Archéologie de l'Amazonie: Les premiers habitants de la Guyane côtière
 9781407314204, 9781407343778

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Sommaire
Résumé
Abstract
Préface
Le projet « Préhistoire de la côte occidentale de Guyane »
Le bouclier des Guyanes, le plus vieux des Nouveaux Mondes
Archéologie et cartographie ancienne
Dater le passé précolombien
Villages précolombiens de plage
Un cimetière précolombien sur la côte
L’archéologie des champs surélevés
Cultiver les marécages
Les plantes cultivées dans les champs surélevés précolombiens
La céramique Arauquinoïde de Guyane
« Les peuples qui habitent ces rivières... »
Annexe: cartes consultées
Bibliographie
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B A R

Paris Monographs in American Archaeology 44

Archéologie de l’Amazonie Les premiers habitants de la Guyane côtière

édité par

Stéphen Rostain

BAR International Series 2758 2015

ISBN 9781407314204 paperback ISBN 9781407343778 e-format DOI https://doi.org/10.30861/9781407314204 A catalogue record for this book is available from the British Library

BAR

PUBLISHING

SOMMAIRE Résumé

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Abstract

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Préface André Delpuech

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Le projet « Préhistoire de la côte occidentale de Guyane » Stéphen Rostain

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La bouclier des Guyanes, le plus vieux des Nouveaux Mondes Emmanuel Lézy

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Archéologie et cartographie ancienne Éric Gassies & Sandra Kayamaré

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Dater le passé précolombien Céline Roque & Emmanuel Vartanian

67

Villages précolombiens de plage Mickaël Mestre & Stéphen Rostain

75

Un cimetière précolombien sur la côte Martijn van den Bel

91

L’archéologie des champs surélevés Stéphen Rostain

101

Cultiver les marécages Lydie Clerc

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Les plantes cultivées sur les champs surélevés précolombiens Magali Chacornac et Stéphen Rostain

141

La céramique Arauquinoïde Claude Coutet

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« Les peuples qui habitent ces rivières... » Gérard Collomb

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Annexe : cartes consultées Éric Gassies

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Bibliographie

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Archéologie de l’Amazonie

Les premiers habitants de la Guyane côtière Résumé Cet ouvrage offre un ample panorama sur l’occupation amérindienne ancienne du littoral occidental des Guyanes. Souvent ignorées dans les discours sur l’Amazonie, les Guyanes appartiennent pourtant pleinement à cette immense région tropicale humide. Cet ensemble des Guyanes, parfois considéré comme une île en bordure d’Amazonie car entouré d’eau de toute part, n’en conserve pas moins des spécificités, notamment culturelles, qui le rendent remarquable. Les développements précolombiens de cette Amazonie littorale sont présentés ici à partir d’une vision résolument interdisciplinaire. Ce livre s’appuie ainsi sur un large éventail de disciplines telles que l’archéologie, l’archéobotanique, la datation, l’histoire, la géographie, la cartographie, la télédectection et l’ethnologie. Cette recherche a été menée par des spécialistes français d’horizons et d’institutions différents (le Centre National de Recherche Scientifique CNRS, l’Institut de Recherches Archéologiques Préventives INRAP, le Service Régional d’Archéologie SRA, des universités, etc.). Ce sont ces regards croisés qui ouvrent un champ de perspectives nouvelles et des connaissances élargies sur les premiers habitants d’Amazonie. Les onze chapitres qui composent ce livre abordent divers thèmes à l’intérieur d’une problématique commune. Le premier chapitre, de Stéphen Rostain, présente l’histoire des recherches archéologiques et décrit le programme interdisciplinaire « Préhistoire du littoral occidental de Guyane ». Le second, d’Emmanuel Lézy, aborde de manière structuraliste l’histoire géographique du bouclier des Guyanes. Le troisième, d’Éric Gassies et Sandra Kayamaré, se penche sur l’apport de la cartographie ancienne à l’étude archéologique. Le quatrième, de Céline Roque et Emmanuel Vartanian, évalue la fiabilité et la pertinence des datations par thermoluminescence de tessons de céramique réalisées en Guyane. Le cinquième, de Mickaël Mestre et Stéphen Rostain, revient sur les sites archéologiques implantés sur des cordons sableux de l’Île de Cayenne. Le sixième, de Martijn van den Bel, décrit la fouille d’un cimetière précolombien près de village d’Iracoubo et les caractéristiques des nécropoles précolombiennes. Le septième, de Stéphen Rostain, fait le panorama des travaux menés sur les champs surélevés précolombiens du littoral de Guyane française, depuis leur découverte il y a plus de 25 ans jusqu’à nos jours. Le huitième, de Lydie Clerc, analyse les spécificités des sols sur lesquels les buttes agricoles ont été construites. Le neuvième, de Magali Chacornac-Rault et Stéphen Rostain, décrit les champs surélevés et révèle les résultats des déterminations botaniques des pollens et des phytolithes des plantes cultivées autrefois sur les champs surélevés. Le dixième, de Claude Coutet, propose une étude de la chaîne opératoire des collections archéologiques de céramiques Arauquinoïdes et Aristé de la côte de Guyane française. Le onzième, de Gérard Collomb, raconte l’histoire des populations Kali’nas qui occupent le littoral occidental de Guyane depuis au moins la conquête européenne. Les sujets abordés dans ces chapitres couvrent ainsi une large gamme de caractéristiques des premières communautés humaines de la région. Ces recherches, réalisées par les meilleurs spécialistes en la matière, ont abouti à un portrait subtil et approfondi de l’occupation précolombienne d’une portion étendue de la côte de Guyane, à l’ouest de l’Île de Cayenne, cette dernière marquant une frontière nette dans le monde amérindien entre les influences culturelles du bassin de l’Orénoque à l’ouest et celle de la vallée de l’Amazone au sud-est. Bien plus qu’un simple recueil d’articles, cet ouvrage est une étude régionale à multiples mains qui marie des regards et des interprétations très divers autour d’une thématique commune. Ce livre lève le voile qui couvrait encore un pan entier de l’histoire précolombienne des Guyanes.

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Archaeology of Amazonia

The first inhabitants of the Guianas coast Abstract This book proposes a wide overview on the former Indian occupation of the western coast of the Guianas. Often ignored in the academic work on Amazonia, the Guianas fully belong yet to this huge tropical rainforest region. This entity of the Guianas, sometimes considered as an island at the edge of Amazonia because it is completely surrounded by water, still has specificities, particularly cultural, that make it remarkable. The pre-Columbian developments of this coastal Amazonia are presented here from an interdisciplinary perspective. This book is based on an extensive range of disciplines including archaeology, archaeobotany, dating, history, geography, cartography, teledetection and ethnology. This research has been conducted by French specialists from various horizons and institutions (The National Center for Scientific Research CNRS, The National Institute for Preventive Archaeological Research INRAP, The Archaeological Regional Service SRA, universities, etc.). The combined viewpoints open a field of new perspectives and enlarged knowledge on the former inhabitants of Amazonia. The eleven chapters of this book concern various themes relating to one research issue. The first chapter, by Stéphen Rostain, presents the history of archaeological research and describes the interdisciplinary program “Prehistory of the western coast of the Guianas”. The second, by Emmanuel Lézy, displays in a structuralist way the geographical history of the Guiana Shield. The third, by Éric Gassies and Sandra Kayamaré, looks into the contribution of early cartography to the archaeological research. The fourth, by Céline Roque and Emmanuel Vartanian, evaluates the reliability and relevance of thermoluminescence dating of ceramic sherds from French Guiana. The fourth, by Mickaël Mestre and Stéphen Rostain, studies the archaeological sites on sandy bars in Cayenne Island. The sixth, by Martijn van den Bel, describes the excavation of a pre-Columbian funerary site near the Iracoubo village and the characteristics of pre-Columbian cemteries. The seventh, by Stéphen Rostain, reviews work conducted on pre-Columbian raised fields of the French Guiana coast since their discovery 25 years ago up to now. The eighth, by Lydie Clerc, analyzes the specificities of the soils where raised fields have been built. The ninth, by Magali Chacornac-Rault and Stéphen Rostain, describes raised fields of French Guianas and presents the results of botanical determinations of pollen and phytoliths formerly cultivated on raised fields. The tenth, by Claude Coutet, addresses a study of the chaîne opératoire of Arauquinoid and Aristé pottery from the French Guiana coast. The eleventh, by Gérard Collomb, relates the history of the Kali’nas populations inhabiting in the Guianas western coast since at least the European Conquest. Topics presented in these chapters cover a wide range of characteristics of the first human communities in the region. This research, carried out by the best specialists, produces a subtle and extensive description of the pre-Columbian occupation of a large part of the Guianas coast, west of Cayenne Island, which marks a sharp boundary in the Indian world between cultural influences of the Orinoco Basin in the West and those from the Amazon Valley in the South-East. More than a simple collection of papers, this book is a regional study that brings together different views and interpretations made by various authors on a common theme. This book lifts the veil that still covered a whole part of the pre-Columbian history of the Guianas.

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« Das Leben eines Man ist zwischen Himmel und Erde vergegen der Sprung eines jungen weißes Fohlen über einen Graben... ein Blitz... pfft... es ist verbeit... » (Zhuangzi [Tchouang-Tseu], 350-275 av. J.-C., Chine)

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Modelé zoomorphe double de culture Barbakoeba du site de Crique Jacques, Guyane. La gemellité est récurente dans les cultures de tradition Arauquinoïde (600-1650 apr. J.-C.). On la retrouve souvent figurée par des modelés doublés appliqués sur les poteries. Le modelé ci-dessus, longtemps considéré comme étant un visage anthropomorphe, représente en réalité deux têtes d’animaux vues de profil et collées dos à dos (photographie Obhoukoff)

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Préface

André Delpuech Conservateur en chef du patrimoine Responsable des collections des Amériques, Musée du Quai Branly, Paris

Il y a exactement vingt ans, en 1995, je rencontrais pour la première fois Stéphen Rostain à l’occasion du Congrès International d’Archéologie de la Caraïbe qui se tenait en Guadeloupe, où j’exerçais alors les fonctions de conservateur régional de l’archéologie. Je découvrais ainsi ses travaux déjà menés en Guyane mais également dans l’île d’Aruba, puisqu’il présentait là une communication sur ce terrain insulaire au large du Venezuela lors de ces rencontres qui rassemblent, tous les deux ans, la communauté des archéologues œuvrant dans la Caraïbe et le nord du continent sudaméricain. Je faisais ainsi connaissance avec un personnage haut en couleur, ayant déjà une solide expérience dans la recherche latino-américaine sur les sociétés amérindiennes, un homme de terrain à l’allure de baroudeur, mais surtout un chercheur rigoureux et ouvert à la coopération internationale. Ce n’était pas encore un ami, je ne le connaissais guère et d’ailleurs quelques mauvaises langues m’avaient mis en garde. C’est pourquoi – il me le rappelle d’ailleurs régulièrement – je ne l’invitais pas à une fête donnée chez moi un soir où je recevais nombre des congressistes caribéens présents à Basse-Terre. Mis en garde, mais contre quoi ? contre qui ? Dans une époque policée où « les diplomates prendraient plutôt le pas sur les hommes d’action » pour reprendre une réplique d’un film culte qu’il adore, Stéphen Rostain, au long de sa carrière tonitruante, a parfois négligé que quand on travaille dur, quand on a le courage de suivre sa passion et d’affronter des pays très difficiles, quand on est un défricheur de terrains réputés hostiles et donc méconnus, quand on mène ses recherches contre vents et marées, jusqu’au bout et que l’on publie sans cesse ses résultats, quand on révèle de nouveaux horizons dans une discipline souvent enfermée dans ses habitudes pour ne pas dire ses certitudes, quand on a une personnalité affirmée et qu’on l’assume, quand on a de l’humour, on suscite immanquablement des jalousies et on dérange l’establishment. « La bave du crapaud n’empêche pas la caravane de passer ! » disait l’un des tontons flingueurs dans le film évoqué plus haut. Et les recherches de Stéphen Rostain

se sont poursuivies à un rythme effréné aussi bien en Guyane, au Surinam, mais aussi en Équateur et dans toute l’Amazonie, au point qu’il est aujourd’hui reconnu internationalement comme un des grands spécialistes de cette immense région où les recherches bousculent bon nombre des idées que l’on avait sur l’histoire du peuplement des Amériques. Il n’est que voir la volumineuse et déjà incontournable publication du 3e Encuentro Internacional de Arqueología Amazónica, qui s’est tenu à Quito, en Équateur, en septembre 2013 et dont il a été l’organisateur et le président. Depuis notre première rencontre en Guadeloupe, j’ai appris à connaître l’homme, et il est devenu un ami fidèle et cher ; j’ai suivi le chercheur, dans ses livres comme sur son terrain de prédilection, et j’ai mesuré la valeur de ses travaux pionniers et l’ampleur de son apport à la connaissance du passé amérindien des basses terres tropicales de l’Amérique du sud. Infatigable arpenteur de cet « enfer vert » tel qu’ont pu le décrire des générations d’occidentaux perclus d’a priori pour parler d’une Amazonie habitée depuis des millénaires, d’une nature non pas vierge, mais bien domestiquée par des générations d’Amérindiens, par des sociétés puissantes et complexes, par des jardiniers géniaux des Tropiques à l’origine de nombre des plantes aujourd’hui consommées dans le monde, modelant les paysages de tertres, de canaux et de champs surélevés, bâtissant de grandes cités de bois… Formé à l’école américaniste de l’université de Paris-I Panthéon-Sorbonne, ayant naturellement fait quelques-unes de ses armes au Mexique ou dans les Andes, Stéphen Rostain – hasards et opportunité de postes, mais également goût pour l’inconnu et volonté inflexible de parcourir de nouveaux terrains – a commencé très tôt de voler de ses propres ailes dans la plus grande forêt tropicale du monde, terrain fascinant mais délaissé des archéologues classiquement attirés par les civilisations des hautes terres. Il s’est ainsi trouvé dès la fin des années 1980 en Guyane française, dans une terra quasi incognita de l’archéologie précolombienne. Et les régions littorales de ce 9

bouclier guyanais, aires de marécages et de cheniers, d’aspect si hostile dans le regard de l’Européen et du Nord-Américain, deviendront sa passion. Un endroit improbable où par sa ténacité et sa perspicacité, il va véritablement révolutionner la vision que l’on avait des communautés amérindiennes vivant sur ces zones côtières colonisées tardivement par les Français, les Hollandais et les Anglais, dans cette sorte de ventre mou des empires ibériques, entre Brésil portugais et colonies espagnoles du Venezuela et de Colombie. Sa thèse soutenue en 1994 sur « L’occupation amérindienne ancienne du littoral de Guyane » est la première d’une longue série de publications majeures révélant à la communauté archéologique – incrédule au début – un visage tout à fait novateur sur les premiers habitants de la Guyane côtière. Ainsi, sa découverte puis son étude au cours des vingt-cinq dernières années d’innombrables champs surélevés et d’aménagements anthropiques (canaux, chemins, surélevés, réservoirs) donnent à voir totalement différemment l’histoire de sociétés amérindiennes trop longtemps observées au travers du seul prisme comparatif de petits groupes épars, survivants de la brutale colonisation européenne et de son cortège de maladies et de guerres décimant des populations bien plus denses qu’imaginé jusqu’ici.

en rassemblant outre ses propres résultats, ceux issus de nouvelles études environnementales, des nombreuses fouilles préventives, des documents archivistiques et cartographiques, des comparaisons anthropologiques judicieuses rendues plus aisées par ses liens étroits avec l’équipe de Philippe Descola, du laboratoire d’anthropologie sociale du Collège de France. Nos chemins se sont croisés au travers de cet appel à projet. En 2002, en poste à la Direction du patrimoine du ministère de la Culture et de la Communication, j’occupais les fonctions de chef du bureau de la recherche archéologique. Sous l’autorité et à l’initiative de Jean-François Texier, alors sous-directeur de l’archéologie nationale, nous imaginions de donner un élan à l’archéologie française en lançant un appel d’offre baptisé « Actions Collectives de Recherche ». Cette idée a germé courant 2001 à l’occasion d’un redéploiement budgétaire dont l’administration française a parfois le secret. Nous disposions d’une somme importante miraculeusement disponible pour financer des recherches archéologiques. Avec ces Euros en poche, nous sommes donc partis à la rencontre des autres grands partenaires institutionnels français : le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et l’Institut national de recherches archéologiques préventives nouvellement créé. À la suite de passionnants débats entre ces instances, chacun acceptant de venir abonder les premières sommes débloquées par le ministère de la culture, nous avons réussi à disposer d’un budget tout à fait exceptionnel. Lancé en deux vagues, en 2002 et 2003, l’appel national entendait avant tout « favoriser la valorisation des acquis de la recherche grâce à une incitation forte aux travaux consacrés à l’exploitation de résultats inédits ou dispersés ». Plusieurs critères d’éligibilité ont été définis : la première consistant dans l’impérative nécessité de « la constitution d’équipes inter-institutionnelles, coopérant éventuellement avec des partenaires étrangers ». Appliqué au territoire national français (et donc à la Guyane), les programmes attendus devaient favoriser : « l’exploitation de données non encore traitées d’opérations programmées ou préventives  »  ; les projets «  privilégiant une dimension et une approche territoriale, avec pour objectif la publication de synthèse régionale  »  ; ceux « développant une démarche méthodologique en veillant plus particulièrement à intégrer les études connexes ou les champs nouveaux, comme les disciplines environnementales… ». Un comité scientifique national, composé d’experts issus du ministère de la Culture, du CNRS, de l’Université, de l’INRAP et des collectivités territoriales était chargé alors d’assurer la sélection des projets présentés et leur évaluation régulière. La Sous-direction de l’archéologie s’occupait d’assurer le pilotage général de l’entreprise et j’en assumais – lourde tâche – la coordination.

Paradoxe que cette histoire de l’archéologie des Guyanes, et surtout de la Guyane française. Seul territoire sud-américain encore rattaché à son ancienne métropole coloniale, transformé en département d’outre-mer en 1946, qualifiée de région ultrapériphérique de l’Europe et d’où décolle la fusée Ariane, cette Guyane relève donc de l’archéologie du territoire national français. Et les lois et règles du patrimoine de la République y sont appliquées. C’est ainsi qu’un service de l’archéologie, au sein d’une direction régionale des affaires culturelles y a été créée en 1992, qui, après des premiers balbutiements d’une archéologie professionnelle (avec la remarquable première grande opération d’archéologie préventive sur le barrage de Petit Saut, sur le fleuve Sinnamary), a permis le développement d’une véritable recherche scientifique structurée. Fouilles programmées, mais surtout opérations préventives se sont développées, tout particulièrement avec l’application de la nouvelle législation de 2001 obligeant à la protection de ce patrimoine si fragile, seul témoignage des premiers guyanais. Déjà pionnier par son travail de thèse, rentré au CNRS et aujourd’hui directeur de recherche au sein de l’UMR « Archéologie des Amériques », Stéphen Rostain a poursuivi, ces deux dernières décennies et au travers de différents chantiers (entrecoupés d’autres prospections et fouilles en Amazonie équatorienne), ses recherches dans les Guyanes dans ce nouveau contexte de travaux inter-institutionnels en expansion. Il a ainsi su opportunément saisir l’appel d’offre lancé en 2002 des « Actions Collectives de Recherche » (ACR) pour donner un nouvel élan à tous ces travaux,

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Résultats de cet appel : 60 réponses étaient reçues et 32 projets étaient retenus. Parmi ces derniers, un seul concernait l’archéologie extra-métropolitaine : le projet soumis par Stéphen Rostain. Il faut dire que le programme de recherche proposé par ce « français sous les tropiques » (pour copier le titre du roman de William Boyd « Un anglais sous les tropiques ») cadrait parfaitement avec les attendus de l’appel à projet des ACR. L’équipe proposée qui constitue aujourd’hui les auteurs de ce livre vient d’horizons et d’institutions très diverses : CNRS, université, Service régional de l’archéologie, INRAP, Institut de Recherche et de Développement, etc. Stéphen Rostain, et c’était une véritable gageure, a réussi à fédérer autour de sa personne les principaux acteurs de l’archéologie guyanaise. De même les axes de recherches proposés touchent à de nombreuses disciplines heureusement associées de manière complémentaires dans la série de chapitres allant d’un panorama géographique et géologique, à une étude de la cartographie ancienne, aux questions de datation dans ce milieu équatorial, d’une analyse spatiale des habitats au traitement des morts, sans oublier, dans ces régions côtières, les points clés que sont les pratiques horticoles, les aménagements et terrassements dans les marais ou encore les plantes cultivées. Enfin, l’étude plus classique des cultures matérielles, et notamment des industries céramiques, comme le raccord avec les groupes amérindiens des époques coloniales et contemporaines complètent un vaste panorama qui fera date dans notre compréhension de l’histoire guyanaise. Dès le départ, les thèmes que l’on se plait à lire dans cet ouvrage était clairement définis, les problématiques établies, le tout fondé sur un programme réaliste. Une douzaine d’années donc après le lancement des ACR, il convient de se réjouir de la grande réussite du seul projet

« exotique » déposé et retenu en 2003, de se féliciter de l’important effort consenti par tous les partenaires de l’archéologie nationale pour un tel résultat. Pour reprendre encore, mais cette fois dans son titre original, le roman de Boyd paru en 1981, c’était « a good man in America » qui a été choisi pour ce projet sur « les premiers habitants de la Guyane côtière ». Je me plais à imaginer la rencontre, quelque part le long d’un fleuve amazonien, entre Stéphen Rostain et son lointain devancier en matière d’exploration et d’étude des Guyanes, Jules Crevaux. Par-delà le siècle et demi qui les sépare, il me paraît qu’ils auraient eu beaucoup à dialoguer autour de leur même passion, de leurs aventures intrépides, de leurs rencontres avec les habitants de ces « îles dans la forêt de la pluie » (« Islands in the rainforest » est le titre d’un des derniers ouvrages du premier synthétisant ses recherches et sa vision de cet univers guyanais parcouru en tous sens, dans l’espace comme dans le temps). Fort de son immense culture livresque, et de son respect envers ses grands prédécesseurs, Stéphen Rostain n’intitule-t-il pas, d’ailleurs, son habilitation à diriger des recherches, en hommage à son devancier Jules Crevaux, « De Cayenne aux Andes », avec en sous-titre « Archéologies en Amazonie », soutenue en 2010 à l’université de Paris-I Panthéon-Sorbonne. De la Guyane à l’Équateur, c’est bien l’itinéraire professionnel du chercheur contemporain qui coïncide avec l’explorateur lorrain du XIXe siècle. L’ouvrage de ce dernier relatant ses expéditions entre 1876 et 1879 portait bien ce même « De Cayenne aux Andes » précédé du titre « Le mendiant de l’Eldorado ». Nul doute que les travaux de Stéphen Rostain sur les basses terres de l’Amazonie ouvrent la voie à de nouveaux eldorados pour la recherche archéologique.

Modelés zoomorphes jumeaux d’une céramique de culture Hertenrits, Surinam occidental. Une fois de plus, les modelés présentent une face vaguement humaine, comme souvent dans la tradition Arauquinoïde, mais le corps à quatre pattes situé à l’arrière ne laisse aucun doute sur leur nature animale. Ce type de représentation double est fréquent dans la poterie Hertenrits, suggérant l’importance du thème de la gemellité dans cette culture (photographie Obhoukhoff)

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Plaine côtière occidentale de Guyane, composée de marécages entrecoupés de cordons sableux (photographie Rostain)

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Le projet

« Préhistoire de la côte occidentale de Guyane »

Stéphen Rostain UMR 8096 « Archéologie des Amériques » CNRS/Université de Paris-1, Nanterre

On connaît mal le passé précolombien de l’Amazonie, qui constitue pourtant la plus grande forêt humide du monde. Cette situation se double, hélas, d’un très notable déficit d’archéologues travaillant dans cette immense région. L’archéologie amazonienne voit le jour tardivement, après la Seconde Guerre Mondiale. Elle n’avait jusqu’à récemment jamais attiré un grand nombre de chercheurs, ni connu de chantiers de fouilles comparables à ceux menés dans d’autres aires américaines telles les Andes ou la Mésoamérique. L’archéologie amazonienne a radicalement changé de visage depuis une vingtaine d’années et on compte

maintenant des centaines de chercheurs se dédiant aux premières sociétés de quelques 7 millions de km2 de forêt équatoriale (Rostain 2014). Cet essor est dû à différents facteurs tels que la reconnaissance complète de l’Amazonie comme « trésor » de biodiversité par le grand public, l’acceptation d’un passé riche et différent par la communauté scientifique, l’essor des travaux interdisciplinaires et le développement des recherches dans les pays du sud, notamment le Brésil. La France, seul pays d’Europe à posséder encore un territoire en Amazonie, ne pouvait rester à l’écart de la recherche archéologique de cette aire.

Figure 1 : carte archéologique de la côte de Guyane indiquant l’aire concernée par l’ACR (dessin Rostain)

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Figure 2 : dessin de Morisot en 1886 de « roches avec inscriptions indiennes » sur une île de la Boca del Infierno, dans l’état de Bolívar sur le moyen Orénoque (Morisot 2003 : 153)

Le panorama des connaissances actuelles sur l’archéologie des Guyanes laissait entrapercevoir des vides importants dans plusieurs domaines. Malgré les fouilles jusqu’alors réalisées, l’archéologie de la côte occidentale de Guyane demeurait mal connue car il manquait un travail d’analyse et d’interprétation des données déjà acquises. Face à cet état de fait, José Thomas, alors Conservatrice Régionale de l’Archéologie de Guyane, me proposa en 2002 de soumettre un projet de recherche au Ministère de la Culture, dans le cadre des ACR (Action Collective de Recherche) mis en place cette année-là. J’organisais alors l’ACR « Préhistoire de la côte occidentale de Guyane », qui se déroula de 2003 à 2007. L’un de ses principaux objectifs était de rassembler les données éparses accumulées et d’en collecter de nouvelles dans le cadre général des Guyanes côtières, afin de les étudier sous un jour nouveau et d’en publier les résultats. En effet, aucune synthèse des connaissances archéologiques des Guyanes n’avait été réalisée depuis 1994 (Rostain 1994a). Grâce à une coopération entre institutions françaises (CNRS, SRA, INRAP) et internationale (Stichting Surinaams Museum), on se proposait de développer une recherche diachronique et culturelle sur l’ensemble du territoire guyanais de tradition Arauquinoïde (650-1650 apr. J.-C.) avec, au premier chef, la culture Barbakoeba, qui couvre une partie de la Guyane française et du Suriname (Fig. 1).

1957. Il fallut ensuite attendre les années 1970 pour que Versteeg se dédia à������������������������������� une thèse sur le Surinam����� , publiée en 1985. À cette même époque, commença le programme de recherche doctorale de Rostain en Guyane française, qui se termina par la publication de la thèse en 1994. La production universitaire sur l’archéologie des Guyanes côtières était donc bien faible. La présente publication vise à combler partiellement le manque d’ouvrages sur le passé amérindien des Guyanes. Des données inédites y sont présentées ainsi que des interprétations nouvelles. Elle est destinée à satisfaire la demande de connaissances sur l’histoire humaine et le patrimoine culturel des premiers habitants de cette région. HISTORIQUE DE L’ARCHEOLOGIE DANS LES GUYANES Les Guyanes représentent une immense partie de l’Amazonie, avec près de 1,8 millions de km2. Elles sont délimitées par l’océan Atlantique, l’Amazone, le Negro, le canal de Cassiquiare et l’Orénoque. Entourées de toutes parts par des cours d’eau et par l’océan, les Guyanes constituent donc une île en marge de l’Amazonie (Lézy 2004�����������������������������   ; Rostain 2012�������������� ). L’anthropologie, l’ethnohistoire et l’archéologie ont par ailleurs démontré que le monde amérindien de cette région présentait des spécificités propres distinctes du reste de l’Amazonie.

Peu d’ouvrages existaient sur l’archéologie des Guyanes. Il n’y avait qu’une dizaine de livres sur le sujet (Cruxent & Rouse 1958-59 ; Evans & Meggers 1960 ; Williams 2003 ; Mazières et al. 1997 ; Vacher et al. 1998 ; Versteeg 2003 ; Plew 2005) et seulement trois thèses de Doctorat concernant les Guyanes avaient été faites et publiées. Les premières sont celles d’Evans sur l’Amapá et de sa femme Meggers sur l’île de Marajó, réalisées en 1948 et publiées conjointement en

Les Guyanes sont réparties entre cinq pays : le Guyana (ex-Guyane anglaise), le Surinam (ex-Guyane hollandaise), la France, le Brésil (états d’Amapá et du Roraïma, nord des états du Pará et d’Amazonas) et le Venezuela (états d’Amazonas, du delta d’Amacuro et de Bolívar ou ex-Guayana). Pour reconstituer l’histoire de la recherche archéologique des cinq Guyanes, il faut s’intéresser à chaque pays car les enjeux n’étaient pas 14

cheurs nord-américains rattachés à la Yale University et à la Smithsonian Institution (Fig. 5). Dans la lignée de Steward (1948), Meggers (1996) et Evans sont les instigateurs d’une théorie environnementaliste et diffusionniste tenace, défendue bec et ongles par la chercheuse jusqu’à la fin de sa vie. L’idée de base est qu’aucune société n’a pu connaître de développements complexes à cause d’un milieu défavorable, toute innovation étant vue comme un apport extérieur, souvent depuis les Andes. Cette théorie repose sur l’idée trompeuse donnée par l’observation des groupes amérindiens actuels. En réalité, ils sont les héritiers des bouleversements coloniaux et donc peu représentatifs de la réalité précolombienne. Jusqu’aux années 70, les archéologues suivent les méthodes et théories établies par le couple d’Américains. - L’archéologie scientifique depuis 1980  : les théories, admises sur des bases empiriques, sont remises en cause à partir des années 70-80, tout d’abord par Lathrap (1970) puis par Roosevelt (1980, 1991). Elle est en désaccord avec Meggers sur l’absence de potentiel de l’Amazonie à supporter des sociétés avancées. Les jeunes chercheurs qui arrivent à cette époque suivent le sillon qu’ils ont commencé à creuser et une nouvelle vision des sociétés précolombiennes voit le jour (Fig. 6). Le débat théorique concerne la capacité agricole, les chefferies, la guerre, l’écologie, la démographie ou l’identité culturelle. Avec cette nouvelle approche, il ne s’agit plus de reconnaître la complexité sociale, mais d’en trouver l’origine locale ou externe (Whitehead 1996). Il apparaît en tout état de cause que l’Amazonie constitue un environnement trop complexe et trop diversifié pour être résumé en un simple type d’adaptation humaine, et qu’il faut admettre la variété de son peuplement pour le comprendre. Si, depuis quelques années, l’activité archéologique semble s’être ralentie à l’ouest au Guyana et en Guyane vénézuélienne, un nouveau dynamisme a en revanche

Figure 3 : fouille au XIXe siècle du tertre coquillier de Waramuri sur la rivière Moruka, sur la côte occidentale du Guyana. Durant la fête du gouverneur, « quelques Waraus à l’air sauvage avancèrent leurs boucliers décorés et engagèrent une lutte amicale l’un sur l’autre » (Brett 1866 : 430)

les mêmes d’une nation à l’autre. Les investigations ont connu des développements distincts selon l’histoire et la conquête des cinq pays. Pourtant, si chacun a géré différemment sa recherche archéologique, de grandes constantes communes se dégagent et quatre périodes principales peuvent être distinguées dans l’épopée de l’archéologie guyanaise : - Les pionniers d’avant 1900 : depuis le XVIIe siècle, les explorateurs qui dressent progressivement la carte de l’intérieur des Guyanes relèvent parfois leurs trouvailles archéologiques (Fig. 2), mais le plus souvent sans en tirer de conclusion, et ces découvertes ne suscitent alors pas d’intérêt particulier. L’archéologie débute véritablement dans les Guyanes à partir de la seconde moitié du XIXe siècle (Fig. 3). - Les premières études archéologiques de 1900 à 1945 : durant la première moitié du XXe siècle, des chercheurs commencent à fouiller sommairement des sites et analysent des collections archéologiques (Fig. 4). Ces études demeurent toutefois ponctuelles et occasionnelles, aucun programme d’envergure n’étant lancé. - La mise en place d’une archéologie structurée de 1945 à 1970-80 : après la Seconde Guerre Mondiale, l’archéologie amazonienne connaît de notables développements, notamment sous l’impulsion des cher-

Figure 4 : bol funéraire peint (1000-1750 apr. J.-C.) de culture Aristé Récent, découvert en 1899 dans la baie de l’Oyapock, en Guyane française, par François Geay (aquarelle Steiner & Reichlen 1948)

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sur l’Oyapock. En 1895, le naturaliste Hartt (1871) décrit, à partir de documents et de dessins anciens, le pétroglyphe de la Montagne d’Argent, qui fut l’objet de litiges frontaliers au XVIIIe siècle (Fig. 8). Dans les autres Guyanes, des explorateurs relèvent également des sites archéologiques et rapportent des vestiges. 1900-1945 En Guyane française, le voyageur-naturaliste Geay (1901) trouve en 1899 des grottes funéraires dans les collines de Ouanary, et rapporte en France plusieurs tessons et pièces entières, aujourd’hui au Musée du Quai Branly (Fig. 4). En 1902, dans l’Île de Cayenne, il ramasse quelques tessons de céramique dans le site de Pascaud au pied du Plateau du Mahury, et repère les deux roches gravées du Serpent du Mahury et de la Crique Pavé, ainsi que plusieurs polissoirs sur les plages (Geay 1903 ; Hamy 1903). En 1915, Harmois découvre trois lames de hache en pierre polie et une lame en pierre taillée, rapportées de Guyane par ��� Laveau, le compagnon d’exploration de Coudreau. En 1939, l’ethnographe Sangnier visite un site funéraire sur le haut Maroni, près du village wayana de Taponaïké. Il rapporte en France plusieurs tessons, mais meurt avant de terminer leur étude. Quelques années plus tard, au cours d’une chasse aux papillons, l’entomologiste Le Moult (1955) rencontre des pétroglyphes sur la rivière de Kourou, près de Pariacabo (Fig. 9). Cette roche gravée, déjà signalée sur des documents anciens, est ensuite oubliée pour être re-découverte en 1992 (Mazière et al. 1997). Jusqu’à la fin de la première moitié du XXe siècle, des vestiges sont exhumés en Guyane, mais aucun chercheur ne les étudie vraiment. La Guyane humaine

Figure 5 : Betty J. Meggers en 1948 dans le site de pierres dressées d’Aurora (culture Aristé), en Amapá (photo Evans)

été insufflé depuis le début du 3e millénaire à l’est, au Surinam, en Guyane française (Fig. 7) et en Amapá. Le XIXe siècle La première découverte archéologique rapportée en Guyane française remonte à 1821, lorsqu’une pirogue intacte contenant des pagaies et des céramiques est trouvée pendant le creusement du canal Torcy, dans les savanes de Kaw (« Feuille de la Guyane », n° 104, séance du 2 janvier 1821 de la Société guyanaise d’instruction). À la fin du XIXe siècle, les deux « frères ennemis » de l’exploration de l’intérieur de la Guyane chez nos Indiens relèvent quelques vestiges archéologiques au cours de leurs pérégrinations. Crevaux (1876-77) décrit ainsi le pétroglyphe et les polissoirs de l’île Portal dans le bas Maroni et rapporte trois fragments de rochers à polissoirs à Paris. Quelques années plus tard, Coudreau (1893) observe plusieurs sites à polissoirs

Figure 6 : fouille de l’abri-sous-roche de Carbet Mitan (culture Aristé), sur les Monts de l’Observatoire, dans l’embouchure de l’Oyapock, en 1989 (photographie Rostain)

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l’Homme. En 1948 et 1949, Aubert de la Rüe (1950) relève les ateliers de polissoirs de l’Oyapock et note cinq sites archéologiques, ainsi que la découverte d’un mortier zoomorphe. Plus tard, Abonnenc (1952) publie un inventaire de 120 sites archéologiques de Guyane, résultat de treize années de prospections archéologiques et de collecte de témoignages. Ce sont 94 roches à polissoirs, neuf trouvailles de lithiques (principalement des lames de hache), huit sites à céramiques, huit pétroglyphes, deux collines à fossé périphérique (appelées localement « montagnes couronnées ») et une pirogue enfouie. Par ailleurs, lors d’une mission astro-géodésique IGN dans le haut Maroni, Hurault découvre des géoglyphes situés dans le massif du Mitaraka, ainsi qu’un rocher à pétroglyphes dans la crique Marouini (Hurault et al. 1963). Les relevés précis et interprétations de ces vestiges marquent les premiers pas de l’archéologie guyanaise. Des fouilles archéologiques sont réalisées à partir de 1968 par des scientifiques non-archéologues (Boyé 1974a, b ; Lefèbvre 1974a, b, c, 1975 ; Turenne 1974, 1979 ; Groene 1976), puis par des amateurs (Petitjean Roget & Roy 1976 ; Roy 1978 ; Petitjean Roget 1978). Par exemple, le botaniste Oldeman (1970) découvre, dans la haute Yaroupi, un site d’habitat d’environ 100 m2 de surface et le pédologue Turenne (1974) récolte du matériel céramique et osseux à Pointe Gravier dans l’Île de Cayenne.

Figure 7 : fouille dans le cimetière d’urnes de Sable Blanc, sur le littoral occidental de Guyane française, par l’INRAP en 2006 (photographie Rostain)

intéresse pourtant car, depuis le début du siècle, des articles historiques ou ethnographiques sont régulièrement publiés, notamment dans le Journal de la Société des Américanistes.

