Explorations en terre animale 9782759803354

Le monde animal est un vivier de découvertes extraordinaires et n'a pas fini de nous étonner. A votre avis : y-a-t-

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Explorations en terre animale
 9782759803354

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Explorations en Terre Animale CAROLINE LEPAGE ILLUSTRATIONS DE CAROLINE LEPAGE

17 avenue du Hoggar Parc d’Activité de Courtabœuf, BP 112 91944 Les Ulis Cedex A, France

Maquette intérieure et mise en page : AGD Imprimé en France ISBN-: 978-2-7598-0079-7 Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective », et d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (alinéa 1er de l’article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal. © 2008 EDP Sciences

SOMMAIRE

Introduction ..................................................................................................

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Atterrissage en Amérique ........................................................................ Sacrées petites bestioles ......................................................................... Inquiétude et fiesta chez les animaux à sang froid .......................... Plumes et promenade dans les airs ..................................................... De Tic et Tac au coyote ......................................................................... Biberons, jouets et bouquets de fleurs ................................................ Des idées et des actions pour sauver la planète ? .............................

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Près de chez vous ........................................................................................ Bêtes ou rusées ? ..................................................................................... Diabète, pipelettes et starlettes ............................................................. Gourmandise et histoires d’amour...................................................... Les meilleurs amis de l’homme ........................................................... Pizza et langue bleue ............................................................................. Nounours en danger ..............................................................................

46 46 56 60 67 70 76

Bienvenue en Afrique ............................................................................... Du palu à l’ogre ...................................................................................... D’Ébola aux amoureux ......................................................................... Sous le soleil ............................................................................................

81 81 86 92

Escale en Asie ............................................................................................... Acrobaties, esprit et fourberie .............................................................. L’eau : la vie, les maladies ?................................................................... Pandémie, alcoolisme et trafic d’animaux ......................................... Biocarburants, séisme et traditions d’un autre temps .....................

97 97 101 105 110

Explorations en Terre Animale

Saut de puce en Australie ........................................................................ Petites coquines et grande peste .......................................................... Marsupiaux au chaud et drôle d’oiseau..............................................

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Plongée dans les océans............................................................................ Coquillages, crustacés et icebergs qui vont tout casser ? ................ Des jardins coralliens aux cimetières sous-marins........................... Des poissons qui en disent long........................................................... Le requin, seigneur en déclin ............................................................... Déforestation, climat sous tension et disparition ............................. Un futur incertain, mais aussi de bonnes nouvelles .......................

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Dinosaures & Compagnie ........................................................................ Sur terre, les dinos .................................................................................. Dans l’eau, les reptiles marins .............................................................. En l’air, les ptérosaures ..........................................................................

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Voyage dans le passé .................................................................................. Les débuts dans les océans .................................................................... Ambre et momies ................................................................................... Au-delà, de la science et des rêves .......................................................

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Index ................................................................................................................

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INTRODUCTION

D’abord, les mauvaises nouvelles. On ne va pas se mentir, la Terre va plutôt mal. La petite boule bleue, perdue dans l’immensité de l’espace, doit supporter les pressions exercées par plus de 6,5 milliards d’êtres humains. Et comme nous serons plus de 9 milliards en 2050, il serait bon de ne plus trop tirer sur la corde. Si une certaine prise de conscience est indéniable, cela n’empêche pas l’Homme de continuer à puiser avec insouciance dans les ressources que lui offre sa planète. Bien souvent, il le fait même aux dépens de son voisin ! À ce rythme-là, le chaos pourrait vite régner. L’effet de serre, phénomène normal lié à la présence de gaz dans l’atmosphère comme le célèbre CO2, a permis que la Terre se réchauffe et que la vie s’y épanouisse. Car sans CO2, pas de plante, pas de photosynthèse et pas de matière organique pour nourrir tous les animaux situés à la base de la chaîne alimentaire… Mais voilà, aujourd’hui, par notre faute, ce même CO2 est devenu notre bête noire, l’essence du réchauffement climatique. Et nous avons oublié tout ce que nous lui devions. La limite a été franchie car une fois de plus, l’Homme n’a pas su faire autrement que dans l’excès. Trop. Trop de production, trop de consommation, trop de pollution, trop de CO2, etc. Nous avons tellement demandé à l’environnement que la machine s’est emballée en à peine plus d’un siècle, alors que l’histoire de la Terre se compte en milliards d’années ! Bilan ? Un climat déréglé, des forêts qui disparaissent, des sols contaminés, une qualité de l’air qui laisse à désirer, de l’eau impropre à la consommation pour de nombreuses populations, des océans qui ne peuvent plus suivre et se transforment en déserts marins, une agriculture qui marche sur la tête, des millions d’estomacs restant désespérément vides et la biodiversité qui s’érode de façon dramatique. Pas très réjouissant, ce présent.

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Explorations en Terre Animale

Pire, les inégalités continuent à se creuser, alors qu’une partie de la solution se trouve depuis toujours sous nos yeux : respecter la Terre et agir pour son bien-être plutôt que de détruire une par une les briques de cette accueillante demeure qu’elle est pour chacun de nous. Ce bon sens est à la source d’un développement durable. Il ne s’agit pas de ne plus consommer, mais de le faire différemment. Avec modération, enfin… Mais pourquoi vous brosser un tableau aussi sombre en introduction, alors que vous pensez avoir entre les mains un livre drôle et amusant sur les animaux et les beautés de la nature ? Vous le comprendrez pleinement à la fin. C’est en les découvrant que l’on réalise aussi leur fragilité. Tout n’est pas que plaisir des yeux. Chaque espèce, même celle qui semble insignifiante, joue un rôle dans l’écosystème, parfois si subtil qu’il échappe au plus grand nombre. Et sans le travail de fourmis réalisé par les chercheurs du monde entier, jamais nous ne pourrions saisir l’importance de ces espèces, la complexité des relations entre la flore et la faune et ses répercussions sur notre existence. Quel que soit l’animal ou la plante, nous avons toujours à apprendre. Encore faut-il ne pas les détruire si l’on veut pouvoir les étudier. Au final, au travers des étapes de ce livre, vous vous apercevrez que notre belle planète nous a vraiment tout donné ! De quoi manger, de quoi boire, de quoi nous inspirer pour développer de nouvelles technologies, de nouveaux médicaments (dont 70 % sont issus des plantes). Si nous ne savons pas en prendre soin, ces dons de la nature disparaîtront… Et nous avec. D’ailleurs, la communauté scientifique assure qu’une extinction de masse est en marche. Les causes des cinq précédentes ? Des glaciations, hausse du niveau des mers, chute d’astéroïdes, volcanisme. Cette fois-ci, c’est bien l’Humanité qui sera à blâmer pour la sixième. On connaît 1,75 million d’espèces et il y en aurait 5 à 15 fois plus à découvrir encore… Seulement, en auronsnous le temps ? Non. Car le rythme de disparition des espèces est désormais 100 à 1 000 fois plus rapide que le rythme naturel ! Des chiffres qui font peur, n’est-ce pas ? Et pour bien se rendre compte de ce que cela signifie, il suffit de s’intéresser aux données de l’IUCN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) : plus de 16 000 espèces sont directement menacées d’extinction. Concrètement, pour parler de choses que nous connaissons bien, 70 % des plantes, un tiers des amphibiens, un oiseau sur huit, ou encore un mammifère sur quatre risquent de disparaître prochainement.

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Introduction

Arrêtons-nous là. Ces quelques mots suffisent à résumer la situation. Elle paraît épouvantable, certes. Mais soyons optimistes. Nous avons toutes les raisons de l’être car il n’est pas question de baisser les bras. Et la bonne nouvelle, c’est que l’une des nombreuses qualités humaines – savoir reconnaître ses erreurs –, avec l’intelligence et la volonté, sont d’excellents moteurs pour œuvrer dans le bon sens. Aujourd’hui, partout dans le monde, des chercheurs travaillent pour nous montrer ce qui va, ce qui ne va pas, ce que l’on peut faire ou cesser de faire pour préserver l’environnement. Qu’ils en soient tous très sincèrement remerciés ! Ce sont des sentinelles de la nature qui nous indiquent le chemin à suivre. D’ailleurs sans eux, leur imagination débordante et leurs passions, ce livre n’aurait pas existé non plus. Puisse-t-il montrer l’intérêt majeur de la recherche pour un pays qui veut aller de l’avant et compter pour offrir un futur plus vert à la Terre ! Ce secteur mérite réellement d’être valorisé davantage et de ne plus représenter un vrai parcours du combattant pour les jeunes qui rêvent de faire carrière en France. Ils sont l’avenir… Avant de vous laisser partir explorer le monde, j’aimerais exprimer ici toute ma gratitude aux scientifiques cités dans cet ouvrage, à mon éditeur Jean Fontanieu qui m’a accordée son entière confiance, à ma famille (en particulier mes parents, l’un pour m’avoir guidée sur la voie des sciences, l’autre, pour son éternel soutien) et à mon conjoint, Alexandre, pour sa patience et ses précieux conseils dans l’élaboration de « Explorations en Terre Animale ». Merci et bon voyage à tous ! Caroline Lepage

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ATTERRISSAGE EN AMÉRIQUE

Sacrées petites bestioles

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Des mini-vers qui pèsent lourd

Un écosystème compte plus de parasites que de prédateurs supérieurs On ne les voit pas, mais ils sont bien là : les parasites. D’après une nouvelle étude, ces petites bestioles peuvent représenter plus de 1 % de la biomasse, masse totale d’organismes vivants dans un milieu. Avouez que sur les 5 % d’animaux qu’elle compte (et 95 % de plantes), 1 %, ça fait beaucoup ! Mais, d’après Armand Kuris, biologiste à l’université de Santa Barbara en Californie, aucun doute sur ce chiffre ! Son équipe a enquêté sur 23 sites de trois estuaires californiens et mexicains. C’est là qu’elle a découvert que le poids total des trématodes – vers parasites – pouvait égaler celui des poissons et surpasser de 3 à 9 fois celui des oiseaux qui sont les prédateurs au sommet de la chaîne alimentaire dans les marais. Cachés à l’intérieur d’escargots, bivalves, crevettes, poissons ou même oiseaux dont ils empoisonnent l’existence, certains s’invitent carrément dans l’organisme humain. À ce jeu-là, les douves, responsables de la distomatose, et les schistosomes, de la bilharziose (maladie parasitaire la plus répandue au monde après le paludisme) sont rois… Au final, contrairement au désintérêt que suscitaient les parasites à une telle échelle, cette étude laisse supposer qu’aussi petits soient-ils, leur présence a forcément des effets sur le fonctionnement global d’un écosystème. Reste à découvrir lesquels ?

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Explorations en Terre Animale

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Jeunesse éternelle

Pour vivre longtemps, la drosophile doit s’entourer de petits jeunots La drosophile, ou mouche du vinaigre, est la candidate idéale pour les expériences menées en génétique et biologie. Pas encombrante par sa taille, elle se reproduit très bien en laboratoire. Voilà pourquoi Chun-Fang Wu, chercheur à l’université d’Iowa aux États-Unis, l’a engagée pour ses travaux sur la longévité. Suite à une mutation génétique, la drosophile dite « sod fly » a une espérance de vie très courte. L’idée ? Élever ces mouches mutantes dans deux bocaux : l’un contenant des drosophiles normales du même âge – le bocal témoin –, l’autre, des drosophiles normales plus jeunes, et voir ce qu’il advient. Hé bien, les « sod flies » du bocal à jeunes vivent deux fois plus longtemps que celles du bocal témoin ! Plus surprenant encore, leur état physique est meilleur. Pour quelles raisons ? On ne le sait pas. Mais une chose est sûre, l’environnement social a un effet positif sur la santé des mouches. D’où le parallèle fait par le chercheur à propos des troubles neurologiques liés à l’âge (Alzheimer, etc.) : être entouré de jeunes ne peut faire que du bien.

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Orange Toussaint

Chaque hiver, les monarques envahissent des forêts du Mexique La merveille se produit au Mexique en période de Toussaint. Elle est devenue l’attraction phare de la région. De quoi s’agit-il ? D’une véritable averse de papillons orange, somptueux spectacle découvert il y a une trentaine d’années par le zoologiste canadien Fred Urquhart. Chaque hiver, des millions de monarques (Danaus plexippus) reviennent festoyer dans les forêts d’Ocampo au cœur des montagnes du Michoacan.

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Sacrées petites bestioles

Atterissage en Amérique

Pourquoi là exactement ? Mystère. Certes, il y fait plus chaud qu’au Canada où ils vivent et retournent au printemps. Mais pour y parvenir, ils doivent affronter 2 mois de voyage et parcourir 4 500 km. Dur ! Sans compter que leur lieu d’hibernation est désormais menacé par la déforestation illégale. Le bois est littéralement pillé. La Commission Nationale des Réserves Naturelles Protégées du Mexique (CONANP) a dénoncé cette situation en organisant en 2008 une exposition passée dans plusieurs pays, dont la France. Son but ? Sensibiliser les états et convaincre l’UNESCO d’inscrire le site au Patrimoine Mondial de l’Humanité. Ce serait une façon efficace de protéger les papillons…

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Trop, c’est trop !

Le dendoctrone du pin participe au réchauffement de la planète Après l’homme pollueur, l’insecte ! Depuis une dizaine d’années, le dendoctrone du pin ponderosa (Dendroctonus ponderosæ) ravage les forêts de Colombie-Britannique, province canadienne la plus à l’ouest. En s’installant sous l’écorce des conifères, il entraîne leur décomposition. Or, une fois pourris, ces arbres rejettent dans l’atmosphère tout le carbone qu’ils avaient stocké grâce à la photosynthèse (réaction chimique qui, en présence de lumière et d’eau, convertit le CO2 en oxygène et sucres). Le CO2 étant l’un des principaux gaz à effet de serre, tous les végétaux, qui en absorbent de grandes quantités, sont nos alliés dans la lutte contre le changement climatique. Autrement dit, ce vilain coléoptère nous met des bâtons dans les roues. Il se serait déjà approprié 13,5 millions d’hectares de forêt et ne s’arrêtera pas en si bon chemin… Une récente étude dirigée par Werner Kurz pour le compte du Ministère Fédéral des Ressources Naturelles du Canada a annoncé que les dégâts émettaient en un an autant de CO2 dans l’atmosphère que les incendies de forêts dans le pays ! Selon les dernières estimations, le dendoctrone devrait avoir détruit 374 000 km² de forêts entre 2000 et 2020, soit la libération de 270 000 mégatonnes de CO2.

Sacrées petites bestioles

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Bulle de plongée

Des insectes ont trouvé la technique pour respirer sous l’eau Pour explorer les milieux aquatiques, nous devons plonger avec des bouteilles d’air comprimé sur le dos. Des insectes (notonectes) et araignées (argyronètes) font la même chose, ou presque. Sous le ventre, ils se trimballent une bulle d’air qu’ils utilisent comme poumon externe. Comment tient-elle en place ? Grâce à des poils qui empêchent également les spiracles – organes respiratoires – de prendre l’eau. Cette technique permet aux plus doués de descendre à un ou deux mètres sous la surface. Eh bien, figurez-vous qu’ils pourraient aller aussi bas qu’un plongeur, le tout sans que la précieuse bulle ne cède et en disposant de suffisamment d’oxygène ! C’est ce qu’ont découvert John Bush et Morris Flynn. Ces mathématiciens à l’Institut de Technologie du Massachusetts ont d’abord étudié comment les insectes s’étaient adaptés à la vie dans l’élément liquide. Puis, ils ont conçu un modèle informatique. D’après leurs estimations, ces petites bestioles pourraient théoriquement atteindre la profondeur des 30 mètres. Bluffant, non ?

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Pourquoi le piment est-il piquant ?

Plus il y a d’insectes autour de lui, plus le piment est fort Rien de tel que du piment pour mettre le feu à un plat cuisiné ! Ce fruit, originaire d’Amérique du Sud, doit son piquant à la capsaïcine, dont seules les graisses du lait (quelques cuillerées de yaourt font aussi l’affaire) parviennent à diluer la fougue en bouche. Mais quel rapport avec les animaux ? En fait, cette molécule est un système de défense contre les microorganismes, mais pas contre les oiseaux qui y sont insensibles. Eux peuvent ainsi manger du piment et disperser ses graines dans la nature.

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Sacrées petites bestioles

Atterissage en Amérique

Explication en Bolivie, berceau de cette plante de la famille des solanacées (poivrons, aubergines, etc.). C’est là que Joshua Tewksbury, biologiste à l’université de Seattle, a tout compris. Il a constaté qu’au sud, les fruits d’une même espèce de piment étaient beaucoup moins doux, et plus abîmés qu’au nord. Pour quelle raison ? À cause des populations de pucerons et cicadelles, plus importantes. En effet, à chaque fois qu’un insecte perce l’épiderme d’un piment, il l’endommage. Pire, il ouvre une porte aux champignons. Les graines sont alors en danger. Si elles pourrissent ou sont détruites, la reproduction végétale devient impossible ! D’où la capsaïcine, arme chimique dont l’efficacité augmente avec sa concentration dans le fruit. Ainsi, quand vous mangez du piment très fort, essayez de ne pas lui en vouloir : c’est qu’il vient d’une région où les insectes en veulent vraiment à sa peau…

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Faire le mort, ça marche !

Les fourmis de feu emploient cette stratégie pour passer inaperçues L’opossum est un maître en la matière. Et la fourmi ? Aussi, selon Deby Cassil, biologiste à l’université de St Petersburg en Floride. En effet, lorsqu’une colonie de fourmis de feu rouges (Solenopsis invicta) en attaque une autre, chaque individu est inspecté. C’est là que les petits malins se recroquevillent et restent immobiles, comme morts, pour tromper l’adversaire. Une fois le danger écarté : hop, tout le monde debout ! Seules les jeunes fourmis, d’à peine quelques jours, usent de cette ruse. Les moins jeunes, de quelques semaines, ont tendance à fuir. Quant aux anciennes, de quelques mois, elles se montrent agressives et passent à l’attaque. Elles peuvent se le permettre car leur exosquelette – leur armure en quelque sorte – est bien plus épais et résistant que celui des juvéniles. En tous cas, grâce à cette tactique, ces dernières ont 4 fois plus de chance de survivre que leurs aînées ! Question d’évolution sans doute, la jeune génération ne représente-t-elle pas l’avenir de la colonie ?

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Un fruit rouge si appétissant

Infectée par un parasite, une fourmi a l’air d’une gourmandise L’intriguant duo se rencontre dans les forêts tropicales d’Amérique Centrale et du Sud. Il a fasciné Steve Yanoviak, spécialiste des insectes à l’université d’Arkansas. À l’origine, la fourmi Cephalotes atratus est toute noire. Pourtant, l’abdomen de certaines, perché en l’air, dodu, est d’un rouge cerise bien appétissant. On dirait de petites baies comme celles qui foisonnent dans la canopée. Intrigué, l’entomologiste a ouvert le ventre de l’une d’elles puis l’a observé au microscope. Bien vu ! Il contenait des œufs et petits vers ronds. Le parasite, un nématode du nom de Myrmeconema neotropicum, était enfin démasqué. Voici comment se déroulent les choses : alors qu’elle n’est qu’une larve, la fourmi avale les œufs du filou contenus dans des fientes d’oiseaux. Les parasites se reproduisent à l’intérieur d’elle. Puis, au cours de sa métamorphose, tout ce petit monde jaunâtre file à l’extrémité de son abdomen. Ce qui a pour effet d’amincir la couche de l’exosquelette de la demoiselle et de faire apparaître son postérieur d’un beau rouge brillant (résultat du noir sur le jaune) ! Comme la fourmi a l’habitude de manger du pollen et des fientes d’oiseaux tombés à la surface de feuilles vertes, son alléchant derrière attire l’œil des oiseaux. D’accord, ils sont trompés sur la marchandise, mais le parasite s’en moque ! Tout ce qui compte pour lui, c’est de repasser dans leur système digestif. Et quand d’autres fourmis mangeront leurs crottes infectées, la boucle sera bouclée.

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De la zizanie dans les parfums

La pollution perturbe la relation entre les fleurs et les insectes Les insectes jouent un rôle essentiel dans le monde végétal : en transportant le pollen des fleurs, ils participent à la reproduction des plantes. Et pour les attirer, celles-ci sortent le grand jeu (formes, couleurs, odeurs).

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Atterissage en Amérique

Problème, leur parfum est aujourd’hui altéré par la pollution atmosphérique. Selon José Fuentes, biologiste à l’université de Virginie aux États-Unis, son efficacité aurait diminué de plus de 80 % par rapport à l’époque préindustrielle. Alors que ce parfum était perceptible jusqu’à 1 000–1 200 mètres dans le sens du vent au début du XIXe siècle, il ne l’est plus que de 200 à 300 dans les grandes villes ! Comment est-ce possible ? Très volatiles, les molécules odorantes libérées par les fleurs se lient rapidement aux polluants (ozone, radicaux hydroxyles et nitrés). Liaison fatale car elle détruit les arômes. Et dans les régions où l’activité industrielle et la circulation routière sont importantes, c’est encore pire. Surtout l’été. Les gaz d’échappement des automobiles libèrent des oxydes d’azote qui, en présence des rayons du soleil, sont convertis en ozone. Résultat ? Les fameux pics d’ozone et leurs ribambelles de conséquences… Outre le problème de santé publique évident posé par la pollution de l’air, les répercussions sur les plantes et insectes pollinisateurs (abeilles, bourdons, papillons, etc.) sont préoccupantes. Ces derniers, localisant à leur parfum les fleurs où butiner le nectar si nourrissant, devront consacrer plus de temps et d’énergie à chercher des fleurs qu’à les polliniser ou à s’occuper d’eux-mêmes ! Il y a sans doute ici l’une des causes de l’inquiétant déclin des abeilles.

10 Ça bourdonne plus que prévu Le nombre d’espèces d’abeilles dépasse celui des oiseaux et mammifères réunis Quel contraste, alors que tous les biologistes de la planète tirent la sonnette d’alarme au sujet de la disparition des abeilles, une étude parue en 2008 annonce que leur famille est plus grande qu’on ne le pensait. John Ascher, chercheur au Muséum d’Histoire Naturelle de New York, a dressé une liste d’environ 19 200 espèces décrites. Soit 2000 de plus qu’au dernier recensement publié 8 ans plus tôt ! Il y aurait donc plus d’espèces d’abeilles que d’oiseaux et de mammifères.

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Explorations en Terre Animale

Certes, la plupart ne sont pas aussi connues que l’abeille européenne (Apis mellifera) si chère à l’apiculture. D’ailleurs, beaucoup vivent en solitaire plutôt que dans une ruche, et ne produisent pas de miel. Mais toutes contribuent à la pollinisation des plantes. Et puisque sans pollinisation, pas de fleurs, ni de fruits, légumes ou céréales, autant dire que nous devons veiller sur elles comme à la prunelle de nos yeux !

11 Décidément très fortes Les abeilles tueuses sont encore plus redoutables En 1956, les Brésiliens, cherchant à accroître le rendement de miel, ont créé une lignée issue d’un croisement entre des abeilles africaines (importées de Namibie) et européennes. À la suite d’une maladresse, elles ont pu s’échapper et se propager plus au nord du pays. Très résistantes aux maladies et conditions climatiques, leur venin n’est pas plus puissant que celui d’abeilles ordinaires. Mais elles sont beaucoup plus agressives. Un essaim n’hésitera pas à traquer une victime sur des centaines de mètres avant de la piquer des centaines de fois ! D’où leur nom d’abeilles tueuses. Or, récemment, une étude génétique dirigée par Charles Whitfield, chercheur à l’université d’Urbana-Champaign dans l’Illinois, a révélé qu’elles adoptaient à présent certaines caractéristiques acquises des abeilles communes avec lesquelles elles ont pu s’accoupler. En clair, elles sont de mieux en mieux adaptées à leur environnement. La preuve, elles sont remontées jusqu’au Texas en 1990, et colonisent, depuis, le sud des ÉtatsUnis. Une vraie plaie pour les autres abeilles et les apiculteurs…

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Atterissage en Amérique

12 N’approche pas, je suis ceinture noire ! Les guêpes affichent des tâches noires sur la tête pour décourager l’ennemi Le poliste gaulois (Polistes dominulus) est une guêpe malicieuse qui vit aussi en France. Son truc ? Une supercherie : effrayer les rivaux avant même qu’ils aient envie de se battre. Elizabeth Tibbetts, de l’université du Michigan, elle, n’est pas tombée dans le panneau. En fait, comme le judoka qui affiche son niveau de combat à l’aide d’une ceinture noire, la guêpe se pare de tâches noires parfaitement visibles sur le bas de son museau jaune. Et plus le modèle de tâches est sophistiqué, plus elle fait peur ! Mais pour y parvenir, il faut qu’elle mange bien et beaucoup. En somme, qu’on lui fiche une paix royale… Démonstration. Vivantes, elles ne tenaient pas en place et étaient impossibles à attacher. La biologiste est donc allée jusqu’à maquiller de noir le front de guêpes mortes avant de les déposer sur des morceaux de sucre. Résultat, les guêpes qui approchaient osaient seulement aller vers les tas de sucre gardés par les « épouvantails » portant peu de tâches. Mais pas question de se risquer à défier celles dont le museau en était couvert !

13 On pique même dans le grand Nord Les guêpes sont maintenant présentes en Alaska Des guêpes en Alaska ? Oui, et de plus en plus. Le nombre de cas de piqûres est même en augmentation dans le plus septentrional des états américains. Ainsi, d’après un récent rapport, pour la toute première fois, deux personnes sont mortes à Fairbanks en 2006. Causes de ces décès ? Choc anaphylactique, une réaction excessive de l’organisme chez les personnes très sensibles… Selon Jeffrey Demain, directeur du Centre d’Allergie, Asthme et Immunologie d’Anchorage, co-auteur du rapport, il y a eu cette année-là une véri-

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table explosion de la population de guêpes. Et d’après une base de données médicales, pour 100 000 patients, le taux de piqûres est passé de 346 en 1999 à 455 en 2006 ! Il faut dire que ces 50 dernières années, la température moyenne de la région a grimpé de 2,2 °C. C’est beaucoup plus qu’ailleurs. Hiver et printemps – deux saisons difficiles pour les insectes – se sont considérablement adoucis. Et les guêpes profitent du réchauffement climatique pour progresser vers le Nord. Bien sûr, elles n’y apporteront pas de nouvelles maladies. Mais d’après l’OMS, 4 % des êtres humains seraient allergiques au venin des hyménoptères : abeilles, guêpes ou frelons (en France, chaque année, 15 personnes trouvent la mort dans ce type d’accidents). Les Alaskains ne sont donc plus à l’abri.

14 Pièges ajustables Les araignées conçoivent leur toile en fonction des proies disponibles Assurément, les araignées sont très futées. En étudiant la dangereuse veuve noire américaine – Latrodectus mactans – (dont il existe une version « très édulcorée » dans le sud de la France, L. mactans tredecimguttatus ou malmignatte), Todd Blackledge, biologiste à l’université d’Akron dans l’Ohio, a d’abord montré que les araignées adaptaient l’architecture de leur toile en fonction de la disponibilité des proies. Mais celle-ci a-t-elle une influence sur la qualité du fil produit ? Pour le savoir, le chercheur a travaillé sur un autre membre de la famille des Theridiidae, l’araignée de maison (Achaearanea tepidariorum). Durant une semaine, il en a nourri 27, de poids identique. Un groupe avait droit à de gros grillons aux déplacements rapides, un autre, à des cloportes plutôt lents. Et là, bingo ! Les araignées, dont les proies étaient les plus volumineuses, tissaient effectivement des fils plus épais, donc beaucoup plus résistants, que les autres.

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Atterissage en Amérique

Inquiétude et fiesta chez les animaux à sang froid

15 Un jardinier aquatique Des poissons sèment des graines dans les marais brésiliens Nous voici dans le Pantanal, plus grande zone humide du monde. C’est là que Mauro Galetti et ses collègues de l’université de Sao Paulo ont étudié 54 types d’animaux frugivores (tapirs, singes, toucans, etc.). Il leur a fallu explorer des kilos et des kilos de crottes pour arriver à cette impensable conclusion : la surpêche menace la forêt ! En effet, mammifères – rongeurs, chauves-souris, etc. – et oiseaux contribuent à la reproduction des plantes. Ils mangent des fruits, puis rejettent les graines dans leurs excréments dispersés dans la nature. Ce phénomène est connu. Mais on le découvre tout juste chez les poissons. Et ce type de relations est certainement répandu dans les forêts tropicales. Dans le Pantanal donc, palmiers et légumineuses libèrent leurs fruits lorsque l’eau monte et s’étale sur des milliers de kilomètres carrés. C’est là qu’intervient le pacu. Ce faux piranha, excellent nageur, à un appétit gargantuesque : en en examinant 70, prélevés dans la Fazenda Rio Negro (propriété de l’organisation Conservation International dédiée à l’écotourisme), les biologistes ont retrouvé jusqu’à 141 graines dans l’estomac des plus gros. Pas étonnant que le petit palmier (Bactris glaucescens) ait fait du pacu son semeur attitré… Oui, mais voilà, cible favorite des pêcheurs, le poisson est en train de disparaître. Et même si une loi interdit de capturer les moins de 40 cm, de toute manière, ce sont les gros qui disséminent efficacement les graines ! Cette pêche pourrait donc nuire à toute la biodiversité végétale de la région.

Inquiétude et fiesta chez les animaux à sang froid

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16 La pilule dans l’eau Les hormones de synthèse entraînent un changement de sexe chez les poissons La pollution chimique ou aux hydrocarbures est assez médiatisée, celle aux médicaments (antibiotiques, bêta-bloquants, etc.), moins. Issue des résidus rejetés par les urines et excréments dans les eaux usées que les stations d’épuration laissent passer, elle est mondiale. Ainsi, par exemple, les œstrogènes de la pilule contraceptive. Ils font partie des perturbateurs endocriniens présents dans la nature – comme le DDT, les PCB, dioxines, etc. – qui peuvent dérégler le système hormonal des animaux et des gens. Et ils affectent les poissons. Karen Kidd, biologiste à l’université du Nouveau Brunswick au Canada, vient de le démontrer sur un lac expérimental d’Ontario après 7 ans d’études. Suite aux expositions mimant les taux d’œstrogènes mesurés dans les eaux usées, elle a vu les mâles se féminiser, et la maturité sexuelle des femelles retarder. Résultat de ces perturbations, les plus petites espèces ont frôlé l’extinction et les populations des plus grosses ont diminué ! La bonne nouvelle, c’est que trois ans après l’arrêt des expositions, les poissons reprenaient le dessus. Améliorer encore les systèmes d’épuration permettrait certainement d’éviter ces problèmes.

17 Coup de foudre survolté Les poissons électriques se déchargent pour séduire Seuls certains poissons électriques peuvent générer des décharges électriques suffisamment puissantes pour se défendre ou assommer une proie. La plupart se contente d’employer un champ électrique qu’ils utilisent pour s’orienter ou communiquer dans l’obscurité.

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Quant au poisson gymnotiforme nocturne (Brachyhypopomus pinnicaudatus) du fleuve Amazone, lui utilise l’électricité pour… draguer. Voilà comment, à la nuit tombée, les mâles lancent de longs fredonnements survoltés et éclairants pour attirer les demoiselles. Curieusement, celles-ci font la même chose, en beaucoup moins intense. La technique est sans doute plus coûteuse en énergie pour les mâles. Mais jusqu’à quel point ? C’est ce qu’ont voulu découvrir Vielka Salazar et Philip Stoddard, chercheurs à l’université de Miami en Floride. Verdict ? Ces séducteurs dépenseraient 11 à 22 % de leur énergie dans des concerts nocturnes, contre 3 % seulement pour les femelles. Comme quoi, un coup de foudre, ça peut coûter cher !

18 Beaucoup de morts sur les routes La route est l’une des causes de la surmortalité des grenouilles Chaque année en France, les routes tuent près de 4 500 personnes. Et elles ne font pas que des victimes humaines. Beaucoup d’animaux y laissent leur peau : les hérissons, les amphibiens, etc. Or, aujourd’hui, les grenouilles sont menacées à l’échelle planétaire alors qu’elles jouent un rôle central dans les écosystèmes, étant tour à tour proies et prédateurs d’autres espèces. Une étude américaine dirigée par Andrew DeWoody, zoologiste à l’université Purdue dans l’Indiana, a donc profité de 2008, décrétée Année de la Grenouille pour attirer l’attention sur ce problème. Pendant 17 mois, lui et son équipe ont arpenté quatre routes situées à proximité de zones marécageuses dans le Comté de Tippecanoe (Indiana). Ils ont dénombré 10 515 cadavres d’animaux dont 93 % de grenouilles, crapauds et autres salamandres. Beaucoup n’ont pu être comptabilisés pour différentes raisons (dévorés, emportés, etc.). Les chercheurs ont même constaté que les lendemains de nuits pluvieuses en été étaient des journées noires. Pour cesser le massacre, ils proposent des solutions : poser des barrières au bord des routes ou concevoir plus de passages souterrains par exemple.

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19 Du rififi autour d’un champignon Le chytride cause des ravages chez les batraciens et des controverses chez les experts Batrachochytrium dendrobatidis ou chytride est le champignon parasite responsable de la chytridiomycose. Cette maladie infectieuse de la peau fait tomber les grenouilles comme des mouches ! D’après les experts, le changement climatique serait directement impliqué dans sa fulgurante expansion. Mais la récente étude de Karen Lips et Michael Sears, biologistes à l’université du Sud de l’Illinois, affirme le contraire. Leur théorie ? L’élévation de la température n’aurait pas déclenché les épidémies en Amérique Centrale et du Sud. Elles surviendraient en fait par vagues (de la même façon que le virus Ébola par exemple). Qu’est-ce qui leur fait penser cela ? Ces chercheurs ont observé la mort de grenouilles en masse sur un site, alors que d’autres, à 50 kilomètres de là, étaient en pleine forme. Bizarre en effet. Selon eux, si le réchauffement de la planète était effectivement en cause, on observerait une forte mortalité sur les deux sites. Chez les experts, cette étude a fait jaser. Mais tous le concèdent : le changement climatique agirait en tandem avec le champignon. Il existe 6 000 espèces d’amphibiens et plus des deux tiers sont en déclin. On parle déjà pour les 20 ou 30 prochaines années de la plus grande extinction de masse après celle des dinosaures…

20 Pourquoi avons-nous peur des serpents ? Cette crainte serait inscrite dans nos gènes L’herpétophobie ou ophidiophobie – la peur exagérée des serpents – est assez fréquente. Elle affecte même des personnes qui n’ont jamais croisé de reptiles ailleurs qu’à la télévision ou dans les livres. Alors d’où vient-elle ?

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Pour le découvrir, Vanessa LoBue et Judy DeLoache, psychologues à l’université de Virginie, ont fait passer des tests à des adultes et enfants. Ils consistaient à regarder des images représentant des décors contenant grenouilles, fleurs et autres chenilles parmi lesquelles se cachaient, ou non, des serpents. Or, avant toute autre chose, les candidats identifiaient les serpents. Même constat chez les bambins, à l’expérience forcément courte en matière d’animaux dangereux. D’où l’hypothèse des deux scientifiques : au cours de leur évolution, les êtres humains ont dû apprendre à détecter rapidement la présence des serpents. Question de survie ! Cette aptitude serait innée. D’ailleurs, le test a donné les mêmes résultats pour les araignées. Ainsi, ophidiophobie et arachnophobie prennent certainement racines dans nos gènes. Et les expériences rencontrées au cours de l’existence viennent y ajouter leur grain de sel.

21 Pas plus gros qu’un spaghetti ! Le plus petit serpent du monde a été découvert sous les Tropiques Au royaume des reptiles, celui-là doit passer pour un ver de terre… Car ce serpent marron ne dépasse pas 100 mm – 10 cm – et est aussi épais qu’un spaghetti ! Non venimeux, il est le plus petit des 3 100 espèces de serpents connues. Blair Hedges l’a trouvé à la Barbade, île des Caraïbes. Ce biologiste de l’université de Pennsylvanie est décidément fan de tout ce qui est rikiki. Le plus petit lézard, la plus petite grenouille, c’est déjà lui. Son dernier chouchou, il l’a baptisé Leptotyphlops carlae en hommage à son épouse, Carla. Et ce minus est 100 fois plus petit que le python réticulé, plus grand serpent du monde qui peut mesurer 10 mètres. Au fait, qu’est-ce qu’on mange lorsqu’on est lilliputien ? Certainement des larves de termites ou de fourmis. Pour la reproduction, modestie d’abord. Quand le python réticulé génère des couvées d’une centaine d’œufs, lui doit se contenter d’un seul. Forcément, l’œuf occupe une place folle dans le corps de Madame. Et lorsque le serpenteau quitte sa coquille, il est deux fois plus petit qu’un adulte ! Un géant proportionnellement parlant puisque le bébé python réticulé, à sa naissance, du long de ses 70 cm, est lui 14 fois plus petit que ses parents…

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22 Mordu ? Par quoi ? Où ? Le venin des serpents peut varier en fonction du lieu où ils vivent Les médecins savent depuis longtemps qu’une morsure de serpent de la même espèce peut se traduire par des symptômes différents d’une région à l’autre. D’ailleurs, l’antivenin, lorsqu’il existe, n’est pas toujours efficace à 100 %. Pourquoi ? Juan Calvete et son équipe de l’Institut Biomédical de Valences en Espagne ont cherché la réponse au Costa Rica dans le venin de la vipère à fosse (Bothrops asper). De précédentes études avaient montré que les victimes d’une morsure de cette espèce présentaient plus d’hémorragies et de nécroses côté Caraïbes du pays, que Pacifique. Les biologistes ont donc prélevé des échantillons sur une soixantaine de serpents dans ces deux régions. Sur la côte Est comme sur la côte Ouest, le risque de mourir est de 7 %. Mais il chute respectivement à 0,5 et 3 % avec l’aide de l’antivenin. Justement, les chercheurs ont constaté des différences majeures au niveau des protéines des venins. Et même entre le venin de serpents juvéniles et adultes ! Ainsi, selon eux, pour produire un sérum antivenin plus fiable, en plus de l’espèce, il faudrait également tenir compte de sa distribution géographique et de l’âge de l’animal (estimé à sa taille en cas de morsure).

23 Surprise-partie marécageuse Les pythons birmans ont colonisé le sud de la Floride Comme leur nom l’indique, les pythons birmans ou molures (Python molurus bivittatus) sont originaires d’Asie. Ils vivent en Birmanie, au Bangladesh, dans le sud de la Chine, en Inde, Indonésie, Thaïlande, bref, loin des États-Unis. Alors que font-ils en Floride ? Apparemment, quelques propriétaires dépassés et inconscients s’en sont débarrassés dans la zone marécageuse des Everglades. Très mauvaise idée car ce parc naturel leur sied à merveille ! Du coup, d’après Skip Snow, biologiste qui y travaille, ils seraient maintenant 30 000 à barboter dans les marais de

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Floride. Partiront-ils à la conquête des états voisins ? Pas sûr qu’ils le puissent, en raison du changement climatique, promettaient récemment des chercheurs de l’université de New York… Sinon, aux Everglades, comment réagissent les maîtres des lieux, les alligators ? Ce serpent pourrait peut-être leur faire de l’ombre, non ? C’est vrai qu’il est impressionnant. Il peut mesurer 8 m et peser plus de 100 kg. Très bon nageur, il tue ses proies – petits mammifères, oiseaux, et autres reptiles – en les étouffant, puis les avale d’un coup. En plus, il est prolifique : une femelle peut pondre chaque année plus d’une cinquantaine d’œufs. Maintenant, difficile de dire qui est le plus fort des deux quand on voit cette photo prise en octobre 2005 : un python de 4 mètres au ventre déchiré par les coups de pattes de l’énorme repas qu’il avait avalé, un alligator de 2 mètres… Et dire que les autorités comptaient sur lui pour se débarrasser de l’intrus !

24 Une mère, et pas de père ? Les varans de Komodo se reproduisent par parthénogenèse Les dragons ou varans de Komodo (Varanus komodoensis) sont fascinants. D’abord, pouvant mesurer 2,50 m pour un poids de 100 kg, ils sont les plus gros lézards du monde. À cette taille, ces prédateurs ne sont pas des enfants de chœur. Ensuite, on ne les rencontre qu’en Indonésie sur quatre îles : Florès, Rintja, Gili Motang et Komodo (qui leur a donné leur nom). Enfin, ils peuvent utiliser la parthénogenèse pour se reproduire, autrement dit, l’autofécondation maternelle. Pas d’intervention de spermatozoïdes ? Exactement. C’est exceptionnel chez les vertébrés, mais plus fréquent chez les invertébrés comme les insectes par exemple, et les plantes. Ainsi, preuves à l’appui par tests d’ADN, deux cas de parthénogenèse chez des dragons de Komodo ont été enregistrés en zoo en 2006, un autre en 2007, puis rebelote en 2008 ! Cette fois, c’est au zoo de Wichita dans le Kansas que s’est produit le miracle. Une mère a donné naissance à deux bébés mâles alors que le parc n’en possédait pas un seul…

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25 Les vieilles mamies ont eu chaud ! Aux Galapagos, le réveil d’un volcan a failli mettre en péril des tortues géantes Le 29 mai 2008, après 10 ans de sommeil, le volcan Cerro Azul s’est réveillé. Comme quatre autres volcans actifs, il se situe sur Isabela. Cette île est la plus grande de l’archipel des Galapagos et sert, comme ses proches voisines, de refuge à des tortues géantes endémiques (Geochelone nigra). Du haut de leur 250 kg, elles sont les plus grosses tortues terrestres de la planète et peuvent vivre plus de 150 ans. Certaines de ces vieilles mamies, résidant à proximité du cratère du Cerro Azul, risquaient de disparaître dans des coulées de lave. Mais ouf, plus de peur que de mal ! La lave a finalement parcouru une dizaine de kilomètres sans prendre la direction redoutée par les autorités. Quelques jours plus tard, le Cerro Azul se calmait gentiment. Tout ne s’était pas si bien passé lors de sa dernière colère en 1998 : malgré un hélitreuillage express, plusieurs tortues étaient mortes carbonisées dans des torrents de feu.

26 Roulé-boulé acrobatique Les alligators tournent sur eux-mêmes pour déplacer leurs poumons Les reportages télévisés montrent souvent cette frénésie aussi étrange que soudaine qui s’emparent des alligators. Dans l’eau, d’un coup, ils roulent sur eux-mêmes. Pourquoi ? Todd Uriona et Coleen Farmer, chercheurs à l’université de l’Utah aux États-Unis connaissent enfin la réponse. Pour surprendre leurs proies, les alligators se déplacent discrètement sous la surface sans faire de vagues. Pas facile sans nageoires, ni ailerons. Du coup, avant de plonger (et lorsqu’ils remontent, pour obtenir l’effet inverse), ils exécutent un roulé-boulé afin de déplacer leurs poumons vers l’arrière ou sur les côtés !

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Mouvements internes qui bien sûr sollicitent les muscles. C’est d’ailleurs en plaçant des électrodes sur 5 groupes musculaires que les experts ont découvert le phénomène. Leur conclusion renvoie au placard la théorie selon laquelle ces animaux auraient acquis un diaphragme robuste dans le but de pouvoir courir sur terre et respirer à la fois. Car bien sûr, le diaphragme participe au contrôle du mouvement des poumons. Mais d’après ces biologistes, il serait apparu lorsque les reptiles auraient adopté un mode de vie aquatique il y a 145 millions d’années.

27 Les antibiotiques de demain ? Le sang des alligators pourrait permettre de concevoir de nouveaux médicaments L’alligator pourrait nous rendre bientôt de précieux services, ont annoncé des biochimistes au cours de la 235e réunion annuelle de la Société Américaine de Chimie à La Nouvelle-Orléans. Lesquels ? Médicaux… L’animal a de nombreux rivaux prêts à lui voler son territoire. Pour le défendre, il n’hésite pas à se battre. Et les coups de morsure causent des plaies profondes s’infectant très souvent. Pour autant, l’alligator s’en sort. Oui, il a un truc. Son système immunitaire est remarquable comme ont pu le constater Mark Merchant, Kermit Murray et Lancia Darville, chercheurs à l’université de Louisiane. Ils y ont trouvé de vraies perles moléculaires : des protéines particulières fabriquées par certains globules blancs du sang. Ils les ont appelées alligacines. Celles-ci seraient capables de mettre K.O. des bactéries contre lesquelles nos antibiotiques rendent les armes. Exemple ? Certaines souches du terrible staphylocoque doré dont la résistance fait trembler les milieux hospitaliers. Cerise sur le gâteau, ces fameuses alligacines se montreraient efficaces dans l’élimination de champignons tels que l’opportuniste Candida albicans (responsable des candidoses qui s’en prennent aux patients immunodéprimés, affectés par le sida, transplantés ou atteints d’un cancer sous chimiothérapie).

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Bref, moins d’un siècle après la découverte de la pénicilline par Alexander Flemming, Mark Merchant assure que le sang des alligators abrite la source des antibiotiques et antifongiques du futur ! Ces médicaments pourraient voir le jour d’ici 7 à 10 ans sous forme de pilules et de crèmes.

Plumes et promenade dans les airs

28 Du mercure sur huit pattes Les oiseaux peuvent être contaminés par le mercure en mangeant des araignées Le mercure est un métal lourd présent à l’état naturel dans le sol. Il est employé par les industries chimiques, agro-alimentaires, etc. et on en retrouve dans les batteries, thermomètres, LFC (lampes fluocompactes à basse consommation qui remplacent les ampoules à incandescence), piles, plombages dentaires… Autre usage : l’orpaillage pour amalgamer l’or récupéré dans les sédiments des rivières (pratiqué illégalement, c’est un fléau en Guyane). Si bien qu’entre sources naturelles et émissions atmosphériques par les activités humaines, la pollution au mercure touche aujourd’hui la planète entière ! Et les eaux de ruissellement la transportent vers les rivières, puis les océans. Sous forme de méthylmercure très toxique, le mercure s’accumule même dans l’organisme des animaux, en particulier des poissons qui figurent en bonne place au menu des espèces situées au sommet de la chaîne alimentaire marine (oiseaux, mammifères marins… et hommes). Mais dans cette étude, Daniel Cristol et son équipe du College William & Mary se sont intéressés à ce qu’il se passait au bord des écosystèmes aquatiques, non à l’intérieur. Ils ont analysé le sang et les plumes d’une douzaine

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d’espèces d’oiseaux vivant sur les berges de la rivière Shenandoah en Virginie et se nourrissant d’insectes terrestres. Résultats annoncés en avril 2008 ? Ces oiseaux présentaient des taux de mercure potentiellement nocifs et équivalents à ceux d’oiseaux mangeurs d’insectes aquatiques ! Les petites bestioles de leur alimentation les plus concentrées en mercure ? Des araignées. Mauvaise nouvelle car cette étude démontre bien que la pollution aquatique au mercure peut se transférer vers les habitats terrestres voisins… Imaginez l’impact à échelle mondiale sur la santé des oiseaux, et d’autres.

