’une autre étude donne des résultats contradictoires avec des effets lors de faibles doses pour des expositions chroniques. Les experts ouvrent également une autre discussion à propos d’effets observés sur le développement postnatal dans le cadre de deux études récentes de qualité, postérieures aux différentes synthèses publiées, et qui ont examiné les conséquences d’une exposition prénatale aux champs RF sur la maturation et le comportement. L’équipe de Cobb et al. (2000) a exposé des rates gestantes aux micro-ondes (UWB/DAS 0,045 W/kg) deux minutes par jour du 3e au 18e jour de la gestation et en postnatal du 1er au 10e jour ; il n’a pas été observé d’effet significatif lié à l’exposition à l’exception de trois paramètres (vocalisation, longueur de l’hippocampe et diminution de la fréquence des accouplements). Bornhausen et Scheingraber (2000), ont exposé des rates gestantes à des champs pulsés de 900 MHz de façon continue du 1er au 20e jour de la gestation (DAS de 0,00175 à 0,075 W/kg). Il n’a pas été observé d’effet significatif sur les performances dans la descendance. Ils signalent cependant que le faible nombre d’animaux étudiés ne permet cependant pas de tirer des conclusions à partir de ces deux études d’autant plus que Paulraj et Behari en 2006 ont publié des résultats contradictoires. 270

Risques des champs électromagnétiques 6

Ils ont exposé des rats deux heures par jour pendant 35 jours à 2,45 GHz : une diminution significative de l’activité de la protéine kinase C dans l’hippocampe a été mise en évidence. Enfin les experts rapportent également que certains travaux ont montré que lorsque les animaux sont exposés à une exposition combinée associant des RF, d’intensité suffisamment élevée pour aboutir à un échauffement, à des agents chimiques tels que des endotoxines, la vitamine A, un alcool ou l’aspirine, l’effet sur le développement est plus marqué que lorsque ces mêmes champs sont administrés seuls. Certaines études donnent des résultats contradictoires. L’AFSSET vient quant à elle de publier une synthèse fin 2009 sur le même sujet. Bien qu’étudiant globalement les mêmes champs électromagnétiques, cette publication est complémentaire de la synthèse EMF-NET pour deux raisons : d’une part sa date de parution, qui prend en compte un certain nombre d’études récentes, et d’autre part, son mode d’approche qui étudie de manière plus descriptive les différentes catégories d’ondes électromagnétiques, notamment en fonction de leurs utilisations industrielles. En effet, l’AFSSET présente ses résultats selon trois types de bandes de fréquences : – 9 kHz - 10 MHz, – 10 à 400 MHz, – supérieures à 400 MHz. Pour les fréquences de 9 kHz à 10 MHz, l’AFSSET signale que peu d’études expérimentales ou épidémiologiques sont disponibles. Elles ne permettent pas de conclure quant à l’existence ou non d’effet délétère lié à des niveaux d’exposition non thermiques. Ces remarques concernant tous les effets potentiels pour la santé, y compris les effets sur le développement. Les experts remarquent notamment que les limites d’exposition professionnelles peuvent être dépassées dans certaines applications industrielles et notent également quelques publications mentionnant des effets sur des systèmes cellulaires en division, qui mériteraient d’être poursuivies. In fine, il est recommandé de réaliser des études épidémiologiques et des recherches in vitro et in vivo, dans cette bande de fréquences, portant en particulier sur la reproduction et le système nerveux. Pour les bandes de fréquences 10 MHz - 400 MHz, qui concernent des applications industrielles telles que les presses hautes fréquences et les industries du bois et textile (soudage collage, séchage), mais aussi l’IRM parmi les applications médicales, l’AFSSET souligne que, dans certaines situations, des études ponctuelles ont montré que les valeurs limites d’exposition pour le public ou les professionnels étaient parfois dépassées. Elle rapporte des résultats biologiques toujours limités et contradictoires. 271

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Pour les bandes de fréquences supérieures à 400 MHz, la plupart des études récentes montrant des effets délétères des radiofréquences sur le développement ne peuvent être prises en compte du fait de lacunes dans la méthodologie employée. Les études réalisées dans des conditions d’expérimentation fiables ne mettent pas en évidence d’effet des radiofréquences sur le développement. Cependant, les études sont peu nombreuses dans ce domaine de recherche. À noter, une étude réalisée sur des souriceaux nouveaunés prédisposés aux tumeurs et exposés à des ondes GSM (Global system for mobile communications) en période néonatale et qui ne montre aucun effet que ce soit en termes de survie des souris ou d’apparition de tumeurs, notamment cérébelleuses. Les conclusions du groupe de travail de l’AFSSET sont donc fondées sur la concordance de ces résultats obtenus par plusieurs études différentes. Les experts de l’AFSSET confirment qu’aucune preuve convaincante d’un effet biologique particulier des radiofréquences n’est apportée pour des niveaux d’exposition non thermiques, dans les conditions expérimentales testées. À ce jour, aucun mécanisme d’interaction onde-cellule n’a été identifié. Il ressort de cette analyse que, dans les conditions expérimentales non thermiques testées, les radiofréquences supérieures à 400 MHz n’ont pas d’impact sur la reproduction et le développement d’après les études les plus récentes et les mieux paramétrées. Ils signalent cependant que les résultats ne sont pas homogènes, et plusieurs études devraient être répliquées dans des conditions d’expérimentation fiables, avec notamment des données dosimétriques.

3. Discussion À la lumière de ces trois synthèses et des retours d’expérience de terrain en milieu professionnel, plusieurs points méritent discussion.

l Les effets sur le développement Des trois synthèses étudiées, il ressort que dans les études expérimentales les seuls effets observés sont dus à l’hyperthermie dans le cas d’exposition à des radiofréquences. Il est très probable qu’une hyperthermie, généralisée ou localisée, chez la femme serait susceptible d’entraîner également des effets chez l’embryon ou le fœtus. Tous les autres effets rapportés dans certaines études sont considérés comme non significatifs ou obtenus dans le cadre d’études peu fiables. Il est important de rappeler à ce propos la notion d’effets biologiques. En effet, lorsqu’une entité biologique est soumise à des champs électromagnétiques, une 272

Risques des champs électromagnétiques 6

interaction se produit avec les charges électriques du tissu ou de la cellule. Le résultat de l’interaction peut produire un effet biologique. L’observation d’un effet biologique, a fortiori en condition expérimentale, ne signifie pas forcément qu’il entraîne un dommage et encore moins qu’il se traduise par un effet sur la santé. Le corps humain est soumis en permanence à un ensemble de stimuli internes et externes, entraînant éventuellement des réactions biologiques d’adaptation, ayant un impact sur les cellules, le fonctionnement des organes et la santé. Un impact sur la santé n’intervient que lorsque des effets biologiques entraînés par une agression dépassent les limites d’adaptation du système biologique considéré. Bien que de nombreuses études aient été réalisées, il est utile de souligner deux points : – Un manque de données à propos des fréquences comprises entre 9 kHz et 10 MHz, comme le souligne l’AFSSET. Or, cette bande de fréquences se retrouve en milieu industriel ; – La faiblesse des études consacrées aux effets à long terme sur le développement de l’enfant, et notamment concernant les risques de développement de cancer. Les études publiées rapportant des expositions in utero sont encore relativement peu fréquentes. La sensibilité de l’embryon ou du fœtus est pourtant différente à cette période de la vie et nécessiterait des études spécifiques, bien que toutes les études réalisées jusqu’à présent, sur l’animal adulte pour évaluer le risque de cancer et sur divers modèles cellulaires afin d’évaluer le potentiel mutagène, soient rassurantes. Enfin une remarque générale mérite d’être effectuée sur les conditions de réalisation des tests toxicologiques. Ils sont nombreux mais souvent disparates et suivent des protocoles variés. Il pourrait être utile de prendre l’exemple des produits chimiques et de mettre au point des protocoles expérimentaux in vivo ou in vitro standardisés, validés par des organismes officiels. Cette absence rend incertains les résultats de nombreuses études expérimentales dont les protocoles sont critiquables. L’inter-comparaison des résultats entre laboratoires est difficile. Les conditions d’exposition sont l’objet de nombreuses interrogations. Cette partie est pourtant critique et difficile du fait de la complexité des champs électromagnétiques, qui peuvent varier en fonction de divers paramètres.

l La détermination de l’exposition réelle au niveau de l’embryon ou du fœtus Une mesure invasive est impossible au niveau de l’embryon ou du fœtus, la détermination des niveaux d’exposition ne peut être réalisée que par utilisation de mannequins ou 273

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de simulation numérique. Cette dernière approche permet de simuler numériquement la propagation de ces champs électromagnétiques à travers des modèles numériques du corps humain, construits à partir d’images médicales segmentées. Bien que l’exposition du fœtus fasse l’objet d’une attention particulière, peu de modèles numériques de la femme enceinte existent à l’heure actuelle. Ces modèles existants ont été obtenus en fusionnant des modèles de femme non gravides et des modèles de l’unité utéroplacentofœtale. Quatre modèles existent à ce jour : NAOMIE (Dimbylow, 2005), PWM (Xu, 2007), TANAKO (Nagaoka, 2007) et FEMONUM (Bibin, 2010). Certaines publications rapportent, en ce qui concerne les champs électromagnétiques radiofréquences, des études de modélisation ayant montré que l’embryon en début de grossesse était exposé à des niveaux supérieurs à ceux admis pour la population générale du fait de la résonance du corps entier de la mère et que le fœtus en fin de grossesse était également surexposé. Il apparaît que dans certaines modélisations, ces valeurs peuvent être dépassées (Dimbylow, 2006). Ces modélisations doivent cependant être améliorées car la variabilité des résultats observés est liée aux différentes étapes de la grossesse et des variabilités anatomiques de la mère.

l L’évaluation de l’exposition en milieu professionnel Pour les radiofréquences, la puissance absorbée par les tissus par unité de temps peut entraîner une accumulation d’énergie se traduisant par une élévation de température du corps entier ou localisée. Le débit d’absorption spécifique, dénommé DAS, est la grandeur fondamentale associée à l’échauffement des tissus pour les fréquences supérieures à 100 kHz. Cette mesure est exprimée en watts par kilogramme (W/kg). Une exposition à 1 DAS de 4 W/kg pendant 30 minutes entraîne une élévation de la température corporelle de 1 °C. Cette mesure s’effectue au moyen de différents appareils de mesure, sauf dans le cas des champs proches où ils sont inopérants. À l’intérieur de cette zone, dont l’étendue dépend de la fréquence de l’onde électromagnétique émise, la répartition des champs électromagnétiques est complexe. Le DAS dans cette zone ne peut être qu’évalué à partir de simulations ou de modélisations souvent difficiles. Il est donc indispensable de s’assurer que l’exposition professionnelle ne soit pas susceptible d’entraîner une hyperthermie. Cette dernière peut être de deux types : hyperthermie générale chez la mère ou localisée chez le fœtus. Ce contrôle est prévu par la future réglementation. Future, en effet, car pour le moment il n’existe pas de réglementation française spécifique concernant l’exposition des travailleurs aux champs électromagnétiques, et en particulier les femmes 274

Risques des champs électromagnétiques 6

enceintes. Cependant, il est recommandé de respecter, dès à présent, les préconisations de la directive européenne 2004/40/CE publiée en 2004, mais non encore applicable. En effet, la Commission européenne a proposé de reporter la date de transposition jusqu’au 30 avril 2012. Ce délai sera utilisé pour revoir la directive sur le fond. À signaler également l’existence d’une recommandation européenne pour le public (1999/519/CE), qui a donné lieu en France à la publication du décret n° 2002775, applicable aux expositions qui résultent des applications de télécommunication et de radiocommunication. La directive européenne 2004/40/CE énonce les prescriptions minimales de sécurité, basées sur les effets à court terme, en ce qui concerne l’exposition des travailleurs aux champs électromagnétiques. Elle reprend les recommandations de limitation de l’International commission on non-ionizing radiation protection (ICNIRP) en les associant aux principes de prévention des risques en milieu de travail énoncés dans la directive-cadre 89/391/CEE (ICNIRP, 2001 et 2003). La directive introduit deux ensembles de valeurs : – des valeurs limites d’exposition (VLE), internes à l’organisme, à ne pas dépasser ; – des valeurs déclenchant l’action (VDA), exprimées en grandeurs caractéristiques de l’onde incidente, dont le dépassement doit entraîner la mise en œuvre de mesures de prévention. Le respect des VDA est suffisant pour que les VLE soient aussi respectées. Les VLE sont calculées à partir des niveaux induisant des effets thermiques. Ces effets thermiques sont déterminés à partir du débit d’absorption spécifique, dénommé DAS, grandeur fondamentale associée à l’échauffement des tissus pour les fréquences supérieures à 100 kHz. Il traduit la puissance absorbée par les tissus par unité de temps qui peut entraîner une accumulation d’énergie se traduisant par une élévation de température du corps entier ou localisée. Cette mesure est exprimée en watts par kilogramme (W/kg). Des VLE existent pour une exposition corps entier et pour une exposition locale. Le respect du niveau pour l’exposition corps entier protégera du risque de dépassement des capacités de thermorégulation chez la mère. Par contre, pour les radiofréquences, il n’existe pas de VLE spécifique au fœtus. Dans tous les cas, il est conseillé de mesurer les expositions au poste de travail et de publier ces résultats ou de les intégrer dans des bases de données afin d’éclairer les futures études dans ce domaine. En effet, les conditions d’exposition en milieu professionnel sont diverses alors que cette variété est peu prise en compte dans le cadre des études épidémiologiques ou expérimentales. La plupart des fréquences et 275

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intensités étudiées sont celles impliquées dans les expositions environnementales. Une caractérisation précise des expositions réellement présentes au niveau des postes de travail potentiellement occupés par des femmes enceintes permettrait de vérifier si les types d’études nécessaires pour évaluer les risques ont été réalisées ou si de nouvelles sont nécessaires. L’AFSSET a particulièrement insisté sur le manque de données à certains postes de travail.

l Les difficultés pour repérer les postes de travail exposant à des ondes électromagnétiques Une des difficultés actuelles consiste à repérer les postes de travail émettant des ondes électromagnétiques. Les sources d’exposition en milieu professionnel sont variées et nombreuses, souvent non connues des préventeurs ou des médecins du travail. Pour aider à ce repère, il est possible de se reporter à la classification des sources élaborée par le ministère néerlandais des affaires sociales et de l’emploi. Les environnements de travail ont été regroupés par type d’équipement ; les résultats de l’analyse de la littérature scientifique et des mesures de champs réalisées sur site ont permis de classer en trois catégories ces différents environnements de travail. Selon cette classification, les environnements de travail – s’ils ne sont pas listés au tableau 6.1 (auquel cas ils sont réputés donner lieu à une exposition acceptable a priori) – peuvent être classés en trois catégories (I, II et III) selon les tableaux 6.2. Cette division en 3 catégories a été réalisée afin de simplifier la procédure d’évaluation pour les employeurs. La catégorie dans laquelle est placé un environnement de travail devient le point de départ de la procédure d’évaluation. Le fait d’identifier à l’avance la catégorie à laquelle appartiennent les environnements de travail permet de simplifier la procédure d’inventaire et d’évaluation des risques : – Aucune mesure ne doit être prise pour la catégorie I. – La catégorie II est subdivisée en IIa et IIb. Seules quelques instructions sont nécessaires pour les environnements de catégorie IIa (respecter les distances de sécurité, par exemple). Pour la catégorie IIb, des mesures techniques - telles que le blindage de la source de rayonnement ou du local et l’affichage des consignes de sécurité - sont nécessaires. – La catégorie III inclut tous les environnements de travail nécessitant des mesures importantes (réorganisation du lieu de travail, par exemple). Cette classification n’est pas exhaustive et elle est donnée à titre indicatif. Elle tient compte des sources les plus courantes et de leur utilisation habituelle.

276

Risques des champs électromagnétiques 6

Tableau 6.1. Environnements de travail réputés donnant lieu à une exposition acceptable a priori ■

Bureaux (y compris matériel informatique, câbles réseau, matériel de radiocommunication ; à l’exception des appareils d’effacement de bande magnétique).



Outils électroportatifs à moteur (conformes à la norme européenne NEN 60745).

Outils électroportatifs pour emploi à la main (conformes à la norme européenne NEN 61029) (y compris appareils électroportatifs de jardin). ■

Appareils électrodomestiques et analogues (conformes à la norme européenne NEN 60335) (y compris matériel mobile équipé d’éléments électriques chauffants ; chargeurs de batterie ; radiateurs électriques ; aspirateurs fonctionnant en présence d’eau ou à sec ; cuisinières ; fours, tables et foyers de cuisson à usage industriel et commercial ; dispositifs de chauffage pour matelas à eau ; fours à micro-ondes à usage industriel et commercial).



Installations électriques :

– réseau basse tension < 1 000 V, – dispositifs basse tension dont la puissance électrique est inférieure à 200 kVA, – distance minimale de 60 cm par rapport aux dispositifs basse tension dont la puissance électrique est inférieure à 1 000 kVA, – transformateurs d’alimentation reliés aux réseaux basse tension (< 1 000 V entre les phases) et dont la puissance électrique est inférieure à 200 kVA, – distance minimale de 60 cm par rapport aux transformateurs d’alimentation reliés aux réseaux basse tension (< 1 000 V entre les phases) dont la puissance électrique est inférieure à 1 000 kVA. ■

Moteurs électriques et pompes électriques pour lesquels :

– la puissance électrique est inférieure à 200 kVA, – la distance minimale est de 60 cm, et la puissance électrique est inférieure à 1 000 kVA. ■

Instruments d’essai (magnétoscopie non comprise).



Téléphones mobiles.



Radios à piles dont la puissance de sortie est inférieure à 100 mW.



Équipement audio et vidéo.



Dispositifs d’éclairage (éclairage par détection micro-ondes ou radiofréquence non compris).

277

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Tableau 6.2. Environnements de travail de catégories I, II et III Environnements de travail de catégorie I Groupe

278

Équipements et utilisation

1

Installation et maintenance – outils électroportatifs pour emploi à la main (matériel de soudage, par exemple)

2

Détection d’articles et de personnes – surveillance électronique d’articles (EAS) de 0,8-2,5 GHz (micro-ondes non linéaires) – identification par radiofréquence de 1 Hz à 500 kHz – identification par radiofréquence de 2 à 30 MHz (puissance d’émission < 2 W et rapport cyclique < 0,05) – identification par radiofréquence de 850 à 950 MHz (puissance d’émission < 2 W et rapport cyclique < 0,05) – identification par radiofréquence de 2,45 à 5,8 GHz (puissance d’émission < 2 W et rapport cyclique < 0,05) – détecteurs de métal à main – systèmes de désactivation EAS (surveillance électronique d’articles)

4

Production et distribution électrique – barres omnibus / rails conducteurs de sous-stations – câbles à haute tension aériens – sous-stations électriques – appareillage de commutation

6

Chauffage à induction – systèmes automatisés

7

Soudage – systèmes automatisés

8

Applications médicales – hyperthermie superficielle – maîtrise de la douleur, stimulation de la croissance osseuse, etc. – couveuses, lampes pour la photothérapie, systèmes de communication sans fil, etc.

11

Systèmes de transport et de traction – transport ferroviaire avec courant continu – véhicules, navires, aéronefs – (grands) moteurs électriques

12

Émetteurs – petits émetteurs (aux stations de base GSM, < 1 W) – téléphones et portables – systèmes radar (contrôles de vitesse, radars météorologiques)

13

Autres environnements de travail – plaques à induction dans l’hôtellerie-restauration (préparation des aliments)

Risques des champs électromagnétiques 6

Environnements de travail de catégorie II Groupe 1

2

3

4

5

6

7

8

9

Équipements et utilisation Installation et maintenance – équipements en cours d’installation ou de maintenance – équipements à proximité des équipements en cours d’installation ou de maintenance Détection d’articles et de personnes – surveillance électronique d’articles (EAS) de 0,01-20 kHz (magnétique) – surveillance électronique d’articles (EAS) de 20-135 kHz (induction par résonance) – surveillance électronique d’articles (EAS) de 1-20 MHz (radiofréquence) – détecteurs de métal – systèmes d’identification par radiofréquence (puissance d’émission > 2 W ou rapport cyclique > 0,05) Chauffage par pertes diélectriques – systèmes de soudage de plastique – matériel d’encollage du bois Production et distribution électrique – centrales électriques – bobines refroidies à l’air dans les batteries de condensateurs

Sous-groupe b a/b

a a a a a

b b b b

Processus électrochimiques – systèmes d’alimentation en courant (barres omnibus) – hall d’électrolyse

b b

Chauffage à induction – avec bobines – foyers plus grands

b b

Soudage – câble pour soudage à l’ar – porte-électrode pour soudage à l’arc

b a

Applications médicales – examen IRM – diathermie à ondes courtes et à micro-ondes – hyperthermie profonde – électrochirurgie

b b a a

Séchage par micro-ondes – utilisation d’un « magnétron ouvert »

b

10

Applications à la recherche – divers

11

Systèmes de transport et de traction – transport ferroviaire avec courant alternatif (50 Hz ; lignes à grande vitesse)

a/b a

279

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Environnements de travail de catégorie II (suite) Groupe

Équipements et utilisation

12

Émetteurs – stations de base pour la téléphonie mobile (systèmes GSM, UMTS) – émetteurs TETRA installés sur des pylônes – émetteurs TETRA installés sur des véhicules (puissance 10 W) – systèmes sans fil – petits émetteurs (puissance > 1 W) – petits émetteurs de radiodiffusion (installés sur les toits) – émetteurs radio-amateurs – systèmes radar (de navigation)

13

Autres environnements de travail – appareils d’effacement de bande magnétique – éclairage par détection micro-ondes ou radiofréquence – magnétoscopie

Environnements de travail de catégorie III Groupe

280

Équipements et utilisation

1

Installation et maintenance – localisation d’avaries sur un processus industriel

5

Processus électrochimiques – redresseurs

6

Chauffage à induction – fours de fusion de petite taille (alliages)

7

Soudage – soudage par points et par induction, semi-automatisé

8

Applications médicales – IRM

12

Émetteurs – grands émetteurs de radiodiffusion

Sous-groupe a a a a a b b b a a/b b

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Bibliographie AFSSET. Les radiofréquences. Mise à jour de l’expertise relative aux radiofréquences. Avis de l’AFSSET. Rapport d’expertise collective. Edition scientifique, agent physique, octobre 2009, 467 p. Barnes FS, Hansen RC, Anderson LE, Colditz GA et al. An assessment of potential health effects from exposure to PAVE PAWS low-level phased-array radiofrequency energy. Committee to assess potential health effects from exposure to PAVE PAWS Low-Level Phased-Array Radiofrequency Energy, National Research Council. Washington : The National Academies Press ; 2005 : 214 p. Bibin L, Anquez J, Angelini E, Bloch I. Hybrid 3D pregnant woman and fetus modeling from medical imaging for dosimetry studies. Int J Comput Assist Radiol Surg. 2010 Jan;5(1):4956. Bornhausen M, Scheingraber H. Prenatal exposure to 900 MHz, cell-phone electromagnetic fields had no effect on operant-behavior performances of adult rats. Bioelectromagnetics. 2000 ; 21 (8) : 566-74. Cobb BL, Jauchem JR, Mason PA, Dooley MP et al. Neural and behavioral teratological evaluation of rats exposed to ultra-wideband electromagnetic fields. Bioelectromagnetics. 2000 ; 21 (7) : 524-37. Dimbylow P. Development of pregnant female, hybrid voxel-mathematical models and their application to the dosimetry of applied magnetic and electric fields at 50 Hz. Phys Med Biol. 2006 ; 51 (10) : 2383–94. Dimbylow P. Development of the female voxel phantom, NAOMI, and its application to calculations of induced current densities and electric fields from applied low frequency magnetic and electric fields. Phys Med Biol. 2005 ; 50 (6) : 1047-70. Heynick LN, Merritt JH. Radiofrequency fields and teratogenesis. Bioelectromagnetics. 2003 ; 24 (Suppl 6) : S174-86. IARC. Non-Ionizing Radiation. Part 1: Static and Extremely Low-Frequency (ELF) Electric and Magnetic Fields. IARC Monographs on the Evaluation of Carcinogenic Risks to Humans. Volume 80. Lyon : IARC ; 2002 : 429 p. ICNIRP. Guidelines for limiting exposure to time-varying electric, magnetic, and electromagnetic fields (up to 300 GHz). Health Phys. 1998 ; 74 (4) : 494-522. ICNIRP. Commission internationale pour la protection contre les rayonnements non ionisants. Guide pour l’établissement de limites d’exposition aux champs électriques, magnétiques et électromagnétiques. Champs alternatifs de fréquence variable dans le temps, jusqu’à 300 GHz. Cahiers de notes documentaires. Hygiène et sécurité du travail, n°182, 1er trimestre 2001, ND 2143-182-01 : 19-47. ICNIRP. Commission internationale pour la protection contre les rayonnements non ionisants. Guide pour l’établissement de limites d’exposition aux champs magnétiques statiques. Cahiers de notes documentaires. Hygiène et sécurité du travail, n°190, 1er trimestre 2003, ND 2184-190-03 : 5-11. IPCS. Electromagnetic fields (300 Hz to 300 GHz). Environmental Health Criteria 137. Genève : World Health Organization ; 1993 : 290 p.

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Risques des rayonnements ionisants

7

M-C. Gauron, A. Poivey-Bellagamba

Introduction / Notions de radiobiologie Les effets biologiques des rayonnements ionisants (RI) résultent d’un transfert d’énergie à la matière, provoquant des interactions physiques, des réactions physicochimiques, des dommages moléculaires et cellulaires susceptibles de créer ensuite des lésions tissulaires. Ce transfert est dit ionisant si l’énergie communiquée à l’électron est supérieure à l’énergie de liaison (soit 13,6 eV pour l’atome d’hydrogène) ; dans ce cas, le rayonnement arrache un électron à l’atome et la molécule est ionisée. Une énergie moindre pourra toutefois être suffisante pour exciter une molécule en faisant passer un électron de son niveau fondamental à un niveau supérieur. Les RI peuvent être directement ou indirectement ionisants : – Les rayonnements directement ionisants, ou particules chargées (électrons, protons, ions lourds), créent des ionisants ou des excitations dans le milieu traversé. – Les rayonnements indirectement ionisants sont constitués de photons ou neutrons. Ils agissent par l’intermédiaire des particules chargées qu’ils mettent en mouvement (électrons secondaires dans le cas des photons, protons secondaires dans le cas des neutrons). 283

GROSSESSE ET TRAVAIL

Ces effets physiques entraînent des réactions physicochimiques, puis chimiques et finalement des effets biologiques. Ces effets peuvent être observés sur toutes les molécules présentes dans les organismes vivants ; néanmoins, les effets sur les molécules d’ADN sont d’une importance toute particulière. L’effet des rayonnements ionisants sur les molécules d’eau, appelé radiolyse, conduit à la formation de radicaux libres qui vont interagir avec les molécules voisines, dont l’ADN. Les rayonnements peuvent, en effet, altérer les molécules d’ADN directement, ou par l’intermédiaire des produits de radiolyse de l’eau. La probabilité de survenue de ces effets biologiques dans la population concernée augmente avec la dose et avec le débit de dose. Les effets biologiques dépendent de la quantité d’énergie transférée au milieu et de sa distribution. On appelle transfert linéique d’énergie (TLE) l’énergie transférée à la matière par unité de longueur de trajectoire, reflet de la densité des ionisations le long de la trajectoire d’une particule. Les rayonnements de faible TLE (particules bêta, rayons X et gamma) dispersent leurs dépôts d’énergie sur une trajectoire longue. Les rayonnements de TLE élevé sont fortement ionisants (particules alpha, protons, ions lourds). Ils produisent un grand nombre d’ionisations sur une faible distance. Les effets des rayonnements ionisants sur l’embryon ou le fœtus peuvent s’exercer par le biais de la mort cellulaire, ou bien d’altérations non létales de l’ADN, qui pourront être complètement ou incomplètement réparées. Ces effets pourront être à l’origine de malformations diverses atteignant particulièrement le système nerveux central, de cataracte, de retard de croissance (…), ou d’augmentation de l’incidence de certains cancers et leucémies. On appelle déterministes les effets liés à un processus de mort cellulaire. Ces effets sont généralement précoces, se manifestant le plus souvent quelques heures à quelques mois après l’irradiation. Ils ne se produisent qu’au-delà d’une dose seuil, et leur gravité augmente avec la dose reçue. Dans certains cas, ces effets sont réversibles. Les effets déterministes chez l’embryon ou le fœtus peuvent être des effets létaux (avortements), des effets malformatifs, des anomalies du développement (maldéveloppement) ou des retards de croissance. On leur oppose les effets dits stochastiques, c’est-à-dire survenant de façon aléatoire dans une population exposée de manière homogène ; c’est la probabilité de ces effets qui augmente avec la dose. Ces effets peuvent toucher des cellules somatiques (effet cancérogène) ou des cellules germinales (mutations géniques transmissibles à la descendance). On notera que ces effets, les cancers en particulier, relèvent d’une étiologie multifactorielle. Vis-à-vis des effets stochastiques, on admet la relation linéaire sans seuil, mais l’évaluation des effets liés aux faibles doses et faibles débits de doses à partir de l’extrapolation des effets des fortes doses est associée à de nombreuses incertitudes. On parle généralement de « faibles doses » en-dessous de 100 mGy.

284

Risques des rayonnements ionisants 7

Tableau 7.1. Différentes unités utilisées en radioprotection. Notion / grandeur mesurée

Unité

Définition / caractéristique

Énergie de rayonnement (E)

électronvolt (eV) 1 électronvolt = 1,6 × 10–19 joule

Activité d’un corps radioactif (A)

becquerel (Bq)

Nombre de transitions par seconde. Réduite de moitié au bout d’une période, d’un facteur 4 au bout de 2 périodes, etc. Une transition est une modification de l’état énergétique d’un noyau instable, soit par désintégration, soit par émission ou absorption d’un rayonnement.

Dose absorbée par un organisme vivant (D)

gray (Gy)

Énergie absorbée par unité de masse. Dose (Gy) = Énergie (J) / Masse (kg)

Dose équivalente (Ht)

sievert (Sv)

Dose équivalente = Dose absorbée × facteur de pondération radiologique. À dose absorbée égale, les effets biologiques dépendent de la nature des rayonnements (α, β, γ, X ou neutrons) (tableau 7.2). La dose équivalente est dite « engagée » quand elle résulte de l’incorporation dans l’organisme de radioéléments jusqu’à l’élimination complète de ceux-ci, soit par élimination biologique, soir par décroissance physique(1).

Dose efficace (E)

sievert (Sv)

Sommes pondérées des doses équivalentes délivrées aux différents tissus et organes du corps. La pondération correspond à l’application d’un facteur de pondération tissulaire (Wt) à la dose équivalente pour chaque organe avec Σ.WT = 1. Cette notion correspond à l’évaluation d’une dose corps entier.

(1) Décroissance physique : temps nécessaire à la disparition de la moitié des atomes d’un radionucléide.

Tableau 7.2. Valeurs du facteur de pondération radiologique WR (CIPR 2007). Type de rayonnement Photons Électrons Protons Alpha, ions lourds Neutrons

WR 1 1 2 20 2,5 pour E < 10 keV 20 pour E ~ 1 MeV

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GROSSESSE ET TRAVAIL

Tableau 7.3. Facteurs de pondération tissulaire WT (CIPR 2007). Tissu / organe Moelle osseuse, colon, poumon, estomac, sein Gonades Vessie, foie, œsophage, thyroïde Peau, os, glandes salivaires, cerveau Autres

WT 0,12 0,08 0,04 0,01 0,12

1. Effets d’une exposition in utero : état des connaissances Ces connaissances sont issues des travaux scientifiques centralisés et synthétisés par diverses instances internationales, notamment l’UNSCEAR (United Nations Scientific Committee on Effects of Atomic Radiations) ; celles-ci sont reprises par la CIPR (Commission Internationale de Protection Radiologique), organisme international, constitué d’un comité d’experts qui publie périodiquement des recommandations en s’appuyant sur les synthèses scientifiques de diverses instances internationales. Celles-ci n’ont pas de caractère réglementaire, mais elles sont reprises dans la plupart des pays pour les intégrer à leur réglementation. Les tissus embryonnaires et fœtaux sont particulièrement sensibles à l’action des rayonnements ionisants car les cellules qui les constituent se divisent rapidement. On sait depuis longtemps que les tissus sont d’autant plus radiosensibles que leur activité mitotique est importante (loi de Tribondeau Bergonié). Par ailleurs, la sensibilité de l’embryon ou du fœtus aux agents reprotoxiques de façon générale et aux rayonnements ionisants en particulier varie en fonction du stade de développement. Les risques d’une irradiation sont globalement plus importants durant le premier trimestre, période d’organogenèse et le début de la maturation fœtale jusqu’à la 16e semaine environ, en raison de l’importance de l’activité mitotique à ces stades. Le risque semble ensuite diminuer avec l’évolution de la grossesse. L’effet d’une exposition aux rayonnements ionisants in utero a été étudié expérimentalement chez l’animal, essentiellement chez des rongeurs, et sur des cultures cellulaires. Ces études sont surtout intéressantes dans la phase d’identification des dangers ; la présence de résultats positifs expérimentaux appelle l’attention sur un danger potentiel pour l’homme et l’absence de résultats positifs n’est pas toujours extrapolable à l’homme. 286

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Dans tous les cas, l’extrapolation des résultats expérimentaux à l’espèce humaine est délicate. Lallemand le souligne dans un article paru en 1990, articulant son propos autour de trois arguments ; d’une part, les expérimentations sont généralement conduites sur des animaux de souches particulières, homozygotes, plus radiosensibles que ceux des souches hétérozygotes ; d’autre part, les phases embryonnaires et fœtales étant beaucoup plus longues chez l’homme que dans la plupart des espèces animales, les possibilités de réparation sont plus grandes ; enfin, la période sensible chez l’animal se situe entre l’implantation et la fin de l’organogenèse, alors que chez l’être humain, une exposition durant la période fœtale (8e-16e semaine postconception) peut encore conduire à des altérations fonctionnelles cérébrales sévères. Les données humaines, d’ordre épidémiologique, sont difficiles à exploiter. La plupart des informations proviennent du suivi des populations irradiées lors des explosions d’Hiroshima et de Nagasaki, des données médicales et de l’accident de Tchernobyl. Les doses reçues sont souvent quantifiées de manière imprécise, l’âge embryonnaire ou fœtal n’est qu’approximativement connu, et les co-expositions nombreuses (Mole, 1982). Certaines de ces populations ont été exposées à des rayonnements de TLE élevés (ou à des flux mixtes (γ/n)) délivrés à forts débits de doses. Or, la plupart des situations d’exposition non accidentelles, en milieu professionnel en particulier, mettent en jeu des doses et des débits de doses beaucoup plus faibles, et assez rarement des rayonnements neutroniques. L’extrapolation à de faibles doses de ces résultats constatés suite à des irradiations massives et intenses reste à l’évidence délicate. Enfin, pour mener des études épidémiologiques robustes, il est nécessaire de disposer d’un grand nombre de sujets exposés et de témoins pour espérer mettre en évidence la présence ou l’absence d’excès de risque, surtout lorsque l’effet attendu est de faible ampleur et que la pathologie est fréquente en l’absence d’exposition aux rayonnements ionisants dans la population étudiée.

1.1. Effets déterministes La loi du tout ou rien s’applique avant l’implantation de l’œuf (10e jour postconceptionnel) : l’embryon irradié va mourir ou bien poursuivre un développement normal. La période la plus sensible se situe du 10e jour à la fin du 2e mois : c’est la période de l’organogenèse, avec un risque malformatif maximal. Par la suite, le risque le plus important à prendre en compte est celui du maldéveloppement du système nerveux central (SNC) ; ce risque est maximal si l’irradiation est délivrée entre la 8e et la 16e semaine postconception, période de sensibilité maximale des neuroblastes, précurseurs des neurones. Au-delà, persiste le risque de retard mental. 287

GROSSESSE ET TRAVAIL

Les différentes études disponibles permettent de conclure qu’en dessous de 100 mGy, les risques restent faibles, quel que soit le moment de l’irradiation. Un grand nombre d’études expérimentales sur des rongeurs impliquant principalement des irradiations X ou gamma sont résumées dans la CIPR 90 dont nous rapportons ici les principaux résultats ; l’expérimentation sur les rongeurs a permis de constater que les effets sur le développement (mortalité, malformations et retard de croissance) sont moins prononcés si les doses sont fractionnées ou délivrées à faible débit de dose. Plusieurs études expérimentales rapportent l’absence d’effet délétère en dessous de 50 mGy par jour.

1.1.1. Mort embryonnaire ou fœtale Au tout début de la grossesse, l’embryon est constitué d’un nombre peu élevé de cellules totipotentes. L’irradiation peut entraîner la mort d’une ou plusieurs cellules et l’effet dépend du nombre de cellules lésées : s’il est suffisamment faible, l’embryon pourra survivre ; si ce nombre est plus élevé, l’irradiation sera suivie d’un échec d’implantation ou d’une mort embryonnaire précoce, qui passeront cliniquement inaperçus (pas de retard de menstruation).

l Données expérimentales chez la souris Au stade pré-implantatoire, l’irradiation induit des lésions chromosomiques responsables de la mort des blastomères. Chez la souris, on observe une radiosensibilité très forte au 1er jour postconception, avec une dose létale (DL50) de 130 à 250 mGy. En période post-implantatoire (Konermann, 1987), la radiosensibilité est maximale à une période du développement animal (7e jour postconception) correspondant au 16e jour de développement postconception chez l’Homme. Elle reste élevée pendant les premiers stades de l’organogenèse puis diminue ensuite, et l’embryon atteint une résistance égale à celle de l’animal adulte. Dans la période de radiosensibilité maximum, la dose seuil de létalité se situe autour de 1,25 Gy.

l Données humaines Les données humaines sont plus rares, notamment parce que la majorité des morts embryonnaires survient au stade pré-implantatoire, avant que la grossesse ne soit diagnostiquée. Des irradiations thérapeutiques ont montré qu’une dose de 3,5 à 4 Gy pouvait entraîner une fausse couche. 288

Risques des rayonnements ionisants 7

Mole (1982) note l’augmentation de la mortalité néonatale des enfants irradiés in utero lors des explosions atomiques d’Hiroshima et Nagasaki dans le 3e trimestre de la grossesse lorsque l’exposition maternelle était supérieure à 1,8 Gy. La CIPR 103 précise que la mort embryonnaire serait très rare en dessous de 100 mGy pour des rayonnements de faible TLE.

1.1.2. Malformations Dans tous les cas, la radiosensibilité (type et sévérité des malformations) dépend de l’âge gestationnel au moment de l’irradiation ainsi que du niveau d’exposition.

l Données expérimentales Chez l’animal, les malformations sont variées, touchant particulièrement le squelette ; le seuil minima retenu, en particulier pour les malformations squelettiques, semble se situer pour l’irradiation de la souris gestante entre 50 et 250 mGy. Des malformations anatomiques cérébrales chez le rat ont également été observées après irradiation prénatale. Elles comprennent des microcéphalies, microphtalmies, hydrocéphalies, hétérotopies ventriculaires, anomalies du corps calleux ; celles-ci s’observent particulièrement pour des expositions au-delà de 1 Gy.

l Données humaines Dans l’espèce humaine, les effets observés concernent essentiellement les malformations ou anomalies du développement du système nerveux central (SNC). Ces données sont issues principalement des observations effectuées chez les survivants des explosions d’Hiroshima et de Nagasaki. Plusieurs auteurs rapportent la microcéphalie comme la malformation la plus communément observée (associée ou non à un retard mental) après une irradiation intra-utérine à forte dose (Brent, 1980). La radiosensibilité dépend de l’âge gestationnel ; elle est maximale en période d’organogenèse majeure, c’est-à-dire du 9e jour à la fin du 2e mois (9e semaine), et, compte tenu du principal effet, à savoir les anomalies du développement du SNC, entre la 8e et la 16e semaine postconception. Ce risque persiste également au stade fœtal. Sur la base de l’expérimentation animale, la CIPR 103 suggère un quasi seuil pour les effets malformatifs autour de 100 mGy pour des rayonnements de faible TLE. 289

GROSSESSE ET TRAVAIL

Les données disponibles synthétisées dans l’UNSCEAR 2000 ne rapportent pas d’augmentation statistiquement significative des malformations (stricto sensu) dans les pays de l’ex-URSS (Ukraine, Bélarus, Russie-district de Briansk). Lazjuk et al., en 2003, ont comparé l’incidence de 1983 à 1999 des malformations congénitales en Bélarus avant et après l’accident de Tchernobyl ; ils ont retrouvé une augmentation mais sans différence d’incidence entre les zones fortement et faiblement contaminées. De même, la prévalence de la trisomie 21 de 1981 à 1992 est constante (Zatsepin I et al., 2004). Néanmoins, une analyse complémentaire des mêmes données centrée sur une étude, mois après mois, de l’incidence des trisomies 21 met en évidence une augmentation de cette malformation en janvier 1987, soit environ 9 mois après l’accident de Tchernobyl ; on peut donc évoquer une possible influence de l’exposition de la mère dans les heures suivant la conception ; pourtant, il semble excessif de conclure dans l’état actuel des connaissances à un lien de causalité (Zatsepin, 2007).

1.1.3. Anomalies de développement du système nerveux central (hors malformations) l Données expérimentales À partir de 100 à 300 mGy, des troubles du comportement et des atteintes neurologiques ont été décrits dans différentes études rapportées dans la CIPR 90 chez les rongeurs : anomalies de l’électro-encéphalogramme, prédisposition à l’épilepsie, troubles de l’apprentissage et de la mémoire ; Hossain et al. (2001) ont montré chez la souris une irréversibilité de l’apprentissage de la mémoire pour des doses gamma supérieures à 500 mGy. Les anomalies de développement du système nerveux central seraient liées à la mort cellulaire et à des anomalies de différenciation et de migration cellulaire. L’expérimentation animale montre une altération précoce des neuroblastes après irradiation, lors de leur migration vers le cortex. Chez les mammifères, l’architecture des cellules pyramidales du néocortex peut être altérée par une irradiation de 100 mGy aux stades fœtaux précoces. La période la plus sensible, correspondant à 8-16 semaines chez l’Homme, est une période de multiplication exponentielle des neuroblastes, précurseur des neurones. Après la formation du pool cellulaire, les cellules migrent ; à noter que cette migration peut également être entravée par l’action de diverses expositions de l’environnement dont les rayonnements ionisants. 290

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l Données humaines Les données épidémiologiques les plus solides sur le retard mental proviennent de l’observation des individus exposés in utero aux rayonnements ionisants lors des explosions d’Hiroshima et de Nagasaki. La publication 90 de la CIPR en discute les nombreuses limites méthodologiques (faible nombre de sujets, imprécisions dans la détermination des doses reçues et de l’âge gestationnel) ; elle retient pourtant que l’exposition prénatale aux rayonnements ionisants augmente le risque de retard mental, de quotient intellectuel bas et de difficultés scolaires ; dans cette même publication, le risque d’épilepsie est évoqué, il est cependant associé à un niveau de preuve modéré. ■ Effets et périodes à risque Les effets peuvent être cliniquement observés suites à une irradiation survenue entre la 8e et la 25e semaine de développement (la période du risque maximal se situant entre la 8e et la 16e semaine), au-delà d’une dose difficile à préciser. La CIPR 90 note une diminution du quotient intellectuel (QI) chez les survivants, d’autant plus marquée que la dose reçue est élevée. Cette diminution est fonction de l’âge fœtal au moment de l’irradiation : elle est maximale et répond à une relation doseréponse linéaire, pour la période entre 8 et 16 semaines de développement (réduction de 25 points par Gy) ; son ampleur est moindre si l’irradiation a eu lieu entre 16 et 25 semaines (Otake, 1998). La proportion d’enfants atteints de retard mental s’accroît, elle aussi, avec la dose. Le risque augmente de 40 % pour une dose de 1 Gy reçue pendant la période la plus critique, entre la 8e et la 16e semaine de développement. Les effets sont là encore moins prononcés entre la 16e et la 25e semaine (excès de risque de 9 %). Aucun effet de ce type n’a été observé au-delà de la 26e semaine ou avant la 8e semaine (Otake, 1998). Devant un retard mental, la CIPR 84 rappelle que la présence d’une hétérotopie de la matière grise et d’une microcéphalie oriente soit vers un syndrome d’alcoolisme fœtal, soit vers un effet de l’irradiation. De même, les résultats scolaires semblent liés à la dose reçue. Un élève qui aurait normalement été dans le 50e percentile pourrait se situer dans le 10e percentile s’il recevait une dose de 1 Gy durant la période la plus à risque (de 8 à 15 semaines) (CIPR 90). Ceci est à mettre en perspective avec les connaissances à propos des effets sur le quotient intellectuel après exposition durant l’enfance ; plusieurs études ont concerné des cohortes d’enfants traités par radiothérapie cérébrale pour cancers et en particulier leucémies ; la plupart de ces études retrouvent des déficits neurocognitifs surtout suite à des irradiations dans le tout jeune âge (Butler, 2006). 291

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■ Dose seuil Toutes les observations cliniques quant à la survenue d’un retard mental sévère concernent des doses reçues supérieures à 500 mGy et de forts débits de dose ; ce seuil varie selon la période de la grossesse : 550 mGy pour la période la plus à risque de 8 à 15 semaines, plus élevé au-delà de 15 semaine (Otake et al., 1996). Les données issues du suivi des enfants biélorusses exposés in utero suite à l’explosion de Tchernobyl sont compatibles avec les données japonaises : la moyenne des QI à l’âge de 6-7 ans est rapportée légèrement inférieure à celle des enfants non exposés, avec des estimations à la thyroïde de 300 à 400 mGy (Kolominsky et al., 1999). On a peu d’observations concernant les expositions chroniques à des sources externes ou à des radionucléides. Les observations disponibles rapportées dans la CIPR 90 proviennent d’un petit nombre de sujets exposés à de faibles doses émanant des rejets radioactifs du complexe militaire russe de Mayak et de la contamination de la rivière Techa. Aucun effet sur le développement cérébral de ces populations n’a été observé mais ces données insuffisamment documentées incitent à la prudence quant aux conclusions. La CIPR 103 recommande de retenir une valeur seuil de 300 mGy pour le retard mental sévère, lorsque l’irradiation se produit dans la période de radiosensibilité maximale (8 à 15 semaines) ; par contre, la perte de quotient intellectuel estimée à 25 points par Gray peut correspondre à une réponse dose effet sans seuil. Elle estime également comme probable qu’une exposition à des doses inférieures à 100 mGy pour des rayonnements de faible TLE n’ait pas d’effet significatif sur le QI. ■ Impact potentiel en santé publique L’évaluation des effets radio-induits doit être rapportée à la prévalence des retards mentaux dans la population générale. En effet, en l’absence d’autre source de rayonnement que celles naturellement présentes dans l’environnement, on estime actuellement que 3 % des individus ont un QI inférieur à 70 (seuil couramment admis pour parler de retard mental), et que le retard mental sévère (impliquant une dépendance dans les activités de la vie quotidienne) touche une naissance sur 200.

1.1.4. Retard de croissance l Données animales Les données animales concordent avec les données humaines (retard de croissance et de développement in utero, diminution du poids de naissance et retard de croissance postnatale). 292

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La période la plus radiosensible semble être la fin de l’organogenèse, avec une dose seuil de 250 mGy pendant cette période.

l Données humaines Les données humaines sur le retard de croissance et les petits poids de naissance sont issues de l’examen des survivants japonais ; un déficit staturopondéral à l’adolescence, une réduction du périmètre crânien et un retard d’ossification sont retrouvés dans la cohorte exposée in utero dont les mères se trouvaient à moins de 2 km de l’hypocentre (et en particulier lorsqu’elles se trouvaient dans la portion la plus exposée de ce groupe, c’est-à-dire exposées à plus de 500 mGray) (Burrow et al., 1965). La période la plus à risque est située de la 7e à la 16e semaine de grossesse.

1.2. Effets cardiovasculaires Une étude très récente de 2007 de Nakashima sur 1 000 sujets exposés in utero de la cohorte japonaise et suivis pendant l’adolescence semble montrer une élévation des chiffres de pression artérielle systolique à l’adolescence et une augmentation de la prévalence de l’hypertension artérielle chez les sujets exposés ; la prévalence de l’hypertension artérielle est statistiquement augmentée, toutes périodes d’exposition confondues, avec un odds ratio de 2,23 pour une dose de 1 Gy. Tatsukawa et al. en 2008 ont étudié de 1978 à 2003 (examens semestriels) les effets de l’exposition in utero sur l’HTA (hypertension artérielle) et autres effets cardiovasculaires chez les survivants de la cohorte japonaise (500 participants) ; il les a comparé à une population de sujets âgés de moins de 10 ans lors de l’exposition ; l’augmentation significative du risque HTA et maladie cardiovasculaire observé pour une exposition reçue dans l’enfance n’a pas été retrouvée dans la cohorte exposée in utero. Les auteurs soulignent cependant l’âge inférieur à 60 ans lors de la fin de l’étude de la cohorte exposée in utero. Ces résultats sont à mettre en perspective avec une étude concernant l’existence d’une relation entre irradiation externe et pathologie cardiovasculaire à l’âge adulte avec un résultat significatif pour l’hypertension et une augmentation de l’incidence des ischémies myocardiques chez les sujets exposés à moins de 40 ans (Yamada et al., 2004).

293

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1.3. Effets stochastiques 1.3.1. Cancers Les données animales montrent une augmentation du risque de cancer après la naissance et durant la vie adulte après exposition in utero. Les enquêtes épidémiologiques sur le sujet sont souvent discordantes. En particulier, l’amplitude du risque après exposition à de faibles doses et la variation de ce risque selon le stade de la grossesse sont des questions encore débattues. Toutefois, l’analyse des données disponibles a permis à la CIPR 90 d’aboutir à des conclusions dont une partie est reprise ci-dessous.

l Données animales L’expérimentation chez les mammifères montre qu’une irradiation in utero augmente le risque de cancer solide à l’âge adulte et ceci d’autant plus que les rayonnements sont de TLE élevé (neutrons). La réduction du débit de dose réduit l’incidence des cancers induits lors d’une irradiation prénatale. Les données issues des différentes études expérimentales (CIPR 90) indiquent un risque cancérogène maximal à la fin de la période fœtale ; il ne semble pas exister d’excès de risque lié à une irradiation pour des expositions pré-implantatoire ou durant l’embryogenèse. Cependant, les données sont difficiles à synthétiser car la méthodologie varie fortement d’une étude à l’autre.

l Données humaines ■ Cancers dans l’enfance La plus large étude épidémiologique sur l’incidence des cancers dans l’enfance après irradiation médicale in utero est l’étude d’Oxford (OSCC : Oxford Study of Childhood Cancers). Il s’agit d’une étude cas-témoin visant à recenser tous les cas de mortalité par cancer avant l’âge de 16 ans, au Royaume-Uni, entre 1953 et 1981. Elle recherchait un antécédent d’irradiation in utero par questionnaire auprès de la mère et par consultation du dossier médical. Cette étude a montré que l’irradiation augmentait le risque de cancer dans l’enfance, tous types de tumeurs confondus (principalement : leucémies, tumeurs cérébrales et lymphomes). Durant la plus grande partie de la grossesse, on estime que les rayonnements ionisants ont le même potentiel cancérogène in utero que durant l’enfance. L’excès de risque plus élevé retrouvé dans les grandes études épidémiologiques lorsque l’irradiation survient 294

Risques des rayonnements ionisants 7

au premier trimestre (Delongchamp en 1997, Gilman en 1988 sur l’étude OSCC), s’explique comme le note Mole par le fait que les examens radiologiques en début de grossesse semblent plus irradiants que ceux pratiqués en fin de grossesse ; ils impliquent de la scopie et un plus grand nombre de films. Plus généralement, on considère que le risque leucémogène semble maximal en fin de grossesse, i.e. à un moment où l’hématopoïèse fœtale passe du foie à la moelle osseuse et où on assiste donc à une activité mitotique importante des cellules de la moelle osseuse. D’après la publication 84 de la CIPR, l’analyse des données sur l’incidence des cancers dans l’enfance après exposition in utero aux rayons X à des fins de radiodiagnostic a permis de conclure à un risque relatif de 1,4 pour une irradiation de 10 mGy (tous types de cancers confondus). D’autres estimations récentes situent à 0,06 % le risque absolu de développer un cancer entre 0 et 15 ans après une irradiation in utero de 10 mGy. En outre, ces chiffres doivent être rapportés à l’incidence des cancers chez les enfants entre 0 et 15 ans dans la population générale, qui est de 2 à 3 pour 1 000. Suite à l’accident de Tchernobyl, seule l’augmentation des cancers de la thyroïde a été scientifiquement démontrée. Les effets de l’exposition à l’iode 131 in utero sont trop mal connus pour définir si le fœtus a un risque plus important que les jeunes enfants. Plusieurs études ont porté sur les risques de leucémies après une exposition in utero, avec des résultats contradictoires sans pouvoir conclure définitivement du fait d’un manque de puissance statistique et de faiblesse méthodologique. Dans tous les cas, l’absence d’effets significatifs concernant les cancers non thyroïdiens ne signifie pas absence d’effet et la surveillance des populations doit être poursuivie (Cardis et al., 2006). ■ Cancer durant la vie entière Les dernières conclusions de la CIPR 103 recommandent de considérer que le risque de cancer pour la vie entière, consécutif à une exposition in utero, est similaire à celui suivant une exposition dans la petite enfance, c’est-à-dire trois fois celui de la population générale. Un article de Preston et al. en 2008, postérieur à la publication CIPR 103, rend compte des résultats du suivi de l’incidence des cancers jusqu’à l’âge de 50 ans parmi une cohorte de 2 542 sujets irradiés in utero à Hiroshima et Nagasaki et d’autres sujets irradiés dans l’enfance. Il conclut que l’exposition aux rayonnements ionisants, in utero comme dans l’enfance, augmente le risque de développer un cancer solide à l’âge adulte, dans une proportion toutefois moindre que le ferait une exposition dans l’enfance. L’excès de risque relatif augmente avec la dose reçue (1,0 par sievert pour une analyse à l’âge de 50 ans). 295

GROSSESSE ET TRAVAIL

Les rayonnements ionisants in utero ne semblent pas induire un type de tumeur particulier, mais augmenter la fréquence des cancers couramment observés dans la population japonaise. ■ Faibles doses S’agissant du risque cancérogène induit par les rayonnements de 100 mSv et moins (« faibles doses »), en matière de radioprotection, la CIPR recommande le modèle d’une relation dose réponse linéaire sans seuil. En effet, bien que les données expérimentales ne permettent pas d’affirmer la validité scientifique d’un tel modèle, il semble présenter les garanties de sécurité nécessaires en matière de radioprotection.

1.3.2. Effets héréditaires Ce paragraphe concerne à la fois les effets héréditaires à partir d’une irradiation de l’enfant à naître pour sa descendance future, et les effets sur les cellules germinales des individus lors d’une irradiation postnatale, transmissibles à leur descendance.

l Données animales Bien qu’il ne s’agisse pas d’effets stochastiques mais déterministes, on peut noter que plusieurs études menées chez les rongeurs dans les années 1960 ont montré que des doses à partir de 500 mGy étaient susceptibles d’induire hypoplasie testiculaire et stérilité chez des animaux irradiés in utero (Lione, 1987). Les études expérimentales chez la souris ont mis en évidence des effets héréditaires dans leur descendance après irradiation. Le taux moyen de mutations induites par une irradiation aiguë X ou γ (à partir des mutations récupérées sur 34 gènes) est de 10–5/gène/Gy (UNSCEAR, 2001). Les rayonnements semblent induire préférentiellement des délations multiloci dans le génome (CIPR 103). Récemment, chez certaines souches de souris prédisposées, on a pu également observer des instabilités génomiques transmissibles à la génération suivante (Little, 2002).

l Données humaines La CIPR 103, se basant notamment sur l’absence d’effets observables chez les descendants des survivants des explosions d’Hiroshima et Nagasaki et d’individus traités par radiothérapie dans l’enfance, conclut sur l’absence de preuve directe humaine qu’une 296

Risques des rayonnements ionisants 7

exposition des parents aux rayonnements ionisants entraîne un excès d’affections héréditaires chez les enfants. En se basant sur ces données, la CIPR a proposé en 2007, un abaissement du WT des gonades. On peut noter ici la diminution successive du WT gonades au cours des différentes publications de la CIPR : – CIPR 26 (1977) 0,25 ; – CIPR 60 (1990) 0,20 ; – CIPR 103 (2008) 0,08. Toutefois, une étude de Weinberg et al. en 2001 fait état, pour la première fois, d’une augmentation de mutations génétiques sans malformations associées chez 187 enfants conçus après l’intervention de leurs pères comme liquidateurs à Tchernobyl, en prenant comme référence le taux trouvé chez leurs frères et sœurs conçus avant 1986. Ces données doivent toutefois être confirmées en raison d’un grand nombre de biais et de facteurs de confusion largement soulignés par Jeffreys et Dubrova (2001). Dans tous les cas, en raison des données animales, ce risque reste pris en compte en matière de radioprotection. Le calcul du risque de maladie génétiquement transmissible à la descendance est obtenu en combinant les taux de mutations induites expérimentalement chez l’animal et les fréquences spontanées d’affections génétiques observées chez l’Homme. Le rapport du Comité Scientifique des Nations Unies (UNSCEAR 2001) indique un excès de risque de maladie génétiquement transmissible, pour une population dont les grands-parents auraient été irradiés par une dose de 1 Gy, de 0,4-0,6 % de la fréquence de ces maladies en l’absence d’irradiation spécifique.

2. Évaluation de l’exposition du fœtus L’évaluation des doses reçues par le fœtus est indispensable dans le domaine de la radioprotection, que ce soit dans le cas de travailleuses enceintes, des patientes enceintes se présentant pour radiodiagnostic ou radiothérapie. Elle sert également à évaluer les risques pour l’embryon ou le fœtus après une exposition accidentelle aux rayonnements ionisants, évaluation qui déterminera en grande partie la conduite à tenir. Les doses fœtales sont plus délicates à estimer que les doses reçues par la mère, car elles ne peuvent être évaluées que de manière indirecte (calculées). Certaines études se servent d’une reconstruction du fœtus et des différents organes maternels qui l’entourent avec des matériaux de coefficient d’absorption proches (technique du « fantôme ») et un dosimètre à l’emplacement théorique du fœtus (Doshi et al., 2008). 297

GROSSESSE ET TRAVAIL

Dans le cas des travailleuses exposées aux rayonnements X (radiodiagnostic), la dose mesurée sur un dosimètre même placé sur l’abdomen de la femme enceinte surestime la dose fœtal ; le niveau de surestimation est difficile à avancer et dépendra de plusieurs facteurs (présence de la source côté dos ou abdomen, orientation...). En cas d’exposition accidentelle, une reconstitution avec l’aide de l’IRSN sera parfois nécessaire. L’IRSN effectue cette évaluation à partir d’une modélisation informatique sur la base de données calculées par le programme Monte Carlo sur un fantôme anthropomorphe. Même si l’évaluation de l’exposition aux neutrons se pose surtout en INB (Installation nucléaire de base), elle peut se révéler nécessaire dans certaines utilisations en recherche, en médical (en particulier en protonthérapie…) ou dans certaines activités industrielles non nucléaires. Ainsi, les gammadensimètre-humidimètres, utilisés dans les travaux publics (mesure de l’humidité et de la densité d’un sol) contiennent une source américium 241- béryllium 9 émettrice de neutrons. Il faut donc si nécessaire vérifier l’adaptation du dosimètre à la détection neutronique. L’évaluation de la dose reçue par le fœtus est particulièrement délicate en ce qui concerne l’exposition interne aux radionucléides. En effet, l’irradiation du fœtus a une double origine : passage transplacentaire du radionucléide et irradiation indirecte par les photons issus des radionucléides déposés dans les tissus maternels et dans le placenta. Ce qui entraîne une double irradiation chronique. Il est notamment difficile de déterminer la part du rayonnement qui sera diffusée au fœtus. Par ailleurs, aucun facteur de pondération tissulaire valable pour le fœtus n’a été déterminé. L’évaluation de dose devra donc se faire en prenant en compte l’ensemble des rayonnements émis à partir des zones sources. La CIPR a proposé des coefficients permettant de calculer les doses reçues par l’enfant à naître en cas d’absorption de radionucléides par la mère. Elle utilise dans le cas des expositions professionnelles des coefficients de dose s’appuyant sur la publication 68 de la CIPR.

3. Principales situations d’exposition professionnelle Les principales situations d’exposition professionnelle aux rayonnements ionisants concernent les milieux de soin (services de radiologie, radiothérapie, médecine nucléaire), les vétérinaires, le domaine de la recherche, l’industrie électronucléaire, des activités industrielles autres et aéronautiques (exposition aux sources naturelles). 298

Tableau 7.4. Bilan synthétique des expositions professionnelles : doses externes passives – 2008 (IRSN – Rapport DRPH/DIR/ 2009-16 p. 22)*. Secteur d’activité ou établissement

Répartition des effectifs par intervalles de dose Dose individuelle Effectifs dont moyenne Travailleurs Dose collective la dose individuelle (mSv) = dose collective / 1à 6à 20 à surveillés (homme. Sv) annuelle est < 1 mSv > 50 mSv nombre de travailleurs 6 mSv 20 mSv 50 mSv supérieure à 20 mSv surveillés 183 771

15,46

0,08

8

180 950

2 619

194

6

2

Industrie (effectif classé « non nucléaire »), divers

50 412

11,92

0,24

7

46 474

3 079

852

5

2

Recherche, IPN, IPHC, CEA

14 598

0,60

0,04

0

14 483

114

1

0

0

Industrie nucléaire

57 848

24,38

0,42

1

51 681

5 458

708

1

0

Total

306 629

52,36

0,17

16 293 588 11 270

1 755

12

4

* Ces résultats ne tiennent pas compte des résultats d’enquête envoyés directement à l’IRSN par les médecins du travail.

Risques des rayonnements ionisants 7

Activités médicales et vétérinaires

299

GROSSESSE ET TRAVAIL

Le groupe de référence canadien Grossesse-Travail relate des doses annuelles en dessous du mSv pour le secteur de la Santé (sauf pour le poste de technicien en médecine nucléaire). Les dépassements observés concernent presque tous les postes dans le domaine de l’énergie nucléaire (jusqu’à 7 mSv), et des dépassements possibles dans l’industrie et la recherche (Breton, 1999). En France, le bilan IRSN 2008 indique que sur l’ensemble des travailleurs surveillés (306 629), seuls 4,3 % d’entre eux ont reçu des doses individuelles supérieures à 1 mSv. La majorité de l’effectif surveillé concerne le domaine médical (60 %). Si ce domaine ne représente que 25 % de la dose collective totale, on déplore toutefois dans 8 cas une dosimétrie individuelle supérieure à 20 mSv. L’industrie nucléaire (57 000 travailleurs), représente près de 50 % de la dose collective totale, l’industrie classique (50 000 travailleurs) représente 23 % de la dose collective totale. Sept travailleurs de l’industrie classique et 1 de l’industrie nucléaire ont dépassé la limite réglementaire de 20 mSv ; aucun dans la recherche (Tableau 7.4). Il faut toutefois pondérer ces résultats où certains résultats peuvent être surestimés (port du dosimètre sur le tablier de protection radiologique pour les activités médicales) ou sous estimés ou non enregistré (absence de port de dosimètre). Il convient également de remarquer que jusqu’à une période récente, les non-salariés ne bénéficiaient d’aucun suivi.

4. Cadre réglementaire actuel pour la protection de l’enfant à naître Le cadre réglementaire français repose sur l’adaptation des directives européennes EURATOM 90/641, 96/29 et 97/43. Il impose que tous les travailleurs soient informés des effets des rayonnements ionisants sur la santé, y compris des effets potentiels d’une exposition in utero (R. 4453-5 et D. 4152-4), et que, du fait de la sensibilité maximale du fœtus dans le 1er trimestre de grossesse, les femmes soient averties de la nécessité de déclarer leur état de grossesse le plus tôt possible au médecin du travail (R. 4453-6). Ceci souligne l’importance de l’information des femmes en âge de procréer. Le Code du travail précise que l’exposition de l’enfant à naître doit être la plus faible possible et dans tous les cas, inférieure à 1 mSv pour la période située entre la déclaration de grossesse et l’accouchement (D. 4152-7) ; de plus, les femmes enceintes ne peuvent pas être affectées à des postes impliquant un classement en catégorie A (D. 4152-5). 300

Risques des rayonnements ionisants 7

Par contre, il n’y a pas d’interdiction de principe de laisser une femme enceinte intervenir en zone contrôlée ou surveillée, ni à être exposée à des sources non scellées. Il convient d’étudier le poste et de vérifier que l’exposition de l’enfant à naître ne pourra en aucun cas atteindre 1 mSv. Il convient également de remarquer que la réglementation ne permet pas de prendre en compte le tout début de la grossesse (avant la déclaration). Enfin, la femme allaitante ne peut pas être maintenue à un poste exposant à un risque d’exposition interne. Il est d’ailleurs à noter que, dans le cas de l’iode, il est décrit une dose délivrée plus importante chez le fœtus que chez la mère (Harrison et al., 2003).

5. Conduite généralement adoptée selon la dose reçue Si la dose reçue par le fœtus ou l’embryon est supérieure à 200 mGy, la plupart des experts proposent une interruption volontaire de grossesse. Si cette dose est inférieure à 100 mGy, il paraît raisonnable de rassurer la femme enceinte. Entre ces deux valeurs, l’attitude thérapeutique reposera sur l’appréciation du contexte individuel et le moment précis où l’exposition est survenue. Une exception concerne la première semaine postconceptionnelle, où la loi du tout ou rien permet de rassurer si l’embryon reste vivant, quelle que soit la dose reçue. Les conseils des cliniciens tiendront compte non seulement de la probabilité et de la gravité des effets attendus, mais aussi du terme et de la viabilité du fœtus au moment de la discussion.

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GROSSESSE ET TRAVAIL

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Risques organisationnels et psychosociaux

8

Travail de nuit et horaires irréguliers V. Bayon, D. Léger

Introduction Les effets des horaires de travail sur la grossesse sont le sujet de recherches épidémiologiques depuis quelques années, mais les résultats de ces études sont toujours soumis à de nombreuses controverses. Les travailleurs, dont l’horaire de travail est irrégulier, doivent s’adapter en permanence à des changements de rythme. Ces changements sont responsables de perturbations des systèmes circadiens ainsi que de plusieurs fonctions physiologiques de l’organisme. Les troubles du sommeil, les perturbations digestives, les symptômes psychologiques et la fatigue sont fréquemment rapportés chez les travailleurs en horaires atypiques et relativement bien documentés. En ce qui concerne les risques liés à la grossesse, moins d’études sont disponibles. Les effets de l’horaire de travail sur la grossesse et son déroulement sont exposés cidessous avec tout d’abord le risque d’avortement spontané et ensuite les risques d’accouchement avant terme et d’insuffisance de poids pour l’âge gestationnel. 305

GROSSESSE ET TRAVAIL

Les études ont été identifiées à partir d’une recherche bibliographique sur Medline avec le fournisseur Pubmed et concernent les effets des rythmes de travail sur la grossesse. Les principales études sont mentionnées mais ce travail n’est pas exhaustif et toutes les études sur ce sujet ne sont pas répertoriées.

1. Risque d’avortement spontané La plupart des auteurs définissent l’avortement spontané comme une mort fœtale avant 20 semaines de grossesse, à l’exception de certains (Axelsson et al., 1984 ; Zhu et al., 2004a) qui considèrent qu’il y a avortement spontané jusqu’à 27-28 semaines de grossesse (Croteau, 2007). En 1984, dans une première étude, Axelsson et al. mettaient en évidence un risque relatif significatif de 3,19 [IC 95 % (1,36-7,47)] concernant les fausses couches chez les femmes travaillant en horaires postés. Cependant, en 1989, dans une nouvelle étude chez 654 femmes ayant travaillé dans un hôpital suédois entre 1980 et 1984 et ayant rapporté 970 grossesses entre 1965 et 1984, la même équipe retrouvait un risque de fausses couches augmenté mais non significatif de 1,50 [IC 95 % (0,55-4,09)] pour le travail en horaire posté et de 1,44 [IC 95 % (0,832,51)] pour le travail en horaires postés ou irréguliers (Axelsson, 1989). En 2004, Zhu et al.(a) ne retrouvaient pas non plus d’augmentation significative du risque de fausses couches chez les travailleuses postées de la Danish National Birth Cohort. Le risque d’avortement spontané chez les femmes travaillant en horaires postés (rotation des quarts de travail) ou irréguliers a été évalué lors d’une méta-analyse qui portait sur les effets de l’horaire de travail sur la grossesse (Croteau, 2007). Après une recherche bibliographique exhaustive et la sélection des études pertinentes, chaque étude a subi une évaluation systématique des caractéristiques méthodologiques suivantes : – type d’étude et effectif, – définition et méthode de mesure de l’exposition à chaque type d’horaire, groupe de comparaison (étaient-ils vraiment, peu ou pas exposés ?), – caractéristiques et taux de participation de la population étudiée, – définition et mesure de l’effet sur la grossesse, – contrôle de la confusion (âge, habitudes de vie (tabagisme), niveau socioéconomique, histoire obstétricale et autres expositions professionnelles). 306

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L’analyse par modélisation des résultats de 12 études, incluant les trois précitées (Axelsson et al., 1984 ; Axelsson et al., 1989 ; Zhu et al., 2004a), a produit une mesure d’association synthèse de 1,18 [IC 95 % (1,05-1,33)]. Il importe de souligner que la modélisation permet d’obtenir un résultat ajusté pour les principales faiblesses méthodologiques et que la force de l’évidence a été jugée forte pour cette association synthèse. Par ailleurs, une méta-analyse restreinte au sous-ensemble des résultats d’études qui avaient mesuré le risque d’avortement spontané chez les femmes travaillant en horaires postés obtenait aussi une mesure d’association synthèse de 1,18 [IC 95 % (1,07-1,30)] (Croteau et Caron, 2008). Pour les horaires postés incluant un quart de nuit, la méta-analyse indiquait aussi une augmentation du risque, alors que pour les horaires postés sans quart de nuit, les données ne permettaient pas de conclure (Croteau, 2007). Par contre, concernant le travail de nuit, l’étude de Infante-Rivard et al. en 1993 retrouvait un risque augmenté d’avortement spontané chez les femmes en poste fixe du soir travaillant de 15-16 heures à 23-24 heures [RR = 4,17 ; IC 95 % (2,19-7,92)]. Dans cette étude, le risque n’était pas significatif pour les femmes travaillant en horaires de nuit [RR = 2,68 ; IC 95 % (0,53-13,43)]. De même, l’analyse des données issues de la Danish National Birth Cohort montrait une association à la limite de la significativité entre le travail fixe de nuit et le risque de mort fœtale (avortement spontané et mortinaissance) avec un risque de 1,85 [IC 95 % (1,00-3,42)] mais non avec le risque d’avortement spontané, le risque étant de 1,81 [IC 95 % (0,88-3,72)] (Zhu et al., 2004a). Le risque d’avortement spontané chez les femmes travaillant de nuit a aussi été évalué lors de la méta-analyse précédemment citée de Croteau en 2007. L’analyse des résultats de 6 études, incluant les deux précitées, a produit une mesure d’association synthèse de 1,57 [IC 95 % (1,33-1,85)] avec une force de l’évidence jugée suffisante. Ainsi, les résultats indiquent une augmentation du risque d’avortement spontané et de fausses couches chez les travailleuses de nuit et chez les travailleuses postées ; cependant, les données ne permettent pas de conclure pour le travail posté sans quart de nuit.

