Comment? Les Lamentations de Jérémie: Volume 34 (Rhetorica Biblica et Semitica) [1 ed.] 9042947381, 9789042947382

En juillet 587 avant notre ère, l’ouragan Nabuchodonosor s’abat sur Israël et ne laisse derrière lui que la mort. Tout c

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French Pages 195 [201] Year 2021

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Comment? Les Lamentations de Jérémie: Volume 34 (Rhetorica Biblica et Semitica) [1 ed.]
 9042947381, 9789042947382

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pontificia universitas gregoriana rhetorica biblica et semitica

En juillet 587 avant notre ère, l’ouragan Nabuchodonosor s’abat sur Israël et ne laisse derrière lui que la mort. Tout ce qui fait une nation est détruit jusqu’aux fondations : les institutions économiques, politiques, militaires et religieuses. Le pays est dévasté et l’élite est déportée à Babylone, le roi Jéchonias est capturé, on lui a crevé les yeux, l’armée est anéantie, les remparts rasés, le temple est pillé et incendié avec toute la ville de Jérusalem. Le livre commence par « Comment ? », repris en tête de trois de ses cinq poèmes. Comment un tel désastre a-t-il pu se produire ? Comment Dieu l’a-t-il permis et même causé ? Une seule institution résiste et c’est sur elle que sont construites les Lamentations : la langue avec son alphabet de vingt-deux lettres. L’acrostiche alphabétique marque les quatre premiers poèmes : chaque unité, vers ou groupe de vers, commence par une lettre de l’alphabet, d’Aleph à Taw, d’Alpha à Oméga, nous dirions : de A à Z. Tout, même le malheur et la lamentation se doivent d’être organisés, dans un ordre établi depuis toujours et que l’ennemi ne peut détruire. Au centre du livre, la troisième lamentation en constitue le sommet. Elle est marquée par un triplement de l’acrostiche. Surtout, le centre de ce centre est l’œil du cyclone, ce court temps de silence et d’apaisement où se fait entendre l’oracle du salut. Après quoi, les deux derniers poèmes sont plus courts et, dans le dernier, l’acrostiche alphabétique disparait, comme s’il n’avait plus de raison d’être. La douleur est toujours aussi vive, mais la promesse de la vie a été entendue. L’Auteur : Roland Meynet, jésuite, est professeur émérite de théologie biblique à l’Université grégorienne de Rome.

PEETERS-LEUVEN

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Roland Meynet  Comment ? Les Lamentations de Jérémie

Roland Meynet, Comment ? Les Lamentations de Jérémie, Peeters, Leuven 2021

Roland Meynet

COMMENT ?

Les Lamentations de Jérémie

PEETERS

09/09/2021 11:51

COMMENT ?

Les Lamentations de Jérémie

Roland Meynet

COMMENT ? Les Lamentations de Jérémie Rhetorica Biblica et Semitica XXXIV

PEETERS leuven – paris – bristol, ct 2021

SOCIÉTÉ INTERNATIONALE POUR L’ÉTUDE DE LA RHÉTORIQUE BlBLIQUE ET SÉMITIQUE

Il existe de nombreuses sociétés savantes dont l’objet est l’étude de la rhétorique. La plus connue est la « Société internationale pour l’histoire de la rhétorique ». La RBS est la seule : • qui se consacre exclusivement à l’étude des littératures sémitiques, la Bible essentiellement, mais aussi d’autres, des textes musulmans par exemple ; •  qui s’attache par conséquent à inventorier et à décrire les lois particulières d’une ­rhétorique qui a présidé à l’élaboration des textes dont l’importance ne le cède en rien à ceux du monde grec et latin dont la civilisation occidentale moderne est l’héritière. Il ne faudrait pas oublier que cette même civilisation occidentale est héritière aussi de la tradition judéo-chrétienne qui trouve son origine dans la Bible, c’est-à-dire dans le monde sémitique. Plus largement, les textes que nous étudions sont les textes fondateurs des trois grandes religions monothéistes, judaïsme, christianisme et islam. Une telle étude scientifique, condition première d’une meilleure connaissance mutuelle, ne saurait que contribuer au rapprochement entre ceux qui se réclament de ces diverses traditions. La RBS promeut et soutient la formation, les recherches et les publications :

• surtout dans le domaine biblique, tant du Nouveau que de l’Ancien Testament ; • mais aussi dans celui des autres textes sémitiques, en particulier ceux de l’islam ; • et encore chez des auteurs nourris par les textes bibliques, comme saint Benoît et Pascal.

Pour cela, la RBS organise

• les années paires un colloque international dont les actes sont publiés dans la présente

collection ; année des séminaires de formation à sa méthodologie, en différentes langues.

• chaque

La RBS accueille et regroupe d’abord les chercheurs et professeurs universitaires qui, dans diverses institutions académiques, travaillent dans le domaine de la rhétorique biblique et sémitique. Elle encourage de toutes les manières les étudiants, surtout de ­doctorat, dans l’apprentissage de sa technique propre. Elle est ouverte aussi à tous ceux qui s’intéressent à ses activités et entendent les soutenir. Société internationale pour l’étude de la Rhétorique Biblique et Sémitique Pontificia Università Gregoriana — Piazza della Pilotta, 4 — 00187 Roma (Italie) Pour plus de renseignements sur la RBS, voir : www.retoricabiblicaesemitica.org.

ISBN 978-90-429-4738-2 eISBN 978-90-429-4739-9 D/2021/0602/134

A catalogue record for this book is available from the Library of Congress. © 2021, Peeters, Bondgenotenlaan 153, B-3000 Leuven, Belgium No part of this book may be reproduced in any form or by any electronic or mechanical means, including information storage or retrieval devices or systems, without prior written permission from the publisher, except the quotation of brief passages for review purposes.

Rhetorica Biblica et Semitica Beaucoup imaginent que la rhétorique classique, héritée des Grecs à travers les Romains, est universelle. C’est en effet celle qui semble régir la culture moderne, que l’Occident a répandue sur l’ensemble de la planète. Le temps est désormais venu d’abandonner un tel ethnocentrisme : la rhétorique classique n’est pas seule au monde. La Bible hébraïque, dont les textes ont été écrits surtout en hébreu mais aussi en a­ raméen, obéit à une rhétorique bien différente de la rhétorique gréco-romaine. Il faut donc reconnaitre qu’il existe une autre rhétorique, la « rhétorique hébraïque ». Quant aux autres textes bibliques, de l’Ancien Testament et du Nouveau, qui ont été soit traduits soit rédigés directement en grec, ils obéissent largement aux mêmes lois. On est donc en droit de parler non seulement de rhétorique hébraïque, mais plus largement de « rhétorique biblique ». En outre, ces mêmes lois ont ensuite été reconnues à l’œuvre dans des textes akkadiens, ougaritiques et autres, en amont de la Bible hébraïque, puis dans les textes arabes de la Tradition musulmane et du Coran, en aval de la littérature biblique. Il faut donc admettre que cette rhétorique n’est pas seulement biblique, et l’on dira que tous ces textes, qui appartiennent à la même aire culturelle, relèvent d’une même rhétorique qu’on appellera « rhétorique sémitique ». Contrairement à l’impression que ressent inévitablement le lecteur occidental, les textes de la tradition sémitique sont fort bien composés, à condition toutefois de les ­analyser en fonction des lois de la rhétorique qui les gouverne. On sait que la forme du texte, sa disposition, est la porte principale qui ouvre l’accès au sens. Non pas que la ­composition fournisse, directement et automatiquement, la signification. Cependant, quand l’analyse formelle permet d’opérer une division raisonnée du texte, de définir de manière plus objective son contexte, de mettre en évidence l’organisation de l’œuvre aux différents niveaux de son architecture, se trouvent ainsi réunies les conditions qui permettent d’entreprendre, sur des bases moins subjectives et fragmentaires, le travail d’interprétation.

Introduction Chaque année, le 9 du mois d’Ab, les juifs commémorent la prise de Jérusalem et la destruction du Temple de Salomon par Nabuchodonosor, roi de Babylone, en juillet 587 avant Jésus-Christ. À cette occasion, on lit à la synagogue le rouleau des Lamentations. Dans la Bible hébraïque, les Lamentations sont intitulées ’êkâ, « Comment ? », qui est l’incipit, non seulement le premier mot du livre, non seulement du premier chapitre, mais aussi du deuxième et du quatrième, en somme le premier mot de trois lamentations sur les cinq que compte le livre. Celui-ci fait partie des « cinq rouleaux » : Ruth, Cantique des cantiques, Qohélet, Lamentations et Esther. Dans la Bible grecque, il est placé après le livre de Jérémie, précédé de Baruch ; il est intitulé Thrēnoi, « Lamentations ». La Septante, suivie par la Vulgate, a ajouté avant le début du premier chapitre les mots suivants : « Or il arriva qu’après qu’Israël eut été réduit en captivité et que Jérusalem fut devenue déserte, Jérémie s’assit en pleurant et il fit cette lamentation sur Jérusalem et il dit : », attribuant ainsi au prophète Jérémie la paternité du livre. Faisant partie des « cinq rouleaux », les Lamentations comprennent cinq chapitres, qui correspondent à autant de poèmes clairement délimités. En effet, les quatre premiers sont des acrostiches alphabétiques, les vingt-deux lettres de l’alphabet hébreu marquant les limites d’autant d’unités littéraires ; le dernier chapitre n’est pas acrostiche alphabétique comme les autres, mais il comprend vingt-deux segments, soit autant de segments que les lettres de l’alphabet. Dans les deux premières lamentations, chaque lettre signale le début d’un « morceau » formé de deux ou trois « segments » (soit un total de six « membres » et exceptionnellement de sept ou même huit). Dans la quatrième lamentation, les unités marquées par l’alphabétisme sont réduites à des morceaux formés de deux segments (totalisant quatre membres, et deux fois seulement cinq). La troisième lamentation, qui se trouve au centre de l’ensemble, se distingue des autres, car l’alphabétisme marque le début des trois segments de chaque morceau ; l’alphabétisme y est donc renforcé. Les Lamentations sont le seul livre où l’acrostiche alphabétique soit pratiquement omniprésent, dans quatre chapitres consécutifs sur cinq, le dernier leur étant néanmoins apparenté par le nombre de ses vingt-deux segments1. Cependant, ce n’est pas le seul livre biblique où se trouvent de telles compositions. Le Psautier est celui qui en contient le plus grand nombre : Ps 9–10, 25, 34, 37, 111, 112, 119, 145. Plusieurs pensent que le carcan de l’alphabétisme représente une telle contrainte qu’il est impossible que de telles productions soient bien composées. En 1 Ce ne serait pas le seul cas de « poème alphabétique non acrostiche » (Ps 20, 33, 58, 100, 103) : voir D. FREEDMAN – D. MIANO, « Non-Acrostic Alphabetic Psalms ».

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Comment ?

réalité, il n’en est rien, comme on peut le voir pour chacun des huit psaumes acrostiches alphabétiques2. Il se trouve aussi que quatre d’entre eux marquent la composition du cinquième livre des Psaumes : en effet, le couple des Ps 111–112 se trouve à la fin de la première section (Ps 107–112), le Ps 145 à la fin de la dernière section (Ps 135-145), le monumental Ps 119 occupant le centre du livre3. La composition des Lamentations devrait être, elle aussi, à la hauteur de celle des psaumes acrostiches, tant au niveau de l’ensemble du livre qu’à celui de chacun de ses poèmes. Étant donné le nombre impair des poèmes, l’hypothèse qui vient spontanément à l’esprit est que la troisième lamentation constitue le centre de la construction. Déjà au 9e siècle, Raban Maur l’avait bien vu. Il organise son commentaire des Lamentations en trois livres. Le livre XVIII commente les deux premiers chapitres qui forment un ensemble, le livre XIX le seul chapitre 3 et le livre XX les deux derniers chapitres qui forment un dernier ensemble. Il consacre le même nombre de pages à la lamentation centrale qu’aux deux premières, lui accordant ainsi une plus grande importance4. Il en va de même aujourd’hui5. Pour plusieurs auteurs modernes, la composition concentrique du livre serait plus poussée, le dernier chapitre correspondant au premier, le quatrième au deuxième6. Davantage d’attention a été donnée à la composition de chacun des cinq poèmes. Bo Johnson distingue deux parties dans chacune des quatre premières lamentations : celle des faits et celle de leur interprétation. Mais il y discerne en même temps un centre7. Les analyses de Johan Renkema sont plus poussées8. Toutefois, sa méthodologie reste limitée à trois figures, le parallélisme interne, le parallélisme externe qui comprend les inclusions et les répons9. En revanche, il distingue rigoureusement les niveaux du « vers », de la « strophe » qui comprend un ou deux vers, du « cantique » qui comprend deux ou trois strophes, du « sub-canto » qui comprend deux ou trois cantiques et enfin du « canto » qui comprend deux sub-cantos. Curieusement, aucune de ses « struc-

2

Voir mon étude, Les huit psaumes acrostiches alphabétiques. Voir R. MEYNET, Le Psautier. Cinquième livre (Ps 107–150), 701 ; ID., « La composition du Psautier. I ». 4 PL 111, Rabani Mauri 5, 1182-1262. Voir E.A. MATTER, « The Lamentations Commentaries of Hrabanus Maurus and Paschasius Radbertus ». 5 « Plusieurs commentateurs considèrent Lm 3 comme le cœur théologique du livre (voir Westermann, 66-76, pour une revue des opinions) » (House, 429). 6 R. GORDIS, The Song of Songs and Lamentations ; R. BRANDSCHEIDT, Gotteszorn und Menschenleid : I.G.P. GOUS, « A Survey of Research on the Book of Lamentations » ; É. ASSIS, « The Unity of the Book of Lamentations ». 7 B. JOHNSON, « Form and Message in Lamentations » ; voir aussi, par ex., House, 429-430. 8 J. RENKEMA, « The Literary Structure of Lamentations I » ; « The Literary Structure of Lamentations II » ; « The Literary Structure of Lamentations III » ; « The Literary Structure of Lamentations IV ». L’auteur s’appuie sur les travaux d’Albert Condamin (« Symmetrical Repetitions in Lamentations Chapters I and II » ; Poèmes de la Bible, 47-50. 9 Renkema, 72-75. 3

Introduction

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tures concentriques » n’a de centre, comme on peut le voir, par exemple, dans son schéma de la deuxième lamentation, ci-contre10.

10

Les schémas sont donnés dans son commentaire aux pages 85, 207, 336, 483, 575.

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Comment ?

Cependant, comme la quasi-totalité des commentateurs, Renkema analyse chaque lamentation l’une après l’autre, de manière indépendante, sans ajouter une véritable étude de l’ensemble du livre. Si la majorité des auteurs reconnait que le livre est focalisé sur le chapitre 3, tous n’en tirent pas les conclusions qui s’imposent, à savoir de montrer comment ce chapitre central constitue la clé de lecture de l’ensemble du livre. Le présent commentaire entend contribuer à la recherche par une étude rigoureuse de la composition, à tous les niveaux de leur organisation : celui de chacune des cinq lamentations, celui des sections extrêmes (Lm 1–2 ; Lm 4–5), enfin celui de l’ensemble du livre. La méthode utilisée est celle de l’analyse rhétorique biblique et sémitique11 que j’ai personnellement appliquée à plusieurs livres bibliques : les évangiles de Luc et de Marc, Amos (avec Pietro Bovati), la Lettre aux Galates, le Psautier, le Cantique des cantiques et Qohélet12. Comme d’habitude, j’ai abordé le texte « à mains nues », c’est-à-dire sans regarder ce que d’autres avaient fait sur la composition ; cela pour éviter d’être conditionné. En revanche, pour établir ma traduction, j’ai consulté un certain nombre, limité13, de commentaires pour tout ce qui regarde les questions strictement textuelles, critica textus, analyse grammaticale et syntaxique, lexicographie. Pour ne pas appesantir inutilement le volume, j’ai renoncé à noter chaque fois les références aux œuvres consultées. La caractéristique formelle fondamentale des Lamentations étant l’acrostiche alphabétique, il faut s’y arrêter quelque peu. Toutefois, il n’est pas question de reprendre ici ce que j’ai écrit dans l’introduction et la conclusion de mon étude sur Les huit psaumes acrostiches alphabétiques, sur la question des genres littéraires, des formes et de la forme particulière de l’acrostiche alphabétique. Cependant, il faut bien aborder certaines questions qui se posent dans ce livre si particulier. Le problème principal est celui du choix qu’a fait l’auteur — singulier ou pluriel — de cette structure pour aborder un sujet tel que celui des Lamentations. La situation où il se trouve est celle de la prise de Jérusalem et de son incendie, du pillage et de la ruine du temple, de la destruction systématique de ses remparts, de l’écrasement de tout le pays, avec le nombre toujours trop grand des victimes de l’épée et de la faim, la capture du roi dont le vainqueur a crevé les yeux, la déportation de l’élite de la population ; tout ce désastre, un monde qui s’écroule, fait un contraste saisissant avec l’ordre rigoureux de l’alphabétisme imposé aux quatre principaux chapitres du livre. Celui-ci semble tout à fait déplacé, ne convenant pas le moins du monde au sujet traité. Une « lamentation », sur tant de morts, des poèmes qui commencent par une question angoissée, « Comment ? », ne devraient-ils pas être spontanés, comme des cris 11

Exposée dans mon Traité de rhétorique biblique. Voir le site de la Société internationale pour l’étude de la Rhétorique Biblique et Sémitique (RBS) : www.retoricabiblicaesemitica.org. Voir aussi en fin de volume la liste des ouvrages publiées dans ses collections. 13 Ce sont essentiellement ceux de Provan (1991), Hillers (19922), Renkema (1998), Gerstenberger (2001), Berlin (2002), Morla (2004), House (2004), Salters (2010). 12

Introduction

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de douleur, sans davantage d’ordre que celui d’un hurlement véhément incapable de rien contrôler ? Comment ces textes ont-ils pu être organisés selon une rigueur qui ressemble à celle d’un carcan implacable, impitoyable, qui ne laisse pas la moindre possibilité à une expression libre d’exprimer ses sentiments ? Un second problème surgit, corrélé au premier. Comment se fait-il que l’ordre si ferme de l’alphabétisme soit rompu, et cela de trois façons ? La première est mineure sans doute, mais elle existe. Tandis que la première lamentation suit l’ordre traditionnel des lettres ayin et pé, cet ordre est renversé dans les trois lamentations suivantes. On dira sans doute que l’ordre de ces deux lettres n’était pas fixé et témoigne de deux traditions légèrement différentes. Il n’empêche que dans le même livre, ce basculement après la première lamentation représente une première irrégularité. La seconde irrégularité prend pour ainsi dire le relai de la première : en effet, on l’a déjà signalé, alors que dans les deux premières lamentations l’alphabétisme marque le début des « morceaux » comprenant généralement six membres, dans la troisième lamentation, l’alphabétisme est triplé, puisque c’est chacun des trois segments de tous les morceaux qui commence par la même lettre. En outre, le fait que la quatrième lamentation soit plus courte que les trois précédentes, que l’alphabétisme ne marque plus des morceaux formés généralement de six membres, mais des morceaux comptant seulement quatre membres, voilà qui fait une troisième irrégularité. La quatrième irrégularité est la plus visible et sans doute la plus étonnante : en effet, la dernière lamentation se distingue de toutes les autres car elle est non seulement moitié plus courte que la précédente, mais surtout ses vingt-deux segments n’obéissent pas à l’acrostiche alphabétique. Ces deux problèmes ne laissent pas de surprendre. Il faudra y revenir en fin de parcours. Le livre des Lamentations étant fort court, son commentaire est quelquefois joint à celui d’un autre livre dans un même volume. On a dit plus haut que le commentaire de Raban Maur est organisé en trois parties qui occupent les livres XVIII à XX. C’est que ces trois livres sont les derniers de son commentaire de Jérémie. Le livre de Jérémie proprement dit couvre les livres I à XVII. Le XVIII commence par ces mots : « Ultimam partem Jeremiae prophetae, quae appellatur Lamentationes... ». L’International Theological Commentary réunit dans un seul volume intitulé God’s People in Crisis, un commentaire d’Amos par Robert Martin-Achard et celui des Lamentations par S. Paul Re’emi14. Une telle jonction laisse entendre que les Lamentations font partie de la littérature prophétique ou, tout au moins, sont à mettre en rapport avec elle. Erhard S. Gerstenberger, quant à lui, a placé son commentaire des Lamentations à la fin du second volume de son commentaire des Psaumes15. Pour chacun des chapitres, il insiste sur l’usage liturgique de ces poèmes qui rejoint donc 14

R. MARTIN-ACHARD – S.P. RE’EMI, God’s People in Crisis: A Commentary on the Book of Amos and A Commentary on the Book of Lamentations. 15 E.S. GERSTENBERGER, Psalms, Part 2, and Lamentations.

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Comment ?

celui des psaumes. On voit par là une tension entre deux voies d’interprétation : celle qui la situe dans la mouvance prophétique et celle qui, au contraire, la voit dans la littérature sapientielle et plus particulièrement liturgique. Il est encore un autre cas, celui du Word Biblical Commentary : le volume 23B de la collection réunit le commentaire du Cantique des cantiques de Duane Garrett et celui des Lamentations de Paul R. House. Le rapport qui saute aux yeux est que les deux livres font partie des cinq rouleaux. Or, on sait que ces livres ont en commun leur utilisation lors des grandes fêtes d’Israël : le Cantique le sabbat de la semaine de Pâques, Ruth à Pentecôte, les Lamentations le neuf du mois d’Ab (juillet-aout), Qohélet le sabbat de la semaine des Tentes, Esther à Pourim. Il n’est pas exclu que l’un ou l’autre de ces choix ait été opéré d’abord pour des raisons purement pratiques. Le commentaire de Gerstenberger, en effet, ne compte que 43 pages et n’aurait certainement pas fait, à lui seul, un volume. L’ensemble des commentaires de Martin-Achard et Re’emi ne totalise que 134 pages et l’on imagine difficilement qu’ils aient pu être publiés séparément. Toutefois, ces tandems traduisent deux orientations bien différentes, celle qui voit dans les Lamentations autant de prières semblables à celles d’un certain nombre de psaumes dits, justement, de lamentation, et celle qui y reconnait au contraire, considérant le livre comme un ensemble structuré, un témoignage et un appel de type prophétique. Voilà donc encore une question qui s’ajoute à celles posées par l’acrostiche alphabétique. Des amorces de réponses devraient pouvoir être proposées au terme du commentaire.

Remerciements Sylvaine Reboul a bien voulu relire mon manuscrit. Son acribie a permis de corriger bien des erreurs. Qu’elle en soit vivement remerciée16.

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Elle me pardonnera d’avoir adopté l’orthographe « modernisée » en 1990, « recommandée » par l’Académie française. Le lecteur ne s’étonnera donc pas de lire « maitre » au lieu de « maître », « interpelé » au lieu d’« interpellé », « relai » au lieu de « relais ».

SIGLES ET ABRÉVIATIONS

AB al. BJ CBQ chap. ed. FOTL ICC ITC JBL Joüon JSOT JSOT.S

Anchor Bible alii, autres Bible de Jérusalem Catholic Biblical Quarterly Chapitre edidit, ediderunt The Forms of the Old Testament Literature International Critical Commentary International Theological Commentary Journal of Biblical Literature P. Joüon, Grammaire de l’hébreu biblique, Rome 1923 Journal for the Study of the Old Testament Journal for the Study of the Old Testament. Supplement series litt. littéralement NCBC New Century Bible Commentary nt. note Osty La Bible, trad. É. Osty, Paris 1973 OTE Old Testament Essays OTL Old Testament Library p. page(s) par ex. par exemple par. Paragraphe PL Patrologie latine RBS Société internationale pour l’étude de la Rhétorique Biblique et Sémitique RBSem Rhetorica Biblica et Semitica (Peeters) ReBibSem Retorica biblica e semitica RhBib Rhétorique biblique (Cerf) RhSem Rhétorique sémitique (Lethielleux, Gabalda) SBT Studies in Biblical Theology Traité 2007.2012 R. Meynet, Traité de rhétorique biblique, RhSem 4, Paris 2007 ; 2e éd. revue et corrigée, RhSem 12, Pendé 2013 Traité 2021 R. Meynet, Traité de rhétorique biblique. 3e édition revue et augmentée, RBSem 28, Leuven 2021 TOB Traduction Œcuménique de la Bible trad. traduction TThSt Trierer theologische Studien v. verset(s) vol. volume(s) VT Vetus Testamentum VT.S Supplements to Vetus Testamentum

14 WBC ZAW

Comment ? Word Biblical Commentary Zeitschrift für die Alttestamentliche Wissenschaft

Les commentaires ne sont cités que par le nom de l’auteur (ou des auteurs) en minuscules, suivi des numéros de page(s). Ex. : Berlin, 45 ; Salters, 59. Les abréviations des livres bibliques sont celles de La Bible de Jérusalem (BJ).

LEXIQUE DES TERMES TECHNIQUES

1. TERMES QUI DÉSIGNENT LES UNITÉS RHÉTORIQUES Il arrive souvent, dans les ouvrages d’exégèse, que les termes « section », « passage », mais surtout « morceau », « partie »..., ne soient pas utilisés de façon univoque. Voici la liste des termes qui désignent les unités textuelles à leurs niveaux successifs. Les niveaux « inférieurs » (ou non autonomes) À part les deux premières (le terme et le membre), les unités de niveau inférieur sont formées de une, deux ou trois unités du niveau précédent. TERME

le terme correspond en général à un « lexème », ou mot qui appartient au lexique : substantif, adjectif, verbe, adverbe.

MEMBRE

le membre est un syntagme, ou groupe de « termes » liés entre eux par des rapports syntaxiques étroits. Le « membre » est l’unité rhétorique minimale ; il peut arriver que le membre comporte un seul terme (le terme d’origine grecque est « stique »).

SEGMENT

le segment comprend un, deux ou trois membres ; on parlera de segment « unimembre » (le terme d’origine grecque est « monostique »), de segment « bimembre » (ou « distique ») et de segment « trimembre » (ou « tristique »).

MORCEAU

le morceau comprend un, deux ou trois segments.

PARTIE

la partie comprend un, deux ou trois morceaux.

Les niveaux « supérieurs » (ou autonomes) Ils sont tous formés soit d’une, soit de plusieurs unités du niveau précédent. PASSAGE

le passage — l’équivalent de la « péricope » des exégètes — est formé d’une ou de plusieurs parties.

SÉQUENCE

la séquence est formée d’un ou de plusieurs passages.

SECTION

la section est formée d’une ou de plusieurs séquences.

LIVRE

enfin le livre est formé d’une ou de plusieurs sections.

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Comment ?

Il est quelquefois nécessaire d’avoir recours aux niveaux intermédiaires de la « sous-partie », de la « sous-séquence » et de la « sous-section » ; ces unités intermédiaires ont la même définition que la partie, la séquence et la section. VERSANT

ensemble textuel qui précède ou qui suit le centre d’une construction ; si le centre est bipartite, le versant correspond à chacune des deux moitiés de la construction.

2. TERMES QUI DÉSIGNENT LES RAPPORTS ENTRE LES UNITÉS SYMÉTRIQUES Symétries totales CONSTRUCTION PARALLÈLE figure de composition où les unités en rapport deux à deux sont disposées de manière parallèle : A B C D E | A’B’C’D’E’. Quand deux unités parallèles entre elles encadrent un élément unique, on parle de parallélisme pour désigner la symétrie entre ces deux unités, mais on considère l’ensemble (l’unité de niveau supérieur) comme une construction concentrique : A | x | A’. Pour « construction parallèle », on dit aussi « parallélisme » (qui s’oppose à « concentrisme »). CONSTRUCTION SPÉCULAIRE

figure de composition où les unités en rapport deux à deux sont disposées de manière antiparallèle ou « en miroir » : A B C D E | E’D’C’B’A’. Comme la construction parallèle, la construction spéculaire n’a pas de centre ; comme la construction concentrique, les éléments en rapport se correspondent en miroir. Quand la construction ne comprend que quatre unités, on parle aussi de « chiasme » : A B | B’A’.

CONSTRUCTION CONCENTRIQUE

figure de composition où les unités symétriques sont disposées de manière concentrique : A B C D E | x | E’D’C’B’A’, autour d’un élément central (cet élément peut être une unité de l’un quelconque des niveaux de l’organisation textuelle). Pour « construction concentrique », on peut aussi dire « concentrisme » (qui s’oppose à « parallélisme »).

CONSTRUCTION ELLIPTIQUE

figure de composition où les deux foyers de l’ellipse articulent les autres unités textuelles : A | x | B | x | A’.

Lexique des termes techniques

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Symétries partielles termes ou syntagmes identiques ou semblables qui marquent TERMES INITIAUX le début d’unités textuelles symétriques ; l’« anaphore » de la rhétorique classique. TERMES FINAUX

termes ou syntagmes identiques ou semblables qui marquent la fin d’unités textuelles symétriques ; l’« épiphore » de la rhétorique classique.

TERMES EXTRÊMES termes ou syntagmes identiques ou semblables qui marquent les extrémités d’une unité textuelle ; l’« inclusion » de l’exégèse traditionnelle. TERMES MÉDIANS

termes ou syntagmes identiques ou semblables qui marquent la fin d’une unité textuelle et le début de l’unité qui lui est symétrique ; le « mot-crochet » ou « mot-agrafe » de l’exégèse traditionnelle.

TERMES CENTRAUX termes ou syntagmes identiques ou semblables qui marquent les centres de deux unités textuelles symétriques. Pour plus de détails, voir R. MEYNET, Traité de rhétorique biblique, RhSem 4, Paris 2007 ; 2e éd. revue et corrigée, RhSem 12, Pendé 2013 ; 3e édition revue et augmentée, RBSem 28, Leuven 2021. Principales règles de réécriture – à l’intérieur du membre, les termes sont généralement séparés par des blancs ; – chaque membre est généralement réécrit sur une seule ligne ; – les segments sont séparés par une ligne blanche ; – les morceaux sont séparés par une ligne discontinue ; – la partie est délimitée par deux filets ; il en va de même pour les sous-parties. – à l’intérieur du passage, les parties sont encadrées (sauf si elles sont très courtes, comme une introduction ou une conclusion) ; les éventuelles sousparties sont disposées dans des cadres contigus ; – à l’intérieur de la séquence ou de la sous-séquence, les passages, réécrits en prose, sont disposés dans des cadres séparés par une ligne blanche ; – à l’intérieur de la séquence, les passages d’une sous-séquence sont disposés dans des cadres contigus. Sur les règles de réécriture, voir Traité, 2007.2011, chap. 5, 283-344 (sur la réécriture des tableaux synoptiques, voir chap. 9, 471-506) : 3e éd. 2021, 215269 ; 297-432.

PERSPECTIVE CAVALIÈRE DU LIVRE DES LAMENTATIONS

Le livre est organisé en trois sections. Les sections extrêmes comprennent deux séquences, la section centrale, une seule.

Première section : LA COLÈRE DU SEIGNEUR A1 : COMMENT SION

POUR SES CRIMES

EST-ELLE EXILÉE

CHEZ LES NATIONS ?

A2 : COMMENT ADONAÏ

DANS SA COLÈRE

A-T-IL ENTÉNÉBRÉ LA FILLE DE SION ?

1,1-22 2,1-22

Deuxième section B : « LE SEIGNEUR NE REJETTE PAS POUR TOUJOURS »

3,1-66

Troisième section : LA MISÉRICORDE DU SEIGNEUR C1 : LE SEIGNEUR

METTRA FIN

À TON EXIL

4,1-22

C2 : SEIGNEUR

FAIS-NOUS REVENIR

À TOI

5,1-22

LA COLÈRE DU SEIGNEUR La première section Lm 1–2

22

La première section (Lm 1–2)

La section est organisée en deux séquences. La première (C1) comprend trois passages organisés de manière concentrique, la deuxième (C2) en compte cinq formant une composition elliptique.

C1 : COMMENT SION

POUR SES CRIMES

EST-ELLE EXILÉE

CHEZ LES NATIONS ?

1,1-22

C2 : COMMENT ADONAÏ

DANS SA COLÈRE

A-T-IL ENTÉNÉBRÉ

LA FILLE DE SION ?

2,1-22

I. Comment Jérusalem pour ses crimes est-elle exilée chez les nations ? La séquence A1 : 1,1–22 La première lamentation est de la taille d’une séquence formée de trois passages. Les passages extrêmes comprennent chacun trois parties ; quant au passage central, il est nettement plus court que les deux autres.

1. Sion pleure car il n’y a pas pour elle de consolateur Le premier passage : 1,1-9 TEXTE ’

b g d h w z

ḥ ṭ

1

Comment est-elle assise à l’écart, la Ville nombreuse de peuple, elle est devenue comme une veuve ; nombreuse chez les nations, princesse chez les provinces, elle est devenue à la corvée. 2 Pleurer elle pleure durant la nuit et sa larme sur sa joue. Il n’y a pas pour elle de consolateur parmi tous ses amants, tous ses amis ont trahi elle, ils sont devenus pour elle des ennemis. 3 Est exilé Juda sous la misère et sous une nombreuse servitude. Elle, elle est assise chez les nations elle ne trouve pas de repos ; tous ses poursuivants l’atteignent parmi les angoisses. 4 Les chemins de Sion sont en deuil sans personne venant à ses assemblées, toutes ses portes sont désertes ; ses prêtres gémissent, ses vierges se désolent et elle, c’est amer pour elle. 5 Sont devenus ses oppresseurs en tête, ses ennemis sont heureux, car Yhwh l’a affligée pour ses nombreux crimes ; ses bambins sont partis en captivité devant l’oppresseur. 6 Et est sortie de la fille de Sion toute sa splendeur ; sont devenus ses princes comme des cerfs qui ne trouvent point de pâture et ils sont partis avec point de force devant le poursuivant. 7 Elle se souvient Jérusalem, aux jours de misère et de sa détresse, de tous ses trésors qui étaient devenus depuis les jours d’antan, quand tombait son peuple par la main de l’oppresseur et il n’y a pas d’aide pour elle. La voyaient des oppresseurs, ils riaient de sa ruine. 8 Péché elle a péché Jérusalem, c’est pourquoi impureté elle est devenue. Tous ses honorant la méprisent car ils ont vu sa nudité ; aussi elle, elle gémit et revient en arrière. 9 Sa souillure sur sa robe, elle ne se souvient pas de sa fin et elle est tombée prodigieusement ; il n’y pas de consolateur pour elle. « Vois, Yhwh, ma misère car a grandi l’ennemi. »

24

La première section (Lm 1–2)

V. 1A

: « COMMENT EST-ELLE ASSISE ? »

Le premier terme est souvent compris comme une interjection, rendue par « Hélas ! », « Comment ! ». Il semble qu’il vaut mieux l’interpréter comme un véritable interrogatif. La question trouvera sa réponse au centre des deux dernières parties du passage : « à cause de ses nombreux péchés » (5cd), « Péché elle a péché Jérusalem, c’est pourquoi souillure est-elle devenue » (8ab). Le verbe signifie souvent « demeurer » (Lm 4,12.21 ; 5,19) ; ici, cependant, il s’agit de l’attitude corporelle de qui se lamente, assis dans la poussière. En 3c, le même verbe sera traduit de la même façon. V. 1D

: « NOMBREUSE [...] PRINCESSE »

Les deux termes peuvent être considérés comme synonymes interchangeables (voir Gn 37,36 et 2R 25,8). Le premier pourrait donc être traduit par « importante » ou même « noble », « chef »17, mais il vaut mieux garder « nombreuse » pour le premier, car le même terme était déjà employé en 1b et sera repris en 3b. V. 3F

: « LES ANGOISSES »

Terme rare qui ne se trouve ailleurs qu’en Ps 116,3 ; 118,5 où il est rendu par « angoisses ». Certains préfèrent y voir un sens plus concret : « lieux sans issue » (BJ), « étroits défilés » (Osty). V. 4B

: « ASSEMBLÉES »

Au singulier, le terme peut désigner le temple, lieu du « rendez-vous » avec Dieu (voir « la tente du Rendez-vous », Ex 27,21...). Ici (au singulier collectif), il signifie les rendez-vous avec le Seigneur, les assemblées, les fêtes, les solennités (voir Lv 23,2 ; Nb 29,39). Il sera systématiquement traduit pas « assemblées ». V. 5E

: « EN CAPTIVITÉ »

Habituellement, le terme est introduit par la préposition be (Am 9,4), omis ici ; il s’agit ici d’un « accusatif de mouvement vers »18. V. 6A

: « LA FILLE DE SION »

« Sion » n’est pas complément du nom « fille », mais apposition, comme dans l’expression « le peuple d’Israël » (Jr 18,13 ; 31,4.21)19 ou « la ville de Jérusalem ».

17

Voir Berlin, 45. Joüon, 125n. 19 Joüon, 129f, 7) ; 129r ; Berlin, 10-12. 18

Séquence A1 : Lm 1,1-22 V. 7B

25

: « AUX JOURS DE MISÈRE ET DE SA DÉTRESSE »

Le terme n’est pas introduit par une préposition. Certains, qui éliminent 7c comme une surcharge, comprennent que « les jours de... » est le complément d’objet indirect de « Elle se souvient »20. Toutefois, à retenir le texte massorétique, le complément d’objet est « de tous ses trésors ». Le dernier terme est un mot rare qui ne se trouve qu’ici et en Is 58,7. V. 7G

: « SA RUINE »

Le dernier terme est un hapax. Dérivant de la racine šbt, « cesser », il signifie « fin », « ruine ». Certains préfèrent le corriger en šbr, « casser », « ruiner »21. COMPOSITION LA PREMIÈRE PARTIE (1-3) ’ – 1 Comment + la Ville – ELLE EST DEVENUE + NOMBREUSE + princesse – ELLE EST DEVENUE

EST-ELLE ASSISE NOMBREUSE

à l’écart, de peuple ?

comme une veuve. CHEZ LES NATIONS, chez les provinces, à la corvée.

····················································································································

b – 2 Pleurer – et sa larme

elle pleure sur sa joue.

durant la nuit

- Il n’y a pas · parmi tous

pour elle ses amants ;

de consolateur

· tous ses amis - ILS SONT DEVENUS

ont trahi pour elle

elle, des ennemis.

····················································································································

g – 3 Est exilée – et sous une NOMBREUSE

Juda servitude.

sous la misère

– Elle, .. elle ne trouve pas

ELLE EST-ASSISE de repos ;

CHEZ LES NATIONS

– tous ses poursuivants .. parmi

l’atteignent les angoisses.

Le premier morceau comprend deux trimembres où sont opposés l’état passé de « la ville » (1b.de) et son état actuel (1a.c.f). « Nombreuse » est repris en 1b et d, et les derniers membres se correspondent de manière parallèle. 20 21

Par ex., Morla, 98 ; Salters, 56. Voir Salters, 59.

26

La première section (Lm 1–2)

’ – 1 Comment + la Ville – ELLE EST DEVENUE + NOMBREUSE + princesse – ELLE EST DEVENUE

EST-ELLE ASSISE NOMBREUSE

à l’écart, de peuple ?

comme une veuve. CHEZ LES NATIONS, chez les provinces, à la corvée.

····················································································································

b – 2 Pleurer – et sa larme

elle pleure sur sa joue.

durant la nuit

- Il n’y a pas · parmi tous

pour elle ses amants ;

de consolateur

· tous ses amis - ILS SONT DEVENUS

ont trahi pour elle

elle, des ennemis.

····················································································································

g – 3 Est exilée – et sous une NOMBREUSE

Juda servitude.

sous la misère

– Elle, .. elle ne trouve pas

ELLE EST-ASSISE de repos ;

CHEZ LES NATIONS

– tous ses poursuivants .. parmi

l’atteignent les angoisses.

Le deuxième morceau comprend le même nombre de membres, mais organisés maintenant en trois bimembres. Les deux derniers segments se correspondent de manière spéculaire. Le troisième morceau est formé lui aussi de trois bimembres. Les deux derniers segments semblent construits en parallèle, « ses poursuivants » renvoyant aux « nations » et « les angoisses » à « pas de repos ». Les morceaux extrêmes reprennent « être-assis », « nombreuse », « chez les nations » ; « devenir » marque la fin des deux premiers morceaux (1f.2f). Les deux premiers morceaux concernent « la ville » (1b), le troisième toute la tribu de « Juda » (3a), dont « la ville » de Jérusalem est la capitale.

Séquence A1 : Lm 1,1-22

27

LA DEUXIÈME PARTIE (4-6) d – 4 Les chemins – sans personne – toutes ses portes : ses prêtres : ses vierges : et elle,

de SION venant sont désertes ;

sont en deuil à ses assemblées,

gémissent, SONT AFFLIGÉES

(c’est) amer

pour elle.

················································································································

h – 5 SONT DEVENUS – ses ennemis

ses oppresseurs sont heureux,

. car Yhwh . pour ses nombreux

L’A AFFLIGÉE

– ses bambins = DEVANT

SONT PARTIS

en tête,

crimes ; en captivité

l’oppresseur.

················································································································

w – 6 Et est sortie .. toute

de la fille sa splendeur ;

de SION

– SONT DEVENUS .. qui ne trouvent point

ses princes de pâture

comme des cerfs

– et ILS SONT PARTIS = DEVANT

avec point le poursuivant.

de force

Le premier morceau comprend deux trimembres. Dans le premier segment, personne qui vienne de l’extérieur vers Sion, sur ses « chemins » et par « ses portes » ; dans le deuxième segment, à l’intérieur de la ville, c’est la désolation pour tous ceux qui attendent en vain. Dans le deuxième morceau, le segment central donne la raison de la joie des ennemis (5ab) et de la « captivité » (5ef). Les deux premiers segments du troisième morceau mettent en parallèle la fille, « la fille de Sion » et « ses princes », désormais sans « splendeur » et sans « pâture ». Le dernier segment est lié au précédent par la reprise de « point de » et le second membre nomme celui qui a causé tous ces malheurs. Le nom de « Sion » marque le début des morceaux extrêmes (4a.6a). Les deux premiers morceaux sont liés par la reprise de « affliger » (4e.5c), les deux derniers par celle de « sont devenus » (5a.6c) et « sont partis » (5e.6e) ; « devant l’oppresseur » et « devant le poursuivant » jouent le rôle de termes finaux (5f.6f).

28

La première section (Lm 1–2)

LA TROISIÈME PARTIE (7-9) z – 7 ELLE SE SOUVIENT :: aux jours

JÉRUSALEM, DE MISÈRE

et de sa détresse,

– de tous ses trésors :: quand tombait = ET IL N’Y A PAS

qui ÉTAIENT DEVENUS son peuple D’AIDE

depuis les jours par la main POUR ELLE.

- LA VOYAIENT - ils riaient

des oppresseurs, de sa ruine.

d’antan, de l’oppresseur

································································································································

ḥ – 8 Péché – c’est pourquoi

elle a péché impureté

- Tous ses honorant - car ILS ONT VU

la méprisent sa nudité ;

– aussi elle, – et revient

elle gémit en arrière.

JÉRUSALEM, ELLE EST DEVENUE.

································································································································

ṭ – 9 Sa souillure – ELLE NE SE SOUVIENT PAS – et elle est tombée

sur sa robe, de sa fin prodigieusement ;

= IL N’Y PAS

DE CONSOLATEUR

POUR ELLE.

- « VOIS, - car a grandi

Yhwh, l’ennemi. »

MA MISÈRE

Les deux premiers segments du premier morceau forment une seule phrase complexe : la principale (7a) et son complément d’objet indirect (7c) sont suivis par un complément de temps (7b.d). Le dernier membre du second segment conclut ce groupe. Le dernier segment a pour sujet les « oppresseurs ». Dans le second morceau, le segment qui a pour sujet les ennemis se trouve au centre (8cd). Les segments qui l’entourent ont pour sujet « Jérusalem ». Le dernier morceau commence par un trimembre qui a pour sujet Jérusalem, suivi d’un unimembre. Le dernier segment est adressé à « Yhwh ». Dans les deux premiers morceaux, le nom de « Jérusalem » revient dans les premiers membres ; « devenir » est repris en 7c et 8b. Les segments qui ont pour sujet les ennemis (7fg.8cd) ont en commun « voir », ceux qui autrefois étaient « ses honorant » (8c) sont devenus ses « oppresseurs » (7f) ; maintenant ils « rient » et « la méprisent » (7g.8c). On pourra aussi noter le rapport paronomastique entre « de tous ses trésors » et « tous ses honorant », en même position (kōl maḥămudèhā, 7c ; kāl-mekabbedèhā, 8c). Entre les deux derniers morceaux, on peut remarquer la parenté entre « en arrière » et « sa fin » qui sont de même racine (’āḥôr, 8f ; ’aḥărîtāh, 9b). Dans les morceaux extrêmes sont repris « se souvenir » (7a.9b) et « et il n’y a pas d’aide/de consolateur pour elle » (7e.9d).

Séquence A1 : Lm 1,1-22

29

L’ENSEMBLE DU PASSAGE (1-9) ’ 1,1 Comment est-elle assise à l’écart, LA VILLE nombreuse de peuple ? Elle est devenue comme une veuve. Nombreuse chez les nations, PRINCESSE chez les provinces, elle est devenue à la corvée. ····························································································································

b 2 Pour pleurer elle pleure durant la nuit et sa larme sur sa joue. IL N’Y A PAS POUR ELLE DE CONSOLATEUR parmi tous ses amants ; tous ses amis l’ont trahie, ils sont devenus pour elle des ENNEMIS ···························································································································· g 3 JUDA est exilée sous LA MISÈRE et sous une nombreuse servitude.

Elle, elle est assise chez les nations, ELLE NE TROUVE PAS de repos ; tous ses POURSUIVANTS l’atteignent parmi les angoisses.

d 4 Les chemins de SION sont en deuil sans personne venant à ses assemblées, toutes ses portes sont désertes ; ses prêtres gémissent, ses vierges se désolent et elle, c’est amer pour elle. ························································································································· h 5 Ses OPPRESSEURS sont devenus en tête, ses ENNEMIS sont heureux, car YHWH l’a affligée pour ses nombreux crimes ; ses bambins sont partis en captivité devant L’OPPRESSEUR. ························································································································· w 6 Et de la fille de SION est sortie toute sa splendeur ;

ses PRINCES sont devenus comme des cerfs QUI NE TROUVENT POINT de pâture et ils sont partis avec point de force devant le POURSUIVANT.

z 7 Elle se souvient JÉRUSALEM, aux jours de MISÈRE et de sa détresse, de tous ses trésors qui étaient devenus depuis les jours d’antan, quand son peuple tombait par la main de L’OPPRESSEUR ET IL N’Y A PAS D’AIDE POUR ELLE. La voyaient des OPPRESSEURS, ils riaient de sa ruine. ···························································································································· ḥ 8 Pour pécher elle a péché JÉRUSALEM, c’est pourquoi elle est devenue impureté.

Tous ses honorant la méprisent car ils ont vu sa nudité ; aussi elle, elle gémit et revient en arrière. ····························································································································

ṭ 9 Sa souillure sur sa robe, elle ne se souvient pas de sa fin et elle est tombée prodigieusement ; IL N’Y PAS DE CONSOLATEUR POUR ELLE. « Vois, YHWH, ma MISÈRE car a grandi L’ENNEMI. »

Les noms de la victime se trouvent deux fois dans chaque passage, « la Ville » et « Juda » (1a.3a), « Sion » (4a.6a), « Jérusalem » (7a.8a), toujours en tête d’un morceau. « Ennemi(s) » revient dans chaque partie (2c.5a.9c), ainsi que « devenir » (1b.d.2c ; 5a.6b ; 7b.8a). Les parties extrêmes ont en commun « peuple » (1a.7c), « misère » (3a ; 7a. 9c) et surtout les trois membres fort semblables : « Il n’y a pas pour elle de consolateur » (2b), « et il n’y a pas d’aide pour elle » (7d), « il n’y pas de consolateur pour elle » (9b).

30

La première section (Lm 1–2)

’ 1,1 Comment est-elle assise à l’écart, LA VILLE nombreuse de peuple ? Elle est devenue comme une veuve. Nombreuse chez les nations, PRINCESSE chez les provinces, elle est devenue à la corvée. ····························································································································

b 2 Pour pleurer elle pleure durant la nuit et sa larme sur sa joue. IL N’Y A PAS POUR ELLE DE CONSOLATEUR parmi tous ses amants ; tous ses amis l’ont trahie, ils sont devenus pour elle des ENNEMIS ···························································································································· g 3 JUDA est exilée sous LA MISÈRE et sous une nombreuse servitude.

Elle, elle est assise chez les nations, ELLE NE TROUVE PAS de repos ; tous ses POURSUIVANTS l’atteignent parmi les angoisses.

d 4 Les chemins de SION sont en deuil sans personne venant à ses assemblées, toutes ses portes sont désertes ; ses prêtres gémissent, ses vierges se désolent et elle, c’est amer pour elle. ························································································································· h 5 Ses OPPRESSEURS sont devenus en tête, ses ENNEMIS sont heureux, car YHWH l’a affligée pour ses nombreux crimes ; ses bambins sont partis en captivité devant L’OPPRESSEUR. ························································································································· w 6 Et de la fille de SION est sortie toute sa splendeur ;

ses PRINCES sont devenus comme des cerfs QUI NE TROUVENT POINT de pâture et ils sont partis avec point de force devant le POURSUIVANT.

z 7 Elle se souvient JÉRUSALEM, aux jours de MISÈRE et de sa détresse, de tous ses trésors qui étaient devenus depuis les jours d’antan, quand son peuple tombait par la main de L’OPPRESSEUR ET IL N’Y A PAS D’AIDE POUR ELLE. La voyaient des OPPRESSEURS, ils riaient de sa ruine. ···························································································································· ḥ 8 Pour pécher elle a péché JÉRUSALEM, c’est pourquoi elle est devenue impureté.

Tous ses honorant la méprisent car ils ont vu sa nudité ; aussi elle, elle gémit et revient en arrière. ····························································································································

ṭ 9 Sa souillure sur sa robe, elle ne se souvient pas de sa fin et elle est tombée prodigieusement ; IL N’Y PAS DE CONSOLATEUR POUR ELLE. « Vois, YHWH, ma MISÈRE car a grandi L’ENNEMI. »

La partie centrale a en commun avec la première partie : « poursuivant(s) » en termes finaux (3c.6c), « princesse/princes » (1c.6b), « ne pas trouver » en même position (3b.6b) ; et avec la partie finale : « Yhwh » (au centre et à la fin, 5b.9c), « oppresseur(s) » (5a.c ; 7c.e) ainsi que les synonymes « crimes » et « péchés » (5b.8a). Le passage s’achève sur une courte prière adressée à « Yhwh » (9c), bel exemple de surprise finale.

Séquence A1 : Lm 1,1-22

31

CONTEXTE « LE LIVRE DE LA CONSOLATION D’ISRAËL » C’est ainsi qu’est intitulé de Deutéro-Isaïe qui commence avec : « Consolez, consolez mon peuple » (Is 40,1). « C’est moi, moi, celui qui vous console » (51,12).

INTERPRÉTATION L’EXIL Jérusalem est tombée sous les assauts de « l’oppresseur » (7c). Le peuple se trouve maintenant en « exil », en « servitude » (3a), « à la corvée » (1d), « ses bambins sont partis en captivité » (5c). « Juda demeure chez les nations » (3b). La Ville qui autrefois était « princesse chez les provinces » (1c), et honorée (8b), est réduite à la misère d’une veuve (1b) et a vu « ses princes » partir à la recherche de pâture sans en trouver (6b). C’en est fini de « sa splendeur » passée (6a), et elle se trouve désertée, amère, personne ne venant plus à ses fêtes (4). « POUR SES NOMBREUX CRIMES » Un tel malheur et une telle affliction sont dus aux nombreux « crimes » que Sion a commis (5b) ; en effet, « elle a péché » abondamment (8a), elle est « impureté » (8a), gémissant et se détournant en arrière comme pour tenter de cacher sa « nudité » (8bc). Sa robe est souillée. C’est pour tout cela qu’elle subit le châtiment de Yhwh. Les crimes de Juda ne sont pas précisés, mais, le châtiment devant être proportionnel à la faute, il n’est pas interdit de penser que Jérusalem subit ce qu’elle a fait subir à d’autres, et sans doute en premier lieu aux membres mêmes de son peuple. « PAS DE CONSOLATEUR » Dans son malheur, Jérusalem se retrouve seule, « à l’écart », « comme une veuve » (1ab). Autrefois honorée (8b), la voici abandonnée : ses alliés, « tous ses amants, tous ses amis l’ont trahie » (2bc). « Il n’y a pas pour elle de consolateur » parmi tous les peuples qui la connaissaient (2b). Livrée à ses « oppresseurs », elle ne peut compter sur le secours de personne d’autre « et il n’y a pas d’aide pour elle » sur la terre (7d). Tous la méprisent (8b), il faut bien qu’elle se résigne : « il n’y a pas de consolateur pour elle » (9b). Et c’est alors qu’en fin de compte elle se tourne vers le seul qui puisse la sauver : « Vois, Yhwh, ma misère car a grandi l’ennemi » (9c).

32

La première section (Lm 1–2)

2. Voyez que je suis devenue méprisée et malade Le deuxième passage : 1,10-13 TEXTE y

10

« Sa main a tendu l’oppresseur sur tous ses trésors ; oui, elle a vu des nations qui sont venues dans son sanctuaire, auxquelles tu avais ordonné de ne pas venir dans l’assemblée d’elle. k 11 Tout son peuple (sont) gémissants, cherchant du pain ; ils donnent leurs trésors pour du manger, pour faire-revenir le souffle. « Vois, Yhwh, et regarde que je suis devenue méprisée. » l 12 « Pas à vous, tous les passants du chemin ! Regardez et voyez s’il est une douleur comme ma douleur laquelle me tourmente, de laquelle m’a affligée Yhwh au jour de sa brûlante colère. m 13 D’en haut il a envoyé un feu, dans mes os il l’a fait descendre, il a tendu un filet à mes pieds, il m’a fait-revenir en arrière ; il m’a donnée désolée, tout le jour malade. » V. 12A : «

PAS À VOUS, TOUS LES PASSANTS DU CHEMIN »

Le texte massorétique a été corrigé de multiples façons. Il semble préférable de le suivre littéralement. V. 13B : « ET IL S’EN EST EMPARÉ

»

Selon le texte massorétique, le verbe est de la racine rdh, « s’emparer de », son sujet est « le feu » et le pronom affixe renvoie à « mes os ». Beaucoup préfèrent suivre la Septante qui lit yrd, « descendre », ce qui ferait un meilleur parallélisme et donnerait un rythme plus équilibré : « D’en haut il a envoyé un feu, dans mes os il l’a fait descendre ».

