Formulation des solides divisés: Des procédés aux propriétés d'usage 9782759803385

Les Cahiers de Formulation s'étaient déjà intéressés à la dispersabilité des solides dans un milieu liquide (vol. 1

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Formulation des solides divisés: Des procédés aux propriétés d'usage
 9782759803385

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Formulation des solides divisés Des procédés aux propriétés d’usage • nanoparticules • poudres • dispersions • milieux granulaires •

Ouvrage coordonné par Léa Metlas- Komunjer

17 avenue du Hoggar PA de Courtabœuf, BP 112 91944 Les Ulis Cedex A,France

ISBN : 978-2-7598-0367-5 Tous droits de traduction, d'adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. La loi du 11 mars 1957 n'autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'article 41, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective », et d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (alinéa 1er de l'article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal.

© EDP Sciences 2009

Préface La matière solide divisée, très présente dans la nature mais aussi dans plusieurs domaines de la vie de tous les jours, connaît bien des particularités dans son comportement : plutôt similaire aux liquides dans son écoulement, elle peut devenir « très solide » après un stockage prolongé ou inadapté… Les industriels et les scientifiques s’intéressent depuis très longtemps à la physicochimie des formulations comportant des poudres ou leurs mélanges et aux interactions des particules avec leur environnement. Les 12es Journées du Groupe Formulation de la Société Française de Chimie (redevenue récemment Société Chimique de France), organisées conjointement avec les groupes thématiques « Procédés de Formulation » et « Solides Divisés » de la Société Française de Génie de Procédés, ont eu pour but de réunir les deux communautés avec pour objectif de faire un point sur les connaissances actuelles et de favoriser les échanges entre chercheurs, équipementiers et industriels. Les Journées ont rassemblé 86 participants, dont 30% d’industriels. Il est à noter la présence de nombreux étudiants en thèse et d’un groupe d’étudiants en Master Formulation de Lyon. Les 16 conférences invitées, dont la moitié ont été présentées par des industriels ont donné lieu à de très intéressantes discussions perdant les séances et lors des pauses. La moitié des conférenciers était des femmes, un fait suffisamment rare dans les sciences dures pour mériter d’être souligné. Les étudiants et les jeunes chercheurs n’ont pas hésité à poser de nombreuses questions, souvent très pertinentes. Les conférences invitées étaient complétées par une séance de communications par affiches et par une exposition de matériel analytique et d’appareillage à l’échelle laboratoire impliquant 8 Sociétés. Je tiens à remercier mes collègues du Département de Génie des Procédés, en particulier Isabelle Pezron et Pierre Guigon, pour leur soutien et l’aide apportée pendant la préparation de ces Journées. Leur expérience et leur connaissance de ce petit monde qui sait « faire parler la poudre » ont beaucoup contribué à la composition du programme et à sa réalisation.

Léa METLAS-KOMUNJER, Professeur Université de Technologie de Compiègne

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Sommaire Préface Léa METLAS-KOMUNJER………………………………………………………………..3 I : Nanoparticules Procédés de génération de nanoparticules par cristallisation sphérique Béatrice BISCANS………………………………………………………………………..…5 II : Poudres Caractérisation de la surface et morphologie des poudres Marc AIRIAU………………………………………………………………………………...15 Séchage par atomisation des suspensions concentrées de carbonate de calcium Anne DUSANTER, Kashiar SALEH, Pierre GUIGON………………………….…….. 33 Effet des paramètres thermodynamiques et opératoires sur la granulation humide à fort taux de cisaillement Mohammed BENALI, Vincent GERBAUD, Mehrdji HEMATI ………………………....42 L’eau en poudre Laurent FORNY, Kashiar SALEH, Isabelle PEZRON…………………………..……. 53 Modifications des propriétés des poudres par enrobage à sec dans un mélangeur Cyclomix Yamina OUABBAS, Laurence GALET, Séverine PATRY, Laurent DEVRIENT, Philippe ACCART, Christine ROLLAND, Alain CHAMAYOU, Michel BARON, John A. DODDS, Philippe GROSSEAU, Bernard GUILHOT, Gérard THOMAS….…64 Formulations pour la mise en œuvre des céramiques Cécile PAGNOUX………………………………………………………..…………………75 Mesurer l’uniformité du mélange dans les comprimés pharmaceutiques par l’imagerie chimique en proche infrarouge Michel TERRAY…………………………………………………………………………... 83 III : Dispersions La génération de solides divisés par voie supercritique : principes de base, considérations sur l’état d’avancement des recherches Elisabeth RODIER, Jean-Jacques LETOURNEAU, Jacques FAGES………………..90

Caractérisation d'émulsions eau-dans-huile stabilisées avec des particules hydrophobes : comparaison avec des émulsifiants tensioactifs Audrey DRELICH, Linda SACCA, François GOMEZ, Isabelle PEZRON, Danièle CLAUSSE…………………………………………………………………….….106 Intérêt de la DSC pour la formulation de fluides de forage à base d’huile Christine DALMAZZONE, Annie AUDIBERT-HAYET……………………………...…116 Une nouvelle approche pour l’évaluation de l’inhibition des argiles par les fluides de forage Mohamed KHODJA, Jean Paul CANSELIER, Faïza BERGAYA, Malika KHODJA-SABER…………………………………………………………………128 IV : Milieux granulaires Rhéologie des milieux granulaires denses vibrés Philippe MARCHAL, Nadia SMIRANI, Lionel CHOPLIN………………………..……139

Index des sujets…………………………………………………………………………..153 Les Cahiers de Formulation : sommaires des volumes précédents…………….....157

Procédés de génération de nanoparticules par cristallisation sphérique Béatrice BISCANS Laboratoire de Génie Chimique UMR CNRS 5503, 5 rue Paulin Talabot 31106 Toulouse Cedex 01, France

RESUMÉ :

Les nanoparticules ouvrent des potentialités d’application dans de nombreux secteurs industriels (chimie, cosmétique, pharmacie...) et permettent d’envisager de façon réaliste de nouveaux matériaux aux fonctionnalités plus performantes voire innovantes. C’est à travers l’interaction procédé/produit que sont gérées ces propriétés. Le problème majeur pour l’industrialisation des procédés d’élaboration de ces nanoparticules est leur extrapolation à partir de l’échelle du laboratoire. En effet, les modèles classiques de description des cinétiques, des transferts et du transport de ces particules ultrafines doivent être adaptés pour prendre en compte les couplages multiéchelles des phénomènes mis en jeu. Parmi les procédés permettant d’envisager un contrôle de la structure et de la texture des particules à l’échelle locale, la cristallisation sphérique offre des potentialités intéressantes. Il s’agit d’une cristallisation en milieu confiné, dans une gouttelette contenant le soluté à cristalliser. Des exemples de cristallisation sphérique de principes actifs pharmaceutiques seront présentés dans cet article. L’utilisation de ces techniques, implique la mise en place d’une méthodologie de sélection des solvants et des agents liants en relation avec leurs propriétés physico-chimiques et leurs interactions avec le principe actif d’une part et le contrôle de l’hydrodynamique locale d’autre part.

MOTS-CLÉS :

Procédé de cristallisation, nanoparticules, cristallisation sphérique.

1. INTRODUCTION Dans le secteur pharmaceutique, la majorité des matières premières, (principes actifs, excipients) ainsi que les formes solides finales (comprimés, granules) sont des solides. Ces particules solides ont des propriétés qui dépendent de leur texture et de leur structure. Par exemple, la biodisponibilité et la stabilité de ces formes pharmaceutiques sont intimement liées à la façon dont la poudre est constituée, surtout pour des molécules faiblement solubles. Ainsi, non seulement des formes polymorphes différentes peuvent conduire à des propriétés différentes, mais ces effets peuvent également provenir de variations de taille, de morphologie ou de surface spécifique. C’est pourquoi, au cours du procédé d’élaboration, la qualité des solides divisés doit être bâtie en fonction de l’utilisation future. Dans le domaine de taille submicronique, les nanoparticules de principe actif, par leurs propriétés uniques sont de plus en plus recherchées et entrent désormais dans l’élaboration de médicaments. Afin d’illustrer la méthodologie utilisée dans la phase de génération de ces nanoparticules, le cas de la cristallisation d’un principe actif pharmaceutique est développé.

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2. PROPRIETES DES NANOPARTICULES La plupart des auteurs utilise le terme « nanoparticules » pour désigner des particules dont le diamètre est inférieur à 100 nm (ou 0,1 μm) si elles sont considérées de forme sphérique. Selon ISO (2004)[1] une nanoparticule est une particule avec un diamètre suffisamment petit pour que les propriétés physiques et chimiques diffèrent de façon mesurable de celles des matériaux de plus grande dimension. Les propriétés des nanostructures sont donc plus directement reliées à celles des molécules individuelles qu’à celles du matériau en vrac. Cette situation conduit à des propriétés uniques des nanoparticules. Les principes de la chimie et de la physique classique des matériaux solides doivent être remplacés par des approches quantiques, basées sur les probabilités ou chaque atome, chaque molécule assume un rôle important et où les interactions entre ces derniers représentent un enjeu majeur par rapport au comportement de l’ensemble. Les paramètres à prendre en compte ne sont donc plus les paramètres mécaniques classiques des solides mais les dimensions moléculaires individuelles et les interactions qui déterminent l’arrangement, la stabilité, la flexibilité et la fonction des nanostructures. Les changements de propriétés observés pour les nanoparticules peuvent provenir de deux facteurs principaux : une surface relative par unité de masse beaucoup plus importante et une prédominance des effets quantiques. Le premier facteur est responsable des changements de réactivité qui peuvent s’accroître considérablement tandis que le second observé pour des particules de quelques dizaines de nm, explique les changements au niveau des propriétés optiques, électriques, mécaniques et magnétiques [2]. La figure 1 reporte la fraction d’atomes de surface d’une particule de forme cubique pour différentes valeurs de son arête. Pour une particule de 1 cm3 de volume le pourcentage d’atomes de surface est de 10-5%, pour une particule de 10nm3 il est de 10% et pour une particule de 1 nm3 il est de 100%.

Figure 1. Pourcentage d’atomes de surface d’une particule de forme cubique en fonction de sa taille

Les nanomatériaux peuvent être classifiés selon les dimensions des nanostructures impliquées. Ainsi, les nanocristaux, les fullérènes, les particules, les précipités, les colloïdes sont nanométriques dans les trois dimensions. Les nanotubes, les dendrimères, les nanofils, les fibres possèdent deux dimensions nanométriques alors

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que les dépôts de surface, les films minces et les interfaces ont une seule de leurs dimensions qui soit nanométrique.

3. PROCEDES DE PRODUCTION DES NANOPARTICULES Les nanoparticules peuvent être produites selon différentes méthodes. Certaines sont fabriquées à l’aide de procédés mettant en œuvre une méthode ascendante (bottom-up) d’autres sont obtenues par une méthode descendante (top-down). Dans l’approche ascendante, les particules sont construites atome par atome ou molécule par molécule. Il s’agit des procédés par condensation en phase gazeuse, de synthèse par évaporation puis déposition de vapeurs ou de la formation de colloïdes par réaction chimique, de précipitation ou cristallisation à partir d’une solution. Les procédés utilisant l’approche descendante sont principalement mécaniques : broyage (Fig. 2).

ENERGIE APPROCHE DESCENDANTE

MATERIAUX BRUTS

PARTICULES

ATOMES OU MOLECULES APPROCHE ASCENDANTE

ENERGIE

Figure 2. Les deux voies de production de nanoparticules : approche ascendante (addition de molécules) et approche descendante (réduction de taille de particules plus grosses)

Quelle que soit la méthode de production, les nanoparticules obtenues possèdent une énergie de surface énorme, et sont donc thermodynamiquement instables ou métastables. Elles ont tendance à s’agglomérer et offrent un grand potentiel de réactivité. L’un des enjeux majeurs dans les procédés d’élaboration est donc de stabiliser les nanoparticules (empêcher la croissance et l’agglomération). Le procédé de cristallisation sphérique offre des potentialités intéressantes pour stabiliser les nanoparticules en suspension après la phase de nucléation. Ce procédé peut en particulier s’appliquer au cas des produits pharmaceutiques

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4. LA CRISTALLISATION SPHERIQUE La plupart des principes actifs pharmaceutiques sont isolés sous forme solide par cristallisation. Généralement, la cristallisation produit des particules fines (5 à 100 mm) qui peuvent être elles-mêmes des agglomérats de cristaux élémentaires plus fins. Dans la voie classique, ces cristaux ou agglomérats de cristaux sont granulés puis mélangés à des excipients afin de fabriquer des gélules ou comprimés. Ces dernières années, le principe actif est recherché sous forme de cristaux de plus en plus fins (nanoparticules) en suspension ou stabilisées dans des matrices solides de polymères. Ainsi, lorsque les particules élémentaires de principe actif sont des nanoparticules qui forment des agglomérats on parlera d’agglomérats nanostructurés. Lorsque les nanocristaux de principe actif sont piégés dans une matrice sphérique de polymère on obtiendra l’une des formes les plus recherchées pour délivrer le médicament : la microsphère. Les propriétés structurales et texturales de ces formes, ainsi que leur aptitude à relarguer le principe actif lors de leur dissolution dans l’organisme, sont principalement déterminées par la forme et la taille des cristaux à encapsuler ou par la surface spécifique des agglomérats [3]. Dans les années 70, Capes et Kawashima [4-6] suggérèrent de réaliser l’agglomération contrôlée des cristaux fins, non pas dans une étape ultérieure à la cristallisation, mais en même temps que celle-ci. Il s’agit alors de contrôler la génération et l’agglomération des cristaux simultanément, afin d’obtenir des grains aptes à la compression directe. Deux méthodes sont possibles : • la première est connue sous le nom d’agglomération sphérique (SA) et consiste à provoquer la cristallisation de fines particules puis à les agglomérer à l’aide de l’addition, dans la suspension, d’un liquide non miscible. Ce liant possède la propriété d’être non miscible avec le solvant initial de cristallisation et de mouiller les cristaux. Ce liant peut alors collecter les cristaux en suspension car il favorise la formation de ponts liquides entre les particules, ponts générés par une pression capillaire négative et la tension interfaciale entre le solide et le liquide. Sous agitation les agglomérats sont sphéronisés et compactés. • La deuxième méthode est la cristallisation en quasi-émulsion (ESD) durant laquelle une émulsion est formée par des gouttelettes de solvant contenant le principe actif. La phase continue dans laquelle sont créées ces gouttes est un milieu non-solvant pour ce principe actif mais miscible avec le solvant contenu dans la goutte. Une diffusion à contre-courant des deux solvants (celui contenu dans la gouttelette et celui formant la phase continue) génère la sursaturation nécessaire à la cristallisation du principe actif à l’intérieur des gouttelettes, conduisant ainsi à l’élaboration de grains sphériques. Ces deux techniques sont connues sous le terme de cristallisation sphérique. Elles sont illustrées sur la figure 3. Leur mise en œuvre conduit à la formation d’agglomérats sphériques de diamètres contrôlés constitués d’une multitude de cristaux [7]. Plus récemment, une méthode (ESD) a été utilisée pour faire de la microencapsulation d’un principe actif. Le principe est le même que pour une cristallisation par quasi-émulsion mais un polymère a été rajouté au système par dissolution dans le solvant contenant déjà le principe actif. Il faut alors gérer une cocristallisation principe actif-polymère dans les gouttelettes afin de former une matrice [8].

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Cahiers de Formulation (2008) Vol. 14 AGGLOMERATION SPHERIQUE

Cristallisation

Addition d’un liquide liant

Agglomération

CRISTALLISATION PAR QUASI-EMULSION

Formation d’une émulsion

Contre-diffusion des solvants

Cristallisation dans les gouttelettes

Figure 3. Principe des deux méthodes de cristallisation sphérique : agglomération sphérique (SA) et cristallisation en émulsion (ESD)

Ainsi, si les cristaux élémentaires sont nanométriques, la cristallisation sphérique (SA ou ESD) permet d’envisager une formulation en une seule étape d’agglomérats directement nanostructurés, possédant les bonnes propriétés d’usage. Toutefois, l’une des conditions majeures à l’utilisation de ces techniques est la mise en place d’une méthodologie de sélection des solvants et des agents liants en relation avec leurs propriétés physico-chimiques et leurs interactions avec le principe actif. La cristallisation sphérique peut être une voie intéressante pour contrôler l’agglomération de nanoparticules en suspension ou stabiliser ces nanoparticules dans une matrice de polymère.

5. SELECTION D’UN AGENT LIANT POUR L’AGGLOMERATION SPHERIQUE Lors de la mise en œuvre du procédé d’agglomération sphérique, après l’apparition des cristaux, un agent liant est ajouté à la suspension pour favoriser la formation de ponts entre les particules et générer des agglomérats. Le choix de cet agent de liaison est basé sur la connaissance de ses propriétés physico-chimiques et notamment de son aptitude à mouiller les cristaux. La méthode utilisée pour mesurer la mouillabilité d’un solvant vis-à-vis de particules est fondée sur la détermination de l’ascension capillaire d’un liquide dans un lit de poudre. Cette méthode issue du principe de Washburn est basée sur l’équation de Poiseuille [9] relative à l’écoulement d’un liquide à travers un capillaire. Pour un fluide Newtonien, la vitesse d’ascension, n, du liquide (distance h parcourue pendant un temps t) dans un tube cylindrique de rayon R et de longueur L, est reliée au débit de liquide, Q, soumis à la pression de Laplace exercée par effet capillaire, (DP = 2g.cosq/R), où q est l’angle de mouillage du liquide en contact avec la paroi du tube, selon l’équation :

n =

dh Q R 2 È 2g ˘ cos q - rgh ˙ = = 2 Í dt pR 8hh Î R ˚

(1)

h est la viscosité du liquide, g sa tension superficielle et r sa masse volumique ; g est l’accélération de la pesanteur. Dans les premiers instants, si la pression hydrostatique peut être négligée, la relation (1) peut être intégrée. Dans le cas d’un lit granulaire, la couche est considérée comme un réseau de capillaires caractérisés par un rayon moyen constant R et une tortuosité C. La

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cinétique d’ascension d’un liquide dans ce système est alors caractérisée par l’équation : h 2 g R.C cosq = 2.h t (2) L’équation (2) est appelée l’équation de Washburn [10]. L’angle de mouillage représente l’angle que fait le liquide en contact avec les capillaires fictifs formés par la surface des particules dans le lit de poudre. En pratique, une première expérience est effectuée avec un liquide (i) qui est considéré comme parfaitement mouillant et pour lequel l’angle de contact est égal à zéro (cos q =1). Une seconde expérience est réalisée avec un liquide (l) pour lequel la valeur de l’angle de contact est inconnue. Le rapport des deux relations, celle obtenue pour le liquide (i) de référence et celle correspondant au liquide (l) à mesurer, permet de calculer l’angle de contact :

g r 2 h Ê m 2 ˆÊ m 2 ˆ cosq = i i2 l ÁÁ l ˜˜ÁÁ i ˜˜ g l rl hi Ë t ¯Ë t ¯

_1

(3)

La première partie de l’équation (3) à droite, dépend uniquement des propriétés physico-chimiques des liquides. Les autres grandeurs doivent être déterminées expérimentalement et correspondent en fait à la pente des courbes m2 = f(t) pour chaque liquide, m étant la masse du liquide ascendant. Ainsi, comme cela a été démontré [11], cette méthode permet de fournir une première sélection d’agents liants, pour l’agglomération sphérique, car il existe une relation entre l’aptitude d’un solvant à agglomérer des particules en suspension et sa position sur l’échelle relative de mouillabilité de Washburn.

45

60

40

50

25 20 15

40 30 20

10 5

% in mass

30

% in Mass

35

10

0 0

36

45

112

160

315

560

800 1180 1400 2500

Size (μm)

0 0

36

45

112

160

315

560

800 1180 2500

Size (μm)

a) avec le dichlorométhane

b)avec le n-hexane

Figure 4. Particules obtenues par agglomération sphérique avec deux solvants liants de mouillabilté différente sur l’échelle de Washburn (n-hexane : mouillant « parfait ») [11]( avec permission).

Par exemple, dans le cas du principe actif connu sous le nom de lobenzarit, la mise en œuvre de ce test de mouillabilité a conduit à sélectionner le n-hexane comme meilleur agent de mouillage pour la cristallisation sphérique. Des essais ont donc été

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réalisés dans un cristallisoir de laboratoire de 1 L [11]. Les résultats ont montré qu’effectivement, des agglomérats sphériques, formés d’une multitude de petits cristaux et possédant une distribution de taille étroite, ont été obtenus (Fig. 2b). Des essais avec un mauvais agent de mouillage selon l’échelle de Washburn, comme le dichlorométhane par exemple, n’ont pas conduit à des agglomérats (Fig. 2a). Toutefois, au cours de ces essais, d’autres paramètres relatifs au procédé ont influencé le résultat obtenu : la vitesse d’agitation du milieu et la température. L’influence de ces paramètres peut être expliquée en considérant les étapes suivantes dans la formation de ces agglomérats : • la dispersion de l’agent mouillant dans la suspension et la formation de gouttelettes de distribution de taille définie, au sein de la population de cristaux ; • la phase de mouillage pendant laquelle les particules entre en collision et adhèrent sur les gouttelettes, pour finalement pénétrer dans ces dernières et s’agglomérer ; • la phase de consolidation et de sphéronisation des agglomérats due au maintien d’une force motrice de cristallisation comme le refroidissement du système par exemple, qui permet une cristallisation dans les ponts liquides entre particules. Cette étape est également influencée par les collisions entre particules elles-mêmes ou entre les particules et les parties fixes ou mobiles du cristallisoir. Tous ces phénomènes existent simultanément. La figure 5 propose deux types de mécanismes selon la taille relative des gouttelettes de liant (Dd) et des particules solides (Dp), et selon les propriétés physico-chimiques du système. Dans le premier cas, la taille moyenne des gouttelettes est du même ordre de grandeur que celle des cristaux. Les petites particules de liquide recouvrent alors les particules solides et les réunissent en flocs irréguliers. Dans le second cas, le diamètre moyen des gouttelettes est plus grand que celui des cristaux élémentaires et ces grandes gouttelettes agissent alors comme des rassembleurs et sont couvertes de particules solides, qui pénètrent dans les gouttes et les remplissent. Ces agglomérats maintiennent plus ou moins leur structure sphérique et des conditions hydrodynamiques favorables conduisent à leur consolidation. Dans certains cas, la population de gouttes peut être non-homogène et on peut observer les deux mécanismes.

Cas 1 : Dd £ Dp Gouttelettes d’agent liant

cristaux

Cas 2 : Dd >> Dp Gouttelettes d’agent liant

cristaux

Période de mouillage

Période de consolidation

Figure 5. Mécanisme d’agglomération sphérique en fonction des tailles respectives cristaux (Dp)/gouttelettes de liant(Dd).

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Ainsi, pour un système physico-chimique spécifique et des conditions hydrodynamiques données, la cristallisation sphérique est faisable. Elle conduit alors à des agglomérats dont la structure (micro-dureté, cristallinité) et la texture (forme des cristaux élémentaires, porosité, surface du grain, distribution de taille) peuvent varier. Ces propriétés sont gérées à travers les paramètres du procédé. La cristallisation sphérique apparaît alors comme une méthode attractive car les grains produits possèdent en une seule étape les propriétés d’usage recherchées. Des tests de dissolution des microsphères, effectués dans des conditions contrôlées (pharmacopée européenne) permettent d’évaluer l’aptitude à relarguer le principe actif dans l’estomac (pH 1,2) ou l’intestin (pH 6,8). Par exemple, pour le lobenzarit, une dissolution dans 900 mL d’eau distillée à 37°C avec une agitation de 75 tr/min, a été réalisée pour des sphères obtenues par le procédé (SA) avec l’hexane comme agent liant. Les résultats ont été comparés à ceux obtenus pour une poudre cristallisée classiquement sans liant (cristaux non agglomérés). Le tableau 1 donne les résultats de la cinétique de dissolution dans les deux cas. Tableau 1. Comparaison des cinétiques de dissolution des cristaux de lobenzarit obtenus par cristallisation classique (poudre initiale) et par la méthode SA (sphères)

Poudre initiale Sphères (SA)

10

20

Efficacité % 50

5,88 min

10,08 min

22,74 min

41,63 min

53,84 min

7,45 min

10,14 min

16,15 min

22,82 min

26,44 min

80

90

On note tout d’abord que les sphères se dissolvent plus lentement au début de la dissolution (jusqu’à 10%) puis la dissolution devient plus rapide que pour les cristaux élémentaires. On peut relier ce comportement à la porosité et compacité des sphères et au temps de mouillage par la solution.

6. METHODOLOGIE DE PRODUCTION DE MICROSPHERES Le choix des solvants de cristallisation sphérique est particulièrement crucial quel que soit le principe choisi (SA ou ESD). En effet, généralement, le principe actif et le polymère sont fixés par l’application. Dans le cas du procédé ESD par exemple, l’un des solvants contient le principe actif et le polymère (gouttelettes de la phase dispersée) et l’autre contient l’agent émulsifiant (phase continue). Pour le solvant de la phase dispersée les critères suivants sont donc à retenir : aptitude à dissoudre le polymère choisi et le principe actif, immiscibilité avec le solvant de la phase continue, point d’ébullition inférieur à celui du solvant de la phase continue et faible toxicité. De même, des critères peuvent être énoncés pour le solvant de la phase continue : inaptitude à dissoudre le polymère et le principe actif, immiscibilité avec le solvant de la phase dispersée, point d’ébullition supérieur à celui du solvant de la phase dispersée, faible toxicité et facilité d’extraction de la quantité piégée dans les microsphères. Pour des principes actifs non solubles dans l’eau mais solubles dans un solvant organique, le procédé de quasi-émulsion peut s’appliquer. Citons par exemple la

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fabrication de microsphères par dispersion d’une solution d’ibuprofène et d’un polymère acrylique (Eudragit) dans l’éthanol dans une phase aqueuse contenant un ester d’acide gras comme émulsifiant [12]. Le paramètre essentiel du procédé, contrôlant la taille et la distribution de taille des gouttelettes de l’émulsion puis des microsphères, est le dispositif utilisé pour mélanger les deux phases liquide : technique et vitesse d’introduction, vitesse d’agitation … Les proportions respectives principe actifs, solvants, polymères constituent l’autre facteur essentiel. Pour des principes actifs très solubles dans l’eau, l’émulsification dans une phase aqueuse n’est pas efficace. Par exemple, l’acide salicylique, la théophylline ou la caféine (forte solubilité dans l’eau) ne peuvent pas être encapsulées dans un polymère par dispersion, dans une phase continue aqueuse, d’une solution constituée de principe actif et de polymère dans un solvant organique (dichlorométhane). Une des possibilités dans ce cas est de former une double émulsion de type eau dans huile dans eau (W/O/W). L’autre possibilité est de trouver un agent liant contenant le polymère et permettant de mettre en œuvre le principe d’agglomération sphérique (SA). Les méthodes de cristallisation dans une goutte offrent des potentialités de contrôle intéressantes à la fois sur le plan des propriétés d’usage mais également d’un point de vue de la sécurité et de l’environnement. Les études précédentes ont montré que pour le procédé en quasi-émulsion, la taille et la distribution des gouttelettes conditionnent la structure et la texture du futur agglomérat. Il devient donc essentiel de concevoir un dispositif de génération de l’émulsion qui permette de contrôler sa granulométrie. Il existe plusieurs technologies comme celle utilisant des ultrasons pour obtenir des microgouttelettes. Des problèmes de stabilité de l’émulsion sont alors à prendre en compte. Ces dernières années les dispositifs mettant en œuvre des microcanaux permettent d’envisager la génération d’émulsion stable et calibrée.

7. CONCLUSION La cristallisation sphérique permet d’envisager l’encapsulation de principes actifs solubles ou non dans l’eau, et de former des microsphères dont les propriétés physiques varient dans une large gamme. Les potentialités des méthodes d’agglomération sphérique (SA) ou de quasi-émulsion (ESD) apparaissent importantes à condition de pouvoir extrapoler ces techniques à l’échelle industrielle. Cela passe par la compréhension des mécanismes qui gèrent la cristallisation dans les gouttelettes et l’agglomération des cristaux. La modélisation de tels systèmes ne peut donc s’envisager qu’en ayant la connaissance des cinétiques d’agglomération (méthode SA) et des cinétiques de transferts des solvants dans une goutte de taille connue (méthode ESD). Ces données sont fortement dépendantes de la mise au point de techniques granulométriques ou de méthodes de mesure de concentration in situ. 8. REFERENCES 1.

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12.

Kawashima Y., Niwa T., Handa T., Takeuchi H., Iwamoto T., Itoh K.; J. Pharm.Sci., 78, 68 (1989)

Caractérisation de la surface et morphologie des poudres Marc AIRIAU Rhodia Recherches et Technologies, Centres de Recherches et de Technologie d'Aubervilliers 52 rue de la Haie Coq, 93308 Aubervilliers Cedex

RESUMÉ :

Le formulateur attend un certain nombre de fonctions des poudres qu'il utilise dans ses applications, et recherche en général à améliorer des compromis performances / coûts ; dans ce cadre il peut avoir à associer des caractéristiques de ses poudres aux performances de ses produits. Les poudres sont des solides divisés et peuvent donc présenter une certaine hétérogénéité, au niveau de propriétés intrinsèques (composition) mais aussi de leur distribution de tailles et de formes. L'exposé situera un certain nombre de techniques de caractérisation applicables aux poudres, en particulier portant sur la surface et les caractéristiques morphologiques (taille, forme). L'analyse de composition en extrême surface de poudres peut se faire au moyen de techniques comme l'XPS (ou ESCA), ou le SIMS, cette dernière technique étant particulièrement adaptée pour la recherche de composés organiques ; la technique LEIS (Low Energy Ion Scattering) est prometteuse avec la capacité de décrire de façon quantitative la première monocouche atomique. Une technique particulièrement adaptée pour décrire la thermodynamique de surface des poudres est la chromatographie gazeuse inverse (IGC) ; le principe est d'étudier l'élution de différentes sondes dans un courant gazeux inerte, toujours dans le cadre d'une adsorption réversible ; déclinée dans sa première variante, à dilution infinie, la technique IGC exploite simplement la position du pic d'élution ; elle permet de comparer les interactivités de poudres, et les caractères acido-basiques de la surface; elle permet aussi de caractériser la rugosité à l'échelle moléculaire. Dans sa deuxième variante, à dilution finie, elle permet d'aboutir à une fonction de distribution en énergie des sites d'adsorption, au moyen de l'exploitation de la forme du pic d'élution. Si l'on s'intéresse à l'interface solide-liquide, les phénomènes d'extrême surface peuvent s'étudier par la technique de zêtamétrie, avec des cas plus ou moins favorables (ex en fonction de l'écart entre les points isoélectriques des phases dans le cas des minéraux). Les caractérisations de tailles se font au moyen de techniques d'analyse granulométrique qui quasi systématiquement font l'hypothèse de particules sphériques ; si les techniques sont fréquemment comparées au niveau de leur résolution, c'est-à-dire de leur capacité à séparer des particules de dimensions voisines, elles sont plus rarement évaluées sur leur capacité à correctement prendre en compte les proportions de particules des différentes classes. A ce niveau on a avantage, quand cela est possible, à utiliser des techniques basées sur des lois d'absorption (ex. absorption de rayons X pour des poudres minérales), plutôt que des techniques faisant intervenir les lois de diffusion de la lumière, plus complexes et nécessitant des hypothèses sur les indices de réfraction. Les caractérisations de forme font appel à l'analyse d'images, donc à la microscopie, qui peut être complétée utilement par le recours aux techniques de diffusion de rayonnement ; celles-ci sont sensibles à la morphologie des objets et sont bien complémentaires des techniques de microscopie, par leur sensibilité à la façon dont la matière est répartie au sein des objets, en trois dimensions, et par leur capacité à donner accès directement et de façon globale à des descripteurs morphologiques, et cela avec un minimum de préparation.

MOTS-CLÉS

Caractérisation des poudres, analyse chimique de surface, acido-basicité, granulométrie, chromatographie gazeuse en phase inverse, zêtamétrie, diffusion de rayonnement

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1. INTRODUCTION Le formulateur doit se fixer des critères de sélection de ses matières premières, qui bien souvent sont des tests comme des tests "métier" (ex. pouvoir détergent, test de corrosion, pouvoir moussant..) ; l'amélioration de ses formulations, ou bien la recherche de nouvelles formulations, consiste fréquemment à améliorer des compromis de performances et de coûts, et il peut se produire que les tests métier soient insuffisants ; il est alors nécessaire de passer à des caractérisations que l'on choisira en fonction des liens que l'on établit avec l'application. C'est dans le choix de ces caractérisations que réside une des principales difficultés du processus (ex. quel outil choisir pour décrire l'interaction d'une poudre avec tel ou tel constituant de la formulation?). Une poudre est un solide divisé, c'est-à-dire qu'il s'agit d'un constituant qui apporte des problématiques d'homogénéité, en particulier par rapport aux constituants liquides. On cherchera dans l'exposé à mettre l'accent sur quelques caractérisations choisies pour décrire en particulier la surface de la poudre, qui par définition est une surface hétérogène, ainsi que la morphologie au sens taille et forme des particules. On y trouvera des techniques relativement nouvelles, ainsi que des notions qui ne sont pas nécessairement nouvelles, mais qu'il paraît utile de rappeler.

2. CARACTÉRISATION DE LA COMPOSITION DES POUDRES Cet aspect sera seulement abordé, pour rappeler simplement deux points: • l'homogénéité de composition des poudres peut assez simplement se caractériser par microscopie électronique à balayage couplée à l'analyse du rayonnement X émis (ex. MEB-EDS) ; bien que la résolution spatiale de l'analyse X soit limitée (environ le micromètre), il s'agit d'une technique de choix pour étudier l'homogénéité d'une poudre minérale parce qu'il s'agit d'une analyse élémentaire (Fig. 1) ; dans le cas d'un mélange de phases organiques, l'homogénéité de composition se caractérise particulièrement bien par microscopie Raman, avec également une résolution latérale de l'ordre du micromètre. Ce, La et O = poudre de polissage refus tamis sur poudre de polissage

Si et O = pollution

Figure 1. Identification de la composition chimique d'une hétérogénéité dans une poudre minérale par microscopie électronique à balayage couplée analyse EDS

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• la structure cristalline des poudres est caractérisable classiquement par diffraction des rayons X, mais pas nécessairement sur poudres sèches ; il est très courant de caractériser la structure de poudres en suspension, au moyen de goniomètres adaptés (Fig. 2) : 04 MAC 183 21000 20000 19000 18000 17000 16000 15000 14000

Lin (Counts)

13000 12000 11000 10000 9000 8000 7000 6000 5000 4000 3000 2000 1000 0 5

10

20

30

40

50

60

70

2-Theta - Scale

Figure 2. Caractérisation de la structure cristalline de poudres en suspension dans une peinture : ces phases sont identifiables par diffraction de rayons X sans avoir à sécher l'échantillon.

3. CARACTÉRISATION DE LA SURFACE DES POUDRES : En fonction de l'échelle en profondeur à laquelle on s'intéresse, des techniques comme la MEB-EDS, ou bien la microscopie Raman ou infrarouge peuvent répondre au besoin, bien que n'étant pas à proprement parler des techniques d'analyse de surface ; par exemple si l'on s'intéresse à un traitement de surface de poudre pouvant affecter une profondeur de l'ordre du micromètre, ces techniques peuvent être tout à fait pertinentes. On passera à des techniques d'analyse dites d'extrême surface, analysant quelques nanomètres ou même moins, si l'on s'intéresse à une échelle correspondant seulement à quelques couches atomiques, voire à la première monocouche. 3.1. Techniques d'analyse d'extrême surface opérant sous vide poussé Les techniques d'analyse d'extrême surface classiques sont des techniques qui ont toutes le point commun d'opérer sous un vide très poussé, ce qui peut être un obstacle rédhibitoire par rapport à certaines applications ; elles peuvent apporter des informations très utiles, à condition d'être certain de l'homogénéité de la poudre (ex. pas de dépôt "hors grain"). Ces techniques (ESCA ou XPS, SIMS, spectroscopie Auger ou AES, LEIS) ont également en commun de sonder la surface par un faisceau incident (RX, électrons, ions), et d'analyser un signal généré par l'interaction du faisceau incident avec la surface.

