Gerer les Territoires, les Patrimoines et les Crises. le Quotidien Mu Nicipal II 2845166141, 9782845166141

Ce livre est né des résultats du colloque international éponyme qui s'est tenu du 20 au 22 octobre 2011, co-organis

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Gerer les Territoires, les Patrimoines et les Crises. le Quotidien Mu Nicipal II
 2845166141, 9782845166141

Table of contents :
Les Auteurs
Introduction
1-Prolégomènes : les facettes d’une gestion locale
PARTIE I - Gérer les territoires
Section 1 - Les territoires civiques : éléments de définition
2 - Cités et territoire : la question des relations
3 - Critères de délimitation du territoire des cités gallo-romaines : les exemples de Vienne et de Die
4 - La gestion du réseau routier dans les cités arverne et vellave à l’époque romaine : approches archéologique et épigraphique
5 - Organisation et gestion des lieux de culte au sein des territoires arverne et lémovice
6 - Le valli di Trebbia e di Nure nella Tabula Alimentaria veleiate: geomorfologia e uso del suolo
Section 2 - Stratégies de gestion des territoires et réactions aux interventions du pouvoir romain
7 - Conquête, appropriation et gestion d’un territoire : le cas des colonies républicaines
8 - Les distributions viritanes de 173 av . J.-C. dans l’ager Ligustinus et Gallicus
9 - Les vectigales des cités et la Correspondance de Cicéron : recherches sur un aspect des ressources des cités d’Arpinum et d’Atella
10 - Controverses territoriales et stratégies impériales. Territoire et ressources économiques de Sparte sous l’Empire
11 - Controversia confinaria da Luceria
PARTIE II - Gérer les pa trimoines civiques
Section 1 - Les caractères structurels des finances civiques
12 - L’invisible aerarium des cités italiennes
13 - Un montage entre finances publiques et associatives au IIe siècle : à propos de l’organisation des ludi seuirales à Nîmes (AE, 1982, 680)
14 - Les cités de l’empire prêtaient-elles de l’argent à intérêt ?
Section 2 - Les difficultés de l’administration des fonds et des patrimoines civiques
15 - La gestión financiera municipal. Entre el control, el dispendio y la necesidad
16 - Gestire il territorio per gestire il pa trimonio per gestire le crisi (e il potere)
17 - Prévenir et guérir les embarras du forum :l’Aequitas
18 - Bâtiments publics inachevés : crises et solutions
PARTIE III - Gérer “les crises” : un “enjeu à la portée des cités” ?
Section 1 - Questions de méthode : la “crise” au prisme des sources archéologiques et épigraphiques
19 - Il riuso dei monumenti pubblici a Luna: segnale di crisi o razionalizzazione di spa zi interni?
20 - Riflessi epigrafici della crisi (III-IV d.C.) nelle regioni dell’Italia medio-adriatica
21 - Nola: vicende sociali e istituzionali di una colonia romana da Silla alla tetrarchia
22 - La crisi di Heraclea di Lucania e l’epigrafia
23 - Évergésies, constructions monumentales et élites locales aux IIIe et IVe siècles dans les cités des Trois Gaules, des Germanies et de la Bretagne
Section 2 - Guerres de conquêteet guerres civiles
24 - Les partis pro-romains en Grèce occidentale dans la première moitié du IIe siècle av . J.-C. ou comment Rome a géré son expansion en Grèce occidentale
25 - Crisis políticas en los núcleos de Occidente durante la época de la expansión romana (ámbitos hispano y galo)
26 - La “crise” des institutions gauloises à l’époque de César. Bilan historiographique (France)
27 - From Pompeii to Ameria: patrimonies and institutions in the age of Sulla
28 - Les crises politiques urbaines et leur gestion locale à la fin de la République entre 89 et 31 av . J.-C.
Section 3 - La peste antonine et ses conséquences
29 - “Il avertissait les cités de se méfier des pestes, des incendies, des tremblements de terre”. Crises militaire, frumentaire et sanitaire : les cités de l’Occident au temps de la peste antonine
30 - Gestire una crisi a Iulia Concordia: aspetti finanziari, giuridici e politici
Section 4 - La “crise du IIIe siècle”
31 - La crisi e i grandi santuari del Latium vetus: qualche riflessione dalla documentazione epigrafica
32 - Composición interna de las curias locales y reclutamiento de decuriones en los siglos II y III d.c. en las ciudades del Occidente romano: ¿crisis o continuidad?
33 - Une communauté civique face à la crise : la civitas Aeduorum dans la seconde moitié du IIIe siècle apr. J.-C. (approches archéologique et historique)
Synthèse – Chronique des trava ux et discussions
34 - Conclusions
35 - Chronique des travaux et discussions
Indices
36 - Index institutionnel
37 - Index onomastique
38 - Index des divinitéset des sacerdotes
39 - Index des peupleset habitants de cité
40 - Index géographique
Table des illustrations
Table des Matières
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e livre est né des résultats du colloque international éponyme qui s’est tenu du 20 au 22 octobre 2011, co-organisé par l’UMR 8210 ANHIMA du CNRS et le Centre d’Histoire “Espaces et Cultures” de l’Université Blaise-Pascal, sous la direction de Clara Berrendonner, Mireille Cébeillac-Gervasoni et Laurent Lamoine. Dans la suite logique des recherches du Quotidien municipal dans l’Occident romain, il s’agissait de répondre à une double interrogation : les autorités locales, dans le monde romain, disposaient-elles des instruments et des compétences nécessaires pour affronter les problèmes récurrents de l’administration municipale et étaient-elles en mesure de réunir les informations indispensables à l’analyse d’une situation et d’anticiper les difficultés ? Pouvait-on à l’échelle des communautés locales surmonter des difficultés aiguës ? Cette question a amené à enquêter sur le concept controversé de crise et à cibler les recherches sur certaines périodes qui permettaient d’interroger cette problématique.

C o l l e c t i o n

H i s t o i r e s

S o u s l a d i re c t i o n d e L a u re n t L a m o i n e , C l a ra B e r re n d o n n e r e t M i re i l l e C é b e i l l a c - G e r v a s o n i

LES PATRIMOINES ET LES CRISES

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GÉRER LES TERRITOIRES,

CHEC Gérere les territoires…_Mise en page 1 31/01/13 16:38 Page1

c r o i s é e s

C o l l e c t i o n

Ce livre s’inscrit dans une série d’ouvrages consacrés soit aux élites locales,

seule ou avec la collaboration de Clara Berrendonner et de Laurent Lamoine.

Les Élites et leurs facettes. Les élites locales dans le monde hellénistique et romain (2003), Autocélébration des élites locales dans le monde romain. Contexte, images, textes (2004), Le Quotidien municipal dans l’Occident romain (2008), Le Praxis municipale dans l’Occident romain (2010).

S o u s l a d i re c t i o n d e L a u re n t L a m o i n e , C l a ra B e r re n d o n n e r e t M i re i l l e C é b e i l l a c - G e r v a s o n i

soit au gouvernement des cités, qui ont été publiés par Mireille Cébeillac-Gervasoni,

H i s t o i re s

GÉRER LES TERRITOIRES, LES PATRIMOINES ET LES CRISES LE QUOTIDIEN MUNICIPAL II

ISBN 978-2-84516-614-1/PRIX 35 €

c r o i s é e s

Presses Universitaires Blaise-Pascal

C

e livre est né des résultats du colloque international éponyme qui s’est tenu du 20 au 22 octobre 2011, co-organisé par l’UMR 8210 ANHIMA du CNRS et le Centre d’Histoire “Espaces et Cultures” de l’Université Blaise-Pascal, sous la direction de Clara Berrendonner, Mireille Cébeillac-Gervasoni et Laurent Lamoine. Dans la suite logique des recherches du Quotidien municipal dans l’Occident romain, il s’agissait de répondre à une double interrogation : les autorités locales, dans le monde romain, disposaient-elles des instruments et des compétences nécessaires pour affronter les problèmes récurrents de l’administration municipale et étaient-elles en mesure de réunir les informations indispensables à l’analyse d’une situation et d’anticiper les difficultés ? Pouvait-on à l’échelle des communautés locales surmonter des difficultés aiguës ? Cette question a amené à enquêter sur le concept controversé de crise et à cibler les recherches sur certaines périodes qui permettaient d’interroger cette problématique.

C o l l e c t i o n

H i s t o i r e s

c r o i s é e s

Ce livre s’inscrit dans une série d’ouvrages consacrés soit aux élites locales, soit au gouvernement des cités, qui ont été publiés par Mireille Cébeillac-Gervasoni, seule ou avec la collaboration de Clara Berrendonner et de Laurent Lamoine. Les Élites et leurs facettes. Les élites locales dans le monde hellénistique et romain (2003), Autocélébration des élites locales dans le monde romain. Contexte, images, textes (2004), Le Quotidien municipal dans l’Occident romain (2008), Le Praxis municipale dans l’Occident romain (2010).

ISBN 978-2-84516-615-8 PRIX 24,00 € ISBN 978-2-84516-614-1/PRIX 35 €

 Gérer

  les territoires,   les patrimoines et les crises Le Quotidien municipal II

© Collection “Histoires croisées” publiée par le Centre d’Histoire “Espaces et Cultures” (CHEC), Clermont-Ferrand. Illustration de couverture : gravure extraite de Les plus beaux monuments de Rome ancienne, par Monsieur Barrault, 1761 © aimablement prêtée par Tanca Antichità, Rome Vignette : Charles Garnier, Peinture du portique du Macellum sur le forum de Pompéi, juin 1851 (gouache et aquarelle : détail) © École Nationale Supérieure des Beaux-Arts ISBN (version papier) : 978-2-84516-614-1 ISBN (pdf) : 978-2-84516-615-8 Dépôt légal : quatrième trimestre 2012

S o u s la l a direction d i re c t i o n de de Sous Laurent L a u re n t Lamoine, L a m o i n e , Clara C l a ra Berrendonner B e r re n d o n n e r et e t Mireille M i re i l l e Cébeillac-Gervasoni Cébeillac-Gervasoni

H i s t o i r e s cc rr oo i ss éé ee ss CC o l l ee cc t ii oo nn H

ÉRER  Gérer

  lLES es TERRITOIRES territoires,   lLES es PATRIMOINES patrimoines et crises ET les LES CRISES LEe QUOTIDIEN uotidien MUNICIPAL municipal II

Publié avec le concours de l'UMR 8210 ANHIMA 2 0 1 Blaise-Pascal 2 Presses Universitaires Presses Universitaires Blaise-Pascal

Les Auteurs ABERSON Michel, Universités de Lausanne et de Genève (Suisse) ANDREAU Jean, École des Hautes Études en Sciences Sociales, Paris ANTOLINI Simona, Università di Roma “Tor Vergata” BERRENDONNER Clara, Université Paris I Panthéon-Sorbonne – ANHIMA, CNRS - UMR 8210 BERTRAND Audrey, École française de Rome BRANCHESI Fabiola, Università di Macerata CABANES Pierre, Université Paris-Ouest-Nanterre-La Défense CAMODECA Giuseppe, Università di Napoli “L’Orientale” CÉBEILLAC-GERVASONI Mireille, ANHIMA, CNRS - UMR 8210 CHAUSSON François, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, ANHIMA, CNRS - UMR 8210 CHELOTTI Marcella, Università degli Studi “Aldo Moro“ di Bari CHRISTOL Michel, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, ANHIMA, CNRS - UMR 8210 CRESCI MARRONE Giovannella, Università ”Ca’ Foscari” di Venezia DACKO Marion, Université Blaise-Pascal (Clermont II) – CHEC DALL’AGLIO Pier Luigi, Dipartimento di Archeologia dell’Università di Bologna DENIAUX Élisabeth, Université de Paris-Ouest-Nanterre-La Défense FRANCESCHELLI Carlotta, Université Blaise-Pascal (Clermont II) – CHEC GARCÍA RIAZA Enrique, Universidad de Las Islas Baleares GRANINO CECERE Maria Grazia, Università di Siena HOSTEIN Antony, Université Paris I Panthéon-Sorbonne – ANHIMA, CNRS - UMR 8210 HUFSCHMID Thomas, Theaterprojekt Augusta Raurica. Site et Musée romains d’Avenches KASPRZYK Michel, ARTEHIS, CNRS - UMR 6298 LAMOINE Laurent, Université Blaise-Pascal (Clermont II) – CHEC LE ROUX Patrick, Université Paris XIII LUCIANI Franco, Università ”Ca’ Foscari” di Venezia MARCHETTI Giuseppe, Dipartimento di Scienza della Terra dell’Università di Pavia MARENGO Silvia Maria, Università di Macerata MELCHOR GIL Enrique, Universidad de Córdoba MENNELLA Giovanni, Università di Genova – DIRAAS MITTON Claire, Archéologue responsable d’opération (HADES) et Université Blaise-Pascal (Clermont II) – CHEC PICHON Blaise, Université Blaise-Pascal (Clermont II) – CHEC PISTELLATO Antonio, Università ”Ca’ Foscari” di Venezia RÉMY Bernard, Université Pierre-Mendès-France (Grenoble) – CRHIPA RIZAKIS Athanase D., FNRS, Athènes RODRÍGUEZ NEILA Juan Francisco, Universidad de Córdoba ROSSIGNOL Benoît, Université Paris I Panthéon-Sorbonne – ANHIMA, CNRS - UMR 8210 SANTANGELO Federico, Newcastle University SARTORI Antonio, Università degli Studi di Milano SILVESTRINI Marina, Università degli Studi “Aldo Moro“ di Bari TRAN Nicolas, Université de Poitiers

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Introduction

1

Prolégomènes : les facettes d’une gestion locale Laurent Lamoine, Clara Berrendonner et Mireille Cébeillac-Gervasoni

D 

epuis 2002, des chercheurs rattachés à l’UMR 8585 du CNRS (Centre Gustave-Glotz, Paris), devenue, au 1er janvier 2010, UMR 8210 ANHIMA (ANthropologie et HIstoire des Mondes Anciens) et au CHEC (Centre d’Histoire “Espaces et Cultures”, Clermont-Ferrand) collaborent à une enquête consacrée au fonctionnement institutionnel des cités de l’Italie et de l’Occident romain (iie siècle av. J.-C.-ive siècle apr. J.-C.). Dans le cadre des programmes “Le quotidien institutionnel des cités de l’Occident romain”1 et “Les pouvoirs locaux depuis l’Antiquité romaine”2, une équipe internationale d’une soixantaine de chercheurs, anglais, espagnols, finlandais, français, grecs et italiens, a été constituée afin de collecter systématiquement dans les sources épigraphiques et littéraires antiques toutes les traces d’activités des instances institutionnelles locales (magistrats et prêtres publics, personnels administratifs, sénats et conseils des décurions, assemblées populaires). Les dépouillements effectués ont permis d’approfondir l’analyse de la “culture épigraphique” civique. Il s'agissait de retrouver tout d'abord les règles qui régissaient la commémoration épigraphique et conditionnaient donc la représentativité, la typologie et le contenu des textes qui nous sont parvenus, puis la chronologie des formulaires et les variations régionales 1. Programme

ANHIMA, sous la direction de Clara Berrendonner (Maître de conférences, Université Paris I Panthéon-Sorbonne) et de Mireille Cébeillac-Gervasoni (directeur de recherches émérite au CNRS). 2. Programme CHEC, sous la direction de Mireille Cébeillac-Gervasoni et de Laurent Lamoine (Maître de conférences, Université Blaise-Pascal).

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Laurent Lamoine, Clara Berrendonner et Mireille Cébeillac-Gervasoni

de ces phénomènes. Il fallait aussi préciser, à partir d’une documentation désormais exhaustive, les compétences respectives des diverses instances institutionnelles, les relations qu’elles entretenaient (sur le plan entre autres de la coopération, des conflits et du contrôle réciproque), les rouages des procédures administratives, les écarts entre les normes et les pratiques, les évolutions chronologiques, depuis la République jusqu’aux débuts de l’Antiquité tardive. Les résultats de ces travaux, qui ont été présentés chaque année, dans le cadre de journées d’études ou de colloques organisés alternativement à Paris et Clermont-Ferrand, ont été publiés dans des revues3 ainsi que dans deux volumes4.

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La progression de notre réflexion nous a amenés à envisager divers domaines de la gestion locale, sur lesquels ont porté les recherches des participants au colloque dont on trouvera dans ce volume les contributions. Dans le recueil d’études que nous proposons ici, l’analyse des stratégies de la gestion quotidienne s’est focalisée sur deux points, les territoires civiques et les fonds publics. Alors qu’on a souvent tendance à définir les communautés antiques comme la juxtaposition d’un noyau urbain à fonction centrale et d’un ager dont les limites pourraient être tracées notamment grâce à la présence des sanctuaires de confins, les travaux de Yann Thomas ont souligné qu’une cité se définissait avant tout comme un corps civique et juridiquement comme une uniuersitas5. Le territoire d’une cité, par conséquent, doit être compris comme l’espace correspondant à la sphère de compétence des magistrats locaux, notamment en matière juridictionnelle, mais aussi comme une unité fiscale, sur laquelle étaient prélevés les uectigalia de la communauté. À cet égard, le vocabulaire d’un document exceptionnel comme la Table alimentaire de Véleia montre l’existence d’une typologie antique des espaces naturels et productifs. La bonne gestion de l’ager de la cité s’appuyait donc sur les tournées d’inspection des magistrats, dont font d’ailleurs état le chapitre 76 de la lex Irnitana ou des documents d’Hermopoulis, et sur la désignation de responsables chargés d’assurer les rentrées fiscales des “terres attribuées”, en dépit de leur éloignement géographique. Les revenus en numéraire des cités confluaient ensuite vers les caisses publiques : 3. M. Cébeillac-Gervasoni

(dir.), “Le quotidien institutionnel des cités”, Cahiers du Centre Gustave-Glotz [CCGC], XIV, 2003, p. 97-225 ; Ead. (dir.), “Le quotidien institutionnel des cités : expressions du pouvoir et contrôle de l’espace public”, CCGC, XVII, 2006, p. 79-211 ; C. Berrendonner (dir.), “Le quotidien institutionnel des cités municipales de l’empire romain d’Occident”, Mélanges de l’École française de Rome - Antiquité [MEFRA], 117/2, 2005, p. 433-584 ; M. Christol (dir.), “Le quotidien institutionnel des cités de l’Occident : des résultats prometteurs”, MEFRA, 119/2, 2007, p. 345-443 et M. Cébeillac-Gervasoni (dir.), “Textes juridiques et quotidien du fonctionnement institutionnel des cités municipales, regards croisés de juristes et d’historiens”, MEFRA, 122/1, 2010, p. 5-50. 4. Le quotidien municipal dans l’Occident romain, Clermont-Ferrand, 2008 et La praxis municipale dans l’Occident romain, Clermont-Ferrand, 2011. 5. “Les juristes de l’Empire et les cités”, dans Idéologies et valeurs civiques dans le monde romain, Paris, 2002, p. 189-214.

Prolégomènes : les facettes d’une gestion locale

la pratique de prêter ces fonds à intérêts illustre le souci des responsables locaux de faire fructifier le patrimoine civique. Plusieurs articles dus à des membres de l’équipe avaient souligné que le contrôle que les décurions exerçaient sur le domaine public des cités ne se limitait pas à l’aménagement de l’espace urbain, autrement dit à la promotion d’opérations édilitaires ou à la sélection des emplacements où les figures du pouvoir recevraient des monuments honorifiques. Il s’agissait également de faire respecter l’intégrité du territoire civique face aux possibles empiètements des particuliers, des communautés voisines et des autorités romaines : les revenus fiscaux de l’ager constituaient en effet une part essentielle des ressources de la collectivité. Le caractère structurellement précaire des finances locales, objet majeur de préoccupation pour les responsables publics, avait lui aussi été mis en évidence dans différentes contributions. La longueur des sections consacrées à la préservation du patrimoine civique, dans les règlements municipaux comme la lex Tarentina ou la lex Irnitana, en témoigne d’ailleurs amplement. Dans ce contexte, la capacité des pouvoirs publics locaux à faire face aux difficultés conjoncturelles, donc à assurer la continuité des activités de la collectivité et à mobiliser les ressources nécessaires à cette fin, devait être réexaminée. Le colloque intitulé “Gérer les territoires, les patrimoines et les crises”, qui s’est tenu du 20 au 22 octobre 2011 à la Maison des Sciences de l’Homme de ClermontFerrand, s’est par conséquent proposé de répondre à une double interrogation. Tout d’abord, les autorités locales, dans le monde romain, disposaient-elles des instruments et des compétences nécessaires pour affronter les problèmes récurrents, notamment financiers, qu’elles avaient à résoudre ? En d’autres termes, étaient-elles aptes à réunir les informations indispensables à l’analyse d’une situation, anticipaient-elles les difficultés ou se contentaient-elles d’y réagir, recourraient-elles de préférence à des solutions éprouvées ou se montraient-elles capables d’innovation, et dans l’ensemble, opéraient-elles des choix efficaces ? Par ailleurs, dans quelle mesure les phases de difficulté aiguë étaient-elles surmontables à l’échelle des communautés locales ? Toutefois, c’est globalement l’image d’une faiblesse structurelle des cités qui émerge du panorama dressé par les contributeurs. Si les registres des comptabilités publiques et les archives concernant les terres civiques garantissaient aux autorités locales une connaissance à peu près précise de leurs ressources et de leurs droits, les marges de manœuvre, en matière de gestion, s’avéraient étroites. Sur le plan financier, les postes de dépenses susceptibles de réduction étaient peu nombreux,

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Laurent Lamoine, Clara Berrendonner et Mireille Cébeillac-Gervasoni

l’idée d’accroître la pression fiscale ou de vendre les biens publics suscitait la réticence, et l’on finissait donc plus ou moins toujours par recourir à l’évergétisme. De façon plus générale, le rôle central dévolu aux notables fragilisait les collectivités publiques : les ambitions politiques personnelles s’exerçaient aux dépens des intérêts de la collectivité6 ; les détournements de fonds n’étaient pas rares ; la conservation des deniers publics par des individus qui n’exerçaient pas nécessairement des fonctions officielles rendait plus difficiles les procédures de contrôle ; la capacité des patrimoines privés à répondre aux sollicitations publiques n’était pas indéfiniment extensible. De ce point de vue, le passionnant dossier des rapports conflictuels entre les propriétaires d’un grand domaine et la cité d’Histonium illustre le caractère récurrent des problèmes affrontés par les cités et donc leur faible capacité à les résoudre. Il faut toutefois reconnaître que les interventions opérées par le pouvoir romain sur les territoires civiques, en particulier les déductions coloniales et l’implantation des voies publiques, eurent très vraisemblablement des effets déstructurants, en modifiant la hiérarchie des établissements et la gestion de la distribution de l’eau. En la matière, les autorités locales ne pouvaient guère que tenter d’affronter les conséquences des décisions prises à Rome : elles n’avaient pas prise sur elles. 14

L’intérêt porté à la colonisation romaine, dont l’extension maximale se place durant la période troublée du ier siècle avant notre ère, amenait à s’interroger sur la capacité des autorités civiques à faire face aux “crises”. Il peut paraître aventureux d’appliquer aux communautés locales un terme qui, tout en étant très largement diffusé dans les titres des publications récentes concernant l’Antiquité romaine7, a été réservé à des phases précises de l’histoire de Rome et a fait l’objet d’un débat historiographique qui a, à plusieurs reprises, mis en cause sa pertinence. Les définitions qui ont été proposées de la notion de “crise historique”8 soulignent qu’il s’agit de la rencontre entre un système et un contexte qui ne permet plus à ce système de fonctionner, ce qui provoque l’accélération brutale d’évolutions historiques jusqu’alors sous-jacentes. Une crise se caractérise donc par l’ampleur et la pluralité des changements structurels qu’elle imprime à une société ; par la conscience des contemporains de vivre des mutations majeures et généralement ressenties comme 6. Voir

l’exemple d’Arpinum en 46 av. J.-C., développé par Élisabeth Deniaux, où, dans un contexte politique et financier très délicat pour la cité, Cicéron éprouva le besoin de faire élire aux fonctions locales son fils et son neveu, âgés au plus de 18 ans (p. 115-126). 7. K.-J. Hölkeskamp et E. Müller-Luckner (éds.), Eine politische Kultur (in) der Krise?, Munich, 2009 ; A. K. Bowman, A. Cameron et P. Garnsey (éds.), The Crisis of Empire, CAH, XII, 2005 ; M.-H. Quet (éd.), La crise de l’empire romain, Paris, 2006 et O. Hekster, G. De Kleijn et D. Slootjes (éds.), Crises and the Roman Empire, Leiden - Boston, 2007. 8. Voir par exemple R. Vierhaus, “Zum Problem historischen Krisen’, dans K. G. Faber et C. Meier Hg. (éds.), Theorie der Geschichte. Historische Prozesse, II, Munich, 1978, p. 313-329.

Prolégomènes : les facettes d’une gestion locale

négatives ; par une durée limitée dans le temps ; par, enfin, le caractère ouvert et imprévisible de la “sortie de crise”. Il ne serait alors légitime de parler de crise, pour les cités du monde romain, que lorsqu’on examine les répercussions locales des transformations qui marquèrent l’empire. Qui plus est, la nature de la documentation disponible pour les communautés civiques aurait pu sembler a priori peu favorable à l’identification des manifestations de crise. Un premier ensemble de contributions s’est donc intéressé, dans une perspective méthodologique, au prisme constitué par les sources archéologiques et épigraphiques. Dans quelle mesure l’abandon des centres urbains ou des sanctuaires doit-il être interprété comme un signe de crise ? Les mutations de la culture épigraphique au seuil de l’Antiquité tardive, avec la diminution des inscriptions honorant les responsables publics locaux et des mentions d’évergésies, mettentelles en lumière un déclin de la vie publique locale ou les processus par lesquels les sociétés du temps ont construit une mémoire civique sélective, en suivant des principes que l’on peut éventuellement déceler dès les périodes antérieures ? C’est finalement peut-être le croisement d’un contexte tendu attesté à plus large échelle et du sentiment des contemporains, perceptible dans les textes comme les Panégyriques latins ou dans l’évocation par les inscriptions des difficultates temporum ou des menaces pesant sur la securitas, qui constitue le moyen d’identifier les crises locales. Jacob Burckhardt considérait que les crises authentiques, qu’il opposait aux tensions de surface, ne pouvaient être causées que par les guerres et les accidents démographiques majeurs9. Au risque d’adopter une perspective restrictive et non exempte d’imperfection10, les contributeurs, à ce stade, s’en sont tenus à ce principe, ce qui a amené à concentrer la réflexion sur trois “tournants historiques”, la période tardo-républicaine, les lendemains de la peste antonine et la fameuse “crise du iiie siècle”. Il ressort des enquêtes qui ont été menées que, face aux crises, les pouvoirs publics locaux étaient largement démunis. Ils souffraient, tout d’abord, d’un défaut d’information et d’une incapacité de prévision : la méconnaissance du phénomène de la contagion, par exemple, interdisait de réagir aux épidémies de façon efficace. La conjonction des facteurs de déstabilisation, ensuite, paraît avoir joué à plein au niveau local ; les difficultés venues de l’extérieur aiguisaient les rivalités politiques et les désordres internes et la présence des armées romaines, en 9. Weltgeschichtlichen

Betrachtungen, Stuttgart, 1905. à ce propos les remarques d’A. Giardina, L’Italia romana. Storie di un identità incompiuta, Rome-Bari, 1997, p. 231-239. 10. Voir

15

Laurent Lamoine, Clara Berrendonner et Mireille Cébeillac-Gervasoni

provoquant des destructions matérielles et en accroissant la ponction fiscale, déstabilisait les équilibres économiques régionaux. La réponse des responsables locaux semble donc le plus souvent avoir consisté à solliciter l’intervention des autorités romaines, par le biais d’ambassades ou par le recours aux patrons. Or, les mesures décidées par le pouvoir central n’étaient elles-mêmes pas d’une grande efficacité, soit qu’elles aient été prises a minima, en confiant le dossier à des agents déjà présents pour d’autres motifs dans la région, soit qu’elles aient fixé un ordre des priorités répondant davantage aux besoins du pouvoir central qu’aux exigences locales. Les sessions du colloque ont été l’occasion d’intenses discussions qui sont publiées dans ce même volume (p. 549-582). Ces débats, qui se sont poursuivis après le mois d’octobre 2011 au sein de l’équipe “Le quotidien institutionnel des cités de l’Occident romain”, ont nourri l’élaboration finale des textes et permis de réélaborer le plan du livre afin de renforcer sa cohérence.

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Le bon déroulement du colloque des 20-22 octobre 2011 a été rendu possible par le dévouement des personnels du CHEC, Catherine Songoulashvili et Bertrand Dousteyssier, respectivement secrétaire et ingénieur d’études du centre, et des étudiants de master d’histoire romaine : Hugues Chevarin et Michaël Girardin. Notre gratitude va également à Philippe Bourdin, directeur du CHEC, qui accueille une nouvelle fois dans la collection “Histoires croisées” du centre le fruit de notre travail. La publication de ce livre a été assurée par Claude Chomette, des Presses Universitaires Blaise-Pascal, fidèle compagnon d’aventure, orfèvre en la matière.

Gérer les territoires PREMIÈRE PARTIE

Les territoires civiques : éléments de définition SECTION 1

2

Cités et territoire : la question des relations

Patrick Le Roux

Résumé –

L’étude porte essentiellement sur les cités municipales et coloniales des territoires occidentaux. Une civitas y est ordinairement conçue suivant le modèle d’une cité-État, dans une per­ spective “moderniste” qui semble aller de soi. Les règlements municipaux, qui ne sont pas des constitutions, les inscriptions autorisent à aborder les questionnaires sous un angle différent. À la suite de Y. Thomas, l’attention est attirée sur l’absence de personnalité juridique des cités en matière de droit civil. La notion de souveraineté ne permet pas de comprendre ce qu’était exactement le territoire ni les modalités de son administration. L’article réexamine les opinions dominantes concernant la pratique civique. L’enjeu en est celui des logiques organisatrices des cités dans un contexte qui ne correspondait en rien à celui de l’État-nation. Mots-clés –

Cité-État - Organisation interne - Modernisme - Nation - Souveraineté.

Abstract –

The study turns mainly to municipal and colonial cities of the western part of the Roman Empire. Ordinarily, a civitas is supposed to be a city-State according to a modernist selfevident viewpoint. Municipal rules that were not modern constitutions and inscriptions allow a different approach of the issue. Following Y. Thomas, attention is drawn to the lack of a definition of the cities regarding civil law. Sovereignty is a recent concept unable to explain how worked local administration. The article reexamines prevailing views about practice in cities which were unfamiliar with a modern national State. Keywprds –

City-State - Internal Setup - Modernism - Nation - Sovereignty.

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es cités du monde romain, on le sait, étaient très diverses par leurs origines et leur histoire, par leur statut, les dimensions et les ressources de leurs territoires. Le principe constitutif de leur identité civique était devenu universel sous l’Empire romain : une communauté capable de se gouverner à l’échelon local et jouissant d’une autonomie relative définissant la cité comme interlocuteur de Rome dans le cadre d’un type de relation bilatérale apaisée. Il ne pouvait être question d’indépendance ni de coalition avec des communautés voisines : ni levée d’impôt ou tribut, ni recrutement de soldats, ni traités avec des États étrangers n’étaient autorisés. Le territoire des cités n’était pas doté de frontières mais de limites. Une cité pouvait être déclassée et être attribuée à une autre ou même être réduite à l’état de village1. Les formes de contrôle et de gouvernement, les moyens d’intervention et de coercition de la cité sur l’étendue de son territorium constituent toujours des quaestiones vexatae 2. En laissant de côté le monde des cités grecques et gréco-orientales dont la complexité du dossier nous entraînerait beaucoup trop loin, il convient de souligner que dans les provinces occidentales et en Italie la matière est également difficile à maîtriser : l’Afrique n’est pas la péninsule Ibérique qui n’est elle-même pas les Gaules ni les Germanies. D’apparents particularismes, lus comme des faits aisément interprétables, accréditent l’idée de constructions différentes, élaborées sur la base d’un passé institutionnel et politique indépassable et “résistant” au meilleur sens du terme. On le sait, l’organisation interne des territoires des cités, les “subdivisions” éventuelles, sont au centre des réflexions : le vicus, le pagus, le castellum, les agglomérations autres que le chef-lieu, le statut des habitants des campagnes, l’ordre public forment un éventail d’interrogations récurrentes dont les synthèses ont du mal à venir à bout3. Sur le plan des méthodes, la conciliation malaisée du discours archéologique et du discours épigraphique complique la lecture globale. La réflexion présentée ici voudrait réexaminer les schémas implicites qui président aux discussions et à la lecture de la documentation. Selon cette orientation, il conviendrait de préciser ce que pouvaient être dans la pratique les relations entre la cité et son territoire, indépendamment de tout modèle théorique ou préconçu et de cas exceptionnels toujours difficiles à mesurer. La démarche ouvre sur des explorations nouvelles à entreprendre pour une compréhension historiquement réévaluée du gouvernement local et de ses limites institutionnelles.

1. Voir

le cas souvent cité d’Orcistus de Phrygie : CIL, III, 7000 = ILS, 6091 (sous Constantin) ; voir A. Chastagnol, “L’inscription constantinienne d’Orcistus”, dans Id., Aspects de l’Antiquité tardive, A. Fraschetti et A. Giardina éds., Rome, 1994, p. 105-141 = MEFR Antiquité, 93, 1981, p. 381-416. 2. La notion de “territoire” est discutable car c’est ager ou fines qui est le plus souvent utilisé dans l’Antiquité romaine en dehors des textes juridiques relativement tardifs. On sait aussi que limes indique un “chemin”, un passage dans une zone forestière et ne se rapporte pas à une frontière même s’il est limitrophe de l’empire. 3. En dernier lieu, P. Le Roux, “Le pagus dans la péninsule Ibérique”, Chiron, 39, 2009, p. 19-44.

Cités et territoire : la question des relations

Des relations peu formalisées Malgré les apparences, les “lois” n’étaient pas des “constitutions” et leur contenu ne visait pas à établir formellement ni positivement les règles collectives d’un fonctionnement idéal des institutions locales. Cette observation ne veut pas dire que ces “lois” n’étaient que la mise bout à bout de dispositions empruntées à des règlements hétérogènes4. L’idée de rédaction unifiée incluant des éléments tralatices mais visant à clarifier les règles et les sanctions, sans éviter les contradictions ou les inconséquences, s’accorde sans doute mieux avec l’esprit des dirigeants de la fin de la République et du début de l’Empire. Le mode normal est l’impératif, celui de l’ordre ou de l’interdiction, ce qui ne laisse guère de choix à l’interprétation ni au recul. Il convient seulement de préciser que les attendus et “chapitres” placés en tête de la “loi” demeurent inconnus en raison de l’état incomplet des textes conservés et malgré la sauvegarde d’environ trois quarts du règlement municipal flavien. Il n’en reste pas moins que les dispositions sont successives et non ordonnées ou structurées en fonction de la cohérence supposée des institutions et des relations entre les différentes instances civiques. Contrairement à ce que j’avais pu penser il y a plus de vingt ans, j’estime aujourd’hui que l’ordre des matières abordées est empirique et non hiérarchisé et correspond à une forme de logique réaliste5. La définition des citoyens et l’admission dans la cité locale, les gouvernants et leur mode de désignation, les questions financières et ce qui les concerne directement, l’exercice de la justice et les règles à observer. La loi coloniaire d’Vrso n’obéit pas, toutefois, à un plan vraiment équivalent et insiste en outre davantage sur la dimension relative aux cultes et aux fêtes religieuses qui n’existe que succinctement ou en filigrane à Irni. Il semble que la structure du texte fasse une place, à vrai dire minime dans chaque cas, à la distinction entre l’urbain et ce qui relève du territoire6. Les nouveaux fragments d’Vrso viennent de contredire l’hypothèse de T. Mommsen selon laquelle la colonie, sur le modèle de Rome, aurait eu pour unités de vote des tribus7. Il s’avère que, comme à Málaga, ce sont des curies dotées de noms propres et au nombre de vingt-quatre (onze dans le municipe) qui accueillent les citoyens électeurs. L’absence de référence territoriale découle de l’emploi du superlatif aequissumus (chap. 15), lequel oriente vers une répartition équitable des personnes dans chaque unité curiale, ce qui n’excluait pas obligatoirement certaines 4. Cf. M. Crawford et al., Roman Statutes, vol. I et II, Londres, 1996 ; aussi AE, 1986, 333 (= lex Irnitana, d’après

J. González, M. Crawford, JRS, 66, 1986, p. 147-243). 5. P. Le Roux, “Le juge et le citoyen”, CCG, 2, 1991, p. 110-111. Sans doute la compétence municipale est-elle celle d’une justice “inférieure”. Cela ne signifie pas que cette infériorité doive être reportée sur la justice elle-même comme moyen, y compris local, de régulation administrative et sociale. 6. Sans doute parce qu’elle était inhérente à la cité, ce qu’attestent les textes juridiques, et ne soulevait aucune question particulière. 7. A. Caballos Rufino, El nuevo bronce de Osuna y la política colonizadora de Roma, Séville, 2006, principalement p. 105-160 (= AE, 2006, 645 avec une traduction complétée).

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restrictions visant l’une ou l’autre des curies. De la même manière, il est notable que des dispositions soient prises pour l’occupation de l’espace urbain clairement délimité par le sillon fondateur tracé cum aratro (chap. 14 et 73)8. Il est écrit que le décurion ne peut pas y posséder une maison inférieure à 600 tuiles et le colon à 300 (chap. 14) : les tegulae mesurent la taille de l’habitation et la disposition entend certainement protéger la ville de constructions médiocres et pauvres jugées indignes. Enfin, dans un municipe ou une colonie, un incola ou résident étranger, admis probablement par inscription sur une liste officielle, possède son domicile dans l’oppidum selon la définition de Modestin au Digeste, excluant de cette catégorie ceux qui vivent in agro9. Ager désigne fréquemment le territoire et met l’accent sur le terroir, c’est-àdire la partie utile et cultivée ou cultivable. Dans les “lois”, c’est le mot fines qui est répertorié le plus souvent, ce qui concerne un territoire délimité et désigne aussi, d’où une ambiguïté parfois difficile à lever, l’espace urbain proprement dit. Territorium se rencontre dans deux documents de la période des guerres civiles : la lex Iulia agraria et la lex de Gallia Cisalpina10. Dans le premier document, il est mis en parallèle avec ager et fines ; dans le second, le mot entre dans une série énumérant successivement oppidum, municipium, colonia, praefectura, forum, vicus, conciliabulum, castellum, territoriumve quae sunt in Gallia Cisalpina. Pomponius propose un commentaire11 : Territorium est universitas agrorum intra fines cuiusque civitatis, quod ab eo dictum quidam aiunt, quod magistratus eius loci intra eos fines terrendi, id est summovendi ius habent12. L’étymologie fondée sur terrere est considérée aujourd’hui unanimement comme fantaisiste. Terere (fouler aux pieds, fendre le sol) a aussi des partisans, mais c’est peut-être terra qu’il convient de retenir comme origine de la formation nominale. Pomponius suggère, avec d’autres, que territorium a plusieurs sens possibles évoquant ou l’ensemble des territoires dépendant d’une entité quelconque de manière physique en quelque sorte ou la juridiction d’un magistrat. Dans les lois mentionnées auparavant, territorium semble signifier une portion de terrain contrôlée par une autorité quelconque. Cette acception est a priori la plus pertinente pour qui s’interroge sur les relations entre la cité et son territoire, elle est pourtant peu présente dans la documentation. Des rubriques de la loi d’Vrso et de la loi d’Irni attirent directement l’attention sur le contrôle de la cité dans son ensemble. Les chapitres 77 et 78 d’Vrso 8. La

formule exacte est : in ea colonia, intra qua aratro circumductum est. Mobilità e integrazione delle persone nei centri cittadini romani. Aspetti giuridici, I, La classsificazione degli incolae, Milan, 2006, surtout p. 1-154 sur la définition complexe d’un terme polysémique. 10. M. Crawford et al., Roman Statutes, op. cit., vol. I, no 28, p. 461-477, et vol. II, no 54, p. 763-767, et Indices, p. 850. 11. Digeste, 50, 16, 239, 8. 12. Il est remarquable que la définition ait recours à agri et fines, ce qui rend la comparaison avec territoire insatisfaisante. 9. L. Gagliardi,

Cités et territoire : la question des relations

traitent de viae, fossae13 et cloacae ou de viae publicae et d’itinera qui se trouvent intra fines coloniae : il semble que seule la ville soit en cause mais on ne peut pas exclure une extension plus large. Le chapitre 79 prend des dispositions relatives aux terres des colons et à leur accès protégé aux rivières (ou fleuves), ruisseaux14, fontaines, étangs, marais, ce qui englobe certainement les terrains sous juridiction de l’oppidum. Le chapitre 82 stipule que les terres, bois et immeubles au titre de la propriété publique des colons ne pourront pas être aliénés ni loués pour un bail supérieur à cinq années. En revanche, la rubrique 76 de la loi d’Irni prévoit une tournée annuelle d’inspection des fines municipales, ici assurément la totalité de la cité et non plus seulement l’oppidum. L’objet est de contrôler l’état du domaine public et les rentrées des taxes et redevances (vectigalia) aux conditions arrêtées par un décret des décurions, qui fixait aussi la composition de la “commission”. Cette surveillance est distinguée de celle des voies, chemins, rivières, fossés et égouts dont le manque d’entretien pourrait porter préjudice à des particuliers ou à la collectivité. La préservation des ressources, quelles qu’elles aient été, et le maintien de l’ordre public constituent les ressorts de ces clauses peu détaillées et limitées. Il est remarquable que jamais il ne soit fait mention de vici, de pagi, de castella ou d’enclaves. Enfin, sur les munitiones ou “constructions publiques” impliquant les murs d’enceinte, les routes et les édifices importants (rubrique 83) le mot utilisé, fines, ne permet pas de savoir s’il s’agit des fines de l’oppidum ou de l’ensemble de la cité. Le contexte suggère que, comme toujours, l’espace urbain et monumental est prééminent mais rien n’exclut des munitiones sur le reste du territoire15. Les règlements municipaux de l’époque impériale ignorent l’institution de vici et de pagi dont l’épigraphie reflète par ailleurs l’existence plus ou moins répandue sur le territoire des cités. Vicus est un terme ambivalent puisqu’il désigne une rue, un quartier urbain et une petite agglomération à caractère monumental dans la campagne, d’où l’acception de “village”. Le pagus est présent en Italie, en Afrique, dans les Gaules et Germanies, dans la péninsule Ibérique et dans les territoires danubiens sous l’Empire. Comme le vicus, il définit une réalité administrative romaine16. Il est sans doute constitutif des cités des Gaules et des colonies latines 13. La

traduction de fossa est “fossé” et non “canal”, d’autant que le mot est placé entre via et cloaca : il s’agit certainement de drainage des voies. 14. Rivus, dans le contexte des règlements d’Hispania, est à rendre par “canal” et évoque des eaux conduites artificiellement, même si “ruisseau” ou “cours d’eau” ne sont pas à exclure en théorie, ce que choisit cependant M. Crawford et al. (stream accolé à river lequel correspond à fluvius), concernant la rubrique 79 d’Vrso sans proposer de justification. Ce chapitre et d’autres, voisins, associent eaux courantes, canalisées naturellement ou artificiellement, juxtaposées aux eaux fixées et stagnantes : lacus, aquae, stagna, paludes soit les réservoirs, les eaux, les étangs et les marais. Les ressources en eau étaient protégées en raison des sécheresses sans doute récurrentes mais les activités de chasse aquatique et de pêche entraient aussi en ligne de compte. 15. Le fait que munitio appartienne à une rubrique différente des viae et des itinera (Irni, rubriques 83 et 82) autorise à en exclure les routes malgré l’usage normal de munire à leur propos, sauf à distinguer les chemins (itinera) ou parcours d’usage (viae) et les routes construites et entretenues. 16. Voir récemment P. Le Roux, “Le pagus dans la péninsule Ibérique”, art. cit.

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et surtout romaines. Dans les municipes de Bétique, le pagus, formant une subdivision du territoire municipal, n’est attesté qu’exceptionnellement, sur le territoire d’Ostippo17. Il semble que sa présence ait tenu à l’étendue des fines civiques, afin de faciliter la surveillance et l’administration de chacun des secteurs placés sous la responsabilité de magistri. L’observation la plus importante tient assurément à l’absence de solidarité entre vicus et pagus. En outre, il est difficile de retracer jusqu’à présent l’histoire même de l’extension et de l’évolution du pagus voire du vicus. La documentation épigraphique tend à montrer que l’émergence de ces entités est relativement tardive et correspond à une tendance, décelable aussi ailleurs, à l’uniformisation administrative au gré de la pratique. Dans ce contexte et sous cette forme, le pagus du territoire de Carthage reflète une pratique semblable à celle qui est attestée ailleurs pour les colonies romaines et pour les civitates des Gaules. Le pagus, non ignoré des agrimensores, ne ressortit pas particulièrement à leur langage. Il s’agit certainement de portions rurales au départ d’un territoire d’où l’urbanisation était presque inexistante. Les cités contrôlaient aussi parfois d’autres communautés dites “contribuées” ou “attribuées”. Longtemps le problème a été posé en termes d’étymologie et de définitions juridiques qui ne peuvent pas éclairer la solution18. Outre l’absence de liaison avérée et justifiable entre ces formes de dépendance et le droit latin, la dimension politique paraît l’emporter. Malgré des erreurs et inadvertances de détail, la démonstration de M. Bats mérite d’être prise en considération car elle s’appuie sur l’esprit de la comparaison strabonienne entre Narbonne et Nîmes19. Peu importe également les nuances entre adtributio et contributio si elles existent vraiment, le point à partir duquel chacun comprenait le lien entre les communautés semblant apte à fournir un éclaircissement pertinent20. Ces rattachements à but politique et fiscal d’une ou de plusieurs cités à une autre relevèrent d’une phase de réorganisation des territoires des communautés et de leurs statuts postérieurement au rétablissement de la paix civile. Le concept de “confédération” est avancé pour essayer de décrire la relation, ce qui est aussi le cas pour Cirta et l’association des quatre colonies21. Nîmes ne constitue en rien un exemple similaire à celui de la 17. CIL,

II2, 5, 989 : pagus Singiliensis, adjectif formé sur Singilis aujourd’hui Le Genil. Attributio e Contributio: problemi del sistema politico-amministrativo dello stato romano, Pise, 1966, a longtemps orienté les débats. Les conclusions, utiles au moment de leur publication et longtemps mises à profit, sont remises en question désormais. Voir, en particulier, J.-M. Bertrand, “Territoire donné, territoire attribué : note sur la pratique de l’attribution dans le monde impérial de Rome”, CCG, 2, 1991, p. 125-164, et les notes suivantes. 19. M. Bats, “Droit latin, adtributio et contributio. Strabon, Pline, Nîmes et les Volques Arécomiques”, MEFRA, 119-1, 2007, p. 51-62. Comparer à P. Thollard, La Gaule selon Strabon. Du texte à l’archéologie, Géographie, livre IV traduction et études, Paris - Aix-en-Provence, 2009, p. 177-178, qui ne souscrit pas avec raison à l’idée d’une sunteleia territoriale à Nîmes et en précise le sens fiscal. 20. P. Veyne, “Contributio : Bénévent, Capoue, Cirta”, Latomus, 1959, p. 568-592 (voir aussi M. Bats, “Droit latin […]”, art. cit., p. 59). 21. Le terme utilisé pour Cirta (cf. note précédente) dans un document épigraphique du iiie siècle est cependant autre, soit contributio : AE, 1946, 61 = ILAlg, II, 1, 3596. 18. U. Laffi,

cité de Numidie. Le mot “confœderatio” concerne en latin des communautés liées par un fœdus à la cité dominante et ne reflète pas une union politique que Rome n’aurait pas tolérée. Une cité fédérée ne pouvait devoir son statut qu’à un contrat passé avec Rome. Le statut de liberté permettait de refuser éventuellement l’accès de la cité au gouverneur à suivre Strabon22. Il ne se dégage des règlements ni de la pratique épigraphique, plus proche en principe des activités et des initiatives quotidiennes, aucun système d’organisation ni de gestion du territoire centralisé, normalisé et organisé verticalement. La cité, sans attention particulière à son statut politique ou juridique, était constituée de manière souple d’une ville siège des instances dirigeantes responsables de la bonne marche de la communauté et image plus ou moins flatteuse des habitants qui en étaient les citoyens ou les résidents selon leur origine. En apparence, sous la tutelle des décurions, les relations entre la cité et le “territoire” ne soulevaient pas de problème particulier. Qu’en était-il si l’on cherche à aller au-delà des faits pour mieux saisir des attitudes et analyser les mécanismes des décisions dont la perception ne s’impose pas d’elle-même ?

Les cités-États : limites d’un modèle Une vue cavalière du monde des cités atteste l’existence dans la littérature historique d’un contenu scientifique a priori et modélisé à partir duquel les documents doivent être interrogés et classés. La cité ou ciuitas est sous cet angle une institution clairement identifiable. Elle réunit sous une même autorité locale un ensemble de terres et habitats dont elle a la charge et assure la paix et le fonctionnement ordonné. Elle est dotée d’un statut juridique qui y fixe le régime du droit civil et privé garanti par le pouvoir civique et aussi provincial. La communauté pérégrine use de son propre droit qui n’exclut pas l’adoption de pratiques romaines en la matière. Le droit latin impérial va de pair avec l’application du droit civil romain qui présuppose, dit-on, au moins dans le cas du municipe flavien la mise en place d’institutions à la romaine23. Le statut romain d’un municipe ou d’une colonie assimilerait entièrement la cité dans son fonctionnement quotidien à la res publica de Rome. Conçue à la façon d’un État, la communauté civique comporterait un caput ou capitale centralisant les décisions et l’activité politique sous le contrôle d’organes représentatifs au nombre de trois : les décurions, les magistrats, l’assemblée du peuple. Chaque fois que la situation le réclamait, des subdivisions 22. Strabon,

IV, 1, 12. Kremer, Ius Latinum. Le concept de droit latin sous la République et l’Empire, Paris, 2006, p. 191-193 en particulier. L’accès au rang colonial et municipal ou non de ces cités latines continue à soulever des interrogations sans réponse sûre et le ius migrandi, associé à une conception juridique et moderne de la citoyenneté romaine, n’a pas d’existence reconnue dans la documentation. 23. D.

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du territoire étaient destinées à faciliter l’exercice du pouvoir local et la surveillance des biens et personnes : parfois le vicus seul, doté aussi d’un territoire, ou bien le vicus chef-lieu d’un pagus ou, en Afrique, le pagus doté d’une agglomération et joint à une cité pérégrine ou encore le castellum équivalent à une communauté autonome tissaient une trame administrative ingénieuse et efficace marquée au coin de la hiérarchisation. Les analyses et réflexions accumulées situent la cité comme une construction du droit, on dirait aujourd’hui “un état de droit”, fondé sur une “loi constitutive” établissant la répartition des pouvoirs et les domaines de compétence de chacune des institutions responsables dans un cadre bien fixé. Comme dans les États modernes et à Rome même sous la République, trois sphères principales d’attribution émergent : dans l’ordre réglementaire, dans l’ordre financier et dans l’ordre judiciaire. L’idée qui prévaut est donc celle d’une souveraineté de la cité sur un territoire réputé intangible et protégé contre empiètements et agressions de toute sorte. Tout en ayant conscience que la séparation des pouvoirs n’a pas de réalité avant Montesquieu, il n’est pas rare de faire comme si les magistrats étaient les détenteurs de l’exécutif, les conseillers ou ordo, les responsables du législatif et les juges, issus du peuple et tirés au sort, comme les titulaires du pouvoir de justice. À Rome, sous la République, le peuple avait possédé des attributions judiciaires. Ce n’était plus le cas depuis la création des quaestiones perpetuae. Le modèle civique des cités italiques et provinciales n’avait pas rétabli l’ancien équilibre et le peuple n’intervenait en rien dans l’exercice de la justice qui n’était pas vraiment autonome. Comme dans l’Vrbs, des listes de juges étaient publiées parmi lesquelles on sélectionnait les juges selon la nature des affaires en cause (Irni, 86). Cette constatation va de pair avec le déroulement des procédures et le fait que le jugement ait correspondu à la règle romaine de la procédure formulaire. Quoi qu’il en soit, la description polybienne (livre VI) du fonctionnement des institutions romaines montre clairement que les délimitations des compétences et la séparation des pouvoirs n’avaient rien à voir avec un système républicain et parlementaire d’une nation moderne. Sans pouvoir approfondir ici l’ensemble des questions soulevées, il est notable que la notion actuelle de “commune” est fréquemment utilisée pour parler des cités24. Il semble donc que la civitas soit considérée comme la plus petite subdivision administrative d’un empire territorialisé, organisé verticalement : cité, district ou conventus, province, empire. La commune, en France, est la plus petite subdivision administrative depuis la Révolution, laquelle a succédé aux villes et paroisses datant du Moyen Âge. Ce n’est toutefois que depuis 1884 que la loi du 5 avril a institué un début d’autonomie communale généralisée25. Il n’y a donc pas 24. L’influence

de l’allemand “Gemeinde” (communauté / commune), imposé par l’autorité de Mommsen, a pu jouer également. Malgré tout, faute de mieux s’il faut éviter le seul vocabulaire latin, le mot est préférable à “collectivité”. 25. G. Dupuis et M.-J. Guédon, Droit administratif, Paris, 1993 (4e éd.), p. 210-215 en particulier.

Cités et territoire : la question des relations

de charte communale propre à chaque communauté locale mais des compétences et des droits et obligations fixés au plus haut niveau de l’État. On perçoit mieux la signification du débat qui oppose les tenants d’une loi municipale romaine (voir la lex Iulia municipalis ou une prétendue loi flavienne26) et ceux qui retiennent l’existence de règles formulées peu à peu en Italie et adaptées ensuite aux provinces selon la formule civique et la chronologie de l’attribution d’une lex. Ce terme est tantôt traduit pour ces raisons également par “loi” ou tantôt par “règlement”27. Deux options alternent selon les convictions de chacun : soit une centralisation romaine visant à uniformiser et à rendre homogène l’organisation locale, soit une relative souplesse permettant d’adapter au cas par cas des décisions qui relèvent cependant de l’autorité centrale. Aucune cité, bien sûr, ne fabriquait de sa propre initiative un règlement local. Elle pouvait en revanche ignorer les sollicitations visant à lui octroyer un statut nouveau si elle y trouvait un avantage. L’empereur lui-même pouvait rechigner à accorder le rang de colonie à une cité qui l’en priait instamment28. Les lignes de partage sont floues. On ne sait plus si ce sont les républicains du xixe siècle qui se sont inspirés de Rome ou si, à l’inverse, ce sont les historiens prompts à moderniser leur discipline qui ont cherché des correspondances entre les communes du xixe siècle et les cités du monde romain occidental et latin. Le duumvir est un “maire”, l’édile désigne l’élu local, l’ordo se transforme en conseil municipal et les comices électoraux suggéreraient l’existence de campagnes électorales telles qu’elles se pratiquent aujourd’hui. Les délibérations du conseil donnent lieu à des arrêtés mais non à des décrets qui sont réservés aux chefs de l’exécutif au degré le plus élevé. Le decretum de l’ordo devrait se traduire par “délibération” ou “arrêté”. Il n’y avait cependant pas, dans le vocabulaire de hiérarchisation stricte sauf dans le cas des sénatus-consultes réservés au Sénat de Rome. Les tâches d’un maire étaient bien définies au titre de l’exécutif : responsable des dispositions budgétaires, il est comme employeur le supérieur hiérarchique des personnels attachés à la commune. Les écoles, l’urbanisme, la voirie, l’action sociale sont de son ressort localement, mais il représente l’État pour les fonctions d’état civil, l’ordre public, l’organisation des élections et la délivrance de certains documents officiels. Les fonctions administratives sont l’essentiel et la dimension sociale relève directement de la collectivité qu’il s’agisse d’aider les faibles ou les pauvres ou de politique scolaire. Surtout, les décisions municipales quelles qu’elles fussent sont toujours sous le contrôle du conseil dont l’unanimité est rarement réalisée. 26. Parmi

d’autres : H. Galsterer, “La loi municipale des Romains : chimère ou réalité ?”, RHD, 65, 1987, p. 181-203 ; Id., “Die römischen Stadtgesetze”, dans L. Capogrossi Colognesi et E. Gabba (a cura di), Gli statuti municipali, Pavie, 2006, p. 31-56 ; J. A. Pintado, Edictum, municipium y lex: Hispania en época Flavia (69-96 d.C.), Oxford, 2004, qui propose tout au long de l’ouvrage un bilan des opinions variées en débat sur ces sujets. 27. D. Kremer, Ius Latinum […], op. cit., p. 2. 28. Par exemple Hadrien pour Italica selon A. Gelle, N. Att., XVI, 13, 4.

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Il n’est pas nécessaire de pousser très loin la comparaison pour constater que les rapprochements et les ressemblances ne sont, comme presque toujours, que très vagues et que les différences l’emportent largement, en raison d’un contexte et d’un esprit qui attribuaient aux données et affaires locales et à leur fonctionnement des buts et des portées sans vrais points communs, ne serait-ce que parce que l’Empire romain n’était pas une nation républicaine ou parlementaire du xixe siècle européen.

Du gouvernement local

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La notion de cité-État, moderne, ne paraît pas pertinente pour aborder les questions de l’administration et du gouvernement d’une cité italique ou provinciale sous l’Empire romain. La démonstration de Y. Thomas concernant l’impossibilité de penser la cité comme une unité interne sauf à recourir à des artifices juridiques en l’absence de toute personnification, impensable, rappelle qu’elle n’était que la somme de ses composantes individuelles29. La cité n’était pas un tout organique mais une juxtaposition de singularités qu’incarnait chaque citoyen. Les inscriptions signalent que la dénomination officielle utilisait effectivement le génitif pluriel de l’adjectif géographique formé sur le toponyme et définissait par ce biais les citoyens du lieu. Le rassemblement de tous préservait les intérêts communs incarnés par les magistrats séparés des affaires des particuliers dont ceux-là n’étaient pas la somme, sauf quand des problèmes individuels pouvaient interférer avec la bonne marche de la cité. Outre les institutions définissant des pouvoirs et des compétences pour divers détenteurs d’une autorité au fil des ans30, les affaires communes étaient constituées par les ressources locales et principalement les recettes en l’absence d’un impôt, par l’ordre public et la protection des citoyens, par l’exercice d’une justice aux compétences relativement limitées, par les dépenses publiques31. De ce point de vue, la cité est un tout sauf en ce qui concerne, nous l’avons noté (Irni, 76, 82), les biens et revenus dispersés sur le territoire qu’il s’agisse de bois et forêts, de mines et carrières, de droits de passage, de vectigals locatifs, de ventes, etc. Sur le plan financier, ces activités d’inspection et de perception doivent être distinguées de la participation au prélèvement du tribut romain exigé annuellement selon des modalités variables et plus encore des emprunts ou financements des projets d’une 29. Y. Thomas, “Les juristes de l’Empire et les cités”, dans H. Inglebert (textes réunis par), Idéologies et valeurs civiques dans le Monde romain. Hommage à Claude Lepelley, Paris, 2002, p. 189-214. 30. Ne pas souscrire au modèle “moderne” n’implique pas que la cité municipale était non administrée : l’esprit et les techniques de la gestion et du gouvernement en étaient différents, tout simplement. 31. P. Le Roux, “Le juge et le citoyen”, art. cit., p. 109-116.

Cités et territoire : la question des relations

année qui n’étaient pas tous couverts, loin de là, par l’évergétisme32. La justice était rendue au chef-lieu et ne prévoyait pas, autant qu’on le sache, un déplacement au vicus ou au pagus. L’ordre public supposait évidemment une surveillance du territoire et le règlement d’Vrso, comme d’autres, prévoit l’attribution d’un pouvoir de commandement militaire à un magistrat assimilé à un tribun militaire (chap. 103), ce qui ne semble pas être le cas dans les municipes flaviens, peut-être en raison des contextes politiques différents. Les situations de guerre ou de brigandage (finium defendendorum causa) justifiaient une mesure qui relevait de la fiction juridique en prenant comme référence ce qui se faisait à Rome dans des circonstances analogues mais à une autre échelle. Les décisions concernant les sujets évoqués ci-dessus appartenaient en dernier lieu au conseil ou ordo présidé par un magistrat. Les décurions délibéraient principalement de questions liées aux finances qui touchaient également au déroulement des fêtes et jeux accompagnant les manifestations religieuses importantes et la célébration des cultes ponctués de sacrifices (Vrso, chap. 66, 67). Ils contrôlaient les carrières des magistrats et décidaient par decretum d’hommages publics en faveur de tel ou tel notable. L’ensemble de la vie politique locale se déroulait dans l’oppidum à l’exception sans doute de fêtes associées à un sanctuaire du territorium. Les assemblées de l’ordo, les élections civiles et religieuses, les convocations des citoyens et domiciliés publiées par les magistrats, les procès de la basilique et du forum avaient pour théâtre la ville et ses monuments. L’exigence de consultations des dieux et de sacrifices donnaient le premier rôle aux divinités civiques, protectrices attitrées de la communauté et installées officiellement dans la ville. L’essentiel de l’épigraphie publique émanait de l’oppidum et rappelait que, comme à Rome sous la République, il n’y avait guère de possibilité d’être entendu ou écouté ou vu ailleurs que dans l’espace urbain. Cette constatation soulève la question de la nature et du rôle exact du territorium dont il semble qu’il correspondait principalement à une nécessité vitale, celle de contribuer à la nourriture des citoyens et aux revenus de la cité. D’un point de vue administratif et politique rien ne laisse deviner des programmes d’intervention réguliers ni même une approche globale des problèmes de contrôle des espaces civiques en dehors des recensements et du respect des bornages dont le déplacement pouvait être préjudiciable sur le plan individuel et sur le plan fiscal. Bien sûr, les débats achoppent en général au pagus et au vicus voire au castellum dont la simple existence, assortie de celle de magistri, rendrait vraisemblable une articulation organisée et hiérarchisée des espaces civiques sans que les raisons en soient très claires. La récente loi sur le canal de l’Èbre indique l’existence d’une juridiction des magistri, déjà signalée à Cirta, sur des questions techniques bien 32. P. Le

Roux, “Vectigalia et revenus des cités en Hispanie au Haut-Empire”, dans Il capitolo delle entrate nelle finanze municipali in Occidente ed in Oriente. Actes de la X e Rencontre franco-italienne sur l’épigraphie du monde romain (Rome, 27-29 mai 1996) (CEFR, 256), Rome, 1999, p. 155-173.

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précises telles que la distribution de l’eau et l’organisation de l’année agricole33. Il n’est pas interdit de penser que la cité comme propriétaire ou comme garante du bon fonctionnement de l’irrigation devant l’autorité provinciale ne pouvait pas ignorer les plaintes de certains usagers privés d’eau ou ne recevant pas la part qui leur était due. Le pagus est retenu en raison de l’existence d’un délégué de la cité, nommé par elle et n’y résidant pas nécessairement, ayant pour attribution le règlement des problèmes concernant les activités rurales. L’impression qui se dégage est qu’en l’occurrence il n’y a pas de gouvernement territorialisé à cette échelle ni à celle de la communauté tout entière34. Le pagus devait servir de support au recensement sur lequel s’appuyait le paiement de l’impôt et d’où découlaient de possibles litiges outre ceux qu’engendraient les bornages et les limites de propriétés. Il n’y a pas d’institutions propres au pagus équivalentes à celles d’un canton ou d’un département et sauf problèmes concrets en cause, tel l’acheminement de l’eau, c’est au chef-lieu que devaient se déplacer les pagani. Le vicus n’était pas le chef-lieu du pagus et n’était pas le centre des réunions des pagani35. Tout se passait, semble-t-il, comme si le pagus constituait une association souple de ruraux vouée aux questions de propriété et de production. Quand César entreprit le recensement à Rome vicatim, cela ne signifia pas que les rues et les quartiers formaient des unités institutionnelles stables et permanentes dotées de compétences autonomes et spécifiques. Une cité avait reçu un statut appelé dans certains documents le ius civitatis composé de diverses obligations, en particulier celle de justifier constamment d’une capacité financière à assurer la bonne marche des affaires locales36. La solvabilité était essentielle et constituait la base véritable de l’“autonomie”, terme non utilisé à Rome qui préfère le mot polyvalent de libertas. C’était la condition pour le versement régulier de l’impôt dont les notables garantissaient sur leur fortune l’acquittement. Les décurions et les élites fortunées par leurs actions et leurs décisions qui s’imposaient à l’ensemble des citoyens et des incolae étaient nécessairement propriétaires de terre37. À ce titre, ils contribuaient à l’essor agricole du terroir et avaient autorité sur les autres paysans moins prestigieux. Les citoyens et les habitants, non un territoire indépendant et intangible, fondaient l’existence même de la cité. C’est au nom des citoyens non en celui de la cité qu’agissaient les représentants. Les institutions ne constituaient pas un cadre abstrait doté d’une rationalité et d’une efficacité supérieures et en quelque sorte souveraine. Elles délimitaient non pas des équilibres mais des règles jugées souhaitables pour permettre la libre activité de chacun des membres du corps civique qui avait droit à cette liberté. 33. Pour

le document : AE, 2006, 676. P. Le Roux, “Le pagus […]”, art. cit., p. 20-32 plus particulièrement. supra p. 22-24 : comme il a été dit, la cité n’a pas de “frontières” mais des “limites” (fines). 35. P. Le Roux, “Le pagus […]”, art. cit., p. 20-32. 36. Sur le ius civitatis et les iura, voir supra n. 5 et AE, 2004, 1331. 37. L. Gagliardi, Mobilità e integrazione delle persone […], op. cit., p. 512-516 pour un bilan succinct des conditions d’installation comme incola. 34. Voir

Cités et territoire : la question des relations

Chaque unité civique n’était que la somme des initiatives et des actions de ses citoyens insérés dans une hiérarchie sociale et soumis au respect des dieux patrons. L’existence du territoroum était une simple nécessité pratique et les limites ou fines n’étaient pas des frontières symbolisant l’indépendance de la cité. En quelque sorte, l’existence des citoyens précède l’existence de la cité et justifie qu’elle prenne corps. Elle ne possède pas un territoire et n’agit que par l’intermédiaire des citoyens. Postuler des relations entre une cité et son territoire revient finalement à soulever une question qui ne se posait pas en tant que telle.

Une cité vue de l’extérieur était composée d’un centre urbanisé, d’un espace adjacent délimité, plus ou moins étendu, d’une autorité politique distribuée entre un ordo, des magistrats qui convoquaient les citoyens lors d’événements importants tels que les élections, du moins au ier siècle de l’Empire. Sur cette base, il n’est pas rare d’attribuer aux “subdivisions territoriales” repérées surtout dans les inscriptions une personnalité juridique et des expressions religieuses codifiées. La ville elle-même ou oppidum, concernant en particulier une colonie ou un municipe, était réputée s’identifier à la cité mais pouvait en réalité n’être qu’une subdivision parmi d’autres en termes de droit, distincts des données politiques. La ville était le siège des institutions dirigeantes sans plus. Les circonscriptions et agglomérations extérieures à la ville n’obéissaient à aucune hiérarchie et n’abritaient pas de formes de gouvernement particulier. L’autonomie du pagus n’était guère fondée juridiquement et l’existence de la circonscription tenait à la pratique administrative concernant des registres bien délimités et plus aisés à maîtriser dans ce contexte. La cité peut être assimilée à une unité dont les composantes s’ajoutaient sans se fondre ni se superposer. Il s’agissait de contrôler non d’intégrer ni de promouvoir des États susceptibles d’accéder un jour à l’indépendance ou de renforcer une cohésion “nationale” romaine qui n’avait pas lieu d’être.

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Critères de délimitation du territoire des cités gallo-romaines : les exemples de Vienne et de Die Bernard Rémy

Résumé –

La cité était la cellule de base de l’Empire romain. Il importait donc de connaître les limites de ces entités territoriales et juridiques, au moins pour savoir à qui leurs habitants devaient payer les impôts. De nos jours, cette recherche est difficile, surtout pour des cités comme Vienne ou Die à cause de la taille de leur territoire composite, scindé ensuite en de nouvelles entités politiques. Nous avons retenu cinq types de sources : les textes littéraires antiques – les données géographiques et topographiques – la toponymie – l’épigraphie et l’archéologie – les limites ecclésiastiques. En s’efforçant de ne pas les surévaluer et de les croiser, ces documents permettent de rattacher les agglomérations et les propriétés isolées à une cité. Mots-clés –

Textes littéraires - Données “naturelles” - Toponymie - Épigraphie - Limites ecclésiastiques. Abstract –

The city was the roman empire’s basic cell. It was important to know theirs territorial and juridical frontiers al least to be aware of the taxes payment. Today, it’s an hard enquiry because cities as Vienne or Die had territories which were divided to form new political entities. We used the whole available documentation (toponymy, epigraphy, archaeology) which can help to link agglomerations and real estates to a city. Keywprds –

Literary Texts - “Natural” Data - Toponomy - Epigraphy - Ecclesiastic Boundaries.

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ous les historiens s’accordent à reconnaître que la cité était la cellule de base de l’Empire romain. Plus ou moins vastes, ces entités territoriales et juridiques ne sont évidemment pas des créations ex nihilo du conquérant romain, mais il n’est pas question d’essayer de décrire ici le processus complexe du passage d’un peuple protohistorique à une cité du Haut-Empire1, ni d’étudier le devenir d’un territoire parfois partagé postérieurement entre plusieurs cités, puis entre plusieurs évêchés. Mon ambition est beaucoup plus modeste, encore que… Je voudrais essayer de comprendre s’il est possible aujourd’hui de retrouver avec quelque précision les limites du territoire d’une cité, c’est-à-dire “d’un espace qualifié par une appartenance juridique”2. Je ne prendrai donc pas en compte la définition du “territoire” donnée par les archéologues qui le considèrent : “soit comme un espace de service ou l’aire d’exploitation des ressources, soit comme un agencement de ressources matérielles et symboliques structurant les conditions d’existence”3. Ces deux définitions sont à peu près inconciliables, car espaces administratifs et géographiques coïncident très rarement4. Cette préoccupation administrative n’est pas propre à l’historien du xxie siècle, car, dans l’Antiquité, il importait déjà aux autorités municipales et aux habitants de connaître l’étendue exacte du territoire de leur cité, ne serait-ce que pour savoir à qui les habitants devaient payer les impôts. Ce n’est donc pas un hasard si les cités d’Aix-en-Provence et d’Arles ont mis en place toute une série de bornes de délimitations territoriales5, même s’il s’agissait moins de dessiner une ligne topographique parfaite que de rattacher les agglomérations, urbaines et rurales, et les propriétés isolées à un cadre administratif défini. Fixer avec quelque précision les limites d’une cité est toujours une tâche difficile, car il faut affronter un grand nombre de délicats problèmes. Pour Vienne et Die, l’entreprise se complique encore à cause de la taille de leur territoire composite, formé de nombreuses régions naturelles qui se sont ensuite scindées en de nouvelles entités politiques, mais elle est facilitée par la présence à Grenoble d’une équipe de dialectologues relevant de l’Université Stendhal et du CNRS (Christian 1. Voir

M. Tarpin, “Territoires celtiques, ciuitates gallo-romaines : quelle continuité ?”, dans D. Paunier (dir.), Celtes et gaulois. L’Archéologie face à l’Histoire. La romanisation et la question de l’héritage celtique. Actes de la table ronde de Lausannne (17-18 juin 2005), Glux-en-Glenne, 2006, p. 29-50. 2. Ph. Leveau, “Les aqueducs romains, le territoire et la ‘gouvernance’ de l’eau”, dans L. Lagostena Barrios, J.-L. Cañizar Palacios et L. Pons Pujol (éd.), Aquam perducendam curauit. Captacion, uso y administracion del Agua en las ciudas de la Bética y el Occidente romano, Cadix, 2010, p. 1-20. 3. Ibid., p. 15. 4. C’est à juste raison que Patrick Le Roux s’est demandé à propos de la définition de la province s’il s’agit d’une “construction territoriale ou administrative” (“L’invention de la province d’Espagne citérieure de 197 a.C. à Agrippa”, dans G. Cruz Andreotti, P. Le Roux et P. Moret (éds.), La invención de una geografía de la península ibérica. I. La época republicana. Actas del Coloquio internacional celebrado en la Casa de Velázquez de Madrid entre el 3 y el 4 de marzo de 2005, Madrid, 2006, p. 89-101. 5. ILN, Aix-en-Provence, 275-286. Une borne délimitait aussi la pertica d’Arles et de Fréjus (CIL, XII, 384, revue par J. Gascou, “Aux bornes du territoire de Fréjus ? À propos d’une inscription de Saint-Michel-de-Valbonne”, Provence historique, Autour de Paul-Albert Février, 167-168, 1992, p. 55-64 ; AE, 1992, 1164).

Critères de délimitation du territoire des cités gallo-romaines : les exemples de Vienne et de Die

Abry, Hubert Bessat, Claudette Germi…) qui a créé une précieuse banque de données informatisée (RIVOLI) de tous les toponymes attestés dans les cadastres alpins6 et qui est largement ouverte au dialogue avec les historiens. Il semble possible de retenir cinq types de sources : les textes littéraires antiques – les données “naturelles” – la toponymie – l’épigraphie et l’archéologie – les limites ecclésiastiques. Tout au long de cette recherche, il faudra toujours manier ces documents variés avec prudence, garder à l’esprit que l’historien de l’Antiquité entretient avec les sources sur lesquelles il fonde son travail des rapports d’autant plus complexes que celles-ci sont plus rares et plus lacunaires et qu’il est souvent tenté de tirer de maigres lambeaux d’informations des conclusions disproportionnées. Il importe donc de s’efforcer de ne pas surévaluer ces documents variés et de les croiser, afin de tenter de préciser les limites d’une cité. Pour illustrer mon propos, je donnerai pour chaque type de source un ou deux exemples de son apport à la délimitation des territoires de ces deux vastes cités voisines.

Les témoignages des auteurs anciens Parfois difficiles à interpréter7, ils sont cependant très précieux, notamment César, Strabon et Pline l’Ancien, même si Strabon a pu écrire à la fin de l’introduction du livre 4 de sa Géographie (4, 1, 1) : “[…] pour les dispositions décidées par les hommes d’État et qui varient selon les conjonctures, on se contentera d’une présentation générale […]”8. Remarquons que les limites administratives pouvaient varier en fonction des circonstances… En règle générale, nous ignorons presque tout de ces modifications. Nous savons par César (Guerre des Gaules, 1, 6) que Genève était chez les Allobroges : “extremum oppidum Allobrogum est proximumque Heluetiorum finibus Genaua”. Chez les Voconces, Strabon (Géographie, 4, 1, 3) indique la distance de 162 milles, soit 240 kilomètres, entre l’entrée et la sortie du territoire voconce comptée sur la route de Tarascon au Mont Genèvre9 ; en fait la distance réelle est 6. Voir

H. Bessat, Cl. Germi, Les noms du paysage alpin. Atlas toponymique. Savoie, Vallée d’Aoste, Dauphiné, Provence, Grenoble, 2001 et H. Bessat, Cl. Germi, Les noms du patrimoine alpin. Atlas toponymique II. Savoie, Vallée d’Aoste, Dauphiné, Provence, Grenoble, 2004. 7. Voir les prudentes remarques de P. Thollard, La Gaule selon Strabon. Du texte à l’archéologie. Géographie, livre IV, traduction et études, Paris - Aix-en-Provence, 2009, p. 77-79. Sur les limites des cités, voir Hygin Gromatique, De limitibus constituendis, passim et D. Dumas-Acolat, Les Romains et la montagne : image, connaissance et rôle du relief dans le monde impérial romain, thèse, Université de Paris IV, 2001 (dact.), p. 460-486. 8. Traduction de P. Thollard, La Gaule selon Strabon […], op. cit., p. 19. J’ai préféré cette traduction à celle de Fr. Lasserre (CUF : “[…] Quant aux divisions administratives établies par ceux qui administrent, elles varient selon l’opportunité et il suffit de les indiquer sommairement ; pour le détail, que le lecteur se réfère à d’autres auteurs.”). 9. “Si l’on suit l’autre route qui passe par le pays des Voconces et celui de Cottius, jusqu’à Beaucaire et Tarascon, on emprunte la même route depuis Nîmes. Puis de là jusqu’à la frontière des Voconces et au début de l’ascension des Alpes, en traversant la Durance et Cavaillon, on compte soixante-trois milles ensuite ; pour gagner l’autre

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de 160 milles. La voie Domitienne pénétrait chez les Voconces au col des Granons, non loin de Reillanne (Alpes-de-Haute-Provence)10. Elle les quittait avant Embrun (Hautes-Alpes) y parcourant quatre-vingt-dix-neuf milles, soit 146,5 kilomètres11. Nous pouvons aussi utiliser ponctuellement quatre documents fournis par les cartographes ou cosmographes qui donnent des tracés de voies et des noms, plus ou moins déformés de stations : la Table de Peutinger ; l’Itinéraire d’Antonin ; l’Itinéraire de Bordeaux à Jérusalem ; la Cosmographie de l’Anonyme de Ravenne.

Les données “naturelles”, c’est-à-dire les indications topographiques et géographiques

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En 1934, Albert Grenier affirmait : “ce sont les considérations géographiques qui, dans la plupart des cas, devront trancher les incertitudes que laissera subsister la pénurie de documents”12. Même s’il faut aujourd’hui largement nuancer ces conclusions, il est certain que les zones humides, les chaînes de montagnes, en particulier la ligne des crêtes et les sommets remarquables, les cours d’eau (surtout les petites rivières et les ruisseaux), les gorges… servent fréquemment de limites. Une visite pédestre du terrain est souvent éclairante sur leur importance. Toutefois, il faut s’efforcer de confirmer ces informations par d’autres types de sources, d’autant qu’il était important pour de grandes cités, comme Vienne ou Valence, de posséder les deux rives du Rhône et de l’Isère afin de contrôler le commerce et de prélever des taxes13. Au nord-est de la cité de Vienne, les hautes cimes des Alpes Graies (Dent du Midi [3 260 m], Grand Mont Ruan [3 044 m], Mont-Buet [3 099 m]) s’imposent comme “limite naturelle” entre les Allobroges à l’ouest et les Ceutrons à l’est. C’est aussi dans cette zone que les Ceutrons devaient confiner avec les Octodurenses de Martigny : “Octodurenses, finitimi Ceutrones”, écrit Pline l’Ancien (Histoire naturelle, 3, 20). De là, le tracé devait suivre les gorges profondes et étroites de la Diosaz. Au sud-ouest de la cité, sur la rive droite du Rhône, il est hautement probable que depuis Tournon (Ardèche), le territoire viennois s’enfonçait vers l’ouest par frontière des Voconces, limitrophe du pays de Cottius, il faut parcourir quatre-vingt-dix-neuf milles jusqu’au village d’Embrun…” (traduction de P. Thollard, La Gaule selon Strabon […], op. cit., p. 21). 10. Voir G. Barruol, Les peuples préromains du Sud-Est de la Gaule. Étude de géographie historique, Paris, 1969, p. 279 et 289. Plus précisément, la limite devait être située entre les stations antiques de Catuiacia [Saint-Sauveur, près de Céreste] et Alaunium [Notre-Dame-d’Aulun] (P. Thollard, La Gaule selon Strabon […], op. cit., p. 112). 11. Voir P. Thollard, La Gaule selon Strabon […], op. cit., p. 102 et 112. 12. A. Grenier, Manuel d’archéologie, Archéologie gallo-romaine, VI, 2. L’archéologie du sol, Paris, 1934, p. 185. 13. De même, il était important de posséder les deux versants d’un col. Les Ceutrons des Alpes Graies contrôlaient les deux faces du Petit-Saint-Bernard. Sur la partie italienne, leur territoire s’étendait jusqu’à Morgex en Val d’Aoste. En revanche, en amont de Lyon, le Rhône semble servir de limite municipale et provinciale (voir B. Rémy, “À propos du Rhône comme limite de la cité de Vienne au Haut-Empire (en amont de Lyon)”, Revue Archéologique de Narbonnaise, 33, 2000, p. 55-60), au moins sous l’Empire.

Critères de délimitation du territoire des cités gallo-romaines : les exemples de Vienne et de Die

l’étroite vallée du Doux, courait sur la crête des montagnes (Mont-Pyfara, GrandFelletin, chaîne du Pilat) et s’arrêtait à la limite même de la Province, comme l’écrit Pline l’Ancien : “a reliqua uero Gallia latere septentrionali montibus Gebenna, Iura …” (HN, 3, 4).

Les indications de la toponymie : les termes frontières (borne, fines, icoranda, morge…)14 En 1908, dans son histoire de la Gaule indépendante, Camille Jullian n’hésitait pas à écrire que “de longues bornes ou des signes visibles et acceptés marquaient les points où les voies coupaient les frontières”15. Même avant la conquête, tout territoire aurait donc eu des limites clairement indiquées. Les toponymes frontières seraient les survivances de ces frontières matérialisées. Même si la toponymie témoigne des rapports de l’homme avec le milieu, la réalité est peut-être moins simple ; quoi qu’il en soit, il faut manier les documents toponymiques avec de grandes précautions et se méfier des interprétations hasardeuses et des surinterprétations chères aux érudits locaux qui ont souvent beaucoup trop sollicité le corpus “toponomastique”, notamment celui des toponymes frontières. Il est indispensable de replacer les toponymes dans leur contexte historique pour tenter d’en faire des données adéquates, c’est-à-dire qu’il ne faut jamais mettre sur le même plan les toponymes transmis par les sources antiques, les toponymes tirés des sources médiévales et les toponymes reconstruits par les philologues à la suite d’une démarche étymologique plus ou moins convaincante. En effet, il est faux de penser qu’il existe pour chaque toponyme une séquence continue de noms unissant le passé le plus lointain au présent. La constitution du corpus de référence des toponymes est une tâche très ardue, car les critères de choix de ce qu’il est tentant de considérer comme un toponyme antique doivent prendre en compte un grand nombre de présupposés intermédiaires, dont bon nombre d’érudits locaux ne semblent pas toujours mesurer l’ampleur et les conséquences. Un toponyme antique n’est pas obligatoirement un toponyme mentionné dans une source antique, d’autant que sous le nom de sources antiques, on rassemble des informations aussi différentes que les données de l’épigraphie, véritable source primaire, et les textes des auteurs anciens qui sont d’une utilisation plus délicate : d’une part, ces derniers s’inscrivent dans un arc chronologique très large, puisque douze siècles séparent Hécatée de Milet d’Étienne de Byzance, alors que l’arc chronologique de la plupart des textes épigraphiques est 14. Voir

la remarquable approche méthodologique de P. Arnaud, “Toponymie et histoire ancienne : problèmes de méthode. Le cas des Alpes méridionales”, dans J.-Cl. Ranucci et J.-Ph. Dalbera (éds.), Toponymie de l’espace alpin : regards croisés. Colloque international, Nice, 3-4 juin 2003, Nice, 2004 (Corpus. Les Cahiers, 2), p. 31-75. 15. C. Jullian, Histoire de la Gaule. t. 2, La Gaule indépendante, Paris, 1908, p. 54.

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au plus de trois siècles ; d’autre part, les toponymes antiques nous sont parvenus au terme d’un long parcours antique et médiéval. Or il est bien connu que les toponymes sont toujours la partie la plus délicate de la transmission codicologique. Même les toponymes antiques attestés par les sources épigraphiques ne sont pas sans poser problème. Ainsi, les inscriptions de l’arc de Suse (9/8 av. J.-C.) et du trophée des Alpes à La Turbie (7/6 av. J.-C.), qui ont été gravées à environ deux ans d’intervalle, nous fournissent pour plusieurs peuples des noms dont l’orthographe est sensiblement différente : à Suse, sont mentionnés les Adanates, les Egdini et les Vesubiani ; à La Turbie, les Edenates, les Ectini et les Esubiani. Il faut, semble-t-il, en conclure que le texte en minuscules remis au lapicide ou à l’ordinator était plus phonétique qu’orthographique, puisque l’on trouve indifféremment la sourde et la sonore, le A et le E, le Ve- et le E- en position initiale. Comme les éditeurs des textes littéraires anciens, les historiens de la toponymie ont donc tendance à adopter des formes réputées régulières, quitte à les reconstruire. Exempli gratia, ils proposent ordinairement pour Embrun (Hautes-Alpes) la forme Eburodunum, alors que l’épigraphie [CIL, V, 7259, à Suse : ciuitatis Ebroduniens(is) …] et la majorité des sources littéraires donnent la forme syncopée de l’ethnique dérivé Ebroduniensis. Le nom antique d’Embrun devait donc être Ebrodunum. Les toponymes connus par les sources littéraires sont encore plus problématiques. Chez les auteurs antiques, ils sont habituellement mentionnés selon leur place dans la conscience collective d’une communauté et non en fonction de leur importance géographique. Un toponyme est nommé s’il est digne de mémoire et il n’est digne de mémoire que s’il a une histoire. Strabon (Géographie, 3, 3, 7) écrivait : “Je ne me risque pas à multiplier leurs noms, reculant devant la corvée que représenterait leur transcription. Quel plaisir apporter à l’oreille d’ailleurs avec des noms tels que Pleutaures, Bardyètes, Allotriges et tant d’autres plus laids et plus insignifiants encore ?”16. “Le géographe nous expose ainsi une pratique courante consistant à ‘redéterminer’ le sens des noms par une homophonie approximative”17. Il faut aussi prendre en compte les déformations des copistes. Quand ils ne reconnaissent pas un nom, le toponyme est soumis à tous les aléas des déformations phonétiques ou paléographiques. Pour P. Arnaud, “la plupart des copistes ne voyaient dans ces noms que de simples séquences de lettres qu’ils ne cherchaient pas à comprendre”. L’historien qui utilise les ressources de la toponymie doit impérativement avoir une approche documentaire régressive, ne jamais oublier que les noms qui nous sont parvenus sont presque toujours le résultat d’un processus d’évolution phonétique multiséculaire (homophonie, recharges sémantiques…) et surtout travailler en étroite collaboration avec les linguistes. Sauf rares exceptions, il faut rapprocher 16. Traduction 17. P. Arnaud,

de Fr. Lasserre (op. cit.). Voir aussi Pomponius Méla, Géographie des pays, 3, 15. “Toponymie et histoire ancienne […]”, art. cit.

Critères de délimitation du territoire des cités gallo-romaines : les exemples de Vienne et de Die

les indications de la toponymie d’autres sources, notamment des découvertes archéologiques, pour ne pas risquer de graves erreurs. C’est particulièrement vrai dans le cas des toponymes frontières : par exemple, Georges de Manteyer18 considérait que les églises dédiées à saint Christophe ou à la Sainte-Croix marquaient les limites des diocèses médiévaux. Il est plus prudent d’essayer de le démontrer pour chaque occurrence. Néanmoins, toutes précautions prises, la toponymie peut rendre de grands services dans la détermination des limites d’une cité et il n’est pas possible de la négliger19. Selon les cas, le toponyme borne / bourne s’explique par un hydronyme “le trou, la source” ou par l’étymon gaulois *bodina “limite”20. Par ses gorges, coup de sabre impressionnant d’une quinzaine de kilomètres de long, la rivière de la Bourne marque incontestablement la limite des Voconces et des Viennois21. On retrouve d’ailleurs dans le même secteur les toponymes “La Bornière”, à Choranche (Isère) sur un site qui domine la rivière, “Borne”, à Rencurel (Isère) et Le Bournillon, un affluent de la Bourne, à Chatelus (Isère). Issus du celtique, *morga et *morgarita “limite” et “gué formant limite”, Morges, Mourgon, Margerie nous apportent d’utiles renseignements. Chez les Voconces, au sud-est de Charols (Drôme), le quartier de Mourgon22, accompagné du ruisseau du même nom, se trouve voisin de la route protohistorique et de la limite diocésaine entre Valence et Die. Margerie (locus de Margeries, 1484), hameau de la commune de Colonzelle23, est proche de la rivière du Lez, dont le cours pouvait servir de limite commode entre Voconces et Tricastins, bien que cette ligne semble plutôt suivre une ligne de coteaux un peu plus à l’est. En revanche, on voit mal une limite entre les Voconces et Valence passer par la commune d’Allex (Drôme), où l’on remarque un quartier de Margerie, Margeria en 1485.

18. “Les origines chrétiennes de la IIe Narbonnaise, des Alpes Maritimes et de la Viennoise”, Bulletin de la Société d’Études des Hautes-Alpes, 7-8, 1923-1924, p. 363-365. 19. H. Bessat, Chr. Abry, “Du vieux et du nouveau à propos de ‘bornes-témoins toponymiques’ pour les archéologues : Fin, Venaz, Lavorant, Morge”, Le Monde alpin et rhodanien, Nommer l’espace, 2e-4e trimestre 1997. p. 243257 ; H. Bessat, Cl. Germi, Les noms du patrimoine alpin […], op. cit. 20. P.-Y. Lambert, La langue gauloise, Paris, 2003 (2e éd.), p. 191 ; H. Bessat, Cl. Germi, Les noms du patrimoine alpin […], op. cit., p. 319. 21. Ibid., p. 326. 22. Ibid.., p. 298. 23. Ibid.

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Les données épigraphiques et archéologiques Les renseignements fournis par les inscriptions sont variés et non négligeables :

Les bornes frontières Aucune n’a été découverte entre le territoire voconce et celui des cités limitrophes, mais cinq bornes séparant le territoire des Viennois et des Ceutrons ont été mises en place par Vespasien dans la chaîne des Aravis24, dans le massif des Aiguilles Rouges25 et dans le massif du Mont-Blanc26. En 74, sur ordre du Prince, Gnaeus Pinarius Cornelius Clemens, légat impérial commandant de l’armée de Germanie Supérieure, a matérialisé les limites entre les Viennois et les Foroclaudienses Ceutronum (Aime) de la province des Alpes Graies.

Les indications de distances portées sur certaines bornes milliaires, puisqu’elles sont comptées à partir du chef-lieu de la cité

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Une borne milliaire de Dioclétien de 285-28627, découverte à Arras (Ardèche), indique une distance de trente et un milles (46 kilomètres). Cette distance ne peut être comptée à partir d’Alba (Ardèche), capitale des Helviens, qui est à quatrevingts kilomètres d’Arras par la route actuelle, ni de Valence (Drôme), à trentedeux kilomètres, mais bien de Vienne (Isère), qui se trouve à cinquante et un kilomètres d’Arras par la RN 86 (rive droite). Cette partie de la rive droite du Rhône relevait donc de Vienne.

La mention du triumvirat locorum publicorum persequendorum Typiquement viennoise, cette magistrature, qui était le sommet du cursus municipal, se retrouve en plusieurs points du territoire : à Genève28, Passy en Haute-Savoie29, Andance en Ardèche30…

24.  ILN,

Vienne, 543, sous le col de l’Avenaz (1 929 m) ; ILN, Vienne, 544, au col du Petit Croisse-Baullet (2 009 m) ; ILN, Vienne, 545, au col du Jaillet (1 723 m). 25. ILN, Vienne, 550, sur la commune de Servoz. 26. ILN, Vienne, 546, sur le versant occidental du col de La Forclaz-du-Prarion (1 533 m). Sur ces bornes, voir en dernier lieu, B. Rémy, “Bornage municipal et pâturages d’altitude dans les Alpes à l’époque romaine”, dans L. Lamoine, Cl. Berrendonner et M. Cébeillac-Gervasoni (dir.), La Praxis municipale dans l’Occident romain, Clermont-Ferrand, 2010, p. 317-325, avec bibliographie. 27. ILN, Vienne, 920. 28. ILN, Vienne, 843, 844, 846. 29. ILN, Vienne, 548. 30. ILN, Vienne, 315.

Critères de délimitation du territoire des cités gallo-romaines : les exemples de Vienne et de Die

La mention des pagi et des magistrats de pagi Ils sont bien attestés chez les Voconces méridionaux31, mais sont absents chez leurs voisins Tricastins. S’il est évidemment exagéré d’attribuer en toute circonstance à des vestiges antiques une valeur symbolique de limite, il ne faut pas négliger, exempli gratia, l’emplacement de certains sanctuaires “de confins”32. Dans la cité d’Alba, un temple de ce type pourrait marquer la limite méridionale : à l’extrémité ouest du cirque d’Estre ou Combe d’Arc (commune de Vallon-Pont-d’Arc, Ardèche), un sanctuaire gallo-romain, fondé au milieu du ier siècle avant notre ère et fréquenté jusqu’au ive siècle, domine à l’entrée des gorges le cours de l’Ardèche33. Situé à 226 m d’altitude, il contrôle les accès au gué de Chauvieu (à l’ouest) et au Pontd’Arc (à l’est). Les routes peuvent aussi jouer le rôle de limite, au moins quand elles correspondent à une zone de contact entre plaines et hauteurs, mais constituant aussi un lien essentiel, elles peuvent rattacher par un col tout un secteur à une cité.

Les documents médiévaux attestant les limites des diocèses Les érudits et même les historiens pensaient autrefois que les frontières des diocèses – bien connues chez les Voconces à partir du xiiie siècle avec des listes précises d’églises par diocèse – avaient fossilisé l’espace de la cité du Haut-Empire. En 1878, Auguste Longnon34 n’hésitait pas à écrire : “le principe de la corrélation des divisions ecclésiastiques avec les circonscriptions civiles, exprimé dans les prescriptions de plusieurs conciles de l’époque romaine [par exemple, le canon 17 du concile de Chalcédoine, en 451], est un des faits les plus importants pour l’étude de la géographie historique ; il donna aux diocèses ecclésiastiques la circonscription des ciuitates”. En 1912, Camille Jullian pensait de même dans la 4e édition de son petit opuscule appelé Gallia (p. 234), mais, en 1934, Albert Grenier35 avait déjà une opinion plus nuancée.

31. CIL

XII, 1376, 1377, 1529 ; ILGN, 226. les sanctuaires “de confins” voir J.-P. Brun (CAG, 83/1, p. 131, fig. 40) pour les limites de la cité de Fréjus. Voir aussi L. Gillot, “Sanctuaires et territoire civique, le cas de Corinthe. L’apport conceptuel et méthodologique du monde grec classique”, dans M. Dondin-Payre et M.-Th. Raepsaet-Charlier (éds.), Sanctuaires, pratiques cultuelles et territoires civiques dans l’Occident romain, Bruxelles, 2006, p. 3-29 et plus spécialement, p. 13-29. 33. CAG 07, p. 418-419. 34. Géographie de la Gaule au iv e siècle, Paris, 1878, “Introduction”, p. III-IV. 35. A. Grenier, Manuel d’archéologie […], op. cit., p. 184-185. 32. Sur

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De nos jours, sans nier absolument toute valeur à cette source, les historiens, notamment Philippe Leveau36, ont montré qu’il fallait se garder de toute systématisation, tout particulièrement en Narbonnaise, où les diocèses ont connu de nombreuses vicissitudes. On peut encore dire avec Albert Grenier que “l’Église représente sur notre sol l’héritière la plus fidèlement conservatrice du cadre administratif romain”37, mais il ne faut jamais oublier que les limites ecclésiastiques reprennent au mieux les limites des cités des ive et ve siècles, qui ne correspondent pas toujours aux frontières municipales des trois premiers siècles. De plus, en dépit du conservatisme de l’Église, les limites diocésaines ont pu suivre avec un certain retard les fluctuations politiques et subir, au cours des siècles du Moyen Âge, des amputations ou des extensions dues à la féodalité. Ainsi, la cité de Vienne a-t-elle été divisée en plusieurs diocèses : Lyon, Vienne, Belley, Genève, Grenoble, Maurienne et Moûtiers-Tarentaise. Pour une exploitation aussi rationnelle que possible des documents ecclésiastiques, il faut utiliser les pouillés, c’est-à-dire les registres des biens et des bénéfices ecclésiastiques situés dans un territoire déterminé, en remontant le plus haut possible. Dans la région étudiée, ce ne sont d’ailleurs pas des pouillés proprement dits, mais presque uniquement des comptes ou des taxes de sommes perçues par les collecteurs apostoliques ou dues à l’évêque. En se complétant et en se corrigeant, tous ces documents fournissent des indications qui permettent de cerner d’un peu plus près les limites d’une cité, sans toujours pouvoir prétendre à la même rigueur que pour le tracé d’une frontière actuelle.

L’exemple du tracé de la limite entre les Viennois et les Vcennii de l’Oisans Bornons-nous à l’exemple du tracé de la limite entre les Viennois et les Vcennii de l’Oisans – dont le nom figure sur le trophée de La Turbie entre les Médulles et les Caturiges38 – entre Le Bourg-d’Oisans et Grenoble. Pour un voyageur empruntant la vallée de la Romanche, la gorge de Livetet-Gavet forme une véritable “frontière naturelle”. C’est bien l’opinion des géographes : “le passage entre Livet et Séchilienne, écrivait André Allix39, a de tout temps marqué la limite entre l’Oisans et le bassin de Vizille”. Au Moyen Âge, il 36. Ph. Leveau,

“Dynamiques territoriales et subdivisions de cités romaines. À propos des cités d’Avignon et Arles (Gaule Narbonnaise)”, Revue Archéologique de Narbonnaise, 33, 2000, p. 39-46 ; Ph  Leveau et J.-M. Palet Martinez, “Les Pyrénées romaines, la frontière, la ville et la montagne. L’apport de l’archéologie du paysage”, Pallas, 82, 2010, p. 171-198, et ailleurs. 37. A. Grenier, Manuel d’archéologie […], op. cit., p. 145. 38. CIL, V, 7817 39. L’Oisans, Paris, 1929, p. VII.

Critères de délimitation du territoire des cités gallo-romaines : les exemples de Vienne et de Die

y avait d’ailleurs là une limite politique, puisque c’est au pont de l’Eychalier, à deux kilomètres en aval de Gavet, que commençait le mandement de l’Oisans ; “locus Liueti est Clauis totius mandamenti Oysenci”, dit un texte de 1343. Plusieurs toponymes frontières confirment les éléments topographiques et les indications de l’histoire. L’Anonyme de Ravenne indique une station Fines entre Cularo (Grenoble) et Catorissum (Le Bourg-d’Oisans). La Table de Peutinger ne la mentionne pas ; sur la route de Vienne aux Alpes Cottiennes, elle passe directement de Grenoble au Bourg-d’Oisans. Il semble pourtant logique d’admettre l’existence de cette station, et donc une omission de la Table : d’une part, l’Anonyme de Ravenne reproduit dans le même ordre que la Table les noms des quatre premières stations, il n’y a donc pas lieu de supposer a priori qu’il ait déplacé la station “Fines” ; d’autre part, la distance indiquée par la Table (12 milles, soit environ 18 kilomètres) entre Grenoble et Le Bourg-d’Oisans est beaucoup trop faible, puisque, par la route actuelle, cinquante kilomètres séparent les deux villes. Se pose alors le problème de la localisation de cette station. Faut-il entendre la distance de douze milles entre Grenoble et Fines ou entre Fines et Le Bourg-d’Oisans ? Dans le premier cas, Fines serait à dix-huit kilomètres de Grenoble, donc à proximité de Vizille, dans le second, à dix-huit kilomètres du Bourg-d’Oisans, sur le territoire de la commune de Livet-et-Gavet. Il faut retenir sans hésitation la seconde hypothèse, puisque dans l’État de l’Oisans, un texte de 1339 sont mentionnés à l’ouest de Livet, entre Salignères et le pont de Portes, plusieurs lieux-dits dérivés de Equo-Randa, un terme frontière bien connu en toponymie40 : Auorandus, un écart (rive droite de la Romanche) abandonné dès le xviiie siècle, face à l’actuel village de Gavet ; Clotos de Auorando, l’actuel hameau des Clots (rive gauche) ; Cumba de Auorando, la gorge de la Romanche ; nemus Auorandi, un bois de la rive gauche. On retrouve encore sur le cadastre de Livet-et-Gavet un lieu-dit Lavorant (petit plateau, à environ 750 m d’altitude, sur la rive gauche). Dans la même commune, on connaît un autre toponyme frontière : le Pont de la Véna (ou Aveynat), dérivé de La Venaz41 ; un peu en aval, on rencontre un lieu-dit Morge, à Saint-Barthélémy-de-Séchilienne. Un faisceau aussi fort d’indices linguistiques impose de placer dans ce secteur le Fines mentionné par l’Anonyme de Ravenne. Les pouillés médiévaux attestent que le diocèse de Grenoble englobait l’Oisans, mais, au vu de l’ancienneté des toponymes frontières dont nous venons de parler, il est quasiment certain que cette région a été rattachée à Grenoble sous Dioclétien et Maximien lors de la division de la cité de Vienne en trois nouvelles cités (Vienne, 40. P. Lebel,

“Où en est le problème d’Equoranda ?”, Romania, 63, no 250, 1937, p. 145-203 ; É. Thevenot, “La station routière de Fines, le long de la route romaine de l’Oisans et les limites du pays des Ucennii ”, Revue des Études Anciennes, 44, 1942, p. 234-245 ; H. Bessat, Cl. Germi, Les noms du patrimoine alpin […], op. cit., p. 302-309, p. 307. 41. Voir H. Bessat, Cl. Germi, Les noms du patrimoine alpin […], op. cit., p. 309-314.

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Grenoble et Genève)42, sans doute pour offrir à Cularo un couloir aisé de circulation vers le col du Mont Genèvre, l’Italie et la vallée du Pô. Au Haut-Empire, les Vcennii pourraient avoir fait partie de la clientèle des Viennois. C’est une hypothèse plausible, d’autant qu’il est peu probable que l’Oisans ait jamais constitué une cité autonome. Il est peut-être même possible d’envisager qu’ils leur avaient été “attribués”, selon la pratique bien connue de l’attributio.

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42. B. Rémy,

“De Cularo à Grationopolis. Sur le changement de statut et de nom de Grenoble”, La Pierre & l’Écrit, 16, 2005, p. 19-23 ; B. Rémy, J.-P. Jospin, Cularo, Gratianopolis, Grenoble, Lyon, 2006.

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La gestion du réseau routier dans les cités arverne et vellave à l’époque romaine : approches archéologique et épigraphique

Marion Dacko

Résumé –

Les cités arverne et vellave se situent dans la partie montagneuse du Massif central et correspondent en grande partie aux limites administratives de l’Auvergne actuelle. L’intensification des opérations d’archéologie préventive et la multiplication des recherches universitaires permettent aujourd’hui d’apporter une vision d’ensemble du réseau routier dans ce secteur des Trois Gaules. Si la gestion spatiale du réseau routier semble désormais établie, les questionnements relatifs au financement des travaux, aux chantiers et à leur contrôle ainsi qu’à l’entretien des routes, sont plus difficiles à mettre en évidence dans cette région de l’empire. Bien souvent le statut du commanditaire des travaux routiers est inconnu. Toutefois, les disparités observées sur des axes suprarégionaux ou à un échelon plus secondaire semblent montrer que les chantiers ont été conduits sous le contrôle des autorités locales.

Mots-clés –

Antiquité - Cités arverne et vellave - Voie romaine - Milliaire - Commanditaire.

Abstract – Located in the montainous part of the Massif Central, the cities of the Arverni and the Vellavii largely correspond to the administrative limits of the current French region of Auvergne. The increase of preventive archeological operations and the intensification of the university researches actually bring an overall view of the road network in this area of the Three Gauls. If the spatial management of the road network seems established anymore, questionings about the sources of funding of the works, about the roadworks and their supervision and moreover the maintenance of roads, are more difficult to highlight in this part of the Empire. Most of times, the status of the sponsor of the roadworks is unknown. However, the disparities observed over supraregional axes or in a more secondary level seem to prove that construction sites are led under the control of the local authorities. Keywords –

Antiquity - Cities of the Arverni and Vellavii - Roman Road - Milestone - Sponsor.

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es cités arverne et vellave se situent dans la partie montagneuse du Massif central et correspondent en grande partie aux limites administratives de l’Auvergne actuelle. Ces territoires sont regroupés dans la province impériale d’Aquitaine (partie orientale), issue d’un découpage de la Gaule Celtique sous Auguste, vraisemblablement en 16-13 av. J.-C. Au début de l’Empire, la cité des Arvernes reçoit le statut privilégié de cité libre aux côtés des Bituriges Cubes, des Bituriges Vivisques et des Santons, et obtient le droit latin dès le règne de l’empereur Claude. Les Arvernes jouissaient donc vraisemblablement d’une autonomie politique et financière. La documentation épigraphique disponible reste encore lacunaire et ne permet pas d’appréhender pleinement les institutions municipales de cette cité. Les Vellaves – détachés des Arvernes après la Conquête − auraient bénéficié du statut de cité pérégrine stipendiaire au début de l’Empire avant de connaître au cours du iie ou iiie siècle le statut de cité libre ; ils auraient reçu le droit latin au milieu du ier siècle apr. J.-C. Ces deux territoires occupent une position centrale et stratégique en Gaule, où les premiers vestiges de voies construites en dur remontent au iie siècle av. J.-C. Le territoire arverne était traversé d’est en ouest par l’une des voies dite d’Agrippa décrite par Strabon en 19 av. J.-C.1 Cette voie permettait de contrôler depuis Lugdunum (Lyon) certaines des grandes cités du centre de la Gaule : les Ségusiaves, les Arvernes, les Lémovices et les Santons. Les Arvernes étaient également en contact avec les puissantes régions septentrionales (biturige, éduenne) au moyen d’un réseau de routes et chemins plus anciens desservant notamment les oppida. Le territoire vellave était quant à lui traversé du nord-est au sud-ouest par un axe reliant Lyon à Bordeaux selon la Table de Peutinger ; la cité se trouve également au contact de la Gaule Narbonnaise. Les chefs-lieux arverne et vellave, Augustonemetum (Clermont-Ferrand) et Ruessio (Saint-Paulien), étaient donc des carrefours routiers importants, reliés efficacement à l’ensemble des territoires voisins au moyen d’un réseau viaire relativement dense malgré d’importants obstacles naturels. La gestion du réseau routier dans l’empire, d’un point de vue juridique et financier, est connue par quelques traités de réglementation, essentiellement des textes gromatiques, rédigés dans la seconde moitié du ier siècle de notre ère et sous Trajan2. L’arpenteur Hygin, en se référant aux lois d’Auguste, rappelle la largeur des voies principales (decumanus et cardo maximus) dans les espaces centuriés3. L’arpenteur Siculus Flaccus établit un classement hiérarchique des routes qui relevaient des pouvoirs publics impériaux ou locaux dans les terres non divisées par la centuriation4 : 1. Strabon,

Géographie, IV, 6, 11, texte établi et traduit par F. Lasserre. Paris, 1966. G. Chouquer, L’arpentage romain. Histoire des textes, Droit, Techniques, Paris, 2001. 3. Hygin, De Limitibus. Les arpenteurs romains, t. II, Hygin, Siculus Flaccus, texte établi et traduit par J.-Y. Guillaumin, Paris, 2010. 4. Siculus Flaccus, De conditionibus agrorum. Les arpenteurs romains, t. II, Hygin, Siculus Flaccus, op. cit.. 2.   F. Favory,

La gestion du réseau routier dans les cités arverne et vellave à l’époque romaine : approches archéologique et épigraphique

–– les voies publiques, construites aux frais de l’État, portent les noms de ceux qui les ont tracées et sont sous la surveillance des curateurs ; –– les voies vicinales, liaisons entre les voies publiques, sont construites et entretenues par les pagi. Chaque propriétaire doit également entretenir la portion de voie qui traverse son domaine ; –– enfin, les voies privées (menant aux domaines) s’embranchent sur le réseau vicinal. Leur entretien est à la charge de chaque propriétaire. Il faut évidemment se demander quels sont les degrés d’application d’une telle réglementation dans une région située hors d’Italie, dont l’organisation politique et administrative nous échappe encore largement, et où l’on ne connaît pas de curator viarum. Mon propos tentera ainsi d’appréhender, à la lumière des données archéologiques, puis des sources épigraphiques et littéraires, la part de l’administration impériale et le rôle du pouvoir local et des communautés dans la gestion du réseau routier et le domaine du financement des travaux publics.

Les données archéologiques Les données archéologiques disponibles attestent de très nettes différences de morphologie ou de largeur sur une même voie traversant plusieurs territoires ou à l’intérieur d’une même cité.

Les disparités dans la construction d’une voie d’une cité à l’autre Quelques observations sur la section Augustonemetum - Augustoritum (Clermont-Ferrand - Limoges) La section de voie entre Clermont et Limoges appartient à un itinéraire interprovincial reliant Lyon, capitale des Gaules, à l’océan et à l’Aquitaine. Cette voie est traditionnellement associée à la quatrième branche du réseau d’Agrippa, programme routier mis en œuvre sous Auguste. Sa création, que l’on situe vers les années 20 av. J.-C., répond à des nécessités encore marquées par la situation militaire. Le tracé de la section Clermont - Limoges est bien renseigné tant dans la partie auvergnate (notamment à l’ouest du chef-lieu de cité, Augustonemetum) que dans la traversée du Limousin. Depuis les années 1930, cette voie a fait l’objet de nombreuses reconnaissances au sol par le biais de prospections pédestres et d’une douzaine de sondages stratigraphiques. En territoire arverne, quatre sondages, régulièrement répartis sur son tracé, ont été effectués en contexte rural. Ces opérations ont permis de montrer que le gabarit de la chaussée centrale oscille entre 6,20 m et 7,10 m de large, soit entre vingt et un et vingt-quatre pieds romains. Au lieu-dit

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Les Glègues, sur la commune de Gelles, la chaussée, pierres de marge comprises, mesure 6,81 m de largeur5 ; cette dimension correspond très exactement à 23 pieds romains6. Ce gabarit est identique à celui de la voie fouillée par P. Denimal et P. Ganne à La Croix des Adieux, sur la commune de Fernoël, aux confins des cités arverne et lémovice. D’un bord extérieur à l’autre des pierres de bordure, la voie étudiée est large de 6,81 m7. Ces deux opérations archéologiques, distantes d’une vingtaine de kilomètres, tendent à montrer le respect d’un gabarit type lors de la construction de ce tronçon chez les Arvernes. Peu après son passage dans la cité lémovice, ces dimensions diminuent considérablement : la largeur entre les umbones chute à 4,15 m8 et, jusqu’à Limoges, la chaussée mesure en moyenne 4,50 m de large. Comment expliquer de telles différences de dimension sur cet axe principal ? Les contextes topographiques et géologiques globalement similaires (complexe magmatique de Guéret) ne semblent pas avoir joué ici un rôle déterminant. Dans sa récente synthèse sur les voies romaines en Limousin, J.-M. Desbordes tente d’appréhender ces variations en renvoyant aux statuts juridiques des deux cités. Le financement de la chaussée aurait pu différer dans les deux territoires limitrophes. La cité arverne, cité libre, aurait pu bénéficier de crédits voyers en suffisance pour construire une voie très large. Les Lémovices, cité stipendiaire, aurait bâti une voie à l’économie9. Il faut souligner que si les dimensions de cette section de voie varient dans les deux territoires, le mode de construction est cependant globalement le même : les vestiges de chaussées en agger témoignent d’importants travaux de terrassement engendrés par le tri, le concassage et le transport des matériaux, et par la conception technique élaborée de l’assiette routière (décaissements des fossés et nivellement de la plate-forme médiane). Ces travaux suggèrent un financement vraisemblablement onéreux ainsi que l’emploi d’une main-d’œuvre conséquente.

Quelques observations sur la voie Clermont - Bordeaux dans sa traversée de la Haute-Combraille et du nord-est de la Corrèze D’autres divergences de construction ont été relevées sur la voie Clermont Bordeaux. Le tracé de cette route, qui reliait les cités des Arvernes, des Lémovices, des Pétrucores et des Bituriges Vivisques, est particulièrement bien attesté en Haute-Combraille et au nord-est du département de la Corrèze. Quelques 5. M. Dacko, Les voies romaines en territoires arverne et vellave, rapport de prospection thématique, Service régional de l’Archéologie, DRAC Auvergne, 2010. 6. Un pied romain est égal à 0,2963 m (0,2963 m x 23 pieds romains = 6,81 m). 7. P. Denimal, P.-M. Ganne, Sondage sur le “Chemin de César” (commune de Fernoël, Puy-de-Dôme), rapport de sondage archéologique, Service régional de l’Archéologie, DRAC Auvergne, 1994. 8. Commune de Crocq dans la Creuse. 9. J.-M. Desbordes, Voies romaines en Gaule. La traversée du Limousin, Limoges, Travaux d’Archéologie limousine (suppl. 8) et Aquitania (suppl. 19), 2010.

La gestion du réseau routier dans les cités arverne et vellave à l’époque romaine : approches archéologique et épigraphique

opérations archéologiques ont permis de renseigner sa morphologie et sa structure interne de part et d’autre de la frontière arverno-lémovice. En territoire arverne, au lieu-dit Bois Clair, sur la commune de Tortebesse, la chaussée de la voie, construite en agger, est délimitée par d’imposants blocs bordiers en granite. Les deux sondages réalisés dans la cité lémovice, au lieu-dit Bois du Chavanon sur la commune de Feyt et au lieu-dit Bois de la Prade sur la commune d’Aix, ont mis en évidence l’absence de système de maintien latéral de la chaussée. À Tortebesse, l’aire de circulation centrale est doublée latéralement par deux accotements ou bas-côtés sableux, sur lesquels la circulation est attestée par la présence d’importantes traces d’orniérage. L’emprise réservée à la circulation atteignait donc ici environ 12 m de large, permettant le passage de différents types d’usagers (attelage, piétons)10. Aucun vestige de ces pistes latérales n’a été repéré chez les Lémovices.

Les variations dans la morphologie d’une voie à l’intérieur d’une cité En territoire arverne, deux sondages archéologiques, distants d’environ 5 km, ont été réalisés sur la voie Clermont - Limoges. Sur la commune de Gelles, au lieudit Les Consarets11, le radier de fondation, constitué de gros blocs en granite et en basalte jointifs et posés à plat, a été bâti sur un épais apport de limon brun. Deux imposantes bordures viennent le délimiter. Différents niveaux empierrés, destinés à la préparation ou la circulation, viennent ensuite le recouvrir. La largeur circonscrite entre les pierres de bordure mesure 6,20 m. Aucun fossé de drainage ne vient encadrer la chaussée, car sa surélévation n’en nécessite pas. Au lieu-dit Les Glègues12, sur la commune de Gelles, l’agger de la chaussée est constitué de plusieurs niveaux de limons sableux compacts et nivelés, qui remplacent le radier de fondation reconnu aux Consarets. Les seuls matériaux empierrés et calibrés mis au jour ont été employés pour l’édification d’une bordure latérale de la chaussée en terre battue. Deux larges fossés de drainage encadrent la chaussée. Cette chaussée légère renvoie à la catégorie des viae terrenae décrites par le jurisconsulte Ulpien au iiie siècle apr. J.-C.13 Les tronçons sont respectivement établis à une altitude de 866 et 875 m NGF. Cette portion d’itinéraire s’inscrit dans la traversée du massif granitique de Gelles. Les formations géologiques sont donc analogues et ne peuvent éclairer cette mutation de construction. 10. M. Dacko

et G. Massounie, La voie du bois de Clergeat, commune de Tortebesse, Hautes Combrailles, rapport d’intervention archéologique, Service régional de l’Archéologie, DRAC Auvergne, 2007. 11. M. Dacko en collaboration avec Cl. Mitton, Les voies romaines en territoires arverne et vellave, rapport de prospection thématique avec sondages, Service régional de l'Archéologie, DRAC Auvergne, 2012. 12. M. Dacko en collaboration avec S. Chabert et A. Ducreux, Les voies romaines en territoires arverne et vellave, rapport de prospection thématique avec sondages, Service régional de l'Archéologie, DRAC Auvergne, 2010. 13. Ulpien, Digeste, 43, 11, 1-2.

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À travers ces quelques exemples, il paraît donc difficile d’appréhender le statut d’une voie sur la base de critères morphologiques ou métrologiques. Les données issues des opérations archéologiques récentes révèlent en effet que la physionomie d’une même voie se révèle fort différente à quelques kilomètres d’écart. La voie Clermont - Limoges alterne ainsi les tronçons de chaussées épaisses construites en dur et les sections moins élaborées, suggérant des groupes d’entrepreneurs distincts, sans que l’on puisse toutefois leur assigner un statut. Certaines différences de gabarit et de largeur sont très nettes sur une même voie traversant plusieurs territoires, témoignant peut-être de chantiers organisés dans le cadre de la cité. La variabilité géologique et topographique des territoires traversés, si elle doit être prise en compte, ne peut expliquer à elle seule les mutations observées dans les exemples présentés, bien qu’on ne puisse toutefois, pour l’instant, apporter de solutions probantes.

Données épigraphiques et sources littéraires tardo-antiques

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L’analyse du bornage routier et des données textuelles permet également d’aborder la gestion du réseau viaire et sa chronologie.

Les bornes milliaires Les grandes phases chronologiques des travaux routiers Le corpus des bornes routières se compose de trente-neuf exemplaires, constitués de vingt-neuf bornes avec inscription et de dix colonnes anépigraphes. Les bornes arvernes jalonnaient vraisemblablement sept axes différents, tandis que les dix-neuf bornes vellaves étaient concentrées presque exclusivement sur la portion de la voie reliant Lyon à Bordeaux. Il s’agit donc d’un corpus documentaire inégalement réparti. La lecture chronologique du réseau doit donc être réalisée avec précaution. Néanmoins, ce corpus constitue l’un des plus importants d’Aquitaine. La première phase de travaux routiers correspond aux Julio-Claudiens. Les plus anciens milliaires datent en effet du règne de Claude et sont érigés sous son troisième consulat, dans les années 45-46 apr. J.-C. Ces bornes jalonnaient les axes traversant la cité arverne d’est en ouest et du nord au sud. La deuxième grande phase se déroule sous les Antonins. Les bornes de Trajan et d’Hadrien, érigées entre l’extrême fin du ier siècle et les années 120 apr. J.-C., témoignent vraisemblablement de quelques réfections apportées au réseau suprarégional en territoire arverne comme chez les Vellaves.

La gestion du réseau routier dans les cités arverne et vellave à l’époque romaine : approches archéologique et épigraphique

Le iiie siècle fournit le plus grand nombre de bornes, réparties depuis le règne de Sévère Alexandre à partir de 222 apr. J.-C. jusqu’à la fin du siècle, sous Dioclétien. Le règne des premiers empereurs illyriens Maximin et son fils marque une vaste entreprise de bornage de la voie entre Lyon et Bordeaux dans les années 236-237 apr. J.-C. Cinq bornes vellaves mentionnent les travaux qui ont occasionné le bornage : “[Les empereurs] ont restauré les routes et les ponts très endommagés par le temps […]”14. Si ce schéma en trois principales phases de construction est attesté dans d’autres provinces romaines et conforté par un bien plus grand nombre de bornes milliaires15, la lecture chronologique du réseau arverne et vellave doit être nuancée. Ainsi les bornes de Claude marquent-elles la fin de la construction du réseau d’Agrippa, notamment sur la branche Lyon - Saintes, ou bien une première campagne de réfection du réseau, soixante-dix ans après sa mise en place ? L’absence de bornes édifiées dans la seconde moitié du iie siècle et au début du iiie siècle traduitelle un ralentissement des travaux routiers durant cette période ?

Bornes milliaires et manifestations civiques : le cas des bornes tardives de la cité vellave À la suite du règne de Maximin, d’autres bornes sont régulièrement érigées toutes les décennies jusqu’en 275 : sous Philippe l’Arabe entre 244-247 de notre ère, sous Trébonien Galle entre 251 et 253, sous l’empereur Postume entre 260 et 269 et enfin sous Aurélien au cours de l’année 275. Si l’on considère que la politique d’entretien et de restauration routière engagée par Maximin le Thrace, dont l’envergure est attestée à l’échelle de l’empire par environ deux cents milliaires, correspond à une réalité en territoire vellave, nous pouvons nous demander si la voie nécessitait encore des réparations importantes, justifiant l’érection de nouvelles bornes. Quelques études relatives au réseau routier antique montrent qu’au cours du iiie siècle une volonté de dédicace s’impose progressivement à travers l’utilisation des bornes milliaires16. Celles-ci correspondent dès lors à des manifestations de loyalisme et de fidélité de la part des cités envers le pouvoir impérial et son intervention financière en matière de routes plus qu’à de véritables programmes de 14. M. Dacko

en collaboration avec L. Lamoine, “Redécouverte d’un milliaire romain, La borne de Chaspuzac (Haute-Loire), cité des Vellaves (province d’Aquitaine)”, Revue archéologique du Centre de la France, 49, 2010, p. 351-356. 15. A. Tranoy, “La route, image et instrument du pouvoir impérial dans le nord-ouest ibérique”, Cadernos de Arqueologia, série II, 12-13, 1995-1996, p. 31-37. 16. M. Silvestrini, “Le civitates dell’Apulia et Calabria: aspetti della documentazione epigrafica tardoantica“, dans G. Volpe, R. Guiliani (éds.), Paesaggi e insediamenti urbani in Italia meridionale fra tardoantico e altomedioevo, Atti del Secondo Seminario sul Tardiantico e l’Altomedioevo in Italia Meridionale (Foggia, Monte Sant’Angelo 27-28 maggio 2006), Bari, 2010, p. 61-76. P. Basso, I miliari lungo le strade dell’impero, Atti del Convegno (Isola della Scala, 28 novembre 2010), Vérone, 2011.

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restauration. Les opérations archéologiques pratiquées sur la voie Lyon - Bordeaux – qui concentre l’essentiel de ces bornes tardives – n’ont d’ailleurs pas permis d’attester ces multiples phases de réparation.

Formulaires et unités de mesure : des initiatives locales ?

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Dans son étude sur les voies romaines réalisée à l’échelle de l’empire, Th. Pekary suppose que les libellés officiels inscrits sur les bornes étaient fixés à l’échelle de la Province par l’administration du gouverneur17. Concernant l’Afrique proconsulaire, P. Salama a mis en évidence un système de gestion administrative inter­ provinciale des travaux routiers, avec une structure commune chargée des bornages routiers. Les bornes des cités arverne et vellave dédicacées à un même empereur présentent de nombreuses dissemblances tant au niveau du support (matériau, facture) que du texte (formulaire et disposition). Ainsi, les dédicaces à Aurélien18 ou à Postume19 érigées simultanément sur plusieurs routes distinctes sont plus ou moins développées. Les unités de mesures employées présentent également des variations notables. Au cours du ier siècle apr. J.-C., les bornes arvernes fournissent une distance en mille romain. À partir du règne d’Hadrien et jusqu’à la fin du iiie siècle, l’unité de mesure en vigueur semble désormais la lieue, dont l’emploi est officialisé dans les Trois Gaules sous Caracalla. Tout au long de la période considérée, les milliaires vellaves indiquent quant à eux une distance exclusivement en mille, comme dans les territoires voisins de la Narbonnaise20. Ainsi, la voie Lyon - Bordeaux, dans sa traversée des territoires ségusiave et vellave, concentre dix bornes relatives à Maximin le Thrace, érigées en 236 ou 237 apr. J.-C. Les cinq bornes ségusiaves (érigées entre le chef-lieu Forum Segusiavorum − Feurs, Loire − et la frontière vellave) indiquent une distance en lieue tandis que les milliaires de la cité voisine des Vellaves donnent quant à eux une numérotation en mille. Doit-on voir dans la permanence de ce système de mesure le signe d’une certaine autonomie administrative concédée à la cité ou bien celui d’une manifestation d’identité culturelle ?

17. Th. Pekary, 18. Bornes

319).

19. Bornes

Untersuchungen zu den römischen Reichsstrassen, Bohn, 1968. de Tréteau, cité arverne (CIL, XVII/2, 351) et de Saint-Jean-d’Aubrigoux, cité vellave (CIL, XVII/2,

d’Ydes, cité arverne (CIL, XVII/2, 353) et de Saint-Jean-de-Nay, cité vellave (CIL, XVII/2, 331). la cité des Helviens, limitrophe des Vellaves, dix-huit milliaires d’Antonin le Pieux ont été retrouvés ; ils ont été érigés en une opération au bord de la voie reliant le Rhône à Alba et à la frontière des Arécomiques, sur commande et financement de la cité. J. Napoli et R. Rebuffat, “Les milliaires ardéchois d’Antonin le Pieux“, Gallia, t. 49, 1992, p. 51-79 ; I. König, “Les milliaires du département de la Haute-Loire”, Cahiers de la HauteLoire, 1979, p. 29-47. 20. Dans

La gestion du réseau routier dans les cités arverne et vellave à l’époque romaine : approches archéologique et épigraphique

Les données textuelles de l’Antiquité tardive Pour l’Antiquité tardive, nous disposons des écrits de Sidoine Apollinaire, gendre de l’empereur d’Occident Avitus et représentant de l’aristocratie arverne, entre 469 et 482. Ses textes relatent plusieurs déplacements officiels, notamment vers Lyon et la Narbonnaise, ainsi que quelques voyages d’agrément. Au milieu du vie siècle, Grégoire de Tours, originaire de la cité des Arvernes et évêque de Tours, fournit des éléments sur le réseau viaire autour de Brioude, attesté à cette époque comme vicus et dont le rayonnement était lié à la mise en place du culte de saint Julien21. Le récit de ces deux auteurs trahit un état de délabrement du réseau carrossable en territoire arverne. Les chaussées sont endommagées par de nombreuses fondrières et sont hérissées de pierres, rendant les voyages longs et laborieux22. Le bornage de la voie entre Clermont et Brioude n’est plus assuré, comme l’atteste l’évocation, par Sidoine Apollinaire, de “la chaussée tout au long de laquelle le nom des Césars verdit sur des colonnes déjà vieilles“23. Ces sources révèlent que la charge d’entretien du réseau paraît peu à peu abandonnée durant l’Antiquité tardive.

Conclusion Les questionnements relatifs au financement des travaux et aux constructeurs, aux chantiers et à leur contrôle ainsi qu’à l’entretien des routes sont difficiles à mettre en évidence dans cette région de l’Empire. Les découvertes d’aggeres, ces chaussées épaisses construites en dur, sont relativement peu nombreuses. Ce type d’architecture témoigne d’importants travaux de terrassement et suggère un financement vraisemblablement onéreux. Un grand nombre de tronçons du réseau principal ou d’ordre secondaire étaient des constructions plus légères, ayant probablement nécessité moins de travaux de mise en œuvre. Le degré d’équipement des voies et des infrastructures routières chez les Arvernes et les Vellaves, qui pourrait témoigner de programmes routiers spécifiques, hormis les milliaires, est difficile à appréhender. Les seuls ouvrages d’art antiques avérés sont deux ponts de bois, édifiés sur la rivière Allier pour assurer les communications vers les agglomérations secondaires de Varennes et Vichy, dont l’un est daté de la première moitié du iie siècle apr. J.-C.24 Les ponts en pierre, les gués et les 21. Grégoire

de Tours, Les livres des miracles, texte établi et traduit par H.-L. Bordier. Paris, 1857, t. I, livre II : De la passion, des vertus et de la Gloire de saint Julien, martyr. 22. Sidoine Apollinaire, Epist., II, 11 ; V, 10 ; VII, 1, texte établi et traduit par A. Loyen. Paris, 1970. 23. Sidoine Apollinaire, Carmen, XXIV, texte établi et traduit par A. Loyen. Paris, 1960. 24. J. Bergeron et A. Blanchet, Le pont antique de Varennes-sur-Allier, Service régional de l’Archéologie, DRAC Auvergne, 1990.

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Marion Dacko

bacs, indispensables pour le franchissement des principaux cours d’eau, l’Allier ou la Loire, n’ont pas encore été reconnus. La largeur et la construction des différents axes étudiés sont très variables et souvent ne suffisent pas à justifier l’importance de la voie. Il est donc très difficile de connaître le statut du commanditaire. Toutefois, les disparités observées de part et d’autre de la frontière arverno-lémovice et vellavo-ségusiave semblent montrer que les chantiers sont conduits sous le contrôle des autorités locales sur des axes suprarégionaux ou de rang inférieur.

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Organisation et gestion des lieux de culte au sein des territoires arverne et lémovice

Claire Mitton

Résumé –

L’implantation des sanctuaires dans le paysage de la cité ne doit rien au hasard mais privilégie au contraire les marqueurs topographiques (haut sommet, proximité d’une cascade…), les emplacements stratégiques et parfois pérennise la mémoire de lieux de culte préexistants. Quant au choix des divinités honorées, il semble être le fait des pouvoirs locaux. En effet, si les dieux ancestraux sont bien intégrés au sein du territoire et du chef-lieu chez les Arvernes et les Lémovices, on observe également une institutionnalisation des cultes visible au travers des inscriptions et des formulations rituelles (systématisation du culte à l’empereur, par exemple). La municipalisation des Gaules se reflète dans cet aspect standardisé des rituels montrant un contrôle des territoires de la part des institutions. Toutefois nous ne pouvons raisonner pour ces cités que sur l’aspect figé que représentent les inscriptions, toute une part d’individualité religieuse nous échappe encore. Mots-clés –

Lieux de culte - Arvernes - Lémovices - Interaction - Territoire.

Abstrac –

The establishment of sanctuaries in the landscape of the city owes nothing to chance but rather favors the topographical markers (high top, near a waterfall…), strategic locations and sometimes perpetuates the memory of pre-existing places of worship. The choice of deities honored seems to be that of local authorities. Indeed, if the ancestral gods are well integrated in the Arverni’s and Lemovoci’s territory, there is also an institutionalization of religion visible through inscriptions and ritual formulations (systematization of worship to the emperor by example). Municipalization of Gaul is reflected in this aspect standardized rituals showing a very controlling territories framed by the institutions of the city. However we can argue for these cities on a frozen look that is found in the inscriptions, a part of religious individuality still eludes us. Keywords –

Sanctuaries - Arverni - Lemovici - Interaction - Territory.

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Claire Mitton

L 

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a municipalisation des Gaules a entraîné des changements dans la vie institutionnelle et collective1. Les prêtres et autres responsables religieux sont nommés ou élus et participent activement à la gestion et à l’organisation des cultes publics notamment en choisissant les divinités qui seront honorées dans le chef-lieu et sur le territoire, ainsi qu’en définissant le statut des sanctuaires. Le langage religieux a évolué parallèlement au développement politique et administratif de chaque cité. Les territoires évoqués dans cette étude sont les cités arverne et lémovice qui correspondent sensiblement à l’Auvergne actuelle, hormis le sud de la Haute-Loire et le nord de l’Allier, ainsi qu’en Limousin. Les données concernant le fonctionnement religieux sont, hélas, lacunaires pour ces cités. Seule une épitaphe retrouvée à Limoges mentionne la présence d’un augure2 chez les Lémovices. Quelques inscriptions mentionnant les élites dirigeantes nous donnent toutefois des bribes d’information concernant indirectement le système religieux de ces territoires. Ainsi provient d’une maison contiguë à l’église Saint-Cosme de Lyon une base gravée évoquant Caius Servilius Martianus qui a exercé des fonctions de prêtre au sanctuaire du Confluent3. Les prêtres du temple de Rome et d’Auguste étaient choisis parmi des magistrats et des prêtres publics ayant accompli une brillante carrière municipale au sein de leur cité4. On peut donc en déduire que parmi les membres de la famille des Servilii se tenaient des personnages ayant certainement exercé des fonctions publiques importantes. Une autre inscription5 provenant également de Lyon nous renseigne sur une famille lémovice, les Licinii, dont au moins un des membres était un magistrat important de sa cité ayant probablement occupé des fonctions au sanctuaire du Confluent.

Organisation territoriale Localisation et types de sites Localisation  48 sites sont présents dans le territoire arverne, dont douze découverts en prospection aérienne, et treize sanctuaires ont pu être attestés dans la cité des Lémovices. On remarque une quantité de sites nettement différente qui s’explique par 1. J.

Scheid, “Aspects religieux de la municipalisation. Quelques réflexions générales”, dans M. Dondin-Payre et M.-T. Raepsaet-Charlier (dir.), Cités, municipes, colonies, Paris, 1999, p. 381-423. 2. CIL, XIII, 1391. 3. CIL, XIII, 1706. 4. L. Lamoine, “Apport de l’épigraphie : les magistrats de la cité arverne”, dans D. Martin (dir.), L’Identité de l’Auvergne, mythe ou réalité historique, Nonette, 2002, p. 197-199. 5. CIL, XIII, 1698.

Organisation et gestion des lieux de culte au sein des territoires arverne et lémovice

Sanctuaires des territoires arverne et lémovice

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Altitude plus de 1500 m 1000 à 1500 m 500 à 1000 m moins de 500 m

Sanctuaires d'agglomérations secondaires Sanctuaires d'agglomérations hypothétiques Sanctuaires péri-urbains Sanctuaire ruraux

Fig. 1.

Sanctuaires des territoires arverne et lémovice.

0

10

20 Km

DAO : C. Mitton

Sanctuaires du chef-lieu

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les méthodes de recherches et par les conditions environnementales. En effet, les sites lémovices attestés proviennent uniquement de données de fouilles car le couvert végétal important et la prépondérance des prairies entravent les recherches de prospection aérienne. Cette méthode permet pourtant de parcourir de très grandes surfaces multipliant ainsi le nombre de découvertes de sites, comme c’est le cas dans le territoire des Arvernes. On observe un site cultuel dans le chef-lieu de cité lémovice (Augustoritum) et quatre autres au sein d’agglomérations secondaires reconnues. Les huit autres sites sont présents en milieu rural, avec toutes les précautions que cette titulature impose. En effet, il est parfois difficile de mettre en évidence d’autres structures permettant de mieux comprendre le statut du site ou de cerner le cadre territorial. Parmi les huit sites classés en zone rurale, on peut s’interroger sur la présence d’une agglomération non reconnue pour deux d’entre eux : le site de Margerides en Corrèze6 et le site de Saint-Pierre-Bellevue en Creuse7. Ces deux sites possèdent plutôt des caractéristiques de sanctuaires d’agglomération, notamment celui de Margerides qui présente un complexe cultuel à 3 fana avec des édicules (support d’autel et / ou de statue). Ce complexe ne peut être isolé. Chez les Arvernes, on observe un sanctuaire dans le chef-lieu de cité (Augustonemetum), un voire deux sites en zone suburbaine, 16 sanctuaires situés au sein d’agglomérations secondaires reconnues, et 30 sites en zone rurale.

Types de sites La majorité des lieux de culte retrouvés sont des sanctuaires comprenant un ou plusieurs temples de type fanum. Parmi eux on retrouve essentiellement des fana à simple cella mais également quelques cas de fanum à double cella (sanctuaire de Saint-Pierre-Bellevue en Creuse et celui de Charbonnier-les-Mines dans le Puy-deDôme). Les sanctuaires comportent en majorité un ou deux fana mais parfois trois comme c’est le cas à Margerides en Corrèze. Le sanctuaire de Gergovie (Puy-deDôme) ou celui de Naves (Corrèze) sont des sanctuaires à double fana. Le site de Naves a la particularité d’évoluer vers un fanum à double cella. On rencontre plus rarement des temples de plan hybride comme le temple de Mercure au sommet du puy de Dôme. Il s’agit de temples combinant des éléments d’architecture classique, comme le pronaos, et indigène, comme la galerie. Aucun temple de plan classique (avec cella et pronaos) n’est recensé pour ces deux peuples. Enfin, en minorité, on croise des sites naturels sacralisés. Ils sont difficiles à mettre en évidence d’où le faible nombre attesté. Quelques sources sacrées sont connues, comme celle de 6. G. Mercier, “Le fanum gallo-romain des Pièces Grandes à Margerides (Corrèze)”, Revue archéologique du Centre

de la France, 21, 1967, p. 5-24. “Sanctuaire de Saint-Pierre-Bellevue”, Travaux d’Archéologie limousine, 7, 1988, p. 157.

7. J. Marquaire,

Organisation et gestion des lieux de culte au sein des territoires arverne et lémovice

Chamalières dans le Puy-de-Dôme8, à laquelle se rattacherait peut-être un bois sacré, ainsi que des grottes sacralisées (la grotte de La Bade à Collandre9, Cantal).

Emplacement dans le territoire On observe de manière générale que l’implantation des sanctuaires dans le paysage de la cité ne doit rien au hasard. Plusieurs situations peuvent se présenter.

Mémoire des lieux Le site de Tintignac à Naves en Corrèze prend place sur un ancien lieu de culte gaulois : la mémoire du lieu a très certainement entraîné la continuité d’occupation. Le site est composé d’un premier lieu de culte formé d’un enclos entourant un bâtiment circulaire sur poteau. Le site connaît ensuite un état maçonné durant le ier siècle. Un nouveau péribole est mis en place et deux fana sont créés. Le site évolue ensuite vers un fanum à double cella durant le iie siècle10. Durant sa phase de monumentalisation, le site se dote également d’un portique à exèdre avec deux pièces latérales, d’un théâtre et d’un édifice semi-circulaire à 10 absides symétriques. Le site regorge de mobilier notamment de monnaies “tuées” (pliées ou éraflées).

Contexte géographique et topographique Les sites s’implantent également dans des zones au contexte géographique et / ou topographique exceptionnel. C’est le cas du temple de Mercure au sommet du puy de Dôme qui marque très clairement le territoire de par sa position dominante. Le site se place en effet au sommet du volcan le plus haut de la chaîne des Puys. Il est visible depuis le chef-lieu de cité et inversement, depuis le sanctuaire, s’étale une vue imprenable sur la capitale Augustonemetum. Il faut toutefois souligner que la mise en place de ce sanctuaire en ce lieu révèle une volonté religieuse très forte car les conditions d’implantation sont très difficiles. D’importantes terrasses ont été aménagées pour installer le lieu de culte11. De surcroît les conditions météorologiques contraignantes entraînaient très certainement d’importants coûts pour l’organisation du site et son entretien12. En dépit de ces critères astreignants, un 8. A.-M.

Romeuf, M. Dumontet, Les ex-voto gallo-romains de Chamalières (Puy-de-Dôme). Bois sculptés de la Source des Roches, Paris (DAF), 2000. 9. Note d’A. Vinatié, archive SRA Auvergne. 10. C. Maniquet, Le sanctuaire antique des arènes de Tintignac, Limoges, 2004, p. 65-66. 11. D. Tardy, J.-L. Paillet, “Fouille programmée. Orcines. Temple de Mercure au sommet du puy de Dôme”, BSR Auvergne, Service régional de l’Archéologie, DRAC Auvergne, p. 109. 12. J.-L. Paillet, D. Tardy, “Le temple de Mercure au sommet du puy de Dôme”, dans Vestiges archéologiques en milieu extrême, Paris, 2003, p. 32-49 (Idées et débats).

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Claire Mitton

imposant sanctuaire s’élève sur une plate-forme de plus de 30 m de longueur, composé d’un temple hybride avec galerie et pronaos. Il se distingue donc également par son architecture car ce type de plan est plus fréquent dans les chefs-lieux ou au sein de très grandes agglomérations. Sa situation à l’écart de la capitale n’en fait pas moins un des plus grands sanctuaires du territoire arverne forcément régi par la cité et organisé en culte public pour gérer les nombreux frais liés à sa position. Un second site semble être un important marqueur du territoire. Il se situe sur un point culminant de la commune de Saint-Pierre-Bellevue (Creuse). Le sanctuaire est composé d’un vaste espace sacré (temenos) de 500 m2 composé d’un fanum à double cella. D’autres structures annexes non identifiées sont très certainement présentes à l’intérieur du péribole car le temple est localisé à une extrémité du temenos laissant ainsi la place à des installations liturgiques (autels, statuaires, sacella). D’une des cellae du fanum provient un autel figurant Neptune, Apollon et Fortune13. Le sanctuaire est ici un marqueur important du paysage, probable siège d’un culte qui rayonnait très largement au sein du territoire lémovice.

Contexte environnemental

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Les sites peuvent également s’implanter dans des lieux naturellement privilégiés : à proximité de source par exemple. C’est le cas du site de Chamalières (Puy-de-Dôme) qui a accueilli de nombreux dédicants désireux de se soigner. Des milliers d’ex-voto en bois, en majorité anatomiques, ont été retrouvés au fond de l’émergence. Cette dernière a créé un espace très tourbeux où les seuls aménagements retrouvés en fouille sont quelques empierrements de galets en bordure de source pour éviter de s’enliser14. Les bois se tenaient dans un bassin peu profond vers lequel les gens pouvaient s’approcher pour jeter les offrandes. La découverte des bois est intéressante pour l’étude des rites et leurs organisations, mais également pour traiter de la question de la gestion des offrandes. En effet, au vu du nombre et de la standardisation des pièces, il est évident que des artisans fabriquaient ces ex-voto, probablement sur place ou non loin, et les vendaient ensuite aux pèlerins. On entrevoit ici tout l’aspect économique lié aux cultes, ce qui permet de s’interroger notamment sur le fonctionnement de ces boutiques : étaient-elles régies par les prêtres du culte ou étaient-elles complètement autonomes et / ou seulement gérées par un artisan ou un groupe d’artisans ? Le culte lié à cette source est associé à un ancien dieu local, peut-être le dieu Maponos dont il est fait mention dans une inscription15. On ne peut toutefois

13. J.

Marquaire, “Sanctuaire de Saint-Pierre-Bellevue”, art. cit. Romeuf, M. Dumontet, Les ex-voto gallo-romains de Chamalières […], op. cit. 15. P.-Y. Lambert, La langue gauloise, Paris, 1994, p. 151. 14. A.-M.

Organisation et gestion des lieux de culte au sein des territoires arverne et lémovice

attester qu’il s’agisse du dieu unique de la source. Le site est très vite abandonné au cours de la seconde moitié du ier siècle.

Emplacements stratégiques Les sanctuaires peuvent également se placer à des endroits stratégiques comme à proximité d’axes de communication. C’est le cas du site de La Sauvetat (Puy-deDôme) en bordure d’une voie antique. Le statut exact de cet axe n’est pas encore défini16. Il se poursuit sur plusieurs kilomètres et longe un sanctuaire repéré en prospection aérienne. La voie est située à environ 3 m du lieu de culte. Les datations sont encore à affiner pour pouvoir attester que le sanctuaire existait au moment où la voie était en cours d’utilisation. Si c’est le cas, la proximité de cet axe de communication permettait à ce site d’être desservi par de nombreux fidèles locaux mais également par des voyageurs empruntant ce chemin. L’acheminement de l’équipement et du ravitaillement du sanctuaire pouvait également en être facilité. Les photographies aériennes récentes montrent un sanctuaire au plan complexe où se mêlent plusieurs bâtiments en plus du fanum principal déjà connu17. Les lieux de culte se situent également à des emplacements stratégiques au sein des agglomérations. Les territoires de Gaule étaient vastes, la création des agglomérations secondaires permettait, entre autres, de contrôler ce grand espace. Elles s’organisent finalement comme le chef-lieu, et doivent assurer les devoirs qui incombent à toutes collectivités notamment en rendant des cultes aux dieux majeurs de la cité. C’est le cas de l’agglomération de Charbonnier-les-Mines (Puyde-Dôme), dont le plan a été mis en évidence en prospection aérienne par Bertrand Dousteyssier en 2005. Un fanum à double cella est visible sur les photographies. Aucune autre donnée ne pouvant malheureusement être associée à ce sanctuaire, il est impossible de connaître plus précisément son fonctionnement18. Une agglomération se dresse également au pied du puy de Dôme, au col de Ceyssat, traversée par la voie d’Agrippa qui permettait de relier Lyon à Saintes et servant de relais pour les voyageurs, mais également pour les fidèles souhaitant monter au temple du sommet. Ce site est particulier car l’agglomération possède une vocation cultuelle importante liée au temple du sommet19. Plusieurs concentrations 16. M. Dacko,

avec la collaboration de Cl. Mitton, Les voies romaines en territoires arverne et vellave, rapport de prospection thématique avec sondages, Service régional de l’Archéologie, DRAC Auvergne, 2012. 17. B. Dousteyssier, La cité des Arvernes – i er-ii e siècles apr. J.-C., Clermont-Ferrand, 2011, p. XVIII. 18. B. Dousteyssier, Survols archéologiques au-dessus de la plaine de la Limagne (Puy-de-Dôme), rapport de prospection aérienne, Service régional de l’Archéologie, DRAC Auvergne, 2005. 19. Fr. Trément, en collaboration avec L. Humbert, B. Dousteyssier, J. Trescarte, et avec les contributions de Chr. Ballut, M. Cabanis, A. De Goër de Herve, S. Laisné, F. Malacher, M.-C. Marinval, C. Pratdessus, V. Tripeau, L’agglomération antique du col de Ceyssat (Ceyssat, Orcines, Saint-Genès-Champanelle). Contribution à l’étude du contexte archéologique du temple de Mercure (Puy-de-Dôme), rapport de prospection thématique avec sondages, Service régional de l’Archéologie, DRAC Auvergne, 5 vol., 2003.

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Claire Mitton

de vestiges se placent au niveau du col et correspondent à différentes occupations (zone funéraire, zone cultuelle, zone artisanale ?, voirie). B. Dousteyssier20 propose une synthèse récente très détaillée des différentes occupations antiques liées au col de Ceyssat. Enfin, les limites de territoires étaient également des zones stratégiques pour l’implantation de temple. L’organisation des cultes aux confins des cités permettaient de marquer le territoire et de montrer la prédominance des dieux de la cité jusqu’aux frontières de celle-ci. C’est le cas du site lémovice de Chassenon, en Charente, composé d’un sanctuaire monumental de plan octogonal sur podium ; deux autres temples plus petits sont situés non loin. Les sanctuaires polygonaux sont très rares dans le Massif central, un seul cas est connu chez les Arvernes (le site d’Aron à Aurillac21), mais beaucoup plus présents dans le Poitou (zone limitrophe du site de Chassenon). Il appartient à un vaste complexe associant des thermes, deux petits temples octogonaux et un théâtre22.

Lien entre le chef-lieu et son territoire

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Le chef-lieu et son territoire sont liés par un jeu d’interactions comme le montre plusieurs sites. Le cas le plus flagrant est celui de Trèves où l’on a retrouvé, sur des bancs faisant office de triclinia dans le sanctuaire de Lenus Mars, des inscriptions mentionnant tous les pagi de la cité23. Ils étaient tous représentés dans ce sanctuaire et cette découverte très intéressante permet de mieux comprendre le lien entre la capitale et son territoire. Toute l’emprise de la cité est réunie dans un même lieu : le sanctuaire majeur du chef-lieu. Le territoire est ici représenté par des inscriptions mais on peut désormais s’interroger sur les autres formes de représentations possibles, pérennes (statuaires) ou périssables. On connaît ainsi pour ce territoire les noms de quelques pagi et les noms de leurs dieux officiels. Chaque pagi honorait une divinité locale (Ancamna, Intarabus, etc.) et rendait parallèlement hommage à la maison divine et au temple d’accueil. Ces noms de divinités indigènes, présents en grand nombre dans les autres territoires, peuvent également correspondre à des dieux officiels de pagi comme le dieu Iuanos d’Évaux-les-Bains24 (Creuse) ou la déesse Sianna du Mont-Dore25 (Puy-de-Dôme). Aucun sanctuaire n’a malheureusement été retrouvé dans les chefs-lieux des cités concernés présentant des traces de représentations des autres dieux du territoire, mais le cas de Trèves permet de formuler des hypothèses pour 20. B.

Dousteyssier, La cité des Arvernes […], op. cit., p. 32-47. “Les fouilles du fanum d’Aron”, Revue d’Auvergne, 102, 1988, p. 5-13. 22. P. Aupert, “Le temple octogonal de Chassenon”, Aquitania, 22, 2006, p. 132. 23. W. van Andringa, La religion en Gaule romaine. Piété et politique (ier-iii e siècles), Paris, 2002, p. 145. 24. D. Dussot, Carte Archéologique de la France, 23 : La Creuse, Paris, 1989, p. 112. 25. B. Rémy, Inscriptions Latines d’Aquitaine Arvernes, Bordeaux, 1996, p. 116. 21. R. Roche,

Organisation et gestion des lieux de culte au sein des territoires arverne et lémovice

quelques sites. Le sanctuaire de Tintignac (Corrèze) présente un bâtiment à absides possédant, dans au moins l’une de ses exèdres, une base monumentale probablement destinée à recevoir une statue. À l’instar du site de Trèves, on peut s’interroger sur l’éventualité d’un lieu destiné à honorer les divinités du territoire par le biais de statues disposées au sein des exèdres de ce bâtiment. Un autre site important témoignant de ce lien indéfectible entre le chef-lieu et son territoire est le sanctuaire de Rennes (Ille-et-Vilaine). Les statues des divinités des pagi étaient disposées dans la basilique du temple de Mars Mullo ou parfois dans une annexe du sanctuaire26. Ainsi, on apprend que le pagus Carnutennus honorait Mars Vicinuus, que le pagus Matans honorait Mars Mullo comme le pagus Sextanmandus. Dans nos territoires d’étude, une inscription lémovice, mentionnant la mise en place d’un fanum dédié à Pluton par les Andecamulenses27, fait probablement référence à un pagus de la cité. Il ne peut malheureusement être rattaché au chef-lieu.

Géographie religieuse Intégration des dieux locaux au sein du chef-lieu Dans les quelques cités qui offrent un panel d’exemples assez important il a été observé que les dieux locaux, indigènes n’étaient pas présents dans le cadre urbain. Un phénomène inverse s’observe chez les Bituriges Cubes28 permettant ainsi de s’interroger s’il n’en est pas de même pour les territoires arverne et lémovice. Il est très difficile de le mettre en évidence car très peu de mentions de divinité proviennent réellement du centre urbain. Les mentions retrouvées à Limoges et à Clermont-Ferrand sont pour la plupart dans la zone suburbaine et non au centre de la ville : c’est le cas de la mention du dieu Maponos, découverte à Chamalières, dans la zone péri-urbaine d’Augustonemetum ; c’est également le cas de l’inscription mentionnant le dieu Belenos qui proviendrait de Clermont-Ferrand mais dont la localisation exacte demeure floue. En revanche, la mention du dieu Grannos a été retrouvée à Limoges, dans les limites de la ville antique. De même, une inscription intéressante provenant de Clermont-Ferrand29 mentionne le numen d’Auguste et un nom de divinité indigène (Marus Moconius)30. Une divinité clairement locale semble donc être présente dans le chef-lieu, au sein d’un monument public, et 26. W. van

Andringa, La religion en Gaule romaine […], op. cit., p. 142. XIII, 1449. 28. W. van Andringa, La religion en Gaule romaine […], op. cit., p. 238. 29. Inscription retrouvée lors de la fouille préventive du Carré Jaude II (fouille INRAP dirigée par G. Alfonso). 30. G. Alfonso et C. Le Barrier, “L’ensemble public monumental de Jaude : un vaste projet d’aménagement à Augustonemetum au iie siècle”, Archeopage, 33, 2012. 27. CIL,

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Claire Mitton

associée au numen d’Auguste. On observe donc une nette intégration des dieux locaux au sein du chef-lieu.

Rayonnement des dieux majeurs de la cité dans le territoire

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Les dieux majeurs de la cité rayonnent sur tout le territoire. Le plus marquant est le cas du dieu Mercure chez les Arvernes, représenté sous diverses formes (statuaire monumentale, statuette, inscription). L’assimilation des dieux est propre à chaque cité31, on observe ainsi que les Arvernes ont choisi le dieu Mercure comme dieu principal de cité, alors que chez les Lémovices on peut s’interroger s’il ne s’agit pas du dieu Mars. Le corpus demeure toutefois, pour ce territoire, trop difficile à analyser car il n’y a pas assez d’éléments comparatifs. Les mentions restent très variées : on retrouve aussi bien Mars et Mercure que Jupiter et Hercule. Il est également fait mention du dieu Grannus (Apollon) ainsi que des divinités Pluton et Silvain. Le panel est vaste avec tout de même une prédominance pour Jupiter, Mars et Mercure. Finalement, dans le territoire arverne se profile un même schéma : s’il est clair que Mercure est très souvent représenté, il demeure essentiellement lié au temple qui lui est dédié au sommet du puy de Dôme qui devait être très connu et attirer beaucoup de monde. La majorité des mentions liées à Mercure sont dans le rayonnement de ce site. En revanche, dès que l’on s’éloigne, on observe des divinités très variées. Les grandes agglomérations possèdent notamment de nombreuses divinités sans prédominance particulière comme à Vichy (Allier) où l’on honore, entre autres, Jupiter Sabasius et Mars Vorocius. On note également la présence des dévots du culte de Diane, peut-être organisé en collège comme en témoigne la découverte d’un anneau votif portant une inscription32.

Le culte à l’empereur Le numen Augusti Le numen est la puissance créatrice de l’empereur33. Plusieurs abréviations existent, ainsi sur le site du puy de Dôme on retrouve la formulation NUM.AUG. mais également les abréviations Numin. Aug. ou Nu Ag. Les numina impériaux sont souvent associés aux noms indigènes des divinités. Le numen est généralement placé en premier hormis pour le culte à Jupiter où il vient après. Toutefois, quelques exceptions demeurent comme à Vichy où des bractéoles en argent déposées en 31. Ibid.,

p. 132-137. XIII, 1495. 33. W. van Andringa, La religion en Gaule romaine […], op. cit., p. 168-169. 32. CIL,

Organisation et gestion des lieux de culte au sein des territoires arverne et lémovice

ex-voto mentionnent le dieu Jupiter Sabasius placé après le numini Augusti. Cette inversion est peut-être liée à l’adjonction indigène Sabasius. En revanche sur l’anneau dédié à la déesse Diane le numen est mentionné après la divinité. Le culte de l’empereur associé aux cultes des dieux est assez difficile à appréhender au niveau archéologique. On retrouve des inscriptions qui permettent d’attester que l’on sacrifiait pour les empereurs dans les sanctuaires des dieux mais on ne sait pas toujours à quels emplacements ni à quels moments des cérémonies. Parfois, des bustes représentant l’imago de l’empereur étaient présents mais on ne connaît pas toujours leurs provenances et leurs rôles. Les sanctuaires aux agencements complexes avaient peut-être un espace dévolu aux imagines des empereurs en place ou défunts.

Le culte de l’Auguste L’abréviation Aug. sac. n’a pas été retrouvée chez les Lémovices. Seules les références au numen d’Auguste ou à la maison divine semblent présentes. En revanche, chez les Arvernes, à Lezoux (Puy-de-Dôme), a été retrouvée une statue figurant Mercure34 avec la mention à “Mercure et Aug. sacrum”. La référence au culte d’Auguste alliée à la mention d’une divinité permet de donner à l’Auguste un statut divin. La mention de l’empereur divinisé devient une formulation systématique au vu du nombre d’exemplaires (plus de la moitié des inscriptions de divinité sont liés au culte de l’Auguste ou au numen). Il s’agit de la marque de l’institutionnalisation des cultes en Gaule35. On retrouve ces mentions dans tout le territoire et dans tous les types de contexte de lieu de culte.

Conclusion La romanisation des cultes va de pair avec celle des peuples et des territoires. On observe un certain attachement aux dieux locaux comme en témoignent les nombreux exemples de doubles nomenclatures. Toutefois la titulature montre également une hiérarchie et il est clair que l’empereur divinisé et les divinités romaines (Jupiter, Mercure, Mars,…) prédominaient sur les dieux ancestraux. Cet aspect tend à montrer la part importante du rôle des hautes instances dans la gestion des cultes, et par là même dans la gestion des territoires jusqu’aux confins des cités. Il faut toutefois apporter une nuance car notre documentation est généralement issue d’inscriptions provenant de monuments ou d’installations pérennes, mis en place dans des cadres précis et des rites publics. Toute une part de la religiosité locale et privée nous échappe effaçant une part d’individualité propre à chaque cité. 34. B.

Rémy, Inscriptions Latines d’Aquitaine Arvernes, op. cit., p. 111-113. Andringa, La religion en Gaule romaine […], op. cit., p. 164.

35. W. van

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Le valli di Trebbia e di Nure nella Tabula Alimentaria veleiate: geomorfologia e uso del suolo

Pier Luigi Dall’Aglio e Giuseppe Marchetti

Résumé –

La Tabula Alimentaria de Veleia [TAV] doit son nom à son lien avec les Institutiones alimentariae établies par Nerva et renforcées par Trajan. Il s’agit du registre des propriétés sur lesquelles les possessores de Veleia ont constitué une hypothèque en garantie du prêt octroyé par l’empereur. Son intérêt est donc multiple : historique, économique, prosopographique, etc. Cet article propose une réflexion sur le rapport existant entre les différentes catégories cadastrales définies par la TAV (fundus, saltus, apenninus, fundus cum figlinis, etc.) et la géographie physique, dans le but de dessiner une première “carte d’usage du sol” pour l’époque romaine. Le territoire considéré est celui des vallées des fleuves Trebbia et Nure. Mots-clés – Veleia -

Tabula Alimentaria - Géographie physique - Usage du sol - Époque impériale.

Abstract –The

Tabula Alimentaria of Veleia [TAV] is a bronze inscription related to Institutiones alimentariae promoted by Nerva and reinforced by Trajan. In practice, it is the register of the estates mortgaged by Veleia possessores in order to give a guarantee for the imperial loan. Therefore, TAV gives us much information about history, economy, prosopography, etc. of this territory. The aim of this article is to understand the connection between the different cadastral categories defined in TAV (fundus, saltus, apenninus, fundus cum figlinis, ecc.) and geomorphology, in order to get a sort of “land use cartography” for roman times. The territory of Trebbia and Nure valleys will be particularly considered.

Keywords – Veleia

- Tabula Alimentaria - Geomorphology - Land Use - Imperial Age.

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L 

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a Tabula Alimentaria veleiate venne scoperta nel 1747 da don Giuseppe Rapaccioli, parroco della pieve di Macinesso, il piccolo nucleo sorto là dove in età romana era la città di Veleia, nei campi subito a nord della chiesa. Venduta a dei fonditori di Piacenza e Fiorenzuola, venne vista dal Roncovieri e dal Costa, che la recuperarono e la ricomposero. Dopo una lunga serie di vicessitudini che ebbero nel Costa l’assoluto protagonista, la Tabula venne finalmente acquistata nel 1760, anche grazie all’opera del Dutillot, dal duca di Parma, Filippo I di Borbone1. L’acquisto della Tabula da parte del Duca non fu un episodio isolato e contingente, ma segnò anche l’inizio della sistematica esplorazione archeologica di Veleia, ad imitazione di quanto da tempo stavano facendo i cugini a Napoli con Pompei. Il sito della città romana, il cui nome fino alla scoperta della Tabula era sconosciuto, cessò così di essere una sorta di “cava” a vantaggio dei vari parroci di Macinesso, che si arricchivano vendendo gli oggetti ritrovati ad antiquari o a fonditori, per trasformarsi in un vero e proprio cantiere archeologico. Il Duca non si limitò ad iniziare gli scavi, ma allo stesso modo di quanto era stato fatto a Napoli, istituì a Parma un museo, l’attuale Museo Archeologico Nazionale, destinato ad ospitare non tanto una collezione di antichità, quanto appunto i reperti provenienti dagli scavi. L’importanza della Tabula va però ben al di là del ruolo che essa ha avuto all’interno della storia dell’archeologia. Innanzi tutto essa ci documenta concretamente il funzionamento della Institutio alimentaria voluta da Nerva e potenziata da Traiano, diretta a fornire aiuti per il sostentamento e l’istruzione di giovani poveri delle varie città italiane. L’imperatore concedeva ai proprietari fondiari un prestito ipotecario ad un tasso agevolato e gli interessi venivano distribuiti dalle comunità locali ai giovani bisognosi. La Tabula registra questi prestiti e riporta come sono stati distributi i 52.200 sesterzi di interessi: 16 al mese ai 263 maschi legittimi, 12 all’unico maschio illegittimo e alle 35 femmine legittime, 10 all’unica femmina illegittima. In altri termini la Tabula è un grande registro delle ipoteche, dove sono indicati i nomi dei proprietari che hanno richiesto il prestito, il suo ammontare, nonché l’ammontare degli interessi e dell’ipoteca ed infine il nome del fondo che è stato ipotecato, in quale pagus ed eventualmente in quale vicus esso si trova, il nome dei confinanti e, cosa che ci interessa più direttamente, la categoria catastale della proprietà ipotecata. Diversi sono dunque gli aspetti storici relativi a questo documento epigrafico e per tali motivi la Tabula è stata oggetto di studi e discussioni fin dall’epoca della sua scoperta2. In questa lunga attività di ricerca si collocano non solo i lavori fatti da Marchetti e da chi scrive, ma anche quelli di diversi collaboratori e in particolare da 1. Per

le vicende legate al ritrovamento della Tabula, alla sua successiva acquisizione da parte del Duca di Parma e alla storia degli studi si rimanda, oltre all’introduzione all’edizione del testo curata da N. Criniti nel 1991 (N. Criniti, La Tabula Alimentaria di Veleia, Parma 1991), a T. Albasi, L. Magnani, “Dalla Tabula Alimentaria al sito di Velia: due secoli e mezzo di studi e ricerche”, in Ager Veleias, vol. V 2010, p. 1-43. 2. In particolare la Tabula tra il 1748 e il 1749 fu al centro di un’aspra contesa tra il Maffei e il Muratori per la primogenitura nella pubblicazione del testo: N. Criniti, “L’ultima contesa: Scipione Maffei, Ludovico Antonio Muratori e la Tabula Alimentaria di Veleia”, Bollettino della Biblioteca Civica di Verona, vol. 5, 2000-2001, p. 75-141.

Le valli di Trebbia e di Nure nella Tabula Alimentaria veleiate: geomorfologia e uso del suolo

Ilaria Di Cocco, che, assiema ad un ricercatore della Facoltà di Agraria dell’Università di Bologna, Daniele Viaggi, ha pubblicato quello che è il più esauriente studio complessivo sulla Tabula da un punto di vista storico-topografico ed economico3. Questo intervento vuole essere una ripresa di quanto è stato fatto, con una focalizzazione su quelle che sono le due vallate centrali dell’Appennino piacentino, vale a dire quelle del Nure e del Trebbia (fig. 1).

Il Nure nasce dalle pendici del Monte Nero-Monte Maggiorasca ed esce in Po nei pressi di Roncaglia, ad est di Piacenza, dopo circa 75 km di corso prevalentemente orientato SO-NE. Nel tratto più alto, fino a Ferriere, la valle è stretta, con versanti acclivi. A nord di Ferriere la valle tende progressivamente ad aprirsi e i versanti si fanno decisamente meno ripidi, anche per la presenza di vasti movimenti franosi, sia assestati che attivi. Il Trebbia nasce in provincia di Genova, nel comune di Torriglia, ed esce in Po ad ovest di Piacenza dopo 116 km di corso. Nella zona di Marsaglia, ancora nell’alta valle, riceve le acque dell’Aveto, suo affluente di destra, le cui sorgenti sono in corrispondenza del crinale spartiacque principale. Dopo la confluenza con l’Aveto e sino alla zona di Bobbio il Trebbia scorre incassato tra pareti rocciose estremamente ripide, per poi aprirsi nell’ampia conca al cui centro sorge appunto Bobbio. Dopo la Gola di Barberino, che chiude a nord la conca di Bobbio, la valle torna ad essere ampia, con versanti poco acclivi e, sul fondovalle, ampi terrazzi. A Rivergaro il fiume esce dalle colline e va a scorrere sulla banda occidentale del proprio conoide. È stato in passato dimostrato4 come ancora nel 218 a.C., cioè all’epoca della battaglia combattuta tra Romani e Cartaginesi sulla sua sponda sinistra, il Trebbia scorresse sulla banda opposta del conoide, andando a sfociare in Po ad est di Piacenza, poco lontano dalla città. Le persistenze della centuriazione nella pianura a sud di Piacenza, la toponomastica e la litologia di superficie caratterizzata da terreni fortemente ferrettizati e con ghiaie alterate indicano che lo spostamento da una banda all’altra avvenne in un solo momento e non per successivi disalveamenti. Tale deviazione, senza alcun dubbio già avvenuta in età augustea, va verosimilmente messa in relazione con la rideduzione della colonia di Placentia del 190 a.C., quando venne effettivamente completata la sistemazione del territorio. Ė probabile che in occasione dei vari interventi di bonifica, si sia intervenuti per favorire o sancire una tendenza del fiume ad impostarsi sulla banda occidentale. 3. I. Di Cocco, D. Viaggi, Dalla scacchiera alla macchia. Il paesaggio agrario veleiate tra centuriazione e incolto, Bologna, 2003. 4. G. Marchetti, P. L. Dall’Aglio, “Geomorfologia e vicende storiche nel territorio piacentino. 1. La battaglia del Trebbia (218 a.C.)”, in Atti Istituto di Geolo­gia dell’Università di Pavia, vol. XXX, 1982, p. 1-79.

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L’archeologia, la toponomastica e la documentazione storica mostrano come sia la valle del Trebbia che quella del Nure siano sempre state densamente insediate, anche grazie alla loro morfologia. La Val Trebbia, a differenza della Val Nure5, ha poi sempre rivestito un ruolo importante nei collegamenti tra un versante e l’altro dell’Appennino. Essa infatti rappresenta la naturale direttrice di collegamento tra Piacenza e Genova. Inoltre, attraverso la valle dello Staffora e il Passo del Penice, su di essa confluisce anche la direttrice proveniente da Pavia, mentre la valle dell’Aveto consente di passare in Val Fontanabuona e scendere nella zona di Chiavari. In questo sistema itinerario il punto nodale è Bobbio, non a caso insediato in antico, poi nel vi secolo abbandonato e rioccupato a partire dal 612 grazie all’abbazia fondata per volere del re longobado Agilulfo da san Colombano e divenuta sede di diocesi nell’xi secolo.

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Come si è accennato, il popolamento di età romana è ampiamente documentato in queste due valli da numerosi ritrovamenti archeologici e da altrettanti numerosi toponimi prediali, che trovano un quasi costante riscontro nella Tabula Alimentaria. Ė ad esempio questo il caso dell’odierno Caverzago, in Val Trebbia, erede del fundus Cabardiacus vetus e del fundus Aestinianus Antistianus Cabardiacus appartenenti a Marco Mommeio Persico e posti nel pagus Ambitrebius. Nella zona di Caverzago doveva inoltre sorgere il tempio dedicato a Minerva Medica noto da una serie di epigrafi poste come ex-voto e tutte ritrovate reimpiegate. Il legame tra il tempio e il fundus Cabardiacus è testimoniato dall’appellativo Cabardiacensis che si legge in due di queste iscrizioni6. L’esatta ubicazione di questo tempio è stata oggetto di lunghe discussioni, anche a causa dell’assenza di elementi archeologici precisi7. Le ipotesi sono sostanzialmente tre. La prima colloca il tempio sul ripiano terrazzato su cui si trova l’attuale abitato di Travo e si basa aulla presenza di diversi blocchi di pietra d’Istria reimpiegati sia nella chiesa parrocchiale che nel castello. La seconda sposta il tempio più a sud, a Piani di Dorba, un ampio terrazzo alluvionale posto alla confluenza tra il T. Dorba e il Trebbia, sulla base della notizia, per altro non confermata, del ritrovamento di una lastra di marmo di Verona e di alcuni labili segni visibili in fotoaerea di tutt’altro che certa interpretazione. La terza colloca invece il tempio sulla paleosuperficie di versante dove oggi sono la chiesa parrocchiale e i ruderi del castello di Caverzago. Quest’ultima identificazione si basa 5. La

Val Nure non ha valichi transappenninici, dato che la sua testata di valle è incuneata tra la valle del Ceno e quella dell’Aveto. Da un punto di vista itinerario è dunque una valle chiusa, che ha una funzione di supporto alle direttrici transappenniniche legate alle altre due vallate. 6. CIL, XI, 1031, 1306. 7. Sull’ubicazione di questo tempio e i problemi connessi si rimanda a : P. L. Dall’Aglio, G. Marchetti, “Considerazioni storico-topografiche e geomorfologiche sull’ubicazione del tempio di Minerva Medica Cabardiacensis”, Ocnus, vol. 11, 2003, p. 97-105.

Le valli di Trebbia e di Nure nella Tabula Alimentaria veleiate: geomorfologia e uso del suolo

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Fig. 1. 

Il territorio veleiate con la distribuzione dei pagi proposta da Ilaria Di Cocco in I. Di Cocco, D. Viaggi, Dalla scacchiera alla macchia. Il paesaggio agrario veleiate tra centuriazione e incolto, Bologna, 2003.

Pier Luigi Dall’Aglio e Giuseppe Marchetti

sul dato toponomastico e sulla posizione scenografica del sito che domina tutta la media valle del Trebbia. A questi elementi se ne è aggiunto recentemente un altro. Come evidenziato dagli ex-voto, il santuario è un santuario iatrico e quindi deve essere presente in zona un elemento sentito come curativo, di norma una qualche sorgente. Le analisi condotte sulle acque della zona di Caverzago hanno evidenziato la presenza di sale di Glauber che ha una funzione blandamente lassativa. Tale presenza è dovuta al fatto che questo settore della Val Trebbia è interessato dalla presenza di una faglia con andamento est-ovest, che ha permesso alle acque del sottosuolo di entrare in contatto con strati ricchi di questa sostanza. Ė dunque qua, sulla paleosuperficie di Caverzago, che va, a nostro avviso, ubicato il tempio di Minerva Medica (fig. 2).

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Venendo ai dati contenuti nella Tabula, i territori di queste due valli appartenevano quasi interamente a Veleia e rientravano nei pagi Iunonius, Domitius, Albensis, Ambitrebius e Bagiennus8. Il settore più basso, cioè quello pedecollinare, faceva parte del territorio di Placentia, mentre la parte più alta, verso la testata di valle, doveva rientrare nell’ager Libarnensis. Complessivamente nei cinque pagi veleiati la Tabula ricorda 180 proprietà suddivise tra 28 possessores appartenenti a 19 famiglie. Rispetto a quella calcolabile sull’intero territorio veleiate, sia ha qui una frammentazione della proprietà leggermente più alta. Le circa 500 proprietà registrate nella Tabula appartengono, infatti, a 50 possessores, che fanno parte di 30 gentes9. Siamo comunque sempre di fronte ad una concentrazione della proprietà in poche mani, dimostrata, qui come in tutto il territorio veleiate, dalla presenza di numerosi fondi il cui nome è costituito da più prediali, come, ad esempio, il fundus Flavianus Messianus Vipponianus del pagus Ambitrebius ipotecato da Caio Vibio Severo (TAV, VII, 51-52) o il fundus Antonianus Collianus Valerianus Cornelianus del pagus Albensis ipotecato da Antonia Vera (TAV, IV, 63-65), che appunto testimonia il progressivo accorpamento di unità poderali originariamente distinte. Queste grandi proprietà non sono poi formate da poderi posti tutti nel medesimo pagus, ma da fondi che si distribuiscono in tutto il territorio veleiate e anche in quelli immediatamente confinanti. Ad esempio Caio Coelio Vero ha dei possedimenti in quasi tutti i pagi veleiati e anche nei territori di Piacenza, Libarna e Parma10, così come Marco Mommeio Persico, le cui proprietà 8. Per l’ubicazione dei pagi citati nella Tabula si rimanda a I. Di Cocco, D. Viaggi, Dalla scacchiera alla macchia […], op. cit., p. 29-72. 9. P. L. Dall’Aglio, “Considerazioni sul saltus nel territorio veleiate”, Ocnus, vol. 9-10, 2001-2002, p. 64-65. 10. Obligatio 16. Celio Vero è uno dei proprietari veleiati che, stando a quanto risulta dalla Tabula, hanno un patrimonio di rango senatorio: N. Criniti, “La Tabula Alimentaria, Veleia e il Veleiate”, in Ager Veleias, vol. 3, 2008, p. 8.

Le valli di Trebbia e di Nure nella Tabula Alimentaria veleiate: geomorfologia e uso del suolo

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Fig. 2. 

La paleosuperficie di versante su cui è ubicato l’attuale abitato di Caverzago e dove, in età romana, sorgeva il tempio dedicato a Minerva Medica Cabardiacensis.

Pier Luigi Dall’Aglio e Giuseppe Marchetti

si concentrano nell’Ambitrebius, ma che possiede beni anche in altri pagi veleiati e soprattutto in diversi pagi piacentini11.

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Ciò che qui interessa maggiormente non sono però queste considerazioni di carattere più propriamente storico e che trovano un puntuale riscontro in altre fonti di questo periodo, ma il rapporto tra geografia fisica e uso del suolo così come può essere dedotto dall’indicazione della categoria catastale. Si tratta di un’indagine che presenta indubbiamente numerosi problemi legati in primo luogo alla difficoltà di collocare con precisione sul terreno le varie proprietà menzionate dalla Tabula e secondariamente al non sempre chiaro significato di alcune delle diverse categorie catastali che troviamo utilizzate12. La categoria più presente è il “fundus”, a cui normalmente si dà il significato di un podere coltivato intensivamente. Significato sostanzialmente analogo dovrebbero avere anche i termini “praedium” e “colonia”13, così come i meno usati “ager” e “merides”, termine quest’ultimo che dovrebbe indicare un campo staccato dal nucleo principale. Sempre ad aree coltivate si riferisce “hortus”, forse nell’accezione di coltivazioni specializzate, come, ad esempio, frutteti o vigneti. A situazioni completamente diverse si riferiscono termini come “debelis”, il cui significato non è univoco, ma che comunque dovrebbe indicare zone non coltivate perchè, probabilmente, non più produttive, “silvae”, che si riferisce evidentemente a zone boscate, “saltus”, che indica anch’esso delle zone a bosco, ma comunque adatte al pascolo. Sicuramente da interpretare come alpeggi, cioè come pascoli posti a quote relativamente alte è, a nostro avviso, il termine “appenninus” che compare due volte nella Tabula e proprio nella zona qui presa in esame. Decisamente di significato più incerto è “collis”, che non può qui avere un valore puramente geografico, ma che forse indica anch’esso zone non coltivate e utilizzate sia come prati che come boschi, ed anche “alluviones”, che riferendosi, come risulta dai testi dei gromatici, a zone lasciate libere dagli spostamenti di corso di un fiume in aree centuriate, potrebbe riferirsi sia a aree coltivate sia a zone golenali lasciate incolte. 11. Obligatio

13. Le proprietà di Mommeio Persico, altro proprietario con un patrimonio di rango senatorio, nel territorio piacentino appartengono per la quasi totalità ai pagi Venerius e Vercellensis, ubicati il primo immediatamente ad ovest della media Val Trebbia e il secondo nel settore di alta pianura tra Trebbia e Tidone. Si viene così a configurare un sistema di possessi abbastanza uniforme che si estende dalla media e bassa valle del Trebbia a quella del Tidone. 12. Sull’interpretazione dei termini che indicano le diverse categorie catastali si rimanda a I. Di Cocco, D. Viaggi, Dalla scacchiera alla macchia […], op. cit., p. 85-96. 13. L’esatto significato del termine “colonia” è tutt’altro che chiaro. A nostro avviso la traduzione “fattoria” proposta da Criniti nell’ultima versione italiana della Tabula da lui curata (N. Criniti, “Tabula alimentaria di Veleia: versione italiana IV”, in Ager Veleias, vol. 5, 2010, p. 2) ci sembra riduttiva perchè pare riferita più ad un edificio che non ad un podere.

Le valli di Trebbia e di Nure nella Tabula Alimentaria veleiate: geomorfologia e uso del suolo

Al di là del non sempre chiaro significato di alcuni di questi termini, un’ulteriore difficoltà è data dal fatto che queste categorie sono spesso utilizzate insieme, come nel caso del fundus Metilianus Lucilianus Anneianus, nel pagus Ambiterbius, che Caius Volumnius Epaphroditus ipoteca “cum casis et silvis et meridib(us) et debelis” (TAV, IV, 38-40). L’esempio sopra riportato serve anche per mettere in evidenza come talora alle categorie catastali direttamente legate all’uso del suolo si aggiungano delle specificazioni diverse, quali, appunto, la presenza all’interno del fondo di edifici o, come si vedrà, di fornaci.

Per quanto riguarda le proprietà ipotecate nelle valli di Trebbia e Nure, la categoria catastale prevalente è, ovviamente, quella del “fundus”: su 180 proprietà, i fundi sono 134, vale a dire oltre il 75%. Si tratta di una percentuale inferiore a quella che si ha per l’intero territorio veleiate, dove i fundi arrivano a circa l’80%, ma ciò non toglie che il paesaggio che questa percentuale ci consente di ricostruire è in ogni caso un paesaggio dominato dagli spazi aperti e coltivati. Questo soprattutto se si considera che se alla categoria dei fundi aggiungiamo quelle che comunque si riferiscono a spazi coltivati, cioè le coloniae, arriviamo ad una percentuale del 78%. Di norma nel territorio veleiate, ma più in generale in tutto l’Appennino, le fattorie romane individuate su base archeologica o tonomastica sono per lo più collocate, come è logico che sia, sui terrazzi di fondovalle e sui conoidi di deiezione degli affluenti laterali dei fiumi principali. Tanto i terrazzi quanto i conoidi sono infatti zone fertili e facilmente coltivabili perché formate da terreni alluvionali scarsamente compatti e sono ricche d’acqua sia per la presenza della falda sia perché poste in prossimità del fiume. Nonostante questa vicinanza al corso d’acqua, la loro quota li mette al sicuro da quelle che sono le normali ondate di piena sia del collettore principale che degli affluenti. Nella zona qui considerata i fundi e le coloniae che vengono ipotecate non si trovano tanto su queste unità morfologiche, ma prevalentemente sulle paleofrane, che sono anch’esse unità caratterizzate da terreni sciolti e quindi facilmente coltivabili e ricchi d’acqua, che hanno, rispetto alle aree di versante contermini, una minore clivometria e, soprattutto, si sono assestate e sono dunque più stabili14. Ciò non significa che i terrazzi di fondovalle e i conoidi delle valli del Trebbia e del Nure non fossero insediati e sfruttati in età romana, anzi l’archeologia e la toponomastica testimoniano esattamente il contrario, ma solo che non vengono accese ipoteche sui poderi posti su queste unità. Non si può escludere che alla base di tale scelta ci siano proprio le potenzialità assicurate dalla natura dei luoghi. 14. Ciò

non significa che non possano riattivarsi dei fenomeni gravitativi, ma questi saranno più che altro legati alla fronte della frana, dove possono ad esempio verificarsi dei fenomeni di erosione da parte del fiume.

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Sulle paleofrane, ma in prossimità della nicchia di distacco, si trovano quelle fornaci che in alcuni casi la Tabula cita come strutture accessorie di alcune proprietà15. Ė questo il caso della paleofreana di Cassano, in Val Nure (fig. 3), sulla quale è stato ubicato, sulla base dei rapporti con i confinanti, il “fundus Iulianus cum figlinis” appartenente a Publius Albius Secundus e dichiarato per un valore di 120.000 sesterzi (TAV, II, 89-91). Sempre in Val Nure, nella zona di Monte Obolo, vanno collocate le fornaci associate questa volta a dei saltus ipotecati, nella praescriptio vetus, da Caius Coelius Verus16. L’ubicazione di questi impianti produttivi su delle paleofrane, ma in prossimità della nicchia di distacco è dovuta alla maggiore facilità di reperimento delle materie prime necessarie per la realizzazione dei manufatti, vale a dire argilla, acqua e legname. Infatti le maggiori paleofrane si formano là dove si ha la sovrapposizione di un “cappello” di rocce dure e permeabili, a dominante calcareo-marnosa, ad una base di rocce a dominante marno-argillosa, più tenere e meno permeabili, sulla cui superficie scorrono, senza riuscire a penetrarvi, le acque piovane, che quindi sgorgano formando delle sorgenti a contatto. Tale discontinuità fra le due litologie e la presenza di acque che scalzano ed erodono il “cappello” innescano i movimenti franosi, talora decisamente imponenti e profondi. Le acque poi dilavano la base marno-argillosa e depositano le argille nella depressione che si forma naturalmente in corrispondenza della nicchia di distacco. Le zone circostanti, infine, per la loro litologia e morfologia, non sono coltivabili e quindi finiscono per essere occupate da boschi che così forniscono il legname necessario alla cottura dei manufatti. L’effettiva ubicazione delle fornaci di altura nei pressi delle nicchie di distacco di antiche frane ormai assestate è confermata dai ritrovamenti archeologici. Ad esempio, per rimanere in Val Nure, la fornace per laterizi di Monte Zucchero, sul versante occidentale della valle, a 695 m di quota, si trova appunto in corrispondenza della nicchia di distacco della grande paleofrana che arriva fino al Nure immediatamente a valle di Bettola. Allo stesso modo le altre fornaci trovate sempre in Val Nure a Mansano sono su di una paleosuperfice ai cui margini di trovano due grandi frane assestate, staccatesi rispettivamente dai rilievi del Monte Dinavolo (S. Francesco) e del Colle Castagnola, la cui natura calcareomarnosa è tuttora sfruttata per grandi cave da cemento, e coperti da fitti boschi. La citazione dei saltus ci consente di introdurre questa nuova categoria catastale, che è, nel complesso, la seconda categoria per numero di citazioni e la prima come valore delle terre ipotecate. In realtà questo risulta se consideriamo le citazioni complessive del saltus, vale a dire sia quelle in cui il saltus è menzionato da solo (14 proprietà), sia là dove si parla di “saltus et fundus” (15 proprietà) o di “saltus 15. P. L. Dall’Aglio,

I. Di Cocco, G. Marchetti, “Le fornaci romane dell’ager veleiate: distribuzione e geomorfologia”, in S. Menchelli, M. Pasquinucci (a cura di), Territorio e produzione ceramica: paesaggi, società ed economia in età romana, Pisa 2006, p. 61-68. 16.  TAV, VII, 37-40: “C(aius) Coelius Verus professus est saltus Avegam, Veccium, Debelos cum figlinis, et saltus Velvias Leucomelium, qui sunt in Veleiate pagis Albense et Velleio”.

Fig. 3.

La paleofrana di Cassano sulla quale vanno ubicati i fundi Cassiani e il fundus Iulianus cun figlinis rispettivamente appartenenti a L. Melio Severo e a P. Albio Secondo.

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praediaque” (18 proprietà)17. Questa differenziazione non è di piccolo conto, perché riflette situazioni ambientali diverse. Col termine “saltus”, infatti, si deve qui intendere una zona a bosco o incolta, ma comunque adatta la pascolo. Le proprietà che sono indicate esclusivamente come “saltus” vanno quindi collocate in zone non appetibili da un punto di vista dell’agricoltura, come, ad esempio, i crinali. Quando invece le aree silvo-pastorali, cioè i saltus, sono associate a zone coltivate, siano esse definite fundi o praedia, si deve pensare ad aree comunque coltivabili, ma prevalentemente poste all’interno delle valli e a quote relativamente alte. Ė questo ad esempio il caso dei 18 saltus praediaque di proprietà dei coloni lucenses, distribuiti in diversi pagi nel settore sud-est del territorio veleiate18, ma tutti comunque collocabili a quote abbastanza alte e prevalentemente su paleofrane, quindi su unità geomorfologiche favorevoli per l’agricoltura. Per quanto riguarda le valli del Nure e del Trebbia la loro morfologia aperta, con versanti debolmente acclivi e il fatto che il settore più alto della Val Trebbia non compaia nella Tabula in quanto fuori dal territorio veleiate, fa sì che si abbiano solo dei saltus, e non delle proprietà miste, che vanno per lo più ubicati lungo i crinali spartiacque, come i saltus Eborelia, Rubacaustus, Helvonus, Atiela e Tupelius Volumianus, tutti nel pagus Domitius e proprietà rispettivamente di Sulpicia Priscilla, Publius Afranius Aftorus e Lucius Cornelius Onesimus, tutti ubicabili lungo lo spartiacque tra Nure e Trebbia. La relativamente alta presenza nel territorio veleiate dei saltus e l’ingente valore che comunque essi hanno mostrano l’importanza economica della pastorizia in un territorio collinare e montano come quello veleiate. La prevalente ubicazione nelle alti valli o comunque a quote relativamente alte, nonché il fatto che quasi la metà dei saltus citati appartengano ai coloni Lucenses sono tutti elementi che si legano alla pratica della transumanza, ribadita per la Val Trebbia dalla citazione nella bassa valle, nella zona di Travo, di “ovilia” tra le proprietà ipotecate da Cornelia Severa e poste nel pagus Ambitrebius19, nonchè di due dei tre “appennini”, vale a dire “alpeggi” presenti nella Tabula, e più precisamente dell’appenninus Areliascus et Caudalascus, il cui diritto d’uso viene ipotecato assieme ad altre proprietà da Cneo Antonio Prisco20, che vanno ubicati nell’alta Val Trebbia, nelle zone rispettivamente 17. P. L.

Dall’Aglio, “Considerazioni sul saltus […]”, art. cit., p. 64-65. menzione dei coloni Lucenses e della res publica Lucensium è stata assunta da diversi autori come prova di una confinazione diretta tra i territori di Veleia e Luca. Sull’impossibilità di tale confinazione e sull’interpretazione più corretta di questi termini nel senso di vere e proprie enclaves oppure, più semplicemente, di poderi acquistati da Lucca si veda G. Mennella, “Agri Placentinorum et Lucensium in Veleiate sumpti”, in Il capitolo delle entrate nelle finanze municipali in Occidente e Oriente, Roma, 1999, p. 90-94 e P. L. Dall’Aglio, “Considerazioni sul saltus […]”, art. cit., p. 66-67. 19. “Cornelia Severa … debet … obligare fund(um) Covanias et ovilia in Veleiate pag(o) Ambitre/bio” (TAV, V, 58). 20. “Cn(aeus) Antonius Priscus prof(essus) est praed(ia) rustica HS CCCL(milium) |(mille)DCXXXIII n(ummum) accipere debet / HS XXVIII(milia) CCL n(ummum) et obligare … fund(um) Vormi/nianum Precele cum iure Appennini Areliasci et Caudalasci et com/munionibus qui est in Veleiate et in Libarnensi pag(is) Domitio Eboreo” (TAV, V, 21-22). 18. La

Le valli di Trebbia e di Nure nella Tabula Alimentaria veleiate: geomorfologia e uso del suolo

di Areglia e Coli21. Si tratta di due luoghi non particolarmente alti, ma posti in settori con caratteristiche decisamente alpestri, che quindi giustificano pienamente la presenza qui di alpeggi. L’incolto non si limitava alle zone a pascolo: accanto al saltus e all’appenninus troviamo anche le silvae, per lo più ipotecate assieme a dei fundi. Contrariamente a quanto ci si potrebbe aspettare, nella nostre valli queste zone a bosco non si trovavano solo nella zone più alte e meno favorevoli per le pratiche agricole, quale, ad esempio quella del Monte Materano, nel comune di Bobbio22, ma sono legate a fundi che si trovano nella fascia pedecollinare. Ciò è dovuto al fatto che la fascia pedecollianre è formata da ripiani indipendenti delimitati da profonde incisioni assolutamente non coltivabili e per questo anche oggi coperte da vegetazione. Inoltre a sud di questi ripiani si alzano le prime alture appenniniche, talora caratterizzate da fianchi scoscesi e litologicamente scolpite in rocce che non si prestavano e non si prestano ad alcuna forma di coltivazione. Un’ultima annotazione merita una categoria catastale, quella delle “alluviones”, che la Tabula cita come annessi di diversi fondi ipotecati da Tito Valio Vero e posti nel pagus Sinnensis, in territorio piacentino (TAV, VI, 85-88). Ce ne occupiamo perchè si tratta comunque di una categoria strettamente correlata con la geografia fisica, dato che con questo termine nei testi gromatici si intende un terreno lasciato libero dal fiume in seguito ad un’esondazione23. Sulla base dell’accostamento del fundi Turriani della Tabula con l’attuale Torrano, in comune di Ponte dell’Olio, le alluviones citate dalla Tabula vengono poste lungo il Nure nella zona compresa tra Vigolzone e San Damiano e quindi allo sbocco del Nure in pianura24. In realtà in questo settore il fiume risente ancora del controllo esercitato dai ripiani del pedemonte. Ė dunque preferibile collocare queste alluviones e i fundi a cui si collegano più a valle, ad esempio nella zona tra San Giorgio e San Polo, dove il Nure ha un corso più instabile, come dimostrano i numerosi paleocanali visibili in foto aerea.

In conclusione l’analisi sulle due vallate di Trebbia e Nure conferma nella sostanza il quadro complessivo a suo tempo delineato per l’intero territorio veleiate, vale a dire la perfetta rispondenza tra le unità geomorfologiche e le scelte operate dall’uomo. Tuttavia rispetto al quadro generale si notano alcune peculiarità. La prima è senza dubbio costituita dal diverso rapporto tra le zone destinate 21. La 22. Si

terza è l’Appenninus Laevia nel pagus Floreius (TAV, IV, 5). tratta del “fundus Muttienianus Cornelianus cum silvis” ipotecato da “Cnaeus Antonius Priscus” (TAV, V,

10). 23. Cfr. Agenn. Urb., De controversiis agrorum, p. 42-43; Thul. e Hyg., De generibus controversiarum, p. 87, 4-11 Thul. 24. Cfr. M. P. Pavese, Fundus cum vadis et alluvionibus. Gli incrementi fluviali fra docu, enti della prassi e riflessioni giurisprudenziale romana, Roma, 2004.

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unicamente all’attività silvo-pastorale, cioè i saltus, e quelle invece miste, dove cioè il saltus è associato a aree intensivamente coltivate, vale a dire i “saltus sive fundi” o i “saltus praediaque”. Se infatti nell’intero territorio veleiate i soli saltus sono 14, mentre le aree miste 33, nelle due vallate considerate abbiamo 15 saltus e solo 8 “fundi sive saltus”. Questa diversa situazione trova, come si è detto, un riscontro nella geomorfologia delle due valli, che, essendo ampie e con versanti poco acclivi, si prestano ad un’agricoltura di tipo intensivo, lasciando al pascolo solo le zone di crinale più difficilmente coltivabili e meno produttive. Il fatto che la parte più alta della Val Trebbia, non appartenendo al territorio veleiate, non sia compresa tra le obbligazioni registrate dalla Tabula, non modifica, a nostro avviso, la sostanza delle cose. Se si eccettua infatti la fertile conca di Bobbio, l’alta Val Trebbia è decisamente stretta, con versanti acclivi e spesso incisi in rocce particolarmente competenti, che mal si prestano ad un’agricoltura intensiva. Anche oggi questo settore è in buona parte incolto e l’agricoltura è limitata alle poche paleosuperfici presenti oppure è realizzata lungo i versanti su terrazzi artificiali. Il fatto che comunque la Tabula non registri tutte le proprietà veleiati, ma solo quelle su cui vengono accese delle ipoteche, non va dimenticato, perchè può spiegare alcune apparenti anomalie. Ci riferiamo, in partcolare, alla assenza di fundi sui pur fertili terrazzi di fondovalle, che l’archeologia mostra essere di norma insediati. Tale assenza, come si è accennato, può essere appunto spiegata solo supponendo che sulle proprietà di fondovalle delle valli Trebbia e Nure non sia stata accesa alcuna ipoteca. Questa spiegazione rimanda direttamente ad uno dei due obiettivi dei provvedimenti trainaei. Se infatti da un lato le Institutiones alimentariae avevano lo scopo di contribuire al mantenimento di giovani bisognosi delle comunità locali, dall’altro doveva favorire gli investimenti nell’agricoltura italiana minacciata dalla concorrenza delle province. Questo secondo aspetto è stato messo in dubbio da alcuni studiosi, che vedono nell’accensione delle varie ipoteche un’adesione personale e propagandistica alla politica dell’imperatore da parte dell’aristocrazia locale25. Anche se si tratta di un aspetto che non può essere del tutto ignorato, il fatto che molti altri grandi proprietari che dovevano comunque far parte dell’aristocrazia locale, come ad esempio P. Licinio Catone, non accesero alcuna ipoteca26, rende abbastanza difficile tale interpretazione. L’impegno era poi gravoso e protratto nel tempo, per cui non si può pensare ad un’adesione finalizzata solo ad acquisire meriti particolari nei confronti dell’imperatore e della comunità locale: costava meno e aveva effetti più immediati organizzare dei giochi o provvedere a qualche elargizione o a qualche intervento evergetico27. Allo stesso tempo non è possibile 25. Cfr.,

ad esempio, le scarsamente convincenti argomentazioni proposte da Bottazzi: G. Bottazzi, “La Tabula Alimentaria di Veleia”, in Archivio Storico per le Province Parmensi, s. IV, vol. XXXVIII, 1986, p. 156. 26. N. Criniti, La Tabula Alimentaria di Veleia, op. cit., p. 273. 27. Si vedano al proposito i numerosi interventi evergetici citati dalle epigrafi veleiati, a cominciare dalla lastricatura del foro ad opera di Lucio Lucilio Prisco (CIL, XI, 1184).

Le valli di Trebbia e di Nure nella Tabula Alimentaria veleiate: geomorfologia e uso del suolo

neppure pensare ad un’obbligarietà del prestito, perchè si avrebbe avuta una ricaduta negativa, in aperto contrasto con la politica di Traiano. L’adesione all’iniziativa imperiale è dunque volontaria e legata ad un’effettiva necessità di denaro destinato ad ovviare alle difficoltà che stava attraversando l’agricoltura italiana. Probabilmente questo obiettivo venne perseguito attraverso una rimodellazione e ridefinizione della proprietà, con l’acquisizione di nuovi terreni e la messa a coltura di aree incolte, nonchè con la realizzazione di migliorie e riconversione delle coltivazioni già esistenti28. Al di là comunque del significato storico degli alimenta, ciò che preme ribadire in chiusura è che l’uso del suolo ricostruibile sulla base delle categorie catastali trova una stretta corrispondenza con la geografia fisica delle due vallate29. Ribadire questo stretto legame significa sottolineare una volta di più l’importanza di una lettura integrata del territorio allo scopo di meglio comprendere le dinamiche storiche relative alla distribuzione dell’insediamento e alle trasformazioni subite dal paesaggio nel corso del tempo.

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28. Cfr.

I. Di Cocco, D. Viaggi, Dalla scacchiera alla macchia […], op. cit., p. 135-142. P. L. Dall’Aglio, “Geomorfologia e popolamento antico nel territorio piacentino. Parte II: antropizzazione ed evoluzione fisica del territorio”, in Storia di Piacenza, vol. I, Dalle origini all’anno Mille, Milano, 1990, p. 604-685. 29. G. Marchetti,

Stratégies de gestion des territoires et réactions aux interventions du pouvoir romain SECTION 2

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Conquête, appropriation et gestion d’un territoire : le cas des colonies républicaines

Audrey Bertrand

Résumé –

Durant la conquête de l’Italie par Rome, les déductions coloniales ont accompagné la prise en matin des territoires nouvellement soumis. La diversité des contextes locaux ainsi que les modalités variables selon lesquelles les colonies furent fondées incitent à proposer une approche à l’échelle d’un territoire restreint – l’ager Praetutianus, conquis au début du iiie siècle avant notre ère – afin de mieux comprendre les fonctions que le Sénat assignait aux colonies. La prise en compte de l’ensemble de la documentation à disposition révèle tout à la fois la complémentarité des différentes colonies dans la gestion d’un territoire ainsi que la nécessité des études de cas pour évaluer leur rôle, rarement univoque, et leur évolution. Mots-clés –

Conquête - Italie centrale - Adriatique - Colonies - Conciliabulum.

Abstract – During the conquest of Italy by Roma, colonial deductions were part of the process control of the newly conquered territories. The diversity of local contexts and the variable terms and conditions on which the colonies were founded incline to focus on a small area scale – the ager Praetutianus, subdued at the beginning of the 3rd century B.C. – in order to define more accurately the functions assigned to the colonies by the Senate. When all available documentation is taken into account, the complementarity of colonial deductions in land management is revealed, and the need for case studies allowing full valutation of their functions and evolution is re-asserted. Keywords –

Conquest - Central Italy - Adriatic - Colonies - Conciliabulum.

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’historiographie s’est depuis longtemps intéressée au rôle des colonies républicaines, les objectifs que les Romains leur assignèrent, les fonctions qu’elles remplirent effectivement sur le terrain, les enjeux politiques, sociaux et économiques qu’elles supportèrent. Ainsi, furent alternativement mis en avant leur rôle militaire ou économique, la part qu’elles eurent dans la romanisation de l’Italie, ou encore leur fonction de relais de l’autorité romaine à l’échelle de la péninsule1. Dans le cadre d’une réflexion sur la gestion des territoires, il ne s’agit pas de proposer une synthèse de ces très vastes problématiques, mais bien de se confronter à une question historique plus restreinte, celle de la nature des fonctions assumées par les colonies dans la prise en main d’un territoire nouvellement passé sous domination romaine. Un double recadrage s’avère donc nécessaire. En premier lieu, mettre de côté une approche générale du phénomène colonial pour proposer une analyse centrée sur les modalités d’implantation concrètes d’une colonie sur un territoire. Ensuite, conduire l’enquête non pas à l’échelle, trop vaste, des régions de la péninsule progressivement soumises par Rome, mais à celle d’une zone restreinte, dont la conquête et l’organisation administrative s’inscrivent dans un temps limité et cohérent. Dans cette perspective, il devient alors possible d’interroger quelle part est assignée aux colonies dans la gestion des terres conquises. La polysémie du terme choisi oblige parallèlement à analyser à différents niveaux ce que furent les enjeux des déductions coloniales, puisque gérer un territoire implique tout aussi bien de le contrôler, de le défendre que de l’exploiter. J’ai donc choisi d’analyser une zone relativement réduite située sur la côte adriatique de l’Italie centrale, l’ancien territoire des Prétutiens, passé sous domination romaine au cours de la deuxième décennie du iiie siècle2. Les sources littéraires dressent un tableau où se lisent les grandes étapes de la conquête et de la colonisation de façade adriatique de l’Italie centrale. La fin de la troisième guerre samnite marque le début des fondations coloniales sur la côte orientale de la péninsule. On se heurte malheureusement pour cette période à des lacunes très importantes dans les œuvres de Tite-Live et de Denys d’Halicarnasse, ainsi qu’à des sources épigraphiques incomplètes, notamment pour les fasti triumphales des années 290-283. Parallèlement, Polybe et Appien offrent des récits qui différent en partie, quant aux protagonistes et au déroulement des évènements3. Néanmoins, il est possible de reconstituer une chronologie simplifiée de la colonisation des territoires gaulois, 1. La

bibliographie existante ne peut être rassemblée dans le cadre d’une note de bas de page. Voir notamment pour une approche synthétique et un rappel bibliographique, M. Torelli, “Aspetti ideologici della colonizzazione romana più antica”, Dialoghi di Archeologia, 6, 3e série, 1988, p. 65‑72 ; F. Coarelli, “Colonizzazione e municipalizzazione: tempi e modi”, dans F. Coarelli, M. Torelli et J. Uroz Sáez (éds.), Conquista romana y modos de intervencion en la organizacion urbana y territorial, (actes du congrès hispano‑italique d’archéologie et d’histoire, Elche 26‑29 octobre 1989), Dialoghi di Archeologia, 3e série, 10, 1‑2, 1992, p. 21‑30. Plus récemment, voir les contributions consacrées à la colonisation romaine dans G. Bradley et J.‑P. Wilson (éds.), Greek and Roman colonization. Origins, ideologies and interactions, Swansea, 2006. 2. Sauf mention contraire, toutes les dates s’entendent avant notre ère. 3. Pol., 2, 19, 6 et 11 ; App., Celt., 11 et Samn., 6 ; également Liv., Per., 11, 7.

Conquête, appropriation et gestion d’un territoire : le cas des colonies républicaines

picénien et prétutien dans la première moitié du iiie siècle. À la fin de la décennie 290 ou au tout début de la décennie 280, Manius Curius Dentatus soumet les territoires prétutien et sabin ; suivent peu de temps après les déductions de deux colonies, Castrum Nouum (290-286) et Hadria (290-283). Simultanément, le général victorieux procède à des assignations viritanes dans l’ager Praetutianus, alors que le Sénat octroie la ciuitas sine suffragio aux indigènes, probablement en 2414. Au nord de l’espace médio-adriatique, la colonisation commence avec la fondation de Sena Gallica à une date comprise entre 290 et 282, au moment où le territoire gaulois devient ager Gallicus. La colonisation subit un temps d’arrêt avant de reprendre en 268 avec les fondations d’Ariminum et de Firmum Picenum (264), parallèlement à la création de l’ager Picenus. Cette chronologie simplifiée de la colonisation suffit à faire ressortir les liens étroits qui unissent la colonisation à la conquête de nouveaux territoires, sur la côte orientale de l’Italie comme dans d’autres régions de la péninsule. L’implantation d’une ou plusieurs colonies sanctionne la prise en main d’un territoire par Rome, même si elle ne suppose pas toujours une pacification complète de la zone. Pour autant, les convergences chronologiques ne disent pas tout des objectifs assignés aux colonies déduites aux avant-postes des territoires soumis par la puissance romaine, ni des fonctions qu’elles y assument. À l’échelle d’une zone géographique restreinte, une étude de cas offre la possibilité de dépasser le discours nécessairement trop général des sources littéraires et d’interroger à la lumière d’un contexte local appréhendé dans sa globalité le rôle dévolu aux colonies. Dans cette perspective, l’ager Praetutianus se révèle un cadre d’analyse intéressant pour deux raisons principales. D’abord grâce à la richesse de la documentation archéologique existante, qui livre des informations exploitables non seulement pour les iie et ier siècles, mais également pour la période de la conquête romaine ; ensuite, parce que les entités administratives mises en place par Rome dans cette zone forment un échantillon particulièrement adapté à l’étude des modalités de gestion des territoires soumis. En effet, trois types d’établissements différents se côtoient simultanément : une colonie de droit romain, Castrum Nouum, une colonie de droit latin, Hadria, et un conciliabulum, Interamna Praetuttiorum5. La coexistence de ces trois centres au sein d’un territoire relativement restreint invite à s’interroger sur les rôles respectifs que le Sénat leur assignait et

4. M. Humbert,

Municipium et ciuitas sine suffragio. L’organisation de la conquête jusqu’à la guerre sociale, Rome, 1978, p. 236-237. 5. Plusieurs orthographes sont utilisées dans les sources anciennes comme dans la bibliographie moderne. Nous adoptons Interamna, plutôt qu’Interamnia, Marco Buonocore ayant montré que la forme Interamna est plus correcte du point de vue de l’étymologie latine de ce toponyme (M. Buonocore, “Organizzazione politico-amministrativa di Interamna in età romana”, dans L. Franchi dell’Orto (dir.), Teramo e la valle del Tordino, Documenti dell’Abruzzo teramano, vol. VII.1, Teramo, 2006, p. 108-119). Pour l’orthographe de Praetutianus, Praetutiorum et Praetutianorum, variable dans la bibliographie, j’adopte celle utilisée par M. P. Guidobaldi.

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sur une possible complémentarité des tâches qu’ils assument dans le contrôle de l’ager Praetutianus (fig. 1).

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Le territoire des Prétutiens s’identifie à une région peu étendue, 1 000 km² environ, délimitée à l’est par l’Adriatique, au nord par le fleuve Salinello (ancien Heluinus ou Salinus), au sud par le fleuve Vomano (ancien Vomanus), et à l’ouest par les premiers contreforts des Monti della Laga. Ses marges septentrionales confinent donc avec le sud Picénum, et plus précisément avec le territoire d’Asculum, à qui le Sénat octroie le statut de cité fédérée probablement au début du iiie siècle6. Au sud, les Prétutiens sont en contact avec les Vestins transmontani. Aux lendemains de la conquête conduite par Manius Curius Dentatus, Rome dispose donc d’un premier débouché sur l’Adriatique et procède rapidement à la consolidation de son avancée territoriale. Les déductions de Castrum Nouum et Hadria interviennent de manière simultanée ou presque, aux alentours des années 290-289, même s’il reste impossible d’établir une chronologie certaine. C’est en tout cas en l’espace d’une décennie au plus que les premiers colons arrivent pour peupler l’une et l’autre. De profondes différences existent cependant entre ces deux établissements. Castrum Nouum est fondée comme colonie romaine, non pas sur la plaine côtière, réduite et impaludée, mais sur un plateau (dit du Terravecchia) orienté nord-sud et qui impose à l’habitat un aménagement en terrasses7. Outre un site défensif, Rome choisit pour l’implantation de la colonie une situation de carrefour puisqu’elle se situe à l’embouchure du fleuve Tordino, et contrôle ainsi l’une des voies de pénétration vers l’intérieur des terres. Les sources littéraires ne fournissent aucune précision quant aux modalités de la déduction. On connaît en revanche grâce à une inscription datée de la fin de l’époque républicaine les magistrats supérieurs de la colonie, des praetores8, que l’on retrouve également à Potentia et à Auximum, colonies adriatiques déduites au cours du premier quart du iie siècle. En raison de l’époque à laquelle Castrum Nouum fut fondée, les Modernes ont supposé qu’elle reçut 300 colons, à l’instar des autres colonies maritimes des ive et iiie siècles9. Cependant, si l’on compare les surfaces respectives de plusieurs colonies romaines, Castrum Nouum présente un profil en partie différent. L’enceinte de la colonie n’a pas été mise au jour, mais la topographie du site ainsi que la découverte 6. Liv.,

10, 10. En 299, en réaction à un projet d’alliance entre Étrusques et Gaulois contre les Romains, le Sénat conclut un foedus avec le peuple picentin. 7. Pour une présentation récente de la colonie, G. Angeletti, “Giulianova archeologica”, dans L. Franchi dell’Orto (dir.), Teramo e la valle del Tordino, op. cit., p. 174-179. également : L. Migliorati, “Giulianova”, dans Collectif, Luoghi e tradizioni d’Italia. Abruzzo, Rome, 1999, p. 38-42. 8. CIL, I2, 1908 = CIL, IX, 5145 = ILLRP, 566. 9. Tarracina (329 av. n. è.) est la première colonie pour laquelle les sources évoquent les données numériques de 300 colons et de 2 jugères (Liv., 8, 21, 11).

Conquête, appropriation et gestion d’un territoire : le cas des colonies républicaines

Fig. 1.

Carte de l’ager Praetutianus (d’après M. P. Guidobaldi, La romanizzazione dell’ager Praetutianus : secoli iii-i a.C., Napoli, 1995) (DAO : GS).

d’un fossé lié aux murs de défense signalent qu’elle devait délimiter une aire d’environ quinze hectares, que l’on peut comparer aux huit hectares de Sena Gallica10. L’absence de fouilles extensives ne permet pas d’affirmer que la totalité du plateau fut occupé et urbanisé dès les débuts de la colonie, mais la confrontation de ces données chiffrées indique que Castrum Nouum fut probablement une fondation coloniale relativement importante. La colonie d’Hadria (actuelle Atri) jouit elle du droit latin. D’un point de vue juridique, elle se comporte donc comme un État souverain pour tout ce qui relève de la politique intérieure. En revanche, l’ensemble de ses relations extérieures ne se fait que sous le contrôle romain, et l’obligation de fournir des troupes à Rome sanctionne l’absence de toute autonomie dans la gestion de ses alliances avec des tiers. Les modalités de sa fondation diffèrent largement de celles observées à Castrum Nouum. Son enceinte, datée du début du iiie siècle, délimite un espace de 10. L. Migliorati,

“Coloniae maritimae: riflessioni urbanistiche”, dans Collectif, La ciudad en el mundo romano, (XIV Congresso Internacional de Arqueologia Clásica, Tarragona, 5-11, septembre 1993), Tarragone, 1993-1994, vol. 2, p. 281-282.

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soixante-dix hectares et fait d’Hadria l’une des colonies latines les plus vastes11. Le nombre de colons déduits est inconnu mais l’on peut estimer qu’il s’approchait du maximum connu pour les colonies de droit latin, soit 6 00012. Parallèlement à ces deux fondations coloniales, Interamna Praetuttiorum forme le troisième pôle du dispositif romain. Les sources littéraires taisent la présence de cet habitat au iiie siècle. En revanche, un passage de Frontin signale que la cité d’Interamna fut le siège d’un conciliabulum, avant de devenir municipe après la Guerre sociale13. Bien que cette notice soit ténue et qu’elle ne fournisse aucune datation précise, elle se trouve renforcée par les sources archéologiques qui signalent sans doute aucun l’importance de cet habitat au iiie siècle. Parmi ceux-ci, l’élément le plus remarquable est un reste de pavement présentant une décoration faite de tesselles noires sur le périmètre et de petits cailloux au centre. Il est lié aux murs en opus incertum d’une domus datée de la fin du iiie ou du début du iie siècle. Des fouilles récentes ont également mis au jour d’autres fragments de pavement en béton de tuileau décorés de tesselles blanches, noires ou rouges, ainsi que des murs en galets de rivière, pertinents à des domus datables du début du iie siècle14.

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La présentation de ce cadre politico-administratif mis en place au lendemain de la conquête invite à clarifier son fonctionnement. Trois entités administratives différentes se partagent le territoire en partie confisqué aux Prétutiens et participent conjointement à sa gestion selon des modalités qu’il faut tenter de définir plus précisément. Dans le contexte d’une Italie que Rome n’a pas entièrement soumise, la question de la défense militaire du territoire conquis se pose de manière aiguë. Un détour par le récit livien sur une période plus longue fournit ici quelques premières indications très partielles. On constate d’abord que la colonie de Castrum Nouum n’apparaît jamais. Sa fondation était mentionnée dans le livre XI de l’Histoire romaine, puisque les Periochae la signalent, mais les livres XXI à XLV ne l’évoquent pas. Il reste un doute sur le passage relatif aux habitants des colonies romaines qui, en 191, refusent de servir à bord des vaisseaux de guerre. TiteLive mentionne les colonies d’Ostia, Fregenae, Castrum Nouum, Pyrgi, Antium, 11. M.‑P. Guidobaldi,

“La colonia latina di Hatria”, dans Id., La romanizzazione dell’ager Praetutianus (secoli

iii‑i A.C.), Naples, 1995, p. 198‑200 ; également G. Azzena, “Appunti per una rilettura dell’urbanistica di Atri

romana”, Ocnus, 14, 2006, p. 27‑42. 12. M. Buonocore, “Organizzazione politico‑amministrativa del territorio atriano in età romana”, dans Id., L’Abruzzo e il Molise in età romana tra storia ed epigrafia, L’Aquila, 2002, vol. 2, p. 857‑874 (p. 859) : l’auteur propose une estimation de 200 km2 pour le territoire et de 4 000 colons. Pour comparaison : Alba Fucens (303) : 6 000 colons (Liv., 10, 1, 1) ; Sora (303) 4 000 colons (Liv., 10, 1, 2) ; Carseoli (298) : 4 000 colons (Liv., 10, 3, 2). 13. Frontin, Controverses, 1, 10. 14. A. R. Staffa, “Dall’antica Interamna al Castrum Aprutiense poi Teramum”, dans L. Franchi dell’Orto (dir.), Teramo e la valle del Tordino, op. cit., p. 81.