Séquence A1 : Lm 1,1-22

33

COMPOSITION Le passage comprend deux parties formées chacune de deux morceaux. LA PREMIÈRE PARTIE (10-11) y + 10 « Sa main + sur tous

a tendu SES TRÉSORS

l’oppresseur ;

: oui, ELLE A VU - qui sont venues

des nations dans son sanctuaire,

: auxquelles - de ne pas venir

tu avais ordonné dans l’assemblée

d’elle.

·······················································································································

k – 11 Tout – cherchant

son peuple du pain ;

(sont) gémissants,

LEURS TRÉSORS

pour du manger,

– ils donnent – pour faire-revenir

le souffle.

= VOIS, = que je suis devenue

Yhwh, méprisée ».

et REGARDE

Le premier morceau est du type abb : les païens sont entrés dans le temple (10cd) où ils n’étaient pas admis (df) et ont volé ses trésors (ab). Le deuxième morceau est au contraire du type AAB : le peuple affamé (11ab) sacrifie ses trésors pour manger (cd), et invoque le secours de Yhwh. D’un morceau à l’autre, « trésors » est repris (10b.11c) ainsi que « voir » (10c.11e). Ce n’est pas seulement le dernier segment qui est adressé à Yhwh, car à la fin du premier morceau, le plaignant lui parle déjà, à la deuxième personne : « tu avais ordonné » (10e).

34

La première section (Lm 1–2)

LA DEUXIÈME PARTIE (12-13) l + 12 « Pas à vous,

tous les passants

du chemin !

+ Regardez : s’il est : laquelle

et voyez une douleur me tourmente,

comme ma douleur

: de laquelle : AU JOUR

m’a affligée de sa brûlante

Yhwh colère.

····················································································································

m – 13 D’en haut – dans mes os

il a envoyé il l’a fait descendre,

un feu,

– il a tendu – il m’a fait-revenir

un filet en arrière ;

à mes pieds,

= il m’a donnée = TOUT LE JOUR

désolée, malade. »

Le premier morceau commence par un vœu bref (12a) ; les deux segments qui suivent forment une seule phrase complexe qui décrit la « douleur » (12bcd) puis dit qui l’a infligée (ef). Le second morceau juxtapose deux images, celle du feu pour les os (13ab) et celle du filet pour les pieds (cd) ; le troisième segment exprime la conséquence sur le plaignant. Les deux morceaux sont liés par la même image, du feu (13a) et de la colère « brûlante » de « Yhwh » (12f). Les derniers membres de chaque morceau commencent avec « le jour » (12f.13f).

L’ENSEMBLE DU PASSAGE (10-13) Les deux parties sont agrafées par le couple des impératifs, « vois [...] et regarde » (11e) et « regardez et voyez » (12b) ; « voir » apparaissait déjà en 10c. « Yhwh » revient dans les morceaux médians (11e.12e). « A tendu » revient dans les morceaux extrêmes (10a.13c). « Donner » et « faire-revenir » sont employés ensemble dans les deuxièmes morceaux (11cd. 13de). « Tous les passants du chemin » (12a) ne sont pas identifiés, mais il est possible de les rapprocher des « nations » dont parle la première partie (10c). Si toute la première partie est adressée à Yhwh, il convient de considérer que, dans la seconde partie, ce n’est pas seulement le premier morceau qui est adressé à « tous les passants du chemin », mais aussi le deuxième morceau.

Séquence A1 : Lm 1,1-22 y 1,10 « Sa main sur tous

A TENDU ses trésors ;

oui, ELLE A VU qui sont venues

des nations dans son sanctuaire,

auxquelles de ne pas venir

tu avais ordonné dans l’assemblée

35 l’oppresseur

d’elle.

························································································································

k

l

11

Tout cherchant

son peuple du pain ;

(sont) gémissants,

ILS DONNENT

POUR FAIRE-REVENIR

leurs trésors le souffle.

pour du manger,

VOIS, que je suis devenue

YHWH, méprisée. »

et REGARDE

12

tous les passants

du chemin !

s’il est laquelle

et VOYEZ une douleur me tourmente,

comme ma douleur

de laquelle au jour

m’a affligée de sa brûlante

YHWH colère.

« Pas à vous,

REGARDEZ

························································································································

m 13 D’en haut dans mes os

il a envoyé il l’a fait descendre,

un feu

IL A TENDU

un filet en arrière ;

à mes pieds,

IL M’A DONNÉE

désolée, malade ».

IL M’A FAIT-REVENIR tout le jour

INTERPRÉTATION UNE DOUBLE ADRESSE S’adressant à son Seigneur, Jérusalem commence par parler d’elle-même à la troisième personne, comme s’il s’agissait de quelqu’un d’autre, un être sur lequel elle voudrait attirer sa pitié. Au dernier moment, cependant, elle se plaint d’être « devenue méprisée » (11f), sûre que son Dieu ne pourra qu’être touché par le spectacle déchirant qui lui est ainsi mis directement sous les yeux. Toutefois, il semble que Yhwh reste sourd et insensible, et c’est pourquoi la Ville n’a d’autre choix que de se tourner vers « tous les passant, du chemin », tous ceux qui ne peuvent manquer de voir la douleur qui la tourmente. Et sa plainte incrimine celui auquel elle attribue tous ses malheurs et qui refuse toujours de l’écouter (13).

36

La première section (Lm 1–2)

« PAS À VOUS, TOUS LES PASSANTS DU CHEMIN » Au début de la deuxième partie, l’hébreu a fait difficulté et plusieurs préfèrent suivre la Vulgate qui lisse le texte : « Ô vous tous qui passez sur la route... » (Dhorme). En commençant avec cette formule lapidaire, Jérusalem ne souhaite à personne, à aucun de ceux qui passent par le chemin, de subir un sort pareil au sien. Ce qui est une manière forte d’attirer l’attention bienveillante de ceux qui l’entendent. Même à son pire ennemi, on ne saurait souhaiter un tel malheur. L’efficacité d’un tel argument serait puissamment renforcée si l’on comprenait que l’expression « tous les passants » englobe aussi « les nations » qui ont infligé la douleur sans égale qui tourmente Jérusalem.

3. Moi, je pleure car est loin de moi un consolateur Le troisième passage : 1,14-22 TEXTE n

s

p





a

r

š

t

14

Est lié le joug de mes crimes : dans sa main ils s’entrelacent, ils sont montés sur mon cou, il fait fléchir ma force ; il m’a donnée Adonaï à des mains, je ne puis plus me lever. 15 Il a rejeté tous mes braves Adonaï au milieu de moi, il a appelé contre moi une assemblée pour anéantir mes jeunes-gens ; au pressoir a foulé Adonaï la vierge, fille de Juda. 16 Pour cela moi je pleure, mon œil, mon œil fond en eaux, car est loin de moi un consolateur qui ferait revenir mon souffle ; ils sont devenus mes fils désolés, car l’a emporté l’ennemi. 17 Elle tend Sion les mains, il n’y a pas de consolateur pour elle, a ordonné Yhwh contre Jacob autour de lui ses oppresseurs ; est devenue Jérusalem impureté parmi eux. 18 Juste, lui, Yhwh, car à sa bouche je me suis rebellée ; entendez donc, tous les peuples, et voyez ma douleur, mes vierges et mes jeunes-gens sont partis en captivité. 19 J’ai appelé mes amants, eux, ils m’ont trahie ; mes prêtres et mes anciens dans la ville ont expiré, car ils cherchaient un manger pour eux et ils feraient-revenir leur souffle. 20 « Vois, Yhwh, que oppression à moi, mes entrailles frémissent, se retourne mon cœur en moi car rébellion je me suis rebellée ; au-dehors l’épée prive-d’enfants, dans la maison c’est comme la mort. 21 Ils ont entendu que je gémis moi, il n’est point de consolateur, à moi tous mes ennemis ont entendu mon mal, ils se réjouissent que toi tu as fait ; fais-venir le jour que tu avais proclamé et ils deviendront comme moi. 22 Que vienne tout leur mal devant ta face et traite eux comme tu m’as traitée pour tous mes crimes, car nombreux (sont) mes gémissements et mon cœur (est) malade. »

Séquence A1 : Lm 1,1-22 V. 14A : «

37

EST LIÉ LE JOUG DE MES CRIMES »

Le premier verbe étant un nifal de sens passif, « le joug » ne peut être que son sujet ; mais ce verbe est un hapax qui a donné lieu à de multiples corrections et interprétations. Il semble que « lier » représente la lecture la plus satisfaisante. COMPOSITION LA PREMIÈRE PARTIE (14-16) n + 14 Est lié

le joug

:: dans sa main :: ils sont montés = il fait fléchir

ils s’entrelacent, sur mon cou, ma force ;

:: il m’a donnée = je ne puis plus

ADONAÏ me lever.

de mes crimes :

à des mains,

································································································································

s – 15 Il a rejeté – ADONAÏ

tous du milieu de moi,

mes braves

– il a convoqué – pour anéantir

contre moi mes jeunes-gens ;

une assemblée

+ au pressoir + la vierge,

a foulé

ADONAÏ de Juda.

FILLE

································································································································

p - 16 Pour cela - mon œil, mon œil

moi fond

je pleure, en eaux,

. car il est loin . qui ferait revenir

de moi mon souffle ;

le consolateur

- ils sont devenus . car l’a emporté

MES FILS

désolés,

l’ennemi.

Dans le premier morceau, le plaignant compare le poids de ses péchés à un joug (14a) que, de sa main, le Seigneur a lié sur son cou (bc), ce qui l’accable (d). Le dernier segment est parallèle au précédent : l’action d’Adonaï qui l’a livrée aux mains de ses ennemis (14e) fait qu’elle ne peut plus se lever (f), sa force ayant fléchi (d). Le deuxième morceau est de type AAB : dans les deux premiers segments, Adonaï a rejeté et anéanti ses « braves » et ses « jeunes-gens » ; dans le troisième, c’est tout le peuple qui est écrasé, présenté comme « vierge ».

38

La première section (Lm 1–2)

n + 14 Est lié

le joug

:: dans sa main :: ils sont montés = il fait fléchir

ils s’entrelacent, sur mon cou, ma force ;

:: il m’a donnée = je ne puis plus

ADONAÏ me lever.

de mes crimes :

à des mains,

································································································································

s – 15 Il a rejeté – ADONAÏ

tous au milieu de moi,

mes braves

– il a appelé – pour anéantir

contre moi mes jeunes-gens ;

une assemblée

+ au pressoir + la vierge,

a foulé

ADONAÏ de Juda.

FILLE

································································································································

p - 16 Pour cela - mon œil, mon œil

moi fond

je pleure, en eaux,

. car est loin . qui ferait revenir

de moi mon souffle ;

UN CONSOLATEUR

- ils sont devenus . car l’a emporté

MES FILS

désolés,

l’ennemi.

Le troisième morceau est construit en parallèle : le deuxième segment donne la raison des pleurs du premier, et le dernier membre donne la raison du précédent. « L’ennemi » (16f) s’oppose au « consolateur » (c). Aux extrémités des deux premiers morceaux, se répondent les images du joug et du pressoir (14a.15e) qui tous deux écrasent. Le nom d’« Adonaï » (14e.15b) n’est pas repris dans le troisième morceau, mais « le consolateur » lui correspond (16c). « Fille » et « fils » jouent le rôle de termes finaux pour les deux derniers morceaux.

Séquence A1 : Lm 1,1-22

39

LA DEUXIÈME PARTIE (17-18) ‘ + 17 Elle tend – il n’y a pas

SION de consolateur

les mains, pour elle,

+ a ordonné – autour de lui

YHWH ses oppresseurs ;

contre Jacob

= est devenue = impureté

JÉRUSALEM parmi eux.

··············································································································

ṣ + 18 Juste, – car à sa bouche

lui, je me suis rebellée ;

- entendez donc, - et voyez

tous les peuples, ma douleur,

= mes vierges = sont partis

et mes jeunes-gens en captivité.

YHWH,

··············································································································

q + 19 J’ai appelé – eux,

mes amants, ils m’ont trahie ;

= mes prêtres = dans LA VILLE

et mes anciens ont expiré,

- car ils cherchaient - et ils feraient-revenir

un manger leur souffle.

pour eux

Dans le premier morceau, alors que « Sion » cherche en vain un « consolateur » (17ab), « Yhwh » l’entoure d’« oppresseurs » (cd) ; d’où la situation où se trouve « Jérusalem » (ef). Dans le deuxième morceau, le plaignant reconnait d’abord la justice de Yhwh (18a) et corrélativement sa propre faute (b). Il prend ensuite à témoin « tous les peuples » (cd) du châtiment de l’exil qui frappe ses plus jeunes (ef). Dans le dernier morceau, la trahison des amants (1ab) a eu pour résultat que « prêtres » et « anciens » sont morts (cd) de faim (ef). « La ville » du dernier morceau (19d) est « Sion » – « Jérusalem » du premier morceau (17a.e). Les « amants » qui trahissent au début du dernier morceau (19ab) rappellent le début du premier morceau où Sion ne trouve aucun « consolateur » (17ab). Les deux derniers morceaux sont liés par les couples complémentaires des victimes, « mes vierges et mes jeunes-gens » (18e), « mes prêtres et mes anciens » (19c) ; les premiers sont partis en captivité, les autres n’ont pas quitté la ville où ils sont morts de faim.

40

La première section (Lm 1–2)

LA TROISIÈME PARTIE (19-22) r

20

« Vois, : mes entrailles

Yhwh, frémissent,

que oppression à moi,

: se retourne : car rébellion

MON CŒUR je me suis rebellée ;

en moi

= au-dehors = dans la maison

prive-d’enfants (c’est) comme la mort.

l’épée,

································································································································· š – 21 Ils ont entendu que JE GÉMIS moi,

.. il n’est point

de consolateur,

– à moi tous mes ennemis .. ils se réjouissent

ont entendu que toi

+ FAIS-VENIR + et ils deviendront

le jour comme moi.

MON MAL,

tu as fait ; que tu avais proclamé

································································································································· t + 22 QUE VIENNE TOUT LEUR MAL devant ta face

+ et traite

eux

: comme : pour tous

tu m’as traitée mes crimes,

– car nombreux – et MON CŒUR

(sont) MES GÉMISSEMENTS (est) malade. »

Dans le premier morceau, « l’oppression » subie par qui supplie (20a), fruit de sa rébellion (d), n’est autre que la mort, au-dehors et au-dedans (ef). Les deux premiers segments du second morceau sont parallèles : parmi les ennemis qui ont entendu (21a.c), non seulement il ne se trouve aucun « consolateur » (b), mais encore ils se réjouissent du mal fait par le Seigneur (d). Le dernier segment appelle le châtiment promis par Dieu. Dans le dernier morceau, la personne qui supplie demande que ses ennemis soient traités (22ab) comme elle l’a été elle-même (cd), le dernier segment donnant la raison de cette requête. Dans les morceaux extrêmes sont repris « mon cœur » (20c.22f) et, en même position, « pour tous mes crimes » (22d) rappelle « car rébellion je me suis rebellée » (20d). Dans les deux derniers morceaux, les deux occurrences de « (faire-)venir » (21e.22a) jouent le rôle de termes médians, celles de « gémir/ gémissements » (21a.22e) de termes extrêmes ; à « mon mal » (21c) répond « tout leur mal » (22a). Toute la partie est adressée à Dieu.

Séquence A1 : Lm 1,1-22

41

L’ENSEMBLE DU PASSAGE (14-22) n 1,14 Est lié LE JOUG DE MES CRIMES : dans sa MAIN ils s’entrelacent, ils sont montés sur mon cou, il fait fléchir ma force ; il m’a donnée ADONAÏ à de telles MAINS que je ne puis plus me relever. ································································································································ s 15 Il a rejeté tous mes braves ADONAÏ au milieu de moi, il a appelé contre moi une assemblée pour anéantir MES JEUNES-GENS ; au pressoir ADONAÏ a foulé la vierge, fille de Juda. ································································································································

p 16 C’est pourquoi moi je pleure, CAR EST LOIN DE MOI UN CONSOLATEUR

mes fils SONT DEVENUS désolés,

mon œil, mon œil fond en eaux, QUI FERAIT REVENIR MON SOUFFLE

;

car L’ENNEMI l’a emporté.

‘ 17 Sion tend les MAINS, IL N’Y A PAS DE CONSOLATEUR POUR ELLE, YHWH a ordonné contre Jacob ses OPPRESSEURS autour de lui ; Jérusalem EST DEVENUE impureté parmi eux. ··················································································································· ṣ 18 Il est juste, lui, YHWH, CAR CONTRE SA BOUCHE JE ME SUIS REBELLÉE. ENTENDEZ donc, tous les peuples, et voyez ma douleur, mes vierges et MES JEUNES-GENS sont partis en captivité. ···················································································································

q 19 J’ai appelé mes amants, mais eux, ils m’ont trahie ; mes prêtres et mes anciens dans la ville ont expiré, car ils cherchaient à manger pour eux ET ILS FERAIENT-REVENIR LEUR SOUFFLE. r 20 « Vois, YHWH, que l’OPPRESSION est à moi, mes entrailles frémissent, mon cœur se retourne en moi CAR POUR ME REBELLER JE ME SUIS REBELLÉE ; au-dehors l’épée prive d’enfants, dans la maison c’est comme la mort. ································································································································ š 21 ILS ONT ENTENDU que je gémis, moi, IL N’EST POINT DE CONSOLATEUR, TOUS MES ENNEMIS à moi ONT ENTENDU mon mal, ils se réjouissent de ce que tu as fait ; fais-venir le jour que tu avais proclamé et ILS DEVIENDRONT comme moi. ································································································································

t 22 Que vienne tout leur mal devant ta face et traite-les comme tu m’as traitée POUR TOUS MES CRIMES, car nombreux sont mes gémissements et mon cœur est malade. »

Les rapports entre les trois parties – « Car est loin de moi un consolateur » (16b) et « il n’y a pas de consolateur pour elle » (17a) jouent le rôle de termes médians pour les deux premières parties ; à quoi correspond, dans la troisième partie, « il n’est point de consolateur » (21a). – « Le joug de mes crimes » (14a) et « pour tous mes crimes » (22b) font inclusion ; à quoi correspondent dans les deux dernières parties « car à sa bouche je me suis rebellée » (18a) et « car pour me rebeller je me suis rebellée » (20b). – « Devenir » (16c.17c.21c).

42

La première section (Lm 1–2)

– « Adonaï » revient trois fois dans la première partie (14c.15a.c) et « Yhwh » trois fois dans les deux autres (17b.18a.20a). n 1,14 Est lié LE JOUG DE MES CRIMES : dans sa MAIN ils s’entrelacent, ils sont montés sur mon cou, il fait fléchir ma force ; il m’a donnée ADONAÏ à de telles MAINS que je ne puis plus me relever. ································································································································ s 15 Il a rejeté tous mes braves ADONAÏ au milieu de moi, il a appelé contre moi une assemblée pour anéantir MES JEUNES-GENS ; au pressoir ADONAÏ a foulé la vierge, fille de Juda. ································································································································

p 16 C’est pourquoi moi je pleure, CAR EST LOIN DE MOI UN CONSOLATEUR

mes fils SONT DEVENUS désolés,

mon œil, mon œil fond en eaux, QUI FERAIT REVENIR MON SOUFFLE

;

car L’ENNEMI l’a emporté.

‘ 17 Sion tend les MAINS, IL N’Y A PAS DE CONSOLATEUR POUR ELLE, YHWH a ordonné contre Jacob ses OPPRESSEURS autour de lui ; Jérusalem EST DEVENUE impureté parmi eux. ··················································································································· ṣ 18 Il est juste, lui, YHWH, CAR CONTRE SA BOUCHE JE ME SUIS REBELLÉE. ENTENDEZ donc, tous les peuples, et voyez ma douleur, mes vierges et MES JEUNES-GENS sont partis en captivité. ···················································································································

q 19 J’ai appelé mes amants, mais eux, ils m’ont trahie ; mes prêtres et mes anciens dans la ville ont expiré, car ils cherchaient à manger pour eux ET FERAIENT-REVENIR LEUR SOUFFLE. r 20 « Vois, YHWH, que l’OPPRESSION est à moi, mes entrailles frémissent, mon cœur se retourne en moi CAR POUR ME REBELLER JE ME SUIS REBELLÉE ; au-dehors l’épée prive d’enfants, dans la maison c’est comme la mort. ································································································································ š 21 ILS ONT ENTENDU que je gémis, moi, IL N’EST POINT DE CONSOLATEUR, TOUS MES ENNEMIS à moi ONT ENTENDU mon mal, ils se réjouissent de ce que tu as fait ; fais-venir le jour que tu avais proclamé et ILS DEVIENDRONT comme moi. ································································································································

t 22 Que vienne tout leur mal devant ta face et traite-les comme tu m’as traitée POUR TOUS MES CRIMES, car nombreux sont mes gémissements et mon cœur est malade. »

Les rapports de la partie centrale avec les deux autres Avec la première partie : « jeunes-gens » (15b.18c) et « vierge(s) » (15c.18c), « main(s) » (14a.c.17a), et surtout « qui ferait revenir mon souffle » et « et ils feraient revenir leur souffle » (16b.19c). Avec la dernière partie : « entendre » (18b.21a.b), « oppresseurs/oppression » (17b.20a). Par ailleurs, « ennemi(s) » ne revient que dans les parties extrêmes (16c.21b).

Séquence A1 : Lm 1,1-22

43

INTERPRÉTATION CRIMES ET RÉBELLION La personne qui supplie est cernée, enserrée par les « crimes » qu’elle confesse avoir commis (14a.22b), comme si elle en était prisonnière. Ceux-ci pèsent sur elle comme un « joug » qui, au lieu de mettre en valeur sa force, la fait « fléchir » (14b), qui rend son cœur « malade » et lui arrache de « nombreux gémissements » (22c). En plein cœur de sa plainte, elle reconnait la justice du Dieu qui la châtie, car elle s’était rebellée contre les décrets de sa bouche (18a) ; et au début de sa prière, elle y reviendra avec plus d’insistance encore : « car pour me rebeller, je me suis rebellée » (20b). « PAS DE CONSOLATEUR » Dans son malheur, la plaignante constate avec amertume qu’elle ne peut compter sur personne pour la consoler, pour « faire revenir son souffle » (16b. 19c), pour l’arracher à la mort et lui permettre de respirer à nouveau. Personne parmi « tous les peuples » auxquels elle s’adresse, en plein centre de sa lamentation (18b), aucun de ses anciens « amants » ne répondra à son appel (19a). Au contraire, bien loin de l’écouter et de l’aider, ils se réjouissent de ce que son Dieu lui a fait subir (21ab). LA FOI L’EMPORTE Dans sa lamentation, Dieu reste longtemps absent, pour ainsi dire. La suppliante parle de lui, à la troisième personne, comme si elle gémissait à la cantonade. Les seuls auxquels elle s’adresse directement, comme en passant, sont « tous les peuples » (18b), lesquels se gardent bien de l’écouter. À la fin, elle se ressaisit, en quelque sorte, et se tourne vers le seul qui puisse l’entendre et répondre à sa plainte. Il ne saurait y avoir d’autre consolateur que lui. Du fond de sa misère, elle garde la foi en Dieu. Si elle l’avait perdue, elle ne lui adresserait pas une prière si confiante.

44

La première section (Lm 1–2)

4. Comment Sion pour ses crimes est-elle exilée chez les nations ? L’ensemble de la séquence : 1,1-22 COMPOSITION LES RAPPORTS ENTRE LES PASSAGES EXTRÊMES ’

1

Comment est-elle assise à l’écart, la Ville nombreuse de peuple ? Elle est devenue comme une veuve ; nombreuse chez les nations, princesse chez les provinces, elle est devenue à la corvée. b 2 Pour pleurer elle pleure durant la nuit et sa larme sur sa joue. IL N’Y A PAS POUR ELLE DE CONSOLATEUR parmi TOUS SES AMANTS ; tous ses amis l’ONT TRAHIE, ils sont devenus pour elle des ENNEMIS. g 3 Juda est exilée sous la misère et sous une nombreuse servitude. Elle, elle est assise chez les nations, elle ne trouve pas de repos ; tous ses poursuivants l’atteignent parmi les angoisses. d 4 Les chemins de Sion sont en deuil sans personne venant à SES ASSEMBLÉES, toutes ses portes sont désertes ; ses prêtres GÉMISSENT, ses vierges se désolent et elle, c’est amer pour elle. h 5 Ses OPPRESSEURS sont devenus en tête, ses ENNEMIS sont heureux, car Yhwh l’a affligée POUR SES NOMBREUX CRIMES ; ses bambins sont partis en captivité devant L’OPPRESSEUR. w 6 Et de la fille de Sion est sortie toute sa splendeur ; ses princes sont devenus comme des cerfs qui ne trouvent point de pâture et ils sont partis avec point de force devant le poursuivant. z 7 Elle se souvient Jérusalem, aux jours de misère et de sa détresse, de tous ses trésors qui étaient devenus depuis les jours d’antan, quand son peuple tombait par la main de L’OPPRESSEUR ET IL N’Y A PAS D’AIDE POUR ELLE. La voyaient des OPPRESSEURS, ils riaient de sa ruine. ḥ 8 POUR PÉCHER ELLE A PÉCHÉ Jérusalem, c’est pourquoi elle est devenue impureté. Tous ses honorant la méprisent car ils ont vu sa nudité ; aussi elle, ELLE GÉMIT et revient en arrière. ṭ 9 Sa souillure sur sa robe, elle ne se souvient pas de sa fin et elle est tombée prodigieusement ; IL N’Y PAS DE CONSOLATEUR POUR ELLE. « VOIS, YHWH, ma misère car L’ENNEMI a grandi. »

– « Il n’y a pas pour elle de consolateur » et équivalents reviennent trois fois dans le premier passage (2.7.9) et trois aussi dans le dernier 16.17.21) ; – la mention des « crimes » et « péchés » revient deux fois dans le premier passage (5.8) et trois dans le dernier (14.20.22) ;

Séquence A1 : Lm 1,1-22

45

– « ennemis » est repris cinq fois (2.5.9 ; 16.21) et « oppresseurs/oppression » six fois (5a.c.7c.e ; 17.20) ; à la fin de la dernière partie du premier passage et à la fin de la première partie du dernier passage, « car l’ennemi a grandi » (9) correspond à « car l’ennemi l’a emporté » (16) ; – les « amants » qui « ont trahi » (2.19) ; – les pleurs (2.16) ; – « ses/mes prêtres » (4.19), « ses/mes vierges » (4.18) ; – « gémir/gémissements » (4.8 ; 21.22). n 14 Est lié LE JOUG DE MES CRIMES : dans sa main ils s’entrelacent, ils sont montés sur mon cou, il fait fléchir ma force ; il m’a donnée Adonaï à de telles mains que je ne puis plus me relever. s 15 Il a rejeté tous mes braves Adonaï au milieu de moi, il a appelé contre moi UNE ASSEMBLÉE pour anéantir mes jeunes-gens ; au pressoir Adonaï a foulé la vierge, fille de Juda. p 16 C’est pourquoi moi je pleure ; mon œil, mon œil fond en eaux, CAR EST LOIN DE MOI UN CONSOLATEUR qui ferait revenir mon souffle ; mes fils sont devenus désolés, car L’ENNEMI l’a emporté. ‘ 17 Sion tend les mains, IL N’Y A PAS DE CONSOLATEUR POUR ELLE, Yhwh a ordonné contre Jacob SES OPPRESSEURS autour de lui ; Jérusalem est devenue impureté parmi eux. ṣ 18 Il est juste, lui, Yhwh, CAR CONTRE SA BOUCHE JE ME SUIS REBELLÉE. Entendez donc, tous les peuples, et voyez ma douleur, mes vierges et mes jeunes-gens sont partis en captivité. q 19 J’ai appelé MES AMANTS, mais eux ILS M’ONT TRAHIE ; mes prêtres et mes anciens dans la ville ont expiré, car ils cherchaient à manger pour eux et ils auraient fait revenir leur souffle. r 20 « VOIS, YHWH, que l’OPPRESSION est à moi, mes entrailles frémissent, mon cœur se retourne en moi CAR POUR ME REBELLER JE ME SUIS REBELLÉE ; au-dehors l’épée prive d’enfants, dans la maison c’est comme la mort. š 21 Ils ont entendu que JE GÉMIS, moi, IL N’EST POINT DE CONSOLATEUR, TOUS MES ENNEMIS à moi ont entendu mon mal, ils se réjouissent de ce que tu as fait ; fais venir le jour que tu avais proclamé et ils deviendront comme moi. t 22 Que vienne tout leur mal devant ta face et traite-les comme tu m’as traitée POUR TOUS MES CRIMES, car nombreux sont MES GÉMISSEMENTS et mon cœur est malade. »

– les deux passages s’achèvent par une prière qui commence par « Vois, Yhwh » (9c.20a) ; elle est réduite à un segment à la fin du premier passage (9c), occupant toute une partie dans le dernier (20-22).

46

La première section (Lm 1–2)

LES RAPPORTS ENTRE LE PASSAGE CENTRAL ET LES DEUX AUTRES ’ 1,1 Comment est-elle assise à l’écart, la Ville nombreuse de peuple ? ELLE EST DEVENUE comme une veuve ; nombreuse chez les nations, princesse chez les provinces, ELLE EST DEVENUE à la corvée. b 2 Pour pleurer elle pleure durant la nuit et sa larme sur sa joue. Il n’y a pas pour elle de consolateur parmi tous ses amants ; tous ses amis l’ont trahie, ILS SONT DEVENUS pour elle des ennemis. g 3 Juda est exilée sous la misère et sous une nombreuse servitude. Elle, elle est assise chez les nations, elle ne trouve pas de repos ; tous ses poursuivants l’atteignent parmi les angoisses. d 4 Les chemins de Sion sont en deuil sans personne venant à ses ASSEMBLÉES, toutes ses portes sont désertes ; ses prêtres GÉMISSENT, ses vierges SE DÉSOLENT et elle, c’est amer pour elle. h 5 Ses OPPRESSEURS SONT DEVENUS en tête, ses ennemis sont heureux, car Yhwh L’A AFFLIGÉE pour ses nombreux crimes ; ses bambins sont partis en captivité devant L’OPPRESSEUR. w 6 Et de la fille de Sion est sortie toute sa splendeur ; ses princes SONT DEVENUS comme des cerfs qui ne trouvent point de pâture et ils sont partis avec point de force devant le poursuivant. z 7 Elle se souvient Jérusalem, aux jours de misère et de sa détresse, de tous ses trésors qui ÉTAIENT DEVENUS depuis les jours d’antan, quand son peuple tombait par la MAIN de L’OPPRESSEUR et il n’y a pas d’aide pour elle. La voyaient des OPPRESSEURS, ils riaient de sa ruine. ḥ 8 Pour pécher elle a péché Jérusalem, c’est pourquoi ELLE EST DEVENUE impureté. Tous ses honorant la méprisent car ils ont vu sa nudité ; aussi elle, ELLE GÉMIT et revient en arrière. ṭ 9 Sa souillure sur sa robe, elle ne se souvient pas de sa fin et elle est tombée prodigieusement ; il n’y pas de consolateur pour elle. « VOIS, Yhwh, ma misère, car l’ennemi a grandi. » y 10 « L’OPPRESSEUR a tendu sa MAIN sur tous ses trésors ; oui, ELLE A VU des nations qui sont venus dans son sanctuaire, auxquelles tu avais ordonné de ne pas venir dans son ASSEMBLÉE. k 11 Tout son peuple sont GÉMISSANTS, cherchant du pain ; ils donnent leurs trésors pour du MANGER, pour faire revenir le souffle. VOIS, Yhwh, et regarde que JE SUIS DEVENUE méprisée. » l 12 « Pas à vous, tous les passants du chemin ! Regardez et VOYEZ s’il est une douleur comme ma douleur laquelle ME TOURMENTE, de laquelle M’A AFFLIGÉE Yhwh au jour de sa brûlante colère. m 13 D’en haut il a envoyé un feu, dans mes os il l’a fait descendre, il a tendu un filet à mes pieds, il m’a fait revenir en arrière ; il m’a donnée DÉSOLÉE, tout le jour MALADE. » n 14 Est lié le joug de mes crimes : dans sa MAIN ils s’entrelacent, ils sont montés sur mon cou, il fait fléchir ma force ; il m’a donnée Adonaï à de telles MAINS que je ne puis plus me relever. s 15 Il a rejeté tous mes braves Adonaï au milieu de moi, il a appelé contre moi une ASSEMBLÉE pour anéantir mes jeunes gens ; au pressoir Adonaï a foulé la vierge, fille de Juda. P 16 C’est pourquoi moi je pleure ; mon œil, mon œil fond en eaux, car est loin de moi un consolateur qui ferait revenir mon souffle ; mes fils SONT DEVENUS DÉSOLÉS, car l’ennemi l’a emporté. ‘

17

Sion tend les MAINS, il n’y a pas de consolateur pour elle, Yhwh a ordonné contre Jacob ses

OPPRESSEURS autour de lui ; Jérusalem EST DEVENUE impureté parmi eux.

ṣ 18 Il est juste, lui, Yhwh, car contre sa bouche je me suis rebellée. Entendez donc, tous les peuples, et VOYEZ ma douleur, mes vierges et mes jeunes gens sont partis en captivité. q 19 J’ai appelé mes amants, mais eux ils m’ont trahie ; mes prêtres et mes anciens dans la ville ont expiré, car ils cherchaient à MANGER pour eux et ils auraient fait revenir leur souffle. r 20 « VOIS, Yhwh, que L’OPPRESSION est à moi, mes entrailles frémissent, mon cœur se retourne en moi car pour me rebeller je me suis rebellée. Au-dehors l’épée prive d’enfants, dans la maison c’est comme la mort. š 21 Ils ont entendu que JE GÉMIS, moi, il n’est point de consolateur, tous mes ennemis à moi ont entendu mon mal, ils se réjouissent de ce que tu as fait ; fais venir le jour que tu avais proclamé et ILS DEVIENDRONT comme moi. t 22 Que vienne tout leur mal devant ta face et TRAITE-LES comme TU M’AS TRAITÉE pour tous mes crimes, car nombreux sont mes GÉMISSEMENTS et mon cœur est MALADE. »

Séquence A1 : Lm 1,1-22

47

Le passage central est lié aux deux autres par un grand nombre de reprises lexicales : « main » (7b.10a.14a.b.17a), « tendre » (10a.13a.17a), « oppresseur/ oppression » (5a.b.7b.c.10a.17b.20a), « tous ses/leurs trésors » (7a.10a.11a), « voir » (9b.10a.11b.12a.18b.20a), « nations » (1b.3a.10a), « venir » (4a.10a.b. 21b.22a), « ordonner » (10b.17a), « assemblée » (4a.10b.15a), « peuple » (1a.7b. 11a.18a), « gémir/gémissements » (8b.11a.21a.22b), « chercher » (11a.19b), « donner » (11a.13b.14b), « manger » (11a.19b), « faire revenir le souffle » (11b.16ab.19b), « (faire-)revenir en arrière (8b.13b), « Vois, Yhwh » (9b.11b. 20a), « devenir » (1a.b.2b.5a.6a.7a.8a.11b.16b.17b.21b), « mépriser » (8b.11b) ; « chemin » (4a.12a), « douleur » (12a bis.18b), « tourmenter » et « traiter » qui sont de même racine (12b.22a bis), « affliger » (5a.12b), « Yhwh » (5a.9b.11b. 12b.17a.18a.20a), « jour » (7a.b.12b.13b.21b), « (se) désoler » (4b.13b), « malade » en termes finaux (13b.22b). La première partie du passage central est adressée à Yhwh, comme le dernier segment du premier passage (9b) et la dernière partie du dernier passage (20-22). La deuxième partie du passage central est adressée à « tous les passants du chemin », comme le centre du dernier passage l’est à « tous les peuples » (18). Tout le premier passage est à la troisième personne dont les référents sont « la Ville » de « Sion » et ses ennemis ; toutefois, dans la dernière phrase apparaissent les pronoms de deuxième personne dont le référent est « Yhwh » et de première personne dont le référent est la personne qui parle. Cela se répète à la fin de la première partie du passage central : « Vois, Yhwh, et regarde que je suis devenue méprisée » (11b). À partir de là, tout le deuxième versant (12-22) est à la première personne ; cette personne est féminine (« je suis devenue méprisée » en 11b, « il m’a donnée désolée » en 13b) dont le référent est « la ville », « Sion », « Jérusalem » et il ne fait pas de doute qu’il en est ainsi jusqu’à la fin, même si aucune marque grammaticale ne le signale en hébreu. La deuxième personne est d’abord le pluriel de « tous les peuples » au centre du dernier passage (18), puis dans la dernière partie le singulier de « Yhwh » (2022). Voici le schéma que l’on peut donner de la séquence :

SION PLEURE

VOYEZ

MOI, JE PLEURE

CAR IL N’Y A PAS POUR ELLE

DE CONSOLATEUR

1,1-9

QUE JE SUIS DEVENUE MÉPRISÉE ET MALADE

10-13

CAR EST LOIN DE MOI

14-22

UN CONSOLATEUR

48

La première section (Lm 1–2)

INTERPRÉTATION « J’AI APPELÉ MES AMANTS... » Jérusalem a été prise et se trouve désertée (4), Juda et tout le royaume du sud est parti en exil, soumis à une dure servitude. Devant la menace de l’oppresseur, ils avaient pourtant fait appel à leurs alliés, les « amants » dont ils espéraient recevoir aide et salut ; mais ces faux-amis les ont trahis et se sont même rangés du côté de leurs ennemis (2.19). Ils ont certes entendu les gémissements du malheureux, mais ils s’en réjouissent (21). La désillusion est radicale, elle en devient une obsession : « Il n’y a pas de consolateur pour elle », « il n’y a pas d’aide pour elle », « il est loin de moi le consolateur », « il n’est point de consolateur » (2.7.9.16.17.21). « VOIS, YHWH ! » Abandonnée des hommes, Jérusalem se tourne alors vers le seul qui puisse la consoler. Elle ne lui demande pas d’écouter sa plainte et ses gémissements, comme elle l’avait fait avec ses amants (18), elle le supplie de voir, pour ainsi dire, objectivement, l’état de « misère » dans lequel elle se trouve. Par trois fois, elle s’écrie : « Vois, Yhwh, ma misère » (9), « Vois, Yhwh, et regarde que je suis devenue méprisée » (11), « Vois, Yhwh, que l’oppression est à moi » (20). C’est sur ces trois piliers que prennent appui sa longue plainte et sa supplication, à la fin des passages extrêmes ainsi qu’en son centre. Tout au long de sa méditation, la Ville avait découvert la cause de ses malheurs, ses « crimes » et son « péché » (5.8.14) ; dans sa longue prière finale, elle les confesse devant son Seigneur : « car pour me rebeller je me suis rebellée » (20), « traite-les comme tu m’as traitée pour tous mes crimes » (22). Toutefois, ce n’est pas seulement Juda qui s’est rebellée contre son Dieu, les nations en ont fait autant, désobéissant au commandement qui leur interdisait d’entrer dans son sanctuaire (10). Ils méritent donc d’être châtiés comme leur victime (22). En effet, ce n’est pas seulement elle qu’ils avaient méprisée (11), mais aussi le Dieu qu’elle servait dans le temple de la Ville sainte.

II. Comment le Seigneur dans sa colère a-t-il brisé la fille de Sion ? La séquence A2 : 2,1-22 La deuxième lamentation est une séquence formée de cinq passages, organisés de manière elliptique.

1. Dans sa colère, le Seigneur a englouti la fille de Sion Le premier passage : 2,1-8 TEXTE ’ 2,1 Comment a-t-il enténébré en sa colère Adonaï la fille de Sion, a-t-il précipité du ciel sur la terre la splendeur d’Israël et ne s’est pas souvenu de l’escabeau de ses pieds au jour de sa colère ? b 2 Il a englouti Adonaï et n’a pas eu pitié toutes les demeures de Jacob ; il a renversé en sa rage les forteresses de la fille de Juda, il a jeté à terre, il a maudit le royaume et ses princes. g 3 Il a brisé dans l’ardeur de sa colère toute la corne d’Israël ; il a retiré en arrière sa droite devant l’ennemi et il a allumé en Jacob comme un feu flamboyant qui dévore alentour. d 4 Il a bandé son arc comme un ennemi, est assurée sa droite, (il est) comme un oppresseur et il a tué tous ceux qui charmaient l’œil ; sur la tente de la fille de Sion il a déversé comme un feu sa fureur. h 5 A été Adonaï comme un ennemi, il a englouti Israël, il a englouti tous ses palais, il a abattu ses forteresses et il a multiplié pour la fille de Juda gémissements et gémissements. w 6 Et il a démoli comme le jardin sa hutte, il a abattu son assemblée ; il a fait oublier Yhwh dans Sion assemblée et sabbat et il a rejeté dans l’indignation de sa colère roi et prêtre. z 7 S’est dégoûté Adonaï de son autel, il a eu en horreur son sanctuaire, il a livré à la main de l’ennemi les remparts de ses palais ; clameurs ils ont donné dans la maison de Yhwh comme en un jour d’assemblée. ḥ 8 A médité Yhwh d’abattre le rempart de la fille de Sion ; il a étendu le cordeau, n’a pas retiré sa main de l’engloutissement et il a endeuillé avant-mur et rempart : ensemble ils se désolent. V. 4B

: « EST ASSURÉE SA DROITE »

Le verbe est au nifal ; « sa droite » est son sujet ; la difficulté est que le verbe est au masculin et que « sa droite » est féminin (toutefois en Ex 15,6, ce terme est le sujet d’un prédicat au masculin).

50

La première section (Lm 1–2)

V. 4B

: « « (IL EST) COMME UN OPPRESSEUR ET IL A TUÉ... »

Le problème est de savoir si « comme un oppresseur » fait partie du membre précédent ou du suivant ; si l’on adopte la première solution, le premier membre du deuxième segment se trouve réduit à un seul terme, « et il a tué ». Il semble que la solution la plus simple est de considérer que « comme un oppresseur » est une phrase nominale dont le sujet est sous-entendu. V. 6A

: « ET IL A DÉMOLI COMME LE JARDIN SA HUTTE »

Le sens du premier verbe a fait problème dès les anciennes versions. « Le jardin » semble désigner le pays et « sa hutte » la ville que Dieu s’est choisie pour résidence. V. 4B

: « IL A ABATTU SON ASSEMBLÉE »

Le terme, traduit systématiquement par « assemblée » (voir p. 24), signifie ici le lieu du « rendez-vous », c’est-à-dire le temple. Ce même terme est repris dès le segment suivant, où il est coordonné à « sabbat » et a donc le sens de « fête », « assemblée » liturgique festive. COMPOSITION LA PREMIÈRE PARTIE (1-3) ’ + 2,1 Comment .. LA FILLE

b

g

a-t-il enténébré

EN SA COLÈRE

ADONAÏ

DE SION,

+ a-t-il précipité .. la splendeur

du ciel D’ISRAËL

SUR LA TERRE

:: et ne s’est pas souvenu :: au jour

de l’escabeau

de ses pieds

.. toutes

les demeures

DE JACOB,

+ il a renversé .. les forteresses

EN SA RAGE DE LA FILLE

DE JUDA,

+ il a jeté .. le royaume

À TERRE,

il a maudit

DE SA COLÈRE ? ············································································································· + 2 Il a englouti ADONAÏ et n’a pas eu pitié

et ses princes.

············································································································· + 3 Il a brisé dans l’ardeur DE SA COLÈRE D’ISRAËL ; .. toute la corne

:: il a retiré - devant

en arrière l’ennemi

sa droite

:: et il a allumé - qui dévore

EN JACOB alentour.

comme un feu

flamboyant

Séquence A2 : Lm 2,1-22

51

Dans le premier morceau, les deux premiers segments sont parallèles, les premiers membres comprenant le verbe et son sujet, les seconds le complément d’objet. Le troisième segment est différent, joignant verbe et son complément dans le premier membre, le second étant un complément de temps. Les deux occurrences de « sa colère » font inclusion. Les trois segments du deuxième morceau sont de même structure syntaxique, les seconds membres comprenant les compléments d’objet des verbes des premiers membres ; les segments extrêmes contiennent deux verbes, tandis que le central n’en comporte qu’un seul. Dans le troisième morceau, les trois segments commencent avec le verbe principal, les seconds membres étant des compléments, d’objet (3b), de lieu (d), et finalement une relative (f). Les segments extrêmes se correspondent avec « l’ardeur » et le « feu ». La « colère » revient en termes initiaux dans les morceaux extrêmes (1a.3a ; et aussi en 1f). À « la fille de Sion » (1b) correspond « la fille de Juda » (2d). Sont repris aussi « Adonaï » en termes initiaux des deux premiers morceaux (1a.2a), « terre » (1c.2e), « Israël » (1d.3b), « Jacob » (2b.3e). LA DEUXIÈME PARTIE (4-5) d + 4 Il a bandé – est assurée

son arc sa droite,

COMME UN ENNEMI,

– (il est) comme un oppresseur – tous ceux

et il a tué qui charmaient

l’œil ;

= sur la tente .. il a déversé

DE LA FILLE

DE SION

comme un feu

sa fureur.

·························································································································· h + 5 A été Adonaï COMME UN ENNEMI,

– il a englouti

Israël,

– il a englouti – il a abattu

tous ses forteresses

ses palais,

= et il a multiplié .. gémissements

POUR LA FILLE

DE JUDA

et gémissements.

Dans le premier morceau, les deux premiers segments sont liés par l’image de l’arc qui tue, tandis que le troisième segment utilise une autre image, celle du feu qui brûlera la tente. « Comme » revient dans chaque segment. Dans le deuxième morceau, Adonaï est présenté comme celui qui « engloutit », le pays (5b) et ses constructions (cd), ce qui provoque les « gémissements » de « la fille de Juda », appelée précédemment « Israël » (b). Les deux occurrences de « comme un ennemi » jouent le rôle de termes initiaux, en même position ; « la fille de Sion » et « la fille de Juda » se trouvent en même position dans les segments finaux.

52

La première section (Lm 1–2)

LA TROISIÈME PARTIE (6-8) w – 6 Et il a démoli :: IL A ABATTU

comme le jardin SON ASSEMBLÉE

sa hutte, ;

– il a fait oublier :: ASSEMBLÉE

YHWH et sabbat

dans SION

- et il a rejeté - roi

dans l’indignation et prêtre.

de sa colère

···························································································································

z – 7 S’est dégoûté :: il a eu en horreur

Adonaï son sanctuaire,

de son autel,

– il a livré :: LES REMPARTS

à la main de ses palais ;

de l’ennemi

ils ont donné dans la Maison de YHWH D’ASSEMBLÉE. ··························································································································· – 8 A médité YHWH D’ABATTRE :: LE REMPART de la fille de SION ; = clameurs = comme en un jour



– il a étendu :: n’a pas retiré

le cordeau, sa main

= et il a endeuillé = ensemble

avant-mur ils se désolent.

de l’engloutissement ET REMPART

:

Dans le premier morceau, le Seigneur détruit les lieux de son culte (6ab), faisant disparaitre ainsi les assemblées festives (cd) et rejetant ses officiants (ef). Le deuxième morceau se focalise sur « l’autel » du « sanctuaire » (7ab), mais englobe aussi les murs de ses constructions, « les remparts de ses palais » (cd), ce qui provoque les « clameurs » dans le temple (ef). Dans le troisième morceau, c’est le rempart de la ville, « la fille de Sion », qui sera détruit, ce qui cause deuil et désolation (ef). Les noms divins reviennent dans chaque morceau (6c.7a.e.8a), les trois occurrences de « assemblée(s) » lient les deux premiers morceaux (6b.d.7f), celles de « rempart(s) » les deux derniers (7d.8b.e). « Abattre » revient au début des morceaux extrêmes (6b.8a). C’est la destruction du temple et de la ville qui marque l’unité de la partie. L’ENSEMBLE DU PASSAGE (1-8) Les trois parties sont liées par les reprises des noms divins, « Adonaï » (1a.2a. 5a.7a) et, dans la dernière seulement, « Yhwh » (6b.7c.8a), des couples « la fille de Sion » – « la fille de Juda » dans les deux premières parties (1a.2b ; 4c.5c), à quoi correspondent « Sion » – « la fille de Sion » dans la dernière (6b.8a), de « l’ennemi » (3b ; 4a.5a ; 7b), de la « colère », « rage », « fureur » du Seigneur

Séquence A2 : Lm 2,1-22

53

(1a.c.2b.3a ; 4c ; 6c ; à « dans l’ardeur de sa colère » de 3a répond « dans l’indignation de sa colère en 6c), « engloutir/engloutissement » (2a ; 5a.b ; 8b). En outre, les deux premières parties sont liées par « sa droite » (3b.4a) et « un feu » (3c.4c) dans les morceaux consécutifs, par « Israël » (3a.5a) et par « forteresses » (2b.5b). Dans les deux dernières parties reviennent « abattre » (5b.6a.8a) et « ses palais » (5b.7b). « Jour » est repris dans les parties extrêmes (1c.7c). ’ 2,1 Comment ADONAÏ en SA COLÈRE a-t-il enténébré LA FILLE DE SION, a-t-il précipité du ciel sur la terre la splendeur d’ISRAËL et ne s’est pas souvenu de l’escabeau de ses pieds au JOUR de SA COLÈRE. b

······························································································································· 2 ADONAÏ A ENGLOUTI et n’a pas eu pitié toutes les demeures de Jacob ; il a renversé en SA RAGE LES FORTERESSES de LA FILLE DE JUDA,

il a jeté à terre, il a maudit g

le royaume et ses princes.

······························································································································· 3 Il a brisé dans l’ardeur de SA COLÈRE toute la corne d’ISRAËL ; il a retiré en arrière SA DROITE devant L’ENNEMI et il a allumé en Jacob comme UN FEU flamboyant qui dévore alentour.

d

h

4

Il a bandé son arc comme un ENNEMI, est assurée SA DROITE, comme un oppresseur il a tué tous ceux qui charmaient l’œil ; sur la tente de LA FILLE DE SION il a déversé comme UN FEU SA FUREUR. ······················································································································· 5 ADONAÏ a été comme un ENNEMI, IL A ENGLOUTI ISRAËL ; IL A ENGLOUTI tous SES PALAIS, IL A ABATTU SES FORTERESSES

et il a multiplié pour LA FILLE DE JUDA

gémissements et gémissements.

w 6 Et il a démoli comme le jardin sa hutte, IL A ABATTU son assemblée ; YHWH a fait oublier dans SION assemblée et sabbat et il a rejeté dans l’indignation de SA COLÈRE roi et prêtre. z



······························································································································· 7 ADONAÏ s’est dégoûté de son autel, il a eu en horreur son sanctuaire, il a livré à la main de L’ENNEMI les remparts de SES PALAIS ; ils ont donné des clameurs dans la maison de YHWH comme en un JOUR d’assemblée. ······························································································································· 8 YHWH a médité D’ABATTRE le rempart de LA FILLE DE SION ; il a étendu le cordeau, n’a pas retiré sa main de L’ENGLOUTISSEMENT

et il a endeuillé avant-mur et rempart :

ensemble ils se désolent.

54

La première section (Lm 1–2)

CONTEXTE LA SPLENDEUR D’ISRAËL L’expression peut être générale et désigner la splendeur du peuple et de son histoire ; toutefois, elle pourrait plus précisément renvoyer à son temple comme en Is 64,10 : « La maison de notre sainteté et de notre splendeur, où te louaient nos pères, est devenue la proie du feu et tout ce qui nous charmait est devenu ruine ». « L’ESCABEAU DE SES PIEDS » Cette expression est, elle aussi, ambiguë. Selon Is 66,1, le ciel est le trône de Dieu et l’escabeau de ses pieds est la terre. Mais ce peut être, plus spécifiquement, le temple ; « Allons en ses demeures, prosternons-nous à l’escabeau de ses pieds » (Ps 132,7) ; « Le roi David se leva sur ses pieds et dit : “Écoutez-moi, mes frères et mon peuple. J’ai désiré, moi, édifier une demeure stable pour l’arche de l’alliance de Yhwh et pour l’escabeau des pieds de notre Dieu” » (1Ch 28,2).

INTERPRÉTATION LA COLÈRE DE DIEU Comme un coup de tonnerre, la colère de Dieu éclate dès les premiers mots (1a) et rebondit aussitôt une première fois (1c) ; et deux fois encore avec « sa rage » (2b) et « dans l’ardeur de sa colère » (3a). Même si celui qui rapporte les faits la mentionne moins par la suite (4c.6c), la longue description de ses effets terribles témoigne qu’une telle fureur ne trouve pas le moindre apaisement jusqu’à la fin. LE PEUPLE ET SON TEMPLE La victime de la colère de Dieu n’est autre que son propre peuple, « Israël » (3a.5a), et en particulier « la fille de Juda », « la fille de Sion », c’est-à-dire sa capitale, « Sion ». Elle abat « avant-mur et rempart » (8c), « les remparts de ses palais » (7b), de « tous ses palais » et de « ses forteresses » (5b). Tout est dévoré par « un feu flamboyant » (3c), « le feu de sa fureur » (4c) qui atteint jusqu’à l’ensemble du « royaume et ses princes » (2c). Cependant, il semble que c’est surtout sur le temple que s’acharne la colère divine. Celle-ci fait rage sur ce qui faisait, plus que tout, « la splendeur d’Israël », ce que Dieu lui-même considérait comme « l’escabeau de ses pieds » (1bc). Sa « maison », son « sanctuaire », « son autel », le lieu de « ses assemblées », ses rendez-vous avec son peuple choisi entre tous (7), tout est renversé : plus de fêtes ni de « sabbat », plus de « roi » ni de « prêtre » pour présider au service liturgique. L’alliance est rompue.