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Elles ont chacune des spécificités (Fig. 3) :

Figure 3. Positionnement relatif de trois techniques d'analyse d'extrême surface opérant sous vide et pouvant être utilisées sur des poudres (source : Pr. Brongersma, Sté Calipso, Eindhoven)

• l'ESCA (Electron Spectroscopy for Chemical Analysis) ou XPS (X Ray Photoelectron Spectroscopy) permet d'accéder à une information de type élémentaire (% atomique), de façon quantitative, et de plus d'accéder à certains déplacements chimiques (degré d'oxydation, carbone aliphatique ou bien carbonyle…). C'est la technique la plus "profonde" de la famille avec une profondeur d'analyse de quelques nanomètres. Etant une technique d'analyse élémentaire, elle est relativement limitée pour les études de surfaces organiques. • le SIMS (Secondary Ion Mass Spectrometry) se base sur l'étude de fragments ionisés arrachés à la surface par un faisceau d'ions incidents ; on peut contrôler les conditions de façon à analyser seulement la première couche atomique. Technique très sensible, particulièrement adaptée à l'étude de surfaces organiques, elle n'est toutefois pas quantitative sauf cas d'espèce ; il est nécessaire de disposer de bons échantillons de référence, et de savoir précisément ce que l'on cherche étant donné la complexité des spectres de masse que l'on peut obtenir. Elle permet de faire de l'imagerie avec une résolution spatiale meilleure que l'ESCA (0.5 µm environ pour le SIMS par rapport à 10-20 µm pour l'ESCA), et avec une excellente résolution spectrale en particulier dans sa version TOF-SIMS. Un exemple d'analyse SIMS sur poudre est donné en figure 4a. • la spectroscopie AUGER (AES) est une analyse qui nécessite des échantillons conducteurs (le faisceau incident est un faisceau d'électrons) ; de ce fait elle est très peu utilisée sur des poudres, mais en principe elle permet une analyse sur une profondeur un peu plus faible que dans le cas de l'ESCA, avec surtout une excellente résolution spatiale pour l'imagerie (50 nm). • la technique LEIS (Low-Energy Ion Scattering) est une technique plus récente dans laquelle un faisceau d'ions de faible énergie interagit mécaniquement avec la surface ; la perte d'énergie cinétique est exploitée pour remonter aux éléments qui ont interagi avec le faisceau d'ions ; la technique est présentée comme étant quantitative, tout en n'analysant que la première couche atomique, ce qui en fait une sorte d'"ESCA monocouche". L'information est de nature élémentaire, comme par ESCA, mais sans déplacement chimique exploitable. L'intérêt d'analyser seulement

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la première couche atomique est de mieux rendre compte des espèces pouvant influer sur le comportement de la surface (ex. traitement plasma des polymères mieux visible par LEIS que par ESCA, figure 4b). 10µm 10µm

Q u ic k T im e ™ et un déc om pr es s eur TI FF ( non sont

a)

r e q u is

pour

v is io n n e r

com pr essé) cet t e

im a g e .

b)

Figure 4. (a) : Imagerie SIMS d'un dépôt d'un actif pharmaceutique (salbutamol) sur des grains de sucre; l'image est faite en exploitant l'intensité d'une masse spécifique de l'actif recherché (ici la masse 240). Source www.ion-tof.com ; (b) : Mise en évidence de l'oxydation superficielle générée par le traitement plasma d'un polyéthylène. La profondeur analysée par XPS (ESCA) est de plusieurs couches atomiques, ce qui rend cette mise en évidence plus délicate que par la technique LEIS où l'on n'analyse que la première couche atomique (source : Pr. Brongersma, Sté Calipso, Eindhoven).

3.2. Caractérisation de surface de poudres par chromatographie gazeuse en phase inverse Si l'on s'intéresse à l'aspect thermodynamique ou chimique de la surface d'une poudre, une technique particulièrement adaptée aux poudres est la chromatographie gazeuse en phase inverse (IGC). Dans cette chromatographie, l'échantillon constitue la phase stationnaire. La phase mobile est formée par un gaz vecteur inerte et une sonde d'intérêt (Figure 5). Particulièrement indiquée dans les cas où la poudre doit interagir dans l'application avec une phase gaz, mais pas seulement dans ce cas, la technique IGC a été en particulier développée en France par les laboratoires du CNRS de Mulhouse ; elle existe dans deux configurations : • la technique IGC dite "à dilution infinie" ou IGC-ID dans laquelle de très faibles quantités de sonde sont injectées. On n'exploite que la position du pic d'élution. Seuls les sites les plus forts répondent. • la technique IGC dite "à dilution finie" ou IGC-FC, dans laquelle on injecte des quantités de sonde plus importantes, capables d'interagir avec toute la surface. On exploite cette fois la forme du pic d'élution. •

Poudres ou fibres

Plaques

Figure 5. Principe de la chromatographie gazeuse en phase inverse (source www.igclab.com)

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La première variante IGC-ID, à dilution infinie, permet d'accéder à des paramètres thermodynamiques, avec une démarche analogue à celle utilisée pour décrire l'énergie de surface sur surfaces planes par mesures de mouillabilité (théorie de Fowkes). L'injection d'une série homologue d'alcanes permet d'étudier la variation d'enthalpie libre d'adsorption, et de remonter à ce que l'on convient d'appeler la composante dispersive de l'énergie de surface de la poudre (γSD), dans la mesure où cette grandeur a un sens sur une surface qui est hétérogène. Mais des études comparatives sont possibles sur une série de poudres où l'on a fait varier un paramètre de synthèse, ou bien un traitement physique ou chimique (ex. figs. 6 et 7), et permettent de donner une classification en termes d'interactivité de la surface. 65

γsd [mJ/m2]

Silice

monocouche monocouche

PBut

60

PEO

55 50 45

Ex: Silice

40 35 30

Taux [mg/m2]

25 0

0.1

0.2

γsd

0.3

0.4

0.5

0.6

0.7 PBut

monolayer monocouche 2

[mJ/m ]

230

0.8

PEO

180

Ex: noir de carbone

130 80 Imp. R. [mg/m2]

30 0

0.1

0.2

0.3

0.4

0.5

0.6

0.7

0.8

Figure 6. Caractérisation par IGC - dilution infinie de charges de renfort (noir de carbone, silice) traitées par des taux croissants de polymères utilisés comme agents de recouvrement (ex. polyoxyde d'éthylène). La composante dispersive de l'énergie de surface diminue et met en évidence un meilleur recouvrement de la silice (source www.igclab.com).

C'est l'obtention de valeurs de γSD particulièrement élevées pour certains produits, par IGC-ID, qui a conduit la communauté à envisager la possibilité de caractériser la rugosité de surface d'une poudre par cette technique. En effet dans le cas des alcanes linéaires, capables de rentrer dans une certaine porosité, la possibilité d'interactions multiples molécule-surface peut avoir pour effet de multiplier les sites d'interactions, dans le cas où la surface est rugueuse à l'échelle moléculaire. Dans ce cas les valeurs de γSD obtenues peuvent dépasser la centaine de mJ/m2 sur des

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250

γS

D

(mJ/m²)

200

mélange physique nanostructurés

150 100 50

50nm

0 CeO2 100% CeO2 / SiO2 CeO2 / SiO2 CeO2 / SiO2 ref 80/ 20 mol 50/ 50 mol 80/ 20 mol T de mesure 140°C 140°C 110°C 110°C

SiO2 100% ref 110°C

Figure 7. Comparaison de matériaux minéraux nanostructurés silice – oxyde de cérium par IGC – dilution infinie. La composante dispersive de l'énergie de surface est déterminée pour des rapports SiO2 / CeO2 différents ainsi que pour un mélange physique. Les conditions de mesure ne peuvent pas être maintenues constantes entre le mélange physique et les matériaux nanostructurés. Ces derniers permettant l'élution des sondes à plus basse température, sont moins interactifs. (Source J.Y. Chane-Ching, M. Airiau, E. Brendle, Langmuir, 21(4), 1568 (2005), J.Y. Chane-Ching et coll., Chemistry, a European J., 11, 979-987 (2005) avec permission).

surfaces de poudres, où l'on n'attend en principe que quelques dizaines d'unités par comparaison aux surfaces planes analogues. On parlera dans ce cas de valeurs de γSD apparents. L'introduction de sondes alcanes cycliques ou ramifiées, plus encombrées que les linéaires, a pour effet de restaurer des valeurs de γSD plus classiques. La comparaison des temps d'élution de sondes alcanes linéaires ou ramifiées offre donc un moyen de caractériser la rugosité de surface, à une échelle moléculaire. On peut parler de chromatographie d'exclusion gazeuse, dans la mesure où les molécules gazeuses encombrées n'ont pas accès à la même porosité que les sondes linéaires. Toujours dans le cadre "dilution infinie", l'introduction de sondes à caractère acide ou basique permet d'accéder à une grandeur qui n'est plus spécifique de la seule surface, comme le γSD, mais du couple surface-sonde. Ce terme d'interaction, nommé ISP, peut être comparé sur différentes surfaces à condition de conserver toujours la même sonde ou toujours le même groupe de sondes. On peut exploiter les différents ISP mesurés pour différentes sondes acides ou basiques, et en déduire deux grandeurs qui sont caractéristiques de l'acido-basicité de la surface étudiée ; ceci est possible à l'aide des échelles de nombres donneurs et accepteurs de Gutmann. L'intérêt est par exemple d'étudier l'effet d'une variation de composition, ou bien l'effet d'un traitement physique ou chimique sur l'acido-basicité d'une surface de poudre (Fig. 8). La deuxième variante de la chromatographie gazeuse en phase inverse, dite à concentration finie (IGC-FC), consiste à étudier la forme du pic de désorption, lorsque l'on injecte une quantité plus importante de sonde, capable d'interagir avec tous les sites ; le pic de désorption est lié à la distribution des temps de résidence des sondes, elle-même liée à une fonction de distribution en énergie des sites. C'est précisément cette fonction de distribution que l'on cherche à obtenir, à l'aide de modèles basés sur l'hypothèse d'une surface "patchwork", et sur la forme des

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Figure 8. Comparaison des caractères acides (Ka) et basiques (Kb) de charges de renfort (noirs de carbone, silice) par IGC – dilution infinie. Les noirs de carbone présentent un caractère basique dominant, les silices présentent un caractère acide dominant, une alumine se positionne de façon intermédiaire. A noter que l'on n'exploite par cette technique que des phénomènes d'adsorption – désorption qui sont réversibles, à la différence de tests de chimisorption ou de tests catalytiques (source www.igclab.com)

isothermes d'adsorption locales. Les fonctions de distribution en énergie obtenues sont analogues à des "empreintes digitales" qui peuvent permettre d'émettre des hypothèses sur les types de sites présents en surface, et sur leur évolution lorsque l'on fait varier l'état de surface (ex. effet d'un traitement de greffage d'une silice par des taux de silanes croissants qui affecte préférentiellement les sites de type silanols, figure 9). D'autres grandeurs sont accessibles par IGC-FC (surface et constante BET). La technique IGC nécessite de pouvoir vaporiser les sondes, ce qui en pratique suppose que la surface ne soit pas affectée par un traitement thermique qui peut dépasser 50°C. Une limitation pratique se situe éga lement au niveau du remplissage des colonnes, qui réclame un certain savoir-faire. Il s'agit néanmoins d'une technique particulièrement bien adaptée aux poudres, d'un point de vue expérimental et théorique ; c'est une technique versatile et très adaptable à telle ou telle problématique. En revanche elle nécessite une compétence spécifique pour la conduite et l'interprétation des expériences.

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60

N o. χ (µmol/((kJ/mol/m2 ))

40

a- S13 b-S13T81 c-S13T61 d-S13T44

a

23

(0) (21) (41) (47)

b c

20 d

Quic kTi me™ et un déc ompress eur TIFF (non compressé) sont req uis pour visi onner c ette i mage.

Energie d’adsorption (kJ/mol)

0 10

16 22 28 34 OHEnergie d'adsorption CH3-CH-CH(kJ/mole) 3 CH3-CH-CH3 OH

40

Interactions fortes

Interactions faibles

OH

O Si

|

Si

Si

Figure 9. Etude par IGC – concentration finie d'une silice de pyrogénation traitée par différents taux de silanes. La technique permet d'accéder à une fonction de distribution en énergie des sites de surface, et d'émettre des hypothèses sur l'impact spécifique du traitement sur les différents sites de surface (source thèse A. Khalfi, Université de Haute-Alsace, 1998).

3.3. Caractérisation des surfaces des poudres par zêtamétrie Nous considérons maintenant les poudres en suspension, donc l'interface solideliquide. La présence de fonctions chargées aux interfaces, par dissociation ou adsorption, crée une distribution de potentiel au voisinage de l'interface. Le potentiel ζ n'est pas le potentiel de surface de la particule, mais il est le potentiel défini sur une surface voisine, dite surface de cisaillement, qui délimite la frontière entre la phase aqueuse libre et la couche limite plus ou moins solidaire de la particule. Malgré la faible distance qui sépare ces deux surfaces (10-15 Å typiquement), suffisamment de phénomènes se produisent dans ce petit volume pour que le potentiel ζ ne soit qu'un potentiel apparent. Il peut être très utile néanmoins de le déterminer. Signalons qu'on ne mesure pas le potentiel ζ, mais on mesure la mobilité électrophorétique (rapport vitesse/champ électrique), qui permet de remonter au potentiel ζ, à travers un modèle.

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Le potentiel ζ fait intervenir à la fois l'électrostatique et l'hydrodynamique ; il est donc sensible à l'un et à l'autre ; il dépend tout autant de la surface de la particule que du liquide dans lequel elle est plongée. pH et force ionique sont en général deux paramètres déterminants. Sur les poudres la zêtamétrie peut s'envisager dans deux situations : • soit on caractérise la poudre en tant que matière première isolée, et dans ce cas la phase aqueuse est une phase la plus simple possible, en général un électrolyte 11 qui a pour rôle de fixer la force ionique à une valeur tampon (ex. KNO3 0,01M). On fait en général varier le pH. • soit on caractérise la poudre en interaction avec un constituant (ex. polymère, tensio-actif), et dans ce cas on fait varier la concentration de cette espèce. Dans le premier cas (poudre isolée), l'intérêt de la zêtamétrie est qu'elle est sensible à l'extrême surface du solide, soit au niveau de la première couche atomique. Un cas très favorable est par exemple le traitement de surface d'une silice par une alumine, pour lesquels les points isoélectriques (PIE) sont très éloignés, c'est-à-dire les valeurs de pH auxquelles le potentiel ζ s'annule (pH 2 et 9 respectivement). En revanche pour deux phases dont les PIE sont proches (ex. CeO2 et ZrO2), la technique est mal placée pour caractériser l'interface (pH 7 et 6 respectivement). Dans tous les cas cette approche reste semi-quantitative car il est extrêmement complexe de remonter à une fraction de sites d'une phase particulière en surface. L'autre intérêt de la technique est de fournir sans ambiguïté le caractère anionique ou cationique d'une particule en suspension. Ceci est vrai à condition que l'on retienne le caractère apparent du potentiel ζ, qui est pertinent dans bien des cas, mais qui n'est qu'un potentiel apparent. Un exemple classique pour illustrer ce caractère est l'adsorption dite spécifique d'ions divalents tels que les sulfates sur une surface de dioxyde de titane. Cette adsorption a pour effet d'abaisser le PIE, donc de rendre la surface plus anionique en apparence, mais au niveau de la surface ellemême c'est le contraire qui se produit, les ions sulfates ayant un effet de stabilisation des fonctions cationiques de type Ti-OH2+ (Hunter, 1988). L'exemple présenté illustre la caractérisation du greffage d'une silice par un polymère polyacide acrylique (PAA). Dans un tel cas la zêtamétrie ne peut pas démontrer la réalité du greffage chimique, mais elle peut démontrer la présence du polymère à l'interface, par comparaison à un mélange physique silice / PAA et à une référence silice seule (Fig. 10).

4. CARACTÉRISATION DE LA TAILLE ET DE LA FORME 4.1. Analyse granulométrique La mesure de taille ou de forme est une caractérisation très fréquente sur les poudres, à sec ou bien en dispersion. La mesure de taille est une caractérisation toujours très relative à la technique utilisée, et relative aussi à la méthode de préparation de la poudre. L'hypothèse de sphéricité des objets est une généralité. Les techniques opérant en dispersion diluée sont très répandues, celles qui opèrent

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en dispersion concentrée le sont beaucoup moins et nécessitent une validation au cas par cas, ne serait-ce que pour des questions de rhéologie, de nettoyage etc… 0

Potentiel zéta (mV)

-10

-20

-30 Silice seule -40 silice greffée PAA -50

-60 2,00

4,00

6,00

mélange physique SiO2 + PAA

8,00

10,00

pH Figure 10. Caractérisation d'une silice ayant subi un traitement de greffage chimique par un polyacide acrylique (PAA). Les mesures de potentiel zéta permettent de démontrer la présence du polymère à l'interface contrairement au cas d'un mélange physique. Le PAA a pour effet de diminuer en valeur absolue le potentiel zéta à pH acide, par éloignement de la surface de cisaillement, et au contraire de le renforcer à pH basique par renforcement de la densité de charges à l'interface solide-liquide (source interne Rhodia).

Il faut rappeler que, dans l'absolu, une distribution granulométrique fait appel à différentes représentations possibles selon la pondération choisie (en nombre, en volume), et que différents descripteurs s'y rattachent (diamètres moyens définis sur les répartitions différentielles, diamètres médians sur les répartitions cumulées). Les techniques d'analyse sont évaluées sur leur résolution, c’est-à-dire leur capacité à séparer des diamètres voisins, donc par rapport à l'axe des abscisses, ainsi que sur leur sensibilité, c’est-à-dire leur capacité à quantifier les populations, donc par rapport à l'axe des ordonnées des répartitions granulométriques. Nous positionnerons trois principes très répandus, opérant à sec ou en dispersion diluée, à la fois sur l'échelle des tailles accessibles et sur les hypothèses à formuler pour aboutir à un résultat. Ces trois techniques sont la diffraction laser, la diffusion dynamique de la lumière (DDL), qui connaît plusieurs autres appellations, et la sédimentation suivie par transmission de lumière ou de rayons X (Fig. 11). Chaque technique est sensible à une pondération bien particulière (Tableau 1) et il faut remarquer qu'aucune de ces techniques n'est sensible à la pondération en nombre. Si l'on recherche une information fiable sur la quantification des fines particules dans l'échantillon, il faudra donc se tourner vers une technique de comptage ou de

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microscopie. Il faut éviter de convertir les répartitions mesurées en volume vers des répartitions en nombre car le résultat final est trop hasardeux.

10-3

10-2 10-1

1

10

100

1000 diamètre (µm)

diffraction laser diffusion dynamique de la lumière DDL, DQEL, QELS, DLS, PCS sédimentation gravité sédimentation centrifuge

Figure 11 : Positionnement de trois principes d'analyse granulométrique applicables aux poudres. Tableau 1 : Caractéristiques principales des principes d'analyse granulométriques retenus

Erreur ! Technique

Diffraction laser

Sédimentation Diffusion dynamique de la lumière (DDL, DQEL, QELS, DLS, PCS)

Principe mesure de l'intensité diffusée en fonction de l'angle : les grosses particules diffusent aux petits angles loi de Stokes : vitesse de sédimentation ∝ diamètre Mouvement brownien : les fluctuations d'intensité diffusée sont liées à la taille des objets

Pondération

Milieu de dispersion

en volume

à sec ou en liquide

en masse ≡ en volume

liquide

en intensité diffusée

liquide

DDL = Diffusion dynamique de la Lumière DQEL = Diffusion Quasi-Elastique de la Lumière DLS = Dynamic Light Scattering QELS = Quasi-Elastic Light Scattering PCS = Photon Correlation Spectroscopy

Il est possible de représenter ces trois techniques sur un diagramme de type radar (Fig. 12) en les situant de façon relative sur des critères de type : temps d'analyse, résolution, hypothèse à prendre en compte sur les objets, polyvalence de l'outil (mesures à sec, en solvant…) et simplicité d'utilisation (Tableau 2). On s'aperçoit que les techniques dites "techniques d'ensemble" que sont la diffraction laser et la DDL, ainsi appelées parce qu'elles ne procèdent pas à une séparation physique des objets selon la taille, sont moins résolutives que la sédimentation, qui procède à une telle séparation. En revanche la sédimentation amène un temps d'analyse relativement long. Il est utile de comparer les deux variantes de la sédimentation, i.e. suivie par transmission de rayons X ou bien de lumière visible. La détection par transmission de lumière visible fait intervenir l'interaction élastique photon-particule, correctement décrite par la théorie de Mie qui fait intervenir les indices de réfraction des objets, et

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diffraction laser

rapidité d'analyse

sédimentation

3 2

Simplicité d'utilisation

1

résolution

0

indépendance vis-à-vis des paramètres physiques (densité, indice..)

diffusion dynamique de la lumière DDL (DQEL, DLS, PCS, QELS)

polyvalence de l'outil (à sec, solvants..)

Figure 12 : Représentation radar des performances des trois principes de techniques d'analyse granulométrique retenus, applicables aux poudres. Tableau 2 : Points forts et points faibles des principes d'analyse retenus applicables aux poudres. Technique

Avantages

Inconvénients

Diffraction laser

Rapidité (quelques minutes) Analyse possible à sec ou en dispersion en solvant

Hypothèse sur les indices de réfraction Technique d'ensemble - pas très résolutive

Sédimentation

Technique résolutive Pas d’indice de réfraction

Temps d’analyse long ( ≈ 1heure) Hypothèse sur la densité indispensable Hypothèse sur les indices de réfraction si détection par lumière

Rapidité (quelques minutes) Diffusion dynamique de Accès aux granulométries < 50nm la lumière (DDL, DQEL, Pas d’hypothèse sur l'indice de réfraction ni QELS, DLS, PCS) sur la densité des particules

Technique peu résolutive Très sensible aux grosses particules

de la phase continue. Le recours à cette théorie est nécessaire en particulier dans le domaine submicronique ; mais cette théorie reste complexe, et d'autre part les détecteurs sont limités par rapport à la très forte non linéarité qui existe entre l'intensité diffusée par les objets très petits ( 1µm). De ce fait il est préférable, lorsque c'est possible, de choisir une détection qui exploite une loi d'absorption (type loi de Beer-Lambert). Ceci est le cas par exemple pour les minéraux lorsque l'on utilise une transmission de rayons X : la quantification des populations est plus robuste dans ce cas qu'avec une détection "lumière visible". La technique DDL a l'avantage d'être une technique absolue, ne nécessitant aucune hypothèse, ni sur l'indice de réfraction ni sur la densité des particules. C'est aussi une technique rapide (temps d'analyse de quelques minutes). Elle a revanche l'inconvénient d'être très peu résolutive, car très influencée par les plus grosses

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particules de la distribution. En effet d'une part, sur le plan mathématique il n'y a pas de relation unique entre la grandeur expérimentale (fonction d'autocorrélation) et la répartition granulométrique qui est recherchée, d'autre part, la non linéarité entre l'intensité diffusée par les petits et les gros objets est telle que l'on peut facilement ne pas détecter une population de fines particules très significative. De ce fait la technique DDL est d'autant plus fiable que l'on mesure des tailles petites, en particulier dans l'intervalle [0-100nm]. Elle est fiable sur deux grandeurs indépendantes, le diamètre moyen et l'indice de polydispersité, le diamètre moyen étant pondéré par l'intensité diffusée, c'est-à-dire que ce diamètre moyen est encore plus grand que le diamètre moyen en volume (Fig. 13). Le calcul de répartitions granulométriques par DDL est donc très dépendant du logiciel utilisé, il est peu fiable dans le cas général ; il peut être utilisé comme un outil comparatif, mais en aucun cas il ne remplacera l'analyse par une technique séparative. Les granulomètres basés sur la DDL fournissent fréquemment une répartition de type normale ou lognormale, qui ne constituent en réalité qu'une traduction graphique des deux grandeurs réellement mesurées, à savoir diamètre moyen et indice de polydispersité.

1,6E-07 1,4E-07

fréquence

1,2E-07 1,0E-07 8,0E-08 6,0E-08 4,0E-08 2,0E-08 0,0E+00 0

100

200

300

400

500

600

700

800

diamètre Angströms

mode 131 moyenne en nombre 133

moyenne en intensité diffusée 441 moyenne en volume 336

Figure 13 : Positionnement du diamètre moyen mesuré par diffusion dynamique de la lumière (DDL) dans le cas d'une répartition polydisperse de sphères (distribution modèle, représentation en nombre). On mesure un diamètre moyen pondéré par l'intensité diffusée, plus élevé que les autres diamètres couramment utilisés, car l'intensité diffusée est largement dominée par les plus gros objets.

4.2. Analyse morphologique La caractérisation de la forme des objets peut se faire en comparant les analyses granulométriques des produits selon différentes techniques d'analyse (ex. sédimentation sensible plutôt à la petite dimension d'une plaquette, diffraction laser sensible plutôt à la plus grande dimension) ; par diffraction laser il est aussi possible d'exploiter en parallèle les tailles mesurées et la valeur de turbidité (aussi appelée obscuration, ou densité optique) afin de remonter à une anisotropie. Cependant le moyen le plus direct et le plus visuel de quantifier une morphologie reste l'analyse

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d'image, soit à sec soit en dispersion, la visualisation des objets étant un complément qualitatif très intéressant. 4.3. Techniques de diffusion de rayonnement (SAXS, SANS) Ces techniques permettent de caractériser à la fois taille et forme, pour des poudres submicroniques. Elles peuvent opérer sur poudre ou sur suspension et nécessitent un minimum de préparation. Souvent présentées de façon associée, les diffusions de rayons X et de neutrons (SAXS et SANS, respectivement), ne sont pas toutes deux aussi répandues, la technique SAXS étant beaucoup plus représentée, à travers les montages SAXS de laboratoire. La géométrie d'expérience est la même que pour la diffraction laser, mais le fait d'utiliser un rayonnement de longueur d'onde très courte permet de caractériser des échelles beaucoup plus petites (1 à 60 nm dans la version standard de la technique). Ce type de technique est particulièrement riche car il permet de caractériser simultanément la taille et la forme, la structure et l'orientation, à la fois sur des poudres et des dispersions, en milieu dilué ou concentré. Les informations obtenues sont bien sûr différentes selon le cas. La forme des objets se caractérise en milieu dilué, elle se traduit par l'évolution de l'intensité diffusée en fonction de l'angle, plus exactement du vecteur d'onde noté q, avec quelques cas typiques bien caractéristiques (ex. évolution en q-1 pour des tiges, en q-2 pour des plaquettes, exposants non entiers pour des agrégats fractals). La complémentarité des techniques de diffusion et des techniques de microscopie est réelle et bien souvent les auteurs associent systématiquement les deux types de caractérisation sur un sujet donné. Les techniques de type SAXS sont quantitatives, elles caractérisent un grand ensemble de particules alors que les microscopies restent à la base locales et qualitatives. Une possibilité particulièrement intéressante des techniques de type SAXS est de donner accès à une surface spécifique, y compris en suspension, ce qui permet par exemple d'évaluer la perte de surface spécifique au cours d'un séchage, sans changer de technique (Fig. 14). Ceci ne peut cependant se faire que si l'on connaît précisément la composition du produit.

5. CONCLUSIONS .A

travers une sélection de techniques de caractérisation, nous avons essayé de montrer comment certains outils peuvent apporter des informations utiles, soit sur les poudres considérées isolément, comme matières premières de formulations, soit sur les poudres placées en présence d'un constituant d'intérêt (polymère, tensio-actif, sel etc…). Des techniques comme la chromatographie gazeuse inverse, ou bien d'autres techniques qui n'ont pas été évoquées ici (AFM par exemple) sont des techniques versatiles, c'est-à-dire qui sont adaptables en fonction du contexte d'application de la poudre ; cela peut en faire des outils irremplaçables, par opposition aux techniques opérant sous vide (ex. analyses d'extrêmes surface), qui sont souvent précieuses, mais moins flexibles.

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Dispersion de ZrO2 60nm

60°C sous vide

Poudre sèche

1000000000

100000000

taille d'agréga 1t 0 0 0 0 0 0 0

=> objets denses

1000000

d

100000

2

I/(Δρ ) Φ V in cm

-1

I ∝q-4

Intensité

10000

Σs=440m2/g

taille de particule primaire

1000

2π/d

100

Σs=160m2/g

10

1 1 .0 0 E - 0 4

1 .0 0 E - 0 3

1 .0 0 E - 0 2

1 .0 0 E - 0 1

1 .0 0 E +0 0

Vecteur d'onde q in Å (≡ angle) -1

Fig. 14. Exemple d'utilisation de la technique de diffusion des rayons X aux petits angles (SAXS) sur une dispersion de particules de zircone et sur le produit obtenu après séchage. Sur la dispersion, la technique permet de caractériser une taille moyenne de particules primaires ainsi qu'une taille moyenne d'agrégat ; Sur le produit séché on obtient une distance moyenne entre agrégats. D'autre part, on peut évaluer la perte de surface spécifique due au séchage sans changer de technique (source D. Carrière, M. Moreau, P. Barboux, J.P. Boilot, O. Spalla, Langmuir, 20 (8), 3449 (2004), avec permission).

6. REMERCIEMENTS Ont grandement contribué à ce travail : N. Ouillon O. Sanséau R. Sellier S. Rouquette D. Parrat E. Brendle O. Spalla H. Brongersma

Rhodia CRTA, Aubervilliers Rhodia CRTL, Saint-Fons Rhodia CRTL, Saint-Fons Malvern Instruments France, Orsay Sciences et Surfaces, Ecully IGC Lab, Pulversheim CEA/DRECAM/LIONS, Saclay Calipso B.V., Eindhoven

7. LIENS UTILES ET REFERENCES Analyse de surface :

par ESCA : par SIMS : par LEIS :

www.lasurface.com www.casaxps.com www.ion-tof.com www.calipso.nl

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Chromatographie gazeuse en phase inverse :

www.igclab.com • Papirer E., Brendle E., Balard H., Vergelati C., J. of Adhesion Science and Technology 14, 3, 321-337 (2000) • Khalfi A., Papirer E., Balard H., Barthel H., Heinemann M., J. Colloid Interface Sci., 184, 586593 (1997) • Balard H., Papirer E., Khalfi A., Barthel H., Composites, 6, 19-25 (1999) • Etude par chromatographie gazeuse inverse de silices pyrogéniques modifiées par silanisation contrôlée par le triméthylchlorosilane, Khalfi A., thèse de doctorat, Université de Haute Alsace (1998) • Barthel H., Rosch L., Weis J., Khalfi A., Balard H., Papirer E., Composite Interfaces, 6 (1), 2734 (1999) Nanorugosité et H-Magadiite • Brendle E., Papirer E., J. Colloid Interface Sci., 194(1) 207-216 (1997) Indice de topologie moléculaire χT et sondes polaires: • Brendle E., Papirer E., J. Colloid Interface Sci. 194(1) 217-224 (1997) • Baryz M., Jashari G., Lall R.S., Srivastava V.K., Trinajstic N., Studies in Physical and Theoretical Chem., 28, 222-230 (1983) Zêtamétrie :

• Hunter R.J., Zeta potential in colloid science, Principles and applications, Academic Press (1988) • Shaw D.J., Introduction to colloid and surface chemistry, Butterworths (1980) • Lamarche J.M., Etude de l'adsorption de polyélectrolytes sur le dioxyde de titane et le carbonate de calcium en présence d'ions mono et divalents, thèse de doctorat, Université de Besançon (1989) Analyse granulométrique :

diffraction laser: • Analyse granulométrique des poudres, méthode par diffraction, norme AFNOR X 11-666. • Terray M., Spectra-Analyse, 179, 39-42 (1994) sédimentation : www.bic.com, site de Brookhaven Instruments Corporation • Allen T., Particle Size Measurement, Chapman and Hall (1990) • Weiner B.B., Fairhurst D.,Tscharnuter W.W., dans : Particle Size Distribution II, Theodore Provder, American Chemical Society (1990) Diffusion dynamique de la lumière : www.bic.com, site de Brookhaven Instruments Corporation • Finsy R., De Jaeger N., Part. Part. Syst. Charact., 8, 187-193 (1991) • Tscharnuter W.W., Photon Correlation Spectroscopy dans : Particle Sizing, Encyclopedia of Analytical Chemistry, R.A. Meyers (éd.), 5469-5485, John Wiley & Sons, Chichester (2000) • Weiner B.B., Tscharnuter W.W., dans : Particle Size Distribution, Theodore Provder, éd., Ch. 3, 48-61, American Chemical Society (1987)

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Techniques de diffusion de rayonnement :

• Cabane B., Méthodes semi-locales: diffusion, diffraction, Ecole CNRS, Aussois (1983) • Espinat D., Revue de l'Institut Français du Pétrole, 45, 6 (1990). • Spalla O., Lyonnard S., Testard F., J. Appl. Cryst., 36, 338-347 (2003)

Séchage par atomisation des suspensions concentrées de carbonate de calcium Anne DUSANTER, Kashiar SALEH et Pierre GUIGON Université de Technologie de Compiègne - UMR CNRS 6067 Centre de Recherches de Royallieu - Dépt Génie des Procédés Industriels BP 20529 - 60205 COMPIEGNE CEDEX

RESUME :

Le séchage occupe une place importante dans de nombreux procédés industriels. Les procédés de séchage par atomisation nécessitent de pulvériser les suspensions ce qui est difficilement réalisable lorsque celles-ci sont très concentrées (boues ou pâtes). Les dispersants chimiques sont largement utilisés pour diminuer la viscosité des suspensions et peuvent ainsi permettre leur pulvérisation. L'ajout de dispersants permet, en effet, de favoriser les forces de répulsion entre les particules et conduit ainsi à une réduction de la viscosité du produit. Cependant, les quantités de dispersants chimiques mises en œuvre doivent être soigneusement contrôlées. En effet, selon la quantité ajoutée, ces additifs peuvent au contraire jouer le rôle de floculant et diminuer la stabilité de la dispersion. Notre étude s'est donc initialement basée sur la détermination de la concentration adéquate en dispersant grâce à des mesures rhéologiques. Le séchage de ce type de suspensions « fluides » concentrées par des procédés d’atomisation peut alors être envisagé. Notre étude s'est donc ensuite focalisée sur l'influence des paramètres de séchage par atomisation de ces dispersions sur les caractéristiques physico-chimiques des poudres obtenues.

MOTS-CLÉS

suspension, dispersant, rhéologie, atomisation, séchage, poudre

1. INTRODUCTION Une grande majorité des procédés industriels intègrent des étapes de séchage. La plupart des procédés de fabrication des poudres minérales font appel à une déshydratation de la suspension initiale, suivie d'un broyage mécanique permettant la mise en forme adéquate de la poudre. Le séchage par atomisation peut aussi être utilisé mais son utilisation reste très coûteuse énergétiquement, surtout si la suspension initiale est peu concentrée en solide. Un procédé de filtration (mécanique) peut être parfois une alternative partielle à la déshydratation thermique car il permet l'obtention de suspensions plus concentrées. Cette étape peut alors être suivie d'un séchage par atomisation, si le gâteau de filtration est suffisamment fluide pour être pulvérisé. Malheureusement, ceci est rarement réalisable en raison de la forte viscosité de ce dernier. Pour diminuer la viscosité des suspensions concentrées et améliorer leur stabilité il faut réduire l'agglomération des particules et améliorer leur défloculation. Pour cela, des dispersants peuvent être utilisés. Plusieurs études ont confirmé l'effet des dispersants sur les propriétés rhéologiques des suspensions concentrées [1, 2].

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Dans le cas du carbonate de calcium, des polyélectrolytes tels que le polyacrylate de sodium, sont fréquemment utilisés car ils permettent de décroître sensiblement la viscosité des suspensions minérales concentrées [3, 4]. D'autre part, des recherches menées au sein du laboratoire de Génie des Procédés Industriels de l'Université de Technologie de Compiègne ont permis le développement d'un nouveau procédé de filtration des suspensions minérales [5]. Ce procédé utilise des agents dispersants en cours de filtration ce qui permet d'obtenir des gâteaux de filtration hautement concentrés en solide tout en restant relativement fluides [6]. Le séchage de ce type de suspensions « fluides » concentrées par des procédés d’atomisation peut alors être envisagé. En effet, une viscosité faible est essentielle pour parvenir au pompage et à la pulvérisation homogène de la suspension [7]. Les procédés de séchage par atomisation permettent un meilleur contrôle des propriétés finales des poudres en jouant sur les différents paramètres opératoires. Cette technique permet également de supprimer l’étape de broyage, coûteuse en énergie puisque l’atomisation permet la mise en forme finale du produit.