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Tarracina, Minturnae et Sinuessa. La localisation uniquement tyrrhénienne des colonies citées invite cependant à identifier la colonie d’Étrurie plutôt que celle de la côte adriatique15. En revanche, Tite-Live évoque à quatre reprises la colonie d’Hadria16. Dans deux cas, des prodiges surviennent sur son territoire et sont rapportés à Rome. En 214, un autel entouré de fantômes blancs était apparu dans le ciel17, et en 194, les habitants avaient fait savoir qu’une pluie de pierres s’était abattue sur le territoire de la colonie18. Dans les deux autres cas, c’est à l’occasion d’événements militaires qu’Hadria apparaît dans le récit livien. En 217, Hannibal, après avoir subi une défaite à Spolète, traverse le Picénum et pille le territoire d’Hadria19. En 209, alors que douze colonies latines signifient à Rome leur refus de fournir plus d’hommes et d’argent, Hadria, avec dix-sept autres, assure au contraire qu’elle continuera à soutenir l’effort de guerre coûte que coûte20. Ces occurrences traduisent sans trop d’ambiguïté le rôle militaire que Tite-Live attribue à Hadria, qu’il soit présenté de manière positive ou non. Si les épisodes de 217 et 209 révèlent que la colonie se tient parmi d’autres au premier plan des opérations liées à la deuxième guerre punique, alors que Castrum Nouum est absente, les mentions de prodiges ne sont pas étrangères à ce contexte. Le problème historique de la procuration des prodiges “étrangers” par Rome est trop vaste pour être abordé ici, mais retenons néanmoins quelques éléments. Les prodiges de 214 et 194 ont lieu de manière concomitante à la présence de dangers militaires plus ou moins immédiats. En 216, la défaite de Cannes a favorisé les défections dans la péninsule, principalement au sud et en Sicile ; en outre, Hannibal conclut dès 215 une alliance avec Philippe V de Macédoine21. En 214, Rome affronte donc une situation militaire particulièrement grave et le prodige que les sources rapportent pour cette année-là s’inscrit dans un contexte significatif. Le prodige de 194 intervient lui parallèlement à la menace d’une guerre à l’initiative d’Antiochos III, soutenu par Hannibal, dont Tite-Live signale qu’elle est l’objet d’une discussion lors du partage des provinces des consuls, Scipion l’Africain faisant valoir la nécessité que la Macédoine soit attribuée à l’un des deux magistrats22. La décision par le Sénat de procéder à la procuration des prodiges survenus à Hadria ne doit donc pas être considérée comme anodine, bien qu’il existe de très nombreux exemples dans 15. Liv.,

36, 3, 5. cinq reprises si l’on compte la mention de sa fondation dans les Periochae. Ce chiffre reste très bas, si on le compare notamment à celui d’Ariminum, colonie latine, qui apparaît plus d’une vingtaine de fois dans le récit livien. Les lacunes du récit livien et la chronologie de la progression romaine dans la péninsule l’expliquent en partie. 17. Liv., 24, 10, 10. 18. Liv., 34, 45, 8. 19. Liv., 22, 9, 5. 20. Liv., 27, 10, 5. 21. Liv., 22, 61, 10. 22. Liv., 34, 43, 3-4. 16. À

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d’autres cités d’Italie. Elle rappelle, à deux moments particulièrement critiques, les alliances conclues par Rome pour une défense commune face à l’ennemi extérieur. En prenant en charge ces prodiges, le Sénat réaffirme le lien qui l’unit à la colonie d’Hadria et le soutien militaire que celle-ci lui doit23. À côté de ces brèves mentions de Tite-Live, d’autres indices soulignent un peu plus l’importance d’Hadria dans la défense militaire des territoires dominés par Rome. En premier lieu, sa situation. Le choix d’installer la colonie latine sur la frontière entre le territoire des Vestins au sud et des Prétutiens au nord, révèle, comme a pu le montrer Olivier de Cazanove pour l’ensemble des colonies latines, qu’elle joue tout à la fois le rôle de sentinelle avancée de la conquête et de poste-frontière24. Jusqu’à la Guerre sociale en effet, les Vestins transmontani conservent leur statut d’alliés et ne sont pas incorporés dans la ciuitas sine suffragio. À ce titre, on observe un parallélisme remarquable sur la côte adriatique entre Ariminum et Hadria ; ce sont deux colonies latines qui, au nord comme au sud, marquent les frontières de la ciuitas romana et apparaissent ainsi au moment de leur fondation comme deux États-tampons destinés à barrer la route à d’éventuelles incursions ennemies. Sur la côte tyrrhénienne un système similaire est mis en place en 273 avec les déductions simultanées de Cosa aux limites nord de l’avancée romaine, et de Paestum à la frontière sud. Pour l’aider à assumer ses fonctions, Rome fournit à Hadria des moyens. On l’a vu, entre 4 000 et 6 000 colons la peuplent dès sa fondation et, dotée immédiatement d’une enceinte couvrant près de soixante-dix hectares, elle offre un lieu de refuge adéquat pour les colons installés sur l’ager Praetutianus. Nous l’avons dit, l’historiographie a traditionnellement fait des colonies maritimes des établissements à vocation militaire, et de manière plus accentuée encore pour les fondations des ive et iiie siècles25. Castrum Nouum appartient aux dix premières colonies romaines déduites par Rome jusqu’en 241, toutes sur les côtes tyrrhénienne et adriatique, et dont les profils présentent des caractéristiques similaires (taille et contingent de colons réduits)26. De manière spécifique, le rôle militaire de Castrum Nouum demande à être examiné de plus près. Par sa position littorale, la colonie devait essentiellement participer à la défense des côtes italiennes. De la même manière, Ostia, Antium, Minturnae et Sinuessa auraient particulièrement été dédiées à la surveillance des côtes du Latium, notamment pour les protéger 23. Sur cette lecture des prodiges “étrangers” voir B. Macbain, Prodigy and expiation. A study in religion and politics in Republican Rome, Bruxelles, 1982, p. 31-32. 24. O. de Cazanove, “Les colonies latines et les frontières régionales de l’Italie”, Mélanges de la Casa de Velázquez, 2005, 35-2, p. 107-124. 25. E. T. Salmon est particulièrement représentatif de cette vision, Roman colonization under the Republic, Londres, 1969, p. 76-77 notamment. 26. Ibid., p. 71 : “Until the end of the Second Punic War, and even for almost a score of years thereafter, citizen colonies were invarably founded on the sea coast, and there is ancient authority for calling them coloniae maritimae”. L’auteur se réfère à Liv., 27, 38, 3 et 36, 3, 4 évoquant les “coloni maritimi” et à Siculus Flaccus p. 135 L. qui signale que le Sénat utilisait l’expression “coloniae maritimae” ; p. 81 : “In all, there were only ten of them [i.e. coloniae maritimae], all founded in the course of a single century between 338 et 241.”

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d’éventuelles attaques carthaginoises. Outre la surveillance des côtes, Tarracina, Minturnae et Sinuessa assuraient également la sécurité de parcours terrestres, l’étroit passage de Lautulae pour la première, celui entre le Mont Massicus et la mer pour les deux autres. Dans le cas de Castrum Nouum, le contexte immédiat de la déduction ne révèle guère les enjeux militaires directs auxquels la fondation coloniale pourrait répondre. Certes, l’installation d’un groupe de citoyens romains sur un territoire à peine conquis revêt en soi un caractère militaire, dans la mesure où il s’agit pour le pouvoir romain d’occuper un espace nouveau. À l’échelle de l’ager Praetutianus, la présence de la très proche colonie d’Hadria (18 km à vol d’oiseau27) hypothèque en grande partie le rôle de Castrum Nouum dans la défense du territoire. Le profil et la situation de la colonie latine se révèlent beaucoup plus stratégique, tant d’un point de vue intérieur – tenir sous contrôle la population indigène ayant survécu à la conquête – que d’un point de vue extérieur, parce qu’elle fait office de verrou. L’horizon maritime de Castrum Novum ne justifie pas non plus de lui assigner une unique vocation militaire. À l’instar des fondations tyrrhéniennes, elle participe sans doute aucun à la surveillance d’une portion de littoral qui désormais est sous contrôle romain. Mais au début du iiie siècle av. n. è., l’Adriatique ne porte pas de menaces spécifiques pour Rome. Si bien que lire la déduction de Castrum Nouum sur la côte orientale de l’Italie uniquement au prisme d’enjeux militaires n’est pas suffisant.

Un deuxième terrain d’enquête concerne la gestion administrative et politique des territoires conquis, ce que l’on pourrait appeler la gestion civile. Les sources littéraires indiquent que des distributions viritanes accompagnèrent les deux fondations coloniales, probablement réalisées sous l’autorité de Manius Curius Dentatus en faveur de ses soldats28. En outre, tout ou partie des indigènes auraient reçu la ciuitas sine suffragio, probablement en 241, en concomitance avec la création de la tribu Velina. Il existe donc en dehors des colons de Castrum Nouum et d’Hadria des citoyens romains, dont le nombre est difficilement quantifiable, et qui devaient être sous l’autorité d’une entité administrative et politique locale. Selon un schéma proposé par Michel Humbert, le conciliabulum d’Interamna Praetuttiorum fut aussi le siège d’une préfecture29. Bien que cette hypothèse soit souvent présentée comme un fait certain dans la bibliographie postérieure30, il convient de rappeler que seul 27. Par

comparaison, notons qu’au nord, Sena Gallica (colonie romaine, ca. 283) et Ariminum (268) sont distantes de 65 km. 28. Plut., Crass., 2. 29. CIL, IX, 5067 ; M. Humbert, Municipium et ciuitas sine suffragio […], op. cit., p. 239-240. 30. Peut-être parce que la carte récapitulative de l’ouvrage de Michel Humbert ne signale pas le caractère hypothétique de cette préfecture, alors qu’il est mentionné dans le texte (M. Humbert, Municipium et ciuitas sine suffragio […], op. cit., carte V).

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un faisceau d’indices invite à postuler son existence. Selon l’auteur, la présence d’un collège d’octovirs, “magistrature composite”, à la tête du municipe après la Guerre sociale révèle qu’une collaboration entre citoyens optimo iure et indigènes se mit en place à Interamna, et que l’installation d’une préfecture fut le moyen le plus approprié pour créer un centre administratif commun à ces deux groupes de population. En outre, si l’on adopte un instant une perspective ouvertement téléologique, l’évolution du conciliabulum montre qu’il fut rapidement un centre majeur de l’ager Praetutianus. Outre son évolution administrative – Interamna devient municipe puis colonie syllanienne au début du ier siècle31 –, d’autres éléments peuvent venir à l’appui de l’hypothèse qu’y fut installé un praefectus iure dicundo. Si l’on se concentre sur les iiie et iie siècles, les sources archéologiques apportent d’autres éléments à mettre au crédit de cette reconstitution. Elles ont permis dans un premier temps de comprendre les raisons qui ont pu inciter les Romains à choisir Interamna comme siège d’un conciliabulum ; pour la période préromaine, le site a révélé une stratigraphie complète témoignant d’une fréquentation continue de la fin du xiiie siècle à la fin du ive siècle. À la veille de la conquête romaine, un uicus prétutien important s’est développé sur le site du futur conciliabulum et, à cette date, il représente très certainement, avec les vallées du Tordino et du Vomano, le pôle le plus dynamique du territoire des Praetuttii32. Les sources archéologiques soulignent également la vitalité de cet établissement dès l’époque médio-républicaine. Grâce aux fouilles conduites durant les dernières années à Teramo, ont été mis au jour des vestiges relatifs à des domus importantes datées de la fin du iiie et du iie siècle, dont certaines ont livré des mosaïques luxueuses. Un édifice de la moitié du iie siècle a été identifié comme le siège d’un collège33. Aux alentours d’Interamna, de nombreux uici tardo-républicains sont attestés qui révèlent le nombre croissant de citoyens rattachés administrativement à la probable préfecture d’Interamna et contribuent à expliquer le dynamisme de ce centre34. Enfin, l’organisation du réseau viaire par les Romains, qui pour une part reprend des itinéraires plus anciens, fait d’Interamna un carrefour à l’échelle de la zone conquise par les Romains, et particulièrement apte à servir de centre de services pour les colons établis à proximité dans le cadre des distributions viritanes. Située sur une colline aux pieds de laquelle confluent 31. Florus

signale que Sylla choisit les municipes les plus florissants d’Italie pour installer ses vétérans et mentionnent parmi eux Interamna (Florus, 2, 9, 27). 32. Les traces de l’habitat des ve et ive siècles révèlent la présence de cabanes et de maisons en terre. A. R. Staffa, “Il comune di Giulianova”, dans L. Franchi dell’Orto (dir.), Teramo e la valle del Tordino, op. cit., p. 225. Il faut noter cependant que la nécropole de Campovalano, située au nord du territoire prétutien est active jusqu’au iie siècle (voir M. P. Guidobaldi, “Articolazione cronologica della necropoli di Campovalano: la terza fase (iv-ii sec. a.C. = Piceno VI)”, dans L. Franchi dell’Orto (dir.), Le valli della Vibrata e del Salinello, Documenti dell’Abruzzo teramano IV, 1, Pescara, 1996, p. 194. 33. R. Di Cesare, Interamna Praetuttianorum. Sculture romane e contesto urbano, Bari, 2010, p. 30-31, avec bibliographie antérieure. 34. A. R. Staffa, “Contributo per una ricostruzione del quadro insediativo della vallata del Tordino dall’antichità al medioevo”, dans L. Franchi dell’Orto (dir.), Teramo e la valle del Tordino, op. cit., p. 148 et suiv.

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deux cours d’eau, le Tordino et le Vezzola, elle se trouve en communication avec la côte, en direction de Castrum Nouum, avec l’intérieur des terres, vers Amiternum, et au nord avec Asculum. Une relecture récente de l’inscription de la Porte Colline, qui liste les dépenses faites à l’époque syllanienne pour la réfection de la uia Caecilia, confirme cette lecture du territoire35. Le tracé de la voie romaine ouverte peu de temps après la conquête se scinde en deux branches peu en amont d’Interamna, dont l’une la traverse pour rejoindre la côte, alors que l’autre se dirige vers Hadria. En outre a pu être identifiée une route secondaire reliant directement ces deux cités et renforçant la position centrale d’Interamna36.

Cette présentation des éléments d’organisation du territoire mis en place par Rome aux lendemains de la conquête dessine un cadre où le rôle de Castrum Nouum apparaît réduit. Elle se confronte d’un côté à un conciliabulum probable siège d’une préfecture, rayonnant sur un vaste territoire et dont les témoignages archéologiques soulignent la vitalité. De l’autre, Hadria, colonie latine, présente des caractéristiques qui la rendent beaucoup plus apte à assurer la défense du territoire. Au sein de ce tableau général de la gestion du territoire prétutien, la situation de Castrum Nouum se lit avec difficulté, et les objectifs auxquels répondait sa fondation ne se révèlent pas de manière immédiate. Les sources littéraires, nous l’avons dit, offrent un point de vue général sur la colonisation et, dans le cas de Castrum Nouum, ne fournissent aucun support pour une analyse plus spécifique. De manière indirecte en revanche, elles signalent un épisode qu’il est intéressant de mettre en relation avec les premières déductions coloniales sur la côte adriatique. Plusieurs auteurs relatent pour l’année 266 la venue à Rome d’ambassadeurs envoyés par Apollonia d’Illyrie, cité alors soucieuse de garantir ses activités commerciales et prenant acte de la nouvelle puissance dominante de l’Adriatique37. Cette ambassade intervient à un moment clef de la conquête de l’Italie par Rome, puisqu’elle suit de quelques années la défaite de Tarente et la prise de contrôle de la Messapie par les Romains. Une longue tradition historiographique a insisté largement sur le désintérêt supposé de Rome pour l’espace adriatique38. Son indifférence à l’égard de la mer Adriatique, front pionner que le Sénat n’aurait guère souhaité faire progresser, se serait traduite par un investissement inégal sur les deux côtes de l’Italie, la façade tyrrhénienne recevant ainsi un nombre supérieur de fondations coloniales. L’implication croissante de Rome dans cet espace à partir du dernier tiers du iiie siècle 35. CIL,

I², 808 = ILS, 5799. P. Guidobaldi, La romanizzazione dell’ager Praetutianus […], op. cit., chapitre “La uia caecilia”. 37. Liv., Per., 15, 3 ; Valère-Maxime, 6, 6, 5 ; Dion Cassius, 10, fig. 42 ; Zonaras, 8, 7, 3. 38. Par exemple, E. Frézouls, “Rome et l’Adriatique sous la République”, Byzantinische Forschungen, 12, 1987, p. 419-445. 36. M.

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aurait avant tout répondu, selon un schéma conforme à la thèse de l’impérialisme défensif, aux appels désespérés des Italiens empêchés de commercer par les activités pirates et la première guerre d’Illyrie contre la reine Teuta (229-228) marquerait le début de ce processus39. En réalité, l’intérêt du Sénat pour la côte et l’espace adriatiques se manifeste bien plus tôt, dès la fin du ive siècle, et une série d’événements militaires et diplomatiques en apparence isolés révèlent, mis en série, une politique volontariste d’implantation dans cette zone40. Les étapes de l’avancée romaine vers l’espace adriatique ne suivent pas une progression linéaire mais sont lisibles dès le début de la deuxième guerre samnite. Plusieurs événements apparaissent décisifs, soit qu’ils signalent clairement l’intérêt de Rome, soit qu’ils lui ouvrent concrètement l’horizon adriatique. L’alliance romano-lucano-apulienne, formée contre les Samnites (325), offre à ce titre un point de départ dans les sources, et ouvre la voie à des incursions ponctuelles dans la zone adriatique, assorties pour certaines de fondations coloniales, à l’image de Luceria en 314. Dans les dernières années du ive siècle, l’attention portée par Rome aux peuples d’Italie centrale traduit la volonté d’établir un territoire sûr et continu, en contournant les Samnites, entre les deux côtes de l’Italie. Le traité avec le Picénum de 299 s’inscrit dans cette même perspective. La bataille de Sentinum (295) voit la victoire romaine sur une coalition d’Étrusques, de Gaulois, de Samnites et d’Ombriens et marque définitivement la prise en main par Rome de la côte adriatique d’Italie centrale, avant tout au détriment de ces peuples. En toile de fond de ces événements militaires et diplomatiques, la piraterie endémique qui sévit dans le Mare Superum empoisonne les trafics commerciaux et fait l’objet d’une attention constante de la part des puissances présentes41. Au lendemain de la mort d’Alexandre le Grand, la sécurité de l’espace maritime, notamment le canal d’Otrante, n’est plus assurée et la conquête romaine de la côte orientale de la péninsule Italienne s’inscrit dans un projet plus vaste, celui de jouer le rôle de garant des échanges commerciaux transitant dans la région. C’est donc dans un contexte où la possibilité des échanges commerciaux préoccupe l’ensemble des pouvoirs en place, dont Rome, que la côte orientale de l’Italie passe entièrement sous domination romaine. Les enjeux commerciaux, comme le soulignent la politique à grande échelle contre la piraterie et l’implication de Rome dans celle-ci, et plus ponctuellement l’ambassade d’Apollonia en 266, occupent Rome, la Grèce et les monarchies hellénistiques au iii e s. av. J.-C. (273-205), Paris, 1921. La thèse de l’impérialisme défensif a largement été remise en cause, en premier lieu par W. V. Harris, War and Imperialism in Republican Rome, Oxford, 1979. Pour une mise au point récente sur ce débat historiographique, J. Rich, “Fear, Greed and Glory: The Causes of Roman War Making in the Middle Republic”, dans C. B. Champion (éd.), Roman Imperialism. Readings and Sources, Oxford, 2004, p. 46-67. 40. Je m’appuie pour ces analyses sur la thèse de Ghislaine Stouder : La diplomatie romaine : histoire et représentations (396-264 av. J.-C.), sous la direction de Sylvie Pittia (Université Aix-Marseille, thèse soutenue en novembre 2011). Je remercie vivement l’auteur de m’avoir donné accès à une partie des résultats de son travail. 41. Parmi les éléments significatifs à la fin du ive et au début du iiie siècle, Ghislaine Stouder retient notamment l’ambassade d’Alexandre le Grand en 334, le projet de fondation d’une colonie par Athènes en 325-324 et l’ambassade de Démétrios Poliorcète auprès des Romains en 290. 39. M. Holleaux,

Conquête, appropriation et gestion d’un territoire : le cas des colonies républicaines

l’esprit des élites romaines et ils ne doivent donc pas être envisagés comme un simple effet collatéral des conquêtes territoriales. Ce tableau général de la situation géopolitique qui voit la fondation de Castrum Nouum en 290 confirme que la vocation militaire de la colonie est réductrice. Il ne convient pas de la nier, au contraire, la présence des pirates en Adriatique requérant sans doute aucun un contrôle permanent des côtes et la possibilité pour Rome d’être informée rapidement des menaces qui pouvaient peser sur les échanges commerciaux. Les colonies romaines adriatiques du début du iiie siècle, Sena Gallica au nord et Castrum Nouum au sud, assument en partie ce rôle, en même temps qu’elles matérialisent physiquement la présence romaine dans cette région de la Méditerranée. Elles constituent aussi très certainement des interfaces privilégiées avec la zone marchande adriatique, pour laquelle Rome manifeste son intérêt depuis plusieurs décennies, notamment parce qu’une bande territoriale continue sous domination romaine les relie à l’Vrbs. Elles offrent à Rome des débouchés sûrs vers l’horizon oriental. De manière significative, Pline l’Ancien note précisément que c’est entre Alsium sur la côte tyrrhénienne et Castrum Nouum sur la côte adriatique que la péninsule Italienne est la plus étroite42.

Les indices archéologiques des échanges commerciaux qui ont pu se développer depuis Castrum Nouum existent et viennent compléter le cadre général défini par les sources littéraires. Le site de la colonie a révélé les traces d’une fréquentation précoloniale – dont l’analyse se heurte malheureusement à l’existence de nombreuses données non publiées – qu’attestent des céramiques dauniennes datées du ive siècle et découvertes en contexte funéraire. La distribution de ce type de matériel aux ve et ive siècles dans l’Adriatique, largement plus visible à l’embouchure des fleuves qu’à l’intérieur des terres, favorise l’hypothèse que la côte orientale de l’Italie était avant tout concernée par le cabotage43. Le site d’implantation de la colonie de Castrum Nouum, comme celui d’autres fondations coloniales de la côte adriatique, se lit donc aussi à l’aune de la géographie du réseau d’escales, situées de manière privilégiée à l’embouchure des fleuves, ici le Tordino. Les vestiges des structures portuaires de la colonie romaine n’ont pas encore été mis au jour, mais l’hypothèse d’un port fluvial est probable, à l’image de ceux identifiés sur le Truentus au nord et

42. Pline

l’A., HN, 3, 6, 6. C. D’Ercole, “Itinerari e scambi nell’Adriatico preromano (viii-v sec. a.C.)”, dans S. Čače, A. Kurilić et F. Tassaux (dir.), Les routes de l’Adriatique antique. Géographie et économie, Bordeaux - Zadar, 2006, p. 92-106. L’auteur insiste dans son article sur l’importance des embouchures des fleuves de la côte orientale de l’Italie dans les échanges commerciaux, et sur la navigabilité de plusieurs d’entre eux, qui jouaient un rôle non négligeable dans la distribution des produits à l’intérieur des terres. 43. M.

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sur l’Aternum au sud44 ; les fouilles conduites dans le passé ont signalé la présence d’entrepôts et d’édifices liés à des activités artisanales dans un secteur très proche du fleuve45. L’existence d’échanges commerciaux dont Castrum Nouum aurait été l’un des acteurs à l’échelle de l’Adriatique et du bassin oriental de la Méditerranée se déduit d’une série d’indices. La présence d’épaves au large de la colonie est souvent signalée dans la bibliographie, mais aujourd’hui encore peu documentée46. En revanche, l’identification de structures liées à la production de vin et / ou d’huile constitue un premier élément à souligner. L’un des témoignages les plus significatifs est un atelier d’amphores découvert dans la localité de Cologna Marina, immédiatement au sud de l’embouchure du Tordino47. La présence d’amphores de type Lamboglia 2 indique que dès le iie siècle, le territoire de Castrum Nouum est intéressé par la production de vin destiné à au commerce maritime. Parallèlement, l’importance de la production d’amphores dans cette zone riche en terrains argileux est attestée par l’utilisation dans la colonie d’une technique édilitaire particulière, fondée sur l’utilisation massive de tessons d’amphores. Dès la décennie 1980, des fouilles avaient pu révéler les nombreux types d’édifices construits en galets de rivières et fragments d’amphores de type Lamboglia 2 et Dressel 6A de production locale. Plus récemment, un système de drainage conçu sur l’utilisation d’amphores Lamboglia 2 a été découvert dans une zone réutilisée sous le HautEmpire comme nécropole. La phase la plus ancienne daterait de la fin du iiie siècle. Un autre témoignage montre qu’un système de drainage similaire fut utilisé pour la construction du pavement et des fondations d’un édifice privé48. L’abondance du matériel amphorique à disposition des habitants de la colonie renvoie à l’existence d’intenses activités exportatrices dans la région, que les sources littéraires aident à identifier. Le vin apparaît chez divers auteurs comme l’un des produits les plus renommés de l’ager Praetutianus. Comme a pu le montrer André Tchernia, il s’agit de deux grands crus de l’Antiquité, le Praetutianum et l’Hadrianum. Ce qui vaut ici d’être noté est l’origine des témoignages dont nous disposons : ils viennent du monde grec – Antiphilos de Byzance, Antipater de Thessalonique –, des papyrus égyptiens, et très peu des textes latins. Ainsi Pline l’Ancien confond-il l’Hadria du Picénum avec l’Adria de Vénétie49. Silius Italicus, en revanche, évoque 44. A. R. Staffa,

“La città di Castrum Novum poi Castrum S. Flaviani (loc. Bivio Bellocchio di Giulianova)”, dans Id., L’Abruzzo costiero. Viabilità, insediamenti, strutture portuali ed assetto del territorio fra Antichità ed Alto Medioevo, Lanciano, 2002, p. 29-33. 45. A. R. Staffa, “Contributo per una ricostruzione […]”, art. cit., p. 222 et note 447 avec bibliographie. 46. Par exemple, A. R. Staffa, “La città di Castrum Novum […]”, art. cit., p. 30. 47. M. T. Cipriano et M.-B. Carre, “Production et typologie des amphores sur la côte adriatique de l’Italie”, dans Amphores romaines et histoire économique (CEFR, 114), Rome, 1989, p. 67-104 (part. p. 77-81). 48. G. Angeletti, “Giulianova archeologica”, art. cit., p. 174-179. 49. A. Tchernia, Le vin de l’Italie romaine. Essai d’histoire économique d’après les amphores, Rome, 1986, p. 259-260.

Conquête, appropriation et gestion d’un territoire : le cas des colonies républicaines

lui sans confusion aucune la richesse des vignes de l’ager Praetutianus50. Il semble donc, au vu des auteurs cités, que ce vin était avant tout concerné par l’export, vers Athènes ou Alexandrie, et qu’il alimentait donc un commerce maritime en provenance de ports de la côte sud du Picénum. En amont, la découverte d’un bouchon d’amphore portant le timbre “HATRIA(NUM?)”, et daté de la moitié du iie siècle51, permet d’attester la production de vin dès l’époque médio-républicaine dans cette région de la côte adriatique. En aval, la découverte à Castrum Nouum d’un bouchon d’amphore en pouzzolane portant l’inscription “C. Sornati C. f.”52 a permis à Maria Paola Guidobaldi de mettre en lumière les activités commerciales de Gaius Sornatius Barba, légat de Lucullus en Asie (74-68), propriétaire de vignes dans l’ager Praetutianus et promoteur d’un marché d’esclaves à Acmonia (Phrygie), dont les liens avec la commercialisation du vin sont probables53. À l’échelle du territoire de Castrum Nouum, bien que peu de fouilles systématiques aient pu être conduites, les recherches archéologiques signalent un réseau de uillae relativement dense, qui dessine le cadre d’une économie agricole riche à l’époque tardo-républicaine54. Quelques exemples mieux documentés viennent souligner le dynamisme et la richesse de ces exploitations, à l’instar des uillae du Tortoreto et des Muracche, où l’on constate notamment l’utilisation massive du matériel amphorique dans la construction, liée à l’existence de fours sur place, et dont les premières phases remontent pour la première au iie siècle et pour la seconde à la première moitié du ier siècle55.

L’étude de cas proposée ici offre un laboratoire où observer les modalités de gestion d’un territoire nouvellement passé sous domination romaine, et plus précisément le rôle qu’y jouent deux colonies, l’une de droit romain et l’autre de droit latin, en parallèle à l’installation d’un conciliabulum. La prise en compte de l’ensemble des sources aujourd’hui à disposition de l’historien souligne en premier lieu la répartition des tâches entre ces diverses entités administratives et politiques, qui ne suppose cependant pas une spécialisation univoque des fonctions qu’elles 50. Sil.

It., 15, v. 568. I², 2335 = CIL, IX, 6389. A. Tchernia, Le vin de l’Italie romaine […], op. cit., p. 260. 52. CIL, IX, 6080. 53. M.-P. Guidobaldi, “C. Sornatius C. f. Vel. Barba: una breve nota sul legato di Lucullo in Asia”, Cahiers du Centre Gustave Glotz, 7, 1996, p. 263-268. Daniele Manacorda avait déjà émis l’hypothèse que C. Sornatius ait pu être à la fois le propiétaire de la marchandise transportée et le responsable de son transport (D. Manacorda, “Le anfore dell’Italia repubblicana: aspetti economici e sociali”, dans Amphores romaines et histoire économique, op. cit., p. 461). 54. A. R. Staffa, “Contributo per una ricostruzione […]”, art. cit., p. 229. 55. S. Lapenna, “Villa romana, Tortoreto, località Muracche”, dans L. Franchi dell’Orto (dir.), Le valli della Vibrata e del Salinello, op. cit., p. 367-397. 51. CIL,

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remplissent. Alors qu’une grande partie de la gestion civile de l’ager Praetutianus incombe au conciliabulum d’Interamna, dont le territoire couvre la fraction la plus importante de la région conquise par Rome, Hadria et Castrum Nouum ont sans doute aucun un rôle militaire à jouer, la première en contrôlant la frontière sud de l’avancée romaine sur la côte orientale de l’Italie, la seconde en signant la présence de Rome dans l’espace adriatique et le poids politique qu’elle entend y acquérir. L’analyse de l’ager Praetutianus souligne ainsi à mon sens, contre une tendance historiographique actuelle qui minore la distinction entre colonies de droit romain et colonies de droit latin, la pertinence de ces deux catégories politiques et juridiques. À travers l’exemple de Castrum Nouum se révèle cependant la nécessité de saisir la pluralité des enjeux qui traversent les fondations coloniales, et, surtout, de ne pas enfermer le phénomène colonial dans un cadre d’interprétation univoque. Ainsi, la colonie maritime de Castrum Nouum, dont la fonction militaire se lit sans ambiguïté au prisme du contexte historique qui la voit naître, assume parallèlement des objectifs commerciaux, qu’attestent tout autant une lecture attentive des sources littéraires que la prise en compte de témoignages archéologiques parfois fragiles mais significatifs. Que les colonies maritimes aient pu être des ports de premier plan dans les échanges commerciaux – Sinuessa ou Tarracina par exemple – est une donnée acquise, grâce à des sources qui documentent dans certains cas largement ces activités. Dans le cas de Castrum Nouum, la conquête de la Messapie et la déduction de Brindisium en 244 ont probablement joué contre son développement économique, mais cela n’invalide pas les potentialités qu’a pu y voir le Sénat lors de sa fondation. Ce n’est qu’à l’échelle d’un territoire donné et dans le cadre d’un contexte historique spécifique que peut donc être appréhendé le rôle des colonies dans la gestion des territoires. D’un point de vue méthodologique, la multiplication des études de cas offre ainsi une vision plus juste de ce que fut la politique romaine en matière de colonisation, pragmatique et adaptée à la diversité des contextes locaux, sans renoncer pour autant à des instruments politiques et juridiques éprouvés ailleurs.

8

Les distributions viritanes de 173 av. J.-C. dans l’ager Ligustinus et Gallicus Carlotta Franceschelli

Résumé – Cette contribution porte sur un passage de Tite-Live (XLII, 4, 3-4), qui évoque des distributions viritanes faites par Rome en 173 av. J.-C., dans l’ager Ligustinus et Gallicus. Territoire anciennement occupé par des peuples liguriens et gaulois, cet ager demeure difficile à situer dans l’espace, car la notice de Tite-Live reste très cryptique à cet égard. Les deux hypothèses traditionnelles, qui le situent, respectivement, en Piémont cispadan (Montferrat) et en Émilie-Romagne, en dehors des territoires précédemment attribués aux colonies républicaines, sont discutées. Il est ensuite montré comment l’étude récente menée sur une grande pertica centuriée, connue en bibliographie comme grande centuriazione romagnola (“grande centuriation romagnolaise”), en Émilie-Romagne orientale, offre des éléments en faveur de l’hypothèse qui situe l’ager de Tite-Live dans cette région. Mots-clés –

Centuriation - Distributions viritanes -Paléo-hydrographie - Émilie-Romagne -

iie siècle av. J.-C.

Abstract –The aim of this contribution is to deal with an extract of Livy (XLII, 4, 3-4) about viritim land distributions dating back to 173 BC, in an ager Ligustinus et Gallicus. Due to the vagueness of Livy’s notice, the localization of this territory, anciently occupied by Ligurians and Celts, is difficult to define. The two main localization hypotheses, in the actual Piemonte (Monferrato), or EmiliaRomagna (except territory of republican colonies), will be discussed. The recent study of the grande centuriazione romagnola, a wide centuriated area in the east of actual Emilia-Romagna, offers some elements in order to localize Livy’s ager in this region. Keywords –

Roman Centuriation - Viritim Land Distributions - Paleo-Hydrography - EmiliaRomagna - 2nd Century BC.

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L 

e iie siècle av. J.-C. marque le passage progressif de la Gaule Cisalpine dans la sphère d’influence de Rome, par le recours à un schéma bien rodé dans lequel la phase de véritable “colonisation” suit normalement une phase de conflit militaire. S’inscrit dans ce modèle la notice de Tite-Live (XLII, 4, 3-4), qui évoque la décision du Sénat de procéder à des distributions viritanes en 173 av. J.-C., dans l’ager Ligustinus et Gallicus : Eodem anno, cum agri Ligustini et Gallici, quod bello captum erat, aliquantum uacaret, senatus consultum [sit] factum, ut is ager uiritim diuideretur. Decemuiros in eam ˂rem˃ ex senatus consulto creauit A. Atilius praetor urbanus M. Aemilium Lepidum, C. Cassium, T. Aebutium Parrum, C. Tremellium, P. Cornelium Cethegum, Q. et L. Apuleios, M. Caecilium, C. Salonium, C. Munatium. Diuiserunt dena iugera in singulos, sociis nominis Latini terna.

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Ce texte, qui nous laisse dans l’incertitude quant à la définition topographique de ces distributions, effectuées dans un territoire “mixte”, ligurien et gaulois, ne manque toutefois pas de détails sur l’ensemble de l’intervention1. Nous apprenons d’abord que le territoire en question, acquis par Rome suite à un succès militaire (bellum captum erat), se trouvait, en 173, largement disponible pour une distribution de terres (aliquantum uacaret). Il est question ici d’une distribution faite uiritim, soit par le moyen d’assignations individuelles, en l’absence de fondations coloniales, et qui semble avoir concerné autant de citoyens romains que de Latins et, suivant la lecture dernièrement défendue par U. Laffi2, des alliés italiens, avec une hiérarchie précise dans les dimensions des lots assignés. La commission decemvirale, chargée par sénatus-consulte de suivre ce dossier, était de tout respect, comptant parmi ses membres deux anciens consuls (Publius Cornelius Cethegus et Marcus Aemilius Lepidus, qui était également princeps senatus) et deux anciens préteurs (Titus Aebutius Parrus et Caius Cassius Longinus). Si nous nous attachons maintenant à définir le secteur géographique concerné par cette intervention, deux hypothèses sont traditionnellement retenue et le situent soit dans le territoire correspondant à l’actuelle région Émilie-Romagne3, soit dans le Piémont cispadan (Montferrat), anciennement occupé par les Ligures 1. Une

lecture détaillée de ce passage a été récemment proposée par G. Bandelli, “Parma durante la Repubblica. Dalla fondazione della colonia a Cesare”, dans D. Vera (dir.), Storia di Parma. II. Parma romana, Parme, 2009, p. 181-217, notamment aux pages 202-204. 2. U. Laffi “Sull’esegesi di alcuni passi di Livio relativi ai rapporti tra Roma e gli alleati Latini e Italici nel primo quarto del ii sec. a.C.”, dans Id., Studi di storia romana e di diritto, Rome, 2001, p. 45-84, notamment aux pages 47-48 et 51, avec bibliographie. 3. G. Susini, “Profilo di storia romana della Romagna. La cronologia dei centri romani della Romagna e la fondazione di Faenza”, Studi Romagnoli, 8, 1957, p. 3-45, notamment p. 27 ; E. Gabba, Appiani Bellorum civilium liber primus, Firenze, 1958, p. 236-237. L’idée a été récemment reprise, entre autres, par G. Geraci, “Imola romana: politica e società”, dans G. Montanari (dir.), La storia di Imola, Imola, 2000, p. 53-70.

Les distributions viritanes dans l’ager Ligustinus et Gallicus de 173 av. J.-C.

Statellates4 (fig. 1). L’histoire de cette gens ligurienne et de ses relations difficiles avec Rome est rapportée par Tite-Live, dans le livre XLII de ses Histoires. Du côté de Rome, le personnage clé est Marcus Popillius Laenas qui, pendant son année de consulat, en 173, obtient une victoire écrasante sur les Statellates, en leur infligeant, paraît-il, la perte de 10 000 hommes (XLII, 7, 3-10). Face à la capitulation inconditionnée des Liguriens (…dedierunt sese, nihil quidem illi pacti, XLII, 8, 1), la réaction de Marcus Popillius Laenas est empreinte d’une sévérité inhabituelle, et culmine avec l’expropriation et la vente de la majeure partie de leurs biens (At ille

105

Fig. 1.

4. Sur

Carte schématique de l’Italie du Nord, avec indication approximative de la Romagne et du Montferrat.

l’épisode de la transductio trans Padum des Ligures Statellates, voir G. Luraschi, “A proposito dei ‘Ligures Statellates transducti trans Padum’ nel 172 a.C. (Liv. 42, 22, 5-6)”, Annali Benacensi. Rassegna di Studi Paletnologici e archeologici. Atti dell’VIII Convegno Archeologico Benacense, 7, 1980, p. 73-80. Pour une proposition de situer une partie des distributions viritanes de l’ager Ligustinus et Gallicus dans l’ancien territoire des Statellates, voir M. Torelli, “Urbanistica e architettura nel Piemonte romano”, dans L. Mercando (dir.), Archeologia in Piemonte. II. L’étà romana, Turin, 1998, p. 29-48 et, plus particulièrement, p. 29-31 ; E. Zanda, “Centuriazione e città”, dans L. Mercando (dir.), Archeologia in Piemonte. II. L’étà romana, op. cit., p. 49-66, notamment p. 63.

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arma omnibus ademit, oppidum diruit, ipsos bonaque eorum uendidit, XLII, 8, 3). La réponse du Sénat ne se fait pas attendre : l’acharnement de Marcus Popillius Laenas contre les Liguriens, qui s’étaient remis à la bonne foi du peuple romain (deditos in fidem, XLII, 8, 5), était inadmissible. En guise de réparation, il fut établi, par sénatus-consulte, que l’argent et les biens vendus devaient être récupérés, dans la mesure du possible, et rendus aux Liguriens : Marcus Popillius Laenas devait veiller personnellement à ce qu’ils fussent réinstallés chez eux (XLII, 8, 7-8). Face au refus du consul (XLII, 9), la question perdure jusqu’à l’année suivante, lorsque Marcus Popillius Laenas, en profitant des hésitations des nouveaux consuls (dont l’un était son propre frère), attaque à nouveau les Liguriens, en provoquant 10 000 morts supplémentaires. Cet épisode, à l’origine de la rébellion des autres Liguriens (ceteri quoque Ligurum populi ad arma ierunt, XLII, 21, 2), pousse le Sénat à prendre définitivement les choses en main : Marcus Popillius Laenas est convoqué d’urgence à Rome et un nouveau sénatus-consulte est voté, afin de rendre la liberté aux Liguriens qui ne s’étaient pas opposés à Rome depuis 179 et leur octroyer des terres où s’installer au-delà du Pô (XLII, 22, 5-6). Or, si cette deductio de 172 atteste que les Statellates n’avaient pu récupérer leurs anciens domaines perdus en173, car ces terres étaient désormais passées de manière stable dans d’autres mains, il est aussi vrai que Tite-Live parle explicitement d’une vente et non d’une assignation décidée par le Sénat. Il paraît donc hasardeux de vouloir identifier cette initiative avec les distributions viritanes dans l’ager Ligustinus et Gallicus, que nous savons avoir été établies par un sénatus-consulte. D’autant plus que la décision de rendre les terres aux Statellates, dans la même année 173, est également prise par sénatus-consulte et nous obligerait à admettre que le Sénat était arrivé à démentir ses propres décisions dans la même année, avec deux sénatus-consultes ayant des buts diamétralement opposés5. L’hypothèse de situer cet ager dans l’actuelle région Émilie-Romagne, en dehors des territoires attribués aux colonies d’Ariminum, Placentia, Bononia, Mutina et Parma, antérieurement déduites, semble en revanche mieux adaptée au récit de Tite-Live et notamment à l’image de territoire “mixte”, ayant abrité un peuplement gaulois et ligurien à la fois. Plus précisément, la partie qualifiée d’ager Gallicus pourrait correspondre au territoire conquis par Rome dans la décennie suivant 5. À

ces arguments il faut ajouter ceux proposés par G. Bandelli, “Considerazioni storiche sull’urbanizzazione cisalpina di età repubblicana (283-89 a.C.)”, dans L. Brecciaroli Taborelli, Forme e tempi dell’urbanizzazione nella Cisalpina (ii secolo a.C.-i secolo d.C.), Atti delle Giornate di Studio, Torino 4-6 maggio 2006, Firenze, 2007, p. 15-28 et G. Bandelli, “Parma durante la Repubblica […]”, art. cit., p. 197-204, qui souligne que le territoire du Montferrat était considéré par Rome comme étant uniformément ligurien et non pas mixte, ligurien et gaulois, et que la deductio des Liguriens, de 172, se situe un an après les distributions viritanes de 173. On pourrait d’ailleurs ajouter à ce dernier argument qu’à cause de la vente d’une grande partie des terres anciennement appartenues au Statellates, après leur défaite de 173, seulement une partie de ce territoire – vraisemblablement assez restreinte – était restée éventuellement disponible pour des distributions de terres, comme l’atteste d’ailleurs le fait qu’une déportation trans Padum des Statellates s’était finalement rendue nécessaire en 172 pour résoudre la question.

Les distributions viritanes dans l’ager Ligustinus et Gallicus de 173 av. J.-C.

la fin de la deuxième guerre punique, après la victoire définitive de Publius Cornelius Scipio Nasica contre les Boïens, en 1916. Nous savons que cette victoire de Rome se solda avec des pertes importantes du côté des vaincus, quantifiées par Tite-Live – sur la base du récit annalistique de Valerius Antias – en 28 000 morts, auxquels il fallait ajouter les prisonniers et les autres pertes7. Or, s’il est vrai que, dans ce même passage (XXXVI, 38, 7), Tite-Live souligne une certaine tendance de sa source à “gonfler” les chiffres, néanmoins il est indéniable que cette défaite fut écrasante pour les Boïens. En effet, suite à cette victoire de 191, Publius Cornelius Scipio Nasica confisqua environ la moitié du territoire des Boïens, de manière à permettre à Rome d’y fonder des colonies8. Le récit de Tite-Live nous laisse donc entendre que la présence boïenne dans ce secteur fut drastiquement réduite suite à ces événements, comme d’ailleurs l’évoquent d’autres sources écrites, tels Polybe (II, 35, 4), qui nous dit que les Gaulois furent chassés de la plaine du Pô et, plus en détail, Pline l’Ancien (II, 35, 4), qui inclut Boïens et Senones parmi les peuples disparus de la Cisalpine9, ou encore Strabon (V, 1, 6, C 213), selon lequel les Boïens, exterminés par les Romains, furent contraints d’abandonner les lieux qu’ils occupaient auparavant, pour aller s’installer dans la région danubienne. Bien qu’il soit très probable que des groupes résiduels de Boïens aient persisté dans cette région, destinés à s’intégrer et être assimilés aux nouveaux colons10, nous pouvons raisonnablement supposer qu’un vaste territoire soit entré à cette date dans la disponibilité de Rome, sous forme d’ager publicus. C’est d’ailleurs sur ces terres, confisquées aux Boïens, que seront fondées la colonie latine de Bononia (Bologne), en 189, et les colonies civium Romanorum de Mutina (Modène) et Parma (Parme), en 18311. Comme l’a récemment suggéré Gino Bandelli12, il paraît raisonnable de supposer que ces fondations n’aient pas épuisé la totalité d’ager publicus disponible en ce secteur, s’il est vrai que Caius Laelius, consul en 190, avait proposé la déduction de

6. Tite-Live,

XXXVI, 38, 7 : Boi post eam pugnam extemplo dedierunt sese. XXXVI, 38, 6 : Duodetriginta milia hostium occisa Valerius Antias scribit, capta tria milia et quadringentos […]. D’ailleurs, Publius Cornelius Scipio Nasica, lorsqu’il parle en faveur de son triomphe sur les Boïens, affirme que : Plus partem dimidiam ex quinquaginta milibus hominum caesam, multa milia capta (XXXVI, 40, 5). 8. Tite-Live, XXXVI, 39, 3 : P. Cornelius obsidibus a Boiorum gente acceptis agri parte fere dimidia eos multauit, qua si uellet populus Romanus colonia mittere posset. 9. Pline l’Ancien, Nat. Hist., III, 20, 116 : In hoc tractu interierunt Boi, quorum tribus CXII fuisse auctor est Cato, item Senones qui ceperunt Romam. 10. Cette hypothèse a été par exemple défendue par D. Vitali, “I Celti da Rimini al Po. Osservazioni e spunti per una discussione”, dans P. L. Dall’Aglio (dir.), Storia di Bellaria-Bordonchio-Igea Marina. Ricerche e studi sul territorio dalle origini al xiii secolo, Rimini, 1993, p. 65-82, notamment p. 76-77, et, plus recemment, principalement sur la base des survivances linguistiques et religieuses, par G. Brizzi, “L’età repubblicana”, dans G. Sassatelli, A. Donati (dir.), Storia di Bologna. I. Bologna nell’antichità, Bologne, 2005, p. 389-420, notamment p. 402-408. 11. Selon Tite-Live, les colonies de Bononia, Mutina et Parma auraient été fondées dans le territoire conquis aux Boïens : ager captus de Gallis Bois fuerat (XXXVII, 57, 7), dans le cas de Bononia ; in agro qui proxime Boiorum (XXXIX, 55, 7), pour Mutina et Parma. 12. G. Bandelli, “Parma durante la Repubblica […]”, art. cit., p. 191-195. 7. Tite-Live,

107

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deux colonies13, mais que seulement la colonie latine de Bologne avait ensuite été déduite en 189. On peut en effet admettre que les colonies de 183, avec la relative modestie des lots attribués14, avaient occupé un secteur beaucoup plus restreint que celui virtuellement disponible pour la deuxième colonie, vraisemblablement de droit latin, proposée en 190 mais jamais réalisée. À ce territoire soustrait aux Boïens devait s’ajouter la portion d’ager Ligustinus - zone d’ancienne occupation ligurienne – probablement entrée dans l’orbite de Rome entre 176 et 175, suite aux victoires sur les Ligures Friniates, qui occupaient le secteur de l’Apennin compris entre Bononia et Parma15. Voici donc un vaste territoire autrefois ligurien et gaulois qui, à l’époque concernée par les distributions viritanes évoquées par Tite-Live dans l’ager Ligustinus et Gallicus, faisait partie de l’ager publicus romain. L’importance quantitative des terres à distribuer pourrait d’ailleurs justifier le haut prestige de la commission decemvirale chargée des assignations de 173. L’hypothèse de situer l’ager Ligustinus et Gallicus dans le territoire de l’actuelle région Émilie-Romagne non attribué aux colonies précédemment déduites et, plus précisément, dans la plaine romagnolaise16, une partie de la plaine émilienne et le secteur de l’Apennin compris entre Bologne et Parme semble donc pertinente17. 108

L’apport de l’étude des centuriations à la définition topographique de l’ager Ligustinus et Gallicus La reprise récente des études sur les centuriations de l’Émilie-Romagne orientale18 offre quelques éléments à l’appui de cette lecture, en montrant une certaine adéquation entre sources historiques et aménagement du territoire. Ce secteur est en effet concerné par la présence d’un vaste bloc centurié, bien lisible en cartographie et photo aérienne, qui s’étend sur une longueur d’environ 60 km, entre 13. Tite-Live,

XXXVII, 47, 2 : ut nouae coloniae duae in agrum qui Boiorum fuisset deducerentur et rettulit et auctore eo patres censuerunt. 14. Les deux colonies accueillirent 2 000 colons chacune, avec 8 iugera par colon à Parme et 5 à Modène (TiteLive, XXXIX, 55, 7-8), alors que Bologne avait reçu 3 000 colons, avec assignations de 70 iugera aux equites et 50 aux autres (Tite-Live, XXXVI, 57, 7-8). 15. Tite-Live, XLI, 18-19, 3. Cf. G. Bandelli, “Parma durante la Repubblica […]”, art. cit., p. 202-203. 16. L’ Οὐριτανὴν χώραν dans laquelle Appien (BC, I, 89, 410) fait dérouler une partie des opérations militaires de 82 entre Marianistes et Syllaniens, pourrait, selon certains auteurs, correspondre à la plaine de Faventia, cf. E. Gabba, Appiani Bellorum civilium liber primus, op. cit., p. 236-237. 17. L’Apennin entre Parme et Plaisance en était vraisemblablement exclu, car il abritait les Ligures Veleiates, défaits seulement plus tard, entre 166 et 158. Cf. G. Bandelli, “Parma durante la Repubblica […]”, art. cit., p. 204, avec bibliographie. 18. C. Franceschelli et S. Marabini, Lettura di un territorio sepolto. La pianura lughese in età romana, Bologne, 2007 ; C. Franceschelli, “Dynamiques de transmission de la morphologie agraire : ‘pérennisation’ et ‘effacement’ de la centuriation romaine dans la plaine sud du Pô”, Agri Centuriati. An International Journal of Landscape Archaeology, 5, 2008, p. 77-106.

Les distributions viritanes dans l’ager Ligustinus et Gallicus de 173 av. J.-C.

les fleuves Ronco, à l’est, et Idice, à l’ouest, connu en bibliographie sous le nom de “grande centuriation romagnolaise” (grande centuriazione romagnola)19. Il s’agit d’une centuriation de module classique, avec centuries de 20 actus de côté, axée sur la voie Aemilia qui en constitue le decumanus maximus et, en même temps, le terminus post quem, fixé donc à 187 av. J.-C. Approximativement inscrit entre les territoires des colonies latines d’Ariminum et Bononia, ce territoire se caractérise par l’absence en son sein de colonies républicaines. Sont en revanche attestés, d’est en ouest, les centres de Forum Livii (Forlì), Faventia (Faenza), Forum Cornelii (Imola) et Claterna (actuellement disparue), listés par Pline l’Ancien parmi les municipes de l’Octava regio augustéenne (III, 115).

L’état des connaissances Ce territoire a fait l’objet d’un intérêt de plus en plus systématique à partir des années 1950, lorsque G. Susini a proposé de considérer la centuriation romagnolaise comme un bloc unitaire, d’abord lié au territoire de Faventia, considérée comme la seule fondation ex-nihilo du secteur, et répartie dans un deuxième temps parmi les autres centres de la région, notamment Forum Cornelii, qui aurait pris son nom de Lucius Cornelius Sylla. Son raisonnement repose essentiellement sur deux constats, qui manquent toutefois d’un support documentaire fiable, telles la haute antiquité de Faventia et l’hypothèse d’une “fondation” syllanienne de Forum Cornelii20. Dans la réalité, les origines de Faventia restent encore méconnues et rien ne justifie l’idée qu’elles soient plus anciennes que celles des autres centres de ce secteur. Quant à la chronologie syllanienne de Forum Cornelii, elle est loin d’être sûre car elle repose sur un passage de Prudence dont la fiabilité est actuellement très discutée (Peristephanon, IX, 1-2) et sur le lien, établi sur base toponymique, avec un membre de la gens Cornelia, que certains identifient avec Lucius Cornelius Sylla, mais qui pourrait également être quelqu’un d’autre au sein de la famille, tel par exemple le Publius Cornelius Scipio Nasica vainqueur des Boïens en 191, ou, plus vraisemblablement, le Publius Cornelius Cethegus membre de la commission décemvirale de 17321. Au début des années 1980, à l’époque de l’essor de l’archéomorphologie française, G. Chouquer22 a rouvert le débat autour de cette “centuriation romagnolaise”, dans laquelle il a cru reconnaître quatre centuriations différentes juxtaposées, sur la base de différences dans l’orientation et le module de 20 actus, qui oscillerait à son avis entre 704 et 708 m, selon les secteurs. Ces blocs centuriés 19. C. Franceschelli

et S. Marabini, Lettura di un territorio sepolto […], op. cit., p. 61-68, avec bibliographie. “Profilo di storia romana della Romagna […]”, art. cit., p. 11-14 et 26-33. 21. Pour une synthèse sur la question, cf. G. Geraci, “Imola romana […]”, art. cit., p. 58. 22. G. Chouquer, “Les centuriations de Romagne orientale”, MEFRA, 93, 2, 1981, p. 823-868, notamment p. 853 et suivantes. 20. G. Susini,

109

Carlotta Franceschelli

seraient associés aux territoires des quatre centres attestés dans la zone, dont les limites seraient marquées par le tracé de cours d’eau actuels : le Lamone entre Forum Livii et Faventia, le Santerno entre Faventia et Forum Cornelii, le Sillaro entre Forum Cornelii et Claterna. Sur la base des différences de module entre ces quatre centuriations, qui seraient le résultat d’oscillations dans la valeur du pied romain, il arrive à proposer un décalage chronologique pour leur mise en œuvre respective : les soi-disant “petits modules” (704-705 m) seraient plus anciens que les “grands modules” (706-710 m). Ainsi, le supposé ager Faventinus, aux centuries de 705 m de côté, serait le plus ancien du secteur, ce qui pourrait appuyer l’hypothèse d’une fondation de Faventia au début du iie siècle, comme premier acte de la colonisation de ce secteur de plaine. Le discours de Chouquer, dont l’intérêt principal réside dans le fait d’avoir proposé pour la première fois la présence de sous-blocs au sein du grand bloc romagnolais, présente toutefois quelques aspects de criticité. Il s’agit d’abord de la supposée adéquation de ces blocs au tracé des cours d’eau actuels, alors que des études récentes ont bien montré la forte instabilité du réseau hydrographique dans ce secteur de plaine (voir infra)23, et ensuite du poids attribué à l’idée, aujourd’hui généralement refusée car dépourvue d’éléments concrets en sa faveur, de reconnaître une signification chronologique aux prétendues différences de module dans les centuries de 20 actus24. 110

Les nouveaux acquis La reprise récente du dossier sur la “centuriation romagnolaise”, qui a pu bénéficier des moyens mis à disposition par les outils informatiques modernes, a conduit à une remise à plat de l’état des connaissances sur ce secteur25. En premier lieu, aucune variation systématique d’orientation et de module n’a été reconnue au sein du grand bloc romagnolais, dont les centuries présentent un module assez constant, qui s’atteste autour d’environ 708 m. Il a été ensuite possible de préciser le rôle de la via Aemilia dans ce secteur, qui constitue le decumanus maximus réel du bloc romagnolais seulement dans sa partie centrale (fig. 2), alors que vers ses marges elle se trouve légèrement désaxée par rapport à l’orientation générale du bloc centurié26 (fig. 3-4). Ce rôle de la via 23. C. Franceschelli

et S. Marabini, Lettura di un territorio sepolto […], op. cit. ligne générale, il est prudent de s’abstenir d’une application trop rigide des analyses métrologiques, sur la base du constat que ce que nous voyons aujourd’hui c’est le paysage actuel, qui ne peut pas être considéré comme la copie exacte de celui d’époque romaine. 25. C. Franceschelli et S. Marabini, Lettura di un territorio sepolto […], op. cit. Dans le cadre de cette étude, toutes les données ont été intégrées dans un dispositif SIG (ArcGis® 9.3). 26. À cet égard, il est intéressant d’observer que des recherches archéologiques récentes évoquent la présence d’une voie romaine en proximité de l’ancien centre de Claterna, à l’endroit qui devait abriter le decumanus maximus “effectif ” de la centuriation dans ce secteur, quelques dizaines de mètres au nord de la voie Aemilia. Cf. L. Mazzini, C. Negrelli, “Insediamenti in età romana”, dans L. Gambi et L. Grossi (dir.), Castelguelfo di 24. En

Les distributions viritanes dans l’ager Ligustinus et Gallicus de 173 av. J.-C.

Fig. 2.

La partie centrale de la grande centuriation romagnolaise, dans le secteur de Forum Cornelii (Imola), où la via Aemilia fait fonction de decumanus maximus. 111

Fig. 3.

Détail du decumanus maximus “théorique” de la grande centuriation romagnolaise dans sa partie orientale, où il s’éloigne progressivement du tracé de la via Aemilia.

Carlotta Franceschelli

Fig. 4.

Détail du decumanus maximus “théorique” de la grande centuriation romagnolaise dans sa partie occidentale, où il s’éloigne progressivement du tracé de la via Aemilia.

Fig. 5.

Les 3 sous-blocs de la grande centuriation romagnolaise définis par le tracé d’anciens cours d’eau, dont il est proposé une reconstitution hypothétique.

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Les distributions viritanes dans l’ager Ligustinus et Gallicus de 173 av. J.-C.

Aemilia, decumanus maximus “théorique” de l’emprise du bloc romagnolais, mais decumanus maximus “effectif ” seulement dans sa partie centrale, semble à notre avis aller dans le sens d’un projet d’organisation du territoire conçu de manière unitaire autour du tracé de la voie consulaire, et nous déconseille de penser à une mise en œuvre diachronique de l’ensemble, par blocs administratifs différents, dans des temps plus ou moins longs27. Au sein du grand bloc romagnolais, des sous-blocs ont ensuite été reconnus : non pas les quatre précédemment indiqués par G. Chouquer, mais trois blocs plus vastes, définis par un décalage d’environ 35 m (environ un actus romain) dans la séquence des kardines. Ces trois sous-blocs présentent des dimensions équivalentes (environ 20 km chacun, grosso modo correspondant à 28 centuries), avec des coupures qui se situent à la hauteur d’anciens cours d’eau, encore en fonction à l’époque romaine, mais aujourd’hui désormais éteints. Nous avons pu ainsi définir un bloc oriental, compris entre les anciens tracés des fleuves Ronco et Lamone, à l’est de Faventia28 ; un bloc central, compris entre l’ancien Lamone et une bande qui devait abriter l’ancien tracé d’un cours d’eau (le Sellustra, le Correcchio ?) à l’est de Forum Cornelii29 ; un bloc occidental, entre ce dernier cours d’eau et un ancien tracé de l’Idice, qui faisait fonction de limite orientale du territoire de Bononia30 (fig. 5). Il est intéressant d’observer que ces trois sous-blocs, approximativement définis par des éléments du paléopaysage, sont complètement décalés par rapport aux centres de Forum Popilii, Faventia, Forum Cornelii, Claterna, sans entretenir avec eux aucun lien topographique. On peut donc raisonnablement supposer qu’il n’y a pas eu de contemporanéité entre la réalisation de cette centuriation, avec ses trois sous-blocs, et la définition du territoire administratif de ces centres. En considération de la cohérence du projet de la centuriation romagnolaise, tel que nous l’avons Bologna: un caso di studio. Geologia, archeologia e storia dell’insediamento tra Idice e Sillaro, Bologne, 2003, p. 57-79 et notamment p. 62. 27. Dans le cas éventuel d’une mise en place de différents blocs dans des temps différents, les arpenteurs auraient vraisemblablement préféré une meilleure adéquation à la voie consulaire dans chacun des trois blocs, afin de l’assumer dans toutes ses parties comme decumanus maximus “effectif ”. La morphologie de surface, avec ses pentes modestes, n’aurait pas empêché cette adéquation. 28. Pour le paléotracé du Ronco, au nord de Forum Livii, voir A. Morigi, “Forum Popilii: forma e urbanistica”, dans A. Coralini (dir.), Cultura abitativa nella Cisalpina Romana. 1. Forum Popilii, Firenze, 2010, p. 101-296, notamment p. 238, avec bibliographie. Pour le tracé du Lamone à l’époque romaine, au nord de Faventia, encore mentionné dans les documents du xe siècle sous le nom de Fluvium Veterem, une chronologie fiable et une spatialisation fine sont proposées dans C. Franceschelli et S. Marabini, Lettura di un territorio sepolto […], op. cit., p. 129-139. 29. Pour une synthèse sur la paléo-hydrographie de ce secteur, voir S. Cremonini, “Tra Idice e Santerno: problemi paleoidrografici”, dans L. Gambi et L. Grossi (dir.), Castelguelfo di Bologna […], op. cit., p. 19-55. Il faut toutefois préciser que la reconstitution des anciens tracés des cours d’eau dans le secteur en question reste encore spéculative et nécessiterait un approfondissement ultérieur. 30. E. Silvestri, “Il territorio centuriato di Budrio e Castenaso (Bologna) fra età romana e alto Medioevo. Sintesi di una ricerca”, Civiltà Padana. Archeologia e storia del territorio, 2, 1989, p. 9-38, notamment p. 31-38.

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Carlotta Franceschelli

montré précédemment, il nous semble en revanche plus pertinent de mettre en relation le système dans son entier avec les distributions viritim de 17331. Les quatre centres, qui se disposaient le long de la voie Aemilia dans ce secteur et dont les origines restent pour le moment assez obscures, pourraient donc être interprétés comme des agglomérations de type fora et conciliabula, typiques des secteurs d’ancienne colonisation viritane et qui auraient pu abriter des praefecti iure dicundo, selon le modèle proposé par Gianfranco Paci pour l’ager Gallicus et Picenus des Marches, divisé viritim en 23232. Ils auraient ensuite atteint le statut municipal dans le courant du ier siècle av. J.-C. et c’est seulement à cette époque que leur territoire de pertinence aurait probablement été défini, avec une démarche qui, vraisemblablement, n’a pas modifié le dessin centurié du territoire, déjà mis en place auparavant, probablement à l’occasion des distributions viritanes de 173.

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À la lumière du cadre précédemment reconstitué, la présence des trois sousblocs au sein du grand bloc romagnolais ne se justifie pas par des arguments d’ordre politique et administratif. Il semble en revanche plus pertinent de proposer, comme hypothèse de travail, une explication d’ordre pratique/fonctionnel, par rapport à la présence de plusieurs équipes d’arpenteurs opérant en même temps sur la base d’un projet unitaire, mais dans des secteurs différents. Le but pouvant être de distinguer le travail de chaque équipe et en pouvoir ainsi reconstituer les responsabilités professionnelles, sans pouvoir en même temps exclure un lien de ces sous-blocs avec une différenciation entre les groupes de colons qui bénéficièrent de ces assignations.

aller dans ce sens les découvertes, de plus en plus nombreuses, de matériaux datant du iie siècle av. J.-C. un peu partout dans la plaine (cf., entre autres, L. Mazzini et C. Negrelli, “Insediamenti in età romana”, art. cit., p. 64-66 et 75). 32. G. Paci, “Umbria ed Agro Gallico a nord del fiume Esino”, Picus, 18, 1998, p. 89-118. En général, sur la validité de ce schéma pour les secteurs de “colonisation” viritane, voir U. Laffi, “Sull’organizzazione amministrativa dell’Italia dopo la guerra sociale”, dans Id., Studi di storia romana e di diritto, Rome, 2001, p. 113-135, notamment p. 122-125. Pour l’ager Ligustinus et Gallicus de 173, l’hypothèse est suggérée par G. Bandelli, “Parma durante la Repubblica […]”, art. cit., p. 204. 31. Pourraient

9

Les vectigales des cités et la Correspondance de Cicéron : recherches sur un aspect des ressources des cités d’Arpinum et d’Atella

Élisabeth Deniaux

Résumé –

Deux lettres de recommandation de Cicéron présentent un grand intérêt pour l’étude des finances publiques de deux cités d’Italie, Arpinum et Atella, à l’époque de la dictature de César, époque difficile pour ces municipes qui possèdent des agri vectigales en Gaule Cisalpine. Cicéron essaie d’éviter la confiscation de ces terres dont la possession est d’une importance vitale pour les ressources municipales. Mots-clés –

Vectigales - Atella - Arpinum - Cicéron -Finances publiques.

Abstract –

Two Cicero’s recommendation letters are interesting for the study of public finances of two Italian cities, Arpinum and Atella, at the time of Caesar’s dictature, a difficult time for these municipes who have agri vectigales in Gallia Cisalpina province. Cicero is tempting to avoid confiscation of these lands whose possession is very important for municipal resources. Keywords –

Vectigales - Atella - Arpinum - Cicero - Public Finances.

115

Élisabeth Deniaux

À 

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l’époque de la dictature de César, en 46-45 av. J-C., deux lettres de recommandation de Cicéron nous font connaître deux interventions de celui-ci en faveur des revenus tributaires que deux cités, Arpinum et Atella, depuis longtemps dans la clientèle de Cicéron, possèdent en Gaule Cisalpine. Cicéron évoque les vectigales d’Arpinum et l’ager vectigalis d’Atella. Ces lettres permettent de s’interroger sur ces revenus, qui ont une importance capitale pour les finances de ces deux cités ainsi que sur les ressources d’Arpinum et d’Atella dans un contexte politique difficile. La Correspondance de Cicéron montre un usage particulier des lettres de recommandation pendant la période qui va de 47 à 43, qui est, pour Cicéron, une période de retrait politique. Habituellement, la lettre de recommandation vise, par une présentation élogieuse, à faire accéder quelqu’un à la faveur de quelqu’un d’autre1. Aujourd’hui, l’homme qui bénéficie d’une recommandation n’est qu’associé superficiellement à celui qui écrit pour lui. À Rome, la recommandation renforce l’amitié entre le responsable de l’envoi et son correspondant. Le destinataire de la lettre se voit mentionner tous les avantages qu’il pourra tirer d’une relation nouvelle avec le futur obligé qui saura lui manifester de la reconnaissance. Ainsi se renforcent les échanges de bienfaits. Dans la recommandation, l’introduction était souvent associée à une demande de protection sans limite de temps et sans objectif déterminé ; elle était définie par quelques mots qui semblent appartenir à un formulaire stéréotypé. La sollicitation véritable pour un sujet particulier est exceptionnelle. Cependant, dans la période que nous envisageons, de 47 à 45, les allusions aux difficultés du temps, aux malheurs subis, sont plus nombreuses et les recommandations se font parfois plus précises. Cicéron avait alors choisi le parti de celui qui avait été vaincu. Mais il avait obtenu le pardon du vainqueur. Ses sympathies dans le camp de César lui permirent de solliciter des faveurs pour ses amis mais, surtout, une protection accrue pour des gens ou des collectivités qui se trouvaient menacées. Les gouverneurs que César avait placés à la tête des provinces dans lesquelles se trouvaient ses commendati n’étaient pas pour lui des inconnus2. Cicéron avait conservé de solides amitiés, particulièrement avec des gens qu’il avait obligés antérieurement. Il pouvait alléguer d’une attitude bienveillante passée pour solliciter différentes formes de reconnaissance, et n’hésitait pas à affirmer qu’une attitude favorable aux commendati serait considérée comme un summum beneficium et serait donc source de nouveaux officia de sa part.

1. La

Correspondance de Cicéron est une des plus riches que l’Antiquité nous ait transmise. Elle comporte 111 lettres de recommandation : cf. É. Deniaux, Clientèles et pouvoir à l’époque de Cicéron (CEFR, 182), Rome, 1993. 2. Ibid., p. 327-352.

Les vectigales des cités et la Correspondance de Cicéron : recherches sur un aspect des ressources des cités d’Arpinum et d’Atella

Nous étudierons un dossier qui concerne les ressources de deux cités d’Italie, Arpinum et Atella. Deux lettres concernent le municipe d’Arpinum ; une lettre le municipe d’Atella3. La demande de Cicéron n’est pas de même nature : pour Arpinum, il s’agit de favoriser la gestion des agri vectigales que la cité possède en Cisalpine et l’accueil de trois chevaliers romains envoyés par leur cité dans cette intention ; pour Atella, il s’agit d’écarter la menace de la confiscation de terres qui permettent à la cité de percevoir un vectigal en Cisalpine. Les destinataires de ces lettres sont deux personnages dont la relation à Cicéron s’exprime de manière différente, deux personnages dont le niveau de responsabilité ne peut être comparé; l’un est un gouverneur de province, l’autre agit pour le compte de César d’une manière ponctuelle. Le gouverneur de province est Marcus Junius Brutus, adopté par Quintus Servilius Caepio. Il avait été questeur en 54 ou en 53. Il s’était trouvé dans le camp de Pompée mais s’était rallié à César dont il devint le légat en 46-45. Il gouverna la Cisalpine probablement comme legatus propraetore de 46 au printemps 454. Caius Vibius Pansa lui succéda. Grand ami d’Atticus et de Cicéron, avec lequel l’affection se manifestait par de nombreux échanges littéraires5, Marcus Junius Brutus devint préteur en 44 ; il participa à l’assassinat de César et fut un des chefs du parti républicain après la mort de celui-ci. Le second destinataire de la lettre de recommandation est un personnage sur l’identité duquel on s’interroge. La caractère très familier de l’“adresse” de la lettre destinée à protéger l’ager vectigalis d’Atella est remarquable ; Cicéron interpelle, en utilisant son propre surnom, un personnage dont il ne donne que le nomen, ce qui laisse supposer que Cluvius ne portait pas de surnom6. Cluvius est un familier de Cicéron, mais il n’est pas considéré par lui comme un égal. Cicéron fait allusion à son extrême déférence, à sa summa observantia. En outre, la visite que fit Cluvius à Cicéron avant de partir pour la Gaule est liée à une forme de sociabilité traditionnelle, une marque de respect d’un inférieur vers un supérieur7. La mention de la necessitudo et de la summa coniunctio suggère une réciprocité dans un échange dont Cluvius a eu l’initiative. Cicéron parle, en effet, de l’affection de Cluvius envers lui. Mais l’expression de la gratitude de Cicéron est aussi très forte. La lettre contient même une promesse de comptabiliser le beneficium à son juste prix : “si j’obtiens de

3. Cicéron

évoque les vectigales d’Arpinum dans Familières, 13, 11. Une autre lettre recommande un des trois envoyés de la cité d’Arpinum, cf. Familières, 13, 12. L’ager vectigalis d’Atella est recommandé dans Familières, 13, 7. 4. Sur M. Junius Brutus, cf. RE, no 53 et É. Deniaux, Clientèles et pouvoir à l’époque de Cicéron, op. cit., p. 413415, no 24. Cicéron s’adresse à lui d’une manière très familière : “Cicero Bruto sal.”. 5. Cicéron lui adressa plusieurs ouvrages, le De Finibus, De Natura Deorum, les Paradoxes, les Tusculanes. 6. Cf. “Cicero Cluvio sal.”. 7. Fam., 13, 7, 1 : “Cum in Galliam proficiscens pro nostra necessitudine tuaque summa in me opservantia ad me domum venisses, locutus sum tecum de agro vectigali municipii Atellani qui esset in Gallia, quantoque opere eius municipii causa laborarem tibi ostendi”.

117

Élisabeth Deniaux

118

César ce que j’espère, j’estimerai le devoir à ton aide ; sinon, je t’en tiendrai compte à égalité, puisque tu te seras employé à me le faire obtenir”8. La faveur que désire obtenir Cicéron ne semble pas être entièrement de la compétence de Cluvius. À plusieurs reprises, Cicéron réclame la médiation de celui-ci auprès de César, qui juge en dernier ressort, pour favoriser l’immunité des terres d’Atella9. Le nom de la fonction qu’occupe Cluvius n’est pas indiqué ; celui-ci dispose d’une potestas10, mais il est fait allusion aux possibilités d’arbitrage de César. Cluvius a une mission à accomplir, mais il n’a pas, semble-t-il, le droit de juger : “tibi negotium datum esse a Caesare, non judicium”11. Il est, sans doute, un de ces praefecti nommés par César pour s’occuper d’assignations coloniales. Il est vrai qu’à la même période, un personnage appelé C. Clovi(us) praef(ectus) apparaît sur une monnaie datant de la troisième dictature de César, sur le droit, un symbole de victoire avec la mention Caes. Dic. ter. Sur le revers, une Minerve avec un bouclier portant une tête de méduse, un trophée et l’inscription C. Clovi praef.12. Mommsen pensait à un praefectus fabrum et à un atelier espagnol13. M. Grant avait cru à un atelier de Milan14 et avait montré que cette frappe pouvait être mise en relation avec les méthodes administratives de César, qui avait l’habitude de célébrer les fondations coloniales par des émissions monétaires. Caius Clovius aurait appartenu à une grande famille de banquiers comme les autres monétaires officiels de l’époque augustéennne et aurait porté le titre de praefectus colonis deducendis, titre qui, à l’époque du triumvirat, a qualifié des responsables de fondation coloniale. Mais ceci est contesté. Nous retiendrons la prudence de M. Crawford qui date la monnaie de 45 et parle d’“unspecified prefectship”15. Il est impossible, en revanche, de l’identifier avec Marcus Cluvius de Pouzzoles, ami de Cicéron, qui mourut en août 45. Ce personnage était originaire de Capoue 8. Fam., 13, 7, 5 : “Si a Caesare quod speramus impetrarimus, pro eo tamen id habeamus, quoniam a te data sit opera ut impetraremus”. 9. Le fait de solliciter des exemptions auprès d’un correspondant, chargé d’assignations agraires, n’est pas unique (une lettre fut envoyée pour préserver les terres de Volterra aussi, cf. Fam., 13, 8). 10. Fam., 13, 7, 1 : “quae tua potestas sit”. 11. Ibid. 12. Cf. M. Crawford, Roman Republican Coinage, Cambridge, 1973, 1, no 476, p. 486 et p. 94. 13. Cf. Th. Mommsen, Gesammelte Schriften, 1, Berlin, 1905, p. 406-407. 14. Cf. M. Grant, From imperium to auctoritas, Cambridge, 1948, p. 7-8. 15. Cf. M. Crawford, Roman Republican Coinage, op. cit., no 476, p. 486 et p. 94. Sur ce C. Cluvius, cf. RE, no 4, T. R. S. Broughton, The Magistrates of the Roman Republic, vol. 2, New York, 1952, p. 549 et add., p. 17 ; Id., The Magistrates of the Roman Republic, vol. 3, Supplément, Atlanta, 1986, p. 59 ; C. Nicolet, L’ordre équestre à l’époque républicaine, Paris, t. 2, 1974, no 106, p. 843-844. Cf. aussi É. Deniaux, Clientèles et pouvoir à l’époque de Cicéron, op. cit., p. 397-398, no 11. L’identification de ce personnage n’est pas facile. Nous connaissons un C. Cluvius L.f. préteur et proconsul de Macédoine ou d’Asie vers 104 ; cf. RE, no 2. Après les guerres civiles, un certain Cluvius fut élu consul, incapable d’assumer sa charge, fut amené au rang des consulaires par Auguste en 29, cf. Dion, 52, 42, 4. Il avait certainement exercé des magistratures inférieures et peut-être la charge de préfet. Enfin, le beau-frère de la matrone inconnue de la laudatio Turiae s’appelait aussi Caius Cluvius, cf. M. Durry (éd.), Laudatio Turiae, 1950, I, 3, 13, 42 ; II, 4.

Les vectigales des cités et la Correspondance de Cicéron : recherches sur un aspect des ressources des cités d’Arpinum et d’Atella

comme les autres membres de la gens Cluvia16. L’appartenance familiale de Caius Cluvius, destinataire de la lettre, ne peut être précisée davantage, mais un lien familial avec Cluvius, l’ami de Cicéron, ne peut être exclu avec, par exemple, l’allusion à la summa coniunctio17 qui unit à son correspondant.

Ces deux lettres constituent de très rares et de très précieuses mentions des sources de revenus des deux municipes. Les agri vectigales constituent une part importante de celles-ci. Le dossier des agri vectigales des cités est d’une complexité extrême18. Leur origine, leur gestion, leur localisation posent des problèmes variés. Rares sont à l’époque républicaine les évocations des dépenses publiques des cités. En outre, les contraintes qui pèsent sur celles-ci à l’époque de la dictature de César ne sont pas semblables ; elles ont dû être alourdies à cette époque d’une manière que nous connaissons mal. Les deux municipes d’Arpinum et d’Atella sont dans la clientèle de Cicéron. Cicéron défend les intérêts d’Arpinum, sa ville natale. Cicéron est le patron d’Atella, petite cité de Campanie, satellite de Capoue, sur laquelle il exerce aussi un patronage19. Cicéron était d’ailleurs le patron de Capoue depuis l’époque de son consulat, car il avait, cette année-là, protégé l’Italie de la conjuration de Catilina20. Il avait aussi empêché alors, mais temporairement seulement, le lotissement de l’ager campanus en s’opposant au projet de loi agraire de Rullus la même année. Le dossier d’Arpinum est plus précis que celui d’Atella. Pour Arpinum, Cicéron affirme que les vectigales procurent avantages et ressources à ce municipe : “omnia commoda omnisque facultates”21. Pour Atella, ce vectigal constitue la seule ressource de la cité : “municipii fortunas omnes in isto vectigali consistere”22. Les demandes formulées par Cicéron sont aussi de nature différente. Il s’agit de favoriser la gestion des terres d’Arpinum mises en valeur par des colons dans la province de Gaule Cisalpine : “ad ea visenda pecuniasque quae a colonis debentur”23, alors que, pour 16. Cf. Fam., 13, 56 ; RE, no 6 ; É. Deniaux, Clientèles et pouvoir à l’époque de Cicéron, op. cit., p. 480-482, no 34. 17. Fam.,

13, 7, 5. les agri vectigales, cf. spécialement L. Bove, Ricerche sugli “agri vectigales”, Naples, 1980. Sur l’adtributio de terres, cf. U. Laffi, Adtributio e contributio. Problemi del sistema politico-amministrativo dello stato romano, Pise, 1966. 19. Sur le patronage de Cicéron sur Atella, cf. Q.fr., 2, 14, 3, à propos de la recommandation de Marcus Orfius d’Atella, tribun militaire dans l’armée de César : “M. Orfium, equitem romanum, nostrum et per se necessarium et quod est ex municipio Atellano, quod scis esse in fide nostra”. 20. Capoue n’était alors qu’un conventus, cf. Pro Sestio, 4, 9 : “Conventus Capuae post oppressam Catilinae coniurationem Ciceronem unum patronum adoptavit”. Cf. aussi In Pis., 11, 25. 21. Fam., 13, 11, 1. 22. Fam., 13, 7, 2. Sur les terres et les recettes d’une colonie, cf. M. Christol, “Remarques sur les recettes d’une colonie romaine”, MEFRA, 1, 2010, p. 15-23. 23. Fam., 13, 11, 1. 18. Sur

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Atella, Cicéron souhaite écarter la menace d’une confiscation de l’ager vectigalis que la cité possède dans cette province. Il est vrai que Cicéron ajoute que le municipe connaît de très grandes difficultés et est écrasé par des charges très lourdes : “his autem temporibus hoc municipium maximis oneribus pressum summis adfectum esse difficultatibus”24. Pour Arpinum, le document est exceptionnellement développé, puisqu’il signale que tous les avantages et toutes les ressources de la cité consistent dans ces vectigales : “quorum quidem omnia commoda omnisque facultates … consistunt in iis vectigalibus quae habent in provincia Gallia”25 et qu’il mentionne plusieurs chapitres intéressants des dépenses du budget de la cité, à savoir l’accomplissement de sacrifices : “sacra conficere”, le bon entretien des édifices sacrés et des lieux publics : “sarta tecta aedium sacrarum locorumque communium”26. Rares sont, à l’époque républicaine, les évocations des chapitres des dépenses publiques des cités. Il semble que nous soyons, dans cette lettre, proches de l’énoncé des différents points d’un budget municipal tel qu’il apparaît dans la

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, instituant une fondation coloniale en 44 av. J.-C.27 ; la loi fait une part importante aux sacra (paragraphes 64 et 65), et à l’organisation des jeux (paragraphe 66). Une comparaison avec un texte postérieur, la loi d’Irni, montre aussi l’importance des dépenses consacrées aux cérémonies religieuses (paragraphe 77)28. La loi d’Irni met bien en évidence, à propos des tâches des édiles (paragraphe 19), le fait que la gestion et le contrôle des temples, des lieux sacrés et religiosi revient à ceux-ci. Enfin, concernant les revenus des cités, il faut noter qu’à Urso (paragraphe 82), apparaissent différentes catégories de terres et de biens : “agri, silvae, aedificia”29. Il est possible de s’interroger sur les attributions de terres éloignées du territoire des municipes protégés par Cicéron en les mettant en rapport avec l’existence de fondations privées. Mais nous ne savons rien des agri vectigales d’Arpinum et d’Atella loin du territoire de ces cités en Cisalpine. Des témoignages épigraphiques de fondations privées sont bien attestés sous l’Empire30. Les importants articles de la 10e rencontre franco-italienne d’épigraphie dont le thème était : “Il capitolo delle

24. Fam.,

13, 7, 2. 13, 11, 1. 26. Ibid. : “quibus et sacra conficere et sarta tecta aedium sacrarum locorumque communium tueri possint”. 27. Sur la loi d’Urso, cf. M. Crawford (éd.), Roman Statutes, Londres, 1996, Lex coloniae Genetivae, no 25. 28. Sur la loi d’Irni, cf. AE, 1986, 333. Les dépenses pour les sacra sont associées aux dépenses consacrées aux ludi et aux cena. 29. Cf. M. Crawford (éd.), Roman Statutes, op. cit., Lex coloniae Genetivae, no 82 : …… Lex coloniae Genetivae, 82 : “qui agriquae que silvae quaeque aedificia colonis coloniae Genetivae Juliae quibus publice utantur […]”. 30. Cf. J. Andreau, “ Fondations privées et rapports sociaux en Italie romaine”, Ktèma, 2, 1977, p. 157-209 ; D. Johnston, “Munificence bequests to towns in Classical Roman law”, JRS, 75, 1985, p. 105-125 ; A. Magioncalda, Documentazione epigrafica e fonazioni testamentarie, Appunti su una scelta di testi, Turin, 1994. 25. Fam.,

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entrate nelle finanze municipale”31 abordent à plusieurs reprises le dossier des attributions de terres à des cités et ont enrichi nos problématiques32. Le domaine public d’Arpinum et d’Atella aurait pu être augmenté par des biens qui leur auraient été donnés, de même que d’autres biens fonciers pouvaient être légués à des temples33. L’exemple le plus souvent mis en évidence est celui de Marseille qui avait reçu les revenus de vectigalia grâce à la faveur de Pompée et de César mais il s’agit de dons faits par des imperatores. Un texte de César éclaire le fait que Pompée et César étaient les deux patroni de Marseille ; l’un leur a donné publice, au nom de l’État, les agri des Volques Arécomiques et des Helviens, l’autre, Pompée, après sa victoire sur les Salyens, a établis ceux-ci comme tributaires des Marseillais et a ainsi augmenté leurs revenus : “alter bello victos Sallyas adtribuerit vectigaliaque auxerit”34. Des attributions de grande ampleur auraient peut-être pu être accomplies par d’autres imperatores. Il est vrai que Marius est originaire d’Arpinum mais nos documents ne nous disent rien sur d’éventuelles générosités de sa part. L’histoire de la cité d’Atella est mal connue, parce qu’habituellement, elle n’est pas séparée de celle de la Campanie tout entière, et plus précisément de celle de Capoue dont elle est une proche voisine. Est-il possible de voir dans l’attribution des agri vectigales d’Atella une réponse à une situation historique précise ? Les m­alheurs du temps suggérés par la lettre sont sans doute venus de la colonisation de l’ager campanus et de la distribution de lots de terre à des colons dans cette région, à partir de 59 av. J.-C., à la suite du vote de la loi de César qui, lui, avait prévu le lotissement de l’ager campanus, sur lequel il était possible, d’après Cicéron35, d’installer 5 000 colons en donnant à chacun 10 jugères de terre. Cependant, l’attitude favorable à Pompée de Capoue et de la zone avoisinante a pu être la cause de l’aggravation d’une situation que nous connaissons mal36. Il est possible de suggérer que l’attribution de terres en Cisalpine à la cité d’Atella aurait pu être liée à une diminution de son territoire au moment de la colonisation de l’ager campanus par César. Elle en aurait constitué une compensation. Lorsque 31.  Il

capitolo delle entrate nelle finanze municipale in Occidente ed in Oriente, 10e rencontre franco-Italienne d’épigraphie (CEFR, 256), Rome, 1999. 32. Cf. spécialement dans Il capitolo delle entrate nelle finanze municipale […], op. cit. : G. Paci, “Proventi da proprietà terriere esterne ai territori municipali” (p. 61-72) ; M. Christol, “Les ressources municipales d’après la documentation épigraphique de la colonie d’Orange” (p. 115-136) ; P. Le Roux, “Vectigalia et revenus des cités” ‘p. 155-173) ; A. Magioncalda, “Donazioni private a fini perpetui destinate alle città. Esempi dalla documentazione latine in età imperiale” (p. 175-216). 33. Cf., par exemple, le don de terres fait par Sylla, après sa victoire en 83 sur Norbanus près du mont Tifata, au temple de Diane Tifatina à Capoue connu par une inscription mentionnant le bienfait de Vespasien qui redonna au temple ces terres qui avaient été usurpées par des particuliers, cf. ILS, 251. 34. Cf. César, B.C., 1, 35. Sur les attributions de terres à cette cité par des dons de particuliers, cf. sous l’Empire, l’exemple de Vulcatius Moschus, qui, exilé, et admis dans la citoyenneté de Marseille, avait légué ses biens à cette cité (Tacite, Annales, 4, 43). 35. Att., 2, 16, 1. 36. Cf. la mention de Cicéron sur le malheur des temps et aux épreuves subies par la cité d’Atella, cf. Fam., 13, 7, 2.

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Cicéron consul s’oppose avec force en 63 au projet de Rullus de lotir l’ager campanus, il cite Atella au nombre des villes dont le territoire est menacé37. La fondation de la première colonie de Capoue par César en 59 devait largement déborder sur le territoire des cités voisines. C’est alors que Capoue, qui avait perdu le droit d’exister en temps que cité depuis la fin de la seconde guerre punique, car elle avait été sanctionnée pour son attachement à Hannibal, retrouva un gouvernement autonome. La centuriation observée sur l’ager campanus couvre le territoire de Capoue, de Calatia, d’Atella, de Casilinum38. Une dotation de terres faite à Atella sur l’ager publicus de Cisalpine encore disponible pourrait avoir été accomplie en compensation de la terre du municipe accaparée pour la donner aux colons lors de cette première vague de colonisation. Les distributions de terres n’étaient d’ailleurs pas achevées en 44. Le consul Antoine partit lui-même en mai 44, deux mois après la mort de César, pour faire une déduction de colons à Casilinum39. L’attribution de terres à Atella aurait alors pu préfigurer ce qui fut réalisé à l’époque d’Auguste pour Capoue sur le territoire de Cnossos. En effet, le territoire de Capoue fut amputé de sa partie méridionale à l’époque d’Auguste lors d’une seconde vague de colonisation, car il était destiné à permettre le développement de la colonia Julia Puteoli nouvellement créée40. À la colonie de Capoue furent alors attribuées des terres en Crète, terres qu’elle possédait encore à l’époque impériale41. Le municipe d’Atella, pénalisé par la création de la colonie de Capoue, était bien soutenu par Cicéron. Il apparaît avoir été en 54 dans sa clientèle42. Il aurait pu, grâce à lui, bénéficier d’un apport de terres en Gaule Cisalpine pour compenser la perte d’une partie de ses terres cultivées43. Huit ans plus tard, les agri vectigales d’Atella en Cisalpine sont menacés, alors que le municipe en a besoin pour survivre. La lettre de Cicéron fait allusion au malheur des temps, ce qui peut suggérer un contexte de répression. Il mentionne 37. De

lege agraria, 2, 31, 86. L. Keppie, Colonisation and Veteran Settlement in Italy, 47 B.C.-14 A.D., Rome, 1983, p. 144. 39. Nous savons que César avait choisi d’installer les vétérans de la 7e légion à Calatia et ceux de la 8e légion à Casilinum, cf. L. Keppie, Colonisation and Veteran Settlement in Italy […], op. cit., p. 144. 40. Peu de temps après Actium, Octave chercha à récompenser ses vétérans en leur distribuant des terres. Il confisqua alors une partie du domaine de Capoue, cf. Vell. Pat., 2, 81, 2 et Dion Cassius, 49, 14, 5 ; Cf. aussi AE, 1969-1970, 635. Sur les portions de territoires qui appartenaient à une communauté et furent assignées à une autre cité, cf. l’expression de Siculus Flaccus, de cond. Agr., 159, 26, Lach. : “ex alienis territoris sumpti”. 41. Sur la volonté d’Auguste de doter les colonies qu’il avait fondées de revenus publics, cf. Suétone, Auguste, 46 : “Italiam duodetriginta coloniarum numero deductarum … ac vectigalibus publici plurifariam instruxit”. À l’époque impériale, il existait à Capoue un arcarius Cretae, CIL, X, 3938 = ILS, 6317. Sur les terres du territoire de Cnossos attribuées à Capoue, cf. K. J. Rigsby, “Cnossos and Capua”, TAPHA, 106, 1976, p. 313-330. Une inscription (AE 1969-1970, 635) fait mention d’une contestation à propos de limites de terres, entre la colonie de Capoue et un personnage nommé Plotius Plebeius, qui fut réglée à l’époque de Domitien. 42. Cf. supra Q.fr., 2, 14, 3 : “est ex municipio Atellano, quod scis est in fide nostra” (à propos de la recommandation de Marcus Orfius). 43. Sur la possession de terres à l’extérieur du territoire des cités, cf. R. Biundo, “Terre di pertinenza di coloni e municipi fuori del loro territorio, gestione e risorse”, Cahiers du Centre Glotz, 14, 2003, p. 131-142 ; Id., “Agri ex alienis territoris sumpti, terre in provincia di colonie e municipi in Italia”, MEFRA, 116, 1, 2004, p. 371-436. 38. Cf.

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une calamitas, ainsi que des charges supplémentaires qui auraient pu être liées à l’imposition de taxes nouvelles mais peut-être aussi à la confiscation d’une partie des terres de la cité, César voulant sans doute punir Capoue et sa région de son attachement à la cause de Pompée44. Pompée avait accepté de gérer la charge de duumvir à Capoue45. C’est dans cette région qu’il assembla ses troupes pendant sa retraite devant César en 4946. Il est évident que Cicéron ne souhaite pas évoquer directement une répression liée à un fort attachement à Pompée alors que César, dictateur, est seul maitre de Rome puisqu’il dit qu’il ne souhaite pas se montrer blessant pour des personnes qu’il ne veut pas offenser : “tamen mihi crede singularis huic municipio calamitatis accidisse ; que idcirco non commemoro ne de miseriis meorum necessariorum conquerens homines quos nolo videar offendere”47. C’est sans doute à ce moment-là qu’Atella perdit une partie du territoire exigu qui lui procurait des ressources suffisantes pour vivre. En effet, c’est à ce moment-là, dans les années 47-46, que la pression sur les terres est la plus forte à cause d’un mouvement de colonisation d’ampleur inégalée. César dictateur avait alors besoin de donner des terres aux légionnaires qui avaient servi pendant la Guerre des Gaules. Les menaces que font peser sur les terres les assignations de César suscitent en contrepartie des interventions de patronage. Les anciens propriétaires du sol ou ceux qui ne disposent que d’une possessio sur les terres en cause sont menacés par des confiscations destinées à lotir les vétérans. Les lettres de Cicéron en portent témoignage, spécialement celle dans laquelle Cicéron tente de préserver l’ager publicus de Volterra48. Le dossier de l’ager vectigalis d’Atella en Cisalpine semble à Cicéron d’autant plus facile à plaider que Cluvius a déjà favorisé ses propres amis, les habitants de Regium qui avaient des relations très proches avec lui : “tamen maiorem spem impetrandi nactus sum, postea quam mihi dictum est hoc idem a te Regiensis impetravisse ; qui etsi te aliqua necessitudine attigunt”49. Ces cas de possessions extraterritoriales, d’enclaves retaillées dans les territoires des autres communautés en Italie et sur le sol provincial sont mal connus. L’administration de ces territoires pose des problèmes spécifiques, vérification du bornage, revendications contre les usurpations, contrôle des limites. Il n’est 44. Fam., 13, 7, 2 : “et primum velim existimes, quod res est, municipii fortunas omnes in isto vectigali consistere, his autem temporibus hoc municipium maximis oneribus pressum summis adfectum esse difficultatibus. Hoc etsi commune videtur esse cum multis”. 45. Cf. Cicéron, Post Red. Sen., 11, 29. 46. César, B.C., 1, 10. Cf. L. Keppie, Colonisation and Veteran Settlement in Italy […], op. cit., p. 144. 47. Fam., 13, 7, 2. 48. Fam., 13, 4 et 5 ; cf. É. Deniaux, “Les recommandations de Cicéron et la colonisation césarienne : les terres de Volterra”, Cahiers du centre Glotz, 2, 1991, p. 215-228. 49. Fam., 13, 7, 4. Je n’entre pas ici dans la question de savoir s’il s ‘agit de Regium, Reggio de Calabre ou de Regium Lepidum au Nord de l’Italie, en Émilie, sur la via Emilia ; quelque soit la localisation de cette cité, cette phrase suggère que de bonnes relations avec le chargé de mission de César rendaient possibles des exemptions et limitaient l’effet des confiscations.

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pas indifférent, me semble-t-il, qu’à une époque postérieure, dans la péninsule Ibérique, il soit assigné aux magistrats de la cité d’Irni d’aller faire le tour du territoire et d’en vérifier les limites (loi d’Irni, paragraphe 76 : “de finibus vectigalibus circumeundis recognoscendis”). L’enquête pourrait sans doute être enrichie d’exemples comme celui du bornage de la colonie de Capoue sur le territoire de Minturnes, dont on a retrouvé des traces épigraphiques avec la mention de publicum coloniae Campanorum50. Pour faire respecter le bornage de l’ager d’Arpinum, permettre de collecter d’une manière plus efficace le vectigal, faciliter sans doute le transfert des fonds jusqu’à Arpinum, Cicéron demande au gouverneur de Cisalpine de faire preuve de diligentia et de studium. Peut-être était-il nécessaire alors de réviser les contrats consentis aux colons : “pecunias exigendas a colonis”, ce qui justifierait l’envoi de trois chevaliers51. Trois equites Romani chargés de veiller aux revenus des vectigales de leurs cités sont recommandés avec une grande force de persuasion : “Quorum quidem omnia commoda omnisque facultates, quibus et sacra conficere et sarta tecta aedium sacrarum locorumque communium tueri possint, consistunt in iis vectigalibus quae habent in provincia Gallia. Ad ea visenda pecuniasque quae a colonis debentur exigendas totamque rem et cognoscendam et administrandam legatos equites romanos misimus, Q. Fufidium Q.f., M. Faucium M.f., Q. Mamercius Q.f.”52. Les intérêts d’Arpinum, cité d’origine de Cicéron, lui tenaient d’autant plus à cœur que l’année 46, qui est celle de l’envoi de la recommandation, est aussi l’année pendant laquelle Cicéron se sent responsable personnellement de la gestion de celle-ci car les trois magistrats principaux du municipe, les édiles – c’est une particularité d’Arpinum – chargés d’administrer les finances locales sont très proches de lui, son fils, le fils de son frère et M. Caesius, un de ses necessarii53. La demande destinée à Brutus pour qu’il procure le meilleur accueil possible à Marcus Faucius, à Quintus Fufidius et à Quintus Mamercius 50. Cf.

M. Pagano et M. Villuci, “Nuove iscrizioni da Suessa e da Minturnes”, Atti Ac. Pontan. Napoli, 34, 1985, p. 49, fig. 1 = AE, 1986, 147. Il existe aussi d’autres témoignages des biens possédés par des cités d’Italie dans les provinces, cf. D. Izzo, “Di un fundus di Teano Sidicino in Africa“, Athenaeum, 81, 1993, p. 269-275. 51. Sur le colonat à l’époque républicaine, cf. P. W. de Neewe, Colonus, Private farm tenancy in Roman Italy during the Republic and the early Principate, Amsterdam, 1984. 52. Fam., 13, 11, 1. Sur ces trois personnages, cf. Marcus Faucius, RE (Faucius), C. Nicolet, L’ordre équestre à l’époque républicaine, op. cit., t. 2, no 141, p. 875, É. Deniaux, Clientèles et pouvoir à l’époque de Cicéron, op. cit., p. 498-499, no 48 ; Quintus Fufidius, RE, no 7, C. Nicolet, L’ordre équestre à l’époque républicaine, op. cit., t. 2, no 153, p. 883-884, É. Deniaux, Clientèles et pouvoir à l’époque de Cicéron, op. cit., p. 501-502, no 51 ; Quintus Mamercius, RE (Mamercius, Supplt. X, col. 383), C. Nicolet, L’ordre équestre à l’époque républicaine, op. cit., t. 2, no 218, p. 939-940 ; É. Deniaux, Clientèles et pouvoir à l’époque de Cicéron, op. cit., p. 521-522, no 65. Quintus Fufidius bénéficie d’une recommandation particulière, cf. Fam., 13, 12. 53. Ibid. : “Bonos viros ad tuam necessitudinem adiunxeris municipiumque gratissimum beneficio tuo devinxeris, mihi vero eo etiam gratius feceris quod cum semper tueri municipes meos consuevi, rum hic annus praecipue ad meam curam officiumque pertinet ; nam constituendi municipi causa hoc anno aedilem filium meum fieri volui et fratris filium et M. Caesium, hominem mihi maxime necessarium … quis cohonestaris in primisque me si res publica municipi tuo studio diligentia bene administrata erit”. Sur la signification du verbe constituere dans l’expression “constituendi municipi”, cf. Ed. Bispham, From Asculum to Actium, Oxford, 2007, p. 238-240.

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est associée à une autre demande, à une seconde lettre qui met spécialement l’accent sur le lien de necessitudo qui l’unit à un des trois envoyés, à Marcus Fufidius54. Marcus Fufidius a été recruté par Cicéron pour faire partie de son état-major en 51 quand il partit gouverner la Cilicie. Il lui confia alors une charge de tribun militaire dans laquelle il prouva son efficacité en rendant de grands services à Cicéron55. Marcus Fufidius était sans doute plus âgé puisqu’il avait servi sous les ordres de Cicéron en Cilicie, et il avait sans doute aussi une plus grande expérience financière. Il est possible de faire de lui le créancier de la ville d’Apollonia en Épire, un homme qui pratiquait sans doute le prêt d’argent au-delà des mers56. La fréquence avec laquelle étaient renouvelés les baux des colons n’est pas connue ; elle n’apparaît pas dans la lettre de Cicéron, mais, peut-être, comme à Urso, y avait-il un rythme quinquennal des contrôles et du renouvellement des contrats57. Un autre élément intéressant dans cette perspective est fourni par une inscription africaine de l’époque d’Auguste qui mentionne l’adjudication des vectigalia pour une durée de cinq ans dans des castella d’Afrique à propos des fonctions exercées par Marcus Caelius Phileros58.

L’étude des lettres de recommandation de Cicéron n’est qu’une approche modeste de l’histoire des finances locales à l’époque de la dictature de César. Elle permet d’évoquer la fragilité des équilibres financiers dans ces municipes, aggravés par un contexte politique, avec les conséquences de la Guerre Civile et de la dictature de César, que nous connaissons mal. Elle suggère que l’action 54. Fam.,

13, 12. Fufidius est aussi le beau-fils de Marcus Caesius, lui aussi proche de Cicéron et un des trois édiles d’Arpinum l’année où le fils de Cicéron et son neveu, le fils de Quintus, y étaient aussi. Marcus Caesius est vraisemblablement un parent de Lucius Caesius qui accompagna Quintus Cicéron lors de son gouvernement en Asie, cf. Q.fr., 1, 1, 4. 56. Nous pouvons nous demander si ce Fufidius n’est pas un homme d’affaires avisé, ou du moins un homme qui fait fructifier son argent en prêtant aux cités d’Orient ; Cicéron nous apprend (In Pis., 35, 86) que les habitants d’Apollonia ont donné en 54 une forte somme d’argent au gouverneur Pison pour ne pas payer leur créancier et que ce créancier s’appelle Fufidius. C’est sans doute la proximité de ce personnage avec Cicéron qui a permis l’information de Cicéron à son sujet. Sur Fufidius, cf. C. Nicolet, “Arpinum, Aemilius Scaurus et les Tullii Cicerones”, REL, 45, 1967, p. 297-304 ; É. Deniaux, “ Cicéron et les hommes d’affaires de l’Illyrie et de l’Épire”, dans P. Cabanes (éd.), L’Illyrie méridionale et l’Épire dans l’Antiquité, Actes du 2 e colloque international de Clermont-Ferrand 1990, Paris, 1993, p. 263-270. Sur les biens des Fufidii, cf. Cicéron, Q.fr., 3, 13, 3 (allusion à un Fufidianum fundum). La famille de Fufidius est connue par l’épigraphie d’Arpinum (CIL, X, 5685 et 5679). 57. Cf. M. Crawford (éd.), Roman Statutes, op. cit., Lex coloniae Genetivae, no 82 : “qui agri quaeque silvae queq(ue) aedificia c(olonis) c(oloniae) G(enetivae) J(uliae), quibus publice utantur, data adtributa erunt, ne quis eos agros neve eas silvas vendito neve locato longius quam in quinquennium […]”. Sur les concessions renouvelées pour cinq ans, cf. L. Bove, Ricerche […], op. cit., p. 62. 58. Cf. “M. Caelius M.l. Phileros … praefectus iure dicundo vectigalibus quinquennalibus locandis in castellis LXXXIII” (CIL, X, 6104 = ILS, 1945) sur laquelle cf. J. Gascou, “La carrière de Marcus Caelius Phileros”, Ant. Afr., 20, 1984, p. 105-120. 55. Quintus

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personnelle de Cicéron a pu donner une assise plus solide aux finances de la cité qui lui avait donné naissance, Arpinum, à cette époque particulière. Son intervention pouvait-elle avoir du poids face à des confiscations de terres voulues par César pour lotir ses vétérans en Gaule Cisalpine ? En s’adressant à Cluvius, son obligé, Cicéron espérait pouvoir continuer à protéger les intérêts de la petite cité d’Atella, qui semble avoir été en grande détresse financière dans une conjoncture politique très défavorable59.

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59. Il est possible de s’interroger sur le statut de la cité d’Atella. Le Liber Coloniarum (230 Lach.) mentionne une colonisation augustéenne sur laquelle nous ne savons rien. Peut-être ne fut-elle pas réalisée. Atella avait conservé des institutions municipales à l’époque impériale, cf. CIL, X, 3736 et 3732 (à une époque plus tardive). On connaît aussi, par une inscription recensée au CIL, IX, 2318, l’existence d’un curateur.

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Controverses territoriales et stratégies impériales.

Territoire et ressources économiques de Sparte sous l’Empire Athanase D. Rizakis 1

Résumé – Sparte profita énormément de la restructuration spatiale opérée par Auguste dans les provinces, à la suite d’Actium. Tout d’abord, le Prince offrit à C. Iulius Euryclès l’île de Cythère, en tant que présent personnel, et dota la cité elle-même de ressources fiscales issues de territoires plus lointains, à savoir ceux des cités messéniennes de Thouria et de Kardamylé. Au iie siècle lui furent attribuées Coronée, en Messénie, et l’île de Kaudos, au sud de la Crète, qui lui apportèrent des ressources supplémentaires et renforcèrent son prestige régional. Mots-clés –

Sparte - Territoire - Ressources - Économie - Société.

Abstract – Sparta profited greatly from the territorial restructuring carried out in the provinces by Augustus following the Battle of Actium. Augustus offered C. Iulius Eurycles the island of Cythera as a personal gift and endowed Sparta with financial resources originating in more distant areas, namely the Messenian cities of Thuria and Kardamyle. During the 2nd AD, Sparta was given Corone, in Messenia, and the island of Kaudos, south of Crete, both of which provided it with further resources and strengthened its regional prestige. Keywprds –

1. Je

Sparta - Territory - Ressources - Economy - Society.

tiens à remercier G. Steinhauer et N. M. Kennell pour avoir échangé avec moi des points de vue discutés dans cet article et M. Cébeillac-Gervasoni pour la lecture attentive de mon manuscrit. Toutefois, les idées exprimées ici n’engagent que la responsabilité de l’auteur.

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À 

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l’époque archaïque et classique Sparte avait un territoire énorme (fig. 1), comparé à ceux des autres cités grecques ; sa domination était alors incontestable, non seulement en Laconie et en Messénie, mais aussi sur le reste du Péloponnèse2. Cependant, l’affaiblissement démographique et militaire de la cité arriva à un tel point critique, au ive siècle, qu’il eut comme conséquence l’écrasante défaite infligée par le général thébain, Epameinondas, à Leuctra (371 av. J.-C.). Cette défaite qui, de prime abord, surprit tout le monde, a été très douloureuse non seulement pour la fierté de cette noble cité mais surtout pour les nuages qu’elle apporta à son avenir ; en effet, la défaite et ses conséquences mirent définitivement fin à sa prépondérance politique dans la péninsule. Les conditions qui lui furent imposées par le vainqueur et ses alliés la privèrent d’énormes territoires sur lesquels étaient assis sa prospérité économique et son équilibre social. La fondation de la cité de Messène, tout d’abord, la privèrent définitivement de la riche plaine de Pamissos à l’ouest, tandis que la fondation de Megalopolis lui enleva une zone plus petite sur la frontière nord-ouest, d’importance stratégique plutôt qu’économique. Ces pertes s’amplifièrent avec les concessions de nouveaux territoires, imposées par Philippe II de Macédoine, à ses rivales Messène, Megalopolis, Tégée et Argos3. Sparte n’a jamais accepté ces changements brutaux de ses frontières qui remettaient en question sa primauté traditionnelle, aussi ses efforts pour récupérer une partie de ces territoires perdus furent-ils incessants jusqu’au moment de la conquête romaine de la Grèce (146 av. J.-C.). En alternant des recours, tantôt à la diplomatie, tantôt à la guerre, la cité, grâce aux victoires du jeune roi Cléomènes III4, réussit à étendre momentanément son territoire sur une grande partie du Péloponnèse, mais sa défaite à Sélasie (222 av. J.-C.), contre l’armée macédonienne d’Antigonos Dôsôn, roi de Macédoine, la ramena de force à nouveau dans ses limites laconiennes5. Les efforts du tyran Nabis, au début du iie siècle, connurent le même échec, car, après quelques succès éphémères, il fut obligé de se soumettre finalement aux volontés de son vainqueur, le consul romain Flamininus6. Celui-ci, 2. Voir G. Shipley, “The extent of Sparta: territory in the Late Classical and Hellenistic periods”, ABSA, 95, 2000,

p. 368 n. 8. 3. Voir C. Roebuck, “The settlement of Philip II with the Greek states in 338 BC”, CPh, 43, 1948, p. 73-92 = Id., Economy and society in the Early Greek World: Collected essay, Chicago, 1979, p. 131-150 ; cf. G. Shipley, “The extent of Sparta […]”, art. cit., p. 371 ; St. Giannopoulos, Griechischer Sttadtstaat und hegemoniale Monarchie. Die Politik Spartas gegenüber Makedonien im 4. und 3. Jahrhundert, Diss. Univ. Hamburg, 2008, Francfort/M., 2011, p. 83 et 163. 4. Voir P. Oliva, Sparta and her social problems, Prague, 1971 ; P. Cartledge et A. J. S. Spawforth, Hellenistic and Roman Sparta. A tale of two cities, Londres, 1989, p. 58-79 ; N. M. Kennell, “From peroikoi to poleis: the Laconian cities in the late hellenistic period”, dans S. Hodkinson et A. Powell (éds.), Sparta: New perspectives, Londres, 1999, p. 189-210. 5. Sur Sparte après Sélasie et jusqu’à l’avénement de Nabis, voir K. T. M. Chrimes, Ancient Sparta, Manchester, 1949, p. 20-27 ; B. Shimron, “Spartan policy after the defeat of Cleomenes”, ClQ, ns XIV, 1964, p. 232-239 ; Id., Late Sparta. The Spartan revolution 243-146 B.C. (Arethusa monographs III), New York - Buffalo, 1972, p. 53-78. 6. Tite-Live, 34, 35, 5 ; 34, 36, 2 ; cf. 35, 13, 2 ; 38, 31, 2 ; cf. N. M. Kennell, “From peroikoi to poleis […]”, art. cit., p. 190-191. On trouvera dans E. Gruen, The Hellenistic world and the coming of Rome, Berkeley, 1984, p. 450-

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Fig. 1.

Le territoire de Sparte dans le Péloponnèse sous l’Empire.

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voulant affaiblir davantage la cité la força à se séparer, cette fois, des cités périèques du sud de la Laconie, qui formèrent, probablement à ce moment-là (195 av. J.-C.), la Ligue des Laconiens libres, le Koinon des Eleuthérolaconiens7. Ce nouvel échec compléta une évolution qui avait commencé une génération plus tôt (défaite spartiate à Sélasie) vers un nouvel équilibre régional en faveur de la Ligue achéenne, ce que G. Shipley appelle “shift in power from Sparta to the north”8. La défaite de Nabis a mis définitivement fin, comme dit J. Ducat9, au système des périèques qui désormais disparaît de la Laconie où coexistent alors deux entités séparées : Sparte et le Koinon qui fédère les cités périèques du Sud. La nouvelle perte territoriale fut la plus douloureuse puisque elle n’enleva pas seulement à Sparte des ressources supplémentaires mais la priva du libre accès à la mer et par conséquent du contrôle d’une zone extrêmement stratégique10. Le retrait des cités laconiennes placées sous tutelle achéenne11 transforma définitivement Sparte de grande puissance en une “second-rate provincial squabler”, selon le mot de Cart­ ledge, mais la chose la plus humiliante pour la fierté de la cité de Lycurgue fut son rattachement forcé par Philopoemen, quelques années plus tard (192 av. J.-C.), à la Confédération achéenne. Sparte ne s’accommoda pas de cette situation mais sa nouvelle dégradation inaugura une longue période de conflits diplomatiques 130

456 (cf. M. Bonnefond-Coudry, “Mythe de Sparte et politique romaine : les relations entre Rome et Sparte au début du iie siècle av. J.-C.”, Ktèma, 12, 1987, p. 87-92 ; P. Cartledge et A. J. S. Spawforth, Hellenistic and Roman Sparta […], op. cit., p. 74-79 avec toute la bibliographie relative à cette question) les nombreuses hypothèses, émises par les historiens, sur le processus décisionnel de Rome. 7. Tite-Live, XXXIV, 35, 10 : civitatius omnibus, quaeque se suaque in fidem ac dicionem populi Romani tradissent, ipse restituisset, omnia praesidia deducerat seque ipse suosque ab iis abstinerat ; Strabon, VIII, 5, 5 : Συνέβη δὲ καὶ τοὺς Ἐλευθερολάκωνας λαβεῖν τινα τάξιν πολιτείας, ἐπειδὴ Ῥωμαίοις προσέθεντο πρῶτοι οἱ περίοικοι, τυραννουμένης τῆς Σπάρτης, οἵ τε ἄλλοι καὶ οἱ Εἵλωτες ; “Les Eleuthérolaconiens se virent également attribuer un statut politique particulier, après que les périèques, et en particulier les hilotes, eurent donné l’exemple du dévouement à la cause des Romains, à l’époque où Sparte était gouvernée par les tyrans” (trad. R. Baladié, Belles-Lettres). Certains savants associent la création du Koinon avec l’année 146 av. J.-C. (c’està-dire après la guerre d’Achaïe et la destruction de Corinthe) mais cette question n’ayant pas trouvé une solution définitive reste ouverte : voir la discussion dans D. Martin, Greek Leagues in the Later second and first centuries B.C., Michigan - Londres, 1975, p. 438-439 et 461-463 ; N. M. Kennell, “From peroikoi to poleis […]”, art. cit., p. 192-194. Sur le Koinon des Eleutherolaconiens, voir également A. Gitti, “La condizione della città della Laconia e l’opera di Augusto”, dans Atti del V congresso Nazionale di studi romani, 2, 1939, p. 189-203 (cité par G. Shipley, “The extent of Sparta […]”, art. cit., p. 368 n. 9). 8. G. Shipley, “Approaching the Macedonian Peloponnese”, dans C. Grandjean (éd.), Le Péloponnèse d’Epameinondas à Hadrien, Colloque de Tours, 6-7 octobre 2005, Paris - Bordeaux, 2008, p. 68 ; sur la restauration territoriale de l’Achaïe, voir A. Aymard, Les premiers rapports de Rome et de la confédération achaïenne, 198-189 av. J.-C., Paris, 1938, p. 52 n. 26. 9. J. Ducat, Les hilotes, Paris, 1990, p. 193-199, cité par J.-S. Balzat, “Les Euryclides en Laconie”, dans C. Grandjean (éd.), Le Péloponnèse d’Epameinondas à Hadrien […], op. cit., p. 349. 10. Sur les effets économiques de ces pertes territoriales, voir K. T. M. Chrimes, Ancient Sparta, op. cit., p. 75-77 ; P. Oliva, Sparta and her social problems, op. cit., p. 293 ; G. Shipley, “The extent of Sparta […]”, art. cit., p. 368. 11. Voir Tite-Live, XXV, 13, 2 : Achaeis omnium maritimorum Laconum tuendorum a T. Quinctio cura mandata erat nous apprend que Flamininus confia la protection des cités maritimes laconiennes aux Achéens ; Tite-Live, XXXVIII, 31, 2 : cum in fidem Achaeorum tutelamque T. Quinctius et Romani Laconicae orae castella et vicos tradissent ; cf. aussi XXXV, 35, 1-2 ; XXXVIII, 30, 6, passages cités par D. Martin, Greek Leagues […], op. cit., p. 439 n. 439). Cette forme de protectorat n’est pas inconnue dans le monde grec ; voir N. M. Kennell, “From peroikoi to poleis […]”, art. cit., p. 191-193 avec discussion sur les diverses opinions émises sur cette question.

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continus avec la Ligue (pratiquement jusqu’à la guerre d’Achaïe – 146 av. J.-C.)12, mais vu la petite marge de manœuvre, elle ne réussit pas à changer le statu quo établi en 191 av. J.-C.13 La défaite écrasante de sa rivale (i.e. la Ligue achéenne) infligée par L. Mummius, en 146 av. J.-C., donna momentanément à Sparte, amie et soutien de la politique romaine dans le Péloponnèse, l’espoir qu’un règlement après la guerre se ferait en sa faveur. Si la cité s’était depuis un moment résignée à la perte de la riche plaine messénienne, en revanche, elle ne cessa pas de revendiquer d’autres zones qui lui avaient été enlevées, par Messène à l’ouest, Megalopolis et Tégée au nord, Argos au nord-est, enfin le Koinon des Lacédémoniens à l’est et au sud. On pourrait supposer que ses espérances furent, en grande partie, probablement démenties puisque Rome, une fois assurée de sa domination sur la Grèce, se désintéressa complètement des prétentions spartiates qui allaient probablement perturber, à ses yeux, l’ordre établi et ranimer des vieux conflits. À vrai dire, il y a dans les sources contemporaines un silence dérangeant sur cette question et une certaine confusion dans les témoignages plus récents. Je prendrai quelques exemples. Le premier concerne la zone de Béliminatis, à l’ouest et au nord-ouest, précisément sur la frontière de Sparte avec Megalopolis où se trouvaient les sources d’Eurotas. Tite-Live nous apprend que la région faisait encore partie du territoire de Megalopolis, en 189 av. J.-C.14, Pausanias, en revanche, nous dit qu’elle était spartiate à l’époque des Antonins, mais il ne précise pas depuis quel moment15. Trois dates différentes sont proposées pour la récupération de Béliminatis  : 1) immédiatement après la guerre de Corinthe (après 146 av. J.-C.), 2) pendant le règne d’Auguste (31 av. J.-C.-14 apr. J.-C.), et 3) plus tard (au cours du ier ou du iie siècle apr. J.-C.). Chrimes, mais aussi Cartledge, Spawforth16 optent pour la première date puisque Sparte, “alliée” de Rome, était à leurs yeux, très haut dans son estime, 12. Sur

les relations difficiles entre l’Achaïe et Sparte et le rôle de Rome pendant cette période, voir K. T. M. Chrimes, Ancient Sparta, op. cit., p. 75-77 ; P. Cartledge et A. J. S. Spawforth, Hellenistic and Roman Sparta […], op. cit., p. 80-90 ; M. Bonnefond-Coudry, “Mythe de Sparte et politique romaine […]”, art. cit., p. 81-110. 13. Sur le rattachement forcé de Sparte à la Confédération achéennes (Tite-Live, XXXV, 37, 1-3 ; Plut., Philop., 15, 4 ; Pausanias, VIII, 51, 1; cf. A. Aymard, Les premiers rapports de Rome et de la confédération achaïenne […], op. cit., p. 315-324 ; R. M. Errington, Philopoemen, Oxford, 1969, p. 109-112) et ses rapports difficiles avec la Ligue, entre 191 et 146 av. J.-C., voir P. Cartledge et A. J. S. Spawforth, Hellenistic and Roman Sparta […], op. cit., p. 77-90 avec toute la littérature antérieure. 14. Tite-Live, XXXVIII, 34, 8 : Et ager Belbinates, quem iniuria tyranni Lacedaemoniorum possederant, restitutus eidem civitati [i.e. Megalopolis] ex decreto vetere Achaeorum, quod factum erat Philippo Amyntae filio regnante. 15. Pausanias, III, 21, 3 : Πελλάνας δ’ἑκατὸν στάδια ἀπέχει Βελεμίνα καλουμένη. Τῆς δὲ χώρας τῆς Λακωνικῆς ἡ Βελεμίνα μάλιστα ἄρδεσθαι πέφυκεν, ἥντινα διοδεύει μὲν τοῦ Εὐρώτα τὸ ὕδωρ, παρέχεται δὲ ἀφθόνους καὶ αὐτὴ πηγάς (“Bélémina est à cent stades de Pellana, c’est le canton le mieux arrosé de toute la Laconie ; car, outre que l’Eurotas le traverse il est abondamment pourvu de sources”, M. Clavier, J.-M. Eberhart) ; sur les cités, situées dans cette zone, voir G. Shipley, “The extent of Sparta […]”, art. cit., p. 372-373. 16. K. T. M. Chrimes, Ancient Sparta, op. cit., p. 67 ; P. Cartledge et A. J. S. Spawforth, Hellenistic and Roman Sparta […], op. cit., p. 136.

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contrairement à Megalopolis ; métropole achéenne, qui se battit contre elle, mais cette hypothèse raisonnable reste en suspens faute de toute sorte de confirmation textuelle. Aussi confus sont le sort et le statut politique d’Aigytis17, zone montagneuse au nord de Taygète, à l’ouest de Béliminatis. Elle était mégalopolitaine, en 164 av. J.-C., selon une inscription concernant le règlement des frontières entre Megalopolis et Sparte18. En revanche, un passage de Polybe (XVI, 17), précisant que le territoire spartiate s’étend entre celui de Messène à l’ouest et de Tégée à l’est, laissa croire à Chrimes19 qu’elle était devenue spartiate après la guerre d’Achaïe (146 av. J.-C.). Cette hypothèse semble très vraisemblable dans la mesure où une inscription, datée de 78 apr. J.-C., fait allusion à une zone repérée par Sparte sur sa frontière nord, probablement au voisinage d’Aigytis.20 Des doutes existent concernant l’appartenance de Sciritis, située à l’est de la région précédente. L’arbitrage sur les frontières entre Megalopolis et Sparte, déjà mentionné, précise qu’elle était arcadienne (elle appartenait précisément à Tégée), peu avant 146 av. J.-C.21, mais Chrimes, suivi par Pikoulas et Shipley22, pensent qu’elle était devenue spartiate, après 146 av. J.-C., puisque la frontière avec Tégée était alors la vallée de Sarantaporos23. Cet argument n’est pas toutefois, décisif car il y a, dans ce cas aussi, la difficulté de préciser, si ce transfert remonte réellement à Mummius, en 146 av. J.-C., comme le pense Chrimes24 ou à Auguste (après 31 av. J.-C.), comme le suppose Bölte25. Il 17. Sur

les cités et l’histoire de cette zone, voir G. Shipley, “The extent of Sparta […]”, art. cit., p. 371-372. 665, l, 35-37 (arbitrage entre Megalopolis et Sparte : après 164 av. J.-C.) : κ[αὶ ὅτι ἔκριν]αν οἱ δικασταὶ [γενέσθαι / τᾶν Σκιρ]ῖτιν καὶ τ[ᾶν Αἰγῦτιν Ἀρ[κάδων ἀπὸ] τοῦ τοὺς Ἡρακλείδας εἰς | [Π] ελοπόννασον κατελθεῖν κλπ. 19. Cité par K. T. M. Chrimes, Ancient Sparta, op. cit., p. 67. 20. Voir IG, V, 1, 1431, ll. 4-6 ; cf. K. T. M. Chrimes, Ancient Sparta, op. cit., p. 67. P. Cartledge et A. J. S. Spawforth (Hellenistic and Roman Sparta […], op. cit., p. 136) pensent qu’il n’est pas clair dans le texte si cette zone (situé au voisinage du mont Malevo, au nord du défilé de Langhada) s’étendait vers l’ouest ou l’est. 21. Syll.3, 665, l, 35-37 (texte cité n. 18). 22. Voir I. Pikoulas, “Συμβολὴ στὴν τοπογραφία τῆς Σκιρίτιδος”, Horos, 5, 1987, p. 124 (Id., Ἡ νότια Μεγαλοπολιτική χώρα ἀπὸ τὸν 8ο π.Χ. ὥς τὸν 4ο μ.Χ. αἰῶνα, Athènes. 1988, p. 144) ; G. Shipley, “The extent of Sparta […]”, art. cit., p. 374 ; Karyai, située probablement en dehors de Sciritis, faisait partie du territoire laconien à l’époque romaine : Pausanias, III, 10, 7 : Τρίτη δὲ ἐκ τῆς ὁδοῦ τῆς εὐθείας ἐκβολὴ κατὰ τὰ δεξιὰ ἐς Καρύας ἄγει καὶ ἐςτὸ ἱερὸν τῆς Ἀρτέμιδος. Τὸ γὰρ χωρίον Ἀρτέμιδος καὶ Νυμφῶν ἐστιν Κάρυαι καὶ ἄγαλμα ἕστηκεν Ἀρτέμιδος ἐν ὑπαίθρῳ Καρυάτιδος. Χοροὺς δὲ ἐνταῦθα αἱ Λακεδαιμονίων παρθένοι κατὰ ἔτος ἱστᾶσι καὶ ἐπιχώριος αὐταῖς καθέστηκεν ὄρχησις. (Quittez-vous une troisième fois la route ? Un sentier à droite vous conduit à Karyes et au temple d’Artémis, car cet endroit est consacré à Artémis et aux Nymphes. La statue d’Artémis Caryatide est en plein air. Les filles Lacédémoniennes y vont tous les ans danser en chœur, elles y dansent d’une manière qui leur est propre” (M. Clavier, op. cit.) ; sur les cités et l’histoire de cette zone, voir I. Pikoulas, “Συμβολὴ στὴν […]”, art. cit., p. 121-148 ; G. Shipley, “The extent of Sparta […]”, art. cit., p. 373-375. 23. Paus., VIII, 54, 1 : Λακεδαιμονίοις δὲ καὶ Τεγεάταις ὅροι τῆς γῆς ὁ ποταμὸς ἐστιν ὁ Ἀλφειός ; cf. I. Pikoulas, “Συμβολὴ στὴν […]”, art. cit., p. 124 ; G. Shipley, “The extent of Sparta […]”, art. cit., p. 374. 24. K. T. M. Chrimes, Ancient Sparta, op. cit., p. 67 ; P. Cartledge et A. J. S. Spawforth (Hellenistic and Roman Sparta […], op. cit., p. 136 n. 19) sont d’accord en ce qui concerne la date mais non en ce qui concerne sa justification. 25. F. Bölte, RE, IIIA, Suppl., 1929, col. 1309 s.v. Pleiai. 18.  Syll.3,

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en est de même de la partie de la Kynourie, qui était appelée Thyréatis, située sur l’extrémité nord-orientale du territoire spartiate. La seule chose certaine est qu’elle était argienne au temps de Pausanias, mais nous ignorons depuis quand26. Passons maintenant à une situation, encore plus complexe qui est celle des cités situées à l’est, au sud-est de la Laconie et dans la péninsule de Maléa. Les cités de ces zones avaient été libérées du contrôle spartiate par Flamininus, en 195 av. J.-C., et formaient une union indépendante, appelée Κοινόν των Ἐλευθερολακώνων, pratiquement depuis 195 av. J.-C.27 Il est très probable que la reprise d’un certain contrôle par Sparte sur les cités laconiennes ne se réalisa pas après 146 av. J.-C., mais beaucoup plus tard, peut-être après Pharsale (48 av. J.-C.), avec le concours de Lacharès, père d’Euryclès. Les circonstances particulières de cette période favorisèrent le renversement de la situation, en faveur de Sparte28. Quelques années plus tard, Euryclès, profitant de son amicitia29, personnelle avec le Prince, essaya d’en tirer le plus grand profit pour sa cité, particulièrement pendant le séjour de celui-ci à Sparte, en 21 av. J.-C. C’est à ce moment-là que le Princeps offrit à Sparte Kardamylé, les revenus fiscaux de la cité de Thouria, et l’île de Cythère en tant que don personnel à Euryclès30. Il est fort possible qu’à cette occasion, Auguste “institutionnalisa” les relations entre Sparte et les cités laconiennes, en confiant à Euryclès une sorte de patronage, défini par Strabon comme epistasia, terme aussi bien confus que celui d’ἡγεμών des Lacédémoniens avec lequel le géographe qualifie alors C. Iulius Euryclès (ὁ II, 38, 5 : Τὰ δὲ ἐπ’ ἐμοῦ τὴν Θυρεᾶτιν ἐνέμοντο Ἀργεῖοι θασὶ δὲ ἀνασώσασθαι δίκῃ νιυήσαντες. “La Thyréatide appartenait de mon temps aux Argiens, qui disent qu’elle leur a été rendue par un jugement’ (M. Clavier, op. cit.). Le Périégète précise, plus bas (II.38, 7), que la frontière commune entre Argos et Tégée était le mont Parnôn ; sur les cités de cette zone, voir G. Shipley, “The extent of Sparta […]”, art. cit., p. 376-377. C’est dans cette région qu’Hérode Atticus possédait une grande propriété et construisit une luxueuse villa dont les restes ont été mis à jour les dernières années (cf. G. Spyropoulos, Η έπαυλη του Ηρώδη του Αττικού, στην Εύα-Λούκου Κυνουρίας, Athènes, 2006). 27. Cette date de la formation du Koinon est contestée par certains savants qui optent pour une chronologie postérieure, précisément en 146 av. J.-C. Voir IG, V, 1, 1161 ; cf. J. Deininger, Die Provinziallandtagz der römischen Kaiserzeit von Augustus bis zum Ende des dritten Jahrhundrts n.Chr., Berlin, 1965 qui constate le grand nombre d’union créées pendant cette période ; Th. Schwertfeger, Der achaische Bund von 146 bis 27 v. Chr., Munich, 1974, p. 51. 28. C’est l’avis de G. Steinhauer, “C. Iulius Eurycles and the Spartan dynasty of the Euryclids”, dans A. D. Rizakis et Cl. Lepenioti (éds.), Roman Peloponnese III. Society, Economy and Culture in the Imperial Roman Order: Continuity and Innovation – ΜΕΛΕΤΗΜΑΤΑ, 63, Athènes, 2010, p. 76 avec ns 3-4 ; cf. D. Martin, Greek Leagues […], op. cit., p. 463-464 avec toute la bibliographie relative à ces relations. 29. Plut., Ant., 67, 1-4 ; Str., VIII, 5. 5 (philia). 30. La date de 21 av. J.-C. (acquisition de Cythère) est suggérée par Dio Cassius, Liv., 7, 2 (sur ce passage voir infra n. 82), affirmation contestée, à tort me semble-t-il, par E. Kjellberg (“C. Iulius Eurycles”, Klio, 16-17, 1920-21, p. 44-58). Une date précoce est également suggérée par la formule utilisée par Strabon, VIII, 5, 5 : ἥν [i.e. Cythère] ἔσχεν Εὐρυκλῆς ἐν μέρει κτήσεως ἰδίας, ὁ καθ’ ἡμᾶς τῶν Λακεδαιμονίων ἡγεμών ; cette acquisition est bien antérieure a la rédaction de la Géographie (voir R. Baladié, Le Péloponnèse de Strabon, Paris, 1980, p. 11-12). Les passages de Pausanias ne nous permettent pas de déduire que l’acquisition de Kardamylé (Paus., III, 26, 7) et de Thouria (Paus., IV, 31, 1) se réalisa en même temps mais son association avec le séjour augustéen à Sparte ; ceci me semble une hypothèse très vraisemblable; sur le caractère de ces dépendances, voir infra p. 141, 143 et 145. 26. Pausanias,

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καθ’ ἡμᾶς τῶν Λακεδαιμονίων ἡγεμών)31. Cela rend difficile la définition de l’étendue voire des limites de son pouvoir sur les cités de la Laconie. L’idée d’Ul. Kahrsted32 que ces dernières furent rattachées directement à lui sur la base d’une “Personalunion” me semble exagérée, en revanche, il est certain qu’elles gardèrent leur autonomie administrative. La κηδεμονία spartiate aurait pu alors s’exprimer par le contrôle des ports et des voies maritimes ; elle comprenait peut-être aussi un autre rôle confié à Euryclès qui aurait dû veiller sur les intérêts financiers de l’empereur pour l’extraction et le commerce du marbre de Krokéai ainsi qu’à l’acheminement de porphyre33 vers les ports majeurs de cette zone, c’est-à-dire Gytheion et Boiai34. Le patronage d’Euryclès sur les cités laconiennes est, en quelque sorte, illustré dans son monnayage émis à Sparte, pendant cette période, avec la légende qui figure sur le revers : ΛΑΚΕΔΑΙΜΟΝΙΩΝ35. Il s’est par ailleurs manifesté par une œuvre charitable, poursuivie par ses héritiers, sur plusieurs cités laconiennes qui exprimèrent leur gratitude dans des dédicaces érigées en son honneur, auxquelles sont parfois associés les cives Romani in Laconica36. G. Steinhauer suppose,

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31. Strabon, VIII, 5, 5 (voir infra n. 41) ; cf. P. Cartledge et A. J. S. Spawforth, Hellenistic and Roman Sparta […], op. cit., p. 98-99 ; Strabon, VIII, 5, 1 (voir le texte cité infra n. 79). Sur les divers sens donnés aux termes, ἡγεμὼν et επιστασἰα, voir G. Bowersock, “Eurykles of Sparta”, JRS, 51, 1961, p. 112 ; J.-S. Balzat, “Le pouvoir des Euryclides à Sparte”, Les études classiques, 73, 2005, p. 289-301. Le rapport de Sparte avec les cités laconiennes n’est pas éclairé par le passage de Pline l’Ancien (Hist.Nat., IV, 5, 16) dans lequel la cité de Lycurgue figure dans la liste des cités de la Laconie sans aucune distinction. 32. Ul. Kahrstedt, Griechisches Staatsrecht, Göttingen, 1922. 33. Strabon, VIII, 5, 7 : Εἰσὶ δὲ λατομίαι λίθου πολυτελοῦς τοῦ μὲν Ταιναρίου ἐν Ταινάρῳ παλαιαί, νεωστὶ δὲ καὶ ἐν τῶ Ταυγέτῳ μέταλλον ἀνέωξάν τινες εὐυμεγέθες, χορηγὸν ἔχοντες τὴν τῶν Ῥωμαίων πολυτέλειαν. “Ils existent des carrières d’une pierre de luxe, dite du Ténare, cap qui porte ce nom ; elles sont fort anciennes. Récemment, des gens viennent de mettre en exploitation un gisement très important dans le Taygète grâce aux ressources financières que leur procure le luxe des Romains” (R. Baladié, op. cit.). Cette carrière fut partie du patrimonium Caesaris à partir de Domitien ; voir Chr. Le Roy, “Un relief des Dioscures à Krokéai”, BCH, 85, 1961, p. 206-215); cf. G. Steinhauer, “C. Iulius Eurycles […]”, art. cit., p. 79. 34. Voir G. Bowersock, Augustus and the Greek world, Oxford, 1965, p. 91, R. Baladié, Le Péloponnèse de Strabon, op. cit., p. 193. Parmi les ports laconiens le plus importants, encore pendant cette période, on trouve le port de Gytheion qui continue à avoir une grande importance (Strabon, VIII, 5, 5 ; Pausanias, III, 21, 6 ; cf. K. T. M. Chrimes, Ancient Sparta, op. cit., p. 436 ; N. M. Kennell, The public institutions of Roman Sparta, Diss. Toronto, 1985, p. 25, 28, 30 ; Chr. Böhme, Princeps und polis. Untersuchungen zur Herrschaftsform des Augustus über beteudente Orte in Griechenland, Munich, 1995, p. 79, 248 ; M. Mause “Augustus: Friendenfürst in einer unruhigen Zeit”, Klio, 81, 1999, p. 146 et 152. 35. S. Grunauer-von Hoerschelmann, Die Münzprägung der Lakedaimonier, Berlin, 1978, p 63-67; J.-S. Balzat, “Le pouvoir des Euryclides à Sparte”, art. cit., p. 296 n. 30. Sur le sens du terme Λακεδαιμὀνιοι, voir infra n. 45. 36. Voir IG, V, 1, 970 (dédicace de Gytheion, en l’honneur d’Euryclès, appelé εὐεργέτης τοῦ ἔθνους καὶ τῆς πόλεως) ; la famille des Euryclides (Euryclès et Laco : A. D. Rizakis, S. Zoumbaki et Cl. Lepenioti, “Roman Peloponnese II. Roman personnal names in their social context (Messenia and Laconia)”, dans ΜΕΛΕΤΗΜΑΤΑ, 36, Athènes, 2004, p. 280-286, no 461 et p. 296-299 no 468 LAC) est associée au festival annuel organisé par la cité de Gytheion en l’honneur des empereurs (SEG, 11, 1950, 923 : 15 apr. J.-C. ; cf. F. Camia, “Theoi Sebastoi. Il culto degli imperatori romani in Grecia (provincia Achaia) nel secondo secolo d. C.”, MEΛETHMATA, 65, Athènes, 2011, p. 86-87) ; Chr. Böhme, Princeps und polis […], op. cit, p. 145; N. M. Kennell, The public institutions of Roman Sparta, op. cit., p. 29 et 31 ; P. Cartledge et A. J. S. Spawforth, Hellenistic and Roman Sparta […], op. cit., p. 140 n. 23 ; S. Grunauer-von Hoerschelmann, Die Münzprägung der Lakedaimonier, op. cit., p. 64 et n. 14. Sur les activités évergétiques des Euryclides en Laconie et à Corinthe, voir G. Bowersock, “Eurykles of

Controverses territoriales et stratégies impériales. Territoire et ressources économiques de Sparte sous l’Empire

à juste titre, que l’autorité de l’hégémôn des Lacédémoniens – qui anticipa une évolution qui allait conduire aux procuratèles du ier siècle apr. J.-C.37 – est associée à la politique romaine qui encourageait l’union des petites cités en Laconie, autour des cultes d’Apollon Hyperteléatès et de Poséidon Tainarios autour d’un nouveau centre civique, plus large, la Καινὴ πόλις38. Dans ce sanctuaire commun du Koinon étaient réunis un grand nombre d’anathémata mais aussi des dédicaces et des décrets honorifiques39, Sparte assurait, selon Steinhauer40, le “leadership”, renouvelé chaque année à l’occasion de la procession officielle des Tainaria, entre 30 et 20 av. J.-C. ; cette situation semble prendre fin à partir de 20 puisque les listes des Tainaria se sont alors interrompues. Cette date marque un changement dans cette relation car Euryclès devint de plus en plus autoritaire et, semble-t-il, aurait pris des initiatives qui dépassaient largement son rôle en abusant de son amitié avec le Prince. Si l’on en croit le Géographe41, le mécontentement général des cités, ajouté à celui des familles aristocratiques de Sparta”, art. cit., p. 136 ; R. Baladié, Le Péloponnèse de Strabon, op. cit., p. 329-330 ; P. Cartledge et A. J. S. Spawforth, Hellenistic and Roman Sparta […], op. cit., chap. VII ; S. Grunauer-von Hoerschelmann, Die Münzprägung der Lakedaimonier, op. cit., p. 149-152 ; A. D. Rizakis et al., “Roman Peloponnese II. […]”, art. cit., p. 280-283 no 461 (C. Iulius Euryclès) ; loc. cit., p. 296-301 nos 468-470 (C. Iulius Laco I-III) ; loc. cit., p. 327-329 no 509 (C. Iulius Spartiaticus) ; loc. cit., p. 286-294 no 462 (C. Iulius Euryclès Herculanus). La famille avait des intérêts économiques et, probablement, une propriété foncière dans plusieurs cités laconiennes mais aussi péloponnésiennes (voir infra n. 63). 37. C. Iulius Laco, fils d’Euryclès, est procurator de Claude (Corinth, VIII, 2, no 67 ; cf. A. D. Rizakis et S. Zoumbaki (avec la collaboration de M. Kantirea), “Roman Peloponnese I. Roman names in the their social context”, dans MEΛETHMATA, 31, Athènes, 2001, p. 335-336, no 345) et C. Iulius Spartiaticus (Corinth, VIII, 2, no 70 ; cf. A. D. Rizakis et al., “Roman Peloponnese II. […]”, art. cit., p. 338, no 353), son petit-fils, de Claude et Agrippina ; sur le sens de cette procuratèle, voir J.-S. Balzat, “Le pouvoir des Euryclides à Sparte”, art. cit., p. 297-301 ; G. Steinhauer, “C. Iulius Eurycles […]”, art. cit., p. 79 et 85 n. 420. 38. Sur ce culte, voir A. Hupfloher, Kulte im kaizerzeitlichen Sparta: eine Rekonstruktion anhand der Priesterämter, Berlin, 2000, p. 194-195 (Poséidon) ; I. Mylonopoulos, “Von Helike nach Tainaron und von Kalaureia nach Samikon: Amphiktyonische Heiligtümer des Poseidon auf der Peloponnes”, dans K. Freitag, P. Funke et M. Haake (éds.), Kult – Politik - Ethnos. Uberregionale Heiligtümer im Spannungsfeld von Kult und Politik, Stutt­ gart, 2006, p. 182-183. 39. Cf. K. T. M. Chrimes, Ancient Sparta, op. cit., p. 436 et n. 8 ; P. Cartledge et A. J. S. Spawforth, Hellenistic and Roman Sparta […], op. cit., p. 99 ; I. Mylonopoulos, “Von Helike nach Tainaron und von Kalaureia nach Samikon: Amphiktyonische Heiligtümer des Poseidon auf der Peloponnes”, dans K. Freitag, P. Funke et M. Haake (éds.), Kult – Politik - Ethnos […], op. cit., p. 145-146. 40. G. Steinhauer, “C. Iulius Eurycles […]”, art. cit., p. 79 n. 17 ; vue similaire, à propos de la date dans S. Grunauer-von Hoerschelmann, Die Münzprägung der Lakedaimonier, op. cit., p. 60 ; I. Mylonopoulos, “Von Helike […]”, art. cit., p. 147. 41. Strabon, VIII, 5, 5 : Νεωστὶ δἘὐρυκλῆς αὐτοὺς ἐτάραξε, δόξας ἀποχρήσασθαι τῃ Καίσαρος φιλίᾳ πέρα τοῦ μετρίου πρὸς τὴν ἐπιστασίαν αὐτῶν, ἐπαύσατο δ’ἡ ταραχὴ ταχέως, ἐκείνου μὲν παραχωρήσαντος εἰς χρεών, τοῦ δ’υἱοῦ τὴν φτιμίαν ἀπεστραμμένου τὴν τοιαύτην πᾶσαν. Συνέβη δὲ καὶ τοὺς Ἐλευθερολάκωνας λαβεῖν τινα τάξιν πολιτείας, ἐπειδὴ Ῥωμαίοις προσέθεντο πρῶτοι οἱ περίοικοι, τυραννουμένης τῆς Σπάρτης, οἵ τε ἄλλοι καὶ οἱ Εἵλωτες. “Récemment Euryclès provoqua des troubles parmi eux, en donnant l’impression, dans l’exercice de son autorité sur eux, d’abuser, en dehors de toute mesure, de l’amitié de César, mais le désordre trouva vite une fin, quand à la mort d’Euryclès, son fils rejeta complètement une telle ambition. Les Eleuthérolaconiens se virent également attribuer un statut politique particulier, après que les périèques, et en particulier les hilotes, eurent donné l’exemple du dévouement à la cause des Romains, à l’époque où Sparte était gouvernée par les tyrans” (R. Baladié, op. cit.).

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Sparte, avec lesquelles Euryclès était en conflit dans les années 11-13 apr. J.-C.42, créa une situation complexe qui obligea Auguste à introduire, à la fin de sa vie (13-14 apr. J.-C.), ou au plus tôt après l’adoption de Tibère, des limitations institutionnelles à l’epistasia du successeur, Euryclès Laco, qui, contrairement à son père, rejeta complètement toute ambition de contrôle direct. C’est peut-être à ce moment-là que l’empereur procéda a la refondation de la Ligue des Eleuthérolaconiens, comme Ligue des cités laconiennes43. Malheureusement ni Strabon ni Pausanias, qui se réfèrent à cet événement n’en précisent pas la date. Pausanias44 dit sans plus de détails qu’Auguste affranchit les cités laconiennes “de la servitude où les tenaient les Lacédémoniens de Sparte” et Strabon (VIII, 5, 5), un peu plus précis, nous apprend qu’elles furent dotées à cette occasion d’une constitution particulière, τινά τάξιν πολιτείας45. Le nouveau Koinon était constitué, selon le Périégète, de dix-huit cités ; six cités appartenant à l’ancienne union de la période républicaine restèrent en dehors de la nouvelle formation46. Ces dernières deviennent tributaires de Sparte à laquelle elles versent probablement un vectigal annuel47. 42. Sur

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cette opposition, voir G. Bowersock, “Eurykles of Sparta”, art. cit., p. 112-113 ; P. Cartledge et A. J. S. Spawforth, Hellenistic and Roman Sparta […], op. cit., p. 100-102 ; H. Lindsay, “Augustus und Eurykles”, RhM, 135, 1992, p. 290-292 et 295 ; Armin Eich, Die politische Ökonomie des antiken Griechenland, Köln - Weimar - Wien, 2006, p. 602. 43. Voir Paus., III, 21, 6 ; cf. A. Gitti, “La condizione […]”, art. cit., p. 201. Le nom Eleuthérolaconien est utilisé par Strabon, VIII, 5, 5) à propos de la Ligue formée après la défaite de Flamininus, en 195 av. J.-C. (voir supra n. 6). Pour le changement du nom de la Ligue à l’époque augustéenne, voir SIG3, 748 n. 3 ; S. Accame, Il dominio romano in Grecia dalla guerra acaica ad Augusto, Rome, 1946, p. 126 ; K. T. M. Chrimes, Ancient Sparta, op. cit., p. 435. Sur la question de la date de la création du nouveau Koinon, voir K. T. M. Chrimes, Ancient Sparta, op. cit., p. 435-441 ; P. Cartledge et A. J. S. Spawforth, Hellenistic and Roman Sparta […], op. cit., p. 101 suivi par N. M. Kennell, “From peroikoi to poleis […]”, art. cit., p. 201-204. Notons que l’idée d’une date précoce, c’est-àdire immédiatement après Actium, exprimée par G. Bowersock (Augustus and the Greek world, op. cit., p. 92 n. 2) et Lindsay (“Augustus und Eurykles”, art. cit., p. 293), n’exclut pas également quelques changements mineurs à l’ordre établi, en 27 av. J.-C., a été récemment adoptée par Balzat (“Les Euryclides en Laconie”, art. cit., p. 341345) qui ajoute, en faveur de sa thèse, quelques nouveaux arguments. 44. Pausanias, III, 21, 6 : Γύθιον… ἐπὶ θαλάσσῃ δὲ ὠκισμένον ἔστιν ἤδη τῶν Ἑλευθερολακώνων, οὕς βασιλεὺς Αὔγουστος δουλείας ἀφῆκε Λακεδαιμονίων τῶν ἐν Σπάρτῃ κατηκόους ὄντας. “Gythium est à trente stades d’Aigiai ; c’est une ville sur les bords de la mer, qui fait déjà partie des Eleuthérolaconiens que l’empereur Auguste affranchit de la servitude où les tenaient les Lacédémoniens de Sparte” (M. Clavier, op. cit.). 45. Pausanias, III, 21, 7 : Ἀριθμὸς δὲ τῶν Ἐλευθερολακώνων ὀκτὼ καὶ δέκα εἰσί, πρώτη μὲν καταβᾶσιν ἐξ Αίγιῶν ἐπὶ θάλασσαν Γύθιον, μετὰ δὲ αὐτὴν Τευθρώνη τε και Λᾶς καὶ Πύρριχος, ἐπὶ Ταινάρωι δὲ Καινήπολις Οἴτυλός τε καὶ Λεῦκτρα καὶ Θαλάμαι, πρὸς δὲ Ἀλαγονία τε και Γερηνία τὰ δὲ ἐπέκεινα Γυθίου πρὸς θαλάσσηι Ἀκριαὶ Βοιαὶ Ζάραξ Ἐπίδαυρος ἡ Λιμηρὰ Βρασιαὶ Γερόνθραι, Μαριός. Αῠται μὲν ουν εἰσιν αἱ λοιπαὶ τῶν Ἐλευθερολακώνων ἀπὸ τεσσάρων ποτὲ καὶ εἴκοσι πόλεων. “Les villes des Eleuthérolaconiennes sont au nombre de dix-huit. Gythium est première en descendant d’Aigiai vers la mer. Vous trouvez ensuite Teuthroné. Las et Pyrrhichus. Caenopolis sur le Tainare Oetylos, Leuctres, Thalames, Alagonie et Gérénie : de l’autre côté de Gythium, et sur les bords de la mer, Asopus, Acries, Boees, Zarax, Épidaure Liméra, Brasies, Géronthres et Marius. Ces villes sont les seules qui restent des vingt-quatre qu’avaient les Eleuthérolacons” (M. Clavier, op. cit.). Sur l’extension de la Ligue et le sens du terme Λακεδαιμὀνιοι, voir D. Martin, Greek Leagues […], op. cit., p. 468-475 ; G. Shipley, “The extent of Sparta […]”, art. cit., p. 377-379. 46. Ces cités sont Pharai, au sud-est de la Messénie, et peut-être quatre autres au sud-est de la Laconie (Kotyrta ?, Leukai, Hélos et une autre dans la péninsule de Tainaron [Hippola ?]). 47. Voir supra p. 135-136 et infra, p. 143-144.

Controverses territoriales et stratégies impériales. Territoire et ressources économiques de Sparte sous l’Empire

La restitution de la liberté et de l’autonomie des cités laconiennes est suggérée par une inscription de Gytheion et par une autre de Messène. La première, datée précisément de 15 apr. J.-C. fait une claire allusion à ce fait : [-----Σεβασ]| vac. τοῦ Καίσαρος [υἱὸν] |ἡ πόλις ἀποκατασ[τή]|σαντα μετὰ τοῦ πατ[ρὸς] |5 τὴν ἀρχαίαν ἐλευ[θ]ερίαν48. Il semble que ce changement n’a pas trop bouleversé les rapports privilégiés des cités de cette zone avec les Euryclides. C. Iulius Laco, le fils d’Euryclès et son successeur au pouvoir à Sparte est honoré par la cité de Gytheion, comme κηδεμὼν τῆς φυλακῆς και σωτηρίας τοῦ ἐθνους (τῶν Ἐλευθερολακώνων) και τῆς πόλεως ἡμῶν49. Malheureusement, les sources disponibles ne nous permettent pas de savoir si l’autorité de cette famille resta intacte pendant le ier siècle de notre ère. On sait, en revanche, par une dédicace en l’honneur de Trajan (116/7 apr. J.-C.)50, que le dernier grand Euryclide, le sénateur C. Iulius Euryclès Herculanus, est honoré à nouveau par Gytheion à la fois pour sa fidélité à l’empereur et pour son attachement à la cité (i.e. φιλοσέβαστος, φιλόπατρις et κηδεμὼν de la cité de Gytheion). Il va de soi que la kédémonia de Sparte qui ne se limitait pas à Gytheion mais s’étendait sur l’ensemble des cités laconiennes51, n’avait pas de conséquences directes sur l’autonomie administrative ou juridique des cités, comme a pu le faire croire la restitution arbitraire d’un passage d’une inscription de Gytheion, datée de l’année 42 apr. J.-C.52 Les inscriptions de la période, mais aussi Pausanias (III, 21, 6), ne laissent aucun doute sur l’autonomie des cités laconiennes sous l’Empire53. 48. Voir

IG, V, 1, 1160 (Gytheion). Kolbe (commentaire ad IG, V, 1, 1160) et Chrimes (Ancient Sparta, op. cit., p. 440) pensent que la formule Καίσαρος [υἱὸν] est une allusion à Tibère adopté par Auguste en l’an 6 apr. J.-C. Kolbe plaçait sans plus de précision ce texte dans le premier siècle de notre ère, Chrimes préférait les années 10-13 apr. J.-C., alors que d’autres optaient pour l’année 15 apr. J.-C. (cf. D. Martin, Greek Leagues […], op. cit., p. 459460). Pour l’inscription messénienne voir IG, V, 1, 1448 ; PAAH, 1990 [1993], p. 87-91 no 6b avec fig. 12 et pl. 65-66a ; sur le sens de cette eleutheria de Gytheion, voir N. M. Kennell, “From peroikoi to poleis […]”, art. cit., p. 194 et 204 et l’opinion plus nuancée, dans ce sens, de J.-S. Balzat, “Les Euryclides en Laconie”, art. cit., p. 345 et n. 50 ; cf. aussi G. Steinhauer, “C. Iulius Eurycles […]”, art. cit., p. 84. 49.  IG, V.1, 1243 ; SEG, 11, 1950, 923, ll. 20-22 (Lex sacra de Gytheion : début du règne de Tibère) : cf. J.-S. Balzat, “Les Euryclides en Laconie”, art. cit., p. 345-346 et 348 (sur la diffusion du terme κηδεμών à Sparte et le sens) ; G. Steinhauer, “C. Iulius Eurycles […]”, art. cit., p. 84. 50. IG, V, 1, 380 ; cf. J.-S. Balzat, “Les Euryclides en Laconie”, art. cit., p. 346-347. 51. Ibid., p. 347 (qui renvoie à P. Cartledge et A. J. S. Spawforth, Hellenistic and Roman Sparta […], op. cit., p. 111) place à tort dans la même catégorie politico-juridique la relation avec l’île de Cythère que la famille continuait à posséder. 52. IG, V, 1, 1208, ll. 27-31 ; meilleure édition par A. Wilhelm, “Griechische Inschriften rechtlichen Inhalts”, Pragmateiai de l’Académie d’Athènes, vol. 17, fasc. 1, 1951 (1952), p. 90-100 (SEG, 13, 1956, 258 ; cf. BullÉpigr., 1953, 78) qui restitua le texte a cru à une sorte de dépendance hiérarchique juridique de Gytheion envers Sparte, mais Kaja Harter Uipopu (“The trust of Phaenia Aromation”, IG, V, 1, 1208 and imperial Gytheion”, Studia Humaniora Tartuensia, vol. 5.4, 2004, p. 1-17) dans la réédition récente du texte exprima les plus fortes réserves sur cette restitution qu’elle considère comme arbitraire. 53. Pausanias, III, 21, 6 : Γύθιον… ἐπὶ θαλάσσῃ δὲ ὠκισμένον ἔστιν ἤδη τῶν Ἑλευθερολακώνων, οὕς βασιλεὺς Αὔγουστος δουλείας ἀφῆκε Λακεδαιμονίων τῶν ἐν Σπάρτῃ κατηκόους ὄντας. “Gythium est à trente stades d’Aigiai ; c’est une ville sur les bords de la mer, qui fait déjà partie des Eleuthérolaconiens que l’empereur Auguste affranchit de la servitude où les tenaient les Lacédémoniens de Sparte” (M. Clavier, op. cit.) ; pour les textes épigraphiques, voir IG, V, 1, passim.

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La frontière orientale de Sparte (au nord de la cité laconienne de Geronthrai), située dans une zone de très faible densité démographique (dans l’Antiquité comme dans les temps modernes) et archéologiquement peu explorée, est peu précise. Cette zone contenait cinq cités côtières, du nord au sud : Tyros, Prasiai, Polichna, Marios et Zarax, trois, c’est-à-dire Prasiai, Zarax et Kyphanta située à l’intérieur, avaient probablement une dépendance fiscale envers Sparte, au temps de Pausanias : συντελούσας ἴστω τις ἐς Σπάρτην ; cette dépendance aurait pu dater du règne d’Auguste qui créa la Ligue des cités laconiennes. Sparte conserva le contrôle de la Laconie centrale qui comprenait la vallée de l’Eurotas et les collines des Vardouna, au sud. Parmi les cités de cette zone, très proches de Sparte54, seule Geronthrai était eleuthérolaconienne, au temps de Pausanias55. En revanche, la cité de Krokéai, au sud-est sur la rive droite de l’Eurotas, faisait probablement partie du territoire spartiate, malgré les réserves de Chrimes qui juge imprécis, sur ce point, le récit du Périégète56. Il est possible que les petites cités de la plaine de l’Eurotas, c’est-à-dire Alesiai, Bryseai, Messapeai, Thornax, faisaient également partie du territoire de Sparte alors qu’il n’en était pas de même pour Kotyrta et Leukai57. La question concernant la région d’Héléa, à l’est de l’Eurotas, est plus délicate. À vrai dire on ignore le statut des cités qui se trouvaient dans cette vaste zone qui comprenait alors des terres marécageuses, peu propices à la culture, à l’exception des collines, et les parties les plus élevées sur les limites entre la plaine et les montagnes58. On ne sait pas, par exemple, si elle a été enlevée à Sparte par Flamininus, en 195 av. J.-C. ou si, par la suite, elle a été rattachée à une ou à plusieurs cités laconiennes voisines (e.g. Gytheion, Geronthrai et Acriai)59. L’agglomération principale d’Hélos, sur la limite orientale du marais, petite kômé à l’époque de Strabon60, semble avoir eu des rapports étroits avec Sparte et il en est de même de la petite communauté de Pleiai. En effet, plusieurs documents épigraphiques indiquent qu’au cours des iie et iiie siècles, des riches familles spartiates y déployèrent une grande activité évergétique et y développèrent des liens cultuels avec certains cultes importants dont elles assumèrent les coûteuses prêtrises61. 54. Elles

étaient saisies par le général achéen Diaios, en 148/7 av. J.-C. (voir Pausanias, VII, 13, 6). III, 21, 7 (voir infra n. 71) ; cf. K. T. M. Chrimes, Ancient Sparta, op. cit., p. 70-71. 56. Pausanias, III, 21, 4 : Ἐπὶ θάλασαν δὲ ἐς Γύθιον καταβαίνοντί ἐστι Λακεδαιμονίοις κώμη Κροκέαι. “En descendant à Gythium sur le bord de la mer, vous arrivez à un bourg nommée Crokéai, où il y a une carrière” (M. Clavier, op. cit.) ; cf. P. Cartledge et A. J. S. Spawforth, Hellenistic and Roman Sparta […], op. cit., p. 137. 57. Cf. G. Shipley, “The extent of Sparta […]”, art. cit., p. 381. 58. Polybe (V, 19, 7) la considérait, toutefois, comme la plus fertile de la Laconie “finest and largest territory”. 59. Voir P. Cartledge et A. J. S. Spawforth, Hellenistic and Roman Sparta […], op. cit., p. 77-79. 60. Strabon, VIII, 5, 2 = C, 363 ; la kômé, semble-t-il, était en ruines au temps de Pausanias (III, 22, 3). 61. Un petit-fils du sénateur spartiate Brasidas (A. D. Rizakis et al., “Roman Peloponnese II. […]”, art. cit., p. 402 no 620 [LAC]) était prêtre héréditaire de Déméter et de Koré à Hélos et d’Artémis Patriotis à Pleiai. F. Bölte (RE, XXI, 1, 1951, col. 189-190, s.v. Pleiai ; sur l’emplacement de Pleiai à Palaia kômé, voir F. Bölte, RE, XVIII, 2, 1942, col. 2444-2445 ; loc. cit. IIIA Suppl., 1929, col. 1316, l. 37) considérait simplement la prêtrise de Pomponia Callistoniké d’Artémis Patriotis à Pleiai (situé à l’est d’Héléa et à proximité du site côtier d’Acriai : voir Tite-Live, 55. Pausanias,

Controverses territoriales et stratégies impériales. Territoire et ressources économiques de Sparte sous l’Empire

Cartledge et Spawforth62 ������������������������������������������������������ pensent que la générosité et l’intérêt cultuel héréditaire de l’élite spartiate dans cette zone laconienne ne saurait être gratuite, en revanche elle pourrait être un indice d’une relation étroite entre ces cités et Sparte ellemême, mais la nature exacte de cette relation n’est pas toujours facile à saisir. Il est intéressant de noter que les grandes familles spartiates avaient investi sur les terres fertiles de cette zone. C’est le cas d’Euryclès qui avait des intérêts économiques et, probablement, une propriété foncière dans plusieurs cités laconiennes mais aussi péloponnésiennes63, ainsi que d’autres familles aristocratiques comme celle de Brasidas et des Pomponii, qui avaient exercé des prêtrises héréditaires, comme nous avons vu, aussi bien à Hélos qu’à Pleiai et possédaient probablement des terres dans leur voisinage64. Le fait qu’une partie de la riche plaine d’Héléa était possédée et cultivée sous l’Empire par de riches familles spartiates pose la question cruciale de savoir si cette région faisait partie ou non du territoire de Sparte. Bölte, suivi par Cartledge et Spawforth65, le croient effectivement et pensent que cette zone, détachée peut-être de Sparte en 195 av. J.-C., lui a été restituée soit après la guerre d’Achaïe (146 av. J.-C.), soit après Actium (31 av. J.-C.). Je serais personnellement plus réservé sur cette question, la présence des grandes familles spartiates montrent certainement leur vif intérêt économique pour cette zone, mais cela ne sous-entend pas obligaXXXV, 27, 2 ; cf. P. Cartledge et A. J. S. Spawforth, Hellenistic and Roman Sparta […], op. cit., p. 137 ; A. Hupfloher, Kulte im kaizerzeitlichen Sparta […], op. cit., p. 83-84, 139-140) comme un acte de générosité d’une riche famille spartiate, exprimé par le financement de ce culte pratiqué dans le territoire, à son avis, eleuthérolaconien ; il n’y voyait aucune autre signification. Sur la présence des prêtrises pour des membres des familles spartiates, voir IG, V.1, 497 (à Hélos), loc. cit., 602 (Hélos, Pleiai) ; les prêtres du temple d’Apollon Hyperteléatès à Asopos, étaient spartiates ; cf. Chr. Böhme, Princeps und polis […], op. cit., p. 145; A. J. S. Spawforth, “Families at Roman Sparta and Epidaurus: some prosopographical notes”, ABSA, 80, 1985, p. 191-258 ; P. Cartledge et A. J. S. Spawforth, Hellenistic and Roman Sparta […], op. cit., p. 137; A. Hupfloher, Kulte im kaizerzeitlichen Sparta […], op. cit., p. 70-84, 135-138, 139-140, 189. 62. P. Cartledge et A. J. S. Spawforth, Hellenistic and Roman Sparta […], op. cit., p. 138. 63. Voir E. Lane, “An unpublished inscription from Makonia”, Hesperia, 31, 1962, p. 396-398 (propriété d’Euryclès à Asopos). Il est significatif que les prêtres du temple d’Apollon Hyperteléatès à Asopos, étaient spartiates : IG, V.1, 975-1106. Divers témoignages épigraphiques laissent entendre que la famille possédait des propriétés dans d’autres cités laconiennes et péloponnésiennes ; voir Str., VIII, 5, 1; cf. A. J. S. Spawforth, “Balbilla, the Euryclids and memorial for a Greek magnate”, ABSA, 73, 1978, p. 251-252 ; R. Baladié, Le Péloponnèse de Strabon, op. cit., p. 329 et nos 184-185 ; P. Cartledge et A. J. S. Spawforth, Hellenistic and Roman Sparta […], op. cit., p. 97-104 et 138 ; A. D. Rizakis, “Supra-civic landowning and supra-civic euergetic activities of urban elites in the Imperial Peloponnese”, dans Being Peloponnesian. Cohesion and diversity through time, International conference, University of Nottingham, 31 march-1 april 2007, publié en 2009 – http://www.nottingham.ac.uk/csps/events/ pelo09_abstracts.php. 64. D’autres familles aristocratiques de Sparte, comme les Voluseni, avaient des intérêts, probablement commerciaux en rapport avec le port de Gytheion et, peut-être, avec Lycosoura (voir P. Cartledge et A. J. S. Spawforth, Hellenistic and Roman Sparta […], op. cit., chap. 12 et p. 140 avec n. 23). La concession du droit d’acquérir “terre et maison” accordé à des aristocrates par des cités laconiennes et messéniennes (Kotyrta, Geronthrai, Gytheion, la Ligue laconienne, enfin Thouria) suggère que ce privilège n’était pas purement honorifique mais qu’il y était exercé. Sur les investissements fonciers des riches Spartiates dans diverses cités péloponnésiennes, voir A. D. Rizakis, “Supra-civic landowning […]”, art. cit. 65. Cf. sur cette question les réserves de P. Cartledge et A. J. S. Spawforth, Hellenistic and Roman Sparta […], op. cit., p. 137-138 et n. 20.

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toirement une forme de dépendance administrative de Sparte ; la preuve en est que certaines riches familles spartiates développèrent ce genre d’activité dans d’autres régions qui, du point de vue politico-juridique, étaient certainement autonomes66. La frontière spartiate occidentale était la plus instable à cause de l’ager Denthaliatis, une région à cheval du défilé de Langhada, au cœur du Taygète. Cette zone de montagne n’avait pas une importance économique, mais elle était continuellement disputée et revendiquée pour des raisons religieuses, idéologiques et symboliques67. Il n’y a aucun doute que le sentiment religieux joua un rôle à cause de la présence du sanctuaire vénérable d’Artémis dans cette zone68, mais il faut préciser que le conflit était nourri par l’hostilité traditionnelle entre ces deux cités. Rome n’a pas réussi ou n’a pas voulu mettre un terme à ce différend, car elle l’utilisa à ses fins, ce qui explique les grandes fluctuations du statut de l’ager Denthaliatis sous sa domination. Rendu à Messène, après 146 av. J.-C., il était spartiate, après de nombreux changements de mains, à la fin du Haut-Empire sous Commode, fait qui explicite les honneurs qui lui furent réservés par Sparte69.

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Au début de l’Empire, Auguste dota Sparte de revenus supplémentaires, ce qui explique sa santé financière sous l’Empire. Il s’agit de taxes qui lui étaient versées annuellement par certaines cités placées sous sa dépendance fiscale. Dans ce groupe on trouve tout d’abord les six cités laconiennes qu’Auguste laissa en dehors du nouveau Koinon70. Le fait que celles-ci soient devenues tributaires de Sparte, à laquelle elles versaient probablement un vectigal annuel, est clairement exprimé par les termes utilisés par Pausanias71 : “les autres dont il sera question dans la suite, sont 66. A. D. Rizakis,

“Supra-civic landowning […]”, art. cit. trouve un parallèle dans l’antagonisme entre Athènes et Mégare : Philostr., VS 529. 68. Voir Tac., Ann., IV, 43 ; Paus., IV, 31, 3. 69. Ces changements sont illustrés aussi bien par la littérature que par l’épigraphie; cf. P. Cartledge et A. J. S. Spawforth, Hellenistic and Roman Sparta […], op. cit., p. 139 et n. 21 ; G. Steinhauer, ”Το πρόβλημα του ager Denthaliatis”, Ariadne, 4, 1988, p. 219-233 ; G. Shipley, “The extent of Sparta […]”, art. cit., p. 386 n. 181 ; N. Luraghi, The Ancient Messenians. Constructions of ethnicity and memory, Cambridge, 2008, p. 15-27. 70. Voir supra n. 46. 71. Pausanias, III, 21, 7 : Τὰς δὲ ἄλλας, ἐφ’ἅς ἄν καὶ αὐτὰς ὁ λόγος ἐπέλθηι δή μοι, συντελούσας ἴστω τις ἐς Σπάρτην καὶ οὐχ ὁμοίως τοῖς προλεχθεῖσιν αὐτονόμους la traduction de M. Clavier “soumises à Sparte” n’est pas à cet égard précise ; sur le sens du verbe συντελεῖν dans ce contexte, voir J.-M. Bertrand, “Le statut du territoire attribué dans le monde grec des Romains”, dans Sociétés urbaines, sociétés rurales dans l’Asie Mineure et la Syrie hellénistiques et romaines, Strasbourg, 1987, p. 95-196 ; Id., “Territoire donné, territoire attribué: note sur la pratique de l’attribution dans le monde impérial de Rome”, Cahiers du Centre G. Glotz, II, 1991, p. 125-164 (avec une analyse du vocabulaire de l’adtributio) ; pour le cas particulier des cités attribuées à la colonie de Patras, en Achaïe, dont n’ont pas toutefois tenu compte les études récentes, voir A. D. Rizakis, “Les colonies romaines des côtes occidentales grecques. Populations et territoires”, DHA, 22.1, 1996, p. 276-287. Chrimes (Ancient Sparta, op. cit., p. 467-468) ne peut pas comprendre cette attribution, puisque ces cités situées 67. Spawforth

Controverses territoriales et stratégies impériales. Territoire et ressources économiques de Sparte sous l’Empire

tributaires de Sparte et ne se gouvernent point par leurs lois comme celles dont je viens de parler”. On sait qu’Auguste offrit à Sparte, Kardamylé et Thouria, détachées de Messène et également l’île de Cythère, cette dernière enlevée au Koinon des Laconiens. À celui-ci, l’empereur rattacha les cités messéniennes de Pharai ou Pherai, l’actuelle Kalamata, ainsi que Leuctra, Gerenia et Alagonia qui en faisaient encore partie au temps de Pausanias72. La concession du port de Kardamylé pouvait être considérée comme une sorte de compensation pour la perte de Gytheion, la donation de Thouria73, en revanche, visait à punir Messène pour son appui à Antoine74. Une dédicace à Trajan, dans laquelle il est désigné comme leur propre sôter ainsi que celui de leur métropole Sparte75 a été considérée par certains comme la preuve que l’empereur lui a rendu l’autonomie, mais le texte n’est pas clair sur ce point et en définitive, les circonstances précises, ainsi que les causes de cette initiative, nous restent inconnues. Cette confusion explique, à mon avis, les réserves exprimées par N. Luraghi76 qui pense que la cité ne changea point de situation mais garda des étroits liens sentimentaux avec Sparte, illustrés par le biais d’une revendication fictive, sous le même empereur et plus tard sous les Sévères, d’être une colonie de Sparte77. Bien que ce genre de prétention soit très courant, comme le dit Spawforth, dans le cadre du Panhellenion d’Hadrien (136/7 apr. J.-C.), il peut s’expliquer aussi 141

loin du territoire spartiate ne pouvaient pas, à ses yeux, en faire partie : “at any case both (i.e. Hippola et Kotyrta) lay outside the boundaries of Spartan territory under the Principate, and cannot have been absorbed by Sparta.” 72. P. Cartledge et A. J. S. Spawforth, Hellenistic and Roman Sparta […], op. cit., p. 139 ; G. Shipley, “The other Lacedaimonians: the dependent perioikic poleis of Laconia and Messenia”, dans M. H. Hansen (éd.), The ‘polis’ as urban centre and as a political community (CPC Acts, 4), Copenhague, 1997, p. 257 no 79. 73. Pausanias, III, 26, 7 : Καρδαμύλη δέ, ἧς Ὅμηρος μνήμην ἐποιήσατο… βασιλέως Αὐγούστου τῆς Μεσσηνίας ἀποτεμομένου. “Kardamylé qu’Homère met au nombre des villes qu’Agamemnôn promettait à Achille, est maintenant soumise aux Lacédémoniens de Sparte, l’empereur Auguste l’ayant ôtée aux Messéniens” (M. Clavier, op. cit.) ; cf. E Kjellberg, “C Iulius Eurycles”, Klio, 16-17, 1920-21, p. 44-58, qui pense que la date de 27 av. J.-C. est plus vraisemblable ; R. Baladié, Le Péloponnèse de Strabon, op. cit., p. 292 n. 48. Pour Thouria, voir Pausanias, IV, 31, 1-2 : Λακεδαιμονίους δὲ ἔχειν τοῖς ἐν Σπάρτῃ τὴν Θουρίαν ἔδωκεν Αὔγουστος. Αὐγούστῳ γὰρ βασιλεύοντι Ῥωμαίων ἐπολέμησεν Ἀντώνιος, γένει καὶ οὗτος Ῥωμαῖος. καὶ οἱ τῶν ἐν τῆ Ἑλλάδι ἄλλοι τε καὶ οἱ Μεσσήνιοι προσέθεντο, ὅτι ἐφρόνουν Λακεδαιμόνιοι τὰ Αὐγούστου. καὶ ὁ μὲν τούτων ἕνεκα Μεσσηνίοις καὶ τῶν ἄλλων τῶν ἀντιταξαμένων τοῖς μὲν αὐτῶν ἔλαττον, τοῖς δὲ καὶ ἐς πλέον ἐπεξῆλθε. “Elle [Thouria] appartient maintenant aux Lacédémoniens de Sparte à qui l’empereur Auguste l’a donnée parce qu’au temps où Marc Antoine, Romain lui-même, lui fit la guerre, les Messéniens, ainsi que d’autres peuples de la Grèce, avaient pris le parti d’Antoine par haine pour les Lacédémoniens qui étaient dans celui d’Auguste. Ce Prince punit plus ou moins sévèrement les Messéniens et les autres peuples qui avaient portés les armes contre lui” (M. Clavier, op. cit.). Deux inscriptions de Thouria (voir N. S. Valmin, “Inscriptions de Messène”, BullLund, 1928-29, 123-137 = SEG, 2, 1924, 974 ; IG, V, 1, 1381 ; cf. P. Cartledge et A. J. S. Spawforth, Hellenistic and Roman Sparta […], op. cit., p. 101 et n. 15 ; N. Luraghi, The Ancient Messenians […], op. cit., p. 37-39) suggèrent indirectement le contrôle de Thouria par Sparte. 74. Cf. G. Shipley, “The other Lacedaimonians […]”, art. cit., p. 236 no 21. 75.  IG, V, 1, 1381 (102-114 apr. J.-C.) : τὸν ἑαυ[τῶν καὶ]| τᾶς ματροπόλεως ἁ[μῶν Λα]κεδαίμονος σωτῆρα ; cf. P. Cartledge et A. J. S. Spawforth, Hellenistic and Roman Sparta […], op. cit., p. 139. 76. N. Luraghi, The Ancient Messenians […], op. cit., p. 39. 77. Voir supra, n. 73.

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dans le contexte régional précis par la rivalité traditionnelle de cette cité avec sa puissante voisine, Messène78. Auguste céda une partie de l’île de Cythère, selon Strabon, comme propriété personnelle d’Euryclès (ἐν μέρει κτήσεως ἰδίας)79, situation qui aurait pu permettre, selon Steinhauer80, d’une part la répartition en lots et leur distribution à des Spartiates sans terres et d’autre part la réorganisation militaire traditionnelle avec la nouvelle institution des repas communs (syssitia). Cette interprétation est discutable81, en revanche, ce qui me semble très probable est que la situation de Cythère ne changea pas jusqu’au iie siècle, quand le dernier des Euryclides, C. Iulius Euryclès Herculanus, la légua à l’empereur Hadrien qui, à son tour, l’offrit à la cité de Sparte82. Cet événement est illustré par une inscription qui nous apprend que le patronome de la cité était Niképhoros : (Α)ὐτοκράτωρ (῾Α) δριανὸς| ἐχαρίσατο τῆ πόλει| (Κύ)θηρα τὴν νῆσσον| (καὶ) πρῶτος ἤχθη ὁ τῶν| (Εὐρυ)κλείων ἀγών83. Une inscription de Sparte, provenant du théâtre, nous apprend que, sous Hadrien, C. Iulius Theophrastos, éphore au moment de la seconde visite d’Hadrien (ὅτε ὁ θεῖος Ἁδριανὸς το β΄ ἐπεδήμησεν), exerça entre autres fonctions celle d’épimélète de l’île de Cythère à la place d’Atticus (Κυθηροδίκας ὑπὲρ Αττικοῦ84. Le terme Κυθηροδίκας, plus intimement lié avec la vieille histoire des relations de l’île avec Sparte, a été préféré au terme moins précis ἐπιμελητὴς Κυθήρων. En effet, la fonction de Κυθηροδίκας est connue

78. P. Cartledge

et A. J. S. Spawforth, Hellenistic and Roman Sparta […], op. cit., p. 139 n. 22.  Strabon, VIII, 5, 1 = C 363: Πρόκειται δὲ κατὰ τούτου Κύθηρα ἐν τετταράκοντα σταδίοις, νῆσος εὐλίμενος, πόλιν ἔχουσα ὁμώνυμον, ἥν ἔσχεν Εὐρυκλῆς ἐν μέρει κτήσεως ἰδίας, ὁ καθ’ ἡμᾶς τῶν Λακεδαιμονίων ἡγεμών. Περίκειται δὲ νησίδια πλείω, τὰ δὲ ἐγγύς, τὰ δὲ καὶ μικρὸν ἀπωτέρω. “Cythère n’est qu à une quarantaine de stades au large de ce point de la côte; c’est une île bien pourvue de ports avec une ville de même nom ; elle appartint à titre personnel à Euryclès, qui, de nos jours, a été chef des Lacédémoniens ; elle est environnée de nombreux îlots, les uns tout proches, les autres un peu plus éloignés” (R. Baladié, op. cit.). Bowersock (“Eurykles of Sparta”, art. cit., p. 116) pense que l’importance des propriétés des Euryclides à Cythère suggère qu’elle était probablement la base des activités de Lacharès ; cf. G. Shipley, “The other Lacedaimonians […]”, art. cit., p. 236 no 21. 80. G. Steinhauer, “C. Iulius Eurycles […]”, art. cit., p. 81. 81. N. M/ Kennell exprime des réserves (per litt.) au sujet de ces réformes d’Euryclès particulièrement celles concernant la sphère militaire. Sur le syssitia, sous le règne d’Auguste, voir A. J. S. Spawforth, Greece and the Augustan Cultural Revolution, Cambridge, 2012, p. 89-91. 82. C’est à cet événement qu’on doit associer le passage de Dion Cassius (LIV, 7, 2) qui rapporte que l’île fut offerte aux Lacédémoniens : καὶ Λακεδαιμονίοις μὲν τοῖς τε Κυθήροις καὶ τῆ συσσιτία ἐτιμησεν, ὅτι ἡ Λιουία, ὅτε ἐκ τῆς Ἰταλίας σύν τε τῶ ἀνδρὶ καὶ σὺν τῶ υἱεῖ ἔφυγεν, ἐκεῖ διέτριψεν. Il est fort possible qu’il y ait un anachronisme, l’historien confondant la situation de son temps avec celle de la période augustéenne (voir supra n. 30). 83. C’est à cette occasion que sont introduits à Sparte les Eurycleia, festival en l’honneur des Euryclides : SEG, 56, 2006, 457, ll. 6-7 : (καὶ) πρῶτος ἤχθη ὁ τῶν (Εὐρυ)κλείων ἀγών ; cf. G. Steinhauer, “Euryklids and Kythera”, MedArch, 19-20, 2006/7, p. 201 (lathos) ; A. Hupfloher, Kulte im kaizerzeitlichen Sparta […], op. cit., p. 169-170 ; Id., “C. Iulius Eurycles […]”, art. cit., p. 86. 84. AnnEpigr., 1929, 20 ; SEG, 11, 1950, 492, col I.1, l. 13 (Hadrien - Antonin le Pieux); cf. W. Ameling, Herodes Atticus I, New York, 1983, p. 29 n. 49. 79. Voir

Controverses territoriales et stratégies impériales. Territoire et ressources économiques de Sparte sous l’Empire

par Thucydide85. Le terme, en dehors du respect dû à la tradition, trahit aussi une autre forme d’administration et de rapport avec Sparte. Le même empereur a offert à Sparte la cité de Coronée en Messénie, probablement pour compenser la perte de Thouria, ainsi que l’île de Kaudos, au sud de la Crète. Si l’attribution de Coronée est connue par un grand nombre de documents mentionnant des épimélètes spartiates86, l’attribution de Kaudos à Sparte n’a été révélée que par un bref texte épigraphique, gravé au théâtre de Sparte, et publié pour la première fois par A. M. Woodward, en 192587, dans la revue de l’École britannique à Athènes. La seule difficulté que présentait ce texte fut, dès le départ, la compréhension de la formule ἐπιμελητής καύδου (l. 1) qui lui semblait nouvelle mais ne pouvant pas trouver un nom de lieu analogue pour l’ἐπιμέλεια de [Νει]κάρων Ζήλου il concluait qu’il s’agirait plutôt d’une erreur de gravure ou d’orthographe due au lapicide ; il proposait alors d’y lire κάδoυ et donnait à ce mot le sens de l’urne. L. Robert88 trouvait cette interprétation peu satisfaisante et pensait que Καύδου, “inexpliqué comme appellatif, doit donc être un nom de lieu”. Il proposa de lire ἐπιμελητής Kαύδου et de voir dans ce toponyme la petite île Καῦδος qui se trouve au large de la côte méridionale de la Crète (à une quarantaine de kilomètres de la côte)89. Il est notoire que les “gouverneurs” envoyés à Coronée90 ou à l’île de Kaudos portaient le titre traditionnel d’épimélète91 et s’occupaient de la gestion et, probablement, de la collecte du vectigal. Coronée avait une terre très fertile et l’île de Cythère ou celle de Kaudos semblent bien peuplées, prospères, riches en élevage et en légumes 85. Thucydide,

IV, 53, 2-3 : “Cythère est une île qui se trouve située contre la Laconie, en face du cap Malée. Les habitants sont des Lacédémoniens de la classe des périèques. Un Spartiate passait chaque année dans l’île pour y exercer la charge de ‘juge pour Cythère’ ” (Κυθηροδίκης ἀρχὴ ἐκ τῆς Σπάρτης διέβαινεν αὐτόσε κατὰ ἔτος) et les Lacédémoniens y avaient en permanence un poste d’hoplites qu’ils renouvelaient, veillant sur l’île avec une attention particulière. 3. Elle constituait, en effet, un mouillage pour les navires marchands en provenance d’Égypte et de Libye, tout en protégeant la Laconie des pirates du côté de la mer, le seul par où il fût possible de l’inquiéter. Car, de partout, l’île domine les mers de Sicile et de Crète. (L. Bodin, J. de Romilly – Belles Lettres). 86. Un Ἐπιμελητὴς Κορωνείας, Lykeinos, fils de Lykeinos, figure dans le cursus honorum, sous les règnes d’Antonin le Pieux et de Marc Aurèle (IG, V.1, 44, ll. 7-8 ; SEG, 11, 1950, 486, ll. 7-8) ; Charès, fils de Charès (Woodward, XXVI, 1924-25, p. 166, B, 8 ; SEG, 11, 1950, 495, ll. 5-6 : 125-150 apr. J.-C.) ; Sextus Ulpius Severus : règne d’Hadrien (IG, V, 1, 34, ll. 8-9) ; Damonikès, fils de Damonikès, règne d’Hadrien (IG, V, 1, 36, ll. 23-24). 87. ABSA, XXVI, 1924-25, p. 166 -167, B, 9 et p. 187: commentaire du texte (SEG, 11, 1950, 494). Woodward rejeta la suggestion qui lui avait été proposée par R. P. Austin de corriger Καιάδου pro καύδου. Austin pensait qu’il s’agissait du fameux précipice, barathron, où les Spartiates jetaient les nouveaux-nés malformés (Thucydide, I, 134). La version du nom Καιάδου paraissait, toutefois, peu probable à Woodward (op. cit., p. 187) qui pensait, à juste titre, que cette forme d’exécution n’était plus en usage sous l’Empire. 88. L. Robert, “Ἐπιμελητὴς Καύδου dans une inscription de Sparte”, Hellenica, I, 1970, p. 109-112. 89. On trouvera tous les témoignages dans M. Guarducci, Inscriptiones creticae, II, Rome, 1939, p. 90-93. 90. Voir supra n. 86. 91. Cf. L. Robert, “Ἐπιμελητὴς Καύδου dans une inscription de Sparte”, art. cit. Un autre épimélète de Sparte est connu à Amyklai, dans une inscription (IG, V, 1, 515, 12 : ἐπιμελητὴν Ἀμυκλῶν γενόμενον), érigée en son honneur par les étrangers fixés à Amyklai. Deux ou trois Spartiates sont connus par les textes pour avoir exercé la charge annuelle de l’ἐπιμελητὴς πόλεος.

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et en produits de pêche92. Sparte avait donc des possessions plus ou moins lointaines qui lui rapportaient des revenus supplémentaires ; le cas n’est pas unique et on sait que cette pratique était très répandue sous l’Empire. C’est Auguste, le premier qui, dans son grand programme de réorganisation administrative de la province, dota aussi bien les colonies romaines que quelques cités libres de grands territoires, ainsi que de ressources additionnelles issues des cités classées dans la catégorie juridique des civitates attributae93. Dans la province d’Achaïe, mises à part les colonies, ainsi que Nicopolis et Sparte, Athènes était la cité la plus favorisée et elle avait, à des époques différentes, plusieurs dépendances lointaines parsemées dans la mer Égée, la mer Ionienne, mais aussi sur la terre ferme, à savoir Oropos, Haliarte, Délos, Imbros, Lemnos, Skyros, Kéos, Ikos, Peparethos, Skiathos et Kephallénia94. Ce programme, inauguré par Auguste, connut une réactualisation au iie siècle avec Hadrien qui réalisa de nouvelles interventions dans le paysage spatial de la province95.

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En résumant, on prut dire que la victoire romaine sur le Koinon achéen, en 146 av. J.-C., et surtout celle l’établissement de l’Empire permirent à la cité de Lycurgue de rétablir son autorité sur une partie des territoires perdus. Grâce à la bienveillance impériale, le nouveau dynaste de Sparte, C. Iulius Euryclès, put établir son autorité sur l’ensemble des cités autrefois périèques et sur le port important de Gytheion96. Auguste céda également à Sparte, la cité messénienne de Thouria 92. Les inscriptions montrent qu’à l’époque hellénistique cette île était aussi prospère : “Ses principales ressources

étaient l’exploitation des salines et la récolte des baies de genévrier ; l’exploitation était alors monopolisée par les Gortyniens dont des magistrats résidaient à Kaudos” (M. Guarducci, “Ordinamenti dati da Gortina a Kaudos in una iscrizione inedita di Gortina”, RFIC, 8, 1930, p. 471-482 ; L. Robert, “Ἐπιμελητὴς Καύδου dans une inscription de Sparte”, art. cit., p. 111-112). 93. La forme appelée adtributio ou contributio n’est pas toujours claire. U. Laffi (Adtributio e contributio, Pise, 1966) avait voulu reconnaître des catégories juridiques bien définies; des études plus récentes ont nuancé cette interprétation en présentant une gamme des situations différentes qui indiqueraient qu’il s’agit d’une catégorie politique plutôt souple. Pour l’Occident, voir H. Galsterer, “Romanizzazione politica in area alpina”, dans La valle d’Aosta e l’arco alpino nella politica del mondo antico, Aoste, 1988, p. 79-89 ; vues similaires de S. Panciera, “Adtributio e contributio”, dans Epigrafi, epigrafia, epigrafisti. Scritti vari editi e inediti (1956-2005) con note complementari e indici di S. Panciera, Rome, 2006, p. 1613-1615 et M. Bats, “Droit latin, adtributio et contributio. Strabon, Pline, Nîmes et les Volques Arécomiques”, dans MEFRA, 119/1, 2009, p. 55-61. R. Biundo, “Terre di pertinenza die colonie e municipi fuori del loro tarritorio: gestione e risorse”, CGG, 14, 2003, p. 131-142. R. Biundo, “Agri ex alienis territoriis sumpti. Terre in provincia die colonie e municipi in Italia”, MEFRA, 116, 2004, p. 371-436. Remarques analogues pour l’Orient avec une analyse du vocabulaire de l’adtributio par J.-M. Bertrand (voir infra n. 71). 94. Voir P. Graindor, Athènes sous Auguste, Le Caire, 1927, p. 1-11. 95. Les rapports de l’empereur avec la capitale des Lacédémoniens sont bien connus, l’empereur n’a pas seulement visité la cité mais il assuma également la charge de patronome ; cf. W. Weber, Untersuchungen zur Geschichte der Kaisers Hadrianus, Leipzig, 1907, p. 188-189 et 211. 96. Avant d’être gratifié de la civitas ou immédiatement après selon G. Shipley (“The extent of Sparta […]”, art. cit., p. 387).

Controverses territoriales et stratégies impériales. Territoire et ressources économiques de Sparte sous l’Empire

et, en 21 av. J.-C. à l’occasion, de sa visite, et Cythère comme présent personnel à Euryclès. Cette situation extrêmement favorable à Sparte ne fut pas de longue durée puisqu’Auguste lui-même refonda probablement à la fin de sa vie, la Ligue des Eleuthérolaconiens en tant que Ligue des cités laconiennes ; cet événement fut célébré par une inscription de Gytheion, la plus grande cité du Koinon, élevée en l’honneur de Tibère, probablement au début de son règne97. La perte de ce grand port (Gytheion étant depuis toujours son port de communication avec le monde extérieur) fut compensée par la concession du port de Kardamylé, au sud de la Messénie, mais en même temps l’ager Denthaliatis dans la même zone fut attribué à Messène98. Le territoire de Sparte, dans le sens le plus large qu’on puisse donner à ce terme, fut davantage élargi, au cours du iie siècle apr. J.-C., soit par des nouvelles acquisitions qui compensaient d’autres pertes (e.g. Coronée, peut-être pour la perte de Thouria, en Messénie) soit par la concession des ressources de territoires plus lointains (e.g. l’île de Kaudos, au sud de la Crète). Grâce à la générosité de plusieurs empereurs, la cité de Sparte acquit des richesses nouvelles et réussit à rétablir, sous l’Empire, son autorité sur une partie de la Laconie et son prestige dans le monde grec99. Il faut croire que le rôle confié à Sparte était favorable pour les intérêts de l’Empire. La possession des îles de Cythère et de Kaudos ainsi que son autorité sur les autres ports laconiens, avaient une grande importance, aussi bien pour le contrôle du commerce maritime, précisément des routes permettant la libre mobilité des biens et des personnes mais aussi des armées entre Cyrène, l’Italie et l’Orient100. Dès le début de l’Empire, la Laconie fut certainement un point central de la politique augustéenne en Grèce en tant que troisième pôle de la présence romaine dans le Péloponnèse, les deux autres étant Corinthe et Patras qui devinrent des centres d’administration et d’économie régionale101. Cette façon de voir les choses donne 97. Voir

supra p. 137-138 et n. 48. Ann., IV. 43 est la seule source à rapporter ces divers changements et précisément celui intervenu sous Auguste et Tibère quand les Spartiates revendiquèrent à nouveau l’ager Denthaliatis en disant qu’il leur avait été enlevé de force par Philippe II avec le sanctuaire d’Artémis Limnatis ; voir Kolbe (IG, V, 1, p. XVI) qui, s’appuyant sur un décret en l’honneur d’Auguste et de Tibère (IG, V, 1, 1448) ; cf. P. Cartledge et A. J. S. Spawforth (Hellenistic and Roman Sparta […], op. cit., p. 138-139) discute le passage de Tacite. 99. Sur les rapports de Sparte avec Auguste, voir maintenant la récente étude de A. J. S. Spawforth, Greece and the Augustan Cultural Revolution, op. cit. Les relations étroites de Sparte avec Rome et l’admiration d’une partie des élites contemporaines pour les vertus de la cité de Lycurgue contribuèrent, par le biais des intellectuels de la période, à mettre en valeur la légende spartiate ; voir N. Tigerstedt, The legend of Sparta in classical Antiquity, Stockholm, 1965-1974, 2 vol. ; E. Rawson, The Spartan tradition in European thought, Oxford, 1969. 100. Sur cette question, voir E Kjellberg, “C Iulius Eurycles”, art. cit., p. 5 et, plus récemment, J.-S. Balzat, “Les Euryclides en Laconie”, art. cit., p. 343 ; L’île Kythera était un point cental en Méditerranée sur la voie maritime vers la Crète et l’Orient, en général, depuis l’époque mycénienne : A. Bartsokas, “Η ομηρική γεωγραφiα των Κυθήρων”, dans Η’Διεθνἐς Πανιὀνιο Συνἐδριο “Κύθηρα 2006”, Kythéra, 2009, vol. I, p. 251 ; G. Steinhauer, “Euryklids and Kythera”, art. cit., p. 199-202. 101. Voir A. D. Rizakis, “Peloponnesian cities under Roman rule: the new political geography ands its economic and social repercussions”, dans A. D. Rizakis et Cl. Lepenioti (éds.), Roman Peloponnese III. […], op. cit., p. 1-18. 98. Tacite,

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pleinement raison à l’hypothèse formulée par Kjellberg102, à savoir qu’Auguste confia à son ami, C. Iulius Euryclès, le devoir de “surveiller” les cités libres d’Achaïe et surtout de contrôler les communications maritimes entre l’Italie, et l’Orient, vu l’importance prise par le cap Malée et les ports laconiens103.

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Ce rôle hégémonique de Sparte sur la Laconie fut effectif jusqu’au règne d’Hadrien mais dix ans après la mort du dernier grand Euryclide, C. Iulius Eurycles Herculanus104, éclata une violente opposition des cités de la Laconie contre l’expansionnisme spartiate105; juste au moment ou le nouveau sénateur Tiberius Claudius Brasidas, descendant d’une famille rivale vint au pouvoir106. Cette révolte ne changea pas, toutefois, le fond des choses. Sparte continua à exercer son autorité et à être comblée par les privilèges accordés par divers empereurs, ses élites jouèrent beaucoup avec le souvenir de sa gloire qui impressionna toujours les Romains, pour accumuler richesses, pouvoir et prestige. Les fouilles britanniques ont révélé que la cité avait complètement changé sous l’Empire et qu’elle épousa parfaitement la nouvelle conception de l’organisation de l’espace dont le trait le plus caractéristique fut la monumentalisation de l’urbanisme107. Sparte s’accommoda à un nouveau mode de vie “à la romaine”, rien ne distinguait sur ce point la cité de Lycurgue des autres cités grecques de l’Empire, fait qui souligne “le caractère artificiel d’un certain archaïsme dans la vie publique de la cité à l’époque romaine”108.

102. E Kjellberg,

“C. Iulius Eurycles”, art. cit., p. 52. importance s’est révélée colossale aussi bien pendant la guerre contre les pirates crétois, en 73-71 av. J.-C. (IG, V.1, 1146 ; cf. Chr. Le Roy, “Richesses et exploitation en Laconie au ier siècle av. J.-C.”, Ktèma, 3, 1978, p. 261-265) que pendant le conflit entre Antoine et Octave ; il n’est pas du tout invraisemblable que l’activité de Lacharès, père d’Euryclès, condamné a mort pour piraterie par Antoine, se soit trouvé justement dans cette zone, ce qui gênait le transport des provisions vers l’Italie (voir J.-S. Balzat, “Les Euryclides en Laconie”, art. cit., p. 343 et n. 44 ; G. Steinhauer, “C. Iulius Eurycles […]”, art. cit., p. 75 et n. 2. 104. Herculanus n’avait pas d’héritier direct mais la famille ne fut pas complètement éteinte ; un autre C. Iulius Euryclès qui est connu par certaines inscriptions de Sparte, plus récentes, ne semble pas avoir un quelconque rôle politique (A. D. Rizakis et al., “Roman Peloponnese II. […]”, art. cit., p. 279-280 no 460 [LAC]). 105. Sur une ambassade réussie contre les Eleuthérolaconiens, envoyée par Sparte à Rome (Antonin le Pieux), voir IG, V, 1, 1177; cf. P. Cartledge et A. J. S. Spawforth (Hellenistic and Roman Sparta […], op. cit., p. 150. 106. Sur cette rivalité, voir Strabon, VIII, 5, 3 = C 366 ; Plut., Mor., 207 sq. ; cf. P. Cartledge et A. J. S. Spawforth (Hellenistic and Roman Sparta […], op. cit., p. 101 et n. 15 (avec la bibliographie antérieure sur cette question). 107. Pendant la première phase la cité entreprit de grands travaux d’aménagement spatiaux et de reconstruction, au centre ancien (agora) qui sont manifestes particulièrement dans le cas du théâtre, mais c’est pendant la seconde qu’elle a atteint un niveau de richesse, publique ou privée, sans précéden, étant dotée alors inter alia d’un gymnase, dit d’Euryclès, et d’un aqueduc qui stimula le développement urbain de Sparte. De la seconde période datent le complexe thermal d’Arapissa et également le développement d’un quartier résidentiel, au sud et à l’ouest d’Acropolis, avec de riches demeures équipées de bains privés et décorées avec des mosaïques (P. Cartledge et A. J. S. Spawforth (Hellenistic and Roman Sparta […], op. cit., p. 128-136). 108. Voir P. Cartledge et A. J. S. Spawforth (Hellenistic and Roman Sparta […], op. cit., p. 143-144. 103. Cette

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Notre propos concerne une inscription de Luceria qui date peut-être du iie siècle apr. J.-C. Le texte, tel que désormais nous pouvons le lire, est écrit sur deux côtés adjacents, alors qu’il n’y a plus de texte sur les deux autres côtés, d’où les difficultés de compréhension de l’inscription. Selon notre interprétation, le côté A indique les nouvelles limites d’une propriété privée ; celles-ci ont été établies par un arbitre public qui est intervenu lors d’une contestation entre un propriétaire privé et Rome. L’autre côté raconte la fin de l’histoire de cette propriété dont le début avait été écrit sur les deux côtés sur lesquels manque le texte et qu’à titre d’hypothèse nous pouvons reconstruire. L’allusion à des iura dont se réclame un homme qui donavit cetera iura à Roscia Modesta est aussi intéressante. Résumé –

Mots-clés –

Limites - Contestation entre un propriétaire privé et Rome - Arbitre public - Evincere iura - Donare cetera iura.

Abstract – We talk about an inscription of Luceria, whose chronology is perhaps in the second century A.D. The text, that we now can read, is written on two adjacent faces, the text of the others two is missing; it is then difficult have a complete understanding of the inscription. In our interpretation, in the first face new boundaries of a private property are indicated, and these boundaries have been established through a public arbitrator intervened in a dispute likely between a private and Rome. In the last face there is also the last part of the property’s history, whose beginning was written in the faces missed and that we can hypothetically reconstruct. It’s also interesting the allusion to iura reclaimed by a man, who donavit cetera iura to Roscia Modesta. Keywprds – Boundaries; dispute between a private and Roma; public arbitrator; evincere iura; donare cetera iura.

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S 

i presenta un documento proveniente sicuramente dal territorio, che apparteneva, in età romana, a Luceria, anche se non è noto il luogo esatto del rinvenimento. E’ un documento di un certo interesse sotto il profilo giuridico della proprietà e delle servitù prediali, riguardando un contenzioso confinario1. Qui si offrono le suggestioni che tale documento ispira, con ipotesi interpretative. Del cippo sono rimaste soltanto due facce contigue (A, D) (fig. 1); le altre sono perdute2. Non si conosce, come si è già detto, la località esatta di rinvenimento del monumento, che avrebbe potuto contribuire in modo significativo alla sua interpretazione. Si dà qui il testo secondo la nostra lettura integrativa:

Lato A (fig. 2) - - - - - - ? [- - -]+[- - - ?] finis hinc [i]n fronte[m?] [v]iae Romana[e] 5 [R]osciae C. [- - -] [M]odestae adtr(ibutus) p[er] [arb]itrum publicum

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Lato B ?

Lato C ?

1. Sulle

controversiae agrorum e sulle relative problematiche, riguardo anche ai confini, abbiamo la documentazione dei gromatici per i quali B. Campbell, The Writings of the Roman Land Surveyors. Introduction, Text, Translation and Commentary, London, 2000; L. Capogrossi Colognesi, Ai margini della proprietà fondiaria, Roma, 1996, p. 71-95; J.-Y. Guillaumin, Les Arpenteurs romains, t. I, Hygin le Gromatique, Frontin, Paris, 2005; Id., Les Arpenteurs romains. r. II, Hygin; Siculus Flaccus, Paris, 2010; sul contenzioso confinario: M. Talamanca, “Confini (regolamento di)”, Enciclopedia del Diritto, VIII, Milano, 1961, p. 954-957; G. Polara, La controversia de fine. Strutture, ars e diritto nella pratica agraria romana, Urbino, 1990; Fr. Jacques, “Biens caducs revendiqués par la cité d’Ostie. Attribution et délimitation d’un terrain d’aprés une nouvelle inscription du Latium”, Epigraphica, 49, 1987, p. 29-70 ; M. Vinci, Il regolamento dei confine dall’età arcaica a Giustiniano, Milano, 2004; B. Campbell, “ ‘Setting up true boundaries’: land disputes in the Roman Empire”, Mediterraneo Antico, VIII, 1, 2005, p. 307343, con elenco di documenti relativi a contese confinarie. 2. Il monumento misura: alt. 78, spess. 28, larg. 26; altezza delle lettere varia da 2 a 6 cm.

Controversia confinaria da Luceria

Lato D (fig. 3) - - - - - - ? [- - -]+[- - -] et A[- - -]+us cetera iura quae Rosciu[s] 5 Secundus a[b] heredibus C. [- - -]ni Heli evic[it] Modestae [- - - ?] [- - -] suae dona[vit].

Nella faccia A (fig. 2 e 4), nella linea al di sopra della prima iscritta conservata, è traccia di una lettera, forse una G o una C, che poteva far parte della parola ager o locus (al genitivo se dipendente da finis), ovvero un segno gromatico. In questo lato pare sia contenuto il risultato di un’actio finium regundorum con clausola aggiudicatoria (si veda il termine adtributus della faccia A, r. 6)3. Si dichiara infatti che parte da qui (hinc), evidentemente dal luogo in cui era infisso il cippo, lungo la fronte della via Romana, il confine attribuito da un arbitro pubblico4 a Roscia Modesta, liberta o figlia di un C. Roscius5. Il testo, nella faccia B, completamente perduta, doveva probabilmente contenere il nome dell’arbitro, di solito menzionato esplicitamente in questo tipo di documenti, forse la misura della lunghezza del confine (pedes tot?) e certamente doveva essere indicato l’altro punto del confine, usque ad o semplicemente ad doveva precedere questa indicazione. Non è possibile dire se fosse stato indicato anche l’intervento di un mensor6. Nella faccia C, anch’essa del tutto perduta, se teniamo conto di quello che è scritto in D, poteva essere contenuto quello che potremmo chiamare lo “storico catastale”; forse si faceva riferimento alla storia della proprietà in questione, che era 3. Per

il termine adtributio Thesaurus Linguae Latinae, I, c. 383; F. T. Hinrichs, Die Geschichte der gromatischen Institutionen, Wiesbaden, 1974, p. 191-201; L. Capogrossi Colognesi, “Proprietà (diritto romano)”, Enciclopedia del Diritto, XXXVII, 1988, p. 208-209. 4. Per l’arbitrato pubblico fondamentale è ancora E. De Ruggiero, L’arbitrato pubblico in relazione col privato presso i Romani. Studio di Epigrafia giuridica, Roma, 1893, in particolare p. 34-51; G. Crifò, “Arbitrato”, Enciclopedia del Diritto, II, Milano, 1958, p. 893-894. 5. Un’iscrizione di Lucera (Ánn. Ép., 1983, 217), databile nella prima metà del ii d.C., menziona un C. Roscius nella formula onomastica della figlia, Roscia C.f. Iustina. 6. Per il ruolo dei mensores nelle controversie, L. Maganzani, Gli agrimensori nel processo privato romano, Milano, 1997, p. 115-217; Ead., “Arpenter la terre pour le procès : la consultation technique en droit romain”, Revue Internationale des droits de l’Antiquité, LIII, 2006, p. 283-298.

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appartenuta a Roscius Secundus, con probabile elenco dei iura praediorum – iter, via, actus, aquaeductus – che spettavano al fondo dominante (quello di Secundus) nei confronti del fondo vicino, servente, già di un certo Helius, passato poi ai suoi eredi; si poteva far riferimento anche al passaggio di proprietà del fondo (o di una quota) da Secundus a Roscia Modesta, forse attraverso il personaggio maschile, dall’onomastica compromessa dalla lacuna della faccia D. Nella faccia D (fig. 3 e 5) il primo rigo conservato inizia con un ET che lo collegava con quanto era riportato in un rigo precedente perduto e/o con quanto era scritto nella faccia C. Qui si specifica che un A[- - -]+us aveva donato a (Roscia) Modesta [- - -] sua gli altri diritti prediali (cetera iura), che Roscius Secundus aveva rivendicato con successo (evicit) dagli eredi di un C. [- - -]nius Helius. I problemi che pone questo documento sono diversi, ma data la lacunosità del testo, si possono avanzare, con prudenza, soltanto ipotesi: 1. un problema riguarda il collegamento tra le due parti del testo che ci sono conservate; 2. un altro riguarda: il rapporto che c’era tra i personaggi nominati; e quali fossero le condizioni che permettevano al personaggio maschile della faccia D di donare cetera iura alla donna; 3. una questione è anche l’ubicazione e situazione confinaria del fondo di Secondo e quello degli eredi di Helius in rapporto alla via Romana e di conseguenza l’ubicazione del fondo di Modesta; 4. un interrogativo pone anche il ricorso a un arbitro pubblico. Vorrei precisare che non ho trovato altre ricorrenze dell’aggettivo publicus riferito a un arbiter, né in fonti epigrafiche, né letterarie, né giuridiche. Questa espressione, arbiter publicus, sembrerebbe dunque un unicum, naturalmente per quanto ne sappia. Per il primo interrogativo, si è cercato di risolvere il problema con le ipotesi ricostruttive prima esposte. Per il secondo punto, la situazione non è chiara, perché si sono persi dati utili a un tentativo di definizione di un legame tra i vari personaggi. Si è persa, innanzitutto, la condizione giuridica della donna, che potrebbe essere stata liberta, ma anche figlia, di un Caius Roscius, verosimilmente Secundus, quello che aveva rivendicato con successo i cetera iura. Un secondo elemento, che sarebbe stato determinante per la ricostruzione dei vincoli di parentela o di altro tipo, è l’onomastica del personaggio maschile nominato nella faccia D, al primo rigo conservato, ma questa non è di facile integrazione. Si può tentare l’integrazione di un prenome e di un gentilizio. Come ipotesi, si può restituire A. [Rosc]ius, che agevolmente occupa la lacuna (fig. 5), anche se per questa lettura si potrebbero avanzare perplessità per l’omissione dell’elemento cognominale, omissione giustificabile, in questo caso e in questo periodo (metà circa del ii d.C.), soltanto per mancanza di spazio nello specchio epigrafico.

Controversia confinaria da Luceria

E’ chiaro, d’altra parte, che un rapporto tra il personaggio maschile e Roscia Modesta ci doveva essere, tanto che Modesta è definita sua, ma anche qui s’è persa la parola che avrebbe meglio definito l’aggettivo possessivo e quindi il rapporto tra i due e che forse avrebbe potuto anche far recuperare il legame tra il personaggio maschile e Secundus. Se la restituzione A. [Rosc]ius fosse corretta, si potrebbe pensare che egli fosse un figlio di Secundus (e dunque fratello di Modesta, se la donna ne era la figlia) e che il fondo di Secundus fosse stato diviso tra lui e Modesta, alla quale egli avrebbe donato i cetera iura, già ottenuti da Secondo dagli eredi di Helius, nuovi proprietari del fondo servente. “Gli altri diritti” potrebbero essere stati la servitus pascendi, il diritto cioè di pascolare il proprio bestiame nel fondo altrui, in questo caso nel fondo degli eredi di Helius, ovvero le servitutes calcis coquendae, cretae eximendae, arenae fodiendae, itinerum, aquarum7. Per il punto 3, si può osservare che chiaramente i due fondi dovevano essere finitimi: o confinanti sullo stesso lato, dove correva come confine la via Romana, o vicini e separati da un iter poi trasformato e reso pubblico con la costruzione della via Romana (l’uno da un lato, l’altro dall’altro della via). Risolta la questione delle servitù prediali, potrebbe essere sorta poi una controversia tra Modesta e gli eredi di Helius, proprio riguardo alla definizione del confine8, perché uno dei due aveva sconfinato. In questo caso la controversia sarebbe stata anche de loco, in quanto lo spostamento della linea di confine poteva aver creato una variazione nell’estensione dei due fondi confinanti. Se così fosse stato, non sarebbe però chiaro perché si fosse fatto ricorso, per l’accertamento e la ricostruzione del confine tra i due fondi, di due soggetti privati, a un arbitrato pubblico. Ci saremmo infatti aspettati un arbitrato ex compromisso come in CIL, IX, 2872. Per l’interrogativo circa il ricorso all’arbitrato pubblico, l’ipotesi più probabile per giustificarlo, è che il testo, in realtà, non si riferisca a una controversia tra Modesta e gli eredi di Helius, ma tra Modesta stessa e lo Stato, in seguito alla “costruzione” della via Romana, una via pubblica, che, evidentemente, aveva modificato, lungo il percorso della stessa via, il confine del fondo della donna. Di qui il ricorso all’arbitrato pubblico. Una via Romana, però, non è altrimenti attestata né nel territorio di Lucera, né altrove, anche nei più tardi itinerari. Il termine Romana potrebbe definire ‘una via che porta a Roma’. Una via pubblica che in questa area geografica porta a Roma 7. Per

le servitù prediali, G. Grosso, Le servitù prediali nel diritto romano, Torino, 1969; L. Capogrossi Colognesi, Ricerche sulla struttura delle servitù d’acqua in diritto romano, Milano, 1966; Id., La struttura della proprietà e la formazione dei “iura praediorum” nell’età repubblicana, I-II, Milano, 1969-1976; C. J. Bannon, Gardens and Neighbors. Private water rights in Roman Italy, Ann Arbor (Mi), 2009; ultimamente L. Capogrossi Colognesi, “Le servitù prediali: interessi contrastanti e cooperazione tra vicini”, Bullettino dell’Istituto di Diritto Romano “Vittorio Scialoja”, quarta serie, I, 2011, p. 409-419. 8. D. Daube, “Finium demonstratio”, Journal of the Roman Studies, 47, 1957, p. 39-52; L. Toneatto, “Appunti sulla dottrina delle confinazioni presso l’agrimensore Siculo Flacco”, Sodalitas. Scritti in onore di A.Guarino, IV, Napoli, 1984, p. 1601-1631; M. Marrone, “Rivendicazione (diritto romano)”, Enciclopedia del Diritto, XLI, Milano, 1989, p. 1-29.

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Marcella Chelotti

è la Traiana, completata all’incirca nel 112, che, come è noto, aveva il suo caput a Beneventum, raccordandosi qui con la via Appia, e il suo termine a Brindisi. Lucera fu però esclusa dal passaggio della via Traiana, che invece attraversava la città di Aecae, a Sud di Lucera. Con l’espressione via Romana si potrebbe allora intendere la via che, partendo da Luceria, arrivava ad Aecae, dove si poteva collegare alla nuova grande arteria, che portava a Roma. In tal caso, la via Romana poteva in realtà coincidere non, dunque, con la via Traiana, ma con il più antico raccordo viario tra Lucera ed Aecae, anch’esso evidentemente risistemato in occasione della costruzione della Traiana9. Se è proponibile una datazione del nostro documento intorno alla metà del ii sec., essenzialmente su base paleografica, questa si accorderebbe con la nuova situazione viaria, dalla quale era scaturita la turbativa confinaria, che aveva coinvolto la proprietà di Modesta, e per la cui definizione si era reso necessario un arbitrato pubblico.