Séquence A2 : Lm 2,1-22

55

UNE DESCRIPTION IMPERSONNELLE Le récit que l’on entend de la destruction de Jérusalem et de son temple est dramatique au plus haut point. Et cela non seulement par les faits qui sont relatés, mais encore davantage par le son de la voix qui le prononce. On a le sentiment que de telles paroles ne jaillissent pas de la bouche de quelque témoin qui a vécu et subi le malheur. Pas le moindre « je », par le moindre « tu », tout est à la troisième personne, rapporté comme de l’extérieur, de manière pour ainsi dire objective, par quelqu’un qui ne ferait que constater les dégâts, non sans s’étonner d’une telle fureur de la part d’un Dieu qui se conduit « comme un ennemi » (4a.5a).

2. Israël est mise à mort Le deuxième passage : 2,9 Ce passage est très court, de la taille d’un seul morceau ; c’est le premier foyer de l’ellipse. TEXTE ṭ

9

Se sont enfoncées sous terre ses portes, il a cassé et a brisé ses barres ; son roi et ses princes (sont) chez les nations, il n’y a plus de Loi, aussi ses prophètes ne trouvent plus de vision (venant) de Yhwh.

V. 9B

: « IL A CASSÉ ET BRISÉ SES BARRES »

Plusieurs sont d’avis qu’un des deux verbes est de trop, le deuxième membre étant par ailleurs trop long. Comme les versions, on suit le texte massorétique. COMPOSITION ṭ : 2,9 Se sont enfoncées : il a cassé

sous terre et a brisé

ses portes, ses barres ;

– son roi – il n’y a plus

et ses princes de Loi,

(sont) chez les nations,

– aussi – de vision

ses prophètes (venant) de Yhwh.

ne trouvent plus

Non seulement les portes de la ville et ses barres ont été détruites (9ab), mais les responsables politiques ont été emmenés en exil (c), la Loi étant désormais sans objet puisqu’il n’est plus personne pour la faire respecter (d) ; les prophètes eux-mêmes sont abandonnés par Yhwh (ef).

56

La première section (Lm 1–2)

INTERPRÉTATION LA FIN D’ISRAËL Les portes de la capitale détruites représentent la force militaire du pays qui est anéantie, ayant livré le passage à l’envahisseur. Identifié au roi et à ses princes, le pouvoir politique a été destitué et se trouve exilé chez les païens ; la Loi, la constitution de l’état n’a donc plus lieu d’être. Même les prophètes, cette instance qui critique le pouvoir établi, se voient privés par conséquent de leur mission, le Seigneur les ayant abandonnés comme toutes les autres institutions de la nation.

3. Avec tous, je pleure la mort des enfants de la fille de Sion Le troisième passage : 2,10-13 TEXTE y

10

Ils sont assis à terre, ils sont en silence, les anciens de la fille de Sion, ils ont mis de la poussière sur leur tête, ils ont revêtu des sacs ; elles penchent vers la terre leur tête les vierges de Jérusalem. k 11 Sont achevés de larmes mes yeux, frémissent mes entrailles, s’épand à terre mon foie pour le brisement de la fille de mon peuple, tandis que défaillent enfants et nourrissons sur les places de la Cité. l 12 À leurs mères ils disent : « Où y a-t-il du pain et du vin ? », tandis qu’ils défaillent comme des blessés sur les places de la Ville et qu’ils exhalent leur âme sur le sein de leurs mères. m 13 Que te déclarerai-je, à quoi comparerai-je toi, fille de Jérusalem ? À quoi assimilerai-je toi et te consolerai-je, vierge, fille de Sion ? Car (il est) grand comme la mer, ton brisement : qui guérira toi ? V. 13

: « QUE TE DÉCLARERAI-JE... »

Beaucoup suivent la version de la Vulgate qui utilise un synonyme du verbe suivant, ce qui facilite le texte massorétique.

COMPOSITION LA PREMIÈRE PARTIE (10) Les deux premiers segments décrivent le deuil des « anciens », le troisième celui des « vierges ». « La fille de Sion » (10b) est un des noms de « Jérusalem » (f). Dans les segments extrêmes, « à terre » est repris en même position ; les deux derniers segments sont liés par les deux occurrences de « leur tête ».

Séquence A2 : Lm 2,1-22 y – 10 Ils sont assis – les anciens

À TERRE, DE LA FILLE

57

ils sont en silence, DE SION,

– ils ont mis – ils ont revêtu

de la poussière des sacs ;

SUR LEUR TÊTE,

:: elles penchent :: les vierges

À TERRE DE JÉRUSALEM.

LEUR TÊTE

LA DEUXIÈME PARTIE (11-12) Dans le premier morceau, le dernier segment (11ef) donne la raison pour laquelle « yeux », « entrailles » et « foie » (a.b.c) du suppliant souffrent. Le deuxième morceau commence par donner la parole aux enfants affamés (12ab), après quoi ce sont deux temporelles de même structure syntaxique, les seconds membres étant des compléments de lieu (d.f). k – 11 Sont achevés – frémissent

de larmes mes entrailles,

mes yeux,

– s’épand – pour le brisement

à terre de la fille

mon foie de mon peuple,

.. tandis que DÉFAILLENT .. SUR LES PLACES

enfants CITÉ.

et nourrissons

DE LA

·····················································································································

l + 12 À leurs mères + « Où y a-t-il

ils disent : du pain

- tandis qu’ils DÉFAILLENT : SUR LES PLACES

DE LA

- et qu’ils exhalent : sur le sein

leur âme de leurs mères.

et du vin ? »

comme des blessés VILLE

Les deux occurrences de « leurs mères » qui font inclusion pour le deuxième morceau (12a.f) correspondent au couple « enfants et nourrissons » du premier morceau (11e). Le deuxième segment du deuxième morceau (12cd) est très semblable au dernier segment du premier morceau (11ef).

58

La première section (Lm 1–2)

LA TROISIÈME PARTIE (13) m + 13 Que te déclarerai-je, + FILLE

à quoi comparerai-je DE JÉRUSALEM ? toi

toi,

+ À quoi assimilerai-je + vierge,

FILLE

DE SION

:: Car (il est) grand :: qui guérira

comme la mer, toi ?

ton brisement :

et te consolerai-je, ?

Les deux premiers segments sont parallèles : dans leurs premiers membres, « à quoi assimilerai-je toi » correspond à « à quoi comparerai-je toi », et les seconds membres sont des apostrophes très semblables. Le troisième segment donne la raison des deux segments précédents : c’est à « la mer » qu’est comparé le « brisement » de la ville. L’ENSEMBLE DU PASSAGE (10-13) Dans les parties extrêmes, les expressions « (vierge) fille de Sion » (10b.13d) et « les vierges/fille de Jérusalem » (10f.13b) se correspondent de manière spéculaire. Dans la première partie, la totalité est exprimée par le couple « anciens » – « vierges » (10b.f) ; dans la dernière, par la simple deuxième personne du singulier qui désigne la ville entière. Dans la longue partie centrale, ce sont deux personnages qui sont atteints par le malheur : d’une part, les « enfants et nourrissons » affamés (11e) avec « leurs mères » (12a.f), et, de l’autre, celui qui parle à la première personne du singulier (11abc). « La fille de mon peuple » de la partie centrale (11d) correspond à « la fille de Sion » (10b.13d) et à « les vierges/fille de Jérusalem » (10f.13b). Les deux premières parties sont liées aussi par la reprise de « à terre » (10a.e.11c), les deux dernières par celle de « brisement » (11d.13e).

INTERPRÉTATION LE SILENCE DE LA MORT Tous, depuis « les anciens » jusqu’aux « vierges », sont enfoncés dans le deuil le plus profond. Même les lamentations et les cris rituels ont laissé la place au « silence » (10a). Tous sont tournés vers la terre, sa poussière sur leur tête ; comme s’ils étaient sur le point de retourner à la poussière d’où ils furent tirés. La mort et son silence planent sur la ville.

Séquence A2 : Lm 2,1-22 y 2,10 Ils sont assis les anciens

59

À TERRE, de LA FILLE

ils sont en silence, DE SION,

ils ont mis ils ont revêtu

de la poussière des sacs ;

sur leur tête,

elles penchent

À TERRE DE JÉRUSALEM.

leur tête

11

Sont achevés frémissent

de larmes mes entrailles,

mes yeux,

s’épand pour LE BRISEMENT

À TERRE de LA FILLE

mon foie

tandis que défaillent sur les places

enfants de la Cité.

et nourrissons

LES VIERGES

k

DE MON PEUPLE,

·················································································································

l

12

À leurs mères « Où y a-t-il

ils disent : du pain

tandis qu’ils défaillent sur les places

comme des blessés de la Ville,

et qu’ils exhalent sur le sein

leur âme de leurs mères.

m 13 Que te déclarerai-je,

et du vin ? »

à quoi comparerai-je DE JÉRUSALEM ?

toi,

FILLE

et te consolerai-je, DE SION ?

À quoi assimilerai-je

toi

VIERGE,

FILLE

Car il est grand qui guérira

comme la mer, toi ?

TON BRISEMENT ;

LES CRIS DES ENFANTS Seul se fait entendre sur les places le cri des enfants qui réclament à manger et à boire (12ab). « Le sein de leurs mères » est tari et « ils défaillent », prêts à rendre l’âme. L’horreur de la situation atteint son comble quand l’avenir se trouve menacé à ce point, sans que personne, même les mères, ne puisse rien y faire. Les cris des anciens ont cessé (10ab), « les larmes » du suppliant « sont achevées » (11a), et c’est « à terre » lui aussi que son foie « s’épand » (11c), cette terre où la fille de son peuple s’est écroulée, brisée (11d). UN BRISEMENT SANS MESURE Le suppliant ne voit pas à quoi il pourrait comparer le malheur qui s’est abattu sur la ville. Incommensurable, « comme la mer », il ne saurait trouver ni guérison ni consolation. Devant lui, on ne peut que mettre sa main sur sa bouche.

60

La première section (Lm 1–2)

4. Israël, tu ne pourras revivre Le quatrième passage : 2,14 TEXTE n

14

Tes prophètes ont des visions pour toi de fausseté et de sottise et point ils n’ont révélé ta faute pour faire-revenir ton sort et ils ont des visions pour toi d’oracles de fausseté et d’illusions.

V. 14A.C : « DE FAUSSETÉ

»

Litt. « de vide », de « vanité » au sens de vacuité. V. 14B. « FAIRE-REVENIR LE SORT

»

Il est écrit « ta captivité » (ketib : šebîtēk), mais on lit « ton sort » (qere : š bûtēk) ; c’est le contraire en Ps 126,4. e

COMPOSITION n + 2,14 TES PROPHÈTES :: de fausseté - et point - pour faire-revenir + et ILS ONT DES VISIONS :: de fausseté

ONT DES VISIONS

pour toi

et de sottise ils n’ont révélé ton sort

ta faute

pour toi et d’illusions.

d’oracles

Les segments extrêmes sont parallèles entre eux. Dans le segment central, ce qu’ont omis de révéler les prophètes renvoie à « fausseté » (14b.f).

Séquence A2 : Lm 2,1-22

61

CONTEXTE LES FAUX PROPHÈTES Les oracles contre les faux prophètes sont particulièrement nombreux chez Jérémie : 14

Alors Yhwh me dit : « C’est le mensonge que ces prophètes prophétisent en mon nom ; je ne les ai pas envoyés, je ne leur ai rien ordonné, je ne leur ai point parlé. Visions de mensonge, divinations creuses, rêveries de leur cœur, voilà ce qu’ils vous prophétisent. 15 C’est pourquoi, ainsi parle Yhwh : Ces prophètes qui prophétisent en mon nom, alors que je ne les ai pas envoyés, et qui racontent qu’il n’y aura en ce pays ni épée ni famine, eh bien ! c’est par épée et famine qu’ils disparaîtront, ces prophètes-là ! 16 Quant aux gens à qui ils prophétisent, ils seront jetés dans les rues de Jérusalem, victimes de la famine et de l’épée ; il n’y aura personne pour les enterrer, ni eux, ni leurs femmes, ni leurs fils, ni leurs filles. Je verserai sur eux leur méchanceté ! » 17 Tu leur diras cette parole : Que mes yeux versent des larmes, jour et nuit sans tarir, car d’une grande blessure est blessée la vierge fille de mon peuple, d’une plaie très grave. 18 Si je sors dans la campagne, voici des victimes de l’épée ; si je rentre dans la ville, voici des torturés par la faim ; tant le prophète que le prêtre sillonnent le pays : ils ne comprennent plus ! — 19 As-tu pour de bon rejeté Juda ? Ou es-tu dégoûté de Sion ? Pourquoi nous avoir frappés sans aucune guérison ? Nous attendions la paix : rien de bon ! Le temps de la guérison : voici l’épouvante ! 20 Nous connaissons, Yhwh, notre impiété, la faute de nos pères : oui, nous avons péché contre toi (Jr 14,14-20 ; voir aussi 5,31 ; 6,13 ; 8,10 ; 23,14-32 ; 27,9-22 ; 28,15 ; 29,8-9).

INTERPRÉTATION LES FAUX PROPHÈTES Le prophète, qu’on appelle aussi « voyant », est celui qui voit, qui comprend ce qui se passe et qui a le courage de dénoncer l’injustice et la « faute », quoi qu’il puisse lui en coûter. Il y va, en effet, du « sort », du salut du pécheur. La vérité dans ce cas sera dure à entendre et le risque pour le prophète est non seulement de ne pas être écouté, mais aussi d’être persécuté. C’est pour lui, comme pour celui qu’il avertit, une question de vie ou de mort. Si l’exil représente la mort du peuple, en revenir est un retour à la vie. Les faux prophètes se font alors les complices de ceux qui ont mis à mort Israël.

62

La première section (Lm 1–2)

5. Dans la nuit, clame vers le Seigneur, fille de Sion Le cinquième passage : 2,15-22 TEXTE s

p





q

r

š

t

15

Ils battent sur toi des mains tous les passants sur le chemin, ils sifflotent et hochent leur tête sur la fille de Jérusalem : « Est-ce là la ville qu’on appelait la Belle, joie de toute la terre ? » 16 Ils ouvrent sur toi leur bouche tous tes ennemis, ils sifflotent et grincent des dents ; ils disent : « Nous avons englouti ! Voilà donc le Jour que nous espérions, nous (le) touchons, nous (le) voyons ! » 17 Il a fait Yhwh ce qu’il avait résolu, il a exécuté sa parole, ce qu’il avait ordonné depuis les jours d’autrefois : il a renversé et n’a pas eu pitié et il a réjoui sur toi l’ennemi, il a exalté la corne de tes oppresseurs. 18 Il crie leur cœur vers Adonaï. Rempart de la fille de Sion, fais-couler comme un torrent tes larmes jour et nuit, ne donne pas de relâche à toi, ne se repose pas la fille de ton œil. 19 Dresse-toi, clame dans la nuit en tête des veilles ; répands comme de l’eau ton cœur devant la face de Yhwh, élève vers lui tes mains pour la vie de tes bambins défaillant de faim en tête de toutes les rues. 20 Vois, Yhwh, et regarde : qui as-tu traité ainsi ? Fallait-il que mangent des femmes leurs fruits, les bambins qu’elles berçaient ? Fallait-il que soient tués au sanctuaire d’Adonaï prêtre et prophète ? 21 Gisent par terre dans les rues enfant et ancien, mes vierges et mes jeunes gens sont tombés sous l’épée ; tu as tué au jour de ta colère, tu as immolé, tu n’as pas eu pitié. 22 Tu as appelé comme pour un jour de fête mes terreurs d’alentour ; et il n’y a pas eu au jour de la colère de Yhwh rescapé ni survivant. Ceux que j’avais bercés et élevés, mon ennemi les a achevés. »

V. 18A : « IL CRIE LEUR CŒUR VERS LE SEIGNEUR.

»

La difficulté est que la suite du verset n’est pas une prière adressée au Seigneur, mais au « rempart de la fille de Sion ». C’est pourquoi plusieurs corrigent le texte hébreu et mettent le premier verbe à l’impératif comme les suivants. Il est préférable de suivre le texte massorétique qui présente toutes les invocations au rempart comme une plainte adressée en réalité à Dieu. Tous les impératifs de 18-19 sont au féminin comme ḥômâ, « rempart ». V. 20

: « QUI AS-TU TRAITÉ AINSI ? »

Certains considèrent que le deuxième membre est l’objet du verbe précédent : « regarde ceux que tu as traités ainsi ». Le pronom mî étant interrogatif, il s’agit d’une question, comme les deux qui suivent.

Séquence A2 : Lm 2,1-22

63

COMPOSITION LA PREMIÈRE PARTIE (15-17) s + 15 Ils battent + TOUS les passants

SUR TOI

des mains

sur le chemin,

: ILS SIFFLOTENT : sur la fille

ET HOCHENT

– « Est-ce là – la Belle,

la ville joie

LEUR TÊTE

de Jérusalem : qu’ils appelaient de toute la terre ? »

················································································································· SUR TOI leur bouche TES ENNEMIS, ET GRINCENT DES DENTS ;

p + 16 Ils ouvrent + TOUS + ILS SIFFLOTENT

– ils disent : – Voilà donc – nous (le) touchons,

« Nous avons englouti ! LE JOUR

que nous espérions,

nous (le) voyons ! »

·················································································································

‘ - 17 Il a fait - il a exécuté - ce qu’il . il a renversé . et il a réjoui . il a exalté

Yhwh sa parole, avait ordonné

ce qu’il

avait résolu,

depuis LES JOURS

d’autrefois :

et n’a pas eu pitié SUR TOI

L’ENNEMI,

la corne

de tes oppresseurs.

Le premier morceau comprend trois bimembres : les passants commencent par battre « des mains » (15ab), puis ils sifflotent en hochant « la tête » (cd), ce qui introduit leurs paroles (ef). Le deuxième morceau est formé de deux trimembres : le premier dit ce qu’ils font avec « leur bouche », le second rapporte leurs paroles. Le troisième morceau, lui aussi, comprend deux trimembres, le second (17def) précisant ce que « Yhwh » avait décidé (abc). La partie est de type AAB : les deux premiers morceaux disent ce que font « tous les passants du chemin », les « ennemis » de Jérusalem, le troisième attribuant à Yhwh ce qui est arrivé par la main des ennemis. Les deux premiers morceaux sont parallèles entre eux, bien qu’ils soient organisés différemment : leurs trois premiers membres se correspondent de très près, les derniers segments rapportant ce qu’ils disent sur Jérusalem, ce qu’elle fut (15ef) et ce qu’ils en ont fait (16def). « Sur toi » revient dans les trois morceaux (15a.16a. 17e). Les deux derniers morceaux ont en commun « ennemi(s) » (16b.17e) et « jour(s) » (16e.17c).

64

La première section (Lm 1–2)

LA DEUXIÈME PARTIE (18-19) ṣ + 18 Il crie

LEUR CŒUR

vers ADONAÏ.

: « Rempart : fais-couler : le jour

de la fille comme un torrent ET LA NUIT,

de Sion, la larme

– ne donne pas – ne se repose pas

de relâche la fille

à toi, de ton œil.

·······································································································

q + 19 Dresse-toi, .. en tête

clame des veilles ;

: répands : devant : élève

comme de l’eau la face vers lui

+ pour la vie + défaillant .. en tête

de tes bambins de faim de toutes les rues.

DANS LA NUIT TON CŒUR

de YHWH, tes mains

Dans le premier morceau, l’unimembre initial, qui est de récit (18a), introduit les paroles qui suivent : d’abord un impératif positif (bcd), puis deux autres négatifs (ef). « La fille de ton œil » (f) renvoie à « la larme » (c) ; formellement, « la fille de ton œil » à la fin correspond à « la fille de Sion » au début (18b). Le deuxième morceau est plus long que le premier : il comprend en effet huit membres au lieu de six. Le bimembre initial (19ab), qui est général, est ensuite précisé dans les deux trimembres suivants : la supplication du « cœur » et des « mains » (c.e) concerne les enfants qui meurent de faim (fgh). Les segments extrêmes s’achèvent avec un complément de lieu introduit par « en tête de » (19b.h). Les deux morceaux constituent une seule et même invitation adressée au « rempart de la fille de Sion ». « Dans la nuit » (19a) rappelle « le jour et la nuit » (18d), « comme de l’eau » (19c) renvoie à « comme un torrent » (18c), « Yhwh » (19d) est le nom de « Adonaï » (18a), « cœur » revient en 18a et 19c.

Séquence A2 : Lm 2,1-22

65

LA TROISIÈME PARTIE (20-22) r + 2,20 « Vois, : Qui

YHWH, as-tu traité

et regarde : ainsi ?

des femmes

leurs fruits,

: Fallait-il que mangent .. les bambins

BERCÉS ?

: Fallait-il que SOIENT TUÉS .. prêtre

au sanctuaire et prophète ?

D’ADONAÏ

·················································································································

š – 21 Gisent – enfant

par terre et ancien,

– mes vierges – sont tombés

et mes jeunes-gens sous l’épée ;

:: TU AS TUÉ :: tu as immolé,

tu n’as pas eu pitié.

AU JOUR

dans les rues

DE TA COLÈRE,

·················································································································

t :: 22 Tu as appelé :: mes terreurs

comme pour un jour d’alentour ;

de fête

– et il n’y a pas eu – rescapé

AU JOUR

DE LA COLÈRE

– ceux que – mon ennemi

J’AVAIS BERCÉS les a achevés. »

DE YHWH

ni survivant, et élevés,

Dans le premier morceau, les deux derniers segments explicitent le contenu du verbe général « traiter » (20b) ; ils commencent avec la même particule traduite par « fallait-il que ». Sont tués aussi bien « les bambins » que « prêtre et prophète », tous au sein de ce qui devait les protéger, leurs mères et le sanctuaire. Le second morceau énumère d’abord les victimes, par des couples qui indiquent tous deux la totalité : « enfant et ancien » (21b), « mes vierges et mes jeunes-gens » (c). Le troisième segment dit qui les a tués. Dans le dernier morceau, le premier segment dit ce que le Seigneur a fait, les deux autres ce qui en est résulté : aucun « survivant » (22d), tous ayant été « achevés » par l’ennemi (f). Les deux derniers morceaux se répondent en miroir, les segments médians disant ce que fait le Seigneur (21ef.22ab), les autres ce qui s’en est suivi. « Au jour de la colère de Yhwh » (22c) rappelle « au jour de ta colère » (21e). Les deux premiers morceaux sont liés par la reprise de « tuer » en même position (20e.21e). « Bercer » revient dans les morceaux extrêmes (20d.22e), ainsi que « Yhwh » (20a.22c).

66

La première section (Lm 1–2)

L’ENSEMBLE DU PASSAGE (15-22) s 2,15 Ils battent des mains sur toi tous les passants sur le chemin, ils sifflotent et hochent leur tête sur LA FILLE DE JÉRUSALEM : « Est-ce là la ville qu’on appelait la Belle, joie de toute la TERRE ? » ····························································································································

p

Ils ouvrent sur toi leur bouche, tous TES ENNEMIS, ils sifflotent et grincent des dents ; ils disent : « Nous avons englouti ! Voilà donc le JOUR que nous espérions, nous le touchons, nous le VOYONS ! » 16

···························································································································· 17 YHWH a fait ce qu’il avait résolu, il a exécuté sa parole, ce qu’il avait ordonné depuis les JOURS d’autrefois : il a renversé et N’A PAS EU PITIÉ,



et il a réjoui sur toi L’ENNEMI, ṣ

il a exalté la corne de tes oppresseurs.

18

Leur cœur crie vers ADONAÏ. « Rempart de LA FILLE DE SION, fais-couler comme un torrent tes larmes le jour et la nuit, ne te donne pas de relâche, ne se repose pas la fille de ton œil.

···················································································································

q

r

19

Dresse-toi, clame dans la nuit au début des veilles ; répands comme de l’eau ton cœur devant la face de YHWH, élève vers lui tes mains pour la vie de tes BAMBINS défaillant de faim au début de toutes les rues. »

20

« VOIS, YHWH, et regarde : Qui as-tu traité ainsi ? Fallait-il que des femmes mangent leurs fruits, les BAMBINS qu’elles berçaient ? Fallait-il que soient tués au sanctuaire d’ADONAÏ prêtre et prophète ?

···························································································································· 21 Gisent par TERRE dans les rues enfant et ancien,

š

mes vierges et mes jeunes gens sont tombés sous l’épée ; tu as tué au JOUR de ta colère, tu as immolé, TU N’AS PAS EU PITIÉ. ···························································································································· 22 Tu as appelé comme pour un JOUR de fête mes terreurs d’alentour ; et il n’y a pas eu au JOUR de la colère de YHWH rescapé ni survivant,

t

ceux que j’avais bercés et élevés,

MON ENNEMI les a achevés. »

Dans la première partie, les ennemis prennent la parole par deux fois (15c.16cd), dans la deuxième, « la fille de Sion » est invitée à prier « Yhwh », la dernière partie est toute entière une supplication qui lui est adressée. Les parties extrêmes ont en commun « terre » (15c.21a), « ennemi(s) » (16a. 17c ; 22c), « jour(s) » (16c.17b ; 21c.22a.b), « voir » (16d.20a), « ne pas avoir pitié » (17b.21c). Dans les deux premières parties, « la fille de Sion » (18a) rappelle « la fille de Jérusalem » (15b). « Bambins » revient dans les deux dernières parties (19c.20b). Le nom de « Yhwh » est repris dans les trois parties (17a.19b.20a.22b) et celui d’« Adonaï » dans les deux dernières (18a.20c).

Séquence A2 : Lm 2,1-22

67

INTERPRÉTATION L’ENNEMI CRIE VICTOIRE Celui qui parle s’adresse à Jérusalem défaite et humiliée, lui rapporte ce que disent ses ennemis. Ils ricanent et hochent la tête, se moquant de celle qui était appelée « La Belle », « la joie de toute la terre » (15). Maintenant ce sont eux qui se réjouissent à ses dépens (17c). Ils célèbrent leur victoire en grinçant des dents : ce qu’ils espéraient s’est enfin réalisé, ils ont détruit « La Belle », ils le disent et le proclament aux oreilles de celle qu’ils ont écrasée. Tout à la joie de ce qu’ils ont fait de leurs mains, ils ne se rendent pas compte qu’en réalité ils n’ont été que les agents de celui qui avait exalté leur corne (17c). INVITATION À LA SUPPLICATION Pour couvrir, en quelque sorte, les cris de victoire de l’ennemi, la fille de Sion est invitée non seulement à pleurer (18) mais aussi à parler, à « clamer » « devant la face de Yhwh », à élever vers lui les mains pour le supplier de sauver ses enfants qui meurent de faim (19c). Le présent est ce qu’il est et ceux qui le subissent ne peuvent que laisser couler leurs larmes, mais ce qui importe est le futur, représenté par la vie menacée des bambins. C’est pour eux que leurs parents doivent supplier le Seigneur. UN LONG CRI DE PLAINTE La prière finale que les fils de Jérusalem adressent à leur Dieu est une longue plainte qui énumère les malheurs dont il les a frappés, en commençant par le plus horrible, les mères qui sont réduites à manger le fruit de leur ventre, « les bambins qu’elles berçaient » (20b). Désespérant aussi le meurtre de ceux qui assuraient le culte, de ce fait anéanti (20c). La plainte en vient à se faire accusation la plus directe : « tu as tué [...], tu as immolé, tu n’as pas eu pitié » (21c), même si c’est l’ennemi qui a exécuté les ordres (22). On pourrait avoir l’impression que ce n’est là qu’une accumulation de reproches, sans qu’aucune demande ne soit formulée. Toutefois, il ne faudrait pas oublier que la prière commence par une supplication pressante : « Vois, Yhwh, et regarde » (20a). Celle-ci rappelle le début de l’Exode, quand Dieu « vit les fils d’Israël » : Les fils d’Israël gémirent de leur servitude et ils crièrent, et leur appel à l’aide monta vers Dieu de leur servitude. 24 Dieu entendit leur plainte et il se souvint de son alliance avec Abraham, Isaac et Jacob. 25 Dieu vit les fils d’Israël et Dieu connut... (Ex 2,23-25).

68

La première section (Lm 1–2)

6. Comment Adonaï dans sa colère a-t-il enténébré la fille de Sion ? L’ensemble de la séquence : 2,1-22 COMPOSITION La séquence est de composition elliptique : les deux foyers de l’ellipse sont les versets 9 et 14.

DANS SA COLÈRE,

ISRAËL

AVEC TOUS, ISRAËL,

DANS LA NUIT,

LE SEIGNEUR A ENGLOUTI

LA FILLE DE SION

9

EST MISE À MORT

JE PLEURE LA MORT DES ENFANTS

DE LA FILLE DE SION

10-13

14

TU NE POURRAS REVIVRE

CLAME VERS LE SEIGNEUR,

2,1-8

FILLE DE SION

16-22

LES RAPPORTS ENTRE LES PASSAGES EXTRÊMES – Les noms divins reviennent dans toutes les parties : « Adonaï » (1.2.5.7 ; 18.20), « Yhwh » (6.7.8 ; 17.19.20.22) ; – la « colère », la « rage », la « fureur » de Dieu (1bis.2.3.8 ; 21.22) ; « au jour de sa/ta colère » revient aux extrémités (1.21.22) ; – les « ennemi(s) » sont présents dans toutes les parties, sauf une (3.4.5.7 ; 16.17.22) ; – les expressions « fille de Sion/Juda/Jérusalem » reviennent dans toutes les parties, sauf la dernière (1.2.4.5.8 ; 15.18) ; – « ne pas avoir pitié » (2 ; 17.21) ; – « la corne » à la fin des parties initiales (3.17) ; – « alentour » à la fin des parties extrêmes (3.22) ; – « œil » au début des parties centrales (4.18). Alors que le premier passage est tout entier à la troisième personne, parlant de Jérusalem, le dernier passage est à la deuxième personne du singulier et s’adresse à Jérusalem dans les deux premières parties et à Dieu dans la dernière.

Séquence A2 : Lm 2,1-22 Lm 21-8 2,1

69 Lm 2,15-22

15

’ Comment Adonaï a-t-il enténébré en sa colère LA FILLE DE SION, précipité du ciel sur la terre la splendeur d’Israël et ne s’est pas souvenu de l’escabeau de ses pieds au jour de sa colère ? b 2 Adonaï a englouti et N’A PAS EU PITIÉ toutes les demeures de Jacob ; il a renversé en sa rage les forteresses de LA FILLE DE JUDA, il a jeté à terre, il a maudit le royaume et ses princes. g 3 Il a brisé dans l’ardeur de sa colère toute la corne d’Israël ; il a retiré en arrière sa droite devant L’ENNEMI et il a allumé en Jacob comme un feu flamboyant qui dévore alentour.

s Ils battent sur toi des mains tous les passants sur le chemin, ils sifflotent et hochent leur tête sur LA FILLE DE JÉRUSALEM : « Est-ce là la ville qu’on appelait la Belle, joie de toute la terre ? » p 16 Ils ouvrent sur toi leur bouche tous tes ENNEMIS, ils sifflotent et grincent des dents ; ils disent : « Nous avons englouti ! Voilà donc le Jour que nous espérions, nous le touchons, nous le voyons ! » ‘ 17 Yhwh a fait ce qu’il avait résolu, il a exécuté sa parole, ce qu’il avait ordonné depuis les jours d’autrefois : il a renversé et N’A PAS EU PITIÉ et il a réjoui sur toi L’ENNEMI, il a exalté la corne de tes oppresseurs.

d 4 Il a bandé son arc comme un ENNEMI, est assurée sa droite, il est comme un oppresseur et IL A TUÉ tous ceux qui charmaient l’œil ; sur la tente de LA FILLE DE SION il a déversé comme un feu sa fureur. h 5 Adonaï a été comme un ENNEMI, il a englouti Israël, il a englouti tous ses palais, il a abattu ses forteresses et il a multiplié pour LA FILLE DE JUDA gémissements et gémissements.

Leur cœur crie vers Adonaï : « Rempart de LA fais-couler comme un torrent tes larmes jour et nuit, ne donne pas de relâche à toi, ne se repose pas la fille de ton œil. q 19 Dresse-toi, clame dans la nuit en tête des veilles ; répands comme de l’eau ton cœur devant la face de Yhwh, élève vers lui tes mains pour la vie de tes bambins défaillant de faim en tête de toutes les rues. »

w 6 Et il a démoli comme le jardin sa hutte, il a abattu son assemblée ; il a fait oublier Yhwh dans Sion assemblée et sabbat et il a rejeté dans l’indignation de sa colère roi et prêtre. z 7 Adonaï s’est dégoûté de son autel, il a eu en horreur son SANCTUAIRE, il a livré à la main de L’ENNEMI les remparts de ses palais ; clameurs ils ont donné dans la maison de Yhwh comme en un jour d’assemblée. ḥ 8 Yhwh a médité d’abattre le rempart de LA FILLE DE SION ; il a étendu le cordeau, n’a pas retiré sa main de l’engloutissement et a endeuillé avantmur et rempart : ensemble ils se désolent.



18

FILLE DE SION,

r 20 « Vois, Yhwh, et regarde : qui as-tu traité ainsi ? Fallait-il que des femmes mangent leurs fruits, les bambins qu’elles berçaient ? Fallait-il que soient tués au SANCTUAIRE d’Adonaï prêtre et prophète ? š 21 Gisent par terre dans les rues enfant et ancien, mes vierges et mes jeunes gens sont tombés sous l’épée ; TU AS TUÉ au jour de ta colère, tu as immolé, TU N’AS PAS EU PITIÉ. t 22 Tu as appelé comme pour un jour de fête mes terreurs d’alentour ; et il n’y a pas eu au jour de la colère de Yhwh rescapé ni survivant. Ceux que j’avais bercés et élevés, mon ENNEMI les a achevés. »

LES RAPPORTS ENTRE LES DEUX FOYERS Lm 2,9 9

ṭ Se sont enfoncées sous terre ses portes, il a cassé et a brisé ses barres ; son roi et ses princes sont chez les nations, il n’y a plus de Loi, aussi SES PROPHÈTES ne trouvent plus de VISION (venant) de Yhwh.

Lm 2,14 14

n TES PROPHÈTES ont des VISIONS pour toi de fausseté et de sottise et point ils n’ont révélé ta faute pour faire-revenir ton sort et ils ont des VISIONS pour toi d’oracles de fausseté et d’illusions.

Il est question de « prophètes » et de « visions » dans les deux parties. Cependant, tandis que les visions ont cessé dans la première, dans l’autre ce sont des visions « de fausseté ». Dans le premier foyer, c’est la mort du peuple et de toutes ses institutions, dans l’autre c’est pire encore, puisque, par leurs visions les faux prophètes empêchent le peuple de revenir à la vie.

70

La première section (Lm 1–2)

L’ENSEMBLE DE LA SÉQUENCE Dans tout le premier versant (1-10), quelqu’un parle d’une troisième personne dont le référent est Dieu dans les deux premiers passages et les victimes du malheur qu’il a déclenché dans la première sous-partie du passage central (10). Dans tout le deuxième versant de la séquence (13-22), une première personne du singulier, un « je » (13) s’adresse à une deuxième personne du singulier, d’abord la « fille de Jérusalem » (13-19), et, dans la dernière partie du dernier passage, à « Yhwh » (20-22). Cette première personne est, à n’en pas douter, la même que celle qui parlait dans le premier versant. Il est évident que ce personnage ne peut être assimilé à la Ville de Jérusalem, puisqu’il s’adresse à elle : « Que te déclarerai-je, à quoi te comparerai-je, fille de Jérusalem ? (13). Au cœur de la dernière partie (18-19), il invite Sion à pleurer et à prier le Seigneur. Quant à la prière finale, on peut penser qu’elle est prononcée à la fois par le locuteur et par tout son peuple.

INTERPRÉTATION UN CHAMP DE RUINES Un individu dont on ignore le nom parcourt les rues de la fille de Sion, arpente les demeures de Juda : ce n’est plus qu’un immense champ de ruines. Le royaume est dévasté, détruit, son roi et ses princes ont été emmenés en exil chez les païens. Il ne reste rien du sanctuaire, que ses prêtres ont déserté. Les portes de la ville sont brisées, à terre, Israël tout entier est englouti. Même les prophètes ne trouvent plus de vision. C’est là l’œuvre de son Dieu dont la fureur s’est abattue sur son peuple. Pas une parole ne se fait entendre : les anciens se tiennent en silence sous le sac et la poussière, les vierges se taisent, le visage penché vers la terre. Le spectateur de ce désastre reste muet lui aussi, se demandant en son cœur comment le Seigneur a bien pu déchainer une telle colère (1). UNE DISPARITION INÉLUCTABLE Israël est condamné à disparaitre définitivement. Sa force militaire anéantie, « sous terre » avec ses portes et leurs barres, son roi et ses princes déchus et exilés chez les nations, la loi désormais sans objet, les prophètes privés des visions divines, c’est la mort de la nation toute entière (9). Si encore se levait quelque prophète pour dénoncer les fautes qui ont mérité à Israël un si radical engloutissement, il serait possible d’espérer que le Seigneur, pris de pitié, retournerait le sort de son peuple. Hélas, il n’en est rien : les prophètes attitrés n’ont que des visions de fausseté, de sottise et d’illusions et ils se gardent bien d’appeler Israël à la conversion. Tout espoir semble désormais perdu à jamais.

Séquence A2 : Lm 2,1-22

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’ 2,1 Comment Adonaï a-t-il enténébré en sa colère la fille de Sion, précipité du ciel sur la terre la splendeur d’Israël et ne s’est pas souvenu de l’escabeau de ses pieds au jour de sa colère ? b 2 Adonaï a englouti et il n’a pas eu pitié toutes les demeures de Jacob ; il a renversé en sa rage les forteresses de la fille de Juda, il a jeté à terre, il a maudit le royaume et ses princes. g 3 Il a brisé dans l’ardeur de sa colère toute la corne d’Israël ; il a retiré en arrière sa droite devant l’ennemi et il a allumé en Jacob comme un feu flamboyant qui dévore alentour. d 4 Il a bandé son arc comme un ennemi, est assurée sa droite, il est comme un oppresseur et il a tué tous ceux qui charmaient l’œil ; sur la tente de la fille de Sion il a déversé comme un feu sa fureur. h 5 Adonaï a été comme un ennemi, il a englouti Israël, il a englouti tous ses palais, il a abattu ses forteresses et il a multiplié pour la fille de Juda gémissements et gémissements. w 6 Et il a démoli comme le jardin sa hutte, il a abattu son assemblée ; il a fait oublier Yhwh dans Sion assemblée et sabbat et il a rejeté dans l’indignation de sa colère roi et prêtre. z 7 Adonaï s’est dégoûté de son autel, il a eu en horreur son sanctuaire, il a livré à la main de l’ennemi les remparts de ses palais ; clameurs ils ont donné dans la maison de Yhwh comme en un jour d’assemblée. ḥ 8 Yhwh a médité d’abattre le rempart de la fille de Sion ; il a étendu le cordeau, il n’a pas retiré sa main de l’engloutissement et il a endeuillé avant-mur et rempart : ensemble ils se désolent. ṭ 9 Se sont enfoncées sous terre ses portes, il a cassé et il a brisé ses barres ; son roi et ses princes sont chez les nations, il n’y a plus de Loi, aussi ses prophètes ne trouvent plus de vision venant de Yhwh. y 10 Ils sont assis à terre, ils sont en silence, les anciens de la fille de Sion, ils ont mis de la poussière sur leur tête, ils ont revêtu des sacs ; elles penchent vers la terre leur tête les vierges de Jérusalem. k 11 Sont achevés de larmes mes yeux, frémissent mes entrailles, s’épand à terre mon foie pour le brisement de la fille de mon peuple, tandis que défaillent enfants et nourrissons sur les places de la Cité. l 12 À leurs mères ils disent : « Où y a-t-il du pain et du vin ? », tandis qu’ils défaillent comme des blessés sur les places de la Ville et qu’ils exhalent leur âme sur le sein de leurs mères. m 13 Que te déclarerai-je, à quoi te comparerai-je, fille de Jérusalem ? À quoi t’assimilerai-je et te consolerai-je, vierge, fille de Sion ? Car il est grand comme la mer, ton brisement : qui te guérira ? n 14 Tes prophètes ont des visions pour toi de fausseté et de sottise et point ils n’ont révélé ta faute pour faire revenir ton sort et ils ont des visions pour toi d’oracles de fausseté et d’illusions. s 15 Ils battent sur toi des mains tous les passants sur le chemin, ils sifflotent et hochent leur tête sur la fille de Jérusalem : « Est-ce là la ville qu’on appelait la Belle, joie de toute la terre ? » p 16 Ils ouvrent sur toi leur bouche tous tes ennemis, ils sifflotent et grincent des dents ; ils disent : « Nous avons englouti ! Voilà donc le Jour que nous espérions, nous le touchons, nous le voyons ! » ‘ 17 Yhwh a fait ce qu’il avait résolu, il a exécuté sa parole, ce qu’il avait ordonné depuis les jours d’autrefois : il a renversé et n’a pas eu pitié et il a réjoui sur toi l’ennemi, il a exalté la corne de tes oppresseurs. ṣ 18 Leur cœur crie vers Adonaï : « Rempart de la fille de Sion, fais-couler comme un torrent tes larmes jour et nuit, ne te donne pas de relâche, ne se repose pas la fille de ton œil. q 19 Dresse-toi, clame dans la nuit en tête des veilles ; répands comme de l’eau ton cœur devant la face de Yhwh, élève vers lui tes mains pour la vie de tes bambins défaillant de faim en tête de toutes les rues. » r 20 « Vois, Yhwh, et regarde : qui as-tu traité ainsi ? Fallait-il que des femmes mangent leurs fruits, les bambins qu’elles berçaient ? Fallait-il que soient tués au sanctuaire d’Adonaï prêtre et prophète ? š 21 Gisent par terre dans les rues enfant et ancien, mes vierges et mes jeunes gens sont tombés sous l’épée ; tu as tué au jour de ta colère, tu as immolé, tu n’as pas eu pitié. t 22 Tu as appelé comme pour un jour de fête mes terreurs d’alentour ; et il n’y a pas eu au jour de la colère de Yhwh rescapé ni survivant. Ceux que j’avais bercés et élevés, mon ennemi les a achevés. »

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La première section (Lm 1–2)

LA PLAINTE DES NOURRISSONS Au centre de la séquence, cependant, se fait entendre une voix, celle des enfants qui demandent à leurs mères : « Où y a-t-il du pain et du vin ? » Non seulement du pain pour calmer la faim, mais aussi du vin « qui réjouit le cœur de l’homme » (Ps 104,15). Le cri des petits enfants a pour effet de redonner la parole à celui qui l’avait perdue. Comme ceux d’une mère, « ses entrailles frémissent » et il ne peut plus s’empêcher de le dire à haute voix : « Sont achevés de larmes mes yeux, frémissent mes entrailles, s’épand à terre mon foie pour le brisement de la fille de mon peuple, tandis que défaillent enfants et nourrissons sur les places de la Cité » (11). LA LAMENTATION SUR LA VIERGE, FILLE DE SION Ayant retrouvé la parole, celui qui auparavant ruminait seul sa douleur s’adresse désormais à la fille de Sion. Il se lamente sur elle comme on fait sur un mort (13-17) : on lui parle, on entend le consoler, même si l’on sait bien qu’il ne peut plus entendre. Il faut aussi que la fille de Jérusalem sache que le malheur qui s’est abattu sur Israël avait été décrété par Dieu « depuis les jours d’autrefois » (17). L’INVITATION À LA SUPPLICATION Et pourtant, la lamentation cède bientôt la place à un appel à la supplication (18-19). La parole est contagieuse, elle ne saurait renoncer à se transmettre. Le « rempart de la fille de Sion », même s’il est abattu, parce qu’il est abattu, doit « se dresser » et tendre les mains vers celui qui peut le sauver, qui saura le rebâtir. C’est qu’il en va de « la vie de ses bambins », sur laquelle repose l’avenir d’Israël. Et la séquence s’achève sur une longue plainte adressée à « Yhwh », une plainte qui ne demande rien, sinon que le Seigneur veuille bien « voir » et « regarder », comme il avait vu autrefois les fils d’Israël au pays d’Égypte, la maison des esclaves. QUI EST CELUI QUI PARLE ? Il est bien difficile de ne pas se poser la question de savoir qui est ce « je » qui survient au centre de la séquence, ce personnage qui avait pris la parole depuis le début et qui la gardera jusqu’à la fin, dans la prière qu’il semble adresser au Seigneur au nom de tout son peuple et même en sa compagnie. Qui peut s’adresser au peuple de Yhwh de cette manière emphatique, émotionnelle et possessive ? Le liturgiste ou orateur ? Yhwh lui-même ? Yhwh à travers son porteparole (prophétique ?), le chef du culte de l’assemblée ? Qui peut appeler Israël « mon

Séquence A2 : Lm 2,1-22

73

peuple » (v.11cd) ? Qui peut parler avec autant d’autorité de « vos prophètes », « vos ennemis » (vv.14a, 16a) ?22

L’auteur de cette rafale de questions note que les paroles de ce personnage rappellent certains passages de Jérémie (Jr 19-22 ; 6,11-12). Il est sans doute encore trop tôt pour aventurer une réponse.

22

Gerstenberger, 487.

III. La colère du Seigneur L’ensemble de la première section : Lm 1–2 COMPOSITION Les deux premières lamentations ont beaucoup de points communs et forment donc une section. A1 : COMMENT SION

POUR SES CRIMES

EST-ELLE EXILÉE

CHEZ LES NATIONS ?

1,1-22

A2 : COMMENT ADONAÏ

DANS SA COLÈRE

A-T-IL ENTÉNÉBRÉ

LA FILLE DE SION ?

2,1-22

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La première section (Lm 1–2)

LES RAPPORTS ENTRE LES PREMIERS VERSANTS (1,1-9 ; 2,1-9) ’ 1,1 COMMENT est-elle assise à l’écart, la Ville nombreuse de peuple ? Elle est devenue comme une veuve ; nombreuse CHEZ LES NATIONS, princesse chez les provinces, elle est devenue à la corvée. b 2 Pour pleurer elle pleure durant la nuit et sa larme sur sa joue. Il n’y a pas pour elle de consolateur parmi tous ses amants ; tous ses amis l’ont trahie, ils sont devenus pour elle des ennemis. g 3 Juda est exilée sous la misère et sous une nombreuse servitude. Elle, elle est assise CHEZ LES NATIONS, elle ne trouve pas de repos ; tous ses poursuivants l’atteignent parmi les angoisses. d 4 Les chemins de Sion sont en deuil sans personne venant à ses assemblées, toutes ses portes sont désertes ; SES PRÊTRES gémissent, ses vierges se désolent et elle, c’est amer pour elle. h 5 Ses oppresseurs sont devenus en tête, ses ennemis sont heureux, car Yhwh l’a affligée POUR SES NOMBREUX CRIMES ; ses bambins sont partis en captivité devant l’oppresseur. w 6 Et de LA FILLE DE SION est sortie toute sa splendeur ; SES PRINCES sont devenus comme des cerfs qui ne trouvent point de pâture et ils sont partis avec point de force devant le poursuivant. z 7 Jérusalem se souvient, aux jours de misère et de sa détresse, de tous ses trésors qui étaient devenus depuis les jours d’antan, quand son peuple tombait par la main de l’oppresseur et il n’y a pas d’aide pour elle. La voyaient des oppresseurs, ils riaient de sa ruine. ḥ 8 POUR PÉCHER ELLE A PÉCHÉ Jérusalem, c’est pourquoi elle est devenue impureté. Tous ses honorant la méprisent car ils ont vu sa nudité ; aussi elle, elle gémit et revient en arrière. ṭ 9 Sa souillure sur sa robe, elle ne se souvient pas de sa fin et elle est tombée prodigieusement ; il n’y pas de consolateur pour elle. « Vois, Yhwh, ma misère car l’ennemi a grandi. »

[...] ’ 2,1 COMMENT Adonaï a-t-il enténébré EN SA COLÈRE LA FILLE DE SION, précipité du ciel sur la terre la splendeur d’Israël et ne s’est pas souvenu de l’escabeau de ses pieds AU JOUR DE SA COLÈRE ? b 2 Adonaï a englouti et il n’a pas eu pitié toutes les demeures de Jacob ; il a renversé en sa rage les forteresses de la fille de Juda, il a jeté à terre, il a maudit le royaume et SES PRINCES. g 3 Il a brisé DANS L’ARDEUR DE SA COLÈRE toute la corne d’Israël ; il a retiré en arrière sa droite devant l’ennemi et il a allumé en Jacob comme un feu flamboyant qui dévore alentour. d 4 Il a bandé son arc comme un ennemi, est assurée sa droite, il est comme un oppresseur et il a tué tous ceux qui charmaient l’œil ; sur la tente de LA FILLE DE SION il a déversé comme un feu SA FUREUR. h 5 Adonaï a été comme un ennemi, il a englouti Israël, il a englouti tous ses palais, il a abattu ses forteresses et il a multiplié pour la fille de Juda gémissements et gémissements. w 6 Et il a démoli comme le jardin sa hutte, il a abattu son assemblée ; Yhwh a fait oublier dans Sion assemblée et sabbat et il a rejeté DANS L’INDIGNATION DE SA COLÈRE roi et PRÊTRE. z 7 Adonaï s’est dégoûté de son autel, il a eu en horreur son sanctuaire, il a livré à la main de l’ennemi les remparts de ses palais ; clameurs ils ont donné dans la maison de Yhwh comme en un jour d’assemblée. ḥ 8 Yhwh a médité d’abattre le rempart de LA FILLE DE SION ; il a étendu le cordeau, il n’a pas retiré sa main de l’engloutissement et il a endeuillé avant-mur et rempart : ensemble ils se désolent. ṭ 9 Se sont enfoncées sous terre ses portes, il a cassé et il a brisé ses barres ; son roi et SES PRINCES sont CHEZ LES NATIONS, il n’y a plus de Loi, aussi ses prophètes ne trouvent plus de vision venant de Yhwh.

– Les deux occurrences de « Comment » (1,1 ; 2,1) jouent le rôle de termes initiaux ;

L’ensemble de la section

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– dans la première séquence, le désastre est présenté du point de vue de « la Ville » (1,1), « Juda » (3), « Sion » (4), « Jérusalem » (7.8), qui sont les sujets des verbes ; dans la deuxième séquence, de manière complémentaire, le malheur est rapporté du point de vue d’« Adonaï » (2,1.2.5.7) – « Yhwh » (6.8) qui est les sujets des verbes ; – dans la première séquence, le désastre est dû aux « crimes » et aux « péchés » de Jérusalem (1,5.8) ; dans la deuxième, le châtiment est causé par « la colère » et « la fureur » de Dieu (2,1bis.3.4.6) ; – la victime est « la fille de Sion » (1,6 ; 2,1.4.8) ; – elle était nombreuse « chez les nations » (1,1) où elle se trouve désormais exilée (1,3 ; 2,9) ; – ce sont les « princes » de Juda qui sont atteints (1,6 ; 2,2.9) ainsi que « ses prêtres » (1,4 ; 2,6) ; – cela est dû à « l’ennemi » (1,2.5.9 ; 2,3.4.5.7). LES RAPPORTS ENTRE LES PASSAGES CENTRAUX (1,10-13 ; 2,10-13) y 1,10 « L’oppresseur a tendu sa main sur tous ses trésors ; oui, elle a vu des nations qui sont venues dans son sanctuaire, auxquelles q tu avais ordonné de ne ppas venir dans son assemblée. k 11 . Vois, Yhwh, et regarde que je suis devenue méprisée. » 12

« Pas à vous, tous les passants du chemin ! Regardez et voyez s’il est une douleur comme ma douleur laquelle me tourmente, de laquelle m’a affligée Yhwh au jour de sa brûlante colère. m 13 D’en haut il a envoyé un feu, dans mes os il l’a fait descendre, il a tendu un filet à mes pieds, il m’a fait revenir en arrière ; il m’a donnée désolée, tout le jour malade. » l

[...] y 2,10 Ils sont assis à terre, ils sont en silence, les anciens de la fille de Sion, ils ont mis de la poussière sur leur tête, ils ont revêtu des sacs ; elles penchent vers la terre leur tête les vierges de Jérusalem. k 11 Sont achevés de larmes mes yyeux, frémissent mes entrailles, s’épand p à terre mon foie ppour le brisement de la fille de mon ppeuple, p l 12 m 13 « Que te déclarerai-je, à quoi te comparerai-je, fille de Jérusalem ? À quoi t’assimilerai-je et te consolerai-je, vierge, fille de Sion ? Car il est grand comme la mer, ton brisement : qui te guérira ? »

– La faim tenaille « tout son peuple » (1,11) et spécialement « enfants et nourrissons » (2,11-12) ; « leur âme » (« leurs vies ») revient en 1,11 et 2,12 ; – pour la première fois dans chaque séquence, intervient la première personne du singulier (1,12-13 ; 2,11) ; – la fin des passages est adressée à « tous les passants du chemin » (1,12), à la « fille de Jérusalem » (2,13) ; – en finale « qui te guérira » (2,13) correspond à « tout le jour malade » (1,13).