2. MATERIELS ET METHODES 2.1. Matières premières utilisées De façon à disposer de matière première de composition fiable et répétable pour les essais de séchage par atomisation, les gâteaux de filtration ont été reproduits "artificiellement" par introduction de la poudre minérale dans une solution aqueuse de dispersant. Le carbonate de calcium étant utilisé à grande échelle industriellement, il a été choisi comme poudre minérale de référence. Le produit utilisé est commercialisé par la société Verbiese (France). Il est constitué de particules de forme rhomboédrique, caractéristique de la forme calcite du carbonate de calcium, d'un diamètre médian d'environ 3 μm et d'une masse volumique de 2,74 g/cm3. La morphologie et la taille des particules peuvent être observées sur la figure 1.

Figure 1. Photographie (par microcopie électronique à balayage) des particules de carbonate de calcium.

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Le dispersant utilisé est une solution aqueuse de polyacrylate de sodium de poids moléculaire moyen 5700 g/mol. La concentration en dispersant introduite est exprimée en pourcentage massique relatif à la masse de solide (CaCO3) introduit. 2.2. Analyse des suspensions Différentes méthodes peuvent être utilisées pour caractériser les suspensions initiales. Néanmoins les propriétés rhéologiques d'un fluide étant le paramètre clé pour sa "pulvérisabilité", nous étudierons la viscosité des suspensions. Les propriétés rhéologiques des suspensions ont été mesurées par un rhéomètre rotatif coaxial VT 550 (Haake). Les suspensions concentrées sont placées dans la cuve du rhéomètre pour mesurer les viscosités et contraintes dans un intervalle de cisaillement de [0-500 s-1]. La température est régulée à 20°C. 2.3. Séchage par atomisation Le séchage par atomisation consiste en la pulvérisation d’un liquide en un brouillard de gouttelettes et la mise en contact de ces gouttelettes avec l’air de séchage chaud dans une chambre de traitement. L’évaporation de l’humidité des gouttelettes qui s’ensuit a pour conséquence la formation des particules sèches en poudre. Les essais de séchage par atomisation ont été réalisés sur un atomiseur de laboratoire Büchi B190. Cet appareil utilise le principe de séchage à co-courant (Fig. 2), c’est-à-dire que le produit pulvérisé et l’air de séchage s’écoulent dans la même direction. La suspension est pulvérisée grâce à une buse bi-fluide. La poudre sèche est séparée de l'air de séchage par un cyclone. Les particules les plus fines sont collectées sur un filtre à manche. Pour tous les essais réalisés, la température d'entrée de l'air est fixée à 175°C. La température de l'air en sortie varie de 80 à 100°C en fonction de la concentration en solide de la suspension pulvérisée.

Buse

Courant d’air chaud

Figure 2. Schéma de la circulation du courant d’air chaud pour le séchage (documentation Büchi).

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2.4. Analyse des poudres obtenues lors du séchage par atomisation • Masse volumique Un pycnomètre à hélium AccuPyc 1330 (Micromeritics), en mesurant le changement de pression d’hélium pour un volume donné, a permis de déterminer la masse volumique des poudres. • Taille des particules La distribution de la taille des granulés obtenus lors du séchage est déterminée par granulométrie laser à l'aide d'un granulomètre Mastersizer X (Malvern). • Morphologie La morphologie et la taille des granulés peuvent être observées par microscopie électronique à balayage environnemental (Philips XL30 ESEM-FEG). • Surface spécifique La finesse des poudres de carbonate de calcium est mesurée sous forme de surface spécifique en observant le temps mis par une quantité fixée d’air pour traverser un lit de poudre de masse connue compacté à des dimensions et une porosité spécifiées. L'appareil de mesure est un perméabilimètre de Blaine (Fig. 3), habituellement utilisé dans le domaine des ciments.

Figure 3. Perméabilimètre Blaine (extrait de la norme NF X 11-602 AFNOR).

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La surface spécifique S est alors calculée par l'équation suivante : S=K

e3 t r(1- e ) h

avec : S = la surface massique en cm2/g, K = la constante de l’appareil (déterminée par la mesure de t sur un échantillon étalon), e = la porosité du lit, t = le temps mesuré en secondes, r = la masse volumique de l’échantillon en g/cm3, h = la viscosité de l’air à la température de l’essai en Pa.s.

3. RESULTATS ET DISCUSSIONS 3.1. Etude des dispersions concentrées Il est indispensable de contrôler les propriétés rhéologiques des suspensions de façon à parvenir à une concentration maximale en solide tout en conservant une fluidité suffisante pour la pulvérisation. L'intérêt de notre étude consistait à étudier l'influence des concentrations en carbonate de calcium et en dispersant sur la viscosité des suspensions. • Comportement rhéologique des suspensions Les premiers essais ont consisté à étudier l'influence du taux de cisaillement sur la viscosité des suspensions de carbonate de calcium contenant du polyacrylate de sodium. Le comportement observé sur la figure 4 s'explique par le fractionnement des flocs présents dans la dispersion. Pour des taux de cisaillement supérieurs à 100 s-1, la viscosité des suspensions est inférieure à 0,1 Pa.s. Ce phénomène est bien connu pour les suspensions de carbonate de calcium très concentrées. 1,6 1,4

Viscosité (Pa.s)

1,2

.

Points expérimentaux

___

Courbe de tendance puissance

1,0 0,8

Viscosité (Pa.s)

0,20 0,15 0,10 0,05 0,00 0

0,6

50

100

Taux de cisaillement (1/s)

0,4 0,2 0,0 0

100

200

300

400

500

Taux de cisaillement (1/s)

Figure 4. Viscosité en fonction du taux de cisaillement (cas d'une suspension à 60% CaCO3 et 1% de polyacrylate de sodium).

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La figure 5 présente le rhéogramme obtenu pour une suspension contenant 60% de carbonate de calcium et 1% de polyacrylate de sodium. Pour chacune des suspensions (30 à 70%), les rhéogrammes ont la même apparence, montrant que le dépassement d'une contrainte seuil est nécessaire pour casser les agglomérats résiduels et permettre l'écoulement. Ce phénomène a été mis en évidence par Tari et Ferreira [1] et Vorobiev et al.[8]. En effet, lorsque la contrainte s appliquée dépasse la valeur seuil sy, la structure agglomérée d’une suspension concentrée commence à se désagréger, le matériau adopte alors un comportement fluide. Si les flocs sont sujets à des cisaillements croissants, ils tendent à être cassés en des tailles qui correspondent à l’intensité du cisaillement [9]. Ceci se poursuit jusqu’à une désagglomération totale en particules individuelles. 8

Contrainte (Pa)

6

4

2

0 0

100

200

300

400

500

Taux de cisaillement (1/s)

Figure 5. Contrainte en fonction du taux de cisaillement (cas d'une suspension à 60% CaCO3 et 1% de polyacrylate de sodium).

Cette courbe met en évidence un comportement linéaire au-delà d'une contrainte seuil, caractéristique d'un fluide de type Bingham : t = t0 + hp.g. où hp représente la viscosité plastique. En appliquant le modèle de Bingham aux rhéogrammes obtenus pour chacune des suspensions, il est alors possible de calculer la viscosité plastique pour chacune des suspensions. • Influence de la concentration en solide Cette étude a pour but d'optimiser la composition de la suspension de façon à réduire au maximum la teneur en eau à évaporer. Des suspensions contenant de 30 à 70% de carbonate de calcium ont été préparées. Elles contiennent toutes 1% de polyacrylate de sodium.

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La figure 6 montre que la viscosité plastique évolue de façon exponentielle avec la concentration en solide des suspensions. De fortes concentrations en CaCO3 conduisent probablement à une plus mauvaise action du dispersant car la capacité des particules de CaCO3 à être dispersées est liée à la qualité d'adsorption du polyacrylate de sodium à la surface des particules de façon à maintenir un espace interparticulaire suffisant. Si la distance interparticulaire disponible est trop faible, le dispersant ne peut pas maintenir une répulsion interparticulaire efficace. 50 45

Viscosité plastique (mPa.s)

40 35 30 25 20 15 10 5 0 20

30

40

50

60

70

80

CaCO 3 (%)

Figure 6. Viscosité plastique (déterminée par le modèle de Bingham) en fonction de la concentration en CaCO3 pour des suspensions contenant 1% de polyacrylate de sodium.

Il est donc plus prudent de travailler avec des teneurs en solide les plus grandes possibles mais situées au niveau du palier. Pour cette raison, nous avons choisi d'étudier des suspensions contenant 60% de carbonate de calcium. • Influence de la concentration en dispersant 160 140 Viscosité plastique (mPa.s)

160

Viscosité plastique (mPa.s)

120 100 80 60

120 80 40 0 0

0,2

0,4

Quantité de dispersant (%)

40 20 0 0

1

2

3

4

5

6

7

Quantité de dispersant (%)

Figure 7. Viscosité plastique en fonction de la quantité de polyacrylate de sodium présente dans une suspension à 60% CaCO3.

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D'après le graphique de la figure 7, nous pouvons constater que la courbe représentant l'évolution de la viscosité plastique des suspensions en fonction de la quantité de dispersant peut être décomposée en 3 parties : une première partie décroissante, où la viscosité dépend de la concentration en dispersant (défloculation progressive des agglomérats), un plateau vraisemblablement représentatif de la concentration idéale en dispersant. Enfin dans la dernière partie, la viscosité plastique des suspensions augmente fortement lorsque la concentration en dispersant croît. Cette partie correspond probablement à une déstabilisation de la suspension due aux forces de déplétion exercées par les molécules de dispersant en excès (sous forme de pelotes polymériques) qui n'ont pas pu s'adsorber à la surface des particules. Ces forces peuvent devenir supérieures aux forces de répulsion interparticulaires et provoquer la déstabilisation de la suspension, d'où une augmentation de la viscosité plastique. 3.2. Influence des paramètres de séchage par atomisation Cette partie a pour objectif d'étudier les caractéristiques des poudres obtenues par atomisation en fonction de divers paramètres opératoires afin d'en déterminer les plus influents. Différents essais ont été réalisés sur des suspensions contenant 60% de CaCO3 et 0,1% de polyacrylate de sodium (PNa). Une suspension contenant 1% de dispersant (et possédant donc une viscosité proche de celle en contenant 0,1%) a également été séchée. Les paramètres du procédé que nous avons fait varier sont : le diamètre de sortie de la buse, le débit d'air d'atomisation (Dair) et le débit de liquide (Dliquide). Le diamètre des particules obtenues, leur masse volumique ainsi que leur surface spécifique (mesurée par un perméabilimètre Blaine) sont résumés dans le tableau 8. Tableau 1. Caractéristiques des poudres obtenues pour différents paramètresde séchage par atomisation

Orifice de la buse 0,5 mm 0,5 mm 0,5 mm 0,5 mm 0,5 mm 0,5 mm 0,7 mm 0,7 mm 0,7 mm 0,7 mm 0,7 mm 0,7 mm 0,7 mm 0,7 mm 0,7 mm 0,7 mm .

D air D liquide (L/min) (mL/min) 11 4 6 8 9 11 4 6 8 9 11 4 6 8 9 11

2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 3 3 3 3 3

PNa %

d50 (μm)

d[3,2] (μm)

d[4,3] (μm)

r (g/cm3)

1 0,1 0,1 0,1 0,1 0,1 0,1 0,1 0,1 0,1 0,1 0,1 0,1 0,1 0,1 0,1

7,06 5,04 2,70 2,39 2,31 2,26 2,25 2,27 --2,30 2,27 2,60 2,43 2,24 1,88 1,87

2,64 2,14 1,36 1,26 1,23 1,20 1,18 1,21 --1,23 1,21 1,37 1,25 1,18 1,09 1,05

9,82 8,67 5,33 4,21 4,44 4,67 4,46 5,01 --4,68 4,86 6,45 4,58 4,50 3,47 3,83

2,7757 2,8362 2,8161 2,8236 2,8107 2,8168 2,8803 2,8040 2,7845 2,7658 2,7556 2,8216 2,8090 2,7976 2,7927 2,7935

Surface Blaine (cm2/g) 5972 9053 8121 8987 7495 7830 8101 9989 8456 7493 7243 10440 7977 8317 7243 6985

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Nous pouvons alors remarquer que l'orifice de la buse ne conditionne pas le diamètre des particules sauf si le débit d'air est faible (4L/min). En fait, dans ce cas, le diamètre des particules est plus important pour un orifice de 0,5 mm. Ceci peut s'expliquer par le fait que la formation de gouttelettes homogènes est plus difficile à bas débit d'air, d'autant plus si l'orifice de sortie de la buse est faible. Le diamètre et la surface spécifique des particules sont fortement liés au débit d'air d'atomisation. Il en est de même pour leur masse volumique. En effet, plus le débit d'air d'atomisation est élevé, plus les gouttelettes vont pouvoir se subdiviser en gouttelettes plus fines et former ainsi des granulés de dimension plus petite. Enfin, il est intéressant de remarquer qu'une concentration plus importante en dispersant (1% au lieu de 0,1%) permet d'augmenter le diamètre des granulés, bien que la viscosité de la suspension reste équivalente. Ce phénomène peut être expliqué par le rôle liant du dispersant. En revanche, les granulés obtenus sont plus compacts (diminution de la surface spécifique). Une plus grande quantité de dispersant permet en effet de mieux disperser les agglomérats et d’obtenir des particules en suspension plus petites.

4. CONCLUSIONS Ce travail a mis en avant la préparation de suspensions concentrées de carbonate de calcium pulvérisables en vue de leur séchage par atomisation. Le séchage par atomisation a montré que pour une concentration en solide de la suspension donnée, le débit d'air d'atomisation se révèle être le paramètre prédominant sur la taille des particules. On peut supposer qu'un procédé combiné de déshydratation mécanique (filtration) en présence de dispersant, suivi d'une atomisation pourrait permettre un gain énergétique non négligeable pour la production de la plupart des solides pulvérulents à partir de leur suspension diluée.

5. REMERCIEMENTS Ce travail a pu être réalisé grâce au soutien financier de l'ADEME. 6. REFERENCES 1.

G. Tari and J. Ferreira, Ceram. Int. 24 (1998) 527-532

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C Kugge and J. Daicic, J. Colloid Interface Sci. 271 (2004) 241-248

3.

F. Garcia, Thèse, Institut National Polytechnique de Toulouse (2001)

4.

N. Tobori and T. Amari, Colloids Surf., A 215 (2003) 163-171

5.

M. Husson, C. Jacquemet and E. Vorobiev, Brev et français FR 0209015 (2002)

6.

T. Mouroko-Mitoulou, Ph.D. Thesis, Université de Technologie de Compiègne (2002)

7.

A. Tsetsekou, C. Agrafiotis, I. Leon and A. Milias, J. Eur. Ceram. Soc. 21 (2001) 493-506

8.

E. Vorobiev, T. Mouroko-Mitoulou and Z. Soua, Colloids Surf., A 251 (2004) 5-17

9.

C.R. Wildemuth and M.C. Williams, Rheol. Acta 23, 6 (1984) 627-635

Effet des paramètres thermodynamiques et opératoires sur la granulation humide à fort taux de cisaillement Mohammed BENALI, Vincent GERBAUD, Mehrdji HEMATI Laboratoire de Génie Chimique, UMR CNRS 5503, 5 rue Paulin Talabot, BP1301, 31106 Toulouse cedex 01 France

RÉSUMÉ :

Cette étude est consacrée à la granulation humide en discontinu des poudres pharmaceutiques par pulvérisation des solutions liantes dans un granulateur à fort taux de cisaillement. Ce travail a pour objectif de développer des méthodologies prédictives et des outils d’investigation permettant de mieux choisir les paramètres thermodynamiques locaux afin d’assurer des propriétés d’usage bien définies des produits finaux. Nous avons donc étudié l’influence de deux paramètres thermodynamiques : énergie de surface et paramètre de solubilité de couple liant/solide. La caractérisation des énergies de surface de couple liant/substrat a été effectuée par la détermination de l’angle de contact. La détermination des paramètres de solubilité ou de cohésion a été effectuée en utilisant la simulation par dynamique moléculaire. La comparaison entre l’approche prédictive des paramètres de solubilité basée sur la simulation moléculaire et celle des énergies de surface a montré que les deux approches fournissent des informations qualitatives identiques concernant les intensités et les modes des interactions entre les solides. En se basant sur les interactions substrat/liant, l'hydroxypropylméthylcellulose est considérée comme le meilleur liant à employer pour la granulation des particules de cellulose microcristalline.

MOTS-CLÉS :

Energie de surface, paramètre de solubilité, simulation moléculaire, angle de contact, cohésion, adhésion, granulation humide, dynamique moléculaire

1. INTRODUCTION Dans les industries pharmaceutiques, la formulation du comprimé fait souvent intervenir une étape de granulation dans le but d’améliorer l’écoulement, la comprimabilité et la cohésion du mélange de poudres qui est constitué principalement du principe actif, des liants et des excipients. Pour transformer ce mélange de poudre en comprimé, les liants doivent être choisis de telle sorte qu’ils permettent de renforcer et de favoriser les liaisons interparticulaires afin d’assurer la cohésion des particules après la mise en forme. Pour mieux choisir le liant le plus approprié, il est important de quantifier trois types d’interactions : la cohésion liant/liant, l’adhésion liant/substrat et la cohésion substrat/substrat. Selon les travaux de Rowe [1,2], le produit obtenu lors de la granulation est moins friable et plus compact lorsque l’interaction cohésive liant/liant est plus faible que celle d’adhésion liant/substrat et que cette dernière est aussi plus faible que l’interaction cohésive substrat/substrat.

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Dans le but de déterminer ces propriétés cohésives, deux approches sont couramment employées : la première repose sur l’estimation des énergies de surface, g, alors que la deuxième est basée sur la détermination des paramètres de solubilité, d. Notons que ces deux concepts sont complémentaires car les énergies de surface reflètent les propriétés de surface d’objets macroscopiques tandis que les paramètres de solubilité décrivent une entité chimique dans sa globalité. A coté de ces paramètres d’interaction, d’autres facteurs liés aux interactions solide/solution liante peuvent intervenir, tels que la viscosité de la solution liante ou sa tension superficielle, qui influent d’une manière considérable sur le comportement rhéologique de la masse granulaire et par conséquent sur les propriétés du produit final. L’objectif de cette étude consiste à utiliser ces approches thermodynamiques pour choisir le meilleur liant et pour prévoir des propriétés d’usage des produits finaux obtenus par granulation. 1.1.

Les énergies de surface

La caractérisation des phénomènes interfaciaux fait intervenir l'énergie de surface du solide, g S. Selon le modèle, gS est la somme de deux composantes (polaire, et dispersive) ou de trois composantes (dispersive, acide et base) qui sont supposées décrire différents types d’interaction physiques. Le modèle à deux composantes, celui de Wu [3] ou celui d’Owens et Wendt [4], prend en compte les contributions dispersive, g d, et polaire, gp, selon l’équation suivante :

g S = g S d + gS p

(1)

La contribution dispersive provient essentiellement des interactions de London et la contribution polaire des interactions de Keesom, Debye ainsi que des interactions acide/base [5]. Dans le modèle à trois composantes développé par Good et Van Oss [6], l’énergie de surface est également la somme de deux composantes : la composante dispersive gLW (ou de Lifshitz-Van der Waals) et la composante polaire, mais cette dernière est décrite à l’aide du modèle acide/base de Lewis. Ainsi, la composante polaire est proportionnelle à la racine carrée du produit de la composante acide g + (accepteur d’électron) et de la composante basique g-- (donneur d’électron) :

g S = g SLW + 2 g S+ g S-

(2)

Le modèle à deux composantes de Wu ou d’Owens et Wendt est classiquement utilisé pour le calcul d’énergie de surface afin d’évaluer les propriétés d’adhésion entre les solides ou entre un liquide et un solide. L’emploi du modèle de Good et Van Oss devient plus judicieux lorsque la prédiction du comportement du système nécessite la caractérisation des interactions acide/base (miscibilité, comportement d’une molécule dans un milieu aqueux). Dans ce travail, nous nous intéressons à la globalité des interactions dispersive et polaire entre le liant et le support solide. Nous avons donc utilisé le modèle à deux composantes basé sur l’approximation de Wu [3] et d’Owens et Wendt [4] pour déterminer l’énergie de surface des solides. Précisons que, le modèle développé par Wu est réputé plus approprié pour les solides de faibles énergies de surface tandis que celui d’Owens et Wendt l’est pour les énergies de surface élevées.

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Les énergies de surface d’un solide sont déterminées d’une manière indirecte par la mesure de la mouillabilité ou de l’angle de contact q de deux solvants différents dont les tensions superficielles et leurs composantes sont connues en utilisant l’équation de Wu ou celle d’Owens et Wendt à deux inconnues (gSd et gSp) suivantes : Ê g pg p g dg d g L (1 + cos q ) = 4ÁÁ p S L p + d S L d ËgS +gL gS +gL

ˆ ˜˜ (Wu) ¯

Ê ˆ g L (1 + cos q ) = 2Á g Sp g Lp + g Sd g Ld ˜ (Owens et Wendt) Ë ¯

(3)

(4)

Une fois les propriétés énergétiques de surface de solide déterminées, il est possible de calculer les paramètres décrivant les interactions entre substrat (A) et liant (B) : le travail de cohésion W AA ( o u WBB), le travail d’adhésion W AB et le paramètre d’interaction jAB [1] : - Travail de cohésion : W AA(ouBB ) = 2g A(ouB )

(5)

- Travail d’adhésion est exprimé à partir de l’énergie de surface de substrat, de l’énergie de surface de liant et l’énergie interfaciale liant substrat, selon l’équation de Dupré [8] suivante :

(6)

W AB = g L + g S - g SL

En combinant l’équation de Dupré avec celle de Young [8] : (7)

g S = g SL + g L cos q

on obtient l’équation de Young-Dupré selon le modèle employé : Ê g pg p g dg d W AB = 4ÁÁ p A B p + d A B d Ëg A +gB g A +gB Ê ˆ W AB = 2Á g Sp g Lp + g Sd g Ld ˜ Ë ¯

ˆ ˜˜ (Wu) ¯

(Owens et Wendt)

(8)

(9)

- Paramètre d’interaction : È ˘ xd xd xpxp j AB = 2 Í d A B d + P A B P ˙ (Wu) Î x A g A + xB g B x A g A + xB g B ˚

(10)

j = x Sp x Lp + x Sd x Ld (Owens et Wendt)

(11)

g id g iP g g P , xi = 1 (i = A ou B), g A = A et g B = B avec x = gi gi gB gA d i

Selon Rowe [1], la prédiction des propriétés cohésives des solides nécessite de comparer les travaux de cohésion et d’adhésion : - Si WBB < WAB < WAA, le liant B forme un film fortement adhéré autour des particules du substrat A. Dans ce cas les granulés formés sont plus rigides. - Si WAA < WAB < WBB, il ne se forme pas de film continu du liant autour des particules solides mais seules les zones isolées sont recouvertes de liant. Dans ce cas on obtient des granulés très friables.

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- Lorsque WAB est proche de 1, une rupture au sein du liant ou du substrat est plus probable que celle à l’interface liant / substrat. - Lorsque WAB est très inférieur à 1, une rupture à l’interface liant / substrat est fort probable. 1.2. Les paramètres de solubilité A l’origine, le concept de paramètre de solubilité, d, a été développé pour des solvants. En réalisant certaines hypothèses, la théorie du paramètre de solubilité a été étendue aux solides organiques [9]. d est défini à partir de la densité d’énergie cohésive (CED) comme suit (Hildebrand et et Scott) [10] : 12

d = CED

12

Ê U vap ˆ ˜˜ (en MPa0,5) = ÁÁ V m ¯ Ë

(12)

Où Uvap est l’énergie cohésive molaire ou énergie de vaporisation et Vm est le volume molaire (en cm3/mol). Le paramètre de solubilité d’un produit caractérise donc la force des interactions intramoléculaires et intermoléculaires polaires et de van der Waals, qui assurent sa cohésion. Hildebrand et Scott (1949) [10] décomposent le paramètre de solubilité, dt, en contributions polaires, dp et dispersives, dd : d t2 = d d2 + d p2

(13)

Dans un système binaire A et B, il existe deux types d’interaction : les interactions cohésives (A-A ou B-B) et les interactions adhésives (A-B). Rowe [2] a estimé les forces de cohésion sAA et sBB et les forces d'interaction cohésive s AB entre deux surfaces à partir de leurs paramètres de solubilité : - Force d’interaction cohésive : s AA = 0,25d A2 et s BB = 0,25d B2

(en MPa)

(14)

- Force d’interaction adhésive : s AB = 0,25j ABd Ad B

(en MPa)

(15)

où le paramètre d'interaction, jAB, s'exprime selon (10), mais avec : Êd x d = ÁÁ d Ë dt

2

Ê d ˆ ˜˜ , x p = ÁÁ1 - d Ë dt ¯

ˆ d 2V ˜˜ , g1 = A2 mA d B VmB ¯

et g 2 =

1 g1

VmA et VmB représentent les volumes molaires de A et B. Ainsi, à partir de forces d’interactions adhésives et cohésives, on peut prédire que : - si sAB < sBB < sAA, les deux produits n’interagissent pas, - si sBB< sAB < s AA, les particules de B entourent celles de A puisque A est le plus cohésif, - si s AA< s AB< sBB, les particules de A entourent celles de B puisque B est le plus cohésif. A partir des paramètres de solubilité des solides, nous pouvons prédire l'intensité des forces d’interaction cohésive et adhésive entre les solides. Ces forces conditionnent la morphologie de l’agglomérat et l’organisation des espèces solides au sein du produit final.

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Habituellement la détermination des paramètres de solubilité ou de la densité d’énergie cohésive est réalisée soit par des méthodes expérimentales soit par des méthodes semi-empiriques de contribution de groupes [9]. Cependant, dans le cas du solide, l’obtention expérimentale des paramètres de solubilité nécessite un protocole expérimental lourd. De plus, les valeurs obtenues pour le même solide sont différentes selon les techniques utilisées. Autre alternative, l’utilisation des méthodes de contribution des groupes est incertaine et limitée notamment par l’absence des atomes tels que le sodium ou le potassium, rendant impossible le calcul des paramètres de solubilité de certains solides. De plus, pour les macromolécules, elles ne décrivent qu’un monomère qui ne peut traduire seul la cohésion de l’ensemble de ces composés [9]. La modélisation moléculaire est une nouvelle approche récemment employée dans le cas des systèmes modèles (liquides simples et oligomères) pour déterminer les paramètres de solubilité [11]. Elle s’applique à toutes les molécules sans exceptions et a été utilisée systématiquement comme un outil de calcul des interactions intra- et intermoléculaires au sein des solides, déterminant ainsi directement les propriétés cohésives des solides.

2. DETERMINATION DES ENERGIES DE SURFACE ET DES PARAMETRES DE SOLUBILITE 2.1. Matériels La détermination des énergies de surface et celle des paramètres de solubilité ont été réalisées sur des produits souvent utilisés dans le domaine pharmaceutique : la cellulose microcristalline MCC (Avicel PH101) considérée comme substrat et divers liants ; l’hydroxypropylméthylcellulose, HPMC, la polyvinylpyrrolidone, PVP et la carboxyméthylcellulose de sodium, CMC-Na. Les propriétés physiques de ces poudres sont présentées dans le Tableau 1. Tableau 1. Propriétés physiques des poudres employées

Produits

Diamètre médian d50 (μm)

Masse volumique réelle 3 r (kg/m )

Masse molaire MW (g/mol)

MCC

60

1540

50000

PVP

93

1170

25000

HPMC

78

1260

65000

CMC-Na

80

1070

90000

2.2. Détermination des énergies de surface A l’aide d’un goniomètre (Digidrop GBX-instrument), nous avons déterminé les énergies de surface de nos produits par la méthode indirecte de la goutte posée ou goutte à l’équilibre. Le principe de cette technique consiste à transformer initialement la poudre en pastilles par compression à l’aide d’une presse hydraulique. La compression est effectuée à 1,7x108 Pa pendant 2 minutes. Puis, une goutte de solution est déposée sur la surface de la pastille à l’aide d’une seringue et l’angle est déterminé géométriquement à l’équilibre.

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La détermination des composantes dispersives des solides est faite en utilisant le diiodométhane comme solvant apolaire pour lequel la composante polaire est nulle. Pour les composantes polaires, l’eau distillée est choisie pour les liants (PVP, HPMC, CMC-Na) et le formamide pour la MCC. Ce dernier solvant a été préféré à cause du phénomène de gonflement de la MCC au contact de l’eau. Issues de la littérature, les composantes de l’énergie de surface des liquides tests pour la MCC sont regroupées dans Tableau 2. Tableau 2. Composantes de l’énergie de surface des liquides tests sur la MCC d’après Zajic & Buckton (1990) [12] g (mN/m)

Diiodométhane

Eau

Formamide

g Ld

50,4

21,8

39,0

g LP

0,0

50,8

19,0

gL

50,4

72,6

58,0

Les valeurs de l’angle de contact mesuré pour les différents couples solide/solvant sont rassemblées dans le tableau 3. A partir de ces données, nous avons déterminé les composantes polaire et dispersive de l’énergie de surface de différents solides par la méthode de Wu et par celle de Owens et Wendt. Les valeurs moyennes ainsi obtenues sont également données dans le Tableau 3. Le tableau 3 montre que les deux méthodes indiquent la même tendance en ce qui concerne l’effet de la nature du produit sur l’énergie de surface et ses composantes. La valeur des composantes dispersives obtenues est identique quelle que soit la méthode employée. Cependant, la méthode d’Owens et Wendt estime des valeurs plus faibles des composantes polaires des énergies de surface des poudres étudiées que la méthode de Wu. Enfin, on remarque que la HPMC, comparé à d’autres polymères étudiés, possède une valeur d’énergie de surface et une polarité plus proches de celles de la CMC. Tableau 3. Propriétés énergétiques de surface des poudres Angle de contact q (°)

Méthode de Wu

Méthode de Owens et Wendt

g Sd

g SP

gS

g Sd

g SP

gS

29,0 ± 2,9

42,4

10,7

53,1

42,1

10,0

52,1

33,5 ± 1,8

-

46,7

30,8

77,5

46,6

22,9

69,5

43,2 ± 0,9

66,4 ± 2,5

-

38,4

13,5

51,9

37,7

9,3

47,0

25,6 ± 1,4

36,9 ± 2,2

-

45,7

27,0

72,7

45,6

21,8

67,4

Diiodométhane

Eau

MCC

34,0 ± 1,1

-

PVP

22,5 ± 2,3

HPMC CMC-Na

Produits

Energie de surface g (mN/m)

Formamide

2.3. Détermination des paramètres de solubilité Pour déterminer les paramètres de solubilité ou de cohésion de nos produits, nous avons utilisé la simulation par dynamique moléculaire. La démarche globale de la simulation moléculaire consiste à utiliser des techniques de minimisation et de

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dynamique moléculaire pour échantillonner les états d’un système, auquel on associe un modèle d'interaction énergétique de type champ de forces de mécanique moléculaire décrivant explicitement les forces intra et intermoléculaires. Effectuant une moyenne sur l’ensemble des états échantillonnés, on calcule la densité d’énergie cohésive dont la racine carrée donne le paramètre de solubilité selon l’équation 12. La procédure détaillée de la simulation moléculaire est présentée dans des travaux antérieurs [7,13]. Afin de quantifier les interactions existant dans les structures chimiques de nos polymères, autrement dit le paramètre de solubilité, nous avons appliqué une correspondance aussi proche que possible entre l’expérience et la simulation en termes de structure et de masse molaire. La dynamique moléculaire est réalisée dans l’ensemble canonique où le nombre de molécules, le volume et la température sont constants (NVT). Pour les molécules simples, entre 1000 et 2500 atomes sont placées dans des boîtes soumises à des conditions périodiques et respectant la densité expérimentale. Pour les macromolécules de polymère, il est inenvisageable pour des raisons de temps de calcul de modéliser une macromolécule de masse molaire réaliste. Par conséquent, nous avons fait l’hypothèse que leur densité d’énergie cohésive était analogue à celle d’oligomères constitués de quelques monomères. En pratique, le nombre de monomères constituant la chaîne de polymère a été aumgenté jusqu’à ce que la valeur du paramètre de solubilité se stabilise Selon les macromolécules, des oligomères de 5 à 10 monomères ont été retenus. La durée totale des simulations de dynamique moléculaire de l’ordre de 3 ns représentent 300 000 états du système. De 3 à 7 jours de temps processeur sur un PIV 3,2 GHz ont été nécessaires pour chaque molécule avec le logiciel Materials Studio (code de dynamique moléculaire, DISCOVER, version 3.0, Accelrys Inc.) Dans le tableau 4 sont reportées les valeurs moyennes des paramètres de solubilité et de leurs composantes dispersives et polaires obtenues par nos simulations pour tous les solides en condition NVT à température ambiante (25°C) et aux masses volumiques expérimentales. Dans ce tableau, elles sont comparées aux valeurs des paramètres de solubilité déduites des quelques travaux de la littérature déterminées soit par la méthode de contribution de groupes, soit par les méthodes expérimentales (méthode de Hansen (activité) et chromatographie gazeuse inverse CIG) [9]. Concernant la carboxyméthylcellulose de sodium (CMC-Na), à notre connaissance, elle n’a pas fait l’objet d’étude expérimentale publiée. De plus, la méthode de contribution de groupes n’est pas applicable à ce composé à cause de l’absence des données concernant l’atome de sodium (Na). Tableau 4. Paramètres de solubilité et leurs composantes pour différents solides étudiés (avec d t2 = d p2 + d d2 ) Simulation moléculaire Solides

0,5

0,5

0,5

Contribution de groupes 0,5 dt (MPa )

dd (MPa )

dp (MPa )

dt (MPa )

MCC

23,44

15,71

28,22

30,19

PVP

16,10

11,04

19,53

21,2

HPMC

14,91

7,87

16,86

16,6-22,6

Na-CMC

12,51

7,69

15,10

Expériences 0,5 dt (MPa ) [9]

-

[14]

[15]

26,1 [16] 39,3 -

[9]

21-26 -

[9]

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On remarque la dispersion des valeurs de la littérature selon la technique ou le modèle de contribution utilisé : les écarts entre les résultats expérimentaux obtenus par deux techniques expérimentales (pour HPMC et MCC) peuvent dépasser ± 30%. En outre, il existe des écarts entre les valeurs obtenues par la dynamique moléculaire et celles tirées de la bibliographie mais ceux-ci restent dans la plage de variation des données empiriques ou semi-empiriques publiées. Toutefois, nous sommes conscients que les résultats de simulation peuvent être influencés par certains paramètres liés à l’insuffisance de l’échantillonnage des états du système et au choix du modèle d’interactions énergétiques. Cependant, notre approche reste plus représentative de l’état et de la structure réelle des composés que la méthode de contribution de groupes. Dans le cas de polymères, cette dernière ne considère que les contributions au sein d’un seul monomère et son champ d’application n’est pas universel pour tous les produits.