2. Risque d’accouchement avant terme et d’insuffisance de poids pour l’âge gestationnel Zhu et al. en 2004(b) se sont intéressés, à partir des données issues de la Danish National Birth Cohort, aux effets sur le terme de la grossesse et le poids de naissance des 307

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enfants des femmes exposées au travail posté. Cinq groupes de femmes étaient analysés en fonction de leurs horaires de travail [32 465 femmes en horaires réguliers de jour, 1 038 femmes en horaires réguliers du soir, 400 femmes en horaires réguliers de nuit et 6 334 femmes en travail posté (3 197 avec nuit et 3 137 sans nuit)]. Les résultats montraient un risque très légèrement augmenté de retard de croissance utérin (poids < 10e percentile) dans le groupe des femmes en travail posté [OR = 1,09 ; IC 95 % (1,00-1,18)]. Par ailleurs, il existe un risque d’accouchement post-terme (après 41 SA) plus important [OR = 1,35 ; IC 95 % (1,01-1,79)] chez les femmes en rythme régulier de nuit et un risque plus important de petit poids de naissance (< 2 500 g) à terme chez celles travaillant en rythme régulier du soir. Bodin et al. en 1999 dans une étude cas-témoins en Suède à partir d’un registre de 1 685 naissances retrouvaient une association significative entre le travail de nuit et le risque de prématurité (accouchement avant 37 SA) [OR = 5,6 ; IC 95 % (1,9-16,4)]. Pour les autres rythmes de travail (jour, soir, travail posté avec nuit), l’association n’était pas significative [OR = 2,3 ; IC 95 % (0,7-7,3)]. Xu et al. en 1994 ont étudié 887 naissances de 1 035 femmes chinoises travaillant dans des entreprises textiles en 1992 et ont retrouvé un risque de prématurité et de petit poids de naissance supérieur chez celles travaillant en rythme posté (respectivement 20 % et 9 % pour celles en travail posté et 15 % et 6 % pour celles en rythme régulier). L’odds ratio (OR) lié au travail posté est ainsi de 2,0 [IC 95 % (1,1-3,4)] pour la prématurité et de 2,1 [IC 95 % (1,1-4,1)] pour le petit poids de naissance. Les résultats étaient ajustés sur les facteurs suivants : l’âge au moment de la grossesse, le métier, l’exposition professionnelle à d’éventuels toxiques, le stress et le port de charges lourdes. Les femmes de cette étude ne fumaient pas et ne consommaient pas d’alcool de façon régulière. Enfin, une étude québécoise cas-témoins retrouvait également un effet modeste des horaires et du rythme de travail sur le risque d’avoir un enfant avec un faible poids à la naissance (Croteau et al., 2006). Le risque était de 1,2 [IC 95 % (1,0-1,4)] chez les travailleuses en horaires irréguliers ou postés. Au total, un faible poids de naissance semble plus fréquent chez les femmes en horaires de nuit ou posté. Concernant le terme de la grossesse, il existe plus d’arguments en faveur d’un risque d’accouchement prématuré chez les femmes en travail posté ou de nuit, même si une étude rapporte un risque supérieur d’accouchement post terme. Le risque d’accouchement avant terme chez les femmes travaillant en horaires postés (rotation des quarts de travail) ou irréguliers a été évalué lors de la méta-analyse de Croteau en 2007 qui portait sur les effets de l’horaire de travail sur la grossesse. 308

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L’analyse par modélisation des résultats de 12 études, incluant Bodin et al. (1999), Xu et al. (1994) et Zhu et al. (2004b), a produit une mesure d’association synthèse de 1,18 [IC 95 % (1,01-1,37)]. Il importe de souligner que la modélisation permet d’obtenir un résultat ajusté pour les principales faiblesses méthodologiques et que la force de l’évidence a été jugée suffisante pour cette association synthèse. Le risque d’accouchement avant terme chez les femmes travaillant de nuit a aussi été évalué par cette méta-analyse (Croteau, 2007). Les données ne permettaient pas de conclure car les résultats de 7 études, incluant Bodin et al. (1999), Xu et al. (1994), étaient très hétérogènes. Les risques d’insuffisance de poids pour l’âge gestationnel chez les femmes travaillant en horaires postés et de nuit ont aussi été évalués par cette méta-analyse (Croteau, 2007). L’analyse des résultats de 7 études, incluant Bodin et al. (1999), Croteau et al. (2006) et Zhu et al. (2004b), a produit une mesure d’association synthèse de 1,10 [IC 95 % (0,98-1,25)] avec une force de l’évidence jugée suffisante alors que l’analyse des résultats de 4 études, incluant Bodin et al. (1999), Croteau et al. (2006) et Zhu et al. (2004b), a permis de conclure avec une évidence suffisante qu’il n’y a pas d’augmentation du risque. Dernièrement, l’étude de Niedhammer retrouve à peine une tendance au faible poids de naissance (< 3 000 g) pour les femmes travaillant en rythme posté [OR = 1,63 ; IC 95 % (0,88-3,02)] et ne retrouve aucune association significative avec un poids de naissance inférieur à 2 500 g, l’accouchement avant terme ni l’insuffisance de poids pour l’âge gestationnel (Niedhammer et al., 2009). Par ailleurs, l’étude de Lawson retrouve une association significative entre le travail de nuit et l’accouchement prématuré (avant 32 SA) [RR = 3,0 ; IC 95 % (1,4-6,2)] (Lawson et al., 2009).

Conclusion Quelques méta-analyses (Mozurkewich et al., 2000 ; Bonzini et al., 2007) ont été réalisées afin d’éclaircir ces différents risques, elles concluent toutes à des effets possibles. La méta-analyse récente de Croteau en mai 2007 pour l’Institut national de santé publique du Québec observe une influence modeste de certains types d’horaires de travail sur quelques effets sur la grossesse, les preuves sont pour la plupart du niveau « évidence suffisante » ou « suspicion ». En effet, l’auteur conclut à une évidence suffisante d’excès d’avortements spontanés chez les travailleuses postées avec nuit et chez les travailleuses de nuit. Cependant, les données ne permettent pas de conclure sur les 309

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liens avec le travail posté sans nuit. Pour l’accouchement avant terme et l’insuffisance de poids pour l’âge gestationnel, on observe avec une évidence suffisante des excès de risque chez les travailleuses postées, alors que chez les travailleuses postées sans nuit, les excès de risque sont suspectés. Les perturbations de la sécrétion de la mélatonine observées chez les travailleuses postées pourraient expliquer cette observation. En effet, Nakamura et al. en 2001 ont montré que le taux de mélatonine sanguin chez les femmes enceintes, ayant des enfants avec un retard de croissance utérin, était diminué. Concernant le travail de nuit, l’évidence est suffisante qu’il n’y a pas d’excès d’insuffisance de poids pour l’âge gestationnel et les données ne permettent pas de conclure pour le risque d’accouchement avant terme. Pour le faible poids de naissance, une condition résultant soit de l’accouchement avant terme, soit d’une insuffisance de poids pour l’âge gestationnel ou des deux, un excès est suspecté chez les travailleuses postées mais les données ne permettent pas de conclure pour les autres catégories d’horaire.

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Stress professionnel et grossesse M.J. Saurel-Cubizolles, S. Maccari

Introduction Stress, risques psychosociaux (RPS), facteurs organisationnels, burn-out, harcèlement, violences, souffrance au travail, stress post-traumatique, santé mentale représentent une gamme terminologique dont les concepts se recouvrent parfois et qui désignent tantôt des risques professionnels et tantôt des effets sur la santé. L’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail de Bilbao définit les risques psychosociaux comme les risques de stress, de violences externes (celles issues de personnes extérieures à la structure de travail) ou de violences internes (celles provoquées par des personnes appartenant à la structure de travail). La même agence décrit le stress comme « un état survenant lorsqu’il y a déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes que lui impose son environnement et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face. Bien que le processus d’évaluation des contraintes et des ressources soit d’ordre psychologique, les effets du stress ne sont pas uniquement de nature psychologique. Il affecte également la santé physique, le bien-être et la productivité de la personne qui y est soumise » (Chouanière, 2006). 311

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Historiquement, le concept « stress » est dû à un médecin endocrinologue autrichien, Hans Selye qui, en 1936, a décrit les systèmes physiologiques activés par une situation stressante sous le terme de « syndrome général d’adaptation ». Même si, depuis, celui-ci a été précisé, ses trois phases sont toujours d’actualité : – la phase d’alarme : libération de catécholamines (adrénaline et noradrénaline) par la glande médullosurrénale et le système nerveux sympathique, entraînant une augmentation de la fréquence cardiaque, de la pression artérielle, de la vigilance, de la vasodilatation musculaire, de la thermogenèse… Cette phase a pour conséquence d’apporter de l’oxygène en particulier dans les muscles, le cœur et le cerveau. – une phase de résistance : apport énergétique dans les mêmes organes grâce à la sécrétion de glucocorticoïdes par la glande corticosurrénale avec comme corollaires une hyperglycémie, une augmentation du seuil de la douleur, une action anti-inflammatoire… ; – une phase d’épuisement éventuelle si la phase précédente se prolonge. La sécrétion de glucocorticoïdes est sous le contrôle d’un système d’autorégulation : des récepteurs présents dans différentes régions du cerveau détectent la quantité de glucocorticoïdes circulant dans le sang et leur production est stoppée dès que la concentration dans le sang correspond à celle qui est nécessaire. Le stress peut également se définir en stress aigu ou chronique. Dans le premier cas, le phénomène est limité dans le temps, pouvant éventuellement se répéter. Dans ce cas, la réaction biologique caractérisant le stress limité dans la durée peut être modulée par l’expérience, ce qu’une étude auprès d’urgentistes a bien démontré : les plus expérimentés ayant, lors des sorties pour des urgences graves, une sécrétion de cortisol salivaire différée et de moindre amplitude que les plus novices. Un état de stress aigu modéré n’est pas délétère pour la santé. Dans le second cas, l’état va se prolonger et aboutir à l’épuisement d’un organisme trop longtemps soumis à une hyper-stimulation et donc à un excès de catécholamines et de glucocorticoïdes. C’est le stress chronique. Dans une situation stressante qui dure dans le temps, l’hypersécrétion de glucocorticoïdes peut être à l’origine d’une insuffisance de rétrocontrôle : une élévation chronique de glucocorticoïdes diminue la performance des récepteurs cérébraux de glucocorticoïdes ; faute de rétrocontrôle suffisant, la concentration sanguine de glucocorticoïdes n’est plus détectée et leur production s’emballe. Cette hypersécrétion de glucocorticoïdes entraîne une sollicitation exagérée des différentes fonctions vitales de l’organisme et en quelques semaines des symptômes de stress chronique apparaissent : 312

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– symptômes physiques : douleurs (coliques, maux de tête, tensions et douleurs musculaires, articulaires, etc.), troubles du sommeil, de l’appétit et de la digestion, sensations d’essoufflement ou d’oppression, sueurs inhabituelles, ... ; – symptômes émotionnels : sensibilité et nervosité accrues, crises de larmes ou de nerfs, angoisse, excitation, tristesse, sensation de mal-être, ... ; – symptômes intellectuels : perturbation de la concentration nécessaire à la tâche entraînant des erreurs et des oublis, difficultés à prendre des initiatives ou des décisions, ... Ces symptômes ont des répercussions sur le comportement (recours à des produits calmants, prise d’excitants, fuite par rapport à un environnement agressant). La vulnérabilité aux infections peut être augmentée par diminution des défenses immunitaires. Diverses enquêtes soulignent l’importance du stress parmi les salariés. En Europe, la quatrième enquête européenne réalisée tous les 5 ans par la fondation de Dublin1 estime à 22 % le pourcentage de salariés européens qui se plaignent de problèmes de santé liés à un travail stressant (Parent-Thirion et al., 2007). Pour la population française, ce chiffre est de 18 %, bien moins élevé que les 28 % dénombrés lors de la 3e enquête de 2000, mais la formulation de cette question ayant été modifiée entre les deux enquêtes, les résultats ne sont pas comparables. La question de l’impact du stress de la mère sur le déroulement de la grossesse et sur le développement de l’enfant se pose dès lors. Elle peut concerner une femme soumise à un risque chronique, souvent démarré avant la grossesse, mais aussi à un stress aigu survenant durant la grossesse. Le stress aigu est considéré comme non pathogène en général. L’application de cette position à la grossesse peut se discuter. L’évaluation du stress professionnel chronique dans les études épidémiologiques est en soi une première difficulté.

1. Évaluation du stress professionnel Le rôle des contraintes psychosociales au travail - appelées ici « stress professionnel » ou « stress au travail » - est un sujet qui s’est développé en épidémiologie des risques professionnels depuis le début des années 80. La complexité de ce sujet réside dans la définition précise de ces contraintes et dans les modalités de mesure (Saurel-Cubizolles, 1. Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de travail de Dublin.

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1996). Dans un premier temps le modèle théorique de Karasek a introduit la notion de « latitude décisionnelle » ou « marge de manœuvre » des travailleurs comme une dimension modulatrice des effets délétères d’une charge psychique lourde (demandcontrol model) (Karasek, 1979). À partir d’un questionnaire standardisé auto-administré, les salariés décrivent les aspects structurels de leur environnement psychosocial sur le lieu de travail ; la dimension de marge de manœuvre informe sur leur position par rapport à la décision (dans les tâches à réaliser) et sur leur place dans la division du travail. Le postulat est que la situation stressante est de devoir faire beaucoup de tâches ou des tâches exigeantes sans pouvoir en contrôler le rythme, l’ordre ou la procédure. Au modèle initial de Karasek, une dimension de « soutien social au travail » a été ajoutée ensuite, l’aide et le soutien apportés par les collègues ou les supérieurs venant atténuer les effets nocifs d’un travail à fortes contraintes psychiques. Sur des populations ouvrières d’abord et sur des populations plus diversifiées de salariés ensuite, bien que principalement masculines, de nombreuses publications attestent des liens entre l’exercice d’un travail exigeant sur le plan psychique sans marge de manœuvre et l’hypertension artérielle, la survenue d’accidents cardiovasculaires, des symptômes dépressifs ou des douleurs musculosquelettiques (Karasek et Theorell, 1990 ; Belkic et al. 2004 ; Hoogendoorn et al., 2000 ; Bourbonnais et al., 1996 ; Niedhammer et Siegrist, 1998). Plus récemment un autre modèle théorique a été élaboré et diffusé, appelé modèle du déséquilibre efforts/récompenses (Siegrist, 1996). Complémentaire au modèle précédent, il diffère en intégrant d’une part un aspect subjectif dans la mesure du stress et pas seulement structurel (l’échelle questionne sur la perturbation ressentie face à la contrainte) et d’autre part les conditions du marché de l’emploi (sécurité d’emploi). Ce modèle identifie les conditions de travail pathogènes comme étant celles associant des efforts élevés à de faibles récompenses. Les efforts se définissent par les contraintes de temps, les interruptions, les responsabilités, la charge physique et une exigence croissante du travail. Les récompenses (ou compensations) comprennent les gratifications monétaires, l’estime de son entourage professionnel et les perspectives perçues de promotion et de sécurité de l’emploi. Ainsi mesuré, le stress au travail (efforts élevés/faibles récompenses) est nettement associé à un moins bon état général de santé (Siegrist et al., 2004). Plusieurs études ont porté sur les effets prédictifs de ce modèle dans le domaine cardiovasculaire avec des résultats probants sur les cardiopathies ischémiques, sur l’hypertension, sur l’absentéisme pour maladie et la santé mentale (Niedhammer et al., 2000). Enfin, une troisième dimension porte sur des facteurs de personnalité associés à un engagement excessif dans le travail, appelés surinvestissement, qui constitueraient un facteur de risque supplémentaire.

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2. Études épidémiologiques sur le stress au travail pendant la grossesse Peu d’études ont été publiées à propos des effets du stress au travail pendant la grossesse sur l’état de l’enfant à la naissance. Une étude, réalisée au Québec en 1997-1999 récemment publiée, montre que le risque d’avoir un enfant hypotrophique (de faible poids de naissance – inférieur au 10e percentile – compte tenu de l’âge gestationnel et du sexe) est plus élevé pour les femmes ayant un travail combinant une forte exigence psychologique et un faible soutien social (Croteau et al., 2006). Les auteurs ont utilisé le questionnaire de Karasek en version française et observent que cette relation persiste et est un peu plus forte pour les femmes qui n’ont pas eu d’aménagement de leurs conditions de travail pendant la grossesse ou pour celles dont l’aménagement a eu lieu après 23 semaines d’aménorrhée (SA). Deux autres études plus anciennes ayant utilisé le questionnaire de Karasek, l’une au Danemark (Henriksen et al., 1994) et l’autre au Mexique (Ceron-Mireles et al., 1996), ne retrouvent pas une telle association. Les résultats disponibles ne sont pas concluants pour la survenue d’un accouchement prématuré (avant 37 SA révolues). Nous avons retrouvé trois études : Homer et al. (1990) classaient les femmes exposées à partir du métier exercé, Henriksen et al. (1994) et Ceron-Mireles et al. (1996) ont recueilli des informations spécifiques à l’aide du questionnaire de Karasek. Les associations avec l’accouchement prématuré ne sont pas significatives. Dans le cadre d’une étude cas-témoins européenne, incluant plus de 5 000 naissances prématurées dans 16 pays, où de nombreuses questions ad hoc sur le stress au travail avaient été posées, un léger excès de risque, ajusté, significatif de prématurité pour les femmes « pas satisfaites » par leur travail (Saurel-Cubizolles et al., 2004) a été observé. Le risque était également augmenté – mais très faiblement – pour les femmes déclarant ne pas avoir d’autonomie dans leur travail. Sur la croissance in utero comme sur la survenue prématurée de l’accouchement, si un effet du stress au travail existe, il est vraisemblablement modéré. Il est nécessaire de disposer de données prospectives d’exposition, ce qui évite les biais de déclaration susceptibles d’exister lorsque les femmes sont interrogées après l’accouchement (Brandt et Nielsen, 1992). Parmi les études citées ci-dessus, celle de Henriksen et al. (1994) est la seule à disposer d’une information sur les conditions de travail recueillie avant la fin de la grossesse. En contraste avec ce petit nombre d’études disponibles, une abondante littérature a porté sur le « stress maternel » en général – et pas seulement au travail – vécu pendant la grossesse. Hoffman et Hatch (1996) ont discuté cette littérature et dégagé des questions de recherche. Les auteurs soulignent notamment la nécessité de prendre en compte 315

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le rôle du soutien social intime (conjoint ou membre de la famille proche) comme un médiateur – favorisant ou aggravant – des liens entre les événements de vie stressants et la croissance fœtale. La question de la part respective des stresseurs chroniques et des stresseurs aigus se pose : comment l’état de santé mentale des femmes enceintes, à travers le niveau de symptomatologie dépressive, interagit entre l’exposition à des stresseurs exogènes et l’état de l’enfant à la naissance ? Enfin, elles soulèvent la question de l’interaction des contraintes psychosociales avec des situations cliniques spécifiques connues pour être associées à une atteinte de la croissance fœtale. Ces points se retrouvent discutés dans les textes de Dunkel-Schetter et ses collègues consacrés au stress maternel (Dunkel-Schetter, 1998 ; Dunkel-Schetter et al., 2000). Cette dernière équipe, active dans le champ de la psychologie de la santé, s’intéresse aux mécanismes sous-jacents aux effets du stress et de l’émotion maternels sur la croissance fœtale et la prématurité et souligne les implications de ces travaux sur le développement tout au cours de la vie, la santé à l’âge adulte et la mortalité. À propos de la prématurité, plusieurs études ont retrouvé une augmentation significative du risque avec certaines composantes du stress maternel : événements de vie avec impact négatif, discrimination ethnique ; selon les études, ce ne sont pas toujours les mêmes facteurs stressants qui sont mis en cause mais le résultat général est cohérent (Copper et al., 1996 ; Dole et al., 2003 ; Hedegaard et al., 1996 ; Rich-Edwards et Grizzard, 2005). De même, les liens entre le stress maternel et le développement du jeune enfant – intelligence, langage – ont été étudiés et le rôle nocif du stress est observé (Huizink et al., 2003 ; Laplante et al., 2004 ; Slykerman et al., 2005).

3. Données des modèles animaux sur l’impact du stress L’intérêt des études épidémiologiques pour explorer cette problématique est indéniable. L’expérimentation animale apporte également un certain nombre de connaissances. En quoi consiste-t-elle ? Quelles sont les avancées actuelles ? Différents modèles de stress chronique ont été décrits chez les rates gravides : l’évitement conditionné (Thompson, 1957), la suspension par la queue (Alonso et al., 1991), la surpopulation (Dahlöf et al., 1978), les chocs électriques (Takahashi et Kalin, 1991), le bruit (Fride et Weinstock, 1984), les injections salines (Peters, 1982) et la contention (Ward, 1972 ; Maccari et al., 1995 ; Morley-Fletcher et al., 2003). Le test de contention lors de la gestation consiste, par exemple, à restreindre les mères rats 3 fois 45 minutes par jour, entre les jours 11 et 15 de la gestation jusqu’à la mise-bas à 21 jours (Maccari et al., 1995 ; Morley-Fletcher et al., 2003). Par ce test, Maccari et al. ont 316

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notamment montré une sécrétion prolongée de corticostérone lors de l’exposition à un stress à l’âge adulte (Maccari et al., 1995 ; Koehl et al., 1999). Un certain nombre d’études ont également montré que le stress prénatal modifie aussi la régulation des neurotransmetteurs. Augmentation des taux de 5-hydroxytryptamine (5-HT) dans la progéniture adulte de mères stressées (Peters 1986 et 1988 ; Mikuni et al., 1995 ; Poland et al., 1995), réduction des taux d’adrénaline sont quelques-uns des effets observés. Chez les rats stressés en période prénatale, les dysfonctionnements de l’axe hypothalamohypophyso-surrénalien (HHS) seraient dus aux taux élevés de glucocorticoïdes maternels durant la gestation (Barbazanges et al., 1996). L’hyperactivité de cet axe observée chez les rats stressés in utero s’accompagne chez les rats adultes (4-7 mois) d’une anxiété accrue (Poltyrev et Weinstock, 1999 ; Vallée et al., 1997 ; Morley-Fletcher et al., 2003), d’une augmentation de la vulnérabilité aux drogues (Deminière et al., 1992 ; Henry et al., 1995 ; Koehl et al., 2000), d’une augmentation des comportements émotionnels (Thompson, 1957 ; Fride et al., 1986 ; Wakshlak et Weinstock, 1990) ou de type « dépressifs » (Alonso et al., 1991 ; MorleyFletcher et al., 2003 et 2004). L’équipe de Maccari a aussi noté chez les rats stressés en période prénatale un accroissement des déficits mnésiques liés au vieillissement, caractérisé par des perturbations de la mémoire de travail et des capacités de reconnaissance spontanée (Vallée et al., 1999). La même équipe a aussi mis en évidence un effet à long terme d’une procédure de stress prénatal sur les rythmes circadiens. Une avance de phase significative dans le rythme circadien de l’activité locomotrice du cycle jour/ nuit était observée à la fois chez les rats mâles et les femelles exposés au stress précoce (Maccari et al., 1997). Le lecteur intéressé pourra retrouver un panorama plus détaillé des études effectuées sur ce sujet dans l’expertise INSERM « croissance et puberté : évolutions séculaires, facteurs environnementaux et génétiques » publiée en 2007. L’ensemble de ces résultats indique que le stress prénatal induit une augmentation de la réponse au stress et un rythme circadien veille/sommeil anormal chez le rat adulte, ce qui suggère une dysfonction sous-jacente de leur horloge circadienne et une mauvaise adaptation globale aux changements. Le stress prénatal et/ou les événements périnatals précoces ont une influence non seulement sur l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HHS) mais aussi sur d’autres facteurs endocriniens comme les hormones sexuelles (Ward et Weisz, 1984). En effet, un stress prénatal pendant la période critique de la différenciation hypothalamique a des effets négatifs sur la croissance testiculaire de l’embryon (résultats non publiés) et sur la fonction reproductive future (Anderson et al., 1986). Cet effet serait lié aux glucocorticoïdes. Ainsi l’administration prénatale de dexaméthasone démasculinise les 317

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comportements sexuels des descendants mâles. Le stress de contrainte prénatal et/ou l’exposition prénatale à l’alcool entraînent une démasculinisation et une féminisation des attitudes sexuelles des rongeurs mâles (Ward, 1972 ; Ward et al., 2002). Cet effet comportemental reflète l’altération induite par le stress prénatal sur le cerveau mâle en développement, telle qu’une diminution du dimorphisme sexuel du cerveau, la réduction des aromatases hypothalamiques fœtales et des altérations des monoamines du cerveau impliquées dans la régulation de l’activité sexuelle. Comme un stress prénatal, la dexaméthasone ou la corticostérone diminue la distance anogénitale des mâles à la naissance suggérant une altération de la masculinisation (Holson et al., 1995). Le stress prénatal altère le comportement sexuel des mâles en supprimant le pic de production de testostérone lors du développement qui est nécessaire pour la masculinisation du cerveau et des comportements (Anderson et al., 1985 ; Pollard et Dyer, 1985). Cette suppression du pic de testostérone peut être reproduite par l’administration directe d’ACTH ou de dexaméthasone. Lorsque l’expérience rétablit le niveau de testostérone par injection de cette hormone, on peut atténuer la réduction de la distance anogénitale chez des petits de rates stressées durant la gestation ainsi que la diminution des taux de testostérone pendant l’âge adulte et améliorer les performances sexuelles (Pereira et Piffer, 2005). Le stress maternel réduit le poids corporel, le poids des surrénales, le poids du pancréas et les taux plasmatiques de corticostérone chez le fœtus à terme (Lesage et al., 2004). Le stress prénatal entraîne une diminution des taux de GH (Growth Hormone) plasmatiques chez les mâles à terme et une hypoglycémie associée avec une réduction de l’expression des protéines des transporteurs de glucose (GLUT1) dans le placenta. Chez l’animal adulte, le stress prénatal augmente la glycémie de base et réduit le poids corporel et la prise alimentaire (Vallée et al., 1996). Chez les animaux âgés de 24 mois, le stress prénatal induit une hyperglycémie, une intolérance au glucose et une diminution des taux de base de leptine. Ces données suggèrent que le stress maternel induit une perturbation durable du comportement alimentaire et un dysfonctionnement métabolique proche du diabète de type 2 (Lesage et al., 2004). Au total, chez l’animal, des événements stressants se produisant entre la conception et la période postnatale peuvent avoir un impact sur les jeunes et entraîner des changements permanents au niveau du cerveau et des comportements. Exposer un cerveau en développement à des stress sévères et/ou prolongés peut produire une hyperactivité du système du stress associée à une baisse du rétrocontrôle négatif de l’axe HHS, ainsi que des perturbations comportementales durables en particulier sur les comportements émotionnels et les capacités mnésiques. Par contre, bien que l’activation prolongée de l’axe HHS affecte la sécrétion des hormones de croissance et des hormones sexuelles, les effets d’un stress prénatal ou postnatal sur ces systèmes physiologiques restent peu connus. 318

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Conclusion Les résultats épidémiologiques disponibles sont assez épars et confus au sens où la notion de stress a fait l’objet de définitions et de mesures très variables dans les enquêtes et d’analyses souvent incomplètes : défaut d’ajustement, faible distinction entre l’exposition au stress exogène et l’anxiété – certains auteurs qualifient de stress maternel un niveau élevé de détresse psychologique –, cumul du stress prénatal et postnatal. Cependant, il semble y avoir un consensus sur l’évidence de l’effet délétère du stress vécu ou subi pendant la grossesse sur le nouveau-né d’une part, et sur la nécessité de le mettre en évidence à des fins de prévention, d’autre part. Ce consensus repose en partie sur un rationnel biologique, sujet sur lequel la littérature scientifique est abondante. La construction du système nerveux central se caractérise in utero par un développement très rapide d’un nombre extrêmement élevé de neurones et de liaisons synaptiques, lesquels seront impliqués dans la motricité, l’émotion, la volition, l’intelligence et autres aptitudes sensorielles. Ce processus physiologique permet au nouveau-né d’évoluer vers l’autonomie psychomotrice par les apprentissages apportés par les parents ou adultes éducateurs, les modes de garde et ensuite l’école. En expérimentation humaine et surtout animale, des expériences très précoces au début de la vie apparaissent jouer un rôle important dans la définition et la mise en place de la croissance, du comportement et de la cognition ultérieurs (Boyce et Keating, 2005). Parmi les expériences précoces chez le rongeur, il est possible que le stress maternel, en perturbant l’environnement glucocorticoïde du fœtus, entraîne des conséquences métaboliques et hormonales sur le long terme (Darnaudéry et Maccari, 2008 ; Lesage et al., 2004). En particulier, le rôle majeur des glucocorticoïdes in utero est maintenant bien établi au sein des mécanismes biologiques qui semblent relier le stress maternel et le développement de l’axe corticotrope du futur enfant. Des perturbations dans la régulation de l’axe corticotrope, avec pour conséquence une augmentation de la cortisolémie, pourraient, sur le long terme, influencer le développement cognitif, l’immunité, les risques de dépression, de diabète, le développement de l’athérosclérose chez ces sujets (Kapoor et al., 2006). Par exemple, une étude récente, en population humaine, a montré que l’exposition in utero à un stress sévère – les mères des sujets adultes avaient subi un événement très difficile pendant leur grossesse – modifie chez les descendants adultes la réponse biologique immunitaire à un test de stress psychosocial, affectant particulièrement la lignée lymphocytaire T (Entringer et al., 2005). En raison de ces débats scientifiques et à cause du nombre important de femmes qui ont un emploi pendant la grossesse dans une période où le marché du travail est instable et où les contraintes psychosociales au travail semblent s’intensifier, il est nécessaire d’aborder cette question - effet du stress au travail pendant la grossesse sur la 319

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croissance fœtale et le développement du petit enfant - à partir de données, collectées en France avec des instruments appropriés et de façon prospective. Ces questions s’inscrivent dans la thématique générale de l’étude EDEN (www.ifr69.idf.inserm.fr/eden) dont l’objectif est de mieux connaître les éléments de l’environnement et du développement in utero et des premiers mois de vie qui influencent la santé ultérieure de l’enfant, dans la lignée des travaux épidémiologiques initiés par David Barker et ses collègues (Barker et al., 2002 et 2005) et en complémentarité avec les cohortes constituées dès la naissance ou en prénatal (Susser et al., 2000 ; Lawlor et al., 2005 ; McCulloch, 2006). Une partie de ce chapitre, relative aux données issues des modèles animaux, a été publiée dans le cadre de l’expertise collective INSERM, intitulée « Croissance et puberté. Évolutions séculaires, facteurs environnementaux et génétiques », 2007.

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M.C. Bayeux-Dunglas, V. Caron, C. Le Bâcle

Introduction Certaines situations professionnelles peuvent exposer à des agents biologiques pathogènes susceptibles de poser des problèmes spécifiques en cas de grossesse ou de projet de grossesse. La question du maintien au poste de travail peut parfois se poser. Différents éléments sont à prendre en compte : – Des infections bactériennes (fièvre Q…), parasitaires (toxoplasmose…) ou virales (varicelle…) peuvent conduire à un avortement, une naissance prématurée ou à des malformations chez l’enfant. – Certaines maladies, comme la varicelle ou l’hépatite E par exemple, peuvent être plus graves chez la femme enceinte. – Certains vaccins sont contre-indiqués chez la femme enceinte pouvant limiter les possibilités de pratiquer les vaccinations recommandées pour un poste de travail donné et amener à différer une embauche ou à proposer un changement de poste. – Certains traitements sont également contre-indiqués chez la femme enceinte (ce qui peut réduire les possibilités de traitement des infections susceptibles d’être contractées en milieu professionnel). Par exemple, les protocoles thérapeutiques 325

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habituels de la gale et de la méningite à méningocoques doivent être adaptés en cas de grossesse. Dans le Code du travail, seuls deux agents biologiques, le virus de la rubéole et le toxoplasme, sont nommément désignés. Art. D. 4152-3 – Lorsque les résultats de l’évaluation des risques à des agents biologiques pathogènes révèlent l’existence d’un risque d’exposition au virus de la rubéole ou au toxoplasme, il est interdit d’exposer une femme enceinte, sauf si la preuve existe que cette dernière est suffisamment protégée contre ces agents par son état d’immunité. L’employeur prend, après avis du médecin du travail, les mesures nécessaires au respect de cette interdiction. Des maladies infectieuses, autres que la rubéole ou la toxoplasmose, peuvent interférer avec le bon déroulement d’une grossesse. Il n’est pas possible de les envisager toutes. Seules les principales maladies infectieuses ont été traitées dans ce chapitre, en distinguant les maladies à risque de transmission interhumaine des maladies à risque de transmission de l’animal à l’homme, à savoir : – Maladies infectieuses à transmission interhumaine : • rubéole, • rougeole, • oreillons, • infection à cytomégalovirus (CMV), • varicelle et zona, • infection à parvovirus B19, • hépatites B et C, • infection à VIH, • tuberculose, • coqueluche, • grippe. – Zoonoses, maladies animales transmissibles à l’homme : • brucellose, • fièvre Q, 326

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• toxoplasmose, • listériose, • hépatite E, • chorioméningite lymphocytaire, • chlamydioses non aviaires, • borréliose de Lyme, • maladies à prions. La liste de ces maladies a été retenue sur l’un des critères suivants : notion de risque important de malformation, fréquentes questions adressées à l’INRS sur la maladie, sur-risque évident par rapport au risque communautaire du fait d’une situation de travail particulière. L’hépatite E a été ajoutée à cette sélection en tant que maladie émergente avec un réservoir animal autochtone identifié récemment. Cependant le risque professionnel reste à démontrer. Pour certaines maladies, les éventuels liens de causalité ne sont pas établis (maladie de Lyme ou chamydioses non aviaires), voire totalement inconnus (maladies à prions). C’est volontairement que ces maladies n’ont pas été détaillées. Les risques pour la grossesse des maladies à transmission vectorielle (paludisme, dengue et chikungunya) complètent ces deux listes. Ils sont traités sous l’angle des cas importés liés à des missions. Les risques des femmes travaillant à titre professionnel en zone intertropicale ne sont pas traités car le plus souvent peu différents du risque communautaire local. Les infections sexuellement transmissibles et celles pouvant être contractées lors du passage dans la filière génitale (herpès virus, streptocoque A, Chlamydia trachomatis…) ne sont pas abordées dans ce chapitre. Les contaminations périnatales du nouveau-né ne sont pas traitées en dehors de celles liées à la varicelle puisque des complications liées à une contamination maternelle en milieu professionnel sont à craindre si un accouchement prématuré devait avoir lieu dans les trois semaines qui suivent l’exposition. Les problèmes, que pourrait poser l’allaitement maternel, ne sont pas évoqués non plus, du fait de l’alternative offerte par l’allaitement artificiel ou par le lait humain fourni par un lactarium. Les risques biologiques non infectieux (risques immuno-allergiques, toxiniques et cancérogènes) ne sont pas assez documentés en général pour que les risques spécifiques pour la grossesse puissent être étudiés. Mais on sait que, chez l’animal, certaines 327

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mycotoxines ont des effets délétères. Les aflatoxines et l’ochratoxine traversent le placenta et peuvent avoir des effets tératogènes. In vitro, les fumonisines sont embryotoxiques chez le poulet et la souris. Chez le porc in vivo et à dose toxique pour la mère, la fumonisine B entraîne des avortements. Chez l’animal, la zéaralénone est source d’effets œstrogéniques entraînant infertilité, anomalies sexuelles et/ou avortements. Chez l’homme, les fumonisines ont été mises en cause dans une série de défauts de fermeture du tube neural ; la zéaralénone n’a pas été mise en cause dans des issues de grossesse pathologiques mais cette mycotoxine pourrait être impliquée dans la progression des tumeurs du sein et des organes reproducteurs (Brochard et Le Bâcle, 2009 et 2010). Faute de données plus précises sur les risques biologiques de type non infectieux, la suite de ce document ne traite que des principaux risques biologiques de type infectieux.

1. Généralités 1.1. Infection et grossesse De nombreux agents infectieux sont susceptibles de perturber le bon déroulement d’une grossesse et/ou d’entraîner des répercussions pour l’enfant à naître. Les malformations congénitales dues à la rubéole sont les mieux connues, du fait de leur fréquence avant qu’un vaccin ne soit disponible. Elles ont permis de déterminer que, comme pour le risque chimique, il existait des « fenêtres de sensibilité » aux agents biologiques. Parmi les agents infectieux potentiellement tératogènes, certains sont bien identifiés comme le virus de la rubéole et le toxoplasme ou encore le cytomégalovirus. La recherche du statut immunitaire vis-à-vis de la rubéole et de la toxoplasmose fait partie des bilans obligatoires pendant la grossesse. Par ailleurs, le dépistage sérique de l’antigène de l’hépatite B (Ag HBs) est obligatoire au 6e mois de grossesse, la transmission de cette maladie se faisant en per et post-partum. En santé au travail comme en santé publique, on peut se poser la question de savoir si la femme enceinte est plus à risque d’avoir une infection ou de présenter une infection grave ou compliquée par rapport à la population générale. En effet, il existe des modifications physiologiques du système immunitaire chez la femme enceinte pour éviter le rejet du fœtus (Kayem et Batteux, 2008). Cette « tolérance maternelle » se traduit par une immunodépression globale non spécifique. Classiquement, en cas d’infection chez la mère, la transmission au fœtus se fait selon trois modes : 328

Risques biologiques 9

– voie ascendante, particulièrement après la rupture des membranes. Elle concerne les germes colonisant les voies génitales maternelles, – contamination au cours du passage par la filière génitale maternelle, – transmission par voie sanguine lors des échanges maternofœtaux placentaires. C’est la seule voie pouvant être impliquée dans le cadre d’une exposition professionnelle à un agent infectieux ; c’est aussi la moins fréquente. Selon l’agent biologique en cause et selon l’âge de la grossesse au moment de la contamination, les conséquences pour l’enfant à naître sont variables : – infection fœtale (ex. : syndrome de varicelle congénitale), – anomalie du développement, embryopathie et tératogénicité (ex. : toxoplasmose, rubéole), – naissance prématurée et ses conséquences (ex. : listériose), – décès in utero (ex. : CMV, parvovirus B19), – apparition de symptôme à distance de l’accouchement (ex. : hépatite B). Une infection peut perturber le bon déroulement d’une grossesse du fait des effets directs d’un agent infectieux, mais les risques pour la grossesse peuvent aussi être liés à la fièvre qui accompagne l’infection.

1.2. Fièvre et grossesse La fièvre est définie par une élévation répétée ou persistante de la température supérieure à 38 °C chez la femme enceinte, au repos et dans un environnement normal. Selon le moment où il se produit, un épisode d’hyperthermie chez la femme enceinte peut entraîner une mort embryonnaire, un avortement ou un accouchement prématuré, un retard de croissance ou une anomalie du développement fœtal. En 2005, Moretti et al. publient une revue de la littérature avec méta-analyse, soit 15 études du défaut de fermeture du tube neural, totalisant 1 719 cas et 37 898 témoins. Ils concluent que l’hyperthermie maternelle au cours du 1er trimestre de la grossesse s’accompagne d’une augmentation du risque de défaut de fermeture du tube neural [RR = 1,95 ; (1,30-2,92)] et que, par conséquent, l’hyperthermie peut être tératogène. La revue de la littérature publiée par Edwards en 2006 soulève de nombreuses questions : – le risque d’anomalie de fermeture du tube neural n’existerait que sur une très courte période allant du 21e au 28e jour de la grossesse, 329

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– la « dose thermique », reçue par l’embryon ou le fœtus, tiendrait compte de l’élévation de température transmise par la mère et de la durée de cette élévation. Le temps nécessaire pour causer une anomalie serait d’autant plus court que l’élévation thermique serait importante, – si une fièvre élevée accompagne une infection virale, certains dommages chez le fœtus ou leur sévérité pourraient être dus à la fièvre, – l’hyperthermie pourrait altérer le développement du système nerveux, non seulement depuis le moment de la fermeture du tube neural, mais aussi tout au long de la grossesse puis en période postnatale, – le traitement par des antipyrétiques pourrait réduire le risque d’anomalies dues à la fièvre, – des études sont nécessaires sur les relations entre fièvre et/ou grippe et altérations des fonctions du système nerveux central (retard mental, autisme, schizophrénie...). En expérimentation animale, plusieurs études rapportent un effet tératogène de l’hyperthermie. Selon les revues de la littérature de Graham et al. (1998) et de Edwards (2006), il semblerait que les dommages (anomalie du tube neural, micro- ou anencéphalie…) apparaissent pour une élévation de la température de 2-2,5 °C pendant environ 1 heure pour toutes les espèces animales confondues. En conditions expérimentales, chez le rat, elle induirait une apoptose des cellules nerveuses et pourrait affecter le développement cérébral. Le risque d’altération du système nerveux central à l’origine de troubles du comportement est aussi augmenté. Les anomalies et leur fréquence dépendent de l’espèce, du stade du développement et de la sévérité de l’hyperthermie (Edwards, 2006). De manière plus générale, la fièvre est susceptible de provoquer un avortement ou un accouchement prématuré en favorisant les contractions utérines par le biais notamment de la production de prostaglandines (E2 et PgF2) (Ramos et al., 2002). Pour d’autres auteurs, les données sont toutefois insuffisantes pour qu’un lien de cause à effet puisse être clairement établi. Il est toutefois largement recommandé de traiter rapidement la femme enceinte fébrile par un antipyrétique de type paracétamol. Face à l’hypothèse d’une action de la fièvre sur la fermeture du tube neural, plusieurs auteurs suggèrent également une supplémentation par acide folique.

1.3. Évaluation des risques Les modalités de la transmission de l’agent infectieux à la femme enceinte sont identiques à celles de la population générale. Le risque biologique de type infectieux est 330

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beaucoup trop aléatoire pour que l’on se base sur une relation « dose-effet », par ailleurs très peu documentée. La possibilité d’une contamination et ses conséquences pour la grossesse dépendront de l’existence d’une chaîne épidémiologique (ou chaîne de transmission) et de l’état des défenses immunitaires de la femme ainsi que du terme de la grossesse au moment de l’exposition. Une chaîne épidémiologique est composée de 5 maillons : réservoir, portes de sortie ou d’accès, voie de transmission, portes d’entrée, travailleur à son poste (Figure 9.1) (Le Bâcle, 2007). La chaîne de transmission • Un fil conducteur pour l’évaluation des risques • Un principe de prévention, rompre la chaîne

R Réservoir S T

Sortie(s) du réservoir Transmission Porte(s) d’entrée

E

Hôte

H

Figure 9.1. La chaîne de transmission.

1.4. Prévention et grossesse Si une chaîne de transmission peut être reconstituée sur un poste de travail, cela signifie l’exposition possible à des risques biologiques. Il faut alors s’attacher à rompre un ou plusieurs maillons de cette chaîne, le plus en amont possible, ou interposer des barrières entre deux ou plusieurs maillons, en donnant la priorité à la prévention collective (organisationnelle ou technique), complétée, si besoin, par des équipements de protection individuelle adaptés à la situation de travail. En complément de tout cela et de façon spécifique aux risques biologiques, il sera possible d’agir sur le dernier maillon de cette chaîne de transmission, la femme au travail avant qu’elle ne soit enceinte, en ayant recours, si besoin et avec son accord, aux quelques vaccins disponibles (rougeole-oreillons-rubéole, varicelle, grippe). 331

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Chez la femme enceinte, les vaccins vivants atténués sont contre-indiqués pendant toute la durée de la grossesse et ils doivent être pratiqués chez la femme en âge de procréer sous contraception efficace pendant toute la durée de la vaccination. Cependant, l’administration d’un tel vaccin chez une femme ne se sachant pas enceinte au moment de l’injection n’est pas une indication systématique d’interruption de grossesse. Pour la fièvre jaune, la vaccination est clairement contre-indiquée chez la femme enceinte. En l’absence d’une vaccination antérieure à la grossesse, il conviendra de reporter les missions dans les pays d’endémicité. Les vaccins inactivés peuvent théoriquement être administrés chez la femme enceinte. Cependant, en l’absence de données chez la femme enceinte, les vaccins diphtérietétanos-polio (dTP) ou diphtérie-tétanos poliomyélite-coqueluche acellulaire (dTPCa) ne sont pas recommandés chez celle-ci (Launay, 2008). En cas d’indication, ils seront proposés en post-partum immédiat, en particulier pour la prévention de la coqueluche du jeune nourrisson.

Bibliographie Brochard G, Le Bâcle C. Mycotoxines en milieu de travail. I. Origine et propriétés toxiques des principales mycotoxines. Dossier médico-technique TC 128. Doc Méd Trav. 2009 ; 119 : 299-323. Brochard G, Le Bâcle C. Mycotoxines en milieu de travail. II. Exposition, risques, prévention. Dossier médico-technique TC 131. Doc Méd Trav. 2010 ; 121 : 33-62. Edwards M.J. Review: Hyperthermia and fever during pregnancy, Birth Defects Res Part A Clin Mol Teratol. 2006 ; 76 (7) : 507-16. Graham JM Jr, Edwards MJ, Edwards MJ. Teratogen update: gestational effects of maternal hyperthermia due to febrile illnesses and resultant patterns of defects in humans. Teratology. 1998 ; 58 (5) : 209-21. Kayem G, Batteux G. Immunologie de la grossesse. Presse Méd. 2008 ; 37 (11) : 1612-19. Launay O. Vaccinations et contre-indications vaccinales. Assistance TP 3. Doc Méd Trav. 2008 ; 113 : 123-25. Le Bâcle C. Les risques biologiques en milieu professionnel. Points de repère PR 28. Hyg Sécur Trav. Cah Notes Doc. 2007 ; 207 : 85-96. Moretti ME, Bar-Oz B, Fried S, Koren G. Maternal hyperthermia and the risk for neural tube defects in offspring: systematic review and meta-analysis. Epidemiology. 2005 ; 16 (2) : 216- 19. Ramos A, Brun JL, Leng JJ. Principales complications de la grossesse. Fièvre et grossesse. Rev Prat. 2002 ; 52 (1) : 85-90. 332

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2. Maladies infectieuses à transmission interhumaine 2.1. Rubéole La rubéole est une maladie éruptive bénigne qui n’est dangereuse que pour l’embryon. Seule une primo-infection rubéolique est grave en cours de grossesse. Dans la perspective d’une élimination de la rubéole congénitale en France, le vaccin anti-rubéoleux a été introduit auprès des jeunes filles dès 1970, puis dans le calendrier vaccinal du nourrisson en 1983 en association avec la rougeole, puis avec les oreillons trois ans plus tard (vaccin triple). Les malformations fœtales, qu’elle entraîne, justifient la vaccination des adolescentes, le sérodiagnostic avant toute grossesse (conseillé lors de la consultation préconceptionnelle) et la vaccination en suites de couches pour les femmes séronégatives lors de la première grossesse. En 2005, dans le cadre du « Plan d’élimination de la rougeole et de la rubéole congénitale en France 2005-2010 », de nouvelles mesures vaccinales ont été préconisées avec notamment un rattrapage de la vaccination triple de toutes les personnes nées après 1980. Ces mesures devraient permettre d’augmenter la couverture vaccinale antirubéoleuse des femmes en âge de procréer.

2.1.1. Épidémiologie Une surveillance recensant les cas d’infections rubéoleuses survenues chez les femmes enceintes et les cas de rubéole congénitale chez les nouveau-nés a été mise en place en 1976 en France à travers le réseau Rénarub. L’objectif de ce réseau est d’évaluer l’impact de la politique vaccinale et les progrès vers l’élimination de la rubéole congénitale. Entre 1997 et 2006, 324 infections maternelles ont été diagnostiquées et notifiées à Rénarub. Elles ont conduit à la naissance de 33 enfants atteints de rubéole congénitale malformative et à 86 interruptions médicales de grossesse. Le ratio du nombre d’infections maternelles sur le nombre de naissances vivantes (NV) est en nette diminution puisqu’il est passé de 11,9 pour 105 NV en 1997, à 7,7 pour 105 NV en 2000, et à 0,4 pour 105 NV en 2006. Le taux d’incidence des rubéoles congénitales malformatives recensées par le réseau a également diminué passant de 1,1 pour 105 NV en 1997, à 1 pour 105 NV en 2000, 333

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et il était pour la première fois nul en 2006. Cependant la survenue d’une dizaine d’infections maternelles par an depuis 2003 témoigne d’une circulation résiduelle du virus, notamment chez les adultes jeunes. D’où la nécessité de maintenir les efforts pour augmenter la couverture vaccinale des enfants et renforcer le rattrapage de la vaccination chez les adolescentes et jeunes femmes non immunes (Parent du Châtelet et al., 2008).

2.1.2. Mode de transmission La rubéole se transmet soit par l’intermédiaire de gouttelettes provenant des voies aériennes supérieures et générées par la toux, les éternuements ou la parole d’une personne infectée, soit par contact des muqueuses avec des mains, des objets ou des surfaces fraîchement contaminés par des sécrétions d’un sujet infecté ou l’urine d’un nouveau-né atteint de rubéole congénitale.

2.1.3. Période de contagiosité La contagiosité dure pendant tout le portage : – chez les personnes atteintes de rubéole : depuis une semaine avant l’éruption à une semaine après, pouvant se prolonger jusqu’à 15 à 21 jours après l’éruption, notamment chez l’immunodéprimé ; – chez les nouveau-nés atteints de rubéole congénitale, l’excrétion du virus se prolonge au moins 6 mois (notamment dans l’urine). La virémie est brève : de quelques jours avant l’éruption à 1 à 2 jours après.

2.1.4. Clinique Les formes inapparentes ou frustes, limitées à une éruption fugace, peu visible, sont fréquentes. La phase d’invasion, souvent muette chez l’enfant, peut être plus marquée chez l’adolescent et l’adulte avec fièvre modérée, céphalées, arthromyalgies et douleurs pharyngées dans les 5 jours précédant l’éruption. Les adénopathies cervicales sont constantes, parfois tendues et un peu douloureuses, de localisations caractéristiques (rétro-auriculaires, cervicales postérieures et surtout sous-occipitales). L’éruption inconstante débute au visage et s’étend en moins de 24 heures au tronc puis aux membres, en respectant les extrémités ; d’aspect morbilliforme le 1er jour avec éléments maculeux ou maculopapuleux (visage), elle devient parfois scarlatiniforme le 334

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2e jour (fesses et cuisses) et disparaît au 3e jour, généralement sans desquamation. Un énanthème très discret et une splénomégalie modérée sont occasionnels. Les complications sont rares : polyarthrites contemporaines de l’éruption chez l’adolescent ou l’adulte, purpura thrombopénique post-éruptif chez l’enfant (1/3 000), méningo-encéphalite (1/5 000 à 1/25 000) plus rare que celle de la rougeole.

2.1.5. Grossesse Les atteintes diffèrent selon la date de la contamination par rapport à la grossesse (Grangeot-Keros, 1999) : – jusqu’à la 20e semaine : risque d’embryopathie avec syndrome malformatif en cas de contamination, – pendant les 8 premières semaines : 85 % de malformations avec atteintes multiviscérales, – de 9 à 12 semaines : 52 % de malformations, en particulier de cardiopathies, – de 13 à 20 semaines : 16 % d’atteinte cérébrale et de l’oreille interne, – après 20 semaines : risque de fœtopathie à évolution viscérale qui, du fait de la longue persistance du virus dans l’organisme, peut s’associer à l’embryopathie : hypotrophie constante et lésions pluriviscérales évolutives à type de purpura thrombopénique, hépatosplénomégalie et ictère, méningite lymphocytaire, myocardite, pneumopathie interstitielle, lésions osseuses. Le virus persiste dans les viscères et le pharynx avec une contagiosité massive pendant 6 mois. Une contamination par la rubéole pendant la grossesse entraîne un risque létal pour le conceptus dans 1 cas sur 5.

2.1.6. Activités professionnelles exposantes On considère comme particulièrement exposés professionnellement les personnels travaillant au contact des enfants : crèches, garderies, écoles, services de pédiatrie… La réceptivité à la rubéole des professionnels de santé a été évaluée à 7 % en France en 1996 (Touche et al., 1999), à 8,6 % au Japon en 2004 (Hatakeyama et al., 2004) et à 11 % en Italie en 2007 (Porru et al., 2007).

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2.1.7. Prévention Un vaccin préventif efficace existe, à base de virus vivant atténué. La vaccination doit être réalisée sous contraception car contre-indiquée tout au long de la grossesse. Toutefois, des études portant sur le pronostic de grossesses menées à terme ne concluent pas en faveur d’une interruption de grossesse en cas de vaccination pratiquée juste avant ou pendant une grossesse. En médecine du travail, une évaluation systématique du statut immunitaire vis-à-vis de la rubéole doit être faite. Toutes les femmes non immunes en âge de procréer doivent être vivement incitées à se faire vacciner sous couvert d’une contraception, ainsi que tous les sujets non immuns dont l’activité professionnelle consiste à prodiguer des soins aux femmes enceintes (vaccination recommandée pour les personnels d’obstétrique notamment). Il n’y a pas lieu de vacciner des femmes ayant reçu deux vaccinations préalables, quel que soit le résultat de la sérologie, si celle-ci a été pratiquée. Autour d’un cas de rubéole, il convient de repérer, parmi les sujets exposés, les femmes enceintes ou susceptibles de l’être, ainsi que le risque de transmission secondaire à des femmes enceintes non immunisées par un sujet exposé non immun. Après exposition accidentelle d’une femme enceinte à un sujet atteint de rubéole, il convient d’identifier son statut immunitaire vis-à-vis de la maladie (sérologie initiale comportant la recherche des IgM et des IgG anti-rubéole). Pour les femmes non immunes ou en l’attente du résultat de la sérologie, il faut proscrire tout nouveau contact avec le sujet source et assurer une prise en charge en milieu spécialisé. S’il n’y a pas de séroconversion pendant la grossesse, la mère doit être vaccinée immédiatement après l’accouchement afin de protéger les grossesses futures.

Bibliographie Grangeot-Keros L. Virus de la rubéole. In: Denis F (Ed). Les virus transmissibles de la mère à l’enfant. Médecine/Sciences Sélection. Montrouge : John Libbey Eurotext ; 1999 : 34564, 461 p. Hatakeyama S, Moriya K, Itoyama S, Nukui Y et al. Prevalence of measles, rubella, mumps, and varicella antibodies among healthcare workers in Japan. Infect Control Hosp Epidemiol. 2004 ; 25 (7) : 591-94. Parent du Châtelet I, Bouraoui L, Grangeot-Keros L, Six C et al. Bilan de 10 années de surveillance des infections rubéoleuses durant la grossesse à travers le réseau de laboratoires 336

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InVS Rénarub en France métropolitaine, 1997-2006. Bull Epidémiol Hebd. 2008 ; 14-15 : 102-06. Porru S, Campagna M, Arici C, Carta A et al. Suscettibilita per varicella, morbillo, rosolia e parotite negli operatori sanitari di un ospedale del Nord Italia. G Ital Med Lav Ergon. 2007 ; 29 (Suppl 3) : 407-09. Touche S, Fessard C, Carquin J, Ingrand D et al. Rubéole et varicelle : statuts immunitaires et données des carnets de santé de 1 806 adultes en milieu de soins. Concours Méd. 1999 ; 121 (11) : 823-30.

2.2. Rougeole 2.2.1. Épidémiologie Le vaccin anti-rougeoleux a été introduit dans le calendrier vaccinal français en 1983, associé à la rubéole, puis aux oreillons en 1986. Depuis 1996 et dans une perspective d’élimination de la rougeole, une seconde dose de vaccin triple rougeole-oreillonsrubéole est recommandée. La surveillance par le réseau a mis en évidence l’impact majeur de la vaccination, avec une réduction de plus de 90 % entre le nombre estimé de cas de rougeole à la fin des années 80 (environ 200 000) et celui estimé en 2000 (environ 10 000) (Parent du Châtelet et Lévy-Bruhl, 2004). La rougeole est redevenue une maladie à déclaration obligatoire en juillet 2005. Jusqu’en 2007, le nombre de cas de rougeoles notifiés à l’Institut de veille sanitaire (InVS) (une quarantaine de cas en 2006 et 2007) pouvait laisser penser que l’objectif d’élimination était à portée de main, mais le premier semestre 2008 a vu apparaître en France les premiers épisodes identifiés de cas groupés, comme chez certains de nos partenaires européens ces dernières années. En 2008, 604 signalements de cas de rougeole ont été transmis à l’InVS (InVS, 2009).

2.2.2. Mode de transmission La rougeole est une maladie très contagieuse. La transmission se fait le plus souvent par l’intermédiaire de gouttelettes provenant des voies aériennes supérieures, générées lors de la toux, les éternuements ou la parole d’une personne infectée, mais également par inhalation d’aérosols contaminés : il existe des cas documentés d’infections survenues après transmission aéroportée dans des endroits clos jusqu’à deux heures après le départ du patient source (ou patient réservoir). Plus rarement, elle peut se transmettre par contact avec des mains souillées ou des surfaces contaminées par des sécrétions oropharyngées. 337

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2.2.3. Période de contagiosité La période de contagiosité commence la veille de l’apparition des premiers symptômes (3 à 5 jours avant l’éruption) et persiste jusqu’au 5e jour après le début de celle-ci.

2.2.4. Clinique Après une incubation d’environ 10 jours, survient une phase prodromique avec fièvre > 38,5 °C et catarrhe oculo-respiratoire. Le signe de Köplick, petites taches blanc bleuâtre sur fond érythémateux au niveau de la muqueuse jugale, inconstant, est pathognomonique, apparaissant à la 36e heure et persistant jusqu’à l’éruption cutanée. L’éruption maculopapuleuse débute au niveau de la tête et du visage ; son extension est descendante et se généralise en 3 à 4 jours. Elle disparaît au bout d’une semaine. Les formes compliquées sont plus fréquentes chez les patients âgés de moins de 1 an et de plus de 20 ans. La première cause de décès est la pneumonie chez l’enfant et l’encéphalite aiguë chez l’adulte. La panencéphalite subaiguë sclérosante, exceptionnelle, survient en moyenne 7 ans après l’éruption et se manifeste par une démence évolutive constamment mortelle.

2.2.5. Grossesse La rougeole survenant chez la femme enceinte peut entraîner des formes graves pour la mère, être source de complications de la grossesse (interruption précoce) et de rougeole congénitale (enfant présentant des signes de rougeole à la naissance ou dans les 10 premiers jours de vie) (Parent du Châtelet et Lévy-Bruhl, 2004). Il n’existe pas d’infection persistante du nourrisson. Il n’a jamais été montré que le virus de la rougeole pouvait être la cause de malformation en cours de grossesse (Denis, 1999).

2.2.6. Activités professionnelles exposantes Les activités professionnelles à risque sont les métiers ayant des contacts fréquents et rapprochés avec des communautés d’enfants telles que crèches, garderies, écoles, services de soins pédiatriques... La réceptivité à la rougeole des personnels de santé est évaluée entre 4 et 10 % aux États-Unis en 1994 et 1998, à 1,5 % au Japon en 2004 (Hatakeyama et al., 2004), inférieure à 10 % en Italie en 2007 (Porru et al., 2007). En France, 2 cas de rougeole 338

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chez des soignants, dont un médecin, ont été signalés en 2005-2007, le lieu probable de contamination étant l’hôpital. En 2008, 7 cas d’infection nosocomiale ont été décrits au CHU de Reims (4 soignants, 3 patients) et 2 cas en Île-de-France début 2009, chez un médecin dermatologue et une surveillante de maternité. Il existe d’autres cas de contaminations professionnelles rapportés parmi des soignants (Grande-Bretagne en 2000, Australie en 2002, États-Unis en 2008) (Thierry et al., 2008 ; CDC, 2008 ; InVS, 2009).

2.2.7. Prévention Un vaccin trivalent, rougeole-oreillons-rubéole, existe. Cette vaccination est contreindiquée tout au long de la grossesse. Toutefois, les études, menées chez des femmes vaccinées accidentellement, juste avant ou pendant une grossesse, ne concluent pas en faveur d’une interruption de grossesse. En cas de contact d’une femme enceinte non vaccinée et sans antécédent de rougeole, avec un cas confirmé, des immunoglobulines polyvalentes peuvent être utilisées en post-exposition. Elles seront efficaces si elles sont administrées au cours des 6 jours qui suivent le contage. Leur administration se fait par voie intraveineuse et nécessite une courte hospitalisation (plan 2005-2010 d’élimination de la rougeole et de la rubéole congénitale en France) (DGS, 2009).

Bibliographie CDC. Outbreack of measles. San Diego, California, January-February 2008. MMWR Morb Mortal Wkly Rep. 2008 ; 57 (8) : 203-06. Denis F. Virus de la rougeole. In: Denis F. Les virus transmissibles de la mère à l’enfant. Médecine/Sciences Sélection. Montrouge : John Libbey Eurotext ; 1999 : 337-44, 461 p. DGS. Plan national d’élimination de la rougeole et de la rubéole congénitale en France 20052010. Ministère de la Santé et des Solidarités, 2009 (www.sante-sports.gouv.fr/plan-national-d-elimination-de-la-rougeole-et-de-la-rubeole-congenitale.html). Hatakeyama S, Moriya K, Itoyama S, Nukui Y et al. Prevalence of measles, rubella, mumps, and varicella antibodies among healthcare workers in Japan. Infect Control Hosp Epidemiol. 2004 ; 25 (7) : 591-94. InVS. Numéro thématique. Rougeole : données sur une épidémie en France et en Europe en 2008. Bull Epidémiol Hebd. 2009 ; 39-40 : 413-40. Parent du Châtelet I, Lévy-Bruhl D. Surveillance de la rougeole en France. Bilan et évolution en vue de l’élimination de la maladie. Saint-Maurice : InVS ; 2004 : 56 p. 339

GROSSESSE ET TRAVAIL

Porru S, Campagna M, Arici C, Carta A et al. Suscettibilita per varicella, morbillo, rosolia e parotite negli operatori sanitari di un ospedale del Nord Italia. G Ital Med Lav Ergon. 2007 ; 29 (Suppl 3) : 407-09. Thierry S, Alsibai S, Parent du Châtelet I. An outbreak of measles in Reims, eastern France, January-March 2008. A preliminary report. Euro Surveill. 2008 ; 13 (13) : 1-2.

2.3. Oreillons 2.3.1. Épidémiologie L’infection évolue sur un mode endémique, avec une poussée épidémique entre janvier et mai, atteignant les collectivités d’enfants ou d’adultes jeunes. La vaccination a contribué à une nette diminution de l’incidence des oreillons en France. L’incidence des oreillons est passée de centaines de milliers de cas par an au milieu des années 80 à quelques milliers ces dernières années : le nombre estimé de cas annuels est d’environ 7 500 (taux d’incidence annuelle estimée : 10 cas pour 100 000). Toutefois, à l’instar de la rougeole, les cas d’oreillons surviennent en moyenne plus tardivement dans la vie (5 à 10 % des cas chez l’adulte), à un âge où le risque de complications est plus important (méningite, surdité, orchite…) (Blanchon et Dorléans, 2006).

2.3.2. Mode de transmission Les oreillons se transmettent par l’intermédiaire des gouttelettes provenant des voies aériennes supérieures, générées lors de la toux, les éternuements ou la parole d’une personne infectée.

2.3.3. Période de contagiosité La contagiosité débute 3 à 6 jours avant et jusqu’à 6 à 9 jours après le début des symptômes.

2.3.4. Clinique La forme la plus fréquente est une parotidite unie ou bilatérale fébrile, mais l’infection peut être inapparente dans 20 à 30 % des cas. 340

Risques biologiques 9

Des localisations glandulaires extra-salivaires peuvent survenir à tout moment de l’atteinte salivaire ou même en son absence : orchite (2 ‰) présente dans environ 50 % des atteintes postpubertaires, pancréatite (0,4 ‰) ; ovarite, mastite et thyroïdite sont rares. Les complications neuroméningées sont fréquentes, surtout à l’âge adulte. Il s’agit le plus souvent d’une méningite lymphocytaire aiguë (16 % des cas) accompagnée dans 10 % des cas par une encéphalite (0,2 ‰ des cas). L’atteinte des nerfs crâniens est rare (0,1 ‰ cas) se traduisant par une surdité uni- ou bilatérale, plus rarement une cécité par névrite optique ou une paralysie faciale.

2.3.5. Grossesse En cas de survenue des oreillons pendant la grossesse, il existe une augmentation de la fréquence des avortements uniquement lors du 1er trimestre. Il existe une transmission maternofœtale avec une possibilité d’atteinte placentaire. Un cas d’atteinte des surrénales fœtales a été rapporté. Certains auteurs ont décrit une relation entre la maladie chez la mère et des cas de cardiomyopathie chez le fœtus mais le rôle tératogène du virus ourlien n’est pas démontré (Ornoy et Tenenbaum, 2006). Les données sont pour la plupart anciennes et peu concluantes. Par ailleurs, il a également été décrit des cas de parotidite néonatale après infection virale de la mère à l’approche du terme.

2.3.6. Activités professionnelles exposantes Ce sont toutes les professions impliquant des soins de « maternage » au contact de jeunes enfants en période contagieuse ou un contact étroit lors de soins à des personnes excrétrices du virus des oreillons. Une transmission du virus au personnel de santé a été signalée de façon épisodique.

2.3.7. Prévention Un vaccin trivalent rougeole-oreillons-rubéole existe. Cette vaccination est contre-indiquée tout au long de la grossesse. Toutefois, les études, menées chez des femmes vaccinées accidentellement juste avant ou pendant une grossesse, ne concluent pas en faveur d’une interruption de grossesse.

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Bibliographie Blanchon T, Dorléans Y. Oreillons. In: Bilan annuel du réseau Sentinelles, Janvier-Décembre 2006. Paris : Réseau Sentinelles. Inserm UPMC UMR-S 707 ; 2006 : 39-42, 91 p. Ornoy A, Tenenbaum A. Pregnancy outcome following infections by coxsackie, echo, measles, mumps, hepatitis, polio and encephalitis viruses. Reprod Toxicol. 2006 ; 21 (4) : 446-57.

2.4. Infection à cytomégalovirus (CMV) L’infection à CMV est la plus fréquente des infections virales maternofœtales (taux de transmission au fœtus d’environ 40 % en cas de primo-infection et de l’ordre de 2 % en cas de récurrence). Après primo-infection maternelle, l’infection fœtale est grave et symptomatique dans 10 à 15 % des cas. Les infections de la première moitié de la grossesse sont les plus graves (CSHPF 2002, Gallot 2002).

2.4.1. Épidémiologie L’importance des infections maternelles et congénitales à cytomégalovirus (CMV) est peu documentée en France. L’Institut de veille sanitaire (InVS) estime que près de 300 infections congénitales à cytomégalovirus sont détectées pendant la grossesse ou à la naissance chaque année. Une soixantaine d’entre elles conduisent à des interruptions de grossesse et parmi les nouveau-nés, une cinquantaine présentent à la naissance des manifestations clinico-biologiques de l’infection (soit une incidence de 6 infections symptomatiques pour 100 000 nouveau-nés vivants). C’est le résultat d’une enquête nationale prospective qui a été conduite entre novembre 2004 et janvier 2005, afin d’estimer l’incidence des infections maternelles à CMV et des infections transmises au fœtus et détectées pendant la grossesse ou à la naissance (Parent du Châtelet et LévyBruhl, 2007).

2.4.2. Mode de transmission La transmission de l’infection à CMV est interhumaine stricte par l’intermédiaire des gouttelettes de sécrétions oropharyngées le plus souvent, par contact des muqueuses avec des mains souillées par des liquides biologiques infectés (urines, salive...) ou, plus rarement, par un support inerte fraîchement souillé ; la transfusion de sang non 342

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déleucocyté (rare) et la transmission sexuelle (sperme, glaire) sont également des voies de transmission possibles. La contamination se fait principalement dans la petite enfance par contact avec d’autres enfants excrétant le virus. Chez l’adolescent et l’adulte, qui n’ont pas encore rencontré le virus, elle se fait par contact avec un jeune enfant excréteur ou par voie sexuelle.