29 Chanter, ça s’apprend Comme les bébés, les oisillons babillent « Arheuuu-arheuuu » lancent les bébés avant de réussir à articuler leur premier mot, « Maman ». Victoire ! Mais tout cela ne se fait pas en un claquement de doigts. Et c’est un apprentissage assez long qui attend le nouveau-né avant d’en arriver à un tel résultat. Pour les oisillons, c’est pareil. D’abord, on piaille un modeste « cui-cuicuiiii » avant de pouvoir siffler aussi bien que les grands. Hé oui, eux aussi, dans les premiers temps de leur vie babillent et jouent. C’est ce qu’a montré Michale Fee, spécialiste du cerveau à l’Institut McGovern dans le Massachusetts. Il a étudié de près les sons émis par les diamants mandarins. Hé bien, les bébés s’entraînent sans cesse à produire des bruits divers jusqu’à pouvoir enfin reproduire les chants toujours identiques des adultes ! Et cette mécanique bien huilée de l’apprentissage serait impossible sans un circuit neuronal spécifique dans le cerveau. Il suffit que ce dernier soit endommagé pour que l’oisillon ne parvienne jamais à chanter comme ses parents…

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30 La beauté ne se mange pas en salade Chez les passereaux, en amour, les critères esthétiques sont secondaires Côté cœur, Madame passereau est particulièrement exigeante. Que Monsieur soit attirant, tant mieux, mais ce n’est pas l’essentiel à ses yeux comme l’ont découvert Alexis Chaine, chercheur au CNRS de Moulis en France et son collègue américain Bruce Lyon de l’université de Santa Cruz en Californie. Pendant 5 ans, ces biologistes ont étudié les amours des bruants noirs et blancs (Calamospiza melanocorys), passereaux d’Amérique. Verdict ? Ce qui compte surtout pour la femelle, c’est que son cher et tendre soit un bon père. Et dire que jusqu’ici, on la pensait seulement intéressée par le physique (couleur du plumage, taille du mâle). Mauvaises langues… En effet, pas question que son compagnon se tourne les pouces ! Il devra l’assister pour la couvaison des œufs et près d’un mois après leur éclosion, avec une mission : perdre un minimum d’oisillons. Alors, sur quels critères sélectionne-t-elle l’élu ? Tout dépend du contexte de la saison en cours. Peu de sauterelles cette année ? Elle choisira un mâle avec un gros bec qui pourra les chasser facilement. Le nid est à proximité du sol ? Son Roméo aura les ailes ornées de grandes tâches blanches (rien de tel pour faire peur aux souris qui n’hésitent pas à saccager le nid). Malin, n’est-ce pas ?

31 Relooking de folie Un soupçon de maquillage donne du sex-appeal aux hirondelles Rebecca Safran, biologiste à l’université de Boulder dans le Colorado et Kevin McGraw, de l’université d’Arizona, ont réalisé une étonnante expérience avec des hirondelles de cheminée (Hirundo rustica).

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Depuis quelques années aux États-Unis, les femelles semblent plutôt attirées par des fiancés au plumage sombre. D’où l’idée de maquiller en noir une partie des plumes de mâles au ventre clair. Et à la grande surprise des chercheurs, la chimie de l’organisme de ces derniers en a été toute émoustillée ! Le taux de testostérone, principale hormone sexuelle mâle, a ainsi augmenté de 36 % en une semaine (à une époque où d’ordinaire il décline). Ces messieurs ont même perdu du poids. Les demoiselles les trouvant plus à leur goût, peut-être s’accouplaient-ils plus souvent et reprenaient-ils confiance en eux ? Évidemment, lorsqu’on passe son temps à roucouler, on se dépense et on pense moins à manger. En tous cas, c’est sûr, ce petit relooking en noir leur a fait voir la vie en rose…

32 Vive la diversité ! Le virus du Nil occidental frappe moins les populations entourées d’espèces d’oiseaux variées Le virus du Nil occidental fait régulièrement parler de lui. En France, il est devenu célèbre en 2000 après avoir infecté plusieurs dizaines de chevaux en Camargue. Chez l’Homme, l’infection est le plus souvent bénigne, mais potentiellement mortelle dans ses formes rares (encéphalite et méningite) et sur les personnes très fragiles. Les principaux hôtes du virus sont les oiseaux. Les espèces migratrices le transportent ainsi d’Afrique vers les zones tempérées. Et les moustiques (du genre Culex) qui les piquent se chargent de le transmettre aux mammifères. Or, selon les récentes recherches de John Swaddle et Stavros Callos de l’université de Santa Barbara en Californie, dans les zones où la diversité aviaire est plus importante, les cas d’infection humaine seraient plus rares ! Cet « effet de dilution » lié à la richesse des espèces a déjà été observé avec la maladie de Lyme transmise par les tiques. Et une fois de plus, on a la preuve de l’importance de la biodiversité. Préserver la nature, c’est aussi entretenir notre santé.

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33 Un bruit de fou la nuit au Panama ? Des chauves-souris émettent des sons d’une intensité équivalente à celle d’un avion au décollage Comme les dauphins dans l’eau, les seuls mammifères capables de voler utilisent l’écholocation pour se repérer dans l’air et l’obscurité. Ainsi, les chauves-souris – puisqu’il s’agit d’elles – émettent des ultrasons. Après avoir rebondi sur des obstacles ou des proies potentielles, ceux-ci reviennent à leurs oreilles sous forme d’échos. Certaines chauves-souris sont bien capables d’émettre des sons à basse fréquence, donc audibles par l’homme. Mais les ultrasons, eux, ne le sont pas d’ordinaire. Et heureusement si l’on en croit Annemarie Surlykke, de l’université Syddansk au Danemark et Elisabeth Kalko, de l’université d’Ulm en Allemagne… À l’aide d’un microphone perfectionné, ces spécialistes en bioacoustique ont enregistré, au Panama, les ultrasons émis par 11 espèces de chauves-souris insectivores. Les plus puissants atteignaient 140 décibels. Soit l’équivalent du bruit d’un avion à réaction à son décollage, et 20 dB de plus que le seuil de la douleur pour l’oreille humaine ! Le record revient à la chauve-souris bouledogue (Noctilio leporinus). Enfin, d’après les chercheuses, de telles intensités vont de paire avec des fréquences très élevées. Et pour cause, seules les hautes fréquences ultrasoniques permettent de détecter les petits insectes volants. Mais elles ne voyagent pas loin dans l’air. Ce qui oblige les chauves-souris à hurler si elles veulent élargir la zone balayée par leur sonar…

34 Un nez blanc alarmant Un champignon a fait des milliers de victimes chez les chauves-souris Découvert en 2007 dans plusieurs grottes et mines désaffectées du nord des États-Unis (New York, Vermont, Massachusetts, Connecticut), le syndrome du nez blanc ou White Nose Syndrome (WNS) a fait des ravages

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en 2008 sur plusieurs espèces de chauves-souris, dont certaines déjà menacées. À l’été, on ignorait toujours si ce mal d’origine inconnue était ou non transmissible à l’homme. Chez le petit mammifère volant, il se traduit par l’apparition d’un anneau blanc sur le museau, un amaigrissement et une pneumonie. Taux de mortalité ? 50 à 90 %. C’est là tout le problème car le taux de reproduction des chauves-souris est très lent malgré leur longévité. Sans parler des conséquences écologiques si la situation venait à empirer… La plupart des chauves-souris étant insectivores, elles jouent un rôle crucial dans le contrôle des populations d’insectes. Quant aux autorités canadiennes, elles craignent que la maladie se propage dans leur pays. Et on les comprend.

35 Un café et l’addition, s’il vous plaît ! Les chauves-souris peuvent jouer un grand rôle dans l’agriculture biologique Le café mexicain bio’ est cultivé sur des plantations saines. L’usage de pesticides y est proscrit. Mais alors, qui s’occupe de faire déguerpir tous les insectes qui nuisent aux caféiers ? Jusqu’ici, ce rôle était attribué aux oiseaux, et accessoirement aux chauves-souris. Toutefois, une étude réalisée à la Finca Irlanda dans une plantation de la région du Chiapas au Mexique, a remis les pendules à l’heure. Des chercheurs de l’université du Michigan ont montré qu’en été, ce sont les chauves-souris qui sont les plus efficaces pour éliminer les bestioles indésirables. Elles les chassent sans relâche ! Et c’est un service écologique gratuit qu’elles apportent aux producteurs de café. Elles en rendent bien d’autres à la Nature et à l’Homme : pollinisation de certaines plantes, dispersion de graines, etc. On oublie souvent de le dire. Or, il le faudrait car les chauves-souris souffrent d’une mauvaise image et sont en déclin. Qui pourrait les remplacer dans toutes ses nobles tâches si on les laissait disparaître ?

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36 Des cures de terre Pour garder la santé, les chauves-souris pratiquent la géophagie Les chauves-souris frugivores mangent de la terre pour neutraliser les poisons des fruits dont elles se nourrissent ! Une surprenante découverte faite en forêt d’Amazonie que l’on doit à Christian Voigt, biologiste allemand de l’Institut Leibniz de Berlin et ses collègues de l’Université de Boston. En effet, si nous, d’un simple coup de couteau, pouvons retirer les parties des fruits ou légumes impropres à la consommation (noyaux, pépins, peaux, etc.) et même faire cuire ceux que notre système digestif ne supporte pas crus, les petits mammifères volants, eux, n’ont pas cette chance. Or, chaque nuit, ils dévorent des quantités de fruits contenant des parties toxiques. Les femelles en mangent encore plus lorsqu’elles portent des petits ou qu’elles allaitent. Cela devient un vrai souci pour les fragiles embryons et les jeunes à peine nés. Heureusement que les mamans ont trouvé une façon de contourner ce problème : elles prennent grand soin à boire de l’eau riche en minéraux et lèchent la terre ! La quantité de substances minérales ainsi ingérée détoxifie leur organisme et par ricochet, leur permet de garder les bébés en bonne santé.

De Tic et Tac au coyote

37 Stressé, un peu, beaucoup ou pas du tout ? Les écureuils apprennent mieux lorsqu’ils sont stressés Trop de stress ? C’est l’horreur, et même très mauvais pour la santé. Mais à petite dose, le stress est souvent évoqué comme un moteur dans le travail. Qu’en est-il pour l’apprentissage ? Un sujet, cher aux futurs bacheliers et

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autres étudiants, qui reste à éclaircir… En attendant, cette nouvelle étude les mettra sur la voie. Dans les arbres, les écureuils sont des as de la voltige et de la rapidité : absolue nécessité pour échapper aux prédateurs. Or, selon Jill Mateo, chercheuse à l’université de Chicago, l’acquisition de cette habileté a bien quelque chose à voir avec le stress. Démonstration sur des spermophiles de Belding (Spermophilus beldingi). Au cours de leur premier mois de vie, ces écureuils terrestres de l’ouest américain restent dans le terrier avec leur mère. Ensuite, sevrés, ils sortent et doivent se débrouiller seuls pour retrouver l’entrée du domicile. Pas facile ! Voilà pourquoi les 15 premiers jours de sortie, 30 % finissent dans l’estomac de prédateurs (aigles, etc.). Mais revenons-en au stress. Chez les mammifères, il se traduit par la production de cortisol. Sécrétée par les glandes surrénales, cette hormone entraîne une augmentation de la pression sanguine et du taux de sucre dans le sang. Un sacré coup de fouet pour l’organisme, mais gare aux excès. Et dans les deux sens… La biologiste a recréé l’environnement hostile des jeunes spermophiles à leur sortie (labyrinthe menant au terrier, passage de frisbee, émissions de cris d’oiseaux enregistrés) et placé du cortisol sous forme médicamenteuse en plus ou moins grande quantité dans leur nourriture. Bilan ? Les écureuils modérément stressés retenaient mieux les tâches essentielles à leur survie, loin devant ceux qui présentaient des taux faibles ou élevés de cortisol. Alors du stress, oui, mais pas trop !

38 Tel maître, tel chien ! Aux États-Unis, un tiers des chiens sont obèses Nos amis les bêtes semblent bien pâtir de nos modes de vie sédentaires. C’est ce que montre une étude américaine publiée en février 2008. Les États-Unis, comme beaucoup d’autres pays, sont touchés de plein fouet par l’obésité. Manque d’activité physique, alimentation mal équilibrée, âge, voire prédisposition génétique sont responsables de ce fléau moderne entraî-

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nant maladies cardiovasculaires et autres. Des problèmes qui concernent les humains, et maintenant leurs toutous. 22 à 40 % des chiens américains seraient obèses selon l’enquête de Craig Thatcher, de l’école vétérinaire de Virginie. Et eux aussi souffriraient de maladies hormonales (hypothyroïdie, etc.). Des facteurs génétiques prédisposent carrément certaines races comme le labrador, le beagle ou le cocker à l’embonpoint ! D’où l’importance pour les maîtres d’être attentifs et de veiller sur la santé de leurs petits compagnons comme sur la leur, les causes de l’obésité canine étant les mêmes que chez l’Homme. Quant aux conséquences ? Diabète, problèmes musculo-squelettiques et particulièrement orthopédiques, etc. Le vétérinaire insiste donc sur les solutions qui permettent aux toutous de retrouver leur poids de forme : régime et sport pour tout le monde…

39 Avoir un matou ou un toutou, c’est bon pour le cœur Vivre avec un animal de compagnie réduit les risques d’infarctus de 30 % Hé bien voilà, on s’en doutait, mais c’est désormais scientifiquement prouvé : avoir un animal à la maison réduit de presque un tiers les risques de faire une crise cardiaque ! C’est la conclusion d’une étude menée sur 10 ans et 4 435 Américains volontaires. Une partie d’entre eux avaient ou avaient eu par le passé un chat, les autres n’avaient pas d’animaux. Rassurez-vous, d’après l’auteur, le Dr Adnan Qureshi de l’université du Minnesota, ce qui est vrai pour le matou l’est aussi pour le toutou. Nos petits compagnons sont de véritables anxiolytiques sur pattes, sans la dépendance, ni les effets indésirables sur l’organisme ! Des travaux antérieurs avaient même montré qu’une simple rencontre de 12 minutes entre un chien et un patient en insuffisances cardiaque et respiratoire avait déjà

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un effet positif immédiat sur ses symptômes. Ces médicaments 100 % naturels pourraient presque être remboursés par la sécurité sociale, non ?

40 Une fourrure très fournie Les poils de chiens de traîneaux contiennent du mercure Le mercure accumulé en Arctique est un polluant qui représente une menace pour la santé des habitants de la région. Kriya Dunlap, chimiste à l’université de Fairbanks en Alaska, s’est penchée sur le sujet. Par facilité, elle a étudié les huskies plutôt que les villageois, parfois réticents. De toute façon, tous mangent la même chose : essentiellement du saumon sauvage et un peu de viande (caribous, etc.). Et comme le mercure s’accumule dans les graisses des poissons, il passe dans l’organisme des chiens et des êtres humains qui les consomment. La chimiste a recherché la trace du polluant dans l’épaisse fourrure des huskies. Car si le sang contient du mercure, on en retrouve dans le poil (ou le cheveu chez l’Homme) puisque le follicule pileux est irrigué par le précieux liquide rouge… Kriya Dunlap a donc analysé des échantillons prélevés sur 48 huskies provenant de différentes régions d’Alaska, de New York (groupe témoin nourri avec de la nourriture pour chiens vendue dans le commerce) et des restes fossilisés d’un chien vieux de 1 290 ans découverts sur la côte ouest de l’Alaska. Surprise – pas tant que ça en réalité – ces derniers contiennent un taux de mercure moitié moins élevé que le moins concentré des échantillons modernes ! Preuve, s’il la fallait, que le mercure circule aussi à l’état naturel. Sinon, le degré de contamination diminue lorsqu’on s’éloigne de la Mer de Béring vers l’intérieur des terres. Comment l’expliquer ? Simplement. Les saumons sont intoxiqués en mer par leur nourriture contaminée au mercure. En période de frai, lorsqu’ils remontent les cours d’eau loin de la mer, ils cessent de s’alimenter et puisent l’énergie dans leurs graisses. Le polluant stocké quitte ainsi leur organisme.

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41 Razzia dans l’Est américain Les coyotes perturbent la chaîne alimentaire de cette région Le coyote (Canis latrans) est une sorte de chien d’Amérique du Nord. C’est un dur à cuire, capable de manger n’importe quoi et de se fondre dans le décor. Justement, puisque l’homme a exterminé le loup dans le Nord-Est des États-Unis, lui en a profité pour prendre sa place. Et en 15 ans, sa population a explosé dans la région. Les pauvres cervidés en payent le prix car ils figurent parmi les plats préférés du coyote ! Il devenait donc urgent de se pencher sur l’impact de son arrivée au sommet de la chaîne alimentaire. C’est ce qu’a fait Jacqueline Frair, zoologiste de l’École de Foresterie et d’Environnement de l’état de New York. Utilisant des colliers munis de balises GPS, elle a suivi les canidés à la trace. Les premiers résultats de ses travaux montrent qu’ils entrent en compétition avec les renards dont le nombre a chuté. Et même si les coyotes sont des prédateurs, ils sont également attirés par la nourriture destinée aux animaux de compagnie au pied des maisons. À ce titre, en surnombre, ils pourraient représenter un danger pour la population. Aujourd’hui, ils sont plusieurs milliers à fréquenter l’Est des États-Unis alors qu’ils sont originaires de l’Ouest (Montana, Wyoming).

Biberons, jouets et bouquets de fleurs

42 Biberons vides Les bébés caribous sont victimes des printemps précoces Le réchauffement climatique a des conséquences insoupçonnées. Exemple avec les rennes, encore appelés caribous (Rangifer tarandus). Au Groenland,

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Eric Post de l’université d’État de Pennsylvanie, et Mads Forchhammer de celle d’Aarhus au Danemark, ont étudié un troupeau de la région de Kangerlussuaq en 1993, puis entre 2002 et 2006. Entre temps, la température moyenne au printemps a pris plus de 4 °C ! D’où ce récent problème : il existe désormais un décalage entre la naissance des caribous et le pic de floraison des plantes fourragères les plus nourrissantes. Ce dernier a lieu jusqu’à deux semaines plus tôt. Résultat, les bébés arrivent trop tard. Ils ne peuvent plus profiter pleinement de cette riche nourriture consommée par leur mère et dont ils sont censés récupérer les bénéfices dans le lait. Beaucoup en meurent. Ainsi, les mauvaises années, le taux de mortalité est jusqu’à sept fois plus élevé que les bonnes ! Une adaptation des caribous est certainement possible, mais pas si les changements se font de manière trop brutale.

43 À chacun ses joujoux ! Chez les singes, les mâles préfèrent les petites voitures aux poupées Par bien des aspects, nos cousins nous ressemblent. Ainsi, chez les singes, les mâles préféreraient les jouets à roues bien virils (voitures, camionnettes et autres grues) et ne s’intéresseraient guère à la vie palpitante des poupées ou à la douceur des peluches ! C’est ce qu’a montré une étude menée par Kim Wallen, psychologue, au Centre National de Recherche sur les Primates Yerkes à Atlanta aux États-Unis. Le scientifique a travaillé avec 11 mâles et 23 femelles macaques rhésus (Macaca mulatta, espèce commune en Asie) en leur donnant le choix : d’un côté des jouets de garçons, de l’autre, de petites filles. Les mâles préféraient finalement passer plus de temps avec les voitures, alors que les femelles en passaient autant sur les uns que sur les autres. Le tout sans la moindre influence des parents ou de la publicité comme c’est le cas chez l’Homme…

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44 Un inconnu vous offre des fleurs Un dauphin d’eau douce se promène avec des branches dans la gueule pour épater les minettes On l’appelle boto, dauphin rose d’Amazonie ou inie de Geoffroy, de son nom latin Inia geoffrensis. Ce grand et rare dauphin de rivière de 2,50 m, dont la couleur contraste avec le vert de la jungle tropicale, est menacé. C’est pourtant si époustouflant d’imaginer qu’un cétacé puisse vivre dans un grand fleuve d’Amérique du Sud ! Les générations futures doivent elles aussi avoir la chance de pouvoir le rencontrer… Sans compter qu’on commence seulement à le découvrir. Récemment, Anthony Martin, expert en comportement animal à l’université de St Andrews en Écosse, Vera da Silva et Peter Rothery ont rapporté d’incroyables images : des mâles transportant dans leur bec de véritables bouquets de branchages et autres algues. Dans quel but ? Celui de faire chavirer le cœur des demoiselles. Un geste plein de romantisme ? Non, plutôt de virilité selon les experts. Les botos jouent tout simplement les machos, comme les chimpanzés qui brisent des branches d’arbres dans le vacarme pour subjuguer les nanas, ou les hommes qui roulent des mécaniques dans de belles voitures pour épater la galerie !

45 Le cœur de la Bolivie bat pour lui Un dauphin d’eau douce qui vit en Bolivie n’est pas une sous-espèce du boto Le bufeo, dauphin bolivien (Inia boliviensis), a longtemps été considéré comme sous-espèce du boto. C’est maintenant de l’histoire ancienne puisqu’en avril 2008, il a été officiellement déclaré espèce à part entière lors d’une conférence organisée à Santa Cruz de la Sierra en Bolivie. Il doit cette recon-

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naissance scientifique à l’équipe de Manuel Ruiz-Garcia, chercheur en génétique moléculaire à l’université Javeriana de Bogota en Colombie. Ouf, merci l’ADN ! Car le bufeo n’a pas volé son nouveau statut. Il est un peu plus petit que son cousin brésilien, plutôt gris que rose et a plus de dents. D’ailleurs, leurs territoires respectifs sont séparés d’une série de 18 rapides sur 400 km. Cette nouvelle a donc été accueillie avec joie par la Bolivie. Elle s’est empressée de faire de l’animal le symbole de ses efforts en matière de conservation. Une très bonne chose : les dauphins de rivière sont les cétacés les plus menacés au monde…

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46 Pourquoi gâcher toute cette bouse ? Les excréments de vaches sont une formidable source d’énergie renouvelable Ne riez pas, le sujet est sérieux. On en parle peu et c’est sans doute ce qui a décidé Michael Webber et Amanda Cuellar, chercheurs à l’université d’Austin au Texas, à prendre le taureau par les cornes. Et en ces temps qui démontrent combien la solution des biocarburants est encore loin d’être idéale d’un point de vue écologique et de son implication dans la crise alimentaire mondiale, en attendant ceux de seconde génération plus prometteurs, il est bon de rappeler qu’il existe d’autres énergies vertes. Ainsi, selon ces experts, convertir la bouse de vaches en biogaz permettrait de générer suffisamment d’électricité pour couvrir les besoins de 3 % des Américains. Cerise sur le gâteau, cela réduirait les émissions de gaz à effet de serre. En effet, naturellement, la décomposition d’excréments de bovins en produit deux : l’oxyde nitrique et le méthane. Or, le pouvoir de réchauf-

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fement global du premier est 310 fois supérieur à celui du CO2, et celui du méthane, 21 ! Sinon, comment obtenir une telle énergie ? Facile, par un processus de méthanisation. La bouse passe dans un digesteur à bactéries qui vont la dégrader. En brûlant le biogaz obtenu, on va pouvoir alimenter un générateur qui produira de l’électricité, laquelle sera distribuée aux consommateurs. Quant au déchet restant – le digestat – il devient un biofertilisant parfait pour l’agriculture. Alors, le biogaz, génial, non ?

47 Boogie-woogie dans les bois Des biologistes ont pu filmer des grizzlis en train de se frotter le dos Aller en boîte pour danser ? Pas la peine puisque la forêt leur tend les bras. Allez hop, en piste. Et que ça swing, les grizzlis ! Souriez, vous êtes filmés. Les caméras ont été placées en douce dans le nord-ouest du Montana. Quant aux premières vidéos, elles ont été récupérées puis diffusées en 2008 par Kate Kendall et ses collègues de l’U.S. Geological Survey. Que montrent-elles ? De gros nounours en train de se trémousser, se frictionnant le dos avec délice contre des troncs d’arbres. En haut, en bas, flexion des genoux, on remue du popotin. À gauche, à droite et on lance le bras en l’air… Serait-ce du disco ? Presque, car en réalité, il s’agit d’un comportement rarement observé. Comiques, ces images sont surtout de véritables documents scientifiques. Les biologistes pensent que les ours de la région – grizzlis (Ursus arctos horribilis) et ours noirs (U. americanus) – se frottent la fourrure contre l’écorce des arbres pour communiquer avec les autres. Un moyen efficace de laisser un signal chimique et dire « attention, je suis passé par là et je ne suis pas loin » ! D’ailleurs, à la saison des amours, les mamans accompagnées d’un petit évitent soigneusement de se laisser aller à ce plaisir. Pas question de se faire repérer si on veut garder bébé en vie…

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48 Au voleur ! L’ours noir n’hésite plus à chiper la nourriture des humains En Amérique du Nord, un filou fait des siennes. Sans prévenir, l’ours noir débarque chez les campeurs empiétant sur son territoire et, comme dans le dessin animé de DreamWorks « Nos voisins les hommes », leur dérobe leur pique-nique ! Mal élevé ? Plutôt oui. Au point que les biologistes supposaient jusqu’ici que ce comportement lui venait de sa mère. Mais une nouvelle étude, menée sur 116 ours noirs dans les parcs nationaux du Lac Tahoe au Nevada et Yosemite en Californie, éclaircit les choses. D’après Jon Beckmann et Joel Berger de la WCS (Wildlife Conservation Society), le voleur agirait aussi de sa propre initiative ou sous la mauvaise influence d’autres ours. Si l’histoire prête à sourire, elle pourrait poser problème pour la sécurité des gens et la santé de nounours. Ce dernier peut quand même mesurer jusqu’à 2 mètres. Et il commence à prendre goût aux aliments riches en sucres et en graisse. Résultat, ceux que les chercheurs surnomment ours urbains, vivant à proximité des villes, viennent carrément se servir la nuit dans les poubelles des fast foods et des habitations ! Un quart d’entre eux pèsent plus de 180 kg (certains atteignent même 270 kg), quand leurs collègues moins citadins, qui passent des heures à chercher de quoi grignoter dans la forêt, font entre 100 et 145 kg. Attention à l’obésité, aux excès de cholestérol et au diabète, les gars.

49 Y aura-t-il encore des ours polaires en 2050 ? Le WWF alerte les autorités canadiennes et demande un passage à l’action 20 000 à 25 000 ours polaires vivent à l’état sauvage autour du pôle Nord. On les rencontre au Canada, en Alaska (territoire appartenant aux

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États-Unis), au Groenland (île rattachée au Danemark), au Svalbard (archipel de Norvège) et en Sibérie (Russie). Ces états ont signé en 1973 l’Accord International sur la Conservation des Ours Blancs et leur Habitat. Mais si le nombre d’ours blancs semble encore élevé, cette protection reste insuffisante. En avril 2008, le Fonds Mondial Pour La Nature (WWF) a fait savoir au Canada qu’en l’état actuel des choses, elle craignait de les voir disparaître d’ici 2050. Pourquoi au Canada ? Parce que ce pays abrite deux tiers de la population d’ours polaires et qu’il s’apprêtait à réévaluer leur cas. Décision prise par le COSEPAC (Comité Sur la Situation des Espèces en Péril au Canada) ? Son statut reste jugé préoccupant depuis 1991, mais l’espèce Ursus maritimus n’est toujours pas considérée menacée d’extinction. En revanche, elle l’est maintenant pour les Américains. Et hélas, c’est bien le cas : à cause du changement climatique qui fait fondre la banquise (difficile alors d’aller chasser le phoque), de la pollution accumulée en Arctique (PCB et pesticides contaminent son organisme en perturbant ses défenses immunitaires et son système hormonal), ou d’une chasse aux trophées limitée autorisée au Canada (et contestable comparée aux quotas de subsistance accordés aux peuples autochtones)… Enfin, inquiétante nouveauté liée à la crise mondiale de l’énergie, l’exploitation du pétrole et du gaz naturel de cette région du globe intéressent sérieusement les industriels. Bref, il devient vraiment urgent de mettre en place des mesures de conservation concrètes pour ne pas perdre le seigneur du Grand Nord !

50 Pourquoi faut-il préserver la biodiversité ? Perdre des espèces, ce n’est pas seulement perdre les trésors de la nature En quoi est-ce grave de laisser disparaître les espèces ? Après tout, depuis la nuit des temps, des espèces apparaissent, évoluent, s’éteignent puis sont

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remplacées. Oui, mais cette fois, en raison de notre incapacité à gérer le commerce illégal et notre frénésie à détruire leurs habitats, elles se volatilisent à un rythme fou ! Or, notre santé dépend de la biodiversité comme l’explique brillamment Sustaining Life paru en 2008. Écrit avec l’aide d’une centaine d’experts par Eric Chivian et Aaron Berstein, chercheurs à l’université Harvard, ce rapport réveille les consciences. Exemple avec les grenouilles Rheobatrachus découvertes dans les années 1980 en Australie : l’incubation des œufs pouvait se faire dans l’estomac maternel. Des substances empêchaient leur destruction par les acides et enzymes gastriques et leur vidange vers les intestins. Renfermaient-elles les clés d’un traitement contre l’ulcère gastroduodénal ? Certainement. Hélas, les Rheobatrachus ont disparu avant qu’on en sache plus. Et cette histoire risque de se reproduire car les amphibiens sont menacés. Parmi eux, les dendrobates du Panama détiennent-ils le secret de nouveaux médicaments pour le cœur ? D’autres, celui de nouveaux antibactériens ? Tritons et salamandres, qui peuvent régénérer certains tissus, peuventils donner les pistes à suivre pour faire pareil chez l’Homme sur la moelle épinière ou d’autres organes ? Pas si on les laisse disparaître ! Même constat pour les ours hibernants dont l’organisme passe plusieurs mois sans se débarrasser des déchets toxiques : il y a sans doute là de quoi trouver un traitement contre l’insuffisance rénale. Vite alors car 6 des 8 espèces d’ours sont menacées…

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PRÈS DE CHEZ VOUS

Bêtes ou rusées ?

51 Parfois, mieux vaut être bête Les mouches simplettes vivent plus longtemps que les intellos Chez les mouches, faire cogiter ses neurones n’est peut-être pas une bonne idée selon Tadeusz Kawecki et Joep Burger. Ces chercheurs suisses de l’université de Lausanne ont élevé deux groupes de mouches nées aux alentours de Bâle. Le premier est resté tel quel, le second a eu droit à quelques cours de science. Les biologistes ont en effet enseigné à ces mouches l’association d’une odeur à un goût, ou d’une odeur à un choc. En une quarantaine de générations, les descendantes étaient d’excellentes élèves qui apprenaient vite et bien, mieux que leurs ancêtres. Manque de bol, l’expérience montrait aussi qu’elles vivaient moins longtemps que leurs copines du premier groupe. Ces dernières avaient droit à un bonus d’une dizaine de jours. Pas négligeable sur environ 2 mois d’existence, n’estce pas ? D’après Kawecki et Burger, l’activité cérébrale plus intense du second groupe serait la cause de ce vieillissement accéléré. On veut bien le croire. Notre propre cerveau qui ne représente que 2 % du poids du corps humain pompe quotidiennement 20 % de l’énergie disponible… Un sacré gourmand, ce petit bout !

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Près de chez vous

52 Un petit cadeau de la mouche verte Ses asticots sécrètent une substance antibiotique Généralement, les mouches agacent, voire dégoûtent. Pourtant, avec ses reflets dorés, ne seriez-vous pas d’accord pour reconnaître un certain charme à la mouche verte ? Autrement appelée lucilie soyeuse (de son nom latin, Lucilia sericata), vous serez même surpris d’apprendre qu’elle est d’une aide précieuse en médecine. Depuis longtemps déjà, ses larves sont utilisées en asticothérapie pour soigner les plaies. Car les asticots ont l’avantage de manger les tissus morts tout en désinfectant la blessure et en accélérant sa cicatrisation. Et attendez de voir la suite… Sous la direction de Norman Ratcliffe, des chercheurs de l’université de Swansea au Royaume-Uni viennent de leur découvrir une autre qualité : les asticots de la mouche verte sécrètent un antibiotique ! Baptisé sératicine, il serait très efficace contre les maladies nosocomiales, infections que les patients les plus faibles peuvent contracter à l’hôpital. Ainsi, les staphylocoques dorés (Staphylococcus aureus), le colibacille (Escherichia coli) ou le Clostridium difficile s’inclineraient face à lui. Reste à faire de cette molécule un vrai médicament, sous forme de comprimés, crème ou injections. Un travail qui prendra beaucoup de temps car, pour l’heure, il faut 20 tasses d’asticots pour obtenir une goutte de seraticine purifiée.

53 Le vilain petit cafard pris en exemple Les pattes des robots de demain pourraient ressembler à celles du cafard Les appellera-t-on cafarobots ou roboblattes ? Car d’après Walter Federle et Christofer Clemente, c’est certain : les robots du futur emprunteront les techniques de déplacement du cafard. Vous savez, cette bestiole qui vous écœure et qui offre régulièrement son corps à la science dans les salles de classe…

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Comment, la vilaine blatte servant de modèles aux ingénieurs ? Et pourquoi pas puisqu’elle fait des prouesses aux murs ? Des facultés qu’elle n’a pas acquises en un jour, mais en 300 millions d’années et qu’ont étudiées ces experts britanniques chez l’espèce Nauphoeta cinerea. Ainsi, notre vilain petit cafard a deux coussinets tout gras sous chaque patte. On ne sait pas de quoi est composée cette graisse. Mais une chose est sûre, grâce à elle, les pattes adhèrent facilement à une surface verticale par ce fascinant effet de tension superficielle (le même qui permet à certains insectes de « marcher » sur l’eau, ou aux lentilles de contact d’adhérer aux yeux). Résultat, tirer sur un coussinet provoque son adhérence à une paroi, le pousser entraîne le détachement. Et puisqu’il y a deux coussinets, l’un (faisant office d’orteil) tracte, l’autre (de talon) pousse. Le cafard peut ainsi escalader les murs à sa guise. Chose impossible pour les robots actuels aux pattes uniquement tractrices, qui les obligent à toujours garder la tête vers le haut. Même en descente. Franchement pas pratique… Vivement qu’ils aient le truc à pattes des blattes !

54 Astro-cafards Les cafards conçus dans l’espace sont plus résistants que les autres Crac-crac dans l’espace et voilà le résultat : une portée de 33 bambins ! Leur mère, baptisée Nadezhda, leur a donné naissance en 2007 après son retour d’un vol de 12 jours à bord d’un satellite russe. Jolie première mondiale, surtout pour un cafard. Pour ce voyage très spatial, Nadezhda était accompagnée d’une cinquantaine de congénères. Ses petits et leur descendance ont été étudiés l’année suivante par Dimitri Atyakshin, chercheur à l’Institut Russe des Problèmes Biomédicaux (IBMP) de Moscou. Alors, quels effets a-t-il observé sur ces « astro-cafards » conçus en absence de gravité ? Hé bien, ils grandissent plus rapidement, sont encore plus robustes et courent plus vite que les autres ! Impressionnant pour des bestioles déjà increvables ici-bas. Les petits-enfants de Nadezhda, dont les parents se sont reproduits sur Terre, eux, n’ont pas hérité de ces super-pouvoirs. Ouf. Franchement,

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vous ne trouvez pas que cette histoire ferait un très bon point de départ pour un film de science-fiction ?

55 L’aztèque débarque Une fourmi invasive va faire du grabuge chez ses cousines d’Europe En réalité, Lasius neglectus ne vient pas d’Amérique du Sud, mais d’Asie. Et elle est particulièrement résistante à la rudesse du climat. Les grands froids ne lui font pas peur ! Du coup, partie on ne sait comment de la région de la Mer Noire, la fourmi aztèque poursuit sa conquête de l’Europe. C’est plutôt inquiétant car elle a un sale caractère, voire même une tendance destructrice. Raison pour laquelle plusieurs entomologistes, dont Sylvia Cremer de l’université de Copenhague au Danemark, tirent la sonnette d’alarme. Ils ont découvert une centaine de colonies de fourmis aztèques déjà bien installées et craignent le pire pour nos petites fourmis. Beaucoup moins agressives, elles risquent de se faire dévorer tout cru. D’ailleurs, elles ne seraient pas les seules car l’assaillante mange d’autres insectes. Et même des araignées !

56 Chagas en région parisienne ? Plusieurs cas de maladie de Chagas ont été enregistrés en Île-de-France Chagas, ce nom ne vous dit rien ? Normal, c’est une pathologie qui vient de très loin. Provoquée par un parasite (Trypanosoma cruzi), elle est transmise par des punaises : les triatomes. Ces bestioles sucent le sang et laissent sur leur passage des déjections contaminées. Elles vivent cachées dans les murs fissurés des maisons insalubres d’Amérique Latine. Alors, comment expliquer qu’un rapport de l’Institut de Veille Sanitaire (InVS) publié en 2008 annonce le recensement de 18 cas depuis 2004 en Îlede-France ? En fait, les personnes infectées venaient de Bolivie et du Salvador.

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D’après les médecins, il pourrait y avoir au moins 600 cas chroniques sur le sol français, voire plus avec la Guyane. La maladie, transmissible par voie sanguine, peut passer par transfusion ou d’une femme enceinte à son fœtus. Difficile à diagnostiquer du fait de sa longue phase asymptomatique (10 à 20 ans), elle se traduit par de graves troubles digestifs, cardiaques ou nerveux. 17 millions de personnes en sont affectées dans le monde. En régression, la maladie de Chagas fait encore 30 000 à 50 000 morts par an. Il n’existe pas de vaccin efficace dans le commerce. Seul un traitement difficile à supporter et pris en tout début d’infection permet d’en guérir.

57 Les maladies vectorielles dans les starting-blocks En Europe, les maladies transmises par les insectes et rongeurs risquent de s’intensifier Lors d’un récent colloque du Centre Européen de Prévention et de Contrôle des Maladies (ECDC) à Stockholm en Suède, les experts ont prévenu que les maladies vectorielles transmises par les insectes et rongeurs s’intensifieraient en Europe. Grâce au réchauffement climatique en particulier, la mondialisation et le boum du transport aérien lui donnant volontiers un coup de pouce… Les spécialistes prévoient ainsi la multiplication de maladies inconnues sous nos latitudes, comme le chikungunya tristement célèbre depuis sa percée à La Réunion en 2006. Ainsi, en 2007, un touriste italien infecté par ce virus à son retour d’Inde a été à l’origine d’une épidémie ! Un moustique tigre Aedes albopictus, espèce originaire d’Asie du Sud-Est installée depuis le début des années 1990 en Italie (et récemment dans le sud de la France), l’avait ensuite piqué et avait pu transmettre le chik’. Plus de 150 Italiens en avaient été affectés dans le district de Ravenne. En région tropicale, cet insecte est connu pour être porteur de plusieurs virus, dont celui de la dengue. D’où la crainte de le voir s’acclimater durablement à nos régions.

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58 Souvenirs de jeunesse Les papillons ont de la mémoire Pendant sa jeunesse, le papillon n’a pas le même physique qu’à l’âge adulte. Il n’est alors qu’une chenille. Entre ces deux stades, tout diffère : l’organisation anatomique, la façon de bouger, manger, etc. Du coup, Martha Weiss et son équipe, chercheurs à l’université de Georgetown aux États-Unis, se sont posés une question. Si on entraîne une chenille, s’en souvient-elle une fois papillon ? Réponse ? Oui. Pour le savoir, ils ont exposé des chenilles de sphynx du tabac (Manduca sexta) à de l’acétate d’éthyle – le dissolvant de vernis à ongles – puis à de légers chocs électriques. Les expérimentations étaient réalisées dans un conduit en forme de Y contenant d’un côté le dissolvant, de l’autre rien du tout. Finalement, 78 % des chenilles soumises aux chocs après avoir reconnu l’odeur caractéristique l’évitaient dans les tests suivants. Un mois plus tard, les chenilles étaient papillons. Et 77 % d’entre elles, ayant bien retenu la leçon, continuaient à faire le même choix !

59 Bientôt plus de palmiers pour égayer vos vacances ? Le charençon rouge fait des ravages sur son passage La Côte d’Azur, ce n’est pas seulement la Grande Bleue. Avec les cigales, les palmiers font partie de l’exotisme que recherchent les vacanciers chaque été. Hélas, les plantes du paradis n’ont pas que des amis. Premier fléau, le papillon d’Argentine (Paysandisia archon) : arrivé en Europe avec l’importation de palmiers d’Amérique du Sud, il a été signalé dès la fin des années 1990 dans le sud de la France. En 2006, c’est au tour du charençon rouge (Rhynchophorus ferrugineus), encore plus redoutable, arrivé en Espagne et en Italie caché dans des palmiers

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importés d’Égypte ! Ce coléoptère d’origine asiatique les dévore de l’intérieur. Une fois le mal visible, il est déjà trop tard. Il faut abattre les palmiers et les brûler pour stopper la propagation de l’insecte. Opération coûteuse dont plusieurs communes du Var ont fait les frais en 2008… Pour l’heure, on dispose surtout de pièges pour attirer la bête. Un espoir pointe le bout de son nez du côté de l’Inra de Montpellier. Jean-Benoît Peltier et son équipe ont en effet développé une glu naturelle et non polluante très prometteuse contre le papillon palmivore. En attendant l’autorisation de mise sur le marché de ce produit et sa commercialisation, il est testé sur le charançon rouge.

60 La nosémose frappe l’Est de la France En 2008, cette maladie a décimé les abeilles Pendant que feus les insecticides Régent TS (fipronil) et Gaucho (imidaclopride) occupent la scène médiatique accusés de tous les maux, d’autres agissent. Nosema apis ? Lui, les apiculteurs connaissent. Cette fois, c’est Nosema ceranae qui ne veut pas leur lâcher la grappe. Rude. Présent sur le sol français depuis au moins 2002, ce parasite originaire d’Asie tue les abeilles et sape le travail des professionnels (aux alentours, Allemagne, Belgique, Suisse ou Luxembourg ne sont pas épargnés). En 2008, le mauvais temps printanier lui donne l’occasion de frapper en force dans plusieurs départements de l’Est. Au point que l’ensemble du Haut-Rhin est déclaré infecté par un arrêté préfectoral. Une première ! Ce méchant protozoaire se multiplie dans l’intestin des abeilles jusqu’à l’apparition des premiers symptômes (diarrhées). Elles en meurent et la nosémose, très contagieuse, se propage à toute la colonie grâce aux spores présentes dans les fèces des butineuses infectées. Aux États-Unis et au Canada, les apiculteurs utilisent un antibiotique assez efficace, le fumidil-B à base de fumagilline, qui, en juillet 2008, n’avait toujours pas d’AMM (Autorisation de Mise sur le Marché) chez nous. Démunis depuis l’apparition de ce fléau, les apiculteurs voient les ruches se vider et les

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récoltes de miel fondre comme neige au soleil. Heureusement, cet or jaune reste parfaitement consommable et de qualité.

61 Les Anglais ont le bourdon Outre-Manche, on s’inquiète des nouvelles habitudes des bourdons En Grande-Bretagne, les insectes pollinisateurs sont aussi en déclin. La situation préoccupe le Bumblebee Conservation Trust (BCT). Cette association impliquée dans la préservation des bourdons vient d’identifier une nouvelle mode alimentaire chez son animal fétiche. Les fleurs sauvages étant plus rares, les bourdons se tournent maintenant vers les feuilles des arbres couvertes de pucerons ! Car les pucerons sécrètent du miellat, liquide sucré et visqueux. Compte tenu de la destruction de leur habitat, il est possible que les bourdons cherchent d’autres sources de nourriture. Mais ce miellat manque de protéines alors que les jeunes en ont besoin pour leur croissance (le pollen en contient, lui). Et même si Ben Darvill, responsable du BCT et biologiste à l’université de Stirling, s’émerveille des capacités olfactives des bourdons (ils choisissent les fleurs à butiner en fonction de leurs couleurs, savent si une fleur a déjà été visité ou non, et repèrent facilement le sucre), il s’inquiète des conséquences de ce nouveau comportement sur la santé des populations de bourdons. Heureusement, en Angleterre comme ailleurs, il y a une chose à faire pour aider les insectes pollinisateurs : planter beaucoup de fleurs dans les jardins…

62 Un cousin pas sympa Le frelon asiatique a posé ses valises en France Timide et peu agressif envers l’Homme, le frelon d’Europe (Vespa crabo) ressemble à une grosse guêpe de 3 cm dopée aux anabolisants. Comme elle, il peut infliger de mémorables piqûres, mais pas plus mortelles

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si l’on n’est pas allergique aux venins des insectes hyménoptères. Côté gastronomie, il apprécie la diversité plutôt que la quantité. Il goûte un peu à tous les insectes (chenilles, mouches, sauterelles, etc.), croque dans des fruits et sirote volontiers quelques juteux nectars. Son cousin d’Asie (Vespa velutina), lui, est un vrai goinfre. Ce fripon se serait introduit en France dès 2004 profitant d’une importation de poteries chinoises. Depuis, Monsieur coule des jours heureux dans le sudouest. Ah, son climat, l’intimité au sommet de ses pins – rien de mieux pour construire son nid loin des regards curieux – aucun prédateur : le paradis quoi ! Pourquoi s’arrêterait-il là ? Il poursuit donc sa colonisation. Un peu plus au nord, un peu plus vers l’est, à tel point qu’on ne sait pas où il s’arrêtera, ni comment l’éradiquer. Mais est-ce encore possible ? Les chercheurs planchent sur le sujet. Pour l’heure, si le frelon d’Asie n’est pas plus dangereux pour nous que celui d’Europe, c’est un tueur d’abeilles. Il fait un carnage dans les ruches. Une menace supplémentaire dont les vaillantes butineuses n’avaient franchement pas besoin…

63 Mourir d’amour ou presque pour ses beaux yeux Chez une araignée, le mâle fait le mort pour conclure avec sa belle Pour arriver à leurs fins, les hommes sont prêts à tout. Tenez, chez la pisaure admirable (Pisaura mirabilis), araignée de nos bois et jardins, certains messieurs vont jusqu’à faire semblant d’être morts pour gruger leurs dulcinées. Cette étonnante technique de drague a été décrite en 2008 par Trine Bilde, entomologiste à l’université de Aarhus au Danemark. Le mâle jouerait la comédie pour des raisons purement sexuelles ! Une façon de doubler ses chances de conclure, et d’avoir des descendants… Il est également conseillé aux plus motivés d’amener un cadeau qui se mange. Et si tout se passe bien, voici comment se déroule un rendez-vous galant. D’abord, Don Juan se couche sur le côté, cesse de bouger et garde

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la nourriture en bouche. Intriguée et gourmande, Madame s’approche. Clac, la voilà prise au piège ! L’acte dure effectivement plus longtemps que si notre héros n’avait pas joué toute cette comédie et s’était contenté d’amener une friandise. Ah qu’il est beau, le romantisme…

64 Des ingénieurs du sol très pros et écolos Les vers de terre améliorent la qualité des sols Un ver de terre, ça ne paie pas de mine. C’est long, moche, limite antipathique. Mais alors, qu’est-ce que c’est écologique ! Le célèbre Charles Darwin, qui a consacré plusieurs années à étudier leur influence sur la Terre, ne s’était pas trompé. Au point que l’Irlande a mené l’enquête et rendu ses conclusions en 2008 : ces petits ingénieurs du sol lui rapporteraient chaque année 700 millions d’euros ! Comment ? En participant activement aux activités agricoles et horticoles. Grâce aux galeries qu’ils creusent, la terre est continuellement labourée, aérée, fertilisée, l’eau y circule mieux, les bouses des ruminants sont décomposées, enfouies en profondeur et recyclées. Quant à leurs déjections – les turricules – elles font remonter en surface de précieuses matières organiques et minérales. Bref, pas moyen de faire plus vert que le ver ! Du coup, chez ceux qui n’ont pas de jardin, le lombricompostage d’intérieur fait fureur. L’idée ? Élever dans une compostière remplie de terreau des vers de fumier (Eisenia foetida) que l’on trouve très facilement dans tous les sols. Il n’y a plus qu’à leur donner les déchets ménagers du quotidien (épluchures, filtres et marc de café, coquilles d’œufs, sciure, etc.). Et ils se chargent du reste. En prime, ils offrent même l’engrais bio. Les plantes d’appartement adorent !