3. RESULTATS ET DISCUSSION Les paramètres thermodynamiques d’interaction du couple liant (B) / MCC (A) obtenus par les deux approches, paramètre de solubilité et énergie de surface, sont regroupés dans le Tableau 5. La comparaison entre les résultats des deux approches, énergies de surface, g, et paramètres de solubilité, d, montre que les deux approches fournissent les mêmes tendances concernant le mode et l’intensité d’interaction liant / substrat. Par ailleurs, se basant sur les valeurs de force d’interaction cohésive, s AA, et du travail de cohésion, W AA, le PVP est le plus cohésif comparé aux autres liants. De plus, si on prend en considération les forces d’interactions adhésive et le travail d’adhésion entre la MCC et différents liants, on peut constater que : - pour les couples PVP/MCC et CMC-Na/MCC, la force d’interaction adhésive entre le liant et le substrat, s AB, est plus faible que la force d’interaction cohésive du liant, sBB. De plus, le travail d’adhésion de ces liants, WAB, est plus grand que celui de cohésion du substrat, W AA. Cela montre que le PVP et le CMC-Na n’interagissent pas avec le substrat à cause de leur grande cohésion. Dans ce cas, selon Rowe [1, 2], seules les zones isolées de substrat seront recouvertes de liant. - concernant le couple HPMC/MCC, la faible cohésion des particules de HPMC, sBB, par rapport à la force d’adhésion entre le HPMC et la MCC, sAB, qui est largement inférieure à celle de cohésion du substrat, sAA, nous permettent de conclure que le HPMC entoure les particules de MCC. De plus les valeurs du travail d’adhésion, WAB, et de cohésion, WAA, confirment cette tendance. Par ailleurs, la valeur du paramètre d’interaction, jAB est toujours la plus forte pour le couple HPMC/MCC et montre combien ce couple interagit fortement comparée aux interactions des autres couples. L’intensité et le mode d’interaction entre le liant et le substrat sont souvent caractérisés par des mesures des résistances des granulés secs. Nous avons déterminé expérimentalement les résistances à l’attrition des granules de MCC avec les différents liants (PVP, HPMC et CMC-Na). Notons que ces granules ont été

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obtenus par granulation humide dans un granulateur à fort taux de cisaillement [7]. Il s’agit ici d’établir d’une manière qualitative le lien entre les propriétés des granulés formés et les tendances tirées à partir des approches thermodynamiques de prédiction des interactions des couples liant / substrat. Pour cela, nous avons comparé les propriétés mécaniques des agglomérats de MCC obtenus en utilisant les différents types de liants (HPMC, CMC-Na, PVP). La friabilité des granulés a été caractérisée en plaçant 10 g de granules secs homogènes en taille entre 450 et 630μm dans une chambre cylindrique de broyage (1,2 l) remplie à 20 % de son volume par des boulets en céramique de 12 mm de taille moyenne. Cette chambre est ensuite fermée et placés horizontalement sur les rouleaux du broyeur qui sont mis en rotation à 72 tr/min pendant 40 minutes. A la fin de l’opération, les particules solides sont tamisées sur un tamis de maille de 450 μm. La masse de solide passée à travers le tamis (tamisat) est pesée afin de déterminer l’indice de friabilité [(masse de tamisat) / (masse totale) ¥100]. Les résultats obtenus par ce test ont montré que, pour la même quantité de liant employé, les granulés formés en utilisant le HPMC sont moins friables que le produit obtenu avec les autres liants [7]. L’augmentation du pourcentage de HPMC dans la formulation conduit à des granulés plus résistants. Ces résultats peuvent être expliqués par le fait que l’augmentation du pourcentage de HPMC conduit, d’une part, à la formation d’un film continu de polymère à la surface (à mettre en parallèle avec l’adhésion prédite forte de HPMC sur le substrat) et d’autre part, à l’accroissement de la quantité de polymère au joint de grain. Ces résultats expérimentaux confirment les prédictions des approches thermodynamiques basées sur les paramètres de solubilités et les énergies de surface. Tab.leau 5. Paramètres thermodynamiques d’interaction entre la MCC et différents liants : modèle des paramètres de solubilité et modèle des énergies de surface

Modèle Paramètres de solubilité

Méthode de Wu Energies de surface Méthode de Owens et Wendt

A

B

Paramètres thermodynamique d’interaction

MCC

PVP

HPMC

CMC-Na

jAB

-

0,64

0,70

0,50

sAA ou BB (MPa)

199,1

95,3

71,1

56,9

sAB (MPa)

-

88,8

83,0

54,4

jAB

-

0,83

0,99

0,77

WAA ou BB(mN/m)

106,2

155,0

103,8

145,4

WAB (mN/m)

-

120,6

104,5

118,6

jAB

-

0,98

1

0,98

WAA ou BB(mN/m)

104,2

139

94

134,8

WAB (mN/m)

-

118,9

99

117,2

4. CONCLUSIONS Dans ce travail, nous avons présenté les méthodes de caractérisation employées pour déterminer les énergies de surface et les paramètres de solubilité dans le but de

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déterminer le mode et l’intensité d’interaction liant (PVP, HPMC ou CMCNa) / substrat (MCC). L’une des originalités de ce travail est l’utilisation de la simulation moléculaire par dynamique moléculaire pour déterminer les paramètres de solubilité. Notons que cette technique est universelle et applicable pour tous les produits quelques soient les groupements chimiques qui les constituent. Cette propriété particularise et montre la supériorité de cette technique par rapport aux autres méthodes classiques. A partir des mesures des propriétés thermodynamiques d’interaction (force de cohésion et d’adhésion ; travail de cohésion et d’adhésion), nous avons calculé différents paramètres caractérisant les interactions liant/substrat. L’ensemble de ces résultats a permis d’effectuer une première classification des liants suivant les critères d’adhésion interfaciale. La comparaison entre l’approche prédictive basée sur des paramètres de solubilité obtenus par simulation moléculaire et l’approche semi empirique des énergies de surface montre que les deux approches fournissent des informations qualitatives identiques concernant les intensités et les modes d'interaction entre les solides. Parmi les liants étudiés, le HPMC est considéré comme le liant le plus approprié pour la granulation des particules de cellulose microcristalline, ce que confirment des tests de résistance à l’attrition de granules de MCC enrobés de HPMC.

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L’eau en poudre Laurent FORNY, Kashiar SALEH, Isabelle PEZRON Laboratoire Génie des Procédés Industriels – UMR CNRS 6067, UTCompiègne, BP 20529, 60205 Compiègne Cedex, France. (*contact [email protected])

RÉSUMÉ :

Les attentes des consommateurs pour les produits se présentant sous forme de poudre s'orientent de nos jours vers des systèmes plus efficaces et dont l'usage est simplifié (dosage unique, dissolution rapide ...). Pour répondre à ces critères et optimiser les performances des produits finis, il est nécessaire de maîtriser les différentes étapes de fabrication des produits au niveau macroscopique mais aussi de comprendre leurs mécanismes de formation au niveau microscopique. Les systèmes que nous avons étudiés ont l'originalité de se présenter sous la forme de poudre sèche, caractérisée par de bonnes propriétés d'écoulement, tout en contenant une quantité importante de matière active sous forme liquide. Le procédé de fabrication est relativement simple : il consiste à mettre en contact sous agitation mécanique la phase liquide, ici de l'eau, avec une phase solide constituée de silice pyrogénique hydrophobisée. La structure des objets obtenus a été déterminée par différentes techniques (Microscopie Electronique à Balayage Environnementale, Cryofracture et observation des répliques par Microscopie Electronique à Transmission). Ces études ont montré que les particules de silice s'auto-assemblent et forment une coquille protectrice autour de chaque gouttelette d'eau. Nous avons également montré que l'obtention de ces structures dépendait des conditions de mélange ainsi que des caractéristiques des particules de silice (hydrophobicité, morphologie). Par exemple, si l'hydrophobicité des particules est trop faible, alors l'énergie apportée par l'agitation sera suffisante pour leur permettre de pénétrer dans la phase aqueuse. Elles vont alors s'y agréger et former une mousse.

MOTS-CLÉS :

Encapsulation, silice pyrogénique, coulabilité des poudres, microscopie électronique à balayage environnementale, cryo-fracture

1. INTRODUCTION De nos jours, il existe une forte demande de la part des industriels pour des systèmes permettant de stocker et de transporter des matières actives liquides sous forme de poudre. En général, de tels systèmes sont obtenus par des procédés de microencapsulation et peuvent se présenter sous deux formes différentes : soit des microcapsules, constituées d’un cœur de matière active liquide entouré d’un matériau enrobant, soit sous forme de microsphères, c’est-à-dire des particules constituées d’un réseau continu de matériau enrobant, en général un polymère formant une matrice dans laquelle la matière active est dispersée. Le principal avantage de la microencapsulation est de créer une barrière qui isole physiquement le principe actif de son environnement. Cela peut permettre une protection de l’actif (vis-à-vis de l’oxygène, de la lumière, éventuellement de l’hydrolyse) mais aussi une protection des opérateurs et des utilisateurs, qui ne sont en contact direct avec l’actif

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qu’après sa libération. La libération du principe actif peut être contrôlée par différents mécanismes tels que la diffusion à travers le matériau enrobant ou la rupture de la membrane extérieure. Un autre intérêt à ce type de produit est le conditionnement sous forme de poudre, qui présente des avantages pour le stockage et le transport. Les procédés d’encapsulation comportent souvent plusieurs étapes, en particulier une étape intermédiaire de formulation d’une émulsion. L’émulsion sera du type eau dans huile (E/H) dans le cas d’un principe actif hydrosoluble et huile dans eau (H/E) dans le cas d’un principe actif liposoluble. Par exemple, les colloïdosomes sont des capsules en phase continue liquide formées par auto-association de particules polymère en émulsion [1]. Une émulsion E/H contenant en phase aqueuse interne le principe actif est formée en présence de particules colloïdales dispersées dans la phase continue huileuse. Ces particules s’attachent spontanément à l’interface et s’y auto-associent. Lorsque la surface est recouverte de particules, la capsule peut être renforcée, par exemple en fusionnant partiellement les particules à l’aide d’un léger chauffage. Les interstices entre les particules définissent la perméabilité des capsules. Des cellules de fibroblaste ont ainsi pu être encapsulées avec succès. Les émulsions sèches, formées à partir d’émulsions H/E, sont un autre exemple. Après évaporation de l’eau, ces systèmes se présentent sous forme de poudres composées de gouttes d’huile encapsulées dans une matrice polymère. Les émulsions peuvent être reconstituées par re-dispersion dans l’eau. Les taux d’encapsulation sont généralement limités aux environ de 60 à 65 % de phase huileuse [2]. Le système que nous avons étudié se présente sous forme de poudre, mais permet l’incorporation de quantités importantes d’eau, allant jusqu’à 98 % en masse. Cette poudre est généralement appelée « poudre d’eau » en raison de sa capacité à stocker l’eau tout en conservant une forme « sèche ». Il n’y a pas d’étape d’émulsification intermédiaire. Le produit est obtenu très simplement en agitant de la silice hydrophobe et de l’eau dans un mélangeur à fort taux de cisaillement pendant quelques dizaines de secondes. On peut constater le relargage de l’eau par effet de pression sur la peau, ce qui procure un effet de fraîcheur et d’hydratation. La fabrication de ce produit a été décrite pour la première fois dans un brevet de la Société Degussa déposé en 1964 [3]. À l’époque, ce procédé n’a pas connu de réel succès industriel. Depuis quelques années, des entreprises cosmétiques l’ont redécouvert et ont breveté plusieurs applications [4-6]. Il faut également noter qu’il existe très peu d’études scientifiques sur ce système [7]. Notre objectif est donc de décrire la structure de cette poudre et de comprendre les mécanismes physico-chimiques mis en jeu afin de déterminer les conditions optimales de fabrication.

2. MATERIEL ET METHODES 2.1. Matériel La silice pyrogénique est une silice synthétique obtenue par un procédé de combustion au sein d’une flamme. La réaction d’hydrolyse du tétrachlorosilane produit des particules élémentaires (sphères de 7 à 20 nm de silice fondue) qui s’agrègent par frittage sous l’effet de multiples collisions. Il en résulte la formation d’agrégats de forme « fractale » dont la taille est voisine de 200 à 300 nm et qui possèdent une surface spécifique élevée, entre 50 m2/g et 300 m2/g. En dehors de la

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flamme, les agrégats s’agglomèrent par des imbrications mécaniques et des interactions de type van der Waals. Ces agglomérats peuvent être détruits par sonication dans un solvant approprié (par exemple de l’éthanol). La silice pyrogénique obtenue par ce procédé est hydrophile. Elle est rendue hydrophobe par un traitement chimique de type silanisation qui consiste à remplacer les groupements hydroxyles -OH présents à sa surface par des groupements ayant moins d’affinité pour l’eau. L’hydrophobicité dépend du degré de substitution des groupements hydroxyles et du type de molécule greffée. La silice que nous avons utilisée pour notre étude est traitée à l’aide d’hexaméthyldisilazane et le taux de greffage est d’environ 50 % (Aerosil R812S, Degussa). La figure 1 montre une image de structure d’un agrégat élémentaire d’Aerosil R812S obtenue par microscopie électronique à transmission.

Figure 1. Agrégat d’Aerosil R812S observé par Microscopie Electronique à Transmission après sonication pendant 10 min dans l’éthanol (barre d’échelle : 100 nm).

Ce type de silice est utilisé dans de nombreuses applications industrielles, par exemple les peintures ou les produits cosmétiques. En phase liquide, ces particules peuvent s’associer et augmenter la viscosité du milieu ce qui permet d’augmenter la stabilité des dispersions. En phase sèche, elles peuvent permettre d’améliorer la coulabilité des poudres en formant un film fin autour des particules. 2.2. Méthode de préparation La poudre d’eau a été préparée à l’aide d’un agitateur du commerce de type mixer de marque Braun (PowerBlend MX2050). Le protocole expérimental est très simple et consiste à mélanger directement l’eau et la silice pendant un temps très court, typiquement 4 g de silice et 96 g d’eau pendant 30 s. Nous avons pu vérifier visuellement (par l’absence de traces d’eau) et par des méthodes gravimétriques (pesées avant et après séchage) que toute l’eau introduite initialement se retrouve effectivement incorporée dans la poudre, soit 96 % en masse.

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3. CARACTERISATION MACROSCOPIQUE 3.1. Distribution granulométrique Les particules composant la poudre d’eau ont été observées par microscopie. La forme des particules n’est pas régulière. La taille est comprise entre une dizaine de microns et quelques centaines de microns, ce qui a été confirmé par diffraction laser (Insitec, Malvern). Les résultats présentés sur la figure 2 donnent la distribution en volume en fonction du diamètre des particules. La courbe en pointillé représente le pourcentage cumulé (en volume). Le diamètre médian de la poudre vaut v(50) d(50) d(90)d(d0)spa environ 120 mm et sa largeur de distribution granulométrique

distribution en volume / %

vaut 2,1.

12 10 8 6 4 2 0 10

100

1000

taille / m m Figure 2. Distribution de taille (% en volume) d’une poudre contenant 96 % d’eau préparée avec l’Aerosil R812S.

3.2. Cinétique d’évaporation de l’eau Les cinétiques d’évaporation de l’eau ont été déterminées à l’aide du DVS (SMS) qui permet une analyse gravimétrique précise dans des conditions de température et d’humidité imposées. On peut ainsi mesurer les pertes en eau de l’échantillon en fonction du temps. La figure 3 montre l’évolution de la masse d’un échantillon d’eau pure et d’un échantillon de poudre d’eau. Les vitesses d’évaporation sont très proches au début. On observe un léger ralentissement dans le cas de la poudre vers la fin du processus. Ces résultats montrent qu’il n’y a pas de barrière à l’évaporation de l’eau : la diffusion moléculaire de l’eau n’est pas modifiée par la présence des particules. Afin de conserver la quantité d’eau initiale, la poudre doit être conservée dans un récipient hermétique, de

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préférence en plastique car des relargages d’eau sont observés en présence de verre ou de tout autre matériau hydrophile.

30

m /mg

25 poudre

20

mH2O

15 10

eau

5 mSi

0 0

40

80

120

160

200

t /min Figure 3. Cinétiques d’évaporation (à 20 °C et 40 % d’humidité relative) de l’eau pure et d’une poudre contenant 96 % d’eau préparée avec l’Aerosil R812S.

3.3. Coulabilité Une poudre à écoulement libre est une poudre non cohésive, pour laquelle il n’y a pas de liaisons interparticulaires. Les mesures permettant de caractériser les propriétés d’écoulement sont rendu délicates avec notre système compte tenu de l’évaporation rapide de l’eau quand la poudre est à l’air libre. Certaines méthodes, comme le rhéomètre à poudre ne peuvent donc pas être mises en œuvre. Des test qualitatifs permettent néanmoins d’évaluer les propriétés d’écoulement de la poudre (test de compressibilité, angle de talus, test d’écoulement à travers un orifice) [8-9]. La compressibilité est définie par l’écart entre la densité de la poudre tassée et la densité de la poudre non tassée. Le tassement rompt les liaisons interparticulaires et permet le réarrangement de la poudre. Plus l’écart de densité est important, plus la poudre est cohésive. L’angle de talus est l’angle caractéristique du tas formé par la poudre que l’on observe en la versant depuis un entonnoir. La forme du tas dépend du frottement entre les grains, lié aux interactions entre particules. Enfin des tests d’écoulement à travers des entonnoirs dont les diamètres d’orifices sont croissants permettent également d’évaluer la coulabilité de la poudre. Les résultats de ce test sont rassemblés dans le tableau 1 ci-dessous. Tableau 1. Caractéristiques d’écoulement d’une poudre d’eau.

Poudre contenant 96 % d’eau preparée avec R812S

Compressibilité

Angle de talus

Diamètre d’orifice minimal

~ 26 %

~ 44°

3 mm

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Les résultats obtenus sont assez délicats à interpréter car les valeurs des deux premiers tests révèlent une coulabilité qualifiée de « passable » alors que les résultats du dernier test sont caractéristiques d’un bon écoulement. Ces difficultés peuvent être attribuées à la présence très probable de silice pyrogénique « libre » qui peut faciliter l’écoulement, ainsi qu’à la structure des particules qui se rapprocheraient plus des solides mous donc déformables. Néanmoins, compte tenu de la forte teneur en eau qui favorise souvent le mottage, les propriétés d’écoulement restent tout à fait correctes et nous n’avons jamais observé de phénomènes d’agrégation avec ce système.

4. STRUCTURE MICROSCOPIQUE La relativement bonne coulabilité du système permet de suggérer que la poudre est composée de particules individuelles. Nous avons donc rapidement pensé à une structure du type « gouttes enrobées » telles que cela a été décrit par P.Aussillous et al. [10]. L’eau se trouverait sous forme de gouttelettes enrobées d’un film de silice, ce qui permettrait de les isoler les unes des autres. Il faut également noter qu’une telle structure serait la plus appropriée pour pouvoir expliquer les taux d’encapsulation élevés que nous observons. Nous nous sommes donc tout d’abord intéressés à la façon dont la silice s’organise au contact de l’eau en formant des films à l’interface eau-air à la balance de Langmuir. Ensuite, pour observer les particules individuelles, nous avons cherché à mettre en oeuvre des techniques non destructives, ou tout au moins qui permettent de préserver la trace de l’emplacement initial de l’eau. En effet, nous avons constaté au cours de nos essais préliminaires par microscopie électronique, que l’évaporation brutale de l’eau conduisait à un effondrement de la structure. Nous avons donc préparé les échantillons de façon à conserver leur structure avant de les observer dans un cas après cryofracture, dans un autre après congélation/sublimation de la glace. 4.1. Films de silice à l’interface eau/air Les expériences avec la balance de Langmuir permettent en général d’étudier des changements de phase dans des films bidimensionnels de molécules amphiphiles, insolubles dans l’eau. Ici, nous avons déposé à la surface de la cuve remplie d’eau une petite quantité de particules de silice pyrogénique dispersées dans du chloroforme. Le chloroforme s’évapore, laissant les particules à la surface. On comprime ce film à l’aide de barrières mobiles et on mesure l’évolution de la pression de surface au cours de la compression (Figure 4). On observe une pression de surface nulle tant que les barrières sont suffisamment éloignées l’une de l’autre. Les agrégats sont alors isolés à la surface de l’eau et sans interaction. Suite à la compression, les agrégats entrent en contact les uns avec les autres, ce qui entraîne une élévation de la pression de surface. Néanmoins, la pression n’augmente pas brutalement comme ce serait le cas pour des sphères dures au contact les unes des autres. En raison de leur structure fractale et irrégulière, ces particules peuvent se réorganiser, se réarranger les unes par rapport aux autres lors de la compression. (on observe d’ailleurs une évolution plus rapide de la pression de surface lorsque l’on augmente la vitesse de compression). Le film se

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densifie et on observe un ralentissement en fin de compression qui peut être comparé au phénomène de collapse ou d’effondrement du film observé pour les monocouches de molécules amphiphiles. À de telles pressions on observe la

50

P/ mN.m -1

40 160? L

30

100? L

20 80? L

10 0 100

200

300

400

500

Aire / cm 2 Figure 4. Evolution de la pression de surface au cours de la compression d’un film de silice pyrogénique (Aerosil R812S) : différents dépôts ont été effectués à l’interface eau/air à partir d’une solution à 16.4 g/L dans du chloroforme.

formation d’un gel à la surface de l’eau, structure qui intègre probablement des molécules d’eau. C’est un phénomène réversible ; le gel disparaît lors de l’expansion du film. Pour observer les structures formées, on arrête la compression pour une pression de surface donnée, puis on dépose le film sur une lame, par exemple du verre ou du mica. Nous avons opéré le dépôt à une pression de 15 mN/m, pour laquelle le film de particules est stable. Nous avons ensuite examiné la structure du film de particules par microscopie électronique après métallisation des lames (Fig. 5).

500 nm

Figure 5. Film de silice pyrogénique (Aerosil R812S) déposé à l’interface eau/air -1 à une pression de surface P = 15 mN.m .

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Les images de microscopie électronique montrent la formation d’un réseau à la surface de l’eau, même pour des pressions assez éloignées du collapse. Ce réseau se densifie quand la pression de surface augmente en laissant toutefois apparaître des zones non recouvertes qui pourraient expliquer la perméabilité des particules visà-vis de l’eau. 4.2. Observation des particules individuelles par microscopie électronique 4.2.1. Microscopie électronique après cryofracture La première méthode choisie pour observer la structure des particules est la microscopie électronique après cryofracture. Cette technique est habituellement utilisée pour observer des émulsions [11]. Les expériences ont été réalisées au centre de recherche LVMH dans le Laboratoire de Jean-François Tranchant. Afin de minimiser les risques de formation de glace pouvant perturber la structure du système, l’eau a été remplacée par une phase aqueuse contenant 30 % de glycérol. Cette modification n’a pas eu d’incidence notable sur la formation de la poudre. L’échantillon est déposé sur un support en cuivre puis plongé dans du propane liquide (refroidi à la température de l’azote liquide -190°C). Cette étape doit être réalisée le plus rapidement possible afin d’atteindre l’état vitreux et éviter la formation de glace, ce qui permet de conserver la microstructure du système. Ensuite, l’échantillon est inséré dans une enceinte où le vide est établi puis fracturé à l’aide d’une lame de scalpel pré refroidie à -150°C. La réplique de l’échantillon fracturé est ensuite réalisée par un dépôt de platine (2 nm) consolidé par un dépôt de carbone. L’échantillon est ensuite dissout, et la réplique est lavée et séchée afin d’être observée par microscopie électronique à transmission. Une étape délicate est l’étape de fracture de l’échantillon congelé. Il est parfois très difficile de fracturer l’échantillon. Pour la figure 6.a, les particules de poudre ont été placées directement sur le support en cuivre en les faisant adhérer simplement à l’aide d’une goutte de polyéthylène glycol. Les particules n’étant alors pas bien maintenues, le scalpel glisse par-dessus ou les enlève complètement. Ce qu’on voit dans la réplique est la trace d’une goutte d’eau non fracturée. On observe la marque du réseau de particules de silice. Les zones noires correspondent à des particules ne silice n’ayant pas été éliminées par le traitement acide. Dans un second temps (Figure 6.b), les particules ont été dispersées dans une huile de silicone à l’aide d’une agitation de type vortex très légère. Nous avons vérifié par microscopie optique que la structure des particules de poudre n’avait pas été altérée. Cette fois l’image obtenue est caractéristique d’une goutte fracturée, et comporte les signatures typiques de la phase aqueuse et de la phase huileuse. On peut localiser précisément les particules de silice à l’interface eau/huile, le réseau étant orienté vers la phase huileuse, à l’extérieur de la gouttelette d’eau. 4.2.2 Microscopie électronique à balayage environnementale Un autre moyen, plus simple, d’observer les particules consiste à éliminer l’eau de façon lente et contrôlée afin d’éviter l’effondrement de la structure. Pour cela la poudre est pré-refroidie à - 6 °C puis placée sur la platine pelletier d’un microscope électronique à balayage environnementale, qui peut opérer à pression réduite et non pas forcément sous un vide poussé. La pression est ensuite abaissée à 1,4 torr

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(environ 0,002 atm), ce qui provoque la sublimation de l’eau. L’échantillon est ensuite métallisé avant observation.

0,5 ? m

2 ?m

(a)

(b)

Figure 6. Observation par Microscopie Electronique à Transmission après cryofracture des particules individuelles de poudre contenant 96 % d’eau préparée avec l’Aerosil R812S. (a) particules déposées sur une goutte de polyéthylène glycol, barre : 2mm (b) particules initialement dispersées dans une huile de silicone, barre : 0,5 mm.

La figure 7a montre les particules constituant la poudre d’eau (ici seules les plus petites particules sont observées). Certaines particules sont partiellement cassées, ce qui permet d’observer leur structure. La figure 7b révèle l’espace qui était occupé par l’eau avant sa sublimation. La silice forme en quelque sorte une coquille autour des particules d’eau, ce qui leur permet de se comporter comme des particules individuelles. On remarque toutefois que cette coquille est poreuse, elle ne constitue pas de barrière à l’évaporation de l’eau.

100 ? m

(a)

5 ?m

(b)

Figure 7. Observation par Microscopie Electronique à Balayage Environnemental des particules de poudre contenant 96% d’eau préparée avec l’Aerosil R812S. (a) vue d’ensemble des particules, (b) zoom sur une particule « cassée ».

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5. APPLICATION A D'AUTRES SILICES HYDROPHOBES Nous avons réalisé des essais qui montrent qu’il est possible d’extrapoler les résultats obtenus au mixer pour des mélangeurs de taille industrielle caractérisés par un fort taux de cisaillement (agitateur UM60E, Stephan, Allemagne). Il est possible par exemple de préparer en un seul batch de 25 à 30 kg de poudre dans un pilote de 60 L avec l’Aerosil R812S. D’autre part, nous avons essayé d’appliquer le même protocole expérimental à d’autres particules de silice pyrogénique d’hydrophobicité variable. Nous nous sommes rendu compte que les résultats obtenus sont très sensibles à ce paramètre. Toutes les silices testées sont en apparence très hydrophobes. Quand on place une goutte d’eau sur un lit de particules, l’eau reste sous forme de bille et ne s’étale pas du tout. Pourtant nous avons observé que la formation de poudre au mixer n’était possible qu’avec les poudres les plus hydrophobes, de type Aerosil R812S. Par exemple avec l’Aerosil R972, qui est connu pour être légèrement moins hydrophobe que l’Aerosil R812S, on obtient un produit dont la consistance est de type « mousse à raser ». Avec des produits encore moins hydrophobes on obtient un produit de type « pâte liquide ». On cherchera, dans la suite de ce projet, à mieux comprendre les mécanismes physicochimiques à l’origine de la formation de la poudre afin d’expliquer ces différences de comportement.

6. CONCLUSION Au cours de cette étude, nous avons révélé que les particules de « poudre d’eau » avaient une structure en coquille. Chaque micro-gouttelette de liquide est enrobée d’un réseau de particules de silice agrégées, qui ne constitue pas de barrière à l’évaporation de l’eau. Les propriétés d’écoulement de cette poudre sont très bonnes en dépit du taux d’eau très élevé et aucun problème de mottage n’a pu être observé. Nous avons également montré que la réussite du procédé dépendait des caractéristiques de la poudre et notamment de son hydrophobicité. Nous chercherons par la suite à corréler les propriétés de surface et notamment les interactions eau/particules au mécanisme de formation de la poudre ainsi qu’aux caractéristiques du procédé de mélange.

7. REMERCIEMENTS Ce projet, mené en collaboration avec le Centre de Valorisation des Glucides (Amiens) et CLC Technologies (Beauvais), a été financé par le Pôle Régional Génie des Procédés Industriels de la Région Picardie, que nous remercions pour son soutien. Nous remercions également Jean-François Tranchant et Thierry Pouget pour la réalisation des expériences de cryofracture au Laboratoire de Recherche de LVMH à Saint-Jean de Bray.

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Modification des propriétés des poudres par enrobage à sec dans un mélangeur Cyclomix Yamina OUABBAS(1, 2), Laurence GALET(1), Séverine PATRY(1), Laurent DEVRIENT(1), Philippe ACCART(1), Christine ROLLAND(1), Alain CHAMAYOU(1), Michel BARON(1), John. A. DODDS(1), Philippe GROSSEAU(2), Bernard GUILHOT(2), Gérard THOMAS(2) ————————————————————————————————————(1) Centre RAPSODEE, UMR-CNRS-EMAC 2392 Ecole des Mines d'Albi-Carmaux, Campus Jarlard, 81013 Albi, [email protected] (2) Centre SPIN, LPMG –UMR 5148 CNRS- ENSM.SE Ecole des Mines de Saint-Etienne, 158 cours Fauriel 42023 Saint-Etienne Cedex 2

RÉSUMÉ :

Nous présentons ici une étude de la modification de certaines propriétés de poudres après enrobage de fines particules sur des particules hôtes dans un mélangeur de laboratoire modèle « Cyclomix », d’une contenance de 1 litre. Ce type d’appareil présente des effets de cisaillement et d'impact, permettant de réaliser rapidement des enrobages à sec avec des volumes significatifs de poudre. De plus des possibilités d'extrapolation à des échelles supérieures (jusqu’à 500 L) existent pour préparer des quantités industrielles de poudres à surface modifiée. Plusieurs systèmes particulaires sont utilisés, avec des particules hôtes différentes : des poudres de gel de silice et d'amidon de maïs. Différents types de particules invitées ont été également examinées : stéarate de magnésium, silice hydrophile ou hydrophobe. Les caractéristiques morphologiques des poudres, et les densités du solide (mesurées par pycnomètre à hélium) ont été déterminées. Les modifications apportées aux particules hôtes par les particules invitées sont caractérisées par des tests de cinétique d’adsorption de vapeur d’eau, de mesure d’angle de contact par goutte posée, et d’évaluation de la coulabilité par mesures de densités tassées ou non tassées. Les résultats obtenus montrent que le mélangeur Cyclomix permet de réaliser des enrobages de poudres modifiant les propriétés de façon sensible.

MOTS-CLÉS :

enrobage à sec, Cyclomix, propriété de surface, coulabilité, mouillabilité

1. INTRODUCTION L’enrobage des particules pour modifier les propriétés de surface et/ou la fonctionnalité des poudres est d’une grande importance pour diverses industries : pharmaceutique, cosmétique, agroalimentaire, céramique, etc. Traditionnellement, le traitement et l’enrobage des poudres sont réalisés par des méthodes d’enrobage en voie humide. Cependant, ces techniques présentent certains inconvénients en particulier du point de vue environnemental puisque les rejets issus de ces méthodes peuvent être dangereux [1]. La recherche de nouvelles méthodes pour l’enrobage des poudres s’est donc imposée depuis quelques années [2, 3] et la technique de l’enrobage en voie sèche a suscité, alors, beaucoup d’intérêt. L’enrobage en voie sèche permet l’amélioration et le contrôle des propriétés chimiques ou physico-chimiques des poudres [4].

Cahier de Formulation (2008) Vol.14

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Mujumdar et coll. (2004) ont utilisé une méthode d’enrobage en voie sèche pour augmenter la résistance à l’humidité de la poudre de magnésium par enrobage avec de la cire de carnauba [5]. Dans leur étude, Yang et coll. (2005) ont amélioré la coulabilité de l’amidon de maïs par enrobage à sec avec des nanoparticules de silice de différentes tailles [6]. Typiquement, dans l’enrobage en voie sèche, les particules fines (particules invitées) sont mises en contact direct et étroit avec les plus grosses particules (particules hôtes) par l’application de forces mécaniques telles que les forces de cisaillement et d’impact sans utilisation de solvant, de liants ou même d’eau. La petite taille des particules invitées (0,1-50 μm) permet aux interactions de Van der Waals d’être suffisamment fortes pour maintenir celles-ci fermement attachées à la surface des particules hôtes (1-500 μm). Ainsi, un enrobage discret ou continu de particules invitées peut être obtenu. Le type d’enrobage dépend de plusieurs facteurs, en particulier : de l’intensité des forces mécaniques mises en jeu, du temps de traitement, de la fraction massique de particules invitées et des propriétés physicochimique des particules (taille, densité, etc.) [1]. L’enrobage en voie sèche commence en réalité par une opération créant des mélanges ordonnés. En effet, lorsque les poudres sont fines et cohésives, elles forment naturellement des agglomérats et l’opération de mélange de deux constituants nécessite alors de casser ces derniers. À mesure que la différence de taille entre les deux constituants devient grande (un ou deux ordres de grandeur), les plus petites particules tendent à adhérer sur la surface des plus grandes particules [1]. Ce phénomène génère un mélange particulier nommé “mélange ordonné“ par Hersey [7]. Le taux de dispersion et le degré de désagglomération des fines particules dépendent fortement de l’énergie mécanique apportée par le type de mélangeur utilisé [8, 9, 10]. La figure 1 illustre d’une manière schématique le procédé d’enrobage en voie sèche. Ce travail expérimental décrit une application de la technique d’enrobage en voie sèche utilisant un mélangeur de laboratoire à fort cisaillement “Cyclomix“ conçu par Hosokawa Micron. Ce mélangeur, d’une contenance de 1 L, a été utilisé pour enrober, d’une part des particules d’amidon de maïs par des nanoparticules de silice (Aerosil 200 et 974) afin d’améliorer la coulabilité de l’amidon et d’autre part, des particules de gel de silice avec de fines particules de stéarate de magnésium pour réduire son affinité vis-à-vis de l’eau.

2. MATERIAUX ET METHODES 2.1. Matériaux L’amidon de maïs et le gel de silice ont été utilisés comme particules hôtes pour les expériences d’enrobage en voie sèche. Les images obtenues avec le microscope électronique à balayage environnemental (MEBE) montrent que les particules d’amidon de maïs fourni par Roquette sont assez sphériques (Fig. 2-a) contrairement aux particules de gel de silice fourni par Merck qui sont de forme irrégulière (Fig. 2b).

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Particule hôte

Particules invitées +

Mélange ordonné

Action mécanique

Enrobage à sec

Couche discrète

Film continu Monocouche continue

Figure 1. Représentation schématique de l’enrobage en voie sèche

(a)

(b)

Figure 2. Images MEBE des particules hôtes. (a) Amidon de maïs ; (b) Gel de silice

Deux différentes nanoparticules de silice se présentant sous forme d’agglomérats fournies par Degussa ont été utilisées comme particules invitées pour l’enrobage des particules d’amidon de maïs : (1) Aerosil R200 hydrophile avec une surface spécifique de 200 m2/g, (2) Aerosil R974 hydrophobe qui est en réalité de l’Aerosil

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R200 modifiée après traitement avec du diméthyldichlorosilane et dont la surface spécifique est de 170 m2/g. La taille moyenne d’une seule particule de silice est d’environ 12 nm (0,012 μm). Le stéarate de magnésium hydrophobe fourni par Chimiray a été utilisé pour enrober des particules de gel de silice. Le tableau 1, ci-dessous, regroupe les propriétés des particules hôtes et invitées. Le diamètre médian (d50) a été mesuré avec le granulomètre laser Mastersizer 2000 et les densités du solide par le pycnomètre à hélium. Tableau 1. Propriétés des particules hôtes et invitées

Poudres

Amidon de maïs Gel de silice (GS) Aerosil R200 Aerosil R974 Stéarate de Magnésium (StMg)

Taille (μm)

Densité (g/cm3) Particules hôtes 1,47 13 (d50) 2,07 55 (d50) Particules invitées 2,27 0,012 (dmoy) 0,012 (dmoy) 2,22 5 (d50)

1,04

Hydrophile/Hydrophobe

hydrophile “ hydrophile hydrophobe “

2.2. Procédé d’enrobage Les pourcentages massiques en particules invitées utilisées dans les expériences d’enrobage sont calculés en se basant sur l’hypothèse d’un recouvrement total (100%) de la surface des particules hôtes par une monocouche de particules invitées. Toutes les particules invitées sont supposées de même taille. Les particules hôtes et invitées sont supposées sphériques et sont supposées ne pas se déformer durant le traitement dans le mélangeur [6]. Pour enrober les particules d’amidon de maïs, un pourcentage massique de 1% de nanoparticules de silice était nécessaire. Deux pourcentages massiques de 15% (calculé) et 5% de stéarate de magnésium ont été utilisés pour enrober les particules de gel de silice. Les expériences d’enrobage en voie sèche ont été réalisées en utilisant un mélangeur à fort cisaillement développé par Hosokawa Micron B.V, modèle « Cyclomix ». Ce mélangeur peut opérer à différentes vitesses de rotation (jusqu’à 2500 tr/min) pour des temps de traitement courts (de 30 s à 5 min) offrant une bonne homogénéité du produit final. Il peut être utilisé dans différentes opérations comme l’enrobage, la granulation, l’agglomération et le séchage. Les figures 3 et 4 représentent l’installation complète du Cyclomix (Fig. 3) et le mouvement de la poudre dans le mélangeur (Fig. 4). Le Cyclomix comprend essentiellement une chambre conique de mélange d’une capacité de 1 L, équipée d’une double enveloppe et d’une ouverture d’alimentation, d’une vanne glissante au fond de la chambre permettant la décharge facile des produits, d’un rotor avec 8 pales placées d’une manière symétrique et d’une unité de commande. Le taux de remplissage recommandé par Hosokawa est approximativement de 50% à 70% du volume total. Les particules hôtes et invitées sont d’abord légèrement mélangées dans la chambre conique à faible vitesse de rotation. À mesure que la vitesse augmente, le mélange est centrifugé en direction de la paroi de la chambre,

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Cahier de Formulation (2008) Vol.14

subissant ainsi des forces de compression. La vitesse élevée des pales du rotor et la géométrie de l’ensemble entraînent les particules du bas vers le haut formant ainsi une boucle le long de la paroi sous l’action des forces en présence. Dans la partie supérieure du Cyclomix, le mouvement des particules est ralenti en raison de l’absence de pales. Les particules sont alors entraînées le long de l’axe vers le bas du Cyclomix où elles sont de nouveau entraînées vers le haut. Le Cyclomix ainsi conçu permet un mélange intensif des poudres et l’enrobage des particules.