2.4.3. Période de contagiosité Elle varie de plusieurs jours à plusieurs semaines, voire des mois chez les jeunes enfants et les immunodéprimés. Après une infection néonatale, l’excrétion du virus peut durer plusieurs années et être fluctuante.

2.4.4. Clinique Chez le nourrisson, l’enfant et l’adulte jeune, l’infection à CMV est inapparente dans 90 % des cas. Chez l’adulte jeune, il s’agit souvent d’une fièvre isolée en plateau entre 38 °C et 40 °C prolongée (entre 15 jours et 3 mois), parfois accompagnée d’une asthénie, d’arthralgies, de céphalées, avec un syndrome mononucléosique associé à une thrombopénie et une hépatite cytolytique. D’autres manifestations isolées sont possibles : pneumopathie interstitielle (6 % des formes symptomatiques), polyradiculonévrite de Guillain-Barré...

2.4.5. Grossesse En France, on estime qu’environ 50 % des femmes enceintes sont séronégatives visà-vis du CMV. Environ 1 à 2 % de femmes enceintes séronégatives font une primoinfection pendant leur grossesse (CSHPF, 2002). La contamination d’une femme enceinte par le CMV au cours de sa grossesse ne provoque habituellement pas de conséquence grave chez la mère. En cas de primo-infection maternelle, le taux de transmission au fœtus est de 30 à 40 %, l’infection fœtale est symptomatique dans 10 à 15 % de ces cas. Les formes congénitales peuvent être de gravité variable : – mort fœtale in utero par infection massive (exceptionnelle) ; 343

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– maladie des inclusions cytomégaliques rare mais sévère : avec prématurité ou dysmaturité, ictère, purpura ecchymotique, convulsion, paralysies, microcéphalie, choriorétinite, pneumopathie interstitielle. Le pronostic est sévère : mortalité, séquelles neuropsychiques lourdes ; – infection fœtale pauci-symptomatique : les mêmes organes peuvent être touchés mais de façon moins sévère. Dans près de 90 % des cas, les nouveau-nés infectés sont asymptomatiques mais excrètent du CMV dans leurs urines pendant plusieurs mois. Un suivi à long terme est nécessaire : 10 % de ces enfants asymptomatiques à la naissance développeront des séquelles tardives (auditives ou à type de retard psychomoteur de gravité variable) (Ranger-Rogez 1999). En cas de récurrence ou de réinfection, le risque de transmission est faible de l’ordre de 2 % avec un risque très faible de séquelles (1 %).

2.4.6. Activités professionnelles exposantes Ce sont les soins de « maternage » au contact d’enfants de moins de 3 ans, le contact étroit (kinésithérapie respiratoire, soins…) avec des personnes excrétrices de CMV chez des transplantés ou immunodéprimés. Cependant, les études menées ne retrouvent pas de risque accru parmi les professionnels de santé. En revanche, certaines études montrent un taux de séropositivité plus élevé chez les personnels de crèche, comparés à des témoins (Chopard, 2001 ; Leroux et al., 2002).

2.4.7. Prévention – Pour les personnels féminins en âge de procréer et en contact avec de jeunes enfants et/ou mères de jeunes enfants, il est important de rappeler les mesures de prévention systématiques : éviter les contacts avec les liquides biologiques (urine, salive, larmes...) ; se laver fréquemment les mains ou se frictionner avec une solution hydro-alcoolique, notamment lors des changes ou de la toilette ; éviter le partage d’objets tels cuillères, jouets... – En cas de grossesse, il est nécessaire de renforcer l’éviction du contact avec les urines, la salive, les larmes des enfants de moins de 3 ans ou des patients excréteurs : lavage soigneux des mains à l’eau et au savon, ou utilisation d’une solution hydro-alcoolique pour une désinfection des mains après tout contact avec un liquide biologique. 344

Risques biologiques 9

Selon l’ANAES, dans le contexte actuel des connaissances, le dépistage sérologique systématique de l’infection à CMV n’est pas justifié chez les femmes enceintes, y compris pour les professionnelles exposées (ANAES, 2004). Pour les femmes enceintes, dont la sérologie serait connue comme étant séronégative, il n’y a donc pas d’indication à un suivi sérologique, ni d’indication d’éviction, mais il est conseillé de limiter au maximum les contacts avec les liquides biologiques durant toute la grossesse et de respecter les mesures d’hygiène (CSHPF, 2002). Les résultats de l’étude épidémiologique de l’InVS, rendus publiques en 2007, ne sont pas en faveur d’un poids des infections congénitales à CMV plus important que celui jusque-là considéré par les experts et qui les avait conduit à ne pas recommander un dépistage de l’infection à CMV pendant la grossesse (Parent du Châtelet et Lévy-Bruhl, 2007). Néanmoins, face à ce type d’infection, les auteurs relèvent une certaine hétérogénéité au niveau des pratiques actuelles (suivi sérologique des grossesses, pratique de l’amniocentèse, recherche de l’infection à la naissance, détection précoce d’éventuelles séquelles). Si une surveillance est vivement souhaitée par la femme, cette surveillance ne peut pas être de la responsabilité du médecin du travail d’autant qu’il n’y a pas de consensus actuel sur ses modalités. Une femme enceinte très inquiète du fait de son exposition professionnelle doit être dirigée vers le gynécologue-obstétricien en charge de sa grossesse, qui pourra éventuellement organiser, au cas par cas, cette surveillance.

Bibliographie ANAES. Evaluation de l’intérêt du dépistage de l’infection à cytomégalovirus chez la femme enceinte en France. HAS, 2004 (www.has-sante.fr/portail/jcms/c_272378/evaluationde-linteret-du-depistage-de-l-infection-a-cytomegalovirus-chez-la-femme-enceinte-enfrance). Chopard B. Prévention de l’infection à cytomégalovirus pour le personnel des crèches. Arch Mal Prof. 2001 ; 62 (7) : 586-87. CSHPF. Avis du Conseil supérieur d’hygiène publique de France (section des maladies transmissibles) du 8 mars 2002 relatif aux recommandations pour la prévention de l’infection à cytomégalovirus chez les femmes enceintes. Ministère de la Santé et des Sports, 2002 (www.sante.gouv.fr/htm/dossiers/cshpf/a_mt_080302_CMV_grossesse.pdf). Gallot D, Laurichesse H, Lemery D. Prévention des risques fœtaux. Infection, médicaments, toxiques, irradiation. Rev Prat. 2002 ; 52 (7) : 751-64. Leroux MC, Reinert P, Boucher J, Lasry S. Diffusion du cytomégalovirus en crèche. Arch Pédiatr. 2002 ; 9 (Suppl 2) : 271-73. Parent du Châtelet I, Lévy-Bruhl D. Enquête sur les infections congénitales à cytomégalovirus détectées pendant la grossesse ou à la naissance en France métropolitaine. Saint-Maurice : InVS ; 2007 : 35 p. 345

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Ranger-Rogez S, Venot C, Aubard Y, Denis F et al. Cytomégalovirus. In: Denis F. Les virus transmissibles de la mère à l’enfant. Médecine/Sciences Sélection. Montrouge : John Libbey Eurotext ; 1999 : 214-39, 461 p.

2.5. Varicelle et zona La varicelle est une maladie virale très contagieuse, le plus souvent bénigne, qui survient préférentiellement pendant l’enfance. Elle est provoquée par un herpès virus (varicelle-zoster virus ou VZV). Le virus de la varicelle persistant après l’infection à l’intérieur des ganglions nerveux, il est susceptible de se réactiver à l’occasion d’une baisse de l’immunité cellulaire, provoquant alors un zona.

2.5.1. Épidémiologie Le risque d’être atteint de la varicelle au cours d’une vie est très élevé (environ 95 %) et celui de subir au moins une réactivation du virus (zona) est de l’ordre de 15 à 20 %. Chaque année, en France, on compte environ : – 700 000 cas de varicelle (90 % ont moins de 10 ans), – 3 000 hospitalisations (75 % ont moins de 10 ans), – 20 décès (30 % ont moins de 10 ans). Ces données reflètent le caractère fréquent et le plus souvent bénin de la maladie mais aussi l’augmentation de la gravité de la varicelle avec l’âge (Bonmarin et al., 2005). La varicelle est surveillée par le réseau Sentinelles depuis 1990 (http://www.sentiweb.org), réseau animé par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM U707). Chaque semaine, le réseau rapporte dans son bulletin hebdomadaire une estimation du nombre de cas de varicelle qui ont consulté dans la métropole ainsi que des cartes décrivant leur répartition géographique.

2.5.2. Mode de transmission La transmission de la varicelle est avant tout respiratoire à partir d’un sujet atteint de varicelle clinique par inhalation d’aérosols de fines particules infectieuses, et plus rarement par contact des muqueuses avec des mains souillées par le liquide des vésicules cutanées, tant que celles-ci sont actives et non croûteuses. La possibilité d’une transmission respiratoire par aérosols explique que des personnels aient pu être contaminés 346

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dans un local peu après qu’un patient infecté y ait séjourné, sans contact direct avec celui-ci. La transmission du virus VZV peut se faire de façon plus rare à partir d’un patient source atteint de zona, essentiellement par l’intermédiaire des vésicules cutanées, sans qu’il soit possible de préciser s’il s’agit d’une transmission par voie aérienne ou par contact.

2.5.3. Période de contagiosité Pour la varicelle, la période de contagiosité va de 5 à 7 jours, commençant 2 jours avant l’éruption et jusqu’à la fin des lésions actives et la disparition des croûtes. Pour le zona, elle va des 48 heures précédant l’éruption jusqu’à la fin des lésions actives.

2.5.4. Clinique l Varicelle La phase prodromique associe fièvre, céphalées et éventuelles douleurs abdominales pendant 24 à 48 heures. Puis apparaît la phase d’état associant une fièvre modérée et une éruption vésiculeuse avec des éléments en nombre très variable (10 à 2 000), d’âges différents, prurigineux, disséminés sur tout le corps et en particulier le cuir chevelu, la face, le tronc. L’atteinte des muqueuses est habituelle. Le diagnostic peut être plus difficile lorsque le nombre de vésicules est faible (à rechercher sur le cuir chevelu, dans la bouche, les espaces interdigitaux). Il existe des formes cliniquement inapparentes (5 %). Dans 3 % des cas, la varicelle s’accompagne de complications précoces : – surinfections cutanées bactériennes (18 %) surtout chez le jeune enfant et/ou en cas d’eczéma et/ou de corticothérapie ; – bronchopneumopathies (16 %) surtout chez le jeune enfant et chez l’adulte, en cas d’asthme, de tabagisme, de corticothérapie ; – pneumopathie varicelleuse chez la femme enceinte ; – atteintes neurologiques : le plus souvent bénignes, plus rarement graves sous forme de méningo-encéphalites (nourrisson), voire gravissimes (syndrome de Reye) ; – hépatites cytolytiques le plus souvent bénignes, thrombopénies... 347

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l Zona Le zona est une complication tardive de la varicelle correspondant à la réactivation des VZV restés latents dans les ganglions sensitifs annexés à la moelle épinière. Il s’exprime sous forme de lésions érythémateuses, puis vésiculeuses, siégeant sur le trajet d’une racine nerveuse pouvant parfois déborder sur les métamères contigus. La localisation unilatérale et l’aspect vésiculeux sont caractéristiques, avec groupement en bouquet des vésicules évoluant en bulles polycycliques confluentes. Ces éléments cicatrisent en 2 semaines. Les principales complications sont des névralgies, dont l’incidence augmente avec l’âge.

2.5.5. Grossesse Lorsque la varicelle survient chez une femme enceinte, il y a un risque accru de pneumopathie avec parfois une évolution gravissime conduisant la patiente en réanimation. Pour l’enfant à naître, les risques varient en fonction de l’âge de la grossesse au moment de la contamination de la mère : – avant la 24e semaine d’aménorrhée (SA) : avortement et mort fœtale (risque de 3 à 6 %), – entre la 13e et la 20e SA : syndrome de varicelle congénitale (risque de 2 %) avec : • anomalies cutanées (cicatrices de répartition métamérique), • atteintes oculaires (choriorétinite, cataracte, microphtalmie…), • anomalies neurologiques (microcéphalie, hydrocéphalie…), • atteintes musculosquelettiques (hypoplasie d’un membre, malposition des pieds, scoliose…), • atteintes digestives et génito-urinaires, – après 20e à 25e SA, la seule conséquence serait la survenue d’un zona dans la première année de vie (dans 1 % des cas), – après 26e SA, le risque essentiel est l’accouchement prématuré, à la faveur d’une atteinte maternelle sévère, et la survenue d’une varicelle néonatale : risque de 25 % en cas de contamination du péri-partum (éruption maternelle débutant dans une période de 5 jours avant à 15 jours après la naissance) avec forme grave, pouvant être létale (risque d’autant plus élevé que l’éruption maternelle est proche de l’accouchement). En effet, ce délai ne permet pas la protection du nouveau-né par 348

Risques biologiques 9

les anticorps maternels. Il en résulte une éruption cutanéo-muqueuse généralisée qui apparaît entre 5 et 10 jours de vie néonatale accompagnée d’atteinte pulmonaire et polyviscérale avec un taux de mortalité qui peut atteindre 20 à 30 %. Dans une synthèse publiée en 2005, utilisant des données américaines, l’InVS estime entre 350 et 500 le nombre de varicelles pergravidiques par an. À partir d’une revue de la littérature, il estime entre 1 et 7 le nombre de varicelles congénitales qui surviendraient chaque année. L’InVS signale qu’« aucune étude en France ne rapporte de données sur la mortalité des femmes infectées au cours de la grossesse ».

2.5.6. Activités professionnelles exposantes Il s’agit des personnels de soins et assimilés, d’entretien... en contact avec des malades présentant une varicelle (secteur pédiatrique et métiers de la petite enfance en particulier) ou un zona (résidence de personnes âgées, aide à domicile…) ou en contact avec leurs prélèvements (laboratoires). D’autres professionnels travaillant avec les enfants sont également concernés : enseignants, animateurs socioculturels... En France, on estime que 1 à 8,5 % des soignants sont réceptifs au VZV (Poissonnet et al., 2001). Après exposition, 2 à 16 % de ces soignants réceptifs seront contaminés. Aux ÉtatsUnis, en 1991, on a enregistré 1 à 2 cas d’infection à VZV pour 1 000 travailleurs de santé.

2.5.7. Prévention Un vaccin à virus vivant atténué est disponible depuis 2004. Chez une femme en âge de procréer, la vaccination est à réaliser sous contraception et après un test de grossesse négatif. Néanmoins, une vaccination faite chez une femme qui ne se savait pas enceinte ne doit pas faire recourir systématiquement à une interruption de grossesse. La varicelle pouvant entraîner une pneumopathie varicelleuse grave chez la femme enceinte, le Comité technique des vaccinations recommande de vacciner les femmes en âge de procréer, notamment celles qui ont un projet de grossesse et n’ayant pas d’antécédent clinique de varicelle (HCSP, 2007). Après exposition à un cas de varicelle avérée, le suivi médical s’organise en fonction du statut immunitaire de la femme enceinte : – immunité acquise antérieurement ; aucun suivi spécifique n’est nécessaire ; – immunité non acquise ; éviction du contage et prise en charge rapide avec un suivi à gérer en concertation avec l’obstétricien (discussion d’une séroprophylaxie par 349

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immunoglobulines spécifiques, disponibles en France en ATU (Autorisation Temporaire d’Utilisation), à réaliser dans les 4 jours et contrôle sérologique à J 15 : • si ce contrôle est négatif, il faut maintenir l’éviction vis-à-vis de tout contage ultérieur et vacciner après la grossesse, • si le contrôle révèle une séroconversion, il faut adresser la patiente en milieu spécialisé pour une prise en charge spécifique. En cas de séroprophylaxie, il faut savoir que l’injection d’immunoglobulines protège la future maman vis-à-vis d’une forme grave de la varicelle mais que ces immunoglobulines ne protègent pas le fœtus. La varicelle et le zona sont inscrits au tableau des maladies professionnelles n° 76 M du régime général, pour certains travaux « mettant en contact avec des malades présentant une varicelle ou un zona ».

Bibliographie Bonmarin I, Ndiaye B, Seringe E, Levy Bruhl D. Epidémiologie de la varicelle en France. Bull Epidémiol Hebd. 2005 ; 8 : 30-31. HCSP. Avis du Haut conseil de la santé publique (Commission spécialisée Sécurité Sanitaire) relatif aux recommandations de vaccination contre la varicelle. Séance du 5 juillet 2007. Haut conseil de la santé publique, 2007 (www.hcsp.fr/hcspi/docspdf/avisrapports/ hcsp045a20070705_Varicelle.pdf). Poissonnet CM, Véron M, Rohban P, Voujon P et al. Immunité du personnel soignant vis-à-vis du virus varicelle zona (VZV). Arch Mal Prof. 2001 ; 62 (5) : 359-61.

2.6. Parvovirus B19 2.6.1. Épidémiologie Le parvovirus est un virus ubiquitaire. Il n’existe que très peu de données sur cette maladie éruptive (mégalérythème épidémique ou 5e maladie infantile). La contamination se fait tout au long de la vie. Environ 50 % des femmes en âge de procréer seraient réceptives au parvovirus B19. Les flambées épidémiques se produisent généralement au printemps (Marcellin et al., 1999). 350

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2.6.2. Mode de transmission Le parvovirus se propage le plus fréquemment par les sécrétions respiratoires et par contact des muqueuses avec des mains contaminées.

2.6.3. Période de contagiosité La période d’incubation peut durer 20 jours. La période de contagiosité précède de quelques jours les signes cliniques.

2.6.4. Clinique Un quart des infections à parvovirus B19 sont asymptomatiques. Pour les autres, l’attention est attirée par une éruption maculopapuleuse, accompagnée chez l’adulte d’arthralgies diffuses des extrémités, survenant quand la personne n’est plus contagieuse.

2.6.5. Grossesse La transmission maternofœtale n’a lieu qu’au cours d’une primo-infection, en particulier au cours du 2e trimestre. Pour les gynécologues et obstétriciens français, le risque de séroconversion chez les femmes séronégatives serait de 1 à 2 %, avec une transmission fœtale dans 20 à 30 % des cas. La plupart de ces infections fœtales sont sans conséquences. Le risque d’anasarque serait de 1 % en cas de séroconversion (CNGOF 2003). En l’absence d’exsanguinotransfusion fœtale, une anasarque fœtale sévère peut conduire à une mort in utero. L’incidence de ce risque est mal connue. Le risque de malformation lié à une infection à parvovirus B19 est considéré comme négligeable (Crane, 2002 ; Ergaz et Ornoy, 2006).

2.6.6. Activités professionnelles exposantes Il n’y a pas de profession reconnue comme particulièrement exposée, mais compte tenu des modes de transmission, il existe une forte probabilité d’exposition au virus dans les garderies d’enfants ou les écoles par exemple (Gärtner et al., 2007 ; Crane, 2002). Les femmes enceintes ont un risque d’infection par leurs propres enfants qui serait 10 fois plus important que le risque de contamination par exposition professionnelle (Crane, 2002). 351

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2.6.7. Prévention Il n’y a aucune indication à un dépistage systématique et itératif. Une étude allemande conclut que l’éviction des femmes enceintes des milieux professionnels éviterait certes de 0,2 à 3,1 morts fœtales par an, mais pour un coût extrêmement élevé (Gärtner et al., 2007). Un rapport de la société des obstétriciens et gynécologues du Canada stipule que, « comme il n’existe aucune preuve que les femmes vulnérables diminuent leur risque d’infection en quittant leur travail et comme une étude n’a fait apparaître aucune différence entre les taux d’infection des enseignantes enceintes restant au travail et de celles s’en étant éloigné », il n’est pas recommandé « que des directives soient émises quant au renvoi systématique à la maison » de ces femmes. Il est néanmoins conseillé que ces femmes soient clairement informées du risque d’infection et de la conduite à tenir lors de flambées épidémiques. De même, le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) recommande de ne pas faire ces dépistages réputés anxiogènes au cours de la grossesse dans l’état actuel des connaissances (CNGOF, 2003). Le parvovirus évolue essentiellement par épidémies ; il faut donc, surtout au moment d’une épidémie, informer les femmes enceintes sur les signes cliniques de la maladie chez les enfants et mettre en place une prise en charge spécifique en cas de suspicion de contact (éviction, sérologie, échographie). Mais la plupart des cas d’infection fœtale sont de découverte fortuite lors d’une échographie systématique. Ils sont alors l’objet d’une prise en charge en milieu très spécialisé.

Bibliographie Crane J. Infection au parvovirus B19 en cours de grossesse. Directives cliniques de la SOGC. J Gynécol Obstét Can. 2002 ; 119 : 1-9. CNGOF. Doit-on proposer un dépistage systématique de l’infection à Parvovirus au cours de la grossesse ? Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français, 2003 (www. cngof.asso.fr/D_PAGES/MDIR_301.HTM). Ergaz Z, Ornoy A. Parvovirus B19 in pregnancy. Reprod Toxicol. 2006 ; 21 (4) : 421-35. Gärtner B, Enders M, Luft-Duchow C, Bocharov G et al. Parvovirus-B19-Infektionen bei Schwangeren in der Kinderbetreuung. Gesundheitsokonomische Analyse eines Beschaftigungsverbots. Bundesgesundheitsblatt Gesundheitsforschung Gesundheitsschutz. 2007 ; 50 (11) : 1369-78. 352

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Marcellin AG, Soulié JC, Lefrère JJ, Morinet F et al. Parvovirus B19. In: Denis F. Les virus transmissibles de la mère à l’enfant. Médecine/Sciences Sélection. Montrouge : John Libbey Eurotext ; 1999 : 289-303, 461 p.

2.7. Hépatite B 2.7.1. Épidémiologie Les hépatites aiguës survenant durant la grossesse sont rares. Les femmes enceintes dont l’antigène HBs est positif sont dans 95,8 % des cas porteuses chroniques du virus de l’hépatite B (VHB). En France, il y aurait moins de 500 cas annuels déclarés d’hépatite B aiguë. Cependant, les estimations faites en tenant compte de la sous-déclaration et des formes asymptomatiques multiplient ces chiffres par quatre (InVS, 2009).

2.7.2. Mode de transmission La surveillance des hépatites B aiguës par déclaration obligatoire entre 2004 et 2006 retrouve des contaminations par voie sexuelle dans environ 35 % des cas, au cours de voyages en pays d’endémie (22 %), après des soins invasifs en milieu hospitalier… (Antona, 2007). En milieu professionnel (3,3 % des cas retrouvés), la transmission se fait principalement par voie sanguine suite à un accident exposant au sang [AES ou contact accidentel avec du sang ou un liquide biologique potentiellement contaminant, suite à une effraction cutanée (piqûre, coupure, égratignure...) ou une projection sur une muqueuse (conjonctive, bouche...) ou sur une peau lésée (dermatose, plaie...)]. Après exposition professionnelle au VHB par piqûre, le taux de transmission varie de 2 à 40 % en fonction de différents paramètres, en particulier la présence ou non d’une PCR VHB positive ainsi que la présence de l’antigène HBe dans l’inoculum. Le taux de transmission est environ 10 fois plus faible après exposition par contact du sang sur une muqueuse ou une peau lésée.

2.7.3. Grossesse Pour la mère, la survenue d’une hépatite B pendant la grossesse ne semble pas modifier l’évolution clinique de la maladie. Tout au plus, un nombre plus important d’accouchements prématurés a-t-il été rapporté. 353

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Lors de ces hépatites B survenant pendant la grossesse, le risque de transmission au fœtus serait nul pendant le premier trimestre, de 10 à 25 % pendant le deuxième trimestre et de 90 % pendant le troisième trimestre. La transmission verticale paraît très corrélée avec la charge virale. Le virus n’a pas d’effet tératogène et on ne décrit ni embryopathie, ni fœtopathie. La majorité des transmissions sont périnatales et plus précisément pernatales. Dans ce cas, l’infection chez l’enfant peut causer dans 5 à 7 % des cas une hépatite aiguë symptomatique suivie d’une guérison. Dans 90 % des cas, ces enfants infectés seront des porteurs chroniques et, dans deux tiers des cas, ils présenteront vers l’âge de 10 ans des signes cliniques d’hépatite chronique évoluant vers la cirrhose pouvant se compliquer 20 ans plus tard d’un hépatocarcinome (Denis et al., 1999).

2.7.4. Activités professionnelles exposantes Les personnels de santé et personnels de laboratoires qui manipulent des prélèvements sanguins viennent en premier lieu mais toute personne susceptible d’être en contact accidentel avec des objets piquants-coupants-tranchants souillés par du sang (femme de ménage, personnel des déchèteries…) est une personne à risque d’exposition.

2.7.5. Prévention Un vaccin efficace existe. Le Code de la santé publique rend la vaccination anti-VHB obligatoire pour les professions de santé et assimilés. Ceci limite le risque de contamination en milieu professionnel. En dehors de la vaccination, la prévention de l’hépatite B pour les femmes enceintes ne se dissocie pas de la prévention des AES pour tout le personnel. L’utilisation de matériel de sécurité doit être généralisé, en particulier dans les services à haut risque (dialyse, chirurgie, réanimation…). Tout objet coupant-piquant-tranchant doit être, après usage, jeté dans un container spécialisé. Le port de protections (gants, lunettes...) diminue le risque de transmission. En cas d’AES suivi d’une séroconversion pendant la grossesse chez une femme non vaccinée, une prophylaxie doit être instituée chez le nouveau-né dans les heures qui suivent la naissance par des immunoglobulines spécifiques anti-HBs d’une part, et par la vaccination d’autre part. On entre ainsi en compétition avec le virus et on évite l’infection. Cette prophylaxie protège pratiquement la totalité des enfants contaminés dans la période entourant la naissance. Elle est sans effet dans le cas d’une transmission in utero (Denis et al., 1999). 354

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L’hépatite B est inscrite au tableau des maladies professionnelles n° 45 B du régime général et n° 33 du régime agricole, pour certains travaux exposant « aux produits biologiques d’origine humaine et aux objets contaminés par eux ».

Bibliographie Antona D, Letort MJ, Le Strat Y, Pioche C et al. Surveillance des hépatites B aiguës par la déclaration obligatoire, France, 2004-2006. Bull Epidémiol Hebd. 2007 ; 51-52 : 425-28. Denis F, Ranger-Rogez S, Tabaste JL, Soulié JC et al. Virus de l’hépatite B. In: Denis F. Les virus transmissibles de la mère à l’enfant. Médecine/Sciences Sélection. Montrouge : John Libbey Eurotext ; 1999 : 85-103, 461 p. InVS. Numéro thématique. Surveillance et prévention des hépatites B et C en France : bilan et perspectives. Bull Epidémiol Hebd. 2009 ; 20-21 : 193-220.

2.8. Hépatite C 2.8.1. Épidémiologie Environ 1 % de la population mondiale est touché par le virus de l’hépatite C (VHC). En France, la prévalence est estimée à 0,84 %, correspondant à une estimation de 370 000 personnes ayant été en contact avec le VHC (InVS, 2009). La contamination de femmes lors de leur grossesse est peu documentée. La plupart d’entre elles sont des porteuses chroniques et les cas rapportés d’enfants infectés pendant la grossesse le sont le plus souvent à propos de mères co-infectées avec le VIH (Barrière et al., 1999).

2.8.2. Mode de transmission Jusqu’en 1991, la contamination par le virus de l’hépatite C était majoritairement d’origine transfusionnelle. Actuellement, c’est l’utilisation de drogues intraveineuses qui est prédominante (35 %), suivie par les infections nosocomiales (10,6 %), les piercings et tatouages. Les cas d’exposition professionnelle ne sont retrouvés que dans 1,1 % des cas (InVS, 2009). La transmission du VHC après une piqûre accidentelle a été démontrée mais ce risque semble moins important que pour le VHB. Le taux de transmission est estimé à environ 1 à 3 %.

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2.8.3. Grossesse La transmission verticale maternofœtale n’existe que quand la mère est virémique. Si, chez la mère, la sérologie est positive alors que la PCR est négative, le risque de transmission est nul. Le virus de l’hépatite C, comme celui de l’hépatite B, n’entraîne pas de pathologie spécifique à la grossesse (avortement, malformation, prématurité…), mais il peut se transmettre de la mère au nouveau-né, vraisemblablement au moment de l’accouchement. Les cas d’hépatites aiguës chez le nourrisson ou de portage chronique chez l’enfant sont peu documentés. Les quelques cas rapportés concernent essentiellement des enfants nés de mères porteuses chroniques.

2.8.4. Activités professionnelles exposantes Les personnels de santé et personnels de laboratoires qui manipulent des prélèvements sanguins, mais aussi les personnes susceptibles d’être en contact accidentel avec des objets piquants-coupants-tranchants souillés par du sang sont des personnes à risque d’exposition. Cependant la majorité des contaminations professionnelles concernent des infirmières, au moment d’un prélèvement sanguin par aiguille creuse. Le nombre annuel de séroconversions professionnelles VHC est compris entre 2 et 5. Selon le même rapport, fin 2007, un total cumulé de 61 séroconversions VHC après AES en milieu de soins étaient documentées, dont 46 au contact d’un patient infecté (Lot et Abiteboul, 2007).

2.8.5. Prévention Il n’existe pas de vaccin contre l’hépatite C, ni de traitement prophylactique. Il existe en France très peu de cas rapportés de contamination de femmes enceintes en milieu professionnel. La prévention de l’hépatite C pour les femmes enceintes ne se dissocie pas de la prévention vis-à-vis des AES pour tout le personnel. L’utilisation de matériel de sécurité doit être généralisé, en particulier dans les services à haut risque (dialyse, chirurgie, réanimation…). Tout objet coupant-piquant-tranchant doit être, après usage, jeté dans un container spécialisé. Le port de protections (gants, lunettes...) diminue le risque de transmission. L’hépatite C est inscrite au tableau des maladies professionnelles n° 45 B du régime général et n° 33 du régime agricole, pour certains travaux exposant « aux produits biologiques d’origine humaine et aux objets contaminés par eux ». 356

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Bibliographie Barrière E, Lunel F, Abergel A, Denis F. Virus de l’hépatite C. In: Denis F. Les virus transmissibles de la mère à l’enfant. Médecine/Sciences Sélection. Montrouge : John Libbey Eurotext ; 1999 : 104-19, 461 p. InVS. Numéro thématique. Surveillance et prévention des hépatites B et C en France : bilan et perspectives. Bull Epidémiol Hebd. 2009 ; 20-21 : 193-220. Lot F, Abiteboul D. Surveillance des contaminations professionnelles par le VIH, le VHC et le VHB chez le personnel de santé. Situation au 31 décembre 2007. InVS, 2007 (www.invs. sante.fr/publications/lepointfin2007.pdf).

2.9. Infection à VIH En milieu professionnel, la transmission se fait principalement par voie sanguine suite à un accident exposant au sang ou AES [contact accidentel avec du sang ou un liquide biologique potentiellement contaminant, suite à une effraction cutanée (piqûre, coupure, égratignure...) ou une projection sur une muqueuse (conjonctive, bouche...) ou sur une peau lésée (dermatose, plaie...)]. Après plus de 20 ans de surveillance, le nombre de séroconversions professionnelles déclarées au 31 décembre 2007 s’élève à 14, auquel il faut ajouter 34 infections présumées d’origine professionnelle, soit un total de 48 AES avec contamination VIH (Lot et Abiteboul, 2007). Pour l’enfant à naître, le risque de contamination de l’enfant existe surtout en fin de grossesse. Il impose la mise en route d’un traitement antirétroviral pendant les 3 derniers mois de la grossesse (en l’absence d’indication maternelle du traitement) et le traitement de l’enfant pendant les 6 premières semaines de vie. Le suivi clinique et biologique de l’enfant par sérologie et surtout par PCR et charge virale cellulaire est effectué pendant 18 mois. En France, quand la multithérapie permet de contrôler la charge virale chez la mère, le taux de transmission mère-enfant est chiffré entre 1 et 2 % pour les femmes malades avant la grossesse (Warszawski et al., 2008). La présentation de l’infection à VIH pour les femmes enceintes ne se dissocie pas de la prévention des AES pour tout le personnel (cf. hépatite C).

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Bibliographie Lot F, Abiteboul D. Surveillance des contaminations professionnelles par le VIH, le VHC et le VHB chez le personnel de santé. Situation au 31 décembre 2007. InVS, 2007 (www.invs. sante.fr/publications/lepointfin2007.pdf). Warszawski J, Tubiana R, Le Chenadec J, Teglas JP et al. Transmission mère-enfant du VIH en France : l’impact majeur des stratégies de prévention. Résultats de l’Enquête périnatale française ANRS-EPF. Bull Épidémiol Hebd. 2008 ; 14-15 : 98-101.

2.10. Tuberculose Les personnels soignants ou de laboratoire, en particulier dans les services de pneumologie ou de maladies infectieuses, sont considérés comme plus exposés quand ils travaillent dans des services accueillant des tuberculoses. Cependant, la grossesse n’aggrave pas la tuberculose, et la tuberculose ne complique pas la grossesse et ne modifie pas le mode d’accouchement (Martin et Denis, 2002). Par contre, la tuberculose contractée pendant la grossesse peut poser le problème de son traitement. Cependant, les traitements de la mère et de l’enfant sont bien codifiés et efficaces chez les patientes compliantes. Les tuberculoses congénitales ou acquises in utero le sont par voie transplacentaire, par inhalation ou ingestion de liquide amniotique contaminé. En cas de tuberculose congénitale, l’infection du placenta ou de l’endomètre est souvent retrouvée. Cependant ces cas sont rares, associés à des tuberculoses graves, peu ou mal suivies, ce qui semble peu probable en milieu de travail en France. Les tuberculoses néonatales surviennent après une contamination par voie aérienne. Si la mère est bacillifère, l’isolement du nouveau-né est impératif pour le protéger d’une contamination post-partum.

Bibliographie Martin C, Denis F. Mycobacterium tuberculosis. In: Denis F (Ed). Les bactéries, champignons et parasites transmissibles de la mère à l’enfant. Médecine Sciences Sélection. Montrouge : John Libbey Eurotext ; 2002 : 199-214, 484 p.

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2.11. Coqueluche De plus en plus d’adultes, voire de jeunes adultes, ne sont plus immunisés contre la coqueluche du fait de l’absence de réactivation de leur immunité vaccinale par la circulation des souches bactériennes sauvages (Ministère chargé de la Santé. Dossier Coqueluche, 2009).

2.11.1. Épidémiologie La coqueluche est une maladie répartie dans le monde entier, touchant principalement les enfants dans les régions où ils ne sont pas vaccinés, les adolescents et les adultes dans les autres. En France, l’incidence moyenne chez les nourrissons de moins de 3 mois est estimée à 276/100 000 en moyenne car la maladie est cyclique, tous les 3 à 5 ans (Réseau RENACOQ). Entre 1996 et 2005, le réseau a identifié 32 décès, dont 88 % survenus chez des nourrissons de moins de 3 mois. Les populations les plus touchées sont les nourrissons non vaccinés, et les adolescents et adultes qui ont perdu leur protection vaccinale ou naturelle. Environ deux tiers des enfants de moins de 6 mois sont contaminés par leurs parents et fratrie. Ce rôle des adolescents et des adultes comme réservoir a été montré dans plusieurs études (HCSP, 2008).

2.11.2. Mode de transmission La coqueluche se transmet par l’intermédiaire des gouttelettes provenant des voies aériennes supérieures, générées par la toux, les éternuements ou la parole d’un sujet infecté. La transmission est intrafamiliale ou intra-collectivité. Il faut noter le rôle croissant des adultes dans la transmission.

2.11.3. Période de contagiosité La coqueluche est une maladie à forte contagiosité, surtout pendant la phase catarrhale et au début de la phase quinteuse, et jusqu’à 3 semaines après le début des signes en l’absence de traitement antibiotique. Le sujet n’est plus contagieux après 5 jours de traitement antibiotique efficace (voire 3 jours selon le type d’antibiotique choisi).

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2.11.4. Clinique L’incubation dure en moyenne 10 jours (extrême de 7 à 21 jours). On distingue différentes formes cliniques : – Forme clinique de l’adolescent anciennement vacciné et de l’adulte : les tableaux cliniques sont de gravité variable. Il peut s’agir d’une toux banale, de courte durée ou prolongée. Dans une étude réalisée en Île-de-France dans les cabinets de médecins généralistes, un diagnostic de coqueluche a été porté chez 32 % des sujets adultes toussant depuis 7 jours. – Forme classique de l’enfant non vacciné : toux d’abord banale puis quinteuse. Les quintes sont répétitives, violentes, parfois émétisantes, cyanosantes finissant par une reprise inspiratoire comparable au « chant du coq ». – Forme clinique du nourrisson de moins de 6 mois non vacciné : toux quinteuse prolongée, cyanosante, mais souvent sans « chant du coq ».

2.11.5. Grossesse Chez la femme enceinte, il n’existe pas de transmission intra-utérine, ni de risque particulier sauf en début de grossesse (du fait de l’induction de contractions par la toux) et en fin de grossesse, après la 30e semaine ; il faut alors craindre la transmission au nouveau-né après la naissance, par voie respiratoire. Par conséquent, à partir de la 30e semaine et jusqu’à la fin de la grossesse, toute femme enceinte non vaccinée doit éviter le retour dans une collectivité où un ou plusieurs cas de coqueluche ont été déclarés ou même seulement suspectés.

2.11.6. Activités professionnelles exposantes Les personnels travaillant au contact de très petits enfants (moins de 6 mois) non vaccinés sont particulièrement exposés. Par ailleurs, ces personnels peuvent être vecteurs de la maladie auprès de ces populations particulièrement fragiles. Ainsi, en France entre 2000 et 2007, 68 épisodes de coqueluche dont 53 cas groupés ont été notifiés par des établissements de santé à l’Institut de veille sanitaire : 34 provenaient de services de maternité, pédiatrie et néonatologie ; 53 correspondaient à des cas groupés et le personnel était souvent la source de l’infection. Il faut y ajouter une trentaine de cas dans des écoles, foyers familiaux et autres foyers communautaires (Poujol et al., 2008). 360

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2.11.7. Prévention Les seuls vaccins actuellement disponibles en France sont des vaccins acellulaires (le vaccin à germe entier n’est plus disponible). Le vaccin contre la coqueluche n’est disponible que sous formes combinées. Chez l’adulte, il existe sous forme combinée dTPCa avec la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite. Une vaccination de rappel contre la coqueluche est conseillée à tous les jeunes adultes lors du rappel de 26-28 ans. Cette recommandation peut être élargie à l’entourage familial au cas par cas. La vaccination contre la coqueluche est recommandée pour les personnels soignants dans leur ensemble, y compris dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). On utilisera un vaccin quadrivalent dTPCa à l’occasion d’un rappel décennal dTP. Cette mesure s’applique aussi aux étudiants des filières médicales et paramédicales. Ce rattrapage est également recommandé pour les professionnels en contact avec des nourrissons trop jeunes pour avoir reçu trois doses de vaccin coquelucheux : personnel médical et paramédical des maternités, des services de néonatologie, de tout service de pédiatrie prenant en charge des nourrissons de moins de 6 mois, et personnel de la petite enfance. Elle concerne également toute personne qui, dans le cadre de son activité professionnelle, peut être en contact avec de très jeunes enfants, avec le double objectif de protection du jeune enfant et des femmes enceintes travaillant auprès de ces jeunes enfants.

Bibliographie HCSP. Rapport relatif à la conduite à tenir devant un ou plusieurs cas de coqueluche. Haut Conseil de la santé publique. Commission spécialisée sécurité sanitaire. Comité technique des vaccinations, 2008 (www.sante.gouv.fr/htm/dossiers/cshpf/hcspr20080905_coqueluche.pdf). Ministère chargé de la Santé. Dossier Coqueluche. Ministère de la Santé et des Sports, 2009 (www.sante-sports.gouv.fr/coqueluche.html). Poujol I, Bonmarin I, Thiolet JM, Coignard B. Épisodes de coqueluche dans les établissements de santé : la situation épidémiologique en France, 2000-2007. Hygiènes. 2008 ; 16 (6) : 445-49.

2.12. Grippe La grippe est une maladie virale aiguë, très contagieuse, causée par un virus influenza dont il existe trois types majeurs A, B et C. 361

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2.12.1. Épidémiologie Les épidémies saisonnières de grippe s’étendent chaque année, généralement entre novembre et avril. Selon les données du réseau Sentinelles de surveillance de la grippe, 2,5 millions de personnes seraient concernées chaque année en France. Les complications et la mortalité concernent surtout les personnes fragilisées, en particulier les personnes âgées de plus de 65 ans ou celles ayant certaines pathologies chroniques (InVS, 2009).

2.12.2. Modes de transmission L’homme est presque exclusivement le réservoir des virus grippaux de types B et C, alors que le type A est retrouvé dans d’autres espèces, en particulier les oiseaux et/ou les porcs. Les vagues de pandémies sont dues au seul type A. Ces virus influenza A sont caractérisés par leurs antigènes de surface (neuraminidase N et hémagglutinine H) permettant de les classer en HxNy selon la variété de la neuraminidase et de l’hémagglutinine. Ces glycoprotéines de surface sont en constante mutation, expliquant l’absence d’immunité durable chez l’homme à l’origine des épidémies saisonnières ou plus rarement des pandémies (Le Bâcle et al., 2006). La transmission est essentiellement interhumaine par exposition des muqueuses ORL aux sécrétions respiratoires chargées de virus (éternuement, toux). Les virus persistant plusieurs heures sur les surfaces, les transmissions de contact main-muqueuse à partir de surfaces contaminées sont décrites comme étant également un mode de transmission possible. Classiquement, il est dit que la circulation du virus grippal est facilitée par une contagiosité qui débuterait environ 24 à 48 heures avant le début des symptômes. En fait, un portage de virus sur les muqueuses nasales ou pharyngées est mis en évidence dans les 24 à 48 heures avant l’apparition des signes cliniques mais il ne semble pas qu’il ait été prouvé que ce portage suffisait à rendre le porteur contaminant pour son entourage. Très récemment, la fréquence d’un portage par des sujets asymptomatiques a été mise en évidence dans le cadre de la surveillance du départ de la pandémie à virus A (H1N1) 2009, posant le problème d’une éventuelle dissémination virale par ces porteurs asymptomatiques.

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2.12.3. Clinique Après une brève incubation de 24 à 48 heures en moyenne, les manifestations sont très variables allant de l’absence de symptôme à l’atteinte grippale prononcée, en passant par une simple fatigue. Le syndrome grippal associe classiquement des signes généraux (fièvre élevée, frissons, céphalées, asthénie, courbatures et arthralgies) et des syndromes respiratoires (toux…) avec une guérison spontanée en 4 à 7 jours. Les complications sont surtout des manifestations respiratoires aiguës (pneumonies…). La surinfection bactérienne pulmonaire touche surtout les personnes fragilisées. La pneumonie virale existe également, particulièrement en cas de pandémie. Elle touche alors préférentiellement les sujets jeunes, parfois sans pathologie sous-jacente, et semble également plus fréquente en cas de grossesse. Elle peut s’accompagner d’autres atteintes viscérales.

2.12.4. Grossesse En France, comme dans d’autres pays, avant l’arrivée de la pandémie grippale à virus A (H1N1) en 2009, les femmes enceintes n’ont pas été considérées comme sujets à risque (DGS et CTV, 2008a). Pourtant, plusieurs études épidémiologiques s’accordent depuis longtemps sur le fait que les femmes enceintes, du fait des modifications physiologiques de la grossesse, sont plus à risque que la population générale d’être infectées par le virus grippal et plus à risque de complications (principalement pulmonaires), en particulier à partir du 2e trimestre de grossesse (Jamieson et al., 2009). Selon le Collège national des gynécologues et obstétriciens français, « l’incidence et la gravité de la grippe augmentent avec le terme de la grossesse aussi bien pour la future mère (problèmes respiratoires par diminution de la capacité respiratoire, surinfection accrue par la diminution des défenses immunitaires) que pour le fœtus : le risque d’accouchement prématuré est multiplié par 4 » (CNGOF, 2009). Pour le fœtus, il semble que les complications obstétricales décrites (avortements spontanés, accouchement prématuré, anomalie du développement neurologique…) soient liées à la fièvre et non au virus lui-même (Rasmussen et al., 2008). L’effet du virus sur le fœtus, ainsi que la transmission transplacentaire ont été peu étudiés.

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2.12.5. Activités professionnelles exposantes Les professionnels de santé ainsi que toutes les professions au contact régulier et prolongé avec le public sont particulièrement exposés au virus lors des périodes de propagation d’une épidémie ou d’une pandémie grippale.

2.12.6. Prévention l Grippe saisonnière Il existe un vaccin trivalent contre la grippe saisonnière. Chaque année, la composition de ce vaccin est déterminée par l’OMS en fonction de l’identification des souches virales circulantes. En France, il n’y a pas de recommandation spécifique concernant la vaccination antigrippale saisonnière de la femme enceinte en bonne santé. La recommandation ne concerne que les femmes enceintes atteintes d’une des affections listées comme prédisposant à des complications au même titre que toute personne atteinte d’une de ces affections. Face à la grippe saisonnière, le Comité technique des vaccinations (CTV/HCSP) recommande la vaccination antigrippale pour les professionnels de santé et tout professionnel en contact régulier et prolongé avec des sujets à risque de grippe sévère, ainsi que pour le personnel navigant des bateaux de croisière et des avions et le personnel de l’industrie des voyages accompagnant les groupes de voyageurs (guides) (DGS et CTV, 2008b). Aux États-Unis, depuis plusieurs années, les Centers for disease control and prevention (CDC) recommandent la vaccination des femmes enceintes par un vaccin inactivé, en fonction de ce que sera le terme de la grossesse au moment de l’arrivée de l’épidémie saisonnière et en fonction des pathologies sous-jacentes. Le vaccin nord-américain par spray intra-nasal est déconseillé comme tous les vaccins à base de virus inactivé (CDC, 2005).

l Pandémie grippale H1N1 (2009) Durant l’hiver 2009-2010, les femmes enceintes, à partir du 2e trimestre de la grossesse, ont été prioritaires pour la vaccination contre la grippe A/H1N1v. En France, par précaution, il a été recommandé d’utiliser un vaccin fragmenté sans adjuvant pour la vaccination des femmes enceintes.

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Dans le contexte de la préparation des « populations vulnérables » à la pandémie grippale, un groupe d’experts américains a recommandé à leur employeur que, pour « les femmes enceintes travaillant sur des postes à haut risque impliquant un contact direct avec des patients connus pour être grippés (infirmière ou médecin s’occupant de personnes hospitalisées pour grippe), un changement de poste vers des activités à moindre risque soit envisagé, par exemple le tri par téléphone » (Rasmussen et al., 2009). En l’absence d’une vaccination préalable, la prévention passe par toutes les mesures visant à limiter la transmission tant par voie aérienne (limitations des contacts sociaux, évitement strict des sujets infectés…) que par les mains portées aux muqueuses du visage (lavage de mains, nettoyage des surfaces contaminées par les sécrétions…).

Bibliographie CDC. Influenza vaccination in pregnancy: practices among obstetrician-gynecologists. United States, 2003-2004 influenza seasons. MMWR Morb Mortal Wkly Rep. 2005 ; 54 (41) : 1050-52. CNGOF. Conduite à tenir en cas d’épidémie de grippe A H1N1 pour les femmes enceintes. Collège national des gynécologues et obstétriciens français, 2009 (www.cngof.asso.fr/D_ TELE/H1N1_ET_grossesse_public.pdf). DGS, CTV. Vaccination de populations spécifiques. In: Direction générale de la santé, Comité technique des vaccinations. Guide des vaccinations. Édition 2008. Saint-Denis : Éditions INPES ; 2008a : 48-77, 444 p. DGS, CTV. La vaccination contre la grippe saisonnière. In: Direction générale de la santé, Comité technique des vaccinations. Guide des vaccinations. Édition 2008b : 202-11, 444 p. InVS. Grippe. InVS, 2009 (www.invs.sante.fr/surveillance/grippe_dossier/default.htm) Jamieson DJ, Honein MA, Rasmussen SA, Williams JL et al. H1N1 2009 influenza virus infection during pregnancy in the USA. Lancet. 2009 ; 374 (9688) : 451-58. Le Bâcle C, Duclovel-Pame N, Durand D. Influenza aviaire, grippe aviaire et menace de pandémie : un nouvel enjeu en santé au travail. Dossier médico-technique TC 107. Doc Méd Trav. 2006 ; 106 : 139-68. Rasmussen SA, Jamieson DJ, Bresee JS. Pandemic influenza and pregnant women. Emerg Infect Dis. 2008 ; 14 (1) : 95-100. Rasmussen SA, Jamieson DJ, Mcfarlane K, Cragan JD et al. Pandemic influenza and pregnant women: summary of a meeting of experts. Am J Public Health. 2009 ; 99 (Suppl 2) : S248-54.

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3. Zoonoses, maladies infectieuses animales transmissibles à l’homme 3.1. Brucellose La brucellose est connue pour être à l’origine d’avortements chez les mammifères. En France, la situation n’est plus la même qu’au siècle dernier du fait d’une meilleure maîtrise de la maladie animale. La brucellose reste néanmoins une maladie animale réputée contagieuse et entraînant des mesures de police sanitaire (Badin de Monjoye, 2003). Il convient d’évaluer le risque résiduel pour les femmes enceintes travaillant au contact des animaux.

3.1.1. Épidémiologie La brucellose est due à des bactéries du genre Brucella réparties en six espèces. Chacune de ces espèces a un réservoir préférentiel sans que celui-ci ne soit son réservoir spécifique. Quatre Brucella sont réputées pathogènes pour l’homme en France : Brucella abortus (bovins), B. melitensis (ovins et caprins), B. suis (porcins, mais en France il s’agit du biovar 2 peu pathogène pour l’homme) et dans une moindre mesure B. canis (canidés). La maladie chez l’animal se caractérise par des avortements dans les troupeaux, ce qui motive les mesures de police sanitaire contre la brucellose animale, comme en France pour les bovidés. Dans les pays du pourtour méditerranéen, le contact avec les animaux reste une source fréquente de contamination (B. abortus et B. melitensis). En France, depuis l’éradication de Brucella abortus des cheptels bovins, les cas de contamination humaine sont devenus rares, moins de 10 par an. La majorité des cas sont importés, les quelques cas autochtones sont le plus souvent en rapport avec une exposition en laboratoire d’analyses vétérinaires et d’hôpital. Ces déclarations de cas de laboratoire sont en augmentation (InVS, 2001-2008).

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3.1.2. Modes de transmission Toutes les espèces de mammifères peuvent être infectées (B. abortus infecte les bovins, B. melitensis les petits ruminants, etc.). Chez l’animal, la bactérie provoque des avortements chez les femelles mais le portage silencieux existe aussi. L’homme est un hôte accidentel, il ne constitue pas de réservoir et il n’est pas décrit de transmission interhumaine. La dose infectante est relativement faible. La transmission à l’homme en dehors de la contamination alimentaire se fait par inhalation de poussières contaminées ou par voie cutanée ou muqueuse lors de la manipulation de produits souillés par les animaux (produits d’avortement en particulier) ou de carcasses infectées. Ce mode de transmission était à l’origine de contaminations professionnelles. À l’heure actuelle, ces contaminations au contact direct des animaux ont lieu plutôt dans les pays d’enzootie.

3.1.3. Clinique B. melitensis (ovins et caprins) et B. suis (porcins) sont réputées les plus virulentes chez l’homme. On décrit classiquement des formes aiguës et des formes chroniques. Cependant, dans 90 % des cas dus à B. abortus, la forme est asymptomatique.

3.1.4. Grossesse Dans les observations de brucellose chez les femmes enceintes, on retrouve des formes asymptomatiques et parfois une symptomatologie plus marquée avec fièvre, frissons, sueurs… Chez la femme enceinte, la brucellose est responsable d’avortements, d’accouchements prématurés, et de mort in utero voire de brucelloses néonatales dans 10 à 46 % des cas (Denis et Ploy, 2002).

3.1.5. Activités professionnelles exposantes En France, en 2001, quatre cas de contamination professionnelle concernaient des éleveurs de bétail, mais les données épidémiologiques récentes mettent plutôt en avant les personnels de laboratoires vétérinaires. 367

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En Irlande, une étude en 2005 de la séroprévalence de B. abortus chez les fonctionnaires du Ministère de l’Agriculture retrouve un risque accru chez les vétérinaires et les personnels de laboratoire (Reid, 2005). En Argentine, dans une étude chez les personnels travaillant dans un laboratoire fabriquant des vaccins, Wallach retrouve 21 personnes atteintes sur 30 cas étudiés (Wallach et al., 2008). Les professions à risque sont théoriquement les métiers au contact des animaux de rente (vétérinaires, aides vétérinaires, personnels d’abattoir et d’équarrissage), ainsi que les personnels des fermes pédagogiques.

3.1.6. Prévention En France, la brucellose fait l’objet d’une déclaration obligatoire en santé humaine et d’une police sanitaire fondée sur l’abattage et la vaccination en santé animale. La lutte contre la brucellose animale a permis à la France l’obtention en 2005 du statut « officiellement indemne de brucellose bovine ». Elle pourrait prétendre à l’obtention du même statut en ce qui concerne la brucellose ovine et caprine d’ici fin 2009 (Mailles et Vaillant, 2007). Néanmoins, il semble prudent d’interdire de façon systématique la présence des femmes enceintes auprès d’animaux malades, pendant les mises-bas, et de leur éviter tout contact avec des produits de mise-bas ou d’avortement. Par ailleurs, les produits d’avortement doivent être systématiquement considérés comme présentant un risque infectieux et détruits avec précaution (incinération, enfouissement, équarrissage). En 2004, l’InVS faisait une recommandation spécifique pour les laboratoires : étant donné le nombre accru de ce mode de contamination dans les pays déclarés indemnes, il conviendrait de rappeler des mesures relatives à la protection des personnes exposées à des prélèvements contaminés. La brucellose est l’objet d’un tableau de maladie professionnelle (tableau n° 24 pour le régime général et n° 6 pour le régime agricole).

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Bibliographie Badin de Monjoye TH. Le système français de surveillance de la brucellose bovine. Bull Epidémiol AFSSA. 2003 ; 8 : 5-6. Denis F, Ploy MC. Brucella. In: Denis F (Ed). Les bactéries, champignons et parasites transmissibles de la mère à l’enfant. Médecine Sciences Sélection. Montrouge : John Libbey Eurotext ; 2002 : 182-88, 484 p. InVS. Brucellose. Données épidémiologiques. InVS ; 2001-2008 (www.invs.sante.fr/surveillance/brucellose/donnees.htm#top). Mailles A, Vaillant V. Étude sur les brucelloses humaines en France métropolitaine, 2002-2004. Saint-Maurice : InVS ; 2007 : 59 p. Reid AJ. Brucellosis: a persistent occupational hazard in Ireland. Int J Occup Environ Health. 2005 ; 11 (3) : 302-04. Wallach JC, Ferrero MC, Victoria Delpino M, Fossati CA et al. Occupational infection due to Brucella abortus S19 among workers involved in vaccine production in Argentina. Clin Microbiol Infect. 2008 ; 14 (8) : 805-07.

3.2. Fièvre Q La fièvre Q (Q pour query : question) est une maladie mal connue. Les signes cliniques sont peu spécifiques et la maladie n’est souvent diagnostiquée que si elle a été évoquée de façon systématique (source Centre National de Référence des rickettsioses). En santé humaine, la fièvre Q n’est pas une maladie à déclaration obligatoire (DO).

3.2.1. Épidémiologie La fièvre Q est due à une bactérie, Coxiella burnetii, de la famille des rickettsies. La circulation de la bactérie parmi de nombreuses espèces sauvages entretient sa présence dans le milieu naturel alors que la contamination humaine serait due à un cycle entretenu par les animaux domestiques. De fait, la maladie animale est connue surtout chez les ruminants domestiques (ovins, caprins, bovins), mais elle concerne principalement le petit bétail. Des études menées dans les années 70 montraient une grande hétérogénéité de la fréquence selon les régions, variant de 14 à 39 % des cheptels ovins, par exemple. L’importance de la maladie animale est mal connue et il est difficile d’avancer des chiffres plus récents. La maladie est le plus souvent asymptomatique. Elle entraîne parfois avortement et/ou infertilité des femelles. 369

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D’autres animaux peuvent être porteurs (Levy et Raoult, 2000), les chats par exemple. Ainsi, la manipulation de chatons lors des mises-bas a été décrite pour être à l’origine de contaminations. Les contaminations par la faune sauvage sont possibles et décrites au Canada chez des personnes vivant ou travaillant à son contact. Elles sont considérées en France comme négligeables (Gauchard et Hattenberger, 2004). Chez l’homme, la prévalence est mal connue en France du fait de différents facteurs (pas de DO, polymorphisme clinique, prédominance de formes asymptomatiques). Elle est estimée à 4 à 5 % sur l’ensemble du territoire mais la répartition est hétérogène (Rousset et al., 2001). Dans le sud de la France, l’incidence annuelle a été estimée à 50 cas pour 100 000 personnes. Cependant des études rétrospectives montrent une large sous-estimation. Dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, une étude sur 12 716 grossesses a retrouvé une séroprévalence de 0,15 % chez les femmes. Cette prévalence était plus élevée chez les femmes ayant présenté des avortements spontanés (0,27 %) et plus importante à Marseille que dans les régions d’élevage, soulignant l’importance du rôle du vent dans la dispersion des bactéries (Rey et al., 2000). En Europe, l’épidémiologie de la fièvre Q chez l’homme est également mal connue. Le nombre de cas serait en augmentation dans plusieurs pays. Aux Pays-Bas, la fièvre Q est une maladie à déclaration obligatoire en santé humaine depuis 1978. Jusqu’en 2006, de 1 à 32 cas étaient rapportés chaque année. En 2007, 168 cas ont été enregistrés, 1 000 en 2008 et 2 358 en 2009. La question du dépistage chez les donneurs de sang et chez les femmes enceintes a été soulevée (Schimmer et al., 2008, 2009, RIVM, 2010).

3.2.2. Mode de transmission Les animaux atteints libèrent de grandes quantités de bactéries lors des mises-bas (109 bactéries par gramme de placenta). La gestation réactive la multiplication des bactéries chez la femelle (Rousset et al., 2003). La transmission à l’homme se fait classiquement par inhalation de poussières contaminées par des déjections animales ou des produits d’avortement. En ce qui concerne la voie aérienne, cette bactérie est particulière par sa grande virulence et sa persistance dans l’environnement. Dans certains cas, on retrouve des contaminations éloignées des réservoirs, contaminations que l’on rattache à la résistance de la bactérie dans le milieu extérieur et à une grande dispersion des poussières (vent sur des pâtures contaminées, épandage de lisier, transhumance…). Des cas de contamination par des tiques ont été rapportés. Les contaminations par ingestion de produits laitiers sont rares et ne concernent pas le milieu professionnel. 370

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3.2.3. Clinique Dans plus de la moitié des cas, cette infection est asymptomatique. Sinon, elle se présente comme un syndrome grippal aigu (forte fièvre, frissons, céphalées, nausées et courbatures), une hépatite ou une pneumonie. Parfois, la maladie peut évoluer vers des formes graves ou chroniques : – endocardites pour les personnes déjà atteintes d’une valvulopathie, – formes graves avec atteintes viscérales chez les personnes immunodéprimées, – fausses couches à répétitions chez des femmes contaminées pendant une grossesse et non traitées.

3.2.4. Grossesse Les cas publiés de fièvre Q pendant la grossesse sont rares mais le risque est certain. Chez la femme enceinte, et quel que soit l’âge gestationnel, l’infection du placenta représente un risque d’avortement ou d’accouchement prématuré suite à une vascularite placentaire. Il existe un risque de passage à la chronicité par colonisation utérine qui peut compromettre les grossesses ultérieures (avortement ou prématurité) par réactivation si le diagnostic sérologique n’est pas fait et la maladie non traitée (source CNR). Il n’existe pas de cas décrit de nouveau-né contaminé.

3.2.5. Activités professionnelles exposantes Le facteur majeur de contamination en France étant le contact avec des produits de mise-bas, tous les travaux exposant à des contacts avec des mammifères (surtout bovins, caprins, ovins), leurs viscères, leurs déjections, leurs litières… peuvent exposer au risque de fièvre Q, de même que les métiers de vente d’animaux de compagnie. Sur une série de 40 cas de fièvre Q analysée en 2007 en Indre-et-Loire, 16 personnes travaillaient au contact de chèvres, dont 8 avec exposition à des produits de mise-bas. En laboratoire, des cas ont été décrits chez des femmes travaillant sur des prélèvements contaminés. Une publication rapporte le cas d’un obstétricien contaminé lors de l’accouchement d’une femme atteinte de fièvre Q (Million et al., 2009). 371

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3.2.6. Prévention De façon systématique, il est prudent d’interdire la présence des femmes enceintes auprès des animaux, mêmes sains, pendant les mises-bas et de leur éviter tout contact avec des produits de mise-bas ou d’avortement. Par ailleurs, les produits d’avortement doivent être systématiquement considérés comme présentant un risque infectieux et détruits avec précaution (incinération, enfouissement, équarrissage). En laboratoire, le respect des bonnes pratiques s’impose non seulement pour la femme enceinte mais aussi pour l’ensemble des équipes. Il est important de dépister les formes chroniques et de les traiter afin de protéger les grossesses ultérieures. Certains experts suggèrent de mieux informer sur les signes cliniques et les moyens diagnostiques les médecins des régions les plus concernées par les épizooties, en particulier dans le sud-est de la France (Gauchard et Hattenberger, 2004). La fièvre Q est inscrite dans un tableau de maladie professionnelle sous l’appellation « rickettsioses » (tableau n° 53 B pour le régime général et n° 49 B pour le régime agricole).

Bibliographie Gauchard F, Hattenberger AM. Fièvre Q : rapport sur l’évaluation des risques pour la santé publique et des outils de gestion des risques en élevage de ruminants. Maisons-Alfort : AFSSA ; 2004 : 88 p. Levy PY, Raoult D. La fièvre Q. Lett Infect. 2000 ; 15 (4) : 152-56. Million M, Lepidi H, Raoult D. Fièvre Q : actualités diagnostiques et thérapeutiques. Méd Mal Infect. 2009 ; 9 (2) : 82-94. Rey D, Obadia Y, Tissot-Dupont H, Raoult D. Seroprevalence of antibodies to Coxiella burnetti among pregnant women in South Eastern France. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol. 2000 ; 93 (2) : 151-56. RIVM. Themagina Q-koorts voor professionals (Infectieziektebestrijding). National Institute for Public Health and the Environment, 2010 (www.rivm.nl/cib/themas/Q-koorts/qkoorts-professionals.jsp). Rousset E, Arricau Bouvery N, Souriau A, Huard C et al. Les modalités de transmission de la fièvre Q à l’homme. Bull Epidémiol AFSSA. 2003 ; 7 : 1-3. Rousset E, Russo P, Pepin M, Raoult D. Epidémiologie de la fièvre Q animale. Situation en France. Méd Mal Infect. 2001 ; 31 (Suppl. 2) : 233-46. 372

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Schimmer B, Dijkstra F, Vellema P, Schneeberger PM et al. Sustained intensive transmission of Q fever in the south of the Netherlands, 2009. Euro Surv. 2009 ; 14 (19) : 1-3. Schimmer B, Morroy G, Dijkstra F, Schneeberger PM et al. Large ongoing Q fever outbreak in the south of the Netherlands, 2008. Euro Surveill. 2008 ; 13 (31) : 1-3.

3.3. Toxoplasmose En France, les cas de toxoplasmose sont essentiellement le fait de contaminations alimentaires. Cependant le risque de contamination au contact des selles de félins reste une préoccupation.

3.3.1. Cycle du parasite La toxoplasmose est due à un parasite : Toxoplasma gondii. La toxoplasmose est fréquente chez la plupart des animaux d’élevage qui sont des hôtes intermédiaires. Seuls les félins, et en particulier le chat, sont des hôtes définitifs qui entretiennent le cycle du parasite (Derouin et al., 2005). Chez les hôtes intermédiaires, les oocystes sont lysés dans le tube digestif et l’on ne retrouve le parasite que sous forme de kystes dans différents tissus, en particulier les muscles à l’origine de la contamination par ingestion de viande non ou peu cuite. Chez le chat, les oocystes sont éliminés dans les matières fécales. Cependant, ces oocystes ne sont pas directement infectants. Ils ne le deviennent qu’après une nécessaire sporulation qui demande de un à cinq jours (Bultel, 2006). De plus, les chats n’excrètent les oocystes que pendant leur primo-infection et ceci pendant une dizaine de jours au cours de leur vie. Les chats sont donc les seuls à pouvoir contaminer l’environnement avec la forme résistante des oocystes.

3.3.2. Épidémiologie Selon le rapport AFSSA, en santé humaine, 200 000 à 300 000 nouvelles infections surviennent chaque année dont 2 700 cas chez des femmes enceintes, avec un risque de transmission materno-fœtale estimé à 29 % (Derouin et al., 2005). Alors que dans les années 60 la séroprévalence en début de grossesse se situait autour de 80 %, seulement 43,8 % des femmes enceintes en 2003 avaient une sérologie positive à la toxoplasmose, avec de grandes disparités régionales. Ces chiffres sont en constante 373

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diminution depuis une dizaine d’années et posent le problème de la prévention chez la femme enceinte. En 2000, le nombre de cas annuels de toxoplasmose congénitale a été estimé entre 400 et 800, dont 100 à 200 cas avec séquelles, essentiellement oculaires (InVS).

3.3.3. Modes de transmission La toxoplasmose se transmet essentiellement par ingestion d’aliments contaminés (viande insuffisamment cuite contenant des kystes, ou aliments consommés crus contaminés par des oocystes rejetés par des félins infectés) ou par portage manuel à la bouche de mains contaminées. La contamination par ingestion d’aliments contaminés ne concerne pas le milieu professionnel. Les mains peuvent être contaminées par des oocystes lors de contacts avec des litières contaminées ou la manipulation de denrées ou de terre souillées. Cependant, l’infestation ne peut avoir lieu qu’à partir d’oocystes matures. D’autre part, on ne retrouve pas sur le pelage des chats d’oocystes qui auraient pu y être déposés par le léchage (Dardé et Peyron, 2002). Une contamination par piqûre accidentelle est possible lors de la vaccination des ovins par vaccin vivant ou en laboratoire à partir d’une culture. En laboratoire, le Centre national de référence (CNR) rapporte une possibilité de contamination par projection accidentelle sur les muqueuses oculaires non protégées (communication personnelle).

3.3.4. Clinique La toxoplasmose est une maladie fréquente et souvent asymptomatique chez l’adulte sain. En cas de symptômes, elle associe une fièvre modérée à des adénopathies cervicales et occipitales. Chez le sujet immunodéprimé, on peut observer des formes graves.

3.3.5. Grossesse Chez la femme enceinte, la toxoplasmose peut-être la cause d’avortement, de prématurité et de malformations graves chez l’enfant à naître, alors que pour la mère, la maladie est asymptomatique dans 80 % des cas. 374

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La forme la plus grave de la toxoplasmose congénitale (encéphalomyélite) correspond à une contamination survenue chez la mère puis transmise au fœtus en début de grossesse. C’est une forme devenue rare du fait du dépistage systématique en début de grossesse, et des règles hygiéno-diététiques mises en place en cas de séronégativité. On décrit également des formes inapparentes de découverte tardive (choriorétinite).

3.3.6. Activités professionnelles exposantes En milieu professionnel, le risque est limité du fait que la contamination directe par les oocystes est très rare, le chat n’émettant des oocystes que pendant une période de 10 jours sur toute sa vie. Une étude canadienne faite sur des vétérinaires montrait une prévalence de 20 %, peu supérieure à celle de la population générale. Ces femmes étaient régulièrement en contact avec des chats, ne portaient pas de gants de façon régulière mais se lavaient les mains en cas de contact (Shuhaiber et al., 2003). Dans une enquête réalisée auprès de vétérinaires, Roussel et Barret montraient que le risque de toxoplasmose est considéré comme négligeable par les vétérinaires euxmêmes (Roussel et Barret, 2003). En dehors des vétérinaires, il faut citer les femmes travaillant pour des animaleries de compagnie. La contamination indirecte pourrait se faire en théorie pour les métiers mettant au contact de la terre ou au contact d’aliments contaminés (employées d’abattoir, de boucherie, de cuisine). Cependant, il s’agit, pour ces derniers exemples, de métiers où l’hygiène des mains est rigoureuse et on ne retrouve pas dans la littérature de cas rapportés pour ce type d’exposition professionnelle. Pour le groupe d’experts de l’AFSSA, « la toxoplasmose ne représente un risque infectieux important que pour les personnels travaillant dans les laboratoires et directement exposés aux parasites » (Derouin et al., 2005).

3.3.7. Prévention En France, le nombre de femmes non immunisées en début de grossesse augmente mais le nombre de toxoplasmoses congénitales reste stable (Berger et al., 2008). La législation prévoit une surveillance sérologique mensuelle des femmes enceintes 375

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séronégatives depuis la déclaration de la grossesse jusqu’à l’accouchement (Décret n° 92-144 du 14 février 1992). Le risque professionnel de contamination semble minime en regard du risque alimentaire. Cependant certaines professions semblent plus exposées. Les mesures de prévention doivent tenir compte du cycle parasitaire. En ce qui concerne le contact régulier avec des chats, une hygiène des mains strictes et le changement journalier des litières associé à un lavage efficace du bac évitent le contact avec des oocystes matures. En cas de risque de contamination professionnelle clairement identifié, l’exposition des femmes non immunisées qui se sont déclarées enceintes est interdite (Code du travail D 4152-3). Si les recommandations précédentes sont bien appliquées, cette interdiction ne devrait plus concerner, pour l’essentiel, que le travail en laboratoire avec une exposition directe à Toxoplasma gondii, ainsi que la vaccination des ovins par vaccin vivant.