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Diabète, pipelettes et starlettes

65 La nouvelle copine des diabétiques La peau d’une grenouille contient une substance qui pourrait servir de traitement contre le diabète Son nom ? La grenouille paradoxale (Pseudis paradoxa). Paradoxale parce qu’elle a la particularité d’atteindre 27 cm à l’état de têtard alors qu’adulte, elle n’en mesure plus que 4. De quoi intriguer les scientifiques toujours à l’affût de ce genre de curiosités… Justement, des Irlandais de l’université d’Ulster ont découvert que la peau de cette rainette d’Amérique du Sud sécrétait de la pseudine-2, molécule lui permettant de lutter contre les infections. Surprise, en laboratoire, sa version synthétique stimule la libération d’insuline ! Produite par le pancréas, l’insuline est une hormone vitale qui participe à la pénétration du glucose (sucre) dans les cellules de l’organisme. Or, lorsqu’une personne souffre de diabète de type I ou II, elle ne peut plus assurer son rôle et le sucre s’accumule dangereusement dans le sang. Les chercheurs pensent donc que la pseudine-2 pourrait permettre d’élaborer un médicament contre le diabète de type II. Une nouvelle piste thérapeutique très encourageante car le diabète est un problème de santé publique majeur…

66 Des œufs pipelettes Dans l’œuf, les bébés crocodiles communiquent entre eux Après les œufs mollets, les œufs pipelettes qui couinent. Ce sont des œufs de crocodiles du Nil (Crocodylus niloticus) qu’ont écoutés attentivement

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Nicolas Mathevon et Amélie Vergne, chercheurs à l’université Jean-Monet de Saint-Etienne. À la Ferme des Crocodiles de Pierrelatte dans la Drôme, ils ont réalisé une expérience sur trois groupes d’œufs dont l’éclosion était prévue 10 jours plus tard. Le premier est resté dans le silence, le second a eu droit à un mini-concert de cris de bébé crocodile et le troisième, à un bruit quelconque. Résultat, dans le second groupe, les cris ont déclenché une agitation dans les œufs, une réponse des petits puis leur sortie prématurée ! Une autre expérience, menée avec une femelle, a confirmé que cette drôle de cacophonie avait pour but de l’avertir d’une éclosion imminente. Dans la nature, au signal, la mère, qui garde jalousement le nid pendant 3 mois, sait qu’elle peut enfin aller déterrer les œufs. Elle donne même un petit coup de pouce en cas de coquilles récalcitrantes. Synchroniser l’éclosion et venir au monde sous l’œil vigilant de Maman s’avère vital pour la survie des bébés. Ensuite, ils doivent se débrouiller seuls et de nombreux prédateurs les guettent. D’ailleurs, une fois adultes, les crocos ne sont plus du genre bavard et se contentent de vagir pour faire fuir un intrus ou au cours de l’accouplement.

67 Des petits chevaux dans la Tamise L’hippocampe semble vouloir s’installer dans le fleuve anglais Décidément, la Tamise réserve bien des surprises. Ce cours d’eau, long de 350 km, a la particularité de relier la capitale du Royaume-Uni – Londres – à la Mer du Nord située à 90 km de là. Du coup, l’eau qui passe sous le Tower Bridge est saumâtre (légèrement salée). Pas étonnant qu’on entende d’incroyables histoires de baleine à bec égarée ! C’était en janvier 2006, et la pauvre bête, affamée, n’avait pu survivre à cette mésaventure. Son squelette est aujourd’hui conservé au Muséum d’Histoire Naturelle de Londres. Moins exceptionnelles, les passages de phoques, dauphins ou marsouins… Alors pourquoi s’étonner davantage de cette annonce faite au début de l’année 2008 par les biologistes de la Société Zoologique de Londres ? Des hippocampes à museau court (Hippocampus hippocampus) auraient élu domicile dans la Tamise.

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Ils ont été observés à plusieurs reprises dès 2007 près de Dagenham, Tilbury et Southend. Les scientifiques préféraient taire l’information tant que l’espèce n’était pas protégée dans leur pays. À présent, elle l’est. Mais on comprend leur réaction car ces drôles de petits poissons sont en danger. Chaque année, 20 millions d’hippocampes sont pêchés pour alimenter les aquariums, et essentiellement pour finir séchés, vendus comme de vulgaires souvenirs attrape-poussières ou utilisés en médecine traditionnelle en Asie…

68 Les PCB toujours là Les poissons de nos fleuves ont des ennuis Les polychlorobiphényles (PCB) ou pyralènes sont des composés chlorés toxiques. Isolants et lubrifiants, ils étaient autrefois utilisés dans la production de transformateurs électriques, condensateurs, huiles, peintures, encres, adhésifs, etc. Ils ont été interdits en 1987. Pourtant, il en reste dans la nature. Peu biodégradables, ils persistent dans les sédiments. Ils sont peu solubles dans l’eau, mais bien dans les graisses. De ce fait, on les retrouve dans l’organisme d’animaux, dont les poissons. Et qui mange du poisson ? Nous, entre autres. D’où ces résultats peu surprenants de la première étude sur l’imprégnation des Français aux PCB. Publiés en mai 2008, ils sont le fruit du travail du WWF et de l’Association Santé Environnement Provence (Asep) sous la direction de Guillaume Llorca. Une cinquantaine de volontaires ont donné leur sang. Bilan ? Ceux qui habitaient près du Rhône ou de la Seine et consommaient régulièrement du poisson avaient un taux de PCB 4 fois plus élevé que les gens du groupe témoin (qui, eux, mangeait peu de poisson, ne vivaient pas à proximité d’un fleuve et présentaient un taux moyen de PCB sanguin de 16,83 picogrammes par gramme de matière grasse). Le record – 572 pg/g – revient à un pêcheur de 83 ans qui mangeait du poisson 4 à 5 fois par semaine. Réaction des pouvoirs publics ? Ils cherchent des solutions pour dépolluer le Rhône, et ont enfin commandé une vaste enquête à l’Agence Française

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Pour la Sécurité Sanitaire des Aliments (Afssa) et l’Institut de Veille Sanitaire (InVS). Ses résultats devraient être connus en 2010. Il est essentiel de savoir où nous en sommes car les intoxications chroniques aux PCB sont accusées d’être impliquées dans le déclenchement de cancers (sein, colon), de perturber le système hormonal (infertilité) ou d’engendrer des troubles neurologiques.

69 Une starlette dans la capitale Un calmar géant est désormais exposé au MNHN à Paris D’ordinaire, on rencontre les calmars géants dans l’obscurité des abysses. Cette fois-ci, l’un d’entre eux se trouve sous les projecteurs du Muséum National d’Histoire Naturelle (MNHN) à Paris. Wheke – c’est son nom – est arrivé là grâce aux efforts de deux experts des céphalopodes : Steeve O’Shea, Néo-Zélandais passionné de calmars taille XXL, et de la Française Renata Boucher qui travaille au CNRS. Un bien joli cadeau qu’a fait le NIWA (National Institute of Water & Atmospheric Research) de Nouvelle-Zélande au MNHN ! Entre temps, il est tout de même passé entre les mains expertes d’as de la plastination en Italie au laboratoire VisDocta Research. Une nécessité si l’on voulait qu’il soit dignement présenté au public en mars 2008… Coût de l’opération ? Pour une déshydratation, un remplacement des liquides par de la résine et une petite séance de maquillage, comptez 65 000 euros. Mais quel résultat ! La demoiselle est plastinée de toute beauté. Hé oui, Wheke est une fille et méritait bien cette intervention esthétique, plutôt que d’apparaître flottant dans un bocal de formol, non ? Sachez qu’elle appartient à l’espèce Architheutis sanctipauli. C’est un kraken comme l’avait rêvé Jules Vernes. Et même si elle a un peu rétréci au lavage, entre les étapes de congélation et plastination, elle fait encore plus de 6,50 m. Dire qu’elle en mesurait presque 9 pour un poids initial de 84 kg lors de sa remontée dans des filets de pêche en 2000 au large de la Nouvelle-Zélande…

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70 Une méthode naturelle pour soigner son système immunitaire La fauvette à tête noire préfère les fruits riches en flavonoïdes La fauvette à tête noire (Sylvia atricapilla) est un petit oiseau migrateur de 13 cm qui arrive chez nous à la fin de l’hiver. On la reconnaît à son chant. Elle zinzinule. Et récemment, elle a épaté Carlo Catoni et ses collègues de l’université de Fribourg et de l’Institut Max Planck en Allemagne. Les ornithologues ont présenté à un groupe de fauvettes noires deux types d’aliments dont le contenu en flavonoïdes était différent. Primo, les flavonoïdes, qu’est-ce que c’est ? De précieux antioxydants qui donnent leurs teintes aux fruits et légumes. Exemples, les anthocyanines (fruits rouges, raisin noir, vin rouge), les catéchines (thé, vin rouge, chocolat), la quercétine (pommes, oignons, agrumes, brocoli), etc., dont les études scientifiques louent sans cesse les actions positives sur la santé. Ces molécules protègent l’organisme contre le cancer, préservent le système cardiovasculaire ou encore renforcent les défenses immunitaires. Et nos oiseaux semblent l’avoir bien compris. Puisque, se fiant aux couleurs, dans l’expérience, ils choisissaient de préférence les aliments les plus riches en flavonoïdes qui leur étaient proposés. Ainsi, à l’état sauvage, en mangeant des baies soigneusement choisies – les plus foncées en l’occurrence – la fauvette noire entretient son système immunitaire. Ce qui ne l’empêche pas de craquer de temps en temps pour une belle tranche de chenille, ou de grosses cuisses de mouches… Hé oui, des protéines, il en faut aussi !

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71 Un symbole égyptien qui dérange ? Les ibis sacrés se sont incrustés en France L’ibis sacré vient d’Afrique Subsaharienne. Jadis, il était vénéré par les Anciens Égyptiens (Thot, dieu des scribes était représenté par un homme à tête d’ibis). Du coup, on imagine mal l’oiseau se plaire sous nos latitudes. Erreur ! C’est bien sur les côtes françaises qu’il mène une vie de pacha. Les ennuis commencent il y a une petite vingtaine d’années. Une poignée d’ibis sacrés, installés en semi-liberté dans un parc zoologique, décident de prendre la poudre d’escampette. En 2005, l’ONCFS (Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage) considère Threskiornis aethiopicus comme espèce exotique envahissante potentiellement dangereuse pour la biodiversité. Et effectivement, en 2007, sur la côte atlantique, plus de 5 000 vivent à l’état sauvage au détriment d’autres oiseaux autochtones : sternes, guifettes, etc. Ce goujat d’ibis n’hésite pas à piller des nids et avaler quelques poussins quand le poisson ne le rassasie pas. Cette année-là, les autorités décident donc d’en supprimer près de 270. L’opération est reconduite l’année suivante par les préfectures de Loire-Atlantique, Vendée et Morbihan, avec l’appui de l’ONCFS. Objectif à terme ? Voir disparaître l’ibis du paysage.

72 Cette roue a-t-elle encore la cote ? Les paonnes ne seraient plus si sensibles à la queue du paon Chez les paons, la queue est un attrape-minettes. Bleue, verte, tachée d’ocelles en forme d’œil, brillante : les mâles aiment en mettre plein la vue avec leur plumage. Mais, à ce propos, l’observation de 268 accouplements de paons bleus d’Inde par des biologistes japonais Mariko Takahashi et Toshikazu Hasegawa de l’université de Tokyo soulève un doute. D’après eux, les femelles ne seraient plus si sensibles aux charmes des messieurs à queue longue et nombreux ocelles. Ceux à queue courte et moins sophistiquée auraient finalement autant leur chance ! Zut, et la théorie de

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la sélection sexuelle de Darwin alors ? Aux oubliettes ? C’est bien ce qui est suggéré et qui a fait bondir plusieurs spécialistes du comportement animal, toujours convaincus, eux, que la beauté de la queue des mâles intervient bien dans les choix des partenaires. Premier argument : une longue queue chargée d’ornements témoigne de la qualité des gènes du mâle. Les femelles ayant intérêt à choisir un père qui leur donnera des petits en bonne santé, elles se tourneront plus volontiers vers les paons aux queues les mieux décorées. Ce sont d’ailleurs ceux dont les rejetons vivent le plus longtemps. Et pourquoi ces messieurs dépenseraient-ils autant d’énergie à présenter une telle arme de séduction si ce n’était pas pour emballer plus que les autres ? En plus, grâce à elle, ils peuvent jouer des sérénades à leur bien-aimée. Il leur suffit de faire frissonner les plumes de leur queue : un truc qui marche à tous les coups, paraît-il…

73 Colère dans les Pyrénées Les vautours espagnols sont arrivés en France, affamés Grâce aux programmes de réintroduction, les vautours fauves, moines, percoptères et gypaètes barbus sont de retour dans les Pyrénées françaises. Mais depuis 2007, les relations se dégradent entre le plus répandu, le vautour fauve, et les éleveurs. Cet éboueur de la nature réalise un recyclage gratuit des déchets en éliminant les cadavres. Mais on lui reproche de s’attaquer aux bêtes vivantes. Bizarre, pour un charognard ? Ne devrait-il plutôt pas être considéré comme un allié ? D’où viennent ces tensions ? Il faut traverser la frontière pour le comprendre, côté sud des Pyrénées en Espagne. Avant, les rapaces trouvaient de quoi manger sur les muladares, décharges alimentées par le bétail mort. Mais de grandes exploitations porcines nouvellement installées dans la région ont fait exploser le nombre de rapaces, jusqu’à 20 000 couples en 1999 !

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Le festin n’a pas duré. Suite à la crise de la vache folle, une réglementation européenne appliquée en 2003 a imposé un dépistage de l’ESB (encéphalopathie bovine spongiforme) sur tous les animaux morts. Les Espagnols ont préféré fermer la plupart des muladares et donner le travail d’équarrissage à une entreprise. D’accord, mais les vautours devaient soudain se contenter des restes d’abattoirs. Et malgré l’assouplissement de la loi en 2005 (100 % des bovins testés et 4 % des ovins et caprins), des milliers sont morts de faim. D’autres sont passés sur le versant français. Plus nombreux chez nous, ils saisissent parfois – c’est vrai – l’opportunité d’un animal isolé blessé ou en détresse, pas d’une bête en bonne santé parmi celles de son troupeau…

74 Love story à la ferme Deux espèces de bactéries échangent des gènes, et plus si affinités Étonnant, ce rapprochement entre deux espèces signalé par Samuel Sheppard et ses collègues à l’université d’Oxford en Angleterre. L’histoire se passe à la ferme. Pas exactement dans la basse-cour, mais dans le ventre des poulets. Comme les intestins des oiseaux sauvages et d’autres mammifères (bétail, etc.), ceux des volailles sont colonisés par les bactéries Campylobacter coli et C. jejuni (elles ne sont pas vos amies car elles sont impliquées dans les gastroentérites). Or, d’après les observations des microbiologistes, ces demoiselles s’amuseraient à troquer leurs gènes. Mieux, elles seraient sur le point de fusionner en une seule espèce, union sans doute possible du fait d’un ancêtre commun… L’évolution en aurait fait deux espèces distinctes. Et l’homme, lui, en modifiant profondément leur environnement, les aurait rapprochées ! Voilà l’hypothèse : sous les pressions d’un monde en mutation, de besoins alimentaires toujours croissants, il fallait produire plus et se diriger vers l’industrialisation de l’agriculture. Revers de cette rentabilité extrême, dans de nombreux élevages, les poulets ont vu leur espace de liberté se réduire à sa plus simple expression. Au point par exemple qu’ils confondent parfois leur nourriture avec les fientes

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des voisins, etc. Bref, autant de facteurs favorisant les rencontres entre les deux microscopiques cousines.

75 Privés de McFlurry ? McDonald’s a modifié son pot de glace à cause des hérissons Pour leur bien car ils sont gourmands. Et ce vilain défaut en a conduit beaucoup à passer de vie à trépas. Ici, il n’est nullement question d’obésité, mais de déchets. En effet, le mastodonte de la restauration rapide McDonald’s propose à sa clientèle un dessert qui fait fureur : le McFlurry. Problème, certaines personnes le mangent puis jettent le pot sur la voie publique. Un comportement inacceptable qui montre bien ici les dégâts que peuvent faire les détritus abandonnés dans la nature. Alléchés par les restants de glace, les hérissons passaient la tête dans le trou du couvercle en plastique et ne pouvaient plus, ensuite, la ressortir du pot. Prisonniers, ils mouraient asphyxiés. La Société Britannique de préservation des hérissons qui dénonçait la situation depuis des années a fini par obtenir gain de cause en 2006. McDonald’s a réagi en concevant des couvercles au trou plus petit pour éviter de nouveaux drames au Royaume-Uni. Bonne nouvelle, en France, le Sanctuaire des Hérissons, association basée à Fouencamps, est arrivé au même résultat en 2008. Fini le pot tueur ! Pas sûr en revanche que les hérissons apprécient d’être privés de glace…

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L’insatiable poxvirus

En Angleterre, les écureuils roux disparaissent Les Australiens ont leurs crapauds buffles, les Anglais, leurs écureuils gris. Ces derniers (Sciurus carolinensis) ne sont pas natifs de Grande-Bretagne, contrairement aux écureuils roux (S. vulgaris) auxquels ils causent beaucoup de tort. Du coup, entre eux, la guerre est déclarée.

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Les écureuils gris, venus d’Amérique du Nord, ont débarqué à la fin du siècle sur le sol britannique. Très résistants et voraces, ils sont rapidement entrés en concurrence avec les roux en leur volant noisettes, glands et territoire. Ainsi, aujourd’hui, outre-Manche, ils sont 2 millions alors qu’il ne reste que 160 000 écureuils roux ! Et ce n’est pas tout. L’intrus a amené avec lui le poxvirus, virus dont il est porteur mais qui ne l’affecte plus. Infecté, l’écureuil roux, qui n’a pas les défenses immunitaires adéquates, meurt en 15 jours. Les Anglais tentent bien de garder leur chouchou à l’abri dans des réserves, mais ils n’ont pas encore de remèdes miracles. Bilan, l’écureuil gris gagne du terrain. Et les experts prévoient son arrivée en France dans les 30 prochaines années. Il arriverait d’Italie où il s’est également implanté depuis 1948. Nos écureuils sauront-ils lui faire face ?

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77 Marburg aux Pays-Bas De retour de vacances, une Néerlandaise meurt de la fièvre hémorragique de Marburg Partie en juin 2008 en Ouganda, une Néerlandaise âgée de 40 ans visite, dans la forêt de Maramagambo, la grotte Python, refuge de milliers de chauves-souris. Mordue par l’une d’elles, quelques jours plus tard, elle rentre aux Pays-Bas sans se douter qu’elle a été infectée par le virus de Marburg, très proche de celui d’Ébola. Fièvre, maux de tête, diarrhées puis hémorragies, la maladie au taux de mortalité avoisinant les 85 % se déclare début juillet. La patiente meurt rapidement à l’hôpital de Leyde. Aucune épidémie dans le pays suite à ce drame, une chance car les personnes infectées sont contagieuses pendant 21 jours ! Cette fièvre hémorragique fut découverte en 1967 en Europe alors que des scientifiques de deux laboratoires – l’un à Marburg en Allemagne, l’autre à Belgrade en ex-Yougoslavie – étudiaient des singes importés d’Ouganda. Parmi les 31 personnes infectées, 7 moururent. On ne reparla d’elle qu’en 1998 lors d’une épidémie affectant des mineurs en République Démocratique du Congo.

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Grâce à des chercheurs français de l’IRD, gabonais du Centre International de Recherches Médicales de Franceville et américains du CDC, on sait depuis 2007 que le réservoir naturel du virus est une chauve-souris : la roussette d’Égypte (Roussettus aegyptiacus).

78 À vos souhaits ! Des souris ont été enrhumées par et pour la science Les souris n’ont jamais de rhume. Pourquoi ? Parce qu’elles sont insensibles à la centaine de rhinovirus qui, chaque hiver, se propagent par voie aérienne. Elles ne connaissent pas les joies du nez bouché, des éternuements ou des maux de gorge qu’ils déclenchent. Tant mieux pour elles, mais pas pour nous. Car les pharmacologistes, pour produire de nouveaux médicaments, doivent disposer de modèles de laboratoires faciles à manipuler et bon marché. D’où l’idée de Sebastian Johnston et de son équipe de l’Imperial College de Londres en Angleterre : concevoir une souris génétiquement modifiée afin qu’elle puisse enfin être infectée par ce type de virus. Un OGM ? Tout à fait. Et grâce à ces petites bêtes enrhumées depuis février 2008, les chercheurs vont pouvoir tester de multiples molécules contre le rhume, les bronchites ou même l’asthme. Un progrès considérable puisque jusqu’ici, de telles expérimentations nécessitaient l’intervention de grands singes (eux aussi victimes des rhinovirus) ou de volontaires humains…

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Les meilleurs amis de l’Homme

79 Bye-bye allergies… Les enfants qui vivent avec un chien ont moins d’allergies que les autres La question des animaux domestiques et des allergies a été maintes fois soulevée par le passé. Suffisamment pour qu’elle soit enfin prise très au sérieux. Dans le cadre de plusieurs études menées sur les allergies, la santé de 9 000 petits Allemands a été suivie de leur naissance jusqu’à l’âge de 6 ans. Joachim Heinrich et ses collègues de l’Helmholtz Zentrum de Munich ont choisi, eux, de s’intéresser à un éventuel lien entre allergies et chiens. Et en effet, les bambins vivant au quotidien avec un toutou présentaient un taux de sensibilisation aux pollens et autres allergènes plus faible que les autres ! Pourquoi ? Le suivi n’étant pas terminé, on finira bien par le découvrir. Pour l’heure, selon ce médecin, il y a certainement une relation avec le mode de vie extérieur de nos compagnons à quatre pattes. En se baladant dans la nature, ils ramènent un tas de microbes à la maison qui stimuleraient et tonifieraient le système immunitaire des enfants !

80 Un petit quelque chose d’humain ? Les personnes seules font de leur animal un véritable ami De nos jours, le célibat est un phénomène croissant. Et de plus en plus de personnes âgées vivent seules chez elles. Au quotidien, la solitude n’étant pas chose facile, beaucoup choisissent d’adopter un animal.

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Avec le temps, cette relation exclusive avec leur toutou peut modifier la vision qu’elles ont de lui. Il leur apparaît alors comme une vraie personne et lui voient des attitudes humaines. Pourquoi cela ? Une étude américaine parue en février 2008 l’explique. Nicholas Epley, spécialiste en sciences du comportement à l’université de Chicago, parle volontiers d’anthropomorphisme, une conduite aux vertus sociétales et thérapeutiques dans ce cas. Car comme il le rappelle, au même titre que le tabac par exemple, de nombreuses recherches ont montré que la solitude augmentait les risques de morbidité : certaines, qu’elle influençait la tension artérielle, d’autres, qu’elle doublait les risques de développer la maladie d’Alzheimer chez les personnes âgées, etc… Bref, l’isolement social n’est pas fait pour l’Homme. Donc, d’après lui, pour réduire la douleur morale de la solitude, les personnes seules se créent des personnages dans leur environnement proche pour leur tenir compagnie. Et les chiens ou les chats, par leur présence si vivante, sont parfaits dans ce rôle. Pour autant, un simple objet peut faire l’affaire. Pensez à Tom Hanks, dans le film « Seul au Monde » sorti en 2001, qui transformait un ballon de volley en un compagnon d’infortune indispensable. C’est exactement le même processus qui révèle ici toute l’importance pour un être humain d’être entouré de ses congénères.

81 Une maladie canine progresse dans l’Hexagone Le vaccin de la leishmaniose se fait désirer La leishmaniose est une maladie parasitaire grave qui touche les êtres humains (12 millions en seraient affectés dans le monde) dans les régions tropicales, et les chiens. Celle qui sévit en France s’attaque à ces derniers par le biais d’un minuscule insecte, le phlébotome. Au moment de la piqûre, il injecte le parasite Leshmania infantum à sa victime. De façon exceptionnelle, les personnes immunodéprimées, atteintes du sida par exemple, peuvent être gravement infectées de la sorte.

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Les meilleurs amis de l’Homme

Près de chez vous

D’abord présente sur le pourtour méditerranéen, la leishmaniose a fait du chemin et du grabuge. Chez nous, elle remonte vers le nord, peut-être à cause du réchauffement climatique. Des cas ont ainsi été enregistrés jusqu’à Lyon. Or, il n’existe ni traitement permettant de la guérir, ni vaccin, seulement des médicaments à prendre à vie. Une vie alors très écourtée pour le pauvre chien… Reste la prévention avec le port de collier imprégné d’insecticide (deltaméthrine). Toutefois, signalons deux bonnes nouvelles. Des biochimistes espagnols du centre de biologie moléculaire Severo Ochoa ont récemment isolé des protéines impliquées dans la virulence du parasite. Cette découverte pourrait rapidement permettre l’élaboration d’un vaccin. D’autre part, depuis plusieurs années, l’IRD et plusieurs partenaires (Bio Veto Test, Virbac, Skuld Tech) travaillent sur le projet VaxiLeish, vaccin qui serait à terme utilisé contre les leishmanioses humaines et animales. Un premier essai du nom de CaniLeish a déjà donné d’excellents résultats. Les vétérinaires l’attendent avec impatience, nos toutous aussi !

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Un loup dans le Cantal

Le loup revient dans le centre de la France La peur du loup persiste depuis des siècles. La fameuse Bête du Gévaudan, célèbre au XVIIIe siècle, n’a d’ailleurs pas servi les intérêts du cousin du meilleur ami de l’Homme. Un siècle plus tard, et durant des années, les loups sont abattus par milliers. Si bien qu’à la fin des années 1930, on considère l’espèce éteinte sur le territoire français ! Et puis, près de 60 ans plus tard, voilà que Canis lupus – protégé en Europe par la Convention de Berne – fait son grand retour dans le Parc National du Mercantour (Alpes). Ce qui aurait dû être une bonne nouvelle, compte tenu du rôle clé de cet animal dans un écosystème en bonne santé, a viré au conflit qui n’en finit pas. Le loup serait venu d’Italie au grand désespoir des chasseurs, l’accusant de leur faire concurrence, et des éleveurs, victimes de son goût prononcé pour le bétail. Les médias, eux aussi, se sont enflammés pour cette affaire.

Les meilleurs amis de l’Homme

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Retour naturel ou réintroduction par l’homme ? L’enjeu est de taille car dans la seconde hypothèse, l’espèce pourrait ne plus être intouchable ! Seulement, cela reste à démontrer. Solution la plus honorable ? Réconcilier les uns et les autres, comme en Italie ou en Espagne, par différents moyens (chiens de garde, parcs de rassemblement nocturnes, etc.). D’autant plus que le loup se promène. En janvier 2008, des randonneurs en photographiaient un dans le Cantal, présence confirmée plus tard par des analyses réalisées sur des déjections et empreintes par l’ONCFS (Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage)…

Pizza et langue bleue

83 Pourquoi la pizza a-t-elle failli perdre sa mozzarella ? La crise des déchets de Naples a eu des répercussions sur les bufflonnes Vous connaissez la mozzarella, une boule blanche qu’un bon pizzaïolo a toujours à portée de main ? Mais connaissez-vous l’ingrédient de base de ce fromage italien ? Le lait de bufflonnes. En Campanie, région du sud-ouest de l’Italie, on élève des buffles depuis des siècles. Oui mais voilà, le royaume de la mozza’ souffre depuis une grosse dizaine d’années d’une crise des ordures, faute d’une mauvaise gestion des déchets impliquant les pouvoirs publics et la mafia. La Campanie est si polluée qu’elle est surnommée Triangle de La Mort en référence à la recrudescence de cancers et malformations congénitales chez les habitants de cette région. C’est dire ! Ainsi, la ville de Naples et ses environs ont des allures de dépotoirs sauvages. Des amas de sacs poubelles sont abandonnés au bord des routes,

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enfouis n’importe où ou brûlés en pleine campagne libérant d’inquiétantes fumées noires. La suite ? Prévisible. Les nappes phréatiques, pâturages, etc. sont contaminés à des degrés divers. Et la qualité du lait de bufflonne a pris une claque. L’affaire a explosé au grand jour en 2008 après que des taux de dioxine légèrement supérieurs à la normale aient été détectés dans cet or blanc qui fait la fierté des Italiens. Certes, des mesures immédiates ont été prises. Des producteurs ont dû se séparer du lait impropre à la consommation, et patienter des semaines avant que leurs bufflonnes leur en donnent à nouveau qui puisse être utilisable. Mais cette histoire, très médiatisée, a salement amoché l’image de la mozzarella. Elle a au moins eu le mérite de rappeler que les questions de gestion des déchets ménagers et du recyclage ne sont pas à prendre à la légère.

84 La langue bleue trop bavarde En Europe, la fièvre catarrhale ovine fait toujours parler d’elle Venue d’Afrique, après quelques apparitions dès 2000 en Sardaigne, aux Baléares et en Corse, la fièvre catarrhale ovine (FCO), surnommée maladie de la langue bleue, s’est installée en Europe en 2006. À Maastricht au PaysBas d’abord, puis en Belgique, Allemagne, France, Grande-Bretagne, etc. S’il n’y a pas de risque de transmission à l’être humain, la maladie peut faire un carnage sur le bétail des exploitants agricoles. Elle est provoquée par un réovirus et transmise par un moucheron piqueur. Sur le continent africain, il s’agit essentiellement de Culicoides imicola. Sur le sol européen, c’est son cousin C. dewulfi qui a pris le relais en s’acclimatant à l’Europe. Et voilà le résultat… Moutons, vaches, chèvres ou cerfs peuvent être infectés. Les symptômes ? Forte fièvre, lésions de la muqueuse buccale et gonflement de la langue se colorant parfois en bleu chez le mouton. Heureusement, tous les animaux n’en meurent pas. Mais s’ils s’en tirent, ils gardent de graves séquelles (stérilité). Sans parler des pertes économiques pour les éleveurs ! En France, fin 2007, la FCO a affecté 11 000 bêtes

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et frappé à nouveau en 2008, devançant la campagne de vaccination lancée à toute hâte.

85 Le bonheur est bien dans le pré Les vaches de la filière bio ont un lait plus nutritif que les autres Saviez-vous que les Français étaient les plus grands consommateurs de fromage (24 kg/habitant/an) et de beurre (8 kg/hab./an) au monde ? La France est même le second producteur de lait en Europe derrière l’Allemagne, malgré ses troupeaux de taille modeste (près de 60 % comptent seulement 20 à 50 vaches). À ce propos, nos voisins d’outre-Manche viennent de publier une étude intéressante financée par l’Union Européenne. Gillian Butler et ses collègues de l’université de Newcastle ont analysé des échantillons de lait produit par 25 élevages du Royaume-Uni, certains industriels, d’autres de filières biologiques et les derniers, de petits élevages. Conclusion ? Les vaches « bio » produisent moins de lait que celles des fermes industrielles, mais le leur contient 32 % d’oméga 3 en plus (jusqu’à 60 % d’acide linoléique conjugué en plus), et davantage d’antioxydants et de vitamines ! Or, les oméga 3, présents en quantité dans les poissons gras (saumon, sardine), sont des acides gras essentiels dont on ne cesse de vanter les mérites pour le cœur, le moral, la mémoire, etc. D’ailleurs, les neurones les adorent. Parkinson et Alzheimer les détestent. Et ce n’est pas tout ! En hiver, les vaches « bio » restent à l’étable et consomment du fourrage conservé. Mais en été, elles retrouvent le grand air et mangent de l’herbe fraîche. À cette saison, leur lait est encore plus nutritif…

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86 Trop qui rotent, pas bon pour la planète ! Les vaches libèrent du méthane, gaz à effet de serre dont il faut réduire les émissions Les vaches ruminent à longueur de journée. Pas étonnant qu’elles aient des gaz ! En effet, le rumen, premier de leurs quatre estomacs (rumen ou panse, réticulum ou réseau, omasum ou feuillet, abomasum ou caillette) abrite une foule de bactéries qui font fermenter ce qu’elles mangent. Produit de cette digestion ? Du méthane (CH4) que la vache expulse à 85 % par des rots et 15 %, des pets. Ainsi, les 1,3 milliard de bovins que compte la planète sont responsables de 15 % des émissions de méthane ! Le restant provient des zones humides, des fuites de l’extraction de gaz naturel ou des décharges d’ordures ménagères (on craint aussi un prochain dégel du pergélisol, véritable réservoir à CH4 en Arctique). Souci, le méthane est un gaz à effet de serre (GES), et pas des moindres. Car si sa molécule a une durée de vie plus courte que celle de CO2 (dioxyde de carbone, principal GES), son pouvoir de réchauffement global est 25 fois plus puissant que celui du CO2 un siècle après sa libération dans l’atmosphère, et 49 fois plus dès 40 ans après… De l’avis, publié dans La Recherche en mars 2008, de Benjamin Dessus et Bernard Laponche, experts du groupe de réflexion Global Chance, et Hervé Le Treut, directeur du Laboratoire de météorologie dynamique, le méthane est trop souvent négligé. Lui aussi devrait être au cœur des préoccupations des politiques de lutte contre le changement climatique. Ce n’est pas encore le cas alors qu’il y a des choses à faire : manger moins de viande, produire moins de déchets, recycler ce méthane en biogaz (énergie renouvelable), etc. Que se passera-t-il d’ici 2050 si l’on se contente de réduire uniquement les émissions de CO2 ?

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87 Le trésor de Chypre malmené Les ânes sauvages de la péninsule de Karpas disparaissent Quelque part en Méditerranée orientale, Chypre, l’île gréco-turque d’1,3 million d’habitants, abrite dans sa partie nord un trésor inestimable : l’une des dernières espèces d’âne vivant à l’état sauvage ! Installés là depuis des centaines d’années, ces équidés sont pourtant en déclin. Et pas seulement parce qu’ils furent autrefois exportés vers d’autres pays… Ainsi, en 1943, ils étaient 23 000. En 2003, il en restait 800. Aujourd’hui, si beaucoup de Chypriotes restent fiers du symbole de leur île, sa disparition ne serait pas un problème pour d’autres. Les agriculteurs l’accusent de détruire leurs cultures, les promoteurs immobiliers préféreraient voir les réserves naturelles qui l’accueillent disparaître (leur business ayant un besoin croissant de parcelles de terre). Et les chasseurs verraient en lui une cible assez divertissante. D’où la mobilisation de ses fans dès mars 2008 à la découverte d’une dizaine de cadavres d’ânes tués par balles ! Internet a pris le relais. Pas question de laisser faire, ni de voir disparaître cette espèce endémique…

88 Un blanc si élégant On connaît enfin l’histoire du cheval blanc Entourée de mystère, la classe du cheval blanc a toujours ébloui. Des biochimistes de l’université d’Uppsala en Suède, encadré par Leif Andersson, ont enfin identifié la mutation génétique à l’origine de cette élégance ! Apparue dans l’ADN de son ancêtre il y a plusieurs milliers d’années, elle se traduit par l’épuisement prématuré des cellules responsables de la pigmen-

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tation des poils (les mélanocytes). Il faut savoir qu’un cheval ne naît pas blanc, il le devient. D’abord foncée, brune voire noire, sa robe grisonne puis vire progressivement vers un blanc immaculé. Ce processus se termine à l’âge adulte, vers 6 à 8 ans. Bien sûr, le cheval est magnifique. Mais cette mutation a l’inconvénient d’augmenter son risque de développer un mélanome. Ainsi, 75 % des chevaux blancs de plus de 15 ans ont un mélanome bénin qui peut parfois évoluer en cancer de la peau.

89 Viens dans mes bras ! Quand ça va mal, les chimpanzés se réconfortent Un coup de cafard ? Pas le moral ? Rien de tel qu’un ami pour vous consoler : une chaleureuse étreinte, un gros bisou, et hop, le stress s’envole ! Chez les chimpanzés, c’est la même chose a-t-on appris récemment. Au zoo de Chester en Angleterre, Orlaith Fraser, Filippo Aureli du Centre de Recherche sur l’Anthropologie Évolutionnaire de l’université John Moores à Liverpool, et Daniel Stahl du King’s College de Londres ont observé pendant plus d’un an et demi le déroulement des conflits dans un groupe de chimpanzés. Et ils ont constaté que lorsque l’un d’eux se faisait agressé par un autre, un troisième intervenait régulièrement. Pour consoler la victime ! Sa technique ? La même que la nôtre : serrer le malheureux dans ses bras, voire l’embrasser sur le front ou dans le dos. Gentil, non ?

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90 Un régime tip-top En hibernation, la graisse de l’ours se met à fondre Imaginez le bonheur : maigrir en dormant, tout simplement. C’est ce que fait l’ours en hiver lorsqu’il entre en hibernation. Le voilà parti pour un long sommeil et vivre au ralenti très longtemps, parfois sans manger ni boire pendant près de 3 mois. Un stress assez incroyable pour son métabolisme, alors que se passe-t-il dans l’organisme ? Sa graisse fond, ses muscles, eux, ne bougent pas d’un poil. Le secret de ce régime miracle a été révélé par Joseph Argilès et son équipe de l’université de Barcelone en Espagne. Pour le percer, les chercheurs ont mis en culture des cellules musculaires de rats avec du plasma (liquide séparé des cellules sanguines, obtenu par centrifugation du sang) prélevé sur un ours brun des Pyrénées en hibernation. Résultat, la dégradation des protéines musculaires chute de 40 % ! C’est grâce à la présence dans ce plasma d’un élément qui inhibe les enzymes (protéases, lysosymes) sensées détruire le muscle en période de stress. Lequel ? C’est ce qu’il reste à découvrir. En tous cas, cette étude est très intéressante car la cachexie – ou fonte musculaire – est un symptôme de nombreuses pathologies (myopathies, cancer, malnutrition, etc.). Et il serait formidable d’avoir un jour un médicament capable de le supprimer…

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91 Relaxe Le chasseur qui a tiré sur l’ourse Cannelle en 2004 a été relaxé Tuée en novembre 2004 dans la vallée d’Aspe, Cannelle était la dernière ourse de souche pyrénéenne. L’incident a relancé le programme de réintroduction de l’espèce en France. Ils seraient désormais une vingtaine dans les Pyrénées quand, au début du XXe siècle, ils étaient 150… À l’époque, celui qui osait porter le coup fatal au plantigrade – l’ennemi juré – était élevé au rang de héros. Aujourd’hui, peut-être y a-t-il encore de cela dans certains esprits ? Mais cette fois, Ursus arctos, le timide, est protégé. Lui faire du mal, c’est risquer de s’exposer à de lourdes sanctions. Sans parler des foudres des écologistes ! Évidemment, ses fans ont leurs opposants, souvent des éleveurs qui doivent protéger leur troupeau de ce prédateur. En cas de dommages avérés, ils sont d’ailleurs indemnisés. Mais attention, tout rejeter sur le dos de l’ours serait un peu facile. D’abord, il est omnivore et amateur de miel, au grand désespoir des apiculteurs. Son régime alimentaire est composé à 70 % de végétaux. Ensuite, d’après les chiffres de l’État, il serait chaque année impliqué dans la mort de 300 bêtes sur un cheptel ovin de 621 300 têtes (au total, 10 000 à 20 000 seraient perdues annuellement, la faute aux chiens errants, renards, chutes, etc.). Bref, tout n’est pas tout noir ou tout blanc dans cette affaire. Et l’histoire du retraité ayant abattu Cannelle au cours d’une partie de chasse au sanglier a remis de l’huile sur le feu. Ce jour-là, accompagnée de son ourson, l’ourse était pourtant signalée dans les parages. Mis en examen pour destruction d’espèce protégée, l’homme a plaidé la légitime défense face à un animal qui selon lui le chargeait. Beaucoup attendaient une condamnation exemplaire, les autres espéraient la relaxe. Ces derniers ont été exaucés le 21 avril 2008.

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92 Une nouvelle maman Au zoo d’Amsterdam, une chatte a adopté un bébé panda roux De la famille du raton-laveur, du panda géant, ou unique représentant de la famille des Ailuridés ? Les scientifiques hésitent. Une chose est sûre, le panda roux ou petit panda (Ailurus fulgens) figure sur la liste rouge des espèces menacées. Déjà victime de la chasse pour sa splendide fourrure, il est aujourd’hui confronté au même problème que les pandas géants : la disparition des forêts de bambous dans les montagnes de l’Himalaya et de la Chine. Dans ces conditions, on comprend mieux les intentions des vétérinaires du zoo d’Amsterdam aux Pays-Bas. Le 30 juin 2008, Werner et Gladys, deux pandas roux, deviennent parents. Ils ont deux beaux bébés. Pourtant, très vite, la mère les abandonne. Pas question de les perdre, il faut vite trouver une solution ! Justement, la chatte de l’un des gardiens du zoo vient de mettre bas et allaite ses quatre chatons. Pourquoi ne pas lui présenter les deux petits ? Hélas, l’un meurt presque aussitôt après la rencontre. Mais le second, une femelle, est vite adopté par sa nouvelle maman. Tout le monde est ravi car pour survivre, le panda roux doit être alimenté de lait pendant les trois premiers mois de son existence. Ensuite, seulement, il se nourrit de bambous et de fruits. Malheureusement, cette jolie histoire finit mal. Deux semaines plus tard, le bébé est retrouvé mort, étouffé par du lait ingéré en trop grande quantité.

93 Après Knut, Flocke En 2008, une oursonne a remplacé Knut dans le cœur des Allemands C’est vrai qu’il était mignon, cet ours polaire en version miniature. Né au zoo de Berlin en Allemagne en décembre 2006 et rejeté par sa maman, l’histoire de Knut très médiatisée dès mars 2007 avait ému la planète entière. Chanson en son honneur, peluche à son effigie, posters, articles dans les magazines, etc., la Knutmania s’emparait rapidement des Allemands. En un

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temps record, ils faisaient de cette petite boule blanche aux yeux noirs un symbole de la lutte contre le réchauffement climatique, et une véritable star devant laquelle défilait chaque jour une foule hystérique. Bilan, un an plus tard, le pauvre, devenu plus grand qu’un homme et grisonnant – de là à dire moins mignon pour le grand public ? – retourné dans l’anonymat, pétait littéralement un câble ! Certains spécialistes le qualifiaient même de psychopathe, parlant à son sujet d’une vraie dépendance à la présence humaine : le comble pour un animal qui, à l’état sauvage, vit dans les déserts blancs et glacés de l’Arctique. Les effets pervers de cette starisation en captivité méritaient vraiment réflexion. Pourtant, rebelote aux zoos de Nuremberg et Stuttgart. C’est ainsi que journalistes, photographes et visiteurs étaient invités en avril 2008 à découvrir la petite Flocke et le timide Wilbaer, alors âgés de 4 mois. De nouvelles stars éphémères…

94 Mois de juin rouge pour emblèmes blancs En juin 2008, deux ours polaires étaient abattus en Islande En Islande ? Mais cette île est à 300 km de chez eux, au Groenland ! Effectivement. C’est certainement la fonte des glaces, provoquée par le réchauffement de la planète, qui est responsable de leur malheur (et nous, de l’accélération de ce changement climatique). On voit mal ces deux-là avoir fait le crawl entre Groenland et Islande. Les ours polaires ont beau être des nageurs endurants, sur de longues distances, des pauses s’imposent. Il est donc plus probable qu’ils aient été embarqués sur des icebergs. Or, quand les gros glaçons dérivent vers le sud, ils finissent par fondre. Résultat, celui qui se trouve dessus n’a plus qu’à nager jusqu’à la terre la plus proche. Ici en Islande, on n’a pas l’habitude de croiser de pareilles bêtes (la dernière fois, c’était en 1988). Du coup, pas préparée, la police abat un premier mastodonte de 250 kg atterri là en juin 2008. Attendre l’arrivée d’hypothétiques anesthésiques ? Trop risqué à leur goût, les agents jouent la carte de la sécurité et tirent. Réactions immédiates du public et d’associations écologistes ! En réponse, le ministère islandais de l’environnement promet de faire mieux la prochaine fois.

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Une prochaine fois qui arrive… deux semaines plus tard sous l’œil des caméras ! Immédiatement, un multimillionnaire islandais propose de financer le sauvetage et le rapatriement de ce second ours. Un vétérinaire est là lui aussi. Tout devrait bien se passer. Les policiers approchent d’un pas déterminé, mais l’ours blanc préfère esquiver ce rendez-vous. Pan ! Il s’écroule. Ce sont des fusils chargés de balles et non de tranquillisants qui l’achèvent. La rencontre se termine dans un bain de sang. Le crime de cet ours ? Ne pas avoir été à sa place. À qui la faute ?

95 À l’écoute de la nature Un groupe d’experts devra veiller sur la biodiversité On connaissait déjà le GIEC (Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat) créé par l’ONU en 1988. La mission de ces scientifiques récompensés en 2007 par le Prix Nobel de la paix ? Surveiller le climat, étudier son évolution et en prévoir les conséquences sur la planète. En somme, être les anges gardiens des Terriens et la conscience des grands décideurs. En mai 2008, les représentants des 191 pays réunis à Bonn en Allemagne pour la conférence de l’ONU sur la diversité biologique décident qu’un tel groupe doit exister pour veiller sur la biodiversité. Quelle bonne idée ! Il était temps de voir les choses en grand. Partout, la biodiversité est menacée. Chaque jour, 150 espèces animales et végétales disparaissent. Un chiffre vertigineux qui l’est encore plus lorsqu’on découvre le prix qu’il en coûte à l’humanité toute entière : 1 350 à 3 100 milliards d’euros ! Car ne l’oublions pas, ces espèces nous rendent d’inestimables services. Les insectes pollinisateurs participent à l’agriculture. Les coraux et les mangroves sont des barrières naturelles aux catastrophes naturelles sur les côtes des régions tropicales. Rôle rempli ailleurs par les forêts qui stockent aussi le carbone et limitent les dégâts du réchauffement climatique. De nombreux animaux et plantes permettent de faire progresser la recherche médicale et de développer de nouveaux médicaments, etc.