Durant cette période, au Brésil, Howard (1947) définit six styles céramiques regroupés en deux grands ensembles (Polychrome et Santarém) pour l’Amazonie et Palmatary (1939, 1950, 1960) classe les collections céramiques du Tapajós et de l’île de Marajó. Mais le tournant majeur est donné en 1948-1949, lorsque Meggers et Evans (1957), de la Smithsonian Institution, mènent une vaste prospection durant presque une année dans les îles de l’embouchure de l’Amazone et sur le littoral d’Amapá. Dès 1949, Hilbert, archéologue au

En Amapá, Goeldi (1905) étudie deux puits funéraires artificiels à chambre latérale sur la rive de la rivière Cunani et l’ethnologue Nimuendajú (2004) fouille plusieurs sites d’habitat et funéraires. Au Surinam, quelques ethnologues décrivent des pétroglyphes et des artefacts de pierre. Au Guyana, des tertres du littoral et un site de l’intérieur sont fouillés, tandis que Roth (1924, 1929) publie une analyse complète de la culture matérielle amérindienne. L’activité est faible en Guyane vénézuélienne avec l’article d’Oramas (1917) sur les sites vénézuéliens, ainsi que les typo-chronologies céramiques et la carte archéologique de Osgood et Howard (1943). 1945-1980 En Guyane française, la situation change après la Seconde Guerre Mondiale. Les Reichlen (1946) publient la première étude archéologique sur la Guyane, où ils décrivent plusieurs polissoirs et pétroglyphes, et classent en quatre types (lames de hache et broyeur) une vingtaine de lithiques des réserves du Musée de

Figure 8 : pétroglyphes de la Montagne d’Argent, sur la côte orientale de Guyane française. À gauche, le croquis d’Hartt (1871) et à droite, les relevés de 1996 par le SRA (Mazière et al. 1997 : 111)

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respond toutefois pas à un réel essor de l’archéologie, mais reflète plutôt des différents personnels. Entre 1979 et 1986, l’essentiel des travaux archéologiques est mené par l’AGAE, mais ils dépassent rarement le stade du simple inventaire de sites et des ramassages de surface (Loncan 1991 ; Petitjean Roget 1980, 1981, 1983, 1991a, b, 1993 ; Toutouri 1983). Sous l’impulsion de Lavallée (1982), directrice de recherche au CNRS, un poste d’archéologue professionnel VAT (Volontaire à l’Aide Technique) est créé en 1984, dans le but de structurer les recherches archéologiques et d’en assurer le suivi au sein de l’AGAE et de la Circonscription archéologique. Le poste est occupé par Cornette de septembre 1984 à novembre 1985, puis par Rostain de décembre 1985 à mars 1987, mais n’est pas renouvelé par la suite, la bonne volonté des membres de l’AGAE commençant alors à s’étioler. De 1984 à 1989, des fouilles par sondages sont organisées en différents points du pays : collines de Ouanary, bas Mana, Île de Cayenne, Macouria, Saül, etc. (Cornette, 1985a, b, c, 1987 ; Rostain, 1986a, b, 1987a, b ; Wack, 1989, 1990a, b, c).

Figure 9 : pétroglyphes de la roche de La Carapa, près de Kourou, Guyane (photographie Rostain)

Museu Paraense Emilio Goeldi, étudie plusieurs sites de l’île de Marajó, d’Amapá et du moyen Amazone (Hilbert 1957, 1968), ainsi que deux sites aux environs de Cunaní (Hilbert 1957). À�������������������� ��������������������� partir de 1968, Simões dirige le PRONAPABA, un vaste programme de recherche archéologique sur le bas Amazone (Simões 1972, 1981a, b, 1983a, b).

La Circonscription Archéologique de la Guyane, créée en 1972, est dirigée par des intérimaires jusqu’en 1987 où elle est remplacée par la Direction des Antiquités, avec un directeur installé en Martinique. En 1987, le Ministère de l’Éducation Nationale et l’ORSTOM recrutent Rostain, en mission au centre ORSTOM de Cayenne, pour entreprendre pour la première fois un programme de recherche archéologique devant aboutir à une thèse de Doctorat (Fig. 6). La problématique est centrée sur l’occupation amérindienne ancienne du littorale de Guyane (Rostain 1994a). Elle s’articule autour de quatre axes de recherche : - Le projet Lithique concerne l’étude technologique, fonctionnelle et tracéologique de l’outillage de pierre (Rostain 1991 ; Rostain & Wack 1987). - Le projet Oyapock a pour objectif principal l’étude du peuplement amérindien ancien du bas Oyapock, par la fouille d’abris-sous-roche, de sites en plein-air d’habitat et de grottes funéraires (Rostain 1994a, b). - Le projet Approuague est orienté sur l’étude de sites archéologiques du bas Approuague (Rostain & Wack 1988). - Le projet Savanes est centré sur l’analyse des vastes réseaux de champs surélevés de la plaine côtière occidentale de Guyane française (Rostain 1991).

La situation change également au Surinam avec la création du Stichting Surinaams Museum en 1947. Son directeur, Geijskes (1960-61a, b), mène plusieurs fouilles, ainsi que Goethals (1953), étudiant à la Yale University, et le forestier Bubberman découvre plus de 200 sites archéologiques dans le pays (Versteeg & Bubberman 1992). Au Guyana, Osgood publie en 1946 une typologie céramique. Puis, Evans et Meggers (1960) effectuent une tournée de fouilles sur l’ensemble du pays. Au Venezuela, Rouse et Cruxent établissent un cadre chrono-culturel pour le pays basé sur une typologie céramique (Rouse & Cruxent 1963  ; Cruxent & Rouse 1958-59). Dans les années 60, Zucchi (1973, 1991  ; Zucchi & Denevan 1979) fouille dans les llanos d’Apure et sur le moyen Orénoque. Puis, Sanoja (Vargas & Sanoja, 1978) et Vargas (1980) réalisent leurs thèses sur les traditions culturelles Saladoïde et Barrancoïde du bas Orénoque. Enfin, Roosevelt (1980) fouille le site de Parmana, sur le moyen Orénoque. Depuis 1980

En 1992, le Service Régional de l’Archéologie s’ouvre à Cayenne et les conservateurs envoyés depuis la métropole se succèdent. En 1990, un projet de sauvetage archéologique, co-financé par Électricité de France, le Conseil Régional de la Guyane et le Ministère de la Culture, est programmé sur la zone qui doit être détruite en 1994 par la mise en eau du barrage hydro-électrique à Petit-Saut, sur le fleuve Sinnamary (Nowacki-Breczewski & Puaux 1990). Disposant de moyens

En Guyane française, les années 80 voient la création de plusieurs associations régies par la loi de 1901 : l’Association Guyanaise d’Archéologie et d’Ethnographie (AGAE) en 1979, l’Atelier de Recherche Archéologique (ARA) et l’Association Rouranaise d’Archéologie et d’Ethnographie (ARAE) en 1987, le Collectif d’Etudes et de Recherches Archéologiques (CERA) en 1989. Cette multiplication d’associations ne cor-

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TRAVAUX MENES DURANT LE PROJET

financiers et humains considérables, l’équipe AFAN de Petit-Saut organise une vaste reconnaissance archéologique du bassin du Sinnamary et des fouilles par décapage de grandes surfaces. Il en résulte une importante collection de vestiges céramiques et lithiques et toute une série de datations au 14C (Vacher et al. 1998). L’INRAP, implanté en Guyane française, se charge dans les années suivantes de toutes les opérations préventives dans la région. On retiendra particulièrement, pour l’archéologie précolombienne, les chantiers de la RN2, Katoury, Eva-2, le Plateau des Mines, Sable Blanc Est (Fig. 7). Quelques autres fouilles sont également réalisées par des contractuels dans les années 90, comme La Sablière/Bois Diable (Barone-Visigalli et al. 1991  ; Thooris 1994) ou Mont Grand Matoury (Grouard 1997). Le projet fédérateur de l’ACR « Préhistoire de la côte occidentale de Guyane » relance une certaine dynamique scientifique de 2003 à 2007. Grâce à une coopération entre institutions françaises (CNRS, SRA, INRAP) et internationale, une recherche diachronique et culturelle est développée sur l’ensemble de la côte guyanaise à l’ouest de l’Île de Cayenne (Rostain 2008a, b, c ; Rostain & Versteeg 2003, 2004).

L’archéologie des Guyanes est jeune et ne peut être comparée à celle pratiquée en France métropolitaine. Il y a moins d’une dizaine d’archéologues dans cette région qui correspond pourtant à 1/9 du territoire national. L’ACR « Préhistoire de la côte occidentale de Guyane » a permis de rassembler autour d’une thématique scientifique commune une partie des archéologues et anthropologues travaillant sur la Guyane française. Une collaboration entre divers services et institutions a été mise en place, regroupant des chercheurs du CNRS, des services régionaux de l’Archéologie, de l’INRAP, des universités de Paris-I et de Paris-X, du Stichting Surinaams Museum à Paramaribo. L’ACR a enfin été intégré dans le grand programme « Amazonie » du CNRS, centralisé par l’antenne du CNRS de Guyane. Les intervenants de l’ACR étaient des chercheurs et des étudiants de diverses spécialités scientifiques : - Florence Cerbaï, ��������������������������������� étudiante en arc����������������� héologie à l’université de Paris-I, a réalisé un DEA, dans le cadre de l’ACR, sur les Amérindiens dans les archives du XVIIe siècle. - Magali Chacornac, archéologue, a étudié des échantillons de terre prélevés dans les champs surélevés afin de reconnaître les phytolithes et les pollens des plantes cultivées. - Lydie Clerc, étudiante en archéologie précolombienne à l’université de Paris-I, a fait un M2 Environnement et a commencé une thèse de doctorat dans le cadre de l’ACR. Sa directrice de thèse était Brigitte Faugère (université de Paris-I) et son tuteur scientifique Stéphen Rostain. L’objet de cette recherche d’archéologie environnementale était d’interroger le littoral guyanais en tant que milieu anthropisé afin d’appréhender les éléments du paysage aidant à la définition de ces sociétés. Un second objectif était d’élargir cette analyse de l’espace vécu à l’échelle régionale de l’espace social auquel correspond la façade littorale. - Gérard Collomb, ethnologue au CNRS, a réalisé une recherche ethnologique et ethnohistorique chez les Kali’na, occupants actuels de la côte occidentale de Guyane. - Claude Coutet, étudiante ���������������������������������� en ������������������������ archéologie précolombienne à l’université de Paris-I, a produit une thèse de doctorat dans le cadre de l’ACR. Elle a pour thème une étude ethno-technologique de la céramique archéologique et la poterie kali’na actuelle. Son directeur de thèse était Éric Taladoire (université de Paris-I) et son tuteur scientifique Stéphen Rostain. Par ailleurs, deux autres chercheurs supervisaient certains aspects de sa recherche : Gérard Collomb (CNRS) pour l’étude ethnologique et Valentine Roux (CNRS) pour l’analyse technologique. - Éric Gassies, archéologue au SRA, est en poste en Guyane et a travaillé plus particulièrement sur la cartographie archéologique.

Au Brésil, dans les années 80, Roosevelt (1991) organise des fouilles dans l’île de Marajó, puis près de Santarém, où elle découvre la plus ancienne céramique d’Amazonie (Roosevelt 1995). Après un passage à vide, les travaux archéologiques ont repris depuis quelques années en Amapá avec l’arrivée de nouveaux chercheurs au Museu Paraense Emilio Goeldi. Ainsi, Guapindaia a fouillé les grottes funéraires de culture Maracá, Pereira a organisé des prospections en Amapá et Schaan a mené des excavations dans l’île de Marajó (McEwan et al. 2001). Au Surinam, en 1973, le Stichting Surinaams Museum recrute un archéologue professionnel, Boomert (1977), remplacé en 1975 par Versteeg, qui réalise une thèse de Doctorat (Versteeg, 1985). Durant cette époque, Dubelaar (1986) réalise un inventaire complet des pétroglyphes des Guyanes et des Antilles. Après le coup d’état militaire et l’indépendance de la colonie hollandaise en 1980, l’activité archéologique s’arrête presque complètement au Surinam durant près de 20 ans. Elle reprend au début du 3e millénaire, avec Versteeg et Rostain, notamment grâce à l’impulsion de l’ACR. Dans les années 70 au Guyana, le directeur du Walter Roth Museum, Williams (1985, 2003), travaille principalement sur les pétroglyphes. À la fin du 2e millénaire, des prospections et des fouilles sont faites au sud du pays par Plew (2005). Récemment, Heckenberger a mené un projet à l’est du pays (Whitehead et al. 2010). Au Venezuela, l’archéologie a ralenti depuis une vingtaine d’années dans le bassin de l’Orénoque, et les seules fouilles du Guayana sont celles de Sanoja et Vargas dans le Caroni entre 1995 et 2003.

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archéologique dans la région. Ce dépouillement des données a permis de dresser un cadre chrono-culturel qui faisait encore défaut pour l’ensemble de la région. En effet, il semble que jusqu’à présent, la plupart des archéologues de la région travaillaient isolément chacun dans son pays sans tenir suffisamment compte des résultats de ses voisins. Cela aboutissait à des visions morcelées et partielles de la préhistoire des Guyanes. En confrontant l’ensemble des travaux, nous avons obtenu une reconstruction plus cohérente de l’archéologie entre l’Orénoque et l’Amazone. Les fouilles programmées ont jusqu’à présent été peu nombreuses en Guyane française, la priorité ayant été donnée depuis une décennie à l’archéologie préventive. Après un certain ralentissement de l’activité archéologique en Guyane à la fin du second millénaire, les fouilles de sauvetage ont repris de l’intensité depuis 2002. Des découvertes notables ont dès lors été faites par l’INRAP, qu’il fallait encore diffuser. L’ACR a permis une bonne concertation entre différents chercheurs et de faire naître de nouvelles interprétations. Les datations archéologiques se sont également multipliées ces dernières années grâce aux fouilles de l’INRAP et aux travaux de l’ACR.

Figure 10 : étude des collections des réserves du Stichting Surinaams Museum, Paramaribo, Surinam (photographie Versteeg)

- Sandra Kayamaré, archéologue à l’INRAP, a participé à l’étude des collections archéologiques et aux prospections archéologiques du littoral de Guyane. - Emmanuel Lézy, géographe à l’université de Paris-X et spécialiste des Guyanes, a travaillé sur la géographie humaine de la région. - Mickaël Mestre, archéologue à l’INRAP, a participé à la mission de terrain de juillet 2003 et a fouillé le site de Katoury dans l’Île de Cayenne, ainsi que de nombreux sites de Guyane. - Céline Roque, spécialiste de la datation par thermoluminescence au CIRAM, a abordé les problèmes liés à la datation par thermoluminescence en milieu tropical guyanais. - Stéphen Rostain, archéologue au CNRS et spécialisé sur l’Amazonie, a coordonné le projet et a participé aux différentes recherches. - Martijn van den Bel, archéologue à l’INRAP, a fouillé de nombreux sites de Guyane. - Aad Versteeg, archéologue pour le Stichting Surinaams Museum de Paramaribo, et spécialisé sur le Surinam, a participé à plusieurs missions de terrain en Guyane et au Surinam.

Étude des collections Plusieurs missions avaient pour objectif l’étude des collections archéologiques et ethnographiques de Guyane française et du Surinam. En Guyane française,

La problématique du projet consistait à définir l’histoire de l’occupation amérindienne de cette portion du littoral guyanais et d’évaluer son impact sur le paysage. De 2003 à 2006, cette équipe a mené cette recherche, tant sur place qu’en métropole, en suivant quatre directions principales : l’analyse documentaire, l’étude des collections, l’archéologie aérienne et le travail de terrain. Analyse documentaire Une grande quantité de rapports, documents, cartes anciennes et articles sur les Guyanes ont été rassemblés, tâche rendue difficile par leur rareté et leur faible diffusion (cf. annexe). Plusieurs d’entre eux n’ayant jamais été publiés demeuraient inutilisés par les chercheurs. Le dépouillement de cette documentation a permis de dresser un panorama plus précis de la recherche

Figure 11 : la plus ancienne céramique Kali’na (XVIIIe siècle) des collections royales françaises. Le gris foncé représente la peinture brune et le gris clair le blanc (Musée du Quai Branly ; dessin Rostain)

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des collections archéologiques et ethnographiques sont déposées au Service régional de l’Archéologie, à l’INRAP et au Musée des Cultures Guyanaises. Au Surinam, toutes les collections sont entreposées au Stichting Surinaams Museum à Paramaribo. Les vestiges provenant de prospections ou de fouilles archéologiques ont été étudiés et dessinés, certains n’ayant jamais été observés après leur collecte. Par exemple, à Paramaribo, ce sont plus de 300 tessons, récipients ou adornos qui ont été étudiés en détail, dessinés et photographiés (Fig. 10). Ces descriptions et classifications ont été publiés dans l’ouvrage Suriname before Columbus de Versteeg (2003). Diverses collections des réserves du SRA Guyane ont également été étudiées et dessinées. La typologie céramique établie pour la Guyane a ainsi pu être affinée et corrigée. Les quatre cultures Arauquinoïdes (Hertenrits, Kwatta, Barbakoeba, Thémire) du littoral de Guyane étaient parfois mal décrites et sont maintenant mieux connues. Des collections anciennes du SRA ont été étudiées. De plus, le matériel collecté durant les prospections et les fouilles de l’ACR a permis de préciser les typologies céramiques et de mieux circonscrire le territoire de chaque culture. On a pu ainsi dessiner une image plus précise de l’occupation Arauquinoïde des Guyanes.

Figure 12 : départ pour un survol en ULM des champs surélevés de Guyane (photographie Rostain)

Archéologie aérienne Par son faible couvert forestier, le littoral guyanais se prête parfaitement à une archéologie aérienne. Il y a 25 ans, j’avais découvert de nombreux champs surélevés et aménagements anthropiques (canaux, chemins surélevés, réservoirs) dans les marécages grâce à cette méthode. Elle a donc été de nouveau appliquée dans le cadre de l’ACR afin de réaliser une cartographie précise des structures de terres entre Cayenne et le fleuve Berbice au Guyana, soit près de 600 km de long. Celles-ci étant pratiquement invisibles au niveau du sol dans les marécages, aucune cartographie n’est envisageable à l’aide de simples prospections au sol. Des repérages précis et de nombreuses photographies ont été faits lors de survols en avion et en ULM en Guyane et au Surinam. Une série unique de prises de vue des structures de terre est dorénavant disponible. La cartographie des aménagements anthropiques a été faite à partir des reconnaissances aériennes et de l’analyse stéréoscopique de photographies aériennes (Fig. 12). L’étude s’appuyait sur des centaines de clichés français et hollandais, pris depuis une cinquantaine d’années. Les résultats de la photo-interprétation ont été confrontés aux images satellitaires de Google-Earth qui sont moins utiles à de telles observations. Une nouvelle carte archéologique plus complète de la côte centrale des Guyanes a ainsi été obtenue (Fig. 13 à 16). Les milliers de buttes artificielles découvertes dans les marécages correspondent apparemment à une agriculture intensive et extensive de peuples à forte démographie. Les progrès récents de la cartographie numérique, notamment grâce au SIG, laissent espérer des informations nouvelles à partir des cartes. Une première approche de la technique SIG appliquée au littoral de Guyane a été faite en 2006 par Lydie Clerc dans le cadre d’un M2 Environnement à l’université de Paris-I/Panthéon-Sorbonne. Grâce à cette étude, il a notamment été possible de caractériser deux types de terrains privilégiés sur lesquels étaient implantés les champs surélevés.

L’autre aspect de l’étude des collections concernait le matériel ethnologique. Il est présent tant dans les musées guyanais et surinamiens qu’en Europe (Fig. 11). Un inventaire descriptif de centaines de pièces céramiques a donc été effectué. Elles sont en grande majorité Kali’nas, l’ethnie dominante sur la côte à l’ouest de l’Ile de Cayenne depuis la Conquête européenne. Il existe un véritable problème de connexion entre les époques précolombienne et coloniale. Arauquinoïdes et Kali’nas occupaient sensiblement le même territoire, mais aucun parallèle n’apparaît dans leurs styles céramiques, tant dans les techniques et les formes que dans les décors. L’origine de la céramique Kali’na est donc à trouver en dehors de la tradition Arauquinoïde. L’analyse technologique et typologique de la céramique des deux ethnies historiques principales, Kali’na et Palikur, croisée avec celle des deux traditions précolombiennes, Arauquinoïde et Polychrome, aide à mieux appréhender les filiations stylistiques sur la côte de Guyane. La Conquête a provoqué des mouvements de populations aboutissant à des démantèlements, des fusions et des reconstructions culturelles. Il apparaît probable que des groupes de l’ouest des Guyanes se replièrent vers l’Amapá, tandis que ceux de l’est se réfugièrent sur la côte occidentale. On assiste donc à des migrations croisées provoquant la création d’ensembles culturels originaux. L’hypothèse proposée est que le style Arauquinoïde constituerait un des composants du style actuel des Palikur d’Amapá, et que le style Polychrome Aristé est un des éléments de base du style Kali’na contemporain.

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Figure 13 : carte des champs surélevés du littoral occidental de Guyane française, secteur de Macouria (relevé Rostain ; dessin Déodat)

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Figure 14 : carte des champs surélevés du littoral occidental de Guyane française, secteur de Kourou (relevé Rostain ; dessin Déodat)

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Figure 15 : carte des champs surélevés du littoral occidental de Guyane française, secteur d’Iracoubo (relevé Rostain ; dessin Déodat)

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Figure 16 : carte des champs surélevés du littoral occidental de Guyane française, secteur d’Awala (relevé Rostain ; dessin Déodat)

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Figure 17 : plan du complexe de champs surélevés de Piliwa, Guyane (dessin Clément & Rostain)

Un aspect de la recherche concerna la démographie précolombiennne de la côte des Guyanes. Les anthropologues admettent en général des densités de 2-3 habitants/km2 en Amazonie avant l’arrivée des Européens. Ces chiffres ne tiennent toutefois pas compte des fortes démographies de certaines aires favorables à l’implantation humaine comme la varzea (plaine inondable fluviatile). Les premiers explorateurs de ces régions ont en effet observé de nombreuses villes très peuplées, le long de l’Amazone par exemple. Les récentes recherches archéologiques plaident également pour de fortes populations. Ainsi, en Colombie, les systèmes hydrauliques de San Jorge occupent une superficie d’environ 500 000 hectares. En se basant sur la superficie des plateformes résidentielles, la densité de population aurait progressivement augmenté entre 200 et 900 après J.-C. pour atteindre 160 habitants/km2 (Plazas & Falcheti de Saenz 1981). Cette estimation est donc très nettement supérieure à celle généralement proposée sur des bases empiriques pour l’Amazonie. Dans certaines portions du littoral de Guyane française, près de 5 % de la superficie ont été modifiés par les Amérindiens pour y réaliser des champs surélevés. Par exemple, le site de Piliwa est localisé à l’extrême ouest du littoral de Guyane française, sur la berge gauche de l’embouchure du fleuve Mana. Le village Kali’na actuel d’Awala est installé sur le chenier au sud, s’étendant vers l’ouest le long d’une plage bordant le Mana. Le site archéologique se trouve probablement au même endroit. Aujourd’hui, les billons sont sous l’eau durant la saison des pluies, mais ils émergent durant la saison sèche. Les billons sont disposés en damier, en groupes

parallèles et perpendiculaires. Ils sont dans une dépression inondée de 1200 m par 50 à 150 m, délimitée par deux cheniers parallèles à la berge du fleuve (Fig. 17). La superficie totale des billons atteint près de 90 ha, ce qui représente environ les ¾ de la surface entière de la dépression. On peut suggérer qu’entre 500 et 1000 personnes ont pu vivre de la production de ces champs. En se basant sur divers calculs, nous estimons que la densité de population pouvait atteindre de 50 à 100 habitants au km2 dans les aires avec des champs surélevés. Travail de terrain Les fouilles programmées ont jusqu’à présent été peu nombreuses en Guyane française, la priorité ayant été donnée depuis une décennie à l’archéologie préventive. Au Surinam et au Guyana, aucune fouille n’avait été réalisée depuis de quinze ans. La réalisation de nouveaux travaux de terrain, prospections et fouilles, était donc une priorité pour l’archéologie guyanaise. Durant ces trois dernières années, une partie de la côte occidentale de Guyane française et du littoral oriental surinamien a été prospectée (Fig. 18). C’est une plaine côtière récente basse et marécageuse, bordée du côté maritime par une mangrove. Cette formation s’emboîte directement dans la plaine côtière ancienne. Le milieu de cette plaine est donc plutôt amphibie, formé par des terres inondables et des marais au milieu desquels s’élèvent discrètement des cordons sableux (cheniers) de quelques dizaines de mètres de largeur et de dizaines de kilomètres de longueur.

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sont publiés dans le présent ouvrage. Enfin, une partie du travail de terrain concernait les enquêtes ethnologiques, principalement menée à l’extrême ouest de Guyane, dans les villages Kali’nas d’Awala et de Yalimapo. Cela a permis entre autres de suivre le travail des potières pour déterminer précisément la chaîne opératoire de cet artisanat (Fig. 20). BILAN DU PROJET Le premier aspect positif de l’ACR aura été de rassembler les forces vives de l’archéologie guyanaise autour d’un thème fédérateur. Bien que peu nombreux, les archéologues travaillant en Guyane française et au Surinam n’entretenaient pas toujours des relations très étroites. Ce manque d’échanges était dommageable pour une évolution sereine de la recherche. Durant le projet, les différents acteurs de l’archéologie des Guyanes ont appris à se connaître et ont découvert les travaux de chacun. Aujourd’hui c’est dans une ambiance sereine que les chercheurs échangent leurs points de vue au cours de rencontres plus fréquentes. En résumé, on peut retenir trois grands domaines auxquels l’ACR a contribué : la formation, la diffusion et la recherche. Figure 18 : prospection archéologique en 2003 dans les « savanes tremblantes », marécages de la plaine côtière orientale du Surinam (photographie Bubberman)

Formation L’archéologie américaniste n’est enseignée en France que dans deux universités, Paris-I et Paris-IV. Jusqu’à il y a peu, les professeurs étant spécialistes de la Mésoamérique, seule l’archéologie du Mexique et du Guatemala y était enseignées. Cela explique pourquoi principalement des vocations vers les Mayas et les Aztèques, éventuellement sur les Incas, naissaient chez les étudiants. Heureusement, aujourd’hui, de nouveaux enseignants complètent ces deux équipes : deux spécialistes des Andes et une spécialiste de l’Alaska. Néanmoins, il n’existe toujours pas d’enseignement sur l’archéologie des basses terres sud-américaines.

Les découvertes furent cependant beaucoup moins fréquentes que prévues. Si l’on retrouve approximativement un site par kilomètre carré en forêt, repérable par la présence de tessons en surface, ce n’est pas le cas sur les cheniers. Les reconnaissances ont en effet démontré que les tessons ne remontaient pas en surface dans ce milieu, comme dans la forêt, car la pédogénèse est différente, les sols sont plus profonds et l’activité racinaire et animale est moindre. En conséquence, les sites enfouis ne peuvent être repérés en surface et seuls des travaux d’aménagement les mettent au jour. Par ailleurs, de nombreux champs surélevés ont également été repérés dans les marécages durant les prospections et des échantillons de terre prélevés afin de réaliser des analyses de phytolithes et de pollens. L’organisation de grandes fouilles ne rentrait pas dans le cadre de l’ACR. Toutefois, des prospections et de petites fouilles ont été réalisées afin de compléter les informations lacunaires disponibles. Si l’on a surtout fait des ramassages de surface en Guyane française, des sondages ont été creusés dans plusieurs sites du Surinam, et un décapage à la pelle mécanique a été ouvert dans le site de Surnaukreek (Fig. 19). Des échantillons pour datation ont notamment pu être collectés. Par ailleurs, l’INRAP a réalisé ces dernières années plusieurs diagnostics, parfois très poussés, dans différents sites côtiers de Guyane. Des résultats très nouveaux ont été obtenus grâce à ces fouilles dont certains

Figure 19 : fouille par décapage en 2004 du site de Surnaukreek (cultures Kwatta et Koriabo) Surinam. Au premier plan, on aperçoit un trou de poteau (photographie Rostain)

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Diffusion Cet ouvrage constitue la finalisation de l’ACR, mais de nombreuses autres publications, expositions et conférences, tant scientifiques que grand public, ont été faites durant les quatre années du projet. Parmi les opérations de diffusion au grand public, une action importante a été menée avec l’organisation de l’exposition permanente du musée de Paramaribo. Il faut savoir que les rares musées des Guyanes sont plutôt pauvres en moyens financiers et en personnel. En conséquence, jusqu’alors il n’y avait aucune exposition permanente sur l’archéologie dans les Guyanes, et ce malgré l’existence de collections très intéressantes dans les différentes réserves. Le Stichting Surinaams Museum de Paramaribo possède des collections archéologiques et ethnologiques uniques datant de plus d’un siècle. La mise en place d’une exposition permanente d’archéologie a donc été décidée dans le Stichting Surinaams Museum de Fort Zeelandia de Paramaribo. Il a fallu classer et analyser toutes les réserves du musée, totalement délaissées depuis 20 ans, puis sélectionner et restaurer les pièces remarquables. Les vitrines d’exposition ont été conçues et la scénographie de présentation élaborée ainsi que des textes (Fig. 21 et 22). La salle Suriname before Colombus a été ouverte en décembre 2004, accompagnée d’un catalogue d’exposition trilingue (Versteeg & Rostain 2005) et d’un livre bilingue destiné à un public averti (Versteeg 2003).

Figure 20 : Potière Kali’na de Yalimapo, Guyane (photographie Rostain)

En dépit de cela, l’ACR aura été l’occasion de dispenser des cours sur l’Amazonie à l’université de Paris-I. C’est peut-être grâce à cela que certains étudiants se sont alors détournés des « grandes cultures américaines » pour s’intéresser aux populations amazoniennes. Ainsi, depuis 2003, sont apparus des mémoires universitaires sur les tropiques amazoniennes. Le lancement de l’ACR m’a permis de tutoriser des recherches universitaires de maîtrise et de DEA. Les étudiantes ayant commencé dans ce domaine ont poursuivi leurs thèses sur les mêmes thèmes et, aujourd’hui, ce sont deux thèses en cours sur l’archéologie de la Guyane et une autre sur le Brésil (une étudiante brésilienne retournée dans son pays pour soutenir à l’université de São Paulo). Un tel revirement dans le cursus universitaire de certains étudiants doit être mis au crédit de l’ACR. L’enseignement américaniste et les pôles d’intérêt des étudiants s’ouvrent et se diversifient. On peut espérer voir apparaître dans les prochaines années des chercheurs américanistes aux spécialités plus originales que celles jusqu’à présent choisies. Un seul doctorat existait sur l’archéologie de Guyane française avant l’ACR : « L’occupation amérindienne ancienne du littoral de Guyane » (Rostain 1994a). Un effet bénéfique de l’ACR aura été la stimulation des étudiants, qui se sont engagés dans une recherche doctorale. Ainsi, une thèse (Coutet 2010) et deux M2 ont déjà été réalisés tandis que deux autres doctorats sur l’archéologie de la Guyane sont en voie de s’achever.

Recherche Ainsi qu’il a été dit, il manquait dans les Guyanes une dynamique archéologique commune, chacun travaillant jusqu’alors souvent de son côté. La recherche commune menée durant l’ACR a permis de jeter un regard nouveau sur le travail du voisin. Une telle ouverture d’esprit a évidemment été productive pour tout le monde et a fourni des résultats nouveaux, enrichissant l’expérience de tous les chercheurs. L’analyse de l’ensemble de la documentation sur l’archéologie

Figure 21 : montage en 2004 de l’exposition précolombienne permanente au musée du Stichting Surinaams Museum, Fort Zeelandia, à Paramaribo, Surinam (photographie Rostain)

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guyanaise a abouti à des conclusions innovantes. Des hypothèses neuves ont surgi. Par ailleurs, le travail de terrain s’est développé car, tandis que l’INRAP intensifiait ses fouilles préventives, les premières fouilles programmées amérindiennes étaient organisées en Guyane (Fig. 23). La mise en commun des données et des idées a profité à la recherche archéologique guyanaise. Il a été démontré les apports de ce projet de recherche, mais si l’ACR s’est aujourd’hui achevé, la dynamique scientifique qu’il a lancée se poursuit et des extensions de l’étude se sont mis en place. En outre, les différentes publications réalisées durant l’ACR ont éveillé l’attention de quelques spécialistes d’autres sciences qui désirent intégrer l’archéologie dans leurs projets sur la

Guyane. Des thèses de Doctorat et des M2 ont démarré grâce au projet. L’archéologie guyanaise a enfin pu quitter son cocon pour s’ouvrir à de nouvelles problématiques communes avec d’autres disciplines. C’est en tant que prolongement direct de l’ACR que fut organisé en 2007 le projet « Archéologie et écologie des savanes côtières de Guyane » par McKey et Rostain (Rostain et al. 2012). Cette recherche interdisciplinaire a convoqué de nombreux spécialistes d’horizons divers et vu la réalisation de fouilles programmées très productives. C’est ainsi que l’archéologie de Guyane est entrée fièrement dans le nouveau millénaire.

Figure 22 : cour intérieure du musée du Stichting Surinaams Museum, Fort Zeelandia, à Paramaribo, Surinam (photographie Rostain)

Figure 23 : modelé anthropomorphe de culture Barbakoeba, site de Bois Diable (photographie Obhoukoff)

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C’est par une géographie structuraliste que s’ouvre ce livre avec Emmanuel Lézy qui nous fait découvrir des aspects peu connus des Guyanes. Cette île des Guyanes présente en effet des paysages très originaux, formés il y des millions d’années après s’être séparée du continent africain. De même, le peuplement colonial des Guyanes montre également des aspects originaux par rapport au reste de l’Amérique latine. Depuis près de vingt ans, Emmanuel Lézy porte un regard curieux et décalé sur la géographie et l’histoire des Guyanes. Ses arguments permettent de replacer cette « côte sauvage » dans une position beaucoup plus active que celle de « no man’s land » impénétrable qui lui était traditionnellement dévolue. Très tôt, les chroniqueurs distinguèrent la Guyane du reste de l’Amazonie et, déjà au milieu du XVIIe siècle, on reconnaissait un ensemble homogène entre l’Orénoque et l’Amazone. Bordé de toutes parts par l’océan Atlantique, l’Amazone, l’Orénoque et le rio Negro, il ne manquait que peu de chose entre ces deux derniers bassins pour séparer l’ensemble des Guyanes de l’Amazonie pour en faire une île de 1,8 millions de km2. C’est une anomalie géographique unique au monde, le canal de Casiquiare, qui va relier les deux bassins versants et enfermer ainsi les Guyanes d’une ceinture d’eau complète.