Ouverture d’alimentation

Double enveloppe

Figure. 3. Installation complète du Cyclomix (Hosokawa)

Figure 4. Configuration du mouvement de la poudre dans le Cyclomix (Hosokawa)

Les conditions opératoires utilisées pour nos expériences sont : le taux de remplissage de la chambre conique de 70% du volume total (0,7 litre), la vitesse de rotation du rotor de 1500 tr/min, un temps de traitement de 4 min pour l’amidon de maïs et de 5 min pour le gel de silice et une température de la double enveloppe maintenue entre 18 et 20 °C. 2.3. Caractérisation Le Microscope Electronique à Balayage Environnemental (MEBE) a été utilisé pour observer la morphologie de surface des particules hôtes avant et après traitement dans le Cyclomix avec les particules invitées. La coulabilité des particules d’amidon de maïs avant et après les expériences d’enrobage avec des nanoparticules de silice a été caractérisée par des mesures des densités tassées et aérées en utilisant un Voluménomètre de tassement. La méthode de la goutte d’eau posée a été utilisée pour caractériser la mouillabilité des particules de gel de silice avant et après traitement avec du stéarate de magnésium par des mesures de l’angle de contact entre des lits arasés de gel de silice (enrobé et non enrobé) et la goutte d’eau. Enfin, la cinétique d’adsorption de la vapeur d’eau par l’amidon de maïs avant et après enrobage avec 1% massique de nanoparticules de silice et du gel de silice avant et après enrobage avec 5% et 15% massique de stéarate de magnésium, a été mesurée par Sorption Dynamique de Vapeur (DVS).

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3. RESULTATS ET DISCUSSION 3.1. Enrobage des particules d’amidon de maïs avec des nanoparticules de silice 3.1.1. Morphologie de surface La figure 5 montre, respectivement, les particules d’amidon de maïs avant traitement dans le Cyclomix, après traitement seul dans le Cyclomix et après enrobage avec 1% massique d’Aerosil R200 hydrophile et d’Aerosil R974 hydrophobe.

(a)

(b)

(c)

(d)

Figure 5. Images MEBE des particules d’amidon de maïs. (a) brut ; (b) traité seul dans le Cyclomix ; (c) enrobé avec 1% massique d’Aerosil R200 et (d) enrobé avec 1% massique d’Aerosil R974.

Nous observons que les particules d’amidon de maïs ne se déforment pas après traitement dans le Cyclomix, et ne subissent aucun broyage (images (a) et (b)). Les fines particules de silice R200 (image (c)) et R974 (image (d)) semblent être bien dispersées sur la surface des particules hôtes et forment des couches assez homogènes après une désagglomération efficace dans le Cyclomix. 3.1.2. Analyse de la coulabilité La poudre d’amidon de maïs seule est très cohésive et présente de ce fait un écoulement difficile. La figure 6 montre la variation de la densité tassée en fonction du nombre de coups imposés aux éprouvettes de 250 mL contenant la poudre.

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La densité tassée mesurée pour l’amidon atteint rapidement, au bout de 200 coups, un seuil constant de 0,64 g/cm3. Le tassement de la poudre d’amidon de maïs se produit avec beaucoup de difficulté traduisant sa mauvaise coulabilité. 1,00 Amidon+1%Si974 0,90

Densité (g/cc)

Amidon+1%Si200 0,80

0,70 Amidon 0,60

0,50

0,40 0

500

1000 Nombre de coups

1500

2000

Figure 6. Coulabilité des particules d’amidon de maïs avant et après enrobage avec de l’Aerosil R200 et R974 dans le Cyclomix

3.1.3. Cinétique d’adsorption de la vapeur d’eau par DVS Pour un palier constant de 60% d’humidité relative, nous avons analysé, par DVS, la cinétique d’adsorption de vapeur d’eau avant et après enrobage des particules d’amidon avec l’Aerosil R200 hydrophile et R974 hydrophobe. La figure 7 présente les courbes de cinétique d’adsorption de vapeur d’eau de l’amidon de maïs avant et après enrobage. La cinétique d’adsorption de la vapeur d’eau des particules d’amidon de maïs hydrophiles ne semble pas affectée par l’enrobage avec 1% de nanoparticules de silice, R200 et R974, l’équilibre est atteint après des temps similaires avec des quantités de vapeur absorbée presque égales. 3.2. Enrobage des particules de gel de silice avec des particules de stéarate de magnésium 3.2.1. Morphologie de surface La figure 8 montre, respectivement, les particules de gel de silice avant traitement dans le Cyclomix, après traitement seules dans le Cyclomix et après enrobage avec 5% et 15% massique de stéarate de magnésium hydrophobe (StMg). Nous observons que les particules de gel de silice subissent un broyage après traitement seules dans le Cyclomix (images (a) et (b)). Des petits fragments de silice

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sont alors produits. Les particules de stéarate de magnésium semblent se répartir d’une manière discontinue sur les particules hôtes formant des couches discrètes sur

Amidon+silice (Palier 60%) 14

Amidon seul 1% silice 200 1% Silice 974

variation en masse(%)

12 10 8 6 4 2

Amidon seul

Amidon +1% silice 200

Amidon +1% silice 974

0 0

20

40

60

80 100 t (min)

120

140

160

180

Figure 7. Cinétique d’adsorption de la vapeur d’eau pour l’amidon de maïs avant et après enrobage avec des nanoparticules de silice

(b)

(a)

(c)

(d)

Figure 8. Images MEBE des particules de gel de silice. (a) brut ; (b) traité seul dans le Cyclomix ; (c) enrobé avec 5% massique de StMg et (d) enrobé avec 15% massique de StMg.

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Cahier de Formulation (2008) Vol.14

la surface (5%, image (c)) et 15%, image (d)). À 15% de StMg, les particules de gel de silice sont mieux recouvertes et les fines particules de StMg forment un enduit sur la surface des particules hôtes. 3.2.2. Analyse de la mouillabilité La mouillabilité a été déterminée pour évaluer l’influence sde l’enrobage des particules de gel de silice avec du stéarate de magnésium hydrophobe pour protéger la surface contre l’eau. Les résultats de mesures de l’angle de contact (à 0s) et du calcul du travail d’adhésion (Wadh), traduisant l’interaction entre deux différentes phases (travail nécessaire pour séparer la goutte d’eau de la surface du lit de poudre), sont reportés dans le tableau 2. Le travail d’adhésion est calculé par la relation suivante : W adh = g (1+ cosq ) avec g la tension de surface de l’eau et q l’angle de contact eau/silice. Tableau 2. Résultats de mesure de l’angle de contact et du travail d’adhésion

Échantillon

Gel de silice

StMg

5% de StMg

15% de StMg

Angle de contact moyen, q (°) Cos q Wadh (mN/m)

55 0,57 114,3

125 -0,57 31,3

98 -0,14 62,6

127 -0,60 29,1

La figure 9 montre des photos, prises à deux instants différents, de la goutte d’eau sur la surface des lits de poudre : Fig. 9a, du gel de silice seul, Fig. 9b, des particules de gel de silice enrobées avec 5% de StMg et Fig. 9c, des particules de gel de silice enrobées avec 15% de StMg.

0s

0s

0s

1s

60s

60s

(a) gel de silice seul

(b) gel de silice + 5% StMg (c) gel de silice + 15% StMg

Figure 9. Evaluation de la mouillabilité du gel de silice avant et après enrobage avec de 5% et 15% massique de StMg dans le Cyclomix

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On peut clairement observer que la goutte d’eau disparaît instantanément sur la surface du gel de silice seul (Fig. 9(a)) en raison de sa nature hydrophile. Après enrobage des particules de gel de silice avec 5% et 15% de StMg, l’angle de contact entre la goutte et le lit de poudre augmente, entraînant une diminution du travail d’adhésion (tableau 3). La goutte d’eau reste sur la surface des particules de gel de silice enrobées, comme montré sur les figures 9b et 9c. Ces résultats montrent la réduction de l’affinité pour l’eau de la poudre de gel de silice après enrobage avec du stéarate de magnésium hydrophobe. 3.2.3 Cinétique d’adsorption de la vapeur d’eau par DVS La figure 10 présente les courbes de cinétique d’adsorption de vapeur d’eau du gel de silice avant et après enrobage pour un palier d’humidité relative constante de 60%. Gel de silice+StMg (Palier 60%) 20 0%StMg

18

5%StMg

variation de la masse(%)

16 14 15% StMg

12 10 8 6 4 gel silice

2

gel silice +5%StMg

gel silice + 15%StMg

0 0

50

100

150

200

250

300

350

400

t (min)

Figure 10. Cinétique d’adsorption de la vapeur d’eau du gel de silice avant et après enrobage avec du StMg

La cinétique d’adsorption de la vapeur d’eau des particules du gel de silice n’est pas affectée d’une manière très significative après enrobage avec 5% et 15% de StMg. Cependant, l’équilibre à 60% d’humidité relative, semble être atteint plus rapidement et les quantités de vapeur d’eau adsorbées diminuent significativement à mesure que le pourcentage massique en StMg augmente.

4. CONCLUSION Cette étude sur l’enrobage en voie sèche indique qu’il est possible d’améliorer les propriétés de l’amidon de maïs (coulabilité) et du gel de silice (affinité vis-à-vis de l’eau) en utilisant comme procédé d’enrobage un mélangeur à haut cisaillement, le

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« Cyclomix ». En effet, l’enrobage à sec des particules d’amidon de maïs avec des nanoparticules de silice dans le Cyclomix à permis l’amélioration de la coulabilité de l’amidon, poudre initialement très cohésive et présentant un écoulement très difficile. Les images MEBE (Fig. 5) montrent clairement une dispersion plutôt homogène des nanoparticules de silice (Aerosil R200 et R974) sur la surface des particules d’amidon traduisant ainsi la désagglomération efficace de ces fines particules dans le Cyclomix sans provoquer le broyage des particules hôtes. L’enrobage des particules de gel de silice avec différents pourcentages massiques de StMg (5% et 15%) a entraîné la réduction de l’affinité vis-à-vis de l’eau de la poudre de gel de silice, initialement très hydrophile. Les images MEBE (Fig. 8) montrent un recouvrement de surface partiel mais efficace du gel de silice qui devient de plus en plus dense à mesure que la concentration en StMg augmente. Le traitement du gel de silice dans le Cyclomix a entraîné, contrairement à l’amidon de maïs, un léger broyage des particules. Des pertes de produit ont été enregistrées lors du traitement du gel de silice avec le StMg dans le Cyclomix. En effet, la poudre de StMg étant cohésive, elle se collait facilement aux parois de la chambre de mélange et aux pales du rotor entraînant des pertes estimées à environ 1,1% pour les particules traitées avec 5% de StMg et de 2,0% pour les particules traitées avec 15% de StMg. 5. REFERENCES 1.

Pfeffer R., Dave R. N., Dongguang W., Ramlakhan M., “Synthesis of engineered particulates with tailored properties using dry particle coating”, Powder Technology, 117, 40-67 (2001)

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Naito M., Kondo A., Yokoyama T., “Application of comminution techniques for the surface modification of powders materials”, ISIJ International, 33, 915-924, (1993)

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Honda H., Kimura M., Honda F., Matsuno T., Koishi M., “Preparation of monolayer particle coated powder by the dry impact blending process utilizing mechanochemical treatment”, Colloids and Surfaces A : Physicochemical and Engineering Aspects, 86, 117-128 (1994)

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Mujumdar A., Wei D., Dave R. N., Pfeffer R., Wu C. Y., “Improvement of humidity resistance of magnesium powder using dry particle coating”, Powder Technology, 140, 86-97 (2004)

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Yang J., Sliva A., Banerjee A., Dave R. N., Pfeffer R., “Dry particle coating for improving the flowability of cohesive powders”, Powder Technology, 158, 21-33 (2005)

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Hersey J.A., “ordered mixing: a new concept in powder mixing”, Powder Technology, 11, 4144 (1975)

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Alonso M., Satoh M., Miyanami K., “Mechanism combined coating mechanofusion processing powders”, Powder Technology, 59, 45-59 (1989)

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Alonso M., Alguacil F. J., “Stochastic modelling of particle coating”, Aiche Journal, 47, 13031308 (2001)

Formulations pour la mise en œuvre des céramiques Cécile PAGNOUX ENSCI/SPCTS, 47 avenue Albert Thomas, 87065 Limoges Cedex. [email protected]

RÉSUMÉ :

Les composants céramiques sont généralement obtenus par consolidation à haute température d’une structure granulaire élaborée en mettant en œuvre un procédé de formage. A partir d’une poudre dont les caractéristiques physiques (taille et forme des particules, distribution granulométrique) doivent être adaptées au procédé, il est souvent nécessaire d’utiliser un solvant, des auxiliaires de mise en forme afin de conférer à la poudre les propriétés rhéologiques et de cohésion souhaitées. Les voies colloïdale et plastique sont les plus utilisées pour élaborer les composants. La maîtrise de la modification de la surface des poudres et des interactions entre les différents constituants d’une formulation oriente les propriétés macroscopiques du système. Il est alors possible d’améliorer l’empilement granulaire (optimisation des propriétés mécaniques) mais aussi d’imaginer et de développer de nouvelles techniques de mise en forme par voie colloïdale

MOTS-CLÉS :

Céramiques, suspensions, procédés

1. INTRODUCTION L’ENSCI, l’Ecole Nationale Supérieure de Céramique Industrielle, de Limoges, forme des ingénieurs dans le domaine des matériaux minéraux et des procédés. Certains enseignants-chercheurs sont rattachés au laboratoire du SPCTS (Science des Procédés Céramiques et de Traitements de Surface, UMR 6638) dont l’un des axes de recherche concerne les Procédés Céramiques et notamment la formulation de suspensions céramiques. Le manuscrit s’articulera de la façon suivante : après avoir situé la mise en forme des céramiques dans son contexte, sera présentée la démarche adoptée dans le cas de la problématique des suspensions concentrées en solide (> 50% vol.), puis dans le cadre de problématiques nouvelles qui font évoluer l’activité et qui s’appuient sur la préparation de suspensions diluées.

2. CONTEXTE DE LA MISE EN FORME DES CERAMIQUES Les matériaux céramiques sont des matériaux de synthèse, majoritairement constitués de phases inorganiques à liaisons essentiellement ionocovalentes, non totalement vitreux, et généralement consolidés par frittage à température élevée d’un « compact granulaire » mis dans la forme de l’objet désiré [1]. Bien que le terme céramique concerne une large gamme de composés ainsi que des applications très différentes (Fig. 1), ces matériaux ont des propriétés communes en raison de leurs liaisons essentiellement ionocovalentes : température de fusion

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Cahiers de Formulation (2008) Vol. 14

élevée, grande dureté, absence de ductilité aux basses températures, fragilité, faible ténacité. Ces propriétés font apparaître que les méthodes conventionnelles de fabrication des pièces métalliques ne sont pas adaptées aux céramiques. Les objets céramiques sont donc généralement obtenus par consolidation à hautes températures (frittage) d’une structure granulaire (pièce crue) élaborée en mettant en œuvre un procédé céramique.

isolation thermique

réfractarité cond. thermique

res. chocs thermiques capacité thermique dureté

dilatation thermique

res. aux rayonnements

res. au fluage res. mécanique

réfractarité

THERMIQUE

res. abrasion frottement

NUCLEAIRE

MECANIQUE

abrasion

res. magnétique à haute température

CERAMIQUES TECHNIQUES

absorption catalyse res. corrosion

transparence

OPTIQUE

CHIMIQUE

transmission optique

ELECTROMAGNETIQUE

compatibilité biologique

polarisation fluorescence

isolation électrique

semi-conductivité prop. magnétique

cond. électrique piézoélectricité diélectriques

Figure 1. Domaines d’applications des céramiques techniques

La plupart des procédés de fabrication des céramiques mettent en jeu des liquides (solvant) et/ou des auxiliaires organiques (dispersant, liant, lubrifiant…) afin de conférer à la poudre céramique les propriétés rhéologiques et de cohésion souhaitées lors de l’étape de mise en forme. Ces constituants doivent être éliminés avant le frittage tout en conservant l’intégrité et l’homogénéité de la pièce [2]. L’intérêt de la mise en forme par voie colloïdale est de contrôler précisément la structure de la suspension et son évolution pendant la fabrication pour produire de façon fiable et reproductible des objets aux propriétés requises. Cette approche implique cinq étapes principales : 1. la synthèse de poudre, 2. la préparation de la suspension, 3. sa consolidation dans la forme souhaitée, 4. le séchage de l’objet et 5. son frittage. Ce qui a fait que la recherche sur les suspensions colloïdales s’est développée, c’est la préparation de poudres spécifiques à granulométrie et pureté contrôlées, l’accès à des techniques de mesures des interactions entre particules en suspension et la modélisation de ces interactions.

Cahiers de Formulation (2008) Vol. 14

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Dans le cadre de préoccupations d’application et de valorisation industrielles, les formulations aqueuses sont avantagées et préférées. De plus, l’hydratation de la surface des poudres les rend plus réactives ce qui permet de diversifier les formulations notamment pour le choix des auxiliaires de mise en forme qui sont indispensables pour modifier les propriétés de surface des poudres. Les oxydes constituent une majorité de poudres céramiques ; pour les autres composés (nitrures, borures, carbures etc…), si la cinétique de leur hydrolyse est lente, les particules sont souvent recouvertes d’une fine couche d’oxyde à la surface des particules. Le rôle des additifs est d’influencer la structure de la double couche électrique à l’interface surface/solution [3]. Il est donc nécessaire de comprendre quelles sont les interactions qui opèrent dans cette zone pour sélectionner des auxiliaires qui feront le lien entre la formulation et le procédé.

3. MISE EN FORME A PARTIR DE SUSPENSIONS CONCENTREES Une majorité de techniques de mise en forme demande la préparation d’une suspension contenant une forte teneur en solide car après consolidation d’une telle suspension, il en résulte un empilement granulaire dense et homogène dans l’objet formé. Cela demande de disperser les particules dans le solvant et donc de développer un potentiel répulsif élevé entre elles. Un moyen est de créer des charges électriques de surface. Une première voie consiste à déplacer le pH de la suspension à une valeur éloignée de celle du Point IsoElectrique (PIE) en ajoutant un électrolyte fort (acide ou base). Par protonation ou déprotonation des sites hydroxyles de surface, il est possible de créer une densité de charge élevée et de disperser la poudre (ex. HCl dans l’alumine). L’inconvénient de ce type de formulation est que le matériau risque de se solubiliser en milieu très acide ou très basique, ce qui induit une réagglomération de la poudre en raison d’une variation de pH et/ou d’une augmentation de la force ionique. La suspension devra alors être consolidée très rapidement si on veut l’utiliser dans le domaine de la mise en forme. Une deuxième voie est d’adsorber à la surface de la poudre une molécule spécifique. Pour être qualifié de dispersant, la formule chimique de la molécule devra être composée de groupements fonctionnels permettant son adsorption à la surface et de groupements ionisables pour créer la charge électrique. Généralement, une molécule complexant un ion métallique en solution aqueuse doit s’adsorber à la surface de l’oxyde correspondant. Une première famille de dispersants concerne les molécules de petite taille. La structure des deux molécules de la figure 2 répond aux critères énoncés. SO 3-Na+ H

H

HO OH

TIRON

SO 3-Na+

-Na+ COOH HO CH2 COO -Na+ O P C COO COOH HO CH 2 -Na+ CH 2 COO COOH

PBTCA PB

Figure 2. Formules chimiques du sel disodique de l’acide 4,5-dihydroxy-1,3-benzènedisulfonique (Tiron) et du sel trisodique de l’acide 2-phosphonobutanate-1,2,4-tricarboxylique (PBTCA)

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Le Tiron a sa structure basée sur un noyau benzénique. Les deux fonctions phénol permettent l’adsorption à la surface et les deux fonctions sulfonate la création de charges. Pour la molécule de PBTCA, chacun de ces rôles est assuré respectivement par la fonction phosphonate et les fonctions carboxylate. La figure 3 montre les propriétés électrocinétiques (potentiel z (mV) en fonction du pH) pour une suspension d’alumine préparée avec et sans Tiron. Sans additif, le PIE de la suspension d’alumine est mesuré à une valeur de 9. L’addition du Tiron permet de créer un potentiel négatif fortement répulsif dans une gamme de pH (8-10) où le matériau est stable ce qui est l’atout majeur de cette catégorie de dispersant. De plus, le PIE est déplacé vers les pH acides (3). L’addition de ce type de molécule permet de désagglomérer la poudre et de conserver l’état de dispersion dans le temps ce qui rend le système attractif pour son exploitation dans le domaine de la mise en forme [4, 5]. 80 Al-OH2+

60

Potentiel zêta (mV)

40 Alumine

20 pH 0 2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

-20 -40

Alumine + Tiron

Al-O-

-60 -80

Figure 3. Propriétés électrocinétiques d’une suspension d’alumine (3%vol.) préparée avec (s) ou (n) sans Tiron.

C’est ce qui a été entrepris pour développer le coulage coagulation d’alumine qui consiste à faire coaguler une suspension concentrée (> 50% vol) dans un moule non poreux. Avant le coulage, un agent coagulant est ajouté et la déstabilisation de la suspension par variation de pH et/ou de la force ionique est déclenchée in situ. La mobilité des particules étant très réduite en raison de leur concentration élevée, l’empilement homogène obtenu dans la suspension est conservé dans la pièce consolidée qui possède la forme et la taille du moule. Plusieurs formulations ont été développées pour mettre en œuvre ce procédé notamment pour l’élaboration de composants pour applications orthopédiques (Fig. 4) [6, 7].

Figure 4. Moule en résine silicone et insert en cru pour une prothèse totale de hanche

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Une autre famille de dispersants concerne les polyélectrolytes. Ces molécules sont très utilisées pour disperser les poudres céramiques en milieu aqueux. Elles permettent, après adsorption à la surface des particules, de développer des forces de répulsion électrostatiques par l'ionisation de groupements fonctionnels. Suivant la taille de la chaîne moléculaire du polyélectrolyte utilisé, la masse molaire varie entre 2000 et 50000 g.mol-1 [8-11]. Pour les molécules ayant de longues chaînes, l'effet stérique ne peut pas être négligé et il s'ajoute à la répulsion électrostatique ; la stabilisation est alors définie comme "électrostérique". Les sels d’acides polyméthacrylique et polyacrylique s'avèrent être les composés les plus efficaces pour stabiliser les suspensions aqueuses d'oxydes. Ils permettent notamment d'obtenir des concentrations en solide très élevées (60% vol.) tout en conduisant à des suspensions de faible viscosité. Largement utilisés dans l’industrie, leur développement s’appuie sur la synthèse de copolymère pouvant jouer des rôles différents. Un exemple concerne la préparation de granules céramiques aptes pour le pressage qui sont obtenus par atomisation. La formulation des suspensions est composée d’une poudre dispersée dans l’eau, un liant et un plastifiant sont ajoutés pour assurer respectivement la cohésion des granules et leur déformation lors du pressage. L’alcool polyvinylique (PVA) en tant que liant présente très peu d’affinité pour la surface des poudres céramiques ce qui le fait migrer à la surface des granules lors du séchage par atomisation. La couche ségrégée de liant induit ainsi des défauts dans les produits pressés. Le greffage de fonctions carboxylate sur la chaîne de PVA permet d’améliorer l’affinité du copolymère pour la surface d’un oxyde céramique tel que l’alumine et en fixant le taux de fonctions carboxylate à 35%, le composé (PV35) devient un dispersant aussi efficace qu’un sel d’acide polyméthacrylique (PMA-NH4+)(Fig. 5) [12]. La viscosité des suspensions atteint la même valeur minimum. Par contre, un taux de fonction carboxylate de 20% (PV20) n’est pas suffisant. De plus, la résistance à la rupture des produits pressés est largement améliorée par rapport à celle des produits obtenus avec des formulations classiques (PVA ou PVA + polyéthylène glycol (PEG)). En s’adsorbant fortement à la surface, la migration du liant à la surface des granules est limitée et sa répartition dans les granules est homogène (Fig. 6). 80

Viscosité (mPa.s) à 22s-1

70 60 50 40 30 PV20 PV35 PMA-NH4+

20 10 0 0

0.5 1 1.5 2 2.5 Concentration de polyélectrolyte introduite (% massique) -1

3

Figure 5. Viscosité (22 s ) de suspensions d’alumine préparées avec différents polyélectrolytes

80

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Résistance à la rupture (MPa) 5 4.5 4 3.5

1.5 wt. % PV35

3

1.5 wt. % PVA 1.5 wt.% PVA+ 0.5 wt. % PEG

2.5 2 1.5 1 0.5 0 0

50

100 150 Pression de mise en forme (MPa)

200

Figure 6. Résistance à la rupture de produits pressés à partir de granules atomisés

Ces deux exemples montrent qu’en maîtrisant la nature des interactions entre les auxiliaires de mise en forme et la surface de la poudre, il est possible d’adapter la formulation des suspensions pour améliorer les procédés existants ou en développer de nouveaux. La dispersion de poudres céramiques dans l’eau est possible en créant un potentiel répulsif négatif entre les particules par adsorption de diverses molécules spécifiques. Elles se distinguent entre elles par la taille et la flexibilité de leur chaîne carbonée et la nature des fonctions greffées sur cette chaîne. Leur application dépend du procédé de mise en forme sélectionné.

4. MISE EN FORME A PARTIR DE SUSPENSIONS DILUEES L’évolution de la demande par rapport à la teneur en solide contenue dans les suspensions vient, entre autres, de l’introduction des techniques numériques d’élaboration des pièces céramiques. L’impression de type jet d’encre en est l’illustration [13]. Le principe consiste à déposer des microgouttes de suspensions céramiques selon le schéma d’une strate. L’empilement des strates forme la structure tridimensionnelle. L’intérêt est d’accéder à une haute définition des composants. Les contraintes technologiques obligent la formulation à s’adapter. Une suspension de poudre dispersée doit être préparée mais avec une teneur en solide réduite (4-15 vol%) pour éviter le bouchage des buses. Un liant et un tensio-actif sont ajoutés pour respectivement adapter la viscosité de la suspension et éjecter une goutte cohérente sans satellite. Après éjection, ces auxiliaires permettent de contrôler l’étalement et l’empilement des strates pour conduire à des piliers réguliers et cohésifs. Les micrographies de la figure 7 montrent l’influence de la masse molaire du liant sur la géométrie du pilier. Le liant de masse molaire plus faible (photo de gauche) conduit à un étalement trop important de la goutte ; la suspension coule le long de la colonne et sa croissance n’est pas rectiligne. Ce défaut est corrigé avec un liant de masse molaire plus élevée.

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1200μ 700μ 75μ 70μ

Figure 7. Influence de la masse molaire du liant sur la géométrie des piliers

Un autre domaine d’utilisation des suspensions diluées concerne l’agglomération de poudres par hétérocoagulation. Ce processus n’est pas une innovation en soi mais la sélection d’un système modèle a permis de développer un nouveau procédé de consolidation des suspensions. Il est possible de modifier la surface de particules d’alumine (d50 = 400 nm) chargées positivement en adsorbant des nanoparticules (d50= 25 nm) de silice chargées négativement (Fig. 8a) [14]. En contrôlant la teneur des deux oxydes, il est possible d’annuler la charge portée par l’alumine et de faire agglomérer les particules d’alumine. Si ce mélange d’agglomérats est soumis à un mouvement de rotation continu, l’attraction alumine – silice continue de se produire et les agglomérats grossissent. La friction entre les objets et contre la paroi du flacon conduit à la production de sphères dont la distribution est particulièrement homogène en forme et en taille (Fig. 8b) [15]. Ces deux procédés sont actuellement en voie de développement et d’optimisation pour remédier aux défauts

100 nm

(a)

(b)

Figure 8. (a) Adsorption de la silice (25 nm) sur l’alumine et (b) sphères obtenues par agglomération

5. CONCLUSION Face à différentes problématiques de mise en forme des céramiques, il est possible d’adapter les propriétés de surface des poudres en considérant la chimie de ces surfaces. Il en résulte une physique des interactions caractérisée par différents moyens techniques (propriétés électrocinétiques et rhéologiques, distribution granulométrique etc…). L’innovation permanente dans le domaine de la synthèse de poudres et de molécules spécifiques, des méthodes de caractérisation et de

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simulation des effets des interactions devrait permettre de continuer d’enrichir et de diversifier les connaissances dans le domaine de la formulation des suspensions appliquées aux procédés de mise en forme. 6. REFERENCES 1.

Boch P., Matériaux et processus céramiques, Hermes Science Publications, P. Boch, éd., p. 25, 2001

2.

Chartier T., Matériaux et processus céramiques, Hermes Science Publications, P. Boch, éd., p. 141-143, 2001

3.

J.P. Jolivet , De la solution à l’oxyde, Editions CNRS, pp. 255-26, 1994

4.

Laucournet R., Pagnoux C., Chartier T. et Baumard J.F., J. Eur. Ceram. Soc, 21, 869-878 (2001)

4.

Penard A.L., Rossignol F., Nagaraja H.S., Pagnoux C. et Chartier T., J. Eur. Ceram. Soc, 25 (7) 1109-1118 (2005)

5.

Laucournet R., Pagnoux C., Chartier T. et Baumard J.F., J. Am. Ceram. Soc 83(11), 26612667 (2000)

6.

Pénard A.L., Rossignol F., Pagnoux C., Chartier T., Cueille C et Murphy M., J. Am. Ceram. Soc. 89, 2073-2079 (2006)

7.

Guo L., Zhang Y., Uchida N. et Uematsu K., J. Am. Ceram. Soc., 81, 549-556 (1998)

8.

Sun J., Gao L. et Guo J., J. Eur. Ceram. Soc., 19, 1725-1730 (1999)

9.

Cesarano III J. et Aksay I.A., J. Am. Ceram. Soc., 71, 1062-1067 (1988)

10.

Cesarano III J., Aksay I.A et Bleier A., J. Am. Ceram. Soc., 71, 250-255 (1988)

11.

Ben Romdhane M.R., Chartier T., Baklouti S., Bouaziz J., Pagnoux C. et Baumard J.F., J. Eur. Ceram. Soc, 27(7), 2687-2695 (2007)

12.

Noguera R., Lejeune M. et Chartier T., J. Eur. Ceram. Soc, 25(12), 2055-2059 (2005)

13.

Garcia-Perez P., Pagnoux C., Rossignol F. et Baumard J.F., Colloids and Surfaces A., 281(13), 58-66 (2006)

14.

Garcia-Perez P., Pagnoux C., Pringuet A., Videcoq A. et Baumard J.F., J. Colloid Interface Sci., 313(2), 527-536 (2007)

Mesurer l’uniformité du mélange dans les comprimés pharmaceutiques par l’imagerie chimique en proche infrarouge Michel TERRAY Malvern Instruments, Parc Club de l'Université, 30 Rue Jean Rostand, 91893 ORSAY Cedex, France e-mail : [email protected]

RÉSUMÉ :

L’imagerie chimique en proche infrarouge est une nouvelle technique qui combine les avantages de l’imagerie et de la spectroscopie NIR. On obtient des cartes chimiques présentant en différentes couleurs la composition chimique de zones de mélange de poudre ou de comprimé. L’information est ensuite transformée en variables numériques ou sous formes de représentations statistiques.

MOTS-CLÉS :

imagerie chimique, proche infrarouge, spectroscopie, mélange, homogénéité des comprimés

1. INTRODUCTION L’imagerie chimique en proche infrarouge (NIR) est une technique analytique émergeante qui se développe car elle combine les avantages de l’imagerie optique et de la spectroscopie proche infrarouge ; deux technologies ayant indépendamment un large domaine d’application en tant qu'outils analytiques [1-5]. En combinant la spectroscopie en proche infrarouge traditionnelle avec l’analyse d’images microscopique et macroscopique en un seul appareil, les analystes obtiennent une information spatiale et spectrale quantifiée sous forme de cartes chimiques de haute résolution. Ces cartes chimiques sont d’une valeur inestimable pour analyser des matériaux et des produits chimiquement hétérogènes. La plupart des techniques analytiques mesurent les propriétés chimiques ou physiques mais rarement les deux. Par exemple, pour mesurer la taille des particules, la diffraction laser est souvent utilisée, mais pour mesurer la composition chimique et la pureté d’un échantillon, une technique tout à fait différente telle que la chromatographie liquide (HPLC) est nécessaire. Alors que les produits manufacturés deviennent plus complexes, ils se définissent par une combinaison souvent mal comprise de leurs propriétés chimiques et physiques. En conséquence, les méthodes d’analyse qui enregistrent ces propriétés chimiques et physiques fournissent des informations intéressantes dans de nombreuses industries. L’imagerie chimique développée par la société Spectral Dimensions fournit cette combinaison d’informations. Les industries pharmaceutique et agrochimique en passant par l’alimentaire, les polymères et les sciences des matériaux ont avec succès appliqué cette technologie dans la recherche et le développement de nouveaux produits ou dans le contrôle qualité.

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Dans l'industrie pharmaceutique par exemple, une forme galénique est un agglomérat de principe actif et de nombreux excipients. La quantification des performances d’un comprimé telle que la vitesse de dissolution et la biodisponibilité est fortement influencée par les interactions au sein de la matrice et pas seulement par les propriétés chimiques et physiques de la substance active ou des excipients indépendamment. Les systèmes à libération contrôlée ou à effet prolongé sont conçus pour libérer l’actif de façon précise et ce sont des exemples extrêmes de la façon dont les propriétés chimique, physique et géométrique des composants d’un produit sont manipulées pour donner le comportement désiré. L’imagerie chimique NIR permet aux fabricants de comprendre plus en détail la structure microscopique ou macroscopique et les aide finalement à comprendre comment les changements dans ces structures modifient les performances du produit. Les applications comprennent la mesure de : - Uniformité des mélanges de poudres - Tailles et gradients de concentration de différents constituants chimiques dans les produits finis - Localisation et distribution des polymorphes - Taux d’hydratation - Uniformité d’enrobage - Identification des contaminants La technologie s’applique dans : - Le développement de nouvelles formulations - L’origine des problèmes de fabrication - Le contrôle qualité des produits finis et des intermédiaires de fabrication - Une approche « Quality by design » dans le cadre du Process Analytical Technology (PAT) puisqu’il permet une étude détaillée du procédé en amont de la fabrication. La technologie est également employée en agrochimie pour rechercher une contamination par des protéines d’origine animale dans l’alimentation pour bétail mais aussi pour permettre la détermination à haute cadence et de façon non destructive de la teneur en lipide, en amidon et en protéines dans les graines et les semences. D'autres applications dans l'industrie chimique consistent à analyser la taille et l’épaisseur d’enrobage de produits multicouches ou copolymères aussi bien que l'uniformité de mélanges ou le taux de réticulation des adhésifs. La compréhension de ces caractéristiques permet : la fabrication des produits de qualité supérieure ; l’identification des caractéristiques critiques qui affectent la capacité du produit à être fabriqué ou d’anticiper le facteur d’échelle entre le pilote et la fabrication ; l’examen légal de mauvais lots ou de séries défectueuses; l’identification de produits issus de la contrefaçon.