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Du palu à l’ogre

96 Le paludisme nous résiste encore Un enfant en meurt toutes les 30 secondes La première journée mondiale de lutte contre le paludisme s’est déroulée le 25 avril 2008. Qu’est-ce que le paludisme ? Une maladie parasitaire, appelée aussi malaria, propagée par un moustique qui fait des ravages dans les pays les plus pauvres. Elle est très répandue dans l’hémisphère sud en Afrique sub-saharienne, Amérique du Sud, un peu moins en Asie et en Amérique Centrale. Le terrible parasite Plasmodium falciparum est transmis à l’être humain lors d’une piqûre d’insecte, l’anophèle femelle si elle est infectée elle-même. Symptômes observés ? Forte fièvre, maux de tête, vomissements, tremblements musculaires, etc. Le paludisme affecte aujourd’hui 300 à 500 millions de personnes, surtout des enfants africains, et en tue chaque année 1,5 million ! Dans la lutte contre ce fléau, on mise sur les mesures préventives : moustiquaires, insecticides et molécules antipaludiques (quinine, chloroquine, doxycycline, méfloquine, proguanil ou dernièrement artémisinine). Mais les parasites les plus coriaces commencent à faire de la résistance à certains médicaments. L’idéal serait de bénéficier d’un vaccin. De nombreux chercheurs planchent d’arrache-pieds sur le sujet. Mais les études sont coûteuses et l’ennemi, sacrément rusé. Bref, ce n’est pas encore gagné…

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97 Tous unis pour la vie ! Éléphant, girafe et fourmi contribuent à la santé de l’acacia Cette histoire a tout d’une fable. Nous voici au Kenya sur les traces du lien qui unit la fourmi, la girafe et l’éléphant. Lequel est-ce ? L’acacia. Cet arbre de la savane, doté de grandes épines creuses, est le refuge de fourmis piqueuses. Elles y trouvent gîte et couvert grâce au délicieux nectar produit par leur hôte. Ayant bien conscience de tous ces avantages, vivant en colocation, parfois à plus de 100 000 sur un seul acacia, les petites guerrières montent la garde. Pas question de laisser un gros mammifère herbivore un peu trop alléché toucher à leur protégé ! Leur technique ? Mordre sans vergogne la girafe ou l’éléphant qui se montrerait trop gourmand. Et ça marche. L’acacia garde ainsi sa splendeur végétale, et les fourmis, leur hôtel 5 étoiles. Oui mais voilà, depuis 10 ans, dans l’espoir de protéger ces arbres, les hommes ont placé des barrières électrifiées pour repousser les grands affamés. Et au lieu de ça, les acacias s’en trouvent tout raplapla. Pourquoi ? L’Américain Todd Palmer, de l’université de Floride, a l’explication. En l’absence d’ennemis avérés, les fourmis se sont endormies sur leurs lauriers ! Délaissant leur rôle protecteur, elles avaient moins d’appétit, donc moins besoin d’énergie. Résultats : une production de nectar amoindrie, plus autant d’épines pour logis et un arbre bien flétri. Pire, les fourmis se sont laissées envahir, par de vilains insectes cette fois, qui mangent surtout du bois. De quoi laisser notre acacia dans un triste état… La morale de l’histoire ? Ne séparons plus éléphant, girafe, fourmi et acacia. La nature a trouvé son équilibre, préservons la pour que tous restent libres.

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98 Des armes bien cachées Des grenouilles ont des griffes sous la peau Wolverine, héros du film X-Men aux longues griffes rétractables, n’a qu’à bien se tenir. David Blackburn et Farish Jenkins, biologistes à Harvard, viennent de décrire des grenouilles d’Afrique Centrale qui font aussi bien que lui. Tout commence au Cameroun. Blackburn ramasse des grenouilles vivantes qui semblent le griffer. Mais oui, le voilà qui saigne ! De retour aux États-Unis, il en parle à ses collègues et comprend vite que ces amphibiens sont entourés de mystère. Il décide d’examiner les spécimens de 63 espèces d’Afrique conservés dans du formol au musée. Finalement, 11 portent des griffes à l’intérieur de leurs orteils, toutes originaires d’Afrique Centrale. Voilà comment ça se passe : à la moindre menace, ces armes secrètes percent leur peau ! Autre surprise, contrairement aux griffes des autres vertébrés faites de kératine (une protéine également présente dans les sabots des chevaux, les poils, nos ongles et cheveux), celles-ci sont constituées d’os. Il y a plus d’un siècle, le zoologiste belge George Alebert Boulenger avait déjà mentionné cette étonnante découverte, mais l’avait mal interprétée. Il pensait que la sortie de ces extrémités du squelette était accidentelle. Quant au côté comique de la chose, les Camerounais avaient une longueur d’avance sur les scientifiques. Depuis bien longtemps déjà, ils chassent et mangent ces grenouilles. Et jamais eux ne prendraient le risque de les ramasser à la main. C’est bien pour éviter les coups de griffes qu’ils les tuent à distance à l’aide de lances !

99 Un architecte qui trompe énormément Grâce aux dégâts causés par les éléphants, les geckos sont au paradis et à l’abri L’expression « comme un éléphant dans un magasin de porcelaine » prend ici tout son sens. En effet, un troupeau d’éléphants africains (Loxodonta africana) laisse toujours des traces de son passage dans la savane. Ce sont

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quand même les plus gros mammifères terrestres avec leurs 4 mètres de long et leur poids de plus de 5 tonnes ! Alors forcément, quand chacun joue de sa trompe, remue son gros popotin ou laisse traîner ses grosses pattes n’importe où, la végétation y laisse des plumes. Pardon, des branches. Cette maladresse fait d’ailleurs râler les hommes. Un Américain, Robert Pringle, chercheur à l’université Stanford en Californie, a pourtant montré qu’elle avait aussi du bon. Hé oui, aussi incroyable que cela paraisse, les geckos profitent de cette nouvelle architecture de l’environnement dessinée par les éléphants ! Grâce aux pachydermes, ces petits lézards trouvent plus facilement d’endroits où nicher dans les troncs détériorés, où se cacher des prédateurs et se mettre à l’ombre sous le bois tombé à terre pour ne pas cuire au soleil… Si bien que d’après le biologiste, la population de geckos nains du Kenya (Lygodactylus keniensis) augmente proportionnellement avec cette végétation malmenée par les éléphants.

100 Lui, un planqué ? Pas du tout En changeant de couleurs, le caméléon cherche à se faire repérer Il a la réputation d’être l’as du camouflage. Mais le caméléon cherche-t-il à passer inaperçu comme on le dit ? Pas si sûr. Voilà qu’une étude réalisée sur des espèces d’Afrique du Sud (Bradypodion spp.) par des chercheurs australiens de l’université de Melbourne assure que le bonhomme tient à faire le contraire. Son obsession ? Être bien visible aux yeux de ses semblables. Et si sa peau peut changer de couleurs ou de motifs en quelques secondes au gré de ses humeurs, l’audacieux ne cherche pas pour autant à se fondre dans le décor. Il veut juste écarter un rival ou séduire une demoiselle. En effet, la vue du caméléon est différente de la nôtre. Les cellules de sa rétine – les cônes – sont sensibles aux ultraviolets. Du coup, il en joue comme

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ont pu le constater les biologistes à l’aide d’un spectromètre. Car il y a des signes qui ne trompent pas. Par exemple, Monsieur sort ses couleurs les plus éclatantes lorsqu’il rencontre un autre mâle. Le gagnant de ce duel carnavalesque ? Celui qui les conserve. Le perdant n’a plus qu’à aller se rhabiller, mais dans des tons plus sombres, signes de sa soumission… Alors oui, admettons qu’à l’approche d’un éventuel prédateur, cette faculté de déguisement est un atout. Mais au final, elle lui sert surtout à communiquer avec les siens.

101 Dur de la feuille ? Le serpent a lui aussi une oreille interne Selon les biophysiciens allemands de Munich, J. Leo van Hemmen et Paul Friedel, et un américain, Bruce Young, ce n’est pas parce qu’il n’a pas d’oreille apparente que le serpent est vraiment sourd comme un pot. On entend pourtant dire qu’il l’est. Ce n’est pas tout à fait faux, ce qui explique que les charmeurs de serpents les font danser par le mouvement de leur flûte plutôt que par la musique qu’il en sort. Mais, ô surprise, le reptile a une cochlée, cet organe en forme de limaçon que l’on retrouve dans l’oreille interne humaine. Et il s’en sert. Comment ? D’une manière peu commune pour nous qui percevons les sons se propageant dans l’air. Dans le désert, le reptile perçoit les ondes, même les plus modestes, produites sur le sable par le passage de petites bêtes. Ah, un repas potentiel ? Il lui suffit de poser la tête à terre pour le savoir. L’os de sa mâchoire inférieure, extraordinairement flexible, « ressent » les informations, puis les transmet à l’oreille interne. Lorsqu’elles arrivent au cerveau, le serpent peut localiser la source des vibrations. Et là, sauve qui peut !

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102 Le truc pour manger comme un ogre L’estomac du crocodile fabrique beaucoup d’acides gastriques Vous faites 65 kg et vous en enfournez 15 d’un coup ? Impossible. Cela reviendrait à engloutir 23 % de votre propre poids. Or, vous n’êtes qu’un être humain, pas un ogre. Le crocodile, lui, le peut, et sans même trop prendre le temps de mâcher. Bigre, quel appétit ! Allez, évidemment qu’il y a un truc. Ce sont des chercheurs américains de l’université d’Utah qui le dévoilent. Notre reptile porte une valve cardiaque particulière. Elle fait dériver une partie du sang désoxygéné dont le dioxyde de carbone (CO2) est censé aller se faire purger dans les poumons. Où l’envoie-t-elle ? Vers l’estomac. Cet organe digestif peut ainsi produire beaucoup plus d’acides gastriques que celui des simples mammifères que nous sommes. En effet, le CO2 est un ingrédient indispensable pour la recette des sucs gastriques. Et grâce à lui, notre croco peut s’offrir le luxe de se goinfrer. Cerise sur le gâteau, il peut même digérer les os.

D’Ébola aux amoureux

103 Le réservoir naturel d’Ébola Sa découverte devrait permettre l’élaboration d’un vaccin Ébola est le nom d’une rivière en République Démocratique du Congo (RDC, ex-Zaïre), et d’un virus responsable d’une terrifiante fièvre hémorragique qui aurait fait 600 à 2 500 morts en 40 ans. Presque rien à côté des ravages du palu’…

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Alors pourquoi tant d’effroi dès qu’on parle d’Ébola ? En raison d’impressionnants symptômes (vomissements de sang, diarrhées, etc.), de l’absence de médicaments spécifiques et de son taux de mortalité : 50 à 90 %. Tous les ingrédients de l’horreur ! Le cinéma s’en est même emparé. Le virus a ainsi occupé la première place en 1995 dans le film « Alerte » aux côtés de Dustin Hoffman, Morgan Freeman, Rene Russo et d’un petit singe. Tous ceux qui approchaient l’animal mouraient. Curieusement, la même année, dans le monde réel cette fois, une nouvelle épidémie se propageait à Kikwit en RDC. Mais les singes sont-ils vraiment à l’origine de ce mal ? Non, ce sont plutôt des relais. Car tout commence chez un hôte inattendu : une chauvesouris africaine frugivore. Le Français Xavier Pourrut et ses collègues du CIRMF (Centre International de Recherches Médicales de Franceville) l’ont confirmé en 2008 au cours du quatrième congrès mondial sur Ébola organisé à Libreville au Gabon. Ce petit mammifère volant serait le réservoir naturel d’Ébola et de Marburg, autre virus. C’est-à-dire qu’il le porte en lui sans en subir des conséquences mortelles. Il peut alors le propager vers d’autres espèces, dont le singe ou l’homme par exemple. Cette découverte est très importante. En étudiant comment l’organisme de la chauve-souris tient tête à ces terrifiants virus, il devrait être possible de concevoir un vaccin contre chacun d’eux. Vaccins qui devraient voir le jour d’ici 4 à 6 ans ont promis les chercheurs…

104 Papa gâteau Chez les babouins, le père joue un rôle essentiel On peut supposer que des enfants bien entourés par leurs parents auront une vie adulte épanouie. Ça vaut aussi pour les babouins a-t-on appris grâce aux travaux menés au Kenya par des chercheurs américains de l’université Duke de Caroline du Nord. Susan Alberts et son équipe ont observé les babouins jaunes (Papio cynocephalus) qui vivent en groupe d’une quarantaine d’individus. Et si les mamans ont l’habitude de collectionner les amants – donc les enfants illégitimes –

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ça n’empêche pas chacun des messieurs de tisser des liens solides avec les bambins. Les biologistes ont donc examiné de près cette bienveillance paternelle. Elle est rare chez les mammifères, mais ô combien précieuse, car une fois que les femelles ont fini d’allaiter, elles ne partagent plus la nourriture. L’existence se complique alors pour les jeunes qui se trouvent en rivalité avec les autres membres de la bande. Et les filles doivent affronter en plus le harcèlement naissant de la gent masculine. C’est là qu’un papa est précieux. Lors de bagarres, il n’hésite pas à intervenir. Il maintient ainsi son petit dans une sorte de cocon de protection le temps qu’il acquiert les réflexes d’adultes. Du coup, moins stressé, ce dernier trouve plus facilement de quoi manger, est en meilleure santé et grandit plus vite. Le père, qui consacre ce précieux temps à sa progéniture, l’aide à atteindre plus vite la maturité sexuelle et obtient la garantie d’être rapidement papy !

105 Malades à cause de nous ? Les virus humains menacent les grands singes Aujourd’hui, qui ne se sent pas concerné par le sort des grands singes ? La prise de conscience est générale. Elle pousse même les plus passionnés à partir à leur rencontre. Et c’est tant mieux. Hélas, cet élan de beaux sentiments a ses revers. L’étude en milieu naturel et le développement de l’écotourisme représentent en effet une menace pour les grands singes. Vraiment inattendue, cette annonce de Fabian Leendertz, épidémiologiste allemand de l’Institut Max Planck, en févier 2008 ! Quel est le problème au juste ? L’homme véhicule des virus et peut les transmettre aux primates. Exemple, entre 1999 et 2006, en Côte d’Ivoire, les chimpanzés ont souffert de 5 épidémies de pathologies respiratoires. Beaucoup en sont morts. Or, une analyse a révélé qu’elles étaient l’œuvre de deux germes d’origine humaine : le hRSV (virus respiratoire syncytial) et le hMPV (métapneumovirus). Dans leur genre, les diarrhées virales font aussi du mal.

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Alors, certes, la transmission peut se faire dans le sens inverse, la preuve avec Ébola. Même les poux sont des cadeaux de nos cousins ! Mais aujourd’hui, les plus menacés, ce sont bien eux. D’où l’intérêt de suivre de sages précautions d’hygiène sur leur territoire afin de limiter les risques de contamination. Comme celles de porter un masque ou de se tenir à 5 ou 6 mètres d’eux par exemple…

106 De la boue contre le paludisme ? Les chimpanzés se protègent de cette maladie en mangeant de la terre Figurez-vous que le chimpanzé mange de la terre. Instinct ou sixième sens ? On l’ignore. Quoiqu’il en soit, excellente initiative ! Sabrina Krief, du Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris, s’est penchée sur ce curieux régime baptisé géophagie qu’on pratique dans certains pays d’Afrique en cas de famine. La vétérinaire a vite compris que la terre ne faisait pas que remplir les estomacs. Riche en minéraux, elle peut aussi soulager des troubles digestifs. Et en Ouganda, les chimpanzés lui ont trouvé un autre usage. Ils ont l’habitude de mâcher des feuilles de Trichilia rubescens, petit repas végétarien qu’ils terminent volontiers par quelques grammes de terre. Or, Sabrina Krief et ses collègues ont montré que les feuilles de cet arbre contenaient deux molécules aux propriétés antipaludéennes. Seulement, pour être vraiment efficaces contre l’agent du paludisme, elles doivent être associées à de la kaolinite, minéral que l’on trouve en abondance… Où cela ? Dans le sol. Gagné ! Un cas d’automédication exemplaire, n’est-ce pas ?

107 Chut ! Chez les chimpanzés, on fait l’amour en silence Et pour une bonne raison : les femelles sont croqueuses d’hommes. Elles ne cherchent pas forcément le plus beau des mâles, mais simplement à multiplier les conquêtes. De ce fait, la compétition féminine est féroce.

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Si elles veulent garder leurs nombreuses liaisons secrètes et conquérir aussi les mâles dominants, elles n’ont pas intérêt à ce que leurs ébats soient entendus par leurs rivales ! C’est la conclusion d’une récente étude menée en forêt de Budongo en Ouganda. À l’origine, Simon Townsend et Klaus Zuberbuhler, chercheurs de l’université de Saint Andrews en Écosse, voulaient percer le secret des cris émis par les femelles au cours de l’accouplement. Finalement, ils ont découvert qu’elles se faisaient aussi discrètes pendant l’acte lorsque des rivales étaient dans les parages. Non seulement pour avoir une chance de séduire à leur tour les mâles dominants, mais aussi pour éviter les ennuis… Car entre elles, les femelles peuvent se montrer très agressives. Par contre, dès qu’un chimpanzé dominant passe à proximité, elles font l’amour en se montrant beaucoup plus expressives (histoire de lui donner envie). Le hic, c’est que d’après les chercheurs, papillonner d’un partenaire à l’autre a des répercussions contre-productives pour les mâles. Ils leur arrivent en effet de tuer des petits qui sont en réalité les leurs !

108 Plaisirs variés Un couple de gorilles a été surpris dans son intimité D’ordinaire, au moment des câlins, le gorille et sa compagne regardent dans la même direction. Monsieur se place derrière madame, et en avant la musique ! Pourtant, en captivité, les vétérinaires ont parfois observé des couples en pleine action dans la position du missionnaire. Un face-àface amoureux beaucoup plus courant chez les bonobos (Pan paniscus) et les humains… Toutefois, les conditions de vie en zoo étant si différentes de celles que connaissent les gorilles dans la nature, il restait difficile de tirer des conclusions trop hâtives sur leurs pratiques sexuelles. D’où la surprise des biologistes lorsqu’ils ont appris que deux Gorilla gorilla – Leah et George – avaient été photographiés dans cette position amoureuse au cœur d’une clairière du Parc National de Nouabalé Ndoki en République du Congo. Oh, ces paparazzis, ils sont partout !

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109 Des primatologues sur un petit nuage Une nouvelle population de gorilles a été découverte en RDC Depuis plusieurs années, les associations et organismes scientifiques se mobilisent pour sensibiliser l’opinion publique au sujet de la disparition de nos plus proches cousins. En effet, tout s’est accéléré au XXe siècle, et aujourd’hui, nous en sommes là : 48 % des 634 espèces de primates sont en danger d’extinction ! Ces chiffres alarmants étaient annoncés en août 2008 par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (IUCN). Face à cela, comment rester de marbre ? Mais pour une fois, cette triste information est arrivée en même temps qu’une émouvante découverte. Les primatologues de la Wildlife Conservation Society (WCS) ont eu le privilège de recenser une population de 125 000 gorilles des plaines de l’ouest (Gorilla gorilla gorilla). Ils vivaient éloignés de tout, dans une forêt de l’arrière-pays en République Démocratique du Congo. Quelle joie pour cette sous-espèce du gorille de l’ouest (G. gorilla) décimée ces dernières années par le virus Ébola et le braconnage, pour la viande de brousse ! Le nombre estimé de ces grands singes passe donc de 100 000 à 225 000 individus. La population de Gorilla beringei beringei, gorille des montagnes, n’a pas cette chance. Il en resterait 720 dans la nature.

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110 Des pygmées bien cachés Les hippopotames nains existent toujours au Libéria L’hippopotame pygmée ou nain, c’est l’hippo’ version mini, avec deux incisives supérieures au lieu de quatre. Solitaire, il vit dans les bois et s’active la nuit. De son petit mètre 75, Choreopsis liberiensis n’est pas seulement plus petit que son cousin Hippopotamus amphibius, il est aussi plus rare. De là à dire introuvable, presque ! Autrefois, on le croisait en Afrique de l’Ouest (Guinée, Côte d’Ivoire, Sierra Leone, Libéria). Aujourd’hui, il frôlerait l’extinction. D’où l’importance de cette nouvelle : au Libéria, pays sortant d’une guerre civile de 14 ans, des caméras installées dans le Parc National Sapo à l’initiative de l’Autorité de Développement Forestier du Libéria et de la Société Géologique de Londres en ont filmé plus d’une vingtaine en février 2008. Ouf, si les braconniers veulent bien l’épargner, tout n’est pas perdu pour notre petit hippo’…

111 Un retour très attendu Plus de 21 500 rhinocéros gambadent dans la savane Direction l’Afrique sub-saharienne. Là-bas, les programmes de conservation, en particulier du WWF, ont fait des merveilles. Ainsi, en 2008, l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (IUCN) a annoncé que la population de rhinocéros blancs augmentait ! Sauf en République Démocratique du Congo où celle de la sous-espèce du Nord (Ceratotherium simum cottoni) est passée de 2000 individus en 1960 à 30 en 2003, puis 4 en 2006. Les dernières recherches n’ont pas permis de

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retrouver leur trace. Cette sous-espèce a donc peut-être disparu. Ailleurs, celle du Sud (C. simum simum) se porte bien avec 17 480 têtes. Pas mal puisqu’ils étaient 8 450 en 1997… Concernant les rhinos noirs, la sous-espèce de l’ouest (Diceros bicornis longipes) a été déclarée éteinte en 2006. Mais la population des 3 autres sousespèces s’élève à 4 180 individus (contre 2 600 en 1997). Évidemment, ramenés au million de rhinocéros qui peuplaient la savane africaine il y a un siècle-et-demi, ces chiffres paraissent dérisoires. Jadis, la menace venait des premiers colons européens et des amateurs de trophées qui chassaient ces animaux pour la viande, le cuir et la gloire. Aujourd’hui, elle vient des braconniers qui récupèrent les cornes et les vendent à prix d’or. En Asie, on leur prête des vertus miraculeuses sur la santé et la libido. Et au Yémen, on n’imagine pas porter une dague traditionnelle – la djambia – dont le manche ne soit pas en cette matière. Tout ça pour un simple morceau d’ongle… Hé oui, la corne du rhinocéros, c’est juste de la kératine !

112 Une mémoire d’éléphant Les femelles âgées assurent la survie des troupeaux en cas de sécheresse Les éléphants ont une mémoire exceptionnelle. Elle serait même la clé de leur survie en période de sécheresse extrême selon Charles Foley, biologiste américain de la Wildlife Conservation Society (WCS). Ainsi, les souvenirs de la matriarche assureraient la sauvegarde de son troupeau ! Un éléphant pouvant vivre plus de 60 ans, les femelles les plus âgées seraient parfois les seules à connaître certains points d’eau et de nourriture. En Tanzanie par exemple, 1993 a été l’une des années les plus arides. Et en 9 mois, 16 des 81 éléphanteaux des trois clans du parc de Tarangine ne l’ont pas supportée. Le taux de mortalité, d’ordinaire de 2 %, a été multiplié par 10. Toutefois, les données ont montré qu’il était lié aux mouvements des troupeaux et à l’âge des femelles…

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Sur les trois clans, deux ont quitté la réserve. Le taux de mortalité de leurs éléphanteaux est resté inférieur à 10 %. Or, ils comptaient parmi eux de vieilles femelles, âgées d’au moins 5 ans au moment de sécheresses intenses survenues entre 1958 et 1961. Plusieurs décennies plus tard, elles ont pu mettre leur expérience au service de leur troupeau. Le troisième clan, constitué d’éléphants relativement jeunes, est resté dans le parc et a perdu 40 % de ses petits. Toutes les femelles âgées avaient été abattues dans les années 1970-80 par des braconniers qui visaient toujours les éléphants anciens pour leurs défenses plus grandes. Cette étude démontre le rôle essentiel des matriarches et la vulnérabilité d’un troupeau si on a le malheur de le séparer des éléphants âgés. Il serait bon de s’en souvenir pour la conservation des pachydermes car à l’avenir, les périodes de sécheresse risquent d’être de plus en plus fréquentes !

113 13 ans de répit L’Afrique du Sud autorise à nouveau l’abattage des éléphants Le 1er mai 2008 a marqué la levée d’un long moratoire sur l’abattage des éléphants en Afrique du Sud, mesure qui n’a pas fait que des heureux. En 1995, le pays comptait 8 000 éléphants. On les considérait menacés. Après 13 ans de parfaite tranquillité, il en abrite plus de 18 000. Une belle remontée qui tient au fait qu’une fois adultes, les pachydermes n’ont plus de prédateurs (seuls les grands fauves osent parfois s’en prendre aux éléphanteaux) ! Cette fois-ci, ils seraient trop nombreux au point de représenter un danger pour l’environnement. D’où la nécessité de réagir. Mais comment ? C’est là tout le problème. Les scientifiques eux-mêmes avouent n’avoir pas de solution miracle. Tirer sur l’un des emblèmes de l’Afrique ? Cet acte risque de heurter la sensibilité du grand public et déclencher la colère des associations écologistes. Les autorités le savent bien. Et elles ne veulent pas faire de vagues avant d’accueillir la Coupe du Monde de football en 2010. Leur idée est de gérer les populations d’éléphants en les déplaçant et en mettant en place des campagnes de stérilisation. Est-ce vraiment réalisable ? Elles n’utiliseraient les armes à feu qu’en dernier recours…

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114 Une gourde dans le gosier Les éléphants conservent de l’eau dans la gorge pour traverser le désert Quand on n’a pas d’eau sous la patte et qu’il fait un soleil de plomb, comment se rafraîchir ? Demandez à un éléphant ! C’est une caméra de la BBC qui, pour la première fois, a enregistré ce comportement connu des spécialistes. Merci donc à Martyn Colbeck, caméraman de la chaîne de télévision britannique, qui suit les aventures des pachydermes depuis près de 20 ans. Lui et son équipe se trouvaient en Namibie, au sud de l’Afrique, dans le désert de Namib. C’est là qu’ils ont surpris plusieurs éléphants en train de prendre une… douche. Si, si. Comment est-ce possible ? Ces gros animaux ont, en arrière de la langue, une cavité appelée poche pharyngée. D’ordinaire, elle leur sert à communiquer, en intervenant dans les barrissements. Mais plus étonnant, elle peut aussi stocker quelques litres d’eau. Il s’agit en sorte d’une gourde naturelle très utile lorsqu’il n’y a pas la moindre goutte à des kilomètres à la ronde. Pour se servir, celui qui a trop chaud fait remonter l’eau dans la bouche puis se la pulvérise, via la trompe, sur la tête. En insistant bien sur les oreilles, hein ! Oh que c’est rafraîchissant…

115 Sécheresse, le pompon ! En période de sécheresse, virus et parasites sont plus redoutables pour les lions Par deux fois ces quinze dernières années, les lions ont péri en masse, frappés de plein fouet par la maladie de Carré transmise par un virus du chien (CDV). La première vague mortelle a eu lieu en Tanzanie en 1994. Elle a tué près d’un tiers des lions du parc du Serengeti ! La seconde, en 2001, a

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touché la population qui vit à proximité du cratère Ngorongoro au nord du pays. Mais d’après Craig Packer, chercheur à l’université du Minnesota aux États-Unis, les analyses de 600 échantillons prélevés depuis 1983 montrent qu’il y aurait eu 5 autres épidémies de CDV sans pics de mortalité. Alors, le CDV, mortel ou pas pour le roi des animaux ? Pour le savoir, il faut s’arrêter sur ce petit détail : dans le même temps, le sang de la plupart des lions a toujours présenté un faible taux de Babesia (un parasite transmis par les tiques). Toujours ? Presque. En 1994 et 2001, ce taux est monté en flèche ! Toutefois, le fait que le CDV malmène le système immunitaire et ouvre la voie à Babesia ne suffit pas à expliquer pourquoi les taux sanguins du parasite n’ont pas explosé durant les 5 autres épidémies de CDV. Alors, quoi ? La chaleur extrême… En 1994 et 2001, les épidémies de maladie de Carré ont chacune été précédées de sécheresse privant les herbivores de nourriture et les rendant plus vulnérables aux tiques. Effectivement, les buffles, qui constituent l’une des proies favorites des lions, étaient couverts de tiques à ces époques. Affaiblis, ils finissaient par mourir. Et lorsque les lions se nourrissaient de leurs carcasses, les tiques n’avaient plus qu’à sauter sur eux ! Cette étude montre bien qu’un climat très sec associé à une combinaison de différents facteurs a provoqué une surmortalité chez les lions. Pas très rassurant quand on voit la planète se réchauffer…

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116 Une histoire de dengue Tenter d’éradiquer le moustique vecteur de la dengue envenime la situation Incroyable mais vrai d’après Yoshiro Nagao, de l’université d’Osaka au Japon, et ses collègues anglais de l’École d’Hygiène et de Médecine Tropicale (EHMT) de Londres… La dengue (ou petit palu) est une maladie tropicale généralement bénigne caractérisée par une forte fièvre, des maux de tête et courbatures. Elle est transmise à l’homme par le moustique à pattes blanches (Aedes aegypti) qui lui inocule l’un des quatre types viraux. Ainsi, chaque année, 50 millions de personnes seraient infectées. Parmi elles, 200 000 à 500 000 développeraient la forme grave, hémorragique, et 12 000 en mourraient. Or, d’après des données recueillies en Thaïlande entre 2002 et 2004, les épidémiologistes ont constaté que dans les régions où l’insecte était le moins abondant, les cas de dengue hémorragique étaient plus nombreux ! D’où leur hypothèse : en présence de nombreux moustiques, une personne a toutes les chances d’être régulièrement en contact avec les différents sérotypes du virus. Ses défenses immunitaires, sollicitées à intervalles de temps réduits, restent efficaces. Mais dans une région où la lutte a éradiqué de

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nombreux moustiques porteurs du virus, les risques d’être infecté à répétition sont plus faibles. Et à la seconde infection, l’organisme de la personne déclencherait une suractivation des défenses immunitaires, fatale ! Il n’existe pas de vaccin. Cela pourrait venir prochainement car en juillet 2008, des chercheurs américains du Maryland et de Caroline du Sud ont annoncé en avoir testé un avec succès chez des macaques rhésus…

117 Très discrets, ces gardes du corps Des guêpes hébergent des parasites qui défendent leurs petits Que ne ferait-on pas pour protéger sa progéniture ? La guêpe potière (Allodynerus delphinalis), elle, va jusqu’à se laisser parasiter ! Kimiko Okabe et Shun’ichi Makino, de l’Institut de Recherche en Foresterie de Tskuba au Japon, savaient que de minuscules acariens – Ensliniella parasitica – logeaient sur elle dans des poches spéciales et qu’ils se nourrissaient de son hémolymphe (le sang des insectes). Et enfin, les biologistes viennent de découvrir l’essence de cette subtile relation… Quand la guêpe construit son nid, elle y dépose ses œufs et de la nourriture dans des cavités. Elle les referme ensuite à l’aide d’un mélange de salive et de boue. Mais entre-temps, ces gredins d’acariens ont quitté les poches (qu’ils occupaient au moins par six) et se glissent dans les loges ! Les larves de la guêpe s’y développent pendant que les acariens profitent du gîte, du couvert (ils se nourrissent aussi de l’hémolymphe des larves dont le développement ne semble pas en être affecté) et pondent leurs propres œufs. Seulement, si une guêpe parasite (Melittobia acasta) a le malheur de déposer ses pontes dans les cavités – ce qui tuerait les larves de la guêpe potière – les acariens d’ordinaire si fragiles et pacifiques se ruent sur l’ennemie ! Selon les chercheurs, il suffit qu’ils soient six contre elle pour avoir 7 chances sur 10 de la tuer. À moins de six, c’est elle qui les tue et à dix, elle n’a plus aucune chance. Alors, pas bête, la guêpe potière, n’est-ce pas ? Engager des gardes du corps pour veiller sur ces bébés, il fallait y penser.

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118 Un sixième sens animal ? Les animaux semblent parfois sentir l’arrivée de catastrophes naturelles En mai 2008, par deux fois, les colères de la Terre ont frappé l’Asie. D’abord un cyclone tue près de 100 000 personnes en Birmanie, puis un violent séisme fait plus de 70 000 morts en Chine. Deux terribles drames que les êtres humains n’ont pas su anticiper… Et les animaux ? Curieusement en effet, quelques jours avant la secousse dans le Sichuan, à Mianyang, ville à proximité de l’épicentre, des centaines de milliers de crapauds envahissaient les rues et prenaient la fuite. Signe que certains habitants interprétaient comme l’arrivée imminente d’un cataclysme… Quant aux pandas d’une réserve de la région, quelques minutes avant le drame, ils savouraient tranquillement du bambou sous l’œil ému des visiteurs, et l’instant d’après, s’agitaient dans tous les sens ! Autre exemple, le 26 décembre 2004. Plusieurs heures avant l’arrivée du tsunami, des buffles en toute hâte s’éloignaient des plages. Des éléphants couraient, en barrissant, vers les hauteurs. Des oiseaux les suivaient alors que les chiens semblaient apeurés. Remontons encore plus loin dans le passé. Des ours sortaient prématurément de l’état d’hibernation avant un séisme en Alaska en 1964. Les chiens hurlaient à la mort avant le tremblement de terre de Sicile en 1783. Et quelques jours avant celui de Lisbonne en 1755, des vers quittaient la terre par milliers. Bref, même si nous n’avons aucune preuve scientifique de ce 6e sens animal, il mérite qu’on s’y intéresse. En attendant, sismologues et météorologues ne cessent d’améliorer leurs outils de prévisions numériques. Il le faut bien pour réduire les pertes humaines lors des catastrophes naturelles…

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119 Un acrobate à poils Comme le chat, le gecko sait retomber sur ses pattes C’est connu : le gecko est un pro de l’escalade grâce à ses « super-papattes » couvertes de poils adhésifs (appelés sétules). Ces poils fascinent les ingénieurs du monde entier. Et comme si cela ne suffisait pas, on vient d’apprendre que ce petit lézard des régions chaudes est aussi un as de la voltige. Grâce à quoi cette fois ? Sa queue. Elle lui évite la casse en cas de chute comme l’ont montré les films réalisés par Robert Full et ses collaborateurs de l’université de Californie aux États-Unis. Les chercheurs ont examiné les mouvements d’un gecko d’Asie (Hemidactylus platyurus) tombé dans les airs. Ils ont alors réalisé que l’animal, en la dirigeant de façon à ralentir la chute, se servait de sa queue comme d’un parachute ! Il retombait alors en douceur sans risquer de se casser quoique ce soit.

120 Une morsure étudiée de près Celle du dragon de Komodo n’est pas si puissante qu’on pourrait le croire Il a beau être inscrit sur la liste rouge de l’IUCN comme espèce vulnérable (il en resterait 4 000 à 5 000 à l’état sauvage en Indonésie), le dragon de Komodo a la réputation d’être une machine à tuer. Sa redoutable morsure méritait donc bien une étude à elle seule. Grâce à un logiciel et un spécimen du Muséum d’Australie (Sydney), Stephen Wroe et Karen Moreno, biologistes australiens de l’université de Nouvelle-Galles du Sud, ont conçu un modèle informatique permettant d’examiner l’anatomie de sa tête, de sa gorge, et la force de morsure. Leur conclusion est plutôt surprenante. En réalité, la morsure du plus gros lézard du monde serait bien mollassonne. Elle serait même moins puissante

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que celle d’un chat ! Curieux pour un reptile volontiers mis en appétit par un buffle, non ? Alors, qu’est-ce qui lui donne l’orgueil d’oser s’en prendre à plus grand que lui ? L’ossature de sa tête, fragile mais de densité variable et conçue comme un pont (ce qui dote sa gueule d’une incroyable élasticité), une soixantaine de dents tranchantes et de puissants muscles au niveau du cou. Avec tout cela, en un coup, il blesse mortellement sa victime. Il faut dire que sa morsure est infectieuse. La proie pourra toujours fuir, elle périra lentement en perdant son sang. Attendant patiemment son heure, le dragon de Komodo avalera enfin son repas et en régurgitera plus tard les restes indigestes (pelotes de poils, os).

L’eau : la vie, les maladies ?

121 Le plus cher du monde, pas le plus beau L’arowana est un poisson qui peut valoir plus de 30 000 euros Lui, un canon de beauté des eaux douces ? Certainement pas. L’arowana a de grosses écailles, une bouche tombante et une moustache au garde-à-vous sur la lèvre inférieure. À coup sûr, elle lui vaut son surnom de poisson-dragon rouge. Bref, pas de quoi tomber à la renverse. Pourtant, il vaut de l’or. En particulier le « super red » parce que bien rouge, vous l’avez deviné. Ce qu’il y a, c’est que Scleropages formosus, de son appellation scientifique, a quasiment disparu du sud-est de l’Asie. On en trouverait juste quelques spécimens dans des rivières de Bornéo. Or, cette rareté fascine les Asiatiques au point d’en émoustiller leur portemonnaie. D’après les Chinois, l’arowana a les pouvoirs du dragon : en avoir un à la maison, c’est le succès garanti en affaire, une veine du tonnerre et

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une santé de fer. Et quand on aime, on ne compte pas. Ils en ont donc fait le poisson le plus cher du monde ! Un passionné n’a pas hésité à lâcher 14 500 euros pour s’en offrir un lors de l’exposition organisée à Jakarta en février 2008. Une broutille quand on sait que les plus prisés coûtent bien le double ! Rares sont les éleveurs à avoir le privilège et le droit de le vendre : le commerce, strictement réglementé par la CITES, est si juteux qu’il a attiré les trafiquants. Posséder un super red est un luxe et un symbole de pouvoir qui n’a apparemment pas de prix.

122 Une maman géante Un biologiste américain a enfin rencontré la raie géante d’eau douce Chercheur à l’université de Reno dans le Nevada, Zeb Hogan dirige le Projet Megafishes, programme de 4 ans financé par la National Geographic Society et le WWF. Objectif ? Répertorier les plus grands poissons des fleuves de la planète, souvent méconnus, pour mieux les protéger. Sa récente obsession était une espèce décrite en 1989 déjà victime de la surpêche. Inscrite depuis 2007 dans la catégorie vulnérable de la Liste Rouge de l’IUCN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature), la raie géante d’eau douce est la plus grande de toutes les pastenagues. Elle a un dard venimeux atteignant facilement les 35 cm et peut mesurer 6 m pour un poids de 450 kg. Pacifique, elle se cache sous d’épaisses couches de vase. D’où la difficulté pour la rencontrer. Le biologiste l’a cherchée d’abord dans le Mékong, au nord du Cambodge. Mais c’est en Thaïlande dans la rivière Bang Pakong à proximité de Chachoengsao, ville très animée, qu’elle a pointé le bout de son nez. Des hommes l’ont attrapée en vie, pour le plus grand bonheur de Zeb Hogan qui a pu la découvrir sur place. Longue de 4,3 m, elle a même donné naissance à un joli bébé sous les yeux ébahis des pêcheurs !

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123 Respirer sans poumon ? Une étrange grenouille, à peine décrite, est déjà menacée C’est dans la jungle de Bornéo en Asie que David Bickford, biologiste à l’université de Berkeley en Californie, a retrouvé cette mini-grenouille brune. Son nom ? Barbourula Kalimantanensis. Seuls deux spécimens avaient pu être collectés en une trentaine d’années. Et à l’époque, hors de question de les sacrifier pour une dissection ! Les scientifiques sont donc repartis sur ses traces. C’est à cette occasion qu’ils ont découvert la particularité interne de son anatomie. Cette demoiselle est en effet la seule grenouille sans poumons connue à ce jour. Bien qu’il existe d’autres amphibiens dans ce cas, une famille de salamandres en particulier… Comment respire-t-elle ? En récupérant l’oxygène à travers sa peau. Animal à sang froid au métabolisme assez lent, elle peut se le permettre. D’ailleurs, Bickford et ses collègues ont une théorie à ce sujet. L’eau des rivières qu’elle fréquente est fraîche. Et les courants y sont forts. La seule façon de les franchir, c’est de filer en profondeur. L’épreuve devait carrément être périlleuse pour ses ancêtres : les poumons étant deux sacs d’air, ils peuvent se montrer handicapants dans l’eau (les plongeurs débutants qui apprennent à maîtriser la technique du poumon-ballast le savent bien). Du coup, l’espèce s’en serait débarrassée, comptant sur la perméabilité de sa peau pour respirer. Bien pensé puisque une eau fraîche est aussi riche en oxygène ! Le précieux gaz s’y dissout plus facilement que dans l’eau chaude. Voilà pour le côté extraordinaire de cette découverte. Maintenant, la douche froide… Il faut savoir que la déforestation et l’exploitation illégale de mines d’or ont réchauffé, contaminé et ralenti les cours d’eau de la région. Autrement dit, cette grenouille aquatique que l’on vient à peine de retrouver et qui a tant à nous apprendre est déjà menacée de disparaître en raison de la dégradation de son habitat !

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124 Une revenante L’une des tortues les plus menacées au monde a été observée dans la nature Les recherches, financées par la société zoologique de Cleveland aux États-Unis, ont duré 3 ans. Mais le jeu en valait vraiment la chandelle. On croyait la tortue de Swinhoei disparue à l’état sauvage et finalement, alertés par des habitants de la région, Nguyen Xuan Thuan et son équipe en ont trouvé une bien vivante ! Elle barbotait dans un lac près de Hanoï au Vietnam. Au moment de cette découverte, il n’en restait plus que trois en captivité (deux en Chine, l’autre à Hanoï). Élevée au rang de légende par les Vietnamiens, l’espèce Rafetus swinhoei a été massivement chassée pour sa viande et l’utilisation de ses os en médecine traditionnelle. La destruction des sites de ponte et la pollution des rivières n’ont fait qu’enfoncer le clou. Malgré cette excellente nouvelle, son avenir reste très incertain…

125 La goutte qui fait déborder le vase Le gavial meurt de la pollution Connaissez-vous Gangeticus gavialis ? Long de 5 mètres, le gavial est un crocodile asiatique au museau très effilé. Avec lui, pas de danger, il préfère le poisson. Aujourd’hui, on le rencontre surtout en Inde et au Népal. Les fleuves qu’il fréquente ? L’Indus, le Mahanadi, le Brahmapoutre et le Gange. Pas les plus propres de la planète en effet. Voilà qui risque fort de causer sa perte ! Car il en resterait moins de 1 000 dans la nature. Alors qu’ils étaient 10 fois plus dans les années 1940. Trente ans plus tard, ils frôlaient déjà la disparition sous les pressions d’une chasse intensive. Et malgré les efforts considérables déployés depuis pour les conserver, ils figurent sur la Liste Rouge des espèces en danger critique d’extinction de l’IUCN.

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Début 2008, les ennuis continuent. La mort soudaine d’une centaine de gavials dans la Chambal, rivière d’Inde, oblige les plus grands experts à enquêter. Diagnostic ? Les pauvres ont la goutte. Leurs reins sont fichus. Leur sang est gorgé d’acide urique qui finit en dépôts sur les articulations. En fait, ils s’empoisonnent en mangeant du tilapia ! Ce poisson qui vient de la Yamunâ, un affluent du Gange très pollué, est contaminé aux métaux lourds (plomb, cadmium…).

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126 La grippe aviaire ne s’est pas envolée Les risques de pandémie sont toujours là Ce n’est pas parce qu’on n’en parle plus que la grippe aviaire a disparu. Pire, une autre souche virale inquiète sérieusement les experts : le H9N2 ! Quant au plus connu H5N1, il frappe toujours chez les oiseaux et les humains, même si la tendance est à la baisse. Ainsi, d’après l’Organisation Mondiale de la Santé, en 2006, ce virus a infecté 115 personnes, en tuant 79 ; en 2007, 88 dont 59 en sont mortes. Juillet 2008, 34 cas étaient déclarés depuis le début de l’année dont 26 mortels. Bilan à cet instant ? 383 cas dont 241 décès depuis 2003. Si le contrôle de la progression du virus chez les volailles s’est grandement amélioré au Vietnam, en Thaïlande et en Chine – pays d’où est parti le H5N1 – dans d’autres comme l’Indonésie, le Bangladesh ou l’Égypte, c’est l’inverse. Au total, 61 pays ont été confrontés à sa présence sur leur territoire. Éradiquer le virus des populations d’oiseaux semble aujourd’hui improbable. Quant à la possibilité de mutations le rendant transmissible d’homme à

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homme (ce qui serait le point de départ d’une pandémie), les états sont mieux préparés. Évidemment, il faudrait quelques mois pour produire le vaccin efficace contre la souche virale impliquée. Mais il existe déjà des vaccins protégeant d’une transmission de la volaille à l’être humain, et d’autres dits pré-pandémiques qui assureraient déjà une certaine protection le jour où… Selon les modèles informatiques, une telle pandémie pourrait faire 50 à 80 millions de morts dans le monde, essentiellement dans les pays en voie de développement. Il est donc essentiel qu’ils puissent avoir accès en masse aux vaccins pré-pandémiques.

127 Une décennie et puis, fini ? En Inde, les vautours pourraient disparaître d’ici 10 ans C’est la conclusion de l’enquête coordonnée par la Société d’Histoire Naturelle de Bombay et la Société Zoologique de Londres. Dans les années 1990, les vautours mourraient dans des circonstances mystérieuses. La culpabilité du principal suspect – le diclofénac, anti-inflammatoire à usage vétérinaire – a été confirmée en 2004. Les oiseaux se nourrissaient de carcasses de bétail traité au diclofénac, puis étaient emportés par une insuffisance rénale ! Interdit depuis 2006, ce médicament a été remplacé par du méloxicam 3 à 5 fois plus cher. D’où la persistance illégale du diclofénac dans le pays… Quant aux dégâts ? Lors du recensement de 2007, 11 000 vautours chaugouns (Gyps bengalensis) ont été aperçus sur une zone où ils étaient des dizaines de millions 20 ans plus tôt ! Même constat pour les vautours indiens (G. indicus) et à long bec (G. tenuirostris) : 97 %, « envolés ». Or, au pays des vaches sacrées et intouchables, la disparition de ces éboueurs de la nature est un problème de santé publique majeur. Normalement, dès qu’un cadavre de bovin ou autre traîne, les rapaces s’empressent de le faire disparaître. Ils évitent qu’il devienne un dangereux nid à microbes. Mais en leur absence, les maladies peuvent se propager dans la population. Déjà l’anthrax revient au galop. Il faut dire que Bacillus anthracis – la bactérie qui en est responsable – affecte d’abord les herbivores tels que les

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bovidés. Les vautours, eux, ne craignent rien en mangeant une vache infectée et coupent les risques de transmission aux humains. Mais en raison de leur déclin, cette barrière protectrice disparaît. Les chiens errants en profitent aussi. Ils sont ravis de récupérer les restes. Bien nourris, ils peuvent en profiter pour se reproduire davantage et diffuser la rage dans toute l’Inde… Bref, un plan de réintroduction de vautours élevés en captivité, déjà en cours, est indispensable. Mais suffira-t-il à rétablir la situation alors que l’habitat naturel de ces oiseaux continue à se dégrader ?

128 Pas de hic pour cet alcoolique ! Le plus grand buveur de la planète s’en donne à cœur joie Le ptilocerque de Low (Ptilocercus lowii) ressemble à une musaraigne. On le rencontre dans la jungle de Malaisie. Il vit dans les arbres, et fréquente de préférence ceux qui proposent l’happy hour à toutes les heures de la nuit ! Car d’après Frank Wiens de l’université de Bayreuth en Allemagne, monsieur est alcoolique. Son régime alimentaire ? 100 % bière. Et pour cause, le nectar fermenté qu’il consomme a une teneur en alcool pouvant atteindre 3,8 %. Un record dans la nature… Il le trouve dans les bourgeons de fleurs d’un palmier (Eugeissona tristis) très répandu qui laisse filer dans l’air des effluves dignes d’une grande brasserie. Et à boire autant, quand d’autres espèces passent au bar de temps en temps seulement, le ptilocerque est certainement le plus grand poivrot du règne animal ! Bon, il peut se le permettre. Extérieurement, il ne présente pas le moindre signe d’ivresse alors qu’il a régulièrement un taux d’alcool dans le sang très élevé, bien plus que ne pourrait le supporter un être humain. Le ptilocerque étant proche d’un ancêtre commun à tous les primates (qui vivait il y a 55 millions d’années), sa résistance à l’alcool explique peut-être notre propre attirance pour ce type de boisson ? À l’évidence, les chercheurs vont encore passer beaucoup de temps à l’étudier.