Cette Guyane, parfois désignée comme « la terre sans nom » ou, au contraire, appelée de mille noms – Guyane, Caribane, Côte sauvage, Eldorado, Nouvelle Andalousie ou Terre équinoxiale – renvoie à plusieurs vérités. Le plus plaisant est sûrement celui d’une île issue de l’Amazonie après que le Canal de Casiquiare ne l’affranchisse et ne lui donne sa vie propre. En effet, le bouclier guyanais résulte d’une évolution indépendante de 120 millions d’années, qui a abouti à une région géographique dont les particularités physiques, mais également culturelles, la distinguent de la plus récente Amazonie occidentale. Si cette entité guyanaise couvre cinq pays aux Histoires très différentes - le Venezuela, le Guyana, le Surinam, la Guyane et le Brésil – qui renvoient chacun à diverses puissances européennes coloniale (Espagne, Royaume-Uni, Pays-Bas, France et Portugal), c’est peut-être bien leur rattachement aux mondes catholiques ou protestants qui les distinguent le mieux. En partant de cette dichotomie, Emmanuel Lézy retrace les péripéties vécues par ces nations depuis l’occupation amérindienne précolombienne puis la conquête européenne jusqu’à leur indépendance du Vieux Monde. Stéphen Rostain

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Le bouclier des Guyanes, le plus vieux des Nouveaux Mondes Emmanuel Lézy (Université de Paris-X/Nanterre)

depuis l’époque du Trias ». Elle rassemble des roches précambriennes formées il y a environ 3400 millions d’années. La division du Gondwana les sépara, il y a 200 millions d’années, de ce qui forme aujourd’hui le bouclier ivoirien et constitue avec lui la chaîne Guyano-éburnéenne. L’orogénèse éburnéenne couvre 40 millions d’années, entre 2100 MA et 2060 MA. Elle se traduit par la mise en place en Afrique de l’Ouest et en Guyane, de massifs granitiques et de grandes failles chevauchantes de directions nord-ouest/sud est. Le bouclier guyanais est divisé par l’axe de l’Essequibo/Rio Branco en deux ensembles coulissant l’un sur l’autre. À l’est, le bloc soulevé a été débarrassé de sa couverture sédimentaire précambrienne par la puissance érosive de quatre mètres par an d’eau de pluie chauffée par l’Équateur. Au-dessous, les môles granitiques, peu résistants à l’érosion chimique, ont été puissamment rabotés. C’est donc un paysage collinaire qui domine, caractérisé par des formes dites en « demi-oranges ». Les altitudes restent faibles, mais les sommets s’élèvent progressivement vers l’ouest, de 250 mètres dans l’État d’Amapá (Serra do Navio) à un peu plus de 1000 mètres dans les Kanuku Mountains au sud de la Guyana, en passant par les monts Tumuc Humac, au sud du Surinam et de la Guyane (Mont Mitaraka à 690 mètres). À l’ouest, le bloc affaissé a conservé des pans entiers de sa couverture sédimentaire. Le paysage semble troué par le jaillissement de ces formations gréseuses tabulaires de plus de 1000 mètres d’épaisseur, les tepuyes, qui sont en fait inégalement effondrés. Ceux-ci constituent les sommets les plus élevés de l’Amérique du sud non andine (Pico de Neblina, 3014 mètres). La périphérie de la région est frangée par les plus hautes chutes d’eau du monde : Salto Angel (972 mètres) sur le Churun, et Kaieteur Falls (250 mètres) sur la Potaro River. La forêt tropicale humide qui couvre 90 % de la superficie du bouclier guyanais laisse apparaître deux trous de savanes au centre, l’un en creux (80 000 km2 des savanes intérieures, sur le graben du Tacutu), l’autre en relief (70 000 km2 au sommet des tepuyes). Le bouclier des Guyanes trouve ses limites, vers

Le bouclier des Guyanes est cerné par le courant d’eaux douces ou saumâtres le plus puissant du monde, qui résulte de la double jonction de l’Amazone et de l’Orénoque (Fig. 1). Il représente près de deux millions de kilomètres carrés du continent sud-américain et forme une île très mystérieuse, aux contours mal définis, dont l’explorateur britannique Walter Raleigh révéla, en 1596, le nom et la richesse, et dans laquelle s’est développé le rêve d’une Amérique du Sud non latine et protestante. Cette bulle explosa, au cours du XXe siècle, en cinq territoires politiques distincts : deux États indépendants, le Surinam (ex-Guyane hollandaise, depuis 1975) et le Guyana (ex-Guyane britannique, depuis 1965)  ; la région de la Guyane vénézuélienne constituée de trois états à l’est de l’Orénoque (Delta Amacuro, Bolívar, Amazonas)  ; deux territoires brésiliens, l’Amapá et le Roraima, états fédéraux depuis 1988, et les parties situées au nord de l’Amazone des états du Pará et de l’Amazonas ; enfin, la Guyane qui est un département français d’outre-mer depuis 1946. La quasi-totalité des sept millions de personnes et des activités installées sur le bouclier des Guyanes est située sur un anneau périphérique étroit et discontinu. L’ampleur du contraste entre les sociétés et les paysages du nord et ceux du sud souligne les limites de l’Amérique latine avec la colonisation protestante. Très peu peuplées, les régions intérieures de forêts ou de savanes ne sont pas pour autant des espaces naturels  ; ce sont des territoires amérindiens dont on est en train de découvrir l’ancienneté, la richesse et la vigueur. DE L’ANCIENNETE DU « NOUVEAU MONDE » Une île au relief inversé La Guyane est un môle de roches cristallines chargé, en son cœur, d’or, de fer et de diamants. Selon le géographe Élisée Reclus, (1895) « au point de vue géologique, cette Guyane est aussi une île, un massif distinct de granit et autres roches éruptives, émergé 31

Figure 1 : carte du bouclier des Guyanes (dessin Lézy)

Le royaume d’« El Dorado »

l’ouest et le nord-ouest, en plongeant sous les dépôts provenant de la chaîne des Andes, qui forment les vastes dépressions des Llanos  ; vers le sud en disparaissant sous les formations paléozoïques qui comblent la dépression de l’Amazone ; et, vers le nord et le nord-est, le long de la façade atlantique où des dépôts tertiaires et quaternaires d’origine marine ou deltaïque le recouvrent. Le bouclier reste pourtant une « île continentale », grâce aux rencontres des courants les plus importants de la planète (Fig. 2). La « mer d’eau douce » de l’Amazone (75 000 m3/s, 200 000 m3/s en crue) coule jusqu’à l’île de Marajó. À l’embouchure, ses eaux brunes, repoussées le long des côtes par le courant équatorial d’est, forment le puissant « courant des Guyanes » (16 millions m3/s) et ourlent la « côte sauvage » de mangroves d’allure inhospitalière. Dans le delta Amacuro, ce sont donc les eaux de l’Amazone qui s’unissent à celle du « splendide Orénoque » (33 000 m3/s, le second du monde, 100 000 m3/s en crue). Un canal, qui coule alternativement vers le Nord et vers le Sud, le Cassiquiare, complète cette disposition annulaire en mettant en contact les eaux du haut Orénoque avec celles du haut Rio Negro (Fig. 3) C’est grâce au Casiquiare que le bouclier des Guyanes mérite son nom d’île, et c’est par cette fragile réalité qu’il reste relié au continent.

L’ouvrage de Walter Raleigh (1993) The Discovery of the Large, Rich and Beautiful Empire of Guiana, with a Relation of the Great and Golden City of Manoa (which the Spaniards call El Dorado) qui, pour la première fois, en 1596, fit mention de la région, connut un succès immédiat en Europe (Fig. 4). Cent ans après le rêve d’Eden catholique de Christophe Colomb, l’Europe du Nord orientait sur la région sa quête d’un refuge protestant. La Guyane de Raleigh inspira l’Utopie de Thomas More. Raleigh ne vit jamais Manoa, « la plus grande ville du monde » aux bords du Toponowini le grand lac salé, régnant sur une vaste cuvette agricole protégée du monde par la forêt (Fig. 5), ni les peuples sauvages, les Kanibes, les Amazones et les Ewaïpanomas, les fameux hommes sans têtes. Pourtant, le centre de la Guyane, d’où l’on continue d’extraire l’or et le diamant fut longtemps couvert par un ou plusieurs lacs et l’on découvrira, peut-être un jour, les vestiges de Manoa sur l’île de Maracá (état brésilien du Roraïma). L’héritage colonial Faute de cités d’or, la « Guiana » de Raleigh devint le refuge des Protestants chassés par les guerres de religion en Europe et attirés par le rêve doré. Elle se

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il faudra attendre 1630 pour que les Britanniques s’installent à l’embouchure du fleuve Surinam, 1643 pour la fondation de Cayenne, et 1651 pour la création d’une colonie britannique du Surinam, à l’existence éphémère. De 1665 à 1667, en réponse à une attaque britannique dans les Indes occidentales, une flotte de l’état de Zélande s’empara de la colonie. Lors de la paix de Bréda, en 1667, les Provinces-Unies conservèrent leur conquête en échange de la Nouvelle Amsterdam qu’ils avaient fondée, en 1626, dans l’île de Manhattan (qui deviendra New York). La « Nieuw Amsterdam » fut refondée sur la rivière Berbice, près de l’actuelle capitale du Surinam, Paramaribo. Ce n’est qu’en 1796 que les Britanniques reprirent pied sur la côte de Guyane. Ils s’emparèrent des colonies hollandaises de l’Essequibo, de Demerara et de Berbice puis, trois ans plus tard, de celles du Surinam. Les colonies furent restituées à la république batave lors du traité d’Amiens de 1802, puis à nouveau occupées. Les traités de 1814-1815 placèrent les colonies de l’Essequibo, de Demerara et de Berbice sous la domination britannique et restituèrent celle du Surinam aux Hollandais. La Guyane française est ainsi l’aïeule des colonies françaises et la dernière rescapée de la fusion des quelques « arpents de neige » de l’empire américain, perdu en 1763, et des indépendances africaines et asiatiques des années 1954-62.

Figure 2 : mélange des eaux sombre du Rio Negro et des eaux boueuses du Solimões qui forment l’Amazone devant Manaus, Brésil, après avoir couru sur des kilomètres sans se mélanger (photographie Rostain)

trouve à l’intersection de l’axe de la course aux Indes, parallèle à l’Équateur, et du méridien de Tordesillas à partir duquel la Castille et le Portugal se partagèrent leurs possessions (Traité de Tordesillas en 1494). Sur le continent américain, la découverte de cette région vient combler un vide entre l’axe nord/sud, le long des Andes, de la colonisation espagnole et l’axe est/ ouest de l’avancée portugaise remontant le long de l’Amazone. Dès 1604, le capitaine anglais Charles Leigh tenta, sans succès, de s’installer sur les bouches de l’Orénoque. La même année, le Français Daniel de La Ravardière explora les côtes de la Guyane. Les premières installations hollandaises dans les Guyanes datent de 1616, sur l’Essequibo (dans l’actuelle Guyana). Mais

LA GUYANE COTIERE : UNE CREATION COLONIALE INACHEVEE Les colonisations catholique et protestante prirent pied sur la Guyane côtière, une ancienne région de culture

Figure 3 : « La Guaiane » de Duval en 1640 avec la mention du Canal de Casiquiare fermant l’île des Guyanes

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voie d’eau, grâce à une série de sentiers traversant les lignes de partage des eaux et reliant les différentes sections navigables (biefs) des fleuves, entre les sauts infranchissables et considérés comme sacrés. Les Amérindiens sont aujourd’hui plus de 200 000 dans la Guyane, répartis en 24 groupes (Bahuchet 1994). Ils représentent officiellement 5,57 % de la population totale, un chiffre important comparé aux autres pays de la région (0,4 % de la population du Brésil en 2000 selon l’IBGE (Instituto Brasileiro de Geografia e Estatística) et 2,31 % de celle du Venezuela selon le recensement de 2001). La densité de population amérindienne qui est de 0,06 hab./km2 au Brésil atteint 0,11 en Guyane (les statistiques concernant les Guyanes et en particulier les Amérindiens sont rares puisqu’il est interdit de faire des comptages ethniques en France). On s’appuie ici sur le travail de Serge Bahuchet (1994), traduisant un doublement de la population amérindienne guyanaise entre 1970 et 1990, passant de 110 222 à 206 437 personnes. Un tiers de ces populations vit dans la zone périphérique, mais cette part tend à diminuer depuis une quarantaine d’années. En 1970, elle concentrait 32 % des Amérindiens de la Guyane, au milieu de forêts et de savanes inondables (mangroves et varzeas). En 1990, la zone ne représente plus que 28 % de l’ensemble, malgré un taux de croissance démographique annuel de 1,88 %. La zone principale de peuplement amérindien se situe, ici, dans le Delta Amacuro (19  573 Warao en 1990). Dans les Guyanes côtières, on compte 21 714 Kali’na, 14 510 Lokono, et 600 Palikur. Dans cette aire de vieille culture agricole, les habitats sont peu à moyennement dégradés, bien qu’ils soient très fragiles et très convoités. Ils sont en effet soumis à des pressions très fortes de la part de l’agriculture (riziculture, élevage), de l’urbanisation, des routes, de la pêche intensive sur le plateau continental (crevettes). C’est aussi ici que l’union politique entre les différents groupes indigènes s’ébauche, à partir de 1981, autour de la Fédération des organisations amérindiennes de Guyane (FOAG). Elle structure autour d’elle les différents mouvements amérindiens (Union des peuples amérindiens de la Guyane UPAG), l’Association des Amérindiens de Guyane française (AAGF), l’Association Palikur Hanaba Lokono). Très active politiquement et culturellement, elle reste cependant dynamisée par une ethnie, les Kali’na (anciennement dénommés Galibi). Elle est dirigée par Jean-Aubéric Charles du village d’Awala Yalimapo, en Guyane, la première commune amérindienne créée en 1989.

Figure 4 : couverture du livre de Walter Raleigh en 1596

amérindienne. La conquête fut sauvage, l’esclavage fut plus féroce qu’ailleurs, l’émigration se révéla un désastre, et le bagne fut mortifère. La Caribane : une terre de vieille culture amérindienne Malgré sa réputation de Côte sauvage, la côte guyanaise, que les cartes anciennes nommaient la « Caribane », fut longtemps une terre de grande culture et au XIIe siècle, la Guyane présentait un littoral fort développé. Sur la rive nord, à partir de 600 après J.-C., et jusqu’à cette période, les sociétés dites Arauquinoïdes pratiquaient une agriculture intensive sur billons (Rostain 1991, 2012), fort exigeante en main-d’œuvre et capable de nourrir une population nombreuse et dense (50 à 100 hab./km2). Sur la rive méridionale, de grandes cités, à Santarém sur l’Amazone et sur l’île de Marajó à l’embouchure du même fleuve, tiraient leur subsistance des cultures de varzea (terres inondables) et de la terra preta (terre noire très fertile). Ces sociétés étaient issues de la zone OrénoqueApure (dans l’actuel Venezuela) et constituaient, entre la Guyana orientale et l’île de Cayenne, des cultures indépendantes mais présentant des caractères communs. Elles vivaient dans des villages de bois dans la plaine côtière, qui dominaient, sur des buttes artificielles, un paysage de billons ordonnés utilisant des systèmes élaborés de drainage (Fig. 6). L’artisanat y était raffiné et les échanges trans-culturels poussés. Les voyages se faisaient alternativement à pied et par

La Guyane économique « utile » : une dynamique horizontale et centrifuge Couverte de mangrove et de varzea (forêt régulièrement inondée), la marge côtière et fluviale du bouclier en constitue la partie la plus fertile et la plus attractive (Fig. 7).

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Figure 5 : détail d’une carte de 1599 montrant la cité de Manoa sur les rives du lac Parimé, dans l’intérieur des Guyanes

Sans savoir qu’ils rendaient aux savanes littorales leur paysage agricole traditionnel, les Hollandais mirent à profit, au Guyana au Nord, leur expérience des polders et transformèrent, à partir de 1710, une partie des savanes littorales en rizières densément peuplées (rivières Canje, Abary, Mahaicony, Pomeroon ou Waini). Au Surinam, la colonie était groupée autour de la ville de Paramaribo, dont le luxe insolent, à la fin du XVIIIe siècle, contrastait violemment avec l’atonie cayennaise et devint bientôt légendaire. On y voyait alors plus de 1000 maisons en bois, de deux à quatre étages, un vaste palais du gouverneur, une population de 2000 Blancs (dont 50 % de Juifs chassés du Brésil puis de Guyane), 10 000 Noirs, 300 Mulâtres libres. La colonie entière comptait 650 plantations. Son port recevait 6 vaisseaux par an pour la traite des Noirs, chacun d’une valeur de 120 000 florins et, entre 1750 et 1774, 50 vaisseaux par an sortaient d’Amsterdam à destination de Paramaribo. Les esclaves révoltés, réfugiés dans la forêt sur le cours supérieur des rivières, créèrent un contre-pouvoir à la plantation avec lequel la colonie fut vite obligée de négocier. Le nombre des esclaves, leur capacité à survivre et à s’organiser dans la forêt rendaient en effet la lutte contre les « Marrons » extrêmement difficile. Dès 1626, des républiques noires s’installèrent sur le modèle des organisations sociales africaines.

Les Marrons avaient des villages parfaitement organisés, des cultures nourrissant non seulement la population mais les armées en campagnes (Fig. 8). Les premiers s’installèrent sur les rivières Coppename et Saramaka, dont ils prirent le nom. Dès 1639, un traité fut passé avec eux par le gouverneur Jan Jacob Mauritius. Ce traité servira de modèle aux suivants : l’émancipation est accordé aux révoltés, ainsi que la jouissance du territoire qu’ils occupent, en l’occurrence le Gran Rio et le Pikin Rio, fondateurs de la Surinam, à condition qu’ils cessent le sac des plantations, n’accueillent pas de nouveaux venus et, même, s’allient aux Hollandais contre les nouveaux groupes de Marrons. Un traité semblable accorda aux Ndjuka, le territoire du Tapanahony, affluent de rive gauche du Maroni. Ceux-ci deviendront, par la suite, de véritables alliés des Hollandais, contribuant à traquer ou à contrôler les groupes plus récents, comme les Boni, établis sur le haut Maroni à partir de 1776-77 et placés sous la tutelle des Ndjuka en 1791. Il ne faut donc pas voir dans ces groupes marrons une simple opposition au pouvoir de Paramaribo. Rapidement, et l’exemple des Ndjuka le montre, ils en sont un relais important. Non seulement les Ndjuka vont seconder à moindre frais et avec une plus grande efficacité les troupes hollandaises dans la lutte contre les révoltés, mais ils constituent aussi une sorte de 35

Figure 6 : champs surélevés de Diamant, Guyane française (photographie Rostain)

« marquisat » chargé de contrôler les frontières de la colonie. Grâce à une série d’accord, les Hollandais déléguèrent à ces « francs-tireurs » le rôle de gardes frontières. En Guyane française, la population passa de 1752 personnes en 1700, à 5847 en 1759. On comptait 5571 esclaves noirs contre 1399 au début du siècle et 456 Blancs contre 352 en 1700. Quant aux « Libres de couleur », ils n’étaient que 11 en 1700 et 21 en 1759.

L’abolition de l’esclavage, entre 1848 (en France) et 1888 (au Brésil), provoqua le débarquement d’autres hommes enchaînés, les bagnards (70 000 passèrent par les bagnes français, entre 1851 et 1947) et les Indiens (des Indes « orientales », cette fois) sous contrats. Entre 1838 et 1917, 238 909 immigrants Indiens ont débarqué en Guyane britannique. Ils représentaient 70 % des travailleurs immigrés du pays sur la période et 44 % du total des immigrants Indiens dans la Caraïbe. 36

Figure 7 : mangrove et marais du rivage guyanais (photographie Rostain)

interviennent à travers des filiales, la Iron Mines of Venezuela et la Orinoco Mining Company. La côte vit, au début du XXIe siècle, dans la dépendance de trois principaux bassins d’emplois. La Corporación Venezolana de Guayana (CVG), premier organisme public de promotion du développement régional créée en 1958, après la chute de la dictature de Marcos Pérez Jiménez exploite l’énergie hydraulique du Rio Caroní (barrages de Guri : 5 000 km2, de Macagua et de Caruachi), ainsi que les ressources forestières, le fer, la bauxite, l’or et les diamants. Elle emploie en 2007 dixhuit mille personnes (source : CVG). La zone franche de Manaus (Brésil) et son statut de centre administratif et commercial fixent 1  644  690 habitants (2005) en plein cœur de l’Amazonie. En Guyane, le Centre spatial guyanais (C.S.G.) basé à Kourou (19 107 habitants en 1999) depuis 1964, couvre 50 km de côtes et emploie 1700 personnes sur 850 km2. Ces trois pôles génèrent des flux de migrations importants. Au Nord, les routes suivent le tracé de la côte. À l’intérieur, elles quittent les rives de l’Amazone, de l’Orénoque et du Rio Negro et permettent le développement de villes secondaires : Boa Vista (capitale de l’état brésilien du Roraïma créée en 1830), Lethem (frontière Guyana-Roraïma), Santa Elena de Urquien (frontière Venezuela-Roraïma), Monkey Mountain (frontière Guyana-Roraïma), El Dorado (Cuyuni, Venezuela)… La jonction fluviale par le canal

Entre 1855 et 1877, 8472 Indiens, regroupés en 20 convois furent introduits en Guyane française. Au Surinam, 34 304 Indiens débarquèrent en 64 convois, entre 1873 et 1907. Outre l’agriculture de plantation, les activités économiques concernent l’extraction (or, diamants, pétrole, fer, manganèse, bauxite, bois, eau), la propulsion (lancements de fusées à Kourou à partir de 1968) et la distribution. Elles sont concentrées autour des capitales d’État (Manaus, Macapá, Ciudad Guyana, Ciudad Bolívar, Georgetown, Paramaribo, Cayenne), anciens comptoirs fortifiés situés sur la rive côtière ou fluviale (à l’exception de Boa Vista) qui tiennent les principaux estuaires. Elles disposent leurs plans orthogonaux face à l’air plus frais du large. De grands théâtres, des églises baroques au sud (Manaus), de grandes églises de bois austères au nord (Georgetown, Paramaribo, Cayenne), témoignent d’un destin colonial plus faste que le rôle de villes d’outre-mer qu’elles partagent depuis la seconde moitié du XXe siècle. Les ports de ces villes exportent la bauxite, le manganèse, l’or, les diamants, le bois, la viande au profit des entreprises et des États européens, nord-américains (Canada et États-Unis) ou latinoaméricains. Au Venezuela, depuis 1933, la Bethlehem Steel Corporation (1857-2003) avait, par concession, un droit d’exploitation du Cerro El Pao. De son côté, la United State Steel Corporation exploite, depuis 1947, le Cerro La Parida (futur Cerro Bolívar). Elles

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montagnes qui séparent les bassins entre l’Orénoque et le Marañon ou fleuve Amazonas », dans l’ignorance du canal du Casiquiare (reconnu, pour la première fois, en 1800 par Alexandre de Humboldt), et dans le plus grand mépris de l’unité insulaire de la « Guiane » décrite par les protestants, de Walter Raleigh à Élisée Reclus. «  Au siècle des Grandes Découvertes, la plupart des entreprises conduites par la France au Nouveau Monde sont le fait des protestants » rappelle Franck Lestringant (1990). Le rôle du protestantisme se décline, certes, de façon différente de Cayenne à Georgetown : exclusif au Surinam hollandais, il est très majoritaire en Guyane britannique, malgré quelques épisodes « papistes » (Jacques II, roi d’Angleterre et d’Écosse (Jacques VII d’Écosse) de 1685 à 1689 était catholique), et a été important dans le département français de Guyane, au moins durant la période de fondation. Les migrations juives (à Cayenne, de 1656 à 1665, au Surinam jusqu’en 1667) et indiennes (1838-1917) viendront renforcer cette tendance au « développement séparé » de l’Amérique latine. La Guyane présente des caractéristiques géographiques appropriées pour le projet protestant : l’insularité la protège de l’influence des puissances catholiques, tant par mer que par terre. La divergence du réseau hydrographique fait de chaque fleuve côtier une entité autonome, elle-même compartimentée en biefs isolés par des chutes d’eau difficiles à franchir, qui fonctionnent comme autant de frontières naturelles.

Figure 8 : guerrier marron au XVIIIe siècle au Surinam (Stedman [1796]1992)

du Casiquiare est demeurée une voie « marginale » empruntée aujourd’hui par des groupes Amérindiens transfrontaliers qui font remonter clandestinement la cocaïne colombienne vers Caracas (Venezuela), Georgetown (Guyana), Paramaribo (Surinam) ou Cayenne (Guyane). Dans les Guyanes côtières, les activités agricoles, industrielles et tertiaires sont concentrées le long de la côte et laissent, entre elles, de longues discontinuités forestières. L’ouverture de la route Régina/SaintGeorges (Guyane), puis d’un pont sur l’Oyapock en 2008 a rendu la circulation routière possible de Macapá au Brésil à Georgetown au Guyana. Au-delà, la contestation frontalière toujours active entre la Guyana et le Venezuela, qui porte sur 60 % de la superficie du premier, a transformé la frontière actuelle en un no man’s land infranchissable. Les camions passent à l’intérieur des terres par Linden, Bartica et Lethem pour rejoindre Caracas par Ciudad Guyana, ou Manaus par Boa Vista.

Les Guyanes côtières sont classiquement présentées comme une mosaïque humaine profondément variée et hétérogène. L’identité culturelle se fonde sur une identité ethnique, voire raciale. À chacun des groupes identifiés sont attribués une position et un territoire particuliers dans la société. La plaine littorale est composée d’unités urbaines et rurales ethniquement homogènes : les villages indiens de l’Est (issus de l’immigration indienne), amérindiens, javanais, laotiens, saint-Luciens ou marrons se succèdent sans se mélanger. La hiérarchie économique et sociale est étroitement liée à une perception de la société en « castes » ethniques. La Guyane, pays des mille eaux, devient alors le pays des mille races, ou plutôt, les mille pays d’une seule race. La ville est le fief des Créoles qui, à Cayenne comme à Paramaribo ou à Georgetown, ont la mainmise sur les emplois administratifs, et des Chinois qui se chargent du commerce. A Georgetown, cette répartition est en cours d’évolution : de plus en plus d’Indiens de l’Est, d’Amérindiens, de métis et de Blancs habitent « GT » alors qu’ils sont nés ailleurs, et à l’inverse, les Noirs sont plus nombreux à vivre à l’extérieur en étant nés dans la capitale que le contraire. Si la population créole est essentiellement noire et métisse en Guyane française, on distingue généralement, en Guyana et surtout au

Le front de la « latinité » en Amérique du Sud Pour le Brésil ou le Venezuela, l’Amazone et l’Orénoque ne sont pas des mers d’eau douce séparant des régions différentes, mais des fleuves géants fonctionnant comme les creusets de l’intégration nationale et catholique. Le traité de Madrid, en 1750, fixa la limite entre les deux Empires ibériques sur « les

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Surinam, les « Afro-créoles » qui constituent la grande majorité et occupent des emplois de travailleurs et chômeurs urbains, de soldats et de policiers, et les « Euro-créoles » qui forment la strate supérieure de la bureaucratie d’État, les professions libérales, et tiennent les hauts postes dans l’armée, la police, la classe intellectuelle et une position importante dans la bourgeoisie marchande. Le même découpage sert de support à l’organisation politique au Surinam et en Guyana. Au Surinam, les principaux partis, issus des années quarante et qui ont resurgi après 1987, sont à base essentiellement ethnique. Le National Party of Suriname (PNS) est le parti des Créoles, urbains et chrétiens, le Progressive Reform Party (VHP) est celui de la bourgeoisie rurale et commerciale indienne, en étroite alliance avec les hiérarchies religieuses indiennes et musulmanes et le Kaum Tani Perstuan Indonesia recrute exclusivement ses adhérents dans la partie javanaise de la population. En Guyana, on trouve, parmi les partis traditionnels issus de la lutte pour l’indépendance, le People Progressive Party (PPP), de tendance marxiste et dont le recrutement se faisait surtout dans la paysannerie indienne, le People’s National Congress (PNC) de Linden Forbbes Burnham, structuré autour de la communauté noire et l’United Force, fondé par l’homme d’affaire Peter d’Aguiar qui regroupait les

milieux d’affaires et les minorités blanches, portugaises et chinoises. La situation est différente en Guyane française. D’une part, la communauté créole règne sans partage sur la population de nationalité française. Les autres communautés ethniques ne disposent généralement pas de cette nationalité et n’ont donc pas accès à la vie politique. Surtout, les élections se déroulent dans un cadre national indifférent, voire hostile, aux clivages ethniques. La création de la commune amérindienne de Awala-Yalimapo (créée le 31 décembre 1988 par sa séparation de la commune de Mana) peut, dans ce contexte, être considérée comme une exception. Dès 1992, le Schéma d’Aménagement Régional déconseille la création d’autres entités administratives à base ethnique. Les clivages ethniques n’en sont pas, pour autant, absents des débats politiques, en particulier sur le Maroni où les élections municipales ne sont pas remportées par la droite ou la gauche, mais par les Créoles ou les Marrons. LA GUYANE INTERIEURE AMERINDIENNE Les conditions de l’érosion du massif cristallin sous climat tropical font se succéder, sur chaque cours d’eau, des sections en eau calme, nommées « biefs », et des rapides que l’eau ne parvient pas à entamer. Au-

Figure 9 : carte de la Caribane de N. Sanson d’Abeville de 1596

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delà de ces premiers « sauts » qui bloquent la remontée des navires, commence la Guyane proprement dite, que les cartes anciennes opposaient à la « Caribane » littorale. C’est un toponyme d’origine amérindienne, le seul à couvrir, en Amérique du Sud, une surface aussi vaste (Fig. 9).

visible la différence entre le naturel et le culturel, entre l’homme et l’animal. La base de l’alimentation est le manioc, parfois secondé par la banane plantain (chez les Yanomami, répartis entre le Roraïma et le Venezuela). Le « Pays sans nom » aux frontières de la colonisation européenne

La géographie sacrée du « Pays des mille eaux » En 1904, on recensa plus de 94 étymologies pour le terme Guyane (Williams 1922), dont les plus courantes décrivent un « pays des mille eaux », « une planète » ou un « pays sans nom ». Les cultures les plus anciennes identifiées en Guyane ne sont pas situées en marge du territoire mais en son cœur. Les chasseurs-cueilleurs du paléolithique occupent depuis 10 000 ans les savanes intérieures. Les horticulteurs Koriabo évoluent dans la zone forestière et sur la côte depuis 1100 apr. J.-C. et des agriculteurs Arauquinoïdes et Barrancoïdes aménagent le littoral à partir de la même période (Rostain 2004). Il est difficile de dire si cette imbrication des cultures provient d’une diffusion historique centrifuge ou s’il s’agit d’une stratégie de complémentarité des milieux à grande échelle. L’insularité de la Guyane semble avoir été non seulement connue, mais entretenue et alimentée par les sociétés traditionnelles. Pour ces cultures, les îles forment un territoire coupé du monde des vivants, le domaine des rêves et des morts où l’on va enterrer les siens. La Guyane toute entière tire sa sacralité de cette paradoxale insularité que l’on retrouve, comme mise en abyme, à toutes les échelles (île de Cayenne, île de Maracá, sur l’Uraricoera, île de Marajó…).

Au début du XXIe siècle, le partage colonial est encore inachevé dans l’intérieur des terres. La faiblesse du contrôle colonial, d’un côté, permet l’enracinement et la croissance des sociétés amérindiennes, et de l’autre, elle les met en danger. Dix-sept groupes réunissant 143 519 personnes, sont localisés sur les frontières entre États, souvent contestées (Fig. 10). Avec un total de 1 150 kilomètres de frontières en litige (soit 7,75 % de la surface de la Guyane et 15,6 % de la longueur totale de ses frontières), la Guyane représente le tiers des conflits frontaliers en Amérique latine. Du côté brésilien, la frontière est fixée par la calha norte, « la gouttière nord », projet militaire conçu en 1985. Dans cette bande de 160 kilomètres de large et 6500 kilomètres de long, les terres indigènes forment des ensembles très étendus, contigus et dans lesquelles sont officiellement interdits les projets miniers. En fait, l’essentiel de ces terres indigènes est constitué de parcs nationaux, dans lesquels l’exploitation minière et forestière est encouragée par l’armée et la Fondation nationale de l’Indien (FUNAI créée le 5 décembre 1967). D’autres acteurs se rencontrent sur cette frontière, multipliant ainsi les conflits  : des missions catholiques et protestantes, des propriétaires terriens, des compagnies minières et des garimpeiros (chercheurs d’or) clandestins. Les espaces proprement indigènes (Yanomami, Waimiri-Atroari et Tukano, en particulier) sont donc, en fait, réduits, morcelés et criblés d’installations militaires et minières. Pour l’anthropologue Bruce Albert, les conséquences immédiates de ces découpages et de ce voisinage sur la mortalité et les conditions de vie des Yanomami, relèvent d’une « véritable stratégie de génocide ».

Malgré leur sacralité, les paysages forestiers guyanais ne constituent pas des espaces naturels vierges, protégés de l’empreinte de l’homme. Au contraire, leur composition fut profondément et précocement modifiée par l’action des sociétés amérindiennes. La forêt tropicale humide constitue l’essentiel de la couverture végétale guyanaise. Elle fait partie de la grande forêt tropicale qui couvre 4 % de la planète (935 millions d’hectares) et constitue, sinon un poumon pour la planète, du moins une « mémoire » génétique absolument vitale, puisqu’on estime qu’elle regroupe à elle seule 50 % des espèces animales et végétales. Là où elle n’a pas été vidée de ses habitants, la forêt est un territoire construit, approprié, maîtrisé par le travail et par le verbe. L’appropriation des paysages forestiers passe par une très intense couverture toponymique. Les sociétés forestières ont profondément transformé le faciès botanique grâce aux systèmes de rotation des abattis. La chasse et la pêche sont des activités complémentaires de l’agriculture. Dans le contexte animiste (Descola 2005) de la « domesticulture » (domestication d’un écosystème tout entier), la lisière entre champs cultivés et forêt n’existe pas pour rendre

Selon Serge Bahuchet (1994), 68 % des Amérindiens vivent dans l’intérieur des terres, et onze groupes n’ont toujours pas été en contact avec les Blancs (quatre d’entre eux le refusent explicitement). Dans la zone des savanes intérieures, la voix des chamans Karibs traditionnels (Paje, Alleluia, Kanaïma) est encore entendue (Whitehead 2002). L’anthropologue Pierre Grenand identifie, en haute Guyane, trois des neuf principales zones de peuplement indigène de l’Amazonie : la zone Karib des savanes intérieures (45 465 personnes), la zone Yanomami (38 853 personnes) et la zone Tukano du Uaupès (affluent du Rio Negro, Brésil) et du Casiquiare (48 181 personnes) (Bahuchet 1994). Par exemple, les groupes Makushi, Pemón, Piaroa, Kapon, Akawayo, Patamona, Ingariko,

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WaiWai, Wapishana et Xiriana sont passés de 14 900 à 36 023 personnes (de 14 à 17 % de la population amérindienne guyanaise). Le taux de croissance annuel a été de 2,93 % entre 1970 et 1990. Le milieu est peu ou moyennement dégradé par l’homme, mais la pression exercée par les militaires, les orpailleurs et les éleveurs est très forte. Depuis 1997-1998, une série de sècheresses s’est abattue sur les savanes intérieures du Rupununi, du Spaliwini et de la Gran Sabana et pousse les villageois à l’exil. Les terres réellement attribuées aux Amérindiens ne représentent qu’une partie des terres reconnues comme indigènes (11,6 % du territoire de la Guyana, 5,9 % de celui du département français de Guyane et 13,3 % du territoire brésilien) et encore une plus faible partie des terres revendiquées (21 % en Guyana, 27 % en Guyane française). Universelle périphérie, le bouclier des Guyanes attire tous les peuples du monde à ses pieds, mais leur

ferme son cœur. Soumis sur sa marge à des tensions centrifuges, il est animé, en son centre, d’élans verticaux contradictoires. Les rêves d’El Dorado entraînent toujours chercheurs d’or et de diamants vers les étoiles, tandis que l’anthropophagie rituelle pratiquée par les chamanes Macuxi ou Patamuna (Whitehead 2002) fait plonger l’homme vers les plus obscures profondeurs de son inconscient. C’est dans cette paradoxale insularité, dans cette dimension onirique incontournable que résident la forme et l’âme de la région. Dans « Utopie Sauvage », Darcy Ribeiro (1990) décrit le bouclier des Guyanes comme une Laputa tropicale, flottant au-dessus du Brésil aux commandes du chef karib Caliban, qui bombarde le monde de ses étrons. À Parintins, les danseurs du carnaval rivalisent de dynamisme pour « faire couler l’îlot » et larguer les amarres de l’île cosmique. S’ils parviennent à leurs fins, nous verrons un jour passer le bouclier des Guyanes au-dessus de nos têtes.

Figure 10 : borne frontière dans la Serra du Roraïma, à la tri-jonction du Brésil, du Venezuela et du Guyana, en 1931 (photographie anonyme)

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L’archéologue utilise et fabrique des cartes. Les cartes topographiques, géologiques, pédologiques, botaniques ou hydrographiques sont essentielles pour comprendre le terrain et organiser la fouille d’un site. Le chercheur doit également dessiner ses propres cartes à partir de celles déjà établies et en utilisant ses données de terrain spécifiques. La fouille archéologique oblige en effet à un précis travail de repérage et de localisation. Par ailleurs, les cartes anciennes fournissent de précieuses indications sur les anciens habitants. Si la cartographie de Guyane française n’est pas aussi riche que celle de la France métropolitaine, elle n’en est pas moins utile. Depuis le XVIe siècle, les Européens ont dessiné des cartes plus ou moins précises de ce nouveau territoire. Si les cartographes donnaient la priorité aux implantations européennes et aux voies de circulation utiles, ils notèrent également souvent les habitats amérindiens. L’étude de ces documents aide à comprendre partiellement l’évolution de l’occupation amérindienne à l’époque coloniale. Jean Hurault, puis Pierre Grenand, avaient déjà défriché ce terrain. Éric Gassies et Sandra Kayamaré proposent une nouvelle approche, plus orientée vers l’archéologie, sur la cartographie ancienne de Guyane française. Ils tentent de comprendre comment étaient élaborées ces cartes et les contraintes, les objectifs ou les choix des géographes. Cette approche raisonnée permet de mieux interpréter et utiliser ces archives à des fins archéologiques. Durant l’ACR, Florence Cerbaï avait déjà effectué en 2004 un travail préliminaire sur la côte occidentale de Guyane française dans

le cadre de sa maîtrise. Éric Gassies et Sandra Kayamaré élargissent l’analyse de façon notable. La Guyane bénéficie de fonds cartographiques anciens nombreux et divers. Le propos des auteurs vise à présenter quelques exemples de sources iconographiques anciennes qui ont un intérêt archéologique et à souligner les types d’information qu’elles peuvent apporter dans ce domaine. Ils démontrent que l’utilisation des données issues de la cartographie ancienne passe par leur étude critique et que, derrière une présentation cartographique apparemment simple à interpréter, se cache souvent une réalité beaucoup plus complexe. Cela les amène également en conclusion à discuter de quelques aspects concernant l’espace territorial dans lequel évoluaient les populations amérindiennes anciennes. En effet, il est tentant pour l’archéologue de Guyane d’utiliser les cartes anciennes pour repérer des sites archéologiques, mais ce dépouillement nécessite des précautions car elles peuvent être faussées par leurs concepteurs mêmes pour de multiples raisons, politiques, religieuses, économiques ou autres. Les auteurs ont passé plusieurs années à étudier des cartes anciennes, couplant ce travail à des prospections archéologiques sur le terrain. Si certains toponymes peuvent révéler la présence d’un site archéologique parfois très ancien, ils montrent qu’il y a rarement une correspondance précise entre les données cartographiques anciennes et la réalité archéologique. Stéphen Rostain

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Archéologie et cartographie ancienne Éric Gassies Service Régional d’archéologie, Direction des Affaires Culturelles, Cayenne & Sandra Kayamaré Institut National de Recherches Archéologiques Préventives, Cayenne

France1 d’un grand nombre de documents portugais » (Pastoureau 1995 : 110). Pour le seul territoire national, pas moins de 14 sites principaux, conservant des fonds cartographiques (manuscrits et imprimés) sur le littoral des Guyanes du XVe au XXe siècle2 ont été recensés à ce jour par les Archives départementales de la Guyane. Cette dispersion géographique des sources dans les différents centres de conservation en Amérique et dans toute l’Europe constitue pour les archéologues, et plus généralement pour la communauté de chercheurs qui les étudient, un véritable frein à une vision globale de la documentation disponible, et un obstacle majeur à un travail exhaustif de récolement. Cet état de fait est encore renforcé par l’absence d’inventaire même partiel, général et/ou thématique centré sur cette zone géographique.