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La première section (Lm 1–2)

LES RAPPORTS ENTRE LES SECONDS VERSANTS (1,14-22 ; 2,14-22) n 1,14 Est lié LE JOUG DE MES CRIMES : dans sa main ils s’entrelacent, ils sont montés sur mon cou, il fait fléchir ma force ; il m’a donnée Adonaï à de telles mains que je ne puis plus me relever. s 15 Adonaï a rejeté tous mes braves au milieu de moi, il a appelé contre moi une assemblée pour anéantir mes jeunes gens ; au pressoir Adonaï a foulé la vierge, fille de Juda. p 16 C’est pourquoi moi je pleure ; mon œil, mon œil fond en eaux, car est loin de moi un consolateur qui ferait revenir mon souffle ; mes fils sont devenus désolés, car l’ennemi l’a emporté. 17

Sion tend les mains, il n’y a pas de consolateur pour elle, Yhwh a ordonné contre Jacob ses oppresseurs autour de lui ; Jérusalem est devenue impureté parmi eux. ṣ 18 Il est juste, lui, Yhwh, car CONTRE SA BOUCHE JE ME SUIS REBELLÉE. Entendez donc, tous les peuples, et voyez ma douleur, mes vierges et mes jeunes gens sont ppartis en captivité. p q 19 J’ai appelé pp mes amants, mais eux ils m’ont trahie ; . ‘

r 20 « VOIS, YHWH, que l’oppression est à moi, mes entrailles frémissent, mon cœur se retourne en moi, car POUR ME REBELLER JE ME SUIS REBELLÉE. Au-dehors l’épée PRIVE-D’ENFANTS, dans la maison c’est comme la mort. Š 21 Ils ont entendu que je gémis, moi, il n’est point de consolateur, tous mes ennemis ont entendu mon mal, ils se réjouissent de ce que tu as fait ; fais venir le jour que tu avais proclamé et ils deviendront comme moi. t 22 Que vienne tout leur mal devant ta face et traite-les comme tu m’as traitée POUR TOUS MES CRIMES, car nombreux sont mes gémissements et mon cœur est malade. »

[...] n 2,14 Tes prophètes ont des visions pour toi de fausseté et de sottise et point ils n’ont révélé ta FAUTE pour faire revenir ton sort et ils ont des visions pour toi d’oracles de fausseté et d’illusions. s 15 Ils battent sur toi des mains tous les passants sur le chemin, ils sifflotent et hochent leur tête sur la fille de Jérusalem : « Est-ce là la ville qu’on appelait la Belle, joie de toute la terre ? » p 16 Ils ouvrent sur toi leur bouche tous tes ennemis, ils sifflotent et grincent des dents ; ils disent : « Nous avons englouti ! Voilà donc le Jour que nous espérions, nous le touchons, nous le voyons ! » ‘ 17 Yhwh a fait ce qu’il avait résolu, il a exécuté sa parole, ce qu’il avait ordonné depuis les jours d’autrefois : il a renversé et n’a pas eu pitié et il a réjoui sur toi l’ennemi, il a exalté la corne de tes oppresseurs. ṣ 18 Leur cœur crie vers Adonaï. « Rempart de la fille de Sion, fais-couler comme un torrent tes larmes jour et nuit, ne te donne pas de relâche, ne se repose pas la fille de ton œil. q 19 Dresse-toi, clame dans la nuit en tête des veilles ; répands p comme de l’eau ton cœur devant la face de Yhwh, .» r 20 « VOIS, YHWH, ET REGARDE : qui as-tu traité ainsi ? Fallait-il que des femmes mangent LEURS FRUITS, LES BAMBINS qu’elles berçaient ? Fallait-il que soient tués au sanctuaire d’Adonaï prêtre et prophète ? š 21 Gisent par terre dans les rues ENFANT et ancien, mes vierges et mes jeunes gens sont tombés sous l’épée ; tu as tué AU JOUR DE TA COLÈRE, tu as immolé, tu n’as pas eu pitié. t 22 Tu as appelé comme pour un jour de fête mes terreurs d’alentour ; et il n’y a pas eu AU JOUR DE LA COLÈRE DE YHWH rescapé ni survivant. Ceux que j’avais bercés et élevés, mon ennemi les a achevés. »

L’ensemble de la section

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– De nouveau, aux « crimes » et rébellions de Jérusalem, dans la première séquence (1,14.18.20.22), correspondent dans la deuxième séquence « la colère » de Dieu (2,21-22), mais « la faute » de Jérusalem est mentionnée en 2,14 ; – la faim touche « prêtres et anciens » (1,19) et « les bambins » (2,19) ; – « les jeunes gens » sont anéantis ou exilés (1,15.18) ou sont tués (2,21), et de même les « enfants » sont victimes de « l’épée » (1,20 ; 2,20-21) ; – le suppliant pleure (1,16) avec la fille de Sion (2,18) ; – ce sont « l’ennemi », les « oppresseurs » qui sont la cause de tous ces malheurs (1,16.17.20.21 ; 2,16.17.22) ; – les deux séquences s’achèvent par une prière : celles-ci remplissent la fonction de termes finaux ; elles commencent avec « Vois, Yhwh » (1,20 ; 2,20) ; « Vois, Yhwh, et regarde » (2,20) se trouvait déjà au centre de la première séquence (1,11). Il est cependant une différence notable entre les deux : dans le deuxième versant de la première séquence, c’est la ville de Jérusalem qui parle d’ellemême à la première personne du singulier, tandis que dans le second versant de la deuxième séquence, c’est quelqu’un, non identifié, qui s’adresse à elle en utilisant la deuxième personne du singulier. Il faudra attendre encore pour tenter de savoir de qui il s’agit : ce sera seulement au niveau supérieur, celui de l’ensemble du livre, que l’énigme pourra être résolue. Du moins peut-on l’espérer.

INTERPRÉTATION DU MALHEUR DE JUDA À LA FOI EN DIEU Le contraste est frappant entre les premiers versants des deux séquences. Il est possible de l’interpréter de manière très simple : chronologiquement et donc logiquement, la colère succède au crime. Toutefois, il est permis de comprendre que celui qui est frappé par le malheur ne pense pas à autre chose qu’à ses multiples manifestations : la trahison de ses amis (1,2), son exil « chez les nations » (3), la persécution de ses ennemis qui se réjouissent (5.7), le délaissement du culte (4), l’avilissement de ses princes (6), le vol de ses trésors sacrés (7), l’impureté et le mépris dans lesquels elle est tombée (8-9). Certes, Jérusalem reconnait ses crimes, qu’elle a gravement péché et qu’elle a mérité que Yhwh l’afflige (5.8) ; toutefois, elle semble avant tout écrasée par tout ce qui vient de lui arriver. Puis, au début de la deuxième séquence, un autre personnage se tourne vers son Seigneur pour relire ses malheurs pour ainsi dire de son point de vue. Par « la main de l’ennemi » (2,7), c’est en réalité Yhwh qui a châtié la fille de Juda, détruit son sanctuaire (6-7), renversé ses forteresses et ses remparts (2.5.8), exilé son roi et ses princes « chez les nations » (9). C’est là une vision de foi qui fait percevoir, audelà des apparences, qui est celui qui gouverne le monde et qui appelle à la conversion.

80

La première section (Lm 1–2)

LE SUPPLIANT Durant tout le premier versant de chaque séquence, le discours était, pour ainsi dire, impersonnel, comme si la personne qui le tenait s’effaçait derrière les mots qu’il prononçait. Mais voilà qu’au centre, elle parle à la première personne du singulier. Jérusalem éprouve le besoin de dire à « tous les passants du chemin » combien sa « douleur » est grande, mais surtout qu’elle lui a été infligée par Yhwh (1,12-13) ; ses « os » comme ses « pieds » sont frappés, elle est « tout le jour malade » (12). Au cœur de la deuxième séquence, celui qui a pris la parole insiste pour redire comment tout son corps est atteint, « yeux », « entrailles » et « foie » (2,11). C’est donc un être concret, en chair et en os, qui s’exprime. Ce ne peut être ni le roi, ni un de ses princes, puisqu’ils ont été emmenés en exil. C’est celui qui a composé ces lamentations, ce sont aussi tous ceux qui, personnellement, revêtiront la première personne pour dire à la fois leur propre souffrance et celle de tous. Cette douleur est celle de ceux qui souffrent la faim (1,11), et avant tout les « enfants et nourrissons » ainsi que leurs mères qui voient mourir leurs petits sur leurs seins desséchés (2,11-12). Ce suppliant représente la « fille de Jérusalem » à laquelle il s’adresse en finissant (2,13). « QUI TE GUÉRIRA ? » C’est sur cette question que s’achève le passage central de la deuxième séquence (2,13) ; en position symétrique, à la fin du passage central de la première séquence, le suppliant avait dit être « tout le jour malade » (1,13). Sion s’adresse à « tous les peuples », les suppliant de l’entendre et de voir sa douleur (1,18), mais elle reconnait aussitôt que ses amants l’ont trahie (19). Il n’est pas de consolateur qui ferait revenir sa vie (16). Certes, « ils ont entendu », mais « ils se réjouissent » de ce que Dieu a fait à son peuple (21). On ne peut même pas compter sur ses prophètes « pour faire revenir son sort », car ils n’ont que des visions de fausseté (2,14). En définitive, le seul qui soit capable de l’entendre, de le guérir, de lui redonner la vie, c’est « Yhwh ». Et c’est pourquoi les deux séquences s’achèvent avec une supplication qui lui est adressée : « Vois, Yhwh ! », « Vois, Yhwh, et regarde » (1,20-22 ; 2,20-22).

« LE SEIGNEUR NE REJETTE PAS POUR TOUJOURS » La deuxième section Lm 3

82

La deuxième section (Lm 3)

La deuxième section du livre des Lamentations ne comprend qu’une seule séquence.

« Le Seigneur ne rejette pas pour toujours » Lm 3 La troisième lamentation est de la taille d’une séquence formée de trois sousséquences ; les sous-séquences extrêmes comprennent deux passages, la sousséquence centrale un seul, plus court que les autres.

A. « J’ai dit : “Mon existence a péri et mon attente de Yhwh” » La première sous-séquence : 3,1-30 1. « CONTRE MOI IL TOURNE ET RETOURNE SA MAIN TOUT LE JOUR » Le premier passage : 3,1-15 TEXTE ’ 3,1 Moi, je suis l’homme qui a vu la misère sous la verge de sa fureur. ’ 2 C’est moi qu’il a conduit et fait-aller, ténèbre et pas de lumière. ’ 3 Oui, contre moi il tourne, il retourne sa main tout le jour. b 4 Il a consumé ma chair et ma peau, il a rompu mes os. b 5 Il a bâti contre moi et m’a enveloppé de poison et de tourment. b 6 Dans les ténèbres il m’a fait-asseoir comme les morts de toujours. g 7 Il a muré derrière moi et je ne puis-sortir, il a alourdi mes chaînes. g 8 Quand même je crie et j’appelle, il a fermé ma prière. g 9 Il a muré mes chemins avec des pierres-de-taille, mes sentiers il a brouillé. d 10 Un ours aux aguets il a été pour moi, un lion à l’affût. d 11 Mes chemins faisant dévier et il m’a déchiré, il m’a mis une horreur. d 12 Il a bandé son arc et m’a placé comme une cible pour ses flèches. h 13 Il a planté en mes reins les fils de son carquois. h 14 Je suis devenu la risée de tout mon peuple, leur chanson tout le jour. h 15 Il m’a saturé d’amertume, il m’a enivré d’absinthe. V. 5

: « DE POISON »

Le terme rō’š peut signifier « tête » ou « poison ». Coordonné à « tourment », il désigne le poison. En 19, il est coordonné à « absinthe ». V. 11

: « IL M’A DÉCHIRÉ »

Ce verbe est un hapax. Son sens est dérivé de l’araméen.

84

La deuxième section (Lm 3)

V. 14

: « MON PEUPLE »

Plusieurs manuscrits ainsi que la Syriaque ont « les peuples », ce qui parait plus naturel. Le texte massorétique et les autres versions ont « mon peuple », ce qui est évidemment plus terrible. COMPOSITION ’ 3,1 Moi, sous la verge ’ ’

2

C’est moi

(je suis) l’homme de sa fureur.

qui a vu

QU’IL A CONDUIT

ET FAIT-ALLER

TÉNÈBRE

et pas de lumière.

3

IL TOURNE,

Oui, contre moi sa main

la misère

IL RETOURNE

TOUT LE JOUR.

·················································································································

b

4

IL A CONSUMÉ IL A ROMPU

ma chair mes os.

et ma peau,

b

5

IL A BÂTI de poison

contre moi et de tourment.

ET M’A ENVELOPPÉ

b

6 DANS LES TÉNÈBRES comme les morts

IL M’A FAIT ASSEOIR

g

7

IL A MURÉ IL A ALOURDI

derrière moi mes chaînes.

et je ne puis-sortir,

g

8

je crie ma prière.

et j’appelle,

MES CHEMINS

avec des pierres-de-taille,

Quand même

IL A FERMÉ

g

9

IL A MURÉ mes sentiers

10

d

Un ours un lion

d

11

d

de toujours.

IL A BROUILLÉ.

aux aguets à l’affût.

il a été

MES CHEMINS IL M’A MIS

FAISANT DÉVIER

ET IL M’A DÉCHIRÉ,

12

son arc pour ses flèches.

IL A BANDÉ comme une cible

pour moi,

une désolation. ET M’A PLACÉ

·················································································································

h

13

IL A PLANTÉ les fils

en mes reins de son carquois.

h

14

Je suis devenu leur chanson

la risée TOUT LE JOUR.

h

15

d’amertume, d’absinthe.

IL M’A SATURÉ

IL M’A ENIVRÉ

de tout

mon peuple,

Séquence B : Lm 3,1-66

85

Dans les deux premiers poèmes, l’alphabétisme marque l’initiale de chaque morceau formé de trois segments ; dans le troisième, c’est chacun des trois segments du morceau qui commence par la même lettre. Dans le premier morceau de la première partie, les deux derniers segments comprennent, en même position, deux verbes coordonnés aux mêmes modalités dont le sujet n’est pas nommé ; l’objet au contraire est celui qui parle, « l’homme » du premier segment. En même position, « sa main » (3b) est celle qui tient « la verge de sa fureur » (1b). Dans le second morceau, c’est le corps qui est frappé (4), puis empoisonné (5), ce qui conduit à la mort (6). D’un morceau à l’autre, « dans les ténèbres » (6) renvoie à « ténèbre » (2) ; on pourra aussi noter que les deux morceaux sont agrafés par les termes médians que sont les parties du corps : « sa main » (3) et « ma chair et ma peau », « mes os » (4). La deuxième partie est délimitée par l’inclusion formée par les deux « il a muré » (7.9). À l’image de la prison dont on ne peut sortir du premier segment correspond celle du dernier segment avec ses « chemins » barrés qui empêchent de marcher. Au centre, la même idée de fermeture, mais appliquée à la prière. Dans le premier morceau de la dernière partie, les segments extrêmes se correspondent : avec « son arc » et « ses flèches », le chasseur (12) ressemble à l’ours et au lion qui s’apprêtent à chasser (10) ; au centre, le résultat, la victime est « déchirée », « une désolation » (11). Dans le second morceau, les extrémités se répondent aussi, avec les armes que sont, d’une part, les flèches, « les fils du carquois » (13), et, d’autre part, « l’amertume » et « l’absinthe » (15) ; au centre, la conséquence, « la risée » du peuple (14). Ainsi les centres se répondent, « désolation » et « risée ». Les deux morceaux sont liés par les termes médians de « l’arc » et des « flèches » (12), « les fils du carquois » (13). Les morceaux extrêmes ont en commun « tout le jour » (3.14) ; dans les seconds morceaux des parties extrêmes, « le poison » (5) annonce « l’absinthe » (15). « Mes chemins » est repris dans les deux dernières parties (9.11). Les seconds morceaux des parties extrêmes commencent avec des parties du corps : « ma chair et ma peau », « mes os » (4) et « mes reins » (13). Les trois parties sont liées essentiellement par la multitude des verbes à la troisième personne du singulier, pour la plupart à l’accompli. Leur sujet n’est pas nommé, mais le lecteur comprend qu’il s’agit de Dieu, celui que le suppliant « appelle » au centre du passage et dont la « prière » est « fermée » par celui auquel elle est adressée (8).

INTERPRÉTATION UN ÉTRANGE ANONYMAT Il se trouve que les verbes d’action, et d’action violente, sont au nombre de vingt-deux, comme la totalité des lettres de l’alphabet hébreu. C’est dire que la misère atteint son comble. Or, curieusement, le sujet de cette avalanche de coups de verge n’est pas nommé. Et l’on ne peut s’empêcher de se demander de qui il peut bien s’agir. Cet archer qui, comme l’ours et le lion, part à la chasse et plante

86

La deuxième section (Lm 3)

ses flèches dans les reins du plaignant, pourrait désigner un ennemi humain, même s’il se conduit comme une bête féroce. Et pourtant, on se doute bien que c’est Dieu qui est derrière tout ce déchainement de violence. « IL A FERMÉ MA PRIÈRE » C’est en plein cœur du passage que l’ambiguïté est levée. « La prière », en effet, ne peut être adressée qu’à Dieu. Le centre de la composition ne lève pas seulement le voile sur l’identité de celui qui frappe jusqu’à la mort ; il représente le sommet du supplice. Certes, les coups qui rompent les os, les flèches qui transpercent les reins, le poison et l’absinthe qu’il faut boire, les ténèbres et les chaines de la prison où l’on est muré, tout cela est terrible. Mais le pire de tout est de voir sa prière barrée, fermée, plus fermée encore que le cachot noir. Est-ce bien Dieu qui en arrive à une telle extrémité ? Si tel est le cas, il n’y aurait plus la moindre place pour quelque espoir que ce soit.

2. « SES MISÉRICORDES SONT NOUVELLES CHAQUE MATIN » Le deuxième passage : 3,16-30 TEXTE w 16 Il a fait broyer du gravier à mes dents, il m’a écrasé dans la cendre ; w 17 et est exclue de la paix mon âme, j’ai oublié le bonheur ; w 18 et j’ai dit : « Mon existence a péri et mon attente (venant) de Yhwh ». z 19 Se souvenir de ma misère et de mon angoisse, (c’est) absinthe et poison. z 20 Souvenir elle se souvient et elle s’effondre en moi mon âme. z 21 Cela je ferai-revenir à mon cœur c‘est pourquoi j’attends. ḥ 22 Les fidélités de Yhwh ne sont pas finies, et ne sont pas achevées ses miséricordes ; ḥ 23 nouvelles les matins, nombreuse ta vérité. ḥ 24 « Ma part, c’est Yhwh, a dit mon âme, c’est pourquoi j’attends lui. » ṭ 25 Il est bon Yhwh pour qui espère en lui, pour l’âme qui le cherche. ṭ 26 Il est bon d’attendre en silence le salut de Yhwh. ṭ 27 Il est bon pour l’homme qu’il porte le joug dès sa jeunesse. y 28 Qu’il s’asseye à l’écart et soit silencieux quand il l’impose sur lui. y 29 Qu’il donne dans la poussière sa bouche : peut-être y a-t-il de l’espoir ? y 30 Qu’il donne à qui le frappe la joue, qu’il se rassasie d’opprobre. V. 17A : «

ET EST EXCLUE »

Le verbe peut être compris comme deuxième personne du singulier, « tu as exclu » (avec Dieu, sous-entendu comme sujet) ou comme troisième personne du singulier (avec « mon âme » comme sujet). La première solution est à exclure car tout le passage est à la troisième personne.

Séquence B : Lm 3,1-66 V. 19A : « SE SOUVENIR

87

»

Le verbe peut être compris comme impératif (avec Dieu comme sujet sousentendu) ou comme infinitif construit. Il semble préférable de considérer le premier membre comme le sujet de la phrase dont le prédicat est le second membre.

COMPOSITION w

16

Il a fait broyer il m’a écrasé

à mes dents,

du gravier DANS LA CENDRE

;

w

17

et est exclue j’ai oublié

de la paix le bonheur ;

MON ÂME,

w

18

« Mon existence (venant) de YHWH ».

a péri

et j’ai dit : et MON ATTENTE

···························································································································

z

19

Se souvenir (c’est) absinthe

de ma misère et poison.

z

20

elle se souvient en moi

MON ÂME.

z

21

je ferai-revenir

à mon cœur

Souvenir et elle s’effondre Cela c‘est pourquoi

J’ATTENDS.



22 Les fidélités et ne sont pas achevées

de YHWH ses miséricordes ;



23

nouvelles nombreuse

les matins, ta vérité.



24

c’est YHWH, J’ATTENDS

« Ma part, c’est pourquoi

et de mon angoisse,

ne sont pas finies,

MON ÂME,

a dit lui. »



25 Il est bon, pour L’ÂME

YHWH, qui le cherche.

pour qui ESPÈRE



26

Il est bon le salut

D’ATTENDRE de YHWH.

en silence



27 Il est bon le joug

pour l’homme dans sa jeunesse.

qu’il porte

en lui,

··························································································································· 28

y

Qu’il s’asseye quand il l’impose

y

29

y

à l’écart sur lui.

et soit silencieux

Qu’il donne peut-être

DANS LA POUSSIÈRE

sa bouche :

y a-t-il

DE L’ESPOIR

30

à qui le frappe d’opprobre.

la joue,

Qu’il donne qu’il se rassasie

?

88 w

La deuxième section (Lm 3) 16

à mes dents,

Il a fait-broyer il m’a écrasé

du gravier

w

17

et est exclue j’ai oublié

de la paix le bonheur ;

MON ÂME,

w

18

« Mon existence (venant) de YHWH ».

a péri

et j’ai dit : et MON ATTENTE

DANS LA CENDRE

;

···························································································································

z

19

Se souvenir (c’est) absinthe

de ma misère et poison.

z

20

elle se souvient en moi

MON ÂME.

z

21

je ferai-revenir

à mon cœur

Souvenir et elle s’effondre Cela c‘est pourquoi

J’ATTENDS.



22

Les fidélités et ne sont pas achevées

de YHWH ses miséricordes ;



23 nouvelles nombreuse

les matins, ta vérité.



24

c’est YHWH, J’ATTENDS

« Ma part, c’est pourquoi

et de mon angoisse,

ne sont pas finies,

MON ÂME,

a dit lui. »



25

Il est bon, pour L’ÂME

YHWH, qui le cherche.

pour qui ESPÈRE



26

Il est bon le salut

D’ATTENDRE de YHWH.

en silence



27

pour l’homme dans sa jeunesse.

qu’il porte

Il est bon le joug

en lui,

··························································································································· 28

y

Qu’il s’asseye quand il l’impose

y

29

y

à l’écart sur lui.

et soit silencieux

Qu’il donne peut-être

DANS LA POUSSIÈRE

sa bouche :

y a-t-il

DE L’ESPOIR

30

à qui le frappe d’opprobre.

la joue,

Qu’il donne qu’il se rassasie

?

Les trois segments du premier morceau de la première partie sont du type ABA’. L’identité du sujet du premier verbe, « il a fait-broyer », est dévoilée à la fin du morceau (18b). Le segment central est le seul où sont mentionnées les choses positives que sont « la paix » et « le bonheur ». Dans le deuxième morceau, les deux premiers segments commencent avec le même verbe, « se souvenir » ; « absinthe et poison » (19b) font « s’effondrer » « l’âme » (20b), c’est-à-dire la vie. Le troisième segment laisse pourtant une porte ouverte, celle de l’attente. D’un morceau à l’autre, « mon âme » revient dans les seconds segments, en fin de membres ; en termes finaux, l’attente (18b.21b).

Séquence B : Lm 3,1-66

89

La deuxième partie est encadrée par les deux occurrences de « Yhwh » (22a.24a). Les segments extrêmes sont complémentaires : le premier dit les actions de Dieu, le dernier celle du suppliant. Au centre, le bimembre le plus court de tout le passage ; « nouvelles » renvoie à « fidélités » et « miséricordes » du segment précédent, le second membre étant caractérisé par le passage à la deuxième personne : « ta vérité », la seule de tout le passage. Dans le premier morceau de la troisième partie, chaque segment commence par le même « (Il est) bon ». Le sujet du premier est « Yhwh » ; en revanche, les deux suivants regardent la conduite de « l’homme ». Les trois segments du deuxième morceau commencent avec un jussif dont le sujet est « l’homme » dont il venait d’être question (27). Les deux derniers segments commencent avec « qu’il donne » et, à la fin des premiers membres, « la joue » correspond à « la bouche ». Les deux morceaux sont liés d’abord par les segments médians : « lui » (28b) a comme référent « l’homme » (27a) et le pronom objet de « impose » (28b) a comme référent « le joug » (27b). « Espoir » (29b) rappelle « espère » (25a) et « soit silencieux » (28a) renvoie à « en silence » (26a). Le nom de « Yhwh » revient dans les trois parties (18b ; 22a.24a ; 25a.26b) ; de même « âme » (17a.20b ; 24a ; 25b). « Attente/attendre » reviennent aussi dans les trois parties : en termes finaux des deux morceaux de la première partie (18b.21b) et en termes finaux des deux premières parties (21b.24b), ainsi qu’au centre du premier morceau de la dernière partie (26a) ; le synonyme « espérer/ espoir » n’apparait que dans la dernière partie (25a.29b). Aux extrémités des parties extrêmes, « dans la cendre » précédé de « mes dents » (16) est repris par « dans la poussière » suivi de « sa bouche » (29a) ; les termes hébreux traduits par « cendre » et « poussière » (’ēper et ‘āpār) sont en rapport de paronomase et sont très proches par le sens23. Le premier morceau de la première partie et la partie centrale s’achèvent par une parole que le plaignant dit avoir « dite » (18.24).

INTERPRÉTATION L’EFFONDREMENT Dans un premier temps, le suppliant a perdu tout espoir. Il commence par dire ce que Dieu lui a fait subir : ayant rempli sa bouche de gravier, il l’a écrasé dans la cendre (16). Un tel supplice ne le laisse toutefois pas sans voix. Privé de paix et de bonheur, il a encore la force de dire le désespoir qui le détruit (17-18). Toutefois, il ne s’y abandonne pas et veut regarder en face sa misère et son angoisse (19). Il refuse de se réfugier dans l’oubli, même si son âme doit affronter l’effondrement (20). Et en fin de compte, il ne renonce pas à « attendre », malgré tout (21). 23 Ils forment quelquefois une paire : « Abraham reprit : “Je suis bien hardi de parler à mon Seigneur, moi qui suis poussière et cendre” » (Gn 18,27 ; voir aussi Jb 30,19 ; 42,6).

90

La deuxième section (Lm 3)

LE SURSAUT DE LA FOI La réponse à l’attente ne tarde pas à arriver. Mais elle ne vient pas de Dieu. C’est l’homme éprouvé et désemparé qui la donne. Et elle est sans faille. Elle prend d’abord la forme d’une négation, la fidélité de Dieu n’étant pas finie (22). Puis c’est une double affirmation lapidaire : elle se renouvelle tous les matins, elle est inépuisable (23). Et la partie centrale s’achève par la plus belle des confessions de foi énoncée à haute voix : « Ma part, c’est Yhwh, a dit mon âme, c’est pourquoi je l’attends » (24). LA PATIENCE D’ÊTRE La première partie avait commencé par la mention des sévices que Dieu avait fait tomber sur le suppliant ; au début de la dernière partie, c’est au contraire sa bonté qui est affirmée, « pour qui espère en lui » (25). Encore faut-il que l’homme accepte de porter le joug qu’il lui impose (27-28). Attendre en silence (26), rester à l’écart et silencieux (28), la bouche dans la poussière (29), c’est manifester qu’il y a de l’espoir (29b), c’est la manière de chercher Dieu et de croire que tout ce qu’il fait est « bon ».

3. « J’ai dit : “Mon existence a péri et mon attente de Yhwh.” » L’ensemble de la première sous-séquence : 3,1-30 COMPOSITION Tout le premier passage est une longue énumération de ce que le Seigneur a fait subir à « moi » (1a) ; l’identité des deux personnages n’est pas révélée. Seul l’avant-dernier segment (14) tranche sur les autres : le sujet en est la victime et un autre personnage est introduit, « mon peuple », ce qui laisserait entendre que c’est quelque représentant de ce peuple qui parle. On a déjà dit que le verset central (8) permet d’identifier le bourreau, celui qui refuse d’entendre « la prière ». Le deuxième passage commence par un segment (16) qui rappelle le premier passage : c’est encore un tourment infligé au suppliant. Toutefois, le début des deux dernières parties est en opposition directe avec les sévices du premier passage (22-23 ; 25). À noter, dans le segment central (23), le passage à la deuxième personne du singulier, « ta vérité » ; c’est le seul endroit du passage, et même de toute la sous-séquence, où le suppliant s’adresse à Dieu, et cela en plein cœur du passage.

Séquence B : Lm 3,1-66 Premier passage : 1-15

Deuxième passage : 16-30

Moi, je suis l’homme qui a vu la MISÈRE sous la verge de sa fureur. ’ 2 C’est moi qu’il a conduit et fait-aller, ténèbre et pas de lumière. ’ 3 Oui, contre moi il tourne il retourne sa main tout le jour.

w 16 Il a fait broyer du gravier à mes dents, il m’a écrasé dans la cendre ; w 17 et est exclue de la paix mon âme, j’ai oublié le bonheur ; w 18 et j’ai dit : « Mon existence a péri et mon attente (venant) de Yhwh ».

b 4 Il a consumé ma chair et ma peau, il a rompu mes os. b 5 Il a bâti contre moi et m’a enveloppé de POISON et de tourment. b 6 Dans les ténèbres IL M’A FAIT-ASSEOIR comme les morts de toujours.

z 19 Se souvenir de ma MISÈRE et de mon angoisse, (c’est) ABSINTHE et POISON. z 20 Souvenir elle se souvient et elle s’effondre en moi mon âme. z 21 Cela je ferai-revenir à mon cœur c‘est pourquoi j’attends.

g 7 Il a muré derrière moi et je ne puis-sortir, il a alourdi mes chaînes. g 8 Quand même je crie et j’appelle, il a fermé ma prière. g 9 Il a muré mes chemins avec des pierres, mes sentiers il a brouillé.

ḥ 22 Les fidélités de Yhwh ne sont pas finies, et ne sont pas achevées ses miséricordes ; ḥ 23 nouvelles (tous) les matins, nombreuse (est) ta vérité. ḥ 24 « Ma part, c’est Yhwh, a dit mon âme, c’est pourquoi j’attends lui. »

d 10 Un ours aux aguets il a été pour moi, un lion à l’affût. g 11 Mes chemins faisant dévier et il m’a déchiré, il m’a mis une horreur. g 12 Il a bandé son arc et m’a placé comme une cible pour ses flèches.

ṭ 25 Il est bon Yhwh pour qui espère en lui, pour l’âme qui le cherche. ṭ 26 Il est bon d’attendre en silence le salut de Yhwh. ṭ 27 Il est bon pour l’homme qu’il porte le joug dès sa jeunesse.

h 13 Il a planté en mes reins les fils de son carquois. h 14 Je suis devenu la risée de tout mon peuple, leur chanson tout le jour. h 15 Il m’a saturé d’amertume, il m’a enivré D’ABSINTHE.

y 28 QU’IL S’ASSEYE à l’écart et soit silencieux quand il l’impose sur lui. y 29 Qu’il donne dans la poussière sa bouche : peut-être y a-t-il de l’espoir ? y 30 Qu’il donne à qui le frappe à la joue, qu’il se rassasie d’opprobre.



3,1

91

Alors que dans le premier passage un seul segment avait pour sujet le suppliant (1), la proportion est inversée dans le deuxième passage : presque toute la première partie (17-21) et la fin de la partie centrale (24). Quant à la dernière partie, elle généralise à « l’homme » (27). On se rappellera que ce deuxième passage est le seul de toute la séquence où reviennent les synonymes « attendre » et « espérer ». Les reprises lexicales sont peu nombreuses : « l’homme » (geber, 1.27), « misère » (1.19), « poison » et « absinthe » à la fin des parties extrêmes du premier passage (5.15) et coordonnés dans le second (19), « (faire-)asseoir/ s’asseoir » (6.28). On pourra aussi noter les parties du corps dans les deuxièmes morceaux des premières parties ; « ma chair et ma peau », « mes os » (4), « mon âme », « mon cœur » (20.21).

92

La deuxième section (Lm 3)

INTERPRÉTATION L’ÉPREUVE DE LA FOI Ce qui domine, c’est le malheur, « la misère », « absinthe et poison » (19). Non seulement le tourment occupe tout le premier passage, de façon lancinante, mais encore il déborde jusque dans le deuxième passage (16). Et c’est alors la plainte de celui qui en est la victime et qui se débat dans « les ténèbres » (2.6) dans lesquelles il a été plongé. Son « attente » a péri avec son existence (18) et pourtant il veut quand même espérer. Dans le souvenir de sa « misère » et de son « angoisse » où son âme « s’effondre », il s’accroche de toute sa foi : « c’est pourquoi j’attends » (21b.24b). L’OBSTINATION DE LA PRIÈRE Il avait constaté avec amertume que le Seigneur avait « fermé sa prière » (8b), malgré son cri et son appel ; en plein cœur du premier passage, c’était pour lui le comble de la déréliction. 2

Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? Loin de mon salut, les paroles de mon rugissement ! 3 Mon Dieu, j’appelle le jour et tu ne réponds pas et la nuit et point de repos pour moi (Ps 22).

Et pourtant, en position symétrique, au centre du deuxième passage, il s’écrie, s’adressant à son Seigneur : « Nombreuse est ta vérité » (23b). Et c’est la seule fois, non seulement dans le deuxième passage, mais aussi dans toute la sousséquence, que l’on entend les paroles de sa prière. L’ESPÉRANCE QUI ATTEND MALGRÉ TOUT Dieu n’a pas répondu à sa dernière prière (23b). Pas encore, mais le suppliant ne perd pas courage et continue d’espérer. Il est en effet persuadé que « Yhwh est bon pour qui espère en lui, pour l’âme qui le cherche » (25). Dans les épreuves qu’il doit traverser, il doit accepter de « porter le joug dès sa jeunesse » (27) quand le Seigneur le lui « impose » (28), il lui faut « mettre sa bouche dans la poussière » (29) en recevant les coups de qui le frappe sur la joue (30). En silence (26a.28a), comme Abraham il attendra, « espérant contre toute espérance » (Rm 4,18).

Séquence B : Lm 3,1-66

93

B. « S’il a affligé, il fait miséricorde » La deuxième sous-séquence : 3,31-36 Cette sous-séquence ne comprend qu’un seul passage de la taille d’une partie. TEXTE k 31 Car point ne rejette pour toujours, Adonaï. k 32 Car s’il a affligé, il fait-miséricorde selon le grand-nombre de ses fidélités. k 33 Car point il n’humilie de son cœur ni n’afflige les fils d’homme. l 34 Quand on écrase dessous ses pieds tous les prisonniers d’un pays, l 35 quand on fausse le jugement d’un homme devant la face du Très-Haut, l 36 quand on fait tort à un homme dans son procès, Adonaï ne le voit-il pas ? V. 31

: « ADONAÏ »

Le second membre du segment ne comprend qu’un seul terme. Il n’est pas nécessaire de compléter : la Septante ne le fait pas. V. 33

: « IL N’HUMILIE DE SON CŒUR »

La traduction « il n’humilie pas de bon cœur » rend bien le sens. V. 36

: « ADONAÏ NE LE VOIT-IL PAS ? »

Le contexte du passage impose de comprendre qu’il s’agit d’une question. V. 33.35.36

: « HOMME »

« Homme » traduit trois synonymes : ’îš (33b), geber (35a), ’ādām (36a). COMPOSITION k

31 Car point ADONAÏ.

ne rejette

pour toujours,

k

32

Car si selon le grand-nombre

il a affligé, de ses fidélités.

il fait-miséricorde

k

33

il n’humilie les fils

de son cœur d’homme.

Car point ni n’afflige

·····································································································

l

34

Quand on écrase tous les prisonniers

dessous d’un pays,

ses pieds

l

35 quand on fausse devant

le jugement la face

d’un homme du Très-Haut,

l

36

à un homme ne le voit-il pas ?

dans son procès,

quand on fait-tort ADONAÏ

94

La deuxième section (Lm 3)

Dans le premier morceau, les segments extrêmes commencent de la même façon par « car point » ; le segment central est le seul qui mette en relation la punition et la pitié. « Affliger » revient dans les deux derniers segments. k

31

Car point ADONAÏ.

ne rejette

pour toujours,

k

32

Car si selon le grand-nombre

il a affligé, de ses fidélités.

il fait-miséricorde

k

33

il n’humilie les fils

de son cœur d’homme.

Car point ni n’afflige

·····································································································

l

34

Quand on écrase tous les prisonniers

dessous d’un pays,

ses pieds

l

35 quand on fausse devant

le jugement la face

d’un homme du Très-Haut,

l

36

à un homme ne le voit-il pas ?

dans son procès,

quand on fait-tort ADONAÏ

Le deuxième morceau forme une seule phrase complexe : trois temporelles introduites par « quand » sont régies par la principale qui est très courte (36b). Il s’agit toujours d’injustices dans un cadre juridique : le premier segment concerne le pluriel des « prisonniers » écrasés, les deux autres passent au singulier de chaque « homme ». Dans les seconds membres des deux derniers segments, « Adonaï » correspond à « le Très-Haut ». Les trois segments du premier morceau commencent avec kî, ceux du second morceau par le, traduit par « quand ». Les deux occurrences de « Adonaï » remplissent la fonction de termes extrêmes. Les trois synonymes traduits par « homme » lient les deux morceaux (33b ; 35a.36a)

INTERPRÉTATION Les rapports entre les deux morceaux ne sautent pas aux yeux. Pourtant on voit bien que le sujet des deux est le même, nommé aux extrémités du passage, « Adonaï ». Des deux côtés, il est question de souffrances, de sévices infligés à des hommes. Dans un cas, c’est Dieu qui « rejette », « afflige » et « humilie », dans l’autre, ce sont des hommes qui en « écrasent » d’autres, qui faussent leur droit et leur font tort dans leur procès. Le Seigneur corrige le pécheur (31-33) et délivre l’innocent (34-36). LES CHÂTIMENTS DU DIEU FIDÈLE Ce n’est pas de gaieté de cœur que le Seigneur afflige les fils d’homme et qu’il les humilie, qu’il les rejette. C’est à cause de sa fidélité sans borne qu’ainsi

Séquence B : Lm 3,1-66

95

il prend pitié d’eux. On comprend alors que la conduite du Seigneur n’est pas dictée par la vengeance ou le sadisme, mais par le désir que celui avec lequel il avait fait alliance et qui lui avait été infidèle se repente de sa conduite mauvaise, qu’il revienne vers celui qui n’a jamais cessé d’avoir pitié de lui, de l’aimer. LE DIEU QUI NE SUPPORTE PAS L’INJUSTICE Le monde des hommes est largement marqué par l’injustice de ceux qui ont le pouvoir d’écraser sous leurs pieds d’autres hommes. Ils les enferment dans leurs prisons et soumettent à des procès et des jugements faussés des innocents qui sont incapables de se défendre. Ils le font « devant la face du Très-Haut », ne tenant pas compte de lui, ou peut-être en jurant par son nom pour couvrir leur mensonge. Mais Dieu ne se laisse pas aveugler par l’injustice qui ne peut se cacher devant lui. Dans tous les cas, le jugement du Seigneur est sans faille, parce qu’il est fondé sur ses fidélités.

C. « Tu as dit : “Ne crains pas !” » La troisième sous-séquence : 3,37-66 1. « TU AS TUÉ, TU N’AS PAS EU PITIÉ » Le premier passage : 3,37-51 TEXTE m 37 Qui est celui qui a parlé et (cela) fut ? Adonaï n’a-t-il pas ordonné ? m 38 De la bouche du Très-Haut ne sortent-ils pas les maux et le bien ? m 39 De quoi se plaindrait un adam vivant, un homme malgré ses péchés ? n 40 Examinons nos chemins et scrutons(-les) et revenons à Yhwh. n 41 Élevons notre cœur avec les mains vers le Dieu dans les cieux. n 42 Nous, nous avons transgressé, nous sommes rebellés : toi, tu n’as pas pardonné ! s 43 Tu t’es enveloppé de colère et nous as pourchassés, tu as tué, tu n’as pas eu pitié. s 44 Tu t’es enveloppé d’un nuage pour que ne passe pas la prière. s 45 Ordure et rebut tu nous as mis au milieu des peuples. p 46 Ils ont ouvert contre nous leur bouche, tous nos ennemis. p 47 Frayeur et fosse furent à nous, fracas et désastre. p 48 Des ruisseaux d’eau répand mon œil pour la brisure de la fille de mon peuple. ‘ 49 Mon œil coule et ne tarit pas, car il n’y a pas de répit, ‘ 50 jusqu’à ce que regarde et que voie Yhwh depuis les cieux. ‘ 51 Mon œil fait-mal à mon âme pour toutes les filles de ma ville.

96

La deuxième section (Lm 3)

V. 39

: « UN HOMME MALGRÉ SES PÉCHÉS »

On comprend : « vivant malgré ses péchés », c’est-à-dire que Dieu laisse en vie malgré ses péchés qui mériteraient la mort.

COMPOSITION m

37

m

38

m

Qui est celui ADONAÏ

DE LA BOUCHE

qui a parlé n’a-t-il pas ordonné ?

et (cela) fut ?

DU TRÈS-HAUT

ne sortent-ils pas

les maux

et le bien ?

39 De quoi se plaindrait un homme

un adam malgré ses péchés ?

vivant,

···························································································································

n

40

Examinons et revenons n

41

Élevons

VERS LE DIEU

n

42

Nous, toi, s

43

Tu t’es enveloppé tu as tué, s

s

44

Tu t’es enveloppé pour que ne passe pas

45

nos chemins à YHWH.

et scrutons(-les)

notre cœur

avec les mains

DANS LES CIEUX.

nous avons transgressé, tu n’as pas pardonné.

nous nous sommes rebellés ;

de colère tu n’as pas eu pitié.

et nous as pourchassés,

d’un nuage la prière.

Ordure au milieu

et rebut des peuples.

tu nous as mis

p

46

Ils ont ouvert tous

contre nous nos ennemis.

LEUR BOUCHE,

p

47

Frayeur fracas

et fosse et désastre.

furent

P

48

d’eau de la fille

répand mon œil de mon peuple.

Des ruisseaux pour la brisure

à nous,

···························································································································



49

Mon œil car il n’y a pas ‘



51

50

jusqu’à ce que regarde YHWH

Mon œil pour toutes

coule de répit,

et ne tarit pas,

et que voie DEPUIS LES CIEUX.

fait-mal les filles

à mon âme de ma ville.

La première partie commence par un morceau qui ne comprend que des questions, même si le segment central ne comporte pas de pronom interrogatif comme les deux autres. Les deux premiers segments ont Dieu pour sujet ; quant

Séquence B : Lm 3,1-66

97

au troisième segment, alors que l’homme devrait recevoir de Dieu des « maux » à cause de ses péchés, le Seigneur lui fait « le bien » de le laisser en vie malgré tout. Le second morceau est à la première personne du pluriel, sauf le dernier membre : malgré l’examen de conscience (40a) et la décision de la conversion (40b), malgré la demande de pardon (41) et la confession des péchés (42), Dieu a refusé de pardonner (42b). Les quatre noms divins se trouvent dans les deux premiers segments de chaque morceau, « Adonaï » et « le Très-Haut » (37b. 38a), « Yhwh » et « Dieu » (40b.41b). Dans les derniers segments, « nous avons transgressé, nous nous sommes rebellés » (42a) rappelle « ses péchés » (39b). Dans la partie centrale, les segments extrêmes disent le double aspect de ce que Dieu a fait contre « nous » : il les a pourchassés jusqu’à la mort (43), ce qui les a discrédités aux yeux des peuples (45). Au centre, Dieu refuse d’entendre la prière (44). Les deux premiers segments commencent avec le même verbe. Dans le premier morceau de la dernière partie, les attaques des ennemis, d’abord verbales (46), puis physiques (47), font pleurer à chaudes larmes le suppliant (48). Dans le second morceau, les pleurs continuent (49.51) pour attirer le regard de Dieu (50). Les deux morceaux s’achèvent de manière semblable avec « la fille de mon peuple » (48b) et « les filles de ma ville » (51b)24. Les deux occurrences de « tous/toutes » (46b.51b) font inclusion. Alors que c’est Dieu qui est le sujet dans le premier morceau de la première partie, ce sont les ennemis en position symétrique dans le premier morceau de la dernière partie. Les deux occurrences de « bouche », celle de Dieu (38a) et celle des ennemis (46a), jouent le rôle de termes initiaux. « Dans/depuis les cieux » se trouvent en même position, à la fin des segments centraux (41b.50b) ; dans le premier cas, il s’agit de la supplication adressée à « Dieu », dans le deuxième cas, de la réponse espérée de « Yhwh ». Le nom de « Yhwh » revient dans les seconds morceaux (40b.50b). La partie centrale se distingue des deux autres du fait que c’est la seule qui est adressée à Dieu. Le centre de la partie centrale, avec la prière refusée (44), est en relation avec les centres des seconds morceaux des parties extrêmes, où la supplication est adressée à Dieu (41) et où le regard de Yhwh est espéré (50). Par ailleurs, le dernier segment de la partie centrale avec la mention des « peuples » (45) prépare la suite où interviennent « nos ennemis » (46b) ; quant au premier segment (43), les actions de Dieu contre « nous » renvoient à celles que mentionne la première partie, dans le premier morceau mais aussi dans le dernier membre du second morceau (42b) où « tu n’as pas pardonné » annonce « tu n’as pas eu pitié » (43b).

24 « La fille de mon peuple » désigne la capitale du pays, « les filles de ma ville » désigne les autres cités qui dépendent de la capitale (par ex., Is 4,4 ; Jr 49,2 ; Ps 48,12) ; Morla, 352-353.

98

La deuxième section (Lm 3)

INTERPRÉTATION DIEU ET LES ENNEMIS C’est toujours Dieu qui ordonne et qui agit (37-38), mais il le fait à travers les hommes. S’il châtie son peuple, s’il le pourchasse et le tue (43), c’est par la main des « ennemis » d’Israël (46-47). Leur « bouche » (46) exprime ce que celle du Seigneur énonce (38), même s’ils n’en sont pas conscients. Ce qui importe, en revanche, c’est que ceux qui subissent la correction comprennent d’où elle vient et pourquoi : ce sont leurs « péchés » (39b), leur transgression et leur rébellion (42a) qui leur valent « fracas et désastre » (47b), brisure de toutes leurs villes (48b.51b). LA PRIÈRE REFUSÉE Il est cependant un tourment infiniment plus terrible que tout ce que les ennemis peuvent infliger aux fils d’Israël. Ceux-ci ont beau élever leur cœur avec leurs mains vers le ciel (41), en espérant que « Yhwh », leur Dieu, acceptera de les regarder du haut des cieux (50), rien n’y fait, car il s’est enveloppé d’un nuage pour barrer la route à leur prière (44). LA PRIÈRE CONTINUE MALGRÉ TOUT Un tel refus de la part de Dieu ne fait pourtant pas cesser la prière. Au contraire, elle la fait redoubler. Et toute la partie centrale est la plainte où, en plein cœur, le suppliant constate ce refus et le reproche directement au Seigneur. S’il n’était pas convaincu d’être écouté, il abandonnerait la lutte et se tairait. Tout se passe comme si Dieu lui-même n’avait pas le pouvoir d’empêcher l’homme de prier et de supplier, de se plaindre. Comme ses larmes, sa prière est « sans répit ».

Séquence B : Lm 3,1-66

99

2. « TU AS RACHETÉ MA VIE » Le deuxième passage : 3,52-66 TEXTE ṣ 52 Chassé ,ils m’ont chassé comme un oiseau, mes ennemis sans raison. ṣ 53 Ils ont précipité dans une fosse ma vie, et ils ont jeté une pierre sur moi. ṣ 54 Ont submergé les eaux ma tête ; j’ai dit : « Je suis perdu ! » q 55 J’ai invoqué ton Nom, Yhwh, de la fosse des profondeurs. q 56 Mon cri tu as entendu, ne bouche pas ton oreille à mon soupir, à ma clameur. q 57 Tu t’es approché au jour où je t’ai invoqué ; tu as dit : « Ne crains pas ! » r 58 Tu as défendu, Seigneur, le procès de mon âme, tu as racheté ma vie. r 59 Tu as vu, Yhwh, mon tort : juge mon jugement. r 60 Tu as vu toute leur vengeance, tous leurs complots contre moi. š 61 Tu as entendu leurs insultes, Yhwh, tous leurs complots contre moi. š 62 Les lèvres de mes agresseurs et leurs intentions (sont) contre moi, tout le jour. š 63 Assis ou se dressant, regarde : moi (je suis) leurs chansons. t 64 Fais-revenir à eux le salaire, Yhwh, selon l’œuvre de leurs mains. t 65 Donne à eux l’endurcissement de leur cœur, ta malédiction à eux. t 66 Poursuis avec colère et extermine-les de dessous les cieux de Yhwh. V. 56

: « NE BOUCHE PAS TON OREILLE À MON SOUPIR, À MA CLAMEUR »

Plusieurs suppriment l’un des deux derniers termes considéré comme une glose qui appesantit le second membre ; d’autant plus que le sens de l’avantdernier pose problème, car en Ex 8,11, il signifie « répit ». Nous suivons la Septante qui garde les deux termes. V. 58

: « TU AS DÉFENDU, SEIGNEUR, LE PROCÈS DE MON ÂME »

« Le procès de mon âme » est l’équivalent de « mon procès »25. Litt., « tu as défendu la défense », les deux termes de l’expression étant de la même racine rîb ; on traduit aussi par « tu as défendu la cause », dans le sens de « tu as assuré ma défense ». L’expression est synonyme de celle qui suit en 59 : « juge mon jugement »26.

25 26

P. BOVATI, Ristabilire la giustizia, 32, n. 17. P. BOVATI, Ristabilire la giustizia, 185.

100

La deuxième section (Lm 3)

COMPOSITION ṣ

52

Chassé, mes ennemis

ils m’ont chassé sans raison.

comme un oiseau,



53 Ils ont précipité et ils ont jeté

dans une FOSSE une pierre

MA VIE,



54

les eaux « Je suis perdu ! »

ma tête ;

Ont submergé j’ai dit :

sur moi.

····························································································································

q

55 J’ai invoqué de la FOSSE

ton Nom, des profondeurs.

q

56

Mon cri ne bouche pas

TU AS ENTENDU,

ton oreille

à mon soupir,

q

57

au jour « Ne crains pas ! »

où je t’ai invoqué ;

Tu t’es approché tu as dit :

YHWH,

r

58

Tu as défendu, tu as racheté

Seigneur, MA VIE.

le procès

r

59

Tu as vu, juge

YHWH, mon jugement.

mon tort :

r

60

toute leur vengeance, contre moi.

Tu as vu tous leurs complots

š

61

TU AS ENTENDU tous leurs complots

leurs insultes, contre moi.

YHWH,

š

62 Les lèvres (sont) contre moi,

de mes agresseurs tout le jour.

et leurs intentions

š

63

ou se dressant, regarde : (je suis) leurs chansons.

Assis moi

à ma clameur.

de mon âme,

····························································································································

t

64

Fais-revenir selon l’œuvre

à eux de leurs mains.

le salaire,

YHWH,

t

65 Donne ta malédiction

à eux à eux.

l’endurcissement

de leur cœur,

t

66

avec colère, les cieux

et extermine-les de YHWH.

Poursuis de dessous

Dans la première partie, « mes ennemis » (52b) est le sujet des deux premiers segments du premier morceau ; dans le troisième segment, c’est la victime qui parle. Le malheur est décrit selon trois images différentes, la chasse de l’oiseau (52), la fosse avec les pierres jetées sur celui qui y est tombé (53), enfin les eaux mortelles (54). Le second morceau est tout entier consacré à la prière (55) qui est exaucée (57) ; le segment central (5) assure, de manière croisée, la liaison entre les deux autres segments, le premier membre annonçant le troisième segment, le

Séquence B : Lm 3,1-66

101

deuxième membre rappelant le premier segment. « Invoquer » revient aux extrémités (55a.57a). D’un morceau à l’autre, « la fosse » revient en 53a et 55b ; à la fin du second morceau (57b), Dieu répond à ce qu’avait dit le suppliant à la fin du premier morceau (54b). Dans la deuxième partie, les deux premiers segments sont liés par les deux noms divins qui apparaissent en même position (58a.59a), les deux derniers segments commencent avec le même verbe. Le segment central est le seul qui contient une requête (59b). Dans le premier morceau de la dernière partie, le suppliant confesse d’abord que le Seigneur a exaucé sa prière (61) et, à la fin, il lui adresse une demande ; « les chansons » (63b) rappelle « leurs insultes » (61a). Le segment central est consacré tout entier aux ennemis. On notera que « agresseurs » et « se dressant » sont de même racine (62a.63a). Le deuxième morceau est une longue supplication contre les ennemis. Les membres extrêmes s’achèvent avec le nom de « Yhwh » ; « à eux » revient trois fois en même position (64a.65a.b). L’impératif de la fin du premier morceau, « regarde » (63a), annonce les trois du deuxième morceau, en tête de chaque segment. Le nom de « Yhwh » revient cinq fois, une fois dans chacune des deux premières parties (55a.59a), trois fois dans la dernière (61a.64a.66b), à quoi il faut ajouter « Seigneur » (58a). « Tu as entendu » est repris dans les parties extrêmes (56a.61a) ; à ces deux occurrences de « tu as entendu » correspondent les deux de « tu as vu » dans la partie centrale (59a.60a). Les deux occurrences de « ma vie » relient les deux premières parties (53a.58b), les deux dernières parties sont reliées par les membres identiques, « tous leurs complots contre moi » (60b.61b).

INTERPRÉTATION PLAINTE ET SUPPLICATION Les morceaux extrêmes du passage se correspondent. Tout commence par une plainte contre les « ennemis » qui, tels des chasseurs, cherchent à capturer et mettre à mort son fidèle (52-54). Et tout finit par la supplication que ce dernier adresse à Yhwh pour qu’il agisse envers eux « selon l’œuvre de leurs mains », c’est-à-dire qu’il les « extermine » (64-66). LE SEIGNEUR A VU ET ENTENDU Le Seigneur a entendu aussi bien le cri de son fidèle (56a.61a) que les insultes et les complots de ses ennemis (61.62). Il a vu le tort subi par le persécuté (59), ainsi que la vengeance que ses adversaires fomentaient contre lui (60). Rien ne saurait échapper à Dieu et son fidèle ne manque pas de le reconnaitre et de le confesser devant lui.

102

La deuxième section (Lm 3)

ACTION DE GRÂCE ET REQUÊTE Toutefois, il semble que la libération et le salut ne soient pas encore complètement réalisés. Dans la partie centrale, l’orant affirme par quatre fois que le Seigneur l’a défendu, l’a racheté, a vu ce qu’il souffre, mais en plein centre, il lui demande de « juger son jugement », de lui faire justice. Il en allait déjà de même au centre du second morceau de la première partie : s’il proclame que Yhwh l’a entendu, il ajoute aussitôt, en insistant : « ne bouche pas ton oreille à mon soupir, à ma clameur » (56). Et le même phénomène se répète dans le premier morceau de la dernière partie ; après avoir dit au Seigneur : « Tu as entendu leurs insultes » (61), il ajoute : « Regarde » (63). On ne s’étonne pas alors que le passage s’achève sur une longue supplication où il demande que ses ennemis soient châtiés proportionnellement à ce qu’ils tramaient, en somme qu’ils soient « exterminés ».