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129 Pour quelques paires de bottes en cuir Le pangolin est toujours victime du marché noir Le pangolin est un drôle de mammifère couvert d’écailles qui mange des termites et des fourmis. D’où son surnom de fourmilier écailleux. On en rencontre 4 espèces en Afrique, et 3 en Asie du Sud-Est. Bien sûr, une telle merveille est menacée. L’animal est très recherché en Asie pour sa viande, sa peau transformée en cuir, et ses écailles utilisées en médecine traditionnelle chinoise. Pourtant, ce commerce est strictement interdit par la CITES (Convention sur le Commerce International des Espèces de Faune et de Flore Sauvages Menacées d’Extinction) ! La bonne nouvelle, c’est que deux trafics ont été démantelés entre l’Indonésie et le Vietnam et dans le sud de Sumatra en 2008. La mauvaise ? La quantité de cadavres de pangolins récupérés : 37 tonnes, soit l’équivalent d’environ 4 000 animaux…

130 Pause pendant les J.O. À Pékin, les autorités chinoises ont provisoirement fermé les restaurants proposant du chien En Chine, il y a les toutous petits et mignons que l’on dorlote à la maison. Et puis les autres, plus gros, élevés de manière industrielle, abattus dans des conditions parfois cruelles, ou simplement ramassés dans la rue (gare au maître qui perdrait son compagnon à 4 pattes, certains portent encore un collier). Ceux-ci finissent bouillis et découpés dans une marmite ! Il y a quelques années, le saint-bernard avait la cote. Aujourd’hui, les papilles connaisseuses lui préfèrent le berger allemand. De toute manière, peu importe la race, manger du chien est une tradition millénaire et légale (sauf à Hong-Kong où elle est interdite depuis 1950).

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Pourtant, de plus en plus de Chinois préfèrent bichonner Médor plutôt que de le manger. Certains, réunis dans de petites associations, essayent même d’obtenir une législation visant à le protéger. En vain pour l’instant. Quant aux Occidentaux, absolument pas amateurs de plats à base de viande canine, c’est certainement plus la cruauté du sort réservé au meilleur ami de l’Homme dans les élevages qui les choque. Et les autorités chinoises le savent, raison pour laquelle elles ont décidé de fermer les quelques 120 restaurants de Pékin servant du chien à la carte pendant les Jeux Olympiques de 2008. Une façon en effet de noyer le poisson pendant cette période d’exposition médiatique…

131 Première commande La commercialisation des chiens obtenus par clonage a démarré Snuppy est le premier chien né par clonage en 2005. Il est l’œuvre de Hwang Woo-Suk (qui, en 2004, avait affirmé avoir obtenu des embryons humains par clonage, fraude dénoncée un an plus tard) et de son équipe de l’université de Séoul en Corée du Sud. Mais Snuppy, le beau Lévrier Afghan, va désormais avoir de la concurrence. En effet, RNL Bio, une entreprise de biotechnologie coréenne partenaire de ces chercheurs, a annoncé début 2008 qu’elle était prête à passer à l’étape suivante. En clair ? À vendre le meilleur ami de l’Homme sous sa forme clonée. Une première mondiale ! Coût de l’opération ? Aux alentours de 100 000 euros. Toutefois, la première cliente a eu droit à un rabais de plus de 60 %. Cette Américaine déterminée est allée sur place, en août 2008, récupérer la version bis de son regretté pitbull. Finalement, elle s’est vue remettre cinq chiots nés de deux mères porteuses, tous clones du défunt Booger. Ouf, heureusement qu’elle avait conservé des tissus congelés de son oreille !

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Biocarburants, séisme et traditions d’un autre temps

132 Les biocarburants, oui, mais à quel prix ? À Bornéo, ils sont sur le point de faire disparaître les orangs-outans Un jour, on s’est dit « eureka, voilà la solution à la pénurie de pétrole : les biocarburants ! ». Une bonne intention au départ, mais aujourd’hui, on réalise qu’ils sont loin d’être la panacée et qu’il faut encore travailler dur avant d’arriver à un résultat écologiquement acceptable. Non seulement, leur production émet encore trop de CO2, gaz à effet de serre impliqué dans le réchauffement climatique. Et pire, une partie de l’usage des terres cultivables est détournée à leur profit alors qu’il y a 6,6 milliards d’êtres humains à nourrir, dont beaucoup ne mangent pas tous les jours à leur faim… Enfin, autres dommages collatéraux : les animaux qui vivent dans les forêts que l’on rase pour en faire des terrains agricoles. Les orangs-outans de l’île de Bornéo par exemple. Là-bas, on produit de l’huile de palme à plein régime car la demande mondiale explose pour l’agro-alimentaire, les cosmétiques et à présent les biocarburants. Du coup, les plantations de palmiers à huile grignotent chaque jour davantage le territoire des grands singes roux. Et malheur à eux s’ils osent s’y aventurer : ils sont chassés et tués ! Au train où vont les choses, le Centre Pour la Protection de l’Orang-Outan a averti que plus de la moitié des orangsoutans disparaîtront d’ici 2011. Pour l’heure, il en reste entre 45 000 à 69 000 sur l’île, et 7 300 à Sumatra. En plus, selon un récent rapport des Nations Unies : 98 % des forêts tropicales d’Indonésie pourraient disparaître d’ici 2022. Comment les orangsoutans pourraient-ils s’en sortir si l’on ne met pas immédiatement un frein à cette frénésie ?

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133 Médecine naturelle Les orangs-outans se soignent aux anti-inflammatoires Décidément, tout nous rapproche des grands singes. Pas seulement l’ADN, mais les comportements aussi. La preuve, comme nous, ils s’intéressent aux vertus médicinales des plantes. Et c’est à Bornéo qu’une primatologue anglaise a surpris des orangs-outans (Pongo pygmaeus) en train de s’appliquer un baume apaisant sur les membres ! Helen Morrogh-Bernard, de l’université de Cambridge en GrandeBretagne, les étudiait au sud de l’île, côté Indonésie au Kalimentan, quand elle a assisté à la scène la première fois en 2005. Elle raconte ce grand moment dans sa dernière étude. Une femelle venait de prendre une poignée de feuilles sur une plante puis les portait à sa bouche pour les mâcher. Elle en sortit un mélange végétal mousseux de salive. Elle en mit dans sa main droite puis l’appliqua soigneusement sur l’arrière de son bras gauche, de l’épaule au poignet… Ébahie, la scientifique était déjà persuadée d’assister à une forme d’automédication. D’autant plus qu’après usage, les orangs-outans se débarrassent de ces feuilles. Pas étonnant, elles appartiennent à des commelinas, plantes qui ne font pas partie de leur régime alimentaire. Eux préfèrent les fruits, même si de temps en temps, ils ne crachent pas sur quelques insectes, œufs d’oiseaux, morceaux d’écorce ou jeunes pousses végétales. D’ailleurs, les autochtones utilisent cette pommade de la même manière pour traiter les douleurs musculaires et les hématomes, remède qu’ils ont peut-être emprunté aux grands singes ?

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134 Un univers qui s’écroule Le séisme survenu en 2008 en Chine a endommagé plus de 80 % du milieu naturel du panda Un tremblement de terre de magnitude 8 sur l’échelle de Richter a secoué le Sichuan le 12 mai 2008. Il a fait près de 70 000 victimes. Une tragédie au niveau humain, mais écologique aussi. En effet, cette région montagneuse est, avec quelques provinces voisines, le refuge d’un ours noir et blanc très craquant : le panda géant (Ailuropoda melanoleuca), espèce découverte en 1869. Or, d’après les autorités chinoises, le séisme aurait affecté plus de 80 % de son habitat, les forêts de bambous situées entre 1800 et 3400 mètres d’altitude ! Elles lui sont très précieuses car il se nourrit presque exclusivement de bambous. Cette catastrophe naturelle porte un sacré coup aux pandas. Comment ne pas s’en inquiéter ? 1 400 des 1 600 vivant à l’état sauvage fréquentent cette zone. Comme si la déforestation qui grignote petit à petit leur territoire ne suffisait pas…

135 La fin d’un mystère L’éléphant pygmée de Bornéo pourrait être un descendant de celui de Java Il n’y a plus d’éléphants à Java depuis la fin du XVIIIe siècle. L’espèce serait donc éteinte ? On le croyait jusqu’ici. Pourtant, une récente étude du WWF affirme le contraire. Il en resterait 1 000 représentants dans le nord-est de Bornéo ! Justement, l’origine de l’éléphant pygmée de cette île (Elephas maximus borneensis) est sujette à controverse. La thèse de Junaidy Payne et ses

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collègues pourrait donc éclaircir le mystère. Elle se base d’abord sur un joli récit conté par les Bornéens : le sultan d’une île philippine – Sulu – aurait apporté sur la leur quelques petits éléphants qui lui auraient été offerts par des rois de Java. Pas très scientifique comme explication… Oui, mais les chercheurs rappellent qu’il n’existe pas de traces archéologiques témoignant d’un très lointain passé de ces animaux sur l’île. Par ailleurs, ils sont génétiquement distincts de leurs cousins asiatiques (Elephas maximus), et aussi moins agressifs, plus grassouillets, petits avec de larges oreilles et une queue plus longue. Abandonné dans la jungle, un seul couple fertile d’éléphants de Java aurait suffi à peupler Bornéo !

136 La java à Java Des images du rhinocéros le plus menacé au monde ont pu être enregistrées Les caméras automatiques les ont gravées pour la postérité en 2008 et elles ont bien fait. Installées dans le parc national d’Ujung Kulon à l’ouest de Java, ces deux caméras ont filmé le plus rare de tous les rhinocéros, le rhinocéros unicorne de la Sonde (Rhinoceros sondaicus). Non pas un, mais deux : une mère et son petit ! Maman n’a guère apprécié et a chargé l’un des appareils qui a valsé aussi sec. Mais peu importe. Son petit est une réelle note d’espoir pour la survie de l’espèce quand on sait qu’il reste moins de 70 rhinocéros de la Sonde : plus de 90 % sur Java et une poignée dans le parc naturel de Cat Tien au Vietnam. Dire qu’autrefois, on les rencontrait dans une vaste zone du sudest de l’Asie (sud de la Chine, Bangladesh, Indonésie, Birmanie, Vietnam, Thaïlande)… Et puis, là, le coup classique : chasse intensive pour leur corne utilisée en médecine traditionnelle chinoise, disparition des forêts qu’ils occupaient. Le cauchemar écologique typique. Heureusement, tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir. Et ces images exceptionnelles ont redonné de l’énergie et des arguments à tous ceux qui se battent pour ne pas voir disparaître ce magnifique animal !

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137 3 500 En 2008, il restait 3 500 tigres dans la nature Soit moitié moins qu’il y a 25 ans ! Annoncé par le WWF, ce chiffre est préoccupant lorsqu’on sait qu’environ 1 500 se trouvent en Inde, et qu’ils y étaient encore 40 000 en 1925… Pire, nous sommes sur le point de perdre l’une des 8 sous-espèces (dont 3 déjà éteintes au XXe siècle) : le tigre de Chine. Et le tigre de Sumatra le suit de près. Mais comment a-t-on pu en arriver là ? D’abord, en raison du conflit Homme-tigre. De nombreux animaux ont été abattus par les fermiers qui voulaient défendre leur bétail. La chasse aux trophées a fait beaucoup de dégâts elle aussi. Plus grave encore, le braconnage reste d’actualité car chaque partie du corps de l’animal – griffes, dents, os, moustâches, peau, queue – se vend à prix d’or sur le marché de la médecine traditionnelle asiatique. Enfin, la déforestation : on détruit son habitat ! Cohabiter avec lui semble néanmoins possible, comme de voir sa population augmenter à nouveau si on sait le protéger. Le tigre a en effet l’avantage de bien se reproduire. Alors, allons-nous le laisser disparaître ?

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SAUT DE PUCE EN AUSTRALIE

Petites coquines et grande peste

138 Sous le charme des orchidées Certains insectes vivent le coup de foudre avec ces fleurs Quand il s’agit de se reproduire, les magnifiques orchidées n’ont pas de limites. Ainsi, cinq types d’orchidées-langues australiennes (du genre Cryptostylis) osent carrément se faire passer pour des guêpes qu’elles ne sont pas. Elles imitent physiquement les femelles de l’espèce Lissopimpla excelsa afin d’attirer des mâles dans leurs filets ! Objectif ? Être sûres que les amoureux transis repartent le corps couvert de pollen (la poudre qui contient le sperme végétal). Les insectes, croyant être en présence d’une partenaire sexuelle, éjectent une grosse goutte sur les pétales ! Vérification faite au microscope par Anne Gaskett et son équipe de l’université Macquarie de Sydney, cette goutte contient bien des spermatozoïdes… Oh, lâcher du sperme sans aucun succès de reproduction à la clé, n’est-ce pas du gâchis et un choix risqué pour la survie de l’espèce ? Pas tant que ça en réalité car les biologistes ont découvert que chez ces guêpes, les femelles pouvaient aussi avoir des petits en l’absence de sperme. En poussant les recherches sur près de 200 espèces d’insectes ainsi dupées par les orchidées, ils ont même montré que plus de 90 % d’entre elles parvenaient à se reproduire sans intervention de mâles ! Quant à la fleur, elle ne

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tire aucun avantage de ce sperme animal, mais elle arrive toujours à ses fins, la coquine.

139 Pas de femelles, pas de descendants Les fortes températures freineront les naissances de femelles chez les sphénodons Chez de nombreux reptiles – crocodiles, tortues marines, etc. – la température d’incubation des œufs joue un rôle déterminant sur le sexe des futurs bébés. Généralement, plus elle est haute, plus la probabilité d’obtenir une femelle dans l’œuf est importante. Mais ce phénomène est inversé chez le sphénodon, ou tuatara. Véritable fossile vivant aux allures d’iguane, l’anatomie de cet animal n’a presque pas évolué depuis 200 millions d’années. Alors que les dinosaures ont disparu, caractérisé par un troisième œil sur le haut de la tête, apparent chez les juvéniles seulement, lui vit toujours sur quelques petites îles de NouvelleZélande. Pour le moment… Car son avenir s’annonce incertain. D’autant plus que les sphénodons, même s’ils peuvent vivre plus de 100 ans, ont une maturité sexuelle tardive, au-delà de dix ans (que dire du vieux Henry, au musée Southland sur l’île de Invercargill, qui a attendu 2008 et l’âge de 111 ans pour s’accoupler, avec 11 œufs à la clé, à sa copine Mildred, 80 ans !). Ainsi, quand les mères pondent leurs œufs sur la plage, à 20 °C, la probabilité que chacun donne naissance à une femelle est de 80 % ; à 21 °C, les probabilités d’avoir un mâle ou une femelle sont identiques. Et à 22 °C, la probabilité que l’œuf contienne un mâle est de 80 %. Dans ces conditions, selon les modèles informatiques dressés par Nicola Mitchell et ses collègues du Centre de Biologie Évolutive de l’université d’Australie Occidentale, dans le pire des scénarios climatiques, ce serait catastrophique. En 2080, il serait carrément impossible de voir naître des femelles ! Et pas de femelles, pas de reproduction. Donc la fin de l’espèce.

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Saut de puce en Australie

140 La petite bête qui tue la grosse Le crapaud buffle pourrait faire du mal aux crocodiles Originaire d’Amérique Centrale et du Sud, le crapaud buffle (Bufo marinus) a été introduit par l’Homme dans le nord-est de l’Australie en 1935. Sa mission ? Combattre un insecte coléoptère ravageur de la canne à sucre. Hélas, le gros amphibien en a profité pour se propager. Il y aurait aujourd’hui 200 millions de crapauds buffles sur le sol australien, soit 10 fois plus que d’habitants ! En plus, la bête est venimeuse. L’avaler, c’est s’empoisonner. Même les chats et les chiens qui jouent avec peuvent y laisser la vie. Pas étonnant que ce soit le tour du crocodile d’eau douce, car quand il a faim, le reptile mange ce qu’il trouve. Et il a beau être grand et puissant, il n’est pas en mesure de supporter la peau toxique du crapaud. Mike Letnic, biologiste à l’université de Sydney, en a eu la preuve et l’a annoncé en 2008 au cours d’une conférence. Il étudiait les populations de crocodiles des rivières Roper et Victoria et a constaté, en 2007, une chute spectaculaire du nombre d’individus : de plus de 600 crocodiles dans la région, ils sont passés à moins de 400 en un an ! Et si autrefois, il était exceptionnel de trouver des cadavres de crocodiles, lui en a découvert des dizaines au cours de ses inspections. Il suffisait de leur ouvrir l’estomac pour y trouver des restes de crapauds buffles. À long terme, si rien n’est fait, la peau de la petite bête pourrait bien avoir celle de la grosse…

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Marsupiaux au chaud et drôle d’oiseau

141 Décimés par le cancer Le statut du diable de Tasmanie passe de vulnérable à menacé Comme les kangourous ou les koalas, les diables de Tasmanie (Sarcophilus harrisii) sont des marsupiaux. De la taille d’un petit chien, ces animaux carnivores vivent au sud de l’Australie sur l’île qui leur a donné leur nom. Étrangement, en une quinzaine d’années, près de 60 % de la population a disparu. Frappés par un mal contagieux, les diables de Tasmanie tombent comme des mouches. La cause ? Un cancer de la face qu’ils se transmettent par morsures et qui les défigure avant de les tuer. Étrange coïncidence, des experts de l’Institut National de Mesures Australien ont découvert dans la graisse des victimes des taux élevés d’hexabromobiphényl et d’éther de décabromobiphényl. Il s’agit de deux retardateurs de flamme, composés chimiques employés comme protection contre les risques d’incendies dans de nombreux objets de la vie courante (meubles, télés, ordinateurs, tissus, etc.). Et comme d’autres polluants organiques persistants (POP), ils ont contaminé l’environnement dans lequel sont installés les diables de Tasmanie. Y a-t-il un lien entre leur présence et la propagation des tumeurs chez les petits marsupiaux ? Cette piste est sérieusement explorée. D’autant plus qu’elle soulève d’autres questions. La Tasmanie étant une île assez peu industrialisée, d’où viennent ces POP ? Et au-delà du fait que les diables de Tasmanie fassent maintenant partie des espèces menacées, on peut se demander quels sont les risques pour les Tasmaniens eux-mêmes ? Comment croire que les animaux seraient seuls à souffrir de cette pollution ?

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Saut de puce en Australie

142 Pas touche à mon eucalyptus ! Le changement climatique affecte le péché mignon des koalas Hé bien voilà, une espèce de plus qui risque de mal supporter le réchauffement de la planète : l’adorable koala, tranquillement perché dans son arbre, qui ne demande rien à personne ! Ian Hume, biologiste à l’université de Sydney, s’est intéressé au dioxyde de carbone atmosphérique – gaz impliqué dans le changement climatique – et à son influence sur la qualité des feuilles d’eucalyptus, seul aliment de notre petite boule de poils australienne. Et là, mauvaises nouvelles. Non seulement la valeur nutritive des feuilles diminue avec l’élévation du taux de CO2 dans l’air, mais en plus leur toxicité augmente ! De l’eucalyptus qui devient indigeste pour les koalas ? C’est le pompon. Surtout qu’ils mangent les feuilles de 25 seulement des 600 espèces d’eucalyptus de l’île-continent, sont déjà en déclin (chassés massivement par le passé) et se reproduisent lentement au rythme d’un bébé par femelle et par an… Ainsi, d’après les experts, la disponibilité de nourriture comestible devrait diminuer dans les années à venir et par conséquent, faire chuter considérablement la population de koalas d’ici un demi-siècle. Comme quoi réduire les émissions de gaz à effet de serre est une nécessité dont on ne mesure pas toujours les enjeux, n’est-ce pas ?

143 Trop nombreux ? Plus de 400 kangourous ont été abattus en mai 2008 à Canberra Il existe cinq grandes espèces de kangourous (et de nombreuses autres plus petites) pour la plupart herbivores : les wallaroos (Macropus robustus), les kangourous roux (M. rufus), gris (M. fuliginosus), antilopes (M. antilopinus) et géants (M. giganteus). Tous sont très résistants. Et ce ne sont pas leurs seuls

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prédateurs, les dingos – des chiens sauvages – qui auraient pu empêcher les populations d’exploser. Résultat, souvent mal répartis géographiquement, les kangourous voyant disparaître leur habitat arrivent en territoires humains et sur les champs des agriculteurs. Inévitablement, ils se font des ennemis et payent souvent de leur vie les dégâts qu’ils occasionnent. Sur ce problème, les Australiens ne se sont certainement pas montrés très clairvoyants. Il aurait fallu anticiper car aujourd’hui, les autorités pansent les plaies comme elles le peuvent au risque de heurter l’opinion publique. Exemple avec cet abattage en mai 2008. Plus de 600 kangourous s’entassaient sur un site militaire désaffecté aux environs de la capitale Canberra. Trop selon les experts qui craignaient de les voir mourir de faim et que d’autres espèces pâtissent de cette surpopulation… L’état a bien étudié d’autres possibilités comme celle de déplacer les marsupiaux, mais la solution a été jugée trop onéreuse. Malgré les vives protestations, plus de 400 kangourous ont donc été abattus. Scandaleux ? Un vrai casse-tête plutôt car comment faire pour conserver l’équilibre de la biodiversité australienne sans faire trop de grabuge d’un côté ou de l’autre ? D’ailleurs, l’affaire n’est que le sommet de l’iceberg. Chaque année, 15 à 20 % des 35 millions de kangourous sont chassés légalement dans tout le pays pour alimenter une industrie florissante basée sur le commerce de la peau et la viande. Cette dernière est même présentée comme une alternative pour les consommateurs désireux de lutter contre le réchauffement climatique : les flatulences des kangourous n’émettent quasiment pas de méthane contrairement à celles des bovins…

144 Quelle drôle de bestiole ! Le génome de l’ornithorynque a enfin été décodé L’ornithorynque est un petit mammifère aquatique australien d’une cinquantaine de centimètres. Mammifère, vous dites ? Si, si. Bon, ça ne saute pas aux yeux. Et il faut bien se creuser la tête pour lui trouver des points communs avec nous. La fourrure peut-être ? OK.

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Marsupiaux au chaud et drôle d’oiseau

Saut de puce en Australie

Mais franchement, qu’est-ce que c’est que ce bec de canard sensible aux champs électriques ? Et ces pattes palmées ? En plus, la femelle pond des œufs comme les oiseaux et les reptiles. Peut-être, mais elle allaite ces bébés, même sans mamelles ! Les petits sucent le lait qui suinte directement de sa peau. Et qu’allez-vous penser quand vous apprendrez que les mâles possèdent une glande à venin sur chaque éperon de leurs pattes postérieures ? Mais oui, un venin semblable à celui des serpents. Et attention, il paraît que s’y frotter laisse de bien douloureux souvenirs. Ouh là, il est bien curieux, l’animal ! Et l’évolution n’y est pas allée de main morte comme l’a montrée une équipe internationale composée de chercheurs de huit pays (dont la France). Le génome d’Ornithorhynchus anatinus est donc complètement déchiffré depuis 2008. Conclusion ? Les 18 500 gènes de l’ornithorynque, répartis dans 52 chromosomes, ne trompent pas. Ils cachent effectivement des caractéristiques de reptiles et d’oiseaux, même s’il est avant tout un mammifère comme vous et moi…

Marsupiaux au chaud et drôle d’oiseau

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PLONGÉE DANS LES OCÉANS

Coquillages, crustacés et icebergs qui vont tout casser ?

145 Un vrai casse-tête Recenser les espèces marines n’est pas une mince affaire En 2008, on connaissait 122 500 espèces marines. Petit souci : en réalité, un tiers de ces animaux seraient les mêmes, avec des noms différents ! Dans ce cas, comment faire un recensement correct des populations ? La question devient carrément essentielle lorsqu’il s’agit de montrer qu’une espèce est en danger et qu’il faut la protéger. Car à chaque fois qu’un biologiste découvre une espèce, il lui donne un nom latin à l’aide de la classification scientifique. Mais certains animaux s’amusent à compliquer les choses. Exemple, l’éponge Halichondria panicea, décrite en 1766, s’est faite, depuis, rebaptisée 55 fois. Pourquoi ? Parce qu’elle a réussi à tromper les spécialistes par son look souvent différent, ses habitats et modes de vie si variés (elle peut vivre en flottant ou fixée). Difficile de ne pas s’y perdre parfois ! D’où l’intérêt de ce nouveau projet international – le Word Register of Marines Species - qui devrait remettre de l’ordre dans tout ça d’ici fin 2010…

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Plongée dans les océans

146 Quel est l’animal dont l’espérance de vie est la plus longue ? Les éponges peuvent vivre plus de deux millénaires En 2007, des chercheurs de l’université de Bangor en Grande-Bretagne annonçaient avoir découvert le doyen animal de la planète. Selon leurs estimations, ce quahog nordique – une palourde – dormait à 80 m de profondeur, au nord de l’Islande, depuis 405 ans… Multicentenaire, joli pour un coquillage, non ? Oui, mais désolé, ce record vient d’être battu à plate couture. Par ? L’éponge-barrique géante (Xestospongia muta) dont le diamètre peut dépasser les deux mètres pour les plus grosses. Les plongeurs la connaissent bien car elle est fréquente dans les Caraïbes. Steven McMurray et Joseph Pawlik, biologistes à l’université de Caroline du Nord, sont donc allés enquêter pendant quatre ans et demi dans les eaux des Keys au sud de la Floride. Ils ont étudié 33 éponges-barriques géantes et ont calculé que la plus ancienne avait 127 ans. Connaissant alors la vitesse de croissance moyenne de cette espèce, ils en ont conclu que le plus grand spécimen connu, mort à Curaçao en 2000, devait avoir 2300 ans !

147 La belle rose dans la Grande Bleue La pélagie se plaît en Méditerranée Tous les biologistes marins s’accordent à dire que l’avenir appartient aux méduses. Une perspective hallucinante quand on sait qu’elles sont des animaux primitifs constitués à 98 % d’eau ! Et pourtant, pollution, réchauffement climatique, surpêche qui fait disparaître les gros poissons capables de leur faire concurrence, déclin des tortues qui s’en nourrissent : toutes les conditions sont effectivement réunies pour que les méduses puissent pulluler en paix…

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Alors pourquoi les choses seraient-elles différentes pour la pélagie ? Vous connaissez forcément cette jolie demoiselle rose et violette ? C’est la plus urticante des méduses de Méditerranée. Sa piqûre n’est pas mortelle, mais douloureuse. Autrefois, Pelagia noctiluca se contentait de faire de discrètes apparitions sur nos côtes. D’après les experts, elle suivait un cycle. Tous les 12 ans, elle revenait pour s’offrir cinq, voire six belles saisons successives, pas plus. Mais elle semble avoir pris goût aux vacances d’été dans le Midi. En 2008, elle en était déjà à sa huitième saison sur les plages ! Après ça, comment ne pas s’interroger sur la santé de la Grande Bleue elle-même ?

148 Planter pour les générations futures Les biologistes réimplantent des bénitiers géants en mer Le bénitier géant (Tridacnas gigas) a beau être le plus gros coquillage du monde du haut de ses 1,50 m et de ses 260 kg, il n’en est pas moins menacé. Trop pêché par le passé pour sa coquille et sa chair comestible, il est aujourd’hui protégé. Aux Philippines, le WWF, sous la direction de Paolo Pagaduan et de Suzanne Mingoa-Licuanan, biologiste à l’Institut des Sciences Marines des Philippines, a carrément décidé de le rendre aux récifs coralliens. L’opération a débuté en novembre 2007. En un peu plus d’un an, près de 175 bénitiers géants ont ainsi été « plantés » à faible profondeur. Car ils ont besoin de lumière. Ils abritent en effet des algues unicellulaires – les zooxanthelles – qui donnent cette couleur vert-bleu électrique à leur manteau et leur apportent des éléments nutritifs par la photosynthèse. Après avoir été élevés en laboratoire, au moment de leur fixation en milieu naturel, les coquillages juvéniles ne mesurent pas plus de 36 cm et pèsent une petite dizaine de kilos. À l’avenir, ils devraient se reproduire et vivre peut-être une centaine d’années ! En juin 2008, une quarantaine de bénitiers géants ont ainsi été implantés sur un site de snorkeling réputé de Batangas qui se remet tout juste des ravages causés par la pêche à la dynamite. Ils devraient contribuer à lui rendre sa santé. Un tel coquillage attire toujours beaucoup de monde : gobies, demoiselles, crevettes, éponges, tuniciers, coraux, algues…

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149 Noël, sans ou avec ? En 2008, les jeunes huîtres ont péri en masse En quelques semaines, l’été 2008 s’est transformé en enfer pour les ostréiculteurs des côtes françaises. Que ce soit sur la façade atlantique ou en Méditerranée, tous ont vu leurs stocks de jeunes huîtres, âgées de 12 à 18 mois, être décimés par un ennemi invisible. Une histoire inquiétante qui fait resurgir le spectre de la disparition de l’huître portugaise (Crassostrea angulata) des bassins français au début des années 1970… En 3 ans, frappée par la maladie des branchies, l’espèce avait quasiment disparu. Le secteur avait pu être sauvé grâce à l’introduction de l’huître creuse japonaise (Crassostrea gigas). Aujourd’hui, une bactérie fait des ravages sur les larves de cette même huître sur la côte ouest des États-Unis. Pas chez nous encore. Toutefois, comme le cycle de production des huîtres s’étale sur 3 à 4 ans, la plupart des repas de Noël entre 2009 et 2011 pourraient se faire sans elles ! En effet, le taux de mortalité a atteint les 40 % à 100 % selon les endroits alors que le seuil d’alerte est fixé à 15 %. D’après les experts de l’Ifremer (Institut Français de Recherche pour l’Exploitation de la Mer), la hausse de la température de l’eau a certainement fragilisé les juvéniles très sensibles. Un virus – l’Ostreid Herpes virus 1 ou OsHV-1 – en aurait profité. Si le programme de réintroduction initié immédiatement par l’Ifremer et l’État échoue, la crise aura des répercussions au moment des deux ou trois prochaines fêtes de fin d’année. Ce serait une catastrophe économique pour nos conchyliculteurs ! En France, l’ostréiculture tient une place importante puisque le pays en produit 130 000 tonnes par an. Ce qui en fait le quatrième producteur au monde derrière la Chine, le Japon et la Corée du Sud, et le premier en Europe.

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150 Petit tour dans les abysses Le krill plongerait aussi en profondeur Abondant dans les eaux froides d’Arctique et d’Antarctique, le krill est représenté par plusieurs dizaines d’espèces de crustacés planctoniques (les euphausiacées). Hélas, il est lui aussi menacé par le réchauffement climatique. Ce problème est préoccupant car il est, dans ces régions, à la base de la chaîne alimentaire marine… La preuve, même les baleines en mangent ! Et pour ne rien arranger, il est pêché de manière industrielle pour être utilisé comme farine animale en aquaculture, appâts ou en pharmacologie. Jusqu’ici, les biologistes pensaient que ce krill ne plongeait pas au-delà de 150 mètres sous la surface. Mais en janvier 2008, l’équipe du BAS (British Antarctic Survey), dirigée par Andrew Clarke, l’a surpris en train de faire trempette à –3 500 mètres ! Quoi ? Ces minuscules crevettes seraient capables de supporter l’enfer des profondeurs ? L’augmentation de la pression de l’eau ? Le noir ? Et toutes les difficultés qu’il entraîne pour trouver de quoi casser la croûte ou flirter avec l’âme sœur ? Oui, oui, oui. Les images rapportées par le robot sous-marin sont formelles. Et si le krill antarctique (Euphausia superba) plonge si bas, c’est pour partir en quête de phytoplancton dont il se nourrit… Que ne ferait-on pas pour son estomac !

151 Le gland de mer, champion du monde de pénis L’organe sexuel de ce petit crustacé s’adapte à son environnement Sous ses faux airs de coquillage qu’il doit à sa carapace, le gland de mer – ou balane – est un crustacé un peu à part. Lui vit fixé sur les rochers ou les moules (voire même la peau des baleines) dans la zone de balancement des marées.

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Un mode de vie et un endroit qui ne facilitent pas les rencontres amoureuses… Mais ce n’est pas un problème pour le gland de mer. D’abord, il est hermaphrodite, à la fois mâle et femelle. Et surtout, il a une sorte de pénis lui permettant de multiplier les expériences sexuelles. À ce niveau, il est même imbattable. Il détient un record du monde animal : celui d’avoir un pénis qui peut faire jusqu’à 8 fois sa taille ! Attribut bien commode quand on veut aller fricoter avec quelques voisins éloignés et qu’on est scotché à un rocher. Mieux, Christopher Neufeld et Richard Palmer, des Canadiens de l’université d’Alberta, ont montré, à l’aide de l’espèce Balanus glandula, que le gland de mer pouvait aussi intervenir sur sa forme. Tout dépend de l’endroit où il est installé : les individus des eaux calmes ont un pénis long et fin, leurs camarades des eaux tumultueuses en ont un plus court et épais. Avantage ? Ne pas voir filer son précieux appendice dans les vagues !

152 Un fichu caractère Les invertébrés ont aussi leur personnalité Votre toutou est du genre peureux, alors que celui de vos voisins est culotté ? Et pour cause, ils ont chacun leur propre personnalité comme vous, avez la vôtre. Mais au fait, est-ce qu’un crabe a une personnalité ? C’est la question existentielle que s’est posée Mark Briffa, expert du comportement animal à l’université de Plymouth en Angleterre. Après tout, pourquoi les vertébrés seraient-ils les seuls à avoir leur petit caractère ? Le biologiste s’est donc intéressé au cas du bernard-l’ermite ou pagure (Pagurus bernhardus) dont les mœurs ont déjà longuement été étudiées. Alors, monsieur est-il courageux ? Pour le savoir, Briffa et son équipe ont légèrement taquiné une centaine de pagures. L’expérience consistait à donner une petite chiquenaude pour renverser la coquille occupée. De quoi franchement exaspérer son habitant… À partir de là, combien de temps lui fallait-il pour sortir de ses gonds et voir qui osait ainsi frapper à sa porte ? Question de patience et d’audace.

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Voilà tout l’intérêt de l’étude : ces traits de caractère variaient en fonction du pagure testé ! Le plus souvent, très énervés – n’oubliez pas qu’ils ont aussi un système nerveux – les crustacés réagissaient immédiatement. Certains, en revanche, se montraient beaucoup plus timides. Non mais, ce n’est pas parce qu’il n’a pas d’os que le bernard-l’ermite n’a pas de tempérament.

153 Inspiration marine Le concombre de mer donne des idées aux ingénieurs En observant la réaction de défense du concombre de mer, des ingénieurs américains de l’université Case Western Reserve dans l’Ohio ont eu une idée… Encore appelé holothurie, ce cousin de l’oursin et de l’étoile de mer, en forme de concombre, a un corps mou. Son anatomie lui permet de traverser les fonds marins accidentés, mais pas de fuir face à un prédateur. Sa réaction en cas d’agression ? Durcir sa peau dont la souplesse revient une fois le danger passé. Cette rigidité soudaine est l’œuvre d’enzymes qui lient entre elles des protéines de collagène. D’autres enzymes détruisent ces liens pour un retour à la normale. Stuart Rowan et Christoph Weder ont donc cherché à copier les propriétés mécaniques de la peau du concombre de mer. Et pour concevoir leur fabuleux polymère, ils ont entre autres utilisé des nanofibres de cellulose prélevées sur des ascidies, invertébrés marins fixés. Résultat ? Sec, ce matériau est rigide comme du plastique. Plongé dans l’eau, il a l’élasticité du caoutchouc ! À quoi peut-il servir ? À fabriquer, par exemple, des implants mieux adaptés au système nerveux. Ainsi, dans la maladie de Parkinson, on peut chez certains patients introduire des électrodes dans le cerveau pour faire disparaître les symptômes invalidants. En envoyant des stimulations électriques, elles se chargent de réduire les tremblements. Le problème, c’est qu’elles sont encore trop rigides et causent parfois des inflammations. Faites de ce polymère, un chirurgien pourrait facilement les installer. Une fois au cœur du tissu cérébral si riche en eau, les électrodes se ramolliraient et pourraient enfin y couler des jours heureux.

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154 Du clonage naturel Le clypeaster se divise en deux pour échapper aux poissons Excentrique, le clypeaster ? Oh oui, même son nom latin – Dendraster excentricus – le dit. D’autres – végétaux, corail, anémones de mer, ou plus proche de lui, étoile de mer – emploient le clonage pour se multiplier ou régénérer un membre perdu. Cet oursin, lui, en use pour tromper l’ennemi lorsqu’il n’est qu’une larve dans le plancton. Cette fabuleuse application de ce mode de reproduction asexuée a été dévoilée en mars 2008 par la biologiste américaine, Dawn Vaughn, et ses collaborateurs de l’université de Washington. Démonstration : de toutes jeunes larves d’oursins ont été placées en présence de mucus de poissons, signe d’un danger dans les parages. Moins d’une journée plus tard, il y avait deux fois plus de monde dans le bassin. Chaque bébé s’était cloné pour augmenter ses chances d’échapper à l’oursinade… Malin, l’oursin !

155 Cacophonie sur le récif Les oursins sont de bruyants herbivores Sur le récif, pile-poil avant l’aube et juste après le crépuscule, le bruit se fait 100 fois plus fort. Savez-vous pourquoi ? Non ? Craig Radford et ses collègues de l’université d’Auckland en Nouvelle-Zélande l’ignoraient également. Ce qui les a décidés à ramener au laboratoire plusieurs animaux de cet écosystème n’étant pas du genre discret. Bingo ! Ils ont pu alors identifier les coupables : les oursins. En journée, ces échinodermes restent cachés à l’abri des prédateurs, attendant impatiemment la tombée de la nuit pour pointer le bout de leurs épines. Herbivores, ils grattent les rochers pour récupérer les algues. Or, par sa forme, leur test (enveloppe arrondie et dure qui leur sert de squelette) réagit comme une chambre de résonance. Autrement dit, elle

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amplifie les sons qu’ils font dès qu’ils passent à table. Un dernier p’tit déj’ avant le lever du soleil pour affronter la journée qui s’annonce, et ouf, fini le vacarme…

156 Des laboureurs géants En Antarctique, les icebergs raclent les fonds marins Vers -500 mètres, gentiment posée sur le fond, il y a foule : oursins, étoiles de mer, vers, etc. Et pour cause, en Antarctique, 80 % de la faune marine vit là. Mais depuis quelques années, plus moyen d’avoir la paix. Pire, on risque parfois de se faire écrabouiller comme une crêpe par un monstre de glace ! En effet, avec cette histoire de réchauffement climatique, la surface de la banquise censée protéger tout ce petit monde ne cesse de diminuer. Quant aux glaciers, ils perdent de très gros morceaux. Les icebergs ainsi libérés partent à la dérive et les plus gros raclent le fond. L’hiver, la glace formée à la surface de l’eau peut les bloquer et les empêcher de nuire. Mais voilà, du côté de la péninsule antarctique, cette glace hivernale s’étend de moins en moins et son temps de présence diminue. Résultat, dans les fonds marins, les laboureurs laissent des traces de leur passage comme l’ont constaté Dan Smale et ses collègues du British Antarctic Survey (BAS). Pendant 5 ans, ils sont régulièrement allés inspecter des marqueurs qu’ils avaient positionnés à différentes profondeurs. Ceux-ci étaient particulièrement abîmés les années où la glace hivernale avait reculé le plus, laissant le champ libre aux icebergs. Même si ce phénomène génère de nouveaux espaces sur les fonds, il est en train de modifier l’habitat de tous ces organismes marins. Avec quelles conséquences pour la suite ?

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Plongée dans les océans

157 Sur une montagne étoilée Des millions d’ophiures s’entassent au sommet d’une montagne sous-marine Moins de 200 des 100 000 montagnes sous-marines ont été étudiées. C’est peu au regard des surprises qu’elles nous réservent. Et celle qu’ont découverte ces géologues et biologistes embarqués à bord du navire océanographique le Tangaroa en avril 2008 était de taille ! Ils enquêtaient du côté de la dorsale Macquarie. Cette chaîne de volcans sous-marins éteints s’est formée il y a plus de 12,5 millions d’années et s’étire aujourd’hui sur 1 400 km du sud de la Nouvelle-Zélande au Cercle Antarctique. Quand soudain, spectacle sous l’œil des caméras du petit engin envoyé en éclaireur : des millions d’ophiures entassées sur environ 100 km², bras en l’air comme les spectateurs d’une foule à un concert… Fragiles cousines des étoiles de mer, les ophiures ont un petit corps circulaire et 5 bras fins. D’ordinaire, elles ont de nombreux prédateurs et préfèrent se cacher. Mais sur ce sommet qui culmine à 750 mètres au-dessus des fonds marins et 90 mètres sous la surface, elles ont pu proliférer ! Comment ? D’après les chercheurs, la vitesse élevée du courant à cet endroit – 4 km/h – décourage les poissons. Cerise sur le gâteau, les ophiures n’ont qu’à lever les bras pour pêcher les particules alimentaires emportées par le courant. Depuis, cette zone est surnommée la Cité des Ophiures.

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Des jardins coralliens aux cimetières sous-marins

158 Les plus beaux jardins coralliens attaqués Une étoile de mer vorace s’empare du Triangle Corallien Le saviez-vous ? 2008 a été déclarée Année Internationale des Récifs Coralliens. C’est celle qu’a choisie la superbe couronne d’épines (Acanthaster planci), surnommée aussi coussin de belle-mère, pour frapper fort. Présente en permanence dans les eaux d’Indo-Pacifique, pour différentes raisons (pollution, réchauffement de l’eau, etc.), sa population explose parfois. La mort rode alors sur les récifs. La Grande Barrière Australienne en sait quelque chose… Sa nouvelle cible aujourd’hui ? Le Triangle Corallien qui va des Philippines à l’Est de l’Indonésie jusqu’aux îles Salomon. 3 000 espèces de poissons et plus de 600 espèces de corail (76 % de toutes celles connues) sont installées dans cette région. Et c’est justement ce qui plaît à cette super-prédatrice ! Car elle se nourrit des polypes des coraux. Une fois installée sur une colonie, elle sort son estomac et passe à table. Son repas terminé, il ne reste plus du corail qu’un squelette calcaire tout blanc. Un spectacle d’une rare tristesse… En plus, il est difficile de compter sur leurs prédateurs pour les éradiquer. Comme elles sont extrêmement venimeuses, ils sont peu nombreux. Beaucoup ont été victimes de la surpêche, en particulier le triton, très convoité pour la beauté de sa coquille. Reste la main gantée du plongeur pour les sortir des eaux ou les tuer à coup d’injections au bisulfate de sodium. Des solutions encore bien dérisoires pour venir à bout d’un tel problème !

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159 Océan citron L’acidification des océans a des répercussions sur la vie marine Les océans sont de plus en plus acides. Forcément, depuis le début de l’ère industrielle, ils ont absorbé les quantités astronomiques de dioxyde de carbone (CO2) que nous avons rejetées dans l’atmosphère ! Après 120 milliards de tonnes de gaz carbonique englouties en 200 ans, et 25 millions de tonnes digérées encore quotidiennement, les pauvres commencent à saturer. Et progressivement, le pH baisse (le potentiel Hydrogène est un indicateur permettant de qualifier une solution, comme l’eau d’une piscine ou un jus de citron, de basique, neutre ou acide). Il est passé de 8,2 au début du XXe siècle à 8,1 aujourd’hui et pourrait chuter à 7,8 d’ici 2100. Voilà comment ça se passe : les molécules de CO2 absorbées, en se combinant à celles d’eau (H2O), augmentent la concentration en protons H+, eux-mêmes directement responsables de l’acidité. En quoi est-ce préoccupant ? L’air de rien, ce phénomène a des répercussions sur la chimie de la faune à squelette calcaire (coquillages, oursins, crustacés, coraux, même des éléments du plancton à la base de la chaîne alimentaire marine). Il pourrait aussi perturber la respiration des poissons. Bref, il est impératif de l’étudier de près. C’est même le but d’un programme de 4 ans – EPOCA (European Project on Ocean Acidification) – démarré en juin 2008 et impliquant 9 pays dont la France. En attendant ses résultats, une étude publiée quelques jours avant son lancement indiquait que l’acidification des océans compromettait la sécurité de petits paradis comme les Maldives ou les Kiribati. En effet, si les coraux ne peuvent plus bâtir leur structure calcaire autour de ces îles basses, ils ne pourront plus leur servir de barrières de protection contre les cyclones ou d’éventuels raz-de-marée. Rôle qu’ils tenaient jusqu’ici assez bien puisque les Maldives avaient été relativement épargnées par le tsunami en 2004 grâce à leurs récifs coralliens en bon état…

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160 Allergique à la crème solaire ? À cause d’elle, le corail blanchit Notre peau en a besoin, le corail, pas du tout ! C’est l’équipe d’un Italien, Roberto Danoravo, qui l’a montré, expliquant pourquoi et comment la crème solaire l’agresse. Sur les plages, on s’en badigeonne le corps pour se protéger des rayons ultraviolets (UV) du soleil. Problème, à l’heure de la baignade, cette grasse lotion se disperse dans l’eau (à moins de ne pas en mettre et de se baigner en T-shirt ?). Des millions et des millions de touristes font la même chose. Conséquences sur le corail : perdant les précieuses microalgues qu’il loge dans ses tissus – encore les fameuses zooxanthelles –, il blanchit. Danoravo a observé ce phénomène en laboratoire. Il a plongé des échantillons de coraux du Mexique, de Thaïlande, d’Égypte et d’Indonésie dans un bac contenant 10 microlitres de crème solaire par litre d’eau salée. Le blanchissement est apparu en quatre jours ! Par quel processus ? En fait, des substances chimiques destinées à filtrer les UV (cinnamate, benzophénone, dérivé du camphre) et un conservateur (butyl paraben) contenus dans la crème solaire activent des virus endormis, mais bien présents sur les coraux. De quoi y laisser définitivement leur santé… Les experts ont ainsi estimé que 4 000 à 6 000 tonnes de crème solaire s’échappaient chaque année en mer, mettant en péril 10 % des récifs coralliens !