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9. Per

la viabilità della Puglia settentrionale in età romana, e in particolare quella che riguardava Lucera ed Aecae ancora utile G. Alvisi, La viabilità della Daunia romana, Bari, 1970, p. 31-36; 61-66; G. Volpe, Contadini, pastori, mercanti nell’Apulia tardoantica, Bari, 1996, p. 59-83. Molto mi hanno aiutato nella lettura e interpretazione di questo testo le conversazioni con l’amica e collega Simonetta Segenni, a Pisa nel settembre del 2011; un grazie sincero devo anche a Luigi Capogrossi Colognesi, per aver letto, con la sua sempre generosa disponibilità, queste pagine, confortandomi nell’ipotesi qui avanzata.  

Controversia confinaria da Luceria

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Fig. 1.

Lato A e lato D.

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Fig. 2.

Lato A.

Controversia confinaria da Luceria

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Fig. 3.

Lato D.

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Fig. 4.

Lato A, ricostruzione del texto.

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Fig. 5.

Lato D, ricostruzione del texto.

Gérer les patrimoines civiques SECONDE PARTIE

Les caractères structurels des finances civiques SECTION 1

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L’invisible aerarium des cités italiennes Clara Berrendonner

Résumé –

L’identification archéologique des bâtiments de l’administration financière soulève d’importantes difficultés méthodologiques que l’épigraphie, dans la péninsule Italienne, ne permet pas de pallier. Une seule inscription édilitaire, à Préneste (CIL, I², 1463 = XIV, 2975), fait en effet état d’un aerarium. Ce silence des inscriptions résulte soit de la “culture épigraphique” tardorépublicaine et impériale, qui ne commémorait pas l’édification des locaux administratifs les plus modestes ; soit de l’installation des trésors civiques dans des bâtiments qui les englobaient ; soit des principes régissant la gestion des finances locales (multiplicité des arcae et recours à des écritures comptables plus qu’à de réels mouvements de fonds). Mots-clés –

Aerarium - Arca publica - Finances - Culture épigraphique - Forum.

Anstract –

The invisible aerarium in Italian cities. In Roman Italy, it is difficult to identify through archaeology the places where civic finances were managed, and the epigraphic evidence doesn’t give much information: only one inscription, in Praeneste (CIL, ², 1463 = XIV, 2975), unables to know an aerarium. This silence may be explained by the epigraphic habit (the edification of small administrative buildings was not an object of commemoration), by the architectural habit (the inclusion of the aerarium in the curia, a temple or a basilica), or by the way the public fonds were managed (several arcae and writings on accounting-books rather than movements of money).

Keywords –

Aerarium - Arca publica - Finances - Epigraphic Habit - Forum.

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  L 



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a répartition des lieux de décision ou de délibération, des services administratifs, financiers, fiscaux ou techniques reste en général en dehors [des] préoccupations [des archéologues] parce que hors de leurs possibilités d’appréciation”1 : c’est par ce constat peu encourageant que Pierre Gros ouvre son enquête sur les bâtiments administratifs de la Carthage romaine. Dans la mesure où les aléas des découvertes et des fouilles font que nous ne connaissons qu’un nombre limité de fora, et souvent de façon partielle, où l’apparat monumental des édifices dissimule leurs fonctions, où la typologie architecturale des bureaux n’est pas précisément fixée, les sources épigraphiques semblent être le seul fil d’Ariane qui permettrait de remonter aux locaux où étaient gérées les affaires des cités. À cet égard, la topographie de l’administration financière apparaît particulièrement difficile à cerner. Les leges municipales indiquent que la prise de décision en la matière relevait principalement des décurions2. On en déduira qu’elle s’effectuait dans le lieu où ils se réunissaient, généralement la curie. En revanche, les mêmes textes sont beaucoup plus elliptiques sur les opérations concrètes qui accompagnaient les mouvements de fonds publics, et donc sur l’endroit où était conservée la pecunia communis. A priori, ce local pouvait être désigné par le terme aerarium ou, métonymiquement, par l’expression arca publica ou l’une de ses variantes3. Or, si, en Italie, la titulature des magistrats et des agents administratifs locaux comporte de nombreuses références au trésor civique qui constituait leur domaine de compétence, la mention, comme telle, d’un bâtiment servant d’aerarium est plus que rare4. Dans les inscriptions édilitaires, on n’en possède qu’une seule occurrence, à Préneste5. Le document peut être daté essentiellement grâce à son formulaire et au contexte archéologique. Paolo Poccetti a en effet montré que l’association du gérondif avec le verbe dedere était typique du iie siècle6. De plus, l’inscription est incisée sur le mur du fond (nord) d’une petite pièce rectangulaire construite en opus quadratum, qui, selon Richard Delbrück, fut aménagée en trois temps. C’est dans sa dernière phase, lorsque ses fenêtres furent murées et son plafond transformé en voûte, que le local fut utilisé comme trésor civique7. Le terminus ante 1. P. Gros,

“Les bâtiments administratifs de la Carthage romaine. Problèmes d’identification et de localisation”, , 104, 1997, p. 342. 2. Lex Tarent., l. 21-25 = RS, I, Londres, 1996, no 15, p. 304 ; Lex Vrson., ch. 65, 69, 96 = RS, I, no 25, p. 401-402, 405, 407. Travaillant sur la péninsule Italienne, je n’ai pas pris en compte la lex Flauia. 3. Cf. CIL, X, 5928. On trouve également les formules arca rei publicae ou arca suivi d’un génitif renvoyant aux habitants de la cité (AE, 1899, 207), les deux options pouvant d’ailleurs s’additionner (CIL, XI, 3215). 4. Un autel retrouvé près de Dertona (CIL, V, 7363) portait une dédicace à Marica, Minerua et ce que l’on peut restituer comme étant le Genius Aer(arii). En revanche, dans l’inscription pompéienne CIL, IV, 3702, il faut sans doute comprendre aerarium comme “les fonds publics”, non comme une véritable référence au lieu qui les abritait. 5. CIL, I², 1463 = XIV, 2975 = ILLRP, 651 = Imagines. Latium vetus, Rome, 2005, p. 496, no 749 : M(arcus) Anicius L(ucii) f(ilius) M(arcus) Mersieus C(aii) f(ilius) / aediles aerarium faciendum dederunt. 6. P. Poccetti, “Sul formulario dell’epigrafia ufficiale italica”, Ath., 61, 1983, p. 181-182 et 193-194 et Id., “Su una caratteristica del formulario epigrafico latino in età repubblicana”, MD, 5, 1980, p. 178 et 181. 7. R. Delbrück, Hellenistische Bauten in Latium, I, rééd. anast. Pérouse, 1979, p. XXVII-XXVIII.

L’invisible aerarium des cités italiennes

quem est donné par la salle absidée qui le surmonte et n’est pas positionnée exactement dans le même axe8. Or, son pavement était constitué par la fameuse mosaïque Barberini, que l’on date à l’heure actuelle de 120-110 av. J.-C., par comparaison avec les décors de la Maison du Faune à Pompéi9. L’aménagement du trésor de Préneste doit donc être situé entre 150 et 110 av. J.-C. La lecture des restes archéologiques prénestins a considérablement varié, suivant que les archéologues postulaient ou non un lien organique entre les deux terrasses inférieures du site. Un premier groupe d’auteurs a récusé toute relation entre les deux terrasses, et considéré que seule la place antique entourant l’actuelle cathédrale S. Agapito correspondait au forum de la cité antique. Ce dernier aurait donc été composé d’un temple, qui pourrait avoir abrité les réunions de la curie locale10 ; d’une salle à l’est, transformée à un moment donné en trésor civique, et sans doute d’un édifice symétrique à l’ouest, peut-être un tabularium11. La terrasse supérieure aurait, quant à elle, eu une fonction cultuelle (dans l’interprétation qui a longtemps prévalu, d’ouest en est, “antro delle sorti”, où se seraient effectuées les consultations oraculaires, cour ou salle monumentale servant de pronaos, temple de Fortuna12  ; ou, dans la version avancée dans les années 1970-1980 par Mario Torelli et Filippo Coarelli et soutenue à l’heure actuelle par Sandra Gatti, sanctuaires isiaques13). Toutefois, un second ensemble d’archéologues a rattaché la terrasse supérieure à la place publique de la cité. De part et d’autre de l’espace central, interprété comme une basilique14, on aurait trouvé un nymphée et un musée15 / bibliothèque16, ou des

8. S. Pittaccio,

Il Foro intramuraneo a Preneste. Origini e trasformazioni, Rome, 2001, p. 62. “La pompè di Tolomeo Filadelfo e il mosaic nilotico di Palestrina”, repris dans Revixit ars, Rome, 1996, p. 121-122 ; P. G. P. Meyboom, The Nile Mosaic of Palestrina, Leyde - New York - Cologne, 1995, p. 17 et 19. 10. G. Gullini, “Terrazza, edificio, uso dello spazio”, dans Architecture et société de l’archaïsme grec à la fin de la République romaine (CEFR 66), Rome, 1983, p. 146, n. 55. 11. S. Pittaccio, Il Foro intramuraneo a Preneste […], op. cit., p. 176. 12. Cette interprétation remonte à O. Marucchi, “Nuovi osservazioni sul mosaico di Palestrina”, BCAR, 23, 1895, p. 27 et Id., “Il tempio della Fortuna Prenestina secondo il risultato di nuove indagini e di recentissime scoperte”, BCAR, 35, 1907, p. 292 et D. Vaglieri, “Preneste e il suo tempio della Fortuna”, BCAR, 37, 1909, p. 221. 13. M. Torelli et R. Bianchi Bandinelli, L’Arte dell’antichità classica. Etruria-Roma, II, Turin, 1976, scheda 32 ; F. Coarelli, I Santuari del Lazio, Rome, 1987, p. 79-82 ; S. Gatti, “Nuove ricerche sull’Antro delle sorti a Palestrina”, dans Lazio e Sabina, 2, 2004, p. 62. 14. M. Torelli et R. Bianchi Bandinelli, L’Arte […], op. cit., scheda 32 ; en dernier lieu, F. Zevi, “Il mosaico nilotico di Palestrina”, dans E. Lo Sardo (dir.), La lupa e la sfinge, Milan, 2008, p. 78. 15. F. Fasolo et G. Gullini, Il Santuario della Fortuna Primigenia a Palestrina, Rome, 1953, p. 48 ; P. Romanelli, Palestrina, Rome, 1967, p. 41 ; M. Torelli et R. Bianchi Bandinelli, L’Arte […], op. cit., scheda 32 ; G. Gullini, “Terrazza, edificio, uso dello spazio”, art. cit., p. 146, n. 55 ; A. Tammisto, Birds in Mosaics, Rome, 1997, p. 361 ; S. Pittaccio, Il Foro intramuraneo […], op. cit., p. 176 ; F. Zevi, “Il mosaico nilotico di Palestrina”, art. cit., p. 78. 16. C. H. Ericsson, “The Great Nilotic Mosaic in Palestrina”, dans Sundries in honour of Torgny Säve-Söderbergh, Uppsala, 1984, p. 56 ; Gl. Ferrari, “The Geography of Time: the Nile Mosaic and the Library at Praeneste”, Ostraka, 8, 1999, p. 371-375. 9. F. Coarelli,

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édifices administratifs (à l’ouest, un chalcidicum17 ; à l’est, un tribunal, le “bureau” des édiles ou la curie18). Dans la péninsule Italienne, les sources épigraphiques semblent donc incapables de pallier les difficultés méthodologiques recensées par P. Gros. Comment, dès lors, rendre compte de ce silence des inscriptions ? Trois hypothèses seront envisagées : les usages de la commémoration épigraphique, tout d’abord, dissimulent peut-être à nos yeux les locaux de l’administration financière ; d’autre part, la solution architecturale d’un bâtiment spécifiquement réservé à la caisse civique ne s’imposait pas nécessairement ; enfin, les caractères structurels de la gestion des finances locales pourraient expliquer que les cités n’aient pas toujours eu besoin d’un aerarium.

Les trésors civiques, des bâtiments sans dédicaces ? La rareté des mentions épigraphiques concernant les édifices des fora

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Le laconisme des inscriptions pourrait, en premier lieu, résulter du caractère modeste des trésors civiques. On a évalué la validité de cette hypothèse en comparant les attestations épigraphiques des aeraria avec celles des autres composantes des fora. Vitruve19, lorsqu’il évoque les édifices disposés autour des places publiques, énumère en effet l’aerarium, le carcer et la curie, coniuncta au forum, c’est-à-dire consubstantiellement liés à la place parce qu’ils en incarnent le rôle politique. On a vu que les aeraria n’apparaissent pratiquement pas dans les inscriptions : qu’en était-il des autres bâtiments administratifs ? Les prisons “municipales” sembleraient tout simplement inexistantes, si les sources littéraires n’en faisaient état20. Apparemment donc, les locaux administratifs secondaires ne portaient pas de dédicace rappelant leur édification ou leur restauration. Toutefois, des constructions a priori plus prestigieuses, comme les curies, sont également sous-représentées dans la documentation épigraphique italienne. La mise à jour des listes dressées par Hélène Jouffroy n’a permis de recenser que cinq 17. H. Lauter,

“Bemerkungen zur späthellenistischen Baukunst in Mittelitalien”, JdI, 94, 1979, p. 441 ; P. G. P. Meyboom, The Nile Mosaic […], op. cit., p. 13. 18. P. Mingazzini, “Note di topografia prenestina. L’ubicazione dell’antro delle sorti”, Arch.Cl., 6, 1954, p. 299300 ; A. Boëthius, J. B. Ward Perkins, Etruscan and Roman Architecture, Harmondsworth - Baltimore - Victoria, 1970, p. 143 et 146 ; H. Lauter, “Bemerkungen zur späthellenistischen Baukunst in Mittelitalien”, JdI, 94, 1979, p. 441 ; P. G. P. Meyboom, The Nile Mosaic […], op. cit., p. 13 ; S. Pittaccio, Il Foro intramuraneo […], op. cit., p. 176 ; A. Tammisto, “The Nile Mosaic of Palestrina Reconsidered”, dans La Mosaïque gréco-romaine, IX (CEFR, 352), Rome, 2005, p. 7. 19. Vitr., 5, 1-2, avec l’analyse de P. Gros, “La basilique du forum selon Vitruve : la norme et l’expérimentation”, dans Bauplanung und Bautheorie der Antike, Berlin, 1984, p. 48-69 = Vitruve et la tradition des traités d’architecture (CEFR, 366), Rome, 2006, p. 217-218. 20. Jens-Uwe Krause, Gefängnisse im römischen Reich, Stuttgart, 1996, p. 254-255.

L’invisible aerarium des cités italiennes

inscriptions édilitaires qui évoquent une curie21. En l’occurrence, il faut peut-être chercher dans la chronologie et les modalités du financement de ces bâtiments les raisons de leur “évanescence”. En Italie, les salles de réunion des conseils locaux furent édifiées précocement, au plus tard dans les années qui suivirent la municipalisation22, c’est-à-dire avant l’essor de la “culture épigraphique” impériale. Par ailleurs, il était peut-être difficile qu’un individu apposât son nom sur un bâtiment aussi central pour la vie civique. La rareté des mentions épigraphiques des édifices bordant les fora résulterait ainsi de la faiblesse des interventions évergétiques les concernant23.

La désignation des trésors dans les sources épigraphiques Une seconde hypothèse consisterait à penser que l’épigraphie privilégiait l’évocation des formes architecturales plutôt que de l’usage attribué aux édifices. Dans sa contribution au colloque de 1973 sur les cryptoportiques, F. Coarelli24 avait montré que le terme crypta renvoyait à une pluralité d’espaces qui avaient pour point commun d’être souterrains ou fermés. Si l’on applique le même raisonnement à nos trésors civiques, en prenant pour référence l’exemple prénestin, deux caractéristiques pourraient avoir servi à décrire les aeraria : d’une part, il s’agissait de pièces fortes ; d’autre part, parce que ces salles avaient besoin de murs particulièrement épais, elles étaient peut-être préférentiellement situées dans des sub­ structions. Les termes loricata, crypta, fundamenta ou substructio seraient-ils donc susceptibles de désigner des trésors ? La recherche portant sur loricata, substructio ou crypta n’a donné aucun résultat probant. L’élévation de fundamenta n’est guère mentionnée que par les inscriptions de l’acropole de Ferentinum, que les études récentes datent des années 160/150-130/120 av. J.-C25. L’impressionnante construction est structurée par un corridor interne qui court le long de ses quatre murs. Une porte ouvrant au milieu du bras nord-ouest donne accès à deux salles parallèles dont la hauteur suggère qu’elles étaient liées à une pièce rectangulaire située au niveau supérieur. Suivant 21. H.

Jouffroy, La Construction publique en Italie et dans l’Afrique romaine, Strasbourg, 1986. Les textes en question sont : CIL, I², 3113 = AE, 1966, 67 (Formiae, époque républicaine) ; CIL, I², 3191 = AE, 1997, 322 = ILLRP, 598 (Frigento, début du ier siècle av. J.-C.) ; CIL, IX, 4065 (Carseoli) ; NSA, 1894, p. 288-289 (Barisciano) ; CIL, XI, 3583 (Castrum Novum). 22. E. Gabba, “Dallo stato-città allo stato municipale”, dans Storia di Roma, II-1, Turin, 1990, p. 709 ; P. Gros, “L’urbanizzazione dopo la guerra sociale”, ibid., p. 831-832. 23. À Frigento (CIL, I², 3191), la curie fut probablement édifiée sur fonds civiques et la pratique, à l’époque impériale, de donner aux curies un surnom renvoyant à la dynastie régnante (CIL, X, 476-477 ; IX, 3429 ; XI, 5996 ; XIV, 2795 ; AE, 1937, 119) pourrait renvoyer à un financement public des curies. 24. F. Coarelli, “Crypta, cryptoporticus”, dans Les Cryptoportiques dans l’architecture romaine (CEFR, 14), Rome, 1973, p. 9-21. 25. CIL, I², 1522-1525 = X, 5837-5840 = ILLRP, 584-586. A. D’Alessio, “L’avancorpo dell’acropoli di Ferentino. Vecchi e nuovi dati per la lettura storica del monumento”, Arch.Cl., 58, 2007, p. 425.

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une suggestion d’Alfonso Bartoli26, qui avait pensé reconnaître dans cette salle la curia aedis Mercuri mentionnée par l’inscription CIL, VI, 1492, C. C. Van Essen jugea que les substructions de l’acropole avaient pu servir d’aerarium27. Toutefois, Alessandro d’Alessio28, qui a repris récemment l’examen du complexe, estime que rien ne justifie cette identification, notamment pas un éventuel rapprochement entre la salle supérieure de Ferentinum et la salle absidée de Préneste.

L’identification archéologique des trésors civiques

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Dès lors, si les aeraria étaient tout simplement dépourvus d’inscriptions, il faut, pour les repérer, revenir à la documentation archéologique. Dans les publications, deux critères d’identification ont été privilégiés, les caractères structurels de ces bâtiments et leur emplacement sur le forum, à proximité de la curie, puisque les fonds publics étaient gérés par les décurions. L’exceptionnelle documentation pompéienne servit bien évidemment de point de départ à la réflexion des archéologues. August Mau et Amadeo Maiuri avaient pensé que deux petites salles souterraines localisées à l’angle nord-ouest du forum, parce qu’elles étaient protégées par une imposante porte ou grille de fer, avaient pu servir d’aerarium civique29. Lawrence Richardson30 a préféré voir dans les pièces en question la cave d’une boutique. Les études consacrées à d’autres sites ont donc cherché des trésors civiques absolument adjacents aux curies. Les colonies latines déduites en 273 ont alors semblé fournir la parfaite illustration d’un agencement canonique des fora31. À Cosa, Frank Brown32 identifia comme le trésor de la colonie la petite structure rectangulaire située au nord-est du forum, à faible distance du complexe curie-comitium, puisqu’elle était munie de murs de plus de 90 cm. d’épaisseur. Le même schéma fut appliqué à Paestum33. Toutefois, ces interprétations ont ensuite été révisées, parfois par leurs auteurs eux-mêmes. À Cosa, la mise en évidence d’une salle souterraine dans “la pièce forte” conduisit à la comparer

26. A. Bartoli,

“Una seduta del senato di Ferentino”, RPAA, 25-26, 1949-1951, p. 89-93, notamment p. 91. C. Van Essen, “Ancora Ferentino”, Arch.Cl., 13, 1961, p. 151, suivi par par J.-Ch. Balty, Curia ordinis, Bruxelles, 1991, p. 29-32. 28. A. D’Alessio, “L’avancorpo dell’acropoli di Ferentino […]”, art. cit., p. 417-420. 29. A. Mau, Pompeji in Leben und Kunst, Leipzig, 1908 (2e éd.), p. 87 ; A. Maiuri, L’Ultima fase edilizia di Pompei, Rome, 1942, p. 34 et n. 2. 30. L. Richardson Jr., Pompeii. An Architectural History, Baltimore, 1988, p. 276. 31. A. Etxebarria Akaiturri, Los Foros romanos republicanos en la Italia centro-meridional tirrena. Origen y evolucion formal, Madrid, 2008, p. 224-227. 32. F. Brown, “Cosa I. History and Topography”, MAAR, 20, 1951, p. 81 ; F. E. Brown, E. Hill Richardson et L. Richardson Jr., Cosa III, Pennsylvania, 1993, p. 38-40 ; E. M. Lackner, Republikanische Fora, Munich, 2008, p. 81 n. 15 et p. 83 et n. 33. 33. E. Greco, Poseidonia-Paestum, III (CEFR, 42/3), Rome, 1987, p. 63-66. 27. C.

L’invisible aerarium des cités italiennes

avec le Tullianum de Rome, et donc à faire finalement du bâtiment un carcer34. Cette solution fut préférée également à Paestum35. On ajoutera que, dans les deux cités, aucun des théoriques aeraria ne s’ouvrait du côté du forum, ce qui posait en soi des problèmes techniques. Toutefois, les hésitations des archéologues ne font que refléter le témoignage des sources littéraires, qui montrent – certes dans un contexte extérieur à l’Italie – qu’un même local pouvait être utilisé à la fois comme réserve de fonds et comme prison36.

Les trésors civiques intégrés à d’autres bâtiments ? Puisque les édifices isolés ne fournissent pas d’exemples probants, on a cherché les aeraria à l’intérieur de bâtiments qui les engloberaient, curies, temples ou basiliques.

Le trésor comme dépendance de la curie La première option serait celle d’un aerarium servant d’annexe ou de substruction à une curie, elle-même identifiée par sa position dans l’axe du temple poliade et / ou par la présence de banquettes. Emanuele Greco et Dinu Theodorescu37 avaient avancé cette hypothèse alternative pour Paestum, en considérant que l’une des salles situées à l’arrière de la curie pouvait avoir fait office de trésor. La configuration observée se rapprochait alors de celle de Frégelles, où au début du iie siècle av. J.-C. fut construit un triportique enserrant une série de petites pièces disposées le long des murs latéraux de la curie. Des monnaies d’argent de Neapolis, découvertes dans trois des salles ouest, signalaient selon F. Coarelli l’emplacement de l’aerarium colonial38. La théorie du trésor servant de substruction à la curie serait quant à elle illustrée par la Vérone julio-claudienne. Sur le côté sud-ouest du forum, un édifice pratiquement carré surmontait la place de son podium. Au sud, l’escalier d’accès était 34. F.

Brown, Cosa. The Making of a Roman Town, Ann Arbor, 1980, p. 31-32 ; F. E. Brown, E. Hill Richardson et L. Richardson Jr., Cosa III, op. cit., p. 38-41. 35. E. Greco, Poseidonia-Paestum, III, op. cit., p. 66 posait déjà cette hypothèse comme une alternative à celle de l’aerarium. 36. Zon., 8, 3 indique qu’à l’annonce du débarquement de Pyrrhus en Italie, les Romains, informés de la défection imminente de plusieurs cités alliées, procédèrent à l’arrestation des notables de Préneste et les firent enfermer à Rome, dans les “thesauroi”. Toutefois, le terme thesauros et l’usage du pluriel doivent plutôt faire référence aux trésors des temples. Le récit de la mort de Philopoemen chez Liv., 39, 50, 1-4 suggère que le trésor civique de Messène fut au moins une fois utilisé comme prison. 37. E. Greco et D. Theodorescu, “Poseidonia-Paestum. Un exemple d’intégration urbaine à l’époque médiorépublicaine”, dans Akten des XIII Internationalen Kongresses für klassische Archäologie, Mayence, 1990, p. 96. 38. F. Coarelli, Fregellae I. Le fonti, la storia, il territorio, Rome, 1998, p. 59-60 et 67.

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interrompu par un replat qui permettait d’accéder aux substructions. Trois salles parallèles, à volta a botte, étaient encadrées par un ambulacrum périmétral en U. Giuliana Cavalieri Manasse39 y a vu des aménagements destinés au trésor et aux archives, et a cherché des parallèles à Cosa et à Luna.

Le modèle romain des fonds publics confiés à un temple 

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Toutefois, ailleurs en Italie, une autre solution architecturale aurait été privilégiée, celle de l’aerarium intégré aux substructions du temple poliade. C’est une nouvelle fois le dossier pompéien qui servit à élaborer ce schéma. La publication du sous-bassement du temple de Jupiter avait mis en évidence l’existence de six salles voûtées. Dans une première phase du bâtiment, l’escalier raccordant le forum au pronaos, aux deux tiers de sa hauteur, débouchait sur un palier d’où l’on pouvait emprunter un escalier descendant à l’intérieur du podium. Dès 1908, A. Mau40 identifia ces salles voûtées ou comme des fauissae, ou comme le trésor civique. Cette interprétation résultait, de son aveu même, d’un rapprochement avec Rome : “Wir können an die Schatzkammer unter dem römischen Saturntempel denken”. Il n’est donc pas fortuit que cette hypothèse ait été avancée uniquement pour des colonies romaines, notamment Liternum et Lucus Feroniae41. Toutefois, le modèle auquel on rapporte ces réalisations est en lui-même problématique. Si les sources littéraires associent bien l’Aerarium à l’aedes Saturni du Forum42, les archéologues se sont jusqu’à présent trouvés dans l’incapacité de déterminer où, concrètement, étaient conservés les deniers du peuple romain. Giuseppe Lugli43 avait proposé de localiser l’Aerarium dans une petite salle aménagée sous l’avant-corps sud-est de l’escalier du temple. Toutefois, l’exiguïté de l’espace disponible a conduit Patrizio Pensabene et F. Coarelli à récuser l’hypothèse44. La solution qui consisterait à placer le Trésor dans des pièces situées à l’intérieur du podium n’est pas formellement démontrable45. Enfin, P. Pensabene46, toujours pour 39. G. Cavalieri

Manasse, “Nuove indagini nell’area del foro di Verona”, dans M. Mirabella Roberti (dir.), “Forum et basilica” in Aquileia e nella Cisalpina romana, Udine, 1995, p. 266. 40. A. Mau, Pompeji in Leben und Kunst, op. cit., p. 64, à partir de A. Sogliano, “Pompei. Relazione degli scavi eseguiti durante il mese di agosto 1900”, NSA, 1900, p. 344. 41. Liternum : Ernst Kirsten, Süditalienkunde, Heidelberg, 1975, p. 547 ; E. M. Lackner, Republikanische Fora, Munich, 2008, p. 106. Lucus Feroniae : R. Bartoccini, “Colonia Iulia Felix Lucus Feroniae”, dans Atti dell’VII Congresso Internazionale di Archeologia Classica, II, Rome, 1961, p. 253. 42. F. Coarelli, “Saturnus, aedes”, dans LTUR, IV, Rome, 1999, p. 234. 43. G. Lugli, Monumenti minori del Foro Romano, Rome, 1947, p. 32-36. 44. P. Pensabene, Tempio di Saturno. Architettura e decorazione, Rome, 1984, p. 25 et 63 ; F. Coarelli, “Saturnus, aedes”, art. cit., p. 235. 45. Cette hypothèse, déjà avancée par Carlo Fea, a été reprise par L. Richardson, “The Approach of the Temple of Saturn in Rome”, AJA, 84, 1980, p. 55-56, qui renvoie de façon circulaire au capitolium de Pompéi. P. Pensabene, Tempio di Saturno […], op. cit., p. 80 et 176 souligne en revanche qu’on ne peut établir si la partie du podium située sous la cella était initialement pleine ou creuse. 46. P. Pensabene, Tempio di Saturno […], op. cit., p. 80.

L’invisible aerarium des cités italiennes

des raisons de place, exclut que ce soit la cella de l’aedes Saturni qui ait abrité l’Aerarium. L’option qui s’est par conséquent imposée est celle d’un transfert du Trésor et des archives comptables dans une dépendance du temple, que l’on situe dans le bâtiment républicain encore visible sous le portique des Dei Consentes47. Si l’on admet cette possibilité, il faut en déduire que les théoriques aeraria abrités dans les temples des colonies romaines auraient pérennisé une forme architecturale abandonnée à Rome depuis plusieurs siècles.

L’aerarium dans la basilique ? Toutefois, si l’on raisonne à partir du cas prénestin, une nouvelle possibilité s’offre. Les trésors pourraient avoir occupé le niveau inférieur d’une salle annexée à une basilique48. Cette configuration serait repérable à Pompéi et Herdonia49, et peut-être à Cosa et Lucus Feroniae50. À Pompéi comme à Herdonia, une exèdre était située dans l’axe de l’entrée de la basilique. La présence de structures en élévation a conduit les archéologues à en faire le tribunal des magistrats locaux. À Pompéi, deux portes situées dans les parois latérales de l’exèdre débouchaient sur des escaliers qui donnaient eux-mêmes accès à deux petites salles souterraines. À Herdonia, les fouilleurs évoquent une cave en sous-sol. Ces espaces enterrés auraient servi d’aerarium51. Concrètement, quelles étaient les activités accomplies devant le tribunal du magistrat qui pourraient avoir nécessité l’implantation en ce point du trésor civique, en d’autres termes avoir occasionné une entrée ou une sortie ? On sait que les responsables publics se tenaient sur le tribunal pour exercer leurs attributions administratives et juridictionnelles52. À ma connaissance, rien ne permet d’associer à ce lieu la perception des taxes locales, le paiement des biens mis en vente par 47. F.Coarelli,

“Moneta. Le officine della zecca di Roma tra Repubblica e Impero”, AIIN, 38-41, 1991-1994, p. 23-46 (synthétisé dans “I Flavi e Roma”, dans Diuus Vespasianus, Rome, 2009, p. 77-81) et “Substructio et tabularium”, PBSR, 78, 2010, p. 107-132. 48. J.-M. David, “Le tribunal dans la basilique : évolution fonctionnelle et symbolique de la République à l’Empire”, dans Architecture et société de l’archaïsme grec à la fin de la République romaine (CEFR, 66), Paris Rome, 1983, p. 223, 225, 235. Le contrôle effectué à partir du catalogue des basiliques italiennes dressé depuis par Annette Nünnerich-Asmus, Basilika und Portikus, Cologne - Weimar - Vienne, 1994 n’a pas permis de repérer de nouvelles attestations. 49. A. Nünnerich-Asmus, Basilika […], op. cit., p. 180-182, no 19 et p. 184-189, no 22. Pour la basilique de Pompéi, K. Ohr, Die Basilika in Pompeji, Berlin - New York, 1991. Pour Herdonia, V. Castagnolo, “La basilica di Herdonia. Esperienze e riflessioni sul rilievo e la rappresentazione del monumento”, dans G. Volpe et D. Leone (dir.), Ordona XI. Ricerche archeologiche a Herdonia, Bari, 2008, p. 395-396. 50. Cosa : F. E. Brown, E. Hill Richardson et L. Richardson Jr., Cosa III, op. cit., p. 211. Lucus Feroniae : R. Bartoccini, “Colonia Iulia Felix Lucus Feroniae”, art. cit., p. 253 et A. Arciuli, “Ricostruzioni tridimensionali e analisi archeologica dei monumenti : il caso della basilica di Herdonia”, dans G. Volpe et D. Leone (dir.), Ordona XI […], op. cit., p. 356-357. 51. J.-M. David, “Le tribunal dans la basilique […]”, art. cit., p. 223, 225, 235 ; K. Ohr, Die Basilika in Pompeji, op. cit., p. 77-78 ; A. Arciuli, “Ricostruzioni tridimensionali […]”, art. cit., p. 355 et 357. 52. H. Dale Johnson, The Roman Tribunal, Baltimore, 1927, p. 10 et 13.

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les autorités civiques53 ou le versement de la rémunération des redemptores54. Par ailleurs, à l’époque qui nous concerne, les procès privés ne donnaient plus lieu au versement d’un sacramentum. Dans le cas des actions populaires susceptibles d’aboutir à une amende55, si la comparaison avec le modèle romain est valide56, le condamné devait donner des praedes au questeur, non verser de l’argent sur le champ. La lex libitanaria de Puteoli suggère également que, pour les amendes relevant du pouvoir coercitif du magistrat, il y avait un intervalle entre l’ordre de perception et l’encaissement57. On voit donc mal pourquoi l’aerarium devrait être lié au tribunal 58. En somme, les tentatives pour identifier archéologiquement les trésors civiques paraissent quelque peu désespérées.

Les caractères structurels de l’administration des finances publiques

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La manière dont étaient gérées les finances locales pourrait en partie expliquer nos difficultés à localiser l’aerarium des cités. À titre d’exemple, on examinera un type d’entrée en particulier, les dons en numéraire des priuati aux communautés59. Ces dons ont été repérés soit grâce à une formule du type impensam / sumptum remisit60, soit grâce à un verbe comme dedere61, s’il régissait un datif tel que rei publicae, municipio, municipibus, coloniae, colonis, ciuibus, populo ou l’expression in publicum, et un montant en sesterces ou deniers62. Le corpus ainsi établi révèle trois tendances structurelles de l’organisation des finances civiques, la possibilité 53. La

lex Irnit., ch. 64, qui évoque la mise en vente des garanties déposées par les adjudicataires de contrats publics, déclare que le prix doit être acquitté in foro, mais cela semble être plus une clause de publicité qu’une indication topographique précise. 54. Le texte le plus précis est la Lex parieti faciendo de Puteoli (CIL, I², 698 = X, 1791 = ILLRP, 518) qui indique que la première tranche du paiement par la colonie se fait au jour de l’enregistrement des praedia, mais ne dit pas où l’opération a lieu. 55.  Lex Tarent., l. 32-38 ; Tab. Heracl., l. 89-97 ; Lex Vrson., ch. 61, 73-75, 81-82, 92, 97, 103, 125-126, 128-132. 56. Lex. latin. Bantin., l. 11 = RS, I, Londres, 1996, no 7, p. 200. 57. AE, 1971, 88 = 1993, 465 = 1995, 307 = 2003, 124 et 336 = 2004, 21. Col. II, l. 31-34. Cf. aussi col. III, l. 22-26. Le règlement prévoit, en cas de non-fourniture d’une prestation par l’adjudicataire, que le magistrat prononce une amende et en ordonne la perception, mais confie vraisemblablement (le texte est restitué) aux questeurs la responsabilité d’encaisser la somme. Il est donc probable que les deux opérations s’effectuaient en deux temps, et pas nécessairement au même endroit. 58. K. Ohr, Die Basilika in Pompeji, op. cit., p. 78, relevait d’ailleurs qu’à Pompéi, on se retrouve ainsi avec deux aeraria concurrents, l’un dans le Capitole, l’autre dans la basilique. 59. Je ne me dissimule pas le caractère partiel de cette partie de l’enquête, qui nécessiterait un examen systématique de tous les types de recettes, mais une telle étude ne peut se faire dans le cadre d’un article. 60. Sumptu remisso, sumpta remissa, remittendo sumptum / sumptus / impensam / impensas. 61. La recherche a porté sur dedere, donare, promittere, legare, relinquere, in-, ob-, conferre. 62. N’ont pas été intégrées au corpus les inscriptions qui concernaient des fondations établies au profit de collèges ou de particuliers, mais avec une clause de garantie prévoyant le retour du capital à la cité en cas de non-respect de la volonté du donateur. On a également laissé de côté les inscriptions comprenant l’expression de

L’invisible aerarium des cités italiennes

que l’encaisse ait été relativement limitée, que les fonds publics aient été dispersés en plusieurs endroits, et que du fait des techniques de paiement, certaines sommes enregistrées dans les comptabilités publiques n’aient pas transité par l’arca publica.

Combien y avait-il d’argent dans les arcae publicae ? 99 à 103 inscriptions répondant aux critères de sélection font état d’un don offert à une cité. Un quart des textes n’a pu être daté ; sur la masse restante, la moitié des occurrences remonte au iie siècle apr. J.-C. La distribution géographique de la documentation s’avère conforme aux tendances générales de l’épigraphie italienne. D’un point de vue typologique, les dons de numéraire ne correspondent que très rarement à des sommes honoraires : il s’agit généralement d’évergésies, réalisées pour les deux tiers du vivant du bienfaiteur et pour un tiers par disposition testamentaire. Or, près de 40 % des versements se firent dans le cadre de la constitution d’une fondation. Les sommes parfois impressionnantes évoquées par les inscriptions ne demeuraient donc pas dans la caisse publique. D’après ce que l’on peut savoir, elles donnaient lieu à deux types de placements, l’achat de biens fonciers qui étaient ensuite loués63, ou le prêt à intérêts64. L’aerarium ne voyait revenir à lui que le montant des loyers ou les usurae, donc des sommes bien moins conséquentes que les capitaux de départ. Cette prédilection pour les fondations reflète peut-être le souhait des évergètes de garder la haute main sur les fonds qu’ils mettaient à la disposition de la collectivité. La confrontation des sources épigraphiques et littéraires, possible dans le cas de la fondation alimentaire instituée par Pline le Jeune à Côme65, montre que ce qui apparaît dans l’inscription CIL, V, 5262 comme une somme d’un demi-million confiée aux autorités civiques correspondit en pratique à un montage beaucoup plus complexe. Pline cherchait à pallier la faible fiabilité des responsables locaux : les sommes offertes aux cités étaient dilapidées, et les terrains qui devaient procurer des revenus publics négligés. Afin de garantir la pérennité de sa fondation, Pline vendit donc l’un de ses biens-fonds à la cité de Côme, puis en devint locataire – probablement avec un bail de type emphythéotique – contre versement d’un uectigal annuel de 30 000 HS66. En l’occurrence, l’écart entre la somme évoquée par l’inscription et le montant effectivement conservé à l’aerarium de Côme est patent. sua pecunia : dans la mesure où pecunia peut signifier “patrimoine”, il n’est pas sûr que ces textes fassent référence à un versement d’argent. 63. CIL, XI, 379 (Ariminum) ; peut-être CIL, IX, 5845 = AE, 2003, 29 (Auximum). 64. St. Mrozek, “Le fonctionnement des fondations dans les provinces occidentales et l’économie de crédit à l’époque du Haut-Empire romain”, Latomus, 59, 2000, p. 334. 65. CIL, V, 5262 et Epist., 7.18.2. 66. Différentes interprétations ont été proposées de la lettre 7.18, mais la plus satisfaisante semble être celle de D. Johnston, “Munificence and Municipia: Bequests to Towns in Classical Roman Law”, JRS, 75, 1985, p. 117 et n. 84 et E. Lo Cascio, Il Princeps e il suo impero, Bari, 2000, p. 235-236.

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Combien y avait-il de caisses et où se trouvaient-elles ?

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Si l’on se concentre à présent sur les textes qui précisent l’affectation des fonds donnés aux cités, on constate à nouveau que ces versements furent majoritairement placés pour produire des revenus. Presque dans la même mesure, ils financèrent l’octroi d’honneurs tels que les statues. Viennent ensuite les opérations édilitaires, l’annona et l’organisation de ludi. On sait que les revenus tirés des biens civiques mis à la disposition des particuliers étaient gérés par le curator kalendarii67, mais que certaines fondations étaient administrées par un curateur ad hoc68. S’il est probable que le kalendarium correspondait à un registre comptable séparé69, on ne sait s’il impliquait l’existence d’une caisse spécifique70. En revanche, dans le cas des curatelles pecuniae annonae, pecuniae ad annonam ou pecuniae frumentariae, un passage du Digeste (50.4.1.2) évoque une arca frumentaria. Si l’on postule donc l’existence de plusieurs caisses, correspondant à différents postes de dépenses, on en vient à s’interroger sur l’endroit où elles étaient conservées : étaient-elles regroupées à l’aerarium local ou confiées à la responsabilité des différents curateurs ? Certaines dispositions contenues dans les règlements municipaux ou dans le Digeste suggèrent en tout cas qu’il arrivait que des responsables publics gardassent par-devers eux des fonds civiques. Deux rescrits d’Antonin et Marc Aurèle71 indiquent en particulier que l’on peut exiger des intérêts sur de l’argent public qui aurait été trop longtemps détenu par un magistrat ou un curateur.

Comment les cités acquittaient-elles leurs dépenses ? Enfin, la manière dont les cités effectuaient leurs paiements suscite l’interrogation. Quand une inscription indique qu’un évergète versa de son vivant une somme pour la construction ou l’ornement d’un édifice ou pour l’organisation de ludi, faut-il considérer que l’argent entra vraiment à l’aerarium, puis en ressortit . Japella Contardi, “Un esempio di ‘burocrazia’ municipale: i curatores kalendarii”, Epigraphica, 39, 1977, p. 76 ; S. Mrozek, “Die Stiftungen in der Kreditwirtschaft Italiens des 2. und 3. Jh. n. Chr.”, RSA, 28, 1998, p. 201 ; A. Magioncalda, “Donazioni private a fini perpetui destinate alle città”, dans Il Capitolo delle entrate nelle finanze municipali in Occidente ed in Oriente (CEFR, 256), Rome, 1999, p. 211-212. 68. C’est le fameux cas de la pecunia Valentini de Pisaurum (CIL, XI, 6377 et 6369), sur lequel voir G. Mennella, “La pecunia Valentini di Pesaro e l’origine dei curatores kalendarii”, Epigraphica, 43, 1981, p. 237-241 ; G. Cresci Marrone, G. Mennella, Pisaurum I. Le iscrizioni della colonia, Pise, 1984, p. 291-294 et 303-306. 69. Cette conclusion émane de la comparaison avec les comptabilités privées : G. Giliberti, “De la rente agricole à l’investissement financier : le rôle de l’esclave kalendario praepositus”, Topoi, 9, 1999, p. 171. 70. L’interprétation de l’inscription CIL, X, 5657 qui pourrait éventuellement fournir un indice en ce sens, est très mal assurée. 71. D., 50.8.11 (qui pourrait toutefois se référer non aux curatores en général, mais aux curatores operum publicorum) et 13. 67. L

L’invisible aerarium des cités italiennes

pour rémunérer un redemptor, ou bien que la communauté civique, au moment de payer l’entrepreneur, l’adressait à l’évergète, assimilé à un débiteur de la cité72 ? De leur côté, les documents qui rappellent la remise d’une dépense publique73 par un généreux donateur évoquent-ils le dépôt à l’aerarium civique d’une somme équivalente à une sortie précédemment effectuée pecunia publica, ou la prise en charge de la dépense par le bienfaiteur ? Une inscription comme CIL, V, 512774 semble aller dans le sens de la première option, tandis qu’en CIL, X, 609075, il est clair que l’argent public qui aurait dû servir à financer un bige ne fut pas dépensé. On ne peut donc tout à fait exclure l’hypothèse qu’une partie de l’argent inscrit sur les registres comptables publics ne soit jamais passée par l’arca publica.

Au total, force est de reconnaître le caractère bien incertain de nos connaissances sur les bâtiments de l’administration financière. Les inscriptions édilitaires, parce qu’elles célèbrent principalement les opérations de grande ampleur et les réalisations des évergètes, ne font pas état des aeraria. Ces locaux, qui n’étaient guère qu’une variété d’espace de stockage, ne présentent pas de traits distinctifs qui les rendraient aisément identifiables par les archéologues. Les sources littéraires et juridiques, qui semblent les seules vraiment aptes à éclairer les principes suivis dans la gestion des fonds publics, sont peu prolixes en la matière. Si toutefois, comme nous l’avons supposé, une part non négligeable de l’argent des cités était conservée entre les mains de particuliers – qu’il s’agisse des évergètes qui préféraient contrôler la gestion de ce qu’ils avaient offerts ou des fermiers des impôts qui ne versaient qu’une fois dans l’année ce qu’ils devaient à la cité ; si les fonds civiques étaient dispersés entre plusieurs arcae, il n’était peut-être pas toujours indispensable d’avoir un local servant d’aerarium. Un coffre-fort situé dans un bâtiment public pouvait suffire. En revanche, il était vital pour la cité de tenir précisément ses registres comptables, qui seuls permettaient de connaître l’emplacement effectif des fonds appartenant à la collectivité.

72. Ce

système oblique s’apparenterait au receptum du banquier (J. Andreau, La Vie financière dans le monde romain (BEFAR, 265), Rome, 1989, p. 597-602) ou à la transcriptio a persona in personam évoquée par Gaius 3.130. 73. En général, il s’agit des frais occasionnés par l’érection d’une statue honorifique. 74. CIL, V, 5127 = AE, 1984, 435 = 1998, 599 = SIt, 16, Rome, 1998, p. 345-346, no 4 = AE, 1984, 435 = 1998, 599 = SIt, 16, Rome, 1998, p. 345-346, no 4 (Bergame) : [re]mittendo inpens[as quas] / p[rio]rum temporum res p nostra contulerat… 75. Formiae : inpendium bigae quam populus ex collatione legatiui epuli offerebat remisit… M. Fora, EAOR, IV, Rome, 1996, p. 54 fait du legatiuum epulum les intérêts d’une fondation testamentaire.

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13

Un montage entre finances publiques et associatives au iie siècle : à propos de l’organisation des ludi seuirales à Nîmes (AE, 1982, 680) Nicolas Tran

Résumé –

Une inscription nîmoise découverte la fin des années 1970 apporte des éléments intéressants sur l’organisation interne du sévirat augustal. Étudiée par J. Gascou et M. Christol, elle est pourtant si riche et complexe qu’elle n’a pas encore livré tous ses secrets. Cet hommage rendu à une flaminique d’Apt, Attia Patercla, se trouve justifié par les libéralités de son père qui, entre autres évergésies, confia 300 000 sesterces à la caisse des sévirs augustaux de Nîmes, pour que soient financés à l’avenir les ludi seuirales. L’inscription révèle un montage singulier entre finances publiques et associatives et, pour le dire autrement, la mise en relation financière des deux volets – distincts et complémentaires – du sévirat augustal : l’honor seuiratus et l’appartenance à un corpus de sévirs. À la manière d’une association d’entraide, le corpus des sévirs nîmois était appelé à faciliter l’accès au sévirat, en allégeant la lourde charge qu’il représentait pour ses titulaires. La cité était gagnante elle aussi, puisqu’une caisse autonome en venait à financer des réjouissances publiques. Mots-clés –

Finances civiques - Sévirs augustaux - Associations - Jeux - Évergétisme.

Anstract –

An inscription from Nîmes, discovered at the end of the 1970s, provides interesting information on the internal organization of the seuiratus Augustalis. Already studied by J. Gascou and M. Christol, it is so rich and complex that it has not revealed all its secrets yet. This homage paid to a flaminica in Apt, Attia Patercla, is justified by the generosity of her father who, among other donations, gave 300,000 sesterces to the treasury of the seuiri Augustales from Nîmes, in order to fund the ludi seuirales in the future. This inscription reveals a specific financial package, involving the city and the local association of the seuiri Augustales; in other words, the honor seuiratus and the membership in the corpus seuirorum. Acting like a mutual aid association, the corpus seuirorum from Nîmes could make the access to sevirate easier: the foundation alleviated the burden of the sevirate. The city was winning too, since a private fund financed a public festival. Keywords –

Civic Finances - Seuiri Augustales - Associations - Games -Evergetism.

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urant les fouilles de l’enceinte tardive de Nîmes, menées entre 1975 et 1978, fut découvert un lot de monuments inscrits, en remploi, mais à proximité immédiate de l’amphithéâtre. Deux documents de nature honorifique concernent justement l’organisation de spectacles, dans la seconde moitié du iie siècle probablement. Gravé sur une base en calcaire d’un mètre de haut, l’un évoque le financement perpétuel des jeux des seuiri Augustales. Publié par J. Gascou en 1982, il s’est révélé complexe et riche d’enseignements1. La difficulté première porte sur sa lecture. Elle est particulièrement délicate à la cinquième ligne, ce qui a conduit M. Christol à corriger la transcription de J. Gascou2.

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Attiae L(uci) fil(iae) Pa terclae flami nicae perpet(uae) gra4 tuitae decret(o) or dinis [I(uliensium)] A[p]t(ensium), ob libera litates [p]atri[s] eius qui praeter cetera CCC(milia) HS 8 rei pub(licae) (se)uirorum reliquit ad ludos se uiral(es) in perpet(uum) celebr andos, Daphnion, 12 lib(ertus). vac. L(ocus) d(atus) d(ecreto) d(ecurionum).

Le point discuté est essentiel à la compréhension du document, mais ne concerne pas le legs de 300 000 sesterces à la res publica des sévirs augustaux de Nîmes. Si les hastes centrales de IIIIIIVIRORVM ont disparu à la huitième ligne, et si le A de la ligne inférieure est endommagé, la séquence est tout de même limpide. Plus haut en revanche, après les lettres DINIS qui ouvrent la cinquième ligne, la compréhension de [–]A[–]T est épineuse. J. Gascou a d’abord supposé que le superlatif [s]a[nc]t(issimi) servit à qualifier l’ordre des décurions de Nîmes3. Cependant, l’espace disponible dans la seconde lacune a semblé insuffisant à M. Christol, si bien qu’il proposa de restituer plutôt [I] A[P]T. Aurait été rappelé l’octroi du flaminat perpétuel à Attia Patercla par la colonie d’Apt4. D’où la nécessité de ponctuer avant ob liberalitates [p]atri[s] eius, le premier décret décurional ne portant que sur le 1. G. Barruol et J. Gascou, “Nouvelles inscriptions exhumées d’une enceinte du Bas-Empire à Nîmes”, RAN, 15, 1982, p. 276-309 (d’où AE, 1982, 680). 2. M. Christol, “À propos d’hommages publics en Gaule Narbonnaise”, MEFRA, 117/2, 2005, p. 555-566 (d’où AE, 2005, 1006). 3. Parallèles fournis par AE, 1982, 681-682 ; 1987, 752. 4. Selon M. Christol (“À propos d’hommages publics […]”. art. cit., p. 566), Attia Patercla était d’une famille nîmoise, mais elle se serait mariée dans la colonie d’Apt où la position de sa belle-famille parmi les notables lui aurait valu le flaminat à titre gratuit, en remerciement d’actes de générosité. L’hommage rendu à Nîmes s’expli-

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flaminat perpétuel. Au moins en apparence, l’implication directe et explicite des décurions nîmois dans les honneurs décernés à Attia Patercla, et à travers elle à son père, s’est sans doute bornée à l’attribution d’un emplacement sur la voie publique. Le commanditaire de l’hommage est nommé. Il s’agit de l’affranchi (L. Attius) Daphnion qui fut l’esclave du père, si ce n’est de la fille. À s’en tenir à la lettre du texte, la justification de l’hommage rendu à Attia Patercla par les libéralités paternelles est avancée par ce même Daphnion. Bien que le texte n’apporte pas la preuve du contraire, rien n’indique explicitement que les considérants gravés sur la pierre sont extraits d’un décret décurional5. Aussi parvient-on à la traduction suivante : À Attia Patercla, fille de Lucius, flaminique perpétuelle à titre gratuit par décret de l’ordre de Iulia Apta, en raison des mérites de son père qui, outre ses autres bienfaits, a légué 300 000 sesterces au trésor public des sévirs pour que soient célébrés pour toujours les jeux des sévirs, Daphnion, son affranchi. Emplacement donné par décret des décurions.

Beaucoup a déjà été dit sur cette pierre. Néanmoins, il semble que le commentaire puisse encore être étoffé, en s’intéressant aux structures du sévirat augustal que laisse percevoir le legs du père d’Attia Patercla. Cette donation reposait sur un montage certes singulier, mais traduit bien la relative complexité de l’intégration des sévirs à la cité.

Une passerelle entre les deux volets de l’augustalité Les historiens s’accordent sur le fait que le sévirat augustal recouvrait deux réalités distinctes et complémentaires, qui se succédaient dans le temps et dans le parcours de ses titulaires. En premier lieu, le sévirat constituait un honor municipalis : une fonction officielle, exercée dans le cadre d’un mandat déterminé, sous le contrôle des autorités civiques. Ainsi, Sex. Licinius Helicon reçut de l’ordo de Nîmes les ornements séviraux à titre gratuit, avant de devenir sévir à part entière6. querait par sa mort prématurée, suivie de peu par celle de son père. Outre la donation faite aux sévirs, le testament du père devait exiger de l’affranchi Daphnion la réalisation matérielle de l’hommage. 5. J. Gascou (“Nouvelles inscriptions […]”, art. cit., p. 284) affirme : “Si l’ordo nîmois est si reconnaissant au père d’Attia Patercla d’avoir, en particulier, légué une importante somme d’argent au collège des seviri, c’est sans doute que ce versement allégeait d’autant les obligations de la municipalité de Nîmes envers le trésor des sévirs.” Nous allons voir que ce seraient plutôt les obligations des sévirs à l’égard de la municipalité que le bienfaiteur a dû chercher à alléger. M. Christol (“À propos d’hommages publics […]”. art. cit., p. 565) parle pour sa part “des considérants de l’ordo de Nîmes, acceptant les clauses du testament du père d’Attia Patercla.” Certes, les décurions de Nîmes étaient sûrement reconnaissants à l’égard de ce donateur régulier. Toutefois, ce n’est pas ce que l’hommage rendu par Daphnion affirme explicitement, même si l’affranchi a pu reprendre à son compte une formulation employée par l’ordo au moment de l’attribution du locus. 6. M. Christol, J. Gascou et M. Janon, “Les seviralia ornamenta gratuita dans une inscription de Nîmes”, Latomus, 46, 1987, p. 388-398 ; d’où AE, 1987, 752 (datée de la seconde moitié du iie siècle).

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Cette faveur fait écho à une demi-douzaine d’inscriptions italiennes et hispaniques citant l’implication des décurions dans l’attribution de l’augustalité. La gratuité décernée à cette occasion explique le plus souvent la référence à une intervention décurionale, mais l’ensemble de la documentation suggère que les sévirs augustaux étaient désignés par les décurions, ou en tout cas sous leur contrôle7. En revanche, aucun indice d’une limitation dans la durée n’apparaît à Nîmes. Des parallèles italiens et hispaniques n’autorisent pourtant aucun doute. Il est souvent fait état de cas d’itération du sévirat8. Moins citée faute d’avoir été reprise par l’Année Épigraphique, une inscription de la région de Ségovie évoque l’honor seuiratus de L. Terentius Sextio, quem gessit [[Aproniano]] et Maurico co(nsulibus) : qu’il remplit durant l’année 1919. Dans le cadre d’un tel honor, les sévirs augustaux étaient soumis à des obligations pesant sur leur patrimoine. La première d’entre elles consistait à verser une somme honoraire dans la caisse municipale10. Ainsi, deux monuments de Lucus Feroniae furent dédiés par des seuiri Augustales : ex pecunia sua et honorari(a) ex decreto decurionum, pour le premier, et ex honoraria sum[ma] d(ecurionum) d(ecreto), pour le second11. Qu’un décret des décurions soit nécessaire à une affectation particulière des sommes honoraires confirme qu’il s’agissait bien d’argent public, destiné à la municipalité et contrôlé par elle. Au ier siècle, un riche médecin affranchi d’Assise, P. Decumius Eros Merula, donna 2 000 sesterces, pro seuiratu in rem p(ublicam) : comme rien ne précise ici que cette res publica soit celle des sévirs, il est clair que la somme revint à la caisse municipale12. En outre, les sévirs augustaux se livraient souvent à des actes de générosité ob honorem qui venaient s’ajouter à la summa honoraria13. Prenant la forme de monuments cultuels, finançant des festivités ou des travaux publics, ces dons devaient profiter à la cité tout entière. Une inscription de Bétique signale même une demande émise par le populus. Dans le municipium Aurgitanorum, L. Manilius Gallus et L. Manilius Alexander, deux probables coaffranchis, financèrent la construction de deux cents places de spectacle chacun, ob

7. Ainsi,

L. Iunius Puteolanus se présenta à Suel (en Bétique) comme un (se)uir Augustalis in municipio Suelitano d(ecreto) d(ecurionum) primus et perpetuus : CIL, II, 1944 ; AE, 1990, 537. L’album des Augustales de Liternum, publié par G. Camodeca, “Albi degli Augustales di Liternum della seconda metà del ii secolo”, AION (Arch.), 8, 2001, p. 163-182 (d’où AE, 2001, 854), s’ouvre par l’expression Ex SC Augustales creati. Un décret municipal de Copia Thurii, malheureusement très mal conservé, aurait très explicitement fait référence à la nomination des Augustales par le sénat local (voir AE, 2008, 441). 8. R. Duthoy, “Les *Augustales”, ANRW, II, 16.2, 1981, p. 1270, n. 115 (voir en outre AE, 2008, 475, de Reate). 9. G. Alföldy, “Eine römische Inschrift aus Duratòn in der Hispania Citerior”, ZPE, 27, 1977, p. 222-228 (de Duratòn). 10. R. P. Duncan-Jones, The Economy of the Roman Empire. Quantitative Studies, Cambridge, 1974, p. 152-154 ; 215-217. 11. AE, 1978, 295 (= 1988, 553) a. 33 ; AE, 1988, 549, a. 27/28. 12. CIL, XI, 5400. 13. CIL, X, 7267, 7269 (Palerme).

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honorem VI(ui)r(atus) secundum petitionem m(unicipum)14. Or un apport majeur de l’hommage rendu à Attia Patercla concerne les obligations coûteuses imposées aux sévirs augustaux. Unique document où apparaissent des ludi seuirales organisés dans une cité de l’Empire, le texte nîmois confirme que l’organisation de jeux faisait partie des exigences du sévirat15. Leur existence était présumée depuis longtemps, car les libéralités des sévirs eurent souvent trait à des ludi ou à des spectacula16. Toutefois, aux yeux des spécialistes, l’objectif visé par les inscriptions ne permettait guère de faire le tri entre editiones évergétiques et editiones imposées, à supposer que cette distinction ait jamais eu un sens. L’interprétation du fronton d’un monument funéraire de Teate Marrucinorum en fournit l’illustration. C. Lusius Storax y fut représenté en éditeur d’un plausible ludus seuiralis, au centre de la composition et sans doute encadré par les quattuorvirs de la cité. Pour établir un lien entre la dignité de sévir augustal revendiquée par Storax sur son épitaphe et les scènes sculptées, M. Torelli compta douze togati au second plan et identifia parmi eux : un questeur recevant le paiement d’une summa honoraria, les cinq collègues de Storax entrant en fonction et enfin les seuiri de l’année précédente17. À tout le moins, la référence au sévirat n’est guère évidente et, si Storax avait bien fait représenter un ludus seuiralis sur son tombeau, force serait de constater que les jeux furent présidés par lui seul et non par les seuiri Augustales collégialement. L’alternative serait d’extraire le monument de Storax du dossier des ludi seuirales. De son côté, R. Duthoy exclut presque toute la documentation disponible en 1981 de la catégorie “des jeux organisés par les *augustales en leur qualité d’*augustales”, y compris les mentions de jeux associées à la commémoration de dons ob honorem seuiratus. Son argumentation est cependant discutable, car elle s’appuie sur trois donations de monuments cultuels, dont la dédicace fournit l’occasion de rappeler l’édition de jeux, qui ne correspond donc pas à l’évergésie ob honorem elle-même18. En outre, faut-il se convaincre que les ludi 14. CIL,

II2/5, 31. renvoie dans l’Histoire Auguste (Vie de Marc Aurèle, VI, 3) aux jeux des seuiri equitum Romanorum, à Rome. M. Bertinetti, “L’augustalità: nuova testimonianza di un seviro evergete”, dans M. L. Caldelli, G. L. Gregori et S. Orlandi (éds.), Epigrafia 2006, Rome, 2008, p. 803 (repris par AE, 2008, 1709) a récemment publié l’inscription (de provenance indéterminée) d’un seuir Augustalis ayant fait une donation pro ludis Augustalibus. 16. G. Ville, La gladiature en Occident des origines à la mort de Domitien, Rome, 1981, p. 188-193 ; R. Duthoy, “Les *Augustales”. art. cit., p. 1301-1302 ; M. Fora, I munera gladiatoria in Italia. Considerazioni sulla loro documentazione epigrafica, Naples, 1996, p. 34-35. Compte tenu du recrutement social du sévirat, il faut vaisemblablement insérer dans le dossier des jeux des sévirs un extrait de Martial évoquant des munera donnés à Bologne et à Modène, par un cordonnier et un foulon (Mart., Ep., III, 59, 1-2). 17. M. Torelli, “Il monumento di Lusius Storax. Il frontone”, dans R. Bianchi Bandinelli (dir.), 10. Studi Miscellanei. Sculture municipali dell’area sabellica tra l’età di Cesare e quella di Nerone, Rome, 1966, p. 72-84. La présence de licteurs, dont les faisceaux sont parfois représentés sur des épitaphes de sévirs, en faisant écho à un passage du Satiricon (XXX, 1-2), renforce l’identification d’un ludus seuiralis. 18. R. Duthoy, “Les *Augustales”. art. cit., p. 1302, à propos de CIL, II, 13 (Balsa) ; 1108 (Italica) ; II2/7, 29 (Iliturgi). 15. L’expression

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seuirales étaient toujours pris en charge et organisés par les six titulaires ? Dans la Rome républicaine, les jeux des édiles pouvaient procéder d’editiones séparées ou d’une editio assumée par un seul édile19. Attestées en plusieurs points de l’empire, les dépenses imposées pro ludis (à la place des jeux) à des *Augustales laisseraient plutôt présumer que tous n’endossaient pas les habits d’éditeur, même s’il était attendu qu’ils contribuassent à des dépenses publiques20. La spécificité du montage prévu par le père d’Attia Patercla résida dans le financement de telles dépenses ni par la cité ni par des individus, mais par des fonds associatifs.

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En second lieu, les anciens titulaires du sévirat formaient des communautés pérennes dont l’organisation et les activités étaient similaires à celles d’associations de droit privé. Les historiens ont trouvé un point d’accord précoce sur ce point, même si A. Abramenko a pu amender les théories encore en vigueur au début des années 199021. Il a ainsi démontré que la dualité articulant l’honor seuiratus et l’existence de collectivités regroupant ses anciens titulaires, n’était pas le fruit d’une évolution tardive et spontanée. Comme bien des associations professionnelles de Gaule Narbonnaise et comme leurs homologues de plusieurs cités de la Province22, les sévirs augustaux de Nîmes formaient un corpus et pouvaient donc se présenter comme des corporati23. En cette qualité, ils se donnaient des patrons et probablement des magistrats, bien que l’attestation n’en soit pas encore conservée à Nîmes : les seuiri Augustales corporati d’Arles et de Lyon désignaient, eux, des curatores en leur sein24. Les corporati étaient aussi invités à voter des décrets, comme le montrent plusieurs inscriptions de Narbonne notamment25. Les inscriptions de Liternum et de Misenum tendent, elles, à confirmer que des sacra en rapport avec la domus diuina s’ajoutaient aux moments de convivialité26. Cette vie sociale prenait place dans les locaux dont disposaient les sévirs. 19. G. Ville,

La gladiature en Occident […], op. cit., p. 95-96. XI, 3083 (Falerii) ; 3781-3782 (Veii) ; AE, 1991, 543 (Aufidena) ; AE, 1996, 1559 (Caesarea Maritima) ; AE, 2008, 1709 (Antium ou Ostia). CIL, IX, 808 (Luceria) évoque le pavage d’un tronçon de rue par deux Augustales, pro munere. Sur les dépenses pro ludis en général, voir G. Chamberland, The Production of Shows in the Cities of the Roman Empire: A Study of the Latin Epigraphic Evidence, Hamilton, 2001 (PhD inédit, MacMaster University), p. 166-169. 21. A. Abramenko, “Die innere Organisation der Augustalität: Jahresamt und Gesamtorganisation”, Athenaeum, 81, 1993, p. 13-37. 22. Un corpus des sévirs augustaux est attesté à Marseille (CIL, XII, 400), à Aix-en-Provence (CIL, XII, 523, 530), à Arles (CIL, XII, 689, 704, 1005) et à Antibes (ILN, Antibes, 15-16). 23. CIL, XII, 3201, 3213, 3221, 3235, 3236, 3258, 3277, 3290, 5904. 24. Sur les patrons des sévirs nîmois : CIL, XII, 3213, 3236. Sur les curateurs des corps d’Arles et de Lyon : CIL, XII, 1005 (de Glanum) ; XIII, 1966-1967 (de Lyon) ; ILGN, 423 (inscription nîmoise citant un curateur des sévirs de Lyon). 25. CIL, XII, 4354, 4388, 4397, 4406. 26. Sur Liternum : G. Camodeca, “Albi degli Augustales di Liternum […]”, art. cit., p. 163-182 (d’où AE, 2001, 853-854). Sur Misenum : A. De Franciscis, Il sacello degli Augustali a Miseno, Naples, 1991 (d’où AE, 1993, 20. CIL,

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Pour financer leurs activités collectives, les corps d’*Augustales pouvaient disposer de caisses propres. Elles sont attestées dans l’épigraphie italienne, par des mentions certes sèches, mais montrant tout de même qu’il s’agissait de caisses associatives. Ainsi, sur une base dédiée à la pietas d’Hostilia Hostiliana, les seuiri Augustales de Brescia évoquèrent la permission reçue de l’empereur Antonin le Pieux d’avoir une arca27. La formulation du texte rappelle un célèbre fragment de Gaius, faisant de la jouissance officielle d’une arca communis un privilège accordé à un petit nombre de collèges28. Parfois gérées par des magistrats spécifiques29, ces caisses étaient indépendantes des finances de la cité. Une inscription de Timgad semble souligner cette séparation, dans une grammaire certes quelque peu maladroite30. Cette dédicace à Cérès Auguste signalait la restauration d’un temple par l’arca Augustalium a re publica separatorum. Il semble qu’il faille comprendre que les finances du corps des Augustales étaient distinctes des finances municipales. En Gaule, deux inscriptions de Narbonne évoquent des versements à l’arca seuirorum dans le cadre de fondations, comme à Nîmes31. Licinia Pallas fit don d’une statue du sévir augustal Q. Iulius Servandus à ses confrères et versa 1 000 sesterces dans leur arca pour l’entretien du monument32. La seconde fondation ressemble par certains aspects au geste de Daphnion. Le sévir L. Aemilius Moschus éleva en effet une statue au sénateur L. Aemilius Arcanus, son patron, post obitum eius, et donna 4 000 sesterces à la caisse de ses confrères, ob locum et tuitionem33. Il y a tout lieu de croire que le legs de 300 000 sesterces aux sévirs nîmois s’est placé dans un cadre associatif similaire. Certes, la formulation du texte peut susciter l’hésitation, car la res publica seuirorum et non l’arca corporis seuirorum Augustalium apparaît sur la pierre. Néanmoins, rien ne prouve que cette expression un peu curieuse recouvre une organisation financière distincte de la jouissance d’une caisse associative. Je me démarque sur ce point de J. Gascou qui, en opposant les inscriptions de Nîmes et de Timgad écrivait : “Au contraire, à Nîmes, l’emploi du mot 466-469) ; G. Camodeca, “Iscrizioni nuove o riedite da Puteoli, Cumae, Misenum”, AION (Arch.), 3, 1996, p. 161-169, no 12 (d’où AE, 1996, 424) ; J. H. D’Arms, Romans on the Bay of Naples and Other Essays on Roman Campania, Bari, 2003 (reprise d’un article de 2000 ayant suscité AE, 2000, 344). 27. CIL, V, 4428. 28. Gaius, Ad ed. prou., 3 (Dig., III, 4, 1, pr.-1). 29. Voir AE, 1987, 333 (un curator arcae seuirum d’Alba Fucens) ; AE, 1996, 601 (un quaestor arcae Augustalium de Casuentum, en Ombrie) ; CIL, X, 6677 (un curator arcae Augustalium d’Antium). Cosmion, Augustalium corpor(atorum) Misenensium ser(uus), était chargé des encaissements des sommes reçues par le corpus (AE, 2000, 344b). 30. D., 9396. 31. Sur les fondations de Narbonnaise, voir A. Magioncalda, “Epigrafia e ‘fondazioni’ dalla Narbonense: un aspetto dell’evergetismo”, Atti dell’Accademia ligure di scienze e lettere, 49, 1992, p. 471-498. 32. CIL, XII, 4397. 33. CIL, XII, 4354.

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respublica semble indiquer que la caisse des seviri Augustales est alimentée au moins en partie, puisque les seviri devaient la summa honoraria de règle en entrant en fonction, par les fonds de la municipalité.”34 Je pense, au contraire, que la summa honoraria n’était pas versée dans l’arca du corpus (mais dans celle de la cité) et que la res publica seuirorum nîmoise ne désignait pas autre chose que la caisse associative. L’emploi de res publica est certes remarquable, mais n’est ni aberrant ni même tout à fait surprenant, au regard des pratiques des associations privées de l’Occident romain. De fait, res publica était parfois utilisée pour désigner les biens d’un collège. Par exemple, L. Sextilius Seleucus, décurion du collège des centonaires de Rome, se conduisit en évergète, en donnant une statue, sa base de marbre, deux candélabres ciselés et 5 000 deniers à ses confrères35. La somme fut attribuée ark(ae) rei publicae collegii s(upra) s(cripti). Dans l’ager Albanus, M. Aurelius Plebeius fut honoré pour sa gestion irréprochable de la res publica d’un corpus d’artistes scéniques36. J’ai tenté de montrer ailleurs que les associations privées avaient tendance à définir leurs activités et leurs biens comme “publics” parce que communs, et parce que ces collectivités pouvaient d’autant mieux imiter les cités qu’elles avaient reçues des droits, qui avaient été préalablement reconnus aux cités37. En somme, la res publica seuirorum de Nîmes ne devait se distinguer en rien de la res communis Augustalium de Misène38. Celle-ci était clairement indépendante de la res publica municipium Misenensium, puisqu’en enrichissant la res communis des Augustales de 30 000 sesterces déposés dans leur arca, Tullius Eutychus prévît que la somme reviendrait à la res publica municipum, si les conditions de sa fondation n’étaient pas respectées. Le premier volet du legs du père d’Attia Patercla n’était donc pas original, dans le sens où il constituait une libéralité à l’égard d’une communauté associative. Le dispositif prévu était cependant singulier, dans le sens où la fondation instituée (le second volet de l’acte décrit) n’avait pas vocation à financer la vie associative elle-même, mais une activité à la fois distincte et connexe : l’exercice d’un honor municipalis. Pour comprendre le document, il faut donc se demander à quoi servit précisément le geste du père d’Attia Patercla.

34. G. Barruol

et J. Gascou, “Nouvelles inscriptions […]”, art. cit., p. 284. VI, 9254. 36. CIL, XIV, 2299. 37. N. Tran, “Associations privées et espace public : les emplois de ‘publicus’ dans l’épigraphie des collèges de l’Occident romain”, dans M. Dondin-Payre et N. Tran (éds.), Collegia. Le phénomène associatif dans l’Occident romain, Bordeaux, 2012, p. 63-80. 38. AE, 1993, 468 (a. 102). 35. CIL,

Un montage entre finances publiques et associatives au iie siècle : à propos de l’organisation des ludi seuirales à Nîmes (AE, 1982, 680)

À qui profite le legs ? De nature testamentaire, l’ultime libéralité du père d’Attia Patercla avait suivi plusieurs autres gestes généreux, auxquels fait allusion l’expression “praeter cetera”. Il est possible que ces dons du vivant aient bénéficié à la cité tout entière, ce qui aurait encore plus justifié que les décurions acceptent qu’un hommage soit rendu à Attia Patercla ob liberalitates patris eius. Toutefois, en apparence au moins, les décurions n’étaient pas directement concernés par la fastueuse fondation de 300 000 sesterces. Ce montant la plaçait en bonne position dans l’échelle générale des fondations39. Dans le cadre d’un placement à 6 %, 18 000 sesterces d’intérêts annuels auraient été perçus, ce qui constituait une grosse somme. Qui venait-elle soulager ? Cette question revient à s’interroger sur le mode de financement des ludi seuirales nîmois, avant le legs reçu par le corpus. Notre ignorance sur ce point est totale, mais les sources relatives aux jeux organisés par les magistrats des cités permettent d’envisager deux possibilités, non exclusives l’une de l’autre40. Les lois municipales de la péninsule Ibérique, la lex Irnitana notamment, montrent que des subventions pouvaient être allouées aux éditeurs de jeux, sous le contrôle de l’ordo41. Par une générosité suscitée par une forte pression sociale et des intérêts bien compris, les organisateurs pouvaient cependant renoncer à ce financement ou le compléter, en engageant leur fortune personnelle. La loi de la colonie d’Vrso fixait ainsi la somme minimale que les duumvirs et les édiles devaient payer, en plus de la subvention qu’il était permis de leur attribuer42. J’avance donc l’hypothèse selon laquelle le père d’Attia Patercla a donné, non pas à la cité pour qu’elle subventionne les ludi seuirales, mais au corps des sévirs pour qu’il soulage ses futurs membres d’une obligation qui avait pesé sur leurs prédécesseurs. De fait, il paraît plausible que le principal objectif du donateur consista à alléger la charge que représentait l’honor seuiratus, pour les individus qui y accédaient chaque année. Quelques documents laissent percevoir cette lourdeur et le désir d’y échapper. Ils ne sont ni nombreux ni explicites, car il aurait été inconvenant de s’ouvrir sur la pierre de ces questions d’argent. Néanmoins, le souci de préserver le patrimoine d’affranchis susceptibles de devenir sévirs transparaît sur une inscription de Barcelone. Centurion ayant reçu l’honesta missio des empereurs Marc Aurèle et Lucius Verus, L. Caecilius Optatus légua 7 500 deniers à la res publica Barcinonensium, pour que soit donné un spectacle annuel de pugilat 39. R. P. Duncan-Jones,

The Economy of the Roman Empire […], op. cit., p. 171-184 ; J. Andreau, “Fondations privées et rapports sociaux en Italie romaine (ier-iiie s. apr. J.-C.)”, Ktèma, 1977, p. 157-209. 40. G. Chamberland, The Production of Shows […], op. cit., p. 159-166. 41. Voir la rubrique LXXVII de la loi d’Irni (AE, 1986, 333). 42. CIL, II, 5439 ; M. Crawford (éd.), Roman Statutes, Londres, 1996, 25, LXX-LXXI. Voir G. Ville, La gladiature en Occident […], op. cit., p. 175-177 ; G. Chamberland, “A gladiatorial show produced in sordidam mercedem (Tacitus Ann. 4.62)”, Phoenix, 61, 2007, p. 137-139.

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et que de l’huile soit distribuée dans les thermes43. Il y mettait néanmoins une condition : l’exemption de ses affranchis et des affranchis ses affranchis des omnia munera seuiratus. L’organisation des ludi seuirales devait en faire partie, même s’il faut probablement comprendre que les affranchis d’Optatus devaient être excusés de toute charge, et non de la seule organisation de combats de gladiateurs associés aux jeux44. Le père d’Attia Patercla fit à la fois moins qu’Optatus (car il ne finançait que les ludi) et bien plus (puisque sa générosité devait profiter à tous les nouveaux sévirs). Ce faisant, il dut rendre le sévirat plus facile à assumer et donc plus attractif pour des individus séduits par le prestige civique qu’il apportait, mais potentiellement refroidis par son coût. Une inscription calabraise, de l’antique Petelia, porte justement sur l’envie de devenir Augustalis, tout en conservant elle aussi la mémoire d’un legs évergétique. Son auteur, M’. Megonius Leo, fut l’un des plus grands notables de sa cité45. Il fut magistrat à l’époque d’Antonin le Pieux et pas moins de cinq hommages publics louèrent sa générosité. Le plus court apparaît sur une base érigée ob merita, à la suite d’une souscription des décurions, des Augustales et du populus46. Un autre concerne une fondation testamentaire de 100 000 sesterces. Dans un premier extrait de son testament, le défunt s’engageait au versement de cette somme à la cité, à condition qu’une statue en pieds soit élevée sur le modèle de celle que les Augustales avaient fait sculpter à son effigie, à côté d’une autre encore, due aux municipes. 6 000 sesterces d’intérêts annuels devaient financer une distribution de sportules le jour de son anniversaire : 150 deniers devaient alors revenir aux Augustales. Par ailleurs, les municipes rendirent hommage à la mère de leur bienfaiteur, Lucilia Isaurica, et sans doute à son épouse, Caedicia Iris47. Dans les deux cas, Leo avait légué 100 000 sesterces pour que leur mémoire soit conservée. Enfin, un cinquième document signale un don inférieur, constitué de 10 000 sesterces et d’une vigne48. La somme était encore versée à la cité, mais devait améliorer l’ordinaire des Augustales. Les intérêts perçus devaient financer leurs activités conviviales (l’achat de mobilier pour la salle à manger que Leo avait offerte de son vivant) et la vigne devait produire de quoi banqueter. D’une certaine manière, le montage conçu à Petelia était le négatif du procédé nîmois, dans le sens où une somme versée dans la caisse municipale finançait des activités associatives. À la différence de leurs homologues de Nîmes et de Brescia, par exemple, les Augustales

43. CIL,

II, 4514 ; IRC, IV, 45. La gladiature en Occident […], op. cit., p. 189, n. 33. 45. C. Bossu, “M’ Megonius Leo from Petelia (Regio III): a private benefactor from the local aristocracy”, ZPE, 45, 1982, p. 155-165. 46. CIL, X, 113. 47. EE, VIII, 260 (D., 6470) ; EE, VIII, 261 (D., 6471). 48. CIL, X, 114. 44. G. Ville,

Un montage entre finances publiques et associatives au iie siècle : à propos de l’organisation des ludi seuirales à Nîmes (AE, 1982, 680)

de Petelia n’avaient peut-être pas reçu la permission de gérer une caisse autonome49. Quoi qu’il en soit, et malgré les différences techniques que révèle la comparaison entre Petelia et Nîmes, le père d’Attia Patercla et le donateur calabrais partageait probablement les mêmes motivations. Dans l’esprit de M’ Megonius Leo, le confort de la vie associative pouvait rendre la charge de l’augustalité plus facile à supporter. “Quod ipsum ad utilitate[m] / rei p(ublicae) n(ostrae) pertinere existimaui, facilius subituris onus Augu[s]/talitatis, dum hoc commodum ante oculos habent.” Plus bas dans son testament, il précisait encore que le munus Augustalitatis serait moins lourd et plus facilement supportable, une fois allégé de quelques dépenses de commensalité. Sans doute appartenait-il auparavant aux nouveaux Augustales de payer le vin partagé par tous. Le père d’Attia Patercla dut faire le même calcul : le fardeau du sévirat serait moins lourd, s’il était grevé du financement des jeux. Le choix de poursuivre cet objectif en utilisant la caisse des sévirs augustaux révèlerait que les corpora seuirum Augustalium pouvaient poursuivre les mêmes objectifs que toute autre association. Ces collectivités étaient vouées en priorité à l’entraide, indépendamment de l’activité principale qu’elles pouvaient afficher. En outre, elles rendaient accessible collectivement ce que leurs membres peinaient à atteindre seuls. Valables pour le plus modeste des collèges funéraires, offrant une vie sociale plus riche et la perspective d’une sépulture décente, ces deux idées complémentaires peuvent aider à comprendre le legs nîmois reçu par des sévirs augustaux, qui peuplaient l’antichambre de l’élite locale. Grâce aux 300 000 sesterces dont il avait hérité, le corps des sévirs put alléger la charge que représentaient les ludi seuirales parmi les omnia munera seuiratus. De ce fait, il aurait facilité l’accès de concitoyens et de futurs confrères à un titre prestigieux. En conséquence, l’objectif, probablement visé par le père d’Attia Patercla, invite à réexaminer les considérants d’un hommage rendu aux abords de l’amphithéâtre de Nîmes. Si l’expression ob liberalitates patris eius aurait bien pu procéder d’un hommage rendu par la cité, la suite aurait pu relever davantage d’un hommage rendu par les sévirs. Sur ce point précis, j’ai tendance à m’écarter de la position prise par M. Christol dans son article de 2005, quand il affirma : “Il faut donner de l’importance à la mention des considérants, car celle-ci ne se comprend aisément que s’il s’agit d’un élément du contenu de la délibération de l’ordo de la colonie de Nîmes.”50 Une hypothèse complémentaire, formulée quelques années plus tôt par M. Christol, consisterait à penser que l’hommage fut décidé par les sévirs augustaux, qui auraient sollicité les

49. Pour

H. Mouritsen, “Honores libertini: Augustales and Seuiri in Italy”, Hephaistos, 24, 2006, p. 237-248, rien ne laisse présupposer que l’organisation de l’augustalité était uniforme, dans tout l’empire. 50. M. Christol, “À propos d’hommages publics […]”. art. cit., p. 566.

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décurions dans un second temps51. Mais une troisième clé de compréhension du monument réside sans doute dans la personnalité du dédicant. Daphnion était-il lui-même sévir augustal ? Il ne le précise pas, ce qui n’autorise pas à exclure cette possibilité. En tout cas, en qualité d’ancien esclave, Daphnion pouvait sans doute mesurer tout l’intérêt du legs pour les affranchis qui aspiraient au prestige du sévirat, tout en en redoutant le coût. En outre, s’il était sévir ou aspirait à le devenir, il pouvait légitiment espérer que l’aura du défunt rejaillisse sur lui et conforte sa position, présente ou future, au sein du corps des sévirs augustaux de Nîmes. C’est pourquoi son rôle dans l’érection du monument et dans la composition de l’hommage ne doit sans doute pas être minimisé, bien que tous les acteurs évoqués aient dû collaborer52.

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Même si le legs était fait au corps des sévirs augustaux, l’ordre des décurions de Nîmes avait toutes les raisons d’éprouver de la gratitude et de l’exprimer en attribuant un emplacement à la statue d’Attia Patercla, en un point de convergence populaire essentiel à la vie civique. S’il ne l’avait pas déjà fait de son vivant, le père rejoignit à sa mort une catégorie de grands bienfaiteurs, dont les largesses avaient permis d’assortir la vie des Nîmois de spectacles, sans que la caisse municipale soit mise à contribution. Y appartint aussi Q. Avilius Hyacinthus qui resta célèbre pour, entre autres générosités, avoir offert de multiples spectacles spontanément ou à la demande de la cité53. Les deux hommes vécurent au iie siècle et furent tous deux salués par des monuments dédiés à leur enfant : probablement à un fils adoptif, dans le cas de Hyacinthus. Les deux bases furent peut-être disposées à proximité immédiate l’une de l’autre, aux abords de l’amphithéâtre. En outre, le flux d’argent dirigé de la res publica seuirorum vers le financement d’activités publiques était conforme à ce que les cités escomptaient du sévirat augustal. Cette institution contribuait à l’intégration d’individus exclus de l’exercice du pouvoir local, le plus souvent en raison d’un empêchement légal opposé aux affranchis en vertu de la lex Visellia54. Du point de vue de la cité et de ses finances, une autre “fonction” de l’augustalité était de mettre le patrimoine d’affranchis aisés 51. M.

Christol, “Élites, épigraphie et mémoire en Gaule méridionale”, dans Chr. Landes, N. Cayzac, S. Chenoufi (éds.), La mort des notables en Gaule romaine, Lattes, 2002, p. 239 (repris dans Id., Une histoire provinciale. La Gaule Narbonnaise de la fin du ii e siècle av. J.-C. au iii e siècle apr. J.-C., Paris, p. 334-335, n. 27) : “Daphnion, sans aucun doute membre du collège des sévirs augustaux (ce que n’était sûrement pas le père d’Attia Patercla), a pris en charge l’exécution des frais de l’hommage, décidé par les sévirs augustaux (voir CIL, XII, 3235 et 3236) et placé en lieu public avec l’autorisation des décurions, sollicités à cet effet par les sévirs eux-mêmes.” 52. Comme me l’a fait remarquer M. Christol, il n’est pas impossible que l’ordo ait pris la décision de l’hommage et que Daphnion, pour ainsi dire honore contentus, ait proposé d’en prendre en charge l’exécution matérielle. 53. G. Barruol et J. Gascou, “Nouvelles inscriptions […]”, art. cit., p. 285-290, no 2 (d’où AE, 1982, 681) ; M. Christol, “Les ambitions d’un affranchi à Nîmes sous le Haut-Empire : l’argent et la famille”, CCG, 3, 1992, p. 241-258 (repris dans Id., La Gaule Narbonnaise […], op. cit., p. 483-499). 54. R. Duthoy, “La fonction sociale de l’augustalité”, Epigraphica, 31, 1974, p. 134-154 ; CJ, IX, 21, 1.

Un montage entre finances publiques et associatives au iie siècle : à propos de l’organisation des ludi seuirales à Nîmes (AE, 1982, 680)

à contribution. Dans un registre complémentaire, le père d’Attia Patercla avait enrichi l’association des sévirs augustaux, tout en prévoyant l’affectation de cette richesse au bien commun, à la cité tout entière. La municipalité de Nîmes était parfaitement consciente de l’intérêt qu’elle avait à capter à son profit une part du patrimoine et des individus qui accédaient au sévirat, et du corps des sévirs. Ainsi, encore au iie siècle, les seuiri corporati Nemausenses rendirent hommage L. Iulius Niger Aurelius Servatus qui, outre leur patronat, avait assumé toutes les magistratures coloniales. Or ils engagèrent cette dépense ex postulatione populi, à la suite d’une demande des citoyens de Nîmes55. Elle fut très certainement suscitée par l’ordre des décurions, qui finança un hommage public à bon compte : en le faisant payer par une association proche de la municipalité, mais disposant d’une caisse indépendante56. Après la mort du père d’Attia Patercla les ludi seuirales ne furent pas financés autrement.

En définitive, la grande richesse et la complexité de l’inscription étudiée proviennent du nombre impressionnant d’acteurs explicitement ou implicitement cités par un texte de trente-six mots seulement, qu’il s’agisse d’individus ou de collectivités : Attia Patercla, son père, l’affranchi Daphnion, la colonie d’Apt et son ordo, la colonie de Nîmes et son ordo, les honorati chargés des ludi seuirales annuels, les seuiri Augustales Nemausenses corporati. Tous recèlent en eux une clé de compréhension particulière du document, qui ne devient vraiment intelligible qu’en identifiant la place de chacun et ses relations avec les autres.

55. CIL,

XII, 3236.

56. Cependant, les *Augustales pouvaient aussi tirer des avantages de leur proximité avec les municipalités. Ainsi,

les Augustales de Pouzzoles furent exemptés de solarium (G. Camodeca, “Un nuovo decreto decurionale puteolano con concessione di superficies agli Augustali e le entrate cittadine da solarium”, dans Il Capitolo delle entrate nelle finanze municipale in Occidente e in Oriente, Rome, 1999, p. 1-23, d’où AE, 1999, 453).

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Les cités de l’empire prêtaient-elles de l’argent à intérêt ? Jean Andreau

Résumé – Rome veillait à ce que les cités de l’empire n’empruntent pas d’argent ou en empruntent aussi peu que possible. Mais il est sûr que ces cités, à l’inverse, prêtaient de l’argent à intérêt. Elles étaient créancières de sommes qui leur étaient dues (taxes, amendes, loyers) et géraient en outre l’argent des fondations, mais ne se limitaient pas à cela ; elles prêtaient aussi à intérêt des sommes faisant partie de leurs fonds propres. Mots-clés –

Prêt à intérêt - Fondation - Italie centrale - Curator - Kalendarium.

Abstract – Roma used to make sure that the cities of the Roman Empire did not borrow money, or

borrowed as little as possible. But, on the other hand, it is quite certain that those cities, or at least a part of them, lent money at interest. They were creditors of amounts which were owed to them (amounts of taxes, of fines and rents) and they had to run the funds of foundations received by them. But, in addition to such claims, they also lent other sums of money, of their own. Keywords –

Loan with Interest - Foundation - Central Italy - Curator - Kalendarium.

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Jean Andreau

J’

ai montré ailleurs que la cité de Rome évitait, sauf circonstances tout à fait exceptionnelles, de contracter des emprunts, et s’efforçait d’empêcher les cités de l’empire d’emprunter1. C’est une des originalités des cités grecques et romaines, si on les compare à celles de la fin du Moyen Âge et des Temps Modernes, ainsi d’ailleurs qu’aux États de ces mêmes périodes. Certes, il arrivait que les cités grecques, surtout à l’époque hellénistique, contractent des emprunts publics, emprunts qui ont été très bien étudiés par L. Migeotte2. Mais de tels emprunts étaient occasionnels, et ils ne se perpétuaient pas, ils n’étaient jamais transformés en une dette publique, telle que toute l’Europe en a connu depuis le début des Temps Modernes. Quant à Rome, sa position face aux emprunts publics était absolument radicale : elle les évitait autant qu’il était possible, et elle s’efforçait d’éviter que les cités de l’empire y aient recours. Mais mon objet ne concerne pas aujourd’hui les emprunts publics, il porte au contraire sur les prêts des cités. Est-ce que les cités de l’Imperium romanum prêtaient habituellement de l’argent à intérêt, à la fin de la République et sous le Principat ? Dans la bibliographie, on rencontre ici et là des indications à ce sujet, mais, me semble-t-il, dispersées et fragmentaires. Je voudrais essayer ici de traiter plus méthodiquement de cette question. 192

Une personne ou une cité peut être créancière sans prêter. Il suffit pour cela qu’on lui doive le montant d’un loyer ou le prix d’un objet vendu, et que le locataire, ou l’acheteur de ce bien, tarde à s’acquitter de ce qu’il doit. Une telle situation se présentait très souvent, aussi bien pour les magistrats romains et l’empereur lui-même que pour les pouvoirs publics des cités. On sait qu’à certaines occasions l’empereur effaçait les arriérés fiscaux des ressortissants de l’empire. Auguste l’a fait en 28 av. J.-C., Vitellius le fit à son tour en 69 apr. J.-C., puis Domitien, puis Hadrien3. Dans les cités, de tels arriérés faisaient partie du quotidien institutionnel, même si les remises de dettes étaient beaucoup plus difficiles à réaliser que lorsqu’elles résultaient de la volonté de l’empereur. Ainsi, un fragment du Digeste, dû à la plume d’Ulpien, indique que les décrets des décurions décidant un abandon de créance, doivent être cassés4. Selon un autre fragment, de Papirius Iustus, Marc

1. J. Andreau, “Existait-il une Dette publique dans l’Antiquité romaine ?”, dans J. Andreau, G. Béaur et J.-Y. Gre-

nier (dir.), La Dette publique dans l’Histoire, Journées du Centre de Recherches Historiques (26-28 novembre 2001), Paris, 2006, p. 101-114. 2. L. Migeotte, L’Emprunt public dans les cités grecques, Québec - Paris, 1984. 3. Cass. Dio, 53.2.3 et 64.6.2 ; Suét., Dom., 9.2 ; S.H.A., Hadr., 7.6. 4. Dig., 50.9.4 ; voir Fr. Jacques, Le Privilège de liberté, Politique impériale et autonomie municipale dans les cités de l’Occident romain (161-244) (CEFR), Rome, 1984, p. 291-292 et 303-304.

Les cités de l’empire prêtaient-elles de l’argent à intérêt ?

Aurèle et Vérus ont rappelé que le curator rei publicae n’avait pas le droit d’accorder une remise à un débiteur de la cité5. Malheureusement, dans un bon nombre de cas, la documentation disponible ne permet pas de savoir s’il y a eu prêt ou si la créance résulte d’une absence de paiement (et, par exemple, d’arriérés fiscaux). Le seul texte littéraire qui atteste une dette d’un particulier à l’égard d’une cité fait partie de ces cas. Il s’agit de la somme d’argent que Cicéron, en 44 av. J.-C., probablement au mois de juin, devait à la cité d’Arpinum, et dont il parle dans plusieurs lettres6. Pour une raison qui n’est pas expliquée, Cicéron insiste sur le fait que l’argent doit être versé à l’édile d’Arpinum Lucius Fadius, et à aucun autre. Ce Fadius était-il, sur ces questions de dettes, le plus compétent des magistrats de la cité ? Ou bien un arrangement avait-il été conclu entre Cicéron et lui ? Les commentateurs se sont efforcés d’interpréter les formules relatives à la manière dont Cicéron va s’acquitter de cette dette. A. Früchtl a pensé que le frère de Cicéron, Quintus, était lui-même débiteur à son égard, et allait lui rembourser ce qu’il devait. M. Ioannatou, au contraire, ne croit pas que Quintus ait été, à cette date, débiteur de Cicéron. Quoi qu’il en soit, ces lettres ne nous informent ni du montant de la dette, ni de son ancienneté, ni de sa cause. Elles ne disent pas si la cité d’Arpinum avait positivement prêté de l’argent à Cicéron, ou s’il s’agissait d’arriérés de paiements. La très intéressante inscription CIL, XIV, 3471 de Trebula Suffenas, qui date du milieu du ier siècle apr. J.-C., et a été réétudiée par Gian Luca Gregori dans le colloque sur le “Capitolo delle entrate nelle finanze municipali”, témoigne de l’existence de deux créances de la cité, s’élevant respectivement à 12 000 et 58 000 sesterces, soit un total de 70 000. Mais l’origine de ces deux créances n’est pas connue, comme d’ailleurs le remarque G. L. Gregori. Il écrit qu’il pourrait s’agir soit de sommes d’argent prêtées à intérêt par la cité, soit de la location de terres ou de bâtiments appartenant à la cité, et moyennant un loyer que devait payer le locataire7. La même incertitude quant à l’origine de la dette se retrouve dans des textes généraux sur les créances des cités. Nous ignorons par exemple si les debitores mentionnés par les deux fragments du Digeste que j’ai évoqués ci-dessus ne se sont pas acquittés de charges ou de paiements dus à la cité, ou si des prêts proprement dits leur ont été accordés par elle.

5. Dig.,

2.14.37 ; voir Fr. Jacques, Le Privilège de liberté […], op. cit., p. 291 et 311. Ad Att., 15.15.1, 15.16a, 15.17.1 et 15.20.4. Voir A. Früchtl, Die Geldgeschäfte bei Cicero, Erlangen, 1912, p. 83 ; et M. Ioannatou, Affaires d’argent dans la correspondance de Cicéron, L’Aristocratie sénatoriale face à ses dettes, Paris, 2006, p. 381-382. 7. G. L. Gregori, “Nomina transscripticia e praedia subsignata: debiti, ipoteche e finanze locali a Trebula Suffenatium”, dans Il Capitolo delle entrate nelle finanze municipali in Occidente e in Oriente, Actes de la X e Rencontre franco-italienne sur l’Épigraphie du monde romain (CEFR), Rome, p. 25-39, et surtout p. 32-33. 6. Cic.,

193

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Du côté des arriérés de paiements, nous avons quelques indications dans les tablettes de Lucius Caecilius Jucundus. À plusieurs reprises, l’argentarius verse en retard les montants des sommes qu’il doit à la cité, parce qu’il a conclu avec elle des contrats de ferme. Il ne verse la redevance concernant la location de la fullonica (probablement, la location d’une foulerie précise) pour l’année 56-57 que le 19 janvier 58, c’est-à-dire plus de six mois après la fin de l’année fiscale correspondante (l’année fiscale, à Pompéi, commence au 1er juillet, jour de l’entrée en charge des nouveaux duovirs, et se termine le 30 juin). Quant à la ferme des redevances sur les pâturages (pascua), qu’il a conclue pour le lustre commençant en juillet 56, c’est la même chose, ou à peu près : il n’en acquitte le premier versement qu’en janvier 58. Pendant ces mois de retard, Jucundus est donc débiteur de la cité, mais sans avoir reçu d’elle un véritable prêt8. Dans ces dettes qui ne résultent pas de prêts de la cité, il faut ranger aussi les pénalités infligées aux “évergètes récalcitrants” qu’a étudiés Fr. Jacques, du moins pour ce qui concerne l’Afrique romaine9. Un évergète qui tarde à réaliser la pollicitatio, la promesse, à laquelle il s’est engagé, devient un débiteur de la cité, et il doit payer une ampliatio, une augmentation de la somme promise. Il en est de même pour les héritiers de l’évergète, si sa pollicitatio était testamentaire ou s’il est mort avant de l’avoir réalisée. Fr. Jacques souligne le fait que cette ampliatio était un intérêt, comme l’atteste un rescrit d’Antonin le Pieux cité dans un fragment du Digeste10. Une date limite a été fixée. Si, à cette date, la promesse n’a pas été tenue, le rescrit précise : “qu’ils paient des intérêts à la cité, légers pour moins de six mois de retard [leviores], sinon à 6 % l’an” (si minus, semisses usuras rei publicae pendant). Il faut encore signaler les mesures prises pour empêcher que les anciens magistrats ne conservent indûment des sommes d’argent gérées par eux au temps de leur magistrature. Ainsi, un fragment de Papirius Justus qui se trouve dans le Digeste précise qu’en fonction de leur retard ils doivent payer des intérêts, en plus du capital, sur ces fonds publics (pecunia publica) qu’ils ont détenus et qu’ils ont tardé à rendre11. Dans tous ces cas, la cité n’a pas accordé de prêt ; elle se borne à prendre acte d’un retard de paiement et en tire les conséquences.

8. J. Andreau,

Les Affaires de Monsieur Jucundus (CEFR), Rome, 1974, p. 53-71. Jacques, “Ampliatio et mora : évergètes récalcitrants d’Afrique romaine”, Antiquités Africaines, 9, 1975, p. 159-180. 10. Dig., 50.10.5 ; voir Fr. Jacques, “Ampliatio et mora […]”, art. cit. et Id., Le Privilège de liberté […], op. cit., p. 306-307 (où le texte est reproduit, traduit et commenté). 11. Dig., 50.9.9.10 (Papir. Iust., lib. 2 de constitutionibus). 9. Fr.

Les cités de l’empire prêtaient-elles de l’argent à intérêt ?

Mais se produit-il que la cité accorde de véritables prêts, qui n’aient rien à voir avec des retards de paiement ? Oui, c’est incontestable, cela se produit. Et là encore, il faut distinguer deux cas. Le premier de ces deux cas est celui des fondations. Celui qui institue la fondation lègue par testament, ou donne de son vivant, soit une somme d’argent, soit des terres ou des immeubles, et il prévoit l’attribution des revenus annuels de ces biens (qui constituent le capital de la fondation) à un but déterminé (continu ou périodique). La gestion du capital (sors) et de ses revenus annuels (reditus, usurae) est confiée par le fondateur, soit à une cité, soit à une division de la cité (un pagus, notamment), soit à une association. Quand une cité reçoit une fondation et accepte de s’en charger, elle paraît, d’ordinaire, gérer cet argent ou ces fonds de terres à part du reste de ses finances. L’argent ou les terres ainsi confiées à la cité recevaient souvent un nom spécifique. On parle par exemple à Pesaro de la pecunia Valentini pour désigner le million de sesterces donné à la cité, à titre de fondation, par Caius Titius Valentinus12. Le montant des sommes ou des biens ainsi donnés ou légués est très variable : ainsi, en Gaule Narbonnaise, où l’on connaissait vingt fondations au début des années 1990, le capital de l’une d’entre elles atteignait 1 200 000 sesterces ; une autre s’élevait à 300 000 sesterces ; mais d’autres encore ne dépassaient pas 34 000, 30 000 et 16 000 sesterces13. Quand il s’agissait d’un montant d’argent (ce qui, à mon avis, était le cas le plus fréquent), il fallait le prêter à intérêt. Si l’argent n’était pas prêté, la prestation prévue par la fondation ne pouvait être fournie, et la fondation s’arrêtait de fonctionner. Combien de temps de telles fondations parvenaient-elles à se perpétuer ? Plusieurs générations ? Un siècle ou davantage ? Jusqu’aux désordres monétaires de la seconde moitié du iiie siècle ? Nous l’ignorons. En tout cas, pour chaque fondation monétaire, la cité à laquelle la fondation était confiée prêtait de l’argent à intérêt. Ayant été donné à la cité, cet argent faisait désormais partie du patrimoine de celle-ci. Toutefois, il paraît avoir souvent été géré de façon autonome du reste des ressources de la cité. Si l’on en croit la lettre de Pline le Jeune sur sa fondation alimentaire de la cité de Côme, le fondateur s’efforçait probablement d’obtenir une telle gestion, qui mettait davantage en sécurité à la fois le capital et les intérêts14. Aux iie et iiie siècles apr. J.-C., cette caisse autonome résultant de la fondation était très souvent appelée kalendarium (ou calendarium). Le kalendarium était le livre de 12. G. Mennella,

“La Pecunia Valentini di Pesaro e l’origine dei curatores kalendarii”, Epigraphica, 43, 1981, p. 237-241. 13. A. Magioncalda, “Epigrafia e ‘fondazioni’ della Narbonese: un aspetto dell’evergetismo”, Atti dell’Accademia ligure di Scienze e Lettere, 49, 1992, p. 471-498. Sur les fondations en général, voir B. Laum, Stiftungen in der griechischen und römischen Antike, Ein Beitrag zur antiken Kulturgeschichte, Leipzig, 2 vol., 1914, et R. Duncan Jones, The Economy of the Roman Empire, Quantitative Studies, Cambridge, 1974 (2e éd., 1982), p. 102-104 et 171-184. Sur celles d’Italie, J. Andreau, “Fondations privées et rapports sociaux en Italie romaine (ier-iiie siècles apr. J.-C.)”, Ktèma, 2, 1977, p. 157-209. 14. Plin., Epist., 7.18.

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compte des prêts d’une personne ou d’une collectivité. Y étaient portés toutes les créances et les intérêts perçus. D. Manacorda a essayé de faire du kalendarium un outil de gestion beaucoup plus large, concernant l’ensemble d’un grand domaine ou même d’un patrimoine, mais son argumentation, qui ne s’appuie pas sur une documentation solide, n’est absolument pas convaincante15. Le kalendarium est lié à l’existence de créances et de prêts à intérêt. Quand la cité a reçu d’un évergète l’argent d’une fondation, argent qu’il faut prêter, il est normal que ces prêts accordés dans le cadre de la fondation soient enregistrés dans un kalendarium.

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Est-ce que les cités, ou du moins certaines cités, prêtaient à intérêt une partie de leurs ressources propres, indépendamment de l’argent qui leur arrivait par des fondations ? Oui, et il y a deux moyens de nous en assurer, même si nous ignorons le nombre des cités qui prêtaient ainsi de l’argent et l’ampleur de tels prêts. Le premier de ces deux moyens est en rapport avec l’étude des curatores kalendarii. Le second repose sur un petit nombre de textes, surtout des textes juridiques, qui témoignent explicitement de l’existence de tels prêts. Très probablement à partir du règne de Trajan, des curateurs ont été nommés par l’empereur, ou, dans une province, par le gouverneur, pour apurer les comptes de ces kalendaria, pour exercer un contrôle16. Ces curatores kalendarii ne se confondaient pas avec les curateurs de cités (curatores rei publicae) ; Fr. Jacques écrit que leur responsabilité était moindre que celle des curateurs de cités, mais qu’elle impliquait des capacités financières comparables17. Ce n’étaient pas des citoyens de la cité dans laquelle ils étaient nommés, et on n’en connaît qu’en Italie et dans la péninsule ibérique. Ils ne restaient pas nécessairement longtemps en fonction, et, dans une cité donnée, il n’y avait pas, de manière continue, un curator kalendarii. Certains de ces curatores kalendarii étaient visiblement affectés au contrôle de la gestion d’une fondation. C’est le cas du curator kalendarii pecuniae Valentini, qui s’occupe d’une importante partie de la fondation de Pesaro dont j’ai déjà parlé, partie dont le capital s’élevait à 600 000 sesterces, et dont les intérêts servaient à organiser un combat de gladiateurs tous les quatre ans18. C’est aussi, presque certainement, le cas de deux des kalendaria de Pouzzoles. Une inscription, qui concerne très probablement Pouzzoles, fait mention de trois kalendaria, dont deux

15. D.

Manacorda, “Il kalendarium vegetianum e le anfore della Betica”, MEFRA, 89, 1977, p. 313-332. ces curatores Kalendarii, voir : Fr. Jacques, Le Privilège de liberté […], op. cit., p. 143-148 ; L. Japella Contardi, “Un esempio di burocrazia municipale: i curatores kalendarii”, Epigraphica, 39, 1977, p. 71-90 ; W. Eck, Die Staatliche Organisation Italiens in der hohen Kaiserzeit, Munich (“Vestigia”, no 28), 1979, p. 228-230. 17. Fr. Jacques, Le Privilège de liberté […], op. cit., p. 148. 18. CIL, XI, 6369 et 6377 ; voir G. Mennella, “La Pecunia Valentini […]”, p. 237-241. 16. Sur

Les cités de l’empire prêtaient-elles de l’argent à intérêt ?

se nomment kalendarium clodianum et kalendarium minucianum19. Mais les inscriptions de curatores kalendarii qui paraissent orienter vers une fondation sont nettement moins nombreuses que celles mentionnant un kalendarium de la cité, sans autre précision. Dans ce cas, on trouve des formules telles que curator kalendarii publici, curator kalendarii rei publicae. De telles formules se rencontrent par exemple à Marsi Antinum, à Canusium, à Corfinium, à Potentia, à Aeclanum, à Teanum, à Cubulteria, à Nola, etc.20 Dans ces cités, à l’époque où de tels curatores étaient en fonction, toutes les créances de la cité étaient enregistrées dans cet unique kalendarium. Y trouvait-on les arriérés de paiements ? Nous n’en avons pas la certitude. Cependant, un texte du Code Justinien qui date du règne d’Alexandre Sévère (année 223 apr. J.-C.) établit une nette distinction entre les débiteurs du kalendarium de la cité et ceux qui étaient débiteurs de la cité à d’autres titres21 : en rapport avec les vectigalia, avec les fonds de l’huile ou du blé publics, avec les alimenta, etc. Un tel texte porte à penser que le kalendarium publicum était avant tout réservé aux véritables prêts accordés par la cité, et n’accueillait pas n’importe quel retard de paiement.

Nous allons voir maintenant, pour terminer, que quelques textes, surtout juridiques, confirment que les cités prêtaient de l’argent, indépendamment des créances qui pouvaient provenir des arriérés de paiements et indépendamment des fondations. Ces textes ne sont pas nombreux ; en effet, comme je l’ai dit plus haut, il arrive assez souvent, quand une cité se trouve créancière, que l’origine de la créance ne soit pas précisée. Si elle n’est pas précisée, nous ignorons si la cité a vraiment prêté de l’argent, ou s’efforce seulement d’encaisser des sommes qui lui sont dues par suite d’arriérés de paiements. Il existe cependant quelques textes concluants. Ce sont d’abord deux lettres de Pline le Jeune à Trajan, si du moins on pense qu’elles traitent de sommes appartenant aux cités de Bithynie, ou à une cité précise de Bithynie, et non pas de fonds de la province22. Pline ne précise pas à quelle communauté ces fonds (qualifiés de pecuniae publicae) appartenaient, et, à mon sens, nous n’avons aucun moyen de le savoir. Mais ce qui est sûr, c’est qu’il s’agit de vrais prêts, de placements. Pline explique à Trajan que les Bithyniens préfèrent, à taux d’intérêt égal, emprunter des fonds privés plutôt que des fonds publics. Les pouvoirs publics, pour placer leur argent, sont donc amenés à baisser leur taux d’intérêt, et, éventuellement, selon Pline, après avoir abaissé le taux d’intérêt, à contraindre les décurions à emprunter 19. CIL,

X, 1824. IX, 3836 ; IX, 1619 ; IX, 3160 ; X, 226 ; X, 416 ; X, 6013 ; X, 4619 ; ILS, 6485. 21. CJ, 4, 31, 3. 22. Plin., Epist., 10.54-55. 20. CIL,

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ces fonds non placés. Trajan, lui, n’est pas disposé à exercer une contrainte. En tout cas, le texte montre que des pouvoirs publics, très vraisemblablement ceux des cités, pouvaient avoir de l’argent à placer et le prêtaient alors à intérêt. Plusieurs textes juridiques vont dans le même sens. Le plus explicite est un fragment d’Ulpien, selon lequel le gouverneur de la province (ou bien le curator rei publicae) ne doit pas réclamer aux débiteurs d’une cité les capitaux prêtés, s’ils paient normalement les intérêts23. Dans la première phrase du début du fragment, on lit : si bene collocatae sunt pecuniae publicae. Le verbe collocare, qui signifie “placer de l’argent”, s’applique à un véritable prêt, et non pas à un arriéré de paiement. Plus bas, le § 1 du fragment commence par une phrase concernant les gages et les hypothèques que la cité doit exiger ; on y lit que le gouverneur doit veiller à ce que l’argent des cités (pecuniae publicae) ne soit pas prêté (credere) sans les gages et hypothèques qui s’imposent. Un autre fragment, dû à la plume de Modestin, parle d’un prêt accordé à un particulier, au nom de la cité, par un magistrat conventionnellement appelé Titius. Ensuite, le prêt a été approuvé par les successeurs de ce magistrat, et là encore il est question de gages. Le vocabulaire, comme dans le fragment précédent, montre bien qu’il s’agit d’un véritable prêt24. Il faudrait citer aussi un fragment de Paul où il est question des intérêts des sommes prêtées par les cités (usurae pecuniarum ab eis creditarum)25 et un texte de Constantin qui figure dans le Code Théodosien et porte sur des sommes prêtées se trouvant dans le kalendarium de la cité26.

La cause est entendue : les cités du monde romain prêtaient de l’argent, et ce n’était pas une chose exceptionnelle. Le faisaient-elles de manière permanente, ou seulement de façon occasionnelle ? Comme il y avait une tendance à ne pas exiger le remboursement de prêts dont les intérêts étaient acquittés dans les délais, tendance que les jurisconsultes approuvaient et que même ils recommandaient, il se peut que la différence entre prêts occasionnels et prêts permanents n’ait pas été aussi nette qu’on pourrait le penser. Au niveau impérial, toutefois, Suétone remarque qu’Auguste prêtait de l’argent, sans intérêt, avec garantie du double, mais occasionnellement, à chaque fois qu’il y avait des surplus dans le Trésor impérial, à cause des biens des damnati27. Autre question : si notre documentation est beaucoup plus fournie pour les iie et iiie siècles que pour les siècles antérieurs, cela signifie-t-il que les prêts des cités 23. Dig.,

22.1.33 ; voir Fr. Jacques, Le Privilège de liberté […], op. cit., p. 291 et 301-303. 50.1.36.1 (Modest., lib. 2 responsorum). 25. Dig., 22.1.30 (Paul, lib. sing. Usurarum). 26. Cod. Theod., 12.11.1. 27. Suet., Aug., 41.2. 24. Dig.,

Les cités de l’empire prêtaient-elles de l’argent à intérêt ?

soient devenus plus importants au fur et à mesure de l’évolution de l’empire ? C’est possible, mais ce n’est pas sûr, parce que cette observation résulte de la répartition chronologique des textes de jurisconsultes et des inscriptions de fondations. D’autre part, nous ne savons rien, ou très peu de choses, des différences entre les régions de l’empire, pour ce qui concerne cette gestion financière des fonds municipaux. Il n’est donc pas possible de répondre nettement à toutes les questions auxquelles nous aimerions pouvoir répondre. Mais il n’est pas douteux, à mon avis, que les cités de l’Empire pratiquaient le prêt d’argent à intérêt, et moyennant des gages ou des hypothèques à titre de garanties.

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Les difficultés de l’administration des fonds et des patrimoines civiques SECTION 2

15

La gestión financiera municipal. Entre el control, el dispendio y la necesidad Juan Francisco Rodríguez Neila

Résumé –

Cet article porte sur l’administration des communautés romaines sous trois angles  En premier lieu, nous étudierons les formes de contrôle des fonds publics : procédures de comptabilité, documents justificatifs des revenus et dépenses de la pecunia publica, personnel spécifique pour rédiger et organiser les registres de l’aerarium et le tabularium, et certaines dispositions juridiques que nous connaissons à travers les lois municipales d’Hispanie. Ensuite seront analysées les irrégularités que décurions et magistrats pouvaient commettre dans la gestion de l’argent public, ainsi que les formes de corruption, sources éventuelles de difficultés financières. Enfin, quelques solutions que les autorités locales pouvaient adopter pour assainir les finances municipales seront envisagées. Mots-clés – Villes

- Administration - Finances - Magistrats - Lois.

Abstract –

This paper studies the administration of Roman communities from three perspectives. The first part approaches the forms of control of public funds: accounting procedures, supporting documents noting incomes and expenses of the pecunia publica, specific staff in charge of drafting and organizing the registers of the aerarium and the tabularium of the city, and certain legal preventions known through the municipal laws of Hispania. The second part discusses the irregularities that decurions and magistrates could commit in the management of the public money, as well as different forms of corruption, problems that could cause financial difficulties. Finally some of the solutions that local authorities could adopt to clean up municipal finances are considered. Keywprds –

Cities, Administration, Finances, Magistrates, Laws.

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n las colonias y municipios romanos los asuntos de carácter hacendístico ocupaban un lugar destacado, y podían ser especialmente complejos en las comunidades más importantes, exigiendo unos criterios básicos de gestión y un aparato burocrático1. Si observamos las leyes municipales de Hispania, podemos comprobar cómo gran parte de sus contenidos se centra en temas fiscales, patrimonio comunal, procedimientos de administración y justificación de la pecunia publica y responsabilidad de los gerentes públicos2. Ello refleja la preocupación del régimen imperial por el buen gobierno de las ciudades, y en concreto por el control financiero. A todo lo cual se aplicaron esquemas institucionales difundidos por todo el imperio, así como mecanismos jurídicos de supervisión propios del estado. En época republicana el Senado de Roma tuvo amplias atribuciones sobre la pecunia publica del estado3. De forma similar los consejos decurionales gozaron de máximas competencias sobre el patrimonio comunal, como indican tanto el estatuto de la colonia de Urso, como los reglamentos municipales de época flavia (Malaca e Irni principalmente). Evidentemente la adecuada gestión de los asuntos fiscales, una gran responsabilidad, exigía algo más que una exposición razonada por parte de los magistrados, o un debate más o menos profundo en el senado local. Sobre todo cuando se trataba de emprender opera publica, sin duda las inversiones más costosas. Teniendo en cuenta que las ciudades romanas se autofinanciaban, pues el estado no les aportaba regularmente dinero, acometer proyectos edilicios requería tener unas finanzas saneadas, con liquidez de numerario, así como un patrimonio inmobiliario que garantizara la solvencia económica. Por ejemplo antes de tomar decisiones sobre una obra pública lo lógico sería que los decuriones evaluaran sus costes reales, a fin de evitar que tuviera que abandonarse antes de su finalización, por mal diseño del proyecto, defectos de construcción o mala calidad del terreno. O que tuviera que ser rectificada o reforzada, con los consiguientes gastos añadidos. En definitiva que se malgastara el dinero público en una empresa inútil, como observó Plinio el Joven en algunas ciudades de Bitinia4.

1. Sobre las finanzas municipales: J.-F. Rodríguez Neila, “Pecunia communis municipum. Decuriones, magistrados

y gestión de las finanzas municipales en Hispania”, en C. Castillo, J.-F. Rodríguez Neila, F.-J. Navarro (eds.), Sociedad y economía en el Occidente romano, Pamplona, 2003, p. 111-198; E. Lo Cascio, “La dimensione finanziaria”, en L. Capogrossi y E. Gabba (eds.), Gli Statuti Municipali, Pavía, 2006, p. 673-699. 2. El término pecunia puede aludir tanto al dinero en sí, como al patrimonio o riqueza en general, en este caso de una ciudad. Vide D. Mantovani, “Il iudicium pecuniae communis. Per l’interpretazione dei capitoli 67-71 della lex Irnitana”, en L. Capogrossi y E. Gabba (eds.), Gli Statuti Municipali, op. cit., p. 318-331. 3. Vide P. Cerami, “Il controllo finanziario in diritto romano. Riflessioni metodologiche e profilo storico”, Studi in onore di G.Scherillo, II, Milán, 1972, p. 785 ss. 4. Plin., Ep., X, 37, 1; 38; 39, 1-4, 5-6. Vide al respecto A. Daguet-Gagey, “Les opera publica dans la correspondance de Pline le Jeune avec Trajan”, en J. Desmuillez, Ch. Hoët-Van Cauwenberghe y J.-Ch. Jolivet, L’étude des correspondances dans le monde romain de l’Antiquité classique à l’Antiquité tardive : permanences et mutations, Lille, 2010, p. 247-272.

La gestión financiera municipal. Entre el control, el dispendio y la necesidad

La capacidad del ordo decurionum para decidir razonablemente sobre tales cuestiones dependía de ciertos requisitos previos. Uno sería disponer de regis­tros contables claros y actualizados, que permitieran conocer las disponibilidades del aerarium. Los asuntos financieros eran complejos, y difícilmente podrían gestionarse sin una documentación escrita. Al igual que el estado, también el gobierno municipal generaba cierta variedad de instrumenta oficiales, correspondientes en gran parte a la gestión de tesorería. Sabemos que la contabilidad romana fue precisa, con un vocabulario específico y riguroso, y procedimientos “técnicos” aplicados tanto a nivel estatal como privado, por ejemplo en la banca5. El sistema se extendió a la gestión de colonias y municipios, como vemos ya en la lex Tarentina y en la Tabula Heracleensis6. A su vez los estatutos municipales de Hispania aluden a las cuentas públicas (rationes communes)7, a las litterae, que eran los documentos que justificaban las rationes, dándoles fuerza probatoria8, y a la aplicación de unos principios contables en la gestión de los fondos públicos, lo que se indica con la expresión rationes gerere9. Además la ley de Irni observa el nombramiento de quaestores, como responsables de determinadas actividades relacionadas con la pecunia communis. Unas tienen que ver con su potestad para gestionarla (atminis­trare), y la obligación de supervisar las cuentas para evitar irregularidades (cus­ todiare­). Otras corresponden a operaciones prácticas de contabilidad, que suponían efectuar anotaciones en las tabulae publicae: cobrar o reclamar dinero (exigere), gastar (eroga­re) y pagar (dis­pen­sare)10. También Plinio el Joven, que durante su gobierno en Bitinia solicitó inspeccionar las rationes de Bizantium, Apamea y Prusa, confirma que los procedimientos contables fueron normales en las comunidades romanas11. Para el correcto funcionamiento de la tesorería municipal era preciso que los gestores locales dispusieran de instrumentos de diverso tipo (adversaria, codex accepti et expensi, liber kalendarii), así como de la documentación adicional relativa a las operaciones fiscales (contratos de obras y servicios municipales, y de

el tema L. Nadjo, L’argent et les affaires à Rome des origines au ii e siècle avant J.-C. Étude d’un vocabulaire téchnique, Lovaina - Paris, 1989; G. Minaud, La comptabilité à Rome. Essai d’histoire économique sur la pensée comptable commerciale et privée dans le monde antique romain, Lausanne, 2005; J. France, “Les catégories du vocabulaire de la fiscalité dans le monde romain”, en J. Andreau y V. Chankowski, Vocabulaire et expression de l’économie dans le monde antique, Paris, 2007, p. 333-365. 6. Lex Tar., 3, 20-25; Tab. Her., 152-156. 7. LCGI, 81; Lex Irn., 45, 67, 73. 8. Las litterae, a modo de facturas o comprobantes, justificaban las operaciones contenidas en las tabulae de accepta e impensa. Cfr. Cic., Verr., II-3, 171. 9. LCGI, 80; Lex Mal.-Irn., 67. El término rationes se usó tanto para las cuentas en general, como para operaciones contables más elaboradas. Cfr. G. Minaud, La comptabilité à Rome […], op. cit., p. 151-158. 10. Lex Irn., 20. Cfr. Apul., Apol., 101, 6. 11. Plin., Ep., X, 17a, 17b, 18, 43, 47, 48. Cfr. Dig., 2, 13, 10, 1, Gai. Vide G.-P. Burton, “The Roman imperial state, provincial governors and the public finances of provincial cities, 27 BC-AD 235”, Historia, 53-3, 2004, p. 318-323. 5. Sobre

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alquiler de bienes públicos, justificantes de garantías prestadas, etc.)12. Pero como los magistrados no tenían por qué acreditar conocimientos contables, que entonces no estaban al alcance de todos13, era preciso contar con personal auxiliar para tales tareas. La importancia de la administración financiera queda acreditada por la variedad de especialidades laborales documentadas, que se relacionan con las operaciones de caja. En el caso de las rationes communes de una ciudad y sus registros materiales, dicha labor recaía principalmente en los scribae, que son los únicos apparitores de los magistrados cuyas funciones aparecen reguladas en los estatutos municipales14. En Urso eran qui pecu­niam pu­bli­cam colono­rumque ra­tiones scripturus erit, es decir quienes se encargaban de controlar los fondos municipales y las co­rrespondientes cuen­tas. Y en Irni una de sus responsabilidades era ordinare los documentos, o sea tenerlos organizados, algo imprescindible para manejarlos con facilidad (tractavere), e incorporar nuevos apuntes (scribere) en las tabulae publicae15. El personal adscrito al aerarium y al tabularium podía completarse con librarii para realizar copias de documentos, e incluso con algunos esclavos públicos preparados y de confianza16. Tal pudo ser la competencia de los servi communes que en Irni estaban específicamente adscritos a los quaestores17. Todos trabajaban bajo la dirección de los duunviros. 206

Menos sabemos sobre los criterios presupuestarios que los gobiernos locales pudieron utilizar en la atministratio del dinero público. Aunque los reglamentos hispanos

12. Sobre el tema J.-F. Rodríguez Neila, Tabulae publicae. Archivos municipales y documentación financiera en las ciudades de la Bética, Madrid, 2005, p. 95 ss. Vide Dig., 32, 92, pr., Paul., sobre la variedad de documentos que podía contener un archivo. 13. Incluso muchos notables solían dejar su contabilidad privada en manos de dispensatores. 14. Cfr. LCGI, 62; Lex Irn., 19, 72, 78, 79. Sobre los apparitores municipales: A.-T. Fear, “La Lex Ursonensis y los apparitores municipales”, en J. González (ed.), Estudios sobre Urso Colonia Iulia Genetiva, Sevilla, 1989, p. 69-78; J.-F. Rodríguez Neila, “Apparitores y personal servil en la administración local de la Bética”, Studia Historica. Historia Antigua, 15, 1997, p. 197-228. Las fuentes epigráficas mencionan igualmente otras funciones relacionadas con el aerarium municipal: arkarii, curatores kalendarii, dispensatores, etc. Sobre estas funciones: M. Silvestrini, “Gli Arcarii delle città”, MEFRA, 117-2, 2005, p. 541-554; L. Japella, “Un esempio di burocrazia municipale. I curatores kalendarii”, Epigraphica, 39, 1977, p. 71-90; B. Stelzenberger, Kapitalmanagement und Kapitaltransfer im Westen des römischen Reiches, Univ. Hamburg, 2008. 15. LCGI, 81 ; Lex Irn., 73. 16. En Irni los duunviros podían proponer a los decuriones su adscripción a tareas (negotia) específicos (Lex Irn., 78). Servi publici de Pompeya aparecen en las tabulae de Caecilius Iucundus emitiendo recibos (apochae reipublicae). Vide J. Andreau, Les affaires de Monsieur Jucundus, Roma, 1974, p. 17 s. y 53 ss. 17. Lex Irn., 20. Actuando como actores publici podían efectuar operaciones financieras con la pecunia publica, aunque sólo por mandato de los magistrados. Vide A. Bricchi, “Amministratori ed actores. La responsabilità nei confronti dei terzi per l’attività negoziale degli agenti municipali”, en L. Capogrossi y E. Gabba (eds.), Gli Statuti Municipali, op. cit., p. 335-382.

La gestión financiera municipal. Entre el control, el dispendio y la necesidad

sí observan algunas formas de control18. Por ejemplo cuando algunos conceptos de gastos estaban cuantificados en el estatuto y no se podían cambiar. Lo vemos en Urso en el caso de los sueldos de los apparitores, y los fondos comunes que los magistrados podían gastar en ludi19. Ello obligaba a decuriones y magistrados a ajustarse estrictamente a las sumas oficialmente establecidas para tales conceptos. Por el contrario en las leyes municipales flavias no aparece cuantificado ningún desembolso, dejándose al arbitrio del senado local decidir lo que convenía gastar en cada momento20. Otra forma de control consistía en reservar algunos ingresos para fines predeterminados. En Urso el importe de las multas impuestas a quienes no pagaban los vectigalia por el arrendamiento de bienes comunales, debía destinarse exclusivamente a sufragar los sacra de la colonia21. De modo similar el dinero procedente de las colectas hechas para un templo (pecunia stipis nomine) debía gastarse sólo en interés del mismo22. En Meninx (Túnez) es probable que el ordo decurionum contara con una cuenta especial para costear honores, constituida por sumas previamente aprobadas para tal concepto, pero realmente no gastadas, ya que las personas honradas impensae remiserunt23. Cuando los decuriones debatían ciertos asuntos, por ejemplo los proyectos edilicios, no bastaría con evaluar las disponibilidades financieras. También sería conveniente disponer de información de carácter técnico, para calibrar adecuadamente su viabilidad y costes. Como los dirigentes municipales no tenían por qué ser expertos en cuestiones urbanísticas o en la construcción, podemos suponer que si querían actuar de forma responsable se asesorarían “técnicamente” antes de aprobar una obra pública. No hacerlo podía suponer gastos inútiles, e incluso encarecimiento de la obra, como observó Plinio en ciertas ciudades de Bitinia24. El sistema de contratas de obras y servicios municipales nos ilustra sobre algunos aspectos de la administración fiscal. Los reglamentos hispanos otorgan a los duunviros importantes atribuciones en la cura operum publicorum, lo que suponía asumir graves responsabilidades25. Pero el tema ya lo tenemos documentado antes en la lex Puteolana del 105 a.C., que nos ofrece un ejemplo de locatio operis arbitratu duouir(um)26. Como en Roma, también en las ciudades tales contratas 18. Sobre

el tema G. Minaud, La comptabilité à Rome […], op. cit., p. 296-299. 62 y 70-71. 20. Lex Irn., 77, 79. 21. LCGI, 65. No queda claro el exacto significado de la expresión ob vectigalia. Vide A. Raggi, “Le norme sui sacra nelle leges municipales”, en L. Capogrossi y E. Gabba (eds.), Gli Statuti Municipali, op. cit., p. 711 s. 22. LCGI, 72. 23. A. Beschaouch, “Aspects des finances municipales en Afrique romaine”, CRAI, julio-octubre 1999, p. 1035-1052. 24. Plin., Ep., X, 37, 38, 39. 25. Incluso tras cesar en el cargo debían responder de los negotia communia que hubieran gestionado, extendién­ dose dicha obligación a sus herederos. Cfr. Dig., 44, 7, 35, 1 (Paul.). Sobre esta cuestión A. Bricchi, “Amministratori ed actores […]”, art. cit. 26. Lex Puteol., I, 5-8. Cfr. Tab. Her., 29-49. 19. LCGI,

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(publica) eran otorgadas mediante subasta, para obtener las ofertas más económicas27. Aunque ello implicaba ciertos riesgos. Por ejemplo que al tratar de rebajar gastos, el coste real del trabajo superara al final las previsiones iniciales; que se adjudicara su ejecución a un redemptor deshonesto o incompetente; o que las calidades no fueran las adecuadas, como constató Plinio al inspeccionar algunas obras municipales en Bitinia28. Pero ya antes el discurso acusatorio de Cicerón contra Verres a propósito del templo de Cástor, resulta ilustrativo sobre ciertas irregularidades que podían darse en las contratas29. El momento clave del proceso era la inspección final y recepción de la obra (probatio operis). Los magistrados debían comprobar entonces que todo se hubiera realizado según las condiciones de la lex locationis y no hubiera ningún vitium operis30. Era, sin duda, una gran responsabilidad, pues aceptar un trabajo deficientemente realizado, y pagarlo a los contratistas, suponía negligencia y malversación de fondos, con grave perjuicio para la hacienda comunal. Por ello en Puteoli dicha aprobación correspondía a los decuriones31. Los reglamentos de Hispania nos informan sobre ciertas regulaciones jurídicas que podían favorecer el control financiero municipal. Al tener los magistrados un importante papel en la gestión de la pecunia publica, un factor que podía pesar en su labor era el compromiso ético que adquirían con el bienestar común. Así la ley de Irni insiste en que los duunviros sólo podían presentar a los decuriones propuestas pro re publica32. También pesaría sobre su conducta el iusiurandum in leges que prestaban, que les exigía actuar siempre según la lex y el interés colectivo (res communis municipum eius municipi), no haciendo nada en contra, e impidiendo que otros lo hicieran33. Tales compromisos tenían especial importancia en los asuntos de carácter financiero. Además los estatutos municipales incorporan prevenciones jurídicas contra la hipotética corrupción de los magistrados. Así las cautiones que debían ofrecer como garantía de su honesta gestión del patrimonio común34, a fin de que mantuvieran intacta (salva) la pecunia communis que debía manejar (tractare) en razón de su 27. Lex

Irn., 48, 63. Vide al respecto M.-R. Cimma, Ricerche sulle società di publicani, Milán, 1981, p. 41 ss. ; F. Milazzo, La realizzazione delle opere pubbliche in Roma arcaica e repubblicana. Munera e ultro tributa, Nápoles, 1993, p. 76 ss. y 155 ss.; A. Trisciuoglio, “Sarta tecta, ultrotributa, opus publicum faciendum locare”. Sugli appalti relativi alle opere pubbliche nell’età repubblicana e augustea, Nápoles, 1998, p. 181 ss. 28. Plin., Ep., X, 37, 38, 39, 81, 90. Cfr. Vitruv., De Arch., 10, praef.; Tac., Ann., III, 31, 5; Dig., 19, 2, 60, 4, Lab. La legisla­ción romana estableció una actio in factum contra los arquitec­tos y contratistas negligentes (Dig., 11, 6, 7, 3, Ulp.). 29. Cic., Verr., II-1, 131-150. 30. En los proyectos estatales eran los magistrados encargados de las obras, o los curatores nombrados a tal efecto, quienes efectuaban la probatio. Cfr. Cic., Verr., II-1, 130-134, 142. 31. Lex Puteol., III, 7-12. 32. Cfr. Lex Irn., 39; Lex Mal.-Irn., 63. 33. Lex Irn.-Salp., 26; Lex Mal.-Irn., 59. El juramento de los magistrados tenía lugar ante la contio, quedando comprometidos por ello con el pueblo, especialmente en lo relativo al uso de fondos comunales. Vide D. Hiebel, Rôles institutionnel et politique de la contio sous la République romaine (287-49 av. J.-C.), París, 2009, p. 303-308. 34. Lex Mal.-Irn., 60. Cfr. Lex Tar., 7-25.

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cargo (in honore suo)35. Tales avales eran personales (praedes) y reales (praedia), y en casos de corrupción su venta podía resarcir a la ciudad del dinero defraudado36. En la misma línea de salvaguardar los caudales públicos estaba el régimen de garantías que los magistrados debían exigir a los redemptores que se hacían con las contratas públicas, para asegurar que realizarían su trabajo en los plazos y condiciones acordados37. Este sistema ya está constatado en Roma durante la República, y también a nivel local, como indican la lex parieti faciondo, y la lex locationis de munere publico libitinario, ambas de Puteoli38. Pero su eficacia dependía del celo de los duunviros. La ley les reconocía plena autoridad para aceptar o rechazar tales cautiones, por ello debían exigirlas al nivel adecuado, y comprobar documentalmente la entidad de los bienes hipotecados y su situación jurídica39. Tales prevenciones aseguraban que, si los contratistas incumplían sus obligaciones, la ciudad pudiera resarcirse de los perjuicios económicos causados poniendo en venta tales bienes40. También debemos considerar la operatividad que podían tener dos procedimientos de control, cuyo objetivo era actuar como contrapeso a las actitudes personalistas del magistrado. Uno era la intercessio o derecho de veto que los duunviros podían ejercer entre sí y también sobre sus colegas inferiores41. El otro era la facultad que asistía a los decuriones de Urso para solicitar a los duunviros información sobre el estado de la pecunia publica en general, a fin de conocer las disponibilidades económicas; sobre las multas, que constituían un capítulo de ingresos; y sobre las propiedades inmobiliarias (loca, agri y aedificia) de la colonia, que solían

35. Cfr.

LCGI, 91, con relación a los decuriones. las ciudades seguramente eran preferibles las garantías personales, pues afectaban a todo el patrimonio, y no a algunos praedia hipotecados. Además eran transmisibles a los herederos. Vide J. Dubouloz, “Le patrimoine foncier dans l’Occident romain : une garantie pour la gestion des charges publiques (iie-ive siècles)”, Histoire et Sociétés Rurales, 19, 2003, p. 15-35, sobre la calidad y ventajas de uno u otro tipo de cautiones. Las ventas estaban reguladas en Roma por una lex praediatoria, a la que se alude en Lex Irn.-Mal., 64. 37. Lex Mal.-Irn., 63-65. Cfr. Dig., 39, 4, 9 pr. (Paul.); 50, 8, 12 (9, 3) (Papir. Iust.). Este sistema fue un trámite habitual en los contratos públicos del estado. Cfr. Monumentum Ephesenum-lex portus Asiae, del 62 d.C., 101-110, 123-124 (AE, 1989, 681; SEG, 39, 1989, 1180). Sobre el tema M.-R. Cimma, Ricerche sulle società di publicani, op. cit., p. 64 ss., y Ch. Van Gessel, “Praedes, praedia, cognitores: les sûretés réelles et personnelles de l’adjudicataire du contrat public en droit romain (textes et réflexions)”, en J.-J. Aubert (ed.), Tâches publiques et entreprise privée dans le monde romain, Neuchâtel, 2003, p. 95-122. Vide también R. Martin, The Roman jurists and the organization of private building in the Late Republic and Early Empire, Bruselas. 1989, p. 121-136. Igualmente existió en el ámbito privado, como vemos en el archivo de los Sulpicii de Puteoli (G. Camodeca, L’archivio puteolano dei Sulpicii. I, Nápoles, 1992, p. 165 ss.). Los magistrados también debían exigir cautiones cuando suscribían contratos de alquiler de praedia publica con particulares por cinco años (Dig., 50, 8, 5, (3, 1), Pap.). 38.  Lex Puteol., I, 5-8; III, 13-16, 18; Lex libit. Puteol., II, 31-34; III, 11-16, 22-25. Vide Ch. Van Gessel, “Praedes, praedia, cognitores […]”, art. cit., p. 98 ss., con toda la documentación. 39. A. Trisciuoglio, “Sarta tecta […]”, art. cit., p. 212. 40. La casuística jurídica al respecto es abundante. Vide A. Trisciuoglio, “Sarta tecta […]”, art. cit., p. 244 ss. Cfr. al respecto Vitruv., De Arch., 10, praef. 41. Lex Irn., 27. Cfr. Dig., 50, 9, 12, 5 [9, 8], Papir. Iust. 36. Para

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rentabilizarse mediante alquiler, y al mismo tiempo constituían una reserva de capital para casos de necesidad42. Otra forma de verificar las actuaciones de los magistrados era la información pública. Tanto para el estado romano como para las ciudades la validez de los actos oficiales radicaba no sólo en su constatación por escrito, sino también en su publicidad. Ello proyectaba ante la ciudadanía la idea de que los procedimientos administrativos se desarrollaban con limpieza. Con relación a las contratas de obras y servicios públicos, las leyes municipales de Hispania indican que los duunviros estaban obligados a exponer públicamente (propositio) las leges locationum y las condiciones acordadas con los redemptores43. Todo ello cumpliendo tres condiciones: que fueran anuncios accesibles y redactados con claridad, para comprensión de todos, colocados donde los decuriones indicaran (habitualmente el foro), y expuestos durante todo el resto de su magistratura44. Junto a la notificación pública de los actos administrativos, su registro documental constituía también un medio de inspección, al garantizar referencias y comprobaciones ulteriores. En el caso de las contratas públicas permitía constatar si obras y servicios eran realizados por los redemptores según las condiciones acordadas, por si había irregularidades y por tanto reclamaciones. Los reglamentos hispanos nos informan sobre algunos de los contenidos que debían constar en los documentos oficiales, como el precio fijado, y los garantes y garantías inmobiliarias que el redemptor debía presentar45. Los instrumenta pertinentes debían consignarse en el tabularium como documentación adicional a la lex locationis, tal como señala la lex Tarentina46. También Cicerón se refiere al registro por escrito de las condiciones fijadas en la lex locationis47. A su vez la lex parieti faciundo de Puteoli contendría un resumen de los aspectos básicos de la contrata48. Nos queda finalmente el principal procedimiento de control financiero, la rendición de cuentas. Desde la República los magistrados que usaban fondos oficiales habían estado obligados a ello al dejar sus cargos, sometiéndose al dictamen del 42. LCGI,

96. Cfr. Lex Irn., 39. Ese control decurional sobre las propiedades públicas también se manifiesta en Lex Irn., 76. 43. Cfr. Lex Mal.-Irn., 63. 44. Pero también dicha obligación podía afectar al contratista, que debía recibir una copia de todo el “dossier” de la contrata (C. Brélaz, “Publicité, archives et séquence documentaire du contrat public à Rome”, en J.-J. Aubert (ed.), Tâches publiques et entreprise privée dans le monde romain, Neuchâtel, 2003, p. 42). La lex locationis de munere publico libitinario de Puteoli, de época de Augusto, ejemplo de lo que debieron ser las condiciones de arrendamiento a particulares de un servicio público, señala que el manceps debía tener tal documento expuesto en un lugar donde fuera fácilmente legible (III, 20-21). 45. Lex Irn.-Mal., 63. Cfr. X. D’Ors, “Las relaciones contractuales con la administración pública a la luz de las leyes municipales en Derecho Romano”, en I rapporti contrattuali con la pubblica amministrazione nell’esperienza storico-giuridica (Torino, 1994), Nápoles, 1997, p. 95; C. Brélaz, “Publicité, archives et séquence documentaire […]”, art. cit., p. 38 ss. También constaban los denominados cognitores praediorum, certificadores de tales bienes, o quizás garantes de segundo grado (Ch. Van Gessel, “Praedes, praedia, cognitores […]”, art. cit., p. 117 s.). 46. Lex Tar., I, 13. Cfr. Lex Acilia repetundarum, 58. 47. Cic., Verr., II-1, 134, 143-148. 48. Cfr. Lex Puteol., III, 13-16.

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Senado49. También los magistrados municipales debían cumplir tal formalidad ante la corporación decurional50. En los estatutos hispanos se observan tres operaciones de control: rendir cuentas (rationes reddere); devolver el dinero público no usado (pecuniam redigere)51; y justificar el que se hubiera gastado (pecuniam referre)52. Sobre el sistema de verificación de cuentas nos informa el jurista Calístrato, quien señala cuatro operaciones: lectura de los documentos (legendas offerre rationes), comprobación de la corrección de los cálculos (computendas offerre rationes), remisión del saldo (reliqua solvere), y finalmente aceptación o rechazo del informe contable (suscribere rationes)53. En Urso los magistrados tenían ciento cincuenta días tras finalizar cualquier negotium público para presentar sus informes financieros. Y debían hacerlo con total fidelidad, s(ine) d(olo) m(alo), lo cual sugiere los fraudes que podían cometerse en las cuentas54. El estatuto de Irni trata con más severidad esta cuestión, pues da sólo treinta días para devolver los fondos municipales gestionados. Y quienes hubieran llevado un asunto financiero (negotium gerere) y las correspondientes cuentas (rationes tractare), contaban con idéntico plazo para justificarse ante el senado local, afectando igualmente dicha obligación a sus herederos55. Todo ello refleja el interés del régimen imperial por imponer un mayor control sobre la gestión del dinero público, preocupación de la que ya se había hecho eco la lex Iulia peculatus. La cuestión era seria, y si se detectaban irregularidades podían emprenderse acciones judiciales contra los malos administradores culpables del denominado crimen de residuis56. En tal caso al control administrativo se sumaba el procedimiento jurídico, si se llegaba en última instancia a un iudicium pecuniae communis, a fin de salvaguardar los derechos patrimoniales de los municipes57.    

49. Vide al respecto C. Rosillo, La corruption à la fin de la République romaine (ii e-i er s. av. J.-C.) : aspects politiques

et financiers, Stuttgart, 2010, p. 110-112. 50. Cfr. Lex Tar., I, 9-12, 17-26; LCGI, 80; Lex Irn., 67-68. Los decuriones debían nombrar a los encargados de recibir y examinar las rationes, a los patroni causae publicae que defendían los intereses públicos ante quienes rendían cuentas, y a los actores municipum, que representaban a la ciudad si se emprendían acciones legales (Lex Irn., 70). Sobre ello D. Mantovani, “Il iudicium pecuniae communis […]”, art. cit., p. 276-295. 51. La lex Iulia de residuis castigaba a quien, habiendo recibido pecunia publica in usum aliquem delegata, la retenía indebidamente no gastándola para el fin que se le había confiado (Dig., 48, 13, 2, Paul.; 50, 9, 13 (9, 10), Papir. Iust.). Sobre la pecunia residua en general: F. Gnoli, Ricerche sul crimen peculatus, Milán, 1979, p. 155 ss. 52. Cfr. LCGI, 80, 96; Lex Irn., 45, 67, 68. 53. Dig., 35, 1, 82. 54. LCGI, 80. 55. Cfr. Lex Irn., 45, 67. Vide Plin., Ep., X, 81, 1. La justificación de la pecunia publica administrada no debía limitarse a una simple explicación, debía estar documentada para no incurrir en la casuística penal relativa a la pecunia residua. Tal obligación afectaba también a los herederos. 56. Lex Irn., 69. Las referencias al crimen de residuis en diferentes estatutos locales (leges Tarentina, Ursonensis, Malacitana, Irnitana) indican que tales hechos delictivos eran frecuentes. Vide al respecto F. Gnoli, Ricerche sul crimen peculatus, op. cit., p. 166 ss. 57. Procedimiento regulado en la ley irnitana (Lex Irn., 69-71) y también en la de Malaca (Lex Mal., 67-69). Sobre ello R. Mentxaka, “Algunas consideraciones sobre el crimen de residuis a la luz de la legislación municipal”,

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Pasemos ahora al segundo vértice de nuestra exposición, el dispendio. Las actuaciones descuidadas, equivocadas, deshonestas, cuando no claramente delictivas, de los dirigentes municipales, podían repercutir muy negativamente sobre la situación financiera de su ciudad. Examinemos algunas. Y empecemos por los decuriones. Como refleja la correspondencia de Plinio, podía ocurrir que algunos senados locales no se asesoraran convenientemente y aprobaran proyectos edilicios mal presupuestados, cuyos costes reales acababan disparándose, o cuya ejecución era realizada defectuosamente, y por ello tales obras no podían utilizarse58. Pero similar derroche de dinero público suponía enviar costosas e innecesarias legationes, como hacía Bizancio simplemente para llevar cada año un decreto de salutación al emperador o cumplimentar al gobernador de Moesia Inferior59. Con relación a las irregularidades financieras, la casuística podía ser variada. Por ejemplo si los magistrados desembolsaban sumas de la pecunia publica para objetivos no aprobados por los decuriones, o no observados en la ley municipal60; o bien retenían fondos públicos no gastados en los fines previstos, o sumas percibidas por diversos conceptos61. También podía suceder que no fueran muy celosos al reclamar los vectigalia que debían abonar al tesoro local los arrendatarios de bienes públicos62; que no controlaran los plazos de alquiler, permitiendo un uso ilimitado de los mismos, lo cual restaba ingresos al aerarium63; e incluso que liberaran a los deudores de sus compromisos64. Plinio pudo comprobar durante su mandato en Bitinia cómo los recursos financieros de algunas ciudades se resentían por la insolvencia de sus deudores65. Los magistrados actuaban igualmente con negligencia cuando no se informaban adecuadamente sobre la solvencia profesional de los redemptores que obtenían las RIDA, 37, 3e ser., 1990, p. 247-334; D. Johnston, “Municipal funds in the light of chapter 69 of the Lex Irnitana”, ZPE, 111, 1996, p. 199-207; D. Mantovani, “Il iudicium pecuniae communis […]”, art. cit. 58. De hecho el régimen imperial acentuó el control sobre los proyectos edilicios municipales y su financiación, para evitar tales situaciones, siendo la actividad “inquisitorial” de Plinio en tales cuestiones un reflejo de ello (A. Daguet-Gagey, “Les opera publica […]”, art. cit., p. 264-269). Y los gobernadores provinciales tuvieron por ello poderes para auditar las cuentas de las ciudades, especialmente los gastos en obras públicas (G.-P. Burton, “The Roman imperial state […]”, art. cit., p. 318-323). 59. Plinio, Ep., X, 43-44. El envío de legationes por los senados locales es tratado es LCGI, 92, y Lex Irn., 44-47, 79. 60. Vide al respecto la prolija relación de gastos oficiales que ofrece Lex Irn., 79. 61. Así multas, tasas municipales, contribuciones por el alquiler de bienes comunales (LCGI, 65, 82, 96; Lex Irn., 48, 63, 66, 67, 72, 76). Cfr. Dig., 48, 13, 2, Paul. 62. Cfr. LCGI, 65, 82, 96; Lex Irn., 76; Plin., Ep., X, 108. Cicerón recuerda una legatio enviada por Arpinum para reclamar los vectigalia por los arrendamientos de tierras públicas que tenía en Cisalpina (Ad Fam., XIII, 11, 3). 63. En Urso esos alquileres se hacían por un lustro (LCGI, 82). También el uso de praedia municipales podía ser contratado in perpetuum, manteniéndose el acuerdo mientras se pagara el preceptivo vectigal (Gaius, Inst., III, 145). Vide C. Moatti, “La location des terres publiques dans le monde romain (iie siècle avant J.-C.-iiie siècle après J.-C.)”, en G. Béaur, M. Arnoux y A. Varet-Vitu, Exploiter la terre. Les contrats agraires de l’Antiquité à nos jours, “Actes du colloque de Caen”, 1997, p. 90 ss. 64. Cfr. Lex Irn., 79. Como indica el jurista Ulpiano, ciertos ordines decurionum a menudo (ut solent) emitían ambitiosa decreta condonando deudas públicas (Dig., 50, 9, 4). El gobernador podía intervenir para que quienes tuvieran débitos con las ciudades los saldaran (Dig., 50, 8, 2, 3, Ulp.). 65. Plin., Ep., X, 17a, 47, 108.

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contratas de obras y servicios municipales. O bien cuando aceptaban praedes que no eran idóneos, o praedia no verificados, no protegiendo los intereses de la comunidad66. También resultaba perjudicial para la hacienda local su falta de diligencia, si no efectuaban con detenimiento tanto el seguimiento de una obra, vigilando que los contratistas no cometieran fraudes, como la probatio final, aceptándola sin comprobar si respondía a las condiciones de la lex locationis o si tenía deficiencias. Situaciones así las pudo constatar Plinio en algunas ciudades de Bitinia, lo cual suponía malgastar el dinero público67. De la desidia o irresponsabilidad los gestores municipales podían pasar al abuso, cuando no a la corrupción. Podía, por tanto, ser oportuna cierta fiscalización de la actividad de los magistrados por parte de los decuriones, sobre todo en asuntos de carácter financiero. Lo vemos en la lex parieti faciundo de Puteoli, que reservaba a los decuriones, y no sólo a los duunviros, la potestad de certificar finalmente una obra pública. Así podían evitarse ciertos delitos. Por ejemplo que un magistrado sin escrúpulos exigiera al redemptor dinero o favores personales, amenazándole con no aprobar su trabajo e incluso vender los bienes ofrecidos como fianza. Que tales situaciones se daban lo confirma el relato de Cicerón sobre las corruptelas de Verres en el asunto del templo de Cástor68. Pero también los reglamentos hispanos sugieren tales irregularidades, cuando establecen que los duunviros sólo podían vender las garantías inmobiliarias ofrecidas por un redemptor incumplidor no a su libre arbitrio, sino previa aprobación del ordo decurionum69. Pero las anomalías en las contratas públicas podían surgir ya al inicio del proceso administrativo. En las del estado fueron frecuentes las componendas entre magistrados y redemptores para elevar el precio de la subasta, desestimando ofertas de mejor precio y obteniendo ganancias ilícitas con ello70. También los duunviros podían mostrar preferencia por las ofertas de determinados empresarios, pese a ser más costosas o tratarse de individuos poco fiables, movidos por rela­ciones de parentesco o amistad, o por recibir sobornos. Plinio nos presenta un caso. Nicomedia había invertido más de tres millones de sestercios en construir un acueducto, que se había abandonado sin terminar, y acabó siendo demolido. Luego se gastó mucho menos, doscientos mil sestercios, en otro que también acabó inutilizado. Posiblemente las contratas se concedieron a redemptores incompetentes, quizás por sus amistades entre la clase dirigente local. De hecho Trajano le recomendó que 66. Aunque no eran culpables si aceptaban cautiones idóneas, pero luego perdían su valor por cualquier razón. La responsabilidad del magistrado por la inadecuada valoración del patrimonio de los praedes y de los cognitores praediorum es tratada en el tercer rescrito imperial de Vardacate del siglo i d.C. (AE, 1947, 44). 67. Vide A. Daguet-Gagey, “Les opera publica […]”, art. cit., p. 251-258. 68. Cic., Verr., II-1, 131-138. Vide P. Du Plessis, “The Protection of the Contractor in Public Works Contracts in the Roman Republic and Early Empire”, The Journal of Legal History, 25-3, 2004, p. 295-300. 69. Lex Mal.-Irn., 64. 70. Como el ya citado caso de Verres (Cic., Verr., II-3, 20-21, 50-51). Vide al respecto L. Perelli, La corruzione politica nell’antica Roma, Milán, 1994; C. Rosillo, La corruption à la fin de la République romaine […], op. cit.

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investigara si se había perdido tanto dinero, porque los magistrados que habían adjudicado las contratas y las personas que las habían obtenido se habían hecho favores entre sí71. Que tales formas de corrupción eran habituales en las opera publica municipales es algo que confirma mucho antes la ley de Urso, al prohibir a los duunviros y prefectos que aceptaran regalos o favores de nadie, bien directamente o a través de sus parientes, citándose especialmente los redemptores, mancipes o sus fiadores (praedes)72. Asimismo los reglamentos flavios vetaban la participación de los magistrados, sus familiares y sus apparitores en los negotia communia, así los contratos para la ejecución de opera publica o prestación de servicios de interés general (ultro tributa), e igualmente su acceso al alquiler o venta de bienes comunales, o a las concesio­nes de recauda­ción de impuestos (publica)73. Las disposiciones anteriores contra algunas formas de corrupción constituyen sin duda la aplicación al régimen administrativo local de la legislación cesariana, que muestra una evolución en el tratamiento jurídico del crimen repetundarum, que culmina en la lex Iulia repetundarum del 59 a.C.74 Esta normativa, que amplió los supuestos delictivos y los sujetos de delito, y endureció las penas, trataba de evitar también que quienes ejercían funciones municipales abusaran de su imperium y potestas para obtener provechos para sí mismos y sus allegados75. En el estatuto de Urso, cercano cronológicamente a las medidas cesarianas, el sujeto del delito era el magistrado o sus familiares (sui), definiéndose tres acciones indebidas, kapere (tomar coactivamente), accipere (aceptar sobornos), facere (recibir bienes a través de otros), y tres percepciones ilícitas, donum (donativo), munus (regalo) y merces (gratificación). A su vez la ley de Irni nos muestra una ampliación de los actos punibles en que podían incurrir los gestores locales, extendiéndolos a todo tipo de beneficio obtenido con intención dolosa (sciens dolo malo), tanto si se lucraban directamente, como por medio de terceros (familiares, apparitores). Especialmente interesante, como muestra del compromiso que se esperaba de toda la ciudadanía con el bien común (res communis), era la cláusula jurídica que permitía denunciar al magistrado corrupto y promover un proceso mediante la acción popular (actio, petitio, persecutio)76. 71. Plin.,

Ep., X, 37, 1; 38. 93. Incluso los apparitores y servi publici podían pedir compensaciones económicas o favores a cambio de influir sobre sus superiores (L. Perelli, La corruzione politica […], op. cit., p. 229). 73. Lex Irn., 48; también LCGI, 93. Sobre el tema: F. Milazzo, La realizzazione delle opere pubbliche […], op. cit., p. 155 ss.; X. D’Ors, “Las relaciones contractuales […]”, art. cit., p. 95 s. 74. Esta normativa sobre la corrupción (ambitus) estuvo en vigor durante todo el imperio. Cfr. Dig., 48, 11. 75. Vide J.-L. Murga, “Las ganancias ilícitas del magistrado municipal a tenor del cap. 48 de la Lex Irnitana”, BIDR, 92-93, 1989-1990, p. 1-46; C. Venturini, Studi sul “crimen repetundarum” nell’età repubblicana, Milán, 1979, e “In tema di illeciti profitti dei magistrati municipali: rilievi in margine a due luoghi epigrafici”, en J. González (ed.), Roma y las provincias. Realidad administrativa e ideologia imperial, Madrid, 1994, p. 225-242. 76. Ya lo vemos en Lex Tar., I, 6, 35, y en Tab. Her., 19, 97, 107, 125, 141. Cfr. Lex Irn., 84. Vide J.-L. Murga, “Las acciones populares en nuestros municipios romanos”, en J. González (ed.), Ciudades privilegiadas en el Occi72. LCGI,

La gestión financiera municipal. Entre el control, el dispendio y la necesidad

Las irregularidades que afectaban a la pecunia publica no sólo se cometían en las actuaciones administrativas, sino también en los documentos que debían acreditarlas oficialmente. Sabemos que los fraudes fueron siempre un problema en la burocracia romana, sobre todo al final de la República77. A nivel municipal ya la lex Tarentina consideraba como delito de peculatus la falsificación de las escrituras públicas (litterae publicae)78. Podían anotarse en ellas sumas inferiores a las que el gobierno local debía percibir por cualquier concepto, o simplemente anular tales deudas para beneficiar a alguien. O podían consignarse cantidades inferiores a las realmente percibidas por una venta o un arrendamiento, reteniéndose fundos que debían ingresarse en la caja pública79. En principio los magistrados y sus subalternos debían velar para que nadie accediera a las tabulae publicae sin su permiso, a fin de evitar alteraciones o falsificaciones80. Aunque quienes estaban en habitual contacto con los instrumenta, especialmente los scribae, serían los más proclives a cometer fraudes, tanto en sus contenidos como en los propios soportes materiales, introduciendo añadidos, cambiando datos, suprimiendo partes, o incluso eliminándolos físicamente81. Otra posibilidad de dolo consistía en borrar información en los documentos originales, transcribiendo el resto del texto a otras tabulae (añadiendo o no nuevas anotaciones), poniendo sellos falsos e incluso imitando la firma de los escribas82. Conviene recordar que muchos documentos se redactaban sobre tabulae ceratae, un soporte material poco fiable cuyo contenido podía cambiarse fácilmente83. No obstante el régimen imperial parece haber propiciado un mayor control sobre los fondos públicos, y en concreto sobre los instrumenta oficiales, desarrollando una normativa jurídica que consideraba faltas graves las irregularidades indicadas84. Quizás por ello el reglamento de Irni es más detallista que el de Urso sobre las modalidades de falsificación documental. Con relación a los scribae establece severas normas, acentuándose su responsabilidad en la redacción de las tabulae communes, que debían

dente romano, Sevilla, 1999, p. 305-329. 77.  Vide L. Fezzi, Falsificazione di documenti pubblici nella Roma tardorepubblicana (133-31 a.C.), Florencia, 2003, p. 105 ss. 78. Lex Tar., I, 3-4. La lex Iulia peculatus penalizó la alteración y anulación de registros y escrituras contables. 79. Lo constata por ejemplo Cicerón (Nat. deor., 3, 30, 74; Rab. perd., 3, 8; Verr., II-3, 83), y fue un delito habitual, como lo indica Marciano en época severiana (Dig., 48, 13, 12 (10), pr.). 80. Vide al respecto F. Gnoli, Ricerche sul crimen peculatus, op. cit., p. 148 ss. 81. LCGI, 81: fraus per litteras sciens y con dolus malus. Cfr. Cic., Verr., II-2, 101 y 104-105, y II-5, 48; Dig., 48, 10. Vide L. Fezzi, Falsificazione di documenti pubblici […], op. cit., p. 3 ss. y 105 ss. 82. Cfr. Cic., Nat. deor., 3, 30, 74; Apul., Apol., 89, 3; Dig., 48, 13, 10 (8), 1, Ven. 83. Cfr. Cic., Cluent., 14, 41 y Flacc., 21; Quint., Inst. Orat., X, 3, 31; Juv., Sat., 1, 1, 67 s.; 5, 13, 135 ss.; 5, 14, 55; 5, 16, 40 ss.; Plin., Ep., X, 65; Dig., 28, 4, 1-4. Vide L. Fezzi, Falsificazione di documenti pubblici […], op. cit., p. 111 s. Además el frágil sistema de sujeción de las tabulae que formaban un codex facilitaba su desmembración. 84. Vide L. Fezzi, Falsificazione di documenti pubblici […], op. cit., p. 3 ss. y 105 ss.

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scribere con total fidelidad, no consignando nada falso a sabiendas y con dolo malo, ni omitiendo maliciosamente todo lo que debiera constar en ellas85. Pero en última instancia la responsabilidad era de los magistrados, porque apparitores y servi publici trabajaban a sus órdenes86. Por ello era conveniente que controlaran la labor de sus auxiliares, procedimiento normal en los archivos del estado romano87. Incluso el falsum en los documentos públicos podía ser obra de los propios magistrados, con o sin la colaboración de sus escribas88. Y aunque los estatutos hispanos no los relacionan directamente con tales fraudes, sí previenen contra una colaboración delictiva entre ellos y sus apparitores para lucrarse en los negocios municipales89. Además la sanctio general al final de la ley de Irni establece duras penas contra quienes actuaran conscientemente contra sus disposiciones, citándose expresamente los fraudes90. A su vez el jurista Ulpiano sí engloba la falsificación de las tabulae publicae por los magistrados dentro de la casuística del crimen maiestatis91.

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Nos queda finalmente la necesidad. Evidentemente no todos los gobernantes locales serían honrados y aplicados en sus obligaciones, como señalaba Ulpiano92. Contumacia, pereza o mala salud podían influir igualmente en su desatención hacia los asuntos públicos. Lo que pudo comprobar Plinio en algunas ciudades de Bitinia, indica que no siempre los dirigentes municipales actuaban con acierto u honestidad al gestionar los fondos públicos. Y en casos extremos se podía llegar a aquella situación de tenuitas publica a la que apelaron, sin éxito, los dirigentes de Munigua (Bética), para intentar salvar una negativa coyuntura fiscal de la que ellos mismos pudieron ser responsables93. Debemos preguntarnos ahora qué soluciones podían adoptar las administraciones locales si el erario comunal se encontraba en situación crítica, sin liquidez inmediata para atender gastos imprescindibles o convenientes. 85. LCGI,

81; Lex Irn., 73. Cic., Verr., II-3, 183-185. 87. Cfr. M. Bats, “Les débuts de l’information politique officielle à Rome au ier siècle avant J.-C.”, en La mémoire perdue : à la recherche des archives oubliées, publiques et privées, de la Rome antique, Paris, 1994, p. 28; M. Coudry, “Sénatus-consultes et acta senatus : rédaction, conservation et archivage des documents émanant du Sénat, de l’époque de César à celle des Sévères”, en ibid., p. 67 ss. 88. Con relación a los delitos penados por la lex Iulia peculatus, Ulpiano (Dig., 48, 13, 1) pone en el mismo plano tanto la malversación de fondos públicos como la complicidad en tales acciones. Vide F. Gnoli, Ricerche sul crimen peculatus, op. cit., p. 152 ss. 89. Lex Irn., 48. 90. Lex Irn., 96: …neque adversus hanc sciens d(olo) m(alo) facito quove huic legi fraus fiat. 91. Dig., 48, 4, 2. 92. Dig., 50, 8, 8 (6). Cfr. Dig., 50, 1, 13-14, Pap. 93. AE, 1962, 88. 86. Cfr.

La gestión financiera municipal. Entre el control, el dispendio y la necesidad

Había dos opciones de primera mano. Una podía ser presionar a quienes tenían débitos con la ciudad para que saldaran sus deudas, hecho que Plinio pudo constatar al examinar las cuentas de Apamea y Prusa94. La otra posibilidad era obviamente ahorrar dinero. Por ejemplo reduciendo el número de apparitores a los que se pagaba una merces anual95. También algunas de sus ocupaciones podían ser asumidas por servi publici, a los que bastaba con alimentar y vestir96. Asimismo se podía prescindir de médicos y profesores públicos, a quienes también se abonaban honorarios97. O restringir el envío de legationes a las imprescindibles, sólo cuando había asuntos importantes que tratar98. También los ordines decurionum decretaron frecuentemente honores a personas eméritas, cuya ejecución material suponía gastos. Pero fue habitual que se economizara en este aspecto, pues a menudo los beneficiarios o sus familias asumían tales costes. Otro capítulo importante era la religión oficial, tanto las actividades de culto, como el mantenimiento de edificios y espacios sagrados. Como indican los estatutos hispanos, era atendido con fondos públicos99. Pero era factible disminuir los dispendios. Por ejemplo acordando contratas plurianuales con los redemptores que suministraban todo lo necesario para los sacra, con el fin de rebajar costes. Igualmente las donaciones voluntarias de dinero con carácter votivo (stips) que iban destinadas a los templos, podían significar puntuales ahorros para el tesoro municipal100. También en otro capítulo podían limitarse las expensas, los banquetes públicos con cargo al erario comunal celebrados en ocasiones festivas, pues frecuentemente fueron financiados por la munificencia privada101. Mayores costes tenían las obras comunales. Si la pecunia publica no bastaba para contratar todos los trabajos con redemptores privados, el gobierno municipal podía 94. Plin.,

Ep., X, 108. Ello podía gestionarse a través del kalendarium. Cfr. Plin., Ep., X, 54; Dig., 22, 1, 11, Paul.; 32, 41, 6, Scaev.; 32, 64, Afric. Era un registro de tesorería con toda la información sobre préstamos efectuados o solicitados por la ciudad, que permitía controlar a los deudores y reclamar en su momento la devolución de las sumas prestadas. Vide G. Minaud, La comptabilité à Rome […], op. cit., p. 206-217. Los gobernadores provinciales apoyaron las demandas de las ciudades que trataban de recuperar dinero de sus debitores, e incluso propiedades inmobiliarias usurpadas por particulares. Vide G.-P. Burton, “The Roman imperial state […]”, art. cit., p. 331-336. 95. Cfr. LCGI, 62. Pero en Irni los sueldos de los subalternos (aera apparitoria) no se cuantificaron, lo que permitiría a los decuriones fijar en cada momento cuántos apparitores y de qué clase convenía contratar según las disponibilidades económicas (Lex Irn., 73, 79). 96. Lex Irn., 79: cibaria vestitum. 97. Dig., 50, 9, 4, 2, Ulp. 98. De hecho Vespasiano limitó a tres el número de miembros de una legatio, para que las ciudades redujeran gastos (Dig., 50, 7, 5, 6, Marc.). 99. Cfr. LCGI, 69, 72; Lex Irn., 77, 79. Sobre el tema J. Mangas, “Financiación y administración de los sacra publica en la Lex Ursonensis”, Studia Historica. Historia Antigua, 15, 1997, p. 181-195; A. Raggi, “Le norme sui sacra nelle leges municipales”, en L. Capogrossi y E. Gabba (eds.), Gli Statuti Municipali, op. cit., esp. p. 710-718. 100. Cfr. LCGI, 72. Vide al respecto A. Raggi, “Le norme […]”, art. cit., p. 715-718. 101. Cfr. LCGI, 69; Lex Irn., 77, 79, 92 (cenae, epula o vescerationes). Sobre el tema: J.-F. Rodríguez Neila, “In publicum vescere. El banquete municipal romano”, en Hispania y la Epigrafía romana. Cuatro perspectivas, Faenza, 2009, p. 13-82.

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rebajar costes utilizando a sus servi como mano de obra102. O bien recurriendo a las operae y otros servicios personales que, de forma obligatoria, debían aportar por ley los libertos públicos103. También hubo ciudades que recurrieron a damnati con tal fin104. Otra solución eran las prestaciones obligatorias y gratuitas de la población (munera). Aparecen reguladas en los reglamentos hispanos, con el fin de que las autoridades locales tuvieran todo el respaldo jurídico para exigirlas105. Y pudo ser un recurso habitual, quizás para labores no especializadas106. Una tentación recaudatoria podía ser subir el importe de los vectigalia, que eran tasas e impuestos municipales cobrados por muy diversos conceptos. Constituían un capítulo sustancial de ingresos, aunque variable según las ciudades107. Como algunos se percibían con regularidad, su importe anual podía ser previsto mediante la documentación de archivo108. Pero su imposición debía ser aprobada desde Roma109. De hecho cuando Sabora (Bética) pidió permiso a Vespasiano para subir tales contribuciones, justificando su petición con un memorándum (libellus), no tuvo éxito, pese a que sus dirigentes insistieron en las difficultates y situación de infirmitas que sufrían110. La respuesta imperial dejó claro a las autoridades locales que no debían afrontar tales coyunturas con expedientes que perjudicaran a la ciudadanía. Muchas comunidades disponían de un patrimonio inmobiliario (agri, silvae, praedia, aedificia), que en situaciones de dificultad económica podía garantizar su 218

102. LCGI, 62 (ocho servi publici); Lex Irn., 19, 72, 78, 79. Ejemplos de tal uso: CIL, XIV, 155 (Ostia), donde se mencionan ochenta y un esclavos públicos. Setecientos había en Roma para el servicio de aguas (Frontin., De Aquaed., 116-117). 103. En Lex Irn., 72, tales prestaciones se definen como opera, dona y munera. Vide al respecto C. Masi Doria, Civitas operae obsequium. Tre studi sulla condizione giuridica dei liberti, Nápoles, 1993; J.-J. Aubert, Business managers in Ancient Rome. A Social and Economic Study of Institores (200 B.C.-A.D. 250), Leiden, 1994, p. 102 ss. 104. Cfr. Plin., Ep., X, 31-32. 105. LCGI, 98; Lex Irn., 83. Desde la República existió en Roma un régimen mixto de munera gratuitos y pagos por parte del estado de ciertos trabajos especiali­zados (F. Milazzo, La realizzazione delle opere pubbliche […], op. cit., p. 28). 106. Aunque escasos testimonios epigráficos recuerdan su utilización, quizás por ser un procedimiento administrativo rutinario que no merecía conmemoración especial. Para África tenemos CIL, VIII, 9062 = ILS, 5590 (Auzia); ILAlg., 2, 1, 3596 (Tiddis); CIL, VIII, 2342 (Timgad); CIL, VIII, 12285 (Bisica Lucana). En Antioquía se constata la movilización popular para la apertura de un canal (D. Feissel, “Deux listes de quartiers d’Antioche astreints au creusement d’un canal (73-74 apr. J.-C.)”, Syria, 62, 1985, p. 77-103. Vide también Libanio (Or., XLVI, 21) y Plinio el Joven (Ep., X, 41). 107. Sobre el concepto de vectigalia y su variada tipología: P. Le Roux, “Vectigalia et revenus des cités en Hispanie au Haut-Empire”, en Il capitolo delle entrate nelle finanze municipali in Occidente ed in Oriente, Roma, 1999, p. 155-173; J. France, “Les catégories du vocabulaire de la fiscalité […]”, art. cit. 108. Por ejemplo los vectigalia que debían abonar en Urso quienes alquilaban propiedades públicas de la colonia (LCGI, 65), según condiciones registradas en los contratos conservados en el archivo local. Importantes ingresos obtendría Massalia del vectigal del 2% que gravaba las mercancías que llegaban por tierra y mar (J. France, “Les revenus douaniers des communautés municipales dans le monde romain (République et Haut-Empire)”, en Il capitolo […], op. cit., p. 95-113. El financiero pompeyano Caecilius Iucundus tenía arrendado el cobro de algunas tasas, así la de mercatus (J. Andreau, Les affaires de Monsieur Jucundus, op. cit., p. 53 ss.). 109. Los gobernadores controlaron directamente esta cuestión (G.-P. Burton, “The Roman imperial state […]”, art. cit., p. 323 s.). 110. CIL, II, 1423. Tiberio quitó a muchas comunidades el ius metallorum ac vectigalium (Suet., Tib., 49).

La gestión financiera municipal. Entre el control, el dispendio y la necesidad

solvencia financiera. Por ejemplo si el aerarium no podía hacer frente a gastos inevitables o imprevistos, o bien al pago de deudas. En tal caso era factible obtener liquidez vendiendo bienes de titularidad pública111. Su alienación estaba prohibida en la ley de Urso. Pero el reglamento de Irni sí admite dicha posibilidad112. La operación, de la que se encargarían los duunviros previo decreto decurional, seguiría un procedimiento similar al que se utilizaba para vender los bienes hipotecados ofrecidos a la ciudad como garantía113. Los magistrados debían procurar rentabilizar tales operaciones y obtener los máximos ingresos para el erario local, siendo responsables si actuaban con negligencia o de forma fraudulenta114. Aunque no siempre estaría asegurado que encontraran compradores en el momento preciso, si el precio de la venta era alto. O que al final tales propiedades acabaran siendo subastadas a menor precio del esperado115. Pero no siempre las ciudades contarían con patrimonio inmobiliario suficiente para resolver sus apuros financieros. Munigua, por ejemplo, no quiso o no pudo recurrir a tal expediente para saldar la deuda que tenía contraída con el citado conductor vectigalium. Si no era posible enajenar bienes inmobiliarios, o tal recurso no bastaba para resolver las dificultades económicas, había una solución de emergencia, solicitar un préstamo “en interés de la comunidad” (pecunia mutua in usus reipublicae), una especie de “deuda pública”116. Tal procedimiento consta en la ley de Irni, aunque con ciertas condiciones: que los decuriones lo aprobaran, pero contando con la autorización del gobernador provincial, si las sumas obtenidas en préstamo superaban los cincuenta mil sestercios anuales, a fin de evitar el endeudamiento excesivo117. Poco sabemos sobre la gestión de tales préstamos, no tenemos documentos concretos118. Pero seguramente serían los duunviros quienes se encargarían de negociar 111. Plinio el Joven aconsejaba reinvertir la pecunia publica excedente adquiriendo tierras o prestando a interés (Plin., Ep., X., 54, 1). Era preferible la primera opción, pues los praedia comprados no sólo permitían cobrar vectigalia si se arrendaban, sino también obtener liquidez con su venta en situaciones de crisis. Sobre estas operaciones financieras: Ch. Gabrielli, “Pecuniae publicae… ne otiosae iaceant (Plin. epist., 10.54). Strategie finanziarie”, en L. Capogrossi y E. Gabba (eds.), Gli Statuti Municipali, op. cit., p. 382-395. 112. LCGI, 82, aunque sí estaba prevista la venta de ciertos inmuebles confiscados (LCGI, 76); Lex Irn., 79. 113. Lex Mal.-Irn., 64. 114. Cfr. Dig., 50, 8, 12 (9, 3), 1, Papir. Iust. 115. Las auctiones fueron habituales para la venta de bienes públicos y privados. Vide N.-K. Rauh, “Auctioneers and the Roman Economy”, Historia, 38, 1989, p. 451-471; M. García Morcillo, Las ventas por subasta en el mundo romano: la esfera privada, Barcelona, 2005; D. Jones, The Bankers of Puteoli. Finance, Trade and Industry in the Roman world, Stroud, 2006, p. 79-91. Los archivos de financieros como Caecilius Iucundus en Pompeya o los Sulpicii en Puteoli confirman su interés en tales operaciones (J. Andreau, Les affaires de Monsieur Jucundus, op. cit., p. 309-338; G. Camodeca, Tabulae Pompeianae Sulpiciorum, Roma, 1999, p. 185 ss). 116. La comparación es de E. Lo Cascio, “La dimensione finanziaria”, art. cit., p. 681. 117. Lex Irn., 80. 118. A nivel privado sí nos informa el archivo de los Sulpicii (G. Camodeca, L’archivio puteolano dei Sulpicii, op. cit., p. 165 ss.; Id., Tabulae Pompeianae Sulpiciorum, op. cit., p. 133 ss.). Los documentos de préstamo suelen incluir una stipulatio entre las partes, con indicación del dinero prestado y las garantías ofrecidas por el prestatario. Pero no suelen mensionarse ni el interés acordado (usura), ni los plazos de devolución de capital y réditos.

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con los potenciales prestamistas119. Obviamente estaban obligados a conseguir las mejores condiciones120, y a ofrecer a los financieros los convenientes avales121. Era un expediente cuya oportunidad decuriones y magistrados debían sopesar bien, ya que entrañaba riesgos, pues había que devolver el capital y abonar los intereses122. Además varios pasajes del Digesto sugieren que la responsabilidad de reembolsar un préstamo recaía no sobre la ciudad en conjunto, sino sobre sus dirigentes123. En situaciones de crisis algunas comunidades podían apelar a la generosidad imperial, lo que era más bien excepcional. O encontrar munificentes ciudadanos dispuestos a asumir ciertos gastos. El auxilio del evergetismo, cuyas manifestaciones debemos verlas como algo puntual y coyuntural, podía resultar providencial si, por ejemplo, servía para afrontar los costes de una obra pública o sostener parte de las actividades de la religión oficial. Es cierto que los donantes no estaban obligados a dar. Pero sabemos que a veces fueron presionados tanto por los ordines decurionum como por el populus, para que remediaran con su dinero ciertas carencias. Eso no quiere decir que la ejecución de un proyecto edilicio dependiera únicamente de que hubiera evergetas dispuestos a financiarlo. Las previsiones de gastos del estatuto de Irni incluían fondos de la pecunia communis para construir o reparar opera eiu[s] municipi124. Pero la evidencia epigráfica muestra que en muchos lugares una parte importante de la construcción pública fue sufragada por el mecenazgo cívico125. Y a menudo las liberalidades procedieron de notables que habían ejercido el duunvirato, y que quizás pudieron constatar entonces ciertas necesidades126. Aunque no es fácil cuantificar las respectivas contribuciones de la pecunia publica y del evergetismo en el desarrollo urbanístico de cada ciudad. Incluso la incompetencia de las autoridades locales para culminar opera publica frenó ocasionalmente la ejecución de trabajos complementarios, que algunos mecenas se habían comprometido a pagar127.

119. Así se refleja en una inscripción de Nîmes (AE, 1982, 681): …saepe pecunia mutua quae a magistratibus petebatur data. Vide J.-F. Rodríguez Neila, Tabulae publicae. Archivos […], op. cit., p. 120-129. 120. Las tasas de interés podían variar mucho de un lugar a otro (Dig., 13, 4, 3, Gai.), aunque un máximo anual del 12% fue normal en época imperial (D. Jones, The Bankers of Puteoli […], op. cit., p. 253 s.). Pero tarifas más bajas podían facilitar la colocación de excedentes de la pecunia publica prestando a interés (Plin., Ep., X, 54-55). 121. Cfr. Apul., Met., I, 21, 5-6 y 22, 2; Dig., 20, 1, 11, pr., Marcian. 122. No estamos bien informados sobre condiciones y formas de reembolso. El patrimonio inmobiliario de la ciudad o los vectigalia a ingresar podían servir como garantía del préstamo. 123. Dig., 3, 4, 7, 1 (Ulp.); 3, 4, 8 (Iav.); 12, 1, 27 (Ulp.). Cfr. Plin., Ep., X, 54, 2. Vide R. Bogaert, Banques et banquiers dans les cités grecques, Leiden, 1968, p. 247 s.; L. Migeotte, L’emprunt public dans les cités grecques, Québec - Paris, 1984, p. 290 s. 124. Lex Irn., 79. 125. Vide H. Jouffroy, La construction publique en Italie et dans l’Afrique romaine, Estrasburgo, 1986. 126. Vide M. Cébeillac, Les magistrats dês cités italiennes de la Seconde Guerre Punique à Auguste : le Latium et la Campanie, Roma, 1998, p. 99 ss.; J.-F. Rodríguez Neila y E. Melchor, “Evergetismo y cursus honorum de los magistrados municipales en las provincias de Bética y Lusitania”, en C. Castillo, F.-J. Navarro y R. Martínez (eds.), De Augusto a Trajano. Un siglo en la Historia de España, Pamplona, 2000, p. 139-238. 127. Cfr. Plin., Ep., X, 40, 1; Dig., 50, 10, 1 (Call.)

La gestión financiera municipal. Entre el control, el dispendio y la necesidad

Más variables eran los ingresos que las ciudades podían obtener de dos tipos de ayudas privadas. Me refiero a las summae honorariae y los legados. Las summae honorariae pagadas por decuriones, magistrados o sacerdotes cuando accedían a sus funciones, eran auxilios económicos puntuales. Tenían el aliciente de aportar numerario al aerarium, que las autoridades locales podían usar flexiblemente para los fines que estimaran oportunos. Tales contribuciones ya aparecen en la ley de Urso, aunque no debieron generalizarse hasta el siglo ii d.C.128 En cuanto a los legados o fundaciones, el problema era su libre disposición por parte de las autoridades municipales129. Generalmente los donantes ponían la condición de que tal dinero, o bien los intereses que generaba, fueran empleados únicamente para los fines que ellos establecían y que los decuriones no podían alterar130. Terminaré destacando la idea fundamental sobre la que ha girado mi exposición. En las colonias y municipios romanos hubo procedimientos de supervisión financiera, en los que se proyectó la experiencia administrativa y jurídica de Roma. Las leges Iuliae citadas surgen del cuidado de César por la organización, control y estabilidad de las haciendas locales. Similares criterios mantuvo el régimen imperial, asegurando los sistemas de inspección fiscal, como reflejan los estatutos locales de Hispania. El problema es que apenas tenemos datos concretos sobre su aplicación, que permitan comprobar si tales disposiciones fueron eficaces. Ni tampoco las fuentes presentan casos de dirigentes municipales, que fueran procesados por delitos relacionados con el uso de fondos comunales131. Y siempre nos quedará una duda: si aquellos magistrados que merecieron alabanzas públicas en ciertas inscripciones honoríficas, bien por su honesta atministratio, o por acreditar cualidades personales beneficiosas para la gestión de la res publica132, fueron realmente la excepción o la regla.

128. Cfr. LCGI, 70-71. Sobre el tema E. Melchor, El mecenazgo cívico en la Bética. La contribución de los evergetas a la vida municipal, Córdoba, 1994, p. 43 ss.; C. Briand-Ponsart, “Summa honoraria et resources des cités d’Afrique”, en Il capitolo […], op. cit., p. 217-234. 129. Cfr. Plin., Ep., VII, 18. Sobre el tema E. Melchor, El mecenazgo cívico en la Bética […], op. cit., p. 74-79; A. Magioncalda, Documentazione epigrafica e “fondazioni” testamentarie. Appunti su una scelta di testi, Turín, 1994, p. 23-31 y 111-124. 130. Cfr. Dig., 50, 8, 1 (Ulp.). Aunque en ciertos casos tales sumas sí podían ser libremente gestionadas por los gobernantes locales, si intervenía la autoridad imperial. Cfr. Dig., 50, 8, 6 (4) (Val.); 50, 12, 13, 1, (Papir. Iust.); 50, 10, 7 pr., Call.) 131. C. Rosillo, La corruption à la fin de la République romaine […], op. cit., p. 114, señala idéntica circunstancia en el caso de los magistrados estatales. 132. Vide J.-F. Rodríguez Neila, “Elogio público de un magistrado municipal romano”, Habis, 18-19, 19871988, p. 407-435.

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Gestire il territorio per gestire il patrimonio per gestire le crisi (e il potere)

Antonio Sartori

Résumé – Gérer le territoire pour gérer le patrimoine pour gérer les crises (et le pouvoir). La gestion du territoire, la gestion du patrimoine, la gestion des crises ne sont pas toujours des activités indépendantes. La conduite de Pline le Jeune, pratique et quotidienne, mais aussi très avisée, démontre au contraire qu’elles sont profondément entrelacées. Pline était un exploitant agricole très expérimenté, un sagace administrateur de ses biens, un homme politique zélé. De ses propriétés foncières il retirait les bases de son patrimoine personnel, avec lequel il contribuait à pallier les crises de sa communauté, et il en obtenait prestige et autorité. Mots)clés –

Pline le Jeune - Gestion du territoire - Gestion du patrimoine - Crises - Pouvoir comme prestige et autorité. Abstract ­– To manage the land, to manage the properties, to manage the crises (and the power).

The administration of the country estates and of the personal properties and the crisis management are not always independent activities. On the contrary, Pliny the Younger’s experience, practical but very wise, shows that they are deeply connected. Pliny was an expert farmer, a careful administrator of his properties, an attentive politician. From his estates he gained his personal properties, with which he contributed to resolve the crises of his community and obtained prestige and authority. Keywords – Pliny the Younger - Managemente of the land - Management of the properties - Crises

- Power as prestige and authority.

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Antonio Sartori

A 

bituato come sono a lavorare sulle pietre – sì, anche di scalpello – spesso anche povere, sono portato a puntare l’attenzione sugli aspetti minori di ogni fenomeno del mondo antico: minori, perché relativi ad individui e spesso pure semplici, ma non per questo meno importanti, se poi questi individui li vogliamo considerare ed apprezzare nell’intrico ma vitale e fervido della loro comunità corale.

Una premessa

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Con questa premessa di basso profilo potrebbe essere non facile riconoscermi nel soggetto altisonante e onnicomprensivo di questo nostro incontro. Eppure, mi è riuscito spontaneo ridimensionarlo, con l’accorgimento di concatenarne le parti, già accostate per asindeto, in una organica successione di fasi di un unico processo, in fondo al quale, o dietro al quale, trapela la molla o il meccanismo che quel processo mette in moto e che giustifica come suo scopo fondamentale: il potere lato sensu o il prestigio che ne è l’emanazione prima e più visibile. Il titolo generale offre aspetti e àmbiti – il territorio, il patrimonio, le crisi – da affrontare alla grande come casi di politica economica. Ma io mi permetto di trattarli in termini miniaturizzati, o individuali appunto, ed entro parametri che paiono solo economici in apparenza, ma che coinvolgono tutta intera la personalità versatile di un solo personaggio emblematico: il che non è una rinuncia, perchè poi la politica, come regolatrice della vita comunitaria, affiorerà lo stesso. E dunque, puntando sull’individuo, sul singolo esempio non per il tutto ma per tutti, chi meglio del “mio” Plinio il Giovane?1 e lo dico mio perché nell’ambito di EMIRE è la terza volta che lo prendo in esame, raro soggetto extravagante rispetto alla mia più consueta e costante base di lavoro delle pietre iscritte. Perché proprio Plinio? Perché il suo epistolario è sempre un impareggiabile spaccato di vita, un’inesauribile fonte di informazioni su una brulicante vita di relazione, attraverso le sue esperienze e i suoi atteggiamenti personali. Suoi atteggamenti personali che, per quanto relativi appunto ad uno solo, non sono insignificanti, poiché Plinio il Giovane non fu personaggio da poco, né per fama o, come si dice ora, per visibilità, e dunque per carriera, e neppure per peso politico o sociale piuttosto. Il quale peso egli lo manifesta, o anzi ne dà tracce anche involontarie per intuirlo: non tanto ad un livello ufficiale, centrale, statale, tranne che nella sua intensa e, a quanto pare, fortunata attività giudiziaria svolta a 1. Familiarmente

lo dico “mio”, perché, oltre che per i frequenti contatti con l’illustre Comense nel corso dei miei annosi studi sul panorama epigrafico della città sul Larius Lacus, nell’ambito di EMIRE è la terza volta che lo prendo in esame, raro soggetto extravagante rispetto alla mia più consueta e costante base di lavoro delle pietre iscritte: cfr. A. Sartori, “Le curiosità private di Caecilius Plinius per lo ius locale”, in MEFRA, 122-1, 1919, p. 43-50; Id., “Plinio il funzionario: dal lago di Como alla Bitinia”, in L. Lamoine, C. Berrendonner, M. Cébeillac (eds.), La praxis municipale dans l’Occident romain, Clermont-Ferrand, 2010, p. 81-91.

Gestire il territorio per gestire il patrimonio per gestire le crisi (e il potere)

Roma; quanto piuttosto nei comportamenti quotidiani, negli ambienti di periferia lontano dall’urbe, ai quali pure egli dichiara spesso di non potere essere partecipe quanto desidererebbe. Ed eccolo dunque Plinio, in un ritratto del suo agire, benchè rapido per necessità: tuttavia della gestione del territorio abbiamo alcuni esempi, la gestione del patrimonio emerge indirettamente da varii casi, cosiddette crisi debbono essere riconosciute in alcune situazioni camuffate o sottintese da altro.

La gestione del territorio per… Bisogna intendersi sui termini: nell’epistolario pliniano il territorio ritorna spesso nelle sue considerazioni e valutazioni come nei suoi suggerimenti, ma non sempre rientra in una vera gestione strutturale o funzionale, perchè le sue non rare attenzioni, appaiono più esteticheggianti che realmente gestionali. Così sembra negli accenni, sempre laudativi, alle sue articolate e diffuse proprietà sul suo lago, il Lario2, e intorno a Como3; e così pure nell’apparente delusione per quanto gli offre la sua tenuta del Laurentino4, adagiata fra collina e spiaggia, appena a Sud di Ostia, che nulla produce – neppure quanto basta a ricambiare degnamente l’omaggio di qualche tordo, sia pure pulcherrimus – ma che gli offre l’agio, per lui tuttavia inestimabile, di potere leggere e studiare in tranquillità benchè non lontano dall’urbe. Poco interesse dunque per una vera gestione del territorio? Eppure essa affiora talvolta, in modo se non prepotente certo trasparente almeno: e penso naturalmente alle ampie descrizioni delle sue gran tenute ancora del Laurentino5 o dei suoi Tusci 6, presso Tifernum Tiberinum (probabilmente l’umbra Città 2. Plin.,

Ep., I, 3.1: Quid agit Comum, tuae meaeque deliciae? quid suburbanum amoenissimum, quid illa porticus verna semper, quid platanon opacissimus, quid euripus viridis et gemmeus, quid subiectus et serviens lacus, quid illa mollis et tamen solida gestatio, quid balineum illud quod plurimus sol implet et circumit, quid triclinia illa popularia illa paucorum, quid cubicula diurna nocturna? Possident te et per vices partiuntur? 3. Plin., Ep., II, 8.1: Studes an piscaris an venaris an simul omnia? Possunt enim omnia simul fieri ad Larium nostrum. Nam lacus piscem, feras silvae quibus lacus cingitur, studia altissimus iste secessus affatim suggerunt. 4. Plin., Ep., V, 2.1: Accepi pulcherrimos turdos, cum quibus parem calculum ponere nec urbis copiis ex Laurentino nec maris tam turbidis tempestatibus possum. 5. Plin., Ep., II, 17.1-3: Miraris cur me Laurentinum vel –  si ita mavis – Laurens meum tanto opere delectet; desines mirari, cum cognoveris gratiam villae, opportunitatem loci, litoris spatium. Decem septem milibus passuum ab urbe secessit, ut peractis quae agenda fuerint salvo iam et composito die possis ibi manere. Aditur non una via […] Varia hinc atque inde facies; nam modo occurrentibus silvis via coartatur, modo latissimis pratis diffunditur et patescit; multi greges ovium, multa ibi equorum boum armenta, quae montibus hieme depulsa herbis et tepore verno nitescunt. Villa usibus capax, non sumptuosa tutela. 6. Plin., Ep., V, 6. 1-5: Amavi curam et sollicitudinem tuam, quod cum audisses me aestate Tuscos meos petiturum, ne facerem suasisti, dum putas insalubres. Est sane gravis et pestilens ora Tuscorum, quae per litus extenditur; sed hi procul a mari recesserunt, quin etiam Appennino saluberrimo montium subiacent. Atque adeo ut omnem pro me metum ponas, accipe temperiem caeli regionis situm villae amoenitatem, quae et tibi auditu et mihi relatu iucunda erunt. Caelum est hieme frigidum et gelidum […]. Aestatis mira clementia: semper aer spiritu aliquo movetur, frequentius tamen auras quam ventos habet.

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di Castello), dove sotto all’ammirazione trapela facilmente e spesso l’attenzione agronomica per l’ambiente, esteticheggiante sì, ma anche sanamente produttiva. Invece, cenni più netti ad una vera gestione del territorio mi paiono quelli contenuti nel noto passo, che rimane tuttora base per decidere gli incerti confini fra Mediolanum e Comum – in cui Plinio definisce i rapporti anche agrarii tra se stesso e Verginio Rufo7. Ma poiché la definizione di confini tra le perticae di municipia diversi paiono avere un valore solo amministratvo, ma di scarso effetto nella pratica quotidiana, tale precisazione portebbe a pensare che Plinio avesse qualche attenzione ai catasti: come compete d’altronde ad un buon proprietario e amministratore di terre, quale egli era di fatto; e come emerge anche dal ragionevole intento di razionalizzare le sue proprietà accorpandovene altre aliene, ma contigue o incuneate in esse8. Ma eccone i pro e i contro per un interesse concreto ma titubante – me multa sollicitant, aliqua nec minora deterrent – ma non certamente da sprovveduto, fino a chiedere consiglio come in altre occasioni al conterraneo Calvisio Rufo. A favore9 sta la razionalizzazone di unificare tenute contigue, con un effetto prima di tutto paesaggistico – ipsa pulchritudo iungendi: impenitente Plinio, sempre un esteta, che tuttavia non trascura l’interesse economico, perché sa considerare anche, non minus utile quam voluptuosum, il contenimento delle spese di gestione unificate in grande invece che ripetute su diverse proprietà. Ma, a bilanciare il positivo, ecco che10 contra vereor ne sit incautum, secondo l’atavico scrupolo di differenziare in ambienti diversi i rischi soprattutto meteorologici. A non contare inoltre – anche se questa non è una preoccupazione gestionale – a non contare il piacere, la iucunditas, tutta en touriste, di trovarvi il pretesto di cambiare ambienti. E poi torna a considerazioni più ponderate: ottimi i terreni, fertiles pingues aquosi, con una canonica vocazione promiscua campis vineis silvis; il tutto compromesso tuttavia imbecillis cultoribus, dall’inadeguatezza totale dei conduttori, insufficienti nel numero e nelle risorse.

7. Plin., Ep., II, 1. 7-8: Et ille [scil. Verginius Rufus] quidem plenus annis abit, plenus honoribus, illis etiam quos recusavit: nobis tamen quaerendus ac desiderandus est ut exemplar aevi prioris, mihi vero praecipue, qui illum non solum publice quantum admirabar tantum diligebam; primum quod utrique eadem regio, municipia finitima, agri etiam possessionesque coniunctae, praeterea quod ille mihi tutor relictus affectum parentis exhibuit. 8. Plin., Ep., III, 19.1: Praedia agris meis vicina atque etiam inserta venalia sunt. In his me multa sollicitant, aliqua nec minora deterrent. 9. Plin., Ep., III, 19.2-3: Sollicitat primum ipsa pulchritudo iungendi; deinde, quod non minus utile quam voluptuosum, posse utraque eadem opera eodem viatico invisere, sub eodem procuratore ac paene isdem actoribus habere, unam villam colere et ornare, alteram tantum tueri. Inest huic computationi sumptus supellectilis, sumptus atriensium topiariorum fabrorum atque etiam venatorii instrumenti; quae plurimum refert unum in locum conferas an in diversa dispergas. 10. Plin., Ep., III, 19.4: Contra vereor ne sit incautum, rem tam magnam isdem tempestatibus isdem casibus subdere; tutius videtur incerta fortunae possessionum varietatibus experiri. Habet etiam multum iucunditatis soli caelique mutatio, ipsaque illa peregrinatio inter sua.

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E infine la questione del prezzo, tenuta per ultimo da Plinio, ma non di poco conto11. Tre i milioni di sesterzi richiesti per una tenuta che ne avrebbe potuto valere anche cinque: ma come disponibili all’impronto per un Plinio che altrove si definisce di modicae facultates? Sembrano non essere un problema primario: anche se ha tutto investito in altre terre, qualche capitale lo ha pure in crediti a interesse, facilmente recuperabili; e poi, c’è sempre la sua arma vincente: li prenderò da mia suocera, della cui cassa mi servo come se fosse mia. Con il che si entra nell’altro aspetto…

la gestione del patrimonio per… Sotto all’affabile propensione di Plinio a divagare su aspetti di ammirazione ecologica del bon vivre, di un welfare talvolta persino un po’ snob, emerge pur sempre una spiccata attenzione al reddito – e come dargli torto dovendo gestire tante proprietà con la sensazione tuttavia di non averne mai abbastanza? Ripeto le sue affermazioni di autoelegio o di autocommiserazione, velate entrambe: “modicae facultates dignitas sumptuosa (disponibilità modeste – il che comunque non era per nulla vero – e un rango dispendioso), un reddito che per la conduzione dei miei campicelli (agelli, ma sono tenute molto estese) non so se è più insufficiente o incerto: ma quand’anche il reddito manchi, vi supplisco con la sobrietà, dalla quale, come da una sorgente, scaturisce tutta la mia disponibile generosità – velut ex fonte liberalitas nostra decurrit”12. Parole che sono, nella loro letterarietà un po’ immaginifica, la chiave per capire ogni suo comportamento gestionale. Interessato sì al godimento estetico delle sue molte campagne, Plinio non è affatto un incompetente. Si dimostra ben informato della congiuntura finanziaria13, invitando a vendere terre in Italia ed acquistarne in provincia, in occasione dell’obbligo traianeo per i candidati di avere un terzo delle proprietà nella penisola14; egli sa ben

11. Plin., Ep., III, 19.8: Quaeris an hoc ipsum triciens facile colligere possimus. Sum quidem prope totus in praediis, aliquid tamen fenero, nec molestum erit mutuari; accipiam a socru, cuius arca non secus ac mea utor. 12. Plin., Ep., II, 4.3: Sunt quidem omnino nobis modicae facultates, dignitas sumptuosa, reditus propter condicionem agellorum nescio minor an incertior; sed quod cessat ex reditu, frugalitate suppletur, ex qua velut fonte liberalitas nostra decurrit. 13. Plin., Ep., VI, 19.1: Scis tu accessisse pretium agris, praecipue suburbanis? Causa subitae caritatis res multis agitata sermonibus. 14. Plin., Ep., VI, 19. 4-6: sumptus candidatorum, foedos illos et infames, [scil. princeps] ambitus lege restrinxit; eosdem patrimonii tertiam partem conferre iussit in ea quae solo continerentur, deforme arbitratus – et erat – honorem petituros urbem Italiamque non pro patria sed pro hospitio aut stabulo quasi peregrinantes habere. […] Proinde si paenitet te Italicorum praediorum, hoc vendendi tempus tam hercule quam in provinciis comparandi, dum idem candidati illic vendunt ut hic emant. Cfr. V. A. Sirago, L’Italia agraria sotto Traiano, Louvain, 1958, p. 271-274.

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valutare15 i pregi anche economici della sua tenuta in Tuscis, dà consigli assennati16 per la transazione di un podere che coinvolge l’amico Svetonio, ritagliato proprio su misura per degli scholastici domini, degli intellettuali come lui, senza troppe pretese; conosce bene e affronta i contrattempi agricoli stagionali ed anche economici (nei Tusci17 inondazioni, trombe d’aria, iperproduzioni in Transpadana18, ma con caduta dei prezzi); e non è tutto studio e letture come vorrebbe, ma ascolta fino alla noia le lamentele dei contadini19, e dedica gran tempo a stipulare di persona contratti di affitto20. Fino ad avventurarsi nell’instaurare una sorta di mezzadria21, più agile degli affitti e forse, nel tempo, più conveniente per tutti, purchè, lo sa bene, controllata con attenzione anche severa. Anche se poi riconosce22 che alii in praedia sua proficiscuntur ut locupletiores revertantur, ego ut pauperior, per la sua disponibilità ad abbuonare interessi o anticipi nelle vendite della produzione: una

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15. Plin., Ep., V, 6. 7-11: Regionis forma pulcherrima… Lata et diffusa planities montibus cingitur, montes summa sui parte procera nemora et antiqua habent […] Inde caeduae silvae […] has inter pingues terrenique colles – neque enim facile usquam saxum etiam si quaeratur occurrit – planissimis campis fertilitate non cedunt, opimamque messem serius tantum, sed non minus percoquunt. Sub his per latus omne vineae porriguntur, unamque faciem longe lateque contexunt; quarum a fine imoque quasi margine arbusta nascuntur. Prata inde campique, campi quos non nisi, ingentes boves et fortissima aratra perfringunt: tantis glaebis tenacissimum solum cum primum prosecatur assurgit, ut nono demum sulco perdometur. Prata florida et gemmea trifolium aliasque herbas teneras semper et molles et quasi novas alunt. Cuncta enim perennibus rivis nutriuntur. 16. Plin., Ep., I, 24. 1-4: Tranquillus contubernalis meus vult emere agellum, quem venditare amicus tuus dicitur. Rogo cures, quanti aequum est emat; ita enim delectabit emisse. Nam mala emptio semper ingrata, eo maxime quod exprobrare stultitiam domino videtur. In hoc autem agello, si modo arriserit pretium, Tranquilli mei stomachum multa sollicitant, vicinitas urbis, opportunitas viae, mediocritas villae, modus ruris, qui avocet magis quam distringat. Scholasticis porro dominis, ut hic est, sufficit abunde tantum soli, ut relevare caput, reficere oculos, reptare per limitem unamque semitam terere omnesque viteculas suas nosse et numerare arbusculas possint. 17. Plin., Ep., VIII, 17.1: Hic assiduae tempestates et crebra diluvia. Tiberis alveum excessit et demissioribus ripis alte superfunditur. 18. Plin., Ep., IV, 6.1: Tusci grandine excussi, in regione Transpadana summa abundantia, sed par vilitas nuntiatur: solum mihi Laurentinum meum in reditu. 19. Plin., Ep., IX, 15, 1-3: Refugeram in Tuscos, ut omnia ad arbitrium meum facerem. At hoc ne in Tuscis quidem: tam multis undique rusticorum libellis et tam querulis inquietor, quos aliquanto magis invitus quam meos lego; nam et meos invitus. Retracto enim actiunculas quasdam, quod post intercapedinem temporis et frigidum et acerbum est. Rationes quasi absente me negleguntur. Interdum tamen equum conscendo et patrem familiae hactenus ago, quod aliquam partem praediorum, sed pro gestatione percurro. 20. Plin., Ep., VII, 30, 3-4: Me huc quoque urbana negotia persequuntur; non desunt enim qui me iudicem aut arbitrum faciant. Accedunt querelae rusticorum, qui auribus meis post longum tempus suo iure abutuntur. Instat et necessitas agrorum locandorum, perquam molesta: adeo rarum est invenire idoneos conductores. Quibus ex causis precario studeo, studeo tamen. 21. Plin., Ep., IX, 37, 1-4: […] cum me necessitas locandorum praediorum plures annos ordinatura detineat, in qua mihi nova consilia sumenda sunt. Nam priore lustro, quamquam post magnas remissiones, reliqua creverunt: inde plerisque nulla iam cura minuendi aeris alieni, quod desperant posse persolvi; rapiunt etiam consumuntque quod natum est, ut qui iam putent se non sibi parcere. Occurrendum ergo augescentibus vitiis et medendum est. Medendi una ratio, si non nummo sed partibus locem ac deinde ex meis aliquos operis exactores, custodes fructibus ponam. Et alioqui nullum iustius genus reditus, quam quod terra caelum annus refert. At hoc magnam fidem acres oculos numerosas manus poscit. Experiundum tamen et quasi in veteri morbo quaelibet mutationis auxilia temptanda sunt. 22. Plin., Ep., VIII, 2, 1-8: Alii in praedia sua proficiscuntur ut locupletiores revertantur, ego ut pauperior. […] Per hoc enim aptissime et in praeteritum singulis pro cuiusque merito gratia referri, et in futurum omnes cum ad emendum tum etiam ad solvendum allici videbantur Magno mihi seu ratio haec seu facilitas stetit, sed fuit tanti. Nam regione tota et novitas remissionis et forma laudatur.

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pratica dispendiosa, ma di grande effetto: se ne diffonde larga nomea di facilitas, si impone o ne consegue una generale riconoscenza. Ma è questo che sembra essere proprio il nodo dei suoi comportamenti: a che scopo tutto ciò? tutte queste attenzioni e cure? Ed è il terzo aspetto.

la gestione delle crisi, e non solo per … Che consentitemi di decrittare in una definizione multipla, come la gestione delle insufficienze (sempre crisi sono anche queste), delle insufficienze individuali o collettive ma locali e dunque – non saprei distingerla – della manifestazione della sua autorevolezza ma anche della sua liberalitas, binomio essenziale per gestire un potere magari non riconosciuto ufficialmente, ma pesante non poco. C’è solo l’imbarazzo della scelta fra tanti esempi disparati: ad esempio, una lauta dote nuziale è offerta a tale Calvina23 per ragioni di adfinitas e di pregressa amicitia. Ma particolarmente significativo è il gesto di liberalità personale all’apparenza: dà a un municeps et condiscipulus 300 000 sesterzi24, ut non decurione solum, verum etiam equite romano pefruamur, perché se ne goda non da decurione soltanto, ma da eques. “Perfruamur, se ne goda insieme”: sì, perchè il fall-out del dono (a fondo perduto, naturalmente) consisterà nella diuturnitas del ricordo del dono in amicizia, ma anche dalla convinzione, senza neppure che egli glielo raccomandi, che gestirà la nuova dignitas con tutta la discrezione dovuta all’impegno con il suo sponsor: “perché – cito – bisogna detenere con più cura un titolo, in cui si riconosce il beneficio di un amico”. Un atteggiamento in cui c’è tutto Plinio e, con lui, gli impegni vincolanti delle pubbliche relazioni della società romana. Un atteggiamento che in Plinio si declina nelle occasioni più varie: dall’ottenere un tribunato militare per Svetonio25, che tuttavia non si perita di chiederne il trasferimento ad altri, con

23. Plin., Ep., II, 4.1: Cum vero ego ductus affinitatis officio, dimissis omnibus qui non dico molestiores sed diligentiores erant, creditor solus exstiterim, cumque vivente eo nubenti tibi in dotem centum milia contulerim, praeter eam summam quam pater tuus quasi de meo dixit – erat enim solvenda de meo –, magnum habes facilitatis meae pignus, cuius fiducia debes famam defuncti pudoremque suscipere. Ad quod te ne verbis magis quam rebus horter, quidquid mihi pater tuus debuit, acceptum tibi fieri iubebo. 24. Plin., Ep., I, 19, 1-3: Municeps tu meus et condiscipulus et ab ineunte aetate contubernalis, […] familiaris: magnae et graves causae, cur suscipere augere dignitatem tuam debeam. Esse autem tibi centum milium censum, satis indicat quod apud nos decurio es. Igitur ut te non decurione solum verum etiam equite Romano perfruamur, offero tibi ad implendas equestres facultates trecenta milia nummum. Te memorem huius muneris amicitiae nostrae diuturnitas spondet: ego ne illud quidem admoneo, quod admonere deberem, nisi scirem sponte facturum, ut dignitate a me data quam modestissime ut a me data utare. 25. Plin., Ep., III, 8, 1-2: Facis pro cetera reverentia quam mihi praestas, quod tam sollicite petis ut tribunatum, quem a Neratio Marcello clarissimo viro impetravi tibi, in Caesennium Silvanum propinquum tuum transferam. Mihi autem sicut iucundissimum ipsum te tribunum, ita non minus gratum alium per te videre.

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soddisfazione di Plinio; al selezionare un precettore26 per un nipote di certi amici; dall’intervento per istituire una scuola superiore cittadina a Como27, generoso del suo ma controllato (vi partecipino anche le famiglie); all’espediente di vendita fittizia28 suggerito a un concittadino per vincolare sovvenzioni alla città perché queste non venissero dilapidate vanamente; persino all’impegno di far deviare a Como un proconsole in missione29 per provvedere a larghe manomissioni di schiavi per vindictam; perchè desidera che “patriam nostram omnibus quidem rebus augeri maxime tamen civium numero; id enim oppidis firmissimum ornamentum”30 (curiosa ricorrenza – en passant – per Como quella dell’incremento di cittadini, già in altri tempi predisposto da Giulio Cesare ed ora nuovamente auspicato: forse per un drenaggio, spontaneo quanto costante ed inarrestabile, ad opera di Mediolanum?). Esempi tutti di situazioni locali o persino individuali di incertezza o meglio di insufficienza: piccole crisi insomma, ma sanate dall’intervento di Plinio, ora finanziario, ora consultivo ma autorevole, o forse sempre con entrambe le caratteristiche insieme. Tanti altri poi gli episodi esemplicativi; tanti, di cui offro due soli casi, ma forse i più significativi. Il “discorso della biblioteca”31, pronunciato non liberamente coram populo, ma di fronte alle sole autorità cittadine (davvero per modestia, come si è detto, o non piuttosto per darvi più peso?) e ripreso poi dall’ inscriptio princeps pliniana32 (CIL, V, 5262): il “discorso della biblioteca” propone la massima entità di un intervento evergetico per sopperire alle evidenti ristrettezze 26. Plin.,

Ep., II, 18.1: Quid a te mihi iucundius potuit iniungi, quam ut praeceptorem fratris tui liberis quaererem? Nam beneficio tuo in scholam redeo, et illam dulcissimam aetatem quasi resumo. 27. Plin., Ep., IV, 13.3-6: […]’Quia nullos hic praeceptores habemus.’ ‘Quare nullos? Nam vehementer intererat vestra, qui patres estis’ – et opportune complures patres audiebant – ‘liberos vestros hic potissimum discere. Ubi enim aut iucundius morarentur quam in patria aut pudicius continerentur quam sub oculis parentum aut minore sumptu quam domi? […] Atque adeo ego, qui nondum liberos habeo, paratus sum pro re publica nostra, quasi pro filia vel parente, tertiam partem eius quod conferre vobis placebit dare. Totum etiam pollicerer, nisi timerem ne hoc munus meum quandoque ambitu corrumperetur, ut accidere multis in locis video, in quibus praeceptores publice conducuntur. 28. Plin., Ep., VII, 18.1-3: Deliberas mecum quemadmodum pecunia, quam municipibus nostris in epulum obtulisti, post te quoque salva sit. Honesta consultatio, non expedita sententia. Numeres rei publicae summam: verendum est ne dilabatur. Des agros: ut publici neglegentur. Equidem nihil commodius invenio, quam quod ipse feci. Nam pro quingentis milibus nummum, quae in alimenta ingenuorum ingenuarumque promiseram, agrum ex meis longe pluris actori publico mancipavi; eundem vectigali imposito recepi, tricena milia annua daturus. Per hoc enim et rei publicae sors in tuto nec reditus incertus, et ager ipse propter id quod vectigal large supercurrit, semper dominum a quo exerceatur inveniet. 29. Plin., Ep., VII, 16.3-4: Hic [scil. Calestrius Tiro] nunc pro consule provinciam Baeticam per Ticinum est petiturus. Spero, immo confido facile me impetraturum, ex itinere deflectat ad te, si voles vindicta liberare, quos proxime inter amicos manumisisti. Nihil est quod verearis ne sit hoc illi molestum, cui orbem terrarum circumire non erit longum mea causa. 30. Plin., Ep., VII, 32.1: Delector iucundum tibi fuisse Tironis mei adventum; quod vero scribis oblata occasione proconsulis plurimos manumissos, unice laetor. Cupio enim patriam nostram omnibus quidem rebus augeri, maxime tamen civium numero: id enim oppidis firmissimum ornamentum. 31. Plin., Ep., I, 8.2 et 16: Petiturus sum enim ut rursus vaces sermoni quem apud municipes meos habui bibliothecam dedicaturus […] hunc ipsum sermonem non apud populum, sed apud decuriones habui, nec in propatulo sed in curia. 32. CIL, V, 5262 = D, 2927 = AE, 1947, 65 = AE, 1963, 190 = AE, 1966, 127 = AE, 1983, 444 = AE, 1984, 436 = AE, 1999, 747 = AE, 2001, 1085.

Gestire il territorio per gestire il patrimonio per gestire le crisi (e il potere)

dell’amministrazione cittadina e riassume in sé i tre termini del tema di oggi: la gestione del patrimonio, di cui sappiamo essere la fonte un’oculata gestione del territorio, ora come altre volte investito in spese solo all’apparenza gratuite per sopperire ad una perenne situazione locale asfittica di crisi o semplicemente di endemica difficoltà. Il tutto però non esaurito in questo compito tanto nobilitante quanto autogratificante. Ma

ancora una volta per… … riversarlo invece anche nei rapporti umani e sociali e politici, strettamente correlati tra di loro, di cui Plinio si sente o sa bene di essere centro nel suo piccolo mondo locale: patrono de facto e de iure, consigliere, padre nobile insomma. Se ne ha infatti il riscontro di un esemplare comportamento applicato al quotidiano33: per ottenere il tribunato plebis per Sesto Erucio, di cui apprezza il riconoscimento dell’intera famiglia (siamo a Roma, ma l’esempio vale in nuce e perennemente anche nella sua città) Plinio non si perita di fare campagna capillare – domos stationesque circumeo – e mette in gioco il suo prestigio – quantumque vel auctoritate vel gratia valeam – in un perenne scambio di promesse e di favori: ogni amico “obsecro… reddam vicem si reposces, reddam et si non reposces”. Amici ed amicitiae vincolanti, dunque, ma da mettere alla prova; liberalitas permessa dalle disponibilità che defluunt dal patrimonium sustanziato nel territorio; ma incertezza costante (il clima, i tracolli finanziari, i rapporti sociali sempre da coltivare), e tuttavia necessità perenne di dimostrare il prestigio acquisito o l’autorità conseguente, ma, né l’uno né l’altra, mai dati per scontati: come si specifica appunto con una definizione illuminante, per sapere con certezza, per mettere alla prova costantemente, perché appaia palesemente, quantumque vel auctoritate vel gratia valeam. In una situazione, insomma, tutta di fatto perennemente in crisi.