Bibliographie Berger F, Goulet V, Le Strat Y, Desenclos JC. Toxoplasmose chez les femmes enceintes en France : évolution de la séroprévalence et de l’incidence et facteurs associés, 1995-2003. Bull Epidémiol Hebd. 2008 ; 14-15 : 117-21. Bultel C. Toxoplasma gondii (parasite, protozoaire). Fiche de description de danger microbiologique transmissible par les aliments. Maisons-Alfort : AFSSA ; 2006 : 4 p. Dardé ML, Peyron F. Toxoplasmose. In: Denis F. Les bactéries, champignons et parasites transmissibles de la mère à l’enfant. Médecine Sciences Sélection. Montrouge : John Libbey Eurotext ; 2002 : 317-47, 484 p. Derouin F, Bultel C, Roze S, Thomann C et al. Toxoplasmose : état des connaissances et évaluation du risque lié à l’alimentation. Rapport du groupe de travail « Toxoplasma gondii » de l’Afssa. Maisons-Alfort : AFSSA ; 2005 : 318 p. Roussel C, Barret G. Conditions de travail et risque professionnels dans les cliniques vétérinaires. Etudes et enquêtes TF 123. Doc Méd Trav. 2003 ; 94 : 161-67. Shuhaiber S, Koren G, Boskovic R, Einarson TR et al. Seroprevalence of Toxoplasma gondii infection among veterinary staff in Ontario, Canada (2002): implications for teratogenic risk. BMC Infect Dis. 2003 ; 3 (8) : 1-5.

376

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3.4. Listériose La listériose est une infection due à Listeria monocytogenes, bactérie ubiquitaire largement répandue dans l’environnement et capable de se multiplier à basse température (4 °C). C’est une maladie à déclaration obligatoire.

3.4.1. Épidémiologie Depuis 20 ans, le nombre de listérioses materno-néonatales est en constante diminution, sa prévalence a été divisée par 10, passant de 500 cas par an en 1986 à 50 cas par an en 2006. Cette diminution est le résultat probable du renforcement des mesures de contrôle mises en place dans la chaîne de production agroalimentaire et surtout des recommandations d’hygiène alimentaire diffusées aux femmes enceintes à partir de 1992 (Goulet et Laurent, 2008). En 2006 et 2007, le nombre de cas de listériose a augmenté de façon significative dans la population générale mais les formes maternofœtales sont restées stables (Goulet et al., 2008).

3.4.2. Modes de transmission Le milieu extérieur constitue le réservoir principal. Tous les mammifères peuvent être atteints, surtout les ruminants domestiques. Listeria monocytogenes est à l’origine d’infections sévères chez les animaux, provoquant des encéphalites, des avortements, des septicémies. La bactérie est retrouvée dans les déjections des animaux infectés, ce qui contamine durablement l’environnement (Acha et Szyfres, 2005). La contamination se fait le plus fréquemment par voie digestive : l’homme se contamine à partir des aliments et des instruments de découpe ou par des mains souillées par l’environnement. Il existe de rares cas de listériose cutanée décrits chez des vétérinaires à l’occasion d’une participation à des mises-bas (Acha et Szyfres, 2005).

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3.4.3. Clinique L’adulte sain développe en général des formes bénignes et inapparentes, ce qui explique le faible nombre de cas de listériose clinique en regard de la dispersion de la bactérie dans la nature. Le sujet immunodéprimé peut développer des formes graves à type de méningite. La forme cutanée est un exanthème papulaire.

3.4.4. Grossesse Le nombre de cas de listériose congénitale a fortement diminué mais le pronostic reste toujours sévère. L’infection a lieu plus fréquemment au cours des deux premiers trimestres de la grossesse ; elle entraîne fréquemment un avortement ou la naissance d’un enfant infecté. Chez la mère, les symptômes précurseurs de l’avortement sont ceux d’un syndrome grippal. L’invasion amniotique est silencieuse. La gravité de l’atteinte fœtale dépend de l’âge gestationnel au moment de l’infection. L’enfant, s’il est né vivant, peut présenter des signes septicémiques à la naissance ou une méningite dans les semaines suivant la naissance. Cependant, en début de grossesse, si le diagnostic est fait, un traitement par antibiotiques peut être efficace sur le fœtus (Berche, 2002). Tableau 9.1. Mortalité in utero selon l’âge gestationnel (InVS). Semaines d’aménorrhée

%

Avant 22

75

22-27

52

28-31

12

32-36

5

37-41

1

3.4.5. Activités professionnelles exposantes Sur le plan épidémiologique, on ne met pas en avant de cas professionnel. En milieu professionnel, il n’est pas décrit de contamination par voie orale. Les professions à risque sont celles qui mettent en contact soit avec des animaux et plus particulièrement leurs déjections, produits d’avortement et de mise-bas (vétérinaires, 378

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éleveurs, personnels des laboratoires vétérinaires), soit avec des aliments potentiellement contaminés (Visser, 1998 ; Ortel, 1975).

3.4.6. Prévention Bien qu’aucun cas de listériose maternonéonatale professionnelle n’ait été enregistré, il est prudent de conseiller une hygiène rigoureuse lors des contacts avec les aliments les plus fréquemment contaminés dans les filières alimentaires (produits laitiers, charcuterie…). De façon systématique, il est prudent d’interdire la présence de femmes enceintes auprès d’animaux malades, pendant une mise-bas et de leur éviter tout contact avec des produits de mise-bas, d’avortement ou les déjections. En laboratoire, le respect des bonnes pratiques de laboratoire s’impose.

Bibliographie Acha PN, Szyfres B. Listériose. In: Acha PN, Szyfres B. Zoonoses et maladies transmissibles communes à l’homme et aux l’animaux. Volume 1 : bactérioses et mycoses. 3e Paris : OIE ; 2005 : 132-42, 382 p. Berche P. Infections materno-infantiles à Listeria monocytogenes. In: Denis F. Les bactéries, champignons et parasites transmissibles de la mère à l’enfant. Médecine Sciences Sélection. Montrouge : John Libbey Eurotext ; 2002 : 91-106, 484 p. Goulet V, Laurent E. La listériose de la femme enceinte et du nouveau-né en France : évolution de 1984 à 2006. Bull Epidémiol Hebd. 2008 ; 14-15 : 107-10. Goulet V, Leclercq A, Vaillant V, Le Monnier A et al. Recrudescence récente des cas de listériose en France. Bull Epidémiol Hebd. 2008 ; 30-31 : 268-72. Ortel S. Schwangerschaftslisteriose und Listerienausscheider bei Laboratoriumspersonal. Zentralbl Bakteriol Orig A. 1975 ; 231 (4) : 491-502 (résumé). Visser IJ. Pustular dermatitis in veterinarians following delivery in farm animals; an occupational disease. Tijdschr Diergeneeskd. 1998 ; 123 (4) : 114-17 (résumé).

3.5. Hépatite E La sévérité de l’hépatite E pour la femme enceinte est connue depuis les années 50 en Inde. Cette maladie était jusqu’à maintenant considérée comme étant une maladie d’importation après un séjour en zone d’endémie, mais les récentes épidémies dans 379

GROSSESSE ET TRAVAIL

le sud de la France corrélées aux données d’autres pays européens (Espagne, Suède, Danemark) ont changé le profil épidémiologique de l’hépatite E (Mansuy et al., 2004; Nicand et al., 2009). Une étude scandinave a identifié une série de 248 personnes, dont 29 avaient été contaminées en Europe (Norder et al., 2009).

3.5.1. Épidémiologie Il existe plusieurs génotypes du virus de l’hépatite E (VHE) mais seulement certains passent la barrière d’espèces (AFSSA, 2009). Plusieurs espèces animales hébergent le virus mais le réservoir principal est constitué par les suidés et en particulier les porcs (AFSSA, 2009). Le porc est asymptomatique mais il excrète le virus dans ses déjections. De fait, l’exposition au réservoir animal, surtout aux suidés, est une des sources majeures d’infection pour l’homme. En France, tous élevages confondus, on retrouve une séroprévalence de 25 à 80 % chez les porcs (situation que l’on retrouve de façon similaire dans les pays industrialisés). L’AFSSA signale des cas de contamination alimentaire attribuée à la présence de virus dans le foie de porc (3 % des foies de porc entrant dans la chaîne alimentaire) et dans des produits transformés en contenant (AFSSA, 2009). En France, la prévalence des anticorps anti-VHE est inférieure à 2 % chez les femmes d’origine française ; elle est de près de 15 % pour les femmes d’origine maghrébine et de 8 % pour les femmes turques immigrées (Nicand et al., 2009). Le nombre de cas autochtones augmente régulièrement avec une répartition selon un gradient Nord-Sud (Chiffres de l’InVS 2006-2008). L’augmentation des cas autochtones a été à l’origine de la création d’un Centre national de référence (CNR) en 2002.

3.5.2. Mode de transmission Dans tous les cas décrits en France, on retrouve une consommation de produits ou d’eau contaminés. Il n’est pas décrit de contamination indirecte (hors consommation), mais l’InVS retient comme facteur de risque une exposition au réservoir animal.

380

Risques biologiques 9

3.5.3. Clinique L’hépatite E est très souvent asymptomatique, et comme pour l’hépatite A, il n’existe pas de passage à la chronicité. Les populations susceptibles de développer des formes graves sont les personnes présentant une hépatopathie sous-jacente, les sujets immunodéprimés et les femmes enceintes. Quand elle se manifeste cliniquement, rien ne permet de distinguer cliniquement cette hépatite des autres hépatites virales.

3.5.4. Grossesse La vulnérabilité de la femme enceinte au VHE augmente avec le terme de la grossesse (la réplication virale accrue est une hypothèse, qui n’a pas été l’objet d’étude spéciale). La cytolyse hépatique est toujours très marquée associant douleurs abdominales, vomissements et ictère intense. Dans 20 à 60 % des cas, l’évolution est défavorable. Les cas d’hépatite fulminante se produisent au 3e trimestre dans 80 % des cas. Même en l’absence de forme grave chez la mère, l’hépatite E est une menace pour la grossesse avec des avortements ou des accouchements prématurés dans 12 à 30 % des cas (Nicand et Buisson, 1999). Le fœtus est contaminé par passage transplacentaire du VHE dans 66 % des cas, avec 25 % de décès in utero. La morbidité et la mortalité périnatales sont élevées. Le nouveau-né est fréquemment infecté avec, dans les formes sévères, un risque de décès par hépatite dans les deux jours. En cas d’évolution favorable, la guérison se fait sans séquelle en 3 mois environ (Nicand et Buisson, 1999).

3.5.5. Activités professionnelles exposantes Pour Nicand et al., sont à risque les personnes qui « par leur activité professionnelle sont en contact avec le réservoir domestique ou sauvage » (éleveurs, personnel d’équarrissage, d’abattoir, éleveur de gibier). Cependant, il n’y a pas à ce jour de cas rapporté de contamination professionnelle (Nicand et al., 2009).

3.5.6. Prévention L’hépatite E était jusqu’à présent une maladie d’importation. Depuis quelques années, des cas autochtones sont rapportés mais sans qu’il y ait de cas chez des femmes 381

GROSSESSE ET TRAVAIL

enceintes (Mansuy et al., 2004). Cependant, devant la gravité des conséquences de la maladie, il semble important de rappeler les mesures d’hygiène élémentaires tel le lavage régulier des mains.

Bibliographie AFSSA. Avis de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments relatif à une demande d’avis sur le risque de contamination humaine par le virus de l’hépatite E (VHE) après ingestion de figatelles (saucisses crues à base de foie de porc). Saisine n° 2009-SA-0101. Maisons-Alfort : AFSSA ; 2009 : 16 p. Mansuy JM, Peron JM, Abravanel F, Poirson H et al. Hepatitis E in the south west of France in individuals who have never visited an endemic area. J Med Virol. 2004 ; 74(3) : 419-24. Nicand E, Bigaillon C, Tessé S. Hépatite E en France : données de surveillance des cas humains, 2006-2008. Bull Épidémiol Hebd. 2009 ; 31-32 : 337-42. Nicand E, Buisson Y. Virus de l’hépatite E. In: Denis F. Les virus transmissibles de la mère à l’enfant. Médecine/Sciences Sélection. Montrouge : John Libbey Eurotext ; 1999 : 125-35, 461 p. Norder H, Sundqvist L, Magnuson L, Østergaard Breum S et al. Endemic hepatitis E in two Nordic countries. Euro Surveill. 2009 ; 14 (19) : 1-9.

3.6. Chorioméningite lymphocytaire La chorioméningite lymphocytaire est due à un virus de la famille des Arenaviridae dont le neurotropisme varie selon la souche.

3.6.1. Épidémiologie La souris commune ou souris grise est le réservoir et l’hôte naturel du virus. Elle est à l’origine de la contamination des rongeurs de laboratoire ou des rongeurs domestiques (souris, hamster, cobaye, rat…) (Acha et Szyfres, 2005). La maladie est le plus souvent asymptomatique chez l’animal qui s’immunise pendant la gestation ou peu de temps après sa naissance et devient porteur chronique (aux ÉtatsUnis, 9 % des souris sauvages seraient infectées en zone urbaine). La prévalence n’est pas connue chez les rongeurs de compagnie mais les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) décrivent une épidémie de 181 cas humains dans 12 États à partir d’un seul élevage. D’autres animaux peuvent être infectés (chiens, chats, ruminants…) (CDC, 2005). 382

Risques biologiques 9

Aux États-Unis, la séroprévalence dans la population générale est de 10 % (CFSPH, 2006). En France, par contre, la contamination paraît exceptionnelle bien que certainement sous-évaluée (6 sérums positifs sur 4 000 étudiés).

3.6.2. Modes de transmission La transmission à l’homme n’est documentée qu’à partir de souris, hamsters et cobayes infectés. Elle se produit principalement par morsure ou par contact de la peau lésée ou des muqueuses avec des produits biologiques contaminés (urines, fèces, salive) ou par inhalation d’un aérosol de poussières contaminées, lors d’un contact étroit avec des rongeurs infectés. De rares cas ont été décrits à la suite de manipulations de cultures cellulaires infectées. La transmission transplacentaire occupe une place à part.

3.6.3. Clinique Il s’agit de signes banals : syndrome grippal après 6 à 10 jours d’incubation. Il existe de rares formes de méningite lymphocytaire.

3.6.4. Grossesse À ce jour, seulement 50 cas de chorioméningite lymphocytaire congénitale ont été publiés. L’atteinte fœtale se traduit par une hydrocéphalie congénitale, une microcéphalie, une choriorétinite. La plupart des enfants décèdent à la naissance, les autres gardent des séquelles neurologiques à type d’épilepsie, de troubles de la coordination, de cécité, de retard mental… (CFSPH, 2006).

3.6.5. Activités professionnelles exposantes Ce sont les travaux exposant à un contact étroit avec des rongeurs infectés ou leurs déjections (élevages de rongeurs, animaleries…), les travaux dans des laboratoires où l’on manipule le virus, et, d’un point de vue général, toute activité ou séjour dans des habitations, bâtiments agricoles et entrepôts où pullulent les souris.

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GROSSESSE ET TRAVAIL

3.6.6. Prévention La chorioméningite lymphocytaire est une maladie peu fréquente en France, contrairement à d’autres pays. Les cas mondiaux de chorioméningite congénitale sont rares. Peu de rongeurs semblent porteurs en France, mais la présence de quelques rongeurs infectés dans un élevage peut contaminer de nombreux points de vente d’animaux de compagnie (CDC, 2005). Devant la gravité des atteintes transplacentaires, on peut demander aux femmes enceintes de ne pas manipuler de rongeurs ou de ne le faire que protégées (port de gants et de protection respiratoire pour le nettoyage des cages).

Bibliographie Acha PN, Szyfres B. Chorioméningite lymphocytaire. In: Acha PN, Szyfres B. Zoonoses et maladies transmissibles communes à l’homme et aux l’animaux. Volume 2 : chlamydioses, rickettsioses et viroses. 3e édition. Paris : OIE ; 2005 : 57-63, 405 p. CDC. Interim guidance for minimizing risk for human lymphocytic choriomeningitis virus infection associated with rodents. MMWR Morb Mortal Wkly Rep. 2005 ; 54 (30) : 747-49. CFSPH. Lymphocytic choriomeningitis. Center for Food Security and Public Health, 2006 (www.cfsph.iastate.edu/Factsheets/pdfs/lymphocytic_choriomeningitis.pdf).

3.7. Chlamydioses 3.7.1. Épidémiologie Différentes chlamydias sont pathogènes pour l’homme : Chlamydia trachomatis, Chlamydia pneumoniae, Chlamydophila psittaci… Ces deux dernières peuvent avoir une origine professionnelle. De récentes enquêtes ont montré également l’émergence d’autres bactéries « chlamydia like ». La bactérie Waddlia en particulier a pu être mise en évidence dans des avortements chez les bovins et dans des cas humains de mort fœtale (Baud et al., 2008). Les souches de Chlamydophila psittaci se répartissent en deux groupes de caractéristiques différentes, souches aviaires et souches non aviaires. Classiquement les souches aviaires sont à l’origine de pneumopathies chez l’homme alors que les souches non aviaires, beaucoup plus rares, peuvent être responsables d’avortements et de morts fœtales (De Barbeyrac et al., 2002). 384

Risques biologiques 9

3.7.2. Transmission La transmission de C. psittaci souche non aviaire se fait par inhalation à partir de placentas de brebis contaminées.

3.7.3. Grossesse L’infection de la femme enceinte par C. psittaci non aviaire provoque un envahissement du placenta, via la voie sanguine, entraînant une mort fœtale. Un choc toxique avec coagulation intravasculaire disséminée peut être observé.

3.7.4. Activités professionnelles exposantes Pour les C. psittaci non aviaires, ce sont tous les travaux exposant à des contacts avec des mammifères surtout bovins, caprins, ovins, et les produits de mise-bas.

3.7.5. Prévention Même si les cas graves décrits plus hauts restent rares, il est prudent de conseiller aux femmes enceintes de se tenir à l’écart des mises-bas.

Bibliographie Baud D, Regan L, Greub G. Emerging role of Chlamydia and Chlamydia-like organisms in adverse pregnancy outcomes. Curr Opin Infect Dis. 2008 ; 21 (1) : 70-76. De Barbeyrac B, Sarlangue J, Bébéar C. Chlamydia. In: Denis F. Les bactéries, champignons et parasites transmissibles de la mère à l’enfant. Médecine Sciences Sélection. Montrouge : John Libbey Eurotext ; 2002 : 284-95, 484 p.

3.8. Borréliose de Lyme 3.8.1. Épidémiologie La borréliose de Lyme est due à une bactérie : Borrelia burgdorferi senso lato. De 5 000 à 10 000 personnes sont infectées chaque année en France. L’homme est un hôte accidentel (Ploy et Denis, 2002). 385

GROSSESSE ET TRAVAIL

3.8.2. Grossesse Il a été décrit des cas de mort in utero chez les femmes enceintes atteintes de maladie de Lyme, mais « il n’a pas été possible de démontrer une relation directe et certaine avec l’infection maternelle » (SPILF, 2006).

3.8.3. Transmission La transmission de la borréliose de Lyme se fait par piqûre de tique infectée. Plus le temps de fixation de la tique est long (> 24 h), plus le risque de transmission de la maladie est important. Le retrait quotidien des tiques joue un rôle important dans la prévention de la transmission de la maladie.

3.8.4. Activités professionnelles exposantes Les professions concernées sont celles exposant à des piqûres de tique : travail en forêt, dans les buissons et les broussailles…

3.8.5. Prévention Les mesures de prévention seront d’ordre général, non spécifiques aux femmes enceintes : port de vêtements longs et fermés, inspection minutieuse au retour et retrait journalier des tiques, application de répulsifs le cas échéant (en tenant compte des contre-indications chez la femme enceinte). Devant l’absence de données suffisantes sur la transmission verticale de la maladie, il n’est pas proposé de prophylaxie antibiotique aux femmes enceintes après piqûre de tique isolée (SPILF, 2006).

Bibliographie Ploy MC, Denis F. Borrelia burgdorferi. In: Denis F. Les bactéries, champignons et parasites transmissibles de la mère à l’enfant. Médecine Sciences Sélection. Montrouge : John Libbey Eurotext ; 2002 : 215-31, 484 p. SPILF. Borréliose de Lyme : démarches diagnostiques, thérapeutiques et préventives. Texte long. 16e Conférence de consensus en thérapeutique anti-infectieuse. Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française, 2006 (www.infectiologie.com/site/medias/_documents/consensus/2006-lyme-long.pdf). 386

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4. Maladies vectorielles : paludisme, dengue et chikungunya 4.1. Épidémiologie La France métropolitaine est le pays qui enregistre le plus de cas de paludisme d’importation en Europe avec environ 4 400 cas par an. Il existe également des cycles de transmission autochtones en Guyane et à Mayotte. Dans ces deux départements, le risque professionnel est identique au risque communautaire. Des cas importés de dengue et de chikungunya sont également enregistrés.

4.2. Grossesse En ce qui concerne le paludisme chez les femmes enceintes, les cas d’importation rapportés entre 1997 et 2003 sont ceux de femmes ayant séjourné en zone d’endémie et n’ayant pas pris de prophylaxie efficace. Pour 17 % d’entre elles, ces grossesses ont abouti à une fausse couche ou à un accouchement prématuré. Les femmes enceintes originaires de zones non endémiques ont théoriquement un risque plus élevé d’être malades parce qu’elles n’ont pour la plupart aucune immunité vis-à-vis de P. falciparum (InVS, 2009). Les études disponibles portant sur dengue et grossesse ne mettent pas en avant d’effet tératogène. Les chiffres sur l’augmentation de naissances prématurées ne sont pas significatifs. Il existe des cas de transmission transplacentaire mais qui concernent des contaminations survenant dans les jours précédant l’accouchement. Pour la dengue, quelques études ont montré un risque d’hémorragie utérine en phase aiguë mais ces études ont été menées sur des grossesses menées à terme et de possibles fausses couches ont pu ne pas être prises en compte. Très peu d’études existent sur les effets d’une infection par le chikungunya sur la grossesse. Lors de l’épidémie survenue en 2005-2006 sur l’île de la Réunion, on a pu décrire des transmissions materno-fœtales précoces (inférieures à 22 SA) de pronostic défavorable et des cas de transmission pendant l’accouchement.

4.3. Activités professionnelles exposantes Ce sont les activités nécessitant des déplacements en zone d’endémie. 387

GROSSESSE ET TRAVAIL

4.4. Prévention Pour ces trois maladies vectorielles, paludisme, dengue et chikungunya, le département international et tropical de l’InVS recommande aux femmes enceintes de repousser la date de leur voyage en zone d’endémie lorsque cela est possible, ce qui peut s’envisager en milieu professionnel. Certains antipaludéens sont contre-indiqués, en particulier pour les zones de chloroquinorésistance. Pour les femmes enceintes, voyageant néanmoins en pays d’endémie, la prévention repose sur le renforcement de la protection contre les piqûres de moustiques (CIMED, HCSP).

Bibliographie CIMED. Protection contre les piqûres. CIMED (www.cimed.org/index.php/cimed_fr/Questionsde-sante/Piqures-et-morsures/Protection-contre-les-piqures). HCSP, D65. Recommandations sanitaires pour les voyageurs 2009 (à l’attention des profesionnels de santé). Bull Epid Hebd. 2009 ; 23-24 : 238-56. InVS. Grossesse, Moustiques, Paludisme, Dengue et Chikungunya : risques et prévention. 10 août 2009. InVS ; 2009 (www.invs.sante.fr/international/notes/grossesse_moustiques. pdf).

5. Maladies à prions Il n’existe pas de cas rapporté de transmission verticale. Cependant on peut porter une attention particulière aux femmes enceintes travaillant au contact de tissus neurologiques (laboratoires de recherche, d’anatomopathologie…) (Denis et al., 1999).

Bibliographie Denis F, Fressinaud-Marie AC, Dormont D. Prions. In: Denis F. Les virus transmissibles de la mère à l’enfant Médecine/Sciences Sélection. Montrouge : John Libbey Eurotext ; 1999 : 395-408, 461 p.

388

Risques biologiques 9

Conclusion Certaines situations professionnelles peuvent exposer à des agents biologiques pathogènes qui sont susceptibles de poser des problèmes spécifiques en cas de grossesse ou de projet de grossesse. Pour l’enfant, les conséquences d’une infection chez la mère peuvent aller de l’absence de symptôme à la mort in utero en passant par des malformations à la naissance et des infections néonatales, lesquelles sont alors souvent graves. En santé au travail, l’évaluation des risques et la mise en place des mesures de prévention pour tout poste de travail doivent systématiquement intégrer le fait que ce poste peut un jour être occupé par une femme enceinte ou souhaitant le devenir. Il n’y a pas d’évaluation des risques spécifiques à la grossesse mais toute déclaration de grossesse doit conduire à un réexamen des conditions de travail de la future mère avec renouvellement de l’information sur les risques encourus et leur prévention. Seule une étude de poste au cas par cas peut permettre de répondre à la question du maintien au poste de travail en cas de grossesse. Dans la plupart des maladies décrites dans ce document, la mise en place de mesures adaptées au secteur professionnel, parfois simples, permet de laisser la plupart des femmes enceintes au travail : – organisation du travail, par exemple dans certaines activités de laboratoire ou visà-vis du risque de toxoplasmose, – renforcement de l’observance des bonnes pratiques de laboratoire par la femme elle-même mais aussi par l’ensemble de l’équipe, – éducation à l’hygiène des mains et mise à disposition des équipements nécessaires facilitant l’observance, – pour le risque de zoonoses, éviction des femmes enceintes ou susceptibles de l’être au cours des mises-bas et surtout des avortements, particulièrement autour des ovins et des caprins. Si les risques pour la grossesse ne peuvent pas être contrôlés par une prévention collective renforcée et/ou par une prévention individuelle, un changement de poste peut être envisagé. Si une mutation à l’intérieur de l’entreprise sur un poste ne présentant pas de risque pour la grossesse se révèle impossible, un congé spécial peut alors être proposé (circulaire DSS/4 C/CT 3 n° 99-72 du 8 février 1999). Tout ceci suppose un travail d’information et parfois de formation, non seulement pour les femmes pouvant être concernées, mais aussi pour tous les niveaux de responsabilité de l’entreprise (employeur, encadrement, responsable hygiène et sécurité…).

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Professions pour lesquelles des risques pour l’enfant sont décrits ou discutés dans la littérature

A. Radauceanu

Introduction Les chapitres précédents ont présenté de manière détaillée les risques pour la grossesse engendrés par les principaux types de nuisances professionnelles : chimiques, biologiques et physiques. Dans ce chapitre, sont abordées les études épidémiologiques qui rapportent des risques pour l’enfant à naître en rapport avec le métier exercé par la mère dans la période périconceptionnelle et pendant la grossesse. Les métiers de la mère associés aux risques pour la grossesse sont présentés soit sous forme de famille professionnelle1, soit de titre d’emploi2. Une analyse des études épidémiologiques publiées a permis d’identifier quelques métiers pour lesquels des risques pour la grossesse ont été décrits ou discutés : métiers de la santé, métiers au contact des animaux, personnel des laboratoires, personnel au 1. Une profession est définie comme un ensemble d’emplois dont les principales tâches et fonctions se caractérisent par un degré élevé de similarité. 2. Les emplois sont classés par professions en fonction du type de travail effectué et selon le niveau et la spécialisation des compétences requis pour effectuer avec compétence les tâches et fonctions inhérentes à la profession (dans Classification internationale type des professions, CITP-08, 2008).

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Professions pour lesquelles des risques pour l’enfant sont décrits ou discutés dans la littérature 10

contact des enfants en bas âge, activités agricoles et horticoles, métiers de services (coiffeuses et esthéticiennes, métiers du nettoyage et de l’entretien, métiers de la restauration et de la vente), métiers de l’industrie et de l’artisanat, personnel navigant, avocates.

1. Rappel méthodologique Le point sur l’état des connaissances a été réalisé à partir d’une analyse non exhaustive des publications référencées sur Medline et sélectionnées par les mots-clés : profession maternelle, exposition professionnelle, grossesse, issues, avortements spontanés, pertes fœtales, malformations, prématurité, petit poids de naissance, retard de développement intra-utérin/petit pour l’âge gestationnel, cancer dans la descendance, retard de développement psychomoteur de l’enfant. Les articles analysés ont été publiés entre 1974 et 2009, en langue anglaise intégralement ou au moins le résumé. Les niveaux de preuve des études analysées varient des plus élevés comme les études longitudinales prospectives et les études exposés/non-exposés, aux études rétrospectives ou transversales (voir Tableau 10.1). Tableau 10.1. Principaux types d’études épidémiologiques et leur niveau de preuve selon l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (ANAES). Type d’étude

Méthodologie de l’étude

Mesure de l’association

Niveau de preuve*

Longitudinale prospective (appelée aussi cohorte prospective)

Évaluation prospective de l’exposition et des événements

RR (IC 95 %)

2

Exposés/non-exposés

Recueil rétrospectif de l’exposition, suivi prospectif des événements

RR (IC 95 %) O/A

2

Rétrospective cas-témoins

Recueil rétrospectif de l’exposition après la survenue de l’événement

OR (IC 95 %)

3

Rétrospective longitudinale (appelée aussi cohorte rétrospective)

Recueil rétrospectif de l’exposition et de l’événement

4

Étude transversale

Recueil des informations une seule fois pour chaque sujet

RR (IC 95 %) Fréquence et distribution de l’événement

* Le niveau de preuve 1 est attribué aux méta-analyses.

391

GROSSESSE ET TRAVAIL

En plus d’un volet descriptif, les enquêtes étiologiques permettent l’analyse des mécanismes et des facteurs de risque des événements étudiés. Il faut souligner qu’un facteur de risque est une caractéristique individuelle ou collective, endogène ou exogène, associée à une augmentation du risque de survenue de la maladie chez un individu. Un facteur de risque n’est pas une cause. L’association entre un facteur de risque et son effet sur la reproduction est mesurée par le risque relatif RR [rapport des fréquences de l’événement entre sujets exposés (f1) et non exposés (f0)], ou par l’odds ratio OR [rapport des probabilités de la maladie chez les exposés (f1 / 1 – f1) et les non-exposés (f0 / 1 – f0)] pour les études cas-témoins (Tableau 10.2) (Rumeau-Rouquette, 1993). Tableau 10.2. Association entre un facteur étiologique et un événement. Groupe

Événement

Total

Oui

Non

Exposé

a

b

a+b

Non-exposé

c

d

c+d

a+c

b+d

Total

RR =

f1 a / a + b = f0 c / c + d

OR =

f1 / 1 – f1 ad = f0 / 1 – f0 bc

Si f1 = f0 : RR = 1 ou OR = 1. Si f1 > f0 : RR > 1 ou OR > 1. Dans les études exposés/non-exposés, on calcule un nombre attendu d’issues à partir de ce qui est observé dans un groupe de comparaison non-exposé (O/A). Les enquêtes rétrospectives longitudinales (cohortes rétrospectives) et les études transversales permettent le recueil des informations concernant la fréquence et la répartition dans le temps et dans l’espace d’un événement, mais l’identification des facteurs de risque est souvent biaisée, comme décrit plus loin. Les RR et OR sont toujours exprimés avec leur intervalle de confiance 95 % (IC 95 %) (autrement dit, il existe 95 % de chances que le risque « réel » se situe dans cet intervalle). L’association est significative seulement si l’intervalle de confiance ne recouvre pas la valeur 1. Pour faciliter la lecture, sont essentiellement présentés les résultats statistiquement significatifs ; les résultats non significatifs sont précisés dans le texte. 392

Professions pour lesquelles des risques pour l’enfant sont décrits ou discutés dans la littérature 10

De manière générale, les associations entre les expositions professionnelles et les risques pour l’enfant publiées dans les études épidémiologiques sont souvent équivoques et même controversées (Shi et Chia, 2001). La validité des résultats est souvent diminuée par quelques causes et biais potentiels (erreurs systématiques dans l’échantillonnage ou les investigations), parmi lesquels : – effet de la salariée infertile, l’équivalent du « travailleur en bonne santé » : le statut de salariée étant plutôt « la conséquence » que la cause de l’infertilité ; – biais en rapport avec les « raisons » pour lesquelles une femme en âge de procréer exerce une activité professionnelle : besoins matériels/socialement défavorisée, ou au contraire carrière professionnelle/socialement favorisée ; – grossesse difficile : la salariée sera amenée plus probablement à quitter son travail en début de grossesse. Par opposition aux deux premiers biais, ce biais peut conduire à une diminution de la force de l’association ou à une absence de l’association en raison d’un biais de sélection ; – facteurs de confusion (variables liées à l’exposition et à la maladie et qui perturbent l’interprétation de la relation entre l’exposition et la maladie) : leur prise en compte n’est pas toujours facile, comme par exemple pour le niveau socioéconomique, l’âge, la résidence, le lieu de l’accouchement, les antécédents médicoobstétricaux, les habitudes de vie (alcool, tabac, prise de médicaments), la prise de poids au cours de la grossesse, l’alimentation, le déroulement de la grossesse, etc. L’appariement, la stratification et la modélisation par des analyses multivariées représentent des modalités de contrôler les facteurs de confusion (RumeauRouquette et al., 1993) ; – choix du groupe de référence : un « effet emploi » peut majorer l’estimation de l’exposition lors de la grossesse. L’utilisation d’un groupe contrôle « emploi avec grossesses non exposées » ou dans la même cohorte professionnelle d’un groupe contrôle « grossesses non exposées » peut minimiser ce biais comparé à l’utilisation d’un groupe témoin constitué par des femmes n’ayant pas travaillé au cours de la grossesse (Lemasters et Pinney, 1989 ; Steele et Wilkins, 1996). De plus, les emplois dans le groupe témoin devraient être comparables ou similaires aux emplois du groupe étudié, un groupe contrôle avec une activité différente étant assimilé à un groupe contrôle sans emploi (Boivin, 1997) ; – biais d’information : l’évaluation de l’exposition dans les études épidémiologiques est réalisée le plus souvent de manière rétrospective par autoquestionnaire ou par interview, téléphone, etc. à un moment variable après l’événement, ce qui peut surestimer la force de l’association avec l’effet défavorable étudié (Settimi 393

GROSSESSE ET TRAVAIL

et al., 2008). Cependant, chez la femme enceinte, les autoquestionnaires semblent minimiser les biais d’information, surtout chez les femmes avec un niveau supérieur d’études (Eskenazi et Pearson, 1988 ; Lindbohm, 1999). L’analyse dans des sous-groupes « récents » (par exemple diplômées dans la dernière décennie de l’étude), la contribution d’un expert hygiéniste industriel pour estimer l’exposition, l’utilisation des questionnaires spécialement conçus pour aborder des emplois spécifiques pourraient améliorer la qualité de l’estimation de l’exposition à partir des autoquestionnaires. La mesure des indicateurs biologiques d’exposition et les prélèvements aux postes de travail peuvent améliorer l’estimation de l’exposition basée sur les titres d’emplois ; – taux de réponse : connaître le profil des non-répondants et les raisons des nonréponses aux autoquestionnaires est particulièrement important pour l’interprétation des résultats. La récupération asymétrique des données pour les non-répondants entre les groupes exposés et contrôle peut entraîner un biais de sélection. L’analyse des publications a été limitée aux études qui précisent l’existence d’un groupe témoin, des facteurs d’ajustement non professionnels et le taux de réponse aux autoquestionnaires, ainsi qu’aux méta-analyses et aux articles de revue. Les études présentées ont été réalisées en population générale, en population professionnelle, en milieu hospitalier ou à partir des différents registres. Par exemple, dans les pays scandinaves, les registres nationaux des naissances et des hospitalisations permettent l’identification de chaque personne par un numéro unique dès sa naissance et tout au long de sa vie. Les données obstétricales et professionnelles sont recueillies de manière prospective à environ 16 semaines de grossesse, évitant ainsi les biais du recueil rétrospectif des données comme discuté ci-dessus. Par contre, elles ne permettent pas d’étudier les avortements spontanés et les anomalies congénitales précoces car la période de recueil de données est trop tardive. En France et en Europe, il existe des registres pour la surveillance et l’enregistrement des anomalies congénitales (De Vigan et al., 2005 ; Eurocat, 2005) ou de la mortalité périnatale (Blondel et al., 2005), mais qui intègrent peu de données professionnelles. Ces études prospectives avec de meilleures évaluations des expositions professionnelles maternelles sont récentes, comme celles issues de la cohorte Pélagie en Bretagne (exposition maternelle aux solvants et risque de malformations congénitales) (Garlantézec et al., 2009) ou du registre KOLA en Russie (exposition maternelle au nickel et effets sur la grossesse) (Vaktskjold et al., 2004). Enfin, dans une population étudiée, le nombre de femmes ayant exercé un emploi spécifique dans une famille professionnelle ainsi que le nombre d’issues spécifiques de la grossesse (par exemple malformations spécifiques) sont souvent limités, ce qui pose 394

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le problème d’un manque de puissance statistique (faible probabilité de mettre en évidence un effet alors qu’il existe réellement). Pour y pallier, le regroupement des données pour les malformations spécifiques ou par types d’emplois permet d’augmenter la taille des populations analysées.

2. Métiers de la santé 2.1. Expositions professionnelles maternelles potentiellement nuisibles pour l’enfant à naître Les expositions professionnelles dans les métiers de la santé sont représentées principalement par les nuisances chimiques (anesthésiques, cytostatiques, formaldéhyde, solvants, produits de stérilisation, mercure), les rayonnements ionisants et non ionisants, les agents biologiques (cytomégalovirus, parvovirus B19), les contraintes physiques et organisationnelles (soulèvement de charge, station debout prolongée, vibrations, travail de nuit, travail posté, horaires irréguliers, durée longue de travail). La plupart des études épidémiologiques à grande échelle qui ont analysé l’influence des facteurs professionnels sur l’issue de la grossesse ont montré que l’exercice des métiers de la santé était associé à des effets défavorables.

2.2. Titres d’emplois potentiellement exposants par type d’exposition professionnelle Le tableau 10.3 présente les intitulés d’emploi qui correspondent aux principales expositions professionnelles dans les métiers de la santé. La plupart des emplois cumulent plusieurs types d’expositions. À noter que les tâches qui correspondent à ces titres emplois peuvent varier d’un pays à l’autre. Par exemple, aux Pays-Bas, les infirmières des services d’oncologie sont chargées, en plus de la préparation et de l’administration des antinéoplasiques, de la toilette des patients, de la réfection des lits et du nettoyage des toilettes, et par conséquent elles sont potentiellement plus exposées par voie cutanée aux cytostatiques par rapport aux infirmières qui manipulent seulement les cytostatiques (Fransman et al., 2007). L’exposition, lors des tâches normalement effectuées en France par des aidessoignantes, s’ajoute à celle issue de leur travail d’infirmière classique. Ces expositions 395

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professionnelles différentes entre les pays pourraient en partie expliquer la discordance entre les études épidémiologiques menées pour la plupart aux États-Unis, au Canada, dans les pays scandinaves ou en Europe du Nord. Tableau 10.3. Titres d’emplois par type de nuisance professionnelle. Expositions professionnelles Nuisances chimiques

396

Titres d’emplois exposés (non exhaustif)

Gaz anesthésiques Médecin anesthésiste Infirmière anesthésiste Infirmière/Technicienne bloc opératoire Dentiste Assistante/Technicienne dentaire Chirurgien Cytostatiques

Infirmière cancérologie Pharmacienne/Préparatrice Chimiste/Assistante industrie pharmaceutique

Formaldéhyde

Infirmière bloc opératoire

Solvants

Infirmière Aide-soignant Sage-femme Technicien radiologie Pharmacienne/chimiste/biologiste industrie pharmaceutique Pharmacienne/Préparatrice

Produits de stérilisation

Personnel des unités de stérilisation Infirmière Assistante dentaire

Mercure

Assistante dentaire

Rayonnements ionisants

Radiologue/technicien/manipulatrice radiologie (rayonnements X) Médecin/technicien médecine nucléaire, endocrinologie, biochimie (radio-isotopes)

Rayonnements non ionisants

Personnel IRM Kinésithérapeute

Contraintes physiques, organisationnelles, psychosociales

Infirmière/aide-soignant Sage-femme Kinésithérapeute Interne en médecine, résident, médecin

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2.3. Effets de l’exercice des différents emplois du secteur de la santé sur l’enfant à naître : évidence épidémiologique 2.3.1. Approche globale pour différents métiers de la santé Une des plus grandes études ayant analysé la relation entre l’emploi maternel et les issues de la grossesse a été conduite par l’IRSST (Institut de recherche en santé et sécurité du travail) entre 1982 et 1984, chez 56 067 femmes hospitalisées dans la région de Montréal à l’occasion d’un accouchement ou d’un avortement spontané et ayant travaillé au moins 30 heures par semaine au moment de la conception. Les données recueillies ont concerné 104 649 grossesses actuelles et antérieures et les emplois exercés ont été classés en 6 principaux secteurs (managérial, santé, administratif, vente, services, industriel) et 60 familles professionnelles (McDonald et al., 1987 ; McDonald et al., 1986 , McDonald et al., 1988a ; McDonald et al., 1988b). Les analyses ont été ajustées sur 10 facteurs de confusion : âge maternel, parité, niveau d’études des deux parents, consommation alcoolotabagique, ethnie, taille, antécédent de prématurité et d’avortement spontané. Dans cette étude, le risque d’avortement spontané tardif (16-28 semaines) était significativement élevé chez les infirmières du bloc opératoire et les techniciennes de radiologie (O/A = 2,92 ; p < 0,05 et 3,82 ; p < 0,01 respectivement), le risque d’avortement spontané précoce (< 16 semaines) élevé chez les aides-soignants et les techniciennes/assistantes dentaires (O/A = 1,46 ; p < 0,01 et 1,33 ; p < 0,1 respectivement) (McDonald et al., 1988a). Les médecins et infirmières avaient une augmentation du risque de malformation congénitale à la limite de la signification statistique (O/A = 1,78) (McDonald et al., 1987). Une étude cas-témoins par questionnaire téléphonique a été conduite dans les années 90 au sein de la cohorte ABDCC (Atlanta Birth Defects Case Control) incluant 4 915 enfants avec des malformations majeures nés entre 1968 et 1980, et comparés à 3 027 témoins (Matte et al., 1993). Dans 557 des cas, la mère a été employée dans un des cinq types de professions de santé (soins, administratif, technique, services, hors secteur de la santé) un mois avant la conception ou pendant le premier trimestre de grossesse. Pour l’analyse des données, le nombre de cas a été suffisant pour analyser les emplois d’infirmière (infirmière diplômée, aide-infirmière, stagiaire) et les emplois de type administratif. 397

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Le risque global pour tout le secteur de la santé est comparable au groupe témoin, mais l’emploi d’infirmière a été associé à un risque élevé de malformation congénitale [RR = 1,42 ; (1,06-1,88)]. Une seule autre étude positive conduite dans les années 80 avait montré un excès de risque de malformations congénitales associé à l’emploi d’infirmière (RR = 1,3) (Bjerkedal, 1985). Dans la même étude sur la cohorte ABDCC, les emplois de type administratif dans le secteur de la santé étaient associés à un risque marginal de malformation [RR = 1,35 ; (0,96-1,90)] et à un risque significatif d’anomalies des membres [RR = 1,68 ; (1,052,66)], notamment d’anomalies de position des membres [1,93 ; (1,17-3,19)] en rapport probablement avec de meilleurs diagnostics (Matte et al., 1993). Enfin, une étude récente conduite en Finlande en population générale comme population source a montré que la population cible, les infirmières, présente un excès de risque de retard de croissance intra-utérin comparé au groupe témoin [OR = 1,99 ; (1,103,59)], mais pas de risque de prématurité ou de petit poids (Simcox et Jaakkola, 2008).

2.3.2. Approche par principales expositions professionnelles l Anesthésiques Une des plus grandes études a été menée en 1974 par la Société américaine d’anesthésiologie qui a interrogé 49 585 personnels (médecins, infirmières de bloc opératoire et anesthésistes, techniciens) (American Society of Anesthesiologists, 1974). Une augmentation du risque d’avortement spontané et de malformation a été rapportée chez les femmes exposées et du risque de malformation congénitale chez les épouses des hommes exposés. Cette étude a été intégrée dans une méta-analyse des publications parues entre 1971 et 1978 s’intéressant aux personnels des blocs opératoires (Buring et al., 1985). Une augmentation significative du risque d’avortement spontané a été montrée chez toutes les femmes exposées [RR = 1,3 ; (1,2-1,4)] aussi bien pour les médecins [RR = 1,4 ; (1,2-1,6)] que pour les infirmières [RR = 1,3 ; (1,1-1,4)], alors que le risque de malformation était élevé mais à la limite de significativité seulement pour les médecins [RR = 1,4 ; (1-2)]. Afin d’évaluer le risque d’avortement spontané chez les femmes exposées professionnellement aux gaz anesthésiques (infirmières, médecins, techniciennes, assistantes dentaires, vétérinaires, auxiliaires vétérinaires), une autre méta-analyse a inclus 19 articles publiés entre 1984 et 1992 (Boivin, 1997). L’analyse des données de toutes les études 398

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confondues a montré un excès de risque d’avortement spontané associé à l’exposition aux anesthésiques des futures mères [RR = 1,48 ; IC 95 % (1,4-1,6)], risque moins important pour les emplois hospitaliers [RR = 1,3 ; (1,2-1,4)] et pour les médecins [RR = 1,18 ; (1,04-1,34)], mais plus important pour les assistantes dentaires [RR = 1,89 ; (1,7-2,1)]. Afin d’éviter les biais fréquents des études épidémiologiques, les études ont été sélectionnées selon un score « qualité », impliquant le choix des facteurs de confusion (au moins deux facteurs non professionnels), d’un groupe témoin approprié (emplois comparables ou similaires) et du taux de réponse (au moins 80 %). L’analyse des études répondant au score « qualité » a montré un excès de risque plus élevé que celui issu de l’analyse de toutes les études confondues [1,9 ; (1,72-2,09) vs 1,48 ; (1,4-1,6)]. Cependant, depuis la publication de ces études, les conditions de travail ont changé, aussi bien pour les techniques d’anesthésie (plus souvent locorégionale ou par voie injectable) que pour les moyens de protection (captation des anesthésiques pratiquement dans tous les pays occidentaux). Bien que la relation entre les niveaux faibles d’anesthésiques et le risque d’avortement reste inconnue puisque dans la plupart des études l’exposition n’a pas été quantifiée, les données disponibles suggèrent que le risque d’avortement est faible ou absent quand les gaz sont captés ou quand l’exposition est faible (Rowland et al., 1995). Dans une étude américaine incluant 7 000 assistantes dentaires, une augmentation du risque d’avortement spontané a été associée à l’exposition au protoxyde d’azote au moins 3 h/semaine dans les cabinets sans système de captation [RR = 2,6 ; (1,3-5)] (Rowland et al., 1995). À noter que le protoxyde d’azote est utilisé en médecine dentaire davantage comme sédatif que comme anesthésique, par conséquent mélangé seulement à l’oxygène, administré sans masque et souvent sans système de captation. Dans une étude rétrospective, menée par questionnaire chez 4 000 sages-femmes suédoises, l’exposition au protoxyde d’azote était associée au petit poids [–77 g (–129, –24)] et à un retard de croissance intra-utérin [OR = 1,8 ; (1,1-2,8)] (Bodin et al., 1999). Dans l’étude cas-témoins précitée conduite au sein de la cohorte ABDCC, l’emploi d’infirmière était associé à un risque élevé de malformations congénitales [RR = 1,42 ; (1,06-1,88)], impliquant le système nerveux [RR = 1,68 ; (1,05-2,67) et 2,16 ; (1,014,30) pour spina bifida], le système cardiovasculaire [coarctation d’aorte RR = 3,43 ; (1,41-8,34)], le système génital [RR = 1,61 ; (1,03-2,53) et 1,62 ; (0,99-2,65) pour l’hypospadias], l’appareil urinaire [RR = 2,06 ; (1,10-3,82)] (Matte et al., 1993). Dans cette étude cas-témoins, bien que le nombre de cas pour lesquels les mères ont eu une exposition spécifique (mercure, anesthésiques, rayonnements X) et que le nombre de malformations spécifiques ait été relativement peu important, l’exposition 399

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aux anesthésiques était associée au risque de spina bifida [RR = 6,27 ; (1,54-25,48)] et l’exposition aux rayonnements X à l’anencéphalie ou spina bifida [RR = 5,49 ; (1,2025,03)]. C’est la première étude qui a montré une augmentation des risques d’anomalies du tube neural associée à l’exposition aux gaz anesthésiques, sans cependant que leur composition et les niveaux d’exposition soient analysés. En France, la première étude s’intéressant aux risques pour la grossesse associés à l’exposition aux anesthésiques a été conduite à la fin des années 80 dans un groupe de 537 infirmières de bloc opératoire de 17 hôpitaux parisiens comparé à un groupe témoin constitué par des infirmières travaillant dans d’autres services des mêmes hôpitaux. Le recueil rétrospectif des données d’exposition et obstétricales a été réalisé pendant la visite annuelle de médecine du travail par questionnaire administré par le médecin (Saurel-Cubizolles et al., 1994). L’analyse de 776 grossesses a montré que le travail au bloc opératoire pendant le premier trimestre a doublé le risque d’avortement spontané, et n’a pas modifié le risque de malformation congénitale. Parmi les infirmières, 52 % ont été exposées simultanément aux anesthésiques, formaldéhyde et rayonnements ionisants, et seulement 6 % aux anesthésiques seuls. Ces trois dernières expositions ont été chacune associées à un excès de risque d’avortement spontané et, pour le formaldéhyde, de malformations congénitales. Après ajustement sur les facteurs de confusion (âge, parité, tabac, antécédent d’avortement), seule la co-exposition aux trois nuisances est associée au risque d’avortements spontanés [RR = 2,6 ; (1,3-5,2)] et de malformations congénitales [OR = 3,5 ; (1,2-10,2) et OR = 4,1 ; (1-16,7) pour les malformations congénitales sévères].

l Antinéoplasiques L’exposition aux cytostatiques peut se produire dans les services hospitaliers, les pharmacies hospitalières et l’industrie pharmaceutique. Pour les infirmières des services de soins intensifs, des blocs opératoires et des services de médecine interne, cette exposition a été associée au risque de malformation congénitale, mais pas d’avortement spontané (Hemminki et al., 1985), association rapportée cependant dans d’autres études en relation avec l’exposition pendant le premier trimestre de grossesse (Selevan et al., 1985). Dans l’étude canadienne de l’IRSST conduite entre 1982 et 1984, parmi les 47 913 grossesses des femmes employées au moins 30 heures par semaine au moment de la conception, les 152 grossesses des médecins et infirmières ayant administré des cytostatiques dans le premier mois de grossesse ont eu un excès de risque de malformation 400

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congénitale à la limite de la significativité statistique (O/A = 1,98 ; p = 0,05) (McDonald et al., 1988b). Une autre étude américaine a montré des effets combinés de la chimiothérapie et des rayonnements sur les pertes fœtales (avortements spontanés et mort-nés), risque plus important pour la deuxième grossesse [OR = 3,78 ; (1,12-12,78)] (McAbee et al., 1993). Cependant, l’implémentation de mesures de protection lors de la manipulation des cytostatiques dans les années 80 semble avoir diminué les risques d’avortement, de malformations, de petit poids et de prématurité pour les grossesses exposées, comme rapporté dans une étude danoise (Skov et al., 1992). En France, des études publiées dans les années 90 ont montré, dans quatre hôpitaux, un excès de risque d’avortement spontané du personnel impliqué dans la préparation des perfusions de cytostatiques comparé au groupe non exposé [26 % vs 15 % ; OR = 2], ainsi qu’une augmentation non significative du risque de petits poids de naissance [–56 g (–155,1 –43,1)] (Stücker et al., 1990 ; Stücker et al., 1993). Une étude hollandaise récente a été conduite chez 4 393 infirmières exposées et nonexposées aux cytostatiques, ayant été employées au moins 2 mois entre 1990 et 1997 dans les services de cancérologie, orthopédie, chirurgie, obstétrique/gynécologie (Fransman et al., 2007). L’exposition aux cytostatiques se produit par voie cutanée lors des différentes tâches effectuées par les infirmières : préparation et administration des perfusions, recueil des urines, toilette du patient, réfection du lit, nettoyage des toilettes. Malgré l’utilisation des gants, l’exposition cutanée au cyclophosphamide (marqueur de l’exposition aux cytostatiques) rapportée chez toutes les infirmières hollandaises des services de cancérologie était de 0,65 μg/semaine (médiane de l’exposition cutanée) (Fransman et al., 2005 ; Meijster et al., 2006). Dans l’étude analysée, 3 niveaux d’exposition ont été définis (< 0,20 μg/semaine, 0,20-0,74 μg/semaine, > 0,74 μg/semaine). Les facteurs de confusion recueillis ont été l’âge, la parité, la consommation de tabac, d’alcool et de café, l’apport en vitamines/acide folique. Après transformation logarithmique de l’exposition, pour chaque augmentation unitaire de l’exposition une relation de type dose-effet a été montrée avec le risque de prématurité [OR = 1,08 ; (1,00-1,17)] et de petit poids de naissance [OR = 1,11 ; (1,01-1,21)]. Aucune relation n’a été montrée avec le risque de mort fœtale, de malformation ou d’inversion du sex-ratio. Une étude danoise a analysé 1 747 cancers de l’enfant identifiés à partir du registre des cancers de l’enfant appariés avec 8 630 témoins en population générale. Un risque élevé de développer différents cancers (tumeur rénale de Wilms, sarcomes osseux et des tissus mous) a été montré chez les enfants dont les mères ont été employées au moment de la conception dans les activités de soins ou dentaires (OR = 2,5-4) (Olsen et al., 1991). Les risques pour tous les cancers confondus étaient significativement plus 401

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élevés chez les enfants des infirmières (OR = 1,4) et de tous les médecins, dentistes, assistants dentaires, vétérinaires et pharmaciens, hommes et femmes confondus (OR = 1,4). Les facteurs de risque potentiels pourraient être la manipulation des médicaments, l’exposition aux anesthésiques et les infections. La plupart des autres études se sont intéressées aux risques de cancer de l’enfant liés aux expositions paternelles, le peu d’études ayant analysé les expositions maternelles n’ont pas montré un excès de risque (Colt et Blair, 1998). Les pharmaciennes, assistantes et chimistes dans l’industrie pharmaceutique peuvent être exposées aux cytostatiques. L’association avec le risque d’avortement spontané analysé dans une étude finlandaise conduite dans 8 entreprises pharmaceutiques n’a pas été significative, mais l’effectif exposé aux cytostatiques était faible (Taskinen et al., 1986).

l Produits de stérilisation et solvants L’exposition aux produits de stérilisation a été analysée, pour la grossesse la plus récente, dans la cohorte des infirmières américaines NHS II (Nurses Health Study II) constituée à partir de 1989 (Lawson et al., 2009). Une association significative a été montrée entre l’exposition aux produits de stérilisation déclarée pendant le premier trimestre de grossesse et le risque de prématurité [RR = 1,9 ; (1,1-3,4)]. L’effet d’un produit spécifique, l’oxyde d’éthylène, utilisé comme agent de stérilisation gazeuse des matériaux chirurgicaux a été analysé chez les assistantes dentaires (Rowland et al., 1996) et le personnel des unités hospitalières de stérilisation (GresieBrusin et al., 2007). Les assistantes dentaires exposées ont un excès de risque d’avortement spontané [RR = 2,5 ; (1-6,3)] et un risque global d’avortement, de prématurité ou d’hyper-maturation [2,5 ; (1-6,1)] (Rowland et al., 1996). Ces risques sont cependant à la limite de la significativité. Comparées aux grossesses faiblement exposées, les grossesses fortement exposées dans les unités de stérilisation présentent un important excès de risque d’avortement spontané [RR = 20,8 ; (2,1-199)] et de pertes fœtales [RR = 8,6 ; (1,8-43,7)] (Gresie-Brusin et al., 2007). Dans une étude finlandaise conduite dans 8 entreprises pharmaceutiques, l’exposition des pharmaciennes, assistantes et chimistes aux solvants a été associée au risque d’avortements spontanés, surtout pour le dichlorométhane (OR = 2,3) (Taskinen et al., 1986). Dans un modèle multivarié, le risque d’avortement est associé à l’exposition aux œstrogènes (OR = 4,2), l’exposition à ≥ 4 solvants (OR = 3,5) et au soulèvement de charges lourdes (OR = 5,7). 402

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Dans d’autres études danoises, les préparatrices en pharmacie exposées aux solvants ne présentaient pas un excès de risque d’avortement spontané ni de malformation congénitale (Schaumburg et Olsen, 1990a ; Schaumburg et Olsen, 1990b). Dans une étude prospective récente conduite en Bretagne entre 2002 et 2005, 3 421 femmes ont été recrutées avant la 19e semaine de grossesse et évaluées pour l’exposition professionnelle aux solvants à partir d’une autodéclaration et d’une matrice emplois-exposition (Garlantézec et al., 2009). Les infirmières, aides-soignantes, sagesfemmes et techniciennes en radiologie représentent les emplois les plus exposés aux solvants, plus de 80 % de ce personnel faisant partie du groupe « exposition intermédiaire » telle qu’évaluée par la matrice emplois-exposition. Dans toute la cohorte, une relation dose-effet significative a été trouvée entre les malformations majeures et une exposition aux solvants autodéclarée comme régulière [OR = 2,48 ; (1,4-4,4)] et une exposition élevée telle qu’évaluée par la matrice [OR = 3,48 ; (1,4-8,4)], surtout pour les fissures orofaciales [OR = 12,85 ; (2,6-64,7)] et les malformations urinaires [OR = 3,40 ; (1,1-10,8)]. Une relation significative entre les expositions régulières autodéclarées et les malformations génitales masculines a été montrée [OR = 3,57 ; (1,1-11,4)].

l Mercure L’exposition au mercure des assistantes dentaires pendant la préparation des amalgames peut être quantifiée par le dosage du mercure dans les cheveux. Ainsi, en Pologne, le travail dans les cabinets dentaires a été associé au risque d’avortement et de spina bifida en rapport avec des concentrations élevées de mercure dans les cheveux des femmes (Sikorski et al., 1987). Cet excès de risque n’a pas été retrouvé en Suède (Ericson et Källen, 1989). À noter que les expositions professionnelles dans les cabinets dentaires sont multiples (gaz anesthésiques, rayonnements ionisants, produits de stérilisation, mercure, contraintes physiques).

l Rayonnements ionisants et non ionisants L’association entre l’exposition du personnel de santé avant la conception et pendant la grossesse aux rayonnements ionisants (rayonnements X, radio-isotopes) et le risque d’avortement spontané et de malformation congénitale a été largement analysée (voir aussi le chapitre 7 sur les rayonnements ionisants). L’exposition aux rayonnements X a été analysée dans l’étude canadienne de l’IRSST menée entre 1982 et 1984 chez 56 067 femmes (McDonald et al., 1988a). 403

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Les techniciennes en radiologie présentaient un excès significatif de risque d’avortement spontané tardif (entre la 16e et la 28e semaine) (O/A = 3,82 ; p < 0,01). Dans une étude menée par autoquestionnaire chez les radiologues américaines, les femmes radiologues présentaient un excès de risque d’anomalies chromosomiques autres que le syndrome de Down [RR = 3,9 ; (1,3-9)] et un excès de risque de malformation musculosquelettique autres que celles des membres [RR = 2,1 ; (1,4-3,1)] (Roman et al., 1996). Pour les autres effets (autres malformations, pertes fœtales, cancers chez l’enfant), aucune association n’a été montrée, mais les effectifs étaient faibles. Une autre étude suédoise conduite chez les radiologues n’a pas montré d’effet significatif sur le risque de malformation (Baltzar et al., 1979). Une étude concernant le risque d’anomalies congénitales toutes confondues chez les chirurgiens orthopédistes et gynécologues-obstétriciens a montré un excès de risque de malformations sans qu’une association avec l’exposition aux rayonnements X puisse être montrée (Zadeh et Briggs, 1997). Dans une étude récente, le risque d’avortement spontané chez le personnel exposé aux radio-isotopes entre 1986 et 2001 a été comparé à celui du personnel exposé aux rayonnements X dans les hôpitaux publics de Croatie (Fucic et al., 2008). Le premier groupe présentait un excès de risque [3,68 ; (1,39-9,74), p < 0,01], mais aucun groupe contrôle non exposé n’a été inclus dans cette étude. Pendant les dernières décennies, l’intérêt s’est porté sur les effets de l’exposition aux rayonnements non ionisants (ondes courtes, résonance magnétique), particulièrement pour le personnel des services d’IRM et les kinésithérapeutes. Ainsi, comparé aux femmes actives non exposées aux champs magnétiques, un groupe de 1 915 techniciennes IRM présentait un risque augmenté mais non significatif d’avortements spontanés [RR = 1,27 ; (0,92-1,77)] (Evans et al., 1993). Dans une étude finlandaise, l’exposition prolongée des kinésithérapeutes aux ondes courtes et aux ultrasons a été associée au risque d’avortement spontané tardif (> 10 semaines de grossesse) (Taskinen et al., 1990). Un risque de malformation était associé à une exposition de 1 à 4 h/semaine, association non retrouvée à une exposition supérieure à 4 heures. Ces résultats n’ont pas été confirmés dans d’autres études (McDonald et al., 1987 ; Larsen et al., 1987), alors que des études suédoises ont rapporté chez les kinésithérapeutes un risque augmenté de malformation ou de mort périnatale associé à l’utilisation professionnelle des ondes courtes (Larsen et al., 1987 ; Källén et al., 1982). Plus récemment, une étude israélienne conduite chez 434 kinésithérapeutes a analysé les effets de la diathermie à ondes courtes, des ultrasons et du soulèvement de charge 404

Professions pour lesquelles des risques pour l’enfant sont décrits ou discutés dans la littérature 10

sur les issues de 930 grossesses (Lerman et al., 2001). Après ajustement sur les facteurs de confusion (âge, parité, alcool, tabac, maladies fébriles, antécédents d’avortement), l’exposition aux ultrasons est associée au risque de malformations congénitales [OR = 4,19 ; (1,58-11,13), p = 0,004] et l’exposition aux ondes courtes aux petits poids de naissance [2,75 ; (1,07-7,04), p = 0,03] probablement par l’effet hyperthermique.

l Effort physique et contraintes organisationnelles La première grande étude s’intéressant à l’effet de la charge physique sur la grossesse a été l’étude de l’IRSST menée chez 56 012 femmes, qui a montré chez les aides-soignantes/stagiaires un excès de risque d’avortement spontané associé au soulèvement de charges et à l’effort physique (O/A = 1,24, p < 0,05) (McDonald et al., 1986). Une autre étude conduite en France chez le personnel hospitalier (infirmières, aidessoignantes, agents hospitaliers) au retour du congé de maternité a montré, chez les femmes dont les conditions de travail réunissaient le port de charges lourdes, les tâches de nettoyage et le travail debout prolongé, un taux élevé de prématurité (30 % vs 6 %) et de petit poids (13 % vs 5 %) (Saurel-Cubizolles et al., 1985). Plus récemment, une étude américaine basée sur le registre de surveillance médicale du personnel hospitalo-universitaire a montré une fréquence élevée de prématurité chez les aides-soignantes comparée aux infirmières et au personnel administratif [20 % vs 11 % vs 6 %, RR = 3,3 ; (1-10,8)] (Schoenfisch et al., 2008). Une autre étude récente finlandaise a montré un risque de retard de croissance intrautérin pour les grossesses des infirmières comparées aux employées de bureau [RR = 1,99 ; (1,10-3,59)] (Simcox et Jaakkola, 2008). Enfin, le soulèvement de charges a été associé au risque d’avortement spontané chez les kinésithérapeutes finlandaises [OR = 3,8 ; (1,1-9)] (Taskinen et al., 1990). Bien que la charge physique, surtout le soulèvement de charges, l’effort physique et le travail debout soient des facteurs de risque reconnus d’avortement spontané, de petit poids et de prématurité, les mécanismes sont peu connus et l’effet pourrait se produire très tôt, même avant l’implantation (Hjollund et al., 2000). Concernant le risque pour la grossesse lié aux horaires de travail chez le personnel de santé, une étude récente, menée dans la cohorte des infirmières américaines NHS II (Nurses Health Study II) constituée à partir de 1989, s’est intéressée à l’effet des horaires de travail du premier trimestre de grossesse sur le risque d’avortements spontanés (NHS, 2008). Pour les 7 688 grossesses analysées, le risque d’avortements spontanés était augmenté de 60 % pour le travail de nuit [RR = 1,6 ; (1,3-1,9)] et de 50 % pour une durée hebdomadaire de travail > 40 heures [RR = 1,5 ; (1,3-1,7)]. 405

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Une autre étude menée dans la cohorte NHS II a analysé l’effet de différentes expositions professionnelles (horaires de travail, nuisances chimiques, nuisances physiques, expositions aux rayonnements X) sur le risque de prématurité (Lawson et al., 2009). Le travail de nuit est associé à un excès de risque de prématurité précoce (< 32 semaines de gestation) [RR = 3 ; (1,4-6,2)], alors que le travail à temps partiel ≤ 20 heures/semaine est associé à une diminution du risque de prématurité [RR = 0,7 ; (0,6-0,9)]. Une étude rétrospective menée par questionnaire chez 3 593 sages-femmes suédoises a montré que le travail de nuit est associé à un excès de risque de prématurité [OR = 5,6 ; [1,9-16,4)] et d’avortement spontané tardif (> 12 semaines de grossesse) [RR = 3,3 ; (1,13-9,87)] mais les associations avec le travail posté sont non significatives (Bodin et al., 1999 ; Axelsson et al., 1996). L’activité des résidentes et internes est caractérisée par de nombreuses contraintes psychologiques et physiques (stress, gardes, longs horaires de travail, efforts physiques, station debout prolongée). Dans une étude américaine s’intéressant aux 4 412 résidentes comparées aux 4 236 épouses de résidents, les résidentes présentaient plus de pré-éclampsies (8,8 % vs 3,5 %) et de débuts précoces du travail (11 % vs 6 %), mais pas d’excès de prématurité ni de morts fœtales (Klebanoff et al., 1990). Une étude récente a comparé les issues des grossesses des internes en obstétriquegynécologie aux grossesses des épouses des internes (Gabbe et al., 2003). La durée hebdomadaire du travail pendant la grossesse est > 80 heures. Les issues de la plupart des grossesses sont favorables, bien qu’une augmentation des cas de pré-éclampsie, de début précoce du travail et de retard de développement intra-utérin ait été rapportée. En conclusion, les expositions professionnelles du personnel de santé sont multiples et variées. L’évidence épidémiologique est suffisante pour conclure à un excès significatif de risque d’avortement spontané, de malformation congénitale et de retard de développement intra-utérin en rapport avec l’exposition aux anesthésiques, cytostatiques, solvants et rayonnements ionisants, et à un excès de risque d’avortements spontanés, de prématurité et de retards de développement intra-utérin associé à l’effort physique ou aux horaires irréguliers avec travail de nuit. Des effets possibles, mais pas certains, ont été rapportés pour l’exposition aux rayonnements non ionisants et pour le travail posté. Le risque biologique, non abordé dans ce paragraphe, est traité dans le chapitre 9 « risques biologiques » et évoqué dans le paragraphe 5 « personnel au contact des enfants en bas âge » de ce chapitre.

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3. Emplois au contact des animaux 3.1. Vétérinaires Les risques professionnels des vétérinaires sont différents selon qu’il s’agit d’une pratique vétérinaire chez les petits animaux, gros animaux ou pratique mixte. Pour les petits animaux, ces risques sont principalement liés à l’exposition aux anesthésiques (halothane, enflurane, méthoxiflurane, protoxyde d’azote), aux pesticides (insectifuges, anti-poux), aux rayonnements ionisants (rayons X à visée diagnostique ou thérapeutique). Pour la pratique grands animaux, les risques sont liés aux traumatismes, aux prostaglandines (pratique abortive) et au monoxyde de carbone (utilisé pour l’euthanasie dans certains pays) (Wiggins et al., 1989). Les zoonoses se retrouvent dans les deux cas, mais peuvent être éventuellement différentes (certaines zoonoses sont décrites dans le chapitre 9 sur les riques biologiques). Des données issues des cohortes rétrospectives australiennes et américaines, publiées ces 20 dernières années ont permis de quantifier ces risques et leur évolution dans le temps (Wiggins et al., 1989 ; Shirangi et al., 2007 ; Shirangi et al., 2008 ; Fritschi et al., 2008). Dans ces cohortes, deux tiers des vétérinaires diplômés après 1990 sont des femmes, avec une pratique prédominante chez les petits animaux. La cohorte la plus importante a inclus 1 197 femmes vétérinaires australiennes interrogées par autoquestionnaire (taux de réponse 59 %) (Shirangi et al., 2007 ; Shirangi et al., 2008). La fréquence d’exposition aux anesthésiques des femmes vétérinaires est d’environ 80 % (92 % pour la pratique petits animaux), l’exposition aux pesticides d’environ 45 % (54 % pour la pratique mixte) et l’exposition aux rayons X d’environ 80 % (90 % pour la pratique petits animaux). La dose de rayons X reçue dépend des procédures de contention des animaux (par le personnel, moyens physiques ou chimiques) et des moyens de protection contenant du plomb (tablier, gants, protection thyroïde, écran). Plus de la moitié des praticiens maintiennent les animaux lors des examens, 88 % des vétérinaires utilisent un tablier et 15 à 50 % utilisent d’autres protections. Plus d’un tiers des femmes de la cohorte travaillent au moins 45 heures par semaine. Dans cette cohorte australienne (Shirangi et al., 2008), le risque d’avortements spontanés est de 16 %, comparé à 11 % dans une cohorte de vétérinaires américaines en 1996 (Steele et Wilkins, 1996) et à 12,3 % chez les infirmières françaises en 1994 (SaurelCubizolles et al., 1994). Après ajustement sur 12 facteurs de confusion, les facteurs 407

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de risque de l’avortement spontané sont : l’exposition aux anesthésiques non captés au moins une heure par semaine [RR = 2,49 ; (1,02-6,04)], l’exposition aux rayons X pour plus de 5 radiographies par semaine [RR = 1,82 ; (1,17-2,82)] et l’utilisation des pesticides au moins une fois par semaine [RR = 1,88 ; (1,18-3)]. L’effet de l’exposition aux gaz anesthésiques sur le risque d’avortements spontanés est comparable à celui rapporté par Boivin en 1997 dans sa méta-analyse, pour le sousgroupe de vétérinaires et auxiliaires spécialisés [RR = 2,45 ; (1,25-5,02)] (Boivin, 1997). Les données concernant le type de gaz anesthésique ou les doses utilisées ne sont disponibles pour aucune de ces études. Un risque marginal d’avortement est associé à l’exposition aux rayonnements X également dans d’autres études (Steele et Wilkins, 1996 ; Schenker et al., 1990 ; Johnson et al., 1987). Enfin, dans une cohorte américaine des années 80, le risque d’avortement spontané est comparable au groupe témoin, alors que le risque de malformations est 4 fois plus important chez les vétérinaires [RR = 4,2 ; (1,2-15,1)] (Schenker et al., 1990).