Les données cartographiques produites par l’archéologue lorsqu’il étudie un site nous montre que les deux domaines de l’archéologie et de l’étude cartographique, a priori très différents, sont en réalité étroitement liés. Dans les faits, le lien se noue déjà en amont de l’opération de terrain ; les sources cartographiques et iconographiques anciennes sont consultées, dans le cadre d’études préliminaires, de recherches thématiques ou encore de dépouillements documentaires systématiques. Autant de démarches qui alimentent également la base de données de la carte archéologique nationale. En Guyane, les fonds cartographiques anciens sont à la fois nombreux et très diversifiés. Notre propos vise dans un premier temps à présenter quelques exemples de sources cartographiques et iconographiques anciennes qui ont un intérêt archéologique et à souligner les types d’informations qu’elles peuvent apporter dans ce domaine. Nous verrons ensuite que l’utilisation des données issues de la cartographie ancienne passe par leur étude critique et que derrière une représentation apparemment simple à interpréter, se cache souvent une réalité beaucoup plus complexe. Nous essaierons enfin de discuter de quelques aspects concernant l’espace territorial circonscrit dans le cadre de l’ACR et dans lequel évoluaient les populations amérindiennes anciennes. LES SOURCES ICONOGRAPHIQUES La cartographie ancienne de la Guyane : un voyage au long cours La cartographie ancienne de la Guyane représente une somme de documents à la fois conséquente et très dispersée, ceci dès l’origine. Les navigateurs du XVIe siècle « se vendent souvent au plus offrant et livrent sans vergogne aux puissances rivales les résultats de leurs expéditions précédentes. Cela explique la dispersion de leurs cartes, encore aujourd’hui, entre plusieurs pays européens et notamment la présence en

Figure 1 : plan d’une habitation à Kourou tiré d’un registre terrier du XIXe siècle (Déposé aux Archives départementales de la Guyane)

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Figure 2 : « Nieuwe Caerte Guiana » exécutée par Jodocus Hondius en 1598

Le Service Régional de l’Archéologie (SRA) s’est efforcé dans ce contexte et dans le cadre plus général de la mission d’établissement de la carte archéologique qui lui est confiée, de collecter la documentation cartographique disponible – sans moyens spécifiques. Le fonds constitué ne comporte bien évidemment pas d’originaux, il s’agit pour l’essentiel de copies, photocopies ou de photographies (carte de Dessingy de 1770/71 – Service Historique Armée de Terre de Vincennes, par exemple) de documents originaux conservés dans les grands centres spécialisés métropolitains. L’essentiel de l’iconographie illustrant cette contribution est extrait de ce fonds. Il faut souligner ici, s’agissant de fonds d’archives, les difficultés rencontrées localement concernant précisément la conservation de cette documentation. Les conditions climatiques propres à la Guyane constituent un facteur aggravant, conduisant à la dégradation irrémédiable de ce type de documents, dès lors qu’ils ne sont pas déposés dans des lieux spécifiquement équipés pour leur préservation. La figure 1 illustre parfaitement l’état de ces sources lorsque les conditions nécessaires à leur conservation ne sont pas assurées. Il s’agit du plan d’une habitation à Kourou provenant en l’occurrence d’une collection particulière et qui avait été arraché d’un registre terrier du XIXe siècle ; dans ce cas, l’ensemble du registre a été numérisé par le SRA avant son dépôt aux Archives départementales de la Guyane. Une opération de numérisation qui présente le grand intérêt d’offrir

l’accès à l’étude d’un document, tout en préservant l’original d’une consultation publique répétée qui le fragilise à terme. Les cartes de la découverte Bien que les auteurs s’accordent généralement sur la date de la découverte officielle du Brésil, à savoir le 22 avril 1500 par le Portugais Pedro Cabral, quelques témoignages3 donnent à penser qu’à la même époque les marins français et notamment normands, tel le dieppois Jean Cousin4, avaient déjà une bonne connaissance de cette côte. Aucun document cartographique ne vient illustrer la réalité de ces navigations françaises très précoces dans les eaux équatoriales brésiliennes, mais il est vrai qu’il ne s’agit alors que de commercer le bois de braise pour le seul profit de quelques armateurs inspirés : des initiatives commerciales privées qui requièrent avant tout discrétion et confidentialité. Les premières représentations cartographiques de ce qui sera perçu pour longtemps encore comme les « Indes occidentales » seront portugaises et espagnoles5, la cartographie française de l’Amérique n’étant véritablement abondante qu’à partir de 1650. Les « cartes de la découverte » du XVIe siècle n’offrent qu’une représentation approximative du continent car les moyens techniques sont limités et de nombreuses terres restent à découvrir. Elles reflètent également la volonté des différentes puissances de s’approprier au plus vite ces nouveaux territoires6  ; 44

ainsi la nomenclature des cartes varie en fonction de la nationalité des «  découvreurs  » ou de l’influence politique qui pèse sur les ateliers (Pastoureau 1995 : 110). À cette époque, les cartes sont l’objet de reproductions partout en Europe et certaines d’entre elles auront un tel succès, qu’elles vont figer sur plusieurs générations une représentation plus imaginaire que réelle de ces terres nouvelles7. Il faut ajouter à cela la volonté de garder secrètes certaines découvertes, ce qui amène à des déformations ou à des exagérations géographiques volontaires8. On mesure ainsi à quel point une lecture directe et littérale de ces documents est à proscrire. La Nieuwe Caerte Guiana (Fig. 2), exécutée par Jodocus Hondius en 1598 à Amsterdam, d’après le voyage réalisé par Walter Raleigh sur l’Orénoque en 1594-1596 est la traduction cartographique de la « collision des attentes européennes et des sociétés locales » décrite par Emmanuel Lézy qui la considère comme une représentation fidèle de la vision Ralésienne. Avec cette carte, apparaissent pour la première fois les mythes fondateurs de cette Guyane rêvée que sont les Amazones, les Acéphales et surtout la légende d’El Dorado autour du lac Parimé et de la ville de Manoa, dont le moins que l’on puisse dire est qu’elle marquera durablement cette région9. En première analyse, l’intérêt archéologique du document apparaît limité et l’archéologue un peu déconcerté. On relève bien quelques noms de cours d’eaux (Wiapago, Caliane ou Comama) que l’on n’a aucun mal à (re)situer sur les cartes actuelles, mais la localisation d’ethnies comme les Iaos ou les Arwaccas demeure trop imprécise et les commentaires ajoutés

relèvent de la pure fantaisie. Le constat est le même concernant la carte Guiana Siue Amazonum Regio (Fig. 3), réalisée par Henricus Hondius, le fils du précédent, en 1633. L’orthographe des toponymes varie sensiblement, souvent très proche de la forme que l’on retrouve aujourd’hui ; on relève ainsi parmi d’autres : Wiapoca (Oyapock), Wanary (Ouanary), Aperwacque (Approuague), Macaria (Macouria), Cajani (Cayenne), Sinamary ou encore Cunamama. Les « cartes de la découverte », reproduites encore largement aux XVIIe et XVIIIe siècles (Fig. 4), paraissent n’apporter que des informations relevant du seul domaine de l’onomastique, ce qui tendrait à valider notre première analyse. Toutefois, à la lecture d’un article récent (Lézy 2004 : 52-60), il s’avère que ce constat serait peut-être à nuancer. Parmi tous les éléments cartographiques qui paraissaient n’appartenir jusqu’alors qu’à la seule mythologie, la légende d’El Dorado pourrait bien resurgir. L’article rend compte des travaux réalisés depuis une trentaine d’années par un explorateur opiniâtre, Roland Stevenson, dans la zone de savanes du Roraïma brésilien et plus précisément autour de la rivière Uraricoera qui enserre une terre de 100 000 ha, l’île de Maracá10. Stevenson, qui a publié ses recherches en 1994, «  émet l’hypothèse que la ville de Manoa, sise au bord d’un lac Toponowini ou Parimé, travaillant l’or et les pierres précieuses en liaison économique et politique avec l’empire Inca n’appartient peut-être pas à la légende mais à l’histoire » (Lézy 2004 : 53). La découverte d’un sentier inca aligné sur l’Équateur qui

Figure 3 : « Guiana Siue Amazonum Regio » réalisée par Henricus Hondius en 1633 (cartothèque IGN)

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Figure 4 : « Guajana ou le Pays des Amazones dans la partie méridionale de l’Amérique, suivant les Mémoires de ceux qui en ont fait la découverte, et rectifié sur les observations des voyageurs modernes, et tout récemment donné au Public par pierre Vander AA, à Amsterdam chez J. Covens et C. Mortier »

mène jusqu’au bord des savanes du Roraïma, l’origine lacustre des savanes qui composent cette région et la présence de tumuli contenant des sépultures sur l’île de Maracá, sont autant d’indices qui, mis en relation les uns avec les autres, valideraient l’hypothèse de Stevenson. L’affaire est à suivre puisque selon l’auteur de l’article, cette thèse n’a encore soulevé aucun débat au sein de la communauté scientifique concernée ni même été évoquée dans les récentes publications sur cette partie de l’Amazonie.

de cette volonté partagée sera la création, au cours du XVIIe siècle, des colonies anglaises, hollandaises et françaises sur le littoral du plateau des Guyanes. La conquête de l’intérieur des terres n’interviendra que bien plus tardivement. Dès lors, plus que jamais, la carte en tant que preuve nécessaire pour exercer son droit de propriété, devient un préalable indispensable à la colonisation. L’autorité royale a besoin de repères dans cet immense espace continental, difficile à appréhender en raison de son couvert forestier et de ses mangroves qui ne se laissent pas aisément aborder. L’arrivée sur les rives du Nouveau Monde se fait par la mer et les premiers documents sont des cartes de navigateurs à l’usage des pilotes, capitaines et autres officiers de marine. Elles sont orientées au Sud avec l’océan en bas et la terre en haut de la carte, conformes en cela à ce que découvraient les marins lorsqu’ils apercevaient la terre. Les informations concernent alors essentiellement la bathymétrie et les lieux de mouillage ainsi que toutes les indications destinées à faciliter l’approche du littoral et le cabotage. Après 1670, lorsque la colonie française est stabilisée et que le contrôle du pouvoir royal commence à s’exercer, la perception du territoire s’affine et les mentions portées sur les cartes se font plus précises. La carte de Pierre Du Val de 1677 (Fig. 5) mentionne comme les précédentes le nom des fleuves et de certaines criques, mais son intérêt réside surtout dans la répartition géographique de groupes amérindiens distincts qu’elle laisse entrevoir. Ainsi

Quoi qu’il en soit, on retiendra qu’il est indispensable de conserver un regard neuf sur ces premières cartes de l’Amérique, témoignages directs ou recomposés dans les ateliers européens, de la « découverte » d’un continent où la frontière entre légende et expérience vécue, mythe et réalité reste décidément particulièrement délicate à tracer. Les cartes de la colonisation Les cartes générales Les techniques de cartographie connaissent un véritable essor entre le XVIe et le XVIIIe siècle. Les innovations se poursuivent au siècle suivant, durant lequel se met progressivement en place un standard de précision cartographique équivalent à celui de nos documents actuels. Dans le même temps, chacune des grandes puissances européennes veut affirmer son pouvoir sur des territoires aux frontières difficilement perceptibles et sans cesse mouvantes. L’aboutissement

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les Yaos occupent le bassin du Viapoco (Oyapock), les Palicours se trouvent au-delà du Cassipoure à l’est dans l’actuel état d’Amapa, les Galibis se répartissent près de la rivière Cayene, les Sapayes et les Paragotes à l’extrémité ouest vers Mana/Iracoubo, tandis que les Toneyens sont approximativement situés sur la haute Comté. L’auteur précise que les Nolaques (Nouragues) (qui occupent le bassin versant de l’Approuague) « portent des plaques d’or à leurs oreilles » et que l’on trouve des « carrières de pierres semblables aux rubis  » dans la région du haut Oyapock. En revanche, les commentaires sur l’installation des colons européens sont quasi-inexistants, à l’exception de la mention d’une occupation française près de la Montagne d’Argent, hollandaise sur le bas Approuague ainsi que celle d’un « fort des françois » à l’embouchure de la Coonama (Counamama). Cette carte de Du Val qui prête une attention particulière à la présence des populations amérindiennes fait un peu figure d’exception. L’intérêt des cartographes vis à vis des groupes amérindiens apparaîtra de plus en plus ténu sur les documents, pour n’être plus qu’anecdotique dans le courant du XVIIIe siècle11. Les rares mentions ne concernent plus des ethnies ou des villages mais de simples carbets isolés. En cela, les cartes traduisent une réalité dont les causes sont multiples. La première et la plus importante est le choc microbien, qui a décimé les populations amérindiennes dans des proportions très importantes, de l’ordre de 80 à 90 % en un siècle12. Confrontés à des germes pathogènes tels que la variole, la rougeole, le paludisme et les parasites intestinaux, certains groupes amérindiens ont rapidement et complètement disparu, laissant totalement vides de vastes portions de territoire. D’autre part, les

Amérindiens qui ont survécu aux épidémies auront tendance à s’enfoncer vers l’intérieur du pays au fur et mesure de l’extension des établissements des colons. (Polderman 2004  : 166). Enfin, la création dans les années 1710 des différentes missions jésuites (Camopi, Kourou, Sinnamary) va provoquer le regroupement d’une grande partie de la population amérindienne dans ces différents centres religieux. In fine, l’image que nous renvoient ces cartes du XVIIIe siècle où le monde amérindien a quasiment disparu et dont la mention lorsqu’elle existe relève de l’anecdote, consacre certes une vision de l’administration coloniale royale qui s’est définitivement approprié le territoire et qui veut en tirer profit, mais souligne aussi par défaut, la chute démographique sans précédent ainsi que la déstructuration des nations amérindiennes. Désormais, les cartographes envoyés par le roi sur le terrain ont pour mission de recenser les hommes et les richesses de la colonie et de réaliser ce que l’on peut appeler les cartes de la colonisation, à savoir des documents cartographiques à vocation fiscale. On dresse également durant cette période quelques cartes de l’intérieur du pays, généralement limitées au cours des principaux fleuves, afin comme l’écrit Decoudras (1977 : pl. 18) de « combler l’étrange vide, souvent laissé en blanc, par le tracé de rares itinéraires terrestres très approximatifs, dus à des explorateurs ou missionnaires (…) ». Mais les préoccupations de l’Administration coloniale sont ailleurs et, dès 1717, la carte de Lombard ne vise qu’à établir le positionnement général des habitations coloniales (Fig. 6). Fait significatif, la présence amérindienne est mentionnée à deux reprises, mais elle est localisée aux extrémités Nord-ouest et Sud de la carte, c’est-à-dire rejetée aux confins de l’espace réellement occupé par les colons :

Figure 5 : « Coste de Guayane, autrement France Equinoxiale. Avec plan de l’Isle Cayene en vignette. […] autrement France Equinoctiale en la terre Ferme d’Amérique. Suivant les dernières Relations. Par P. Du Val Géographe du Roi » (…) Carte de Pierre du val, 1677

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des particularités du littoral guyanais est sa formidable dynamique littorale due au courant amazonien qui entraîne des variations considérables du linéament côtier et qui ont marqué les esprits des navigateurs et des premiers colons. Plus d’un siècle après l’installation définitive des Français sur le territoire guyanais, l’ingénieur cartographe Dessingy (cf. infra) sera à son tour impressionné par ces mouvements de côte, au point de faire figurer un cartouche « d’Avertissements » sur sa carte topographique de l’Ile de Cayenne14 indiquant que : « En 1765, l’embouchure de la rivière de Macourïa étoit en C [point de localisation] ; mais depuis cetems les dépots de vaze que la mer a formée sur toute cette Côte en ont altéré la figure et l’ont portée plus au large. Ces Dépôts S’accroissent tous les jours et les Palétuviers ou mangles qui y croissent et qui sont quelques fois emportés par la mere [sic] Changent continuellement la figure de cette côte : Il y a d’anciens habitans dans la Colonie qui les ont vus entièrement détruits et reproduits de nouveau (…) ». De fait, il est n’est pas rare de vérifier, par simple comparaison avec les cartes actuelles, que la ligne côtière qui correspond à l’occupation des colons aux XVIIe-XVIIIe siècles, est aujourd’hui sinon noyée dans l’océan Atlantique, en tous cas recouverte le plus souvent par la vase de la mangrove intertidale.

Figure 6 : « Cayenne représenté exactement dans touttes ses Rivieres criq & Habitations avec ses dehors » par le R.P. Lombard, 1717 (C.A.O.M. DFC Guyane, portefeuille 21 C, n°1)

les Galibis et les Arouas à la mission de Kourou et les Noragues en rive gauche de la Comté au sud de Roura. La figure 7 correspond à l’extrait d’un document anonyme (1764 ?) comportant la légende : « Table des habitations situées entre la rivière de Sinnamary et celle de Hiracoubo ». Il s’agit là encore d’un recensement sommaire d’habitations qui nous confirme néanmoins que les occupations amérindiennes13 sont plus nombreuses en périphérie de l’espace colonisé. La rive droite de la Corossoni (aujourd’hui la crique Canceler) semble marquer à cette époque la limite d’expansion des occupations française vers l’Ouest. On note également sur le document qu’elles sont situées pour la plupart à proximité du rivage. Les tentatives de repositionnement de ces habitations sur une carte actuelle à partir de leur localisation sur la carte ancienne restent très aléatoires et peu fiables. Une

Dans le domaine de l’archéologie, l’utilisation des informations que l’on peut tirer de cette documentation apparaît donc relativement limitée. Cela est d’autant plus vrai que le simple repositionnement de sites amérindiens anciens sur les fonds de cartes actuelles se heurte à des difficultés liées à la précision toute relative de nombre de cartes anciennes. Bien qu’en l’absence d’inventaire exhaustif on ne puisse présumer l’existence de documents anciens encore inexploités et susceptibles d’apporter des informations plus précises sur des sites amérindiens inconnus. En l’état, seuls les écrits des chroniqueurs nous apportent des données spécifiques sur la répartition de ces populations et sont à même de nous relater leur quotidien, leurs rites ou encore leurs croyances.

Figure 7 : « Table des habitations situées entre la rivière de Sinnamary et celle de Hiracoubo » Anonyme, fragment (vers 1764 ?)

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prospections à chacune des habitations, et retrouver l’une des bornes en pierre que l’arpenteur royal Molinié, auteur du relevé, avait fait graver d’une fleur de lys, à proximité d’un site de pétroglyphes. Le document suivant, dessiné à l’encre et rehaussé au lavis, représente le plan d’une habitation avec les différentes structures qui la composent, à savoir, les bâtiments industriels, les cases à esclaves, le secteur résidentiel avec le jardin, les voies d’accès et de circulation. Mais ce qui frappe dans cette représentation c’est la place accordée à l’environnement de la propriété, décrit de manière très détaillée. L’habitation, minuscule quadrilatère qualifié «  d’Etablissement nouveau », avec au sud ses « cazes à Nègres », est reléguée dans le bas du dessin, tandis que le jardin, bien ordonné, attire le regard ; ce que l’on cherche à montrer ici, c’est bien le paysage qui offre un mélange d’espaces naturels et anthropiques. L’auteur nous donne force détails : un « vieux habati fait par les nègres de monsieur Metterau » et un « habaty en magnoc » sont entourés de « bois debout » et d’une « savanne noyée », par définition impropre à la culture, la roucourie est située à proximité immédiate de la parcelle qui produit la plante, enfin à l’Est d’un autre « habaty » que l’on se prépare à planter, se trouve le « dégra »15 indispensable au transport rapide de la production vers le port de Cayenne et à destination de l’Europe. Nous avons Figure 8 : « Plan du partage de la montagne anglaise (…) de 1745 » registre terrier 1740-45 (Archives départementales de la Guyane)

Les cartes détaillées Le constat est très différent en ce qui concerne une partie des données cartographiques coloniales. Les Archives départementales de la Guyane conservent un fonds documentaire constitué de plusieurs volumes de registres terriers (à partir de 1740), composés d’actes de ventes de terrains et d’habitations de la colonie. Dans de nombreux cas, les actes sont accompagnés dans le texte de relevés topographiques signalant les limites de propriétés et de plans des habitations concernées. Les limites de terrains pouvant être objets de litige, les relevés sont particulièrement précis. En outre, le souci du détail qui les caractérise rend ces documents exceptionnels qui nous montrent en outre l’organisation des habitations du XVIIIe siècle dans toute leur complexité. Les deux exemples choisis (Fig. 8 et 9), le « Plan du partage de la montagne anglaise (…) » et le « Plan Despats » illustrent parfaitement les caractéristiques que nous avons évoquées. Le premier date de 1745 et comme son titre l’indique, il est réalisé pour fixer les limites de terrains entre cinq propriétaires sur l’ancienne paroisse de Roura. Grâce à ce document cartographique, les archéologues ont pu distinguer et rattacher les vestiges découverts lors de leurs

Figure 9 : « Plan de l’habitation Despats », registre terrier 1740-45 (Archives départementales de la Guyane)

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Figure 10 : « Croquis de la région habitée du fleuve Oyapock » par J.-C. Dessingy, vers 1765

là un exemple qui pourrait presque servir de socle à une étude de paléo-paysages. Les plans des registres terriers se révèlent ainsi des documents souvent riches d’informations diverses intéressant l’historien autant que l’archéologue. Le « Croquis de la région d’Oyapock » (Fig. 10) est réalisé vers 1765 par le plus habile et le plus brillant des ingénieurs géographes du Roi qui soit jamais intervenu en Guyane, Joseph Charles Dessingy. Il est l’auteur, autour des années 1770, de nombreuses cartes du littoral (Île de Cayenne, région de Mana/Iracoubo…) et de l’intérieur (Oyapock, Roura…). Les progrès techniques dont il bénéficie et sa rigueur dans le travail de relevé lui ont permis de réaliser des documents cartographiques qui sont des modèles du genre et une véritable bénédiction pour les archéologues. En effet, l’exactitude de ses cartes facilite les superpositions avec les fonds de cartes actuelles, effectuées à l’aide de l’outil informatique, et donc les reports de localisation de sites (cf. infra). Par exemple, lorsqu’il lève le plan de recensement des habitations de l’Ile de Cayenne qu’il dresse en 1770-71, il s’applique à représenter formellement tous les bâtiments composant les habitations et les localise très exactement. Les détails de l’habitation La Gaité ou encore le tracé du cours du fleuve sont d’une grande précision et les indications de sites portées sur le croquis ont été confortées par les prospections archéologiques effectuées le long de l’Oyapock en 1995. On note que les deux rives du fleuve sont occupées par de nombreuses habitations de colons français. L’affaire du Contesté franco-brésilien, dont l’origine remonte au XVIIe siècle ne trouvera son épilogue qu’en 1900 suite à la sentence d’arbitrage du Conseil fédéral suisse : à l’époque du croquis, la rive droite est donc toujours

aux mains des Français16. La présence des Amérindiens n’apparaît pas sur le croquis de Dessingy, à l’exception d’un ou deux carbets d’indien, en amont du bourg de Saint-Georges. Il faut croire que la pression foncière exercée par les colons a eu pour conséquence de vider le bas Oyapock de ses groupes autochtones, même si l’on peut penser que, compte tenu des conflits avec les Portugais, les Missions jésuites de l’Oyapock ont également pu jouer un rôle non négligeable et réunir autour d’elles une partie importante des populations amérindiennes de la région. Nous verrons cependant plus loin qu’il convient de nuancer quelque peu la « disparition » apparente sur les cartes du XVIIIe siècle des groupes autochtones de cette région du bas Oyapock. Les cartes de la mémoire  Entre curiosité et anecdote Nous avons dit que la raison essentielle qui présidait à l’établissement de cartes de la Guyane aux XVIIIe et XIXe siècles était d’établir un recensement des colons et de leurs richesses, c’est-à-dire d’inventorier les bâtiments de chacune des habitations ainsi que les biens meubles qui comprenaient les esclaves, considérés comme tels. Ces cartes de recensement sont couramment utilisées dans le cadre d’études historiques, car elles sont généralement accompagnées de tableaux descriptifs, détaillant le nom des habitations (souvent celui du propriétaire), la superficie, le type de production, les biens meubles, et le nombre de bêtes d’élevage. En revanche, à partir de cette même documentation, l’archéologue doit bien souvent se contenter de repositionner des sites dans le paysage actuel17. 50

Mais dans le cadre d’une étude préalable à une intervention archéologique, tous les évènements susceptibles d’avoir eu un impact sur le sous-sol, présentent un intérêt. Sans vouloir préjuger des vestiges qui seront mis au jour, l’étude documentaire permet d’anticiper des bouleversements stratigraphiques qui, si l’on n’a pas été chercher l’information en amont, peuvent se révéler longs et complexes à identifier sur le terrain. L’intitulé du « Plan des Iles au Diable nommées actuellement Iles du Salut », levé probablement en 1764 (Fig. 11), souligne le changement de perception de ces îles par les colons après le désastre de l’expédition de Kourou de 176318. On observe que l’île Royale est ici dénommée Marchande ou SaintJoseph et l’île Saint-Joseph, Royale, et que les deux îles ont accueilli un campement de réfugiés, dans la partie centrale pour la première et sur la pointe Isabelle pour la seconde. La dangerosité de leurs eaux pour la navigation, connue dès le XVIIe siècle, est rappelée par une série d’indications et de recommandations (bathymétrie, zones de mouillage, présence de récifs, passages dangereux…). L’élément le plus étonnant de cette carte est la représentation d’une sorte de canal qui sépare en deux l’actuelle île Royale et qui figure sur d’autres cartes de la même époque19. Les travaux de terrassement et de construction engagés aux XIXe et XXe siècles durant le fonctionnement du bagne, ont si profondément bouleversé la physionomie des Iles du Salut, qu’aucun niveau archéologique en place, antérieur à cette période, n’a pu être mis en évidence à ce jour. Les vestiges matériels amérindiens qui ont été découverts sont situés dans des zones de déblais et de nombreux polissoirs ont été découpés et réutilisés comme pierre d’emmarchement. Le canal qui semblait un élément du paysage suffisamment marquant pour être représenté sur les cartes, a aujourd’hui disparu sous les remblais, s’il a jamais existé. L’image de l’archipel que donne à voir ce document correspond à une réalité topographique qui n’est plus perceptible : seule une opération archéologique dans le secteur concerné, permettrait de lever le doute sur le canal de l’île Royale.

géographes de la place. Nous ne tenterons pas ici de discuter de l’intérêt pour une nation d’envoyer un de ses ressortissants cartographier un pays étranger et particulièrement son dispositif défensif, notamment lorsqu’il s’agit d’un état voisin ! Il reste que dans bien des cas, les géographes étrangers portent un regard sur le territoire guyanais très différent de celui de leurs homologues, probablement parce qu’ils sont affranchis de la contrainte d’une production cartographique à caractère fiscal. La carte côtière des Guyanes française et hollandaise de Cayenne à Paramaribo de 1782 ou » Generale Kaart van een Gedeelte van de Kuste van’t Land van Guiana in Suidamerica » (Fig. 12) est l’œuvre du géographe hollandais Wollant, qui précise avoir bénéficié d’informations de la part d’ingénieurs français de Cayenne. Agrémentée de plusieurs vignettes précisant le plan de certains forts20 et villes du Suriname ou de la Guyane, la carte d’I.F.F. Wollant diffère sensiblement des représentations françaises. Tout d’abord parce qu’elle nous permet d’embrasser d’un seul regard l’ensemble du parcours qui l’a mené, à cheval, en canot ou à pied, de Paramaribo à l’île de Cayenne. Le chemin, tracé sur le premier cordon sableux21, qui menait de Cayenne à Iracoubo est mis en évidence et le géographe nous précise que la limite d’extension des habitations coloniales vers l’Ouest se situe un peu avant la rivière Iracoubo. Cette dernière information venant confirmer ce que nous avions déjà noté (cf. Fig. 7). D’autre part le document accorde toute son

Les fonds cartographiques anciens concernant la Guyane sont très dispersés et la pratique de la reproduction a renforcé leur diffusion dans le monde. Parmi les documents conservés à l’étranger, certains ne présentent qu’un intérêt relatif car il s’agit de copies quasi conformes qui apportent très peu d’informations supplémentaires par rapport à l’original. C’est le cas, par exemple de « The Island and Colony of Cayenne », carte anglaise de Thomas Jefferys en 1760, qui reprend à l’identique la « carte de l’Isle de Caïenne et des rivières voisines » de D’Anville de 1729. En revanche, des représentations cartographiques originales ont été réalisées par des géographes étrangers au cours de leurs voyages, aidés parfois par les ingénieurs-

Figure 11 : « Plan des Iles au Diable nommées actuellement Iles du Salut » par Duler en 1764 (CAOM – DFC Guyane, portefeuille 21C, n° 134)

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Figure 12 : « Generale Kaart van Een Gedeelte van de Kuste van’t Land van Guina in Suidamerica » par I. F. F. Wollant (cartothèque IGN)

importance, non seulement au dessin du trait de côte, aux bancs de vase littoraux ainsi qu’aux rochers affleurant (battures), mais également aux écosystèmes littoraux que représentent les savanes, les mangroves et les cordons dunaires. Les commentaires portés sur le document comportent également des éléments d’informations inédits22. L’une des vignettes nous indique la présence de deux villages indiens, le premier, du côté Ouest, est qualifié de « grand village », et le deuxième, situé à l’Est en rive droite de l’embouchure de l’Iracoubo, correspond à un « nouveau village de quatre feux en bordure de l’Iracoubo ». Ces villages sont reliés par un chemin indien qui se poursuit dans les deux directions opposées, Sinnamary et Organabo. Un détail particulièrement intéressant est la présence de « parcs à tortues » installés sur le rivage et figurés par des polygones, apparemment disproportionnés par rapport aux carbets du village. Qu’en est-il exactement de ces parcs ? S’agit-il de réserves alimentaires (viande et œufs) ? D’élevage ? Au Brésil, l’étude menée en 1991 par l’équipe ORSTOM (aujourd’hui IRD) de Manaus sur la varzea23 de l’Ile de Careiro, située à la confluence de l’Amazone et du Rio Negro, nous apprend que le « parcage » de tortues (Podocnemis expansa) est attesté dans cette zone durant les XVIIIe et XIXe siècles. Il est pratiqué par une ethnie de pêcheurs nomades, les Mura, dont l’emprise va progressivement s’étendre à partir de 1730 sur les deux rives de l’Amazone. La capture et le parcage dans des bassins leur permettent alors d’avoir à disposition une réserve de viande qui leur servait notamment à alimenter en protéines les missions religieuses (Bahri et al. 1991 : 114)24. En Guyane en revanche, il n’existe pas à notre connaissance de témoignages directs de pratiques de ce genre25. Philippe Rivalan (2004) montre à travers

le dépouillement des ouvrages de chroniqueurs qui débute sa thèse, combien il reste difficile de déterminer avec certitude quelles espèces de tortues pouvaient être capturées à l’époque sur les côtes guyanaises. L’emploi indistinct de termes vernaculaires tels que « Caret, Caoüanne, Franche » ou encore « Tortillone » que l’on trouve chez Biet (1664), Goupy des Marets (1675) et Barrère (1741 et 1743)26 ne facilitant pas la tache de l’écologue. Il apparaît néanmoins que les tortues marines sont très recherchées, pour consommer leur chair naturellement, mais également parce que : «  ce poisson rend ancore beaucoup d’huille, se quy est d’un grand secour pour les petits habitans quy s’en servent pour leur sausses et pour leur lampes27 ». Par ailleurs une indication relevée dans l’ouvrage de Pierre Barrère, « Nouvelle Relation de la France Equinoxiale », corrobore les informations de l’étude de l’île de Careiro à Manaus citée plus haut concernant la pratique du parcage, mais localisée dans ce cas autour de l’estuaire de l’Amazone : « Les Sauvages ont le secret de conserver toujours ces dernières [tortues] aussi grasses que si elles venoient d’être prises. Ils dressent pour cela dans une savanne noyée, une palissade, qu’ils garnissent de beaucoup de pieux fichés en terre. Ils mettent dans cette espèce de réservoir les Tortües, à proportion qu’ils les prennent. L’espèce ordinairement qu’ils mettent en garde, est une Tortüe grande de deux pieds, dont la chair est fort délicate. Les François l’appellent Tortüe-Amazone, parce qu’elle se trouve plus communément vers ce fleuve, & que les Indiens de ces quartiers-là viennent les traiter tous les ans aux habitans de Cayenne » (Barrère 1743). Il précise dans son Essai que cette pratique est localisée dans la région de l’estuaire amazonien : « Tortüe amazone. Les Sauvages qui habitent le long de l’embouchure du

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Fleuve des Amazones, prennent ces Tortües dans des savannes ou prairies marécageuses, ils les enferment ensuite dans un parc clos de pieux, dont ils en font un commerce lorsqu’iles en ont quantité » (Barrère 1741). On peut raisonnablement penser que les «  parcs à tortues  » dessinés par Wollant en 1782 procèdent de la même volonté de constituer des réserves destinées au commerce ou à l’échange. Que les chroniqueurs guyanais n’en fassent pas état précisément sur le territoire ne doit pas surprendre outre mesure  ; l’Ouest guyanais du XVIIIe siècle au delà de la crique Corossoni/Canceler (voir supra) demeure un « Pays Indien » où les échanges avec les habitants du Sinnamary ou d’ailleurs sont pratique courante mais que les voyageurs fréquentent peu.

représentation des chemins empruntés par Préfontaine et ses suivants indiquent un marronnage qui s’opère alors en direction sud d’une ligne Macouria-Roura  ; le recensement des catégories d’habitations montre également un net recul des sucreries, synonymes d’investissements lourds et d’une main d’œuvre abondante (8 seulement) tandis que les cultures bien adaptées au pays semblent avoir la préférence des habitants avec 24 cacaoteries, 66 cottonneries et 64 rocouries pour seulement 16 caffetteries. Toutes ces indications interpellent l’historien autant que l’archéologue mais l’intérêt du document réside ailleurs. La carte embrasse un immense espace qui s’étend du Cap Nord à l’est (dans l’actuel Etat brésilien de l’Amapa) à l’embouchure du Maroni à l’ouest qui n’est que très peu investi par les Européens. Les chevauchées et autres courses poursuites de Préfontaine et sa soldatesque ne doivent pas faire illusion ; seules les zones basses des fleuves (de l’Approuague au Sinnamary) et la bande côtière vers l’ouest de l’île de Cayenne sont réellement occupées : à la marge, la Terre Ferme reste une terra incognita. Ce qui distingue ce document, c’est que le géographe n’a pas ressenti le besoin de figurer les reliefs imaginaires qui viennent combler les vides de manière quasi systématique sur les représentations cartographiques des siècles précédents. Ici l’orographie a perdu son caractère décoratif au profit de son rôle de marqueur d’un paysage que l’on cherche à tout prix à connaître et reconnaître (au passage, une nécessité vitale pour les chasseurs d’esclaves fugitifs !) ; ainsi nous signale t’on en rive droite de la rivière de Macouria un « morne Prefont

La préparation de l’expédition de Kourou de 1763 (voir supra) donne lieu à la réalisation de plusieurs cartes « dont le soin contraste amèrement avec l’imprévision criante du reste de l’aventure » (Lézy 2000 : 206). C’est le cas notamment de la « Carte géographique de l’Isle de Cayenne et de ses environs (…) » réalisée par Buache qui comprend les observations de M. de Préfontaine (Fig. 13) et dont la légende nous précise que l’on a pris soin de désigner : « (…) sur cette carte toutes les habitations de cette colonnie. La nature de leurs Plantations le Nombre de leurs Esclaves, la Route que tint le Sr de Préfontaine pour découvrir dans les Bois les Négres Marons fugitifs en 1747 à la tête de 50 hommes dont il ne revint que 23 et celle qu’ont tenue après luy d’autres officiers envoyés pour achever de détruire ces nègres dispersés ». De fait, la

Figure 13 : « Carte géographique de l’isle de Cayenne et ses environs. Septembre 1762. Dressée sur les observations estimées et les remarques de M. de Préfontaine, Capitaine d’infanterie. Par Louis Charles Buache (…). Présentée à Monseigneur le Duc de Choiseul » (Bibliothèque nationale)