33. Plin.,

Ep., II, 9. 1-6: Anxium me et inquietum habet petitio Sexti Eruci mei. Afficior cura et, quam pro me sollicitudinem non adii, quasi pro me altero patior; et alioqui meus pudor, mea existimatio, mea dignitas in discrimen adducitur […] Proinde adnitendum est mihi, ut talem eum iudicent omnes, qualem esse princeps mihi credidit. Quae causa si studium meum non incitaret, adiutum tamen cuperem iuvenem probissimum gravissimum eruditissimum, omni denique laude dignissimum, et quidem cum tota domo […]. Omnes [scil. in qua domo] me certatim et tamen aequaliter amant, omnibus nunc ego in uno referre gratiam possum. Itaque prenso amicos, supplico, ambio, domos stationesque circumeo, quantumque vel auctoritate vel gratia valeam, precibus experior, teque obsecro ut aliquam oneris mei partem suscipere tanti putes. Reddam vicem si reposces, reddam et si non reposces. Diligeris coleris frequentaris: ostende modo velle te, nec deerunt qui quod tu velis cupiant.

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Prévenir et guérir

les embarras du forum : l’Aequitas

Michel Christol

Résumé –

Les témoignages sur l’Aequitas Augusti ou Augusta montrent l’existence de liens avec la vie du marché urbain, notamment le macellum, sous la responsabilité des édiles. On peut envisager que cette notion et sa représentation seraient nées dans ce contexte, en Italie, durant le ier siècle av. J.-C., puis qu’elles se seraient diffusées en province. La représentation en numismatique, à partir de Galba, dérive de l’ornementation des marchés. Mots-clés –

Aequitas - Édiles - Échanges - Macellum - Mercure.

Abstract –

Documents concerning Aequitas Augusti or Augusta attest links with the urban market, notably the macellum, under the responsability of aediles. These abstraction and her representation were created in this context, in Italy during the ist century B.C., before diffusion in provinces. The numismatic representation proceeds from the market decoration. Keywprds –

Aequitas - Aediles - Transactions - Macellum - Mercury.

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L 

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a compétence des édiles a été rappelée par la loi d’Irni, au début de la partie conservée1 : “avec le droit et le pouvoir de régler et de contrôler le ravitaillement, les édifices sacrés, les lieux sacrés et religieux, le chef-lieu, les rues, les vici, les égouts, les bains, le macellum, les poids et mesures, de régler les surveillances nocturnes en cas de nécessité”. Même si dans la documentation épigraphique d’autres éléments apparaissent avec netteté, car l’édilité étant un des premiers niveaux des honneurs permettant de se faire remarquer, il ne convient pas d’oublier cette composante du quotidien municipal : le rôle des édiles dans le fonctionnement de la vie collective, surtout dans le domaine de l’alimentation. L’approvisionnement régulier était de leur compétence, l’honnêteté des échanges aussi. L’urbanisme réservait souvent un espace spécifique, près du forum, à ces activités : le macellum2. Cet aspect routinier rend la perception du rôle des autorités compétentes plus difficile à saisir, ou, pour le dire autrement, leur action moins perceptible dans les sources, même si la reprise de documentations habituellement confinées dans l’instrumentum domesticum, telle celle portant sur les inscriptions des poids, peut s’avérer fructueuse3. On peut aussi mettre en évidence, comme on l’a fait récemment, le décor de l’autel funéraire d’un édile de la colonie latine de Nîmes, qui représente, à côté des symboles de son pouvoir, des références précises à la gestion des échanges, avec la figuration de poids et d’une balance (fig. 1)4. Une de leurs responsabilités principales concernait la police des marchés, sur le forum ou dans le macellum, lieu par excellence des échanges liés à l’alimentation des populations. Mais il ne semble pas que toutes les cités aient disposé d’une construction réservée à ce commerce quotidien. Néanmoins, la surveillance des échanges et le maintien des conditions de leur bon déroulement étaient des tâches indispensables. Le commerce de certaines denrées était essentiel à la tranquillité publique. Éviter les spéculations était du ressort des autorités les plus élevées. Mais garantir l’honnêteté et la clarté des transactions incombait particulièrement aux édiles comme tâche routinière, car ils ne pouvaient pas ignorer les lieux communs qui circulaient sur l’avidité des marchands, réputés dominés par l’avaritia (la philarguria des Grecs) : l’épisode de la rencontre de Lucius et de Pythias, l’édile qui avait été son condisciple d’études à Athènes, tel qu’il est relaté

1.  AE, 1986, 333 (chap. 19 ; traduction de Patrick Le Roux). Sur les édiles : J. Marquardt, Organisation de l’empire romain (trad. française), Paris, 1889, I, p. 231-233 ; G. Humbert, s.v. aedilis, dans Ch. Daremberg et Edm. Saglio (dir.), Dictionnaire des antiqutés grecques et romaines, I, Paris, 1873, p. 99-101 ; W. Kubitschek, RE, I, col. 448-450. 2. C. De Ruyt, Macellum, marché alimentaire des Romains, Louvain-la-Neuve, 1983. 3. C. Berrendonner, “La surveillance des poids et mesures par les autorités romaines : l’apport de la documentation épigraphique latine”, CCG, 20, 2009, p. 351-370. 4. L. Lamoine, “Le cippe de Lucius Severius Severinus”, Bulletin de l’École Antique de Nîmes, no 26, 2003-2006, p. 109-113 ; Id., Le pouvoir local en Gaule romaine, Clermont-Ferrand, 2009, p. 276-280.

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Fig. 1.

Les insignes de l’édilité (CIL, XII, 3273), inscription de Nîmes.

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par Apulée, l’illustre parfaitement5. La capacité d’imposer des amendes (multae) à ceux dont l’activité tombait sous leur autorité, lorsque leur comportement s’écartait de la norme ou de l’acceptable, entrait dans leurs attributions6. Prévenir les conflits, anticiper sur la dispute, pouvait être salutaire. Il fallait donc faire régner la confiance et le consensus avant même d’avoir à le rétablir si nécessaire. La symbolique de l’aequitas (l’équité) y contribua certainement.

Quelle place pour l’Aequitas ?

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En effet les édiles pourchassaient les fausses mesures ou bien imposaient la pratique de mesures justes et honnêtes. Les verbes aequare ou exaequare d’un côté7, l’adjectif iniquus ou le substantif iniquitas de l’autre8 caractérisaient le vocabulaire décrivant leur activité. Les deux premiers termes signalent l’effort positif pour maintenir une situation convenable, s’accordant avec les tâches de la charge. Les deux derniers viennent exprimer le rôle correcteur, l’exercice du pouvoir pour retrouver la normalité et réduire des défauts apparus dans le champ de leurs compétences. Amendes, saisies de mesures altérées, installation de nouvelles mesures étalonnées9, constituaient des aspects spectaculaires de leurs activités10. Un des documents que l’on examinera avec plus de détails que d’autres, tant il apporte des éléments, montre les deux facettes de l’action des édiles autour du thème de l’équité : la sanction pour stigmatiser des 5. Apul.,

Mét., I, 24-25. ressources permettent des installations faites ex aere multaticio (AE, 1951, 22 = AE, 1952, 152 ; AE, 1975, 269 ; CIL, XIV, 2621 = ILS, 6207 ; CIL, XIV, 3678 = ILS, 6231 = I.It., IV, 1, 23 = ILLRP, 683), ou bien ex multis (AE, 1955, 107 ; CIL, VIII, 972 = ILTun., 801 ; CIL, VIII, 973 ; CIL, VIII, 12445 ; CIL, XII, 1377 = ILS, 5614 ; IRT, 294 = AE, 2003, 1902 = AE, 2007, 1693 ; IRT, 597) ; S. M. Marengo, “Le multae”, dans Il capitolo delle entrate nelle finanze municipali in Occidente ed in Oriente. Actes de la X e rencontre franco-italienne sur l’épigraphie du monde romain (Rome, 27-29 mai 1996), Rome, 1999, p. 73-84. Mais on a bien moins d’inscriptions sur cette activité que sur les manifestations évergétiques : T. Belkahia-Karoui, “Édiles et édilité en Afrique Proconsulaire et en Numidie”, dans M. Milanese, P. Ruggeri et C. Vismara (éds.), L’Africa romana. I luoghi e le forme dei mestieri e della produzzione nelle province africane. Atti del XVIII convegno di studio (Olbia, 11-14 dicembre 2008), Rome, 2010, p. 1565-1614. 7. CIL, X, 793 (ILS, 5602) : mensuras exaequandas ex dec(urionum) decr(eto) ; CIL, X, 6017 : ex s(enatus) c(onsulto) pondera et metra exaequarunt ; CIL, VIII, 9666 (ILS, 5606), cf. P. Salama et J.-P. Laporte, “Tables de mesures de l’Afrique romaine”, dans M. Milanese, P. Ruggeri et C. Vismara (éds.), L’Africa romana. I luoghi e le forme dei mestieri[…], op. cit., p. 341-342, no 3 : mensur(as) olear(ias) … [impensis] suis aeq(uarunt) et dedicauer(unt) ; AE, 1906, 28, cf. P. Salama, J.-P. Laporte, “Tables de mesures de l’Afrique romaine”, op. cit., p. 359-360, no 16 : […] s Cel[e]rinus aedilis mensuras exaequ[a]tas ex sua lib(eralitate) ciuibus suis statuit. 8. CIL, XI, 6375 (ILS, 5613) : ex iniquitatibus mensurarum et ponderum ; CIL, IX, 2854 (ILS, 5591) : ex metr[etis et ponderib]us iniquis. 9. Comme l’indiquerait l’inscription de l’(A)equitas, sur des poids : CIL, X, 8067, 7 et CIL, III, 6015, 1. 10. À côté des édiles, on constate la présence des magistrats supérieurs : CIL, X, 793 (ILS, 5602), à Pompéi, cf. M. Cébeillac-Gervasoni, Les magistrats des cités italiennes de la seconde guerre punique à Auguste. Le Latium et la Campanie, Rome, 1998, p. 286, texte 5.1, cf. p. 110 n. 60 ; CIL, X, 6017 (ILS, 5603) à Minturnes, cf. M. Cébeillac-Gervasoni, Les magistrats des cités italiennes […], op. cit., p. 86 ; C. Berrendonner, “La surveillance des poids et mesures […]”, art. cit., p. 357-360. 6. Ces

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défauts dans la vie quotidienne du marché, puis l’action de rétablissement de la normalité11. Tous ces termes sont liés, ils expriment positivement ou négativement les mêmes valeurs. Ils se rattachent au sens premier qui se trouve dans aequus, aequabilis, aequabiliter, ou aequaliter, à savoir l’immutabilité, la constance, la continuité, bref ce qui permet rapprochement, comparaison et mise en équivalence des choses12. L’aequitas peut donc signifier l’égalité, la justesse, l’équilibre dans la continuité. On peut donc passer aisément à l’impartialité du gouvernant et à son jugement plein de rectitude13. L’Aequitas, en tant qu’abstraction divinisée, est donc devenue la divinité présidant à la régularité des échanges. Il était aussi normal qu’à l’époque du principat la notion se soit enrichie, en devenant à l’occasion l’Aequitas Aug(usta) ou Aug(usti), qui pouvait être, en rapport avec le lieu où elle était célébrée, non l’exaltation d’une vertu impériale mais une divinité de la mesure, dont l’importance était majorée par le lien établi avec la plus haute autorité publique. Cet aspect du dossier, tel que nous en dessinons les contours, n’a pas toujours été pris en compte par les encyclopédies ou recueils thématiques traitant de l’Aequitas. Ils sont souvent anciens. Mais, même l’article plus récent du LIMC 14, en raison de la dominante numismatique de la documentation, a laissé échapper bien des données issues de l’épigraphie qui, même si elles étaient indirectes, apportaient des témoignages sur la représentation de cette notion.

La vertu et sa représentation. En effet, l’aequitas est représentée, sous forme d’image ou de statue. Il faut envisager que des statuettes entraient dans l’ornementation du lieu des échanges quotidiens, ou bien que leur présence avait été introduite afin de mieux faire observer les principes qu’elles étaient censées représenter. Un exemple l’atteste : il provient de Philippes, dans la province de Macédoine. Il permet d’éclairer d’autres témoignages. 11. On

se référera à l’inscription de Philippes, ci-dessous. I (1900) s.v. aequabilis, col. 991-992, s.v. aequalis, col. 996-999, s.v. aequitas, col. 1013-1017. 13. J. Hellegouarc’h, Le vocabulaire latin des relations et des partis politiques sous la République, Paris, 1972 (2e éd.), p. 150-151, souligne le glissement de sens, d’“équitable” ou “équilibré”, à “favorable”, le plus souvent par une décision normative (de justice ou d’administration). Dans la documentation épigraphique cette notion, sous ses diverses formes (le substantif aequitas, l’adjectif aequuus), est appliquée aux qualités du gouverneur, et plus généralement à celles d’une “autorité”, mais à une date tardive : M. Christol, “Hommages publics à Lepcis Magna à l’époque de Dioclétien : choix du vocabulaire et qualité du destinataire”, RHD, 61, 1983, p. 331-343. Cette vertu peut aussi caractériser l’action du magistrat municipal : ob aequam et integram administrationem (CIL, III, 6844 = ILS 7202). 14. G. G. Belloni, s.v. Aequitas, dans LIMC, I, 1, Zurich - Munich 1981, col. 241-243. L’article du Thesaurus linguae Latinae, cependant, conserve une très grande utilité (voir n. 12). Le repérage des références a été facilité par la consultation de l’Epigraphik-Datenbank Clauss/Slaby. 12. ThlL,

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En effet, à Philippes, chef-lieu d’une colonie de citoyens romains sur les bords de la mer Égée, les édiles ont accompli un acte d’évergétisme à l’occasion de leur magistrature. L’inscription, publiée par P. Lemerle15, provient du secteur de la basilique byzantine, superposée à un monument antérieur qui a été interprété comme le macellum de cette agglomération16 : Aequitatem Augusti et mensuras M(arcus) Cornelius P(ublii) f(ilius) Vol(tinia) Niger, P(ublius) Valerius P(ublii) f(ilius) Vol(tinia) Niger, aed(iles), d(e) s(ua) p(ecunia) f(acere) c(uraverunt) ; in id opus coiectum est ex mensuris iniquis aeris p(ondus) XXXXIIII. Les deux accusatifs initiaux, liés par la coordination et, ont suscité une réelle perplexité chez les commentateurs et les ont conduits à des interprétations divergentes. Paul Lemerle estimait qu’il convenait d’écrire les mots Aequitatem et Mensuras avec une majuscule initiale : on aurait voulu mentionner “l’Équité de l’Empereur et les Justes Mesures” ; mais s’il n’avait pas grand peine à fournit un parallèle sur l’abstraction divinisée qu’aurait été l’Aequitas Augusti, il devait confesser qu’il lui était plus difficile de disposer de parallèles pour caractériser de la même manière les Mensurae : “quant aux mensurae, peut-être employé pour personnifier et diviniser l’exactitude des mesures, c’est à ma connaissance la première fois qu’il se rencontrerait avec cette valeur”17. C’est pourquoi, lors de la publication du texte, il faisait état d’une interprétation suggérée par J. Carcopino18 : le mot aequitatem se référerait à une balance et le terme serait donc utilisé par métonymie. C’est dans ce sens que se prononça peu après Paul Collart, dans son ouvrage de synthèse sur cette colonie romaine. Ce savant aborde à deux reprises le contenu de l’inscription19, mais c’est dans la partie relative aux cultes de la cité, lorsqu’il fait la liste des divinités attestées, qu’il prend parti le plus nettement : “En revanche, c’est à tort qu’on ajouterait à cette liste l’Équité de l’Empereur et les Justes Mesures : l’inscription du marché qui porte ces termes, qu’il faut orthographier sans majuscules, signifie, beaucoup plus simplement, que les édiles de la colonie avaient fait déposer en ce lieu une balance et une série de poids et mesures”. Il rejoignait ainsi Jérôme Carcopino, en ajoutant que s’il y avait eu une dédicace à des 15. P. Lemerle,

“Inscriptions latines et grecques de Philippes”, BCH, 58, 1934, p. 457-461, no 3 (avec fig. 2, p. 459), à rapprocher des nos 4-5, ibid., 461-464, qui sont des bases dédiées l’une à Mercure, le dieu des échanges par excellence, l’autre au Genius macelli et à Fortuna (d’où AE, 1935, 49, 50 et 51) ; sur l’identification de l’espace, J. Coupry, “Chronique des fouilles et découvertes archéologiques”, BCH, 59, 1935, p. 288-289, ainsi que P. Collart, Philippes de Macédoine, Paris, 1937, p. 362-364. Les trois inscriptions ont été enregistrées par P. Pilhofer, Philippi. II. Katalog des Inschriften von Philippi, Tübingen, 2000, no 249 (p. 265-267), no 250 (p. 267-268), no 251 (p. 268-269). 16. M. Sève, “Une ville romaine en Grèce”, dans L’espace grec. 150 ans de fouilles de l’Ecole française d’Athènes, Paris, 1996, p. 88-94. 17. P. Lemerle, “Inscriptions latines et grecques de Philippes”, art. cit., p. 458. 18. Ibid., p. 458, n. 1 : “Je tiens à signaler que M. J. Carcopino ne croit pas qu’ici, il y avait une divinisation de mesures, ce qu’on ne rencontre jamais dans les textes analogues : les édiles auraient fait une balance (désignée par les mots Aequitas Augusti) et des mesures, sans plus”. 19. P. Collart, Philippes de Macédoine, op. cit., p. 363 avec n. 5, et p. 411-412.

Prévenir et guérir les embarras du forum : l’Aequitas

allégories divinisées, on aurait employé le datif. Le débat a rebondi récemment. Dans un ouvrage sur la vie religieuse dans la colonie de Philippes, L. Bormann, après avoir présenté les différents points de vue, se rallie à l’interprétation de P. Collart, en insistant que le fait qu’une dédicace à des abstractions divinisées aurait été rédigée au datif20. Néanmoins, P. Pilhofer, dans ses travaux sur la même ville, est revenu partiellement au point de vue de P. Lemerle. Si dans son premier livre, paru en 1995, il se contente de remettre le document dans le contexte du macellum, en rappelant les questions morales qui surgissaient dans les échanges quotidiens (l’avaritia des marchands, leur attrait pour les richesses)21, lorsqu’il commente les inscriptions de Philippes, quelques années plus tard, il se rapproche de P. Lemerle, au moins partiellement, et surtout il s’oriente vers ce qui pourrait être la meilleure explication22. Il considère qu’il convient de définir l’Aequitas Augusti comme une abstraction divinisée, et il semble aussi considérer qu’il n’est pas nécessaire de placer sur le même plan, abstrait ou concret, les deux accusatifs du début de la première ligne. Mais en définissant l’inscription comme “Mensura-Inschrift der aediles”, il ne pousse pas à son terme cette heureuse intuition. Ailleurs, on avait plutôt suivi le point de vue de J. Carcopino et de P. Collart23. L’Aequitas Augusti est une représentation de l’Aequitas sous forme d’une statue. Cet usage de langage, attribuant dans un tel raccourci au seul signifié la fonction de signifiant, n’est pas rare. On peut citer des exemples divers. À Aquincum, en 201 apr. J.-C., C(aius) Iulius Severus a fait faire à ses frais, pour l’offrir au collège des artisans, un Silvanus, c’est-à-dire une statue de Silvain24 : C(aius) Iulius Severus colle(gio) fabrum Sil(v)anum pecunia sua fecit. En Bétique, à Nescania, les curatores iuvenum Laurensium ont offert ou dédié un Iupiter Panthaeus, c’est-à-dire la statue d’un Jupiter Panthée, installée dans sa chapelle25 : Iovem Pantheum Aug(ustum) cum aede et tetrastylo solo [p]ub(lico) L(ucius) Calpurnius Gallio et C(aius) Marius Clemens Nescanienses, curatores iuvenum Laurensium, d(onum) d(ederunt). Ailleurs, en Germanie Supérieure, quand on offre une Victoria, c’est d’une statue de la Victoire qu’il s’agit26 : [V] ictoriam cum base Domitius Condollus coll(egio) peregrinorum v(otum) 20. L. Bormann,

Philippi. Stadt und Christengemeinde zur Zeit des Paulus, Leiden - New York - Cologne, 1995, p. 52-53. 21. P. Pilhofer, Philippi. I. Die erste christliche Gemeinde Europas, Tübingen, 1995, p. 83 avec n. 21, p. 220-223, plus particulièrement p. 220 avec n. 8. 22. P. Pilhofer, Philippi, II. Katalog der Inschriften von Philippi, Tübingen, 2000, p. 265-267, no 249. 23. C. De Ruyt, Macellum […], op. cit., p. 133-136, n’exploite pas toutes les observations de P. Lemerle dans sa publication. L’interprétation du mot aequitas comme balance se retrouve : C. Berrendonner, “La surveillance des poids et mesures […]”, art. cit., p. 359. 24. CIL, III, 3580. 25. CIL, II, 2008. 26. CIL, XIII, 6453.

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s(olvit) l(ibens) l(aetus) m(erito). Enfin, à Thubursicu Numidarum, un Hercules Invictus correspond à la statue du dieu27 : Herculem Invictum pro salute [[Diocletiani et Maxim[iani]] Augg(ustorum) ordo et populus hoc loco ponendum censuit. Dans tous les cas l’image représentée s’est substituée à l’objet qui, en d’autres circonstances, aurait pu être qualifié de façons plus concrètes, comme le montrent les inscriptions d’Ostie : signum Martis, imaginem Matris deum, imaginem Attis, signum Attis, typum Matris deum, par exemple28. Les édiles, associés en collège, ont donc fait faire, puis ont mis en place des mesures, en même temps qu’ils ont installé une statue de l’Équité de l’empereur : c’est l’opus dont il est question à la fin de l’inscription. Cet ouvrage est fait d’un objet à valeur symbolique, la statue, et d’objets à valeur pratique, les mesures (entendons : des poids et mesures). On avait en effet procédé à la refonte des anciens poids qui, vraisemblablement, avaient été altérés, et qui pour cette raison avaient été confisqués, puis détruits. Ces confiscations, qui avaient atteint le montant de quarante-quatre livres de métal, avaient permis non seulement de fabriquer la statue mais aussi de faire des poids neufs. On comprend que ces décisions de remise en ordre soient placées sous la tutelle de l’Équité, puisque celle-ci était censée garantir les échanges sur les marchés. De la sanction des fautes, et de leur correction, naissait une image idéale des rapports d’échanges entre commerçants et consommateurs. La statue venait désormais présider à l’honnêteté des transactions : elle valait presque autant que la présence des édiles eux-mêmes. Ainsi le cadre de découverte et le contexte sont suffisamment explicites pour fixer l’interprétation. Cette divinité apparaît comme divinité du quotidien municipal, bien à sa place au forum ou dans tout lieu réservé aux échanges, tel le macellum. C’est à partir d’une provenance semblable, dans la zone du forum, que l’on peut interpréter la mention d’un signum Aequitatis à Uthina29, colonie des soldats de la treizième légion dans la province d’Afrique30 : C(aius) Marius C(ai) [f(ilius)] aedilis signum Aequitatis sacrum, de sua pequnia ex d(ecreto) d(ecurionum) faciundum curavit. En publiant cette inscription, dont la date précoce ne peut être mise en question (les formes pequnia et faciundum, l’absence du cognomen dans la dénomination), Azzedine Beschaouch l’avait reliée au dossier du partage des terres qui lui semble marqué, de la part d’Auguste, par un souci d’équilibre et de justice (ex aequitate Imp(eratoris) Caes(aris)

27. ILAlg.,

I, 1228 (avec le commentaire de St. Gsell). XIV, 32 ; XIV, 33 ; XIV, 34 ; XIV, 35 ; XIV, 37 ; XIV, 36. 29. A. Beschaouch, “Uthina et l’Équité Auguste”, dans H. Ben Hassen et L. Maurin (dir.), Oudhna (Uthina), colonie de vétérans de la XIIIe légion. Histoire, urbanisme, fouilles et mise en valeur des monuments, Bordeaux - Paris - Tunis, 2004, p. 15-18, avec fig. 1 (d’où AE, 2004, 1817). 30. Pline, NH, V, 29. 28. CIL,

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Aug(usti selon une inscription d’Uchi Maius révisée31). Le lieu de découverte (sur le podium du Capitole), ainsi que la mention de la décision de l’ordo municipal, impliquent que la statue mentionnée (signum Aequitatis) se trouvait dans un lieu public. Mais on peut éclairer différemment les intentions de l’édile C(aius) Marius C(ai) f(ilius), surtout si l’on rapproche à présent ce texte de celui qui provient du forum de Philippes. Il indique que l’on a installé sur le forum d’Uthina une statue de l’Équité (signum Aequitatis), et que celle-ci a été consacrée (sacrum). L’édile a accompli son offrande à la suite d’une décision de l’ordo, qui exprimait l’intention cultuelle : le texte, pris au sens strict, ne lui attribue que les tâches d’exécution (ex d(ecreto) d(ecurionum) faciundum curavit). Mais le personnage a allégé le coût de la décision de l’ordo en assumant tous les frais, en premier selon toute vraisemblance ceux de la fabrication de la statue de l’Équité (de sua pequnia). De plus, l’exécution de cette tâche par un édile ne sous-entend pas une préoccupation de politique générale (son exécution n’aurait-elle pas été confiée plutôt aux duumvirs ?) visant, de la part de l’ordo, à exalter une vertu du prince, mais plutôt le souci d’accomplir une des activités spécifiques de cette magistrature, à savoir la gestion des poids et mesures et la surveillance des échanges. En somme l’Aequitas apparaît pleinement comme une divinité du macellum ou des lieux d’échanges quotidiens dans une ville, et on l’ajoutera au catalogue des divinités que composa C. De Ruyt dans l’ouvrage que nous avons cité. S’il fallait le prouver davantage, on pourrait se référer à l’exemple de Dougga, à la fin du iie siècle apr. J.-C., dans une partie de l’empire où la documentation sur le macellum est abondante32. Dans cette ville de l’arrière-pays de Carthage a été mis au jour l’emplacement d’un macellum33. L’édifice, édifié à une date assez haute (en 54 av. J.C.)34, fut ensuite remanié sous Commode par la générosité de deux personnes, Q(uintus) Pacuvius Saturus et Nahania Victoria, dans le cadre d’une opération d’urbanisme de plus grande ampleur puisqu’elle englobait l’area macelli (selon la restitution habituelle) et le temple de Mercure qui lui faisait face, de l’autre 31. CIL,

VIII, 26274 = ILTun., 1370 ; A. Beschaouch, “Colonia Mariana ‘Augusta’ Alexandriana Uchitanorum Maiorum. Trois siècles et demi d’histoire municipale en abrégé”, dans M. Khanoussi et A. Mastino (éds.), Uchi Maius, I. Scavi e ricerche epigrafiche in Tunisia, Sassari, 1997, p. 97-104, puis Id., “L’histoire municipale d’Uchi Maius, ville africo-romaine à double communauté civique”, CRAI, 2002, p. 1197-1212 ; M. Christol, “À propos d’inscriptions latines d’Uthina (Oudhna, Tunisie)”, ZPE, 178, 2011, p. 285-299. 32. Sur 78 sites répertoriés, on en comptait 14 dans les provinces africaines : C. De Ruyt, Macellum […], op. cit., p. 17-222 (Catalogue), p. 259-263 ; P. Gros, L’architecture romaine. 1. Les monuments publics, Paris, p. 450-464. 33. A. Merlin, “Rapport sur les fouilles de la Direction des Antiquités de Tunisie en 1918”, BCTH, 1919, p. CXXVIII-CXXXII (avec plan, p. CXXX, reproduit par C. De Ruyt, Macellum […], op. cit., p. 214, puis par P. Gros, L’architecture romaine. 1. […], op. cit., I, p. 455, fig. 509). 34. AE, 1922, 109 = ILAfr., 559 = ILTun., 1499 = AE, 1969-1970, 652 = M. Khanoussi et L. Maurin (dir.), Thugga (Dougga). Fragments d’histoire, Bordeaux, 2000, p. 181-182, no 69.

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côté de la place35. Une longue inscription relate l’entreprise. De nombreux fragments proviennent du mur byzantin, édifié au vie siècle autour du forum et du Capitole, tandis que d’autres ont été mis au jour en d’autres emplacements36. Sur le site même du macellum a été découverte une dédicace à Mercure, qualifié de protecteur du marché37, ce qui a conduit C. De Ruyt à supposer qu’“une statue du dieu protecteur du commerce se trouvait à l’intérieur de l’exèdre”38, c’est-à-dire au fond du marché, face au temple de Mercure et des divinités qui l’accompagnaient, sur le même axe, mais à l’opposé39. L’installation de cette statue serait à dater de la restauration de l’époque de Commode, selon S. Saint-Amans40. On trouve ailleurs, à Thibilis41 ou à Cuicul42, une semblable valorisation de l’espace commercial tant sont évidents les liens entre Mercure et ces édifices voués aux échanges quotidiens. Cette divinité a été normalement interprétée comme le Mercure romain, le dieu du commerce, qui fut d’abord dans le monde latin le garant du bon déroulement des échanges et des activités commerciales avant de devenir un dieu de la prospérité et de l’enrichissement (lucrum)43. Une autre inscription relative à Mercure doit être rattachée à ce dossier du marché44. Elle a été mise au jour au pied du mur méridional du fort byzantin45 : Mercurio [et] Aequitati Aug(ustae) [sacr(um)]. P(ublius) Selicius [---. Il s’agit, vraisemblablement, d’un autel plus que d’une simple base. Elle a peu 35. CIL,

VIII, 26482 = AE, 1914, 157 = ILAfr., 516 = M. Khanoussi et L. Maurin (dir.), Thugga […], op. cit., p. 93-98, no 34. 36. M. Khanoussi et L. Maurin (dir.), Thugga […], op. cit., p. 93. 37. AE, 1922, 107 = ILAfr., 548 = S. Saint-Amans, Topographie religieuse de Thugga (Douggga), ville romaine d’Afrique proconsulaire (Tunisie), Bordeaux, 2004, p. 336, no 74 + fig. 61, et p. 337. 38. C. De Ruyt, Macellum […], op. cit., p. 218 ; M. Khanoussi et L. Maurin (dir.), Thugga […], op. cit., p. 97 ; S. Saint-Amans, Topographie […], op. cit., p. 31, 118, 121, et surtout p. 254. 39. Sur ce temple de Mercure et son dieu principal, S. Saint-Amans, Topographie […], op. cit., p. 95-98. Un Mercure Silvius était subordonné : CIL, VIII, 26486 = ILTun., 1397 = S. Saint-Amans, Topographie […], op. cit., p. 333, no 67. Le rattachement à ce culte de l’inscription CIL, VIII, 26487, s’il n’est pas proposé à la p. 338, est toutefois envisagé aux p. 96-98, avec une argumentation détaillée. 40. S. Saint-Amans, Topographie […], op. cit., p. 336. 41. St. Gsell, Ch.-A. Joly, Khamissa, Announa, Mdaourouch. Fouilles exécutées par le Service des monuments historiques de l’Algérie. Announa, Alger - Paris, 1918, p. 76-78 ; C. De Ruyt, Macellum […], op. cit., p. 203-206, puis p. 373-374. 42. Lorsque, sous Antonin le Pieux, les frères Cosinii édifièrent le marché, le premier, qui avait eu l’initiative de la construction, avait de même honoré Mercure : AE, 1916, 37 = ILAlg., III, 7684. Une base portant la consécration au dieu soutenait sa statue, et un autel, décoré d’une aiguière et d’une patère, l’accompagnait : ILAlg., III, 7681. 43. B. Combet-Farnoux, Mercure romain. Le culte public de Mercure et la fonction mercantile à Rome de la République archaïque à l’époque augustéenne, Rome, 1980, passim ; C. De Ruyt, Macellum […], op. cit., p. 372-373 ; M. Khanoussi et L. Maurin (dir.), Thugga […], op. cit., p. 96-98 ; commentaires plus complexes et plus nuancés dans S. Saint-Amans, Topographie […], op. cit., p. 258, p. 268-269 44. Observations à paraître dans le prochain volume de l’Africa romana : “L’Équité, une composante de l’épigraphie du marché et de son décor : l’exemple africain”. 45. AE, 1904, 120 = CIL, VIII, 26487.

Prévenir et guérir les embarras du forum : l’Aequitas

attiré l’attention46, mais l’interprétation qui lui est consacrée en plusieurs passages47 doit être modifiée. Il ne semble pas possible de l’interpréter à la lumière de l’inscription d’Uchi Maius faisant référence à l’action de M(arcus) Caelius Phileros lors de l’organisation de la pertica de Carthage48 (ex aequitate Imp(eratoris) Aug(usti), comme l’envisage A. Beschaouch), et de faire du Mercure associé à l’Aequitas une divinité africaine réinterprétée, protectrice des confins et de la végétation49. On doit à nouveau rattacher ce document à l’épigraphie du marché, puisque déjà Mercure apparaît dans cette agglomération comme Genius macelli ou dieu présent au marché. Et l’Aequitas, abstraction divinisée qui l’accompagne, renvoie aussi à la gestion des poids et mesures qui appartenait aux édiles. Le parallèle avec la documentation issue de la colonie de Philippes est encore très éclairant.

La chronologie, l’espace : l’Italie et les provinces La reconsidération des pièces du dossier africain revêt un intérêt chronologique. L’inscription d’Uthina est précoce. Le signum qu’elle mentionne est donc un des premiers témoignages de la figuration de cette abstraction, qui viendrait souligner la précocité des témoignages que l’on aurait pu voir apparaître aussi sur les forums ou sur les marchés d’Italie50. La représentation statuaire est manifestement antérieure à la figuration monétaire (qui commence avec Galba). Les monnaies reprennent ou reproduisent vraisemblablement un modèle déjà existant, et vulgarisé par l’ornementation du macellum. De plus l’apparition de cette abstraction divinisée, là où normalement dominait une divinité telle que Mercure, est concordante avec les attributions de la divinité prépondérante. La garantie des modalités des échanges mercantiles, qui devaient se dérouler dans la bonne foi et l’honnêteté, était placée sous la protection de cette divinité. La régularité des mesures et leur immutabilité, qu’exprimait l’aequitas, en était un des aspects. On peut donc envisager, comme y invite l’interprétation de l’inscription de la colonie romaine d’Uthina, qu’avant même d’être représentée au revers des monnaies l’Équité aurait figuré dans le paysage des lieux de commerce, 46. Une

notice assez rapide : S. Saint-Amans, Topographie […], op. cit., p. 338, no 75. p. 96-98, p. 159-160, p. 268, et déjà p. 87. 48. CIL, VIII, 26274 = ILTun., 1370. 49. C’est elle qui prend la place principale dans un temple, édifié au nord de la “place de la rose des vents” ou “place du marché”, donc en face du macellum. Une des conséquences de l’interprétation qui avait été fournie était d’imposer une datation précoce à une inscription plutôt tardive : S. Saint-Amans, Topographie […], op. cit., p. 31, p. 130. Notre interprétation élimine cette difficulté chronologique en la libérant des contraintes qu’impose le parallèle avec l’inscription d’Uchi Maius. 50. L’inscription de Philippes se placera plutôt au ier siècle apr. J.-C. 47. Ibid.,

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au voisinage de Mercure51. La date précoce de l’inscription constitue un repère très précieux dans l’histoire de sa représentation. C’est d’ailleurs la balance que tient l’allégorie féminine, dont les fléaux ne fléchissent pas, qui figure sur les monnaies se référant dans leur légende soit à l’Aequitas soit à Moneta (fig. 2). On retrouve comme image monétaire le souci des mesures exactes qui s’exprimait dans l’épigraphie du forum. Les autres témoignages seraient plutôt d’époque impériale. À Barcino, colonie romaine d’Hispania Citerior, on trouve mention d’une statue de l’Aequitas Aug(usta), offerte par un sévir augustal52. Et c’est à la même époque qu’appartient, en Gaule Narbonnaise voisine, un document récent provenant de Murviel-lèsMontpellier, sur le forum d’un site qui serait le point d’ancrage d’une petite communauté indigène dotée du droit latin, celle des Samnagenses, connus par Pline l’Ancien53 : l’inscription dédiée à l’Aequitas Aug(usti) ou Aug(usta) a été gravée par un édile sur les deux côtés d’une table de mesures installée sur la principale place de l’agglomération (fig. 3)54. Il en va de même, en Italie, pour les quatre autres inscriptions qui entrent dans le dossier : une dédicace à l’Aequitas qui concerne un petit édifice religieux à Urbs Salvia dans le Picénum55 ; l’indication de l’offrande d’une statue à Préneste, qui montre que l’hommage religieux s’accompagnait parfois de la représentation de l’abstraction divinisée (signum Aequitatis)56 ; la mention à Brixia d’une statua Aequitatis57 ; la mention à Interamna Lirenas d’une Aequitas dans l’inscription58 relatant l’action des deux quattuorvirs quinquennales. On n’avait pas jusqu’ici envisagé de rattacher ces témoignages à la vie du forum. Peut-être convient-il à présent d’opérer ce rapprochement afin de leur donner tout leur sens. 51. G. G.

Belloni, s.v. Aequitas, dans LIMC, op. cit., I, 1, 241-243. 1962, 395 = IRC, IV, 1 : Aequitati Aug(ustae) L(ucius) Minicius Myron ob honorem (sex)virat(us), munus c(oloniae) B(arcinoni). 53. Pline, HN, III, 37 ; M. Christol, “Pline l’Ancien et la formula de la province de Narbonnaise”, dans C. Nicolet (dir.), La mémoire perdue. À la recherche des archives oubliées, publiques et privées de la Rome ancienne, Paris, 1994, p. 45-64. 54. M. Christol et P. Thollard, “L’inscription de la table de mesures de Murviel-lès-Montpellier (Hérault)”, à paraître dans RAN : Aequitati Aug(usti) (ou Aug(ustae)) C(aius) Masclius Mascli f(ilius) Vol(tinia) Secundinus aed(ilis) de suo. 55. Chr. Delplace et G. F. Paci, “Urbisaglia (Macerata). Rapporto preliminare sulla terza campagna di scavo (1978) condotta ad Urbs Salvia”, Not. Scav., XXXV, 1981, p. 69, no 3 (d’où AE, 1982, 242) : [A]equitat[i--- Ru] tileius C(aii) f(ilius) Ve[l(ina)--- ex ?] (sestertium) (centum milibus) n(ummum]. On fait remarquer que le montant de la dépense convient davantage à un bâtiment qu’à une statue. 56. CIL, XIV, 2860 : Fortun(ae) Primig(eniae) signum Aequitatis Nigrina Auxesis cum Felice Aug(usti) lib(erto) et suis d(e)d(it) d(e)d(icavit). 57. I.It., X, 5, 1 (= AE, 1954, 75) : P(ublius) Acilius P(ublii) f(ilius) Fab(ia) Florus, praef(ectus) i(ure) d(icundo) aedilic(ia) potest(ate) statuam Aequitatis posuit. 58. AE, 1988, 249, d’après A. Giannetti, Spigolature di varia antichità nel settore del medio Liri, Cassino, 1986, p. 249 : Q(uintus) Aeclanius Proximus et N(umerius) Herennius Felix (quattuor)vir(i) q(uin)q(uennales) Aequitatem faciendam [c]uraverunt ex p(ecunia) p(ublica). L’éditeur rapprocherait la mention de l’aequitas de l’installation d’une mensa ponderaria. Ce serait un nom commun. C’est ce qui explique que l’index de l’Année épigraphique, 1988, n’ait pas enregistré cette indication dans la partie réservée à la res sacra. 52. AE,

Prévenir et guérir les embarras du forum : l’Aequitas

Fig. 2.

As de Vespasien représentant l’Aequitas Augusti (cliché V. Drost).

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Fig. 3. L’Aequitas Augusti sur la table de mesures de Murviel-lès-Montpellier (cliché P. Thollard).

Il faut tenir compte de ces données afin d’envisager les caractéristiques géographiques de la diffusion du phénomène. Même si le témoignage le plus ancien et le plus irréfutable provient d’une province, le contexte renvoie à un modèle urbain issu de l’Italie, en sorte qu’il convient de considérer les exemples provinciaux (à Uthina, à Philippes) comme des importations issues de l’Italie de la fin de l’époque républicaine. Ainsi l’apparition de l’Équité, comme statue décorant le lieu des échanges, serait à rattacher à l’urbanisation de la péninsule elle-même et au développement dans celle-ci des divers aspects du quotidien municipal, comme le

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montrent les témoignages relatifs à l’activité des édiles en matière de contrôle des poids et mesures. Elle a toute sa place comme divinité du forum, et plus particulièrement comme divinité du macellum. Sa mise en évidence révèle l’importance de la garantie des échanges dans la vie quotidienne des cités.

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Bâtiments publics inachevés : crises et solutions

Michel Aberson et Thomas Hufschmid

Résumé – Les Romains ont de tout temps veillé à éviter l’incurie en matière de bâtiments, publics ou privés, dont le mauvais état pouvait défigurer l’image des villes. Ils ont donc été régulièrement confrontés aux problèmes posés par les ouvrages publics inachevés. Dans cette contribution, nous proposons l’analyse historique de quelques situations concrètes documentées par les sources littéraires ou par l’épigraphie, et nous les mettons en perspective avec le cas, récemment reconnu grâce à une étude archéologique approfondie, du dernier théâtre d’Augst, en Suisse. Mots-clés –

Bâtiments publics - Chantiers inachevés - Épigraphie latine - Théâtre romain - Augst.

Abstract – Unfinished public buildings - problems and solutions. The Romans always endeavoured to avoid being careless with their public and private buildings believing that their bad condition could be detrimental to the image of their towns. Thus they regularly had to deal with problems of unfinished public works. In this paper, we shall present an historic analysis of some concrete cases which have been documented by literary sources or by epigraphy putting them into context with the recently acknowledged case of Augst’s last theatre following an indepth archaeological study. Keywprds –

- Augst.

Public Buildings - Unfinished Public Works - Latin Epigraphy - Roman Theatre

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L 

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’incurie en matière de bâtiments, publics et privés, qui pourraient défigurer l’image que la ville donne d’elle-même est, comme on sait, un souci constant des Romains dès l’époque républicaine1. Il n’est que de mentionner dans ce domaine les devoirs des censeurs en ville de Rome ou les dispositions contenues dans les lois municipales, tant sous la République que sous l’Empire2. À cet égard, la nécessité de ne pas laisser inachevés des édifices dont la construction a été commencée est prise en compte dans plusieurs dispositions juridiques. Ainsi, énonçant les devoirs du gouverneur de province, Ulpien précise que ce dernier doit “faire la tournée des temples et des ouvrages publics pour examiner s’ils sont couverts et en bon état ou s’ils nécessitent des réfections et, si des chantiers ont été commencés, il doit s’assurer qu’on les termine, dans la mesure où les ressources de la cité concernée le permettent […]”3 ; et un autre passage du même juriste mentionne le droit de celui qui termine la construction d’un ouvrage, sans doute laissé inachevé par un tiers (le texte ne le dit pas expressément), à y faire figurer son nom : “Celui qui, par libéralité et non sous la contrainte d’une dette, a cédé un certain temps ses revenus pour l’achèvement d’ouvrages n’est pas empêché par jalousie de recevoir le fruit de sa générosité en inscrivant son nom sur lesdits ouvrages”4. C’est cette problématique spécifique – celle des bâtiments publics inachevés – que nous nous proposons d’aborder ici dans une perspective d’exemplification non exhaustive. En effet, bien que les textes ici pris en compte soient bien connus et qu’ils aient tous fait l’objet d’études spécifiques, ils nous semblent n’avoir pas été jusqu’ici abordés dans le cadre d’une problématique commune ; de plus, la mise en parallèle de sources textuelles et matérielles autour du cas récemment documenté du théâtre d’Augusta Raurica (Augst, canton de Bâle-Campagne) nous est apparue digne d’intérêt. 1. Les

auteurs remercient vivement tous les collègues qui, par leurs précieuses remarques, les ont aidés dans leurs recherches et dans la rédaction de la présente contribution ; en particulier Fr. Chausson (Paris), J.-F. Rodríguez Neila (Cordoue) et P. Sánchez (Genève). Sauf mention contraire, toutes les traductions du latin sont personnelles. 2. Censeurs : Cicéron, de leg., 3, 3, 7 ; Tite-Live, 42, 3, 7 ; loi de Tarente (M. Crawford, RS, I, no 15), l. 32-33 : nei quis in oppido quod eius municipi e[r]it aedificium detegito neiue dem[olito] / neiue disturbato, nisei quod non deterius restituturus erit, nisei d[e] s(enatus) s(ententia) ; loi d’Irni, VII A, l. 39-43 : ne quis in oppido municipi Flaui Irnitani, quaeque ei oppido / continentia aedificia erunt, aedificium detegito destrui/to demoliundumue curato, […] quod res /tituturus intra proximum annum non erit. Sur le souci de ne pas donner une mauvaise image d’une ville “à la romaine”, cf. e. g. ILS, 5376 (Césarée de Maurétanie, autour de 200 apr. J.‑C.) : ------ / [? uiam ante portam / C] aesarea[e quae / in]troeunt[e]s foeda indigna / [qu]e nitore ciuitatis suae / [f]acie excipiebat, consilio et / [i]nstantia P. Ael(i) Peregrini / proc(uratoris) eorum lapide stratam / [di]gnam congruentemque / [s]plendori patriae suae / reddiderunt, incohante il/[l]lo ac dedicante (voir P. Sánchez, “Les prêts de Sénèque aux Bretons et la révolte de Boudicca : calomnie ou cas exemplaire de romanisation forcée ?”, MH, 61, 2004, p. 32-63). 3. Dig., 1, 16, 7, 1 (Ulpien, de offic. procos.) : aedes sacras et opera publica circumire inspiciendi gratia, an sarta tecta sint uel an aliqua refectione indigeant et, si qua coepta sunt, ut consummerentur, prout uires eius rei publicae permittunt, curare debet […]. 4. Dig., 50, 10, 2, pr. (Ulpien, libro tertio opinionum) : qui liberalitate, non necessitate debiti, reditus suos interim ad opera finienda concessit, munificentiae suae fructum de inscriptione nominis sui operibus, si qua fecerit, capere per inuidiam non prohibetur. Ce souci relatif au bon entretien des bâtiments publics va même, dans un rescrit d’Antonin, jusqu’à remettre en cause le respect des testaments. Cf. Dig., 50, 10, 7, praef. (Callistrate) : pecuniam, quae in opera noua legata est, potius in tutelam eorum operum quae sunt conuertendam, quam ad inchoandum opus erogandam diuus Pius rescripsit : scilicet si satis operum ciuitas habeat et non facile ad reficienda ea pecunia inueniatur.

Bâtiments publics inachevés : crises et solutions

Dans ce domaine, les sources textuelles (littéraires, épigraphiques et juridiques) nous renseignent à des titres différents : les inscriptions permettent surtout de connaître des cas où des situations de ce genre ont pu être réglées à satisfaction ; quelques textes juridiques, comme on l’a vu, énoncent des principes à suivre en cas de problème ; quant aux sources littéraires, peu abondantes dans ce domaine, elles nous donnent un aperçu des causes possibles de telles situations. Les unes et les autres, à des degrés divers, nous renseignent parfois sur les problèmes financiers et les obstacles juridiques rencontrés, les instances consultées, les solutions adoptées, ainsi que sur les liens familiaux, personnels ou institutionnels existant entre les parties concernées. Les sources matérielles, en revanche, qui nous permettent, bien mieux que les textes, d’appréhender la réalité pratique de bâtiments publics inachevés, se taisent irrémédiablement sur les noms, les finances, les institutions.

Liens familiaux L’une des situations sur laquelle nous sommes le mieux renseignés par les textes, surtout épigraphiques, est celle de bâtiments dont l’achèvement est interrompu – ou risquerait de l’être – par la mort prématurée de leur constructeur. On connaît bien le souci de continuité, familiale ou, à défaut, gentilice, dont les Romains font constamment preuve à cet égard, en particulier lorsqu’il s’agit de s’acquitter d’un vœu, donc d’une obligation religieuse. Quelques textes littéraires et plusieurs inscriptions nous laissent ainsi entrevoir de quelle manière les proches de ceux qui ont entrepris la construction d’édifices publics – en particulier dans le domaine sacré – se chargent de l’achèvement et de la dédicace de ces derniers. C’est le cas, notamment, de plusieurs des temples votifs de la Rome républicaine, ainsi que des propylées du temple de Déméter à Éleusis, voués par Ap. Claudius Pulcher (cos. 54 av. J.-C.), dont la construction a été achevée par deux des neveux de ce dernier, dont l’un était son fils adoptif5. De même, Auguste, dans son testament politique, insiste sur cette continuité qui s’applique, pour lui, tant aux constructions que César n’avait pu achever qu’à celles dont il était lui-même l’initiateur6. Ce faisant, le fondateur du nouveau régime, dans la meilleure tradition républicaine, 5. Pour

les temples votifs, voir Tite-Live, 10, 46, 7 : aedem Quirini dedicauit [scil. L. Papirius Cursor, consul en 293 av. J.-C.] – quam in ipsa dimicatione uotam apud neminem ueterem auctorem inuenio, neque hercule tam exiguo tempore perficere potuisset – ab dictatore patre uotam filius consul dedicauit exornauitque hostium spoliis ; 40, 52, 4 : idem [scil. M. Aemilius Lepidus, censeur en 179 av. J.-C.] dedicauit aedem Larum Permarinum in Campo. uouerat eam annis undecim ante L. Aemilius Regillus nauali proelio aduersus praefectos regis Antiochi. Sur ce dossier, voir notamment M. Aberson, Temples votifs et butin de guerre dans la Rome républicaine, Rome, 1994, p. 124-126 ; 133-135. Pour les propylées d’Éleusis : CIL, I2, 735 (ILLRP, 401) : [Ap. Claudi]us Ap. f. Pulche[r] propylum Cere[ri] / [et Proserpi]nae co(n)s(ul) uouit, [im]perato[r coepit]. / [Pulcher Clau]dius et Rex Mar[cius fec]erun[t ex testam(ento)]. Ap. Claudius Pulcher : RE, 3 (1899) c. 2849-2853, no 297 ; Pulcher Claudius : PIR2, II, C 983 ; Rex Marcius : RE, 14 (1930), c. 1581, no 88. Cicéron (Att., 6, 1, 26 et 6, 6, 2) fait aussi allusion à cette entreprise. 6. RGDA, 19 : forum Iulium et basilicam quae fuit inter aedem Castoris et aedem Saturni, coepta profligataque poera a patre meo, perfeci, et eandem basilicam consumptam incendio ampliato eius solo sub titulo nominis filiorum m[eorum i]ncohaui, et, si uiuus non perfecissem, perfici ab heredibus [meis ius]si.

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semble insister sur une norme bien établie : en matière de constructions publiques, ce sont les héritiers qui sont responsables de l’achèvement des travaux, comme ils le sont aussi de l’exécution de promesses (pollicitationes), de legs testamentaires ou de constructions ordonnées par fidéicommis7. Dans la plupart des cas connus, la continuité est assurée par un proche de l’initiateur des travaux sans que l’on sache si ceux-ci ont dû être interrompus ou non ; et, comme on le voit dans les exemples cités plus haut, les liens familiaux qui lient entre eux les différents acteurs sont évidents. Il ne s’agit cependant pas toujours de liens de descendance ou de parenté directes. Ainsi, une inscription de Pitinum Pisaurense (Macerata Feltria, Marches) relate l’achèvement d’un réservoir par la patronne d’un affranchi, sans doute décédé prématurément8. Le texte ne précise pas que celle-ci est l’héritière de son ancien esclave, mais c’est certainement le cas. Cette dame a donc dû assumer les obligations – probablement juridiques et, en tout cas, morales – découlant de cette situation. À Albingaunum (Albenga, Ligurie) une autre inscription, bien connue, relate l’achèvement d’un complexe thermal par le consulaire Q. Virius Egnatius Sulpicius Priscus (PIR1, III, V 477) pour le compte de M. Valerius Bradua Mauricus (cos. 191 apr. J.-C., PIR1, III, V 31), mort avant la complétion des travaux9. Le lien existant entre ces deux personnages peut être établi de manière plus ou moins claire par la prosopographie10 ; en tout cas, le premier doit avoir été, à un titre ou à un autre, l’héritier du second. Là encore, il n’est pas sûr que le chantier ait été interrompu ; le texte, en tout cas, ne le dit pas. On imagine cependant le désarroi des citoyens d’Albingaunum, si Virius Egnatius Priscus ne s’était pas chargé de mener à bien l’entreprise commencée par son parent.

7. On

connaît de nombreux cas de promesses ou de legs de ce type, parfois assortis d’une augmentation des sommes initialement prévues. Voir p. ex. CIL, V, 6513 ; VIII, 2354 ; VIII, 17831 ; IX, 1156 ; IX, 1169 ; IX, 3168 ; XI, 3366 ; XI, 6110. Ces situations donnent parfois lieu à des contestations qui entraînent des recours et des procédures auprès de diverses autorités. Voir p. ex. CIL, VIII, 2353 (ILS, 5476) ; IX, 5746 ; XI, 5939 ; Dig., 50, 10, pr. Au iie siècle apr. J.-C., un empereur comme Antonin le Pieux met un point d’honneur à montrer qu’il se conforme lui aussi à cette pratique (CIL, X, 1640). 8. CIL, XI, 6038 : Lania M. f. Celerin(a) / receptaculum / aquae inchoatum / ab Amaranto lib(erto) / suo consummauit. / l(oco) d(ato) d(ecurionum) d(ecreto). 9. CIL, V, 7783 (ILS, 1128) : M. Valerius Bradua Mauricus, c(larissimæ) m(emoriæ) u(ir), / co(n)s(ul), pont(ifex), sodalis Hadrianalis, / curator operum publicorum, curator / aquarum sacræ Vrbis et Miniciae, / censitor prouinciæ Aquetanicae, / pro co(n)s(ule) prouinciae Africae, / balneum quod uiuos inchoaverat / Q. Viius Egnatius Sulpicius Priscus, / consularis, pontifex et flamen Diui Seueri, / curator aquarum sacrae Vrbis et Miniciae / eodemque tempore præfectus alimentorum, / perfectum Albi[n]ga[u]nensibus a[t]signavit. 10. Cf. L. Schumacher, Prosopographische Untersuchungen zur Besetzung der vier hohen römischen Priesterkollegien im Zeitalter der Antonine und der Severer (96-235 n. Chr.), Mayence, 1973, p. 251-252 ; G. Alföldy, “Senatoren aus Norditalien”, dans Epigrafia e ordine senatorio. Atti del colloquio internazionale AIEGL, Rome, 1981, vol. II (= Tituli, vol. 5), Rome, 1982, p. 309-368 ; M.-G. Granino Cecere, “Iscrizioni senatorie di Roma e dintorni”, ibid., vol. I (= Tituli, vol. 4), p. 631-635 ; Fr. Chausson, “Les Egnatii et l’aristocratie italienne des iie-ive siècles”, chap. III : “Egnatii, Triarii et Virii”, Journal des Savants, 1997-2, p. 236-257 ; Chr. Settipani, Continuité gentilice et continuité familiale dans les familles sénatoriales romaines à l’époque impériale. Mythe et réalité, Oxford, 2000, p. 405, n. 1.

Bâtiments publics inachevés : crises et solutions

C’est sans doute à un tel désarroi qu’ont dû faire face les Corfiniates à la mort de Ser. Cornelius Dolabella Metilianus11. Ce consulaire, dont les liens avec le municipe de Corfinium ne sont pas établis mais qui y possédait en tout cas des terrains, y avait achevé le gros-œuvre d’un complexe thermal, lequel restait cependant inutilisable faute d’un équipement adéquat12. Par bonheur, M. Atilius Metilius Bradua et M’ Acilius Aviola, héritiers de Metilianus par bonorum possessio, ont finalement fourni une partie de la somme nécessaire à l’équipement de ces bains, le reste étant payé par la caisse municipale13.

251

Fig. 1.

11. PIR2,

CIL, IX, 3152 et 3153 (Corfinium) : arbre généalogique probable des personnages mentionnés.

II, C 1350.

12. CIL, IX, 3152 (cf. AE, 1992, 328) : Ser. Cornelius Ser. f. Dolabella Metilianus, co(n)s(ul), / balineum solo suo s(ua)

p(ecunia) aedificauit et contexit. / M. Atilius Bradua, co(n)s(ul) et M’ Acilius Auiola, co(n)s(ul), bonor(um) possessor(es) / Dolabellae Metiliani in hoc opus dederunt HS centena mil(ia) N. / res p(ublica) et populus Corfiniensis datis HS CL II N consummauit, curam agente / [C. Alfio] T. f. Ser(gia) Maximo. Voir aussi CIL, IX, 3153 et AE, 1992, 328. Sur cette affaire et sur les personnages en cause, cf. M. Buonocore, “Corfinium”, Suppl. Ital., n. s., 3, 1987, p. 111-112, avec la bibliographie ; ibid., 22, 2004, p. 107 ; M.-Th. Raepsaet-Charlier, Prosopographie des femmes de l’ordre sénatorial (i er-ii e siècles), Louvain, 1987, p. 452, no 544 (avec stemmata XXI, XXVII et XXXII) ; Chr. Bruun, “Private Munificence in Italy and the Evidence from Lead Pipe Stamps”, dans H. Solin, O. Salomies et U.‑M. Liertz (dir.), Acta colloquii epigraphici Latini Helsingiae 3.‑6. sept. 1991 habiti (Commentationes humanarum litterarum, 104), Helsinki, 1995, p. 51, n. 55 ; Chr. Settipani, Continuité gentilice […], op. cit., p. 169-175. 13. Bradua : PIR2, I, A 1297 et A 1302. Aviola : PIR2, I, A 50.

Michel Aberson et Thomas Hufschmid

Dans cette affaire, il semble bien qu’il y ait eu interruption des travaux. Les liens entre les héritiers du donateur et le municipe étaient sans doute très ténus, voire inexistants, et on peut imaginer que les Corfiniates, en possession d’un complexe thermal inutilisable en l’état, ont dû batailler ferme pour amener ces derniers à verser les 100 000 sesterces mentionnés dans l’une des inscriptions, somme de toute façon inférieure à celle que dut débourser la cité elle-même. En effet, contrairement aux cas évoqués plus haut, qui concernent des héritiers moins prestigieux, il ne devait pas être facile d’obliger des personnages aussi haut placés à assumer leurs responsabilités financières en la matière14.

Où est passé l’argent ?

252

D’autres interruptions de travaux résultent de défauts de paiement dus à des malversations ou à une mauvaise gestion financière. La plus célèbre affaire de ce type, celle de l’aqueduc de Nicomédie, nous est connue par la correspondance entre Pline le Jeune et Trajan. Ce dernier énonce clairement l’origine possible du problème lorsqu’il écrit à son légat : “Mais, par Jupiter, tu dois mettre le même zèle à rechercher par la faute de qui les Nicomédiens ont jusqu’ici gaspillé tant d’argent ! Il ne faut pas qu’ils aient commencé à construire ces conduites et les laissent ensuite inachevées en se payant eux-mêmes grassement au passage”15. L’empereur n’est donc pas dupe. Il sait bien que les dépassements de crédits, les surfacturations et les détournements de fonds – comme de nos jours – sont bien souvent à l’origine de tels problèmes. La documentation épigraphique – du moins en Occident – ne nous renseigne que rarement sur des cas concrets de ce genre ; mais les difficultés qui ont accompagné la reconstruction du portique de Catane ressortissent peut-être à ce cas de figure. Dans un document bien connu mais sans doute trop peu exploité, un certain Julius Paternus, personnage dont la fonction exacte est sujette à discussion, expose à l’intention de Marc Aurèle et de Lucius Vérus les efforts consentis pour faire avancer un chantier bloqué par la mauvaise volonté de l’ordo local à dégager les fonds nécessaires à la poursuite des travaux16. Le texte est lacunaire et d’interprétation délicate, mais il contient peut-être une allusion à une intervention financière de son rédacteur dans ce 14. Voir

supra, n. 7.

15. Pline, Ep., 10, 47 : sed medius fidius ad eandem diligentiam tuam pertinet inquirere, quorum uitio ad hoc tempus

tantam pecuniam Nicomedenses perdiderint, ne, dum inter se gratificantur, et incohauerint aquae ductus et reliquerint. Julius Paternus est considéré par la plupart des commentateurs comme un curator operis. Cf. notamment W. Eck, Die staatliche Organisation Italien in der hohen Kaiserzeit, Munich, 1979, p. 214 ; O. Belvedere, “Opere pubbliche ed edifici per lo spettacolo nella Sicilia di età imperiale”, dans ANRW, II, 11, 1, 1988, p. 346-413, spécif. p. 390-391 ; R. Haensch, Capita provinciarum. Statthaltersitze und Provinzialverwaltung in der römischen Kaiserzeit, Mayence, 1997, p. 480 ; M. Christol, “Les cités et les ‘autorités’ publiques : curatelle et patronat. Le cas des sénateurs en Italie”, dans Cl. Berrendonner et al. (dir.), Le quotidien municipal dans l’Occident romain, Clermont-Ferrand, 2008, p. 531, n. 35. 16. Ce

Bâtiments publics inachevés : crises et solutions

contexte17. Mais on perçoit en tout état de cause, ici comme à Nicomédie, l’insistance de l’autorité impériale à ce que les travaux soient menés à bien en dépit des problèmes financiers rencontrés et de l’incurie probable des autorités locales. L’incompétence pouvait d’ailleurs se combiner parfois avec la malchance, en particulier lorsque surgissaient des problèmes techniques, prévisibles ou non. Et nous connaissons par Pline – encore lui – un bon exemple d’une telle situation. Dans une autre lettre, celui-ci décrit en effet à Trajan le triste état dans lequel se trouve le théatre de Nicée, inachevé lui aussi18. Le texte de Pline ne nous permet pas de savoir quelles sont les causes de ces problèmes ; mais le dossier archéologique du dernier théâtre d’Augst (Augusta Raurica) peut nous donner une certaine idée de ce qui pouvait arriver dans ce genre de cas.

17. AE,

1989, 341d, d’après G. Manganaro, “Iscrizioni latine nuove e vecchie della Sicilia”, Epigraphica, 51, 1989, p. 169 sq., no 34, mais avec des erreurs par rapport au texte proposé par ce dernier. Aussi bien la notice de l’Année Épigraphique que l’édition de G. Manganaro proposent de très larges restitutions, sur la validité desquelles on peut s’interroger. Nous donnons ici, avec une traduction, le texte conservé assorti des restitutions minimales assurées : [Impp. Cæss. M. Aurelio Antonino et L. Aurelio] / [Vero Augustis Arme] niacis suis, Iulius Paternus sa[l(utem)]. / [--- (?) labor]es pertulissem ut se haberet opus por[ticus] / [---. id aut] em propitii uelitis admittere ita me cu[---] / [--- (?) præcept]o uestro in eadem cura remanere deberem, qu[a (?) ---] / [porticum ---] reficiendam curaui. cum deinde Catinenses m[---] / [---] quam pecuniam dare iuberetis rescripsi. set Sili[us] / [--- cum declarasset (?) se] nummos subministraturum, idq(ue) ipsum etiam / [so]/[luturum (?) --- atq(ue) cum die]m dari ipsis iussisset, ut ordine suo scribtura fieret / [qua ager publ(icus) (?) in suam cu] ram transiret, II uiri consensu paucorum decurionum / [censuere --- man]cipium. cum erga procuratorem uestrum inreuerens u[i]/[deretur quod ita, proban]te curia, ageretur, ingressus petii, ut quatenus neque / [--- interdicere (?) magis]tratibus neq(ue) magistratus uellent in[termitte]re, ordo / [---] / [--- recip]erata, uluis c[ongesta (?) ---] / [--- mancipi]o darem et decreuer[unt de ---] / [--- ut] inarentur utq(ue) eu[---] / [---]. nec sola haec erogata s[unt, sed etiam] / [---]e HS CCL m(ilia) n(ummum) summi[nistrata sunt]. / [--- atq(ue) ne --- i]mpedirentur, ego de m[eo ---] / [---]m trecentoru[m ---] / [--- aug]usteum opus [---] / [---]m expugn[aui ut ---] HS C m(ilia) quae[rerem ---]. – “[Aux empereurs Césars Marcus Aurelius Antoninus et Lucius Aurelius Verus, Augustes, victorieux des Armé]niens, Julius Paternus adresse son salut. [… la peine (?)] que je me suis donnée pour que le chantier du portique […] se fasse. […] j’espère que vous reconnaîtrez avec bienveillance que […] sur vos instructions je doive conserver cette même charge, [en vertu de (?) laquelle …] je me suis occupé de faire reconstruire le portique […]. Par la suite, comme les Cataniens […], je leur ai indiqué par écrit la somme que vous leur ordonniez de payer. Mais, [comme] Silius [… avait déclaré (?)] qu’il trouverait les fonds et même qu’il […] cela lui-même, et qu’il leur avait alors donné l’ordre de fixer un délai pour établir, selon la procédure qu’il déterminerait, un acte écrit prévoyant que [… terrains publics (?)] passent sous son administration, les duumvirs, avec l’accord de quelques décurions, [ont pris la la décision de …] vendre. Comme il me paraissait qu’agir ainsi, avec [l’accord de] la curie, constituait un manque de respect envers votre chargé d’affaires, je suis intervenu et j’ai demandé que, dans la mesure où […] pas [interrompre l’action des] magistrats et où ceux-ci ne voulaient pas l’interrompre eux-mêmes, l’ordre des décurions […] que je mette en vente [… terrains récu]pérés, [couverts de] roseaux, et ont décrété [que …] soient mis en culture et que […]. Et ce ne sont pas les seules sommes qui ont été dépensées, [mais] 250 000 sesterces supplémentaires ont pu être trouvés [… et, pour éviter que …] ne soient bloqués [plus longtemps], j’ai, de ma poche, […] trois cent[… mille (?) …] la construction […] le [temple] impérial (?) […], j’ai obtenu de haute lutte [que …] cent-mille sesterces […].” 18. Pline, Ep., 10, 39 (cité plus loin, n. 24).

253

Michel Aberson et Thomas Hufschmid

Le dernier théâtre d’Augst (Augusta Raurica) : infortune ou incompétence ?

254

Les interruptions dans la construction de monuments antiques, relativement bien documentées, comme on vient de le voir, par les sources épigraphiques et littéraires, sont rarement perceptibles dans la recherche archéologique. Seul un examen approfondi des constructions elles-mêmes, assorti d’un minutieux travail de documentation, permettent exceptionnellement, par une compréhension globale des vestiges conservés, de mettre en lumière des situations de pareille complexité. C’est assurément parce que la recherche la plus récente dans ce domaine tend à examiner et à comprendre le bâtiment à partir de sa planification et de sa réalisation, que des réflexions sur la logistique ou la progression des travaux sont de plus en plus fréquemment intégrées dans les travaux scientifiques sur les monuments antiques19. Or ce type d’approche, appliquée non seulement aux monuments d’apparat que l’on connaît dans l’espace méditerranéen mais également aux bâtiments publics des provinces nord-occidentales de l’empire, se révèle féconde, livrant parfois de précieuses informations sur le cadre politique et social de la construction dans l’Antiquité. L’étude, encore en cours, du théâtre romain d’Augusta Raurica (Augst, canton de Bâle-Campagne), une ville de province en Germanie Supérieure dont les vestiges se trouvent à environ 10 km à l’est de Bâle, en est un bon exemple. Sur ce site, trois théâtres successifs ont été construits entre 70 et 200 apr. J.-C. environ, chacun se substituant au précédent. C’est le plus récent d’entre eux, un théâtre scénique, réalisé dans les années 180-190, qui nous intéresse ici20. Il se rattache au type gallo-romain et ses dimensions sont considérables puisque sa façade mesure 102 m et qu’il offre près de 10’000 places assises (fig. 2). Des sondages effectués en 1996 dans le secteur du mur d’enceinte double y ont révélé une situation qui est longtemps demeurée sans explication (fig. 2a). Il s’agit de restes de fondations maçonnées dont le tracé ne correspond pas totalement à celui de l’enceinte du théâtre le plus récent mais qui, en raison de leur position dans le terrain et de leur courbure, ne peuvent pas non plus avoir appartenu à l’un des deux théâtres 19. On

trouve un remarquable exemple de ce type d’approche dans l’étude très stimulante de Janet DeLaine sur les Thermes de Caracalla : J. DeLaine, The baths of Caracalla. A study in the design, construction, and economics of large-scale building projects in imperial Rome (JRA suppl. 25), Portsmouth, 1997. Voir aussi R. Taylor, Roman builders. A study in architectural process, Cambridge, 2003 ; S. Binninger, “La construction du trophée d’Auguste à La Turbie : l’étude de l’organisation et des rythmes du chantier”, dans S. Camporeale et al. (éd.), Arqueología de la construcción I. Los procesos constructivos de el mundo romano: Italia y provincias occidentales, Mérida, 2008, p. 89-106 ; J.-L. Prisset, “Les besoins en matériaux, les contraintes d’approvisionnement et la durée d’un chantier de construction. Réflexions à partir du portique nord de Saint-Romain-en-Gal (France)”, ibid., p. 125-139. 20. Voir Th. Hufschmid, “La ville romaine d’Augusta Raurica-Augst (Bâle-Campagne, CH) et son théâtre. Les recherches actuelles”, dans C. Gondat et al. (éd.), Premières Journées Archéologiques Frontalières de l’Arc Jurassien. Mandeure, sa campagne et ses relations d’Avenches à Luxeuil et d’Augst à Besançon. Actualités archéologiques régionales, Besançon - Porrentruy, 2007, p. 59-72. Pour le dernier état de la recherche, voir aussi Th. Hufschmid, “Das Theater”, dans L. Berger (mit Beiträgen von Th. Hufschmid), Führer durch Augusta Raurica. 7. Auflage, Bâle, 2012, p. 79-117.

Bâtiments publics inachevés : crises et solutions

c

c

c

c

c

b

a 255

c cuneus IV

e

c c c

MR 197

c d

Fig. 2.

Vue isométrique et projection en plan du dernier théâtre d’Augusta Raurica (vers 180-190 apr. J.-C.). Sans échelle. Dessin : Th. Hufschmid.

Michel Aberson et Thomas Hufschmid

256

précédents (fig. 3)21. Or, étonnamment, le couronnement de ces restes de fondations, que l’on doit donc de toute évidence rattacher à la construction du dernier théâtre, présente en surface des traces d’érosion climatique indiscutablement contemporaines de la construction de l’édifice, surface par dessus lesquelles l’élévation du mur lui-même a été ensuite édifiée. Pour expliquer cet étrange état de fait, la solution la plus plausible est d’admettre que le chantier a été interrompu durant un certain laps de temps, entraînant l’exposition des murs inachevés à plusieurs périodes de gel successives qui en ont considérablement affecté la surface. La poursuite des investigations archéologiques a révélé, à plusieurs autres emplacements, des faits qui confortent l’hypothèse d’une telle interruption. Ainsi, certains éléments d’encadrement de la fenêtre du mur de façade nordoccidental, qui permettait l’éclairage de l’aditus maximus nord, semblent avoir, en cours de construction, subi une certaine érosion. Ils ont ensuite été réinstallés environ 40 cm plus haut que leur position initiale, au moment où la fenêtre a été achevée. Mais les indices les plus flagrants de cette interruption ne proviennent pas du monument lui-même. C’est sur son flanc ouest, dans la succession des couches archéologiques du chantier de construction attenant (fig. 2e), qu’on les a trouvés22. Dans cette stratigraphie, d’une hauteur originelle de 1,20-1,40 m., composée de fines couches et de structures de petites dimensions, l’investigation sédimentologique et pédologique a en effet permis d’identifier un horizon d’effrittement qui fournit la preuve irréfutable d’un arrêt relativement prolongé de l’activité de construction dans le déroulement initial du chantier. On ne peut guère évaluer la durée précise de cette interruption ; mais le degré de désagrégation de la couche concernée correspondrait à “plus d’une année mais en tout cas moins d’une décennie”. À titre d’hypothèse de travail, on proposera ici une durée de 2 à 5 ans. La confrontation entre cette stratigraphie et les données recueillies sur l’édifice lui-même autorise encore d’autres déductions sur le déroulement probable de la construction et sur les raisons de cette interruption. L’analyse de la chronologie relative des dépôts de mortier dans les couches de la zone de chantier permet en effet d’établir, par corrélation avec les mortiers utilisés dans la maçonnerie conservée, qu’une série de modifications et de consolidations statiques ont été entreprises peu avant l’interruption momentanée des travaux. Ces mesures de renforcement ont été d’une ampleur considérable : surélévation de divers niveaux de sols à l’intérieur et à l’extérieur de l’édifice, ajout de cinq contreforts massifs (3,90 × 3,90 m d’emprise au sol, se rétrécissant en élévation) à distance régulière au nord et au sud (fig. 2c). Or, comme à certains endroits ces contreforts butent contre le mur 21. Th. Hufschmid (mit einem Beitrag von M. Horisberger), “Das römische Theater von Augst. Sanierungs- und

Forschungsarbeiten 1997”, Jahresberichte aus Augst und Kaiseraugst, 19, 1998, p. 93-110, en part. p. 102-103. 22. Pour une synthèse, voir Th. Hufschmid, “La ville romaine d’Augusta Raurica […]”, art. cit., p. 66.

Bâtiments publics inachevés : crises et solutions

257

Fig. 3.

Traces d’érosion, sans doute dues au gel ; fondations du dernier théâtre scénique (pour la localisation, voir fig. 2a). Photo : I. Horisberger-Matter.

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258

d’enceinte et qu’à d’autres ils font corps avec lui, ils ont de toute évidence été érigés alors que ce mur était encore en construction (fig. 4) ; et une séquence analogue peut être observée pour les réhaussements de sols évoqués plus haut. Les vestiges découverts à l’entrée du “vomitoire nord-est” (fig. 2b), où, lors des toutes premières fouilles de l’édifice en 1590, Basilius Amerbach avait relevé une superposition de seuils, confortent encore cette interprétation. Les recherches menées dans ce secteur montrent en effet clairement que le seuil correspondant à cette entrée pratiquée dans le mur d’enceinte extérieur a été rehaussé d’environ 1,20 m durant la phase de construction, en même temps que l’on surélevait le niveau des sols à l’extérieur du mur et dans le vomitoire au moyen d’un remblai. Les raisons qui ont conduit à ces consolidations – sans doute fort coûteuses – et aux surélévations qui les accompagnaient sont difficiles à cerner. Dans l’état actuel des recherches, on suppose que des variations du niveau de la nappe phréatique ou la présence incontrôlée de courants d’eau souterrains dans les zones d’angle ont fait craindre une déstabilisation des fondations – et donc un risque d’écroulement des structures – dans les zones particulièrement exposées correspondant aux cunei I et IV, aux extrémités nord et sud du théâtre. On ne sait pas, pour l’instant, si ces mesures de renforcement ont été prises suite à des dégâts effectivement constatés durant la phase de construction, ou s’il s’est agi de prévenir l’écroulement possible de structures qui s’élevaient à grande hauteur au-dessus du sol. Mais l’ajout de ces massifs contreforts aux deux extrémités de l’édifice en ont de toute évidence considérablement altéré la fonctionnalité23. Comme en témoigne clairement l’examen et l’interprétation de la stratigraphie dans la zone de chantier, les problèmes de statique potentiellement constatés durant la première phase de construction n’ont pas été la cause directe de l’arrêt des travaux. En effet, on a vu que les mesures prises pour renforcer l’édifice l’ont été avant le hiatus temporel constaté (fig. 5). Cette interruption pourrait donc plutôt s’expliquer de la manière suivante : la modification du concept initial a eu sans aucun doute d’assez lourdes conséquences financières, administratives et juridiques, lesquelles ont pu bloquer un certain temps la poursuite de cet ambitieux projet24.

23. Pour des raisons de stabilité, l’édification de ces contreforts a en effet entraîné la condamnation, au nord et au

sud de l’édifice, de l’espace libre situé entre les deux enceintes. Or ce dernier devait recevoir des volées d’escaliers permettant l’accès aux vomitoires des rangs supérieurs. Cette condamnation a empêché une réalisation adéquate des accès prévus et le passage vers les rangs supérieurs a dû être restreint à un plus petit nombre d’ouvertures qu’initialement prévu, voir Th. Hufschmid, “Das römische Theater von Augst. […]”, art. cit., p. 111-112. 24. Voir l’excellent parallèle fourni par la lettre de Pline à laquelle il a été fait allusion plus haut (Pline, Ep., 10, 39) : theatrum, domine, Nicaeae maxima iam parte constructum, imperfectum tamen, sestertium (ut audio ; neque enim ratio operis excussa est) amplius centies hausit : uereor ne frustra. ingentibus enim rimis desedit et hiat, siue in causa solum umidum et molle, siue lapis ipse gracilis et putris : dignum est certe deliberatione, sitne faciendum an sit relinquendum an etiam destruendum.

Bâtiments publics inachevés : crises et solutions

Partie supérieure du mur d'enceinte intérieur, dont le parement était lié à celui du contrefort MR 197

Noyau de maçonnerie, commun au mur d'enceinte intérieur et au contrefort MR 197 Négatifs des blocs de ceinturage en grès bigarré du contrefort MR 197

Élévation maximale du mur d'enceinte intérieur au moment de la modification du projet initial

259

Zone en harpe, préparée lors de la 1e phase des travaux dans la face externe du mur d'enceinte intérieur pour permettre une liaison avec le mur de refend prévu à cet endroit entre les deux enceintes. Ce dernier n'a jamais été construit

Contrefort MR 197 (détruit à l'époque tardive) dont le noyau oblitère la zone en harpe du mur d'enceinte intérieur et bute contre le parement préexistant de ce dernier

Fig. 4.

Enceinte du dernier théâtre scénique d’Augusta Raurica, cuneus IV, vestiges du contrefort MR 176, sans doute détruit à l’époque tardive ; la partie inférieure du contrefort bute contre une première phase de construction du mur d’enceinte interne alors que les deux structures sont liées dans leur partie supérieure ; le noyau maçonné du contrefort oblitère une zone en harpe préparée à l’origine dans le parement extérieur de l’enceinte interne pour permettre la jonction avec un mur de refend perpendiculaire (localisation : voir fig. 2d). Réalisation : Th. Hufschmid d’après la documentation archéologique.

Michel Aberson et Thomas Hufschmid

planification dernier théâtre : début du chantier

260

adaptation du projet : renforcement massif de l'ouvrage par l'ajout de piliers de soutènement

mise en œuvre du projet modifié

causes possibles problèmes financiers coûts supplémentaires des modifications

CHANTIER, 2e PHASE

INTERRUPTION

CHANTIER, 1e PHASE

problèmes de statique dans les angles externes

Fig. 5.

problèmes administratifs

construction des aditus et des angles externes des cunei 1 et 4

sans doute déjà partiellement identifiés avant le début du chantier

modifications substantielles de la construction et de l'utilisation prévue des accès - déplacement des niveaux de sols - rehaussement des murs - réduction de l'accessibilité - utilisation de mortier au tuileau - condamnation de couloirs d'accès dans les zones d'angle

- identifiable dans les structures mises au jour interruption du chantier

- identifiable dans la stratigraphie (sédimentologie) - durée : 2 à 5 ans?

remplacement du curator operis

achèvement du projet modifié

Schéma illustrant le déroulement des travaux et leur interruption momentanée durant la première phase de construction du dernier théâtre scénique d’Augusta Raurica. Réalisation : Th. Hufschmid.

Qui a dû supporter les coûts supplémentaires entraînés par ces changements ? Où pouvait-on trouver l’argent nécessaire ? Fallait-il rechercher pour cela de nouveaux bienfaiteurs ? À quoi l’on peut ajouter la brûlante question des responsabilités. L’interruption du chantier a-t-elle été décidée parce que l’on a reproché à l’architecte ou au curator operis responsables de s’être montrés imprévoyants, voire incompétents ? A-t-on entrepris des démarches juridiques ou administratives aboutissant à la nomination d’un successeur (fig. 5) ? Le plan de base du théâtre, avec sa double enceinte et ses fondations soigneusement exécutées, semble en tout cas avoir été bien pensé ; et il montre que son concepteur initial était conscient des éventuels problèmes posés par la nature du terrain. L’apparition d’importantes difficultés d’ordre statique durant la phase de construction doit donc davantage, sans doute, à un malheureux concours de circonstances qu’à l’incompétence du métier.

Gérer “les crises” :

un “enjeu à la portée des cités” ? TROISIÈME PARTIE

Questions de méthode : la “crise” au prisme des sources archéologiques et épigraphiques SECTION 1

19

Il riuso dei monumenti pubblici a Luna: segnale di crisi o razionalizzazione di spazi interni? 1

Giovanni Mennella

Résumé – Une révision complète de la base honoraire CIL, XI, 6958, provenant de Luna, et des comparaisons soit avec une autre base à peu près semblable, soit avec celles de CIL, XI, 6956-6957, montrent que toutes furent remployées non seulement pour des raisons économiques intervenues lors de la crise de l’organisation municipale du iiie siècle apr. J.-C., mais également pour économiser l’espace à l’intérieur des édifices publics où elles étaient placées. Il est possible qu’il se soit agi d’un escamotage réalisé par l’ordo dans sa tentative de gérer les honneurs périodiques avec hommage de statues que la civitas devait rendre aux empereurs et à leur domus et aux gouverneurs, ce qui finissait par saturer ces édifices. Mots-clés – Épigraphie latine - Luna

(région VII) - Inscriptions honoraires - iiie siècle apr. J.-C. - remploi.

Abstract –

A deep examination of the honorary-dedicated base CIL, XI, 6958 from Luna, and comparisons with other similar monuments and especially with CIL, XI, 6956-6957 reveal that they were all re-used in order to save space in their host environments, and not only for economic reasons resulting from the civic organization decadence that would manifest itself as early as the second half of the third century A.D. The trick was probabily devised by the local ordo in an attempt to manage and regulate the flow of statues periodically erected by the civitas for their emperors, their domus and their governors, whose continuous increase quickly saturated the public buildings designed to expose them. Keywords – Latin Epigraphy - Luna (regio VII) - Honorary Inscriptions -

iiie century A.D. - Reuse.

1. Per i vari interventi nel dibattito conseguente a questa relazione, l’a. ringrazia vivamente i colleghi M. Aberson,

A. Buonopane, M. Cébeillac-Gervasoni, M. G. Granino Cecere, F. Zevi ed E. Melchor. Con l’amico I. di Stefano Manzella ha utilmente discusso diversi particolari tecnici presentati dai documenti epigrafici in esame.

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ranne casi particolari, la riutilizzazione di un supporto epigrafico per un monumento di destinazione pubblica, attuata mediante l’erasione della dedica preesistente e la reincisione di un palinsesto2, è generalmente ritenuta il forte sintomo di una difficile situazione interna per la comunità locale che vi aveva fatto ricorso nel più avanzato periodo imperiale. Questo “indicatore di criticità”, ben circostanziabile soprattutto quando concerne gli onori resi dalla civitas ai sovrani regnanti e alla domus (così come a rilevanti personaggi dell’amministrazione statale civicamente benemeriti), in linea di massima non dovrebbe tuttavia trasparire nei centri ben forniti di risorse lapidee, e tali da rendersi in grado di soddisfare le incessanti sollecitazioni del potere centrale finché l’editto di Teodosio del 380 dichiarò il cristianesimo religione di stato, abolendo di fatto la pratica del culto imperiale. Nel loro novero dovremmo collocare a pieno diritto anche la colonia di Luna, attivo porto marittimo della settima regione augustea al confine con la Liguria, che legò la sua lunga prosperità all’esportazione del marmo estratto dalle vicinissime cave; eppure, in apparente controtendenza, i riutilizzi epigrafici non solo non vi mancano, ma assumono i connotati di una peculiare e sconcertante sistematicità, e inducono a chiederci se a determinarli fosse unicamente uno stato di crisi non più latente oppure se il ricorso a monumenti epigrafici di reimpiego sia motivabile anche con giustificazioni di altra specie. Mi sono posto l’interrogativo leggendo la recentissima e dettagliata presentazione del basamento che sorreggeva la statua del governatore della Tuscia Lucilius Constantius, onorato dopo il 366 d.C. dall’ordo e dalla civitas, inmortalibus beneficiis relevati 3. Si tratta di una base scorniciata di marmo bianco venato, passata a gradina su tutte le facce visibili, di cm 68,5 x 64,5 x 36,5; reca un’epigrafe su otto 2. Come

nel caso dell’atteggiamento assunto dagli abitanti di Rodi e aspramente rimproverato da Dione di Prusa (Or., XXX, 27), secondo il quale essi “per cercare di accattivarsi la protezione di persone influenti, … una volta cancellate le dediche che erano state apposte sotto le statue in onore degli antichi benefattori scrivevano al loro posto il nome del personaggio dei tempi presenti che intendevano onorare” (A. Lewin, “Illusioni e disillusioni di una città libera nell’impero romano”, Mediterraneo antico. Economie, società, culture, 2, 1999, p. 559); sull’uso dei palinsesti e la loro interpretazione vd. I. Di Stefano Manzella, Mestiere di epigrafista. Guida alla schedatura del materiale epigrafico lapideo, Roma, 1987, p. 205-207. 3. M. G. Angeli Bertinelli, [E. Salomone Gaggero], “Luna nell’orizzonte epigrafico”, in A. Donati e G. Poma (eds.), L’officina epigrafica romana. In ricordo di Giancarlo Susini, Faenza, 2012, p. 231-258 e segnatamente p. 241248; vd. già Ead., in Marmora Lunensia erratica. Mostra fotografica delle opere lunensi disperse, Sarzana, 1983, p. 196-197, scheda 67 = Lunensia antiqua, Roma, 2011, p. 104-105. La base (CIL, XI, 6958 = ILS, 1252 = AE, 1891, 107) fu trovata nel 1899 fra i ruderi dell’antica cattedrale di S. Maria soprastante l’edificio della cosiddetta “curia”, assieme ad analoghi basamenti raccogliticci (CIL, XI, 6956-6957; 6959-6964) che fungevano da piedistallo alle colonne della navata: cf. P. Podestà, in Notizie degli Scavi, 1890, p. 377, n. 1 (= Giornale Ligustico, 18, 1891, p. 150); C. A. Fabbricotti, Alcuni cenni circa il museo lunense privato ‘Carlo Fabbricotti’ in Carrara, (ms. datato 1931, senza segnatura, conservato nella Biblioteca del Museo Civico di La Spezia e, in copia, presso la Soprintendenza per i Beni Archeologici della Liguria), p. 114-117; S. Lusuardi Siena e M. Sannazaro, “Gli scavi della cattedrale di S. Maria”, in P. Melli (cur.), Archeologia in Liguria, II. Scavi e scoperte 1976-1981, Genova, 1984, p. 37-48; Ead., “Luni paleocristiana e altomedievale nelle vicende della sua cattedrale”, in Atti del Convegno “Studi lunensi e prospettive sull’occidente romano”, Lerici, 26-28 settembre 1985 (= Quaderni del Centro di Studi Lunensi, 10-12, 1985-1987, II, p. 289-320). Sul personaggio: PLRE I, Constantius 9; G. A. Cecconi, Governo imperiale e élites dirigenti nell’Italia tardo-antica. Problemi di storia politico-amministrativa, 270-476 d.C., Como, 1994, p. 37, nota 73, 175-176 nota 14, 213.

Il riuso dei monumenti pubblici a Luna: segnale di crisi o razionalizzazione di spazi interni? 

righe, con lettere di cm 3,2-3,8 e rubricate a fini espositivi, che copre una campitura di cm 36,5 x 60,5 e si sovrappone a un’altra di cm 26 x 56, completamente erasa e ribassata, ancora ben distinguibile; qua e là appaiono residui delle linee di guida (fig. 1). Per dimensioni e tecnica il blocco è stato accostato a un altro spezzone di base scorniciata, provvisoriamente custodito nel deposito del medesimo museo. Di marmo bianco venato, misura cm 68 x 64,5 x 36 ed è ripassato con la gradina su tutti i lati esposti; il lato principale esibisce uno specchio di appena cm 14,5 x 32, eraso completamente, e dalla sua sagomatura si deduce soltanto che il testo fosse breve e compreso in due o al massimo tre linee, forse incorniciate da una tabula

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Fig. 1.

La base CIL, XI, 6958 (La Spezia, Museo Civico).

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ansata (fig. 2); l’accorto uso di un software di elaborazione grafica, tuttavia, ha permesso di evidenziarvi alcune lettere di modulo piccolo, solo disegnate e disposte su tre righe, con un testo che è stato approssimativamente letto [---]  + Lidiu[s (?) ---] Favo/nio Aemi[lio] Papo ++ / Mino[r]i (?) ++++++ [---] +Ce[lso (?)]++ / . A luce radente appaiono inoltre 16 linee di guida, di varia interlinea e predisposte per almeno otto di scrittura, che furono tracciate anche al di sotto della rasura. E’ possibile, benché non dimostrabile, che le due semibasi provengano dal taglio del medesimo blocco. A occhio il tipo di marmo sembrerebbe lo stesso, ma per essere davvero sicuri occorrerebbero analisi più approfondite della semplice autopsia, e sebbene depongano a favore alcune singolari coincidenze, fra cui le dimensioni pressoché identiche, nulla vieta di sospettare che ambedue derivassero da esemplari gemelli. Il grosso problema che pongono è però di altro genere, e sta nelle modalità e nella destinazione del loro similare reimpiego. Si è supposto che “fossero destinate a essere esposte in coppia, l’una accanto o di fronte all’altra, in una fase antica, fra il i secolo a.C. e il i secolo d.C.”, e che successivamente, nel ii o nel iii secolo, venissero recuperate e riutilizzate per un testo un po’ più lungo, mentre in una terza fase, dopo il 366, “fu eraso e riscritto il primo monumento, per essere esposto in uno spazio pubblico nel centro cittadino, e forse allora contemporaneamente fu rilavorato anche il secondo, però sempre e soltanto fino all’ordinatio dell’iscrizione”4. La congettura è realistica, ma dando per scontato uno spazio pubblico, non è detto che si debba per forza individuarlo all’aperto, se si osserva che il retro delle due semibasi non è resecato, come invece si afferma nel riesame in questione, bensì fu tagliato alla spedita con energici colpi di piccone (evidenti pure lungo l’irregolare linea di frattura ampiamente scheggiata), prima di essere livellato alla meno peggio da una subbia a punta grossa5. E’ anche interessante esaminare l’aspetto delle facce superiori per l’appoggio della cimasa. Quella per l’omaggio al governatore della Tuscia fu spianata con cura maggiore nelle fasce perimetrali, dove assieme alle tracce della gradina si scorgono minuscoli fori, addensati nella zona centrale e fatti da una piccola subbia impiegata per il pareggiamento delle quote; due le cavità per l’attacco della statua, quasi sul limite della linea di taglio: una è a sezione rettangolare di cm 7,5 x 2, e l’altra, sottostante e in asse, ha una sezione quadrata di cm 5 x 5 ancora occlusa dal piombo che fissava la statua per impedirne l’asportazione, con la canaletta di scolo che non comunica con l’orifizio superiore (fig. 3). Pure nella seconda semibase la superficie della faccia destinata a ricevere il plinto è ben spianata, e nell’area scalpellata, frammiste a una gradinatura fine, si distinguono 4. M.

G. Angeli Bertinelli, [E. Salomone Gaggero], “Luna nell’orizzonte epigrafico”, art. cit., p. 247. l’uso del piccone e della subbia vd. I. Di Stefano Manzella, Mestiere di epigrafista […], op. cit., p. 55. Le conseguenze della picconatura sono del resto implicitamente descritte quando, a proposito della parte posteriore di CIL, XI, 6958, si parla di “un grosso incavo per una rottura e una profonda scheggiatura lungo il margine inferiore” (M. G. Angeli Bertinelli, [E. Salomone Gaggero], “Luna nell’orizzonte epigrafico”, art. cit., p. 243-244). 5. Per

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Fig. 2.

La base CIL, XI, 6958: particolare della sommità.

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Fig. 3.

La base NSc, 1890, p. 378 (La Spezia, Museo Civico).

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tracce più radicali e disordinate di una subbia che aveva abbassato la quota della superficie, oltre a due incavi per l’infissione della statua, senza resti di impiombatura, anch’essi a ridosso del taglio: il primo ha una sezione rettangolare bilobata di cm 5 x 8; il secondo, sottostante e a semplice sezione rettangolare di cm 5,5 x 7, è completato da una canaletta di scolo che li attraversa entrambi (fig. 4).

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Fig. 4.

La base NSc, 1890, p. 378: particolare della sommità.

A prima vista sembra illogico che ci si fosse dati tanto da fare con subbia e piccone, quando una sega alternativa avrebbe ottenuto un risultato migliore, svelto e pulito, e neanche ci sarebbe stato motivo di accanirsi sull’erasione di un’epigrafe e poi reinciderla di nuovo sulla stessa facciata, visto che c’erano altri lati liberi su cui eseguirla senza problemi. L’anomalia però si spiega e si supera se si prevede che le semibasi dovessero inserirsi entro delle nicchie. Il posizionamento dei loro fori sommitali per l’attacco dei signa, infatti, li rivela senz’altro praticati a riduzione avvenuta, altrimenti risulterebbero troppo sbilanciati in avanti se fossero quelli

Il riuso dei monumenti pubblici a Luna: segnale di crisi o razionalizzazione di spazi interni? 

della configurazione originaria6, che invece si saranno trovati più o meno nella zona centrale del monumento integro, come si osserva nella generalità degli analoghi esempi lunensi; a parità di altezza e larghezza, perciò, la profondità di ciascun basamento non poteva essere inferiore agli 80 centimetri al minimo, cifra che si ottiene addizionando tre ordini di lunghezze: quella residua del blocco superstite, quella prevedibilmente identica nell’altro blocco rescisso dal retro (e quindi, per lo stesso ragionamento, da presumersi anch’esso privo delle cavità più antiche), e quella relativa alla porzione centrale che le conteneva e andò distrutta dalle picconate e dalla subbia. Se ne deduce, pertanto, che a essere ridotte furono due basi parallelepipede con i lati lunghi anepigrafi, che vennero ridimensionati alla spiccia col piccone per pareggiarli alla profondità più corta delle nicchie, senza rifinire ulteriormente i retri, che rimanevano preclusi alla vista; mentre però nel primo impiego la stabilità dei signa si sosteneva ben centrata su pianali di giuste dimensioni, dopo averli ristretti in profondità il loro baricentro divenne certamente precario e fu giocoforza riequilibrarlo addossando le statue a una parete. Ora, nell’ipotesi che le due semibasi provengano da un unico blocco, bisogna chiamare in causa non meno di tre impieghi differenziati: l’originario, con un lato corto iscritto e gli altri tre liberi; l’intermedio, con l’incisione della faccia opposta previa giratura della base; e il terzo, col palinsesto ottenuto su una delle due facce iscritte nel supporto e divenuto statico in un’edicola o in una nicchia. Se invece le semibasi furono ricavate da due supporti distinti, è egualmente supponibile la stessa successione, senza tuttavia poter escludere che i basamenti fossero stati utilizzati una sola volta, e che la faccia opposta a quella occupata infine dal palinsesto fosse rimasta anepigrafe quando venne rescissa dal resto. Peraltro, il sottile tracciato delle linee di guida che, come si è visto, attraversano lo specchio eraso e sono dunque successive al suo ribassamento (fig. 5), suggerisce che anche l’esemplare ancora senza il palinsesto fosse predestinato alla medesima sorte e forse in compagnia di altri consimili supporti, preventivamente preparati nella prospettiva di infilarli al momento opportuno in altrettanti analoghi spazi: conferma questa eventualità la scritta disegnata, che se veramente antica e da leggersi come si è proposto, sarebbe perciò un appunto di officina per l’impaginazione del testo completo, che poi non ci fu7. A questo punto occorre riprendere in esame le due singolarissime basi multidedica CIL, XI, 6956 e 6957, provenienti dallo stesso sito e pur esse esibite nella medesima raccolta spezzina, sulle quali, essendomi soffermato in altre circostanze, mi limiterò qui a ricordare solo gli aspetti utili al presente discorso8. Nel primo 6. A

parte il foro a sezione semicircolare, esempi di cavità abbastanza simili a quelle nell’esemplare lunense sono riportati in G. Alföldy, “Römische Statuen in Venetia et Histria. Epigraphische Quellen”, Abhandlungen der Heidelberger Akademie der Wissenschaften, Phil. - Hist. Klass., 1984, p. 163-170, e in specie 167-168. 7. Vd. I. Di Stefano Manzella, Mestiere di epigrafista […], op. cit., p. 144-145 (cf. p. 142 circa la scarsa durata temporale delle scritte disegnate o dipinte, specie se realizzate su marmo messe all’aperto). 8. Nonostante la loro importanza, che per quanto sappia li rende unici nel loro genere, la bibliografia che li riguarda è minima: vd. G. Mennella, “Il lapidario della raccolta archeologica lunense I: Inscriptiones sacrae. Tituli

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Fig. 5.

La base NSc, 1890, p. 378: particolare dell’erasione con le nuove linee di guida.

impiego CIL, XI, 6956 servì a reggere la statua che, tra la fine dell’età repubblicana e gli inizi dell’epoca imperiale onorò, sul suo lato principale, un cittadino lunense benemerito, ma altrimenti ignoto; dopo oltre due secoli la stessa venne reimpiegata per celebrare dapprima l’imperatore Tacito nel 276 sulla facciata opposta, poi Carino Cesare nel 282 sulla faccia sinistra, e infine Diocleziano nel 286, sul lato destro. A sua volta CIL, XI, 6957 servì a onorare un duoviro locale sul lato principale all’incirca nello stesso ambito cronologico della precedente, e in seguito fu ripresa per un omaggio, sulla faccia opposta, a Magnia Urbica moglie di Carino, fra il 283 e il 285, quindi per celebrare Galerio Cesare fra il 293 e il 305 sulla facciata destra, e infine per Massenzio fra il 307 e il 312, sul lato sinistro. Per dimensioni complessive, caratteristiche impaginative e paleografia, i due supporti sono assolutamente identici a quello trovato negli ultimi restauri nella cattedrale di S. Maria a Sarzana (SP), che reca una dedica a Massimiano, del quale richiama l’onomastica imperatorum domusque imperatoriae”, Annali del Museo Civico ‘U. Formentini’ della Spezia, 2, 1979-1980, p. 195197 (presentazione preliminare); e M. G. Angeli Bertinelli, “Schede epigrafiche”, in Marmora Lunensia erratica […], op. cit., p. 183-189, scheda n. 65 (= Lunensia antiqua, op. cit., p. 98-104); Ead., “Gli imperatori romani del iii secolo nelle iscrizioni onorarie lunensi”, in Atti del Convegno “Studi lunensi e prospettive sull’occidente romano” {…], op. cit. (= Quaderni del Centro di Studi Lunensi, 10-12, 1985-1987, III, p. 534-539 = Lunensia antiqua, op. cit., p. 157-162).

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e la titolatura essenziale, giunta parzialmente lacunosa; non è verificabile se siano iscritte anche le altre facce, ora murate9. La presenza, su tutte e tre le basi, di onori resi a personaggi della stessa dinastia (Carino e Magnia Urbica, Diocleziano e Massimiano, nonché alcuni Cesari tetrarchi), fa presumere che fossero state utilizzate sia da sole, per celebrare singoli sovrani, sia accoppiate o anche in serie, per servire a più completi cicli dinastici, in una destinazione ottimale che ben si giustifica nel contesto di una monumentalità organizzata e gestita in uno spazio espositivo chiuso, e meglio all’interno di un edificio di fruizione pubblica (che avrebbe potuto essere l’Augusteo), deputato ad accogliere omaggi statuari in sequenze continuative. Ora, però, i palinsesti nelle due semibasi che si sono appena illustrate, inducono a riconsiderare la dedica erasa dell’imperatore Tacito sul lato (d) di CIL, XI, 6956: ricostruibile pressoché integralmente sulle scarse tracce che si intravedono fra le trame della scalpellatura, venne eliminata non in seguito a una damnatio nominis che del resto a livello ufficiale Tacito non ebbe, bensì per una preordinata obliterazione dell’intero testo, che fu eseguita con cura, utilizzando almeno due differenti scalpelli a pettine (fig. 6). Che non si tratti di una damnatio risulta d’altronde dall’erasione operata anche sull’ultima riga, che nell’epigrafe stava un po’ più separata dalla precedente, e di sicuro menzionava l’ordo dedicante, di solito risparmiato nelle iscrizioni pubbliche colpite da damnatio. Può darsi che la totale cancellazione inerisse all’opportunità di rifare la dedica a causa di alcuni errori nella titolatura, e che la sopraggiunta morte dell’effimero imperatore facesse interrompere il lavoro10, ma senza scartare in alternativa questa eventualità, le considerazioni svolte a proposito delle due semibasi pongono adesso il ragionevole dubbio che, nella fattispecie, si fosse inteso predisporre per un secondo giro di dediche le facce del dado ormai tutte occupate, cominciando a rielaborare quella di Tacito e nella previsione di seguitare a ripetere la stessa operazione anche sugli altri lati; il reiterato reimpiego avrebbe allora interessato ben sette rinnovi per ciascuna base, ovvero (dedica originaria a parte) tre nel primo riutilizzo sui lati rimasti anepigrafi, e quattro nel secondo, dopo averli tutti progressivamente erasi e reincisi con altrettanti palinsesti. 9. G.

Mennella, “Il reimpiego di CIL, XI, 6956-6957 e una nuova dedica a Massimiano a Luna”, in J. Dalaison (cur.), Espaces et pouvoir dans l’Antiquité de l’Anatolie à la Gaule. Hommages à Bernard Rémy, Grenoble, 2007, p. 429-440. 10.  Ibid., p. 429-433; M. G. Angeli Bertinelli, “Gli imperatori romani […]”, art. cit., p. 534-535 e fig. 6: nell’epigrafe era stata menzionata la seconda acclamazione imperatoria in luogo del cognomen devictarum gentium come da prassi, e non fu possibile rimediare con una semplice correzione. Ciò avvenne dopo che Tacito aveva riportato una vittoria sui Goti che gli era valsa l’epiteto di Gothicus Maximus nei primi mesi del 276, mentre la sua morte capitò nel corso del mese di giugno o luglio, al rientro dalla spedizione: cf. D. Kienast, Römische Kaisertabelle. Grundzüge einer römischen Kaiserchronologie, Darmstadt, 1996, p. 250; M. Peachin, Roman Imperial Titulature and Chronology, A.D. 235-284, Amsterdam, 1990, p. 416-417, oltre a L. Polverini, “Da Aureliano a Diocleziano”, in H. Temporini (ed.), Aufstieg und Niedergang der römischen Welt, II 3, Berlin - New York, 1975, p. 1020-1021 e M. Salamon, “The Chronology of Gothic Incursions into Asia Minor in the Third Century A.D.”, Eos, 59, 1971, p. 109-139, e specie 137.

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Se il ricorso al reimpiego è fuori discussione e farebbe effettivamente credere che la civitas Lunensium avesse ormai imboccato il suo lento ma irreversibile “lungo addio”, a diverso avviso conducono viceversa gli aspetti redazionali e formali dei testi nel loro complesso, che non danno l’impressione del materializzarsi di una crisi di conoscenze professionali e di capacità esecutive: tutti, infatti, denotano una buona tradizione di bottega, appaiono correttamente impaginati e privi di errori, e adottano una paleografia gradevole e accurata, in sintonia con le procedure tecniche della (ri)preparazione lapidea. Per il tempo in cui vennero realizzate sono esecuzioni di livello più che dignitoso, opera di maestranze abili e di buon mestiere, e poiché è lecito ritenere che non avessero gravato più di tanto i costi logistici e di approvvigionamento del marmo in una comunità per eccellenza “marmifera”, quale spiegazione dare, allora, sull’insieme di questi riutilizzi? Tenteremo di rispondere dopo aver riassunto in breve la loro tipologia, che evidenzia tre categorie di interventi, e precisamente: 1. il riuso di una base in precedenza utilizzata per una dedica estranea al successivo contesto celebrativo, realizzato mediante la progressiva occupazione degli altri lati rimasti liberi fino al completamento di tutte le superfici disponibili, per un totale massimo di tre nuove dediche su ciascun basamento (CIL, XI, 6956 + 6957); 2. il riuso della stessa base con tutte le facce ormai occupate, ottenuto tramite la reincisione di nuove dediche sui lati progressivamente erasi, per un totale massimo raggiungibile di quattro palinsesti su ciascun supporto (CIL, XI, 6956); 3. il riuso di una sola faccia in seguito alla riduzione in profondità di una base già utilizzata per una o al massimo per due celebrazioni, previa erasione dell’epigrafe preesistente, sostituita da un unico palinsesto (CIL, XI, 6958 + NSc., 1890, p. 378). A monte di queste modalità si riconosce un fattore fondamentale: la rielaborazione dei monumenti fu subordinata alle strutture architettoniche ospitanti, a seconda che ci fossero le condizioni per muoverli e ruotarli (riusi 1-3) o si imponesse infine una sistemazione fissa e inamovibile (riuso 3). A valle, tuttavia, si riconoscono altri fattori comuni e non meno importanti, quali l’economia del materiale lapideo, il suo reimpiego in spazi chiusi, e una destinazione degli omaggi finalizzata all’iterato espletamento di onori formali, ai quali l’ordo lunense doveva periodicamente provvedere con cadenze non sempre preventivabili né prevedibili. In questo elemento giudiziale sta forse la giustificazione più coerente per comprendere come, a livello locale, si cercò di gestire un problema diffuso e di progrediente urgenza, che probabilmente anche a Luna aveva cominciato a manifestarsi un po’ prima della metà del iii secolo, quando il rapido succedersi degli imperatori regnanti fece moltiplicare i monumenti statuari nei loro riguardi: fenomeno

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Fig. 6.

La base CIL, XI, 6956: la dedica all’imperatore Tacito completamente erasa.

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che, come noto, si acuì nel periodo tetrarchico e, comportando anche la necessità di onorare in sincronia due e più sovrani senza neppure trascurare le figure dei governatori dopo la riorganizzazione dioclezianèa dell’Italia, creò un ricorrente e problematico sovraffollamento di tali esternazioni negli edifici pubblici, che non potevano stiparsi oltre misura qualora non si fosse in grado di ampliare la loro volumetria. Era un “impasse” che a sua volta si interconnetteva strettamente con la concomitante esigenza di smaltire e/o di archiviare le memorie pregresse11, per le quali occorreva trovare e organizzare ulteriori adeguati luoghi, a mente di una ormai consolidata esperienza che insegnava come fra statue e corredi epigrafici fossero questi ultimi a creare le più serie complicazioni12. I reimpieghi in parola mostrano, a parere di chi scrive, quale fu la soluzione che si sarebbe adottata o si tentò di prendere a Luna. Le caratteristiche del riuso (1) sottintendono una sequenzialità sistematica di procedure che si è già avuto occasione di illustrare e che contemplava: a) l’immissione nell’edificio di una base già adoperata, senza intervenire sulla faccia già iscritta; b) la rotazione del supporto su di un lato ancora anepigrafe in linea con la prospettiva visuale del lettore; c) l’esecuzione della nuova dedica; d) il montaggio della statua sulla nuova iscrizione; e) l’eventuale suo affiancamento accanto agli altri monumenti13. La stessa metodicità caratterizzava il riuso (2), che ripeteva i passaggi (b-e), man mano che s’erano erase le dediche preesistenti, preventivamente occultate con stuccature magari improponibili sui monumenti pubblici esposti in piena luce all’aperto, ma meno appariscenti o se non altro meglio tollerate al chiuso o in penombra. L’accorgimento riusciva a diminuire di un bel po’ gli ingombri, cercando fors’anche di risolvere altre e non meno immediate questioni interdipendenti: il “reimpiego ruotante” delle facce, per esempio, consentiva di rilavorare i monumenti direttamente sul posto anziché trasferirli ogni volta in officina e rimetterli poi di nuovo in opera; in altri termini, entrate nell’edificio, le basi ne sarebbero uscite una volta soltanto, e definitivamente, quando ormai si erano saturate coi palinsesti, e se si mette in conto che il peso specifico di un blocco di marmo di Carrara più o meno di mezzo metro di lato rasenta il non trascurabile peso di una tonnellata a prescindere dalla 11. Pure

per questo problema a Luna si sarebbe studiato una specie di “compromesso espositivo”, se si concorda con le ipotesi che ho avanzato in La conservazione delle memorie imperiali negli spazi espositivi: una prospettiva lunense, in L. Gasperini e G. Paci (cur.), Nuove ricerche sul culto imperiale in Italia. Atti dell’Incontro di studio, Ancona 31 gennaio 2004, Roma - Tivoli, 2008, p. 173-192 (con altra bibliografia). 12. Agli esempi italiani proposti da L. Gasperini, “Considerazioni sull’arredo epigrafico e scultoreo degli Augustei di età primo-imperiale in Italia”, in J. Gonzáles (cur.), Ciudades privilegiadas en el occidente romano. Actas del Congreso internaciónal, Sevilla, 1999, p. 177-185, va aggiunta la recente, ennesima riprova nel rempiego, gentilmente segnalatomi da Enrique Melchor, che a Corduba ricevette il gruppo di basi CIL, II2/7, 272-273, 275, 283-284, 304, 311 e 376, le cui statue onorarie, inaugurate in epoca augustea e giulio-claudia, furono in seguito reimpiegate per personaggi del ii e del iii secolo, mentre i basamenti rimasero inutilizzati negli spazi pubblici: vd. in proposito I. M. López López, Estatuas masculinas togadas y estatuas femeninas vestidas de colecciones Cordobesas, Cordoba, 1998, p. 180-182; Ead., “Estatuas femininas procedentes del espacio público de los Altos de Santa Aña en Colonia Patricia (Cordoba)?”, Habis, 30, 1999, p. 329-351. 13. G. Mennella “Il reimpiego […]”, art. cit., p. 431.

Il riuso dei monumenti pubblici a Luna: segnale di crisi o razionalizzazione di spazi interni? 

statua, l’opportunità di agire sui monumenti laddove stavano rispondeva a una migliore razionalizzazione nell’impiego routinario della manovalanza, e potrebbe essere la spia che a Luna la “crisi” non si stava ponendo in termini di reperimento e di lavorazione del marmo, ma semmai nella difficoltà di disporre di risorse umane sufficienti a mandare avanti il funzionamento minuto e continuativo della macchina comunale. Discorso in parte diverso va fatto per il riuso (3) al quale andarono incontro le semibasi. Qui in tutta evidenza entrarono in gioco in maniera ancor più drastica le ristrutturazioni parietarie o perimetrali nell’ambiente ospitante, che a un certo punto imposero un ripensamento della complessiva esposizione dei monumenti per uno scopo che sembrerebbe differire da quello adottato col reimpiego “ruotante”, dato che le basi, all’inizio girabili, erano diventate fisse ed esponevano un’unica faccia rilavorata. Ma a ben vedere il fine ultimo di questo modus operandi era di nuovo di natura volumetrica, perché col ridurre la profondità dei plinti e addossando le statue alle pareti si cercava in sostanza di guadagnare dell’altra superficie espositiva in talune spazialità interne di fruizione pubblica, nel tentativo di regolare l’affluenza degli omaggi senza venir meno agli obblighi di continuare a tributarli. Sarebbe bello riuscire a indovinare per quali specifiche strutture si fossero escogitati i due espedienti. La curiosità è probabilmente fra le molte destinate a rimanere inappagate, ma va nondimeno ricordato che le basi multidedica candidano con buona verosimiglianza l’Augusteo o un locale analogo, mentre per le nicchie si potrebbe pensare a un porticato, senza tuttavia escludere che fosse di nuovo lo stesso edificio dove già stavano i basamenti, nel frattempo rifatto o modificato, e di nuovo con problemi di contenimento. Sia come sia, una cosa è certa: specie nel riuso (1) il riciclaggio contribuì a distogliere una serie di basi onorarie ormai da tempo scadute che stavano variamente disseminate in città, assicurandone una seconda vita e differendone la consegna alle calcare: un ulteriore aspetto, quindi, di un esperimento articolato e intelligente, che durò abbastanza a lungo e nella cernita dei supporti riservò pure qualche attenzione all’estetica dell’insieme, facendoli scegliere di dimensioni affini, aspetto omogeneo, tutti scorniciati e perciò anche più semplici da modificare. Gli stessi “incompiuti”, del resto, mostrano che l’ordo Lunensium avrebbe agito con saggia previdenza, oltre che con una pianificazione programmata e degna di nota nell’imprevedibilità degli eventi subìti da autonomie locali sempre meno autonome, che richiedeva di essere affrontata con senso pratico, rapidità operativa e bassi costi.

In conclusione, non può essere messo in dubbio che, come altrove, le tribolate vicende del iii secolo avviassero pure a Luna il preludio di una involuzione

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Giovanni Mennella

inarrestabile; sembra però unilaterale, rischioso e fuorviante desumerlo pressoché esclusivamente dai reimpieghi epigrafici che si sono esaminati14, anche perché fondandosi su queste sole testimonianze, e sopravvalutandole, si dovrebbe convenire sul fatto, davvero clamoroso e inverosimile, che nel corso del medesimo secolo la città già non fosse nemmeno più in grado di garantirsi il rifornimento di marmo dalle sue stesse cave! Meglio dunque figurare una causa, comunque determinata dal sopraggiungere dei tempi di ferro e con essi concomitante, riflessa dagli indirizzi assunti dall’ordo per cercare di disciplinare in qualche maniera la sistemazione dei monumenti dentro ambienti che non avrebbero potuto accoglierli oltre certi limiti, attraverso una serie di oculate economie di scala rese necessarie dal continuo lievitare di capitoli di spesa d’altronde insopprimibili. Dal che deriva che non sempre né dovunque i monumenti pubblici di reimpiego sottendono di per sé incipienti o rovinosi collassi civici, e che prima di asserirli con assoluta (e spesso indimostrabile) sicurezza conviene accertare se la documentazione non consenta di battere altre vie e di giungere a esiti meno scontati.

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14. Così

M. G. Angeli Bertinelli, “Storia della città”, in Centro di Studi Lunensi (cur.), Luni. Guida archeologica, Sarzana, 1985, p. 16-18 (= Lunensia antiqua, op. cit., p. 139-141); Ead., “Gli imperatori romani […]”, art. cit., specie p. 539 (a proposito dell’incapacità da parte dell’ordo “di sostenere anche finanziariamente gli oneri imposti dal suo ruolo” e “dell’immanente crisi dell’attività di estrazione e di lavorazione del marmo”, ribadita anche in M. G. Angeli Bertinelli, [E. Salomone Gaggero], “Luna nell’orizzonte epigrafico”, art. cit., p. 247). Invero, anche se non sappiamo a quali livelli, dalle fonti letterarie e storiografiche emerge che la comunità lunense persisteva ancora nel corso del v secolo: vd. L. Banti, Luni, Firenze, 1937, p. 115-116; G. Prosperi Valenti, “Luna”, in Dizionario Epigrafico di Antichità romane, IV, Roma, 1980, p. 2100.

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Riflessi epigrafici della crisi (iii-iv d.C.) nelle regioni dell’Italia medio-adriatica Simona Antolini, Fabiola Branchesi e Silvia Maria Marengo

La crise (politique, religieuse, identitaire, économique) des cités de l’Italie aux iiie et ive siècles apr. J.-C. touche de nombreux aspects du quotidien municipal : la vie des cités et les Résumé –

acteurs des pratiques institutionnelles qui laissent une trace dans l’épigraphie, les rapports avec le pouvoir central et ses manifestations publiques, le nouveau langage des tituli, le remploi des monuments surtout ceux ayant des inscriptions. Cette contribution a permis de mettre en évidence la situation régionale de l’Italie centre-adriatique (regiones V et VI augustéennes). Mots-clés – Vie

municipale - iiie-ive siècles apr. J.-C. - Institutions - Épigraphie.

Abstract – The crisis (politics, religious, economics, of identity) of the Italian cities in the centuries

iii-iv AC touches numerous aspects of daily life of municipia: the life of the cities and the protagonists of the institutional practices that leave a trace in the epigraphy, the relationships with the central power and her public demonstrations, the new language of the tituli, the re-use of monuments above all of those in writing. The search has chosen to put in evidence the regional situation of the Italy Center Adriatic (regions V-VI). Keywords –

Life of Municipia - Centuries iii-iv A.C. - Institutions - Epigraphy.

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Simona Antolini, Fabiola Branchesi e Silvia Maria Marengo

L 

a crisi politica, religiosa, identitaria ed economica, che interessa i centri della penisola italica nei secoli iii e iv d.C. e coinvolge gli aspetti del quotidiano municipale, trova riflesso nella documentazione epigrafica, documentando novità riguardo allo svolgimento della vita cittadina e ai principali soggetti della prassi istituzionale, ai rapporti con il potere centrale, alla nascita di un nuovo linguaggio nella comunicazione pubblica e al fenomeno del reimpiego monumentale.

La vita cittadina nei secoli della crisi (S. A.)

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Nel vistoso e generalizzato calo della documentazione epigrafica di carattere pubblico che si rileva a partire dal iii secolo in tutta la penisola, nelle aree indagate diminuisce considerevolmente la categoria dei tituli operum publicorum, tutti riconducibili ad interventi dell’imperatore o ad atti di evergetismo di personaggi di rango. Nella maggior parte dei casi si tratta non di costruzioni ex nihilo, nate sotto la spinta di un programma di monumentalizzazione e di sistemazione dell’arredo urbano, ma di operazioni di ripristino, interventi di emergenza atti a garantire l’ordinario funzionamento delle strutture essenziali per la vita cittadina già esistenti. Autori degli interventi non sono mai i magistrati ordinari, che insieme ai sacerdoti municipali sembrano sparire dalla vita cittadina e cedere il posto a patroni e a curatores rei publicae1, funzionari di nomina imperiale deputati al sostegno e al controllo della gestione ordinaria di municipi in difficoltà amministrative e finanziarie, che nel iv secolo appaiono integrati nel cursus municipale2. La classe epigrafica maggiormente rappresentata è costituita dalle iscrizioni onorarie, quasi sempre poste per l’imperatore e i membri della domus Augusta: se nel iii secolo fra gli onorati troviamo ancora sporadiche attestazioni di senatori e cavalieri, generalmente legati alla città mediante rapporti di patronato3, nel secolo iii sec.: Tifernum Mataurense (XI, 8079), Fanum Fortunae (V. Lani, “Nuove iscrizioni romane da Fanum Fortunae (Fano)”, Picus, 27, 2007, p. 254-255), Cluana (IX, 5804), Auximum (IX, 5857), Pisaurum (XI, 6367), Falerio (F. Cancrini, C. Delplace e S. M. Marengo, L’Evergetismo nella regio V (Picenum), Tivoli, 2001, p. 104-106; G. Paci e G. Montali, “Un restauro edilizio a Falerone sotto l’imperatore Probo”, in Scritti di storia per Mario Pani, Bari, 2011, p. 347-371). iv sec.: Pisaurum (G. de Marinis, G. Paci e P. Quiri, “Rinvenimenti di epigrafi romane nel territorio marchigiano (Ancona, Matelica, Senigallia, Pesaro, Urbino)”, Picus, 25, 2005, p. 39-42). I numeri romani rimandano ai volumi del CIL. 2. Sui c.r.p. da ultimo G. Camodeca, “I curatores rei publicae in Italia: note di aggiornamento”, in C. Berendonner, M. Cébeillac-Gervasoni e L. Lamoine (cur.), Le quotidien municipale dans l’Occident romain, Clermont-Ferrand, 2008, p. 507-521, con bibliografia; sulla loro integrazione nel cursus municipale C. Lepelley, “Permanences de la cité classique et archaïsmes municipaux en Italie au Bas-Empire”, in Institutions, société et vie politique dans l’Empire romain au iv e siècle apr. J.-C., Rome, 1992, p. 356 e L. Cracco Ruggini, “Fra isolamento e transiti: il Piceno dall’Esino al Tronto nei secoli iv-vi”, Studi Maceratesi, 40, 2004, p. 31-32, secondo la quale erano reclutati fra i curiali locali di prestigio e designati dal senato cittadino. 3. Tuficum (XI, 8050), Pitinum Pisaurense (XI, 6035), Urvinum Mataurense (XI, 6053), Pisaurum (XI, 6337, 6338), Asculum (IX, 6414b), Ancona (IX, 5898, 5899; AE, 1911, 128), Auximum (IX, 5843). 1. 

Riflessi epigrafici della crisi (iii-iv d.C.) nelle regioni dell’Italia medio-adriatica

successivo la presenza dell’imperatore si fa esclusiva, con un’unica eccezione rappresentata dalla base di statua eretta a Cingulum per il palatino Flavio Fortunio4. L’assenza di magistrati e sacerdoti cittadini, già rilevata fra i responsabili di interventi edilizi, viene confermata anche nel quadro degli onorati5 e dei dedicanti di iscrizioni onorarie, il che ancora una volta non significa l’avvenuta sparizione delle cariche amministrative tradizionali, tant’è vero che nella prima metà del iii secolo è attestato un magistrato municipale ad Hadria6 e nello stesso secolo la funzione eponimica dei magistrati superiori (che presuppone l’esistenza di fasti municipali pubblicamente consultabili) viene ribadita da un’iscrizione sentinate7, bensì una loro marginalizzazione soprattutto per quanto riguarda la visibilità e le consuete forme di autorappresentazione. Ci si chiede se la mancata menzione di magi­ strature e sacerdozi ordinari lasci intravvedere un progressivo disinteresse verso la partecipazione attiva alla gestione della cosa pubblica, un arretramento rispetto agli obblighi della vita cittadina, come sembra richiamare una costituzione imperiale del 370 che invita i curiali a non sottrarsi agli honores vel munera8, oppure se non si tratti semplicemente di una selezione del messaggio della comunicazione scritta in conseguenza di una trasformazione del linguaggio epigrafico, per cui si sceglie di evidenziare solo i titoli superiori e di non elencare tutte le cariche rivestite9. Nonostante si avvertano questi evidenti segni di crisi e di trasformazione, il permanere del funzionamento della vita municipale nelle forme dell’alto Impero sembra comunque confermato dalle modalità di concessione degli onori e dalla gestione degli spazi cittadini: i monumenti onorari infatti, nella maggioranza dei casi dediche di statue, continuano ad essere posti dalla collettività e dal senato locale, in attuazione di decreta decurionali, così come l’autorizzazione all’utilizzo del suolo pubblico viene accordata dalla curia con forme che restano invariate rispetto al passato10. Il potere deliberativo del senato locale continua ad essere esercitato non soltanto nella concessione degli onori, ma anche nell’autorizzazione a lavori di carattere edilizio11. Anche il formulario tradizionale permane nelle forme consuete: nel iii secolo troviamo ancora ampiamente utilizzata la formula decreto decurionum, in genere siglata DD12, che prevale sull’espressione ex d(ecreto) d(ecurionum), ormai caduta 4. IX,

5684, su cui vd. infra. uniche eccezioni riguardano personaggi che furono anche patroni della città o dei collegi (XI, 6053; IX, 5439, 5843). 6. IX, 5015. 7. XI, 5751. 8. Cod. Teod., XII, 1, 71. 9. Così C. Lepelley, “Permanences […]”, art. cit., p. 358. 10. LDDD in chiusura di XI, 6005 (Sestinum) e IX, 5843 (Auximum), entrambe di età severiana. 11. XI, 6367. 12. XI, 8050 (Tuficum), 6030 (Pitinum Pisaurense), 6051 (Urvinum Mataurense), 6116 (Forum Sempronii), 6201 (Aesis), 6324 (Pisaurum), IX, 5013 (Hadria), AE, 1900, 82 (Interamnia Praetuttiorum), SI, 11, p. 69-71, 3 (Tolentinum), IX, 5577 (Septempeda), 5682 e 5683 (Cingulum), 5895 (Ancona). 5. Le

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in disuso, e che è completata quasi sempre dall’avverbio publice variamente abbreviato13. Quando la curia dedica un monumento onorario, si connota con il sostantivo ordo seguito dal genitivo dell’etnico14, secondo un formulario che si afferma da quest’epoca15; la totalità del popolo e della curia può trovarsi espressa con ordo et plebs e, più raramente e limitatamente al momento iniziale del periodo storico trattato, con decuriones et plebs16, oppure con termini generici allusivi alla intera comunità cittadina (res publica, colonia)17 e, brachilogicamente, con l’indicazione del solo etnico18. Nel iv secolo si registra una vera e propria trasformazione nel lessico epigrafico, ben esemplificata dalla dedica di una statua al Genius della Curia votivitate et tota mente devota in apertura al posto del tradizionale votum solvit libens merito, siglato in chiusura del testo19. I decuriones inoltre continuano ad essere menzionati come oggetto di distribuzioni di denaro e di fondazioni testamentarie da parte di evergeti a Firmum Picenum20 e ad Auximum21. In un’iscrizione da Urvinum Mataurense dell’ultimo trentennio del ii secolo dopo i decuriones vengono elencati fra le categorie civiche oggetto di una distribuzione gli omnia collegia22: emerge in questo testo il ruolo e la posizione gerarchica delle associazioni di mestiere nel quadro dell’organizzazione della collettività in ordines. Nel generale processo di statalizzazione dei collegia professionali, dal iii secolo gli organismi associativi, sottoposti al controllo coatto del potere centrale, vengono inglobati come organi ufficiali nelle strutture dello stato, guadagnando una dimensione pubblica e intervenendo direttamente nella vita cittadina23. Il 13. XI,

8050 (Tuficum), 6006 (Sestinum), 6030 (Pitinum Pisaurense), 6051 (Urvinum Mataurense), 6116 (Forum Sempronii), 6201 (Aesis), 6324 (Pisaurum), IX, 5013 (Hadria), SI, 11, p. 69-71, 3 (Tolentinum), IX, 5577 (Septempeda), 5682 e 5683 (Cingulum), 5895 (Ancona). L’avverbio è isolato in IX, 5579 (Septempeda) e in 5889 (Numana). 14. XI, 5991 (ordo Tifernatium Mataurensium), AE, 1977, 246 (ordo Plestinorum), XI, 6007 (ordo municipii Sestinatium), IX, 5577 (hordo Septempedanorum), 5579 (ordo Septempedanorum), 5684 (ordo Cingulanorum), AE, 1903, 345 (ordo Falerionensium). 15. Si conoscono soltanto tre casi più antichi, tutti del ii secolo e dal Piceno: cfr. S. M. Marengo, S. Antolini, e F. Branchesi, “Il quotidiano amministrativo nella V regio Italiae”, in C. Berendonner, M. Cébeillac-Gervasoni e L. Lamoine (cur.), Le quotidien […], op. cit., p. 44. 16. XI, 6035 (ordo adque plebs Pitinatium Pisaurensium), 5899 (ordo et plebs), IX 6414b (decuriones et plebs Asculana), VI, 1512 (decuriones et plebs coloniae Anconitanorum). 17. XI, 6308-6309 (res publica Pisaurensium), IX, 5747, 5755 (colonia Helvia Ricina Pertinax). 18. XI, 5631 (Camertes), 6051 (Urvinates Mataurenses), VI 1700 (Fanestres), XI, 6325 e 6326 (Pisaurenses), SI, 11, p. 69-71, 3 (Tolentinates), IX, 5578 (Septempedani), 5682 e 5683 (Cingulani), VI, 1700 (Anconitani). Sulla necessità che l’indicazione dell’etnico sottintenda anche l’intervento della curia cfr. in generale S. M. Marengo, S. Antolini e F. Branchesi, “Il quotidiano […]”, art. cit., p. 46-47. 19. XI, 5996, su cui G. Susini, “Votivitate et tota mente devota (CIL, XI, 5996)”, in Hestíasis. Studi di tarda antichità offerti a Salvatore Calderone, II, Messina, 1986, p. 185-190. 20. IX, 5376. 21. IX, 5843. 22. XI, 6053 (cfr. AE, 2003, 598). 23. Cfr. L. Cracco Ruggini, “Stato e associazioni professionali nell’età imperiale romana”, in Akten des VI. Internationalen Kongresses für Griechische und Lateinische Epigraphik (München 1972), München, 1973, p. 271-311.

Riflessi epigrafici della crisi (iii-iv d.C.) nelle regioni dell’Italia medio-adriatica

controllo da parte dell’autorità statale sulla composizione delle associazioni di mestiere è confermato nella regione dalla frequenza delle tabulae patronatus, tutte databili al regno di Gallieno24. Appare opportuno infine riflettere sui sintomi della crisi nell’ambito della religione civica. Se nella dimensione privata emergono i segni del Cristianesimo, ben riconoscibili nell’epigrafia funeraria25, la vita religiosa di carattere pubblico è caratterizzata dal silenzio delle divinità maggiori del pantheon tradizionale, alle quali si sostituiscono largamente i culti orientali, che documentano la crisi e la sfiducia negli dei del passato26. Appare significativo che fra gli dei tradizionali sopravviva una divinità “marginale” e di carattere extraurbano quale è Silvanus, attestata a Tifernum Mataurense e a Suasa27, estranea alla grande crisi che investe la religione di Stato proprio per la valenza di divinità protettrice della prosperità e della famiglia. In un clima siffattto, in cui la dimensione privata comincia a entrare in concorrenza con quella pubblica e l’interesse del singolo prevale su quello della collettività, si spiega anche il culto alla Minerva Matusia, cioè a una divinità strettamente legata con una gens particolare, attestato su un’iscrizione di Sentinum28.

Rapporti fra comunità cittadine e potere imperiale (F. B.) Numerose sono le dediche imperiali di iii sec. d.C., poste dai consueti organi cittadini preposti pronti a recepire le sollecitazioni ideologiche della politica del momento. Fra fine ii e inizi iii sec. sono forse ben 13 le iscrizioni a Settimio Severo e alla sua famiglia29; in seguito, dopo una a Diadumeniano, il figlio di Macrino30, non ve ne sono altre per Elagabalo o Severo Alessandro, forse a dimostrazione del 24. XI,

6335 (Pisaurum), 5748-5751 (Sentinum). Incerto SI, 18, p. 380-381, 27 da Suasa (Decio).

25.  Per l’epigrafia cristiana vd. G. Paci, “Documentazione epigrafica e trasformazione tardoantica in area marchi-

giana”, ora in G. Paci, Ricerche di storia e di epigrafia romana delle Marche, Tivoli, 2008, p. 447-450. 26. Cfr. G. Paci, “Documentazione […]”, art. cit., p. 444-446. Mitra: Sentinum (IX, 5734, 5735, 5736, 5737), Urbs Salvia (AE, 1904, 200, ripreso da M. Mayer, “Dos propuestas de nueva lectura de inscripciones del Maceratese”, Picus, 30, 2010, p. 62-67); Mitra con Serapide: Sentinum (XI, 5738), Auximum (IX, 5824); Sole: Fanum Fortunae (R. Bernardelli Calavalle, “Ara con dedica a Sol Invictus da Fano”, Picus, 6, 1986, p. 137-144), Asculum Picenum (AE, 1975, 351); Magna Mater: Sentinum (AE, 1981, 319); Iside: Pitinum Mergens (S. Orlandi, “Una nuova dedica a Iside da Cagli”, Picus, 29, 1999, p. 207-217). 27. XI, 8079; S. De Maria e G. Paci, “Dediche a Caracalla e a Silvano dal Foro di Suasa”, in M. L. Caldelli, G. L. Gregori e S. Orlandi (cur.), Epigrafia 2006, Roma, 2008, p. 653-658. 28. XI, 5740. 29. A Settimio Severo in vita da Sestinum – XI, 6005, AE, 1984, 373 e forse da Cupra Maritima – S. Antolini, “Novità epigrafiche da Cupra Maritima”, Picus, 31, 2011, p. 218-221, in morte da Interamnia – AE, 1900, 82; alla moglie Giulia Domna da Cupra Maritima – IX, 5299 e Pisaurum – XI, 6324; al figlio Geta e a un Settimio suo parente da Ancona – IX, 5895, 5899; a Caracalla da Hadria – IX, 5013 e Suasa – S. De Maria e G. Paci, “Dediche […]”, art. cit., p. 652-653; a Plauziano, suo parente forse materno, da Tuficum – XI, 8050. Per le dediche da Camerinum e Ricina cfr. infra. 30. XI, 6116 – Forum Sempronii.

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distacco provocato in ambiente italico dalle connotazioni orientali dei loro regni31. Esse riprendono poi in omaggio agli imperatori del tempo con una a Massimino il Trace ed una al figlio; una a Gordiano I; 3 a Filippo l’Arabo, una delle quali col figlio Filippo II e la moglie Marcia Otacilia Severa; 2 a Treboniano Gallo ed una col figlio Volusiano; 2 solo a quest’ultimo32. In seguito la discreta consistenza (6 testi) delle dediche a Gallieno e alla sua casata33 va probabilmente spiegata col fatto che l’avvento di questa dinastia, di antica origine italica, alimentava rinnovate speranze di ripresa dopo il terribile periodo dell’anarchia militare34. Infine nei decenni finali del secolo 5 sono i testi di interesse, 3 ad Aureliano, uno a Numeriamo ed uno a Diocleziano35. Prive di riferimenti alle motivazioni dell’onore36, tali iscrizioni, limitate alla sola titolatura imperiale, possono per lo più considerarsi come generici segnali di un perdurante rapporto di lealismo delle città verso il potere imperiale, a testimonianza di iniziativa politica e forti legami tra centro e periferia. In qualche caso, tuttavia, la capacità di raccordarsi con le dinastie regnanti si esprime attraverso dediche che, se inquadrate nel clima di instabilità generale alimentato dalla “crisi” delle municipalità di iii sec. d.C., vanno intese quali sintomi, più o meno espliciti, di difficoltà interne ed atti di omaggio in risposta a concrete attenzioni imperiali ai centri più meritevoli: ci si riferisce qui ad alcuni testi posti sotto Settimio Severo ed Aureliano. Il primo pare aver perseguito in Umbria e Picenum una politica particolare37, probabilmente anche in continuità con le iniziative intraprese nel Piceno da Pertinace, al quale egli ispirava il proprio governo, e i casi di Ricina e Camerinum bene sembrerebbero esprimere non solo le condizioni di difficoltà in cui tali centri versano già alla fine del ii sec. d.C., ma anche la sua attitudine restauratrice per far fronte alla crisi38. Molto probabilmente fu su concessione di Pertinace, nell’ambito del suo programma agrario mirante al recupero delle terre abbandonate39, che il municipio di Ricina, evidentemente gravato al tempo da una rilevante crisi socioeconomica, venne promosso al rango di colonia; questa, di fatto, sarebbe stata 31. G. Paci,

“Documentazione […]”, art. cit., p. 5. 6201, 6202 – Aesis; XI, 6030a – Pitinum Pisaurense; XI, 5644 – Matilica, XI, 6107 – Pitinum Mergens, XI, 6325 – Pisaurum; XI, 6006 – Sestinum, XI, 6031a, 6032 – Pitinum Pisaurense; IX, 5431 – Falerio, XI, 6051 – Urvinum. 33. A Licinio Gallieno da Tolentinum – AE, 1993, 598; al figlio Licinio Valeriano da Falerio – IX, 5432, Pisaurum – XI, 6326, Pitinum Mergens – XI, 5958, Cingulum – IX, 5682; al secondogenito Salonino da Cingulum – IX, 5683. 34. G. Paci, “Documentazione […]”, art. cit., p. 5-6. 35. IX, 5577 – Septempeda, XI, 6308, 6309 – Pisaurum (cfr. infra); IX, 5889 – Numana; XI, 5578 – Septempeda. Si includa poi una base di riuso per un imperatore di iii sec. d.C. da Tifernum Mataurense (cfr. infra). 36. Per Ricina, Camerinum, Pisaurum e i testi di iv sec. d.C., cfr. infra. Non dimostrabile è il riferimento ad un atto di evergetismo di Nerva o di un suo discendente per IX, 5427 da Falerio – F. Cancrini, C. Delplace e S. M. Marengo, L’evergetismo […], op. cit., p. 94. 37. Numerose, forse non a caso, sono le dediche umbre e picene alla sua dinastia (cfr. supra). 38. M. Mayer, “La presenza imperiale nelle città del Picenum tra l’epoca augustea e il regno dei Severi: un primo approccio”, Studi Maceratesi, 41, 2005, p. 35-36. 39. E. Lo Cascio, “Gli ‘alimenta’ e la ‘politica economica’ di Pertinace”, ora in Id., Il princeps e il suo impero. Studi di storia amministrativa e finanziaria romana, Bari, 2000, p. 293-311. 32. IX,

Riflessi epigrafici della crisi (iii-iv d.C.) nelle regioni dell’Italia medio-adriatica

creata poi con il nome onorifico di Colonia Helvia Ricina Pertinax (IX, 5755) da Settimio Severo, al quale nel 204 d.C. fu riservato il titolo di effettivo conditor coloniae (IX, 5747). Con tutta probabilità, inoltre, questi, seguendo un preciso programma di evergetismo connesso con l’elevazione a colonia, progettò per la città importanti interventi di risanamento, che interessarono anche la decorazione del teatro cittadino. Alcuni rinvenimenti architettonici incompiuti, tuttavia, sembrerebbero dimostrare il mancato compimento di quest’opera, a dimostrazione del carattere effimero di tale rinascita40. È del 209-210 l’omaggio statuario reso da Camerinum a Settimio Severo (XI, 5631), in cui si ricorda l’indulgente rinnovo concesso dall’imperatore dei diritti sanciti nell’antico foedus aequum, stretto tra Romani e Camertes Umbri alla fine del iv sec. a.C.41: esso può considerarsi come un segnale, probabilmente indotto da un particolare momento di crisi, del bisogno della città di rinsaldare, in nome dell’antica tradizione locale, i legami con il potere centrale atti a garantirle gloria ed aeterna securitas42. Connesse invece alla vittoria di Aureliano sui Germani Iutungi nel 270-271 a Pisaurum e a Fanum sono 2 basi di statua innalzate dalla res publica Pisaurensium ad Hercules (XI, 6308), apostrofato come suo consors, e alla Victoria aeterna del medesimo (XI, 6309), con le quali essa volle esprimere all’imperatore, dopo tale straordinaria gravità, la sua gratitudine per la ritrovata sicurezza. In un quadro di singolare efficacia psicologica tali testi ci informano dunque circa il momento di panico provocato dal dilagare per la prima volta nel centro Italia dei barbari, l’incarico di rafforzare le difese cittadine per contenerne l’invasione affidato a C. Iulius Priscianus, curator res publicae e praepositus muris, nonché la conseguente euforia per tale vittoria43. Passando al iv sec. d.C., abbiamo una base riscritta a Costanzo Cloro, un’incerta iscrizione di riuso al collegio tetrarchico, 2 post mortem al Divus Costantino, una a Costantino II ed una a Costanzo II44. Con sicurezza solo un testo da Pisaurum celebra interventi di cura viarum ordinati da Graziano e Valentiniano II (XI, 6328): esso, ricordando i restauri di un ponte vetustate corruptum sulla via Flaminia, è di preminente interesse viario ed è perciò assimilabile alla categoria dei miliari45. 40. A

ulteriore conferma del legame fra Pertinace e Ricina cf. IX, 5740 – S. M. Marengo, “Interpunzioni e cancellature. Note a IX, 5454, 5570, 5740”, Picus, 20, 2000, p. 236-243, da cui è cancellato il nome della cohors VII praetoria, esautorata da Settimio Severo per aver partecipato all’assassinio di Pertinace nel 193 d.C. Sulla storia della città da ultimo M. Mayer, “Colonia Helvia Ricina Pertinax. A propósito de IX, 5747”, Picus, 27, 2007, p. 9-21. 41. SI, 6, p.64. 42. S. Panciera, “Ficolenses foederati”, ora in Id., Epigrafi, epigrafia, epigrafisti. Scritti vari editi e inediti (19562005) con note complementari e indici, vol. I, Roma, 2006, p. 776. 43. G. Paci, “Schede epigrafiche”, Picus, 20, 2000, p. 330-337. Il reimpiego della base XI, 6309 è ad ulteriore riprova delle gravi difficoltà vissute da Pisaurum anche nel reperire supporti epigrafici (cfr. infra). 44. IX, 5184 – Asculum; IX, 5579 – Septempeda; AE, 1977, 246 – Plestia, XI, 6219 – Fanum; AE, 1903, 345 – Falerio; XI, 6007 – Sestinum. Si aggiungano il frammento XI, 6330 menzionante tre Cesari e la base di riuso con dedica imperiale AE, 1982, 262, ambedue da Pisaurum. 45. Si ricorda anche XI, 6327 da Pisaurum, per la quale tuttavia non è dimostrabile la menzione di un atto di munificenza di Magno Massimo e Flavio Vittore.

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I 29 milliari di iv sec. d.C. finora rinvenuti provengono da quasi tutta l’area considerata46 e hanno formulari standard che ricalcano le strutture stereotipate delle dediche di quest’epoca su simili supporti (dativo onorario del nome dell’imperatore, prevalente mancanza del soggetto della dedica47, frequente omissione dell’indicazione miliare48). Essi documentano in primo luogo il buon funzionamento ancora per tutto il iv sec. dell’intera viabilità dell’area in esame, sia a livello di grandi arterie di collegamento come Salaria e Flaminia, che di diverticoli minori; secondariamente, in quanto veicoli privilegiati di promozione politica, nonché vere e proprie iscrizioni celebrative poste dalle comunità cittadine in omaggio ai principi regnanti, attestano una certa efficienza delle istituzioni municipali del tempo. Eccetto i casi in cui l’identificazione non è possibile49, fra i nostri miliari uno celebra Diocleziano e Massimiano, 2 Costanzo Cloro e Galerio, 2 Massenzio, 3 Costantino il Grande, in 2 casi con Licinio, 4 Costanzo II, 3 Magnenzio, 3 i soli Valentiniano e Valente, 7 dopo la cooptazione di Graziano, uno Valentiniano II con Graziano ed infine 4 Magno Massimo e Flavio Vittore50. Qualche considerazione infine sui possibili rapporti fra alcuni di tali imperatori e la Flaminia et Picenum. Ad esempio i numerosi miliari dalla Salaria a Valentiniano I, Valente e Graziano fanno ipotizzare una loro concreta attività di manutenzione di questa via51, mentre i 4 di Costanzo II, stanziati lungo la Flaminia a Pisaurum (XI, 6632) e Fanum (XI, 6625) e nell’interno sulla Salaria Gallica (AE, 1980, 380) e a Falerio (IX, 5942), lasciano supporre un suo passaggio nel 357 d.C., che potrebbe averne giustificato la contemporanea messa in opera, quali apparati epigrafici di propaganda, ad opera del consularis della provincia Pisidius Romulus52. 46. Da

ultimo L. Cracco Ruggini, “Fra isolamento […]”, art. cit., p. 28-29, nt. 18 con bibl. i nostri fa eccezione il miliare da Urbs Salvia (?) AE, 1980, 380, posto dal consularis della provincia Flaminia et Picenum Pisidius Romulus. 48. Di quelli del nostro territorio duplice natura distanziometrica / acclamatoria hanno: AE, 1985, 345, AE, 1980, 380 – Urbs Salvia; XI, 6626, XI, 6633 – Fanum; IX, 5958 – Interamnia; XI, 6632 – Pisaurum; XI, 6631 – Suasa; XI, 6629a-b, Sentinum; IX, 5952 – Asculum. 49. AE, 2004, 512 – Urbs Salvia, AE, 1990, 309 – Cluana. 50. XI, 6633 – Fanum; IX, 5939 – Firmum, IX, 5941 – Falerio; AE, 1983, 378 – Fanum, XI, 6631 – Suasa; XI, 6631 – Suasa, XI, 6627b – Fanum, IX, 5434 – Falerio; AE, 1980, 380 – Urbs Salvia (?), XI, 6625 – Fanum, XI, 6632 – Pisaurum, IX, 5942 – Falerio; IX, 5937 – Firmum, IX, 5951 – Asculum, IX, 5940 – Ancona; XI 6627a, XI, 6628 – Fanum, XI, 6632 – Pisaurum; XI, 6626 – Fanum, IX, 5958 – Interamnia, A. Donati, “I miliari delle regioni IV e V dell’Italia”, Epigraphica, 36, 1974, p. 212, nr. 52 – Hadria, XI, 6630 – Sentinum, AE, 1990, 300 – Falerio, IX, 5952 – Asculum, IX, 5938 – Cupra Maritima; XI, 6629a – Sentinum; AE, 1985, 345 – Urbs Salvia, XI, 6629b – Sentinum, AE, 1975, 365 – Falerio, AE, 1992, 565 – Forum Sempronii. 51. Si tratta dei 5 miliari del Reatino (IX, 5946; G. Paci, “I Miliari della Salaria provenienti dal territorio di Rieti e della bassa Sabina”, in La Salaria in età tardoantica e altomedievale, Roma, 2007, p. 309-312; P. Campagnoli e E. Giorgi, “Via Salaria e viabilità minore fra età romana e primo Medioevo nel settore ascolano”, in ibid., p. 33-34) e di Ascoli (IX, 5952). L’attenzione rivolta da Graziano e Valentiniano II alla viabilità locale è testimoniata anche da XI, 6328 (cfr. supra). 52. L. Gasperini, “Il milliario delle Macchie di San Ginesio”, ora in Id., Ricerche epigrafiche in area marchigiana, Macerata, 2003, p. 86-92. 47. Fra

Riflessi epigrafici della crisi (iii-iv d.C.) nelle regioni dell’Italia medio-adriatica

Il reimpiego delle epigrafi (S. M. M.) La generale rarefazione delle scritture esposte, la loro fisionomia paleografica, il nuovo linguaggio denotano una ‘crisi’ nel tradizionale habitus epigrafico delle città. Si inquadra in questo contesto il fenomeno del riutilizzo delle pietre, ben evidente nel trattamento dei milliari (vd. supra), che verrà considerato qui nell’aspetto del reimpiego epigrafico, modalità ancora funzionale e conservativa delle finalità della pietra come supporto per la scrittura53. Il tema del convegno ha orientato la ricerca verso quei monumenti che possono mostrare l’intervento della città nella gestione della ‘cultura epigrafica’ e quindi verso le iscrizioni a destinazione pubblica o frutto di committenza pubblica. Infatti quel che si intende indagare non è la premessa economica – necessità di tagliare o razionalizzare le spese in un’epoca di difficoltà che invita al risparmio54 –, ma il ruolo delle istituzioni pubbliche nella gestione della comunicazione epigrafica. Le condizioni giuridiche per il riutilizzo dei materiali statuari ed epigrafici e l’esistenza di eventuali vincoli a protezione dell’esistente non sono note. Mentre si conoscono provvedimenti di epoca diversa destinati a sfoltire e limitare la presenza delle statue a Roma55, non si ha notizia di analoghe iniziative di ambito municipale56. Solo la prassi aiuta ad orientarsi e in questo senso risultano utili soprattutto le iscrizioni opistografe che permettono di leggere la storia del monumento. Così è per una lastra da Falerio Picenus che, nella prima fase (inizio i d.C.), conteneva la dedica onoraria a Quinto Papio Ostleno tribuno della plebe e patrono della colonia; riutilizzata sul lato posteriore diventò una dedica a Marco Cassio Cornasidio Sabino advocatus fisci nei primi decenni del iii d.C.57 Essendo il testo più antico posto publice decurionum decreto si tratta di un monumento sul quale la città aveva giurisdizione e diritti. Non possiamo muoverci con altrettanta sicurezza nei casi di erasione e sostituzione del testo con un altro, procedimento adottato comunemente in questa area centro adriatica per il reimpiego epigrafico delle basi, sia allo scopo di salvare la cornice che inquadra la pagina iscritta, sia perché la presenza di una statua (anch’essa 53. Non

si danno qui valutazioni numeriche perché la ricognizione dei materiali è in itinere. In una bibliografia essenziale e recente si segnalano D. Kinney, “Spolia. Damnatio and Renovatio Memoriae”, MemAmAc, 42, 1997, p. 117-149; per il caso di una città F. Bigi e I. Tantillo, Leptis Magna e le sue iscrizioni in epoca tardo romana, Cassino, 2010, p. 253-302; sul reimpiego ‘ideologico’ P. Pensabene e C. Panella “Reimpiego e progettazione architettonica nei monumenti tardo-antichi di Roma”, RPARA, 66, 1993-94 (1996), p. 11-283. 54. Cfr. I. Tantillo, Leptis magna […], op. cit., p. 299-300. 55. Ad es. Plin., NH, XXXIV, 1 e Cass. Dio, LX, 25; cf. Cic., ad Att. 6, 1, 26 riferito ad Atene. 56. Sono però ben noti due episodi entrambi riferiti a Rodi: un’iscrizione di Lindos del 22 a.C. (ora in M. Kajava, “Inscriptions at Auction”, Arctos, 37, 2003, p. 52-80 con bibliografia) che consente il riutilizzo delle statue e un’orazione di Dione di Prusa (Or. 31) che stigmatizza l’abitudine di riutilizzare basi e statue per onorare i Romani, cancellando la memoria degli antichi destinatari. 57. G. Cerulli Irelli e P. Moreno, “Alcune iscrizioni di Falerone”, Arch.Class., 13, 1961, p. 164-167 con foto e ora EDR 116018 -116019 con bibliografia completa (sito consultabile all’indirizzo www.edr-edr.it)

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riutilizzabile) condizionava il verso del monumento e la sua esposizione. Una base da Tifernum Mataurense (iii d. C. ) (fig. 1) onora un imperatore fortissimus et fidelissimus, non identificato, iscrivendo una superficie che conserva ancora evidenti tracce di un precedente testo58; la natura pubblica dell’ultimo testo epigrafico e il tipo di supporto lasciano ritenere che il monumento sia stato rifunzionalizzato, ma sempre nell’ambito di iniziative municipali in onore della domus augusta anche in considerazione del particolare statuto delle statue imperiali59. In altre situazioni risultano oscuri i criteri che determinano le scelte: il riutilizzo di un monumento può essere consentito dalla sua esposizione pubblica e quindi dall’esistenza di un decreto decurionale, dalla damnatio dell’onorato60, o anche da condizioni di abbandono o distruzione delle sedi espositive. Notevoli sono i casi in cui il reimpiego comportò una diversa destinazione del monumento. Il 10 ottobre 362 d.C., l’ordo Cingulanorum onorò con una statua il proprio patrono, il palatino Flavio Fortunio, previa abolizione di un precedente testo61; la presenza della patera e dell’urceus sui fianchi della base testimonia l’originaria destinazione sacra del monumento e consente di affermare che la giurisdizione cittadina, secondo quanto si conosce dalla legislazione in merito, poteva estendersi alle res sacrae62. Analogamente a Pisaurum la base dedicata alla vittoria di Aureliano sugli Iutungi riutilizza un monumento onorario con resti di simbologia sacerdotale (lituus e galerus) 63. È infine possibile che un monumento privato sia reimpiegato in publicum con rimozione da un locus religiosus. Così l’ara funeraria di Sueto Marcellinus, di Pisaurum, eques e tesserarius in una coorte pretoria, venne girata, iscritta sulla faccia posteriore, riutilizzata per onorare un imperatore bono rei publicae nato e lasciata a quanto sembra incompleta64. La gestione del reimpiego da parte delle amministrazioni cittadine comporta l’adozione di criteri di selezione della memoria storica. Nell’iscrizione opistografa 58. XI,

5991 e G. Paci, “Le iscrizioni romane di Tifernum Mataurense e la storia del municipio”, in E. Catani e W. Monacchi (cur.), Tifernum Mataurense I. Atti del Convegno, S. Angelo in Vado, 2004, p. 30-31 con foto. L’imperatore, il cui nome venne eraso in una fase successiva, non è identificabile. 59. G. Lahusen, Untersuchungen zur Ehrenstatue in Rom. Literarische und epigraphische Zeugnisse, Roma, 1983, p. 102-103. 60. Sull’argomento si vedano i recenti interventi in CG, 14, 2003, p. 227-310 e 15, p. 175-253. Per il periodo qui in esame soprattutto R. Delmaire, “La damnatio memoriae au Bas-Empire à travers les textes, la législation et les inscriptions”, CG, 14, 2003, p. 299-310. 61. IX, 5684 e SI, 6, p. 44-45. 62. Per la nozione di sacer e le norme relative vd. Y. Thomas, “La valeur des choses. Le droit romain hors la religion”, Ann. HSS, 57, 6, 2002, p. 1431-1442. Nella lex di Furfo (I2, 756 add., p. 946, tab. 29 e U. Laffi, “La lex aedis Furfensis”, in La cultura italica. Atti del convegno della società italiana di Glottologia, Pisa, 1978, p. 121-144) si consente la riconversione dei materiali mobili del tempio in materiali profani per disposizione dell’edile. Cfr. A. Raggi, “Le norme sui sacra nelle leges municipales”, in L. Capogrossi Colognesi e E. Gabba (cur.), Gli statuti municipali, Pavia, 2006, p. 701-721. 63. G. Paci, “Schede epigrafiche” Picus, 20, 2000, p.330-337. È possibile che le facce decorate venissero nascoste nell’allestimento definitivo del monumento o che gli oggetti raffigurati non fossero più significativi o infine che l’incongruenza non apparisse gravemente disdicevole. 64. XI, 6350 e Pisaurum 61 con foto e disegno.

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Fig. 1.

La base riutilizzata CIL, XI, 5991 da Tifernum Mataurense.

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già citata (supra nota 57) di Falerio Picenus per Marco Cassio Cornasidio Sabino, il criterio sembra costituito innanzitutto dalla distanza di due secoli che ha obliterato la memoria dell’antico patrono rendendone il ricordo epigrafico non più significativo. Pochi decenni prima, nel 176, si era proceduto alla stessa maniera nella medesima città per onorare Commodo, nascondendo il ricordo di un antico duoviro quinquennale65. Ci si domanda se l’estinzione delle gentes, o la loro scomparsa dalla vita politica della città possano essere condizioni sufficienti alla rimozione degli honores epigrafici. Peraltro ci si può anche chiedere quanto la città tardo antica sia interessata alla commemorazione dei suoi summi viri e quindi alla conservazione della memoria storica. Del resto, la stessa prassi dell’abolitio nominis, ricaduta locale di una disposizione dello stato, che diventa comune dopo i Severi, sembra aver alimentato un atteggiamento di disinteresse nei confronti del ricordo di un potere politico inefficace e instabile, effimero anche nelle sue presenze in effigie, e di conseguenza sembra aver indebolito la coscienza dei legami con il passato che altre epoche avevano diversamente tutelato e valorizzato. Al di là di questi aspetti, riteniamo non meno interessante la possibilità di verificare gli esiti della crisi della cultura epigrafica sia negli aspetti officinali sia in quelli più propriamente comunicativi. La prima constatazione è che nel reimpiego la città sembra piuttosto indifferente ai valori del bello e alla immagine tradizionale dell’epigrafe: questo si manifesta nella forma esteriore di prodotti spesso trasandati e sciatti quando non decisamente impresentabili (fig. 2)66. Nello stesso tempo, i formulari, improntati alle forme ridondanti della nuova retorica, soppiantano il linguaggio che per secoli aveva definito i codici della comunicazione epigrafica e stravolgono anche la fisionomia dell’impaginato epigrafico. Si può notare infine, da parte delle autorità cittadine committenti, un’evidente indifferenza nei confronti della sintassi iconografica, forse già perduta nel corso del tempo, e si delinea pertanto anche la fisionomia di un lettore dell’iscrizione e del monumento ormai estraniato ai processi comunicativi tradizionali. Ne è prova la base marmorea voluta a spese pubbliche dai Septempedani, iscritta almeno tre volte67, l’ultima per Costanzo Cloro (fig. 3). L’erasione ripetuta della faccia principale è chiaramente determinata dal desiderio di salvare la ricca iconografia che presenta una fastosa corona civica sul lato opposto all’iscrizione e due scene di apoteosi / consecratio (fig. 4) che hanno fatto ritenere il monumento dedicato ad una coppia di imperatori68. Qui interessa soprattutto sottolineare come si sia persa la nozione dell’apo65. La

lastra opistografa è edita da G. Cerulli Irelli, P. Moreno “Alcune iscrizioni […]”, art. cit., p. 161-162 con foto. 66. La foto riproduce la base da Sestinum XI, 6007 dedicata a Costanzo II (337 d.C.). 67. IX, 5579 e SI, 18, p.204; Il Mommsen riconobbe almeno due fasi epigrafiche, alle quali si deve aggiungere quella coeva alla decorazione. 68. Sarebbero Marco Aurelio e Lucio Vero secondo M. Moretti, “Base con rilievi di apoteosi”, Arch.Class., 11, 1, 1959, p. 93-98. Si tratta in realtà più probabilmente di onori postumi destinati ad un unico sovrano di ii sec., epoca alla quale sono stati attribuiti i bassorilievi. L’iconografia dell’apoteosi è esemplificata da I. Gradel, Emperor

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Fig. 2.

Ultima fase epigrafica della base CIL, XI, 6007 da Sestinum.

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Fig. 3.

Dedica a Costanzo Cloro da Septempeda (CIL, IX, 5579).

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teosi e quindi l’originaria destinazione sacrale/funeraria visto che la base è destinata ad onorare un sovrano vivente. Quello che viene percepito della complessa raffigurazione è ormai soltanto l’associazione dell’imperatore con la divinità e la sua dimensione ‘celeste’ così che la consecratio viene in qualche modo anticipata al momento della salita al potere.

293

Fig. 4.

Scena di apoteosi sulla base CIL, IX, 5579.

Worship and Roman Religion, Oxford. 2002, p. 305-320. Si riferiscono qui i primi dati di una ricerca in corso che sarà pubblicata nella rivista Picus.

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Nola: vicende sociali e istituzionali di una colonia romana da Silla alla tetrarchia

Giuseppe Camodeca

Résumé –

L’auteur dessine pour la première fois un panorama sur l’histoire de l’élite locale et, plus généralement, sur tout ce qui concerne la société et les institutions locales de la colonie romaine de Nola depuis sa fondation par Sylla jusqu’à la tétrarchie. Cette reconstruction est basée, en particulier, sur une recherche qui a permis une mise à jour de la documentation épigraphique. Mots-clés –

Nola - Institutions locales - Élites locales, équestre et sénatoriale - Société et Administration citadine - Épigraphie.

Abstract – G. Camodeca for the first time, in

an exhaustive form, gives the elite’s history and also social and institutional matters, of the roman colony of Nola, from the foundation by Sulla to the tetrarchy. This reconstruction is based on a study which permitted a complete up to date of the epigraphic documentation. Keywprds –

Nola - Local Institutions - Local, Equester and Senatorial Elites - City’s Society and Administration - Epigraphy.

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Giuseppe Camodeca

I 

n questo contributo si tenta per la prima volta di delineare un quadro storico sui ceti dirigenti e, più in generale, sulle vicende sociali e istituzionali della colonia romana di Nola dalla fondazione sillana fino all’epoca tetrarchica, basata su una revisione integrale di tutta la documentazione, oggi disponibile e utile allo scopo, secondo un modello di ricerca già utilizzato da chi scrive per altre città della Campania (ad es., Puteoli, Abellinum, Liternum, Cumae, Teanum); a Nola stessa sono già stati dedicati diversi articoli su punti specifici, in specie sull’élite senatoria di origine locale (vd. alle note 1, 4, 5, 9, 94). Poiché la base essenziale per il nostro tema è costituito dal materiale epigrafico, che è stato raccolto e rivisto in decenni di lavoro sul campo, non si può prescindere da alcune preliminari considerazioni su di esso.

La documentazione epigrafica

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Ad oggi il patrimonio di iscrizioni latine di Nola, comprese quelle inedite a me note, ammonta a ca. 165 tituli (nel CIL erano 110), con un aumento dunque del 45% ca.; risulta dunque non poco arricchito, oltre che emendato con diverse riletture dei testi tramite un lavoro pluriennale, durante il quale ho potuto controllare autopticamente tutto il materiale ancora reperibile, il che ha consentito anche più precise datazioni. Naturalmente dal calcolo sono qui escluse le numerosissime paleo-cristiane, restituite quasi tutte dal complesso basilicale di Cimitile, che sono ora circa 200 (erano solo 67 nel CIL), con un aumento quindi davvero consistente del 180%, dovuto agli scavi estensivi che vi si sono praticati, sia pure in modo non sempre corretto, nel corso del Novecento. Tuttavia il patrimonio epigrafico di Nola ha tuttora una consistenza relativamente limitata (ca. 165 tituli), che la colloca solo all’undicesimo posto fra le città della Campania (al nono, escludendo Pompeii ed Herculaneum)1. Se poi, come è necessario, suddividiamo questo materiale in base alla datazione, ove questa sia possibile, solo tre iscrizioni risultano certamente precedenti all’età triumvirale; circa la metà delle iscrizioni databili (una settantina) sono comprese fra l’epoca augustea e quella flavia, l’altra metà si distribuisce fra ii, iii e iv secolo. Poiché però in questa evidente diminuzione quantitativa successiva al i secolo, comune ad altre città della Campania, contribuiscono molti fattori (fra cui il minore uso delle epigrafi funerarie: difatti le iscrizioni nolane con la formula D. M. sono appena un terzo del totale), occorre confrontare questo dato con quello più significativo per la ricostruzione storica, fornito dalle iscrizioni ‘pubbliche’ (imperiali, onorarie, monumentali

1. Vedi

i dati in G. Camodeca, I ceti dirigenti di rango senatorio, equestre e decurionale della Campania romana, I, Napoli, 2008, p. 25, con pianta a p. XI.

Nola: vicende sociali e istituzionali di una colonia romana da Silla alla tetrarchia

ecc.)2. Queste per Nola ora ammontano in totale ad una cinquantina: se una sola è tardo repubblicana (CIL, I2, 3127 = ILLRP, 116, a. 80/70 a.C.), ben il 35% si data fra Augusto e i Flavi, il 16% è di ii secolo, e altrettanto di iii secolo; addirittura il 26% appartiene al iv secolo (quattro dediche però sono poste allo stesso personaggio, un patrono vir perfectissimus). Ancora più interessante è notare che dalle tabelle, che ho edito di recente su tutta la Campania (escluse Pompeii ed Herculaneum)3, si ricava che Nola rispetto alle altre città della regione presenta una percentuale significativamente maggiore di iscrizioni pubbliche di iii secolo (8,5%) e specialmente di iv secolo (dalla tetrarchia in poi, 10,8%), percentuali che la collocano al terzo posto subito dopo Puteoli e Capua, mentre per i due secoli precedenti risulta sesta fra le città della Campania, dunque in ogni caso in una posizione sensibilmente migliorata rispetto a quella relativa al patrimonio epigrafico generale. Naturalmente con i dati disponibili per Nola (ca. 165 tituli), che, come s’è visto, sono tutt’altro che abbondanti specie considerando le dimensioni della città e del territorio4, non è possibile tracciare un quadro dettagliato; tuttavia questa documentazione, ampliata e profondamente rinnovata mediante una serie di lavori puntuali, consente, insieme con quella archeologica di molto accresciutasi negli ultimi anni, di delineare un primo schizzo, che, sia pure con diverse lacune e zone oscure, funga da griglia di riferimento, su cui poi poter inserire nuove tessere del mosaico. Alcuni punti fermi emergono in modo indubbio, anche se spesso isolati fra loro per mancanza di dati che li possano collegare insieme in un discorso più ampio e articolato.

Dalla colonia Sillana all’età triumvirale Non vi possono essere dubbi a mio parere che anche a Nola, come nella vicina Pompei, fu istituita verso l’80 a.C. una colonia di veterani di Silla5. Per questa città come precisato in G. Camodeca, “Le città della Campania nella documentazione epigrafica del tardo iiiiv secolo”, in Paesaggi e insediamenti urbani nell’Italia meridionale fra tardoantico e altomedioevo, Atti Conv. STAIM 2. Così

2, Foggia maggio 2006, Bari, 2010, p. 283-294. 3. Ibid., p. 285, tab. I. 4. La superficie urbana di Nola, sia pure non ancora precisamente determinabile, non era certo inferiore ai 50 ettari ca.; al proposito un dato importante è stato il recente rinvenimento in via Feudo di una porta urbica su una strada orientata N-S, il che dimostra una maggiore estensione verso S-O di Nola romana rispetto a quella attuale (cfr. V. Sampaolo, s.v. Nola, in E.A.A., II Suppl., 4, Roma, 1996, p. 33-35, p. 33 sg.). Pertanto, supponendo 150 ab. x ha in età augustea, la popolazione cittadina può calcolarsi in non meno di 7 500 abitanti. Del resto il suo territorio rurale, che arrivava fino a Lauro, doveva essere assai vasto, a giudicare dai numerosi pagi in cui era suddiviso (vd. G. Camodeca, “I pagi di Nola”, in Modalità insediative e strutture agrarie nell’Italia meridionale in età romana, Bari, 2001, p. 413-433, p. 413 ss.); la sua estensione è stata stimata in ca. 330-350 kmq. (così Nissen; ca. 6 miglia quadrate per J. Beloch, Campania, 1890, tr. it. 1989, p. 461 s.). 5. Sul punto vd. già G. Camodeca, “La colonizzazione romana dal ii secolo a.C. all’età imperiale”, in Storia del Mezzogiorno, 1.2, Napoli, 1991, p. 12-41, p. 28 s.; sulla serie di centuriazioni del territorio nolano vd., anche se

297

Giuseppe Camodeca

il Liber Coloniarum (236, 4-5) ricorda che ager eius limitibus Sullanis militi fuerat adsignatus; la notizia è confermata da iscrizioni tardo repubblicane, che da un lato menzionano la colonia e i coloni 6, dall’altro attestano come supremi magistrati cittadini i IIviri 7. Meno probante risulta invece la titolatura della colonia Felix Augusta (CIL, X, 1244 del tempo di Diocleziano), perché l’epiteto Felix non è esclusivo di Silla. Del resto nel vasto piano della colonizzazione sillana in Campania8 si sarà tenuto conto dello stretto rapporto fra le due città di Nola e di Pompei, fungendo quest’ultima da porto della prima (Strab., 5, 4, 8). Seppure generalmente invocata come testimonianza della colonia sillana, l’epigrafe9, CIL, X, 1273, costituisce invece a mio avviso una prova della successiva deduzione augustea, del resto già ben testimoniata da Plinio (NH, 3.63) e dal citato passo del Liber Coloniarum (236, 3: colonia Augusta). Infatti il notabile nolano P. Sextilius P.f. Fal. Rufus, che fu per due volte IIvir a Pompei e decurio adlectus ex veteribus Nola, deve essere certamente datato in età augustea in base all’autopsia dell’iscrizione conservata nel Seminario di Nola, e quindi i veteres Nolani, cui egli dichiara di appartenere, non possono essere intesi in contrapposizione ai coloni sillani, come di solito si fa10, ma ai nuovi coloni della più recente deduzione augustea11. In tal senso depone anche il suo gentilizio non campano; d’altra parte la madre è una Aufidia, Stati f(ilia), 298

con risultati non sempre sicuri, G. Chouquer e F. Favory, “Description des cadastres antiques de l’aire latio-campanienne”, in Structures agraires en Italie centro-méridionale. Cadastres et paysage ruraux, Rome, 1987. p. 209-212, cfr. p. 225-226: la più antica con modulo di 20 actus è identificata con quella sillana; inoltre sull’organizzazione paganica vd. Camodeca, “I pagi di Nola”, art. cit. 6. CIL, I2, 3127 = ILLRP, 116 (a. 80/70 a. C.): Genio coloniae et colonorum honoris causa. 7. Il notabile puteolano N. Cluvius M’.f., IIvir Nolae grosso modo verso il 60 a.C.; egli fu in seguito uno dei primi duoviri della colonia cesariana di Capua (CIL, X, 1572 = CIL, I2, 1619, cfr. p. 1013 = ILS, 6345 = ILLRP, 182 = AE, 2000, 340; CIL, X, 1573, cfr. p. 971 = CIL, I2, 1620, cfr. p. 1013 = ILLRP, 561 = AE, 1988, 294 = 1991, 482 = 2000, 341), su cui vd. di recente, anche se forse in modo troppo prolisso, E. Bispham, “Carved in stone: the municipal magistracies of Numerius Cluvius”, in The Epigraphic Landscape of Roman Italy, London, 2000, p. 39-75, con bibl. 8. Sul punto vd. ora F. Santangelo, Sulla, the Elites and the Empire, Leiden - Boston, 2007, p. 147 ss.; in part. su Pompei e la Campania, p. 158 ss. 9. CIL, X, 1273 = ILS, 6344 (Nola): P. Sextilius P. f. Fal(erna) / Rufus, / aid(ilis) iterum, IIvir quinq(uennalis) Pompeis, / decurio adlectus ex veterib(us) Nola, / Aufidiae St. f. Maximae, / matri, / L. Petronio L. f. Fal(erna) Vero vitrico, / decurioni Nola, / ex testamento HS IV (milia), arbitratu Fidi l(iberti). Una foto dell’iscrizione in G. Camodeca, “Porcii Catones e Tullii a Nola in una iscrizione tardorepubblicana erroneamente ritenuta falsa (CIL, X, 181*)”, Oebalus, 6, 2011, p. 111, fig. 4. 10. Così, ad es., A. Degrassi, Quattuorviri in colonie romane e in municipi retti da duoviri, in Scritti vari di antichità, 1, Roma, 1962, p. 99-177, p. 105; Id., “L’amministrazione delle città”, in Scritti vari di antichità, 4, Trieste, 1971, p. 67-98, p. 87; E. Gabba, Esercito e società nella tarda Repubblica romana, Firenze, 1973, p. 125; da ult. A. Keaveney, “Cicero Pro Sulla 60-62 and the Sullan Settlement of Italy”, Athenaeum, 98, 2010, p. 127-138, p. 130. La datazione dell’iscrizione addirittura all’età flavia, ancora sostenuta da P. Castrén, Ordo populusque Pompeianus, Roma, 1975. p. 221, seguendo la vecchia opinione di Mommsen in CIL, X, p. 142 [che poi però si era ricreduto, sul punto vd. H. Mouritsen, Elections, Magistrates and Municipal Élite. Studies in Pompeian Epigraphy, (ARID. Suppl. XV), Roma, 1988, p. 103], è senza dubbio da escludere, già solo per l’uso del praenomen Statius (vd. nt. 12) e della forma aid(ilis). 11. Altra questione è poi quella di ritenerlo, come spesso si afferma, un discendente del senatore suo omonimo, P. Sextilius Rufus, praetor ca. 90 a.C.; sul punto, con giusti dubbi, vd. da ult. G. Camodeca, “I ceti dirigenti di rango senatorio”, in Storia del Mezzogiorno, 1.2, Napoli, 1991, p. 43-79, p. 69, ove bibl.

Nola: vicende sociali e istituzionali di una colonia romana da Silla alla tetrarchia

con un patronimico tipicamente osco12; ciò fa pensare al discendente di una gens latina, i Sextilii, giunti a Nola (e a Pompei) con la colonia sillana13 e bene integratisi in breve tempo nella società locale, fenomeno che si può osservare, come è noto, ancor meglio a Pompei. Di recente ho potuto dimostrare la genuinità di una iscrizione nolana di grande rilievo storico, ingiustamente condannata dal Mommsen come falsa, CIL, X, 181*: Porciae Tulli / C. Catonis f(iliae); la si può datare per le caratteristiche paleografiche negli anni 80/50 a.C.14. La sorprendente testimonianza a Nola di una Porcia15, figlia di un senatore C. Porcius Cato, d’età sillana o postsillana, e moglie di un Tullius, ben si inserisce a mio parere nel quadro della colonia sillana. Dell’élite di quest’ultima il marito di Porcia era verosimilmente un membro autorevole16; del resto anche nella Pompei sillana si trovano sia i Porcii che i Tullii, fra le famiglie più importanti arrivatevi dal Latium. Anzi è ben noto come l’unico Porcius finora noto a Pompei, M. Porcius M.f.17, sia stato uno dei personaggi più influenti e fra i primi magistrati della colonia: come duovir fece costruire l’odeion (ILLRP, 646); egli e il famoso C. Quinctius Valgus, in qualità di IIviri quinquennales, curarono a loro spese la costruzione dell’anfiteatro (ILLRP, 645). Mentre i Porcii sono altrimenti assenti in tutta la Campania, i Tullii vi risultano relativamente diffusi18, ma solo 12. Su

cui vd. O. Salomies, Die römischen Vornamen, Helsinki, 1987, p. 90 s.; più di recente Id., “Les prénoms italiques : un bilan de presque vingt ans après la publication de Vornamen”, in Les prénoms de l’Italie antique, Pisa - Roma, 2008, p. 15-38. p. 34 s. 13. Come dimostra il L. Sextilius L.f., IIIIvir a Pompei con M. Porcius M.f. e due Cornelii in una dedica nel tempio di Apollo (CIL, I2, 1631 = X 800); M. Porcius è certamente da identificare con l’omonimo duovir dei primi tempi della colonia sillana, vd. nt. 17; sulla data cfr. in tal senso anche H. Mouritsen, Elections, Magistrates and Municipal Élite […], op. cit., p. 71 s. Ciò mi sembra ostacolo insormontabile per vedere nei IIIIviri magistrati di un municipium a Pompei, coesistente con la colonia, tesi da ult. sostenuta da E. Bispham, From Asculum to Actium. The Municipalization of Italy from the Social War to Augustus, Oxford, 2007. p. 261 ss.; non è però qui la sede per entrare in questa vecchia e spinosa questione. 14. G. Camodeca, “Porcii Catones e Tullii a Nola […]”, art. cit., p. 105-117, con foto. 15. Non può certo provare proprietà a Nola di M. Porcius Cato, il Censore, il fatto che egli raccomandi il nolano Minius Percennius come massimo esperto dell’impianto di cipresseti (de agr., 151, 1); questo personaggio porta una tipica onomastica osca (il gentilizio è presente nell’élite osca di Pompei (H. Rix, Sabellische Texte, Heidelberg, 2002, Po 40) e deriva dal prenome perkens, ben attestato anche a Nola, ibid., Cm 6; 47); su di lui vd. E. Vetter, “Manius Percennius aus Nola”, Wiener Studien, 29, 1907, p. 326-328; Münzer, in PWRE, 19, 1, 1937, col. 558, nr. 1. 16. Per la presenza di un Tullius nell’élite di questa colonia non si può certo richiamare la partecipazione del giovane Cicerone (de div., 1, 72; 2, 65) alla grande vittoria sillana di Nola sui Sanniti nell’89. Si noti inoltre che per la tarda repubblica matrimoni fra membri di famiglie senatorie e della nobilitas cittadina del Latium e della Campania non sono certo eccezionali; sul punto vd. per tutti M. Cébeillac Gervasoni, Les magistrats des cités italiennes de la seconde guerre punique à Auguste : le Latium et la Campanie, Rome, 1998, p. 213-219. 17. Su di lui P. Castrén, Ordo populusque Pompeianus, op. cit., p. 88 ss.; 209 s.; H. Mouritsen, Elections, Magistrates and Municipal Élite […], op. cit., p. 78; 84; 88; la sua prestigiosa tomba ad altare con pulvini in travertino di tradizione repubblicana, gli fu concessa ex decurionum decreto fuori porta Ercolano (CIL, X, 997, cfr. p. 967 = CIL, I2, 1637, cfr. p. 1014 = ILLRP, 650). 18. A parte Pompeii, sono tutti personaggi modesti o liberti, per lo più di età imperiale; spicca in particolare Capua con dieci personaggi (vd. elenco in G. D’Isanto, Capua romana. Ricerche di prosopografia e storia sociale, Roma, 1993, p. 244 s.; praenomina Q., L., C.), uno dei quali di metà i sec. a.C., Q. Tullius Paapus (CIL, I2, 1605); inoltre a Puteoli (M., CIL, X, 3028-9, i-ii sec.); a Neapolis (M., CIL, X, 1517 di ii sec.); a Surrentum (Q., NSc.,

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Giuseppe Camodeca

300

a Pompei sono nel ceto dirigente fin dall’età tardo repubblicana (Q. Tullius Q.f., IIvir)19 e addirittura raggiungono il rango equestre sotto Augusto con M. Tullius M.f., munifico costruttore del tempio della Fortuna Augusta nell’ultimo decennio del i sec. a.C.20. Inoltre è ben noto l’interesse mostrato nel periodo post-sillano dalle famiglie senatorie romane per investimenti fondiari nel territorio nolano: si possono ricordare il padre di Augusto, C. Octavius, che nel 58 a.C. morì prematuramente a Nola nelle sue proprietà (dove poi nel 14 spirò anche l’imperatore)21, oppure lo stesso Tullio Cicerone (Att., 13, 8), che nel giu. 45 a.C. pregava l’amico Attico di informarsi per l’eventuale acquisto di fondi in Pompeiano Nolanove allora appartenenti ad un Q. Staberius22; anche quest’ultimo, portando un gentilizio rarissimo in tutta la Campania23, ma attestato a Nola con lo stesso praenomen in epoca augustea/ proto imperiale, potrebbe essere arrivato in quel territorio con i coloni sillani. Un importante patronus della città durante la tarda repubblica è stato a mio avviso quel console, la cui onomastica è riportata come P. Claudius Pulcher in un’iscrizione tràdita da un autore cinquecentesco (CIL, X, 1250), console in quanto tale altrimenti ignoto24; credo infatti che vi si debba correggere il prenome in [A] p., il che consentirebbe di identificarlo con il console del 58 a.C. o con il figlio omonimo, cos. 38 a.C.; si ricordi che quest’ultimo aveva proprietà in Campania, ad Herculaneum, dove per la sua munificenza fu onorato post mortem25.

1928, p. 212, giulio-claudia); a Nuceria (L., AE, 1994, 408, i sec.); a Misenum: un curator perp. degli Augustales (L.) di età traianea (AE, 1993, 468; AE, 1996, 424b); e inoltre due classiari. 19. CIL, X, 803-4; sulla datazione vd. H. Mouritsen, Elections, Magistrates and Municipal Élite […], op. cit., p. 78. 20. Su questo cavaliere vd. da ult. G. Camodeca, I ceti dirigenti […], op. cit., p. 315. 21. Si ricordi anche il toponimo Octavianum. 22. Di costui null’altro si sa; è però molto interessante notare che da un’iscrizione funeraria, purtroppo mutila e ora da me edita G. Camodeca, “Porcii Catones e Tullii a Nola […]”, art. cit., p. 113-114 (con foto), murata a S. Vitaliano, via Parrocchia 12, e databile grosso modo all’età augustea, è noto un nugolo di Q. Staberii, evidentemente liberti o discendenti di liberti del Q. Staberius, grande proprietario terriero a Nola all’epoca di Cicerone. Blocco di calcare, fratto da tutti i lati, salvo che a sinistra; alto cm. +56; largo +37; h. lett. cm. 5,5-7: Q. Stab[erio - - -] / Staber[iae - - -] / Q. Staber[ius - - -] / filìus [- - -] / Canìniae [- - -] / CE++V+[- - -] / - ­- - - - -. 23. Staberii in Campania noti finora solo a Capua già dalla seconda metà del i sec. a.C. (A. Staberii A. l.: CIL, I2, 1602 = X, 4351; Gamurrini, nr. 357 bis; Staberia P. l.: CIL, X, 4352; vd. G. D’Isanto, Capua romana […]. op. cit., p. 230; cfr. anche di epoca traianea CIL, X, 4382), e inoltre a Misenum in età tiberiana (Staberia C. l., CIL, X, 3358 = ILS, 2818). 24. CIL, X, 1250: P. Claudio Pulcro / cos. / patrono. La sua identità e datazione sono un problema per i prosopografi (Münzer, s.v. Claudius 305, in PWRE, 3.2, 1899, col. 2858, proponeva di identificarlo addirittura con il cos. 184 a.C.; invece Groag, in PIR2, C 986, con un preteso console omonimo d’età tardo-repubblicana (CIL, XIV, 4707), che in realtà non esiste (AE, 1997, 253 = 2008, 278); incerto A. Degrassi, I Fasti consolari, Roma, 1952, p. 119: “sec. i?”); a mio parere la formulazione del testo depone senza dubbio per una data fra tarda repubblica ed età augusteo-tiberiana, periodo in cui i consoli sono ormai tutti noti. Su questa base la correzione del prenome, proposta nel testo, appare più che lecita. 25. Su ciò già G. Camodeca, I ceti dirigenti […], op. cit., p. 359.

Nola: vicende sociali e istituzionali di una colonia romana da Silla alla tetrarchia

Uno fra i pochi membri finora noti dell’élite nolana pre-augustea, M. Salvius Q.f. Venustus, che porta un gentilizio attestato in Campania già in osco26, si dichiara esplicitamente legato a Cesare, essendo divenuto decurio [be]nific(io) dei Caesaris27

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Fig. 1.

CIL, X, 1271.

(CIL, X, 1271 = I2, 1611 = ILLRP, 630)28 (fig. 1); la famiglia ha ancora un IIvir nel 29 d.C., T. Salvius Parianus. In confronto alla notevole attività costruttiva dell’élite della colonia sillana, nota dalla eccezionale documentazione epigrafica disponibile per Pompei, ben poco sappiamo per Nola; se il suo anfiteatro sembra ben posteriore a quello pompeiano (vd. infra), conosciamo però l’opera di un magistrato cittadino, C. Catius gentilizio osco Salaviis è attestato a Capua già nel iii sec. a.C. (Ve. 96 = H. Rix, Sabellische Texte, op. cit., Cp3). Tuttavia i Salvii, a parte Nola, sono rari nella Campania romana, anche a Pompei, dove appaiono solo negli ultimi decenni della città. 27. Cesare, come dittatore, aveva il diritto di confermare l’elezione dei magistrati cittadini; così nello statuto della colonia cesariana di Urso (lex col. Gen. Urs. c. 125); sul punto Th. Mommsen, Röm. Staatsrecht, II2, 1, Leipzig, 1877, p. 712. Su Cesare vd. da ult. M. Clauss, Kaiser und Gott, Stuttgart - Leipzig, 1999, p. 50 ss. 28. E. Badian, “Notes on Roman Senators of the Republic”, Historia, 12, 1963, p. 143, ha proposto di identificarlo con il Salvius, tribunus plebis nel 43 a.C., da principio schierato con Antonio e poi vittima delle proscrizioni triumvirali (F. Münzer, in PWRE. 1 A 2, 1920, s.v. Salvius, n. 6, col. 2022 s.). L’ipotesi è poco convincente; vd. G. Camodeca, “Ascesa al Senato e rapporti con i territori d’origine. Italia: regio I (Campania) e le regiones II e III”, in Epigrafia e Ordine Senatorio, 2, Roma, 1982, p. 101-163. p. 125. 26. Il

Giuseppe Camodeca

M.f.29, IIIIvir, che poco dopo l’istituzione della colonia curò la creazione a spese pubbliche di un campus per esercitazioni ginniche (campum publice / aequandum curavit), e di suo vi aggiunse maceriem et scholas et solarium semitam, dedicando il tutto significativamente: Genio coloniae et colonorum honoris causa, quod perpetuo feliciter utantur (CIL, X, 1236 = 12, 3127 = ILLRP, 116). A quest’epoca sembra inoltre risalire anche un lungo tratto delle mura in opera quasi reticolata, la cd. ‘Muraglia’, che documenta un restauro o modifica delle mura cittadine, che erano certo preesistenti alla colonia sillana. Ad un’altra opera pubblica nel foro, forse il capitolium della colonia, potrebbe appartenere per il luogo di ritrovamento (Duomo) il mosaico di alta qualità in vermiculatum rappresentante un’aquila in lotta col serpente e con il motivo del fregio d’armi30.

Dalla colonia Augustea a quella Flavia

302

Alla colonia augustea si è già accennato come anche allo speciale, ben noto, rapporto di Augusto con Nola, che vi aveva la domus di famiglia, in cui egli stesso morì nel 14; Tiberio vi fece costruire un tempio, da lui personalmente consacrato nel 26 (Tac., Ann., 4, 57, 1; Suet., Tib., 40, 1; Cass. Dio, 56, 46, 3)31. Resta tuttavia dubbia l’esistenza di un collegium privato di cultores dell’imperatore, ancora lui vivo, che si è voluto dedurre dall’ara Augusto sacrum dei Laurinienses (CIL, X, 1238)32. Comunque va ricordata la dedica postagli nel 5-4 a.C. dall’augure nolano [- - - Pro]culus (AE, 1971, 82), mentre quelle in onore dei suoi nipoti (Caio Cesare 29. Un C. Catius ritorna anche a Pompei su un signaculum (CIL, X, 8058, 17). Il magistrato nolano è stato ritenuto identico a C. Catius Vestinus, trib. mil. di Antonio durante la guerra di Modena (così E. Badian, “Notes on Roman Senators of the Republic”, art. cit., p. 133), ma già la differenza cronologica esclude tale identificazione. Non sarebbe corretto richiamare per il nostro Catius il fundus Cadianus noto a Nola da una Tab. Herc. (vd. infra), anche se W. Schulze, Zur Geschichte lateinischer Eigennamen, Göttingen, 1904 (rist. Hildesheim, 1991) vorrebbe considerare Catius/Cadius come uno stesso gentilizio. 30. Per la datazione generica, alla fine del ii-inizi i sec. a.C., e che può certo scendere all’età sillana, vd. A. Tammisto, Bird in mosaic, Roma, 1997, p. 410 s. Fu rinvenuto nel 1871 nel supportico del Duomo di Nola e portato al museo provinciale di Capua; per questo motivo è stato ritenuto ancora da W. Johannowsky, Capua antica, Napoli, 1989, p. 68 (con bella foto del mosaico), proveniente da S. Angelo in Formis e collegato con la colonia cesariana di Capua. Il collegamento, a mio parere giusto, con il Capitolium di Nola già in C. Capaldi, Severo more doricorum, Pozzuoli, 2005, p. 85. 31. Sul punto H. Hänlein-Schäfer, Veneratio Augusti, Roma, 1985, p. 129 s., secondo cui la domus dove morì Augusto fu trasformata in un sacrarium. A Nola fu subito istituito un flamen divi Augusti, sacerdozio affidato ad un cavaliere, C. Curiatius (vd. nt. 34). 32. Su tutta la questione rinvio a G. Camodeca, “I pagi di Nola”, art. cit., p. 415 s., ove bibl., cui adde I. Gradel, Emperor Worship and Roman Religion, Oxford, 2002, p. 217-220, che sembra dell’idea che i cultores sarebbero schiavi e liberti imperiali, impiegati nelle estese proprietà nolane di Augusto. Invece resta incerto se la dedica con la nota formula Genio et Laribus (CIL, X, 1235 di tradiz. ms.) si riferisca al culto imperiale, e non alla sfera privata; a quest’ultima Mommsen (in CIL, X, p. 142) vorrebbe riferire anche i ministri Larum di CIL, X, 1269 (fig. 2), il che mi lascia perplesso, trattandosi di una base di statua alla sorella di un augure, Sex. Fisius Serenus, posta in un luogo pubblico (l. d. d. d.).

Nola: vicende sociali e istituzionali di una colonia romana da Silla alla tetrarchia

e Agrippa Postumo, CIL, X, 1239-1240), probabilmente contemporanee e databili all’1-4 d. C., potrebbero appartenere ad un ciclo statuario per la famiglia imperiale, come in altre città d’Italia33. Il frammento di Fasti Nolani degli anni 29-32, purtroppo da tempo irreperibile (CIL, X, 1233 = ILS, 6124 = I.It., 13, 1, 12), ci offre un breve ma significativo spaccato dell’élite cittadina nolana del tempo; se a questo aggiungiamo le iscrizioni databili al periodo augusteo-tiberiano si possono trarre alcune considerazioni sul ceto dirigente del primo principato e parzialmente anche sull’impatto che vi ha avuto la colonia augustea (i nolani novi contrapposti ai veteres, di cui si è detto). Se su quest’ultimo punto la mancanza di dati sufficientemente numerosi per la tarda repubblica, ci impedisce conclusioni sicure, non c’è dubbio però che la società e l’élite stessa del tempo augusteo-tiberiano (magistrati e cavalieri sono riportati in grassetto) risulta composta sia da famiglie giunte con la colonia augustea (Curiatii 34, Flaminii 35, Sentii 36, Q. Sulpicii 37, Valerii 38; forse anche gli Aponii 39, i Cantinii 40, i Neronii 41, i Vitorii 42; ad essi si possono 33. Sui

cicli statuari giulio-claudi, vd. da ult. D. Boschung, Gens Augusta, Mainz am Rhein, 2002; su Nola solo un cenno, p. 155 nr. 19; cfr. anche F. Hurlet, Collègues du prince sous Auguste et Tibère, Rome, 1997, p. 582, nr. 57-58. 34. C. (non L., come nel CIL) Curiatius L.f., flamen divi Augusti, primuspilus, trib. mil. II, praef. castr(orum), praef. fabr(um) (CIL, X, 1262), morto in età tiberiana. Il gentilizio è del tutto assente in Campania; una sola attestazione ad Allifae. 35. T. Flaminius T.f. Longinus in età proto imperiale fa de sua pecunia un’opera non specificata, ma non si qualifica come magistrato (CIL, X, 1260); Flaminii sono praticamente assenti nel resto della Campania: solo due Flaminii (ma con prenomi diversi) a Pompei (P. Castrén, Ordo populusque Pompeianus, op. cit., p. 168). La gens ha però suoi esponenti fra fine ii e inizi i sec. a.C. a Delo (ID, 1693; 2598, 20), il che attesta il suo coinvolgimento nelle attività commerciali, ma non (pace Castrén) il suo arrivo precoce in Campania. 36. M. Sentius Rufus, IIvir nel 30, e C. Sentius Severus, aed. nel 32. Il gentilizio è raro in Campania; ad Ercolano aveva proprietà e probabilmente una villa il senatore Cn. Sentius Saturninus, cos. ord. 41 (AE, 2008, 361, vd. G. Camodeca, SDHI, 75, 2009, p. 383-404), che ovviamente non ha nulla a che fare con la famiglia dei notabili nolani. 37. Q. Sulpicius Rufus, IIvir, che provvide ex d(ecreto) d(ecurionum) a fornire le misure di capacità per il mercato cittadino (CIL, X, 1276); un liberto dei Q. Sulpicii in X, 1331; in Campania solo a Nola i Sulpicii sono nell’élite cittadina. Appena un paio di Q. Sulpicii anche a Pompei, ma forse si tratta di nolani; non hanno invece nulla a che fare con loro i C. Sulpicii, proprietari del famoso archivio puteolano di tavolette cerate, rinvenuto in loc. Murecine, il cui ultimo erede si trasferì da Puteoli nella città vesuviana (G. Camodeca, Tabulae Pompeianae Sulpiciorum, I, Roma, 1999, p. 22 ss.; Id., “Altre considerazioni sull’archivio dei Sulpicii e sull’edificio pompeiano di Moregine”, Ostraka, 12, 2003, p. 249 ss.). L’unico Sulpicius di età repubblicana in Campania compare fra i magistri di Capua nel 94 a.C. (ILLRP, 719 = AE, 1998, 367). 38. Con due importanti personaggi: il cavaliere L. Valerius L.f. Fal. Pollio, IIvir, tribunus militum, di età augustea (iscr. inedita; vd. Appendice 1) e M. Valerius Postumus, IIvir nel 32. 39.  Sex. Aponius Proculus, aed. nel 29; il gentilizio, d’origine etrusca (W. Schulze, Zur Geschichte lateinischer Eigennamen, op. cit., p. 66) è raro in Campania, ma a Capua è forse attestato già in epoca repubblicana (vd. G. D’Isanto, Capua romana […], op. cit., p. 66 s.); a Puteoli in età claudia (TPSulp., 75). 40.  L. Cantinius C.f. Fal. Rufus, primus pilus leg. VII Macedonicae in età augustea-tiberiana (CIL, X, 8163 + ined.), vd. Appendice 3. 41. Noti da una bella iscrizione funeraria della famiglia rinvenuta a S. Gennaro Vesuviano (AE, 1994, 414), databile alla prima età imperiale. I Neronii, altrimenti quasi assenti in Campania (solo a Surrentum CIL, X, 747; e a Puteoli CIL, X, 2009), sono invece ben attestati nel Latium a Praeneste fin dalla prima metà del ii sec. a.C. (CIL, XIV, 3174-5 = I2, 203-4 = Imagines, 549). 42. T. Vitorius Cn.f., IIvir libripens, cioè edile (CIL, X, 1277 = ILS, 6346), databile non dopo l’età augustea, vd. infra nt. 69. Il gentilizio, praticamente assente a Pompei (solo in un graffito, CIL, IV, 10135a) e nel resto della

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aggiungere i Q. Vibidi/Vibiedi con un gentilizio d’origine peligna43), sia in special modo da antiche famiglie di origine locale o da tempo insediate in Campania (Abuttii 44, Aufidii 45, Atrii 46, Atinii 47, Bassii 48, Cominii 49, Decidii 50, Fisii 51, Herennii 52,Holcennii/Holocennii 53, Ippellii 54, Luc(c)eii 55, Mammii  56,

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Campania (due tarde iscrizioni viste a Napoli di incerta provenienza, CIL, X, 1921, 3119), è invece ben attestato in età repubblicana nel Latium da un magistrato di Anagnia (ILLRP, 534). 43. Q. Vibidius /Vibiedius Sedatus, IIvir del 30. Su questo gentilizio diffuso, a parte Roma, solo in Campania (in specie ad Herculaneum), e nella regio IV Samnium, con le varianti Vibedius/Vibiedius, vd di recente G. Camodeca, “Evergeti ad Ercolano. Le iscrizioni di dedica del tempio di Venere”, RPAA, 81, 2008, p. 60 s. 44. Una Abuttia imparentata con i Neronii (vd. nt. 41); Abuttius è gentilizio rarissimo, ma attestato in Irpinia in osco (bollo laterizio dal forum graccano di Fioccaglia, vd. La romanisation du Samnium, Naples, 1991, p. 71); e poi nella seconda metà i sec. a.C. ad Abellinum (CIL, X, 1141, così mia rilettura; nel CIL: Aruttius); altrimenti, oltre che a Roma, è presente in età repubblicana e augustea solo nel Latium ad Anagnia (ILLRP, 533; CIL, X, 5906). 45. Conosciamo Aufidia St(ati) f(ilia) Maxima, madre del decurione P. Sextilius P.f. Fal. Rufus; sulla sua origine per l’uso del prenome Statius si è già detto. 46. Ne sono noti un paio di membri in iscrizioni piuttosto risalenti, la prima delle quali non successiva all’età proto-augustea, come dimostrano la paleografia, l’uso del prenome osco Vibius e l’assenza del cognomen: Atria V(ibi) f(ilia) (CIL, X, 1288); C. Atrius C.l. Sindaeus (NSc., 1900, 103 nr. 5). Va sottolineato che Atrii (Mr. Atrius V.f.) sono attestati a Pompei già nelle iscrizioni della serie eítuns (Ve. 23-24 = H. Rix, Sabellische Texte, op. cit., Po 34-35). 47.  M. Atinius Florens, aed(ilis) a Nola nel 31; gli Atinii, anche se forse per antica immigrazione dal Latium (P. Castrén, Ordo populusque Pompeianus, op. cit., p. 43), sono magistrati a Pompei già prima della colonia sillana (Ve 12 = H. Rix, Sabellische Texte, op. cit., Po 4; Pocc. 107 = ibid., Po 16), ma in seguito vi risultano praticamente assenti, documentati solo da qualche graffito (fra cui un M. Atinius, CIL, IV, 8179). 48. Attestati soltanto da un liberto di fine i sec. a.C. (P. Bassius (mulieris) l. Barn(aeus), NSc., 1900, 103 nr. 4); la gens era nell’élite nolana di epoca osca fin dalla seconda punica: Herennus Bass(i)us (Liv., 23, 43, 9; 44, 1 del 215 a.C.); inoltre m(ina)z bassiis (H. Rix, Sabellische Texte, op. cit., Cm 47). 49. Negli anni 60-70 un M. Cominius è promotore a Nola di un munus gladiatorio di 4 giorni (CIL, IV, 10237 = AE, 1985, 280, Pompei, necropoli di Porta Nocera, su cui P. Sabatini Tumolesi, Gladiatorum paria, Roma, 1980, p. 99 s.). Sul gentilizio di discussa origine e la sua diffusione in Campania vd. ora G. Camodeca, I ceti dirigenti […], op. cit., p. 349 s., con bibl.; comunque è attestato da un bollo laterizio osco e latino (inedito), Cn. Cominius, nel territorio fra Nola e Neapolis (loc. Ponticelli). 50.  M. Decidii costituiscono un’importante famiglia a Pompeii (P. Castrén, Ordo populusque Pompeianus, op. cit., p. 162). 51. Fisii sono in generale assai rari e nella stessa Campania si concentrano solo a Nola e a Capua, dove compaiono già nel 106 a.C. con prenomi M. e C. (ILLRP, 715; 710). A Nola un Fisius Serenus, aug(ur), probabilmente ancora in età giulio-claudia, CIL, X, 1269 (fig. 2); su altri membri della famiglia vd. infra. 52. A Nola già attestato con un magistrato in un’iscrizione osca (H. Rix, Sabellische Texte, op. cit., Cm 6 = Ve 115) ; per Herennia Tertia, nota dalle Tab. Herc. come proprietaria di fondi nel nolano negli anni 40, vd. infra. 53. Su questo gentilizio di origine etrusca (vd. infra), ora documentato solo a Nola, vd. appendice 2. 54. L. Ippellius Atticus, aed(ilis) del 32; il gentilizio è noto soltanto a Nola, dove ricorre anche come Hippellius con tre personaggi in CIL, X, 1306 di età giulio-claudia. Si può richiamare (H)ippius a Capua (CIL, X, 8228; 4184), attestato anche a Fregellae (Cic., fam., 13, 76, 1). 55. Q. Luc(c)eius Clemens, IIvir nel 32; il gentilizio è già attestato per un magistrato di Nola osca (Cippo abellano); i Luccei sono ben noti in Campania nel i sec. a.C. fra le principali famiglie dell’élite municipale di Cumae e amici personali di Cicerone; su di essi G. Camodeca, I ceti dirigenti […], op. cit., p. 18; Id., “Il patrimonio epigrafico latino e l’élite municipale di Cuma. Parte prima”, in Atti Incontro. Intern. di studio: Il Mediterraneo e la Storia. Epigrafia ed archeologia in Campania: letture storiche, Ist. St. Filos. Napoli 4-5 dic. 2008, Napoli, 2010, p. 61-62. 56. M. Mammii in un’iscr. funeraria nolana di i sec. (mia scheda in EDR106826); a Nola già nell’élite di epoca osca (H. Rix, Sabellische Texte, op. cit., Cm 47). Sui Mamii/Mammii in Campania, e in specie ad Herculaneum, vd. G. Camodeca, I ceti dirigenti […], op. cit., p. 167 ss., 180-181.

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Fig. 2.

CIL, X, 1269.

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Minii 57, Monnii 58, Muttii 59, Nassii 60, Papii 61, Salvii 62, Sattii 63, Sitrii 64, Spurii 65, 57. AE,

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1971, 84 (iscrizione funeraria protomiperiale di una famiglia di M. Minii). Il gentilizio, derivato da un diffuso (anche a Nola) prenome osco (O. Salomies, ““Les prénoms italiques […]”, art. cit., p. 27), è molto raro nella stessa Campania (ad Herculaneum, A. Minius, CIL, X, 1403d); attestato in età rep. a Minturnae (CIL, I2, 2682; cfr. X, 6045: M. Minii). 58. Q. Monnius Rufus, certo un magistrato, che ob honorem offre nell’anfiteatro di Nola uno spettacolo con gladiatorii e venatio, noto da edicta munerum di Pompei della prima metà del i secolo d.C. (CIL, IV, 3881; 1187 = AE, 2007, 361; cfr. P. Sabatini Tumolesi, Gladiatorum paria, op. cit., nr. 69-70). Il raro gentilizio ricorre quasi solo in Campania già dalla fine del ii sec. a.C.: a Capua (ILLRP, 715 del 106 a.C.: Q. Monnius N.f.; AE, 1980, 231); a Cumae (CIL, X, 2749, tardorep.); ad Atella (CIL, X, 3736 con tre personaggi fra cui un decurione). 59. Questo raro gentilizio è noto a Nola dal pagus Myttianus (sic), che pone una statua a Salonina, la moglie di Gallieno (cfr. la mia rilettura in G. Camodeca, “I pagi di Nola”, art. cit., p. 425 ss., con foto e apografo), ma il suo insediamento nel territorio va fatto probabilmente risalire alla deduzione della colonia sillana o di quella augustea. Si noti che i Mut(t)ii (sulla cui diffusione rinvio a ibid., p. 428 nt. 56) sono presenti in Campania soltanto a Pompeii (a parte un’iscr. inedita da Cumae). 60. Dalla mia recente edizione di alcune Tab. Herc. dell’archivio degli Herennii-Caecilii, un gruppo familiare (su cui vd. infra) con stretti legami a Nola, città da cui era originaria, si può ricavare che il duovir [Cn.?] Nassius Cerialis di una datio tutoris degli anni 40 d.C. (G. Camodeca, “Magistrati municipali e datio tutoris dalla riedizione delle Tabulae Herculanenses”, RPAA, 79, 2006-7, p. 63 ss. = AE, 2006, 303) apparteneva con maggiore probabilità alla colonia di Nola e non al municipum duovirale di Herculaneum; i miei dubbi sono stati ora superati dall’aver finalmente accertato da altro documento dello stesso archivio che nel 43 l’erede della nolana Herennia Tertia, probabilmente suo marito, si chiamava Cn. Nassius Zosimus (la mia lettura in rete sul sito edr-edr, scheda EDR116400, con foto ed apografi). 61. N. Papius (iscrizione funeraria inedita rinvenuta a Cimitile di primo principato); cfr. anche la più tarda Papia Tyrannis (stele calcarea NSc., 1900, p. 101, di fine i-inizi ii sec.); è un ben noto gentilizio osco. 62. T. Salvius Parianus, IIvir nel 29; la famiglia, come si è visto, era già in epoca cesariana nel ceto dirigente cittadino con M. Salvius Q. f. Venustus, decurio [be]nefic(io) dei Caesaris, vd. retro. A Pompei sono rarissimi e vi compaiono tardi, P. Castrén, Ordo populusque Pompeianus, op. cit., p. 216. 63. L. Sattius L.l. Phileros, magister Mercurialis et Augustalis Nola in età augusteo-tiberiana (CIL, X, 1272). I Satti sono ben attestati in Campania già agli inizi del i sec. a.C., a Capua (ILLRP; 708; 2944-45); in seguito in particolare nel venafrano e nel beneventano. 64. CIL, X, 1274 (cfr. AE, 2008, 348 e 354): L. Sitrio M.f. Fal. Modesto ae[d.], / praef. fabrum ex d.d. loc(um) d(atum) est / ipsi et patri et matri i(n) fr(onte) p(edes) L. L’iscrizione, che il Mommsen non vide, pone uno spinoso problema: il testo, che segue l’onomastica, è riportato solo dal codex Urbinas (visto dal Borghesi e poi perduto), dove la si dice conservata a Nola. Invece questa bella imago clipeata marmorea di epoca proto imperiale con cornici floreali concentriche ad inquadrare il busto-ritratto, perduto, del personaggio onorato, secondo una ricezione precoce di modelli urbani (Palmentieri), si trova ad Abella reimpiegata nella facciata della chiesa medievale di S. Pietro (M. Della Corte, in NSc., 1928, p. 383), dove era già dal ‘700 (il Mommsen non la vide perché al suo tempo nascosta dall’intonaco); tuttavia la tribù Falerna mostra che il personaggio, certo un membro dell’élite cittadina, era originario di Nola. Sorprendentemente però l’autopsia del pezzo, su cui si legge la prima linea con la sola onomastica L. Sitrio M.f. Fal. Modesto, porta a mio parere alla conclusione che le altre linee con la carriera e la dedica riportate nel CIL dal Codex Urbinas, non vi siano mai state, come confermano per il ‘700 il Vittorio, il Remondini e il Puoti. Anche l’ipotesi, apparentemente ovvia, che il pezzo possa essere stato resecato prima del reimpiego nella chiesa di S. Pietro, credo sia da escludere (pace H. Solin in Studii in on. L. Labruna, 8, Napoli 2007, p. 5324 s.): infatti non solo non appare alcun segno di una tale operazione, ma addirittura si vede ancora chiaramente il listello, che chiude inferiormente il campo epigrafico. Pertanto l’ipotesi a mio avviso più probabile è quella di supporre che l’autore del Codex abbia confuso due diverse iscrizioni in un’unica scheda. Viceversa Solin (ibid., p. 5324 s.) vorrebbe risolvere in modo sbrigativo la questione, non solo ritenendo resecate le restanti linee (dimenticando sia il listello inferiore sia la carica di ae[d.], nel Codex riportata sulla stessa linea dell’onomastica, il che l’autopsia esclude), ma anche sospettando (del tutto a torto) che l’elaborata imago clipeata sia addirittura un prodotto moderno; contra basta rinviare alla recente, ampia trattazione di A. Palmentieri, “Avella e l’imago clipeata di L. Sitrio Modesto”, Annali Ist. Ital. Studi storici, 24, 2009 [2010], p. 21-45. Sul gentilizio Sitrius, rarissimo (compare solo nella tabula di Veleia di epoca traianea, CIL, XI, 1147), cfr. W. Schulze, Zur Geschichte lateinischer Eigennamen, op. cit., p. 232, che lo ritiene di origine etrusca; ci interessa qui notare che proprio a Nola compare in un graffito in lingua etrusca su kilix attica di metà v secolo il nome śitrinas (CIE, 8737). 65. A. Spurius Antiochus di prima età imperiale (CIL, X, 1329), gentilizio ben attestato in iscr. osche a Pompei (H. Rix, Sabellische Texte, op. cit., Po 9 e 36) e poi in varie città della Campania in età repubblicana (Capua, Cumae, Herculaneum).

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Staii 66, Statii 67, Trebii 68, Vedii ,69 Venelii 70), quanto da famiglie di coloni sillani (i veteres: quali i Sextilii, probabilmente i Petronii 71) o comunque immigrate a Nola prima della colonia augustea, attiratevi da interessi economici e investimenti fondiari (ad es. i Cluvii72 da Puteoli; dal Latium i Q. Staberii (vd. retro), i Caninii73, forse anche gli Oppii 74 e i Terentii 75). A questo gruppo si possono aggiungere anche M. Lartidius e sua moglie Varena, una coppia di rango senatorio di età augustea, provenienti probabilmente dal Latium (Tibur): un loro liberto 66. M.

Staius Flaccus, IIvir iter(um) q(uinquennalis) nel 31; cfr. inoltre CIL, X, 1275; probabilmente anche il munifico M. Staius Cosmus di origine libertina di CIL, IX, 1169 (iscrizione erroneamente assegnata ad Aeclanum) è da attribuire a Nola piuttosto che ad Abella (vd. infra, nt. 119); si noti che a Pompei un M. Staius M.f. Rufus è IIvir nel 3/4. Il gentilizio, di origine sannitica, è diffuso in tutta la Campania (cfr. anche i Min. Stai Min. f., di ii sec. a.C. a Delo), oltre che nel Sannio e in genere in Italia meridionale. 67. C. Statius C.f. Fal. C[- - -], mag. [Apo]llinaris, e C. Statius C.l. Baguaro, AE, 2004, 413, del 12 a.C.; C. Statius Q.f. Fal(erna), databile verso il 40/20 a.C. (CIL, X, 1330). Il gentilizio, derivato da un prenome osco, è assai diffuso in Campania e in età repubblicana specialmente a Capua. 68. C. Trebius C.f., non successivo all’età proto-augustea (CIL, X, 1288), cfr. anche la più tarda CIL, X, 1310 = CLE, 1325; Trebius era in origine un prenome osco; il gentilizio, piuttosto diffuso in tutta la Campania, è attestato a Pompei già in iscrizioni osche. 69. T. Vedius T.f., IIvir libripens, cioè edile, di età non successiva all’età augustea per la mancanza dei cognomina e per il particolare titolo della carica (CIL, X, 1277 = ILS, 6346). In Campania il gentilizio è ben attestato solo a Pompei: nell’élite della colonia già in età tardo-repubblicana e fino al 79 (P. Castrén, Ordo populusque Pompeianus, op. cit., p. 234 s.). Il P. Vedius Carus, noto da una Tab. Herc. (AE, 1999, 450 del 47, mia rilettura G. Camodeca, “Nuovi dati dalla riedizione delle tabulae ceratae della Campania”, in Atti XI Congresso AIEGL (Roma, sett. 1997), Roma, 1999, p. 521-544, p. 530 ss.), appartenendo all’archivio dei Caecilii-Herennii (vd. infra), potrebbe essere un nolano. 70. Il personaggio, pur non essendo un decurione, apparteneva certo all’élite cittadina per status e patrimonio, come dimostra l’importante mausoleo circolare con iscrizione in mamo bianco di età augustea (CIL, X, 1334 (h. 44,5 x 92; h. lett. 5/7,5): C. Venelio L.f. Fal(erna) / ex testamen(t)o / arbitratu heredum / hoc monimentum / sive sepulcrum est h(eredem) n(on) s(equetur). Venilius/Venelius deriva da venileis prenome etrusco, attestato in diverse varianti nella Campania pre-sannitica, fra cui Nola, da cui è derivato il gentilizio osco (H. Rix, Sabellische Texte, op. cit., Lu 64) e poi quello latino (sul punto vd. ora P. Poccetti, “Reflets des contacts des langues dans les prénoms de la Campanie ancienne”, in Les prénoms de l’Italie antique, op. cit., p. 133-150, p. 136 s.). 71.  L. Petronius L.f. Fal. Verus, decurio Nola, secondo marito di Aufidia St.f. Maxima e patrigno (vitricus) di P. Sextilius Rufus (CIL, X, 1273), vd. retro nt. 9. L’importante famiglia dei Petronii, che in età severiana troveremo nell’ordine senatorio, potrebbe però essere arrivata a Nola anche con la colonia augustea; la loro ultima origine era dall’Etruria (petrui) e legami con la zona di Volterra-Siena mostrano ancora i loro tardi discendenti nolani di iii secolo. Si noti che questa gens è praticamente assente a Pompei, mentre è attestata a Herculaneum (ma con prenomi C., P.). Non è particolarmente importante in nessuna città della Campania al di fuori di Nola. 72. A. Cluvius Celer, aedilis nel 31, appartiene certo alla stessa importante famiglia del puteolano N. Cluvius M’f., che a Nola fu IIvir grosso modo verso il 60 a.C.; vd. retro nt. 7. 73. Una Caninia nell’iscrizione funeraria degli Staberii (vd. nt. 22); il gentilizio è assente nella vicina Pompeii, ma ben attestato ad Herculaneum, municipium con cui Nola aveva stretti contatti (vd. infra). 74. T. Oppius Proculus, IIvir iter(um) quinq(uennalis) nel 31. A Pompei un M. Oppius S.l. Aes[chines?] nel 46 a.C. (ILLRP, 763), rappresenta la più antica testimonianza del gentilizio in Campania. Oppius è un noto prenome italico (O. Salomies, ““Les prénoms italiques […]”, art. cit., p. 29), ma come gentilizio compare dapprima nel Latium (specie a Praeneste già agli inizi del ii sec. a.C.). 75. A. Terentius, IIvir nel 29. I Terentii sono presenti a Capua già nel 98 a.C. (ILLRP, 718; cfr. 787); a Cumae fra i decurioni di età augustea (iscr. ined.; forse anche un Augustalis delo stesso periodo, G. Camodeca, “Sull’élite e l’amministrazione cittadina di Cuma romana”, in La Praxis municipale dans l’Occident romain, Atti Conv. EMIRE Paris, 6-7 nov. 2009, Clermont-Ferrand, 2010, p. 219-243. p. 238); ma a Pompei compaiono piuttosto tardi in pieno i sec. d.C.