3.2. Autres personnels au contact des animaux Les auxiliaires spécialisées vétérinaires sont pour la plupart des femmes qui collaborent quotidiennement avec le vétérinaire et assurent « l’entretien des locaux et du matériel, les tâches administratives et l’aide à la consultation, soins, chirurgie et actes de radiologie sous le contrôle et la responsabilité du vétérinaire praticien » (Roussel et Barret, 2003). Dans la méta-analyse s’intéressant à l’effet de l’exposition professionnelle aux anesthésiques sur le risque d’avortement spontané, le sous-groupe des vétérinaires et auxiliaires vétérinaires présente un excès de risque d’avortement spontané comparé au groupe contrôle [RR = 2,45 ; (1,25-5,02)] (Boivin, 1997). Dans une autre étude castémoins, l’exposition aux rayons X dans la pratique vétérinaire double le risque d’avortement spontané chez les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires [RR = 2,45 ; (1,105,46)] (Johnson et al., 1987). Ces études sont anciennes et, depuis lors, la pratique de la captation des mélanges gazeux (piégés ou évacués à l’extérieur) s’est répandue (Roussel et Barret, 2003). En revanche, la protection contre les rayons X lors des radiographies est encore irrégulière, surtout au niveau du port des gants lors du maintien des animaux et de la réduction de fractures sous rayons (Roussel et Barret, 2003). 408

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Les auxiliaires vétérinaires, ainsi que d’autres personnels au contact des animaux (animalières, aides à domicile au contact des chats infectés ou de leur environnement souillé) sont potentiellement exposés à des zoonoses ayant des conséquences néfastes pour la grossesse, comme la toxoplasmose et la fièvre Q (voir le chapitre 9 sur les risques biologiques). En conclusion, l’évidence épidémiologique permet de conclure à un excès de risque d’avortement et probablement de malformation en rapport avec l’exposition des vétérinaires aux anesthésiques non captés, aux rayonnements ionisants et aux pesticides.

4. Personnel de laboratoire Le personnel des laboratoires, employé dans différents secteurs d’activité (hospitalier, universitaire, pharmaceutique, industriel), est exposé à des nuisances spécifiques souvent évolutives dans le temps. Chacune des expositions peut avoir individuellement une influence sur l’issue d’une grossesse : solvants organiques, substances cancérogènes, radio-isotopes, colorants, animaux/microorganismes, techniques ADN recombinant/ génome/ingénierie tissulaire, exposition aux virus/rétrovirus lors des techniques cellulaires humaines/animales (Bielakoff et al., 1998). Des études anciennes ont montré une augmentation du risque d’avortements spontanés (Taskinen et al., 1986 ; Bielakoff et al., 1998) et de malformations (McMartin et Koren, 1999) associée à l’exposition aux solvants dans l’industrie pharmaceutique et dans les laboratoires hospitaliers et universitaires, mais les évolutions techniques et réglementaires ont depuis modifié les expositions. Dans une étude cas-témoins menée dans les années 80 dans l’industrie pharmaceutique, un risque marginal d’avortement était associé à l’exposition au dichlorométhane (OR = 2,3 ; p = 0,06). Dans un modèle multivarié, les déterminants indépendants de l’avortement étaient l’exposition aux œstrogènes (OR = 4,2 ; p = 0,05), à au moins 4 solvants (OR = 3,5 ; p = 0,05) ou port de charges (OR = 5,7 ; p = 0,02) (Taskinen et al., 1986). Dans une étude cas-témoins conduite dans les années 90, les femmes employées dans des laboratoires de cytopathologie présentaient, après ajustement sur les facteurs de confusion, une augmentation du risque d’avortement spontané associée à une exposition au toluène plus de 3 fois/semaine [OR = 4,7 ; (1,4-15,9)], au xylène [OR = 3,1 ; (1,3-7,5)] et au formaldéhyde [OR = 3,5 ; (1,1-11,2)], mais sans effet sur les malformations (Taskinen et al., 1994). Dans un laboratoire de virologie, un taux élevé de mortalité périnatale a été rapporté, ainsi qu’un taux élevé d’anticorps antiviraux (Axelsson et al., 1980). L’hypothèse d’une aérosolisation des échantillons du sérum pendant la manipulation a été évoquée. 409

GROSSESSE ET TRAVAIL

Les études épidémiologiques plus récentes ont été pour la plupart conduites dans des pays nordiques à partir des données des registres nationaux des naissances et des hospitalisations. Les données étant recueillies à environ 16 semaines de grossesse, ces études ne permettent pas l’analyse des avortements précoces et des anomalies congénitales précoces, qui surviennent avant cette date. Dans une cohorte prospective danoise, les issues des grossesses des 1 025 techniciennes de laboratoire ont été comparables à celles de 8 037 enseignantes, en ce qui concerne les pertes fœtales tardives, les grossesses multiples, le sex-ratio, la prématurité, le retard de croissance intra-utérin et les malformations (Zhu et al., 2006b). Ces résultats sont concordants avec des études précédentes (Heidam, 1984 ; Wennborg et al., 2000). Après une évaluation de l’exposition par une matrice emplois-exposition, l’analyse des sous-groupes des techniciennes effectuant des activités spécifiques met en évidence que, comparées aux techniciennes n’ayant pas effectué ces activités, celles exposées aux radio-isotopes ont deux fois plus de risque de prématurité et de malformations, et celles effectuant les deux activités ont sept fois plus de risque de prématurité. Une relation dose-effet a été mise en évidence pour la prématurité (OR = 3,5 pour exposition fréquente au dosage radioimmunologique ; OR = 4,8 pour exposition fréquente au radiomarquage). L’étude a montré une association non significative entre l’exposition aux solvants et les malformations majeures [OR = 2 ; (0,7-5,7)], mais significative pour les groupes fortement exposés [OR = 4,5 ; (1,3-16,2)], surtout pour les malformations musculosquelettiques. L’exposition aux solvants augmente de manière non significative le risque de prématurité [OR = 1,7 ; (0,5-6)]. Les facteurs de confusion analysés ont été l’âge maternel, la parité, l’index de masse corporelle, la consommation alcoolotabagique, les antécédents d’avortement spontané, l’emploi paternel en laboratoire. Les effets des radio-isotopes sur le risque de malformation et de prématurité n’ont pas été retrouvés dans deux études suédoises rétrospectives menées dans des laboratoires de recherche biomédicale universitaires, probablement en rapport avec les mesures réglementaires strictes de contrôle de la radioactivité, ce qui n’est pas le cas pour les agents biologiques et chimiques (Wennborg et al., 2002 ; Wennborg et al., 2005). Dans une de ces études rétrospectives conduite chez les femmes employées dans les laboratoires hospitalo-universitaires, le risque de malformations majeures et de malformations spécifiques de la crête neurale ne semble pas associé à l’exposition aux bactéries, radio-isotopes, ADN recombinant ou techniques cellulaires humaines et animales exposant aux virus (Wennborg et al., 2005). Par contre, l’exposition aux solvants augmente le risque de malformations sévères [OR = 2,5 ; (1-6)] et l’exposition aux cancérogènes de groupe 1 augmente le risque de malformations de la crête neurale [OR = 4,5 ; (1,2-17,5)]. Plus particulièrement, 410

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l’exposition au benzène, qu’elle soit ancienne ou récente, représente un facteur de risque pour les malformations de la crête neurale [OR = 3,5 ; (1-12)] et ce risque augmente encore pour les grossesses des femmes enceintes au moment de l’étude [OR = 5,3 ; (1,4-21,1)]. Dans l’autre étude suédoise, les risques de prématurité et de petit poids de naissance, d’hyper-maturation et de poids supérieur à 4 kg ont été analysés dans les laboratoires universitaires (Wennborg et al., 2002). Aucun risque en rapport avec les techniques ADN recombinant, techniques cellulaires ou animales, radio-isotopes n’a été trouvé. L’exposition aux solvants est associée au risque marginal de prématurité [OR = 3,4 ; (1-11,9)] et l’exposition aux bactéries au risque marginal d’hyper-maturation [OR = 2,7 ; (1-7,4)]. Les faibles effectifs et l’absence d’analyse des autres issues de la grossesse sont les principales limites de cette étude. Dans l’étude prospective française Pelagie, 3 421 femmes ont été recrutées avant la 19e semaine de grossesse et évaluées pour l’exposition professionnelle aux solvants, à partir de l’autodéclaration et d’une matrice emplois-exposition. Les emplois de chimistes et biologistes étaient associés pour plus de deux tiers du personnel à une exposition élevée aux solvants, telle qu’évaluée par la matrice emplois-exposition (Garlantézec et al., 2009). Après ajustement sur l’âge maternel, la consommation alcoolotabagique, le niveau d’éducation et la prématurité, une relation dose-effet significative a été trouvée pour toute la population de la cohorte entre l’exposition régulière autodéclarée et les malformations majeures [OR = 2,48 ; (1,4-4,4) ; p = 0,002], surtout pour les malformations génitales masculines [OR = 3,57 ; (1,1-11,4)]. Une relation significative a été montrée entre l’exposition élevée aux solvants évaluée par la matrice et les malformations majeures [OR = 3,48 ; (1,4-8,4) ; p = 0,005], surtout pour les fissures orofaciales [OR = 12,85 ; (2,6-64,7)] et les malformations urinaires [OR = 3,40 ; (1,1-10,8)] dans le groupe exposé comparé au groupe non exposé. En conclusion, les emplois dans les laboratoires de recherche, hospitaliers et industriels, restent associés principalement aux risques de prématurité et de malformations, en rapport avec l’exposition aux radio-isotopes et aux solvants. Le risque d’avortement spontané rapporté dans des études cas-témoins anciennes n’a pas été retrouvé dans les études prospectives récentes ; le recueil trop tardif des données obstétricales et professionnelles pour l’analyse de ce risque rend cependant ces résultats discutables.

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5. Personnel au contact des enfants en bas âge Le personnel au contact des enfants en bas âge (personnel des crèches, garderies, écoles maternelles, assistantes maternelles) semble exposé à des risques d’avortement et de malformation pour l’enfant à naître en rapport avec des agents infectieux, hypothèse à l’origine des premières études menées dans les années 80 en Suède (Göthe et al., 1985) et au Québec (McDonald et al., 1987 ; McDonald et al., 1986 ; McDonald et al., 1988a ; McDonald et al., 1988b). Les infections à cytomégalovirus (CMV) et au parvovirus B19 sont communes et bénignes chez les enfants de moins de 30 mois et l’adulte jeune, ce qui n’est pas le cas chez les femmes enceintes. Les risques qu’ils engendrent sont décrits dans le chapitre 9 consacré aux risques biologiques. Vu la fréquence de ces pathologies chez les jeunes enfants, il est justifié de se poser la question de la protection immunitaire du personnel en contact de ces derniers. Dans une étude hollandaise de prévalence, plus de 70 % des enfants des garderies sont porteurs du CMV dans la salive et les urines, le risque de contamination du personnel étant multiplié par 2 par rapport au groupe témoin [OR = 2,19 ; (1,28-3,74)], surtout dans les deux premières années d’emploi [OR = 3,8 ; (1,53-9,38)]. Le taux de séropositivité du personnel suit une relation âge-dépendante, la tranche 20-24 ans présentant un taux statistiquement supérieur au groupe témoin (50 % vs 31 %) (Stelma et al., 2009). Dans d’autres études de prévalence, le taux de séropositivité du personnel des garderies rapporté au Canada est de 62-67 % et du personnel des services hospitaliers en France de 44 % (pédiatrie et immunodéprimés). Les déterminants de la séropositivité sont, dans l’étude canadienne, le pays de naissance autre que le Canada, avoir des enfants de moins de 5 ans et la taille du foyer. Les facteurs indépendants de risque de séroconversion sont l’âge inférieur à 30 ans, le travail avec des jeunes enfants et la non-utilisation des gants pour le change de couches (Ford-Jones et al., 1996). Dans l’étude française en services hospitaliers, les déterminants de la séroprévalence sont, en analyse multivariée, le contact étroit avec les enfants dans les activités de soins [OR = 2,2 ; (1,4-3,3)] et le fait d’avoir au moins un enfant [OR = 1,9 ; (1,2-3,0)]. Dans cette étude, 55,8 % des professionnels de santé sont non immunisés au CMV en relation avec un jeune âge et une faible parité (Sobaszek et al., 2000). Une revue des études de séroprévalence du CMV a montré que, chez les éducatrices des garderies dans les pays développés, les facteurs de risque de séropositivité sont l’âge plus avancé, race autre que blanche, naissance à l’étranger ou dans un pays en 412

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développement, le fait de changer des couches, la présence d’enfants à la maison et un ratio enfants/éducatrice de plus de 6/1 dans les groupes d’enfants âgés de 18 à 35 mois alors que les facteurs de risque de la séroconversion sont le jeune âge et le fait de travailler avec des jeunes enfants (Joseph et al., 2006). Pour le parvovirus, l’étude hollandaise de séroprévalence a rapporté pour le personnel des garderies un taux de séropositivité comparable au groupe témoin (71 % vs 77 %) sans relation âge-dépendante (Stelma et al., 2009). Soixante-cinq pour cent des femmes enceintes présentent une infection ancienne et leur séropositivité est corrélée significativement au nombre de frères/sœurs qu’elles avaient à l’âge de 10 ans (OR = 16 % pour chaque frère/sœur), au fait d’avoir un frère/sœur à moins de deux ans d’intervalle, au nombre d’enfants propres (OR = 1,32 à 3,08 pour 1 à 4 enfants ou plus), au niveau d’éducation [maîtresses d’écoles maternelles OR = 1,83 ; personnel des centres pour enfants de 7 à 16 ans OR = 1,30 ; infirmières OR = 0,88]. Dans une étude danoise de séroconversion, le risque d’infection aiguë au parvovirus augmente avec le nombre d’enfants propres (OR de 3,17 à 7,54 pour 1 à 3 enfants ou plus) (Valeur-Jensen et al., 1999). Après ajustement sur les facteurs de confusion (âge maternel, type d’éducation, nombre d’enfants propres), les différents modèles multivariés ont montré les taux de séroconversion les plus élevés chez les femmes enceintes qui ont des enfants âgés de 6 à 7 ans [6,7 %, OR = 4,07 ; (1,89-8,73)] et chez les maîtresses des écoles maternelles [OR = 3,09 ; (1,65-5,89)]. En population générale, le taux annuel de séroconversion des femmes enceintes en période d’épidémie est de 13 % (8,7-23,1), avec un risque attribuable aux propres enfants de 55,4 % et au risque professionnel de 6 %. Dans une étude américaine, les taux de séroconversion sont significativement plus élevés chez les institutrices (16 %), les éducatrices en garderies (9 %) et les femmes au foyer (9 %), comparés aux autres femmes actives (4 %) (Cartter et al., 1991). Les études épidémiologiques dans ces professions sont peu nombreuses et relativement anciennes (McDonald et al., 1987 ; Göthe et al., 1985 ; Ahlborg et al., 1989). L’étude canadienne de l’IRSST, menée entre 1982 et 1984 chez 56 067 femmes, a montré chez les éducatrices en garderies un excès de risque de malformation congénitale (O/A 2,19 ; p < 0,01) et d’avortement (O/A 1,78 ; p < 0,01) (McDonald et al., 1987 ; McDonald et al., 1986). Dans une étude suédoise cas-témoins, 202 femmes employées au moins un mois dans une garderie ont eu 230 grossesses exposées (travail dans la garderie au moins un jour de la 4e à la 16e semaine de grossesse) et 190 grossesses non exposées utilisées comme témoins internes (Göthe et Hillert, 1992). La fréquence des avortements spontanés est supérieure dans le groupe grossesses exposées (11,7 % vs 3,7 %, p = 0,005), et l’excès 413

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de risque est significatif quelle que soit la parité [RR = 6 ; (1,72-20,80) ; p < 0,005, pour les primipares]. Il n’y a pas d’excès de risque de prématurité, ni de malformation. Cinquante pour cent des avortements spontanés dans le groupe exposé seraient attribuables à un épisode autodéclaré de type infectieux banal, résultat concordant avec une étude précédente (Göthe et al., 1985) et suggéré aussi par l’augmentation des avortements pour les grossesses non exposées avec ses propres enfants en garderie. Le facteur stress, évalué de manière semi-quantitative, ne semble pas impliqué. Enfin, dans une autre étude suédoise prospective, les taux combinés d’avortements spontanés et morts périnatales ne sont pas augmentés parmi le personnel des écoles maternelles (Ahlborg et al., 1989). En Allemagne, la législation interdit l’emploi des femmes enceintes dans les professions exposantes au parvovirus B19, réglementation qui pourrait être révisée suite aux études médicoéconomiques qui montre une efficacité discutable de cette mesure législative (prévention de 0,2-3 pertes fœtales/an et coût de 10-150 millions d’euros/enfant vivant) (Gärtner et al., 2007). En conclusion, la séroprévalence du CMV et du parvovirus B19 ont des déterminants variés géographiques, socioéconomiques et professionnels, alors que la séroconversion semble associée à l’exercice d’un métier au contact des jeunes enfants, surtout chez les femmes jeunes qui ont leurs propres enfants en bas âge. Bien que cela interroge sur l’impact de la profession sur l’infection aiguë, les études épidémiologiques concernant les risques pour la grossesse liés à l’exercice des métiers au contact des enfants en bas âge sont peu nombreuses et relativement anciennes. Leurs résultats suggèrent un excès de risque d’avortement spontané, mais l’évidence épidémiologique est insuffisante pour conclure à un lien, surtout que les salariées sont exposées aussi à d’autres risques comme le soulèvement de charges.

6. Activités agricoles et horticoles Dans les activités agricoles et horticoles, l’exposition aux pesticides avec ou sans manipulation est associée aux effets défavorables sur la fertilité masculine et féminine, ainsi que sur les issues des grossesses : avortements spontanés, malformations congénitales, prématurité, retard de développement intra-utérin. Les fenêtres d’exposition les plus vulnérables sont, pour le père, les 3 mois précédant la conception et pour la mère l’exposition avant la grossesse et/ou pendant le premier trimestre (Figa-Talamanca, 2006). 414

Professions pour lesquelles des risques pour l’enfant sont décrits ou discutés dans la littérature 10

Dans l’étude canadienne de l’IRSST conduite entre 1982 et 1984, les femmes impliquées dans des activités agricoles et horticoles présentaient une augmentation du risque de malformations congénitales (OR = 2,6 ; p < 0,05), risque plus important pour les anomalies de développement (OR = 4,54 ; p < 0,01) (McDonald et al., 1987 ; McDonald et al., 1988b). D’autres études ont confirmé que les activités agricoles et/ou l’exposition aux pesticides des femmes sont associées à un excès de risque significatif de malformations congénitales toutes confondues [OR = 1,34 ; (1,07-1,68)] (Restrepo et al., 1990a ; Restrepo et al., 1990b), de fentes orofaciales [OR = 1,9 ; (1,1-3,5)] (Nurminen et al., 1995), d’anomalies du tube neural [spina bifida, OR de 2,2 (1,3-3,8) à 5,6 (1,8-17,8)] (Blatter et Roeleveld, 1996 ; Blatter et al., 1996), d’anomalies des membres [OR de 2,50 (1,065,90) à 2,6 (1,1-5,8)] (Kristensen et al., 1997 ; Engel et al., 2000), d’hydrocéphalie [OR = 3,49 ; (1,34-9,09)] (Kristensen et al., 1997) et de malformations cardiaques chez les agricultrices et les travailleuses dans les pêcheries à Singapour [OR = 79,69 ; (6,241017,81)] (Chia et al., 2004). Dans cette dernière étude, l’intervalle de confiance très large en rapport avec un petit échantillon suggère un degré limité de précision du résultat et de pertinence des conclusions. Une méta-analyse récente a montré une augmentation du risque d’hypospadias de 36 % ([PRR = Ratio du risque des données mises en commun = 1,36 ; (1,04-1,77)] associée à l’exposition maternelle aux pesticides (Rocheleau et al., 2009). Dans une étude cas-témoins espagnole chez 261 enfants avec des malformations spécifiques et 261 contrôles, les activités maternelles agricoles, pendant le mois précédant la conception et pendant le premier trimestre de grossesse, triplent le risque de malformations du système nerveux, de fentes palatines et de malformations multiples (Garcia et al., 1999). Les résultats des études menées en Suède, (Blatter et Roeleveld, 1996), aux Pays-Bas (Blatter et al., 1996) et en Norvège (Kristensen et al., 1997) ont montré que le risque élevé de spina bifida est associé à l’exposition aux pesticides des femmes travaillant dans les serres [OR = 2,7 ; (1,07-7,13)]. En effet, le travail en serre dans les activités floricoles et horticoles est associé à une exposition plus importante et continue aux pesticides, mais également à des contraintes physiques comme la chaleur et l’effort physique (Figa-Talamanca, 2006 ; Idrovo et Sanin, 2007). Des études menées en Colombie s’intéressant aux activités dans les serres floricoles (étude cas-témoin nichée dans une cohorte rétrospective de 5 900 travailleuses et 2 900 épouses des hommes exposés) a montré un risque d’avortement spontané 415

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[OR = 2,2 ; (1,8-2,7)] et de malformations congénitales [1,31 ; (1,64-1,95), particulièrement hémangiomes] associé à l’exposition aux pesticides (Restrepo et al., 1990a ; Restrepo et al., 1990b ; Idrovo et Sanin, 2007). Un excès de risque d’avortement spontané a été aussi trouvé en Finlande chez les travailleuses en serre appliquant les pesticides sans masque [OR = 5,1 ; (1,2-22,6)] (Taskinen et al., 1995). Plus récemment, une étude italienne a montré un excès de risque d’avortements spontanés plus important chez les travailleuses qui retournent en serre dans les 24 heures après application de pesticides comparé au risque des femmes qui appliquent les pesticides [OR = 3,2 ; (1,3-7,7) vs 2,6 (1-6,6)] (Settimi et al., 2008). Les résultats de ces études rétrospectives par questionnaires n’ont pas été confirmés dans une étude prospective danoise récente menée à partir du registre de naissances chez les femmes employées dans les activités de jardinage et dans les fermes (Zhu et al., 2006a). Chez ces 440 femmes interviewées à 16 semaines de grossesse, un risque de prématurité sévère (< 34 semaines de gestation) a été associé aux activités de jardinage [OR = 2,6 ; (1,1-5,9)], sans aucun autre effet sur la grossesse. Cependant, ces résultats ne prennent pas en compte les avortements précoces et ne sont pas extrapolables aux autres pays. Dans une étude finlandaise en population générale, un risque de prématurité a été associé aux emplois maternels dans les activités de sylviculture et dans les fermes [2,38 ; (1,01-5,65)] (Ahmed et Jaakkola, 2007). Les résultats des études concernant les effets de l’exposition aux pesticides sur le retard de développement intra-utérin sont controversés, mais il semblerait que le petit poids de naissance pourrait être associé à l’exposition aux pyréthrinoïdes (Hanke et Jurewicz, 2004). Dans une étude polonaise menée chez les travailleuses des serres, le petit poids de naissance est associé à l’effort physique et non à l’exposition aux pesticides (Jurewicz et al., 2005). Les atteintes du système reproducteur chez les fils des mères employées dans les serres et exposées aux pesticides ont été rapportées récemment dans une étude danoise cas-témoin (Andersen et al., 2008). À 3 mois, les garçons des mères exposées présentaient 3 fois plus de risque de cryptorchidie [RR = 3,2 ; (1,4-7,4)] et avaient un pénis plus court (p = 0,04). En analyse multivariée, le volume testiculaire et les taux sériques de testostérone et inhibine B (substance qui reflète directement la spermatogenèse au niveau des tubes séminifères) sont significativement plus bas, alors que les taux sériques de FSH (hormone folliculostimulante), de SHBG (globuline se liant aux hormones sexuelles) et le rapport LH (hormone lutéinisante)/testostérone sont élevés (p = 0,012). Ces résultats suggèrent un effet défavorable de l’exposition actuelle aux 416

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pesticides des femmes enceintes sur le développement du système reproducteur masculin dans la descendance. Un retard de développement neurocomportemental a été décrit chez les enfants âgés de 3 à 23 mois dont les mères ont été employées pendant la grossesse dans l’industrie floricole en Équateur, industrie où les nuisances sont multiples : exposition aux pesticides, fatigue physique, stress. Le retard est significatif pour les acquisitions motrices fines [–13 % (–22 % - –5)] et la faible acuité visuelle [OR = 4,7 ; (1,1-20)] (Handal et al., 2008). Dans la plupart des études, l’exposition aux pesticides (terme générique incluant les insecticides, herbicides, fongicides…) ne précise ni leur type, ni leur quantité. Sans être conçues pour évaluer l’exposition professionnelle, deux études récentes ont montré une association entre le dosage sanguin du DDT et le risque d’avortement spontané et une association entre le dosage sanguin de son métabolite DDE et le risque de prématurité et retard de croissance intra-utérin (Korrick et al., 2001 ; Longnecker et al., 2001). En dehors de l’exposition aux pesticides, l’exposition aux mycotoxines des céréales a été évoquée pour expliquer le risque deux fois plus élevé d’avortement tardif chez les agricultrices norvégiennes (Kristensen et al., 1997). Ce risque est plus élevé après la moisson et pendant les saisons avec une probabilité maximale de formation de mycotoxines, connues comme reprotoxiques (Hood et Szczech, 1983). Les activités agricoles dans les pays en voie de développement demandent des efforts physiques importants souvent poursuivis jusqu’à la fin de la grossesse ; dans une cohorte rétrospective de 958 femmes travaillant dans une plantation de canne à sucre au Brésil, les 250 femmes qui ont poursuivi leur travail au moins 3 mois pendant les 2e et 3e trimestres ont eu des enfants de plus petit poids, différence significative après ajustement sur les facteurs de confusion (–190 g, p = 0,02) (Lima et al., 1999). En conclusion, dans les activités horticoles et agricoles, les nuisances sont multiples (pesticides, charge physique, chaleur) et l’évidence épidémiologique est suffisante pour conclure à un risque de malformation et d’avortement spontané. L’exposition aux pesticides est particulièrement importante dans la production floricole et dans les serres, mais les résultats des études récentes varient selon les pays. En effet, des études prospectives dans les pays développés ont montré des liens avec la prématurité, les anomalies et le retard de développement du système reproducteur mâle et l’avortement spontané. Dans les pays en voie de développement, les risques d’avortement spontané et de retard de développement intra-utérin en rapport avec l’exposition aux pesticides et la charge physique restent importants.

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7. Métiers des services 7.1. Coiffeuses, esthéticiennes et assimilées Les coiffeuses, esthéticiennes et assimilées exercent leur métier dans un environnement professionnel complexe où les nuisances sont multiples : produits chimiques (permanentes, shampoings, teintures, décolorations, laques, détergents), position debout/courbée prolongée, stress, contraintes psychologiques. La toxicité pour la reproduction a été montrée dans des études animales pour le sulfure de sélénium (shampoings antipelliculaires), diaminotoluène et phénylènediamines (teintures), dibuthylphtalates (laques), mais les concentrations atmosphériques de ces produits dans les salons de coiffure sont relativement basses (Kersemaekers et al., 1995). Chez l’humain, la toxicité pour la reproduction a été montrée pour les solvants organiques (laques), nitrosamines, hexachlorophène (Rylander et Källén, 2005). La position debout prolongée et le stress professionnel sont également associés à des effets néfastes sur la grossesse (Fenster et al., 1997 ; Hedegaard, 1999). Les risques sur la grossesse en lien avec la profession de coiffeuse ont été analysés dans quelques études épidémiologiques récentes conduites par des équipes scandinaves et de l’Europe du Nord (Rylander et al., 2002 ; Rylander et Källén, 2005 ; Kersemaekers et al., 1997 ; Zhu et al., 2006c; Baste et al., 2008). Une première étude hollandaise, menée par autoquestionnaire, a inclus 9 000 coiffeuses ayant accouché en 1986-1988 et 1991-1993 (Kersemaekers et al., 1997). L’étude a montré un excès de risque non significatif de petits poids et de malformations, et un excès de risque marginal d’avortement spontané [OR = 1,6 ; (1-2,4)]. Plus précisément, le risque de petit poids est significatif pour la période 1986-1988 mais devient non significatif pour la période 1991-1993. Les auteurs évoquent une utilisation de produits moins toxiques dans la deuxième période. Deux études suédoises ont utilisé le registre suédois des naissances, qui enregistre toutes les naissances depuis 1973 et les données professionnelles maternelles depuis 1983 (Rylander et al., 2002 ; Rylander et Källén, 2005). Dans une première cohorte rétrospective ayant inclus 3 706 coiffeuses/6 960 enfants nés entre 1973-1994, comparée à un groupe de référence dans la population générale et après ajustement sur 7 facteurs de confusion (âge maternel, tabac, parité, poids et taille maternels, sexe de l’enfant, année de naissance), les coiffeuses ont présenté un risque significatif de retard de croissance intra-utérin [OR = 1,4 ; (1,1-1,7) ; p = 0,004] et de malformations majeures [OR = 1,3 ; (1,1-1,6) ; p = 0,01]. Le risque de petit poids de 418

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naissance est à la limite de la significativité [OR = 1,2 ; (1-1,5) ; p = 0,06] et le sexratio est normal (M/F = 1,07/1,06) (Rylander et al., 2002). À part un risque marginal de petit poids associé au travail hebdomadaire de plus de 30 heures [OR = 1,8 ; (1-3,3) ; p = 0,06], aucune autre association avec les expositions professionnelles n’a été trouvée pour les autres issues défavorables. L’analyse des malformations spécifiques n’a pas été possible dans cette étude en raison de la faible puissance, mais d’autres études ont rapporté des excès de risques de fente palatine et atrésie choanale (Lorente et al., 2000 ; Martinez-Frias et al., 2000). Une deuxième étude suédoise prospective a inclus 8 384 coiffeuses/12 046 enfants nés entre 1983 et 2001, avec un recueil des données professionnelles à 10-12 semaines de grossesse (Rylander et Källén, 2005). Comparé à une population témoin active et après ajustement sur 4 facteurs de confusion, le groupe des coiffeuses travaillant à plein temps présente un excès de risque de retard de croissance intra-utérin [OR = 1,2 ; (1,061,36)], un excès de risque de prématurité pour les coiffeuses travaillant à temps partiel [OR = 1,20 ; (1,04-1,37)] et pour toute la cohorte de coiffeuses un risque marginal de petit poids de naissance [OR = 1,11 ; (1-1,21)]. Une récente étude prospective danoise, menée chez 550 coiffeuses comparées à un groupe témoin de 3 216 vendeuses, n’a pas trouvé de différence de risque sur la grossesse et le développement de l’enfant après ajustement sur des facteurs de confusion (âge, antécédents obstétricaux, tabac, alcool, IMC…) ; une puissance statistique insuffisante et une amélioration des conditions de travail pourraient expliquer ces résultats (Zhu et al., 2006c ; IARC, 1993). Interpellé par ces résultats négatifs, un groupe norvégien a réalisé en 1997-1999 une étude rétrospective en population générale dans la région d’Hordaland incluant 16 907 femmes nées entre 1953-1957 et 1950-1951 (Baste et al., 2008). Comparé à un groupe témoin de 10 291 femmes actives et après ajustement sur le tabac, l’âge et le niveau d’études, le groupe des 221 coiffeuses présente un risque significatif d’avortement spontané [RR = 1,31 ; (1,07-1,60)] et d’infertilité [RR = 1,30 ; (1,081,55)]. Dans une étude prospective récente conduite en Bretagne entre 2002 et 2005, 3 421 femmes ont été recrutées avant la 19e semaine de grossesse et leur exposition professionnelle aux solvants évaluée à partir d’une autodéclaration et d’une matrice emplois-exposition (Garlantézec et al., 2009). Parmi les 55 coiffeuses et esthéticiennes, 93 % autodéclarent une exposition régulière aux solvants et 100 % font partie du groupe « exposition intermédiaire » évaluée par la matrice emplois-exposition. Une relation dose-effet significative a été trouvée entre une exposition aux solvants régulière et les 419

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malformations majeures [OR = 2,48 ; (1,4-4,4) ; p = 0,002 et OR = 3-4 pour les malformations urogénitales]. Le groupe exposé tel qu’évalué par la matrice emplois-exposition présentait un excès de risque de fentes orofaciales composé au groupe non exposé [OR = 12,85 ; (2,6-64,7)]. L’ajustement a été réalisé sur 5 facteurs de confusion (âge maternel, statut alcoolotabagique, niveau d’études, prématurité). Dans une étude rétrospective conduite en 2000 à partir du registre de naissance au Connecticut, les métiers de coiffeuses, esthéticiennes, et assimilés, sont associés, après ajustement sur 5 facteurs de confusion, à un risque de petit poids de naissance [OR = 2,45 ; (1,32-4,55)], plus important pour les enfants nés à terme [OR = 2,97 ; (1,266,98)] (Meyer et al., 2008). En conclusion, l’évidence épidémiologique est suffisante pour conclure à un risque de retard de développement intra-utérin et de prématurité associé au métier de coiffeuse. L’analyse des effets des expositions aux reprotoxiques, aux contraintes physiques et psychologiques n’est pas claire. Un risque de malformations congénitales et d’avortement spontané est discuté.

7.2. Métiers du nettoyage et de l’entretien Dans les activités de blanchisserie et de nettoyage à sec, l’exposition aux solvants organiques (tétrachloroéthylène, acétone, hydrocarbures halogénés, hydrocarbures aromatiques comme le trichloroéthylène, fluorocarbones, toluène) et à des mélanges de solvants est bien documentée. Dans une étude cas-témoins finlandaise menée chez 932 travailleuses de blanchisserie et nettoyage à sec ayant travaillé au moins 3 mois entre 1973 et 1983, le risque d’avortement spontané a été associé en analyse univariée à une exposition élevée au tétrachloroéthylène [OR = 3,6 ; (1-11)], à l’activité de nettoyage à sec [OR = 4,9 ; (1,3-19,5)] et à la consommation fréquente d’alcool [OR = 2,1 ; (1-4,3)] (Kyyrönen et al., 1989). En analyse multivariée, l’association est à la limite de la significativité pour l’exposition élevée au tétrachloroéthylène [OR = 3,4 ; (1-11)], la consommation fréquente d’alcool [OR = 2 ; (1-4)] et le port de charges lourdes [OR = 1,9 ; (1-2,8)]. La manipulation d’autres solvants que le tétrachloroéthylène pendant le premier trimestre de grossesse est aussi associée à un risque élevé de malformations congénitales [OR = 5,9 ; (1-35,7)]. D’autres études scandinaves ont trouvé des résultats négatifs (Bosco et al., 1987 ; Ahlborg, 1990), mais une analyse commune de toutes les données scandinaves a montré, pour les employées des entreprises de nettoyage à sec exposées au tétrachloroéthylène 420

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pendant le 1er trimestre de grossesse, un excès de risque d’avortement spontané en Finlande [OR = 4,53 ; (1,11-18,5)] et un excès de risque de malformations, d’avortements, de petits poids de naissance et de mortalité périnatale pour les expositions élevées dans tous les pays scandinaves [OR = 2,95 ; (1,14-7,65)] (Olsen et al., 1990). Une étude cas-témoins anglaise menée chez 7 305 femmes employées dans des blanchisseries ou des entreprises de nettoyage à sec a montré pour les opératrices exposées au tétrachloroéthylène les 3 mois précédents ou pendant la grossesse un excès de risque d’avortement spontané [OR = 1,67 ; (1,17-2,36)] (Doyle et al., 1997). Les risques physiques (port de charges lourdes, station debout prolongée, postures pénibles, température) et la consommation alcoolotabagique sont fréquemment décrits dans ces activités, mais leur prise en compte comme facteurs de confusion n’est pas constante dans les études présentées. Les femmes de ménage sont exposées aux solvants qui entrent dans la composition des produits de nettoyage, comme les éthers de glycol dans les produits type lave-vitres. L’étude canadienne de l’IRSST menée entre 1982 et 1984 a montré un excès significatif de risque de petits poids de naissance pour les enfants de femmes de ménage/ employées de maison/concierges (O/A 1,42 ; p < 0,01) (McDonald et al., 1987). Une étude française cas-témoins conduite entre 1984-1987 a analysé 325 cas de malformations congénitales sévères (McDonald et al., 1988c). Les résultats ont montré un excès de risque de fissures orales chez les femmes de ménage/concierges [OR = 8 ; (1,5-8)]. Pour tous les métiers du nettoyage, l’exposition aux solvants est fortement associée au risque de fissures orales [OR = 7,9 ; (1,8-44,9)], d’atrésies gastro-intestinales [OR = 11,9 ; (2-148,8)] et de malformations multiples [OR = 4,5 ; (1,4-16,9)]. Dans une autre étude cas-témoins, le risque de spina bifida chez les enfants des femmes de ménage est aumenté mais de manière non significative [OR = 1,7 ; (0,9-3,4)] (Blatter et Roeleveld, 1996). Dans une étude prospective récente conduite en Bretagne entre 2002 et 2005, 3 421 femmes ont été recrutées avant la 19e semaine de grossesse et évaluées pour l’exposition professionnelle aux solvants à partir de l’autodéclaration et d’une matrice emplois-exposition (Garlantézec et al., 2009). Parmi les 207 femmes de ménage et assimilées, 80 % ont autodéclaré une exposition régulière aux solvants. Après ajustement pour l’âge maternel, la consommation alcoolotabagique et le niveau d’éducation, une relation dose-effet significative a été trouvée pour toute la cohorte entre une exposition régulière autodéclarée aux solvants et le risque de malformations majeures [OR = 2,48 ; 421

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(1,4-4,4) ; p = 0,002] surtout de malformations génitales [OR = 3,57 ; (1,1-11,4)]. Un excès de risque de fissures orofaciales [OR = 12,85 ; (2,6-64,7)] et de malformations urinaires [OR = 3,40 ; (1,1-10,8)] a été trouvé chez les exposées (évaluées par la matrice emplois-exposition) comparées aux non-exposées. Des études en cours ont comme objectif une meilleure évaluation de l’exposition par les dosages des biomarqueurs d’exposition et la description des produits utilisés dans chaque profession. En conclusion, les données épidémiologiques permettent de conclure à une relation significative entre les métiers du nettoyage et le risque d’anomalies de développement et d’avortement spontané, en rapport principalement avec l’exposition aux solvants. À noter cependant que dans ces activités, particulièrement dans les pressings, les nuisances physiques et la consommation alcoolotabagique sont importantes.

7.3. Métiers de la restauration et de la vente L’étude canadienne de l’IRSST, menée chez 56 067 femmes interrogées entre 1982 et 1984, a analysé les risques pour les issues de la grossesse (avortements spontanés, malformations, mort-nés, petits poids de naissance) en relation avec l’emploi maternel (au moins 30 heures hebdomadaires au moment de la conception), après ajustement pour 10 facteurs de confusion (âge, consommation alcoolotabagique, parité, niveau d’études des deux parents, ethnie, taille, antécédent d’avortement et de petit poids de naissance) (McDonald et al., 1987 ; McDonald et al., 1986 ; McDonald et al., 1988a ; McDonald et al., 1988b). Six secteurs d’activités ont été analysés en relation avec les grossesses en cours et antérieures : secteur managérial, secteur de la santé, emplois de type administratif, métiers de la vente, métiers des services, secteur industriel. Dans cette cohorte, les métiers des services étaient associés à un excès de risque de malformations congénitales toutes confondues (O/A = 1,21 ; p = 0,02) (McDonald et al., 1988b). L’analyse par type de malformations (anomalies chromosomiques, anomalies de développement, anomalies musculosquelettiques) a montré un excès de risque d’anomalies musculosquelettiques chez les serveuses et barmaids (O/A = 1,46 ; p < 0,05). Les malformations musculosquelettiques (pied bot, luxation congénitale de hanche, hernie congénitale) sont associées aux postures et contraintes de travail agissant plus tard dans la grossesse et provoquant probablement une compression sur l’utérus (McDonald et al., 1988b). Ainsi, dans cette étude, le pied bot est associé aux efforts physiques avant 20 semaines (O/A = 1,54 ; p < 0,05), alors que les hernies congénitales ont été associées au soulèvement de charges lourdes (O/A = 1,46 ; p < 0,05) surtout avant 20 semaines de grossesse (O/A = 1,73 ; p < 0,05), et à une durée hebdomadaire de travail d’au moins 422

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46 heures (O/A = 2,46 ; p < 0,01). Le risque élevé de luxation congénitale de hanche a été associé de manière significative avec la durée hebdomadaire de travail et de manière non significative avec la posture debout. Les anomalies de développement et chromosomiques dans ces activités semblent liées davantage aux facteurs non professionnels (niveau d’éducation, ethnie, tabac, âge maternel) qu’à une exposition peu probable aux tératogènes en début de grossesse. Dans le secteur de la restauration, il faut retenir l’exposition passive à la fumée de cigarettes au moment de l’étude, ce qui n’est plus le cas actuellement étant donné les nouvelles lois anti-tabac. Dans la même étude, les métiers de serveuse et barmaid ont été associés au risque d’avortement spontané précoce (< 16 semaines) (OA = 1,19 ; p < 0,05) et au petit poids de naissance (O/A = 1,17 ; p < 0,1). Les métiers de la vente étaient aussi associés au risque d’avortement spontané précoce (< 16 semaines) (OA = 1,15 ; p < 0,05) et au risque de mort-né (OA = 1,85 ; p < 0,05) (McDonald et al., 1987 ; McDonald et al., 1986 ; McDonald et al., 1988a). Pour tous les secteurs d’activité analysés, les contraintes associées à un ratio élevé d’avortements spontanés observés/attendus (O/A) sont : soulèvement de charges lourdes ≥ 15 fois/jour (1,45), effort physique (1,37), station debout ≥ 8 heures/jour (1,18), durée du travail hebdomadaire ≥ 46 heures (1,19), travail posté (1,25), bruit (1,18), exposition au froid (1,19) et aux vibrations (1,13). Une relation dose-effet significative avec augmentation du rapport O/A a été trouvée pour le soulèvement de charges, l’effort physique, la durée hebdomadaire de travail, l’exposition au bruit et aux vibrations, mais cette relation est non significative pour la station debout prolongée. En analyse multivariée, ces contraintes restent des facteurs de risque significatifs d’avortement spontané, bien que les associations soient plus faibles : RR = 1,32 (p < 0,01) pour le soulèvement de charges ; 1,26 (p < 0,01) pour l’effort physique ; 1,09 (p < 0,05) pour la station debout ≥ 8 heures/jour ; 1,13 (p < 0,05) pour la durée de travail hebdomadaire ≥ 46 heures ; 1,17 (p < 0,05) pour le travail posté ; 1,20 (p < 0,01) pour l’exposition au froid. Les contraintes associées au risque de mort-nés sont : l’effort physique (O/A = 1,87 ; p < 0,01), la station debout ≥ 8 heures/jour (O/A = 1,46 ; p < 0,05), et l’exposition aux vibrations (O/A = 2,81 ; p < 0,01). En ce qui concerne le petit poids de naissance, des études plus anciennes (McDonald et al., 1988c) ou plus récentes (Escriba-Agüir et al., 2001) ont montré une association 423

GROSSESSE ET TRAVAIL

entre la prématurité et le port de charges de plus de 5 kg (RR = 1,73) et entre la prématurité et un index d’effort physique calculé à partir des variables « station debout + postures pénibles + port de charge > 5 kg » et classé en 3 catégories (RR = 2,31/1,59/1, pour un index élevé/intermédiaire/bas). Dans une étude finlandaise récente, le risque de retard de croissance intra-utérin dans les secteurs des services et administratif [OR = 1,85 ; (1,23-2,78)] n’a pas été significatif après ajustement sur 7 facteurs de confusion (Ahmed et Jaakkola, 2007). Dans le secteur de la restauration, une étude américaine récente a montré un excès de risque de petit poids [OR = 4,67 ; (1,73-12,63)], plus élevé pour les naissances à terme [OR = 6,34 ; (1,79-22,41)] (Meyer et al., 2008). En conclusion, l’évidence épidémiologique suggère que les métiers de la restauration pourraient être associés aux risques de pertes fœtales, de retard de développement intrautérin et de prématurité. Un excès de risque d’anomalies musculosquelettiques a été rapporté dans les métiers de la restauration en rapport avec des postures et contraintes de travail agissant tardivement dans la grossesse. Par contre, les nuisances physiques agissant dans les stades précoces de la grossesse (soulèvement de charges, effort physique, station debout prolongée, horaires de travail longs et/ou irréguliers) semblent les principaux déterminants du risque d’avortement spontané, de retard de développement intra-utérin et de prématurité dans les métiers des services et de la vente.

8. Métiers de l’industrie et de l’artisanat Dans l’étude canadienne de l’IRSST menée entre 1982 et 1984 chez 56 067 femmes, le travail dans le secteur industriel d’au moins 30 heures hebdomadaires au moment de la conception était associé à un excès de risque de malformations congénitales (O/A = 1,14 ; p < 0,05) et de petit poids de naissance (O/A = 1,19 ; p < 0,01) (McDonald et al., 1987 ; McDonald et al., 1986 ; McDonald et al., 1988a ; McDonald et al., 1988b). L’association était plus importante entre le petit poids de naissance et le travail dans le secteur alimentaire (O/A = 1,55 ; p < 0,01), dans l’industrie de l’habillement (O/A = 1,17 ; p < 0,01) et dans l’industrie des métaux et de l’électronique (O/A = 1,50 ; p < 0,01). Dans l’industrie des métaux et de l’électronique a été également montré un excès significatif du risque de malformation congénitale (O/A = 1,36 ; p < 0,05), de petit poids (O/A = 1,50 ; p < 0,01), et d’avortement spontané précoce (O/A = 1,20 ; p < 0,05) et tardif (O/A = 1,47 ; p < 0,05). 424

Professions pour lesquelles des risques pour l’enfant sont décrits ou discutés dans la littérature 10

Plus récemment, dans une étude finlandaise menée chez 2 590 femmes ayant accouché entre 1996 et 1997, les travailleuses des secteurs industriel, minier et du bâtiment ont présenté un excès significatif de risque de petit poids (6 %) comparées aux femmes au foyer (1,5 %) [OR = 4 ; (1,23-13,58)]. Le risque de prématurité et de retard de développement intra-utérin n’est plus significatif après ajustement sur 9 facteurs de confusion (Ahmed et Jaakkola, 2007). Les études épidémiologiques s’intéressant à des secteurs industriels bien identifiés sont peu nombreuses. Dans ces études, les relations avec les issues de la grossesse sont analysées plus particulièrement par poste de travail et/ou métier.

8.1. Industrie du cuir et des textiles Dans les industries du cuir et des textiles, les tanneries et les teintureries, ce sont principalement les expositions aux solvants organiques qui sont associées aux risques pour la grossesse. Concernant les effets des solvants sur les issues de la grossesse, la littérature est très abondante (voir le chapitre 4 sur les risques chimiques). Une étude prospective allemande menée chez 3 946 femmes interrogées à 15-28 semaines de grossesse a analysé la relation entre le retard de développement intra-utérin et l’exposition professionnelle à quelques produits chimiques, l’exposition ayant été évaluée par une matrice emplois-exposition (Seidler et al., 1999). Dans des modèles multivariés, l’exposition modérée aux chlorophénols ainsi que l’exposition élevée aux amines aromatiques sont associées à un excès de risque de retard de croissance intra-utérin [OR = 7 ; (1-43)]. Presque toutes les femmes exposées étaient des travailleuses du cuir ou des tanneuses, chez qui une exposition faible au mercure a été aussi identifiée et associée au petit poids de naissance [OR = 1,8 ; (1,1-2,8)]. Dans cette étude, aucune travailleuse n’avait une exposition modérée ou élevée au mercure. En effet, dans les métiers de la peausserie et de la production des objets en cuir et des chaussures, ainsi que dans les tanneries, l’exposition aux solvants organiques est décrite pour les hydrocarbures aliphatiques, hydrocarbures halogénés et solvants aromatiques autres que le benzène. Dans une étude cas-témoins italienne à partir du registre Eurocat de Florence, les associations avec des malformations congénitales spécifiques ont été analysées en fonction de 4 types de professions (santé, coiffure, teinturerie, production d’objets en peau et cuir) (Bianchi et al., 1997). Les travailleuses du cuir ont présenté un excès de risque de fentes orales [OR = 3,9 ; (1,5-9,8)], surtout de fentes palatines isolées [OR = 5,4 ; (1,813,4)]. L’association est significative pour la production des objets en cuir [fentes orales 425

GROSSESSE ET TRAVAIL

OR = 3,8 ; (1,4-8,5), fentes palatines isolées OR = 5 ; (1,2-14)], mais non significative en raison des petits effectifs pour les métiers de tanneur, teinturier cuir, chausseur. Une autre étude espagnole cas-témoins confirme l’augmentation du risque de fentes orales chez les enfants nés de mères travaillant comme assembleuses dans les 3 mois précédant la conception, la plupart dans la fabrication des chaussures [OR = 6 ; (1,5-26)] (Garcia et Fletcher, 1998). En effet, dans l’industrie de la chaussure, les salariées ne sont pas exposées seulement au cuir, mais aussi au caoutchouc et aux solvants qui composent les colles. Ainsi, l’utilisation des colles contenant des hydrocarbures aliphatiques a été associée, dans une étude italienne, au risque d’avortement spontané pour les expositions élevées [OR = 3,85 ; (1,24-11,9)] (Agnesi et al., 1997). À noter que dans ces études aucun excès de risque n’a été retrouvé pour les malformations congénitales du système nerveux, cardiovasculaire, urogénital, digestif, membres et musculosquelettiques. Dans l’étude canadienne de l’IRSST, le risque de malformations congénitales analysé pour 47 913 grossesses a montré chez les travailleuses du cuir un excès de risque de malformations musculosquelettiques (O/A = 2,13 ; p < 0,05), de mort-nés (O/A = 2,59 ; p < 0,01) et de malformations congénitales toutes confondues (O/A = 1,39 ; p < 0,1) (McDonald et al., 1987 ; McDonald et al., 1986 ; McDonald et al., 1988a). Dans cette même étude, les travailleuses du textile présentaient un excès de risque significatif pour les mort-nés (O/A = 1,90 ; p < 0,01) et les travailleuses de l’habillement un excès de risque pour le petit poids de naissance (O/A = 1,15 ; p < 0,1) (McDonald et al., 1987). Dans l’étude cas-témoins italienne à partir du registre Eurocat de Florence, les activités de teinturerie/textile ont été associées aux malformations multiples [OR = 1,9 ; (1-3,8)] comme hydrocéphalie et fentes palatines et/ou orales, fente palatine et absence du diaphragme, spina bifida et malformation cardiaque, communication interventriculaire, atrésie œsophagienne et absence de diaphragme (Bianchi et al., 1997). Une autre étude confirme l’association entre l’exposition aux teintures et les malformations cardiovasculaires [anomalies du septum ventriculaire, syndrome du cône artériel (transposition des gros vaisseaux, tétralogie de Fallot)] [OR = 2,9 ; (1,2-7,5)] (Garcia et Fletcher, 1998). Les expositions aux endotoxines et l’effort physique avec port de charges pourraient être associés au risque de petit poids décrit dans l’industrie textile dans une étude américaine menée en 2000 à partir d’un registre de naissance [OR = 3,71 ; (1,08-12,81)] (Meyer et al., 2008). 426

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Chez les travailleuses dans l’industrie textile en Chine, le travail posté a été associé aux risques de prématurité [OR = 2 ; (1,1-3,4)] et de petit poids [OR = 2 ; (1,1-4)] (Xu et al., 1994).

8.2. Industrie du caoutchouc et du plastique Plusieurs études ont rapporté chez les femmes travaillant dans l’industrie du caoutchouc des effets marginaux sur les issues des grossesses comme le risque d’avortement spontané (Axelson et al., 1983 ; Figa-Talamanca, 1984), de malformations congénitales (McDonald et al., 1988b) et de mort-nés (Savitz et al., 1989). Les expositions aux toxiques pour la reproduction (solvants, nitrosamines, phtalates, hydrocarbures aromatiques polycycliques) sont bien documentées dans l’industrie du caoutchouc. Bien que les conditions de travail se soient améliorées dans le temps, les résultats d’une étude suédoise publiée en 2009 ont montré la persistance des risques pour les enfants nés entre 1973 et 2001 en relation avec l’exposition maternelle et/ou paternelle [17 918 enfants nés de parents ouvrier(e)s dans l’industrie du caoutchouc] (Jakobsson et Mikoczy, 2009). Si les effets sur les malformations et les mort-nés ne sont pas significatifs, l’exposition maternelle au cours des 9 mois de grossesse est associée à l’inversion du sex-ratio [OR pour fille 1,15 ; (1,02-1,31)], au retard de développement intra-utérin [OR = 2,15 ; (1,45-3,18)], au petit poids de naissance [–101 g ; (–189 - –13)]. Ces excès de risque sont plus importants si les deux parents sont exposés, pour le petit poids de naissance [–142 g ; (–229 - –54)], sex-ratio [OR pour fille 1,28 ; (1,02-1,62)], grossesses multiples [OR = 2,42 ; (1,17-5,01)], particulièrement dans la période 19882001 pour le petit poids de naissance [–164 g ; (–260 - –68)] et l’effet sur le sex-ratio [OR pour fille 1,70 ; (1,23-2,36)]. Le risque de prématurité qui est non significatif pour la période 1973-1987 devient significatif pour la période 1988-2001. Bien que l’évaluation de l’exposition n’ait pas été possible dans cette étude, sa qualité méthodologique remarquable (groupes de référence externe et interne, groupe de référence exposition interne, prise en compte de nombreux facteurs de confusion, utilisation des trois registres nationaux) rend ces résultats robustes et indique une augmentation surprenante du risque de prématurité, petit poids et inversion du sex-ratio dans la période 1988-2001 comparé à la période 1973-1987. Enfin, dans l’industrie du plastique, l’exposition au styrène a été associée à un excès de risque d’avortement spontané (Hemminki et al., 1980). Dans le même secteur, une 427

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augmentation non significative du risque de malformations congénitales (McDonald et al., 1988b) et de mort-nés (Savitz et al., 1989) a été rapportée, ainsi qu’une augmentation significative du risque d’avortement spontané (Figa-Talamanca, 1984).

8.3. Industrie de l’électronique, métaux, pétrochimie. Peintres Dans une revue des études épidémiologiques, l’exposition aux éthers de glycol dans l’industrie de l’électronique (fabrication de semi-conducteurs, des condensateurs) et dans la sérigraphie a été associée aux avortements spontanés (OR 2,2 à 5,3) et aux malformations congénitales sévères (faciales, oculaires, génitales, tube neural, fentes orales) (OR 1,4 à 2,3) (Figa-Talamanca et al., 1997). Dans une étude rétrospective menée à Taiwan à partir des registres des naissances, des cancers et des assurances professionnelles, un excès de risque de cancer de l’enfant a été montré pour 41 000 femmes employées entre 1973 et 1992 dans l’industrie électronique dans le période péri-conceptionnelle [RR = 2,26 ; (1,12-4,54)], risque plus important pour les leucémies [RR = 3,83 ; (1,17-12,55)] (Sung et al., 2008). Le risque de cancer chez l’enfant est plus élevé pour les mères moins éduquées [RR = 3,05 ; (1,20-7,74) pour ≤ 6 ans d’études], en rapport avec des emplois dans les activités d’assemblage plus exposées aux solvants organiques. Les travailleuses dans l’industrie pétrochimique en Chine présentent un risque d’avortement spontané associé à l’exposition au benzène [OR = 2,5 ; (1,7-3,3)], à l’essence [OR = 1,8 ; (1,1-2,9)] et à l’hydrogène sulfuré [OR = 2,3 ; (1,24,4)] (Xu et al., 1998). Un excès de risque de petit poids est associé à l’exposition aux solvants [–81,7 g ; p < 0,05] (Ha et al., 2002a) et au travail debout [(–17,7 g ; p = 0,03] (Ha et al., 2002b). Les données épidémiologiques concernant les risques pour la grossesse liés à l’exposition professionnelle aux métaux sont rares. Des études anciennes ont rapporté un risque marginal d’avortements spontanés associé à la profession maternelle de fondeur (Nordström et al., 1979a), des malformations multiples dans une fonderie de cuivre (Nordström et al., 1979b) et un excès significatif de risque d’avortement chez les employées dans l’industrie métallurgique (Vaughan et al., 1984) et des semi-conducteurs (Pastides et al., 1988). L’effet de l’exposition maternelle au nickel a été étudié dans une étude prospective à partir du registre de naissance KOLA dans une région de la Russie, chez les femmes employées dans une raffinerie de nickel et cuivre-nickel pour lesquelles l’exposition a 428

Professions pour lesquelles des risques pour l’enfant sont décrits ou discutés dans la littérature 10

été évaluée par des mesures atmosphériques et urinaires (Vaktskjold et al., 2008). Bien que les malformations musculosquelettiques soient deux fois plus fréquentes comparées aux données européennes (Eurocat, 2007), elles ne semblent pas associées à l’exposition au nickel, qui est également sans effet sur les risques d’avortements spontanés, de retards de développement intra-utérin ou de malformations génitales (Vaktskjold et al., 2007). L’exposition environnementale au plomb est associée à la prématurité et au petit poids de naissance, mais, dans une étude norvégienne, l’exposition professionnelle des futures mères était associée à un excès de risque d’anomalies du tube neural [OR = 2,87 ; (1,05-6,38)] et de petit poids [1,34 ; (1,12-1,60)] (Irgens et al., 1998). Plus récemment, au Mexique, une étude cas-témoin nichée dans une cohorte prospective de femmes enceintes a analysé le risque d’avortement spontané en relation avec la plombémie (Hertz-Picciotto, 2000). Les cas ont présenté une plombémie significativement plus élevée que les témoins (12 vs 10 μg/dL, p = 0,02) et, après ajustement sur les facteurs de confusion (consommation alcoolotabagique et de café, âge, niveau d’éducation et de revenus, activité physique, usage des teintures pour les cheveux, usage des spermicides, antécédents médicaux), chaque augmentation de 1 μg/dL de la plombémie était associée à un excès de risque d’avortement spontané [OR = 1,13 ; (1,01-1,3)]. Étant donné les niveaux élevés de la plombémie au Mexique (> 10 μg/dL), cette relation dose-effet peut être aussi exprimée comme chaque augmentation de 5 μg/dL de la plombémie qui double le risque d’avortement [OR = 1,8 ; (1,1-36,1)]. L’exposition aux peintures et laques pendant le premier trimestre de grossesse a été associée au risque de malformations cardiaques (des gros vaisseaux, syndrome du cône artériel) (OR = 2,9) (Tikkanen et Heinonen, 1992). Dans une étude danoise, un excès de risque d’avortement spontané à la limite de la significativité a été montré pour les peintres (Heidam, 1984). En conclusion, les expositions industrielles aux reprotoxiques avérés, comme les solvants ou les métaux, sont associées aux risques de malformations congénitales et de pertes fœtales. Une seule étude rétrospective suggère un excès de risque de cancer de l’enfant chez les travailleuses de l’industrie électronique. Cependant, ces expositions, ainsi que les nuisances physiques (effort physique, travail posté, travail debout), sont variables d’un pays à l’autre et pourraient expliquer les risques persistants de prématurité, de retard de développement intra-utérin et d’inversion du sex-ratio dans les pays développés.

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9. Personnel navigant Les contraintes du milieu aéronautique et ses risques potentiels pour l’enfant à naître sont en rapport avec l’hypoxie, les rayonnements ionisants, la dépressurisation, les contraintes biomécaniques, le bruit, les décalages horaires, les maladies infectieuses et parasitaires, les contraintes psychologiques et organisationnelles (horaires de vol, pression sécuritaire, environnement socioprofessionnel) (Timbal, 1994 ; Monclus, 2006). Les études épidémiologiques chez le personnel navigant en état de grossesse sont peu nombreuses, en raison probablement du faible effectif qui continue à exercer cette activité pendant la grossesse. Dans une étude américaine, le taux d’avortement spontané du personnel navigant en activité pendant la grossesse est comparable à celui du personnel navigant avec grossesses non exposées et à la population générale active aux États-Unis (15 % vs 8 % vs 10-20 %) (Cone et al., 1998). Dans cette étude, le nombre d’heures de vol est associé au risque d’avortement spontané (74 heures par mois avortement vs 64 heures naissance vivante, p = 0,002). La probabilité d’avortement, cumulée et ajustée sur l’âge maternel, le tabac, l’alcool, les revenus, les antécédents d’endométriose et d’avortement est de 17,6 %, statistiquement comparable aux avocates, vétérinaires et résidentes en médecine (mais le choix de ces groupes de comparaison est discutable). La fréquence de petits poids de naissance est comparable à celle de la population générale (1 % vs 3 %). D’autres études confirment l’absence d’excès de risque d’avortement (Aspholm et al., 1999, Dos Santos, 2009), de prématurité, de petit poids de naissance, d’anomalie du sex-ratio (Daniell et al., 1990) et l’absence de risques pour les grossesses de la descendance (Irgens et al., 2003). En conclusion, les données épidémiologiques sont limitées en raison des faibles effectifs qui continuent à naviguer pendant la grossesse.

10. Profession d’avocate La profession d’avocate semble associée à des risques pour la grossesse principalement par l’exposition au stress. Les données épidémiologiques sont rares et proviennent surtout des États-Unis (Couric, 1989 ; Winter, 1983 ; Young lawyers division, 1991 ; Chardon et Estrade, 2007). L’exercice du métier d’avocat représente une activité stressante, dont les contraintes semblent affecter plus les femmes que les hommes : horaires prolongés, avancement 430

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improbable, manque de respect par les supérieurs, harcèlement sexuel (Young lawyers division, 1991). Une politique familiale défavorable et l’impact négatif de la maternité sur l’activité professionnelle conduiraient même 42 % des femmes à différer les grossesses (Couric, 1989). L’étude la plus importante a inclus 794 avocates américaines pour lesquelles un recueil rétrospectif de données concernant le stress perçu, les conditions de travail et les issues des grossesses a été réalisé par autoquestionnaire (taux de réponse 73,5 %) (Schenker et al., 1997). Parmi les 584 avocates participant à l’étude, 61 % (345) ont eu des grossesses. Parmi elles, 80 ont présenté 98 avortements spontanés. Après ajustement pour l’âge, le stress et le travail sous tension, le tabac, l’alcool et les antécédents obstétricaux, les principaux déterminants des avortements spontanés sont la durée hebdomadaire de travail > 45 heures [OR = 3,12 ; (1,4-6,6)] et de façon plus limite le niveau élevé de stress perçu [OR = 1,4 ; (0,8-2,3)]. La consommation de plus de 7 boissons alcoolisées par semaine est aussi un déterminant indépendant d’avortement spontané [OR = 4,8 ; (1,5-18,1)]. Le principal facteur de risque du stress perçu dans ce modèle multivarié est la durée hebdomadaire de travail supérieure à 45 heures (OR = 3,3 versus une durée < 35 heures). Le petit poids de naissance a été rapporté par 4 % de toutes les avocates et par 7 % des avocates avec un niveau élevé de stress perçu, mais la différence est non significative en rapport avec le faible effectif. En conclusion, les données épidémiologiques sont rares et insuffisantes pour conclure à un lien entre l’exercice du métier d’avocate et les issues défavorables de la grossesse. Les résultats suggèrent cependant un risque d’avortement et de retard de développement intra-utérin en rapport avec le stress perçu et les longs horaires de travail.

Conclusion générale En conclusion, les études conçues pour analyser les effets des professions maternelles sur les issues de la grossesse sont relativement peu nombreuses, notamment celles de fort niveau de preuve avec suivi prospectif et évaluation rigoureuse de l’exposition. L’évidence épidémiologique disponible permet cependant de conclure à des risques pour la grossesse associés aux métiers de la santé, vétérinaires, personnel des laboratoires, travailleuses dans l’agriculture et l’horticulture, coiffeuses, métiers du nettoyage, métiers de l’industrie et de suggérer des liens avec les métiers des services, de la vente et d’avocate. Ces résultats sont cependant spécifiques d’une époque et parfois d’une région et ne sont pas extrapolables à toutes les situations. 431

GROSSESSE ET TRAVAIL

À noter cependant les limites des études basées sur les titres d’emplois, qui intègrent des expositions multiples et variables et par conséquent permettent rarement d’évaluer les effets propres des différents risques. Ainsi, pour identifier les expositions potentiellement dangereuses pour la travailleuse enceinte, les études de poste semblent plus appropriées que les titres d’emplois. Cependant, pour les risques chimiques, la mesure des indicateurs biologiques d’exposition et les prélèvements aux postes de travail permettent d’améliorer l’évaluation de l’exposition basée sur les titres d’emplois. D’une manière générale, des indicateurs d’exposition pour les nuisances physiques, psychosociales et organisationnelles nécessitent d’être validés, surtout dans les pays industrialisés où les expositions chimiques diminuent d’environ 8 % chaque année et où les changements dans le monde du travail s’accompagnent de l’émergence de nouveaux risques (Burdorf et al., 2006 ; Symanski et al., 1998). Enfin, l’évidence épidémiologique concernant l’effet de l’emploi maternel sur l’enfant à naître nécessite d’être enrichie par des études prospectives intégrant une évaluation rigoureuse de l’exposition professionnelle chez les deux parents avant la conception et chez la salariée enceinte.

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Réglementation relative à la grossesse au travail

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S. Basile, C. Soudry

1. Enjeux et perspectives Dans l’homme, à l’origine, est l’embryon qui n’est autre que la semence, c’est l’ardeur issue de tous ses membres. Ainsi le soi porté dans son soi, quand il s’associe à la semence de l’homme et de la femme, alors fait naître le soi ; c’est là sa première naissance. La semence devient le soi de la femme comme s’il était l’un de ses membres ; c’est pourquoi, il ne lui fait aucun mal. Elle nourrit le soi qui est allé en elle. Elle, en tant que nourricière, doit être nourrie. La femme le porte comme un embryon ; lui, l’homme, dès l’origine, avant même la naissance il prend soin de l’enfant. En prenant soin de l’enfant, dès l’origine, avant même la naissance, c’est de lui-même qu’il prend soin pour la continuation de ces mondes, car c’est ainsi que ces mondes continuent. C’est là sa seconde naissance.

Cet extrait des Upanishads de la religion Hindouiste (« Aitareya ») datant de plusieurs siècles est très éclairant en ce qu’il souligne déjà à cette époque la nécessité primordiale de protéger la femme enceinte et le futur enfant qu’elle porte.

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GROSSESSE ET TRAVAIL

Protéger la grossesse, c’est protéger la femme, le futur enfant et donc l’avenir de l’humanité. C’est aussi défendre une certaine conception philosophique et sociétale en replaçant l’humain au centre de toute chose. Aujourd’hui, notre société complexe, tant sur un plan économique et social que technique et technologique, génère des risques de plus en plus délicats à appréhender. Le monde du travail n’échappe évidemment pas à cette complexité et les risques qu’il engendre sont multiples. L’employeur devra, en tous les cas, y faire face, car le droit français oblige l’employeur à assurer la sécurité et préserver la santé des salariés : hommes et femmes, y compris les femmes enceintes nécessairement plus fragiles. En France, treize millions de femmes, âgées de 15 à 64 ans, ont une activité professionnelle1. Elles représentent près de 47 % de la population active et donnent naissance à près de 800 000 enfants chaque année ; d’où la nécessité, pour notre société, de prévoir des mécanismes juridiques particuliers permettant de mieux protéger les salariées en état de grossesse. Le législateur français a très tôt pris en considération la situation de la femme en prévoyant la possibilité d’interdire certains travaux aux femmes, aux motifs qu’ils « présentent des causes de danger, excèdent leur force ou constituent un danger pour leur moralité » (ancien article L. 234-2 du Code du travail). Reflets d’une époque, les premiers textes ont essentiellement répondu à des préoccupations morales ou natalistes. L’évolution des mentalités a conduit peu à peu à des changements réglementaires : aucun texte aujourd’hui ne protège la « moralité » des femmes et certains textes jugés discriminatoires ont disparu (interdiction du travail de nuit par exemple). Le droit français entend désormais prendre en compte les spécificités du travail féminin tout en garantissant une stricte égalité de traitement entre hommes et femmes. Il s’articule autour de deux objectifs principaux : – la prise en compte de la constitution physique de la femme (notamment sa constitution musculaire, physiologiquement moins puissante que celle de l’homme) ; – la prise en compte d’une situation propre aux femmes, la maternité. La législation française prévoit un dispositif visant à garantir la santé de la future mère et de son enfant, mais aussi d’assurer la protection des femmes en état de procréer. En ce sens, les risques pour la fécondité que présentent certains produits ont conduit à interdire purement et simplement l’affectation des femmes à des travaux les y exposant. 1. Source Insee 2005.