3. « Tu as dit : “Ne crains pas !” » L’ensemble de la troisième sous-séquence : 3,37-66 COMPOSITION La moitié du premier passage est consacrée aux actions de Dieu (37-38.42b ; 43-45) et des « ennemis » qu’il a mobilisés contre Israël (46-47). Le deuxième passage commence par rappeler ce qu’ont fait « les ennemis » qui l’ont précipité dans « la fosse » (53a). Cependant, après ce rappel, les actions de Dieu sont toute positives (56-57 ; 58-60). Ainsi, les parties centrales s’opposent directement. L’orant reconnait maintenant « tu as racheté ma vie » (58b), alors qu’il avait dû dire : « tu as tué » (43b) ; Dieu avait refusé d’écouter la prière (44b) et maintenant le suppliant d’insister en lui demandant : « Juge mon jugement » (59b), qui est la première phrase à l’impératif, laquelle entrainera celles de la troisième partie (63a.64a.65a.66a). Dans le premier passage, les réactions de l’homme au châtiment divin sont d’abord de repentir à la fin de la première partie (39-42a), puis de pleurs à la fin de la dernière partie (48-51). Dans le deuxième passage, c’est d’abord le même désespoir que dans le premier passage (54-55), mais il se transforme en prière confiante dans la dernière partie. À noter les reprises de « ennemis » (46.52), de « fosse » (47.53.55), de « colère », contre Israël d’abord (43), puis contre ses ennemis (66), de « (faire)revenir » (40.64), « les eaux » (48.54), « les cieux » (41.50.66) ; les verbes traduits par « regarde » sont des synonymes (50.63). Il est aussi possible de remarquer que dans les parties centrales, deux verbes sont répétés en début de segments (43-44 ; 59-60).

Séquence B : Lm 3,1-66 Premier passage : 37-51

103

Deuxième passage : 52-66

m 37 Qui est celui qui a parlé et (cela) fut ? Adonaï n’a-t-il pas ordonné ? m 38 De la bouche du Très-Haut ne sortent-ils pas les maux et le bien ? m 39 De quoi se plaindrait un adam vivant, un homme malgré ses péchés ?

ṣ 52 Chassé, ils m’ont chassé comme un oiseau, mes ENNEMIS sans raison. ṣ 53 Ils ont précipité dans une FOSSE ma vie, et ils ont jeté une pierre sur moi. ṣ 54 Ont submergé les EAUX ma tête ; j’ai dit : « Je suis perdu ! »

n 40 Examinons nos chemins et scrutons(les) et revenons à Yhwh. n 41 Élevons notre cœur avec les mains vers le Dieu dans les cieux. n 42 Nous, avons transgressé, nous sommes rebellés, toi, tu n’as pas pardonné !

q 55 J’ai invoqué ton Nom, Yhwh, de la FOSSE des profondeurs. q 56 Mon cri tu as entendu, ne bouche pas ton oreille à mon soupir, à ma clameur. q 57 Tu t’es approché au jour où je t’ai invoqué ; tu as dit : « Ne crains pas ! »

s 43 Tu t’es ceint de COLÈRE et nous as pourchassés, tu as tué, tu n’as pas eu pitié. s 44 Tu t’es ceint d’un nuage pour que ne passe pas la prière. s 45 Ordure et rebut tu nous as mis au milieu des peuples.

r 58 Tu as défendu, Seigneur, le procès de mon âme, tu as racheté ma vie. r 59 Tu as vu, Yhwh, mon tort : juge mon jugement. r 60 Tu as vu toute leur vengeance, tous leurs complots contre moi.

p 46 Ils ont ouvert contre nous leur bouche, tous nos ENNEMIS. p 47 Frayeur et FOSSE furent à nous, fracas et désastre. p 48 Des ruisseaux D’EAUX répand mon œil pour la brisure de la fille de mon peuple.

š 61 Tu as entendu leurs insultes, Yhwh, tous leurs complots contre moi. š 62 Les lèvres de mes agresseurs et leurs intentions (sont) contre moi, tout le jour. š 63 Assis ou se dressant, REGARDE : moi (je suis) leurs chansons.

‘ 49 Mon œil coule et ne tarit pas, car il n’y a pas de répit, ‘ 50 jusqu’à ce que REGARDE et que voie Yhwh depuis les cieux. ‘ 51 Mon œil fait-mal à mon âme pour toutes les filles de ma ville.

t 64 Fais-revenir à eux le salaire, Yhwh, selon l’œuvre de leurs mains. t 65 Donne à eux l’endurcissement de leur cœur, ta malédiction à eux. t 66 Poursuis avec COLÈRE et extermine-les de dessous les cieux de Yhwh.

INTERPRÉTATION « LES MAUX ET LE BIEN » Dès le début, le ton est donné, le sujet est annoncé : « Les maux et le bien ne sortent-ils pas de la bouche du Très-Haut ? » (38). Les maux que le Seigneur inflige à Israël, par la main de ses ennemis, sont exposés essentiellement dans le premier passage (37-38.42b-47). Le deuxième passage commence par le rappel des maux commis par les ennemis, mais c’est ensuite « le bien » fait par le Seigneur, lui qui a vu le tort qu’on faisait subir à son peuple et qui a racheté sa vie (56-60).

104

La deuxième section (Lm 3)

DU REPENTIR AU PARDON L’orant commence par reconnaitre la toute-puissance divine : « il dit et cela fut » (37) est une affirmation qui rappelle la création. Après quoi, en tant qu’adam, il enchaine sur la confession de ses péchés (39) et invite les membres de son peuple à examiner leurs chemins, à se convertir de leur conduite mauvaise et à implorer leur Seigneur (40-42a). Témoigne de son repentir l’abondance de ses larmes (48-51). Dans le second passage, après avoir brièvement repris sa plainte, il a la joie de proclamer, en s’adressant à lui, que le Seigneur l’a enfin écouté, alors qu’il avait refusé d’accueillir sa prière (44), qu’il l’a sauvé de la mort (56-60). Ce qui ne l’empêche pas cependant de reprendre sa supplication afin que ses ennemis soient châtiés jusqu’à être proprement exterminés (61-66). DE LA MORT À LA VIE Comme le Seigneur le leur avait ordonné (37), les ennemis ont donné la chasse aux pécheurs qu’il voulait châtier. Ils leur ont tendu le filet de l’oiseleur, ont creusé devant eux une fosse pour les capturer et leur ôter la vie (46-47.5253). À travers eux, c’est Dieu lui-même qui a « tué, sans pitié » (43). À lire le cœur du second passage, on comprend alors que sa « colère » (43) ne le faisait pas chercher la mort pour la mort, mais qu’elle espérait que le châtiment porterait ses fruits de repentir et de vie. Le suppliant insiste longuement à la fin de la sous-séquence pour demander que la « colère » divine se retourne contre ses ennemis. Cependant, comme cela arrive si souvent dans les Psaumes, il n’est pas dit que le Seigneur ait exaucé cette prière de vengeance.

Séquence B : Lm 3,1-66

105

D. « Le Seigneur ne rejette pas pour toujours » L’ensemble de la séquence : 3,1-66 COMPOSITION Les deux passages des sous-séquences extrêmes se correspondent en parallèle, encadrant une sous-séquence beaucoup plus courte qui est la clé de voute de l’ensemble. « J’AI DIT : “MON EXISTENCE A PÉRI ET MON ATTENTE DE YHWH.” » « CONTRE MOI IL TOURNE ET RETOURNE SA MAIN « SES MISÉRICORDES SONT NOUVELLES

« S’IL A AFFLIGÉ,

TOUT LE JOUR » CHAQUE MATIN

3,1-15 »

IL FAIT MISÉRICORDE

16-30

»

31-36

« TU AS DIT : “NE CRAINS PAS !” » « TU AS TUÉ, « TU AS RACHETÉ

TU N’AS PAS EU PITIÉ »

37-51

»

52-66

MA VIE

106

La deuxième section (Lm 3)

LES RAPPORTS ENTRE LES SOUS-SÉQUENCES EXTRÊMES Entre les premiers passages Premier passage : 1-15

Avant-dernier passage : 37-51

’ 3,1 Moi, je suis l’homme qui a vu la misère sous la verge de sa fureur. ’ 2 C’est moi qu’il a conduit et fait-aller, ténèbre et pas de lumière. ’ 3 Oui, contre moi il tourne il retourne sa main tout le jour.

m 37 Qui est celui qui a parlé et (cela) fut ? Adonaï n’a-t-il pas ordonné ? m 38 De la bouche du Très-Haut ne sortent-ils pas les maux et le bien ? m 39 De quoi se plaindrait un adam vivant, un homme malgré ses péchés ?

b 4 Il a consumé ma chair et ma peau, il a rompu mes os. b 5 Il a bâti contre moi et m’a enveloppé de poison et de tourment. b 6 Dans les ténèbres il m’a fait-asseoir comme les morts de toujours.

n 40 Examinons NOS CHEMINS et scrutons(les) et revenons à Yhwh. n 41 Élevons notre cœur avec les mains vers le Dieu dans les cieux. n 42 Nous, avons transgressé, nous sommes rebellés, toi, tu n’as pas pardonné !

g 7 Il a muré derrière moi et je ne puis-sortir, il a alourdi mes chaînes. g 8 Quand même je crie et j’appelle, il a fermé MA PRIÈRE. g 9 Il a muré MES CHEMINS avec des pierres, mes sentiers il a brouillé.

s 43 Tu t’es ceint de colère et nous as pourchassés, tu as tué, tu n’as pas eu pitié. s 44 Tu t’es ceint d’un nuage pour que ne passe pas LA PRIÈRE. s 45 Ordure et rebut tu nous as mis au milieu des peuples.

d 10 Un ours aux aguets il a été pour moi, un lion à l’affût. d 11 MES CHEMINS faisant dévier et il m’a déchiré, il m’a mis une horreur. d 12 Il a bandé son arc et m’a placé comme une cible pour ses flèches.

p 46 Ils ont ouvert contre nous leur bouche, tous nos ennemis. p 47 Frayeur et fosse furent à nous, fracas et désastre. p 48 Des ruisseaux d’eaux répand mon œil pour la brisure de la fille de MON PEUPLE.

h 13 Il a planté en mes reins les fils de son carquois. h 14 Je suis devenu la risée de tout MON PEUPLE, leur chanson tout le jour. h 15 Il m’a saturé d’amertume, il m’a enivré d’absinthe.

‘ 49 Mon œil coule et ne tarit pas, car il n’y a pas de répit, ‘ 50 jusqu’à ce que regarde et que voie Yhwh depuis les cieux. ‘ 51 Mon œil fait-mal à mon âme, pour toutes les filles de ma ville.

Le rapport le plus frappant est le refus que Dieu oppose à la « prière », en même position au centre de chaque passage (8b.44b). Toujours dans les parties centrales, un verbe initial est répété, « Il a muré » (7a.9a), « Tu t’es ceint » (43a.44a) : on notera à ce propos le changement de la troisième personne dans le premier passage, à la seconde personne dans l’avant-dernier. Les actions hostiles de Dieu contre le suppliant occupent presque tout l’espace dans le premier passage (1-13.15), beaucoup moins dans l’avant-dernier (3738.42b-47). Inversement, la réaction du suppliant est limitée à un seul segment dans le premier passage (14), alors qu’elle occupe la moitié de l’espace dans l’avant-dernier. Reprises : « chemins » (9.11.40), « sortir » (7.38), « mon peuple » (14.48), « les fils de son carquois », « les filles de ma ville » (13.51).

Séquence B : Lm 3,1-66

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Entre les deuxièmes passages Deuxième passage : 16-30 w 16 Il a fait broyer du gravier à mes dents, il m’a écrasé dans la cendre ; w 17 et est exclue de la paix mon âme, j’ai oublié le bonheur ; w 18 et j’ai dit : « Mon existence a péri

et mon attente venant de Yhwh. »

Dernier passage : 52-66 ṣ 52 Chassé, ils m’ont chassé comme un oiseau, mes ennemis sans raison. ṣ 53 Ils ont précipité dans une fosse ma vie, et ils ont jeté une pierre sur moi. ṣ 54 Ont submergé les eaux ma tête ; j’ai dit : « Je suis perdu ! »

z 19 Se souvenir de ma misère et de mon angoisse, c’est absinthe et poison. z 20 Souvenir elle se souvient et elle s’effondre en moi mon âme. z 21 Cela JE FERAI-REVENIR à mon cœur c‘est pourquoi j’attends.

q 55 J’ai invoqué ton Nom, Yhwh, de la fosse des profondeurs. q 56 Mon cri tu as entendu, ne bouche pas ton oreille à mon soupir, à ma clameur. q 57 Tu t’es approché au jour où je t’ai invoqué ; tu as dit : « Ne crains pas ! »

ḥ 22 Les fidélités de Yhwh ne sont pas finies, et ne sont pas achevées ses miséricordes ; ḥ 23 elles sont nouvelles tous les matins, nombreuse est ta vérité. ḥ 24 « Ma part, c’est Yhwh, a dit mon âme,

r 58 Tu as défendu, Seigneur, le procès de mon âme, tu as racheté ma vie. r 59 Tu as vu, Yhwh, mon tort : juge mon jugement. r 60 Tu as vu toute leur vengeance, tous leurs complots contre moi.

c’est pourquoi j’attends lui. » ṭ 25 Il est bon Yhwh pour qui espère en lui, pour l’âme qui le cherche. ṭ 26 Il est bon d’attendre en silence le salut de Yhwh. ṭ 27 Il est bon pour l’homme qu’il porte le joug dès sa jeunesse.

š 61 Tu as entendu leurs insultes, Yhwh, tous leurs complots contre moi. š 62 Les lèvres de mes agresseurs et leurs intentions sont contre moi, tout le jour. š 63 Assis ou se dressant, regarde : moi je suis leurs chansons.

y 28 Qu’il s’asseye à l’écart et soit silencieux quand il l’impose sur lui. y 29 Qu’il donne dans la poussière sa bouche : peut-être y a-t-il de l’espoir ? y 30 Qu’il donne à qui le frappe à la joue, qu’il se rassasie d’opprobre.

t 64 FAIS-REVENIR à eux le salaire, Yhwh, selon l’œuvre de leurs mains. t 65 Donne à eux l’endurcissement de leur cœur, ta malédiction à eux. t 66 Poursuis avec colère et extermine-les de dessous les cieux de Yhwh.

Les actions hostiles de Dieu, à travers les ennemis, sont mentionnées brièvement au début des passages (16 ; 52-53). Ses actions positives, au contraire, se trouvent autour du centre, à la troisième personne dans le deuxième passage (2223.25), à la deuxième, en revanche, dans le dernier passage (56-60). Dans le deuxième passage, le suppliant rappelle par deux fois une parole qu’il avait dite (18.24) ; dans le dernier passage, ce sont aussi deux paroles, mais tandis que la première est prononcée par le suppliant (54b), l’autre est la réponse de Dieu (57b). On pourra noter que « faire-revenir » revient en 21 et 64.

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La deuxième section (Lm 3)

SPÉCIFICITÉ ET FONCTION DE LA SOUS-SÉQUENCE CENTRALE (31-36) Premier passage : 1-15

Deuxième passage : 16-30

’ 3,1 Moi, l’homme qui a vu la misère sous la verge de sa fureur. ’ 2 C’est moi qu’il a conduit et fait-aller, ténèbre et pas de lumière. ’ 3 Oui, contre moi il tourne il retourne sa main tout le jour.

w 16 Il a fait broyer du gravier à mes dents, il m’a écrasé dans la cendre ; w 17 et EST EXCLUE de la paix mon âme, j’ai oublié le bonheur ; w 18 et j’ai dit : « Mon existence a péri et mon attente venant de Yhwh. »

b 4 Il a consumé ma chair et ma peau, il a rompu mes os. b 5 Il a bâti contre moi et m’a enveloppé de poison et de tourment. b 6 Dans les ténèbres il m’a fait-asseoir comme les morts de toujours.

z 19 Se souvenir de ma misère et de mon angoisse, c’est absinthe et poison. z 20 Souvenir elle se souvient et elle s’effondre en moi mon âme. z 21 Cela je ferai-revenir à mon CŒUR c‘est pourquoi j’attends.

g 7 Il a muré derrière moi et je ne puis-sortir, il a alourdi mes chaînes. g 8 Quand même je crie et j’appelle, il a fermé ma prière. g 9 Il a muré mes chemins avec des pierres, mes sentiers il a brouillé.

ḥ 22 LES FIDÉLITÉS de Yhwh ne sont pas finies, et ne sont pas achevées ses miséricordes ; ḥ 23 elles sont nouvelles tous les matins, nombreuse est ta vérité. ḥ 24 « Ma part, c’est Yhwh, a dit mon âme, c’est pourquoi j’attends lui. »

d 10 Un ours aux aguets il a été pour moi, un lion à l’affût. d 11 Mes chemins faisant dévier et il m’a déchiré, il m’a mis une horreur. d 12 Il a bandé son arc et m’a placé comme une cible pour ses flèches.

ṭ 25 Il est bon Yhwh pour qui espère en lui, pour l’âme qui le cherche. ṭ 26 Il est bon d’attendre en silence le salut de Yhwh. ṭ 27 Il est bon pour l’homme qu’il porte le joug dès sa jeunesse.

h 13 Il a planté en mes reins les fils de son carquois. h 14 Je suis devenu la risée de tout mon peuple, leur chanson tout le jour. h 15 Il m’a saturé d’amertume, il m’a enivré d’absinthe.

y 28 Qu’il s’asseye à l’écart et soit silencieux quand il l’impose sur lui. y 29 Qu’il donne dans la poussière sa bouche : peut-être y a-t-il de l’espoir. y 30 Qu’il donne à qui le frappe à la joue, qu’il se rassasie d’opprobre.

k 31 Car point NE REJETTE pour toujours, Adonaï. k 32 Car s’il a affligé, il fait-miséricorde selon le grand-nombre de SES FIDÉLITÉS. k 33 Car point il n’humilie de son CŒUR ni afflige les fils d’homme (’îš). l 34 Quand on écrase dessous ses pieds tous les prisonniers d’un pays, l 35 quand on fausse LE JUGEMENT d’un homme (geber) devant la face du Très-Haut, l 36 quand on FAIT TORT à un adam dans son procès, Adonaï NE LE VOIT-IL PAS ?

Comme il arrive souvent, le centre concentre de nombreuses reprises lexicales. On voit que la sous-séquence centrale est particulièrement liée aux parties centrales des seconds passages des sous-séquences extrêmes (22-24 ; 58-60).

Séquence B : Lm 3,1-66 Avant-dernier passage : 37-51

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Dernier passage : 52-66

m 37 Qui est celui qui a parlé et cela fut ? Adonaï n’a-t-il pas ordonné ? m 38 De la bouche du Très-Haut ne sortent-ils pas les maux et le bien ? m 39 De quoi se plaindrait un adam vivant, un homme malgré ses péchés ?

ṣ 52 Chassé, ils m’ont chassé comme un oiseau, mes ennemis sans raison. ṣ 53 Ils ont précipité dans une fosse ma vie, et ils ont jeté une pierre sur moi. ṣ 54 Ont submergé les eaux ma tête ; j’ai dit : « Je suis perdu ! »

n 40 Examinons nos chemins et scrutons-les et revenons à Yhwh. n 41 Élevons notre cœur avec les mains vers le Dieu dans les cieux. n 42 Nous, avons transgressé, nous sommes rebellés, toi, tu n’as pas pardonné !

q 55 J’ai invoqué ton Nom, Yhwh, de la fosse des profondeurs. q 56 Mon cri tu as entendu, ne bouche pas ton oreille à mon soupir, à ma clameur. q 57 Tu t’es approché au jour où je t’ai invoqué ; tu as dit : « Ne crains pas ! »

s 43 Tu t’es ceint de colère et nous as pourchassés, tu as tué, tu n’as pas eu pitié. s 44 Tu t’es ceint d’un nuage pour que ne passe pas la prière. s 45 Ordure et rebut tu nous as mis au milieu des peuples.

r 58 Tu as défendu, Seigneur, le procès de mon âme, tu as racheté ma vie. r 59 TU AS VU, Yhwh, MON TORT : JUGE mon JUGEMENT. r 60 TU AS VU toute leur vengeance, tous leurs complots contre moi.

p 46 Ils ont ouvert contre nous leur bouche, tous nos ennemis. p 47 Frayeur et fosse furent à nous, fracas et désastre. p 48 Des ruisseaux d’eaux répand mon œil pour la brisure de la fille de mon peuple.

š 61 Tu as entendu leurs insultes, Yhwh, tous leurs complots contre moi. š 62 Les lèvres de mes agresseurs et leurs intentions sont contre moi, tout le jour. š 63 Assis ou se dressant, regarde : moi je suis leurs chansons.

‘ 49 Mon œil coule et ne tarit pas, car il n’y a pas de répit, ‘ 50 jusqu’à ce que regarde et que voie Yhwh depuis les cieux. ‘ 51 Mon œil fait-mal à mon âme pour toutes les filles de ma ville.

t 64 Fais-revenir à eux le salaire, Yhwh, selon l’œuvre de leurs mains. t 65 Donne à eux l’endurcissement de leur CŒUR, ta malédiction à eux. t 66 Poursuis avec colère et extermine-les de dessous les cieux de Yhwh.

La sous-séquence centrale (31-36) est la seule où le « je » et le « nous » sont absents. C’est un discours sur le Seigneur à la troisième personne du singulier, même si, bien sûr, les hommes ne sont pas oubliés, qu’ils soient victimes ou bourreaux. La sous-séquence centrale a pour fonction d’articuler les deux faces de l’action de Dieu, son châtiment et sa pitié. Elle le fait en niant que la punition soit « pour toujours » (31), en ajoutant qu’elle est temporaire (32), en niant qu’elle soit faite de bon cœur (33) ; de manière complémentaire, Dieu « voit » l’injustice des ennemis, ce qui veut dire qu’il ne la laissera pas passer et défendra l’opprimé (34-36). On remarquera que tout le deuxième morceau est une seule longue question, ce qui est un exemple de la loi de la question au centre27. 27

Voir Traité 2007.2013, 417-435 ; 2021, 347-365.

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La deuxième section (Lm 3)

’ 3,1 Moi, je suis l’homme qui a vu la misère sous la verge de sa fureur. ’ 2 C’est moi qu’il a conduit et fait aller, ténèbre et pas de lumière. ’ 3 Oui, contre moi il tourne, il retourne sa main tout le jour. b 4 Il a consumé ma chair et ma peau, il a rompu mes os. b 5 Il a bâti contre moi et m’a enveloppé de poison et de tourment. b 6 Il m’a fait asseoir dans les ténèbres comme les morts de toujours. g 7 Il a muré derrière moi et je ne puis sortir, il a alourdi mes chaînes. g 8 Quand même je crie et j’appelle, il a fermé ma prière. g 9 Il a muré mes chemins avec des pierres, il a brouillé mes sentiers. d 10 Il a été pour moi un ours aux aguets, un lion à l’affût. d 11 Faisant dévier mes chemins, il m’a déchiré, il m’a mis une horreur. d 12 Il a bandé son arc et m’a placé comme une cible pour ses flèches. h 13 Il a planté en mes reins les fils de son carquois. h 14 Je suis devenu la risée de tout mon peuple, leur chanson tout le jour. h 15 Il m’a saturé d’amertume, il m’a enivré d’absinthe. w 16 Il a fait broyer du gravier à mes dents, il m’a écrasé dans la cendre ; w 17 et mon âme est exclue de la paix, j’ai oublié le bonheur ; w 18 et j’ai dit : « Mon existence a péri et mon attente venant de Yhwh. » z 19 Se souvenir de ma misère et de mon angoisse, c’est absinthe et poison. z 20 Elle se souvient, se souvient et mon âme s’effondre en moi. z 21 Je ferai revenir cela à mon cœur c‘est pourquoi j’attends. ḥ 22 Les fidélités de Yhwh ne sont pas finies et ne sont pas achevées ses miséricordes ; ḥ 23 elles sont nouvelles tous les matins, NOMBREUSE EST ta vérité. ḥ 24 « Ma part, c’est Yhwh, a dit mon âme, c’est pourquoi je l’attends. » ṭ 25 Yhwh est bon pour qui espère en lui, pour l’âme qui le cherche. ṭ 26 Il est bon d’attendre en silence le salut de Yhwh. ṭ 27 Il est bon pour l’homme de porter le joug dès sa jeunesse. y 28 Qu’il s’asseye à l’écart et soit silencieux quand il le lui impose. y 29 Qu’il mette sa bouche dans la poussière : peut-être y a-t-il de l’espoir ? y 30 Qu’il donne à qui le frappe à la joue, qu’il se rassasie d’opprobre. k 31 Car Adonaï ne rejette point pour toujours. k 32 Car s’il a affligé, il fait miséricorde selon le grand nombre de ses fidélités. k 33 Car il n’humilie point de bon cœur ni n’afflige les fils d’homme. l 34 Quand on écrase dessous ses pieds tous les prisonniers d’un pays, l 35 quand on fausse le jugement d’un homme devant la face du Très-Haut, l 36 quand on fait tort à un adam dans son procès, Adonaï ne le voit-il pas ? m 37 Qui est celui qui a parlé et cela fut ? Adonaï n’a-t-il pas ordonné ? m 38 De la bouche du Très-Haut ne sortent-ils pas les maux et le bien ? m 39 De quoi se plaindrait un adam vivant, un homme malgré ses péchés ? n 40 Examinons nos chemins et scrutons-les et revenons à Yhwh. n 41 Élevons notre cœur avec les mains vers le Dieu dans les cieux. n 42 Nous, nous avons transgressé, nous nous sommes rebellés, TOI, TU n’as pas pardonné ! s 43 TU t’es ceint de colère et nous as pourchassés, TU as tué, TU n’as pas eu pitié. s 44 TU t’es ceint d’un nuage pour que ne passe pas la prière. s 45 TU nous as mis comme ordure et rebut au milieu des peuples. p 46 Ils ont ouvert contre nous la bouche, tous nos ennemis. p 47 Frayeur et fosse furent à nous, fracas et désastre. p 48 Mon œil répand des ruisseaux d’eaux pour la brisure de la fille de mon peuple. ‘ 49 Mon œil coule et ne tarit pas, car il n’y a pas de répit, ‘ 50 jusqu’à ce que Yhwh regarde et qu’il voie depuis les cieux. ‘ 51 Mon œil fait mal à mon âme pour toutes les filles de ma ville. ṣ 52 Ils m’ont chassé, chassé comme un oiseau ; mes ennemis sans raison. ṣ 53 Ils ont précipité dans une fosse ma vie, et ils ont jeté sur moi une pierre. ṣ 54 Les eaux ont submergé ma tête ; j’ai dit : « Je suis perdu ! » q 55 J’ai invoqué TON Nom, Yhwh, de la fosse des profondeurs. q 56 TU as entendu mon cri, NE BOUCHE PAS ton oreille à mon soupir, à ma clameur. q 57 TU t’es approché au jour où je T’ai invoqué ; TU as dit : « Ne crains pas ! » r 58 TU as défendu, Seigneur, le procès de mon âme, TU as racheté ma vie. r 59 TU as vu, Yhwh, mon tort : JUGE mon jugement. r 60 Tu as vu toute leur vengeance, tous leurs complots contre moi. š 61 TU as entendu leurs insultes, Yhwh, tous leurs complots contre moi. š 62 Les lèvres de mes agresseurs et leurs intentions sont contre moi, tout le jour. š 63 Assis ou debout, REGARDE : moi je suis leurs chansons. t 64 FAIS-REVENIR à eux le salaire, Yhwh, selon l’œuvre de leurs mains. t 65 DONNE-LEUR l’endurcissement du cœur, TA malédiction à eux. t 66 POURSUIS avec colère et EXTERMINE-les de dessous les cieux de Yhwh.

Séquence B : Lm 3,1-66

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Toute la première sous-séquence est à la troisième personne et le plaignant ne s’adresse qu’une seule fois à Dieu, au centre du second passage : « nombreuse est ta vérité » (23b) ; en revanche, la dernière sous-séquence est marquée par le « tu », déjà dans le premier passage (42b-45), mais davantage encore dans le deuxième (55-61). Le centre de la séquence (31-36), ainsi que les centres des deuxièmes passages des sous-séquences extrêmes (22-24 et 58-60), contiennent des termes qui ne se retrouvent pas ailleurs : – « (faire) miséricordes » (22.32) ; – « ses fidélités » (22.32) ; – « ta vérité » (23) ; – « tu as défendu », « procès » (rîb, 36.56) ; – « tu as jugé » (59), « jugement » (35.59) ; – « (faire) tort » (36.59). – « tu as racheté » (58) ; – « ma part » (24) ; – « j’attends » (24 mais déjà en 21). Tous ces termes sont positifs. La « miséricorde », la « fidélité », la « vérité » de Dieu consistent à défendre son fidèle à qui on a « fait tort », à le « racheter » ; quant à l’homme, « il attend » celui qui est « sa part ».

INTERPRÉTATION DE L’ATTENTE PATIENTE À LA PRISE DE CONSCIENCE DU PÉCHÉ Au début, la violence des coups que le suppliant reçoit l’abasourdit au point qu’il ne peut ressentir et saisir autre chose ; il est incapable d’interpréter ce qui lui arrive (1-15). Puis vient le temps du souvenir et de la réflexion, de l’attente (17-21), qui le porte à se tourner vers le Seigneur et à se rappeler ses fidélités passées (22-24), le temps surtout de la patience qui conduit à accepter de porter le joug et de tendre la joue à celui qui le frappe (25-30). Pour terrible qu’il soit, le châtiment atteint son but. Ce n’est pas de bon cœur que le Seigneur humilie et afflige les hommes (33). « Prendrais-je donc plaisir à la mort du méchant — oracle du Seigneur Dieu — et non pas plutôt à le voir renoncer à sa conduite et vivre ? » (Ez 18,23). Il faudra bien du temps au coupable pour qu’il se rende compte avec étonnement d’être encore vivant, alors que sa faute le portait à la mort (39). Alors, il se tourne vers ses compagnons, les invitant à examiner avec lui leurs chemins et à revenir vers Dieu (40-42a), à l’implorer dans les larmes jusqu’à ce qu’il veuille regarder et voir leur repentir (48-51). Alors, ayant vu le tort qui leur était fait, le Seigneur pourra prendre leur défense et juger leur jugement (59).

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La deuxième section (Lm 3)

DE LA SIDÉRATION À LA PRIÈRE Tout commence avec une longue énumération des malheurs dont l’homme qui prend la parole a été frappé par quelqu’un qu’il ne nomme pas une seule fois (115). S’y ajoute, vers la fin, une sorte du redoublement du mal, quand il se plaint que tout ce qu’il subit fait de lui la risée de son peuple (14). Après ce premier temps de ténèbre où il est obnubilé, comme fasciné par le personnage qui le frappe sans pitié, il se reprend et réagit en se posant lui-même comme sujet de sa souffrance, l’assumant par le souvenir et la réflexion (17-21). Il en arrive même à retrouver une certaine paix quand il reconnait que la fidélité de Dieu n’est pas finie. Et dans une sorte d’éclair, au cœur de son discours, il ne peut plus se contenir et s’adresse directement à son Seigneur, l’espace d’un instant : « Nombreuse est ta vérité » (23b). Alors il décide d’attendre patiemment dans le silence, acceptant de porter le joug et d’être frappé au visage (24-30). Une fois la réflexion centrale assumée et dépassée, il ose s’adresser directement à celui qui le châtie, d’abord pour se plaindre, pour lui reprocher de n’avoir pas accepté de pardonner, d’écouter sa prière, de l’avoir tué et humilié devant tous (42b-46). Et la prière s’étend et finit par occuper tout l’espace, dans la reconnaissance et l’action de grâce (56-60), puis dans la supplication contre les ennemis (61-66). C’est que, aux cris du suppliant (54), le Seigneur avait répondu : « Ne crains pas ! » (57b). Le dialogue est restauré. LE SEIGNEUR RÉTABLIT LA JUSTICE Le Seigneur s’est servi des ennemis d’Israël pour châtier son peuple infidèle. Ce n’est évidemment pas lui qui a pris Jérusalem, mais Nabuchodonosor, roi de Babylone. Les prophètes ont interprété ce malheur comme la punition que Dieu avait infligé à son peuple à cause de sa conduite perverse. Cependant, « il ne rejette point pour toujours Adonaï » (31). Quand le coupable aura reconnu ses péchés, quand il sera revenu au Seigneur dans le repentir et les larmes, viendra le temps où le Seigneur rétablira la justice et prendra la défense de l’opprimé. Il ne laissera pas écraser sous les pieds tous les prisonniers du pays (34). Il s’élèvera contre ceux qui faussent le jugement (35-36). Il exterminera ceux qui voulaient exterminer son peuple, comme il l’avait déjà fait en engloutissant Pharaon et son armée dans les eaux de la mer Rouge. Cela dit, il n’est pas interdit de penser qu’il rétablira la justice aussi et peut-être surtout en Israël où elle avait été bafouée, ce qui justement avait entrainé le juste châtiment qu’un tel comportement avait mérité. QUI EST « L’HOMME » QUI PARLE TOUT AU LONG DE LA SÉQUENCE ? Cet « homme » ne dit pas son nom et ne fait pas davantage état de ses qualités. Il ne faut pas oublier que la troisième lamentation se trouve au centre du livre ; or, on sait que le centre d’une construction concentrique est toujours énig-

Séquence B : Lm 3,1-66

113

matique28. Rien d’étonnant donc que l’identité du personnage qui y prend la parole fasse question. L’étude de l’ensemble du livre, celle des rapports entre sa séquence centrale et celles qui l’entourent devraient permettre de résoudre l’énigme.

28 Voir, Traité de rhétorique biblique, 2007.2013, 417.423-425, etc. ; 2021, 347.353-355, etc. ; voir aussi R. MEYNET, « Rhétorique biblique, rhétorique de l’énigme ».

LA MISÉRICORDE DU SEIGNEUR La troisième section Lm 4–5

116

La troisième section (Lm 4–5)

La troisième section comprend deux séquences. La première (C1) comprend trois passages organisés de manière concentrique ; la deuxième (C2), deux fois plus courte, est de la taille d’un seul passage formé de cinq parties.

C1 : COMMENT SION

POUR SES CRIMES

EST-ELLE EXILÉE

CHEZ LES NATIONS ?

4,1-22

C2 : COMMENT ADONAÏ

DANS SA COLÈRE

A-T-IL ENTÉNÉBRÉ

LA FILLE DE SION ?

5,1-22

I. Le Seigneur mettra fin à ton exil La séquence C1 : 4,1-22 La quatrième lamentation est de la taille d’une séquence formée de trois passages. Les passages extrêmes comprennent trois et deux parties, le passage central est nettement plus court que les deux autres : il est de la taille d’une seule partie.

1. « Elle fut grande la faute de la fille de mon peuple » Le premier passage : 4,1-10 TEXTE ’ b g d h w z ḥ ṭ y

1

Comment s’est-il terni l’or, s’est-il altéré l’or bon, ont-elles été semées les pierres sacrées à la tête de toutes les rues ? 2 Les fils de Sion précieux, estimés comme l’or-fin, comment furent-ils comptés pour vases d’argile, œuvre des mains d’un potier ? 3 Même les chacals tendent leurs mamelles, ils allaitent leurs petits ; la fille de mon peuple fut cruelle comme les autruches au désert. 4 S’attachait la langue du nourrisson à son palais pour la soif ; les bambins demandaient du pain, de partageant il n’était pas pour eux. 5 Ceux qui avait mangé des mets-délicieux expiraient dans les rues, ceux qui avaient été élevés dedans la pourpre étreignaient les ordures. 6 Et fut grande la faute de la fille de mon peuple plus que le péché de Sodome qui fut renversée comme en un instant et ne se portèrent pas sur elle des mains. 7 Étaient-éclatants ses nazirs plus que neige, étaient-blancs plus que lait ; était-vermeil leur os plus que le corail, de saphir leur teint. 8 Était-sombre plus que la suie leur visage, ils n’étaient plus reconnus dans les rues ; était collée leur peau à leur os, sèche elle était comme du bois. 9 Bons étaient les percés de l’épée plus que les percés de la faim, eux qui succombaient, transpercés, faute des fruits des champs. 10 Les mains des femmes miséricordieuses avaient fait cuire leurs enfants ; ils furent un aliment pour elles dans le brisement de la fille de mon peuple.

V. 7A

: « SES NAZIRS »

Il s’agit d’hommes consacrés à Dieu, liés par des vœux, en particulier de s’abstenir de boissons fermentées (Nb 6,1-4 ; Jg 13,5.7). Comme ils formaient un groupe d’élite, certains traduisent par « nobles ». Amos les met en parallèle avec les prophètes (2,11-12).

118

La troisième section (Lm 4–5)

COMPOSITION LA PREMIÈRE PARTIE (1-4) ’ + 1 COMMENT + s’est-il altéré – ont-elles été semées – à la tête

s’est-il terni l’or

l’or, bon,

les pierres de toutes les rues ?

sacrées

········································································································· DE SION précieux,

b + 2 LES FILS + estimés

– COMMENT – œuvre g + 3 Même les chacals + ils allaitent – LA FILLE – comme les autruches

comme l’or-fin, furent-ils comptés des mains

pour vases d’un potier ?

tendent leurs petits ;

leurs mamelles,

DE MON PEUPLE

fut cruelle

d’argile,

au désert.

·········································································································

d – 4 S’attachait – à son palais – les bambins – de partageant

la langue pour la soif ;

du nourrisson

demandaient il n’était pas

du pain, pour eux.

Les deux morceaux de la première sous-partie sont des questions, introduites par « comment » (1a.2c). Ils mettent en parallèle les trésors du temple, avec son « or » et ses « pierres sacrées » (1), et « les fils de Sion » (2). « L’or-fin » (pāz, 2b) renvoie à « l’or » (zāhab, 1a) et à son synonyme traduit aussi par « l’or » (ketem, 1b). Dans les seconds segments, les « vases d’argile » (2c) s’opposent aux « pierres sacrées » (1c). Le premier morceau de la seconde sous-partie oppose les « chacals » (3ab) et « la fille de mon peuple » (cd). Alors que les premiers allaitent leurs petits, l’autre est comparée aux « autruches » dont on sait qu’elles abandonnent leurs œufs dans le sable. Le deuxième morceau s’arrête sur le sort des enfants qui ont « soif » (4ab) et faim de « pain » (cd). Les deux sous-parties sont complémentaires, la première consacrée aux hommes, les « fils de Sion » (2a), la seconde aux femmes, « la fille de mon peuple » (3c). LA DEUXIÈME PARTIE (5-6) Dans le premier morceau, les deux membres de chaque segment sont opposés ; dans le second morceau, le deuxième segment rappelle le châtiment de Sodome (6cd), dont « le péché » était pourtant moins grand que « la faute » de

Séquence C1 : Lm 4,1-22

119

Jérusalem (ab). Le dernier segment correspond aux seconds membres du premier morceau : on comprend que ce qui arrive aux gens de Jérusalem est le prix de leurs fautes. h + 5 Ceux qui avaient mangé – expiraient + ceux qui avaient été élevés – étreignaient

des mets-délicieux dans les rues, dedans les ordures.

la pourpre

·························································································································

w :: 6 Et fut-grande :: plus que le péché = qui fut renversée = et ne se portèrent pas

la faute de Sodome

de la fille-de mon peuple

comme sur elle

en un instant des mains.

LA TROISIÈME PARTIE (7-10) Les deux morceaux de la première sous-partie opposent l’état actuel des « nazirs » (8) à leur situation antérieure (7). « Leur os » revient dans les avantderniers membres (7c.8c) ; aux trois termes de comparaison du premier morceau (« neige », « lait », « corail », 7abc) répondent les deux du second morceau (« suie » et « bois », 8a.d). z + 7 Étaient-éclatants + ils étaient-blancs + était-vermeil + de saphir

ses nazirs plus que le lait ;

plus que neige,

LEUR OS

plus que le corail,

leur teint.

·····················································································································

ḥ – 8 Devint-sombre :: ils ne sont plus reconnus – est collée :: sèche ṭ = 9 Bons - plus que les percés = eux qui - faute des fruits

plus que la suie dans les rues ;

leur visage,

leur peau elle est

à LEUR OS, comme du bois.

sont de la faim,

les percés

succombent, des champs.

transpercés,

de l’épée

·····················································································································

y = 10 Les mains = ont fait-cuire .. ils furent .. dans le brisement

des femmes leurs enfants ;

miséricordieuses

un aliment de la fille

pour elles de mon peuple.

120

La troisième section (Lm 4–5)

z + 7 Étaient-éclatants + ils étaient-blancs + était-vermeil + de saphir

ses nazirs plus que le lait ;

plus que neige,

LEUR OS

plus que le corail,

leur teint.

·····················································································································

ḥ – 8 Devint-sombre :: ils n’étaient plus reconnus – était collée :: sèche ṭ = 9 Bons - plus que les percés = eux qui - faute des fruits

plus que la suie dans les rues ;

leur visage,

leur peau elle était

à LEUR OS, comme du bois.

étaient de la faim,

les percés

succombaient, des champs.

transpercés,

de l’épée

·····················································································································

y = 10 Les mains = avaient fait-cuire .. ils furent .. dans le brisement

des femmes leurs enfants ;

miséricordieuses

un aliment de la fille

pour elles de mon peuple.

Dans la deuxième sous-partie, les deux segments du premier morceau sont parallèles29. Alors que le premier morceau traite des hommes, des guerriers qui meurent par l’épée, le second parle des « femmes » qui en arrivent à mettre à mort leurs enfants pour se nourrir. Comme les guerriers de la deuxième sous-partie (9), les nazirs souffrent de la « faim », n’ayant plus que « la peau » sur les os. La partie s’achève sur la chose la plus terrible, celles des femmes qui mangent leurs enfants. L’ENSEMBLE DU PASSAGE (1-10) Les deux morceaux de la partie centrale correspondent aux autres unités du passage. Son deuxième morceau (6) rappelle la deuxième sous-partie de la première partie (3-4), où il s’agit de la conduite de « la fille de mon peuple » (3b.6a) ; inversement, le premier morceau de la partie centrale (5) annonce la première sous-partie de la dernière partie (7-8) : à la situation heureuse des hommes dans le passé (5a.c ; 7) est opposée leur déplorable état présent (5b.d ; 8), « dans les rues » (à la fin de 5a et 8a). Par ailleurs, le premier morceau de la partie centrale (5) rappelle la première sous-partie de la première partie (1-2) où sont opposées les situations antérieures et présentes des « fils de Sion » : alors qu’ils étaient « précieux » comme « l’or » 29

« Faute de » et « plus que » traduisent la même préposition (min).

Séquence C1 : Lm 4,1-22

121

et « les pierres sacrées », « ils sont comptés comme vases d’argile » « au coin de toutes les rues » (1-2), alors qu’ils vivaient dans le luxe, « ils expirent dans les rues » et dans « les ordures » (5). Inversement, le second morceau de la partie centrale (6) annonce le dernier morceau où l’on voit « la fille de mon peuple » manger ses petits (10) qui succombaient à cause de « la faim » (9). En d’autres termes, plus simples, chacune des trois parties met en parallèle les hommes (1-2 ; 5 ; 7-8) et les femmes avec leurs enfants (3-4 ; 6 ; 9-10). Dans les premières sous-parties des parties extrêmes, à « l’or » et aux « pierres sacrées » (1-2) correspondent « le corail » et le « saphir » (7b). À la fin de 4a, les enfants souffrent de « la soif » ; à la fin de 9a, de façon complémentaire, ils périssent à cause de « la faim », personne ne leur donnait du « pain » (4b), ils meurent par manque des « fruits des champs » (9b). ’ 1 Comment s’est-il terni L’OR, ont-elles été semées LES PIERRES SACRÉES

s’est-il altéré L’OR BON, au coin de toutes LES RUES ?

······················································································································

b 2 Les fils de Sion, précieux, estimés comme L’OR-FIN, comment ont-ils été comptés pour vases d’argile, œuvre des mains d’un potier ? g 3 Même les chacals tendent leurs mamelles, LA FILLE DE MON PEUPLE fut cruelle

ils allaitent LEURS PETITS ; comme les autruches au désert.

······················································································································ à son palais à cause de LA SOIF ;

d 4 La langue DU NOURRISSON s’attachait

les BAMBINS demandaient du pain, h 5 Ceux qui avaient mangé des mets délicieux ceux qui avaient été élevés dans la pourpre

personne ne leur en partageait. expiraient DANS LES RUES, étreignaient les ordures.

··········································································································

w 6 Fut grande la faute de LA FILLE DE MON PEUPLE

qui fut renversée comme en un instant z 7 Ses nazirs étaient éclatants plus que neige, leur os était vermeil plus que LE CORAIL,

plus que le péché de Sodome sans qu’on y porte les mains. ils étaient blancs plus que le lait ; était leur teint.

DE SAPHIR

······················································································································

ḥ 8 Leur visage devint sombre plus que la suie, leur peau était collée à leur os, ṭ

9

BONS étaient les percés de l’épée eux qui succombaient, épuisés,

on ne les reconnaissait plus DANS LES RUES ; elle était sèche comme du bois.

plus que les percés de LA FAIM, faute des fruits des champs.

······················································································································

y

10

De leurs mains des femmes miséricordieuses ils furent pour elle un aliment

avaient fait cuire LEURS ENFANTS ; dans le brisement de LA FILLE DE MON PEUPLE.

« Bon(s) » se retrouve au début des sous-parties extrêmes (1a.9a).

122

La troisième section (Lm 4–5)

INTERPRÉTATION « LA FILLE DE MON PEUPLE » La Septante traduit la première occurrence de cette expression par un pluriel, « les filles de mon peuple » (3b), en parallèle avec « les fils de Sion » (2a), interprétant ainsi qu’il s’agit des femmes de Jérusalem qui n’allaitent plus leurs petits. Pour les deux autres occurrences (6a.10b), comme le texte hébreu, elle utilise le singulier. À la fin du passage (10), l’expression est mise en parallèle avec « de tendres femmes » qui non seulement ne nourrissent plus leurs enfants, mais les font cuire pour les manger. Au centre (6), en revanche, elle désigne l’ensemble de la population de Jérusalem et, plus largement, tout « le peuple » de Dieu : ce ne sont pas seulement les femmes qui ont péché et qui sont châtiées plus durement que Sodome, mais tout Juda. Le malheur des mères et de leurs enfants est l’emblème de celui de toute la population. UN CHÂTIMENT DIVIN Ce qui s’est abattu sur Jérusalem, sur « la fille de mon peuple », est mis en relation avec le châtiment de Sodome (6). C’est parce que cette ville n’a pas été détruite par quelque ennemi humain, mais par le feu et le soufre descendus du ciel, envoyés par Dieu lui-même (Gn 19,23-24). La chute de Jérusalem et l’exil ont évidemment été causés par les hommes, mais ce désastre fut si terrible qu’il ne pouvait être interprété que comme une punition divine. Et ce châtiment fut compris comme révélant une faute pire encore que celle de Sodome, même si le péché de cette ville maudite représente traditionnellement le type du péché le plus grave.

2. Personne n’aurait pu le croire Le deuxième passage : 4,11-12 TEXTE k

11

A achevé Yhwh sa fureur, déversé l’ardeur de sa colère et il a allumé un feu en Sion et il a dévoré ses fondations. l 12 Ils ne croyaient pas, les rois de la terre, tous les habitants du monde, que viendraient l’oppresseur et l’ennemi aux portes de Jérusalem.

V.11A

: « A ACHEVÉ »

Le premier verbe, killâ, de même racine que kol, « tout », comprend les deux consonnes iniziales des deux morceaux du passage, kaf et lamed. On retrouve ce

Séquence C1 : Lm 4,1-22

123

verbe au début de la partie centrale du passage central de la deuxième lamentation (voir p. 59). Et de même au centre du Ps 11930.

COMPOSITION k + 11 A achevé + déversé

Yhwh l’ardeur

sa fureur, de sa colère

en SION SES FONDATIONS. ································································································ = et il a allumé = et il a dévoré

l – 12 Ils ne croyaient pas, – tous les habitants = que viendraient = AUX PORTES

un feu

les rois du monde,

de la terre,

l’oppresseur de JÉRUSALEM.

et l’ennemi

Dans le premier morceau, le deuxième segment dit la manifestation concrète de la fureur divine ; le « feu » (11c) renvoie à « l’ardeur » (b). Alors que le sujet du premier morceau est le seul « Yhwh » (11a), le second a pour sujet le pluriel, non seulement des « rois de la terre » (12a), mais aussi de « tous les habitants du monde » (b) ; « l’oppresseur et l’ennemi » (c) font partie de ceux dont il vient d’être question. Dans les seconds segments, les « portes de Jérusalem » (12d) renvoient aux « fondations » de « Sion » (11cd).

INTERPRÉTATION UNE CHUTE ET UNE FAUTE INCROYABLES Aucun parmi « les rois de la terre », personne parmi « tous les habitants du monde » ne croyait que Jérusalem serait assiégée, qu’un de ses ennemis l’aurait livrée aux flammes qui auraient dévoré jusqu’à ses fondations. Il semble que même cet ennemi fut surpris que cela fût possible. C’est pourquoi une telle action ne pouvait qu’être attribuée à la colère de Dieu. Une chute aussi incroyable, un tel châtiment dû à une fureur divine aussi ardente ne pouvait que sanctionner une faute d’une gravité inouïe.

30 Voir R. MEYNET, Le Psautier. Cinquième livre (Ps 107–150), 250 ; dans la sous-séquence centrale (81-96), la racine revient quatre fois (81.82.87.96).

124

La troisième section (Lm 4–5)

3. « Elle est expiée ta faute, fille de Sion » Le troisième passage : 4,13-22 TEXTE m n s

p ‘ ṣ q r š t

13

(C’était) pour les péchés de ses prophètes, les fautes de ses prêtres qui avaient versé en son sein le sang des justes. 14 Ils erraient en aveugles dans les rues, ils étaient souillés de leur sang, si bien que point on ne pouvait toucher leurs vêtements. 15 « Reculez, impur, criait-on à eux, reculez, reculez, ne touchez pas ! » Quand ils partaient, aussi erraient, on disait chez les nations : « Ils n’ajouteront pas à résider. » 16 La face de Yhwh les avait dispersés, il n’ajoutait pas à les regarder ; la face des prêtres ils n’élevaient pas et les anciens ne respectaient pas. 17 Nous encore s’achevaient nos yeux vers notre secours de buée ; de nos tours-de-guet nous guettions vers une nation qui ne sauve pas. 18 Ils épiaient nos pas, pour que nous n’allions pas sur nos places ; était proche notre fin, étaient remplis nos jours, oui, était arrivée notre fin. 19 Rapides étaient nos poursuivants plus que les aigles du ciel ; sur les montagnes ils nous traquaient, au désert nous pourchassaient. 20 Le souffle de nos narines, l’oint de Yhwh était attrapé dans leurs fosses, duquel nous disions : « À son ombre nous vivrons chez les nations. » 21 « Exulte, réjouis-toi, fille d’Édom, qui habites au pays de Ouç ; à toi aussi passera la coupe, tu te soûleras et te dénuderas. 22 Est accomplie ta faute, fille de Sion, il n’ajoutera pas à te déporter ; il châtiera ta faute, fille d’Édom, il révèlera tes péchés. »

V. 14C

: « ON NE PEUT TOUCHER »

Litt., « ils ne pouvaient toucher ». Il est clair que le sujet ne peut être le même que celui du segment précédent ; c’est pour les distinguer que l’impersonnel « on » a été retenu. La préposition initiale be a été rendue par « si bien que ». V. 15A : « CRIE-T-ON À EUX [...] ON DIT

»

Là aussi, le pronom « on » a été choisi pour distinguer les sujets de « criait » et de « disait », et ceux de « ils partaient, même erraient ». V. 18A : « ILS ÉPIENT

»

Plutôt que de la racine ṣwd, « chasser », le verbe serait de la racine ṣdh, « épier ».

Séquence C1 : Lm 4,1-22

125

COMPOSITION LA PREMIÈRE PARTIE (13-17) m : 13 (C’était) pour les péchés de ses prophètes, : les fautes de ses PRÊTRES .. qui avaient versé .. le sang

en son sein des justes.

················································································································

n : 14 ILS ERRAIENT : ils étaient souillés - si bien que point - leurs vêtements.

en aveugles de leur sang,

dans les rues,

on ne pouvait

TOUCHER

················································································································

s - 15 « Reculez, - « reculez,

impur, reculez,

criait-on NE TOUCHEZ PAS ! »

à eux,

. Quand ils partaient, . « ILS N’AJOUTERONT PAS

aussi ERRAIENT, à résider. »

on disait

CHEZ LES NATIONS :

p + 16 La face + IL N’AJOUTAIT PAS

de Yhwh à les regarder ;

les avait dispersés,

des PRÊTRES ne respectaient pas.

ils n’élevaient pas

– la face – et les anciens

················································································································

‘ :: 17 Nous encore .. vers notre secours :: de nos tours-de-guet .. vers UNE NATION

s’achevaient de buée ;

nos yeux,

nous guettions qui ne sauve pas.

Dans la première sous-partie, le péché des prophètes et des prêtres qui avaient versé le sang innocent (13) les avait « souillés » de telle sorte qu’ils étaient devenus intouchables (14). Le dernier morceau insiste : non seulement on leur criait « dans les rues » de Jérusalem de reculer (15ab), mais même « chez les nations » on leur disait de ne pas résider, mais de passer leur chemin (cd). Les deux premiers morceaux sont liés par la reprise de « sang » (13d.14b) et les derniers morceaux par les reprises de « errer » (14a.15c) et de « toucher » (14c.15b). Le premier morceau de la deuxième sous-partie met en parallèle « la face » de Dieu qui ne voulait plus les regarder et « la face » des prêtres et anciens qui n’était plus respectée. On peut comprendre que le second segment donne la raison du premier. Les deux segments du deuxième morceau sont parallèles. Ceux dont les « yeux » se consument à « guetter » un « secours » venu d’« une nation » étrangère, sont déçus : « qui ne sauve pas » (17d) correspond à « buée » (b).

126

La troisième section (Lm 4–5)

m : 13 (C’était) pour les péchés de ses prophètes, : les fautes de ses PRÊTRES .. qui avaient versé .. le sang

en son sein des justes.