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nel 21 a Nola testimonia loro proprietà nel territorio (CIL, X, 1333)76. Immigrati a Nola in epoca imprecisata (ma non dopo l’età augustea) i D. Septumulei 77, i Critonii 78, i Calvidii 79, tutti attestati come magistri Augustales della città e inoltre i C. Aurelii 80 e i L. Plaetorii 81. Invece non hanno confronti i gentilizi Parianus82 e Gletranus, attestato per il 12 a.C. (AE, 2004, 413). Il nomen di P. Sabidius (Subidius) Pollio, aedilis del 30, è ben documentato a Nola da altri P. Sabidii, forse liberti della famiglia stessa del magistrato nolano (CIL, X, 1235; cfr. anche la più tarda 1236). Quale che sia l’origine del gentilizio83, è significativo per quanto qui interessa, che sia attestato già nella prima metà del i secolo a.C. a Cumae, come ora risulta da iscrizioni inedite, oltre che nel Latium a Tarracina e Minturnae. A mio parere l’omonimo P. Sabidius Pollio, pr(aetor?) u(rbanus?), noto da una fistula aquaria proveniente dalla villa stabiana di sua proprietà (CIL, X, 774), i cui notevoli resti, che comprendevano ambienti termali, furono ritrovati in scavi della metà del ‘700 in loc. Faiano, è certo un immediato parente (figlio?) dell’edile nolano84. Assai interessanti per la conoscenza della società nolana dell’epoca giulioclaudia sono quelle tavolette cerate, rinvenute negli anni’ 30 durante gli scavi di Ercolano, che a Nola in qualche modo si riferiscono o che addirittura vi sono 308

76. G. Camodeca, I ceti dirigenti […], op. cit., p. 361; cfr. anche A. M. Andermahr, Totus in praediis, Bonn, 1998,

p. 318 s., con altre fonti; la presenza di questi Lartidii in Campania può essere confermata dal vicus Lartidianus di Puteoli (Eph.Ep., VIII, 360 del 121). 77. D. Septumuleii D.l., magistri Augustales (AE, 1971, 83) di età giulio-claudia. Il gentilizio è estremamente raro: a parte Roma, compare solo ad Aesernia nell’élite cittadina di età augustea (CIL, IX, 2668). 78. M. Critonius Hipparcus, Augustalis (CIL, X, 1267, rinvenuta di reimpiego a Cimitile), databile grosso modo in età giulio-claudia; forse va riferita a Nola anche la testimonianza di CIL, X, 1209, vd. infra nt. 95. Altrimenti in Campania i rari Critonii sono attestati solo a Capua, grosso modo in età augustea, forse giuntovi con la colonia cesariana (AE, 1989, 160), pià tardi ad Herculaneum (CIL, X, 1403), infine a Puteoli (X, 2353). Alla metà del ii sec. a.C. un Critonius è a Delo fra i donatori del tempio di Apollo (ID, 1429; 1432). 79. Un Augustalis che pone l’iscrizione funeraria al giovane figlio, IIvir designatus (CIL, X, 1268 di i sec.), vd. infra. Il gentilizio non è altrimenti attestato in Campania ed è peraltro rarissimo. 80. AE, 2004, 413 del 12 a.C. 81. Monumento funerario d’età giulio-claudia di un liberto L. Plaetorius, pellio (mercante di pelli) e della sua famiglia (AE, 1975, 213-214) rinvenuto a S. Anastasia, sulle falde del Vesuvio. Va sottolineato che il gentilizio, assai raro in Campania (solo a Salernum (giu-cl.) e a Misenum nel ii secolo), torna per un’importante famiglia, i N. Plaetorii, della vicina Abella nella prima metà del ii sec.: un cavaliere (CIL, X, 1202) e un Augustalis bisellarius (CIL, X, 1217). 82. Sex. Parianus Serenus, aed(ilis) nel 30; questo gentilizio compare anche come cognomen per il IIvir del 29, M. Salvius Parianus. W. Schulze, Zur Geschichte lateinischer Eigennamen, op. cit., p. 206 lo considera derivare dal raro nomen Parius (cfr. Pariana (sc. vite) gaudent Pisae, Plin., NH, 14.39) e lo considera al solito di origine etrusca, richiamando la fondazione etrusca di Nola riportata da Catone (Vell., 1, 7, 2). 83. W. Schulze, Zur Geschichte lateinischer Eigennamen, op. cit., p. 222, già in ambiente osco-lucano, vd. H. Rix, Sabellische Texte, op. cit., Lu 46. 84. Vd. G. Camodeca, “Ascesa al Senato […]”, art. cit., p. 124; cfr. Id., I ceti dirigenti […], op. cit., p. 357 s. Di recente Chr. Bruun, Instrumentum domesticum e storia romana: le fistule iscritte della Campania, Napoli, 2010, p. 157-159, ha dubitato dell’interpretazione pr(aetoris) u(rbani) della lettere PRV presenti sulla fistula, anche se ammette di non saperne dare una convincente spiegazione. Ad ogni modo la fistula capuana [---]vili Capitonis CVRF (CIL, X, 8183), dal Bruun portata a confronto, è stata da me riletta correttamente come cur(atoris) aq(uae).

Nola: vicende sociali e istituzionali di una colonia romana da Silla alla tetrarchia

state certamente redatte. Queste ultime sono due, entrambe edite da chi scrive85, e provengono dall’archivio trovato nella casa dell’Alcova (ins., IV, 3-4), appartenuto al complesso familiare degli Herennii-Caecilii (cfr. anche retro nt. 60). Ad es., Herennia Tertia, ben nota da questo archivio come donna di notevole patrimonio e forse proprietaria anche di un venalicium, possedeva nel territorio di Nola un fundus Cadianus86; il documento, datato 16 ottobre 40/41, riguarda la stipulazione del prezzo di vendita dei prodotti agricoli del fondo (fructus fundi), fatta tramite un servo di Herennia. Anche il fundus Numidianus87 e il fundus Stlasanicianus88 erano nel territorio di Nola, come attesta un trittico ercolanese (TH 79 del gen. 69), concernente una controversia de finibus fra i proprietari dei rispettivi fondi, l’uno dei quali (L. Cominius Primus) aveva certo il suo centro principale di interessi in Herculaneum. Tutti questi fondi, che conservano i nomi degli antichi proprietari, sono da localizzare verosimilmente sulle pendici settentrionali del Somma-Vesuvio fra Pollena e Ottaviano, dove sono stati rinvenuti non pochi resti di ville (la più antica risalente al ii secolo a.C.), che si spingono fino a quota 400 m. L’importanza del sito non cessò con la catastrofe del 79, ma, come è ormai chiaro, vi si ebbe una rapida ripresa già a cominciare dallo scorcio del i sec. d.C.89 Ad ogni modo vi sono ormai numerose prove che mostrano come fosse molto frequente che nella Campania romana gli abitanti di una città avessero rapporti sociali ed economici, e talvolta politici, anche in centri vicini; gli Herennii-Caecilii di Herculaneum ne rappresentano ora un esempio concreto. Le famiglie del notabilato nolano sposano in pieno anche l’ideologia figurativa promossa dal nuovo regime augusteo, che esse manifestano nelle decorazioni di stile dorico dei monumenti pubblici e privati, in specie di quelli funerari, che, sia pure come spoglie di reimpiego, sono ancora visibili nella città e nel territorio90. Fra le opere pubbliche Nola beneficia in età augustea del grande acquedotto del Serino (AE, 1939, 151 = 1983, 194). Invece non è purtroppo databile con 85. G. Camodeca,

“Nuovi dati dalla riedizione […]”, art. cit., p. 537 ss.; Id., in ZPE, 140, 2002, p. 227 ss. (= AE, 2002, 345). 86. Cadii di prima età imperiale sono finora testimoniati in Campania solo a Capua (G. D’Isanto, Capua romana […]. op. cit., p. 85) e Abellinum (CIL, X, 1158); sebbene W. Schulze, Zur Geschichte lateinischer Eigennamen, op. cit., p. 76, accosti Catius-Cadius, non sarebbe corretto richiamare al proposito il C. Catius, IIIIvir a Nola negli anni 70 a.C. 87. Dal rarissimo gentilizio Numidius; è interessante rilevare che in Italia è noto solo a Capua in età protoaugustea (G. D’Isanto, Capua romana […]. op. cit., p. 183; cui adde un nuovo esempio in H. Solin, in Oebalus, 5, 2010, p. 281 s.). 88. Deriva da un antico gentilizio (osco?) finora non attestato. 89. Un intenso sfruttamento agricolo, forse per colture arbustive, è ora attestato tra i sec. a.C. e il 79 d.C. dal rinvenimento in scavo lungo le pendici del Vesuvio fra S. Anastasia e Somma Vesuviana di un lungo tratto (ca. 1 km) del paleosuolo romano con sistemi irrigui e tracce di coltivazioni (cfr. in Atti Taranto, 2002, Taranto, 2003, p. 578 s., con foto). Sulle numerose ville e praedia in questa zona del Vesuvio, in alcuni casi con rapidi reinsediamenti post-79, cfr. di recente con bibl. prec., G. F. De Simone, in Apolline Project, vol. 1. Studies on Vesuvius’ north slope and the Bay of Naples, Napoli, 2009, p. 191 ss.; G.F. De Simone et al., ibid., p. 207 ss. 90. Su di essi vd. ora ampiamente C. Capaldi, Severo more doricorum, C. Capaldi, Severo more doricorum, op. cit., p. 65 ss.

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precisione l’anfiteatro; mentre a Pompei è costruito pochi anni dopo l’istituzione della colonia sillana da due dei suoi maggiori esponenti, quello di Nola, in opus reticulatum e di dimensioni più grandi (138 x 108 m), addossato ad un tratto delle mura tardo-repubblicane, è stato considerato in base ai recenti scavi della metà del i secolo a.C.91 e dunque posteriore a quello pompeiano. A questo punto la probabile datazione entro gli anni 20 a.C. dei rilievi in calcare, che ne decoravano il balteo, potrebbe far pensare piuttosto ad un successivo intervento da collegare con la colonia e l’ideologia augustea92. Probabilmente alla colonia augustea risale anche la suddivisione dell’area urbana in quartieri (regiones), al pari di quanto avvenne in quella di Puteoli93: certo le regiones esistevano già verso la fine del i-inizi del ii secolo, come ora attesta la dedica, recentemente da me edita (AE, 2005, 333), della sacerdos pubblica [C]onsia P.fil. [Ma?]suria Octavia Paulina (su cui infra), posta dalla regio media, cioè probabilmente quella dell’area forense94. Inoltre sono note anche la regio Iovia e la regio Romana da basi di statua (CIL, X, 1255-6) dedicate nel iv secolo al loro patronus Pollius Iulius Clementianus, v. p., personaggio di straordinaria influenza nella Nola del suo tempo. Nella città dove era morto Augusto e dove gli era stato innalzato un tempio da Tiberio, non può meravigliare l’importante presenza del collegio degli Augustales (vd. infra Tabella 3), che vi aveva una peculiare struttura organizzativa: i magistri Augustales, altrove raramente attestati (in Campania solo a Pompei)95, sembrano esserne stati i funzionari preposti (e non un collegio a parte); più problematico il rapporto con i magistri Mercuriales, noti da un’iscrizione di primo principato (CIL, X, 1272), che sotto tal nome avrebbero inizialmente curato il culto imperiale96. La partecipazione degli Augustales alla vita pubblica è ben attestata: come collegio pongono in età giulio-claudia una bella base marmorea alla Victoria Aug(usta)97 91. Sugli

scavi dell’anfiteatro V. Sampaolo, Boll. Arch., 11-12, 1991 [1994], p. 165 s.; e spec. Atti Taranto, 1998, (2000), p. 657-659. 92. Su tutto ciò vd. C. Capaldi, “Rilievi in calcare dall’anfiteatro di Nola”, RAAN, 73, 2004-5 [2006], p. 439468, che ipotizza un intervento di Agrippa, pur riconoscendo che nulla prova un suo particolare legame con Nola; anche a mio parere è troppo tenue indizio la dedica nolana ad Agrippa Postumo, posta fra 12 a.C. e 4 d.C. (CIL, X, 1240). La studiosa però sembrerebbe far risalire la costruzione stessa dell’anfiteatro alla prima età augustea, pur non contestando la datazione delle strutture dell’edificio alla metà del i secolo proposta dagli scavatori. 93. Su cui vd. G. Camodeca, “L’ordinamento in regiones e i vici di Puteoli”, in Puteoli, 1, 1977, p. 62 ss. 94. Sul punto vd. G. Camodeca, “Donne e vita cittadina: nuovi dati da Puteoli, Cumae, Nola del i secolo d.C.”, in Donna e vita cittadina, Atti Conv. Verona apr. 2004, Faenza, 2005, p. 163-182. Un Consius pone una dedica a Vespasiano o a Traiano (framm. inedito da Cimitile). 95. Invero anche ad Abella (CIL, X, 1209), ma si può dubitare se la relativa iscrizione per il luogo di rinvenimento non sia da attribuire in realtà a Nola; in questo caso dovremmo aggiungere al locale collegio anche la carica di quaestor (degli Augustales). 96. Sui magistri Mercuriales e sul rapporto con gli Augustales, vd. B. Combet Farnoux, Mercure romain, les Mercuriales et l’institution du culte impérial sous le Principat augustéen, in ANRW, II, 17, 1, 1981, spec. p. 495-500, con altra bibl. 97. Anche in CIL, X, 1887, nel CIL attribuita a Puteoli, ma vista a Napoli e di incerta provenienza, gli Augustales sono associati al culto della Victoria Augusta (ed ad un suo tempio); sulla Victoria Augusta vd. J. R. Fears, in ANRW, II, 17, 1981, p. 743 ss.

Nola: vicende sociali e istituzionali di una colonia romana da Silla alla tetrarchia

(CIL, X, 1237); sotto Domiziano onorano con una statua un T. Flavius Augusti libertus, che quale procurator divi Vespasiani et Titi aveva amministrato le proprietà imperiali nel territorio nolano (CIL, X, 1261, vd. infra); e ancora in età severiana dedicano, ormai con il titolo di ordo Augustalium, una base di statua al senatore, L. Cl. Pollio Iulius Iulianus Gallicanus, un munifico patronus coloniae, forse di origine locale, che in ogni caso ebbe un ruolo notevole nella Nola del tempo, dove aveva proprietà e vi fu sepolto (vd. infra). La presenza a Nola di un collegio di centonarii 98 (CIL, X, 1282) vi attesta un’attività organizzata di produzione di tessuti (panni e vesti), confermata dall’abbondanza di greggi nell’ampio territorio della città (cfr. pagus Capriculanus); va ricordata al proposito anche la testimonianza di un pellio, mercante di pelli di prima età imperiale (vd. nt. 81).

La colonia flavia Il Liber Coloniarum (I, 236, 3-6) menziona per Nola un interessante intervento di Vespasiano99: … Vespasianus Aug(ustus) deduxit. … Ager eius limitibus Sullanis militi fuerat adsignatus, postea intercisivis mensuris colonis et familiae est adiudicatus; il passo va letto e interpretato con quanto analogamente dice il Lib. Col. (I, 230, 18-20) per la finitima Abella: coloni vel familia imperatoris Vespasiani iussu eius acceperunt… Con l’espressione coloni et familia sono indicati coloni100 e liberti imperiali che ricevettero terra in quei luoghi101; tra l’altro nel territorio nolano sono stati riconosciuti tre sistemi di centuriazione dello stesso tipo (20 x 20 actus), sovrapposti ma con diverso orientamento, che si potrebbero plausibilmente riferire alle tre diverse deduzioni coloniarie, di Silla, di Augusto, di Vespasiano102. E una nuova importante conferma alle discusse notizie del Liber Coloniarum viene ora dalla mia rilettura di CIL, X, 1261, una base di statua inserita nel 98. L’iscrizione,

purtroppo frammentaria e perduta già al tempo del Mommsen, non è ben databile, ma forse di

ii sec.; sembra che i centonari onorino un ignoto personaggio in or[dinem No]lanorum [adlectus], verosimilmente

un [procurator pa]trimoni ducenario, che aveva avuto anche un’altra carica procuratoria imperiale in Campania (lin. 3). Su questo collegio di mestiere, vd. ora J. Liu, Collegia centonariorum, Leiden, 2009, passim per il rapporto con l’economia tessile; spec. p. 82 per la diffusione in aree di allevamento delle greggi. 99. Su tutto quanto segue sulla colonia flavia a Nola, vd. già G. Camodeca, “Sulle proprietà imperiali in Campania”, in Le proprietà imperiali nell’Italia romana, Firenze, 2007, p. 155 s. 100. Forse conosciamo uno di questi coloni, un veterano delle coorti urbane, dalla sua iscrizione funeraria (CIL, X, 1263, da tempo irreperibile), se, come credo plausibile, si debba correggere nel testo fornito dal Remondini deducto a divo V[espasiano], invece di N[erva]. 101. Forse per estendere le zone coltivate; sul punto spec. G. Chouquer e F. Favory, “Description des cadastres antiques […]”, art. cit., p. 229 s., ove anche discussione dei passi del Lib. Colon.; per la ricostruzione delle tre centuriazioni del territorio di Nola (e di Abella), vd. ibid., p. 209-212. A mio avviso erroneamente F. Santangelo, Sulla, the Elites and the Empire, op. cit., p. 154, riferisce la menzione della familia in Lib. Col. a liberti Cornelii di Silla; dirimente il confronto con il passo parallelo di Abella. 102. L’intervento flavio però almeno ad Abella si limitò ad assegnazioni viritane.

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campanile medievale del Duomo di Nola, dove alla lin. 1 si recupera il nome di un altro liberto imperiale (un T. Flavius Aug. l. [---]), procurator divi Vespasiani et divi Titi, che a Nola fu onorato al tempo di Domiziano con una statua postagli su suolo pubblico dagli Augustales. Mi pare evidente che questo liberto abbia amministrato le proprietà imperiali nel nolano e nella zona contermine di Abella, testimoniate dal Liber Coloniarum. Del resto nello stesso senso va anche l’attestazione a Nola di un gruppo di liberti imperiali flavi (CIL, X, 1302; 1311) e di non rari T. Flavi (CIL, X, 1300-1301); essi sono verosimilmente tracce delle assegnazioni vespasianee alla familia imperiale nel territorio nolano-abellano103. Inoltre che un grande latifondo imperiale esistesse nell’ampio territorio nolano ancora al tempo di Gallieno ho creduto plausibile dedurre dal singolare atto di omaggio a Gallieno Augusto Parthicus Maximus e a sua moglie Salonina con la contemporanea elevazione di statue da parte di ben quattro diversi pagi nolani, dediche tutte identiche e frutto di un progetto unitario, realizzato verso il 264 dalla stessa officina lapidaria104. Un programma di opere pubbliche, verosimilmente connesso con la colonia vespasianea, è noto dalla carriera di Q. Caesius Q.f. Fal. Fistulanus, che fu curator oper(um) publicor(um) datus a divo Aug. Vespasiano, aed(ilis), q(uaestor), IIvir e praef(ectus) fabrum105. La città ebbe senza dubbio danni dalla catastrofe del 79, che purtroppo non siamo in grado di quantificare; certa è la distruzione delle fiorenti ville e aziende agricole lungo le falde settentrionali del Vesuvio, alcune delle quali ora conosciamo, come si è visto, dalla riedizione degli archivi di tavolette cerate di Ercolano; ma, come già detto, scavi recenti hanno dimostrato, che, contrariamente a quanto si riteneva un tempo, vi si rimpiantano abbastanza presto, forse ancora negli anni 90 o comunque poco dopo, nuovi edifici produttivi e residenziali, anche di notevoli dimensioni (ad es., a Pollena Trocchia, scavi G. F. De Simone), sintomo evidente di una rapida ripresa generale del territorio vesuviano. Allo scopo di risollevare la città dai danni subiti nel 79 vi furono certamente anche provvedimenti imperiali, che però nello specifico non conosciamo, se non per un modesto intervento di Tito, si potrebbe dire quasi simbolico, con il restauro nell’81 (mar.-giu.) del tetrastylum dedicato al Genio della colonia (AE, 1994, 413)106. Ai danni provocato dalla 103. In

generale sulle indicazioni nel Lib. Col. di assegnazioni alla familia imperiale, cfr. J.-P. Vallat, “Le vocabulaire des attributions de terres en Campanie”, MEFRA, 91, 1979, p. 1005 s. 104. G. Camodeca, “I pagi di Nola”, art. cit., spec. p. 427 s. 105. Noto dalla sua iscrizione funeraria, CIL, X, 1266, che gli posero la moglie Cisionia L.f. Firmilla pecunia sua e il figlio Q. Caesius Optandus su luogo pubblico d. d. d. Che la nomina imperiale di un cur. op. publ. e la stessa colonia flavia a Nola siano una diretta conseguenza dei danni del terremoto del 62/3 e del successivo sciame sismico resta un’ipotesi: nulla del genere è infatti attestato per città più colpite dal sisma e a noi meglio note come Pompei ed Herculaneum. 106. Vd. la mia scheda in rete (sito edr-edr.it), EDR094068 con bibl. e foto dell’iscrizione. Sui tetrastyla, come struttura architettonica, vd. J. Scheid, Romulus et ses frères, Rome, 1990, p. 117 ss.

Nola: vicende sociali e istituzionali di una colonia romana da Silla alla tetrarchia

catastrofe vesuviana si può verosimilmente riferire anche un intervento della stessa res publica Nolanorum per il restauro del theatrum107 [collap]sum, di cui si rifecero colonne e decorazione marmorea108. Nella seconda metà del i secolo spicca nell’élite nolana in particolare la famiglia dei Fisii, che già ne faceva parte almeno dall’età giulio-claudia: sono noti l’augure (Sex.) Fisius Serenus (CIL, X, 1269) (cfr. retro nt. 51, e fig. 2), sua sorella Fisia Sex. f. Rufina (CIL, X, 1269; 1299) e Cluvia M. f. Modesta Fisia Rufina (CIL, X, 1299) (fig. 3)109, che rappresenta la fusione tra due importanti famiglie del notabilato cittadino, Cluvii e Fisii; infine, imparentati con loro sono certamente L. Corellius Celer Fisius Rufinus, patronus di Nola d’età traianeo-adrianea (su cui vd. infra) e l’ancora più tardo IIvir e augure M. St[aius/atius?] M. f. Pal. [- - -] Fisius Serenus Rutilius Caesianus (CIL, X, 1275). Pertanto, data la diffusione dei Fisii, in generale assai rari e nella stessa Campania concentrati solo a Nola e a Capua, da una di queste città erano originari i due senatori110, C. Fisius Sabinus, cos. suff. 83 d.C. (AE, 1969-70, 6) e il suo parente C. Fisius Po[- - -] (CIL, VI, 2002), cooptato nel 59 in un collegio sacerdotale, probabilmente quello dei salii Collini111 (PIR², F, 168).

313

Fig. 3.

CIL, X, 1299.

107. Il teatro di Nola, nella tradizione antiquaria locale noto come ‘anfiteatro marmoreo’ e demolito fin quasi alle

fondamenta nel xv secolo dai conti Orsini per la costruzione del loro palazzo, è stato identificato in loc. Castellorotto e in parte scavato nel 1991-2 (V. Sampaolo, Boll. Arch., 11-12, 1991 [1994], p. 166-167). 108. CIL, X, 1264, purtroppo frammentaria e ora irreperibile. 109. La lettura corretta dell’iscrizione: Fisiae Sex f. Rufinae Cluvia M. f. / Modesta Fisia Rufina amicae incisa su una grande architrave di 2,70 m, reimpiegata nel portale d’ingresso della chiesa di S. Vito a Marigliano, non vista dal Mommsen; vd. la mia scheda in rete, EDR106098 con foto. 110. In tal senso già G. Camodeca, “Ascesa al Senato […]”, art. cit., p. 124. 111. J. Rüpke, Fasti sacerdotum, Stuttgart, 2005, p. 984 nr. 1646.

Giuseppe Camodeca

Invece resta molto dubbia l’origine locale112 del senatore T. Rutilius Varus (CIL, X, 1258), pubblicamente onorato come patronus di Nola, il quale aveva iniziato una carriera militare equestre, ma poi per meriti verso Vespasiano, che ci restano ignoti, fu da lui adlectus in amplissimum ordinem, divenendone quaestor, e infine fu comes imperatoris (di Tito o Domiziano). Il patronato di Nola potrebbe spiegarsi con un personale coinvolgimento di Rutilius Varus, un senatore assai vicino, come si vede, alla casata imperiale, nell’istituzione della colonia flavia o negli aiuti disposti da Tito dopo la catastrofe vesuviana. Comunque il gentilizio Rutilius, altrimenti assente in questa città, compare nel polionimo di un IIvir e augure nolano di ii secolo (CIL, X, 1275).

ii secolo

314

Nel ii secolo la scena della vita pubblica nolana è dominata da un complesso familiare emergente, noto da un’iscrizione, rinvenuta di reimpiego a Cimitile (AE, 1971, 85)113, posta verso il 132 da Varia Pansina114, che ricorda l’opera da lei munificamente donata alla città: porticum cum statuis et viridibus numini Veneris Ioviae et coloniae solo et pecunia suo fecit. La sua famiglia, i L. Varii Ambibuli, di rango equestre (il padre) e poi senatorio (il fratello), era di origine capuana, ma con strette relazioni a Nola115. Infatti patronus della città era il fratello di Pansina, il senatore Q. Planius Sardus L. Varius Ambibulus, nato verso il 90, cos. suff. verso il 132/3; Pansina aveva sposato il notabile nolano L. Corellius Celer Fisius Rufinus, anche lui patronus di Nola e quasi certamente di rango equestre, se non senatorio; questi, come si vede dalla sua onomastica, discendeva dall’altra grande famiglia nolana dei Fisii, sebbene non si possa dire se fosse un Fisius Rufinus, adottato da un L. Corellius Celer, o discendesse dai Fisii per parte di madre. Il Corellius nolano era verosimilmente imparentato, data la rarità del gentilizio in Campania (presente

112. Così

G. Camodeca, “Ascesa al Senato […]”, art. cit., p. 124: sono per di più noti altri Rutilii Vari, sia senatori che cavalieri, di diversa origine; lo ritengono di Nola M. Cébeillac, Les “quaestores principis et candidati” aux i er et ii e siècles de l’Empire, Milano, 1972, p. 83 s.; Devijver, PME, p. 712 s. 113. Reimpiegata a Cimitile nella tomba del vescovo Paulinus iunior (a. 442). [V]aria Pansina L. Corellii / [C] eleris Fisi Rufini, patron(i) col(oniae), L. Varii / [A]mbibuli, proc(uratoris) Aug(usti) f(ilia), Varii Ambibuli proco(n) s(ulis), / [le]g(ati) Aug(usti), patr(oni) col(oniae) soror, portic(um) cum statuis et / [vi]ridibus numini Veneris Ioviae et coloniae solo et / [pe]cunia suo fecit, cuius operis dedicatione decurionib(us) HS XXX / [Au]gustalib(us) HS XX ministr(is) HS XII populo et mulierib(us) HS IIII dedit. Un suo calco è ora esposto nel Museo Storico-archeologico di Nola. 114. La data della dedica si ricava dal fatto che il senatore L. Varius Ambibulus, fratello di Pansina, vi è ricordato come legatus Augusti (di Numidia), carica ricoperta nel 132 ca., ma non come console, onore che egli ottenne subito dopo, verso il 132/3. 115. Non hanno però a che fare con questa famiglia i C. Varii attestati a Nola da CIL, X, 1291 (ara funeraria di ii secolo).

Nola: vicende sociali e istituzionali di una colonia romana da Silla alla tetrarchia

solo a Pompei)116, con il Corellius, eq(ues) Rom(anus) di Ateste, immigrato a Neapolis e in quel territorio (pendici del Vesuvio?) famoso produttore di castagne (Plin., N.H., 17, 122, cfr. 15, 94). Per il ii secolo, ma già nella seconda metà del i, si hanno chiare testimonianze di personaggi di origine libertina che raggiungono il ceto decurionale della città come risultato di una ascesa sociale, frutto per lo più del buon uso della ricchezza familiare. Ciò non significa assolutamente che vi sia stato un ricambio del ceto dirigente cittadino in senso ‘democratico’; a parte ogni considerazione sulla scarsità dei dati disponibili, ammissioni di nuove famiglie, specie se fornite di un patrimonio adeguato e disposte a generose munificenze pubbliche, erano funzionali al sistema di potere dell’oligarchia cittadina. Tuttavia un paio di casi sono di particolare interesse, anche perché si tratta di ascese sociali in un certo senso effimere per la morte precoce del nuovo decurione: nel i secolo L. Calvidius L.f. Clemens, IIvir designatus, muore ad appena 20 anni; il padre, un liberto L. Calvidius L.l. Felix, che era Augustalis e l’evidente artefice dell’ascesa del figlio, ottiene dall’ordo decurionum in segno di onore il luogo pubblico, su cui erigere il monumento funerario per entrambi (CIL, X, 1268). Nel (tardo) ii secolo un altro caso significativo: [T.] Marius T.fil. Fal(erna) Iulianus, figlio di due liberti, dopo aver iniziato giovanissimo la carriera municipale e aver anche offerto pro nitore coloniae uno spettacolo gladiatorio per procurarsi il favore dei concittadini e aspirare a più importanti cariche, muore a soli 28 anni117. Nella stessa epoca anche l’aed(ilis) col(oniae), Q. Antistius Comus Comianus (CIL, X, 1265), pare essere stato di origine modesta a giudicare dal suo cognomen grecanico118. In questo quadro si può richiamare anche un intervento di evergetismo, databile al ii secolo, disposto con un lascito testamentario da M. Staius Cosmus, certo di origine libertina, per la rifazione della decorazione marmorea di un settore del macellum cittadino ed eseguito dalla madre Fisia S[- - -]119. Forse un intervento di Adriano a favore della città o dei suoi monumenti pubblici potrebbe spiegare le tre dediche nolane poste a quest’imperatore, tanto più che una di esse consiste in un’architrave marmorea, larga ca. 6 piedi, rinvenuta in

116. Il gentilizio è però noto in osco (H. Rix, Sabellische Texte, op. cit., Sa 33). Nella vicina Pompeii Corel(l)ia Celsa ricostruisce l’Iseo dopo il terremoto del 62 (CIL, X, 848); un’altra Corel(l)ia pompeiana di status libertino era proprietaria di un’armilla d’oro (CIL, X, 8071, 1). Il Corellius nolano non ha però nulla a che fare con il L. Neratius Corellius Pansa, cos. ord. 122, come un tempo si è supposto; vd. contra già G. Camodeca, “Ascesa al Senato […]”, art. cit., p. 112 s., 123; cfr. ora Id., SDHI, 73, 2007, p. 291 ss., passim e stemma (p. 311). 117. AE, 1900, 180, vd. ora la mia scheda in rete con foto, EDR071759. 118. Così intendono questa singolare onomastica, che al Mommsen inizialmente aveva fatto sospettare un falso, il CIL e I. Kajanto The Latin Cognomina, Helsinki, 1965, p. 144. 119. L’iscrizione, una architrave di marmo, CIL, IX, 1169 = ILS, 5584, nel CIL assegnata ad Aeclanum, era stata reimpiegata in una chiesa di Roccarainola e per i due gentilizi proviene molto probabilmente da Nola (piuttosto che da Abella); vd. la riedizione di A. Parma, in Serta Iuridica. Scritti dedic. a F. Grelle, Lecce, 2011, p. 439 ss.

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un sontuoso edificio presso le rovine dell’anfiteatro120; delle altre due, la prima è del 129-130 (CIL, X, 1242, vista nel ‘700 a Nola), mentre la seconda, ritrovata di reimpiego a Cimitile nella basilica di S. Stefano e certamente da non identificare con la precedente121, si può forse datare al 136-138122. Una difficile situazione patrimoniale e finanziaria della città non può essere meccanicamente dedotta dal comparire nella seconda metà del ii secolo dei primi curatores rei publicae Nolanorum, tutti senatori di rango consolare o pretorio; ho più volte precisato123 che questi funzionari di nomina imperiale erano inviati nelle città che ne facevano richiesta come efficace strumento di controllo sull’amministrazione del patrimonio e delle finanze cittadine, per prevenire abusi e sprechi di danaro pubblico, ma certo anche in casi di difficoltà. A questo proposito va notato che nello stesso periodo Antonino Pio provvede alla nomina di un curat(or) kal(endari) (il registro dei crediti) Nolanorum, nella persona del cavaliere di Aeclanum, C. Neratius Proculus Betitius Pius Maximillianus (CIL, IX, 1160). Questo l’elenco aggiornato dei curatores rei publicae di Nola124: 1.  C. Arrius Antoninus, (di Cirta in Numidia), curator Nolanorum, di rango pretorio (?), verso il 163/170 (CIL, VIII, 7030 = ILS, 1119 = ILAlg., 2, 614 Cirta). 2.  Anonimo125, cu[rator r. p. … et] Nolano[rum] di rango consolare, verosimilmente dopo M. Aurelio (CIL, V, 7775 Vada Sabatia). 120. CIL,

X, 1243: [- - - - - -] / Hadriano Aug., ora al Museo di Nola, con lett. alte cm. 18,6 (mia scheda in rete EDR110995 con foto). G. Remondini, Della Nolana ecclesiastica Istoria, Napoli, 1747, p. 97, la dice ritrovata pochi anni prima in un edificio di “singolar magnificenza” con “ben’alte colonne … rarità de’ marmi più preziosi… al di dentro, oltre de’ bei fregi, onde era ornato al di fuori”, monumento che egli interpreta come un tempio ad Adriano. 121. Così invece l’editore A. Ferrua, in Epigraphica, 33, 1971, p. 100 s., seguito da P. Pensabene (cfr. AE, 2003, 325). A dimostrare il contrario, oltre la diversa impaginazione, stanno certo le inconciliabili vicende delle due dediche; la prima, conservata a Nola nel palazzo Mastrilli alla metà del ‘700, come avrebbe potuto essere rinvenuta durante gli scavi del Chierici reimpiegata nella basilica di S. Stefano a Cimitile? 122. Le linee 5-6 conservano parte dei titoli imperiali: [Aug. po]nt. max. trib. [pot. - - -] / [- - -] cos. III [- - -]. Il cos. III impaginato in posizione evidenziata al centro della lin. 6 richiede senza dubbio nell’ultima linea l’integrazione a destra di [p. p.] e a sinistra, per simmetria, dovrebbe esservi con ogni probabilità la menzione di imp. II, la salutazione imperatoria ricevuta nel 136 per la vittoria nella guerra giudaica (sul punto ora W. Eck, “The Bar Kochba Revolt”, JRS, 89, 1999, p. 86 s., che precisa la data della salutazione al 136; per titolature simili a quella proposta per la nolana, vd., ad es., CIL, VI, 975; 984 (cfr. p. 4340); AE, 1999, 1371; AE, 1999, 1688). 123. G. Camodeca, “Ricerche sui curatores rei publicae”, in ANRW, II, 13, Berlin - New York, 1980, p. 453534.; Id., “I curatores rei publicae in Italia: note di aggiornamento”, in Le Quotidien municipal dans l’Occident romain, Atti Conv. EMIRE Clermont-Ferrand 2007, Clermont-Ferrand, 2008, p. 507-521. 124. Invece l’ultimo cur(ator) r. p. Nolanor., Fl. Lucretius Publianus (G. Camodeca, in ZPE, 35, 1979, p. 232236 = AE, 1979, 168: Pro splendore et dignitate civitatis Fl. Lucretius Publianus, cur. r. p. Nolanor., stateriam cum ponderibus iustis deferendam curavit), è databile al iv secolo (non prima di Costantino) e il personaggio appartiene al notabilato locale; difatti dopo la tetrarchia la carica si era ormai trasformata in quella di un alto funzionario cittadino a capo dell’amministrazione municipale (vd. G. Camodeca, “Ricerche sui curatores rei publicae”, art. cit., p. 479-483). 125. L’ipotesi di identificazione, un tempo spesso accolta, con A. Iunius Pastor L. Caesennius Sospes, cos. 163, è ora da abbandonare.

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3.  Anonimo, [curat]or patro[nus] di rango pretorio, sotto M. Aurelio piuttosto che Antonino Pio126 ([ab I]mp. Antonino [Aug. et divo Vero?]), CIL, X, 1259 Nola. 4.  L. Ranius Optatus signo Acontius (PIR2, R, 24), verosimilmente originario dall’Africa, curat(or) rei p. Nolanorum di rango consolare, databile nella tarda età severiana127 (CIL, VI, 1507, cfr. p. 4707; vd. anche AE, 1998, 149).

L’epoca severiana e il iii secolo In età severiana, e almeno fino alla metà del iii secolo, a Nola è documentata una notevole serie di senatori di origine locale, il che rappresenta una situazione con ben pochi confronti fra le città dell’Italia meridionale, testimoniando un ceto dirigente ancora in grado di affermarsi a livello del potere centrale. Grazie ad alcuni studi di chi scrive128 è ora emerso un complesso familiare di rango senatorio i Petronii-Publilii, di cui è possibile tracciare lo stemma con almeno sette personaggi129. Il primo membro noto è Petronius Iunior, un senatore fatto uccidere da Settimio Severo (H.A., v. Sev., 13, 5), che fu forse console sotto Commodo, e curator operum publicorum a Roma prima del 193; si ricordi che i Petronii erano già nell’élite nolana almeno dalla prima età augustea (CIL, X, 1273, vd. retro nt. 9 e 71). Figlio di Iunior è quasi certamente Cn. Petronius Probatus Iunior Iustus, onorato a Nola con la dedica di una statua da parte di un centurione (CIL, X, 1254 = ILS, 1179)130, che aveva prestato servizio sotto di lui; ne conosciamo l’intera carriera senatoria fino ai comandi di due legioni e al governo della Numidia sotto Severo Alessandro. Da una dedica posta in Numidia durante il suo governo della provincia (CIL, VIII, 4233) apprediamo che suoi nipoti (ex sorore) erano i Publilii Iustus (da identificare con il Felix di cui infra), Caeciliana, Numis(iana), allora ancora ragazzi. Uno stretto loro parente era certamente L. Publilius M.f. Probatus, consolare della metà circa del iii secolo131, onorato con una statua dall’ordo populusque Nolanus (AE, 1976, 143). Altro membro della famiglia (un figlio più che fratello di Probatus) è il senatore L. Publilius Felix Iustus, c. v., del quale personalità e carriera è stata di recente da me ricostruita dagli sparsi frammenti della sua iscrizione onoraria, postagli a Nola dai Cretesi 126. Così

G. Camodeca, “Ricerche sui curatores rei publicae”, art. cit., p. 496-497; cfr. anche F. Jacques, Les curateurs des cités dans l’Occident romain, Paris, 1983, p. 44-45. Il dilectus, da lui svolto in Italia, è verosimilmente quello ordinato dai due imperatori verso il 166/7. 127. Un suo parente stretto è l’omonimo L. Ranius Optatus, legato consolare di Pontus-Bithynia nel 236-238 (AE, 2005, 1314). 128. Ora radunati in G. Camodeca, I ceti dirigenti […], op. cit., p. 221 ss. 129. Vedi lo stemma in ibid., p. 257. 130. Per correzioni al suo cursus e la datazione delle cariche da lui ricoperte vd. ibid., p. 253-255. 131. Sul suo cursus e sulla sua datazione vd. ibid., p. 221 ss.

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che aveva governato come proconsole (AE, 2006, 297)132. Queste due famiglie nolane, dei Publilii e dei Petronii, imparentate fra loro, avevano però strette connessioni con l’Etruria, in particolare con l’area senese-volterrana. Sia L. Publilius Probatus che il suo stretto parente (fratello, figlio?), L. Publilius Felix Iustus sono stati infatti curatores rei publicae di Saena; il primo dei due anche di Volaterrae. Per loro si possono ipotizzare anche dei legami familiari con i Petronii di Volaterrae: un L. Publi(li)us Petronius Volusianus, cos. suff. (PIR2, P, 321), all’incirca contemporaneo di L. Publilius Felix, era con ogni probabilità uno stretto parente (figlio? nipote?) del grande personaggio di origine equestre, L. Petronius L.f. Sab. Taurus Volusianus, un volterrano per la sua tribù Sabatina, che fu cos. ord. 261 con Gallieno e uomo di fiducia dell’imperatore (PIR2, P, 313)133. Fra i senatori nolani della prima metà del iii secolo si può aggiungere verosimilmente anche il consolare L. Claudius Pollio Iulius Iulianus Gallicanus (PIR², C, 967), onorato con una statua a Nola (CIL, X, 1249), città di cui fu patronus, flamen perpetuus, munifico benefattore (constitutor [- - -]) e dove fu sepolto (CIL, X, 1111); inoltre a Nola sono attestati suoi liberti (CIL, X, 1111). Infine al iii secolo inoltrato, se non già agli inizi del iv, appartiene un altro senatore, Popilius Virro, v. c., di recente noto dall’ara funeraria da lui posta alla sua educatrix134 e quindi verosimilmente di origine locale; per l’epoca tarda potrebbe essere stato anche solo un notabile nolano, honoratus con il clarissimato. Per di più queste famiglie senatorie di origine locale mantenevano un’abituale residenza a Nola, come mostrano sia le loro dediche funerarie, sia in particolare le iscrizioni poste in loro onore da dedicanti estranei alla città, quali un centurione per Cn. Petronius Probatus, e i Cretesi per L. Publilius Felix. Una tale rilevante presenza senatoria in età severiana, e poi fino a Gallieno, spiega forse anche alcuni ritratti di quest’epoca ritrovati in domus private 135, ad es., uno femminile di primo iii secolo (tipo Giulia Domna) da via Polveriera (ora esposto al Museo di Nola); inoltre probabilmente a queste famiglie vanno riferite almeno alcune delle non poche ville ancora attive in quest’epoca nel territorio nolano 136. Fra queste del tutto eccezionale quanto a dimensioni è quella in loc. Starza della Regina (Somma Vesuviana), tuttora

132. Su

tutto ciò rinvio a ibid., p. 241 ss. ibid., p. 255 s. 134. Su di lui rinvio a ibid., p. 258-261 (= AE, 2006, 299). 135. Ricordo almeno la domus di iii secolo con mosaici pavimentali che si insedia in un’area centrale della città, trasformando un precedente edificio termale (scavi sotto la chiesa di S. Biagio). 136. Va segnalata, se non altro, la villa nell’immediato suburbio, rinvenuta nel 1961 in via S. Paolo Belsito (propr. Scala), il cui peristilio era decorato con una bella fontana a mosaico con testa di Oceano (ora esposta al Museo di Nola), che mostra verosimilmente influssi africani ed è databile agli inizi del iii secolo; vd. P. Voute, ‘Notes sur l’iconographie d’Océan. À propos d’une fontaine à mosaïques découverte à Nole (Campanie)’, MEFRA, 84, 1972, p. 639-673, spec. p. 673 (per la datazione) 133. Cfr.

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in corso di scavo 137, che mostra una importante fase di vita nel iii secolo; la sua appartenenza imperiale o senatoria pare certa, sebbene finora non si siano avuti rinvenimenti epigrafici che possano dirimere la questione. L’accostamento alla grande famiglia senatoria nolana dei Publilii-Petronii, fondata sul fatto che la base di statua in onore di L. Publilius Probatus (AE, 1976, 143) fu rinvenuta di reimpiego appunto a Somma Vesuviana, resta finora una mera ipotesi, per quanto suggestiva138. Si è già detto che nel periodo tardo imperiale, a partire dalla tetrarchia, le iscrizioni ‘pubbliche’ si conservano relativamente numerose a Nola rispetto alle altre città della Campania, ponendola al terzo posto dopo Puteoli e Capua; ciò resta significativo, anche tenendo conto che ben quattro di queste epigrafi sono poste in onore dello stesso personaggio, il patronus, Pollius Iulius Clementianus, v. p. Ad ogni modo con la tetrarchia si apre anche per Nola un’altra storia139.

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137. Per

tutti si rinvia a M. Aoyagi et al., “Lo scavo della cd. Villa di Augusto a Somma Vesuviana (NA). Campagne 2002-2004”, RPAA, 78, 2005-6, p. 75-109; cfr. anche A. De Simone, “Ricerche e scavi a Somma Vesuviana”, in Apolline Project vol 1, op. cit., p. 157-171, sulla villa p. 161 ss. 138. Per la gestione di questi fondi è finora noto solo un actor (iscr. inedita) di fine ii-iii secolo, che potrebbe forse appartenere ad una famiglia senatoria di origine non locale (su ciò vd. art. di pross. pubbl.). 139. Per ora posso rinviare a quanto ho scritto in G. Camodeca, I ceti dirigenti […], op. cit., p. 263 ss.; Id., “Le città della Campania […]”, art. cit., p. 283 ss., passim.

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Appendice: novità epigrafiche 1. Un nuovo cavaliere di età augustea Negli scavi dell’aprile 1984 nella necropoli nolana di loc. Polveriera, presso le cd. Torricelle, fu rinvenuta in frammenti e parzialmente ricomposta un’iscrizione funeraria su lastra di marmo bianco, fratta inferiormente: h. 50 x 68 x 5/7,5 cm; h. lett. 4,5-8; retro sbozzato; si notano due fori per il fissaggio sul lato superiore, uno sul lato destro e l’altro su quello sinistro (fig. 4). L.Valerio L. f. Fal(erna) Pollioni, trib(uno) mil(itum), pra[ef(ecto)] fabr(um), pontif(ici), q(uaestori), IIvir(o) quinq(uennali), 5 praef(ecto) iur(e) dic(undo) ex [d(ecreto) d(ecurionum)] Loc[us sepult(urae) d(atus) d(ecreto) d(ecurionum)]. Lin. 5: dubito che lo spazio in lacuna consenta di integrare ex [d. d. l(ege) P(etronia)]; certamente da escludere ex [dec. dec.]; - Lin. 6: o simili. 320

Sia la carica equestre (tribunato militare senza l’indicazione della legione) quanto la paleografia inducono a datare l’epigrafe con ogni probabilità in età augusteo-tiberiana. Il personaggio, a giudicare dal gentilizio, potrebbe essere arrivato a Nola con la colonia augustea; resta dubbio se vi sia una parentela con il duovir del 32 M. Valerius Postumus. La tribù Falerna è assolutamente predominante fra i Nolani, essendo attestata dall’età triumvirale/ protoaugustea fino al tardo ii secolo140. Il cursus cittadino, da lui svolto, il più antico finora noto a Nola, non pone problemi141; le integrazioni delle lacune del testo sono certe, anche quella della lin. 5, dove la menzione della carica di praefectus iure dicundo142, chiamato a sostituire un duoviro con le medesime competenze, è precisata nel nostro caso dal ricordo, raro e molto discusso, del relativo decretum decurionum di nomina, cui forse si ricorreva in casi eccezionali143. Finora a Nola la carica di praefectus i. d. era attestata solo per un altro 140. Ben 14 volte, vd. ora G. Camodeca, “Regio I (Campania)”, in Le tribù romane. Atti XIVe Rencontre sur l’épigraphie, Bari, 2010, p. 180. 141. Altri pontifices: l’anonimo di CIL, X, 1281 (vd. nt. 144), e alla metà del iii sec. il senatore nolano L. Publilius Probatus. Quaestores, che non sono riportati nei Fasti Nolani (la carica era quindi fuori dell’ordo honorum), sono stati anche l’anonimo di nt. 144, Q. Caesius Q.f. Fal. Fistulanus in età flavia, e nel tardo ii sec. T. Marius Iulianus. Vd. tabella 2. 142. Sulla carica da ult. M. C. Spadoni, I prefetti nell’amministrazione municipale dell’Italia romana, Bari, 2004. 143. I casi finora noti sono solo i seguenti in Italia: praef. i. d. ex d. d. (CIL, V, 2852 Patavium, su cui M. C. Spadoni, I prefetti {…], op. cit., p. 143 nr. 179, datata i sec.); praef. decurion. decreto iure dicundo (CIL, X, 1205 = ILS, 6342, Abella, protoimp., su cui M. C. Spadoni, I prefetti {…], op. cit., p. 9 s.); praef. i. d. ex d. d. lege Petron(ia) (CIL, X, 858 = ILS, 6359, Pompeii, età neroniana); per le province: praef. i. d. ex dec. dec. (CIL, III, 1822, Narona,

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magistrato, purtroppo anonimo per la frammentarietà dell’iscrizione monumentale, ora perduta (CIL, X, 1281, tabula longa optimis litteris), che lo ricorda come munifico evergete di un’opera pubblica cittadina, non meglio precisabile144; questi iterò la carica, caso raro (praefectus bis), ed ebbe una carriera databile molto probabilmente nel I secolo, assai simile a quella di Valerius Pollio.

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Fig. 4.

Iscrizione inedita del cavaliere L. Valerius Pollio.

Dalmatia). Assai dubbio il caso del senatore C. Pomponius Graecinus ad Iguvium (AE, 1981, 320 = 1991, 648), accolto invece dalla M. C. Spadoni, I prefetti {…], op. cit., p. 94 s. Sul punto e sul connesso problema della lex Petronia, che non è qui il caso di riesaminare, vd. da ult. ibid., p. 222 ss., con bibl. 144. CIL, X, 1281: [- - -] q(uaestor) bis, praef(ectus) bis, IIvir, pontifex / [--- orna?]menta, statuas d(e) p(ecunia) s(ua) f(ecit) / [- - -] p(onend-) c(uravit). Cfr. M. C. Spadoni, I prefetti {…], op. cit., p. 31 s., la cui integrazione alla lin. 2: [a funda?]menta è inaccettabile.

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Più incerta nella precisa formulazione, ma non nella sostanza, anche la linea finale; dopo loc[us] di lettura a mio parere non dubbia vi deve essere, considerando il contesto funerario di rinvenimento poco fuori il pomerio, il ricordo dell’onore, frequente per personaggi di rilievo nella vita cittadina come il nostro cavaliere, della concessione di un luogo pubblico di sepoltura con decreto dell’assemblea decurionale. Per questo è sufficiente citare i numerosi confronti, anche dello stesso periodo di tempo, dalla vicina Pompeii; ad es. AE, 1911, 71 (locus sepulturae publice datus d(ecreto) d(ecurionum), aug.-tib.); CIL, X, 998 (locus sepultur(ae) datus decurionum decreto, tib.); Eph.Ep., VIII, 318 (locus sepulturae publice datus ex d. d.); AE, 1911, 72: locus sepulturae datus … d. d.); AE, 1913, 71 (d. d. locus sepulturae publice datus), e anche da Herculaneum CIL, X, 1468 (Decreto decurion(um) locus sepulturae publice datus).

2. Il gentilizio Holocennius/Holcennius nell’élite nolana augusteo-tiberiana

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Blocco rettangolare di calcare con retro sbozzato. Misure: h. cm. 23 x 73 x 22; lett.: lin. 1, cm. 5; lin. 2: 4,5. Rinvenuta negli scavi della Sopr. Arch. dell’aprile 1984 nella necropoli di Nola, in loc. Polveriera presso le cd. Torricelle; conservata nei depositi della Sopr. Arch. a Nola, dove ora non mi è stato possibile rintracciarla per farne una foto. Autopsia 1984.

M. Holocennio M. f. Fal(erna) heredes ex testamento.

Datazione: di età grosso modo augusteo-tiberiana, sia per i caratteri paleografici, sia per l’assenza del cognomen.

L’interesse principale di questa iscrizione funeraria è costituito dalla prima menzione del gentilizio Holocennius. Tuttavia nei Fasti Nolani, noti solo da tradizione manoscritta, compare un Q. Nolcennius, aed(ilis) del 29, anche costui privo di cognomen; a mio parere è certo che il gentilizio di questo magistrato nolano, tràdito come Nolcennius, sia da correggere in Holcennius (variante di Holocennius), confermando un’intuizione di Mommsen, in IRN, 1968, poi abbandonata in CIL, X, 1233, ma ripresa da W. Schulze, Zur Geschichte lateinischer Eigennamen (op. cit.), p. 169. Questi molto verosimilmente lo collega al gentilizio Holconius, tipico della vicina Pompei (almeno dalla prima età augustrea), e li considera entrambi di origine etrusca (hulχna).

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3. Un nuovo primuspilus della legio VII Macedonica da Nola Blocco di calcare locale spezzato a destra (h. 60 x +58 x 25); punti triangolari; lettere di altezza decrescente da 9 a 4,5 cm145 (fig. 5). Era conservato al tempo della mia autopsia (a. 1978) nel giardino della villa Di Palma (già Troianiello) a Somma Vesuviana (all’incrocio fra via A. Moro e via Portiello); prima, a quanto mi fu detto, era inserito nel muro di cinta del palazzo Colletta (al Casamale) presso la Collegiata, muro abbattuto verso il 1976. Nella stessa proprietà Colletta esisteva un monumentino moderno, descritto nel 1878 da Giuseppe Novi (nel giornale napoletano L’Italo, Cronaca Bigia del 17 marzo 1878), nel cui gradino era incluso un blocco con iscrizione, riportato in CIL, X, 8163, che costituisce certamente la metà destra del nostro. Purtroppo il frammento b è attualmente perduto.

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Fig. 5.

145. Per

Iscrizione del primuspilus L. Cantinius Rufus.

la precisione, lin. 1, cm. 9; linn. 2-3, cm. 6,5; lin. 4, cm. 6; lin. 5, cm. 5; lin. 6, cm. 4,5.

Giuseppe Camodeca

L. Cantinio C. f. Fal(erna) Rufo, prim(o) p[ilo] leg(ionis) VII Macedon[icae], ex testamento [fieri iussit]. 5 Hoc monumentum siv[e] sepulcr(um) est h[e]r(edem) non s[equetur].

324

Datazione: prob. augusteo-tiberiana (comunque non posteriore a Claudio)

Il gentilizio Cantinius146 è piuttosto raro ed è documentato in Campania solo a Nuceria nel ii secolo per un cavaliere147. Questa nolana è per di più una delle sue più antiche ricorrenze dopo quella ancora di età repubblicana da Roma (CIL, VI, 8240 cfr. p. 3854 = CIL, I2, 1044, cfr. p. 967, 968: L. Cantinius A.l.). La sua diffusione, oltre che a Roma con tre testimonianze (anche CIL, VI, 7264 cfr. p. 3430 = 33248; 38149), è in Italia sporadica148.

146. Su

cui W. Schulze, Zur Geschichte lateinischer Eigennamen, op. cit., p. 144 s., che considera anche le varianti Cantineus (VI, 34776), Cantenius, Cantienus, Cantilius ecc., e richiamando cantini in CIE, 4204 Perusia e il toponimo prediale Cantiniano in Toscana ne sostiene un’origine etrusca. 147. L. Cantinius L.f. Men(enia) Maximus, O=Constance Cons(tantia) (M. G. Granino Cecere, in: Ann. Assoc. Noment., 2, 2001, p. 43). Nella regio I a Minturnae resta dubbia l’attestazione del cognomen Cantinianus in AE, 1989, 142 di ii secolo. 148. Regio III a Locri nel ii secolo (CIL, X, 28); regio VI a Tuder (CIL, XI, 4640); regio IX a Dertona in una tarda iscrizione paleocristiana (ICI, VII, 41); regio X a Verona (CIL, V, 3754: L. Cantinius Hermippus). Nelle province una buona presenza, derivata certo da stanziamenti di italici, solo in Numidia (a Cirta, CIL, VIII, 7272 = ILAlg., 1013; con un soldato di Calama, CIL, VIII, 18068 = AE, 1992, 1875 del 197/201; e inoltre CIL, VIII, 6301= 19272 = ILAlg., 8959; ILAlg., 10160).

Nola: vicende sociali e istituzionali di una colonia romana da Silla alla tetrarchia

Il primipilo149, l’unico finora noto della VII Macedonica, sembra essere arrivato a Nola con la colonia augustea. La datazione non posteriore a Claudio si deduce dal nome della legione in cui servì, che, stanziata in Macedonia e Dalmatia, fu chiamata VII Claudia nel 42 per la sua fedeltà a Claudio150. Questo precoce cambio del nome151 spiega la rara menzione del primo appellativo, che compare in non più di una mezza dozzina di iscrizioni. Se ne conosce finora un unico tribunus militum equestre, L. Veturius L.f. Homuncio (CIL, X, 8241 Aquinum)152; solo di un paio di centurioni è noto il cursus: Ti. Iulius Ti.f. Fal(erna) Italicus (CIL, X, 4723, Forum Popilii) e l’anonimo di CIL, X, 1711 (Misenum), che fece una carriera molto rapida fino ad una procuratela ducenaria sotto Claudio153.

325

149. Sui

primipili/primipilares vd. per tutti B. Dobson, Die Primipilares, Köln, 1978; più di recente B. Dobson, “The primipilares in Army and Society”, in Kaiser, Heer und Gesellschaft in der Röm. Kaiserzeit, Stuttgart, 2000, p. 139-152; sull’uso del termine primus pilus e primipilus nelle fonti letterarie ed epigrafiche, vd. C. Wolf, in REMA, 1, 2004, p. 5-22: il primo senza dubbio più frequente soprattutto nei testi letterari. 150. Cfr., oltre E. Ritterling, s.v. Legio, in PWRE, 1925, col. 1619, K. Strobel, “Zur Geschichte der Legiones V (Macedonica) und VII (Claudia pia fidelis) in der frühen Kaiserzeit und zur Stellung der Provinz Galatia in der augusteischen Heeresgeschichte”, in Les Légions de Rome sous le Haut-Empire, II, Lyon, 2000, p. 515 ss., spec. p. 526 ss., che corregge vari punti della ricostruzione di Ritterling sulle più antiche vicende della legione. 151. Già L. Fufidius L.f. Ouf. Proculus di Aquinum (CIL, X, 5399), forse della stessa età claudia, è detto trib. mil. leg. VII Claud. p. f., allora prob. in Dalmatia; tuttavia in CIL, X, 1711 = ILS, 2695 (Misenum), posta sotto Claudio, la legione è ancora chiamata VII Macedonica. 152. PME, V, 85; S. Demougin, Prosopographie des chevaliers romains julio-claudiens, Rome, 1992, p. 327 nr. 396. 153. Su di lui B. Dobson, Die Primipilares, op. cit., p. 191 nr. 56; S. Demougin, Prosopographie des chevaliers romains julio-claudiens, op. cit., p. 421 nr. 510.

Giuseppe Camodeca

Tabelle Gentilizi attestati a Nola in iscrizioni osche (iii-ii sec. a.C.) –– Af[---] (H. Rix, Sabellische Texte, Heidelberg, 2002, Cm 48) –– –– –– –– –– –– –– –– –– ––

Bassius (Liv. 23, 43, 9; 44, 1 a. 215; Rix, Cm. 47) Calavius (Rix, Cm 48) Gavius (Rix, Cm 6) Herennius (Rix, Cm 6) Mai. Lucius (Cippo abellano) Mammii (Rix, Cm. 47) Minatius (Rix, Cm 47) *Mulcius (Rix, Cm 7) Min. Percennius Nolanus (Cato, de agr., 151, 1) Her(ius) Pettius (Liv., 23, 43, 9, a. 215 a.C.) (Pettii ancora nel ii sec. nell’élite della vicina Abella) –– Staius (Rix, Cm 48) –– Statius (Rix, Cm 48)

326

Patroni, magistrati, decurioni e sacerdoti pubblici della colonia romana di Nola* * I personaggi di rango equestre sono in grassetto ; i senatori in maiuscoletto. Q. Antistius Comus Comianus aed. col(oniae)

iI sec.

CIL, X, 1265, vd. retro

Sex. Aponius Proculus

aed.

a. 29

Vd. nt. 39

M. Atinius Florens

aed.

a. 31

Vd. nt. 47

Q. Caesius Q.f. Fal. Fistulanus

curator oper. publicor. datus a divo Aug(usto) età flavia Vespasian(o), aed., q., IIvir

Vd. retro e nt. 105

L. Calvidius L.f. Clemens

IIvir designatus

fine i-ii sec.

Vd. retro e nt. 79

C. Catius M.f.

IIIIvir

80-60 a.C.

Vd. retro nt. 29

L. Cl. Pollio Iulius Iulianus Gallicanus

patron(us) col(oniae), [fl]amen perpetuus; età severiana pat(ronus) coloniae et constitutor [- - -] Nolae

[A]p. Claudius Pulcher

patronus

età cesariana / CIL, X, 1250, triumvirale vd. retro e nt. 24

N. Cluvius M’.f.

IIvir Nolae

verso il 60 a.C. Vd. nt. 7

CIL, X, 1249 e 1111, vd. retro

Nola: vicende sociali e istituzionali di una colonia romana da Silla alla tetrarchia

A. Cluvius Celer

aed.

a. 31

Vd. nt. 72

L. Corellius Celer Fisius Rufinus

patron(us) col(oniae)

età traianeo adrianea

Vd. retro

[C]onsia P.f. [Ma?]suria Octavia Paulina

[s]acerdos

fine i-ii sec.

Vd. retro e nt. 94

C. Curiatius L. f.

flamen divi Augusti

14-40

Vd. nt. 34

(Sex.) Fisius Serenus

aug(ur)

i sec.

Vd. retro

Q. Hol(o)cennius

aed.

a. 29

Vd. nt. 53 e appendice 2

L. Ippellius Atticus

aed.

a. 32

Vd. nt. 54

Q. Luc(c)eius Clemens

IIvir

a. 32

Vd. nt. 55

[c]uram egit rei frum., [q. alim?]ent., q. arkae [T.] Marius T.f. Fal. Iulianus p(ublicae) observavit peq(uniam), mun(us) pro nitore coloniae edidit

tardo ii sec.

AE, 1900, 180 (mia rilettura), vd. nt. 117.

Q. Monnius Rufus

età giu.-claudia Vd. nt. 58

editor muneris

[Cn.?] Nassius Cerialis

IIvir

a. 40-50

Vd. nt. 60

T. Oppius Proculus

IIvir iter(um) q(uinq.)

a. 31

Vd. nt. 74

Sex. Parianus Serenus

aed.

a. 30

Vd. nt. 82

L. Petronius L.f. Fal. Verus

decurio Nola

età augustea

Vd. nt. 71

[- - - Pro]culus

augur

5-4 a. C.

Vd. retro

L. Publilius M.f. Probatus

pont(ifex) [colon(iae)]

metà iii sec.

Vd. retro

T. Rutilius Varus

patronus

a. 80-100

Vd. retro

P. Subidius (Sabidius) Pollio aed

a. 30

Vd. retro

T. Salvius Parianus

IIvir

a. 29

Vd. retro e nt. 62

M. Salvius Q.f. Venustus

decurio [be]nific(io) dei Caesaris

età cesariana

Vd. retro e nt. 27

M. Sentius Rufus

IIvir

a. 30

Vd. nt. 36

C. Sentius Severus

aed.

a. 32

Vd. nt. 36

P. Sextilius P.f. Fal. Rufus

decurio adlectus ex veterib(us) Nola

età augustea

Vd. retro e nt. 9

M. Staius Flaccus

IIvir iter(um) q(uinq.)

a. 31

Vd. nt. 66

ii sec.

Vd. retro

M. St[atius –aius] M.f. Pal. P[- - -]cus Fisius Serenus IIvir, augur Rutilius Caesianus Q. Sulpicius Rufus

IIvir

i sec.

Vd. nt. 37

A. Terentius

IIvir

a. 29

Vd. nt. 75

L. Valerius L.f. Fal. Pollio

pontif., q., IIvir quinq., praef. iur. dic. ex [d. d.]

età augustea

Vd. appendice 1

327

Giuseppe Camodeca

M. Valerius Postumus

IIvir

a. 32

Vd. nt. 38 e appendice 1

L. Varius L.f. Ambibulus

patr(onus) col(oniae)

età adrianea

Vd. retro

T. Vedius T.f.

IIvir libripens

seconda metà i sec. a.C.?

Vd. nt. 69

Q. Vibi[e]dius / Vibidius Sedatus

IIvir

a. 30

Vd. nt. 43

T. Vitorius Cn.f.

IIvir libripens

seconda metà i sec. a.C.?

Vd. nt.42

Anonimo

[- - -] q(uaestor) bis, praef(ectus) bis, IIvir, pontifex

i sec.

Vd. Appendice 1 e nt. 144

Anonimo (non è L. Sitrius M.f. Fal. Modestus)

ae[d.]

i sec.

CIL, X, 1274, vd. nt. 64

Anonimo

[curat]or patro[nus]

verso il 170/175

CIL, X, 1259, vd. retro

Anonimo (procuratore imperiale)

in or[dinem No]lanorum [adlectus]

ii sec.?

CIL, X, 1282, vd. nt. 98

Augustales, magistri Augustales, Mercuriales, pagi 328

C. Aufustius [- - -] Terpnus

[m]ag(ister) Aug(ustalis)

i sec.

CIL, X 8165

L. Calvidius L.l. Felix

Augustalis

i sec.

CIL, X 1268, vd. retro

M. Critonius Hipparchus

Augustalis

i sec.

CIL, X 1267, vd. nt. 78

L. Sattius L.l. Phileros

magister Mercurialis et Augustalis Nolae

età aug.-tib.

CIL, X 1272, vd. nt. 63

D. Septumuleius D.l. Athenio

magister Augustalis

età giulioclaudia

AE, 1971, 83, vd. nt. 77

D. Septumuleius D.l. Atticus magister Augustalis

età giulioclaudia

AE, 1971, 83, vd. nt. 77

[C.? S]tatius C.f. Fal. C[- - -] mag(ister) [pagi Ap]ollinaris 12 a.C.

AE, 2004, 413, vd. nt. 67

22

La crisi di Heraclea di Lucania e l’epigrafia Marina Silvestrini

Résumé –

De vastes recherches archéologiques menées dans les dernières décennies dans le centreville d’Héraclée en Lucanie (aujourd’hui Policoro), apportent la preuve de la gravité de la crise qui a frappé cet endroit depuis le ier siècle av. J.-C. Au cours de l’époque impériale, un seul secteur de la ville, de quelques hectares, est occupé, et la situation empire du iie au ve siècle. En revanche, comme le montre la recherche archéologique, les installations productives sur le territoire conservent une évidente vitalité. Dans le CIL, X, si on excepte les Tabulae d’Heraclée, aucune autre inscription n’est connue. Les rapports de fouilles des 50 dernières années ne font référence qu’à des trouvailles sporadiques de modestes inscriptions funéraires latines (huit d’entre elles, inédites, sont exposées au musée de la Siritide de Policoro, une neuvième se trouve dans un dépôt). Nous intégrerons leur message dans le contexte de crise que nous étudions ici. Mots-clés –

Eraclea di Lucania - Crise - Épigraphie - Esclaves - Collegium.

Abstract –

Extensive archaeological investigations conducted in the inner city of Heraclea in Lucania (now Policoro), especially in recent decades, document the severity of the crisis that has hit the center from the first century B.C. During the imperial period only one sector of the city occupation of only a few acres persists with survival even more limited in III-V AD. This situation is accompanied by a good vitality of agro production facilities, also recorded by archaeological research. In CIL X, except for the reference to the Tables of Heraclea, no other inscription is attributed to the center of Lucania. In the reports of the excavations of the last fifty years sporadic recoveries of modest Latin funerary inscriptions are found: eight inscriptions, hitherto unpublished, are exhibited in an atrium of the ‘Museo della Siritide di Policoro’; a ninth is kept in a storage. The aim of this paper is to test the contribution of these inscriptions in the context of crisis outlined. Keywprds –

Eraclea di Lucania - Crisis - Epigraphy - Slaves - Collegium.

329

Marina Silvestrini

N 

330

ell’ambito del convegno tenuto a Bari, nell’ottobre 2009, dedicato alle tribù romane, mi sono occupata della possibile tribù della lucana Heraclea a partire da un unico documento, l’epitaffio di un veterano morto ad Oescus, nella attuale Bulgaria, nell’ultimo quarto del i sec. d.C. A margine del convegno mi fu fatto notare che il collegamento con Heraclea poteva essere poco convincente per l’inesistenza ormai del centro nel i sec. d.C., alla luce dei dati scaturiti dall’indagine archeologica1. Sullo sfondo anche l’affermazione di Strabone (6, 1, 11) che descrivendo il Golfo di Taranto a partire da Capo Lacinio afferma: un tempo si incontravano subito le città achee, oggi non ci sono più, c’è solo Taranto. Ma notoriamente Strabone assume come paradigma la fase magnogreca. Sotto il profilo archeologico occorre ribadire che il centro di Heraclea, contiguo all’attuale cittadina di Policoro, è stato oggetto di scavi molto estesi, in particolare negli ultimi decenni, che hanno documentato indubbiamente una fortissima contrazione del centro urbano, che in età augustea era ridotto ad un abitato di una decina di ettari (ricordo che nella sua massima estensione nel iv sec. aveva una superficie di 140 ettari)2. La pianta della città di Heraclea, nella terminologia ormai codificata degli archeologi, mostra grosso modo a partire dalla metà del iv sec. a.C. tre settori: la cosiddetta ‘collina del Castello’, il settore mediano e la terrazza meridionale3. Agli inizi dell’età imperiale risulta abbandonato l’intero settore meridionale con alcune presenze fino ad età augustea, e non oltre, e le necropoli collegate; la vita continua soltanto nella parte centrale della collina che ha restituito reperti di i e ii d.C., e continua ad essere utilizzato soltanto un settore della necropoli occidentale. Si hanno poi sopravvivenze ancora più limitate per il periodo iii-v sec. d.C.4 A fronte di questa regressione urbana, gli impianti agricoli del territorio sembrano mostrare una perfetta continuità: il loro numero rimane invariato, nessun impianto viene abbandonato5.

1. L. Forte,

M. Silvestrini, “La tribù Menenia e Heraclea in Lucania”, in M. Silvestrini, Le tribù romane, Atti della XVI e Rencontre sur l’épigraphie, Bari, 2010, p. 201-206. – Le fotografie delle epigrafi presentate più avanti sono di Antonio Raimondo. 2. Cf. L. Giardino, “La fascia ionica della Basilicata in età tardoantica. Continuità e trasformazioni”, in L’Italia meridionale in età tardo antica, Atti del trentottesimo convegno di studi sulla Magna Grecia, Taranto, 1999, p. 343346; A. De Siena, L. Giardino, “Trasformazioni delle aree urbane e del paesaggio agrario in età romana nella Basilicata sudorientale”, in E. Lo Cascio, A. Storchi Marino (eds.), Modalità insediative e strutture agrarie nell’Italia meridionale in età romana, Bari, 2001, p. 129-167 (in questi contributi ampia bibliografia sulle precedenti indagini). 3. Cf. L. Giardino, “Aspetti e problemi dell’urbanistica di Herakleia”, in Siritide e Metaponto. Storie di due territori coloniali, Napoli - Paestum, 1998, p. 171-220. 4. Alle essenziali indicazioni della nota 2 occorre aggiungere almeno S. Bianco, “Herakleia, necropoli meridionale; necropoli occidentale”, in Da Leukania a Lucania. La Lucania centro-orientale fra Pirro e i Giulio-Claudii, Roma, 2003, p. 185-189, p. 193-195. 5. L. Giardino, “La fascia ionica […]”, art. cit., p. 344; Ead., “Herakleia e Metaponto: dalla polis italiota all’abitato protoimperiale”, in Tramonto della Magna Grecia. Atti del quarantaquattresimo convegno di studi sulla Magna Grecia, Taranto, 2005, p. 431-432.

La crisi di Heraclea di Lucania e l’epigrafia

In questa cornice mi è parsa ineludibile una verifica anche dell’eventuale esistenza di reperti epigrafici. Nel Museo Nazionale della Siritide di Policoro si conserva un certo numero di iscrizioni lapidarie latine e di epigrafi greche. Otto epigrafi latine inedite sono esposte al pubblico in un atrio del Museo e una nona è conservata in un deposito6. Questi nove testi saranno l’oggetto del mio intervento. A queste iscrizioni si aggiunge la notizia data da Lo Porto nel 1961 di frammenti di “epigrafi funerarie romane in marmo di Luni” e del recupero presso le Scuole Elementari di Policoro di “una stele funeraria in tufo d’età repubblicana avanzata”7. Inoltre Bernhard Neutsch, nei suoi Archaelogische Forschungen dedicati ad Heraclea nel 1967, fa menzione del ritrovamento di un certo numero di altre epigrafi funerarie latine, frammentarie, provenienti per lo più da vari siti della cosiddetta necropoli occidentale8. Neutsche non precisa il loro numero, rileva che erano tutte introdotte da D. M. e iscritte in grafia quasi corsiva. Aggiunge la fotografia di due iscrizioni frammentarie: in una si legge: D. M. S. / Symferu[sa], l’altra costituisce la parte finale di una lastra di marmo con la formula B. M. F. e un numero. Inoltre trascrive alcune lettere di altre due iscrizioni: complessivamente menziona esplicitamente quattro testi9. In totale abbiamo grosso modo una ventina di numeri. In CIL, X, notoriamente, a parte il riferimento alle Tavole di Heraclea, non è registrata nessuna iscrizione latina, ma già nel quadro dell’epigrafia delle regioni meridionali d’Italia proposto nel 1999 da Camodeca e dai suoi collaboratori è segnalata anche Heraclea tra i centri che hanno restituito materiale epigrafico, ovviamente tra quelli con il patrimonio di iscrizioni più esiguo10. Le epigrafi da me esaminate, tranne in un caso, non hanno una precisa indicazione di provenienza, vengono genericamente attribuite all’area della necropoli occidentale, uno dei cui settori risulta utilizzato nella prima età imperiale ed è stato messo in relazione con quella parte dell’abitato di Heraklea (area centrale dell’acropoli) ancora frequentata, come si è detto11. Questa provenienza è confermata da una notizia del Soprintendente Dinu Adamesteanu negli Atti del Convegno di 6. Ringrazio

il Soprintendente ai Bene Archeologici della Basilicata dott. Antonio De Siena per la possibilità di studiare, fotografare e pubblicare queste epigrafi. 7. F. G. Lo Porto, “Ricerche archeologiche in Heraclea di Lucania”, Bollettino d’Arte, 46, 1961, p. 147: difficile dire se la stele menzionata da Lo Porto vada identificata con la successiva epigrafe no 8, della quale non si conosce il preciso luogo di rinvenimento. 8. B. Neutsch, “Archäologischen Studien und Bodensondierungen bei Policoro in der Jahren 1959-64”, in Id. (ed.), Archäologische Forschungen in Lukanien, II, Herakleiastudien, Heidelberg, 1967, p. 160-161 e Tafel 15, 2 e 4. 9. A questo materiale si aggiungono due coperchi di casse litiche, in esposizione al Museo, sulla cui parte frontale sono iscritte lettere apparentemente latine di lettura laboriosa e grafia di età repubblicana: non si tratta di nomi, in una delle due sembra di leggere la parola MATER; queste casse litiche sono comuni soprattutto nel iv-iii a.C., ma utilizzate con successive deposizioni anche nei secoli successivi. Gli archeologi avanzano la possibilità che si tratti di ‘tombe di famiglia’ (cf. L. Giardino, “Herakleia e Metaponto […]”, art. cit., p. 422); rinvio ad altra sede la loro edizione, che appesantirebbe inutilmente questo contributo. 10. G. Camodeca, F. Nasti, A. Parma, A. Tortoriello, “Il patrimonio epigrafico della Campania e delle regione II e III”, in XI Congresso Internazionale di Epigrafia Greca e Latina. Atti, I, Roma, 1999, p. 678. 11. L. Giardino, “Aspetti e problemi […]”, art. cit., p. 186.

331

Marina Silvestrini

Taranto del 1975, dove afferma: “Abbiamo scavato, da tempo, anche la necropoli di età romana imperiale e delle dieci iscrizioni che abbiamo scoperto finora nessuna riguarda un ‘civis’, ma sempre un ‘servus’, o un ‘conservus’, oppure un ‘Abascantus’, e la ‘conserva’ ”12. Questa necropoli imperiale viene identificata appunto con il settore citato della necropoli occidentale. Anche l’unica epigrafe (no 1) di cui è nota la precisa provenienza era riutilizzata come copertura nella stessa necropoli occidentale, in località Madonnelle. Cronologia. Le nove epigrafi che presento, tutte funerarie, si datano in maggioranza nella seconda metà del i sec. d.C. (6 su 9), la no 8 è di età precedente e per i no 6 e 9 si propone una datazione più tarda. Come osservato già da Adamesteanu colpisce la presenza predominante di servi, tuttavia non esclusiva. Infatti su 20 individui ricordati in questi nove testi si registrano due liberti, sedici schiavi e il nome di due domini dei servi: uno, come vedremo, di rango senatorio. Esaminiamo le epigrafi, a partire da quelle dove compaiono dei gentilizi.

332

1. Stele quadrangolare in cárparo (calcare tenero, tipica pietra dell’area di Taranto), sormontata da un coronamento modanato, leggermente aggettante, scheggiata lungo i margini e all’altezza della l. 4 con perdita di due lettere. 68 x 43 x 12; alt lett. 6.5-4.8. E’ stata rinvenuta riutilizzata come copertura della tomba no 1149 nella necropoli in località Madonnelle (proprietà Buccolo). E’ conservata in un deposito del Museo di Policoro. Autopsia: settembre 2011. Inedita (fig. 1). Dis Manib(us). ˆ L. Romanio N(umeri) l(iberto) Abascanto colle[gi]us (!) Minervius, sodales m(erenti) f(ecerunt). Vix(it) a(nnos) IXXX. •

Le lettere risentono della scrittura corsiva. Linee di guida evidenti. Interpunzione irregolare. Nesso tra N e L alla fine della l. 2. L’epitaffio è posto dai sodales (uno dei consueti nomi dei membri dei collegia)13 del collegius Minervius14 per il liberto L. Romanius Abascantus. Il nesso tra N e 12. D. Adamesteanu, “L’attività archeologica in Basilicata”, in La Magna Grecia nell’età romana. Atti del quindicesimo convegno di studi sulla Magna Grecia, Napoli, 1976, p. 527. 13. Cf. per es. S. Castagnetti, “I collegia della Campania”, in E. Lo Cascio, G. D. Merola (eds.), Forme di aggregazione nel mondo romano, Bari, 2007, p. 223. 14. La lettura collegius mi è stata suggerita, nel dibattito, da G. Mennella che ringrazio.

La crisi di Heraclea di Lucania e l’epigrafia

333

Fig. 1.

Epigrafe del collegius Minervius (Museo di Policoro, deposito).

Marina Silvestrini

334

L, visibile con difficoltà, rende esplicita la condizione di liberto di Abascanto: da notare la differenza tra il prenome di Abascanto (Lucius) e quello del suo patronus (Numerius), un fenomeno generalmente considerato non comune già in età postsillana15, qui attestato nella seconda metà del i d.C. Non è prudente speculare sul gentilizio Romanius, che può certo derivare da schiavi pubblici manomessi in epoca più o meno lontana16, ma anche giustificarsi diversamente: Romanii ben attestati nella prossima regio II a Canusium, Venusia, Bantia17. Abascantus è nome servile e cognome libertino comunissimo (cf. sotto epigrafe no 4). L’elemento di maggior rilievo del testo è rappresentato da collegius Minervius per più aspetti: l’interesse non è evidentemente nella forma maschile collegius, in luogo di collegium, forma non frequente, tuttavia attestata: il caso più prossimo viene da Taranto18. Piuttosto è inusuale che il nome del collegio si presenti nella forma di un aggettivo derivato dal nome della divinità e non nella forma più consueta del genitivo di questo nome, ad es. collegium Cereris, collegium Dianae19: rimane tuttavia un interessante confronto, rappresentato dal (collegium) Minervium tabulariorum (un collegio della domus Augusta), citato in un’epigrafe di Efeso (CIL, III, 6077, 9) databile non prima del ii sec. inoltrato. Da ricordare inoltre nella regio III a Volcei l’attestazione di sodales Minervenses (Inscr. It., 3, 1, 94). Prima di prospettare la diffusione, tutt’altro che trascurabile, del culto di Atena / Minerva ad Heraclea e in aree prossime, è opportuno tenere a mente che, come è ben noto, i collegi romani avevano una divinità protettrice e che non di rado la loro vocazione cultuale è attestata accanto a quella professionale; inoltre che, come ricordava già Waltzing, “Minerva, come dea delle opere dello spirito e della mano, era patrona di moltissimi collegi”20: in particolare sono numerose le attestazioni, connesse a Minerva, del collegium fabrum21. Appare quindi concreta 15. Cf.

orientativamente ILLRP, “Indices”, p. 500. W. Schulze, Zur Geschichte Lateinischer Eigennamen, Berlin, 1904, p. 524. 17. Canusium: AE, 1986, 200; Venusia: M. Chelotti, Suppl.It., 20 (2003), no 128; Bantia: AE, 2007, 436 = 2008, 418. 18.  CIL, IX, 6154 = L. Gasperini, “Il municipio tarentino. Ricerche epigrafiche”, in Terza Miscellanea greca e romana, Roma, 1971, p. 182-183: D(is) M(anibus). / Fecit col/legius Vi/atori be/ne mer/enti; cf. per es. nella regio III: Numistro (H. di Giuseppe, “Le epigrafi e le sculture romane”, in Felicitas temporum. Dalla terra alle genti: la Basilicata settentrionale tra archeologia e storia, Potenza, 2008, p. 243-244, no 11): … collegius Spei …; Volcei (Inscr. It., 3, 1, 34): … collegius dendrophorum …; Locri (M. Buonocore, Suppl. It., 3, 1987, nr. 7): … collecius Serapis et Iunonis … 19. Cf. ThLL, s.v., p. 1593-1594. 20. Cf. J.-P. Waltzing, Diz. Ep. Ant. Rom., II (1900-1910), p. 358-359 (la citazione è a p. 359); di recente S. Castagnetti, “I collegia della Campania”, art. cit., p. 228-230; N. Tran, Les membres des associations romaines, Roma, 2006, p. 10, sui collegia come collettività plurifunzionali. 21. Tra le più significative le dediche: CIL, VI, 36817: Minervae sacrum collegium fabrum; inoltre CIL, IX, 3148 (Corfinium); IRC, 4, 14 = IRC, 5, p. 111 (Barcino); il collegium fabrum si riunisce in templo Minervae a Fidentia (AE, 1991, 713); nella schola deae Minervae Augustae a Pisaurum (ILS, 7218 = G. Cresci Marrone, G. Mennella, Pisaurum, I. Le iscrizioni della colonia, Pisa, 1984, p. 223); ancora nell’epigrafe di Aquileia riesaminata da C. Zaccaria, “Un inedito ‘collegium incrementorum cultorum Minervae’ ad Aquileia”, in Römischen Inschriften - Neufunde, Neulesungen und Neuinterpretationen. Festschrift für Hans Lieb, Basel, 1995, p. 291-307 (AE 1995, 573 a-b), il 16. Cf.

La crisi di Heraclea di Lucania e l’epigrafia

la possibilità che il collegius Minervius di Heraclea possa essere una definizione parziale o approssimativa di un collegio di artigiani che aveva eletto Minerva a propria patrona. Ovviamente non può essere esclusa la possibilità di un collegio meramente cultuale22. In un caso e nell’altro, come l’epigrafe mostra, il collegio svolgeva anche una funzione funeraria. Per quanto riguarda la diffusione del culto di Minerva è doveroso ricordare, nonostante la distanza cronologica, che la II iscrizione in greco incisa sul recto di una delle Tavole di Eraclea (IG, XIV, 645), datata al tardo iv sec., concerne la gestione di terreni sacri del tempio di Atena Poliade23. In Apulia (la localizzazione di Heraclea e la sua tradizione storica rendono il confronto con l’Apulia e la Calabria più significativo rispetto all’area lucana e bruzia, dove peraltro non rimangono attestazioni del culto, salvo il sodales Minervenses sopra citati) il culto di Minerva è documentato a Bantia (CIL, IX, 418)24, Lavello (AE, 1969/70, 149), Canosa (ERCanosa, I, no 5 e 14; II, 12 A)25, di cui M inerva era, secondo ogni verosimiglianza, divinità poliade, Butuntum (Eph.Ep., VIII, 75 e CIL, IX, 307 = AE, 1990, 202)26; inoltre rimangono significative presenze toponomastiche (Minervino Murge, non lontano da Canosa) e, nel Salento, Castrum Minervae (attuale Castro) e Minervino di Lecce27. Datazione: seconda metà i d.C. per l’impostazione del testo e la paleografia. 335

2. Stele quadrangolare in cárparo. 130 x 44 x 15.5. Presenta nella parte superiore un abbassamento del piano di fondo, riquadrato da una semplice cornice, sul piano è rappresentata una patera in bassorilievo. Una diecina di centimetri più in basso è stato ricavato un incavo per l’alloggiamento di una lastra di marmo con l’iscrizione; la lastra manca dell’angolo superiore sinistro con perdita delle lettere iniziali delle prime cinque righe dell’epigrafe. 21 x 37 x 2.5; alt. lett. 3-1.5. Autopsia: settembre 2011. Inedita (fig. 2-3).

collegium incrementorum cultorum Minervae appare una emanazione del collegium fabrum, cf. anche G. Mennella, G  Apicella, Le corporazioni professionali nell’Italia romana. Un aggiornamento al Waltzing, Napoli, 2000, p. 19 e 31-32. 22. Cf. orientativamente per collegi professionali che portano anche il nome di una divinità, J.-P. Waltzing, Étude historique sur les corporations professionnelles chez les Romains, Louvain, 1895-1900, IV, p. 431-432; per collegi con il nome di Minerva, cf. ibid., p. 195. 23. Per l’individuazione topografica di questi terreni cf. M. Guy, “La topographie des territoires décrits dans les Tables d’Héraclèe”, in Siritide […], op. cit., p. 274-280. 24. Una più recente edizione di questa epigrafe in M. Chelotti, “La tribù dei cittadini romani di Bantia”, in Epigrafia e territorio. Politica e società, VIII, Bari, 2007, p. 139-140. 25. ERCanosa = M. Chelotti, R. Gaeta, V. Morizio, M. Silvestrini, Le epigrafi romane di Canosa, Bari, I, 1985; II, 1990. 26. Su questi testi cf. ora S. Fioriello, Suppl. It., 23 (2007), p. 29 e nr. 3, p. 32-34. 27. Cf. per l’area salentina: G. Susini, Fonti per la storia greca e romana del Salento, Bologna, 1962, p. 23.

Marina Silvestrini

ˆˆ [Dis] Manibus. Mar= • [cell]e L. Antoni ssêr(vae) (!), [curam] agente Iseo fil(io) et [Her]mete, conserve bene • [me]renti et piissimâe fecit. • Vixit annis XXXV. H(ic) s(ita) e(st).

336

Fig. 2.

Epitaffio di una schiava di un L. Antonius (particolare).

Singolare legatura tra E e R alla l. 2. Nella parola piissime (l. 5) ultima I omessa e poi aggiunta. Da notare che il dittongo ae è reso con la –e in Isaeus e conserve, con la forma –ae in piissimae; notevole inoltre la doppia ss iniziale della parola serva, fenomeno che ritorna, anche se non in posizione iniziale, nell’epigrafe no 328. Interpunzione assente. 28. Qualche

ulteriore esempio: CIL, XIV, 956 (Ostia); M. Chelotti, Suppl. It., 20 (2003), no 204 (Venusia).

La crisi di Heraclea di Lucania e l’epigrafia

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Fig. 3.

Epitaffio di una schiava di un L. Antonius (Museo di Policoro, atrio).

Marina Silvestrini

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La stele è dedicata a Marcella dal conservus, Hermes; della cura per l’edificazione della stele si sono occupati il compagno della donna ed il figlio Iseo. Marcella è il nome più comune iniziante con le lettere superstiti e si adatta perfettamente allo spazio mancante: è nome più frequente tra ingenui, ma attestato anche in ambiente servile29. Comunissimo Hermes (cf. epigrafe no 7), assai raro invece il nome Isaeus, di cui rimangono nell’Urbe un paio di esempi, ricondotti da Solin alla radice Isos-30. Per quanto l’espressione curam agente sia comune, non risultano ulteriori attestazioni epigrafiche nelle regiones II e III. Questa è una delle tre epigrafi che restituiscono un nome gentilizio, qui L. Antonius, dominus di Marcella. Antonius è nome comunissimo, molto diffuso in Apulia (rari esempi in Lucania)31: una acquisizione piuttosto recente sono le proprietà di Iullo Antonio, figlio di Marco Antonio, documentate in età augustea, ad Egnazia e Brindisi. (L. Antonii documentati a Brindisi)32. Utile ricordare che si chiamava Lucio uno dei figli di Iullo Antonio, che morì nel 25 d.C. a Marsiglia, in condizione prossima all’esilio e fu sepolto nel mausoleo di Augusto (Tac., Ann., IV, 44, 3)33. In questa epigrafe l’esplicita menzione del dominus, la qualità del monumento, la cura del testo appaiono indizi di una condizione sociale elevata del dominus stesso. Datazione proposta: seconda metà I d.C. 3. Stele quadrangolare in calcare compatto, fratturata superiormente. Si tratta di una pietra riutilizzata come mostra la decorazione del lato sinistro e del retro della stele: l’epigrafe è stata iscritta sulla parte retrostante di una della lastre che componevano una cassa litica; nel Museo di Heraclea si conservano numerosi esemplari di questa tipologia, anche con analoga decorazione. 94 x 49.5 x15; alt. lett. 4-3. Autopsia: settembre 2011. Inedita (fig. 4). [D(is) M(anibus)?]. Statori L.Val(eri) Potiti ser(vo); Mu= 29. Cf.

I. Kajanto, The Latin Cognomina, Helsinki, 1965, p. 173. tratta del nome di un retore dell’età di Plinio il Giovane, di origine assira, registrato nella Prosopographia (PIR2, I, 52) e di suo figlio omonimo; inoltre CIL, III, 5224 = ILLPRON, 1684; cf. H. Solin, Die griechischen Personennamen in Rom, Berlin - New York, 20032, p. 1375. 31. Volcei: CIL, X, 8101 e G. Camodeca, EDR100596. 32. Cf. in proposito AE, 2005, 395-398 e B. De Nicolò, “Revisioni brindisine: CIL, IX, 34 e IX, 76”, Epigraphica, 72, 2010, 434-439; per un quadro della diffusione del gentilizio Antonius nella regio II cf. orientativamente M. Silvestrini, Le città della Puglia romana, Bari, 2005, p. 227. 33. PIR2, A 802; sui figli di Iullo Antonio cf. R. Syme, “Sedici consolari aristocratici”, in L’aristocrazia augustea, Milano, 1993 [Oxford, 1986], p. 91; ancora Id., “La fine di L. Emilio Paolo”, ibid., p. 180. 30. Si

La crisi di Heraclea di Lucania e l’epigrafia

Fig. 4.

Epitaffio di uno schiavo di L. Valerius Potitus (Museo di Policoro, atrio).

sa consserva (!) et Stator filius [b(ene)] m(erenti) f(ecerunt).V(ixit) a(nnos) XXXV.

Lettere influenzate dal corsivo, superficialmente incise. Interpunzione regolare, ove riconoscibile (ll. 3-4, parzialmente 5-6). Questa è l’epigrafe di interesse maggiore tra quelle che presento per il nome del dominus dello schiavo, L. Valerius Potitus. Prima di procedere conviene definire la cronologia: propongo una datazione alla seconda metà del i d.C., per la paleografia e il formulario. Il nome L. Valerius Potitus rimanda alla famiglia dei Valerii Messallae e precisamente al console suffetto del 29 a.C., Potitus Valerius Messalla, che assunse il suo secondo cognome come prenome34. Prima di seguire la discendenza del console è utile ricordare una doppia informazione di Plinio: l’Autore nella Naturalis historia (XIV, 69), afferma che i vini lucani erano molto famosi e tra questi i più famosi 34. Cf.

R. Hanslik, RE VIII A1 (1955), no 267, cc. 165-166; di recente indicativamente Der Neue Pauly, 12/1 (2002), p. 1099, nr. I 38; per il prenome cf. R. Syme per es. “I discendenti di Messalla”, in L’aristocrazia augustea, op. cit., p. 340.

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erano quelli di Lagaría che avevano guarito Messalla Potito e che si producevano non procul Grumento. Questo Messalla Potito viene comunemente identificato con il console del 29 a.C., sopra citato35. Plinio dà un’ulteriore informazione: nel l. I dove cita le sue fonti, al capitolo XIX, nomina quattro autori che hanno scritto opere sulla coltivazione degli orti (kepouriká), i primi tre non sono altrimenti noti, il nome del quarto è Potitus. Questo personaggio viene identificato con il console del 29 a.C., il quale nell’opera in questione avrebbe lodato il vino di Lagaría36. Questi vini sono citati anche da Strabone (6, 1, 14) che localizza Lagaría sulla costa tra Thurii ed Heraclea. Molto si è discusso e si discute sulla individuazione di questo sito: una recente proposta lo riconosce in località Cugno / Ciglio dei Vagni, a sud di Heraclea, a ridosso della via costiera ionica, sito che ha restituito un grande impianto termale ed una necropoli di età imperiale, anche considerando che in 10/13 sepolture su 131 di questa necropoli è stata rinvenuta una falx vineatica (roncola) in ferro37 e che una tomba della stessa necropoli, datata ad inizi iii d.C., ha restituito una bottiglia in vetro destinata a contenere vino, come dichiara l’epigrafe incisa38. La nostra stele documenta innanzitutto proprietà dei Valerii Messallae in Lucania nel i sec. d.C., e precisamente ad Heraclea39; ricordiamo che un M. Valerius Mess(alla) fu edile nella colonia di Venusia nel 31 a.C. (CIL, IX, 422, no 34)40. In secondo luogo l’epigrafe attesta l’esistenza di un personaggio di nome L. Valerius Potitus, grosso modo contemporaneo di Plinio, di cui si ignorava l’esistenza: si tratta secondo ogni verosimiglianza di un discendente del console Potito Valerio Messalla, di cui non si conoscevano altri discendenti, al di fuori del figlio ben noto console nel 5 d.C.41 e forse di un altro possibile figlio, maggiore di Voleso, come indicherebbe il prenome tipico della famiglia, M’. Valerius Messalla Potitus (se non si tratta dello stesso console del 29 a.C.), conosciuto da un’epigrafe di Klaros in Asia Minore42, ma nessun discendente delle successive generazioni. Credo 35. Cf.

per es. R. Hanslik, RE, op. cit.; l’edizione “Les Belles Lettres” del libro XIV (ed. J. André, 1958), p. 106. R. Hanslik, RE, op. cit.; l’identificazione è considerata ipotetica in PIR2, P 917. 37. Cf. L. Giardino, “Gli insediamenti alla foce del Sinni in rapporto alle attività portuali delle colonie di Siris e di Herakleia”, in Carta archeologica della Valle del Sinni, ATTA, X Supplemento, 2002-2003, fasc. 1, p. 191-206; per una ricognizione delle precedenti ipotesi di identificazione di Lagaría cf. J. de la Genière, in BTCGI, VIII (1990), s.v. Lagaria, p. 405-408. 38. L. Giardino e S. Alessandrì, “I vini lagarini e un’iscrizione funeraria da Cugno dei Vagni”, in A. De Siena (ed.), Il vino di Dioniso. Dei e uomini a banchetto in Basilicata, Roma, 1999, p. 37-40. 39. Nel volume di A. M. Andermahr, Totus in praediis. Senatorischer Grudbesitz in Italien in der Frühen und Hohen Kaiserzeit, Bonn, 1998, p. 98, vengono segnalate proprietà della famiglia dei Valerii Messallae a Grumento con un doppio punto interrogativo. 40. Cf. M. Chelotti, Suppl. It., 20 (2003), p. 55, che esprime perplessità, forse ingiustificate, sulla possibilità che vada identificato con il console del 31 a.C. (R. Hanslik, RE, op. cit., no 256, c. 128); in questo senso R. Scuderi, “Significato politico delle magistrature nelle città italiche del i sec. a.C.”, Athenaeum, 67, 1989, p. 137. 41. Cfr. PIR, V, 96; Der Neue Pauly, 12/1 (2002), p. 1111, nr. II 22; R. Syme, “I discendenti […]”, art. cit., p. 341. 42. R. Syme, “Review. A.E. Gordon, Potitus Valerius Messalla, Consul Suffect 29 B.C.”, JRS, 45, 1955, p. 156 [= Roman Papers, I (1979), p. 261-262] (= AE, 1956, 118); Id., “I discendenti […]”, art. cit., p. 358, nota 36. Cf.

La crisi di Heraclea di Lucania e l’epigrafia

sia da escludere la possibilità che si tratti di un membro della famiglia per via libertina: per quanto di recente Salomies abbia richiamato l’attenzione su un’epigrafe brindisina (AE, 2006, 324)43 che attesta l’esistenza di un discendente di liberti che riprende anche il cognome della famiglia senatoria da cui deriva, chiamandosi Peducaeus Senianus44; nel caso di Heraclea tale eventualità mi sembra esclusa dall’enfasi sul nome del dominus e dall’impostazione dell’epitaffio. In conclusione il L. Valerio Potito della nostra epigrafe può essere un convincente candidato all’identificazione con il Potito citato da Plinio, senza di necessità scomodare il console di età augustea. Si noti che i due schiavi, padre e figlio, portano lo stesso nome, fenomeno ricorrente anche in ambiente servile: Stator e Musa sono nomi latini (Musa è propriamente un prestito greco adottato dal latino), non molto diffuso il primo, ben più comune il secondo45. 4. Stele quadrangolare in cárparo. La stele è decorata superiormente da una fila di dentelli e da un fastigio di cui rimane il solo lunotto centrale. Una frattura separa il coronamento dal corpo centrale della stele, persi gli acroteri laterali. Sbreccature interessano la superficie e i margini. 121 x 44 x 12; alt. lett. 5-3.3. Autopsia: settembre 2011. Inedita (fig. 5). Dis Man(ibus) Abascantus Leucae conservae b(ene) m(erenti) f(ecit). Vix(it) an(nos) XXXX.

Evidenti linee di guida a doppio binario. Interpunzione in forma di hedera alla l. 1. I nomi degli schiavi sono di derivazione greca: comunissimo Abascantus, meno comune Leuce, qui con flessione latina46. Datazione proposta: decenni centrali del i d.C. Questa è l’iscrizione cui si riferiva la precedente citazione di Adamesteanu. 18; J.-L. Ferrary, “Les inscriptions du sanctuaire de Claros en l’honneur de Romains”, BCH, 124, 2000, p. 364-366. 43. D(is) M(anibus)./ Senianus Peduc(a)ei / Flaviani filius v(ixit) ann(nos)/ III etc.; l’epigrafe è edita da A. Cocchiaro, C. Marangio, “Brindisi. Epigrafi di età romana dallo scavo di via Osanna”, Epigraphica, 68, 2006, p. 353355, no 3, datata nel ii sec. d.C. 44. O. Salomies, “Choosing a Cognomen in Rome. Some Aspects”, in H. M. Schellenberg, V. E. Hirschmann, A. Krieckhaus (eds.), A Roman Miscellany. Essays in Honour of Anthony R. Birley on his Seventieth Birthday, Gdańsk, 2008, p. 86-87. 45. Cf. I. Kajanto, The Latin Cognomina, op. cit., rispettivamente p. 319 e p. 216. 46. Cfr. orientativamente H. Solin, Die griechischen […], op. cit., p. 913-916 (Abascantus); 749 (Leuce).

341

Marina Silvestrini

342

Fig. 5.

Epitaffio dello schiavo Abascantus (Museo di Policoro, atrio).

La crisi di Heraclea di Lucania e l’epigrafia

5. Cippo quadrangolare in cárparo di piccole dimensioni, fratto nella parte inferiore, danneggiata la cornice superiore. Lo specchio epigrafico è in forma di tabula ansata ribassata. 33 x 40 x 14; alt lett. 3.2-2.5. Autopsia: settembre 2011. Inedita (fig. 6). D(is) M(anibus) Amyna ˆ (!), lîber(tae), Festevâe ˆ bene mere= nti fecit; vixit ann(os) XL+[---] •

343

Fig. 6.

Epitaffio della liberta Festiva (Museo di Policoro, atrio).

Marina Silvestrini

Caratteri marcatamente influenzati dal corsivo. R nana alla fine della l. 3, sopra la E; per l’irregolarità dei caratteri difficile dire se sia intenzionale la maggiore altezza di alcune lettere (Y alla l. 2; VAE LI alla l. 3); notevole la serie di legature: alla l. 3 tra VAE e tra I e B (poco visibile); alla l. 4 legatura fra R ed E in mere/nti. Il grecanico Amyna della l. 2 è nome raro: conosco un’unica attestazione in Italia a Miseno (CIL, X, 3646, nome femminile), nella forma maschile è attestato in Tessaglia (Ἀμυνᾶς)47; nel caso presente l’impostazione del testo fa piuttosto pensare ad una forma maschile. L’epitaffio è dedicato alla liberta Festeva/Festiva: la E in luogo della I lunga è fenomeno non comune, ma attestato48. Festiva è cognome latino, documentato, anche se non di frequente, pure in ambiente libertino49. Si propone una datazione alla seconda metà del i secolo d.C. 6. Stele in pietra calcare, dura. Il corpo quadrangolare è sovrastato da un coronamento, costituito da due acroteri laterali di forma circolare (perso quello sinistro) e due acroteri mediani di forma triangolare, il coronamento collegato con il corpo della stele da una cornice modanata. Solo sbozzata la parte inferiore della stele destinata ad essere interrata. L’epigrafe è estremamente corrosa. 64 x 45/39 x 16; alt. lett. 4-2.7. Autopsia: settembre 2011. Inedita (fig. 7). 344

D(is) M(anibus) s(acrum). Eros Prysce (!) • • coiugi bene • merenti ficit (!) • cum qua vixit annis X.

La lettura della l. 2 è diffcile. Si propone una datazione al secondo secolo inoltrato per l’impostazione del testo e la paleografia. 7. Stele quadrangolare in cárparo, priva dell’angolo inferiore destro; il coronamento è costituito da una semplice lunetta, ed acroteri laterali; danneggiato quello sinistro. Scheggiature nella parte inferriore. Lo specchio epigrafico è delimitato da un semplice solco. 63 x 39 x 21; specchio ep.: 20 x 32; alt. lett. 4-2.2. Autopsia: settembre 2011. Inedita (fig. 8). 47. Cf.

LGPN, III B (Oxford, 2000), p. 29; nell’Urbe attestato Aminias, cf. H. Solin, Die griechischen […], op. cit., p. 777. 48. Cf. ILS, “Indices”, p. 814. 49. Cf. I. Kajanto, The Latin Cognomina, op. cit., p. 260: “36 women sl/fr. four”.

La crisi di Heraclea di Lucania e l’epigrafia

Fig. 7.

Epitaffio di una schiava (Museo di Policoro, atrio).

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Fig. 8.

Epitaffio dello schiavo Hermes (Museo di Policoro, atrio).

Marina Silvestrini

D(is) M(anibus). Hermeti ˆ ˆ Phoebe matêr b(ene) m(erenti) f(ecit). V(ixit) an(nos) XI.

Interpunzione irregolare alla l. 4. Da notare alla l. 3 la legatura tra M e A e T, E, R. Comuni i nomi grecanici dei due schiavi, madre e figlio, soprattutto Hermes, ma ben documentato anche Phoebe50. Seconda metà i d.C. 8. Cippo in calcare, danneggiato nell’angolo inferiore sinistro e qua e là scheggiato lungo i margini. Tracce di rubricatura. 49 x 34 x 16.5; alt. lett. 5-4. Ignoti la data ed il preciso luogo di rinvenimento. Autopsia settembre 2011. Inedito (fig. 9). Primiti= ba v(ixit) a(nnos) VII. H(ic) s(ita) e(st).



346

Larghi interpunti, anche in fine di l. 2. Tracce di rubricatura. Primitiva è nome latino comune, ben attestato anche in ambiente servile51. Datazione proposta: tra la fine della Repubblica e la prima età augustea. Assai notevole l’alternanza B-V in un testo con questa cronologia, se ricordiamo che Solin nel 1991 scriveva di conoscere solo due esempi, peraltro discutibili, dello scambio V - B in epigrafi di età repubblicana52: ulteriore esempio di una serie di peculiarità linguistiche che le epigrafi di Heraclea presentano. 9. Stele in pietra calcare, dura e granulosa. Danneggiati gli angoli inferiori. Un solco separa il corpo della stele da un basso coronamento dal profilo di incerta lettura. 68 x 34 x 18; alt. lett. 3-2.1. Autopsia settembre 2011. Inedita (fig. 10). D(is) M(anibus) s(acrum). Salvil(l)a Magno, coniug(i) b(ene) m(erenti), f(ecit), cum q(uo) vix(it) ann(os) • XXX. Fuit ann(os) 50. Cf.

orientativamente H. Solin, Die griechischen […], op. cit., p. 368-380 (Hermes); p. 314-315 (Phoebe). I. Kajanto, The Latin Cognomina, op. cit., p. 290. 52. “Zu republikanischen Inschriften”, Arctos, 25, 1991, p. 147 [= H. Solin, Analecta Epigraphica 1970-1997, Roma, 1998, p. 351, nota 7]. 51. Cf.

La crisi di Heraclea di Lucania e l’epigrafia

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Fig. 9.

Epitaffio della schiava Primitiva (Museo di Policoro, atrio).

Marina Silvestrini

LXX. H(ic) s(itus) e(st).

Impaginazione irregolare, condizionata dalla qualità della pietra. Latini i nomi dei due schiavi: ben documentato anche in ambiente servile Salvilla, mentre il comune Magnus è soprattutto diffuso tra ingenui53. Fuit annos è espressione non frequente, attestata con una certa frequenza in epigrafi cristiane, ma non solo54. Si propone una datazione al ii sec. avanzato/inizi iii d.C. per l’impostazione del testo e la paleografia.

348

Fig. 10. Epitaffio dello schiavo Magnus (Museo di Policoro, atrio).

53. Cf.

I. Kajanto, The Latin Cognomina, op. cit., p. 177 e 275. V, 2187 da Altinum.

54. CIL,

La crisi di Heraclea di Lucania e l’epigrafia

Prima di concludere questa rassegna epigrafica occorre aggiungere che in un elenco urbano di pretoriani di età severiana, datato al 197/198 (CIL, VI, 3884 = 32526, a, IV, 21), compare un M. Reginius M.f. Eutyches, che dichiara come origo Her(aklea) Lycan(iae).

I dati epigrafici fotografano l’evolversi della crisi più dall’interno rispetto all’indagine archeologica e consentono di coglierne alcuni aspetti evolutivi: in primo luogo il suo protrarsi nel tempo. Il numero delle iscrizioni, la qualità di qualche monumento (si pensi alla stele con lastra di marmo inserita) e di qualche testo (si pensi al collegium) testimoniano innanzitutto una perdurante vitalità del centro per tutto il i sec. d.C., più estenuata nel ii. Di particolare interesse l’attestazione del collegium Minervium, quale che fosse la sua funzione primaria, professionale o cultuale, è documento significativo di una vita sociale organizzata. La presenza di famiglie di schiavi era evidentemente connessa ad attività economiche (per lo schiavo di Potito facile pensare al lavoro della terra e alla produzione e commercializzazione del vino): tra queste doveva esserci anche una bottega epigrafica che lavorava la pietra locale e il marmo. Nello stesso tempo registriamo la completa assenza del ceto decurionale e l’attestazione di un dominus di rango senatorio (incerto il rango di L. Antonius); d’altra parte gli scavi molto estesi compiuti ad Heraclea rendono difficile l’ipotesi che esistesse un’altra necropoli ancora non individuata. Si delinea piuttosto un quadro con grandi proprietà ed un ceto decurionale evanescente. Certo possibile che élites locali vivessero in case di campagna: ville individuate nel territorio, con annesse necropoli, autorizzano questa possibilità, ma il silenzio epigrafico comunque indica la loro debolezza. Difficile dire come si svolgesse la quotidianità istituzionale del centro in un contesto del genere: Crawford in un nostro precedente convegno (2003), in un contributo su Metaponto55, ha prospettato alcuni scenari, ipotizzando anche ville di campagne che potevano diventare centri di comunità. Le epigrafi di Heraclea non autorizzano ancora per il i sec. d.C. a compiere un tale passo, indubbiamente mostrano la crisi delle élites locali, ma la presenza e il protagonismo degli schiavi di grandi proprietari è comunque un segno del loro legame non interrotto con la città, e con la sua vita economica. Peraltro l’archeologia attesta la vitalità del porto sul Sinni tra i e iii d.C. E’ difficile pensare che queste attività non fossero inserite in una cornice istituzionale, ancorché indebolita; il che non esclude che Heraclea come centro istituzionale autonomo sia successivamente 55. M. H.

Crawford, “Brave New Word: Metapontum after Metapontum”, in M. Cébeillac-Gervasoni et L. Lamoine (eds.), Les élites et leurs facettes, Clermont-Ferrand, 2003, p. 15-30.

349

Marina Silvestrini

venuta meno: l’abitato della ‘collina del Castello’ sopravvive fino al v secolo, ma la documentazione archeologica nell’area del porto sul Sinni si esaurisce nel iii56. Né Heraclea diventerà successivamente sede di diocesi.

350

56. Cf.

sopra, nota 2.

23

Évergésies, constructions monumentales et élites locales aux iiie et ive siècles dans les cités des Trois Gaules, des Germanies et de la Bretagne

Blaise Pichon

La raréfaction des actes d’évergétisme est souvent mise en avant à partir du iiie s. Or,. les réfections, embellissements ou transformations des bâtiments publics des cités d’Occident sont fréquents. Les évergésies attestées s’inscrivent dans la continuité de celles des ier et iie s. Hors des sanctuaires, les évergésies concernent surtout des thermes, ce qui n’est pas sans étonner, car l’archéologie montre la raréfaction de ce type d’équipement dès la seconde moitié du iiie s. Aux ier et iie s. les évergésies sont relativement abondantes en Aquitaine, Lyonnaise et Germanie Supérieure, tandis qu’elles sont rares en Belgique, Germanie Inférieure et Bretagne. À partir du début du iiie s. : la Germanie Supérieure concentre la moitié des évergésies et elles sont en très forte baisse en Lyonnaise et Aquitaine. Une analyse à l’échelle des cités permet de préciser les choses, certaines cités étant sur-représentées. Plus encore qu’aux ier et iie s., ces évergésies se placent dans les chefs-lieux de cité et les grandes agglomérations secondaires. À partir du début du iiie s., les interventions de l’empereur, et surtout de ses représentants, sont plus nombreuses. Résumé –

Mots-clés –

Évergésies - Élites locales - Occident romain - Bâtiments publics - Antiquité tardive.

Abstract –

The fact euergetistic acts had become scarce from the 3rd century is often higlighted. Nevertheless, in Western cities, public buildings repairs, improvements and transformations were frequent. Demonstrated Euergetistic acts followed on those from the two previous centuries. Surprisingly, Euergetism mainly concerned thermae – and sanctuaries –, as archeological research confirm the building of this type of facilities had been, since the second half of the 3rd C., more infrequent. During the 1st and 2nd centuries, Euergetistic acts increased in Aquitaine and Lyon regions and in Germania Superior whereas they decreased in Germania inferior and Britanny. Since the begining of the 3rd century Euergetistic donations had mainly been distributed in Germania Superior and became fewer in Aquitaine and Lyon regions. A city-scale analysis enables us to define these elements more precisely, among research material some cities are overrepresented. During the 1st and 2nd centuries, these Euergetistic acts get even more concentrated in administrative centres and meduim-sized urban areas. Thoughout the 3rd C., Emperors’ — and above all its representatives — interventions became more and more usual. Keywprds – Euergetism Acts - Local Elites, Western aAncient Rome - Public Buildings - Late Antiquity.

351

Blaise Pichon

P 

352

armi les manifestations des mutations intervenant dans les cités de l’Occident romain à partir du iiie siècle, la raréfaction des actes d’évergétisme est souvent mise en avant. L’évergétisme1 incarne l’implication des élites dans la mise en place et l’enrichissement de l’urbanitas dans les espaces publics des cités de l’Occident romain. Si les provinces considérées ici (Trois Gaules, Germanies, Bretagne) sont assez peu fournies en attestations d’actes d’évergétisme au HautEmpire, elles sont aussi généralement présentées2 comme un espace où l’évergétisme disparaît bien plus tôt que dans les provinces du pourtour méditerranéen. Si l’on observe l’activité édilitaire dans les cités d’Occident, on s’aperçoit du très grand nombre de constructions monumentales entreprises – et achevées – durant les deux premiers siècles de l’Empire. La rareté des sources relatives au financement de ces travaux ne permet pas d’affirmer que l’évergétisme y fut aussi vif que dans d’autres parties de l’Empire, mais a contrario, rien n’indique que ces constructions aient été à la charge des finances municipales, les interventions publiques attestées concernant presque exclusivement les ornamenta des sanctuaires3. L’intervention du pouvoir impérial paraît peu probable elle aussi. Les recherches archéologiques ont montré, sur les sites les mieux documentés, la fréquence du maintien en activité, des réfections – voire des embellissements – ou des transformations des bâtiments publics des cités d’Occident4 au iiie siècle et, dans une moindre mesure, dans les trois premiers quarts du ive siècle, sans que nous disposions de documentation sur les modalités de financement de ces travaux. Les autels et statues5 seront laissés de côté ici, dans la mesure où ils ne correspondent pas à des constructions monumentales au sens strict, même s’ils peuvent correspondre à des dépenses conséquentes6. 1. Sur

cette question en général : P. Veyne, Le pain et le cirque, Paris, 1976 ; F. Jacques, Le privilège de liberté. Politique impériale et autonomie municipale dans les cités de l’Occident romain (161-244), Rome, 1984 ; W. Eck, “Der Euergetismus im Funktionzusammenhang der kaiserzeitlichen Städte”, dans M. Christol et O. Masson (éds.), Actes du X e congrès international d’épigraphie grecque et latine, Nîmes 4-9 octobre 1992, Paris, 1997, p. 305-331. 2. Si l’évergétisme dans les Gaules, les Germanies et la Bretagne a donné lieu à des approches synthétiques – de la part d’E. Frezouls pour les Gaules et les Germanies (E. Frezouls, “Évergétisme et construction urbaine dans les Trois Gaules et les Germanies”, Revue du Nord, 260, 1984, p. 27-54) et de T. Blagg pour la Bretagne (T. F. C. Blagg, “Architectural Munificence in Britain: the Evidence of Inscriptions”, Britannia, XXI, 1990, p. 13-31) –, aucune étude n’a eu pour objet les témoignages évergétiques des iiie et ive siècles, hormis l’article de C. Lepelley (“Évergétisme et épigraphie dans l’Antiquité tardive : les provinces de langue latine”, dans M. Christol et O. Masson (éds.), Actes du Xe congrès international d’épigraphie grecque et latine, op. cit., p. 335-352), qui concerne un espace beaucoup plus large. 3. B. Pichon, “La monumentalisation des sanctuaires dans les Trois Gaules (Lyon exclu) : interventions publiques et collectives”, dans L. Lamoine, C. Berrendonner et M. Cébeillac-Gervasoni (éds.), La praxis municipale dans l’Occident romain, Clermont-Ferrand, 2010, p. 457-470. Les cités interviennent plutôt dans le cadre des hommages publics à l’empereur, et les attestations de ceux-ci se raréfient au cours du iiie siècle. 4. Sauf pour les complexes thermaux. 5. Contrairement à E. Frezouls et T. Blagg, je laisserai de côté les autels, dans la mesure où ceux-ci reflètent davantage des actes de dévotion que des évergésies, même s’ils sont placés dans des sanctuaires publics. 6. À l’instar de la statue offerte pour une somme de 48 000 sesterces par Caius Iulius Tutillus, connue par une inscription trouvée dans la cité des Séquanes (AE, 2004, 998).

Evergésies, constructions monumentales et élites locales aux iiie et ive siècles dans les cités des Trois Gaules, des Germanies et de la Bretagne

Les sources disponibles sont surtout épigraphiques, même si de rares sources littéraires complètent le corpus disponible, à l’instar du fameux discours d’Eumène pour la restauration des écoles d’Autun7. 56 inscriptions, inégalement réparties entre les six provinces considérées, attestent 61 actes d’évergétisme, dont la moitié en Germanie Supérieure (tableau 1). Seules les évergésies réalisées dans des territoires organisés en cités et hors des contextes militaires ont été prises en considération8. Tableau 1.  Chronologie générale des attestations épigraphiques d’évergésies. Avant 200

201-400

iie ou iiie siècle

Indéterminé

TOTAL

Aquitaine

25

1

7

6

39

Lyonnaise

29

6

12

14

61

Belgique

12

11

12

2

37

Germanie Supérieure

26

27

35

12

100

Germanie Inférieure

6

7

4

1

18

Bretagne

3

4

2

8

17

101

56

72

43

272

TOTAL

En examinant la documentation archéologique disponible, on constate un découplage presque systématique entre les données épigraphiques et les données archéologiques. C’est pour cette raison que j’ai choisi d’analyser la nature des évergésies liées à des constructions monumentales, leur contexte, les évergètes, et de les comparer aux données fournies par la documentation relative aux ier et iie siècles plutôt que de tenter de comparer les travaux archéologiquement attestés dans la zone étudiée et les évergésies en rapport avec les constructions monumentales, entreprise dont la pertinence méthodologique n’est pas évidente.

7. “Discours

d’Eumène pour la restauration des écoles d’Autun”, Panégyriques latins, V. Dans le cadre de l’aire et de la chronologie considérée, l’essentiel des témoignages littéraires d’évergésies se trouve dans le corpus des Panégyriques latins (Panégyriques latins [texte édité et traduit par E. Galletier], I-V, Paris, 1949 et VI-X, Paris, 1952). 8. Malheureusement, le contexte archéologique primaire des inscriptions est rarement connu. En Bretagne, de nombreuses constructions monumentales tardives sont en contexte militaire, ou dans les territoires du nord qui n’ont jamais été organisés en cités. En cas de doute, les documents ont été écartés.

353

Blaise Pichon

Des actes d’évergétisme s’inscrivant dans la tradition des deux premiers siècles de l’Empire

354

L’immense majorité des actes d’évergétisme des iiie et ive siècles s’inscrit dans la réalisation de travaux de construction ou de reconstruction : seules 5 évergésies, sur un total de 61, correspondent à des distributions d’argent ou des jeux9. Il n’y a pas ici de singularité par rapport à ce que l’on observe aux ier et iie siècles. Parmi les inscriptions relatives aux travaux publics civils, presque toutes indiquent des financements privés, à l’exception des évergésies impériales10. Seules quelques interventions de vicani attestent des financements collectifs11. Plus de la moitié de ces travaux s’inscrit dans un contexte de sanctuaire public12. La majorité des évergésies concernent la construction ou la reconstruction d’édifices cultuels (27 ou 28 cas13). La répartition chronologique des inscriptions montre que celles qui bénéficient d’une datation absolue14 se situent, à une exception près, dans la première moitié du iiie siècle (201 à 243). Seule l’inscription de Gimmeldingen (Germanie Supérieure) attestant la construction d’un temple en l’honneur de Mithra15 se situe plus tard, en 325. L’inscription Finke 30 est la seule qui puisse être datée par son contexte archéologique16. Elle provient du temple de Ritona, dans le complexe cultuel de l’Altbachtal, à Trèves, et se trouvait dans un contexte de la seconde moitié du iiie siècle ou de la première moitié du ive siècle. L’inscription attestant la réfection des portiques des thermes de Dalheim 9. CIL, XIII, 128 ; CIL, XIII, 2020 ; CIL, XIII, 2949 ; CIL, XIII, 3162. Les sources littéraires n’attestent aucune pra-

tique de ce type. Claude Lepelley a mis en évidence une situation identique dans l’Afrique des iiie et ive siècles (C. Lepelley, “Évergétisme et épigraphie […]”, art. cit.). Je remercie Michel Aberson de m’avoir signalé que cette pauvreté des attestations tient peut-être à la nature du corpus épigraphique disponible, composé surtout de dédicaces de monuments. 10. Il arrive aussi parfois que les représentants du pouvoir impérial interviennent à titre officiel, mais ces interventions ne sont connues qu’en Germanie Inférieure et en Bretagne : CIL, XIII, 8201 ; RIB, 103 ; RIB, 3001. 11. À Bitburg, la construction réalisée par les Iuniores vici a probablement été financée sur des fonds privés (CIL, XIII, 4131) ; en revanche, le bâtiment construit par les vicani Augustani à Trebur l’a été sur des fonds collectifs, comme l’atteste la présence du terme publice (CIL, XIII, 11944). Le doute est permis quant au mode de financement de la restauration des portiques des thermes de Dalheim par les vicani Riccienses (J. Krier, “Deae Fortunae ob salutem imperi”, Gallia, 68, 2, 2011, p. 313-340). 12. 32 ou 33 évergésies. 13. AE, 1981, 657 ; CIL, XIII, 1732 ; CIL, XIII, 3653 ; CIL, XIII, 4208 ; CIL, XIII, 5971 ; CIL, XIII, 6078 ; CIL, XIII, 6458 ; CIL, XIII, 6742 ; CIL, XIII, 7243 ; CIL, XIII, 7265 (?) ; CIL, XIII, 7281 ; CIL, XIII, 7917 ; CIL, XIII, 8201 ; CIL, XIII, 8620 ; CIL, XIII, 11774 ; CIL, XIII, 11820 ; H. Finke, “Neue Inschriften”, BRGK, 17, 1927, p. 1-107 et 198-231 [désormais Finke], nos 30, 163, 182, 203, 225, 226 ; H. Nesselhauf, “Neue Inschriften aus dem römischen Germanien und den angrenzenden Gebieten”, BRGK, 27, 1937, p. 51-134 [désormais Nesselhauf ], nos 137, 186 ; H. Nesselhauf et H. Lieb, “Dritter Nachtrag zu CIL XIII, Inschriften aus den germanischen Provinzen und dem Treverergebiet”, BRGK, 40, 1959, p. 120-229 [désormais Ness-Lieb], nos 121, 122 ; RIB, 316 ; RIB, 3001. 14. AE, 1981, 657 ; CIL, XIII, 1732 ; CIL, XIII, 4208 ; CIL, XIII, 6458 ; CIL, XIII, 6742 ; CIL, XIII, 7917 ; CIL, XIII, 8201 ; CIL, XIII, 8620 ; CIL, XIII, 11774 ; Finke, no 163 ; Finke, no 203 ; Finke, no 226. 15. Finke, no 163. 16. L. Péchoux, Les sanctuaires de périphérie urbaine en Gaule romaine, Montagnac, 2010. Les bâtiments concernés par les autres inscriptions ne sont pas connus.

Evergésies, constructions monumentales et élites locales aux iiie et ive siècles dans les cités des Trois Gaules, des Germanies et de la Bretagne

(cité des Trévires), récemment publiée, est datée par J. Krier des années 256/257, ce qui montre la persistance de pratiques évergétiques alors que les troubles se sont amplifiés en Gaule de l’Est. Nous ne disposons d’aucune inscription attestant une évergésie antérieure sur les sites où une reconstruction est attestée, sauf pour le temple de Ritona de l’Altbachtal, où une exèdre a été offerte au numen impérial et à Minerve par un groupe d’individus17, au milieu du iie siècle. Si la plupart des édifices sont qualifiés d’aedes18 ou de templum19, d’autres édifices cultuels sont parfois offerts, comme un sacellum20 et un Mons Vaticanus21 à Mayence. D’autres équipements moins monumentaux sont financés dans des sanctuaires : une estrade supportant des statues de culte à Amiens22, des colonnes à Udelfangen, Francfort et Cirencester23, des édicules à Heddernheim24. Rien dans la nature de ces évergésies ne se démarque de ce qui peut être observé aux ier et iie siècles. La part des constructions nouvelles est nettement supérieure à celle des restaurations ou reconstructions25 (tableau 2), ce qui laisse penser que les finances des notables Tableau 2.  Nature des travaux concernant les temples (évergésies des iiie et ive siècles).

Construction

Reconstruction

Indéterminé

Lyonnaise

1

Belgique

1

2

Germanie Supérieure

12

2

1

Germanie Inférieure

1

3

1

Bretagne TOTAL  *

2 15

9

2

 Aucune évergésie concernant un édifice cultuel n’est attestée en Aquitaine.

*

17. Finke,

no 26. cas. 19. 9 cas. 20. Finke, no 203. 21. CIL, XIII, 7281. 22. CIL, XIII, 3487. 23. CIL, XIII, 4117 ; CIL, XIII, 7352 ; RIB, 103. 24. CIL, XIII, 7335 ; CIL, XIII, 7336. 25. Il faudrait toutefois faire la part de l’exagération des formules, comme l’a montré dans un autre contexte le cas du temple d’Isis à Pompéi : B. Goffaux, “Destruction matérielle et constructions mémorielles dans le discours épigraphique des cités de l’Occident méditerranéen sous le Haut Empire”, Pallas, 82, 2010, p. 489-500. 18. 12

355

Blaise Pichon

356

locaux sont encore florissantes, d’autant plus que l’on constate archéologiquement peu d’abandons d’édifices cultuels avant le milieu du ive siècle. Cependant, si l’on suit la proposition défendue par A. Hostein à propos des écoles méniennes d’Autun26, ces travaux de reconstruction pourraient parfois intervenir bien après les dégradations des édifices publics, peut-être du fait du manque de moyens financiers des potentiels évergètes. Les évergésies en rapport avec des édifices civils sont au nombre de 19, auxquelles il faut ajouter les évergésies connues par les sources littéraires (évergésies impériales et restauration des écoles méniennes). Un quart d’entre elles concerne des complexes thermaux. Cette prépondérance des évergésies liées aux thermes n’est pas sans étonner, car l’archéologie montre la raréfaction de ce type d’équipement dès la seconde moitié du iiie siècle. Cependant, trois de ces évergésies27 sont datées de la première moitié du iiie siècle et l’inscription de Heerlen (cité de Colonia Ulpia Traiana) n’est pas précisément datée28. En fait, seuls le théâtre de Bitburg, les portiques de Dalheim, les thermes d’Autun et de Reims et les nombreux monuments civils de Trèves, dont la reconstruction est financée par Constantin au début du ive siècle, sont édifiés avec certitude après le milieu du iiie siècle. Les largesses de Constantin envers Trèves sont connues par le Panégyrique de 31029. Le panégyriste décrit les monuments reconstruits grâce à la générosité impériale30 : le forum, des temples, des basiliques, un cirque et un “palais de justice”, que l’on peut sans doute assimiler au siège du gouverneur de la province de Belgique Première. Cette générosité impériale n’est pas une innovation de l’Antiquité tardive, mais l’ampleur des chantiers évoqués à Trèves est particulièrement importante. Ici, contrairement à ce qui

26. Antony

Hostein propose de dater des années 230-240 le début du délabrement des écoles, restaurées à l’extrême fin du iiie siècle : A. Hostein, “Le bâtiment des écoles méniennes dans la topographie d’Augustodunum/ Autun”, dans M. Kasprzyk et G. Kuhnle (éds.), L’Antiquité tardive dans l’est de la Gaule, I, 30e supplément à la Revue archéologique de l’Est, Dijon, 2011, p. 9-18. 27. CIL, XIII, 3162 ; CIL, XIII, 7734 ; Finke, no 337. 28. Ness-Lieb, no 247. Wolfgang Spickermann l’attribue au iiie siècle : W. Spickermann, Religion der römischen Provinzen. Germania Inferior, Tübingen, 2008. 29. “Panégyrique de Constantin”, Panégyriques latins, VII, XXII, 4-6. 30. Cuius ciuitatis antiqua nobilitas et quondam fraterno populi Romani nomine gloriata opem tuae maiestatis exspectat ut illic quoque loca publica et templa pulcherrima tua liberalitate reparentur, sicuti video hanc fortunatissimam ciuitatem cuius natalis dies tua pietate celebratur ita cunctis moenibus resurgentem ut se quodammodo gaudeat olim conruisse auctior tuis facta beneficiis. Video circum maximum aemulum credo Romano uideo basilicas et forum opera regia sedemque iustitiae in tantam altitudinem suscitari ut se sideribus et caelo digna et uicina promittant. – “Cette noble et antique cité [Trèves] qui se glorifia jadis de la fraternité du peuple romain attend le secours de ta majesté, afin que chez elle également les édifices publics et les temples les plus magnifiques se reconstruisent grâce à ta générosité. C’est ainsi que je vois ici une cité fortunée, cette cité dont ta piété célèbre aujourd’hui le jour anniversaire, se relever si heureusement dans toute son enceinte, qu’elle se félicite presque d’être tombée jadis en ruines, puisqu’elle est agrandie par tes bienfaits : j’y vois un grand cirque qui me paraît rivaliser avec celui de Rome, j’y vois des basiliques, un forum, œuvres vraiment royales, et un palais de justice se dresser à une hauteur si prodigieuse qu’ils se portent au voisinage des astres et du ciel dont ils sont dignes.”

Evergésies, constructions monumentales et élites locales aux iiie et ive siècles dans les cités des Trois Gaules, des Germanies et de la Bretagne

s’est passé pour la reconstruction des écoles méniennes d’Autun31, c’est l’empereur qui intervient directement pour financer les travaux, dont nous n’avons aucune attestation épigraphique. La majorité de ces évergésies tardives hors des sanctuaires relève de la générosité impériale. Trois évergésies en rapport avec des théâtres sont connues32, dont l’une précisément datée de 253, à Bitburg33, ce qui montre la persistance de l’usage de ces édifices de spectacle dans leur fonction initiale jusqu’à la seconde moitié du iiie siècle. Les autres réalisations civiles attestées en plusieurs exemplaires concernent la construction d’arcs34, la réalisation d’adductions35 et de portiques36. À Mayence, l’arc offert par Dativius Victor est accompagné d’un portique37 ; il est édifié au milieu du iiie siècle38. Un second arc est attesté par l’une des rares inscriptions évergétiques de Bretagne, à York. Daté de 221, il est également associé à un autre équipement, un passage voûté (ianua). Les deux adductions sont réalisées dans les premières années du iiie siècle, l’une dans un cadre cultuel (elle est associée à une fontaine et à un autel, à Mittelwihr), l’autre en relation avec des thermes, à Bad Ems. Les évergésies attestées une seule fois, si l’on laisse de côté les écoles d’Autun, ne présentent guère d’originalité (schola39, horloge40), à l’exception d’un édifice dont le nom est mutilé41, interprété comme un farator (édifice à fonction indéfinie, qui pourrait correspondre à une tour42) par les auteurs du CIL, et comme un farabur, c’est-à-dire un grenier, par P. Ginestet43. Cet édifice est réalisé en 245 à Bitburg (cité des Trévires), et P. Ginestet le met en rapport avec la logistique militaire. Cela paraît curieux, car l’intervention des vicani, fussent-ils 31. Sur

la question du financement de la reconstruction des écoles méniennes d’Autun : A. Hostein, “Un acte d’évergétisme à Augustodunum-Autun (Lyonnaise) à la fin du iiie siècle”, dans L. Lamoine, C. Berrendonner et M. Cébeillac-Gervasoni (éds.), La praxis municipale dans l’Occident romain, op. cit., p. 347-362. 32. AE, 1983, 728 ; CIL, XIII, 2462 ; Ness-Lieb, no 8. 33. Les deux autres, à Briord et Wederath, se situent dans la première moitié du iiie siècle. 34. CIL, XIII, 6705 ; RIB, 3195. 35. CIL, XIII, 5330 ; CIL, XIII, 7734. 36. CIL, XIII, 6705 ; inscription de Dalheim publiée par J. Krier, “Deae Fortunae […]”, art. cit. 37. Le portique de Dalheim est, quant à lui, associé à des thermes. 38. W. Spickermann, Religion der römischen Provinzen. Germania Superior, Tübingen, 2003. 39. CIL, XIII, 7587. 40. CIL, XIII, 7800. 41. CIL, XIII, 4131 : In h(onorem) d(omus) d(ivinae) num(inibus) Augg(ustorum) fara[bu]|rem exaedificaverunt suo in[p]|endio iuniores vici hic co(n)s[i]|stentes loco sibi co[n]cesso | et donato a vikan[is B]ede|5 nsibu[s] dedicatum effec|tum I[…] Idus [Iu]lias Imp(eratore) d(omino) [n(ostro)] | [Philippo] Aug(usto) et Titianio co(n)[s(ulibus)] | cur(atoribus) […]tio Il[aro] T(ito) Secundo Secu[ro]. 42. Idée également défendue pat T. Lobüscher, Tempel- und Theaterbau in den Tres Galliae und den germanischen Provinzen, Rahden, 2002, p. 30. 43. En se basant sur un parallèle avec des inscriptions de Carnuntum et Mactar : AE, 1936, 132 ; AE, 1958, 172 (P. Ginestet, Les organisations de la jeunesse dans l’Occident romain, Bruxelles, 1991). Il reprend une proposition déjà faite à la fin du xixe siècle : P. Wallenborn, “Neue Funde”, Korrespondenzblatt der Westdeutschen Zeitschrift für Geschichte und Kunst, X, 5, 1891, p. 102-108.

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iuniores, est rarement attestée dans l’épigraphie dans le cadre de l’édification de monuments qui ne soient pas des constructions à vocation cultuelle ou honorifique44. Mieux vaut donc considérer qu’il s’agit d’une construction sans fonction militaire, car nous sommes ici bien en arrière du limes du milieu du iiie siècle. D’autant plus que l’existence d’un farator interprété comme une tour ne s’inscrit pas non plus nécessairement dans un contexte militaire. Il s’agirait plutôt ici d’une tour appartenant à un sanctuaire, comme on peut en voir une sur un enduit peint du Clos de la Lombarde à Narbonne45. Déjà rares aux ier et iie siècles, les indications de coût des évergésies sont inexistantes aux iiie et ive siècles. Quelques exemples de fondations destinées à assurer l’entretien des constructions offertes sont connus aux ier et iie siècles ; un seul est postérieur : la fondation destinée à l’entretien des thermes offerts par Sollemnis aux Viducasses46, qui s’inscrit dans le cadre d’évergésies assez fastueuses. Quant aux formules signalant les actes d’évergétismes, elles ne présentent pas d’originalité par rapport aux deux premiers siècles de notre ère.

Les lieux et les cadres des évergésies 358

Les données disponibles sont trop fragmentaires pour permettre une analyse statistique des données. Cependant, la cartographie des témoignages d’évergésies est riche d’enseignements. Si l’on regarde la répartition par province des attestations (tableau 1), on constate aux ier et iie siècles une relative abondance des évergésies en Aquitaine, Lyonnaise et Germanie Supérieure, tandis qu’elles sont rares en Belgique, Germanie Inférieure et Bretagne. À partir du début du iiie siècle, la situation est nettement différente : la Germanie Supérieure concentre la moitié des évergésies, elles sont en très forte baisse en Lyonnaise et Aquitaine, et assez stables en Belgique, Germanie Inférieure et Bretagne. L’examen des évergésies pouvant être datées du iie ou du iiie siècle, sans précision, ne modifie pas ce constat. La disparition presque complète des attestations d’évergésies dans les provinces les plus anciennement romanisées pose question, ainsi que la spécificité de la Germanie Supérieure, dans la mesure où l’on n’observe pas une activité édilitaire moindre en Aquitaine et en Lyonnaise qu’en Germanie Supérieure aux iiie et ive siècles.

44. Comme

l’atteste l’inscription mentionnant les iuniores vici à Mayence, datée de 220 : CIL, XIII, 6688. Van Andringa, La religion en Gaule romaine. Piété et politique (i er-iii e siècles apr. J.-C.), Paris, 2002, p. 99. 46. CIL, XIII, 3162. 45. W.

Evergésies, constructions monumentales et élites locales aux iiie et ive siècles dans les cités des Trois Gaules, des Germanies et de la Bretagne

Cependant, une analyse plus fine, à l’échelle des cités47, est nécessaire. Aux i et iie siècles, on observe une sur-représentation de certaines cités dans l’ensemble des provinces, à l’exception de la Bretagne. Elle est particulièrement forte dans le cas de Lyon48 en Lyonnaise, des Trévires49 en Belgique ou de Cologne50 en Germanie Inférieure, un peu moindre pour les Helvètes51 en Germanie Supérieure et les Pétrucores52 en Aquitaine. Il est intéressant de noter que c’est rarement la cité où se trouve la capitale provinciale qui accueille le plus d’évergésies. Pour les iiie et ive siècles, si l’on laisse de côté les provinces fort peu dotées, on observe l’importance des évergésies dans les cités (capitale de province) de Trèves53, Cologne et Mayence. En dehors de ces cités particulières, les témoignages d’évergésies sont très dispersés. Dans les cités des provinces de Germanie, on observe une grande stabilité des témoignages : dans les cités de Cologne et de Xanten, en Germanie Inférieure, on trouve à peu près autant d’évergésies aux ier et iie siècles et aux iiie et ive siècles. En Germanie Supérieure, si le nombre d’évergésies est stable, celles-ci se déplacent du sud de la province, où elles étaient nombreuses aux ier et iie siècles (cité des Helvètes), vers la région rhénane (Mayence, cités des Aquenses, des Mattiaques et des Taunenses). Ce déplacement peut être lié au développement des cités des deux rives du Rhin jusqu’à la seconde moitié du iiie siècle ; dans les cités de la rive droite, cette activité évergétique est probablement liée à la mise en place tardive de la parure monumentale “classique”, chronologiquement décalée par rapport aux cités plus anciennes de la rive gauche du Rhin54. Il faut toutefois rester très prudent dans l’interprétation de ces résultats, dans la mesure où le hasard des découvertes bouleverse parfois la répartition de la documentation disponible, comme l’ont montré les découvertes du sanctuaire d’Eu “Bois l’Abbé”, dans la cité des Ambiens, qui ont permis de quadrupler les attestations d’évergésies dans cette cité depuis 40 ans ! Plus encore qu’aux ier et iie siècles, ces évergésies se placent dans le cadre des chefs-lieux de cité et des grandes agglomérations secondaires (tableau 3). er

47. L’attribution

de certains sites à telle ou telle cité est problématique, notamment en Germanie Supérieure, sur la rive droite du Rhin. 48. 13 évergésies sur 28 attestées. 49. 8 évergésies sur 12 attestées. 50. 4 évergésies sur 6 attestées. 51. 8 évergésies sur 26 attestées. 52. 9 évergésies sur 25 attestées. 53. Plus de 80 % des témoignages de l’ensemble du territoire de la Belgique du Haut-Empire. 54. C’est l’hypothèse formulée par M.-T. Raepsaet-Charlier, “Le formulaire des dédicaces religieuses de Germanie Supérieure”, dans W. Spickermann (éd.), Religion in den germanischen Provinzen Roms, Tübingen, 2001, p. 135-172.

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Tableau 3.  Contexte des évergésies tardives. Capitale de province

Autre chef-lieu de cité

Autre agglomération

Aquitaine

360

Campagne

TOTAL

1

1 6

Lyonnaise

2

2

2

Belgique

4

1

5

1

11

Germanie Supérieure

7

7

8

5

27

Germanie Inférieure

1

1

4

1

7

Bretagne

1

1

2

TOTAL

15

12

21

4 8

56

En Lyonnaise, près de la moitié des évergésies connues se situent à Lyon, une seule étant en rapport avec le sanctuaire du Confluent55. Dans la cité des Trévires, l’activité édilitaire est encore bien vivace, non seulement dans le chef-lieu, ce qui est confirmé par le Panégyrique de Constantin, mais aussi dans les agglomérations secondaires. À Bitburg, les iuniores vici construisent un bâtiment56 en 245 et un couple réalise des travaux au théâtre57 en 253. Cette agglomération trévire est l’une des mieux dotées en attestations d’évergésies pour la période qui nous intéresse, et nous savons par une inscription datée de 198 que le théâtre y a été édifié par un autre évergète58, qui crée aussi une fondation afin de financer l’entretien de l’édifice et des jeux annuels. Il ne semble pas y avoir de lien particulier entre le constructeur et les évergètes de 253, mais la mutilation de la seconde inscription empêche d’en être certain. On peut supposer que les fonds mis à disposition par l’évergète constructeur n’ont pas été suffisants pour assurer l’entretien du théâtre59, à moins que l’évergésie de 253 corresponde à la réalisation de structures nouvelles, peut-être après un sinistre. L’inscription récemment publiée de Dalheim60 vient confirmer cette vitalité de l’évergétisme dans les agglomérations secondaires trévires au milieu du iiie siècle, alors que le contexte est troublé par des raids germaniques : les vicani 55. CIL,

XIII, 3162. XIII, 4131. 57. Ness-Lieb, no 8. 58. CIL, XIII, 4132. 59. Idée défendue par T. Lobüscher, Tempel- und Theaterbau […], op. cit., p. 30. 60. J. Krier, “Deae Fortunae […]”, art. cit. 56. CIL,

Evergésies, constructions monumentales et élites locales aux iiie et ive siècles dans les cités des Trois Gaules, des Germanies et de la Bretagne

Riccienses financent la reconstruction du portique des thermes, dont la réalisation effective est confiée à un centurion de la 8e légion Auguste. Toutefois, les témoignages évergétiques les plus tardifs ne sont pas nécessairement en contexte urbain : la restauration du mithraeum de Gimmeldingen61 en Germanie Inférieure, en 325, se situe probablement en contexte rural.

Les évergètes Aux ier et iie siècles, les évergètes, du moins ceux qui précisent leur qualité, sont majoritairement des membres des élites politiques des cités62. La fortune nécessaire à la réalisation de la plupart des constructions monumentales mentionnées sur les inscriptions laisse penser que la plupart des évergètes “anonymes” appartiennent aussi, d’une manière ou d’une autre, aux élites de la cité. Dans les franges “inférieures” des élites locales, on trouve de riches affranchis et des sévirs, moins nombreux63. Enfin, des membres d’associations (collèges, vici) réalisent parfois des évergésies collectives64. La majeure partie des évergésies est faite par des membres de la communauté civique, les exceptions sont rares. On ne trouve parmi les évergètes aucun sénateur (sauf ceux qui agissent en tant que représentant du pouvoir impérial), et cinq chevaliers seulement. L’empereur et les gouverneurs interviennent très peu. En marge des élites locales, dans le cadre des cités pérégrines, des curateurs des citoyens romains interviennent en tant qu’évergètes. Exceptionnellement, les évergésies sont l’œuvre de citoyens d’autres cités, souvent en rapport avec un collège. La Germanie Supérieure se distingue dès les ier et iie siècles : les militaires y accomplissent davantage d’évergésies que les magistrats ou les associations. Cette tendance se poursuit à partir du iiie siècle, puisque un tiers des évergètes dont on connaît la fonction sont des soldats ou des vétérans65 (en nombre moindre). Cette forte représentation se comprend aisément du fait des troupes stationnées dans la province. Ces évergètes interviennent uniquement dans des sanctuaires, construisant ou reconstruisant des édifices cultuels. Cela peut se comprendre dans la mesure où ils sont à l’écart des curies et de l’exercice des magistratures, y compris après la fin de leur service. Ils disposent cependant de moyens financiers assez importants par rapport à la majorité de la population, ce qui leur laisse la possibilité de financer des constructions monumentales. 61. Finke,

no 163. sont magistrat ou décurion, 13 prêtre. Toutefois, on constate, aux ier et iie siècles comme plus tard, une tendance fréquente des donateurs à ne pas préciser leur qualité, sans doute bien connue de leurs contemporains. 63. 5 sont connus seulement. 64. 7 cas connus. 65. 5 cas sur 12. 62. 14

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À partir du début du iiie siècle, les interventions de l’empereur, et surtout de ses représentants, sont plus nombreuses, sans être très fréquemment attestées. Les interventions directes de l’empereur, financées par le fisc, sont au nombre de quatre, et concernent surtout des complexes thermaux : celles de Constantin à Reims66 et à Trèves, déjà mentionnées, celle de Constance à Autun en 297 et celle de Caracalla à Baden-Baden67, entre 213 et 217. Caracalla offre le décor en marbre des thermes, à l’occasion d’une restauration68 qu’il a prise en charge. La mutilation de l’inscription ne permet pas de connaître plus précisément le détail des travaux réalisés. À Reims, Constantin a pris à sa charge la totalité des travaux de reconstruction des thermes, probablement réalisés dans le cadre de grands chantiers liés à l’édification de l’enceinte du castrum de la capitale de la Belgique Seconde. Les fouilles réalisées sous la cathédrale de Reims69 ont permis de mettre en évidence un complexe thermal édifié au Haut-Empire et réorganisé au ive siècle sur une superficie d’au moins un hectare. Le cas de l’intervention de Constance à Autun vers 297 est plus complexe : outre le financement de la construction (et de la reconstruction) de thermes, signalé par l’auteur du Discours de remerciement adressé à Constantin70 de 312, l’auteur du Panégyrique de Constance signale l’envoi sur ordre de l’empereur d’une abondante main-d’œuvre expérimentée pour relever le chef-lieu de la cité des Éduens de ses ruines71, mais n’évoque pas à ce propos d’intervention financière de l’empereur, ce qu’il n’aurait sans doute pas manqué de faire dans le cadre d’un 66. CIL, XIII, 3255 : Imp(erator) Caesar Flav(ius) Constantinus max(imus) | Aug(ustus) sempiternus divi Constanti Aug(usti) Pii filius | toto orbe victoriis suis semper ac feliciter celebrandus | thermas fisci sui sumptu a fundamentis coeptas ac peractas |5 civitati suae Remorum pro solita liberalitate largitus est. 67. Finke, no 337 : [Imp(erator)] Caes(ar) M(arcus) [Aur(elius) | Anto]ninus Pi[us Felix | Invi]ctus Aug(ustus) [Parth(icus) max(imus) | Brit(annicus) m]ax(imus) Germ(anicus) [max(imus) pont(ifex) |5 max(imus)] trib(unicia) po[t(estate) XVI co(n)s(ul) IIII | p(ater) p(atriae) pro]co(n)s(ul) […| pro? libe]ralita[te sua | rem]oti[s saxis ? | baline] um pe[rfecit |10 caldar]ia res[tituit | et aba]cis mar[moreis] | exor[navit]. 68. B. Goffaux a noté, à l’échelle de l’Occident romain que, dès le Haut-Empire, les interventions impériales concernent très souvent des opérations de reconstruction et non de construction : B. Goffaux, “Destruction matérielle et constructions mémorielles […]”, art. cit., p. 489-500. 69. R. Chossenot et al., Carte archéologique de la Gaule – Reims, Paris, 2009, no A73. 70. “Discours de remerciement adressé à Constantin”, Panégyriques latins, VIII, IV, 4 : “En considération de ces bienfaits, ton divin père a voulu relever la cité des Éduens abattue et rendre la vie à une mourante : non seulement il lui a donné de larges subventions pour édifier des thermes et il a reconstruit des bains qui avaient été détruits, mais de partout il y a transporté des colons afin que les provinces eussent comme une mère unique dans cette cité qui, la première, avait fait de toutes les autres, pour ainsi dire, des villes romaines” (Ob haec igitur merita et prisca et recentia diuus pater tuus ciuitatem Aeduorum volit iacentem erigere perditamque recreare, non solum pecuniis ad caldaria largiendis et lauacris quae corruerant exstruendis, sed etiam metoecis undique transferendis, ut esse tilla ciuitas prouinciarum velut una mater, quae reliquas urbes quodammodo Romanas prima fecisset.) 71. “Panégyrique de Constance”, Panégyriques latins, IV, XXI, 2 : “Il y a plus : cette cité des Éduens, au nom de laquelle je dois t’adresser des remerciements particuliers et qui vous est toute dévouée a reçu, à la suite de la victoire de Bretagne, une multitude de ces artisans qui abondaient en ces provinces et, à cette heure, la reconstruction de ses vieilles demeures, la réfection des édifices publics, la restauration de ses temples la font surgir de ses ruines” (Quin etiam illa, cuius nomine mihi peculiariter gratulandum, deuotissima vobis ciuitas Aeduorum ex hac Britannicae facultate victoriae plurimos, quibus illae prouinciae redundabant, accepit artifices et nunc exstructione veterum domorum et refectione operum publicorum et templorum instauratione consurgit.). Cet envoi d’artisans est confirmé par le témoignage d’Eumène (Panégyriques latins, V, IV, 3).

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discours panégyrique. Il faut supposer ici que Constance a envoyé à Autun d’anciens partisans de Carausius et d’Allectus, peut-être réduits en esclavage et mis au service de la cité des Éduens. Si l’on fait abstraction des thermes de Baden-Baden et des interventions de Constantin à Trèves, alors capitale impériale, on s’aperçoit de l’importance des interventions de l’empereur dans les cités des Éduens et des Rèmes, qui bénéficient de relations privilégiées avec Rome depuis très longtemps. Ces relations étroites pourraient expliquer les largesses impériales72. En Germanie Inférieure et en Bretagne, les interventions de représentants de l’empereur (gouverneurs et officiers) sont assez nombreuses73 ; ce sont les seules provinces où l’on possède des attestations de telles interventions. En Bretagne, elles représentent les trois quarts des évergésies attestées pour la période. Plusieurs types d’équipements publics sont concernés : une horloge à Remagen74, des temples à Cologne75, Londres76, Cirencester77 et Caerleon78. La restauration de l’horloge de Remagen est financée par un préfet de cohorte à titre personnel79, il ne faut donc pas la considérer parmi les interventions directes du pouvoir central dans l’entretien de la parure monumentale des cités d’Occident. Si deux de ces réalisations sont datées du premier quart du iiie siècle. (L’horloge de Remagen et le temple de Jupiter Dolichenus à Cologne), les autres s’échelonnent entre le milieu et le dernier quart du iiie siècle. La majeure partie de ces interventions – directes ou indirectes – du pouvoir impérial est donc assez tardive, ce que confirment les Panégyriques latins à propos de Trèves. La plupart des autres évergésies est réalisée dans le cadre de la cité ; le cas très bien documenté des écoles d’Autun s’inscrit également dans le cadre civique80. Les évergètes ont généralement occupé les plus hautes fonctions dans leur cité, et l’exercice de ces fonctions peut impliquer des évergésies ob honorem81, mais celles-ci 72. Je

remercie Michel Christol pour m’avoir suggéré cette idée. cas en Bretagne, auxquels on pourrait ajouter l’action de Théodose en Bretagne, sous Valentinien, rapportée en termes peu précis par Ammien Marcellin : “Il restaura complètement les villes et les camps, qui sans doute avaient souffert de multiples dommages, mais dont la fondation visait à assurer une longue paix” (Histoire [texte édité et traduit par M.-A. Marié, Paris, CUF, 1984], XXVIII, III, 2 : in integrum restituit ciuitates et castra, multiplicibus quidem damnis afflicta, sed ad quietem temporis longi fundata) ; 2 cas en Germanie Inférieure. L’intervention d’Arbogast à Cologne (CIL, XIII, 8262) vers 392 n’a pas été retenue, car l’hypothèse qu’elle concerne des structures civiles, voire l’autel des Ubiens n’est pas solidement étayée à cause des lacunes de l’inscription. 74. CIL, XIII, 7800. 75. CIL, XIII, 8201. 76. RIB, 3001. 77. RIB, 103. 78. RIB, 316. 79.  CIL, XIII, 7800 : [Diadumeniano] | nobil[issimo Caesari] | sub C[lau(dio)] M[arcio Agrippa(?)] | leg(ato) Au[g(usti) p]r(o) pr(aetore) pr(ovinciae) agens Pe|tronius Athenodorus prae[f(ectus)] |5 coh(ortis) I Fl(aviae) horolegium ab ho|ris intermissum et vetus|tate co(n)labsum suis inpendi(i)s | restituit [[Imp(eratore) d(omino) n(ostro) Macrino Aug(usto) II co(n)s(ule)]] 80. Eumène affecte son salaire de 600 000 sesterces à la restauration des écoles : A. Hostein, “Un acte d’évergétisme […]”, art. cit., p. 347-362. 81. Les jeux donnés au Confluent par Sollemnis correspondent aussi à une évergésie ob honorem. 73. 3

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ne prennent pas la forme de constructions monumentales82. Les évergètes les plus prestigieux, qui appartiennent à l’ordre équestre, peuvent réaliser des évergésies à la fois dans et hors de leur cité d’origine, comme le montre le cas de Sollemnis, qui a offert des spectacles de gladiateurs, mais aussi un établissement thermal à ses compatriotes viducasses83. Ces évergésies s’inscrivent dans certains cas dans la continuité des largesses réalisées par les ascendants des évergètes (les thermes réalisés par Sollemnis sont l’exécution d’une pollicitatio de son père84). Les décurions85 offrent également des équipements à leurs concitoyens : Lucius Cornelius Augurinus, décurion de la cité des Aquenses86 offre un temple, deux décurions de la cité des Taunenses restaurent une colonne en l’honneur de Jupiter à Francfort87, Marcus Sattonius Iucundus, décurion de la colonie de Xanten, restaure des thermes88. Ils interviennent parfois dans d’autres cités, à l’instar de Dativius Victor, décurion dans la cité des Taunenses, dont les héritiers édifient au milieu du iiie siècle un arc et un portique dans la capitale provinciale, Mayence, où il a été prêtre public, probablement dans le cadre du culte impérial89. Certains magistrats municipaux interviennent dans des cités où ils n’ont apparemment pas exercé de magistrature ou de prêtrise, comme Cintugnatius Publius, duumvir de la cité des Taunenses, qui restaure un bâtiment dans le sanctuaire de Jupiter de Kastel90, sur le territoire de la cité de Mayence. À York, c’est un negotiator véliocasse, Lucius Viducius Placidus, qui offre un arc et un passage voûté91. Une inscription de Colijnsplaat faite par le même personnage92 indique qu’il est negotiator britannicianus ; sans doute est-il 82. En

250, à Sens, Caius Amatius Paternus offre des spectacles ob honorem dans le cadre de son duumvirat : CIL, XIII, 2949. 83. CIL, XIII, 3162. 84. L’arc et le portique de Dativius Victor à Mayence correspondent aussi à l’exécution d’une promesse par ses héritiers : CIL, XIII, 6705. 85. Sur la poursuite d’évergésies dues à des décurions en Germanie Supérieure : C. Witschel, “Die Provinz Germania superior im 3. Jahrhundert – ereignisgeschichtlicher Rahmen, quellenkritische Anmerkungen und die Entwicklung des Städtewesens”, dans R. Schatzmann et S. Martin-Kilcher (éds.), L’empire romain en mutation. Repercussions sur les villes dans la deuxième moitié du iii e siècle, Montagnac, 2011, p. 23-64. 86. Ness-Lieb, no 121. 87. CIL, XIII, 7352 : Maximus || Maximinus || Festa || [M]aximina || Honorata || Crescentina | [I(ovi)] O(ptimo) M(aximo) Iunoni reginae | C(aius) Sedatius Stephanus | dec(urio) c(ivitatis) T(aunensium) et Caturigia |5 Crescentina eius cum | Stephaniis Maximo | dec(urio) c(ivitatis) s(upra) s(crip)tae et Festa | Maximino Maximina | Honorata filiis |10 in suo restituerunt | III Idus Mart(is) Sabino | II et Venusto co(n)s(ulibus) | in suo ex [v]ot[o] | r[e]novavit. 88. Ness-Lieb, no 247 : Fortun(a)e [Reduci] | M(arcus) Sattonius I[ucun]|dus dec(urio) c(oloniae) U(lpiae) T(raianae) baln[eo] | res{s}titut[o] v(otum) s(olvit) l(ibens) [m(erito)] 89.  CIL XIII, 6705 : In h(onorem) d(omus) d(ivinae) I(ovi) O(ptimo) M(aximo) Conservatori arcum et porticus | quos Dativius Victor dec(urio) civit(atis) Taun(ensium) sacerdotalis Mo|gontiacensibus [p]romisit Victori Ursus frum(entarius) et Lupus | fili(i) et heredes consummaverunt. M.-T. Raepsaet-Charlier envisage d’y voir un témoignage en faveur d’un sanctuaire provincial : M. T. Raepasaet-Charlier, “Institutions municipales des Germanies”, dans M. Dondin-Payre et M. T. Raepsaet-Charlier (éds.), Cités, municipes, colonies, Paris, 1999, p. 315. 90. CIL, XIII, 7265. 91. RIB, 3195. 92. AE, 1975, 651 = AE, 1982, 724.

Evergésies, constructions monumentales et élites locales aux iiie et ive siècles dans les cités des Trois Gaules, des Germanies et de la Bretagne

établi à York, ce qui permet de comprendre son intervention dans cette colonie. C’est aussi dans le cadre civique que s’inscrivent les évergésies des sévirs93. Enfin, certaines évergésies sont réalisées dans le cadre d’associations94 : corpora professionnels, associations cultuelles ou vici. Les attestations d’évergésies dans le cadre de corpora se raréfient à partir du début du iiie siècle : la seule évergésie connue dans ce cadre95, à Wiesbaden en Germanie Supérieure, est l’édification d’une schola par les negotiatores de la cité des Mattiaques96 agissant collectivement, en 212. Parmi les associations cultuelles qui font de l’évergétisme, on trouve les hastiferi de la cité des Mattiaques97, qui restaurent un Mons Vaticanus98. Les vicani peuvent être évergètes. À Bitburg99, les iuniores vici prennent en charge les dépenses liées à la construction qu’ils réalisent sur un terrain donné par les vicani de Beda. Par la concession et le don du terrain, l’ensemble de la communauté des vicani est associé à l’évergésie. À Trebur, dans la cité des Aquenses, les vicani augustani construisent un bâtiment sur leurs fonds collectifs100, tandis qu’à Dalheim, ils sont les commanditaires des travaux101. Dans d’autres cas, les vicani sont les bénéficiaires de l’évergésie, comme dans le cas du don d’un théâtre, toujours à Bitburg102. Quelques évergésies ne s’inscrivent pas de manière évidente dans un cadre public. La fontaine, l’autel et l’adduction offerts par Titus Pompeius Nocturnus à Mittelwihr, dans la cité des Rauriques103, semblent en rapport avec une villa. Cependant, la mention de la date consulaire, qui figure plutôt sur des documents en rapport avec la sphère publique, laisse penser que l’indication de la villa Flaviaca est seulement un repère topographique relatif au point de départ de la conduite en tuyaux de plomb reliant la source au sanctuaire de Jupiter où la fontaine a été édifiée. 93. CIL,

XIII, 4208 ; CIL, XIII, 6366.

94. M.-T. Raepsaet-Charlier a constaté la fréquence des évergésies dues à des associations dans la cité des Trévires,

atypique par rapport à la situation observée dans les provinces plus méridionales : M.-T. Raepsaet-Charlier, “Deux dédicaces religieuses d’Arlon (ILB, 64 et ILB2, 65) et le culte public des Trévires”, Antiquité classique, 71, 2002, p. 103-120. 95. Hormis la distribution d’argent réalisée par Caius Novellius Januarius à Lyon, en 216 : CIL, XIII, 2020. 96. CIL, XIII, 7587. 97. CIL, XIII, 7281. 98. Probablement s’agit-il d’un sanctuaire majeur du culte de Cybèle et de Virtus Bellona : D. Fishwick,“Hastiferi”, Journal of Roman Studies, 57, 1967, p. 142-160. 99. CIL, XIII, 4131. 100.  CIL, XIII, 11944 : [In h(onorem)] d(omus) d(ivinae) | [deae Vi]rodacthi | [pag ?]us Nidensis | et vicani August(ani) |5 publice fecerunt. 101. J. Krier, J. Krier, “Deae Fortunae […]”, art. cit. 102. Ness-Lieb, no 8. 103. CIL, XIII, 5330 : I(ovi) O(ptimo) M(aximo) font(em) | et ar[a]m / T(itus) Pomp(eius) Noctur|nus l[i]b(ertus) | v(otum) s(olvit) l(ibens) m(erito) || Dedicat(a) | Chilone [e]t | Libone co(n)s(ulibus) | cui{i}us aq(uam) |5 inde duxit | usq(ue) vill(a)m | Flaviac(a)m | tubo p[lu]m[b(eo)] | TAR n(- - -) DX.

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Blaise Pichon

Conclusion

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Si les évergésies sont indubitablement moins attestées aux iiie et ive siècles, elles ne disparaissent pas, et s’inscrivent encore majoritairement dans le cadre civique, du moins jusqu’au troisième quart du iiie siècle. Ces évergésies interviennent prioritairement dans les sanctuaires publics. Les interventions du pouvoir impérial dans la construction, et surtout la reconstruction de monuments ruinés, sont plus nombreuses qu’aux ier et iie siècles, mais s’inscrivent dans deux types d’espaces bien distincts : les gouverneurs interviennent dans les provinces de Germanie Inférieure, et surtout de Bretagne, tandis que les empereurs interviennent au début du ive siècle dans certaines capitales provinciales, qui peuvent aussi accueillir temporairement le pouvoir impérial, comme Trèves. Les Chrétiens sont absents de la sphère évergétique, ou du moins n’en ont pas laissé de témoignage pour le ive siècle dans les régions étudiées. Comment envisager cette raréfaction des évergésies attestées ? Le décalage observé entre ces témoignages évergétiques et la poursuite des travaux édilitaires pose la question du changement des habitudes épigraphiques des notables, souvent soulevée à propos de l’Antiquité tardive. En effet, il n’est pas concevable d’envisager un interventionnisme tous azimuts du pouvoir impérial ou des cités104. Mais, au-delà de ces changements d’habitudes épigraphiques, d’autres explications peuvent être envisagées, tout en ayant présente à l’esprit la relative rareté des inscriptions évergétiques (par rapport au foisonnement de constructions monumentales) aux ier et iie siècles. Les travaux réalisés sont moins nombreux qu’aux ier et iie siècles pour plusieurs raisons : les grands équipements monumentaux ont déjà été réalisés (peu de réalisations nouvelles sont attestées) et fonctionnent encore105 ; certains d’entre eux sont désaffectés (en particulier de nombreux édifices thermaux), voire détruits dans le cadre des rétractions urbaines qui interviennent au tournant des iiie et ive siècles ; enfin, on peut envisager que la fortification des villes subsistantes a capté une partie des ressources des cités et de leurs élites. L’abandon de vastes quartiers et la destruction de bâtiments qui avaient été offerts dans le cadre d’évergésies au Haut-Empire pourrait aussi avoir eu une incidence sur le comportement des élites civiques, qui assistent à la destruction d’une partie de la mémoire des cités106 à l’occasion du passage de la ville ouverte à la ville fortifiée, et ne sont donc plus tellement enclines à des dépenses ostentatoires dont la durée n’est plus garantie. 104. À

moins d’envisager un accroissement des revenus des cités, passant notamment par l’augmentation conséquente des sommes honoraires, ce qui n’est pas attesté par les sources. 105. Les frais de fonctionnement étant généralement pris en charge par les finances de la cité, semble-t-il. 106.  Ulpien définit le monumentum comme tout ce qui existe en vue de conserver la mémoire (Digeste, 11, 7, 2, 6). Sur cette question : B. Goffaux, “Destruction matérielle et constructions mémorielles […]”, art. cit., p. 489-500.

Guerres de conquête et guerres civiles SECTION 2

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Les partis pro-romains en Grèce occidentale dans la première moitié du iie siècle av. J.-C. ou comment Rome a géré son expansion en Grèce occidentale

Pierre Cabanes

Résumé –

Polybe s’est montré sévère à l’égard des meneurs qui, dans différents États grecs, ont pris fait et cause pour Rome. Il a, lui-même, trop souffert des conséquences de la victoire romaine en 168 pour être considéré comme un historien impartial vis-à-vis de ces hommes-là. Mais l’opinion de Tite-Live est souvent assez voisine, alors qu’il écrivait pour la plus grande gloire de Rome et qu’il aurait pu s’écarter de la voie tracée par son modèle. Les contacts entre Rome et les États hellénistiques s’intensifient lors de la première guerre de Macédoine. Il faut attendre la troisième guerre de Macédoine (171) pour voir les commissaires romains soutenir ouvertement leurs partisans en Étolie, en Épire, en Acarnanie et dans la fédération achéenne et, trop souvent, laisser à Lykiskos l’Étolien, à Chrémas d’Acarnanie, à Kallikratès d’Achaïe, comme à Charops le Jeune en Épire la possibilité de se livrer à l’égard de leurs compatriotes à toutes sortes de violences, qui n’ont pas fait honneur à la puissance romaine. On a cherché à expliquer ces violences par des luttes sociales anciennes, entre la multitude et les gens bien nés, ceux-ci se tournant volontiers du côté romain alors que la foule aurait été pro-macédonienne. L’exemple épirote ne plaide aucunement pour une telle interprétation.

Mots-clés –

Rome - Grèce occidentale - Partis pro-romains - Étolie - Achaïe.

Abstract – Pro-roman partisans in Westerne Greece in the first half of 2nd century B.C. (or how Rome managed its expansiun in Western Greece). Polybius is always severe in his judgments on the leaders who supported Rome’s expansion in several greek states. He was himself a victim of the Roman victory of 168. He cannot therefore be considered as an impartial witness. But Livy’s view is quite the same, and, unlike Polybius, he wrote for Rome’s glory. Contacts between Rome and the hellenistic states intensified during the first War of Macedonia. But it was not until the third War of Macedonia (171), that Roman envoys openly supported their partisans in Aetolia, Epirus, Acarnania and in the Achaean Federation, leaving Lyciscos of Aetolia, Chremas of Acarnania, Callicrates of Achaea and also Charops the Young in Epirus the opportunity to behave violently towards their own compatriots. A disgrace for Rome’s power, these acts of violence are sometimes explained by old class struggles between the multitude (oi polloi) and the aristocrats (aristoi), the former being pro-Macedonian and the latter supporting the Romans. Yet the case of Epirus does not confirm this interpretation. Keywprds –

Roma - Western Greece - Pro-Roman Partisans - Aetolia - Achaïa.

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Pierre Cabanes

P 

olybe, déporté en Italie par la volonté romaine en 167, avec un millier de ses compatriotes, a tenu à souligner l’attitude de nombreux citoyens de différents État grecs, ralliés à la cause romaine et courant au secours de la victoire après la chute du roi Persée, pour féliciter Paul Émile de sa victoire :

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La campagne s’étant achevée par la victoire de Rome, les hommes qui étaient considérés comme les partisans des Romains occupaient maintenant, dans tous les États, le devant de la scène et ce fut à eux qu’on confia ces missions, ainsi que les autres fonctions. Il y eut donc en Macédoine un afflux d’ambassadeurs. D’Achaïe arrivèrent Kallikratès, Aristodamos, Agèsias et Philippos ; de Béotie, Mnasippos et ses amis ; d’Acarnanie, Chrémas ; d’Épire, Charops et Nikias ; d’Étolie, Lykiskos et Tisippos. Tous ces hommes, qui se retrouvèrent ensemble, rivalisèrent d’ardeur pour atteindre le même but, sans que personne vint contrarier leur action, car tous leurs adversaires politiques cédant aux circonstances s’étaient entièrement retirés des affaires. Ils purent ainsi arriver sans peine à leurs fins. Aux cités et aux ethnè, les dix commissaires firent notifier par les généraux romains eux-mêmes leur décision au sujet du choix des hommes qui devraient se rendre à Rome. Ils ne firent généralement que reprendre les noms inscrits sur les listes que les hommes énumérés ci-dessus avaient eux-mêmes dressées, selon leurs inimitiés particulières, à l’exception de quelques individus qui s’étaient compromis de façon manifeste.1

C’est à la constitution de ces partis pro-romains dans de nombreux États grecs que cette étude est consacrée, en insistant surtout sur les meneurs en Étolie, Acarnanie, Achaïe et Béotie, sans revenir en détails sur le pire de ces tyrans aux yeux de Polybe : Charops le Jeune l’Épirote qui a déjà fait l’objet d’une étude particulière2. Il est sûr que Polybe a été un observateur attentif de ces partisans de Rome qui, à la fin de la troisième guerre de Macédoine, ont été à l’origine de condamnattions XXX, 13, 1-8 :  Ὅτι μετὰ τὴν τοῦ Περσέως κατάλυσιν ἅμα τῷ κριθῆναι τἀ ὅλα πανταχόθεν ἐξέπεμπον πρέσβεις συγχαρησομένους τοῖς στρατηγοῖς ἐπὶ τοῖς γεγονόσιν. Τῶν δὲ πραγμάτων ὁλοσχερῶς ἐπὶ Ῥωμαίους κεκλικότων, ἐπιπολάζοντες διὰ τὸν καιρὸν οἱ δοκοῦντες εἶναι φἰλοι Ῥωμαίων ἐν πᾶσι τοῖς πολιτεύμασιν, εἴς τε τὰς πρεσβείας οὗτοι καθίσταντο καὶ τὰς ἄλλας χρείας. Διὸ συνέδραμον εἰς τὴν Μακεδονίαν ἐκ μὲν Ἀχαΐας Καλλικράτης, Ἀριστόδαμος, Ἀγησίας, Φίλιππος, ἐκ δὲ Βοιωτίας οἱ περὶ Μνάσιππον, ἐκ δὲ τῆς Ἀκαρνανίας οἱ περὶ Χρέμαν, παρὰ δὲ τῶν Ἠπειρωτῶν οἱ περὶ τὸν Χάροπα καὶ Νικίαν, παρὰ δὲ τῶν Αἰτωλῶν οἱ περὶ τὸν Λυκίσκον καὶ Τίσιππον. Ἁπάντων δὲ τούτων ὁμοῦ γενομένων καὶ πρὸς τὴν αὐτὴν ὑπόθεσιν ἁμιλλωμένων προθύμως, καὶ μηδενὸς ὑπάρχοντος ἀνταγωνιστοῦ διὰ τὸ τοὺς ἀντιπολιτευομένους ἅπαντας εἴκοντας τοῖς καιροῖς ἀνακεχωρηκέναι τελέως, ἀκονιτὶ κατεκράτησαν τῆς ὑποθέσεως οἱ προειρημένοι. Πρὸς μὲν οὖν τὰς ἄλλας πόλεις καὶ τὰς ἐθνικὰς συστάσεις οἱ δέκα δι’ αύτῶν τῶν στρατηγῶν ἐποιήσαντο τὴν ἐπιταγήν, οὓς δεήσει πορεύεσθαι τῶν ἀνδρῶν εἰς τὴν Ῥώμην. Οὗτοι δ’ ἦσαν ὡς ἐπἰπαν οὓς ἀπέγραψαν οἱ προειρημένοι κατὰ τὰς ἰδίας ἀντιπαραγωγάς, πλὴν ὀλίγων τελέως τῶν ἔκδηλόν τι πεποιηκότων. 2. P. Cabanes, “Charops le Jeune en Épire”, dans : La société romaine et ses élites. Mélanges offerts à Élisabeth Deniaux, Picard, 2012, p. 271-285. 1. Polybe,

Les partis pro-romains en Grèce occidentale dans la première moitié du iie siècle av. J.-C.

nombreuses dans chacun de leur pays et de la déportation vers Rome de nombreux Grecs, en particulier de Polybe et d’un millier d’Achéens qui n’ont pu regagner leur patrie qu’en 151, soit plus de seize ans après leur transfert en Italie. Polybe a eu la chance, dans son malheur, d’être accueilli par la famille des Scipions : il a bien connu Paul Émile qui a imposé à la Molossie la destruction de 70 oppida et la réduction en esclavage de 150 000 habitants3, mais qui a été aussi assez honnête pour refuser d’accueillir Charops le Jeune lorsqu’il est venu à Rome, tout comme le Grand Pontife M. Aemilius Lepidus4, qui était en même temps princeps Senatus. Il convient sûrement de tenir compte de ce parti-pris de Polybe contre ceux que H. H. Scullard5 qualifiait de “Quisling”, en souvenir du collaborateur norvégien qui devint chef du gouvernement en 1942 dans la Norvège occupée et dont le nom est devenu le symbole même de la politique de collaboration étroite avec le pouvoir nazi dans les territoires occupés par l’armée allemande durant la Seconde Guerre mondiale.

L’origine des partis6 favorables à la cause romaine, en Grèce occidentale, dans le premier tiers du iie siècle av. J.-C., remonte bien plus haut, en particulier en Étolie. Tite-Live résume bien la division qui apparaît dans chacun des États grecs : Il y avait trois catégories parmi ceux qui occupaient le premier rang dans les cités : deux, qui, en usant de flatteries pour se concilier, soit la puissance romaine, soit l’amitié des rois, assuraient leur pouvoir individuel au prix de l’asservissement de leur cité ; seule la intermédiaire, hostile aux deux précédentes, respectait et la liberté et les lois.7 3. Sur

le sort de ces 150 000 Épirotes réduits en esclavage, voir l’article d’A. Ziolkowski, “The Plundering of Epirus in 167 B.C.: economic Considerations”, PBSR, 54, 1986, p. 69-80 ; l’auteur estime que ce besoin d’esclaves nombreux correspond à un changement des structures agraires en Italie du Sud et à une forte mortalité liée à des épidémies dans les années 175-174 ; il fallait combler les vides et les Épirotes constituaient la main d’œuvre servile la plus proche de l’Italie méridionale. 4. Polybe, XXXII, 6, 4, qui souligne que “ce fut pour tous les Grecs séjournant à Rome et plus particulièrement pour ceux qui s’y trouvaient en résidence forcée un bien beau spectacle”. (Ἐν ᾧ καιρῷ κάλλιστον μὲν ἐγένετο δεῖγμα τῆς Ῥωμαίων αἱρέσεως, κάλλιστον δὲ θέαμα πᾶσι τοῖς Ἕλλησι τοῖς παρεπιδήμοις, μάλιστα δὲ τοῖς ἀνακεκλημένοις). Cette visite de Charops le Jeune à Rome a dû intervenir au plus tard en 160, année de la mort de Paul Émile. 5. H. H. Scullard, “Charops and roman Policy in Epirus”, JRS, 3, 1945, p. 58-64. 6. La notion de parti ne doit pas faire penser, pour l’Antiquité, à des organisations très structurées, comme le sont les partis politiques du xxie siècle. Le terme désigne, à cette époque, des tendances, des orientations politiques représentées par quelques personnes, parfois issues de grandes familles, qui cherchent à imposer leurs vues, notamment par appel à des soutiens extérieurs, que ce soit Rome ou le roi macédonien. 7. Tite-Live, XLV, 31, 4 : “Tria genera principum in civitatibus erant, duo, quae adulando aut Romanorum imperium aut amicitiam regum si privatim opes oppressis faciebant civitatibus ; media una utrique generi adversa libertatem legesque tuebatur”.Voir aussi Tite-Live, XLII, 30, 2-6. L’auteur latin se démarque de la description de

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Pierre Cabanes

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Parmi les peuples de Grèce occidentale, ce furent les Étoliens qui, les premiers, se rapprochèrent des Romains, pour soutenir leur cause face à la menace macédonienne. Rome était intervenue pour la première fois à l’est de l’Adriatique, lors de la première guerre d’Illyrie, pour libérer tous les Italiens faits prisonniers par les Illyriens de la reine Teuta lors de la prise de Phoinikè ; leur expédition musclée (20 000 hommes et 100 navires) a rapidement contraint les Illyriens à traiter et les cités grecques sauvées par l’intervention romaine sont devenues des dediticii (Corcyre, Épidamne-Dyrrhachion, Apollonia, Issa), constituant ce que M. Holleaux a appelé le “protectorat” romain. Dix ans plus tard, en 219, Rome intervient à nouveau, lors de la deuxième guerre d’Illyrie, pour obliger Démétrios de Pharos à respecter les décisions de 228 ; peu après, Rome est aux prises avec les Carthaginois d’Hannibal sur le sol italien directement. Malgré la pression carthaginoise, Rome ne renonce pas à mener une activité à l’est de l’Adriatique : le traité entre Hannibal et Philippe V, d’une part, les interventions du roi macédonien en Illyrie et la prise de Lissos par le même roi, d’autre part, conduisent Rome à chercher des alliés en Grèce pour mener la première guerre de Macédoine contre Philippe V et ses alliés. C’est alors (fin 212) qu’est conclue l’alliance avec les Étoliens, mieux connue depuis la publication de l’inscription de Thyrrheion8 que par le texte de Tite-Live9, en l’absence du passage de Polybe qui devait présenter ce traité. Les Étoliens ont désiré cette alliance pour faire contrepoids aux menaces macédoniennes sur leurs intérêts en Grèce centrale. Polybe10 montre l’inquiétude de beaucoup d’États grecs devant l’appel lancé à des Romains, qualifiés de barbares par Polybe, dans le discours que l’auteur place dans la bouche de l’Acarnanien Lykiskos, discours prononcé devant l’assemblée lacédémonienne, en 210 : Quelle est cette coalition à laquelle vous invitez les Lacédémoniens à se joindre ? Ne s’agit-il pas d’une alliance avec des barbares ? […] Aujourd’hui les Grecs se trouvent engagés, pour échapper à la servitude, dans une guerre contre des gens d’une autre race. Ces gens, vous croyez les avoir appelés à lutter avec vous contre Philippe, et vous ne vous rendez pas compte que Polybe, XXX, 6, 5-8 qui décrivait trois catégories de Grecs accusés par Rome pour leur conduite pendant la guerre contre Persée. 8. G. Klaffenbach, “Der römisch-ätolische Bündnisvertrag vom Jahre 212 v. Chr”, SBAW, Berlin, 1954/1, p. 1-26, Taf. 1-2 (SEG, XIII, 1956, 382 : XVI, 1959, 370 ; XVII, 1960, 280); IG, IX 12 2, 241 ; H. H. Schmitt, Die Staatsverträge des Altertums, III, no 536 ; L. Moretti, ISE, II, no 87. 9. Tite-Live, XXVI, 24. 10. Polybe, IX, 37, 5-10 : Τίσι δὲ νῦν κοινωνεῖτε τῶν ἐλπίδων, ἢ πρὸς ποίαν παρακαλεῖτε τούτους συμμαχίαν  ; ἆρ’ οὐ πρὸς τὴν τῶν βαρβάρων  ; […] Νῦν δὲ περὶ δουλείας ἐνίσταται πόλεμος τοῖς Ἕλλησι πρὸς ἀλλοφύλους ἀνθρώπους, οὓς ὑμεῖς δοκεῖτε μὲν ἐπισπᾶσθαι κατὰ Φιλίππου, λελήθατε δὲ κατὰ σφῶν αὐτῶν ἐπεσπασμένοι καὶ κατὰ πάσης Ἑλλάδος. […] Βουλόμενοι γὰρ περιγενέσθαι Φιλὶππου καὶ ταπεινῶσαι Μακεδόνας, λελήθασιν αὑτοῖς ἐπισπασάμενοι τηλικοῦτο νέφος ἀπὸ τῆς ἑσπέρας, ὃ κατὰ μὲν τὸ παρὸν ἴσως πρὠτοις ἐπισκοτήσει Μακεδόσι, κατὰ δὲ τὸ συνεχὲς πᾶσιν ἔσται τοῖς Ἕλλησι μεγάλων κακῶν αἴτιον.

Les partis pro-romains en Grèce occidentale dans la première moitié du iie siècle av. J.-C.

c’est contre vous-mêmes et contre toute la Grèce que vous avez réclamé leur intervention. […] Voulant vaincre Philippe et rabaisser les Macédoniens, ils ne se rendent pas compte qu’ils ont attiré de l’Occident une nuée qui peut-être, à présent, n’enveloppera que les Macédoniens, mais qui, par la suite, causera de grands maux à tous les Hellènes.

L’alliance des Étoliens avec les Romains a été approuvée et soutenue par les Éléens, les Messéniens et le royaume de Pergame, tandis que Sparte est surtout préoccupée de combattre les Achéens. Trop peu soutenus par l’allié romain, les Étoliens concluent une paix séparée avec Philippe V et ses alliés en 206, ce que Rome ne leur pardonne pas, même si, à son tour, elle met fin à la première guerre de Macédoine à la paix de Phoinikè, en 205. Finalement, tant que la deuxième guerre punique n’est pas achevée, Rome ne peut être que peu active à l’est de l’Adriatique : la paix séparée de 206 a brouillé durablement Romains et Étoliens. Après Zama (202), Rome peut se montrer beaucoup plus active, en intervenant directement auprès de Philippe V pour le contraindre à renoncer à ses attaques contre Rhodiens et Pergaméniens. Après deux campagnes ternes, l’armée romaine dirigée par T. Quinctius Flamininus remporte la victoire sur l’armée macédonienne à la bataille de Cynoscéphales (juin 197). La paix qui a suivi réduit le royaume macédonien à ce qu’il était à l’avènement de Philippe II ; aux Concours isthmiques de 196, Flamininus proclame la liberté des Grecs et, deux ans plus tard, les armées romaines évacuent complètement la Grèce. En 192, les Étoliens poussent Antiochos III à passer en Grèce, ce qui marque le début de la guerre étolo-syrienne (192-189). C’est le moment de l’alliance entre Rome et les Achéens. En 189, tandis qu’Antiochos III est vaincu à Magnésie du Sipyle, ses alliés étoliens doivent accepter les conditions de paix dictées par Rome. C’est vraiment dans la période qui s’étend entre la fin de la guerre étolo-syrienne (189) et la troisième guerre de Macédoine (à partir de 172) que l’interventionisme romain est de plus en plus actif en Grèce, largement du fait des appels grecs à Rome qui se multiplient, bien souvent pour régler simplement des affaires locales. Même, dans la famille royale des Antigonides, le Sénat sait jouer d’un prince contre un autre : Philippe V avait dû envoyer son fils cadet Démétrios comme otage à Rome, où celui-ci avait noué bien des relations amicales ; le roi envoie Démétrios à Rome en ambassade en 183 pour tenter de se concilier les Romains après le massacre des habitants de Maronée ; le Sénat répond favorablement à sa démarche mais fait bien sentir que c’est par amitié pour le jeune Démétrios, en qui le Sénat voudrait voir le successeur au trône macédonien, au détriment du fils aîné Persée. L’assassinat de Démétrios en 180, voulu par Philippe V, compromet les relations futures de Rome et du royaume mécédonien. Même s’il n’est pas de famille royale, Charops le Jeune a connu une expérience comparable à celle de l’Antigonide Démétrios : envoyé par

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Pierre Cabanes

son grand-père à Rome, il y passe quatre à cinq ans et revient en Épire vers 190, persuadé de la nécessité de liens étroits avec la puissance romaine. L’Achéen Kallikratès présente aux sénateurs romains en 180 un tableau simplifié à l’excès de la division qui dresse les partis les uns contre les autres, selon Polybe11, XXIV, 9, à propos du koinon des Achéens : Il dit qu’il y avait aujourd’hui dans tous les États démocratiques deux partis, dont l’un soutenait qu’il fallait obtempérer aux ordres écrits des Romains et considérer qu’il n’y avait ni loi, ni traité, ni quoi que ce fût qui comptât plus que la volonté de Rome, tandis que l’autre invoquait les lois, les serments, les traités et exhortaient le peuple à ne pas les transgresser inconsidérément ; que cette tendance-là était la plus répandue parmi les Achéens et qu’elle emportait l’adhésion du grand nombre.

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C’est une clientèle que Rome se constitue peu à peu dans chaque État grec : les ambassades venant de Grèce à Rome témoignent que les décisions sont l’affaire de l’État romain. Des commissaires romains sont envoyés dans chaque État grec demandeur, comme Tite-Live12 le montre pour l’Étolie en 174. La seule autre puissance susceptible d’arbitrer les conflits entre factions rivales, c’est le roi macédonien Persée. Parmi les factions, il semble que ce soient les riches qui sont favorables au rapprochement avec Rome, alors que les pauvres auraient soutenu l’alliance avec la monarchie macédonienne13. Les troubles sociaux, en Étolie, comme dans bien d’autres États grecs, favorisent les interventions romaines et macédoniennes, qui témoignent d’une véritable lutte d’influence entre ces deux puissances. Polybe14 fournit, durant l’année 172, un bon exemple de ces luttes de factions en Béotie : Pendant ce temps des troubles éclataient à Thèbes, où les factions s’affrontaient. Certains voulaient qu’on remît la cité à la foi des Romains, mais les gens de Coronée et d’Haliarte, qui étaient accourus à Thèbes, prétendaient encore avoir leur mot à dire dans la conduite des affaires 11. Polybe, XXIV, 9, 2-4 : Δυεῖν γὰρ οὐσῶν αἱρέσεων κατὰ τὸ παρὸν ἐν πάσαις ταῖς δημοκρατικαῖς πολιτείαις, καὶ τῶν μὲν φασκόντων δεῖν ἀκολουθεῖν τοῖς γραφομένοις ὑπὸ Ῥωμαίων καὶ μήτε νόμον μήτε στήλην μήτ’ ἄλλο μηθὲν προυργιαίτερον νομίζειν τῆς Ῥωμαίων προαιρέσεως, τῶν δὲ τοὺς νόμους προφερομένων καὶ τοὺς ὅρκους καὶ στήλας καὶ παρακαλούντων τα, πλήθη μὴ ῥᾳδίως ταῦτα παραβαίνειν, ἀχαϊκωτέραν εἶναι παρὰ πολὺ ταύτην τὴν ὑπόθεσιν καὶ νικησικωτέραν ἐν τοῖς πολλοῖς. 12. Tite-Live, XLI, 25, 1-7 ; 27, 4 ; XLII, 2, 2 ; 4, 5. 13. Tite-Live, XLII, 30, 1. 14. Polybe, XXVII, 1, 7-9 : Κατὰ δὲ τὸν καιρὸν τοῦτον ἐν ταῖς Θήβαις συνέβαινε ταραχὰς έἶναι καὶ στάσεις. Οἱ μὲν γὰρ ἔφασαν δεῖν διδόναι τὴν πόλιν εἰς τὴν Ῥωμαίων πίστιν, οἱ δὲ Κορωνεῖς καὶ Ἁλιάρτοι συνδεδραμηκότες εἰς τὰς Θήβας ἀκμὴν ἀντεποιοῦντο τῶν πραγμάτων καὶ μένειν ἔφασαν δεῖν ἐν τῇ πρὸς τὸν Περσέα συμμαχίᾳ. Καὶ μέχρι μὲν τινος ἐφάμιλλος ἦν ἡ διάθεσις τῶν στασιαζόντων. Ὁλυμπίχου δὲ τοῦ Κορωνέως πρώτου μεταθεμένου καὶ φάσκοντος δεῖν ἀντέχεσθαι Ῥωμαίων, ἐγένετό ὁλοσχερὴς ροπὴ καὶ μετάπτωσις τοῦ πλήθους.

Les partis pro-romains en Grèce occidentale dans la première moitié du iie siècle av. J.-C.

et ils déclarèrent qu’il fallait rester dans l’alliance de la Macédoine. Pendant quelque temps, les deux partis s’affrontèrent à égalité, mais, après le revirement d’Olympichos de Coronée, qui, le premier, se mit à soutenir qu’on devait embrasser la cause de Rome, un changement complet s’en suivit dans l’opinion et la masse bascula de l’autre côté.

La masse (τὸ πλῆθος) est le terme le plus souvent employé par Polybe pour désigner la foule qui est favorable, d’ordinaire, à la cause macédonienne et qui, ici, se rallie brusquement à la cause romaine. Les émissaires romains parviennent, en Béotie, à faire éclater la Fédération des cités béotiennes et peuvent ainsi manipuler chaque cité isolément. Lorsque commence la troisième guerre de Macédoine, au début de 171, beaucoup d’États grecs semblent encore hésiter sur le parti à prendre.

C’est au cours de cette guerre que les tensions s’aggravent au sein des États grecs. Polybe a bien décrit cette progression de la violence et souligné la responsabilité des amis de Rome dans cette détérioration des relations sociales, d’abord en Étolie et en Épire. L’histoire de l’Épire est bien résumée par Polybe15 dans cette période qui s’étend de la fin de la guerre étolo-syrienne au début de la troisième guerre de Macédoine (189-171) et même au début de cette nouvelle guerre : Dès que la guerre de Persée éclata, Charops se mit à les [c’est-à-dire Antinous et ses amis que Polybe mentionnait juste avant] dénigrer auprès des Romains, en prenant argument des liens qui avaient existé autrefois entre eux et la maison de Macédoine. Surveillant tout ce qu’ils faisaient, présentant sous un jour défavorable leurs moindres propos et leurs moindres actes, omettant certaines choses et en ajoutant quelques-unes, il réussit à donner quelque apparence à ses accusations. Képhalos, qui, d’une façon générale, était un homme avisé et pondéré, sut, en l’occurrence, se conduire avec la plus grande sagesse. Il avait prié les dieux d’empêcher que la guerre n’éclatât et qu’on n’en vînt à l’affrontement décisif. Mais, une fois les hostilités engagées, il voulut qu’on appliquât scrupuleusement les clauses contenues dans la symmachia avec les Romains, sans XXVII 15, 8-12 : Τοῦ δὲ πολέμου τοῦ Περσικοῦ συστάντος, εὐθέως διέβαλλε τὸ μειράκιον τοὺς προειρημένους ἄνδρας πρὸς Ῥωμαίους, ἀφορμῇ μὲν χρώμενον τῇ προγεγενημένῃ συστάσει τῶν ἀνδρῶν πρὸς τὴν Μακεδόνων οἰκίαν, κατὰ δὲ τὸ παρὸν πάντα παρατηροῦν καὶ πᾶν τὸ λεγόμενον ἢ πραττόμενον ὑπ’ αὐτῶν ἐπὶ τὸ χεῖρον ἐκδεχόμενον καὶ τὰ μὲν ἀφαιροῦν τὰ δὲ προστιθὲν ἐλάμβανε πιθανότητας κατὰ τῶν ἀνθρώπων. Ὁ δὲ Κέφαλος, τἄλλα τε φρόνιμος καὶ στάσιμος ἄνθρωπος, καὶ κατὰ τοὺς καιροὺς τούτους ἐπὶ τῆς ἀρίστης ὑπῆρχε γνώμης. Ἁρχόμενος γὰρ ηὔξατο τοῖς θεοῖς μὴ συστῆναι τὸν πολέμον μηδὲ κριθῆναι τὰ πράγματα· πραττομένου δὲ τοῦ πολέμου τὰ κατὰ τὴν συμμαχίαν ἐβούλετο δίκαια ποιεῖν Ῥωμαίοις, πέρα δὲ τούτου μήτε προστρέχειν ἀγεννῶς μήθ’ ὑπηρετεῖν μηδὲν παρὰ τὸ δέον.

15. Polybe

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toutefois se jeter indignement dans leurs bras ni se montrer avec eux plus docile qu’il n’était nécessaire.

Ce sont les excès de ce parti pro-romain et leurs conséquences qui vont pousser les modérés, les partisans de la paix, dans les bras du roi macédonien, Persée. La suite du texte de Polybe16 est très éclairante sur cette évolution :

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Charops, cependant, s’acharnait à le calomnier et attribuait tout ce qui contrariait les désirs des Romains à des manœuvres malintentionnées de sa part. Dans les premiers temps, Képhalos traita la chose par le mépris, car il avait conscience que sa politique ne desservait en rien les Romains. Mais lorsque, à la suite du combat de cavalerie, on sut que les Étoliens Hippolochos, Nikandros et Lochagos étaient déportés à Rome sans raison valable et uniquement parce qu’on avait ajouté foi aux accusations lancées contre eux par Lykiskos, qui, en Étolie, se livrait au même genre d’activités que Charops en Épire, il s’inquiéta de ce qui risquait d’arriver et songea à sa propre sécurité. Il résolut de tout tenter plutôt que de se laisser emmener à Rome sans jugement par suite des calomnies de Charops. C’est ainsi qu’il se trouva forcé, contrairement à la ligne politique qu’il s’était fixée, de passer dans le camp de Persée.

C’est au printemps 171 que le consul P. Licinius Crassus subit un échec militaire près de Larissa : sa cavalerie est défaite par la cavalerie macédonienne à Kallinikos et la nouvelle de cet échec romain a un grand retentissement en Grèce : beaucoup d’habitants voient dans ce succès macédonien le signe que la victoire romaine n’est pas inéluctable et prennent ouvertement parti pour Persée17. Mais, dans le cas de Képhalos, en Épire, plus que l’échec romain, c’est le transfert à Rome des hommes politiques étoliens modérés qui inquiète Képhalos et ses partisans et qui les pousse à opter pour l’alliance macédonienne. La responsabilité de Charops le Jeune dans ce changement d’attitude des chefs politiques épirotes est réelle. 16. Polybe, XXVII, 15, 13-16 : Τοῦ δὲ Χάροπος ἐνεργῶς χρωμένου ταῖς κατ’ αὐτοῦ διαβολαῖς καὶ πᾶν τὸ παρὰ τὴν Ῥωμαίων βούλησιν γινόμενον εἰς ἐθελοκάκησιν ἄγοντος, τὸ μὲν πρῶτον οἱ προειρημένοι κατεφρόνουν, οὐδὲν αὑτοῖς συνειδότες ἀλλότριον βουλευομένοις Ῥωμαίων. Ὡς δὲ τοὺς περὶ τὸν Ἱππόλοχον καὶ Νίκανδρον καὶ Λόχαγον εἶδον τοὺς Αἰτωλοὺς ἀναγομένους εἰς τὴν Ῥώμην ἀπὸ τῆς ἱππομαχίας ἀλόγως, καὶ τὰς διαβολὰς τὰς ἐκ τῶν περὶ Λυκίσκον πεπιστευμένας κατ’ αὐτῶν, οἵτινες κατὰ τὴν Αἰτωλίαν τὴν αὐτὴν αἵρεσιν ἦγον τῷ Χάροπι, τὸ τηνικάδε προϊδόμενοι τὸ μέλλον ἐβουλεύοντο περὶ αὑτῶν. Ἔδοξεν οὖν αὐτοῖς παντὸς πεῖραν λαμβάνειν ἐφ’ ᾧ μὴ προέσθαι σφᾶς αὐτοὺς ἀκρίτως εἰς τὴν Ῥώμην ἐπανάγεσθαι διὰ τᾶ Χάροπος διαβολάς. Οὕτω μὲν οὖν οἱ περὶ τὸν Κέφαλον ἠναγκάσθησαν παρὰ τὰς αὑτῶν προαιρέσεις ἑλέσθαι τὰ τοῦ Περσέως. 17. Comme le souligne Polybe, XXVII, 9-10 ; voir aussi Tite-Live, XLII, 57-61 et Appien, Makedonika, XII : Αἰτωλῶν δὲ καὶ ἑτέρων Ἑλλήνων κατεψεύσατο ὡς πρώτον τραπέντων. Καὶ τούτους ἐς Ῥώμην ἔπεμψεν (Crassus accusa faussement les Étoliens et les autres Grecs d’avoir fui les premiers. Et il envoya ces hommes à Rome).

Les partis pro-romains en Grèce occidentale dans la première moitié du iie siècle av. J.-C.

Si, en Épire, l’activité de Charops le Jeune entre 190, date probable de son retour de Rome, et 172, reste marginale, il n’en va pas de même de celle des partisans de Rome dans les deux grands États fédéraux que sont le koinon des Étoliens et celui des Achéens, qui se manifeste beaucoup plus tôt18. L’existence d’un parti pro-romain, dans ces deux grandes fédérations, remonte bien avant la troisième guerre de Macédoine : en Étolie, l’alliance avec Rome s’est manifestée, d’abord, par le traité de 212, déjà évoqué, par lequel les Étoliens s’engagent à lutter contre le roi macédonien Philippe V et ses alliés au côté des Romains ; il est vrai que ce lien a été rompu par la paix séparée que les Étoliens ont conclue avec Philippe V en 206, alors qu’ils supportaient à peu près seuls le poids de la guerre contre les Macédoniens, les Romains étant surtout occupés par la lutte contre les Carthaginois d’Hannibal établis en Italie centrale et méridionale. Rome en a voulu durablement aux Étoliens d’avoir conclu cette paix séparée. L’exemple achéen est non moins intéressant : il faut attendre 181/180 pour voir Kallikratès peser fortement dans la politique achéenne, dans le sens souhaité par le Sénat romain et lutter contre le parti patriote de Lykortas de Megalopolis, le propre père de Polybe. En s’arrêtant, d’abord, chez les Étoliens, on doit souligner que l’aspiration à renouer les liens étroits avec Rome, rompus en 206, est vive dans le premier tiers du iie siècle av. J.- C., et c’est la rancune romaine qui empêche ce retour à l’amitié étolo-romaine, au point que les Étoliens finissent par chercher dans l’alliance avec Antiochos III une solution de rechange ; ils sont alors entraînés dans un vrai conflit avec les Romains, lors de la guerre étolo-syrienne (192-189). Une vraie guerre civile oppose les Étoliens les uns contre les autres ; comme le rapporte TiteLive19 : “La lassitude aidant, les deux partis envoyèrent des ambassadeurs à Rome, tout en travaillant eux-mêmes à rétablir la concorde.” Et les ambassadeurs romains reconnaissent leur impuissance20 : “Les ambassadeurs qui étaient partis en Étolie pour mettre un terme à des troubles identiques revinrent en disant qu’il était impossible de maîtriser la rage de cette nation.” En 173 encore, les envoyés romains constatent que la situation ne s’améliore pas en Étolie21 : “De même, en Étolie, la sédition gagnait de jour en jour du terrain et leur autorité n’avait pu mettre un terme aux discordes entre les principaux personnages du pays.” La cause principale de cette guerre civile en Étolie, comme dans d’autres régions grecques, est précisée 18. Sur ce thème, voir en particulier J. Deininger, Der politsche Widerstand gegen Rom in Griechenland, 217 – 86 v. Chr., Berlin - New-York, 1971 ; voir, surtout, III. Die Richtungskämpfe innerhalb der einzelnen Staatswesen II : Radikalisierung und Sieg der prorömischen Grupper (ca. 180-168 v. Chr.), p. 135-213. 19. Tite-Live, XLI, 25, 2 : Fessi deinde et Romam utraque pars miserunt legatos et inter se ipsi de reconcilianda concordia agebant. 20. Tite-Live, XLI, 27, 4 : Legati, qui in Aetoliam ad similis motus conprimendos ierant, renuntiarunt coerceri rabiem gentis non posse. Les troubles en Étolie sont qualifiés d’identiques à ceux qu’évoque Tite-Live juste avant et qui se produisent en Vénétie chez les Padouans. 21. Tite-Live, XLII, 2, 2 : Item in Aetolia seditionem gliscere in dies, neque discordiarum principes auctoritate sua coerceri potuisse.

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par Tite-Live22 : “Les Étoliens n’étaient pas seuls à être en proie aux séditions en raison de la gravité du problème des dettes”. C’est bien une guerre entre riches et pauvres qui sont trop endettés pour pouvoir faire face à leurs engagements. On a, sans doute à tort, voulu ranger les riches favorables à une alliance avec Rome et les pauvres tournés vers le roi macédonien. Lykiskos semble avoir géré la stratégie en Étolie une première fois en 178-177, puis être réélu en 171 à la fonction de stratège des Étoliens, lors d’une élection qui s’est déroulée sous les yeux des ambassadeurs romains, selon Tite-Live23 : Marcius et Atilius se rendirent ensuite en Étolie, où ils attendirent quelques jours le remplacement du stratège qui était mort, et, après l’élection comme stratège de Lyciscus, dont on savait qu’il était partisan des Romains, passèrent en Thessalie.

Après la bataille de cavalerie de Kallinikos en Thessalie, remportée par le roi Persée, les Romains expliquent leur échec par l’attitude des Étoliens intégrés à leur côté : Et au conseil, devant le consul, chacun d’eux rejetait la faute sur les Étoliens : “C’étaient eux qui avaient commencé à fuir et à être pris de panique ; après les Étoliens, tous les autres alliés appartenant aux peuples de Grèce avaient été eux aussi gagnés par la peur”. Cinq chefs étoliens que l’on avait vus, disait-on, tourner le dos les premiers .24

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Polybe25 ne connaît que trois de ces chefs étoliens : Hippolochos, Nikandros et Lochagos, qui sont déportés à Rome, “sans raison valable” (ἀλόγως), souligne Polybe, “mais uniquement parce qu’on avait ajouté foi aux accusations lancées contre eux par Lykiskos”, que Polybe compare à Charops le Jeune en Épire. Dans le climat de guerre civile régnant encore en Étolie, le protégé des Romains trouve dans ce combat de Kallinikos l’opportunité de se débarrasser de quelques-uns de ses adversaires les plus puissants. L’année suivante, devant l’assemblée fédérale

22. Tite-Live, XLII, 5, 7 : Erant autem non Aetoli modo in seditionibus propter ingentem vim aeris alieni, sed Thessali

etiam.

23. Tite-Live,

XLII, 38, 2 : [Marcius et Atilius] inde in Aetoliam progressi ac paucos ibi morati dies, dum in praetoris mortui locum alius sufficeretur, et Lycisco praetore facto, quem Romanorum favere rebus satis compertum erat, transierunt in Thessaliam. 24. Tite-Live, XLII, 60, 8 : Et in consilio apud consulem pro se quisque in Aetolos conferebant causam: ab iis fugae terrorisque principium ortum ; secutos pavorem Aetolorum et ceteros socios Graecorum populorum. Quinque principes Aetolorum, qui primi terga vertentes conspecti dicebantur, . 25. Polybe, XXVII, 15, 14 ; voir le texte supra, note 16 ; un quatrième, Eupolèmos, est cité par Polybe, XXVIII, 4, 6, puis encore deux autres, Archédamos et Pantaléon (XXVIII, 4, 8).

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étolienne réunie à Thermos, les émissaires de Rome demandent que les Étoliens livrent à Rome des otages et Lykiskos intervient pour soutenir cette demande : Il n’accusa nommément personne, mais beaucoup de gens se sentirent visés par ses insinuations. Il déclara, en effet, que les Romains avaient bien fait de déporter à Rome les meneurs, – il désignait ainsi Eupolèmos et Nikandros – mais que les complices et les partisans de ces hommes se trouvaient toujours en Étolie et que tous ceux-là devaient être traités de la même façon, à moins qu’ils ne fussent prêts à livrer leurs enfants comme otages aux Romains. Il insista tout particulièrement sur le cas d’Archédamos et de Pantaléon.26

Mais, finalement, l’assemblée étolienne a su résister aux demandes romaines et au plaidoyer de Lykiskos et rejeter la décision d’envoyer des otages à Rome. Comme en Épire, c’est après la victoire du consul Paul Émile à la bataille de Pydna, que Lykiskos va pouvoir éliminer ses adversaires : Tite-Live27 raconte comment Paul Émile rencontre près de Démétrias une foule d’Étoliens en vêtements de deuil : Comme il s’étonnait et demandait ce qui se passait, on lui apprend qu’après avoir fait bloquer dans le sénat 550 principaux citoyens par des soldats romains envoyés par le de la garnison, A. Baebius, Luciscus et Tisippus les avaient fait exécuter, que d’autres avaient été exilés et que les biens de ceux qui avaient été exécutés et des exilés avaient été confisqués.

À Amphipolis, Paul Émile ne condamne pas ces exécutions sommaires : Dans l’instruction de cette affaire, on chercha davantage à savoir quel parti avait appuyé les Romains, quel parti avait appuyé le roi, que celui qui avait causé ou subi une injustice ; les meurtriers furent acquittés de leur crime ; on jugea que l’exil avait été une peine aussi juste pour ceux qui avaient été bannis que la mort pour ceux qui avaient été exé-

26. Polybe, XXVIII, 4, 5-8 : Μετὰ δὲ τοῦτον προελθὼν Λυκίσκος ἐπ’ ὀνόματος μὲν οὐδενὸς ἐποίησατο

κατηγορίαν, καθ’ ὑπόνοιαν δὲ πολλῶν. Ἔφη γὰρ περὶ μὲν τῶν κορυφαίων καλῶς βεβουλεῦσθαι Ῥωμαίους, ἀπαγαγόντὰς αὐτοὺς εἰς τὴν Ῥώμην, λέγων τοὺς περὶ τὸν Εὐπόλεμον καὶ Νίκανδρον, τοὺς δὲ συναγωνιστὰς καὶ τοὺς παραστάτας τοὺς ἐκείνων ἔτι μένειν κατὰ τὴν Αἰτωλίαν, οὓς δεῖν ἅπαντας τῆς αὐτῆς τυχεῖν ἐκείνοις ἐπιστροφῆς, ἂν μὴ προῶνται τὰ τέκνα Ῥωμαίοις εἰς ὁμηρείαν. Μἀλιστα δὲ κατ’ Ἀρχεδάμου καὶ Πανταλέοντος ἐποίει τὰς ἐμφάσεις. 27. Tite-Live, XLV, 28, 7 : Mirantique et percunctanti, quid esset, defertur quingentos quinquaginta principes ab Lycisco et Tisippo, circumsesso senatu per milites Romanos, missos A. Baebio, praesidii, interfectos, alios in exilium actos esse, bonaque eorum, qui interfecti essent, et exulum possideri.

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cutés ; A. Baebius seul fut condamné parce qu’il avait fourni des soldats romains pour permettre l’accomplissement du massacre.28

Dès lors, Lykiskos règne en maître sur l’Étolie jusqu’en 160/159, année durant laquelle il tombe assassiné par des adversaires qui n’avaient pas oublié ses crimes et Polybe29 souligne qu’après sa mort, le calme était revenu en Étolie, “où les dissensions intestines s’étaient éteintes après la mort de Lykiskos”. Faut-il penser que les problèmes de dettes, les luttes sociales ont trouvé leur solution durant ces dix années de pouvoir aux mains des partisans de Rome ? Ne serait-ce pas plutôt que la disparition des principaux meneurs politiques hostiles à Rome et la terreur imposée par les partisans de Rome ont réduit au silence les revendications sociales, qui n’ont plus d’accès à la communication pour se faire entendre. Rome ne s’intéresse pas réellement aux problèmes sociaux de ces régions marginales : l’important est d’obtenir leur docilité, avant même que la provincialisation de la Macédoine n’intervienne après 148.

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L’exemple du koinon achéen montre le même cynisme de la politique romaine dans la région du Péloponnèse que dominait alors la Fédération des Achéens. C’est surtout à partir des années 180 que le parti pro-romain devient d’un poids réel dans la politique achéenne. Polybe est, évidemment, une source de qualité pour l’histoire d’un pays qui est le sien et dans lequel son père Lykortas a joué un rôle majeur ; en revanche, il a, assurément, une haine profonde pour le serviteur de Rome, Kallikratès, qui a réussi à faire déporter en Italie plus d’un millier de jeunes Achéens qui ont dû y demeurer pendant plus de 16 ans. Ce Kallikratès apparaît, pour la première fois dans un récit de Polybe30, en 180, lors d’un débat à l’Assemblée achéenne provoqué par une lettre que les Romains avaient envoyée demandant le rappel des exilés lacédémoniens. Le stratège achéen Hyperbatos et ce Kallikratès conseillent de s’incliner devant les exigences romaines, tandis que Lykortas préconise d’expliquer aux Romains que l’acceptation de leur demande conduirait les Achéens à renier leurs serments. Faute de trouver un accord, les Achéens décident l’envoi au Sénat romain d’une délégation chargée de plaider pour la thèse de 28. Tite-Live,

XLV, 31, 1-2 : In qua cognitione magis utra pars Romanis, utra regi favisset quaesitum est, quam utra fecisset iniuriam aut accepisset ; noxa liberati interfectores ; exilium pulsis aeque ratum fuit ac mors interfectis ; A. Baebius unus est damnatus, quod milites Romanos praebuisset ad ministerium caedis. 29. Polybe, XXXII, 5, 1 : Ὅτι τὰ κατὰ τὴν Αἰτωλίαν καλῶς διετέθη, κατεσβεσμένης ὲν αὐτοῖς τῆς ἐμφυλίου στάσεως μετὰ τὸν Λυκίσκου θάνατον. C’est certainement à tort que Justin, Histoires philippiques, XXXIII, 2, 8, présente “les sénateurs de toutes les villes d’Étolie, dont la foi s’était montrée douteuse, envoyés à Rome avec leurs femmes et leurs enfants” (Aetolorum universarum urbium senatus cum conjugibus et liberis, qui dubia fide fuerant, Romam missus) ; il doit s’agir en réalité des otages achéens et de leurs familles. 30. Polybe, XXIV, 8.