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2. LA TECHNOLOGIE La conception de l’appareil permet d'obtenir des spectres issus de la réflectance diffuse de l’échantillon avec une grande facilité sur différents types de produits sous forme de poudre, comprimés, granulé ou gélules. La combinaison d'un détecteur de haute résolution sous forme de matrice constituée de 81920 détecteurs en proche infrarouge avec un spectromètre à semi-conducteurs et un progiciel modulaire permet d’exécuter rapidement et avec précision de nombreuses investigations mais aussi des mesures de contrôle plus courantes. La technologie est bien implantée dans l'industrie pharmaceutique où elle est utilisée pour comprendre et résoudre les problèmes liés au développement et à la fabrication de nouvelles formes dosées. Le cœur du système est constitué d’un filtre réglable à semi-conducteurs couvrant la gamme complète du spectre proche infrarouge allant de 1200 à 2450 nm (ou de 950 à 1720 nm). Le balayage de la gamme complète des longueurs d'onde s’effectue en quelques minutes ou une mesure est réalisable directement à une longueur d'onde en quelques secondes. Ces systèmes dépourvus de détecteurs en mouvement, offrent des améliorations significatives par rapport à d'autres approches et sont prêt pour le PAT. Les détecteurs InSb (indium-antimoine) ou d'InGaAs (indium-arséniure de gallium) refroidi par air et non à l’azote liquide comme la plupart des spectromètres, possèdent une sensibilité exceptionnelle et conviennent aux environnements des laboratoires ou des procédés. Les 81920 pixels de la caméra NIR (matrice 320 lignes par 256 colonnes) peuvent être appliqués à des champs selon l’agrandissement allant de quelques millimètres carré à plusieurs centimètres carré. Cette polyvalence est rendue possible par l'utilisation d’objectifs réfringents interchangeables et d’une zone pour déposer l’échantillon ouverte et facilement accessible. Le logiciel, conforme à la CFR 21 part 11, fournit toutes les routines à multivariables que vous imaginez dans un progiciel de spectroscopie NIR mais dans un environnement facile d’emploi.

3. EXEMPLE SUR L'UNIFORMITE DES MELANGES Mesurer l'uniformité des mélanges dans les comprimés est une pratique d’assurance qualité classique dans l’industrie pharmaceutique. L'uniformité des mélanges peut affecter la dissolution et les propriétés lors du stockage qui affectent à leur tour la biodisponibilité. La reproductibilité de l'uniformité du mélange est donc nécessaire pour assurer la régularité du produit. L’imagerie en proche infrarouge (NIR-CI) peut mesurer l'uniformité de mélange dans les produits finis et les intermédiaires de production, et fournit des paramètres tangibles liés à la stabilité et à la performance du comprimé. La figure 1 décrit la construction des données du système NIR-CI. L’information se compose de deux dimensions représentant les coordonnées spatiales (l'image) et une troisième dimension appelée généralement le cube de données.

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Z=l

Y=256 pixels

X=320 pixels Spectres: de l1 à lk à (xi, yi) 0 2

Spectres d’un seul pixel 4

mm

Normalized Data

0.3

Image complète en intensité à li contenant 81920 pixels

0.2

6 0.1 8 0 1200

1400

Wavelength (nm)

1600

10 0

2

4

6 mm

8

10

Figure 1. Hypercube mémoire du spectromètre (haut), images (inférieur droit). Les zones colorées correspondent aux spectres en fonction de la longueur d’onde (inférieur gauche)

L’exemple suivant est pris à partir de l’étude de comprimés de furosémide. Une série de comprimés a été produite avec des quantités identiques des deux composants, à savoir le furosémide (80 mg) et un mélange d'excipient (240g) composé de cellulose microcristalline (99,67%) et de stéarate de magnésium (0,33%), mais avec des degrés variables de mélange allant du `non mélangé' au `bien mélangé'. Un comprimé commercial contenant les mêmes ingrédients avec le même dosage a été également utilisé par comparaison. Des cubes de données semblables à l’image ci-dessous (Fig. 2) ont été rassemblés pour chaque comprimé en 2 minutes. La première étape utilisée dans l'analyse des données est de traiter le spectre le long de l’axe z pour produire le contraste de l'image représentant la distribution du principe actif. Ceci peut être réalisé par plusieurs moyens disponibles dans le logiciel. La figure 2 montre des images obtenues à partir des 5 comprimés fabriqués pour cette expérience et un comprimé commercial. Ces images fournissent une évaluation qualitative de qualité du mélange par visualisation de la distribution des pixels assignés respectivement aux excipients (noir) et au furosémide (blanc). Des comprimés qui ne sont pas mélangés ou qui sont mal mélangés affichent des contrastes importants entre le furosémide et les excipients (respectivement comprimés C et E). Un échantillon bien mélangé peut ne contenir aucun grand domaine d’ingrédients purs ; le contraste n'est pas important dans ce cas et les pixels sont uniformément gris. Ceci est bien illustré dans l'échantillon commercial et dans le comprimé A.

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Figure 2. Analyse chimique NIR de la distribution d’un principe actif dans 6 comprimés identiques dans leur composition.

Tandis que ces images apportent une description qualitative de l'uniformité variable des mélanges dans ces comprimés et afin que cette description devienne représentative de façon analytique, les images doivent être converties en paramètres quantitatifs. Ceci est fait en représentant la distribution du contraste chimique sous forme d’histogramme. Un histogramme fournit une représentation statistique de la distribution d'intensité dans toute l'image, en d’autres termes une représentation quantitative des gradients de concentration dans le comprimé et une indication directe de l'uniformité du mélange. La moyenne de la distribution est une mesure de la concentration relative moyenne de l'actif dans le comprimé. Dans cette représentation, un pixel contenant un spectre d'actif pur vaudrait 1 ; alors qu’un pixel représentant le spectre de l'excipient pur vaudrait 0. L'écart type est une mesure de l’étalement des données par rapport à la moyenne. Une distribution étroite (comprimé A) a un faible écart type, ce qui est une indication d’une composition homogène dans tout le comprimé, c'est-à-dire un bon mélange. À l’inverse, un écart type important indique souvent un mauvais mélange. La figure 3 représente les histogrammes obtenus à partir des images chimiques NIR représentées en figure 2. Les paramètres statistiques calculés à partir des histogrammes indiquent une moyenne commune pour chacun d’entre eux en accord avec le fait que la formulation de tous les comprimés est identique. Cependant, l’écart type sur la moyenne qui décrit les gradients de concentration dans chaque comprimé est tout à fait différent.

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Figure 3. Représentation quantitative de mélange de 6 comprimés

Les comprimés C, D et E montrent des écarts-types de plus en plus grands, comme prévu d’après la longue distribution sur la droite de l’échantillon C, une traine dans la même direction pour le produit D et une distribution bimodale évidente dans l'histogramme du produit E. Par contre, il n’y a aucune différence significative entre les distributions de composants dans l'échantillon commercial et dans le comprimé A. La représentation des données de cette façon montre comment l'écart type, extrait à partir de l'image chimique NIR (Tableau 1), fournit une mesure quantitative de la distribution qualitative vue dans les images de la figure 2. Ce nombre peut être utilisé pour évaluer directement des différences de mélange de différents lots ou encore comme paramètre de contrôle mesuré en temps réel du procédé de fabrication. Pardessus tout, elle ne nécessite aucune évaluation subjective de la complexité de l’image et applique la robustesse d’un paramètre numérique par rapport à des notions de "bien mélangé" ou de "mal mélangé". Tableau 1. Ecart type des gradients de concentration de principe actif

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En conclusion, l’imagerie chimique en NIR est une approche rapide pour acquérir à haute résolution l'information chimique spatiale et simultanée des produits manufacturés complexes. Dans cet exemple, nous avons prouvé que l'information peut être employée pour mesurer l'uniformité de mélange en accédant quantitativement à la distribution spatiale des gradients chimiques dans les échantillons. Cette information peut être utile pour fournir un retour et aider au développement de nouvelles formulations ou bien être employée pour le contrôle qualité du produit final.

4. REFERENCES 1.

Kidder L.H., Dubois J. et Neil Lewis E., Realizing the potential of near infrared chemical imaging in pharmaceutical manufacturing – www.pharmaceuticalonline.com

2.

Neil Lewis E., Near-infrared chemical imaging – G.I.T. Laboratory Journal 1-2/2007

3.

Neil Lewis E. et al. – Near-infrared chemical imaging, Process Analytical Technology, pp. 187225, Blackwell Publishing, 2005

4.

Neil Lewis E. et al. – Near-infrared chemical imaging, Spectroscopy Magazine, 04, 26-36 (2004)

5.

Handbook of Vibrational Spectroscopy, Vol. 2, pp. 1405-1418, John Wiley and Sons, New York, 2002

La génération de solides divisés par voie supercritique : principes de base, considérations sur l’état d’avancement des recherches. Elisabeth RODIER, Jean-Jacques LETOURNEAU, Jacques FAGES Centre RAPSODEE- UMR CNRS 2392, Ecole des Mines d’Albi-Carmaux, Campus Jarlard- 81013 Albi Cedex 09, France- [email protected]

RÉSUMÉ :

On se propose ici de faire le point sur la génération de solides divisés par voie supercritique : les principes de base des différents types de procédés existants sont donnés. On fait également le point sur l’état d’avancement des connaissances sur ces procédés. L’exemple de leur application dans le contexte pharmaceutique est abordé.

MOTS-CLÉS :

Solides divisés, fluides supercritiques, RESS, SAS, PGSS

1. INTRODUCTION La génération de solides divisés par voie supercritique est une problématique qui s’intègre complètement dans la démarche du génie des procédés qui consiste à envisager l’étude d’un procédé selon les trois échelles, celle de la molécule, celle du produit et celle du procédé. En effet, on doit chercher à comprendre les processus à l‘échelle moléculaire pour pouvoir les traduire en lois phénoménologiques à l’échelle macroscopique, ce qui permet de développer des procédés maîtrisés. Ce travail sur les différentes échelles est nécessaire en vue de créer des produits aux propriétés d’usage contrôlées. Cependant, ce domaine de recherche est encore loin de la maturité. On n’a pas de méthodologie d’étude clairement établie comme on peut en avoir dans certains domaines comme le séchage par exemple. De plus, dans la génération de solide, la notion de produit modèle, qui permet classiquement de se concentrer sur l’étude du couple mécanismes-procédés, disparaît. On dispose uniquement de produits de « référence » qui permettent aux différentes équipes de comparer leurs résultats, comme le naphtalène ou le polystyrène par exemple. Les modélisations effectuées restent difficiles à relier aux expériences de par le manque de connaissances de nombreux paramètres comme la viscosité ou les tensions interfaciales en milieu supercritique. Il reste ainsi difficile à l’heure actuelle de faire le lien entre les différentes échelles d’étude. Tout cela est dû à la jeunesse du domaine d’étude constitué par la génération de particules par voie supercritique. Si la découverte du point critique par le baron Cagnard de la Tour date de 1822, il a fallu attendre plus d’un siècle et les premières crises pétrolières pour que les procédés par fluide supercritique (FSC) commencent à s’imposer comme une alternative avantageuse en termes de consommation énergétique et comme un atout indéniable permettant de s’affranchir de l’utilisation de solvants organiques. Ils ont alors intéressé le domaine de la pétrochimie et les premières grandes réalisations industrielles ont été le formage de polymères

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thermoplastiques (la production de mousse de polyuréthane ou de polyéthylène par exemple) ou la synthèse de fluoropolymères. Ils se sont également imposés dans le domaine des bio-industries pour l’extraction de produits naturels (décaféination du café, l’extraction des principes amers du houblon par exemple). On peut par ailleurs estimer aujourd’hui que ces procédés d’extraction sont arrivés à maturité technologique. À partir des années 80, les investigations sont allées croissantes et ont accru considérablement le champ des possibilités d’application des fluides supercritiques. Par exemple, le travail de l’équipe de DeSimone dans les années 90 a permis de montrer qu’il existait des composés réellement CO2-philes (plus que les n-alcanes connus jusqu’alors), les composés fluorés, ce qui a ouvert de nouvelles perspectives en synthèse organique, dans le domaine de l’électronique (recouvrement de surfaces par de fins films métalliques) ou encore dans celui du nettoyage de précision (apparition de nouveaux auxiliaires de nettoyage). Si le principe avait été découvert bien avant, le procédé RESS (Rapid Expansion of Supercritical Solutions) de génération de particules a vraiment pris forme avec des pionniers tels que Krukonis [1] et les chercheurs de Battelle Institute [2] dans ces mêmes années. Ceci a marqué le début des recherches dans ce domaine qui s’est récemment étendu avec la génération de particules composites comme les micro-capsules ou les complexes d’association. Les deux moteurs principaux de ces recherches semblent être l’amélioration des fonctionnalités de matériaux déjà existants (en termes de taille, porosité, propriétés de surface, morphologie par exemple) et les préoccupations environnementales grandissantes (avec des législations de plus en plus restrictives) concernant notamment l’utilisation de solvants organiques ou les rejets de CO2. Ces deux moteurs se concrétisent dans l’industrie pharmaceutique, par exemple, par la recherche de produits à la biodisponibilité accrue, comportant un taux résiduel de solvant organique minimal voire nul si aucun solvant n’est utilisé. De nombreuses revues bibliographiques existent, qui traitent des fluides supercritiques et de leurs applications en général [3], de la génération de solides plus particulièrement [4] [5] et de la génération de solides à des fins pharmaceutiques [6]. Afin d’être complémentaire par rapport à ces revues, nous avons choisi ici d’aborder la génération de solides selon l’angle de vue de la force motrice de génération du solide. Nous présenterons donc celle-ci dans un premier temps puis la façon dont elle est générée en milieu supercritique. Ceci nous amènera donc à présenter les trois grands principes de génération par voie supercritique. Enfin, nous donnerons quelques éléments sur un exemple d’application dans le domaine pharmaceutique.

2. LA GENERATION DE SOLIDES DIVISES PAR VOIE SUPERCRITIQUE : LES FORCES MOTRICES DE CETTE GENERATION 2.1. Les forces motrices de la cristallisation, la sursaturation et le sousrefroidissement En cristallisation en solution, le solide est généré par nucléation. D’un point de vue thermodynamique, la nucléation est le processus débutant une transition du premier ordre, une transition qui se fait à partir d’un état métastable. Cette formation de nuclei ne peut se produire que dans un domaine où la concentration en soluté est au-dessus de la valeur d’équilibre correspondant à la saturation. Ce domaine est la zone sursaturée. Selon une théorie de la nucléation primaire homogène, la formation

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des nucléi peut être assimilée à un processus d’activation combinant la formation d’agrégats moléculaires -exothermique- et l’apparition d’une interface liquide/solide endothermique-. Après cette nucléation vient l’étape de croissance. Dans les deux étapes, il y a transfert de matière du soluté de la phase liquide vers la phase solide, transfert dont la force motrice est la différence entre le potentiel chimique du soluté dissous (msoluté) et le potentiel chimique du soluté en phase solide, égal à celui du soluté dissous à saturation (msoluté, eq). Cette force motrice est généralement exprimée par la sursaturation S. D’un point de vue pratique, plusieurs expressions sont généralement données en fonction de la transition considérée [7]. Pour une transition liquide-solide, S est généralement donnée par la relation 1-1. k représente la constante de Boltzmann (J.K-1) et T la température du milieu (K), asoluté est l’activité du soluté. Ceci est applicable lorsque le soluté n’est pas dissocié en ions. Ê a ˆ relation 1- 1 msolute - msoluté,eq = kT ln S = kT lnÁÁ soluté ˜˜ Ë asoluté,eq ¯ Pour une transition gaz-solide, S est exprimée par la relation 1-2 ˆ Ê f soluté ˜ Á msolute - msoluté ,eq = kT ln S = kT lnÁ ˜ Ë f soluté,eq ¯

relation 1- 2

fsoluté représente la fugacité du soluté et est fonction de la pression du système P, de la fraction molaire ysoluté et d’un coefficient de fugacité f qui exprime sa déviation à l’idéalité (relation 1-3).

f soluté = y soluté.f.P

relation 1- 3

Généralement -à pressions de travail modérées-, on suppose que le liquide se comporte comme une solution idéale, que le rapport des coefficients d’activité ou des coefficients de fugacité est proche de un, que le gaz est parfait et que le liquide et le solide sont incompressibles. Les sursaturations se réduisent alors au rapport des fractions molaires et des pressions partielles. Dans le cas d’une transition milieu fondu-solide obtenue par refroidissement -pas d’effet de pression considéré ici-, une expression simple est donnée par la relation 14 [7], exprimée en termes de variation du potentiel chimique. s est l’entropie molaire, Cp la capacité calorifique, l’indice (eq) correspond à l’état d’équilibre milieu fondusolide et Teq est donc égale à Tfusion. Teq

Dm =

Ú Ds(T ¢)dT ¢ ª (s T

fondu

- ssolide

) (T eq

eq

)

-T -

(C

p, fondu

- C p,solide

2Teq

)

eq

(

. Teq - T

)

2

relation 1- 4

Cette théorie de la nucléation et la notion de sursaturation ne sont pas remises en cause par le passage en conditions supercritiques. Par contre, les simplifications deviennent discutables. Nous reviendrons sur ce point après avoir présenté les méthodes d’obtention de la sursaturation.

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2.2 Méthodes de création de la sursaturation ou du sous-refroidissement En cristallisation en solution, on pourra créer une sursaturation par refroidissement de l’ensemble solvant/soluté dissous, par évaporation du solvant, par relargage ou ajout d’un antisolvant, par modification de la force ionique de la solution. Une donnée nécessaire est l’évolution de la solubilité du soluté dans un solvant fixé, en fonction de la température ou de la force ionique par exemple. De nombreux ouvrages présentent ces méthodes de création d’une sursaturation, par exemple [8]. En cristallisation par voie supercritique, trois grandes méthodes existent. 2.2.1. Procédé RESS Le procédé RESS ou « Rapid Expansion of Supercritical Solutions » utilise le pouvoir solvant d’un fluide mis dans des conditions au voisinage supérieur des coordonnées critiques. Ce fluide peut ainsi atteindre des masses volumiques importantes (Tableau 1) lesquelles favorisent le phénomène de solvatation en diminuant les distances intermoléculaires. Tableau 1. Masses volumiques des fluides classiques et supercritiques (Sauceau,2001)

gaz

Masse volumique, kg.m-3

0, 6 à 2

Fluide supercritique, à Tc et Pc 200 à 500

Fluide supercritique, à Tc et 4 Pc 400 à 900

Liquide

600 à 1600

Le solide à traiter est dissous dans un flux de fluide mis au préalable en conditions supercritiques. C’est l’étape d’extraction. La concentration en soluté dans le flux sortant de cette étape est, si possible, proche de la saturation. Ce flux est ensuite détendu et subit une chute de pression très importante. Cette détente est généralement considérée comme isenthalpe et ne doit à aucun moment passer dans la zone diphasique liquide-vapeur où l’on risquerait d’avoir des problèmes de redissolution du composé voulu (Fig. 1).

Figure.1. Détente pour le procédé RESS dans le diagramme enthalpie-pression pour le CO2 pur [5]

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Cette chute de pression entraîne une chute de la densité du fluide et donc de son pouvoir solvant. On crée ainsi sur un temps très court –qui peut être inférieur à 10-5s, [9]- de fortes sursaturations conduisant à la formation de particules très fines. De plus, la détente a un effet mécanique, de par la perturbation générée se déplaçant à la vitesse du son, et l’homogénéisation des conditions est très rapide. La mise en œuvre RESS est illustrée sur la figure 2.

Figure 2. Schéma de principe du procédé RESS.

Le pouvoir solvant du fluide est ainsi ajustable par la température mais aussi par la pression qui constitue un degré de liberté de plus par rapport aux techniques de cristallisation classiques. La donnée importante ici est donc la solubilité d’un composé en fonction de la température et de la pression du fluide supercritique (FSC). Cette solubilité est généralement favorisée par l’augmentation de la pression. Son évolution en fonction de la température est plus complexe car il y compétition de deux effets antagonistes. L’augmentation de température va, d’une part diminuer la masse volumique du FSC et ainsi diminuer son pouvoir solvant et d’autre part accroître la tension de vapeur du composé dissous et augmenter ainsi sa solubilité. Ces deux effets sont successivement prépondérants. Pour chaque couple soluté/FSC, on peut donc définir deux pressions de croisement, Pcroisement< Pcroisement2 pour lesquelles les tendances s’inversent, soit : si Pco2 < Pcroisement1 : la solubilité d’un composé augmente avec la température et l’effet de pression de vapeur est prépondérant ; si Pcroisement2 >P co2 > Pcroisement : la solubilité d’un composé diminue quand la température. augmente et l’effet de masse volumique prédomine ; si Pco2 > Pcroisement2 : la solubilité d’un composé augmente avec la température et l’effet de pression de vapeur est prépondérant ; M. Sauceau dans sa thèse [10] présente les modèles disponibles permettant d’évaluer la solubilité d’un composé dans un FSC : des modèles théoriques où le FSC est considéré comme un gaz dense ou comme un liquide expansé, des modèles semi empiriques basés sur la masse volumique – modèle de Chrastil par exemple.

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Pour évaluer la sursaturation en jeu dans ce procédé, on ne peut pas ici faire à priori d’approximation. Basons-nous sur la relation 1- 2. Certains évaluent la fugacité à partir d’une équation d’état. La littérature concernant les FSC utilise la plupart du temps l’équation d’état de Peng-Robinson (PR), comme l’a fait Liang, [11] pour évaluer la sursaturation dans le cas du système naphtalène/CO2. Debenedetti [12] utilise les relations 1-5 et 1-6 pour déterminer la sursaturation et le coefficient de fugacité. Cette expression du coefficient de fugacité est valable pour des solutions diluées, F∞ est le coefficient à dilution infinie, K est un paramètre dépendant de T et de P, déterminé à partir de l’équation d’état de PR [13] Ê y ˆ soluté .exp -K.ysoluté ˜ msolute - msoluté,eq = kT ln S = kT lnÁ Áy ˜ .exp -K.y soluté,eq soluté,eq Ë ¯

relation 1- 5

Fsoluté =F• soluté .exp -K.ysoluté

relation 1- 6

( (

(

)

)

)

La prise en compte du caractère non idéal fait apparaître ici une limite thermodynamique à la valeur de sursaturation, soit une sursaturation limite, (K.ysoluté,eq)-1 au-dessus de laquelle, le système est instable et le mélange homogène soluté/FSC ne peut exister en tant que tel. Dans [12], K est calculé dans le cas du binaire CO2/phénanthrène : K – et donc le caractère non idéal- est d’autant plus important que l’on est au voisinage du point critique du solvant. D’autre part, le caractère non idéal est important surtout dans les premiers instants de la détente, lorsque la sursaturation est encore faible, soit à l’intérieur de la buse ou du capillaire de détente. Or, les fortes sursaturations sont générées tout juste à la sortie de l’organe de détente. L’effet de la non-idéalité du mélange soluté/FSC sur les vitesses de nucléation est donc limité. Türk [14] aboutit aux mêmes conclusions quant à l’importance de la non-idéalité. Afin de donner une idée des ordres de grandeur obtenus, les valeurs de sursaturations atteintes lors de la détente d’un mélange CO2/cholestérol de 200 bars à 1 bar varient entre 1 et 108. Il conclut également que, vu l’importance et la rapidité de l’apparition du solide, la nucléation primaire homogène ne peut pas être découplée du phénomène d’agrégation qui devrait être étudié simultanément. Enfin, pour pouvoir aller plus loin sur les vitesses de nucléation, des données comme les tensions interfaciales solide/FSC font encore défaut. 2.2.2. Procédé SAS Le procédé SAS ou « Supercritical Anti Solvent » s’adresse aux solutés très peu solubles dans les fluides supercritiques. Le soluté est ainsi dissous dans un solvant organique. La solution obtenue est ensuite mise en contact avec le fluide supercritique qui joue le rôle d’antisolvant. La sursaturation est ici créée par un double transfert de matière : le solvant du soluté transfère vers le FSC avec lequel il est au moins partiellement miscible et le FSC transfère dans le solvant. Une mise en œuvre est schématisée sur la figure 3. Le processus anti-solvant est appréhendé différemment selon que l’on se trouve en dessous ou au-dessus des conditions supercritiques du mélange soluté/solvant/FSC. Si l’on est en dessous du point critique du mélange, on a coexistence de deux états distincts visualisés comme une dispersion de gouttelettes de solvant liquide dans le

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fluide supercritique. Les transferts de masse se font alors au travers d’une interface. Werling et Debenedetti [15] ont ainsi modélisé les transferts ayant lieu dans le système constitué d’une goutte stagnante de solvant plongée dans un FSC : l’exemple traité est celui du toluène dans du CO2 supercritique. Les transferts considérés sont les flux diffusifs sous l’effet d’un gradient de l’activité du CO2 dans la goutte de solvant et du solvant dans le CO2 SC. Le résultat important de ce travail est la connaissance de l’évolution du rayon de la goutte au cours du temps et sa durée de vie en fonction des conditions opératoires. Lora, Bertucco et Kikic ont quant à eux modélisé un flux de gouttelettes liquides générées par une buse dans une phase continue constituée du FSC [16].

Figure 3. Schéma de principe du procédé SAS semi-continu.

Ils ont considéré des flux de transfert de matière convectifs de part et d’autre de l’interface et un flux diffusif au sein de la goutte. Ils en déduisent l’évolution des flux et des compositions en fonction de la distance à la buse. Ils considèrent ensuite un solide dissous dans le solvant liquide, ce soluté ne modifiant en rien l’hydrodynamique et les transferts du système binaire solvant/antisolvant. La cristallisation est supposée se produire lorsque la saturation en soluté est atteinte dans la gouttelette. On s’affranchit ici de l’expression de la sursaturation. Ils donnent ainsi deux exemples de ternaires soluté/solvant/antisolvant : phénanthrène/toluène/CO2 et naphtalène/toluène/CO2. Ils montrent ainsi que les comportements –notamment l’influence des conditions opératoires- diffèrent sensiblement d’un soluté à l’autre : l’effet antisolvant du CO2 suffit à faire cristalliser

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le phénanthrène quelles que soient les conditions alors qu’une forte évaporation du solvant dans le CO2 est aussi nécessaire pour cristalliser le naphtalène. Dans le cas où on est au-dessus du point critique du mélange, l’interface physique n’existe plus, le solvant et le FSC sont complètement miscibles. Werling et Debenedetti [17] parlent alors de zones riches en solvant et de zones riches en antisolvant. La durée de vie et le comportement des zones riches en solvant sont régis par les différences de densité et de diffusivités entre les deux constituants du binaire solvant/antisolvant – ils ont repris ici l’étude sur le binaire toluène/CO2. Bristow et al. considèrent que, dans ces conditions de miscibilité, les transferts sont gouvernés par le mélange turbulent incluant des effets de micromélange [18]. L’hydrodynamique du mélange devient ici extrêmement importante. Ils ont étudié le système acétaminophène/éthanol/CO2 en co-injection et ont exprimé la sursaturation maximale pouvant être atteinte via la relation 1-2 en considérant que le mélange des trois constituants est complet à l’échelle moléculaire. D’autre part, ils ont négligé la variation du coefficient de fugacité du soluté avec sa fraction molaire – celle-ci restant très faible, inférieure à 10-4 – et ont pris le rapport de ces coefficients égal à 1. La sursaturation se réduit donc au rapport des fractions molaires. Afin de donner un ordre de grandeur, les valeurs de Smaximale obtenues en fonction du rapport des flux molaires de solution et de CO2 (variant de 1 à 8), à 313K et sous 250 bar et à 353K et sous 80 bar (fraction molaire d’acétaminophène dans la solution : 3.84.10-3) varient respectivement entre 1 et 3 et entre 5 et 7. Ils ont, d’autre part, calculé la vitesse de nucléation en ne considérant que la nucléation primaire homogène, la densité de nucléi formés, n. En confrontant leurs résultats expérimentaux et la théorie, ils concluent que la linéarité de ln(n) en fonction de S-2 étant vérifiée, la théorie classique de la nucléation primaire est vérifiée. Enfin, notons que des publications telles que celle-ci, où la sursaturation est estimée et le processus de nucléation considéré, restent rares pour le procédé SAS. Ainsi, il semble d’après la littérature que la compréhension et la maîtrise du procédé SAS n’atteint pas encore celles du procédé RESS. Le premier paramètre crucial influant sur la sursaturation est le mode de mise en contact qui détermine la qualité du mélange solvant-antisolvant ou de la dispersion entre zones riches en solvant et zones riches en antisolvant. A l’heure actuelle, la mise en contact la plus concluante en termes de particules obtenues (en termes d’homogénéité du diamètre et du resserrement de la distribution granulométrique) semble être celle dénommée SEDS -« Solution Enhanced Dispersion by Supercritical fluids »- et constituée de tubes co-axiaux avec prémélange avant la sortie du jet [19]. Une fois le mélange réalisé, le second paramètre important est la durée de vie des zones riches en solvant dispersées dans l’antisolvant. Cette durée de vie est conditionnée par les propriétés de transfert de l’un dans l’autre, ellesmêmes fonction des conditions hydrodynamiques. Une tentative récente et assez complète de modélisation du procédé SAS est celle de Martin et Cocero [20]. Ils modélisent ici un jet coaxial de solution de b-carotène dissous dans du dichlorométhane et d’un antisolvant, le CO2. Les équilibres de phases et les densités de fluide (pour les phases liquides, gaz) sont obtenus à partir de l’équation d’état de Peng-Robinson modifiée par Styjek et Vera, PRSV. Pour la phase solide, sa fugacité a été considérée égale à celle d’un liquide sous-refroidi. L’hydrodynamique est décrite en supposant un mouvement convectif majoritaire selon la direction axiale, le mouvement radial est négligé. Les effets thermiques sont négligés. Le solide est pris en compte via la théorie de nucléation primaire

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homogène déjà utilisée par Debenedetti [12]. Afin d’accéder à la distribution de taille des particules obtenues, le bilan de population est écrit sur les particules solides, prenant en compte la nucléation, la croissance et la coagulation ou agrégation. Une distribution de taille log-normale est supposée à priori. Les expériences de validation sur une solution d’acide ascorbique dans l’éthanol montrent que les tendances qualitatives de l’évolution de la taille des particules avec les paramètres opératoires est correcte. Les paramètres qui s’avèrent avoir les effets les plus importants sont ceux qui affectent les équilibres de phases, soit la pression et la température. Ils insistent également sur l’importance du mode d’introduction de la solution et de l’antisolvant. En effet, l’injection coaxiale permet d’atteindre de fortes sursaturations en périphérie et de plus faibles sur le centre du jet. La formation de solide se fait alors surtout sur la périphérie du jet. Le mécanisme de croissance est prédominant devant celui d’agglomération. Une injection via des buses séparées produira des sursaturations plus faibles mais plus homogènes selon le rayon du jet. Enfin, le modèle échoue à prédire la distribution de tailles et le diamètre moyen des particules. Cet échec est attribué au manque de données fiables sur les valeurs de tensions interfaciales. 2.2.3. Procédé PGSS“ PGSS est l’acronyme de « Particle Generation from Gas Saturated Solutions ». Ce procédé a été breveté par l’équipe de Knez [21]. La propriété utilisée ici est l’aptitude d’un gaz sous pression à se solubiliser dans un liquide ou milieu fondu. Cette dissolution s’accompagne généralement d’une modification des propriétés physiques du milieu considéré –viscosité, densité, température de fusion par exemple. Par exemple, ce procédé s’applique aux polymères ou aux corps gras et la dissolution de CO2-SC implique ici un abaissement de la température de fusion ou/et de la température de transition vitreuse. La mise en oeuvre est relativement simple : on dissout du CO2 supercritique dans un milieu fondu ; cette solution saturée en CO2 est ensuite détendue. Le solide se forme durant cette détente, par refroidissement. Une mise en œuvre est schématisée sur la figure 4.

Figure 4. Schéma de principe du procédé PGSS

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En supposant que la solidification se fait lorsque la détente a amené le mélange dans des pressions modérées, la force motrice de solidification peut être supposée similaire à celle développée dans le cas d’un milieu fondu classique, par exemple selon la relation 1-4 Dans la littérature, on trouve de nombreux exemples de matériaux traités par ce procédé mais encore peu d’investigations théoriques. On notera cependant trois approches intéressantes. La première est une approche thermodynamique réalisée par Elvassore et ses collègues [22]. Ils ont effectué les bilans de matière et enthalpique sur le procédé PGSS. Leur principal résultat est l’établissement de diagrammes opératoires permettant de prévoir l’état du produit final en fonction des conditions de température et de pression imposées au milieu fondu initial. Pour réaliser ceci, ils ont décrit la détente comme adiabatique et isenthalpe. Ils ont ainsi exprimé les différentes enthalpies du système initial, soit du mélange composé fondu/CO2 dissous et supercritique, et du système final, soit du CO2 gazeux d’une part et du composé solide et/ou liquide d’autre part. L’outil qui leur a aussi servi à déterminer les fugacités est l’équation d’état des sphères rigides, PHSC (« Perturbated Hard Sphere Chain »). Les paramètres d’interactions ont été ajustés par des mesures expérimentales de solubilité. Les points de fusion ont été déterminés expérimentalement, par observation visuelle dans des cellules haute pression, les enthalpies de « formation » du solide ont été évaluées par DSC, l’enthalpie de fusion dans les conditions du procédé (à haute pression) a été évaluée par une méthode de contribution de groupes [23]. Par ailleurs, ils remarquent que ces deux enthalpies, de formation et de fusion, sont différentes (d’un facteur 1,5 pour le système CO2 /tristéarine) ce qui pourrait être le signe d’une structure des particules obtenues par PGSS“ différente de la structure initiale ? Un exemple de diagramme « opératoire » du type de ceux cités ici a été établi dans notre laboratoire sur un corps gras commercial, le Précirol“ (Gattefossé, France), basé sur un bilan enthalpique similaire mais où l’équation d’état utilisée est celle de Peng-Robinson [24]. Cet exemple est présenté sur la figure 5 : deux conditions différentes sont envisagées en amont de la détente. Les conditions en aval de la détente effectuée jusqu’à la pression atmosphérique (TF et l’état du corps gras) sont fonction notamment de la fraction de CO2 dans le mélange amont (phase lourde et phase légère comprises dans le mélange). Une seconde approche est celle de l’équipe de Jansens où ils considèrent le PGSS“ comme un procédé d’atomisation. Dans un premier temps, ils ont présenté des résultats expérimentaux obtenus sur le système CO2/huile de pépin de raisins [25].

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Figure 5. « Droites opératoires » obtenues pour le procédé PGSS appliqué au Précirol pour deux conditions initiales différentes [24].

Ils concluent sur deux paramètres principaux, la température du milieu fondu et la concentration en CO2 qui influent sur la forme des particules finales (sphères, fibres ou éponges). Ils proposent le processus suivant de formation des particules. Le mélange composé fondu/CO2, par détente au travers d’une buse, se désintègre en gouttelettes sous l’effet du cisaillement. Ces gouttelettes se refroidissent alors sous l’effet de deux transferts thermiques : par convection avec le gaz environnant, et par « évaporation » du CO2 contenu dans les gouttelettes de milieu fondu. La solidification commence alors en surface des gouttes. Une croûte plus ou moins étanche suivant le niveau de température va se former en surface. Ceci va conditionner les différentes formes observées. Ce transfert thermique a été modélisé dans un deuxième temps [26]. Ce modèle permet de prévoir la température de la goutte et du milieu environnant au cours du temps. Enfin, la dernière approche est la modélisation du procédé PGSS réalisée par Li et al. [27]. selon une procédure similaire à celle déjà utilisée pour le procédé RESS. Ils ont ainsi modélisé la détente d’un mélange CO2 supercritique/CO2 dissous/huile de palme hydrogénée se produisant le long d’une buse capillaire. Pour cela, ils ont écrit les équations de conservation (moment, masse et énergie) selon un modèle unidimensionnel ; ils ont également intégré le bilan de population des particules obtenues, en supposant que la nucléation est homogène. Ils déterminent ainsi l’effet de différents paramètres sur la taille moyenne des particules, en notant que la distribution de tailles obtenue reste étroite dans tous les cas. En particulier, lorsque le corps gras détendu est entièrement solide, la taille des particules obtenues est d’autant plus fine que la température de pré-expansion est basse, que la pression est

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élevée (il y a existence d’un optimum), que le diamètre de buse est petit, que le rapport CO2/corps gras est élevé. Cependant, les tailles obtenues par le modèle sont toujours plus faibles que celles observées expérimentalement. Ceci s’explique selon eux par la non-prise en compte de l’agglomération se produisant en aval de la buse. Nous n’avons présenté ici que les trois grands principes de génération du solide incluant des processus physiques. Le FSC, souvent du CO2, y joue le rôle de solvant, d’antisolvant ou de soluté. Le critère de choix principal est basé sur l’ordre de grandeur de la solubilité du soluté dans le FSC et de celle du FSC dans le soluté. Lorsqu’il y a nécessité d’un solvant organique, son choix est basé sur son pouvoir solvant vis-à-vis du soluté et son niveau de miscibilité avec le FSC.