················································································································

n : 14 ILS ERRAIENT : ils étaient souillés - si bien que point - leurs vêtements.

en aveugles de leur sang,

dans les rues,

on ne pouvait

TOUCHER

················································································································

s - 15 « Reculez, - « reculez,

impur, reculez,

criait-on NE TOUCHEZ PAS ! »

à eux,

. Quand ils partaient, . « ILS N’AJOUTERONT PAS

aussi ERRAIENT, à résider. »

on disait

CHEZ LES NATIONS :

p + 16 La face + IL N’AJOUTAIT PAS

de Yhwh à les regarder ;

les avait dispersés,

des PRÊTRES ne respectaient pas.

ils n’élevaient pas

– la face – et les anciens

················································································································

‘ :: 17 Nous encore .. vers notre secours :: de nos tours-de-guet .. vers UNE NATION

s’achevaient de buée ;

nos yeux,

nous guettions qui ne sauve pas.

Les deux occurrences de « ne pas ajouter » (15d.16b) jouent le rôle de termes médians, celles de « nation(s) » (15c.17d) de termes finaux. « Prêtres » revient dans les premiers morceaux des deux sous-parties, accompagné de « prophètes » la première fois (13ab), de « anciens » la deuxième fois (16cd). LA DEUXIÈME PARTIE (18-22) La première sous-partie énumère les persécutions des ennemis, d’abord dans la ville, « sur nos places » (18ab), puis « sur les montagnes » et « dans le désert » (19), enfin au pays de l’exil où « l’oint de Yhwh » est emprisonné « dans leurs fosses » (20abc). Le deuxième segment du premier morceau (18cde) constate que tout est fini, le deuxième segment du troisième morceau (20de) rappelle au contraire l’espérance que le peuple mettait dans le « Messie. Les verbes dont les ennemis sont le sujet appartiennent tous au même champ sémantique : « épier » (18a), « poursuivre », « traquer », « pourchasser » (19a.c.d), « attraper » (20c).

Séquence C1 : Lm 4,1-22 ṣ + 18 Ils épiaient + que nous n’allions pas : était proche : étaient remplis : oui, était arrivée

127

nos pas, sur nos places ; notre fin, nos jours, notre fin.

·········································································································

q + 19 Rapides + plus que les aigles .. sur les montagnes .. au désert

étaient du ciel ; ils nous traquaient ils pourchassaient

nos poursuivants

nous.

·········································································································

r – 20 Le souffle – l’oint – était attrapé

de nos narines, de Yhwh dans leurs fosses,

:: duquel :: « À son ombre

nous disions : nous vivrons

chez les nations. »

š :: 21 « Exulte, :: qui habites

réjouis-toi, au pays

fille de Ouç ;

passera et te dénuderas.

la coupe,

– à toi aussi – tu te soûleras

d’Édom,

········································································································

t + 22 Est accomplie + il n’ajoutera pas – il châtiera – il révélera

ta faute, à te déporter ;

fille

de Sion,

ta faute, tes péchés. »

fille

d’Édom,

Dans la deuxième sous-partie, le plaignant s’adresse d’abord à la « fille d’Édom » (21ab) pour lui annoncer son châtiment (cd), puis à la « fille de Sion » pour lui dire que l’exil, la punition de sa « faute » s’achèvera (22ab) et, de nouveau, à la « fille d’Édom » pour confirmer le châtiment de sa « faute » et de ses « péchés » (cd). Les deux sous-parties n’ont aucun terme en commun, comme pour signaler que les deux temps, celui de la persécution et de l’exil et celui de la fin de l’exil et du châtiment d’Édom, n’auront rien à voir ensemble. La juxtaposition de ces deux scènes permet de comprendre qu’Édom faisait partie de ceux qui avaient poursuivi et traqué Israël.

128

La troisième section (Lm 4–5)

L’ENSEMBLE DU PASSAGE (13-22) m

n

13

C’était pour les PÉCHÉS de ses prophètes, qui avaient versé EN SON SEIN

les FAUTES de ses prêtres le sang des justes.

················································································································ 14 Ils erraient en aveugles DANS LES RUES, ils étaient souillés de leur sang,

si bien que point on ne pouvait toucher

leurs vêtements.

················································································································

s

15 « Reculez, impur, leur crie-t-on, reculez, reculez, ne touchez pas ! » Quand ils partaient, aussi erraient, on disait CHEZ LES NATIONS : « Ils n’ajouteront pas à résider. »

p

16

La face de YHWH les avait dispersés, ils n’élevaient plus la face des prêtres

IL N’AJOUTAIT PAS

à les regarder ; et ne respectaient plus les anciens.

················································································································





17 Nous encore s’achevaient nos yeux de nos tours-de-guet nous guettions

18 Ils épiaient nos pas, était proche notre fin,

vers notre secours de buée ; vers UNE NATION qui ne sauve pas.

pour que nous n’allions pas SUR NOS PLACES ; étaient remplis nos jours, oui, était arrivée notre fin.

················································································································

q

19

Rapides étaient nos poursuivants sur les montagnes ils nous traquaient,

plus que les aigles du ciel ; au désert nous pourchassaient.

················································································································

r

20

Le souffle de nos narines, duquel nous disions : š

l’oint de YHWH

21

« Exulte, réjouis-toi, fille d’Édom, à toi aussi passera la coupe,

était attrapé dans leurs fosses, « À son ombre nous vivrons CHEZ LES NATIONS. » qui habites au pays de Uç ; tu te soûleras et te dénuderas.

················································································································

t

22

Est accomplie ta FAUTE, fille de Sion, il châtiera ta FAUTE, fille d’Édom,

IL N’AJOUTERA PAS à te déporter ; il révélera tes PÉCHÉS. »

Les limites du passage sont marquées par la reprise de « péchés » et de « faute(s) » (13a.22) qui font inclusion. Au début, il s’agit de ceux des « prophètes » et « prêtres » de Jérusalem ; à la fin, de ceux de la « fille de Sion », mais aussi de la « fille d’Édom ». Les deux occurrences de « chez les nations » jouent le rôle de termes finaux pour les premières sous-parties (15b.20b). Ces sous-parties commencent, en revanche, à Jérusalem, « en son sein » (13b) et « dans les rues » (14a), « sur nos places » (18a). Dans les deuxièmes sous-parties, « il n’ajoutera pas à te déporter » (22a) s’oppose à « il n’ajoute pas à les regarder » (16a) dont le sujet est toujours le Seigneur. Alors qu’il les avait « dispersés » (16a), il mettra un terme à la déportation (22a). La mention d’Édom à la fin de la deuxième partie (21-22) renvoie à « une nation qui ne sauve pas », « notre secours de buée » à la fin de la première partie (17).

Séquence C1 : Lm 4,1-22

129

CONTEXTE « EST ACCOMPLIE TA FAUTE, FILLE DE SION » Le « livre de la consolation d’Israël », c’est-à-dire le Deutéro-Isaïe (Is 40–55) commence par un oracle qui rappelle 22a : 1

« Consolez, consolez mon peuple, dit votre Dieu, parlez au cœur de Jérusalem et criez-lui que son service est accompli, que sa faute est expiée, qu’elle a reçu de la main de Yhwh double punition pour tous ses péchés » (40,1-2).

2

LE PÉCHÉ D’ÉDOM Le Ps 137 fait allusion au péché d’Édom qui encourageait les ennemis d’Israël assiégeant Jérusalem : 7

Souviens-toi, Yhwh, contre les fils d’Édom, du Jour de Jérusalem, quand ils disaient : « Dépouillez ! Dépouillez jusqu’aux fondations en elle ! »

Le « jour de Jérusalem » est celui de sa prise par Nabuchodonosor, roi de Babylone (juin-juillet 587), le 9e jour du 4e mois (Jr 39,1-2 ; 52,1-11) ; « au 5e mois, le 10 du mois » le temple est pillé et incendié (Jr 52,12-23). Parmi tous les oracles contre Édom (Is 34 ; Jr 49,7-20, etc.), celui d’Ez 35 semble le plus proche du Ps 137 : « Comme tu as éprouvé de la joie parce que l’héritage de la maison d’Israël avait été dévasté, je te traiterai de la même manière » (Ez 35,15). Mais c’est surtout Abdias qui est le plus explicite sur la conduite d’Édom lors de la dévastation de Jérusalem : 11

Quand tu te tenais à l’écart, le jour où des étrangers emmenaient ses richesses, où des barbares franchissaient sa porte et jetaient le sort sur Jérusalem, toi tu étais comme l’un d’eux ! 12 Ne te délecte pas à la vue de ton frère au jour de son malheur ! Ne fais pas des enfants de Juda le sujet de ta joie au jour de leur ruine ! Ne tiens pas des propos insolents au jour de l’angoisse ! 13 Ne franchis pas la porte de mon peuple au jour de sa détresse ! Ne te délecte pas, toi aussi, de la vue de ses maux au jour de sa détresse ! Ne porte pas la main sur ses richesses au jour de sa détresse ! 14 Ne te poste pas aux carrefours pour exterminer ses fuyards ! Ne livre point ses survivants au jour de l’angoisse ! 15 Car il est proche, le jour de Yhwh, contre tous les peuples ! Comme tu as fait, il te sera fait : tes actes te retomberont sur la tête ! (Ab 11-15)

Le crime d’Édom est plus grave même que celui de Babylone, car, selon la tradition, Édom est le frère jumeau de Jacob, lié à Israël par les liens du sang.

130

La troisième section (Lm 4–5)

INTERPRÉTATION LE PÉCHÉ DE LA FILLE DE SION Sion fut dévastée à cause des péchés et des fautes de ses prophètes et de ses prêtres (13). « Péchés » et « fautes » sont au pluriel, mais cette multitude se focalise sur un seul type de délit : avoir versé le sang des innocents. On se serait attendu à ce que ce soient les juges qui soient coupables, car ce sont eux qui ont le pouvoir de prononcer des condamnations. C’est, sans doute, que ni les prêtres, chargés plus spécialement de rappeler les préceptes de la Loi, ni même les prophètes, dont la fonction est justement de dénoncer l’injustice des puissants, rois et juges, aucun d’entre eux n’avait pris la défense des innocents. Ce qui veut dire que toutes les institutions étaient corrompues, jusqu’à celles qui, plus que toutes, auraient dû veiller à ce que la justice soit respectée. UNE IMPURETÉ UNIVERSELLEMENT CONTAGIEUSE « Souillés » du sang des innocents, prophètes et prêtres, et tout le peuple qu’ils représentent, étaient devenus impurs. Personne ne pouvait toucher leurs vêtements de peur d’être contaminés par leur impureté. Tout le monde leur criait de s’éloigner, comme s’ils étaient de dangereux lépreux. Et même « chez les nations », les païens refusaient qu’ils s’installent. Il n’est pas jusqu’à leur Dieu lui-même qui ne voulait plus les voir, qui avait détourné sa face et les avait dispersés. Finalement, ils eurent beau guetter une nation qui puisse les secourir, personne ne voulut venir les sauver, même ceux qui auraient dû leur être plus proches. Ils étaient devenus le rebut du genre humain, rejetés par les hommes et par Dieu. LE PÉCHÉ DU FRÈRE ENNEMI À la fin de la première partie (17), la « nation qui ne peut sauver » n’est pas nommée. Beaucoup pensent qu’il s’agit de l’Égypte. Toutefois, en position symétrique, à la fin de la deuxième partie, la nation qui est interpelée et dont le châtiment est annoncé est « Édom ». On sait que, loin d’être venue au secours de Juda, Édom s’était rangée du côté de ses ennemis du nord et avait même profité de la situation, si l’on en croit Abdias, pour « mettre la main sur ses richesses », pour « exterminer ses fuyards », pour « livrer ses survivants au jour de l’angoisse » (Ab 13-14) ; « sur les montagnes ils nous traquaient, au désert ils nous poursuivaient » (Lm 4,19). La faute d’Édom, ses péchés sont plus graves encore que ceux des Babyloniens, car Ésaü est frère de Jacob et il aurait dû venir à son secours.

Séquence C1 : Lm 4,1-22

131

LA FAUTE DE LA FILLE DE SION EST ACCOMPLIE La lamentation s’achève sur une note d’espoir, bien plus, sur un oracle de salut. Aucune nation, même la plus proche, n’était venue au secours de la fille de Sion, mais le Seigneur a pardonné sa faute, il mettra bientôt un terme à sa déportation (22a). L’annonce ironique du châtiment qui s’abattra sur la fille d’Édom ne fait que souligner, par contraste, la rédemption de sa victime. Pour Israël, ce n’est pas la mort qui aura le dernier mot, mais sa résurrection.

132

La troisième section (Lm 4–5)

4. Le Seigneur mettra fin à ton exil L’ensemble de la séquence : 4,1-22 COMPOSITION Dans le premier passage, celui qui parle décrit les malheurs qui se sont abattus sur Sion qu’il appelle par trois fois « la fille de mon peuple » (3b.6a.10b) ; ce sont les seules fois où apparait le pronom de première personne du singulier. C’est seulement au début du passage central qu’est prononcé le nom de « Yhwh » et que l’on comprend que c’est sa « colère » qui a causé tous ces évènements tragiques (11) ; c’est le seul endroit où il est question de sa « colère » et de sa « fureur ». Dans le second morceau (12), c’est la première et la seule fois qu’il est question de « l’oppresseur » et de « l’ennemi » humain de Jérusalem. Le dernier passage ne reprend pas la première personne du singulier, mais la première personne du pluriel (17-20) ; la dernière sous-partie est adressée à la deuxième personne du singulier, à la « fille d’Édom » et à la « fille de Sion » (21-22). Le nom de « Sion » est mentionné au début de la première partie (2a) et à la fin de la dernière (22a) ; dans le passage central, il est couplé avec celui de « Jérusalem » (11b.12b). Le nom de « Yhwh », qui apparait pour la première fois au début du passage central (11a), sera repris deux fois dans le dernier passage (16a.20a). Le couple « Faute(s) » – « péché(s) » revient au centre du premier passage (6a) et aux extrémités du dernier passage (13a.22ab)31.

INTERPRÉTATION LES PÉCHÉS DE SION ET LA COLÈRE DE DIEU Comme de coutume, c’est au centre de la composition que se trouve la clé de lecture de l’ensemble. Les malheurs sans nom dans lesquels a été précipitée la fille de Sion sont dus à la « fureur » de Yhwh, à « l’ardeur de sa colère » (11a). Celle-ci a été causée par la faute et le péché du peuple de Dieu, crimes qui ont dépassé même ceux de Sodome (6a). Une seule faute sera pointée du doigt, mais, si elle a déchainé un châtiment si radical, c’est qu’elle était insupportable à Dieu. Que les instances religieuses les plus hautes, que « prêtres » et « prophètes » se soient faits complices des juges corrompus qui versaient le sang des innocents, cela ne pouvait que mériter la mort, et la mort de toute la nation.

31

Exemple de la troisième loi de Lund : « Des idées identiques sont souvent distribuées de telle manière qu’elles apparaissent aux extrémités et au centre de leurs systèmes respectifs et nulle part ailleurs dans le système » (Chiasmus in the New Testament, 41).

Séquence C1 : Lm 4,1-22

133

’ 4,1 Comment s’est-il terni, l’or, s’est-il altéré, l’or si bon, ont-elles été semées, les pierres sacrées, au coin de toutes les rues ? b 2 Les fils de SION, précieux, estimés comme l’or fin, comment sont-ils comptés pour vases d’argile, œuvre des mains d’un potier ? g 3 Même les chacals tendent leurs mamelles et allaitent leurs petits ; la fille de mon peuple est cruelle comme les autruches au désert. d 4 La langue du nourrisson s’attache à son palais à cause de la soif ; les bambins réclament du pain, personne ne leur en partage. h

5

Ceux qui mangeaient des mets délicieux expirent dans les rues, ceux qui étaient élevés dans la pourpre étreignent les ordures. w 6 A été grande la FAUTE de la fille de mon peuple plus que le PÉCHÉ de Sodome, qui fut renversée en un instant sans qu’on y porte les mains. z 7 Ses nazirs étaient plus éclatants que neige, ils étaient blancs plus que le lait ; plus vermeil que le corail était leur os, de saphir était leur teint. ḥ 8 Leur visage devint sombre plus que la suie, on ne les reconnaissait plus dans les rues ; leur peau était collée à leur os, elle était sèche comme du bois. ṭ

9

Bons étaient les percés de l’épée plus que les percés de la faim, qui succombaient, épuisés, faute des fruits des champs. y 10 De tendres femmes, de leurs mains, avaient fait cuire leurs enfants ; ils furent pour elles un aliment dans le brisement de la fille de mon peuple. k l

11

YHWH a achevé sa fureur, déversé l’ardeur de sa colère, et il a allumé un feu en SION qui a dévoré ses fondations. 12 Ils ne croyaient pas, les rois de la terre, tous les habitants du monde, que viendrait l’oppresseur et l’ennemi aux portes de JÉRUSALEM.

m 13 C’était pour les PÉCHÉS de ses prophètes, les FAUTES de ses prêtres qui avaient versé en son sein le sang des justes. n 14 Ils erraient en aveugles dans les rues, ils étaient souillés de leur sang, si bien qu’on ne pouvait toucher leurs vêtements. s 15 « Reculez, impur ! leur criait-on, reculez, reculez, ne touchez pas ! » Quand ils partaient, qu’ils erraient, on disait chez les nations : « Ils n’ajouteront pas à résider. » 16

La face de YHWH les avait dispersés, il n’ajoutait pas à les regarder ; ils n’élevaient plus la face des prêtres et ne respectaient plus les anciens. ‘ 17 Nous encore s’achevaient nos yeux, vers notre secours de buée ; de nos tours de guet nous guettions vers une nation qui ne sauve pas. p

18

Ils épiaient nos pas, pour que nous n’allions pas sur nos places ; était proche notre fin, accomplis nos jours, oui, était arrivée notre fin. q 19 Rapides étaient nos pourchassant plus que les aigles du ciel ; sur les montagnes ils nous traquaient, au désert nous poursuivaient. r 20 Le souffle de nos narines, l’oint de YHWH était attrapé dans leurs fosses, duquel nous disions : « À son ombre nous vivrons chez les nations. » ṣ

š

21

« Exulte, réjouis-toi, fille d’Édom, qui habites au pays de Uç ; à toi aussi passera la coupe : tu te soûleras et te dénuderas. t 22 Est accomplie ta FAUTE, fille de SION, il n’ajoutera pas à te déporter ; il châtiera ta FAUTE, fille d’Édom, il révélera tes PÉCHÉS. »

134

La troisième section (Lm 4–5)

LA FAUTE ET LE PÉCHÉ CONTRE LE FRÈRE L’ennemi qui a écrasé la fille de Sion et qui l’a emmenée en exil à Babylone, Nabuchodonosor, n’est pas nommé. En revanche, c’est une sorte de comparse dont le nom est cité et dont le châtiment est annoncé à la fin de la séquence. Certes, Édom a profité de la situation de faiblesse de Juda pour participer au pillage et avilir son voisin, mais ce n’est pas lui qui a fait le siège de Jérusalem et qui a pris la ville. Sa qualité de frère de Jacob indique sans doute que c’est la fraternité qui devrait régir les relations entre les nations, mais d’abord à l’intérieur de chaque peuple. Verser le sang du juste, c’est ce que fit Caïn. C’est à la fraternité que Sion a manqué quand ses prêtres et ses prophètes ont laissé condamner à mort les innocents. LE DIEU DES MISÉRICORDES Le premier passage s’achève sur la vision terrifiante des « femmes » qui, bien que « miséricordieuses », faisaient cuire leurs enfants pour s’en nourrir (10). À la fin de la dernière partie, au contraire, est annoncé que la faute de la fille de Sion est accomplie, que le Seigneur l’effacera et qu’il mettra un terme à son exil (22a). C’est que la miséricorde divine dépasse infiniment sa colère. Elle n’est pas mue par le repentir du pécheur et sa demande de pardon : il n’en est aucunement question ici. C’est que la nouvelle alliance, loin d’être conditionnée par la pénitence, est au contraire fondée sur le pardon des péchés, comme l’avait annoncé Jérémie : 33

Mais voici l’alliance que je conclurai avec la maison d’Israël après ces jours-là, oracle de Yhwh. Je mettrai ma Loi au fond de leur être et je l’écrirai sur leur cœur. Alors je serai leur Dieu et eux seront mon peuple. 34 Ils n’auront plus à instruire chacun son prochain, chacun son frère, en disant : « Ayez la connaissance de Yhwh ! » Car tous me connaîtront, des plus petits jusqu’aux plus grands — oracle de Yhwh — parce que je vais pardonner leur crime et ne plus me souvenir de leur péché (Jr 31,33-34).

II. Seigneur, fais-nous revenir à toi La séquence C2 : 5,1-22 La cinquième lamentation est la plus courte de toutes. Elle est de la taille d’un seul passage formé de cinq parties organisées de manière concentrique. C’est aussi la seule qui n’est pas acrostiche alphabétique.

TEXTE 5,1 Souviens-toi, Yhwh, de ce qui est devenu à nous, regarde et vois notre opprobre. 2 Notre héritage a été changé à des étrangers, nos maisons à des inconnus. 3 Orphelins sommes devenus et il n’y a pas de père ; nos mères comme des veuves. 4 Notre eau pour de l’argent nous buvons, notre bois pour un prix vient. 5 [Le joug] sur notre cou, nous sommes persécutés ; nous sommes à bout et point de répit pour nous. 6 À l’Égypte nous avons donné la main, à Assur pour nous rassasier de pain. 7 Nos pères ont péché et il n’y a plus eux ; et nous, leurs fautes nous portons. 8 Des esclaves dominent sur nous, de délivrant il n’y a pas de leur main. 9 Pour nos âmes nous faisons venir notre pain à cause de l’épée du désert. 10 Notre peau comme un four est brûlante à cause des ardeurs de la faim. 11 Des femmes dans Sion ils ont violé, des vierges dans les villes de Juda. 12 Des princes de leur main ont été pendus, la face des anciens n’a pas été respectée. 13 Des jeunes gens ont porté la meule, des garçons ont trébuché sous le bois. 14 Les anciens ont déserté la porte ; les jeunes gens leur musique. 15 A déserté la joie notre cœur, s’est changée en deuil notre danse. 16 Est tombée la couronne de notre tête. Malheur à nous, car nous avons péché. 17 Pour cela est devenu malade notre cœur, pour ces choses s’obscurcissent nos yeux : 18 sur la montagne de Sion qui est désolée, des chacals rôdent en elle ! 19 Toi, Yhwh, 20 à jamais tu demeures ; ton trône de génération en génération ! Pourquoi pour toujours nous oublierais-tu, nous abandonnerais-tu jusqu’à la fin des jours ? 21 Faisnous revenir, Yhwh, à toi et nous reviendrons, renouvelle nos jours comme autrefois, 22 si pas tout à fait tu nous as rejetés, ni tu es irrité contre nous sans mesure. V. 4B

: « NOTRE BOIS »

En hébreu, « eau » n’existe qu’au pluriel, et c’est sans doute pour cette raison que « bois » est lui aussi au pluriel. V. 5

: « [LE JOUG] SUR NOTRE COU, NOUS SOMMES PERSÉCUTÉS »

Symmaque ajoute au début « le joug » qui serait tombé par haplographie (‘ôl ‘al, « le joug sur »).

136 V. 10

La troisième section (Lm 4–5) : « NOTRE PEAU COMME UN FOUR EST BRÛLANTE »

Le sujet est au singulier mais le verbe au pluriel ; en outre, le sens du verbe a fait difficulté déjà pour les anciennes versions. COMPOSITION LA PREMIÈRE PARTIE (5,1-4) + 5,1 Souviens-toi, + regarde

Yhwh, et vois

de ce qui est devenu notre opprobre :

à nous,

·····························································································································

– 2 notre héritage – nos maisons

a été changé à des inconnus ;

à des étrangers,

:: 3 orphelins :: nos mères

sommes devenus comme des veuves ;

et il n’y a pas

– 4 notre eau – notre bois

pour de l’argent pour un prix

nous buvons, vient.

de père,

Le deuxième morceau énumère « ce qui est arrivé à nous » (1a), c’est-à-dire « notre opprobre » (1b). Les segments extrêmes, qui commencent par des substantifs avec leurs possessifs, se correspondent ; au couple « étrangers » – « inconnus » (2) répond celui de « l’argent » – « un prix » (4). Au centre, celui dont on reçoit gratuitement « l’héritage », « maisons », « eau » et « bois », le « père » qui n’est plus. « Devenir » revient dans les deux morceaux (1a.3a). LA DEUXIÈME PARTIE (5-10) – 5 [Le joug] – nous sommes à bout

sur notre cou et point de répit

:: 6 à l’Égypte :: à Assur

nous avons donné pour nous rassasier

nous sommes persécutés, pour nous ;

LA MAIN, de PAIN. ······································································································· - 7 Nos pères ont péché et IL N’Y A PLUS eux ;

- et nous,

leurs fautes

nous portons.

·······································································································

:: 8 Des esclaves :: de délivrant

dominent

sur nous,

IL N’Y A PAS

DE LEUR MAIN

– pour nos âmes .. à cause de

nous faisons venir l’épée

notre PAIN du désert,

– 10 notre peau .. à cause des

comme un four ardeurs

est brûlante de la faim.

9

:

Séquence C2 : Lm 5,1-22

137

Dans le premier morceau, le second segment donne les noms de ceux qui « persécutent » Juda et font peser leur joug sur son cou (5a). C’est à « l’Égypte » et à « Assur » que le persécuté a « donné la main » pour être « rassasié de pain ». Dans le dernier morceau, « l’Égypte » et « Assur » sont appelés « les esclaves » qui « dominent » Juda ; les deux derniers segments redisent que c’est d’eux que le vaincu attend son « pain » (9a) pour apaiser sa « faim » (10b). « Main » revient en 6a et 8b, « pain » en 6b et 9a. Au centre, la raison ancienne des malheurs présents (7) ; « Il n’y a pas » est le seul terme commun entre le centre et le reste de la partie (7a.8b). LA TROISIÈME PARTIE (11-12) :: 11 Des femmes :: des vierges

dans Sion dans les villes

ils ont violé, de Juda ;

+ 12 des princes + la face

de leur main des anciens

ont été pendus, n’a pas été respectée.

Les deux segments mettent en parallèle femmes et hommes. Les « princes » et les « anciens » comme les « vierges » sont les personnes qui devraient le plus être respectées. LA QUATRIÈME PARTIE (13-18) – 13 Des jeunes-gens – et des garçons

la meule sous le bois

ont porté ont trébuché ;

– 14 des anciens – les jeunes-gens

la porte leur musique ;

ont déserté,

:: 15 a déserté :: s’est changée

la joie en deuil

NOTRE CŒUR,

notre danse.

································································································ 16

Est tombée malheur

la couronne à nous,

de notre tête ; car nous avons péché !

································································································ est devenu malade NOTRE CŒUR,

:: 17 Pour cela :: pour ces choses 18

– sur la montagne – des chacals

s’obscurcissent

nos yeux ;

de Sion rôdent

qui est désolée, en elle !

Les trois segments du premier morceau sont liés par concaténation : « jeunesgens » revient en 13a et 14b, « déserter » en 14a et 15a, « danse » correspond à « musique » (14b.15b).

138

La troisième section (Lm 4–5)

– 13 Des jeunes-gens – et des garçons

la meule sous le bois

ont porté, ont trébuché ;

– 14 des anciens – les jeunes-gens

la porte leur musique ;

ont déserté,

:: 15 a déserté :: s’est changée

la joie en deuil

NOTRE CŒUR,

notre danse.

································································································ 16

Est tombée malheur

la couronne à nous,

de notre tête ; car nous avons péché !

································································································ est devenu malade NOTRE CŒUR,

:: 17 Pour cela :: pour ces choses 18

– sur la montagne – des chacals

s’obscurcissent

nos yeux :

de Sion rôdent

qui est désolée, en elle.

Dans le dernier morceau, les trois premiers membres commencent par la même préposition ‘al, traduite par « pour » (17ab) et par « sur » (18a). Ce n’est pas seulement celui qui parle qui est atteint pour « ces choses » (17), mais aussi « Sion » toute entière envahie par les « chacals » (18). Au centre, tous ces malheurs, représentés par la couronne qui est tombée (16a), sont reconnus comme ayant été causés par le péché (16b). « Notre cœur » est repris dans les morceaux extrêmes (15a.17a) ; « notre tête » (16a) et « nos yeux » (17b) appartiennent au même champ sémantique. LA CINQUIÈME PARTIE (16-22) + 19 Toi, + ton trône

YHWH, de génération

à jamais en génération ;

:: 20 pourquoi :: nous abandonnerais-tu

pour toujours jusqu’à la fin

nous oublierais-tu, des JOURS ?

tu demeures,

····································································································································· + 21 Fais-nous revenir, YHWH, à toi et nous reviendrons, NOS JOURS comme autrefois, + renouvelle

:: 22 si pas :: ni tu es irrité

tout à fait contre nous

tu nous as rejetés, sans mesure.

Dans le premier morceau, les deux segments sont liés par les synonymes « à jamais », « de génération en génération », « pour toujours » et « jusqu’à la fin des jours ». L’abandon de Yhwh (20) serait-il aussi éternel que sa royauté (19) ? Dans le deuxième morceau, l’orant supplie le Seigneur de le rétablir dans sa situation d’autrefois (21) ; le deuxième segment est une conditionnelle qui envisage que la colère de Dieu soit « sans mesure ».

Séquence C2 : Lm 5,1-22

139

Les deux morceaux se correspondent en parallèle : dans les premiers segments, la stabilité ancienne du peuple est mise en rapport avec celle de Dieu luimême ; les seconds segments, au contraire, envisagent que le Seigneur oublie et abandonne son peuple (20), qu’il le rejette et soit irrité contre lui (22). Le nom de « Yhwh » se trouve en même position (19a.21a). L’ENSEMBLE DU PASSAGE (5,1-22) 5,1 « SOUVIENS-TOI, YHWH, de ce qui est devenu à nous, regarde et vois notre opprobre : 2 notre héritage S’EST CHANGÉ à des étrangers, nos maisons à des inconnus. 3 Orphelins sommes devenus, et il n’y a pas de PÈRE, nos mères comme des veuves ; 4 nous buvons notre eau pour de l’argent, notre BOIS vient pour un prix. » 5 6

[Le joug] sur notre cou nous sommes persécutés ; sommes à bout et point de répit pour nous ; à l’Égypte nous avons donné LA MAIN, à Assur pour nous rassasier de pain. 7

Nos PÈRES ONT PÉCHÉ et ils ne sont plus

et nous, nous portons LEURS FAUTES.

8

Des esclaves dominent sur nous, personne pour nous délivrer de LEUR MAIN : pour nos vies nous faisons venir notre pain à cause de l’épée du désert, 10 notre peau comme un four est brûlante, à cause des ardeurs de la faim. 9

11 12

Ils ont violé des femmes dans SION, des vierges dans les villes de Juda ; des princes ont été pendus de LEUR MAIN, la face des ANCIENS n’a pas été respectée.

Des jeunes gens ont porté la meule et des garçons ont trébuché sous le BOIS ; des ANCIENS ont déserté la porte, les jeunes gens leur musique ; 15 la joie a déserté notre cœur, notre danse S’EST CHANGÉE en deuil. 13 14

16 17 18

La couronne de notre tête est tombée,

malheur à nous, car NOUS AVONS PÉCHÉ.

C’est pourquoi notre cœur est devenu malade, pour cela que nos yeux s’obscurcissent ; sur la montagne de SION qui est désolée rôdent des chacals.

19

« Toi, YHWH, tu demeures à jamais, ton trône de génération en génération ; Pourquoi NOUS OUBLIERAIS-TU pour toujours, nous abandonnerais-tu jusqu’à la fin des jours ? 21 Fais-nous revenir à toi, YHWH, et nous reviendrons, renouvelle nos jours comme autrefois, 22 si tu ne nous as pas tout à fait rejetés, si tu n’es pas irrité contre nous sans mesure. » 20

De même taille, les parties extrêmes sont adressées à « Yhwh » (1 ; 19), nom qui n’est pas utilisé ailleurs ; « nous oublierais-tu » (20) correspond par opposition à « souviens-toi » (1). La deuxième et l’avant-dernière partie sont elles aussi de même taille ; elles se correspondent en miroir : les morceaux extrêmes comprennent deux segments (5-6 ; 17-18), les morceaux centraux un seul segment (7.16) et les morceaux médians trois segments (8-10 ; 13-15). Les morceaux centraux sont les seuls où revienne le verbe « pécher », accompagné en 7 de « leurs fautes ». En 7 il s’agit du péché des pères, en 16 de celui de la génération présente.

140

La troisième section (Lm 4–5)

5,1 « SOUVIENS-TOI, YHWH, de ce qui est devenu à nous, regarde et vois notre opprobre : 2 notre héritage S’EST CHANGÉ à des étrangers, nos maisons à des inconnus. 3 Orphelins sommes devenus, et il n’y a pas de PÈRE, nos mères comme des veuves ; 4 nous buvons notre eau pour de l’argent, notre BOIS vient pour un prix. » 5 6

[Le joug] sur notre cou nous sommes persécutés ; sommes à bout et point de répit pour nous ; à l’Égypte nous avons donné LA MAIN, à Assur pour nous rassasier de pain. 7

Nos PÈRES ONT PÉCHÉ et ils ne sont plus

et nous, nous portons LEURS FAUTES.

8

Des esclaves dominent sur nous, personne pour nous délivrer de LEUR MAIN : pour nos vies nous faisons venir notre pain à cause de l’épée du désert, 10 notre peau comme un four est brûlante, à cause des ardeurs de la faim. 9

11 12

Ils ont violé des femmes dans SION, des vierges dans les villes de Juda ; des princes ont été pendus de LEUR MAIN, la face des ANCIENS n’a pas été respectée.

Des jeunes gens ont porté la meule et des garçons ont trébuché sous le BOIS ; des ANCIENS ont déserté la porte, les jeunes gens leur musique ; 15 la joie a déserté notre cœur, notre danse S’EST CHANGÉE en deuil. 13 14

16 17 18

La couronne de notre tête est tombée,

malheur à nous, car NOUS AVONS PÉCHÉ.

C’est pourquoi notre cœur est devenu malade, pour cela que nos yeux s’obscurcissent ; sur la montagne de SION qui est désolée rôdent des chacals.

19

« Toi, YHWH, tu demeures à jamais, ton trône de génération en génération ; Pourquoi NOUS OUBLIERAIS-TU pour toujours, nous abandonnerais-tu jusqu’à la fin des jours ? 21 Fais-nous revenir à toi, YHWH, et nous reviendrons, renouvelle nos jours comme autrefois, 22 si tu ne nous as pas tout à fait rejetés, si tu n’es pas irrité contre nous sans mesure. » 20

La courte partie centrale est la seule où n’intervient ni le « nous » ni le « tu », mais seulement la troisième personne, celle des persécuteurs et de leurs victimes. « Sion » revient aussi en 18, « leur main » en 8 et « anciens » en 14. Les deux premières parties sont liées par la reprise de « père(s) » (3.7). Dans la première et la quatrième partie, reviennent « se changer » (2.15) ainsi que « bois » (4.13).

CONTEXTE La dernière partie, et en particulier le verset 20, rappelle Is 49,14-15 : 14

Sion avait dit : « Yhwh m’a abandonnée ; le Seigneur m’a oubliée. » 15 Une femme oublie-t-elle son petit enfant, est-elle sans pitié pour le fils de ses entrailles ? Même si les femmes oubliaient, moi, je ne t’oublierai pas.

Séquence C2 : Lm 5,1-22

141

INTERPRÉTATION LAMENTATION ET SUPPLICATION Les trois parties centrales sont une longue lamentation sur les malheurs de la servitude où Sion a été réduite avec tout Juda. La dernière partie, en revanche, est une supplication adressée à « Yhwh » ; de même, la première partie commence par un appel au Dieu de l’alliance auquel le plaignant expose ce que l’ennemi a fait à son peuple. Et l’on peut comprendre que toute la longue lamentation centrale (5-18) est énoncée, elle aussi, en présence du Seigneur32. LAMENTATION ET CONFESSION DES PÉCHÉS Au cœur des parties les plus développées de la lamentation, le suppliant fait une double confession des péchés. Ce sont d’abord ceux des pères, que leurs fils doivent porter (7), puis ce sont aussi ceux que les fils à leur tour ont commis (16). C’est là une manière de dire que le péché accompagne Israël tout au long de son histoire et que chacun doit supporter un double fardeau, celui de ceux qui l’ont précédé et le sien propre. PÉCHÉ ET CHÂTIMENT La courte partie centrale peut sembler quasi anecdotique : ce ne serait là que deux actes odieux parmi tous ceux que l’envahisseur a fait subir à Juda. Mais on sait que le centre d’une construction est toujours énigmatique, qu’il invite à la réflexion et qu’il devrait receler la clé de lecture de l’ensemble. Le viol des femmes et spécialement des vierges est une manière de porter atteinte à l’avenir du peuple, et c’est le passé qui est lui aussi atteint quand les anciens sont avilis et que les princes sont pendus. Le châtiment est à la mesure du péché. De même que c’est toute l’histoire de Juda qui est marquée par le péché, celui de la génération des pères pesant sur celle des fils auquel il s’ajoute, ainsi c’est à la fois le passé qui est atteint par les sévices infligés aux plus âgés, et le futur de la génération suivante qui est compromis par le viol des vierges. UNE QUESTION DE FILIATION Dès le début, ce qui est en cause et « l’héritage » (2). Au lieu d’aller aux fils, il est confisqué par des « étrangers », des « inconnus ». Et, qui plus est, ce n’est pas seulement l’héritage qui s’évanouit, ce sont les pères eux-mêmes qui ont disparu. Les fils ont tout perdu, ils n’ont plus personne pour leur assurer le pain ; ironie du sort, ils se voient contraints de se soumettre à leurs bourreaux, à ceux qui ont tué leur père, pour quémander du pain. Au centre (11), c’est aussi la 32

Plusieurs manuscrits grecs et latins intitulent le chapitre : « Prière » ou « Prière de Jérémie ». Voir Berlin, 116. Dobbs-Allsopp (155) intitule le chapitre : « 5. Cinquième poème. Une prière conclusive ».

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La troisième section (Lm 4–5)

filiation qui est menacée par le viol des femmes et des vierges. Là encore, ce sont les ennemis qui prennent la place réservée aux pères. La perversion de la filiation atteint son comble. À la fin, c’est le maitre des « générations » qui est invoqué (19) ; et c’est à lui que le suppliant demande qu’il « renouvelle les jours » du peuple (21). Une telle formule rappelle la requête centrale du Miserere : « Un cœur pur crée pour moi, Dieu, et un esprit droit renouvelle en mon sein » (Ps 51,12). Ce que demande le psalmiste est une nouvelle création. En outre et surtout, la prière rappelle les paroles que le Seigneur, par la bouche d’Isaïe, adresse à « Sion » qui croyait être « abandonnée », « oubliée » : « Une femme oublie-t-elle son petit enfant, est-elle sans pitié pour le fils de ses entrailles ? Même si les femmes oubliaient, moi, je ne t’oublierai pas ». La prière est celle d’un fils qui supplie celui qui l’a engendré.

III. La miséricorde du Seigneur L’ensemble de la troisième section : Lm 4–5 Ce qui apparait d’abord, c’est que les deux dernières séquences sont très différentes. La première est, comme les trois précédentes, acrostiche alphabétique, tandis que la dernière ne l’est pas ; toutefois, celle-ci compte vingt-deux versets, le même nombre que les vingt-deux lettres de l’alphabet hébreu. Par ailleurs, la deuxième séquence est deux fois plus courte que la première : elle compte vingt-deux segments, alors que la précédente en a quarante-quatre. COMPOSITION Malgré ces différences, les deux dernières lamentations ont un certain nombre de points communs et forment donc une section. C1 : LE SEIGNEUR

METTRA FIN

À TON EXIL

4,1-22

C2 : SEIGNEUR,

FAIS-NOUS REVENIR

À TOI

5,1-22

144

La troisième section (Lm 4–5)

’ 4,1 Comment s’est-il terni, l’or, s’est-il altéré, l’or si bon, ont-elles été semées les pierres sacrées au coin de toutes les rues ? b 2 Les fils de SION, précieux, estimés comme l’or fin, comment sont-ils comptés pour vases d’argile, œuvre des mains d’un potier ? g 3 Même les chacals tendent leurs mamelles et allaitent leurs petits ; la fille de mon peuple est cruelle comme les autruches au désert. d 4 La langue du nourrisson s’attache à son palais à cause de la soif ; les bambins réclament du PAIN, personne ne leur en partage. h 5 Ceux qui mangeaient des mets délicieux expirent dans les rues, ceux qui étaient élevés dans la pourpre étreignent les ordures. w 6 Elle a été grande la FAUTE de la fille de mon peuple plus que le PÉCHÉ de Sodome qui fut renversée en un instant sans qu’on y porte les mains. z 7 Ses nazirs étaient plus éclatants que neige, ils étaient blancs plus que le lait ; plus vermeil que le corail était leur os, de saphir était leur teint. ḥ 8 Leur visage devint sombre plus que la suie, on ne les reconnaissait plus dans les rues ; leur PEAU était collée à leur os, elle était sèche comme du BOIS. ṭ 9 Les percés de l’épée étaient meilleurs que les percés de la FAIM, eux qui succombaient, épuisés, faute des fruits des champs. y 10 De tendres femmes, de leurs mains, avaient fait cuire leurs enfants ; ils furent pour elles un aliment dans le brisement de la fille de mon peuple. k 11 YHWH a achevé sa fureur, déversé l’ardeur de sa colère, et il a allumé un feu en SION qui a dévoré ses fondations. l 12 Ils ne croyaient pas, les rois de la terre, tous les habitants du monde, que l’oppresseur et l’ennemi viendraient aux portes de JÉRUSALEM. m 13 C’était à cause des PÉCHÉS de ses prophètes, des FAUTES de ses prêtres qui avaient versé en son sein le sang des innocents. n 14 Ils erraient en aveugles dans les rues, ils étaient souillés de leur sang, si bien qu’on ne pouvait toucher leurs vêtements. s 15 « Reculez, impur ! leur criait-on, reculez, reculez, ne touchez pas ! » Quand ils partaient, qu’ils erraient, on disait chez les nations : « Ils ne résideront plus. » p 16 La face de YHWH les avait dispersés, il ne les regardait plus ; ils considéraient plus la face des prêtres et ne respectaient plus les anciens. ‘ 17 Nous aussi, nos yeux s’achevaient, vers notre secours de buée ; de nos tours de guet nous guettions vers une nation qui ne sauve pas. ṣ 18 Ils épiaient nos pas, pour que nous n’allions pas sur nos places ; notre fin était proche, accomplis nos jours, oui, était arrivée notre fin. q 19 Ceux qui nous pourchassaient étaient plus rapides que les aigles du ciel ; sur les montagnes ils nous traquaient, au désert nous poursuivaient. r 20 Le souffle de nos narines, l’oint de YHWH était attrapé dans leurs fosses, lui dont nous disions : « À son ombre nous vivrons chez les nations. » š 21 « Exulte, réjouis-toi, fille d’Édom, qui habites au pays de Uç ; à toi aussi passera la coupe : tu te soûleras et te dénuderas. t 22 Ta FAUTE est accomplie, fille de SION, il ne te déportera plus ; il châtiera ta FAUTE, fille d’Édom, il révélera tes PÉCHÉS. »

« Faute(s) » – « péchés » reviennent, dans la première séquence, au centre du premier passage (4,6) et aux extrémités du dernier (13.22) ; dans la deuxième séquence, au centre des deuxième et avant-dernière parties (7.16).

L’ensemble de la section

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5,1 « Souviens-toi, YHWH, de ce qui nous est arrivé, regarde et vois notre opprobre : 2 notre héritage est passé à des étrangers, nos maisons à des inconnus. 3 Nous sommes devenus orphelins, et il n’y a plus de père, nos mères comme des veuves ; 4 nous buvons notre eau pour de l’argent, notre BOIS vient pour un prix. » 5 6

Le joug sur notre cou nous sommes persécutés ; nous sommes à bout et point de répit pour nous ; à l’Égypte nous avons donné la main, à Assur pour nous rassasier de PAIN. 7

Nos pères ONT PÉCHÉ et ils ne sont plus et nous, nous portons LEURS FAUTES.

8

Des esclaves dominent sur nous, personne pour nous délivrer de leur main : pour nos vies nous faisons venir notre PAIN à cause de l’épée du désert, 10 notre PEAU comme un four est brûlante, à cause des ardeurs de la FAIM. 9

11 12

Ils ont violé des femmes dans SION, des vierges dans les villes de Juda ; des princes ont été pendus de leur main, la face des anciens n’a pas été respectée.

Des jeunes gens ont porté la meule et des garçons ont trébuché sous le BOIS ; des anciens ont déserté la porte, les jeunes gens leur musique ; 15 la joie a déserté notre cœur, notre danse s’est changée en deuil. 13 14

16 17 18

La couronne de notre tête est tombée, malheur à nous, car NOUS AVONS PÉCHÉ.

C’est pourquoi notre cœur est devenu malade, pour cela que nos yeux s’obscurcissent ; sur la montagne de SION qui est désolée rôdent des chacals.

19

« Toi, YHWH, tu demeures à jamais, ton trône de génération en génération ; Pourquoi nous oublierais-tu pour toujours, nous abandonnerais-tu jusqu’à la fin des jours ? 21 Fais-nous revenir à toi, YHWH, et nous reviendrons, renouvelle nos jours comme autrefois, 22 si tu ne nous as pas tout à fait rejetés, si tu n’es pas irrité contre nous sans mesure. » 20

Le nom de « Sion » revient aux extrémités et au centre de la première séquence (4,2.11.22) et dans la deuxième séquence, au centre et à la fin de l’avant-dernière partie (5,11.18). On notera aussi d’autres reprises lexicales : « pain » (4,4 ; 5,6.9), « peau » (4,8 ; 5,10), « bois » (4,8 ; 5,4.13), « faim » (4,9 ; 5,10). Dans la première séquence, le « je » du premier passage (« la fille de mon peuple, 4,3.6.10) laisse la place au « nous » dans le dernier passage (17-20) ; dans la deuxième séquence, le « nous » occupe tout l’espace, sauf la partie centrale (5,11-12) ainsi que les deux segments suivants. À la fin de la première séquence, le suppliant s’adresse à la « fille d’Édom » et à la « fille de Sion » (4,21-22) ; dans la dernière séquence, le suppliant s’adresse à « Yhwh » dans les parties extrêmes, au moins (5,1-4.19-22). Le thème de la filiation apparait par deux fois dans la première séquence avec les mères et leurs enfants (4,3-4.10) ; dans la deuxième séquence, avec « père » et « mères » (et aussi « héritage », « maisons », 5,2-3), au centre avec le couple femmes – hommes (11-12) et enfin, dans la dernière partie, avec l’expression « de génération en génération » (19) et avec l’image du père qui ne saurait oublier ni abandonner ses enfants.

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La troisième section (Lm 4–5)

INTERPRÉTATION « DES PROFONDEURS JE CRIE VERS TOI, SEIGNEUR » (PS 130,1) Dans un premier temps, l’homme est écrasé par le malheur qui s’abat sur lui. Il ne voit rien d’autre, ne pense qu’à cela. Du fond de la fosse, il est bien incapable d’apercevoir le moindre coin du ciel. Les images les plus horribles ne cessent de tournoyer devant ses yeux, le supplice de la faim pire que celui de l’épée (4,9), les bambins qui crient famine sans que leurs mères puissent rien leur donner, ceux qu’elles font cuire pour les manger (10). Ce qui est arrivé est proprement incroyable : même les rois étrangers n’auraient pas pu imaginer combien l’ardeur de la colère de Dieu avait pu en arriver à de telles extrémités (11-12). Il n’est pas étonnant qu’il faille du temps pour que le plaignant en arrive à détourner le regard afin de s’adresser à son Seigneur. Et même quand il finit par y parvenir, ce n’est que pour lui demander de regarder ce qui leur est arrivé (5,1) et qu’il va, pour ainsi dire, ressasser encore longuement (2-18). Ce n’est qu’au terme de cette plainte que sa prière se transforme en supplication : d’abord le « Pourquoi ? » de celui qui n’en peut plus (20), puis la requête de salut : « Fais-nous revenir et nous reviendrons, renouvelle nos jours comme autrefois » (21). DU PÉCHÉ AU RETOUR Le péché marque également les deux séquences en des lieux stratégiques. Il est omniprésent. C’est celui de Sion, plus grave encore que celui de Sodome (4,6), celui de « ses prophètes » et de « ses prêtres » (13) ; c’est celui de la génération présente, mais qui doit aussi porter celui de leurs pères (5,7), celui des « jeunes gens » et des « anciens » (13-16). Cependant, la faute n’est pas seulement celle des fils de Sion, elle est aussi celle des ennemis d’Israël, celle d’Édom en particulier (4,22b). Le péché, toutefois, n’est pas la fin de tout. Celui de Jérusalem sera « expié » et le retour d’exil est annoncé (4,22a). C’est ce que dit en conclusion la première séquence, et de la même manière à la fin de la deuxième séquence, au nom de tout le peuple le suppliant demande au Seigneur Yhwh de les faire revenir et de renouveler leurs jours comme autrefois, comme avant la déportation. « DE GÉNÉRATION EN GÉNÉRATION » Si les enfants meurent de faim (4,3-4), si leurs mères les font cuire pour s’en nourrir (10), c’en est fait de la génération suivante. Il n’y a donc plus de futur pour la « fille de mon peuple ». C’est la fin d’Israël. De manière complémentaire, dès le début de la séquence suivante, c’est la génération précédente qui disparait : « il n’y a plus de pères » (5,3). Avec les pères, c’est leur « héritage », leurs « maisons » dont est privée la génération présente (2). Le lien avec le passé est brisé : les fils sont non seulement « orphelins », ils sont dépouillés de ce qui

L’ensemble de la section

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les reliait au passé. Futur et passé sont également compromis, bien plus, détruits. Le cours des générations s’arrête définitivement. La filiation ne s’acquiert pas à « prix » d’« argent » (4) ; celui qui doit supporter le joug d’un maitre n’est pas un fils, c’est un esclave, pire, un animal de trait. L’ennemi ne s’est pas seulement emparé de l’héritage des fils, de leurs maisons, ils ont violé leurs femmes et leurs vierges, confisquant leur paternité (11). On comprend alors que la victime d’une si radicale dépossession, d’une telle négation se tourne vers le seul qui règne « de génération en génération » (19), celui qui, par la bouche d’Isaïe, a promis qu’il ne saurait oublier pour toujours ceux qu’il a engendrés, qu’il ne les abandonnera jamais, qu’il renouvellera leurs jours comme autrefois (20-21).

COMMENT ? Les Lamentations de Jérémie

L’ensemble du livre

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Les cinq séquences ne sont pas de même longueur. Chacune des trois premières compte soixante-six segments, tandis que la quatrième en contient quarante-quatre et la dernière vingt-deux seulement. Ce qui fait que l’ensemble des deux dernières est de même longueur que chacune des trois précédentes. Ce déséquilibre quantitatif n’empêche pas que le livre soit organisé de manière concentrique, autour de la troisième lamentation. En effet, les deux premières sont non seulement de même longueur, mais elles ont la même facture acrostiche : chaque lettre de l’alphabet se trouve en tête d’un groupe de trois segments. Les deux dernières sont plus courtes que les trois précédentes. En outre, la quatrième est acrostiche alphabétique, mais chaque lettre se trouve en tête d’un groupe de deux segments et non plus de trois ; quant à la dernière, non seulement elle est moitié plus courte que la précédente, mais elle est faussement acrostiche, totalisant vingt-deux segments dont les lettres initiales ne sont pas dans l’ordre alphabétique. La lamentation centrale se distingue de toutes les autres : alors que dans les deux précédentes, c’est chaque groupe de trois segments qui commence par une lettre de l’alphabet, dans la troisième, ce sont chacun des trois segments de chaque groupe qui commence par la même lettre. Première section : LA COLÈRE DU SEIGNEUR A1 : COMMENT SION

POUR SES CRIMES

A2 : COMMENT ADONAÏ DANS SA COLÈRE

EST-ELLE EXILÉE

CHEZ LES NATIONS ?

A-T-IL ENTÉNÉBRÉ LA FILLE DE SION ?

1,1-22

2,1-22

Deuxième section B : « LE SEIGNEUR NE REJETTE PAS POUR TOUJOURS »

3,1-66

Troisième section : LA MISÉRICORDE DU SEIGNEUR C1 : LE SEIGNEUR

METTRA FIN

À TON EXIL

4,1-22

C2 : SEIGNEUR,

FAIS-NOUS REVENIR

À TOI

5,1-22

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Comment ?