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Lykortas et composée de Kallikratès de Léontion, de Lydiadas de Megalopolis et d’Aratos de Sicyone (qui est le fils du stratège du siècle précédent). Le choix de Kallikratès est surprenant dans la mesure où il représente la thèse opposée à celle de Lykortas. Il ne se prive, d’ailleurs, pas de plaider devant le Sénat sa propre thèse, en se lançant dans une attaque en règle contre ses adversaires politiques31. M. Holleaux32 a bien senti l’importance de ce discours de Kallikratès à Rome : “C’est seulement après les révélations de Kallikratès que le Sénat commence de s’ingérer dans la politique intérieure des États grecs”, suivant par là la pensée de Polybe, juge et partie dans les affaires achéennes et naturellement adversaire acharné de Kallikratès33 : Le Sénat jugea que l’avis de Kallikratès était conforme aux intérêts de Rome et, comme on lui avait expliqué qu’il fallait agir de façon à accroître l’autorité des hommes politiques achéens qui conseillaient à leurs concitoyens de se plier aux exigences romaines et à diminuer celle de leurs adversaires, il entreprit alors, pour la première fois, d’abaisser les hommes qui, dans leurs cités respectives, œuvraient pour le bien public et de grandir ceux qui, fût-ce pour de bonnes ou de mauvaises raisons, se rangeaient du côté de Rome. Cette politique produisit ses effets peu à peu et, au bout d’un certain temps, les Romains eurent beaucoup de flatteurs, mais très peu d’amis véritables.

Rome s’est, en quelque sorte, laissée piéger par les flatteries de ce Kallikratès et entre dans une relation avec les États grecs fondée sur de mauvaises bases. Polybe est, certes, très hostile à Kallikratès, mais il écrit bien plus tard et a su apprécier les capacités des Romains à diriger le monde de son époque : son observation met en valeur l’orientation fâcheuse de la politique romaine en Grèce qui ne sait pas choisir ses appuis. À la suite du soutien manifeste du Sénat romain aux positions de Kallikratès, celui-ci est élu stratège du koinon achéen au printemps 180 et fait rappeler les exilés lacédémoniens et messéniens34. En remerciement, les exilés de Sparte lui élèvent 31. Voir

le texte de Polybe, XXIV, 9, 2-4, supra, note 11. Rome, la Grèce et les monarchies hellénistiques au iii e siècle av. J.- C., p. 313, n. 2. 33. Polybe, XXIV, 10, 3-5 : Ἡ δὲ σύγκλητος δόξασα τὸν Καλλικράτην λέγειν τι τῶν αὐτῇ συμφερόντων καὶ διδαχθεῖσα διότι δεῖ τοὺς μὲν τοῖς αὐτῆς δόγμασιν συνηγοροῦντας αὔξειν, τοὺς δ’ ἀντιλέγοντας ταπεινοῦν, οὕτως καὶ τότε πρῶτον ἐπεβάλετο τοὺς μὲν κατὰ τὸ βέλτιστον ἱσταμένους ἐν τοῖς ἰδίοις πολιτεύμασιν ἐλαττοῦν, τοὺς δὲ καὶ δικαίως προστρέχοντας αὐτῇ σωματοποιεῖν. Ἐξ ὧν αὐτῇ συνέβη κατὰ βραχύ, τοῦ χρόνου προβαίνοντος, καλάκων μὲν εὐπορεῖν, φίλων δὲ σπανίζειν ἁληθινῶν. 34. Polybe, XXIV, 10, 14-15. Pausanias, VII, 9, 5 fait allusion aux ambassades lacédémoniennes à Rome, sans mentionner Kallikratès, mais il est, ensuite, extrêmement sévère à l’égard de ce personnage, allant jusqu’à le qualifier “d’homme exécrable pour la Grèce entière” : Καλλικράτει δὲ ἁπάσης τῆς Ἑλλάδας ἀνδρὶ ἀλάστορι (VII 11, 2). 32. M. Holleaux,

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une statue à Olympie (Inschr. v. Olympia, no 300). Dans les années suivantes, l’opposition de Lykortas et de ses amis à la politique d’extrême soumission aux volontés romaines menée par Kallikratès reste vivace mais, semble-t-il, constamment minoritaire. On le constate, en 174, lorsque le roi Persée envoie un courrier au koinon achéen, en proposant la restitution des esclaves achéens réfugiés en territoire macédonien et la réouverture de la Macédoine aux Achéens comme de l’Achaïe aux Macédoniens : Kallikratès s’y oppose vigoureusement35 et les interventions en sens opposé du stratège Xénarque et de son frère Archon ne parviennent pas à obtenir un début d’amélioration des relations entre la Macédoine et les Achéens. Deux ans plus tard, en 172, le blocage persistait, même si la position de Kallikratès s’effritait : Tite-Live écrit : Quant à l’assemblée achéenne, seul un petit nombre de gens qui brandissaient la menace de la puissance de Rome avaient fait écarter la décision ; mais on en était presque arrivé au moment où on allait lui permettre d’entrer en Achaïe.36

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Le déclenchement de la troisième guerre de Macédoine met fin aux débats, le koinon achéen est du côté romain face au roi Persée. Mais l’affrontement entre les deux partis achéens ressurgit à chaque occasion : au début de 168, les rois lagides Ptolémée VI Philometor et son frère Ptolémée Évergète II, en butte aux attaques d’Antiochos IV, demandent de l’aide aux Achéens : Polybe37, qui était directement en cause, écrit : Les débats qui s’engagèrent alors furent longs et passionnés. Kallikratès, Diophanès et Hyperbatos étaient d’avis de ne pas envoyer les secours réclamés, mais Archon, Lykortas et Polybe soutenaient au contraire que l’on devait assistance aux rois, en vertu du traité d’alliance avec l’Égypte.

Après ces débats à l’assemblée réunie à Corinthe, la question revient à l’ordre du jour d’une assemblée extraordinaire réunie à Sicyone, sans plus de progrès et c’est l’envoyé romain qui, seul, contraint Antiochos IV à se retirer d’Égypte et sauve ainsi la dynastie lagide. 35. Tite-Live,

XLI, 23, 5-18.

36. Tite-Live, XLII, 12, 6 : In Achaico concilio vero, nisi discussa res per paucos Romanum imperium intentantis esset,

eo rem prope adductam, ut aditus ei in Achaiam daretur. Il s’git, naturellement, d’admettre la visite du roi Persée en territoire achéen. 37. Polybe, XXIX, 23, 1-3 : Ἐγενήθη διαβούλια καὶ πλείω, πολλὴν ἔχοντα φιλοτιμίαν. Τοῖς μὲν γὰρ περὶ τὸν Καλλικράτην καὶ Διοφάνην καὶ σὺν τούτοις Ὑπέρβατον οὐκ ἤρεσκε διδόναι βοήθειαν, τοῖς δὲ περὶ τὸν Ἄρχωνα καὶ Λυκόρταν καὶ Πολύβιον ἤρεσκε τὸ διδόναι τοῖς βασιλεῦσι κατὰ τὴν ὑπάρχουσαν συμμαχίαν.

Les partis pro-romains en Grèce occidentale dans la première moitié du iie siècle av. J.-C.

Après la bataille de Pydna qui marque la victoire romaine sur le roi Persée, Kallikratès court féliciter Paul Émile à Amphipolis, où il retrouve les tenants de la même politique, Charops le Jeune l’Épirote, Lykiskos d’Étolie, Chrémas d’Acarnanie et chacun dresse des listes d’adversaires qui doivent être trasnférés à Rome, selon Polybe38, listes qui seront communiquées par les commissaires du Sénat de Rome aux différents États grecs. Deux commissaires sont envoyés chez les Achéens, C. Claudius Pulcher et Cn. Domitius Ahenobarbus pour y procéder eux-mêmes à la convocation des citoyens dont le nom figurait sur les listes de proscription à la fois parce qu’ils craignaient une résistance de l’assemblée achéenne et un réel danger pour Kallikratès et ses amis39. Pausanias40 précise : Il avait été décidé que, dans la nation achéenne, tout homme, fût-il innocent, que Kallikratès voulait incriminer, était déféré à Rome. Le nombre de ceux qui furent emmenés dépassa le millier. Les Romains pensant que ces gens-là avaient été préalablement condamnés par les Achéens, les répartirent à travers la Tyrrhénie et ses cités ; et les Achéens avaient beau multiplier les envois d’ambassades et de supplications en faveur de ces gens, ils n’en tenaient aucun compte. Seize ans plus tard, ils relâchèrent les trois cents hommes, tout au plus, seuls Achéens, qui restaient encore en Italie, jugeant qu’ils avaient été suffisamment punis.

Polybe41 a tenu, dans son récit des crimes de Kallikratès et de la complicité de trop de représentants romains, à souligner que cette politique n’était pas acceptée par tous et, en particulier, il tient à préserver Paul Émile de cette responsabilité : Le proconsul envoya les lettres et fit partir les deux commissaires, bien que, pour sa part, il n’approuvât pas les accusations formulées par Lykiskos et Kallikratès, comme les faits eux-mêmes devaient le montrer clairement par la suite.

38. Polybe,

XXX, 13, texte figurant supra, note 1. XXX, 13, 8-11 ; il est suivi par Tite-Live, XLV, 31, 9-11. 40. Pausanias, VII, 10, 7-12 est le plus complet sur ce drame de la déportation de plus d’un millier d’Achéens qui sont restés seize ans retenus en Italie, voir en particulier les paragraphes 11-12 : Τότε δὲ ἐκ τοῦ Ἀχαιῶν ἔθνους ὅντινα καὶ ἀναίτιον Καλλικράτης ἐθελήσειεν αἰτιάσασθαι, ἀνάγεσθαι πάντα τινὰ ἐκεκύρωτο ἐς Ῥώμην· καὶ ἐγένοντο ὑπὲρ χιλίους οἱ ἀναχθέντες. Τούτους ὑπὸ Ἀχαιῶν οἱ Ῥωμαῖοι προκατεγνῶσθαι νομίζοντες ἔς τε Τυρσηνίαν καὶ ἐς τὰς ἐκεῖ δίεπεμψαν πόλεις, καὶ Ἀχαιῶν ἄλλοτε ἄλλας ὑπὲρ τῶν ἀνδρῶν πρεσβείας τε καὶ ἱκεσίας ἐπιπεμπόντων λόγον ἐποιοῦντο οὐδένα. Ἑπτακαιδεκάτῳ δὲ ὕστερον ἔτει τριακοσίους ἢ καὶ ἐλάσσονας, οἳ μόνοι περὶ Ἰταλίαν Ἀχαιῶν ἔτι ἐλείποντο, ἀφιᾶσιν, ἀποχρώντως κολασθῆναι σφᾶς ἡγούμενοι. 41. Polybe, XXX, 13, 11 : Περὶ μὲν οὖν τούτων μετά τινα χρόνον ἐξέπεμπεν ὁ στρατηγὸς τὰς ἐπιστολὰς καὶ τοὺς πρέσβεις, καίπερ οὐκ εὐδοκούμενος κατὰ γε τὴν αὐτοῦ γνώμην ταῖς τῶν περὶ τὸν Λυκίσκον καὶ Καλλικράτην διαβολαῖς, ὡς ἐξ αύτῶν τῶν πραγματων ὕστερον ἐγένετο καταφανές. 39. Polybe,

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Pierre Cabanes

Il est vrai que c’est à sa protection que Polybe dût de bénéficier en Italie d’un sort privilégié. Le mépris général qui entoure Kallikratès et ses amis est bien mis en évidence par Polybe42, qui raconte qu’à Sicyone, lors des fêtes des Antigoneia, personne n’acceptait de se baigner dans le bassin dans lequel Kallikratès ou l’un des siens s’était plongé et demandait que l’eau soit changée complètement, comme s’il risquait de contracter une souillure en se baignant dans la même eau que ces genslà. Kallikratès meurt en 150 alors qu’il se rendait à Sparte et Polybe rapporte avec fierté que le statues de cet individu furent enlevées des lieux publics et remplacées immédiatement par celles de Lykortas43. Parmi les États de Grèce occidentale, bordant la mer Ionienne ou l’Adriatique, l’Acarnanie fait figure d’État d’importance secondaire, coincée entre l’Épire et l’Étolie, qui se l’étaient partagée au cours du iiie siècle av. J.-C., avant que le pays ne recouvre son indépendance au début du dernier tiers de ce siècle. Comme ses voisins, l’Acarnanie a eu son partisan de Rome, du nom de Chrémas qui est cité seulement en trois occasions par Polybe. C’est dans l’hiver 170-169 qu’il apparaît pour la première fois44 :

384

Les Acarnaniens s’étant réunis en assemblée générale à Thyrrhéion, Aischrion, Glaukos et Chrémas, qui étaient acquis aux Romains, prièrent Popilius d’établir des garnisons en Acarnanie ; car, dirent-ils, il y avait dans le pays des gens qui cherchaient à entraîner leurs concitoyens dans le camp de Persée et des Macédoniens. Diogénès, cependant, exprima un avis contraire.

Le représentant romain comprend l’opposition des Acarnaniens et se retire sans imposer de garnison. Après la bataille de Pydna, Chrémas court à Amphipolis comme les autres partisans de Rome45 pour féliciter Paul Émile. Polybe mentionne, enfin, ce personnage pour évoquer sa mort qui libère l’Acarnanie46 : Le calme était revenu en Étolie, où les dissensions intestines s’étaient éteintes après la mort de Lykiskos. En Béotie également, depuis la dispari42. Polybe,

XXX, 29. XXXVI, 13. 44. Polybe, XXVIII, 5, 1-3 : Κατὰ δὲ τὴν Ἀκαρνανίαν συναχθείσης τῆς ἐκκλησίας εἰς Θύρρειον, Αἰσχρίων μὲν καὶ Γλαῦκος καὶ Χρέμας ὄντες Ῥωμαίων παρεκάλουν τοὺς περὶ τὸν Γάιον ἔμφρουρον ποιῆσαι τὴν Ἀκαρνανίαν· εἶναι γὰρ παρ’ αὐτοῖς τοὺς ἀποφέροντας τὰ πράγματα πρὸς Περσέα καὶ Μακεδόνιας. Διογένης δὲ τὴν ἐναντίαν ἐποιήσατο τούτοις συμβουλίαν. 45. Polybe, XXX, 13, 4. 46. Polybe, XXXII, 5, 1-3 : Ὅτι τὰ κατὰ τὴν Αἰτωλίαν καλῶς διετέθη, κατεσβεσμένης ἐν αὐτοῖς τῆς ἐμφυλίου στὰσεως μετὰ τὸν Λυκίσκου θάνατον, καὶ Μνασίππου τοῦ Κορωναίου μεταλλάξαντος τὸν βίον βελτίων ἦν ἡ διάθεσις κατὰ τὴν Βοιωτίαν, ὀμοίως δὲ καὶ κατὰ τὴν Ἀκαρνανίαν Χρέμα γεγονότος ἐκποδών. Σχεδὸν γὰρ ώσανεὶ καθαρμόν τινα συνέβη γενέσθαι τῆς Ἑλλάδος, τῶν ἀλιτηρίων αὐτῆς ἐκ τοῦ ζῆν μεθισταμένων. 43. Polybe,

Les partis pro-romains en Grèce occidentale dans la première moitié du iie siècle av. J.-C.

tion de Mnasippos de Coronée, les choses allaient mieux et il en était de même en Acarnanie, maintenant qu’on était débarrassé de Chrémas. La Grèce se trouva en quelque sorte purifiée par la mort de ces hommes qui avaient été ses fléaux.

Ces quelques exemples de partisans de Rome agissant dans les États de Grèce occidentale, durant le premier tiers du iie siècle avant notre ère, témoignent d’une réelle improvisation de la part des représentants de l’État romain. Ils se sont trouvés brutalement en face de petits États pourvus d’un passé lourd, déchirés par de vraies guerres intestines qui paraissent souvent liées à la question des dettes et qui opposent donc prêteurs et emprunteurs, riches et pauvres. Des hommes politiques peu scrupuleux profitent de l’arrivée de ces voisins romains puissants et peu informés, pour les entraîner de leur côté. Trop souvent Rome est ainsi conduite à s’appuyer sur des politiciens rusés et corrompus, dressant contre eux bien des patriotes modérés, qui cherchaient simplement à protéger leur patrie des menaces de voisins plus puissants, que ce soit le roi macédonien ou le Romain. La présence romaine à l’est de l’Adriatique a connu un mauvais départ et a provoqué des souffrances cruelles tant aux Épirotes qui ont fourni 150 000 esclaves au vainqueur, qu’aux Étoliens dont bien des citoyens ont été massacrés sans jugement et aux Achéens dont plus de mille citoyens ont été transférés en Italie comme des exilés pendant seize ans. Il a fallu sûrement beaucoup de temps pour que ces souvenirs cuisants s’estompent au cœur des Grecs de Grèce occidentale et que la paix romaine apparaisse comme un apport positif à la vie de ces contrées.

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Crisis políticas en los núcleos de Occidente durante la época de la expansión romana (ámbitos hispano y galo)

1

Enrique García Riaza 

Résumé – Cette contribution analyse le concept de crise politique en Occident durant les premières étapes de la provincialisation engagée par Rome. Les dynamiques internes de caractère socio-économique qui génèrent des épisodes de tensions entre les intérêts de l’impérialisme romain et les décisions politiques des cités, amènent à imposer des gouvernements loyaux et à réorganiser les structures politiques régionales. À partir de ces préalables, on se propose de réexaminer les références littéraires en se concentrant sur l’opposition entre les élites et le peuple, situation qui ne semble pas influer sur l’organisation réelle des différentes factions, fondées sur l’émergence de leaders appartenant aux oligarchies locales. Mots-clés – Rome - Gaules - Hispanie - Impérialisme - Crises - Civitates - Senatus - Populus - Iuventus.

ABSTRACT –

This paper analyzes the concept of political crisis in the West during the stages prior to the Roman provincialisation. The internal socio-economic processes that generated episodes of stress interacted in such historic crossroads with the interest of Roman imperialism in monitoring the political decisions of cities, imposing loyal governments and reorganizing regional structures of power. From these bases, we propose a review of the literary references to the alleged opposition folkelite, that does not seem to depict the real structure of the different factions, commonly vertebrated through leaders belonging to the local oligarchy. Finally, we study the various manifestations of the crisis, analyzing the cases of violence (magnicides) and expulsions from the cities. Keywords – Roma - Gallia - Hispania - Imperialism - Crisis - Civitates - Senatus - Populus - Iuventus.

1. Trabajo realizado en el ámbito del Proyecto: “Entre la paz y la guerra: alianzas, confederaciones y diplomacia en

el Occidente Mediterráneo (siglos iii-i a.C.)” (HAR2011-27782), Dirección General de Investigación y Gestión del Plan Nacional de I+D+I, Ministerio de Economía y Competitividad, Gobierno de España.

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Enrique García Riaza 

E 

l concepto de crisis política presenta en sí mismo una definición problemática, por cuanto la dialéctica de intereses constituye la esencia misma de la actividad pública, traducida periódicamente en tensión e incluso en lucha faccional. En el mundo antiguo, y particularmente en el ámbito cronológico y geográfico que nos ocupa aquí (el Occidente europeo entre finales del iii a.C. y mediados del i a.C.), las situaciones de tensión que desbordaron por su inusitada intensidad el devenir cotidiano de los núcleos políticos se relacionan no sólo con factores socioeconómicos de carácter interno, sino con las acciones directas o indirectas de potencias exteriores, tanto del mundo púnico como, en especial, del ámbito romano-republicano.

Las múltiples facetas de la tensión política

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La documentación literaria, mediatizada por su focalización en los acontecimientos de la II Guerra Púnica, menciona en este contexto las más tempranas manifestaciones de tensión política conocidas en Occidente. La situación de Sagunto previa al 218 a.C. evidencia, según el testimonio de Polibio, un caso temprano de “stasis” (στασιαζόντων αὐτῶν), en el que agentes romanos habrían actuado como árbitros, condenando a muerte a algunos de los cabecillas (λαβόντες τὴν ἐπιτροπὴν [εἰς τὸ διαλῦσαι] ἀδίκως ἐπανέλοιντό τινας τῶν προεστώτων). Fue, precisamente, esta injerencia partidista en asuntos de la ciudad la que permitió a Aníbal, a su vez, intervenir en la zona, presentándose como un defensor de la justicia vulnerada por Roma2. El episodio saguntino, dejando aparte los problemas de interpretación que plantea, pone de manifiesto esta interrelación entre disensiones internas y actuaciones oportunistas púnicas y/o romanas, cuya paternidad en el origen de los desórdenes es siempre probable aunque resulta, con frecuencia, de difícil comprobación. En este mismo horizonte histórico, la situación en Siracusa (216-212 a.C.) constituye otro paradigma de crisis política, en el que los factores exteriores se hacen nítidamente presentes, con la adhesión del tirano Jerónimo al bando cartaginés tras Cannas, el asesinato de éste en el 214 a.C. (cuya autoría romana se sospechó muy pronto), la inevitable aparición de disensiones civiles entre partidarios de Roma y Cartago, la instauración de una tiranía filocartaginesa 2. “En

su respuesta a los legados, simuló defender los intereses de los saguntinos y acusó a los romanos de que, poco tiempo antes, habiéndose producido una sedición en Sagunto en la que los romanos fueron llamados como árbitros, condenaron a muerte injustamente a algunos de los principales. Los cartagineses, añadió, no pasarían por alto esta violación de la buena fe, puesto que era un antiguo principio cartaginés la defensa de las víctimas de la injusticia” (Polib., III, 15, 7). Vid. F. Rodríguez Adrados, “Las rivalidades de las tribus del N.E. español y la conquista romana”, Estudios dedicados a Menéndez Pidal, 1, Madrid, 1952, p. 563-587, esp. p. 582, 584, quien planteara un trasfondo de intereses económicos massaliotas auspiciados por Roma, cf. E. García Riaza, “La presencia cartaginesa en Iberia (237-206 a.C.): aspectos diplomático-militares”, Mayurqa, 24, 1997-1998, p. 17-31, esp. p. 28.

Crisis políticas en los núcleos de Occidente durante la época de la expansión romana (ámbitos hispano y galo)

bajo Hipócrates y Epícides en 213 a.C. y, finalmente, la toma de la ciudad por Marcelo en el 212 a.C.3 Regresando al ámbito hispano, esta interrelación de elementos autóctonos e intereses exógenos puede rastrearse también para el siglo ii a.C. Así se pone de manifiesto en el caso de las dificultades por las que atraviesan los núcleos celtibéricos tras la primera actuación político-militar romana en sus respectivos territorios iniciada en el 182 a.C. Es probable que, en el contexto celtibérico, el nuevo marco de relación con Roma emanado de la paz de Ti. Sempronio Graco del 178 a.C. estuviera limitando el desarrollo de la economía regional, al dificultar los contactos entre ciudades y la creación de nuevos nodos de intercambio, si bien la responsabilidad de la nueva guerra iniciada en el 153 a.C. se atribuye hoy fundamentalmente a motivaciones romanas4. Las estrecheces económicas internas podrían haber ocasionado desequilibrios políticos en algunos de estos núcleos (bien se trate de ciudades de larga tradición, bien de nuevos asentamientos auspiciados por Roma), generando, a su vez, problemas de inseguridad regional que escapaban, periódicamente, del control del gobernador provincial. La ciudad próxima a Colenda sometida por T. Didio en c. 97 a.C. constituye uno de estos asentamientos fallidos, a juzgar por el testimonio de Apiano de Alejandría, quien se hace eco de la versión unilateral romana, apuntando la existencia en la zona de un problema de bandidaje5. Junto a los motivos de clara raigambre económica, la documentación literaria ha preservado noticia de otros conflictos surgidos de tensiones político-institucionales entre líderes locales, sin que, desde luego, pueda acreditarse para tales episodios una naturaleza absolutamente ajena a los intereses crematísticos de las élites. Contamos, para el Bellum Gallicum, con dos claros ejemplos de intervención romana en asuntos internos de sendas ciudades, afectadas por graves problemas de 3. “Para ellos [los legati siracusanos ante el senado romano tras la toma de la ciudad] continuaron diciendohabían sido odiosos los tiranos Jerónimo y después Hipócrates y Epícites por muchas otras cosas, pero especialmente por la traición [propter defectionem] a los romanos en favor de Aníbal. Por esta razón, no sólo Jerónimo había sido muerto por los principales de la juventud como si hubiera sido una decisión del pueblo [a principibus iuuentutis prope publico consilio interfectum], sino que también setenta jóvenes de lo más escogido de la nobleza se habían conjurado para asesinar a Hipócrates y Epícites [nobilissimorum iuuenum coniurationem factam]; pero éstos habían sido abandonados por las reservas de Marcelo, ya que no movilizó al ejército contra Siracusa en el momento acordado, y, tras una denuncia, fueron ejecutados todos por los tiranos” (Liv., XXVI, 30, 2-3). 4. “[Graco] asentó a las clases más menesterosas y repartió las tierras entre ellos. Llevó a cabo tratados perfectamente regulados con todos los pueblos de esta zona, sobre la base de que serían aliados de los romanos” (App. Hisp., 43, trad. S. Royo, p. 142). Vid. J. S. Richardson, Hispaniae. Spain and the Development of Roman Imperialism, Cambridge, 1986, p. 126 ss.; M. Salinas de Frías, Conquista y Romanización de Celtiberia, Salamanca, 1996 [1986], p. 27 ss. 5. “Existía otra ciudad próxima a Colenda, habitada por tribus mezcladas de los celtíberos, a quienes Marco Mario había asentado allí hacía cinco años con la aprobación del senado, por haber combatido como aliados suyos contra los lusitanos. Pero éstos a causa de su pobreza se dedicaron al bandidaje” (App., Hisp., 100, trad. S. Royo, p. 186), vid. ahora E. Sánchez Moreno, “De la resistencia a la negociación: acerca de las actitudes y capacidades de las comunidades hispanas frente al imperialismo romano”, en E. García Riaza (ed.), De fronteras a provincias. Interacción e Integración en Occidente (ss. iii-i a.C.), Edicions Palma de Mallorca, 2011, p. 97-103; id., “Las guerras celtíbero-lusitanas (114-93 a.C.) y su dimensión geopolítica”, en J. Principal Ponce y T. Ñaco del Hoyo (eds.), Logística y estrategia militar en Hispania (c. 120-90 a.n.e.), Barcelona, 2012 (e. p.).

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crisis políticas: el correspondiente a los tréveros en el 54 a.C. y el de los eduos dos años más tarde. Ninguno de ambos conflictos se resolvería a corto plazo. En el primer caso6, nos hallamos ante una situación de fuerte inestabilidad política originada por la disputa del liderazgo entre Induciomaro y Cingétorix, su yerno, quienes de principatu inter se contendebant. La aproximación de César contribuyó a acelerar esta polarización, manifestándose en la adhesión a Roma de Cingetórix y la resistencia de Induciomaro, pese a la defección de un número importante de personajes de su entorno. Ante la disuasión de las fuerzas romanas, Induciomaro se vio en última instancia forzado a claudicar: ad eum venit, se suosque omnes in officio futuros neque ab amicitia populi romani defecturos confirmavit. La conferencia de paz, orientada a lograr una suerte de conciliación entre las partes en litigio, fracasa al entregarse el poder local (auctoritas) a Cingetórix7, con el resultado del aumento de la hostilidad de Induciomaro, quien continuaría perseverando8 hasta lograr, en el contexto de un concilium armatum, deponer a Cingetórix. Éste sería proclamado enemigo público, y sus propiedades fueron incautadas: in eo concilio Cingetorigem, alterius principem factionis […] hostem iudicat bonaque eius publicat 9. El relato cesariano correspondiente a la crisis política de los eduos del 52 a.C. nos proporciona un segundo testimonio interesante. Los Commentarii 10 nos sitúan ante la pugna entre dos miembros de la élite local: Convictolitavis (florentem et inlustrem adulescentem) y Coto (antiquissima familia natum atque ipsum hominem summae potentia et magnae cognationis), una agitación (controversiae, dissensiones) que habría conseguido dividir a la ciudad y a sus instituciones (Civitatem esse omnem in armis, divisum senatum, divisum populum, suas cuiusque eorum clientelas) hasta el punto de hallarse al borde de la guerra civil (fore uti pars cum parte civitatis confligat)11. Obviamente, el Bellum Gallicum ofrece este cuadro apocalíptico de la situación local – summo est in periculo rem – para justificar la intervención romana (con el peso de su auctoritas) en los asuntos internos de los eduos, a petición, como era esperable, de los propios galos, cuyos emisarios aluden, nuevamente, al “estado crítico” por el que atravesaba la ciudad: legati ad eum principes Haeduorum veniunt oratum ut maxime necessario tempore civitati subveniat. En realidad, la tensión en la ciudad había tenido su origen en un conflicto institucional centrado una disputa de legitimidad en torno al acceso a la magistratura suprema. El ejercicio de ésta, de carácter unipersonal, era 6. Caes.,

BG, V, 3-4. interesse arbitrabatur eius auctoritatem inter suos quam plurimum valere, cuius tam egregiam in se voluntatem perspexisset. (Caes., BG, V, 4, 4). 8. Id tulit factum graviter Indutiomarus, suam gratiam inter suos minui, et qui iam ante inimico in nos animo fuisset, multo gravius hoc dolore exarsit. (ibid.). 9. Caes., BG, V, 56, 3. 10. Caes., BG, VII, 32-33. 11. Cf. Caes., BG, I, 20, 2-3 y VII, 33, 2 y 3. Los eduos ya conocieron disensiones políticas previas, vid. Caes., BG, V, 6 sobre el malestar en un importante sector de esta civitas por la actitud de Dumnórix, así como del uso cesariano de sus hospites eduos como informadores (id factum ex suis hospitibus Caesar cognoverat). 7. magni

Crisis políticas en los núcleos de Occidente durante la época de la expansión romana (ámbitos hispano y galo)

pretendido a un tiempo por Convictolitavis (quien sería confirmado por César) y Coto (depuesto finalmente, al haber incurrido en fraude de ley)12. Parece que, en esta ocasión, el arbitraje romano se basó en razones técnico-jurídicas (de suo iure et de legibus)13, tanto más si se tiene en cuenta que el vencedor del conflicto, Convictolitavis, cometería posteriormente acciones contrarias a los intereses de bando romano14. Subyace en éstos y en muchos otros conflictos análogos, peor documentados, el interés romano en rediseñar las estructuras de poder local, bien debilitando los polos de resistencia (a través del fomento de rivalidades internas en las ciudades), bien organizando fórmulas alternativas de poder, filorromanas, construidas a través de una política activa de atracción de las élites locales15. En cualquiera de los casos, la situación de inestabilidad interna proporciona a la autoridad romana una justificación para la injerencia, alegando la necesidad de recuperar el equilibrio regional o acudiendo en auxilio de uno de los bandos contendientes, quien se ve forzado a solicitar socorro exterior para recuperar u obtener preeminencia política en su ciudad, aun a sabiendas de que tal ayuda ajena hipotecará inevitablemente su independencia futura. Cartagineses y romanos desarrollarán en Occidente estas sutiles fórmulas de imperialismo en distintos escenarios. Para el caso hispánico, sirva, como botón de muestra, en los albores de la II Guerra Púnica (218-217 a.C.) el caso del mandatario ausetano Amúsico, de inclinación filocartaginesa, cuya facción, con él al frente, se ve obligada a dejar la ciudad, derrotada probablemente por una mayoría de la población que decide rendirse ante el avance escipiónico16. Un testimonio análogo, aunque esta vez de signo opuesto, lo hallamos en el contexto de la Guerra Numantina (143 a.C.), cuando un cierto Retógenes (indudablemente al frente de una facción) decide abandonar la ciudad de Centóbriga, donde se instaura la línea dura de resistencia, estableciéndose medidas de represión de la disidencia17. No son ajenas a la documentación 12. La

designación de Coto no se ajustó a Derecho (era hermano de un magistrado, lo cual le inhabilitaba para el cargo). Además, el nombramiento se hizo clandestinamente – fuera de la asamblea electiva, por tanto: Cotum imperium deponere coegit, vid. L. Lamoine, “Préteur, vergobret, princeps en Gaule Narbonnaise et dans les Trois Gaules”, en M. Cébeillac-Gervasoni y L. Lamoine (eds.), Les Élites et leurs facettes. Les élites locales dans le monde hellénistique et romain, Clermont-Ferrand - Roma, 2004, p. 187-204; id., “La pratique du vergobret : le témoignage de César confronté aux inscriptions”, Cahiers Glotz, XVII, 2006, p. 81-104; id., Le pouvoir local en Gaule romaine, Clermont-Ferrand, 2009, esp. p. 106 ss., con un excelente análisis. 13. Caes., BG, VII, 37, 5. 14. Caes., BG, VII, 37, 1-7. Vid. 42, 4 y 55, 4. 15.  Vid. sobre el tratamiento de las élites en el relato cesariano, J. Barlow, “Noble Gauls and their other in Caesar’s propaganda”, en K. Welch y A. Powell (eds.), Julius Caesar as artful reporter: the War Commentaries as political instruments, Londres, 1998, p. 139-170. Es de ayuda también la importante monografía de A. Deyber, Les Gaulois en guerre. Stratégies, tactiques et techniques. Essai d’histoire militaire (ii e-i er siècles av. J.-C.), París, 2009, esp. p. 77-92; cf. igualmente, para una contextualización más amplia, S. B. Dunham, “Caesar’s Perception of Gallic Social Structures”, en B. Arnold y D. B. Gibson (eds.), Celtic Chiefdom, Celtic State. The Evolution of Complex Social Systems in Prehistoric Europe, Cambridge, 1995, p. 110-115 y, recientemente, M. A. Fernández Götz, “Niveles sociopolíticos y órganos de gobierno en la Galia de finales de la Protohistoria”, Habis, 42, 2011, p. 7-26. 16. postremo cum Amusicus princeps eorum ad Hasdrubalem profugisset, viginti argenti talentis pacti deduntur (Liv., XXI, 61). 17.  Q. uero Metellus Celtibericum in Hispania gerens bellum, cum urbem Centobrigam obsideret et iam admota machina partem muri, quae sola conuelli poterat, disiecturus uideretur, humanitatem propinquae uictoriae praetulit:

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antigua las negociaciones de miembros de las élites hispanas o galas con los líderes romanos, quienes habrían ofrecido a aquéllos la garantía de preservación (o mejora) de su statu quo tras la deditio. Tales actitudes fueron, como es obvio, objeto de reprobación por parte de los sectores resistentes, de forma que la sola sospecha de pactismo se tradujo, ante tales escenarios de crispación política, en la aplicación de medidas de represión violenta. Así el caso de Avaro, princeps legationis numantino, masacrado en 133 a.C. junto a los otros cinco legati que fueron enviados por su ciudad a negociar las condiciones de paz ante P. Cornelio Escipión Emiliano18. En el ámbito galo, ocho décadas más tarde, el paralelo más claro de tal actitud lo hallamos en el caso de los tréveros (54 a.C.), ya referido19, con la aproximación a César de miembros de las élites locales deseosos de obtener la salvaguarda de sus intereses personales frente a la actitud oficial de la ciudad, marcada por la resistencia antirromana de Induciomaro: non nulli principis ex ea civitate […] ad Caesarem venerunt et de suis privatim rebus ab eo petere coeperunt20. Subyacen, en tales actitudes, en definitiva, los resultados de las políticas activas que venía desarrollando la república del Lacio a partir de décadas atrás, y que gráficamente se resumen en el siguiente pasaje cesariano, de indudable sabor propagandístico: populi romani hanc esse consuetudinem, ut socios atque amicos non modo sui nihil deperdere, sed gratia, dignitate, honore auctiores uelit esse21. De acuerdo con esta lectura subjetiva, la acción diplomática, política y militar de las fuerzas romanas en la Galia se hallaría encaminada, en síntesis, al restablecimiento del orden público – primero –, de la paz social – en segundo término –, y, finalmente, de la Justicia. La reinstauración por Roma de la supremacía de los eduos en detrimento de los secuanos se manifiesta, así, en los siguientes términos: adventu Caesaris facta conmutatione rerum, obsidibus haeduis redditis, veteribus clientelis restitutis, novis per Caesarem comparatis, quod ii qui se ad eorum amicitiam adgregaverant meliore condicione atque aequiore imperio se uti videbant, reliquis rebus eorum gratia dignitateque amplificata, sequani principatum dimiserant 22. La política de atracción de las élites locales – que hemos visto empleada como instrumento eficaz del imperialismo cartaginés y, sobre todo, romano –, se manifiesta también en otros escenarios con nam cum Rhoetogenis filios, qui ad eum transierat, Centrobigenses machinae ictibus obiecissent, ne pueri in conspectu patris crudeli genere mortis consumerentur, quamquam ipse Rhoetogenes negabat esse inpedimento quominus etiam per exitium sanguinis sui expugnationem perageret, ab obsidione discessit. quo quidem tam clementi facto etsi non unius ciuitatis moenia, omnium tamen Celtiberarum urbium animos cepit effecitque ut ad redigendas eas in dicionem populi Romani non multis sibi obsidionibus opus esset (Val. Max., 5, 1, 5). Vid. ahora, sobre el caso hispánico, E. Melchor Gil. “Los senados de las comunidades no privilegiadas de Hispania (s. iii a.C.-s. i d.C.)”, en L. Lamoine, C. Berrendonner y M. Cébeillac-Gervasoni (dirs.), La praxis municipale dans l’Occident romain, Clermont-Ferrand, 2010, p. 175-185; id., “Sobre los magistrados de las comunidades hispanas no privilegiadas (siglos iii a.C.-i d.C.)”, en A. Sartori y A. Valvo (cur.), Identità e autonomie nel mondo romano occidentale, Iberia-Italia Italia-Iberia III, Epigrafia e Antichità, 29, Faenza, 2011, p. 151-171. 18. App., Hisp., 95. 19. Caes., BG, V, 3-4. 20. Caes., BG, V, 3, 5. 21. Caes., BG, I, 43, 8, a propósito de los eduos y Ariovisto. 22. Caes., BG, VI, 12, 6.

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protagonistas estrictamente galos, como es el caso de la propia actitud de Vercingetórix quien, según nuestra única fuente, habría puesto en práctica una estrategia basada en la entrega de dones a los principes civitatium y la realización de promesas: nec minus quam est pollicitus Vercingetorix animo laborabat ut reliquas civitates adiungeret, atque earum principes donis pollicitationibusque alliciebat 23, designando a tal fin una suerte de legationes especializadas: huic rei idoneos homines deligebat, quorum quisque aut oratione subdola aut amicitia facillime capere posset24.

¿Fractura social élites-pueblo? Los testimonios literarios antiguos arrojan un llamativo número de casos referidos a la existencia de una marcada oposición entre las élites locales (bien de corte aristocrático u oligárquico) y el resto de la población, articulada políticamente en asambleas o definida por una expresión global alusiva al ámbito militar del tipo néoi / iuventus25. Es probable, sin embargo, que nos hallemos frente a una caracterización simplista del marco sociopolítico prerromano, por lo que conviene plantearse hasta qué punto existió una fractura real que separara nítidamente a estos sectores. Ante la sospecha de la desarticulación política de las capas populares en tal coyuntura histórica, nos formulamos, como alternativa, la hipótesis de que las disensiones (indudablemente existentes) no dividieran en horizontal a distintos estratos sociales de las ciudades, sino en vertical, generando facciones opuestas, formadas, cada una de ellas, por un sector de las élites locales con sus correspondientes redes de dependencia (o de simple influencia política o económica) en el ámbito popular. Indudablemente, una lectura lineal de las referencias clásicas nos sitúa ante la clara división élites-pueblo, o, lo que es lo mismo: pactismo-resistencia ante Roma. De este modo se describe por Apiano de Alejandría el episodio de Lutia, la ciudad celtibérica cuyos varones en edad militar se alzan en apoyo de la sitiada Numancia (133 a.C.), en contra del criterio de los miembros del consejo local, quienes denuncian el hecho ante Escipión Emiliano26. De igual forma, ya en el contexto de la Guerra Civil, hallamos en Salustio un diagnóstico equivalente, manifestado en la división de una ciudad ante la llegada de Pompeyo, una fractura entre la 23. Caes.,

BG, VII, 31, 1. BG, VII, 31, 1-2, vid. E. García Riaza, “Contactos diplomáticos entre civitates galas durante la intervención cesariana”, en L. Lamoine, C. Berrendonner y M. Cébeillac-Gervasoni (dirs.), La praxis municipale […], op. cit., p. 143-156, cf. id., “Legati ad Caesarem. Instituciones diplomáticas indígenas en el Bellum Gallicum” (artículo integrado en dossier monográfico: “Puesta en escena y escenarios en la diplomacia del mundo romano”), Veleia, 26, 2009, p. 47-61. 25. Vid. J. Muñiz Coello, “Los miembros de la asamblea celta: notas para su estudio”, Iberia, 3, 2000, p. 225-241. 26. “Había, sin embargo, una ciudad rica, Lutia, distante de los numantinos unos trescientos estadios, cuyos jóvenes (néoi) simpatizaban vivamente con la causa numantina e instaban a su ciudad a concertar una alianza, pero los de más edad (presbyteroi) comunicaron este hecho, a ocultas, a Escipión” (App., Hisp., 94, trad. S. Royo, p. 182). 24. Caes.,

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iuventus y los maiores natu / seniores, que emiten decreta27. Sin embargo, en diferentes ocasiones, las fuentes parecen esgrimir esta polarización como un argumento exculpatorio tras la derrota, elaborado por determinados sectores de las élites para atribuir únicamente al pueblo la responsabilidad de la resistencia antirromana. Los belovacos, al rendirse a César, abjuran de Correo, líder de la sublevación del 52 a.C. y pretenden sentirse aliviados con su muerte, siendo éste presentado no sólo como auctor belli, sino también en calidad de concitator multitudinis. Es significativo el hecho de que, en el mismo pasaje, se incluya la expresión imperitam plebem, sugiriendo que ésta actuó no tanto motu proprio, sino bajo un liderazgo externo28. Ante el esfuerzo de las élites belovacas por mostrar a César su inocencia en las pasadas conspiraciones, cargando la culpa en la multitudo, la respuesta de éste, versionada por Hircio, incide en el hecho de que ningún movimiento popular hubiera obtenido éxito sin el concurso de las élites, culpabilizando así de las pasadas sediciones al conjunto de la civitas, y, de una manera especial, a principes, senatus, y boni, como se pone de manifiesto en el pasaje: neminem vero tantum pollere ut invitis principibus, resistente senatu, omnibus bonis repugnantibus infirma manu plebis bellum concitare et gerere posset 29. Este “Leitmotiv” de señalar al pueblo como responsable de la resistencia frente a Roma se constata igualmente para el sur de Britania, cuyos embajadores solicitan la paz en el 55 a.C. y se excusan por haber detenido a Comio, el enviado de César, culpabilizando a la multitudo: hunc illi e navi egressum, cum ad eos oratoris modo Caesaris mandata deferret, comprehenderant atque in vincula coniecerant; tum proelio facto remiserunt et in petenda pace eius rei culpam in multitudinem coniecerunt et propter imprudentiam ut ignosceretur petiverunt 30. Al igual que en el caso anterior, el pueblo no sólo carga con la responsabilidad de los hechos, sino que además aparece caracterizado sistemáticamente con una adjetivación peyorativa (infirma manu plebis; imprudentiam). Frente a esta primera impresión que la documentación antigua parece ofrecer sobre el protagonismo popular en tales episodios de crisis, las propias fuentes literarias permiten reconocer el concurso de las élites en la génesis y liderazgo de la resistencia antirromana. Esta actitud se pone de manifiesto en el caso de la defección de los eduos del 52 aC, donde al magistrado de la ciudad se le une la magna pars senatus (evidenciándose también, de forma indirecta la supervivencia de una 27. A matribus parentum facinora militaria viris memorabantur in bellum [aut ad] latrocinia pergentibus, [ubi] illorum fortia facta canebant. Eo postquam Pompeius infenso exercitu adventare compertus est, maioribus natu p[acem] et iussa uti facerent [sua]dentibus, ubi nihil abnuendo proficiunt, se[para]tae a viris arma cepere [et] occupato prope Meo[rigam] quam tutissimo loco [ill]os testabantur inopes patriae parientumque [et] libertatis, eoque ubera, partus et cetera mul[ierum munia viris manere. Quis rebus accensa iuventus decreta senior[um aspernata] […] (Sall., Hist., II, 75). 28. tamen magnum, ut in tanta calamitate, bellovacos eo proelio commodum esse consecutus, quod Correus, auctor belli, concitator multitudinis, esset interfectus. numquam enim senatum tantum in civitate illo vivo quantum imperitam plebem potuisse, (Caes., BG, VIII, 21, 4). 29. Caes., BG, VIII, 22, 2. 30. Caes., BG, IV, 27, 2-4.

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corriente disidente en el propio senado, ya que éste no actuó unánimemente)31. Pero tal vez el más claro exponente de la presencia activa de las élites locales en los procesos de crisis política lo hallemos en el conjunto de las vicisitudes que condujeron a Vercingetórix al poder. De acuerdo con el relato cesariano, la inicial proclividad de éste a la lucha habría sido refrenada por su tío Gobanición y los otros principes, al considerar que la coyuntura no era la idónea32. Finalmente, tras rearmarse, Vercingetórix regresa para ser proclamado mandatario supremo “por sus partidarios”: rex ab suis appellatur 33. Esta constatación de la existencia de sensibilidades muy diversas entre las élites se produce también en Hispania. Salvando las distancias, no puede evitarse una consideración de la figura de Viriato, quien, pese a la referencia de Dion Cassio sobre su oscuro linaje (probable topos historiográfico) realiza un entronque familiar por matrimonio con miembros de las oligarquías lusitanas acaso no distantes de los intereses romanos34. Desde su origen, el movimiento viriático (cualquiera que sea su naturaleza, aún mal conocida) se perfila como una escisión entre las élites del suroeste hispano, caracterizada por el triunfo de la línea de resistencia frente al pactismo de otros líderes35.

Las expresiones de la disidencia Actuaciones armadas contra directrices de los núcleos de origen, revueltas y magnicidios, abandonos de la ciudad: las referencias antiguas al desarrollo de las crisis políticas en las ciudades de Occidente ofrecen un amplio muestrario de actitudes para la exhibición de la discrepancia, desde las soluciones incruentas al uso directo de la intimidación y la violencia. En primer término, contamos con diversas noticias referidas a la realización de acciones de armas (frente a terceros) en contradicción con la política de las instituciones centrales de las ciudades. Uno de los episodios más ilustrativos, para el caso 31. Convictolitavem magistratum magnamque partem senatus ad eum [Litaviccus] convenisse, legatos ad Vercingetorigem de pace et amicitia concilianda publice missos, (Caes., BG, VII, 55, 4). 32. cognito eius consilio ad arma concurritur. prohibetur ab Gobbanitione, patru suo, reliquisque principibus (Caes., BG, VII, 4, 2). 33. Caes., , VII, 4, 4, vid. L. Lamoine, “Représentations et attributs des rois gaulois de la Gaule Chevelue”, en E. Santinelli y Chr.-G. Schwentzel (zds.), La puissance royale. Image et pouvoir de l’Antiquité au Moyen Âge, Rennes, 2012, p. 163-181. 34. Vid. Diod., 33 sobre las bodas de Viriato y, en especial, acerca de la figura de su suegro Astolpas y la presencia en las bodas de invitados romanos. Cf. sobre la construcción de estos modelos historiográficos, E. Sánchez Moreno, “Ex pastore latro, ex latrone dux… Medioambiente, guerra y poder en el Occidente de Iberia”, en T. Ñaco del Hoyo y I. Arrayás Morales (eds), War and territory in the Roman World. (Guerra y territorio en el mundo romano (BAR International Series, S1530), Oxford, 2006, p. 55-79, así como, recientemente, E. Sánchez Moreno y T. Aguilera Durán, “Bárbaros y vencidos, los otros en la conquista romana de Hispania. Notas para una deconstrucción historiográfica”, en E. García Fernández y R. M. Cid López (eds.), Homenaje al profesor Julio Mangas Manjarrés, Madrid - Oviedo (e. p.). 35. Vid. App., Hisp., 61-62, donde se ponen de manifiesto claramente las dos corrientes.

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hispánico, es el protagonizado por Nergóbriga durante la campaña de M. Claudio Marcelo (152-151 a.C.) en Celtiberia36. Esta ciudad, inmersa en un proceso de rendición y seguramente en el contexto de una tregua (indutiae), acepta las condiciones impuestas por Marcelo (aportación de combatientes en forma de jinetes) pero, simultáneamente, realiza ataques contra las fuerzas romanas. Tales gestos hostiles serán atribuidos por las autoridades de Nergóbriga a un error, debido a la ignorancia de lo recientemente pactado por parte de algunos combatientes locales. No obstante, Marcelo aprovecharía el incidente para aplicar al conjunto de la ciudad una serie de represalias violentas37. ¿Nos hallamos ante una traición al compromiso, un caso de disidencia interna o, como intentó sugerir la versión local, un simple episodio de descoordinación entre el centro de poder político y la jefatura militar? Debe subrayarse el hecho, puesto ya de manifiesto por Pilar Ciprés38, de la relativa autonomía manifestada por los cuerpos expedicionarios indígenas (especialmente si se hallan físicamente alejados de sus ciudades de origen) en la toma de decisiones no sólo tácticas, sino, como es el caso, estratégicas, con evidentes repercusiones políticas claramente contrarias a los intereses de las autoridades centrales. Esta “facticidad política del ejército”, como podríamos denominarla (o, al menos, de algunas unidades de combatientes), se acredita también, con rasgos análogos, entre otros pueblos, caso de los germanos, quienes realizan en el 55 a.C. un ataque por sorpresa después de haber solicitado un día de tregua (dies indutiis)39. Igualmente se pone de manifiesto en las incursiones de pirustes en el Ilírico (54 a.C.). Ante la llegada de César, los representantes políticos de este pueblo se excusaron alegando, precisamente que los ataques se habían realizado sin orden oficial (nihil earum rerum publico factum consilio), y ofrecieron una compensación40. A estos testimonios cabe añadir, por su parte, el de los belgas morinos (55 a.C.), cuyos nuevos mandatarios sumisos a Roma atribuyen la pasada beligerancia a los responsables anteriores en el gobierno local, acusados de rudeza y de comportamiento contrario a la consuetudo belga41. Se trata, en síntesis, de un único mecanismo de exculpa36. App.,

Hisp., 48. nergobrigenses, al enterarse de su moderación, le enviaron emisarios para preguntarle por qué medios obtendrían la paz. Cuando les ordenó entregarle cien jinetes para que combatieran a su lado como tropas auxiliares, ellos le prometieron hacerlo, pero, por otro lado, lanzaron un ataque contra los que estaban en la retaguardia y se llevaron algunas bestias de carga. Poco después, llegaron con los cien jinetes, como en efecto se había acordado, y con relación a lo ocurrido en la retaguardia, dijeron que algunos de los suyos, sin saber lo pactado, habían cometido un error. Entonces, Marcelo hizo prisioneros a los cien jinetes, vendió su caballo, devastó la llanura y repartió el botín entre el ejército” (App., Hisp., 48, trad. S. Royo p. 146). 38. P. Ciprés Torres, Guerra y sociedad en la Hispania indoeuropea, Anejos de Veleia, series Minor, 3, Vitoria, 1993, esp. p. 104 ss. 39. nihil timendibus nostris, quod legati eorum paulo ante a Caesare discesserant atque is dies indutiis erat ad his petitus, impetu facto celeriter nostros perturbaverunt, ‘Caes., BG, IV, 12, 1). 40. qua re nuntiata pirustae legatos ad eum mittunt, qui doceant nihil earum rerum publico factum consilio, seseque paratos esse demonstrant omnibus rationibus de iniuriis satisfacere. (Caes., BG, V, 1, 7). 41. ex magna parte morinorum ad eum legati venerunt, qui se de superioris temporis consilio excusarent, quod homines barbari et nostrae consuetudinis imperiti bellum populo romano fecissent, seque ea quae imperasset facturos pollicerentur 37. “Los

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ción basado en el intento de responsabilizar a grupos ajenos al poder central, o a gobiernos previos. Un segundo grupo de referencias nos sitúa ante casos de tensión no ya en el ámbito externo de las campañas militares, sino en el seno mismo de las ciudades. La crisis institucional se manifiesta, ocasionalmente, en episodios de violencia abierta que tienen por víctimas a colectivos bien definidos, generalmente líderes con capacidad ejecutiva o miembros del consejo local (boulé o senatus en nuestros textos). Es de mención obligada en este ámbito la conocida referencia apianea a la violencia de los sublevados en la hispana Belgeda (c. 93 a.C.), que incluyó el incendio del bouleuterion de la ciudad con sus integrantes en el interior, si hemos de creer al historiador de Alejandría42. Este tipo de actitudes extremas (atribuidas de nuevo al pueblo como masa opuesta al senatus) encuentra, para el ámbito galo, su paralelo más claro en el 56 a.C., cuando los aulercos eburóvices y lexovios (aquí, sin caracterización de status social, únicamente empleado un nominativo de plural étnico) asesinan a los miembros del consejo local (senatu suo interfecto). La referencia cesariana no ofrece dudas acerca de la motivación política de tal acto violento, puesto que el senado se negaba a permitir la participación de la ciudad en la alianza antirromana de Viridóvix43. En ocasiones, la agresión física se focaliza hacia los individuos que ejercen funciones ejecutivas de carácter unipersonal, del tipo magistratus, rex, etc. Contamos al respecto con un significativo número de episodios, básicamente procedentes del ámbito galo. La mayor parte de los datos arrojan luz sobre la entidad de la tensión política vivida en la zona como consecuencia de la polarización generada por la guerra contra Roma de los años ‘50, aunque algunos otros, como el asesinato de Celtilo, el padre de Vercingetórix, obedecen a razones internas, radicadas en el desequilibrio de los juegos de poder en los propios núcleos galos44. Ya en el ámbito de las campañas romanas de mediados de siglo, el asesinato del carnuto Tasgecio, mandatario impuesto por César, constituye uno de los casos más emblemáticos para el estudio de los procesos de subversión política vividos en la Galia. La intervención romana en el ámbito de los carnutos consistió en establecer como rex a un personaje filorromano, Tasgecio, aún contando con una importante oposición local. El propio César se esfuerza no sólo en subrayar la preeminencia de Tasgecio (Caes., BG, IV, 22, 1) (cf. III, 28). Vid. A. Pérez Rubio, “La coalición belga del 57 A.C. La guerra como elemento en la construcción identitaria y la evolución política en la Galia de la Segunda Edad del Hierro”, Arqueo_UCA, 1, 2011, p. 77-84. 42. “En la ciudad de Belgeda, el pueblo, presto a la revuelta, prendió fuego al consejo, que se hallaba indeciso, en el lugar mismo de su reunión. Flaco marchó sobre ellos y dio muerte a los culpables” (App., Hisp., 100, trad. S. Royo, p. 187. Vid. J. Muñiz Coello, “Los miembros de la asamblea celta […]”, art. cit., p. 228. 43. Aulerci Eburovices, Lexoviique senatu suo interfecto, quod auctores belli esse nolebant, portas clauserunt seque cum Viridovice coniuxerunt (Caes., BG, III, 17, 3). 44. Simili ratione ibi Vercingetorix, Celtilli filius, Arvernus, summae potentiae adulescens, cuius pater principatum Galliae totius obtinuerat et ob eam causam, quod regnum appetebat, ab civitate erat interfectus, convocatis suis clientibus facile incendit (Caes., BG, VII, 4, 1).

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(summo loco natus) sino en presentar la injerencia romana como una “restauración”, apelando a los derechos dinásticos del personaje (cuius maiores in sua civitate regnum obtinuerant)45. Tres años después, Tasgecio sería asesinado en un complot, instigado públicamente por otros muchos de sus conciudadanos (multis palam es civitate etiam auctoribus, eum interfecerunt). El dato es interesante porque nos sitúa ante un movimiento político de gran alcance, impresión que se ratifica al conocer que César temió una sublevación generalizada, dado el elevado número de los implicados (Ille veritus, quod ad plures pertinebat, ne civitas eorum inpulsu deficeret…)46. Por su parte, esta vez en el ámbito de los senones, la misma suerte estuvo a punto de correr otro mandatario impuesto por César, Cavarino, quem Caesar apud eos regem constituerat 47. Es importante hacer notar que, al igual que en el caso anterior, el magnicidio frustrado contó con sólidos apoyos (interficere publico consilio), evidenciando, en definitiva, la existencia de una fuerte fractura política de la civitas. De hecho, César convocaría posteriormente al pleno del senado local para pedir explicaciones48. En otros contextos geográficos, como el insular, los datos conocidos apuntan también a la comisión de magnicidios como paso previo a las sublevaciones antirromanas, caso de los trinovantes del sur de Britania49.

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En tercer y último lugar, la expresión de la disidencia política se vehicula a través del abandono de la ciudad por parte de la facción perdedora, en una “topografía de la derrota” que incorpora una fuerte carga simbólica. Esta forma de alejamiento físico y político se manifiesta en circunstancias diversas, como la huida o el ostracismo, y puede no constituir en sí misma una claudicación definitiva, al quedar abierta la posibilidad de organizar grupos de combatientes para una resistencia externa. Por lo que respecta a la huida de la ciudad, sus circunstancias no siempre resultan identificables. En ocasiones, caso de Mandubracio en Britania, su escapada de la civitas de los trinovantes resultó el único modo de evitar una muerte cierta 45. Erat

in carnutibus summo loco natus Tasgetius, cuius maiores in sua civitate regnum obtinuerant. huic Caesar pro eius virtute atque in se benevolentia, quod in omnibus bellis singulari eius opera fuerat usus, maiorum locum restituerat (Caes., BG, V, 25, 1-2). 46. Caes., BG, V, 25, 3. 47.  tamen senones, quae est civitas in primis firma et magnae inter gallos auctoritatis, Cavarinum, quem Caesar apud eos regem constituerat, cuius frater Moritasgus adventu in Galliam Caesaris cuiusque maiores regnum obtinuerat, interficere publico consilio conati, cum ille praesensisset ac profugisset, usque ad fines incesuti regno domoque expulerunt (Caes., BG, V, 54, 2). 48. et, missis ad Caesarem satisfaciendi causa legatis, cum is omnem ad se senatum venire iussisset, dicto audientes non fuerunt (Caes., BG, V, 54, 3). 49. Interim trinovantes, prope firmissima earum regionum civitas, ex qua Mandubracius adulescens Caesaris fidem secutus ad eum in continentem venerat, cuius pater in ea civitate regnum obtinuerat interfectusque erat a Cassivellauno, ipse fuga mortem vitaverat (Caes., BG, V, 20, 1).

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(ipse fuga mortem vitaverat) a manos de Cassivelauno, el nuevo mandatario antirromano, quien había asesinado ya a su padre50. En otros casos, sin embargo, se documenta un abandono colectivo de la ciudad tras la derrota militar del bando que impulsara la opción bélica: muerto Induciomaro por acción de caballería romana, los tréveros entregaron el poder a sus parientes e intentaron continuar la lucha51. Finalmente, ante la victoria romana, los familiares de Induciomaro, que habían sido los impulsores de la revuelta, abandonan la ciudad (cum his propinqui Indutiomari, qui defectionis auctores fuerant, comitati eos ex civitate excesserunt)52. En este sentido, cobra plena entidad simbólica la presencia / ausencia del territorio, un elemento capital del que tenemos constancia, para Hispania, en documentos epigráficos, ya tardíos, como la Tessera de Herrera de Pisuerga, donde la adlectio in civium numerum parece oficializarse en una ceremonia que tiene lugar en los fines de la civitas53. Al tiempo, la expulsión de la ciudad, el ostracismo (término que empleamos aquí en su acepción más laxa), se asocia expresamente – como no podía ser menos – a la pérdida de capacidad de mando y, en definitiva, a la defenestración política: cuando los senones expulsan de su territorio a Cavarino, el rey impuesto por César, es significativo que nuestra fuente sintetice en una sola expresión las dimensiones espacial e institucional de la derrota política: regno domoque expulerunt 54. De igual forma, son ilustrativos los avatares de la consecución del liderazgo por parte de Vercingetórix. Como hemos considerado ya, éste fue expulsado inicialmente de Gergovia (expellitur ex oppido Gergovia) por el bando no beligerante, compuesto por diversos principes, entre los cuales su propio tío55, evidenciándose así una primera fractura política en la ciudad. Según el partidista relato del Bellum Gallicum, el futuro líder arverno habría reunido entonces in agris (expresión que debe entenderse, probablemente, como referida a un ámbito ajeno al territorio de la civitas) a una masa de combatientes compuesta por miserables y perdularios (o lo que es lo mismo: no ciudadanos, apátridas)56. Un antiestado, 50. Vid.

n. anterior. Indutiomaro, ut docimus, ad eius propinquos a treveris imperium defertur. illi finitimos germanos sollicitare et pecuniam polliceri non desistunt (Caes., BG, VI, 2, 1). 52. Caes., BG, VI, 8, 8. 53. Vid. F. Marco Simón, “Vota omnia finibus. La tésera de Herrera de Pisuerga y la ritualización de los pactos en la Hispania indoeuropea”, Palaeohispanica, 2, 2002, p. 169-188; E. García Riaza, “Un aspecto de la práctica institucional en las comunidades indígenas hispanas: el control del espacio público”, Cahiers Glotz, XVII, 2006, p. 175-185.; id., “Territorios indígenas y derecho de guerra romano en Hispania”, en J. Santos Yanguas y G. Cruz Andreotti (eds.), Romanización, fronteras y etnias en la Roma antigua: el caso hispano (Revisiones de Historia Antigua, VII), Vitoria, 2012 (e. p.). 54.  tamen senones, quae est civitas in primis firma et magnae inter gallos auctoritatis, Cavarinum, quem Caesar apud eos regem constituerat, cuius frater Moritasgus adventu in Galliam Caesaris cuiusque maiores regnum obtinuerat, interficere publico consilio conati, cum ille praesensisset ac profugisset, usque ad fines incesuti regno domoque expulerunt (Caes., BG, V, 54, 2). 55. cognito eius consilio ad arma concurritur. prohibetur ab Gobbanitione, patru suo, reliquisque principibus, qui hanc temtandam fortunam non existimabant; expellitur ex oppido Gergovia (Caes., BG, VII, 4, 2). 56. non desistit tamen atque in agris habet delectum egentium ac perditorum (Caes., BG, VII, 4, 3). 51. Interfecto

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en definitiva, en cuya descripción el propio César no ahorra elementos tópicos del “ejército popular”, cliché aplicado en otros contextos a fuerzas como las de Viriato, en el caso hispánico57. Finalmente, el regreso de Vercingetórix a Gergovia implicará la expulsión inmediata de sus adversarios, conminados a abandonar la ciudad, evidenciándose, una vez más, el valor de esta topografía política58. Para los derrotados, la marginalidad física que supone su alejamiento de los centros de poder y, en definitiva, su pérdida de derechos civiles implica un duro golpe en su capacidad de respuesta, y la resistencia armada exterior pasa a constituir el último recurso de la facción perdedora. El caso del atrébate Comio (quien evolucionaría del colaboracionismo a la resistencia) resulta muy explícito a este respecto. En el 51 a.C., hallamos a este personaje realizando saqueos a caballo, sin dejarse intimidar por la proximidad de los campamentos invernales de Antonio, no obstante encontrarse ya su civitas sometida a Roma tras Alesia (parente Romanis civitate). Comio es descrito en el Bellum Gallicum como un caudillo (dux), instigador (auctor armorum), siempre dispuesto a la subversión (semper ad omnes motus paratus). En realidad, la actividad armada del grupo por él liderado constituye una manifestación de rebeldía política, aunque este aspecto es, de manera sistemática, pasado por alto en la lectura romana de los hechos, recibiendo el movimiento el marchamo de bandolerismo (latrocinia) que lo relega a la marginalidad59. Al igual que en otros grupos de combatientes, como los diversos que operaban en la península ibérica un siglo antes, es probablemente esta circunstancia (unida, acaso, a rasgos tácticos como el uso de la caballería o la rapidez de movimientos)60, la que justifica la etiqueta de bandidos, pese a encontrarnos ante ejércitos bien organizados y compuestos por fuerzas considerables, como el viriático o, en la Galia, el del propio Comio61.

57. Vid.

supra, n. 34. coactis copiis adversarios suos, a quibus paulo ante eiectus, expellit ex civitate (Caes., BG, VII, 4, 4). 59. Commius […] semper ad omnes motus paratus suis civibus esse consuesset, ne consilia belli quaerentibus auctor armorum duxque deesset, parente romanis civitate cum suis equitibus latrociniis se suosque alebat infestisque itineribus commeatus complures, qui conportabantur in hiberna romanorum, intercipiebat (Hirt., BG, VIII, 47, 2). El concepto de bandidaje se perfila aquí como alusivo a revueltas internas en una demarcación teóricamente ya sometida. Vid., sobre el particular, R. Macmullen, Enemies of the Roman Order. Treason, Unrest and Alienation in the Empire, Londres - Nueva York, 1992 [Cambridge, Mass. 1966], p. 192-241; L. A. García Moreno, “Hispaniae tumultus. Rebelión y violencia indígena en la España romana de época republicana”, Polis, 1, 1998, p. 81-107; L. Pérez Vilatela, Lusitania. Historia y Etnología, Madrid, 2000, p. 265 ss. 60. cum suis equitibus latrociniis se suosque alebat infestisque itineribus commeatus complures, qui comportabantur in hiberna Romanorum, intercipiebat (Hirt., BG, VIII, 47, 2); Itaque dispositis insidiis saepius equites eius adgressus secunda proelia faciebat (Hirt., BG, VIII, 48, 2). 61. Como se pone de manifiesto en las grandes dificultades romanas para derrotar al grupo de Comio, incluso en un combate abierto, vid. Hirt., BG, VIII, 48). 58. Magnisque

Crisis políticas en los núcleos de Occidente durante la época de la expansión romana (ámbitos hispano y galo)

En definitiva, un repaso de la documentación literaria en el horizonte de contacto bélico inmediatamente previo a la provincialización apunta, para las ciudades hispanas y galas, a la existencia de fuertes tensiones políticas, sobre las que la potencia romana ejerció un interesado efecto catalizador. A las crisis internas originadas por las propias dinámicas socioeconómicas se unió, en tales coyunturas históricas, la necesidad de tomar partido ante el expansionismo romano, una exigencia que provocaría profundas fracturas políticas. Frente a la recurrente descripción en las fuentes de estos desencuentros en términos de oposición élites-pueblo, una más ponderada reconstrucción histórica permitiría, a nuestro juicio, reconocer la presencia de miembros de las élites locales articulando también, con su liderazgo, las facciones antirromanas de muchos de estos núcleos. Las referencias a grupos de combatientes agrupados bajo la etiqueta de bandolerismo deben ser, también, interpretadas desde la perspectiva de la disidencia política y, en definitiva, de la resistencia antirromana.

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La “crise” des institutions gauloises à l’époque de César. Bilan historiographique (France) Laurent Lamoine

Le ier siècle av. J.-C. en Gaule Chevelue a la réputation chez les historiens modernes d’être une époque de bouleversements politiques. De nouvelles institutions, marquées par un état de guerre permanent, par l’affirmation des particularismes locaux et par l’interventionnisme romain, remplaceraient les anciens cadres hérités de l’ancienne communauté culturelle celtique. Dans ce scénario, le rôle de Jules César est souvent majoré. Depuis le premier tiers du xixe siècle, les Gaulois ont été convoqués pour apporter leur pierre à l’édifice de l’histoire nationale. Les Gaulois étaient nécessairement singuliers, à distinguer non seulement des Grecs et des Romains qu’ils allaient dépasser d’un point de vue culturel une fois assimilés à l’Empire par la conquête, mais aussi des “groupements de sauvages” (Camille Jullian) que les nouvelles sciences sociales (anthropologie, ethnologie) étaient en train de découvrir. Il en résulte une historiographie, âgée de plus de deux cents ans, à ce point instrumentalisée qu’elle rend souvent l’histoire gauloise réfractaire aux remises en cause. Des recherches actuelles, loin de remettre en cause l’idée de mutations à cette époque, tentent cependant d’interpréter à leur juste valeur les différents facteurs et acteurs des transformations de la période. Résumé –

Mots-clés –

Gaule - Jules César - Histoire nationale - Mutations institutionnelles.

Abstract –

The first century BC. AD in Gaul has a reputation among modern historians to be a time of political upheavals. New institutions, marked by a permanent state of war, by the affirmation of particular local and interventionism Roman, replace the former executives inherited from the old Celtic cultural community. In this scenario, the role of Julius Caesar is often increased. The Gauls were necessarily unique; to distinguish not only the Greeks and Roman, but also “groups of savages” (Camille Jullian). This results in historiography, aged over two hundred years, so it often makes instrumentalized history Gallic refractory challenged. Current research, far from calling into question the idea of mutations at that time, however, attempt to interpret at fair value and the various factors actors transformations of the period. Keywords –

Gaul - Julius Caesar - National History - Institutional Mutations.

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e ier siècle av. J.-C. en Gaule Chevelue a la réputation chez les historiens modernes d’être une époque de bouleversements politiques qui ne se limitent pas à la perte de l’indépendance à la fin de la guerre des Gaules (5850 av. J.-C.). De nouvelles institutions, marquées par un état de guerre permanent, par l’affirmation des particularismes locaux et par l’interventionnisme romain, remplaceraient les anciens cadres hérités de l’ancienne communauté culturelle celtique. Les magistratures se substitueraient à la royauté et aux anciennes chefferies, les assemblées de guerriers aux anciennes formes de réunion communautaire. Les druides, détenteurs à la fois d’un savoir philosophique et de fonctions sacerdotales, seraient, dans le meilleur des cas, sur le déclin1 et, dans le pire, déjà disparus2. Dans ce scénario, le rôle de Jules César est souvent majoré, jusqu’à l’imaginer à l’origine de toutes ces transformations politiques. Le mot de crise3 est bien commode pour qualifier les évolutions politiques qui affectèrent les peuples gaulois à l’époque de César, car il présente une connotation très riche, non dénuée d’ambiguïté et d’effet dramatique. Le terme est né dans le champ médical, il ressort de cette origine l’idée que la guérison suit la rupture de l’équilibre physiologique, que la bonace suit la tempête, que des troubles sort la restauration ou la rénovation politique. Malgré cette élasticité, les historiens des xixe et xxe siècles lui ont souvent préféré le concept de révolution qui a toujours eu un écho important quel que soit le public, en particulier en France, terre des révolutions politiques depuis 1789. Il est piquant de noter que, dans son chapitre sur “La crise des institutions” gauloises de son livre de 2009, Yann Le Bohec jongle avec la notion de crise et la référence révolutionnaire4. Depuis le premier tiers du xixe siècle, les Gaulois ont été convoqués pour apporter leur pierre à l’édifice de l’histoire nationale française. Institués ancêtres des Français, les Gaulois étaient nécessairement singuliers, à distinguer non seulement des Grecs et des Romains qu’ils allaient dépasser d’un point de vue culturel une fois assimilés à l’Empire par la conquête5, mais aussi des “groupements de sauvages”6 que les nouvelles sciences sociales (anthropologie, ethnologie) étaient en train de découvrir. Il en résulte une historiographie française, âgée de plus de deux cents ans, à ce point instrumentalisée qu’elle rend souvent l’histoire gauloise réfractaire

1. J.-M. Pailler,

“Les druides de César : digression ethnographique et neutralisation historique”, Études celtiques, 36, 2008, p. 35-58. 2. J.-L. Brunaux, Les Druides. Des philosophes chez les Barbares, Paris, 2006. 3. S. Franchet-d’Espérey et al. (éds), Fondements et crises du pouvoir, Bordeaux, 2003. 4. Y. Le Bohec, Peuples et fédérations en Gaule (58-51 av. J.-C.) : lecture socio-juridique du Bellum Gallicum, Paris, 2009, p. 26 : “Bref, les Gaulois vécurent la Monarchie, la Révolution et la Restauration en quelque sorte en même temps ; ils connurent des révolutions en cascade”. 5. J. Carcopino, “L’impérialisme renversé : ce que Rome et l’Empire romain doivent à la Gaule”, Points de vue sur l’impérialisme romain, Paris, 1934, p. 201-256. 6. C. Jullian, Histoire de la Gaule, II, La Gaule indépendante, Paris, 1908, p. 56 (I, 1993, p. 233).

La “crise” des institutions gauloises à l’époque de César. Bilan historiographique (France)

aux remises en cause. Même l’archéologie, qualifiée de nationale en France7, qui se prétend parfois plus novatrice que l’histoire, a bien du mal à se dégager des sentiers battus8. Le diagnostic n’est pas nouveau9, mais cette étude, loin de remettre en cause l’idée de mutations à cette époque, tente cependant d’interpréter à leur juste valeur – c’est-à-dire en dehors de toute dramatisation et sur le long terme – les différents facteurs et acteurs des transformations de la période.

Plus de deux cents ans d’historiographie Afin de résumer plus de deux cents ans d’historiographie, je m’aiderai de la célèbre gravure représentant Diviciacus au Sénat.

Diviciacus à Rome

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Fig. 1. 7. Création

Diviciacus devant le Sénat.

de la chaire d’Antiquités nationales au Collège de France en 1905 pour Camille Jullian. Les peuples gaulois iii e-i er siècles av. J.-C., Paris, 2004, p. 115-119. 9. Le printemps et l’été 2005 ont été l’occasion de réunir dans cinq grandes villes européennes (Leipzig, Bologne, Budapest, Cambridge et Lausanne) cinq tables rondes consacrées à vingt ans de recherche sur les Celtes et les Gaulois ; la rencontre de Leipzig (16-17 juin 2005) fut dédiée aux “Celtes dans l’histoire, l’historiographie et l’idéologie moderne” : S. Rieckhoff (dir.), Celtes et Gaulois. L’archéologie face à l’histoire. Celtes et Gaulois dans l’histoire, l’historiographie et l’idéologie moderne (Bibracte 12/1), Glux-en-Glenne, 2006 et, pour le rapport synthétique de la table ronde élaboré par S. Rieckhoff, C. Goudineau et al. (dir.), Celtes et Gaulois. L’archéologie face à l’histoire. Synthèse (Bibracte 12/6), Glux-en-Glenne, 2010, p. 18-35. 8. S. Fichtl,

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C’est une gravure sur bois de la fin du xixe siècle ou du début du xxe siècle, sans doute réalisée pour un ouvrage qui possédait une vocation pédagogique voire scolaire : d’où une scénographie très éloquente10. L’Éduen Diviciacus, debout, est au deuxième plan, il s’adresse aux sénateurs romains qui occupent le dernier plan, et au consul qui, lui, est assis sur un siège de prestige au premier plan, secondé par un personnage qui a de fortes chances d’être un interprète (il se trouve sur le même plan que le Gaulois). On sait par César que le truchement d’un interprète était nécessaire pour s’entretenir avec Diviciacus pendant la guerre des Gaules11. Chaque personnage ou groupe de personnages présente une attitude bien caractérisable : –– les sénateurs semblent intrigués par l’apparence du Gaulois et l’un des sénateurs indique même à son voisin ses braies et ses pieds nus ; –– le consul et son interprète sont graves et concentrés pour écouter l’Éduen ; –– Diviciacus a beaucoup de prestance : celle de l’orateur selon les canons de la rhétorique gréco-romaine classique (position des jambes, gestuelle de la main droite, drapée de la tunique)12, rehaussée par le fait que l’aspect du personnage associe deux statuts, celui du guerrier (et donc du chef ) avec la longue épée et le bouclier et celui du druide avec la longue tunique qui recouvrent les braies, les longues chevelure et barbe et la couronne végétale. Diviciacus tient son bouclier, l’intérieur dirigé vers son interlocuteur principal. Diviciacus vient demander l’aide des Romains contre les Arvernes, les Séquanes et le roi germain Arioviste qui venaient d’écraser les Éduens à la bataille d’Admagétobrige13. Un fœdus liait les Éduens et les Romains depuis l’écrasement des grands peuples de la Gaule Transalpine et du roi arverne Bituit autour de 121 av. J.-C. Les Éduens jouissaient en plus du titre de “frères” du peuple romain14. La victoire finale15 des Romains sur les Cimbres et les Teutons (113-100 av. J.-C.)16 a donné à Rome le statut de “gendarme” de la Gaule. En outre, depuis le début du iie siècle av. J.-C., les Celtes avaient pris l’habitude du voyage diplomatique à Rome et le Sénat romain avait su élaborer un modus operandi pour traiter avec ces s’agirait “d’une gravure tirée d’un ouvrage d’histoire populaire de la fin du xixe siècle ou du début du xxe siècle” (e-mail échangé avec Jean-Louis Brunaux, 29/03/2012). Je remercie toutes les personnes qui m’ont 10. Il

aidé (et m’aident encore) à établir l’origine de la gravure, en particulier Christian Amalvi, Jean-Louis Brunaux, Jean-Claude Caron, Gaëlle Deschodt et Romain Pigeaud. 11. César, La Guerre des Gaules, I, 19, 3. 12. Cf. La Rhétorique à Hérennius et Quintilien, L’Institution oratoire. 13. César, La Guerre des Gaules, I, 31, 12 et Cicéron, Correspondance, I, 25 = Lettre à Atticus, I, 19. 14. F. Battistoni, Parenti dei Romani. Mito troiano e diplomazia, Bari, 2010, p. 137-147. 15. En 102 av. J.-C., C. Marius écrase les Teutons et leurs alliés à la bataille d’Aix, en 101, les Cimbres et les leurs à la bataille de Verceil en Italie du Nord. 16. É. Demougeot, “L’invasion des Cimbres-Teutons-Ambrons et les Romains”, Latomus, 37, 1978, p. 910-938.

La “crise” des institutions gauloises à l’époque de César. Bilan historiographique (France)

ambassades17. Diviciacus n’obtient pas une intervention militaire, mais le Sénat décide d’envoyer en Gaule une mission de bons offices dirigée par un consulaire, Q. Caecilius Metellus Creticus18, un ancien préteur, L. Valerius Flaccus19, et un futur préteur, Cn. Cornelius Lentulus Clodianus20. Creticus et Flaccus possèdent une certaine expérience des relations avec les barbares : les pirates pour le premier, les Allobroges pendant la conjuration de Catilina pour le second21.

La gravure reflet d’une historiographie C’est une image attendue qui tire certes son origine des sources, qui n’ont été que partiellement exploitées cependant, mais qui correspond surtout au discours et aux images d’Épinal de la fin du xixe siècle et du début du xxe siècle concernant les chefs gaulois et les druides dont l’aspect est présenté comme ambivalent : étrange mais digne de respect. Les Gaulois en tant qu’ancêtres de la nation française sont nécessairement originaux, d’où leur étrangeté pour des yeux romains. Ils sont cependant ouverts à la civilisation incarnée par la Grèce et Rome, d’où leur disposition pour l’art oratoire classique. Il ne manque à Diviciacus que la maîtrise du latin pour apparaître comme un parfait orateur. Cette propension des Gaulois pour l’art oratoire, repérée et sublimée par les auteurs grecs et romains, est censée fleurir à l’époque romaine. Dans son Dialogue des orateurs, Tacite met en scène quatre orateurs dont deux, Marcus Aper et Iulius Secundus, qui ont été les maîtres de l’historien romain, sont réputés d’origine gauloise22. Depuis Amédée Thierry (1828)23, Fustel de Coulanges (1875, puis 1891)24 et Camille Jullian (1908)25, l’historiographie française défend cette représentation du Gaulois afin de répondre aux attentes de ses contemporains et des dirigeants politiques qu’ils soient bonapartistes, républicains nationalistes, voire républicains

17. Par

ex. les ambassades gauloises de 170 et 169 av. J.-C. liées aux événements de la troisième guerre de Macédoine (Tite-Live, Histoire romaine, 43, 5 et 44, 14), cf. L. Lamoine, “Représentations et attributs des rois gaulois de la Gaule Chevelue”, dans E Santinelli-Foltz et C.-G. Schwentzel (dir.), La puissance royale. Image et pouvoir de l’Antiquité au Moyen Âge, Rennes, 2012, p. 174 (p. 163-181 pour l’ensemble du texte). 18. Consul en 69 av. J.-C. (T. R. S. Broughton, The Magistrate of the Roman Republic II [désormais : MRR II], New York, 1951, p. 131). 19. Préteur en 63 av. J.-C. (MRR II, p. 167 et MRR Suppl., Atlanta, 1986, p. 212). 20. Préteur en 59 av. J.-C. (MRR II, p. 188 et MRR Suppl., p. 67). 21. Creticus et Flaccus avaient déjà collaboré en Crète. 22. L. Lamoine, “La pratique du vergobret : le témoignage de César confronté aux inscriptions”, CCG, 17, 2006, p. 91-92 (sur la rhétorique gauloise) (p. 81-104 pour l’ensemble du texte). 23. A. Thierry, Histoire des Gaulois, Paris, 1828 (1re édition). 24. D.-N. Fustel de Coulanges, Histoire des institutions politiques de l’ancienne France, Paris, 1891 (dernière édition revue et complétée par C. Jullian). 25. C. Jullian, Histoire de la Gaule, II, La Gaule indépendante, Paris, 1908 (I, 1993).

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de gouvernement26. Il ne faut pas certes caricaturer le travail de nos devanciers qui ont utilisé aussi les progrès de la science historique pour élaborer leurs thèses, mais on doit reconnaître que leurs conclusions étaient souvent inféodées aux motivations du moment : justifier l’anti-germanisme, revendiquer la culture grécoromaine comme fondement de la nation française, banaliser l’instabilité politique du xixe siècle et du début du xxe siècle, etc27. Signe de leur état d’entre-deux, l’instabilité politique – que l’entrée dans le monde romain va faire disparaître ­– devient l’un des caractères phares de ce discours. Ni les évolutions de l’histoire, ni l’essor de l’archéologie28, ni le développement des études celtiques (les Gaulois sont alors noyés dans une communauté plus large)29 ne remettent vraiment en cause cette histoire nationale et les profondes blessures de la Seconde Guerre mondiale vont même la redynamiser pour deux ou trois décennies encore30. Aujourd’hui, elle n’a pas complètement disparu, elle se maintient encore dans la mémoire collective des Français, malgré les efforts des historiens et des archéologues31, en utilisant en particulier la littérature de jeunesse32. Pour Fustel de Coulanges, l’instabilité politique est extrême à la veille de la guerre des Gaules et l’historien peut dégager des sources (c’est-à-dire pour lui surtout de César) quatre caractères : –– L’essor du régime “républicain” qui confie le pouvoir à des “sénateurs” et des “magistrats” annuels. –– le déclin de la royauté sauf de la forme “révolutionnaire” (cas de Vercingétorix) ; –– le développement de signes de progrès comme l’usage de l’écrit public, l’existence d’impôts directs et indirects ou d’une justice publique “laïque” ; –– l’importance de l’état de guerre permanent. Fustel de Coulanges est d’autant plus sensible à cette idée d’instabilité politique plaquée sur la situation gauloise qu’il est contemporain de la naissance dans la douleur de la iiie République. L’historien s’est signalé par la rédaction d’un projet de constitution d’une république fondée sur la domination d’une méritocratie éclairée33. Les successeurs de Fustel de Coulanges ont pu certes peaufiner, complexifier ou critiquer certains points de son discours, mais ils sont restés grosso modo dans son 26. Je

remercie mon collègue contemporanéiste Julien Bouchet de ses informations et de ses remarques.

27. H. Lavagne, “Introduction”, La Gaule romaine de D.-N. Fustel de Coulanges, Paris, 1994, p. 9-32 ; C. Nicolet,

La fabrique d’une nation. La France entre Rome et les Germains, Paris, 2003. 28. J. Déchelette, Manuel d’archéologie préhistorique, celtique et gallo-romaine, Paris, 1908-1914. 29. H. Hubert, Les Celtes depuis l’époque de La Tène et la civilisation celtique, Paris, 1932. 30. A. Grenier, Les Gaulois, Paris, 1945 (rééd. 1970) ; F. Lot, La Gaule, les fondements ethniques sociaux et politiques de la nation française, Paris, 1947 (rééd. 1967), J.-J. Hatt, Histoire de la Gaule romaine (120 av. J.-C.451 apr. J.-C.) ; Id., Colonisation ou colonialisme ?, Paris, 1959. 31. J.-L. Brunaux, Nos ancêtres les Gaulois, Paris, 2008. 32. Par ex. L’histoire de France en bandes dessinées, Paris, 1976 (pour le 1er numéro qui traite des Gaulois). Pour une critique de cette publication, cf. M. Clavel-Lévêque, “La Gaule en débandade”, Puzzle gaulois. Les Gaules en mémoire, Paris, 1989, p. 457-468. 33. P. Guiraud, Fustel de Coulanges (1830-1889), Paris, 1896, p. 69-85.

La “crise” des institutions gauloises à l’époque de César. Bilan historiographique (France)

sillage34. Pour Fustel de Coulanges et ses continuateurs, cette instabilité politique se fonde sur une crise sociale majeure qui verrait les anciennes catégories, comme les druides, contestées et s’effondrer, et de nouvelles : les “ambitieux”, les “classes urbaines” et les “classes industrieuses” (de Fustel de Coulanges), prendre leur essor. Camille Jullian ajoutait à cet argumentaire la strate économique en insistant sur le rôle de l’accroissement des échanges, mais il terminait son analyse en revenant à des phrases saisissantes sur l’état de déliquescence de la société35. Le Diviciacus de la gravure correspond tout à fait à cette conception de l’histoire politique gauloise. L’homme qui se présente devant le Sénat incarne la magistrature censée devenir la norme politique en Gaule Chevelue au ier siècle av. J.-C. S’il est encore druide c’est pour respecter le témoignage de Cicéron qui fait dire à son frère Quintus que Diviciacus était un druide36 et pour satisfaire tous les fanatiques de druidisme qui prospérait en Europe depuis le xviiie siècle37.

“Un bien étrange druide” ! “Un bien étrange druide”38 que ce Diviciacus ! Pour Jean-Louis Brunaux, l’Éduen est avant tout un homme de son temps, un aristocrate qui jouit de sa situation privilégiée aussi bien dans les domaines économique – il profiterait du commerce entre la Gaule et l’Italie39 –, politique – il aurait assumé la magistrature suprême éduenne (il aurait été vergobret) à son retour de Rome – et culturel – il serait un grand lettré et savant ce qui justifierait pour Cicéron l’appellation de druide qui serait de toutes façons un titre obsolète mais pratique à utiliser au milieu du ier siècle av. J.-C.40

Diviciacus scuto innixus Il est temps de revenir aux sources. La scène reproduite sur la gravure s’inspire essentiellement d’un texte, un passage du VIIIe Panégyrique latin41 qui correspond 34. A. Bayet,

La morale des Gaulois, Paris, 1930, p. 229 : “Non seulement Fustel de Coulanges a ouvert la bonne voie, mais je crois qu’il faut s’y engager plus résolument encore qu’il n’a fait lui-même”. 35. C. Jullian, Histoire de la Gaule, II, La Gaule indépendante, op. cit., p. 83 (I, 1993, p. 244) : “Les mœurs sociales contrariaient le droit politique. Elles favorisaient l’égoïsme des grands, la violence des masses”. 36. Cicéron, De la divination, I, 41, 90. 37. C. Goudineau, “Les clichés”, dans Id. (dir.), Religion et société en Gaule, Paris, 2006, p. 9-25, J.-L. Brunaux, Les Druides. Des philosophes chez les Barbares, Paris, 2006, p. 59-95. 38. L’expression est de J.-L. Brunaux, Les Druides […], op. cit., p. 314. 39. Dans F. Malrain et M. Poux (dir.), Qui étaient les Gaulois ? (Paris, 2011), p. 101, la gravure de Diviciacus est convoquée dans le chapitre consacré au commerce du vin. 40. J.-L. Brunaux, Les Druides […], op. cit., p. 293-320. 41.  Panégyriques latins, VIII, III, 2 : […] princeps Aeduus ad senatum uenit, rem docuit, cumque idem oblato consessu minus sibi uindicasset quam dabatur, scuto innixus peroravit. “Le [prince éduen] vint au Sénat exposer la

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au discours adressé en 312 apr. J.-C. à Trèves à l’empereur Constantin pour ses bienfaits accordés aux Éduens qui avaient été profondément affectés par les troubles de la fin du iiie siècle et du début du ive siècle. L’orateur, qui est resté anonyme, insiste sur l’ancienneté et la qualité des relations entre la cité des Éduens et Rome. Depuis le iie siècle av. J.-C., les deux peuples sont liés par un traité d’alliance et les Romains ont reconnu aux Éduens la qualité de frères. C’est dans ce cadre que l’orateur éduen évoque la réception au Sénat de Diviciacus qu’il qualifie de princeps Aeduus, de “prince éduen”, c’est-à-dire un personnage très important. Le plus important peut-être c’est que Diviciacus s’adresse aux sénateurs debout – il refuse de s’asseoir –, scuto innixus, “appuyé sur son bouclier”. Si l’auteur de la gravure a respecté la forme ovale du bouclier, il s’est éloigné du panégyriste quant à son utilisation par le Gaulois, il a préféré faire du bouclier comme de l’épée dans son fourreau de simples symboles de paix. Dans une étude particulièrement stimulante de 2003, Stéphane Verger a montré que l’indication du panégyriste était bien plus significative que l’interprétation qu’en a bien voulu faire notre graveur42. Notre collègue s’interrogeait au départ sur l’origine chez l’historien augustéen Tite-Live du récit de la supposée première migration celte en Italie à l’époque du roi de Rome Tarquin l’Ancien (616-579), celle de Bellovèse le Biturige qui aurait entraîné avec lui, à travers les Alpes et jusque chez les Étrusques, des contingents de toute la Gaule43. Ce récit serait en fait la transcription d’un mythe qui raconte à sa manière le désir des Gaulois d’atteindre les limites du monde. Pour S. Verger, Diviciacus et son discours au Sénat pourrait être à l’origine de la connaissance de cette légende par toute une tradition gréco-romaine qui aboutit à Tite-Live au début du Principat. Selon S. Verger également, si Diviciacus est qualifié par Q. Cicéron de laudator de son frère dans le De la Divination, c’est que l’Éduen avait parlé devant un Cicéron qui était alors consul – donc fin 63 av. J.-C. – et qui présidait la séance du Sénat44. Il restitue d’ailleurs dans ses grandes lignes le fameux discours du Gaulois que César aurait aussi gardé en mémoire45 :

situation. Invité à s’asseoir, il refusa l’offre qu’on lui faisait et il plaida sa cause, appuyé sur son bouclier” (trad. É. Galletier). 42. S. Verger, “Le bouclier de Diviciac. À propos de Liv., V, 34”, dans D. Vitali (a cura di), L’Immagine tra mondo celtico e mondo etrusco-italico. Aspetti della cultura figurativa nell’Antichità, Bologne, 2003, p. 333-369. 43. Tite-Live, Histoire romaine, V, 34. 44. Cicéron, De la divination, I, 41, 90 : Eaque diuinationum ratio ne in barbaris quidem gentibus neglecta est, siquidem et in Gallia Druidae sunt, e quibus ipse Diuitiacum Haeduum, hospitem tuum laudatoremque, cognoui, qui est naturae rationem, quam Φνσιολογίαν Graeci appelant, notam esse sibi profitebatur, et partim auguriis, partim coniectura, quae essent futura, dicebat. “Ce système des divinations n’a pas non plus été négligé par les Barbares, puisque la Gaule a ses druides : j’ai connu l’Éduen Diviciacus, ton hôte et [laudator], qui déclarait posséder la science de la nature, que les Grecs appellent physiologia, et qui prédisait l’avenir tant par des augures que par la conjecture” (trad. J. Kany-Turpin). 45. César, La Guerre des Gaules, I, 31.

La “crise” des institutions gauloises à l’époque de César. Bilan historiographique (France)

–– éloge de Rome et de Cicéron ; –– évocation de l’ancienneté et de la qualité des relations entre les deux peuples ; –– récit mythique afin de vieillir ces rapports ; –– demande d’aide au Sénat. Afin de construire son discours, Diviciacus aurait bénéficié de l’aide d’un Gaulois de la Province ou d’un rhéteur marseillais. Diviciacus aurait alors utilisé son bouclier non seulement comme symbole de pouvoir chez les Éduens, de soumission à Rome et de demande de soutien militaire, mais aussi comme support iconographique à l’exposé de la dimension idéologique de son discours, véhiculée entre autre par l’évocation du mythe de Bellovèse. D’où l’importance de présenter le bouclier de face au consul et aux autres sénateurs. Afin de soutenir la thèse d’un bouclier de Diviciacus décoré, S. Verger s’appuie sur la comparaison avec des “boucliers de parade” découverts en Grande-Bretagne46 et des statues de chefs retrouvées en Gaule méridionale comme les célèbres guerriers de Mondragon et de Vachères47. Il remarque aussi, après Filippo Coarelli48, que les boucliers du groupe statuaire des Galates participent aussi à l’évocation d’une cosmologie49. Dans la démonstration de S. Verger, le personnage de Diviciacus devient emblématique d’une évolution politique moins heurtée que dans les reconstructions historiques françaises des xixe et xxe siècles. Même s’il représente en effet le pouvoir éduen dans son organisation du milieu du ier siècle av. J.-C., Diviciacus est encore dépositaire de références culturelles qui pouvaient être très anciennes. Dans un texte de 2009, S. Verger montre, en se fondant sur une analyse empruntée à l’anthropologie historique, que les grandes tendances de l’histoire sociale et politique de la Gaule Chevelue au ier siècle av. J.-C. : une “société segmentaire”, “d’honneur”, livrée aux “factions rivales” et à la “médiation religieuse” (dont celle des druides), plongent leurs racines dans un passé très ancien50.

Renverser le paradigme L’interprétation de certains objets du dépôt métallique découvert en 2004 dans le sanctuaire de Tintignac (commune de Naves en Corrèze à 10 km de Tulle) va dans le même sens. Christophe Maniquet estime que les casques (le casque-oiseau, le casque aux trois anneaux, le casque en fer) et les carnyx, qui constituent les pièces 46. S. Verger, “Le bouclier de Diviciac […]”, art. cit., p. 352-354 : les boucliers de la rivière Trent (seconde moitié du ive siècle av. J.-C.), de la rivière Witham et de la Tamise – de Battersea – (plus tardifs) offrent des représentations de nature cosmologique de la formation (de l’univers, d’un État ?). 47. Ibid., p. 350-351. 48. F. Coarelli, Da Pergamo a Roma. I Galati nella città degli Attalidi, Rome, 1995. 49. S. Verger, “Le bouclier de Diviciac […]”, art. cit., p. 354-356. 50. S. Verger, “Société, politique et religion en Gaule avant la Conquête. Éléments pour une étude anthropologique”, Pallas, 80, 2009, p. 61-82.

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maîtresses du dépôt, pourraient remonter au iiie siècle av. J.-C., mais qu’ils ont été utilisés pour des cérémonies religieuses et publiques jusqu’à la fin de La Tène où ils ont été enfouis à l’occasion de la reconstruction romaine du sanctuaire51. Là encore le ier siècle av. J.-C. ne connaît pas une rupture brutale avec le passé. Plutôt que d’évoquer des “révolutions”, peut-être faudrait-il plutôt parler de secousses, modérées et nombreuses, ressenties dans un arc chronologique large. Dans l’introduction qu’il rédigea pour le livre intitulé Comment les Gaules devinrent romaine52, Christian Goudineau emploie à propos de tous les changements observables en Gaule, qu’ils relèvent de la culture matérielle ou intellectuelle, le terme de “minirévolutions”53. Je suis persuadé que quand on connaîtra mieux la chronologie des inscriptions publiques gauloises, on se rendra compte de l’échelonnement dans le temps des transformations institutionnelles. Certes on dispose depuis 2002 des cinq volumes du Recueil des Inscriptions Gauloises54, qui constituent des outils de travail remarquables, mais leurs notices relèvent plus de la science linguistique que de l’histoire. Cette orientation et une méconnaissance du contexte archéologique des inscriptions les plus anciennement découvertes ont pu conduire certains historiens au pessimisme55, mais souhaitons que les recherches actuelles permettent de dépasser cet état. Dans cette histoire du long terme, faite d’inflexions, que devient le rôle de César que la vulgate estimait essentiel ?

Le rôle de César À cause de sa carrière politique exceptionnelle qui le conduisit jusqu’à la dictature (49-44 av. J.-C.)56, de sa quasi-nationalisation par les Français et de son instrumentalisation par les partisans de l’Empire français dès Napoléon Ier mais surtout sous Napoléon III57, on attribua à César un rôle majeur dans bon nombre 51. C. Maniquet,

“Le dépôt cultuel du sanctuaire gaulois de Tintignac à Naves (Corrèze)”, Gallia, 65, 2008, p. 273-326. 52. P. Ouzoulias et L. Tranoy (dir.), Comment les Gaules devinrent romaines, Paris, 2010. Le colloque s’était déroulé en 2007. 53. C. Goudineau, “Comment les Gaules devinrent romaines : approches méthodologiques”, dans P. Ouzoulias et L. Tranoy (dir.), Comment les Gaules […], op. cit., p. 16 (p. 11-19 pour l’ensemble du texte). 54. M/ Lejeune, RIG I. Textes gallo-grecs, Paris, 1985 ; id., RIG II. 1. Textes gallo-étrusques et textes gallo-latins sur pierre, Paris, 1988 ; P.-Y. Lambert, RIG II. 2. Textes gallo-latins sur instrumentum, Paris, 2002 ; P.-M. Duval et G. Pinault, RIG III. Les calendriers, Paris, 1986 et J.-B. Colbert de Beaulieu et B. Fischer, RIG IV. Les légendes monétaires, Paris, 1998. 55. M. Provost, “Le contexte géographique et historique des inscriptions gauloises”, dans P.-Y. Lambert et G.-J. Pinault (éds.), Gaulois et celtique continental, Genève, 2007, p. 67-84. 56. C. Goudineau, César et la Gaule, Paris, 1990, p. 103-129 et 344-351. 57. C. Nicolet, La fabrique d’une nation […], op. cit., p. 138-207, liée au césarisme.

La “crise” des institutions gauloises à l’époque de César. Bilan historiographique (France)

d’événements et d’évolutions à Rome et dans les provinces. Cet engouement pour César n’a pas disparu, il suffit de considérer l’enthousiasme et les remous qu’a provoqués la découverte à Arles, dans le Rhône, du buste en marbre dit de Jules César en 200758. Les élus d’Arles n’ont pas hésité à saluer le père fondateur de l’antique colonie (fondée en 46 av. J.-C.) et en ont profité pour donner plus d’éclat à l’inauguration du nouveau musée départemental de l’Arles antique.

La Guerre des Gaules… Le fait que César ait écrit le récit de ses campagnes en Gaule Chevelue et assuré la notoriété de son livre qui ne s’est pas démentie au cours des siècles59 explique l’importance que l’on reconnaît à César dans les événements et les changements politiques en Gaule. En outre, le fait que la construction du Bellum Gallicum, élaborée par César et Hirtius, aboutisse à mettre en exergue “l’Année terrible”60 de l’insurrection de 52 av. J.-C. et l’affrontement entre César et Vercingétorix qui occupent le Livre VII et dont les conséquences sont traitées dans le Livre VIII, va aussi dans le sens d’une majoration du rôle de l’imperator. Une lecture attentive de l’ensemble de La Guerre des Gaules révèle bien entendu les arcanes de la réécriture du passé par César, mais permet également de se rendre compte de l’importance des autres protagonistes. Ces derniers sont souvent porteurs d’une tradition même si César insiste plutôt sur leur émergence politique, ils sont autant que le duo César-Vercingétorix, responsables de l’action et des évolutions. Par exemple, parmi les rois61 que César a choisis d’évoquer, il y a plusieurs personnages hauts en couleurs dont le lecteur peut suivre les actions dans plusieurs livres de La Guerre des Gaules. Je pense à l’Atrébate Commius62 qui, installé roi des Atrébates par César en 57, se distingue par une fidélité en apparence sans faille à l’imperator pendant les expéditions en Bretagne. Non seulement, il combat à ses côtés, mais aussi, il conduit une ambassade auprès des chefs bretons, et comme récompense, il obtient la royauté des Morins en 55. Pourtant, dans le contexte de l’insurrection de 52, il trahit César et participe même au commandement de 58. L. Long et P. Picard, César, le Rhône pour mémoire, Arles, 2009, p. 58 : “Un portrait inédit de Jules César, vraisemblablement exécuté de son vivant et qu’il faut considérer aujourd’hui comme un unicum”. Les archéologues ont trouvé aussi un Lépide, co-fondateur avec César de la colonie romaine d’Arles. 59. 33 manuscrits à la Bibliothèque Vaticane, 25 à la BnF, 17 à Florence, cf. L.-A. Constans, “Introduction”, dans La Guerre des Gaules de César, Paris, 1926, p. XX. 60. Expression de C. Goudineau, Regard sur la Gaule, Paris, 1998, p. 165 qui a repris un titre de Victor Hugo à propos de 1870, de Sedan et du premier semestre 1871. 61. L. Lamoine, “Représentations et attributs des rois gaulois […]”, art. cit., p. 163-181. 62. César, La Guerre des Gaules, IV, 21, 27, 35 ; V, 22 ; VI, 6 ; VII, 75, 76, 79 ; VIII, 6, 23, 47 et 48. Le Commius de César est un véritable personnage de roman, il a d’ailleurs inspiré à Anatole France en 1897 son Komm l’Atrébate.

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l’armée de secours envoyée à Alésia. Contraint à l’exil, il s’enfuit en Bretagne où il a peut-être fait souche63.

Le promagistrat La recherche actuelle tente de replacer l’action et l’œuvre de Jules César dans la banalité des missions provinciales confiées par le peuple et le Sénat romains aux promagistrats. La péninsule Ibérique fait connaître une documentation sur bronze qui, éloignée de l’autocélébration à la manière de César, témoigne des procédures élaborées par le Sénat, que devaient suivre les magistrats et les promagistrats en campagne, et des garde-fous inventés par le conseil et opposés à l’ambition des imperatores. Le Bronze d’Alcántara, qui porte les modalités de la deditio des Seanoci en 104 av. J.-C., est particulièrement éclairant à ce propos64 :

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Sous le consulat de Caius Marius et de Caius Flavius, le peuple des Seanoci (?) s’est soumis à Lucius Caesius, fils de Caius, imperator. Lucius Caesius, fils de Caius, imperator, après les avoir reçus en son pouvoir (?) en a référé à son conseil pour qu’il se prononce sur ce qu’il fallait exiger d’eux. Sur l’avis du conseil, il a commandé que [lui] fussent livrés les armes, les otages, les prisonniers, les chevaux et les juments qu’ils avaient capturés. Ils livrèrent le tout. Alors Lucius Caesius, fils de Caius, imperator, a ordonné qu’ils soient libres et leur a rendu leurs terres, leurs fermes, leurs lois et tout ce qu’ils avaient eu en leur possession le veille du jour où ils se soumirent et qui existait encore, aussi longtemps que le Sénat et le peuple romain le voudraient. Concernant l’affaire, il a ordonné qu’ils envoient des légats à Rome. Crenus, fils de (?) et Arco, fils de Canto ont été légats.65

Le Bronze d’Alcántara évoque non seulement le conseil qui entoure L. Caesius, imperator, mais aussi l’obligation d’en référer au Sénat pour chaque partie par l’envoi de legati dont le bronze donne les noms pour les Seanoci. Certes, l’imperator reste sur le terrain l’artisan principal de la mise en œuvre de la deditio, mais le Sénat, voire les comices centuriates, exercent un contrôle et peuvent à tout moment désavouer les actes du promagistrat. À n’en pas douter, César devait respecter en Gaule les mêmes principes. Bien entendu, la guerre civile qui suivit la guerre des Gaules et la victoire de César donnèrent au personnage sans doute plus de liberté d’action que n’en disposaient les promagistrats agissant dans la péninsule Ibérique. 63. Frontin,

Stratagèmes, II, 13, 11. Riaza, “Un aspecto de la práctica institucional en las comunidades indígenas hispanas: el control del espacio público”, CCG, 17, 2006, p. 175-185. 65. Traduction P. Le Roux, La péninsule Ibérique aux époques romaines, Paris, 2010, p. 353, à partir d’AE, 1984, 495, 1986, 304 et 2006, 624. 64. E. García

La “crise” des institutions gauloises à l’époque de César. Bilan historiographique (France)

Conclusion Il n’est pas question de retirer à César l’importance politique qu’il a pu posséder entre 58 et 44 av. J.-C. L’homme a su tirer avantage plus que tout autre noble romain des évolutions politiques que connaissaient les Gaulois pendant la guerre des Gaules et la guerre civile. Il a pu même prendre des initiatives afin d’obtenir des élites gauloises une adhésion plus grande à ses projets. En fait, les transformations politiques et institutionnelles gauloises sont à considérer sur le long terme (iiie siècle av. J.-C.-ier siècle apr. J.-C.) et les informations que l’on trouve dans le corpus césarien ne sont que l’écume de ces changements sur une quinzaine d’années, d’où la complexité à les comprendre. Certaines données et interprétations archéologiques confortent cette idée d’un échelonnement dans le temps des mutations politiques et institutionnelles. Les recherches actuelles permettent ainsi de s’affranchir d’une historiographie française forgée aux xixe et xxe siècles et animée par la volonté de fonder à l’époque des “origines”, dans un contexte de “crise” politique et de dissension idéologique sur les contours de l’idée républicaine, la nation française. À Rome, l’Éduen Diviciacus, reçu par le Sénat, ne serait pas uniquement le parangon des nouvelles formes de gouvernement expérimentées en Gaule Chevelue au milieu du ier siècle av. J.-C., il incarnerait bien au contraire la synthèse réalisée avec succès par les élites gauloises entre les innovations et les traditions qui pouvaient relever, pour certaines d’entre elles, d’un passé très ancien.

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Résumé – Cette étude porte sur quelques exemples de l’impact que la crise de l’âge syllanienne eût

sur les patrimoines – aussi bien publics que privés – en Italie et sur les développements dans l’administration municipale qui marquèrent cette periode. La discussion se concentre sur la coexistence difficile entre les colons et la population indigène à Pompéi et dans d’autres colonies syllaniennes, mais aussi sur la situation à Larinum et à Amérie au temps des proscriptions, et sur quelques sources qui attestent des interventions législatives de Sylla en matière d’administration municipale. Mots-clés –

Sylla - Colonisation - Proscriptions - Lois municipales - Doubles communautés.

ABSTRACT –

This paper deals with several instances of the impact that the crisis of the Sullan age had on patrimonies, both public and private, in Italy and on the developments in the municipal administration in the period. Attention is devoted to the problematic coexistence of colonists and indigenous population in Pompeii and other Sullan colonies; to the situation in Larinum and Ameria during the proscriptions; and to the sparse evidence for Sullan legislation on municipal administration. Keywords –

1. I

Sulla - Colonisation - Proscriptions - Municipal laws - Double Communities.

have greatly benefited from the comments of several participants in the Clermont-Ferrand conference, especially Mireille Cébeillac and Marina Silvestrini, and I am very grateful to Fiona Noble and Alexander Thein for their comments on a later draft. I should also like to thank Pierangelo Buongiorno, Michael Crawford and Massimiliano Di Fazio for help and advice on several matters.

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T 

his paper deals with the history of several Italian communities at a specific juncture of late Republican history, the years following the victory of Sulla in the Civil War (roughly the quinquennium between 83 and 78 B.C.). The political and social changes that occurred in the Sullan age are best understood by discussing specific individual cases and contexts. The evidence is fragmentary and in many respects elusive; the few surviving grand narratives of the period are focused on the figure of the dictator, his character and his agenda. The specific standpoint that was chosen for this volume – that of public and private patrimonies – may prove especially fruitful. This paper will concentrate on a handful of case studies, and it will engage with some recent work on the history of Roman Italy in the Sullan period: a topic that has received considerable attention in the last few years, even if not all of those who have worked on this period appear to have always been aware of recent or ongoing work. It is surely more accurate to speak of a flurry of interest than of a proper debate.

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1. The discussion on how long the list of the Sullan colonies should be is still ongoing.2 In a recent paper A. Thein has rightly spelled out what the two standard interpretative options are: on the one hand, the ‘garrison theory’, which views the Sullan colonies as military settlements intended to police hostile territories and quash any possible resurgence of dissent or resistance; and the ‘agriculture theory’, which explains them as an attempt to deal with the hunger for land that is a trademark of the last century of the Republic.3 This polarisation is hardly helpful; both concerns will have certainly been present to Sulla, and they are, at any rate, not incompatible. Thein is certainly correct in arguing that economic considerations played a very important role in Sulla’s decisions and that he was prepared to reach an appeasement with former Marian strongholds like Clusium and probably Ariminum, no doubt with some thoughtful input from local notables. On the other hand, a number of colonies appear to have been founded in retaliation for the position that a community had taken in the Civil War, and others were intended to enable control of key areas; the relative concentration of settlements in Campania and Etruria is a fact of clear strategic significance. The interpretation of what the Sullan colonisation was about is inevitably intertwined with how we compose the list of the known Sullan colonies. Thein has revived Mommsen’s conservative approach and has argued that there are 2. An attempt in F. Santangelo, Sulla, the Elites and the Empire. A Study of Roman Policies in Italy and the Greek East, Leiden - Boston, 2007, p. 147-157; M. Silvestrini, “La presenza dei destinatari nelle epigrafi celebrative di edifici pubblici”, in C. Laneve (ed.), Annali della Facoltà di Scienze della Formazione 1995-2005, I, Bari - Rome, 2007, p. 765-772 makes a plausible case for a Sullan dating of the settlement of colonei Firmanei mentioned in AE, 1961, 310, from Candela, località Giardino. 3. A. Thein, “Sulla’s Veteran Settlement Policy”, in F. Daubner (ed.), Militärsiedlungen und Territorialherrschaft in der Antike, Berlin - New York, 2011, p. 79-99.

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seven certain Sullan settlements and five possible ones.4 I have made elsewhere a slightly more generous estimate of eight certain colonies, along with seven possible ones; these foundations should be viewed along with the evidence for land assignments on the territories of five communities, and with the interventions in Latium that I will discuss in the final part of this paper.5 Whatever take one may choose, the identification of Pompeii as a Sullan colony is uncontroversial. The modes and forms of this settlement are however a matter for debate. Pompeii has a peculiar position in the discussion of Sullan colonisation: it is by far the community from which there is most evidence. A full array of inscriptions – Oscan and Latin – shed light on the magistracy system of the community, and they document the transition of Pompeii from Samnite community to Roman municipium and eventually to Sullan colony;6 there is even inscriptional evidence the Sullan title of the colony colonia Veneria Cornelia Pompeianorum;7 and a speech of Cicero, the pro Sulla, provides invaluable – if highly problematic – information on the position of the city between the foundation of the colony and Catiline’s conspiracy; some of the archaeological evidence from Pompeii is directly relevant to the understanding of the Sullan settlement. A preliminary problem should be addressed, because it goes to the very core of what the Sullan colonies and Sullan colonisation were about: the issue of the so-called ‘double communities’, the Doppelgemeinde. In his recent monumental study of the municipalisation of Italy E. Bispham has revived this model, which was first developed – to my knowledge – by Mommsen in his seminal article on the late Republican Bürgerkolonien in 1883.8 Bispham’s argument is based on the detailed scrutiny of the epigraphical evidence for late Republican Pompeii, which points to the existence of both quattuorviri and duoviri, and argues that after Sulla the city was home to two separate communities, a municipium of the indigenous population and a colonia of Sullan veterans. This view is not new; it is based on the striking evidence for the coexistence of two different constituencies of residents – old and new inhabitants – which is also mirrored by the use of different landscapes and onomastic landscapes.9 The double community model was undermined by a thorough overview of H.-J. Gehrke and definitively overcome by a major discussion of E. Lo Cascio, who argued that after 80 B.C. the municipium of Pompeii was turned into a colony which included both the old residents and the 4. Ibid.,

p. 86-89. Note the intriguing remark on the lack of boundary markers from the Sullan period (on the contrary well attested for the Gracchan period) at p. 88-89. 5. F. Santangelo, Sulla, the Elites and the Empire […], op. cit., p. 147-157. 6. See the overview of the Oscan evidence from Pompeii in M. H. Crawford et al., Imagines Italicae. A Corpus of Italic Inscriptions, London, 2011, p. 36-39 (with references to the corpus). 7. On the epithet cf. A. Thein, “Sulla’s Veteran Settlement Policy”, art. cit., p. 88-89, n. 52. 8. E. Bispham, From Asculum to Actium. The Municipalization of Italy from the Social War to Augustus, Oxford, 2007, p. 446-456. 9. T. Mommsen, “Die Italischen Bürgercolonien von Sulla bis Vespasian”, Hermes, 18, 1883, p. 161-213, esp. 165 (= Gesammelte Schriften, V, Berlin, 1908, p. 203-253, esp. 207).

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Sullan settlers.10 The political tensions within the city were strong, and they were probably based on the different legal positions of the inhabitants; a settlement was eventually reached within the community, and it was marked by the construction of the amphitheatre in 70 B.C. This model still appears neater and more economical than that of the double community, despite Bispham’s recent attempt to revive it. The model of the double community fails to answer the fundamental question of the cui bono: it is not clear what could have led Sulla and his deductores to create colonies on the site of existing communities without overriding their political framework. The Doppelgemeinde may be a construction that has an abstract juridical elegance, but it fails to address the fundamental question of how two communities placed on the same site would work, especially in conflict-ridden late Republican Italy: how would the organisation of the territory work, the use of the public space, and of natural resources, and how would the coexistence and competition between the two communities be organised.11 It is also unclear why Sulla would have bothered to maintain the relic of an existing community as he was embarking on setting up new communities of veterans in the context of the troubled aftermath of a civil war. If one goes through the list of the alleged ‘double communities’ in late Republican Italy none of the candidates stands to scrutiny. According to Pliny the Elder (Nat., 3, 52), Arretium was home to the Arretini ueteres, the Fidentiores (who were no doubt Sullan settlers, as the military epithet also suggests), and the Iulienses, who were settled by Caesar: however, the existence of different constituencies of citizens who identified themselves with the different periods in which they had joined the city does not prove the existence of different political communities.12 Faesulae witnessed the attempt of the indigenous population to evict the Sullan veterans from their castella in 78 B.C.: perhaps the most powerful sign of the shaky foundations of Sullan colonisation in Etruria and a sign of a divided community – but not of a ‘double’ one.13 That a decurion of the colony of Nola was chosen e ueteribus (CIL, 10, 1273) does not prove the existence of two separate communities.14 The most problematic case is that of Interamna Praetuttiorum, where several inscriptions appear to mention municipes and coloni as 10. H.-J.

Gehrke, “Zur Gemeindeverfassung von Pompeji”, Hermes, 111, 1983, p. 471-490; E. Lo Cascio, “Pompei dalla città sannitica alla colonia sillana: le vicende istituzionali”, in M. Cébeillac-Gervasoni (ed.), Les Élites municipales de l’Italie péninsulaire des Gracques à Néron, Naples - Rome, 1996, p. 111-123. Cf. also P. Castrén, Ordo populusque Pompeianus. Polity and Society in Roman Pompeii, Rome, 1975, p. 49-55. 11. A comprehensive study of this problem remains a desideratum; most of the evidence dates to the Principate. A lucid overview of the issues at stake in S. Mitchell, “Iconium and Ninica. Two Double Communities in Roman Asia Minor”, Historia, 28, 1979, p. 409-438, at p. 415-417, 435-438, with extensive bibliography. On the existence of dual ordines in Roman Spain cf. L. A. Curchin, The Local Magistrates of Roman Spain, Toronto - Buffalo - London, 1990, p. 24. 12. Plin.n Nat., 3, 52. 13. Granius Licinianus, fr. 34, Flemisch. 14. On the institutional developments at Nola see the paper by G. Camodeca in this volume (p. 295-328).

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separate groups; M. Buonocore has convincingly argued that this is a designation of antiquarian significance, which refers to the municipal past of the city, rather than to the presence of two communities at the same site.15 As for Pompeii, the strongest piece of evidence for the presence of a double community is a passage by Pliny the Elder, which reports the sorry end of a Pompeian notable: in Catilinanis prodigiis Pompeiano ex municipio M. Herennius decurio sereno die fulmine ictus est.16 Pliny uses the word municipium in the loose sense of ‘city’ on various occasions, and there is no compelling reason to think that he used it differently in this context.17 The presence of a member of the Oscan-speaking stock in the ordo decurionum during the late Sixties is not inconceivable, especially if there was a rapprochement between the two sides in the late Seventies, as argued by Lo Cascio. At any rate, this single notice in Pliny is not sufficient ground to argue for the existence of a double community at Pompeii, which should be left out of any account of the institutional history of late Republican Italy.

2. The death of the decurion Herennius in Pompeii at the time of Catiline’s conspiracy draws attention to a crucial moment of political and social tensions which is deeply rooted in the unresolved contradictions of the Sullan age. Arguing that post-Sullan Pompeii was one colonial community does not override the profound tensions that marked the life of the city and does not conceal that the new community was based on a constitutive level of discrimination and coercion. The fundamental feature of the Sullan colonisation, at Pompeii and probably elsewhere, is that the veterans were settled next to the old inhabitants, but were granted a superior legal status. A famous passage of Cicero’s pro Sulla – a defence speech given in 62 B.C. on behalf of P. Sulla, a nephew of the dictator who was one of the three deductores of the colony and was accused of being involved with the conspiracy of Catiline – provides clear evidence for the legal discrimination that was a foundation of the community. Cicero speaks of a dispute de ambulatione et de suffragiis.18 The reference to different positions in the 15. M.

Buonocore, “Un’inedita testimonianza di munificentia femminile a Teramo”, Athenaeum, 86, 1998, p. 463-468 (= L’Abruzzo e il Molise in età romana tra storia ed epigrafia, II, L’Aquila, 2002, p. 923-930). 16. Plin., Nat., 2, 137: ‘among the portents connected to Catiline, a decurion of the municipium of Pompeii, M. Herennius, was struck by lightning on a fine day’. See F. Zevi, “Personaggi della Pompei sillana”, PBSR, 63, 1995, p. 1-24, at 18-21. 17. A. Pistellato, “Le quotidien institutionnel chez Pline l’Ancien. Thèmes prosopographiques, institutionnels et juridiques”, in L. Lamoine, C. Berrendonner and M. Cébeillac Gervasoni (eds.), La Praxis municipale dans l’Occident romain, Clermont-Ferrand, 2010, p. 51-70, at 52 (cf. also the discussion on p. 70). 18. Cic., Sull., 61: atque hoc, iudices, ex hac frequentia colonorum, honestissimorum hominum, intellegere potestis, qui adsunt, laborant, hunc patronum, defensorem, custodem illius coloniae si in omni fortuna atque omni honore incolumem habere non potuerunt, in hoc tamen casu in quo adflictus iacet per uos iuuari conseruarique cupiunt. adsunt pari studio Pompeiani, qui ab istis etiam in crimen uocantur; qui ita de ambulatione ac de suffragiis suis cum colonis

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elections is a clear feature, although it is not apparent in what ways this may have worked; it is possible that the votes of the veterans had more weight than those of the indigenous populations, while both constituencies of citizens took part in the election of the magistrates of the same community. What is more controversial is the reference to ambulatio, which has been associated to the movements of the voters during the election process, or indeed to the rights of different groups to access and use public spaces; the possibility that ambulatio should be emendated as ambitio, and therefore be referred to electioneering, remains quite attractive.19 A firm solution is probably not possible; it is abundantly clear, at any rate, that there was a controversy on the electoral system. The tensions that this framework brought about in the city were very serious and they were a factor in the crisis that may have fuelled sympathy for Catiline’s conspiracy. The system was directly overseen by the nephew of Sulla and by a key figure of the Sullan coalition like C. Quinctius Valgus: it is likely that it was not used only at Pompeii. The elusive ambulatio or ambitio is a reminder of the importance of the issue of the use of space in the tense context of the post-Sullan colonisation. At Pompeii this issue may be explored from the angle of the archaeological evidence and is interestingly linked to the destiny of private patrimonies. The question of where the Sullan veterans actually were was asked more than thirty years ago by J. Andreau; some tentative steps have been taken towards an answer.20 The established view is that the veterans were settled in the ager of the city, outside the walls; the pagus Felix, which is surely linked to the Sullan foundation, has the significant epithet suburbanus.21 The city remained the domain of the indigenous population: the evidence for the presence of Sullan settlers within the city walls is thin on the ground. Recent work by F. Pesando has fleshed out the picture.22 The decoration of the houses within the city walls do not appear to have undergone significant changes until the age of Caesar, with isolated exceptions such as the Casa di Cerere, but a number of houses show traces of architectural changes, with smaller spaces in the atrium and more spaces in the residential section of dissenserunt ut idem de communi salute sentirent. (‘And this, judges, you can infer from this large crowd of the colonists in court, men of the highest standing, who are supporting this patron, defender and guardian of that colony; if they were not able to preserve him in the possession of his whole fortune and of every office, yet in this present situation, in which he is now prostrated, they wish that he should through you be supported and protected from harm. The people of Pompeii, who have even been included in the charge by these prosecutors, are attending with equal enthusiasm; even though they had a controversy with the colonists on ambulatio and suffragia, they felt the same about their joint safety’). 19. Recent discussions: F. Santangelo, Sulla, the Elites and the Empire […], op. cit., p. 163-165; A. Keaveney, “Cicero Pro Sulla 60-62 and the Sullan Settlement of Italy”, Athenaeum, 98, 2010, p. 127-138. 20. J. Andreau, “Pompéi: mais où sont les vétérans de Sylla?”, REA, 82, 1980, p. 183-199; cf. F. Zevi, “Personaggi della Pompei sillana”, art. cit., p. 10-18. 21. This is the only safely attested pagus of Pompeii, although it is conceivable that there were others: R. Laurence, Roman Pompeii. Space and Society, London, 20072, p. 41-42. 22. F. Pesando, “Le residenze dell’aristocrazia sillana a Pompei: alcune considerazioni”, Ostraka, 15, 2006, p. 75-96.

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the houses. A number of houses within the city walls, such as that of the Casa di Trittolemo, near the Apollo temple, and other houses on the decumanus maximus between the Via di Porta Marina and Via dell’Abbondanza/Via dei Teatri, like the Casa del Cinghiale, show evidence for radical interventions following the foundation of the colony; members of the colonial elite who occupied prestigious houses within the city walls and redecorated comprehensively as a way to assert their status. The presence of the settlers is more clearly visible in the ager; and the detailed scrutiny of the archaeological evidence shows how traumatic the impact of the coming of the veterans could be. The Villa dei Misteri dates to the late second century B.C., but the architectural structure was radically changed and the decorative features of the villa were completely obliterated in the Sullan and Augustan period; even the pavements were replaced. The occupiers of the Fondo Prisco, dating to 70s-60s B.C., appear to have removed the tomb of the previous Samnite settlers. Some houses, such as the House of the Vestals, were destroyed during the Sullan sack and there is no evidence that they were refurbished until the mid-first century B.C. The evidence is sparse, but the picture is clearly that of a drastic impact, which must be envisaged as even more wide-ranging than previously argued. Such impact also extended to the public domain: the temple of the Capitoline Triad at the north end of the Forum and the temple of Apollo on the west side were restructured and rededicated shortly after the foundation of the colony.23

3. The creation of a colony, at Pompeii as well as elsewhere in Italy, required putting in place a complex set of regulations, which ranged across a number of issues, and had to engage with the financial administration of the community. Concerns on the financial viability of communities, as well as on the stability of private assets, were especially acute in the late Eighties, at the end of two wars in close succession. Campania felix was no exception, and not just in the communities that were affected by the Sullan colonisation. The well-known circumstances of Sulla’s death see him dealing with a dispute within the colony of Puteoli. There are two versions of the events, which are not obviously compatible.24 According to Valerius Maximus, the ordo decurionum pledged to pay a sum of money towards the restoration of the Capitolium; it is unclear whether the Capitolium of Puteoli 23. M. Carroll,

“Exploring the Sanctuary of Venus and its Sacred Grove: Politics, Cult and Identity in Roman Pompeii”, PBSR, 78, 2010, p. 63-106, at 94. The recent work of Carroll and colleagues on the site of the sanctuary of Venus, however, suggests that the construction of the shrine did not begin until the mid-first century B.C.: see the article quoted above, with a thorough discussion of the different account of the history of the sanctuary by E. Curti and his team, who argue for a mid-second century dating. 24. Good discussion in A. Keaveney, “Sulla and Italy”, Critica storica, 19, 1982, p. 499-544, at 520-522.

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is meant here or the Roman Capitol that was destroyed in the fire of 83 B.C.25 The princeps coloniae Granius, however, refused to make that money available; Sulla reacted by coming to Puteoli and censoring Granius’ behaviour; the fit of anger caused his death. Plutarch has a different version of Sulla’s involvement at Puteoli: Sulla intervenes in a dispute within the citizen body and prescribes a new code of law; a few days later he found out that Granius was refusing to pay a sum that he owed the public treasury and had him executed.26 Puteoli was not a Sullan colony, although it was surrounded by several settlements of Sullan veterans; it is conceivable that the presence of the veterans will have provided a crucial incentive for the Puteolani to accept Sulla’s settlement.27 In both versions of the incident – which we happen to know about only because it is closely related to the death of Sulla – financial issues play a central part in the affair. In Valerius Maximus’ version, we hear about the opposition of a prominent figure of the community to an envisaged public subscription; it is possible that the money that was gathered for a public work in the city of Rome; Sulla interferes with the affairs of the community in order to resolve that stalemate. In Plutarch’s account Granius is not blocking the public subscription, but is refusing to pay his own share; again, we find Sulla getting involved in that affair and punishing Granius; the context is that of a community in which the former dictator has a clear stake. The situation at Puteoli may be exceptional, not least because Sulla resided in that region; but the story of Sulla’s death is a reminder of what a dangerous time the aftermath of the Civil War was for the communities of Italy.28

4. The Sullan colonisation should be viewed against a wider pattern of interference into the affairs of the political communities from the victors in the Civil War. The aftermath of the Civil War was a complex process, and it must be borne in mind that the victory of the Sullan camp was only completed long after the Colline Gate battle and the sack of Praeneste; operations at Volaterrae continued until 79 B.C. The members of the Sullan coalition were unsurprisingly keen to meddle with the affairs of the communities; the risk 25. Val.

Max., 9, 3, 8. See E. Bispham, “Carved in Stone: the Municipal Magistracies of Numerius Cluvius”, in A. Cooley (ed.), The Epigraphic Landscape of Roman Italy, London, 2000, p. 39-75, at p. 59. 26. Plut., Sull., 37, 5-6. 27. Cf. also K. Jaschke, Die Wirtschafts- und Sozialgeschichte des antiken Puteoli, Rahden, 2010, p. 15-18. A different reading in E. Gabba, “Le opportunità del decentramento. Municipalizzazione dell’Italia e continuità dei ceti dirigenti locali”, in L. Capogrossi Colognesi and E. Gabba (eds.), Gli statuti municipali, Pavia, 2006, p. 575-578, at 575-576. 28. The bestowal of a new law upon the colony of Puteoli might be understood as the act that is called in some sources as coloniam constituere, i.e. the organisation of a colony that did not entail the settlement of new colonists (cf. RS 1, Lex agraria 22; Cic., Agr., 1, 16; Cic., Cat., 2, 20; Red. Sen., 29).

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of confiscation of land, be it public or private, was real. The response of local communities varied according to the circumstances and the pressures they were under. Puteoli chose to resort to the arbitration of Sulla; other communities did not have a choice. At Larinum the quattuorvirate of the municipium was taken over by four men led by Oppianicus, who entered the city and got hold of power through violent means. The direct involvement of Sulla in that political operation is doubtful. A dedication from the city records a dedication to Sulla the dictator and mentions him as a patron of the city, but this is hardly proof that the operation was masterminded by the dictator. The episode is best understood as an instance of local tensions that were solved – rather paradoxically – by the unstable circumstances that followed the Civil War. The figure of the dictator was here used as a figure that could cover a traumatic change in the structure of the local elites, which intervened at a time that was already deeply troubled by the aftermath of the Social War and the introduction of a new political framework (Cluent., 8, 25): per illam L. Sullae uim atque uictoriam Larinum in summo timore omnium cum armatis aduolauit: quattuoruiros, quos municipes fecerant, sustulit: se a Sulla et tres praeterea factos esse dixit, et ab eodem sibi esse imperatum ut A. Aurium, illum qui sibi delationem nominis et capitis periculum ostentarat, et alterum A. Aurium et eius L. filium et Sex. Vibium, quo sequestre in illo indice corrumpendo dicebatur esse usus, proscribendos interficiendosque curaret. Instead, through Sulla’s violence and victory, he swooped down upon Larinum with an armed band, causing universal fear. Next he proceeded to depose the quattuoruiri, whom the citizens of the municipium had elected: he claimed that he and three others had been appointed in their place by Sulla himself. Sulla had also, he added, ordered him to take care of the proscription and execution not only of Aulus Aurius, who had declared his intention of bringing a capital charge against Oppianicus, but also of Aulus Aurius Melinus, his son Lucius, and Sextus Vibius, whom Oppianicus was believed to have employed as an intermediary in bribing that informant. (transl. M. Grant, modified)

Cicero’s choice of words is striking: Oppianicus claims to have been appointed quattuorvir by Sulla. The aim is to introduce a note of scepticism, so that the jury may be led to believe that Oppianicus took advantage of the confusion and absence of rule of law that followed the war to get hold of power at Larinum. On the other hand, Oppianicus acts in a way that is reminiscent of Sulla’s actions in

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Rome: he chooses his victims with care, and creates a climate in which others have reason to fear being proscribed and killed.29 The actions of Oppianicus, as we learn about them from Cicero’s notoriously treacherous account, bear another interesting parallel with those of the Roman patron, as he planned the inclusion of the Martiales into the citizen body (Cluent., 15, 43).30 The Martiales were public slaves who were involved in the worship of Mars; Cicero emphatically states that Oppianicus’ proposal to grant them freedom was received with hostility by the decurions and the whole citizen body, who urged A. Cluentius Habitus – Cicero’s client – to make the case against Oppianicus. The matter was eventually referred to Rome. In Cicero’s account, this turn of events drove Oppianicus to plan the murder of Cluentius; thar led to his prosecution in 74 B.C. Cicero, however, does not specify who won the case and what happened to the enfranchisement of the Martiales. Despite this important gap in our information, the case remains of the utmost interest. But it is the plan of Oppianicus and its local reception that deserve attention in this context. The quattuorvir who claims a Sullan allegiance initiates a plan that is strongly reminiscent of the mass enfranchisement of the slaves of the proscribed carried out by Sulla. The new strong man in town redefines the boundaries of the citizen body and establishes new powerful bonds of patronage which will enable him to consolidate his position. The destiny of the slaves of the men that were proscribed by Oppianicus when he seized power is unknown, although one could speculate that they were also freed. As É. Deniaux has argued, this operation will surely have been supported by a manipulation and falsification of the public records of the municipium, which Oppianicus may have conceivably done in his censorial capacity (and indeed the decurions apparently ruled that he had falsified the tabulae publicae, although it is unclear in what connection: Cluent., 14, 41).31 Oppianicus’ plan ‘to do what Sulla did’ became a totemic issue for the local elite, which took the opportunity to challenge the position that he gained through his coup d’état and to close its ranks after being effectively sidelined in the aftermath of the Civil War. Whatever the outcome of the case that was heard in Rome, an opposition to Oppianicus’ supremacy had firmly taken shape; the Sullan local despot was on his way out. 29. M. L. Amerio, Review of F. Hinard, Les Proscriptions de la Rome républicaine, QS 25, 1987, p. 177 argues that

Oppianicus was sent to Larinum by Sulla, but that he did not lack ‘potere discrezionale’. 30. The best discussion of this episode is P. Moreau, “I Martiales di Larinum e le difficoltà d’integrazione nella città romana”, in N. Stelluti (ed.), Pro Cluentio di Marco Tullio Cicerone. Atti del Convegno nazionale. Larino 4-5 dicembre 1992, Larino, 1997, p. 129-140. 31. É. Deniaux, “Les passages des citoyennetés locales à la citoyenneté romaine et la constitution des clientèles”, in M. Cébeillac-Gervasoni (ed.), Les “Bourgeoisies” municipales italiennes au iie et ier siecles av. J.-C., Naples, 1983, p. 267-277, esp. 276-277. It is doubtful, however, that the operation carried out by Oppianicus was intended to lead to a ‘changement de majorité politique’. Discussion and bibliography in L. Fezzi, Falsificazione di documenti pubblici nella Roma tardorepubblicana (133-31 a.C.), Florence, 2003, p. 27-29.

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5. The events that unfolded at Ameria, a municipium in Umbria, in the months following the end of the Civil War mirror a similar picture of tension, but show a different local response. The role of the local elite is central and deserves special attention. When the name of the local notable Sextus Roscius appeared on the proscription list in the summer of 81 B.C., shortly after his violent death, the decurions passed a decree that instructed the ten most prominent among them (decem primi) to seek an audience with Sulla and argue for a posthumous rehabilitation of their fellow-citizen.32 We learn about this set of events from the pro Roscio Amerino, Cicero’s defence speech on behalf of Roscius’ son, who was accused of having murdered his father. Cicero’s account of the affair is in various respects problematic, but this section must be broadly accurate, since Cicero had the decree of the decurions read out during his speech. The outcome of the embassy is, according to Cicero, negative: the decurions visit Sulla at his camp near Volaterrae – a powerful reminder that the episode dates to a time when the civil war is still unfolding – and they do not even get to see the dictator. They are received by his freedman Chrysogonus, who misleadingly reassures them that Roscius’ name will be removed from the proscription list; another alleged architect of the whole operation, T. Roscius Capito, is also a member of the mission, promised that he would oversee that. Cicero depicts the mission of the decem primi as an attempt to defend the memory and the legacy of Roscius; the involvement of Roscius Capito and the willingness of the decem primi to leave Sulla’s camp without seeing the dictator suggest that their main concern was perhaps not defending Roscius’ position, but asserting that no other member of the local elite deserved to be numbered among Sulla’s enemies. Avoiding further proscriptions was an urgent necessity (25).33 The further development of the case triggers further speculation. No citizen of Ameria accepted to act as defence witness; Cicero briefly refers to this aspect later in the speech, implying that this is the prosecutor’s fault – it was indeed only the prosecutor could compel witnesses to turn up. In the same passage Cicero accuses Roscius Capito of having actively misled the other members of the embassy on Sulla’s intentions on Roscius’ estate (110). Although Cicero implies that he discussed the circumstances of the case with notables of Ameria, he did not manage to persuade any of them to turn up at Rome; this is, at best, a sign of the isolation of his client, and perhaps a choice that must be explained with the decision of the Amerine notables not to get involved in a politically loaded case in exchange for specific reassurances on their personal positions. The isolation of Roscius junior is also a fundamental feature of Cicero’s defence case, in which he is portrayed as a rural fellow who knows little about 32. The

decem primi are attested in other municipal contexts: evidence and discussion in E. Bispham, From Asculum to Actium […], op. cit., p. 217-218. R. Seager, “The Guilt or Innocence of Sex. Roscius”, Athenaeum, 95, 2007, p. 895-910, at p. 905 stresses that they were ‘an already established standing committee’. 33. A. Lintott, Cicero as Evidence. A Historian’s Companion, Oxford, 2008, p. 426.

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the treacherous sophistication of politics, be it Roman or municipal, and who also lives in the isolation of the country estate inherited by his father. That this portrait should be accepted is far from certain;34 indeed, some recent work has engaged with the problem of Roscius’ actual role in the affair, which has drawn attention to the thick layer of misinformation provided by Cicero.35 A cursory reference in the speech sheds light on other ‘forged’ accusations that were launched against Roscius, including a charge of peculatus (82); it cannot be ruled out that the accusation did not pertain to Roscius’ appropriation of a part of his father’s fortune after the proscription, but was in fact about an impropriety concerning the municipal finances.36 If this interpretation is correct, Roscius would not simply come across as a far less blameless character than Cicero depicts, but he would also appear to be a member of the local elite that has enemies because of his record in civic government. We would also have an interesting example of the role that prosecutions could have in the life of the local elite of a municipium. Whatever his actual role in the death of his father, Sextus Roscius junior was a carefully chosen victim: he was the heir to a substantial fortune, but his isolation from the elite of his hometown turned him into a vulnerable victim.

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6. The possible involvement of Roscius in a peculatus case that was heard in a municipium brings the attention back to the role of municipal governance in this period and to the role that the management of patrimonies played in the difficult context of the late Eighties and early Seventies. It hardly needs restating that this was a context of heavy disruption, at all levels: political, social, and economic. It is also important, however, to draw attention to the factors that sought to bring about stability within the system, especially at the municipal level. We have seen instances of local elites that tried to resist further disruption and defended their position, even if that may have meant paying some prices, such as at Ameria; at the central level much of the actions of Sulla in internal politics was intended to restore a basic level of stability in a number of contexts – from the reform of the quaestorship to that of the praetorship, to the creation of the criminal courts system to the reorganisation of financial administration. The evidence for the Sullan law on the reorganisation of the province of Asia shows that it included financial regulations, which pertained – inter alia – to the expenses that cities were allowed to meet for 34. E. Lo Cascio, “Realtà e rappresentazione: la caratterizzazione degli homines ex municipiis rusticanis nella pro Roscio Amerino”, in G. Petrone and A. Casamento (eds.), Lo spettacolo della giustizia. Le orazioni di Cicerone, Palermo, 2006, p. 49-62 accepts its validity and views it as a fundamental feature of Cicero’s case. 35. R. Seager, “The Guilt or Innocence of Sex. Roscius”, art. cit., with earlier bibliography; A. R. Dyck (ed.), Cicero. Pro Sexto Roscio, Cambridge, 2010, p. 17-19. 36. R. Seager, “The Guilt or Innocence of Sex. Roscius”, art. cit., p. 898.

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the organisation of embassies. The municipal charters that are attested in Italy for the late Republican period set out a complex range of rules that pertained to a number of key issues: the composition of the ordo decurionum, the powers of the magistrates, the elections, games and public works, and of course financial matters – the pecunia communis – which tended to receive extensive attention.37 None of the surviving texts, which are all attested epigraphically, can be safely dated to the Sullan period; it is probable that the first piece of municipal legislation that set out rules for the new citizens after the Social War was a lex Cornelia mentioned in an inscription from Petelia in Bruttium (CIL, 10, 113-114), which was probably drafted by Cinna, but may well be Sullan, as argued by F. De Martino;38 moreover, the blueprint for the municipal charters may go as far back as the foundation of Venusia in 291 B.C. and the second-century charter for Bantia. It is also worth bearing in mind that, as argued by Frederiksen nearly half a century ago, texts like the lex Tarentina appear to closely follow and adapt already existing ‘matrix-texts’.39 The debate is far from settled, and in fact it goes back to more than two centuries. In his discussion of the recently discovered text of the lex municipii Tarentini, for instance, Mommsen argued against the existence of a general municipal law in the late Republic and suggested that each municipium was ruled under a lex data drafted by a commissioner following a forma communis that was never codified by law.40 The view still finds authoritative supporters, like H. Galsterer, who speaks of Rahmengesetze that provided the foundations for Einzelgesetze that applied to individual communities.41 Others have argued that there was a level of spontaneous adhesion to the institutional structures by the municipia: U. Laffi has read the passage of the pro Cluentio quoted above as evidence that the municipes elected their quattuoruiri as soon as they received the Roman citizenship and that there is no ground to think that a new municipal law was passed before the election of the first quattuoruiri.42 Even in light of these provisos on very uncertain evidence, there is clear evidence that Sulla did intervene into municipal matters by issuing specific municipal charters on some individual communities, coloniae and municipia alike. There is 37. E. Bispham,

From Asculum to Actium […], op. cit., p. 205-246. De Martino, Storia della costituzione romana, III, Naples 1961, p. 300. Cf. E. Bispham, From Asculum to Actium […], op. cit., p. 201-202. 39. M. W. Frederiksen, “The Republican Municipal Laws: Errors and Drafts”, JRS, 55, 1965, p. 183-198, developed by E. Bispham, From Asculum to Actium […], op. cit., p. 207; a very different take in U. Laffi, “Osservazioni sulla lex municipii Tarentini”, RAL, s. 9, 15, 2004, p. 611-640, now in Colonie e municipi nello Stato romano, Rome, 2007, p. 191-231. 40. References and discussion in J.-L. Ferrary, “La Découverte des lois municipales (1755-1903). Une enquête historiographique”, in L. Capogrossi Colognesi and E. Gabba (eds.), Gli statuti municipali, op. cit., p. 57-108, at 106-108. 41. H. Galsterer, “Die römischen Stadtgesetze”, in ibid., p. 31-56, at 50-51. 42. U. Laffi, “La struttura costituzionale nei municipi e nelle colonie romane. Magistrati, decurioni, popolo”, in L. Capogrossi Colognesi and E. Gabba (eds.), Gli statuti municipali, op. cit., p. 109-132, at 116. 38. F.

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evidence for his intervention on the affairs of communities in Latium – Aricia, Bouillae, Castrimoenium, and Gabii – which, according to the liber coloniarum, were provided with a circle of walls under a law of Sulla; these major public works were in some cases accompanied by land assignments to the veterans.43 The scope of the Sullan law under question is unclear, but it seems unlikely that it extended only to the walls and to the occupation of land; no doubt it included regulations concerning the institutional and administrative life of the city. The maintenance of fortifications is one of the topics covered in the lex Ursonensis (ch. 98: although in that context the role of the local Senate is discussed);44 it is conceivable that fortifications were dealt with in a municipal law drafted by Sulla for those municipia. The assignments that took place at Aricia, Bouillae and Gabii were made possible by the confiscation of land that belonged to the city; this very fact would have required an intervention in the institutional life of the city.45 But it is impossible to say more.46 What should be envisaged is a complex and dynamic picture in which Sulla selectively makes an impact on a number of local and regional contexts.

430

7. In his recent discussion of the concepts of power in Greece and Rome, U. Gotter has focused on the impact of Greek political concepts on Roman politics in the last two centuries of the Republic. From the mid-second century B.C. we find some Roman political figures, from Gaius Gracchus to Cicero who adopt a Greek perspective in their approach to the issue of political reform in Rome, use a Greek conception of power, and develop radical alternatives to the existing political order. Under Gotter’s reading, Sulla is the most impressive instance of this trend. His wide-ranging institutional reforms affect all the main features of the system, from the popular assemblies to the Senate and the magistracies, including the tribunate, for which strong restrictions are set. The Senate is put at the centre 43. F.

Santangelo, Sulla, the Elites and the Empire […], op. cit., p. 156-157. A. Keaveney, “Sulla and Italy”, art. cit., p. 527 argues for a Sullan retaliation. Cf. the public works funded and supervised by L. Ateius Capito at Castrum Novum (CIL, 11.3583): M. Silvestrini, “La presenza dei destinatari […]”, art. cit., sees a financial intervention of a rich Sullan benefactor; P. Buongiorno, “Ateii Capitones”, Iura 59, 2011, p. 195-216, at 200-203 cautiously accepts this view. 44. Cf. also ch. 83 of the Flavian lex Irnitana. For the view that in these contexts munitio means ‘fortification’, rather than ‘public work’ see B. Goffaux, “Municipal Intervention in the Public Construction of Towns and Cities in Roman Hispaniae”, Habis, 32, 2001, p. 257-260, at 262. 45. Aricia (lib. col., 230, 1: oppidum: lege Sullana est munita); Bouillae (lib. col., 231, 11: oppidum: lege Sullana est circum ducta); Castrimoenium (lib. col., 233, 3); Gabii (lib. col., 234, 15). 46. F. M. Cifarelli, “Magistrati ed élites municipali di Segni in bolli laterizi dal territorio”, in G. Ghini (ed.), Lazio e Sabina 4, Rome, 2007, p. 219-224, at 220-221 views the presence of a quattuoruir M.’ Occius at Signia as evidence for a Sullan intervention in the aftermath of the Civil War; the gentilician Occius is unparalleled at Signia, but a duouir quinquennalis C. Occius M.f. is known at Pompeii in the early years of the Sullan colony (CIL, X, 819). The hypothesis is attractive, but the case in its favour is flimsy.

From Pompeii to Ameria: patrimonies and institutions in the age of Sulla 

of this system.47 The whole strategy shows a great level of theoretical abstraction, and may be read as the outcome of the work of a legislator who thought about the balance of power and sought to bring about a wholly new distribution of power. Gotter speaks of a ‘nomothetic re-arrangement of Roman government’.48 This is not the place for a discussion of this interpretation of Sulla’s action, which has the great merit of giving credit to the intellectual and cultural stature of the Dictatot’s political agenda and sets out to explain its ultimate failure. However, thinking about Sulla as a lawgiver, and not simply as a victorious general or the merciless champion of his own cause, may benefit our understanding of how Italy was affected by his victory and rise to power.

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47. U.

Gotter, “Cultural Differences and Cross-Cultural Contact. Greek and Roman Concepts of Power”, HSCP, 104, 2008, p. 179-230, at 214-216. 48. Ibid., p. 216.

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Les crises politiques urbaines et leur gestion locale à la fin de la République entre 89 et 31 av. J.-C.  

Mireille Cébeillac-Gervasoni

Résumé –

À partir des données relativement peu nombreuses et inégalement réparties qu’offre la documentation épigraphique et littéraire, quelques fois complétée par l’archéologie, on a souhaité comprendre comment, à partir des lendemains de la guerre sociale, les dirigeants des cités locales en Italie ont géré (ou plutôt tenté de gérer !) un problème inédit : affronter les effets toujours plus délétères des crises politiques urbaines. Cette situation s’est révélée lourde de conséquence pour les dirigeants eux-mêmes, mais aussi pour les habitants de leurs communautés. Lors de ces luttes civiles urbaines, le choix du “mauvais” parti signifiait pour les habitants de la cité des exécutions, des déportations, des destructions, des confiscations de biens pour doter de terres les vétérans du vainqueur. L’instauration du pouvoir d’Auguste va permettre de revenir à une quasi-normalité et au princeps d’exercer une ostentatoire indulgence envers les récalcitrants. Mots-clés – Terreur

- Confiscations - Vétérans - Magistrats locaux - Patronage.

Abstract –

A few epigraphic and literary documents perhaps permit to understand how the domi nobiles could manage (or better proved to manage!) a new problem: to brave the civil urban wars deleterious effects. This situation had terrible issues for the magistrates and the cives of the cities. To stand by the “bad” side consequently got executions, deportations, destructions, estates sequestrations for settling victor’s veterans. From 50th years, the terror has been a government method and the patronage bonds loosened with an mere aspiration: to survive oneself! The Augustus’ victory allowed to return to normality and the princeps sometimes could exhibit leniency for some recalcitrants.

Jeywords – Terror

- Estates Sequestrations - Veterans - Local Magistrates - Patronage.

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Mireille Cébeillac-Gervasoni

N 

otre génération […] avait hérité d’une organisation politique comparable à une peinture magnifique sans doute, mais dont la netteté commençait à passer à cause de l’âge ; non seulement elle a négligé de la restaurer […] mais elle ne s’est même pas préoccupée de sauvegarder au moins son dessin et sa ligne […]. Qu’est-ce donc qui subsiste des mœurs d’autrefois, qui ont fait, comme l’a dit le poète [i.e. Ennius, ann. 500 V²], que Rome restât debout ? […] Et que dire des hommes ? […] C’est à cause de nos fautes […] que nous n’avons encore un Etat que de nom.1

Sources et bibliographie : état des lieux 2

434

La question de la place des cités, en particulier de la péninsule Italienne, dans le contexte tragique des troubles civils de la fin de la République n’avait pas encore été prise en compte par le groupe de travail du programme EMIRE. Cette rencontre m’a semblé une juste opportunité pour prendre en considération les interrogations que je me posais depuis un certain temps. Mon souhait était de comprendre comment les élites dirigeantes locales avaient pu gérer les inévitables retombées locales des problèmes provoqués par l’affrontement des leaders urbains. Certes, auparavant, les magistrats et les habitants des municipes et colonies avaient dû subir les outrages de magistrats urbains qui, lors de déplacements, avaient abusé de leurs pouvoirs, des rétorsions et des punitions votées par le Sénat romain, en cas de non-alignement sur la politique de Rome3 ; cependant, ils ne s’étaient encore jamais trouvés dans ce qui m’est apparu comme la quasiobligation de prendre parti dans les luttes fratricides engagées entre les divers leaders urbains. Il est certain que l’extension de la citoyenneté à la plus grande partie de l’Italie péninsulaire avait donné aux hommes politiques romains un très large champ d’action ; s’ils s’étaient contentés d’agir tout en respectant la légalité républicaine, ils auraient cherché des appuis électoraux auprès de ces néo-citoyens quasi externi, selon le bon mot de Cicéron4 ; les recommandations de Quintus Cicéron à Marcus 1. Cic.,

Rep., V, 2. que toutes les dates indiquées dans le corps du texte correspondent aux années avant notre ère, d’où la non-indication de “av. J.-C.” qui est implicite. Que Laurent Lamoine trouve ici l’expression de ma reconnaissance pour sa relecture de mon texte et ses précieuses suggestions. 3. Évidemment, on connaît les cas célèbres de punition après la guerre contre Hannibal, par exemple, le cas exemplaire de Capoue, mais aussi au iie siècle, la destruction de Frégelles (cf. le discours de Caius Gracchus en 123 dans lequel il rappelait ces exactions : v. ORF 4, 48). 4. Cicéron dans le Brutus, 170, qualifiait de istis externis quasi oratoribus les orateurs exerçant dans les cités de plus récente intégration à la res publica romaine, telle Arpinum, pour les opposer à celles qui, telle Tusculum, avaient fourni depuis longtemps à l’Urbs des magistrats. 2. Noter

Les crises politiques urbaines et leur gestion locale à la fin de la République entre 89 et 31 av. J.-C.  

sont à ce sujet très éloquentes5. En revanche, comme il fallait satisfaire d’insatiables ambitions, c’était la voie ouverte à des actions illégales, car les leaders ont prétendu y trouver des partisans aptes à prendre les armes en cas de besoin, mais aussi des subsides et des armes souvent extorqués par la force, sans oublier les confiscations de terres pour satisfaire des vétérans et des partisans. Cette situation pouvait se révéler lourde de conséquences pour les dirigeants eux-mêmes mais aussi pour les habitants de leurs communautés. Le silence quasi général des historiens sur les malheurs des cités et des populations de l’Italie a été une surprise dans ma recherche bibliographique, car rares sont ceux qui ont consacré quelque attention à cette situation. On peut mentionner quelques lignes de Nicolet6, de Yavetz7 et de Brunt8 ; ç’avait été déjà le constat que fit le regretté François Hinard en 2005, lors d’un colloque de la fondation Canussio sur la violence dans le monde antique, publié dans les actes l’année suivante9, sur le thème La terreur comme mode de gouvernement, sur le même arc chronologique que ma propre recherche, c’est-à-dire les guerres civiles du ier siècle av. J.-C. Hinard comprenait mal que, malgré l’importance de la bibliographie plus ou moins récente consacrée aux dernières décennies de la République, les troubles n’aient été que décrits mais qu’on ne se soit aussi peu intéressé à la question de la terreur organisée pas plus qu’à ses conséquences concrètes sur les populations. Je me suis interrogée non sans perplexité sur cette quasi-absence des études sur un tel sujet et la première réponse, la plus évidente, était de supposer a priori que c’est la carence des sources, aussi bien littéraires qu’épigraphiques ou archéologiques, qui justifiait cette vacuité10. Il est vrai que souvent les sources littéraires requièrent un 5. Q. Cic., pet. V. C. Nicolet (en collaboration avec J.-M. David, S. Demougin, É. Deniaux, D. Ferey, J.-M. Flam-

bard), “Le Commentariolum Petitionis de Quintus Ciceron. État de la question et étude prosopographique”, dans Aufstieg und Niedergang der römischen Welt [ANRW], I, 3, Berlin, 1973, p. 239-277. 6. C. Nicolet, Tributum. Recherches sur la fiscalité directe sous la République romaine, Bonn, 1976, p. 87 sq. : “Les guerres civiles et l’Empire”. 7. Z. Yavetz, La Plèbe et le prince, foule et vie politique sous le Haut-Empire romain, Paris, 1984, p. 90 : “La population civile avait terriblement souffert des exactions et des brutalités de la troupe” et p. 117 : “Les différentes classes de la population civile furent très éprouvées pendant la période des proscriptions. À Rome même et en Italie, les riches souffrirent et dans les couches populaires, la situation était peu enviable”. 8. P. A. Brunt, The Fall of the Roman Republic and Related Essays, Oxford, 1988, p. 431. 9. F. Hinard, “La terreur comme mode de gouvernement (au cours des guerres civiles du ier siècle a.C.)”, dans G. P. Urso (éd.), Terror et pavor. Violenza, intimidazione, clandestinità nel mondo antico. Convegno Internazionale, Cividale del Friuli, sept. 2005, Pise, 2006, p. 247-264 [repr. dans F. Hinard, Rome, la dernière République, Bordeaux, 2011 (recueil d’articles), p. 293-307]. 10. Il est très encourageant de constater que, sur ce sujet, de manière concomitante mais totalement indépendante, un jeune historien, Federico Santangelo, apprécié en particulier pour ses travaux sur Sylla (Sulla, the Elites and the Empire. A Study of Roman Policies in Italy and the Greek East, Leiden - Boston, 2007) a conduit une recherche quasi jumelle de la mienne ; il participait au colloque de Clermont (supra, p. 417-431) avec une autre thématique (qui contribue de manière éminente à enrichir notre connaissance de la période syllanienne) et m’a signalé qu’en novembre 2011, il présenterait en Allemagne dans un colloque intitulé Performing Civil War. The Desintegration of the Ritual Order, une contribution axée sur un sujet quasi identique au mien : “Performing passions, negogiating survival: Italian cities in the late Republican civil wars” ; son texte est sous presse. Lors de nos fructueux échanges, nous avons constaté que nous avions utilisé les mêmes sources et étions parvenus à des

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Mireille Cébeillac-Gervasoni

intérêt circonspect car elles peuvent offrir des récits anecdotiques, parfois à but moraliste si on pense à Valère Maxime, d’autres textes, tels ceux de César ou de Cicéron, sont trop souvent entachés de manque d’impartialité, car leurs auteurs sont trop concernés par les événements dont ils rendent compte. Quant aux inscriptions, elles sont pour cette époque assez rares et même souvent non pertinentes pour l’enquête, car ne concernant que des aristocrates urbains. C’était un constat certes peu encourageant mais qui m’a cependant engagée à procéder à une enquête, c’est-à-dire à réunir toutes les données disponibles en me plaçant du point de vue des cités dans une démarche aux antipodes du romano-centrisme ; c’est une méthode qui a toujours été la mienne, que ce soit pour mes recherches personnelles11 ou à la direction de programmes sur les magistrats et le fonctionnement au quotidien des cités. Cependant, avant de renoncer il fallait réaliser des mises en listes systématiques de toute l’information disponible, puis décider ensuite si l’abysse était tel qu’on se devait de capituler sans même proposer au minimum un aperçu sur les dilemmes auxquels s’étaient heurtés les dirigeants locaux.

Soixante ans d’avilissement sans répit (89/31) : les données 436

À partir des données disponibles, j’ai pu distinguer trois périodes successives : –– des lendemains de la guerre sociale à la fin de la dictature de Sylla ; –– de l’après-Sylla à la fin des années 60 ; –– de la fin des années 60 à la victoire d’Octavien-Auguste. Ces décennies sont caractérisées par une dégradation sans fin des conditions de vie des populations des cités (du moins de celles sur lesquelles nous avons des témoignages) ; on y connaît des actes d’une violence extrême, perpétrés avec une incroyable férocité par les belligérants sans exception.

Le sort des cités et de leurs élites dans les luttes civiles entre Marius, Marius le Jeune et leurs partisans, et Sylla et les Syllaniens 12 Pour les années durant lesquelles se déchaînent les conflits armés à Rome et en Italie entre les Marianistes et les Syllaniens pour la prise du pouvoir, nous possédons conclusions similaires lors de notre évaluation des possibilités et velléités d’action des élites dirigeantes locales entre Sylla et la victoire d’Octavien. Qu’il reçoive mes remerciements pour ce dialogue qui m’a donné une certaine assurance quant à la pertinence de mes conclusions. 11. Les “Bourgeoisies” municipales italiennes aux iie et ier siècles av. J.-C., Paris - Naples, 1983 ; Les magistrats des cités italiennes de la seconde guerre punique à Auguste. Le Latium et la Campanie (BEFAR, 299), Rome, 1998 12. À propos des proscriptions qui ont essentiellement touché des Romains de l’Urbs, v. F. Hinard, Les Proscriptions de la Rome républicaine, Rome, 1985.

Les crises politiques urbaines et leur gestion locale à la fin de la République entre 89 et 31 av. J.-C.  

des données littéraires, épigraphiques et archéologiques sur le sort de quelques cités dont les élites n’avaient pas opté pour le parti du vainqueur ; dans la tradition, ces cités sont désignées en tant que marianistes. Quelques textes nous renseignent sur ces événements et la convergence de leurs descriptions rendent plus fiables les récits qu’ils nous rapportent, même si, bien sûr comme le fait Emilio Gabba dans ses commentaires d’Appien13, il faut relativiser certaines affirmations. Selon Tite-Live14 “[Sylla] remplit de meurtres la Ville et toute l’Italie”, ce que précise Appien15 : “Les choses en Italie ayant été réglées par la guerre, le feu et les tueries en masse, les légats de Sylla parcoururent les villes en installant des garnisons dans des lieux suspects” et il ajoute16 : “Lorsque les griefs concernant les particuliers vinrent à manquer, Sylla s’en prit aux cités et les châtia elles aussi ; pour certaines il démolissait la citadelle ou rasait le rempart ou imposait des amendes collectives ou les épuisait par des contributions de guerre extrêmement lourdes”. Selon E. Gabba qui minore parfois ces faits, seules les cités samnites virent leurs remparts et citadelles détruites, mais il ajoute qu’il y eut aussi dans d’autres cas des confiscations de territoires, ce que confirme Appien17 “mais dans la plupart d’entre elles, il installait ses anciens soldats afin de disposer de points fortifiés à travers l’Italie […] et il en transférait la propriété [des terres confisquées] à ces colons”. Toujours selon Appien, repris par Gabba, il y aurait installé 120 000 hommes, soit 23 légions18, enlevant aux citoyens des cités une partie de leurs biens fonciers pour compléter des terres qui faisaient encore partie de l’ager publicus du peuple romain19. Un texte de Cicéron20 nous renseigne sur une autre sorte de punition infligée aux cités : en décembre 82, Sylla fit voter par les comices centuriates une loi qui, outre leurs terres, faisait perdre la pleine citoyenneté à ceux qui, dans les cités, avaient pris le parti de Marius ; cette mesure toucha Chiusi, Fiesole, Nola, Volterra et Arezzo dont les habitants se trouvèrent avec un statut du type ius Ariminensium, assimilé au droit latin si on en croit G. Migliorato21. Arezzo récupéra dès 79 ses pleins droits alors que Volterra était encore dans une situation d’infériorité lors du procès de Caecina, le client de Cicéron22. Dans certains cas, ce sont les partisans du dictateur qui ont profité à titre d’enrichissement personnel de terres confisquées par la 13. E. Gabba,

Appiano e la storia delle guerre civili, Florence, 1956. Per., 88. 15. App., BC, XCV, 440. 16. Ibid., 447. 17. Ibid., 448. 18. Ibid., 489. 19. Ibid., 470. 20. Cic., De domo sua, 79. 21. G. Migliorato, “Volterra da Silla a Rullo”, Aevum, 75, 2001, p. 71-78 et en part. p. 75. A. N. Sherwin-White, The Roman Citizenship, Oxford, 1973, p. 102, supposait aussi qu’il s’agissait d’un statut inférieur. 22. Cic., Caec., 33 et 35 ; aussi ibid., 18 : Cicéron précise bien que les Volaterrani sont des cives iure deteriore. 14. Liv.,

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force, ce fut le cas à Casinum pour C. Quinctius Valgus23, beau-père de P. Servilius Rullus, le tribun de la plèbe de 63 et auteur de la loi agraire combattue par Cicéron : “ces terres situées sur le territoire de Casinum si riches et si productives qu’il [C. Quinctius Valgus] n’a cessé d’étendre en proscrivant tous ses voisins jusqu’à ce qu’il ait réussi à former, aussi loin que portait sa vue, un domaine d’un seul tenant au moyen d’une foule de biens particuliers”24. Dans quelques cas, les informations fournies par les textes littéraires sont complétées par des inscriptions qui confirment l’ampleur des vicissitudes subies par les cités ; ce pouvait être celles qui tombaient sous la coupe de partisans sans scrupules de Sylla ou qui avaient eu le malheur de prendre le parti des Marianistes ou du moins qui avaient été entraînées dans cette adhésion par leur élite dirigeante. Ainsi, à Larinum, furent exécutés les magistrats en place : “Mais à la faveur des violences et de la victoire de Lucius Sulla, il [Oppianicus] courut à Larinum au milieu de la terreur générale avec des hommes armés. Il fit disparaître les quatre quattuorvirs qu’avaient élus les gens du municipe”25. Il faut sûrement relier à cet épisode la dédicace à Sylla en tant que patron de Larinum26. Le cas de Préneste que, traditionnellement, les historiens anciens et modernes considèrent comme un bastion du parti de Marius est bien connu. C’est à travers le récit d’Appien27, confirmé entre autres par Tite-Live28 et par Valère Maxime29, qu’on connaît le sort réservé à cet antique et très riche municipe du Latium. En 82, le fils de Marius, battu à Sacriporto, se réfugie avec ses fidèles à Préneste, cité qui possède d’excellentes défenses naturelles ; mais les dirigeants du municipe, lorsqu’ils prennent connaissance de l’issue de la bataille de Porta Collina et du succès de Sylla, décident de se rendre à Q. Lucretius Ofella. Ils sont attirés dans un piège en dehors de la cité et mis à mort. Marius le Jeune se suicide et les sénateurs romains qui l’ont accompagné sont massacrés ainsi que tous les Prénestins ; seuls quelques-uns qui peuvent être utiles au vainqueur30, les femmes et les enfants sont 23. Il

avait aussi profité des confiscations à Pompéi (CIL, I2, 1632 = X, 852, 645 & CIL, I2, 1633 = X, 844 = ILLRP, 646) ; à Frigentum (ILLRP, 598) ; à Aeclanum (CIL, I², 1722 = IX, 1140 = ILLRP, 523). 24. Cic., De leg. agr., 3, 13. Voir I. Carnevale et C. P. Venditti, “Ville e insediamenti rurali dell’ager Casinas” dans : E. Polito (a cura di), Casinum Oppidum. Atti della giornata di studi su Cassino preromana e romana, 8 ottobre 2004, Cassino, 2007, p. 143-160 et en part. p. 147. 25. Cic., Pro Cluentio, 8, 25 : quattuorviros quos municipes fecerant sustulit. 26. AE, 1975, 219 / [L. C]ornelio L.f. | [Su]llae Felici, | [di]ct, patrono. Intéressant de souligner qu’on ne connaît pas d’autres cas de patronage de Sylla d’une cité, v. M. Torelli, Ath., 51, 1973, p. 336. 27. App., BC, I, 94. 434-438. 28. Liv., Per., 88, 2. 29. Val. Max., 9, 2, 1. 30. On doit supposer que [-] Saufeius et C. Orcevius qui portent le titre de préteurs du municipe libre et de duum­virs de la colonie syllanienne dans la même inscription (CIL, I2, 1467 = XIV, 2994), sans aucun doute l’année du sac de la cité, appartenaient à cette catégorie de dirigeants que Sylla avait conservés parce qu’ils étaient utiles. En revanche, on ignore s’ils étaient auparavant des partisans de Sylla à moins que, lors de la reddition, Q. Lucretius Ofella ne leur imposa de conserver leur rôle de magistrat durant l’année en cours mais avec l’humiliation de porter alors qu’ils étaient préteurs le nouveau titre des magistrats de la colonie : duumvir. En tout cas, cette

Les crises politiques urbaines et leur gestion locale à la fin de la République entre 89 et 31 av. J.-C.  

épargnés ; la ville est mise à sac. La remarquable étude de Degrassi31, basée sur le patrimoine épigraphique de la cité avant et après la prise en main de Sylla, a confirmé pleinement les récits des auteurs antiques ; menée à partir des cippes du Sepolcreto, elle montre que sur les 138 gentes connues avant la tragédie, seules 20 se retrouvent ensuite dans la colonie et ont des descendants à l’époque impériale. On constate qu’un grand nombre de gentilices qui sont présents sous la République quasi exclusivement pour des familles de Prénestins, tels les Anicii, Feidenatii, Magulnii, Merseii, Orceveii, Vatronii, disparaissent de l’onomastique dans la colonie qui prend la suite du municipe. Quelques membres de rares familles se retrouvent ensuite comme des Dindii, des Samiarii, ou des Saufeii, mais comme l’a montré Maria Grazia Granino32 pour cette dernière gens, il pouvait exister diverses branches d’une même gens dont les options politiques différaient et peut-être même étaient-ce des stratégies familiales de survie. Dans la colonie déduite par Sylla, on retrouve des gentilices qui n’étaient pas connus dans l’onomastique du municipe et qui sont ceux des colons, essentiellement des vétérans, avec lesquels Sylla a repeuplé la cité. Sans bénéficier d’une documentation aussi complète que celle de Préneste, diverses autres cités dites elles aussi marianistes connurent les mêmes tragiques péripéties. Pompéi, après la prise de la cité par Sylla, vit les anciens Pompéiens spoliés au profit de colons que l’on dota des terres les plus riches sur les pentes du Vésuve ; les problèmes furent durables puisque Cicéron s’en faisait encore l’écho33. De même Nola reçut aussi une colonie syllanienne et l’élite y fut spoliée34. Le cas de Segni est intéressant car inédit ; des découvertes épigraphiques récentes publiées par Francesco Maria Cifarelli35 montrent que, dans cette cité dite marianiste, des gentes présentes au niveau de l’élite dirigeante dans l’épigraphie locale jusqu’à Sylla disparaissent ensuite définitivement ; même si la base documentaire est infiniment moins large que pour Préneste il est tentant de relier cette disparition à la répression imposée par les Syllaniens. On peut aussi mentionner Norba pour laquelle l’archéologie a confirmé les destructions massives

manœuvre a permis aux Syllaniens d’éviter une solution de continuité dans la gestion locale, mais on ne retrouve aucun membre de la gens Orcevia ensuite à Préneste parmi les magistrats de la colonie. 31. A. Degrassi, Epigraphica IV, Mem. Acc. Lincei, serie VIII, vol. XIV, 2, 1969, p. 111-141. 32. M. G. Granino, “Una dedica a Giove nel Museo Nazionale di Palestrina”, XIV Misc. Greca e Romana, Rome, 1989, p. 145-156. 33. Cic., Pro Sulla, 60-62. 34. Dans son étude (voir supra p. 417-431), G. Camodeca constate que, comme à Pompéi, les vieilles gentes écartées provisoirement de la politique locale, sont revenues assez vite au pouvoir, essentiellement grâce à des mariages. 35. F. M. Cifarelli, “Magistrati ed élites municipali di Segni in bolli laterizi dal territorio”, dans G. Ghini (a cura di), Lazio e Sabina 4, Atti del Convegno 29-31 maggio 2006, Rome, 2007, p. 219-224 : Id., “Nuove iscrizioni da Segni e iscrizioni riguardanti Segni”, Arch.Cl., 61, 2010, p. 567-582.

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de la cité36 qu’Appien37 avait soulignées en insistant sur l’héroïque résistance des citoyens. Dans ces récits, nous restons surpris par le manque de références plus précises sur les démarches qu’auraient entreprises les autorités locales, en dehors des legationes de membres de l’élite dirigeante locale qui, comme à Préneste ou à Améria, espéraient sauver leurs vies et celles de leurs concitoyens. Une telle ambassade futelle décidée lors d’une séance et d’un vote du sénat local38 ? C’est probable, mais on ignore tout des délibérations qui amenèrent à la reddition de Préneste. Qui engagea Norba dans la résistance jusqu’à la mort avec des citoyens qui préférèrent se suicider, s’entretuer et incendier leur ville plutôt que de se rendre ? On ne sait pas davantage qui, à Ameria, étaient les dix membres les plus éminents de la cité qui allèrent à Volterra trouver Sylla qui faisait le siège de la cité mais les fit recevoir par son affranchi Chrysogonus39. On ignore qui les avait mandatés et il semble bien que, sous le prétexte de venir protester contre la proscription de Q. Roscius, ils faisaient plutôt acte d’allégeance à Sylla. Jamais ou presque, il n’est question dans les textes dont nous disposons d’une décision politique votée par les décurions ; c’est pourquoi le cas de Minturnes est intéressant. Un épisode de la Vie de Marius de Plutarque40 nous apprend que Marius, traqué dans les marais de Minturnes, est capturé, puis porté aux magistrats de la colonie mais non immédiatement mis à mort ; pourtant “toutes les villes avaient reçu notification du décret ordonnant de poursuivre Marius au nom de la loi et de le tuer quand on l’aurait pris”. Ces magistrats de la colonie, non sans courage quand on pense au contexte politique de l’époque, décidèrent d’abord de le mettre en garde à vue chez une habitante, puis de consulter le conseil des décurions. Ensuite, après délibérations, ils rendirent leur sentence : “il fallait tuer Marius sans retard”. Étant donné qu’entre-temps Marius avait réussi à s’échapper, on aimerait connaître les réactions de Sylla après cette désobéissance, et on ne peut que souligner la dignité des magistrats et des décurions de Minturnes qui ont délibéré au lieu d’obéir aveuglément, si on en croit le récit de Plutarque. En revanche, pour la même affaire, la version transmise par Velleius Paterculus41 diffère sur certains points : Marius s’est certes caché dans le marais de Marica où il est découvert, mais un des duumvirs le fait envoyer dans la prison de Minturnes (et ce n’est pas une garde en vue chez une habitante), puis on charge un esclave public de l’exécuter, un Germain que, jadis,

36. V.

S. Quilici Gigli, “Trasformazioni urbanistiche ed attività edilizia in età repubblicana: il caso di Norba”, Orizzonti, 18, 2003, p. 125-132. 37. App., BC, I, 94, 439. 38. Le municipe était dirigé par des préteurs et son assemblée portait le nom de sénat. 39. Cic., Pro Rosc. Amer., 127. 40. Plut., Vie de Marius, 38, 2-3 et 39, 1-6. 41. Vel. Pat., II, 19, 2-3.

Les crises politiques urbaines et leur gestion locale à la fin de la République entre 89 et 31 av. J.-C.  

Marius aurait fait prisonnier lors de la guerre contre les Cimbres42 ; cet homme se serait indigné qu’on puisse exécuter un personnage aussi éminent ; aussi les citoyens, troublés par la compassion d’un ex-ennemi, donnent-ils de l’argent et des vêtements à Marius et le font s’embarquer sur un navire. La version des Periochae de Tite-Live43 ajoute une précision : le navire sur lequel s’embarqua Marius aurait été affrété par la municipalité : impositus publice navi delatus est in Africam. Il n’est question de délibérations du conseil des décurions que dans Plutarque, mais de toutes façons, même dans Velleius Paterculus et Tite-Live, le courage des citoyens est patent, si on pense au climat de représailles généralisées qui règne à l’époque, même pour des faits moins graves. Il reste impossible de tirer de cette anecdote des conclusions plus générales, simplement elle ne doit pas être négligée ; quant à savoir le vrai motif qui a permis à Marius s’échapper à une situation désespérée, c’est une énigme44. Par ailleurs, les auteurs anciens mentionnent tous des zones entièrement dévouées à Marius puis à son fils et à leurs partisans ; il semblerait, si on en croit les sources, que certaines régions d’Italie conservaient des liens forts avec les Marianistes jusqu’à résister aux attaques des Syllaniens et même à mourir et à faire brûler leur cité pour que les assaillants ne trouvent pas de butin. Cependant, il est bien difficile de penser à une unanimité totale dans le corps civique à l’intérieur des cités et peut-être la survivance de branches de certaines familles comme à Préneste après la fondation de la colonie syllanienne pourrait-elle en porter témoignage45.

De l’après-Sylla à la fin des années 60 Nous avons des témoignages abondants sur les troubles urbains, ceux liés à Sertorius et à ses partisans puis à Catilina, mais aucun sur leurs conséquences au niveau municipal. Pourtant, on peut imaginer que les bandes armées qui s’affrontent dans 42. Valère

Maxime (2, 10, 6) mentionne un Cimbre, mais Appien (BC, 1, 61) et Tite-Live (Per., 77) un Gaulois, et Plutarque (Marius, 39, 2) donne les deux versions. Ce choix d’un “barbare” comme bourreau est symptomatique de la vision du barbare à cette époque, car certes le metus gallicus n’a pas disparu entièrement des fantasmes populaires, mais au moment des guerres civiles il est associé à d’autres réalités. Le barbare qui aurait dû exécuter Marius est servus publicus, donc il est au service de la cité et selon les sources, c’est lui qui donne l’exemple aux citoyens en refusant de tuer le chef d’armée qui, pourtant, l’a privé de la liberté. Cette anecdote, authentique ou non, entre dans le climat d’une époque où tous les antagonistes ont fait appel dans leurs armées à des “barbares”, que ce soit Sylla, Marius lui-même, Pompée ou César, et s’est produit entre ces hommes d’armes romains et barbares un phénomène d’acculturation, v. P. Jal, La guerre civile à Rome. Etude littéraire et morale, Paris, 1963, p. 310-317, thématique que P. Jal a repris dans “Le rôle des Barbares dans les guerres civiles de Rome de Sylla à Vespasien”, Latomus, 21, 1962, p. 8-48. 43. Liv., Per., 77. 44. On doit se souvenir que Minturnes est sur la mer le débouché naturel de la vallée du Liris et donc de zones intérieures du Latium méridional où se situe Arpinum qui a vu naître dans un faubourg Marius et plus tard Cicéron. Encore à cette époque et à celle de l’orateur, les liens de patronage ont, semble-t-il, encore une signification forte. Voir A. Nicosia, “Le vie di communicazione tra la media valle del Liri e la costa tirrenica”, dans : C. Cordi et E. Polito (a cura di), Dalle sorgenti alla foce. Il bacino del Liri-Garigliano nell’antichità: culture contatti scambi. Atti del Convegno, Frosinone-Formia 10-12 novembre 2005, Rome, 2008, p. 205-214. 45. V. supra, p. 439.

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l’Urbs et autour d’elle provoquent des troubles dans les cités. Catilina avait des partisans en Étrurie et en Campanie, mais il s’agissait de vétérans installés dans les castella et non des citoyens des cités. C’est dans ce contexte tragique que se situe le mémoire de Quintus à son frère Marcus, le Commentariolum petitionis, écrit en 64, avec des conseils pour pouvoir être élu malgré le handicap de la novitas46. On y constate que désormais, dans une élection qui respecte la légalité, le soutien de l’Italie des municipes est fondamental pour la victoire du candidat. La magistrature locale de Milon47 à Lanuvium (alors même qu’il était préteur à Rome) dont nous avons connaissance grâce au Pro Milone de Cicéron48, pourrait entrer dans ce schéma.

De la fin des années 60 à la victoire d’Octavien-Auguste

442

Il s’agit de trois décennies caractérisées par une escalade de la violence, un déchirement des élites locales qui tentent de se partager entre les leaders. Personne n’est épargné et les cités deviennent des villes martyres, telle Pérouse dont Appien49 décrit le sac ; elle était une des douze premières cités construites par les Étrusques, prise par Octavien, elle fut entièrement détruite par le feu et une partie de ses habitants fut exécutée50. On note que les autorités politiques locales subissent eux-mêmes les exactions tout comme leurs cités et leurs concitoyens, mais les récits ne nous fournissent aucune indication sur d’éventuelles réactions de leur part. La seule exception notable est le récit du Bellum Civile de César51 car le texte abonde en détails sur les initiatives des élites dirigeante locales52, par exemple lorsque César narre la conquête de tout le Picénum, le fief ancestral de la famille de Pompée, où il est accueilli, écrit-il, avec grand enthousiasme53. Certes, le récit de César est sujet à caution, il comporte des inexactitudes sûrement volontaires dans la chronologie des séquences, mais il reste un document unique et fondamental pour comprendre l’attitude des magistrats et des décurions. L’enjeu est de taille pour César qui doit bloquer les levées de troupes de Pompée dans l’Italie et surtout dans le Picénum ;

46. V.

C. Nicolet (et coll.), “ Le Commentariolum Petitionis […]”, art. cit. [n. 5]. Milo avait revêtu le tribunat de la plèbe en 57 et la préture en 55. 48. Cic., Pro Mil., 10, 27 ; 16, 46. 49. App., BC, V, 49. 50. Suét., Aug., 15, nous apprend combien Octavien fut impitoyable : “Après avoir pris Pérouse, il ordonna une foule d’exécutions et pour ceux qui cherchaient leur grâce ou à s’excuser il n’avait qu’une réponse : ‘Il faut mourir’ ”. 51. On trouvera dans l’article de F. Santangelo sous presse (v. supra note 10) une analyse subtile et détaillée de ce texte. 52. Caes., BC, I, 12-18. 53. Caes., BC, I, 15 : Cunctae earum regionum praefecturae libentissimis animis eum recipiunt. 47. T. Annius

Les crises politiques urbaines et leur gestion locale à la fin de la République entre 89 et 31 av. J.-C.  

en revanche, il est étrange que César ne mentionne pas la lettre que, selon Dion Cassius54, il aurait envoyé aux Italiens. César s’intéresse d’abord à la zone côtière de l’Adriatique, puis il se tourne vers l’intérieur en Ombrie. Avec complaisance, il met en scène ces cités qui se livrent sans combat à ses lieutenants, telle Iguvium dont “l’esprit des habitants aurait été tout à fait favorable à César”55, ou ces décurions d’Auximum qui, à son approche, vont en délégation trouver Attius Varus pour lui exprimer leur refus de s’opposer à César qui reproduit leur discours dont l’authenticité à la lettre près ne saurait être garantie56. La prise de possession de Corfinium, l’ex-capitale des insurgés de la guerre sociale, défendue par Domitius, sera plus laborieuse, même si le long récit de César57 est ponctué de références à des ralliements des partisans de Pompée. César fait montre de sa générosité et il libère les décurions que Domitius avait fait venir de leurs municipes, et les protége des outrages de ses soldats58. Il est évident que toutes les parties en lutte utilisent les ressources locales en hommes, en biens, en argent comme pourrait aussi le prouver l’anecdote des 6 millions de sesterces déposés par Domitius dans le trésor de Corfinium, somme présentée par les décurions à César qui, magnanime, les restitue à Domitius. En fait les traditions de patronage, de fidélité, s’effacent face à une situation de terreur absolue, même si on remarque des actes de courage ; certains sont individuels comme ce fut le cas pour le grand-père de Velleius Paterculus59 qui aida Livie et son fils âgé de deux ans, le futur empereur Tibère, à fuir en Sicile pour échapper à Octavien après la chute de Pérouse. Des cités aussi eurent des comportements héroïques60. Selon Dion Cassius61 et Suétone62, les Nursini posèrent une inscription sur un monument dédié aux morts tombés devant Modène, dans la lutte contre César ; elle portait la mention : “Morts en combattant pour la liberté”. Les autorités locales de Nursia, évidemment, eurent cette initiative à la suite d’une décision du conseil des décurions, puisque Suétone précise que le monument portant l’inscription fut élevé à frais publics. Le courage de faire graver un tel texte eut des conséquences fatales pour eux-mêmes et leurs concitoyens, puisque Octavien, selon le récit de Suétone, “leur infligea une amende énorme, et, comme ils étaient incapables de la payer, les bannit et les chassa de leur ville”. Les Nursini avaient pris pour patrons les Césaricides, comme Puteoli et Teanum Sidicinum ; ne leur fallait54. D.

C., 41, 10, 2. BC, 1, 12. 56. Caes., BC, 1, 13. 57. Caes.,BC, I, 15-23. 58. Caes.,BC, I, 23. 59. Caes., BC, II, 80. 60. App., BC, I, 94, 439. 61. D. C., 48, 13, 6 ; v. aussi le commentaire de E. Gabba, op. cit. [n. 13], p. XXVII. 62. Suét., Aug., 12. 55. Caes.,

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il pas de la témérité pour défier ainsi l’héritier de César et son acolyte Antoine, déjà auteurs de tant de méfaits cruels ? C’est ce que laisse entendre un propos de Cicéron63 : “Est-il besoin de vous rappeler les menaces et les injures qu’il [Antoine] adressa aux habitants de Sidicinum, dont il accabla les habitants de Pouzzoles, parce qu’ils avaient adopté pour patrons Cassius et les Brutus”. Certes, comme l’écrit Cicéron à Atticus64 depuis Fundi, le 12 avril 44 : “On saute de joie dans les municipes ; impossible d’exprimer à quel point l’allégresse est grande, comme on se précipite vers moi, comme on est avide de m’entendre parler de la situation politique”. Bien sûr, on se réjouit de l’assassinat du dictateur, mais l’apathie que Cicéron reproche aux honnêtes gens va amener encore des années de troubles et une soumission et des veuleries de la part de l’ensemble des élites, urbaines et locales, dans un climat d’atrocités qui semblent sans frein. Les réactions des vainqueurs ne furent pas toujours celles qu’on aurait attendues, ainsi, on aurait pu croire que Pouzzoles serait punie pour avoir choisi les césaricides comme patrons. Que nenni ! Les diverses études de G. Camodeca65 ont montré la continuité des familles dirigeantes de Puteoli depuis l’époque de Cicéron jusque sous l’Empire. Il est évident que la nécessité de ménager une aristocratie locale dont les gentes tenaient les rênes politiques d’un port dont dépendait l’approvisionnement en blé de Rome a dû certainement joué en faveur des Puteolani ; ils furent non seulement épargnés mais favorisés par Octavien après sa victoire. Bononia66 est elle aussi un cas particulier ; stratégiquement importante car située sur la via Aemilia, la voie la plus directe entre Arezzo et la vallée du Pô, elle n’eut pas à subir de fâcheuses rétorsions après avoir refusé de prêter serment à Octavien, comme il l’exigea de toutes les communautés d’Italie en 32/31. En revanche, Ostie fournit un exemple totalement antinomique par rapport à Puteoli, et en contradiction avec les bons sentiments de pardon et de générosité affichés par César dans la Guerre Civile, puis par Octavien-Auguste67. Les Fastes d’Ostie conservés pour les années 47-44 révèlent68 que ce sont des partisans de César qui ont mis la main sur les magistratures de la colonie, car les familles de l’élite dirigeante de l’époque 63. Cic.,

Phil., 2, 107. Att., XIV, 6. 65. V., entre autres publications, G. Camodeca, “L’élite municipale di Puteoli fra la tarda republica e Nerone”, dans M. Cébeillac-Gervasoni (éd.), Les élites municipales de l’Italie péninsulaire des Gracques à Néron, Naples Rome, 1996, p. 91-110. 66. V. D. C., I, 6 ; Suét., Aug., 17. L. Keppie, Colonisation and Veteran Settlement in Italy 47-14 B.C., Rome, 1983, p. 187-188, tente sans convaincre de comprendre pourquoi Octavien accepta une telle attitude sans sévir. 67. Il est vrai qu’après sa prise du pouvoir, Auguste put se permettre des actes de clémence ou de tolérance à Milan ou Patavium (v. supra n. 10) la contribution de F. Santangelo. Dans les Res Gestae, 16, 1-2, il a pu se vanter de ne pas avoir confisqué des terres pour ses vétérans, mais de les avoir toujours achetées, que ce soit en Italie ou dans les provinces. 68. À ce propos, v. le plus récent commentaire : M. Cébeillac-Gervasoni, M.L. Caldelli et Fausto Zevi, Epigrafia latina. Ostia: cento iscrizioni in contesto, Rome, 2006, p. 83-86. 64. Cic.,

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précédente étaient liées à Pompée, tel P. Lucilius Gamala69 ; de surcroît, cette élite locale n’avait pas l’envergure et surtout des liens avec l’ensemble de la Méditerranée orientale comme c’était le cas pour les grandes familles de Pouzzoles. Comme ce port, le plus proche de Rome, avait une grande importance pour les importations vers l’Urbs et pour les transports militaires, il fallait y placer des hommes sur lesquels on pouvait compter, c’est ce que fit César. Octavien-Auguste ne pouvait agir autrement ; C. Cartilius Poplicola, homme de confiance d’Agrippa, au tout début du règne d’Auguste va revêtir huit fois le duumvirat et la censure, faisant figure de gauleiter pour le nouveau régime70. Les fastes d’une autre cité méridionale, Vénosa71 révèlent pour son élite dirigeante une situation similaire à celle d’Ostie ; Vénosa qui avait réussi à vivre sans heurts la municipalisation, reçut en 43 une colonie triumvirale. Les Fasti Venosini, gravés dix ans après cette fondation, montrent qu’on n’y retrouve aucun des gentilices répertoriés avant cette déduction72.

État de la question : quelques faits indubitables Il est certes difficile de généraliser à partir d’exemples qui, comme on vient de le voir, forment un tissu discontinu et partiel de la situation des cités de l’Italie durant les soixante ans qui séparent la fin de la guerre sociale de la prise du pouvoir par un seul homme, le futur princeps73. Cependant, de ces données sont issues des certitudes rares mais prégnantes sur la situation et la position des cités et de leurs élites dirigeantes pendant cette période de grands troubles et violences. 1. La spécificité du ier siècle est incontestable car il s’agit d’une situation inédite pour les cités et leurs élites ; toutes les règles de comportement qui régissaient de manière ancestrale les rapports entre Rome, son Sénat, ses magistrats et la périphérie sont de plus en plus bafouées. Les conflits qui ont toujours existé entre les membres des ordres de l’État sont désormais réglés par usage de la terreur comme mode de gouvernement, avec un paroxysme qui est atteint après la mort de César. 69. V.

la bibliographie et les commentaires dans ibid., p. 99-104. p. 107-112. 71. I.I., XIII, 8 ; ils correspondent aux années 34-28. 72. V. M. Silvestrini, “Les élites municipali dai Gracchi a Nerone: Apulia e Calabria”, dans M. Cébeillac-Gervasoni (éd.), op. cit. [n. 35], p. 40-42. 73. Pour cette période de transition pour les institutions romaines et le climat politique urbain, les analyses d’A. Meier, Res publica amissa, Frankfurt am Main, 1988 (2e éd. avec une nouvelle introduction), conservent toute leur valeur, comme le souligne E. Flaig, “The Transition from Republic to Principate: Loss of Legimacy, Revolution, and Acceptance”, dans J. P. Arnason et K. A. Raaflaub, The Roman Empire in Context. Historical and Comparative Perspectives, Chichester, 2011, p. 66-88. 70. Ibid.,

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2. Les élites locales et leurs cités vont être impliquées dans les guerres civiles et surtout à partir des années 60, souvent contre leur gré. Durant les années de la dictature de Sylla, les sources antiques laissent à penser que certaines régions ou cités ont opté pour le parti des Marianistes, dans le respect de leur fidélité à un patron74 ; on peut cependant émettre des doutes quant à l’unanimité pour ces adhésions. Elles vont payer cette fidélité de la vie de leurs concitoyens, de leurs biens et même parfois de la perte de leur statut juridique de cives. En revanche à partir des années 60, comme l’avait déjà noté P. Brunt75 et que confirment les plus récentes recherches de Fr. Pina Polo76, à Rome, comme en Italie, mais aussi dans les provinces, on constate la mise en sommeil du patronage et même des liens de parenté ; en fait la violence, omniprésente et sans frein, a conduit à un individualisme forcené dans le seul but de parvenir à survivre. On a pu citer des cas individuels et collectifs de courage, malgré les risques encourus, mais ce sont des exceptions. Les palinodies des individus seraient incompréhensibles si on faisait abstraction du contexte politique urbain avec lequel ils doivent composer pour tenter de survivre. Sauf dans quelques cas qui apparaissent comme exceptionnels, on ne respecte plus aucune tradition ni aucune adhésion partisane, en étant guidé vers un unique but : la simple survie dans cette tourmente77. Une constatation s’impose : les palinodies des dirigeants locaux n’étaient que le reflet de celles des dirigeants urbains, ces triumvirs qui, tour à tour, se haïssaient, se combattaient, puis se réconciliaient avant de reprendre, souvent très vite, les hostilités78 ! Les textes d’Appien79 sont explicites sur les malheurs et sur la terreur qui régnait en Italie ; comme le souligne Gabba80 dans son commentaire, les petits et moyens propriétaires des cités italiques ont continué à être victimes des confiscations menées par 74. Je

remercie Michel Aberson de m’avoir signalé une inscription de Terni (CIL, I2, 2510 ; IX, 4213 ; ILLRP, 364), datée par Degrassi des années des guerres civiles de l’époque de Sylla (et non de l’époque d’Auguste comme le pensait Bormann) ; elle illustre la différence entre cette époque et les trois dernières décennies de la République : un citoyen par testament offre une statue pour remercier le patron du municipium Interamnas Nahars, A. Pompeius (questeur), qui s’est attaché à sauver le municipe “ex summis pereiculis et difficultatibus”. À l’époque de Sylla, les liens de patronage et surtout leur efficacité avaient encore un sens et étaient source d’obligations réciproques, ce qui ne sera plus le cas dans les dernières décennies de la République. 75. P. A. Brunt, op. cit. [n. 8], p. 382-502. 76. F. Pina Polo, “Hispania of Caesar and Pompey. A conflict of clientelae?”, dans M. P. García Bellido, A. Mostalac et A. Jimenez (éds.), Del imperium de Pompeyo a la auctoritas de Augusto. Homenaje a Michael Grant (Anejos de AESPA, 47), Madrid, 2008, p. 41-48. 77. Une comparaison facile mais éloquente est possible avec la situation des années du régime de la Terreur, durant la Révolution française. 78. V. à ce propos M. C. Ferriès, Les partisans d’Antoine, Bordeaux, 2007 et par exemple le cas n. 100, p. 438-444. 79. App., BC, V, 12, 49-50. 80. E. Gabba, op. cit. [n. 13], p. 32.

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les triumvirs pour assigner des terres à leurs vétérans, situation qui explicite la haine perdurable des militaires dans le milieu rural. 3. Les dirigeants locaux semblent avoir été fort démunis face à une situation d’une barbarie inédite ; ils ont eu souvent recours à ce qui était traditionnellement une parade, c’est-à-dire l’envoi de légats pour tenter d’atténuer des représailles, mais en général sans obtenir l’issue espérée ; nous avons vu l’échec des legationes d’Ameria81 et des Prénestins82 et on sait que Cumes envoya des légats à César mais que celui-ci refusa, par l’intermédiaire d’Antoine, de les recevoir et châtia la cité. En revanche, dans le Picénum, les envoyés de Cingulum furent bien accueillis par César. Cicéron83 ironise sur la sottise des Aquinates et des Anagnanini qui s’étaient précipités en grand nombre pour venir à la rencontre d’Antoine qui se rendait à Rome mais qui traversa toute la région en litière fermée ! 4. En fait, il a été pratiquement impossible pour les dirigeants des cités de s’opposer à la barbarie sans limite des belligérants car ils n’avaient aucun moyen pour le faire, sinon renoncer aux liens du patronage et faire allégeance à celui qui semblait le vainqueur, un calcul qui rarement fut payant. 5. Il est possible que, comme l’a depuis longtemps affirmé Brunt84, l’essentiel des hommes et des moyens financiers ont été trouvés par les leaders dans la péninsule et non dans les provinces qui ont eu un rôle relativement marginal dans les guerres civiles des ultimes décennies de la République. Cependant, on peut arguer que ce sont les sources qui font défaut, ce que tendrait à prouver la place que César accorde à Marseille dans la Guerre Civile85. 6. Un des rares aspects positifs de ces années terribles est sans doute l’intégration intime à l’État romain de l’Italie des cités. Les belligérants des guerres civiles de la fin de la République n’ont utilisé les cités et leurs citoyens que comme des pions ; ils y ont trouvé des hommes, des armes et des ressources financières. En revanche, Auguste, dès avant la victoire d’Actium, avec une grande intelligence politique, a su susciter l’adhésion des hommes de la Tota Italia, auxquels il a demandé un serment de fidélité à sa personne. Après des

81. V.

supra, p. 440-441. supra, p. 438 sqq. 83. Cic., Phil., 2, 105. 84. P. A. Brunt, op. cit. [n. 13], p. 393. 85. Caes., BC, I, 34-36 & 6-58 ; II, 1-16 & 22. 82. V.

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décennies de violences et de mépris, les élites locales86, et avec elles leurs concitoyens, ont trouvé leur place dans un régime qui a su et voulu les intégrer, y compris au niveau urbain et leur redonner la paix. Ainsi est née cette nouvelle classe dirigeante si bien décrite par Ronald Syme, en 1939 dans The Roman Revolution87. L’entourage d’Auguste va compter de nombreux hommes issus de l’Italie des cités, et en particulier de Campanie où il avait trouvé tant de soutiens dans sa marche vers le pouvoir. On peut sans doute ajouter, si on tient compte des développements récents de la recherche historique, que dans certaines provinces, les élites impliquées dans le déroulement des guerres civiles, trouvèrent ainsi un moyen d’intégration avec un épanouissement au début des Julio-Claudiens88.

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M. Cébeillac-Gervasoni, “Les rapports entre les élites du Latium et de la Campanie (iiie s. av. J.-C.-ier s. apr. J.-C.)”, dans G. Urso (éd.), Patria diversis gentibus una? Unità politica e identità etniche nell’Italia antica (Fondazione Niccolo’ Canussio), Pise, 2008, p. 39-62 et en part. p. 55-62. 87. R. Syme, The Roman Revolution, Oxford, 1939. 88. Voir les réflexions très intéressantes d’Antony Hostein, “D’Eporedius à Iulius Calenus, du chef éduen au chevalier romain (ier s. av. J.-C.-ier s. apr. J.-C.)”, dans F. Chausson (dir.), Occidents romains. Sénateurs, chevaliers, militaires dans les provinces d’Occident, Paris, 2009, p. 49-80. 86. Voir

La peste antonine et ses conséquences SECTION 3

29

“Il avertissait les cités de se méfier des pestes, des incendies, des tremblements de terre”. Crises militaire, frumentaire et sanitaire : les cités de l’Occident au temps de la peste antonine

Benoît Rossignol Résumé –

Des dernières années du règne d’Antonin le Pieux à la fin de Commode, les cités de l’Empire romain durent faire face aux disettes, à la pestilence et aux guerres. Ces crises sont ici considérées en terme d’exposition aux risques. Les cités avaient des perceptions et des adaptations diverses face aux risques. Ces adaptations étaient d’ordre politique et économique mais aussi religieux, en particulier pour la peste. La capacité à faire appel à une instance supérieure, l’empereur, ses administrateurs ou un oracle était un important moyen de parer au danger.

Mots-clés –

municipale.

Peste antonine - Guerres marcomanniques - Disette - Exposition aux risques - Vie

Abstract – From the last years of Antoninus Pious’ reign to the end of Commodus the cities of the

Roman Empire had to face up to food shortages, plague and wars. These crisis are here approached in terms of risk exposure. Cities had various perceptions and responses to these risks. These responses were political and economical but also religious ones, especially with plague. The ability to appeal to an higher authority as the Emperor, his administrators, or an oracle was an important way to cope with danger. Key-words – Antonine Plague - Marcomannic Wars - Food Shortage - Risk Exposure - Municipal

Life.

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Benoît Rossignol

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ans son Panégyrique de Trajan, Pline le Jeune dut constater que l’empire romain excédait les capacités de la bienveillance divine1. Aussi grande qu’elle ait pu être, il existait des cités qui pouvaient subir la disette. Heureusement la générosité de l’empereur pouvait leur venir en aide et pallier les aléas naturels. C’est là le lot de l’espace méditerranéen, morcelé, fractionné, éminemment variable2. Il y avait toujours quelque part une cité en crise, des catastrophes en continu sans pourtant que l’on soit fondé à porter sur cet espace un regard catastrophiste3. Que pouvait craindre une cité ? Alexandre, le prophète de Glycon, au dire de Lucien, les avertissait de se méfier des incendies, des séismes et des pestes4. Menaces précises et individualisées. Pouvons-nous envisager de telles menaces comme des crises possibles ? Le mot crise a, on le sait, une histoire et de nombreux usages. Usages au demeurant critiquables. La notion est vague et ambiguë, les usages qu’en ont fait les historiens, en tant que communauté, confus et contradictoires : la crise va de quelques semaines à plusieurs siècles, elle concerne un point précis ou toute la société, le terme et ses présupposés sont rarement interrogés autant qu’ils le mériteraient5. Si nous devons faire ici usage du terme de crise, ce sera un usage prudent à partir de son sens le plus originel, issu de ses origines médicales. La crise est un moment déterminant, décisif, limité dans la durée, durant lequel des difficultés vitales doivent être surmontées. Pour les cités antiques, comme pour toute économie pré-industrielle, une de ces difficultés majeures était la crise de subsistance. Il faut souligner le caractère composite de cette dernière, la disette s’accompagnant souvent d’autres problèmes avec lesquels elle entretient des liens de causalités complexes : crise épidémique, tensions sociales, émeutes. Situation d’urgence la crise impose sa temporalité, elle peut exiger des mesures d’exception, générer du changement ou seulement le révéler. Ce temps d’exception où l’on cherche à gérer la crise ou à la parer ne doit toutefois pas occulter les raisons de sa survenue. Il faut considérer les crises en terme de risque et de prévention du risque. Pour nos cités il n’y a crise que lorsqu’un événement potentiellement dangereux, une mauvaise saison, un séisme, etc., rencontre une ou plusieurs vulnérabilités. Considérer la gestion des crises ne peut donc pas se faire sans considérer la gestion ordinaire des cités et l’exposition plus ou moins grande aux risques qu’elle suscitait, considérer l’évolution de cette exposition aux risques. Il faut aussi considérer les 1. Pline, Paneg., 32, 2 ; B. Levick, “The Roman Economy: Trade in Asia Minor and the Niche Market”, Greece & Rome, 51, 2, 2004, p. 180-198 part. p. 185-186. 2. Pour une bibliographie détaillée sur ces aspects nous nous permettrons de renvoyer à B. Rossignol, “A Mediterranean milieu”, dans A. Bresson, E. Lo Cascio et F. Velde, Oxford Handbook of Economies in the Classical World, Oxford, sous presse. 3. P. Horden et N. Purcell, The Corrupting Sea [2000], Malden - Oxford, 2009, part. p. 298-328. 4. Lucien, Alex., 36. 5. A. Guerreau, “Crise”, dans C. Gauvard, A. de Libera et M. Zink (dir.), Dictionnaire du Moyen Âge, Paris, 2002, p. 369-370. Voir aussi J.-M. Pailler, “La crise en thèmes… et en question”, Pallas, HS, 1997, p. 131-140 ; A. Giardina, “Préface”, dans M.-H. Quet (dir.), La “crise” de l’Empire romain de Marc Aurèle à Constantin, Paris, 2006, p. 11-18.

Crises militaire, frumentaire et sanitaire : les cités de l’Occident au temps de la peste antonine

risques dans leur variété, retrouver leur spécificité historique propre, quantifier leur intensité. Aussi faibles que soient les vulnérabilités, il existe toujours la possibilité d’un événement rare qui les révèle. La fin de l’époque antonine présente un moment intéressant. Des difficultés nombreuses sont bien attestées par nos sources. Certaines d’entre elles sont indépendantes et ressortent des risques structurels à l’espace considéré comme les séismes de Cyzique et de Smyrne6, d’autres ressortent à ce que l’on pourrait appeler des risques technologiques comme les incendies de cités. Ce sont des événements ordinaires qui n’autorisent pas à faire de la période un moment spécifique. En revanche, d’autres difficultés apparaissent avec une fréquence particulière et contribuent à donner à la période une physionomie qui lui est propre, c’est le cas en particulier pour la crise épidémique dite de la “peste antonine”7, c’est le cas aussi pour des épisodes de cherté, de disette, de famine, c’est le cas enfin pour les difficultés militaires du règne, défaites, invasions, attaques et sièges de cité. Ces trois domaines, crise frumentaire, militaire et épidémique ne s’inscrivent pas dans un déterminisme monocausal, on ne doit pas pour autant les considérer comme totalement indépendants : des liens de causalités complexes les relient. La fin de l’époque antonine se présente alors comme une crise multifactorielle bien délimitée dans le temps. Nous pensons que cette situation trouve une partie de ses causes, de ses agents déclencheurs8, dans une situation climatique particulière, sans être exceptionnelle sur le temps long, situation où les variations saisonnières ont rencontré les vulnérabilités des cités du monde romain9. 6. M.-H. Quet,

“Éloge par Aelius Aristide des co-empereurs Marc Aurèle et Lucius Vérus, à l’issue de la guerre contre les Parthes”, JS, 2002, 1, p. 75-150 part. p. 79 et Ead., “Appel d’Aelius Aristide à Marc Aurèle et Commode après la destruction de Smyrne par le tremblement de terre de 177/178 après J.-C.”, dans Ead. (dir.), La “crise” de l’Empire romain de Marc Aurèle à Constantin, Paris, 2006, p. 237-278. 7. Avec les articles séminaux et désormais classiques de J. Gilliam, “The Plague under Marcus Aurelius”, American Journal of Philology, 82, 1961, p. 225-251 et de R. P. Duncan-Jones, “The impact of the Antonine plague”, Journal of Roman Archaeology, 1996, p. 108-136, les actes du colloque de Rome et d’Anacapri qui fut consacré à l’épidémie en 2008 (E. Lo Cascio [éd.], L’impatto della peste Antonina, Bari, à paraître) constitueront le fondement de toute réflexion sur le sujet. Voir infra la bibliographie plus récente. 8. L’histoire pouvant être aussi dans le monde antique “à diverses reprises trigger-happy ” pour reprendre l’expression d’E. Le Roy-Ladurie, “Révolutions, le déclic climatique ”, Sciences Humaines, déc. 2011/janvier-février 2012, p. 8-11. 9. B. Rossignol et S. Durost, “Volcanisme global et variations climatiques de courte durée dans l’histoire romaine (ier s. av. J.-C.-ive s. apr. J.-C.) : leçons d’une archive glaciaire (GISP2)”, JRGZM, 54, 2007 (2010), p. 395-438 ; B. Rossignol, “Le climat, les famines et la guerre : éléments du contexte de la peste antonine”, dans E. Lo Cascio (éd.), L’impatto della peste Antonina, op. cit. Ce dernier article doit être considéré comme complémentaire des réflexions que nous présentons ici, envisageant les choses du point de vue des cités, nous ne redéveloppons pas la question de la genèse des crises et des interactions entre les différentes causalités que nous y avions exposée. Depuis sa rédaction quelques informations sont venues s’ajouter à propos des volcans qui ont pu contribuer à perturber le climat au iie siècle et il faut ajouter à notre tableau no 1, les éruptions d’El Chichon (Nooren C. A., W. Z. Hoek, L. A. Tebbens et A. L. Martin Del Pozzo, “Tephrochronological evidence for the late Holocene eruption history of El Chichon Volcano, Mexico”, Geofisica Internacional, 48, 1, 2009, p. 97-112) et du Masaya (Masaya Tuff : W. Pérez et A. Freundt, “The youngest highly explosive basaltic eruptions from Masaya Caldera (Nicaragua): stratigraphy and hazard assessment”, dans W. I. Rose et al., Volcanic Hazards in Central America, Boulder, 2006, p. 189-207, part. p. 203. avec pour la date : J. Rausch et H.-U. Schmicke, “Nejapa Tephra: The

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On considérera les différentes facettes de la crise, militaire, frumentaire, épidémique en considérant quelles pouvaient être les vulnérabilités des cités, leur exposition au risque, en analysant leur moyen de faire face à la crise mais aussi la perception de cette dernière. Il faut d’abord souligner que notre documentation ne reflète pas les différentes difficultés de manière homogène, chaque type de documents a aussi ses biais propres. Pour les provinces d’Occident, l’épigraphie est plus bavarde sur les questions frumentaires – où l’évergétisme des notables trouvait à se glorifier – que sur les questions épidémiques. Elle permet d’aborder les représentations de la crise a posteriori mais aussi les moyens institutionnels mis en œuvre pour y remédier. Outre leur valeur d’information factuelle, les sources littéraires et historiques doivent aussi retenir l’attention en ce qu’elles nous montrent comment ces crises étaient construites et perçues à travers les lieux communs de la culture antique, et, en particulier, de sa composante rhétorique : face à l’épidémie, chaque notable appartenant au monde de la paideia se remémorait nécessairement et Homère et Thucydide. Ces sources toutefois concernent le plus souvent le point de vue du pouvoir central romain et ne témoignent que rarement de la situation au niveau des cités autrement que par des généralités. Le corpus juridique ne doit pas être négligé, les situations d’exception appellent souvent un rappel du droit par le pouvoir central et permettent d’envisager le rôle de la norme juridique dans la crise mais aussi sa remise en cause. Mais le regard des juristes étant nécessairement amené à considérer les exceptions, les troubles, leurs ouvrages offrent aussi un tableau déformé de la situation réelle. L’archéologie et les sciences de la nature peuvent aussi témoigner de ces difficultés mais surtout elles nous procurent un contexte et nous permettent d’aborder la dimension nécessairement régionale de la question. Enfin on se rappellera qu’un des signes des difficultés peut se lire dans la baisse même de la documentation disponible10.

Razzia et irruptions barbares Si l’on considère les difficultés qui frappent l’empire romain dans la seconde moitié du iie siècle, et les liens de causalités complexes qui peuvent les lier, on doit constater qu’une partie importante de ces liens échappaient complètement à toute possibilité de contrôle de la part des cités. Les mécanismes climatiques – des cas de forçage volcanique – qui ont pu entraîner, à plusieurs reprises, de mauvaises années récurrentes dans des régions importantes de l’empire prirent place à une échelle sur laquelle une cité n’a pas les moyens d’agir. Dans ce cas comme dans celui de youngest (c. 1 ka BP) highly explosive hydroclastic eruption in western Managua (Nicaragua)”, Journal of Volcanology and Geothermal Research, 192, 2010, p. 159-177, part. p. 165). 10. R. P. Duncan-Jones, “The impact of the Antonine plague”, art. cit.

Crises militaire, frumentaire et sanitaire : les cités de l’Occident au temps de la peste antonine

l’épidémie il faut reconnaître que même les possibilités d’action du pouvoir impérial étaient très limitées. En revanche la crise militaire, qui menaçait les cités dans la sécurité de leurs biens et de leurs habitants constituait un domaine d’action plus évident pour le pouvoir impérial. D’une part il était censé posséder un véritable moyen d’action pour pallier ces difficultés, l’armée, d’autre part le souverain se devant d’être victorieux, de garantir la paix et la tranquillité aux cités c’était un domaine qui engageait sa légitimité, sa responsabilité et celle de ses subordonnés : dans une formulation malheureusement très allusive11, Ammien Marcellin établit clairement le lien entre la prise et la chute des villes et la mort d’un rector, vraisemblablement un gouverneur et fort probablement M. Claudius Fronto12. Les cités étaient très inégalement exposées face au risque militaire et plus ou moins vulnérables. La proximité avec la frontière de l’empire, la situation sur un axe de pénétration, la présence ou non, à proximité, de troupes militaires romaines exposaient plus ou moins la cité à être victime d’une attaque par l’un des ennemis de l’empire. Pour l’essentiel, ces attaques furent surtout des coups de mains audacieux destinés à piller et entraînant des destructions. Si certaines d’entre elles n’étaient pas véritablement inédites – Tacite nous parle ainsi de la piraterie des Chauques au ier siècle13 –, ce fut pour beaucoup d’autres une véritable surprise et un traumatisme : l’irruption de barbares germaniques en Italie du Nord rappelait la possibilité d’une menace qui ne s’était pas concrétisée depuis les Cimbres et les Teutons : plusieurs des régions de l’empire durent alors se découvrir exposées à un risque qui n’était sans doute pas envisagé et peut-être même plus pensé comme envisageable. La vulnérabilité des cités face à l’invasion était sans doute très variable et devait dépendre de plusieurs facteurs, à commencer par la présence d’une muraille correctement entretenue autour du centre urbain de la cité. La taille de la cité devait aussi jouer, ce sont des éléments qui sont très concrètement visibles lors de l’attaque des Quades sur l’Italie du Nord : Aquilée n’est pas prise mais Opitergium l’est14. Même si ces pénétrations barbares ont révélé les fragilités militaires de l’empire et de ses cités, en particulier la faible présence de troupes à l’intérieur, loin des frontières, on ne doit pas imaginer le monde des cités comme totalement désarmé et incapable d’initiative face à de telles crises. L’invasion des Costoboques suscita des actes spontanés d’opposition15, et coûta la vie à des magistrats de cité comme ce fut le cas pour L(ucius)? Fufidius Lucianus, duumvir de Tropaeum

11. Ammien

Marcellin, XXXI, V, 13.

12. CIL, VI, 41142, cf. A. Filippini et G. L. Gregori, “Adversus rebelles. Forme di ribellione e di reazione romana

nelle Spagne e in Asia minore al tempo di Marco Aurelio”, Mediterraneo Antico, 12, 1-2, 2009, p. 73. 13.  Ann. XI, 18, cf. F. Chausson et B. Rossignol, “La carrière de Didius Julianus : Rhin et Belgique”, dans F. Chausson (dir.), Occidents Romains, Paris, 2009, p. 310-312. 14. Ammien Marcellin, XXIX, 6, 1. 15. Pausanias, X, 34, 5.