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Dans tous les cas, sous l’impulsion du droit communautaire, la réglementation met l’accent sur la nécessité de procéder à une évaluation des risques afin d’assurer aux salariés, hommes et femmes, une information suffisante en ce qui concerne les risques liés à leur poste de travail. Ces obligations sont issues de la transposition en droit français de la Directive cadre 89/39/CEE : l’article L. 4121-3 du Code du travail prévoit cette obligation générale d’évaluation des risques. Dans ce prolongement, l’ordonnance n° 2001-173 du 22 février 2001 relative à la transposition de la directive 92/85/CEE du Conseil du 19 octobre 1992 concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail reprend la notion d’évaluation des risques. L’employeur doit évaluer les risques et leurs effets éventuels sur la grossesse. Par ailleurs, en plus de cette obligation générale d’évaluation des risques de la femme enceinte, de son information, il existe des textes spécifiques sur certains risques particuliers (risques chimiques, biologiques, etc.). Les objectifs assignés à ces textes sont, soit d’interdire à la femme enceinte d’exercer telle ou telle activité, soit de circonscrire cette dernière afin que la salariée enceinte ne soit pas exposée à des risques. Les risques pour la fertilité et ceux encourus durant la grossesse feront l’objet d’une information d’autant plus indispensable que la salariée n’est jamais tenue de déclarer sa grossesse à son employeur. Ni lors d’un entretien d’embauche ni par la suite, la salariée n’est tenue de révéler à l’employeur des éléments de sa vie personnelle. Ce dernier doit même s’interdire toute question ou recherche d’information sur les aspects de la vie personnelle de la salariée. La législation française reste très attachée aux libertés individuelles et prône pour chacun « le droit au respect de sa vie privée »1. Sur le fondement de ces principes, une femme enceinte n’est donc nullement contrainte de dévoiler son état de grossesse. Le Code du travail ne prévoit d’ailleurs aucune obligation et aucun délai n’est imparti à la salariée pour informer son employeur de son état de grossesse. En d’autres termes, la femme enceinte bénéficie d’un droit de se taire sur tout ce qui a trait à sa vie personnelle et extra-professionnelle. Il reste cependant que les règles juridiques protectrices de la maternité ne pourront être mises en œuvre que pour autant que les futures mères aient déclaré leur grossesse. Pour des raisons évidentes de santé de la future mère et de l’enfant à naître, la salariée a intérêt de procéder à cette déclaration sans tarder.

1. Article 9 du Code civil .

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La salariée peut aussi ne pas se savoir enceinte. Dans ce cas, le dispositif de protection prévue par la réglementation ne peut tout simplement pas se mettre en place. Mais à cet égard, il faut savoir que l’obligation d’évaluation des risques incombant à l’employeur doit permettre à ce dernier d’appréhender la situation de chaque salariée en âge de procréer et de prendre toutes les mesures de prévention nécessaires afin d’assurer sa protection physique et mentale. Il s’agit pour l’employeur d’une obligation de sécurité de résultat. Le Code du travail oblige l’employeur à donner des informations aux femmes sur les risques qu’elles encourent, et ce, afin de les sensibiliser sur la nécessité de déclarer leur état de grossesse le plus précocement possible et les avertir des mesures prévues par les textes pour les protéger (articles R. 4412-88 et R. 4412-89 du Code du travail).

2. Protection du contrat de travail Le cadre juridique européen et français apporte aux femmes salariées la garantie qu’une maternité ne mettra pas en péril leur contrat de travail. Cette protection s’applique à toutes les étapes de la relation de travail, c’est-à-dire de l’embauche à la rupture du contrat.

2.1. Principe de non-discrimination et égalité professionnelle 2.1.1. Principe général de non-discrimination Définition – article L. 1132-1 du Code du travail. « Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, (…) notamment en matière de rémunération, (…) de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions 450

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religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap ».

La Cour de cassation française au même titre que le juge européen (Cour de justice des Communautés européennes-CJCE) ont considéré que le non-renouvellement d’un CDD fondé uniquement sur un motif lié à l’état de grossesse d’une salariée constitue une discrimination (Cass. Soc., 29 avril 2003 ; CJCE, 4 octobre 2001, aff. C-109/00).

Différences de traitement autorisées – article L. 1133-1. Le principe de non-discrimination ne fait pas obstacle aux différences de traitement, lorsqu’elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée. Différence de traitement fondée sur l’inaptitude au travail – article L. 1133-3. Les différences de traitement fondées sur l’inaptitude constatée par le médecin du travail en raison de l’état de santé ou du handicap ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectives, nécessaires et appropriées.

2.1.2. Égalité professionnelle entre les femmes et les hommes Fondement – article L. 1142-1. « Sous réserve des dispositions particulières du présent code, nul ne peut : (…) – Refuser d’embaucher une personne, prononcer une mutation, résilier ou refuser de renouveler le contrat de travail d’un salarié en considération du sexe, de la situation de famille ou de la grossesse ; – Prendre en considération du sexe ou de la grossesse toute mesure, notamment en matière de rémunération, de formation, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle ou de mutation ».

Dans un arrêt du 8 novembre 1990, la CJCE avait jugé qu’un employeur violait directement le principe d’égalité de traitement énoncé par la directive n° 76/207/ CE du 9 février 1976 s’il refusait de conclure un contrat de travail avec une candidate qu’il avait jugée apte, lorsque ce refus était fondé sur les éventuelles conséquences dommageables pour lui de l’engagement d’une femme enceinte (CJCE, 8 nov. 1990 : D. 1992. Somm. 288, obs. Lanquetin ; Dr. Ouvrier 1991. 105, note Kessler).

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2.1.3. Preuve de la discrimination en justice Selon les dispositions des articles L. 1134-1 et 1144-1 du Code du travail, c’est à l’employeur de prouver que sa décision (ou son acte) est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Concrètement, il appartient à la salariée qui se prétend lésée par une mesure discriminatoire de soumettre au juge les éléments de faits susceptibles de caractériser une atteinte au principe d’égalité de traitement. Il s’agit seulement ici pour la salariée d’apporter des éléments de fait et non pas de prouver la discrimination de l’employeur en tant que telle. C’est à partir de ces éléments de faits qu’il incombera à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des objectifs légitimes.

2.2. Dispositions spécifiques relatives à la protection de la grossesse et de la maternité 2.2.1. Droit au secret et au respect de la vie privée Fondement juridique – article L. 1225-2 du Code de travail. La femme candidate à un emploi ou salariée n’est pas tenue de révéler son état de grossesse, sauf lorsqu’elle demande le bénéfice des dispositions légales relatives à la protection de la femme enceinte. Protection à l’embauche et pendant la période d’essai – article L. 1225-1. L’employeur ne doit pas prendre en considération l’état de grossesse d’une femme pour refuser de l’embaucher, pour rompre son contrat de travail au cours d’une période d’essai ou pour prononcer une mutation d’emploi. Il lui est en conséquence interdit de rechercher ou de faire rechercher toutes informations concernant l’état de grossesse de l’intéressée. Droit au silence. La femme enceinte dispose donc d’un véritable droit au silence et l’employeur peut ne pas être informé pendant des semaines. Or, la femme enceinte peut être exposée à des risques nuisibles pour sa santé et pour le futur enfant. Une circulaire ministérielle précise que les risques majeurs à prendre en compte sont les risques toxicologiques, à condition de pouvoir intervenir précocement, puis les risques physiques et la charge physique et psychique de travail en fin de grossesse (C. 02.05.1985). 452

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Bien que le Code du travail impose à l’employeur d’informer la salariée sur les risques qu’elle encoure si elle ne déclare pas suffisamment tôt sa grossesse1, celle-ci peut ne pas révéler son état, et ce, au nom du respect de la vie privée2. Cependant, ce droit au silence peut poser un problème à l’employeur compte tenu de son obligation de sécurité et de préservation de la santé des salariés. D’autant que depuis 2002, la jurisprudence française a considéré que cette obligation de sécurité est désormais une obligation de résultat. En tout état de cause, cette information donnée par l’employeur doit sensibiliser les femmes à la nécessité de déclarer le plus précocement possible leur état de grossesse et les informer sur les possibilités de changement temporaire d’affectation et sur les travaux interdits.

2.2.2. Protection de la grossesse et de la maternité Attestation médicale de l’état de grossesse. Pour bénéficier de la protection de la grossesse et de la maternité, la salariée remet contre récépissé ou envoie par lettre recommandée avec avis de réception à son employeur un certificat médical attestant son état de grossesse et la date présumée de son accouchement ou la date effective de celui-ci, ainsi que, s’il y a lieu, l’existence et la durée prévisible de son état pathologique nécessitant un allongement de la période de suspension de son contrat de travail (Code du travail, art. R. 1225-1). En cas de licenciement, la salariée enceinte doit envoyer le certificat médical par lettre recommandée avec avis de réception justifiant de la grossesse (art. R. 1225-2). Annulation du licenciement d’une salariée enceinte. Le licenciement d’une salariée est annulé lorsque, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, l’intéressée envoie à son employeur, dans des conditions déterminées par voie réglementaire, un certificat médical justifiant qu’elle est enceinte. Ces dispositions ne s’appliquent pas lorsque le licenciement est prononcé pour une faute grave non liée à l’état de grossesse ou par impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement (art. L. 1225-5).

1. Par exemple, pour les substances CMR (cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction), le Code du travail précise qu’elles donnent lieu à une information sur les risques qui porte sur les effets potentiellement néfastes de l’exposition à ces substances chimiques sur la fertilité, sur l’embryon en particulier lors du début de la grossesse, sur le fœtus et pour l’enfant en cas d’allaitement. 2. Article 9 du Code civil.

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Droit à réintégration. La réintégration de la salariée, dont le licenciement est nul, doit être ordonnée si elle le demande (Soc. 30 avr. 2003 : Bull. civ. V, n° 152). Indemnisation. Toutefois, dans ce type de circonstances, il est difficilement imaginable que la salariée licenciée puisse souhaiter réintégrer son entreprise. C’est pourquoi, la salariée dont le licenciement est nul et qui ne demande pas la réintégration a droit, d’une part, aux indemnités de rupture, d’autre part, à une indemnité réparant intégralement le préjudice résultant du caractère illicite du licenciement, dont le montant est souverainement apprécié par les juges dès lors qu’il est au moins égal à celui prévu par la loi (Soc. 9 oct. 2001 : Bull. civ. V, n° 314).

Interdiction provisoire d’emploi de la femme enceinte. Il est par ailleurs interdit aux employeurs d’occuper les femmes pendant une période de huit semaines au total avant et après leur accouchement et, en aucun cas, pendant les six semaines qui suivent l’accouchement (Code du travail, art. L. 1225-29).

2.2.3. Limitation du droit de mutation et de licenciement Pouvoir de direction de l’employeur et mutation de la salariée enceinte. Le pouvoir de direction de l’employeur ne l’autorise pas à tenir compte de l’état de grossesse de la salariée pour prononcer une mutation sur un autre emploi. Ladite mutation ne peut être appréciée que si elle est justifiée par un motif étranger à la grossesse (réorganisation de l’entreprise par exemple). À cet égard, la salariée peut invoquer son état de grossesse pour refuser un changement d’établissement. En cas de désaccord avec l’employeur, seul le médecin du travail pourra décider de l’aptitude de la salariée. À noter cependant, qu’il peut arriver que l’état de santé médicalement constaté de la salariée enceinte légitime son affectation temporaire dans un autre emploi. Il s’agit ici d’une mesure de protection de la femme enceinte (pour plus d’informations, se reporter paragraphe 3). Interdiction du licenciement lié à la grossesse – article L. 1225-4 du Code du travail. L’employeur ne peut licencier une salariée en état de grossesse médicalement constaté qu’en cas de faute grave non liée à la grossesse ou s’il est impossible de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement. Interdiction du licenciement lors de la suspension du contrat – article L. 1225-4. Aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d’une salariée (…) pendant 454

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l’intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu’elle use ou non de ce droit, ainsi que pendant les quatre semaines suivant l’expiration de ces périodes, sauf pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement. En tout état de cause, même s’il est fondé sur une faute grave ou sur l’impossibilité de maintenir le contrat pour un motif non lié à la maternité, le licenciement ne peut, en aucune manière, être notifié pendant les périodes de suspension du contrat de travail auxquelles la salariée a droit au titre du congé de maternité, sous peine de nullité.

L’employeur ne peut donc pas adresser à la salariée une lettre de licenciement pendant la période de suspension du contrat de travail pour cause de maternité, même si ladite lettre indique que le licenciement ne prendra effet qu’à l’issue du 1er jour de reprise de travail (Cass. Soc., 10 mai 1995, n° 92-40038, BC V n° 152). Remarque : l’article L. 1225-4 du Code du travail ne s’applique pas à la période d’essai. En d’autres termes, l’employeur peut, pendant la période d’essai, mettre fin au contrat de travail d’une salariée enceinte sans donner la moindre justification (Soc. 2 fév. 1983 : Bull. civ. V, n° 74).

Restriction du recours au licenciement économique. Les règles protectrices de l’article L. 1225-4 du Code du travail s’appliquent en cas de licenciement économique.

La Cour de cassation rappelle régulièrement que le simple énoncé des raisons économiques dans la lettre de rupture ne suffit pas à justifier le licenciement (Cass. Soc., 21 mai 2008, n° 07-41.179 ; Cass. Soc., 21 janv. 2009, n° 07-41.841).

Démission – article L. 1225-34 du Code du travail. La salariée en état de grossesse médicalement constaté peut rompre son contrat de travail sans préavis et sans devoir d’indemnité de rupture.

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3. Protection de l’état de santé de la salariée enceinte ou venant d’accoucher Dès lors qu’une salariée est enceinte et que l’employeur en est informé, tout un dispositif de protection se met en œuvre, et ce, dans l’unique dessein de permettre la protection de la future mère et de son enfant à naître. À ce titre, la salariée en état de grossesse déclarée bénéficie d’une surveillance médicale renforcée. Parallèlement, dans le cadre de la politique de prévention, l’employeur est tenu de procéder à l’évaluation des risques. Cette évaluation doit tenir compte naturellement de la situation particulière des femmes enceintes. Sur la base de cette évaluation, l’employeur en collaboration avec le médecin du travail propose à la salariée enceinte un aménagement de ses conditions de travail. La fragilisation de la salariée enceinte et la protection de son enfant peuvent justifier que son poste et son activité professionnelle soient aménagés, notamment par un changement temporaire d’affectation.

3.1. Surveillance médicale renforcée 3.1.1. Modalités d’application de la surveillance médicale renforcée Principe de protection. La salariée enceinte fait l’objet d’une attention particulière du Code du travail concernant notamment la surveillance médicale renforcée. Le médecin du travail exerce une surveillance médicale renforcée pour les femmes enceintes ainsi que pour les mères dans les six mois qui suivent leur accouchement et pendant la durée de leur allaitement (Code du travail, art. R. 4152-1 et R. 4624-19). Le médecin est juge de la fréquence et de la nature des examens que comporte cette surveillance médicale (art. R. 4624-20). Autorisation d’absences pour se rendre aux examens médicaux. En outre, la salariée bénéficie d’une autorisation d’absence pour se rendre aux examens médicaux obligatoires prévus par l’article L. 2122-1 du Code de la santé publique dans le cadre de la surveillance médicale de la grossesse et des suites de l’accouchement. 456

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Ces absences n’entraînent aucune diminution de la rémunération et sont assimilées à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits légaux ou conventionnels acquis par la salariée au titre de son ancienneté dans l’entreprise.

3.1.2. Aménagement du poste du travail Intervention du médecin du travail. Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutation ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l’âge, à la résistance physique ou à l’état de santé des travailleurs (Code du travail, art. L. 4624-1). Plus particulièrement, une circulaire ministérielle du 2 mai 1985 précise les missions du médecin du travail vis-à-vis des salariées en état de grossesse1. Obligations de l’employeur. L’employeur doit tenir compte des propositions du médecin du travail et s’il refuse, il fait connaître les motifs de son refus.

La jurisprudence rappelle que l’employeur est tenu de prendre en considération les propositions du médecin du travail au besoin en les sollicitant (Soc. 27 mars 1990 : D. 1991. Somm. 150, obs. Pélissier).

À noter que de nombreuses conventions collectives prévoient des dispositifs permettant à la salariée enceinte d’obtenir des aménagements d’horaires (temps de pause plus longs ou supplémentaires, réduction d’horaire pendant tout ou partie de la grossesse sans perte de salaire). Intervention de l’inspecteur du travail. En cas de difficulté ou de désaccord, l’employeur peut exercer un recours devant l’inspecteur du travail qui prendra sa décision après avis du médecin inspecteur (Code du travail, art. L. 4624-1).

1. Pour plus d’informations, se reporter au paragraphe 7 de la présente étude.

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3.2. Changement temporaire d’affectation Le changement temporaire d’affectation intervient dans trois cas expressément prévus par le Code du travail : – la nécessité médicale ; – le travail de nuit ; – l’exposition à des risques particuliers. En fonction du cas, les obligations mises à la charge de l’employeur diffèrent. Par ailleurs le Code du travail prévoit des cas de travaux interdits et réglementés que l’employeur devra respecter en fonction des risques spécifiques rencontrés sur le lieu de travail1.

3.2.1. Nécessité médicale Fondement – article L. 1225-7 du Code du travail. Les contraintes inévitables de certains postes de travail peuvent nécessiter que la salariée en état de grossesse soit temporairement affectée à un autre emploi. La réalisation pratique d’une telle mesure s’inscrit dans le cadre des dispositions figurant à l’article L. 1225-7 et suivants du Code du travail. Initiative de la décision. La salariée enceinte peut être affectée temporairement dans un autre emploi, à son initiative ou à celle de son employeur, si son état de santé médicalement constaté l’exige (Code du travail, art. L. 1225-7, alinéa 1). Désaccord ou initiative de l’employeur. En cas de désaccord entre l’employeur et la salariée ou lorsque le changement intervient sur l’initiative de l’employeur, seul le médecin du travail peut établir la nécessité médicale du changement d’emploi et l’aptitude de la salariée à occuper le nouvel emploi envisagé (art. L. 1225-7, alinéa 2). L’affectation dans un autre établissement est subordonnée à l’accord de l’intéressée (art. L. 1225-7, alinéa 3). Incidence de l’affectation nouvelle. Cette affectation temporaire ne peut excéder la durée de la grossesse et prend fin dès que l’état de santé de la femme lui permet de retrouver son emploi initial (art. L. 1225-7, alinéa 4).

1. Ces textes spécifiques font l’objet d’une étude particulière au paragraphe 4.

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Rémunération. Le changement d’affectation n’entraîne aucune diminution de rémunération (art. L. 1225-7, alinéa 5).

Cela signifie qu’en cas de nécessité médicale d’affectation temporaire dans un autre emploi, l’employeur ne peut suspendre la rémunération de la salariée enceinte, en attendant de lui trouver un emploi compatible avec son état (Soc. 17 déc. 1997 : RJS 1998. 114, n° 176). Autrement dit, l’employeur ne pourra pas l’obliger à travailler mais devra continuer à lui verser sa rémunération. Un arrêt de la Cour de cassation indique que, lorsque la convention collective prévoit une obligation de reclassement des salariées enceintes déclarées inaptes, elles ont droit au maintien de la rémunération, peu importe que le changement d’affectation n’ait pu avoir lieu en l’absence de poste (Soc. 19 janv. 1999 : Bull. civ. V, n° 28).

3.2.2. Travail de nuit Fondement – article L. 1225-9 du Code du travail. La salariée en état de grossesse médicalement constaté ou ayant accouché, qui travaille de nuit (…) est affectée sur sa demande à un poste de jour pendant la durée de sa grossesse et pendant la période du congé postnatal. Elle est également affectée à un poste de jour pendant la durée de sa grossesse lorsque le médecin du travail constate par écrit que le poste de nuit est incompatible avec son état. Cette période peut être prolongée pendant le congé postnatal et après son retour de ce congé pour une durée n’excédant pas un mois lorsque le médecin du travail constate par écrit que le poste de nuit est incompatible avec son état. L’affectation dans un autre établissement est subordonnée à l’accord de la salariée. Le changement d’affectation n’entraîne aucune diminution de la rémunération. Impossibilité de reclassement et garantie de rémunération – article L. 1225-10. Lorsque l’employeur est dans l’impossibilité de proposer un autre emploi à la salariée travaillant de nuit, il lui fait connaître par écrit, ainsi qu’au médecin du travail, les motifs qui s’opposent à cette affectation. Le contrat de travail de la salariée est alors suspendu jusqu’à la date du début du congé légal de maternité. Éléments constitutifs de la garantie de rémunération. La salariée bénéficie alors d’une garantie de rémunération pendant la suspension du contrat de travail, composée de l’allocation journalière prévue à l’article L. 333-1 du Code de la Sécurité sociale et 459

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d’une indemnité complémentaire à la charge de l’employeur, calculée selon les mêmes modalités que celles prévues à l’article L. 1226-1 du Code du travail, à l’exception des dispositions relatives à l’ancienneté. Conditions d’octroi de l’indemnité complémentaire – article L. 1226-1. Sans condition d’ancienneté, la salariée enceinte bénéficie, en cas d’absence au travail justifiée par l’incapacité résultant de maladie ou d’accident constaté par certificat médical et contre-visite s’il y a lieu, d’une indemnité complémentaire à l’allocation journalière prévue par le Code de la Sécurité sociale, à condition : 1. D’avoir justifié dans les quarante-huit heures de cette incapacité. 2. D’être prise en charge par la Sécurité sociale. 3. D’être soignée sur le territoire français ou dans l’un des autres États membres de la Communauté européenne ou dans l’un des autres États adhérent à l’accord sur l’Espace économique européen. Ces dispositions ne s’appliquent pas aux salariées travaillant à domicile, aux salariées saisonniers, aux salariées intermittents et aux salariées temporaires. Le taux, les délais et les modalités de calcul de l’indemnité complémentaire sont déterminés par voie réglementaire, notamment à l’article D. 1226-1 du Code du travail qui indique que l’indemnité complémentaire prévue à l’article L. 1226-1 est calculée selon les modalités suivantes : 1. Pendant les trente premiers jours, 90 % de la rémunération brute que la salariée aurait perçue si elle avait continué à travailler. 2. Pendant les trente jours suivants, deux tiers de cette même rémunération. Allocation journalière. Une allocation journalière est versée par la Sécurité sociale. Cette allocation est calculée de la même façon que l’assurance maladie et elle n’est pas cumulable avec les autres allocations. La salariée enceinte se renseignera auprès de la CPAM dont elle relève et qui lui versera cette allocation. Elle peut également consulter le site de l’assurance maladie (www.ameli.fr). Pour plus d’informations sur les modalités d’indemnisation journalière versée par la Sécurité sociale, se reporter au paragraphe 5.

3.2.3. Exposition à des risques particuliers Fondement. Transposant la directive 92/85/CEE du Conseil du 19 octobre 1992 relative à la mise en œuvre des mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité 460

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et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail, l’ordonnance n° 2001-173 du 22 février 2001 a introduit dans le Code du travail (article L. 1225-12) une disposition prévoyant le cas de suspension du contrat de travail en raison d’une exposition pour la salariée enceinte à des risques particuliers. Selon les dispositions de l’article L. 1225-12, l’employeur propose à la salariée qui occupe un poste de travail l’exposant à des risques déterminés par voie réglementaire un autre emploi compatible avec son état : 1. Lorsqu’elle est en état de grossesse médicalement constaté. 2. Lorsqu’elle a accouché, compte tenu des répercussions sur sa santé ou sur l’allaitement, durant une période n’excédant pas un mois après son retour de congé postnatal. Définition des risques particuliers. Ces risques particuliers sont déterminés par voie réglementaire. En l’occurrence, c’est l’article R. 1225-4 qui prévoit que pour bénéficier de la garantie de rémunération, la salariée doit avoir occupé un poste de travail l’ayant exposée à l’un des risques suivants : 1. Agents toxiques pour la reproduction de catégorie 1A ou 1B (Classification selon le règlement CLP). 2. Produits antiparasitaires dont l’étiquetage indique qu’ils peuvent provoquer des altérations génétiques héréditaires ou des malformations congénitales et produits antiparasitaires classés cancérogènes et mutagènes. 3. Benzène. 4. Plomb métallique et ses composés. 5. Virus de la rubéole ou toxoplasme. 6. Travaux en milieu hyperbare dès lors que la pression relative maximale excède la pression d’intervention définie à la classe IA, soit 1,2 bar. Ainsi, l’employeur qui se trouve face à une salariée enceinte exposée aux dits risques doit proposer à la salariée un changement temporaire d’affectation. Modalités de la proposition d’emploi temporaire – article L. 1225-13. Toujours selon les dispositions du Code du travail, la proposition d’emploi est réalisée au besoin par la mise en œuvre de mesures temporaires telles que l’aménagement de son poste de travail ou son affectation dans un autre poste de travail. Elle prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur l’aptitude de la salariée à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise. Ces mesures temporaires n’entraînent aucune diminution de la rémunération. 461

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Impossibilité de reclassement et garantie de rémunération – article L. 1225-14. Lorsque l’employeur est dans l’impossibilité de proposer un autre emploi à la salariée, il lui fait connaître par écrit, ainsi qu’au médecin du travail, les motifs qui s’opposent à cette affectation temporaire. Le contrat de travail de la salariée est alors suspendu jusqu’à la date du début du congé de maternité et, lorsqu’elle a accouché, durant la période n’excédant pas un mois. Comme pour le travail de nuit, la salariée bénéficie d’une garantie de rémunération pendant la suspension du contrat de travail, composée de l’allocation journalière prévue par le Code de la Sécurité sociale et d’une indemnité complémentaire à la charge de l’employeur, selon les mêmes modalités que celles prévues par les dispositions mentionnées à l’article L. 1226-1, à l’exception des dispositions relatives à l’ancienneté (pour plus d’informations, se reporter au paragraphe 5).

4. Protection contre les risques particuliers : travaux interdits ou réglementés Face à certains risques particuliers, le Code du travail a prévu des règles spécifiques concernant les femmes enceintes. Il s’agit des travaux interdits ou réglementés qui peuvent se décomposer en trois grandes catégories : – les risques biologiques ; – les risques chimiques ; – les risques physiques. En prévoyant une réglementation spécifique en fonction d’un risque particulier, le législateur français a voulu : – d’une part, soustraire la femme et le futur enfant, exposés à des substances chimiques classées dangereuses (lui interdisant de poursuivre une activité jugée incompatible avec son état) ; – d’autre part, circonscrire l’activité de la femme enceinte afin de la protéger ainsi que le futur enfant ; – enfin, mettre à la charge de l’employeur une obligation d’information et de formation afin de sensibiliser les femmes enceintes sur les risques qu’elles encourent si elles ne déclaraient pas leur grossesse. 462

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La vocation de la réglementation en la matière est d’inciter les salariées à révéler leur grossesse le plus tôt possible afin que l’employeur puisse prendre toutes les mesures de protection appropriées lui incombant. Une circulaire ministérielle ne manque pas d’ailleurs de rappeler que les risques majeurs à prendre en compte sont les risques toxicologiques, à condition de pouvoir intervenir précocement, puis les risques physiques et la charge physique et psychique de travail en fin de grossesse (C. 02.05.1985). Attention ! Dans le cadre de ce paragraphe 4, il est fait référence à certaines circulaires ministérielles. Il faut savoir qu’une circulaire n’est en aucune manière obligatoire. Elle n’a vocation que de proposer une interprétation d’un texte de loi ou d’un règlement (décret, arrêté) et apporte d’éventuelles précisions, notamment à l’attention des fonctionnaires relevant du ministère concerné, pour l’application pratique d’un texte. Une circulaire n’est toutefois pas créatrice de droit et à ce titre elle ne peut par exemple créer ou imposer des exigences non prévues par le texte lui-même.

4.1. Risques biologiques Rubéole, toxoplasmose. Lorsque les résultats de l’évaluation visée à l’article R. 44231, 2 et 3 du Code du travail révèlent l’existence d’un risque d’exposition au virus de la rubéole ou au toxoplasme, l’exposition des femmes enceintes est interdite, sauf si la preuve existe que la salariée est suffisamment protégée contre ces agents par son état d’immunité. Avis du médecin. L’employeur prend, après avis du médecin du travail, les mesures nécessaires à la mise en œuvre de cette interdiction d’exposition (Code du travail, art. D. 4152-3).

4.2. Risques chimiques 4.2.1. Arsenic Le ministère du Travail rappelle les risques toxicologiques dont l’effet pathogène peut s’exercer au cours de la première période de grossesse (…). Parmi ceux-ci : (…) l’arsenic.

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4.2.2. Benzène Les femmes enceintes et les femmes allaitant ne peuvent être affectées ou maintenues à des postes de travail les exposant au benzène (Code du travail, art. D. 4152-10).

4.2.3. Esters thiophosphoriques Il est interdit d’occuper une femme enceinte à la préparation et au conditionnement des esters thiophosphoriques et de les admettre de manière habituelle dans les locaux affectés à ces travaux (Code du travail, art. D. 4152-9).

4.2.4. Hydrocarbures aromatiques Il est interdit d’affecter ou de maintenir les femmes enceintes et les femmes allaitant à des postes de travail les exposant aux agents chimiques suivants : – dérivés suivants des hydrocarbures aromatiques : • dérivés nitrés et chloronitrés des hydrocarbures benzéniques ; • dinitrophénol ; • aniline et homologues, naphtylamines et homologues. Toutefois l’interdiction relative aux dérivés des hydrocarbures aromatiques ne s’applique pas au cas où les opérations sont faites en appareils clos en marche normale (Code du travail, art. D. 4152-10).

4.2.5. Mercure Il est interdit d’employer une femme enceinte ou allaitant à l’emploi du mercure et de ses composés et aux travaux de sécrétage dans l’industrie de la couperie de poils (Code du travail, art. D. 4152-9).

4.2.6. Pesticides Les femmes enceintes ne peuvent pas être affectées ou maintenues à des postes de travail les exposant aux produits antiparasitaires dont l’étiquetage indique qu’ils peuvent provoquer des altérations génétiques héréditaires ou des malformations congénitales. 464

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Les femmes qui allaitent ne peuvent pas être affectées à des postes de travail les exposant à des produits antiparasitaires classés cancérogènes ou mutagènes (Code du travail, art. R. 1225-4).

4.2.7. Solvants Le ministère du Travail rappelle les risques toxicologiques dont l’effet pathogène peut s’exercer au cours de la première période de la grossesse et les risques dus à certaines conditions de travail dont l’effet risque de se manifester en fin de grossesse. Les risques toxicologiques potentiels sont nombreux. Certains seulement peuvent être retenus avec plus de certitude, soit en raison d’arguments cliniques, soit du fait d’observations tirées de l’expérimentation animale. Il s’agit essentiellement des solvants, au premier rang desquels se placent le benzène avec ses dérivés, le sulfure de carbone, le tétrachlorure de carbone, le trichloroéthylène et le méthyléthylcétone (C. 02.05.1985).

4.2.8. Toxiques pour la reproduction Les femmes enceintes et les femmes allaitantes ne peuvent être affectées ou maintenues à des postes de travail les exposant à des agents classés toxiques pour la reproduction de catégorie 1A ou 1B (Code du travail, art. D. 4152-10). Une circulaire DRT n° 12 du 24 mai 2006 rappelle que : « les phrases de risques R. 62, R. 63 et R. 64 correspondent à des risques possibles pour la fertilité et/ou pour les enfants à naître ou allaités. L’exposition des femmes enceintes ou allaitantes à ces substances, appelle une extrême vigilance et la mise en œuvre de mesures allant jusqu’à son retrait de l’exposition ». Si une salariée enceinte ou allaitante occupe un poste de travail l’exposant au benzène ou à un agent toxique pour la reproduction de catégorie 1A ou 1B, l’article L. 1225-12 du Code du travail précise que son employeur est tenu de lui proposer un autre emploi compatible avec son état, sans diminution de la rémunération. Si l’employeur est dans l’impossibilité de lui proposer un autre emploi, le contrat de travail est suspendu et la salariée bénéficie d’une garantie de rémunération composée d’une allocation journalière prévue par le Code de la Sécurité sociale et d’un complément par l’employeur (art. R. 1225-4 et circulaire DRT n° 12 du 24 mai 2006).

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4.2.9. Information et formation sur les risques Une information de l’employeur doit sensibiliser les femmes sur la nécessité de déclarer leur état de grossesse, le plus précocement possible et les avertir des mesures prévues par les textes pour les protéger (Code du travail, art. R. 4412-88), particulièrement sur les possibilités de changement temporaire d’affectation et les travaux interdits prévus aux articles L. 1225-7 et D. 4152-10 (Code du travail, art. R. 4412-89). Pour les agents chimiques dangereux, le Code du travail précise qu’elles donnent lieu à une information sur les risques qui porte sur les effets potentiellement néfastes de l’exposition à ces substances chimiques sur la fertilité, sur l’embryon en particulier lors du début de la grossesse, sur le fœtus et pour l’enfant en cas d’allaitement. La circulaire DRT du 24 mai 2006 rappelle les obligations de l’employeur en matière de formation et d’information relative aux risques chimiques et en particulier des agents CMR (cancérigènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction), les obligations particulières de formation de l’employeur et aussi du contrôle par l’agent de contrôle de cette obligation de formation et rappelle l’avis requis du CHSCT, ou, à défaut des délégués du personnel qui ne peuvent s’impliquer efficacement dans les orientations de l’entreprise en matière de santé et de sécurité que s’ils ont été préalablement formés dans ce domaine. La circulaire rappelle également qu’en complément de la formation générale concernant le risque chimique, une formation spécifique (art. R. 4412-87, art. R. 4412-88, art. R. 4412-89 et R. 4412-90) sur les dangers liés aux CMR présents dans l’entreprise doit être organisée par l’employeur en liaison avec le CHSCT – ou, à défaut, les délégués du personnel – et le médecin du travail, pour l’ensemble des personnes intervenant sur les installations impliquant des agents CMR. La formation doit contenir les éléments suivants : – la présence d’agent CMR (signalisation, étiquetage, fiche de données de sécurité) ; – les effets potentiellement néfastes de l’exposition à ces substances chimiques sur la fertilité, sur l’embryon en particulier lors du début de la grossesse, sur le fœtus et pour l’enfant en cas d’allaitement (sensibilisation des femmes en âge de procréer, enceintes et allaitantes des risques encourus et de leurs droits, sensibilisation du personnel féminin et masculin s’agissant des agents toxiques pour la reproduction).

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4.3. Risques physiques 4.3.1. Air comprimé. Travaux à l’aide d’engins du type marteau-piqueur Il est interdit d’employer une femme enceinte à des travaux à l’aide d’engins du type marteau-piqueur mus à l’air comprimé (Code du travail, art. D. 4152-8).

4.3.2. Hyperbarie Il est interdit d’affecter les femmes qui se sont déclarées enceintes à des travaux en milieu hyperbare dès lors que la pression relative maximale excède la pression d’intervention définie à la classe IA, soit 1,2 bar (D. 28.03.1990 mod., art. 32 bis).

4.3.3. Travaux exposant aux rayonnements ionisants Un certain nombre d’obligations sont précisées dans le Code du travail. Incitation à déclarer la grossesse. Les travailleurs exposés à des rayonnements ionisants sont informés des effets potentiellement néfastes de l’exposition aux rayonnements sur l’embryon, en particulier lors du début de la grossesse, et sur le fœtus. Cette information sensibilise les femmes quant à la nécessité de déclarer le plus précocement possible leur état de grossesse et porte à leur connaissance les mesures d’affectation temporaire prévues à l’article L. 1225-71 (Code du travail, art. D.4152-4). Formation et information sur les risques. Pour les femmes en état de grossesse et les femmes allaitant, la formation tient compte des règles de prévention particulières qui leur sont applicables. La formation est renouvelée (Code du travail art. R. 4453-6 et 7). Non-affectation à certains postes. En outre, les femmes en état de grossesse ne peuvent être affectées à des travaux qui requièrent un classement en catégorie A (Code du travail art. R. 4453-2 et D. 4152-6). Il est de plus interdit d’affecter ou de maintenir une femme allaitant à un poste de travail comportant un risque d’exposition interne à des rayonnements ionisants (Code du travail, art. D. 4152-7). 1. Pour plus d’informations sur les modalités d’application de l’article L. 1225-7 du Code du travail relatif aux affectations temporaires, se reporter au paragraphe 3 du présent chapitre.

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Précautions à l’exposition. En cas de grossesse, les dispositions sont prises pour que l’exposition de la femme enceinte, dans son emploi, soit telle que l’exposition de l’enfant à naître, pendant le temps qui s’écoule entre la déclaration de grossesse et le moment de l’accouchement, soit aussi faible que raisonnablement possible, et en tout état de cause en dessous de 1 mSv (Code du travail, art. D. 4152-5).

4.3.4. Travaux à bord d’aéronefs en vol (rayonnement cosmique) Si les résultats de l’évaluation des doses mettent en évidence des expositions individuelles susceptibles d’atteindre ou de dépasser une dose efficace de 1 mSv par an, l’employeur prend les mesures générales ou administratives et techniques pour réduire l’exposition et, à ce titre, programme l’exécution des tâches pour diminuer les doses reçues lors des vols, notamment lorsqu’une grossesse est déclarée par un membre du personnel (Code du travail, art. R. 4457-11).

4.3.5. Charge physique, horaires de travail Dangers potentiels. Le ministère du Travail signale notamment le danger potentiel : – des efforts physiques intenses et répétés, – de la station debout prolongée, – du port de charges lourdes, – de l’exposition aux trépidations (C. 02.05.1985). Modes de transport, manutention, limitation des charges. L’usage du diable pour le transport des charges est interdit à la femme enceinte (Code du travail, art. D. 415212). Même s’il a le mérite d’exister, ce texte peut paraître aujourd’hui quelque peu désuet étant donné que l’employeur, dans le cadre de l’évaluation obligatoire des risques professionnels et de par son obligation de sécurité de résultat, devra, à chaque fois que cela s’avère nécessaire, prendre des mesures de protection de la salariée enceinte afin d’éviter qu’elle puisse porter, soulever, pousser et tirer des charges lourdes susceptibles de provoquer des risques pour elle et le futur enfant qu’elle porte. Travaux de nuit et affectation temporaire à un poste de jour. La salariée en état de grossesse médicalement constaté ou ayant accouché, travaillant la nuit, est affectée à un poste de jour : 468

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– sur sa demande, pendant la durée de sa grossesse et pendant la période du congé légal postnatal ; – ou lorsque le médecin du travail constate pendant la durée de sa grossesse, par écrit, que le poste de nuit est incompatible avec son état. Cette période peut être prolongée lorsque le médecin du travail constate par écrit que le poste de nuit est incompatible avec son état, pour une durée n’excédant pas un mois.

5. Droits aux congés et à l’assurance maternité Toute salariée, en état de grossesse médicalement constatée, a le droit de suspendre son contrat de travail pendant une durée déterminée, avant et après son accouchement, sans que cela constitue ni une cause de rupture ni une modification du contrat de travail. Elle dispose d’un droit légal de repos : c’est le congé de maternité. Lors de cette suspension du contrat de travail, la salariée a droit à des prestations en nature et en espèces.

5.1. Congé de maternité 5.1.1. Modalités d’application du congé maternité Congé maternité. Le congé maternité comprend un congé prénatal et un congé postnatal. Le congé ouvre droit aux indemnités journalières de Sécurité sociale. L’employeur n’est en principe pas obligé de maintenir tout ou partie du salaire pendant le congé. Une telle obligation est cependant fréquemment prévue par les conventions ou accords collectifs ou les usages. Durée du congé de maternité – article L. 1225-17 du Code du travail. La salariée a le droit de bénéficier d’un congé de maternité pendant une période qui commence six semaines avant la date présumée de l’accouchement et se termine dix semaines après la date de celui-ci. Obligation de repos de trois semaines avant la date présumée de l’accouchement. À la demande de la salariée et sous réserve d’un avis favorable du professionnel de santé qui suit la grossesse, la période de suspension du contrat de travail qui commence avant la date présumée de l’accouchement peut être réduite d’une durée maximale de 469

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trois semaines. La période postérieure à la date présumée de l’accouchement est alors augmentée d’autant. Lorsque la salariée a reporté après la naissance de l’enfant une partie du congé de maternité et qu’elle se voit prescrire un arrêt de travail pendant la période antérieure à la date présumée de l’accouchement, ce report est annulé et la période de suspension du contrat de travail est décomptée à partir du premier jour de l’arrêt de travail. La période initialement reportée est réduite d’autant. Cette possibilité d’aménagement de prise de congé maternité est issue de la loi n° 2007293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance. Cette loi a en effet modifié des dispositions du Code du travail afin d’assouplir les modalités de prise de congé tout en protégeant davantage la femme. En d’autres termes, la salariée qui le souhaite peut réduire la période de congé prénatal d’une durée maximale de trois semaines au profit de la période de congé postnatal. Le congé de maternité est désormais entendu comme un ensemble de seize semaines que la salariée peut prendre comme elle le veut autour de la naissance, à condition : – qu’elle exprime expressément sa volonté de moduler la durée du congé ; – que la période de suspension débute, dans tous les cas, trois semaines avant la naissance : ce délai de trois semaines est un délai incompressible du congé prénatal ; – que le médecin l’autorise compte tenu de son état de santé. Proposition de directive européenne prolongeant la durée du congé. Dans une perspective de mieux concilier vie professionnelle d’un côté, vie familiale et privée de l’autre, la Commission européenne a adopté le 3 octobre 2008 une proposition de directive visant à porter la durée minimale du congé de 14 à 18 semaines (en France le délai est déjà de 16 semaines). La Commission recommande en outre de verser aux femmes 100 % de leur salaire, étant entendu que les États membres ont toutefois la possibilité de fixer un plafond au moins au niveau des prestations de maladie. Focus : sur le fondement des traités communautaires, la Commission européenne (chargée de représenter les intérêts de l’Union européenne - UE) a pour fonction principale de proposer au Conseil des ministres (chargé de représenter les intérêts des États membres) et au Parlement européen (représentant les citoyens de l’UE) des règles de droit, que l’on appelle le droit communautaire dérivé et qui est applicable aux États membres. Ce droit communautaire dérivé se traduit essentiellement par deux types d’actes : les règlements communautaires et les directives. Les premiers, une fois adoptés, sont d’application directe sur l’ensemble du territoire de l’UE et s’imposent directement aux États et aux individus. Les secondes sont générales et obligatoires dans 470

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leurs objectifs mais laissent aux États le soin de prendre des mesures internes permettant leur application. Elles sont nombreuses en matière de santé et sécurité au travail. C’est dans ce cadre que s’inscrit la proposition de directive prolongeant la durée de congé au bénéfice de la femme enceinte.

5.1.2. Interdiction d’emploi Périodes obligatoires de repos. L’article L. 1225-29 du Code du travail interdit d’employer la salariée pendant une période de huit semaines au total avant et après son accouchement. Il lui est également interdit d’employer la salariée dans les six semaines qui suivent son accouchement. Il s’agit d’une interdiction qui est d’ordre public et, à ce titre, elle ne peut être levée même avec l’accord de la salariée.

5.1.3. Cas de prolongation du congé maternité Situations particulières et prolongation du congé maternité. La durée du congé varie selon le nombre d’enfants déjà à charge, le nombre de nouveau-nés (cas de naissances multiples), le caractère pathologique ou non de la grossesse ou de l’accouchement. Tableau 11.1. Durée du congé maternité. Maternité Avant l’accouchement

Après l’accouchement

Total

6 semaines *

10 semaines

16 semaines

3 enfant ou plus

8 semaines *

18 semaines

26 semaines

Si jumeaux

12 semaines *

22 semaines

34 semaines

Si triplés

24 semaines*

22 semaines

46 semaines

Congés pathologiques

+ 2 semaines

+ 4 semaines

Nombre d’enfants 1er ou 2e enfant e

* Cette période pourra être réduite à la demande de la salariée et sous réserve d’un avis favorable du professionnel qui suit la grossesse d’une durée maximale de 3 semaines ; cette période de suspension de travail s’ajoute dans ce cas à la période prévue après l’accouchement.

5.2. Assurance maternité La vocation de l’assurance maternité est d’assurer à la salariée enceinte, dont le contrat de travail est suspendu, une certaine sécurité matérielle et financière, notamment par le 471

GROSSESSE ET TRAVAIL

versement, pendant le congé maternité, de prestations en nature et en espèces prévues à l’article L. 330-1 du Code de la Sécurité sociale (CSS).

5.2.1. Prestations en nature Bénéficiaires des prestations. Au sens de l’article L. 331-3 du CSS bénéficient de l’assurance maternité, l’assurée (c’est-à-dire la salariée enceinte) et les membres de sa famille (les enfants qui se trouvent à la charge de l’assuré ou de son conjoint). Conditions d’ouverture des droits. Pour avoir droit aux prestations en nature, l’assuré doit justifier d’une durée minimale d’activité salariée ou assimilée identique à celle requise pour l’assurance maladie. Les conditions d’ouverture du droit aux prestations en nature de l’assurance maternité sont appréciées : – soit au début du 9e mois avant la date présumée de l’accouchement, – soit à la date du début de repos prénatal. Pour toutes informations complémentaires sur la durée minimale d’activité ouvrant droit aux prestations maternité, il convient de se reporter à l’article R. 313-2 du CSS. Objet des prestations en nature. L’article L. 330-1 précité précise que l’assurance maternité à pour objet : – la couverture des frais visés à l’article L. 331-2 du CSS : c’est-à-dire l’ensemble des frais médicaux, pharmaceutiques, d’analyse et d’examens de laboratoires, d’appareils et d’hospitalisation relatifs ou non à la grossesse, à l’accouchement et à ses suites, intervenant au cours d’une période quatre mois avant la date présumée de l’accouchement et se termine douze jours après l’accouchement ; – la couverture des frais d’examens prescrits en application du deuxième alinéa de l’article L. 2122-1 du Code de la santé publique (CSP) : c’est-à-dire les examens obligatoires que doit effectuer la femme enceinte. Ces examens obligatoires sont au nombre de sept pour une grossesse évoluant jusqu’à son terme (article R. 2122-1 du CSP) ; – la couverture des frais prévus à l’article L. 2122-3 du CSP : il est visé ici le cas de l’examen médical du futur père, chaque fois que l’examen de la future mère ou les antécédents familiaux le rendent nécessaire ; 472

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La jurisprudence précise que l’examen médical du père est pris en charge au titre de l’assurance maternité même si le futur père n’est pas l’époux de l’assurée (lettre DGSS, 26 déc. 1962 : Bull. jur. FNOSS, n° 12/63).

– la couverture des frais prévus à l’article L. 2132-2 du CSP : tous les enfants de moins de six ans bénéficient de mesures de prévention sanitaire et sociale qui comportent notamment des examens obligatoires. Le nombre et le contenu de ces examens, l’âge auquel ils doivent intervenir sont fixés par voie réglementaire (pour toutes informations complémentaires, se reporter aux articles R. 2132-1 à R. 2131-3 du CSP).

5.2.2. Prestations en espèces Indemnités journalières. L’article L. 330-1 du Code de la Sécurité sociale (CSS) prévoit pour l’assurée l’octroi d’indemnités journalières de Sécurité sociale. Durée d’indemnisation. L’article L. 331-3 du CSS précise que pendant une période qui débute 6 semaines avant la date présumée de l’accouchement et se termine 10 semaines après celui-ci, l’assurée reçoit une indemnité journalière de repos à condition de cesser tout travail salarié durant la période d’indemnisation et au moins pendant 8 semaines. Lorsque des naissances multiples sont prévues, cette période commence 12 semaines avant la date présumée de l’accouchement, 24 semaines en cas de naissance de plus de deux enfants et se termine 22 semaines après la date de l’accouchement. Par ailleurs, quand l’accouchement a lieu avant la date présumée, la période d’indemnisation de 16 ou de 34 semaines, 46 semaines en cas de naissance de plus de deux enfants n’est pas réduite de ce fait. Bénéficiaires. Seule la mère, si elle est elle-même assurée sociale, a droit à des indemnités journalières de repos au titre de l’assurance maternité. Conditions d’ouverture de droits. Pour avoir droit aux indemnités journalières pendant son congé maternité, la salariée : – doit justifier de 10 mois d’immatriculation, en tant qu’assurée sociale, à la date présumée de son accouchement ; – avoir travaillé au moins 200 heures au cours des 3 mois civils ou des 90 jours précédant le début de sa grossesse ou de son congé prénatal, ou avoir cotisé sur 473

GROSSESSE ET TRAVAIL

un salaire au moins égal à 1 015 fois le montant du SMIC horaire au cours des 6 mois civils précédant le début de sa grossesse ou de son congé prénatal ; – ou, à défaut, en cas d’activité à caractère saisonnier ou discontinu, avoir travaillé au moins 800 heures ou avoir cotisé sur un salaire au moins égal à 2 030 fois le montant du SMIC horaire, au cours des 12 mois civils ou des 365 jours précédant le début de sa grossesse ou de son congé prénatal. Calcul et montant de l’indemnité journalière. L’indemnité journalière versée pendant le congé maternité est égale au salaire journalier de base, calculé sur la moyenne des salaires (= salaires soumis à cotisations, pris en compte dans la limite du plafond de la Sécurité sociale en vigueur au 1er janvier de l’année en cours, et diminués des cotisations obligatoires à caractère légal et conventionnel et de la CSG) des 3 mois qui précèdent le congé prénatal, ou des 12 mois en cas d’activité saisonnière ou discontinue. Ceci étant dit, des conventions collectives ou des accords de branche peuvent prévoir le maintien du salaire par l’employeur pendant le congé maternité. Versement des indemnités journalières. Les indemnités journalières sont versées tous les 14 jours à la salariée, par sa caisse d’assurance maladie, ou à son employeur en cas de subrogation. Congé légal de maternité et arrêt maladie. Pour rappel, le congé légal de maternité indemnisé par l’assurance maternité débute, selon le cas, au plus tôt 24 semaines et au plus tard 6 semaines avant la date présumée de l’accouchement, éventuellement augmentée de 2 semaines supplémentaires pour grossesse pathologique. L’indemnisation des arrêts de travail intervenant avant ces dates relève de l’assurance maladie dès lors que l’assurée justifie d’une incapacité physique de continuer ou de reprendre le travail constatée par le médecin traitant ou, dans la limite de sa compétence professionnelle, par la sage-femme (art. L. 321-1 du CSS). Par ailleurs, lorsque la salariée use de son droit de reporter après l’accouchement une partie du congé prénatal mais que dans le même temps elle se voit prescrire un arrêt de travail pendant la période antérieure à la date présumée de l’accouchement dont elle a demandé le report, la période de suspension du contrat de travail au titre du congé légal de maternité est décomptée à partir du 1er jour de l’arrêt de travail. Autrement dit, le report du congé prénatal au profit du congé postnatal est annulé pour toute la période correspondant à l’arrêt maladie prescrit par le médecin traitant. La période initialement reportée est réduite d’autant. Le Code de la Sécurité sociale, pris en son article L. 331-4-1, tient compte de cette possibilité offerte à la salariée. En cas d’arrêt maladie, pendant la période antérieure à la 474

Réglementation relative à la grossesse au travail 11

date présumée de l’accouchement dont l’assurée a demandé le report, c’est l’indemnité de repos prénatal et non l’indemnité journalière maladie qui sera versée à la salariée à compter du 1er jour de l’arrêt de travail. Exemple. Une salariée dont l’accouchement est prévu pour le 30 septembre 2009 bénéficie d’un congé maternité qui commence 6 semaines avant cette date, soit le 19 août. Ladite salariée demande le report de deux semaines de son congé prénatal. Elle doit donc poursuivre son activité professionnelle jusqu’au 2 septembre et parallèlement elle bénéficiera d’un congé postnatal de 12 semaines. Cependant, le 26 août, son médecin traitant lui prescrit un arrêt de travail d’une semaine. À ce titre, le congé de maternité est décompté à compter du 26 août et la salariée pourra disposer d’un congé postnatal de 11 semaines au lieu de 12. Ainsi, en raison de l’arrêt maladie, l’indemnité de repos prénatal sera versée à compter du 26 août et non à partir du 2 septembre comme initialement prévue.

6. Droit au retour dans l’entreprise La principale mesure de protection de la maternité est la garantie pour la salariée de retrouver son emploi à l’issue de son congé de maternité. À cette garantie s’ajoute le droit de bénéficier d’une évolution salariale. Parallèlement, une fois rentrée dans l’entreprise, la salariée bénéficie d’un certain nombre de droits qui tous ont pour objectif de favoriser son intégration, notamment le droit de consulter le médecin du travail ou encore celui d’allaiter sur le lieu de travail.

6.1. Droit au retour à l’emploi Reprise du poste de travail initial. À l’issue du congé de maternité, la salariée retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente (Code du travail, art. L. 1225-25). Toutefois, dès lors que le montant de la part variable n’est pas fixé par le contrat et dépend de la seule activité de la salariée (commission par exemple), cette dernière ne peut exiger de l’employeur qu’il lui garantisse le même niveau de rémunération à son retour de congé maternité (Cass. Soc. 10 déc. 2008), n° 07-44113 FD).

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Rajustement salarial. En l’absence d’accord collectif de branche ou d’entreprise déterminant des garanties d’évolution de la rémunération des salariées pendant le congé de maternité, l’article L. 1225-26 du Code du travail prévoit que la rémunération de la salariée est majorée, à la suite de son congé, des augmentations générales ainsi que de la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant la durée de ce congé par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle ou, à défaut, de la moyenne des augmentations individuelles dans l’entreprise. Changement des conditions de travail. L’employeur ne peut imposer une modification du contrat de travail sans le consentement de la salariée. Cependant, en vertu de son pouvoir de direction et d’organisation, il peut décider unilatéralement d’un changement des conditions de travail (une modification des horaires par exemple) que la salariée, de retour en congé de maternité, doit accepter.

Cela dit, l’employeur ne peut pas prendre des mesures arbitraires ou qui ne seraient pas proportionnées au but recherché. Les juges ont par exemple considéré que le refus par la salariée, à son retour de congé de maternité, d’accepter un changement de ses horaires pour des raisons familiales impérieuses ne constitue pas une faute grave. En l’espèce, la salariée, préparatrice en pharmacie, qui avait 10 ans d’ancienneté, s’était vue imposer par le nouveau propriétaire de l’officine de travailler le samedi matin et trois samedis après-midi sur quatre (Cass. Soc., 14 déc. 2005, n° 03-47.721).

Droit aux congés payés. La salariée de retour de congé maternité conserve ses droits à congés payés annuels, quelle que soit la période des congés payés retenue dans l’entreprise (Code du travail, art. L. 3141-2). En effet, la durée du congé de maternité est assimilée à une période de travail effectif pour calculer la durée des congés payés (art. L. 3141-5). Droit individuel à la formation et autres droits. La durée du congé de maternité est prise en compte pour le calcul des droits ouverts au titre du droit individuel à la formation liés à l’ancienneté, ainsi que pour la répartition de l’intéressement et de la participation aux résultats de l’entreprise. Entretien en vue de l’orientation professionnelle. La salariée qui reprend son activité à l’issue d’un congé de maternité a droit à un entretien avec son employeur en vue de son orientation professionnelle (art. L. 1225-27). Congé de maternité et CDD. Le congé de maternité est sans influence sur l’échéance d’un CDD. La période de suspension n’affecte en rien la survenance du terme du contrat et n’a pas donc pour effet d’en reporter la date d’expiration (art. L. 1243-6). 476

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Droit au congé parental d’éducation. Si la salariée a une ancienneté d’au moins un an dans l’entreprise, elle peut demander à bénéficier d’un congé parental d’éducation quel que soit l’effectif de l’entreprise. Ledit congé peut être à temps plein ou à temps partiel. Ce congé n’est pas en principe rémunéré. À l’issue de ce congé, la salariée dispose d’un véritable droit à réintégration dans l’entreprise. Démission pour élever un enfant. Quelle que soit son ancienneté, la mère peut, à l’issue de congé de maternité, rompre son contrat de travail (art. L. 1225-66). La salariée n’est pas tenue d’observer le délai de préavis. Elle doit simplement informer l’employeur de sa décision, par lettre recommandée avec AR, au plus tard 15 jours avant la fin du congé maternité (art. R. 1225-18). Droit au réembauchage. Dans l’année suivant la rupture de son contrat de travail, la salariée peut solliciter sa réembauche. Celle-ci bénéficie alors pendant un an d’une priorité de réembauchage dans les emplois auxquels sa qualification lui permet de prétendre (art. L. 1225-67).

6.2. Droit à une surveillance médicale Visite médicale obligatoire. La salariée bénéficie d’un examen de reprise de travail par le médecin du travail après un congé de maternité (Code du travail, art. R. 4624-21). Objet de la visite. L’examen de reprise a pour objet d’apprécier l’aptitude médicale de la salariée à reprendre son ancien emploi, la nécessité d’une adaptation des conditions de travail ou d’une réadaptation du salarié ou éventuellement de l’une et de l’autre de ces mesures. En outre, à l’objectif général de cet examen de reprise s’ajoute, dans le cas de reprise du travail après une maternité récente, la recherche d’une anomalie ou d’une pathologie néonatale qui pourrait être en rapport avec le travail effectué pendant la grossesse (C. 02.05.1985). Cet examen a lieu lors de la reprise du travail et au plus tard dans un délai de huit jours (art. R. 4624-22). Possibilité d’un examen médical de pré-reprise. En vue de faciliter la recherche des mesures nécessaires, lorsqu’une modification de l’aptitude au travail est prévisible, un examen médical de pré-reprise préalable à la reprise du travail peut être sollicité sur l’initiative du salarié, du médecin traitant ou du médecin conseil des organismes de Sécurité sociale. 477

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L’avis du médecin du travail est sollicité à nouveau lors de la reprise effective de l’activité professionnelle (art. R. 4624-23).

6.3. Droit à l’allaitement dans l’établissement Une heure par jour. La femme allaitant son enfant peut le faire dans l’établissement et dispose pour cela d’une heure par jour pendant les heures de travail (Code du travail, art. L. 1225-30 et L. 1225-31). L’heure prévue pour l’allaitement est répartie en deux périodes de trente minutes, l’une pendant le travail du matin, l’autre pendant l’après-midi. La période où le travail est arrêté pour l’allaitement est déterminée par accord entre la salariée et l’employeur. À défaut d’accord, cette période est placée au milieu de chaque demi-journée de travail (art. R. 1225-5). La période de trente minutes est réduite à vingt minutes lorsque l’employeur met à la disposition des salariées, à l’intérieur ou à proximité des locaux affectés au travail, un local dédié à l’allaitement (art. R. 1225-6). Installation obligatoire d’un local dédié à l’allaitement. Tout employeur employant plus de cent salariées peut être mis en demeure d’installer dans son établissement ou à proximité des locaux dédiés à l’allaitement (art. L. 1225-32). Caractéristiques du local dédié à l’allaitement – articles R. 4152-13 à R. 4152-28 du Code du travail. Le local dédié à l’allaitement doit être : 1. Séparé de tout local de travail ; 2. Aéré et muni de fenêtres ou autres ouvrants à châssis mobiles donnant directement sur l’extérieur ; 3. Pourvu d’un mode de renouvellement d’air continu ; 4. Convenablement éclairé ; 5. Pourvu d’eau en quantité suffisante ou à proximité d’un lavabo ; 6. Pourvu de sièges convenables pour l’allaitement ; 7. Tenu en état constant de propreté. Le nettoyage est quotidien et réalisé hors de la présence des enfants ; 8. Maintenu à une température convenable dans les conditions hygiéniques. Les enfants ne peuvent séjourner dans le local dédié à l’allaitement que pendant le temps nécessaire à l’allaitement.

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7.

Rôle des acteurs de la prévention

Pour aider l’employeur à satisfaire son obligation de sécurité à l’égard des salariés, le comité d’hygiène et de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et les services de santé au travail constituent des partenaires et acteurs indispensables.

7.1. Services de santé au travail (SST) : rôle du médecin du travail La loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 a transformé les services de médecine au travail en services de santé au travail (SST). Les modalités d’organisation des SST ont été profondément modifiées par le décret n° 2004-760 du 28 juillet 2004 (articles R. 4621-1 et suivants du Code du travail). La modification de l’appellation n’est pas neutre : les termes de services de santé au travail traduisent la pluridisciplinarité déjà présente dans la directive de 1989 avec l’objectif de passer d’une logique de moyens à une logique de résultat. Le rôle du médecin du travail reste inchangé, mais les entreprises et les SST sont tenus d’être en capacité de mobiliser toutes les compétences techniques et organisationnelles utiles et nécessaires à la prévention et à l’amélioration des conditions de travail.

7.1.1. Surveillance médicale renforcée Principe. Le médecin du travail exerce une surveillance médicale particulière pour les femmes enceintes (Code du travail, art. R. 4624-19). Le médecin est juge de la fréquence et de la nature des examens que comporte cette surveillance médicale particulière (art. R. 4152-1). Contenu et limite. La mission de surveillance médicale particulière concerne la salariée et les risques auxquels celle-ci peut être exposée pendant sa grossesse du fait du travail, mais non l’état de grossesse lui-même et son déroulement, dont la surveillance revient au médecin choisi par la salariée pour la suivre pendant cette période et veiller à son issue favorable. Secret professionnel. Il y a lieu de rappeler que le médecin du travail est astreint au respect du secret professionnel sur l’existence d’un état de grossesse aussi longtemps que l’employeur n’en a pas été avisé par la salariée elle-même et que, au-delà, ce secret persistera pour toutes les anomalies ou complications qui peuvent être liées à cet état.

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7.1.2. Missions générales du médecin Information. La mission du médecin du travail s’exercera par l’information des salariés en âge de procréer. Cette information doit être entreprise, dès l’embauchage, pour les postes de travail exposant à un risque et elle doit être rappelée ou réactualisée lors des examens cliniques ultérieurs. Il conviendra, en particulier, d’insister sur le fait que certains risques, notamment toxicologiques, peuvent influer précocement sur la grossesse alors que d’autres, telle la charge de travail, influent surtout en fin de grossesse. Surveillance clinique. La mission de la surveillance clinique concernera l’adaptation réciproque du travail et de la salariée compte tenu de l’état de grossesse, celle-ci peut s’exercer sur l’initiative de l’intéressée ou du médecin du travail. Comme précédemment dit, le médecin du travail sera juge de la fréquence et de la nature des examens qui pourraient être proposés à une salariée. L’objectif de cette surveillance médicale particulière est de suivre la compatibilité du poste et les conditions de travail de la salariée avec le maintien d’un bon état de santé et un déroulement satisfaisant de la grossesse.

7.1.3. Adaptation du travail Le médecin du travail doit s’efforcer de rechercher des mesures d’adaptation du travail pour supprimer ou limiter certains facteurs de risque ou de fatigue. Pour les salariées qui occupent des postes de travail exposant à des risques déterminés, le médecin du travail doit fournir des conclusions écrites et des indications sur l’aptitude de la salariée à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise.

7.1.4. Liaisons avec le médecin traitant Les liaisons entre le médecin du travail et le médecin choisi pour la suivre pendant sa grossesse relèvent de l’initiative de chacun de ces médecins, par l’intermédiaire de la salariée elle-même. En milieu de travail, ces liaisons peuvent être à l’origine de propositions d’aménagement du poste ou des conditions de travail ou de mutations temporaires, faites par le médecin du travail, pour tenir compte d’une modification de l’aptitude au travail, ou d’un risque pour la salariée ou son enfant à venir.

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Mais elles peuvent aussi aboutir, en cas d’état pathologique constaté par le médecin traitant, à un arrêt de travail prescrit par celui-ci.

7.1.5. Examen de reprise du travail Une visite médicale de reprise auprès du médecin de santé au travail est prévue dans les 8 jours de son retour de congés de maternité et les mères d’un enfant de moins de 2 ans font l’objet d’une surveillance médicale renforcée.

7.2. Rôle du CHSCT 7.2.1. Protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des salariés Le CHSCT a pour mission de contribuer à la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des salariés de l’établissement et de ceux mis à sa disposition par une entreprise extérieure, de contribuer à l’amélioration des conditions de travail, notamment en vue de faciliter l’accès des femmes à tous les emplois et de répondre aux problèmes liés à la maternité. Il veille à l’observation des prescriptions législatives et réglementaires prises en ces matières (Code du travail, art. L. 4612-1).

7.2.2. Analyses des risques professionnels des femmes enceintes Le CHSCT procède à l’analyse des risques professionnels auxquels peuvent être exposés les salariés de l’établissement ainsi qu’à l’analyse des conditions de travail. Il procède également à l’analyse des risques professionnels auxquels peuvent être exposées des femmes enceintes (art. L. 4612-2). Le CHSCT se prononce sur toute question de sa compétence dont il est saisi par l’employeur, le comité d’entreprise ou d’établissement et les délégués du personnel (art. L. 4612-13). Le législateur a entendu souligner l’importance de la tâche du CHSCT à l’égard de certaines catégories de salariés : les femmes pour lesquelles le comité est chargé de répondre aux problèmes liés à la maternité, qu’ils se posent ou non pendant la période de la grossesse.

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7.2.3. Information du CHSCT par le médecin du travail Le ministère du Travail rappelle le rôle du médecin du travail en matière d’information du CHSCT sur les conditions de travail. Ce sont, en effet, ces informations, susceptibles d’être prises en considération pour l’aménagement du poste et des conditions de travail, qui constituent l’un des domaines d’action du CHSCT. Le bilan annuel et le programme annuel de prévention des risques professionnels peuvent le cas échéant, et en particulier dans les entreprises à forte prédominance de personnel féminin, envisager ces questions.

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L’organisation du suivi de la grossesse en France

12 D. Lafon

Introduction Quelle est l’organisation de la surveillance de la grossesse en France ? Quelle est la place accordée aux risques professionnels dans cette surveillance par les spécialistes de cette dernière ? Tel est l’objectif de ce chapitre qui présentera l’organisation de la périnatalité en France, la surveillance de la grossesse ainsi que le contenu d’un certain nombre de recommandations récentes [Haute Autorité de Santé (HAS), Académie de médecine] ou d’actions diverses (Charte de la parentalité). Certaines actions de surveillance des événements liés à la reproduction ou à la naissance seront présentées.

1. Organisation de la périnatalité L’organisation autour de la grossesse et de la naissance existe depuis de nombreuses années en France mais a été progressivement remodelée ces dernières décennies afin d’améliorer la sécurité des naissances. Cette organisation est pilotée par des plans « périnatalités », dont le premier a couvert la période 1971-1976. Ces dernières années, des efforts ont été faits afin de créer un accompagnement plus humain, plus proche tout en développant une prise en charge plus sûre. Cette impulsion est issue du rapport 483

GROSSESSE ET TRAVAIL

rédigé par G. Bréart, J.-C. Rozé et F. Puech en 2003 à la demande du ministre de la Santé. Le plan de périnatalité 2005-2007 s’en est largement inspiré. Les quatre motsclés de ce plan sont humanité, proximité, sécurité, qualité. Pour améliorer l’humanisation de la naissance, plusieurs mesures sont introduites : mise en place et financement d’un entretien prénatal précoce au 4e mois, amélioration du travail en réseau entre intervenants médicopsychosociaux. La participation des usagers à la définition, au suivi et à l’évaluation de la politique périnatale, ainsi qu’une optimisation de l’information donnée aux usagers sur les modalités de prise en charge sont également mises en place. Le plan a créé également la Commission nationale de la naissance qui sera un lieu pérenne de discussion, d’élaboration et de recommandations en matière de périnatalité (Puech, 2007-2008).

2. Principaux intervenants Le gynécologue-obstétricien représente la principale personne consultée pour la déclaration de grossesse (74,5 % en 2003) et pour la suite de la surveillance médicale. Sagesfemmes et généralistes sont les deux autres référents (Blondel, 2008). Les naissances se déroulent principalement dans des maternités, de plus en plus dans des maternités publiques de grande taille. Entre 1995 et 2003, les naissances dans des maternités qui assurent annuellement 2 000 accouchements ou plus sont passées de 15,9 % à 35,7 %. Depuis les décrets de 1998, les centres périnatals sont classés en niveau de spécialisation de I à III en fonction du niveau de prise en charge néonatale (I simple présence de pédiatre, IIa lits de néonatalogie, IIb lits de néonatalogie de soins intensifs, III lits de néonatalogie de réanimation). Dans les faits, les maternités de type III sont celles qui sont le plus adaptées à recevoir les grossesses pathologiques du fait de la proximité de la réanimation néonatale.

3. Travail en réseau Les différents plans de périnatalité ont souhaité développer une organisation en réseau. Ce sont d’abord les établissements publics ou privés dans le domaine de la périnatalité qui se sont organisés. En 2007, une quarantaine de réseaux fonctionnaient de manière formalisée et organisée. La Fédération nationale des réseaux en périnatalité a vu le jour en octobre 2007. En 2009, elle comprend 56 réseaux régionaux, départementaux ou locaux regroupant 772 000 naissances et 584 maternités. 484

L’organisation du suivi de la grossesse en France 12

Les enjeux actuels sont de développer les réseaux de santé de proximité ville/PMI/ hôpital en amont et en aval de l’organisation inter-établissements. Les financements ne sont obtenus que s’il existe un réseau ville-hôpital. Comme le souligne F. Pierre, ce développement permettra de garantir un meilleur accès aux soins pour l’ensemble de la population et d’améliorer la qualité de la prise en charge de la mère et de son enfant autour de la naissance (Pierre, 2007-2008). L’objectif est de prendre en charge de façon adaptée la grossesse en cas de situation pathologique ou de risque médicopsychosocial. L’entretien prénatal précoce du 4e mois a cet objectif : repérer les situations de vunérabilité psychiques, affectives, sociales… Ces réseaux de santé doivent intégrer les réseaux périnatals de proximité, les structures de protection maternelle et infantile, les sages-femmes libérales, sans oublier les médecins généralistes.