COMPOSITION LES RAPPORTS ENTRE LES SECTIONS EXTRÊMES (A ET C) 1. Les rapports entre les premiers versants des séquences A1, A2 et C1 ’ 1,1 COMMENT est-elle assise à l’écart, la Ville nombreuse de peuple ? Elle est devenue comme une veuve ; nombreuse chez les nations, princesse chez les provinces, elle est devenue à la corvée. b 2 Pour pleurer elle pleure durant la nuit et sa larme sur sa joue. Il n’y a pas pour elle de consolateur parmi tous ses amants ; tous ses amis l’ont trahie, ils sont devenus pour elle des ennemis. g 3 Juda est exilée sous la misère et sous une nombreuse servitude. Elle, elle est assise chez les nations, elle ne trouve pas de repos ; tous ses poursuivants l’atteignent parmi les angoisses. d 4 Les chemins de Sion sont en deuil sans personne venant à ses assemblées, toutes ses portes sont désertes ; ses prêtres gémissent, ses vierges se désolent et elle, c’est amer pour elle. h 5 Ses oppresseurs sont devenus en tête, ses ennemis sont heureux, car Yhwh l’a affligée POUR SES NOMBREUX CRIMES ; ses bambins sont partis en captivité devant l’oppresseur. w 6 Et de LA FILLE DE SION est sortie toute sa splendeur ; ses princes sont devenus comme des cerfs qui ne trouvent point de pâture et ils sont partis avec point de force devant le poursuivant. z 7 Jérusalem se souvient, aux jours de misère et de sa détresse, de tous ses trésors qui étaient devenus depuis les jours d’antan, quand son peuple tombait par la main de l’oppresseur et il n’y a pas d’aide pour elle. La voyaient des oppresseurs, ils riaient de sa ruine. ḥ 8 POUR PÉCHER ELLE A PÉCHÉ Jérusalem, c’est pourquoi elle est devenue impureté. Tous ses honorant la méprisent car ils ont vu sa nudité ; aussi elle, elle gémit et revient en arrière. ṭ 9 Sa souillure sur sa robe, elle ne se souvient pas de sa fin et elle est tombée prodigieusement ; il n’y pas de consolateur pour elle. « Vois, Yhwh, ma misère, car l’ennemi a grandi. » [...] ’ 2,1 COMMENT Adonaï a-t-il enténébré EN SA COLÈRE LA FILLE DE SION, précipité du ciel sur la terre la splendeur d’Israël et ne s’est pas souvenu de l’escabeau de ses pieds AU JOUR DE SA COLÈRE ? b 2 Adonaï a englouti et il n’a pas eu pitié toutes les demeures de Jacob ; il a renversé en sa rage les forteresses de LA FILLE DE JUDA, il a jeté à terre, il a maudit le royaume et ses princes. g 3 Il a brisé DANS L’ARDEUR DE SA COLÈRE toute la corne d’Israël ; il a retiré en arrière sa droite devant l’ennemi et il a allumé en Jacob comme un feu flamboyant qui dévore alentour. d 4 Il a bandé son arc comme un ennemi, est assurée sa droite, il est comme un oppresseur et il a tué tous ceux qui charmaient l’œil ; sur la tente de LA FILLE DE SION il a déversé comme un feu SA FUREUR. h 5 Adonaï a été comme un ennemi, il a englouti Israël, il a englouti tous ses palais, il a abattu ses forteresses et il a multiplié pour LA FILLE DE JUDA gémissements et gémissements. w 6 Et il a démoli comme le jardin sa hutte, il a abattu son assemblée ; Yhwh a fait oublier dans Sion assemblée et sabbat et il a rejeté DANS L’INDIGNATION DE SA COLÈRE roi et prêtre. z 7 Adonaï s’est dégoûté de son autel, il a eu en horreur son sanctuaire, il a livré à la main de l’ennemi les remparts de ses palais ; clameurs ils ont donné dans la maison de Yhwh comme en un jour d’assemblée. ḥ 8 Yhwh a médité d’abattre le rempart de LA FILLE DE SION ; il a étendu le cordeau, il n’a pas retiré sa main de l’engloutissement et il a endeuillé avant-mur et rempart : ensemble ils se désolent. ṭ 9 Se sont enfoncées sous terre ses portes, il a cassé et il a brisé ses barres ; son roi et ses princes sont chez les nations, il n’y a plus de Loi, aussi ses prophètes ne trouvent plus de vision venant de Yhwh.

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’ 4,1 COMMENT s’est-il terni, l’or, s’est-il altéré, l’or si bon, ont-elles été semées, les pierres sacrées, au coin de toutes les rues ? b 2 LES FILS DE SION, précieux, estimés comme l’or fin, comment sont-ils comptés pour vases d’argile, œuvre des mains d’un potier ? g 3 Même les chacals tendent leurs mamelles et allaitent leurs petits ; LA FILLE DE MON PEUPLE est cruelle comme les autruches au désert. d 4 La langue du nourrisson s’attache à son palais à cause de la soif ; les bambins réclament du pain, personne ne leur en partage. h 5 Ceux qui mangeaient des mets délicieux expirent dans les rues, ceux qui étaient élevés dans la pourpre étreignent les ordures. w 6 Elle a été grande la FAUTE de LA FILLE DE MON PEUPLE, plus que le PÉCHÉ de Sodome qui fut renversée en un instant sans qu’on y porte les mains. z 7 Ses nazirs étaient plus éclatants que neige, ils étaient blancs plus que le lait ; plus vermeil que le corail était leur os, de saphir était leur teint. ḥ 8 Leur visage devint sombre plus que la suie, on ne les reconnaissait plus dans les rues ; leur peau était collée à leur os, elle était sèche comme du bois. ṭ 9 Les percés de l’épée étaient meilleurs que les percés de la faim, eux qui succombaient, épuisés, faute des fruits des champs. y 10 De tendres femmes, de leurs mains, avaient fait cuire leurs enfants ; ils furent pour elles un aliment dans le brisement de LA FILLE DE MON PEUPLE.

Les trois lamentations ont en commun : – « Comment » en termes initiaux (1,1, 2,1, 4,1) ; – la victime y est appelée « la fille de Sion » (1,6 ; 2,1.4.8), « la fille de Juda » (2,2.5) dans les deux premières lamentations, et dans la quatrième « la fille de mon peuple » (4,3.6.10). Les rapports sont plus étroits entre les premières séquences des sections extrêmes (A1 et C1) : – ce sont les actions et les situations des « fils de Sion » qui sont rapportées (alors que dans la deuxième lamentation ce sont les actions de Dieu) ; – y est mentionné le péché de Jérusalem (1,5.8 ; 4,6) ; en revanche, il n’y est pas question de la « colère » de Dieu comme dans la deuxième séquence (2,1bis.3.4.6). Dans les premiers versants des deux premières séquences, la première personne est absente. En revanche, dans le premier versant de la quatrième intervient la première personne du singulier, dans les trois expressions « la fille de mon peuple » (4,3.6.10), mais c’est de manière discrète : en effet, il s’agit d’un pronom suffixe, traduit par le possessif, et non pas d’un sujet ou d’un complément d’objet.

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Comment ?

2. Les rapports entre les seconds versants des séquences A1, A2 et C1 n 1,14 Est lié LE JOUG DE mes CRIMES : dans sa main ils s’entrelacent, ils sont montés sur mon cou, il fait fléchir ma force ; il m’a donnée Adonaï à de telles mains que je ne puis plus me relever. s 15 Adonaï a rejeté tous mes braves au milieu de moi, il a appelé contre moi une assemblée pour anéantir mes jeunes gens ; au pressoir Adonaï a foulé la vierge, fille de Juda. P 16 C’est pourquoi moi je pleure ; mon œil, mon œil fond en eaux, car est loin de moi un consolateur qui ferait revenir mon souffle ; mes fils sont devenus désolés, car l’ennemi l’a emporté. ‘ 17 Sion tend les mains, il n’y a pas de consolateur pour elle, Yhwh a ordonné contre Jacob ses oppresseurs autour de lui ; Jérusalem est devenue impureté parmi eux. ṣ 18 Il est juste, lui, Yhwh, car CONTRE SA BOUCHE je ME SUIS REBELLÉE. Entendez donc, tous les peuples, et voyez ma douleur, mes vierges et mes jeunes gens sont partis en captivité. q 19 J’ai appelé mes amants, mais eux ils m’ont trahie ; mes prêtres et mes anciens dans la ville ont expiré, car ils cherchaient à manger pour eux et ils auraient fait revenir leur vie. r 20 « VOIS, YHWH, que l’oppression est à moi, mes entrailles frémissent, mon cœur se retourne en moi, car POUR ME REBELLER je ME SUIS REBELLÉE. Au-dehors l’épée prive d’enfants, dans la maison c’est comme la mort. š 21 Ils ont entendu que je gémis, moi, il n’est point de consolateur, tous mes ennemis ont entendu mon mal, ils se réjouissent de ce que tu as fait ; fais venir le jour que tu avais proclamé et ils deviendront comme moi. t 22 Que vienne tout leur mal devant ta face et traite-les comme tu m’as traitée POUR TOUS mes CRIMES, car nombreux sont mes gémissements et mon cœur est malade. »

[...] n 2,14 Tes prophètes ont des visions pour toi de fausseté et de sottise et point ils n’ont révélé ta FAUTE pour faire revenir ton sort et ils ont des visions pour toi d’oracles de fausseté et d’illusions. s 15 Ils battent sur toi des mains tous les passants sur le chemin, ils sifflotent et hochent leur tête sur la fille de Jérusalem : « Est-ce là la ville qu’on appelait la Belle, joie de toute la terre ? » p 16 Ils ouvrent sur toi leur bouche tous tes ennemis, ils sifflotent et grincent des dents ; ils disent : « Nous avons englouti ! Voilà donc le Jour que nous espérions, nous le touchons, nous le voyons ! » ‘ 17 Yhwh a fait ce qu’il avait résolu, il a exécuté sa parole, ce qu’il avait ordonné depuis les jours d’autrefois : il a renversé et n’a pas eu pitié et il a réjoui sur toi l’ennemi, il a exalté la corne de tes oppresseurs. ṣ 18 Leur cœur crie vers Adonaï. « Rempart de la fille de Sion, fais-couler comme un torrent tes larmes jour et nuit, ne te donne pas de relâche, ne se repose pas la fille de ton œil. q 19 Dresse-toi, clame dans la nuit en tête des veilles ; répands comme de l’eau ton cœur devant la face de Yhwh, élève vers lui tes mains pour la vie de tes bambins défaillant de faim en tête de toutes les rues. » r 20 « VOIS, YHWH, ET REGARDE : qui as-tu traité ainsi ? Fallait-il que des femmes mangent leurs fruits, les bambins qu’elles berçaient ? Fallait-il que soient tués au sanctuaire d’Adonaï prêtre et prophète ? š 21 Gisent par terre dans les rues enfant et vieillard, mes vierges et mes jeunes gens sont tombés sous l’épée ; tu as tué au jour de ta colère, tu as immolé, tu n’as pas eu pitié. t 22 Tu as appelé comme pour un jour de fête mes terreurs d’alentour ; et il n’y a pas eu au jour de la colère de Yhwh rescapé ni survivant. Ceux que j’avais bercés et élevés, mon ennemi les a achevés. »

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m 4,13 C’était à cause des PÉCHÉS de ses prophètes, des FAUTES de ses prêtres qui avaient versé en son sein le sang des innocents. n 14 Ils erraient en aveugles dans les rues, ils étaient souillés de leur sang, si bien qu’on ne pouvait toucher leurs vêtements. s 15 « Reculez, impur ! leur criait-on, reculez, reculez, ne touchez pas ! » Quand ils partaient, qu’ils erraient, on disait chez les nations : « Ils ne résideront plus. » p 16 La face de YHWH les avait dispersés, il ne les regardait plus ; ils considéraient plus la face des prêtres et ne respectaient plus les anciens. ‘ 17 Nous aussi, nos yeux se consumaient, vers notre secours de buée ; de nos tours de guet nous guettions vers une nation qui ne sauve pas. ṣ 18 Ils épiaient nos pas, pour que nous n’allions pas sur nos places ; notre fin était proche, accomplis nos jours, oui, était arrivée notre fin. q 19 Ceux qui nous pourchassaient étaient plus rapides que les aigles du ciel ; sur les montagnes ils nous traquaient, au désert nous poursuivaient. r 20 Le souffle de nos narines, l’oint de YHWH était attrapé dans leurs fosses, lui dont nous disions : « À son ombre nous vivrons chez les nations. » š 21 « Exulte, réjouis-toi, fille d’Édom, qui habites au pays de Uç ; à toi aussi passera la coupe : tu te soûleras et te dénuderas. t 22 Ta FAUTE est accomplie, fille de SION, il ne te déportera plus ; il châtiera ta FAUTE, fille d’Édom, il révélera tes PÉCHÉS. »

– Le péché est présent partout (1,14.18.20.22 ; 2,14 ; 4,13.22) ; – de même, la première personne : première personne du singulier dans les deux premières séquences (1,14-16.18-22 ; 2,21-22), mais du pluriel dans la quatrième (4,17-20) ; – de même, la deuxième personne du singulier, adressée à « tous les peuples » et à « Yhwh » dans la première séquence (1,18 / 20-22), à Israël et à Dieu dans la deuxième (2,14-19 / 20-22), à la « fille d’Édom » et à la « fille de Sion » dans la séquence C1 (4,21-22) ;

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Comment ?

3. Les rapports entre les seconds versants des séquences A1, A2 et la séquence C2 n 1,14 Est lié LE JOUG DE mes CRIMES : dans sa main ils s’entrelacent, ils sont montés sur mon cou, il fait fléchir ma force ; il m’a donnée Adonaï à de telles mains que je ne puis plus me relever. s 15 Adonaï a rejeté tous mes braves au milieu de moi, il a appelé contre moi une assemblée pour anéantir mes jeunes gens ; au pressoir Adonaï a foulé la vierge, fille de Juda. P 16 C’est pourquoi moi je pleure ; mon œil, mon œil fond en eaux, car est loin de moi un consolateur qui ferait revenir mon souffle ; mes fils sont devenus désolés, car l’ennemi l’a emporté. ‘ 17 Sion tend les mains, il n’y a pas de consolateur pour elle, Yhwh a ordonné contre Jacob ses oppresseurs autour de lui ; Jérusalem est devenue impureté parmi eux. ṣ 18 Il est juste, lui, Yhwh, car CONTRE SA BOUCHE je ME SUIS REBELLÉE. Entendez donc, tous les peuples, et voyez ma douleur, mes vierges et mes jeunes gens sont partis en captivité. q 19 J’ai appelé mes amants, mais eux ils m’ont trahie ; mes prêtres et mes anciens dans la ville ont expiré, car ils cherchaient à manger pour eux et ils auraient fait revenir leur vie. r 20 « VOIS, YHWH, que l’oppression est à moi, mes entrailles frémissent, mon cœur se retourne en moi, car POUR ME REBELLER je ME SUIS REBELLÉE. Au-dehors l’épée prive d’enfants, dans la maison c’est comme la mort. š 21 Ils ont entendu que je gémis, moi, il n’est point de consolateur, tous mes ennemis ont entendu mon mal, ils se réjouissent de ce que tu as fait ; fais-venir le jour que tu avais proclamé et ils deviendront comme moi. t 22 Que vienne tout leur mal devant ta face et traite-les comme tu m’as traitée POUR TOUS mes CRIMES, car nombreux sont mes gémissements et mon cœur est malade. »

[...] n 2,14 Tes prophètes ont des visions pour toi de fausseté et de sottise et point ils n’ont révélé ta FAUTE pour faire revenir ton sort et ils ont des visions pour toi d’oracles de fausseté et d’illusions. s 15 Ils battent sur toi des mains tous les passants sur le chemin, ils sifflotent et hochent leur tête sur la fille de Jérusalem : « Est-ce là la ville qu’on appelait la Belle, joie de toute la terre ? » p 16 Ils ouvrent sur toi leur bouche tous tes ennemis, ils sifflotent et grincent des dents ; ils disent : « Nous avons englouti ! Voilà donc le Jour que nous espérions, nous le touchons, nous le voyons ! » ‘ 17 Yhwh a fait ce qu’il avait résolu, il a exécuté sa parole, ce qu’il avait ordonné depuis les jours d’autrefois : il a renversé et n’a pas eu pitié et il a réjoui sur toi l’ennemi, il a exalté la corne de tes oppresseurs. ṣ 18 Leur cœur crie vers Adonaï. « Rempart de la fille de Sion, fais-couler comme un torrent tes larmes jour et nuit, ne te donne pas de relâche, ne se repose pas la fille de ton œil. q 19 Dresse-toi, clame dans la nuit en tête des veilles ; répands comme de l’eau ton cœur devant la face de Yhwh, élève vers lui tes mains pour la vie de tes bambins défaillant de faim en tête de toutes les rues. » r 20 « VOIS, YHWH, ET REGARDE : qui as-tu traité ainsi ? Fallait-il que des femmes mangent leurs fruits, les bambins qu’elles berçaient ? Fallait-il que soient tués au sanctuaire d’Adonaï prêtre et prophète ? š 21 Gisent par terre dans les rues enfant et vieillard, mes vierges et mes jeunes gens sont tombés sous l’épée ; tu as tué au jour de ta colère, tu as immolé, tu n’as pas eu pitié. t 22 Tu as appelé comme pour un jour de fête mes terreurs d’alentour ; et il n’y a pas eu au jour de la colère de Yhwh rescapé ni survivant. Ceux que j’avais bercés et élevés, mon ennemi les a achevés. »

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5,1 « Souviens-toi, YHWH, de ce qui nous est arrivé, REGARDE et VOIS notre opprobre : 2 notre héritage est passé à des étrangers, nos maisons à des inconnus. 3 Nous sommes devenus orphelins, et il n’y a plus de père, nos mères comme des veuves ; 4 nous buvons notre eau pour de l’argent, notre bois vient pour un prix. » 5 6

Le joug sur notre cou nous sommes persécutés ; nous sommes à bout et point de répit pour nous ; à l’Égypte nous avons donné la main, à Assur pour nous rassasier de pain. 7

Nos pères ONT PÉCHÉ et ils ne sont plus et nous, nous portons LEURS FAUTES.

8

Des esclaves dominent sur nous, personne pour nous délivrer de leur main : pour nos vies nous faisons venir notre pain à cause de l’épée du désert, 10 notre peau comme un four est brûlante, à cause des ardeurs de la faim. 9

11 12

Ils ont violé des femmes dans Sion, des vierges dans les villes de Juda ; des princes ont été pendus de leur main, la face des vieillards n’a pas été respectée.

13

Des jeunes gens ont porté la meule et des garçons ont trébuché sous le bois ; des vieillards ont déserté la porte, les jeunes gens leur musique ; 15 la joie a déserté notre cœur, notre danse s’est changée en deuil. 14

16 17 18

La couronne de notre tête est tombée, malheur à nous, car NOUS AVONS PÉCHÉ.

C’est pourquoi notre cœur est devenu malade, pour cela que nos yeux s’obscurcissent ; sur la montagne de Sion qui est désolée rôdent des chacals.

19

« Toi, YHWH, tu demeures à jamais, ton trône de génération en génération ; Pourquoi nous oublierais-tu pour toujours, nous abandonnerais-tu jusqu’à la fin des jours ? 21 Fais-nous revenir à toi, YHWH, et nous reviendrons, renouvelle nos jours comme autrefois, 22 si tu ne nous as pas tout à fait rejetés, si tu n’es pas irrité contre nous sans mesure. » 20

La mention du péché se retrouve partout (1,14.18.20.22 ; 2,14 ; 5,7.16). Les deux premières séquences s’achèvent par une prière (1,20-22 ; 2,20-22) ; la dernière séquence compte elle aussi deux prières qui font inclusion (5,1-4.1922), à moins que ce soit toute la séquence qui doive être considérée comme une seule et même prière. S’y retrouvent donc des impératifs de seconde personne du singulier, ainsi que bien des pronoms de la même personne. La deuxième et l’avant-dernière partie de la dernière séquence (5-10 ; 13-18) sont marquées par la première personne du pluriel ; la première personne se retrouve aussi dans les seconds versants des deux premières séquences, mais c’est la première personne du singulier (rappelons que la première personne du pluriel se trouve aussi dans le second versant de la séquence précédente, C1).

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Comment ?

4. Les rapports entre les passages centraux des séquences A1 et A2 et les premiers versants des séquences C1 et C2 y 1,10 « L’oppresseur a tendu sa main sur tous ses trésors ; oui, elle a vu des nations qui sont venues dans son sanctuaire, auxquelles tu avais ordonné de ne pas venir dans son assemblée. k 11 Tout son peuple sont gémissants, cherchant du PAIN ; ils donnent leurs trésors pour du manger, pour faire revenir leur âme. Vois, Yhwh, et regarde que je suis devenue méprisée. » l 12 « Pas à vous, tous les passants du chemin ! Regardez et voyez s’il est une douleur comme ma douleur laquelle me tourmente, de laquelle m’a affligée Yhwh au jour de sa brûlante colère. m 13 D’en haut il a envoyé un feu, dans mes os il l’a fait descendre, il a tendu un filet à mes pieds, il m’a fait revenir en arrière ; il m’a donnée désolée, tout le jour malade. »

[...] y 2,10 Ils sont assis à terre, ils sont en silence, les anciens de la fille de Sion, ils ont mis de la poussière sur leur tête, ils ont revêtu des sacs ; elles penchent vers la terre leur tête les vierges de JÉRUSALEM. k 11 Sont achevés de larmes mes yeux, frémissent mes entrailles, s’épand à terre mon foie pour le brisement de la fille de mon peuple, tandis que défaillent enfants et nourrissons sur les places de la Cité. l 12 À leurs mères ils disent : « Où y a-t-il DU PAIN et DU VIN ? » tandis qu’ils défaillent comme des blessés sur les places de la Ville et qu’ils exhalent leur âme sur le sein de leurs mères. m 13 « Que te déclarerai-je, à quoi te comparerai-je, fille de Jérusalem ? À quoi t’assimilerai-je et te consolerai-je, vierge, fille de Sion ? Car il est grand comme la mer, ton brisement : qui te guérira ? »

Ces quatre textes sont avant tout liés par le thème de la faim et de la soif (1,11 ; 2,12 ; 4,3-5.8-10 ; 5,4.6.9-10), « faim » revient en 4,9 et 5,10, « soif » en 4,4, de « vin » (2,12) et d’« eau » (5,4), « pain » surtout (1,11 ; 2,12 ; 4,4 ; 5,6.9). À « Vois, Yhwh, et regarde », au centre de la première séquence (1,11), répond « « Souviens-toi, Yhwh, [...] regarde et vois » au début de la dernière séquence (5,1). La première personne du singulier se trouve au centre des deux premières séquences (1,12-13 ; 2,11.13) ainsi que dans le premier versant de la séquence C1 (4,3.6.10) ; en revanche, dans la séquence C2, tout est à la première personne du pluriel, sauf la courte partie centrale (5,11-12).

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’ 4,1 Comment s’est-il terni, l’or, s’est-il altéré, l’or si bon, ont-elles été semées, les pierres sacrées, au coin de toutes les rues ? b 2 Les fils de Sion, précieux, estimés comme l’or fin, comment sont-ils comptés pour vases d’argile, œuvre des mains d’un potier ? g 3 Même les chacals tendent leurs mamelles et allaitent leurs petits ; la fille de mon peuple est cruelle comme les autruches au désert. d 4 La langue du nourrisson s’attache à son palais à cause de LA SOIF ; les bambins réclament DU PAIN, personne ne leur en partage. h 5 Ceux qui mangeaient des mets délicieux expirent dans les rues, ceux qui étaient élevés dans la pourpre étreignent les ordures. w 6 Elle a été grande, la faute de la fille de mon peuple, plus que le péché de Sodome qui fut renversée en un instant sans qu’on y porte les mains. z 7 Ses nazirs étaient plus éclatants que neige, ils étaient blancs plus que le lait ; plus vermeil que le corail était leur os, de saphir était leur teint. ḥ 8 Leur visage devint sombre plus que la suie, on ne les reconnaissait plus dans les rues ; leur peau était collée à leur os, elle était sèche comme du bois. ṭ 9 Les percés de l’épée étaient meilleurs que les percés de LA FAIM, eux qui succombaient, épuisés, faute des fruits des champs. y 10 De tendres femmes, de leurs mains, avaient fait cuire leurs enfants ; ils furent pour elles un aliment dans le brisement de la fille de mon peuple.

[...] 5,1 « Souviens-toi, Yhwh, de ce qui nous est arrivé, regarde et vois notre opprobre : 2 notre héritage est passé à des étrangers, nos maisons à des inconnus. 3 Nous sommes devenus orphelins, et il n’y a plus de père, nos mères comme des veuves ; 4 nous buvons NOTRE EAU pour de l’argent, notre bois vient pour un prix. » 5 6

Le joug sur notre cou nous sommes persécutés ; nous sommes à bout et point de répit pour nous ; à l’Égypte nous avons donné la main, à Assur pour nous rassasier de PAIN. 7

8

Nos pères ont péché et ils ne sont plus et nous, nous portons leurs fautes.

Des esclaves dominent sur nous, personne pour nous délivrer de leur main : 9 pour nos vies nous faisons venir notre PAIN à cause de l’épée du désert, 10 notre peau comme un four est brûlante, à cause des ardeurs de LA FAIM.

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Comment ?

5. Les rapports entre le centre de la séquence C1 et le premier versant de la séquence A2 k 4,11 Yhwh a achevé SA FUREUR, déversé L’ARDEUR DE SA COLÈRE, et IL A ALLUMÉ UN FEU en SION QUI A DÉVORÉ ses fondations. l 12 Ils ne croyaient pas, LES ROIS de la terre, tous les habitants du monde, que l’oppresseur et l’ennemi viendraient aux PORTES de JÉRUSALEM.

[...] ’ 2,1 Comment Adonaï a-t-il enténébré EN SA COLÈRE LA FILLE DE SION, précipité du ciel sur la terre la splendeur d’Israël et ne s’est pas souvenu de l’escabeau de ses pieds AU JOUR DE SA COLÈRE ? b 2 Adonaï a englouti et il n’a pas eu pitié toutes les demeures de Jacob ; il a renversé en sa rage les forteresses de LA FILLE DE JUDA, il a jeté à terre, il a maudit LE ROYAUME et SES PRINCES. g 3 Il a brisé DANS L’ARDEUR DE SA COLÈRE toute la corne d’Israël ; il a retiré en arrière sa droite devant l’ennemi et IL A ALLUMÉ en Jacob comme UN FEU flamboyant QUI DÉVORE alentour. d 4 Il a bandé son arc comme un ennemi, est assurée sa droite, il est comme un oppresseur et il a tué tous ceux qui charmaient l’œil ; sur la tente de LA FILLE DE SION il a déversé comme UN FEU SA FUREUR. h 5 Adonaï a été comme un ennemi, il a englouti Israël, il a englouti tous ses palais, il a abattu ses forteresses et il a multiplié pour la fille de Juda gémissements et gémissements. w 6 Et il a démoli comme le jardin sa hutte, il a abattu son assemblée ; Yhwh a fait oublier dans SION assemblée et sabbat et il a rejeté DANS L’INDIGNATION DE SA COLÈRE ROI et prêtre. z 7 Adonaï s’est dégoûté de son autel, il a eu en horreur son sanctuaire, il a livré à la main de l’ennemi les remparts de ses palais ; clameurs ils ont donné dans la maison de Yhwh comme en un jour d’assemblée. ḥ 8 Yhwh a médité d’abattre le rempart de LA FILLE DE SION ; il a étendu le cordeau, il n’a pas retiré sa main de l’engloutissement et il a endeuillé avant-mur et rempart : ensemble ils se désolent. ṭ 9 Se sont enfoncées sous terre ses PORTES, il a cassé et il a brisé ses barres ; SON ROI et SES PRINCES sont chez les nations, il n’y a plus de Loi, aussi ses prophètes ne trouvent plus de vision venant de Yhwh.

« Yhwh » « Adonaï » est le sujet de 4,11 comme de tout le premier versant de la séquence A2. Sont repris dans les deux textes : – « Sa fureur » et « l’ardeur de sa colère » (4,11) ; « en sa colère » et « au jour de sa colère » (2,1), « dans l’ardeur de sa colère » (3), « sa fureur » (4), « dans l’indignation de sa colère » (6) ; – « il a allumé un feu [...] qui a dévoré » (4,11) ; « il a allumé [...] un feu [...] qui dévore » (2,3), « un feu » (4) ; – « oppresseur » et « ennemi » (4,12 ; 2,3.4bis.5.7) ; – à « Sion » et « Jérusalem » (4,11-12) correspondent « Sion » (2,6), « la fille de Sion/de Juda » (1.2.4.8) ; – on peut ajouter qu’appartiennent au même champ sémantique « les rois » (4,12), « le royaume et ses princes » (2,2.9), « roi » (6).

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6. Les rapports entre le centre de la séquence C2 et le premier versant de la séquence A1 5,11 Ils ont violé des femmes dans SION, des VIERGES dans les VILLES de JUDA ; 12 DES PRINCES ont été pendus de leur main, la face des anciens n’a pas été respectée.

[...] ’ 1,1 Comment est-elle assise à l’écart, LA VILLE nombreuse de peuple ? Elle est devenue comme une veuve ; nombreuse chez les nations, princesse chez les provinces, elle est devenue à la corvée. b 2 Pour pleurer elle pleure durant la nuit et sa larme sur sa joue. Il n’y a pas pour elle de consolateur parmi tous ses amants ; tous ses amis l’ont trahie, ils sont devenus pour elle des ennemis. g 3 JUDA est exilée sous la misère et sous une nombreuse servitude. Elle, elle est assise chez les nations, elle ne trouve pas de repos ; tous ses poursuivants l’atteignent parmi les angoisses. d 4 Les chemins de SION sont en deuil sans personne venant à ses assemblées, toutes ses portes sont désertes ; ses prêtres gémissent, ses VIERGES se désolent et elle, c’est amer pour elle. h 5 Ses oppresseurs sont devenus en tête, ses ennemis sont heureux, car Yhwh l’a affligée pour ses nombreux crimes ; ses bambins sont partis en captivité devant l’oppresseur. w 6 Et de la fille de SION est sortie toute sa splendeur ; SES PRINCES sont devenus comme des cerfs qui ne trouvent point de pâture et ils sont partis avec point de force devant le poursuivant. z 7 JÉRUSALEM se souvient, aux jours de misère et de sa détresse, de tous ses trésors qui étaient devenus depuis les jours d’antan, quand son peuple tombait par la main de l’oppresseur et il n’y a pas d’aide pour elle. La voyaient des oppresseurs, ils riaient de sa ruine. ḥ 8 Pour pécher elle a péché JÉRUSALEM, c’est pourquoi elle est devenue impureté. Tous ses honorant la méprisent car ils ont vu sa nudité ; aussi elle, elle gémit et revient en arrière. ṭ 9 Sa souillure sur sa robe, elle ne se souvient pas de sa fin et elle est tombée prodigieusement ; il n’y pas de consolateur pour elle. « Vois, Yhwh, ma misère car l’ennemi a grandi. »

La partie centrale de la dernière séquence est la seule qui soit à la troisième personne, dont le référent est l’ennemi (5,11) et ses victimes (12). Il en va de même dans le premier versant de la première séquence où la troisième personne est surtout la victime, « la Ville » (1,1), « Jérusalem » (7.8), mais aussi « ses oppresseurs », « ses ennemis » (2.5bis.7bis.9) qui « la méprisent » (8). On notera aussi les reprises de « ville(s) » (5,11 ; 1,1), « vierges » (5,11 ; 1,4), de « Juda » (5,11 ; 1,3), de « princes » (5,11 ; 1,6) ; « n’a pas été respectée » (5,12) et « sa splendeur » (1,6) sont de même racine.

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Comment ?

LES RAPPORTS ENTRE LA SECTION CENTRALE ET LES DEUX AUTRES « L’homme » et « la ville » ’ 3,1 Moi, je suis L’HOMME qui a vu la misère sous la verge de sa fureur. ’ 2 C’est moi qu’il a conduit et fait aller, ténèbre et pas de lumière. ’ 3 Oui, contre moi il tourne, il retourne sa main tout le jour. b 4 Il a consumé ma chair et ma peau, il a rompu mes os. b 5 Il a bâti contre moi et m’a enveloppé de poison et de tourment. b 6 Il m’a fait asseoir dans les ténèbres comme les morts de toujours. g 7 Il a muré derrière moi et je ne puis sortir, il a alourdi mes chaînes. g 8 Quand même je crie et j’appelle, il a fermé ma prière. g 9 Il a muré mes chemins avec des pierres, il a brouillé mes sentiers. d 10 Il a été pour moi un ours aux aguets, un lion à l’affût. d 11 Faisant dévier mes chemins, il m’a déchiré, il m’a mis une horreur. d 12 Il a bandé son arc et m’a placé comme une cible pour ses flèches. h 13 Il a planté en mes reins les fils de son carquois. h 14 Je suis devenu la risée de tout mon peuple, leur chanson tout le jour. h 15 Il m’a saturé d’amertume, il m’a enivré d’absinthe. w 16 Il a fait broyer du gravier à mes dents, il m’a écrasé dans la cendre ; w 17 et mon âme est exclue de la paix, j’ai oublié le bonheur ; w 18 et j’ai dit : « Mon existence a péri et mon attente venant de Yhwh. » z 19 Se souvenir de ma misère et de mon angoisse, c’est absinthe et poison. z 20 Elle se souvient, se souvient et mon âme s’effondre en moi. z 21 Je ferai revenir cela à mon cœur, c‘est pourquoi j’attends. ḥ 22 Les fidélités de Yhwh ne sont pas finies et ne sont pas achevées ses miséricordes ; ḥ 23 elles sont nouvelles tous les matins, nombreuse est ta vérité. ḥ 24 « Ma part, c’est Yhwh, a dit mon âme, c’est pourquoi je l’attends. » [...]

p 48 Mon œil répand des ruisseaux d’eaux pour la brisure de LA FILLE DE mon peuple. ‘ 49 Mon œil coule et ne tarit pas, car il n’y a pas de répit, ‘ 50 jusqu’à ce que Yhwh regarde et qu’il voie depuis les cieux. ‘ 51 Mon œil fait mal à mon âme, pour TOUTES LES FILLES DE ma ville. ṣ 52 Ils m’ont chassé, chassé comme un oiseau mes ennemis sans raison. ṣ 53 Ils ont précipité dans une fosse ma vie, et ils ont jeté sur moi une pierre. ṣ 54 Les eaux ont submergé ma tête ; j’ai dit : « Je suis perdu ! » q 55 J’ai invoqué ton Nom, Yhwh, de la fosse des profondeurs. q 56 Tu as entendu mon cri, ne bouche pas ton oreille à mon soupir, à ma clameur. q 57 Tu t’es approché au jour où je t’ai invoqué ; tu as dit : « Ne crains pas ! » r 58 Tu as défendu, Seigneur, le procès de mon âme, tu as racheté ma vie. r 59 Tu as vu, Yhwh, mon tort : juge mon jugement. r 60 Tu as vu toute leur vengeance, tous leurs complots contre moi. š 61 Tu as entendu leurs insultes, Yhwh, tous leurs complots contre moi. š 62 Les lèvres de mes agresseurs et leurs intentions sont contre moi, tout le jour. š 63 Assis ou debout, regarde : moi je suis leurs chansons. t 64 Fais-revenir à eux le salaire, Yhwh, selon l’œuvre de leurs mains. t 65 Donne-leur l’endurcissement du cœur, ta malédiction à eux. t 66 Poursuis avec colère et extermine-les de dessous les cieux de Yhwh.

La première séquence commence en mentionnant « la ville » (1,1), terme générique, dont le nom propre sera révélé ensuite, « Sion » (4), « Jérusalem » (7.8) et « la fille de Sion » (6) qui sera repris trois fois dans le premier versant de la deuxième séquence (2,1.4.8), avec « la fille de Juda » (2.5). Ces deux dernières expressions sont accompagnées de « Israël » (1.3.5) et « Jacob » (2.3). « La ville » de « Sion/Jérusalem » représente toute la nation, tout le royaume du Sud, « Juda » et même tout « Israël/Jacob ». Il s’agit donc d’une synecdoque, la partie désignant le tout.

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’ 1,1 Comment est-elle assise à l’écart, LA VILLE nombreuse de peuple ? Elle est devenue comme une veuve ; nombreuse chez les nations, princesse chez les provinces, elle est devenue à la corvée. b 2 Pour pleurer elle pleure durant la nuit et sa larme sur sa joue. Il n’y a pas pour elle de consolateur parmi tous ses amants ; tous ses amis l’ont trahie, ils sont devenus pour elle des ennemis. g 3 Juda est exilée sous la misère et sous une nombreuse servitude. Elle, elle est assise chez les nations, elle ne trouve pas de repos ; tous ses poursuivants l’atteignent parmi les angoisses. d 4 Les chemins de Sion sont en deuil sans personne venant à ses assemblées, toutes ses portes sont désertes ; ses prêtres gémissent, ses vierges se désolent et elle, c’est amer pour elle. h 5 Ses oppresseurs sont devenus en tête, ses ennemis sont heureux, car Yhwh l’a affligée pour ses nombreux crimes ; ses bambins sont partis en captivité devant l’oppresseur. w 6 Et de LA FILLE DE SION est sortie toute sa splendeur ; ses princes sont devenus comme des cerfs qui ne trouvent point de pâture et ils sont partis avec point de force devant le poursuivant. z 7 Jérusalem se souvient, aux jours de misère et de sa détresse, de tous ses trésors qui étaient devenus depuis les jours d’antan, quand son peuple tombait par la main de l’oppresseur et il n’y a pas d’aide pour elle. La voyaient des oppresseurs, ils riaient de sa ruine. ḥ 8 Pour pécher elle a péché Jérusalem, c’est pourquoi elle est devenue impureté. Tous ses honorant la méprisent car ils ont vu sa nudité ; aussi elle, elle gémit et revient en arrière. ṭ 9 Sa souillure sur sa robe, elle ne se souvient pas de sa fin et elle est tombée prodigieusement ; il n’y pas de consolateur pour elle. « Vois, Yhwh, ma misère, car l’ennemi a grandi. » [...] ’ 2,1 Comment Adonaï a-t-il enténébré en sa colère LA FILLE DE SION, précipité du ciel sur la terre la splendeur d’ISRAËL et ne s’est pas souvenu de l’escabeau de ses pieds au jour de sa colère ? b 2 Adonaï a englouti et il n’a pas eu pitié toutes les demeures de JACOB ; il a renversé en sa rage les forteresses de LA FILLE DE JUDA, il a jeté à terre, il a maudit le royaume et ses princes. g 3 Il a brisé dans l’ardeur de sa colère toute la corne d’ISRAËL ; il a retiré en arrière sa droite devant l’ennemi et il a allumé en JACOB comme un feu flamboyant qui dévore alentour. d 4 Il a bandé son arc comme un ennemi, est assurée sa droite, il est comme un oppresseur et il a tué tous ceux qui charmaient l’œil ; sur la tente de LA FILLE DE SION il a déversé comme un feu sa fureur. h 5 Adonaï a été comme un ennemi, il a englouti ISRAËL, il a englouti tous ses palais, il a abattu ses forteresses et il a multiplié pour LA FILLE DE JUDA gémissements et gémissements. w 6 Et il a démoli comme le jardin sa hutte, il a abattu son assemblée ; Yhwh a fait oublier dans Sion assemblée et sabbat et il a rejeté dans l’indignation de sa colère roi et prêtre. z 7 Adonaï s’est dégoûté de son autel, il a eu en horreur son sanctuaire, il a livré à la main de l’ennemi les remparts de ses palais ; clameurs ils ont donné dans la maison de Yhwh comme en un jour d’assemblée. ḥ 8 Yhwh a médité d’abattre le rempart de LA FILLE DE SION ; il a étendu le cordeau, il n’a pas retiré sa main de l’engloutissement et il a endeuillé avant-mur et rempart : ensemble ils se désolent.

La troisième séquence commence avec « l’homme » (3,1), un autre terme générique que le locuteur utilise pour se désigner. Contrairement à celui de « la ville », le nom propre de cet « homme » ne sera pas prononcé. Toutefois, transpercé par les flèches de Dieu, il ne tardera pas à dire : « Je suis devenu la risée de tout mon peuple » (14). Un peu plus loin, il parlera de « la brisure de la fille de mon peuple » (48), de « toutes les filles de ma ville » (51). Il serait possible de reconnaitre en cet « homme » la figure du roi. Ce serait encore une synecdoque, le roi représentant tout son peuple, tout le pays. Cela ne signifie pas pour autant qu’il faille l’identifier à un personnage historique précis. On notera que le sujet des verbes du premier versant de la troisième séquence est le même que celui du premier versant de la deuxième, « Adonaï » « Yhwh ».

164

Comment ?

« Mon peuple, ma ville, mes fils... » l 1,12 « Pas à vous, tous les passants du chemin ! Regardez et voyez s’il est une douleur comme ma douleur laquelle me tourmente, de laquelle m’a affligée Yhwh au jour de sa brûlante colère. m 13 D’en haut il a envoyé un feu, dans mes os il l’a fait descendre, il a tendu un filet à mes pieds, il m’a fait revenir en arrière ; il m’a donnée désolée, tout le jour malade. » n 14 Est lié le joug de mes crimes : dans sa main ils s’entrelacent, ils sont montés sur mon cou, il fait fléchir ma force ; il m’a donnée Adonaï à de telles mains que je ne puis plus me relever. s 15 Adonaï a rejeté tous mes braves au milieu de moi, il a appelé contre moi une assemblée pour anéantir mes jeunes gens ; au pressoir Adonaï a foulé la vierge, fille de Juda. P 16 C’est pourquoi moi je pleure ; mon œil, mon œil fond en eaux, car est loin de moi un consolateur qui ferait revenir mon souffle ; mes fils sont devenus désolés, car l’ennemi l’a emporté. ‘ 17 Sion tend les mains, il n’y a pas de consolateur pour elle, Yhwh a ordonné contre Jacob ses oppresseurs autour de lui ; Jérusalem est devenue impureté parmi eux. ṣ 18 Il est juste, lui, Yhwh, car contre sa bouche je me suis rebellée. Entendez donc, tous les peuples, et voyez ma douleur, mes vierges et mes jeunes gens sont partis en captivité. q 19 J’ai appelé mes amants, mais eux ils m’ont trahie ; mes prêtres et mes anciens dans la ville ont expiré, car ils cherchaient à manger pour eux et ils auraient fait revenir leur vie. r 20 « Vois, Yhwh, que l’oppression est à moi, mes entrailles frémissent, mon cœur se retourne en moi, car pour me rebeller je me suis rebellée. Au-dehors l’épée prive d’enfants, dans la maison c’est comme la mort. š 21 Ils ont entendu que je gémis, moi, il n’est point de consolateur, tous mes ennemis ont entendu mon mal, ils se réjouissent de ce que tu as fait ; fais venir le jour que tu avais proclamé et ils deviendront comme moi. t 22 Que vienne tout leur mal devant ta face et traite-les comme tu m’as traitée pour tous mes crimes, car nombreux sont mes gémissements et mon cœur est malade. »

[...] n 2,14 Tes prophètes ont des visions pour toi de fausseté et de sottise et point ils n’ont révélé ta faute pour faire revenir ton sort et ils ont des visions pour toi d’oracles de fausseté et d’illusions. s 15 Ils battent sur toi des mains tous les passants sur le chemin, ils sifflotent et hochent leur tête sur la fille de Jérusalem : « Est-ce là la ville qu’on appelait la Belle, joie de toute la terre ? » p 16 Ils ouvrent sur toi leur bouche tous tes ennemis, ils sifflotent et grincent des dents ; ils disent : « Nous avons englouti ! Voilà donc le Jour que nous espérions, nous le touchons, nous le voyons ! » ‘ 17 Yhwh a fait ce qu’il avait résolu, il a exécuté sa parole, ce qu’il avait ordonné depuis les jours d’autrefois : il a renversé et n’a pas eu pitié et il a réjoui sur toi l’ennemi, il a exalté la corne de tes oppresseurs. ṣ 18 Leur cœur crie vers Adonaï. « Rempart de la fille de Sion, fais-couler comme un torrent tes larmes jour et nuit, ne te donne pas de relâche, ne se repose pas la fille de ton œil. q 19 Dresse-toi, clame dans la nuit en tête des veilles ; répands comme de l’eau ton cœur devant la face de Yhwh, élève vers lui tes mains pour la vie de tes bambins défaillant de faim en tête de toutes les rues. » r 20 « Vois, Yhwh, et regarde : qui as-tu traité ainsi ? Fallait-il que des femmes mangent leurs fruits, les bambins qu’elles berçaient ? Fallait-il que soient tués au sanctuaire d’Adonaï prêtre et prophète ? š 21 Gisent par terre dans les rues enfant et vieillard, mes vierges et mes jeunes gens sont tombés sous l’épée ; tu as tué au jour de ta colère, tu as immolé, tu n’as pas eu pitié. t 22 Tu as appelé comme pour un jour de fête mes terreurs d’alentour ; et il n’y a pas eu au jour de la colère de Yhwh rescapé ni survivant. Ceux que j’avais bercés et élevés, mon ennemi les a achevés. »

L’ensemble du livre

165

’ 4,1 Comment s’est-il terni, l’or, s’est-il altéré, l’or si bon, ont-elles été semées, les pierres sacrées, au coin de toutes les rues ? b 2 Les fils de Sion, précieux, estimés comme l’or fin, comment sont-ils comptés pour vases d’argile, œuvre des mains d’un potier ? g 3 Même les chacals tendent leurs mamelles et allaitent leurs petits ; LA FILLE DE mon peuple est cruelle comme les autruches au désert. d 4 La langue du nourrisson s’attache à son palais à cause de la soif ; les bambins réclament du pain, personne ne leur en partage. h 5 Ceux qui mangeaient des mets délicieux expirent dans les rues, ceux qui étaient élevés dans la pourpre étreignent les ordures. w 6 Elle a été grande, la faute de LA FILLE DE mon peuple, plus que le péché de Sodome qui fut renversée en un instant sans qu’on y porte les mains. z 7 Ses nazirs étaient plus éclatants que neige, ils étaient blancs plus que le lait ; plus vermeil que le corail était leur os, de saphir était leur teint. ḥ 8 Leur visage devint sombre plus que la suie, on ne les reconnaissait plus dans les rues ; leur peau était collée à leur os, elle était sèche comme du bois. ṭ 9 Les percés de l’épée étaient meilleurs que les percés de la faim, eux qui succombaient, épuisés, faute des fruits des champs. y 10 De tendres femmes, de leurs mains, avaient fait cuire leurs enfants ; ils furent pour elles un aliment dans le brisement de LA FILLE DE mon peuple.

Les syntagmes « la risée de tout mon peuple » (3,14), « la fille de mon peuple » (48), « toutes les filles de ma ville » (51) qui viennent d’être relevés dans la séquence centrale, trouvent un écho : – dans le deuxième versant de la première séquence (1,15.16.18.19), où c’est « la ville » de « Jérusalem » qui parle ; – dans le deuxième versant de la deuxième séquence (2,21.22), où un personnage non identifié s’adresse à Jérusalem ; – ainsi que dans le premier versant de la quatrième séquence, avec triple occurrence de « la fille de mon peuple » (4,3.6.10), où c’est encore un personnage non identifié qui parle de Jérusalem.

166

Comment ?

Du « je » au « nous » ’ 3,1 Moi, je suis l’homme qui a vu la misère sous la verge de sa fureur. ’ 2 C’est moi qu’il a conduit et fait aller, ténèbre et pas de lumière. ’ 3 Oui, contre moi il tourne, il retourne sa main tout le jour. b 4 Il a consumé ma chair et ma peau, il a rompu mes os. b 5 Il a bâti contre moi et m’a enveloppé de poison et de tourment. b 6 Il m’a fait asseoir dans les ténèbres comme les morts de toujours. g 7 Il a muré derrière moi et je ne puis sortir, il a alourdi mes chaînes. g 8 Quand même je crie et j’appelle, il a fermé ma prière. g 9 Il a muré mes chemins avec des pierres, il a brouillé mes sentiers. d 10 Il a été pour moi un ours aux aguets, un lion à l’affût. d 11 Faisant dévier mes chemins, il m’a déchiré, il m’a mis une horreur. d 12 Il a bandé son arc et m’a placé comme une cible pour ses flèches. h 13 Il a planté en mes reins les fils de son carquois. h 14 Je suis devenu la risée de tout mon peuple, leur chanson tout le jour. h 15 Il m’a saturé d’amertume, il m’a enivré d’absinthe. w 16 Il a fait broyer du gravier à mes dents, il m’a écrasé dans la cendre ; w 17 et mon âme est exclue de la paix, j’ai oublié le bonheur ; w 18 et j’ai dit : « Mon existence a péri et mon attente venant de Yhwh. » z 19 Se souvenir de ma misère et de mon angoisse, c’est absinthe et poison. z 20 Elle se souvient, se souvient et mon âme s’effondre en moi. z 21 Je ferai revenir cela à mon cœur, c‘est pourquoi j’attends. ḥ 22 Les fidélités de Yhwh ne sont pas finies et ne sont pas achevées ses miséricordes ; ḥ 23 elles sont nouvelles tous les matins, nombreuse est TA vérité. ḥ 24 « Ma part, c’est Yhwh, a dit mon âme, c’est pourquoi je l’attends. » ṭ 25 Yhwh est bon pour qui espère en lui, pour l’âme qui le cherche. ṭ 26 Il est bon d’attendre en silence le salut de Yhwh. ṭ 27 Il est bon pour l’homme de porter le joug dès sa jeunesse. y 28 Qu’il s’asseye à l’écart et soit silencieux quand il le lui impose. y 29 Qu’il mette sa bouche dans la poussière : peut-être y a-t-il de l’espoir ?. y 30 Qu’il donne à qui le frappe à la joue, qu’il se rassasie d’opprobre. k 31 Car le Seigneur ne rejette point pour toujours. k 32 Car s’il a affligé, il fait miséricorde selon le grand nombre de ses fidélités. k 33 Car il n’humilie point de bon cœur ni n’afflige les fils d’homme. l 34 Quand on écrase dessous ses pieds tous les prisonniers d’un pays, l 35 quand on fausse le jugement d’un homme devant la face du Très-Haut, l 36 quand on fait tort à un adam dans son procès, le Seigneur ne le voit-il pas ? m 37 Qui est celui qui a parlé et cela fut ? Le Seigneur n’a-t-il pas ordonné ? m 38 De la bouche du Très-Haut ne sortent-ils pas les maux et le bien ? m 39 De quoi se plaindrait un adam vivant, un homme malgré ses péchés ? n 40 Examinons nos chemins et scrutons-les et revenons à Yhwh. n 41 Élevons notre cœur avec les mains vers le Dieu dans les cieux. n 42 Nous, nous avons transgressé, nous nous sommes rebellés, TOI, TU n’as pas pardonné ! s 43 TU t’es ceint de colère et nous as pourchassés, TU as tué, TU n’as pas eu pitié. s 44 TU t’es ceint d’un nuage pour que ne passe pas la prière. s 45 TU nous as mis comme ordure et rebut au milieu des peuples. p 46 Ils ont ouvert contre nous la bouche, tous nos ennemis. p 47 Frayeur et fosse furent à nous, fracas et désastre. p 48 Mon œil répand des ruisseaux d’eaux pour la brisure de la fille de mon peuple. ‘ 49 Mon œil coule et ne tarit pas, car il n’y a pas de répit, ‘ 50 jusqu’à ce que Yhwh regarde et qu’il voie depuis les cieux. ‘ 51 Mon œil fait mal à mon âme, pour toutes les filles de ma ville. ṣ 52 Ils m’ont chassé, chassé comme un oiseau mes ennemis sans raison. ṣ 53 Ils ont précipité dans une fosse ma vie, et ils ont jeté sur moi une pierre. ṣ 54 Les eaux ont submergé ma tête ; j’ai dit : « Je suis perdu ! » q 55 J’ai invoqué TON Nom, Yhwh, de la fosse des profondeurs. q 56 TU as entendu mon cri, NE BOUCHE PAS TON oreille à mon soupir, à ma clameur. q 57 TU t’es approché au jour où je T’ai invoqué ; TU as dit : « Ne crains pas ! » r 58 TU as défendu, Seigneur, le procès de mon âme, TU as racheté ma vie. r 59 TU as vu, Yhwh, mon tort : JUGE mon jugement. r 60 TU as vu toute leur vengeance, tous leurs complots contre moi. š 61 TU as entendu leurs insultes, Yhwh, tous leurs complots contre moi. š 62 Les lèvres de mes agresseurs et leurs intentions sont contre moi, tout le jour. š 63 Assis ou debout, REGARDE : moi je suis leurs chansons. t 64 FAIS-REVENIR à eux le salaire, Yhwh, selon l’œuvre de leurs mains. t 65 DONNE-leur l’endurcissement du cœur, TA malédiction à eux. t 66 POURSUIS avec colère et EXTERMINE-les de dessous les cieux de Yhwh.

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167

La première personne du singulier n’apparait pas dans les premiers versants des deux séquences de la première section (A1.A2) et dans la première de la dernière section (C1), mais seulement à partir du centre de ces trois séquences (voir p. 77 et 154-155) ; rappelons que le « je » est totalement absent de la dernière séquence. En revanche, cette première personne du singulier s’affirme très fort dès le début de la séquence B (« Moi, l’homme qui [...] C’est moi qu’il a conduit... ») et durant les vingt-quatre premiers versets. La première personne du pluriel surgit pour la première fois dans le deuxième versant (3,40-47) avant que le « je » ne revienne et se maintienne presque jusqu’à la fin (48-63). Absent de la première section, le « nous » reviendra dans la dernière section, à la fin de la séquence C1 (4,17-20) et tout au long de la séquence C2, sauf dans la courte partie centrale. Ainsi, la séquence B assure le passage de la première à la dernière section. p 4,16 La face de YHWH les avait dispersés, il ne les regardait plus ; ils ne considéraient plus la face des prêtres et ne respectaient plus les anciens. ‘ 17 Nous aussi, nos yeux se consumaient, vers notre secours de buée ; de nos tours de guet nous guettions vers une nation qui ne sauve pas. ṣ 18 Ils épiaient nos pas, pour que nous n’allions pas sur nos places ; notre fin était proche, accomplis nos jours, oui, était arrivée notre fin. q 19 Ceux qui nous pourchassaient étaient plus rapides que les aigles du ciel ; sur les montagnes ils nous traquaient, au désert nous poursuivaient. r 20 Le souffle de nos narines, l’oint de YHWH était attrapé dans leurs fosses, lui dont nous disions : « À son ombre nous vivrons chez les nations. »

5,1 « Souviens-toi, YHWH, de ce qui nous est arrivé, regarde et vois notre opprobre : 2 notre héritage est passé à des étrangers, nos maisons à des inconnus. 3 Nous sommes devenus orphelins, et il n’y a plus de père, nos mères comme des veuves ; 4 nous buvons notre eau pour de l’argent, notre bois vient pour un prix. » 5

Le joug sur notre cou nous sommes persécutés ; nous sommes à bout et point de répit pour nous ; à l’Égypte nous avons donné la main, à Assur pour nous rassasier de pain. 7 Nos pères ont péché et ils ne sont plus et nous, nous portons leurs fautes. 8 Des esclaves dominent sur nous, personne pour nous délivrer de leur main : 9 pour nos vies nous faisons venir notre pain à cause de l’épée du désert, 10 notre peau comme un four est brûlante, à cause des ardeurs de la faim. 6

[...] 13

Des jeunes gens ont porté la meule et des garçons ont trébuché sous le bois ; des vieillards ont déserté la porte, les jeunes gens leur musique ; 15 la joie a déserté notre cœur, notre danse s’est changée en deuil. 16 La couronne de notre tête est tombée, malheur à nous, car nous avons péché. 17 C’est pourquoi notre cœur est devenu malade, pour cela que nos yeux s’obscurcissent ; 18 sur la montagne de Sion qui est désolée rôdent des chacals. 14

19

« Toi, YHWH, tu demeures à jamais, ton trône de génération en génération ; Pourquoi nous oublierais-tu pour toujours, nous abandonnerais-tu jusqu’à la fin des jours ? 21 Fais-nous revenir à toi, YHWH, et nous reviendrons, renouvelle nos jours comme autrefois, 22 si tu ne nous as pas tout à fait rejetés, si tu n’es pas irrité contre nous sans mesure. » 20

168

Comment ?