3. UN EXEMPLE D’APPLICATION : LA GENERATION DE SOLIDES DIVISES PAR FLUIDES SUPERCRITIQUES ET LE CONTEXTE PHARMACEUTIQUE. [3,5,28] L’industrie pharmaceutique doit aujourd’hui faire face à des exigences de qualité de plus en plus fortes de la part des autorités, notamment la FDA, et des consommateurs. Le défi auquel elle est confrontée est d’innover en permanence afin de traiter de manière très pointue des pathologies anciennes et plus récentes, tout en étant de plus en plus soucieuse des questions environnementales. Trois buts principaux guident la recherche de nouveaux procédés de formation de particules. Tout d’abord, la biodisponibilité d’un principe actif passe par le transport et le transfert de celui-ci au travers de la paroi intestinale et par sa dissolution dans les fluides biologiques. Or, les molécules actives issues de la recherche sont de plus en plus insolubles en milieux aqueux. On va donc chercher à augmenter leur biodisponibilité. Une deuxième voie est de chercher à contrôler dans le temps la libération de la molécule active. La troisième voie est la recherche de formulations dont l’absorption serait moins invasive que celle obtenue par voie orale (voie transdermique par exemple) ou permettant d’améliorer la sélection d’un site d’absorption d’un médicament. Actuellement, on connaît diverses formulations pouvant potentiellement satisfaire les objectifs précédents, formulations comme les complexes d’inclusions, les nano- ou microcapsules, les liposomes. Cependant, les procédés traditionnels de synthèse sont parfois limitants. Les principales faiblesses de ces derniers sont : une forte consommation énergétique (cas du broyage ou du spray-drying), une séparation et un retraitement de grandes quantités de solvant (dans la cristallisation en solution), un manque de maîtrise de la morphologie du produit obtenu (dû à des échauffements de surface dans le broyage par exemple). Lors d’une génération en RESS ou en SAS, de fortes sursaturations peuvent être créées et autorisent l’obtention de poudres à haute surface spécifique et donc à vitesse de dissolution accrue. Les fluides supercritiques offrent également tout un éventail de mises en œuvre, dont la technique PGSS par exemple, permettant de réaliser une encapsulation assurant une protection du principe actif ou destinée à une libération contrôlée par exemple. La technologie supercritique attire ainsi de par son fort potentiel concernant la production de particules à morphologies et propriétés contrôlées. De plus un atout de cette technologie est de supprimer ou

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de minimiser l’usage de solvants organiques, ce qui permet de satisfaire à la fois le critère-qualité du produit et la législation toujours plus exigeante de protection de l’environnement. L’industrie pharmaceutique s’est montrée une des premières intéressées par ces technologies. On peut considérer qu’elle les a vraiment reconnues dans les années 90 : elles ont ainsi été le thème principal du « First Annual Meeting of Pharmaceutical Scientists » à San Fransisco en 1998 [29]. Aujourd’hui, il semble que cet intérêt dépasse le cadre du laboratoire et que la fabrication de lots cliniques est possible. De nombreuses molécules ont été testées. Il est relativement clair aujourd’hui que l’utilisation des technologies supercritiques peut permettre d’obtenir des molécules réputées hydrophobes à la vitesse de dissolution accrue, parfois dans des proportions restant encore insuffisantes [30]. Elle peut également permettre la formation de produits composites tels que des complexes d’association principe actif/cyclodextrine effectifs en termes d’augmentation de leur vitesse de dissolution [31], [32]. L’intérêt industriel est illustré par exemple par des rapprochements opérés entre industriels de la pharmacie et équipementiers. Ainsi, en 2001, Inhale Therapeutics acquérait Bradford Particle Design. Martin del Valle et Galan [6] recensent 35 compagnies pharmaceutiques ayant ainsi adopté les technologies supercritiques.

4. CONCLUSION Il existe trois principes de génération d’un solide par voie supercritique : dans le cas du procédé RESS, le CO2 supercritique joue le rôle de solvant. Il se charge en soluté dissous dans une étape d’extraction, puis, par une étape de détente au travers d’une buse, le solide recristallise sous forme de particules très fines. Ce procédé, pourtant simple et effectif ne s’est pas étendu à l’échelle industrielle, du fait d’un nombre trop restreint de matériaux solubles dans le CO2 supercritique (son pouvoir solvant reste faible) et de quantités prohibitives de CO2 nécessaires. Krukonis et al. [1] ont, quant à eux, proposé d’utiliser le CO2 comme anti-solvant ; est alors né le procédé antisolvant SAS (Supercritical Anti Solvent) où l’on co-injecte alors le CO2 supercritique et un soluté en solution dans un solvant organique, ceci au travers d’une buse. Le solvant organique étant, au moins partiellement, miscible avec le fluide supercritique, une sursaturation est créée qui engendre la cristallisation du soluté. Ce procédé s’est étendu, de nombreuses variantes sont nées et de nombreux produits ont ainsi été synthétisés [4]. Cependant, il est limité par l’extraction du solvant résiduel contenu dans le solide qui reste une étape délicate, génératrice de pertes en produit et par la séparation du mélange solvant/antisolvant ultérieure à l’étape de génération du solide qui doit être maîtrisée en vue d’un recyclage du CO2. Enfin, le CO2 a été envisagé en tant que soluté dans le procédé PGSS“. Il est ainsi dissous dans un matériau fondu, en général un polymère ou un corps gras. Ce mélange est ensuite détendu et le matériau se solidifie tandis que le CO2 redevient gazeux. Ce procédé présente le double avantage de n’utiliser que peu de fluide supercritique et pas du tout de solvant organique. Si les différents procédés liés à ces trois principes présentent un intérêt réel de par leur fort potentiel innovant, leur développement à l’échelle industrielle reste limité. En effet, la maîtrise des procédés, et donc des produits obtenus, reste insuffisante par manque de connaissances fondamentales sur les phénomènes mis en jeu, tant sous l’angle thermodynamique qu’hydrodynamique ou cinétique. Il n’existe donc pas à l’heure actuelle de règles

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d’extrapolation clairement établies et le passage à l’échelle industrielle ne fait l’objet que de cas isolés. Si l’on considère le secteur pharmaceutique, un autre frein vient s’ajouter : celui de l’indispensable validation du procédé conformément aux Bonnes Pratiques de Fabrication. Mais, dans ce domaine, la technologie supercritique possède des atouts comme la possibilité d’obtenir une poudre sèche via une synthèse confinée dans une seule enceinte close, sous atmosphère inerte, et permettant de détruire les agents pathogènes et endotoxines. De plus, l’évolution des normes environnementales et la prise de conscience de ces enjeux a un impact important sur l’utilisation de ces technologies et peut les rendre compétitives par rapport à des procédés plus classiques. Leur caractère polyvalent fait qu’elles sont complètement intégrées dans la tendance actuelle qui est de concevoir un procédé en fonction de la valeur d’usage recherchée pour le produit, de son impact environnemental et de son efficacité énergétique. Parmi les éléments importants restant à développer, on trouve la prédiction des équilibres de phases. La connaissance des propriétés de transfert thermique et massique des mélanges est tout aussi indispensable. Il faut poursuivre un travail sur la recherche de modèles appropriés décrivant la formation des particules et permettant d’identifier les groupes adimensionnels reflétant les principaux mécanismes mis en jeu. 5. REFERENCES 1.

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Caractérisation d'émulsions eau-dans-huile stabilisées avec des particules hydrophobes : comparaison avec des émulsifiants tensioactifs Audrey DRELICH, Linda SACCA, François GOMEZ, Isabelle PEZRON*, Danièle CLAUSSE Laboratoire Génie des Procédés Industriels – UMR CNRS 6067, UTCompiègne, BP 20529, 60205 Compiègne Cedex, France. (*contact [email protected])

RÉSUMÉ :

La préparation d'émulsions avec des particules solides comme seul agent stabilisant suscite beaucoup d'intérêt auprès des industriels. La présence de particules entraîne des modifications des propriétés des émulsions et permet d’améliorer leur stabilité à long terme. Cependant les mécanismes mis en jeu ne sont pas bien connus. Cet article présente les travaux réalisés avec pour objectif d’étudier les mécanismes de stabilisation et de déstabilisation de ces systèmes. La caractérisation et l’étude de l'évolution des émulsions dans le temps ont été réalisées par microscopie optique et par calorimétrie différentielle à balayage (DSC). La cristallisation des gouttes d’eau dispersées en émulsion étant sensible à la distribution de taille des gouttes et à leur état de dispersion, l’évolution du pic de cristallisation dans le temps permet d’obtenir des informations sur les mécanismes de déstabilisation des émulsions. Par ailleurs, les propriétés des interfaces eau/huile ont été déterminées par la méthode de la goutte pendante. Ces travaux ont révélé des comportements différents pour les émulsions préparées avec des particules solides par rapport aux émulsions classiques stabilisées par un émulsifiant tensioactif.

MOTS-CLÉS :

émulsions, particules solides, stabilité, cristallisation, calorimétrie différentielle à balayage

1. INTRODUCTION L’utilisation de particules solides en remplacement des émulsifiants tensioactifs pour stabiliser les émulsions a suscité beaucoup d’intérêt depuis une dizaine d’années [14]. En effet, la présence de particules a une influence en général positive sur la stabilité à long terme des émulsions [1]. Cependant les mécanismes de stabilisation et de déstabilisation de ces systèmes sont encore mal connus. Les émulsions sont des systèmes thermodynamiquement instables, voués à évoluer irréversiblement vers la séparation macroscopique des deux phases qui les composent. Pour la plupart des applications industrielles, l’objectif des formulateurs est de pouvoir contrôler l’évolution des émulsions et d’éviter leur déstabilisation dans le temps et/ou face à des modifications des conditions environnementales (humidité relative, température etc...). Lors du vieillissement des émulsions, la distribution des gouttes d’eau dispersées dans la phase huileuse peut être modifiée de façon réversible ou irréversible. Parmi les mécanismes de déstabilisation réversibles, la

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sédimentation des gouttes d’eau et le déphasage partiel de la phase huileuse peuvent survenir sans modifier la distribution de taille des gouttes. Une simple agitation suffit pour rétablir l’apparence initiale du système. De même, la floculation des gouttes d’eau peut s’observer lorsque les gouttes en mouvement continuel se rapprochent les unes des autres. L’absence de forces répulsives dans la phase huileuse peut favoriser l’association des gouttes sous forme de flocs dans les émulsions eau dans huile. Cependant, la floculation peut conduire à la coalescence des gouttes après rupture du film interfacial. Dans ce cas, la distribution de taille des gouttes sera modifiée et s’orientera progressivement vers la formation de gouttes de taille plus élevée. De même, le mûrissement d’Ostwald s’observe lorsque la distribution de taille de l’émulsion est polydisperse. Les plus petites gouttes disparaissent alors au profit des plus grosses. Ces mécanismes de déstabilisation des émulsions peuvent intervenir simultanément, ce qui rend la compréhension et la modélisation de ces phénomènes difficiles [5]. Une façon d’étudier les mécanismes de déstabilisation des émulsions est de suivre l’évolution de la distribution de taille des gouttes d’eau en fonction du temps. Différentes techniques peuvent être utilisées. Les techniques optiques sont les plus communes mais sont peu adaptées dans le cas d’émulsions opaques et concentrées. La calorimétrie différentielle à balayage (DSC) est une méthode particulièrement adaptée pour étudier la distribution de taille de gouttes d'émulsions sans diluer le système [5,6]. Cette technique permet de détecter des transitions de phase (cristallisation et fusion) des gouttes d’eau dispersées. La cristallisation étant régie par le phénomène de nucléation, celle-ci intervient à des températures inférieures au point de fusion et dépend du volume de la goutte. De précédents travaux ont montré qu’il est possible d’établir une corrélation entre la température de cristallisation des gouttes et leur taille [7]. L’analyse de l'évolution du pic de cristallisation dans le temps permet donc d’obtenir des informations sur les mécanismes de déstabilisation des émulsions. Le travail présenté ici a pour objectif d’étudier les mécanismes de stabilisation et de déstabilisation d’émulsions eau-dans-huile préparées uniquement avec des particules de silice hydrophobe. Ces systèmes sont comparés à des émulsions analogues préparées avec le tensioactif monooléate de sorbitane.

2. MATERIELS ET METHODES 2.1. Préparation des émulsions Les particules de silice hydrophobe utilisées (Aérosil R711®) ont été fournies par la société Degussa. Ces particules de silice se présentent sous la forme d’un réseau ramifié d’agrégats de particules élémentaires sphériques de 12 nm de diamètre. Leur caractère hydrophobe résulte de la substitution des groupes silanol par le méthacrylsilane. La phase huileuse est composée d’huile de paraffine (Roth) contenant les particules dispersées à l’ultra-turrax pendant 5min à 24000 tours/min. Les quantités de particules utilisées sont exprimées en pourcentage massique par rapport à la phase huileuse. La phase aqueuse est constituée d’eau déminéralisée dont la fraction volumique est égale à 30%. Les émulsions eau-dans-huile sont obtenues par mélange des deux phases à l’ultra-turrax pendant 5min à 24000 tours/min. Le même mode de préparation est utilisé pour préparer les émulsions avec le monooléate de sorbitane (Span80, Fluka).

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2.2. Méthodes Les gouttelettes d'émulsion sont observées par microscopie optique (Nikon). Pour cela une goutte d’émulsion est déposée sur une plaque en verre puis recouverte d’une fine lamelle. La tension interfaciale des systèmes phase aqueuse/phase huileuse a été déterminée par un système d'analyse d'image Krüss DSA 10, par analyse du profil de déformation des gouttes (goutte pendante "inversée"). Les mesures sont réalisées à température ambiante (20°C). La sédimentation des gouttelettes d’eau dans le temps est évaluée par la méthode du "bottle test". Les émulsions sont conditionnées dans des éprouvettes graduées à température ambiante. On observe au cours du temps une séparation de phases de l'émulsion avec l'apparition d'une phase huileuse en haut de l'éprouvette, surmontant la phase émulsionnée. Le volume des deux phases est mesuré en fonction du temps. La déstabilisation des émulsions au cours du temps est étudiée par calorimétrie différentielle à balayage (calorimètre DSC 111 Setaram). Des échantillons de 100mg d’émulsions sont placés dans des cellules. Ces échantillons sont stabilisés à 20°C pendant 300 s puis sont refroidis de 20°C à -60°C à 2°C/min. Après un second palier de stabilisation à -60°C pendant 300 s, ils sont réchauffés de -60°C à 20°C à 2°C/min. Pour les études de stabilité, les échantillons sont directement placés dans les cellules après émulsification puis analysés à intervalles de temps successifs.

3. RESULTATS ET DISCUSSION 3.1.

Propriétés interfaciales

La tension interfaciale est mesurée en fonction de la concentration en tensioactif ou de la quantité de particules dans la phase huileuse (figure 1). Ces résultats mettent en évidence le comportement très différent des systèmes contenant des particules par rapport aux systèmes classiques. Pour les systèmes contenant le tensioactif, des résultats obtenus précédemment [8], donnant la variation de tension interfaciale sur tout le domaine de concentration ont été rajoutés au graphe. La tension interfaciale diminue progressivement en fonction de la concentration en tensioactif, jusqu’à la valeur de 3 mN/m pour une fraction massique en tensioactif de 0,025%. Au-dessus de cette concentration, la tension interfaciale reste constante. Ceci suggère que la concentration micellaire critique pour la formation de micelles inverses est atteinte [8]. Pour les systèmes contenant les particules, aucune diminution de la tension interfaciale n’est observée. Celle-ci reste quasi constante et élevée pour toute valeur de fraction massique en particules solides. Les résultats sont très proches de la valeur de 50 mN/m de la tension interfaciale du système eau/huile de paraffine pure. Les images de la déformation maximale des gouttes de phases huileuses juste avant rupture illustrent ce phénomène pour une fraction massique de stabilisant égale à 1,8% dans les deux cas (Fig. 1). Cette tension interfaciale élevée implique la nécessité d’une énergie élevée pour fragmenter la phase aqueuse en petites gouttelettes lors de l’émulsification, contrairement aux systèmes stabilisés par un tensioactif.

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tension interfaciale (mN/m)

60 particules

50 émulsifiant 40

a)

30 20 10 0 0,0001

0,001

0,01

0,1

1

10

b)

% d'émulsifiant ou de particules Figure 1. Mesure de la tension interfaciale des systèmes phase aqueuse / phase huileuse en fonction de du % massique en tensioactif ou particules (u : particules de silice hydrophobisée; o : monooléate de sorbitane ; x : résultats de la référence [8]). Images de la déformation maximale des gouttes de phase huileuse avant rupture. a) goutte de phase huileuse contenant 1,8% en masse de particules b) goutte de phase huileuse contenant 1,8% en masse de monooléate de sorbitane

3.2.

Caractéristiques des émulsions

Les émulsions sont caractérisées à partir des thermogrammes obtenus par calorimétrie différentielle à balayage (Fig. 2) ainsi que par les images de microscopie optique. Les émulsions préparées avec le monooléate de sorbitane présentent un pic de cristallisation assez large et centré autour de -39°C, caractéristique de la solidification de très petites gouttes de l’ordre du micromètre [7]. Ce résultat est en accord avec l’observation de ces émulsions par microscopie optique, indiquant la présence exclusivement de très petites gouttelettes (la barre d’échelle est de 100 mm). Les émulsions contenant les particules sont caractérisées par un pic de cristallisation assez large observé à environ -37°C ainsi que plusieurs petits pics observés pour des températures plus élevées. Ces derniers sont plus nombreux et plus importants lorsque la concentration en particules diminue. Ces résultats sont confirmés par microscopie optique, qui révèle la présence majoritaire de petites gouttelettes de l’ordre du micromètre mais aussi de quelques plus grosses gouttes. Une des raisons pouvant expliquer la présence de ces plus grosses gouttes est la valeur très élevée de la tension interfaciale. Par conséquent l’énergie appliquée lors de l’émulsification n’est pas suffisante pour fragmenter la totalité de la phase aqueuse sous forme de petites gouttelettes, contrairement aux émulsions stabilisées par le tensioactif. La proportion de grosses gouttes augmente également quand la quantité de particules diminue. Dans les deux cas étudiés, la transition vitreuse de la paraffine est observée vers -12°C.

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0

-20

1,8% monooléate de sorbitane

Heat Flow (mW)

-40

-60

1,8% particules

-80

0,4% particules -100

-120

-60

-50

-40

-30

-20

-10

0

10

Température (°C)

a) a)

b)

c)

b)

c)

Figure 2. Thermogrammes typiques indiquant la position du pic de cristallisation des gouttelettes d’eau pour chaque type d’émulsion 30%vol. eau / 70%vol. paraffine contenant le tensioactif ou les particules. Images par microscopie optique représentatives de chaque type d’émulsion : a) 1,8% en masse de monooléate de sorbitane, b) 1,8% en masse de particules, c) 0,4% en masse de particules

3.3.

Stabilités des émulsions

La stabilité des émulsions est dans un premier temps mesurée à partir de l’observation de la sédimentation des gouttelettes par la méthode du "bottle test". Cette stabilité est ensuite suivie en analysant l’évolution du pic de cristallisation obtenu par la calorimétrie différentielle à balayage. Cette étude est complétée par l’observation de ces émulsions par microscopie optique. Dans tous les cas étudiés, aucune séparation de phase aqueuse n’est observée au cours du temps. Dans le cas des émulsions préparées avec le monooléate de sorbitane (Fig. 3), la séparation de la phase huileuse dans le temps est relativement importante et évolue de façon continue pendant plusieurs jours. Le volume de la phase émulsionnée est alors considérablement réduit, ce qui augmente la promiscuité des gouttelettes les unes par rapport aux autres. L’analyse des thermogrammes indique un déplacement du pic de cristallisation de -39°C vers -18°C après seulement 1jour de vieillissement.

111

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Par ailleurs, l’observation par microscopie optique de l’échantillon après l’étape de réchauffement en DSC révèle l’apparition de très grosses gouttes, de diamètre supérieur à 100 μm.

A)

séparation de phases de l'émulsion 30%vol. Eau / 70%vol. Paraffine + 1,8%wt SPAN80

phases (volumique)

100% 80% paraffine 60%

émulsion

40%

eau

20% 0% 0

1

2

3

7

14

21

temps (jours)

10

B)

Heat Flow (mW)

-10

-30

0 jour -50

1 jour

-70

14 jours -90

-60

-50

-40

-30

-20

-10

0

10

Température (°C)

C)

émulsion initiale

émulsion après cycle DSC

Figure 3. Etude de stabilité d’une émulsion de composition 30%vol. eau / 70%vol. paraffine + 1,8%wt monooléate de sorbitane. A) Séparation de phase de l’émulsion (« bottle test »), B) Evolution du thermogramme de cristallisation au cours du temps, C) Images par microscopie optique représentatives de l’évolution de chaque type d’émulsion avant et après changement d’état (cycle de cristallisation et fusion). Barre d’échelle 100 mm.

Dans le cas des émulsions contenant le même pourcentage massique en particules (Fig. 4), la séparation de la phase huileuse dans le temps est très faible et atteint rapidement un plateau. L’étude des thermogrammes ne montre pas de déplacement

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du pic de cristallisation qui reste centré autour de -37°C même après 35 jours de vieillissement. La présence des petits pics à température plus élevée n’apparaît pas systématiquement dans les thermogrammes et ne reflète pas une évolution dans le temps de l’émulsion. Par ailleurs, la microscopie optique ne met en évidence aucune évolution des émulsions ni au cours du temps, ni après les changements d’états. Ces émulsions sont donc très stables. A)

séparation de phases de l'émulsion 30%vol. Eau / 70%vol. Paraffine + 1,8%wt R711

phases (volumique)

100% 80% paraffine 60%

émulsion eau

40% 20% 0% 0

1

2

3

7

14

21

temps (jours)

B)

Heat Flow (mW)

-10

-30

0 jour

-50

1 jour -70

15 jours -90

-60

-50

-40

-30

-20

-10

0

10

Température (°C)

C)

émulsion initiale

émulsion après cycle DSC

Figure 4. Etude de stabilité d’une émulsion de composition 30%vol. eau / 70%vol. paraffine + 1,8% en masse de particules. A) Séparation de phase de l’émulsion (« bottle test »), B) Evolution du thermogramme de cristallisation au cours du temps, C) Images par microscopie optique représentatives de l’évolution de chaque type d’émulsion avant et après changement d’état (cycle de cristallisation et fusion). Barre d’échelle 100 mm.

La figure 5 montre les résultats obtenus quand on diminue la fraction massique en particules jusqu’à 0,4%. Dans ce cas, on observe une séparation d’huile dans l’émulsion, atteignant rapidement une valeur d’environ 30% par rapport au volume total du système. Le volume de l’émulsion est donc réduit, comme c’était le cas pour

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l’émulsion stabilisée avec le monooléate de sorbitane. Par ailleurs, les thermogrammes ne montrent pas d’évolution du pic principal de cristallisation de l’eau. La morphologie de l’émulsion observée par microscopie électronique n’est pas modifiée par les changements d’état subis par l’émulsion. Le comportement observé est très proche de celui de l’émulsion contenant une fraction massique en particules plus élevée. A) séparation de phases de l'émulsion 30%vol. Eau / 70%vol. Paraffine + 0,4%wt R711

phases (volumique)

100% 80% paraffine 60%

émulsion eau

40% 20%

C)

0% 0

1

2

3

7

14

21

temps (jours)

B)

-40

Heat Flow (mW)

-60

-80

0 jour 1 jour

-100

14 jours -120

-60

-50

-40

-30

-20

-10

0

10

Température (°C)

C)

émulsion initiale

émulsion après cycle DSC

Figure 5 : Etude de stabilité d’une émulsion de composition 30% vol. eau / 70% vol. paraffine + 0,4% massique de particules. A) Séparation de phases de l’émulsion (« bottle test »), B) Evolution du thermogramme de cristallisation au cours du temps, C) Images par microscopie optique représentatives de l’évolution de chaque type d’émulsion avant et après changement d’état (cycle de cristallisation et fusion). Barre d’échelle 100 mm.

Afin d'interpréter les différences de comportement observées, en particulier l’apparition de gouttes de taille supérieure à 100μm après l’étape de fusion pour les émulsions stabilisées avec le monooléate de sorbitane, considérons les modes de

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stabilisation des émulsions par les particules et les tensioactifs classiques. Les tensioactifs s'adsorbent à l'interface eau/huile des gouttes et confèrent à l'interface un caractère visco-élastique qui contribue à la stabilité de l'émulsion. Les particules vont également s'attacher à l'interface eau/huile, de façon irréversible [1], mais aussi s'agréger et former un réseau structurant dans la phase huileuse [2]. Ce réseau peut permettre d'empêcher deux gouttes d'eau de se rapprocher autant que dans un système contenant un émulsifiant classique. Les photos de microscopie optique révèlent l’état de floculation de l’émulsion stabilisée par le monooléate de sorbitane. L’hypothèse avancée est qu’au cours du vieillissement de l’émulsion, le film huileux se trouvant entre deux gouttes d’eau floculées s’amincit. Lors de l’étape de cristallisation, il y a une expansion du volume des gouttes d’eau, ce qui pourrait provoquer la rupture du film quand celui-ci a atteint une épaisseur suffisamment faible et créer un contact entre gouttes voisines. Par conséquent, lors de l’étape de fusion, les gouttelettes, entrées en contact les unes avec les autres lors de la cristallisation, coalescent. Dans ce cas, la présence de gouttes de taille supérieure à 100 mm est observée par microscopie après l’expérience de DSC. Dans le cas du système stabilisé par des particules, le film huileux séparant deux gouttes d’eau au contact est renforcé par la présence du réseau d’agrégats de particules, ce qui empêcherait les gouttes d’eau d’entrer en contact. On n’observe alors pas de phénomène de coalescence à la fusion. Des expériences complémentaires sont nécessaires afin de confirmer cette hypothèse et de vérifier si ce phénomène est à l’origine du déplacement du pic de cristallisation observé dans le cas de l’émulsifiant. Les mécanismes de nucléation de la glace en émulsion seront pris en compte dans l’analyse de ces phénomènes.

4. CONCLUSION Des émulsions eau-dans-huile préparées uniquement avec des particules de silice hydrophobe ont été étudiées en comparaison à des émulsions analogues stabilisées par un émulsifiant tensioactif classique, le monooléate de sorbitane. L’étude des propriétés interfaciales ne révèle aucun abaissement de la tension interfaciale pour les systèmes contenant des particules. En conséquence, les émulsions obtenues sont caractérisées par une fraction significative de gouttes de taille largement supérieure au micron, conformément au fait qu’une énergie très importante est nécessaire pour fragmenter la phase aqueuse sous forme de petites gouttelettes. L’étude de la stabilité indique que les émulsions préparées avec les particules sont plus stables et ne présentent aucune modification ni de la dispersion des gouttes, ni de la distribution de taille de gouttes. Cette stabilité pourrait provenir de l’organisation des particules en agrégats structurant la phase huileuse et renforçant ainsi le film interfacial. Les résultats confirment que la calorimétrie différentielle à balayage est une technique intéressante pour caractériser la stabilité des émulsions opaques, complexes et concentrées.

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5. REMERCIEMENTS Remerciements à l’Agence Spatiale Européenne pour son soutien financier au projet FASES (Fundamental and Applied Studies in Emulsion Stability) et à la Région Picardie pour le financement de la bourse de thèse d’A.D. 6. REFERENCES 1.

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2.

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D. Clausse, F. Gomez, I. Pezron, L. Komunjer, C. Dalmazzone, Morphology characterization of emulsions by differential scanning calorimetry, Adv. Colloid Interface Sci., 117, 59 – 74 (2005)

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Intérêt de la DSC pour la formulation de fluides de forage à base d'huile Christine DALMAZZONE, Annie AUDIBERT- HAYET IFP, Direction Chimie et Physico-Chimie Appliquées, 1 & 4, Avenue Bois-Préau, 92852 RueilMalmaison Cedex

RÉSUMÉ :

Pour les opérations de forage de puits, on utilise généralement deux types de fluides (appelés communément "boues") : les boues à l'eau et les boues à l'huile. Les boues à l'eau sont considérées comme moins polluantes et plus économiques, mais les boues à l'huile présentent des propriétés très intéressantes pour les forages difficiles (forage à long déport, forage profond, offshore profond...). Le rôle de ces fluides est essentiel et multiple : maintien des déblais de forage en suspension et leur transport jusqu'à la surface, lubrification et refroidissement de l'outil de forage, contrôle de la pression dans le puits, prévention des venues de fluides... Les boues à l'huile classiques sont à la fois des émulsions et des suspensions. Ce sont essentiellement des émulsions eau dans huile avec une fraction de phase aqueuse dispersée comprise entre 5 et 40% en volume. Ces formulations contiennent des émulsifiants pour stabiliser l'émulsion et des agents mouillants pour maintenir les particules en suspension, des argiles traitées organophiles et/ou des polymères organosolubles pour contrôler la rhéologie du fluide, des additifs réducteurs de filtrat pour limiter la filtration du fluide vers la formation et des solides alourdissants (sulfate de baryum ou carbonate de calcium) pour ajuster la densité du fluide en fonction des conditions de forage. Ces fluides sont donc particulièrement complexes et difficile à caractériser, notamment en ce qui concerne la stabilité des émulsions et la stabilité des suspensions. Pour optimiser la sélection des additifs pour la formulation de fluides de forage à base d'huile performants, nous avons développé une méthodologie fondée sur la DSC (Differential Scanning Calorimetry) afin de caractériser la stabilité thermique des boues à base d'huile. Cette méthodologie a été mise en oeuvre pour sélectionner et développer des nouveaux systèmes émulsifiants dans le cadre de deux applications différentes. La première concerne les boues à l'huiles utilisées à haute température/haute pression (>150°C). La seconde est liée aux problèmes rencontrés lors de forages en offshore profond (>2000 m de colonne d'eau) où la formation d'hydrates de gaz dans les fluides peut provoquer leur déstabilisation. Par extension, cette méthodologie a également été utilisée dans des applications liées au nettoyage de puits forés avec ces boues à l'huile.