4. Programme de suivi et contenu des consultations pour la surveillance d’une grossesse Le système d’assurance maladie prend en charge : – sept consultations prénatales, – une consultation postnatale dans les huit semaines qui suivent l’accouchement, – huit séances de préparation à la naissance et à la parentalité. L’entretien prénatal du 4e mois est la première séance de la préparation. Il a une cotation en libéral de 2C et doit durer 45 minutes : il permet de repérer les situations de vulnérabilité et de mettre en place par les réseaux une continuité et une anticipation dans le suivi et les mesures à prendre. La déclaration de grossesse doit être réalisée par un médecin ou une sage-femme dans les quatorze premières semaines de la grossesse. Elle est transmise à l’organisme d’assurance maladie et à la caisse d’allocations familiales et permet l’ouverture des droits sociaux. L’assurance maternité couvre l’ensemble des coûts médicaux, pharmaceutiques, d’analyses et d’examens de laboratoire, d’appareils et d’hospitalisation relatifs ou non à la grossesse, à l’accouchement et à ses suites, pendant une période qui débute quatre mois avant la date présumée de l’accouchement et qui se termine douze jours après celui-ci, dans la limite du tarif de responsabilité de la Sécurité sociale (AF. Pauchet-Traversat, HAS). En dehors de cette période, certains examens listés sont également pris en charge, sans être remboursés en totalité, ce qui pose problème pour les plus démunis. 485

GROSSESSE ET TRAVAIL

L’assurance maternité prend également en charge les examens complémentaires et les consultations prévus par le Code de santé publique. Chaque consultation prénatale est structurée et comporte un contenu ciblé adapté au stade de la grossesse. La première consultation doit ainsi permettre notamment d’identifier le risque obstétrical et les besoins de soins complémentaires. Les femmes affiliées à un organisme d’assurance maladie reçoivent trois guides « Vous accompagner… la maternité de 0 à 6 mois », «Vous accompagner… la maternité de 6 à 9 mois » et « Vous accompagner… la maternité naissance ». Un calendrier des examens médicaux à effectuer avant et après l’accouchement y est détaillé. Un dossier internet sur le site www.ameli.fr propose un certain nombre de renseignements sur le déroulement de la grossesse et sa surveillance. Les risques professionnels n’y sont pratiquement pas signalés. Un aide-mémoire est également fourni à la femme enceinte par la Sécurité sociale dès réception de sa déclaration de grossesse afin qu’elle prépare sa visite médicale et mette par écrit quelques questions. Des pistes de questions sont proposées. Aucune ne concerne le milieu de travail.

5. Durée du congé maternité La durée du repos maternité dépend de la situation familiale et du nombre d’enfants attendus (article 25-1 à 4 ; loi n° 94-629 du 25 juillet 1994) (Tableau 12.1). Depuis le 1er janvier 2002, le père peut bénéficier de 11 jours ouvrables consécutifs de congé paternité. Cette durée s’ajoute aux 3 jours employeurs déjà accordés au père pour la naissance ou l’adoption. Elle est allongée à 18 jours en cas de naissance multiple. Le père est libre de prendre ces congés dans les 4 mois suivant la naissance de son enfant. En cas de grossesse pathologique, la femme peut bénéficier de 14 jours de repos supplémentaires sur certificat médical. En cas d’accouchement prématuré, la durée totale du congé légal n’est pas réduite. En cas d’accouchement tardif, le congé prénatal est prolongé jusqu’à l’accouchement et le congé postnatal n’est pas réduit. En cas d’hospitalisation de l’enfant au-delà de la 6e semaine suivant l’accouchement, la femme peut reprendre le travail et utiliser le reliquat de son congé à la sortie de son enfant. 486

L’organisation du suivi de la grossesse en France 12

Tableau 12.1. Durée du congé maternité en fonction du type de grossesse et de la situation familiale. Durée totale congé (semaines)

Période prénatale (semaines)

Période postnatale (semaines)

L’assurée ou le foyer a moins de 2 enfants à charge ou nés viables

16

6

10

L’assurée ou le foyer a déjà la charge d’au moins 2 enfants ou la maman a déjà mis au monde au moins 2 enfants

26

8*

18

Gémellaire

34

12**

22

Triple ou plus

46

24

22

Type de grossesse Unique

Situation familiale

* La période prénatale peut être augmentée de 14 jours sans justification médicale. La période postnatale est réduite d’autant. ** La période prénatale peut être augmentée de 28 jours sans justification médicale. La période postnatale est réduite d’autant.

Pendant la durée du congé maternité, la mère n’est pas tenue de respecter les horaires de sortie autorisés par la caisse primaire d’assurance maladie. En cas d’adoption, une indemnité de repos est due dans les mêmes conditions que le congé postnatal. En cas d’allaitement maternel, la femme peut bénéficier d’une réduction d’une heure par jour de la durée de travail durant la première année de l’enfant (article L. 1225-30 du Code du travail). Cette heure n’est en général pas rémunérée et les mères restent mal informées de cette possibilité.

6. Carnet de santé maternité Un nouveau carnet de santé maternité a été actualisé en 2007. Il a pour but de donner une information sur le déroulement du suivi médical de la grossesse, les droits, les obligations, les aides diverses, d’améliorer le suivi de la grossesse et la communication entre les professionnels de santé et du champ social qui suivront la femme jusqu’à la naissance et dans certaines situations de vulnérabilité après l’accouchement. La cible du carnet est la femme et le couple, pas le praticien. Le carnet est délivré lors du premier examen prénatal. Il est sous la responsabilité du Conseil général qui peut le personnaliser. 487

GROSSESSE ET TRAVAIL

Il se présente en trois parties : – un livret d’accompagnement de la grossesse comportant des espaces d’annotations pour la mère et les professionnels qui la suivent ; – des fiches d’informations pratiques sur les examens à suivre, les soins, les services de préparation, les démarches à entreprendre, assortis de messages de prévention (exemples : conseils alimentaires, de suivi dentaire) ; – un dossier prénatal de suivi médical à remplir par les professionnels de santé, qui peut être remplacé par le dossier de suivi médical utilisé dans leur réseau de soins. Un certain nombre d’informations impactent le travail. Certaines de manière non ciblée, comme par exemple celles fournies dans le paragraphe sur « repos, sommeil et activité physique » ; il y est précisé que « pendant la grossesse, il faut veiller à conserver un temps de sommeil d’au moins huit heures par nuit… pratiquer si possible une courte sieste, en milieu de journée ou simplement s’accorder à plusieurs moments de la journée des temps de repos, en position allongée ou semi-assise… organiser sa vie de façon à se ménager. Éviter de porter des charges lourdes, de faire de longs trajets inutiles et de rester en position assise prolongée (plus de deux ou trois heures). Il est conseillé d’avoir une activité physique douce (marche), d’éviter les activités comportant un risque de chute ou les sports violents ». D’autres sont plus ciblées sur le travail et la grossesse. Il est signalé que la grossesse n’est pas une maladie, mais qu’elle implique quelques précautions. Concernant le poste de travail, les horaires, les trajets pour se rendre au travail, des aménagements peuvent être souhaitables. Il est noté que le médecin du travail fait partie du réseau des professionnels de santé qui peuvent aider la patiente et qu’il est tenu au secret professionnel. Dans l’agenda de la grossesse, il est conseillé d’informer éventuellement le médecin du travail dès la première consultation prénatale. Par ailleurs, il est écrit que l’employeur ne peut en aucun cas : – demander de travailler plus de 10 heures par jour, – faire exécuter des tâches pénibles, – travailler dans les deux semaines qui précèdent la date probable de l’accouchement et les six semaines qui suivent. Il est également noté que, si la femme occupe un poste de travail exposant à certains risques incompatibles avec l’état de grossesse (agents chimiques ou toxiques pour la 488

L’organisation du suivi de la grossesse en France 12

reproduction, plomb et ses dérivés…), l’employeur est tenu de proposer temporairement un autre emploi compte tenu des conclusions du médecin du travail et de ses indications sur l’aptitude à exercer les tâches existantes. En cas d’impossibilité technique de proposer un poste compatible avec son état, l’employeur suspend provisoirement le contrat. Si ces risques ont des répercussions sur son état ou sur l’allaitement, il est possible de bénéficier dans les mêmes conditions d’une suspension du contrat de travail à l’issue du congé postnatal, pendant une durée maximale d’un mois. Un paragraphe est également consacré au travail de nuit, où la réglementation est rappelée. Dans le dossier prénatal, les professions du père et de la mère doivent être notées sans autre précision. Les risques professionnels ne le sont pas. Trois sites internet utiles sont signalés : le portail cohésion sociale, l’INRS, le service info du ministère de l’Emploi.

7. L’Académie de médecine L’Académie de médecine a publié en 2006 un rapport sur la prévention des risques pour l’enfant à naître, au sous-titre incisif « nécessité d’une information bien avant la grossesse ». L’Académie désire attirer l’attention des pouvoirs publics sur un certain nombre de risques existant pendant la grossesse. Elle souligne l’importance de délivrer une information précise aux femmes en âge de procréer et surtout aux femmes en début de grossesse. Tous les moyens doivent être mis en œuvre afin de parvenir au développement normal de l’embryon puis du fœtus et de réduire ainsi le nombre d’hospitalisations de nouveau-nés qui est d’environ 8 %. L’Académie rappelle dans son introduction les risques liés aux conditions et travaux pénibles. Par contre, dans la suite de son rapport, l’Académie ne détaille pas les risques professionnels. Les seuls toxiques cités sont le tabac, l’alcool et les drogues ; pour les risques infectieux, dont certains peuvent concerner le lieu du travail (toxoplasmose, cytomégalovirus…), le contexte professionnel n’est pas mentionné. Deux propositions peuvent intéresser les risques professionnels : – créer une consultation préconceptionnelle, – effectuer le premier examen de grossesse au cours du premier mois (avant 6 semaines d’aménorrhée). 489

GROSSESSE ET TRAVAIL

8. Charte de la parentalité La Charte de la parentalité en entreprise a pour objectif d’inciter les entreprises à proposer aux salariés-parents un environnement mieux adapté aux responsabilités familiales. Initiée par SOS Préma, association d’aide aux parents d’enfants prématurés et L’Oréal, cette Charte a déjà été signée par plus de 120 entreprises et associations en mai 2009 représentant 1,5 million de personnes salariées. Placée sous le haut patronage du ministre du Travail, des Relations sociales, de la Famille et de la Solidarité et du secrétaire d’État chargée de la Famille, la Charte de la parentalité en entreprise a trois objectifs : – faire évoluer les représentations liées à la parentalité dans l’entreprise, – créer un environnement favorable aux salariés-parents, en particulier pour les femmes enceintes, – respecter le principe de non-discrimination dans l’évolution professionnelle des salariés-parents. Par cette Charte, SOS Préma entend faire évoluer les mentalités et les pratiques managériales au sein des entreprises, notamment en ce qui concerne la grossesse. Ces entreprises s’engagent notamment à améliorer les conditions de travail pour les femmes enceintes. Le lancement officiel de la Charte de la Parentalité en Entreprise le 11 avril 2008 au Ministère du Travail, des Relations Sociales, de la Famille et de la Solidarité s’inscrit dans la volonté de l’État de promouvoir l’égalité professionnelle hommes-femmes. Un Observatoire de la Parentalité en Entreprise accompagnera les entreprises signataires dans la mise en place de leurs engagements.

9. La Haute Autorité de Santé (HAS) L’HAS a édité deux recommandations qui intéressent notre sujet : une recommandation sur l’information des femmes enceintes en 2005 et une autre sur le suivi et l’orientation des femmes enceintes en fonction des situations à risque identifiées en 2007. Comment mieux informer les femmes enceintes ? Recommandations pour les professionnels de santé (HAS avril 2005). 490

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Dans l’introduction, les auteurs du rapport rappellent que « la grossesse est un événement naturel qui se déroule normalement pour la majorité des femmes enceintes mais que, afin d’identifier d’éventuelles complications et d’améliorer le confort et le vécu de chaque femme enceinte, le suivi de la grossesse est nécessaire. Dans ce contexte, l’information délivrée par les professionnels de santé le plus tôt possible à l’occasion des consultations prénatales a une incidence positive sur le déroulement de la grossesse et sur la santé de l’enfant à venir. L’information a pour objectifs de favoriser la participation active de la femme enceinte et de lui permettre de prendre, avec le professionnel de santé, les décisions concernant sa santé conformément à la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ». L’essentiel des informations qui sont à fournir aux femmes enceintes est retranscrit dans le tableau 12.1. Quelques informations concernent le travail, notamment la nécessité de tenir compte des risques liés au mode de vie et leur prévention (consommation de tabac et autres addictions, déplacements, mais aussi pénibilité du travail, etc.). Il est souligné également qu’il est nécessaire de fournir des informations écrites sur ces risques ou d’indiquer où les trouver ainsi que des informations sur les droits liés à la maternité. Sans développement excessif, les recommandations de l’HAS parlent également du lien « travail grossesse ». Le texte est reproduit ci-après. « L’information des femmes enceintes porte sur les droits et avantages liés à la grossesse, par exemple, les aménagements du poste et des horaires de travail. – Rassurer les femmes car il n’y a généralement pas de danger à continuer le travail pendant la grossesse. – Identifier les emplois qui comportent des risques ou une pénibilité particulière, des temps de trajet longs. Des informations sur les éventuels risques professionnels sont disponibles auprès de l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) (www.inrs.fr). – La femme enceinte peut demander son affectation de jour pendant la grossesse lorsqu’elle travaille de nuit. Le médecin du travail constate par écrit que le poste de nuit est incompatible avec son état (art. L. 213-2 et L. 122-25-1-1 du Code du travail). – Encourager les femmes à s’informer sur leur situation professionnelle et les aménagements possibles. – En cas de difficultés, la femme enceinte peut avoir recours au médecin du travail ou au médecin généraliste pour envisager une protection vis-à-vis de l’emploi. 491

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Tableau 12.2. L’essentiel des informations à fournir aux femmes enceintes. Objectif Permettre aux professionnels de santé de bien informer la femme enceinte et le couple afin de les aider à prendre des décisions dans le cadre du suivi de la grossesse et de la naissance. Bien informer, c’est… – Consacrer du temps à l’information de la femme enceinte ou du couple. – Apporter une écoute attentive pour mieux prendre en compte les attentes de la femme enceinte ou du couple, leur permettre de poser des questions et d’aborder les problèmes rencontrés. – Délivrer une information orale fondée sur les données scientifiques actuelles et sur les droits et la réglementation ; la compléter, si possible, avec des documents écrits fiables. – Utiliser un langage et/ou un support adaptés, en particulier avec les personnes ayant un handicap sensoriel ou mental ou avec celles qui ne parlent ni ne lisent le français. – Proposer, si nécessaire, une consultation supplémentaire (notamment en début de grossesse), si le volume et/ou la nature de l’information à donner le requièrent. – Fournir des informations écrites (à défaut, indiquer où en trouver), notamment sur la surveillance médicale de la grossesse, la prévention des risques et l’offre de soins locale. – Assurer la continuité des soins par le partage des informations entre les différents professionnels concernés et la femme ou le couple. Dès le début de la grossesse – Expliquer les bénéfices d’un suivi régulier de la grossesse, pour la femme et son bébé. – Proposer un programme de suivi : nombre probable, moment et contenu de chaque consultation (examen clinique, prescription d’examens, attention portée aux signes et symptômes pouvant affecter la santé de la mère et du fœtus), orientation vers une prise en charge spécifique si besoin. – Mettre l’accent sur la prévention et l’éducation, en proposant systématiquement un entretien individuel ou en couple dès le 1er trimestre de la grossesse. Cet entretien conduit à des séances d’éducation à la naissance et au bien-être de l’enfant (individuelle ou collective) et à la mise en œuvre d’interventions adaptées en cas de difficultés psychologiques et sociales repérées. – Informer clairement la femme de son droit d’accepter ou de refuser un examen de dépistage (qu’il soit obligatoire, ou non obligatoire mais proposé systématiquement), après lui avoir expliqué, avant sa réalisation, l’utilité, les bénéfices escomptés et les éventuels inconvénients et conséquences de cet examen. – Souligner les risques de l’automédication et expliquer à la femme qu’elle ne doit pas prendre de médicaments sans prescription médicale. – Identifier les situations de vulnérabilité (violence domestique, addictions, etc.) et toute forme d’insécurité (insécurité affective au sein du couple ou de la famille, précarité, etc.). – Tenir compte du mode de vie et de la situation psychosociale de la femme ou du couple pour l’informer sur : • les services de soins disponibles, le coût des prestations et les possibilités pour le suivi de la grossesse, la préparation à la naissance, l’accouchement et les soins postnatals au sein des réseaux inter-établissements et ville-hôpital, • la nécessité d’une inscription plus ou moins précoce dans le lieu de naissance de son choix, • les risques liés à son mode de vie et leur prévention (consommation de tabac et autres addictions, déplacements, pénibilité du travail, etc.), • les risques infectieux alimentaires et les conseils d’hygiène de vie et de nutrition, • les réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents, • les dispositifs visant à améliorer l’accès aux soins et l’accompagnement psychosocial pour les femmes ou les couples en situation précaire, • les droits liés à la maternité et la manière de les faire valoir.

492

L’organisation du suivi de la grossesse en France 12

Les informations sur les droits changent régulièrement avec le temps, consulter le site du ministère de l’Emploi (www.sante-securite.travail.gouv.fr). Les congés légaux de maternité et de paternité sont détaillés en annexe 3 ». Suivi et orientation des femmes enceintes en fonction des situations à risque identifiées » (HAS mai 2007). Dans ce document, l’HAS a listé l’ensemble des facteurs de risque pour les femmes enceintes. Dans l’analyse de la littérature, un chapitre d’une page est consacré aux risques professionnels. Il reprend les risques chimiques, le travail de nuit mais aussi le travail physique (manutention manuelle, vibrations, travail debout, stress…). Dans ces recommandations, l’HAS retient le risque professionnel dans les facteurs de risque à dépister lors de la période préconceptionnelle ou de la 1re consultation de grossesse. Dans ce cas, un avis d’un gynécologue-obstétricien est nécessaire ainsi qu’éventuellement un avis complémentaire d’un autre spécialiste.

10. Surveillance des événements liés à la reproduction et à la naissance La surveillance des données populationnelles sur le déroulement des grossesses peut être réalisée à partir de plusieurs sources d’informations : certificat néonatal de décès, enquête nationale périnatale, registres de malformations, registres des handicaps, Audipog.

l Les certificats de décès néonatals Les certificats de décès néonatals ont été mis en place en 1997. Ils permettent de disposer d’informations détaillées sur les causes de décès, et sur les caractéristiques du nouveau-né, de l’accouchement et des parents. Les certificats de décès sont centralisés au Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès (CepiDc). Le formulaire est différent de celui utilisé pour les adultes. Dans ces certificats, la profession des parents est précisée, notamment la profession exercée pendant la grossesse pour la mère.

l L’enquête nationale périnatale L’enquête périnatale a été détaillée dans un chapitre sur les données statistiques sur les femmes au travail. 493

GROSSESSE ET TRAVAIL

l Les registres de malformations Un registre est « un recueil continu et exhaustif de données nominatives intéressant un ou plusieurs événements de santé dans une population géographiquement définie, à des fins de recherche et de santé publique, par une équipe ayant les compétences appropriées (arrêté du 6 novembre 1995) ». La France comptait à la date du 30 décembre 2008 quatre registres de malformations congénitales surveillant systématiquement les issues de grossesse de 14 départements, ce qui correspond en moyenne à 129 000 naissances annuelles, soit 16 % des naissances françaises. Depuis le 1er janvier 2009, un cinquième registre complète ce dispositif : REMALAN qui couvre la Guadeloupe et la Martinique. Le registre de Paris a été créé en 1981 et couvre 38 000 naissances annuelles [interruptions médicales de grossesse (IMG) comprises]. Il concerne des mères accouchant à Paris et résidant à Paris ou dans les départements de la petite couronne (92, 93, 94) soit de 1981 à 2005, un total de 912 830 naissances. Le registre des malformations congénitales d’Alsace qui date officiellement de 2005 couvre 23 000 naissances annuelles (IMG comprises). Le registre des malformations en Rhône-Alpes (REMERA) a été créé en janvier 2007 pour les départements du Rhône, de l’Isère, de la Loire et de la Savoie, soit 56 000 naissances annuelles. Il prend la suite du registre de l’Institut européen des génomutations qui existait depuis 1976. Le registre de la région Auvergne est indépendant depuis 1997 (CEMC-Auvergne). Il recense 14 000 naissances, plus 2 500 naissances en Corrèze depuis 2008. Ces registres répertorient tous les enfants malformés, vivants ou mort-nés après une grossesse de 22 semaines d’aménorrhée au moins ou si la grossesse a été interrompue, quel que soit le terme. Toutes les malformations sont enregistrées mises à part les malformations mineures ou déformations et les erreurs innées du métabolisme. Au niveau européen, les registres se sont regroupés. EUROCAT est un registre européen des malformations congénitales. Créé en 1979, il regroupe des données sur près de 1,5 million de naissances par an. Il regroupe 43 registres dans 20 pays et couvre 29 % des naissances en Europe. En France, trois registres des malformations (Paris, Auvergne, Strasbourg) y intègrent leurs données. À l’initiative de l’Institut de veille sanitaire (InVS), les registres français travaillent actuellement à l’harmonisation de leurs pratiques en vue de se fédérer en réseau national. 494

L’organisation du suivi de la grossesse en France 12

Le rôle premier de ces registres de population est la détection précoce de clusters de malformations, secondaires à l’introduction d’un nouvel agent tératogène dans l’environnement. Ainsi, les données de l’ancien registre Centre-Est ont permis la détection de l’effet tératogène du valproate de sodium vis-à-vis du spina bifida. Avec le développement des mesures de prévention, cette mission de surveillance-alerte a progressivement été complétée par un rôle primordial d’évaluation en population de l’impact des politiques de santé publique dans le domaine de la périnatalité. Les sources d’identification des cas sont multiples et réparties dans les départements couverts par chacun des registres : maternités publiques et privées, services de spécialités publics et privés amenés à intervenir dans le diagnostic et la prise en charge des enfants porteurs de malformations congénitales, services de fœtopathologie, laboratoires publics et privés de cytogénétique, services de Protection maternelle et infantile. Pour chaque registre, le nombre de sources par cas est estimé entre trois et quatre. Le recensement s’effectue essentiellement de façon active par un agent de recensement se rendant régulièrement dans chaque service concerné. Une part est passive lorsqu’un cas est signalé par un des correspondants du registre au moyen du formulaire de déclaration. Chaque registre dispose de son propre formulaire standardisé de recensement des cas et d’un système informatique d’exploitation de la base de données spécifique. Les variables recueillies comportent dans tous les cas des données sociodémographiques, les antécédents maternels, les expositions médicamenteuses et toxiques, des renseignements sur le déroulement de la grossesse et les examens de diagnostic prénatal, et la description détaillée des malformations.

l AUDIPOG AUDIPOG (Association des Utilisateurs de Dossiers Informatisés en Pédiatrie, Obstétrique et Gynécologie) est une association loi 1901, créée en 1980, par le professeur Claude Sureau, à la suite d’un groupe de travail réuni par le Comité consultatif pour l’informatique médicale (CCIM) au sein du ministère de la Santé. Le but de cette association était de promouvoir l’utilisation d’un « dossier périnatal commun » et l’informatisation des maternités. L’informatisation de ces données permet de surveiller la santé périnatale en France en continu et d’évaluer les pratiques médicales. AUDIPOG joue également un rôle dans l’évaluation des pratiques médicales.

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GROSSESSE ET TRAVAIL

l Étude ELFE Il est intéressant de signaler l’étude ELFE (Étude longitudinale française depuis l’enfance) qui est une enquête scientifique dont l’objet est de suivre 20 000 enfants de la naissance à l’âge adulte pour analyser l’impact des différents facteurs familiaux, sociaux, scolaires, comportementaux, environnementaux, sanitaires ou nutritionnels sur leur développement physique, psychologique et social. Ce projet est mené en coopération, dans le cadre d’un Groupement d’intérêt scientifique (GIS), par des organismes de recherche et d’autres institutions (INED, InVS, INSERM, INSEE, DGS, DREES, DEPP et CNAF).

Bibliographie Blondel B, Zeitlin J. Santé et prise en charge médicale au moment de la naissance. Actual Doss Santé Publique. 2008 ; 61 : 18-21. Dreux C, Crépin G. Prévention des risques pour l’enfant à naître. Nécessité d’une information bien avant la grossesse. Rapport au nom d’un Groupe de travail et de la Commission IX (Maternité-enfance-adolescence). Académie Nationale de Médecine, 2006 (www.orpha. net/actor/Orphanews/2006/doc/Acad-med.doc). HAS. Comment mieux informer les femmes enceintes ? Recommandations pour les professionnels de santé. Avril 2005. Saint-Denis : Haute Autorité de Santé ; 2005 : 134 p. HAS. Suivi et orientation des femmes enceintes en fonction des situations à risque identifiées. Argumentaire. Mai 2007. Saint-Denis : Haute Autorité de Santé ; 2007 : 147 p. Pauchet-Traversat AF. Programme de suivi et contenu des consultations pour la surveillance d’une grossesse. Actual Doss Santé Publique 2008 ; 61 : 46-50. Pierre F. Les maternités au sein du réseau périnatal : organisation actuelle et enjeu à venir. Actual Doss Santé Publique. 2008 ; 61 : 53-57. Puech F. Le plan de périnatalité 2005-2007. Actual Doss Santé Publique. 2008 ; 61 : 35-45.

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L’expérience du Québec

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A. Croteau, S. Caron, L. Goulet, M. Poulin, M. Trottier

1. Objectif du programme québécois de protection de la maternité au travail Le Québec s’est doté d’un programme de protection de la maternité au travail unique au monde. Depuis 1981, le programme Pour une maternité sans danger (PMSD) a pour objectif de permettre à la travailleuse enceinte ou qui allaite de poursuivre ses activités professionnelles sans danger. En vertu de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST), la travailleuse enceinte (article 40 de la LSST) ou qui allaite (article 46 de la LSST) a le droit de travailler sans danger en étant affectée à d’autres tâches ne comportant pas de danger et qu’elle est en mesure d’accomplir (Figure 13.1) ; si cela s’avère impossible, elle pourra être retirée du travail.

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Article 40 de la LSST : Une travailleuse enceinte qui fournit à l’employeur un certificat attestant que les conditions de son travail comportent des dangers physiques pour l’enfant à naître ou, à cause de son état de grossesse, pour elle-même, peut demander d’être affectée à des tâches ne comportant pas de tels dangers et qu’elle est raisonnablement en mesure d’accomplir. Article 46 de la LSST : Une travailleuse qui fournit à l’employeur un certificat attestant que les conditions de son travail comportent des dangers pour l’enfant qu’elle allaite peut demander d’être affectée à des tâches ne comportant pas de tels dangers et qu’elle est raisonnablement en mesure d’accomplir.

2. Portrait de l’utilisation du programme Pour une maternité sans danger Le programme PMSD est largement utilisé par les travailleuses du Québec. Depuis 2002, le nombre de naissances n’a cessé d’augmenter au Québec pour atteindre 87 600 en 2008 et près de 80 % des Québécoises de 25 à 44 ans occupaient un emploi en 2007 et 2008 (Institut de la statistique du Québec). Ces données permettent d’estimer à 69 642 le nombre de travailleuses enceintes en 2007 au Québec. Le portrait statistique du programme Pour une maternité sans danger fait état de 541 demandes pour allaitement et de 32 078 demandes pour grossesse en 2007, soit 46 % des 69 642 travailleuses enceintes selon l’estimation ci-dessus (www.csst.qc.ca). En 2007, 95,6 % des demandes pour grossesse ont été acceptées, en moyenne à la 10e semaine de grossesse ; plus de la moitié des requérantes a été retirée du travail et 43 % ont reçu une autre affectation (17,4 % jusqu’au congé de maternité et 25,4 % jusqu’à un retrait plus tard durant la grossesse). Les agresseurs les plus souvent retenus à titre d’agresseur principal appartenaient aux catégories des risques ergonomiques (postures, efforts physiques, horaire, charge globale de travail...), biologiques et chimiques pour respectivement 48,6 %, 28,1 % et 9 % des demandes acceptées. Par ailleurs, une étude indique que plus le nombre de contraintes professionnelles cumulées par les travailleuses est grand, plus elles ont recours au programme (Croteau, 2006 et 2007).

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3. Conditions et démarche d’utilisation du programme Pour une maternité sans danger La grande majorité des travailleuses du Québec ont accès au programme. En sont exclues les travailleuses temporairement inaptes au travail en raison de leur état de santé, les travailleuses autonomes, les employées de maison travaillant chez un particulier, les étudiantes en stage, les bénévoles, les travailleuses d’entreprises ou d’organismes sous juridiction fédérale et les femmes travaillant à l’extérieur du Québec. Pour faire une demande au programme PMSD, la travailleuse doit obtenir un Certificat visant le retrait préventif et l’affectation de la travailleuse enceinte ou qui allaite. Habituellement, la demande est initiée par la travailleuse lors d’une visite prénatale où elle explique à son médecin traitant les conditions de son travail et les dangers appréhendés. Avant de délivrer le certificat, le médecin traitant doit obligatoirement consulter un médecin du travail (médecin responsable des services de santé de l’établissement où la requérante travaille ou, à défaut, le médecin désigné par le directeur de la santé publique du territoire où se trouve l’établissement de l’employeur) pour savoir si le poste de travail présente les dangers mentionnés. Le rôle du médecin du travail est d’évaluer si le poste de travail comporte des dangers pour la travailleuse enceinte et, s’il y a lieu, de recommander une date pour une affectation à un poste exempt de danger (dangers physiques pour l’enfant à naître ou, à cause de son état de grossesse, pour la travailleuse). Le médecin traitant fixe la date de l’affectation ou du retrait en tenant compte des conditions médicales particulières de sa patiente. Une fois le certificat complété et signé par son médecin traitant, la travailleuse en fait parvenir une copie à la Commission de la santé et de la sécurité du travail du Québec (CSST) et en remet une copie à son employeur. Si la demande est acceptée par la CSST et que l’employeur ne peut l’affecter à d’autres tâches ne comportant pas de danger et qu’elle est raisonnablement en mesure d’accomplir à la date mentionnée sur le certificat, la travailleuse peut cesser de travailler jusqu’à ce que la nouvelle affectation soit faite ou jusqu’à la date de son accouchement. Durant son arrêt de travail, la femme enceinte recevra une indemnité de remplacement du revenu équivalant à 90 % de son revenu net jusqu’au début de son congé de maternité. La travailleuse qui cesse de travailler ou qui est affectée à d’autres tâches conserve tous les avantages liés à l’emploi qu’elle occupait. L’employeur doit réintégrer la travailleuse dans son emploi habituel à la fin de son changement d’affectation ou de son retrait du travail. Afin de diminuer les risques de discrimination, les fonds nécessaires proviennent 499

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de l’ensemble des employeurs sans égard au nombre de femmes en âge de procréer parmi leurs employés. Les principales étapes de la démarche d’utilisation du programme PMSD sont illustrées à la figure 13.1 (voir le haut et la partie gauche de la figure).

4. Difficultés d’application du programme Pour une maternité sans danger Selon un rapport d’étude, l’application du programme PMSD entraîne parfois des tensions qui sont difficilement vécues par les travailleuses, les employeurs et les médecins impliqués (Malenfant, 2004). Dans certains cas, les travailleuses disent devoir se défendre contre l’image de « paresseuse » ou de « personne qui abuse ». Elles supportent également difficilement le poids de la responsabilité des réaménagements de tâches. Certains employeurs souhaitent que le programme soit remplacé par une mesure sociale universelle dont ils ne seraient plus les seuls à supporter les coûts et regrettent l’image négative de manque d’ouverture face à l’amélioration des conditions de travail. Quant aux médecins du travail identifiés comme les experts porteurs des connaissances, le manque de concordance de leurs recommandations parfois observé entraîne une perte de crédibilité. Un contexte de connaissances scientifiques parfois insuffisantes ou contradictoires peut rendre difficile la détermination de la présence de dangers pour la grossesse dans un poste de travail. Cette situation participe, avec l’existence de disparités au niveau des valeurs des médecins, aux divergences dans les recommandations des médecins du travail, d’où un besoin d’harmonisation des pratiques. Afin de favoriser l’harmonisation de l’évaluation des dangers et des recommandations faites dans le cadre du programme PMSD, deux comités travaillent en étroite collaboration. Il s’agit du Groupe de référence grossesse-travail (GRGT) de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) et du Comité médical provincial d’harmonisation - Pour une maternité sans danger (CMPH-PMSD). Les membres de ces comités adhèrent aux principes directeurs du « Cadre de référence en gestion des risques pour la santé dans le réseau québécois de la santé publique » de l’Institut national de santé publique du Québec, notamment la rigueur scientifique, la transparence, l’équité, la primauté de la santé humaine et la prudence. Ce document est consultable sur le site internet de l’INSPQ (www.santeautravail.net/Afficher.aspx?unit e=002012011&langue=fr). 500

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5. Le Groupe de référence grossesse-travail Le GRGT est un regroupement de professionnels dont la mission est de contribuer à la diminution des résultats défavorables de grossesse reliés au travail. L’objectif principal du GRGT est de fournir un soutien scientifique aux professionnels de la santé impliqués dans l’élaboration des recommandations médicales dans le cadre du programme PMSD. Le GRGT est composé de médecins épidémiologistes et de médecins du travail de l’Institut national de santé publique du Québec et d’une professionnelle en documentation de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Afin d’accomplir son mandat, différentes activités sont menées par les membres du GRGT. Elles consistent à : – répertorier les nouvelles publications scientifiques au sujet des effets du travail sur la grossesse et l’allaitement ; – concevoir et améliorer des outils d’analyse de la littérature scientifique ; – analyser la documentation scientifique au sujet des effets du travail sur la grossesse et l’allaitement en utilisant une grille standardisée d’évaluation de la qualité méthodologique des études ; – réaliser des synthèses systématiques de la littérature scientifique, avec ou sans méta-analyses, pour différentes contraintes professionnelles et en particulier pour celles priorisées par le CMPH-PMSD ; – élaborer et utiliser une classification de la force de l’évidence fondée principalement sur l’ampleur du risque associé à une contrainte professionnelle, sur la précision statistique de l’association, sur la qualité méthodologique des études recensées et sur la cohérence des résultats de ces études. Le travail du GRGT s’inscrit dans une démarche d’échanges de connaissances avec les milieux de pratique (knowledge exchange). Chaque synthèse systématique, réalisée et rédigée par un membre du GRGT, est discutée et commentée par l’ensemble des membres du groupe. De plus, le ou les membres du CMPH-PMSD responsables de la rédaction du guide de pratique pour une contrainte professionnelle s’impliquent auprès du GRGT dès le début de la réalisation de la synthèse systématique concernée afin qu’elle réponde bien aux besoins des médecins du travail. Si nécessaire, le GRGT 501

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peut faire appel à des collaborateurs experts pour l’assister lors de la réalisation d’une synthèse systématique. Il est possible de consulter les publications du GRGT sur la page Web du groupe.

6. Le Comité médical provincial d’harmonisation Pour une maternité sans danger Le Comité médical provincial d’harmonisation – Pour une maternité sans danger (CMPH-PMSD) a pour mandat d’élaborer des guides de pratique médicale, destinés aux médecins du travail qui doivent évaluer si les postes de travail comportent des dangers physiques pour la travailleuse enceinte à cause de son état de grossesse ou pour l’enfant à naître ou allaité, dans le cadre du programme PMSD. Le CMPH-PMSD recueille les besoins des médecins du travail afin de prioriser les contraintes professionnelles qui feront l’objet de guides de pratique médicale. Ces guides sont élaborés et mis à jour à la lumière des connaissances scientifiques disponibles, en particulier les synthèses systématiques de littérature effectuées par le GRGT. Au besoin, le CMPH-PMSD peut recourir à des collaborateurs experts pour l’élaboration d’un guide de pratique. Le CMPH-PMSD se compose de médecins, de chacune des régions du Québec, impliqués dans le dossier PMSD et d’un coordonnateur-accompagnateur. Chaque médecin y participe, à titre d’expert du programme PMSD, indépendamment des positionnements médicaux en vigueur dans sa région. Cependant, la réalité est parfois différente, car il n’est pas facile pour l’expert de faire abstraction des décisions médicales des confrères et consœurs de sa région, pas toujours fondées scientifiquement. Plusieurs guides de pratique sont accessibles sous la rubrique publications de la page internet du CMPH-PMSD [www.santeautravail.net/Afficher.aspx?section=1591&langue =fr], d’autres sont disponibles avec les publications du GRGT [www.inspq.qc.ca/aspx/ fr/grgt.aspx?sortcode=1.49.55.56.57], deux autres guides sur « Horaires de travail » et « Station debout » seront disponibles sur internet très prochainement ; des guides de pratiques sur le travail en ambiance chaude et sur le bruit sont en cours d’élaboration. Les principaux mécanismes de transfert des connaissances mis en place pour répondre aux besoins des médecins du travail impliqués dans l’application du programme PMSD sont illustrés à la figure 13.1 (voir la partie droite de la figure).

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Figure 13.1. Relations entre les principaux acteurs impliqués dans le programme Pour une maternité sans danger.

7. Évaluation de l’efficacité du programme Pour une maternité sans danger Les résultats d’une vaste étude épidémiologique tendent à démontrer que le retrait préventif et l’aménagement du poste ou le changement d’affectation de la travailleuse enceinte sont des mesures efficaces pour prévenir l’accouchement avant terme (AAT) et l’insuffisance de poids pour l’âge gestationnel (IPAG) (Croteau 2006 et 2007). En effet, chez des travailleuses qui étaient exposées à plusieurs contraintes professionnelles au début de la grossesse, on a pu observer que, lors de l’élimination des contraintes professionnelles avant 24 semaines de grossesse, les risques d’AAT étaient plus faibles pour la plupart d’entre elles et que les risques d’IPAG n’étaient plus en excès, comparativement aux risques observés en l’absence de mesure préventive. Les contraintes considérées et associées avec une élévation des risques d’AAT et d’IPAG étaient entre autres : l’horaire irrégulier, le travail de nuit, la station debout prolongée, les postures difficiles, le port de charges, le bruit, les vibrations, le travail en ambiance trop chaude ou trop froide et la demande psychologique élevée. 503

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D’autres études seraient utiles pour confirmer ces résultats, pour évaluer l’efficacité des mesures préventives sur les autres effets sur la grossesse ainsi que pour évaluer le programme PMSD plus globalement.

Conclusion Le nombre croissant de femmes sur le marché du travail justifie que la question des risques potentiels pour la grossesse et l’allaitement soit considérée avec attention. Le programme Pour une maternité sans danger répond à la préoccupation de minimiser les dangers professionnels pour les travailleuses enceintes ou qui allaitent. Ce programme est bien implanté au Québec. Il est bien connu dans les milieux de travail et chez les professionnels de la santé impliqués. Le programme PMSD est largement utilisé par les travailleuses enceintes ou qui allaitent, et surtout par celles qui sont exposées à plusieurs conditions de travail potentiellement dangereuses. Cependant, des difficultés d’application et des disparités au niveau des recommandations persistent. En réponse à cette situation, des groupes de soutien scientifique et d’aide à la décision sont en place afin de faciliter le travail des médecins du travail et de favoriser l’harmonisation au niveau de leurs recommandations. Ces groupes sont le Groupe de référence grossesse et travail et le Comité médical provincial d’harmonisation – Pour une maternité sans danger. Enfin, le programme Pour une maternité sans danger semble efficace pour prévenir l’accouchement avant terme (AAT) et l’insuffisance de poids pour l’âge gestationnel (IPAG).

Pour approfondir le sujet ou retrouver les textes cités, le lecteur pourra consulter les sites suivants : – Comité médical provincial d’harmonisation - Pour une maternité sans danger : www.santeautravail.net/Afficher.aspx?unite=002012011&langue=fr ; – CSST : www.csst.qc.ca/portail/fr ; – Groupe de référence Grossesse et travail : www.inspq.qc.ca/aspx/fr/grgt. aspx?sortcode=1.49.56.56 ; – Institut national de santé publique du Québec : http://www.inspq.qc.ca ; 504

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– Loi sur la santé et la sécurité du travail : www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php? type=2&file=/S_2_1/S2_1.html ; – Programme maternité sans danger : www.formulaire.gouv.qc.ca/cgi/affiche_doc.cgi?dossier=3967

Bibliographie Croteau A, Marcoux S, Brisson C. Work activity in pregnancy, preventive measures, and the risk of delivering a small-for-gestational-age infant. Am J Public Health. 2006 ; 96 (5) : 846-55. Croteau A, Marcoux S, Brisson C. Work activity in pregnancy, preventive measures, and the risk of preterm delivery. Am J Epidemiol. 2007 ; 166 (8) : 951-65. CSST. Pour une maternité sans danger. Statistiques 2004-2007. Québec : Commission de la Santé et de la Sécurité du Travail ; 2009 : 57 p. ISQ. Démographie. Naissances et décès. Naissances et taux de fécondité selon l’âge de la mère, indice synthétique de fécondité et âge moyen à la maternité, Québec, 2001-2008. Institut de la statistique du Québec, 2009 (www.stat.gouv.qc.ca/donstat/societe/demographie/ naisn_deces/naissance/403.htm). ISQ. Travail et rémunération. Indicateurs du marché du travail. Taux d’emploi des femmes selon certains groupes d’âge, moyennes annuelles, Québec, Ontario, Canada, 1976 à 2008. Institut de la statistique du Québec, 2009 (www.stat.gouv.qc.ca/donstat/societe/march_travl_ remnr/parnt_etudn_march_travl/pop_active/tab15.htm). Malenfant R, De Koninck M, Côté N. Grossesse et travail : La construction sociale du risque. Rapport de recherche. Québec : CLSC-CHSLD Haute-Ville-Des-Rivières ; 2004 : 84 p.

505

7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN

Synthèse

14

G. Abadia, S. Basile, J.C. Bastide, M.C. Bayeux-Dunglas, V. Bayon, A. Brun, C. Beausoleil, P. Campo, V. Caron, E. Causse, J.F. Certin, O. Claris, A. Croteau, N. Ducreux, M. Dumortier, M. Falcy, F. Faupin, A. Florentin, B. Fontaine, C. Hermouet, Y. Ganem, C. Gauron, D. Lafon, I. Lanfranconi, C. Le Bâcle, D. Léger, P. Maladry, J.P. Meyer, M.L. Mousel, K. Petitprez, F. Puech, A. Radauceanu, M. Rinaldo, A-M. Saillenfait, I. Sari-Minodier, M.J. Saurel-Cubizolles, C. Soudry

1. La grossesse et le travail des femmes En 2008, la France métropolitaine retrouve avec 801 000 naissances un niveau de fécondité qu’elle n’avait plus atteint depuis 1981. Elle est avec l’Irlande le pays de l’Union européenne dont la fécondité est la plus importante. Elle dépasse deux enfants par femme en âge de procréer. Les naissances sont de plus en plus tardives : l’âge moyen de la première maternité approche les 30 ans, soit deux années de plus qu’à la fin des années 1980. 509

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L’emploi féminin progresse également. D’après l’enquête nationale périnatale de 2003, 66 % des femmes ont exercé un emploi durant une partie de leur grossesse. Ce chiffre est à rapprocher du taux d’activité des femmes de 25-49 ans : 83 % en 2007 d’après l’enquête Emploi de l’INSEE contre 60 % en 1975. En 2008, les femmes de 25 à 44 ans représentent 26 % du total de la popultion féminine (chiffre provisoire de l’INSEE), soit environ 8,3 millions de personnes concernées pour un total de 31 801 000 femmes. Parmi elles, près de 7 millions auraient un emploi. Cette catégorie représente une partie des femmes en âge de procréer, la tranche d’âge inférieur à 25 ans manquant à nos données. Chaque année, près de 530 000 enfants naissent ainsi de mères ayant eu une activité professionnelle durant leur grossesse. Plus de trois fois sur quatre, les femmes ont arrêté de travailler à 32 semaines de grossesse ou avant, c’est-à-dire avant la limite correspondant au début du congé maternité pour un premier ou deuxième enfant. Les raisons précises de ces arrêts ne sont pas connues. Depuis vingt ans, la féminisation des emplois a progressé dans 78 familles professionnelles sur 84 et les femmes sont présentes actuellement dans pratiquement tous les métiers. Elles occupent cependant souvent des emplois peu qualifiés, précaires et à temps partiel non choisi. Cette situation sociale influe pendant la période périnatale sur la surveillance médicale, les soins et l’issue de la grossesse. C’est ainsi que la précarité financière s’accompagne d’une surveillance prénatale moins importante et d’attitudes préventives nettement moins favorables pour l’enfant.

2. Les risques pour l’enfant en France Le déroulement normal et espéré d’une grossesse est la naissance d’un enfant en bonne santé, ce qui est le cas le plus fréquent. Mais des incidents viennent parfois perturber cette évolution naturelle et provoquer des complications dont certaines atteignent l’enfant : avortement spontané, mort fœtale, naissance prématurée, retard de croissance intra-utérin, malformations congénitales, retard de développement psychomoteur (Tableau 14.1). Les mesures développées de façon énergique et coordonnées en France depuis les années 1970 ont pris en compte ces risques. Les avortements spontanés sont fréquents : 15 à 25 % au moins des grossesses se concluent par un avortement spontané, la plupart du temps avant 8 semaines. Les facteurs de risque qui conduisent à la survenue d’une fausse couche sont complexes et multiples (anomalies de l’œuf, notamment anomalies chromosomiques, causes utéro510

Synthèse 14

cervicales, infectieuses, ovulaires, iatrogènes ou accidentelles). Cependant, dans la majorité des cas, les fausses couches précoces isolées restent inexpliquées. Les grossesses extra-utérines sont en augmentation depuis ces 30 dernières années et représentent actuellement 1,5 % à 2 % des grossesses déclarées. Les principaux facteurs de risque sont médicaux : antécédents d’avortements spontanés, d’infections pelviennes, âge élevé. Les morts fœtales sont celles survenant à partir de la 22e semaine de gestation. Le taux de mortinatalité est de 9 pour 1 000 naissances. Âge élevé, obésité et consommation de tabac sont les principaux facteurs de risque maternels. Les naissances prématurées concernent 7 % des naissances (3 % pour les grands ou très grands prématurés, nés avant 32 semaines), en légère mais régulière augmentation au cours des quinze dernières années. Dans les pays industrialisés, la prématurité est responsable d’environ 70 % de la mortalité néonatale et constitue une cause importante de handicaps et déficiences ultérieurs. Les causes de cette augmentation des naissances prématurées sont nombreuses : augmentation des grossesses multiples, situation sociale défavorisée, âge maternel élevé ou à l’inverse très faible, existence d’antécédents obstétricaux, tabagisme ou faible corpulence maternelle. Des modifications dans la technique de la mesure de l’âge de la grossesse (depuis la généralisation des échographies précoces) et dans la limite entre avortement et accouchement (prise en charge différente puisque les fœtus sont considérés comme des enfants nés vivants) ont pu concourir à une augmentation artificielle du nombre de naissances prématurées. Les retards de croissance intra-utérins (RCIU) sont la principale cause, avec la prématurité, de morbidité et de mortalité périnatales. Une situation sociale défavorable, une petite taille maternelle, un faible poids maternel avant la grossesse, une faible prise de poids durant la grossesse et le tabagisme jouent un rôle. Les malformations congénitales représentent 2 à 4 % des naissances. Elles concerneraient 20 % des mort-nés et seraient responsables de 20 à 30 % des causes de mortalité infantile dans les pays de la Communauté européenne. Dans plus de la moitié des cas, l’étiologie est inconnue. Dans un quart des cas, elle est considérée comme multifactorielle. Pour le dernier quart, les causes identifiées dans des proportions identiques sont des mutations d’un gène, des anomalies chromosomiques ou un facteur environnemental (maladie maternelle, infection, prise de médicament, radiations, alcool, solvant…). Le retard de développement psychomoteur des jeunes enfants est difficile à définir et intègre différentes composantes : développement moteur, cognitif ainsi que difficultés comportementales et psychologiques. 511

GROSSESSE ET TRAVAIL

Actuellement, on considère que près de 1 % des enfants âgés de 7-8 ans sont porteurs d’une déficience sévère, 50 % seraient d’origine périnatale. Prématurité, retard de croissance pré- et postnatal, grossesse multiple, anoxie périnatale, fœtopathie toxique, infections périnatales, accidents neurologiques, anomalies chromosomiques, mutations géniques sont parmi les principaux facteurs périnatals de déficiences ou de handicaps. Tableau 14.1. Estimation du nombre total d’issues pathologiques de grossesse au sein de la population générale en France (données agrégées de différentes études).

Nombre total (approché)

Nombre d’enfants malformés à la naissance (hors anomalies chromosomiques)

Nombre de déficits neurologiques sérieux d’origine prénatale

Naissances prématurées

Morts fœtales

20 000

1 000 à 5 000

56 000

7 300

Avortements

150 000 à 200 000

3. Existe-t-il des facteurs de risque professionnels susceptibles d’engendrer des effets sur l’enfant ? 3.1. Les risques chimiques 3.1.1. Des effets avérés chez l’Homme Certains agents chimiques peuvent entraîner des malformations chez l’enfant à la suite d’une exposition in utero (plomb, monoxyde de carbone, méthyl mercure…). Pour engendrer des conséquences, l’exposition doit souvent survenir à un moment spécifique de la grossesse et à une certaine dose. La période à risque est généralement le premier trimestre, mais pour certains produits ou certains types d’effets (effets sur le développement du système nerveux central), d’autres périodes doivent être considérées. Certaines malformations peuvent dépendre également du sexe des enfants (effets des perturbateurs endocriniens). Enfin, certains toxiques sont susceptibles de s’accumuler 512

Synthèse 14

dans l’organisme lors d’expositions antérieures à la grossesse (ex. : plomb) et entraîner des risques durant la grossesse alors que l’exposition a cessé. Il est aussi connu que certaines substances peuvent entraîner des avortements, des hypotrophies (certains solvants organiques), des troubles neurocomportementaux (plomb, éthanol), des cancers (diéthylstilbestrol et adénocarcinomes à cellules claires du vagin ou cancers du testicule ; possibles leucémies chez les enfants dont les mères ont été exposées professionnellement à la peinture avant et pendant leur grossesse ; hépatoblastomes chez les enfants de parents fumeurs). Ces effets ont été observés pour des expositions très variées tant professionnelles qu’environnementales ou thérapeutiques.

3.1.2. Des interrogations sur d’autres effets Des discussions existent toujours sur le fait que l’exposition à des substances chimiques pendant la grossesse puisse être à l’origine d’une atteinte du système immunitaire chez l’enfant ou puisse perturber son système endocrinien. La transmission de mutations génétiques acquises par les parents exposés est également discutée. Le passage dans le lait de certains produits chimiques pouvant entraîner une intoxication de l’enfant fait l’objet d’interrogations régulières. Des questions se posent également concernant la part attribuable à l’exposition chimique professionnelle dans la survenue d’une prématurité, généralement observée dans des groupes poly-exposés (personnel soignant, coiffeuses…). Enfin, un nouveau sujet de préoccupation concerne les effets des nanoparticules sur la reproduction ; leur passage transplacentaire est envisagé au vu des données expérimentales animales.

3.2. Les risques du travail physique, de la posture, des contraintes thermiques, des vibrations, du bruit 3.2.1. Des effets avérés chez l’Homme Prématurité et hypotrophie sont des effets souvent associés avec l’activité physique au travail (manutention de charges lourdes, station debout prolongée…) par des études épidémiologiques et des méta-analyses. Des risques accrus d’accouchement prématuré 513

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ont été également observés lors d’exposition aux vibrations sans que ces dernières ne soient caractérisées. La station debout prolongée et le port de charges peuvent favoriser la survenue d’avortements. Le travail physiquement exigeant peut entraîner hypertension et pré-éclampsie. L’exposition aux bruits de basses fréquences est susceptible d’atteindre l’audition lors d’exposition du fœtus à partir de la 25e semaine de grossesse. Selon une méta-analyse récente, l’exposition au bruit professionnel durant la grossesse est associée à un risque accru d’hypotrophie. Les cumuls de contraintes physiques (par exemple, travail physique, horaires prolongés, posture debout prolongée…) augmentent le risque de prématurité et ont parfois été associés avec le risque d’hypotrophie.

3.2.2. Des interrogations sur d’autres effets Le faible nombre d’études portant sur les effets des vibrations sur les risques d’avortement ne permet actuellement pas de conclure sur ce point. Pratiquement aucune étude fiable n’a été consacrée aux effets des vibrations induites par la conduite automobile ou d’engins. L’impact sur l’audition de la co-exposition aux bruits et à certains facteurs ototoxiques (solvants aromatiques, médicaments...) fait l’objet de nombreuses discussions et études. Certains effets extra-auditifs du bruit sont peu étudiés, ils pourraient intervenir par l’intermédiaire du stress induit. Cette question renvoie donc à l’exploration des effets de ce dernier. L’hyperthermie, qui peut être secondaire à une exposition à la chaleur, engendre des malformations chez l’animal ; ces dernières n’ont pas été observées chez l’Homme, mais les études épidémiologiques sont rares et leurs résultats contradictoires. Il ne semble pas y avoir eu d’études pertinentes concernant les conséquences de l’exposition au froid durant la grossesse.

514

Synthèse 14

3.3. Les risques des champs électromagnétiques 3.3.1. Des effets avérés chez l’Homme Il n’a pas été observé d’effets chez l’Homme. Cependant, l’exposition aux ondes électromagnétiques est susceptible d’entraîner une hyperthermie au niveau du fœtus, or il a été prouvé que cette dernière crée, chez l’animal, malformations, avortements ou accouchements prématurés en fonction de la période d’exposition.

3.3.2. Des interrogations sur d’autres effets Les interrogations sur les effets des ondes électromagnétiques sur le développement in utero rejoignent celles portant sur les effets de ces ondes sur l’adolescent ou l’adulte en ce qui concerne le risque de cancer. En dehors des effets liés à l’hyperthermie, les études assez complètes menées chez l’animal n’ont pas mis en évidence d’incidence des ondes électromagnétiques sur la grossesse (décès, malformations, retard de développement et prématurité) ; en revanche très peu d’études expérimentales ont été publiées afin d’évaluer le risque de survenue de cancers dans la descendance suite à une exposition in utero.

3.4 Les risques des rayonnements ionisants 3.4.1. Des effets avérés chez l’Homme Un certain nombre d’effets des rayonnements ionisants sont connus chez l’Homme : avortements, malformations, retards de développement intellectuel, retards de croissance, cancers. Ces effets ont été prouvés chez l’animal mais aussi chez l’Homme. Les périodes d’exposition à risque sont identifiées ; la radiosensibilité dépend de l’âge de la grossesse mais peut persister durant la plus grande partie de la grossesse par exemple pour les anomalies du développement du système nerveux central ou le potentiel cancérogène.

3.4.2. Des interrogations sur d’autres effets La survenue d’effets cardiovasculaires induits par des expositions in utero et observés à l’âge adulte est actuellement en discussion. 515

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Il a été prouvé chez l’animal que des effets héréditaires sont possibles. Il s’agit d’effets stochastiques, transmissibles à la descendance de l’individu irradié, que cette irradiation soit survenue in utero ou après la naissance (irradiation de cellules germinales). Leur extrapolation chez l’Homme fait l’objet d’interrogations.

3.5. Les risques organisationnels et psychosociaux 3.5.1. Des effets avérés chez l’Homme Plusieurs grandes études épidémiologiques retrouvent une influence des horaires et des rythmes de travail sur le déroulement de la grossesse. Le travail de nuit et le travail posté semblent augmenter la survenue d’avortements spontanés et d’accouchements prématurés. Cependant les niveaux de risque d’accouchements prématurés en lien avec le travail de nuit sont variables et souvent à la limite de la significativité. Le stress est facteur d’hypotrophie ou d’accouchement avant terme.

3.5.2. Des interrogations sur d’autres effets L’impact du travail posté sur le retard de croissance intra-utérin et le petit poids à la naissance est suggéré dans une méta-analyse. Le travail de nuit ne semble pas associé au retard de croissance intra-utérin, et en ce qui concerne l’effet du travail de nuit sur le petit poids à la naissance, les données sont insuffisantes pour conclure. L’effet sur le développement du fœtus des modifications hormonales induites par le travail de nuit et le travail posté reste à approfondir. En effet, les perturbations de la sécrétion de mélatonine pourraient expliquer en partie les effets observés sur la grossesse. Le stress fait l’objet de très nombreuses discussions. Un certain nombre d’effets sont observés chez l’animal (perturbation du rythme circadien, troubles de la mémoire…). L’extrapolation de ces effets sur l’être humain est difficile.

3.6. Les risques biologiques Certains agents infectieux sont susceptibles de perturber le bon déroulement d’une grossesse et/ou d’entraîner des répercussions pour l’enfant à naître. Comme pour 516

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d’autres risques (ex. : chimique, radiologique), il peut exister des fenêtres de sensibilité aux agents biologiques.

3.6.1. Des effets avérés chez l’Homme Les risques biologiques pour la grossesse sont de deux types : – risques d’une forme grave de la maladie pour la mère, – risques pour l’embryon ou le fœtus.

l Risques pour la mère Pendant la grossesse, certains agents biologiques peuvent générer une morbidité particulière pour la mère. Il en est ainsi de la varicelle ou de la grippe qui peuvent donner lieu à une pneumonie avec insuffisance respiratoire aiguë. Bien que rare, ce risque doit être pris en compte en santé au travail. Il est également certain que le virus de l’hépatite E peut entraîner une hépatite grave chez la femme enceinte mais le risque de contamination en milieu professionnel reste à démontrer.

l Risques pour l’embryon ou le fœtus La fièvre est définie comme une élévation répétée ou persistante de la température, supérieure à 38 °C, chez une femme enceinte au repos et dans un environnement normal. La fièvre peut entraîner un avortement, un retard de croissance, une anomalie du développement fœtal ou un accouchement prématuré. Certaines maladies à transmission inter-humaine peuvent avoir des conséquences dramatiques pour le fœtus (par exemple la rubéole). D’autres, sans avoir une expression clinique importante chez la mère, peuvent entraîner une atteinte grave de l’embryon ou du fœtus (avortement, malformations, mort fœtale ou accouchement prématuré). Ainsi, une contamination par le cytomégalovirus (CMV) ou le parvovirus B19 se traduit le plus souvent par une pathologie fruste chez la mère mais peut induire une infection grave de l’embryon ou du fœtus pouvant provoquer le décès et/ou des malformations diverses. Des zoonoses peuvent également engendrer des risques pour la grossesse. La brucellose peut être un risque professionnel à l’origine d’avortements. La fièvre Q, si elle n’est pas diagnostiquée et traitée, peut entraîner un avortement et, en cas de passage 517

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à la chronicité, compromettre les grossesses ultérieures. La listériose est connue pour provoquer elle aussi des avortements mais il n’est pas rapporté d’atteinte d’origine professionnelle. La toxoplasmose est responsable de malformations plus ou moins graves selon l’âge de la grossesse au moment de la contamination, mais il s’agit le plus souvent de contamination d’origine alimentaire. Tous ces effets sont connus de longue date et largement documentés dans la littérature.

3.6.2. Des interrogations sur d’autres effets Pour les maladies émergentes, les données sur la dengue ou le chikungunya sont récentes et portent sur des chiffres peu significatifs. Pour d’autres maladies qui n’ont pas été détaillées ici, comme la borréliose de Lyme ou les chlamydioses non aviaires, les données sont insuffisantes pour conclure. Les risques biologiques non infectieux (risques immuno-allergiques, toxiniques et cancérogènes) ne sont pas assez documentés en général pour que les risques spécifiques pour la grossesse puissent être étudiés. Mais on sait que, chez l’animal, certaines mycotoxines ont des effets délétères : la zéaralénone est source d’effets œstrogéniques entraînant infertilité, anomalies sexuelles et/ou avortements ; les aflatoxines et l’ochratoxine traversent le placenta et peuvent avoir des effets tératogènes. À noter que les aflatoxines sont reconnues cancérogènes chez l’humain (groupe 1) par le Centre international de recherche sur le cancer. L’ochratoxine est classée comme cancérogène possible (groupe 2B).

4. L’évaluation des risques au niveau des postes de travail L’évaluation des risques au niveau des postes de travail est indispensable pour évaluer si un risque existe. L’étude des conditions d’exposition en est une étape nécessaire. Cette démarche doit être réalisée par les employeurs, conseillés notamment par les médecins du travail, en prenant en compte systématiquement les effets potentiels sur la grossesse et l’allaitement. Comment cette démarche d’évaluation est-elle réalisée en France ? Les éléments recueillis précédemment ont montré que divers dangers pour la grossesse sont présents dans le milieu professionnel (produits chimiques, agents biologiques, tra518

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vail en position debout prolongée…). Leur présence n’implique pas obligatoirement un risque. Pour générer un risque, c’est-à-dire une probabilité non nulle de provoquer une pathologie, deux conditions sont nécessaires : que les femmes enceintes soient en contact avec ces dangers et qu’elles soient exposées à des niveaux susceptibles de provoquer des atteintes du développement de l’enfant. Il serait donc nécessaire pour pouvoir caractériser le risque de répondre aux questionnements suivants : – identifier les dangers, – déterminer le degré d’exposition des femmes, – connaître le seuil à partir duquel des effets peuvent survenir (quand cela est possible et pertinent).

4.1 L’identification des dangers Dans cette démarche, les acteurs de la prévention sont et seront pendant de nombreuses années confrontés à des nuisances que l’on peut schématiquement classer en quatre catégories : – des nuisances connues pour altérer le développement de l’enfant ; – des nuisances ne présentant aucun signe d’alerte après des études fiables (études épidémiologiques, études expérimentales…) ; – des nuisances présentant quelques signaux d’alerte, les études ne permettant pas de conclure dans un sens ou dans un autre ; – des nuisances ne présentant pas de signal d’alerte et pour lesquelles les données sont insuffisantes ou inexistantes. Substances chimiques, vibrations, stress, champs électromagnétiques, horaires alternés… le préventeur se trouvera souvent face à des nuisances dont les effets sur la grossesse sont insuffisamment connus et/ou explorés : il ne pourra donc pas connaître avec certitude l’ensemble des dangers pour l’enfant à naître.

4.2 La connaissance des degrés d’exposition Des obligations d’évaluation des expositions existent pour un certain nombre de nuisances (rayonnements ionisants, bruit, produits chimiques) ; cependant les experts 519

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soulignent des difficultés pour disposer des niveaux d’exposition chez la femme enceinte. Les expositions aux rayonnements ionisants sont évaluées en continu, collectées par un organisme national et transmises au médecin du travail. Il s’agit cependant d’expositions « corps entier » et non centrées sur le fœtus. Pour le risque chimique, les méthodes de prélèvement et d’analyse existent, que ce soit dans l’atmosphère ou les milieux biologiques, et permettent d’évaluer l’exposition à un grand nombre de substances. Ces mesures sont cependant insuffisamment réalisées ; les moyens humains, matériels ou financiers font souvent défaut. Par ailleurs, peu de données sont publiées par les organismes techniques de prévention sur les niveaux couramment observés par type de poste de travail. Ces données permettraient d’avoir une idée des postes ou des procédés de travail les plus exposants. Pour le bruit, les niveaux exprimés en dB(C) sont les seuls pertinents pour la femme enceinte exposée, jusqu’à 15 jours avant terme. Ces niveaux de bruit, bien que disponibles, ne sont pas exploités lors des campagnes de mesures, la réglementation actuelle relative à l’exposition des salariés au bruit requérant des mesures exprimées en dB(A). Le mesurage des expositions aux vibrations est techniquement réalisable, mais très rarement effectuée. Les évaluations quantitatives d’exposition aux rayonnements électromagnétiques sont très rarement effectuées, souvent par ignorance des procédés émettant de tels rayonnements. Le mesurage des expositions aux charges physiques pose essentiellement un problème d’harmonisation des pratiques, de nombreuses méthodes existent. En effet, quel critère doit-on retenir pour évaluer le port de charges ? S’agit-il du poids soulevé, de la charge horaire, de la durée du port de charge de la distance, de la forme de la charge, de la répétitivité ? Comment définir la pénibilité d’un poste de travail ? La quantification de l’exposition au stress est également difficile. Pour cela, il est souvent fait appel à des questionnaires utilisés couramment en milieu de travail. Leur pertinence pour la femme enceinte n’a pas été étudiée.

4.3 La connaissance de la relation dose-effet et du seuil sans risque d’effet Pour de nombreux facteurs de risque (substances chimiques, bruit, port de charge, travail intensif, travail debout prolongé…), on estime qu’il existe un seuil en dessous 520

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duquel aucun effet n’est envisagé chez l’enfant. Dans la majorité des cas, la valeur de ce seuil reste inconnue, approximative ou non disponible aisément. Les experts estiment actuellement que, pour une majorité des substances chimiques, le mécanisme à l’origine d’effets toxiques pour le développement est un mécanisme à seuil de dose. Dans quelques rares cas, le mécanisme à l’origine de la toxicité sur la reproduction peut être un mécanisme génotoxique, il sera alors prudent de ne pas considérer un seuil de dose ou de concentration dénué de risque. Dans ce cas de figure, une évaluation des risques adaptée aux composés génotoxiques devrait être entreprise. Le calcul d’une valeur toxicologique de référence (VTR) pour le développement est possible et est actuellement réalisé par un groupe de travail spécifique de l’AFSSET. De telles valeurs ne sont cependant publiées que pour très peu de produits chimiques. Elles peuvent servir de base à l’évaluation des risques professionnels pour la grossesse. Les produits génotoxiques, ou cancérogènes par un mécanisme génotoxique, posent des difficultés particulières. Ils sont susceptibles d’engendrer des cancers dans la descendance ou des effets transmissibles par un mécanisme qui n’est pas à seuil de dose. Les connaissances sur ce sujet sont très partielles, voire absentes. L’élévation de température de l’embryon ou du fœtus engendrée par les rayonnements électromagnétiques est un risque pour le développement fœtal bien mis en évidence chez l’animal. Cependant, il n’est actuellement pas possible de mesurer avec certitude les élévations de température induites au niveau du fœtus, selon les types d’ondes et leur intensité. Seules les modélisations par différentes techniques permettent d’approcher cette valeur. Selon les modèles, les résultats sont variables et pour certains les niveaux atteints seraient notables, dépassant les seuils préconisés pour le public. L’augmentation de température au niveau du fœtus serait supérieure à celle induite dans d’autres tissus de l’organisme. Cette question n’est pas tranchée et rend actuellement incertaines les préconisations qui pourraient être faites au poste de travail en terme de seuil à risque. Pour certains effets des rayonnements ionisants, les seuils sont considérés comme connus ; avortements, malformations, retards de croissance sont considérés comme peu probables pour une exposition inférieure à 100 mGy pour les rayonnements de faible TLE (transfert linéique d’énergie). En ce qui concerne les retards de développement intellectuel, le seuil est discuté. Pour les cancers radio-induits, la Commission internationale de protection radiologique (CIPR) recommande le modèle de la relation linéaire sans seuil. Comme pour les rayonnements électromagnétiques, les doses réellement reçues par l’embryon ou le fœtus ne peuvent être évaluées que de manière indirecte (calculées) en s’appuyant par exemple sur des modélisations informatiques. 521

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En ce qui concerne l’exposition interne aux radionucléides, cette évaluation est particulièrement délicate. Le risque biologique de type infectieux est beaucoup trop aléatoire pour que l’on se base sur une relation « dose-effet » par ailleurs très peu documentée. La possibilité d’une contamination et ses conséquences pour la grossesse dépendra de l’existence d’une chaîne de transmission et de la réceptivité de la femme ainsi que de l’âge de la grossesse au moment de l’exposition. Pour certains agents pathogènes, des études montrent un sur-risque dans certaines professions. Mais il est souvent difficile de faire la part de ce qui revient à la profession et de ce qui revient au risque communautaire, en particulier lorsqu’il s’agit d’agents à transmission interhumaine (CMV et/ou parvovirus et métiers de la petite enfance et/ou présence d’un enfant en bas âge à la maison) ou par voie alimentaire (toxoplasmose par exemple). Pour le bruit, seules les basses fréquences sont susceptibles d’atteindre le fœtus et de pouvoir perturber son audition jusqu’à 15 jours avant terme ; après ce délai, les hautes fréquences peuvent également être nocives. Le niveau de bruit à risque pour le fœtus est par contre inconnu. Il n’est pas certain que les seuils retenus chez l’adulte soient les mêmes chez le fœtus. Il en est de même pour l’ensemble des contraintes physiques abordées ici (chaleur, vibrations) et des charges physiques ou posturales de travail. Pour autant que celles-ci respectent des données de référence (lois, normes ou réglementation), il est impossible de définir plus précisément des seuils d’innocuité pour le fœtus. Le fait que les répercussions des contraintes varient avec la période de grossesse explique en partie ces impossibilités. Il en va ainsi même pour les caractéristiques bien précises de la manutention manuelle (poids des charges, fréquence et distance de transport, hauteurs de prise ou de dépose…) qui sont simplement quantifiables mais pour lesquelles il n’est pas possible de donner de limites d’innocuité argumentées. Des seuils ont été proposés pour des durées de maintien de posture ou des intensités de travail physique mais il s’agit de données observées ponctuellement qui ne peuvent être généralisées même s’il s’agit de repères de bon sens. La co-exposition à différents risques (travail debout, port de charges, bruit, stress…) entraîne des effets plus importants sur la grossesse que l’exposition isolée à chacun de ces risques. Cet effet cumulatif est largement démontré. Cependant, la quantification de l’incidence de l’intensité des expositions et de leur nombre sur la grossesse est là aussi actuellement impossible.