161 Un demi-siècle après l’explosion de la bombe nucléaire Les coraux de l’atoll de Bikini ne sont pas en si mauvais état C’est sur les îles Marshall, dans l’ouest du Pacifique, que les États-Unis ont jeté leur dévolu dès 1946. Objectif ? Faire des essais nucléaires. Parmi eux, la terrifiante explosion le 1er mars 1954 de Castle Bravo, bombe H la

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plus puissante testée par les Américains (15 mégatonnes, soit 1 000 fois celle d’Hiroshima). À l’époque, elle avait laissé sur la zone un trou béant, large de 2 km, profond de 73 m : le cratère Bravo. Cinquante-quatre ans plus tard, Zoe Richards biologiste à l’ARC (Australian Research Council Centre of Excellence for Coral Reef Studies) et ses collègues de l’université James Cook ont voulu l’explorer. Ils s’attendaient à plonger dans un cimetière sous-marin, et à leur grande surprise, pas du tout. Au contraire, ils ont pu observer de vastes amas de corail, parfois haut de 8 m, en pleine santé ! Comment est-ce possible ? Les chercheurs pensent que des larves de corail (planulae) peuvent être venues d’atolls voisins coloniser ce milieu. L’île étant rarement visitée, les coraux ont pu se développer tranquillement. Certes, il y a de quoi s’enthousiasmer pour ce retour à la vie. Mais la biodiversité marine dans l’atoll en a quand même pris un coup : 42 espèces de corail présentes au début des années 50 ne sont plus là aujourd’hui. Sans parler de la radioactivité encore présente dans le sol et les cocotiers de Bikini malgré les efforts de décontamination…

162 Deux bras en moins En réalité, le poulpe n’a pas huit bras mais six et deux « jambes » On vous avait juré que le poulpe était le roi du camouflage ? C’est vrai car il peut à la fois jouer sur la texture de sa peau et sa couleur (grâce à des cellules spécialisées appelées chromatophores) pour se fondre dans le décor. On vous avait assuré qu’il fuyait parfois dans un nuage noir ? Oui, car il a une poche à encre et peut mettre le turbo à l’aide d’un jet d’eau s’échappant d’un siphon orientable qui le propulse dans la direction désirée. On vous avait affirmé qu’il portait un bec semblable à celui d’un perroquet ? Exact. Et il lui est très utile pour broyer les coquilles et les carapaces des animaux dont il se nourrit. On vous avait dit que le poulpe avait huit bras ? Faux. Après plus de 2000 observations, des experts de 20 centres de recherche en biologie marine basés en Europe, viennent de montrer qu’il en

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avait seulement six ! Il utilise ses deux autres tentacules pour se déplacer sur les fonds marins ou se donner de l’élan à la nage. Du coup, il est ambidextre (mais, en cas de pépin, il compte toujours sur sa troisième paire de bras pour l’aider). Les scientifiques ont fait ces découvertes en examinant comment les poulpes manipulaient des objets, dont le célèbre Rubik’s Cube. Un casse-tête impossible à résoudre pour les plus intelligents des invertébrés marins…

163 Flirt, jalousie et meurtre Les histoires d’amour sont tumultueuses, même chez les poulpes Les poulpes, ou pieuvres, sont de curieuses bestioles. Pas d’os mais quelle brillante cervelle ! D’ailleurs, les biologistes reconnaissent volontiers leurs talents en laboratoire. Par contre côté cœur, en aquarium, ces mollusques manquent vraiment d’originalité. Et si c’était différent dans la nature ? Effectivement. C’est en Indonésie, autour de l’île de Sulawesi, que Christine Huffard et ses collègues de l’université de Berkeley en Californie, simplement équipés de palmes, masque et tuba, ont découvert toute la complexité des rapports amoureux du poulpe Abdopus aculeatus. Figurez-vous que monsieur est un grand jaloux, particulièrement si madame est bien en chair. Hé oui, car si elle est rondouillarde, elle produira certainement plus d’œufs que les autres. Un rival tente une approche ? Qu’il ose et il verra l’effet que ça fait de mourir étranglé par un tentacule. Pourtant, croyez-le ou non, des inconscients plus petits se risquent à s’avancer vers la femelle. Il suffit de masquer ses bandes brunes caractéristiques, histoire de faire gober au mari anxieux qu’on est du même sexe que sa dulcinée et qu’il n’a rien à craindre… Une tromperie risquée, mais si l’amant parvient à introduire son hectocotyle – bras reproducteur – dans la cavité palléale de la dame, c’est gagné ! Les spermatophores (poches de sperme) enfin au chaud, il peut être satisfait. Une fois que la femelle aura pondu plusieurs milliers d’œufs, elle veillera sur eux jusqu’à épuisement puis mourra…

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164 Les plus grands yeux de la planète Ils appartiennent au plus grand des invertébrés, le calmar colossal Des biologistes néo-zélandais, parmi lesquels Kat Bolstad et le fan inconditionnel des calmars géants, Steve O’Shea, ont eu la chance de disséquer en avril 2008 une créature mythique des abysses. Plus grand que le calmar géant, il s’agit du calmar colossal (Mesonychoteuthis hamiltoni) ! Ce spécimen de seulement 10 m et 490 kg avait été capturé en février 2007 dans des filets de pêcheurs en mer de Ross (entre Antarctique et NouvelleZélande). Ce type de prise, aussi rarissime que les échouages, explique notre grande ignorance au sujet de la vie de ces monstres marins. Conservé au froid, il a d’abord fallu le décongeler très lentement avant de pouvoir l’étudier au musée Te Papa. Mais ça en valait le coup. Ne serait-ce que pour admirer son bec de 4,25 cm ! Quand on sait que d’autres, de 5 cm, ont déjà été retrouvés dans l’estomac des cachalots, ça laisse rêveur. Quant à ses yeux, intacts, ils sont les plus grands que la science ait pu observer à ce jour : 25 cm de diamètre, la taille d’une assiette. Alors, si l’on vous dit que le calmar colossal pourrait mesurer 15 m de long et peser jusqu’à 750 kg, vous le croyez ?

165 Pollution abyssale La pollution s’invite dans les profondeurs Comment imaginer que les espèces vivant à des centaines de mètres sous la surface des océans puissent être touchées par la pollution produite à terre par les activités humaines ? C’est pourtant le cas, hélas, comme le montre cette récente étude de Michael Vecchione, Michael Unger, Ellen Harvey et George Vadas, chercheurs au NOAA et à l’Institut des Sciences Marines de Virginie aux États-Unis.

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Ces biologistes ont collecté 22 spécimens de 9 espèces de céphalopodes entre –1 000 et –2000 mètres dans le nord-ouest de l’Atlantique. Parmi elles, le vampire des enfers (Vampyroteuthis infernalis), la pieuvre géante (Haliphron atlanticus) ou l’encornet rouge nordique (Illex illecebrosus) consommé par l’homme. En les examinant, les scientifiques ont mis en évidence la présence dans leurs tissus, parfois en fortes concentrations, de divers polluants dont le TBT (tributylétain) utilisé comme antifouling sur les coques des bateaux, des PCB (polychlorobiphényles) employés comme lubrifiants ou additifs, des PBDE (éthers diphényliques polybromés) ignifugeants, et l’insecticide DDT (dichlorodiphényltrichloroéthane). Tous sont des POP, polluants organiques persistants, qui ont une longue durée de vie dans la nature et le temps de commettre d’irréparables dégâts. Voilà pourquoi beaucoup sont désormais interdits dans de nombreux pays. Trop tard apparemment ! Plusieurs études récentes avaient déjà révélé la présence de POP dans la graisse de baleines. On suspectait une contamination de la chaîne alimentaire marine. En voici la preuve : les céphalopodes des abysses sont le péché mignon de grands cétacés à dents comme le cachalot…

166 Quand l’oxygène disparaît La Dead Zone du Golfe du Mexique est de plus en plus vaste Les zones mortes sont des zones aquatiques dans lesquelles, temporairement ou de façon permanente, le taux d’oxygène chute considérablement entraînant l’asphyxie des animaux (poissons, crustacés, coquillages, etc.). Agriculture, érosion des sols et pollution sont les principaux coupables de ce phénomène de plus en plus fréquent. Il y aurait ainsi près de 400 zones mortes sur la planète, l’équivalent de 245 000 km² ! La palme revient à celle du Golfe du Mexique, au large du Texas et de la Louisiane. En 2006, elle s’étirait sur 17 000 km². Et d’après Rob Magnien et son équipe de la NOAA (Administration Nationale des Océans et de l’Atmosphère), la situation devrait encore s’aggraver.

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Le problème trouve sa source dans le Mississippi. Au printemps, via les eaux de ruissellement, le fleuve américain reçoit des quantités de rejets agricoles dont des fertilisants (riches en azote et phosphore). Une fois en mer, ces fertilisants entraînent une prolifération d’algues. En été, celles-ci pourrissent et leur décomposition par les bactéries pompe tout l’oxygène présent dans l’eau. Une catastrophe pour les espèces marines qui ne peuvent plus respirer et meurent ! Le taux d’azote dans le Golfe du Mexique ayant déjà été multiplié par 3 en 50 ans, il faut désormais prendre en compte l’essor des cultures de maïs aux États-Unis destinées à la production d’éthanol. Tous usages confondus, en 2007, elles occupaient 37 millions d’hectares…

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167 La Petite Aral reprend du service Les poissons sont de retour au nord de la mer d’Aral À la rubrique des nouvelles encourageantes – l’Homme sait aussi se donner la peine de réparer ses erreurs – découvrez celle qui concerne la Mer d’Aral, entre Kazakhstan et Ouzbékistan en Asie centrale. Dans les années 1950, cette généreuse mer intérieure, guère plus petite que l’Irlande, était au quatrième rang des plus grands lacs de la planète. Alimentée par l’Amou-Daria et le Syr-Daria, elle offrait aux pêcheurs 45 000 tonnes de poissons par an. Mais une dizaine d’années plus tard, les Soviétiques, pour accroître la culture du coton, ont commencé à puiser plus que de raison dans ces deux fleuves. Catastrophe, la mer d’Aral s’est progressivement retirée et les principaux ports, Mouïnak en Ouzbékistan et Aralsk au Kazakhstan, ont fini les

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pieds dans le sable… La salinité de l’eau a grimpé en flèche, la plupart des espèces marines ne lui ont pas résisté. L’économie locale s’est effondrée. Et la santé des populations s’est dégradée. Et puis, un projet de construction de barrage financé par la Banque Mondiale achevé en 2005 a fait revenir l’or bleu et l’espoir au nord. Celle que l’on appelle désormais la Petite Aral a pu renaître de ses cendres. La salinité de l’eau ayant baissé, les prises de pêche sont passées de 52 tonnes en 2004 à 2000 en 2007 ! En 2008, Aralsk n’était plus qu’à 25 km du rivage contre 100 en 2005. Le projet devant se poursuivre, la Banque Mondiale espère voir ce port barboter à nouveau d’ici 2015. Côté Ouzbek, malheureusement, l’euphorie n’est pas au rendez-vous. La Grande Aral semble, elle, définitivement perdue.

168 Des poux pour tous les goûts Le saumon d’élevage met en péril le saumon sauvage L’aquaculture, quel dilemme ! Solution d’avenir pour répondre à la demande mondiale en produits de la mer, elle est encore loin de s’inscrire dans le cadre du développement durable (production de déchets, gourmande – il faut pêcher 3 kg de poissons pour obtenir 1 kg de saumon d’élevage –, transfert de maladies, etc.). Exemple avec un poisson pêché depuis toujours, le saumon. Il y a une cinquantaine d’années, celui-ci était en déclin, on a donc eu l’idée de le faire se reproduire en captivité pour le relâcher dans la nature dans un premier temps, puis le vendre. Un commerce en pleine expansion ces deux dernières décennies ! Ainsi, les rayons frais des supermarchés regorgent de saumon. Mais le saumon sauvage n’en est pas moins menacé (surtout celui d’Atlantique). Une récente étude menée sur l’Écosse, l’Irlande et le Canada par Jennifer Ford et Ransom Myers, chercheurs canadiens à l’université Dalhousie, soutient que les fermes d’élevage entraînent une inquiétante diminution de la population globale de saumons sauvages. Notamment en raison d’un parasite externe : le pou de saumon.

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Pour ce petit crustacé qui prolifère dans la poissonneuse foule des parcs, contaminer les saumons sauvages passés dans les parages est une aubaine car la peau fragile des juvéniles, moins épaisse que celle des adultes, ne lui résiste pas. Ils en meurent, eux qui sont censés assurer l’avenir de l’espèce ! Alors que faire ? Et si, pour commencer, on éloignait les fermes de saumons d’élevage des embouchures, passage obligé des saumons sauvages pour leur migration de reproduction vers les eaux douces ?

169 Quel est votre point commun avec le poisson-crapaud ? Ce poisson a permis de retracer l’apparition du chant chez les vertébrés On parle toujours du monde du silence. Erreur, un vrai vacarme peut régner sur le récif, surtout si l’on est voisin avec le poisson-crapaud ! En effet, Monsieur a l’art de faire vibrer sa vessie natatoire, poche de gaz qui assure la flottabilité des poissons. Le son qui en résulte sort de sa bouche et lui permet de faire la cour aux femelles ou de faire déguerpir les intrus de son territoire… Et sincèrement, ce chanteur des mers n’a pas à rougir face à la grenouille, à l’oiseau ou à l’amateur de karaoké. D’ailleurs, la vocalisation fait intervenir des neurones dans le cerveau des uns et des autres qui ont des points communs ! C’est ce que vient de démontrer Andrew Bass, neurobiologiste à l’université Cornell aux États-Unis. Il a pu identifier chez le poisson un réseau neuronal impliqué dans le contrôle de son chant. Ce circuit de neurones serait né il y a plus de 400 millions d’années chez un ancêtre commun aquatique. Chacun ensuite aurait vu apparaître son propre « instrument » : vessie natatoire pour notre ami et la grenouille, syrinx pour l’oiseau et larynx pour nous.

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170 Des petits polissons écoutent aux portes Les poissons tropicaux choisissent leurs voisins en fonction du bruit qu’ils font Quand on s’installe dans une nouvelle maison, on espère toujours avoir des voisins charmants et pas trop bruyants. Certains poissons coralliens aussi ! Blennie, gobie, apogon, demoiselle ou poisson-ange empereur peuvent ainsi passer des semaines à écouter aux portes avant de s’installer sur un morceau de récif. Ils sont en effet très sensibles au bruit comme l’ont montré Steve Simpson et ses collègues de l’université d’Edinburgh en Australie. Très jeune, un futur propriétaire préférera avoir pour voisin un oursin ou une crevette qui émet des sons de haute fréquence lorsqu’il passe à table. Ces signaux lui indiquent qu’il peut sortir de son trou et qu’il y a sûrement quelque chose à grignoter pour lui. Lorsqu’il prend de la bouteille, il préfère la tranquillité. Il déménage pour un coin plus discret et peuplé de poissons comme lui. Il s’offre alors un appartement plus grand et cherche l’amour pour fonder une famille.

171 Une fuite impossible ? Le réchauffement climatique menace les poissons coralliens Parler de réchauffement climatique en région tropicale, c’est penser immédiatement aux récifs coralliens. Et les poissons alors ? Ne risquent-ils pas d’en être perturbés ? Bien sûr que si clame Philipp Munday du Centre de Recherche sur les Coraux de l’Université James Cook (ARC) en Australie. Travaillant à deux pas de la Grande Barrière de Corail, lui et ses confrères sont particulièrement sensibilisés au problème. D’où leur cri d’alerte : si les coraux souffrent, les ressources halieutiques diminueront ! Les précédents épisodes de blanchissement ont déjà donné un sinistre aperçu de cet avenir. Quand la diversité des coraux chute et que des

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pans entiers de récifs sont détruits, les poissons les plus tributaires sont directement menacés. Quant aux autres, ils doivent se réfugier ailleurs. S’ils le peuvent car tous ne pourront pas s’entasser sur les territoires restants ou migrer vers des eaux plus froides dénuées de coraux… La fuite a donc des limites. Aujourd’hui, plus de 4 000 espèces de poissons dépendent des récifs coralliens. Certains y grandissent avant de les quitter une fois adultes, d’autres y vivent à temps complet. Tout ce petit monde offre aujourd’hui de quoi manger à près de 200 millions de personnes. Imaginez les ennuis si beaucoup venaient à disparaître !

172 Où est passé Némo ? On trouve de moins en moins de poissons-clowns dans les récifs coralliens Après la sortie en 2003 du dessin animé de Pixar « Le Monde de Némo », les plongeurs avaient signalé qu’ils voyaient de moins en moins de poissonsclowns. Les ventes en animalerie, elles, s’envolaient. Il faut dire que le petit poisson orange aux bandes blanches a su charmer les gamins. Hélas, les intentions louables de l’œuvre cinématographique ont peut-être été mal interprétées. Et sur la Grande Barrière de Corail en Australie, il n’y a plus une écaille dans les anémones de mer. Cinq ans après la sortie du film, la population de poissons-clowns aurait même chuté de 75 % à certains endroits ! Le réchauffement climatique fait déjà du mal aux anémones des poissons-clowns. Il serait temps que l’aquariophilie mondiale freine ses ardeurs, suggestion lancée dans la presse par Billy Sinclair en juin 2008. Ses arguments ? Garder un poisson-clown en captivité est une vraie prouesse, alors que d’autres espèces plus résistantes et non menacées s’y prêtent bien… S’il défend autant les intérêts des amphiprions (leur nom savant), c’est que ce biologiste anglais de l’université de Cumbria les a étudiés plusieurs années sur les récifs australiens et qu’il les a vus peu à peu disparaître.

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Plusieurs centaines de milliers étant chaque année exportés (reproduits en captivité ou prélevés en milieu naturel) dans le monde, il lui a semblé important de s’adresser aux plus jeunes : « mon message aux enfants qui ont aimé le film est simple, demandez à vos parents de laisser Némo dans cette mer à laquelle il appartient ». Bien reçu, Billy.

173 Si belles, mais pas chez elles Les rascasses volantes envahissent les Caraïbes Dans l’Indo-Pacifique, les rascasses volantes ou poissons-lions sont chez elles. Superbement zébrées, elles sont peu timides. Elles peuvent se le permettre car elles portent de longues épines venimeuses qui peuvent infliger de très douloureuses piqûres au plongeur non averti. Mais ce n’est pas ce qui inquiète les biologistes. Ils les ont vues débarquer récemment dans les Caraïbes en Atlantique. Elles ont certainement été introduites au début des années 1990 du côté de la Floride par des aquariophiles amateurs qui ont voulu s’en débarrasser… Sous la direction de Mark Hixon, des chercheurs de l’université d’Oregon aux États-Unis se sont intéressés à l’impact de leur apparition dans cette région du globe. Verdict ? En Indo-Pacifique, la miss est connue et les poissons ont appris à s’en méfier. Elle a même des prédateurs, dont de très gros mérous. Mais en Atlantique tropicale, cette nouvelle arrivante n’a pas vraiment d’ennemis (ici, les gros mérous, victimes de la pêche, sont beaucoup plus rares). En prédateur vorace, elle en profite pour avaler les malchanceux qui passent innocemment à sa portée. Ainsi, en 5 semaines, les biologistes ont constaté sur les sites étudiés une réduction de 79 % des populations de poissons juvéniles (apogons, demoiselles, perroquets, etc.) ! Ils ont même observé une grosse rascasse volante gober une vingtaine de petits poissons en une demi-heure. Et compte tenu de la reproduction rapide des rascasses volantes, la situation dans les récifs coralliens des Caraïbes, si l’on ne parvient pas à les éliminer, pourrait virer au cauchemar.

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174 Un poisson trop difficile ? Le régime alimentaire strict d’un poisson-papillon pourrait causer sa perte Les plongeurs ont souvent l’occasion de croiser le poisson-papillon à chevrons dans les eaux tropicales. Ça ne devrait pas durer selon Morgan Pratchett, chercheur à l’université James Cook en Australie. L’espèce Chaetodon trifascialis, si fréquente dans les récifs coralliens de l’Indo-Pacifique, a un régime alimentaire extrêmement spécialisé. Pour cette même raison, ce poisson-papillon a beau être très prisé des aquariophiles, il survit difficilement en captivité. Il se nourrit en effet essentiellement d’un type de corail tabulaire (Acropora hyacinthus). Le biologiste marin a observé l’espèce en aquarium. En présence de ce corail, tout va bien, mais si on leur retire et qu’on le remplace par d’autres coraux, les poissons-papillons à chevrons ne parviennent plus à se développer correctement et sont amaigris. D’ailleurs, beaucoup sont morts au cours de l’expérience. Or, l’Acropora hyacinthus est vulnérable. En raison de son anatomie étalée, il est très apprécié par l’étoile acanthaster qui se pose sur lui à son aise pour le dévorer. Par ailleurs, il se casse plus facilement que les autres coraux lors des tempêtes. Et il blanchit très vite, dès que l’eau dépasse 32 °C. Conclusion, si ce dernier se raréfie sur le récif, le poisson-papillon à chevrons est condamné…

175 Un papa qui mange ses petits Pour gagner du temps, le gobie buhotte pratique le cannibalisme Le cannibalisme n’est pas rare chez les animaux. En voici un exemple avec le gobie buhotte (Pomatoschistus minutus), poisson répandu sur les fonds sableux des côtes françaises… Il a une particularité. Dans le couple, c’est monsieur qui veille sur les œufs. Et mieux vaut faire partie du bon groupe car il en mange au moins un tiers !

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De précédentes études ont montré que le cannibalisme n’avait rien à voir avec la faim puisque ce comportement persistait en présence de nourriture abondante. Pourquoi, et quels œufs avalent le père ? C’est ce qu’ont cherché à savoir Hope Klug et Kai Lindström, biologistes à l’université d’Helsinki en Finlande. Verdict ? Il mange les plus gros qui mettent plus de temps à éclore. Car à chaque fois qu’il se reproduit avec une femelle, le gobie buhotte doit protéger des milliers d’œufs pendant une à deux semaines. Autant de temps qu’il ne consacre pas à ses amours. Un sacrifice visiblement très frustrant pour lui, d’où l’idée de manger une partie des futurs petits pour accélérer les choses ! Cette technique lui permet de multiplier les conquêtes tout en continuant à procréer au cours de la saison de reproduction. Pas de temps à perdre pour ce poisson du XXIe siècle.

176 Des lapins dans des jardins de corail Les poissons-lapins débarrassent les coraux d’algues envahissantes En Australie, depuis que les lapins, introduits par l’Homme, se sont multipliés à vitesse grand V, on ne les apprécie guère. Et pour cause, ces rongeurs dévastent tout sur leur passage : ils consomment beaucoup d’herbe et saccagent les champs. Pourtant, les Australiens ont d’autres lapins moins destructeurs, herbivores toujours, sous la surface cette fois. Ce sont les poissons-lapins. Et ils feraient bien d’en prendre soin car d’après David Bellwood, expert au CoECRS (Centre d’Excellence sur l’Étude des Massifs Coralliens), ces animaux jouent un rôle essentiel aujourd’hui sur la Grande Barrière de Corail. En effet, comme tous les récifs coralliens, des dangers la guettent : pollution issue des activités humaines, changement climatique, cyclones, etc. À chaque fois, les algues saisissent ces opportunités pour prendre l’avantage, envahir les récifs et étouffer les coraux ! À cause de la surexploitation des poissons toutes ces dernières années – dont certains se nourrissaient d’algues – il n’y a maintenant plus grand monde pour faire le sale boulot. Et dans ce cas, à terme c’est la mort assurée, des jardins de corail. Mais le biologiste australien a découvert deux choses. D’abord que les classiques poissons chirurgiens et perroquets ne sont plus efficaces pour

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éliminer les grosses algues durablement installées, ensuite – et c’est là la bonne nouvelle – qu’ils étaient parfaitement secondés dans cette tache par les poissons-lapins (Siganus canaliculatus). Il est donc essentiel de veiller sur ces derniers en Australie, comme dans toute la région Ouest du Pacifique qu’ils fréquentent, si l’on veut préserver nos récifs coralliens…

177 Récif corallien dégradé, consommateurs intoxiqués ! Les cyanobactéries causeraient de nouveaux cas de ciguatera Sous les Tropiques, les risques de ciguatera (ou gratte) sont connus. Chaque année, 50 000 à 100 000 personnes en seraient victimes. Cette intoxication alimentaire, parfois grave, est provoquée par la consommation de poissons contaminés : mérous, carangues, barracudas, lutjans, etc. Elle se manifeste par des vomissements, diarrhées, démangeaisons, paralysies et troubles cardio-vasculaires. 400 espèces sont susceptibles d’être porteuses de ciguatoxines. D’où viennent-elles ? Elles sont produites par une algue microscopique, Gambierdiscus toxicus le plus souvent. Celle-ci se multiplie et recouvre les coraux lorsque l’écosystème corallien est perturbé (pollution, aménagement du littoral, cyclones, réchauffement de l’eau). En broutant les algues sur les coraux, les poissons herbivores ingèrent la microalgue. Ils contaminent ainsi toute la chaîne alimentaire marine puisqu’ils sont dévorés par les prédateurs supérieurs. La suite ? On s’en doute, elle se passe dans l’organisme des gens qui mangent ces derniers ! Et les cas de ciguatera pourraient bien augmenter à l’avenir… Car une nouvelle étude française menée par Dominique Laurent et ses collègues de l’IRD (Institut de Recherche pour le Développement), à Lifou en Nouvelle-Calédonie, montre que les cyanobactéries tendent à leur tour à fabriquer des toxines proches des ciguatoxines. En plus, celles-ci contamineraient les coquillages, dont le bénitier très apprécié là-bas. Ce n’est donc pas uniquement pour le plaisir des plongeurs que les récifs coralliens doivent rester en bonne santé, mais aussi pour celle des habitants des régions tropicales et des touristes !

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178 Dentiste, dermato’ et kyné’ Pour calmer ses clients, le labre nettoyeur les masse Astiquer et grignoter sans se faire manger, telle est la devise du labre nettoyeur ! Ce petit poisson bleu électrique est très apprécié des habitants des récifs coralliens. Et pour cause, en échange de repas gratuits, il les rend impeccables. D’ailleurs, chacun sait où se situe sa station de nettoyage. Il suffit de s’y rendre pour bénéficier de ses soins. Là, il peut vous faire la totale : recherche des restes de nourriture entre les dents, élimination des peaux mortes et traque jusque dans les ouïes des vilains parasites. Un vrai pro, aussi efficace que les crevettes nettoyeuses ! Pourtant si rikiki face aux habitués : mérous, balistes, murènes ou autres requins… Curieusement, ces prédateurs ne l’avalent pas tout cru lorsqu’il travaille dans leur bouche ou sur leurs joues. Un chercheur suisse de l’université de Neuchâtel, intrigué depuis longtemps par ce petit Labroides dimidiatus vient de comprendre pourquoi. En fait, en même temps qu’il mange tout ce qui traîne sur ses clients, ce malin les masse gentiment à l’aide de ses nageoires. Il réussit ainsi à en faire de doux agneaux. Une vraie cure de thalassothérapie pendant laquelle ils oublient tout, jusqu’à leur agressivité et leur appétit !

179 Se faire du « sushi » plutôt qu’en manger ? En Méditerranée, le futur des thons rouges et des pêcheurs est compromis L’histoire commence il y a une vingtaine d’années. Le stock de thon rouge du sud (Thunnus maccoyii), pêché au large de l’Australie, s’effondrant, les Japonais décident de se rabattre sur celui d’Atlantique (T. thynnus) qui se reproduit en Méditerranée.

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Dès le début des années 1990, la nouvelle vogue du sushi aidant, cette espèce devient la poule aux œufs d’or. La France, qui détient la plus grande flotte pour cette pêche, se partage le gâteau avec l’Espagne, l’Italie, le Japon, la Turquie et quelques autres. Le top ? Engraisser le poisson dans des fermes marines avant de le vendre plus cher aux Japonais. Car 70 % du thon rouge pêché en Méditerranée leur est destiné. À Tokyo, aujourd’hui, une belle bête de 500 kg s’achète 75 000 euros, le prix d’un gros bateau de plaisance ou d’une très belle voiture de sport. Pas étonnant que les prises atteignent des records : dans la discrétion, 50 000 tonnes sortiraient de l’eau chaque année ! Alors même qu’il faudrait en laisser 30 000 pour offrir une chance au thon rouge d’avoir un avenir. L’Ifremer parle sans détour d’une espèce surexploitée. Et de nombreux scientifiques et associations écologistes estiment que les quotas fixés par la CICTA (Commission Internationale pour la Conservation des Thonidés de l’Atlantique) pour l’Union Européenne restent trop élevés. Ils étaient par exemple de 29 500 tonnes en 2007. Hélas, les sommes en jeu incitent à la fraude. Les pêcheurs peuvent vendre directement en mer une partie de leur précieuse cargaison… Pour cette profession qui souffre tant de la hausse du prix du pétrole, au train où vont les choses, peut-être n’y aura-t-il bientôt plus aucune raison de sortir au large ?

180 Repos hivernal Chaque hiver, un poisson d’Antarctique entre dans une sorte d’hibernation Hérissons, marmottes, certains écureuils, d’accord. Mais des poissons ? C’est nouveau ? Oui, Hamish Campbell, biologiste anglais, et son équipe du BAS (British Antarctic Survey) l’ont annoncé en 2008. Ils ont découvert qu’une espèce d’Antarctique entrait dans une sorte d’hibernation pour traverser les longs hivers australs. Son nom ? La bocasse noire (Notothenia coriiceps), déjà connue pour avoir des protéines antigel dans son sang. En été, elle passe son temps à manger pour emmagasiner de l’énergie. Puis, à l’arrivée de l’hiver, elle ne fait plus rien ou presque et vit au ralenti sur ses réserves.

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Elle réduit ainsi ses dépenses énergétiques au strict minimum. Curieusement, elle pourrait peut-être se passer de cette pause hivernale. En effet, la température de l’eau ne diminue pas tant que ça et la nourriture reste disponible.

Le requin, seigneur en déclin

181 Accident Une Américaine est morte des suites d’une collision avec une raie léopard En mars 2008, la réputation des raies léopards en a encore pris un coup aux États-Unis. Les journaux, profitant d’un regrettable concours de circonstances, titraient « une raie tue une femme en Floride », d’autres osaient « une raie attaque », jouant volontiers sur l’ambiguïté du caractère venimeux du dard de cette cousine du requin. Pourtant, elle l’utilise uniquement pour se défendre en cas d’agression. Voici ce qu’il s’est passé : Judy Kay Zagorsli, âgée de 57 ans, était assise à l’avant du bateau piloté par son père. Ils voguaient à 40 km/h et profitaient de la beauté du paysage des Keys, archipel au sud de la Floride. Lorsqu’une énorme raie léopard de 34 kg et de plus d’1,50 m d’envergure bondit hors de l’eau, heurtant sa malheureuse victime à la tête ! Un choc si violent qu’il causa instantanément la mort de l’une et de l’autre. Quelques jours plus tard, une autopsie révéla que le décès de Judy était dû à de multiples fractures du crâne ayant entraîné des lésions cérébrales, et non à une piqûre. Pour conclure, certes les raies léopards, jamais hostiles avec les plongeurs, peuvent sauter au-dessus de la surface (généralement pour échapper à un prédateur), mais les accidents de ce type, aussi tragiques soientils, sont rarissimes.

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182 Une nouvelle princesse des mers ? La découverte d’une autre espèce de raie manta a été confirmée La famille des diables de mer comporte la raie manta (Manta birostris) et ses cousines plus petites, les 9 espèces de Mobula. Enfin, c’est ce qu’on pensait. Mais la fondation Save Our Seas (SOSF) vient d’annoncer la découverte d’une autre manta, migratrice et plus grande, de 8 mètres d’envergure ! Pour le confirmer, Andrea Marshall a passé 5 ans à étudier plus de 900 mantas identifiables à leurs motifs ventraux. Un très beau travail car malgré les menaces qui pèsent sur cette raie – la surpêche en particulier – et l’admiration que lui portent les plongeurs, la débonnaire et gracieuse manta est peu étudiée. D’ailleurs, la confusion aurait pu durer longtemps tant la ressemblance entre les deux espèces est frappante, malgré une coloration légèrement différente. Même leurs distributions géographiques dans les eaux tropicales se superposent ! Pour le reste, la « nouvelle » est plus timide avec les êtres humains et porte un aiguillon non fonctionnel sur la queue. Cette fabuleuse découverte aura nécessairement des implications sur la conservation des raies mantas. En attendant, la biologiste australienne ne compte pas s’arrêter là. D’après elle, il pourrait peut-être exister une troisième espèce…

183 Série noire En 2 mois, des requins entraînent la mort de quatre personnes Le 7 avril 2008, à Ballina au sud-est de l’Australie, un surfeur de 16 ans, victime d’un requin bouledogue, meurt de ses blessures. Second accident le 25 au sud de la Californie. Curieux. Le requin blanc préfère le nord de l’état, côté San Francisco où il chasse l’otarie. Sa silhouette

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est si proche de celle des surfeurs qu’il les confond parfois. Et s’il tombe sur un humain, il préférera recracher : pas assez gras à son goût… C’est pourtant bien à Solana Beach qu’un Carcharodon carcharias attaque Dave Martin, 66 ans, au petit matin. Vêtu d’une fine combinaison noire, l’homme se jette à l’eau pour l’entraînement quotidien avec ses amis du club de Triathlon de San Diego. Soudain, il est happé par les jambes puis libéré. Deux nageurs viennent le secourir. Malheureusement, l’hémorragie de ses blessures l’emporte. Trois jours plus tard, Adrian Ruiz, surfeur de 24 ans, attaqué apparemment par un requin tigre, meurt lui aussi d’hémorragie sur une plage d’Ixtapa près d’Acapulco au Mexique. À 10 km de là, le 23 mai, c’est au tour du surfeur Osvaldo Mata Valdovinos, 21 ans. Une série noire ? À l’évidence ! Pour autant, ces décès rapprochés dans le temps ne doivent pas faire penser que les attaques sont si fréquentes… La preuve, en 2007, 12 attaques ont été enregistrées en Australie et pas une victime. La même année, il y a eu, d’après l’ISAF (International Shark Attack File), 112 attaques dans le monde dont une fatale : une baigneuse française de 23 ans tuée par un requin tigre en Nouvelle-Calédonie. Un tiers des attaques ont lieu en Floride. Et sur plus de 400 espèces de requins, seule une dizaine peuvent être réellement dangereuses pour l’homme.

184 Liberté retrouvée L’Aquarium de Monterey a rendu à la mer son troisième requin blanc En septembre 2004, l’Aquarium de Monterey en Californie accueillait un petit requin blanc d’1,50 m. Il y est resté plus de 6 mois, avant d’être relâché en mer, une balise électronique sur le dos. La décision de le remettre en liberté avait été motivée par l’apparition de blessures et une agressivité croissante qui l’avait conduit à tuer deux requins hâ. Malgré cela, il s’agissait bien d’une première mondiale rappelant l’épisode III des « Dents de la Mer » : maintenir un Carcharodon carcharias en captivité ! Chose que tolèrent les requins nourrices, taureaux ou citron un peu plus sédentaires. Plus petits aussi. Alors que le grand blanc est plutôt un explorateur qui peut facilement mesurer 5,50 m. D’où sans doute les précédents

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échecs se soldant souvent par la mort du seigneur des océans en moins de 15 jours… L’opération semblait donc hasardeuse d’un point de vue écologique. Cet animal est déjà une espèce menacée. Et le mettre dans un environnement clos aux conditions mal maîtrisées pouvait conduire à une perte supplémentaire. La question est de savoir si l’on peut se permettre de prendre ce risque au nom de la science ? Surtout à une époque où elle dispose de technologies avancées et fonctionnelles en milieu naturel… Là-dessus, les scientifiques eux-mêmes ont des avis partagés. Et ce débat concerne également les requins baleines (à l’Aquarium d’Atlanta aux ÉtatsUnis toujours, déjà deux sont morts depuis son ouverture en 2005). En revanche, d’un point de vue économique – il faut aussi de l’argent pour financer des programmes d’études comme ceux menés par l’aquarium de Monterey – sur 198 jours de présence, le requin blanc a attiré plus d’un million de visiteurs ! Une réussite donc. Et depuis, deux autres y ont séjourné : l’avant-dernier, 137 jours, et le dernier, 152. Il mesurait 1,75 m lorsqu’il a retrouvé les flots en février 2008, embarquant avec lui deux balises électroniques.

185 Le shark-feeding, dangereux et pas si écolo ? Un plongeur décède, attaqué au cours d’une séance de shark-feeding Lorsqu’on parle du nombre d’attaques de requins, il ne faut pas négliger celles que l’ISAF qualifie de « provoquées », soit 37 % de toutes en 2007. Elles concernent les pêcheurs à bord de leur bateau, ou même les plongeurs… Déjà interdit dans plusieurs pays, le shark-feeding est une activité très controversée qui consiste à attirer les squales avec du poisson autour d’un groupe de plongeurs. Devant un public conquis, un moniteur nourrit les « fauves marins » à la main, prenant le risque de mettre en danger la palanquée ou un apnéiste chassant dans les parages. Et même si les prestataires insisteront toujours pour assurer qu’ils maîtrisent la situation, l’affaire peut virer au drame. La preuve, en février 2008 aux

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Bahamas, un touriste autrichien de 49 ans est mort des suites d’une morsure de requin bouledogue au cours d’une séance de shark-feeding… Bien sûr, pour de nombreux amoureux de la mer, découvrir les requins dans leur milieu naturel est un rêve. Une saine démarche écologique aussi. Le shark-feeding, lui, n’a que faire des beaux sentiments. C’est avant tout un business très lucratif qui modifie dangereusement le comportement des requins, et peut en attirer de plus imposants qui n’étaient pas invités au repas, eux ! Laissons plutôt faire le hasard des rencontres. Pourquoi ne pas plonger en humble visiteur respectueux des maîtres des lieux, entouré en toute sécurité de vrais professionnels qui connaissent les endroits où c’est possible ? Franchement, c’est tellement plus simple et bien moins cher…

186 Veuillez rester à l’écart, SVP ! En Antarctique, le réchauffement de la planète pourrait rendre les eaux plus clémentes pour les prédateurs Au pôle sud, la banquise appartient aux manchots et aux phoques, les fonds marins, aux coquillages, crevettes, oursins, étoiles, concombres de mer et autres vers. Ces derniers y mènent une vie pépère. Pas le choix quand on est un invertébré au corps mou et aux très mauvaises performances athlétiques… Peut-être un peu d’agitation l’été ? Oui, mais bien au-dessus d’eux : les baleines viennent chercher le krill grouillant sous la surface sans les déranger. Bref, les profondeurs antarctiques, c’est la bonne planque et ce, depuis des millions d’années. Mais pour combien de temps encore ? Cheryl Wilga, biologiste à l’université du Rhode Island aux États-Unis, a fait part de ses craintes au cours de la conférence annuelle de l’AAAS (Association Américaine pour l’Avancement des Sciences) en 2008. Selon elle, il suffirait que l’eau se réchauffe encore un peu pour que les prédateurs puissent y venir en masse ! Les requins benthiques n’ayant pas d’épaisse couche de lard comme les phoques, manchots et baleines, ils ne

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peuvent supporter le froid permanent et se tiennent jusqu’ici à l’écart. Du reste, les crabes aussi. Mais le jour où ils pourront survivre dans cet écosystème, les invertébrés des fonds marins n’auront aucun moyen de se défendre, ni la possibilité de fuir. Le changement climatique pourrait donc bouleverser l’équilibre de ce havre de paix.

187 Chez nous aussi En Méditerranée, les requins ont été décimés L’homme massacre les requins au rythme alarmant de plus de 75 millions par an. Les uns sont victimes du shark-finning (les pêcheurs découpent leurs ailerons, dont le kilo se négocie 300 à 500 euros sur le marché asiatique), les autres se noient dans des filets qui ne leur sont pas destinés. Les squales disparaissent ainsi de tous les océans. Alors pourquoi pas de Méditerranée ? Car oui, il y en a en Méditerranée, et même des requins blancs ! Quarantesept espèces fréquenteraient assidûment la Grande Bleue, dont 20 sont de grands prédateurs. Malheureusement, selon une récente étude dirigée par Francesco Ferretti, biologiste à l’université de Dalhousie au Canada, la situation les concernant est catastrophique. En près de deux siècles, l’abondance des requins de Méditerranée a chuté de plus de 97 % ! Pour arriver à une estimation fiable, issue du recoupage de plusieurs sources, les experts ont été obligés de se limiter à cinq espèces, d’ailleurs déjà vulnérables ou en danger d’extinction : le peau bleue (Prionace glauca), le requin renard (Alopias vulpinus), le requin marteau (Sphyrna zygaena) et deux types de requins taupes, requin mako (Isurus oxyrinchus) et veau de mer (Lamna nasus). L’absence de quota de pêche pour les requins prélevés dans un but commercial en Méditerranée reste un problème majeur. Pire, les jeunes requins font souvent partie des prises accessoires de la pêche à l’espadon, au thon rouge ou en eau profonde. Et le fait qu’ils aient une reproduction très lente enfonce le clou.

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À l’heure actuelle, on ignore quelles seront les conséquences de cet inquiétant déclin en Méditerranée. Mais il serait naïf de croire que la disparition de ces éboueurs de la mer situés au somment de la chaîne alimentaire puisse être sans répercussions…

188 Un alliage repoussant La capacité des requins à détecter les champs électriques est une piste à explorer pour leur sauvegarde Les prises accidentelles de la pêche commerciale font chaque année 11 à 13 millions de victimes chez les requins. Elles sont coûteuses aussi pour les pêcheurs car les squales récupèrent leurs appâts au bout des hameçons des palangres pélagiques ! Il est temps de cesser ce massacre pour les deux parties. Pourquoi ne pas exploiter le sens de l’électroréception des requins ? Cette faculté que la plupart des poissons n’ont pas (nous non plus) leur permet de détecter les champs électriques grâce à des capteurs situés sur leur museau : les ampoules de Lorenzini. Grâce à elles, repérer une proie devient un jeu d’enfant puisque neurones, cellules cardiaques et musculaires ont une activité électrique. Miser sur l’électroréception est une brillante idée qui ne date pas d’hier. Seulement, personne n’a encore su mettre au point un système à la fois pratique, peu encombrant et économique. Celui de Richard Brill, chercheur à la NOAA (National Oceanographic and Atmospheric Association) aux ÉtatsUnis paraît intéressant… Il s’agit de petits disques faits d’un alliage de métaux (palladium-néodyme) qui, en réagissant avec l’eau de mer, produit des champs électriques suffisamment puissants pour faire fuir les squales. Il suffirait de les fixer aux filets de pêche et à proximité des appâts sur les lignes. En laboratoire, les premières expériences réalisées sur des requins gris (Carcharhinus plumbeus) ont montré qu’ils étaient très perturbés, se tenaient à bonne distance et ne s’attaquaient plus aux appâts présentés. Testé en mer en ce moment même, ce procédé s’annonce très prometteur !

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189 Un géant qui se prend pour un oiseau Le requin baleine plane en profondeur Plonger avec un requin baleine est un rêve accessible. Si l’on part du principe que le plus grand poisson du monde est inoffensif – puisqu’il se nourrit de plancton et petits poissons – et qu’on peut le croiser dans les eaux tropicales, juste sous la surface. Il a l’habitude d’y nager de manière paisible. Pour le reste, le géant nous avait fait quelques cachotteries. Brad Norman de l’université de Murdoch en Australie, et Rory Wilson de celle de Swansea au Royaume-Uni, viennent en effet de découvrir qu’en profondeur, il plane ou virevolte à la manière d’un oiseau, lui qui fait en moyenne 7 mètres et peut, cas exceptionnel, en atteindre 18 ! En mai 2008, dans la réserve marine de Ningaloo au large de la côte ouest australienne, les deux biologistes ont posé des balises sur le dos de huit requins baleines puis les ont récupérées. Lorsqu’ils ont analysé les données enregistrées, ils ont constaté que les requins pouvaient se laisser glisser vers le bas par le simple fait du poids, sans donner le moindre coup de queue. Et la descente peut être longue quand on peut plonger à 1 000 mètres… Plus incroyable encore, lorsqu’ils tombent sur une zone riche en nourriture en profondeur, ils se mettent à tournoyer rapidement en faisant des 8 pour en ingérer un maximum, un peu comme le fait la raie manta. Au final, le but de ces recherches est d’en apprendre davantage sur la reproduction et le comportement de l’espèce Rhincodon typus. Il faut protéger ce requin qui est l’une des cibles favorites du shark-finning. Forcément, ses gigantesques ailerons s’arrachent jusqu’à 20 000 euros l’unité !

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Déforestation, climat sous tension et disparition

190 De longues croisières Une tortue luth a parcouru 20 558 km pour aller d’Indonésie aux États-Unis Belle performance annoncée en janvier 2008 pour cette tortue luth suivie par satellite ! Comme quoi Dermochelys coriacea, de son nom latin, a beau être la plus grosse des huit sortes de tortues marines, ça ne l’empêche pas d’être endurante. Les chercheurs américains du National Marine Fisheries Service (NMFS) ont voulu savoir de quoi elle était capable. Au moment du marquage, leur choix s’est porté sur une femelle venue pondre sur la plage de Jamursba-Medi en Papouasie (Indonésie). De là, celle-ci est allée jusqu’à la côte de l’Oregon, au nord-ouest des États-Unis. Soit 20 558 km parcourus en 647 jours de navigation, nouveau record de migration pour les tortues marines, loin devant celui des baleines à bosse (8 400 km) ! Mais loin derrière celui d’un petit oiseau marin, le puffin fuligineux : 65 000 km pour aller de Nouvelle-Zélande au nord du Pacifique…

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191 Les dommages collatéraux de la déforestation Les sites de nidification des tortues sont encombrés par les déchets de bois Disparition de l’habitat de nombreuses espèces (d’où une diminution de la biodiversité), de barrières végétales (d’où des risques accrus de catastrophes naturelles : inondations, avalanches, glissements de terrain), de puits de carbone (d’où une accélération du réchauffement climatique)… Disparitions donc, voilà en un mot le résumé des effets de la déforestation. Mais il y en a d’autres plus inattendus. Sur les plages du Gabon par exemple. Là-bas, on coupe plus de 500 000 okoumés par an. Destiné à la production de contreplaqués, moulures, meubles, etc., ce bois exotique est transporté par voies navigables. Problème, de grandes quantités tombent à l’eau, arrivent en mer puis échouent sur le rivage. Lors de récentes observations en avion, William Laurance, biologiste à l’Institut tropical de recherche du Smithsonian, et son équipe ont ainsi compté jusqu’à 247 rondins par kilomètre de plage. À Pongara, sur l’un des plus importants sites de ponte de la tortue luth déjà menacée par le braconnage, la pollution chimique, les sachets plastiques flottants, les filets de pêche ou l’urbanisation du littoral, plus d’un tiers de la plage est obstrué. Un vrai parcours du combattant pour elle qui pèse plus de 500 kg et mesure 2 m ! Du coup, certaines font demi-tour. D’autres pondent trop près de l’eau, ne laissant aucune chance aux œufs d’éclore. Quant aux bébés nés plus haut sur la plage, si quelque chose les freine dans leur course vers la mer, les prédateurs n’ont plus qu’à se servir. Alors que faire ? Pour l’instant, la plupart de ces plages ne sont pas accessibles par la route. Or, il faudrait des bulldozers pour les nettoyer, hors saison de nidification évidemment…

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192 Contaminé au DDT L’insecticide interdit depuis longtemps s’est accumulé en Antarctique Utilisé dès la Seconde Guerre Mondiale, le Dichlorodiphényltrichloroéthane (DDT) a longtemps été considéré comme un produit miracle pour éradiquer le paludisme, maladie parasitaire transmise par les insectes. Ainsi, il l’a effectivement rayé de la carte en Amérique du Nord, Europe, Australie, etc. Hélas, pas dans les régions tropicales où les moustiques ont commencé à faire de la résistance. Dans le même temps, les scientifiques ont découvert qu’il contaminait des animaux (oiseaux, poissons, etc.) en se fixant dans leurs graisses. Dans les années 70, le DDT est finalement interdit dans la majeure partie du monde, mais encore utilisé aujourd’hui dans quelques pays d’Afrique. On le trouve aussi dans un endroit désertique inattendu : en Antarctique. Il s’est accumulé dans les glaciers et se concentre jusque dans l’organisme du manchot d’Adélie selon l’Américaine Heidi Geisz, spécialiste des oiseaux marins à l’Institut de Science Marine de Virginie ! Elle et ses collègues ont mené une étude publiée en 2008. Rappelons que le DDT est un composé organique volatil. En raison de son évaporation, il voyage dans l’atmosphère, migre vers les régions polaires, puis se fixe sur les glaciers. Le réchauffement climatique vient alors y mettre son grain de sel. Car depuis quelques années, les glaciers fondent et leur eau contaminée répand le DDT dans l’écosystème… Chose étrange, les taux de DDT ont chuté ces 10 dernières années dans la faune arctique alors qu’ils sont restés à peu près les mêmes dans l’organisme et les œufs du manchot d’Adélie en Antarctique.