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qui sert de vigie aux navires » (aujourd’hui Morne de Macouria). On notera également la représentation d’un «  chemin de Roura à Oyapok tracé par le chevalier de Villers » dont le tracé pourrait ne pas être très éloigné de celui de l’actuelle et récente RN228. À l’est du territoire représenté, la carte de Buache intègre les données du « Dénombrement général des Indiens qui habitent la rivière d’Oyapok et de Conany fait par le Sr de préfontaine en 174929 » ; une attention portée aux populations autochtones qui fait figure d’exception pour la cartographie de la deuxième moitié du XVIIIe siècle car si les recensements étaient déjà ou continuent d’être réalisés, par exemple celui de Lefebvre d’Albon en 1729 ou de Lescallier en 1787 également sur les Indiens de l’Oyapock30, ils font rarement l’objet d’un report graphique. Nous ne reviendrons pas sur les questions concernant la démographie ainsi que la détermination et les migrations des différents groupes ou ethnies (re)constitués que l’on observe sur la carte (Maille, Palicour, Maraones, Macourioux, etc…) et qui ont été étudiés par Pierre Grenand dans le chapitre II de son mémoire de 1971 (Grenand 1971 : 39-86). On observe néanmoins un hiatus dans la répartition de ces groupes le long de l’Oyapock entre le fort éponyme (dont on nous précise qu’il a été rétabli par Préfontaine en 1749) et le Saut Maripa au nord de la crique Gabaret, dans une zone où les habitations des Français sont nombreuses des deux côtés du fleuve (voir supra Fig. 10). En revanche, comme nous l’avons dit plus haut, la présence des Missions jésuites de Saint-Paul (fondée en 1733) et de Notre Dame de Sainte Foy (1738) installées en amont sur le fleuve, respectivement rive droite et gauche, n’est peut être pas tout à fait étrangère à la densité – relative – de groupes amérindiens le long de cette partie de l’Oyapock. Bien qu’il semble que les Missionnaires aient eu à « gérer » une situation qu’ils n’ont pas créée et à faire face, « non à un peuple uni, mais à un grand nombre de tribus dont on peut supposer qu’elles n’appartenaient pas à une même culture. L’action même des Missions fut précédée par un mouvement migratoire en direction de la côte et des produits européens, mouvement accentué par la politique esclavagiste du Portugal au Brésil » (Grenand 1971 : 89-90). La carte est d’ailleurs très explicite sur ce dernier point qui mentionne à plusieurs reprises les noms de Capitaines Indiens ou de groupes « fugitifs de Portuguais (sic) ». Enfin, une dernière remarque sur cette carte qui concerne le regard nécessairement critique qu’il convient de porter sur ce type de document, quel que soit l’intérêt historique qu’il peut présenter par ailleurs. On voit que la grande majorité des habitations est implantée dans et autour de l’Ile de Cayenne et plus généralement dans ce que l’on appelle aujourd’hui le « Centre Littoral » qui s’étend de Roura à Kourou. La densité des occupations européennes va en diminuant très fortement jusqu’à Kourou qui semble marquer la fin des implantations coloniales. Au-delà vers l’ouest, les

Missions de Kourou et Sinnamary regroupent encore quelques familles d’Indiens (à peine cent cinquante individus au total), mais ils sont totalement absents passé la rivière de Sinnamary. Le relevé de cet espace, totalement vierge d’implantation humaine, qui s’étend de la rive gauche de la Sinnamary jusqu’au Maroni est en outre particulièrement mal réalisé et les distances parfaitement erronées. Les rivières de la Counamama, l’Iracoubo et la Mana sont à peine signalées  ; c’est tout juste si l’on ose représenter un « fort hollandois » à l’embouchure du Maroni sur la rive surinamaise et l’on s’empresse d’ajouter qu’il ne contient qu’un sergent et quelques hommes. En revanche, de l’autre côté du fleuve, les prétentions françaises sont d’un autre ordre  ; le projet envisagé puisqu’il s’agit bien du futur projet de colonisation de 1763 – en tous cas d’une de ses versions – est plus qu’ambitieux et nous montre le découpage en lanières le long du Maroni de parcelles de « 300 pas de face sur la rivière chacune » sur lesquelles seront implantées les futures habitations. La constitution d’une paroisse avec son lieu de culte est déjà figurée ainsi que la construction d’un fort « à la Vauban », à qui l’on a donné, fort à propos, le nom de Choiseul et dont les dimensions écrasantes sur la carte relègue le malheureux « fort hollandois » au rang de simple carbet mal entretenu et très certainement insalubre31. La réalité du terrain est tout autre et nous avons vu plus haut (Fig. 7) que les Européens avaient implanté des habitations jusqu’à la crique Corossoni (Canceler) et que de nombreux villages amérindiens étaient recensés entre cette dernière et le Maroni. Nous trouvons là l’exemple parfait d’une falsification cartographique orientée dans le sens de la politique de colonisation voulue par Choiseul. De la carte au terrain L’étude des archives iconographiques comprend nécessairement la vérification de la validité des informations archéologiques que l’on peut en tirer. Il s’agit en d’autres termes de passer de la carte au terrain et d’effectuer aussi parfois d’intéressantes découvertes archéologiques. Ce fut le cas en 1990 où, dans la cadre du « Projet Approuague », Stéphen Rostain et Yves Wack ont pu retrouver le long des berges du fleuve des traces d’occupation amérindienne, à l’emplacement de villages mentionnés comme étant encore habités ou récemment abandonnés sur la carte réalisée par Dessingy en 1764 (Rostain 1994a). Les auteurs concluent alors que « les données obtenues lors du Projet Approuague confirment l’hypothèse que l’Approuague fut un axe de pénétration notable du complexe Koriabo vers le littoral de Guyane (…). Les datations tardives et les données ethnohistoriques montrent, en outre, que des groupes amérindiens d’origines linguistiques différentes utilisaient encore de la céramique du complexe Koriabo à l’époque coloniale  » (Rostain 1994 : 64-70). Nous verrons cependant infra que les relations entre sites mentionnés

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Figure 14 : « Plan cadastral de Kourou de 1904 ». À l’extrémité de la propriété de Félicien Duchesne figure la mention : Roches gravées

sur les cartes anciennes et sites mis au jour sur le terrain ne sont pas toujours évidentes à établir. Plus près de nous, en 1992, une équipe de chercheurs a pu retrouver un site à pétroglyphes, à partir d’un des premiers documents cadastraux de la ville de Kourou (Fig. 14) datant de 1904 et où figurait la mention «  Roches gravées » sur une limite de propriété. Ces roches avaient bien été vues en 1955 par Eugène Le Moult qui avait consigné le fait dans son ouvrage32, mais elles étaient depuis retombées dans l’oubli. Le plan du début du siècle est ainsi à l’origine de la redécouverte du site de la Carapa, qui constitue actuellement le plus bel ensemble de pétroglyphes de la Guyane française33. Les archives iconographiques de la deuxième moitié du XIXe ou du début du XXe siècle représentent une partie conséquente des fonds conservés. La découverte de gisements aurifères sur l’Approuague et l’arrivée de l’administration pénitentiaire sur le territoire sont deux évènements d’importance qui vont marquer durablement la Guyane. Ils vont aussi favoriser la production de documents cartographiques : plans de bâtiments des bagnes ou de concessions minières, tracés de voies de communication, voire projets parfois peu raisonnables, et le plus souvent jamais réalisés. L’intérêt pour l’archéologie de ces documents relativement récents, c’est qu’ils sont la mémoire directe, généralement bien documentée, d’une action anthropique qui a affecté le sous-sol en laissant des traces plus ou moins bien conservées. Le « Plan de la route coloniale n°1… » (Fig. 15) de 1873, représente une voie de communication en grande partie disparue aujourd’hui mais dont le tracé s’avère suffisamment précis pour pouvoir être retrouvé et identifié sans grande

difficulté à la fouille. C’est également le cas de nombre de documents, ayant trait à l’attribution de concessions minières mises en exploitation, qui permettent d’anticiper la présence de zones archéologiquement très perturbées. LA CARTOGRAPHIE DU LITTORAL OCCIDENTAL Aux noms des cartes Avant d’aborder plus spécifiquement les questions concernant la cartographie de la zone littorale occidentale correspondant à l’aire géographique étudiée dans le cadre de l’ACR, nous reviendrons brièvement sur quelques remarques et observations relevées dans les études et publications sur l’onomastique en Guyane. Dire que ce domaine particulier intéresse l’archéologie relève du lieu commun : les toponymes par exemple trahissent fréquemment la présence d’un site archéologique parfois très ancien, marquant en cela une forme spécifique de la pérennité du souvenir d’une occupation humaine dans un espace donné. Les informations que contiennent les cartes anciennes de la Guyane n’échappent pas à la règle et ont donc très tôt fait l’objet de toute l’attention des chercheurs, qu’ils soient ethnologues, géographes, historiens ou archéologues. A ceci près que le champ de l’étude ne se limite pas ici aux seuls toponymes, mais qu’il prend en compte les nombreux ethnonymes que recèlent notamment les cartes de la découverte et les récits des chroniqueurs et qu’il aboutit lui-même, par un paradoxal retour des choses, à la production d’une cartographie spécifique.

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Figure 15 : plan de la route coloniale n°1, entre la pointe de Macouria et le pont de (?), 1873 (Archives départementales de la Guyane)

actuels (Kali’ na) qu’à toute espèce d’ennemi, partant, à tout étranger supposé hostile » (Grenand & Grenand 1987 : 8-9). Il est un constat que l’on retrouve chez la plupart des auteurs qui ont étudié l’onomastique de la Guyane, c’est celui du nombre élevé de toponymes et surtout de la prépondérance des toponymes amérindiens37. Concernant le développement de ce thème, nous renverrons aux études et publications de Pierre Grenand (1971), Yves Wack (1991), Olivier Puaux & Michel Philippe (1997), Emmanuel Lézy (2000) ou plus récemment au mémoire de DEA de Florence Cerbaï (2004). Les analyses dont nous disposons à la suite de ces différentes recherches sont diverses et concernent soit un bassin versant de fleuve, soit un espace géographique limité (Cerbaï pour «  l’Ouest Kali’na » de la Guyane), soit la totalité du territoire (Lézy à partir de la carte IGN au 1/500 000e, édition de 1995). Les toponymes du bassin de l’Approuague et des rivières Courouaie, Mataroni et Oyac ont été recensés par Yves Wack. L’auteur s’appuie sur trois cartes du XVIIIe siècle, des documents cartographiques du XXe siècle (géologie, topographie, cadastre) ainsi que sur l’étude des récits des chroniqueurs. Il constate de nombreuses confusions orthographiques ou phonétiques dans les récits et souligne que « Les guides étant des Caribes, c’est leur vocabulaire qui finit par s’imposer  » (Wack 1991  : 64). La même remarque s’applique pour les toponymes de la Sinnamary relevés par Brûletout de Préfontaine en 1763-64 qui « semble accompagné d’informateurs amérindiens galibis » (Puaux & Philippe 1997 : 29). L’utilisation du galibi en tant que linga franca sur la Guyane côtière est attestée très tôt et ce galibi de traite va pénétrer l’hinterland guyanais, embarqué dans les pirogues des explorateurs et missionnaires européens. D’autre part, comme il nous est rappelé que « L’homme, non le lieu, fixe le nom  : dès lors, les noms ont comme lui, mobile et nomade, le même caractère éphémère et révocable » (Wack 1991  : 64). La présence de guides galibis (Kali’na) en charge de nommer les paysages traversés est un facteur important qui a probablement eu pour

C’est le cas du savant Curt Nimuendaju qui réalise en 1944 pour le Museu Nacional du Brésil l’ultime version d’une « Carte Ethno-Historique du Brésil et des régions adjacentes34 » qui couvre une grande partie du continent sud-américain du Venezuela jusqu’à l’Argentine. Il recense à partir d’un important corpus de références bibliographiques (972), environ mille quatre cent groupes indigènes, quarante familles linguistiques, trente trois langues isolées et quelques langues méconnues. Dans le cas des tribus existantes, il distingue les sites actuels des sites abandonnés, mentionne les tribus éteintes, les dates des premières mentions ainsi que les itinéraires de migration. La carte de Nimuendaju (au 1:5 000 000e) compte tenu de l’étendue de l’espace étudié, n’autorise pas vraiment de détails à l’échelle de la Guyane française mais elle témoigne néanmoins d’un travail remarquable qui force encore aujourd’hui l’admiration des géographes de l’Institut brésilien de géographie et de statistiques (IBGE) : « [la carte de Curt] é um mapa de nossa época. Reúne o melhor acervo etno-histórico indispensável e insubstituível para qualquer pesquisa sobre as tribos indígenas da regiāo mapeada35 » (Pinto Barbosa 1987 : 22). Les recherches sur les ethnonymes ainsi que la réalisation de cartes de ce type vont se poursuivre tout au long du XXe siècle et des études plus récentes vont permettre des avancées linguistiques et étymologiques particulièrement intéressantes. Nous prendrons pour exemple un article de Françoise et Pierre Grenand sur le peuplement ancien de l’Amapá dans lequel ils précisent la signification réelle de quelques termes génériques utilisés pour les ethnies de l’Amapá et de la baie d’Oyapock. Ainsi le terme très connu de Karib ne s’applique pas seulement aux Carib côtiers et aux Caraïbes insulaires, mais désigne plus largement, dans un premier temps les Indiens hostiles aux Arawacks, pour finalement qualifier tous les peuples hostiles ou ennemis des Européens dans les récits de chroniqueurs tels que Keymis ou Harcourt36 : « Il apparaît certain qu’à cette époque des premiers contacts, il ne faut donner au mot CHARIB aucune connotation monoethnique, ni surtout monolinguistique, mais qu’au contraire le mot s’applique tout autant aux ancêtres des Carib côtiers 56

conséquence de recouvrir, en tous cas de transformer une nomenclature antérieure et qui doit donc être pris en compte dans toute étude toponymique. La consultation de l’ensemble de la documentation (cartes, plans, récits de voyages) disponible sur le bassin du Sinnamary a permis à Olivier Puaux de recenser 420 toponymes qui ont été analysés avec le souci constant de les confronter aux informations archéologiques issues des prospections de terrain (Puaux & Philippe 1997 : annexe 2, 142-200). Si le résultat est particulièrement probant dans la volonté d’établir une « carte archéologique » complète de la région concernée, on peut regretter que les auteurs n’aient pu ajouter à leur étude une dimension ethnolinguistique qui aurait permis d’aborder la question de la perception de cet espace par les différentes populations qui l’ont occupé. En revanche, cette dernière est largement abordée dans l’analyse des caractères généraux des toponymes amérindiens que propose Emmanuel Lézy (2000 : 235-262) à partir du travail de Pierre Grenand (1971  : I-22-42) sur la toponymie Wayãpi du bassin de l’Oyapock. Il n’est pas question de revenir sur ces travaux très complets et passionnants, néanmoins certaines remarques méritent être soulignés. Les 178 noms recensés par Grenand (sur les 520 km du fleuve Oyapock) peuvent, dès lors qu’ils ont été traduits, être répartis en trois ensembles toponymiques, à savoir les descriptions directes des lieux, les références historiques et les références légendaires (inhérentes dans bien des cas à la migration des Wayãpi, pour les deux dernières). A ce stade, l’analyse des toponymes permet ainsi « d’apprendre beaucoup de l’histoire des migrations et de l’évolution du territoire Wayãpi depuis un siècle et demi. Mais également de proposer quelques réponses aux questions […] à propos de la perception de l’espace des populations amérindiennes forestières » (Lézy 2000 : 243). Pour autant, il convient de préciser qu’il n’y a pas de véritables noms de lieux au sens où on l’entend en Europe mais que la toponymie des bords de l’Oyapock est avant tout, comme l’écrit Grenand (cité par Lézy), « un mémento historique, géographique et botanique de base que tout jeune Wayãpi apprend à travers ses voyages. Il lui fournit les renseignements essentiels sur le passé de son peuple, les particularités de la nature et aussi ses mystères ». L’attribution d’un nom procède ainsi, selon une formule remarquable de concision, « à la fois d’un repère mnémotechnique et d’un alibi pédagogique » (ibid. 2000 : 245). Dans ces conditions, on mesure à quel point le toponyme reste attaché à un groupe ou à une nation ; mais il peut aussi être la traduction d’une perception directe du milieu, affranchi d’une quelconque dimension historique ou mythologique. Dans ce cas, la toponymie peut permettre à l’archéologue d’aborder des questions concernant par exemple les axes de communication ou encore la répartition spatiale de l’habitat. Le principal pôle de communication est bien entendu constitué par le réseau hydrographique guyanais dont

les cours d’eaux offrent un maillage exceptionnel permettant de se déplacer dans quasiment toutes les directions, « car l’on continue de les suivre par les crêtes dominant les vallées lorsque la navigation n’est plus possible » (Grenand 1971 : 14). Pour autant, les chemins de liaisons forestiers, plus que de simples sentiers (appelés ici « layons »), représentent la possibilité d’échanges privilégiés entre les différentes populations amérindiennes. Échanges qui s’opèrent « à travers des relations guerrières mais aussi à travers des réseaux d’échanges commerciaux et d’échanges matrimoniaux. Les relations économiques – qui étaient tout autant l’occasion de réactiver les relations sociales – s’organisaient sur de grandes distances le long de véritables routes commerciales […] » (Collomb & Tiouka 2000 : 37). De fait, la répartition de l’habitat, par exemple chez les Norak (Nouragues) peuplant la haute Comté, tient compte de la nécessité d’occuper et de contrôler les espaces d’échanges incluant les rivières et les sentiers qui les relient38. Dans quelques cas, les données de la cartographie anciennes ou des récits des chroniqueurs ont permis de situer voire de retracer sur les cartes actuelles certains de ces chemins39. Pour autant, il faut garder à l’esprit qu’il s’agit pour la plupart, de sentiers postérieurs à l’arrivée des Européens destinés à faciliter la traite avec ces derniers. Les différentes études de la dénomination de l’espace guyanais, abordées de manière spécifique par les auteurs, rendent compte de la richesse d’informations que ce type de recherches peut apporter. Le travail réalisé par Olivier Puaux offre l’intérêt de replacer le toponyme in situ, dans le contexte du terrain, associé aux données archéologiques, mais l’étymologie fait ici défaut. À l’opposé, les études menées par le géographe, l’ethnologue ou encore l’ethnolinguiste tirent tout le parti possible des noms qu’ils étudient et ouvrent le champ d’investigation à la totalité de l’espace investi par les populations amérindiennes. Mais dans ce cas, c’est l’archéologue qui ne retrouve plus les repères qu’il a eu tant de mal à reconnaître sur le terrain. Il apparaît ainsi, dans ce domaine comme dans d’autres, qu’une approche pluridisciplinaire qui prendrait en compte les progrès de l’ethnolinguistique et les découvertes de l’archéologie devraient permettre à terme des avancées très conséquentes sur les questions de l’origine des populations, de leurs réseaux de communication et d’une manière générale de leur perception de l’espace40. Le littoral occidental : un cas particulier Le littoral occidental, de Sinnamary à l’embouchure du Maroni, apparaît comme le parent pauvre de la cartographie guyanaise ancienne41. Les cartes des XVIe et XVIIe siècles nous indiquent avec plus ou moins de bonheur le linéament côtier et mentionne le nom d’ethnies amérindiennes dont celle des Galibis

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des Missions de Kourou et de Sinnamary ou qui avaient été employés à la préparation des camps pour les futurs colons ont été décimés par les épidémies. « Fuyant les épidémies et les exactions, la plupart [des Kali’na] se sont déplacés au-delà d’Iracoubo pour rejoindre le Surinam ou pour s’installer dans la petite région de la Mana et du Maroni dans laquelle la présence Kali’na n’avait jamais cessé depuis les premiers temps du contact. La limite ouest de la colonisation agricole se place alors vers la rivière d’Organabo […] » (Collomb & Tiouka 2000 : 61). Au cours du XIXe siècle, de petits groupes d’Amérindiens reviendront s’installer à Kourou, Sinnamary et le long de l’Iracoubo et « vers 1820, le peuplement amérindien est alors à peu près comparable dans son extension à ce qu’il sera à une époque plus récente […] » (ibid.  : 79). On assiste alors, en raison notamment de la colonisation de tout l’ouest guyanais via l’administration pénitentiaire, au regroupement et à la fixation des populations au sein de petits villages dont l’implantation prendra un caractère quasi définitif après la départementalisation. Cette situation qui trouve son origine dans l’Histoire viendra ainsi, en se figeant dans le temps, valider et conforter la vision d’une société amérindienne formée de petits groupes autonomes, isolés et sans communication entre eux (Dreyfus 1992 : 75-76).

(Kali’na) mais en dehors de la bande littorale proche et de quelques embouchures de rivières cartographiées, le territoire reste à découvrir. Il faudra ainsi attendre la deuxième moitié du XVIIIe siècle pour voir s’engager les premiers voyages d’explorations de l’ouest guyanais42, concentrés autour des rivières de Kourou et de Sinnamary, dans une région que l’on cherche à évangéliser. En 1762, le botaniste Fusée-Aublet, entreprend un premier voyage de dix jours sur le Sinnamary qui précède celui de Brûletout de Préfontaine (alors commandant de la nouvelle colonie entre Kourou et Maroni). Ce dernier établit une carte de la rivière (1763-64) qui sera complétée par le père Geusse en 1764. L’ingénieur géographe Joseph-Charles Dessingy explore le Sinnamary en 1770, en partant de la rivière Comté ; il sera suivi par l’ingénieur-hydrographe Bonne (1782), le médecin naturaliste du roi Jean-Baptiste Leblond – « le premier «scientifique» à se rendre aux sources des rivières Sinnamary et Courcibo » – (178788) et, la même année 1788, l’ingénieur des mines Alexandre Chapel qui réalise une carte minéralogique du bas Sinnamary (Puaux & Philippe 1997 : 28-34). En 1787, le médecin Leblond effectuera également dans le cadre de ses recherches d’Histoire Naturelle l’une des rares, sinon la seule exploration de la Mana à cette époque43. La première tentative de colonisation de l’Ouest guyanais n’interviendra pas avant le XIXe siècle  ; en 1820, une commission d’exploration constituée de militaires et de naturalistes remontera la Mana pour en évaluer les possibilités d’installation et le potentiel agricole44. Les premières installations à la NouvelleAngoulême échoueront mais la fondation du bourg de Mana par la Mère Anne-Marie Javouhey quelques années plus tard fixera définitivement les bases de l’installation des colons dans l’Ouest. Le constat est évident, la côte occidentale de la Guyane est loin d’avoir bénéficié du même intérêt, en matière de cartographie en tous cas, que les zones de peuplement constituées par la région de l’Ile de Cayenne et les bassins de l’Approuague et de l’Oyapock. A partir de la deuxième moitié du XVIIIe siècle au fur et à mesure de l’expansion des colons vers l’Ouest (et notamment autour de 1763, date de l’expédition de Kourou), les géographes rendront compte de l’occupation du territoire dans toutes ses dimensions, coloniales et amérindiennes. La figure 7 déjà citée, (Table des habitations situées entre la rivière de Sinnamary et celle de Hiracoubo), datée autour de 1764 nous montre (voir supra) la limite d’extension des habitations coloniales représentée par la crique Corossoni. Au-delà vers l’ouest, nous sommes encore pour un temps en « Pays Indien » marqué par la présence de quatre village indiens [sic] dont celui nommé Hiracoubo. A cette période, les méfaits de l’expédition de Kourou ont également durement touché les Amérindiens et ceux qui s’étaient installés auprès

Cartes anciennes et sites archéologiques : l’absence de dialogue En dehors de villages contemporains ou subcontemporains abandonnés et dont la tradition orale avait pour nombre d’entre eux conservé le souvenir, force est de constater qu’aucun site amérindien figurant sur une carte ancienne, n’a pu être retrouvé avec certitude sur le littoral occidental de la Guyane. La répartition de l’habitat telle qu’elle apparaît sur les cartes de l’Ancien régime ne trouve pas encore de réalité archéologique tangible dans le paysage de l’ouest contemporain. Une situation qui peut paraître paradoxale dans la mesure où les documents cartographiques anciens témoignent depuis le XVIe siècle de l’occupation permanente de ce territoire par les populations amérindiennes. Plusieurs explications peuvent être avancées ; en premier lieu les contraintes techniques archéologiques liées aux particularités du terrain et à l’histoire de l’archéologie en Guyane ainsi qu’aux conditions dans lesquelles elle a pu s’exercer. Mais également la nature même de la documentation cartographique ancienne dont la lecture, comme nous l’avons dit plus haut, ne doit pas être directe ou par trop littérale. Les villages représentés sur les cartes du XVIIIe siècle ne sont pas le reflet d’une occupation du sol qui serait figée dans l’espace et dans le temps ; les relations complexes et les échanges nombreux entre les peuples amérindiens se traduisent au contraire par une grande mobilité dont la documentation cartographique de l’époque ne saurait rendre compte (Collomb dans

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cet ouvrage). Des prospections pédestres sont menées dans l’ouest depuis une trentaine d’années et de nombreux sites ont pu être localisés. En revanche, les interventions archéologiques qui ont permis d’obtenir des datations fiables et précises sur cette partie de la bande littorale restent très limitées. En premier lieu, une urne funéraire découverte en 1997 dans le village de Yalimapo, dont le contenu (ossements humains associés à de la faune et charbons) après analyse radiocarbone C14, situait ce dépôt entre 1040 et 1265 de notre ère (Pa-1945 - 865 ± 40 ans BP). En 2005, le site d’Eva II à Sinnamary a livré des échantillons lithiques brulés, datés par AMS et thermoluminescence entre 4200 et 2100 avant notre ère (ETH-31228 - 5150 ± 55 BP ; ETH-31229 - 5125 ± 50 BP ; ETH-31230 - 1775 ± 45 BP ; KIA-27630 3688 ± 27). La même année, six datations par thermoluminescence ont été effectuées à partir d’échantillons céramiques prélevés sur le site de Sable Blanc à Iracoubo dans la zone de concentration d’urnes funéraires au sudouest45. Les résultats ont été regroupés en deux ensembles chronologiques  : fin IXe-fin Xe siècles et fin XIIe-début XIIIe siècles de notre ère46. Deux autres interventions ont été réalisées sur ce site ; la première en 2006 dans la zone centrale a livré du mobilier en fosses, à vocation probablement funéraire, dont une datation AMS date l’occupation entre 973 et 1059 de notre ère (KIA-33862 - 1000 ± 35 BP). La deuxième dirigée par Stéphen Rostain au mois d’août 2007 dans le secteur nord-est, à proximité de la RN1 a permis de prélever une dizaine d’échantillons pour datation radiocarbone. La fourchette chronologique obtenue est comprise entre le début du XIe siècle et le XIIIe siècle de notre ère (Lyon-4957 à 4961). Plus récemment, en 2010, un nouvel ensemble de céramiques à vocation funéraire a été mis au jour par des travaux sur la commune d’Awala-Yalimapo. Une urne contenant des ossements humains a pu être fouillée par Claude Coutet et des échantillons ont été datés entre 1180 et 1273 de notre ère (ETH-40724).

l’époque coloniale. Rien n’indique en revanche que parmi les sites non datés, il n’y ait pas d’occupation contemporaine des géographes du XVIIIe siècle. À l’exception des travaux de l’ingénieur géographe Dessingy, dont la précision est remarquable mais qui est finalement peu intervenu dans l’ouest guyanais, la documentation cartographique antérieure au XIXe siècle relative aux implantations amérindiennes reste imprécise et ne permet pas de reports de localisation très fiables sur les cartes actuelles de la bande côtière. En outre, la zone littorale est un milieu particulier, constitué pour la plaine côtière récente de mangroves à argiles marines et de marécages côtiers et, pour la plaine côtière ancienne, de paysages de barres prélittorales sablo-argileuses (marquant d’anciennes lignes de rivage successives) et de savanes et marécages sub-côtiers (pripris). Cet environnement cloisonné est renforcé par les galeries forestières qui se développent le long des cours d’eau. Les différentes interventions archéologiques qui se sont déroulées dans les années 2000 dans les savanes de Sinnamary autour du projet Soyouz, ont montré la nécessité d’ouvrir des sondages pour pouvoir détecter la présence de sites dans ce milieu. Les niveaux d’occupation étaient systématiquement enfouis ce qui contraste avec la situation en forêt de terre ferme où la prospection pédestre suffit largement au repérage de l’occupation archéologique d’une zone, car les nombreuses ouvertures au sol (terriers, chablis…) ramènent presque toujours du matériel céramique ou lithique en surface. Au-delà des contraintes archéologiques liées à l’absence de datations et aux caractéristiques du terrain, les difficultés rencontrées pour localiser et surtout identifier in situ les occupations amérindiennes figurant sur la cartographie ancienne, relèvent également de la spécificité du mode de vie des populations autochtones. Collomb et Tiouka rappellent que les « établissements restent toujours très mobiles, rendant impossibles une cartographie précise des sites d’habitats, et surtout leur population est fluctuante (…) » (ibid. : 62). Par ailleurs, certains emplacements sont fréquentés de manière récurrente, parfois depuis des siècles, en raison de leur intérêt écologique ou stratégique, comme par exemple le village de Yalimapo qualifié par Keymis en 1596 de « grand village » (ibid. : 82). Ces occupations sont entrecoupées de phases d’abandon très variables dans le temps : l’ancien village Posoli (appelé également Ayawa u’du, Coswine et aujourd’hui Ayawande) sur la crique Coswine que la tradition orale dit antérieur au XVIIIe siècle, est occupé certainement plus anciennement encore puisqu’on observe au sol quantité de tessons de céramique de style Koriabo. En 1955, Emile Abonnenc y effectue un recensement de la population qui compte 34 individus (Abonnenc et al. 1956  : 200)  ; trois ans plus tard le village est abandonné et le secteur est cultivé par des Kali’na de la rive surinamaise du Maroni avant d’être délaissé de nouveau dans les années suivantes, puis réoccupé

En dehors de ces rares exceptions, la totalité des sites du littoral ouest n’est représentée que par un échantillonnage de matériel céramique non daté provenant de ramassages de surface systématiques47. L’impossibilité jusqu’à récemment48 de pouvoir dater directement le matériel céramique ainsi que l’absence de cadre typo chronologique précisément défini pour la Guyane ont entériné cet état de fait. De nombreux sites sont reconnus et généralement bien localisés sur les fonds de carte actuels mais leur chronologie précise nous échappe. D’autre part, les datations absolues obtenues sur les sites montrent qu’ils sont tous antérieurs de plusieurs siècles au moins à l’arrivée des Européens et qu’ils ne peuvent donc correspondre aux villages amérindiens signalés sur les cartes de

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Figure 16 : Superposition du fond de carte IGN de 1995 au 1/25 000e avec la « carte des Rivières de Kourou et de Sinnamari avec les parties de l’ance comprise entre leurs embouchures (…) sur la quelle on a ajouté les établissements fait dans cette partie de la Guianne Françoise » dressée par Philippe Boulongne en 1765 (cartothèque IGN). Traits gris : tracés actuels des rivières Sinnamary, Malmanoury et Kourou ; traits clairs : les routes actuelles ; cercles : les habitations et les bourgs de Kourou et Sinnamary en 1772 ; trait sombre : trait de côte en 1772.

paraissent indiquer au-delà de Sinnamary vers l’ouest, une localisation des villages amérindiens à proximité immédiate de l’océan, sur le cordon littoral de la plaine côtière récente  ; c’est-à-dire dans la continuité de la ligne d’implantation des habitations coloniales du littoral et du chemin qui les relie. Or les différentes prospections qui se sont succédé depuis 1999 entre Iracoubo et Organabo ont mis en évidence la présence de très nombreuses traces d’occupation amérindienne sur les barres pré-littorales de la plaine côtière ancienne, notamment le long de la RN1 à l’est et à l’ouest du site de Sable Blanc  ; c’est à dire largement en arrière du linéament côtier et du chemin reliant les habitations coloniales entre elles. Compte tenu des incertitudes liées à la précision toute relative des documents cartographiques du XVIIIe siècle, il est difficile d’avancer une quelconque hypothèse  ; néanmoins la possibilité, à cette époque, d’une modification de l’implantation des villages amérindiens dans l’axe des nouvelles voies de communication dictée par les impératifs de la traite et de l’accès aux biens manufacturés, mérite d’être posée.

en 1986 par une famille Kali’na du Surinam (Gassies 1998 : 27-28). Ailleurs, des lieux comme les savanes d’Organabo et d’Iracoubo ou le cours inférieur de la Mana, seront occupés de la même manière depuis au moins la seconde moitié du XVIIIe siècle jusqu’à aujourd’hui49. La mobilité des Amérindiens est également une caractéristique maintes fois soulignée par les chroniqueurs depuis les débuts de la colonisation et que déplorent particulièrement les missionnaires en charge de leur évangélisation. Les raisons qui président à ces mouvements ancestraux de populations sont diverses et nombreuses, mais il est certain que, dès les premiers temps de la « Découverte », le contact avec les traiteurs européens, qui disposaient seuls des biens manufacturés et notamment des outils en fer, a profondément transformé nombre de schèmes culturels ainsi que les réseaux commerciaux traditionnels. De la même manière, la chasse aux esclaves dans les Guyanes jouera également un rôle très important dans « l’éclatement, ou […] la profonde transformation, de structures politiques et économiques anciennement établies, qui organisaient les rapports entre les différentes populations amérindiennes dans toute cette région50 ». Les mutations qui en résultent pour ces sociétés conduisent dès lors inévitablement à une recomposition de leur répartition sur le territoire des Guyanes qui s’organise en fonction de l’accès aux marchandises de la traite et donc aux nouveaux circuits d’échanges de biens. Certaines cartes du XVIIIe siècle (par exemple celle de Wollant de 1782)

Espace historique et territoire présent L’onomastique dans toutes ses composantes (toponymes, ethnonymes), la géographie des paysages naturels ou recomposés, les variations littorales et leur impact sur l’installation anthropique, la localisation des groupes humains ainsi que toutes les annotations sur les voies de communication ou encore les 60

aspects démographiques, etc., sont autant de données susceptibles de figurer sur les cartes anciennes guyanaises et qui, à des degrés divers, participent de la réflexion et des recherches menées sur les populations amérindiennes anciennes. Pour autant nous l’avons vu, l’intégration de ces données brutes dans les systèmes cartographiques actuels ne s’opère pas sans difficultés. Dans ces conditions, l’archéologue se contente bien souvent de superposer des cartes anciennes sur des fonds cartographiques récents dans le seul but de repositionner les sites repérés. La figure 16 offre un exemple de superposition sommaire de deux cartes, en l’occurrence la carte au 1/25 000e de l’IGN avec celle de la région entre Kourou et Sinnamary, levée par Boulongne en 1772 (l’ensemble est calé sur l’emplacement des deux bourgs). Les habitations (cerclées) sont toutes situées immédiatement en arrière du linéament côtier récent et le long des fleuves. On note que le trait de côte ancien diffère de celui dessiné par l’IGN qui montre un développement très conséquent de la mangrove  ; en outre le tracé des rivières et des fleuves s’écarte très fortement du tracé actuel dès que l’on s’éloigne de la zone d’embouchure. Dans la mesure où le stade d’évolution du trait de côte le permet, ce simple report situe approximativement les zones à prospecter pour tenter de retrouver les vestiges de ces habitations51. Les cartes des géographes comme Boulongne permettent de préciser l’avancée progressive d’un front pionnier de la colonisation vers l’ouest ; la conquête inexorable d’un territoire par une société de colons que l’historien connaît assez précisément par ailleurs, car elle est relativement bien documentée.

Dans le cadre de l’établissement de la carte archéologique, les sites amérindiens qui figurent sur les cartes anciennes sont eux aussi systématiquement repositionnés sur les fonds cartographiques actuels. Cependant pour les raisons que nous venons d’évoquer précédemment (faible nombre de sites datés, réoccupation de sites, mobilité très forte, modifications des réseaux …), la carte de répartition spatiale de l’occupation amérindienne que l’on obtient, demeure peu significative. D’autant que l’espace à considérer pour étudier le peuplement ancien de la Guyane dépasse très largement les limites géographiques imposées par le colonisateur. « Si certains groupes sont effectivement très liés à des habitats spécifiques52 » (Lokono dans les estuaires, Palikour dans les savanes et forêts inondées du nord de l’Amapá etc.), beaucoup d’autres se sont déplacés et ont évolué dans des milieux écologiques très divers et  « (…) tous étaient, jusqu’à la grande cassure du XIXe siècle, en contacts mutuels et prolongés par la guerre et les raids à longue distance, familiers donc de différentes zones du territoire guyanais53 ». Les Amérindiens sont ainsi beaucoup moins inféodés à un milieu que ce qui a été dit jusqu’à récemment  ; ce qui s’agissant de groupes de chasseurs-collecteurs possédant une pratique agricole, complique singulièrement la tache de l’archéologue. Dans le cadre de la table ronde qui s’est tenue en 2005 : « Une archéologie des réseaux locaux. Quelles surfaces étudier pour quelle représentativité ? », Patrice Brun rappelle que « comprendre notre passé exige de saisir la trame de l’occupation du sol, depuis les établissements les plus ordinaires, jusqu’aux plus rares, en passant par toute la gamme des sites intermédiaires. La mise en évidence de ces réseaux de sites (« Settlement patterns ») révèle

Figure 17 : plan d’un terrain situé sur l’Anse de Corossony (Archives départementales de la Guyane)

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Figure 18 : « Habitations de la rivière de Kourou à celle de Sinnamary » Anonyme 1764 (?)

DERRIERE L’IMAGE

l’organisation des sociétés disparues, leurs différences d’une région à l’autre, leurs changements au cours du temps » (Brun 2006 : 7). L’organisation territoriale des sociétés et la dimension des échantillons spatiaux nécessaires à leur étude est au cœur du débat et des exemples de seuils sont proposés, liés à des critères de distance : il s’agit de la zone de parcours annuelle d’une bande de chasseurs-collecteurs dans une économie de prédation et de l’aire d’approvisionnement direct ou « finage » des premiers agriculteurs dans une économie de production. Notre propos n’est pas de revenir sur les exemples d’études réalisées dans les années 1970-80 proposés dans l’article, qui portent sur des populations géographiquement, chronologiquement et culturellement éloignées des peuples anciens de l’Amazonie. Mais il nous paraît souhaitable que ce type d’approche sur les réseaux de sites et l’occupation du sol (avec un choix de critères spécifiques ?), puisse être mené un jour en Guyane bien que les données archéologiques aujourd’hui à disposition soient par trop lacunaires (notamment en matière de chronologie et d’attribution culturelle) pour envisager des recherches immédiates dans cette voie. On ne pourra cependant faire l’économie à terme d’une réflexion globale sur ces notions de réseaux d’échanges, d’espace politique, économique et culturel, au sein desquels s’organisaient les rapports entre les différentes populations amérindiennes. Comprendre le passé exige ici, peut-être un peu plus qu’ailleurs, de tenir compte de la grande mobilité de ces peuples, de leur connaissance parfaite d’un territoire immense et de leur adaptation originale à ce milieu écologique extrêmement diversifié qui caractérise les Guyanes.