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Traiani16. Comme le montre un peu plus tard le cas de Boubôn face aux brigands, une cité pouvait se mobiliser efficacement pour faire face à une menace17, cette possibilité existait aussi dans les provinces d’Occident et figurait dans les lois coloniales comme le montre le chapitre CIII de la loi d’Urso18. Cette possibilité légale ne doit pas pour autant conduire à oublier les limites concrètes que pouvait vite rencontrer une telle mobilisation : absence d’armes, d’entraînement, de compétences militaires. Des potentialités existaient toutefois qui se révélèrent plus fortement dans certaines régions lors des menaces du iiie siècle comme en témoigne l’œuvre de Dexippe19. Pour les cités des provinces d’Occident à la fin de l’époque antonine notre documentation n’offre pas cependant d’indication réelle sur le moment où les cités furent véritablement exposées au danger. Une indication pourrait provenir de l’expression diutina obsidio dans l’inscription de Singili Barba20, mais le contexte archéologique et ce que l’on peut imaginer des troupes maures paraît peu compatible avec un véritable siège et il est difficile de saisir la réalité de la menace derrière ce qui peut n’être qu’une expression emphatique21. L’exemple de Singili Barba soulève la difficile question de l’identification archéologique de ce type d’événements et des destructions occasionnées dans les cités par des incursions rapides. Il est plus que risqué de lier a priori une trace archéologique de destruction avec un événement ponctuel : comme le montre le passage de Lucien que nous avons pris pour titre, les cités s’exposaient à des destructions et à des incendies en temps de paix aussi22. Inversement Opitergium a longtemps présenté le cas d’une cité où une source littéraire indiquait des destructions tandis que l’archéologie présentait peu d’indications nettes à l’exception du trésor de la Cantina Sociale23. Là où le danger fut le plus grand et où les dégâts furent sans doute les plus étendus, dans les provinces danubiennes, nous manquons en général de sources explicites permettant de saisir la perception et la prise en charge de la crise par les cités24. 16. AE,

1964, 252 ; IDRE II, 337, Tropaeum Traiani. Une autre victime des Costoboques y est connue : IDRE II, 336. 17. C. Brélaz, La sécurité publique en Asie Mineure sous le Principat (i er-iii e s. apr. J.-C.), Bâle, 2005, p. 300-303. 18. Ibid., p. 206-208. 19. B. Puech, “Comment il faut écrire, dans la tradition classique, l’histoire des guerres romaines contre les Barbares”, Ktéma, 36, 2011, p. 44-47 et 53-55. 20. CIL, II2/5, 783 (Singili Barba). 21. G. Bernard, “Les prétendues invasions Maures en Hispanie sous le règne de Marc Aurèle : essai de synthèse”, Pallas, 79, 2009, p. 357-375 part. p. 368. 22. F. Chausson et B. Rossignol, “La carrière de Didius Julianus […]”, art. cit., p. 311-312. 23. M. S. Busana, Oderzo. Forma Urbis. Saggio di topografia antica, Rome, 1995, part. p. 28 et 103. Sur les traces de destructions mises en évidence depuis, nous renvoyons infra à la communication de G. Cresci Marrone, F. Luciani et A. Pistellato. 24. Pour un aperçu des traces de destructions voir D. Gabler, “Tracce delle distruzioni dei Marcomanni in Pannonia. Testimonianze archeologiche delle guerre marcomanniche degli anni 166-180 d.C. ”, dans M. Buora et W. Jobst, Roma sul Danubio. Da Aquileia a Carnuntum lungo la via dell’ambra, Rome, 2002, p. 69-74. Pour la Mésie supérieure, V. Mihajlović, “[Hoards and destruction deposits as evidence for limes-breakage in 1st and

Crises militaire, frumentaire et sanitaire : les cités de l’Occident au temps de la peste antonine

Après les destructions et les pillages il faut penser qu’une cité assaillie devait traverser une phase transitoire puis une période de reconstruction et de récupération similaire à celle qui suit tout cataclysme25. Le rétablissement et la reconstruction apparaissent plus nettement dans l’épigraphie : à Singili Barba et à Italica on célèbre l’action du dux qui a libéré la cité et a restitué à la province la paix d’avant en taillant les ennemis26. En saluant sa valeur, ce bref éloge épigraphique rappelle les attentes que les cités plaçaient dans le pouvoir impérial et ses agents. La capacité à gagner leur protection27, à les mobiliser au service des intérêts de la cité était aussi un moyen de diminuer sa vulnérabilité. La reconnaissance exprimée prenait alors nécessairement la forme institutionnelle idoine et la cité peut pérenniser les liens avec celui qui l’a protégée : Gaius Vallius Maxumianus devint le patron de Singili Barba. La sortie de crise témoigne du fonctionnement des institutions politiques et sociales, de même la reconstruction peut être pour l’aristocratie municipale l’occasion de manifester sa générosité et son évergétisme. À Sarmizegetusa, un questeur de la cité assure à ses frais la reconstruction du temple de Liber Pater et de ses dépendances détruits par les ennemis, avec la permission de l’ordo28. Pour un certain nombre de cités des mesures furent prises afin de leur offrir une protection plus grande avec une intervention directe du pouvoir impérial. Salone gagne sa muraille en 170 dans l’urgence et grâce à l’aide de l’armée29 ; en 172 Philippopolis reçoit de Marc Aurèle sa muraille30 et Callatis renouvelle la sienne à peu près au même moment31, en 176 c’est au tour de Serdica32, il y eut sans doute d’autres cas, comme peut-être Scupi33. Dans ces cas l’intérêt du pouvoir impérial rencontrait celui des cités, mais la situation ne pouvait pas 2nd c. Upper Moesia] ”, Istraživanja, 21, 2010, p. 9-29, part. p. 16-17 pour les trésors concernant le règne de Marc Aurèle, (en serbe, résumé en anglais) propose une réflexion méthodologique. 25. Sur les problèmes qui pouvaient se poser dans un tel moment on pourra se reporter aux réflexions de J. Andreau, “Histoire des séismes et histoire économique. Le tremblement de terre de Pompéi (62 apr. J.-C.)”, Annales E.S.C., 28, 2, 1973, p. 369-395, part. p. 375-378. 26. CIL, II, 1120 (ILS, 1354) (Italica). 27. Protection qui participait aussi pleinement du mécanisme de la domination impériale, nous avons développé certains des aspects de ces questions dans B. Rossignol, “Les attitudes de quelques agents du prince à l’époque des guerres des règnes de Marc Aurèle et Commode”, CCG, 21, 2010, p. 119-137. 28. IDR, III/2, 11. 29.  CIL, III, 1979-1980 et 6374 et 8570 (Salona) ; cf. J. Jeličić-Radonić, “Natpis carice Faustine iz zvonika splitske katedrale”, VAPD, 100, 2007, p. 49-61, part. p. 53-54. La construction de la muraille réemploya des inscriptions de la nécropole peut-être assez récentes comme CIL, III, 2047. 30. CIL, III, 7409 ; IG Bulg., III, 878 (Philippopolis) ; cf. B. Rossignol, “Gouverneurs et procurateurs dans un temps de menaces : l’administration impériale de la province de Thrace durant le règne de Marc Aurèle (161180)”, http///halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00222948/fr/. 31. A. Avram, Inscriptions de Scythie Mineure, vol. III, Callatis et son territoire, Bucarest, 1999, no 97-100 avec commentaire et p. 5-6, 72-73. 32. IG Bulg., IV, 1902 et AE, 1976, 639 (Serdica). 33. Une inscription de Scupi mentionnant un soldat tué par les Costoboques (AE, 2005, 1315, Scupi) a été mise en relation avec la fortification de la cité : M. Basotova, “A new veteran of the legion VII Claudi from the colonia Flavia Scupi ”, Arheološki vestnik, 58, 2007, p. 409.

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être généralisée : il ne pouvait être question pour le pouvoir impérial de laisser toutes les cités se doter de murailles coûteuses à construire et à entretenir. Les cités ne pouvaient donc pas contrôler cette partie de leur vulnérabilité et même la réfection d’une muraille existante ne pouvait se faire sans l’autorisation de l’empereur ou de son gouverneur34. Un rescrit de Marc Aurèle, contemporain des travaux que nous venons d’énumérer, témoigne de son souci de contrôler cette question35. Pour autant chaque situation était particulière ainsi que le montrent les cas énumérés : bien que contemporaines les murailles de Philippopolis et de Callatis ont des modalités de réalisation et de financement différentes : lorsque la première bénéficie de la générosité impériale, il faut pour la seconde une levée exceptionnelle de taxes (exactio pecuniae)36, tandis que le chantier bénéficiait aussi de l’investissement d’importants notables locaux37.

Faire face aux crises de subsistance

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Les difficultés annonaires représentaient un risque bien plus familier pour les cités de notre époque. Pour de nombreuses cités, la régularité de mauvaises récoltes était la conséquence structurelle des caprices ordinaires du climat méditerranéen38. Cela n’entraînait pas nécessairement de graves conséquences et les sociétés méditerranéennes avaient su précocement trouver les moyens de faire face à ce risque : la diversité géographique de l’espace méditerranéen permettait habituellement de compenser les variations météorologiques régionales tandis que la connectivité qui le caractérisait facilitait les transports et le commerce de pondéreux comme les céréales. La vulnérabilité d’une cité face au risque climatique était donc quelque chose de complexe et de variable qui dépendait de nombreux facteurs. Au premier rang venaient bien évidemment les ressources agraires qui lui étaient propres : l’étendue de son territoire, ses qualités agricoles, les manières dont il était mis en valeur, tout cela ne se comprenant bien sûr que par rapport à la démographie et à la structure sociale propre à la cité, mais il faut aussi considérer la capacité à s’insérer dans des réseaux de ravitaillement plus vastes, à trouver ses subsistances dans des marchés correspondant à diverses échelles. Enfin il faut compter avec l’existence de mécanismes plus ou moins organisés permettant d’affronter le risque : comme

34. Dig.,

I, 8, 9, 4 (Ulpien, lib. 68 ad Edictum). L, 10, 6 (Modestinus, lib. 11 Pandectarum). Sur le texte de ce passage et les questions qu’il soulève cf. S. Connoly, “Fortifying the City of God: Dardanus’ Inscription Revisited”, The Classical Journal, 102, 2, 2006/2007, p. 146-147 n. 3. 36. A. Avram, Inscriptions de Scythie Mineure, vol. III, Callatis et son territoire, op. cit., no 97-98. 37. Ibid., no 99-100. 38. P. Garnsey, Famine and food supply in the Graeco-roman world: responses to risk and crisis, Cambridge, 1993. 35. Dig.,

Crises militaire, frumentaire et sanitaire : les cités de l’Occident au temps de la peste antonine

l’existence de stocks39 et leur usage pour faire face à la disette. On ne doit pas non plus considérer le risque frumentaire seulement d’une manière abstraite au niveau général de la cité : il y avait aussi une répartition sociale du risque : riches et pauvres n’étaient pas exposés de la même manière, urbains et ruraux non plus, Gallien, on le sait, témoigne de la situation misérable des ruraux après que les habitants des villes aient tout accaparé40. Comme pour d’autres périodes historiques la crise de subsistance est donc causée par “la rupture critique des équilibres ordinaires des agrosystèmes de subsistance”41 dont le déclenchement est en général une situation météorologique défavorable. Pour occasionner de grandes difficultés il faut cependant que cette situation défavorable excède les capacités de compensation du risque, capacités temporelles comme le stockage et capacités spatiales comme le recours à des fournisseurs lointains. Ce sont la succession de plusieurs années déficitaires et l’ampleur des régions concernées qui conditionnent la gravité de la crise. Ces deux éléments décisifs sont clairement présents pour la période qui nous concerne. Sources littéraires42, papyrologiques43 et épigraphiques44 convergent pour décrire une situation de disettes et de chertés récurrentes dans des régions nombreuses tandis que des proxys climatiques attestent de possibles perturbations climatiques récurrentes à l’échelle continentale45. En dehors des temps de crise la gestion des approvisionnements faisait partie du quotidien institutionnel des cités. La municipalisation de l’Occident avait placé dans de très nombreuses cités ce domaine sous la responsabilité des édiles locaux46. Les cités pouvaient posséder un fond spécialement destiné au ravitaillement (frumentaria pecunia, ratio frumentaria), les attestations épigraphiques 39. Sur

leurs défauts cf. D. Gourevitch, “Le pain des Romains à l’apogée de l’Empire. Bilan entomo- et botanoarchéologique”, CRAI, 149, 1, 2005, p. 22-47. 40. Galien, De probis pravisque alimentorum succis, 1, (Kühn VI, p. 749) ; cf. D. Gourevitch, “Le pain des Romains […]”, art. cit., p. 44-47. 41. P. Toubert, “Perception et gestion des crises de l’Occident médiéval”, CRAI, 2009, 4, p. 1497-1513 part. p. 1502. 42. SHA, Vita Pii, VIII, 11 et IX, 1 ; Pseudo-Aurelius Victor, XV, 9 ; SHA, Vita Marci, VIII, 4-5 et XI, 2-5 et XII, 14 ; Galien, De probis pravisque alimentorum succis, 1, (Kühn VI, p. 749). Présentation plus détaillée des sources et des mécanismes en œuvre dans la crise dans B. Rossignol, “Le climat, les famines et la guerre […]”, art. cit. 43. D. Bonneau, Le fisc et le Nil. Incidences des irrégularités de la crue du Nil sur la fiscalité foncière dans l’Égypte grecque et romaine, Paris, 1971, p. 187-189 et 249-251. 44. CIL, V, 1874 (ILS, 1118), Concordia ; CIL, XI, 5635 (ILS, 6640), Camerinum ; I. Stratonikeia, I, 254, l.12, Stratonicée ; AE, 1928, 23, Rusguniae ; CIL, VIII, 26121, Numlulis ; CIL, IX, 4686, Reate. Voir aussi C. Brélaz, “Aelius Aristide (OR., 50.72-93) et le choix des irénarques par le gouverneur. À propos d’une inscription d’Acmonia”, dans N. Badoud (éd.), Philologos Dionysios. Mélanges offerts au professeur Denis Knoepfler, Genève, 2011, p. 603-637, part. p. 614. Sur la situation en Asie : F. Kirbihler, “Les émissions de monnaies d’homonoia et les crises alimentaires en Asie sous Marc Aurèle”, REA, 108, 2, p. 613-640. 45. B. Rossignol et S. Durost, “Volcanisme global et variations climatiques […]”, art. cit. 46. S. Dardaine et H. Pavis d’Escurac, “Ravitaillement des cités et évergétisme annonaire dans les provinces occidentales sous le Haut-Empire”, Ktéma, 11, 1986, p. 291-302, part. p. 293.

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en sont cependant assez rares, mais des indices laissent penser qu’au début du iiie siècle il s’agissait d’une pratique considérée comme nécessaire pour la vie d’une cité47. Qu’en était-il pour notre période ? En Italie, et très exceptionnellement en province48, des postes de responsables de l’annone sont connus, le plus souvent appelés curatores annonae, postes qui se diffusent dans nos sources à partir de la seconde moitié du iie siècle49. Peut-on penser que les difficultés de notre époque entraînèrent une évolution dans ce domaine des pratiques municipales ? L’existence théorique de ces fonds destinés au ravitaillement en grain ne présuppose pas leur efficacité : jusqu’à quel point pouvaient-ils faire face à une suite de mauvaises années, jusqu’à quel degré de mauvaises récoltes protégeaient-ils ? La question se pose aussi de leur gestion. Marc et Vérus dans un rescrit précisent que le curateur devait exiger l’argent destiné à l’annone municipale50 : il était donc parfois détourné. La gestion de la crise frumentaire était en effet dans une large mesure une gestion financière car elle menaçait fortement l’équilibre comptable des cités, souvent précaire semble-t-il, d’une part parce qu’elle affectait fortement les dépenses, la cité pouvant être contrainte à acheter du blé à un prix élevé, d’autre part parce qu’elle pouvait aussi diminuer les recettes. Pour de nombreuses cités les vectigalia prélevés sur les terres publiques de la cité constituait une ressource importante, or une mauvaise récolte, une situation de sterilitas, compromettait la bonne rentrée de ces vectigalia et obligeait à des réajustements qui diminuaient ponctuellement les ressources de la cité51. Il est possible donc que le développement de la fonction de curateur de cité dans la seconde moitié du iie siècle corresponde au besoin de faire face à des déséquilibres budgétaires accrus pour les cités en partie en raison des difficultés frumentaires alors même que le pouvoir central était engagé dans de longues guerres qui réclamaient une efficacité fiscale accrue. Mais il fallait aussi affronter les conséquences politiques de la crise frumentaire et ces institutions devaient éviter des troubles à l’ordre public en permettant un ravitaillement correct ; lorsqu’elles échouaient on pouvait cependant encore faire appel à l’évergétisme des plus riches52. En l’absence de ces mesures la disette était vécue comme le fait de spéculateurs, de riches égoïstes et les cités antiques 47. Dig.,

50, 8, 2, 3 (Ulpianus III opin.) ; cf. P. Erdkamp, The Grain Market in the Roman Empire. A social, political and economic study, Cambridge, 2005, p. 271. 48. S. Dardaine et H. Pavis d’Escurac, “Ravitaillement des cités et évergétisme annonaire […]”, art. cit., p. 292-293. 49. S. Mrozek, “Le problème de l’annone dans les villes italiennes du Haut Empire romain”, dans Coll., Le Ravitaillement en blé de Rome et des centres urbains des débuts de la République jusqu’au Haut-Empire, Rome, 1994, p. 95-101, part. p. 99. 50. Dig., 50, 8, 12, 2 (Papirius, II de const.) ; cf. F. Jacques, Le privilège de liberté. Politique impériale et autonomie municipale dans les cités de l’occident romain (161-244), Rome, 1984, p. 311-312, et aussi p. 293-294. 51. Dig., 50, 8, 3, 2 (Ulpianus, III opin.). 52. S. Mrozek, “Le problème de l’annone […]”, art. cit., p. 98 ; S. Dardaine et H. Pavis d’Escurac, “Ravitaillement des cités et évergétisme annonaire […]”, art. cit., p. 295-297. Voir supra note 44 pour des exemples pour notre période.

Crises militaire, frumentaire et sanitaire : les cités de l’Occident au temps de la peste antonine

étaient régies par une “économie morale”, qui semble avoir été partagée entre la plèbe et l’élite et qui pouvait justifier une émeute si l’élite n’exerçait pas son rôle de bienfaiteur et de protecteur de la cité53. De tels troubles ne semblent pas attestés explicitement dans nos sources mais les ressources des cités durent sembler insuffisantes car nos sources convergent pour témoigner du rôle important que joua le pouvoir impérial pour aider certaines cités à faire face à la crise. L’Histoire Auguste rappelle comment Marc Aurèle aida en temps de disette les cités italiennes grâce au blé de l’annone de Rome54 tandis que l’inscription de Concordia insiste sur le fait que l’action de C. Arrius Antoninus contre la disette est le résultat de la providentia des souverains55. Or précisément il s’agissait d’une cité où sont bien attestés les mécanismes permettant de faire face aux disettes. Des décennies plus tôt M. Acutius Noetus avait laissé une somme considérable à l’annone de la cité56, il faut donc penser que la cité avait une ratio frumentaria ou son équivalent et quelques temps avant la mission d’Arrius Antoninus la cité avait envoyé des ambassadeurs chercher du blé (legatio de re frumentaria)57. La mission exceptionnelle confiée au premier juridique Arrius Antoninus pour pallier aux difficultés frumentaires58 montre que le pouvoir central avait pris conscience d’une urgence réelle. Il faut songer aussi que les menaces étaient grandissantes sur la frontière danubienne et que des concentrations de troupes dans la région d’Aquilée s’annonçaient ou même avaient commencé ainsi que le déplacement des empereurs et de leur cour : 53. P. Erdkamp, “ ‘A starving mob has no respect’ Urban Markets and Food Riots in the Roman World, 100 B.C.-

400 A.D.”, dans L. De Blois et J. Rich (éds.), The Transformation of Economic Life under the Roman Empire. Amsterdam, 2002, p. 93-115. 54. SHA, Vita Marci, XI, 2-5.  55. CIL, V, 1874 (ILS, 1118) ; G. Lettich, Iscrizioni Romane di Iulia Concordia (sec. i a.c.-iii d.c.), Trieste, 1994, no 20. Sur @ on verra infra dans ce volume la communication de G. Cresci Marrone, F. Luciani et A. Pistellato. Sur Arrius Antoninus en dernier lieu, voir I. Piso, Fasti Provinciae Daciae I. Die senatorischen Amtsträger, Bonn, 1993, p. 106-117, no 24. Nous lui avons consacré la notice 13 de notre thèse de doctorat encore inédite : B. Rossignol, Études sur l’empire romain en guerre durant le règne de Marc Aurèle, Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2004, dactylographié p. 82-112. 56. CIL, V, 8664 ; G. Lettich, Iscrizioni Romane di Iulia Concordia […], op. cit., no 56 ; (HD 033302). 57. Fronton, Ad Amicos, II, 7, 9. 58. Faut-il aussi rapprocher l’inscription de Concordia de l’invasion des Quades, sur la base du terme securitas notamment ? Nous ne le pensons pas, par comparaison avec les inscriptions de Singili Barba, Italica ou Sarmizegetusa la mention de troubles militaires serait singulièrement implicite et masquée. Par ailleurs, même si la carrière d’Arrius Antoninus reste difficile à dater avec précision on ne peut guère déplacer sa mission après 169 et il faut placer avec A. R. Birley (Marcus Aurelius. A Biography, Londres, 2000, part. p. 163-169) et W. Scheidel (“Der Germaneneinfall in Oberitalien unter Marcus Aurelius und die Emissionabfolge der kaiserlichen Reichsprägung”, Chiron, 20, 1990, p. 1-18), l‘invasion des Quades en 170. K. Rosen, “Der Einfall der Markomannen und Quaden in Italien 167 n. Chr. und der Abwehrkampf des C. Macrinius Avitus (Amm. Marc. 29, 6,1)”, dans B. Scardigli et P. Scardigli (éds.), Germani in Italia, Rome, 1994, p. 87-105 surinterprète la tradition manuscrite défaillante d’Ammien, les silences de l’Histoire Auguste et la rhétorique de Fronton sans prêter assez d’attention à la carrière de Pertinax. L’argument numismatique avancé par W. G. Kerr, “The praetentura Italiae et Alpium (ILS, 8977) : new numismatic perspectives”, dans W. Groenman-van Waateringe (éd.), Roman Frontier Studie 1995, Oxford, 1997, p. 405-409, n’est pas convaincant : la chute des frappes monétaires n’est pas une source univoque susceptible de contrebalancer les autres arguments, et de même tant le témoignage de Lucien que la carrière de Pertinax ne sont pas considérés d’assez près. Nous résumons ici une argumentation développée dans notre thèse de doctorat, B. Rossignol, Études sur l’empire romain en guerre, op. cit., p. 417-425.

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il s’agit là, on le sait, et même si l’empereur assurait un train logistique important, d’un poids non négligeable pour les populations que l’on traversait ou chez qui l’on séjournait59. Les régions de la bordure septentrionale de l’Italie n’avaient pas connu une telle présence militaire depuis des décennies, on comprend que le pouvoir ait particulièrement cherché à soulager les difficultés frumentaires dans la région. L’implication du pouvoir central montre que les mécanismes de protection des cités n’étaient pas suffisants alors pour faire face aux difficultés. Si l’on en croit l’Histoire Auguste l’action des empereurs fut surtout dirigée vers les cités d’Italie. En province la régulation de la crise à une échelle dépassant celle des cités pouvait être confiée aux bons soins du gouverneur qui pouvait prendre des mesures semblables à l’édit d’Antistius Rusticus de 9360, ou même parfois, poussé par sa munificentia, fournir du ravitaillement61. L’action du pouvoir impérial passa aussi par des mesures juridiques qui n’étaient pas nécessairement nouvelles mais devaient être au moins réaffirmées compte tenu du contexte. La plus notable de ces mesures est l’interdiction pour les décurions de vendre du blé à un prix trop bas62, le sens de cette mesure a été discuté, mais il s’agissait sans doute de sauvegarder les richesses et la cohésion des ordines decurionum des cités. Défense était faite à un ordo de fixer le prix du grain et dans le même temps on mettait en avant la possibilité pour le préfet de l’annone de traiter de ces irrégularités63. Le pouvoir impérial et sa capacité de mobilisation de ressources à une échelle que ne contrôlait aucune cité pouvait leur proposer une aide considérable, encore fallait-il pouvoir le toucher et bénéficier de sa bienveillance.

Subir la pestilence Même si elles peuvent nous apparaître semblablement désarmées face aux épidémies, les cités antiques n’avaient certainement pas toutes les mêmes vulnérabilités face à ce risque. C’était d’abord la conséquence de la grande diversité, de la forte hétérogénéité du monde dans lequel elles coexistaient. De nombreux facteurs 59. En

sus de l’invasion, cette présence militaire et les réquisitions possibles ou craintes auxquelles elle donnait lieu put entraîner, comme l’épidémie, le dépôt de trésors. 60. AE, 1925, 126, Antioche de Pisidie ; cf. P. Erdkamp, The Grain Market […], op. cit., p. 266-268, 286-288. 61. Ibid., p. 281 ; P. Arnaud, “Le gouvernement provincial de M. Aurelius Masculus, la saeculi felicitas et la ‘crise” de Cemenelum”, dans J. Dalaison (éd.), Espaces et pouvoirs dans l’antiquité de l’Anatolie à la Gaule. Hommages à Bernard Rémy, Grenoble, 2007, p. 59-69 part. p. 60 et 66, qui donne en outre nombre d’observations justes sur la “crise” du iiie siècle et sa perception par les cités. 62. Dig., 48, 12, 3 (Papirius, I de Const.) ; Dig., 50, 1, 8 (Marcianus, I de Iudic. publ.) ; cf. F. Jacques, Le privilège de liberté […], op. cit., p. 771 ; E. Lo Cascio, “The role of the state in the Roman economy: making use of the new institutional economics”, dans P. F. Bang, M. Ikeguchi et H. G. Ziche, Ancient Economics, Modern Methodologies. Archaeology, Comparative history, models and institutions, Bari, 2006, p. 215-234, part. p. 230-231 ; et surtout P. Erdkamp, The Grain Market […], op. cit., p. 288-290. 63. Dig. 48, 12, 3, 1 (Papirius, I de Const.).

Crises militaire, frumentaire et sanitaire : les cités de l’Occident au temps de la peste antonine

devaient jouer pour rendre ces communautés plus ou moins sensibles à une épidémie, facteurs qui n’étaient précisément pas les mêmes d’une menace microbienne à une autre. Il faut tout d’abord considérer la vulnérabilité biologique des populations. Leur état sanitaire était vraisemblablement déterminant dans leur résistance à la maladie. À cet égard il faut songer au rôle des possibles carences structurelles et des disettes ponctuelles, même si toutes les épidémies ne sont pas également favorisées par la disette64. Le paludisme constituait un autre élément qui pouvait dégrader la santé des habitants d’une cité de manière extrêmement variable selon la géographie et l’écologie locale65, on pourrait aussi envisager les parasitoses et une situation hygiénique que l’on ne doit pas imaginer idyllique malgré la diffusion de la pratique thermale66. Bien d’autres facteurs sont imaginables et ont pu être discutés, comme la variabilité génétique des populations67. Dans un second temps il faut considérer les éléments qui pouvaient favoriser la contagion : la démographie de la cité, la densité de son habitat, mais surtout l’implantation de la cité sur un grand axe de circulation, les ports, les cités particulièrement commerçantes, les villes de garnison étaient bien plus exposées à l’arrivée d’agents pathogènes. Il est donc possible que l’exposition au risque épidémique que représentait la peste antonine fut très variable à l’échelle de l’empire, sans que l’on puisse réellement penser que la répartition de nos sources permet d’approcher cette variabilité. Y eut-il aussi variabilité de l’exposition à l’échelle des cités, par exemple entre la population rurale du territoire et celle des agglomérations ? On ne saurait le dire. La peste antonine est généralement identifiée comme la variole – sans certitude cependant – ce qui exclut la question d’un éventuel réservoir animal et de son écologie68. 64. Sur

ces liens, voir B. Rossignol, “Le climat, les famines et la guerre […]”, art. cit. A. Bouwman et C. Anderung, “The Spread of Malaria to Southern Europe in Antiquity: New Approaches to Old Problems”, Med. Hist., 48, 3, 2004, p. 311-328. 66. La “Belle époque” des latrines, durant laquelle se déclenche la peste antonine, était pourtant, selon nos critères médicaux, marquée par une hygiène insuffisante : A. Bouet, Les latrines dans les provinces gauloises, germaniques et alpines, Paris, 2009, p. 159-162 et 181-182. 67. On peut songer à cet égard aux questions soulevées à propos de CCR5-Δ32, cf. E. Faure et M. Royer-Carenzi, “Is the European spatial distribution of the HIV-1-resistant CCR5-Delta32 allele formed by a breakdown of the pathocenosis due to the historical Roman expansion?”, Infect. Genet. Evol., 2008, 8, 6, p. 864-874 avec comments par A. E. Vargas et al., “Pros and cons of a missing chemokine receptor”, Infect. Genet. Evol., 2009, 9, 4, p. 387-389. Pour un bilan sur cette variante génétique, sa répartition géographique et ses explications possibles : J. Novembre et E. Han, “Human population structure and the adaptative response to pathogen-induced selection pressures”, Phil.Trans.R.Soc.B., 2012, 367, p. 878-886. 68. L’éventuelle confirmation archéologique du paléodiagnostic pourrait seule permettre de considérer concrètement la question, si la variole semble l’hypothèse la plus probable on ne peut actuellement négliger les autres possibilités. Par exemple, d’après Rufus d’Éphèse transmis par Oribase, on pourrait penser à la présence de la peste bubonique dans l’empire romain (D. Bussemaker et C. Daremberg [éds.], Œuvres d’Oribase, vol. 3, Paris, 1858, p. 607-608 ; cf. G. Marasco, “Cléopâtre et les sciences de son temps”, dans G. Argoud et J.-Y. Guillaumin, Sciences exactes et sciences appliquées à Alexandrie, Saint-Étienne, 1998, p. 39-53 part. p. 44-48). Était-elle déjà arrivée depuis l’Extrême-Orient où l’on place désormais ses origines ? Cf. M. Achtman et al., “Yersinia pestis genomic sequencing identifies patterns of global phylogenetic diversity”, Nature Genetics, 42, 2010, p. 1140-1143. En tout cas son vecteur, Rattus rattus, était bien présent, bien que dans une proportion bien inférieure à l’époque médiévale, cf. F. Audoin-Rouzeau, “Le rat noir (Rattus rattus) et la peste dans l’Occident antique et médiéval”, 65. R. Sallares,

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Même si la peste antonine fut perçue comme très grande, très générale et très longue par ses contemporains69, ils ne considéraient pas, en accord avec leurs conceptions médicales, que toutes les cités lui étaient également vulnérables : c’est à Stabies que Galien envoie un jeune pestiféré convalescent pour qu’il y bénéficie d’un air salubre et d’un lait exceptionnel70. Si leur vulnérabilité pouvait, dans une certaine mesure, varier, l’absence d’une médecine efficace et d’une compréhension de la contagion faisaient que les cités étaient également impuissantes à agir effectivement contre ce type de crise. Cela ne signifie pas pour autant qu’il n’y avait pas une prise en charge de la crise par les autorités de la cité et qu’elle ne paraissait pas efficace. Si des actions de type médical ou prophylactique pouvaient être tentées – allumer des brasiers parfumés pour purifier l’air71 – la prise en charge semble avoir été avant tout religieuse et politique. En effet l’épidémie est vécue comme déséquilibre collectif car elle outrepasse les constitutions individuelles72. Les seules explications de la contagion que l’on pouvait formuler signifiaient immanquablement la perturbation des équilibres fondamentaux qui entourent et régissent la cité : déséquilibre naturel pour qui voulait y voir une perturbation des airs, des eaux ; déséquilibre social pour qui voulait y voir le résultat d’un complot d’empoisonneurs73 ; déséquilibre religieux pour qui y voyait le châtiment des dieux, les trois déséquilibres ne s’excluant pas les uns les autres. Dans ces domaines, la réaction des cités face à la peste antonine est bien mieux documentée dans la partie hellénophone de l’empire que dans la partie occidentale grâce aux textes des oracles de Claros se rapportant à un loimos, un fléau, souvent une pestilence74. Tous ne se rapportent pas nécessairement à l’époque de la peste antonine, mais pour certains c’est très probable et l’ensemble du dossier permet de saisir la réaction que pouvaient avoir les cités à cette période. Face à la crise épidémique qui la dépassait, la cité sollicitait une prise en charge extérieure, celle d’un grand sanctuaire capable d’expliquer le déséquilibre et de le résorber. En formulant sa demande la cité réaffirmait son identité civique75, et la réponse du dieu contribuait souvent à la consolider. La Bulletin de la Société de pathologie exotique, 1999, 92, 5bis, p. 422-426. Nous n’utilisons ici le mot peste que par convenance et comme traduction du latin lues, pestis et du grec loimos sans préjuger de sa nature véritable. 69. Par exemple pour la perception qu’en a Galien cf. V. Boudon, “Galien face à la ‘peste antonine’ ou comment penser l’invisible”, dans S. Bazin-Tacchella, D. Quéruel et E. Samama, Airs, miasmes et contagion. Les épidémies dans l’Antiquité et au Moyen Âge, Langres, 2001, p. 29-54, part. p. 33. 70. Galien, De methodo medendi, V, XII (Kühn, p. 363-365) ; cf. V. Boudon, “Galien face à la ‘peste antonine’ […]”, art. cit., p. 43. 71. C’est le remède proposé par Julius Africanus dans ses Cestes, cf. J. R. Vieillefond, Les “Cestes” de Julius Africanus. Étude sur l’ensemble des fragments avec édition, traduction, commentaire, Florence - Paris, 1970, p. 122 ; cf. aussi Galien, De Theriaca ad Pisonem, Kühn, XIV, 281. 72. B. Rossignol, “La peste antonine (166 ap. J.C.)”, Hypothèses, 1999, 1, p. 31-37. 73. Dion Cassius, LXXIII, 14, 3-4. 74. B. Rossignol, “La peste antonine […]”, art. cit., p. 35-36 ; A. Busine, Paroles d’Apollon. Pratiques et traditions oraculaires dans l’Antiquité tardive (ii e-vi e siècles), Leyde - Boston, 2005, part. p. 89-94. 75. A. Busine, “Recevoir et formuler le divin. Les identités religieuses des consultants de l’oracle d’Apollon en Asie mineure à l’époque impériale”, dans N. Belayche et S. Mimouni ‘éds.), Entre lignes de partage et

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crise résolue pouvait alors être intégrée à la mémoire et à l’espace commun de la cité : une inscription conservait la parole du dieu salutaire, une statue érigée témoignait du souvenir des difficultés passées, rendait hommage au puissant protecteur divin et assurait l’avenir. Cette prise en charge ne guérissait évidemment pas mais elle rétablissait le consensus civique que l’épidémie avait pu menacer, elle résorbait les conséquences sociales, culturelles et politiques de la pestilence. Dans ce cas la gestion de la crise consistait essentiellement en une action sur sa perception même. Un certain nombre de documents laissent penser que les cités d’Occident cherchèrent aussi une telle prise en charge extérieure. Il s’agit tout d’abord du texte de Lucien sur Alexandre qui montre que les Oracles qu’il proposait y intéressaient suffisamment de monde pour qu’on puisse le peindre à la conquête de l’Italie76. Il s’agit ensuite du dossier de dédicaces aux dieux et aux déesses élevées conformément à l’oracle de Claros77. Ces inscriptions similaires, retrouvées de la Tingitane à la Bretagne en passant par l’Italie, sont vraisemblablement apotropaïques, elles ne présentent pas toutefois le caractère individualisé des consultations de l’Oracle que l’on peut trouver dans les cas que nous avons précédemment évoqués, et concernent parfois non pas des cités mais des unités militaires, si bien que l’on a pu se demander si cette série d’inscriptions ne reflétait pas une initiative prise au niveau impérial78. Mais au-delà de ces quelques indices il faut souligner combien nous manquons de données explicites et inciter à la prudence : il ne saurait être question par exemple de sur-solliciter des dédicaces à Asclépios ou à Hygie. La question a pu être posée aussi à propos de la diffusion du culte de Iupiter Depulsor79. Mais s’il est vrai que l’épithète Depulsor peut correspondre à Alexikakos80 on ne dispose pas de document explicite sur un possible rôle contre l’épidémie et l’examen détaillé des dédicaces révèle parfois des cas assez complexes81 : rien ne peut donc être affirmé. Se penchant sur le cas d’Aquilée et considérant aussi les liens de certains de ses habitants avec Virunum, Maurizio Buora note un renouveau et une intensification des témoignages cultuels à l’époque de la peste82, tandis territoire de passage. Les identités religieuses dans les mondes grec et romain, Paris - Louvain, 2009, p. 65-77 part. p. 69-71. 76. Lucien, Alex., 30 et 36. 77. C. P. Jones, “Ten dedications ‘To the gods and goddesses’ and the Antonine Plague”, JRA, 18, 2005, p. 293301 avec addendum dans “Cosa and the Antonine Plague”, JRA, 19, 2006, p. 368-369. 78. C. P. Jones, “Ten dedications […]”, art. cit., p. 301. 79. H. Lavagne, “Les dieux de la Gaule Narbonnaise ; ‘romanité’ et romanisation”, JS, 3, 1979, p. 155-197, part. p. 188-189 ; M. Hainzmann, “Jupiter Depulsor – die norischen Befunde”, dans L. Ruscu, C. Ciongradi, R. Ardevan, C. Roman et C. Gazdac, Orbis antiquus, Cluj - Napoca, 2004, p. 224-234. 80. Ibid., p. 229. 81. F. Bérard, “Quelques fidèles de Jupiter Depulsor à Lyon”, dans S. Demougin, X. Loriot, P. Cosme et S. Lefebvre, H.-G. Pflaum, un historien du xx e siècle, Genève, 2006, p. 369-392. 82. M. Buora, “La peste antonina in Aquileia e nel territorio circostante”, dans M. Buora et W. Jobst (éds.), Roma sul Danubio. Da Aquileia a Carnuntum lungo la via dell’ambra, Udine - Rome, 2002, p. 93-97, part. p. 95-97.

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que Dominic Perring, considérant le cas de Londres à la fin du iie siècle perçoit une évolution du paysage cultuel et urbain, la période témoignerait d’un nouvel investissement dans l’architecture religieuse et cérémonielle alors même que la cité présente des signes de déprise, sinon de déclin, signe de l’impact possible de la peste ou de la crainte de la peste et de ses conséquences économiques et culturelles83. Stimulantes et nécessaires ces interprétations restent marquées cependant par le caractère lacunaire de nos sources et leur manque de précision chronologique, sans compter que des facteurs autres que la peste ont pu déterminer ces actions religieuses. Si les rituels permirent aux cités de faire face à l’épidémie et à ses récurrences et si elles y cherchèrent une protection et un réconfort, comme les individus pouvaient aussi chercher à se protéger par des amulettes, cela ne fait pas pour autant de l’époque un âge d’angoisse. Toutefois la crise interrogeait et subvertissait les normes habituelles de la cité, ce qui pouvait ensuite entraîner leur réaffirmation. Même si la contagion n’était pas comprise on l’expérimentait très concrètement et cela avait des conséquences : on chassait les malades, on abandonnait les mourants et les cadavres84. Or, dans une cité, un cadavre ne pouvait rester abandonné : le bon enlèvement des corps faisait partie de la cura urbis et il importait qu’ils ne restent pas sans sépulture85. Mais la mortalité épidémique bouscule les rituels et les pratiques et l’abondance des corps menaçaient à cet égard l’ordre civique86. L’Histoire Auguste signale ainsi comment la situation critique de gestion des cadavres dans la cité, à la suite de la peste antonine aurait entraîné une législation sévère sur les tombeaux de la part de Marc Aurèle et Lucius Vérus87. Il existe bien des traces d’une activité législative des Divi Fratres et de Marc Aurèle seul dans le domaine des sépultures et des funérailles88. Rien n’indique cependant qu’il s’agisse là d’une législation de crise et qu’elle répondait à une situation particulière ou urgente, ce qui ne signifie pas que l’indication de l’Histoire Auguste est à rejeter. Il nous est difficile d’imaginer quel fut à cet égard l’impact réel de la peste antonine et comment les cités parvinrent à faire face à cette situation : l’étude scrupuleuse des sépultures de crises d’épidémies plus récentes montre la multiplicité des situations possibles et le grand nombre de 83. D. Perring,

“Two studies on Roman London. B : Population Decline and Ritual Landscapes in Antonine London”, JRA, 24, 2011, p. 268-282. 84. Un exemple au iiie siècle : Eusèbe, Hist. Eccl., VII, XXII, 10. 85. J. Bodel, “The organization of the funerary trade at Puteoli and Cumae”, dans Coll., Libitina e dintorni. Atti dell’XI Rencontre franco-italienne sur l’épigraphie, Rome, 2004, p. 147-168, part. p. 148. 86. L’abondance des cadavres perturbant le déroulement des funérailles fait partie des lieux communs de la description de l’épidémie, mais cela ne signifie pas pour autant qu’il ne s’agit que de la récurrence d’un lieu commun littéraire, cf. R. P. Duncan-Jones, “The impact of the Antonine plague”, art. cit., p. 113. 87. SHA, Vita Marci, XIII, 3. 88. Dig., XI, 7, 6, 1 (Ulpianus XXV Ad ed.) ; Dig., XI, 7, 39 (Marcianus III ) sur ce passage cf. A. Paturet, “Le transfert des morts dans l’antiquité romaine : aspects juridiques et religieux”, RIDA, 54, 2007, p. 349-378 ; Dig., XI, 7, 14, 14 (Ulpianus XXV Ad ed.) ; Dig., XLVII, 12, 3, 4 (Ulpianus XXV Ad ed.).

Crises militaire, frumentaire et sanitaire : les cités de l’Occident au temps de la peste antonine

contraintes qui jouaient dans ces situations89. Une sépulture de masse à Gloucester (Gleuum) a été rapprochée de la peste antonine, mais ce rapprochement n’est pas nécessaire en l’état actuel de nos connaissance et il n’est pas sûr qu’il s’agisse d’une sépulture de catastrophe90 : seules des analyses plus poussées, comme la détection de traces d’agents pathogènes spécifiques pourraient permettre plus de certitudes. La gestion de la mortalité de masse durant la crise épidémique par les cités à l’époque de la peste antonine nous reste donc presque encore inconnue mais la possibilité de découvertes archéologiques permettant de mieux la comprendre semble élevée. À la différence d’un séisme ou d’un siège, une fois le pic de mortalité passé91, l’épidémie laissait la cité en apparence intacte même si la perte démographique pouvait entraîner à terme une contraction urbaine, un mouvement de déprise92. Identifier de telles conséquences est cependant difficile et il est épistémologiquement très risqué, en l’absence de données explicites, de remonter de la constatation d’une déprise urbaine à une cause spécifique. À court terme il faut envisager les conséquences moins visibles de la perte démographiques : une répartition transformée des patrimoines et des obligations fiscales et donc parfois un bouleversement des équilibres politiques internes aux cités. Compte tenu de notre documentation la question ne peut être soulevée qu’à titre théorique pour les cités d’Occident ; là où la documentation existe pour envisager concrètement de telles questions, en Égypte, on constate une forte diversité des situations et un impact de la peste difficile à évaluer face aux autres facteurs93. Un recensement important avait eu lieu dans de nombreuses provinces de l’empire vers 16194, nul doute que quelques années plus tard les difficultés qui avaient touché l’empire rendaient ses décomptes obsolètes même si les exigences du fisc étaient restées les mêmes, cela a pu signifier pour certaines cités le besoin de renégocier les exigences fiscales95 en attendant un nouveau recensement général et à sa suite un 89. D. Castex,

P. Georges et P. Blanchard, “Complémentarité et discordances entre sources textuelles et sources archéo-anthropologiques en contexte de crise de mortalité par épidémie. Études de cas”, RACF, 47, 2008, p. 1-22 ; S. Tzortzis et C. Rigeade, “Persistance et/ou transgression des pratiques funéraires en temps de peste”, Études sur la mort, 136, 2, 2009, p. 53-72. 90. H. Hurst, “Interpretative challenges from a well-studied cemetery at Gloucester”, JRA, 23, 2010, p. 633-638. 91. S’il est difficile de quantifier les pertes entraînées par la peste antonine son impact est bien réel et parfois très concrètement visible, ainsi voir Y. Broux et W. Clarysse, “Two Greek Funerary Stelae from Lydia and the Antonine Plague”, Tyche, 24, 2009, p. 27-33. 92. D. Perring, Two studies on Roman London […]”, art. cit. 93. P. Schubert, Philadelphie. Un village égyptien en mutation entre le ii e et le iii e siècle apr. J.-C., Bâle, 2007, p. 145-157. 94. B. Rossignol, “Cens, mines et patrimoine, intégrité, zèle et expérience : Domitius Marsianus et ses missions administratives en Gaule durant le règne de Marc Aurèle”, dans F. Chausson (dir.), Occidents romains, op. cit., p. 277-300, part. p. 283-286. 95. CIL, II, 4208 (ILS, 6928) ; RIT, 332, Tarragone ; cf. J. France, “Les rapports fiscaux entre les cités et le pouvoir impérial dans l’empire romain : le rôle des assemblées provinciales (à propos d’une dédicace de Tarragone, CIL, II, 4248)”, CCG, 14, 2003, p. 209-225, part. p. 220-221 ; B. Rossignol, “Cens, mines et patrimoine […]”, art. cit., p. 286.

467

Benoît Rossignol

effacement des arriérés fiscaux, en 178, qui soulagea sans doute bien des contribuables, entre temps Marc Aurèle lui-même avait reconnu que beaucoup de cités avaient été amenées à réclamer fortement assistance96.

Conclusion

468

Passé le milieu des années 150, pour des cités de plus en plus nombreuses dans l’empire, c’en est fini du beau iie siècle, elles doivent affronter une conjoncture difficile où se mêlent des composantes diverses : invasions, disettes de grande ampleur, épidémie pestilentielle. Ces difficultés s’ajoutent aux aléas qui les frappaient plus ordinairement, mais parfois lourdement, et donnent à la période qui mène jusqu’à la fin de la dynastie antonine une physionomie particulière, construite par ces multiples “crises” ponctuelles qui partageaient, plus ou moins, des origines et des caractéristiques communes. Malgré leurs différences, il est possible de penser ces crises en termes d’exposition aux risques, de vulnérabilité des sociétés antiques organisées en cités, invitation, pour aller plus loin, à préciser nos concepts de risque, de crise, de catastrophe97… Invitation aussi à faire retour sur nos périodisations historiques en réfléchissant à la périodisation, et à la périodicité, de ces risques, il faut alors saisir ensemble des temporalités différentes, la temporalité brève, événementielle, catastrophiste parfois, de la crise – quand le danger survient –, mais aussi celles souvent plus longues, mais très variables, des structures environnementales, sociales, politiques, culturelles qui construisent la vulnérabilité à ce danger. Notre période témoigne de la complexité de ces temporalités : celle du milieu naturel n’est pas nécessairement la très longue durée : les sociétés humaines ne vivent pas seulement dans des moyennes climatiques, elles doivent aussi très concrètement affronter les fluctuations météorologiques ponctuelles que masquent la moyenne et le long terme. On ne peut présager a priori de ces situations, de ces histoires, malgré les lacunes de nos connaissances, malgré l’éparpillement des champs disciplinaires98, ce sont des cas particuliers qu’il nous faut construire, que l’on envisage une époque spécifique ou au contraire un espace précis dans la diachronie99. 96. J. H. Oliver,

Greek constitutions of Early Roman emperors, Philadelphia, 1989, p. 371, no 184, l. E61-62. deux derniers concepts étant aussi des modes de narration du changement on observera qu’ils n’épuisent pas, et de loin, les possibilités et que d’autres approches de la dialectique changement – continuité sont possibles et imaginables : la “dépendance au sentier” et ses limites, l’“équilibre ponctué”… 98. B. Rossignol et S. Durost, “How to make the Forest of Carnutes speak. Dendrochronology as a source for the history of the Roman Empire: Methodological considerations”, dans P. Fraiture (dir.), Tree Rings, Art, Archaeology. Proceedings of an international Conference, Bruxelles, 2011, p. 41-47. 99. On songe ici, par exemple, au cas de Lepcis Magna tel que révélé par S. Pucci, D. Pantosti, P. M. De Martini, A. Smedile, M. Munzi, E. Cirelli, M. Pentiricci et L. Musso, “Environment-human relationships in historical times: The balance between urban development and natural forces at Leptis Magna (Libya)”, Quaternary International, 242, 1, 2011, p. 171-184. 97. Ces

Crises militaire, frumentaire et sanitaire : les cités de l’Occident au temps de la peste antonine

Face aux trois menaces que nous avons envisagées les cités avaient des vulnérabilités très différentes. La vulnérabilité était en général forte pour les questions militaires et épidémiques, bien plus variable sans doute pour les questions frumentaires. Pour les cités, le risque – c’est-à-dire la probabilité de ces menaces – était aussi très inégal et variable. À considérer l’empire romain dans sa globalité le risque d’une attaque extérieure est resté malgré tout faible et très inégal sur la période ici prise en compte. Les difficultés frumentaires et sanitaires touchèrent sans doute plus largement, plus longuement et plus durement les cités de l’Occident. Le risque frumentaire était aussi inégalement réparti mais il était élevé, il s’agissait d’un risque fréquent, risque qui fut sans doute augmenté en fréquence et en intensité durant notre période par une situation particulière. Le risque épidémique était aussi élevé durant notre période, bien plus qu’à d’autres périodes, il est difficile de juger de son homogénéité mais au regard de nos sources on ne doit pas exclure un caractère très général et très global de l’épidémie, sans que cela porte à exagérer son bilan. Les moyens d’intervention durant ces crises étaient aussi très différents, mais les capacités d’adaptation et de réponse des cités sont bien visibles malgré les lacunes de nos sources et par delà l’impact parfois lourd des menaces. Les moyens d’intervention d’une cité face à une crise militaire restaient très limités et l’intervention était surtout celle du pouvoir impérial. Face aux crises frumentaires, les institutions civiques prévoyaient des possibilités de prévention et de protection ; lorsqu’ils se révélaient insuffisants il fallait faire appel à des moyens extérieurs au cadre institutionnel de la cité : l’évergétisme d’un puissant et en dernier ressort, si on parvenait à attirer son attention, la sollicitude du prince. Face à la pestilence, la seule prise en charge efficace était la capacité des cités à maintenir un certain ordre public au cœur du pic de mortalité. Si face à l’invasion ennemie ou face à la mauvaise récolte on pouvait en appeler aux dieux, la crise épidémique semble avoir appelé encore plus fortement une prise en charge religieuse. Là encore les cités, face à des difficultés exceptionnelles, allèrent trouver hors d’elles, à une autre échelle, les moyens de cette prise en charge, auprès d’un grand sanctuaire réputé, auprès d’un prophète habile et novateur. Une fois la crise passée vint le temps de la récupération et de la résilience, avec parfois une évolution de la perception du risque : des murailles sont construites, des mesures légales ont été prises, la gestion des fonds de l’annone locale peut-être améliorée, la marque d’une protection divine renouvelée a pu s’implanter dans le paysage de la cité. Les conditions de la récupération nous sont souvent difficiles à percevoir, une récupération démographique au moins partielle n’est pas inenvisageable après la peste antonine. Après quelques derniers soubresauts, au demeurant parfois limités, durant le règne de Commode – retour de la peste, disette ponctuelle, “guerre des déserteurs”… –, le début de l’époque sévérienne se place sous le signe

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Benoît Rossignol

du rétablissement100. Ensuite, ces difficultés font jouer les césures et les conflictualités qui habitent ouvertement, ou potentiellement, le monde des cités : par exemple dans l’une les riches sont souvent dénoncés comme les accapareurs, dans l’autre on peut rechercher les contaminateurs. Toujours lorsque la crise est grave, il faut en appeler à une autorité, à un pouvoir supérieur : l’action d’un riche protecteur évergète qui stabilisera l’annone de la cité ou les ressources de l’empereur pour mettre fin à la disette, la révélation oraculaire d’une divinité pour chasser la pestilence. Cela montre en particulier que la crise met à l’épreuve le rapport de la cité au pouvoir central. Est-ce à dire alors, que la cité montre ses insuffisances ? C’est plutôt une invitation à ne pas faire des cités des microcosmes autarciques mais à compter dans leurs ressources leurs capacités à s’insérer dans des réseaux qui les dépassent et leur permettent de surmonter les risques.

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100. J.-M. Carrié

p. 523-526.

et A. Rousselle, L’Empire romain en mutation des Sévères à Constantin (192-337), Paris, 1999,

30

Gestire una crisi a Iulia Concordia: aspetti finanziari, giuridici e politici Giovannella Cresci Marrone, Franco Luciani e Antonio Pistellato Résumé –

L’étude de cas concerne la crise affectant Iulia Concordia lors du raid des Quades et des Marcomannes qui en 167 apr. J.-C., après avoir traversé les Alpes, assiégèrent Aquileia et incendièrent Opitergium, qui étaient proches de Iulia Concordia. Le texte de CIL, V, 1874 nous informe à cet égard des difficultés soit annonaires, soit financières. On voudrait donc vérifier 1) si la crise était due à l’invasion des barbares ou bien à des problèmes structurelles ; 2) quelles mesures furent employées par l’administration locale et centrale à ce propos ; 3) quelles conséquences en suivirent dans la colonie. Mots-clés –

Famine - Crise financière - Iulia Concordia - Caius Arrius Antoninus - Quades et Marcomannes.

ABSTRACT –

This paper takes into account the crisis affecting the colony of Iulia Concordia on occasion of the invasion by the Quades and Marcomans in A.D. 167 who, after crossing the Alps, besieged Aquileia and set fire to Opitergium, close to Iulia Concordia. The text of CIL, V, 1874 informs us about either corn supply difficulties and financial problems. Thus, we would like to 1) verify if the crisis was due to the invasion or to structural difficulties; 2) what measures were employed by the local and central administrations on this matter; 3) what consequences concerned the colony. Keywords –

Marcomans.

Famine - Financial Crisis - Iulia Concordia - Caius Arrius Antoninus - Quades and

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Giovannella Cresci Marrone, Franco Luciani e Antonio Pistellato

I 

l rapporto fra potere centrale e autonomie locali nel corso dell’età imperiale romana è da tempo oggetto di studio e di riflessione critica soprattutto per quanto concerne i suoi aspetti evolutivi. Lo scoppio di una crisi contingente e circoscritta può rappresentare un’utile prospettiva di indagine per illustrare tale dialettica se, come nel caso in esame, la documentazione disponibile consente di illustrare l’intervento congiunto di una pluralità di soggetti impegnati a superare tale situazione di emergenza.

Il contesto storico (G. C. M.)

472

Tra il 167 e il 170 d.C. si produsse nella Venetia un evento inaspettato: l’improvvisa incursione dei Quadi e dei Marcomanni. Da almeno due secoli i confini dell’Italia non avevano conosciuto violazione. A tal proposito, stupisce quanto scarni ed elusivi siano i riferimenti all’episodio nelle fonti letterarie, tanto che la stessa cronologia e ricostruzione degli eventi bellici risulta assai problematica. L’invasione è menzionata da tre autori antichi: Luciano, riferendo di un sacrificio apotropaico vanamente officiato su indicazione del falso profeta Alessandro per respingere i Quadi e i Marcomanni, ricorda una rovinosa sconfitta che comportò la perdita di ben 20 000 Romani e aprì ai barbari la via verso Aquileia che a stento si salvò dalla distruzione1. Cassio Dione, in riferimento all’anno 166/167 d.C., accenna ad azioni terribili inflitte ai Romani da Celti che si sarebbero spinti fino all’Italia2. Ammiano Marcellino fornisce notizie più dettagliate3. Dalla sua testimonianza si evincono quattro dati: i Quadi e i Marcomanni penetrarono in Italia dalle Alpi Giulie, distrussero Opitergium, posero a lungo (diu) assedio ad Aquileia, furono contrastati dall’imperatore Marco Aurelio. Il biografo dell’Historia Augusta oscura invece l’episodio dell’incursione ma scandisce con una certa chiarezza la sequenza degli eventi4; ricorda il differimento dell’intervento imperiale sul fronte settentrionale per consentire la conclusione dell’impresa partica, la concomitanza di carestia e guerra avvertita con apprensione dal popolo, il grande timore causato nell’Urbe dal tumultus, il ricorso alla celebrazione di riti apotropaici, anche stranieri, e, finalmente, narra come l’arrivo dei due imperatori, Marco Aurelio e Lucio Vero, ad Aquileia risolvesse prontamente il problema militare, perché i barbari si sarebbero immediatamente ritirati5. È questa l’expeditio Germanica prima cui anche Eutropio 1. Lucian.

Soph., Alex., 48.

2. Cass. Dio, 71, 3, 2. L’azione excerptoria dell’epitomatore non autorizza sezionamenti e comode ricomposizioni

del testo. 3. Amm., 29, 6, 1. 4. Hist. Aug., Aur., 13. Nonostante il biografo articoli la narrazione per species, è possibile cogliere all’interno, come in questo caso, nuclei evenemenziali cronologicamente scanditi in sequenze coerenti. 5. Hist. Aug., Aur., 14, 1-3. Cf. anche Hist. Aug., Ver., 9, 7-8.

Gestire una crisi a Iulia Concordia: aspetti finanziari, giuridici e politici

si riferisce; egli paragona il primo bellum Marcomannicum, con il suo carico di lutti dovuti anche alla dilagante pestilenza, a quello punico, evidentemente in analogia alla violazione dei claustra Italiae6. A proposito del problema cronologico, la critica ha espresso opinioni assai differenziate che si sono tuttavia polarizzate intorno a due date, il 167 e il 170 d.C., entrambe suggerite da argomenti convincenti ma non dirimenti7. Nel primo caso l’incursione è presentata come prologo e causa scatenante del conflitto; la sconfitta romana è connessa con la morte del prefetto del pretorio Tito Furio Vittorino e la perdita di gran parte del suo esercito che viene menzionata incidentalmente dal biografo dell’Historia Augusta come motivo del ritorno in Italia di Lucio Vero; la costituzione della praetentura Italiae et Illyrici nel 168 d.C. si configura, conseguentemente, quale provvedimento assunto a protezione dei confini violati dell’Italia8. Nel caso della datazione al 170 d.C. l’incursione viene invece interpretata quale episodio intervenuto dopo la morte di Lucio Vero (occorsa presso Altino nei primi giorni di febbraio del 169 d.C.9), a conclusione della prima fase di guerra; ciò perché Luciano, Cassio Dione e Ammiano ricordano l’intervento bellico del solo Marco Aurelio10. Tale ricostruzione assegna l’invasione, dunque, alla seconda fase del conflitto, il cosiddetto bellum Germanicum et Sarmaticum (169-175 d.C.)11; inoltre, imputa la morte del prefetto Furio e del suo esercito esclusivamente alla peste e non a un rovescio militare e connette la rovinosa sconfitta dell’esercito romano con la morte in battaglia del consolare Marco Claudio Frontone in Pannonia superior nel 169 d.C., rimpiazzato da Sesto Cornelio Clemente12. 6. Eutrop.,

8, 12. data del 167 d.C. è proposta da A. Degrassi, Il confine nord-orientale dell’Italia romana, Berna, 1954, p. 113-115; G. Brusin, “Nuova importante epigrafe aquileiese. Il fallito assedio dei Quadi e Marcomanni nel 167 d.C.”, AN, 30, 1959, p. 5-14; M. Pavan, “La Venetia et Histria fra Occidente e Oriente”, Clio, 17, 1981, p. 452-468; M. Pavan, “Aquileia città di frontiera”, Antichità Altoadriatiche, 29, 1987, p. 17-55; K. Rosen, “Der Einfall der Markomannen und Quaden in Italien 167 n. Chr. und der Abwehrkampf des C. Macrinius Avitus (Amm., 29, 6, 1)”, in B. e P. Scardigli (a cura di), Germani in Italia, Roma, 1994, p. 87-104; per il 169 d.C. si pronuncia J. Fitz, “Der markomannisch-quadische Angriff gegen Aquileia und Opitergium”, Historia, 15, 1966, p. 336-367; a favore del 170 d.C. sono F. Carrata Thomes, Il regno di Marco Aurelio, Torino, 1953, p. 96-103; R. Stanton, “Marcus Aurelius, Lucius Verus and Commodus: 1962-1972”, ANRW, II.2, 1975, p. 478-549, in particolare p. 522-526; A. Birley, Marcus Aurelius: a Biography, London - New York, 19872, p. 159-183 (Ap. III The Marcomannic Wars, p. 249-255); P. Kovács, “Marco Aurelio e la Pannonia”, ACD, 43, 2007, p. 71-78, che recentemente ha cautelativamente indicato il biennio 170-171 d.C. (P. Kovács, Marcus Aurelius’ Rain Miracle and the Marcomannic Wars, Leiden - Boston, 2009, p. 181-199); per il 171 d.C. si schiera W. Zwikker, Studien zur Marcussäule, I, Amsterdam, 1941, p. 162-166. 8. Hist. Aug., Aur., 14, 5-6. 9. Hist. Aug., Aur., 14, 8; Hist. Aug., Ver., 9, 11; per la datazione si veda ora N. Gonis, “Egypt and the Date of the Death of Lucius Verus”, ZPE, 169, 2009, p. 196. 10. Si rileva, tuttavia, che Eutropio, quando si riferisce alla prima fase della guerra che fu condotta a guida congiunta, menziona il solo Marco Aurelio. A. Birley, Marcus Aurelius: a Biography, op. cit., p. 250 è costretto peraltro a presupporre che l’autore dell’Historia Augusta diventi confuso o negligente a proposito della presentazione degli vicende posteriori al 169 d.C. 11. Si vedano soprattutto Hist. Aug., Aur., 21, 9-22; Eutrop., 8, 13. 12. ILS, 2311. Tale interpretazione valorizza il passo di Cass. Dio, 71, 3, 2 in cui si assegna a Pertinace e a Pompeiano un incisivo ruolo di contrasto dei Marcomanni; utilizza inoltre la qualifica di Pompeiano come “genero 7. La

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Giovannella Cresci Marrone, Franco Luciani e Antonio Pistellato

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Non contribuiscono purtroppo a risolvere il dilemma cronologico i risultati degli scavi archeologici i quali, tuttavia, hanno confermato il verificarsi nel municipio opitergino dell’evento distruttivo13: le tracce di incendio rinvenute in corrispondenza della fascia esterna della cinta muraria e della porta orientale dimostrano che il raid non corrisponde a una leggenda storiografica. Alle conseguenze dell’incursione sono inoltre riferibili la totale ristrutturazione del foro in età severiana, la coeva sostituzione delle adiacenti tabernae con un edificio a quattro aule, la ridefinizione del sistema di captazione idrica, l’abbandono di una parte della necropoli nord-occidentale, l’intervento di un curator rei publicae14. Anche i rinvenimenti numismatici, che hanno restituito non pochi ripostigli nell’area tra Opitergium e Verona databili all’interno della forbice cronologica tra il 165 e il 168 d.C., forniscono indicazione di una situazione di pericolo e insicurezza diffusa15. Come si è visto, l’approccio di gran parte della storiografia antica è riduttivo e manipolatorio poiché tende a ignorare la sconfitta romana per non intaccare l’immagine positiva dell’imperatore-filosofo; è possibile, tuttavia, desumere che si trattò comunque di un evento di forte impatto il quale produsse incisive conseguenze sulle strategie di politica estera imperiale16. Il continuo riaccendersi del conflitto fu tale da esigere il costante impegno militare dell’imperatore per tutta la durata del suo regno17: nel contempo, la concentrazione delle legioni sul limes danubiano sguarnì il fronte ispanico e quello asiatico i quali subirono contraccolpi non marginali, soffrendo la conflittualità rispettivamente dei Mauri e dei Costobogi18. di Marco Aurelio” (Hist. Aug., Pert., 2, 4) per datare la sua azione militare a dopo il matrimonio con Lucilla, avvenuto nel 169 d.C. (Hist. Aug., Aur., 20, 6). 13. Inspiegabile è la sottovalutazione di M. S. Busana, Oderzo. Forma urbis. Saggio di topografia antica, Roma, 1995, p. 28 e 103 e di J. Bonetto, Veneto, Roma, 2009, p. 224. I dati archeologici sono in D. Castagna e M. Tirelli, “Evidenze archeologiche di Oderzo tardo antica ed altomedievale: i risultati preliminari di recenti indagini”, in G. P. Brogiolo (a cura di), Città, castelli, campagne nei territori di frontiera (secc. vi-vii), Mantova, 1995, p. 121-134; per una loro contestualizzazione storica si veda M. Tirelli, “Oderzo. Dalla romanizzazione all’età tardo antica”, in Luoghi e tradizioni d’Italia.Veneto, I, Roma, 2003, p. 327-335. 14. I dati sono in M. Tirelli, “Il foro di Oderzo”, Antichità Altoadriatiche, 42, 1955, p. 217-240; R. Trovò, “Canalizzazioni lignee e ruota idraulica di età romana ad Oderzo (Treviso)”, Quaderni di Archeologia del Veneto, 12, 1996, p. 119-1343; M. Tirelli, G. M. Sandrini, A. Saccocci e M. De March, “Oderzo. Saggio di scavo nei quartieri nord-occidentali”, Quaderni di Archeologia del Veneto, 6, 1990, p. 134-155. Il curator opitergino è l’altinate Gaio Senio Vero citato in un’iscrizione pubblicata da M. Pavan, “Un documento epigrafico altinate”, Athenaeum, 33, 1955, p. 231-232 (AE, 1956, 33); vd. ora F. Luciani, Iscrizioni greche e latine dei Musei Civici di Treviso, Treviso, 2012, p. 54, n. 61. 15. Per i ripostigli rinvenuti in area veneta riferibili al periodo si vedano B. Callegher, Ritrovamenti monetali di età romana nel Veneto. Oderzo, Padova, 1992, p. 91-98, n. 9/4 e p. 197, n. 10/4; A. Berardelli, B. Callegher, G. Gorini e A. Saccocci, Ritrovamenti monetali di età romana nel Veneto. Treviso, Padova, 1995, p. 120, n. 8/4; A. Ancona, “Il ripostiglio di San Zeno in Verona città”, RIN, 1, 1881, p. 229-238. 16. Per tutti si veda P. Grimal, Marco Aurelio, Milano, 1993 (trad. it.), p. 161. 17. Considera Lucio Vero favorevole a una politica estera di contenimento e Marco Aurelio propugnatore di un disegno espansionistico e addirittura imperialistico A. Fraschetti, Marco Aurelio. La miseria della filosofia, Roma - Bari, 2008, p. 76-77. 18. A. Filippini e G. L. Gregori, “Adversus rebelles. Forme di ribellione e di reazione romana nelle Spagne e in Asia Minore al tempo di Marco Aurelio”, Mediterr.Ant., 12, 2009, p. 56-96.

Gestire una crisi a Iulia Concordia: aspetti finanziari, giuridici e politici

Anche per le comunità locali le conseguenze dell’incursione non sembrano limitarsi a profili circoscritti. Solo recentemente la critica ha prestato attenzione alla circostanza; sono state infatti avanzate ipotesi che pongono in relazione episodi di brigantaggio registrati dalle fonti epigrafiche nella X regio con i dissesti sociali, politici ed economici prodottisi nell’area a seguito degli eventi del bellum Germanicum sive Marcomannicum19. Sulla base di tali premesse, il caso di studio che si intende esaminare riguarda la città di Iulia Concordia il cui agro confinava a ovest con Opitergium e a est con Aquileia, centri entrambi obbiettivo dell’attacco dei Quadi e Marcomanni. Non si hanno notizie di un coinvolgimento diretto nelle ostilità della colonia concordiese; tuttavia un’insolita concentrazione di testimonianze epigrafiche e letterarie negli anni implicati sembra palesare un acuto quadro di crisi. L’emergenza è esplicitamente richiamata all’interno del testo di una dedica onoraria incisa su una base di statua; essa fu eretta su iniziativa del senato locale in onore del patrono e iuridicus per Italiam regionis Transpadanae primus Gaio Arrio Antonino e venne apposta quando il personaggio era già stato insignito della successiva carica di prefetto dell’erario di Saturno, risultando databile entro il 169 d.C. perché l’onomastica dell’imperatore Lucio Vero vi figura priva di divinizzazione. Alle rr. 15-16 il testo dell’iscrizione menziona, infatti, urgentis annonae difficulitates (!) e la necessità di garantire securitas alla res publica attraverso un consolidamento delle sue opes (fig. 1)20. L’intento è dunque quello di verificare se tali sofferenze di ordine economico e finanziario si possano connettere all’emergenza prodotta dal raid o se dipendano da pregresse carenze strutturali, nonché accertare quali accorgimenti siano stati adottati dalla comunità locale per superare l’impasse e quali provvedimenti siano stati assunti dal potere centrale per fornire una soluzione ai problemi evidenziati.

La gestione ordinaria (A. P.) La documentazione epigrafica e letteraria procura una serie di informazioni relative alle modalità attraverso le quali Iulia Concordia affrontava in condizioni ordinarie i suoi problemi strutturali. A tale proposito, una lunga lettera inviata da 19. M. Cerva,

“Sul brigantaggio nella X regio”, AMSI, 46, 1998, p. 8-28.

20. CIL, V, 1874 = ILS, 1118: [C(aio)] Arrio [C(ai) f(ilio)] / [Q]uir(ina) Anto/nino, praef(ecto) / aer[a]ri Saturn[i], / .

iuridico per Italiam [re]/gionis Transpadanae pr[i]/mo fratri Arvali, praetori / cui primo iurisdictio pupilla/ris a sanctissimis imp(eratoribus) mandata / est, aedil(i) curul(i), ab actis senatus, se/viro equestrium turmar(um), tribuno / laticlavio leg(ionis) IIII Scythicae, IIII/viro viarum curandar(um), qui pro/videntia maximor(um) imperat(orum) mis/sus urgentis annonae difficuli/tates (!) iuvit et co(n)suluit securi/tati fundatis rei p(ublicae) opibus, ordo / Concordiensium patrono opt(imo) / ob innocentiam et labori (!). Cf. anche F. Broilo, Iscrizioni Lapidarie Latine del Museo Nazionale Concordiese di Portogruaro, I, Roma, 1980, p. 32-36, n. 11, con foto; G. Alföldy, Römische Statuen in Venetia et Histria. Epigraphische Quellen, Heidelberg, 1984, p. 108, n. 124; G. Lettich, Iscrizioni romane di Iulia Concordia (sec. i a.C.-iii d.C.), Trieste, 1994, p. 57-63, n. 20.

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Fig. 1.

L’iscrizione in onore di Gaio Arrio Antonino (CIL, V, 1874 = ILS, 1118). 

Gestire una crisi a Iulia Concordia: aspetti finanziari, giuridici e politici

Marco Cornelio Frontone all’amico e concittadino cirtense Arrio, in carica come iuridicus, ci fa conoscere un caso giudiziario coinvolgente il settuagenario Volumnio Sereno, di cui il retore difende la causa21. Apprendiamo così di una legatio de re frumentaria gratis suscepta, sostenuta a proprie spese da Volumnio22. Costui, decurione a Iulia Concordia per quarantacinque anni, venne escluso dall’ordo locale forse tra il 155 e il 160 d.C., secondo la cronologia proposta da Géza Alföldy23, per colpe di cui non conosciamo la natura ma che sembrano legate ad ammanchi di somme di denaro che egli doveva in qualità di membro dell’assemblea decurionale24. Sembra lecito considerare la possibilità che la lettera venisse indirizzata in un momento in cui Frontone poteva permettersi l’agio di scrivere al iuridicus su di un problema di natura amministrativa locale, in assenza di una situazione emergenziale, della quale nel testo non si rileva traccia. Da esso apprendiamo, inoltre, un dettaglio di sicuro interesse, cioè la preesistenza a Iulia Concordia di un deficit annonario, a cui la legatio di Volumnio sembra riferirsi. Tale debolezza va situata nel corso degli anni di decurionato del notabile. In merito alla cronologia della carriera di Volumnio, purtroppo, quanto di essa risulta noto non consente di chiarire l’esatta collocazione temporale dell’impegno frumentario. Se Frontone afferma che il concordiese aveva ricoperto la carica decurionale per quarantacinque anni, allora bisognerebbe porre il suo ingresso nel senato locale circa al 110 d.C., giacché secondo Alföldy25 Volumnio venne condannato per le sue responsabilità tra il 155 e il 160 d.C. e di conseguenza esiliato. In seguito, il caso fu posto all’attenzione di Quinto Lollio Urbico, praefectus urbi fra 146 e 160 d.C.26, ma a quanto pare senza

21. Fronto,

ep., 2, 6-7. Sulla lettera di Frontone ad Arrio si vedano, per esempio, E. Champlin, Fronto and Antonine Rome, Cambridge (MA) - London, 1980, p. 69-70 e nt. 51; M. Kleijwegt, “Discord in an Italian Town: Fronto’s Letter on Concordia (Ep. ad Am., II, 7)”, in C. Deroux, Studies in Latin Literature and Roman History, VII, Bruxelles, 1994, p. 507-523; M. P. J. van den Hout, A Commentary on the Letters of M. Cornelius Fronto, Leiden, 1999, p. 440-455. Riguardo all’età di Volumnio: Fronto, ep., 2, 7, 19. Sintetiche informazioni sul decurione concordiese si possono ricavare da PIR2, V, n. 643, p. 480; R. Hanslik, s.v. Volumnius Serenus, RE, Suppl., IX, 1962, n. 27, c. 1855. 22. Fronto, ep., 2, 7, 9; cf. Paul, Dig., 50, 7, 12: si absenti iniuncta est legatio eamque gratuitam suscepit, potest quis et per alium legationem mittere; M. P. J. van den Hout, A Commentary […], op. cit., p. 446, § 190, 9 (cf. p. 449, § 192, 5-6). Sulle evergesie in un contesto di crisi cf. P. Garnsey, “Aspects of the Decline of the Urban Aristocracy in the Empire”, ANRW, II.1, 1974, p. 229-252. 23. G. Alföldy, “Beiträge zur Prosopographie von Concordia”, AN, 51, 1980, c. 257-328, in part. c. 288. Cf. M. Kleijwegt, “Discord […]”, art. cit., p. 509. Contra M. P. J. van den Hout, A Commentary […], art. cit., p. 443, § 189, 9, che situa l’esclusione dall’ordo fra 160 e 164 d.C. 24. Fronto, ep., 2, 7, 13. Cf. F. Jacques, Le privilège de liberté : politique impériale et autonomie municipale dans les cités de l’Occident romain (161-244), Rome, 1984, p. 597-599; M. P. J. van den Hout, A Commentary […], op. cit., p. 441-443, § 189, 9, p. 445, § 190, 3, p. 447, § 191, 4; P. Fleury e S. Demougin, Fronton. Correspondance. Textes traduits et commentés, Paris, 2003, n. 361, p. 310-313. 25. G. Alföldy, “Beiträge […]”, art. cit., c. 288. Contra M. P. J. van den Hout, A Commentary […], op. cit., p. 443. 26. PIR2, L, n. 327; L. Vidman, “Die Stadtpräfektur des Q. Lollius Urbicus und Apuleius, Apologia 2-3”, AArchSlov, 28, 1977, p. 373-384.

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esito, fino alla perorazione di Frontone all’amico Arrio27. Un quadro così delineato, dunque, porrebbe la legatio di Volumnio come decurione fra i principati di Traiano e Antonino Pio. Ciononostante, i problemi annonari di Iulia Concordia risultano documentati ancor più indietro nel tempo. Il testo di CIL, V, 1897 (fig. 2) riferisce di una somma di 400 000 sesterzi (ma la cifra risulta integrata) donata per testamento dal liberto Marco Acuzio Noeto a Iulia Concordia, tra la fine del i e l’inizio del ii sec. d.C.28: item / in [subsidium] anno[n]ae / s(estertium) [CCCC (milia) d]ari iu[ss]it (r. 6-8). Siccome alla donazione testamentaria di Acuzio è stata attribuita la natura di fondazione perpetua, si è reputato che gli interessi per il subsidium annonario ammontassero circa a 20 000 sesterzi29. Il dato non va necessariamente connesso a una crisi di approvvigionamento granario a cavallo tra i e ii secolo. Tuttavia il documento costituisce un’ulteriore testimonianza di una certa frequenza nella colonia di interventi annonari e, soprattutto, della loro celebrazione pubblica: tanto dalla lettera di Frontone quanto dall’iscrizione di Acuzio, dunque, emergerebbe la circostanza che ordinariamente l’amministrazione concordiese facesse fronte agli eventuali problemi frumentari anche grazie ad atti evergetici. Un altro punto merita attenzione. Nella lettera di Frontone summenzionata, l’affaire Volumnio fornisce ancora qualche informazione interessante sul piano finanziario. Dal testo risulta che egli pagò pensiones plurimas, ad quartam usque, ob decurionatum30. La natura delle pensiones non è chiara, ma non pare riferibile alla quota d’ingresso (summa honoraria) che un decurione era tenuto a versare al momento dell’entrata in carica31. La tentazione di collegare il quadruplice esborso alla più che quarantennale carriera decurionale di Volumnio, supponendo una cadenza decennale nei pagamenti, non gode di conforto analogico32. Frontone, peraltro, non menziona in merito la lex coloniae di Iulia Concordia, diversamente da quanto invece fa quando cita lo scribato, a proposito della corretta successione delle cariche pubbliche nell’amministrazione locale della città33. Tuttavia tale sistema di pagamento multiplo sembra essere ad essa legato. D’altronde Plinio il Giovane, in

27. F. Jacques,

Le privilège de liberté […], op. cit., p. 597. Prima del suo decurionato, Volumnio era stato solo scriba, a partire dai 20 anni, essendo nato nell’85 d.C. (G. Alföldy, “Beiträge […]”, art. cit., c. 288). 28. CIL, V, 1897, 1898, 1899, 1900 = 8664. Cf. F. Broilo, Iscrizioni […], op. cit., p. 77-81, n. 34; G. Alföldy, Römische […], op. cit., p. 112-113, n. 137, tab. 3, 1 e 3, 2; G. Lettich, Iscrizioni[…], op. cit., p. 134-139, n. 56. 29. F. Broilo, Iscrizioni […], op. cit., p. 81, sulla scorta di R. Duncan-Jones, The Economy of the Roman Empire: Quantitative Studies, Cambridge, 1974, n. 651, 1079a, 1104. 30. Fronto, ep., 2, 7, 6; cf. 17. 31. Il termine è noto in una varietà di significati. Cf. in part. ThlL, s.v. pensio, c. 1102, ll. 30, 44-45. Cf. Dig., 13, 7, 8, 3 (Pomponius), 36, 2, 5, 6 (Ulpianus); P. Garnsey, “Honorarium decurionatus”, Historia, 20, 1971, p. 309-325. 32. M. Kleijwegt, “Discord […]”, art. cit., p. 518. 33. Fronto, ep., 2, 7, 4.

Gestire una crisi a Iulia Concordia: aspetti finanziari, giuridici e politici

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Fig. 2.

L’iscrizione che ricorda la donazione di Marco Acuzio Noeto (CIL, V, 1897, 1898, 1899, 1900 = 8664).

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uno scambio epistolare con Traiano34, accenna alle somme che occorreva necessariamente pagare per il decurionato. Il problema è stato oggetto di attenzione da parte di Marc Kleijwegt, il quale ha proposto che le pensiones possano venire intese nel significato di munera da assolvere periodicamente35. Lo studioso ha sostenuto altresì che nel Codice Teodosiano pensio in relazione a munera faccia riferimento più specificamente a munera extraordinaria, benché ammetta che la notizia del Codex si dati alla fine del iv sec. d.C.36. Kleijwegt però, descrivendo la tendenza da parte degli amministratori locali a sottrarsi ai munera in situazioni di crisi, reputa possibile che Volumnio non abbia continuato nell’adempimento dei suoi obblighi istituzionali, esponendosi così alle riserve dei suoi colleghi concordiesi, secondo quanto si può desumere da un passo del documento epistolare esaminato37. In ogni modo, il contesto della lettera non permette di accertare se le pensiones pagate da Volumnio costituissero versamenti dovuti a ragioni ordinarie o straordinarie. Se nella colonia la difficoltà annonaria e/o finanziaria fosse stata già esistente prima dell’intervento di Arrio in qualità di iuridicus, si potrebbe stabilire un collegamento tra il quadruplice pagamento di pensiones da parte di Volumnio e un’esigenza ricorrente di rinforzo finanziario. La circostanza, quindi, indurrebbe a riconoscere a Iulia Concordia una condizione di debolezza ‘cronica’, vigente ben prima dell’azione di sostegno operata da Arrio. Se così è, le pensiones costituivano strumenti ordinari di cui l’amministrazione della colonia si sarebbe dotata al fine di consentire la risoluzione di carenze di natura strutturale che, seppur periodicamente attraversassero fasi acute, nondimeno risultavano affrontabili tramite modalità di gestione specificamente predisposte.

La gestione straordinaria (F. L.) A fronte dell’applicazione di misure ordinarie, sembra opportuno analizzare ora la documentazione disponibile, al fine di delineare quali iniziative vennero messe in atto dal potere centrale e dall’amministrazione locale per contrastare e risolvere una crisi sopraggiunta improvvisamente e impossibile da gestire senza un intervento di tipo straordinario. A tal proposito, un’attestazione di fondamentale importanza è rappresentata senz’altro dalla già menzionata iscrizione in onore di Arrio, che fornisce preziose informazioni circa la situazione economico-amministrativa di Iulia Concordia negli 34. Plin., epist., 10, 112-113. Cf. M. P. J. van den Hout, A Commentary […], op. cit., p. 445, § 190, 3 ad Fronto,

ep., 2, 7, 6. Kleijwegt, “Discord […]”, art. cit., p. 518. 36. Ibid., p. 518 e nota 48, a proposito di C.Th., 11, 19, 4, che si data al 398 d.C.: qui praedia patrimonialia et emphyteutica, privatae quoque rei perpetuo iure retinent et dominici actores augmenti et superindicticii et onerum Raeticorum dicuntur mediam nolle solvere pensionem. 37. Fronto, ep., 2, 7, 12. 35. M.

Gestire una crisi a Iulia Concordia: aspetti finanziari, giuridici e politici

anni immediatamente precedenti il 169 d.C. Dal testo dell’epigrafe si ricava che a ricoprire un ruolo decisivo in una situazione di grave crisi economica fu il cirtense Arrio: egli, infatti, in qualità di primo iuridicus per Italiam regionis Transpadanae (r. 5-7), era stato inviato a Iulia Concordia grazie alla providentia maximorum imperatorum (r. 13-15) Marco Aurelio e Lucio Vero, aveva portato soccorso alla comunità concordiese nel quadro di gravi difficoltà annonarie (r. 15-16: urgentis annonae difficulitates (!) iuvit) e aveva infine provveduto alla securitas della res publica con solide misure (r. 16-17: consuluit securitati fundatis rei publicae opibus); in seguito al suo intervento l’ordo concordiese lo onorò del patronato (r. 18: patrono opt(imo ) e gli conferì l’onore della statua ob innocentiam et labori (!) (r. 19). Innanzitutto, bisogna stabilire se Marco Aurelio e Lucio Vero inviarono Arrio in qualità di iuridicus appositamente per l’approvvigionamento annonario o piuttosto se la crisi frumentaria sia sopraggiunta successivamente all’inizio del suo incarico. L’Historia Augusta documenta che i iuridici vennero istituiti da Marco Aurelio, seguendo l’esempio dell’imperatore Adriano38: si trattava di funzionari di rango consolare che avevano il compito di occuparsi della giustizia in precise zone dell’Italia. I riferimenti ai maximi imperatores e alla primogenitura dell’incarico presenti nell’iscrizione concordiese collocano l’introduzione del iuridicus per Italiam Regionis Transpadanae in un’epoca compresa tra il 161 e il 169 d.C., vale a dire il periodo di regno congiunto degli imperatori Marco Aurelio e Lucio Vero. La data di creazione della carica dei iuridici è comunque ancora controversa: secondo le diverse interpretazioni della storiografia moderna, fondate necessariamente sui termini cronologici imposti dall’epigrafe di Arrio, la carica dovrebbe essere stata introdotta tra il 164-165 e il 166-167 d.C.39. Tra tutte le ipotesi, la più convincente sembra essere quella proposta da Alföldy, secondo il quale Arrio sarebbe stato il primo iuridicus della Transpadana in un periodo cha va dal 165 al 168 d.C., anno in cui avrebbe assunto il successivo incarico di praefectus aerarii Saturni, per poi ottenere 38. Hist. Aug., Aur., 11, 6. Cf. anche Hist. Aug., Hadr., 22, 13. Essi vennero aboliti da Antonino Pio (cf. Ap., bell., 1, 38) il quale del resto aveva ricoperto tale carica (cf. Hist. Aug., Pius, 2, 11). 39. Per un periodo precedente il 164 d.C. si esprimono P. Jörs, Untersuchungen zur Gerichtsverfassung der römischen Kaiserzeit, Leipzig, 1892, p. 64; R. Thomsen, The Italic Regions from Augustus to the Lombard Invasion, Copenhagen, 1947 (rist. anast. Roma, 1966), p. 162, ma cf. B. E. Thomasson, Die Statthalter der römischen Provinzen Nordafrikas von Augustus bis Diocletianus, Lund, 1960, p. 88-89; W. Simshäuser, Iuridici und Munizipalgerichtsbarkeit, München, 1973, p. 237-238; M. G. Zoz, “Sulla data di istituzione dei ‘iuridici’ e del pretore tutelare”, Iura, 38, 1987, p. 177. La data del 164-165 d.C. è proposta solo da G. Camodeca, “Nota critica sulle ‘Regiones iuridicorum’ in Italia”, Labeo, 22, 1976, p. 88. A favore del 165-166 d.C. si sono espressi M. Corbier, “Les circonscriptions judiciaires de l’Italie de Marc Aurèle à Aurélien”, MEFRA, 85, 1973, p. 618-619 e 635-636; M. Corbier, L’Aerarium Saturni et l’Aerarium Militare. Administration et prosopographie sénatoriale, Rome, 1974, p. 264; G. Alföldy, Konsulat und Senatorenstand unter den Antoninen. Prosopographische Untersuchungen zur senatorischen Fürungsschicht, Bonn, 1977, p. 369; F. Broilo, Iscrizioni […], op. cit., p. 36; G. Lettich, Iscrizioni […], p. 58; W. Eck, L’Italia nell’Impero romano. Stato e amministrazione in epoca imperiale, Bari, 1999, p. 257-258, il quale ha rivisto la sua precedente ipotesi di datare l’introduzione del giuridicato al 166-167 d.C. (cf. W. Eck, “Zur Verwaltungsgeschichte Italiens unter Mark Aurel: ein iuridicus per Flaminiam et Transpadanam”, ZPE, 8, 1971, p. 76-77). Favorevole a quest’ultima data si sono dimostrati I. Piso, Fasti Provinciae Daciae, I, Die senatorischen Amstragër, Bonn, 1993, p. 111 e K. Rosen, “Der Einfall […]”, art. cit., p. 101.

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il consolato suffetto nel 173 d.C.40. Potrebbe dunque risalire proprio al 168 d.C. la dedica della base di statua da parte dell’ordo Concordiensium. Se dunque, in modo abbastanza verosimile, è possibile situare l’introduzione dei iuridici in un periodo che precede il rientro di Lucio Vero dall’Oriente (166 d.C.), più difficile è sapere se la cura annonae rientrasse ufficialmente tra i loro compiti. Vari studiosi hanno ipotizzato che l’approvvigionamento annonario fosse una delle competenze ad essi normalmente affidate41. A sostegno di tale tesi, viene solitamente addotta, oltre alla testimonianza epigrafica concordiese in esame, un’iscrizione, oggi irreperibile, proveniente da Ariminum42. Si tratta di una base di statua offerta in onore di Gaio Cornelio Felice Italo, che aveva ricoperto la carica di iuridicus per Flaminiam et Umbriam. La ragione dell’onore è esplicitata nel testo dell’iscrizione: iuridicatus eius ob eximiam / moderationem et in sterilitate / annonae laboriosam erga ipsos fidem / et industriam ut et civibus anno[n(am)] / superesset et vicinis civitatibus / subveneretur (!) (r. 10-15). Durante il suo periodo di iuridicatus, Cornelio era dunque intervenuto in modo risolutivo in occasione di una carenza annonaria che aveva colpito non solo la colonia riminese, ma anche le civitates vicine. La situazione descritta appare analoga a quella vissuta a Iulia Concordia durante il giuridicato di Arrio, tanto che è stata ipotizzata una contemporaneità tra i due iuridici43. Ma l’etimologia del termine iuridicus sottolinea già in modo piuttosto evidente il legame con l’ambito giudiziario; peraltro, la vicenda descritta nella già citata lettera di Frontone sembra testimoniare ulteriormente che le competenze del iuridicus rientrassero nell’ambito del diritto. Werner Eck, pur sottolineando l’impossibilità di stabilire con assoluta certezza i compiti dei iuridici, ha ribadito che le loro attività riguardavano principalmente la sfera giudiziaria e non quella amministrativa44; lo studioso tedesco ha poi escluso che i iuridici dovessero occuparsi normalmente della cura annonae: le due iscrizioni sembrano infatti dimostrare l’eccezionalità della funzione ricoperta sia da Arrio, sia da Cornelio45. Un passo dell’Historia Augusta può aiutarci a chiarire ulteriormente la questione: nella Vita Marci, si afferma che in un periodo di carestia l’imperatore Marco Aurelio fece distribuire alle città italiane una certa quantità di grano proveniente da Roma, pro40. G. Alföldy,

Konsulat […], op. cit., p. 369. Così anche J.-M. David, “Les apparitores municipaux“, in C. Berrendonner, M. Cébeillac-Gervasoni e L. Lamoine (dir.), Le Quotidien municipal dans l’Occident romain, Clermont-Ferrand, 2008, p. 398 che nello specifico pone il iuridicatus di Arrio nel periodo 165-167 d.C. 41. W. Simshäuser, Iuridici […], op. cit., p. 251-252; M. Corbier, L’Aerarium […], op. cit., p. 258; W. Simshäuser, Untersuchungen zur Entstehung der Provinzialverfassung Italiens, ANRW, II.13, 1980, p. 431. G. Camodeca, “Ricerche sui ‘curatores rei publicae’ ”, ANRW, II.13, 1980, p. 472 non esclude la possibilità che si trattasse di una funzione eccezionale. 42. CIL, XI, 377. 43. M. Corbier, “Les circonscriptions […]”, art. cit., p. 638; G. Camodeca, “Nota critica […]”, art. cit., p. 91. 44. W. Eck, L’Italia nell’Impero romano […], op. cit., p. 265. Cf. anche E. De Ruggiero, G. Samonati, s.v. iuridicus, DE, IV, 1941, p. 264. 45. W. Eck, L’Italia nell’Impero romano […], op. cit., p. 272.

Gestire una crisi a Iulia Concordia: aspetti finanziari, giuridici e politici

digando tutte le sue cure per l’approvvigionamento frumentario46. Gli interventi di Arrio a Iulia Concordia e di Cornelio ad Ariminum potrebbero configurarsi come l’esito di tale iniziativa imperiale: Marco Aurelio si sarebbe affidato ai iuridici che già erano attivi nel territorio per risolvere le gravi e contingenti crisi annonarie cittadine. Inoltre, il termine providentia utilizzato nell’epigrafe concordiese, oltre al significato legato al concetto di “saggezza”, sembra esprimere anche un valore di “possibilità di conoscere il futuro”47, come se gli imperatori avessero previsto una situazione che non si era ancora verificata48. Sembra dunque possibile confermare che la cura annonae non rientrasse tra le specifiche competenze dei iuridici e, conseguentemente, che Arrio non fosse stato inviato a Iulia Concordia appositamente per risolvere una situazione di carestia. Più probabilmente egli, in qualità di iuridicus, si trovò a operare in area transpadana contestualmente a una congiuntura economica di particolare difficoltà e, in veste di rappresentante del potere centrale, intervenne per porvi rimedio. La questione annonaria non è l’unica sollevata dall’iscrizione. L’espressione consuluit securi/tati fundatis rei p(ublicae) opibus (r. 16-17) segue immediatamente il riferimento alle annonae difficulitates della colonia e sembra riferirsi a un secondo intervento distinto, probabilmente posto a complemento del precedente. L’interpretazione di opes fundatae è stata oggetto di opinioni divergenti. Ioan Piso ha proposto di identificare le opes cui l’iscrizione fa riferimento con misure di tipo militare: concretamente, si sarebbe trattato di interventi atti a rinforzare la città, forse attraverso la costruzione di muri difensivi o di altri sistemi di protezione materiale49. Il contesto di crisi militare del periodo potrebbe ben giustificare, in effetti, una tale opera da parte di Arrio. Appare altresì logico, tuttavia, che le deficienze di approvvigionamento granario che affliggevano la colonia in questa fase coincidessero con una crisi delle finanze locali, che non erano più sufficienti a sostenere le esigenze straordinarie della cittadinanza. D’altronde, la stessa formula ob innocentiam et labori (!) (r. 19), che chiude il testo epigrafico a legittimazione del provvedimento onorifico, risulta strettamente legata alla dimensione finanziaria dell’intervento di Arrio, poiché innocentia compare sovente in documenti che celebrano la correttezza dell’azione magistratuale nel momento in cui essa si esercitava mediante il ricorso alle risorse pubbliche50. Un’interpretazione di fundatae 46. Hist.

Aug., Aur., 11, 3. Cic., inv., 2, 53. 48. Su questo, vd. A. Nakagawa, “Le virtutes del principe, le virtutes dei notabili locali”, in C. Berrendonner, M. Cébeillac-Gervasoni e L. Lamoine (dir.), Le Quotidien municipal […], op. cit., p. 555-556. 49. I. Piso, Fasti Provinciae Daciae, I, […], op. cit., p. 111-112. 50. Cf. M. Christol, “L’œuvre de C. Octavius Pudens Caesius Honoratus en Maurétanie Césarienne”, in A. Mastino e P. Ruggeri (dir.), L’Africa romana. Atti del X Convegno di studio (Oristano, 11-13 dicembre 1992), Sassari, 1994, p. 1149-1150; E. Forbis, Municipal Virtues in the Roman Empire. The Evidence of Italian Honorary Inscriptions, Stuttgart - Leipzig, 1996, p. 64-68; S. Panciera, “Le virtù del governatore provinciale nelle iscrizioni latine da Augusto a Diocleziano”, in S. Demougin, X. Loriot, P. Cosme e S. Lefebvre (dir.), H.-G. Pflaum, un historien du xx e siècle, Genève, 2006, p. 462. Si deve tale preziosa indicazione a Michel Christol. 47. Cf.

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Giovannella Cresci Marrone, Franco Luciani e Antonio Pistellato

opes quali energiche misure finanziarie a complemento di un intervento di carattere annonario sembra coerente con un ampio programma volto a garantire la sicurezza e la stabilità economico-finanziaria della colonia concordiese messo in atto da una personalità del prestigio di Arrio51. Come detto all’inizio, la risoluzione della crisi a Iulia Concordia, valse ad Arrio la nomina a patrono della città. Va sottolineato che in quel periodo la colonia godeva già della protezione di un patronus: si trattava del concordiese Tito Desticio Severo, che nel 166-167 d.C. ricoprì la carica di procurator provinciae Raetiae, come si ricava da un diploma militare datato su base consolare al bimestre marzoaprile 166 d.C.52. In quegli stessi anni, gli ufficiali di cavalleria delle sue truppe retiche gli dedicarono a Iulia Concordia un monumento onorario in cui è ricordato come patronus coloniae53. Nel 169 d.C., all’inizio della sua successiva procuratela in Belgica, Desticio ottenne l’onore di una seconda base di statua a Iulia Concordia, nella quale è nuovamente ricordato come patronus coloniae54. Probabilmente, poiché impegnato in Rezia, Desticio non aveva la possibilità di intervenire attivamente in occasione della grave crisi di Iulia Concordia. Si può dunque supporre che l’amministrazione locale, spinta dall’urgenza della situazione, si sia affidata allora ad Arrio per affrontare e risolvere efficacemente l’emergenza, ricompensandolo al termine del suo operato con l’onore del patronato55. 484

Conclusioni (G. C. M., F. L., A. P.) In conclusione è necessario fornire una risposta agli interrogativi posti all’inizio. La documentazione a nostra disposizione rende lecito quantomeno supporre che la crisi fosse provocata dalla coesistenza di famis et bellum e che l’incursione dei Quadi e dei Marcomanni non possa considerarsi estranea al suo acutizzarsi, rendendo verosimile una sua datazione al 167 d.C.56. Per quanto concerne poi la gestione dell’emergenza, si è evinto che i decurioni della colonia erano abituati ad affrontare 51. Cf.

F. Broilo, Iscrizioni […], op. cit., p. 35. XVI, 121; p. 216. Cf. F. Wagner, “Neue Inschriften aus Raetien (Nachträge zu Fr. Vollmer, Inscriptiones Baivariae Romanae)”, BRGK, 37-38, 1956-57, p. 253, n. 143. 53. CIL, V, 8660 = ILS, 1364. Sul personaggio: A. Stein, s.v. Desticius, RE, V.1, 1903, c. 254-255, n. 5; PIR2, D, n. 57; G. Brusin e L. Zovatto, Monumenti romani e cristiani di Iulia Concordia, Pordenone, 1960, p. 9, 30. G. Alföldy, “Beiträge […]”, art. cit., c. 288-289, n. 10. G. Alföldy, Städte, Eliten und Gesellschaft in der Gallia Cisalpina, Stuttgart, 1999, p. 108, n. 11. 54. D. Bertolini, “IV. Concordia – Sagittaria”, NSA, 1885, p. 175-177 = Pais, Suppl.It., 1227. 55. Cf. anche M. Christol, “Les cités et les ‘autorités’ publiques: curatelle et patronat. Le cas des sénateurs en Italie”, in C. Berrendonner, M. Cébeillac-Gervasoni e L. Lamoine (dir.), Le Quotidien municipal […], op. cit., p. 534. 56. Molto fruttuosa l’indagine di B. Rossignol e S. Durost, “Volcanisme global et variations climatiques du courte durée dans l’histoire romaine (ier s. av. J.C.-ive s. apr. J.C.) : leçons d’une archive glaciaire (GISP2)”, JRGZ, 54, 2007, p. 395-438 che ben illustra le motivazioni di variazioni climatiche, le quali, tuttavia, si prestano a spiegare piuttosto crisi di lungo periodo che emergenze contingenti e locali. 52. CIL,

Gestire una crisi a Iulia Concordia: aspetti finanziari, giuridici e politici

le carenze annonarie e finanziarie attraverso le misure consuetudinarie adottate dall’apparato amministrativo locale (legationes frumentarie, evergesie private, pagamento di pensiones); tuttavia il carattere straordinario della crisi comportò che il potere centrale intervenne attraverso l’azione emergenziale del iuridicus; il governo locale, a sua volta, ricorse al patronato multiplo, secondo la sintassi responsoriale del beneficium di antica e sperimentata tradizione.

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La “crise du iiie siècle” SECTION 4

31

La crisi e i grandi santuari del Latium vetus: qualche riflessione dalla documentazione epigrafica

Maria Grazia Granino Cecere

Les décennies entre la fin du iie siècle et les débuts du iiie siècle ont représenté, au regard de la documentation épigraphique et archéologique, un moment très significatif pour la vie des sanctuaires du Latium vetus. Pour les lieux de culte situés loin des centres urbains, tels ceux de Diane près d’Ariccia et de Jupiter Latiaris sur le Mont Albain, on note que décroissent vite l’affluence des fidèles et l’intérêt pour la manutention et la restauration des édifices. En revanche, les sanctuaires de la Fortuna Primigenia à Préneste et d’Hercule Victor à Tibur ont pu profiter de la vitalité de l’hinterland dans lequel ils se situaient. Cependant, dans le déclin généralisé du contexte historique et religieux, chaque sanctuaire a connu une évolution spécifique.. Résumé –

Mots-clés –

Latium vetus - Sanctuaires - Épigraphie - Praeneste - Tibur.

Abstract – The decades between the late 2nd and early 3rd centuries represented a transition phase for the most important sanctuaries in Latium vetus, as hinted by the existing epigraphical documentation compounded with archaeological evidence. Several places of worship located far from urban areas, such as those of Diana close to Aricia, and Iuppiter Latiaris atop the Mons Albanus, have witnessed a steady decline of both the inflow of worshippers and the concern with maintenance and restitution of the constructions themselves; others, such as those of Fortuna Primigenia in Praeneste and Hercules Victor in Tibur, appear to have gained benefit for a slightly longer term from the vitality of the locations where they had risen. Certainly, each sanctuary has had its own role in the global yet inevitable decline scenario of the historical, and especially religious, context of the 3rd and 4th centuries. Keywords –

Latium vetus - Sanctuaries - Epigraphy - Praeneste - Tibur.

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Maria Grazia Granino Cecere

I 

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n piena età antonina Appiano, in un passo del suo quinto libro sulle guerre civili, ricordava come ancora ai suoi tempi vi erano grandi depositi di ricchezze sacre in quei santuari in cui quasi due secoli prima, nell’anno 41 a.C., Ottaviano, in gravi difficoltà economiche, ormai in pieno conflitto con il partito antoniano, dovendo pagare i suoi soldati e premiare i veterani, aveva preso a prestito del denaro, promettendo con premura di restituirlo. Lo storico enumera quei luoghi di culto: il tempio capitolino in Roma, i santuari di Antium, di Lanuvium, di Nemi, di Tibur1. Egli fa dunque riferimento non solo al tempio di Giove Ottimo Massimo in Roma, ma anche ai più noti santuari del Lazio, a quello delle due Fortune di Anzio, di Iuno Sospita a Lanuvium, di Diana a Nemi, di Hercules Victor a Tibur. Se non fa menzione di quello della Fortuna Primigenia a Praeneste, certamente non meno ricco di quelli ricordati, è solo perché in quel frangente lì soggiornava Lucio Antonio e quindi era precluso ad Ottaviano. Negli stessi anni in cui scriveva Appiano anche Paus@ania, nel secondo libro della sua Descrizione della Grecia2, ricorda come ancora ai suoi tempi sopravvivesse nel santuario aricino di Diana il vetusto e cruento rituale del rex Nemorensis. Abbiamo in questi due passi attestazioni chiare della vitalità dei santuari più noti e frequentati dell’antico Lazio alle soglie ormai del lungo periodo di crisi che li avrebbe inevitabilmente investiti. Per avere un’idea, seppur limitata, dell’impatto che l’instabilità politico-militare, la fragilità dell’economia, il progressivo affermarsi di altri culti, e del cristianesimo in particolare, ebbero su tali luoghi di antica fondazione e di grande tradizione attraverso l’esame delle documentazione epigrafica finora disponibile (significativamente connessa con quella archeologica e monumentale), appare opportuno prendere in considerazione le diverse realtà singolarmente: di certo infatti ognuno di questi luoghi ha avuto una sua specifica vicenda nel declino, inevitabile, nel contesto storico- religioso e sociale del iii e del iv secolo d.C. Per brevità espositiva appare opportuno concentrare l’attenzione solo su quattro tra i numerosi santuari, due lontani da centri urbani, come quelli di Iuppiter Latiaris sul Mons Albanus e di Diana nel nemus aricino, due inseriti, invece, nel tessuto urbano, ovvero quello di Fortuna Primigenia a Praeneste e quello di Hercules Victor, appena fuori la cinta urbana di Tibur.

1. App.,

Bell.civ., V, 24, 97. II, 27, 4: a proposito dell’Asklepieion di Epidauro, il periegeta ricorda: “c’è una stele antica, che attesta che Ippolito dedicò venti cavalli al dio. Con l’iscrizione di questa stele si accorda ciò che narrano gli Aricini, che cioè Ippolito, morto per effetto delle maledizioni di Teseo, fu risuscitato da Asclepio: quando tornò in vita … venne in Italia ad Aricia e qui regnò e consacrò un recinto ad Artemide, dove, a n c o r a a i m i e i t e m p i, si svolge un duello che, fra i vari premi per il vincitore, comporta il conferimento del sacerdozio della dea: ma la gara non è aperta a liberi, bensì a schiavi fuggiti via dai loro padroni’ (trad. di D. Musti); sulla cronologia della composizione del secondo libro dell’opera di Pausania vd. D. Musti, Pausania, Guida della Grecia, libro II. La Corinzia e l’Argolide. Testo e traduzione, A. Mondadori (ed.), Vicenza, 1986, p. XXXI. 2. Paus.,

La crisi e i grandi santuari del Latium vetus: qualche riflessione dalla documentazione epigrafica

I primi due sembra abbiano visto rapidamente scemare nel tempo l’afflusso dei fedeli e l’interesse per la manutenzione stessa degli edifici. Con maggior evidenza ciò sembra delinearsi per il santuario aricino: l’ultimo intervento strutturale desumibile dalla documentazione epigrafica lapidaria risale forse ad Adriano3, anche se il rinvenimento di laterizi databili in tarda età antonina fa supporre dei restauri, forse limitati all’area del portico, ancora verso la fine del ii secolo d.C.4 Di certo le campagne di scavo, anche le ultime5, hanno rivelato una notevole quantità di documenti, ma quasi tutti ascrivibili ancora in età repubblicana. Non vi è traccia per così dire “epigrafica” di frequentazione del santuario, invece, dalla fine del ii-inizi iii secolo d.C.: ciò consente di supporre se non un totale abbandono, almeno una notevole perdita di prestigio del santuario già in età severiana6. Gli effetti della constitutio Antoniniana non potevano non essere avvertiti nel luogo deputato sin dalle origini quale centro politico-religioso del nomen Latinum7. E forse già da tempo la sponda del lago, specchio di Diana, non era più illuminata dalle fiaccole che le donne devote della dea accendevano per lei nelle notti delle idi di agosto8. Il santuario di Iuppiter Latiaris sul Mons Albanus sembra invece abbia continuato ancora per molto tempo ad essere il luogo della celebrazione delle feriae Latinae9. Non sono solo le fonti letterarie ad attestarlo, come ritiene Grandazzi10: è anche la presenza dei praefecti, poi (urbi) feriarum Latinarum documentata dalle iscrizioni, a quanto sembra, ancora dopo l’età di Aureliano11, come la dedica a Marcus 3. Eph.

Epigr., IX, no 651, databile al 122 d.C., in base alla titolatura di Adriano; cfr. M. G. Granino Cecere, Supplementa Italica - Imagines. Latium vetus 1 (CIL, VI, Eph. Epigr., VII e IX). Latium vetus praeter Ostiam, Roma, 2005, p. 110-111 no 100. 4. G. Ghini, “Ricerche al santuario di Diana: risultati e progetti”, in J. R. Brandt, A.-M. Leander Touati e J. Zahle, Nemi status quo. Recent research at Nemi and the sanctuary of Diana, Roma, 2000, p. 55 e 64, la quale ricorda il rinvenimento nell’area del portico di bolli databili tra l’età di Antonino Pio (CIL, XV, 1146), Lucio Vero (CIL, XV, 737), Faustina minore (CIL, XV, 211, 725, 726) e Marco Aurelio (CIL, XV, 367 e 3). I materiali rinvenuti nel corso delle successive campagne di scavo del 2003-2004 hanno rivelato, a quanto sembra, solo la presenza sulla terrazza superiore di bolli doliari ascrivibili entro il i secolo d.C. (F. Diosono, “I materiali dello scavo 2003 del santuario di Diana a Nemi”, in G. Ghini, Lazio e Sabina 3. Atti del Convegno di Studi sul Lazio e la Sabina, Roma, 18-20 novembre 2004, Roma, 2006, p. 198-199 e 201). 5. Per il cui esito vd. G. Ghini e F. Diosono, “Il tempio del santuario di Diana Nemorense: una rilettura alla luce dei recenti scavi”, in G. Ghini, Lazio e Sabina 8. Atti del Convegno di Studi sul Lazio e la Sabina, Roma 30-31 marzo-1 aprile 2011, Roma, 2012, p. 269-276. 6. C. M. C. Green, Roman Religion and the Cult of Diana at Aricia, Cambridge, 2007, p. 67-70. 7. A. Bernardi, Nomen Latinum, Pavia, 1973, p. 22-26. 8. Prop., II, 32. vv. 8-10. 9. I relativi riti si sarebbero protratti fino alla fine del iv secolo, ovvero poco dopo gli editti di Teodosio del 392, forse nel 394 secondo A. Grandazzi, Alba Longa, histoire d’une légende, Roma, 2008, p. 569-571. 10. Ibid., p. 569, ritiene non vi siano attestazioni epigrafiche dopo il ii secolo d.C. 11. Una lista di tali prefetti (generalmente scelti tra i giovani esponenti delle più nobili famiglie) è stata redatta, in occasione del rinvenimento e pubblicazione dell’ara sepolcrale di uno di essi, da S. Panciera, “Lucius Pomponius Horatia Bassus Cascus Scribonianus Luci Bassi consulis et Torquatae filius”, Rend. Pont. Acc. Rom. Arch., 45, 19721973, p. 123-131 e recentemente dallo stesso aggiornata in Epigrafi, Epigrafia, Epigrafisti. Scritti vari editi e inediti (1956-2005) con note complementari e indici, Roma, 2006, p. 1044.

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Maria Grazia Granino Cecere

Aurelius Victor, che fu sacerdos dei Solis12; a questa se ne possono aggiungere altre, seppur meno certe, perché molto frammentarie13, databili in pieno iii secolo d.C. Purtroppo le conoscenze sul luogo di culto sono lacunose e frammentarie, non certo adeguate a quanto meriterebbe il sito scelto per le celebrazione di un rito di così notevole rilevanza e antichità. Le massicce spoliazioni attuate sistematicamente sin da quando, nei primi decenni del xviii secolo, venne costruito sulle antiche strutture un eremo poi ampliato in convento14 e la mancanza di ogni scavo sistematico non consentono di sapere con certezza neppure se sulla sommità del Mons Albanus si ergesse un tempio dedicato a Iuppiter Latiaris o solo un’ara15. Probabilmente i sacerdotes Cabenses, che nel luogo di culto avevano sede, erano preposti anche alla redazione dei fasti feriarum Latinarum, la cui trascrizione su pietra, dal tempo del decemvirato al 27 a.C., si deve probabilmente a un’iniziativa di Augusto16. Ma tali fasti, aggiornati periodicamente, sembrano interrompersi intorno alla metà del ii secolo d.C., anche se non possiamo escludere che ciò si debba solo alla casualità dei rinvenimenti17. E’ possibile che anche le cerimonie annuali abbiano subito a poco a poco interruzioni più o meno prolungate, con 12. CIL, VI, 1358 e p. 3805 e 4685 = ILS, 1205, in quella che appare la più tarda delle testimonianze (vd. S. Pan-

ciera, “Lucius […]”, art. cit., p. 1042-1043, no 29). VI, 1530 cf. 31672 nella nuova lettura ora proposta in 41233 (L. Valerius Helvidius Priscus Poblicola) e CIL, VI, 1562, con le nuove integrazioni indicate in 41239. 14. Nel Cod. Barb. Lat., 1871 sembra si abbia l’unica documentazione grafica dello status precedente la realizzazione del convento di Padri Passionisti nel 1783; ma purtroppo la pianta manca dei necessari elementi di riferimento. 15. C. Cecamore, “Il santuario di Iuppiter Latiaris sul Monte Cavo. Spunti e materiali dai vecchi scavi”, B.Com., 95, 1993, p. 19-44; Ead., “Nuovi spunti sul santuario di Iuppiter Latiaris attraverso la documentazione d’archivio”, in A. Pasqualini, Alba Longa. Mito, storia, archeologia. Atti dell’incontro di studio Roma - Albano Laziale, 27-29 gennaio 1994, Roma, 1996, p. 49-66. Certamente, come osserva J. Scheid, “Sanctuaires et thermes sous l’Empire”, in Les thermes romains. Actes de la table ronde organisée par l’École française de Rome (Rome, 11-12 novembre 1988), Rome, 1991, p. 212, il complesso santuariale doveva essere provvisto di terme e alloggiamenti per ospitare nella notte i consoli di Roma e i delegati dei popoli latini. Anche i sacerdotes Cabenses dovevano qui avere una sede. A. Grandazzi, Alba Longa, histoire d’une légende, op. cit., p. 267-281 prende in esame tutta la documentazione relativa alla possibile esistenza di strutture edilizie sulla sommità del Monte Cavo, e si mostra propenso alla presenza di un edificio templare. 16. A. Degrassi, Inscriptiones Italiae, XIII. Fasti et elogia. Fasc. I – Fasti consulares et triumphales, Roma, 1947, p. 143-158, il quale osserva (p. 143), che, contrariamente alle aspettative, la redazione dei fasti sembra non aver avuto luogo dal momento dell’istituzione delle feriae Latinae attribuita ai Tarquini, poiché nel frammento Ib, attualmente perduto, ma da intendersi in connessione con i frammenti Ia e Ic, relativi agli anni 451-449 a.C., si ha la praescriptio dei fasti stessi. D’altro canto, seguendo le osservazioni di de Rossi, Degrassi nota le variazioni testuali e paleografiche del frammento V, relativo agli anni 27-22 a.C., rispetto ai precedenti, variazioni che si riscontrano nei frammenti successivi, indicante in seguito una redazione dei fasti annuale o a intervalli di pochi anni. Sull’iniziativa di Augusto vd. anche F. Gury, “L’idéologie impériale et la lune : Caligula”, Latomus, 59, 2000, p. 584-585. 17. A. Degrassi, Inscriptiones […], op. cit., p. 154-155 e 158 (ca. a. 144, vd. G. Alföldy, Konsulat und Senatorenstand unter den Antoninen, Bonn, 1977, p. 148). Un ultimo frammento, presente in un elenco di oggetti rinvenuti nel corso degli scavi forse del 1912 e del 1914 curati rispettivamente da G. Giovannoni e C. Ricci (Achivio di Stato, Min. P. I. Dir. Gen. AABBAA, div. I, 1908-1924, B656) al no 55, raccolto presso il convento e attualmente irreperibile, è stato pubblicato da C. Cecamore, “Il santuario […]”, art. cit., p. 39-40: L. Antis[tio  - - -] / C. Pomp[onio?- - -] /[co(n)s(ulibus)] / L[at(inae) f(uerunt) - - -] / T. Tan[- - -]. La coppia consolare non è individuabile, come conferma W. Eck interpellato dall’editrice, e quindi il frammento non è inquadrabile cronologicamente. 13. CIL,

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La crisi e i grandi santuari del Latium vetus: qualche riflessione dalla documentazione epigrafica

una partecipazione nel corso del tempo sempre più di carattere puramente formale, dettata dal rigore tutto ritualistico delle manifestazioni religiose romane, essendo venuta meno la connessione con il significato religioso ed etnico che gli aveva dato vita. Forse in tale ottica si possono leggere e integrare i frammenti pertinenti ad una base, rinvenuti insieme ai fasti, editi da Henzen18 ed attualmente conservati al Museo Nazionale Romano alle Terme di Diocleziano (fig. 1). Sono relativi a una dedica imperiale:

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Fig. 1.

18. CIL,

Roma, Museo Nazionale Romano alle Terme di Diocleziano: CIL, XIV, 2228.

VI, 2021 = 2173 e p. 864, 3236, 3303 e CIL, XIV, 2228, cfr. M. G. Granino Cecere, Supplementa Italica - Imagines […], op. cit., p. 148-149 no 155. Come è evidente dall’immagine fotografica, è attualmente irreperibile il frammento corrispondente all’angolo inferiore sinistro, ma non si può escludere sia ancora conservato nell’ambito del magazzino del Museo epigrafico, tra il gran numero di frammenti lì presenti.

Maria Grazia Granino Cecere

- - - - - ? [Im]p(eratori/ -is?) Caes(ari/-ris?) T+[- - -] Caben[ses] [s]acerdot[es] [feria]rum Latinar[um] 5 Mon[tis A]lbani.

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Due elementi credo non debbano essere trascurati in un tentativo d’integrazione del testo: la paleografia che, come avvertiva lo stesso Henzen, orienta per una datazione al iii secolo inoltrato19 e il fatto che nella prima riga conservata, non necessariamente la prima del testo20, dopo la T, è Fig. 2. Particolare della precedente. chiaramente individuabile l’asta diritta di una lettera (fig. 2) lungo la frattura. Di conseguenza non sembra si possa accogliere né l’integrazione proposta da Dessau a favore di Antonino Pio21, né quella di Henzen relativa a Tacito22, che entrambe richiedono la presenza di una A dopo la T. La lacuna che segue prevede un’integrazione di ca. 10-12 lettere, in considerazione del loro maggior addensarsi rispetto alle altre righe e dell’agevole definizione del limite del margine destro, in quanto conservato all’altezza delle due ultime righe. Almeno tre di tali lettere dovevano spettare al cognomen Augustus, abbreviato come di consueto. Alla luce di quanto detto, nello spazio disponibile sembrerebbe possibile integrare il cognome Traianus, riferito a Caius Messius Decius, che lo assunse appena dopo la sua ascesa al soglio imperiale23, come ampiamente attestato nei documenti epigrafici, numismatici e papirologici24. 19. W. Henzen,

“Scavi di Monte Cavi”, Bull. Inst., 1870, p. 135-136. nt. 25. 21. CIL, XIV, 2228, ad no. 22. CIL, VI, 2173, ad no. 23. Le motivazioni sono ben messe a fuoco da B. Gerov,“Zur Identität des Imperators Decius mit dem Statthalter C. Messius Q. Decius Valerinus”, Klio, 39, 1961, p. 224-226. 24. PIR2, M, 520; M. Peachin, Roman Imperial Titulature and Chronology, A.D. 235-284, Amsterdam, 1990, p. 32-33 e 239-265; A. R. Birley, “Decius reconsidered”, in E. Frézouls e H. Jouffroy, Les empereurs illyriens. Actes du colloque de Strasbourg, 11-13 octobre 1990, Strasbourg, 1998, p. 73, il quale nota come il nome Traianus sia documentato nelle iscrizioni, nelle monete e nei papiri, non nelle fonti letterarie (nt. 136). Per la documentazione papirologica ancora valido si rivela il lavoro di P. Bureth, Les Titulatures impériales dans les papyrus, les ostraca et les inscriptions d’Égypte (30 a.C.-284 p.C.), Bruxelles, 1964, p. 115-116: il nome Τραιανός è sempre presente tra gli elementi onomastici. 20. Vd.

La crisi e i grandi santuari del Latium vetus: qualche riflessione dalla documentazione epigrafica

Di norma, però, al nome adottato di Traianus si affianca quello personale di Decius, mentre nella lacuna non vi è spazio sufficiente per entrambi gli elementi onomastici, seguiti da Aug(ustus), sia espressi al dativo sia, eventualmente, al genitivo, in dipendenza di una formula quale ad es. pro salute25. Del resto, se da un lato è difficile ammettere l’abbreviazione di almeno uno dei nomi, poiché ciò non si addice a una dedica onoraria, dall’altro qualche difficoltà presenta anche la menzione del solo nome Traianus per indicare il sovrano26. E piuttosto ardita appare l’ipotesi di far seguire a Traianus il più breve titolo di Pius, in luogo di Decius, nella formula onomastica in cui l’imperatore, a quanto sembra, appare onorato in una dedica di Anazarbos27. Ad una definizione del problema non aiuta, inoltre, la poca cura con cui il testo è impaginato e inciso. Apparirebbe in ogni caso ben giustificabile una dedica nel santuario di Iuppiter Latiaris da parte dei sacerdotes Cabenses a Decio, a colui che in una nota iscrizione onoraria di Cosa28 viene chiamato restitutor sacrorum, come in seguito sarà definito, per quanto ne sappia, solo Giuliano29. Nella sua politica volta alla restaurazione religiosa (con la conseguente persecuzione dei cristiani)30, egli avrà forse voluto riportare in auge la solenne celebrazione delle ferie latine nel vetusto santuario del Mons Albanus. Anche la forma onomastica scelta, con la preminenza dell’elemento TRAIANVS risulterebbe ben adatta al contesto, in quanto Decio si  In seguito alla damnatio memoriae il suo nome è stato eraso solo in un esiguo numero di documenti (vd. in merito X. Loriot, “Un sénateur illyrien élevé à la pourpre : Trajan Dèce”, in E. Frézouls e H. Jouffroy, Les empereurs illyriens […], op. cit., p. 49 e nt. 38). 25. La presenza di almeno una riga oltre la prima conservata consentirebbe una migliore equilibrio tra gli elementi del testo, laddove notevole spazio sembrerebbe dato alla menzione dei dedicanti e relativamente poco a quella del destinatario della dedica; spiegherebbe inoltre l’uniformità di altezza delle lettere della riga menzionante il dedicatario rispetto alle seguenti e, come si notava, il loro addensarsi. 26. Questo si riscontra solo molto raramente in ambito epigrafico, ad es. nell’iscrizione di un miliario rinvenuto in Sardegna, ILSard., 385, cfr. AE, 1975, 467 (A. U. Stylow, “Ein neuer Meilenstein des Maximinus Thrax in Sardinien und die Straße Karales-Olbia”, Chiron, 4, 1974, p. 527 e nt. 44): ma qui il suo nome, certo espresso compiutamente nella parte perduta, è indicato al genitivo nella paternità di Q. Herennius Etruscus e di C. Valens Hostilianus, appunto definiti fil(ii) d(omini) n(ostri) Traiani Aug(usti). 27. M. H. Sayar, Die Inschriften von Anazarbos und Umgebung I, Bonn, 2000, p. 21 no 7: Αὐτοκράτορα / Καίσαρα Τραιανὸν / Εὐσεβῆ Σεβαστόν (AE, 2000, 1481). 28. AE, 1973, 235; D. Manacorda, “Considerazioni sull’epigrafia della regione di Cosa”, Athenaeum, 57, 1979, p. 96 no 11 ne mette in dubbio la pertinenza a Decio, mentre tale attribuzione è ribadita da U. Marelli, “L’epiteto di Decio a Cosa e l’epiteto di ‘restitutor sacrorum’ ”, Aevum, 58, 1984, p. 52-56 (AE, 1986, 236). Una migliore lettura del testo, molto danneggiato, si deve a G. Alfoldy, “Zu kaiserlichen Bauinschriften aus Italien”, Epigraphica, 64, 2002, p. 132-133 no 26 (AE, 2002, 465). 29. CIL, VIII, 4326 = ILS, 752 (S. Conti, Die Inschriften Kaiser Julians, Stuttgart, 2004, p. 177 no 176); in due iscrizioni, l’una di Berytus o Biblos (AE, 1907, 191, nell’integrazione proposta in AE, 2000, 1500) e l’altra rinvenuta presso Paneas – Caesarea Philippi (AE, 1969-1970, 631, cfr. ora AE, 2000, 1503), dal testo simile lo stesso Giuliano viene definito come templorum restaurator (vd. anche S. Conti, Inschriften Kaiser Julians, op. cit., p. 69-72 no 17 e 18), e in una dedica di Casae in Numidia è detto restitutor Romanae religionis (CIL, VIII, 4326 = 18529 = ILS, 752 e S. Conti, Inschriften Kaiser Julians, op. cit., p. 170-171 no 167). 30. R. Selinger, Die Religionspolitik des Kaisers Decius. Anatomie einer Christenverfolgung, Frankfurt am Main, 1994; J. B. Rives, “The Decree of Decius and the Religion of Empire”, Jour. Rom. St., 89, 1999, p. 135-154; M. Candidi, “Il recupero dei culti tradizionali sotto Decio imperatore (249-251 d.C.)”, in Pagani e cristiani alla ricerca della salvezza (secoli i-iii). XXXIV Incontro di studiosi dell’antichità cristiana, Roma, 5-7 maggio 2005, Roma, 2006, p. 797-803.

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proponeva apertamente quale continuatore dell’opera del suo predecessore, anche nello spirito del suo rescritto31. L’intento di Decio in ambito di restaurazione religiosa32 è documentato anche ad es. da un’iscrizione di Aquileia33, in cui una statua di Nettuno presso il porto è detta esplicitamente restaurata iussu eius. Non abbiamo dati a disposizione per sapere se Decio, se di Decio si tratta, si sia preso cura anche di un restauro del luogo sacro: gli scavi hanno rivelato, tra gli altri, solo un bollo doliare d’età severiana34 come il più recente, il che fa supporre un qualche ripristino, purtroppo però non individuabile. Nel complesso si ha l’impressione che il santuario del Mons Albanus nel corso del iii e iv secolo non abbia visto affluenza di fedeli per le celebrazioni delle feriae Latinae, celebrazioni forse anche, come si accennava, soggette ad interruzioni, forse episodiche e certamente ormai da tempo prive di ogni sentita partecipazione. Un’indubbia vitalità, invece, mostra a Praeneste il culto della Fortuna Primigenia e quindi il luogo in cui si svolgeva, il complesso santuariale così strettamente inserito nel tessuto urbano. La dedica per il cavaliere Marcus Aurelius Iulius Euprepes35, (fig. 3), che si può collocare nei primi decenni del iii secolo, rivela infatti nell’onorato, patrono e supremo magistrato della colonia, anche un sacerdos (meglio che un sortilegus) della dea e soprattutto rende nota la sua iniziativa di celebrare dei ludi per la divinità. Ludi che vengono definiti degni per religio di quelli Palatini. Si trattava quindi di ludi scaenici, come quelli sacrati da Livia in memoria di Augusto all’indomani delle sua morte e celebrati annualmente con decorrenza dal 17 gennaio, data del loro matrimonio36. Non possiamo certo affermare che avessero una durata di 5 giorni come quelli istituiti da Livia, che, tra l’altro vennero prolungati di tre altri giorni da Caligola37; ma dovettero in ogni caso essere molto apprezzati dai concittadini, se ricordati tra le benemerenze del cavaliere. E forse le rappresentazioni ebbero luogo nel teatro che si apriva sulla terrazza superiore del santuario. 31. Plin.,

Ep., X, 97, 1.2. L’Empire romain du iii e siècle (192-325 apr. J.-C.), Paris, 2006 (2a ed.), p. 120-121. 33. G. B. Brusin, Inscriptiones Aquileiae, Udine, 1991, p. 155-156 no 326, in cui il nome dell’imperatore è stato eraso: Signum / dei Neptuni, iussu / Imp(eratoris) Caes(aris) [[ C. Messi / Q. Traiani Deci]] / P(ii) F(elicis) Aug(usti), pont(ificis) max(imi), tr(ibunicia) / pot(estate) III, co(n)s(ulis) II, proco(n)s(ulis), p(atris) p(atriae), / respublica / Aquileiensium / restituit (vd. anche G. Alföldy, Römische Statuen in Venetia et Histria. Epigraphische Quellen, Heidelberg, 1984, p. 92 no 63 e A. Arnaldi, Ricerche storico-epigrafiche sul culto di Neptunus nell’Italia romana, Roma 1997, p. 161-165 no 27. 34. CIL, XV, 602, vd. C. Cecamore, “Il santuario […]”, art. cit., p. 38 no 7. 35. AE, 1987, 230, cf. M. Fora, Epigrafia anfiteatrale dell’occidente romano. IV. Regio Italiae I: Latium, Roma, 1996, p. 66-67 no 30, tav. XX, 1 e AE, 2006, 272: M. Aurel(io) M. fil. Pal(atina) ˹I ˺ulio / Eupraepeti, spl(endido) eq(uiti) R(omano), / patron(o) col(oniae), IIvir(o) q(uin)q(uennali), pon(tifici), s(- - -) F(ortunae) P(rimigeniae). / Ludos scaenicos Pal(atina, -atinorum?) relig(ione) dign(os) / Fort(unae) Prim(igeniae) ededit. Convocatis etiam / corporib(us) colleg(iorum), cum honest(a) divis(ione) / sport(ularum), promeruit. Hic primus / Praenest(inorum), indulgent(ia) sacra / impetrata, die lusionis seu {con} / conpositionis singul(ari?) feras cum / par(ibus) gladiator(um) ededit et d[ie / mune]ris [- - -] / - - - - - -. 36. M. A. Cavallaro, Spese e spettacoli. Aspetti economici-strutturali degli spettacoli nella Roma giulio-claudia, Bonn, 1984, p. 43-48. 37. Ioseph., Ant., 19, 77; Dio, 59, 29, 5-6. 32. M. Christol,

La crisi e i grandi santuari del Latium vetus: qualche riflessione dalla documentazione epigrafica

Fig. 3.

Museo Archeologico Nazionale di Palestrina: dedica per il cavaliere Marcus Aurelius Iulius Euprepes (AE, 1987, 230).

Qui, sempre nell’ambito del luogo sacro alla dea, si ergeva anche la grande base eretta da Valeria Saturnina38 (fig. 4), destinata a sostenere una statua del padre Caius Valerius Dolutius Marcianus, che era seviro augustale (ruolo riservato a Palestrina a personaggi di notevole rilievo sociale39), decurione e che aveva rivestito le più importanti cariche cittadine. Nel coronamento, al di sopra della scorniciatura, è ricavato nello stesso blocco uno spazio destinato alla contemporanea40 dedica alla Fortuna Primigenia, alla cui protezione Saturnina sembra affidare il padre. Il monumento è stato rinvenuto nel 1896 in fase di reimpiego a sostegno di una cordonata alle spalle della cattedrale di S. Agapito, insieme ad altre dediche alla dea e come quelle di certa pertinenza al santuario; a ciò non si oppone la presenza della formula conclusiva l(oco d(ato) d(ecurionum) d(ecreto), dal momento che appunto ai decurioni spettava la gestione dello spazio del luogo sacro41. Caius Valerius Dolutius era in piena attività nell’anno 227, in quanto 38. CIL,

XIV, 2888, cf. M. G. Granino Cecere, Supplementa Italica - Imagines […], op. cit., p. 440-441 no 643.

39. M. G. Granino Cecere, “Funera publica e loca sepulturae publice data a Praeneste”, Epigraphica, 72, 2010, p. 406-409. 40. Che

si tratti di una iscrizione contemporanea, contrariamente a quanto pensa L. Borsari, “Palestrina. – Nuove iscrizioni votive alla Fortuna Primigenia”, Not.Sc., 1896, p. 48-49 mostra la paleografia, in particolare la forma della G. 41. M. G. Granino Cecere e G. Mennella, “Le iscrizioni sacre con la formula LDDD e la gestione dello spazio santuariale da parte delle comunità cittadine in Italia”, in C. Berrendonner, M. Cébeillac-Gervasoni e L. Lamoine, Le Quotidien municipal dans l’Occident romain, Clermont-Ferrand, 2008, p. 287-300.

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Fig. 4.

Museo Archeologico Nazionale di Palestrina: dedica alla Fortuna Primigenia e a Caius Valerius Dolutius Marcianus (CIL, XIV, 2888).

curò l’erezione di una statua onoraria42 durante il consolato di Marcus Nummius Albinus e Lucius Laelius Maximus, come mostra l’iscrizione sul lato di una base attualmente irreperibile43. 42. CIL,

XIV, 2919. è possibile dire, invece, se si tratti o meno dello stesso Marcianus che compare anche in un frammento di decreto decurionale conservato nei Musei Vaticani (I. Di Stefano Manzella, “Pollicitatio e multiplicatio: nuovo caso di evergetismo in un inedito frammento di decreto decurionale”, Boll. Musei Gall. Pont., 13, 1993, p. 24. 43. Non

La crisi e i grandi santuari del Latium vetus: qualche riflessione dalla documentazione epigrafica

Dunque la Fortuna Primigenia godeva ancora nella prima metà del iii secolo di indubbie manifestazioni di culto espletate nell’ambito del santuario prenestino. Non dissimile appare la realtà del tempio di Hercules Victor, divinità poliade di Tibur. Forse per un intervento diretto nel corso del suo regno o solo per essere stato destinatario di un omaggio è qui menzionato Settimio Severo, nei cinque frammenti, relativi alla parte superiore sinistra di una bella lastra marmorea, rinvenuti nel corso di scavi recenti44. Quanto perduto delle righe conservate si può agevolmente integrare45 (fig. 5) :

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Fig. 5.

Tivoli, santuario di Ercole Vincitore: dedica a Settimio Severo.

[Im]p(eratori) Caes(ari) [divi M. Antonini Pii] [Ger]m(anici) Sarm(atici) [fil(io), divi Commodi fratri,] [divi] Antonin[i Pii nep(oti), divi Hadriani pronep(oti),] [divi]Traiani [Parthici abnep(oti), divi Nervae adnep(oti), 5 L. Septi[mio Severo Pio Pertinaci Aug(usto), Arabi[co Adiabenico - - -] -----44. Tutti

i frammenti sono stati rinvenuti nell’autunno del 2002 nel riempimento del canale inferiore dell’aulaeum del teatro; la lastra era stata già in antico riutilizzata, come mostrano i margini laterali resecati. I tre frammenti superiori contigui a-c misurano 26 x 20,5 cm; i due inferiori, d-e, 11,5 x 17 cm; lo spessore è di 2,5 e le lettere di 5,3-3,4 cm. 45. Si è scelto di proporre il nome dell’imperatore in caso dativo, pensando a un testo onorario, ma nulla esclude l’uso del nominativo e quindi un intervento del sovrano nello stesso santuario.

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Quello tiburtino è l’unico tra i santuari del Latium vetus che abbia restituito una dedica imperiale tanto recente. Un segno indubbio di vitalità, certo, che trova conferma nella dedica di un liberto imperiale di uno degli ultimi Severi, Marcus Aurelius Zoticus, ad Hercules Victor (fig. 6), dal misterioso appellativo Certencinus, sul quale finora si sono vanamente esercitate le ipotesi interpretative46. Sul fianco infatti la dedica (fig. 7) reca la data del 13 gennaio del 224. Era questo il secondo anno di regno di Severo Alessandro, durante il quale il tempio di Ercole aveva ancora un suo curator, il console e magister fratrum Arvalium negli anni tra il 224 e il 231, Caius Porcius Priscus Longinus47, della cui iscrizione onoraria48 incisa sulla base destinata a sostenerne la statua, trasformata poi in misura per l’olio, restano leggibili attualmente solo le lettere incise sul fianco (fig. 8), nelle quali, tra l’altro, si può notare come compaia probabilmente lo stesso Aurelius Zoticus in precedenza menzionato, nel ruolo, in questo caso, di patronus municipii 49. Ancora una volta a un uomo di prestigio era affidata la cura fani, nella continuità di una tradizione, che aveva visto coinvolti in tale ruolo, seppur essenzialmente onorario, senatori e cavalieri, eminenti nella vita politica e sociale del secolo precedente, che in Tibur avevano una residenza50. La vitalità dei centri di Praeneste e Tibur nel corso del iii e del iv secolo, documentata dai dati archeologici e anche da numerose iscrizioni, che rivelano una buona continuità di vita economica e sociale, ha certamente determinato una persistenza di frequentazione nei due santuari più importanti. Ciò almeno rispetto a quanti, come quelli di Diana a Nemi e di Iuppiter sul Mons Albanus, erano distanti rispetto ai centri urbani. Tra i due grandi santuari inseriti nel tessuto cittadino più lentamente destinato a cadere nell’oblio fu probabilmente il luogo sacro ad Ercole. Fuori dalle mura urbane, come di consuetudine per quelli dedicati a tale divinità, il santuario si trovava però sul tracciato della via Tiburtina - Valeria, asse portante della viabilità dall’Adriatico, ma soprattutto dalle regioni appenniniche verso la pianura laziale. Documenti epigrafici ricordano che negli anni 340-350, durante il regno di Costante e Costanzo il senato di Roma curò il restauro, a quanto sembra, del ponte 46.  CIL,

XIV, 3553 (per Dessau, ad no: cognomen videtur derivatum a loco nobis ignoto); cfr. M. G. Granino Cecere, Supplementa Italica - Imagines […], op. cit., p. 636-637 no 856. 47. PIR2, P, 864; J. Scheid, Le collège des frères Arvales. Étude prosopographique du recrutement (69-304), Roma, 1990, p. 458-460 no 156. Per la datazione del suo consolato P. M. M. Leunissen, Konsuln und Konsulare in der Zeit von Commodus bis Severus Alexander (180-235 n.Chr.). Prosopographische Untersuchungen zur senatorischen Elite im römischen Kaiserreich, Amsterdam, 1989, p. 193. 48. CIL, XIV, 3611, cfr. M. G. Granino Cecere, Supplementa Italica - Imagines […], op. cit., p. 658-659 no 875 con precedente bibliografia. 49. F. Engesser, Der Stadtpatronat in Italien und den Westprovinzen des römischen Reiches bis Diokletian, Freiburg, 1957, p. 196 no 775. 50. Forse anche Longinus aveva una residenza in Tibur, di cui era anche patronus (A. M. Andermahr, Totus in praediis. Senatorischer Grundbesitz in Italien in der Frühen und Hohen Kaiserzeit, Bonn, 1998, p. 399 no 429).

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Fig. 6.

Tivoli, palazzo Lolli Bellini: dedica di Marcus Aurelius Zoticus a Hercules Victor Certencinus (CIL, XIV, 3553).

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Fig. 7.

Fianco destro della precedente.

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Fig. 8.

Tivoli, Villa Gregoriana: fianco della base con dedica a Caius Porcius Priscus Longinus (CIL, XIV, 3611).

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che consentiva alla strada di valicare l’Aniene presso la porta Variana51, nella zona a nord est del centro cittadino, e rese più agevole il percorso del clivus Tiburtinus, il tratto della via che dal santuario, seguendo l’attuale via degli Orti, si dirigeva verso l’Urbe52. I tempi erano ormai ben diversi, ma la presenza di una via, che, seppure come tecta, forse ancora attraversava il santuario, poteva consentire di soffermarsi nel luogo dedicato al dio a quanti fossero indotti da curiosità o tardo attaccamento al culto dei padri. Solo nel xii secolo, sulle rovine dello stesso tempio, al centro della vasta area porticata ancora parzialmente emergente, sarebbe sorta la chiesa conventuale di S. Giovanni Battista in Votano: ma del luogo sacro ad Ercole si era ormai persa anche la memoria e fino agli inizi del xix secolo questo fu per tutti gli antiquari solo la villa di Mecenate.

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51. CIL,

XIV, 3583, cfr. M. G. Granino Cecere, Supplementa Italica - Imagines […], op. cit., p. 712-713 no 932; F. C. Giuliani, Tibur, pars prima (Formae Italiae I, 7), Firenze, 1970, no 71 a p. 115. 52. CIL, XIV, 3582, cfr. M. G. Granino Cecere, Supplementa Italica - Imagines […], op. cit., p. 710-711 no 931.

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Composición interna de las curias locales

y reclutamiento de decuriones en los siglos ii y iii d.c. en las ciudades del Occidente romano: ¿crisis o continuidad? Enrique Melchor Gil

Résumé –

En partant des mécanismes d’accession aux sénats locaux durant le Haut-Empire et en prenant pour modèle les curies d’Irni et de Canusium, on constate comment les aristocraties locales ont contrôlé, du moins partiellement, depuis la fin de la République, l’entrée de nouveaux membres dans l’ordo decurionum, sans cesser d’admettre des candidats d’origine plébéienne. Des motivations démographiques, sociales et économiques amenèrent à renouveler périodiquement les ordines decurionum grâce à l’introduction d’homines novi, au moins jusqu’à la fin du premier tiers du iiie siècle. Mots-clés –

Sénats locaux - Renouvellement du sénat - Aristocraties locales - Recrutement des décurions - Contexte pour les honneurs. Abstract –

Taking into considerations the analysis of the mechanism of admission to the local senates during the High Roman Empire and the pattern reference of the curias of Irni and Canusium, we can observe in what way the local aristocracies have, at least partially, the control over the access of the new members to the ordo decurionum, since the ends of the Republican stage, accepting candidates from the plebeian origin as well. Various demographic, social and economical reasons made necessary to renew periodically the ordines curionum by means of the admission of homini novi, at least until the ends of the first third of the 3rd century A.D. Keywords –

Local Senates - Renewal’s Senate - Local Aristocracies - Recruiting of Decurions Contest for the Honours.

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radicionalmente se ha defendido que durante el siglo ii d.C. comenzó a desarrollarse un proceso, culminado a inicios de la tercera centuria, que terminó por imponer el principio de hereditariedad en el acceso al decurionado. Tal cambio fue impulsado por el control que llegaron a ejercer los miembros del ordo sobre el nombramiento de nuevos decuriones y magistrados, y condujo a cerrar o a restringir fuertemente el acceso de nuevas familias a los senados locales1. Por otra parte, la modificación del sistema de elección de magistrados, que pasaron a ser nombrados directamente por los senados2, tras eliminarse los comicios electorales, y la imposición de una norma que exigía ser previamente decurión para acceder a la carrera de los honores municipales (Digesto, L, 2, 7, 2), terminaron por cerrar la principal vía de acceso al ordo decurionum que habían tenido los homines novi durante los siglos i y ii d.C., consistente en el desempeño de una magistratura. Dado que el pueblo dejó de influir en el nombramiento de futuros decuriones, mediante la elección de magistrados que posteriormente debían ingresar como miembros de pleno derecho en los senados locales, los curiales pasaron a ser los únicos responsables de elegir a los nuevos miembros del ordo. Estos cambios condujeron a imponer, desde inicios del siglo iii, la transmisión hereditaria del cargo de decurión y a cerrar las puertas de los senados locales a personas de origen plebeyo, puesto que buena parte de las vacantes generadas en los consejos municipales serían cubiertas con hijos y familiares de miembros del ordo quienes, evidentemente, ya pertenecían a las aristocracias locales. Los defensores de estas teorías consideran que la tendencia a hacer hereditario el cargo de decurión se había iniciado a comienzos del siglo ii y admiten como primer testimonio de esta práctica una epístola de Plinio, escrita en el 111, en la que se señala que los hijos de importantes familias (honestorum hominum liberi) eran nombrados miembros del consejo por debajo de la edad legal, sin haber desempeñado, previamente magistraturas, ya que era preferible elegir a éstos antes que a posibles aspirantes de condición plebeya3. Pese a lo señalado, desde fines de la República, los ordines decurionum pudieron tener plena capacidad para cubrir parte de las vacantes que se producían en su seno, sin que ello implicase cerrar el acceso a las curias locales a personas de origen ingenuo no pertenecientes a las aristocracias locales. El capítulo XXXI de la Lex Irnitana señala muy claramente que aquel año en el que hubiera menos de sesenta y tres decuriones en el municipio, y siempre que no hubiese tenido lugar una lectio o sublectio de decuriones y conscriptos, los 1. P. Garnsey,

“Aspects of the decline of the urban aristocracy in the Empire”, en ANRW, II, Principat, 1, Berlin - New York, 1974, p. 242-243 y 249-250; H. Mouritsen, “The Album from Canusium and the Town Councils of Roman Italy“, Chiron, 28, 1998, p. 252-253. 2. H. Mouritsen, “The Album from Canusium […]”, art. cit., p. 247-248; U. Laffi, “La struttura costituzionale nei municipi e nelle colonie romane. Magistrati, decurioni, popolo”, en L. Capogrossi y E. Gabba (eds.), Gli Statuti Municipali, Pavia, 2006, p. 127-130. 3. Plin., Ep., X, 79.

Composición interna de las curias locales y reclutamiento de decuriones en los siglos ii y iii d.C. en las ciudades del Occidente romano

duunviros debían convocar a los componentes de la curia para elegir a sus nuevos miembros. Por tanto, junto a la lectio censoria, en la que intervendrían cada cinco años los duunviros quinquenales, o quienes detentasen la máxima magistratura local, nombrando a los nuevos integrantes del senado al actualizar y confeccionar el album municipal4; el capítulo 31 de la mencionada ley muestra otra forma de elección de decuriones, la sublectio o cooptatio5, en la que los miembros de la curia elegirían, mediante votación, a los decuriones necesarios para cubrir las vacantes que se fuesen produciendo cada año6. El proceso establecido en la Lex Irnitana se iniciaría mediante la reunión del ordo para fijar el día en que los decuriones procederían a elegir a los nuevos miembros de la curia. A continuación, se abriría un período, de al menos treinta días7 que culminaría con una nueva reunión del senado local en la que los miembros del ordo decurionum procederían a cooptar, mediante votación, a los nuevos miembros del senado local. ¿Qué ocurría en ese periodo mínimo de treinta días establecido por la ley? Un nuevo fragmento de la Lex Coloniae Genetivae Iuliae, correspondiente al capítulo XVII, nos informa que los candidatos a decurión se presentarían ante uno de los duunviros para manifestar sus deseos de ingresar en la curia (professio nominis), y el magistrado, si los consideraba dignos e idóneos, registraría y admitiría su candidatura8 (proscriptio) haciéndola pública9. Dado que el plazo para realizar la professio solía ser de tres o cuatro jornadas, debemos suponer que el período de treinta días contemplado en el estatuto de Irni, pudo permitir incluso a los candidatos realizar una campaña para captar el apoyo de los decuriones, desarrollándose un proceso de ambitus que por similitud con las campañas electorales de Roma pudo tener una duración de al menos veintitrés días10. 4. La Lex Pompeia para la provincia de Bitinia alude a la lectio de los decuriones que sería realizada por los censores locales (Plin., Ep., X, 112, 1-2 y 114, 1). 5. La cooptatio es el acto por el que los componentes de una corporación o colegio eligen y admiten a formar parte de la misma a nuevos miembros en sustitución de los que han muerto o han sido expulsados. Cfr. “Cooptatio”, en A. Azara y E. Eula, Novissimo digesto Italiano, t. IV, Turín, 19813, p. 841-842. Atendiendo a esta definición aquellos decuriones elegidos mediante reunión y votación de los miembros del ordo local, en un proceso similar al descrito en el capítulo XXXI de la Lex Irnitana, habrían ingresado en la curia mediante una cooptación o sublectio. 6. Un detallado estudio sobre las diferentes formas de ingreso en los ordines decurionum puede consultarse en E. Melchor y J. F. Rodríguez Neila, “La integración real o ficticia en los ordines decurionum: lecti, cooptati, adlecti y ornamentarii“, Epigraphica, 74, 2012, p. 81-100. La idea de que los decuriones tuvieron capacidad para designar a nuevos miembros de la curia, entre censo y censo, fue defendida anteriormente por F. Jacques, Le privilége de liberté. Politique impériale et autonomie municipale dans les cités de l’Occident romain (161-244), Roma - Paris, 1984, p. 578-579 y por R. Mentxaka, El senado municipal en la Bética hispana a la luz de la Lex Irnitana, Vitoria, 1993, p. 83-89. 7. Como se señala en el capítulo XXXI de la Lex Irnitana. 8. Así se indica en el capítulo XVII de la Lex Coloniae Genetivae Iuliae, como ha señalado A. Caballos, El nuevo bronce de Osuna y la política colonizadora romana, Sevilla, 2006, p. 269-272 (= HEp., 15, 2006, 325). 9. Tal como se establece, al menos para los candidatos a desempeñar magistraturas, en el capítulo LI de la Lex Malacitana. 10. E. S. Staveley, Greek and roman voting and elections, Londres, 1972, p. 144 y 147; J. F. Rodríguez Neila. “La Lex Flavia Malacitana y la legislación electoral romana”, en F. Wulff y G. Cruz (eds.), Historia Antigua de Málaga y su provincia, Málaga, 1996, p. 282-283.

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Junto a la sublectio o cooptatio existió otro sistema de elección de nuevos decuriones que también se producía mediante deliberación y votación de los miembros de la curia. Nos referimos a la adlectio o admisión de un individuo en un determinado ordo o grupo político-social con la concesión de un particular grado o dignidad, pero sin poseer todos los requisitos exigidos por la ley para formar parte de dicho cuerpo11. Según esta definición, los decuriones adlecti en las curias municipales serían aquellas personas que, careciendo de alguno de los requisitos exigidos para ser miembros del senatus local, recibieron por sus méritos personales o familiares, y como un privilegio concedido por decreto del ordo decurionum, el honor de ser nombrados decuriones12, pudiendo incluso ser incluidos en alguna de las categorías de exmagistrados. Como ya hemos señalado, estas adlectiones se produjeron tras una deliberación de los decuriones y la resolución adoptada fue plasmada en decretos decurionales, como señala la fórmula decreto decurionum decurioni adlecto que encontramos en diferentes epígrafes de Ostia13, alguno incluso datable a fines de la República o inicios del Principado14. Como hemos tenido oportunidad de mostrar, tanto la cooptatio como la adlectio pudieron ser empleadas con relativa frecuencia, y desde fechas muy tempranas, para integrar en los senados locales a nuevos decuriones, quienes pudieron obtener de esta forma el privilegio de sentarse en la curia, como miembros de pleno derecho, sin haber ejercido previamente la cuestura o la edilidad. Tomando como modelo los senados de Irni y de Canusium, y aceptando que los miembros de una curia local se renovaban enteramente en un periodo de veinticinco años, o en una quinta parte cada lustro15, podemos intentar calcular cuántos de los sesenta y tres decuriones del municipio Flavio Irnitano y de los cien curiales de la citada colonia italiana16, que conformarían en cada una de estas comunidades 11. G. Impallomeni,

“Adlectio”, en A. Azara y E. Eula, Novissimo digesto […], op. cit., t. I/1, Turín, 1957, p. 286. Contributo alla storia del municipio romano, Roma, 1970, p. 216-217; L. A. Curchin, The Local Magistrales of Roman Spain, Toronto - Londres, 1990, p. 26. 13. CIL, XIV, 390, 391 y 409; AE, 1955, 168 y 169; AE, 1988, 196. 14. En CIL, XIV, 375, de Ostia, encontramos a un decurión adlectus que recibió este honor a fines de la República o inicios del Principado. H. Mouritsen, “The Album from Canusium […]“, art. cit., 1998, p. 251-252 prefiere datar la inscripción CIL, XIV, 375 en la primera mitad del siglo i d.C., momento en el que la adlectio aparece como una forma habitual de ingreso en el senado de Ostia. O. Salomies, “A study of CIL, XIV, 375, an interesting inscription from Ostia“, Arctos, 37, 2003, p. 157, considera que el mencionado epígrafe no puede pertenecer a un periodo anterior al Triunviral o al inicio del Principado de Augusto. 15. Autores como P. Garnsey, “Aspects of the decline […]”, art. cit., p. 248 y F. Jacques, Le privilége de liberté […], op. cit., p. 478-479, consideran que, como media, un decurión pudo estar en activo unos veinticinco años, antes de morir, contando con que entrase en el ordo con el mínimo de edad legal que se exigía en el Alto Imperio (veinticinco años). 16. Para el ordo de Canusium hemos realizado nuestros cálculos partiendo de un senado de cien miembros, ya que tradicionalmente se eliminan a treinta y cinco de los treinta y nueve patroni (cuatro de ellos son contabilizados, pues vuelven a ser nombrados entre los quinquennalicii) y a veinticinco praetextati. Ambos grupos se consideran miembros del “gran ordo”, pero no decuriones optimo iure, los primeros por ser miembros honorarios del senado, y los segundos por carecer de derecho a voto. Cfr. P. Garnsey, “Aspects of the decline […]”, art. cit., p. 245 y W. Langhammer, Die rechtliche und soziale Stellung der Magistratus Municipales und der Decuriones, Wiesbaden, 1973, p. 193. 12. L. Tanfani,

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el plenus ordo, pudieron haber ingresado en sus respectivos ordines como pedani o adlecti de determinado rango, y por tanto sin haber desempeñado con anterioridad magistratura alguna. Según las premisas establecidas, cada quinquenio sería necesario sustituir, por defunción, a doce o trece decuriones en Irni y veinte en Canusium. Diez nuevos curiales serían inscritos en el album de cada una de estas ciudades tras haber desempeñado una de las magistraturas menores que daban acceso al ordo (cuestura o edilidad), quedando por tanto tres plazas vacantes en Irni y diez en Canusium que serían ocupadas por decuriones que hasta el momento de su nombramiento no habían sido magistrados. Por tanto en veinticinco años, periodo que hemos establecido para la renovación completa de todos los miembros de un ordo local, sería necesario integrar a trece nuevos decuriones en el senado de Irni (el 21% del total), y a cincuenta curiales en el de Canusium17 (el 50% del total), que accederían a sus respectivos senados como pedani, o en determinados casos como adlecti de rango edilicio, duunviralicio o quinquenalicio. Las plazas vacantes, no cubiertas por personas que hubiesen desempeñado una magistratura, debieron ser asignadas mediante adlectiones, cooptationes o lectiones quinquenales. Suponemos que, dependiendo del momento del lustro en que éstas quedasen desocupadas, las plazas serían asignadas mediante una lectio censoria, desarrollada por el magistrado competente, o mediante votación de los decuriones, quienes utilizarían el proceso descrito en el capítulo XXXI de la Lex Irnitana, o concederían el honor de la adlectio. Dado que las labores censorias sólo se realizaban una vez cada quinquenio, y que los restantes cuatro años serían los miembros del ordo quienes se encargarían de designar a las personas que cubrirían las plazas vacantes que quedasen libres en las curias18, podemos plantear que cuatro quintas partes de los nuevos decuriones que accedieron a los senados locales sin haber desempeñado previamente una magistratura lo lograron gracias a una adlectio o a una cooptatio. Por tanto, si nuestros cálculos son correctos, el ordo de Irni intervendría directamente en el nombramiento de diez de los sesenta y tres decuriones que componían el senado local (el 16%), y el de Canusium en la elección de cuarenta de los cien decuriones que constituían la curia de la ciudad (el 40%). Todos estos números y porcentajes nos permiten afirmar que el acceso a los senados locales de nuevos decuriones que previamente no habían sido magistrados no fue un hecho excepcional, sino bastante frecuente desde finales de la República o inicios del Imperio. 17. El

album de Canusium sólo nos muestra a treinta y dos pedani y cuatro adlecti inter quinquennalicios faltándonos, por tanto, catorce miembros que debieron haber entrado en el senado sin el desempeño previo de una magistratura. Este descuadre puede explicarse con facilidad, pues simplemente hemos de aceptar que catorce de los decuriones que ingresaron como pedani o adlecti habrían ido progresando en el cursus honorum municipal y, cuando el album fue mandado grabar en bronce, serían registrados entre los decuriones de rango cuestorio, edilicio o duunviralicio, según hubiesen ido evolucionando sus carreras públicas. 18. Así se establece claramente al inicio del capítulo XXXI de la Lex Irnitana: R(ubrica) de convocandis edicto decurionibus at sublegendos decuriones.

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Igualmente, nos muestran que, desde fechas muy tempranas, los procesos de cooptatio y adlectio permitieron a los ordines decurionum controlar, al menos parcialmente, el acceso a los senados locales de nuevos miembros ya que, como hemos visto en los casos de Irni y Canusium, pudieron elegir un porcentaje de decuriones que osciló entre el dieciséis y el cuarenta por ciento. Tal potestad implicaba que, si lo estimaban conveniente, los miembros de los ordines decurionum podrían dar preferencia a candidatos procedentes de familias de la élite municipal, o a destacados personajes de origen foráneo, antes que a outsiders locales de origen plebeyo. No obstante, no por ello se cerró el acceso a las curias locales, en fechas tan tempranas, a personas de origen plebeyo19, aunque, evidentemente, mediante las oportunas cooptationes y adlectiones, debió favorecerse que el oficio de decurión pudiera pasar con frecuencia de padres a hijos. Por otra parte, debemos señalar que la tendencia a transmitir la condición decurional a hijos y familiares debió iniciarse no desde los siglos ii o iii d.C., sino desde el establecimiento de los primeros senados locales. Conviene tener en cuenta que toda élite o grupo privilegiado, en cualquier periodo histórico, ha tenido como uno de sus objetivos prioritarios el perpetuarse en el poder, aunque ninguna oligarquía de la etapa preindustrial lo logró, debido a las altas tasas de mortalidad infantil y a los esfuerzos por controlar el número de descendientes para así evitar la división del patrimonio familiar20. Pese a lo comentado, esta aspiración estuvo firmemente arraigada entre los estamentos privilegiados de la sociedad romana21, y debió conducir a que las principales gentes decurionales de cada comunidad buscaran mantenerse en los senados locales durante varias generaciones, mediante la transmisión de la condición de decurión a sus descendientes22. Del desarrollo de estas prácticas, que buscaban favorecer el ingreso de hijos y familiares de decuriones en los senados locales, no podemos deducir que se la renovación de los ordines decurionum, en los siglos i y ii, con gentes de origen ingenuo o libertino vid., R. I. Curtis, “A. Umbri­cius Scaurus of Pompeii”, en Studia Pompeiana and Classica in Honor of Wilhelmina F. Jashemski, vol. I, New York, 1988, p. 19-24; M. Christol, “Composition, évolution et renouvellement d’une classe dirigeante locale : l’exemple de la cité de Nimes”, en E. Frézouls (ed.), La mobilité sociale dans le monde romain, Strasbourg, 1988, p. 197-198; Id., “Activité économique appartenance à l’élite et notabilité : les collèges dans la Gaule méridionale et la vallée du Rhône”, en M. Cébeillac-Gervasoni y L. Lamoine (eds.), Les élites et leurs facettes. Les élites locales dans le monde hellénistique et romain, Roma, 2003, p. 332-335; S. Demougin, “À propos des élites locales en Italie”, en L’Italie d’Auguste à Dioclétien, París - Roma, 1994, p. 358-375; A. Løś, “Les fils d’affranchis dans l’ordo Pompeianus”, en M. Cébeillac-Gervasoni (ed.), Les élites municipales de l’Italie péninsulaire des Gracques à Néron, Nápoles - Roma, 1996, p. 145-147; N. Tran, Les membres des associations romaines. Le rang social des collegiati en Italie et en Gaule sous le Haut-Empire, Roma, 2006, p. 65-81. 20. Cfr. K. Hopkins, Death and renewal, Cambridge, 1983, p. 69-74, 97-107 y 194-195; M. Kleijwegt, “The Sallii from Amiternum and the role of praetextati in municipal councils”, Historia, 42/1, 1993, p. 114-115. 21. F. Jacques, Le privilége de liberté […], op. cit., p. 583-585, 603-606 y 612-613; M. Kleijwegt, Ancient youth. The ambiguity of youth and the absence of adolescence in greco-roman society, Amsterdam, 1991, p. 274 y 316; C. Settipani, Continuité gentilice et continuité familiale dans les familles sénatoriales romaines à l’époque impériale. Mythe et réalité, Oxford, 2000; C. Badel, La noblesse de l’Empire romain. Les masques et la vertu, Seyssel, 2005, p. 262-264. 22. Pese a la existencia de tal práctica, no podemos afirmar que el decurionado llegase a ser, durante el Alto Imperio, legalmente hereditario, pues, para obtener la admisión en el ordo, siempre se necesitó que la autoridad competente realizara una lectio, adlectio o cooptatio. 19. Sobre

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impusiera una dinámica conducente a cerrar el acceso de los plebeyos a las curias. Los grupos dirigentes de las ciudades tuvieron que hacer frente a numerosos problemas que exigirían la periódica renovación de los ordines decurionum con homines novi. Por ejemplo, en casos de muerte prematura de jóvenes notables, que serían la principal reserva de candidatos al decurionado; ante la inexistencia de un suficiente número de hijos con la edad legal que pertenecieran a familias decurionales, lo que impediría cubrir con éstos todas las vacantes que se fueran creando en los senados locales; cuando algunas importantes gentes de la aristocracia municipal eran promocionadas a los ordines ecuestre y senatorial, hecho que en ocasiones podía acarrear su marcha de la ciudad para desarrollar carreras al servicio de la administración imperial; cuando determinadas familias perdían el estatus decurional por empobrecimiento; o por la existencia de importantes cargas, derivadas tanto del funcionamiento de la vida pública municipal, como de las obligaciones (munera) impuestas por los emperadores a los decuriones, que fue necesario compartir admitiendo a plebeyos que hubiesen logrado acrecentar su patrimonio y su dignitas. Todos estos condicionantes hicieron necesaria una periódica renovación de los ordines con personas de origen plebeyo, quienes pudieron obtener el estatus decurional tras el desempeño de una magistratura menor. Ésta pudo ser la principal vía de acceso de los homines novi al ordo decurionum, al menos hasta época severiana, dado que la mención, en el capítulo XXI de la Lex Irnitana, a “los magistrados que hayan sido o serán nombrados de entre los decuriones”, no creemos que deba interpretarse como que era necesario ser curial para poder presentarse a una magistratura, sino que parece hacer referencia al momento constitutivo del municipio, cuando, al no haber infraestructura administrativa para organizar unos comicios electorales, se debió recurrir a nombrar a los primeros magistrados de entre los miembros del senado local23. Posteriormente, los magistrados serían elegidos como se estipula en la Lex Malacitana (capítulos LI a LVIII), donde no aparece mención alguna a la necesidad de ser miembro de la curia para poder presentarse como candidato al desempeño de una magistratura24. Por consiguiente, y pese a lo que algunos investigadores han defendido, el acceso a la cuestura o a la edilidad debió mantenerse abierto para outsiders locales de condición plebeya durante buena parte del Alto Imperio, ya que los comitia electorales para designar magistrados debieron pervivir al menos hasta el primer tercio del siglo iii25. 23. Cfr.

R. Mentxaka, El senado municipal […], op. cit., p. 83 y n. 355. el capítulo LIV de la Lex Malacitana se mencionan los requisitos que debían cumplir los candidatos a magistrado sin que se estipule la necesidad de ser, previamente, decurión. 25. Como ha defendido J. F. Rodríguez Neila, “Los comitia municipales y la experiencia institucional romana”, en C. Berrendoner et al. (eds.), Le quotidien municipal dans l’Occident romain, Clermont-Ferrand, 2008, p. 313-315, los testimonios de magistrados nombrados por los decuriones en época altoimperial son escasos y no confirman que los senados locales hubieran asumido como práctica habitual una función que correspondía a los comitia. De hecho existen bastantes documentos jurídicos y epigráficos que demuestran la pervivencia de los comitia durante el siglo iii. Sobre el funcionamiento de los comicios electorales en la tercera centuria vid. también F. Jacques, Le privilége de liberté […], op. cit., p. 379-397 y 447-454. 24. En

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Por otra parte, no creemos que la conocida disposición del Digesto, que impedía a quien no era decurión el desempeño de magistraturas, fuese un intento de cerrar el ordo a posibles aspirantes de origen plebeyo y, por tanto, de restringir el número de familias que pudieran tener acceso a los senados locales26. Pues, como hemos tratado de mostrar, las curias locales necesitaron integrar periódicamente a nuevas familias plebeyas para mantener completos sus alba decurionum. De hecho, varios textos legales muestran que, a inicios del siglo iii, los plebeyos no tuvieron vetado legalmente su ingreso en los ordines decurionum27. Pensamos que la mencionada norma del Digesto podría ponerse en relación con un rescripto de Marco Aurelio y Lucio Vero, en el que se prohibía designar para los honores públicos a decuriones tenues et exhausti (Dig., L, 4, 6, pr.), quienes carecerían de suficientes recursos económicos para afrontar los gastos derivados del desempeño de una magistratura. Si nuestra hipótesis fuese correcta, la prohibición de desempeñar magistraturas a aquellos individuos que previamente no fuesen decuriones, simplemente buscaría evitar que plebeyos que contasen con el censo decurional, pero no tuvieran importantes recursos económicos, pudieran intentar acceder a los senados locales presentándose previamente a una magistratura menor, cuyo desempeño podía acarrearles tener que asumir numerosos gastos y ocasionarles graves pérdidas patrimoniales. Evidentemente, la aprobación de una disposición que exigía ser decurión para acceder a las magistraturas dejaba, definitivamente, en manos de los ordines decurionum el control casi absoluto sobre los nuevos ingresos que se produjeran en los senados locales, puesto que se eliminaba el acceso a la curia gracias al desempeño de la cuestura o de la edilidad, quedando sólo abierto el ingreso mediante adlectiones, cooptationes y lectiones. P. Garnsey, tras analizar el album de Canusium, interpretó que desde que entró en vigor la mencionada norma del Digesto, los praetextati28 tendrían preferencia para ocupar las vacantes que se fueran produciendo en las 26. Así interpretó P. Garnsey, “Aspects of the decline […]”, art. cit., p. 242, el texto contenido en Digesto, L, 2, 7, 2 (Paulus, Libro Primo Sententiarum). Incluso no podemos afirmar con seguridad, que esta norma fuese de época severiana, dado que F. Jacques, Le privilége de liberté […], op. cit., p. 593-594, la data en momentos posteriores del siglo iii. 27. Dig., L, 2, 9, pr. (el hijo de un esclavo y una mujer libre puede ser decurión); L, 2, 12 (en el ordo pueden integrarse pequeños comerciantes); L, 6, 6, 13 (los miembros de corporaciones profesionales inmunes, como los transportistas marítimos, pudieron ingresar en los senados locales como decuriones); L, 4, 14, 4 (los padres de un plebeyo quedan exentos de responsabilidad si éste es elegido para la carrera de los honores). Éstos y otros testimonios fueron analizados por F. Jacques, Le privilége de liberté […], op. cit., p. 589-592. 28. Los praetextati fueron jóvenes miembros de gentes decurionales, mayores de dieciséis años, que aún no habían alcanzado la edad legal para ingresar en la curia, a los que se les permitía asistir a las reuniones del senado local, sin derecho a voz ni a voto, con el fin de prepararse para cuando en el futuro pudieran ocupar una plaza dentro del ordo (vid. n. 16). Según muestra el album de Canusium, fueron seleccionados de entre todas las familias decurionales, y no sólo de las más destacadas; aunque sobre este último tema los investigadores que lo han trabajado muestran opiniones divergentes. Sobre los praetextati vid., P. Garnsey, “Aspects of the decline […]”, art. cit., p. 245-248; W. Langhammer, Die rechtliche und soziale […], op. cit., p. 200; F. Jacques, Le privilége de liberté […], op. cit., p. 614-617; M. Kleijwegt, Ancient youth […], op. cit., p. 281, 304-311; Id., “The Sallii from Amiternum […]”, art. cit., p. 110-117; B. Salway, “Prefects, patroni, and decurions: a new perspective on the album of Canusium”, en A. Cooley (ed.), The epigraphic landscape of Roman Italy, Londres, 2000, p. 126.

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curias29, mientras que los decuriones pedani pudieron proporcionar los candidatos a las magistraturas menores. No obstante, nada prueba que el acceso a los ordines decurionum fuera reservado exclusivamente a jóvenes pertenecientes a las aristocracias locales. De hecho, diferentes estudiosos han defendido que los pedani formarían un grupo heterogéneo, en edad y origen social, conformado por plebeii que gozasen de un adecuado estatus, patrimonio y perfil moral, así como por antiguos praetextati pertenecientes a familias de la élite municipal que ya habrían alcanzado la edad legal para ingresar en la curia30. Por lo comentado, si admitimos que desde época severiana era el ordo quien nombraba a los nuevos decuriones, y que éstos procederían tanto del grupo de jóvenes hijos de notables locales, como de familias plebeyas que hubieran comenzado a ascender socialmente, cabe realizarse una pregunta ¿qué ventaja, al margen de cierta prioridad en el acceso al ordo, reportaba ser incluido en la lista de los praetextati? Probablemente la respuesta la tengamos en el album de Canusium. Como defendió H. Mouritsen, creemos que muy acertadamente, los praetextati llevaron oficialmente el título de decurión31, pues como muestra el mencionado album fueron incluidos bajo el encabezado nomina decurionum in aere incidenda. Si ponemos en relación la disposición del Digesto, que establece que quien no es decurión no puede desempeñar magistraturas, aceptando para ella una datación en época severiana, con la redacción del album de Canusium (223 d.C.), en el que aparecen recogidos veinticinco praetextati, quizás podamos responder a la pregunta planteada. Los praetextati que desearan acelerar sus carreras políticas y contasen con la edad legal exigida, al ser considerados miembros del gran ordo32, debieron quedar automáticamente habilitados para poder presentarse como candidatos en las elecciones para las magistraturas menores, sin tener que esperar a ser previamente integrados como miembros de pleno derecho de la curia. Mientras que los plebeyos con recursos y cualidades tuvieron que esperar a su inclusión como pedani en los senados locales, para poder competir por el desempeño de los honores. Aplicando este sistema de promoción, que establecía diferentes formas de acceso a la carrera pública municipal según la condición social de cada aspirante, 29. P. Garnsey,

“Aspects of the decline […]”, art. cit., p. 249. La preferencia de los praetextati para cubrir las vacantes generadas en las curias municipales también fue señalada por M. Kleijwegt, Ancient youth […], op. cit., p. 310-311. 30. F. Jacques, Le privilége de liberté […], op. cit., p. 520-526; B. Salway, “Prefects, patroni, and decurions […]”, art. cit., p. 128-130. Frente a estos autores, que interpretan el significado de pedanus (o pedaneus) simplemente, como decurión ordinario, sin añadir ninguna connotación negativa, otros han preferido ver en los pedani a decuriones pertenecientes a familias de rango secundario dentro del ordo quienes, frente a los praetextati, tendrían pocas posibilidades de alcanzar las magistraturas superiores y los sacerdocios municipales. M. Kleijwegt, Ancient youth […], op. cit., p. 280-282; H. Mouritsen, “The Album from Canusium […]”, art. cit., p. 231. 31. H. Mouritsen, “The Album from Canusium […]”, art. cit., p. 239. 32. Como señalamos en la nota 16, por “gran ordo” entendemos no sólo a los decuriones efectivos o de pleno derecho, sino también al conjunto de personas que fueron recogidos en el album de Canusium bajo los apartados de patroni y praetextati.

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se conseguía mantener abiertos los ordines decurionum a homines novi y se lograba, al mismo tiempo, que algunos hijos de importantes familias decurionales pudieran evitar tener que competir en los comitia con ambiciosos plebeyos que contaran con el apoyo popular. Dicho de otra forma, los ordines podrían frenar temporalmente, siempre que lo estimaran conveniente, la promoción de personas no pertenecientes a la élite municipal, para así facilitar que determinados hijos de notables locales accedieran más fácilmente a la cuestura o a la edilidad. Una vez estos honestiores desempeñaran su primera magistratura, el senado podría integrar escalonadamente a destacados plebeyos como miembros del ordo, aunque con el rango de pedaneus. Gracias al nombramiento como praetextatus o mediante una adlectio, que permitía nombrar decuriones optimo iure a personas menores de veinticinco años (CIL, V, 713; CIL, XIV, 2987; AE, 1988, 196; etc.), se facilitaría la promoción de determinados jóvenes pertenecientes a familias de la aristocracia local pues, una vez éstos alcanzaran el primer escalón del cursus honorum, la competencia por las restantes magistraturas sería menor, al menos en cuanto a número de candidatos33, lo que les garantizaría completar su cursus honorum municipal y diferenciarse claramente de los “recién llegados” de origen plebeyo. Como señaló H. Mouritsen, el sistema electoral municipal era costoso, complicado e impredecible en cuanto a resultados34. Por tanto, la comentada disposición del Digesto (L, 2, 7, 2) pudo facilitar a las élites controlar el acceso a las magistraturas. Y ello sin tener que renunciar a integrar a nuevas familias en el ordo, si así lo estimaban conveniente, de forma que pudieran contribuir a financiar los munera y otros muchos gastos generados por el funcionamiento de la vida municipal. De hecho, en Canusium el ordo continuó admitiendo en su seno, a inicios del siglo iii, a nuevos miembros procedentes de familias plebeyas, facilitando así el ascenso social de nuevas gentes que contribuirían a reforzar y mantener el poder de la vieja nobilitas local35. Por otra parte, el establecimiento de un sistema que permitía acelerar las carreras públicas de determinados individuos de origen aristocrático y frenar las de otros de origen plebeyo, en función de los intereses del grupo dirigente de cada ciudad, pudo dificultar el acceso a las magistraturas superiores de los miembros de gentes que se habían incorporado recientemente al ordo decurionum, aunque no impedirlo36.

33. Como

han señalado J. L. Franklin, Pompeii: the electoral programmata, campaigns an politics, A.D. 71-79, Roma, 1980, p. 119-120 y A. D. Pérez Zurita, La edilidad y las élites locales en la Hispania romana. La proyección de una magistratura de Roma a la administración municipal, Córdoba, 2011, p. 145-150, en Pompeya se presentaban muchos más candidatos a la edilidad que al duunvirato en las elecciones locales, lo que generaría una gran competencia entre jóvenes procedentes de la aristocracia local y otros aspirantes a las magistraturas de origen plebeyo. 34. H. Mouritsen, “The Album from Canusium […]”, art. cit., p. 248. 35. M. Chelotti, “Mobilità sociale e legami familiari alla luce dell’albo dei decurioni di Canosa (CIL, IX, 338)”, MEFRA, 102/2, 1990, p. 603-609. 36. Como han constatado M. Chelotti, “Mobilità sociale […]”, art. cit., p. 604 y A. D. Pérez Zurita, La edilidad y las élites locales […], op. cit., p. 172-184, al analizar el album de Canusium.

Composición interna de las curias locales y reclutamiento de decuriones en los siglos ii y iii d.C. en las ciudades del Occidente romano

En conclusión, los mecanismos de cooptatio y adlectio, que terminaron por imponerse como principales, y casi únicas, formas de ingreso en los ordines decurionum a partir del siglo iii, no condujeron a cerrar la entrada en las curias locales a familias plebeyas emergentes. Pero sí contribuyeron, de forma notable, a que los decuriones con descendencia pudieran transmitir el cargo a sus hijos, permitiendo que la nobilitas local pudiese manejar los ritmos de ingreso en los senados locales y de acceso a las magistraturas menores. Durante el siglo ii y el primer tercio del siglo iii d.C. se aprecia un mantenimiento de los sistemas de acceso al decurionado que ya estaban establecidos desde fines de la República, así como un interés de los grupos más destacados de las ciudades por acceder al rango decurional y por transmitir dicho estatus a sus descendientes, sin que podamos hablar, al menos claramente, de un declinar de las aristocracias urbanas y de la vida municipal37. Por otra parte, el sistema existente continuó garantizando un equilibrio en la composición interna de las curias municipales, en las que se integraban miembros de importantes familias decurionales junto con homines novi, quienes al ingresar en el ordo contribuirían no solo a financiar los munera y otros muchos gastos generados por el desarrollo de la vida municipal, sino también a asegurar la periódica renovación de las curias. 515

37. Cfr.

F. Jacques, Le privilége de liberté […], op. cit., p. 663-664 y 803.

33

Une communauté civique face à la crise : la civitas Aeduorum dans la seconde moitié du iiie siècle apr. J.-C. (approches archéologique et historique) Antony Hostein et Michel Kasprzyk

Résumé –

Par la richesse de sa documentation, la cité des Éduens offre un poste d’observation unique pour comprendre les transformations intervenues dans les communautés civiques de l’Occident au lendemain de la “crise du iiie siècle“. Les recherches archéologiques des deux dernières décennies, associées aux relectures récentes des Panégyriques latins autorisent à observer les signes d’une crise, ainsi que ses principaux symptômes. La confrontation de ces deux catégories documentaires longtemps étudiées séparément permet d’établir avec précision les réponses qui leur furent apportées par les contemporains. Mots-clés – Occident romain - Cité des Éduens - Panégyriques latins - Crise des cités au

iiie s. apr. J.-C.

Abstract –

The various evidences concerning the civitas Aeduorum offer a unique lookout to study the transformations of the Roman West cities after the “Crisis of the 3rd century A.D.” The archaeological researches of the last two decades, associated with the new readings of the Panegyrici latini authorize a new approach of the different signs of a crisis, as well as its main symptoms. The confrontation of these two categories of evidences allows to establish precisely the answers locally brought to resolve the crisis.

Keywords – Roman West - Civitas Aeduorum - Panegyrici latini - Crisis of the cities in the 3rd c. A.D.

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Antony Hostein et Michel Kasprzyk

P 

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ar la richesse de sa documentation, tant écrite que matérielle, la cité des Éduens offre un poste d’observation unique pour comprendre les transformations intervenues dans la vie des communautés civiques au lendemain de ce qu’il est convenu d’appeler la “crise du iiie siècle”1. Vers 300 en effet, les élites locales sont confrontées, dans le cadre de la restauration impériale engagée par Dioclétien et ses collègues, à gérer une situation de lendemain de crises, pleine d’incertitudes pour le bon fonctionnement des institutions municipales2. Le dossier de la civitas Aeduorum demeure extrêmement précieux pour trois raisons principales. Il se fonde d’abord sur une documentation littéraire redécouverte au xve siècle, mieux connue sous le nom de recueil des Panégyriques latins. Quatre discours revêtent un intérêt particulier : il s’agit des Panégyriques latins IV, V, VII et VIII selon la numérotation établie par Édouard Galletier dans la Collection des Universités de France, tous prononcés par des orateurs éduens devant l’empereur ou le gouverneur provincial, entre les années 297 et 3113. En dépit de leur caractère rhétorique, qui a longtemps fait peser sur eux le soupçon de discours obscurs et ampoulés, ces panégyriques demeurent très précieux par les nombreuses informations détaillées qu’ils apportent sur les institutions locales, sur le chef-lieu de cité ainsi que sur les campagnes du vaste territoire éduen4. Le dossier s’appuie ensuite sur une abondante documentation archéologique, comprenant des découvertes anciennes et récentes. Cette documentation a bénéficié d’une relecture radicale grâce aux travaux engagés ces deux dernières décennies : des datations du matériel ont pu être revues, de nouveaux marqueurs chronologiques établis, et les mises en série ont débouché sur une meilleure connaissance des transformations urbaines et rurales sur la longue durée, entre les iie et ve siècles5. À cela, il convient d’ajouter plusieurs découvertes spectaculaires, qui ont permis de mettre au jour des vestiges uniques dans le sous-sol d’Autun, dont plusieurs s’insla notion de “crise du iiie siècle” : J.‑M. Carrié et A. Rousselle, L’Empire romain en mutation : des Sévères à Constantin (192‑337), Paris, 1999 ; M. Christol, L’Empire romain du iii e siècle : histoire politique : de 192, mort de Commode à 325, concile de Nicée, Paris, 2006 [2e éd. révisée et augmentée] et Id., “La storia dell’impero romano nel iii secolo d.c.: il noto e l’ignoto”, Studi Storici, 2007‑4, p. 901‑926 ; J.‑M. Pailler, “La crise en thèmes… et en question”, Pallas, hors série, 1997 [L’Empire romain de 192 à 325], p. 131‑140 et P. Le Roux, “Les cités de l’Empire romain de la mort de Commode au Concile de Nicée”, ibid., p. 31‑55. 2. Pour une approche complète du dossier, d’un point de vue archéologique et historique, voir M. Kasprzyk, Les cités des Éduens et de Châlon durant l’Antiquité tardive (v.260‑530 env.). Contribution à l’étude de l’Antiquité tardive en Gaule centrale, 5 t., Dijon (Université de Bourgogne, thèse de 3e cycle inédite), 2005 et A. Hostein, La cité et l’empereur. Les Éduens dans l’Empire romain d’après les Panégyriques latins, Paris, 2012. 3. Panégyriques latins. texte établi et traduit par Édouard Galletier, 3 vol., Paris, 1949‑1955. Pour un commentaire récent de ces discours : C. E. V. Nixon et B. S. Rodgers, In Praise of Later Roman Emperors: the Panegyrici Latini. Introduction, Translation and Historical Commentary, with the Latin Text of R. A. B. Mynors, Berkeley - Los Angeles - Londres, 1994 ; C. Rönning, Herrscherpanegyrik unter Trajan und Konstantin. Studien zur symbolischen Kommunikation in der römischen Kaiserzeit, Tübingen, 2007 et A. Hostein, La cité et l’empereur […], op. cit. 4. A. Hostein, La cité et l’empereur […], op. cit., p. 58. 5. Bilan complet dans M. Kasprzyk, Les cités des Éduens et de Châlon […], op. cit. 1. Sur

Une communauté civique face à la crise : la civitas Aeduorum dans la seconde moitié du iiie siècle apr. J.-C.

crivent probablement dans des niveaux d’occupation des années 250-350 : maison aux stucs (2001-2002) ; diagnostic du boulevard Latouche, qui révèle les vestiges d’un ensemble monumental original composé d’une double cour à portiques de 50 sur 20 mètres environ (2011)6. Enfin, du point de vue méthodologique, la démarche repose sur des regards croisés à la fois historiques et archéologiques sur la documentation. L’approche tire son origine de deux travaux de thèse sur la cité des Éduens à l’époque tardive soutenus en 2005, mais élaborés de manière autonome, sans influence réciproque, dans les universités de Bourgogne et de Paris I Panthéon-Sorbonne. C’est sur ce plan que réside certainement la principale originalité et plus-value de la présente contribution7. Une analyse superficielle des sources étudiées semble confirmer les transformations profondes traversées par la cité des Éduens à partir des années 250, qu’il est tentant de raccrocher à la crise que traverse l’État impérial à la même époque8. Pour autant, la prudence est de mise et il convient, pour tirer bénéfice du dossier et de la démarche adoptée, d’établir dans un premier temps la manière dont se manifestent les symptômes de cette crise et des mutations qui l’accompagnent, afin de mieux évaluer, dans un second temps, les réponses apportées par les contemporains – ou du moins ce que les sources laissent transparaître. Le travail permet ainsi, in fine, de mesurer la pertinence de ces réactions et de caractériser la crise, ou plutôt les crises à l’œuvre dans les Tres Galliae entre les années 250 et 350, différentes semble-t-il de la situation rencontrée dans d’autres secteurs de l’Occident9.

6. Sur

le site du nouvel hôpital : J. Boislève, C. Allag, “Un décor stuqué monumental du Bas-Empire à Autun (Saône-et-Loire)”, Gallia, 68-2, 2011, p. 195-235. La datation proposée demeure cependant sujette à caution, et il semble plus vraisemblable que le décor de stucs ait été détruit dans les années 300 plutôt que mis en place à cette époque. Le diagnostic du boulevard Latouche va faire l’objet d’un article complet coordonné par Yannick Labaune, à paraître dans Gallia, 2013. À titre provisoire, on lira Y. Labaune, “La plus vieille ‘université’ de France à Autun”, L’Archéologue, 115, août-septembre 2011, p. 49-51. 7. Références cités supra, n. 2. 8. La cité rencontre des difficultés liées peut-être aux “invasions barbares” (É. Demougeot, “Autun et les invasions germaniques de la seconde moitié du iiie siècle”, dans Sept siècles de civilisation gallo‑romaine vus d’Autun, Autun, 1985, p. 111‑143) mais aussi, d’ordre structurel (A. Hostein, La cité et l’empereur […], op. cit., p. 141-175 et 421440), sans pour autant, semble-t-il, que le fonctionnement quotidien ne soit mis en cause. 9. L’Afrique, secteur bien documenté grâce à la documentation épigraphique et littéraire (Cyprien de Carthage par exemple) demeure relativement épargnée par ces graves difficultés : X. Dupuis, “Constructions publiques et vie municipale en Afrique de 244 à 276”, MÉFRA, 104‑1, 1992, p. 253‑280 et Id., “À propos d’une inscription de Thugga : un témoignage sur la vitalité des cités africaines pendant la crise du iiie siècle”, MÉFRA, 105‑1, 1993, p. 63‑73. Lire également M. Christol, “Cyprien de Carthage et la crise de l’Empire romain”, dans M.‑H. Quet (éd.), La “crise” de l’Empire romain de Marc Aurèle à Constantin, Paris, 2005, p. 455-480 (repris dans Regards sur l’Afrique romaine, Paris, 2005, p. 213-228 et 263-267).

519

Antony Hostein et Michel Kasprzyk

La crise, les crises : symptômes et caractéristiques vers 300 apr. J.‑C. Une crise rurale

520

La plus importante mutation de la ciuitas à la fin du iiie siècle est assurément celle de ses campagnes, car ce territoire de plus de 20 000 km2 abrite la majorité de sa population et produit l’essentiel de ses richesses. Dans ce milieu, entre les années 250 et 300, l’archéologie montre la disparition des indices de fréquentation sur 40 à 60 % des établissements agricoles (villae, fermes). Le phénomène est perceptible dans tous les secteurs bien documentés de la ciuitas (vallée de la Saône, Autunois, plateaux calcaires de l’Avallonais) (fig. 1-5). Malgré son importance, cette évolution est loin d’être généralisée car elle touche presque exclusivement des établissements de taille modeste : les sites les plus vastes, ceux que l’on peut sans doute attribuer aux couches les plus aisées de la population et qualifier de villae, échappent presque toujours à cette vague d’abandons. En outre, il semble bien qu’un certain déterminisme géographique joue dans la sélection des établissements : dans le nord du territoire éduen, les sites de vallée semblent moins touchés que les sites de plateau10. La chronologie et la nature de cette évolution demeurent pour l’instant difficiles à préciser. Alors que certains sites paraissent désertés dès les années 260, d’autres livrent des indices de fréquentation jusqu’à l’orée de l’époque tétrarchique. Il est en tout cas assuré qu’elle se place dans la seconde moitié du iiie siècle. Par ailleurs, en l’absence de phénomène manifeste de regroupement de la population sur des sites moins nombreux ou en milieu urbain, on peut s’interroger sur le devenir des occupants des sites abandonnés. Le corpus des Panégyriques latins semble faire écho aux tendances montrées par l’archéologie. L’orateur suggère par exemple le dépeuplement des campagnes quand, en 297, des prisonniers chamaves et frisons sont lotis sur le territoire de la ciuitas (PL, IV, 9, 3) ; l’anonyme de 311 auteur du Panégyrique latin VIII11 montre de manière bien plus éclatante la dégradation du terroir agricole et la réduction probable des surfaces cultivées. Décrivant le coteau viticole du pagus Arebrignus (la Côte de Beaune ?), son auteur indique que (PL, VIII, 7, 2) : […] la plaine qui s’étend à ses pieds et va jusqu’à la Saône, […] fut en vérité, me dit-on, riante jadis, au temps ou une culture non interrompue assurait, sur chaque domaine, par des canaux à ciel ouvert l’évacuation 10. Sur

ce secteur, M. Kasprzyk, “L’occupation des plateaux calcaires bourguignons durant l’Antiquité tardive : premiers résultats pour la région de Noyers-sur-Serein (Yonne)”, dans P. Ouzoulias et P. Van Ossel (dir.), Dioecesis Galliarum. Document de travail no 6, Paris, 2003, p. 179-195. 11. Présentation et résumé de ce discours dans A. Hostein, La cité et l’empereur […], op. cit., p. 62-65, 70-73.

Une communauté civique face à la crise : la civitas Aeduorum dans la seconde moitié du iiie siècle apr. J.-C.

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Carte du territoire éduen avec les sites et secteurs géographiques mentionnés dans le texte (points noirs). Ont été reportées les voies de Lyon à Trèves, de Châlon à Boulogne, les secteurs cartographiés des environs de Noyers-surSerein (Yonne) (rectangle 1) et Ouroux-sur-S. / Tournus (rectangle 2). MK del., fond de carte P. Nouvel.

521

Antony Hostein et Michel Kasprzyk

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Fig. 2.

Évolution du nombre d’établissements agricoles dans différents secteurs ruraux du territoire de la cité des Éduens, en nombre de sites par siècle. A : environs de Noyers-sur-Serein (Yonne) ; B : environs de Cabillonum / Châlon-sur-Saône ; C : environs d’Ouroux-sur-Saône ; D : environs de l’agglomération de Tinurtium / Tournus (B, C, D : Saône-et-Loire). On remarque dans ces quatre secteurs, où la quantité d’établissements datés varie fortement, la nette diminution de leur nombre entre le milieu du iiie et le milieu du ive siècle.

Une communauté civique face à la crise : la civitas Aeduorum dans la seconde moitié du iiie siècle apr. J.-C.

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0

Fig. 3.

2000 m

Répartition des établissements agricoles fréquentés dans la première moitié du iiie siècle dans les environs de Noyers-sur-Serein (Yonne). Les sites non datés n’apparaissent pas sur cette carte. MK del.

Antony Hostein et Michel Kasprzyk

?

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0

Fig. 4.

2000 m

Répartition des établissements agricoles fréquentés dans la première moitié du ive siècle dans les environs de Noyers-sur-Serein (Yonne). Les sites non datés n’apparaissent pas sur cette carte. MK del.

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Fig. 5.

Évolution du peuplement rural entre la première moitié du iiie siècle (1) et la première moitié du ive siècle (2) dans deux secteurs mitoyens de la vallée de la Saône (au nord, environs d’Ouroux-sur-Saône ; au sud, environs de Tinurtium / Tournus). La Saône s’écoule du nord au sud et est longée à l’ouest par la voie de Lyon à Trèves. Au sud-ouest, premiers contreforts de la Côte mâconnaise. Les sites non datés n’apparaissent pas sur cette carte. MK del.

Antony Hostein et Michel Kasprzyk

des eaux courantes des sources. Mais aujourd’hui que les dévastations ont obstrué les canaux, les terres basses, qui par leur situation même, étaient plus fertiles que les autres sont transformées en fondrières et en marécages.

Quant aux campagnes entre le Val de Saône et Autun, en 311, on y voit point : […] comme sur le terroir d’autres villes (per agros aliarum urbium), la plupart des champs cultivés, découverts, en pleine prospérité […], mais aussitôt après ce coude où la route revient en arrière vers la Belgique12, […] une terre partout dévastée, abandonnée, couverte de broussailles, muette et ténébreuse […].

Une crise artisanale

526

Outre une crise de l’économie rurale, le territoire éduen connaît une profonde transformation de ses activités économiques reflétée par l’abandon de nombreux sites artisanaux. À Autun, où le phénomène est le plus clairement perceptible, les importants quartiers artisanaux périurbains, qui abritaient notamment des artisans métallurgistes et des potiers (quartiers artisanaux du “Lycée Militaire” et de la “rue des Pierres”), ne livrent pas d’indices de fréquentation au-delà des années 280 (fig. 6). Cette tendance se retrouve dans la majorité des agglomérations secondaires de la cité : arrêt de l’artisanat métallurgique et abandon des séchoirs agricoles à Alesia, des activités des potiers de Gueugnon et de Bourbon-Lancy13. À Alesia, il est permis d’associer ce phénomène à l’abandon de la schola des forgerons dans la seconde moitié du iiie siècle. Cette évolution touche aussi de nombreux sites liés aux activités primaires. La fréquentation des petites agglomérations liées à l’exploitation des ressources minières (Fontenay-près-Vézelay, Montlay-en-Auxois14) et agricoles (Blessey15,

12. Il

s’agit probablement de la voie de Châlon-sur-Saône à Boulogne par Autun, Auxerre et Sens. Sur cet axe et son tracé en territoire éduen : M. Kasprzyk et P. Nouvel, “Les mutations du réseau routier de la période laténienne au début de l’époque impériale. Apport des données archéologiques récentes”, dans M. Reddé, P. Barral, F. Favory, J.-P. Guillaumet, M. Joly, J.-Y. Marc, P. Nouvel, L. Nuninger et C. Petit (dir.), Aspects de la romanisation dans l’Est de la Gaule (Bibracte, 21), Glux-en-Glenne, 2011, p. 21-42. 13. M. Kasprzyk, Les cités des Éduens et de Châlon […], op. cit., I, p. 137, 189-190. 14. J. Dupont, “Montlay-en-Auxois”, dans J. Bénard, M. Mangin, R. Goguey et L. Roussel (dir.), Les agglomérations antiques de Côte-d’Or, Paris, 1994, p. 187-191. 15. M. Mangin et al., Villages, forges et parcellaire aux Sources de la Seine. L’agglomération antique de Blessey-Salmaise (Côte-d’Or), Besançon, 2001.

Une communauté civique face à la crise : la civitas Aeduorum dans la seconde moitié du iiie siècle apr. J.-C.

Collonge-en-Charollais16) semble s’interrompre dans les années 270. La réduction du nombre de sites ruraux liés à la réduction du minerai de fer a bien été appréhendée dans le nord du territoire éduen (fig. 7). Des ateliers de potiers (groupe de La Ferté) et des carrières de la région châlonnaise (Saint-Boil17) cessent leur activité à la même époque. Encore une fois, les témoignages des Panégyriques latins semblent confirmer cette évolution en mentionnant à deux reprises en 297 et 298 l’envoi par Constance Chlore d’artifices originaires de Bretagne à Autun (PL, IV, 20 et V, 4).

527

Fig. 6.

16. En

Évolution de l’occupation urbaine à Augustodunum / Autun, entre la première moitié du iiie siècle (à g.) et la première moitié du ive siècle (à dr.). Les îlots fréquentés sont indiqués en gris, les îlots non documentés sont indiqués par (i). Triangles, îlots artisanaux. La plupart sont abandonnés à la fin du iiie siècle (croix noires à dr.). MK del.

dernier lieu L. Jaccotey et al., “Le site du Portus à Collonges-en-Charollais (Saône-et-Loire), exemple d’une chaîne opératoire de fabrication de moulins rotatifs antiques”, dans O. Buchsenschutz, L. Jaccotey, F. Jodry et J.-L. Blanchard (dir.), Évolution typologique et techniques des meules du Néolithique à l’an mille. Actes des IIIe rencontres de l’Archéosite gaulois (Aquitania, suppl. 23), Bordeaux, p. 163-197. 17. G. Monthel et M. Pinette, “La carrière gallo-romaine de Saint-Boil”, Revue Archéologique de l’Est, 28, 1-2, 1977, p. 37-61.

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Fig. 7.

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Évolution du nombre de sites liés à l’extraction et la réduction du fer dans le sud-est du département de l’Yonne entre la fin de l’Âge du Fer et le haut Moyen Âge (document aimablement communiqué par Pierre Nouvel, université de Franche-Comté).

Une crise sociale Deux discours rapportent la révolte de la cité des Éduens durant la période de l’Empire gaulois, événement placé vers 270 et qui a eu une importance manifeste dans le ressenti de l’évolution de la cité aux yeux du rhéteur Eumène. En 298, il indique que (PL, V, 4, 1) : Nos Césars […] ont voulu que ce peuple constitué en cité […], et qui a été ruiné par la plus terrible dévastation, au moment où, assiégée par les bandes de rebelles des bataves, elle implorait le secours de l’empereur de Rome, fût relevée et rendue à la vie, non pas seulement par admiration pour ses services, mais par pitié pour ses malheurs. Ils ont estimé que l’ampleur même de ses ruines méritait de leur part des libéralités dont le souvenir fût éternel, la gloire des restaurateurs devant être d’autant plus éclatante que serait plus énorme la masse des restaurations.

L’orateur anonyme de 311 (PL, VIII, 4, 2-3) révèle que les Éduens auraient appelé Claude II à libérer la Gaule (du pouvoir des empereurs illégitimes gallo-romains, non nommés). Autun aurait été assiégée sept mois durant par des “rebelles gaulois”

Une communauté civique face à la crise : la civitas Aeduorum dans la seconde moitié du iiie siècle apr. J.-C.

avant de capituler. Ausone précise qu’une partie des élites de la cité (dont l’un de ses ancêtres) aurait été victime de proscriptions durant le règne de l’empereur Victorin (Ausone, Parentalia, IV, 4-6), ce qui permet de situer les événements plus précisément en 269-270. Qu’il s’agisse d’une conséquence de ces événements ou plus globalement de la période troublée de la seconde moitié du iiie siècle, Eumène signale l’envoi de notables en 298, pour repeupler l’ordo de la cité (PL, V, 4).

Une crise fiscale La cité des Éduens (PL, VIII, 5), comme le rappelle l’orateur de 311 : […] gisait accablée moins par la ruine de ses bâtiments publics que par l’épuisement de ses capacités financières depuis que la rigueur du nouveau cens lui avait ôté la vie. Elle n’aurait pu pourtant se plaindre à juste titre, puisque nous possédions les terres qui avaient été recensées et inscrites dans le registre fiscal de la cité et que nous étions soumis au tableau général de répartition de l’imposition gauloise, nous dont la fortune n’est égalée par personne.

La question a fait beaucoup couler d’encre depuis les travaux d’André Piganiol publiés voilà un siècle18. Disons simplement, pour résumer les propos et le point de vue de l’orateur anonyme du discours de 311, que les habitants de la cité, suite au tour-de-vis fiscal intervenu lors de la réévaluation de la tarification du caput par l’empereur Galère, ont été confrontés à de graves difficultés fiscales et financières. La pression fut telle que les contribuables devinrent progressivement insolvables, au point de compromettre le versement des impôts des cinq années comprises entre 307 et 311. Le spectre de la banqueroute de la cité se profilait, et avec elle celle des décurions responsables sur leurs biens propres de la levée fiscale.

Une crise urbaine Conséquences probables des difficultés du territoire, on observe enfin une véritable crise urbaine, tant dans le chef‑lieu de cité que dans les agglomérations secondaires ou vici des Éduens. C’est néanmoins à Autun que le phénomène semble le plus clairement perceptible. À Augustodunum, la fin du iiie siècle constitue une rupture indéniable de l’occupation urbaine. L’évolution la plus nette concerne l’importante rétraction de la surface occupée : près de 50 % des îlots sont abandonnés entre les années 250 et 18. Bilan

des discussions dans A. Hostein, La cité et l’empereur […], op. cit., p. 251-281. Bibliographie détaillée sur la question de la fiscalité tardive à travers le témoignage de l’anonyme de 311 dans ibid., p. 252 (n. 2).

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300 (fig. 6 et 8). Dans certains quartiers (quart nord-ouest de la ville), cet abandon s’apparente à un mitage de la trame urbaine, alors que d’autres connaissent un abandon presque total (sud-est de la ville). Comme dans les campagnes, la chronologie et la durée de cette phase de rétraction sont encore difficiles à évaluer. Il semble cependant qu’elle soit relativement tardive car les termini monétaires sont fréquemment constitués de monnaies de Claude II, Tétricus et Aurélien. L’abondance des imitations radiées incite à placer une grande partie des abandons dans les années 270 au plus tôt et peut-être même au début de l’époque tétrarchique. De nombreux habitats aristocratiques sont alors abandonnés, ainsi que, comme cela a pu être mentionné plus haut, la totalité des quartiers artisanaux du Haut‑Empire. On observe peut-être dès cette période une redistribution des activités artisanales dans l’ensemble de la ville antique. Les îlots monumentaux semblent bien moins touchés : la plupart sont encore fréquentés dans la première moitié du ive siècle. Les Panégyriques latins semblent bien illustrer cette évolution. L’orateur de 311 évoque une impression de dépopulation lorsqu’il évoque devant Constantin son

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Fig. 8.

Évolution du nombre d’îlots fréquentés à Autun entre le début du iiie siècle et les années 330 (indice 100 au début du iiie siècle).

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arrivée à Augustodunum : “Tu t’es demandé […] d’où provenait la multitude qui se pressait à ta rencontre [en arrivant à Autun] alors que de la montagne voisine tu n’avais vu que solitude.” (PL, VIII, 8, 1) Par ailleurs, les différents orateurs mentionnent à plusieurs reprises le mauvais état général de l’équipement urbain et de l’habitat à l’extrême fin du iiie siècle. La nécessité de restaurer les bâtiments publics et temples est évoquée deux fois en 297 et 298 (PL, IV, 20 et V, 4), celle de restaurer les aqueducs en 298 (PL, V, 4), celle de restaurer les thermes et bains sous le règne de Constance Chlore est évoquée en 311 (PL, VIII, 4, 2), celle de restaurer les demeures privées en 297 et 298 (PL, IV, 20 et V, 4). Dans les agglomérations secondaires ou vici du territoire éduen, ignorés des panégyristes, se dessine une évolution similaire. Si les cas d’abandons sont peu nombreux, on observe systématiquement dans la seconde moitié du iiie siècle une forte contraction de l’occupation, comme à Alesia / Alise-Sainte-Reine (fig. 9), Avallon, Bourbon-Lancy, Nuits-Saint-Georges “Les Bolards”.

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Fig. 9.

Évolution de la topographie de l’agglomération secondaire d’Alesia / AliseSainte-Reine entre la première moitié du iiie siècle et la première moitié du ive siècle. (MK del.)

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Les réponses locales face aux crises Les réactions des Éduens et des élites locales en particulier s’observent aussi bien dans les Panégyriques latins que dans la documentation archéologique. Pour autant, il faut admettre que les textes littéraires, malgré les biais induits par le genre panégyrique (amplification, exagération, partialité), révèlent de manière explicite les motivations des individus et la variété des réponses dont ils usent pour répondre aux difficultés du moment. A contrario, les vestiges archéologiques, s’ils offrent des traces tangibles et incontestables de réactions, laissent difficilement entrevoir les fonctions des acteurs, les procédures engagées en amont ou encore l’enchaînement et la chronologie fine des événements.

L’enseignement des sources

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L’enseignement d’un dossier comme celui des Panégyriques latins IV, V, VII et VIII est de mettre en évidence deux étapes essentielles dans la politique de rétablissement de la civitas Aeduorum. Pour simplifier, la première visait à restaurer les monuments du chef-lieu de la cité, Augustodunum ; la seconde, tout aussi essentielle mais engagée dans un deuxième temps, consistait à remettre en ordre et à rendre sa prospérité au territoire rural de la communauté19. Dans le détail même, à partir de cette fenêtre réduite, trois phases se dégagent sur la période des années 295‑315 : la première peut être qualifiée de phase d’urgence, destinée à reconstruire ce qui était détruit à Autun et à fournir de la main-d’œuvre barbare aux campagnes dépeuplées (v. 296-297) ; la seconde consistait à concentrer les efforts financiers et humains pour le relèvement des maisons et des monuments du chef-lieu (297-début des années 300) ; la dernière enfin à s’assurer du bon rétablissement des campagnes du vaste ager de la cité (début des années 300-début des années 310). Dans les faits, cette politique de restauration soutenue par le pouvoir impérial, en raison des différents acteurs qui interviennent dans le fonctionnement quotidien de la cité (les empereurs et leurs représentants), pose la question de la préservation de l’autonomie (libertas) des Éduens à cette date. Et plus encore, soulève le problème des capacités réelles de la cité, humaines, matérielles et financières, pour assurer ce relèvement tout en continuant de verser les impôts au Fiscus impérial20. 19. A. Hostein,

La cité et l’empereur […], op. cit., p. 275-281. la libertas et l’autonomie des cités d’Occident : F. Jacques, Le privilège de liberté. Politique impériale et autonomie municipale dans les cités de l’Occident romain (161‑244) (CÉFR, 76), Rome, 1984, p. 789-803 ; C. Lepelley, “Thugga au iiie siècle : la défense de la liberté”, dans M. Khanoussi et L. Maurin (dir.), Dougga (Thugga). Études épigraphiques, Paris, 1997, p. 105‑114 (repris dans Aspects de l’Afrique romaine. Les cités, la vie rurale, le christianisme, Bari, 2001, p. 69‑81) et M. Christol, “De la liberté recouvrée d’Uchi Maius à la liberté de Dougga”, RPh., 78‑1, 2004, p. 13‑42. Sur la question essentielle des ressources fiscales des communautés civiques : Il capitolo delle entrate nelle finanze municipali in Occidente ed in Oriente : actes de la X e rencontre franco‑italienne sur l’épigraphie du monde romain, Rome, 27‑29 mai 1996 (CÉFR, 256), Rome, 1999. 20. Sur

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À côté des témoignages littéraires, l’attention récente portée aux niveaux tardifs d’Autun souligne avec éclat l’importance des restaurations des demeures privées et des monuments publics à l’orée du ive siècle. Certes, des signes d’une rétractation urbaine se font sentir dans plusieurs vastes secteurs, et les îlots artisanaux semblent disparaître du tissu urbain comme signalé supra. Néanmoins, la situation apparaît fort éloignée de l’image habituelle des villes en crise, telle qu’elle s’est imposée dans la tradition historiographique. Ainsi, contrairement à l’avis émis par Alain Rebourg, la restauration d’Autun est loin d’être un mythe21. En témoigne la réfection totale du cardo maximus, au moyen d’un puissant dallage de granit, conçu comme une vaste platea bordée de portiques, et qui semble avoir été entièrement élaboré d’un seul jet, autour des années 30022. Le long de cet axe structurant, bordé d’ensembles monumentaux sur une bonne partie de son tracé, se concentrent de nombreux chantiers de restaurations ponctuelles de bâtiment antérieurs, publics (découverte de placages des années 300 sur le site de la maison de retraite) ou privés (vastes domus restructurées et somptueusement pavées d’opus sectile dans les îlots contigus)23. Plus encore, un diagnostic archéologique mené récemment boulevard Latouche à Autun, en cours de publication, apporte la preuve d’un chantier de premier ordre, engagé entre la fin du iiie et le début du ive siècle. Il consiste en une restauration depuis les fondements d’un monument public, composé d’un bâtiment le long du cardo maximus, qui s’ouvre sur deux cours à portiques successives et dont la surface interne s’inscrit pour chacune dans un rectangle de 50 m sur 20 m environ24. Certes ces vestiges monumentaux ne disent rien, directement, des acteurs, des procédures et des intentions qui ont présidé à leurs réalisations. Il faut cependant reconnaître, à travers la taille des constructions, le choix des matériaux adoptés, l’emplacement des espaces concernés que ces chantiers s’intégraient dans un cadre cohérent, impliquant aussi bien des individus fortunés que les autorités municipales, voire même, impériales comme on le sait pour d’autres dossiers comparables. C’est ici qu’interviennent – en relayant et complétant la documentation archéologique en quelque sorte – les témoignages des panégyristes éduens, membres du 21. A. Rebourg,

“L’urbanisme d’Augustodunum (Autun, Saône‑et‑Loire)”, Gallia, 55, 1998, p. 141‑236, en particulier p. 220, pour la formulation de cette idée d’un mythe, combattue par M. Kasprzyk, Les cités des Éduens et de Châlon […], op. cit., I-A, p. 160. 22. Sur la réfection du cardo maximus : Y. Labaune et M. Kasprzyk, “Les rues d’Augustodunum (Autun, S.-et-L.) du ier au ive s. : un bilan”, dans P. Ballet, N. Dieudonné-Glad et C. Saliou (dir.), La rue dans l’Antiquité. Définition, aménagement, devenir. Actes du colloque de Poitiers (7-9 septembre 2006), Rennes, 2008, p. 259-273. 23. M. Kasprzyk, “Les mesures de Constantin en faveur de la cité des éduens (Panégyriques latins, VIII (5)) : réponse à une crise locale ou mesure politique ?”, dans L. Guichard et A. Gutsfeld (éds.), Constantin et la Gaule. Autour de la vision de Grand. Actes du colloque de Grand / Domrémy, 6-7 octobre 2010, Paris - Nancy, à paraître en 2013. 24. Informations Y. Labaune (archéologue municipal, ville d’Autun), que nous remercions. À paraître dans Gallia 2012 (voir supra, n. 6).

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cercle étroit des notables qui ont été témoins et assurément acteurs de ces transformations urbaines et rurales. Chacun à leur manière, dans la situation d’énonciation qui leur est propre, ils offrent un aperçu certes incomplet, mais très suggestif des réponses apportées pour restaurer leur patrie. L’intérêt de ces témoignages est de livrer des éclairages sur l’identité sociale et les fonctions des acteurs de la restauratio. Ils fournissent des indications non seulement sur les réponses individuelles et locales, mais aussi celles sollicitées en haut lieu, apud sacras aures, “auprès des oreilles sacrées ” pour reprendre une expression d’Eumène.

Les réactions des notables locaux

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Du point de vue sociologique, ces élites sont les primores civitatis, les principales, c’est-à-dire les décurions dont le cens est le plus élevé dans la curie, en d’autres termes, la frange supérieure de l’élite locale25. Grâce aux témoignages des panégyristes et d’Ausone, il est possible d’en établir une liste comprenant 20 individus, souvent anonymes. Ces notables éduens, dont on soupçonne l’aisance matérielle et l’influence politique et sociale, exercent une influence importante non seulement dans leur cité mais au-delà également, dans l’ensemble de la Gaule et de l’Occident romain. Plusieurs sont membres de la chancellerie impériale ; d’autres gouverneurs ou fonctionnaires équestres. Le recueil des Panégyriques latins reflète en conséquence le point de vue de ce petit groupe privilégié, qui a pu souffrir à divers titres des crises intervenues durant le iiie siècle, mais dont les ressources matérielles et sociales demeuraient assez solides pour traverser la tempête sans subir de déclassement social. A contrario, Eumène révèle en creux, dans son discours (PL, V, 4, 3), que les strates inférieures de l’ordo decurionum étaient dépeuplées, obligeant les empereurs à opérer des transferts depuis les communautés voisines pour remédier à ce grave problème. Pour leur cité, ces notables apportent, à titre personnel, des solutions tout à fait traditionnelles, individuelles et collectives, aux difficultés du moment. Outre les honores reçus officiellement par décret, dont il n’est pas question explicitement dans leurs témoignages, ils prennent en charge des munera obligatoires ou accomplis à titre gracieux, sponte précise l’anonyme de 311 (PL, VIII, 1, 2). Ils assument d’abord la lourde charge de legatus civitatis, de représentant de la cité, sur place à Autun ou en qualité d’ambassadeur auprès du prince. Il leur revient alors d’intercéder, par leurs discours, en faveur de leurs concitoyens et des intérêts locaux. Ils assument aussi la fonction, très sensible, de collecteurs des impôts locaux, s’exposant à de graves risques pour leurs finances personnelles en raison de l’hypothèque qui pèse sur leurs biens destinée à couvrir d’éventuelles défaillances 25. Les

observations de ce paragraphe se fondent sur un appendice consacré aux élites éduennes des années 280320, publié dans A. Hostein, La cité et l’empereur […], op. cit., p. 441-468.

Une communauté civique face à la crise : la civitas Aeduorum dans la seconde moitié du iiie siècle apr. J.-C.

des contribuables26. Certains revêtent des charges lourdes, comportant les mêmes risques, dans le cadre de la reconstruction des monuments urbains, à l’image de Glaucus, pressenti pour être curator operum dans le cadre de la restauration des scholae Maenianae (PL, V, 17, 4)27. Enfin, ces élites locales ont recours à l’évergétisme, ressort traditionnel dans ce genre de situation (Eumène pour les scholae ; peut-être aussi des legationes gratuitae auprès des princes à Trèves)28. L’énumération souligne le caractère traditionnel des réponses adoptées. Dans le système oligarchique qui caractérisait le fonctionnement des cités, il revenait à ces notables, par obligation sociale et éthique, de prendre en charge le destin de leur communauté en échange de l’adhésion et de la soumission de leurs concitoyens. Si rien n’apparaît des liens de patronage unissant puissants et humiliores dans les discours, ils se laissent deviner à travers l’inquiétude exprimée par l’orateur de 311 à l’égard du phénomène des agri deserti (PL, VIII, 16, 3), lourd de conséquences sur la prospérité locale et sur le bon prélèvement des impôts29.