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5. Que peut-on conclure vis-à-vis des risques pour les enfants à naître dont les mères sont enceintes en exerçant une activité professionnelle en France ? Une façon de répondre à cette question est d’étudier deux types de données : celles issues de l’étude des conditions de travail et celles provenant de la surveillance des effets observés chez l’enfant.

5.1 L’étude des conditions de travail Quelles sont les conditions de travail des femmes enceintes en termes d’exposition professionnelle ? Les femmes enceintes sont-elles susceptibles d’être exposées aux facteurs de risque précédemment cités ? Très peu d’études sont consacrées à l’exposition professionnelle des femmes enceintes en France. Celles qui ont été publiées sont anciennes ou sectorielles. Il n’existe pas de données apportant une vision globale des expositions professionnelles actuelles des femmes enceintes. Or les dangers vis-à-vis de la grossesse peuvent être multiples (chimiques, biologiques, activités physiques, rayonnements, bruit…). On peut rencontrer certains de ces dangers pour la grossesse dans pratiquement toutes les professions où l’emploi féminin existe. Les études épidémiologiques sur les effets du travail sur la grossesse sont surtout consacrées aux professions dans lesquelles les salariées cumulent un certain nombre de risques pour la grossesse et qui sont, de plus, très féminisées. Les métiers de la santé, qui concernent plus de 600 000 femmes, sont parmi les plus étudiés. Ce sont les infirmières (risques chimiques – avec notamment les cytotoxiques et les anesthésiants –, manutentions, travail debout, travail de nuit, stress, risques biologiques, rayonnements ionisants), les aides-soignantes (avec pratiquement les mêmes types de risques), les kinésithérapeutes (port de charges, rayonnements non ionisants, risques biologiques), les médecins, les dentistes (rayonnements ionisants, risques biologiques, anesthésiants…). Ces métiers ne cumulent pas l’ensemble des risques, qui sont fonction du mode d’exercice et des spécialités. Un certain nombre d’études épidémiologiques consacrées à ces professions a montré des effets sur l’enfant mais elles sont parfois anciennes : 523

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les conditions d’exposition ont évolué depuis leur publication et il n’est pas certain que les risques observés soient toujours présents. De plus, les observations réalisées dans un pays ne sont pas obligatoirement extrapolables à un autre (différences concernant les expositions, la prise en charge médicosociale de la grossesse…). L’analyse est du même type pour plus de 2 000 femmes qui exercent des métiers en contact avec les animaux (vétérinaires, aide-vétérinaires, éleveurs, animaliers…) qui les exposent au risque biologique mais aussi au port de charges, aux produits chimiques, aux rayonnements ionisants… Les métiers de l’esthétique (coiffeuses, esthéticiennes…) emploient plus de 80 000 femmes ; ils exposent notamment aux produits chimiques et aux stations debout prolongées. Enfin, certains métiers n’ont fait l’objet que de peu d’études, voire d’aucune, alors que des dangers pour la grossesse sont présents ; on peut citer : – les métiers des transports (chauffeurs de taxis, ambulanciers, conducteurs de bus…) qui exposent aux vibrations, au stress, à la pollution urbaine ; l’effectif féminin représente dans ces professions plus de 35 000 personnes ; – les métiers de la petite enfance, avec notamment des risques biologiques et du travail physique, dans lesquels au moins 270 000 femmes travaillent ; – les métiers de la vente qui concernent plusieurs centaines de milliers de femmes et les exposent au travail debout, au port de charges, aux horaires contraignants... Certains métiers traditionnellement moins féminisés sont peu évoqués, c’est le cas, par exemple : – Des soudeurs : plus d’un millier de femmes travaillent comme soudeurs qualifiés sur métaux. Elles sont exposées à la chaleur, aux produits chimiques, généralement au travail physique, notamment au port de charges (une bouteille d’argon pèse 80 kg). – Des couvreurs (900 femmes) exposées à un travail physique et potentiellement au plomb. – Des serveurs ou commis dans les bars, cafés, restaurants (55 000 femmes) : le travail physique y est souvent important, les horaires longs, les expositions au tabagisme passif (malgré la réglementation) sont à prendre en compte. La problématique du mode de transport utilisé pour se rendre à son travail, non traitée dans ce rapport, ne doit également pas être oubliée.

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l La réglementation permet-elle d’éviter certaines expositions ? Afin de ne pas créer de discrimination, les interdictions d’emploi à certains postes ont été levées, elles visaient non seulement l’exposition à certains produits chimiques mais également le travail de nuit. L’interdiction d’emploi de femmes enceintes à certains postes de travail existe mais de manière extrêmement limitée. L’exposition à certains produits chimiques (liste restreinte) est interdite seulement à partir de la déclaration officielle de la grossesse à l’employeur. Cette déclaration survient généralement tardivement laissant la femme exposée pendant une bonne partie du premier trimestre, période pourtant la plus à risque. L’exposition durant cette période est également possible pour les rayonnements ionisants. Pour les risques biologiques, la réglementation est succincte. Dans le Code du travail, seuls deux agents biologiques, le virus de la rubéole et le toxoplasme, sont nommément désignés. En cas de risque de contamination clairement identifié, l’exposition des femmes enceintes non immunisées est interdite. L’obligation de vaccination contre l’hépatite B, créée par le Code de santé publique, s’applique aux personnels soignants et assimilés, et protège de fait les femmes enceintes. Pour le travail physique, les interdictions ne concernent que l’utilisation du diable pour le transport des charges et l’utilisation du marteau-piqueur à air comprimé. Il n’existe pas de réglementation spécifique pour protéger les femmes enceintes de l’exposition au bruit. Elles travaillent dans le cadre de la réglementation concernant la protection des travailleurs contre les effets nuisibles du bruit sur l’audition. Le niveau d’exposition maximal des femmes enceintes ne peut donc pas dépasser 87 dB(A) pendant 8 heures de travail en tenant compte de l’atténuation apportée par l’équipement de protection individuelle. En d’autres termes, l’intensité sonore de l’environnement dans lequel se trouve la travailleuse enceinte peut donc atteindre des niveaux supérieurs à 87 dB(A), si la travailleuse porte un protecteur individuel contre le bruit, alors que cet équipement ne protège pas le fœtus. Le risque auditif n’existe cependant que lors du 3e trimestre de la grossesse. Néanmoins, la réglementation prévoit une obligation pour l’employeur d’évaluer les risques auxquels sont soumis ses salariés et de mettre en place les mesures nécessaires pour protéger leur santé. Évaluer les risques encourus lors d’une grossesse doit en faire partie. Cette évaluation plus spécifique est en pratique rarement effectuée par les employeurs, plus fréquemment par les médecins du travail. Elle peut aboutir à des aménagements des postes de travail ou à des changements de postes temporaires, voire à des arrêts de travail pour protéger la femme et/ou l’enfant. Il est actuellement impossible d’obtenir des données chiffrées et circonstanciées sur ces actions en France. Cependant 525

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ces évaluations semblent rarement réalisées en prévision de la survenue de la grossesse, mais plus souvent dans l’urgence alors que la femme est déjà enceinte depuis plusieurs semaines. L’expérience des médecins du travail montre que, dans les grandes entreprises, la grossesse est habituellement bien prise en compte ; les mutations temporaires de poste sont possibles en cas de besoin et les conventions collectives diminuent souvent le temps de travail. Dans les petites entreprises, la situation est beaucoup plus complexe. Les risques y sont parfois plus présents, plus difficilement maîtrisables et les changements temporaires de poste au sein même de l’entreprise sont plus difficiles. Parallèlement la situation des femmes ayant un emploi précaire est préoccupante. De peur de perdre leur emploi, certaines déclarent le plus tard possible leur grossesse et refusent souvent toute intervention de prévention. Il est donc actuellement difficile de disposer de données chiffrées sur l’exposition des femmes, pendant leur activité professionnelle, à des facteurs de risque pour le développement de l’enfant. De plus, la présence d’un danger ne signifie pas qu’il y ait un risque pour l’enfant. L’exposition, à une certaine intensité, est nécessaire. Dans de nombreux cas, les données scientifiques ne permettent pas d’établir si le risque existe réellement et, sur le terrain, au niveau des postes de travail, l’absence de connaissance principalement des seuils de risque rend cette évaluation difficile.

5.2 Surveillance des effets néfastes des expositions professionnelles sur la grossesse et sur la santé de l’enfant Observe-t-on en France des pathologies chez les enfants qui seraient dues aux expositions professionnelles de leur mère durant leur grossesse ? Les études épidémiologiques réalisées en France sur ce sujet sont rares et souvent anciennes. Elles ont pourtant permis à Papiernick, Mamelle et al. dès les années 1980 de démontrer un lien entre le travail debout de plus de 6 heures par jour, certaines conditions de travail (travail dans des usines de tissage…) et la prématurité. Une étude récente de l’INSERM vient de démontrer le lien entre malformations et exposition professionnelle à des solvants dans diverses professions en France. Un certain nombre d’études épidémiologiques a été réalisé pour objectiver un lien éventuel entre exposition professionnelle et survenue de complications durant la grossesse ou chez l’enfant. Les données proviennent pour la plupart de pays étrangers, dans lesquels expositions et conditions sociales de prise en charge de la grossesse sont différentes. 526

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Les études de santé publique qui surveillent le déroulement des grossesses, notamment l’Enquête nationale périnatale (dont le thésaurus n’est cependant pas orienté vers ce sujet), ne mettent plus en exergue d’étiologie professionnelle dans la survenue d’effets néfastes sur la grossesse. Cela traduit certainement une amélioration globale des conditions de travail des femmes enceintes mais aussi des conditions de suivi des grossesses et des possibilités d’arrêt de travail en cas de difficultés. Le nombre de cas étudiés dans ces enquêtes et les informations recueillies sur les expositions professionnelles ne permettent cependant pas une analyse fine du sujet. Même si l’amélioration collective est certaine, une persistance des risques, pour certaines professions ou certains types d’emplois, ne peut être exclue. Des signaux d’alerte pourraient provenir d’études de cas ou de la surveillance de certains registres (registre de malformations, certificats de décès périnatals, base de toxicovigilance). Les expositions professionnelles y sont plus ou moins correctement renseignées et, dans tous les cas, pas ou peu exploitées. L’étude des causes d’arrêts de travail des femmes enceintes pourrait aussi apporter des renseignements utiles. Elle est rarement faite. Ainsi, aucun système dédié n’est actuellement organisé en France afin de fournir les données humaines qui permettraient de mieux évaluer si l’enfant est suffisamment protégé des conséquences possibles de l’activité professionnelle de sa mère durant sa grossesse.

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Recommandations

G. Abadia, S. Basile, J.C. Bastide, M.C. Bayeux-Dunglas, V. Bayon, A. Brun, C. Beausoleil, P. Campo, V. Caron, E. Causse, J.F. Certin, O. Claris, A. Croteau, N. Ducreux, M. Dumortier, M. Falcy, F. Faupin, A. Florentin, B. Fontaine, C. Hermouet, Y. Ganem, C. Gauron, D. Lafon, I. Lanfranconi, C. Le Bâcle, D. Léger, P. Maladry, J.P. Meyer, M.L. Mousel, K. Petitprez, F. Puech, A. Radauceanu, M. Rinaldo, A.M. Saillenfait, I. Sari-Minodier, M.J. Saurel-Cubizolles, C. Soudry

L’évaluation des risques pour la grossesse et leur prévention se démarquent de celles des risques professionnels « classiques », du fait des particularités physiologiques de la femme enceinte et de la présence de l’embryon ou du fœtus. De nombreux dangers potentiels sont identifiés. Par contre, leur capacité à entraîner des risques en milieu professionnel est souvent l’objet de discussions, sans possibilité de conclusions du fait de données scientifiques insuffisantes. La prévention du risque est limitée par cette incertitude. Les positions oscillent entre une attitude de précaution (susceptible de porter atteinte aux possibilités de travail des femmes jeunes en âge de procréer par un risque de discrimination négative à l’embauche) et une attitude niant toute possibilité de risque. 528

Recommandations 15

Pour tenter de clarifier ces difficultés, il a semblé important au groupe d’experts de poser plusieurs principes avant toute considération sur des recommandations qui permettraient d’améliorer les connaissances et la prise en charge de la grossesse en milieu professionnel.

l Nécessité de protéger l’enfant à naître L’employeur a pour obligation de protéger la santé des salariés. En dehors des textes concernant les risques chimiques ou les rayonnements ionisants ou certains risques infectieux, la réglementation n’exprime pas spécifiquement que ces obligations ont pour objectif de protéger l’enfant à naître. Le groupe d’experts souhaite mettre en exergue la nécessité de prendre en compte l’état de grossesse afin de protéger l’enfant de l’ensemble des dangers présents en milieu de travail.

l Non-discrimination à l’embauche envers les femmes Le Code du travail rappelle que la femme enceinte est protégée de toute discrimination, directe ou indirecte, du fait de sa grossesse. La nécessité de prise en compte de certains risques spécifiques vis-à-vis de la grossesse aurait cependant incité certains employeurs à ne pas embaucher des femmes en âge de procréer au lieu d’améliorer la prévention de ces risques. Cette attitude représente alors une discrimination vis-à-vis de la femme.

l Priorité à l’amélioration des postes de travail par rapport à l’éviction des travailleuses enceintes Les principes généraux de prévention demandent d’éviter les risques, ou, en cas d’impossibilité, de mettre en œuvre des mesures de protection collective. L’élimination des risques à la source doit être privilégiée, plutôt que l’éviction de la femme enceinte.

l Prise en compte de la précarité Moindre surveillance prénatale et attitudes préventives nettement moins favorables pour l’enfant sont souvent liées à une précarité en particulier financière et culturelle. Dans le monde du travail, les situations précaires sont en augmentation (stages, CDD, intérim…) et les femmes enceintes peuvent se mettre en danger, notamment par nondéclaration de grossesse ou refus d’être soustraites à un risque de peur de perdre leur 529

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emploi. Le groupe d’experts insiste sur la nécessité de prendre en compte les situations sociales défavorables dans les choix de prévention des risques professionnels.

l Axer les actions de prévention sur les TPE, PME La protection de la femme enceinte pose des difficultés particulières dans les petites entreprises, où les possibilités d’amélioration des conditions de travail sont difficiles et les changements temporaires de poste durant la grossesse souvent irréalisables. Les moyens en interne pour évaluer les risques sont de plus limités, de même que les capacités financières pour faire appel à des consultants extérieurs. Un effort particulier et ciblé doit être réalisé vis-à-vis de ces entreprises.

1. Développer la surveillance épidémiologique du déroulement des grossesses en milieu professionnel : exploitation des sources d’information existantes, création d’un observatoire L’expertise a montré la faiblesse des connaissances en ce qui concerne l’impact des conditions de travail sur le devenir des grossesses, notamment vis-à-vis de l’enfant à naître. L’amélioration des connaissances peut être obtenue en agissant sur deux axes : utiliser les sources d’informations déjà existantes en santé publique sur le déroulement des grossesses et créer un Observatoire de l’impact des risques professionnels sur les naissances avec l’aide des médecins du travail.

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Recommandations 15

1.1. Utiliser les sources d’informations déjà existantes en santé publique sur l’issue de la grossesse et le développement des enfants. L’objectif est d’y intégrer ou de traiter des informations sur l’exposition professionnelle. l Les registres des malformations Ils permettent de surveiller la survenue de malformations dans quelques régions en France. Ces registres couvrent à peu près 130 000 naissances annuelles. Chaque registre dispose de son propre formulaire standardisé de recensement des cas et d’un système informatique spécifique d’exploitation de la base de données. Les variables recueillies comportent dans tous les cas des données sociodémographiques, les antécédents maternels, les expositions médicamenteuses et toxiques, des renseignements sur le déroulement de la grossesse, les examens de diagnostic prénatal et la description détaillée des malformations. Les données recueillies sur les activités professionnelles doivent être complétées et organisées pour pouvoir être traitées en vue d’effectuer des évaluations précises des risques liés au travail. Une expérimentation de ce type est en cours au sein du registre des malformations en Rhône-Alpes (REMERA).

l Le registre des certificats de décès périnatals Les décès périnatals font l’objet d’une déclaration obligatoire au moyen d’un certificat de décès néonatal standardisé et sont traités par le Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès (INSERM CepiDc). Les professions de la mère et du père sont spécifiées sur ce certificat, qui indique également si la profession était exercée pendant la grossesse. Un traitement de ces données devrait être discuté avec les responsables du CepicDc en vue de leur utilisation comme outils de veille ou d’alerte en milieu professionnel.

l Les registres de cancers L’induction de cancers par des expositions durant la vie in utero est possible notamment pour les substances chimiques ou les rayonnements ionisants. Un certain nombre de registres de cancers chez l’adulte existe. Vu les nombreux biais d’expositions et facteurs interférents à prendre en compte, il semble difficile de pouvoir explorer dans 531

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ce cadre le rôle étiologique des expositions in utero « professionnelles ». Cette question est cependant à étudier avec les responsables de ces registres. Le registre national des hémopathies malignes de l’enfant et celui des tumeurs solides peuvent fournir des informations plus exploitables, du fait de la latence d’apparition plus courte. Certaines études ont d’ailleurs été réalisées à partir de ces registres sur des relations entre emplois des parents et tumeurs de l’enfant.

l Les consultations postnatales Le système d’assurance maladie prend en charge une consultation postnatale dans les huit semaines qui suivent l’accouchement. Il existe également un certificat de santé de l’enfant au 8e jour. La faisabilité et l’opportunité d’une veille à partir de ces données demandent à être évaluées.

l Les enquêtes de santé publique Des enquêtes sont régulièrement effectuées en santé publique sur le déroulement des grossesses et l’état de santé de l’enfant à la naissance. Les enquêtes nationales périnatales et prochainement l’étude ELFE (Étude longitudinale française depuis l’enfance) peuvent être citées. À chaque nouvelle enquête, à chaque fois que cela est possible et pertinent, l’intégration de questions sur les expositions professionnelles doit être favorisée.

l L’analyse des arrêts de travail Un nombre important de femmes enceintes semblent s’arrêter au cours de la grossesse avant le début du congé de maternité légal sans que l’on connaisse les déterminants de ces arrêts. Au sein des données disponibles, la CNAMTS pourrait explorer le rôle éventuel des conditions de travail, y compris des transports, sur ces arrêts.

1.2. Créer un Observatoire de l’impact des risques professionnels sur les naissances avec les médecins du travail Le Code du travail demande au médecin du travail d’assurer une surveillance médicale renforcée pour les femmes enceintes et les mères d’enfant de moins de six mois, ainsi qu’une visite de reprise systématique après un congé de maternité. Chaque médecin 532

Recommandations 15

exerce cette surveillance selon ses propres critères et/ou moyens et aucune réflexion collective de la profession n’a été organisée afin d’optimiser cette surveillance ni de permettre un suivi collectif du devenir des grossesses en milieu professionnel. Après avoir été fixées, afin de cerner les expositions professionnelles, le déroulement des grossesses et le développement de l’enfant, les données collectées lors de ces visites pourront alimenter un Observatoire du déroulement des grossesses en milieu professionnel. Ces observations permettront d’améliorer l’état des connaissances sur les naissances prématurées notamment. Celles-ci ne font pas l’objet d’études systématiques en santé publique. L’état des connaissances a montré qu’il s’agit d’une préoccupation récurrente pour un certain nombre de facteurs de risques professionnels (travail de nuit, stress, exposition aux solvants…). Mettre en relation conditions de travail et naissances prématurées permettra de faire avancer l’état des connaissances sur l’impact du travail sur la grossesse et de donner des arguments étayés pour réduire les risques identifiés. Cet outil permettra également de développer des actions par secteurs professionnels. Par ailleurs, plusieurs rapports ont souligné récemment l’importance du développement de la traçabilité des expositions. Des actions expérimentales sont en cours dans plusieurs régions. Il est rappelé cependant que la problématique des produits toxiques pour le développement ne peut pas s’envisager de la même manière que celle des produits cancérogènes. L’échelle de temps n’est pas la même ; de plus les pathologies observées sont souvent notifiées dans un autre dossier médical, à savoir celui de l’enfant. Or, cette traçabilité est indispensable pour mener à bien les études épidémiologiques. Les modalités de réalisation de cette traçabilité devraient être discutées dans le cadre de la création de cet outil d’observation du déroulement des grossesses. Pour un fonctionnement optimum, cet observatoire devra également disposer d’un thésaurus de dénomination des expositions et des pathologies, qui soit si possible commun avec les outils de santé publique évoqués ci-dessus. La création d’un tel Observatoire est ambitieuse mais susceptible de trouver un large consensus social et politique. Elle nécessite d’impliquer l’ensemble des partenaires intervenant sur ce sujet : administrations, partenaires sociaux, agences sanitaires, médecins du travail, organismes de recherche, sociétés savantes. D’autres observatoires déjà créés dans d’autres domaines que la santé au travail, tels que l’Observatoire des résidus de pesticides, l’Observatoire de la parité entre les hommes et les femmes, l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière, l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies, l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur pourront servir de modèle et de guide pour sa structuration.

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2. Créer un programme national de recherche sur l’impact du travail sur le déroulement des grossesses Ce programme peut concerner divers domaines : épidémiologie, physiologie ou études expérimentales. Il peut, là aussi, s’inspirer de programmes nationaux déjà existants dans d’autres domaines (PNETOX – programme national de recherche en écologie terrestre et aquatique, PNRPE – programme national de recherche sur les perturbateurs endocriniens, PRIMEQUAL – programme de recherche interorganisme pour une meilleure qualité de l’air à l’échelle locale…). Les équipes répondant à ces programmes, notamment en épidémiologie, pourront utiliser les données issues de l’Observatoire. Ce programme permettra notamment de développer une expertise sur les méthodes alternatives en toxicologie de la reproduction. Cette action doit pouvoir s’insérer dans les programmes initiés dans le cadre de REACH au niveau du ministère en charge de l’Environnement. Plusieurs besoins de recherche ont été relevés lors de l’expertise :

l Épidémiologie – Réaliser des études sur l’impact du travail de nuit, et plus généralement du travail posté. – Développer des études sur l’impact des vibrations sur le déroulement de la grossesse, notamment dans le cadre des professions nécessitant l’usage de véhicules automobiles ou de transports en commun. – Évaluer l’impact des modes de transports utilisés et de la durée des trajets sur le déroulement des grossesses. – Suivre le devenir des enfants exposés au bruit durant la grossesse. – Intégrer une partie « exposition professionnelle et grossesse » dans les grandes cohortes d’adultes en cours ou une partie « exposition professionnelle des parents » dans les cohortes d’enfants ou d’adolescents. – Développer des études sur la caractérisation et les conséquences du stress pour les femmes enceintes en milieu professionnel. 534

Recommandations 15

– Réaliser des études de populations avec exposition spécifique à un risque biologique (cytomégalovirus, fièvre Q…) pour tenter d’isoler le risque professionnel du risque communautaire. – Déterminer les niveaux d’exposition aux ondes électromagnétiques de l’embryon ou du fœtus et notamment l’augmentation thermique induite en fonction des postes de travail.

l Études expérimentales – Développer des études toxicologiques sur des cibles nouvelles (ex. : système endocrinien). – Développer, évaluer la prédictivité des méthodes alternatives et engager des processus de validation, si possible en lien avec les groupes européens (ex. : European Center for the validation of alternative methods). – Réaliser des études sur les substances non testées dans REACH (ex. : tonnage trop faible), mais d’intérêt en santé au travail. – Concevoir de nouveaux indicateurs d’effet plus sensibles et plus spécifiques de systèmes peu étudiés (ex. : immunologie). – Élaborer des protocoles d’études des risques cancérogènes lors d’exposition in utero. – Effectuer des études expérimentales afin de déterminer des seuils de niveau de bruit à risque pour l’audition. – Développer des protocoles expérimentaux pour évaluer la synergie bruit et agents ototoxiques sur l’audition de l’enfant exposé in utero. – Définir des protocoles standardisés d’évaluation des risques des ondes électromagnétiques, du même type que les lignes directrices OCDE existant pour les produits chimiques. – Étudier l’impact des modifications hormonales induites par le travail de nuit sur le développement de l’enfant.

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3. Créer un groupe de référence et un réseau d’experts pour le développement de la prévention des risques professionnels vis-à-vis de la reproduction humaine Les préventeurs (médecins du travail, intervenants en prévention des risques professionnels, agents des Caisses régionales d’assurance maladie ou Caisses générales de sécurité sociale...) sont souvent isolés pour évaluer les risques d’une exposition professionnelle vis-à-vis de la grossesse. Leur formation est pour certains insuffisante, les référentiels sur les conduites à tenir sont rares. Les pratiques sont ainsi souvent hétérogènes. La création d’un groupe de référence et d’un réseau d’experts pour le développement de la prévention des risques professionnels vis-à-vis de la reproduction humaine permettra de concevoir des outils et des recommandations pour une harmonisation des pratiques et une meilleure prise en charge de la femme enceinte au travail. Organisé autour d’un noyau central de quelques experts (groupe de référence), principalement chargés de l’animation de ce réseau, il permettra de fédérer une équipe pluridisciplinaire et multiorganismes sur le thème grossesse et travail. De conception proche du groupe de référence « Grossesse et travail » du Québec, il pourra également permettre de créer une coopération internationale francophone sur ce sujet. Les experts proposent d’ores et déjà un certain nombre de thèmes : – Développer des outils d’évaluation des risques pour la grossesse par secteur professionnel. – Harmoniser des outils d’évaluation. Par exemple, développer des indicateurs de pénibilité, des recommandations pour évaluer la charge physique. Ces recommandations pourraient être bâties en utilisant les méthodes préconisées par la Haute Autorité de Santé (HAS). – Participer au développement des fiches DEMETER. L’INRS développe depuis 2006 les fiches DEMETER (Documents pour l’évaluation médicale des produits toxiques vis-à-vis de la reproduction), destinées aux médecins, en particulier aux médecins du travail, avec l’objectif de les aider à évaluer le risque pour la reproduction lors d’expositions d’hommes ou de femmes à des produits chimiques en milieu professionnel. Le développement de ces fiches pourra être amplifié, en étendant leur domaine aux autres risques professionnels (biologiques, physiques…). Des fiches par profession pourront être également élaborées dans ce même esprit. 536

Recommandations 15

4. Développer l’information 4.1. Lancer une campagne nationale sur le thème « Agir à temps, c’est agir avant » L’expertise a souligné que de nombreux dangers (produits chimiques, rayonnements ionisants…) sont présents au tout début de la grossesse. Le préventeur intervient souvent trop tard, alors que la grossesse est avancée. En effet, d’une part la femme peut ne pas se savoir enceinte, d’autre part, elle reste parfaitement libre de ne pas déclarer sa grossesse. La prévention ne peut donc se baser uniquement sur la déclaration de grossesse. Parallèlement, l’évaluation des risques est souvent difficile, demande de collecter un grand nombre d’informations, éventuellement de réaliser des mesures d’expositions. Ces actions prennent du temps et les résultats seront connus à une période où la grossesse est déjà avancée. L’évaluation des risques a priori avant le démarrage de la grossesse est indispensable. Il est ainsi proposé de réaliser une campagne d’information sur le thème « Agir à temps, c’est agir avant ». Cette campagne visera en priorité les salariés et les employeurs. Les gynécologuesobstétriciens devront être également impliqués notamment dans le cadre d’une visite préconceptionnelle, moment privilégié pour faire passer cette information, ce qui permettra également de développer le travail en réseau pluridisciplinaire évoqué ci-dessous. Elle permettra enfin de lancer le débat dans les entreprises sur la place de la grossesse en milieu professionnel et d’évaluer les risques professionnels associés au même titre que les autres risques et non comme une contrainte inhérente à l’emploi féminin.

4.2. Améliorer l’information des femmes sur les risques pendant la grossesse Développer des actions d’information vis-à-vis des femmes enceintes est également indispensable, portant notamment sur deux messages : – Certains facteurs de risques professionnels peuvent engendrer des effets sur l’enfant ; il convient de les prendre en compte pour les supprimer ou les diminuer. 537

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– Le médecin du travail est un interlocuteur privilégié dans ce cas. Tenu au secret professionnel, l’information qui lui sera faite de l’état de grossesse restera confidentielle et est indépendante de la déclaration officielle à l’employeur. Des consultations « en urgence » peuvent être demandées aux services de santé au travail. Ces actions d’information pourront notamment passer par les relais suivants : – Le carnet de maternité : les informations peuvent être transmises au moment de son envoi ou de sa remise. Le carnet de maternité comporte déjà un certain nombre d’informations sur les risques professionnels qui restent cependant très générales ; il est nécessaire de les préciser et de les personnaliser. Une piste de réflexion peut être de réaliser des documents plus spécifiques à certaines professions ou risques et distribués pour certains métiers. – Le dossier médical personnel : il devrait comporter des données sur les expositions professionnelles transmises par le médecin du travail. – Le dossier transmis par la Sécurité sociale : dès réception du certificat de déclaration de grossesse, la Sécurité sociale envoie à la femme enceinte un guide sur la grossesse ainsi qu’un aide-mémoire afin de préparer sa visite médicale. Des rappels sur les risques professionnels devraient être ajoutés à ce guide.

5. Optimiser la formation des professionnels La formation sur les risques des expositions professionnelles lors de la grossesse est très partiellement réalisée. Les professionnels de santé sont peu ou mal formés sur ces sujets. Il est proposé de créer des modules de formation spécifiques ou d’intégrer ces notions dans les programmes de formation existants. Serait concernée la formation initiale des médecins au niveau du 2e cycle des études médicales et du 3e cycle pour les médecins du travail, généralistes et gynécologues-obstétriciens ainsi que celle des sages-femmes et des infirmières, notamment du travail. De même, ce sujet devrait être intégré aux formations continues de ces mêmes professions ainsi que de celles d’autres intervenants en santé au travail que sont les préventeurs des CRAM, les inspecteurs du travail et les intervenants en prévention des risques professionnels.

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Recommandations 15

6. Développer le travail en réseau pluridisciplinaire La santé publique sous-estime l’impact des conditions de travail sur la santé reproductive. Même si l’Haute autorité de santé (HAS) prend en compte le risque professionnel dans ses publications récentes, même si ce dernier est signalé dans le carnet de santé, l’absence de spécialistes de la santé au travail lors de la rédaction de ces documents souligne l’insuffisance de prise en compte de ce facteur par les spécialistes de la prise en charge médicale de la grossesse. Un certain nombre d’actions peut être lancé afin de favoriser le travail interdisciplinaire, notamment en réseau. – Initier des liaisons entre médecins du travail et spécialistes en charge de la grossesse. Autrefois, il existait dans le carnet de maternité une feuille de liaison entre le médecin du travail et le médecin traitant de la patiente. Sa réintégration ou l’étude d’un système équivalent permettra d’améliorer la prise en charge de la grossesse. L’obstétricien orientera le suivi de la grossesse en fonction des risques qui lui seront signalés par le médecin du travail et inversement ce dernier découvrira des conditions de travail à risque en fonction du déroulement de la grossesse qui lui sera signalé par l’obstétricien (en fonction du désir de la femme et du respect du secret médical). Ce système pourra s’inspirer de celui en vigueur au Québec. – Développer des consultations spécialisées : le Réseau national de vigilance et de prévention des pathologies professionnelles (RNV3P) regroupe 32 centres de consultation de cette spécialité en France. Ce réseau est coordonné par l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSSET). Aucun spécialiste de la reproduction n’exerce dans ces structures. Quelques consultations sont cependant sollicitées pour des avis concernant principalement l’impact des produits chimiques sur la grossesse. Une sensibilisation à ces risques des responsables de ces structures et la création en leur sein de consultations spécialisées seront développées. Ce réseau dispose d’un serveur informatique national qui permet à chacun des centres de rentrer dans une base commune les données des consultations effectuées. Les données de la base sont accessibles par interrogation multiple via une interface web sécurisée et peuvent servir pour des études notamment dans le cadre d’un système de veille. Il peut être souligné la présence d’une consultation environnement et grossesse au sein du Centre antipoison de Lille. – Développer des liens entre consultations de pathologie professionnelle, des institutions [inspection médicale du travail, Cellule d’intervention régionale 539

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d’épidémiologie (CIRE), médecins conseils de Sécurité sociale, médecins des Caisses régionales d’assurance maladie…] et services de santé au travail : il existe actuellement une opération pilote réalisée à Bordeaux entre la consultation de pathologie professionnelle, la CIRE et l’inspection médicale du travail afin de développer une action commune en cas de découverte d’un cluster de pathologies en entreprise (GAST : Groupe d’alerte en santé au travail). L’apparition d’effets sur la reproduction peut en faire partie. De telles actions pourraient être développées en fonction des enseignements tirés de cette opération pilote. – Poursuivre la coopération de l’INRS avec le Centre de référence sur les agents tératogènes (CRAT).

7. Améliorer l’accessibilité et la visibilité du système de prise en charge des arrêts de travail Conformément à une directive européenne, il existe un système de prise en charge des arrêts de travail en cas d’impossibilité de continuer son travail pour la femme enceinte du fait d’expositions professionnelles à risque. Ce système permet une garantie de rémunération car les indemnités journalières de la Sécurité sociale sont complétées par l’employeur. Bien qu’il soit demandé de privilégier l’amélioration des postes de travail, dans certains cas, l’éviction du poste est la seule mesure possible. L’efficacité du système a d’ailleurs été démontrée pour certains risques physiques au Québec. La réglementation française ne la rend obligatoire que pour certains risques. Cette procédure présente cependant plusieurs inconvénients, qui nécessitent la mise en place des actions suivantes : – Élargissement des facteurs de risque pris en charge : ce système ne s’applique que pour un nombre très restreint de facteurs de risques professionnels, qui ne permet pas de prendre en charge toutes les conditions d’exposition à risques rencontrées sur le terrain. – Amélioration de l’information : l’existence de ce système est quasiment confidentielle. Il convient de mieux le faire connaître. – Étudier l’application réelle de ce système : dans certaines régions, l’application de ce système semble défaillante. Un audit de la réalité de sa mise en œuvre et de son efficience serait utile.

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Recommandations 15

8. Adapter la réglementation Le groupe d’expertise suggère d’étudier l’amélioration de certains points de la réglementation.

l Vis-à-vis des produits chimiques La réglementation actuelle CMR intègre les produits reprotoxiques (R). Cependant, la plupart des messages reste centré sur les produits cancérogènes et mutagènes (CM), même si cela n’est pas explicitement indiqué. La réglementation permet une prise en charge satisfaisante des risques liés aux produits chimiques sauf plusieurs points : – L’interdiction de l’exposition à des produits dangereux uniquement dès la déclaration officielle de la grossesse. Ce délai entraîne dans de nombreux cas l’inefficacité de cette réglementation car elle s’applique trop tardivement. Par ailleurs, cette interdiction peut sembler en incohérence avec l’affirmation de la survenue des atteintes au-delà d’un seuil. Cependant pour des raisons pragmatiques, cette interdiction peut se justifier du fait de la méconnaissance de ces seuils ou de la difficulté à les maîtriser. – L’interdiction d’exposition ne concerne que les produits reprotoxiques Catégorie 1 ou 2. Or l’exposition aux produits cancérogènes (par un mécanisme de génotoxicité) ou mutagènes est aussi à risque et ne fait pas l’objet d’interdiction. – Le non-signalement des produits non ou mal évalués. La réglementation sur les produits chimiques pourrait s’inspirer de celle sur les médicaments. Lorsque l’évaluation des risques vis-à-vis de la grossesse est insuffisante ou inexistante, la notice d’utilisation du médicament le mentionne. On pourrait imaginer pareillement une étiquette « produit non encore évalué ». La mise en place de l’inventaire de classification au niveau européen devrait permettre d’identifier les substances non classées par absence de données. – Enfin, pour les produits non encore classés CMR mais pour lesquels des données sont suffisantes pour déconseiller une exposition durant la grossesse, il n’existe pas de possibilité de prise en charge financière de l’arrêt de travail durant la grossesse. – Bien qu’il ne s’agisse pas à proprement parler de produits reprotoxiques, l’exposition pendant l’allaitement à des agents chimiques passant dans le lait maternel doit être mieux encadrée. 541

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l Vis-à-vis du bruit La réglementation pourrait être amendée sur deux points : – Mesurer les niveaux de bruit en utilisant la pondération C pour la réglementation concernant la femme enceinte au travail. Cette pondération est en effet plus adaptée pour le fœtus. Cette proposition n’entraînerait aucun coût supplémentaire, les appareils de mesures du bruit effectuant systématiquement cette mesure. Par contre, cette pondération n’est pas reprise dans les rapports ou conclusions des métrologistes. – Interdire l’exposition pendant la grossesse à partir de la 24e semaine de grossesse à des niveaux de bruit supérieurs à 85 dB(C) sur 8 heures ou 137 dB(C) en niveau de crête.

l Vis-à-vis des risques physiques La réglementation spécifique sur ce thème est soit absente, soit ancienne. Une réflexion pourra être initiée afin d’évaluer la pertinence de sa refonte. De manière plus générale, la recommandation pour la surveillance des femmes enceintes par les médecins du travail date de plus de 25 ans. Son contenu nécessiterait une révision. Elle pourrait être remplacée ou complétée par des Guides de bonnes pratiques pour les médecins du travail, établis en collaboration avec la HAS.

Perspectives Concernant les risques pour l’enfant à naître, il a été mis en évidence un certain nombre de dangers mais, dans de nombreux cas, l’évaluation des risques est particulièrement difficile à réaliser, souvent par manque de données. Un certain nombre des propositions émises à l’issue de l’avis d’experts a pour objectif la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin d’éviter tout dommage. En parallèle, le développement proposé de la collecte d’informations, de la recherche et de l’expertise permettra d’améliorer les connaissances dans ce domaine. Cependant, devant l’incertitude qui existe sur la relation entre risques professionnels et grossesse, la question de l’application du principe de précaution se pose1.

1. Le principe de précaution s’applique « dès lors que la possibilité d’effets nocifs sur la santé ou l’environnement est identifiée et qu’une évaluation scientifique préliminaire sur la base des données disponibles ne permet pas de conclure avec certitude sur le niveau de risque ».

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Recommandations 15

Pour les produits chimiques notamment, les préventeurs seront pour longtemps face à des substances ne présentant pas de signal d’alerte mais n’ayant fait l’objet que de tests partiels ou même, très souvent, d’aucun test. Cette expertise n’était pas le lieu pour répondre à cette question, préventeurs, médecins ou chercheurs n’ayant pas de légitimité pour y répondre seuls, mais une réflexion de société devrait être engagée, avec un cadre à préciser. Une saisine du Comité consultatif national d’éthique, du Comité national de la prévention et de la précaution ou d’autres structures pourrait être envisagée. Plus largement, une réflexion impliquant partenaires sociaux, État et citoyens sur « la place de la grossesse en milieu professionnel et la protection souhaitée pour les enfants à naître » permettrait d’avancer sur ce sujet et d’aider à la prise des décisions.

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Table des abréviations

A/m : Ampères par mètre (mesure) AAT : Accouchement avant terme ABDCC : Atlanta birth defects case control ACCIS : European automated childhood cancer information system ACTH : Hormone adrénocorticotrope (adrenocorticotrophic hormone) ADN : Acide désoxyribonucléique AES : Accident exposant au sang AFSSA : Agence française de sécurité sanitaire des aliments AFSSET : Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail AgHBs : Antigène de l’hépatite B dans le sang AMP cyclique : Adénosine monophosphate cyclique ANAES : Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé ATU : Autorisation temporaire d’utilisation AUDIPOG : Association des utilisateurs de dossiers informatisés en pédiatrie, obstétrique et gynécologie BBP : Phtalate de butylbenzyle BDNF : Brain-derived neurotrophic factor BPL : Bonnes pratiques de laboratoire Bpm : Battements par minute CCIM : Comité consultatif pour l’informatique médicale CDC : Centers for disease control and prevention CDD : Contrat à durée déterminée 545

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CepiDc : Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès CERHR : Center for the evaluation of risks to human reproduction cGMP : Guanosyl-monophosphate cyclique CGP : Cellules germinales primordiales CGSS : Caisse générale de sécurité sociale CHSCT : Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail CIPR : Commission internationale de protection radiologique CIRC : Centre international de recherche sur le cancer CIRE : Cellule interrégionale d’épidémiologie CIVD : Coagulation intravasculaire disséminée CLP : Classification, labelling and packaging CMPH-PMSD : Comité médical provincial d’harmonisation - Pour une maternité sans danger CMR : Substances chimiques cancérogènes et/ou mutagènes et/ou toxiques pour la reproduction CMV : Cytomégalovirus CNAMTS : Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés CNGOF : Collège national des gynécologues et obstétriciens français CNR : Centre national de référence CO : Monoxyde de carbone CO2 : Dioxyde de carbone CPAM : Caisse primaire d’assurance maladie CRAT : Centre de référence sur les agents tératogènes CRF : Corticotropin releasing factor CRP : Protéine C réactive (ou PCR) CSG : Contribution sociale généralisée CSP : Code de la santé publique CSS : Code de la Sécurité sociale CSST : Commission de la santé et de la sécurité du travail du Québec CTV : Comité technique de vaccination DAG : Distance anogénitale DARES : Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques DAS : Débit d’absorption spécifique dB : Décibel DBP : Phtalate de di-n-butyle DEHP : Phtalate de di(2-éthylhexyle) DEREK : Deductive estimation of risk from existing knowledge DES : Diéthylstilbestrol DHT : Dihydrotestostérone 546

Table des abréviations

DIDP : Phtalate de diisodécyle DINP : Phtalate de diisononyle DIU : Dispositif intra-utérin DL : Dose létale DNEL : Derived no effect level DnOP : Phtalate de di-n-octyle DO : Déclaration obligatoire DPG : Di-phospho-glycérate DREES : Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques DRT : Direction régionale du travail dTP : Diphtérie-tétanos-polio (vaccin) dTPCa : Diphtérie-tétanos poliomyélite-coqueluche acellulaire (vaccin) EAF : Effets possibles de l’alcool sur le fœtus ECB : European chemical bureau ECHA : Agence européenne des produits chimiques ECVAM : European center for the validation of alternative methods EFSA : European food safety authority EGEE : Éther monoéthylique de l’éthylène glycol EHPAD : Établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes EINECS : European inventory of existing commercial chemical substances ELFE : Étude longitudinale française depuis l’enfance ENP : Enquêtes nationales périnatales EPA : Environmental protection agency EST : Embryonic stem cells test FASD : Fetal alcohol spectrum disorder FC : Fréquence cardiaque FDA : Food and drug administration FETAX : Frog embryo teratogenesis assay-Xenopus FGF : Facteur de croissance des fibroblastes FSH : Hormone folliculostimulante GABA : Acide gamma-aminobutyrique GEU : Grossesses extra-utérines GIS : Groupement d’intérêt scientifique GRGT : Groupe de référence grossesse-travail HAS : Haute Autorité de santé HCSP : Haut Conseil de la santé publique HPL : Hormone placentaire lactogène HPV : High production volume HTA : Hypertension artérielle 547

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Hz : Hertz IC : Intervalle de confiance ICCVAM : Interagency coordination committee on the validation of alternative methods ICH : International conference for harmonization ICNIRP : International commission on non-ionizing radiation protection IGF : Insulin-like growth factor IgG : Immunoglobulines G IMG : Interruption médicale de grossesse INB : Installation nucléaire de base INRS : Institut national de recherche et de sécurité INSEE : Institut national de la statistique et des études économiques INSERM : Institut national de la santé et de la recherche médicale INSPQ : Institut national de santé publique du Québec InVS : Institut de veille sanitaire IPAG : Insuffisance de poids pour l’âge gestationnel IR : Infrarouge IRM : Imagerie par résonance magnétique IRSN : Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire IRSST : Institut de recherche en santé et sécurité du travail LH : Hormone lutéinisante LOAEL : Lowest observed adverse effect level LSST : Loi sur la santé et la sécurité du travail μT : Microtesla 2ME : 2-Méthoxyéthanol MBP : Monobutylphtalate MEHP : Phtalate de mono(éthyl-2-hexyle) MM : Micromasse N2O : Protoxyde d’azote Na : Sodium NHS II : Nurses health study II NO : Oxyde nitrique NOAEL : No observable adverse effect level NV : Naissances vivantes O2 : Oxygène OCDE : Organisation de coopération et de développement économiques OCME : Oxygénation extracorporelle par oxygénateur à membrane OMS : Organisation mondiale de la santé OPPTS : Office of prevention, pesticides and toxic substances 548

Table des abréviations

OR : Odds ratio OSCC : Oxford study of childhood cancers PaO2 : Pression partielle en oxygène dans le sang artériel PBDE : Polybromodiphényléther PCB : Polychlorobiphényl PCO2 : Pression artérielle du gaz carbonique pH : Potentiel hydrogène PME : Petites et moyennes entreprises PMI : Protection maternelle et infantile PMSD : Pour une maternité sans danger PNETOX : Programme national d’écotoxicologie PO2 : Pression artérielle en oxygène PPNPE : Programme national de recherche sur les perturbateurs endocriniens PRL : Prolactine QI : Quotient intellectuel R(Q)SA : Relation structure activité quantitative RCIU : Retard de croissance intra-utérin REACH : Registration, evaluation, authorisation and restriction of chemicals REMERA : Registre des malformations Rhône-Alpes (association) RF : Radiofréquences RI : Rayonnements ionisants RNV3P : Réseau national de vigilance et prévention des pathologies professionnelles RR : Risque relatif SA : Semaine d’aménorrhée SAF : syndrome d’alcoolisme fœtal SFMT : Société française de médecine du travail SGH : Système général harmonisé SHBG : Sex hormone-binding globulin SMIC : Salaire minimum interprofessionnel de croissance SNC : Système nerveux central SST : Services de santé au travail TBG : Thyroid-binding globulin TCDD : Tétrachlorodibenzo-p-dioxine TERIS : Teratogen information system TGD : Technical guidance document TLE : Transfert linéique d’énergie TMS : Trouble musculosquelettique TOPKAT : Toxicity prediction computer assisted technology TPE : Très petite entreprise 549

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UNSCEAR : United nations scientific commitee on effects of atomic radiations UV : Ultraviolet V/m : Volts par mètre (mesure) VDA : Valeurs déclenchant l’action VEGF : Vascular endothelium derived growth factor VHB : Virus de l’hépatite B VHC : Virus de l’hépatite C VHE : Virus de l’hépatite E VIH : Virus de l’immunodéficience humaine VIP : Vasoactive intestinal peptide VLE : Valeur limite d’exposition VME : Valeur moyenne d’exposition VTD : Valeur toxicologique sur le développement VTR : Valeur toxicologique de référence VZV : Virus varicelle-zona W/m2 : Watts par mètre carré WEC : Whole embryo culture (cultures d’embryon entier)

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Glossaire

Âge gestationnel : âge de la grossesse. La datation du début de la grossesse permet le calcul précis de l’âge de la grossesse. L’âge gestationnel s’exprime en semaines d’aménorrhée révolues (SA), à partir du premier jour des dernières règles normales. À partir de l’ovulation, la durée moyenne de la grossesse est de 270 jours, ou 38 SA et 5 jours ou 9 mois. À partir du premier jour des dernières règles, le terme sera fixé à 40 SA et 4 jours après, soit 284 jours d’aménorrhée. Agénésie : absence complète d’un organe liée à l’absence de son ébauche. Aménorrhée : absence de règles. Anencéphalie : absence congénitale de l’encéphale. Anesthésique : molécule qui permet de provoquer une anesthésie. Atrésie : absence de développement de la lumière d’un organe avec éventuellement absence de certains segments de cet organe (ex. : atrésie œsophagienne). Atrésie des choanes : rétrécissement ou une absence de communication entre la cavité nasale et le nasopharynx. L’atrésie peut être unie ou bilatérale, être osseuse ou membraneuse. Atrésie de l’œsophage (AO) : groupe d’anomalies congénitales caractérisé par l’interruption de la continuité de l’œsophage, avec ou sans communication avec la trachée. 551

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Avortement spontané (le terme fausse couche peut être également utilisé) : expulsion non provoquée du produit de conception avant le terme de 22 semaines d’aménorrhée – SA (moins de 6 mois après la fécondation ou moins de 180 jours de grossesse). Avortement spontané précoce : avortement alors que la grossesse a moins de 15 semaines révolues d’aménorrhée. Avortement spontané tardif : avortement alors que la grossesse a plus de 15 semaines révolues d’aménorrhée. Cellules de Leydig : les cellules interstitielles de Leydig se situent dans le tissu conjonctif lâche des espaces intertubulaires. Ce sont des cellules endocrines qui sécrètent surtout l’hormone sexuelle mâle, la testostérone, qui diffuse dans le sang ainsi que dans le voisinage immédiat. Cette hormone est responsable (avec les hormones corticosurrénales) du déclenchement de la puberté, et partant, de la maturation des spermatozoïdes. Les cellules interstitielles de Leydig acquièrent une « seconde jeunesse ». durant la puberté et sous l’influence de la LH hypophysaire (hormone lutéinisante) (la « première jeunesse » des cellules interstitielles de Leydig se situant au moment du développement embryonnaire des testicules). Cellules de Sertoli : cellules qui lient des relations étroites avec les cellules germinales qu’elles entourent et ont des potentialités multiples : rôle nourricier, contrôle de la maturation et de la migration des cellules germinales, phagocytose des cellules dégénérescentes, protection contre les réactions immunitaires secondaires. Elles ont également des fonctions hormonales et parahormonales. Cellule germinale : cellule à l’origine des gamètes. Cytostatique : médicament qui bloque la multiplication cellulaire, utilisé pour traiter des cancers. Cohorte : groupe constitué d’individus partageant une ou plusieurs caractéristiques définies, comme l’exposition ou la non-exposition à un toxique, une tranche d’âge, ou encore des caractéristiques sociologiques ou économiques. Ce groupe est suivi dans le temps. Conceptus : terme utilisé pour désigner le produit de conception, c’est-à-dire l’embryon ou le fœtus et leurs annexes (membranes). Il comprend les structures qui se développent de la fécondation à la naissance. Congénital : qui existe à la naissance et dont l’origine remonte à la vie intra-utérine. Corps jaune : structure ovarienne qui résulte de l’évolution d’un follicule mûr après la ponte ovulaire. Il sécrète de la progestérone sous contrôle de la LH, hormone sécrétée 552

Glossaire

par l’hypophyse. La progestérone a pour rôle de maintenir la muqueuse utérine destinée à accueillir l’embryon lors de la nidation. En cas de non-fécondation de l’ovule, le corps jaune dégénère, se flétrit, entraînant avec lui une diminution de la sécrétion de la progestérone et finalement l’apparition des règles correspondant au début d’un nouveau cycle. Si l’embryon se fixe, le corps jaune va se maintenir et produire de la progestérone pendant le début de la grossesse. Danger : propriété ou capacité intrinsèque par laquelle un produit, un matériel ou une méthode de travail est susceptible d’entraîner un effet sur la santé. Débit cardiaque : volume de sang éjecté sur un laps de temps donné. Il est souvent exprimé en litre de sang par minute (L/min). Directive européenne : acte normatif pris par les institutions de l’Union européenne. Une directive donne des objectifs à atteindre par les pays membres, avec un délai. Ce délai permet aux gouvernements nationaux de s’adapter à la nouvelle réglementation. Effet biologique : effet sur un organisme. L’observation d’un effet biologique, a fortiori en condition expérimentale, ne signifie pas forcément qu’il entraîne un dommage et encore moins qu’il se traduise par un effet sur la santé. Le corps humain est soumis en permanence à un ensemble de stimuli internes et externes, entraînant éventuellement des réactions biologiques d’adaptation, ayant un impact sur les cellules, le fonctionnement des organes et la santé. Un impact sur la santé n’intervient que lorsque des effets biologiques entraînés par une agression dépassent les limites d’adaptation du système biologique considéré. Effets déterministes : effets dus à un ensemble de causes bien déterminées. Pour les rayonnements ionisants, ces effets sont liés à un processus de mort cellulaire. Ces effets sont généralement précoces, se manifestant le plus souvent quelques heures à quelques mois après l’irradiation. Ils ne se produisent qu’au-delà d’une dose seuil, et leur gravité augmente avec la dose reçue. Dans certains cas, ces effets sont réversibles. Les effets déterministes chez l’embryon ou le fœtus peuvent être des effets létaux (avortements), des effets malformatifs, des anomalies du développement ou des retards de croissance. Effets stochastiques : effets qui surviennent de façon aléatoire dans une population exposée de manière homogène ; c’est la probabilité de ces effets qui augmente avec la dose. Dans le cas des rayonnements ionisants, ces effets peuvent toucher des cellules somatiques (effet cancérogène) ou des cellules germinales (mutations géniques transmissibles à la descendance). Embryon : organisme en développement depuis la première division de l’œuf jusqu’au stade où les principaux organes sont formés. Chez l’être humain, le stade embryonnaire 553

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dure huit semaines (soit dix semaines d’aménorrhée). Cette période correspond à la formation du fœtus. Au-delà et jusqu’au terme de la grossesse, on parle de fœtus. Embryopathies : maladies atteignant le produit de conception au cours de l’embryogenèse (c’est-à-dire au cours des 3 premiers mois de la vie intra-utérine). Les embryopathies peuvent être responsables de malformations congénitales, mais aussi de mort in utero. Endotoxine : toxine bactérienne thermostable libérée par la lyse ou la croissance des bactéries Gram négatives. Il s’agit d’un lipopolysaccharide (ou LPS, lipide complexe auquel est attaché un polysaccharide), constituant essentiel de leur paroi, qui peut provoquer chez l’homme des troubles graves (fièvre, chute de tension). Épidémiologie : étude des facteurs influant sur la santé et les maladies des populations humaines. Il s’agit d’une science qui se rapporte à la répartition, à la fréquence et à la gravité des états pathologiques. Étude cas-témoins : étude épidémiologique rétrospective dans laquelle les caractéristiques des malades (les cas) sont comparées à celles de sujets indemnes de la maladie (les témoins). Exencéphalie : anomalie congénitale correspondant à une sortie presque complète du cerveau (ou de l’encéphale) à travers la voûte crânienne. Facteur de confusion : variable liée à l’exposition et à la maladie et qui perturbe l’interprétation de la relation entre l’exposition et la maladie. Facteur d’incertitude (dans le cadre de la fixation des VTR) : nom générique donné aux facteurs appliqués à la dose critique lors de la construction des VTR à seuil. Ils correspondent aux facteurs utilisés pour tenir compte d’une part de la variabilité dans les transpositions intra- et inter-espèces et d’autre part des incertitudes dans les bases de données toxicologiques. Ces facteurs sont aussi dénommés « facteurs de sécurité ». Facteur de risque : caractéristique individuelle ou collective, endogène ou exogène, associée à une augmentation du risque de survenue de la maladie chez un individu. Un facteur de risque n’est pas une cause. Fécondation : union des gamètes mâle et femelle en une cellule unique, l’œuf, ou zygote. Fertilité : capacité des personnes, des animaux ou des plantes à produire une descendance viable et abondante. Fissure palatine : malformation qui consiste en une séparation du palais. On dit qu’elle est complète quand elle couvre tout le palais jusqu’à la luette, et incomplète quand elle 554

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n’en couvre qu’une partie. La fissure palatine se produit entre la septième et la treizième semaine de vie du fœtus. Bec de lièvre : fissure qui ne concerne que la lèvre. Fœtopathie : maladie qui atteint le produit de conception après le 3e mois. Fœtotoxicité : toxicité vis-à-vis du fœtus (produit de la conception à partir du 3e mois de la grossesse chez l’espèce humaine). Fœtus : chez les mammifères, le fœtus est le stade du développement prénatal qui succède à l’embryon et aboutit à la naissance. Le mot fœtus vient du latin fetus signifiant « enfantement, portée de petits ». Lors de la vie embryonnaire, les principaux organes ont été formés. La vie fœtale permet alors le développement et la maturation de ces organes. Follicule ovarien : structure constituée de cellules somatiques ovariennes entourant un ovocyte. FSH : (« Follicle Stimulating Hormone » ou hormone de stimulation folliculaire) : hormone qui stimule la croissance et le développement des follicules ovariens et la spermatogenèse dans les testicules. Gamètes : cellules reproductrices (spermatozoïdes chez les mâles, ovules chez les femelles). Gastrochisis : anomalie de défaut de fermeture de la paroi abdominale. Gène : séquence d’acides désoxyribonucléiques. Gènes du développement : gène qui contrôle le fonctionnement d’autres gènes et détermine ainsi la mise en place et l’organisation caractéristique d’une région précise d’un organisme. Germinal : qui se rapporte aux éléments reproducteurs des êtres vivants. Les cellules germinales sont les cellules reproductrices de l’organisme. Gestation : période durant laquelle une femelle de mammifère porte son ou ses petits (embryon puis fœtus) dans son utérus. Une femelle en gestation est dite gravide. Dans l’espèce humaine, on parle plutôt de grossesse ; une femme en état de grossesse est dite enceinte. La gestation dure 15 à 20 jours chez les rats ou les souris, 31 jours chez le lapin. La grossesse dure 39 semaines chez la femme. Gonade : organe destiné à la reproduction dans lequel sont produites les cellules reproductrices (gamètes). 555

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Grossesse extra-utérine (GEU) : grossesse implantée hors de la cavité utérine et pour laquelle l’œuf a commencé à se développer. La localisation la plus fréquente est celle des trompes utérines, conduisant à une grossesse tubaire, ou l’ovaire, le col de l’utérus, la paroi musculaire de l’utérus ou, enfin, la cavité abdominale. Hémangiome : tumeur bénigne caractérisée par la prolifération de cellules qui tapissent les vaisseaux sanguins. Hormone : substance chimique produite dans un organe ou dans certaines cellules constituant une glande endocrine, et qui, transportée par la circulation du sang ou d’autres liquides, produit des effets spécifiques d’activation ou de régulation dans d’autres organes. Hypertension gestationnelle : augmentation de la tension artérielle chez la mère durant la gestation ou la grossesse. Hypophyse : glande endocrine qui se trouve dans une petite cavité osseuse à la base du cerveau et qui produit des hormones (FSH, LH…) après stimulation par des neurohormones hypothalamiques (GnRH, TRH...). Hypotrophie (ou RCIU : retard de croissance intra-utérin) : poids inférieur au 10e percentile pour l’âge gestationnel et le sexe. Ce type de définition pose la question des courbes de référence pour désigner le poids correspondant au seuil choisi. Hypoxie : oxygénation insuffisante des tissus. In utero : phénomène qui se déroule dans l’utérus en gestation. In vitro : du latin « dans le verre » signifie un test en tube, ou, plus généralement, en dehors de l’organisme vivant. In vivo : du latin « au sein du vivant » qualifie les études sur des organismes vivants. In silico : néologisme signifiant l’utilisation massive de semi-conducteurs de silicium dans les ordinateurs. LH (« luteinizing hormone » ou hormone lutéinisante) : hormone qui stimule la synthèse et la sécrétion d’hormones ovariennes et testiculaires. Limaçon : partie de l’oreille interne constituée par un long canal enroulé sur lui-même comme une coquille d’escargot, qui contient les organes essentiels de l’audition. On distingue le limaçon osseux (ou cochlée) et le limaçon membraneux (ou canal cochléaire). LOAEL (Lowest observed adverse effect level) : dose minimale entraînant un effet considéré comme néfaste statistiquement significatif par rapport à un témoin. 556

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Malformation congénitale : modification pathologique congénitale et permanente d’un organe, d’une partie du corps ou de l’organisme entier, qui peut affecter la survie, le développement ou le fonctionnement. Matrice emploi-exposition (MEE) : système qui associe les professions d’un secteur d’activité économique donné aux expositions potentielles à des agresseurs du milieu de travail. Les axes principaux d’une matrice sont les emplois que l’on peut coder d’après une classification normalisée. Les agresseurs peuvent être de nature chimique, physique ou autre. À l’intersection d’un emploi donné et d’un agresseur, l’on retrouve généralement une cote caractérisant la nature de l’exposition potentielle (par ex. : voie d’entrée, intensité et fréquence de l’exposition, degré de fiabilité). Les MEE sont utilisées surtout en épidémiologie. Medline : première base de données bibliographique de la Bibliothèque nationale de médecine des États-Unis (NLM pour l’acronyme en anglais). MEDLINE® (MEDLARS en ligne) est le sous-ensemble primaire de PubMed. C’est la plus grande base bibliographique biomédicale mondiale. Méta-analyse : démarche statistique combinant les résultats d’une série d’études indépendantes sur un problème donné. La méta-analyse permet une analyse plus précise des données par l’augmentation du nombre de cas étudiés et de tirer une conclusion globale. Morbidité : taux de maladies ou symptômes observés dans une population donnée, soit pendant un temps donné, en général une année (incidence, correspondant à de nouveaux cas), soit à un moment donné (prévalence, correspondant à la proportion de cas). Mort-nés : morts fœtales à partir de 22 semaines de gestation. Dans les statistiques de l’état civil français, jusqu’en 2001, les mort-nés n’étaient enregistrés qu’à partir de 28 semaines et n’étaient pas comptabilisés entre 22 et 27 semaines. Mutation : modification de la séquence des nucléides d’une molécule d’ADN par substitution, délétion ou addition d’un ou de plusieurs nucléides. Néonatalogie : discipline spécialisée dans la prévention et les maladies du nouveau-né. Neurone : cellule du système nerveux spécialisée dans la communication et le traitement d’informations. Chaque neurone est composé d’un corps cellulaire comportant un noyau, ainsi que deux types de ramifications : les dendrites (entrées) et un axone (sortie des informations). Axones et dendrites de neurones différents entrent en contact via des structures spécialisées : les synapses. Nidation : fixation de l’embryon à la muqueuse utérine. Dans l’espèce humaine, la nidation a lieu de 5 à 7 jours après la fécondation. 557

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NOAEL (No observed adverse effect level) : dose maximale n’entraînant pas d’effet néfaste statistiquement significatif par rapport à un témoin, issue de l’identification du LOAEL. C’est la dose testée qui précède directement le LOAEL. Observation clinique : observation directe sur un malade, sans utilisation d’examen de laboratoire ou de radiologie. Organe de Corti : organe de la perception auditive. Il est constitué de cellules sensorielles (cellules ciliées internes ou CCI) et de cellules de soutien (cellules ciliées externes ou CCE). Organogenèse : processus de fabrication des organes, généralement durant la période embryonnaire. Parturition : action de mettre bas, d’accoucher, pour les animaux de laboratoire. Percentile : le percentile p est la valeur de la variable en deçà de laquelle se trouvent p % des données. Par exemple, un 90e percentile égal à 5 mg/m3 signifie que 90 % des valeurs observées sont inférieures à 5 mg/m3. Périnatalité : période située entre la 28e semaine de grossesse (environ 6 mois) et le 7e jour de vie après la naissance. Perturbateur endocrinien : substance exogène à l’organisme qui interfèrent avec la production, la sécrétion, le transport, le métabolisme, la liaison, l’action ou l’élimination des hormones naturelles. À noter, il peut exister d’autres définitions. Phénotype : ensemble des caractères observables d’un individu, correspond à la somme des caractères morphologiques, physiologiques ou comportementaux identifiables de l’extérieur. Placenta : organe qui assure les échanges nutritifs entre la mère et le fœtus. Portées : ensemble des petits qu’une femelle porte et met bas en une fois. Post-partum : période qui fait suite à l’accouchement et durant laquelle l’organisme maternel, modifié par la grossesse et l’accouchement, subit des changements destinés à le ramener à l’état normal. Pré-éclampsie : état de toxémie gravidique précédant l’éclampsie et se caractérisant par une hypertension artérielle, une protéinurie et des œdèmes. Prématurité : accouchement survenant entre 22 et 36 semaines révolues d’aménorrhée (SA) pour l’OMS. Cela conduit à distinguer différents types de prématurité, notamment en termes de gravité indiquée par l’âge gestationnel auquel la grossesse est interrompue : on parle de : – extrême prématurité : accouchement survenant avant 27 ou 28 SA, 558

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– grande prématurité : accouchement survenant de 28 à 31 SA, – prématurité modérée : accouchement survenant de 32 à 36 SA. Rapport de cas : description d’un cas intéressant et inhabituel. Rayonnement ionisant : rayonnement qui peut arracher un électron à un atome, grâce à un transfert d’énergie supérieure à l’énergie de liaison (soit 13,6 eV pour l’atome d’hydrogène) ; la molécule sera dite ionisée. Registre : recueil continu et exhaustif de données nominatives intéressant un ou plusieurs événements de santé dans une population géographiquement définie, à des fins de recherche et de santé publique, par une équipe ayant les compétences appropriées. Relation dose-effet : relation entre la quantité totale d’une substance administrée, reçue ou absorbée par un organisme, système biologique ou (sous-)population et l’amplitude d’un effet toxique observé (intensité et durée de l’effet). Relation dose-réponse : relation entre la quantité totale d’une substance administrée, reçue ou absorbée par un organisme, système biologique ou (sous-)population et l’incidence ou la fréquence d’un effet toxique observé. Relation structure activité quantitative (en anglais : Quantitative structure-activity relationship ou QSAR) : procédé par lequel une structure chimique est corrélée avec un effet bien déterminé comme l’activité biologique ou la réactivité chimique. Reproduction : ensemble des processus par lesquels une espèce se perpétue, en suscitant de nouveaux individus. Reprotoxique : effet toxique qui consiste en une altération des fonctions ou de la capacité de reproduction et l’induction d’effets néfastes sur la dépendance. Résorption : phénomène par lequel un produit de conception, qui meurt après l’implantation, se résorbe ou a été résorbé (disparition progressive). Retard de développement psychomoteur : concept qui comprend différentes composantes : développement moteur, cognitif, et difficultés comportementales et psychologiques. Risque : probabilité d’atteinte du fait d’une exposition à un danger. Sevrage : cessation de l’allaitement. Sex-ratio : rapport entre le nombre de naissances d’individus de sexe masculin par rapport à la totalité des naissances. Solvant : liquide qui a la propriété de dissoudre, de diluer ou d’extraire d’autres substances sans provoquer de modification chimique de ces substances et sans lui-même se 559

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modifier. Les solvants permettent de mettre en œuvre, d’appliquer, de nettoyer ou de séparer des produits. Spermatogenèse : processus de production des spermatozoïdes, qui a lieu dans les tubes séminifères des testicules. Elle englobe les phénomènes qui, à partir des spermatogonies, aboutissent aux spermatozoïdes ou gamètes mâles. Spina bifida : malformation localisée du rachis, caractérisée lors du développement de l’embryon par un défaut de fermeture de la partie arrière des vertèbres, qui se constitue à la fin du premier mois du développement embryonnaire. La moelle épinière et les racines nerveuses font hernie à travers cet orifice anormal. Cette hernie de tissu médullaire et nerveux est la myéloméningocèle. Le niveau et l’importance de la malformation déterminent la gravité du tableau. Le siège habituel est lombaire ou sacré. Système immunitaire : système qui comprend tous les moyens de défense de l’organisme contre les agresseurs extérieurs. Tératologie : étude des malformations et des anomalies congénitales. Testostérone : hormone sexuelle mâle, sécrétée par les cellules de Leydig durant le développement de l’embryon, puis à partir de la puberté. La testostérone est responsable de la mise en place chez l’embryon des caractères sexuels primaires et à la puberté de la mise en fonction des voies génitales, du développement des caractères sexuels secondaires et de leur maintien ainsi que du comportement sexuel. Toxicité sub-chronique (90 jours) : étude chez l’animal sur 90 jours qui fournit des informations sur les principaux effets toxiques qui peuvent être entraînés par une exposition réitérée durant une période prolongée, du sevrage jusqu’à l’âge adulte. Toxicité à doses répétées (28 jours) : étude de toxicité pendant 28 jours d’exposition chez l’animal. Toxicité maternelle : effets nocifs sur les femelles gravides, se manifestant soit d’une façon précise (effet direct) ou soit diffuse (effet indirect) et concernant l’état gravide. Toxicité pour la reproduction : effets nocifs sur la progéniture et/ou dégradation des capacités ou des fonctions reproductrices du mâle et de la femelle. Toxicocinétique : étude du sort d’une substance toxique dans l’organisme. La quantité de substance qui agit avec l’organisme pour causer un effet néfaste dépend de quatre facteurs biologiques principaux qui sont : l’absorption, la distribution, le métabolisme (ou la biotransformation) et l’excrétion. Toxicologie du développement : l’étude des effets nocifs sur un organisme en développement, qui peuvent résulter d’une exposition antérieure à la conception, contemporaine 560

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au développement prénatal ou postnatal, jusqu’à la maturation sexuelle. La toxicité pour le développement se manifeste principalement par 1) la mort de l’organisme, 2) une anomalie structurelle, 3) une anomalie de croissance, 4) un déficit fonctionnel. Transfert linéique d’énergie (TLE) : énergie transférée à la matière par unité de longueur de trajectoire, reflet de la densité des ionisations le long de la trajectoire d’une particule. Variation : changement structurel considéré comme peu ou pas préjudiciable pour l’animal ; peut être transitoire et peut survenir fréquemment dans la population témoin. Volume d’éjection systolique : volume de sang éjecté par le cœur dans la circulation systémique à chaque battement. Volume sanguin total : volume de sang qui circule dans le système vasculaire. VTR (Valeur toxicologique de référence) : valeur établie par des instances nationales ou internationales, caractérisant le lien entre une exposition à une substance toxique et l’occurrence d’un effet néfaste observé.

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