Quiconque a étudié ou même simplement consulté des cartes anciennes originales a pu se rendre compte de la qualité remarquable de certains de ces documents. Audelà de l’aspect technique (gravure, encre et rehauts de couleurs…), l’esthétique qui s’en dégage ne laisse pas insensible54, même lorsqu’il s’agit de cartes qui, a priori, ne nécessitaient pas une attention artistique particulière. L’exemple du « Plan d’un terrain situé sur l’anse de Corossony » de 1787 (Fig. 17), ne peut qu’inciter à rendre hommage à la patience et au soin méticuleux apporté par le cartographe à la réalisation des motifs végétaux. L’habitation apparaît ici comme une tache ridiculement minuscule posée entre la bande de palétuviers et la forêt en arrière, tandis que l’attention portée à la représentation de la plantation de cotonniers surprend par son souci extrême du détail. Il arrive également que l’on puisse percevoir les difficultés rencontrées par les ingénieurs-géographes pour effectuer leurs relevés sur le terrain, en d’autres termes appréhender l’homme derrière l’image. Sur la carte des « habitations de la rivière de Kourou à celle de Sinnamary » (Fig. 18), lorsque le cartographe prend la peine de signaler par un rajout à l’encre sur le document qu’il s’agit de la « crique près de la maison de santé où se noya le cheval. Nous la passames en canot avant le jour et après l’avoir passé nous traversames à pied un bois où il était difficile de marcher », le message a le mérite d’être clair et concis et l’on imagine sans mal que la journée n’a pas du être de tout repos ! Pour finir, les canons de l’esthétique évoluent sans cesse avec les siècles et l’on peut être assuré que nous 62

au delà d’une lecture cartographique le plus souvent limitée au seul point de vue du spécialiste qui la réalise. En d’autres termes, passer d’une analyse de surface à une analyse « en relief » qui prenne en compte non seulement les données classiques et les représentations liées à une époque précise mais également les vides, les absences et les oublis, volontaires ou pas, pour en tirer sinon une interprétation, en tous cas une information ; ce que l’archéologue sur le terrain appelle les « négatifs ». Il faut toutefois garder à l’esprit que tenter de définir l’organisation territoriale des sociétés anciennes en Guyane à partir de la documentation cartographique ancienne demeure un exercice compliqué qui exige la confrontation impérative des données analytiques avec celles issues du terrain. De la même manière, prétendre relever avec certitude, à partir de points sur une carte, la présence de populations amérindiennes dont une des caractéristiques les plus fortes est la mobilité, relèvera toujours de la gageure. Ajoutons que l’on ne saurait aujourd’hui ne pas prendre en compte des notions comme celle de territoire de subsistance (finage) ou encore de réseaux de sites qui n’ont été jusqu’à présent que très peu étudiées par les archéologues. Pour autant, à l’échelle du territoire ce domaine d’étude qui mêle archéologie et cartographie reste encore largement ouvert et in fine très prometteur, pour peu que les futurs chercheurs : géographes, historiens, ethnologues, linguistes et archéologues, réunis autour de la même table – à cartes bien entendu – acceptent de voyager dans la même direction.

Figure 19 : « Croquis du massif du Matoury » Registre terrier XVIIIe siècle (Archives départementales de la Guyane)

ne regardons plus ces documents comme à l’époque de leur réalisation. En témoigne ce croquis provenant d’un registre terrier du XVIIIe siècle, représentant le massif du Matoury (Fig. 19) qui, à l’insu de son auteur, semble tout droit sorti du carton à dessins d’un peintre amateur d’estampes asiatiques et féru d’impressionnisme. CONCLUSION Parce qu’elle cherche à reconstituer l’histoire des hommes, l’archéologie est une discipline qui se nourrit de toutes sortes d’informations, puisées à des sources très diverses. La cartographie ancienne est une de ces sources qui permet à l’archéologue d’orienter ses recherches en amont, en localisant les sites à partir des documents cartographiques, mais qui constitue également un support historique particulièrement précieux pour la mise place d’une stratégie de fouille ou l’interprétation de certains vestiges. Une carte n’est jamais neutre car elle s’inscrit dans un cadre historique et politique qui conditionne sa création et son contenu. En Guyane, la découverte du territoire a laissé un temps place, pour en tirer le maximum de profits, à la volonté de gérer un espace qui a toujours été mal maîtrisé. Une constante nous le rappelle : de la naissance de la colonie au début du XVIIe siècle à celle de la départementalisation l’ensemble du territoire guyanais ne sera jamais cartographié avec précision et… il ne l’est toujours pas ! La masse d’informations très diverses que peuvent contenir les cartes anciennes ne facilite pas toujours leur approche et l’analyse critique doit en permanence précéder leur interprétation. Un regard neuf porté sur certaines d’entre elles, associé à des recherches sur le terrain, permettent d’émettre des hypothèses qui n’auraient pu être envisagées quelques années auparavant. Il convient pour cela d’établir les bases de collaborations pluridisciplinaires, entre tous les acteurs possibles d’une attention renouvelée portée à l’ensemble des données que nous livrent ces fonds cartographiques, qu’elles soient d’ordre historique, géographique, ethnographique, linguistique ou encore archéologique. Ce n’est probablement qu’au prix de telles recherches collectives que nous pourrons aller

Rappelons que le premier voyage français officiel en Amérique est effectué en 1524 par un florentin, Giovanni da Verrazzano, qui, fort du privilège royal accordé par François Ier, longea les côtes de Caroline du Nord et remonta au Nord jusqu’à Terre-Neuve. 2 Recensement effectué par Philippe Guyot (Archives Départementales de la Guyane). Information communiquée par Laurent Polidori (Institut de Recherches pour le Développement). 3 En particulier celui du capitaine honfleurois Paulmier de Gonneville, premier français à avoir pris pied au Brésil avec certitude, qui affirme en 1505 : « Depuis aucunes années en ça, les Dieppois, Maloüinois et autres Normands et Bretons vont quérir du bois à teindre en rouge, cotons, guenons, perroquets et autres denrées » (cité dans Touratier 1995 : 30). Voir aussi sur Gonneville (Perrone-Moises 1995 et 2003). 4 L’hypothèse de prédécesseurs français de Cabral est majoritairement rejetée par les spécialistes depuis la thèse de Charles-André Touratier publiée en 1948 (cf. Chaunu 1995 : 361 ; Mendes dos Santos 2000 : 11-12 ; ou encore Boucheron 2010 : 9). 5 C’est Amerigo Vespucci, probablement à la suite de son troisième voyage (1501-1502) qui pressent le premier que les terres qu’il vient de découvrir sont celles d’un nouveau continent. La reconnaissance de cette paternité se concrétisera avec la réalisation de la carte de Waldseemüller, publiée en 1507 à Saint-Dié-des-Vosges par le Gymnase Vosgien, sur laquelle apparaît pour la première fois le nom d’« America » (cf. à ce sujet Duviols 2005). 1

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Ainsi le cartographe espagnol, Juan de la Cosa qui publia la première carte du continent américain, sitôt son retour en Espagne en 1500. 7 Cette pratique se poursuit dans le temps, ce qui fait dire à Pierre-Marie Decoudras que la carte dite géologicotopographique du géographe Poirson, qui accompagne le mémoire de J.B. Leblond à la fin du XVIIIe siècle « peut être considérée comme la dernière des cartes anciennes de quelque valeur puisque, avec celle de d’Anville, elle sera constamment reprise tout au long du XIXe siècle » (Decoudras 1979). 8 Tel l’emplacement exact de l’embouchure du Mississipi découvert en 1681 par le français Cavelier de la Salle, qui restera secret pendant plusieurs années et qui sera, de manière volontaire, exagérément déplacée vers l’ouest sur la carte de Coronelli (Pastoureau 1995 : 118) ou encore l’erreur systématique des positions relevées par Raleigh, décalées de 2° vers le sud et qu’Emmanuel Lézy considère, à la suite de Schomburgk, comme « une légère imposture, destinée à amplifier la portée de l’expédition » (Lézy 2000 : 130). 9 La représentation du lac Parimé figure encore sur la carte de Nicolas Buache qu’il réalise en l’an VI de la République (1798). 10 Qu’il ne faut pas confondre avec Maracá de l’embouchure de l’Amazone où furent trouvées de nombreuses urnes funéraires anthropomorphiques polychromes. 11 À l’exception notable de la carte de Buache de 1762 (cf. infra). 12 Entre 1670 et 1763, la population Kali’na passe de 2 000 individus à 200, les Palikurs et Yaos de 1 500 à 200 et les groupes de l’intérieur, à l’Est de la Guyane, de 13 000 à quelques centaines (Hurault 1972 : 363-367). 13 Il est ici fait mention de « village Indiens (sic) » sans que l’on sache exactement quelle réalité démographique ce vocable sous-tend. D’autre part, la personne qui a effectué les relevés de terrain et qui a annoté a posteriori le document signale au dessus du village Indien A : « carbets des indiens brûlés excepté un où nous avons diné en allant et couché en revenant ». Il semble donc qu’au moins un des villages mentionnés ait été à l’abandon au moment du passage du géographe. 14 Carte topographique de l’Isle de Cayenne avec les cours des rivières et des criques navigables qui l’environnent levée en 1770 et 1771 par le Sieur Dessingy, capitaine d’Infanterie au service des colonies et Ingénieur Géographe des camps et Armées du Roy, Dessingy 1770/1771 (Cote Vincennes SHAT, 7F37). 15 Le « dégra » ou « dégrad » correspond à un aménagement de berge de rivière permettant l’embarquement et le débarquement des personnes et des biens. Il s’agit le plus souvent d’un simple plan incliné. 16 Les contestations entre Portugais et Français concernaient la légitimité de l’occupation d’un immense territoire compris entre l’Oyapock, l’Amazone et les Rio Negro et Branco qui formaient la limite ouest de la Guyane. Cette affaire qui dura plus de deux cent cinquante ans et qui trouva un épilogue en 1900 dans une indifférence totale de la part des autorités françaises de l’époque, n’est pas complètement éteinte aujourd’hui dans l’esprit de certains (cf. Sarotte 1955). 17 À quelques rares exceptions près que nous venons d’évoquer. 18 Après la perte des colonies françaises de peuplement en Amérique du Nord, la France décide d’envoyer en Guyane en 1763 un contingent de 15 000 migrants qui devront s’implanter entre Kourou et le Maroni. Le duc de Choiseul,

ministre de la Marine, qui est chargé de l’expédition enverra en un seul arrivage la totalité des migrants qui ne pourront trouver sur place les conditions de logement et de subsistance nécessaires à un tel afflux de population. On estime à au moins 7000 le nombre de morts du aux épidémies de paludisme et de fièvre jaune dans les deux ans qui ont suivi, sans compter le nombre de victimes indigènes. Certains de ces colons, après avoir trouvé refuge sur les Iles du Diable, seront finalement rapatriés. 19 Mais pas sur la carte de Wollant réalisée en 1782 (cf. infra). 20 Notamment les forts de Kourou et de Sinnamary. 21 Il s’agit de cordons sableux d’âge holocène en formation depuis 8 000 ans jusqu’à nos jours, constituant le rivage actuel (à Awala-yalimapo par exemple) ou situés immédiatement en arrière de la mangrove (entre Sinnamary et Iracoubo). Ils appartiennent à la plaine côtière récente par opposition aux barres pré littorales de la plaine côtière ancienne, rattachées au Pléistocène et situées plus en arrière de la côte. 22 À ce propos, la mention à deux reprises, dans la région du bas Maroni et de la Mana, de « villages indiens qui ont fait la paix avec les cotticase bossnaegers » [noirs marron], apparaît très significative quant à la situation conflictuelle qui prévalait alors entre ces groupes dans l’Ouest guyanais. 23 Il s’agit de la plaine alluviale de l’Amazone caractérisée, entre autre, par l’apport de sédiments fertiles d’origine andine, par une très faible altitude et par le fait qu’elle soit soumise à un régime des eaux fluviales extrêmement variable. 24 Toutefois, ce système de capture qui concernait également le lamentin (Trichechus inunguis) et le pirarucu (Arapaima gigas) a rapidement été mis sous contrôle royal et les auteurs nous rappellent à propos que « Bien qu’utilisant des techniques d’origine amérindienne, ce système, basé sur une exploitation peu polyspécifique à des fins mercantiles ou reposant sur une mauvaise utilisation du milieu était complètement étranger aux systèmes indigènes, privilégiant au contraire la diversité, la souplesse et surtout l’autoconsommation » (ibid. : 114). 25 En Guyane, 5 espèces de tortues marines viennent pondre sur les plages. La plus commune de toutes et la plus grosse est la tortue luth (Dermochelys coriacea). On trouve aussi la tortue verte (Chelonia mydas), la tortue olivâtre (Lepidochelys olivacea), et, de manière plus exceptionnelle, la tortue imbriquée (Eretmochelys imbricata) ainsi que la Caouanne (Caretta caretta). Source : Réseau d’Information sur les Tortues Marines d’Outre-mer 2010. 26 Cf. Rivalan 2004 :11-13 et Annexe A, 4-9. 27 Goupy des Marets cité dans Rivalan op. cit. : Annexe A, 5. En 1774, la raréfaction des tortues due à la surpêche amènera les autorités locales à en réglementer les prises entre Kourou et Sinnamary (ibid. Annexe A : 9). 28 Dont on sait par ailleurs qu’elle reprend plus ou moins pour le tronçon Régina-Saint-Georges de l’Oyapock un chemin amérindien ancien, appelé plus récemment chemin des clandestins (et pour cause) à l’époque de la construction du dit tronçon. Les équipes AFAN présentes dans les années 1994-99, lors des différentes phases du chantier, ont eu le loisir de constater que le souvenir de ce chemin était encore bien présent dans les mémoires, eut égard à son taux de fréquentation ! 29 Divisé en : Indiens, femmes et enfants, il dénombre 415 personnes pour l’Oyapock et 167 pour la Conany, soit 582 personnes au total. 30 Lettre de Lefebvre d’Albon, ordonnateur de la colonie, au Ministre, 27 avril 1730. Ar. Col. C14, vol. 13. Recensement des Indiens de l’Oyapock pour 1787 par Lescallier, 28

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janvier 1788. Arc. Nat. Section des colonies, C14.62, f° 187 (cf. Grenand 1971 : 8). 31 Le vis-à-vis militaire des Français et des Hollandais a quasiment toujours existé à l’embouchure du Maroni mais cette représentation est d’autant plus amusante que les Français ont eu les pires difficultés à maintenir au cours des siècles leur présence à cet endroit. Il y eut des cas de famines sérieuses pour les rares soldats laissés en poste, particulièrement durant les conflits avec les populations amérindiennes installées dans le secteur ouest : ce qui explique le peu d’enthousiasme des militaires pour occuper la place. Toutes choses que ne pouvait ignorer l’autorité royale. (Philippe Guyot, ADG, communication personnelle). 32 Le Moult, Eugène, Mes chasses aux papillons, Pierre Horay éditions, Paris, 1955. 33 Classé Monument Historique, le site de la Carapa a été retenu en mai 2006 pour figurer sur la liste des sites d’Art rupestre susceptibles d’être inscrits sur la Liste du patrimoine mondial UNESCO, nomination en série transnationale de l’Art rupestre dans la Caraïbe (cf. Gassies 2008). 34 Mapa Etno-Histórico de Curt Nimuendaju, Fundaçāo Instituto Brasileiro de Geografia e Estatística em colaboraçāo com a Fundaçāo Nacional Pró-Memória, Rio de Janeiro  : IBGE, 1987. 94 p. 35 [La carte de Kurt] est une carte de notre temps. Elle réunit la meilleure collection ethno-historique indispensable et irremplaçable pour toute recherche sur les tribus autochtones de la région cartographiée [traduction E. Gassies]. 36 Keymis, Laurence, « Relation de voyage….1596 » Correal François, Voyage de F.C. aux Indes Occidentales, Amsterdam, 1722. BN. Harcourt, Robert, A Relation of a voyage to Guiana, 1613. The Hakluyt Society Second Serie n° LX, 1926. 37 Ce n’est pas le cas des cartes du XVIe siècle qui regorgent de toponymes espagnols ou portugais. À partir de 1596 et les explorations de Raleigh et de Keymis, le plateau des Guyanes va se couvrir de toponymes amérindiens. Cette évolution significative avait été démontrée par Vidal de la Blache en 1902 : Vidal de La Blache, Paul, « Le Contesté franco-brésilien en Guyane » Annales de géographie, t.VII, 1898 et t. X, 1901. (cf. Grenand F. & P. 1987 : 21 et Lézy 2000 : 236). 38 cf. Grenand (1971 : 16). 39 Par exemple le fameux « chemin des Emerillons » qui figure sur la carte IGN au 500 000e et qui relie le bassin de l’Oyapock à celui du Maroni en suivant un axe Camopi/ Itany. Pierre Grenand précise que c’est le seul qui subsiste sur les quatre sentiers des Emerillons reconnus en 1822 (1971 : 19-20). 40 Selon Alain Pavé (CNRS) une recherche ethnolinguistique orientée sur ces thèmes de la relation de l’homme avec son milieu et de sa perception de l’espace (dont la question des voies de communication) serait très prometteuse et, compte tenu de l’état actuel des connaissances, parfaitement justifiée en Guyane (communication personnelle, 2007). 41 L’embouchure du Maroni, zone frontière, est un peu mieux documentée : voir Collomb dans cet ouvrage. 42 À l’exception de celui de M. Chrétien (prêtre séculier) en 1684 : « Je fus fort consolé de voir arriver M. Chrétien qui, avec quelques Indiens, avait pénétré assez avant dans le pays au haut de la rivière de Sinnamary où il prétendait découvrir le pays » (Collomb 2006 : 59-60). 43 Abonnenc (1979, op. cit.). 44 La documentation produite par les membres de cette commission (journaux, rapports) constitue une source

précieuse sur l’état des populations amérindiennes à cette époque (cf. Collomb & Tiouka 2000 : 77-83). 45 Un diagnostic de l’INRAP réalisé par Sandrine Delpech en octobre 2007 à l’entrée du bourg d’Iracoubo a mis en évidence la présence de matériel amérindien, malheureusement difficilement exploitable car recouvert d’une pellicule noirâtre, mais qui pourrait bien être du même type que celui du site de Sable Blanc, situé à environ un kilomètre à l’ouest sur le même cordon (c’est le cas d’un modelé, bien qu’il ait été retrouvé hors contexte, caractéristique de la culture Barbakoeba, 1000-1400 ap. J.-C.). 46 Localisé à proximité du bourg d’Iracoubo vers l’ouest, le site de Sable Blanc offre l’exemple rare d’une occupation rassemblant espace d’habitat et espace funéraire. Des interventions par les agents du SRA Guyane ont été réaliséeq dans la zone funéraire sud du site (Gassies & Lemaire 2005, 2006). 47 L’absence de stratigraphie ainsi que les processus naturels de formation/altération en milieu équatorial compliquent singulièrement l’utilisation des résultats issus de la technique de datation radiocarbone sur charbons de bois. Les charbons prélevés pouvant s’avérer être issus de paléo incendies beaucoup plus anciens que le matériel archéologique connexe. Par ailleurs, les datations obtenues par la technique de la thermoluminescence telle que mise en pratique en Guyane sont légitimement contestées par une partie de la communauté scientifique (cf. Roque et Vartanian dans ce volume). Elles continueront à l’être tant que d’une part le protocole complet de mesure sur le terrain généralement utilisé pour la TL ne sera pas appliqué (notamment l’installation de capteurs in situ sur la durée etc.) et que la confrontation à partir des mêmes échantillons des résultats obtenus par les deux techniques de datation, radiocarbone et thermoluminescence, ne sera pas effective. 48 La technique utilisant un spectromètre de masse couplé à un accélérateur de particules (AMS) devrait permettre à terme de dater directement des échantillons de céramique lorsque la pâte contient un dégraissant végétal (type kwepi). 49 Collomb & Tiouka, op. cit. : 62. 50 Ibid : 37. 51 Rappelons qu’il s’agit, dans l’Ouest guyanais, de structures agricoles modestes, en matériaux périssables la plupart du temps, qui n’avaient rien de comparable avec certaines habitations de l’Île de Cayenne ou les grandes plantations des Antilles. 52 Dreyfus, op.cit : 88. 53 Ibid. 54 La vitalité du marché de la carte ancienne en témoigne.

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La multiplication, ces dernières années, de datations par thermoluminescence en Guyane française nécessitait une évaluation de leur fiabilité. En effet, les âges obtenus par cette technique servent de plus en souvent à proposer de nouvelles chronologies, pas toujours en accord avec celles fondées sur les datations par radiocarbone. Sur la base de ces tentatives, les séquences chrono-culturelles classiques ont même été parfois remises en cause. Un débat avait donc été ouvert sur ce thème entre différents chercheurs. Ces propositions demandaient donc d’être confirmées ou infirmées grâce à l’évaluation d’un spécialiste de cette méthodologie, de préférence extérieur à la communauté scientifique guyanaise. Céline Roque, qui venait de soutenir une thèse de Doctorat sur la datation par thermoluminescence, était la personne la plus qualifiée pour porter un regard impartial et autorisé sur cette situation. Avec son collègue Emmanuel Vatarian, elle s’est ainsi penchée sur le cas guyanais, réalisant notamment des datations par thermoluminescence de tessons de culture Barbakoeba, collectés sur deux sites archéologiques de la côte occidentale de Guyane. À l’aide de ces analyses et des au regard des âges obtenus par thermoluminescence en Guyane, ils évaluent la pertinence de cette méthodologie telle qu’elle est pratiquée actuellement. Cet éclairage s’appuie donc sur un faisceau d’évidences récentes. Leur sentence est sans appel puisque les vérifications nécessaires manquent systématiquement lors des analyses réalisées précédemment. L’absence de mesures de radioactivité des sédiments englobant invalide complètement les âges obtenus qui ne sont que de

« pseudo » datations sans valeur scientifique. De telles « pseudos » datations circulent aujourd’hui en Guyane et sont utilisées afin de mettre en place ou de conforter des chronologies. Les auteurs montrent que « ces résultats prétendument physiques n’ont en réalité aucune valeur scientifique : il ne s’agit que de tests d’ancienneté, détournés de leur usage initial, qui véhiculent des informations dites « chronologiques » dénuées de tout fondement méthodologique ». Ils mettent donc en garde les archéologues contre des pratiques abusives qui peuvent mener à des mésinterprétations. Si Céline Roque et Emmanuel Vartanian rejettent définitivement l’utilisation abusive et non contrôlée des âges TL dans l’archéologie guyanaise actuelle, ils envisagent néanmoins la mise en œuvre de cette méthodologie dans certains cas précis. Ainsi, des vestiges archéologiques provenant de contextes incendiés, tels des foyers, des aires de brûlis ou des villages brûlés, pourraient être analysés avec profit, à la condition impérative de mesures de radioactivité du sol. Quoiqu’il en soit, la prudence est toujours souhaitée quant à l’usage que l’on peut faire de tels résultats et ne peut servir en aucun cas de référence unique à l’établissement de séquences chronologiques. L’idéal demeure de coupler les datations par thermoluminescence avec la méthode traditionnelle par radiocarbone. Les deux auteurs prônent en conclusion pour une mise en oeuvre optimale de la datation par thermoluminescence en Guyane et, plus généralement, en archéologie. Stéphen Rostain

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Dater le passé précolombien Céline Roque Centre d’Innovation et de Recherche pour l’Analyse et le Marquage, Pessac & Emmanuel Vartanian Centre d’Innovation et de Recherche pour l’Analyse et le Marquage, Pessac

L’absence de marqueurs typo-chronologiques pertinents et fiables pour les cultures amérindiennes de l’Amérique précolombienne rend difficile le calage dans le temps des différentes phases d’occupation humaine identifiées sur le terrain. Dans ce contexte, la mise en œuvre de méthodes de datation physique, radiocarbone sur matériel organique et thermoluminescence sur matériel minéral chauffé, s’avère indispensable pour parvenir à la mise en place d’une chronologie rigoureuse. Il s’agit là d’un préalable incontournable à une compréhension fine et une reconstitution réaliste des évolutions culturelles de l’époque précolombienne à nos jours. Or, au cours de débats récents avec de nombreux archéologues, il nous est apparu que de « pseudos » datations par thermoluminescence (TL) circulent aujourd’hui et sont utilisées afin de mettre en place ou de conforter des chronologies. Ces résultats prétendument physiques n’ont en réalité aucune valeur scientifique : il ne s’agit que de tests d’ancienneté, identiques à ceux pratiqués pour mettre en évidence des faux parmi les objets en terre cuite circulant sur le marché de l’Art. Ces pratiques conduisent à diffuser des informations dites « chronologiques » qui n’ont aucun fondement. Elles donnent une idée fausse du travail des dateurs spécialisés en thermoluminescence, et elles rendent caduque la mise en place d’une chronologie physique rigoureuse des occupations humaines dans cette région.

procédure minimaliste appliquée par certains, sur des tessons de céramique issu d’un contexte guyanais. Nous montrerons les limites, les insuffisances et le danger d’une telle approche pour l’obtention d’informations chronologiques fiables. LA DATATION PAR THERMOLUMINESCENCE, RAPPELS METHODOLOGIQUES DE BASE Il ne s’agit en aucun cas ici de faire une présentation exhaustive des principes et de la mise en œuvre de la méthode, détaillés par ailleurs (Aitken 1985  ; Guibert & Roque 2000  ; Guibert et al. 2001). Nous ne rappellerons que les éléments fondamentaux et les étapes incontournables de la démarche. Pour de plus amples développements, nous renverrons à des publications récentes rendant compte de campagnes de datation complètes (Vartanian et al. 1999, 2001  ; Roque et al. 2001a, 2001b, 2002a, 2002b). Toutes les étapes de la démarche expérimentale, du terrain à l’obtention des résultats, y sont explicitées. La mise en œuvre de la méthode : les pré-requis La datation par thermoluminescence repose sur l’étude de la radioactivité naturelle et la capacité des cristaux contenus dans un objet anciennement chauffé (céramiques, galets de quartz, silex…) à accumuler les effets de cette irradiation. L’énergie ainsi déposée dans les minéraux, ou dose d’irradiation, exprimée en grays (Gy), est proportionnelle à l’intensité de la radioactivité du lieu de conservation ou d’enfouissement de l’objet et au temps pendant lequel les cristaux sont soumis à cette irradiation, depuis leur dernier chauffage. Afin de déterminer l’âge TL, il faut donc impérativement : - Mesurer, par des expériences de thermoluminescence, la dose d’irradiation naturelle (QNat) reçue depuis un instant zéro qui correspond au dernier chauffage du matériau. Cette démarche requiert la mise en place de procédures analytiques lourdes, qui doivent permettre

Devant l’importance des enjeux de la recherche chronologique en Guyane, il nous paraît donc essentiel de dresser un bilan clair sur les modalités de mise en œuvre de la méthode de datation par thermoluminescence en contexte archéologique. Cet état de la question, qui tient compte des dernières avancées méthodologiques réalisées dans ce domaine, doit permettre aux archéologues d’acquérir un regard plus critique sur la qualité des analyses qui leur sont fournies. Dans l’espoir de mettre fin aux dérives observées ces dernières années dans l’utilisation abusive de cette méthode, nous présenterons une étude réalisée, selon la 67

Roque 2000  ; Guibert et al. 2001), il est possible d’obtenir une précision comprise entre 5 et 10 % sur chaque date. Cela suppose de multiplier les expériences de thermoluminescence afin de connaître au mieux les propriétés spécifiques de chaque matériau à dater, de déterminer et de prendre en compte l’état de chauffe de l’objet considéré (Roque et al. 2004a, 2004b). Une telle exigence de précision repose également sur l’analyse pointue des conditions d’enfouissement de l’artefact à dater et la prise en compte de tous les facteurs d’évolution de la radioactivité du milieu dans l’espace et dans le temps (Roque et al. 2001a, 2001b, 2002a, 2002b ; Vartanian et al. 1999, 2001). Par ailleurs, la datation de plusieurs échantillons représentatifs d’un même événement permet de réduire significativement les incertitudes et d’accroître, par un traitement statistique des données, la précision de son calage chronologique.

de connaître au mieux les propriétés TL des cristaux à dater afin de garantir la fiabilité des résultats. C’est pourquoi il est nécessaire de mener un grand nombre d’expériences et d’acquérir des séries importantes de mesures physiques (de l’ordre de 200 courbes de TL par prélèvement), sur des échantillons de quelques dizaines de cm3 soumis à un traitement mécanique et chimique destructif. - Déterminer la dose d’irradiation annuelle (I) reçue par les cristaux. Elle rend compte de la quantité d’énergie déposée chaque année par les particules a et b et les photons g. Elle recouvre l’irradiation qui émane de l’objet lui-même et de son environnement. Elle requiert des mesures de radioactivité in situ et l’analyse au laboratoire de la composition radiochimique de l’artefact à dater et d’échantillons de sol représentatifs de son milieu d’enfouissement immédiat (teneurs en uranium, thorium et potassium déterminées par spectrométrie gamma à bas bruit de fond). Le rapport de ces deux grandeurs donne l’âge entre le dernier chauffage de l’objet et son étude en laboratoire:

L’échantillonnage requis L’établissement d’une séquence chronologique fiable et précise doit reposer sur l’analyse d’un cortège significatif et représentatif d’échantillons, qui auront été prélevés dans les différents niveaux archéologiques identifiés. Un tel ensemble de résultats conduit à la mise en place d’une chronologie TL raisonnée couvrant l’ensemble de la stratigraphie. Dans la mesure du possible, il faudrait chercher à mettre en place des campagnes de datation croisées, par carbone 14 en spectrométrie de masse (AMS) sur des matériaux d’origine organique et par thermoluminescence (TL) sur des matériaux d’origine minérale anciennement chauffés.

Aucune datation par thermoluminescence ne peut s’affranchir de l’analyse, sur le terrain (si possible) et au laboratoire (dans tous les cas), de la radioactivité du milieu d’enfouissement immédiat des objets à dater. L’ignorance de cette donnée expérimentale invalide purement et simplement le résultat. En conséquence, l’implication de l’équipe de datation TL dans le processus de fouille est indispensable à la réalisation d’un travail scientifiquement rigoureux et archéologiquement pertinent.

Les matériaux datables par thermoluminescence

L’intervention de l’équipe de datation TL sur le terrain

Cette méthode concerne des matériaux minéraux chauffés : terres cuites, galets de quartz, silex, etc. La datation par thermoluminescence de structures en galets, que l’on retrouve dans certains contextes archéologiques, nécessite une étude de faisabilité préalable destinée à établir si les matériaux ont été suffisamment chauffés par le passé pour que la datation soit possible (Roque et al. 2001b). Aucune étude de datation sérieuse ne peut faire l’économie de ces analyses préliminaires. Si elles ne sont pas menées de manière rigoureuse, il en résulte des informations chronologiques aberrantes, qui n’ont aucun sens et qui ne doivent en aucun cas faire l’objet d’un rapport d’étude. Outre les implications vis-à-vis de la datation, ces études de databilité menées par thermoluminescence permettent également de déterminer l’état de chauffe des galets et d’évaluer une température de chauffage maximale atteinte dans le passé (Roque et al. 2004b). À partir de ces données, il est possible de déduire

Dans la mesure du possible, l’équipe de datation TL doit pouvoir intervenir sur le site lors de la campagne de fouille, afin d’analyser le contexte géochimique d’enfouissement des artefacts à dater, de procéder par elle-même à la collecte du matériel archéologique et sédimentaire indispensable à la datation et d’effectuer les mesures de radioactivité in situ. Cette opération est menée en collaboration avec les équipes de terrain, afin de réaliser les choix les plus pertinents. Ceci suppose que la campagne de prélèvement soit effectuée en fin de chantier, lorsque la quasi-totalité du site a été explorée. La précision attendue À l’heure actuelle, compte tenu des développements méthodologiques récents et de l’affinement des procédures expérimentales de datation (Guibert &

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des informations sur la destination archéologique des structures, qui peuvent s’avérer précieuses pour la compréhension du contexte.

à déterminer l’intensité du signal naturel et celle de signaux générés par des doses d’irradiation calibrées, administrées au laboratoire (une dizaine de courbes par prélèvement). Puis, la dose d’irradiation archéologique est évaluée par la technique des ajouts de dose et par une approximation mathématique linéaire, qui fait passer une droite au mieux à travers l’ensemble de points. Une telle approche, contrainte par la faible quantité de matière disponible, ne permet pas d’étudier les propriétés de TL spécifiques du matériau (Roque et al. 2004a, 2004b) et de construire la loi d’acquisition de la thermoluminescence en fonction de la dose d’irradiation administrée, qui est propre à chaque objet (Guibert et al. 1996). De plus, en raison des conditions particulières de prélèvement et de préparation des échantillons, on peut obtenir des résultats aberrants sans qu’il soit possible d’en identifier la cause. Dans le cas particulier des galets chauffés, l’application d’une telle procédure standardisée peut souvent conduire à des mesures foncièrement erronées. En effet, ces matériaux sont susceptibles de n’avoir pas suffisamment chauffé par le passé (à une température équivalente supérieure à 350°C) pour que leur datation ait un sens archéologique. Or, aucune étude préalable de databilité n’étant réalisée, des valeurs de dose aberrantes sont obtenues et utilisées. C’est pourquoi un tel ensemble d’expériences ne peut conduire qu’à une estimation de la dose archéologique, et non à une mesure précise et fiable.

UNE ETUDE DE CAS : APPLICATION DE LA PROCEDURE « MINIMALISTE » SUR DES TESSONS Les analyses présentées ici s’inscrivent dans une étude à portée méthodologique, qui vise à mettre en évidence les lacunes et les limites d’une procédure expérimentale employée de manière abusive dans un cadre de recherche chronologique. Il ne s’agit en aucun cas d’apporter des datations physiques exploitables. Principe des tests d’ancienneté La méthodologie mise en œuvre ici repose uniquement sur des analyses par thermoluminescence réalisées sur l’artefact chauffé. La radioactivité naturelle du milieu d’enfouissement ne fait l’objet d’aucune étude spécifique. Cette approche est habituellement réservée à des objets pour lesquels on ignore le contexte d’enfouissement, typiquement des pièces de musée ou de collection. Dans ce cas, il est impossible de réaliser une réelle datation, et l’on parle de « tests d’ancienneté ». En effet, une mesure rapide de la dose d’irradiation archéologique accumulée dans le matériau permet d’évaluer grossièrement l’ancienneté de l’objet étudié. Il est alors possible d’apporter une information objective sur son authenticité ou non, en considérant arbitrairement une dose d’irradiation annuelle comprise entre 3 et 6 mGy/an, ce qui correspond à la majorité des cas rencontrés en contexte de fouille (Faïn et al. 1997 ; Roque et al. 2001a, 2001b, 2002a, 2002b ; Vartanian et al. 1999, 2001). S’agissant d’objets destinés à être exposés ou vendus, nous avons la contrainte de ne pas porter atteinte à leur intégrité esthétique, ce qui oblige à pratiquer des prélèvements de matière minimaux et discrets (quelques milligrammes). Dans ces conditions, les expériences de thermoluminescence sont nécessairement limitées et les procédures appliquées doivent être standardisées et rapides. L’estimation de la dose d’irradiation archéologique est par conséquent relativement imprécise (de l’ordre de 20 % d’incertitude sur la mesure) et doit rester indicative de l’ancienneté du dernier chauffage.

Résultats obtenus Cette démarche analytique a été mise en œuvre sur deux tessons de céramique provenant de sites côtiers de Guyane (Crique Jacques et Sable Blanc), attribués à la culture Barbakoeba (1000-1450 ap. J.-C.) (Fig. 1). Stéphen Rostain (2004) a décrit cette culture qui occupa le littoral guyanais entre les fleuves Cottica et Kourou, soit environ 200 km de long pour une moyenne de 25 km de largeur. Les villages étaient implantés sur les cheniers, où l’on pratiquait la sépulture secondaire en urne. La céramique était grossière avec un rare décor d’incisions simples et de modelés appliqués (Fig. 2). L’aspect le plus proéminent de cette culture est sa spécialisation dans l’agriculture sur champs surélevés (Rostain 2010). Les doses d’irradiation archéologiques (Qnat) ainsi déterminées pour les deux tessons analysés sont reportées dans la figure 3.