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193 Le roi survivra-t-il au réchauffement de la planète ? Le manchot royal doit aller toujours plus loin pour nourrir son petit Après 9 ans d’observation sur l’île de la Possession, Yvon Le Maho, Céline Le Bohec et leurs collègues du CNRS sont très inquiets pour le manchot royal (Aptenodytes patagonicus). D’après eux, l’oiseau pourrait disparaître de l’Antarctique ! Plus petit que le héros du film « La marche de l’empereur » auquel il ressemble fort, le manchot royal consacre tout son temps à ses poussins. Chaque fois qu’il en a un, il le prend en charge pendant plus d’un an. Mignon, ce bonheur, mais en péril… Comme il faut bien nourrir le bambin, l’été, à tour de rôle, ses parents quittent la colonie et se farcissent 400 km de route vers le sud pour atteindre le front polaire et lui ramener de quoi bequeter. Or, l’eau étant désormais plus chaude et moins poissonneuse, il faut pousser plus bas et parcourir 200 km supplémentaires. Un voyage exténuant qui les oblige à puiser dans leurs réserves et au final, réduit le taux de survie des bébés (forcément, puisqu’ils mangent moins)… L’hiver, papa, maman partent à 2000 km de là, aux frontières de la banquise, se refaire une santé. Et de nouveau, plus question de faire ripaille comme jadis ! À la fin de la saison, moins vigoureux qu’autrefois, les parents reviennent s’occuper des poussins. Enfin… des survivants. Car les scientifiques ont constaté qu’une hausse de température de 0,26 °C au niveau des eaux de surface entraînait 2 ans plus tard une diminution de 9 % du taux de survie des poussins. Le GIEC (Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat) ayant annoncé pour les 20 ans à venir une augmentation de 0,2 °C par décennie, il paraît difficile de se montrer optimiste pour l’avenir du manchot royal.

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194 Adieu Le phoque moine des Caraïbes est déclaré officiellement éteint Les biologistes s’en doutaient déjà car personne n’avait vu de phoque moine des Caraïbes depuis les années 1950. L’espèce avait d’ailleurs été déclarée menacée dès 1967. Alors, disparue ou cachée ? Les autorités américaines ont voulu en avoir le cœur net. Elles ont envoyé la NOAA (National Oceanic Atmospheric Administration) mener l’enquête. Cinq ans de recherches qui n’ont hélas rien donné : désormais, Monachus tropicalis n’existe plus qu’en photo ! C’est officiel depuis juin 2008. Qu’a-t-il pu se passer ? Autrefois, on rencontrait cet animal docile depuis le sud de la Floride (Keys, Bahamas), en passant par les Antilles jusqu’au Golf du Mexique. Ce ne sont pas des épidémies qui l’ont exterminé, ni le réchauffement climatique ou la pollution. Encore moins ses uniques prédateurs les requins… Alors quoi ou qui ? Nous. Les hommes l’ont chassé massivement dès le XVIIIe siècle pour sa viande, sa graisse et sa peau. Le pire, c’est que les deux seuls autres membres de sa famille pourraient disparaître à leur tour si l’on n’y prend pas garde. Il resterait 1 200 phoques moines d’Hawaii (M. schauinslandi) et 500 en Méditerranée (M. monachus). Seulement cette fois, si le pire se produit, on ne pourra pas dire que l’on ne savait pas.

195 Lentement mais sûrement En Californie, la population de loutres reprend le dessus Autrefois présente sur la côte ouest américaine, de l’Orégon à la BasseCalifornie au Mexique, la loutre de mer californienne (Enhydra lutris nereis) a failli disparaître, victime du commerce de sa peau.

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Splendide fourrure en effet. Mais c’est un boulot à plein temps de l’entretenir car elle compte plus de 150 000 poils par cm² de peau ! Grâce à la couche d’air emprisonnée dans ses poils, la loutre flotte comme un ballon, sans grelotter. Et bien sûr, une si belle fourrure ne pouvait échapper à la convoitise humaine… Toutes les sous-espèces de loutres en ont fait les frais jusqu’à la mise en place d’une protection internationale en 1911. En Californie, leur disparition aurait même pu être catastrophique pour les forêts de kelp. Explication. Ces algues gigantesques qui abritent une faune très diversifiée ont des prédateurs voraces, les oursins. Qui mangent ces oursins ? Les loutres bien sûr (les ormeaux étant leur autre péché mignon, elles marchent sur les plates-bandes des pêcheurs). Les loutres contribuent à l’épanouissement de ces spectaculaires forêts sous-marines. Il y a donc de quoi se réjouir de la récente annonce de l’U.S. Fish and Wildlife Service : ces adorables frimousses font leur grand comeback dans les eaux de l’état ! De moins de 1 500 en 1985, leur population est passée à 2760 au printemps 2008. Une première manche remportée. Pas encore la victoire… Pour bien faire, il faudrait qu’elles soient au moins 8 400 car elles restent vulnérables. Collisions avec les bateaux, étranglement dans les filets de pêche, enchevêtrement dans les débris flottants, ou noyades dans les pièges à poissons et crustacés, les guettent toujours. Le pire ? Les maladies parasitaires et les marées noires.

196 Un, deux, trois, mort ! Une nouvelle réglementation canadienne limite la souffrance des phoques au moment de la chasse Chaque année, le même scénario se répète. Au printemps, le Canada reprend la plus grande chasse commerciale de mammifères marins au monde, suscitant la colère de leurs fans. Les produits dérivés du phoque – peau et graisse (la carcasse étant souvent abandonnée sur place) – sont volontairement boudés par les Américains, Mexicains et la plupart des Européens. Le commerce fonctionne surtout grâce aux Russes, Chinois et Norvégiens.

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Quant aux écologistes, ils jugent cette chasse cruelle et sans aucune justification économique, ni scientifique. Le gouvernement canadien, lui, assure qu’elle contribue aux revenus des familles de 12 000 chasseurs et à maintenir la population de phoques à un niveau correct (il y a peu, ils étaient accusés d’être à l’origine du déclin de la morue). Dans ce conflit, des progrès ont toutefois été faits. En 1987, la prise des très vulnérables blanchons a été interdite, obligeant les chasseurs à se tourner vers des jeunes âgés d’au moins deux semaines à 3 mois plus aptes à filer. Et en 2008, en plus d’un quota à 275 000 têtes sur une population de 5,5 millions, le gouvernement canadien a fixé une nouvelle réglementation proposée par un groupe international de vétérinaires. Objectif ? Abattre sans cruauté. Et ce, en trois étapes : après avoir assommé l’animal ou lui avoir tiré dessus, le chasseur doit vérifier sa perte de conscience au niveau du réflexe de la cornée puis le saigner en tranchant deux artères principales. En théorie, le phoque ne peut donc plus être dépecé vivant. Un petit progrès qui ne doit pas faire oublier aux autorités qui gèrent les quotas de chasse cette nouvelle menace pour les phoques : la fonte des glaces provoquée par le réchauffement climatique…

Un futur incertain, mais aussi de bonnes nouvelles

197 Une fête pour Snooty Le plus vieux lamantin a célébré ses 60 ans Snooty est né le 21 juillet 1948 à l’aquarium de Miami. Et c’est au Parker Manatee Aquarium du South Florida Museum à Bradenton que le lamantin, entouré de ses nombreux admirateurs, a fêté son soixantième anniversaire

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en 2008. Des bougies hélas soufflées en captivité pour ce sirénien cher aux habitants de Floride… Difficile, c’est vrai, de ne pas tomber sous le charme de Trichechus manatus que l’on rencontre aussi dans les Antilles, et de ses cousins d’Afrique (T. senegalensis) et d’Amazonie (T. inunguis) ! De la même famille que les dugongs (à la queue triangulaire et non arrondie), ceux que l’on surnomme parfois vaches marines ne sont pas agressifs et viennent volontiers au contact de l’homme. Il est vrai qu’ils passent leur temps à boulotter, engouffrant quotidiennement plusieurs dizaines de kilos de végétaux. Ils peuvent ainsi peser jusqu’à 500 kg. Ce qui ne les met pas à l’abri des agressions : partout où ils vivent, les lamantins sont en danger. Hier, ils étaient chassés en masse. Aujourd’hui, la déforestation menace leur royaume la mangrove – et la pollution et les hélices des bateaux, leur santé…

198 Heureux comme un dauphin dans l’eau Une queue artificielle a redonné vie à Winter On parle d’elle comme du premier dauphin bionique. Et c’est vrai que la vie de Winter, femelle devenue malgré elle l’attraction phare de l’aquarium de Clearwater en Floride, est un vrai roman. L’histoire commence, mal, en 2006. Winter est alors un bébé dauphin tursiops âgé de 2 mois. Elle se coince la queue dans un piège à crabes. Récupérée dans un triste état, ses sauveteurs l’emmènent à l’aquarium. Malheureusement, sa nageoire caudale est fichue. Amputée mais battante, la miss surprend tous les vétérinaires en s’accrochant à la vie. L’intervention de Kevin Carroll, prothésiste réputé, lui redonne des ailes, ou plutôt une queue après un an et demi de travail ! Son nouvel ami lui a en effet confectionné une prothèse de 90 cm en silicone et en plastique. Il a fallu un certain temps d’adaptation. Mais depuis, Winter nage dans le bonheur…

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199 Chat, anchois et patatra ! Un parasite du chat menace les mammifères marins Depuis une dizaine d’années, les mammifères marins sont affectés par un protozoaire baptisé Toxoplasma gondii dont le seul hôte définitif connu est terrestre. Il s’agit du chat. Celui-ci peut transmettre le parasite aux humains par le biais d’une mauvaise hygiène des mains (la consommation de viande infectée et mal cuite d’un hôte intermédiaire – porc, volaille, mouton, etc. – aboutit au même résultat). Généralement, la toxoplasmose est bénigne. Mais chez la femme enceinte, le parasite peut tuer le fœtus, au système immunitaire encore fragile, ou lui laisser des lésions oculaires. Il fait aussi des dégâts en mer. Mais des chats à l’océan, quel lien ? Cette question turlupinait les chercheurs jusqu’à ce qu’enfin, Gloeta Massie et Michael Black, de l’université polytechnique de San Luis Obispo en Californie, comprennent. On savait que T. gondii pouvaient s’accumuler dans les moules et les huîtres. Mais voici ce qu’on ignorait : les excréments des matous infectés par les oocystes – formes immatures du protozoaire très résistantes – finissent dans les égouts, puis les estuaires. C’est là qu’ils rencontrent un autre hôte définitif, l’anchois ! Le petit poisson avale sans sourciller ces oocystes qui ont la même taille que les particules organiques dont il se nourrit. Pas de chance pour les bélugas, dauphins, phoques, morses et autres loutres qui l’avalent sans pouvoir le faire cuire… Ainsi, infectés par la toxoplasmose, ils en meurent.

200 Beaucoup trop de bruit dans l’eau La pollution sonore perturbe baleines et dauphins La communauté acoustique mondiale s’était donnée rendez-vous à Paris en juillet 2008. Sur quoi démarrait leur conférence ? La pollution sonore marine et ses ravages. Trafic maritime, sous-marins militaires, plates-formes

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pétrolières et gazières, avions supersoniques, etc., les mammifères marins ne s’entendent plus causer ! Or, dauphins et autres cétacés à dents (cachalots, globicéphales) utilisent les sons pour communiquer, chasser et s’orienter. On parle d’écholocation : leurs sacs aériens, au niveau du front, envoient des ultrasons en direction d’une cible puis leur reviennent sous forme d’échos via la mâchoire inférieure. En analysant ces signaux sonores, ils obtiennent des informations sur leur environnement, les obstacles ou la distance qui les sépare d’une proie. Évidemment, les bruits parasites peuvent perturber leur communication, les stresser, voire les déboussoler et pire, altérer physiquement des organes impliqués dans l’écholocation ! Résultat, des échouages. Et parfois dans des proportions dramatiques comme en juin 2008 à Madagascar : plus d’une centaine de dauphins d’Électre (Peponocephala electra) se sont enfilés dans un bras cerné de mangrove au nord de l’île sans réussir à en sortir vivants malgré l’aide des habitants. Peu avant, dans la région, un navire réalisait des travaux de prospection pétrolière à l’aide de puissants sonars… Alors, simple coïncidence ou origine du drame ?

201 Une secouriste pas comme les autres Un dauphin vole au secours de deux cachalots Quelle bien jolie histoire, une première même ! En mars 2008, deux cachalots pygmées (Kogia breviceps) se retrouvaient piégés dans un chenal par un banc de sable. Ils risquaient de périr sur la plage de Mahia, en NouvelleZélande. Là-bas, les échouages de cétacés sont assez fréquents. Chaque année, 700 atterrissent sur la côte pour des raisons encore floues (maladies ? perturbation du sens de l’orientation ? etc.). Les sauveteurs font tout leur possible pour les remettre à l’eau. Mais souvent, il est déjà trop tard. Et ce jour-là, les cachalots pygmées – une maman et son bébé – sont passés à deux doigts de la catastrophe malgré l’intervention des sauveteurs. Ceux-ci ont eu beau essayer de les guider vers le large, en vain. Exténués, les animaux semblaient condamnés lorsque surgit Moko, dauphin souffleur (Tursiops truncatus).

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Cette demoiselle est très appréciée dans la région pour sa jovialité. Le courant s’établit immédiatement entre les cétacés. Moko n’eut qu’à les escorter sur 200 mètres en direction de la sortie pour les tirer d’affaire ! Un acte généreux qui montre la fascinante complexité du comportement des dauphins…

202 Le retour du Morbillivirus Les dauphins bleus et blancs de Méditerranée sont affectés par un virus 2008 a mal commencé pour ces magnifiques dauphins de la Grande Bleue. À vrai dire, les ennuis ont même démarré au début de l’année 2007 en Espagne, puis se sont étendus à la France. Plus d’une centaine de dauphins bleus et blancs (Stenella coeruleoalba) sont venus s’échouer à bout de forces sur les plages de nos côtes méditerranéennes. Évidemment, le phénomène a continué les mois suivants. Les symptômes du mal ? Difficultés respiratoires, désorientation, hémorragie, diarrhées, amaigrissement, fatigue et agonie ! Voilà ce dont est capable le Morbillivirus, méchant virus déjà responsable d’une épidémie sur cette espèce en 1990 (près de 900 cadavres avaient été récupérés en 2 ans sur l’arc Espagne-France-Italie). Cette nouvelle émergence de Morbillivirus ne présage rien de bon, ses victimes étant surtout des animaux déjà affaiblis par la pollution… Un problème à surveiller de près car la santé de la Méditerranée nous concerne aussi !

203 Le petit dernier Une espèce de dauphin exceptionnelle a pu être filmée Depuis 2005, le dauphin à aileron retroussé d’Australie (Orcaella heinsoni) tient en haleine les biologistes marins. C’est en effet cette année-là qu’un petit groupe de l’espèce a été observé pour la première fois au large du

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Queensland. D’abord, on l’a confondu avec le dauphin de l’Irrawaddy qui vit le long des côtes et dans les fleuves du sud-est asiatique. Puis, récemment, on a appris, grâce à des analyses génétiques, que c’était bien une nouvelle espèce. Ouahou, près de 50 ans qu’une telle découverte n’avait pas été faite ! Et les rebondissements ne s’arrêtent pas là. Intrigués par le mystère entourant le petit dernier de la famille des cétacés, Deborah Thiele et ses collègues du WWF sont partis à sa recherche. Ils ont pu le filmer en juillet 2008 à quelques centaines de mètres des plages de Broome, au nord-ouest du Kimberley. Mais quelque chose clochait : des petits détails anatomiques de rien du tout… Hmmm, s’il s’agissait d’une sous-espèce du dauphin à aileron retroussé ? Voire d’une nouvelle espèce ? Les biologistes ayant réalisé des prélèvements d’échantillons, des études sont en cours pour le confirmer.

204 Les guépards des mers Pour chasser, les baleines-pilotes sont capables de remarquables accélérations Sur terre, le guépard est une légende. Il est un excellent sprinter, pas un coureur de fond. L’essentiel, après tout, c’est de remplir sa panse. Et, avec de telles accélérations, chasser devient beaucoup plus facile. Technique qui fait aussi ses preuves en mer visiblement… Natacha Aguilar Soto, biologiste à l’université de Ténérife, île des Canaries (Espagne), et Peter Tyack, son collègue américain de l’Institut Océanographique de Woods Hole (Massachussetts) ont suivi des supers sprinters sur leurs lieux de résidence autour de Ténérife. Ce sont les globicéphales tropicaux (Globicephala macrorhynchus) ou globis pour les intimes, surnommés parfois baleines-pilotes alors qu’ils n’ont pas de fanons, mais des dents. Ainsi, point de plancton à leur menu, plutôt de beaux poissons et de très gros calmars ! Des proies que les globicéphales n’hésitent pas à aller pêcher à plus de 800 mètres de fond au cours d’apnées de 15 à 20 minutes. Or, d’après les enregistrements des chercheurs, ces globis sont des flèches. Ils peuvent parcourir des pointes sur plus de 200 mètres à 32 km/h. Les proies

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récalcitrantes ne font pas un pli. De jour comme de nuit. Toutefois, le rythme est tel qu’une fois en surface, les cétacés se laissent aller à la flemmardise : après l’effort, le réconfort. Et ce ne sont pas les amateurs de whale-watching venus les admirer qui s’en plaignent…

205 La licorne des mers, très vulnérable ? Il n’est pas certain que le narval puisse faire face au changement climatique En Arctique, le réchauffement de la planète a déjà des conséquences pour certaines populations insulaires et côtières. Les glaciers du Groenland (comme ceux de l’Antarctique) fondent plus vite que prévu. Résultat, en partie aussi grâce à la dilatation des océans plus chauds, le niveau des mers monte : d’environ 20 cm le siècle dernier, la hausse devrait atteindre 18 à 59 cm d’ici à 2100 selon les estimations du GIEC (de moins optimistes annoncent 0,80 à 1,50 m) ! Voilà pour notre pomme. Pour la faune, c’est plutôt la disparition de la banquise qui inquiète. Et si tous les regards se tournent vers l’ours blanc, d’autres vont en souffrir. Des chercheurs, dont Kristin Laidre de l’université de Washington, ont en effet montré que lui fera peut-être face, provisoirement, aux mutations de son environnement, le narval probablement pas… Il reste 50 000 à 80 000 de ces licornes des mers, surnom lié à la présence d’une dent perçant leur front. Mais ces mammifères marins, peu étudiés, sont très dépendants de leur habitat de glace. Ainsi, le déclin pourrait être fulgurant. Pouvant plonger jusqu’à 1 800 mètres pour aller pêcher le flétan, leurs routes migratoires sont toujours les mêmes. Les narvals voyagent en se faufilant dans les failles de l’épaisse banquise, barrière naturelle contre de nombreux dangers. Sans elle sur leur territoire, c’est la porte ouverte aux ennuis : nouvelles pollutions, nouvelles voies de navigation, arrivée de leur pire ennemi, l’orque, etc. Les répercussions ? Une santé fragilisée, une reproduction perturbée, la compétition alimentaire avec de nouveaux rivaux – les pêcheurs –, des bouleversements au niveau des migrations, l’omniprésence de l’orque donc un stress permanent… Bref, l’enfer.

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206 De l’or noir en Arctique Les bélugas sont menacés par l’exploration pétrolière et le trafic maritime De nouvelles estimations de l’agence gouvernementale américaine de recherche géologique (USGS) fixent les réserves de pétrole en Arctique à 90 milliards de barils et plus encore pour le gaz naturel. Où précisément ? En Alaska (États-Unis), en mer de Barents (Russie), dans l’ouest du Groenland (Danemark) et l’est du Canada. La fonte des glaces aidant, ces ressources deviendront accessibles. Un rêve pour les exploitants qui virera au cauchemar sous la surface… Le béluga pourra en témoigner ! Baptisé aussi canari des mers en raison de son vaste répertoire vocal, il est ironiquement à la faune d’Arctique ce qu’était jadis le canari aux hommes dans les mines. Car il est très sensible à la pollution. Facilement observable dans l’archipel des Solovki, ce grand dauphin blanc de 5 mètres y est surveillé par l’équipe de l’Institut d’Océanologie russe, encadrée par Vsevolod Belkovitch. En effet, chaque année, 2000 bélugas viennent se reproduire en Mer Blanche. Ils trouvent enfin le calme, loin du trafic maritime qui leur empoisonne la vie au nord le reste du temps. Car si celui-ci était quasi-nul en mer de Barents à la fin des années 1990, aujourd’hui, 10 millions de tonnes d’hydrocarbures y transitent par an, chiffre qui pourrait être multiplié par 15 d’ici à une dizaine d’années ! Risque accru de marées noires, augmentation de la pollution et des nuisances sonores : il y a de quoi s’inquiéter pour les 100 000 bélugas restants…

207 Blanche-Neige Des chercheurs ont pu photographier une orque très rare En février 2008, des biologistes américains de la NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration) étaient en expédition à bord du navire océanographique Oscar Dyson en Alaska. Ils menaient une étude près des îles Aléoutiennes sur le lieu noir, un poisson.

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La cerise sur le gâteau est apparue au cours d’une rencontre par hasard avec un pod d’orques (nom donné aux groupes). Et parmi la douzaine d’épaulards au dos noir et ventre blanc trônait une orque blanche : certainement pas une véritable albinos car sa peau présentait des zones de pigmentation plus foncées et jaunâtres… Des marins avaient bien affirmé l’avoir observée. Mais les scientifiques n’avaient jusqu’ici aucune preuve tangible de son existence. Voilà qui est chose faite. Les chanceux n’ont bien sûr pas manqué de la prendre en photo et ont hâte de la croiser à nouveau !

208 Petit somme vertical Des biologistes ont surpris des cachalots en pleine sieste Imaginez la scène : une demi-douzaine de cachalots immobiles à la verticale dans l’eau, la tête juste sous la surface et plongés dans un profond sommeil de marmottes ! C’est ce qu’a filmé l’équipe de Luke Rendell, de l’université St Andrews en Grande-Bretagne, le long de la côte nord du Chili. Par ailleurs, ces chercheurs ont posé des balises enregistreuses sur 59 cachalots à différents endroits du globe. De la synthèse des données obtenues et des images rapportées, ils en ont tiré une passionnante étude sur le sommeil de ces gros cétacés à dents (Physeter macrocephalus). Résultat, les cachalots passeraient seulement 7 % de leur temps à faire dodo, soit beaucoup moins que la plupart des autres mammifères terrestres et marins. Ils dormiraient 10 à 15 minutes par heure, généralement entre 18 h 00 et minuit. Plus surprenant encore, ce contraste avec les connaissances acquises sur les cétacés en captivité… En phase de sommeil, un seul hémisphère du cerveau des dauphins se met au repos, l’autre restant en alerte (sans doute pour la respiration, faire face aux éventuels prédateurs, etc.). Or, quand le bateau des scientifiques s’est approché, aucun cachalot n’a réagi malgré le risque de collision. Ils n’étaient donc plus du tout vigilants par rapport à leur environnement. Et comme la durée de leur sommeil est extrêmement réduite, Luke Rendell suppose que les deux hémisphères cérébraux des cachalots se mettent

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simultanément au repos. Preuve que notre ignorance sur la vie des mammifères est immense, et que les biologistes marins ont encore du pain sur la planche !

209 Champagne ! Les baleines à bosse sont plus nombreuses dans le Pacifique Nord Quelle bonne nouvelle ! D’après un recensement effectué sur 2004-2006, il y aurait 18 000 à 20 000 baleines à bosse (Megaptera novaeangliae) dans le Pacifique Nord. 400 experts ont participé à ce projet de la NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration). Ils ont observé les baleines dans les aires de nourrissage et reproduction, et ont comparé des photographies de nageoires caudales. Plus de 6 000 échantillons de tissus ont également été prélevés. Leur analyse devrait bientôt fournir de précieuses informations sur la génétique des mégaptères et leur degré de contamination par d’éventuels polluants. Les conclusions de ce travail de fourmis ont été publiées en mai 2008. Elles prouvent que l’interdiction de la chasse à la baleine, en 1966, a porté ses fruits. Cette année-là, les mégaptères n’étaient plus que 1 400. Toutefois, il persiste une ombre au tableau : les baleines hivernant en Asie et en Amérique Centrale sont trop peu nombreuses. Le taux de mortalité le long des côtes asiatiques reste élevé car beaucoup se noient dans les filets des pêcheurs japonais. Côté chasse, le Japon a annoncé en 2007 qu’il voulait prendre une cinquantaine de baleines à bosse, mais a dû renoncer sous la pression internationale, et « se contenter » d’un millier de rorquals…

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210 Bientôt le ventre vide ? Les baleines pourraient trouver moins de krill en Antarctique En juin 2008, le WWF publiait un rapport sur l’avenir alimentaire des baleines au Pôle Sud, quelques jours avant le 60e congrès de la Commission Baleinière Internationale (CBI). Créée à l’origine pour réglementer la chasse à la baleine, la CBI est divisée en deux clans : d’un côté les états pour une reprise de la chasse commerciale (interdite depuis 1986), de l’autre, les états contre, toujours majoritaires. Toutefois, Japon, Norvège et Islande chassent toujours. Le plus impliqué – l’empire du soleil levant – prétexte qu’il le fait pour réaliser des études sur les grands cétacés. Ainsi, depuis le moratoire, plus de 25 000 baleines ont été abattues sous couvert de la science. Mais les travaux du WWF devrait donner matière à réfléchir. Ils révèlent qu’une hausse de la température globale de 2 °C par rapport à l’époque préindustrielle aurait un impact considérable sur les ressources en krill. Or, ces crustacés planctoniques sont la ressource alimentaire principales des baleines ! Les mégaptères n’hésitent pas à parcourir des milliers de kilomètres pour atteindre l’Antarctique, chaque été, où le krill abonde. Durant trois à quatre mois, ces baleines à bosse en engloutissent un maximum afin de tenir le restant de l’année sur leurs réserves. Seulement, avec 2 °C de plus, la surface de la banquise pourrait diminuer de 10-15 % à 30 % à certains endroits, scénario qui pourrait se produire d’ici une quarantaine d’années si l’on ne réduit pas immédiatement et de manière drastique les émissions de CO2. Sinon quoi ? Les zones où prolifère le krill, dépendantes de cette glace, vont se déplacer au sud et rallonger la migration des mégaptères de 200 à 500 km ! Arrivées exténuées, elles auront moins de temps pour monter leurs stocks de graisse et moins de krill à se partager. Autant dire que désormais, les choix de la CBI pèseront bien lourd sur le futur des grands cétacés…

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211 Précoces Les dinosaures démarraient leur vie sexuelle bien avant l’âge adulte Les dinos n’avaient pas de temps à perdre. Leur croissance était lente et une fois la taille adulte atteinte, ils ne vivaient que quelques années de plus. Comment s’étonner alors des conclusions de cette étude américaine menée par des chercheurs de l’université de Californie ? D’après elle, les couples n’attendaient pas pour se reproduire, et les femelles avaient des petits bien avant l’âge adulte ! Les paléontologues l’ont découvert en examinant les fossiles de trois demoiselles, l’une herbivore (Tenontosaurus), les autres, carnivores (Allosaurus et Tyrannosaurus rex). La preuve se cachait au cœur de l’os médullaire. Ce type de tissu osseux, riche en calcium et en petits vaisseaux sanguins, est également présent chez les oiseaux femelles pendant un mois lorsqu’elles sont sur le point de pondre. Il leur est très utile puisque le calcium est indispensable à la composition des coquilles d’œufs… Le lien de parenté, souvent évoqué entre les oiseaux et les dinosaures, a permis aux chercheurs de supposer que les trois femelles s’apprêtaient à pondre alors qu’elles avaient entre 10 et 18 ans. De nombreuses espèces atteignant facilement la trentaine, autant dire des gamines !

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212 Une belle brochette au Niger Trois dinosaures carnivores l’occupaient il y a 110 millions d’années Chic, on continue de trouver de nouvelles espèces de dinosaures ! La preuve, c’est parmi 20 tonnes de fossiles dans le désert du Sahara au Niger que l’équipe de Paul Sereno, paléontologue à l’Université de Chicago aux États-Unis, découvre en 2000 deux inconnus. Huit ans plus tard, le chercheur et Stephen Brusatte de l’université de Bristol en Angleterre publient une étude au sujet de la cohabitation entre ces dinos, et un troisième déniché là 3 ans plus tôt que les deux autres. Nous voici 110 millions d’années en arrière dans la même région : point de sable à perte de vue mais de verdoyantes forêts. Les trois compères pouvaient bien se permettre d’être tous carnivores sans marcher sur les platesbandes des uns et des autres… Démonstration. Comme le T-rex (qui, lui, n’est jamais arrivé en Afrique), Eocarcharia dinops, littéralement « le requin de l’aube féroce », 12 mètres de long, est un redoutable chasseur. De son côté, Krytops palaios, « vieux visage caché », plus petit de 4,5 mètres, se contente d’être un charognard pépère et de prélever simplement un peu de viande sur les cadavres qui traînent. Enfin, Suchomimus tenerensis, « l’imitateur de crocodile », long de 11 mètres, découvert en 1997, est un prédateur également amateur de poisson qu’il pêche dans les marécages. Un bien joli trio, n’est-ce pas ?

213 La famille s’agrandit On a retrouvé un cousin du triceratops Le triceratops – dont le nom évoque sa tête à trois cornes – est une créature mythique et fascinante de l’époque des dinosaures. Il ressemblait à une sorte de rhinocéros de 9 mètres, 6 à 8 tonnes, herbivore. Il portait une intrigante collerette osseuse à la peau richement vascularisée qu’il utilisait certainement comme régulateur thermique pour son organisme.

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La région où l’on a retrouvé la plupart des fossiles de triceratops ? L’Amérique du Nord. Mais c’est au Mexique, dans le désert de Coahuila, que des paléontologues ont découvert les restes de l’un de ses cousins ! Ce bonhommelà mesure 2 mètres de moins et porte tout l’attirail : les trois cornes (il n’y a pas mieux pour faire peur aux prédateurs) et une collerette autour de la tête, peut-être utilisée aussi pour épater les demoiselles…

214 La solution ? Grandir vite… La croissance d’un dinosaure à bec de canard était plus rapide que celle de ses ennemis Membre de la famille des hadrosaures – dinos à bec de canard – Hypacrosaurus stebingeri n’avait vraiment pas de bol. Des tas de dinosaures lui couraient après pour le dévorer. Et pas n’importe lesquels : parmi eux, l’albertosaure ou l’impressionnant tyrannosaure. Alors que faire lorsqu’on est un gentil herbivore sans défense, que l’on veut vivre et assurer la continuité de son espèce ? Pousser plus vite que ces ennemis, pardi ! Les Américains Drew Lee et Noelle Cooper de l’université d’Ohio ont effectivement remarqué que l’animal présentait une croissance accélérée entre le moment où il quittait l’œuf jusqu’à sa taille adulte de 9 mètres. Au final, il l’atteignait vers 10-12 ans car il grandissait 3 à 5 fois plus vite que ses prédateurs. À cet âge là, le tyrannosaure devait patienter encore 10 à 20 ans avant d’atteindre ses proportions maximales. S’attaquer à un plus grand que soi ? Le Trex devait y réfléchir à deux fois, et se rabattre sur les juvéniles. Les autres étaient épargnés au moins un temps. Jusqu’à ce que les prédateurs deviennent grands à leur tour… Mais l’un dans l’autre, cette stratégie était payante. Elle évitait l’extinction de l’espèce. Sans compter que la maturité sexuelle des hypacrosaures était extrêmement précoce. Ils se reproduisaient déjà vers 2–3 ans.

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215 Des os troués Certains fossiles de dinosaures ont été grignotés par des insectes Lorsque les fossiles reposent sur des étagères, ils ne sont pas pour autant à l’abri de vilains insectes « muséophages ». Ces ennemis de l’archéologie, les conservateurs de musée les craignent comme la peste ! Mais on vient tout juste d’apprendre que d’autres sont passés par là bien avant eux… Brooks Britt, professeur à l’université de Provo dans l’Utah aux ÉtatsUnis, et l’étudiante Anne Dangerfield ont observé des milliers d’os de dinosaures des périodes du Jurassique et du Crétacé. Or, ils ont constaté que beaucoup avaient été grignotés il y a très longtemps. Par qui ? Une famille de coléoptères connue sous le nom de dermestidés apparentés à l’actuel dermeste des peaux (Dermestes maculatus). Voici le scénario : lorsqu’un cadavre de dinosaure traînait, les charognards prenaient leur part, et quelques semaines plus tard, les dermestes venaient y pondre leurs œufs. Affamées à leur naissance, les larves se chargeaient d’attaquer le reste de la dépouille jusqu’à l’os parfois ! Britt s’est intéressé à ce phénomène alors qu’il était encore étudiant. Il avait remarqué de curieuses marques sur les fossiles qui semblaient être l’œuvre d’anciens insectes. Mais aucun professeur n’avait su lui donner d’explications. Une première étude en microscopie électronique d’un os de dinosaure herbivore – le Camptosaurus – vieux de 148 millions d’années donna une réponse confirmée par l’étude d’autres fossiles. Une comparaison de ces traces de raclements avec celles que peuvent faire différents insectes actuels donna enfin l’identité des coupables. Cette passionnante découverte en cache une seconde. Elle montre en effet que les coléoptères existaient déjà il y a au moins 148 millions d’années. Soit 48 millions d’années plus tôt que ce que laissait supposer leurs propres fossiles !

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216 Un hic dans la théorie ? Un os de dinosaure sème la zizanie dans la théorie de la dérive des continents Quand on trouve un fossile de dinosaure, c’est toujours une grande excitation. Mais ça peut aussi faire des nœuds dans la tête. La preuve avec la découverte par Patricia et Tom Rich en Australie d’un cubitus (os de l’avantbras) âgé de 108 millions d’années. Jusque là, OK. Les choses se corsent lorsque les paléontologues et leurs collègues Nathan Smith et Steven Slisbury lui trouvent de curieuses ressemblances avec celui de Megaraptor namunhuaiquii. Ce dino d’Argentine, caractérisé par une griffe géante sur le membre antérieur, vivait à la fin du Crétacé (période géologique allant de –145 à –65 millions d’années). Les deux seraient donc cousins ! Petite piqûre de rappel : le supercontinent Pangée a commencé à se fracturer il y a 200 millions d’années pour donner la Laurasie au nord (Amérique du Nord accolée à l’Eurasie) et le Gondwana au sud (Amérique du Sud, Afrique, Inde, Australie, Madagascar, Antarctique). C’est ce dernier qui nous intéresse. Le Gondwana aurait donc commencé à éclater il y a 150 millions pour se séparer en 2 blocs il y a 138 millions d’années : Australie-Antarctique-IndeMadagascar d’une part et Afrique-Amérique du Sud d’autre part. Suite à leur découverte, les paléontologues en ont déduit ceci en 2008 : il y a plus de 100 millions d’années, à l’époque du Crétacé, l’animal aurait pu voyager d’Amérique du Sud vers l’Australie par l’Antarctique. Autrement dit, le Gondwana aurait éclaté plus tard que le dit la théorie actuelle ! Une nouvelle hypothèse qui demande confirmation si d’autres fossiles veulent bien se montrer…

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217 Pêcheur à ses heures Le Baryonyx mangeait aussi du poisson Découvert en Angleterre en 1983, le Baryonyx walkeri (« griffe lourde ») était un dinosaure théropode – bipède – qui vivait il y a 125 millions d’années. Pourtant, sous ses allures terrifiantes, long de 8,50 m, il aurait tout simplement préféré le poisson à un bon steak de viande saignante ! Une info toute fraîche et inattendue tant son anatomie pouvait laisser croire qu’il était aussi féroce que le T-rex, célèbre prédateur. Mais sa tête, allongée et aux mâchoires dotées de dents coniques, ne collait pas à cette image… Emily Rayfield de l’université de Bristol et Angela Milner du Muséum d’Histoire Naturelle de Londres ont donc décidé de lui faire passer un scanner. Puis elles ont comparé son crâne à celui d’alligators, gavials et autres dinosaures bipèdes carnivores. Aucun doute selon elles : avec une tête pareille aux faux airs de crocodiles piscivores, le Baryonyx était lui-même piscivore. Chose exceptionnelle pour un théropode ! Mais alors à quoi lui servaient ces deux immenses griffes ? À pêcher bien sûr. Il les utilisait certainement comme des crochets pour harponner ses proies dans l’eau.

218 Il n’a pas sauvé sa peau, mais l’a gardée Des chercheurs ont commencé à étudier un dinosaure momifié Ici, un cas rarissime : un hadrosaure (Edmontosaurus) découvert en 1999 par Tyler Lyson, alors étudiant en paléontologie à Yale. Le dinosaure reposait là, dans le Dakota du Nord, depuis 67 millions d’années. Signe particulier ? Il portait encore sa peau ! Pour marquer le coup, les scientifiques lui ont même donné un petit nom : Dakota. Et Dakota a dû patienter encore 7 ans avant d’être délivré du site par l’équipe internationale de Phillip Manning, paléontologue de l’université de Manchester en Angleterre…

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Herbivores, les hadrosaures ne sont pas des dinosaures exceptionnels. On trouve assez régulièrement des ossements fossilisés. Ce qui est prodigieux ici, c’est que l’animal soit momifié ! Dakota serait seulement le quatrième du genre à ce jour. D’ordinaire, après la mort, les tissus se décomposent. Mais le corps de notre dinosaure a dû être rapidement enfoui et dans de bonnes conditions, ce qui a permis de le conserver parfaitement à travers les âges. La fossilisation ayant pris le dessus sur la putréfaction, les tissus mous ont pu être préservés. En 2008, les chercheurs ont commencé à le nettoyer au musée du Dakota du Nord. Enlever toute la croûte qui se trouve autour est un travail minutieux qui pourrait durer plus d’un an, mais indispensable avant de commencer sérieusement l’étude financée par la National Geographic Society. La suite s’annonce pleine de surprises !

219 Une révolution dans l’évolution ? La diversité chez les dinosaures serait apparue plus tôt que prévu L’évolution des dinosaures se serait accélérée au cours de la dernière partie du Crétacé, il y a 125 à 80 millions d’années. Le nombre d’espèces aurait alors considérablement augmenté. D’ailleurs, à cette période faste, favorisée par la douceur du climat, insectes, reptiles, oiseaux, mammifères et plantes à fleurs auraient fait de même. Une vraie révolution terrestre ! Mais voilà, concernant les dinosaures, Graeme Lloyd, chercheur à l’université de Bristol en Angleterre, n’est plus d’accord avec cette théorie. Lui et son équipe ont passé en revue 450 des 600 espèces de dinosaures connues. Ils ont créé ainsi une sorte de super-arbre de la famille à l’aide de techniques informatiques. Et selon eux, les dinosaures auraient connu une première évolution rapide il y a 225 à 200 millions d’années, à la fin du Triassique. Puis une seconde, plus discrète, il y a 170 à 160 millions d’années. Soit, effectivement, beaucoup plus tôt que la thèse initiale le prévoit.

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Dans l’eau, les reptiles marins

220 Le « T-rex » des océans Des chercheurs ont découvert un monstrueux pliosaure en Norvège Son nom ? Le pliosaure de Svalbard. C’est dans cet archipel de Norvège, à 1 300 km du Pôle Nord, sur l’île de Spitsbergen, qu’ont été exhumés en 2007 les restes fossilisés du monstre. Il dormait là dans le permafrost depuis 150 millions d’années… De son vivant, la créature mesurait 15 mètres, soit 5 de plus que le plus grand des pliosaures connus découvert en Australie (le kronosaure). Cette nouvelle espèce a été présentée en février 2008 par Joern Hurum, paléontologue au Musée d’Histoire Naturelle d’Oslo et responsable de l’expédition scientifique à Svalbard. Une queue épaisse, un crâne effilé de 3 mètres, quatre nageoires longues de presque 10 mètres, et une dentition à faire pâlir de jalousie le mieux équipé des tyrannosaures : c’est certain, croiser sa silhouette dans l’eau devait faire peur ! Il aurait pu sans problème engloutir une voiture… Tiens, à ce propos, de quoi était composé son repas ? De poissons, autres reptiles marins ou calmars. Attention, peut-être était-il le plus féroce des reptiles marins mais pas le plus grand. Ce titre revient à Shonisaurus sikanniensis, ichtyosaure au look de dauphin, long de 21 mètres !

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En l’air, les ptérosaures

221 Un petit air de ressemblance ? Les dinosaures ont bien un lien de proche parenté avec les oiseaux On imagine volontiers que les dinosaures puissent être les ancêtres directs des reptiles actuels. Hé bien non, ce n’est pas exactement ce que dit la théorie. Crocodiles, serpents, tortues et autres lézards ne seraient que leurs lointains cousins. Mais alors, ces monstres d’autrefois ont-ils encore des descendants ? Oui, les oiseaux. Et s’il fallait une preuve supplémentaire de ce lien de parenté qui déchaîne les passions chez les paléontologues, les récents travaux des biochimistes américains, John Asara et Chris Organ, l’ont dégotée à échelle moléculaire… Elle dormait dans le fémur fossilisé d’un dinosaure non aviaire : un T-rex vieux de 68 millions d’années découvert en 2003 dans le Montana. L’os était si bien conservé que les biochimistes ont pu en extraire des fragments de protéines de collagène. Ils les ont ensuite séquencées et comparées à celles de 21 espèces d’animaux modernes. Conclusion ? Ces protéines avaient plus de points communs avec celles prélevées sur des poulets ou des autruches qu’avec celles d’alligators ! À retenir aussi, même si on a tendance à le penser : non, les oiseaux ne descendent pas des ptérosaures, ces reptiles volants dont les ailes ne portaient pas la moindre plume.

222 Un reptile volant de la taille d’un moineau Le plus petit ptérosaure au monde a été trouvé en Chine Les ptérosaures sont ces fameux reptiles volants au corps trapu, à la tête et aux ailes très longues (faites de peau tendue) qui vivaient il y a 220 à 65 millions d’années. Le plus large d’entre eux, le Quetzalcoatlus, pouvait atteindre 12 mètres d’envergure.

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Alors évidemment, du haut de ses 25 cm, le Nemicolopterus crypticus – littéralement « l’habitant caché des forêts » – avait l’air riquiqui ! Pas plus grand qu’un moineau, il vivait certainement dans les arbres il y a 120 millions d’années. Découvert en 2004 à Luzhougou en Chine par des paléontologues chinois, son squelette a été reconstitué 4 ans plus tard par l’équipe d’Alexander Kellner, de l’université de Rio de Janeiro au Brésil. Si beaucoup de ptérosaures étaient piscivores (amateurs de poissons), ce petit-là, dépourvu de dents, préférait certainement les insectes…

223 Des bébés dinos au menu ? Pour chasser, les ptérosaures utilisaient leur bec comme les cigognes Imaginez une créature dotée d’un très long bec, haute de 5 mètres, avec des ailes sans plumes d’une envergure de 10 mètres. Vous y êtes ? C’est un membre de la famille des Azhdarchidae, autrement dit un ptérosaure géant. Il n’existe plus. Il vivait à la fin du Crétacé. Mais que mangeait cette bête-là ? C’est la question que se sont posés Mark Witton et Darren Naish, paléontologues à l’université de Portsmouth en Grande-Bretagne. Car si les ptérosaures plus petits étaient certainement piscivores et repéraient les poissons du ciel à la manière des pélicans ou des mouettes, il est peu probable que les géants, au cou si long et si raide, aient pu pêcher de la même façon. Jusqu’ici, on supposait donc qu’ils étaient charognards comme les vautours. Ou peut-être qu’ils sondaient la vase à la recherche de coquillages ? Finalement, après avoir étudié des empreintes fossilisées et comparé leur anatomie aux possibles stratégies alimentaires des oiseaux actuels, les deux paléontologues anglais suggèrent que les ptérosaures géants marchaient et picoraient ce qu’ils trouvaient à terre : des animaux de la taille d’un renard, et pourquoi pas des bébés dinosaures…

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En l’air, les ptérosaures

VOYAGE DANS LE PASSÉ

Les débuts dans les océans

224 Les ancêtres du noir Les coraux de faible profondeur sont les descendants d’espèces des abysses Alors qu’on pensait que les coraux de faible profondeur étaient allés coloniser les abysses, une nouvelle étude prouve le contraire. On la doit à Alberto Lindner, biologiste à l’université de Sao Paulo au Brésil, Stephen Cairns et Cliff Cunningham qui ont à la fois étudié des coraux fossiles et effectué des comparaisons d’ADN. Ainsi, les ancêtres des coraux dentelles (stylastéridés) vivaient dans l’obscurité et le froid des profondeurs ! Ils auraient tenté à quatre reprises ces dernières 40 millions d’années d’aller vers les eaux plus claires et chaudes de la surface, à différents endroits du globe. Une réussite à l’évidence puisque la famille des stylastéridés se classe en second dans la course des coraux durs les plus répandus…

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225 Étouffés dans l’eau Il y a 93 millions d’années, les invertébrés marins ont été anéantis par le volcanisme Des extinctions de masse ont aussi eu lieu dans les océans. La preuve, l’Évènement Anoxique Océanique global (OAE2) survenu au Crétacé (période allant de –145 à –65 millions d’années) a supprimé 27 % des invertébrés marins. Le climat était alors très sec, la circulation océanique était lente et le taux de CO2 dans l’air bien plus élevé qu’aujourd’hui. Les palmiers poussaient en Alaska, l’Arctique était une immense piscine d’eau chaude. Puis sous la surface, soudain, partout la mort et plus d’oxygène ! Pourquoi ? L’explication vient d’être apportée par Steve Turgeon et Robert Creaser, chercheurs à l’université d’Alberta au Canada. Afin de montrer que l’OAE2 a été mondial, ils ont travaillé sur des roches du littoral d’Amérique du Sud et des montagnes d’Italie submergées à l’époque. Ils ont étudié le rapport de deux isotopes (187 et 188) de l’osmium, métal rare. Et ils ont découvert que celui-ci diminuait sur les deux sites avant l’extinction de masse… Or, l’osmium 188 est soit d’origine extraterrestre – il n’y a pourtant pas eu de colossal impact d’astéroïde ou autres à cette époque – soit volcanique. D’où l’idée que c’est bien une quantité colossale de magma qui a été injectée dans l’eau. Seul le plateau volcanique situé dans l’actuelle région des Caraïbes était capable de générer un tel phénomène. En rejetant de nombreux minéraux, les éruptions auraient fertilisé les océans et provoqué une explosion des populations de plancton. Gourmand en CO2, tout ce plancton aurait fait chuter le taux de CO2 atmosphérique. Résultat, un refroidissement temporaire du climat ! Une fois mort, le plancton se serait décomposé, processus qui consomme beaucoup d’oxygène et qui explique l’anoxie. Pour couronner le tout, cette matière organique tombée au fond des océans aurait formé un épais tapis étouffant tous les animaux qui vivaient là (coquillages, etc.).

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226 L’évolution en fait toujours plus Avec le temps, l’anatomie des animaux se complique En matière d’évolution, il y a deux options : simplifier les choses ou les rendre plus complexes. Eh bien, Dame Nature a choisi. Cap sur la complexité ! C’est ce que révélait une étude parue en mars 2008. Pour en arriver à cette conclusion, des chercheurs canadiens et anglais dont Matthew Wills, de l’université de Bath en Grande-Bretagne, se sont intéressés à l’arbre généalogique des crustacés. Les fossiles leur permettaient de remonter très loin dans le passé, jusqu’à 550 millions d’années en arrière. Au final, ils ont constaté que les cas de simplification des structures anatomiques étaient rares (il s’agissait d’espèces peuplant des zones isolées telles que des grottes marines). D’ordinaire, on assiste donc plutôt à l’apparition d’organismes toujours plus perfectionnés ! Exemple ? Le corps des crustacés primitifs était fait de segments tous semblables, alors que ceux-ci se spécialisent chez les crustacés plus récents (homards, crevettes, etc.) grâce à l’apparition d’antennes, de nageoires, etc. Que c’est beau, le progrès…

227 Si ancienne ? La limule serait sur Terre depuis presque un demi milliard d’années Il existe 4 espèces de limules dans les eaux côtières américaines et asiatiques. Toutes ont le même aspect : une carapace cachant de vilaines pattes, dotée de quatre yeux et terminée par un aiguillon. Leur sang bleu contient de l’hémocyanine riche en cuivre (l’équivalent de notre hémoglobine riche en fer). Il est très étudié en recherche médicale car il pourrait permettre de développer de nouveaux médicaments contre le sida ou le cancer, et sert à la production de tests de détection de toxines bactériennes.