Les interventions du pouvoir impérial Ces notables influents au niveau provincial, jouant leur rôle traditionnel de médiateurs et d’intercesseurs, cherchent aussi des solutions aux crises traversées par leur cité auprès des autorités impériales. Or, précisément, c’est cette partie du témoignage des panégyristes éduens qui semble la plus difficile à décoder et à interpréter, malgré les indications nombreuses relevées dans leurs discours. Pour l’essentiel, aussi bien dans le discours d’Eumène (PL, V) que dans ceux des anonymes de 297, 310 et 311 (PL, IV, VII et VIII)), ressort des mots utilisés la nécessité d’une intervention vigoureuse du pouvoir impérial, destinée à rétablir les deux composantes essentielles de la cité, à savoir son caput civitatis et son ager. Les discours prennent très clairement la forme de requêtes argumentées (preces, postulationes), destinées à précipiter, à l’échelon local, le mouvement de restauratio engagé en haut lieu30. Cette politique destinée à rectifier les dégâts causés par les crises successives s’opère ainsi dans différents domaines, dont certains demeurent du ressort exclusif 26. Ibid.,

p. 272-274. p. 247-250. 28. Sur l’évergétisme d’Eumène, voir la récente mise au point de A. Hostein “Un acte d’évergétisme à Augustodunum‑Autun (Lyonnaise), à la fin du iiie siècle”, dans C. Berrendonner, M. Cébeillac‑Gervasoni et L. Lamoine (éds.), La praxis municipale dans l’Occident romain, Clermont‑Ferrand, 2010, p. 341‑355. 29. Sur ce phénomène, lire P. Jailllette, “Les dispositions du Code Théodosien sur les terres abandonnées”, dans J.‑L. Fiches (éd.), Le iii e siècle en Gaule Narbonnaise. Données régionales sur la crise de l’Empire. Actes de la table‑ronde du GDR 954, Aix‑en‑Provence, La Baume, 15‑16 septembre 1995, Antibes, 1996, p. 332‑404. 30. Cet idéal de restauratio demeure très présent dans ces discours d’apparat. Les orateurs relaient les thèmes définis par le pouvoir, tout en les réorientant pour les utiliser dans la défense de leurs intérêts propres : M. J. Rodríguez Gervás, “La propaganda de la restauratio civitatum en los panegíricos latinos tardoimperiales”, dans Il congresso peninsular de história antiga: Coimbra, 18 a 20 de outubro de 1990: actas, Coimbra, 1993, p. 165‑175 et A. Hostein, La cité et l’empereur […], op. cit., p. 305-306. 27. Ibid.,

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des princes. Dans cette affaire, l’enjeu essentiel est d’éviter à tout prix la banqueroute de la communauté des Éduens. L’intervention volontariste du pouvoir impérial dans la vie et les institutions de la cité s’est opérée dans quatre domaines en particulier31 : 1. dans le repeuplement de la cité par des cultivateurs barbares, par des hommes libres et par de nouveaux décurions transférés depuis les ordines des cités voisines (PL, IV, 1, 4 ; 9, 1-3 et 21, 1-2 ; V, 4, 2 et VIII, 4, 4) ; 2. dans le relèvement des monuments et infrastructures urbaines d’AutunAugustodunum : ornamenta civitatis ; infrastructures viaires et hydrauliques ; domus (PL, V, 4, 1-2 et VIII, 4, 4) ; 3. dans l’envoi de spécialistes des travaux publics, soldats du génie détachés et individus originaires de la Britannia voisine qualifiés d’artifices (PL, IV, 21, 1-2 et V, 4, 2) ; 4. dans l’attribution d’importantes sommes d’argent destinées au financement de cette politique de reconstruction. De prime abord, ce soutien apparaît direct ou indirect, selon qu’il s’agisse de sommes transférées depuis la caisse impériale ou de remises d’impôts (PL, IV, 21, 1-2 et V, 4, 1 et VIII, 4, 4). Or précisément, ce dernier point se révèle particulièrement épineux et difficile à décrypter dans les discours, tant sa présentation par les orateurs semble orientée. Il est permis en particulier de douter de la pertinence de cette politique d’aide financière. Et même de s’interroger sur son rôle direct ou indirect non point dans la résolution des difficultés, mais plutôt, de manière paradoxale, dans leur origine. Sur ces questions financières, il convient au préalable de distinguer deux niveaux. D’une part, ce qui relève de l’aide apportée au titre des difficultés structurelles partagées par les cités des Trois Gaules et des Germanies (désordres et guerres des années 250-290), d’autre part ce qui relève d’une aide apportée au titre des difficultés locales, plus ou moins prononcées (état du chef-lieu de la cité, des campagnes). La question que soulève l’aide financière des empereurs porte enfin sur l’origine réelle des fonds octroyés. Une lecture attentive des mots latins employés par les panégyristes permet d’établir, contrairement à la distinction établie supra (soutien direct ou indirect), qu’à aucun moment, les autorités impériales n’ont envoyé sur place, depuis un centre de regroupement des produits prélevés par le Fiscus, de la monnaie sonnante et trébuchante pour renflouer les caisses locales. Or, la procédure demeurait la seule véritablement équitable, puisque reposant sur un principe de solidarité et de compensation financière entre les communautés civiques des Gaules et Germanies. La réalité semble avoir été tout autre, comme le soulignent les orateurs eux-mêmes à travers les expressions qu’ils utilisent. Qu’il s’agisse du discours d’Eumène ou de celui de l’anonyme de 311, deux témoignages clés pour traiter du dossier, quand les traducteurs précisent que les 31. Cette

politique est analysée en détail dans : A. Hostein, La cité et l’empereur […], op. cit., p. 146-173.

Une communauté civique face à la crise : la civitas Aeduorum dans la seconde moitié du iiie siècle apr. J.-C.

empereurs donnent des sommes d’argent, le verbe employé se révèle être en réalité indulgere (PL V, 4, 2-3 – [les empereurs] indulgent) ; ailleurs, le terme utilisé est celui d’indulgentia. Ce qui signifie que les sommes engagées sont des indulgentiae 32, c’est-à-dire des réattributions locales des ressources dues en temps normal au Fiscus impérial33. Certes, à travers la procédure, l’État impérial économise des frais de transferts de fonds en autorisant la réutilisation, sur place, de sommes qui n’auraient pas été versées en temps normal à la caisse municipale. L’empereur tire également de l’acte qui en découle un grand profit personnel en terme de légitimation de son pouvoir, puisqu’il se présente ainsi sous son meilleur jour, comme un bienfaiteur magnanime. Mais dans le cas particulier d’une cité confrontée à des difficultés financières et à d’importants chantiers de construction, se pose la double question du maintien de la pression fiscale exercée sur les contribuables et du montant des prélèvements réels, sur le territoire rural (ager), principal pourvoyeur de ressources. Or, qu’observe-t-on en 311 dans le Panégyrique latin VIII (5), prononcé quatorze années après celui d’Eumène, contemporain des grands chantiers urbains ? Et bien qu’à cette date, la crise frappe durement les campagnes. Selon l’auteur, l’origine du problème viendrait d’une décision contestable émanant d’un mauvais prince, Galère, responsable d’une révision du census, qualifié d’acerbus, à l’origine de la hausse des prélèvements. Si l’on suit le raisonnement, les Éduens souffraient du fardeau d’un impôt trop lourd, dont la tarification demeurait supérieure à leurs capacités productives. Et pourtant, comme le reconnait l’orateur (PL, 32. La

notion d’indulgentia, dont le sens équivoque signifie autant la vertu que la procédure fiscale visant à rétablir une situation de crise, est définie dans les travaux suivants : H. Cotton, “The concept of indulgentia under Trajan”, Chiron, 14, 1984, p. 245‑266 ; C. Munier, “Indulgentia”, RLAC, 18, 1998, p. 56‑86 ; J. Gaudemet, “Indulgentia principis”, Conferenze romanistiche (Milan), 2, 1967, p. 3‑45 (repris dans Études de droit romain, 2, Naples, 1979, p. 237‑279) ; J.‑M. Carrié, “La munificence du prince. Les modes tardifs de désignation des actes impériaux et leurs antécédents”, dans M. Christol, S. Demougin, Y. Duval, C. Lepelley et L. Pietri (éds.), Institutions, société et vie politique au iv e siècle apr. J.‑C. Actes de la table ronde autour de l’œuvre d’André Chastagnol (Paris, 20‑21 janvier 1989)(CÉFR, 159), Rome, 1992, p. 411‑430 ; M. Corbier, “Indulgentia principis: continuità e discontinuità del vocabolario del dono”, dans F. Elia (éd.), Politicia, retorica e simbolismo del primato : Roma e Costantinopoli (secoli iv‑vii).Omaggio a Rosario Soraci. Atti del Convegno Internazionale di Catania (4‑7 ottobre 2001), Catane, 2004, p. 259‑277. Voir en dernier lieu la synthèse de L. Pietanza, Indulgentia. Virtù e strummento amministrativo del Princeps, Bari, 2010. 33. La question des mécanismes financiers, du versement des impôts à l’État sous cette forme est abordée par M. Corbier, “Fiscalité et dépenses locales”, dans P. Leveau (éd.), L’origine des richesses dépensées dans la ville antique : sur l’interprétation économique et sociale des données archéologiques, épigraphiques et littéraires en histoire ancienne : actes du colloque organisé à Aix-en-Provence les 11 et 12 mai 1984, Aix‑en‑Provence, 1985, p. 219‑232. Mireille Corbier aborde des questions connexes dans “Cité, territoire et fiscalité”, dans M. L. Caldelli, G. L. Gregori et S. Orlandi (éds.), Epigrafia 2006. Atti della XIV e rencontre sur l’épigraphie in onore di Silvio Panciera con altri contributi di colleghi, allievi e collaboratori (Tituli, 8), Rome, 2008, p. 629‑665. Lire aussi C. Lepelley, Les cités de l’Afrique romaine au Bas‑Empire (CÉAug. Série Antiquité, 80‑81), 2 vol., Paris, 1979‑1981 (t. 2, p. 243, n. 14, p. 320 et p. 391). L’auteur a relevé des textes de lois qui évoquent des indulgentiae consistant en une “attribution locale des ressources fiscales”. On trouvera à ce sujet d’autres références dans Id., “La crise de l’Afrique romaine au début du ve siècle d’après les lettres nouvellement découvertes de saint Augustin”, CRAI, 1981, p. 455, n. 55 (repris dans Aspects de l’Afrique romaine. op. cit., p. 367, n. 54) surtout, où sont recensés les articles du Code Théodosien extraits du De indulgentiis debitorum relatifs à l’Afrique et qui datent du début du ve siècle. Voir enfin Id., “Témoignages épigraphiques sur le contrôle des finances municipales par les gouverneurs à partir du règne de Dioclétien”, dans Il capitolo delle entrate nelle finanze municipali […], op. cit., p. 235‑247, en particulier p. 245‑247.

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VIII, 5, 6), ces capacités avaient été évaluées par les autorités à leur juste valeur. Comment dès lors résoudre ces contradictions ?

Des réponses adaptées aux problèmes du moment ? En s’efforçant de lier les différentes pièces du dossier, il est permis d’établir un scénario différent de celui proposé par les orateurs dans leurs discours34. Un passage de l’œuvre d’Ammien Marcellin (XVI, 5, 15), consacré au gouvernement de Julien César en Gaule (vers 355), peut servir de point d’ancrage à la réflexion. Dans cet extrait, l’historien révèle, à travers le portrait de bon gouvernant qu’il brosse de Julien, les abus des décurions dans le cadre du prélèvement des impôts, une fois les dettes effacées par bienfait impérial35. L’extrait est particulièrement éclairant pour notre propos : Enfin, nous savons que, jusqu’à la fin de son règne et de sa vie, il observa la règle profitable de ne jamais remettre les arriérés d’impôts par le moyen de ce qu’on appelle les “indulgences” (ne per indulgentias, quas appellant, tributariae rei concederet reliqua). Il savait en effet, qu’en agissant ainsi il ne ferait qu’améliorer la condition des riches (locupletibus), car c’est un fait universellement établi que les pauvres sont forcés de payer tous leurs impôts, sans aucun allègement, dès le début de l’indiction (cum constet ubique pauperes inter ipsa indictorum exordia solvere universa sine laxamento compelli).

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Cette situation rapportée à celle des Éduens quatre décennies plus tôt met au jour les contradictions flagrantes dans les propos tenus par les panégyristes. Certes, la crise de la ciuitas Aeduorum intervenue vers 295-310 semble réelle, dans la mesure où elle résulte de problèmes structurels, hérités des années noires de la “grande crise du iiie siècle”, entre 260 et 285. Mais il ressort bien du témoignage de l’anonyme de 310 que dans cette affaire de remise fiscale, intervenue au terme du processus de relèvement de la cité, les intérêts défendus, contrairement à ce qu’affirme l’orateur, semblent moins ceux de tous les habitants, paysans pauvres inclus, que ceux des élites, des primores civitatis36. Car à court terme, les indulgentiae accordées par 34. Voir

nos analyses détaillées sur le sujet dans La cité et l’empereur […], op. cit., p. 270-275. d’après l’édition et traduction établie par J. Fontaine et É. Galletier dans la CUF. Voir aussi dans cette même édition les notes 299 et 300, où sont citées plusieurs lois relatives à ces questions : C.Th., XI, 12, 2 ; XI, 28, 11 ; V, 12, 3. On attirera ici l’attention sur le contexte évoqué par Ammien : le passage correspond en effet à une longue digression où l’auteur dresse le portrait idéal du princeps civilis. Le procédé est subtil : en relatant des faits, l’historien énumère en réalité des res gestae, transformant progressivement, par glissements successifs et sans que le lecteur n’en prenne immédiatement conscience, son écriture d’historien en un panégyrique ou mieux, un miroir du prince. 36. Sur la question, voir la référence donnée supra, n. 29. 35. Cité

Une communauté civique face à la crise : la civitas Aeduorum dans la seconde moitié du iiie siècle apr. J.-C.

Constantin (remise de l’arriéré des cinq années passées associée à une remise perpétuelle du cinquième de la somme due annuellement au Fiscus) visent avant tout à éviter la ruine des percepteurs, responsables de la levée sur leur patrimoine. Or ces percepteurs sont issus du même milieu que celui des panégyristes. De fait, une fois levée cette hypothèque, ces derniers sortent doublement gagnants de la procédure, dans la mesure où ils ont pu lever au début du cycle des impôts chez les contribuables les plus faibles comme le dénonce Ammien Marcellin. L’argent en question a pu être placé pour en tirer des intérêts. La mesure impériale ne garantit pas non plus le remboursement immédiat des sommes aux individus qui ont déjà versé leurs impôts. De surcroît, une lecture attentive du texte souligne les contrastes dans la crise des campagnes éduennes : le paysage de désolation qui caractérise le pagus Arebrignus près de Beaune semble refléter des mutations profondes (PL, VIII, 6, 4-8). Mais précisément, cette crise épargne une partie de l’activité agricole la plus rentable, placée au cœur des intérêts des riches propriétaires, à savoir la viticulture. Et à l’échelle de la Gaule centrale et orientale, l’orateur lui-même reconnaît qu’en 310, les campagnes de plusieurs cités voisines – Rèmes, Nerviens, Tricasses – demeurent prospères (PL, VIII, 6, 1). À moyen terme, si l’on observe l’attitude des empereurs dans cette affaire, les procédures de financement par indulgentiae leur ont permis de se présenter sous un jour favorable bien qu’en réalité, la politique conduite ne faisait que différer des problèmes structurels de rétablissement de l’ensemble de la cité, en faisant porter l’effort de restauration urbaine sur l’économie des campagnes. Quand on mesure l’ampleur des travaux effectués à Autun, révélés par les fouilles passées ou récentes de l’ancien hôpital, de la maison de retraite ou du boulevard Latouche, il faut admettre l’importance des sommes allouées pour financer ces entreprises de reconstruction. À elle seule la réfection du cardo maximus, large de 8 m et long de 1 570 m, entièrement dallé autour des années 300, a dû impliquer un effort financier majeur. En ce sens, il faut reconsidérer à la hausse l’importance de la somme de 600 000 sesterces offerte à titre d’évergète par Eumène pour la reconstruction des scholae Maenianae. Les sesterces ou nummi affectés correspondent à une indication chiffrée en monnaie de compte, qui ne préjuge en rien d’un coût bas des travaux, payés en monnaie de bronze dévaluée37. La restauration d’Autun vers 300 ne fut définitivement pas un mythe.

37. A. Hostein,

La cité et l’empereur […], op. cit., p. 214-216.

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Antony Hostein et Michel Kasprzyk

Conclusions générales

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La ciuitas Aeduorum constitue bel et bien un point d’observation privilégié pour observer les symptômes de la “crise du iiie siècle”. Sur son territoire, elle se matérialise sous différentes formes : diminution du nombre d’exploitations agricoles, rétraction urbaine et crise artisanale, crise sociale et fiscale, des symptômes somme toute communs, avec des nuances de détail, à de nombreuses cités de l’Est de la Gaule, voire du nord-ouest de l’Occident romain38. Néanmoins, l’intérêt du dossier est de permettre de croiser sources archéologiques et historiques, qui souvent s’étayent : les unes permettant d’écarter l’hypothèse de textes trop orientés ou catastrophistes, les autres de comprendre le contexte, l’ampleur exacte et les conséquences des évolutions perceptibles dans les realia. En ce qui concerne les réponses apportées face aux crises, la documentation littéraire joue un rôle essentiel. L’archéologie confirme néanmoins la réalité des chantiers de restauration autunois et semble montrer que les différentes mesures des Tétrarques et de Constantin n’ont guère eu d’influence sur l’évolution des campagnes dans la seconde moitié du iiie siècle : elle semble irréversible au ive siècle, même si l’on peut envisager une stabilisation du réseau de peuplement. Enfin, sur les transformations intervenues dans la société éduenne, les sources rassemblées ne laissent entrevoir que la réalité – et les intérêts – des élites locales, de la frange supérieure de l’ordo decurionum, à savoir les primores civitatis. Ces derniers sont considérés à la fois en tant qu’acteurs principaux des mesures mises en œuvre, mais aussi comme groupe ou “classe” qui semble le mieux avoir traversé la crise. En témoignent la meilleure perduration des grands établissements agricoles de type villa comparée aux petites fermes, ou encore l’existence de chantiers privés au début du ive siècle à Autun, exclusivement dans des demeures aristocratiques. Si l’étude confirme des permanences à côté de profondes transformations des cadres urbains et ruraux, il faut admettre que d’un point de vue social, cette continuité fut particulièrement douloureuse39, et ne se fit qu’au profit des notables les plus puissants.

38. Pour les capitales de cités, lire en dernier lieu : R. Schatzmann et S. Martin-Kilcher (éds.), L’Empire romain en

mutation. Répercussions sur les villes dans la deuxième moitié du iii e siècle, Montagnac, 2011. Pour les campagnes : P. Van Ossel et P. Ouzoulias, “Rural settlement economy in Northern Gaul in the Late Empire: an overview and assessment”, Journal of Roman Archaeology, 13, 2000, p. 133-160. 39. Sur ce point précis : A. Hostein, La cité et l’empereur […], op. cit., p. 431, 437 et 461-468.

Synthèse –

Chronique des travaux et discussions QUATRIÈME PARTIE

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Conclusions François Chausson

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ission accomplie – au terme de trois jours de travaux aussi assidus qu’agréables, est née la matière d’un volume qui, grâce à l’industrie de ses promoteurs, devient le troisième d’une série de référence, sur le Quotidien municipal. Ce volume est riche, tant ses contributeurs ont activement mené leur recherche, rassemblé des documents pertinents parfois méconnus, et poussé plus avant des interprétations nouvelles. On va en suivre ici les principaux linéaments. La conclusion reprend le déroulement des travaux accomplis lors des journées de colloque, selon l’ordre dans lequel les communications furent présentées. La redistribution ultérieure, pour l’édition des actes, apporte des remaniements significatifs, mais la conclusion reste fidèle à l’esprit même du colloque et des débats qui s’y déroulèrent. Les études de Bernard Rémy et de Patrick Le Roux, placées comme deux piliers à l’entrée du volume (et de la première section intitulée “Gérer les territoires”), rappellent bon nombre de choses utiles et définissent ainsi le champ des investigations. Bernard Rémy a brossé l’inventaire des indices dont disposent historiens, archéologues, topographes et épigraphistes pour tenter de retracer les frontières des cités – en appelant constamment à la prudence. C’est également sous le signe de cette dernière vertu qu’étaient placés les nombreux et riches rappels de Patrick Le Roux qui a bien insisté sur les pièges tendus par nos terminologies modernes s’appliquant à des réalités et à des fonctionnements antiques. Après ces deux études, générales et inaugurales, se succèdent des approches monographiques, se déployant dans le temps et dans l’espace. En bonnes voisines,

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Audrey Bertrand et Carlotta Franceschelli ont exploré, en se fondant sur des synthèses archéologiques récentes et sur des prospections en cours, les implications, dans l’histoire du territoire, des prises de possession par les Romains des zones padanes et médioadriatiques. Le paysage, dans ses enjeux les plus liés à sa morphologie, sous-tendait aussi la mise en perspective de la Table de Veleia menée par Pier Luigi Dall’Aglio et Giuseppe Marchetti. Entre Flaviens et Antonins, Marcella Chelotti a livré de nouvelles interprétations sur ce qu’apporte un document épigraphique de Luceria, à propos d’arbitrages de confins de propriétés privées pouvant toucher des terres municipales, des voies ou d’autres propriétés. À travers les exemples des réseaux routiers arvernes et vellaves, Marion Dacko a dégagé d’importantes questions sur les liens entre les différents types de voies, publiques, vicinales ou privées, et les territoires des cités. Claire Mitton, en déplaçant une partie de l’enquête aussi sur le territoire lémovice, a montré la particularité des attestations religieuses dans les territoires de l’Aquitaine du nord-est à travers un inventaire remis en contexte. La richesse épigraphique du Péloponnèse méridional a permis à Athanase D. Rizakis de dresser tout un panorama, sur plusieurs siècles, des relations entretenues par Sparte avec ses voisins et a mis en relief l’incidence des vicissitudes intérieures et extérieures rencontrées par cette cité sur ses frontières et sur ses possessions. Enfin, cette section sur le patrimoine s’est achevée sur le témoignage direct d’un propriétaire, Pline le Jeune, qui nous a parlé par la bouche d’Antonio Sartori. Certes, Alfredo Buonopane est alors intervenu pour demander quelle pouvait être la part de topos dans les propos de Pline en raison à la fois des conventions du genre épistolaire et des pratiques sociales, mais on ajoutera que le recours à la stylisation n’induit pas nécessairement une déperdition du propos : un propriétaire peut tenir à ses correspondants des propos de propriétaire qui nous instruisent par ce qu’ils apprennent sur l’histoire vécue des patrimoines.

C’est précisément le patrimoine des cités qui fait l’objet du deuxième volet : instances municipales de contrôle et leurs méthodes ou techniques mises en lumière par Juan Francisco Rodríguez Neila à travers de riches exemples, plus particulièrement les lois municipales espagnoles ; enquête topographique, architecturale, épigraphique et financière menée par Clara Berrendonner autour de la notion d’aerarium ; démonstration, de la part de Jean Andreau, que les cités de l’empire possédaient de l’argent qu’elles prêtaient à intérêt ; plongée dans la vie financière des cités d’Italie, à travers les cas d’Arpinum et d’Atella développés par Elizabeth Deniaux (et on rêverait à une connaissance plus précise des liens de parenté pouvant sans doute unir dans l’étroite élite d’Arpinum Caesii, Fufidii et

Conclusions

Tullii Cicerones) ; aperçu éclairant, fourni par Federico Sant’Angelo, sur la politique ou parfois tout simplement l’activité d’un Sylla donneur de lois à l’égard des communautés italiennes ; décorticage, par Nicolas Tran, d’un monument nîmois qui livre d’importantes informations sur les aspects financiers des collèges de sévirs et sur le rôle au sein de la cité.

Le troisième volet a présenté divers aspects de crise, mot sur lequel on reviendra. On bouleversera l’ordre pour mentionner en premier lieu la contribution de Michel Christol portant sur la célébration, à la fois concrète et symbolique, de l’aequitas dans le contexte des marchés et des fora : Aequitas devient un garde-fou contre les désordres de la fraude et les tensions locales surgies dans les pratiques commerciales. Les crises, tensions, difficultés, déchirements liés à la mainmise de Rome sur de nouveaux territoires, les divisions et les choix des vaincus sont analysés successivement par trois contributions, celle de Pierre Cabanes sur la façade adriatique du monde grec septentrional, celle d’Enrique Garcia Riaza sur une mise en parallèle des conquêtes ibériques et gauloises et sur la typologie des situations créées par Rome, celle de Laurent Lamoine sur l’historiographie des préjugés relatifs au monde gaulois du temps de la conquête. La violence est également au cœur de l’analyse, très séquencée, menée par Mireille Cébeillac-Gervasoni, des vicissitudes rencontrées par les cités du centre et du sud de l’Italie (de l’Étrurie à la Campanie) dans les années allant de la Guerre Sociale à la veille de l’établissement du régime augustéen, montrant combien la vie des cités, avec ses palinodies, était le reflet du désordre qui agitait l’État romain (on peut aussi mener de telles analyses pour les années 68-69 et 193-197). L’approche régionale donne également de nombreux résultats. Marina Silvestrini présente un groupe de neuf nouvelles inscriptions provenant d’Heraclea, et montre, à travers ces dédicaces faites par des esclaves, la nouvelle répartition des activités et du peuplement, après la mise en sommeil de la cité. Partant d’une approche globale, Michel Aberson concentre ensuite son propos sur le théâtre d’Augst, donnant une illustration de la temporalité des chantiers et des lenteurs qui pouvaient les accompagner. Benoît Rossignol présente les interactions entre divers facteurs de crise, livrant un panorama du règne de Marc Aurèle, ultérieurement approfondi par l’étude régionale, en abyme, de Giovanella Cresci Marrone, de Franco Luciani et d’Antonio Pistellato, où apparaissent, en Vénétie, les difficultés multiples liées à cette crise militaire. Enrique Melchor livre une enquête sur un autre type de crise, celle du recrutement au sein des curies ou plutôt met en perspective la difficulté qu’il y a parfois à interpréter des recrutements atypiques.

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Maria Grazia Granino Cecere brosse le tableau du devenir de Préneste et d’autres grands sanctuaires du Latium tout au long du iiie siècle. Le cas de Luna, éclairé par Giovanni Mennella, montre, à travers des cas de remploi, comment des partis pris techniques témoignent des nécessités et politiques et pratiques rencontrées par une cité au fil de l’actualité politique dont les inscriptions sont la traduction (et on songera, en parallèle, au remploi, dans un temple du vieux forum de Lepcis Magna, de plusieurs inscriptions dédiées à Géta, ce qui témoigne d’un lieu de dépôt et de rebut où ces pierres avaient été mises hors de vue et accumulées, avant un ultérieur remploi). L’enquête de Silvia Maria Marengo, de Simona Antolini et de Fabiola Branchesi dresse un panorama complet, sur deux siècles, du langage épigraphique développé dans deux régions italiennes, avec la déclinaison des pratiques publiques (et parfois privées) selon tous les aspects de la vie de diverses cités en un temps d’évolution du message épigraphique. Blaise Pichon présente les actes d’évergésie dans les provinces du nord-ouest de l’empire du iiie au ive siècle (non sans des rappels remontant aux ier-iie siècles), en insistant sur la composition sociologique et politique du groupe des évergètes et sur la nature des opérations qu’ils réalisent ainsi que sur leur contexte. Antony Hostein et Michel Kasprzyk relisent les panégyriques relatifs à Autun en suivant une clef concrète urbaine et en faisant fructifier les données les plus récentes de l’archéologie, renouvelant la vision des liens entretenus par cette importante cité avec le pouvoir impérial. Quant à Giuseppe Camodeca, il nous a dressé un tableau complet de la vie institutionnelle et politique de Nola de la fondation de la colonie à Théodose.

Suscitées par cette masse de travaux, des questions jaillissent, qui reposent sur le vocabulaire. Qu’entendons-nous par “gérer” (question franchement posée par Audrey Bertrand) ? Ici, l’étude du quotidien permet de donner corps à ce verbe, de dresser l’inventaire de tout un ensemble de pratiques, de décisions, de choix, de compromis, d’arbitrages, de comptes et de décomptes qui, au final, peuvent livrer de parlantes illustrations de ce que les langues contemporaines pourraient recouvrir sous le terme de gestion. Nous devons continuer à nous méfier de termes trop modernes ou modernisants, comme le rappelle Patrick Le Roux, et il convient de toujours affiner le vocabulaire. À ce titre, restons prudents vis-à-vis de préjugés qui modèleraient une image aprioristique de la conception romaine de la gestion : parler de réalisme ou de pragmatisme revient à recourir à des expressions relevant d’écoles esthétiques ou philosophiques d’il y a cent-quarante à cent ans, et dire que les Romains sont réalistes ou pragmatiques revient à rester à la surface de leurs choix dans les mécanismes desquels il faut plutôt entrer résolument, sur le mode d’une analyse de détail.

Conclusions

De même, il est bien connu que le terme de crise est embarrassant. Les spécialistes du iiie siècle sont habitués à s’y débattre et parfois se sont résignés à s’en passer – du moins sous sa forme mise au singulier. Car le terme de crise unifie, de manière illusoire, des événements souvent bien disparates : épidémies, catastrophes climatiques ou géologiques, déclins économiques internes ou dus à des désastres militaires, simples tensions, rivalités, troubles variés, violences avec des gradations subtiles – on a affaire là à des réalités qui ne se laissent pas réduire au même moule. Chacune de ces difficultés doit d’abord être étudiée selon le temps et l’espace qui la voient émerger et se développer, afin qu’on tente d’établir des typologies, des ponts morphologiques entre différents lieux, différentes époques, différents contextes. “Crise” est une commodité de langage, mais il appartient à l’historien, là encore, d’affiner ses outils lexicaux et de les faire adhérer au plus près des réalités qu’il analyse, en les caractérisant chaque fois. Notre documentation est tantôt lacunaire, tantôt allusive, certes, mais le cas d’Autun, comme l’ont magistralement montré Antony Hostein et Michel Kasprzyk, révèle qu’on a besoin de définitions quasiment sur mesures pour décrire des contextes particuliers. Un monde de situations quotidiennes, de gestion entre routine et solutions exceptionnelles, de fonctionnement financier qui, en principe, ne laissait pas de place pour le hasard ou le bricolage, un monde aussi traversé de tensions et de difficultés : le panorama ainsi dégagé par les actes de ce colloque est riche, varié, permettant, avec les précautions d’usage, de disposer de clefs interprétatives pouvant être adaptées à d’autres documents, à d’autres lieux. C’est également une enquête menée sur la longue durée, et il faut saluer les choix des organisateurs qui, même si leur pente les mènerait de manière privilégiée vers les époques républicaine ou altoimpériale, n’ont pas hésité à faire pousser l’enquête jusqu’à l’Antiquité tardive avancée, ce qui est infiniment appréciable : l’histoire du monde romain va jusque-là, et quelques surprises existent au-delà. On attend de Josiane Barbier la publication de son mémoire inédit d’habilitation intitulé Gesta municipalia où elle enregistre, jusqu’au ixe siècle, çà et là dans la documentation surtout gauloise, des traces d’assemblées de notables dans les cités gauloises, émettant des décisions, des archives municipales, le rôle des notables dans la vie fiscale qui unit la cité et le royaume franc. L’aventure pourrait continuer.

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Chronique des travaux et discussions

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es trois co-organisateurs du colloque, Clara Berrendonner, Mireille Cébeillac-Gervasoni et Laurent Lamoine, ont rappelé dans l’introduction les différentes étapes de ce programme international et les enjeux de ces journées, avec une attention spéciale réservée à la problématique complexe posée par la notion de crise, dont l’usage reste un sujet de contestation, pour ne pas dire de polémique. Dans le contexte de cette rencontre, cette thématique a été traitée dans le cadre de la troisième partie de la rencontre avec une série de communications (p. 261-540) qui correspondent parfaitement à ce concept de crise, tel qu’il est désormais défini par la majorité des historiens (v. Prolégomènes p. 11-16 et les propos de Enrique García Riaza p. 387-401). Une réflexion postérieure au déroulement du colloque nous a amenés à proposer pour le volume des actes un plan différent de celui du colloque, afin de mieux rendre compte du déroulement des communications, de leurs interactions et des intenses discussions qui ont animé ces trois jounées de symposium, point d’orgue pour le groupe de chercheurs qui, ensemble, depuis de nombreuses années, collaborent dans le but d’une connaissance approfondie des ménanismes institutionnels et humains du fonctionnement municipal dans le monde romain. La chronique des discussions (p. 549-582) a donc été modulée sur le plan de la présente publication, mais en revanche le compte-rendu du déroulement des contributions, dressé par François Chausson (p. 543-547), en fin de colloque, respecte le planning initial de la rencontre. La division en trois parties, centrées sur certaines questions particulières du quotidien municipal, a répondu à l’ambition des trois organisateurs d’affronter des

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thématiques non encore abordées précédemment lors des journées d’étude, tables rondes et colloques du programme EMIRE ; les problèmes sélectionnés n’avaient d’ailleurs jamais à ce jour été traités de manière globale, ni par notre équipe, ni par d’autres chercheurs. Il s’agissait de comprendre comment s’est organisée dans les cités la gestion des territoires, des patrimoines et enfin des crises. En conséquence, ce volume n’est pas simplement un volume d’actes de colloque, car sous la forme réélaborée que nous proposons, grâce à la qualité des travaux qui y sont publiés et à une recomposition des contenus, il représente un apport fondamental pour toute une série de questions délicates et novatrices de la gestion municipale.

Gérer les territoires Sous la présidence d’Emmanuel Lyasse, dix communications, réparties entre deux sous-sections, ont été proposées sur le thème de la gestion des territoires, problématique pour laquelle l’archéologie reste fondamentale pour faire avancer nos connaissances sur toutes questions afférentes aux territoires des cités. 550

Communications Section 1. Les territoires civiques : éléments de définition –– Patrick Le Roux, “Cités et territoire, la question des relations” (p. 21-33) ; –– Bernard Rémy, “Critères de délimitation du territoire des cités gallo-romaines : les exemples de Vienne et de Die” (p. 35-46) ; –– Marion Dacko, “La gestion du réseau routier dans les cités arverne et vellave à l’époque romaine : approches archéologique et épigraphique)” (p. 47-56). –– Claire Mitton, “ Organisation et gestion des lieux de culte au sein des territoires arvetne et lémovice” (p. 57-67) ; –– Pier Luigi Dall’Aglio et Giuseppe Marchetti, “Le valli di Trebbia e di Nure nella Tabula Alimentaria veleiate: geomorfologia e uso del suolo” (p. 69-83).

Section 2. Stratégies de gestion des territoires et réactions aux interventions du pouvoir romain –– Audrey Bertrand, “Conquête, appropriation et gestion d’un territoire : le cas des colonies républicaines” (p. 87-102) ; –– Carlotta Franceschelli, “Les distributions viritanes de 173 av. J.-C. dans l’ager Ligustinus et Gallicus” (p. 103-114) ;

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–– Élisabeth Deniaux, “Les vectigales des cités et la Correspondance de Cicéron : recherches sur un aspect des ressources des cités d’Arpinum et d’Atella” (p. 115-126) ; –– Athanase D. Rizakis, “Controverses territoriales et stratégies impériales. Territoire et ressources économiques de Sparte sous l’Empire” (p. 127-146) ; –– Marcella Chelotti, “Controversia confinaria da Luceria” (p. 147-157).

Interventions Sur Patrick Le Roux • Federico Santangelo souhaiterait que P. Le Roux développe le point très intéressant sur l’organisation des matières dans la loi d’Urso et dans la loi flavienne. • Michel Christol demande s’il considère qu’il y a un lien entre droit latin et adtributio. P. Le Roux répond : ◊ à Bernard Rémy : “La limite est une notion administrative (juridiction) et la frontière est une notion moderne qui ajoute l’idée militaire, guerrière et de fermeture. L’empire romain se pense sine fine.” ◊ à Federico Santangelo : “L’idée est une possible hiérarchisation des domaines de la lex. Aujourd’hui, je renonce à cette présentation au profit d’une lecture empirique correspondant aux étapes mêmes de la mise en place d’une cité ayant les iura civitatis.” ◊ à Michel Christol : “Je pense qu’il n’y a pas de lien entre droit latin et adtributio, en tout cas, je ne vois pas ce qu’il serait sauf peut-être à penser que le droit latin, comme l’adtributio, serait un signe d’infériorité.”

Sur Bernard Rémy • Michel Christol souhaite des précisions sur une éventuelle distinction entre “limites” et “frontières”. • Jean Andreau remarque : “En refusant le mot ‘frontières’ et en acceptant le mot ‘limites’ pour l’empire romain, dans cette discussion, on mélange deux plans qu’il me semble nécessaire de distinguer. Le premier est en rapport avec le fait que l’empire romain est une organisation politique et administrative unifiée. L’emploi du mot ‘limites’ dans le cas des diverses cités de l’empire rend compte de cette réalité, et il est donc justifié. L’autre plan est

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en rapport avec les différences de ‘mentalités’ entre l’Antiquité et le monde moderne. Je ne pense pas qu’il faille totalement bannir le mot ‘frontières’ de l’histoire ancienne, parce qu’il serait inséparable de l’État-nation moderne. Quand une cité grecque indépendante ou une cité italique indépendante envahissait sa voisine, c’était un motif de guerre, et dans ce cas le mot ‘frontières’ s’impose. De même, d’ailleurs, pour les frontières extérieures de l’empire romain. Je ne pense pas que la différence entre ‘limites’ et ‘frontières’ soit une question de mentalités et ait un rapport avec le modernisme et le primitivisme. Elle exprime seulement la différence entre deux types de situations : celle des cités et des provinces d’un empire unifié ; celle des cités ou États indépendants.” • Federico Santangelo note : “En tant qu’Italien, je trouve le débat sur la distinction entre limite et frontière très intéressant, mais en tant qu’Italien qui travaille en Grande-Bretagne, je note que ce débat serait impensable dans l’historiographie anglo-saxonne où l’on parle sans problème de Frontier-Studies ou de Limes-Studies pour définir l’étude de certaines provinces et régions de l’empire et où un débat sur les Limits n’aurait pas de sens. En revanche, parler en Angleterre de romanisation est presque un tabou, alors qu’en France et en Italie, on en parle sans aucune difficulté.” • Christian Hérilier : “D’après la relecture des ‘limites’ de la cité des Arvernes par J.-P. Chambon (Paris IV), les toponymes ‘limites’ désignent les lieux possibles de passage (cf. l’écho par F. Trément et al. dans D. Martin [dir.], L’Identité de l’Auvergne (Auvergne – Bourbonnais – Velay), mythe ou réalité historique. Essai sur une histoire de l’Auvergne des origines à nos jours, Nonette, 2002, p. 182-189). Pierre-Yves Lambert (La langue gauloise, Paris, 1994, p. 11-12) nous enseigne que le gaulois s’étudie aussi dans les traces qu’il laisse dans les langues qui lui succèdent. Est-il possible, avec Pierre Gardette, s’interrogeant sur le cas de *ĂBELLĀNEA (NUX) ‘à l’époque où la Gaule apprenait à parler latin’, de retrouver le double aspect limite / passage dans la lexicographie occitane qui reflète cette époque. (FEW, 24, 14, …). La lecture de la carte 334 ‘une noisette’ de l’Atlas linguistique de l’Auvergne et du Limousin fait apparaître une isolexie NUX~*ĂBELLĀNEA qui divise d’une manière inattendue l’espace formé par le nord du protodomaine gallo-roman septentrional et le protodomaine franco-provençal (cf. la carte 479 de l’Atlas linguistique du Lyonnais). En lecture statique, cette isolexie NUX (d’où l’occitan limousin notz minoritaire et son dérivé roman nosilha majoritaire) –*ĂBELLĀNEA (d’où l’occitan auvergnat aulanha < *ĂB’LĀNEA notz fixait au niveau de la Creuse et de l’extrême nord-est corrézien une ‘frontière close’ à l’influence lugdunèse et (ii) NUX > notz (nosilha) rendait la ‘limite’ poreuse au niveau du plateau d’Eygurande (cf. LANLY (A.), Enquête linguistique sur le plateau d’Ussel, Paris, 1962, p. 119). Ceci pour la forme *ĂB’LĀNEA > aulanha au nord-est de l’actuel département ; on laisse de côté l’étude d’auglana, au sud-est, moins documentée. Il faudrait trouver au moins un autre exemple. Ce ne peut pas être celui du noisetier qui fait intervenir deux types supplémentaires issu, l’un, du latin CORYLUS (FEW 2, 2, 1241a) et, l’autre, du germanique WAHSJAN (FEW 17, 451a). L’intervention d’un auditeur peut n’être qu’une interrogation sur son propre travail.” Bernard Rémy répond : ◊ à Michel Christol : “Les frontières est un terme qui s’applique à des Étatsnations. Sous l’Empire romain, les cités ne sont pas des cités-États, mais des subdivisions de l’Empire.”

Sur Marion Dacko • Michel Christol demande : “Faut-il penser que l’évolution des relations entre le pouvoir impérial et les cités est faite de lignes brisées comme vous l’avez suggéré ?” • Alfredo Buonopane remarque : “Bisogna tener presente che se un miliario ricorda alcuni lavori di restauro questi lavori siano poi stati realmente effettuati.” • Blaise Pichon demande : “La variation des unités de mesure sur les milliaires et les leugaires est-elle chronologique ou dépend-elle des axes ? Quelle est la situation chez les Ségusiaves ?” Marion Dacko répond : ◊ à Michel Christol : “La documentation disponible chez les Arvernes et les Vellaves ne permet pas d’appréhender de telles relations.” ◊ à Alfredo Buonopane : “J’en prends note. La mention des travaux qui ont occasionné le bornage est peu fréquente dans les Trois Gaules. Les cinq bornes leugaires érigées dans la cité des Ségusiaves (province de Lyonnaise) sous Maximin en 236 ou 237 de notre ère, ne mentionnent pas de travaux. Sur le bornage ségusiave, la titulature est seule, suivie du nombre de lieues. La fin du formulaire est donc très différente du groupe des milliaires vellaves

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contemporain, qui indiquent les travaux de restauration. La plupart de ces bornes jalonnent pourtant la même voie antique, celle de Lyon à Bordeaux. Faut-il donc penser que seuls les milliaires vellaves correspondent à une réelle phase de réfection ?” ◊ à Blaise Pichon : “Dans la province d’Aquitaine, et plus largement dans les Trois Gaules et les Germanies, la variation des unités de mesure semble chronologique. L’emploi de la lieue ‘gauloise’ se généralise au cours du iie siècle apr. J.-C. Toutefois, on relève quelques exceptions, dont les milliaires de la cité des Vellaves. Chez les Ségusiaves, les inscriptions complètes des bornes mises au jour indiquent une numérotation en lieue. Les bornes érigées en l’honneur de Maximin, les plus nombreuses, sont toutes des leugaires. C’est également le cas chez les Bituriges Cubes.”

Sur Claire Mitton

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• Alfredo Buonopane souhaite savoir : “Quale puó essere l’interpretazione dell’iscrizione DEAE DIANA(e) AUGUSTORUM? Forse una dedica alla Dea Diana degli Augusti? Certo, non puó essere alla Dea Diana e agli Augusti.” • Michel Aberson signale à ce propos : “Il existe pour DEAE DIANA(e) AUGUSTORUM un parallèle à Genève : MERCURIO AUGUSTI N(ostri). DIANA semble assuré dans ce texte alors qu’on attendrait DIANAE ; comment l’expliquer ? Aussi doit-on transcrire DIANA(e) ou DIANA ?” • Antonio Sartori s’étonne du nombre des 48 sanctuaires mentionnés par Claire Mitton chez les Arvernes et compare la situation avec celle du Nord de l’Italie où ces structures connues ne sont pas de vrais sanctuaires. Il semble qu’ils sont trop nombreux et trop voisins les uns des autres pour correspondre à des structures complexes comme celles des vrais sanctuaires (bâtiments et services). Ce serait plutôt des témoignages individuels de culte, passim parsemés (autels dans la cour des villae ou des fermes, ou édicules aux carrefours), au moins si je me réfère à la connaissance de ‘mes’ régions transpadanes, mais peut-être y a-t-il d’autres témoignages archéologiques ou documentaires ?” • Bernard Clémençon précise : “L’absence de données épigraphiques ne nous permet pas de préciser le statut public ou privé de ces sanctuaires, pourtant déterminant pour comprendre la géographie religieuse de la cité. Cela d’autant plus, de mon point de vue, que le chiffre donné par Claire Mitton doit être revu à la hausse, ne serait-ce qu’avec les découvertes nouvelles que nous

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venons de faire cet été au Centre d’Études et de Recherches d’Archéologie Aérienne (CERAA).” • Jean Andreau demande à Bernard Clémençon ce qu’il entend avec “un sanctuaire privé” ? Bernard Clémençon répond : ◊ à Jean Andreau avec un exemple : “la fouille toute récente de Trémonteix en périphérie urbaine de Clermont-Ferrand : conduite par Ch. Chuniaud, la fouille a montré l’existence d’une vaste structure domaniale avec notamment des cuves à vin ; or ce domaine disposait de deux temples, dont un avec un bassin. Ch. Chuniaud propose d’y voir des temples privés du domaine, et son avis me semble fondé, même en dehors de l’absence de données épigraphiques.”

Sur Pier Luigi Dall’Aglio et Giuseppe Marchetti • Antonio Sartori souligne : “Forse la mia osservazione nasce da un fraintendimento o da un uso equivoci di alcuni termini impiegati. Ma mi sembra che si sia proposto che i fondi collocati nei fondivalle fossero più raramente compresi fra qulli assegnati e soggetti ai prestiti forzosi, perché i più fertili e quelli già meglio messi a frutto, e dunque, non bisognosi di interventi. In questi termini si potrebbe proporre anche una ragione più pedologica e catastale, nel fatto che i fondivalle sarebbero potuti essere le aree più soggette alle divagazioni alluvionali dei corsi d’acqua, intralciando la definizione catastale e soprattutto la sua conservazione immutata, passibile invece di successive correzioni: un po’ come le altre zone di alluvies, la cui sterilità tuttavia non poneva problemi. Se invece la difinizione del fondovalle comprende anche i primi terrazzamenti, fertili ma appena rilevati e dunque fuori dai caprici idrici, il problema risulta per ovvi motivi pedologici.”

Sur Audrey Bertrand • Michel Aberson propose une suggestion, c’est-à-dire utiliser les termes institutionnels de l’époque républicaine : colonies de citoyens romains (col. civ. Rom.) et colonies latines (col. latinae) et renoncer aux formules “droit latin” et “droit romain”, non pertinentes pour l’époque républicaine.

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Audrey Bertrand répond : ◊ à Michel Aberson : “Il est vrai qu’utiliser colonies de droit latin et colonies de droit romain dans une communication sur l’époque médio-républicaine est une commodité de langage. Cela dit, malgré une tendance historiographique récente qui a eu pour objectif de nier la réalité des deux types de colonies sous la République, il ne me semble pas que les sources permettent d’en faire l’économie.”

Sur Carlotta Franceschelli

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• Antonio Sartori ajoute ces remarques : “Nell’organico e molto esteso sistema centuriativo emiliano-romagnolo, alcune pur lievi variazioni di orientamento (ad esempio fra Parma e Reggio, discrimine il torrente Enza che è tutto un meandro) possono attribuirsi, più che a ragioni cronologiche (non tutto si compone in un tempo solo) e, dunque, in certo senso politiche, piuttosto a prevalenti ragioni pedologiche, e percio’ al deflusso naturale delle acque meteoriche. Perché la centuriazione, per quanto frutto di sapienti e perfetti calcoli geometrici teorici e non solo, deve quanto più possibile assecondare la situazione altimetrica del terreno, per evitare interventi ed opere troppo pesanti e, se contro nature, perfino inutili.” • Valentina Pistarino pose une question : “E’ da considerare un caso a sè l’episodio delle distribuzioni viritane del territorio dei Liguri Statielli nel Piemonte meridionale riferito a Tito Livio, rispetto alle distribuzioni del ager Ligustinus et Gallicus?” Carlotta Franceschelli répond : ◊ à Antonio Sartori : “Lei mi domanda se le differenze di orientamento tra blocchi centuriali debbano necessariamente avere cause di ordine cronologico. Secondo me, il nesso non è affatto automatico. Per esempio, nel territorio piacentino, si hanno blocchi con orientamento diverso attribuibili al medesimo periodo, dovuti a una diversa geografia fisica dei luoghi. Nel territorio in esame, peraltro, non si rilevano differenze di orientamento, ma soltanto sfalsamenti laterali di circa 1 actus che individuano 3 blocchi centuriali; per questi sfalsamenti non sembrano a mio avviso doversi addurre ragioni di ordine cronologico o politico, ma piuttosto tecnico-funzionale, forse legate alla presenza di più squadre di agrimensori all’opera simultaneamente.” ◊ à Valentina Pistarino : “Alla domanda se il settore interessato dalla ‘deportazione’ dei Ligures Statellates del Piemonte non possa essere compreso nell’area delle distribuzioni viritane del 173, rispondo che la questione è

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stata effettivamente posta in passato (cf. E. Zanda, supra, n. 4, p. 105) ma in seguito criticata da Gino Bandelli a più riprese (cf. supra, n. 5, p. 106), a mio avviso in modo convincente. Più elementi si oppongono a questa ipotesi: innanzitutto il fatto che questa zona del Piemonte meridionale era considerata dai Romani completamente ligure e non ‘mista’, ligure e celtica, e soprattutto il fatto che la decisione di requisire le terre ai Ligures, dopo la loro sconfitta del 173, è presa autonomamente dal console Popillius Laenas e tale decisione viene in seguito censurata dal senato, che impone la restituzione delle terre stesse (Liv., XLII, 8).” Pier Luigi Dall’Aglio à ce propos remarque : “Non vedo la necessità di pensare a delle assegnazioni su terre cosí lontane e per nulla legate tra loro. In ogni caso, il dato cronologico impedisce di pensare al Piemonte. Va puoi tenuto presente che in Emilia e Romagna abbiamo sia Celti che Liguri, in pîeno accordo con il testo liviano.”

Sur Élisabeth Deniaux • Michel Christol : “La communication met l’accent sur deux points : 1) l’affectation, non d’agri vectigales en soi, mais de leurs revenus (cas applicable aux Volques Arécomiques et aux Helviens favorisés par Pompée) 2) l’usage d’utiliser des fractions d’ager vectigalis pour établir des vétérans. Les colons de Béziers et d’Orange, en 36-35, ont été vraisemblablement établis (du moins en grande partie) sur des terroirs déjà cadastrés.” • Giovanella Cresci Marrone : “Si avverte la necessità di censire sulla base delle fonti letterarie ed epigrafiche tutti i casi finora disponibili di agri vectigales extraterritoriali (si veda il caso di Pisaurum). Soprattutto nella Cisalpina al tempo della guerra civile tra Cesare e Pompeo, il fenomeno della confisca a scopo punitivo o premiale sembra essere incidente (si veda il caso degli Opitergini).” • Federico Santangelo : “Deux remarques sur ce dossier très intéressant : 1) On peut ajouter à ce dossier le cas des colons lucenses mentionnés dans la Table de Veleia. Comme P. L. Dall’Aglio l’a dit hier, il est presque certain que Luca ne confinait pas avec Veleia, et que les praedia des colons lucenses étaient en fait une enclave, sans doute utilisée pour la transhumance. Il est vrai que quelques enclaves, comme nous l’avons vu, furent créées aux temps des guerres civiles ; mais l’institution a une persistance considérable (on peut aussi noter que Luca joua un rôle marginal, sans être inexistant dans les guerres civiles tardo-républicaines) ; 2) Le cas de Sylla et Diana Tifatina me

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semble exceptionnel et on peut l’expliquer en proposant deux hypothèses : a) ou Sylla confisqua des ressources du sanctuaire pour financer sa campagne et il donna des terres au temple après sa victoire, b) ou (c’est l’hypothèse que je préfère) Sylla chercha à s’associer par un lien privilégié avec la déesse Diana. De toutes façons, il est clair que les terres assignées au sanctuaire par Sylla étaient très proches du temple. C’est donc une typologie différente de celle des terres d’Arpinum et d’Atella en Gaule.” • Pier Luigi Dall’Aglio : “Per quanto rigarda la presenza de la res publica Lucensis nel territorio Veleiate, continuo a ritenere che sia impossibile una confinazione diretta tra Veleia e Luca. Si tratta di una enclave formatasi forse effetivamente in seguito alle guerre civili, ma forse anche in tempi e modalità diverse. Per quanto riguarda l’enclave pesaresa nel territorio di Suasa, attestata con due cippi confinari, siamo in età triumvirale. Dovrebbe trattarsi non tanto d’una penalizzazione di Suasa, ma d’un acquisto di terreni dati poi a veterani scritti nella colonia di Pesaro. Archeologicamente, questo inserimento di denaro lo si vede in tutta una serie di interventi di monumentalizzazione della città, come, ad esempio la realizzazione del forum.” • Giovanni Mennella : “A proposito di territori posseduti da città nel territorio di altre città: la questione degli agri posseduti dai coloni lucenses sul territorio di Veleia è reale e, come ha detto anche il collega Dall’Aglio, non puo’ essere risolto pensando a una relazione in termini pienamente logistici per Veleia e Luca (come ho cercato di dimostrare in un mio studio di qualche anno fa dedicato a questo specifico problema nel volume collettivo (Il capitolo delle finanze municipali in Oriente e in Occidente, Rome, 1999, p. 85-94), si tratta propio di vere “enclaves”, ovvero agri sumpti, della colonia di Luca dentro il territorio di Veleia. Ulteriori riferimenti nella Tabula facevano pensare ad altri territori nupti all’interno dello spazio veleiate, e non solo da parte di coloni lucensi. Questa situazione induceva a sospettare una situazione di involuzione amministrativa del comune veleiate, costretto ad alienare ampie porzioni di terre soggette alla sua giudurizione. Che gli agri lunensi possano essere una consequenza di provedimento punitivo nel contesto della participazione delle città italiche nelle guerre civili è un ipotesi di lavoro interessante e approfondibile. Adesso, pero, bisognerà preliminarmente verificare l’attendibilità della situazione alla luce dei nuovi risultati sulla topografia della Tabula Veleiate, recentemente pubblicati dall’equipe del prof. Dall’Aglio.” Élisabeth Deniaux répond : ◊ à Michel Christol : “Je remercie M. Christol de son intervention sur l’attribution par César des vectigalia des Salyens à Marseille. Je suis d’accord avec lui aussi sur l’existence de conflits qui peuvent être suscités par l’installation

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de nouvelles colonies de vétérans, comme en 36-35 à Orange et à Béziers sur des territoires déjà centuriés et confiés à d’autres.” ◊ à Giovanella Cresci Marrone : “Je vous remercie vivement pour ces remarques concernant les possessions extra-territoriales des cités, particulièrement celles de la Cisalpine. Cette province est très concernée par les assignations agraires. Beaucoup d’obscurités demeurent sur le statut des terres attribuées ; le rôle des imperatores est important aussi, me semble-t-il. Celui de Marius, par excellence, reste obscur. Il aurait pu généreusement doté en terres sa cité d’origine.”

GÉrer les patrimoines civiques Sous la présidence de Clara Berrendonner, cette seconde partie du programme (sept contributions réunie en deux sections) est introduite par Clara Berrendonner qui dirige au sein de l’UMR 8210 ANHIMA un programme sur cette thématique :

Communications Section 1. Les caractères structurels des finances publiques –– Clara Berrendonner, “L’invisible aerarium des cités italiennes” (p. 163-175) ; –– Nicolas Tran, “Un montage entre finances publiques et associatives au ii e siècle : à propos de l’organisation des ludi seuirales à Nîmes (AE, 1982, 680)” (p. 177-189) ; –– Jean Andreau, “Les cités de l’Empire prêtaient-elles de l’argent à intérêt ?” (p. 191-199).

Section 2. Les difficultés de l’administration des fonds et des patrimoines civiques –– Juan Francisco Rodríguez Neila, “La gestión financiera municipal. Entre el control, el dispendio y la necesidad” (p. 203-221) ; –– Antonio Sartori, “Gestire il territorio per gestire il patrimonio per gestire le crisi (e il potere)” (p. 223-231) ; –– Michel Christol, “Prévenir et guérir les embarras du forum : l’Aequitas” (p. 233-246) ; –– Michel Aberson et Thomas Hufschmid, “Bâtiments publics inachevés : crises et solutions” (p. 247-260).

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Interventions Cette thématique a donné lieu à des échanges très nourris et élaborés.

Sur Clara Berrendonner

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• Federico Santangelo voudrait savoir “si il y a des cas de vols ou de tentatives de vols d’argent public conservé dans les aeraria municipaux. On parle de sommes énormes dans certains cas au moins. Surveiller ces fonds doit avoir posé des problèmes considérables et le fait que les aeraria se situent d’habitude dans des substructions est sans doute significatif.” • Maria Grazia Granino Cecere fait remarquer que “l’unica iscrizione nota menzionante un aerarium a Praeneste (CIL, I², 1463 ; ILLRP, 651) non è stata realizzata per essere visibile a tutti; aveva solo la finalità di ricordare i nomi dei due aediles che ne avevano fatto dono alla città. Infatti è incisa nella parete di fondo della piccola aula, in piccole lettere, leggibile, dunque, solo da chi aveva accesso all’ aerarium, e a stento perché in alto e di modulo tanto modesto.” • Michel Aberson : “Le mot aerarium désigne-t-il un lieu spécifique, un lieu occasionnel ou un concept (pensons au français “le trésor”) ? Il s’agirait du même problème qu’on trouve à propos de praetorium qui peut désigner non pas un bâtiment spécifique mais tout lieu où le gouverneur siège durant le temps où il y siège.” • Jean Andreau souligne : “Votre communication tend à montrer que le Trésor de la cité ne se trouvait peut-être pas dans un local spécifique, réservé à cette fonction. Avec beaucoup de prudence, c’est plutôt dans ce sens que vous allez. Un des éléments qui peut appuyer une telle idée, c’est la vigueur avec laquelle le monde romain diffusait des formes architecturales très typées, un peu partout dans l’empire, et surtout dans sa partie occidentale. Pensons non seulement aux temples, mais aussi aux basiliques et même aux macella. Mais un autre élément architectural plaide plutôt contre ce que vous avez tendance à conclure. Cet élément porte sur les bâtiments politiques qui, eux, ne sont guère reconnaissables et ne suivent pas un modèle facilement identifiable. Ni les bâtiments réservés aux magistrats, ni les lieux de réunion des décurions ne sont facilement identifiables, malgré le prestige dont, en principe, ils auraient dû jouir. Excusez-moi pour ces réflexions en partie contradictoires et ne les considérez pas comme une façon de critiquer votre communication que j’ai au contraire beaucoup appréciée et dont je vous remercie.”

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• François Chausson : “Le cas de Suessa Aurunca peut donner une illustration des difficultés rencontrées à interpréter les espaces dégagés par les archéologues ou les inscriptions. Mario Pagano voudrait qu’un espace contigu au forum de cette cité soit son aerarium ; mais ce pourrait être aussi la bibliotheca Matidiana mentionnée par un décret de l’ordo comme salle de réunion en 193. Cette salle, sans doute ornée d’étagères, sans parement, pourrait avoir contenu un “coffre-fort” mural. L’inscription de Préneste, sur le mur du fond, pourrait aussi commémorer un réaménagement intérieur (étagères, “coffre-fort”), ce qui expliquerait qu’elle soit inscrite à l’intérieur du bâtiment. L’aerarium ne serait pas un bâtiment à rechercher en soi, mais pourrait avoir pris place avec des aménagements en bois, à l’intérieur d’espaces différenciés.” Clara Berrendonner répond : ◊ à Juan Francisco Rodríguez Neila : “Merci de me signaler la nécessité de revenir à la documentation iconographique concernant les banquiers : les documents privés éclairent sans doute la situation concrète des finances publiques et la manière dont on les gérait, notamment la contiguïté des espaces et des documents comptables que vous soulignez.” ◊ à Federico Santangelo : “Je ne connais pas d’attestation de vols dans un aerarium civique.” ◊ à Maria Grazia Granino Cecere : “Vous soulignez un point très important en matière de compréhension de la ‘culture épigraphique’ : dans quelle mesure une inscription publique (ici édilitaire) est-elle destinée à être vue ? L’exemple de Préneste suggère que, s’il faut comprendre une inscription comme une œuvre de commémoration, la commémoration, en l’occurrence, se résumait à une mémoire commune aux magistrats financiers de la cité.” ◊ à Michel Aberson : “Le sens d’ aerarium est en effet divers suivant les documents : un programme de Pompéi (CIL, IV, 3702, v. bibliographie complète et discussions), appelle à voter pour un candidat qui préservera l’aerarium, il faut ici comprendre le finances publiques. Le fait que l’on désigne la caisse publique par la précision in publicum montre aussi la relative indétermination du lieu où l’on conservait l’argent public : l’important était le caractère public des fonds, le fait qu’ils soient inscrits dans les registres publics des comptabilités.” [note de Mireille Cébeillac-Gervasoni : à propos de ce titulus pictus et d’aerarium, v. la signification de cette formule afférente dans le tout récent CIL, IV, Suppl. IV, 1, p. 1383.] ◊ à Jean Andreau, elle précise : “je n’ai pas souhaité affirmer que les cités n’avaient jamais d’aerarium : les situations devaient être variables, suivant l’importance et l’ampleur des revenus d’une cité.”

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◊ à François Chausson : “Merci d’attirer mon attention sur le dossier de Suessa Aurunca qui montre en effet les liens possibles entre aerarium et tabularium. C’est d’ailleurs dans cette direction que vont à la fois les travaux récents de Filippo Coarelli sur Rome et le tabularium de Catulus (Divus Vespasianus, Rome, 2009, p. 76 sq., PBSR, 78, 2010, p. 107-132) et l’enquête de P. Mazzei sur aerarium et tabularium (“Tabularium - Aerarium nelle Fonti letterarie ed epigrafiche”, Rend Lincei, CDVI, 2009, p. 275-377).”

Sur Nicolas Tran

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• Michel Christol : “Il y a bien une stratégie personnelle de la part de Daphnion qui se met en avant à travers l’hommage rendu à son patron. On peut rapprocher son cas de celui des affranchis de P. Aufidius Fortis (CIL, XIV, 4621 et 4622a) qui honorèrent leur patron à proximité du théâtre d’Ostie.” • Emmanuel Lyasse : “Je m’interroge sur l’énormité de la somme offerte aux sévirs de Nîmes : 300 000 sesterces, 18 000 par an selon l’évaluation de Nicolas Tran, si on prend pour base 6 %. D’après son analyse qui me convainc tout à fait, il s’agit de décharger les sévirs d’une partie de leurs obligations. Ce serait donc une dépense de 18 000 sesterces à répartir, mais entre les six sévirs de l’année. On rejoint un problème plus vaste : on dit généralement que les sévirs sont de riches affranchis, et certes, nous en connaissons qui sont riches, mais était-il possible de trouver chaque année six affranchis riches, même dans une cité vaste comme Nîmes et a fortiori dans des cités beaucoup moins peuplées où nous avons aussi des sévirs ? Faut-il penser que la somme offerte ne servait que pour organiser des jeux plus importants et plus coûteux que le minimum obligatoire ?” Nicolas Tran répond : ◊ à Michel Christol : “La personnalité de Daphnion reste énigmatique. Il joue le rôle d’intermédiaire. Ne pourrait-on penser que son action s’exerce honore contentus, ce qui lui donne l’occasion de s’afficher. Il devait avoir quelque influence auprès des sévirs augustaux nîmois et même auprès de l’ordo.” ◊ à Emmanuel Lyasse : “Si l’on évalue la somme tirée chaque année des 300 000 HS données à 18 000 HS, soit 6 fois 3 000, on est proche du montant des sommes honoraires de l’augustalité attestées (2 000 HS). Certains sévirs, plus riches que les autres, devaient contribuer plus que les autres aux dépenses et en particulier à l’organisation des jeux.”

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Sur Jean Andreau • Élisabeth Deniaux souligne : “J’ai été très intéressée par les deux communications, celle de Clara Berrendonner, qui suggérait l’existence de plusieurs registres et plusieurs caisses pour expliquer la difficulté à localiser l’aerarium de la cité et celle de Jean Andreau particulièrement pour ses propos sur le kalendarium publicum. Je voulais apporter une information complémentaire, liée à la découverte récente ; une inscription de la colonie de Byllis dans l’Albanie d’aujourd’hui, non encore publiée, présente un cursus municipal d’un personnage qui, après avoir exercé l’édilité et le duumvirat, est devenu curateur des alimenta, puis curateur d’une pars du kalendarium publicum. Cette inscription a été présentée au colloque d’épigraphie de Bordeaux le 8 octobre 2011.” Jean Andreau répond : ◊ à Élisabeth Deniaux : “La nouvelle inscription dont tu parles est très importante et je te remercie de me l’avoir signalée. D’une part, le curator kalendarii qu’elle mentionne est le seul connu en dehors de l’Italie et de la péninsule Ibérique, d’autre part, il est curateur d’une partie (pars) du kalendarium, ce qui n’était jamais attesté nulle part. Cette inscription inédite présente donc deux nouveautés particulièrement intéressantes.”

Sur Juan Francisco Rodríguez Neila • Clara Berrendonner note : “Je suis frappée par les points de convergence entre votre communication et celle de Madame Deniaux : dans le règlement d’Urso, on voit les multae et les vectigalia être affectés aux sacra, à Arpinum, les vectigalia cisalpins sont aussi destinés à financer les sacra. On a ainsi l’impression d’une part que les dépenses cultuelles étaient les premières que l’on assurait, d’autre part que la gestion civique cherchait à mettre en correspondance une entrée et une dépense (ce qui était aussi un moyen de contrôler les dépenses). Je souhaite aussi savoir si on possède des informations sur les lieux qui pouvaient faire office d’aerarium.” • Alfredo Buonopane demande : “E’ possibile che il denaro non fosse versato in contanti all’aerarium, ma venisse direttamente erogato per effettuare i pagamenti?” Juan Francisco Rodríguez Neila répond : ◊ à la première demande de Clara Berrendonner : “En la ley de Urso, las multae impuestas a quienes no pagaban el vectigal por el uso de una proprietad

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pública, tenían que ser empleadas en costear las actividades de la religión pública de la colonia. Esta prevención indica que era habitual que los arrendatarios se atrasarán en los pagos, o simplemente no pagarán el canon de alquiler. Que ésto no sucediera era la responsabilidad de los magistrados locales, pues no ingresar en el aerarium el dinero de los vectigalia restaba ingresos al tesoro municipal. El importe de esas multae de vectigalia, en Urso, se reservaba solo para financiar actos de culto (sacra), y era un capítulo de gastos que los decuriones debían respetar, no podían disponer de ese dinero a su arbitrio. Por el contrario, la ley de Irni no limitaba de ninguna forma la capacidad de los decuriones para gastar en cada concepto lo que estimarán opurtuno en cada momento, sin ninguna condición ni limitación cuantitativa. El estatuto tenía previstos gastos de la pecunia publica en sacra, pero dando libertad a los decuriones para investir, en este aspecto de la vida oficial, la suma de dinero que en cada momento estimarán oportuno.” ◊ à la deuxième demande de Clara Berrendonner : “Sobre la cuestión de los espacios físicos que podian servir para albergar el aerarium, una observación. En las leyes municipales de Hispania, que contienen mucha información sobre las finanzas y el tesoro local, no hay referencias explicitas al aerarium comó lugar donde se guardaba el numerario. Pero si, muchas alusiones a los fondos y a la documentación financiera relativa a gastos e ingresos, asi como a otros tipos de instrumenta relacionados con la gestión de los fondos municipales. Esa documentación (tabulae publicae, libri, rationes communes) según el estatuto de Irni, se guardaba en el tabularium. Los reglamentos locales aluden a los scribae que debían custodiare, ordinare y tractavere las tabulae publicae. Tales operaciones requerían disponer de un lugar apropiado para conservar la documentación de forma organizada, y este lugar, el tabularium, no tenía que ser necesariamente diferente al lugar utilizado como aerarium. Como espacio físico, tabularium y aerarium pudieron ser la misma cosa. Es decir los mismos caudales públicos guardados convenientemente en el mismo sitio que la documentación fiscal. Algunas ideas al respecto podemos extraer de ciertos epígrafes relativos a banqueros (argentarii), con escenas relacionadas con su oficio, donde vemos como su ‘ambiente’ de trabajo està representado por mobiliario, libri di papiro, tabulae ceratae y recipientes con monedas. Algunas representaciones pictóricas de Pompeya relacionadas con el mundo de la banca y las operaciones financieras, también nos ilustran sobre tales elementos iconográficos que sintetizaban ‘graficamente’ los objetos que habitualmente eran manejados por scribae, servi publici e incluso quaestores, siempre bajo la dirección de los duunviros, en el local público que funzionaba como tabularium y aerarium.”

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Sur Antonio Sartori • Clara Berrendonner note : “Je suis frappée par les résultats qui émergent de la liste des occurrences que vous avez réunies : elles manifestent nettement la part des financements privés dans les dépenses locales. Le cas du financement de l’école (Plin., 4, 13) est exemplaire à cet égard, puisque l’évergète principal sollicite des évergètes secondaires.” • Alfredo Buonopane voudrait savoir “quanto nelle lettere di Plinio puo’ essere frutto di topos letterari?” • Federico Santangelo demande si : “Pensi che Plinio sia interessato a delineare attraverso le sue lettere un modello di cittadinanza che possa essere ripreso anche di altri cittadini del suo rango e con simili possibilità economiche?” • Giovanella Cresci Marrone : “Il problema dello spopolamento di Como e degli atti evergetici che Plinio indirizza verso i servizi (scuole, biblioteca) propio per frenare il fenomeno deve essere esteso per il ii secolo d.C. ad altri centri transpadani. La gerarchia insediativa comporta lo spostamento di cittadini verso i centri più grandi perché più forniti di servizi. Gli atti di beneficenza pubblica dei ceti dirigenti locali hanno nelle piccole città una finalità compensativa in questo periodo.” Antonio Sartori répond : ◊ à Clara Berrendonner : “L’evergetismo, tanto importante e indispensabile nelle comunità locali, è interpretato da Plinio, nonché in occasioni numerose e generose, in forme originali. Per quanto se ne ricava dalle sue epistulae, sia pure riconfezionate con intenti retorico-letterari, si trattava di interventi, anche di entità considerevole, di cui si dichiarava o lasciava intendere di non pretendere immediati risultati di compensazione concreta, quali l’acquisizione di incarichi amministrativi e men che meno di restituzioni economiche, ma piuttosto di stimolare effetti di fall-out piuttosto morali, quali un incremento di quel prestigio che già gli era ampiamente riconosciuto. Infatti propio in base ad esso egli poteva elaborare i suoi gesti di evergetismo di puri atti di sussidio alla necessità delle ‘sue’ città, a stimoli di comparticipazione di quanti più altri in misura diversa vi potessero contribuire: non per incrementare l’entità degli interventi, ma per coinvolgere quanti più dei concittadini, nelle forme concrete dell’adesione economica ma anche dell’interesse per le iniziative, che da singole e gratuite, si elaboravano al meglio, nella forma del coinvolgimento pubblico. In tal senso è significativo il caso di Ep., 4, 13, in cui, per ovviare alla mancanza in Como di ‘scuole superiori’, Plinio promette un suo contributo finanziario additura indeterminato, ma pari ad un terzo di quanto tutti genitori locali siano disposti a

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sborsare: un accorgimento scaltro per coinvolgere la comunità e per sollicitare la generosità.” ◊ à Alfredo Buonopane : “Naturalmente sí, l’epistolario di Plinio non è stato ricavato dai suoi copialettera o dagli originali del suo carteggio. Lo stesso Plinio lo riconosce ed è questo un limite di tutti gli epistolari dell’antichità; elaborati di intento letterario, per i quali possiamo solo confidare in una verosimile somiglianza con gli originali. Tuttavia buona pare delle lettere di Plinio, ed in particolare quelle che ho utilizzato, si rifanno ad ambienti, situazioni, casi per lo più modesti, di ambito locale, con forti addentellati della sua esperienza quotidiana. Da tali situazioni difficilmente si sarebbero potuto elaborare veste funzioni intenzione letterarie o retoriche, impastate come sono di problemi di tutti i giorni.” ◊ à Federico Santangelo : “Direi che no, che Plinio non dimostra alcuna volontà (e forse pure alcun interesse) ad autoproporsi come modello di comportamento agli altri, neppure per il ‘pubblico’ dei suoi lettori. E’ un’attenzione che non è nel suo carattere, per quanto ne trappela dallo specifico delle sue epistulae; ma le stesse epistulae non ne sarebbero neppure in sé luogo e palestra adatta. Per quanto condizionate anche fortemente da interventi di modificazione a scopo letterario e, perché no, pure autopromozionale, non è ad una finalità educativa che esse mirano, ma a segnalare – descrivere e motivare – i suoi specifici comportamenti occazionali e contingenti, sia pure facendone emergere gli aspetti più convenienti.” ◊ à Giovanella Cresci Marrone : “Grazie per la tua segnalazione estensiva. Che il travaso di abitanti di periferie o delle campagne o, come per Como e altre situazioni, dalle città minori alla ‘metropoli’, sia un fenomeno diffuso in più luoghi è un dato importante e di antica tradizione. Già allora erano le attrattive della grande città che avevano effetto anche preliminare nell’opera di colonizzazione o di romanizzazione (si puo’ ancorà usare questo termine?). La definizione di ‘città-vitrina’, spesso usata, puo’ maturare anche in ‘strutture-vitrine’: non solo a Augusta Pretoria o Augusta Taurinorum a far bella mostra di sé al di fuori delle mura verso gli indigeni circostanti: la stessa funzione, ma in forma prolungata e itineraria, la assolvono anche strutture stradali, prima fra tutte la via Postumia, aperta verso le genti di dintorni in via di omologazione.”

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Sur Michel Christol • Fausto Zevi “chiede chiarimenti sulle iscrizioni di Uthina (AE, 2004, 1817), Ostia (CIL, XIV, 69) riportate nel riassunto per sapere se sono citate solo per confronto tipologico (offerta di statue).” • Élisabeth Deniaux demande à quelle date on trouve sur les monnaies des représentations d’Aequitas. • Alfredo Buonopane demande : “Qual è il rapporto fra l’Aequitas raffigurata sulle monete (AEQUITAS AUG.) e l’Aequitas ricordata nelle epigrafi?” • Antony Hostein rappelle le cas de l’inscription de Philippes (AE, 1935, 49-51) et la lecture proposée par Paul Lemerle. Michel Christol répond : ◊ à Fausto Zevi : “Ce sont des parallèles de la formulation : virtus pour signum virtutis, par exemple.” ◊ à Élisabeth Deniaux : “C’est à partir de Galba que les monnaies recourent à la figuration de l’Aequitas, ce qui conduit à placer antérieurement des représentations signalées par l’épigraphie et à estimer que la statue apparaît d’abord dans l’épigraphie du macellum ou du forum.” ◊ à Alfredo Buonopane : “Les illustrations numismatiques se trouvent sur les monnaies à légende AEQUITAS AUG ou MONETA AUG avec représentation de trois divinités tenant une corne d’abondance et une balance.” ◊ à Antony Hostein : “Le débat interprétatif sur la controverse à propos de l’inscription de Philippes porte sur la transcription (donc sur l’interprétation du texte) : le texte épigraphique est en capitales. Faut-il transcrire AEQUITATEM ET MENSURAS avec des majuscules initiales ou en simples lettres minuscules. La solution de P. Lemerle (A, M : BCH, 58, 1934, p. 457-461, no 3) et la solution de P. Collart (a, m : Philippe de Macédoine, Paris, 1937, p. 362-364) ne conviennent pas. C’est celle de P. Pilhofer (A, m : Philippi, Tübingen, 2000; p. 265-267, no 249) qui apporte la bonne solution.”

Sur Michel Aberson Sa communication a suscité un vif intérêt et des remarques qui concernaient pour la plupart la partie de la contribution élaborée par Thomas Hufschmid, absent. Michel Aberson a relaté ces propos à son collègue et le texte que nous publions tient compte de ces échanges.

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Mireille Cébeillac-Gervasoni et Laurent Lamoine

Gérer “les crises” : un “enjeu à la portée des cités” ?

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Cette partie, la plus chargée, a occupé un jour et demi des journées réservées à cette rencontre quinze communications qui ont donné lieu à d’intenses discussions ; elle a été divisée en plusieurs sections dont ont été successivement présidents-modérateurs Maria Letizia Caldelli, Alfredo Buonopane et Fausto Zevi. On trouvera dans l’introduction (p. 11-16) une réflexion sur les difficultés méthodologiques sous-jacentes à l’usage en histoire du terme “crise” ; la qualité et la densité des contributions publiées ici sont la démonstration de l’adéquation d’un tel concept pour toutes les communications de ceux qui avaient choisi des thématiques afférentes aux crises. Enrique García Riaza sur le concept de crise et sur les problèmes posés par l’utilisation de la terminologie des textes littéraires propose : “Dos breves apuntes; en primer lugar, convendría definir mejor el concepto di crisis como categoría historiográfica, para aislarlo de fenómenos como tensión política o evolución económica. En segundo término, también en el ámbito metodológico, una nota crítica sobre la utilización de la terminología de las fuentes literarias en relación a los líderes locales de Occidente (ss. iii-i a.C.). Las referencias a principes, reges, etc., son proyeciones realizadas por los autores greco-latinos aplicando categorías propias, y, por tanto, no suelen ser válidas para la reconstrucción del panorama institucional o social del mundo indígeno, que unicamente debería ser estudiado a partir del criterio de función. La dificultad para Occidente – a diferencia del mundo helenístico – radica en la práctica ausencia de epigrafía institucional que permita completar la pobre información literaria, dejando aparte los bronces paleohispánicos, de escasa inteligibilidad aún.” Benoît Rossignol (p. 576) souligne lui aussi la complexité du problème.

Communications Section 1. Questions de méthode : la “crise” au prisme des sources archéologiques et épigraphiques –– Giovanni Mennella, “Il riuso dei monumenti pubblici a Luna: segnale di crisi o razionalizzazione di spazi interni?” (p. 265-278) ; –– Simona Antolini, Fabiola Branchesi e Silvia Maria Marengo, “Riflessi epigrafici della crisi (iii-iv d.C.) nelle regioni dell’Italia medio-adriatica” (p. 279-293) ; –– Giuseppe Camodeca, “Nola: vicende sociale e istituzionali di una colonia romana da Sulla alla Tetrarchia” (p. 295-328) ; –– Marina Silvestrini, “La crisi di Heraclea di Lucania e l’epigrafia” (p. 329-350) ;

Chronique des travaux et discussions

–– B laise Pichon, “Évergésies, construtions monumentales et élites locales aux iii e et iv e siècles dans les cités des Trois Gaules, des Germanies et de la Bretagne)” (p. 351-366).

Section 2. Guerres de conquête et guerres civiles –– Pierre Cabanes, “Les partis pro-romains en Grèce occidentale dans la première moitié du ii e siècle av. J.-C. ou comment Rome a géré son expansion en Grèce occidentale” (p. 369-385) ; –– Enrique García Riaza, “Crisis políticas en los núcleos de Occidente durante la época de la expansión romana (ámbitos hispano y galo)” (p. 387-401) ; –– Laurent Lamoine, “La ‘crise’ des institutions gauloises à l’époque de César. Bilan historiographique (France)” (p. 403-415) ; –– Federico Santangelo, “From Pompeii to Ameria: patrimonies and institutions in the age of Sulla” (p. 417-431) ; –– Mireille Cébeillac-Gervasoni, “Les crises politiques urbaines et leur gestion locale à la fin de la République entre 89 et 31 av. J.-C.” (p. 433-448).

Section 3. La peste antonine et ses conséquences –– Benoît Rossignol, “ ‘Il avertissait les cités de se méfier des pestes, des incendies, des tremblements de terre’. Crises militaire, frumentaire et sanitaire : les cités de l’Occident au temps de la peste antonine” (p. 451-470) ; –– Giovannella Cresci Marrone, Franco Luciani e Antonio Pistellato, “Gestire una crisi a Iulia Concordia: aspetti finanziari, giuridici e politici” (p. 471-485).

Section 4. La “crise du iiie siècle” –– Maria Grazia Granino Cecere, “La crisi e i grandi santuari del Latium vetus: qualche riflessione dalla documentazione epigrafica” (p. 489-504) ; –– Enrique Melchor Gil, “Composición interna de las curias locales y reclutamiento de decuriones en los siglos ii y iii d.C. en las ciudades del Occidente romano: ¿crisis o continuidad?” (p. 505-515) ; –– Antony Hostein et Michel Kasprzyk, “Une communauté civique face à la crise : la civitas Aeduorum dans la seconde moitié du iii e siècle (approches archéologique et historique)” (p. 517-540).

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Interventions Sur Giovanni Mennella

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• Fausto Zevi : “La communicazione del prof. Mennella, acuta come sempre, ha tuttavia del paradossale: il riempiego considerato non come segno di crisi, ma, al contrario, di buona amministrazione. Ora, occore certo distinguere i vari e diversi casi, e non possiamo farlo qui. Certo, nella tarda antichità, il frequente avvicendarsi di imperatori, ciascuno dei quali cancellava la memoria del predecessore, impoveva un rapido mutamento delle statue (che, non si dimentichi, restavano l’oggetto primario nonchè delle relative iscrizioni sulle basi delle medesime). Per le prime, bastava in genere modificare le fattesse del Cesare, o sostituendo la testa, o rifacendone la faccia: è quel che si verifica già nel i sec., con i tanti ritratti per esempio di Domiziano rilavorato in Nerva. Quanto alle basi, restando il fatto che, in qualunque epoca, un blocco di marmo rappresentava un valore economico, sia del tutto normale che, cancellando l’iscrizione precedente, lo si utilizzasse per il nuovo monumento; lo si faceva anche in circonstanze meno eccezionali, per esempio, riscrivendo sul rovescio della stessa lastra le liste dei membri di un collegio quando si voleva aggiornarle. Quello che si verifica a Luni è che i magistrati cittadini non si sono evitato di riutilizzare le basi semplicemente girandole, senza neppure la pena di cancellare l’iscrizione precedente, ni di riprendere come si doveva le cornici. In un caso almeno si è invece riutilizzata una base di una statua di un honoratus locale probabilmente di età augustea. Mennella ha ragione di invitarci a osservare con attenzione le forme di riempiego che possono essere rivelatrici degli assetti e delle disposizioni del monumento: nel caso di Luni per esempio, il fatto che non siano cancellate le iscrizioni precedenti significa quasi certamente che erano collocate in un ambiente chiuso. Ma il fenomeno lunense nel suo insieme significa certamente il ricorrere a formule di massimo risparmio, anche se, come rileva Mennella, intelligentemente amministrato: la buona amministrazione risulta ancor più evidente in tempi di disagio.” • Simona Antolini : “Nelle regioni adriatiche dell’Italia centrale si preferisce reimpiegare le basi di statua mediante l’erasione del testo e la riscrittura sulla superficie scalpellata e spianata, mentre c’è un solo caso a Pisaurum (CIL, XI, 6350) in cui la base viene girata e si scrive del altro lato. Mi chiedo se non prevalgono in ambiente locale/regionale motivazioni di gusto o di moda.” • Alfredo Buonopane : “Nel caso di reimpiego di statue di notabili cittadini la cui iscrizione viene erasa si potrebbe pensare a fenomeni di perdita di ricordo?”

Chronique des travaux et discussions

• Michel Aberson : “Pour une inscription de Martigny (AE, 1998, 871 et F. Wiblé, “Deux procurateurs du Valais et l’organisation des districts alpins, Ant. Tard., 6, 1998, p. 181-191) qui présente une dédicace à Jupiter dans le Mithraeum, il s’agit en réalité d’un remploi à un endroit du champ épigraphique, recouvert de stuc, d’une dédicace à Mithra gravée sur le stuc qui conserve l’ancienne dédicace à Jupiter.” • Michel Christol : “Une comparaison avec le travail des lapicides ayant en 238 martelé le nom de la legio III Augusta, puis l’ayant regravé en 253, montrerait que les lapicides militaires étaient plus soigneux ou plus habiles.” • Enrique Melchor Gil : “Entre los materiales de la Colonia Patricia se conservan numerosos epígrafes del siglo i d.C., pero casi ninguna estátua de este periodo. Los fragmentos estatuarios conservados suelen datarse en época posterior. Por tanto, los pedestales pudieron dejarse in sito o incluso reutilizarse.” • Mireille Cébeillac-Gervasoni : “On reste interloqué quand on pense qu’un tel phénomène d’économie a eu lieu à Luna d’où était extraite la plus grande partie du marbre utilisé en Italie (et au-delà) depuis la fin du ier siècle av. J.-C.” Giovanni Mennella répond : ◊ à Fausto Zevi : “Ringrazio per le preziose osservasioni. Mi rendo perfettamente conto che l’ ‘originalité’ delle mie interpretazioni potrà sostenersi soltanto se ci sarà possibilità di compararle con monumenti analoghi (cosa non facile, almeno a giudicare dalle ricerche che ho fatte finora); altrimenti resterà a livello di una ipotesi di lavoro: comunque sempre utile per sollevare una questione (quella del riempimento e del periodico smotamento delle statue negli edifici pubblici destinati a accoglierle) finora poco affrontata, anche nelle prospettive degli interventi in materia attuati dall’ordo decurionum.” ◊ à Alfredo Buonopane : “Non c’è dubbio che la riutilizzazione delle basi poteva dipendere anche di un ‘vuoto di memoria’ (o un oblio del ricordo) che infine subentrava al giustificare la presenza in un ambiente chiuso di tante dediche. Il problema peró riguarda anche le teste. Io credo che si custodissero in un’ambiente chiuso, a meno che non venissero anch’esse rielaborate nel succesivo reimpiego.” ◊ à Michel Aberson : “Non conozco l’esistenza di un testo contenente una ‘passata’ di stucco. L’informazione, tra l’altra è utilissima, perché porta acqua a favore delle tesi che queste operazioni di ‘maquillage’ potevano avere una certa validità su supporti collocati in un ambiente interno (all’esterno sarebbero andati incontro a un rapido disfacimento). Grazie per la tempestiva segnalazione.”

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◊ à Michel Christol : “Grazie per la segnalazione dell’iscrizione relativa alla legio III Augusta. Certamente siamo davanti a un problema di ‘atelier’; una lavorazione meno fine, tuttavia avrebbe potuto esssere giustificata e dissimulare delle successive stucature delle parti rilavorate.” ◊ à Mireille Cébeillac-Gervasoni : “Si tratta, naturalmente, di una questione legata alle cave: ma non dimentichiamo che l’attività estrattiva a Luna duro’ a lungo (la città, comunque, non conosce una involuzione circa la metà del iii secolo); probabilmente, la soluzione adattata a Luna rispondeva all’esigenza di non spostare i blocchi all’esterno, lavorarli e rimmetterli nell’ambiente (almeno nel caso delle due prime tipologie del riempiego), ma di eseguire l’intero ciclo di ricondizionamento all’interno dell’ambiente stesso: un motivo, dunque di praticità operativa.”

Sur Simona Antolini

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• Fausto Zevi : “Mi chiedo se la iscrizione con dedica Deo Romulo non possa riferirsi, ad onte della differenza di formula, al divo Romulo, figlio di Massenzio. In ogni caso, anche se dovesse mantenere la attribuzione a Romulo, non avrei dubbio che questa dedica al fondatore di Roma (tra l’altro venerato come Quirino) volesse accennare a suoi contemporanei al figlio di Massenzio.” • Pier Luigi Dall’Aglio : “Indubbitamente, c’è nella distribuzione e nel ritrovamento delle epigrafi una certa casualità, in cui pero’ entra anche la cultura antiquaria. Ad esempio il fatto che a Suasa ci siano epigrafi di iv e v sec. e non si trovi nulla a Ostra o a Sena Gallica potrebbe essere legato all’attività di Cimarelli nel Seicento. I miliari di iv secolo non sono legati a restauri, ma alla propaganda imperiale. La forte concentrazione lungo la via Flaminia è dovuta al fatto che la via Flaminia è l’asse di collegamento nord-sud e resterà tale anche dopo lo spostamento della capitale dell’Italia annonaria da Milano a Ravenna e poi anche nelle epoche successive. Ad interventi di restauro si referiscono invece le epigrafi legate a interventi su ponti, come quella trovata a Pesaro e riferibile al ponte sul Foglia e non a quello sul Genica. Interventi di restauro nella via Flaminia li troveremo nel iv secolo nelle Variae di Cassiodoro. Per le epigrafi di Pesaro dedicate alla Vittoria di Aureliano, è interessante notare che il dedicante è praepositus muris, vale a dire deve curare il rifacimento delle mura, rifacimento fatto sotto la contigente minaccia dei Marcomanni. Va ricordato che nei tratti di mura urbiche conservati a Pesaro questa ricostruzione frettolosa è facilmente riconoscibile.”

Chronique des travaux et discussions

• Alfredo Buonopane : “Il praepositus muris di Pesaro è molto interessante e ricorda il V.P. e il V.E. incaricati da Gallieno di insistere e di curare la costruzione delle mura di Verona.” Simona Antolini répond : ◊ à Fausto Zevi : “1) Oltre una dedica di Sestinum si conosce un’altra dedica al dio Romolo (iv d.C.) da Fulginiae, studiate entrambe da G. Paci (CCG, VII, 1996, p. 135-144); Romolo della gens Augusta in genere è nominato con una onomastica/titolatura diversa (completa dei vari elementi onomastici), ma in questo caso potrebbe esserci scelto di venerare il dio Romolo non come Quirino ma come Romulus per ‘piaggeria’ nei confronti del potere centrale, ricordando forse un’assonanza onomastica che non era del tutto gradita. 2) La decorazione della base de Septempeda é stata generalmente datata al ii sec. d.C. per la presenza di un personaggio maschile con la barba, in cui è stato proposto di riconoscere un imperatore del ii sec. con tale iconografia. Ringrazio il prof. Zevi per l’osservazione e ci promettiamo di approfondire meglio la questione e tornare sul problema della datazione.” ◊ à Pier Luigi Dall’Aglio : “Sicuramente la casualità dei ritovamenti epigrafici non consente di stabilire connessioni certe fra presenza di iscrizioni e vitalità del territorio, ma colpisce che in generale nel complesso del iii secolo le città del Picenum siano ‘sottorappresentate’ rispetto a quelle dell’Umbria adriatica. E’ interessante inoltre sottolineare che su 36 iscrizioni di iv secolo da tutta la regione ben 30 sono miliari. Per quanto riguarda l’intervento di Aureliano sulle mura di Pisaurum (CIL, XI, 6309), volevo aggiungere che il funzionario incaricato di sovrintendere ai lavori, il praepositus muris, è il curator rerum publicarum Pisaurensium et Fanestrium.”

Sur Marina Silvestrini • Giovanni Mennella : “Tre lievi quesiti soprattuto per curiosità: a) alcuni testi appaiano rubricati: si tratta di una rubricatura antica o questo è stato fatto di recente; b) è possibile leggere in uno dei testi collegius (per collegium) Minervius (Minervium)? Mi pare che il testo, anziché frammentario, lo consente, e questo sarebbe importante per la cronologia e la continuità dell’insediamento, e la renderebbe meno probabile; c) è possibile datare i testi ad almeno tutto il ii secolo d.C.?” • Nicolas Tran : “Employer Collegius pour collegium est-il courant ?” • Giovanella Cresci Marrone : “Quale è la datazione della formula Dis Manibus nell’epigrafia locale?”

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• Federico Santangelo : “Che cosa si puo’ dire del paesaggio agrario di Heraclea nel i e ii secolo dopo Cristo?” Marina Silvestrini répond : ◊ à Giovanni Mennella : “a) Gli accenni di rubricatura sono antichi; b) concordo con la lettura di Mennella: COLLEGIUS che si accorda perfettamente con la presenza di una sodalità organizzata e rinforza il quadro proposto; c) circa la cronologia, quella proposta tiene conto delle epigrafi datate (ad es. servi e liberti imperiali) in area tarentina e brindisina, assimilabili alle epigrafi presentate.” ◊ à Alfredo Buonopane : “L’osservazione sulla durezza della guerra sociale a Grumento si accorda con i dati noti per Eraclea.” ◊ à Nicolas Tran : “Collegius per collegium è ben attestato.” ◊ à Giovannella Cresci Marrone : “Per la cronologia di Dis Manibus nella regione, si puo’ dire che esiste a Canosa un caso di SACRUM DIS MANIBUS a Canosa in età giulio-claudia.” ◊ à Federico Santangelo : “Le ville scavate nel territorio di Eraclea non mostrano segni di regressione nei secoli i-iii.” 574

Sur Blaise Pichon • Michel Aberson : “1) J’attire l’attention sur le fait que les inscriptions qui semblent relater des constructions nouvelles peuvent en réalité concerner des réfections (cf. le théâtre de Trieste : inscription de l’époque de Trajan, or la datation archéologique pour la première phase est augustéenne ou julioclaudienne). 2) La différence quantitative entre des évergésies concernant des bâtiments et les autres évergésies tient à la nature même des inscriptions. 3) Cela pose la question de la typologie des inscriptions et quelles données entrent en jeu : il faut considérer : 3.1) la typologie des textes et supports (dédicaces de monuments ; dédicaces de statues à des donateurs ; autres allusions à des évergésies (par ex. sur des monuments funéraires) ; 3.2) la typologie des formules (verbes ; compléments circonstanciels, par ex. sua pecunia, de suo, …).” • Michel Christol : “[qui concerne aussi la contribution d’Antony Hostein et Michel Kasprzyk] Les Panégyriques font apparaître un groupe de pression éduen avec des élites présentes autour des empereurs. N’est-ce pas un facteur de discrimination dans l’espace envisagé ?”

Chronique des travaux et discussions

Blaise Pichon répond : ◊ à Michel Aberson : “En effet, les monuments portant des indications d’évergésies consistant en dons d’argent ou de jeux sont moins fréquents (bases honorifiques). La plupart des inscriptions sont des dédicaces, toutefois il faut signaler l’épitaphe de Nymfius (CIL, XIII, 128) dans la cité des Convènes qui mentionne des munera dans la seconde moitié du ive siècle ou le début du ve. Les formules évoquant le don des monuments sont variées, même si l’on trouve le plus souvent les verbes restituere, facere, dare, dedicare, et la mention suo impedio.” ◊ à Michel Christol : “Quelques cités privilégiées bénéficient de largesses particulières de la part de l’empereur : les Rèmes, les Éduens, les Trévires. Des relations privilégiées avec Rome remontent aux origines de l’Empire. Pour Trèves, son rôle de capitale impériale permettrait de comprendre les largesses de Constantin.”

Sur Pierre Cabanes • Élisabeth Deniaux : “J’ai toujours été surprise par l’ampleur du mouvement de mise en esclavage et peut-être du transfert de 150 000 Épirotes, mouvement sur lequel je souhaiterais quelques informations.” Pierre Cabanes répond : ◊ à Élisabeth Deniaux : “À propos des 150 000 Épirotes habitants de Molossie déportés, sur ordre du Sénat exécuté par Paul Émile en 167, il semble qu’ils aient bien été transférés en Italie du Sud. Un article assez récent de A. Ziolkowski (PBSR, 54, 1986, p. 69-80) estime que cette décision a été dictée par le besoin de main-d’œuvre servile en Italie du Sud qui, en 167, en manquait. Les esclaves affranchis de Bouthrôtos le sont dans la région nordouest de l’Épire qui a échappé à la destruction de 167. De plus, ils représentent 600 esclaves affranchis en 150 ans, c’est bien peu par rapport aux 150 000 Molosses déportés. Enfin les Epirotici évoqués par Varron à propos de leurs aptitudes remarquables dans l’élevage des moutons sont bien des Épirotes vivant à l’est de l’Adriatique dans l’entourage de T. Pomponius Atticus et non des Épirotes déportés en Italie du Sud, même si certains de ceux-ci ont pu aussi essayer d’appliquer en Italie du Sud les techniques pastorales.”

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Sur Laurent Lamoine

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• Benoît Rossignol : “Une remarque plus qu’une question pour souligner l’importance de l’historiographie dans ces domaines. Le concept de crise, en particulier appliqué au domaine politique soulève des problèmes et n’est pas toujours d’un usage cohérent. La crise est-elle trouble, changement de tendance, inversion de cycle, révolution ? Cela interroge aussi le cœur de notre pratique d’historien par-delà le cliché ‘rupture – continuité’ : quelles sont les modalités du changement dans les sociétés ? Le recours à l’anthropologie historique soulève des problèmes similaires et dans le domaine anthropologique aussi les descriptions en terme de société segmentaire se sont heurtées à l’objection du changement social, de l’historicité qu’elle masquerait en insistant sur les structures.” • Antony Hostein : “Trois remarques : 1) E. Galletier dans la CUF traduit princeps aeduus par chef des Éduens. Dans le contexte institutionnel du début du ive siècle, on se demande s’il n’y a pas là une projection du terme primores civitatis ou principales, i.e. ceux qui tiennent le premier rang dans la cité. 2) Il est impossible de retrouver l’origine précise de la gravure de Diviciacus. 3) Sur le scutum comme emblème de pouvoir chez les Gaulois, on observe une scène identique sur des ‘deniers’ gaulois à la légende VIIPOTAL ou VEPOTALOS, attribués d’ordinaire aux Pictons (à tort certainement, penser plutôt à des Arvernes ou à des Éduens). [note de Laurent Lamoine, RIG, IV, no 300, p. 460-461 : J.-B. Colbert de Beaulieu et B. Fischer (1998) restent plus prudents quant à l’attribution de ces pièces : Arvernes, Santons, Cadurques, Pétrocores ou Pictons ‘à qui on les attribue maintenant’ ?].” • François Chausson : “Dans le Panégyrique latin de 312, Galletier traduit princeps Aeduus : faut-il traduire encore par ‘prince’ et par le singulier ‘prince des Éduens’, comme le fait Galletier (ou chef des Éduens) ou ne faut-il pas renoncer au mot français ‘prince’ et traduire plutôt par ‘un membre de l’élite éduenne’ ?” Laurent Lamoine répond : ◊ à Benoît Rossignol : “Benoît Rossignol a tout à fait raison, il faut se garder de toute généralisation qui serait fondée soit sur l’utilisation du mot crise, soit sur la confiance aveugle dans les méthodes de l’une des sciences humaines. D’où l’importance des études préalables, au cas par cas, qui permettent d’éviter ces risques comme l’a très bien montré Enrique García Riaza dans sa communication.”

Chronique des travaux et discussions

◊ à Antony Hostein et François Chausson : “Princeps aeduus devrait être traduit pas ‘prince éduen’, et sans doute avec raison par ‘premier des citoyens éduens’, traduction qui ne suggère pas la gestion d’une fonction.”

Sur Federico Santangelo • Jean Andreau souligne : “j’ai été très intéressé et convaincu par votre communication, et en particulier par ce que vous dites sur les doubles communautés. Cependant, cet aspect de votre communication me décourage un peu, parce que de nombreux et très vifs débats ont déjà eu lieu à ce propos il y a quarante ou cinquante ans, débats à l’issue desquels l’idée de la double communauté, dans le cadre de la colonisation de Sylla, avait été abandonnée. Le fait que E. Bispham ait ainsi repris cette idée me semble, hélas, caractéristique d’une tendance des historiens et archéologues à remettre en cause les résultats les mieux établis. Je vous remercie vivement de réagir contre cette remise en cause, et de montrer que la thèse des doubles communautés ne tient pas.” • Clara Berrendonner renchérit : “je suis très convaincue par votre critique de Bispham concernant les doubles communautés : l’interprétation de Pline, NH, 2, 57 qu’il propose n’est pas nécessaire (municipium peut avoir un sens générique) et dans le Pro Sulla, le plus économique est de considérer que Pompeiani désigne les habitants antérieurs à la déduction syllanienne, pas ceux d’un hypothétique municipe qui aurait coexisté avec la colonie.” • Élisabeth Deniaux : “F. Santangelo a bien montré que l’amphithéâtre de Pompéi était le résultat d’une action d’une seule communauté, mais je souhaiterais lui poser la question de la construction de l’odéon, à la même période.” Federico Santangelo répond : ◊ à Jean Andreau : “La construction de P. Castrén sur la structure politique de Pompéi reste en effet très importante. Il donna une clarification essentielle sur le problème de la double communauté, déjà avant les études de J. Gehrke (Hermes, 111, 1983, p. 471-490) et de E.Lo Cascio (in M. Cébeillac-Gervasoni [dir.], Les élites municipales de l’Italie péninsulaire des Gracques à Néron, Naples - Rome, 1996, p. 111-123) plus spécifiquement concentrées sur ce problème.” ◊ à Clara Berrendonner : “Il me semble que le concept de double communauté devrait faire l’objet d’une reconsidération générale. Il y a des cas en

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Orient et en Espagne qui méritent l’attention ; mais ce serait l’objet d’une autre communication !” ◊ à Élisabeth Deniaux : “L’odéon est effectivement lié à la fondation de la colonie et il faut sans doute le voir comme un espace créé par les vétérans pour les vétérans. L’amphithéâtre date de 70 av. J.-C. ; sa construction est emphatiquement célébrée dans une inscription (CIL, I², 1632 = X, 852 = ILLRP, 645) où l’on dit que les duoviri ont bâti l’amphithéâtre pour les colons (colonis : je renvoie à la discussion de E. Lo Cascio) et donc pour toute la communauté civique. Il est impossible de dire comment l’usage et la fonction de l’odéon évolua après 70 av. J.-C.”

Sur Mireille Cébeillac-Gervasoni

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• Federico Santangelo : “Due punti su una relazione molto convincente: 1) E’ importante dare peso al tema della paura come fattore determinante dell’epoca delle guerre civili. Nel passo del Pro Cluentio che racconta la presa del potere di Oppianico, si parla apertamente di metus che domina in città; e Cesare nella sua narrazione, fredda e manipolativa, della sua discesa in Italia in BC, IV, 1, evoca la paura causata dai Pompeiani fra le città italiche, a cui l’arrivo di Cesare pone un argine ; 2) Un articolo di Tibiletti sulle città appassionate nell’Italia settentrionale augustea raccoglie le fonti che testimoniano persistenti sacche di dissenso rispetto alla vittoria di Ottaviano: Bononia che non participo’ al giuramento del 32; Patavium, con la sua tradizione repubblicana; et Mediolanum, che continuo’ a ospitare una statua di Bruto anche tempo dopo Filippo. Plutarco racconta lo scontro fra il princeps e l’ordo decurionum su questa statua. Il dibattito si chiuse con el perdono dell’ imperatore, al contrario di quanto era accaduto a Nursia. La pax augustea passava anche attraverso l’accetazione di un livello marginale e periferico di dissenso.” • Emmanuel Lyasse remarque qu’un parallèle est possible avec le retour de la guerre civile en Italie en 69. Dans les Histoires de Tacite, on voit les communautés à nouveau obligées de faire un choix entre belligérants au risque d’en subir les conséquences. Mireille Cébeillac-Gervasoni répond : ◊ à Federico Santangelo : “Votre accord avec mes propos me rassure car, sur ce sujet très peu (sans doute trop peu) abordé par les historiens, je me sentais un peu seule et doutais fortement de mes conclusions. Je suis persuadée moi aussi, comme je l’ai dit, que les années de guerres civiles qui couvrirent en

Chronique des travaux et discussions

fait deux générations (en comparaison les pires guerres subies par Rome, y compris celle contre Hannibal et son invasion de la péninsule, semblent moins atroces car ne marquant qu’une partie de la vie d’une génération) ont été des années terribles durant lesquelles la peur a dominé. Ceci explique la perte de toute valeur, les palinodies incessantes mais aussi l’acceptation du prix à payer pour que s’instaure la pax augustéenne et justifie aussi une certaine tolérance d’Auguste quand il a établi solidement son pouvoir. Merci donc pour ces commentaires qui me confortent dans mon propos.” ◊ à Emmanuel Lyasse : “De fait le parallèle est total, la seule différence est la durée de ces troubles post-néroniens qui, heureusement, n’ont été que de quelques années.”

Sur Benoît Rossignol • Michel Christol : “À propos de la carrière d’Arrius Antoninus, l’établissement du juridicat italien correspond à un plan concerté qu’il faudrait pouvoir peut-être articuler avec la ‘respiration’ de la vie administrative de l’empire (le census) : l’année 166-167 pourrait être l’année de sa mise en place (au 1er janvier 167 ?). On pourrait aussi invoquer l’inscription de Sex. Iulius Possessor (CIL, II, 1180 : ad solamina transferenda) et sa chronologie.” • François Chausson : “On ne peut pas envisager plusieurs raids sur l’Italie en fonction de nos sources. Le raid fut traumatique, il faut cependant aussi considérer la situation de l’Italie du Nord en dehors du raid : le déplacement de troupes romaines, de la cour impériale et la peste avaient aussi un poids important sur la région et ses ressources.” • Antony Hostein : “F. Kirbihler a mis en évidence une série monétaire avec des particularités qui peuvent s’expliquer par des liens occasionnés, entre cités, par une entraide dans une situation de crise frumentaire.” Benoît Rossignol répond : • à Michel Christol et François Chausson qu’il est tout à fait d’accord avec leurs remarques. • à Antony Hostein : “La question porte sur l’utilisation de monnaies d’homonoia d’Éphèse pour éclairer des crises frumentaires en Asie sous Marc Aurèle.”

579

Mireille Cébeillac-Gervasoni et Laurent Lamoine

Sur Giovannella Cresci Marrone • François Chausson : “La question rejoint celle posée à Benoît Rossignol : doit-on penser qu’il y a eu un seul raid ou peut-on supposer que le glacis défensif et provincial au nord avait pu être durablement désorganisé ?” Giovannella Cresci Marrone répond : ◊ à François Chausson : “La cronologia dell’invasione dei Quadi e dei Marcomanni è ancorà incerta, come l’instaurazione del giuridicato. L’unica data certa è l’introduzione della carica quando era ancorà in vita Lucio Vero (169 d.C.). Poichè il giuridicato è pluriennale potrebbe datarsi al 167-170 e dunque l’intervento di Arrio è compatibile con entrambe le datazioini. Non credo tuttavia che la sofferenza sia non legata a un’ invasione che si è prodotta a 30 km della città.”

Sur Maria Grazia Granino Cecere

580

• Fausto Zevi : “Volevo chiedere alla prof.ssa Granino se ritiene che la compresenza sull’iscrizione che ci ha mostrato di una dedica alla Fortuna Primigenia e della formula L.D.D.D. non significhi che si era verificato qualche mutazione nell’estensione dell’area di pertinenza del santuario.” • Michel Christol : “L’inscription attribuée à Trajan Dèce peut-elle être revue et réexaminée ?” • François Chausson : “1) On peut aussi mentionner le poids de la villa impériale de Tivoli (par exemple à propos de la dédicace à Septime Sévère), puisque au iiie siècle, même dans l’Histoire Auguste, il y a la mention de présence impériale à Tibur ; 2) des inscriptions de Préneste mentionnent des dames, sans doute de rang sénatorial, au iiie siècle, et les liens avec la Fortuna, ce qui peut témoigner de la vitalité du culte à cette date.” Maria Grazia Granino Cecere répond : ◊ à Fausto Zevi : “L’espressione l(ocus) d(atus) d(ecreto) d(ecurionum) non si riferisce esclusivamnte alla concessione di luogo in ambito pubblico; infatti ai decuriones spetta anche la gestione dello spazio santuariale. La presenza di tale formula sulla base di C. Valerius Dolutius conferma, non esclude, la sua collocazione nell’ambito del santuario della Fortuna.” ◊ à Michel Christol : “Certamente l’integrazione della prima riga conservata della dedica dei sacerdotes Caheures pone dei problemi di spazio per inserire il nome de Traianus Decius Aug(ustus) che prevede una quindicina di lettere

Chronique des travaux et discussions

per uno spazio di ca. 10-12. Forse era indicato solo Traianus Aug., senza Decius come accade in qualche iscrizione provinciale di tale imperatore.” ◊ à François Chausson : “Non si evidenza nel corso del tempo un rapporto tra la villa Adriana e il tempio di Ercole Vincitore a Tivoli. Il tempio tiburtino presenta una valenza ‘essenzialmente’ civica, poichè nei suoi portici si accumulano basi e statue onorarie di personaggi dei più alti ordini sociali che in Tibur avevano la loro residenza; il luogo sacro ha rivelato più dediche onorarie che dediche di fedeli alla divinità titolare.”

Sur Enrique Melchor Gil • Fausto Zevi : “Volevo chiedere qualche informazione ulteriore sulla iscrizione ostiense citata come esempio precoce di adlectio (decurionum decreto). E mi chiedevo anche se per gli ex-magistrati l’ingresso nell’ordo fosse automatico, o se ci fosse una formalità nell’ammissione da parte dei decuriones.” Enrique Melchor Gil répond : ◊ à Fausto Zevi : “La iscripción comentada es CIL, XIV, 375 de Ostia, la han datado entre fines de la República y la primera mitad del siglo i d.C.; aunque recientemente O. Salomies la ha fechado in época triumviral o a inicios del principado. En ella se menciona a un decurio adlectus. Al hacer alusión a este epigrafe quería destacar que las primeras adlectiones, al igual que ocorre con las cooptaciones (lex Ursonensis, cap. 17), son de finales de la época republicana. Las adlectiones permiten nombrar decurio a una persona que no ha desempeňado magistraturas o elevar de rango a una persona que ya es decurio pasándolo, per ejempio, de rango edilicio a rango quinquenalicio, como muestra la epigrafía y como parece deducirse del album de Canusium, donde aparecen bastantes adlecti inter quinquennales.”

Sur Antony Hostein et Michel Kasprzyk Les auteurs répondent aux demandes de Michel Christol (voir supra, p. 574) ◊ Michel Kasprzyk répond : “Au début du ive siècle, en croisant les données historiques et archéologiques, on constate que quatre cités se détachent nettement : Trèves, Arles, Autun et Reims, et elles sont plus à même de bénéficier de faveurs.” ◊ Antony Hostein répond : “Oui, il existe une hiérarchie des cités qui leur permet, dans le dialogue avec le pouvoir impérial, de faire prévaloir des

581

Mireille Cébeillac-Gervasoni et Laurent Lamoine

droits et des beneficia exceptionnels. Cela explique la situation des cités mentionnées ci-dessus par Michel Kasprzyk. Il faut aussi signaler que les découvertes récentes à Autun sont exceptionnelles. Un article coordonné par Y. Labaume (du Service municipal d’archéologie d’Autun) paraîtra dans Gallia, 2012.”

François Chausson (supra, p. 543-547) a ensuite conclu ces journées de travail et de discussions, intenses et fructueuses.

582

Indices CINQUIÈME PARTIE

36

Index institutionnel Laurent Lamoine

Seules les institutions locales et étrangères ont été retenues. Les institutions contemporaines sont indiquées par un soulignement.

A adlectio 399, 508, 509, 510, 512, 514, 515, 581 adtributio 12, 22, 26, 46, 121, 122, 144, 149, 551 aedilis 166, 185, 234, 236, 238, 240, 241, 243, 315, 326, 327, 328, 509, 560 aerarium 164, 165, 166, 167, 168, 169, 170, 171, 172, 173, 174, 175, 205, 206, 212, 219, 221, 544, 560, 561, 562, 563, 564 album 507, 509, 512, 513 alimenta 82, 83, 173, 197 allié 94 ambassade, voir aussi legatio

97, 98, 373, 374, 380, 407, 413, 427, 440

association 361, 365

ambassadeur, voir aussi legatus 97, 377, 378, 461

auctor armorum 400

ampliatio 194 annona 174, 461, 469 apparitor 206, 207, 214, 216, 217 arbiter publicus 149, 150, 152 arca 180, 183, 184, 186, 188, 251 – frumentaria 174 – publica 164, 173, 175 assemblée 11, 382 – de guerriers 404 – fédérale 378

augur 58, 313, 314, 327 augustalis 310, 315, 328 augustalité 562 B boni 394 bornage 31 boulé 397 C campus 302

585

Indices

carcer 166, 169

– des décurions 11, 29, 31, 204, 440, 443

castellum 22, 24, 25, 28, 31, 420

contributio 26

centonarii 311

conventus 28

chef 406

cooptatio 507, 508, 509, 510, 512, 515

chefferie 404

cultor 302

cité – ciuitas sine suffragio 94, 95 – fédérée 27, 90 – libre 48 – pérégrine stipendiaire 48

curatelle – pecuniae ad annonam 174 – pecuniae annonae 174 – pecuniae frumentariae 174

clientèle 374

586

collegium 96, 282, 302, 310, 311, 313, 332, 334, 335, 349, 361 – fabrum 334 collegius 334, 573, 574 comices 29, 514 – électoraux 506, 511 commissaire 383 commune 28 conciliabulum 24, 89, 92, 95, 96, 97, 101, 102, 114 concilium armatum 390 conditor coloniae 285

cura annonae 482

curator 328, 460 – annonae 460 – des alimenta 563 – d’une partie du kalendarium publicum 563 – kalendarii 174, 196, 197, 563 – operum 260, 326, 535 – rei publicae 193, 196, 198, 280, 285, 316, 474, 573 – viarum 49 curia 165, 166, 168, 169, 361, 507, 508, 510, 511, 512, 513, 515, 534, 545 curiales 506, 509 curie (unité de vote) 23

decretum decurionum 25, 29, 31, 178, 179, 180, 192, 281, 320, 394, 497, 508, 580, 581 decurio 13, 24, 27, 31, 32, 164, 168, 179, 180, 185, 186, 188, 207, 208, 209, 212, 213, 220, 221, 282, 301, 315, 327, 364, 421, 427, 440, 443, 478, 506, 507, 508, 509, 510, 511, 512, 513, 514, 515, 534, 560, 564, 580, 581 – adlectus 327, 508, 581 dediticii 372 deditio 392, 414 deductio 106 diocèse 43, 45 druide 404, 406, 409 duumvir 29, 123, 185, 206, 208, 210, 213, 214, 219, 241, 298, 299, 301, 313, 314, 320, 326, 327, 328, 364, 419, 455, 507, 509, 578 – designatus 315, 326 – quinquennal 290, 327, 507 duumvirat 563 dux 400, 457 E édilité 508, 509, 511, 514, 563 editor muneris 327

conductor vectigalium 219

D

élection 506, 507, 508

confœderatio 26, 27

decem primi 427

épimélète 143

conseil 393, 397, 506

décret des sévirs augustaux 182

epistasia 133, 136

Index institutionnel

États fédéraux 377 évergétisme 14, 31, 82, 174, 175, 181, 186, 220, 230, 238, 321, 352, 353, 354, 356, 357, 358, 359, 360, 361, 363, 364, 365, 457, 460, 469, 565, 574, 575 exactio pecuniae 458 exilés 380, 381 ex postulatione populi 189

I incola 24, 27, 32, 419 intercessio 209 itération 180 iuniores 358 – vici 360, 365 iuventus 393, 394 J

F fédération 375, 377, 380 flamen – divi Augusti 327 – perpetuus 178, 179, 326 foedus 27, 98, 285, 406

juge 28 K kalendarium 174, 195, 196, 197, 198, 205, 563 – publicum 563 kédémonia 137

forma communis 429

koinon 130, 131, 135, 136, 140, 141, 144, 145, 377, 380, 381

forum 24, 114

L

frumentaria pecunia 459

lectio 506, 507, 512

G

legatio 16, 212, 217, 427, 440, 447, 477, 478, 535 – de re frumentaria 461

gens 290 H hastiferi 365 hégémôn 135 homines novi 506, 514, 515

legatus 390, 392, 414, 447 – civitatis 534 lex – Bantia 429 – coloniae Genetivae Iuliae (Urso) 23, 24, 31, 120, 185, 204, 206, 207, 211, 214, 430, 456, 507, 527, 551, 563, 564, 581

– Heracleensis 205 – Irnitana 12, 13, 23, 24, 25, 28, 30, 120, 185, 204, 206, 208, 211, 214, 220, 234, 506, 507, 509, 511, 564 – libitanaria de Puteoli 172, 207, 209, 210 – locationis Puteoli 213 – Malacitana 204, 511 – sur le canal de l’Èbre 31 – Tarentina 13, 205, 210, 215, 429 – Visellia 188 librarius 206 ligue 130, 131, 136, 138 locus religiosus 288 587

M magister – Augustalis 308, 310, 328 – Mercurialis 310, 328 – pagi 328 magistrature 361, 364, 404, 409, 442, 444, 506, 507, 509, 511, 512, 513, 514 – suprême 390 magistratus 11, 12, 26, 28, 31, 33, 43, 58, 90, 124, 164, 171, 172, 182, 183, 186, 204, 207, 208, 209, 210, 211, 213, 214, 215, 216, 219, 220, 221, 238, 280, 281, 298, 299, 301, 308, 361, 364, 397, 408, 434, 440, 455, 459, 506, 507, 509, 511 maiores 394

Indices

maire 29 Martiales 426 munera 186, 187, 480, 511, 514, 515, 534, 575 – extraordinaire 480 munitio 25 N negotiator 364, 365 – britannicianus 364 néoi 393

588

49, 64, 65, 70, 72, 74, 76, 77, 80, 81, 195, 422, 539 – Apollinaris 328 Panhellenion 141 patron 16, 33, 121, 182, 280, 283, 287, 290, 297, 310, 311, 313, 314, 317, 326, 327, 328, 438, 443, 444, 447, 457, 481, 484, 500 pecunia – communis 164, 205, 208, 220, 429 – publica 175, 194, 197, 198, 204, 208, 209, 212, 215, 217, 220, 564 pedaneus 509, 513, 514 pensiones 480

O

plebs 282, 394, 511, 513, 514

octovir 96

pollicitatio 194, 250, 364

oppidum 24, 25, 31, 33, 48, 371 ordo decurionum 28, 29, 31, 33, 178, 179, 185, 187, 188, 189, 205, 207, 211, 213, 217, 220, 241, 252, 266, 273, 274, 277, 282, 288, 315, 317, 328, 423, 429, 457, 462, 477, 482, 506, 507, 508, 509, 510, 511, 512, 513, 514, 515, 534, 540, 561, 562, 571, 578, 581 – Augustalium 311 ornements séviraux 179 otage 373, 379 P pagani 32 pagus 22, 25, 26, 28, 31, 32, 33, 43,

pontifex 327, 328 populus 180, 220, 317, 394 possessores 74 praefectura 24, 95, 96, 97 praefectus 321, 328 – colonis deducendis 118 – iure dicundo 96, 114, 320 praepositus muris 285, 572, 573 praetextatus 512, 513, 514 praetor 90 primores civitatis 534, 538, 540, 576 princeps, principes 390, 394, 395, 399, 410, 568, 576, 577, 578

– coloniae 424 – legationis 392 principales 534, 576 professio 507 proscriptio 507

Q quaestor 172, 181, 205, 206, 326, 327, 328, 457, 564 – arcae publicae 327 quattuorvir 181, 302, 326, 419, 429, 438 – quinquennal 244 questure 508, 509, 511, 514 quinquennal (magistrat) 509, 581 R ratio – communis 564 – frumentaria 459, 461 recensement 31 redemptor 172, 175, 208, 209, 210, 212, 213, 217 rex, regina 128, 370, 372, 373, 377, 378, 382, 395, 413, 568 rex Nemorensis 490 royauté 404, 413

Index institutionnel

S sacerdos 11, 58, 221, 280, 281, 310, 327, 364, 492, 495, 580 sanctuaire du Confluent 58 scriba 206, 215, 564 senator 408 senatus 11, 204, 394, 397, 440, 506, 507, 508, 509, 510, 512, 514 seniores 394 servus – communis 206 – publicus 216, 218, 426, 440, 564 sevir 361, 365 – augustalis 178, 179, 180, 181, 182, 183, 184, 186, 187, 188, 189, 562

sodalis 332, 334, 335

tribu 23

stratège 378, 380, 381, 382

tribunal 166, 171, 172

sublectio 506, 507, 508

triumvir locorum publicorum persequendorum 42

subsidium annonarium 478 summa honoraria 180, 184, 221, 562 syssitia 142 T tabulae – ceratae 215, 564 – publicae 205, 206, 215, 216, 564 tabularium 13, 165, 206, 210, 547, 562, 564

tyran 128, 370, 388 V vectigalia 12, 25, 30, 116, 117, 119, 120, 121, 122, 123, 136, 140, 143, 173, 197, 207, 212, 218, 365, 460, 531, 557, 558, 563, 564 vergobret 409 vicani 354, 357, 360, 365 vicus 22, 24, 25, 26, 28, 31, 32, 70, 96

589

37

Index onomastique

Mireille Cébeillac-Gervasoni

Seules les dates avant notre ère portent la mention “av. J.-C.”

A Abascantus 342 Abuttia 304 Abuttii 304 Abuttius 304 Achille 141

T. Aebutius Parrus 104

Agrippa Postumus 303, 310

L. Aemilius Arcanus 183

Agrippine la Jeune 135

M. Aemilius Lepidus, censeur de 179 av. J.-C. 104, 249, 371 M. Aemilius Lepidus, cos. 46, 42 av. J.-C. 413 L. Aemilius Moschus 183

Aischrion 384 P. Albius Secundus 78, 79 Alexandre, le faux prophète 472 Alexandre le Grand 98, 465

Acilia 251

L. Aemilius Paullus, Paul Émile, cos. 182, 168 av. J.-C. 370, 371, 379, 383, 384, 575

M’. Acilius 251

P. Afranius Aftorus 80

Alexandre, le prophète de Glycon 452

M’. Acilius Aviola, cos. 54 251

Agamemnôn 141

Alexandre Sévère 197

Agèsias 370

Allectus 363

M’. Acilius Aviola, cos. 122 251 M’. Acilius Glabrio, cos. 91 251 M. Acutius Noetus 461, 478, 479

Agilulfo da San Colombano 72 Agrippa, M. Vipsanius Agrippa, cos. 47 av. J.-C. 310, 445

C. Amatius Paternus 364 Aminias 344

591

Indices

Ammien Marcellin 363, 455, 461, 472, 473, 538, 539

L. Antonius, petit-fils de Marc Antoine 338

Amusicus 391

Cn. Antonius Priscus 80, 81

Amyna 344

M. Aper, orateur 407

Anicii 439

Aponii 303

T. Annius Milon, pr. 55 av. J.-C. 442

Sex. Aponius Proculus 303, 326

Attia Patercla 177, 178, 179, 181, 182, 184, 185, 186, 187, 188, 189

Antigonides 373

Appien 88, 108, 393, 437, 440, 441, 442, 446, 490

(L. Attius) Daphnion, affranchi 179, 183, 188, 189, 562

Antigonos Dôsôn 128 Antinous 375 Antiochos III 93, 373, 377 Antiochos IV 382 Antipater de Thessalonique 100 592

Antiphilos de Byzance 100 Q. Antistius Comus Comianus 315, 326 Antistius Rusticus 462 Antonia Vera 74 L. Antonii 338 Antonin le Pieux 54, 142, 143, 146, 174, 183, 186, 194, 242, 248, 250, 316, 317, 451, 478, 481, 491, 494 Antonins 52, 131, 544 Antonius 338 Iullus Antonius, fils de Marc Antoine 338

Apulée 236 Aratos de Sicyone 381 Arbogast 363 Archédamos 378, 379 Archon 382 Arioviste 392, 406 Aristodamos 370 C. Arrius Antoninus 316, 461, 471, 475, 476, 477, 478, 480, 481, 483, 484, 579, 580 Astolpas 395 L. Ateius Capito 430 M. Atilius Metilius Bradua, cos. 108 251 M. Atilius Postumus Bradua, cos. 79 ou 80 ? 251

Atria V(ibi) f. 304 Atrii 304 Mr. Atrius V.f. 304 C. Atrius C.l. Sindaeus 304

Attius Varus 443 Aufidia Stati f. 298 Aufidia St(ati) f. Maxima 304, 307 Aufidii 304 P. Aufidius Fortis 562 C. Aufustius [- - -] Terpnus 328 Augusta (gens) 573 Auguste, Octavien, Octave 48, 49, 65, 66, 118, 122, 125, 127, 131, 132, 133, 136, 137, 138, 140, 141, 142, 144, 145, 146, 192, 198, 210, 240, 249, 297, 300, 302, 310, 311, 338, 433, 436, 442, 443, 444, 445, 446, 447, 448, 490, 492, 496, 508, 578, 579 Aurélien 53, 54, 284, 285, 288, 491, 530, 572, 573 C. Aurelii 308 M. Aurelius Iulius Euprepes 496, 497

Atinii 304

M. Aurelius Plebeius 184

L. Antonius 336, 337, 338

M. Atinius 304

M. Aurelius Zoticus 500, 501

L. Antonius, cos. 41 av. J.-C. 490

M. Atinius Florens 304, 326

Ausone 529, 534

Index onomastique

L. Caesius 125

L. Cantinius A.l. 324

Q. Avilius Hyacinthus 188

L. Caesius, imperator (Bronze d’Alcantara) 414

L. Cantinius Hermippus 324

Avitus 55

M. Caesius, d’Arpinum 124, 125

L. Cantinius L.f. Men. Maximus 324

Q. Caesius Q.f. Fal. Fistulanus 312, 320, 326

L. Cantinius C.f. Fal. Rufus 303, 323

Q. Caesius Optandus 312

Caracalla 54, 254, 283, 362

Calavius 326

Carausius 363

Caligula 496

Carin César 272, 273

Callistrate 211, 248

C. Cartilius Poplicola 445

L. Calpurnius Piso, cos. 58 av. J.-C. 125

Cassiodore 572

Avarus, princeps legationis de Numance 392

B Bassii 304 Bassius 326 P. Bassius (mulieris) l. Barn(aeus) 304 Bellovèse le Biturige 410, 411 Bituit 406 Brasidas 138, 139 C Cadii 309 Caeciliana 317 Caecilii-Herennii 307 L. Caecilius Iucundus 194, 206, 218, 219 Q. Caecilius Metellus Creticus, cos. 69 av. J.-C. 407

Calvidii 308

M. Cassius Cornasidius Sabinus 287, 290

L. Calvidius L.f. Clemens 315, 326

C. Cassius Longinus 104

L. Calvidius L.l. Felix 315, 328

C. Cassius Longinus, pr. per. 44 av. J.-C. 444

Calvina 229 C. Calvisius Rufus 226 Caninia 307 Caninii 307 Cantenius 324

L. Caecilius Optatus 185, 186

Cantienus 324

Caecina 437

Cantilius 324

Caedicia Iris 186

Cantineus 324

M. Caelius Phileros 125, 243

Cantinianus 324

C. Caesar, petit-fils d'Auguste 302

Cantinii 303

Caesii 544

Cantinius 324

Cassivelaunus 399 Catius/Cadius 309 C. Catius, de Pompéi 302 C. Catius M.f., IIIIvir de Nola 301, 309, 326 C. Catius Vestinus, trib. mil. de Marc Antoine 302 Caton l'Ancien 308 Cavarinus 398, 399 Celsus 268 Celtilus 397 César, le dictateur 32, 37, 115, 116, 117, 118, 119, 121, 122, 123, 125, 126,

593

Indices

135, 221, 230, 249, 301, 390, 391, 392, 394, 396, 397, 399, 400, 403, 404, 406, 408, 410, 412, 413, 414, 415, 420, 422, 436, 441, 442, 443, 444, 445, 447, 557, 558, 570, 578

L. Claudius Pollio Iulius Iulianus Gallicanus 311, 318, 326

Césars 273

Ap. Claudius Pulcher, cos. 54 av. J.-C. 249

Charès, fils de Charès 143

594

Ap. Claudius Pulcher, cos. 58 av. J.-C. 300

Charops 370

Ap. Claudius Pulcher, cos. 38 av. J.-C. 300, 326

Charops le Jeune 369, 370, 371, 373, 375, 376, 377, 378, 383

C. Claudius Pulcher, cos. 177 av. J.-C. 383

Chrémas d’Acarnanie 369, 370, 383, 384, 385

P. Claudius Pulcher 300

Chrysogonus 427, 440

Cléomènes III 128

Cicéron, M. Tullius Cicero 14, 115, 116, 117, 118, 119, 120, 122, 123, 124, 125, 126, 193, 208, 210, 212, 213, 215, 249, 299, 300, 304, 409, 410, 411, 421, 425, 426, 427, 430, 434, 436, 437, 438, 439, 441, 442, 444, 447

C. Clovius/Cluvius, praef. 118, 123

Cimarelli 572 Cingétorix 390 Cintugnatius Publius 364 Cisionia L.f. Firmilla 312 Claude 48, 52, 53, 135, 325 Claude II 528, 530 Ti. Claudius Brasidas 146 M. Claudius Fronto 455, 473 M. Claudius Marcellus, cos 222, 215, 214, 210, 208 av. J.-C. 389 M. Claudius Marcellus, cos. 166, 155 av. J.-C. 396

C. Coelius Verus 74, 78 Cominii 304 Cn. Cominius 304 M. Cominius 304 L. Cominius Primus 309 Commius 413 Commode 140, 241, 242, 290, 317, 451, 469 [C]onsia P.f. [Ma?]suria Octavia Paulina 310, 327 Consius 310

A. Cluentius Habitus 426

Constance Chlore 285, 286, 290, 292, 362, 363, 527, 531

Cluvia (gens) 119

Constance II 285, 286, 290, 500

Cluvia M.f. Modesta Fisia Rufina 313

Constantin Ier le Grand 22, 198, 285, 286, 356, 362, 363, 410, 539, 540, 575

Cluvii 307, 313

Constantin II 285

Cluvius, consulaire en 29 av. J.-C. 118 Cluvius, familier de Cicéron 117, 118, 119, 126 C. Cluvius, beau-frère de la matrone de la laudatio Turiae 118

Convictolitavis 390, 391 Corel(l)ia 315 Corel(l)ia Celsa 315 Corellius 314

C. Cluvius L.f. pr. et procos. (de Macédoine ou d’Asie) vers 104 av. J.-C. 118

Corellius, chevalier 315

M. Cluvius, de Pouzzoles (mort en 45 av. J.-C.) 118

L. Corellius Celer Fisius Rufinus 313, 314, 327

N. Cluvius M’.f., IIvir de Nola 298, 307, 326

Cornelia (gens) 109

A. Cluvius Celer 307, 327

Cornelia Severa 80

L. Corellius Celer 314

Index onomastique

Cornelii 299

Critonius 308

T. Didius 389

L. Cornelius Augurinus 364

M. Critonius Hipparchus 308, 328

Dindii 439

L. Cornelius Cinna, cos. 87-84 av. J.-C. 429

Curiatii 303

Dioclétien 42, 45, 53, 272, 273, 284, 286, 298, 493, 518

P. Cornelius Cethegus 104, 109 Sex. Cornelius Clemens 473 Ser. Cornelius Dolabella Metilianus Pompeius Marcellus, cos. 113 251 Ser. Cornelius Dolabella Petronianus, cos. 86 251 C. Cornelius Felix Italus 482, 483 M. Cornelius Fronto, Fronton 477 Cn. Cornelius Lentulus Clodianus, pr. 59 av. J.-C. 407 L. Cornelius Onesimus 80 P. Cornelius Scipio Aemilianus, Scipion Émilien, cos. 147, 134 av. J.-C. 392, 393

C. Curiatius, chevalier 302 C. Curiatius L.f. 303, 327 M’. Curius Dentatus, cos. 290, 275, 274 av. J.-C. 89, 90, 95 Cyprien de Carthage 519 D Damonikès, fils de Damonikès 143 Dativius Victor, décurion dans la cité des Taunenses 357, 364 Dèce 494, 495, 496, 580, 581 Decidii 304 Decius 283

Diogénès 384 Dion Cassius 142, 395, 443, 472, 473 Dion de Pruse 266, 287 Diophanès 382 Diviciacus 405, 406, 407, 409, 410, 411, 415, 576 Domitien 122, 134, 192, 311, 312, 314, 570 Domitius 443 Cn. Domitius Ahenobarbus, cos. suff. 162 av. J.-C. 383 Dumnorix 390

P. Decumius Eros Merula 180

E

Démétrios de Pharos 372

Elagabal 283

P. Cornelius Scipio Nasica, cos. 191 av. J.-C. 107, 109

Démétrios, fils cadet de Philippe V 373

Epameinondas 128

Correus 394

Démétrios Poliorcète 98

Cosinii (frères) 242

Denys d’Halicarnasse 88

Cosmion 183

T. Destitius Severus 484

Cottius 37, 38

Dexippe 456

Eumène le rhéteur 353, 363, 528, 534, 535, 536, 537

Cotus 390, 391

Diadumenianus 283

Eupolèmos 378

Critonii 308

Diaios 138

Euryclès Laco, fils d'Euryclès 136

P. Cornelius Scipio Africanus, Scipion l’Africain 93

Epicides 389 Sex. Erucius Clarus 231 Étienne de Byzance 39

595

Indices

Euryclides 134, 137, 142, 146

France (Anatole) 413

Eutrope 472, 473

Frontin 92

F L. Fadius, d’Arpinum 193 M. Faucius, d’Arpinum 124 Faustina minor 491 Favonius Aemilius Papus Minor 268 Feidenatii 439 Festeva/Festiva 343, 344 Fisia Sex. f. Rufina 313 Fisii 304, 313, 314 596

Fufidii 125, 544 Fufidius, créancier d’Apollonie 125 M. Fufidius 125

Granius, princeps coloniae de Pouzzoles 424 Gratien 285, 286 Grégoire de Tours 55 Grenier (Albert) 38, 43, 44

Q. Fufidius, d’Arpinum 124, 125

H

L. Fufidius L.f. Ouf. Proculus 325

Hadrien 29, 52, 54, 141, 142, 143, 144, 146, 192, 315, 481, 491

L.(?) Fufidius Lucianus 455 T. Furius Victorinus 473 Fustel de Coulanges (Denis-Numa) 407, 408, 409

Hannibal 93, 122, 372, 377, 388, 434, 579 Hécatée de Milet 39 Helius 150, 151

G

Herennia 309

Gaius, auteur juriste 183

Herennia Tertia 309

Galba 233, 243, 567

Herennia Tertia 304, 306

Galère 286, 529, 537

Herennii 304

Galère César 272

Herennii-Caecilii 306, 309

Sex. Fisius Serenus 302, 313, 327

Gallien 284, 306, 312, 318, 459, 464, 573

Herennius 326

Flaminii 303

Gavius 326

T. Flaminius T.f. Longinus 303

Géta 283, 546

Flaviens 297, 544

Glaucus 535

T. Flavius Aug.l. 311, 312

Glaukos 384

Flavius Fortunius 281, 288

Gletranus 308

Hiéronyme, le tyran de Syracuse 388

Flavius Lucretius Publianus 316

Glycon 452

Hipocrates 389

Florus 96

Gordien Ier 284

Hippellius 304

C. Fisius Po[- - -] 313 Fisius Rufinus 314 C. Fisius Sabinus, cos. suff. 83 av. J.-C. 313 Fisius Serenus 304

M. Herennius, décurion 421 Herennus Bass(i)us 304 Hermes, esclave 338, 345, 346 Hérode Atticus 133

Index onomastique

Hippius 304

L. Iulius Niger Aurelius Servatus 189

Hippolochos 376, 378

Iulius Paternus 252

A. Hirtius, cos. 43 av. J.-C. 394, 413

Sex. Iulius Possessor 579

Holcennii / Holocennii 304

C. Iulius Priscianus 285

Holcennius / Holocennius 322

Iulius Secundus, orateur 407

Holconius 322 Q. Hol(o)cennius 327 Homère 141, 454 Hostilia Hostiliana 183 Hygin 48 Hyperbatos 380, 382 I Induciomarus 390, 399 Ippellii 304 L. Ippellius Atticus 304, 327 Isaeus 338 Iulia Domna 283, 318 C. Iulius Euryclès 127, 133, 134, 135, 136, 137, 139, 142, 144, 145, 146 C. Iulius Euryclès 146 C. Iulius Euryclès Herculanus 135, 137, 142, 146

Q. Iulius Servandus 183 C. Iulius Severus 239 C. Iulius Spartiaticus 135 C. Iulius Theophrastos 142 C. Iulius Tutillus 352 M. Iunius Brutus (Q. Servilius Caepio Brutus), pr. urb. 44 av. J.C. 117, 124, 444, 578 A. Iunius Pastor L. Caesennius Sospes, cos. 163 316 L. Iunius Puteolanus 180 J Julien (saint) 55

Képhalos 375, 376 L Lacharès, père de C. Iulius Euryclès 133, 146 C. Laelius, cos. 190 av. J.-C. 107 L. Laelius Maximus 498 Lartidii 308 M. Lartidius 307 Libanius 218 Licinia Pallas 183 Licinii 58 Licinius 286 P. Licinius Cato 82 P. Licinius Crassus, cos. 171 av. J.-C. 376 Sex. Licinius Helicon 179 L. Licinius Lucullus, cos. 74 av. J.-C. 101

Julien César, Julien l’Apostat 495, 538

Licinius Valerianus, fils de Gallien 284

Julio-Claudiens 52, 448

Livie 443, 496

Jullian (Camille) 39, 43

Lochagos 376, 378

Ti. Iulius Ti.f. Fal. Italicus 325

K

C. Iulius Laco, famille des Euryclides 134, 135

Kallikratès 369, 370, 374, 377, 380, 381, 382, 383, 384

C. Iulius Laco, fils d’Euryclès 135, 137

Kallikratès de Léontion 381

Q. Lollius Urbicus 477 Longnon (Auguste) 43 Luc(c)eii 304 Q. Luc(c)eius Clemens 304, 327

597

Indices

Lucien 452, 461, 465, 472, 473

Magnus 348

M’. Megonius Leo 186, 187

Lucilia Isaurica 186

Magulnii 439

L. Melius Severus 79

Lucilius Constantius 266

Q. Mamercius, d’Arpinum 124

P. Lucilius Gamala 445

Mammii 304, 326

Merseii 439

L. Lucilius Priscus 82

Mandubracius 398

Lucius (Apulée, Mét.) 234

L. Manilius Alexander 180

Mai. Lucius 326

L. Manilius Gallus 180

Lucius Verus 185, 193, 252, 290, 460, 466, 472, 473, 474, 475, 481, 482, 491, 512, 580

Marc Antoine 122, 141, 146, 301, 302, 338, 400, 444, 447

Q. Lucretius Ofella 438 C. Lusius Storax 181 598

Q. Lutatius Catulus, cos. 78 av. J.-C. 562 Lycurgue 130, 134, 144, 145, 146 Lydiadas de Mégalopolis 381 Lykeinos, fils de Lykeinos 143 Lykiskos d’Étolie 369, 370, 372, 376, 378, 379, 380, 383, 384 Lykortas 377, 380, 381, 382, 384

Metilia I 251 Metilia II 251 P. Metilius Nepos 251 Minatius 326 Minii 306

Marc Aurèle 143, 174, 185, 192, 252, 290, 316, 317, 457, 458, 460, 461, 466, 468, 472, 473, 474, 481, 482, 483, 491, 512, 545, 579

M. Minii 306

Marcella 338

Mnasippos de Coronée 370, 385

Marcia Otacilia Severa 284

Modestin 24, 198

Marcien, juriste 215

M. Mommeius Persicus 72, 74, 76

Marcius Rex (RE, 14, col. 1581, n° 88) 249 Marius 121, 406, 436, 437, 438, 440, 441, 559 Marius le Jeune 436, 438

A. Minius 306

Monnii 306 Q. Monnius N.f. 306 Q. Monnius Rufus 306, 327

C. Marius C.f. 241

Montesquieu (Charles de Secondat de Montesquieu, dit) 28

M

T. Marius T.f. Fal. Iulianus 315, 320, 327

Macrin 283

Martial 181

*Mulcius 326

C. Maecenas, praef. urb. 36, 31 av. J.-C. 504

Maxence 272, 286, 572

Maffei (Scipion) 70 Magnence 286

Maximien 45 Maximin le Thrace 53, 54, 553, 554, 272, 273, 284, 286

L. Mummius, cos. 146 av. J.-C. 131, 132 Muratori (Ludovico Antonio) 70 Musa 341 Mut(t)ii 306

Index onomastique

N

O

Nabis 128, 130

Occius 430

Nahania Victoria 241

C. Occius M.f. 430

Napoléon Ier 412

M’. Occius 430

Napoléon III 412

C. Octavius, père d'Auguste 300

Nassii 306 [Cn.?] Nassius Cerialis 306, 327 Cn. Nassius Zosimus 306 L. Neratius Corellius Pansa, cos. ord. 122 315 C. Neratius Proculus Betitius Pius Maximillianus 316 Neronii 303, 304 Nerva 69, 70, 284, 570 Nikandros 376, 378, 379

Oppianicus 425, 426, 438, 578 Oppii 307 M. Oppius S.l. Aes[chines?] 307 T. Oppius Proculus 307, 327 Orceveii 439 C. Orcevius 438 M. Orfius 122 M. Orfius, d’Atella 119 Oribase 463

Niképhoros 142

P

Nikias 370

Q. Pacuvius Saturus 241

Q. Nolcennius 322

Panégyrique latin, L’Orateur de 311 410, 520, 528, 529, 530, 534, 535, 536

C. Norbanus, cos. 83 av. J.-C. 121 C. Novellius Ianuarius 365 Numérien 284 Numidius 309

Pantaléon 378, 379

N. Papius 306 Q. Papius Ostlenus 287 Parianus 308 Sex. Parianus Serenus 308, 327 Paul, juriste 198 Pausanias 131, 133, 136, 137, 138, 140, 141, 381, 383, 490 Peducaeus Senianus 341 Minius Percennius 299, 326 Persée 370, 372, 373, 374, 375, 376, 378, 382, 383, 384 Pertinax 284, 473 Petronii 307, 318 Petronii-Publilii 317 Petronius Iunior 317 Cn. Petronius Probatus 318 Cn. Petronius Probatus Iunior Iustus 317 L. Petronius L.f. Sab. Taurus Volusianus 318 L. Petronius L.f. Fal. Verus 307, 327 Pettii 326

Papia Tyrannis 306

Her(ius) Pettius 326

Papii 306

Philippe Ier de Bourbon, duc de Parme 70

M. Nummius Albinus 498

L. Papirius Cursor, cos. 293 av. J.-C. 249

Nymfius 575

Papirius Iustus 192, 194

Philippe II de Macédoine 128, 145, 284, 373 Philippe l’Arabe 53, 284

599

Indices

Philippe V de Macédoine 93, 372, 373, 377

T. Pompeius Nocturnus 365

L. Publilius Felix Iustus 317, 318

Philippos 370

Pomponia Callistoniké 138

Philopoemen 130, 169

Pomponii 139

L. Publi(li)us Petronius Volusianus, cos. suff. vers 270 318

Phoebe 346

Pomponius 24

Cn. Pinarius Cornelius Clemens 42

T. Pomponius Atticus 117, 142, 300, 444, 575

L. Plaetorii 308 N. Plaetorii 308 L. Plaetorius, pellio 308 Q. Planius Sardus L. Varius Ambibulus, cos. suff. 132/3 c. 314 Plautien 283

600

Pline l’Ancien 37, 38, 39, 99, 100, 107, 109, 134, 244, 298, 339, 340, 341, 420, 421, 577 Pline le Jeune 173, 195, 197, 204, 205, 212, 213, 216, 217, 218, 219, 223, 224, 225, 226, 227, 229, 230, 231, 252, 253, 258, 338, 452, 478, 506, 544, 565, 566

C. Pomponius Graecinus 321

Popilius Virro, v. c. 318

T. Quinctius Flamininus, cos. 198 av. J.-C. 128, 130, 133, 136, 138, 373

M. Popillius Laenas, cos. 173 av. J.-C. 105, 106, 557 Porcia 299 Porcia Tulli C. Catonis f. 299 Porcii 299 M. Porcius M.f., IIvir à Pompéi 299 C. Porcius Cato, sénateur 299 M. Porcius Cato, le Censeur 299

Plutarque 424, 440, 441, 578

Postumus 53, 54

Pollius Iulius Clementianus, v. p. 310, 319

Primitiva 346, 347

Pompeianus, gendre de Marc Aurèle 473 A. Pompeius, q. 446

Pythias (Apulée, Mét.) 234 Q

C. Porcius Priscus Longinus 500, 503

Pompée le Grand 117, 121, 123, 393, 441, 442, 445, 557

Pyrrhus 169

Popilius 384

Plotius Plebeius 122

Polybe 88, 107, 132, 138, 369, 370, 371, 372, 374, 375, 376, 377, 378, 380, 381, 382, 383, 384

L. Publilius M.f. Probatus 317, 318, 319, 320, 327

Prudence 109 Ptolémée II Évergète 382 Ptolémée VI Philometor 382 Publilii 318 Publilii-Petronii 319 L. Publilius Felix 318

C. Quinctius Valgus 299, 422, 438 R L. Ranius Optatus, légat du Pont-Bithynie, 236-238 317 L. Ranius Optatus signo Acontius 317 M. Reginius M.f. Eutyches 349 Retogenes 391 Romanii 334 L. Romanius Abascantus 332, 334 Romulus, fondateur de Rome 572 Roscia C.f. Iustina 149 Roscia Modesta 149, 150, 151, 152 A. [Rosc]ius 150, 151 C. Roscius, père de Roscia Iustina 149 C. Roscius, père de Roscia Modesta 149

Index onomastique

Q. Roscius 440

Samiarii 439

Q. Servilius Caepio 117

Sex. Roscius 427

Sattii 306

C. Servilius Martianus 58

T. Roscius Capito 427

L. Sattius L.l. Phileros, magister Mercurialis et Augustalis à Nola 306, 328

P. Servilius Rullus, tr. pl. 63 av. J.-C. 119, 122, 438

Sex. Roscius Iunior 427, 428 Roscius Secundus 150, 151 Rufus d’Éphèse 463 Rutilii Vari 314 Rutilius 314 Rutilius Varus 314 T. Rutilius Varus 314, 327 S P. Sabidii 308 P. Sabidius (Subidius) Pollio 308, 327 Salaviis 301 Salluste 393 Salonina 306, 312 Saloninus 284 Salvii 301, 306 Salvilla 348 Salvius, tr. pl. 43 av. J.-C. 301 M. Salvius Parianus 308

M. Sattonius Iucundus 364 Saufeii 439 [-] Saufeius 438 Scipions 371 C. Sempronius Gracchus, Caius Gracchus, tr. pl. 123 av. J.-C. 430, 434

Sévère Alexandre 53, 283, 317 Sévères 141, 290, 500 Sextilii 299, 307 L. Sextilius L.f., IIIIvir à Pompéi 299 P. Sextilius Rufus, pr. vers 90 av. J.-C. 298

Ti. Sempronius Gracchus, cos. 177 et 163 av. J.-C. 389

P. Sextilius P.f. Fal. Rufus, décurion 298, 304, 307, 327

T. Sennius Sollemnis 358, 363, 364

L. Sextilius Seleucus 184

Sentii 303

Siculus Flaccus 48, 94, 122

M. Sentius Rufus 303, 327

Sidoine Apollinaire 55

Cn. Sentius Saturninus, cos. ord. 41 303

Silius Italicus 100

C. Sentius Severus 303, 327 Septime Sévère 283, 284, 285, 317, 499, 580 Septimius, parent de Géta 283 D. Septumuleii D.l. 308 D. Septumuleius D.l. Athenio 328 D. Septumuleius D.l. Atticus 328

T. Salvius Parianus 301, 306, 327

L. Sergius Catilina, pr. 68 av. J.-C. 119, 407, 419, 421, 422, 441, 442

M. Salvius Q.f. Venustus 301, 306, 327

Servilii 58

Sitrii 306 Sitrius 306 L. Sitrius M.f. Fal. Modestus 306, 328 C. Sornatius Barba 101 Spurii 306 A. Spurius Antiochus 306 Staberii 307 Q. Staberii 300, 307 Q. Staberius 300

601

Indices

Staii 307 Staius 326 M. St[aius/atius?] M.f. Pal. [- -] Fisius Serenus Rutilius Caesianus 313, 327 M. Staius Cosmus 307, 315 M. Staius Flaccus 307, 327 M. Staius M.f. Rufus 307

Trajan 48, 52, 69, 70, 83, 137, 141, 196, 197, 198, 213, 252, 253, 310, 478, 480, 574

T

Trebii 307

Tacite 145, 407, 455, 494, 578 Tacite, empereur 272, 273, 275 Tarquin l’Ancien 410 Tarquinii 492

Statii 307

Tasgecius 397

Statius 326

Terentii 307

C. Statius C.f. Fal. C[- - -], mag. [Apo]llinaris 307, 328

A. Terentius 307, 327

C. Statius Q.f. Fal. 307 602

Symferu[sa] 331

C. Statius C.l. Baguaro 307 Stator 341 Strabon 37, 40, 48, 107, 133, 136, 138, 142, 330, 340 Sueto Marcellinus 288 Suétone 198, 228, 443 Sulpicia Priscilla 80 Sulpicii 219 Q. Sulpicii 303 Sulpicius, mag. à Capoue 303 Q. Sulpicius Rufus 303, 327 Sylla, L. Cornelius Sulla Felix 96, 109, 121, 295, 297, 298, 311, 417, 420, 423, 424, 425, 426, 427, 428, 429, 430, 431, 435, 436, 437, 438, 439, 440, 446, 545, 557, 558, 577

C. Trebius C.f. 307 Trebonianus Gallus 53, 284 Tullii 299 Tullii Cicerones 545 Tullius 299 M. Tullius M.f. 300 Q. Tullius Q.f. 300

L. Terentius Sextio 180

Q. Tullius Cicero 125, 193, 409, 410, 434, 442

Tétrarques 540

Tullius Eutychus 184

Tétricus 530

Q. Tullius Paapus, de Capoue 299

Teuta 98, 372 Théodose 266, 363, 491, 546 Thucydide 143, 454 Tibère 136, 137, 145, 218, 302, 310, 443

U Ulpien 51, 192, 198, 212, 216, 248, 366 Sex. Ulpius Severus 143

Tisippos 370

V

Tite-Live 88, 92, 93, 94, 103, 104, 105, 106, 107, 108, 131, 369, 371, 372, 374, 377, 378, 379, 382, 410, 437, 438, 441, 556

Valentinien Ier 286, 363

Titius (voir Modestin le juriste) 198

Valence 286

Valentinien II 285, 286 Valère Maxime 423, 424, 436, 438, 441

C. Titius Valentinus 195

Valeria Saturnina 497

Titus 312, 314

Valerii 303

Index onomastique

Valerii Messallae 339, 340 Valerius Antias 107 M. Valerius Bradua Mauricus, cos. 191 250 C. Valerius Dolutius Marcianus 497, 498, 580 L. Valerius Flaccus 407 L. Valerius Helvidius Priscus Poblicola 492 M. Valerius Mess(alla), aed. Venusia 340

L. Varius Ambibulus, frère de Pansina 314, 328 Varron 575 Vatronii 439

L. Viducius Placidus 364 Viriathe 395, 400 Viridovix 397

Vedii 307

Q. Virius Egnatius Sulpicius Priscus 250

T. Vedius T.f., IIvir libripens 307, 328

Vitellius 192

P. Vedius Carus 307

Vitorii 303

Velleius Paterculus 440, 441, 443

T. Vitorius Cn.f., IIvir libripens 303, 328

Venelii 307

Vitruve 166

M’. Valerius Messalla Potitus 340

Venilius/Venelius 307

M. Valerius Messalla Potitus, cos. suff. 29 av. J.-C. 339, 340

Vercingétorix 393, 395, 397, 399, 400, 408, 413

M. Valerius Postumus 303, 320, 328

L. Verginius Rufus 226

L. Valerius Messalla Volesus, cos. 5 340

Voluseni 139

C. Verrès, pr. 74 av. J.-C. 208, 213

Volusianus 284

Vespasien 42, 121, 217, 218, 245, 310

Vulcatius Moschus, de Marseille 121

L. Valerius L.f. Fal. Pollio 303, 321, 327 L. Valerius Potitus 339, 340, 341 T. Valius Verus 81

L. Veturius L.f. Homuncio 325 Vibedius/Vibiedius 304

C. Volumnius Epaphroditus 77 Volumnius Serenus 477, 478, 480

X Xénarque 382

C. Vallius Maxumianus 457

Q. Vibidi/Vibiedi 304

Varena 307

Q. Vibidius/Vibiedius Sedatus 304, 328

Lacunaires

Varia Pansina 314

C. Vibius Pansa, cos. 43 av. J.-C. 117

Af[---] 326

C. Varii 314

C. Vibius Severus 74

[---]  + Lidiu[s (?) ---] 268

L. Varii Ambibuli 314

Victorin 529

[- - - Pro]culus 327

603

38

Index des divinités et des sacerdotes Mireille Cébeillac-Gervasoni

A Aequitas 233, 236, 237, 238, 239, 241, 243, 244, 567 – Augusti / Augusta 233, 239, 244 Ancamna 64

Augustus (divus) 66, 67, 303, 327

D

B

Déméter 138, 249

Bélénos 65

605

Dei Consentes 171

Deus Caesar 306, 327

Apollon 62, 66, 299, 308, 423 – Hyperteléatès 135, 139

C

Deus Romulus 572, 573

Cabenses (sacerdotes) 492, 495

Deus Sol 492

Artémis 132, 140, 145 – Caryatide 132 – Patriotis 138

Caheures (sacerdotes) 580

Diane 66, 67, 489, 490, 500, 558 collegium Dianae 334 Dea Diana 554

Asclépios 465 Athéna – Minerva 334 – Poliade 335

Castor 208, 213 Cérès – Auguste 183 collegium Cereris 334

554 – Tifatina 121, 557

Constantinus (divus) 285

Dis Manibus 573, 574

Cybèle 365

Divi Fratres 466

Dea Diana Augustorum

Indices

Domus Augusta 334 F Fortune, Fortuna 62, 165, 238 – Due Fortune 490 – Augusta 300 – Primigenia 489, 490, 496, 497, 498, 499, 580 G

606

Génie, Genius – aerarii 164 – coloniae 312 – coloniae et colonorum 302 – curiae 282 – macelli 238, 243 Grannus, Grannos 65, 66

J Junon Iuno Sospita 490 Jupiter 66, 67, 252, 364, 365, 500, 571 – Depulsor 465 – Dolichenus 363 – Latiaris 489, 490, 491, 492, 495 – O.M. 490 – Panthée 239 – Sabasius 66, 67 K Koré 138

– Certencinus 500, 501

Mithra 283, 354, 571

Lenus Mars 64

Moneta 244

Liber Pater 457 M Magna Mater 283 Maponos 62, 65 Marica 164

Isis 283, 355

Mars 66, 67, 426 – Mullo 65 – Vicinuus 65 – Vorocius 66 – Martiales 426

Iuanos 64

Marus Moconius 65

Hygie 465 I Intarabus 64

Minerve, Minerva 118, 164, 334, 335, 355 collegium Minervium/s 332, 333, 334, 335, 349, 573 Dea Minerva Augusta 334 – Matusia 283 – Medica 72, 74 – Medica Cabardiacensis 75 sodales Minervenses 334, 335

L

H Hercule, Hercules 66, 285 – Invictus 240 – Victor 489, 490, 499, 500, 581

Mercure, Mercurius 60, 61, 66, 67, 168, 233, 238, 241, 242, 243, 244 – et Aug. sacrum 67 – Silvius 242 – Augusti Nostri 554

N Neptune 62, 496 Nymphes 132 O Océan 318 P Pluton 65, 66 Poséidon 135 – Tainarios 135

Index des divinités et des sacerdotes

Q Quirinus 572, 573

Sérapis 283 Sianna 64

R Ritona 354, 355 Rome et Auguste 58

Silvain 66, 239, 283

V Vespasianus (divus) 312, 326 Vespasianus et Titus (divi) 311 Victoire, Victoria 239

T

– Aeterna 285

Titus (divus)

– Augusta 310

S

312

Saturne 170, 171

Triade Capitoline 423

Virtus Bellona 365

607

39

Index des peuples et habitants de cité Mireille Cébeillac-Gervasoni

A Acarnaniens 384 Achéens 130, 371, 373, 374, 377, 380, 382, 383, 385 Adanates 40

Arretini ueteres 420 Arvernes 47, 48, 50, 55, 57, 60, 64, 66, 67, 406, 552, 553, 554, 576 Atrébates 413

Allobroges 37, 38, 407

B

Ambiens 359

Bardyètes 40

Anagnanini 447

C Cadurques 576 Camertes 282 – Umbri 285 Carthaginois 71, 372, 377, 391 Caturiges 44 Celtes 103, 405, 406, 472, 557

Belgas Morinos 396

Ceutrons 38, 42

Bithyniens 197

Chauques 455

Cingulani 282

Aquinates 447

Bituriges – Cubes 48, 65, 554 – Vivisques 48, 50

Argiens 133

Boïens 107, 108, 109

Anconitani 282 Andecamulenses 65 Aquenses 359, 364, 365

Cimbres 406, 441, 455

Convènes 575 Corfiniates 251, 252

609

Indices

Costoboques 455, 457, 474

Germani Iutungi 285, 288

Cretesi 317, 318

Gortyniens 144

E Ectini 40 Edenates 40 Éduens 363, 392, 406, 410, 411, 517, 519, 522, 528, 529, 532, 536, 537, 575, 576 Egdini 40

610

Goths 273 Grecs, Hellènes 234, 371, 372, 373, 376, 385, 403, 404, 410 H Helvètes 359 Helviens 42, 54, 121, 557 I

Eleutherolaconiens 130, 135, 136, 137, 146

Illyriens 372

Épirotes 371, 385, 575

Italiens 98, 372, 443

Étoliens 372, 373, 376, 377, 378, 379, 385 Étrusques 90, 98, 410, 442

L

Gaulois 90, 98, 107, 403, 404, 405, 406, 407, 408, 410, 415, 441, 576

Messéniens 141, 373 Morins 413

Nerviens 539 Nicomédiens 252 Nîmois 188 Nolani 320

O

Ligures 103, 105, 106, 557 – Friniates 108 – Statellates 104, 105, 106, 556 – Veleiates 108

Galates 411

Médulles 44

Laconiens 130, 141

Fanestres 282

G

Maures 474

Nursini 443

Lémovices 48, 50, 51, 57, 58, 66, 67

Français 408, 412

Mattiaques 359, 365

Lacédémoniens 131, 132, 133, 135, 136, 137, 141, 142, 143, 144, 372

F

Fidentiores 420

Marseillais 121

N

Éléens 373

Esubiani 40

Marcomans 471, 472, 473, 475, 484, 572, 580

Lucenses (colons) 80

Octodurenses 38 Ombriens 98 Opitergini 557 P Padouans 377 Pergaméniens 373

M

Pétrucores 50, 359, 576

Macédoniens 373, 377, 382, 384

Pictons 576

Index des peuples et habitants de cité

378, 379, 380, 381, 383, 384, 403, 404, 406, 410, 472, 546, 557

Trévires 355, 357, 359, 360, 365, 575

Pleutaures 40

S

Tricastins 41, 43

Pompéiens 439

Salyens 121, 558

Prénestins 438, 439, 447

Samnagenses 244

Prétutiens 88, 90, 92, 94, 96

Samnites 98, 299

Puteolani 424, 444

Santons 48, 576

Pisaurenses 282 Plestini 282

Q Quades 455, 461, 471, 472, 475, 484, 580 R Rauriques 365 Rèmes 363, 539, 575 Rhodiens 373 Riccienses (vicani) 354, 360 Romains 71, 88, 90, 96, 97, 98, 107, 124, 130, 134, 135, 146, 169, 247, 248, 249, 285, 287, 370, 372, 373, 374, 375, 376, 377,

Seanoci 414 Ségusiaves 48, 553, 554 Senons 107 Septempedani 282, 290 Séquanes 352, 406 Spartiates 139, 142, 143, 145

Tricasses 539

U Ubiens 363 Ucennii 44, 46 Urvinates Mataurenses 282 V Vellaves 47, 48, 52, 54, 55, 553, 554 Vestins 94 – Transmontani 90, 94 Vesubiani 40 Viducasses 358

T

Viennois 41, 42, 44, 46

Taunenses 359, 364

Voconces 37, 38, 41, 43

Teutons 406, 455

Volaterrani 437

Tolentinates 282

Volques Arécomiques 54, 121, 557

611

40

Index géographique

Mireille Cébeillac-Gervasoni

A Abella 306, 307, 308, 310, 311, 312, 315, 320, 326 Abellinum 296, 304, 309 Acarnanie 369, 370, 383, 384, 385 Achaïe 130, 131, 132, 139, 140, 144, 146, 369, 370, 382 Acmonia 101, 459 Acriai, Acries 136, 138 Actium 122, 127, 136, 139, 447 Admagétobrige 406 Adria 100 Adriatique (mer) 87, 90, 95, 97, 98, 99, 100,

372, 373, 384, 385, 443, 500, 575 côte – 88, 94, 97, 98, 99, 101 Aecae 152 Aeclanum 197, 307, 316, 438 Aesernia 308 Aesis 281, 282, 284 Afrique 22, 25, 28, 125, 194, 218, 240, 317, 354, 519 – proconsulaire 54 ager – Albanus 184 – Campanus 119, 121, 122 – Denthaliatis 140, 145 – Faventinus 110

– Gallicus 89, 106 – Gallicus et Picenus 114 – Libarnensis 74 – Ligustinus  108 – Ligustinus et Gallicus 103, 104, 105, 106, 108, 114, 556 – Picenus 89 – Praetutianus 87, 89, 90, 91, 94, 95, 96, 100, 101, 102 Agrippa (réseau d’) 49, 53 Aigiai 136, 137 Aiguilles Rouges (massif des) 42 Aigytis 132 Aime 42

613

Indices

Aix (Corrèze) 51

Ameria 417, 427, 428, 440, 447

Aquincum 239

Aix-en-Provence 36, 182, 406

Amiens 355

Aquinum 325

Alagonia, Alagonie 136, 141

Amiternum 97

Alaunium [Notre-Dame-d’Aulun] 38

Amphipolis 379, 383, 384

Aquitaine 48, 49, 52, 351, 353, 358, 359, 360, 544, 554

Alba 42, 43, 54 Alba Fucens 92, 183 Albanie 563 Albingaunum (Albenga, Ligurie) 250 Alcantara 414 Alesia (Alise-Sainte-Reine) 400, 414, 526, 531

614

Alesiai 138 Alexandrie 101, 397 Allex 41 Allier 55, 56, 58, 66 Allifae 303 Alpes 37, 40, 410, 471 – Cottiennes 45 – de-Haute-Provence 38 – Graies 38, 42 – Hautes-Alpes 38, 40 – Juliennes 472 Alsium 99 Altbachtal 354, 355 Altinum 348

Amyklai 143 Anacapri 453 Anagnia 304 Ancona 280, 281, 282, 283, 286 Andance 42 Angleterre 552 Aniene (rivus) 504 Antibes 182 Antioche 218 Antium, Anzio 92, 94, 182, 183, 490 Apamea 205, 217 Apennins 77, 108 Appennino piacentino 71 Appenninus Areliascus et Caudalascus 80 Appenninus Laevia 81

Aravis (chaîne des) 42 Ardèche 38, 42, 43 Areglia 81 Arezzo, Arretium 420, 437, 444 Argos 128, 131, 133 Ariccia, Aricia 430, 489 Ariminum 89, 93, 94, 95, 106, 109, 173, 418, 482, 483 Arles 36, 182, 413, 581 Aron 64 Arpinum 14, 115, 116, 117, 119, 120, 121, 124, 125, 126, 193, 212, 434, 441, 544, 558, 563 Arras 42 Asculana 282 Asculum 90, 97, 280, 283, 285 Asie 101, 118, 125, 459, 579 Asie Mineure 340

Apollonia 97, 98, 125, 372

Asopos, Asopus 136, 139

Apt 177, 178, 189

Assise 180

Apulie, Apulia 335, 338

Atella 115, 116, 117, 119, 120, 121, 122, 123, 126, 306, 544, 558

Aquilée, Aquileia 334, 455, 461, 465, 472, 475, 496

Aternum 100

Index géographique

Ateste 315

Bantia 334, 335, 429

Bizantium 205

Athènes 98, 101, 140, 144, 234

Barcelone, Barcino 185, 244, 334

Blessey 526

Atri 91

Bari 330

Bobbio 71, 72, 81, 82

Aufidena 182

Barisciano 167

Boees 136

Augst, Augusta Raurica 247, 248, 253, 254, 255, 259, 260, 545

Basilicate 331

Boiai 134

Battersea 411

Bois Clair (lieu-dit) 51

Augusta Pretoria, Augusta Taurinorum 566 Auorandus (écart) 45 Aurillac 64 Autun, Augustodunum, civitas Aeduorum 353, 356, 357, 362, 363, 517, 518, 520, 526, 527, 528, 529, 530, 531, 532, 533, 534, 536, 538, 539, 540, 546, 547, 581, 582 Auvergne 47, 48, 58 Auxerre 526 Auximum 90, 173, 280, 282, 283, 443 Auzia 218 Avallon 520, 531 Avenaz (col de l') 42 Aveto (rivus) 71, 72 B Bad Ems 357 Baden-Baden 362, 363 Bâle 248, 254 Balsa 181

Beaucaire 37 Beaune 539 Beda 365 Bélémina 131

Bois de la Prade (lieu-dit) 51 Bois du Chavanon (lieu-dit) 51 Bologne, Bononia 71, 106, 107, 108, 109, 113, 181, 444, 578 Bordeaux 48, 50, 52, 53, 54, 554

Belgeda 397

Borne 41

Belgique 351, 353, 355, 358, 359, 360, 484 – Première 356 – Seconde 362

Boubôn 456

Béliminatis 131, 132

Bourg-d’Oisans 45

Belley 44 Béotie 370, 374, 384 Bétique 26, 180, 216, 218, 239 Bettola (rivus) 78 Béziers 557, 559 Bisica Lucana 218 Bitburg 354, 356, 357, 360, 365 Bithynie, Bitinia 197, 204, 207, 208, 212, 216, 507

Boulogne 521, 526 Bourbon-Lancy 526, 531

Bourne 41 Bouthrôtos 575 Bovillae 430 Brasies 136 Bretagne, Britannia, Britania 351, 352, 353, 354, 355, 357, 358, 359, 360, 363, 366, 394, 398, 413, 414, 465, 527, 536 Brindisi, Brindisium 102, 338 Briord 357 Brioude 55

615

Indices

Brixia, Brescia 183, 186, 244 Bruttium 429 Bryseai 138 Bulgarie 330 Butuntum 335 Byllis 563

616

Capoue, Capua 118, 119, 121, 122, 123, 124, 297, 299, 300, 301, 302, 303, 304, 306, 307, 308, 309, 313, 319, 434 Carnuntum 357 Carrare 276 Carseoli 92, 167 Carthage, Cartago 26, 164, 241, 243, 388

C

Casilinum 122

Caenopolis 136

Casinum 438

Caerleon 363

Cassano 78, 79

Caesarea Maritima 182

Castellorotto 313

Calabre, Calabria 123, 335

Castrimoenium 430

Calama 324

Castrum Minervae, Castro 335

Calatia 122

Castrum Novum 89, 90, 91, 92, 93, 94, 95, 97, 99, 100, 101, 102, 167, 430

Callatis 457, 458 Camerinum 284, 285, 459 Campanie, Campania 119, 121, 296, 297, 298, 299, 300, 301, 303, 304, 306, 307, 308, 309, 310, 313, 314, 319, 324, 418, 423, 442, 448, 545 Campovalano (nécropole) 96 Cannes, Cannae 93, 388 Canosa 335, 574 Cantal 61, 553 Canusium 197, 334, 505, 508, 509, 510, 512, 513, 514, 581 Capo Lacinio 330

Casuentum 183 Catane 252 Catorissum 45 Cavaillon 37 Caverzago 72, 74, 75 Celtibérie 396 Centobriga 391 Céreste 38 Césarée de Maurétanie 248 Ceyssat (col de) 63, 64

Chalcédoine 43 Châlon-sur-Saône, Cabillonum, 521, 522, 526 Chamalières 61, 62, 65 Charbonnier-les-Mines 60, 63 Charente 64 Charols 41 Chassenon 64 Chatelus 41 Chauvieu (gué de) 43 Chiavari 72 Chiusi 437 Choranche 41 Cilicie 125 Cimitile 306, 308, 310, 314, 316 Cingulum 281, 282, 284, 447 Cirencester 355, 363 Cirta 26, 31, 316, 324 Città di Castello 225 Claros 464, 465 Clermont-Ferrand, Augustonemetum, 48, 49, 50, 51, 52, 55, 60, 61, 65, 555 Claterna 109, 110, 113 Clots (hameau), Clotos de Auorando 45

Index géographique

D

Cluana 280, 286

Corinthe 130, 131, 134, 145, 382

Clusium 418

Coronée 127, 143, 145, 374, 375, 385

Cnossos 122

Correcchio 113

Colenda 389

Corrèze 50, 60, 61, 65, 411, 552

Coli 81

Cosa 94, 168, 171

Délos, Delo 144, 303, 307, 308

Colijnsplaat 364

Costa 70

Démétrias 379

Collandre 61

Côte de Beaune 520

Dent du Midi 38

Colle Castagnola 78

Côte mâconnaise 525

Dertona 164, 324

Collonge-en-Charollais 527

Cottius (pays de) 37, 38

Die 35, 36, 41

Cologna Marina 100

Crète 122, 127, 143, 145, 407

Diosaz 38

Cologne 359, 363

Creuse 50, 60, 62, 64, 552, 553

Dorba (rivus) 72

Colonzelle 41

Crocq 50

Doux 39

Combe d’Arc 43

Crokéai 138

Drôme 41, 42

Côme, Comum, Como, Lario (lac) 173, 195, 225, 226, 230, 565, 566

Cubulteria 197

Durance (rivus) 37

Cugno, Ciglio dei Vagni 340

Comio 394, 400

Cuicul 242

Duraton 180

Concordia, Iulia Concordia 459, 461, 471, 475, 478, 480, 482, 483, 484

Cumba de Auorando (gorge de la Romanche) 45

Confluent (sanctuaire du) 58, 360, 363

Cumes, Cumae, Cuma 296, 304, 306, 308, 310, 447

Consarets 51

Cupra Maritima 283, 286

Copia Thurii 180

Cynoscéphales 373

Corcyre 372

Cyrène 145

Cordoue, Corduba, Colonia Patricia 276, 571

Cythère, Cythera, Kythera 127, 133, 137, 141, 142, 143, 145

Corfinium 197, 251, 334, 443

Cyzique 453

Dalheim 354, 356, 357, 360, 365 Dalmatie 325 Danube (région) 107

E Èbre 31 Égée (mer) 144, 238 Egnazia 338 Égypte 143, 382, 467 Éleusis 249 Embrun, Ebrodunum 38, 40 Émilie, Emilia 123, 556, 557

617

Indices

Émilie-Romagne, EmiliaRomagna 103, 104, 106, 108 – orientale 103, 108 Enza 556 Éphèse, Efeso 334, 579 Épidamne-Dyrrhachion 372 Épidaure 136

Faenza, Faventia 108, 109, 110, 113 Faesulae 420 Faiano 308 Falerii 182 Falerio 280, 284, 285, 286 Falerio Picenus 287, 290

Épinal 407

Fanum Fortunae 280, 283, 285, 286

Épire 125, 369, 370, 374, 375, 376, 377, 378, 379, 384

Ferentinum 167, 168

Equo-Randa 45 Eraclea 574 618

F

Espagne 578 Estre (cirque d’) 43 Étolie 369, 370, 371, 374, 375, 376, 377, 378, 379, 380, 383, 384 Étrurie, Etruria 93, 307, 318, 418, 420, 442, 545 Eu 359 Europe 192, 409 Eurotas 131, 138 Évaux-les-Bains 64

Fernoël 50 Ferriere 71 Feurs, Forum Segusiavorum 54

Forlì, Forum Livii 109, 110, 113 Formies, Formiae 175 Forum Popilii 113, 325 Forum Sempronii 281, 282, 283, 286 France 28, 403, 404, 405, 552 Francfort 355, 364 Frégelles, Fregellae 169, 304, 434 Fregenae 92 Fréjus 36, 43 Frigento, Frigentum 167, 438 Fulginiae 573

Feyt 51

G

Fidentia 334

Gabii 430

Fiesole 437

Gaule(s), Gallia, Galia 22, 25, 26, 39, 47, 48, 49, 54, 57, 58, 63, 67, 117, 120, 123, 124, 183, 351, 352, 387, 392, 397, 400, 403, 404, 406, 407, 408, 409, 410, 412, 413, 414, 415, 519, 528, 534, 536, 538, 540, 552, 553, 554, 558 – Celtique 48 – centrale 539 – Chevelue 403, 404, 409, 411, 413, 415 – Cisalpine, Cisalpina 24, 104, 107, 115, 116, 117, 119, 120, 121, 122, 123, 124, 126, 212, 557, 559 – Lyonnaise 351, 353, 355, 358, 359, 360, 553 – méridionale 411

Fines (station) 45 Fioccaglia 304 Fiorenzuola 70 Firmum, Firmum Picenum 89, 282, 286 Florence 413 Fluvium Veterem 113

Extrême-Orient 463

Foglia 572

Eychalier (pont de l’) 45

Fondi, Fundi 444

Eygurande 553

Fontenay-près-Vézelay 526

Index géographique

– Narbonnaise 44, 48, 54, 55, 182, 183, 195, 244 – orientale 355, 539 – Transalpine 406 – Transpadane 228, 481 Gavet 45 Gelles 50, 51 Genève 37, 42, 44, 46, 554 Genèvre (Mont) 37 Genica 572 Genova 71 Gergovie, Gergovia 60, 399, 400 Gérénie, Gerenia 136, 141 Germanie(s) 22, 25, 351, 352, 359, 536, 554 – Inférieure 351, 353, 354, 355, 358, 359, 360, 361, 363, 366 – Supérieure 42, 239, 254, 351, 353, 354, 355, 358, 359, 360, 361, 364, 365 Geronthrai, Géronthres 136, 138, 139 Gimmeldingen 354, 361 Glanum 182 Gloucester, Glevum 467 Gola di Barberino 71 Grande-Bretagne 411, 552 Grand-Felletin 39 Grand Mont Ruan 38

Granons (col des) 38

Herdonia 171

Grèce 128, 131, 141, 145, 372, 373, 374, 376, 378, 381, 385, 407 – centrale 372 – occidentale 369, 371, 372, 384, 385

Hermopoulis 12 Hip(p)ola 136, 141

Grenoble, Cularo 44, 45, 46

Hispanie, Hispania 25, 203, 205, 208, 210, 221, 387, 395, 399, 564 – Citérieure, Citerior 244

Grumentum 574

Histonium 14

Guéret 50 Gueugnon 526 Gythium, Gytheion 134, 136, 137, 138, 139, 141, 144, 145 H Hadria 89, 90, 91, 92, 93, 94, 95, 97, 100, 102, 281, 282, 283, 286 Haliarte 144, 374

I Ibérique (péninsule) 22, 25, 124, 185, 196, 414, 563 Idice 109, 113 Iguvium 321, 443 Ikos 144 Iliturgi 181 Ille-et-Vilaine 65

Haute-Combraille 50

Illyrie 97, 98, 372

Haute-Loire 58

Imbros 144

Haute-Savoie 42

Imola, Forum Cornelii 109, 110, 111, 113

Heddernheim 355

Interamna, Interamnia 89, 92, 95, 96, 97, 102, 281, 283, 286, 420

Heerlen, colonia Ulpia Traiana 356 Héléa, Hélos 136, 138, 139 Heraclea 329, 330, 331, 334, 335, 338, 340, 341, 346, 349, 350, 545, 574 Herculanum, Herculaneum, Ercolano 296, 297, 300, 303, 304, 306, 307, 308, 309, 312, 322

Interamna Lirenas, municipium Interamnas Nahars 244, 446 Ionienne (mer) 384 Irni 23, 24, 25, 28, 30, 120, 124, 185, 206, 217, 219, 220, 234, 248, 505, 507, 508, 509, 510, 564 Irpinia 304

619

Indices

620

Isère 38, 41, 42

Kéos 144

La Sauvetat 63

Issa 372

Kephallénia 144

La Spezia 267, 269

Italica 29, 181, 457, 461

Klaros 340

Italie, Italia 11, 22, 25, 29, 46, 49, 87, 88, 89, 92, 94, 95, 96, 97, 98, 99, 102, 115, 117, 119, 123, 145, 146, 164, 169, 170, 195, 196, 233, 243, 244, 245, 276, 279, 285, 303, 309, 317, 320, 331, 344, 370, 371, 380, 384, 385, 409, 410, 419, 420, 421, 424, 433, 435, 436, 437, 441, 442, 444, 445, 446, 447, 448, 462, 465, 472, 473, 544, 545, 552, 563, 571, 578 – centrale 87, 88, 98, 191, 377, 570 côte orientale 95, 98, 99, 102 – du Nord 105, 123, 406, 455, 554, 579 – médio-adriatique 279 – méridionale, – du Sud 307, 317, 371, 377, 575 – péninsule 88, 89, 93, 98, 99, 163, 164, 166, 434

Kotyrta 136, 138, 139, 141 Krokéai 134, 138

Latium, Lazio 94, 299, 303, 304, 307, 308, 419, 430, 490, 546 – méridional 441 – vetus 489, 500

Kynourie 133

La Turbie 40, 44

Kyphanta 138

Laurentino 225

J Jaillet (col du) 42

L La Bade (grotte de) 61 La Bornière 41 Laconie 128, 130, 131, 133, 134, 135, 136, 138, 143, 145, 146 – centrale 138 La Croix des Adieux 50 La Ferté 527 La Forclaz-du-Prarion (col de) 42

Lautulae 95 Lavello 335 La Venaz 45 Lavorant (lieu-dit) 45 Le Bourg-d’Oisans 44, 45 Le Bournillon 41 Le Genil, Singiliensis (pagus) 26 Lemnos 144 Le Mont-Dore 64

Lagaria 340

Léontion 381

K

Lamone 110, 113

Lepcis Magna 468, 546

Kalamata, Pharai, Pherai 136, 141

Langhada (défilé de) 132, 140

Les Consarets (lieu-dit) 51

Kallinikos 376, 378

Lanuvium 442, 490

Les Glègues (lieu-dit) 50, 51

Kardamylé 127, 133, 141, 145

Larinum 417, 425, 426, 438

Leuctres, Leuctra 128, 136, 141

Karyes, Karyai 132

Larissa 376

Leukai 136, 138

Kastel 364

Lartidianus (vicus) 308

Lez 41

Kaudos 127, 143, 144, 145

Las 136

Lezoux 67

Index géographique

Libarna 74 Libye 143 Ligurie, Liguria 250, 266 Liméra 136 Limoges, Augustoritum 49, 50, 51, 52, 58, 60, 65 Limousin 49, 50, 58 Lindos 287 Lissos 372 Liternum 170, 180, 182, 296 Livet 44, 45

M Macédoine, Macedonia 93, 118, 128, 237, 325, 369, 370, 372, 373, 375, 377, 380, 382, 407 Macerata Feltria 250 Macinesso 70 Mactar 357 Madonnelle 332 Magnésie du Sipyle 373 Magnia Urbica 272, 273 Malaga 23

Martigny 38, 571 Massif Central 47, 48, 64 Matilica 284 Maurienne (vallée de la) 44 Mayence 355, 357, 358, 359, 364 Méditerranée (mer) 98, 99, 100, 145, 445 bassin oriental 100 Megalopolis 128, 131, 132, 377, 381 Mégare 140 Mésie – Inférieure 212 – Supérieure 456

Livet-et-Gavet (gorge de) 44, 45

Maléa, Malée (péninsule et cap de) 133, 143, 146

Locres, Locri 324

Malevo (mont) 132

Loire 54, 56

Mansano 78

Londres 363, 466

Marches 114, 250

Lucques, Luca 80, 557, 558

Margeria 41

Messène 128, 131, 132, 137, 140, 141, 142, 145, 169

Lucanie 329, 338, 340

Margerides 60

Messénie, Messenia 127, 128, 136, 143, 145

Margerie 41

Metaponto 349

Marica 440

Milan, Mediolanum, Milano 118, 226, 230, 444, 572, 578

Marius, Marios 136, 138

Minervino di Lecce 335

Maronée 373

Minervino Murge 335

Marsaglia 71

Minturnes, Minturnae 93, 94, 95, 124, 236, 306, 308, 324, 440, 441

Lucera 149, 151 Luceria 98, 147, 148, 152, 182 Lucus Feroniae 170, 171, 180 Luna, civitas Lunensium, Luni 265, 266, 274, 276, 277, 331, 546, 570, 571 Lutia 393 Lycosoura 139 Lyon, Lugdunum 38, 44, 48, 49, 52, 53, 54, 55, 58, 63, 182, 359, 360, 365, 521, 525, 554

Marseille, Massalia 121, 182, 218, 447, 558

Messapeai 138 Messapie 97, 102

Marsi Antinum 197

Misène, Misenum, municipium Misenensium, Miseno 182, 184, 300, 308, 325, 344

Marsiglia 338

Mittelwihr 357, 365

621

Indices

Modène, Mutina, Modena 106, 107, 108, 181, 302, 443

Mourgon 41

Norvège 371

Molossie 371

Moûtiers-Tarentaise 44

Notre-Dame-d’Aulun 38

Mondragon 411

Municipium Aurgitanorum 180

Noyers-sur-Serein 521, 522, 523, 524

Mons Albanus 490, 491, 492, 495, 496, 500

Munigua (Bétique) 216, 219

Nuceria 300, 324

Mons Vaticanus 365

Muracche 101

Mont Albain 489

Murecine 303

Nuits-Saint-Georges “Les Bolards” 531

Mont-Blanc (massif du) 42

Murviel-lès-Montpellier 244, 245

Mont-Buet 38 Monte Cavo 492 Monte Dinavolo 78 Monte Maggiorasca 71 622

Monte Materano 81 Monte Nero 71 Monte Obolo 78 Monte Zucchero 78 Montferrat, Monferrato 103, 104, 105, 106 Mont Genèvre (col du) 46 Monti della Laga 90 Montlay-en-Auxois 526 Mont Massicus 95

N Naples, Neapolis, Napoli 70, 169, 299, 304, 310, 315 Narbonne 26, 182, 183, 358 Naves 60, 61, 411 Nemi 490, 500 Nemus Auorandi (bois) 45 Nergobriga 396 Nescania 239 Nicée 253 Nicomédie 252, 253 Nicopolis 144 Nîmes 26, 37, 177, 178, 179, 180, 182, 183, 184, 186, 187, 188, 189, 220, 234, 235, 562

Numana 282, 284 Numidie, Numidia 27, 314, 316, 317, 324 Numis(iana) 317 Numlulis 459 Nure 71, 72, 77, 80, 81, 82 Nursia 443, 578 O Occident 11, 55, 144, 184, 252, 351, 352, 363, 373, 387, 388, 391, 395, 451, 454, 459, 467, 469, 505, 517, 519, 532, 534, 540, 568 Oescus 330 Oisans 44, 45, 46 Olympie 382 Ombrie 183, 443 Opitergium 456, 472, 474, 475

Morges 41

Nola 197, 295, 296, 297, 298, 299, 300, 301, 302, 303, 304, 306, 307, 308, 309, 310, 311, 312, 313, 314, 315, 316, 317, 318, 319, 320, 322, 323, 326, 327, 437, 439, 546

Morgex 38

Norba 439, 440

Orient 125, 144, 145, 146, 482, 578

Mont-Pyfara 39 Morge (lieu-dit) 45

Orange 557, 559 Orcistus 22

Index géographique

Oropos 144 Ostie, Ostia 92, 94, 182, 218, 225, 240, 444, 445, 508, 562, 567, 581 Ostippo 26 Ostra 572 Otrante (canal d’) 98 Ottaviano 309 Ouroux-sur-Saône 521, 522, 525 P Padoue, Patavium 320, 444, 578 Paestum 94, 168, 169 pagus – Albensis 74 – Ambiterbius 77 – Ambitrebius 72, 74, 76, 80 – Arebrignus 520, 539 – Bagiennus 74 – Capriculanus 311 – Carnutennus 65 – Domitius 74, 80 – Floreius 81 – Iunonius 74 – Matans 65 – Myttianus 306 – Sextanmandus 65 – Singiliensis 26

– Sinnensis 81 – Venerius 76 – Vercellensis 76

Philippopolis 457, 458

Palerme 180

Piani di Dorba 72

Pamissos 128 Pannonie, Pannonia – Supérieure 473 Parme, Parma 74, 106, 107, 108, 556 Parnôn (mont) 133 Passo del Penice 72 Passy 42 Patras 140, 145 Pavie, Pavia 72 Pellana 131 Péloponnèse 128, 129, 131, 145, 380, 544 Peparethos 144 Pergame 373 Pérouse, Perusia 324, 442, 443 Pesaro 195, 196, 558, 572, 573 Petelia 186, 187, 429 Petit Croisse-Baullet (col du) 42 Petit-Saint-Bernard (col du) 38 Pharsale 133 Philippes, Filippo 237, 238, 239, 241, 243, 245, 567, 578

Phoinikè 372, 373 Phrygie 22, 101

Picénum, Picenum, Piceno 90, 93, 98, 100, 101, 244, 283, 284, 286, 442, 447, 573 Piémont 103, 556 – cispadan 103, 104 – méridional 557 Pilat (chaîne du) 39 Pisaurum 174, 280, 281, 282, 283, 284, 285, 286, 288, 334, 557, 570, 573 Pitinum Mergens 283, 284 Pitinum Pisaurense 250, 280, 281, 282, 284 Plaisance, Placentia, Piacenza 70, 71, 74, 106, 108 Pleiai 132, 138, 139 Plestia 285 Pô (rivus) 46, 71, 106, 107, 444 Poitou 64 Polichna 138 Policoro 329, 330, 331, 332, 333, 337, 339, 342, 343, 345, 347, 348 Pollena 309 Pollena Trocchia 312 Polveriera 320, 322 Pompéi, Colonia Veneria Cornelia Pompeianorum

623

Indices

70, 165, 170, 171, 172, 194, 206, 219, 236, 296, 297, 298, 299, 300, 301, 302, 303, 304, 306, 307, 310, 312, 315, 320, 322, 355, 417, 419, 421, 422, 423, 430, 438, 439, 514, 561, 577 Pont-d’Arc 43 Pont de la Véna (ou Aveynat) 45 Ponte dell’Olio 81 Pontus-Bithynia 317 Portes (pont de) 45 Potentia 90, 197 Prasiai 138

624

Préneste, Praeneste, Palestrina 163, 164, 165, 168, 169, 244, 303, 307, 424, 438, 439, 440, 441, 489, 490, 496, 497, 498, 500, 546, 561, 580 Prusa 205, 217 Puglia settentrionale 152 Pouzzoles, Puteoli, Colonia Iulia Puteoli 118, 122, 172, 189, 196, 209, 210, 213, 219, 296, 297, 299, 303, 307, 308, 310, 319, 424, 425, 443, 444, 445 puy de Dôme 60, 61, 63, 66 Puy-de-Dôme 60, 61, 62, 63, 64, 67, 552 Puys (chaîne des) 61 Pydna 379, 383, 384 Pyrgi 92 Pyrrhichus 136

R Ravenna 572 Reate 180, 459 Reatino 286 Regium 123 Regium Lepidum 123

381, 382, 383, 384, 385, 387, 388, 389, 390, 392, 394, 396, 397, 400, 405, 406, 407, 409, 410, 411, 413, 414, 415, 427, 434, 436, 437, 442, 444, 445, 446, 447, 453, 461, 472, 482, 490, 492, 493, 500, 504, 507, 545, 562, 572, 575, 579 Roncaglia 71 Ronco 109, 113

Reillanne 38

Roncovieri 70

Reims 356, 362, 581

Ruessio 48

Remagen 363

Rusguniae 459

Rencurel 41 Rennes 65 Rezia 484 Rhin 359 Rhône 38, 42, 54, 413 Ricina, Colonia Helvia Ricina Pertinax 282, 284, 285 Rivergaro 71 Rodi 266, 287 Romagne 105, 557 Romanche 44, 45 Rome, Roma, Urbs 14, 22, 23, 27, 28, 29, 31, 32, 87, 88, 89, 90, 91, 92, 93, 94, 95, 97, 98, 99, 102, 103, 104, 105, 106, 107, 108, 116, 123, 130, 131, 140, 145, 146, 147, 151, 169, 171, 181, 182, 191, 192, 204, 207, 209, 218, 225, 231, 248, 249, 287, 304, 308, 317, 324, 338, 344, 356, 363, 369, 370, 371, 372, 373, 374, 375, 376, 377, 378, 379, 380,

S Sabora 218 Sacriporto 438 Sagunto 388 Saint-Barthélémy-deSéchilienne 45 Saint-Boil 527 Saintes 53, 63 Saint-Jean-d’Aubrigoux 54 Saint-Jean-de-Nay 54 Saint-Paulien 48 Saint-Pierre-Bellevue 60, 62 Saint-Sauveur, Catuiacia (près de Céreste) 38 Salento 335 Salernum 308

Index géographique

Salignères 45

Sens 364, 526

139, 140, 141, 142, 143, 144, 145, 146, 373, 381, 384

Salinello (rivus) (ancien Heluinus ou Salinus) 90

Sentinum 98, 283, 286

Spolète 93

Septempeda 281, 282, 284, 285, 292, 573

Stabies 464

Serdica 457

Staffora (rivus) 72

Serino (rivus) 309

Stratonicée 459

Servoz 42

Suasa 283, 286, 558, 572

Sestinatium 282

Suel 180

Sestinum 282, 284, 285, 290, 291, 573

Suessa Aurunca 561, 562

Sicile 93, 143, 443

Suisse 247

Sicyone 381, 382, 384

Surrentum 299, 303

Siena 307

Suse 40

Salone 457 Samnium, Sannio 304, 307 San Damiano 81 San Gennaro Vesuviano 303 San Giorgio 81 San Polo 81 San Vito a Marigliano 313 Sant’ Anastasia 308, 309 Santerno 110 Saône 520, 525 Saône-et-Loire 522 Sarantaporos 132 Sarmizegetusa 457, 461 Sciritis 132 Scupi 457 Séchilienne 44 Sedan 413 Segni 439 Ségovie 180 Sélasie 128, 130 Sellustra 113 Sena Gallica 89, 91, 95, 99, 572

Signia 430 Sillaro 110 Singili Barba 456, 457, 461 Sinni (rivus) 349, 350 Sinuessa 93, 94, 95, 102 Siracusa 388 Siritide 329, 331 Skiathos 144 Skyros 144 Smyrne 453 Somma Vesuviana 309, 318, 319, 323 Sora 92 Sparte, Sparta 127, 128, 129, 130, 131, 132, 133, 134, 135, 136, 137, 138,

T Tainare Oetylos 136 Tainaron (péninsule de) 136 Tamise 411 Tarascon 37 Tarente, Taranto 97, 248, 332 Golfe de – 330 Tarracina 90, 93, 95, 102, 308 Tarragone 467 Taygète 132, 134, 140 Teanum 197, 296 Teanum Sidicinum 443, 444 Teate Marrucinorum 181

625

Indices

Tégée 128, 131, 132, 133

Tifernatium Mataurensium 282

Tréteau 54

Ténare 134

Tifernum Mataurense 280, 283, 284, 288, 289

Teramo 96

Tifernum Tiberinum 225

Trèves 64, 65, 354, 356, 359, 362, 363, 366, 410, 521, 525, 535, 575, 581

Terni 446

Timgad 183, 218

Terravecchia (plateau dit du) 90

Tingitane 465

Tessaglia 344

Tintignac 61, 65, 411

Tessera de Herrera de Pisuerga 399

Tinurtium / Tournus 522, 525

Teuthroné 136

Tivoli, Tibur 307, 489, 490, 499, 500, 501, 503, 580, 581

Thalames 136 Thèbes 374 Thermos 379

626

Thessalie 378 Thibilis 242

Tolentinum 281, 282, 284 Tordino 90, 96, 97, 99, 100 Torrano 81 Torricelle 320, 322

tribu – Falerna 320 – Sabatina 318 – Velina 95 Trieste 574 Tropaeum Traiani 455 Truentus 99 Tuder 324 Tuficum 281, 282, 283 Tulle 411

Torriglia 71

Túnez, Meninx 207

Tortebesse 51

Tusci 228

Tortoreto 101

Tuscia 266

Thubursicu Numidarum 240

Toscana 324

Tuscis 228

Thuria 127

Tournon 38

Tyros 138

Thurii 340

Tournus 521

Tyrrhénie 383

Thyréatide 133

Tours 55

Thyréatis 133

Travo 72, 80

Tyrrhénienne (mer) côte – 94, 99

Thyrrhéion, Thyrrheion 372, 384

Trebbia 71, 72, 74, 76, 77, 80, 81, 82

U

Tiddis 218

Trebula Suffenas 193

Uchi Maius 241, 243

Tidone 76

Trebur 354, 365

Udelfangen 355

Tifata (mont) 121

Trent (rivus) 411

Umbria 284, 427, 573

Thornax 138 Thouria 127, 133, 139, 141, 143, 144, 145

Index géographique

Urbs Salvia 244, 286

Veleia 12, 69, 70, 74, 80, 557, 558

Vigolzone 81

Urso 23, 24, 25, 31, 120, 125, 185, 206, 209, 211, 214, 215, 218, 219, 221, 301, 456, 551, 563

Vénétie 100, 377, 545

Virunum 465

Vénosa 445

Urvinum 284

Vizille 44, 45

Venusia 334, 336, 340, 429

Urvinum Mataurense 280, 281, 282

Volcei 334, 338

Verceil 406

Uthina 240, 241, 243, 245, 567

Vérone, Verona 72, 169, 324, 474, 573

Volterra, Volaterrae 118, 123, 307, 318, 424, 427, 437, 440

V

Vésuve,Vesuvio 308, 309, 312, 315, 439

Vachères 411

Vezzola 97

Vomanus, Vomano 90, 96 W Wederxath 357

Vardouna (collines de) 138

via – Aemilia 109, 110, 111, 112, 114, 123, 444 – Appia 152 – Caecilia 97 – dite d'Agrippa 48, 63 – Domitienne 38 – Flaminia 285, 286, 572 – Postumia 566 – Romana 151 – Salaria 286 – Salaria Gallica 286 – Tiburtina - Valeria 500 – Traiana 152

Varennes 55

Vichy 55, 66

Zama 373

Veii 182

Vienne 35, 36, 38, 42, 44, 45

Zarax 136, 138

Vada Sabatia 316 Val d’Aoste 38 Val de Saône 526 Valence 38, 41, 42 Val Fontanabuona 72 vallée du Liris 441 Vallon-Pont-d’Arc 43 Val Nure 72, 78 Val Trebbia 72, 74, 76, 80, 82 Vardacate 213

Wiesbaden 365 Witham (rivus) 411 X Xanten 359, 364 Y Ydes 54 Yonne 521, 522, 523, 524, 528 York 357, 364, 365 Z

627

Table des illustrations

Article 5

1. Sanctuaires des territoires arverne et lémovice

Article 6 1.  Il territorio veleiate con la distribuzione dei pagi 2.  La paleosuperficie di versante su cui è ubicato

59 73



l’actuale abitato di Caverzago e dove, in età romana, sorgeva il tempio dedicato a Minerva Medica Cabardiacensis 75 3.  La paleofrana di Cassano sulla quale vanno ubicati i “fundi Cassiani” e il “fundus Iulianus cun figlinis” rispettivamente appartenenti a L. Melio Severo e a P. Albio Secondo. 79



Article 7



Article 8

1.  Carte de l’ager Praetutianus

1.  Carte schématique de l’Italie du Nord, avec indication approximative de la Romagne et du Montferrat 2.  La partie centrale de la grande centuriation romagnolaise, dans le secteur de Forum Cornelii (Imola), où la via Aemilia fait fonction de decumanus maximus 3.  Détail du decumanus maximus “théorique” de la grande centuriation romagnolaise dans sa partie orientale, où il s’éloigne progressivement du tracé de la via Aemilia 4.  Détail du decumanus maximus “théorique” de la grande centuriation romagnolaise dans sa partie occidentale, où il s’éloigne progressivement du tracé de la via Aemilia 5.  Les 3 sous-blocs de la grande centuriation romagnolaise définis par le tracé d’anciens cours d’eau, dont il est proposé une reconstitution hypothétique



Article 10

1.  Le territoire de Sparte dans le Péloponnèse sous l’Empire

Article 11 1.  Lato A e lato D 2.  Lato A 3.  Lato D 4.  Lato A, ricostruzione del testo 5.  Lato D, ricostruzione del testo

91

105 629

111

111

113

113 129 153 154 155 156 157

Table des illustrations



Article 17

1.  Les insignes de l’édilité (CIL, XII, 3273), inscription de Nîmes 2.  As de Vespasien représentant l’Aequitas Augusti 3.  L’Aequitas Augusti sur la table de mesures de Murviel-les-Montpellier



245

Article 18

1.  CIL, IX, 3152 et 3153 (Corfinium) : arbre généalogique probable des personnages mentionnés 2.  Vue isométrique et projection en plan du dernier théâtre d’Augusta Raurica (vers 180-190 apr. J.-C.) 3.  Traces d’érosion, sans doute dues au gel ; fondations du dernier théâtre scénique 4.  Enceinte du dernier théâtre scénique d’Augusta Raurica 5.  Schéma illustrant le déroulement des travaux et leur interruption momentanée durant la première phase de construction du dernier théâtre scénique d’Augusta Raurica

630

235 245

251 255 257 259

260

Article 19 1.  La base CIL, XI, 6958 2.  La base CIL, XI, 6958: particolare della sommità 3.  La base NSc, 1890, p. 378 4.  La base NSc, 1890, p. 378: particolare della sommità 5.  La base NSc, 1890, p. 378: particolare dell’erasione con le nuove linee di guida 6.  La base CIL, XI, 6956: la dedica all’imperatore Tacito completamente erasa

267 269 269 270

Article 20 1.  La base riutilizzata CIL, XI, 5991 da Tifernum Mataurense 2.  Ultima fase epigrafica della base CIL, XI, 6007 da Sestinum 3.  Dedica a Costanzo Cloro da Septempeda (CIL, IX, 5579) 4.  Scena di apoteosi sulla base CIL, IX, 5579

289

Article 21 1.  CIL, X, 1271 2.  CIL, X, 1269 3.  CIL, X, 1299 4.  Iscrizione inedita del cavaliere L. Valerius Pollio 5.  Iscrizione del primuspilus L. Cantinius Rufus

301 305 315 321 323

Article 22 1.  Epigrafe del collegius Minervius 2.  Epitaffio di una schiava di un L. Antonius (particolare) 3.  Epitaffio di una schiava di un L. Antonius 4.  Epitaffio di uno schiavo di L. Valerius Potitus 5.  Epitaffio dello schiavo Abascantus 6.  Epitaffio della liberta Festiva

333 336 337 339 342 343

272 275

291 292 293

Table des illustrations

7.  Epitaffio di una schiava 8.  Epitaffio dello schiavo Hermes 9.  Epitaffio della schiava Primitiva 10. Epitaffio dello schiavo Magnus

Article 26



Article 30

1.  Diviciacus devant le Sénat

1.  L’iscrizione in onore di Gaio Arrio Antonino (CIL, V, 1874 = ILS, 1118) 2.  L’iscrizione che ricorda la donazione di Marco Acuzio Noeto (CIL, V, 1897, 1898, 1900 = 8664)



405

476 479

Article 31

1.  Roma, Museo Nazionale Romano alle Terme di Diocleziano: CIL, XIV 2228 2.  Particolare della figura 1 3.  Museo Archeologico Nazionale di Palestrina: dedica per il cavaliere Marcus Aurelius Iulius Euprepes (AE 1987, 230) 4.  Museo Archeologico Nazionale di Palestrina: dedica alla Fortuna Primigenia e a Caius Valerius Dolutius Marcianus (CIL, XIV 2888). 5.  Tivoli, santuario di Ercole Vincitore: dedica a Settimio Severo 6.  Tivoli, palazzo Lolli Bellini: dedica di Marcus Aurelius Zoticus, a Hercules Victor Certencinus (CIL, XIV 3553). 7.  Fianco destro della figura 6 8.  Tivoli, Villa Gregoriana: fianco della base con dedica a Caius Porcius Priscus Longinus (CIL, XIV 3611)



345 345 347 348

493 494 497

498 499 501 502 503

Article 33

1.  Carte du territoire éduen avec les sites et secteurs géographiques mentionnés dans le texte 2.  Évolution du nombre d’établissements agricoles dans différents secteurs ruraux du territoire de la cité des Éduens, en nombre de sites par siècle 3.  Répartition des établissements agricoles fréquentés dans la première moitié du iiie siècle dans les environs de Noyers-sur-Serein (Yonne). 4.  Répartition des établissements agricoles fréquentés dans la première moitié du ive siècle dans les environs de Noyers-sur-Serein (Yonne). 5.  Évolution du peuplement rural entre la première moitié du iiie siècle et la première moitié du ive siècle dans deux secteurs mitoyens de la Vallée de la Saône (au nord, environs d’Ouroux-sur-Saône ; au sud, environs de Tinurtium / Tournus)

521

522

523

524

525

631

Table des illustrations

6.  Évolution de l’occupation urbaine à Augustodunum /

Autun, entre la première moitié du iiie siècle et la première moitié du ive siècle 7.  Évolution du nombre de sites liés à l’extraction et la réduction du fer dans le sud-est du département de l’Yonne entre la fin de l’Âge du Fer et le haut Moyen Âge 8.  Évolution du nombre d’îlots fréquentés à Autun entre le début du iiie siècle et les années 330 9.  Évolution de la topographie de l’agglomération secondaire d’Alesia / Alise-Sainte-Reine entre la première moitié du iiie siècle et la première moitié du ive siècle

632

527

528 530

531

Table des Matières

INTRODUCTION

1 Laurent Lamoine, Clara Berrendonner et Mireille Cébeillac-Gervasoni Prolégomènes : les facettes d’une gestion locale



PREMIÈRE PARTIE



SECTION 1

11

Gérer les territoires Les territoires civiques : éléments de définition

2 Patrick Le Roux Cités et territoire : la question des relations

21

3 Bernard Rémy Critères de délimitation du territoire des cités gallo-romaines : les exemples de Vienne et de Die

35

4 Marion Dacko La gestion du réseau routier dans les cités arverne et vellave

à l’époque romaine : approches archéologique et épigraphique

633

47

5 Claire Mitton Organisation et gestion des lieux de culte

au sein des territoires arverne et lémovice

6 Pier Luigi Dall’Aglio et Giuseppe Marchetti Le valli di Trebbia e di Nure nella Tabula Alimentaria veleiate: geomorfologia e uso del suolo SECTION 2

57

69

Stratégies de gestion des territoires et réactions aux interventions du pouvoir romain

7 Audrey Bertrand Conquête, appropriation et gestion d’un territoire : le cas des colonies républicaines 8 Carlotta Franceschelli Les distributions viritanes de 173 av. J.-C. dans l’ager Ligustinus et Gallicus

87

103

Table des matières

9 Élisabeth Deniaux Les vectigales des cités et la Correspondance de Cicéron :

recherches sur un aspect des ressources des cités d’Arpinum et d’Atella

115

10 Athanase D. Rizakis Controverses territoriales et stratégies impériales.

Territoire et ressources économiques de Sparte sous l’Empire

11 Marcella Chelotti Controversia confinaria da Luceria



DEUXIÈME PARTIE



SECTION 1

127 147

Gérer les patrimoines civiques Les caractères structurels des finances civiques

12 Clara Berrendonner L’invisible aerarium des cités italiennes

163

13 Nicolas Tran Un montage entre finances publiques et associatives au ii e siècle : 634

à propos de l’organisation des ludi seuirales à Nîmes (AE, 1982, 680)

177

14 Jean Andreau Les cités de l’Empire prêtaient-elles de l’argent à intérêt ?

191



SECTION 2

Les difficultés de l’administration des fonds et des patrimoines civiques

15 Juan Francisco Rodríguez Neila La gestión financiera municipal.

Entre el control, el dispendio y la necesidad

203

16 Antonio Sartori Gestire il territorio per gestire il patrimonio per gestire le crisi (e il potere)

223

17 Michel Christol Prévenir et guérir les embarras du forum : l’Aequitas

233

18 Michel Aberson et Thomas Hufschmid Bâtiments publics inachevés : crises et solutions

247



Table des matières



TROISIÈME PARTIE

SECTION 1

Gérer “les crises” : un “enjeu à la portée des cités” ? Questions de méthode : la “crise” au prisme des sources archéologiques et épigraphiques

19 Giovanni Mennella Il riuso dei monumenti pubblici a Luna:

segnale di crisi o razionalizzazione di spazi interni?

265

20 Simona Antolini, Fabiola Branchesi et Silvia M. Marengo Riflessi epigrafici della crisi (iii-iv d.C.) nelle regioni dell’Italia medio-adriatica

279

21 Giuseppe Camodeca Nola: vicende sociale e istituzionali di una colonia romana da Sulla alla Tetrarchia

295

22 Marina Silvestrini La crisi di Heraclea di Lucania e l’epigrafia

329

23 Blaise Pichon Évergésies, construtions monumentales et élites locales aux iii e et iv e siècles dans les cités des Trois Gaules, des Germanies et de la Bretagne



SECTION 2

351

Guerres de conquête et guerres civiles

24 Pierre Cabanes Les partis pro-romains en Grèce occidentale

dans la première moitié du ii e siècle av. J.-C. ou comment Rome a géré son expansion en Grèce occidentale

369

25 Enrique García Riaza Crisis políticas en los núcleos de Occidente durante la época de la expansión romana (ámbitos hispano y galo)

387

26 Laurent Lamoine La “crise” des institutions gauloises à l’époque de César. Bilan historiographique (France)

403

27 Federico Santangelo From Pompeii to Ameria:

patrimonies and institutions in the age of Sulla

28 Mireille Cébeillac-Gervasoni Les crises politiques urbaines et leur gestion locale à la fin de la République entre 89 et 31 av. J.-C.

417

433

635

Table des matières



SECTION 3

La peste antonine et ses conséquences

29 Benoît Rossignol “Il avertissait les cités de se méfier des pestes,

des incendies, des tremblements de terre”. Crises militaire, frumentaire et sanitaire : les cités de l’Occident au temps de la peste antonine

30 Giovannella Cresci Marrone, Franco Luciani et Antonio Pistellato Gestire una crisi a Iulia Concordia: aspetti finanziari, giuridici e politici

SECTION 4

451

471

La “crise du iiie siècle”

31 Maria Grazia Granino Cecere La crisi e i grandi santuari del Latium vetus:

qualche riflessione dalla documentazione epigrafica

489

32 Enrique Melchor Gil Composición interna de las curias locales 636

y reclutamiento de decuriones en los siglos ii y iii d.C. en las ciudades del Occidente romano: ¿crisis o continuidad?

505

33 Antony Hostein et Michel Kasprzyk Une communauté civique face à la crise :

la civitas Aeduorum dans la seconde moitié du iii e siècle (approches archéologique et historique)



QUATRIÈME PARTIE

517

Synthèse – Chronique des travaux et discussions

34 François Chausson Conclusions

543

35 Mireille Cébeillac-Gervasoni, Laurent Lamoine Chronique des travaux et discussions

549



CINQUIÈME PARTIE

Indices (avec la collaboration de Claude Chomette)

36 Laurent Lamoine Index institutionnel

585

37 Mireille Cébeillac-Gervasoni Index onomastique

591

38 Mireille Cébeillac-Gervasoni Index des divinités et des sacerdotes

605

Table des matières

39 Mireille Cébeillac-Gervasoni Index des peuples et habitants de cité

609

40 Mireille Cébeillac-Gervasoni Index géographique

613



629



TABLE DES ILLUSTRATIONS TABLE DES MATIÈRES



633

637

Déjà parus aux PUBP SUR LES ÉLITES LOCALES ET LE QUOTIDIEN DES CITÉS DANS L'EMPIRE ROMAIN – Laurent Lamoine, Clara Berrendonner et Mireille Cébeillac-Gervasoni (dir.), La Praxis municipale dans l’Occident romain, 2010. – Laurent Lamoine, Le Pouvoir local en Gaule romaine, 2009. – Clara Berrendonner, Mireille Cébeillac-Gervasoni et Laurent Lamoine (dir.), Le Quotidien municipal dans l’Occident romain, 2008. – Mireille Cébeillac-Gervasoni, Laurent Lamoine et Frédéric Trément (dir.), Autocélébration des élites locales dans le monde romain. Contexte, images, textes (ii e s. av. J.-C. - iii e s. apr. J.-C.), 2004. – Mireille Cébeillac-Gervasoni et Laurent Lamoine (dir.), Les Élites et leurs facettes. Les élites locales dans le monde hellénistique et romain, 2003 (en coédition avec l’École française de Rome).

SUR L’HISTOIRE ANTIQUE – Fabrice Galtier et Yves Perrin (dir.), Ars pictoris, Ars scriptoris. Peinture, littérature, histoire. Hommages offerts à Jean-Michel Croisille, 2008. – Faire la route iii e-xx e siècles, Cahiers Siècles, no 25, 2007. – Danièle Berranger-Auserve (dir.), Épire, Illyrie, Macédoine… Mélanges offerts au Professeur Pierre Cabanes, 2007. – L’Auvergne de Sidoine Apollinaire à Grégoire de Tours – Histoire et Archéologie, 1999. – Jacques Corrocher, Vichy antique, 1982.