Méthodologie mise en œuvre

Obtention des âges TL

Des prélèvements de matière sont effectués sur l’objet, le plus souvent par forage. Après un traitement chimique « allégé », destiné à éliminer quelques causes connues de perturbations de mesures de thermoluminescence, les échantillons sont soumis à des expériences de TL. Elles consistent

Aucune considération n’étant apportée à la mesure de la dose d’irradiation annuelle (mesures de radioactivité sur le terrain, détermination de la composition radiochimique des objets à dater et de prélèvements représentatifs de leur environnement immédiat), on

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Figure 1 : courbes de thermoluminescence obtenues par la méthode des ajouts de doses (a/) et estimation de la dose d’irradiation archéologique par approximation linéaire (b/) sur un tesson de céramique du site de Crique Jacques, en Guyane

ne peut que proposer une valeur arbitraire pour le dénominateur de l’équation d’âge (I). On sait, par expérience, que cette grandeur est le plus souvent comprise entre 3 et 6 mGy/an, selon la composition et l’humidité du sol (Faïn et al. 1997 ; Roque et al. 2001a, 2001b, 2002a, 2002b ; Vartanian et al. 1999, 2001). Il est donc mathématiquement possible, sans a priori sur le milieu d’enfouissement radioactif de l’objet à dater, de faire varier l’âge TL du simple au double, comme le montre la figure 4.

sont vendus pour de réelles datations, au mépris de la rigueur scientifique et des principes élémentaires de la méthode, comme synthétisé dans la figure 4. Cette approche n’est pas adaptée à l’exigence de qualité requise pour répondre à des problématiques chronologiques et elle ne peut donc en aucun cas être utilisée pour obtenir des datations scientifiquement rigoureuses. Elle doit rester strictement réservée à l’expertise des objets d’art en terre cuite pour lesquels la problématique se limite à apporter des informations objectives (mesures physiques) sur leur authenticité. Néanmoins, il reste envisageable d’utiliser une telle méthodologie afin de mettre en évidence des aires de brûlis récents qui constituent, dans les contextes archéologiques de Guyane, une problématique récurrente. Dans ce cas très précis, cette technique d’analyse pourrait être appliquée sur des tessons de céramique présentant des traces de feu ou des sédiments rubéfiés et apporter des informations rapides et à moindre coût sur l’ancienneté de leur dernier chauffage. On pourrait ainsi caractériser, grossièrement, de tels événements.

Toutes les « datations » obtenues pour chaque échantillon sont équiprobables, et nous ne disposons d’aucun argument scientifique qui nous permettrait d’en exclure une plutôt qu’une autre. Seule l’incompatibilité chronologique d’un résultat avec l’attribution stylistique ou culturelle de l’objet devient un critère de choix. Ainsi, en pratique, la dose d’irradiation annuelle est fixée en connaissant la valeur mesurée de la dose archéologique et l’âge attendu. L’équation s’en trouve donc inversée : l’inconnu à évaluer devient le dénominateur et l’attribution chronologique présumée de l’objet intervient comme une donnée connue. Dans ce contexte, il est évident que, finalement, les âges « retenus » sont systématiquement compatibles avec l’époque « attendue » ou plutôt le cadre chronologique avancé par l’archéologue. De plus, l’incertitude estimée sur l’âge est, par nature, importante. Finalement, l’intérêt chronologique de tels résultats s’en trouve particulièrement limité.

CONCLUSION Aucune datation par thermoluminescence ne peut s’affranchir de l’analyse, sur le terrain (si possible) et au laboratoire (dans tous les cas), de la radioactivité du milieu d’enfouissement immédiat de l’objet à dater. L’ignorance de cette donnée expérimentale invalide purement et simplement le résultat. Ainsi, l’obtention d’une date TL nécessite une étroite collaboration entre le responsable de l’opération archéologique et les « dateurs », afin de déterminer au mieux les conditions d’enfouissement et d’irradiation des artefacts.

Bilan de cette étude de cas C’est en profitant de la méconnaissance légitime des archéologues de terrain que ces tests d’ancienneté

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Figure 2 : modelés appliqués de culture Barbakoeba du site de Sable Blanc (dessin Rostain)

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Figure 3 : bilan des « datations » que l’on peut obtenir à partir d’une évaluation grossière de la dose archéologique grâce à quelques expériences de thermoluminescence (cf. fig. 1) et d’un choix arbitraire de la valeur de la dose annuelle. Les résultats varient du simple au double

C’est en tant que spécialistes de cette méthode de datation, à laquelle nous avons consacré plusieurs années de recherche, qu’il nous paraissait crucial de proposer cette mise au point et de mettre en garde les archéologues contre ces pratiques douteuses. Elles donnent une idée fausse du travail des chronologistes et, surtout, elles « polluent » les travaux archéologiques en introduisant des informations non fiables.1 1

Des tests de thermoluminescence vendus 230 € par objet (prix moyen de 2007) ne sont pas des datations physiques scientifiquement recevables. Ils doivent être exclus de toute réflexion archéologique à portée chronologique.

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Figure 4 : confrontation des procédures de datation par thermoluminescence mises en oeuvre en archéologie et des tests d’ancienneté effectués dans le domaine de l’expertise

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La basse plaine côtière de Guyane offre peu de possibilités d’implantation humaine car elle est essentiellement composée de savanes inondables et de marécages. Les cheniers, anciennes plages de sable parallèles au rivage, constituent un emplacement de choix de tout temps privilégié par les Amérindiens. Ainsi, presque tous les sites archéologiques actuellement reconnus sur le littoral occidental de Guyane, depuis l’Île de Cayenne, sont installés sur ces formations sableuses. Ils sont attribués en majorité aux cultures Barbakoeba ou Thémire de la tradition Arauquinoïde (Rostain 1994a). Toutefois, avant le XXIe siècle, aucune fouille extensive n’avait été menée sur ces sites, empêchant une bonne compréhension de leur organisation interne. On savait que ces sites sur formations sableuses de l’Île de Cayenne présentaient tous des caractéristiques similaires par leurs emplacements, leurs dimensions, leurs stratigraphies et le matériel archéologique qu’ils contenaient. Si des tessons étaient toujours visibles en surface, la couche archéologique, d’une épaisseur de 10 à 25 cm, apparaissait généralement entre 30 et 50 cm de profondeur. Des tessons étaient parfois présents sur près de 150 cm de profondeur, mais la couche archéologique ne dépassait généralement pas 25 cm d’épaisseur. Elle était inférieure à 20  cm dans le site de Thémire, car le sol avait été rasé par des travaux de construction. Dans ce site, des sols couverts de tessons d’environ 10 cm d’épaisseur avaient été mis en évidence il y a 25 ans (Rostain 1994a). Ils étaient vraisemblablement les restes d’aires de rejet, disposées autour des carbets amérindiens. La série de cordons littoraux, qui s’appuie à l’ouest sur le Mont Saint-Martin et à l’est sur la Montagne de Rémire, supportait un très grand

site, où plusieurs opérations archéologiques avaient été réalisées depuis un quart de siècle. Malgré les différents noms donnés à chacune d’entre-elles – Les Âmes Claires, Vieux Chemin, Mini-Circuit Automobile, Glycérias, Montjoly Bar – il s’agissait en réalité très probablement d’une seule grande implantation tout le long du chenier. La similitude des vestiges découverts et leur proximité plaidaient en effet pour une occupation unique du lieu. Le site complet a pu s’étendre sur environ 1500 par 400 m, soit 60 hectares, ce qui n’est pas extraordinaire en comparaison de villages amérindiens actuels du littoral. Ainsi, l’implantation Kali’na d’Awala se déploie sur plus de deux kilomètres de plage à l’embouchure du Mana, pour une largeur d’environ 500 m. Ainsi, bien que des sites étaient connus, il manquait encore une large vision de ces implantations, que ne pouvait fournir qu’une fouille étendue. À la fin de l’année 2002, Mickaël Mestre mena dans le cadre de l’INRAP une fouille préventive sur 6300 m2 dans le site de Katoury, localisé sur un chenier de l’Île de Cayenne. Les résultats furent très riches d’enseignement et complètent avantageusement la connaissance de ce type de site archéologique. Plus récemment, la thèse de Doctorat de Claude Coutet (2010) a permis d’éclaircir les relations entre les différents sites de chenier de l’Île de Cayenne, grâce à une approche technologique de différents échantillonnages céramiques. Elle conclue que le matériel céramique des sites de Katoury, Thémire et Montabo Sud appartiennent à une même tradition, les différences mineures entre les différents ensembles s’expliquant par des raisons diachroniques ou synchroniques. Stéphen Rostain

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Villages précolombiens de plage Mickaël Mestre Institut National de Recherches Archéologiques Préventives, Cayenne & Stéphen Rostain UMR 8096 « Archéologie des Amériques », CNRS/Université de Paris-1, Nanterre

La côte de Guyane offre un paysage vaseux monotone peuplé de mangrove où apparaissent de-ci de-là quelques plages sableuses. Seuls ces emplacements permettent l’accostage d’embarcations et l’installation humaine, aussi furent-ils de tout temps prisés par l’homme. Plus en retrait, les cheniers, anciens rivages sableux, ont également toujours été particulièrement attractifs pour les populations précolombiennes. Ces derniers emplacements ont pu déboucher sur l’océan à leur époque d’occupation par des peuplades maritimes. Encore aujourd’hui, certaines communautés amérindiennes sont installées sur des cordons littoraux de bord de mer comme les villages kali’nas d’Awala et de Yalimapo, ou à l’intérieur des terres comme l’implantation palikur de Kamuyune à l’est de Macouria. Plusieurs cheniers traversent l’Île de Cayenne, certains

ayant été occupés autrefois par les Amérindiens. Si diverses opérations archéologiques avaient révélé des sites sur des cheniers, il faut attendre 2002 pour que des fouilles extensives soient réalisées sur l’un d’entre eux. La fouille préventive par décapage de Katoury a mis au jour un grand nombre de faits archéologiques aboutissant à une meilleure connaissance d’un ancien village côtier et du type de traces qu’il laisse dans le sol (Mestre 2005). Toutefois, les interventions archéologiques actuelles ne touchent que des unités réduites du fait de la très forte urbanisation, empêchant dès lors une vision globale des anciens villages. Cet article tente de déterminer les spécificités du peuplement précolombien de cordons littoraux à partir de l’étude comparative des données et des vestiges de Katoury et des autres sites sur chenier de l’Ile de Cayenne (Fig. 1).

Figure 1 : carte géomorphologique de l’Ile de Cayenne avec l’emplacement des cheniers, des opérations archéologiques, des polissoirs et des pétroglyphes (dessin Mestre d’après Choubert 1956)

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Figure 2 : évolution du cordon littoral de l’anse de Rémire avec le site de Rorota (dessin Mestre d’après Seurin 1976 : 6)

Sans être une plaine à cheniers, l’Île de Cayenne présente une série de cordons sableux littoraux parallèles au rivage. Avec les embouchures du Kourou et de l’Oyapock, l’Île de Cayenne constitue le seul relief remarquable émergeant de la basse plaine côtière entre l’Amazone et l’Orénoque. Cette presqu’île, délimitée par les estuaires du Mahury à l’est et de la rivière de Cayenne à l’ouest, s’avance dans la mer. Le paysage se compose de grosses collines isolées et des plateaux à sommets latéritisés, séparés par des espaces bas. Un tel milieu a de tout temps attiré l’homme. Les cheniers de l’Île de Cayenne s’étendent sur 3 à 7,5 km de longueur pour quelques dizaines de mètres de largeur. D’après les données fournies par la carte de Choubert (1956), sept cheniers peuvent être individualisés dans l’Île de Cayenne. Deux d’entre eux, localisés au nord-ouest du mont Saint-Martin, n’ont fourni aucun matériel archéologique jusqu’à présent. Nous avons nommé les cinq autres Glycérias, Thémire, Rorota, Katoury et Almaric1 en référence aux noms de sites archéologiques (Fig. 1). La réalité géomorphologique est évidemment plus complexe, mais impossible à détailler par manque de recherches dans ce domaine depuis les années soixante. De toutes les façons, cette schématisation du paysage convient parfaitement au propos de notre étude.

ASPECT GEOMORPHOLOGIQUE DES CHENIERS DE L’ILE DE CAYENNE « Un chenier est un type de plage sableuse (ou très riche en débris de coquillages) formée sur un substratum de sédiments fins (argiles, limons…) dans une côte caractérisée par des phénomènes d’accrétion et de recul » (Prost 1990 : 19). La plaine côtière marécageuse des Guyanes subit d’importantes transformations morphologiques sous l’action du système de dispersion des sédiments fins amazoniens dans l’Atlantique équatorial. Ce sont ainsi près de 280 millions de m3 qui se déversent chaque année dans l’océan. De grands bancs de vase transitent ainsi le long de la côte d’est en ouest. Le rivage guyanais se caractérise alors par une alternance de zones d’accrétion et de zones d’érosion : les mangroves progressent lors des phases de progression tandis que les cheniers sableux se forment dans les espaces inter-bancs lors des phases de recul. Les cheniers se déposent donc sur un substrat vaseux (Fig. 2). Au fur et à mesure de l’évolution du trait de côte, les cheniers se retrouvent vers l’intérieur, séparés les uns des autres par des aires marécageuses basses. S’élaborent ainsi progressivement un paysage de plaine à cheniers (Prost 1990). Le littoral occidental de Guyane en est un bon exemple. 76

Figure 3 : chenier actuel des Salines de Montjoly formant une plage face à l’océan. Il y a plus de 1000 ans, le paysage autour du village de Katoury pouvait ressembler à cela (photographie Rostain)

LE SITE DE KATOURY

le plus bas correspondant à la dépression de la partie nord-est du site. La surface d’abandon précolombienne se situe à une moyenne de 45 cm sous la surface actuelle. Aucun vestige amérindien n’apparaît dans la couche supérieure. La dispersion des structures semble s’organiser horizontalement sur le même pendage observé pour le sol actuel. L’occupation précolombienne se situait sur le sable, qui recouvrait dans la dépression le niveau vaseux. Les structures mises au jour sont des trous de poteaux, des fosses, des puits, des concentrations céramiques, des foyers. En revanche, aucune sépulture n’a été trouvée, ce qui n’est guère étonnant vu la variété de mode d’inhumation des sociétés amazoniennes, mais aussi l’acidité du sol peu propice à la conservation des ossements. S’il n’a pas été possible de reconstituer exactement la forme des bâtiments, des indications permettent d’avancer des hypothèses sur l’organisation de l’habitat. La confrontation des données de fouille aux enseignements de la recherche ethnoarchéologique (Jérémie 1999) autorise une meilleure interprétation des faits archéologiques. Les découvertes faites dans la partie haute et dans la partie basse présentent des caractéristiques différentes. La stratigraphie comprend la surface d’abandon qui a fait l’objet du premier décapage. Elle repose sur le niveau d’occupation sableux qui représente le sol virtuel. Ce dernier surmonte le substrat stérile, c’est-àdire le dessous de sol, dans lequel apparaissent divers creusements anthropiques.

Katoury peut être considéré comme un site de référence par l’ampleur des fouilles qui y ont été menées et les informations qu’elles ont fournies (Mestre 2005). Le site de Katoury est implanté sur la pente septentrionale d’un chenier en léger retrait de l’anse de Montabo. Après la plage actuelle (qui est un chenier en formation), se trouve un premier chenier séparé d’un second par une petite dépression humide. Ces cordons sableux s’étendent sur 2 km entre le Montabo et le mont Bourda. Le site se positionne entre deux crêtes de cordons sableux séparées par une légère dépression. Lorsque les Amérindiens sont arrivés il y a plus de 1000 ans, le paysage ressemblait probablement à celui des Salines de Montjoly (Fig. 3). La formation d’un deuxième cordon sableux va provoquer un remblaiement du marigot par des sédiments fins d’origine fluviatile déposés en milieu marin littoral. L’origine du dépôt vaseux est liée à la formation d’un paysage de chenal de marée ou de lagune salée, antérieur à l’occupation. C’est probablement peu après la fossilisation du marécage à sédimentation argileuse que vient s’implanter l’occupation précolombienne de Katoury. Cette occupation est ensuite recouverte par des apports sableux. Le littoral guyanais subit parfois « des transformations violentes et instantanées, de haute énergie et de courte durée » (Prost 1990 : 409) (Fig. 4). En résumé, il y a une seule occupation amérindienne piégée entre deux phénomènes géologiques d’origine marins. Ce scénario est très similaire à celui défini pour le site archéologique de Rorota dans l’anse de Rémire (Seurin 1976). L’implantation amérindienne de Katoury est localisée sur le second chenier et la dépression (Fig. 5). Une fouille fut réalisée en 2002-2003 sur une surface de plus d’un demi hectare. Une superficie de 90 par 70 m a fait l’objet d’un double décapage, mais les limites du site n’ont pas été atteintes. Les deux décapages ont révélé la surface d’abandon dans le niveau supérieur et un dessous de sol. Près de 1000 creusements anthropiques ont été mis au jour (trous de poteau, puits, fosses), traduisant une densité d’occupation très forte (Fig. 6). Les altitudes du sol actuel sont comprises entre 6 et 7 m au-dessus du niveau de la mer, le point

Figure 4 : chenier actuel attaqué en 2006 par la mer, sur la plage de Montjoly (photographie Gassies)

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Figure 5 : emplacement de Katoury (dessin Mestre)

La surface d’abandon Sur la surface d’abandon, cinq types de traces ont été trouvés : - Des trous de poteau avec calage. - Des céramiques brisées en place, éventuellement dans une fosse. - Des foyers. - Un dépotoir. - Des alignements de mobilier céramique et lithique. La rareté de trous de poteaux dans la partie haute est due à la difficulté de les discerner dans le sable. En effet, le sédiment englobant ocre roux ne permet aucune vision du remplissage des structures creusées. Cela s’explique par des problèmes liés aux comblements de même nature que l’englobant. Seules les zones rubéfiées présentant à la fois une coloration du sédiment, du charbon de bois ou des tessons, et les structures contenant du mobilier archéologique (amas mobilier, dépôt céramique ou sol virtuel) ont pu être détectées. La dispersion spatiale et la constance des altitudes de découverte de ces structures permettent de conclure à la présence effective d’un ancien sol de circulation correspondant à la dernière occupation du village. Plus d’une centaine de concentrations circulaires ou sub-circulaires de mobilier céramique et lithique ont été repérées (Fig. 7.1 et 2). Ces structures montrent une imbrication et une superposition parfois très denses des artefacts sur une faible profondeur moyenne. Il arrive que les tessons montrent des effets de parois bien nets qui dégagent parfois un espace vide à l’intérieur. Ces amas

Figure 6 : plan de la fouille de Katoury (dessin Mestre)

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Figure 7.1 et 2 : calages de poteau avec tessons et galets. 3 : calage de poteau dans le village Wayana-Teko de Kaïodé sur le haut Maroni. 4 : foyer. 5 : céramiques brisées en place (photographies Jérémie et Mestre)

mobiliers sont interprétés comme des remplissages de fosses ou la partie supérieure de calages de trous de poteaux. De nos jours encore, des roches et des tessons de céramiques sont fréquemment insérés dans les cavités des poteaux de carbets amérindiens (Fig. 7.3). Des céramiques entières ou partielles ont été retrouvées fracturées en place ou parfois disposées dans des fosses (Fig. 7.4). Elles furent laissées lors de l’abandon du village.

Plusieurs zones de rubéfaction associées ou non à du charbon de bois ont été identifiées. Elles ont uniquement été découvertes lors de la première phase de décapage dans le niveau sableux supérieur. Il s’agit de foyers circulaires en cuvette sans aménagement particulier (Fig. 7.5). Un dépotoir d’une superficie approximative de 60 m2 est apparu dans l’angle est de la fouille. Suite à l’action du temps et à l’enlèvement de la couche supérieure, 79

ne subsistait qu’une dizaine de centimètres d’épaisseur dans laquelle étaient mêlés indistinctement des cailloux et des morceaux de poterie. Quelques trous de poteaux avec calages étaient visibles au milieu de cet ensemble. Il s’est formé par l’accumulation de rejets d’un habitat s’implantant à proximité ou en surplomb. Les structures les plus intéressantes de la partie haute sont deux ensembles allongés de matériel céramique et lithique. Tessons et pierres sont disposés à plat sans réelle superposition sur environ 25 et 40 m de longueur. Ces aires de rejets suivent la pente naturelle du terrain selon une direction approximativement est-ouest (Fig. 8). Elles sont généralement associées à des trous de poteau disposés linéairement. Ces pseudo-alignements correspondent au niveau d’occupation précolombien le plus récent. Il s’agit en fait très probablement des restes de la concentration des rejets dans des rigoles longeant les maisons. En effet, balayage et ruissellement rassemblent les déchets dans des fossés d’écoulement des eaux de pluie qui se forment à l’aplomb des toitures. Ce sont donc les négatifs des limites de bâtiments (Fig. 9). « Le canal d’écoulement des eaux de ruissellement est indissociable de la présence d’une toiture, il a un profil généralement en U, parfois très évasé selon le pendage du terrain. C’est aussi le pendage du terrain qui joue sur la profondeur et la largeur du canal, cependant, il s’agit de canaux de 40 à 80 cm de large pour une profondeur de 20 à 70 cm. Dans certains cas, le canal peut être remodelé volontairement pour

Figure 8 : alignement de vestiges témoin d’un canal d’écoulement d’eau de pluie et de la concentration des rejets le long d’un bâtiment (photographie Mestre)

Figure 9 : schéma théorique de remplissage des canaux d’écoulement (dessin Mestre)

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Figure 10 : remplissage des canaux dans un village amérindien actuel (dessin Mestre)

en accentuer le profil » (Jérémie 1999) (Fig. 10). Dans certains villages wayanas, des talutages rehaussent le sol des carbets sans planchers, afin d’éviter que la pluie ne s’écoule à l’intérieur. Les effets de paroi rectilignes de Katoury (lignes de tessons et de pierres associées à des séries de trous de poteau) correspondent vraisemblablement à de grandes structures d’habitat de type malocas (Fig. 10).

parfois contenir du mobilier archéologique et parfois des calages (Fig. 11). La multitude de trous de poteau empêche la reconstitution des bâtiments. À l’époque de l’occupation, cette dépression était probablement humide en saison des pluies. Il est donc raisonnable de supposer que les bâtiments étaient plutôt sur pilotis dans cette aire. Il est probable qu’il ne s’agissait pas uniquement d’habitat, mais également de petites structures pour protéger les puits et autres activités spécifiques. Plusieurs fosses parsemaient cet espace. Elles sont de profil concave et leur remplissage est le plus souvent argileux (Fig. 11). Leur fonction reste indéterminée : stockage ou conservation, extraction d’argile, combustion de charbon de bois ? Les puits sont des fosses atteignant la nappe phréatique et présentant des profils en entonnoir. En surface, leur forme est ovalaire, quadrangulaire ou irrégulière. Ces structures se distinguent nettement dans le niveau de vase par un remplissage sableux jaune. Le diamètre varie de 1,5 à 4 m. Elles peuvent atteindre 120 cm de profondeur, mais la remontée des eaux très rapide et les conditions de sécurité ont empêché de trouver le fond des creusements les plus importants. Seuls six puits ont été reconnus, mais ils étaient visiblement plus nombreux. Les profils montrent parfois des emmarchements nécessaires tant au creusement qu’à l’approvisionnement (Fig. 10.4). Une fois comblés d’argile blanche, ces puits pouvaient servir de filon d’extraction pour les poteries comme semble l’indiquer la présence d’entailles sur certaines parois. Le creusement de puits à eau est souvent nécessaire en Guyane française pour les populations n’ayant pas un accès direct à une eau pure, non turbide et non saumâtre. Dans l’Île de Cayenne « sur le plan quantitatif, les eaux souterraines offrent un potentiel globalement très important par rapport au cycle de

Le dessous de sol Les traces du dessous de sol sont de trois types : - Des trous de poteaux, rarement avec calage. - Des fosses. - Des puits. La surface d’abandon reposait sur un sol virtuel dont le décapage a révélé un dessous de sol dans le substrat d’argiles bariolées. Dans la dépression à l’est de la fouille, un niveau de vase sombre s’intercale entre le sol virtuel sableux et le substrat argileux. À la différence du niveau supérieur, de très nombreux creusements anthropiques sont visibles dans cette couche. Ils apparaissent sous forme de tâches claires qui se distinguent nettement par rapport au sédiment englobant foncé. Les remplissages sont sableux et jaunes ou argileux de couleur brune (Fig. 11). L’analyse des creusements anthropiques est parfois problématique à cause de reprises ou surcreusements, voire de réutilisation pour d’autres fonctions. Les traces du niveau vaseux témoignent de diverses activités anciennes, notamment de puisement d’eau et d’extraction d’argile. Les trous de poteaux sont les traces les plus nombreuses. Ils sont généralement circulaires ou sub-circulaires et d’un diamètre inférieur à 50 cm, avec des parois droites et des fonds concaves ou plats. Ils peuvent être accolés par deux, trois, voire cinq. Les remplissages peuvent

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Les formes de récipients comportent des platines, des écuelles, des jattes semi sphériques et de grandes jarres tronconiques (Hildebrand in Mestre 2005). Le type de vase le plus remarquable est la jarre globulaire à col vertical étroit décoré d’incisions et d’une bande rouge. Parmi près de 6500 roches collectées, près de 90 % n’ont pas été modifiées et 8 % sont des outils simples. La matière première – quartz, microgranites, dolérites, diorites, amphibolites, gabbro, migmatites et oxydes de fer – provient de l’Île de Cayenne. La majorité des blocs bruts avaient servi de calage pour les trous de poteaux. L’industrie du débitage du quartz est représentée par des percuteurs de quartz, des éclats parfois retouchés et des enclumes-percuteurs pour le débitage posé. Il existe également un ensemble de préformes de hache, de nombreux broyeurs et molettes, et quelques cassegraines, ainsi qu’un polissoir à gouttière. Enfin, il y a une petite perle tubulaire en tuf et une préforme de perle en quartz transparent partiellement polie (Delpech in Mestre 2005). Quatre datations au 14C ont été réalisées sur deux échantillons provenant du sol d’abandon et deux autres du dessous de sol2. Elles démontrent la contemporanéité de l’occupation des deux niveaux. Deux ensembles homogènes se dégagent : l’un entre 800 et 1000 apr. J.-C., et l’autre vers 1200-1400 apr. J.-C.. Ces datations sont toutefois insuffisantes pour avancer deux époques d’occupation du site, surtout au vu de l’homogénéité stylistique du matériel céramique qui plaiderait plutôt pour une implantation sur une période unique. Deux autres datations au 14C réalisées sur des tessons, à la fiabilité physico-chimique considérée comme faible, ont donné des âges très anciens peu convaincants3.

Figure 11 : en haut, trous de poteau apparaissant en tâches claires dans le substrat sombre et trou de poteau avec calage et, en bas, puits (photographies Mestre)

l’eau. Sur le plan qualitatif, les eaux souterraines sont acides, mais ne présentent aucune turbidité avec une qualité bactériologique naturelle bonne » (Atlas de Guyane 2004 : 38). Il faut remarquer que les puits se regroupent en deux ensembles distincts, chacun localisé dans le prolongement des alignements de mobiliers de la surface d’abandon. Il n’est pas inimaginable que chaque entité de puits correspondait à l’une des malocas.

LES AUTRES SITES SUR CHENIER DE L’ILE DE CAYENNE Différents autres sites ont été repérés sur les cheniers dans l’Île de Cayenne (Rostain 1994a), dont la céramique rappelle celle de Katoury. À la différence de Katoury, tous ces sites n’ont fait l’objet que de travaux archéologiques limités comme des sondages plus ou moins étendus et des ramassages de surface. Ils fournissent donc moins d’informations que Katoury, mais sont toutefois utiles pour une analyse comparative entre sites.

Vestiges mobiliers et datations Le matériel céramique de Katoury se compose de près de 90 000 tessons dont 15 % décorés (Fig. 12). Parmi ceux-ci, plus de 70 % sont incisés principalement de bandes de lignes parallèles verticales, croisées, en chevrons et parfois ondulées. Les 30 % restant sont essentiellement peints d’aplats rouges, et exceptionnellement de bandes noires ou d’aplats blancs. Des bandes horizontales rouges sont de façon caractéristique associées à des séries d’incisions sur les cols. Enfin, quelques petits modelés simples ou zoomorphes stylisés sont parfois appliqués sur les panses ou les bords. Sur quelques rares exemplaires, les colombins sont apparents à l’extérieur. Les dégraissants sont de la chamotte, du sable ou des nodules latéritiques.

Le chenier Glycérias Le chenier allant de la montagne de Rémire au mont Saint-Martin est situé à 1300 m de l’océan à vol d’oiseau. C’est une barre prélittorale en « dos de baleine », c’est-à-dire convexe et donc sans retenue d’eau. C’est l’un des cordons le plus élevé connu avec plus de 15 m de hauteur. Il est entouré de terrains de basse altitude à sol hydromorphe. Différentes interventions archéologiques ont été

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Figure 12 : Céramique de Katoury (dessin Hildebrand)

réalisées à diverses époques en plusieurs points du cordon. À chaque fois, un nouveau nom de site était donné : Les Âmes Claires, Vieux Chemin, MiniCircuit Automobile, Glycérias, Montjoly Bar (Cornette 1988, 1989  ; Rostain 1994a  ; Cazelles 2002). En réalité, il s’agit très probablement d’une seule grande implantation tout le long du chenier. La similitude des vestiges découverts plaide en effet pour une occupation unique du lieu. Le site complet a pu s’étendre sur environ 1500 par 400 m, soit 60 ha. Toutefois, les prospections ont montré des discontinuités, avec notamment des intervalles sans vestiges archéologiques à plus basse altitude que les sites. La profondeur de la couche archéologique varie d’un point à l’autre du cordon. Elle apparaît à 65 cm aux Âmes Claires, à 40 et 150/175 cm à Mini-Circuit

Automobile, entre 35 et 50 cm à Glycérias. Dans ce dernier endroit, quelques objets européens d’époque coloniale apparaissant en haut de la stratigraphie. Près de 1200 tessons et 300 pièces lithiques furent collectés lors des différentes opérations archéologiques. La céramique est attribuée aux cultures Thémire et Barbakoeba (Fig. 13), la grande majorité des tessons étant de type Cayenne Peint, dans une moindre mesure de type Mahury Incisé et exceptionnellement de type Melkior Kwep (Rostain 1994a). Glycérias est nettement plus tardif que Katoury et Rorota avec une datation au 14C de 260 ± 50 BP (OBDY 727), ce qui le situe peu après la conquête européenne4. Cet âge du début de la colonisation est confirmé par la présence d’artefacts européens dans le niveau supérieur.

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Figure 13 : céramique décorée de Glycérias. Les surfaces hachurées sont peintes en rouge (dessin Rostain)

Le chenier Thémire

le remblaiement du marigot par des sédiments fins d’origine fluviatile déposés en milieu marin littoral. C’est probablement peu après la fossilisation du marécage à sédimentation argileuse que vient s’implanter l’occupation précolombienne. Dans le talus de 4-6 m de hauteur, repris par l’érosion, les tessons amérindiens s’intercalent entre d’anciens dépôts de plage. Le site précolombien fut implanté durant une phase régressive peu après la fossilisation du marigot, séparée par deux phases transgressives caractérisée par la formation de deux cordons superposés. Par chronologie relative des cordons les plus élevés de Rémire-Montjoly, l’occupation amérindienne pourrait se situer autour de 1000 BP (Seurin 1976). Le matériel, collecté en surface et dans deux sondages (Petitjean Roget & Roy 1976), a été étudié dans le cadre de l’ACR en 2005. Les 1900 tessons récoltés sont dégraissés avec de la chamotte. Les décors les plus représentés sont une bande horizontale de fines incisions rectilignes parallèles sur l’encolure formant des verticales parallèles, des croisillons ou des obliques parallèles en chevrons. On trouve ensuite des lignes ondulées horizontales, parfois associées à de la peinture rouge ou des adornos (modelés appliqués) zoomorphes stylisés. Ensuite viennent les tessons peints en rouge. Plus rares sont les adornos, les cordons appliqués, les rangées simples ou doubles de ponctuations et les lèvres encochées (Fig. 15 & 16). Les analyses chimiques des tessons, contenant des particules de quartz, de fragments de mica, d’oxyde de fer et d’alumine, démontrent que l’argile utilisée pourrait provenir des niveaux de décantation du marigot situé derrière le cordon littoral (Seurin 1976). Le matériel de pierre est constitué de quelques outils de quartz taillé ainsi qu’un fragment de hache polie et un pilon cylindrique de pierre polie.

Le chenier de Thémire précède celui de Katoury, légèrement moins élevé. Il s’appuie d’un côté sur le mont de Montabo et s’arrête au sud du mont Bourda à l’autre extrémité. Des ramassages de surface, des sondages et deux tranchées furent réalisés en amont du site de Katoury en 1989 et 1990 (Rostain 1989, 1994a). Le site occupe le sommet plat du chenier et s’étend sur une superficie d’environ 6000 m2. Les différents sondages réalisés au centre du site ont révélé à certains endroits des sols virtuels à 20 cm de profondeur, couverts de tessons et de pierres. Plusieurs récipients ont pu être en grande partie reconstitués à partir du matériel de ces sondages. Ces sols virtuels peuvent être les vestiges d’aires de rejet localisées près des maisons. Près de 2400 tessons et 130 pièces lithiques furent récoltés. Ici encore, la céramique est attribuée aux cultures Thémire et Barbakoeba (Fig. 14), la très grande majorité des tessons étant de type Cayenne Peint, et les autres de type Mahury Incisé (Rostain 1994a). Sur le même chenier, vers l’est, des ramassages et un sondage furent effectués en 1989 sur le site de Route de Montabo. La céramique (300 tessons) est comparable à celle trouvée à Thémire. La datation au 14C de 170 ± 170 BP (OBDY 523) effectuée sur des charbons de bois apparemment sub-contemporains n’est pas significative. Le chenier Rorota Le site du Rorota est localisé sur un chenier face à la mer dans l’anse de Rémire, bordé d’un ancien marigot (Lefèbvre 1975). L’étude sédimentologique, minéralogique et chimique permet de reconstituer un schéma de la formation du site naturel (Seurin 1976) : la formation d’un deuxième cordon sableux provoqua 84

Figure 14 : céramique décorée de Thémire. Les surfaces hachurées sont peintes en rouge (dessin Rostain)

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Figure 15 : céramique décorée de Rorota. Les surfaces grises sont peintes en rouge (dessin Rostain)

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cheniers littoraux, il est envisageable d’y découvrir des vestiges amérindiens beaucoup plus anciens. Glycérias et Thémire ont fourni une céramique de culture Thémire. Seul le site de Glycérias est daté de l’époque de la Conquête, qui correspond à une occupation arauquinoïde tardive. Il est d’ailleurs surprenant de constater que tous les sites fouillés de l’Ile de Cayenne, comme ceux du littoral occidental de Guyane, sont datés du second millénaire de notre ère. La surface de fouille de Katoury autorise des hypothèses sur l’organisation générale de l’habitat amérindien. Les trous de poteau correspondent à des maisons mais également à diverses autres structures liées à la vie quotidienne : structures couvertes annexes, tables, échafaudages, clôtures, etc. Ces différents types d’aménagements laissent dans le sol des traces similaires à celle de l’habitat lui-même. La concentration de mobilier peut être linéaire et associé à des séries de trous de poteaux qui s’ouvrent à proximité immédiate. Dans ce cas, le niveau de sol ancien montre des effets de parois très nets, qui marquent probablement les négatifs des bâtiments. Il s’agit de mobilier rejeté par les populations et piégé en périphérie de carbets ouverts dans des fossés d’écoulement des eaux de pluies. Ces fossés se forment après des précipitations importantes et sont indissociables de la présence d’une toiture.

Figure 16 : jatte incisée de Rorota (dessin Rostain)

CONCLUSION L’Île de Cayenne fut un pôle d’attraction pour les populations précolombiennes. Tant les terres hautes (collines) que les terres basses (cheniers) furent des aires privilégiées pour l’implantation de villages. Le modèle d’implantation sur cordon littoral montre deux types d’occupation précolombienne : sur la plage ou plus à l’intérieur des terres. 1. Katoury et Rorota étaient installés directement sur la plage face à la mer, c’est-à-dire sur le chenier en formation. Les données disponibles laissent à penser que le Rorota a pu être un site jumeau et contemporain de Katoury. Les deux sites partagent plusieurs spécificités : - une localisation sur un chenier côtier avec une stratigraphie profonde ; - des datations relatives et absolues des environs de l’an 1000 apr. J.-C ; - une céramique homogène tant par la pâte (couleur et dégraissant de chamotte) que par son décor (incisions fines parallèles, peinture rouge) et ses formes (bols et jattes à parois évasées, jarres globulaires à col incisé, encolures étroites incisées avec épaule peinte en rouge) ; - un éventail décoratif de la céramique limité et très homogène avec seulement cinq types principaux ; - une industrie lithique pauvre, limitée à des outils coupant sur quartz taillé et des outils polis en diorite destinés à la coupe et au broyage. La céramique très caractéristique de ces deux sites se retrouve essentiellement dans l’Île de Cayenne et ses alentours immédiats à l’ouest. Des assemblages similaires ont ainsi été repérés à Pointe Gravier5 à l’embouchure du Mahury et dans le site de Rivière de Montsinéry. Cette céramique, apparemment distincte du style Thémire, pourrait être désignée comme style Katoury.