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Surnommée crabe en fer à cheval alors qu’elle n’est pas un crustacé, cette bestiole ne sort ni d’un film de science-fiction, ni du fond des abysses. Elle vit à faible profondeur et fait partie de la famille des tiques, araignées et scorpions (les chélicérates). Et surtout, c’est un vrai fossile vivant puisqu’elle a très peu évolué ! Jusqu’ici, on datait son apparition à l’époque du Carbonifère, soit 350 millions d’années en arrière. Or en 2008, David Rudkin, chercheur au Musée Royal de l’Ontario et Graham Young, du Musée du Manitoba, ont annoncé qu’il fallait la repousser de 100 millions d’années. Ils ont découvert au Canada les traces d’une espèce inconnue baptisée Lunataspis aurora qui existait il y a au moins 455 millions d’années. Il s’agissait de deux spécimens de 4 cm (petite espèce ou juvéniles ?) à l’anatomie très proche de celle des limules actuelles. Ainsi, ces animaux ont traversé le temps. Ils ont même surmonté des cataclysmes aussi destructeurs que la chute de ce gigantesque astéroïde au Yucatan (Mexique) qui aurait exterminé les dinosaures il y a 65 millions d’années… Alors, n’est-ce pas fou d’apprendre qu’elles ont frôlé l’extinction aux États-Unis à la fin des années 1960 ? En effet, dès le XIXe siècle, les hommes les capturaient sur les plages pour les sécher et en faire de l’engrais. Aujourd’hui, elles servent d’appâts pour la pêche et en Chine ou au Vietnam, on les préfère dans son assiette. Pourvu qu’elles survivent à toutes ces pressions modernes, ce serait un crime de les laisser disparaître !

228 Un embryon pas si jeune Des chercheurs ont découvert un poisson fossilisé peu commun Quelle remarquable découverte, celle qui fait de la vie d’un chercheur un véritable conte de fée… Autant dire que depuis 2008, John Long, Kate Trinajstic, Gavin Young et Tim Senden, les paléontologues du muséum Victoria de Melbourne qui en sont à l’origine, sont aux anges. Car voici ce qu’ils ont su dénicher sur un fossile prélevé sur la côte nord-ouest de l’Australie : une maman poisson liée à son embryon par le cordon ombilical, couple vieux de 380 millions d’années !

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Certes, on imagine plutôt les bébés poissons naître d’œufs fécondés. C’est ainsi que cela se passe aujourd’hui après que chacun des deux parents ait libéré ses gamètes au gré des courants, non ? Si. Mais il ne faut pas oublier que certains requins (marteau, bouledogue, peau bleue, etc.) sont vivipares. Leurs petits ne grandissent pas dans des œufs, mais directement dans le ventre de la mère, avec cordon ombilical et tout le tralala ! Voilà qui laisse supposer que ce très vieil animal se reproduisait déjà par fertilisation interne, soit 200 millions d’années plus tôt que les précédentes traces de reproduction vivipare ne le laissaient supposer. Fascinant, n’est-ce pas ? Sans compter que c’est la première fois qu’est découvert un embryon fossile avec son cordon ombilical. Cerise sur le gâteau, Materpiscis attenboroughi du nom latin donné à ce poisson couvert de plaques osseuses (membre de la famille des placodermes aujourd’hui disparue), était une espèce inconnue !

229 Sainte myéline Les prédateurs doivent leurs réflexes à la myéline La myéline est une gaine graisseuse recouvrant les fibres nerveuses ou axones. Chez l’Homme, son importance est particulièrement mise en évidence dans la sclérose en plaque, maladie auto-immune très invalidante qui la détruit ; chez l’animal, au moment où il doit galoper pour sauver sa peau ! Car la myéline protége l’axone et accélère la vitesse de transmission des messages nerveux. Sans elle, ils se déplacent à un mètre par seconde, contre 50 sur une fibre myélinisée. La myéline est donc bien la gardienne des réflexes. Curieusement, elle existe chez tous les vertébrés, sauf chez les poissons sans mâchoires. Les Français Bernard Zalc de l’Inserm, Daniel Goujet du MNHN, et le Québécois David Colman de l’Institut de Neurologie de Montréal ont émis l’hypothèse d’un lien entre l’apparition des mâchoires (outils indispensables à tout bon prédateur) et celle de la myéline… Ils sont allés le chercher 425 millions d’années en arrière lorsque sont apparus les placodermes, premiers poissons à mâchoires. Le plus commode

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a été de travailler sur le nerf oculomoteur observable dans les empreintes crâniennes. Verdict ? Pour un même diamètre, il est 10 fois plus long que chez les ostracodermes dépourvus de mâchoires, contemporains des placodermes ! Ces derniers pouvaient être gigantesques comme le Dunkleosteus, monstre de 9 mètres (alors que les ostracodermes ne dépassaient pas 70 cm). Et on imagine mal une bête de cette taille représenter une menace, voire même exister, si dans son organisme l’influx nerveux voyage à l’allure tranquille de 1 mètre par seconde… Conclusion, les placodermes n’ont pas eu le choix : il ont dû trouver un système pour accélérer les choses. C’est là qu’est apparue la myéline.

230 Une morsure qui déchire ! Aucun animal n’approche la puissance des mâchoires du mégalodon L’image du T-rex vient d’en prendre un coup. Malgré sa force de morsure estimée à 3,1 tonnes, il vient d’être détrôné par Carcharocles megalodon ! Ce requin, apparu il y a 16 millions d’années, s’est éteint il y a 1,6 million d’années. Du long de ces 16 mètres, il faisait presque passer le grand blanc – Carcharodon carcharias, 30 fois moins lourd – pour un poisson rouge. Ce qu’on sait de lui nous vient de ses dents, parfois hautes de 20 cm. Difficile d’attendre d’autres types de fossiles car contrairement aux os, le squelette cartilagineux des squales ne se prête que très exceptionnellement au processus de fossilisation. Peut-être en apprendrons-nous bientôt davantage ? Adam Stow et Heidi Ahonen, de l’université Macquarie à Sydney, viennent en effet de développer une incroyable technique permettant d’extraire de l’ADN à partir de dents de requins ! En attendant, pour élaborer son modèle informatique, Stephen Wroe, de l’université de Nouvelles-Galles du Sud en Australie, a extrapolé à partir des connaissances acquises sur le requin blanc. D’ailleurs, les deux cousins se sont côtoyés quelque temps.

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Le chercheur a pu en déduire que le monstre avait la plus redoutable morsure de tout le règne animal. Ses mâchoires pouvaient développer 10,8 à 18,2 tonnes de pression… Autant dire que ses proies, de grandes baleines, ne faisaient pas le poids. Aujourd’hui, même si certains rêvent du contraire, le mégalodon n’est plus de ce monde. Le requin blanc, dont la force de morsure est « seulement » de 1,8 tonne, a pris sa place de super prédateur des océans.

231 Des crochets à venin à rendre zinzin Ils seraient apparus chez les serpents il y a 60 millions d’années Les serpents ont des dents, certains plus que d’autres. Sur la mâchoire supérieure, les espèces les plus évoluées sont carrément équipées de dents spécialisées, les crochets à venin. Et ceux-ci ont excité les nerfs de bien des paléontologues ! Mais il y a de quoi, c’est vrai. Chez les vipères ou les cobras, ces crochets sont situés en avant (protéroglyphes) quand chez les couleuvres par exemple, ils sont à l’arrière (opisthoglyphes). Alors, deux évolutions indépendantes ou une seule ? Seconde hypothèse, selon Freek Vonk de l’université de Leiden aux Pays-Bas. Après avoir étudié le développement embryonnaire de 8 espèces de serpents, lui et son équipe ont fait une découverte qui fera date : en réalité, quelque soit la position finale des crochets – antérieure ou postérieure –, ils poussent d’abord à l’arrière. C’est après, seulement, qu’ils migrent éventuellement vers l’avant ! Les crochets seraient donc nés chez un ancêtre commun non venimeux. La partie arrière de la couche formant les dents se serait individualisée. Puis, des glandes à venin seraient apparues pour se connecter à ces nouvelles armes (les premiers fossiles de serpents à crochets connus ont 24 millions d’années). Enfin, la position des crochets aurait pu évoluer différemment. Sur les 2 700 espèces actuelles de serpents, 2300 ont des crochets et 10 % sont venimeuses…

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232 Un beau bout de chemin Le Guerrier des mers précise la voie qu’auraient suivie les crocodiles sur Terre Le Guerrier des mers, Guarinisuchus munizi en latin, présenté en mars 2008 au Muséum d’Histoire Naturelle de Rio de Janeiro est un crocodile marin âgé aujourd’hui de 62 millions d’années. Ses ossements fossilisés (un crâne, une mandibule et quelques vertèbres) ont été découverts dans une mine sur la côte nord-est du Brésil. Lui et les siens – les Dyrosauridés – ont survécu au cataclysme qui a emporté il y a 65 millions les dinosaures sur terre et en mer, les mosasaures (sortes de lézards géants et lointains ancêtres des varans actuels) et les plésiosaures (reptiles au long cou et à quatre nageoires). Ils ont donc eu le champ libre dans les océans. La découverte de ce spécimen reconstitué a fait cogiter les paléontologues. Partant du fait établi que les Dyrosauridés sont apparus il y a 200 millions d’années du côté du continent africain, les chercheurs ont supposé que les crocodiles avaient conquis la planète dans cet ordre : Afrique, Amérique du Sud (des régions du Brésil étant situées à proximité de l’Afrique à cette époque) puis du Nord. Quelle endurance !

233 Des bends préhistoriques Les ancêtres des baleines étaient victimes d’accidents de décompression Quand il remonte, un plongeur doit faire des pauses, ou paliers de décompression. Pourquoi ? L’air qu’il respire contient de l’azote. Au cours de la plongée, ce gaz inerte se dissout sous l’effet de la pression qui augmente. Si la remontée est trop rapide, alors que la pression ambiante diminue, l’azote dans le sang reprend sa forme gazeuse sans avoir eu le temps d’atteindre les poumons et d’être évacué en douceur. C’est l’accident de décompression

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(ADD), mortel dans le pire des cas. Sinon, ces bulles peuvent causer des troubles divers (ostéo-articulaires – bends – cutanés, circulatoires ou neurologiques). Et les baleines, comment gèrent-elles ce problème ? Certaines expirent avant de plonger pour purger l’azote. D’autres laissent passer beaucoup de temps entre chaque plongée profonde. Mais pour toutes, ces stratégies sont le fruit d’une longue adaptation. Pour plonger au cœur du sujet, Brian Beatty, du collège de médecine ostéopathique de New York et Bruce Rothschild, de l’université du Kansas, ont examiné les vertèbres d’un millier de squelettes de baleines anciennes et modernes. Étudier les os, pas le choix puisque c’est tout ce qu’il nous reste de ces animaux du passé. Mais ce sont aussi des indices fiables car lorsqu’une bulle se forme dans un vaisseau sanguin, il peut rompre. Or, les vaisseaux sanguins alimentent aussi les cellules osseuses. Donc, quand l’approvisionnement en oxygène n’est plus assuré, des microlésions – détectables aux rayons X – apparaissent au niveau de l’os… Alors ? Hé oui, des bends étaient présents : chez les odontocètes (cétacés à dents), il y a 32 millions d’années et plus du tout ensuite, alors que les mysticètes (cétacés à fanons) en portaient encore des traces il y a 22 millions d’années. Les baleines à dents ont donc été les premières à régler ce risque d’ADD. Est-ce la raison pour laquelle elles comptent dans leur rang les meilleurs apnéistes de la planète ? Le cachalot peut effectivement aller chasser le calmar géant au-delà de 1 200 mètres, et le ziphius plonger 85 minutes et atteindre 1 900 m. Finalement, si l’ancêtre de toutes les baleines n’était pas un plongeur des abysses, ça ne les a pas empêchées de trouver la parade !

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234 Même les momies en ont ! Un épouillage réalisé par des chercheurs du CNRS innocente Christophe Colomb Depuis des lustres, on accuse Christophe Colomb et les conquistadors d’avoir introduit dès le XVe siècle un tas de vilaines bêtes et microbes dans les populations du Nouveau Monde. Et c’est vrai. Mais pas pour toutes. On doit cette découverte à des biologistes français qui se sont intéressés aux poux de corps, vecteurs de maladies infectieuses bien connus (typhus, fièvre des tranchées, borréliose), dont l’origine était, jusqu’ici, attribuée aux navigateurs européens. Petite précision : ces poux-ci sont beaucoup plus virulents que ceux de tête, qui aiment sauter d’une chevelure à l’autre dans les cours d’école. Patiemment, Didier Raoult, virologue réputé de la faculté de médecine à Marseille, et son équipe du CNRS ont cherché des poux à des momies précolombiennes très bien conservées et âgées d’au moins 1 000 ans. Là, surprise, ils en ont trouvés. Une petite analyse génétique plus tard, et la preuve est arrivée ! Cette famille de poux existait déjà sur le sol américain avant l’arrivée des Espagnols. Autrement dit, Christophe Colomb est disculpé sur ce point. Pas sur celui d’avoir trimballé avec lui rougeole, variole, peste ou autre choléra…

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235 Surprises dans l’ambre opaque Des chercheurs ont pu observer des organismes piégés dans cette résine Avec sa transparence et ses reflets dorés, l’ambre jaune, résine végétale fossilisée, a des allures de pierres précieuses qui laisse souvent apparaître toutes sortes de trésors du passé : débris végétaux, moustiques, etc. Voilà pourquoi il est si prisé par les paléontologues. L’ambre opaque l’est tout autant. Mais son opacité empêchait jusqu’ici que l’on puisse accéder aux petites merveilles qu’il pouvait contenir… Heureusement, Malvina Lak, Paul Tafforeau, et leurs collègues des Laboratoires de Géosciences (CNRS) à Rennes et du Laboratoire de paléoentomologie du Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris ont révolutionné les choses en 2008 grâce aux puissants rayons X du synchrotron de l’ESRF (Installation Européenne de Rayonnement Synchrotron) de Grenoble ! Utilisant la technique baptisée microradiographie en contraste de phase, ils ont pu voir au travers de 640 échantillons vieux de 100 millions d’années, provenant de Charentes. Ce sont ainsi 356 inclusions animales qu’ils ont pu admirer : acariens, fourmis, mouches, guêpes, vers annélides, gastéropodes, etc., dont beaucoup d’espèces jusqu’alors inconnues.

236 Un appétit aiguisé par la chaleur ? Un précédent réchauffement climatique a chamboulé l’existence des insectes La Terre n’en est pas à son premier réchauffement climatique. L’un des plus impressionnant s’est produit il y a plus de 55 millions d’années. Une augmentation fulgurante du taux de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère a fait monter la température de 5 °C en 10 000 ans. 10 000 ans, vous trouvez ça long ? C’est pourtant extrêmement court sur l’échelle des temps géologiques. Alors imaginez un siècle ! Aujourd’hui, si

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rien n’est fait pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, le GIEC prévoit une hausse des températures de 1,8 °C à 4 °C d’ici 2100… Mais retournons à cette époque baptisée Maximum Thermique Paléocène/Éocène (PETM). Que s’est-il passé ensuite ? Des insectes venus des régions tropicales ont migré vers des zones jadis tempérées. Là, ils se sont multipliés et ont fait des ravages sur les végétaux comme l’a montré Ellen Currano, paléontologue à l’Université de Pennsylvanie aux États-Unis. Elle et son équipe ont examiné 5 000 feuilles fossilisées provenant du Wyoming. Certaines étaient de la période du PETM, les autres, juste d’avant ou d’après. Or, au PETM, l’excès de CO2 dans l’air a sévèrement perturbé les plantes. Elles étaient moins nutritives. Du coup, les insectes phytophages étaient obligés d’en manger davantage ! À tel point que les dommages observés sur les feuilles sont beaucoup plus nombreux et variés qu’aux périodes pré- et post-PETM. Qu’en conclure ? Que le réchauffement actuel devrait faciliter l’extension du territoire des insectes des régions tropicales vers le nord ou le sud, et qu’il pourrait aiguiser leur appétit ! Ce qui ne serait pas sans conséquences sur les forêts ou les récoltes. Pas de veine pour nous qui sommes de grands consommateurs de fruits, légumes et céréales…

237 Maousse costaud ! Une grenouille était plus lourde que la plus grosse d’aujourd’hui Cette demoiselle aux allures de ballon – la faute à de petites pattes et un corps tout en rondeur – vivait il y a 70 millions d’années à la fin du Crétacé. Elle pouvait mesurer 40 cm et peser 4,5 kg. Pas mal ! Actuellement, la plus grosse – la grenouille goliath en Afrique de l’Ouest – en fait un de moins ! Féroce, facile avec sa mâchoire démesurée, elle se nourrissait d’autres amphibiens, de petits mammifères et certainement de bébés dinosaures selon les chercheurs anglais de Londres et américains de l’université de Stony Brook qui l’ont décrite. Les premiers fossiles de l’espèce ont été découverts en 1993 à Madagascar. Depuis, les paléontologues se sont efforcés de reconstituer son squelette.

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Puzzle enfin terminé à présent après 15 ans de travail. Ouf ! Son petit nom ? Beelzebufo ampinga. En clair, la grenouille du diable. Il faut dire qu’elle portait de petites cornes sur la tête comme la Ceratophrys d’Amérique du Sud ou grenouille pac-man (oui, en référence au personnage jaune à grande bouche). Elles auraient un lien de parenté. Madagascar, Amérique du Sud et de la même famille ? Surprenant, mais effectivement cette espèce montre qu’il persistait à l’époque un passage terrestre entre les deux régions, théorie qui fait généralement l’objet de controverses…

238 L’ancêtre qui se cachait On a découvert un amphibien qui fait le lien entre salamandre et grenouille Déjà plus d’un siècle que les biologistes se demandaient si un tel ancêtre existait… La bonne nouvelle est donc arrivée en mai 2008. Le fossile, lui, avait été collecté en 1995 au Texas et prenait, depuis, la poussière comme un vieux bibelot au Musée d’Histoire Naturelle de Washington. Son nom ? Gerobatrachus hottoni. Son âge ? 290 millions d’années. Merci donc aux trois chercheurs canadiens, Jason Anderson de l’université de Calgary, Robert Reisz de l’université de Toronto et Nadia Frbisch de l’université McGill, qui l’ont sorti des oubliettes… En examinant le crâne, la colonne vertébrale et les dents de cette créature du passé, ils ont identifié des points communs avec la salamandre et la grenouille. Enfin, petits indices qui leur ont donné la puce à l’oreille : deux os réunis au niveau de la hanche, caractéristique spécifique de la salamandre ! La découverte a pris du temps, certes, mais ça y est : il est là le lien manquant dans l’évolution des amphibiens.

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239 Voler sans sonar La plus ancienne des chauves-souris n’utilisait pas l’écholocation Cette chauve-souris-ci vivait il y a très longtemps, environ 52,5 millions d’années. C’est dans le Wyoming, dans l’ouest des États-Unis que l’équipe de Nancy Simmons, paléontologue au Muséum d’Histoire Naturelle de New York a découvert deux squelettes fossilisés. L’espèce a été baptisée Onychonycteris finneyi. Petite différence avec ses descendantes ? D’après l’anatomie de son oreille interne, il lui était impossible d’employer l’écholocation. Or, l’écholocation est justement une fonction vitale pour les chauvessouris actuelles. Avec un mode de vie essentiellement nocturne, les yeux ne suffisent pas. L’écholocation, elle, permet de contourner les obstacles et de repérer leurs proies – des insectes – même dans le noir. Comment ça marche ? Les chauves-souris envoient des ultrasons et réceptionnent leur écho. Leur lointaine ancêtre, primitive, volait et chassait donc sans sonar. Peut-être grâce à son odorat et à sa vue en plein jour ?

240 Le plus vieux tétrapode ? Le premier animal à quatre pattes a été découvert en Lettonie Direction l’Europe du Nord, en Lettonie. C’est ici que les paléontologues ont trouvé ce qu’il leur manquait pour décrire correctement Ventastega curonica, animal aquatique situé à cheval entre poissons et tétrapodes (groupe représenté aujourd’hui par les amphibiens, reptiles, oiseaux et mammifères). Les premiers fossiles de cette espèce, très incomplets, furent exhumés en 1994. Mais de nouvelles découvertes ont permis à Per Ahlberg, chercheur à l’université d’Uppsala en Suède, de disposer d’un crâne, d’épaules et d’une partie du bassin. L’anatomie des ossements lui a permis de déduire la présence de quatre membres restés introuvables. Cette drôle de bestiole, vieille de 365 millions d’années, serait donc la plus primitive des tétrapodes. Certainement un cul-de-sac dans l’évolution, le Ventastega donne toutefois de précieux indices sur la conquête du milieu

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terrestre. Et ce, même s’il mangeait du poisson et qu’il avait l’allure d’un petit alligator d’un mètre avec une nageoire sur le dos ! À l’inverse, le Tiktaalik roseae vieux de 375 millions d’années, décrit en 2006 et découvert au Nunavut (Canada), a plus du poisson que du tétrapode…

241 1 000 ans d’écart Des ossements de rats permettent de réécrire l’histoire de la Nouvelle-Zélande En Nouvelle-Zélande, les Maori restent minoritaires face à la population originaire d’Europe. Ce sont pourtant leurs ancêtres qui, les premiers, ont posé le pied sur le sol néo-zélandais. Ils ont débarqué là 200 ans après Jésus-Christ, du moins selon la conclusion controversée d’une étude parue en 1996. Problème, basée sur l’analyse d’ossements de rats, cette théorie ne colle pas avec d’autres éléments de l’histoire du pays. D’où l’idée toute simple de Janet Wilmshurst, paléoécologiste au Landcare Research de Lincoln : repartir à zéro ! De toute évidence, le rat du Pacifique ou kiore (Ratus exulans) n’a pu nager jusqu’à l’une des deux îles de Nouvelle-Zélande. Il a bien fallu qu’il descende, comme les premiers colons, d’une embarcation. La scientifique a donc prélevé de nouveaux échantillons sur le site de la première étude. Elle les a analysés par datation au carbone14, ainsi qu’une centaine de fossiles de graines rongées par des rats. Bilan ? Les animaux auxquels appartenaient ces ossements vivaient aux environs de 1280-1300 ans après. J.-C., et aucune des graines étudiées n’étaient d’une époque antérieure. Donc l’arrivée des Polynésiens en Nouvelle-Zélande date bien du XIIIe siècle comme le laissent suggérer d’autres indices archéologiques, la première vague d’extinctions de plantes ou les premières traces de déforestation.

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242 Pas de grands bonds dans l’évolution pour Skippy ? Les kangourous ont finalement peu changé en 25 millions d’années C’est la récente conclusion de deux paléontologues australiens, Ben Kear, paléontologue à l’Université La Trobe, et son collègue Neville Pledge du Musée National d’Australie méridionale. Ils l’ont établie en réexaminant avec de nouvelles techniques les fossiles de l’ancêtre herbivore du kangourou, Ngamaroo archeri, vieux de 25 millions d’années et découverts en 1981. Ainsi, leur étude révèle l’incroyable résistance du kangourou face aux changements environnementaux. Résistance qu’il doit justement à sa capacité à bondir ! En 25 millions d’années, le climat australien n’a cessé de se modifier et la terre a alterné les périodes de sécheresse et de déserts avec celles d’humidité et de marécages. Autant de bouleversements que d’autres géants de la mégafaune australienne n’ont pu surmonter (il faut dire que la colonisation de l’île par les hommes a enfoncé le clou)… Le si petit Ngamaroo, lui, a survécu, alors que son cousin omnivore qu’il a côtoyé, le Nambaroo gillespieae, incapable de bondir, a disparu. La clé du succès des kangourous modernes réside donc bien dans ce mode de locomotion ! Ils ont pu traverser les époques parce que l’organisation de leurs membres inférieurs spécialisés et les proportions ont toujours été conservés.

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Voyage dans le passé

Au-delà, de la science et du rêve

243 Le capybara se fait voler la vedette Des chercheurs décrivent un rongeur bien lourd Pauvre capybara ! Lui qui détient le record de plus gros rongeur de la planète du long de ses 1,30 m et de ses 65 kg. Là-bas dans ses marais d’Amérique du Sud, il a dû sentir la moutarde lui monter au nez en apprenant la nouvelle… En Uruguay, Andres Rinderknecht du Muséum National d’Histoire Naturelle et Ernesto Blanco de l’Institut de Physique, intrigués par un crâne de 53 cm découvert en 1987 laissé de côté depuis, ont décrit une espèce inconnue jusqu’alors. Il s’agirait du plus grand rongeur de tous les temps ! Il devait avoir un peu la tête d’un hippopotame plutôt que d’un rat et peser entre 465 kg et 2,5 tonnes selon eux (plutôt 350 kg selon une autre estimation de la chercheuse québécoise Virginie Millien). En le baptisant Josephoartigasia monesi, les deux hommes ont fait honneur à leur collègue Alvaro Mones, paléontologue uruguayen spécialisé dans les rongeurs d’Amérique du Sud.

244 Ce que cache l’émail ? Les éléphants avaient des ancêtres semi-aquatiques Les éléphants parents avec les lamantins et dugongs, mammifères totalement aquatiques ? Mais oui ! Même les analyses d’ADN le disent. En revanche, jusqu’ici, les scientifiques ne parvenaient pas à leur trouver d’ancêtre aquatique. Ouf, enfin, des paléontologues viennent d’éclaircir ce mystère. Le nom de l’élu ? Moeritherium, mammifère de l’Éocène connu depuis le début

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du XXe siècle. C’est en Égypte qu’ont été découverts des fossiles de l’espèce, vieux de 37 millions d’années. Avec son museau long qui n’était pas encore une vraie trompe, cet animal ressemblait au tapir. Et effectivement, aujourd’hui, on en est sûr, il passait autant de temps dans l’eau que l’hippopotame ! Alexander Liu, de l’université d’Oxford en Angleterre, Erik Seiffert, de l’université Stony Brook et Elwyn Simons, de l’université Duke aux ÉtatsUnis, l’ont démontré en enquêtant au cœur de ses dents. Ils ont d’abord analysé les rapports des isotopes d’oxygène et de carbone contenus dans l’émail. Puis, ils les ont comparés avec ceux d’animaux terrestres de la même période. Son type d’alimentation était bien celui d’un herbivore aquatique. Mais il était aussi capable de marcher sur la terre ferme. Le Moeritherium avait donc un mode de vie semi-aquatique.

245 Une seule espèce, et pas huit Le diprotodon d’Australie a enfin livré son secret Apparu il y a 1,6 millions d’années, le diprotodon est le plus grand mammifère marsupial connu. Il doit son nom à deux grandes incisives allant de l’avant sur sa mâchoire inférieure. Cet herbivore de la mégafaune australienne du Pléistocène a disparu il y a environ 40 000 ans. À quoi ressemblait-il ? À une sorte de gros wombat au pas lourd. Long de 3,5 mètres, il pouvait peser plus de 2,5 tonnes. Mais jusqu’ici, un mystère persistait à son sujet. Combien existait-il d’espèces de diprotodons ? Réponse : une seule ! Pourtant, à chaque découverte de fragments de fossiles sur l’île continent, les paléontologues croyaient tomber sur de nouvelles. Ils pensaient à huit peut-être. En réalité, la confusion était entretenue par le fait qu’il existait deux tailles distinctes chez ces animaux, l’une faisant seulement les deux tiers de l’autre. Grâce à une vue d’ensemble, Gilbert Price, chercheur à l’Université du Queensland, a remis les pendules à l’heure. Il a examiné toute une série de crânes, de dents et d’autres os ayant appartenu à des diprotodons. Et pour lui, aucun doute : il n’y a qu’une seule et même espèce ! Quant à cette histoire

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de taille, il s’agit simplement d’une différence morphologique entre mâles et femelles comme on l’observe souvent dans le règne animal.

246 En bonne compagnie pour l’éternité Des squelettes d’ânes ont été découverts dans la tombe d’un pharaon Les égyptologues font souvent d’incroyables trouvailles dans les tombeaux des pharaons. À commencer par les momies qui partaient rarement seules vers l’au-delà ! À leur tour, chats, chiens, oiseaux, poissons, crocodiles étaient momifiés… Des ânes ? Aussi. Mais ceux qu’a découverts Fiona Marshall à Abydos, anthropologue à l’université Washington dans le Missouri aux ÉtatsUnis, ne l’étaient pas. Vieux de 5 000 ans, les restes de ces équidés se trouvaient dans l’annexe du tombeau d’un roi de la première dynastie pharaonique (Narmer ou Aha ?) situé à 500 km au sud du Caire. Âgés d’une dizaine d’années au moment de leur mort, l’arthrite présente sur leurs vertèbres et l’anatomie générale de leurs ossements indiquent qu’ils transportaient régulièrement de lourdes charges. Plus grands que les ânes domestiques actuels (Equus asinus), ils étaient proches des ânes sauvages de Somalie (E. africanus somalicus). De précédentes études génétiques laissaient déjà supposer une origine africaine pour l’âne commun. Cette découverte le confirme et témoigne du fait que sa domestication date d’au moins 5 000 ans. Autre chose, pour qu’un pharaon en emporte dix avec lui dans sa seconde vie, l’âne devait vraiment être très estimé chez les anciens Égyptiens !

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247 Chevauchée vers l’au-delà Les Romains se faisaient enterrer avec leurs chevaux Avant de lancer la construction d’une autoroute, des fouilles près de Lithohori en Grèce ont permis de découvrir des tombes curieusement remplies. Dans ce cimetière datant de l’empire romain, deux squelettes humains reposaient aux côtés de restes de deux chevaux. Non loin de là : un vrai troupeau – quatorze chevaux – dont la moitié enterrés par paire ! Il y avait également des armes, un bouclier et un char datant du 1er ou 2e siècle après Jésus-Christ. Cet engin à deux roues présente sur une frise trois des douze travaux d’Hercule, héros de la mythologie romaine : la biche de Cérynie (qu’il devait vaincre à la course), le sanglier d’Érymanthe (qu’il devait ramener vivant) et les oiseaux du lac Stymphale (qu’il devait abattre). Un an plus tôt en 2007, deux squelettes de chevaux et un char avaient été découverts sur cette même zone.

248 Le coup de grâce L’homme a grandement contribué à la fin des mammouths Qui ne rêverait pas de rencontrer un mammouth laineux en chair et en os ? Cet animal fabuleux, et épanoui en Eurasie comme en Amérique du Nord, garde une fascinante part de mystère… Hélas, aussi grand et fort futil, le dernier représentant de ce lointain ancêtre de l’éléphant s’est éteint il y a 3 700 ans. Affaibli par plusieurs phases de réchauffement climatique, le mammouth a dû fuir vers de nouveaux habitats aux surfaces toujours plus réduites. Toutefois, il parvenait encore à résister à ces changements profonds de l’environnement.

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Alors, qu’est-ce qui a fait pencher la balance du mauvais côté ? La chasse, selon David Nogues-Bravo, chercheur au Musée National de Sciences Naturelles de Madrid en Espagne. La pression humaine sur l’animal a bien été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase ! Et le mammouth a disparu.

249 Visite à l’intérieur du corps d’une espèce disparue L’organisme d’un petit mammouth a été passé au scanner En Sibérie, au nord de la Russie, le permafrost commence à fondre. Cette conséquence du changement climatique inquiète les experts. Car ce sol, normalement gelé en permanence, pourrait entraîner la libération dans l’atmosphère de gigantesques quantités de méthane qui accéléreraient encore le processus de réchauffement. Plus amusant, il libère aussi des surprises comme ce bébé mammouth découvert en 2007 ! Une chance extraordinaire pour les scientifiques unanimes à ce sujet : Lyuba – le nom donné à cette femelle – est l’animal préhistorique le mieux conservé que l’on connaisse… Elle pèse 50 kg, mesure 85 cm de haut et 1,30 m de long. Sa fourrure a disparu, seuls persistent quelques poils sur sa peau intacte. En 2008, sous la direction d’Alexei Tikhonov, directeur adjoint de l’Institut Zoologique de l’Académie des Sciences russe, des paléontologues lui ont fait passer un scanner. Émerveillés – mais qui ne le serait pas ? – ils ont découvert les images en 3D de l’anatomie interne d’une espèce disparue ! Son cœur et son foie étaient parfaitement visibles. Pas de fracture osseuse, ni de blessure. L’examen a finalement révèlé que ses voies respiratoires et son système digestif étaient remplis de vase. La pauvre petite Lyuba se serait donc noyée à l’âge de 3 ou 4 mois il y a 37 000 ans. Plusieurs biopsies ont ensuite été pratiquées. Les biochimistes sont toujours à la recherche de fragments d’ADN d’anciens virus qu’elle pourrait porter, et espèrent même extraire son propre ADN et le décoder. En attendant, la demoiselle repose au frais. Pas question qu’on abîme cette perle rare !

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250 Tous extraterrestres ? Les origines de la vie sont pleines d’imprévu. Nous voici arrivés au terme de ce voyage. Avec une question, et pas des moindres : d’où viennent-ils tous ces animaux ? D’où venons-nous ? La Terre s’est formée il y a environ 4,5 milliards d’années. Et la vie serait apparue il y a 3,8 milliards d’années, dans les océans d’abord. Entre temps, notre planète, comme d’autres suite à la formation du système solaire, a été littéralement bombardée de météorites. Mais c’en est une, tombée beaucoup plus tard en 1969 en Australie, qui nous raconte la dernière histoire de cet ouvrage. Connue sous le nom de météorite de Murchison, cette chondrite carbonée contient plus de 70 acides aminés différents. Elle doit sa célébrité aux quelques-uns que l’on retrouve dans ? Les protéines, si précieuses aux organismes vivants ! Cerise sur le gâteau, elle contient des bases azotées dont l’uracile et la xanthine, molécules en relation avec la structure de l’ADN et l’ARN (les informations génétiques qui font la particularité de chaque espèce animale et végétale). Ces fameuses bases peuvent-elles être le résultat d’une contamination terrestre ? Non répondent des chercheurs de l’Imperial College de Londres en Angleterre (Zita Martins et Mark Sephton) et de la Carnegie Institution de Washington aux États-Unis (Conel Alexander et Marilyn Fogel). Leur récente étude leur a en effet permis de mettre en évidence l’importance, dans ces molécules, d’un type de carbone lourd typiquement extraterrestre. En clair ? L’ingrédient, qui manquait sur Terre pour que naisse et s’épanouisse la vie comme vous venez de la découvrir dans « Explorations en Terre Animale », serait venu de l’ESPACE ! Peut-être un jour, la suite de ce livre regroupant les dernières découvertes faites ailleurs sur une exoplanète ? Affaire à suivre, la science ne progresse pas sans le rêve…

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INDEX

Les chiffres indiqués entre parenthèses renvoient aux chapitres correspondants.

A Abattage d’animaux (94) (113) (143) Abeilles (9) (10) (11) (60) (61) (62) Abysses (150) (164) (165) (224) Acanthasters (158) (174) Accidents de la route (18) Acidification (des océans) (158) Adaptation à la plongée (bulles) (5) ADN (250) Adoption (zoo) (91) Alcoolisme (128) Algues (166) (176) (177) Allergies (79) Alligators (26) (27) Ambre (235) Analyses biomédicales (poils) (40) Analyses génétiques (45) (88) (144) Anatomie (évolution) (226) Anchois (199) Ânes (87) (246) Anoxie (fonds marins) (225) Antibiotiques (source des) (27) (52) Apiculture (problèmes rencontrés) (60) Appétit (102) (236) Apprentissage (babillement) (29) Aquariophilie (172) (173)

Arachnophobie (20) Araignées (14) (28) (62) (227) Architecture (écosystème) (99) Architecture (toile d’araignée) (14) Arowana (121) Asticothérapie (52) Attaques (de requins) (183)

B Babouins (104) Baleines (165) (209) (233) Baleines à bosse (209) Banquise (fonte de la) (49) Baryonyx (217) Bélugas (199) (206) Bends (décompression) (233) Bénitiers géants (148) Bernard l’ermite (152) Bibelots (animaux séchés) (67) Biocarburants (méfaits sur l’environnement) (132) (166) Biodiversité (10) (50) (95) (145) (219) Biofertilisants (46) Biogaz (46) Biomasse (1)

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Blattes (53) (54) Boto (44) Bourdons (61) Braconnage (109) (110) (111) (112) (113) (129) (136) (137) (194) (195) Bras (162) Buféo (45) Buffles (83) (115)

C Cachalots (165) (201) (208) Cacophonie sous-marine (155) (170) Calmar géant (69) (164) Caméléons (100) Camouflage (technique de) (100) Cannibalisme (175) Captivité (aquarium) (184) Capybara (243) Caribous (42) Catastrophes naturelles (118) Céphalopodes (69) (162) (163) (165) Cerveau (intelligence) (51) Chant (apparition) (169) Charençons rouges (59) Chasse (cétacés) (209) (210) Chasse (réglementation) (196) Chasse (technique) (223) Chasseurs écobiologiques (35) Chats (39) (120) (199) Chauves-souris (33) (34) (35) (36) (77) (103) (239) Chevaux (88) (247) Chiens (38) (39) (79) (80) (81) (115) (130) (131) Chikungunya (57)

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Chimpanzés (89) (106) (107) Chytride (champignon) (19) Ciguatera (cyanobactéries) (177) Clonage (131) (154) Collaboration (animaux-végétaux) (97) Collision (en bateau) (181) Comportement animal (perturbé) (92) Concombres de mer (153) Conflit (Homme-animal) (73) (82) (91) Contamination Hommes-singes (105) Coquillages (148) (149) (151) (158) (199) (225) Coussins de belle-mère (158) (174) Coyotes (41) Crapaud buffle (140) Crème solaire (dans l’eau) (160) Crochets à venin (évolution) (231) Crocodiles (66) (102) (140) (232) Croissance accélérée (214) Crustacés (150) (151) (152) (186) Cycle parasitaire (8)

D Dauphin à aileron retroussé (203) Dauphins (44) (45) (198) (199) (200) (201) (202) (203) (205) (206) Dauphins bleus et blancs (202) DDT (192) Déchets (impacts sur l’environnement) (75) (83) (191) Découverte en forêt (109) (110) Déforestation (3) (4) (15) (123) (132) (136) (137) (191)

Index

Dendoctrones (4) Dengue (116) Dents (230) (231) (244) Déplacements (organes) (26) Déplacements (rapidité) (204) Dérive des continents (216) Dermeste (215) Diabète (insuline) (65) Diables de Tasmanie (141) Dinosaures (211) (212) (213) (214) (215) (216) (217) (218) (219) Dioxines (83) Diprotodon (245) Disparition (chasse) (194) Disparition (mammouths) (248) Dispersion des graines (forêts tropicales) (15) Dragons de Komodo (24) (120)

E Eau (112) (114) (115) (123) (125) Ébola (103) (109) Éboueurs de la nature (équarrissage) (73) (127) Échange de gènes (bactéries) (74) Échinodermes (153) (154) (155) (156) (157) (158) (186) Écureuils (37) (76) Effet de dilution (maladies infectieuses) (32) Électroréception (nouvel alliage) (188) Éléphants (97) (99) (112) (113) (114) (135) (244) Élevage intensif (volailles) (74) Élevages bovins (84) Embryon fossilisé (228)

Épidémie (syndrome du nez blanc) (34) Éponges (146) Équilibre (119) Espace (voyage dans l’) (54) Espèces en surnombre (143) Espèces invasives (11) (23) (41) (55) (59) (62) (71) (76) (140) (173) Essais nucléaires (161) Eucalyptus (toxicité de l’) (142) Exploration pétrolière (200) (206) Extinction d’espèces (ânes) (87)

F Famille (dinosaures) (219) Fermes aquacoles (168) (179) Filière biologique (agriculture) (85) Flatulences (bovines) (86) (143) Fleurs (disparition des) (61) Fongicide naturel (capsaïcine) (6) Fossile vivant (227) Fossiles abîmés (215) Fourmis (7) (8) (55) (97) Frelons (62) Friction (du dos) (47)

G Gardes du corps (progéniture) (117) Gavials (125) Geckos (99) (119) Géophagie (36) (106) Gigantisme (122) (164) Girafes (97) Glands de mer (151) Globicéphales (204) Gorilles (108) (109)

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Explorations en Terre Animale

Gourmandise (75) Grenouilles (18) (19) (65) (98) (123) (140) (237) Griffes (défense) (98) Grippe aviaire (126) Guêpes (12) (13) (117) (138)

H Habitat naturel (destruction) (49) (87) (123) (124) (132) (137) (197) Hadrosaures (214) (218) Hémorragies (77) (103) Hérissons (18) (75) Herpétophobie (20) Hibernation (90) (180) Hippocampes (67) Hippopotames (110) Huîtres (149)

I Icebergs (156) Infarctus (cœur) (39) Insalubrité (56) Insectes aquatiques (5) Insectes cachés (235)

J Jouets (43)

K Kangourous (143) (242) Kiore (241) Koalas (142) Krill (150) (210)

210

L Labres nettoyeurs (178) Lait (qualité du) (83) (85) Lamantins (197) (244) Leishmaniose (81) Limules (227) Lions (115) Locomotion (bonds) (242) Lombricompostage (64) Longévité (2) (51) (146) Loups (82) Loutres (195)

M Macaques rhésus (43) Maladies vectorielles (57) Mammouths (248) (249) Manchot royal (193) Manchots d’Adélie (192) Mangroves (197) Marsupiaux (141) (142) (143) (242) (245) Médecine naturelle (36) (106) (133) Médecine traditionnelle asiatique (67) (124) (129) (136) (137) Médicaments (développement de) (16) (27) (52) (65) (78) (153) Médicaments (méfaits sur l’environnement) (16) (127) Médicaments (résistance aux) (96) Méduses (147) Mégalodon (230) Mégaptères (209) Megaraptor (216) Mélanome (cancer) (88) Mémoire (58) (112)

Index

Mer d’Aral (retour) (167) Mercure (28) (40) Métaux lourds (125) Météorites (250) Méthane (46) (86) Migrations (3) (190) Moeritherium (244) Momies (précolombiennes) (234) Momification (dinosaure) (218) Morsure (mollesse) (120) Morsures (cancer) (141) Morsures (venin) (22) Mouches (2) (51) (52) (84) Moustiques (32) (57) (96) (116) Myéline (apparition de la) (229)

N Narvals (205) Nouvelle-Zélande (histoire) (241)

O Obésité (38) Œufs (communication) (66) OGM (rhume) (78) Oiseaux (28) (29) (30) (31) (32) (70) (71) (72) (73) (74) (126) (127) (192) (193) (221) (223) Ophidiophobie (20) Ophiures (157) Orangs-outans (132) (133) Ornithorynque (144) Orques (205) (207) Ostracodermes (229) Ouïe (cochlée) (101) Ours (47) (48) (49) (90) (91) (92) (94)

Ours blancs (49) (93) (94) Oursins (154) (155)

P Palmiers (destruction des) (59) Paludisme (96) (106) (192) Pandas géants (134) Pandas roux (91) Pandémie (126) Pangolins (129) Paons (72) Papillons (3) (58) (59) Parade nuptiale (17) (44) (62) (72) Parasites (1) (8) (56) (60) (96) (199) Parfums floraux perturbés (9) Parkinson (implants) (153) Partenaire sexuel (choix du) (30) Partenaire sexuel (testostérone) (31) Paternité (104) PCB (68) Pêche (griffes) (217) Personnalité (des invertébrés) (152) Phoque moine (194) Phoques (196) Piment (6) Piqûres d’hyménoptères (13) Placodermes (228) (229) Plastination (technique) (69) Pliosaures (220) Plongée (5) (233) Poissons (15) (16) (17) (67) (68) (121) (122) (167) (168) (169) (170) (171) (172) (173) (175) (176) (177) (178) (181) (182) (183) (186) (228) (229) Poissons-clowns (172)

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Explorations en Terre Animale

Poissons-crapauds (169) Poissons-lapins (176) Poissons-papillons (174) Polluants persistants organiques (POP) (141) Pollution (POP) (141) Pollution aquatique (16) (26) (28) (40) (68) (125) (158) (160) (161) (165) (197) Pollution atmosphérique (9) (46) Pollution sonore (200) Poulets (74) Poulpe (162) (163) Pouvoirs (chance) (121) Poux (168) (234) Précocité (maturité sexuelle) (211) Prix (rareté) (121) Prothèse (queue) (198) Ptérosaures (221) (222) (223) Ptilocerque de Low (128) Puissance (morsures) (230) Punaises (56) Pyralènes (68)

R Raie manta (182) Raies (122) (181) (182) Raies léopards (181) Rascasses volantes (173) Rat du Pacifique (241) Recensement (145) (209) Réchauffement climatique (4) (19) (42) (46) (49) (57) (86) (94) (112) (115) (139) (142) (147) (149) (156) (158) (159) (171) (172)

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(174) (176) (177) (186) (193) (205) (210) (236) Récifs coralliens (148) (158) (159) (160) (161) (172) (173) (174) (177) (224) Réconfort (embrassades) (89) Relations sexuelles (107) (108) Reproduction asexuée (reptiles) (24) Requins baleines (189) Requins blancs (183) (184) Requins bouledogues (183) (185) Requins tigres (183) Réservoir naturel (maladies) (77) Respiration (sans poumons) (123) Rhinocéros (111) (136) Robots (développement des) (53) Rongeur (ancêtre) (244)

S Santé (biodiversité) (50) Saumons (168) Sauvetage en mer (201) Scanner (mammouths) (249) Séisme (134) Sépultures (avec ânes) (246) Sépultures (avec chevaux) (247) Serpents (20) (21) (22) (23) (101) (231) Shark-feeding (185) Shark-finning (187) (189) Singes (43) (89) (104) (105) (106) (107) (108) (109) (132) (133) Sixième sens (118) Sol (ingénieurs du) (64) Solitude (lutte contre la) (80) Sommeil (en mer) (208)

Index

Sonar (utilisation) (239) Souris (78) Sphénodons (139) Starisation (92) Stratégie d’intimidation (12) Stratégie de survie (faire le mort) (7) Stress (37) Surexploitation des ressources marines (147) (148) (150) (176) (179) (187) (188) (189) (194) (209) (210) Système immunitaire (l’entretenir) (70) (79)

T Taille (serpents) (21) Tétrapodes (240) Thons rouges (179) Tigres (137) Tiques (115) Tortue luth (190) Tortues (124) (147) (190)

Tortues géantes des Galapagos (25) Toxoplasmose (en milieu marin) (199) Triceratops (213) Tromperie (amour) (138) (163) Tyrannosaure (211) (230)

U Ultrasons (écholocation) (33) (239)

V Vaccins (essais de) (81) Vaches (46) (84) (85) (86) Vautours (73) (127) Vers de terre (64) Virus (32) (57) (76) (77) (78) (84) (103) (105) (115) (126) (202) Viviparité (requins) (228) Vol (nourriture) (48) Volcans (éruption) (25) (225)

Z Zones mortes (multiplication des) (166)

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