MOTS-CLÉS :

Fluides de forage, DSC, stabilité, émulsion, suspension

1. INTRODUCTION Deux types de fluides (appelés communément "boues") sont principalement utilisés pour les opérations de forage de puits pétroliers : les boues à l'eau et les boues à

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l'huile. Ces fluides de forage jouent un rôle fondamental dans les opérations de forage. Leur première fonction est bien sûr d'assurer le transport des déblais en surface ainsi que leur maintien en suspension en cas d'arrêt de forage, mais ils doivent également permettre le refroidissement et la lubrification de l'outil, ainsi que le contrôle de la pression dans le puits et la prévention des venues de fluides, tout en limitant au minimum l'endommagement des formations traversées. Les boues à base d'eau sont composées d'une solution saline en équilibre avec la formation traversée, de polymères hydrosolubles de différentes masses moléculaires selon leur fonction au sein du fluide et de charge minérale (carbonate de calcium, sulfate de baryum permettant d'augmenter la masse volumique du fluide). Les boues à l'huile sont surtout recherchées pour les conditions de forage difficiles, comme les puits à long déport, le forage profond ou le forage en offshore. Ce sont à la fois des émulsions eau dans huile et des suspensions, dont la formulation est particulièrement complexe étant donné les spécifications multiples requises, notamment en matière de densité, stabilité, propriétés rhéologiques et de filtration, en tenant compte bien sûr de l'environnement (fluides non toxiques et biodégradables). Dans cet article, nous allons montrer comment l'utilisation de l'Analyse Calorimétrique Différentielle ou Differential Scanning Calorimetry (ACD ou DSC) nous a permis d'optimiser la formulation de fluides de forage à base d'huile dans les conditions HP/HT (haute pression/haute température) et dans des conditions de forage en offshore profond. Nous verrons également que cette technique a été très utile pour développer des formulations de fluides de nettoyage de puits forés avec des boues à l'huile. 2. LES BOUES DE FORAGE A BASE D'HUILE Les fluides ou boues de forage à base d'huile sont à la base des émulsions inverses (eau-dans- huile) comprenant typiquement entre 5 et 40% (voire jusqu'à 70%) en fraction volumique de phase dispersée [1]. La phase organique est une huile minérale ou synthétique (du type poly-alpha-oléfine ou ester d'huile végétale). La phase aqueuse est une solution plus ou moins concentrée en sel (NaCl et/ou CaCl2). La stabilité de l'émulsion est assurée par l'utilisation d'agents tensio-actifs émulsifiants, associés généralement à des agents mouillants qui assurent le mouillage et la dispersion des solides dans la phase organique. Les propriétés rhéologiques (viscoélasticité, viscoplasticité et thixotropie) sont contrôlées par l'ajout d'agents viscosifiants, comme par exemple des argiles traitées organophiles. Afin de limiter la filtration du fluide à travers la formation, on utilise des produits dits "réducteurs de filtrat", qui sont des polymères ou des résines organophiles, dont le rôle est de structurer le cake de filtration afin de limiter les pertes de fluide. On utilise de la chaux pour maintenir une réserve d'alcalinité au niveau de la phase aqueuse. Enfin, la densité du fluide est ajustée grâce à l'addition de solides alourdissants comme la barytine (sulfate de baryum), le carbonate de calcium ou l'hématite. Étant donné que ces fluides sont à la fois des émulsions et suspensions concentrées, on imagine facilement que leur caractérisation représente un véritable challenge. En fait, d'un point de vue pratique, cette caractérisation se fait de façon très empirique par des méthodes normalisées API (American Petroleum Institute, API 13B : rhéologie, filtration, vieillissement). Les propriétés rhéologiques sont mesurées grâce à un rhéomètre normalisé de terrain (le Fann 35), équipé d'une géométrie à

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cylindres coaxiaux. Des normes API permettent de calculer, à partir de mesures à différentes vitesses de rotation, les principales propriétés rhéologiques du fluide : la viscosité apparente, la viscosité plastique, la tension seuil et la thixotropie (valeurs de gel à 0 et 10 minutes). La stabilité de l'émulsion est quant à elle déterminée grâce à un autre appareil normalisé API, le testeur de stabilité électrique (electrical stability tester) qui permet de mesurer une tension de claquage au sein de l'émulsion. Plus cette valeur est élevée, plus l'émulsion est considérée comme stable. Enfin, des tests de filtration statique également normalisés permettent de déterminer les propriétés de filtration du fluide (volume filtré et épaisseur du cake). A partir de ces tests de filtration, il est possible d'avoir également des informations sur la stabilité de l'émulsion eau dans huile en observant la qualité du filtrat : si celui-ci est diphasique (présence d'eau et d'huile), cela prouve que l'émulsion a cassé lors du processus de filtration. Évidemment, la caractérisation des fluides par ces techniques nécessite un volume non négligeable d'échantillon (plusieurs centaines de ml), ce qui rend difficile le développement de nouvelles formulations par un screening exhaustif des différents ingrédients. Le premier critère recherché pour la formulation est, comme dans la plupart des industries traditionnelles, la stabilité. Même si la mesure empirique de stabilité électrique est un bon indicateur de la stabilité effective de l'émulsion dans le temps, il s'agit d'une mesure globale qui rend compte du comportement d'une émulsion soumise à un champ électrique et ne permet pas de remonter à un critère objectif et bien identifié comme la taille des gouttes de l'émulsion. D'un point de vue expérimental, la stabilité des émulsions peut se mesurer à l'aide d'un grand nombre de techniques qui sont généralement fondées sur l'analyse de la distribution de tailles de gouttes. En effet, il est généralement reconnu que plus la taille des gouttes est petite, plus l'émulsion sera stable dans le temps. La plupart de ces techniques sont facilement applicables aux émulsions du type eau-dans-huile diluées (diffusion de lumière, compteur Coulter, microscopie optique...) mais sont malheureusement difficilement utilisables dans le cas des émulsions eau-dans-huile opaques et concentrées, en particulier si elles contiennent en sus des solides en suspension. Même la microscopie optique, considérée comme une technique "universelle" dans le domaine des émulsions, est très compliquée à mettre en oeuvre dans le cas de systèmes contenant différents types de solides [2]. Un moyen très rapide de remonter à la stabilité des émulsions inverses opaques et concentrées reste le test de stabilité en éprouvettes ou "bottle test", qui consiste à relever visuellement la quantité de phase aqueuse séparée en fonction du temps. Ce test permet de recueillir des informations qualitatives et quantitatives très intéressantes sur la stabilité de l'émulsion et la qualité de la phase aqueuse séparée, mais il reste très empirique [3]. Dans notre cas, il est difficile à mettre en oeuvre dans les conditions de pression et de température des puits qui nous intéressent. Dans le domaine de la caractérisation des émulsions, il faut être vigilant au problème de la dilution des échantillons qui peut induire des perturbations des propriétés de surface des gouttelettes ainsi que des interactions entre gouttelettes. La dilution peut provoquer des effets de floculation ou de chocs osmotiques induisant des changements de distribution de tailles de gouttelettes. En fait, peu de techniques expérimentales sont utilisables sans dilution : on peut ainsi citer la spectroscopie diélectrique [4], la rhéologie [5], la conductimétrie [6] et des techniques plus récentes comme celles fondées sur les ondes acoustiques [7], la réflectance à faisceau

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focalisé [8], l'atténuation micro-onde [9], la RMN [10] et enfin l'analyse calorimétrique différentielle (ACD ou DSC pour differential scanning calorimetry) [11]. Pour l'application aux fluides de forage à base d'huile, nous allons montrer comment l'utilisation de la DSC nous a permis de développer des formulations adaptées de fluides de forage à base d'huile ou de fluides de traitement utilisés lors de la phase de complétion du puits. 3. L'ANALYSE CALORIMETRIQUE DIFFERENTIELLE (DSC) La DSC est fondée sur la mesure des échanges de chaleur entre un échantillon et une référence en fonction du temps ou de la température. L'aire correspondant au pic du signal enregistré (généralement appelé thermogramme) est directement reliée à la quantité de chaleur échangée pendant le phénomène thermique. Les quantités suivantes : ÿ dh/dt, chaleur générée ou absorbée (phénomène exothermique ou endothermique) par unité de temps ÿ dq/dt, différence des énergies échangées entre la cellule de référence et l'échantillon ÿ dTp/dt, la vitesse de balayage en température, sont reliées par l'équation suivante [12] :

dTp d 2 q dh dq = (C s - C r ) - RC s 2 , dt dt dt dt avec Cs et Cr les chaleurs spécifiques de l'échantillon et de la référence. Dans le domaine de la caractérisation des émulsions, la DSC est la seule technique disponible capable de distinguer l'eau libre de l'eau émulsifiée, dans tout type d'échantillon, sans préparation spécifique. L'échantillon est refroidi à vitesse constante (1 à 5°C/min) jusqu'à ce que les gouttelettes d'eau dans l'émulsion cristallisent. La température de cristallisation est corrélée à la taille des gouttes à cause des phénomènes de surfusion [13]: plus le volume est petit, plus la température est basse. En effet, la cristallisation est un processus particulièrement complexe qui nécessite trois étapes : la surfusion, la nucléation et la croissance cristalline. Pendant le refroidissement continu d'une population de gouttes, il existe une distribution des températures de cristallisation. En conséquence, seule une température plus probable de cristallisation peut être déterminée expérimentalement et celle-ci dépend fortement du volume de l'échantillon. Par exemple, les températures plus probables de cristallisation de l'eau pure pour des échantillons de 1 cm3, 1 mm3 et 1 μm3 sont respectivement de –14, -24 et –39°C. Le réchauffement d'un échantillon après cristallisation permet l'étude de la fusion, dont la température est indépendante de l'état de la solution aqueuse (émulsionnée ou non). L'analyse du thermogramme de fusion donne des informations utiles sur la teneur en eau de l'échantillon et la concentration de la solution (dans le cas d'une solution binaire, comme eau/NaCl ou eau/CaCl2). Le principe détaillé de cette technique appliquée à la caractérisation et à la stabilité des émulsions est décrit dans les références [11, 14, 15]. Il est important de noter qu'il est possible, à partir d'un simple test DSC réalisé sur un échantillon d'émulsion non dilué, d'obtenir des informations sur : ÿ le type de l'émulsion : simple (E/H ou H/E) ou multiple (E/H/E ou H/E/H)

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ÿ la quantité d'eau et son état : liée, dispersée ou en volume ÿ les compositions des phases dispersées et continues ÿ le diamètre moyen des gouttes et son évolution en fonction du temps due à la coalescence, au mûrissement d'Ostwald ou de composition ÿ la polydispersité de l'émulsion ÿ les transferts de masse entre les gouttes (émulsions mixtes) Ce test est particulièrement adapté à la caractérisation des émulsions eau dans huile car la congélation de l'eau est très exothermique. Cependant, si la phase huile cristallise dans une gamme de températures différente de celle de la phase aqueuse, l'utilisation de cette technique est tout à fait possible avec les émulsions huile dans eau. 4. EXEMPLES DE FORMULATION 4.1. Boues à l'huile HP/HT (haute pression/haute température) Pour les forages en grande profondeur, en conditions dites HP/HT (haute pression, haute température), il est essentiel de formuler des fluides de très grande stabilité thermique (T> 150°C). Dans le cadre d'une étude en collaboration avec Rhodia, l'IFP a sélectionné de nouveaux additifs émulsifiants à base d'amides (superamides) permettant d'obtenir une formulation de fluide de forage à base d'huile plus stable que les formulations commerciales proposées [16]. La formulation type utilisée est donnée dans le tableau 1. Tableau 1. Formulation type de fluide de forage à base d'huile

Ingrédients Huile de base Système émulsifiant Réducteur de filtrat Chaux (contrôle du pH) Argile organophile Saumure (20% CaCl2) Barytine

Quantité 288 mL 14 g 3g 12,5 g 7g 74 mL 452 g

La caractérisation des différentes formulations de fluides avec des systèmes émulsifiants expérimentaux par les méthodes standard API nous a permis de sélectionner un système tensioactif prometteur. Pour confirmer la stabilité des fluides en fonction du vieillissement en température, nous avons réalisé une analyse DSC avant et après traitement thermique (vieillissement des fluides contenus dans une cellule étanche pendant 16 heures à 180°C dans une étuve à rouleaux). Dans l'exemple présenté sur les thermogrammes de la Figure 1, on a comparé deux fluides de forage stabilisés par deux systèmes émulsifiants différents : un système commercial performant et le système expérimental sélectionné dans cette étude. Avant vieillissement (BHR, "before hot rolling"), le pic de cristallisation des gouttelettes d'eau se trouve vers –93°C pour les deux fluides (Fig. 1a). On peut donc dire que les deux systèmes présentent une taille de gouttes similaire. Après vieillissement (AHR, "after hot rolling"), on observe un pic unique de cristallisation

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pour le système commercial à –55°C et deux pics pour le système expérimental à –55 et –77°C. On peut en conclure que la taille moyenne des gouttes est plus petite dans le cas du fluide expérimental. De plus, ce résultat confirme les résultats des tests standards de filtration et de stabilité électrique. Les thermogrammes de fusion sont quant à eux identiques pour les deux fluides. Il est cependant intéressant de noter qu'avant vieillissement (Fig. 1b, BHR) on observe un seul pic endothermique caractéristique de la fusion progressive de la glace. Après vieillissement (AHR), on observe un pic exothermique de cristallisation de la solution saline en équilibre avec la glace et qui n'a pas cristallisé lors du refroidissement. Ce pic est suivi du pic de fusion eutectique du système eau/CaCl2 à –52°C et du pic de fusion progressive de la glace. Par conséquent, dans cette étude, l'utilisation de l'analyse DSC nous a permis de confirmer scientifiquement les performances du système émulsifiant développé pour un usage haute température. Système expérimental

Système commercial

exothermic

AHR

exothermic

BHR

a) 0

-40

-80

-120 0

AHR

°C

BHR

a) 0

-40

0 -120

-80

AHR

exothermic

exothermic

AHR

BHR

b) -120

°C

-80

-40

0

°C

BHR

b) -120

-80

-40

0

°C

Figure. 1. Thermogrammes correspondant à l'étude DSC du système expérimental à gauche et commercial à droite

4.2 Boues à l'huile pour l'offshore profond Pour les forages en offshore très profond (> 2000 m de profondeur d'eau), il devient difficile de forer avec des boues à l'eau à cause du risque de formation d'hydrates de gaz. Les hydrates de gaz sont en effet des structures solides qui ont l'apparence et la consistance de la glace. Ce sont des molécules de gaz (comme le méthane) entourées par un réseau de molécules d'eau disposées en cage, d'où le nom de clathrate. Ces hydrates sont susceptibles de se former à basse température et pression élevée, en présence d'eau et de gaz provenant de la formation traversée, conditions réunies dans les opérations de forage en offshore profond. Les conséquences de cette formation peuvent être catastrophiques, allant du blocage

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des lignes jusqu'à des interruptions de forage, voire des destructions d'équipement liées à des libérations de bouchons d'hydrates sous pression, avec tous les problèmes de sécurité qui en découlent. Pour limiter ces problèmes liés à la formation d'hydrates, une solution est d'utiliser des boues à base d'huile, où le système émulsifiant sera suffisamment performant pour empêcher le cassage de l'émulsion, même en cas de formation accidentelle d'hydrates dans les gouttes d'eau. Une étude a donc été menée en collaboration avec la société OLEON, qui développe des huiles esters, additifs et tensioactifs dérivés de l'oléochimie. L'objectif était de développer des systèmes émulsifiants performants avec différents types d'huile (minérales ou esters), compatibles avec l'environnement, et qui assurent une bonne stabilité du fluide en cas de formation/dissociation d'hydrates [17, 18]. La première phase de l'étude a été dédiée à la recherche de systèmes émulsifiants "verts" au moyen de "bottle tests" classiques sur des émulsions eau dans huile simplifiées (huile de base + saumure). Après sélection du meilleur système en terme de stabilité, nous avons procédé à l'optimisation de sa concentration d'utilisation ainsi que du rapport émulsifiant/co-émulsifiant dans la boue de forage. Comme dans l'étude précédente, la stabilité de la formulation a été évaluée selon les paramètres empiriques de stabilité électrique et propriétés de filtration. Nous avons ensuite réalisé des analyses DSC pour confirmer la stabilité de la formulation. Dans la première série d'essais, nous avons utilisé un microcalorimètre DSC classique travaillant à pression atmosphérique pour analyser la cristallisation des gouttelettes d'eau. La figure 2 donne les thermogrammes obtenus dans le cas d'une formulation de boue à base d'huile minérale de faible toxicité (LTMO) avec le système émulsifiant expérimental sélectionné EM. La saumure utilisée pour cette formulation contient 15% en poids de CaCl2. On remarque que le pic correspondant à la cristallisation de la glace aux alentours de -60°C est très fin et symétrique, caractéristique d'une émulsion fine. De plus, la position de ce pic n'est pas affectée par le vieillissement (un mois), ce qui prouve que l'émulsion est très stable. On a trouvé le même comportement avec une huile de base constituée d'esters d'huile végétale. La deuxième série d'essais a permis d'étudier la stabilité de cette formulation après formation et dissociation d'hydrates de méthane au sein de la phase aqueuse dispersée. Nous avons donc utilisé pour cette phase un microcalorimètre DSC capable de travailler en pression (DSC111 Setaram, pression de fonction limite 10 MPa). La procédure expérimentale a été la suivante : 1. analyse DSC de la formulation durant un cycle de refroidissement – réchauffement à pression atmosphérique. 2. formation d'hydrate de méthane dans un nouvel échantillon sous une pression de méthane de 10 MPa, pendant 2 heures à -40°C ; l'hydrate formé est ensuite dissocié pendant la phase de réchauffement jusqu'à la température ambiante. 3. nouveau cycle de refroidissement – réchauffement à pression atmosphérique sur l'échantillon utilisé dans la phase 2.

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t=0

t=1 mois

Flux thermique (mW)

30 20

exo

refroidissement

10 0 -160 -10

-140

-120

-100

-80

-60

-40

-20

0

20

-20

réchauffement -30

Température (°C) Figure 2. Thermogrammes DSC d'une boue à l'huile à base d'huile minérale de faible toxicité (LTMO) et du système émulsifiant expérimental EM avant et après un mois de vieillissement.

On a représenté sur les figures 3 et 4 les thermogrammes obtenus durant les phases 1 et 3 de la procédure précédemment décrite correspondant à la cristallisation/fusion de la phase aqueuse dispersée de la formulation de boue, avant et après formation/dissociation des hydrates de méthane dans la boue, pour le système composé d'une huile minérale et d'un émulsifiant E commercial et pour le système expérimental comprenant la même huile de base et le système émulsifiant expérimental EM. Pour les 2 systèmes, pendant la phase 1 (avant formation des hydrates), le pic de cristallisation de la glace vers -60°C est caractéristique d'une émulsion fine. Lors du réchauffement, on observe le pic de fusion progressive de la glace, ainsi qu'un pic exothermique non identifié vers -5°C qui doit correspondre à des interactions entre les différents composés de la formulation de boue. En revanche, après la phase 2 (formation/dissociation des hydrates de méthane), il est important de noter que le comportement des deux formulations est complètement différent lors de la phase 3. Dans le cas du système commercial de référence (Figure 3), le pic de cristallisation de la glace est fortement modifié. Le pic principal est décalé vers les températures plus élevées par rapport à la phase 1 et il est précédé par un large pic sur l'intervalle de températures -60 à -40°C, ce qui prouve que la taille moyenne de l'émulsion a augmenté. Pendant le réchauffement, on observe clairement un pic correspondant à la fusion eutectique du solide {H2O+CaCl2.6H2O} à -52°C suivi du pic de fusion progressive de la glace. Il faut noter que la température atteinte lors du refroidissement (-100°C) ne permet pas la cristallisation du sel contenu dans les gouttelettes de saumure finement émulsifiées (effet de sursaturation). Par contre, on observe aisément cette cristallisation dans le cas d'échantillons de saumure non émulsifiés. Par conséquent, la présence de ce pic eutectique confirme que l'émulsion a vraisemblablement cassé. En conclusion, la formulation commerciale de référence qui était initialement stable s'est fortement déstabilisée après un seul cycle de formation/dissociation d'hydrates. Dans le cas du système expérimental (Figure 4), la forme du pic de cristallisation reste régulière et centrée autour de la même température que celle relevée lors de la première phase. Pendant le réchauffement, seule la fusion progressive de la glace est observée. Par

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conséquent, cette formulation est stable, même après la phase de formation/dissociation des hydrates.

45

Flux thermique (mW)

35 25

refroidissement

15 5 -5

réchauffement

-15 -100

-80

-60

-40

-20

0

20

Température (°C) cycle 1

cycle 3

Figure 3. Thermogrammes DSC d'une formulation commerciale à base d'huile minérale de faible toxicité (LTMO) avant et après formation/dissociation d'hydrates

25

Flux thermique (mW)

20 15 refroidissement 10 5 0 réchauffement -5 -100

-80

-60

-40

-20

0

20

Température (°C) cycle 1

cycle 3

Figure 4. Thermogrammes DSC d'une formulation expérimentale (système émulsifiant EM) à base d'huile minérale de faible toxicité (LTMO) avant et après formation/dissociation d'hydrates

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4.3 Nettoyage des puits forés en boue à l'huile Une autre étude réalisée à l'IFP a concerné le problème du cassage des cakes de filtration. En effet, les fluides de forage à base d'huile sont utilisés pour forer des puits complexes et peuvent induire un endommagement sévère qui diminue la productivité du puits. Pendant le forage, les solides du fluide et les gouttes de saumure forment un cake de filtration externe et interne par filtration le long des parois du puits alors que la phase huile passe dans la formation. Il est alors nécessaire de nettoyer ce cake de filtration pour restaurer la zone de production. Nous avons donc développé une méthodologie utilisant la DSC et la Cryo-MEB pour sélectionner un système nettoyant à base de tensioactifs capable de déstructurer le cake de filtration, qui est en fait une émulsion très concentrée, avec beaucoup de solides [19, 20]. Le cake obtenu après filtration d'une boue à l'huile sur un filtre papier (80°C, 35 bars) a été d'abord caractérisé avant traitement par le tensioactif. Le thermogramme obtenu (Fig. 5a) est similaire à celui de la boue de forage et caractéristique d'une émulsion fine et stable (pic gaussien vers –80°C). L'observation par cryo-MEB confirme les résultats de l'analyse DSC (Fig. 5b). Un système tensioactif efficace sélectionné par des bottle tests a été testé sur plusieurs cakes de filtration. Les thermogrammes au refroidissement sont similaires : on observe un pic caractéristique d'apparition d'eau libre ou de très grosses gouttes vers –35°C et on observe une série de pics de cristallisation qui se succèdent entre –35 et –80°C, caractéristiques d'une émulsion polydisperse en train de se casser (Figure 6a). Les résultats sont encore une fois confirmés par l'observation au cryo-MEB où l'on identifie l'apparition de grosses gouttes dans le premier tiers du cake (Fig. 6b).

a)

b)

Figures 5a et b. Thermogramme DSC et photo cryo-MEB du cake de filtration avant traitement

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a)

b)

Figure 6. (a) Thermogramme DSC et (b) photo cryo-MEB du cake de filtration après traitement

5. CONCLUSION Ces quelques exemples d'application montrent comment on peut caractériser la stabilité et la taille d'émulsions extrêmement complexes comme les boues de forage à base d'huile, sans artefact lié à la dilution grâce à la technique DSC. Cette technique, très facile à mettre en oeuvre et peu consommatrice de temps est particulièrement adaptée à la caractérisation des émulsions du type eau-dans-huile. Elle permet d'obtenir des informations sur le type d'émulsion, la teneur en eau et dans certains cas la composition des phases ainsi que la taille et la polydispersité de l'émulsion. C'est un outil très précieux pour la sélection d'additifs et le développement de nouvelles formulations. 6. REFERENCES 1.

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Vol. 2 :

Une nouvelle approche pour l’évaluation de l’inhibition des argiles par les fluides de forage Mohamed KHODJA1, Jean Paul CANSELIER2, Faïza BERGAYA3, Malika KHODJA-SABER4 ———————————————————————————————————— er

1. Sonatrach/Division Centre de Recherche et Développement, Avenue du 1 Novembre, 35000 Boumerdès, Algérie ([email protected]) 2. Laboratoire de Génie Chimique, ENSIACET-INPT, 5, rue Paulin Talabot, BP 1301, 31106 Toulouse Cedex 1 ([email protected]) 3. Centre de Recherche sur la Matière Divisée, 1b rue de la Férollerie, 45070 Orléans Cedex2 ([email protected]) 4. Sonatrach/Division Forage, Route du Sahara, Hydra, Alger, Algérie ([email protected])

RÉSUMÉ :

Les problèmes posés au cours du forage pétrolier sont notamment dus à la réactivité des fluides avec les argiles de la formation naturelle, En plus de l’ampleur du défi opérationnel rencontré, leur importance économique est aussi à souligner, L'instabilité des parois argileuses des puits est la résultante de plusieurs phénomènes incluant les conséquences physiques et physico-chimiques des interactions fluides-argile, ce qui entraîne une imprévisibilité du comportement en pression des formations géologiques traversées. En effet, pour des forages traversant les mêmes formations, les performances obtenues ne sont pas identiques. De plus, le manque de procédures bien établies aggrave cette problématique lors du forage. Une grande partie des recherches publiées, traitant les différents aspects de ces problèmes complexes, montre l’influence du comportement mécanique et physico-chimique des argiles. Des fluides de forage (WaterBased Muds) à base de polymères sont proposés pour inhiber la réactivité des argiles. Plusieurs techniques de laboratoire ont été proposées pour évaluer le degré d’inhibition des argiles par les fluides de forage. Certaines comme le Triaxial, le Pénétromètre, mesurent les propriétés mécaniques ; d’autres étudient l’aspect physico-chimique et la réactivité, par exemple la mesure du temps de succion capillaire, le test de gonflement, la capacité d'échange cationique, la mesure de la constante diélectrique, le test d’aspect visuel sur des comprimés d’argiles, et le test de dispersion. L’objectif de ce travail est d'utiliser différentes techniques classiques d’inhibition pour comparer les performances de fluides de forage à base d’eau. Une nouvelle approche, non conventionnelle dans le secteur pétrolier, a été mise en oeuvre. Elle consiste à utiliser de manière complémentaire une analyse qualitative et quantitative de la filtration sur pastilles, avec l’étude de la morphologie (aspect visuel et mesure de dimension par granulométrie laser) des "cuttings" après interaction argilefluide. Ces fluides contiennent, en plus des viscosifiant et réducteur de filtrat, l'un des trois polymères inhibiteurs suivants : le polyacrylamide partiellement hydrolysé (PHPA), les "glycols" (PAG) ou le silicate de sodium. Avec la viscosité la plus importante, le système argile-silicate de sodium est le meilleur inhibiteur des trois systèmes étudiés car il donne le plus petit volume de filtrat et les particules les plus fines. Ce comportement contribue à une réduction de la perméabilité.

MOTS-CLÉS :

Fluide de forage, Argile, Formulation, Inhibition, Filtration

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1. INTRODUCTION Le forage est une opération importante pour l’estimation des réserves pétrolières. Les problèmes rencontrés au cours de ces opérations de forage suscitent un intérêt particulier de la part des compagnies pétrolières et de leurs laboratoires spécialisés, mais aussi celui de la communauté des chercheurs. En plus des challenges techniques et de compréhension fondamentale posés pour la résolution de ces problèmes, leur importance économique est à souligner. En effet, le coût résultant des problèmes rencontrés au cours de l’opération de forage a été estimé à plus de 10% du budget moyen total d’un forage. Le surcoût des travaux de forage à travers le monde avoisine ainsi 109 $/an. L'instabilité du puits peut encore entraîner des frais indirects si, par exemple, un effondrement provoque le perçage d'une conduite [1]. D’après Steiger and Leung [2], les argiles représentent plus de 75% des formations forées et causent plus de 70% des problèmes relatifs à l’instabilité des parois. Par ailleurs, Dzialowski et coll. [3] ont mentionné que plus de 90% des formations forées à travers le monde ont été classées comme argileuses. L’instabilité des parois est donc le problème technique majeur au cours du forage et aussi la principale source affectant son prix [4]. La maîtrise de la nature et des propriétés des argiles au cours du forage représente le facteur dominant dans l’activité pétrolière, à cause de la complexité des mécanismes mis en jeu. Sur le plus grand champ pétrolier d'Algérie, celui de Hassi Messaoud (HMD), les principaux types d’incidents de forage peuvent être de natures assez différentes, principalement dans les intervalles géologiques suivants : Sénonien Salifère, Turonien, Dogger Argileux, Dogger Lagunaire et Cénomanien. Il s’agit de : i) bourrage (blocage de l’outil) avec une diminution de la vitesse d’avancement, ii) perte de la circulation de la boue dans les zones fragiles mal consolidées, iii) serrage de l’outil avec augmentation du couple pouvant aller jusqu’au blocage de la rotation,….Plusieurs facteurs semblent intervenir dans la réactivité des argiles avec les fluides de forage, tels que la concentration en argile [5], la teneur en minéraux argileux dans l’argile [6-7], les liaisons interfoliaires [8] ou interparticulaires [5], etc… Les remèdes traditionnels vis-à-vis de ces incidents de forage font appel à l’augmentation de la densité de la boue, méthode souvent efficace, ou bien à l’utilisation de boue de forage inhibitrice, soit à base d’eau (WBM : water-based mud) soit à base d’huile (OBM : oil-based mud). Cependant, les systèmes OBM sont soumis à des réglementations de plus en plus sévères (fortes contraintes dues à des problèmes d’environnement). Les systèmes de fluides à base d’eau représentent une bonne alternative environnementale, mais ils sont moins performants du point de vue de l'avancement, de la lubrification, de la stabilité thermique et de l'inhibition des argiles. Pour évaluer les propriétés d’inhibition des fluides de forage, une grande partie des recherches publiées, [1,4,6,9-24] incluant l’étude des pressions capillaire, osmotique, hydraulique, de diffusion, de gonflement et d’hydratation, montre surtout que les propriétés mécaniques et physico-chimiques des argiles jouent un rôle important. Toutes ces publications ont abordé d’une part l’interaction fluide-roche et d’autre part, le comportement anormal des formations géologiques traversées.

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2. MECANISMES D’INHIBITION DES ARGILES ET PROPRIETES DE FILTRATION DES FLUIDES DE FORAGE L’inhibition, dans le domaine des fluides de forage, peut être définie comme étant l’ensemble des mécanismes qui permettent la réduction et/ou l’élimination du gonflement et de la dispersion des argiles, soit le contrôle des interactions argile-eau afin d’améliorer la stabilité des parois argileuses au cours du forage. L’analyse des propriétés d’inhibition et de filtration du fluide basée sur des équations classiques, dont celle de Baker et Garrison [25] ou celle développée par Van Oort [26] montre quatre mécanismes distincts qui peuvent contribuer à la réduction du débit du filtrat par : l’augmentation de la viscosité du filtrat, la réduction de la perméabilité des argiles, la pression osmotique, ou encore la combinaison de ces trois mécanismes. 2.1. L’inhibition des argiles Plusieurs travaux développés au sujet des interactions argile-fluide [14,16,18,19,2730] ont révélé que les problèmes d’instabilité des parois suggèrent la recherche d’une nouvelle approche dans la conception et la formulation des fluides de forage. En réponse à ce souci, les laboratoires de recherche ont amené de grands progrès dans le choix des techniques appropriées ainsi que dans l’intégration de nouveaux additifs performants et répondant à des situations de forage de plus en plus complexes. De nombreuses techniques d’inhibition sont utilisées à l’échelle du laboratoire pour évaluer la performance des différents fluides de forage. Plusieurs méthodes et techniques ont trait à la caractérisation et à l’évaluation des propriétés des argiles, à savoir : la diffraction des rayons X (DRX), la détermination de la capacité d’échange cationique (CEC), la mesure du temps de succion capillaire (CST), l'évaluation du gonflement des argiles, la mesure de la constante diélectrique, les essais triaxiaux, le test de dispersion des argiles (shale disintegration resistance),.. L'apport de chaque méthode ou technique citée est important. Cependant, certaines ont été critiquées, du point de vue de leur faisabilité, de leur coût, de leur précision et/ou de leurs conditions d’utilisation. Toujours d’actualité est la recherche de techniques rapides et aisées pour prendre en charge l’évaluation de la panoplie de produits et d’additifs proposée pour l’inhibition de la dispersion et du gonflement des argiles au cours des opérations de forage.

3. MATERIELS ET METHODES 3.1. Préparation et caractérisation des cuttings d’argiles L'analyse des cuttings (fragments argileux) représente la seule information disponible pour l’expérimentateur sur les formations géologiques traversées. Ils sont véhiculés, et par conséquent contaminés, par les fluides de forage. A côté du panorama des tests d’inhibition proposés, nous proposons une nouvelle approche, combinant la méthode du test de dispersion et celle des pastilles comprimées. Avec cette nouvelle méthode, nous tentons de sauvegarder la qualité initiale des cuttings récupérés, en évitant un broyage poussé et une humidification, mais tout en optant pour un lavage préliminaire avec de l’hexane pour l’élimination de la contamination

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des cuttings issue des additifs des fluides de forage (gazole, polymères, tensioactifs,…). Pour atteindre ces objectifs, il a été nécessaire de caractériser les différentes phases, solides et fluides, en présence et d’effectuer différentes analyses et caractérisations physico-chimiques grâce à de nombreuses techniques comme : i) la DRX pour la détermination de la composition minéralogique et le suivi en continu de la percolation des pastilles des cuttings ; ii) la caractérisation rhéologique et de filtration déterminée selon les recommandations de l'American Petroleum Institute (API) [31] et iii) la granulométrie des mélanges argiles-polymères (granulomètre laser Malvern, type Mastersizer S). Dans ce travail, les échantillons d’argiles sont récupérés sous forme de cuttings issus d’un forage pétrolier d’un puits du champ de HMD. L’analyse minéralogique par DRX (Tableau 1) montre la prédominance d’Illite, avec la présence de kaolinite, d’interstratifiés illite-montmorillonite (I-Mt) et de chlorite. D’autres minéraux (non argileux) sont aussi présents tels que calcite, dolomite et feldspaths. La présence de NaCl (halite) et de BaSO4 ("barite") peut être issue des formations traversées ou liée aux additifs utilisés dans les fluides de forage. Bates et Jackson [32] fondent la classification des argiles directement sur les teneurs en minéraux argileux, allant de 15 à 100%, alors qu’Osisanya [33] se base, pour la classification des argiles, sur la teneur en quartz. D'autres auteurs ont établi une classification liée à la composition minéralogique mais aussi basée sur l’interaction des argiles avec les fluides [34,35]. Cinq différentes classes ont été proposées dans la littérature, selon une minéralogie fondée principalement sur les teneurs respectives en montmorillonite et en Illite.

815 900 920 1060 Réf.*

tr tr tr tr tr 25 35 25 15 - 75 - 25 5 70 5 20

0 0 0 0 0

Halite

Baryte

Anhydrite

Dolomite

Calcite

Quartz

Montmorillonite

Interstrat. I-Mt.

Chlorite

Illite

Profondeur (m)

Kaolinite

Tableau 1. Composition minéralogique des argiles

1 45 37 13 1 1 1 81 7 2 1 6 1 4 20 69 tr 2 25 6 17 15 1 2 19 6 8 13 11 30

Somme

98 98 96 66 87

Instrat. I-Mt. : interstratifiés illite-montmorillonite ; tr : traces, * échantillon de référence obtenu par le mélange de cuttings issus de plusieurs niveaux de la phase 16’’ d’un puits du champ de HMD

3.2. Préparation et caractérisation des fluides Plusieurs formulations de fluides de forage à base d’eau ont été préparées par l’utilisation des additifs suivants : le xanthane, la cellulose polyanionique (PAC), le polyacrylamide partiellement hydrolysé (PHPA), les polyalkylèneglycols (PAG) et le silicate de sodium.

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a. Xanthane : Les solutions de gomme xanthane (utilisé comme viscosifiant) ont d'excellentes propriétés de suspension, bien supérieures à celles d’autres polymères, à concentrations équivalentes. De plus, ces propriétés viscosifiantes ne sont généralement pas affectées par les sels ou par la température [36]. b. PAC : La cellulose polyanionique est utilisée pour certains fluides comme agent réducteur de filtrat avec de l’eau douce ou salée, et peut aussi agir sur la viscosité du système [37]. Pour d’autres fluides, le sel de chlorure de potassium (KCl) est fréquemment utilisé comme inhibiteur du gonflement des argiles dans les systèmes de fluides à base d’eau [38]. c. PHPA : Les polymères acryliques partiellement hydrolysés agissent par un mécanisme d’encapsulation [39]. d. Glycol : Les "glycols" (PAG) sont des polymères ayant des groupements à base d’oxyde d'éthylène. Ils agissent en interférant avec les liaisons entre molécules d’eau adsorbées sur la surface argileuse. e. Silicate de Sodium : La solution de silicate de sodium (Na2O-SiO2 à 30%) est utilisée comme inhibiteur principal. La dissolution en milieu aqueux de cet inhibiteur primaire produit de la soude par hydrolyse partielle, ce qui génère des valeurs de pH élevées, de l’ordre de 11-12. Trois formulations de fluides de forage F1, F2 et F3, ont été sélectionnées avec différents types de polymère inhibiteur (Tableau 2). Tableau 2. Formulations de fluides à base d’eau (quantités pour 1 litre d’eau)

Fluide

KCl Xanthane (g) (g) 60 4 60 4 60 4

F1 F2 F3

Silicate (g) 0 0 15

PHPA (g) 2 0 0

Glycol (g) 0 4 0

PAC (g) 12 12 12

L’analyse des propriétés des différents fluides (Tableau 3) montre l’importance des viscosités obtenues, surtout pour le système au silicate (F3) alors que les densités sont similaires. Les valeurs des volumes de filtrat API sont généralement acceptables. Tableau 3. Caractéristiques des fluides après 24 h

Fluide F1 F2 F3

d

VP (cP) 1,01 14 1,01 11 1,02 21

VA (cP) 26,0 14,5 29,0

YP G0/10 (lb/100 ft2) (lb/100 ft2) 07/ 08 24 03/ 08 07 07/ 08 16

Filtrat API V (mL) 07 11 09

d : densité du fluide ; VP : viscosité plastique (VP = L600 – L300) ; VA : viscosité apparente (VA = L600/2) ; YP : seuil d'écoulement (YP = 2(VA – VP) ; Li : lecture sur le rhéomètre Fann 35 à i tr/min (cP) ; G0/10 : L3 initiale et après 10min

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133

3.3. Préparation et caractérisation des pastilles Pour l’ensemble des essais de filtration sur pastilles, l’échantillon de référence (Tableau 1) a été utilisé en optant pour un lavage au n-hexane et un séchage à l’air libre suivi par une opération de broyage modéré et un tamisage. Les quatre fractions obtenues, choisies arbitrairement, sont : 36 v ) = f Ú ñ(v f )dv f = f exp(-z v f* / v f )

(8)

v f*

où x is est un facteur de recouvrement des volumes libres des grains et v f =Vf /N le volume libre moyen par grain, N étant le nombre total de grains et Vf le volume libre total défini par :

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Ê f Vf = Nv f = V - V p - Vi = V - Vo = V ÁÁ1 Ë fm

ˆ ˜˜ ¯

143

(9)

où V est le volume total du système, Vp = Nvp le volume total de particules de volume vp et Vi le volume interstitiel, qui correspond au volume de vides résiduel au sein d'un échantillon de compacité maximale (empilement hexagonal compact ou cubique faces centrées pour des sphères monodisperses). f = N vp/V et f m = Nvp/Vo sont, respectivement, la fraction volumique et la fraction volumique d'empilement maximum des particules avec Vo = Vp+Vi = V-Vf. 3.3. Milieu granulaire dense sous cisaillement et sous vibrations Un milieu granulaire dense cisaillé sous vibrations va se comporter comme un réseau élastique de contacts intergranulaires à durée déterminée. On l'a vu, ce réseau obéit localement à la loi de Hooke, mais sa durée de vie est limitée pour deux raisons : d'une part, à cause des vibrations et, d'autre part, à cause du cisaillement dès que l'on va dépasser la distance critique ou la déformation critique correspondante. Ces deux processus étant non-corrélés, la fréquence de réorganisation totale l - 1 est égale à la somme des fréquences relatives aux deux processus (Eq. 5 et 8) :

l-1 =

g& + fb gc

(10)

En d'autres termes, l est la durée de vie moyenne d'une configuration spatiale des grains. Connaissant l on peut calculer l'impulsion i transmise à un grain soumis à la force Fe en l'intégrant sur la durée de vie l qui est le temps dont dispose la force pour agir, il vient : l

i =

Ú 0

l

Fe (t ) dt = Ú k e d g&t dt = 0

k e d g&l2 2

(11)

Par définition, la contrainte de cisaillement s est égale au flux d'impulsion à travers l'élément de surface DxDz, entre deux couches adjacentes séparées d'une distance Dy = d, en mouvement relatif dans la direction x :

ó = i

n k e d 2g&l n Ä xÄ yÄ z = = G g&l l Ä xÄ z 2

(12)

où n = N/V est le nombre de grains par unité de volume et G = nked2/2. L'expression de la viscosité en régime permanent est alors :

144

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s = g&

h =

G

g& fb + gc

=

ho

g& 1+ g c fb

=

sf g c f b + g&

avec

G=

nv c s P = f bh o = f 2 gc gc

(13)

Ainsi, le modèle prédit un comportement non-newtonien des milieux granulaires denses vibrés, borné par deux régimes d'écoulement : - si ã&