Le sommet de la prière ’ 3,1 Moi, je suis l’homme qui a vu la misère sous la verge de sa fureur. ’ 2 C’est moi qu’il a conduit et fait aller, ténèbre et pas de lumière. ’ 3 Oui, contre moi il tourne, il retourne sa main tout le jour. b 4 Il a consumé ma chair et ma peau, il a rompu mes os. b 5 Il a bâti contre moi et m’a enveloppé de poison et de tourment. b 6 Il m’a fait asseoir dans les ténèbres comme les morts de toujours. g 7 Il a muré derrière moi et je ne puis sortir, il a alourdi mes chaînes. g 8 Quand même je crie et j’appelle, il a fermé ma prière. g 9 Il a muré mes chemins avec des pierres, il a brouillé mes sentiers. d 10 Il a été pour moi un ours aux aguets, un lion à l’affût. d 11 Faisant dévier mes chemins, il m’a déchiré, il m’a mis une horreur. d 12 Il a bandé son arc et m’a placé comme une cible pour ses flèches. h 13 Il a planté en mes reins les fils de son carquois. h 14 Je suis devenu la risée de tout mon peuple, leur chanson tout le jour. h 15 Il m’a saturé d’amertume, il m’a enivré d’absinthe. w 16 Il a fait broyer du gravier à mes dents, il m’a écrasé dans la cendre ; w 17 et mon âme est exclue de la paix, j’ai oublié le bonheur ; w 18 et j’ai dit : « Mon existence a péri et mon attente venant de Yhwh. » z 19 Se souvenir de ma misère et de mon angoisse, c’est absinthe et poison. z 20 Elle se souvient, se souvient et mon âme s’effondre en moi. z 21 Je ferai revenir cela à mon cœur, c‘est pourquoi j’attends. ḥ 22 Les fidélités de Yhwh ne sont pas finies et ne sont pas achevées ses miséricordes ; ḥ 23 elles sont nouvelles tous les matins, nombreuse est TA vérité. ḥ 24 « Ma part, c’est Yhwh, a dit mon âme, c’est pourquoi je l’attends. » ṭ 25 Yhwh est bon pour qui espère en lui, pour l’âme qui le cherche. ṭ 26 Il est bon d’attendre en silence le salut de Yhwh. ṭ 27 Il est bon pour l’homme de porter le joug dès sa jeunesse. y 28 Qu’il s’asseye à l’écart et soit silencieux quand il le lui impose. y 29 Qu’il mette sa bouche dans la poussière : peut-être y a-t-il de l’espoir ? y 30 Qu’il donne à qui le frappe à la joue, qu’il se rassasie d’opprobre. k 31 Car le Seigneur ne rejette point pour toujours. k 32 Car s’il a affligé, il fait miséricorde selon le grand nombre de ses fidélités. k 33 Car il n’humilie point de bon cœur ni n’afflige les fils d’homme. l 34 Quand on écrase dessous ses pieds tous les prisonniers d’un pays, l 35 quand on fausse le jugement d’un homme devant la face du Très-Haut, l 36 quand on fait tort à un adam dans son procès, le Seigneur ne le voit-il pas ? m 37 Qui est celui qui a parlé et cela fut ? Le Seigneur n’a-t-il pas ordonné ? m 38 De la bouche du Très-Haut ne sortent-ils pas les maux et le bien ? m 39 De quoi se plaindrait un adam vivant, un homme malgré ses péchés ? n 40 Examinons nos chemins et scrutons-les et revenons à Yhwh. n 41 Élevons notre cœur avec les mains vers le Dieu dans les cieux. n 42 Nous, nous avons transgressé, nous nous sommes rebellés, TOI, TU n’as pas pardonné ! s 43 TU t’es ceint de colère et nous as pourchassés, TU as tué, TU n’as pas eu pitié. s 44 TU t’es ceint d’un nuage pour que ne passe pas la prière. s 45 TU nous as mis comme ordure et rebut au milieu des peuples. p 46 Ils ont ouvert contre nous la bouche, tous nos ennemis. p 47 Frayeur et fosse furent à nous, fracas et désastre. p 48 Mon œil répand des ruisseaux d’eaux pour la brisure de la fille de mon peuple. ‘ 49 Mon œil coule et ne tarit pas, car il n’y a pas de répit, ‘ 50 jusqu’à ce que Yhwh regarde et qu’il voie depuis les cieux. ‘ 51 Mon œil fait mal à mon âme, pour toutes les filles de ma ville. ṣ 52 Ils m’ont chassé, chassé comme un oiseau mes ennemis sans raison. ṣ 53 Ils ont précipité dans une fosse ma vie, et ils ont jeté sur moi une pierre. ṣ 54 Les eaux ont submergé ma tête ; j’ai dit : « Je suis perdu ! » q 55 J’ai invoqué TON Nom, Yhwh, de la fosse des profondeurs. q 56 TU as entendu mon cri, NE BOUCHE PAS TON oreille à mon soupir, à ma clameur. q 57 TU t’es approché au jour où je T’ai invoqué ; TU as dit : « Ne crains pas ! » r 58 TU as défendu, Seigneur, le procès de mon âme, TU as racheté ma vie. r 59 TU as vu, Yhwh, mon tort : JUGE mon jugement. r 60 TU as vu toute leur vengeance, tous leurs complots contre moi. š 61 TU as entendu leurs insultes, Yhwh, tous leurs complots contre moi. š 62 Les lèvres de mes agresseurs et leurs intentions sont contre moi, tout le jour. š 63 Assis ou debout, REGARDE : moi je suis leurs chansons. t 64 FAIS-REVENIR à eux le salaire, Yhwh, selon l’œuvre de leurs mains. t 65 DONNE-leur l’endurcissement du cœur, TA malédiction à eux. t 66 POURSUIS avec colère et EXTERMINE-les de dessous les cieux de Yhwh.

L’ensemble du livre

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Les deux séquences de la première section s’achèvent par une prière (1,20-22 et 2,20-22 ; voir p. 78). Dans la dernière section, la prière revient deux fois aussi, aux extrémités de la dernière séquence, pour le moins (5,1-4.19-22 ; voir p. 156157). La séquence centrale, elle aussi, s’achève par une longue prière (55-66), prière préparée par deux autres, beaucoup plus courtes (23 ; 42-45). La prière finale de la séquence centrale se distingue de toutes les autres du fait que c’est la seule où le suppliant dit au Seigneur qu’il l’a entendu (56), qu’il a vu et entendu (60.61) et même qu’il lui a répondu en disant « Ne crains pas ! » (57) et enfin qu’il l’a sauvé : « Tu as défendu, Seigneur, le procès de mon âme, tu as racheté ma vie » (58). Première section r 1,20 « VOIS, YHWH, que l’oppression est à moi, mes entrailles frémissent, mon cœur se retourne en moi, car POUR ME REBELLER je ME SUIS REBELLÉE. Au-dehors l’épée prive d’enfants, dans la maison c’est comme la mort. š 21 Ils ont entendu que je gémis, moi, il n’est point de consolateur, tous mes ennemis ont entendu mon mal, ils se réjouissent de ce que TU as fait ; FAIS VENIR le jour que TU avais proclamé et ils deviendront comme moi. t 22 QUE VIENNE tout leur mal devant TA face et TRAITE-les comme TU m’as traitée POUR TOUS mes CRIMES, car nombreux sont mes gémissements et mon cœur est malade. » r 2,20 « VOIS, YHWH, ET REGARDE : qui as-tu traité ainsi ? Fallait-il que des femmes mangent leurs fruits, les bambins qu’elles berçaient ? Fallait-il que soient tués au sanctuaire d’Adonaï prêtre et prophète ? š 21 Gisent par terre dans les rues enfant et vieillard, mes vierges et mes jeunes gens sont tombés sous l’épée ; TU as tué au jour de ta colère, TU as immolé, TU n’as pas eu pitié. t 22 TU as appelé comme pour un jour de fête mes terreurs d’alentour ; et il n’y a pas eu au jour de la colère de Yhwh rescapé ni survivant. Ceux que j’avais bercés et élevés, mon ennemi les a achevés. »

Deuxième section 5,1 « SOUVIENS-TOI, YHWH, de ce qui nous est arrivé, REGARDE et VOIS notre opprobre : 2 notre héritage est passé à des étrangers, nos maisons à des inconnus. 3 Nous sommes devenus orphelins, et il n’y a plus de père, nos mères comme des veuves ; 4 nous buvons notre eau pour de l’argent, notre bois vient pour un prix. » [...] 19

« TOI, YHWH, TU demeures à jamais, TON trône de génération en génération ; Pourquoi nous oublierais-TU pour toujours, nous abandonnerais-TU jusqu’à la fin des jours ? 21 FAIS-nous REVENIR à TOI, YHWH, et nous reviendrons, RENOUVELLE nos jours comme autrefois, 22 si TU ne nous as pas tout à fait rejetés, si TU n’es pas irrité contre nous sans mesure. » 20

Toutes les autres prières ne sont que plainte et supplication et même accusation (2,21). On notera que seule la première comprend une confession des péchés (1,20.22) qui se retrouvera dans la séquence centrale (3,42).

170

Comment ?

La spécificité du centre de la section centrale On a noté plus haut (p. 111) que, dans la lamentation centrale, certains termes ne se retrouvent qu’au centre de la séquence (3,31-36), ainsi que dans les centres des deuxièmes passages des sous-séquences extrêmes (22-24 et 58-60), et pas ailleurs dans la séquence : – « (faire) miséricordes » (22.32) ; – « ses fidélités » (22.32) ; – « ta vérité » (23) ; – « tu as défendu » « procès » (rîb, 36.56) ; – « tu as jugé » (59), « jugement » (35.59) ; – « (faire) tort » (36.59). – « tu as racheté » (58) ; – « ma part » (24) ; – « j’attends » (24 mais déjà en 21). Il se trouve que ces termes sont spécifiques de la séquence centrale et ne se retrouvent pas ailleurs dans l’ensemble du livre des Lamentations. Ils marquent ainsi non seulement le cœur de la lamentation centrale, mais aussi le cœur de tout le livre. On a dit que tous ces termes sont positifs. La « miséricorde », la « fidélité », la « vérité » de Dieu consistent à défendre son fidèle à qui on a « fait tort », à le « racheter » ; quant à l’homme, « il attend » celui qui est « sa part ». Tout cela s’oppose au leitmotiv de la première séquence : « il n’y a pas de consolateur/d’aide pour elle » (1,2.7.9.16.17.21 ; voir p. 44-45). « Consoler » ne reviendra qu’à la fin du passage central de la séquence suivante : « À quoi t’assimilerai-je pour te consoler ? » (2,13).

L’ensemble du livre

171

CONTEXTE LAMENTATION FUNÈBRE SUR LA VIERGE D’ISRAËL Le livre d’Amos est focalisé sur une qîna, une lamentation funèbre (Am 5,117). Le prophète annonce à Israël sa fin prochaine, entonnant pour elle la lamentation qu’on chante sur les morts. Cependant, si le Seigneur, par la bouche du prophète, continue à s’adresser malgré tout à celle dont il sait qu’elle devra passer par la mort, c’est qu’il tente encore désespérément de l’appeler à la conversion1. Toutefois, la situation des Lamentations est bien différente, puisque le châtiment s’est abattu sur Israël et que sa fin est arrivée, tout étant détruit, ses institutions économiques puisque le pays est ravagé, ses institutions politiques puisque son roi et ses princes sont déportés, ses institutions religieuses puisque le temple est détruit et le culte arrêté. « Il n’y a plus de Loi, même ses prophètes ne trouvent plus de vision venant de Dieu » (Lm 2,9). « NE CRAINS PAS » Beaucoup de traits de la troisième lamentation rappellent le livre de Jérémie. Au début du livre, le Seigneur annonce sa mission à Jérémie qui se récrie, disant qu’il ne sait pas parler. Mais le Seigneur lui répond : « Ne crains pas en leur présence car je suis avec toi pour te délivrer, oracle de Yhwh » (1,8). En Lm 3,57, l’orant dit à son Seigneur : « Tu t’es approché au jour où je t’ai invoqué ; tu as dit : “Ne crains pas !” ». LAMENTATION DE JÉRÉMIE 18

Sans remède, la peine m’envahit, le cœur me manque. 19 Voici l’appel au secours de la fille de mon peuple, depuis une terre aux vastes étendues. « Yhwh n’est donc plus en Sion ? Son Roi n’y est-il plus ? Pourquoi m’ont-ils irrité par leurs idoles, par ces vanités venues de l’étranger ? 20 La moisson est passée, l’été est fini, et nous ne sommes pas sauvés ! » 21 De la blessure de la fille de mon peuple je suis blessé, je reste accablé, l’épouvante me tient. 22 N’y a-t-il plus de baume en Galaad ? N’y a-t-il là aucun médecin ? Oui, pourquoi ne fait-elle aucun progrès, la guérison de la fille de mon peuple ? 23 Qui changera ma tête en fontaine et mes yeux en source de larmes, que je pleure jour et nuit les tués de la fille de mon peuple ! (Jr 8,18-23).

Comme en Lm 3,48, Jérusalem est appelée « la fille de mon peuple »2. Comme dans le premier versant de la troisième lamentation, le prophète partage le sort de son peuple, sa blessure, son épouvante (21). Comme en Lm 3,48-51, Jérémie « pleure les tués » de son peuple (23).

1 2

Voir P. BOVATI – R. MEYNET, Le livre du prophète Amos, 180-182. Voir aussi 4,11 ; 6,26 ; 14,17.

172

Comment ?

LE PROPHÈTE DEVENU LA RISÉE DE SON PEUPLE En Lm 3,14, « l’homme » qui parle dit : « Je suis devenu la risée de tout mon peuple, leur chanson tout le jour » ; et il y reviendra encore à la fin : « 61 Tu as entendu leurs insultes, Yhwh, tous leurs complots contre moi. 62 Les lèvres de mes agresseurs et leurs intentions sont contre moi tout le jour. 63 Assis ou debout, regarde : moi je suis leur chanson » (63). Ce que dit aussi Jérémie : Je suis devenu la risée tout le jour, la fable de tout le monde. 8 Chaque fois que j’ai à parler, je dois crier et proclamer : « Violence et dévastation ! » La parole de Yhwh a été pour moi insulte et moquerie tout le jour (Jr 20,7-8).

LES LAMENTATIONS ET LE DEUXIÈME ISAÏE « Ces dernières années, les analyses textuelles des Lamentations ont relevé toujours davantage de correspondances avec Isaïe 40–55 »3. Le Deutéro-Isaïe (Is 40–55) est souvent appelé « Le livre de la consolation d’Israël ». Il commence par ces mots : 1

Consolez, consolez mon peuple, dit votre Dieu, 2 parlez au cœur de Jérusalem et criez-lui que son service est accompli, que sa faute est expiée, qu’elle a reçu de la main de Yhwh double punition pour tous ses péchés (Is 40,1-2).

Non seulement « sa faute est expiée » renvoie à Lm 4,22 : « ta faute a disparu, fille de Sion », mais l’invitation initiale sonne comme une réponse au leitmotiv de la première lamentation : « Il n’y a pas de consolateur pour elle »4. C’est surtout le cœur de Lm 3 qui résonne comme une consolation dans la détresse. En outre, on relève toujours davantage de rapports entre « l’homme » qui y prend la parole et le Serviteur du Seigneur que dépeignent les quatre « chants du Serviteur » : homme de douleur, mais qui porte l’espérance de la résurrection.

INTERPRÉTATION LA FIN DE TOUT La ville est prise, saccagée, livrée aux flammes. Le temple est pillé, détruit jusqu’aux assises. La population, avec son roi, est déportée dans le pays du vainqueur. Tout est donc irrémédiablement fini pour Juda et pour Israël. Tout est fini, mais une voix s’élève du fond de la fosse (53), qui va rappeler ce qui s’est passé et décrire le désastre présent de ceux qui ont échappé à l’épée ou à la faim. 3

MIDDLEMAS, J., « Did Second Isaiah Write Lamentations III? », 525. Les rapports entre Lm et le Deutéro et le Trito-Isaïe sont relevés par N.K. GOTTWALD, Studies in the Book of Lamentations, 44-46 ; voir aussi Morla, 56. 4

L’ensemble du livre

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Paradoxalement, les mots que prononce cette voix prouvent que tout n’est pas fini, même s’ils peuvent sembler dire le contraire. C’est une lamentation funèbre qui est entonnée, mais la mort n’as pas le dernier mot. Celui qui parle est malgré tout un vivant. LA VILLE EST DÉTRUITE, IL RESTE UN HOMME Le livre s’ouvre sur la vision de « la Ville » assise à l’écart, exilée chez les nations, accablée par le deuil et les larmes (1,1-3). Elle ne dit rien, c’est quelqu’un d’autre qui prend la parole pour parler d’elle tout au long du premier versant de la séquence. Ce personnage est anonyme, il n’a pas été présenté et ne dit pas son nom. Il en ira de même dans les premiers versants de la deuxième lamentation et encore de la quatrième. À partir du centre de la première séquence, c’est « la Ville » qui prend la parole pour faire entendre sa plainte ; dans la deuxième séquence, au contraire, elle se tait et c’est un autre personnage, anonyme lui aussi, qui s’adresse à elle : « Tes prophètes ont des visions pour toi de fausseté et de sottise » (2,14). S’il est vrai que le centre d’une construction concentrique en est la clé de voûte, sa clé de lecture, on devine que ce personnage anonyme de la première section est celui qui se présente, au début de la section centrale : « Moi, je suis l’homme qui a vu la misère sous la verge de sa fureur » (3,1). QUI EST CET HOMME ? La lecture traditionnelle voyait dans cet homme le prophète Jérémie. La Septante, suivie par la Vulgate, fait précéder la première lamentation par ces mots d’introduction : « Or il arriva qu’après qu’Israël eut été réduit en captivité et que Jérusalem fut devenue déserte, Jérémie s’assit en pleurant et il fit cette lamentation sur Jérusalem et il dit : » Jérémie y est suivi de Baruch et des Lamentations, comme si les trois ne formaient qu’un seul livre. L’âge critique a, bien sûr, remis en question cette attribution5. Certains l’assimilent à la Ville de Jérusalem6 ; toutefois, cet « homme » est clairement une figure masculine distincte de celle de « la ville », « vierge fille de Sion ». D’autres voient dans cet homme un homme quelconque7, « everyman »8, habitant de Jérusalem, homme pieux mais qui représente chacun9, ou encore un simple soldat vaincu10. Il semble plus probable qu’il s’agisse d’un personnage important qui représente, comme « la ville », toute

5

Voir le status quaestionis de House, 405-406. Par ex., Morla, 290.317.340.386. 7 Dobbs-Allsopp, « Excursus : L’uomo qualunque », 122-125. 8 Hillers, 64. 9 Par ex., Renkema, 344. 6

10

W.F. LANAHAN, « The Speaking Voice in the Book of Lamentations », 45.

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Comment ?

la nation. Le premier qui vient à l’esprit est naturellement le roi11 ; mais celui-ci est déchu, parti en déportation. Ce pourrait être le prêtre, mais le temple est détruit et le culte aboli. Reste la figure du prophète. Tel qu’il se présente, en particulier dans la section centrale, ce n’est sans doute pas Jérémie, mais ce prophète anonyme lui ressemble fort, il fait partie de la même lignée : un homme inspiré par Dieu, qui parle en son nom, qui interprète la catastrophe, y révèle la main de Dieu, à cause du péché et de la rébellion, qui appelle au repentir, car le Seigneur ne rejette pas pour toujours, qui invite avec insistance à se tourner vers lui dans la prière. LE TEMPLE EST DÉTRUIT, DIEU DEMEURE La Ville est prise et incendiée, le Temple est pillé, livré aux flammes. Le roi et ses princes sont faits prisonniers et sont emmenés en exil. Toutes les activités cultuelles, prières et sacrifices, ont donc disparu. Les prêtres et les lévites ont perdu non seulement leur emploi, mais même leur raison d’exister. Il est toutefois un « homme » qui se lève et proclame que tout n’est pas fini. Le Temple n’est plus, mais Dieu n’a pas disparu. Il est toujours présent : « Toi, Yhwh, tu demeures à jamais, ton trône de génération en génération » (5,19). Il est vrai que c’est lui qui, par les mains de l’ennemi, a détruit sa maison (2,6-7). C’est ce que le prophète affirme. Mais il dit aussi que « s’il a affligé, il fait miséricorde selon l’abondance de ses fidélités » (3,32), que de sa bouche sort non seulement les maux, mais aussi le bien (39). Si le prophète invite à invoquer le Seigneur, c’est qu’il est persuadé qu’il n’est pas loin et qu’il entendra. Il prie et invite à prier sans cesse : « Tu t’es approché au jour où je t’ai invoqué ; tu as dit : “Ne crains pas” » (57). LAMENTATIONS ET CONSOLATION Le titre grec du livre, « Lamentations », pourrait risquer d’induire une interprétation pessimiste, parce qu’elle ne verrait qu’un côté de la médaille. Il n’est certes pas question de nier le caractère tragique de la situation où se sont trouvés les protagonistes du drame de la prise de Jérusalem, ni du caractère premier des cinq poèmes où dominent la douleur et la plainte. Il s’agit cependant de ne pas oublier ce qui fait le cœur battant de tout l’ouvrage, « qui anime l’ensemble, envoyant son énergie et sa chaleur vitale jusqu’aux extrémités »12, ce qui constitue « la clé de voute » et « la clé de lecture » de tout le livre13. Le centre de la séquence centrale, en effet, est occupé par la consolation que le prophète proclame avec la plus grande fermeté de sa foi : 11

Pour certains, Josias ou Joiakim, pour d’autres (comme M. Saebø, « Who is “The Man” in Lamentations 3 ? ») le dernier roi Sédécias qui eut les yeux crevés et fut emmené en déportation (voir 2R 25,1-21), ce qui s’accorde avec Lm 3,2. 12 J. FORBES, The symmetrical Structure of Scripture, 82. 13 Voir Traité 2007.2013, 417 ; 2021, 347.

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Car le Seigneur ne rejette point pour toujours. Car s’il a affligé, il fera miséricorde selon la grandeur de ses fidélités. Car il n’humilie point de bon cœur ni n’afflige les fils d’homme » (3,31-33).

Le titre hébreu du livre, « Comment ?... », a l’immense avantage de poser une question. Et, pour que l’on ne risque pas de l’oublier, ce « Comment ? » sera repris encore deux fois, de chaque côté de la séquence centrale, au début du deuxième poème et du quatrième. Cette triple question est posée au lecteur, qui trouvera la réponse dans la triple question par laquelle s’achève la partie centrale de la lamentation centrale, ce qui est bien dans la manière biblique de procéder : Quand on écrase dessous ses pieds tous les prisonniers d’un pays, quand on fausse le jugement d’un homme devant la face du Très-Haut, quand on fait tort à un adam dans son procès, le Seigneur ne le voit-il pas ?

« L’homme » qui domine et anime l’ensemble des Lamentations ressemble au « Serviteur du Seigneur » dont les chants ponctuent le Deuxième Isaïe. Ils ont un air de famille indéniable, à croire qu’il s’agit du même personnage. Il partage et supporte la souffrance et la déréliction de son peuple, mais porte aussi son espérance et sa foi. Le chrétien y reconnait celui que Pilate présenta au peuple de Jérusalem : « Jésus sortit donc dehors, portant la couronne d’épines et le manteau de pourpre ; et Pilate leur dit : « Voici l’homme ! » (Jn 19,5).

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Comment ?

LES TÉNÈBRES Avant la réforme de la liturgie de la Semaine Sainte faite par Pie XII en 1955, quelques années avant le Deuxième concile du Vatican, on chantait les Lamentations durant les Matines et les Laudes du Jeudi, du Vendredi et du Samedi saints, qu’on appelait « L’Office des Ténèbres ». Avec la réforme liturgique, les Lamentations ont presque disparu de la liturgie14. L’oracle de salut qui se trouve au centre du livre et en représente le cœur n’est lu, en partie, qu’une seule fois, à l’office des lectures du vendredi de la 23e semaine du Temps Ordinaire (Lm 3,22-33). On pourra se consoler en pensant que les « Ténèbres » n’ont pas disparu, puisque les Lamentations y ont été presque englouties !

Cela dit, le rapport entre les Lamentations et la Passion de Jésus, entre « l’homme » souffrant qui y prend la parole pour annoncer le salut et le Christ qui traverse la mort pour se lever à la résurrection, ce rapport demeure. Les mots du prophète des Lamentations accompagnent beaucoup de représentations de la Passion. Un des exemples les plus connus est celui de la Pietà de Villeneuve-lèsAvignon, peinte au milieu du XVe siècle. Dans le bandeau doré, on lit le début de Lm 1,12 : o vos omnes qui transitis per viam adtendite et videte si est dolor sicut dolor meus, « Ô, vous tous qui passez par le chemin, regardez et voyez s’il est une douleur comme ma douleur. »

14

Pour la liturgie eucharistique, une seule fois tous les deux ans, le samedi de la douzième semaine du temps ordinaire, années paires ; donc jamais le dimanche. Pour la Liturgie des heures, Lm 3,1-21 fait partie des cantiques proposés pour les vigiles du Carême et de la Semaine sainte ; en outre, à l’office des lectures de la 23e semaine, on lit le Jeudi Lm 1,1-12.18-20, le Vendredi Lm 3,1-33 et le Samedi Lm 51-22 (la plus courte, la seule qu’on lit en entier).

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Aux ténèbres de la mort dans lesquelles le corps de Jésus s’enfonce, s’oppose le fond d’or qui occupe tout le haut du tableau. Cet or est la lumière de la vie, de la résurrection ; c’est le fond sur lequel ressortent les paroles de la douleur et qui les transfigure. « Vous tous qui passez par le chemin », chaque lecteur est convié non seulement à regarder, mais aussi à entrer dans la scène. Sa place est celle du donateur agenouillé, priant les mains jointes, comme la Vierge Mère. Sa douleur est comme la sienne.

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Comment ?

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Monique Ariello Laugier Artiste peintre et graveur

• Leçons des Ténèbres : Les « Leçons de Ténèbres » sont un genre musical liturgique créée en France au 17e siècle, chantées lors de la Semaine sainte lors des Matines des Jeudi, Vendredi et Samedi saints. Le rituel en était très symbolique : à chaque fin de psaume ou leçon, on éteignait un des 15 cierges pour terminer par le Miserere, chanté dans l’obscurité complète. Triptyques : monotypes et xylogravure sur papier noir illustrant les « Lamentations de Jérémie », le texte du « Livre des Répons » de Louis Deydier, et accompagnés des « Leçons de Ténèbres » de François Couperin et Jean Gilles. François Couperin (1668-1733) : compositeur, organiste et claveciniste. Ne nous sont parvenues que les trois leçons du Mercredi saint. Elles ont été écrites en 1714 à l’Abbaye de Longchamp. Jean Gilles (1668-1705) : d’abord enfant de chœur à la Cathédrale d’Aix en Provence, succède en 1693 à Guillaume Poitevin qui en dirigeait la Maîtrise, puis devient Maître de chapelle à Agde puis à Toulouse. Compose un très beau et célèbre Requiem, joué lors de ses obsèques, puis aux obsèques de Jean Philippe Rameau (1764) et plus tard à celles de Louis XV (1774). • Un livre d’artiste correspondant en numérotation limitée à 3, entièrement réalisé et relié par l’artiste. du catalogue de l’exposition « Sentiers de montagne et Leçons de Ténèbres » à la Chapelle sainte Agathe, Méolans-Revel, 2-14 août 2021

Courtoisie de l’artiste

Conclusion « Une violente tempête en forme de tornade » ; « comme un cyclone avec un œil reposant au centre, entouré d’images chaotiques de violence ininterrompue, de destruction, de maladie et de désespoir, une véritable souffrance humaine à grande échelle »1. Plus traditionnelle, la forme du « rouleau » pourrait, elle aussi, être une image de la composition concentrique du livre des Lamentations, reconnue depuis bien longtemps. Personne ne devrait s’en étonner, chacun sachant combien ce genre d’organisation textuelle est fréquent dans la littérature biblique. Au niveau de l’ensemble, le livre s’organise autour de la troisième lamentation qui se distingue clairement des quatre autres. Au niveau inférieur aussi, quatre lamentations sont de composition concentrique, la deuxième étant toutefois à double foyer, c’est-à-dire de composition elliptique. Les études de composition ne sont pas toujours menées avec la rigueur qui convient. Mettant en œuvre la méthodologie de l’analyse rhétorique biblique et sémitique qui a fait ses preuves, le présent commentaire a voulu offrir une étude précise et détaillée du livre, à tous les niveaux de son organisation. Il s’est attaché aussi à montrer comment le centre de la lamentation centrale, « l’œil du cyclone », représente la clé de lecture de l’ensemble, la réponse à la question initiale du livre, « Comment ?... », question assénée encore au début des séquences qui encadrent la séquence centrale. Comment une chose aussi terrible que la prise de Jérusalem et la destruction d’Israël a-t-elle été possible ? Pour quelle raison et pour quoi ? La question du « comment » peut s’appliquer aussi à la forme choisie par l’auteur des Lamentations, forme qui ne laisse pas d’étonner. On sait que la fonction de l’acrostiche alphabétique est discutée2. On y a vu d’abord un moyen mnémotechnique, l’ordre de l’alphabet étant censé aider à réciter le poème sans risque de se tromper. Une seconde fonction est d’exprimer la totalité, car avec les vingt-deux lettres de l’alphabet il est possible d’exprimer tout le dicible, de Aleph à Taw, « de A à Z ». Cela se vérifie, par exemple, dans le Ps 145, où le mot kōl, « tout » revient dix-huit fois dans le psaume et y joue un rôle de premier plan3. Une fonction esthétique ne peut être niée, la dextérité du poète se manifestant par sa capacité à produire un texte bien composé qui intègre aussi la contrainte de l’alphabétisme. Le cas des Lamentations est cependant bien différent de celui des autres textes acrostiches alphabétiques. En effet, c’est le seul cas où tout le livre avec ses cinq poèmes est marqué par cette structure, même si le dernier tranche sur les autres. 1

J. MIDDLEMAS, « The Violent Storm in Lamentations », 81.84. Voir, par ex., GOTTWALD, Studies, 23-32 ; House, 306-308. 3 Voir R. MEYNET, Les huit psaumes acrostiches alphabétiques, 275-290 2

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Comment ?

Le contraste est frappant entre l’ordre rigoureux de l’acrostiche et le chaos dans lequel est tombé Israël. Et l’on peut penser que le poète a justement choisi cette forme pour l’opposer au désordre extrême de la défaite. L’ordre de l’alphabet est celui de la langue, seule institution que l’ennemi et l’oppresseur ne peuvent détruire. C’est celui de la parole, d’une parole organisée qui défile en rangs serrés et défie ainsi l’adversaire. L’alphabet du vaincu témoigne de la résistance d’une langue et d’un peuple particulier et unique. L’acrostiche alphabétique n’est donc pas, dans les Lamentations, un artifice littéraire gratuit. La forme est en relation directe avec le contenu4. Seule la parole peut s’opposer à la violence et passer la mort. Verbalisée, la violence subie permet de survivre, verbalisée dans l’écrit, elle passera aux générations futures, comme un héritage. Jusqu’à nous, après deux millénaires et demi. Quant aux irrégularités de l’alphabétisme, elles peuvent, elles aussi, être interprétées en relation avec le contenu du livre. Un ordre vivant ne saurait être absolument figé. Que la succession habituelle Ayn – Pé dans le premier poème soit inversée dans les trois suivants, n’a rien de surprenant si l’on admet que les deux traditions existaient : le poète aurait respecté ce fait. Si l’alphabétisme est triplé dans le troisième poème, marquant les trois segments de chaque morceau, c’est là une manière d’attirer l’attention sur la lamentation centrale du livre, d’en souligner l’importance ; celle-ci se révèlera, on l’a vu, par le caractère unique du centre de cette lamentation qui fait renaitre la foi et l’espérance. La troisième section s’abrège progressivement par rapport à la première. Son premier poème, en effet, ne compte que quarante-quatre segments au lieu des soixante-six de chacune des trois précédentes ; quant à son deuxième poème, il est deux fois plus court que le précédent, ne totalisant que vingt-deux segments. On peut raisonnablement penser que cette double irrégularité est intentionnelle. Après que le sommet a été atteint au cœur du troisième poème par l’affirmation de la fidélité et de la miséricorde de Dieu, la tension peut se relâcher et le discours diminuer petit à petit. Enfin, après que l’alphabétisme a été réduit dans le premier poème de la dernière section, il pouvait disparaitre pratiquement dans le dernier, laissant la place à une prière désormais libérée d’une rigidité qui n’avait plus de raison d’être maintenue. Un cadre, celui des vingt-deux lettres de l’alphabet, s’impose toutefois, même s’il est moins contraignant, car la liberté n’est pas pour demain. La fin de l’exil est encore loin, elle n’est qu’annoncée, prédite par le prophète : « Ta faute est accomplie, fille de Sion, il ne te déportera plus » (4,22). C’est ce que développe à loisir le centre du poème central de tout le livre, qui retentit comme un oracle. Il faudra encore patienter longtemps, sous le joug, pour entendre Isaïe inviter à la joie l’épouse rachetée :

4

Voir, en particulier, É. ASSIS, « The alphabetic acrostic in the Book of Lamentations ».

Conclusion

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Crie de joie, stérile, toi qui n’as pas enfanté ; pousse des cris de joie, des clameurs, toi qui n’as pas mis au monde, car plus nombreux sont les fils de la délaissée que les fils de l’épouse, dit Yhwh (Is 54,1).

Un autre prophète aura précédé le Deuxième Isaïe, dans les Lamentations. Sa voix, bien sûr, sonne différemment, elle a les accents de la douleur et de la plainte la plus amère. Mais ce prophète partage avec son successeur la même foi en la miséricorde et en la fidélité de Dieu qui se renouvellent chaque matin. C’est la même espérance qui lui fait prendre la parole pour annoncer à son peuple le salut. Sa voix ressemble, il est vrai, à celle du psalmiste. Ses lamentations rejoignent les siennes. Toutefois, il fait partie d’une famille, d’une lignée qui comprend Amos, le premier prophète écrivain, qui annonça jadis la fin d’Israël ; celle-ci se poursuivra après lui avec Isaïe et Ézéchiel qui virent la fin de l’exil5. Le prophète des Lamentations, si proche de Jérémie qu’on les a confondus, non sans raison, pendant si longtemps, se situe entre les deux, au moment du drame qui fit basculer l’histoire d’Israël.

5

Gottwald a intitulé le quatrième point de la conclusion de son dernier chapitre : « Le livre des Lamentations s’inscrit dans la grande tradition prophétique d’Israël » (N.K. GOTTWALD, Studies in the Book of Lamentations, 114-116.

Bibliographie des ouvrages cités

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Comment ?

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Bibliographie

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INDEX DES AUTEURS CITÉS

Assis : 8, 178 Berlin : 10, 14, 24, 141 Bovati : 10, 99, 170, 185 Brandscheidt : 8 Condamin : 8 Dobbs-Allsopp : 141, 173 Forbes : 174 Freedman : 7 Garrett : 12 Gerstenberger : 10, 11, 12, 73 Gordis : 8, 185 Gottwald : 172, 177, 179 Gous : 8 Hillers : 10, 173 House : 8, 10, 12, 173, 177 Johnson : 8 Joüon : 13, 24, 185

Lanahan : 173 Lund : 132 Martin-Achard : 11, 12 Matter : 8 Meynet : 8, 13, 17, 113, 123, 170, 177, 185 Miano : 7 Middlemas : 172, 177 Morla : 10, 25, 97, 172, 173, 185 Provan : 10 Raban Maur : 8, 11 Re’emi : 11, 12 Renkema : 8, 10, 173 Saebø : 173 Salters : 10, 14, 25 Westermann : 8

INDEX DES RÉFÉRENCES BIBLIQUES

Gn 18,27 : 89 Gn 19,23-24 : 122 Gn 37,36 : 24 Ex 2,23-25 : 67 Ex 8,11 : 99 Ex 15,6 : 49 Ex 27,21 : 24 Lv 23,2 : 24 Nb 6,1-4 : 117 Nb 29,39 : 24 Jg 13,5.7 : 117 2R 25,8 : 24 1Ch 28,2 : 54 Jb 30,19 : 89 Jb 42,6 : 89 Ps 9–10 : 7 Ps 20 : 7 Ps 22,2-3 : 92 Ps 25 : 7 Ps 33 : 7 Ps 34 : 7 Ps 37 : 7 Ps 48,12 : 97 Ps 51,12 : 142 Ps 58 : 7 Ps 100 : 7 Ps 103 : 7 Ps 104,15 : 72 Ps 111–112 : 8 Ps 111 : 7

Ps 112 : 7 Ps 116,3 : 24 Ps 118,5 : 24 Ps 119 : 7, 123 Ps 126,4 : 60 Ps 132,7 : 54 Ps 137 : 129 Ps 145 : 7, 177 Is 4,4 : 97 Is 34 : 129 Is 40–55 : 129, 172 Is 40,1-2 : 129, 172 Is 40,1 : 31 Is 49,14-15 : 140 Is 51,12 : 31 Is 54,1 : 179 Is 58,7 : 25 Is 64,10 : 54 Is 66,1 : 54 Jr 4,11 : 171 Jr 5,31 : 61 Jr 6,11-12 : 73 Jr 6,13 : 61 Jr 6,26 : 171 Jr 8,10 : 61 Jr 8,18-23 : 171 Jr 19-22 : 73 Jr 14,14-20 : 61 Jr 14,17 : 171 Jr 18,13 : 24 Jr 20,7-8 : 171 Jr 23,14-32 : 61 Jr 27,9-22 : 61 Jr 28,15 : 61 Jr 29,8-9 : 61 Jr 31,4.21 : 24

192

Comment ?

Jr 31,33-34 : 134 Jr 39,1-2 : 129 Jr 49,2 : 97 Jr 49,7-20 : 129 Jr 52,1-11 : 129 Jr 52,12-23 : 129

Am 2,11-12 : 117 Am 5,1-17 : 170 Am 9,4 : 24

Ez 18,23 : 111 Ez 35 : 129 Ez 35,15 : 129

Jn 19,5 : 175

Ab 11-15 : 129 Ab 13-14 : 130

Rm 4,18 : 92

TABLE DES MATIÈRES Introduction ................................................................................................. Sigles et abréviations ................................................................................... Lexique des termes techniques ....................................................................

7 13 15

PERSPECTIVE CAVALIÈRE DE L’ENSEMBLE DU LIVRE

19

LA COLÈRE DU SEIGNEUR La première section : 1–2

21

I. Comment Jérusalem pour ses crimes est-elle exilée chez les nations ? La séquence A1 : 1,1-22 ...........................................................................

23

1. Sion pleure car il n’y a pas pour elle de consolateur Le premier passage : 1,1-9 ......................................................................

23

2. Voyez que je suis devenue méprisée et malade Le deuxième passage : 1,10-13 ..............................................................

32

3. Moi, je pleure car est loin de moi un consolateur Le troisième passage : 1,14-22 ...............................................................

36

4. Comment Sion pour ses crimes est-elle exilée chez les nations ? L’ensemble de la séquence : 1,1-22 ........................................................

44

II. Comment le Seigneur dans sa colère a-t-il brisé la fille de Sion ? La séquence A2 : 2,1-22 ...........................................................................

49

1. Dans sa colère, le Seigneur a englouti la fille de Sion Le premier passage : 2,1-8 .....................................................................

49

2. Israël est mise à mort Le deuxième passage : 2,9 ......................................................................

55

3. Avec tous, je pleure la mort des enfants de la fille de Sion Le troisième passage : 2,10-13 ..............................................................

56

4. Israël, tu ne pourras revivre Le quatrième passage : 2,14 ...................................................................

60

5. Dans la nuit, clame vers le Seigneur, fille de Sion Le cinquième passage : 2,15-22 .............................................................

62

194

Comment ?

6. Comment Adonaï dans sa colère a-t-il enténébré la fille de Sion ? L’ensemble de la séquence : 2,1-22 .......................................................

68

III. La colère du Seigneur L’ensemble de la première section : Lm 1–2 .........................................

75

« LE SEIGNEUR NE REJETTE PAS POUR TOUJOURS » La deuxième section : Lm 3

81

A. « J’ai dit : “Mon existence a péri et mon attente de Yhwh” » La première sous-séquence : 3,1-30 ......................................................

83

1. « Contre moi il tourne et retourne sa main tout le jour » Le premier passage : 3,1-15 ...................................................................

83

2. « Ses miséricordes sont nouvelles chaque matin » Le deuxième passage : 3,16-30 .............................................................

86

3. « J’ai dit : “Mon existence a péri et mon attente de Yhwh.” » L’ensemble de la première sous-séquence : 3,1-30 ...............................

90

B. « S’il a affligé, il fait miséricorde » La deuxième sous-séquence : 3,31-36 ...................................................

93

C. « Tu as dit : “Ne crains pas !” » La troisième sous-séquence : 3,37-66 ....................................................

95

1. « Tu as tué, tu n’as pas eu pitié » Le premier passage : 3,37-51 ..................................................................

95

2. « Tu as racheté ma vie » Le deuxième passage : 3,52-66 ..............................................................

99

3. « Tu as dit : “Ne crains pas !” » L’ensemble de la troisième sous-séquence : 3,37-66 .............................

102

D. « Le Seigneur ne rejette pas pour toujours » L’ensemble de la séquence : 3,1-66 .......................................................

105

Table des matières

195

LA MISÉRICORDE DU SEIGNEUR La troisième section : Lm 4–5

115

I. Le Seigneur mettra fin à ton exil La séquence C1 : 4,1-22 .........................................................................

117

1. « Elle fut grande la faute de la fille de mon peuple » Le premier passage : 4,1-10 ...................................................................

117

2. Personne n’aurait pu le croire Le deuxième passage : 4,11-12 ..............................................................

122

3. « Elle est expiée ta faute, fille de Sion » Le troisième passage : 4,13-22 ...............................................................

124

4. Le Seigneur mettra fin à ton exil L’ensemble de la séquence : 4,1-22 .......................................................

132

II. Seigneur, fais-nous revenir à toi La séquence C2 : 5,1-22 ........................................................................

135

III. La miséricorde du Seigneur L’ensemble de la troisième section : Lm 4–5 ........................................

143

LAMENTATIONS L’ensemble du livre

Conclusion .................................................................................................. Bibliographie ............................................................................................... Index des auteurs cités ................................................................................ Index des références bibliques ....................................................................

149

181 185 189 191

RHÉTORIQUE BIBLIQUE Collection dirigée par Roland Meynet et Pietro Bovati 1.

ROLAND MEYNET, L’Évangile selon saint Luc. Analyse rhétorique, Éd. du Cerf, Paris 1988.

2.

PIETRO BOVATI – ROLAND MEYNET, Le Livre du prophète Amos, Éd. du Cerf, Paris 1994.

3.

ROLAND MEYNET, Jésus passe. Testament, jugement, exécution et résurrection du Seigneur Jésus dans les évangiles synoptiques, PUG Editrice – Éd. du Cerf, Rome – Paris 1999.

RHÉTORIQUE SÉMITIQUE Collection dirigée par Roland Meynet avec Jacek Oniszczuk 1.

ROLAND MEYNET, L’Évangile de Luc, Lethielleux, Paris 2005.

2.

TOMASZ KOT, La Lettre de Jacques. La foi, chemin de la vie, Lethielleux, Paris 2006.

3.

MICHEL CUYPERS, Le Festin. Une lecture de la sourate al-Mâ’ida, Lethielleux, Paris 2007.

4.

ROLAND MEYNET, Traité de rhétorique biblique, Lethielleux, Paris 2007.

5.

ROLAND MEYNET, Appelés à la liberté, Lethielleux, Paris 2008.

6.

ROLAND MEYNET, Une nouvelle introduction aux évangiles synoptiques, Lethielleux, Paris 2009.

7.

ALBERT VANHOYE, L’Épitre aux Hébreux. «Un prêtre différent», Gabalda, Pendé 2010.

8.

ROLAND MEYNET, L’Évangile de Luc, Gabalda, Pendé 20113.

9.

MICHEL CUYPERS, La Composition du Coran, Gabalda, Pendé 2012.

10. ROLAND MEYNET, La Lettre aux Galates, Gabalda, Pendé 2012. 11. ROLAND MEYNET, Traité de rhétorique biblique, Gabalda, Pendé 20132. 12. ROLAND MEYNET – J. ONISZCZUK, Exercices d’analyse rhétorique, Gabalda, Pendé 2013. 13. JACEK ONISZCZUK, La première lettre de Jean, Gabalda, Pendé 2013. 14. ROLAND MEYNET, La Pâque du Seigneur. Passion et résurrection de Jésus dans les évangiles synoptiques, Gabalda, Pendé 2013. 15. MICHEL CUYPERS, Apocalypse coranique. Lecture des trente-trois sourates du Coran, Gabalda, Pendé 2014. 16. ROLAND MEYNET, L’Évangile de Marc, Gabalda, Pendé 2014.

RETORICA BIBLICA collana diretta da Roland Meynet, Pietro Bovati e Jacek Oniszczuk EDIZIONI DEHONIANE ROMA 1.

ROLAND MEYNET, Il vangelo secondo Luca. Analisi retorica, ED, Roma 1994.

2.

PIETRO BOVATI – ROLAND MEYNET, Il libro del profeta Amos, ED, Roma 1995.

3.

ROLAND MEYNET, «E ora, scrivete per voi questo cantico». Introduzione pratica all’analisi retorica. 1. Detti e proverbi, ED, Roma 1996. EDIZIONI DEHONIANE BOLOGNA

4.

ROLAND MEYNET, Una nuova introduzione ai vangeli sinottici, EDB, Bologna 2001.

5.

ROLAND MEYNET, La Pasqua del Signore. Testamento, processo, esecuzione e risurrezione di Gesù nei vangeli sinottici, EDB, Bologna 2002.

6.

TOMASZ KOT, La fede, via della vita. Composizione e interpretazione della Lettera di Giacomo, EDB, Bologna 2003.

7.

ROLAND MEYNET, Il vangelo secondo Luca. Analisi retorica, seconda edizione, EDB, Bologna 2003.

8.

GIORGIO PAXIMADI, E io dimorerò in mezzo a loro. Composizione e interpretazione di Es 25–31, EDB, Bologna 2004.

9.

ROLAND MEYNET, Una nuova introduzione ai Vangeli Sinottici, seconda edizione rivista e ampliata, EDB, Bologna 2006.

10. ROLAND MEYNET, Trattato di retorica biblica, EDB, Bologna 2008. 11. JACEK ONISZCZUK, La Prima Lettera di Giovanni, EDB, Bologna 2008. 12. ROLAND MEYNET – JACEK ONISZCZUK, ed., Retorica biblica e Semitica 1. Atti del primo convegno RBS, EDB, Bologna 2009. 13. ROLAND MEYNET, Chiamati alla libertà, EDB, Bologna 2010. 14. ALBERT VANHOYE, L’epistola agli Ebrei. «Un sacerdote differente», EDB, Bologna 2010. 15. JACEK ONISZCZUK, La passione del Signore secondo Giovanni (Gv 18–19), EDB, Bologna 2011. 16. ROLAND MEYNET – JACEK ONISZCZUK, ed., Retorica biblica e Semitica 2. Atti del secondo convegno RBS, EDB, Bologna 2011. 17. ROLAND MEYNET, La lettera ai Galati, EDB, Bologna 2012. 18. GERMANO LORI, Il Discorso della Montagna, dono del Padre (Mt 5,1–8,1), EDB, Bologna 2013.

RHETORICA SEMITICA Series directed by Roland Meynet ESPAÑOL 1. R. MEYNET, Llamados a la libertad, Convivium Press – G&B Press, Miami – Rome 2008. 2. A. VANHOYE, Un sacerdote diferente. La epístola a los Hebreos, Convivium Press – G&B Press, Miami – Rome 2011. 3. R. MEYNET, Una nueva introducción a los Evangelios Sinópticos, Convivium Press – G&B Press, Miami – Rome 2012. ENGLISH 1. R. MEYNET, Called to Freedom, Convivium Press – G&B Press, Miami – Rome 2009. 2. M. CUYPERS, The Banquet. A Reading of the Fifth Sura of the Qur’an, Convivium Press – G&B Press, Miami – Rome 2009. 3. R. MEYNET, A New Introduction to the Synoptic Gospels, Convivium Press – G&B Press, Miami – Rome 2010. 4. A. VANHOYE, A Different Priest. The Epistle to the Hebrews, Convivium Press – G&B Press, Miami – Rome 2011 (Association of Catholic Publishers Finalist for 2012: «Excellence in Publishing Awards»).

RETORICA BIBLICA E SEMITICA Collection dirigée par Roland Meynet et Jacek Oniszczuk 1.

JACEK ONISZCZUK, Incontri con il Risorto in Giovanni (Gv 20–21), G&B Press, Roma 2013.

2.

ROLAND MEYNET – JACEK ONISZCZUK, Esercizi di analisi retorica, G&B Press, Roma 2013.

3.

ROLAND MEYNET – JACEK ONISZCZUK, ed., Studi del terzo convegno RBS. International Studies on Biblical and Semitic Rhetoric, G&B Press, Roma 2013.

4.

ROLAND MEYNET, Luke: the Gospel of the Children of Israel, G&B Press, Roma 2015.

5.

ROLAND MEYNET – JACEK ONISZCZUK, ed., Studi del quarto convegno RBS. International Studies on Biblical and Semitic Rhetoric, G&B Press, Roma 2015.

6.

ROLAND MEYNET, Les huit psaumes acrostiches alphabétiques, G&B Press, Roma 2015.

7.

ROLAND MEYNET, Le fait synoptique reconsidéré, G&B Press, Roma 2015.

8.

ROLAND MEYNET, Il vangelo di Marco, G&B Press, Roma 2016.

RHETORICA BIBLICA ET SEMITICA Collection dirigée par Roland Meynet, Jacek Oniszczuk († 2017) et Francesco Graziano 9.

ROLAND MEYNET, Les psaumes des montées, Peeters, Leuven 2017.

10. MICHEL CUYPERS, Le Festin. Une lecture de la sourate al-Mâ’ida, deuxième édition, Peeters, Leuven 2017. 11. ROLAND MEYNET – JACEK ONISZCZUK, ed., Studi del quinto convegno RBS. International Studies on Biblical and Semitic Rhetoric, Peeters, Leuven 2017. 12. ROLAND MEYNET, Le Psautier. Cinquième livre (Ps 107–150), Peeters, Leuven 2017. 13. JACEK ONISZCZUK, Incontri con il Risorto in Giovanni (Gv 20–21), 2° edizione, Peeters, Leuven 2018. 14. ROLAND MEYNET, Il vangelo di Marco, Peeters, Leuven 2018. 15. JACEK ONISZCZUK (†), «Se il chicco di grano caduto in terra non muore...» (Gv 11– 12), Peeters, Leuven 2018. 16. ROLAND MEYNET, Le Psautier. Premier livre (Ps 1–41), Peeters, Leuven 2018. 17. MASSIMO GRILLI – † JACEK ONISZCZUK – ANDRÉ WÉNIN, ed., Filiation, entre Bible et cultures. Hommage à Roland Meynet, Peeters, Leuven 2019. 18. FRANCESCO GRAZIANO – ROLAND MEYNET, ed., Studi del sesto convegno RBS. International Studies on Biblical and Semitic Rhetoric, Peeters, Leuven 2019. 19. ROLAND MEYNET, Le Psautier. Troisième livre (Ps 73–89), Peeters, Leuven 2019. 20. ROLAND MEYNET, Le Psautier. Deuxième livre (Ps 42/43–72), Peeters, Leuven 2019. 21. PIETRO BOVATI – ROLAND MEYNET, Il libro del profeta Amos. Seconda edizione rivista, Peeters, Leuven 2019. 22. FRANCESCO GRAZIANO, La composizione letteraria del Vangelo di Matteo, Peeters, Leuven 2020. 23. ROLAND MEYNET, Le Psautier. Quatrième livre (Ps 90–106), Peeters, Leuven 2020. 24. ROLAND MEYNET, Le Psautier. L’ensemble du Livre des Louanges, Peeters, Leuven 2020. 25. ROLAND MEYNET, Le Cantique des cantiques, Peeters, Leuven 2020. 26. ROLAND MEYNET, La Lettre aux Galates. Deuxième édition revue, Peeters, Leuven 2021. 27. ROLAND MEYNET, La Pâque du Seigneur. Passion et résurrection de Jésus dans les évangiles synoptiques. Troisième édition revue, Peeters, Leuven 2021. 28. ROLAND MEYNET, Traité de rhétorique biblique. Troisième édition revue et amplifiée, Peeters, Leuven 2021. 29. ROLAND MEYNET – JACEK ONISZCZUK, Exercices d’analyse rhétorique biblique. Deuxième édition revue, Peeters, Leuven 2021. 30. FRANCESCO GRAZIANO – ROLAND MEYNET – BERNARD WITEK, ed., Studi del settimo convegno RBS. International Studies on Biblical and Semitic Rhetoric, Peeters, Leuven 2021.

31. ROLAND MEYNET, Qohélet, Peeters, Leuven 2021. 32. ROLAND MEYNET, The Psalter: Book One (Ps 1–41), Peeters, Leuven 2021. 33. ROLAND MEYNET, The Psalter: Book Two (Ps 42/43–72), Peeters, Leuven 2021. 34. ROLAND MEYNET, Comment? Les Lamentations de Jérémie, Peeters, Leuven 2021.