La maille très resserrée dans la zone basse des trous de poteaux évoque plutôt un habitat sur pilotis supportant un plancher d’habitation. Les puits à eau et les fosses de dimensions importantes sont présents uniquement dans la zone basse et le niveau de vase. Ce type de structures semble absent dès que le niveau du sol s’élève et que le niveau de vase disparaît. Il semble que les populations soient venues chercher préférentiellement l’eau potable dans cette aire, au plus près de la nappe phréatique. Des creusements qui gravitent autour de certains puits à eau peuvent constituer les traces d’abris de protection pour maintenir une bonne qualité de l’eau. On peut logiquement penser que les puits n’ont pas fonctionné simultanément, mais plutôt successivement. Les puits abandonnés servent alors de fosses dépotoirs et sont rapidement rebouchés, les Amérindiens n’hésitant pas à faire une nouvelle excavation près du même endroit. Au vu de la densité des structures de Katoury, il semble nécessaire de raisonner sur des occupations très étendues le long des cordons sableux. Ces agglomérations précolombiennes ont dû ressembler en plus dense à par exemple un village actuel comme Awala qui se déploie sur deux kilomètres de plage côtière pour une largeur d’environ 500 m. Les traces et les vestiges reflètent la présence très probable de deux types d’habitat différenciés : de petites maisons sur pilotis et des malocas. Ces deux types de constructions différentes sont connus historiquement

2. Thémire et Glycérias étaient plus à l’intérieur des terres, sur un ancien chenier. À la différence des

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Figure 17 : en haut, maisons amérindiennes (Barrère 1743) et, en bas, « vue du camp de Sinnamary » par Tugny, en 1767, dans laquelle on peut voir, en bas à droite, des maisons et une grande case collective amérindiennes

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par des descriptions de chroniqueurs dès le début de la colonisation (Fig. 17), mais aussi par l’observation des constructions actuelles amérindiennes. Ainsi, « chez les Palikur du Bas-Oyapock, deux types d’habitat se distinguent : le carbet ouvert directement implanté sur le sol et le carbet d’habitation constitué d’une plateforme sur pilotis » (Jérémie 1999). En 1652, le père Antoine Biet (1664), nous décrit des carbets d’habitats cloisonnés, situés à 15 m de grands carbets ouverts de plus de 112 m de long. Les maisons, disposées côte à côte ou sans ordre apparent, entourent fréquemment une place de petite ou moyenne superficie, sur laquelle se dresse parfois une maison commune : « ils ont une place bien défrichée, pour y avoir asses d’espace afin d’y danser & faire d’autres exercices corporels. Au milieu de cette place ils y ont vn grand carbet, long quelquefois de plus de cent cinquante pas, c’est comme vne forme de halles qui dãs les places publiques des Villes. Il font à iour de tous costez, n’ayant que la couuerture de Palmitre soustenuë de fourches & de pieux. C’est où ils passent la iournée tous ensemble pour y carbeter » (Biet 1664 : 354).

Ce site, à la position stratégique évidente à l’embouchure du fleuve, a connu des occupations distinctes à plusieurs époques. N’ayant fait l’objet que de ramassage de surface et aujourd’hui détruit, il est impossible de reconnaître clairement les différents ensembles céramiques. 5

Deux modèles d’implantation précolombienne sur chenier peuvent pour l’instant être distingués dans l’Île de Cayenne. Le village de type Katoury était installé sur une plage en bord de mer entre environ 1000 et 1400 apr. J.-C. Le village de type Thémire occupait un chenier ancien en retrait vers 1400-1600 apr. J.-C. Ceci n’empêche évidemment pas que des groupes des mêmes ensembles culturels Katoury ou Thémire aient occupé des milieux différents, telles les collines, les berges de fleuve ou les savanes. De toutes les façons, ces sites étendus semblent avoir présenté un mode d’habitat hétérogène où différents types de constructions se côtoyaient. Maisons familiales, cases sur pilotis, malocas, carbets des visiteurs, cuisines ont souvent co-existé dans un même lieu : « les cuisines sont toujours separees des carbets et cette Disposition sert beaucoup à la propreté » (Chevalier de Milhau 1725-32 : 385). Toutes ces variations impliquent donc des traces et des vestiges différenciés dans un même site archéologique qu’il faut à chaque fois reconnaître et identifier. Ce site n’est pas présenté ici car les données archéologiques sont trop pauvres. 2 755 ± 45 BP (ARC 2272) dans une fosse remplie de tessons de céramique ; 1120 ± 45 BP (RTH-27818) dans le dépotoir ; 1130 ± 50 BP (ETH-27817) dans un puits  ; 690 ± 50 BP (ARC 2336) dans une fosse. 3 1900 ± 45 BP (Lyon-3018) et 2450 ± 45 BP (Lyon-3019). Ces deux datations ont été financées par le Ministère de la Culture et de la Communication dans le cadre de l’ACR. 4 L’autre datation de 80 ± 70 BP (OBDY 717) ne peut être retenue. 1

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Les sites de chenier du littoral occidental de Guyane française avaient jusqu’à présent fourni presque exclusivement des vestiges et des traces d’activités domestiques. Les coutumes funéraires de cette région étaient en revanche quasiment inconnues avant le travail de Martijn van den Bel sur la nécropole de Sable Blanc. Les sols acides et humides d’Amazonie sont très peu propices à la bonne conservation des ossements. Il est très rare de retrouver des restes humains dans ce milieu, car il faut des conditions très particulières pour qu’ils se soient conservés. Les rites funéraires précolombiens sont donc mal connus par manque de vestiges. L’ethnohistoire et l’ethnologie nous indiquent que les coutumes funéraires amérindiennes sont très variées d’un groupe à l’autre, et même au sein d’une même communauté (Rostain 2011). Il faut se garder de généraliser quelque information que ce soit à l’ensemble des ethnies amérindiennes car « les cérémonies qu’ils gardent aux obseques et aux funérailles sont differentes en plusieurs endroits, & parmy les diuerses Nations, quoy qu’elles ne soient pas esloignées les vnes des autres » (Biet 1664 : 390). Alfred Métraux, dans son étude sur la civilisation matérielle des Tupi-Guarani, conclut à propos des sépultures que «  les différents modes de sépulture pratiqués par les tribus de la famille tupi-guarani mettent en relief le fait que les coutumes funéraires sont soumises à plus de variations que n’importe quelle autre forme d’activité de ces tribus. (…) Il est donc fort hasardeux de vouloir conclure de l’analogie des rites funéraires à une parenté de race ou à des contacts très prolongés » (Métraux 1928 : 276). On doit ainsi rester prudent dans l’interprétation des rites de la mort précolombiens des Guyane, étant donnée la rareté des données disponibles. Les sépultures précolombiennes connues sont, pour la plupart, en urne de céramique, les ossements étant parfois préservés par le récipient. À l’est de la Guyane française et en Amapá, les clans de

culture Aristé avaient déposé des urnes funéraires anthropomorphes polychromes, au fond de grottes ou dans des puits à chambre latérale. Certaines contenaient encore des ossements, calcinés ou non, vestiges d’enterrements secondaires. Il arrive également que des sols spécifiques aient conservé des squelettes. Ainsi, au centre de la côte surinamienne, des sépultures étaient intactes à Kwatta-Tingiholo grâce au sable coquillier peu acide du chenier où était implanté le site. Jusqu’à il y a peu, il n’existait pratiquement aucune donnée sur les rites funéraires du littoral occidental de Guyane française. Seules quelques urnes avaient été exhumées à Awala-Yalimapo, dans l’embouchure du Mana. La découverte et la fouille de la nécropole de Sable Blanc, près d’Iracoubo, constituent donc un net progrès. À la suite d’Eric Gassies et Georges Lemaire, Martijn van den Bel et son équipe ont réalisé en 2006 une excavation ample et minutieuse des fosses et des urnes de ce site. Les résultats de cette intervention de l’INRAP ont donc tout à fait leur place dans la recherche ACR et la contribution de Martijn van den Bel apporte un éclairage nouveau sur les pratiques funéraires précolombiennes de la région. L’auteur a su habilement contourner le problème de l’absence d’ossements en étudiant soigneusement les fosses et leur contenu. Cela lui a permis de définir cinq modes d’enterrements particuliers. Il interprète la variété de types de sépultures dans ce cimetière comme le reflet d’une stratification sociale de la communauté. La même diversité de pratiques funéraires s’observe dans le site de KwattaTingiholo avec des enterrements secondaires en urne, des enterrements primaires, des séparations de la tête. Des similitudes stylistiques apparaissent donc entre ces deux nécropoles, soutenues par leur contemporanéité. Stéphen Rostain

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Un cimetière précolombien sur la côte

Martijn van den Bel Institut National de Recherches Archéologiques Préventives, Cayenne

«  Les sites funéraires archéologiques connus en Guyane sont toujours localisés en dehors des sites d’habitat. Seules les sépultures secondaires, mises en urne après incinération ou après décomposition du corps, sont pour l’instant repérées. Les nécropoles les plus remarquables et les mieux connues sont localisées dans les grottes des collines de Ouanary, qui ont livré des urnes funéraires élaborées » (Rostain 1994a : 103).

contrebas au sud, qui fit l’objet de trois interventions archéologiques par le SRA et l’INRAP (Gassies et Lemaire 2005, 2006  ; van den Bel 2006). Enfin, la partie la plus méridionale est couverte de petits champs surélevés (cf. le chapitre sur les champs surélevés de Rostain dans ce volume). La fouille de la nécropole a fourni des données originales sur les modes funéraires de l’ouest guyanais, jusqu’alors peu connus. Les 5400 m2 fouillés par décapage montrent l’existence d’un cimetière avec différents types des sépultures. Ces modes d’enterrement sont très différents de ceux reconnus dans les grottes funéraires de culture Aristé à l’est de l’Ile de Cayenne. Ils se rapprochent plus de ceux de la nécropole de Kwatta-Tingiholo, sur le littoral central du Surinam (Fig. 3). L’étude comparative de ces sites permet de distinguer différentes habitudes funéraires de la côte des Guyanes.

Il y a peu de sites funéraires connus le long des Guyanes côtières. Le site Sable Blanc Est/Iracoubo Ouest, localisé à l’ouest d’Iracoubo (Fig. 1 & 2), est très intéressant car il présente une aire domestique et une autre cérémonielle (Rostain 2010). Le site d’habitat Iracoubo Ouest a été trouvé en 2003, au sommet du chenier de la RN1, lors des prospections faites dans le cadre de l’ACR « Préhistoire du littoral de Guyane ». En 2005, a été trouvé un cimetière d’urnes en

Figure 1 : Localisation du site funéraire de Sable Blanc Est (dessin van den Bel)

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ovoïdes contenant des céramiques entières, ont été interprétées comme des inhumations et 2 dépôts céramiques comme urnes (Van den Bel et al. 2007). Enfin, près de Malmanoury, un site amérindien du XIXe siècle a livré sept inhumations primaires et une sépulture secondaire en jatte (van den Bel et al. 2006). Plus à l’ouest, au Surinam, plusieurs sépultures ont été découvertes dans des sites Arauquinoïdes (Geijskes 1960-61 ; Boomert 1980 ; Versteeg 1985, 2003). Des sépultures furent exhumées dans le tertre résidentiel d’Hertenrits, à l’ouest du pays, daté de 700 à 1250 apr. J.-C. Différents modes d’enterrements sont reconnus : sépultures directes et primaires, ou secondaires en urnes, et même mixtes, primaires et secondaires (Geijskes 1964 ; Boomert 1980). Le site Peruvia-2, à l’ouest du fleuve Coppename, daté de la même époque, a livré deux urnes funéraires, dont une munie d’un couvercle, contenait des restes humains (Versteeg 1985 : 722-723). L’unique véritable nécropole du Surinam est KwattaTingiholo, associée à un site d’habitat. Une partie du cimetière fut fouillée par Dirk Geijskes dans les années 50, livrant 38 sépultures primaires (Fig. 3). Quatre crânes étaient couverts avec une poterie entière déposée à l’envers. Il y avait également des sépultures secondaires dans de grands vases pouvant contenir des corps entiers (Khudabux et al. 1991). Certains crânes montraient une déformation crânienne volontaire (Tacoma et al. 1991).

Figure 2 : Localisation de la parcelle fouillée où se trouve le cimetière de Sable Blanc (extrait du cadastre)

LES SITES FUNERAIRES DES GUYANES COTIERES Si les rites funéraires précolombiens de l’est de Guyane française ont été décrits (Rostain 1994), il n’en est pas de même pour l’ouest. Seules quelques urnes funéraires ont été trouvées sur le littoral occidental, à Yalimapo/Les Hattes (Cornette 1987  ; Janin 2002  ; Thomas 2002 ; Coutet 2013). L’une était une sépulture secondaire dans une jarre globulaire recouverte d’une jatte évasée1. Les autres urnes étaient également globulaires avec un col étroit. À l’est d’Iracoubo, dans le site de crique Coeur Maroni (site 230 de Petit-Saut), sur le Sinnamary, fut trouvée une fosse contenant une jatte couverte d’une jarre renversée, avec un outil de pierre polie double et une lame de hache en pierre polie. Ce dépôt est supposé être une sépulture (Vacher et al., 1998 : 69-70). Dans l’Île de Cayenne, deux structures du site de Katoury étaient peut-être funéraires. Il s’agissait de vases entiers et renversés avec de grands fragments de platines disposés à côté (Jérémie 2002 ; Mestre 2005). Sur le Maroni, dans la Crique Sparouine, 9 fosses

On connaît mieux les sites funéraires à l’est de l’Île de Cayenne. Onze nécropoles en grottes ont été reconnues dans les Monts de l’Observatoire et sur la Montagne Bruyère à l’embouchure de l’Oyapock et six au nord de l’Amapá (Meggers et Evans 1957 ; Petitjean Roget 1983, 1993  ; Rostain 1994a). Dans cette dernière région, il existait également sept nécropoles enterrées, cinq en plein-air et trois puits funéraires. C’étaient des sépultures secondaires en urnes de culture Aristé, datées de 400 à 1750 apr. J.-C. (Rostain 1994a). Après décomposition, les ossements étaient placés dans

Figure 3 : Nécropole de Kwatta-Tingiholo, Surinam (dessin Rostain d’après Tacoma et al. 1991)

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Figure 4 : aires funéraires de Sable Blanc Est (dessin van den Bel)

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se trouvaient pour la plupart à environ 30 cm de profondeur (l’épaisseur de la couche de remblais) et étaient décapités par des travaux de nivellement récents. Le premier ensemble, au nord-ouest, conserve 28 dépôts céramiques répartis dans 23 fosses, ainsi que deux concentrations de tessons de céramique disposés à plat et quelques trous de poteaux. Cet ensemble n’a pas été fouillé intégralement et se poursuit très vraisemblablement sur les parcelles adjacentes. La deuxième concentration contient 19 céramiques funéraires réparties dans 16 fosses, ainsi qu’une concentration de tessons à plat et cinq trous de poteaux (quatre d’entre eux formant une structure). Un échantillon de charbon (KIA 33862, 1000 ± 35 ans BP), provenant d’une urne de la deuxième concentration (structure 8), a livré une première datation calibrée à  2 sigma de 973-1059 apr. J.-C. (64,2 %) et 1075-1154 apr. J.-C. (30,2 %). La deuxième concentration contient 19 céramiques funéraires réparties dans 16 fosses, ainsi qu’une concentration de tessons à plat et cinq trous de poteaux (quatre d’entre eux formant une structure). Les vases

Figure 6 : sépulture avec deux vases emboîtés (photographie van den Bel)

Les vases se trouvant immédiatement sous la couche de remblai, ont été touchés par les travaux de nivellement récents (Fig. 5). Aussi, il manquait souvent le fond ou la partie supérieure d’un vase ou d’un fragment de

des urnes anthropomorphes à décor polychrome. Les urnes étaient la plupart du temps rassemblées dans des grottes ou, quand celles-ci sont absentes, dans des puits à chambre latérale. À la fin de la période Aristé, les urnes étaient parfois enterrées dans le sol. LA FOUILLE DE SABLE BLANC EST Le site de Sable Blanc Est est installé à 1,5 km à l’ouest du fleuve Iracoubo, dans la haute plaine côtière pléistocène. Cette plaine fait partie de la Série Coswine, formée de sables fins et d’argiles (bariolées) marines ou continentales (Mazéas 1961 : 9-10). La partie nord de la parcelle, en bordure la RN 1, est localisée sur un chenier à la limite de la basse plaine côtière holocène constitué par un talus naturel. La partie centrale fait partie d’une surélévation longitudinale de la Série Coswine qui a favorisé l’implantation humaine. Vers le nord, cette surélévation est délimitée par une crique et vers le sud par un bas fond. Les parcelles latérales montrent effectivement une dénivellation d’environ un mètre. Ici, le sol ferralitique a formé un horizon jaune aéré marqué par l’accumulation d’oxydes de fer (hématites), il s’agit d’un sol hydromorphe. Dans ce cas, le niveau d’argile porte le nom de goetite ou limonite. Trois aires de fouille ont été ouvertes sur le versant sud du chenier2. Le site se compose de deux ensembles distincts de dépôts céramiques correspondant apparemment à des sépultures (Fig. 4). Les vases

Figure 7 : sépulture avec poterie retournée (photographie van den Bel)

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Figure 8 : sépulture en coffre (photographie van den Bel)

platine. Presque tout le mobilier archéologique a été trouvé dans des fosses. Il se compose essentiellement de céramique : vases entiers, moitiés ou grandes parties de vases (encastrés), platines à manioc et tassements de tessons (bords, fonds et panses). Aucun ossement, calcifié ou non, n’a été trouvé dans les récipients. Les vases étaient remplis d’un sédiment sablo-argileux d’une couleur grise qui appartient à la couche de goetite ou limonite sub-jacente. Quelques vases du sondage 3 étaient remplis de sable blond qui ne venait pas des sédiments alentours, mais plutôt du sommet du chenier de la RN1. Ce sable a dû être apporté pour couvrir les urnes.

ensembles funéraires. Quatre structures de céramiques ont été trouvées sans fosse (visible) et considérées comme des concentrations de tessons à plat. Ces structures peuvent bien sûr être liées à l’ensemble funéraire. Si les céramiques présentent toutes le même genre de pâte (dégraissant de chamotte), l’épaisseur des parois est très variable (de fine à épaisse), tout comme les formes : globulaire, carénée, évasée, etc. Il n’y a aucun décor, sauf de la peinture rouge à l’intérieur de certains récipients.

Dans chaque ensemble, plusieurs types de dépôts céramiques et différentes combinaisons de dépôts à l’intérieur d’une même fosse ont été identifiés. Les dépôts céramiques sont agencés de cinq manières différentes et dispersés en deux ensembles funéraires : - Dépôt de type 1 : un vase entier est posé sur le fond de la fosse et recouvert d’un autre récipient à l’envers (Fig. 6). - Dépôt de type 2 : un vase entier est posé à l’envers sur le fond de la fosse (Fig. 7). - Dépôt de type 3 : un grand fragment de vase (bord, fond ou moitié de vase) est déposé dans la fosse. - Dépôt de type 4 : de grands tessons sont entassés dans la fosse. - Dépôt de type 5 : une fosse (souvent carrée) forme un « coffre » dont les parois sont faites avec une platine à cuire posée verticalement ou de grands morceaux de platine (Fig. 8 et 9). Il peut y avoir des offrandes de petits vases entiers ou d’une pierre polie. D’autres dispositions ont été observées ponctuellement, mais ces cinq types sont les plus représentatifs des deux

Figure 9 : sépulture en coffre (photographie van den Bel)

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et sur le bord extérieur (épaisseur des parois 5 mm) à l’intérieur de laquelle on identifie un motif géométrique peint en blanc sur fond rouge (plages horizontales et verticales alternées). L’ensemble était couvert par un grand fragment de poterie qui servait de couverture, et qui ressemblait au vase trouvé dans la structure 19 du même sondage. Ce vase était placé à l’envers au-dessus d’un fragment de poterie. Dans le sondage 2, une fosse ronde et isolée a été trouvée en bordure du sondage. La fosse a un diamètre de 90 cm et une profondeur de 20 cm . L’intérieur de la fosse était pavé avec des morceaux d’argile brûlée et de tessons de céramique. Le remplissage sablo-argileux, d’une couleur grise très foncée, contenait de fortes concentrations de charbons. On suppose que la fosse a pu servir de structure de chauffe ou de combustion.

Figure 10 : modèle de sépulture en coffre fait de plaques à cuire en céramique verticales et de grands fragments de poterie (dessin van den Bel)

Les trous de poteaux

Les fosses

Quelques trous de poteaux ont été repérés. Dans le sondage 1, il y a six trous de poteaux d’un diamètre variant de 17 à 24 cm et d’une profondeur de 8 à 18 cm. Toutefois, leur disposition ne permet pas de reconstituer une structure. En revanche, à l’est de la concentration des vases funéraires du sondage 3, il y a quatre trous de poteaux qui forment une structure carrée d’environ 1,5 par 1,5 m. Leur diamètre est de 15 à 18 cm et leur profondeur de 21 à 32 cm. Les poteaux étaient calés avec des tessons. Peu de trous de poteaux ont été découverts durant la fouille, ce qui n’est pas surprenant dans un cimetière en comparaison avec une aire résidentielle.

Les 39 fosses détectées sont liées à la poterie funéraire. Elles ont été creusées jusqu’au substrat vierge constitué d’une argile sableuse et bariolé par l’oxyde de fer. Si les fosses sont parfois difficiles à détecter, la taille du récipient qu’elles contiennent permet de déterminer leur dimension. Le remplissage de la fosse est souvent moins foncé que celui des vases, mais contient parfois quelques tessons. La plupart des fosses était remplie de goetite, ce qui pourrait indiquer qu’elles avaient été re-ouvertes ou que le récipient y était partiellement enterré. Les fosses sont toujours un peu plus grandes que le vase qu’elles contenaient. S’il y avait plusieurs vases dans une fosse, la forme du creusement peut être irrégulière. Sinon, une fosse de forme irrégulière résulte parfois de creusements successifs ou de la réouverture de la structure. Les re-creusements ou re-coupements des fosses montrent nettement que les Amérindiens connaissaient et géraient parfaitement la zone funéraire et la distribution des fosses. Toutes les fosses sont rondes ou ovoïdes, sauf les dépôts céramiques en coffre de type 5 qui ont une forme rectangulaire ou carrée. Une ou deux platines à manioc placées verticalement délimitent nettement les parois ou un angle de la fosse (Fig. 10). Seuls ces dépôts avaient quelquefois des offrandes céramiques ou lithiques. Ainsi, au fond de la structure 6 du sondage 3, était déposée une pierre polie (dolérite) de 62 cm de long et de 14 kg (Fig. 11).

INTERPRETATION Il faut avant tout constater que les structures déterminées sont, pour la plupart, des fosses contenant des vases en céramique. Aucun ossement humain n’a été trouvé, ni à l’intérieur des vases, ni dans les remplissages des fosses, ces derniers ne fournissant pas de grandes quantités de charbon. C’est donc principalement les types de dépôts et la distribution des récipients qui suggèrent un ensemble funéraire. Si les vases et les petites fosses évoquent plutôt des sépultures secondaires, les fosses carrées ou coffres ont pu contenir des inhumations. L’absence de forte concentration d’autres types de structures, tels des puits, des fosses ou des trous de poteaux, et d’une couche archéologique épaisse (malgré le nivellement), laisse supposer que cette zone a vraisemblablement été visitée et utilisée exclusivement comme site funéraire. On peut donc en déduire que la structure en bois identifiée à partir de quatre trous de poteau dans le sondage 3, l’ensemble

La structure 21 du même sondage a livré : - une platine à manioc (diamètre 80 cm) et une demiplatine placée perpendiculairement ; - une bouteille entière avec un col évasé (hauteur 23 cm ; diamètre du col 6 cm ; épaisseur des parois 5 mm) déposée sur le fond de la fosse ; - une petite céramique peinte en rouge à l’intérieur 96

Figure 11 : dépôt d’une pierre polie dans la structure 6 (photographie van den Bel)

de trous de poteaux dans le sondage 1 et la fosse dans le sondage 2 sont reliés aux rites funéraires réalisés par les Amérindiens dans cette aire. Il est possible que les corps aient été décharnés à l’air libre sur place ou dans un endroit déterminé à l’extérieur du site. Puis, les ossements étaient récupérés, et probablement traités, avant d’être déposés dans une urne. La dimension de certains récipients indique que le squelette ou quelques os sélectionnés ont été brisés ou concassés avant d’y être déposés. De telles pratiques ont été mises en évidence dans des sites du Surinam et étaient encore utilisées à l’époque coloniale dans les Guyanes (Roth 1924  ; Rostain 1994a). Il semble les dépôts de fragments de poterie de type 4 soient également le résultat de rites postmortem. Il est en effet probable que ce type de dépôt ne contenait ni ne couvrait des restes humains, mais qu’il faisait partie de la cérémonie d’enterrement. Il pourrait s’agir d’une pratique similaire à celle des Wayana actuels qui brisent la céramique et détruisent les biens du défunt pendant la cérémonie d’enterrement (de Goeje 1943 : 36  ; Kloos 1973 : 26-29 ; Renzo Duin com. pers. 2005).

Enfin, les différents types de dépôt pourraient correspondre à des pratiques funéraires distinctes selon le statut du défunt, ce qui indiquerait une stratification sociale de la communauté. L’existence de deux ensembles funéraires séparés soutient cette hypothèse : chaque unité sociale pourrait être identifiée et enterrée dans un lieu spécifique. C’était le cas au début du XXe siècle chez les Palikur d’Okawa, au nord de l’Amapá du Brésil (Nimuendajú 1926). Un cimetière doit être remarquable (à savoir identifiable) tant par les membres d’une ethnie particulière que par ceux d’un autre groupe voisin. Il faut alors que des signes soient visibles en surface, comme des fosses laissées ouvertes, des urnes enterrées partiellement ou des petits monticules (Guapindaia 2001 : 167). La présence du sable blond dans quelques vases du deuxième ensemble indique qu’un tertre avait été édifié au-dessus, signalant un groupement d’urnes correspondant peut-être à une unité sociale comme, par exemple, un clan. Si l’on poursuit ce raisonnement, le dépôt en coffre (type 5) pourrait correspondre à la sépulture d’un chef ou d’un membre principal de la famille ou du clan. Le coffre même peut avoir une signification symbolique  : il reproduirait la maison, les platines verticales étant les murs et le grand tesson déposé au-dessus le toit3. Dans ce cas d’inhumation primaire, le défunt serait déposé dans une maison symbolisée par le coffre, accompagné d’offrandes de céramique utilisées dans l’Au-delà. Si la mort et les conceptions qui s’y rattachent sont incontournables pour comprendre les comportements sociaux amérindiens précolombiens, elles sont cependant difficiles à saisir à partir du seul mobilier archéologique.

Un autre point particulier est la simplicité des vases sans décor, qui pourraient tout aussi bien être de la vaisselle domestique. De ce point de vue, ils sont très différents des urnes polychromes à silhouette et modelés anthropomorphes des sites funéraires Aristé de l’est de la Guyane française et de l’état d’Amapá au Brésil. Les urnes de Sable Blanc Est ressemblent à des récipients d’usage courant et l’on peut se demander si elles furent fabriquées spécialement pour un usage funéraire ou si ce sont des vases domestiques réutilisés à cette fin. 97

Figure 12 : grotte funéraire de culture Aristé de Montanha de Aristé (dessin Rostain d’après Meggers & Evans 1957 : fig. 28)

CONCLUSION

Le cimetière d’Awala-Yalimapo et la nécropole de Sable Blanc Est sont les seuls sites funéraires connus à l’ouest de l’Île de Cayenne. On peut d’ores et déjà distinguer trois traditions funéraires en Guyane française :

Les fouilles de Sable Blanc Est ont clairement montré une distribution spatiale de deux ensembles de vases funéraires4. Ils font probablement partie d’une aire funéraire installée sur un affleurement étroit et se poursuivant dans les parcelles voisines avec vraisemblablement d’autres concentrations. Ce site est interprété comme une nécropole amérindienne occupant une surélévation naturelle et constituée de plusieurs concentrations d’urnes. Certains ensembles, ou tous, étaient signalés par un tertre artificiel. Chacun d’entre eux a pu représenter une famille ou un clan provenant d’un ou plusieurs villages de la région.

- La première tradition (Fig. 12) est celle des cimetières d’urnes en grotte de culture Aristé, à l’est de la Guyane française, définie par Stéphen Rostain (1994a). Ce sont des sépultures secondaires, après désincarnation ou crémation, dans des urnes globulaires ou à silhouette complexe, avec un décor élaboré polychrome et souvent des modelés appliqués représentant des membres humains. Ces urnes étaient rassemblées dans des grottes avec des offrandes de céramique, de pierre, et parfois des artefacts de verre et de métal européens. Cette tradition funéraire Aristé commencerait vers 400 apr. J.-C. pour s’achever vers 1750 (Rostain 1994a). Elle est également présente en Amapá, où des puits à chambre latérale peuvent remplacer les grottes5 (Meggers & Evans 1957) et, dans certains cas, les urnes sont enterrées dans le sol ou déposées en surface (Hilbert 1957). - La seconde tradition, déterminée à Sable Blanc Est (Fig. 13), est caractérisée par une nécropole composée de plusieurs concentrations (peut-être marquées par un tertre) de sépultures de types variés : inhumations secondaires en urne non décorée ou couvertes par un récipient ou un grand fragment de céramique, sépulture primaire en coffre fait de platines et de grands tessons de vase. Certains dépôts présentent des offrandes de céramique ou de pierre. Il est probable que chaque concentration représente une unité sociale de la communauté. Cette tradition n’est pas datée avec certitude, mais elle pourrait se situer autour du début du second millénaire de notre ère. Par ailleurs, ce type de nécropole est très comparable à celui de Kwatta-Tingiholo, sur le littoral central du Surinam, daté de 800 à 1200 apr. J.-C. (Versteeg 2003).

Figure 13 : urne funéraire de Sable Blanc Est (photographie van den Bel)

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Les rites funéraires précolombiens ont probablement été très variés d’une ethnie à l’autre et beaucoup de pratiques n’ont laissé aucune trace. Pourtant, au fur et à mesure des découvertes archéologiques, les coutumes entourant la mort commencent à être connues. Les Kali’na d’Awala considèrent cette urne comme étant une jarre à cachiri et le couvercle comme un vase à eau (Cornette 1987). 2 Signalons qu’en 2007, une fouille programmée a été réalisée par Stéphen Rostain sur le site amérindien au bord de la route nationale. Les recherches sur 330 m² ont livré des trous de poteaux, dépotoirs de céramiques, plusieurs foyers et caches de céramique en constituant la partie d’un site d’habitat (Rostain 2010). 3 Ce n’est peut-être pas un hasard si les Palikur du bas Oyapock utilisent le même mot pour désigner l’urne et la maison (Petitjean Roget 1993 ; van den Bel 1995). 4 L’extension du premier ensemble reste indéfinie, mais ne semble pas plus grande que celle du second ensemble. 5 Fin 2006, nos collègues brésiliens de l’IEPA ont découvert une nécropole à l’embouchure de Rio Calçoene, en Amapá. Il s’agit de puits et de fosses contenant de multiples dépôts de poteries et chacun couvert par une plaque de granites. Des dalles de pierre dressées signalent la nécropole (comm. pers. Saldana et Cabral 2007). 1

Figure 14 : dépôt céramique, peut-être funéraire, du site 230 (structure 10), bassin du Sinnamary, Guyane (Vacher et al. : fig. 52)

- La troisième tradition, plus diffuse, est définie par des inhumations primaires ou secondaire dans de grands récipients en fosse ovoïde, dans le site d’habitat. Une ou plusieurs poteries entières, souvent domestiques et non-décorées, sont parfois déposées en offrande. Des dépôts de céramique ou des inhumations secondaires en urne peuvent accompagner les tombes primaires. Ce type de sépulture apparaît dans l’Île de Cayenne au Mont Grand Matoury (Grouard et al. 1997), à Katoury (Mestre 2005) et aux Terrasses du Mahury (Dauphin et Gassies com. pers. 2007) ou dans l’intérieur, dans le site 230 (Fig. 14) sur le Sinnamary (Vacher et al. 1998) et à Sparouine (Van den Bel et al. 2007). Les deux premières traditions semblent partager des concepts spirituels et sociaux : - les nécropoles occupent un lieu spécifique dédié à une fonction funéraire ; - elles sont séparées du village ; - les différents dépôts funéraires représenteraient une certaine stratigraphie sociale. La dernière tradition, que l’on rencontre dans des sites divers, se distingue des autres par la localisation de la sépulture dans l’espace domestique ou, du moins, dans une aire non dévolue à des fins funéraires. En cela, il existe une grande différence dans le traitement du défunt qui n’est pas rassemblé avec d’autres dans un lieu spécifique, mais enterré seul près de l’habitat. Les trois traditions semblent avoir été contemporaines à une certaine période, entre environ 900 et 1200 apr. J.-C. La première tradition funéraire est attribuée à la culture Aristé, rattachée à la tradition culturelle du bas Amazone. La seconde tradition montre des points communs avec les modes funéraires Kwatta et Hertenrits du Surinam. La dernière tradition n’est pas spécifiée. 99

L’étude des champs surélevés de Guyane française remonte à 25 ans suite à des survols aériens en ULM de la plaine côtière. À cette époque, l’auteur, alors allocataire de recherche à l’ORSTOM (aujourd’hui IRD), s’était entouré des différents chercheurs du centre pour organiser un travail pluridisciplinaire sur cette thématique. C’est ainsi que des botanistes, des géomorphologues, des pédologues, des hydrologues, des télédétecteurs et des topographes se joignirent à l’archéologue pour comprendre ces structures de terre. Dix ans plus tard, les techniques d’analyse des matériaux s’étant considérablement améliorées, il était de nouveau envisageable de monter un projet avec de nouvelles problématiques et méthodologies. C’est ainsi que la recherche sur le littoral occidental des Guyanes reprit et que deux programmes scientifiques virent le jour durant la première décennie du nouveau millénaire. Après quelques années préparatoires consacrées essentiellement à des recherches le long du littoral du Surinam, le projet ACR fut mis en place en réunissant tout un groupe de spécialistes des sciences humaines. Puis, en s’achevant trois ans plus tard, il donna suite à un nouveau projet, impliquant une équipe encore plus conséquente. Soutenues par le CNRS et le Ministère de la Culture, ces actions donnèrent une ampleur encore inédite en écologie historique dans les Guyanes. En effet, elles furent menées selon une dynamique véritablement interdisciplinaire, où chacun des partenaires avait contribué à l’élaboration d’une problématique commune à laquelle chaque discipline apportait des éléments de réponse grâce à sa méthodologie et ses outils spécifiques. La précision et l’envergure des résultats suffisent à convaincre de l’avantage d’une telle approche.

Dans le champ de l’archéologie qui joua un rôle pivot dans ces projets, outre l’analyse aérienne des champs surélevés, des prospections et des fouilles programmées furent entreprises en différents points du littoral occidental. Quatre sites sur cordon littoral sableux, dont l’un au Surinam, firent ainsi l’objet de décapages de grandes surfaces, fournissant des informations originales sur ce type d’implantation associée aux champs surélevés. Un pan entier de l’histoire précolombienne et de l’évolution du paysage côtier a de cette manière été révélé. Après un passage à vide à la fin des années 1990, l’archéologie des Guyanes connut il y a une douzaine d’années un renouveau notable dont l’impulsion fut en partie donnée par les recherches sur les champs surélevés. Il faut reconnaître que la diversité et le nombre des chercheurs impliqués dans les programmes présentés – jusqu’à 25 scientifiques travaillant conjointement dans les savanes côtières – a produit des résultats remarquables. En outre, ce dynamisme s’est accompagné d’une formation accrue d’étudiants, plusieurs thèses doctorales ayant alors été réalisées. Par ailleurs, ces différents travaux ont donné lieu à une importante production d’articles, ouvrages et conférences destinés tant aux académiques qu’au grand public. À l’aune de cette expérience, on ne peut que préconiser de favoriser dans l’avenir des projets interdisciplinaires d’envergure pour de telles recherches plutôt que des interventions ponctuelles, restreintes et isolées. Mens agitat molem. Stéphen Rostain

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L’archéologie des champs surélevés

Stéphen Rostain UMR 8096 « Archéologie des Amériques », CNRS/Université de Paris-1, Nanterre

L’étude des champs surélevés de Guyane française est bien récente – un quart de siècle –, mais a connu des développements et des extensions remarquables, incomparables avec ceux d’autres pays amazoniens. Après le boom de la recherche des années 1980 et du début des années 1990, notamment grâce aux programmes de l’ORSTOM (aujourd’hui IRD) et de l’AFAN (aujourd’hui INRAP) (Rostain 1994a ; Vacher et al. 1998), la fin du millénaire voit un net ralentissement dans l’archéologie de Guyane française. Ce n’est que quelques années plus tard que des investigations conséquentes reprennent, notamment sous l’impulsion de programmes dédiés à l’étude du littoral occidental et des champs surélevés précolombiens. La vitalité de ces recherches interdisciplinaires joue alors un rôle de catalyseur qui induit un dynamisme retrouvé, notablement visible dans le développement des travaux de terrain, la multiplication de thèses universitaires et dans l’accroissement des publications.

Les débuts réels de l’étude des champs surélevés d’Amérique du Sud remontent aux années 1960 lorsque William Denevan réalisa sa thèse de Doctorat sur les llanos de Mojos en Bolivie (Denevan 1966). Peu après, James Parsons signala des structures comparables dans le nord de la Colombie. Les deux auteurs écrivirent alors un article commun présentant leurs découvertes dans la revue Science (Parsons & Denevan 1967). Dès lors, d’autres complexes de champs surélevés furent reconnus dans différentes régions des terres basses, mais aussi des terres hautes, d’Amérique Latine. Ils furent alors trouvés dans le bassin du Guayas et les vallées andines en Équateur, autour du lac Titicaca au Pérou et en Bolivie, dans le territoire maya au Mexique et au Belize, ainsi que dans les llanos au Venezuela.

Pourtant, loin d’être une simple mode, la recherche sur les champs surélevés a une longue histoire. La notre s’inscrit donc dans une continuité logique, entamée il y a près d’un demi-siècle. Bien plus, dès les débuts de la colonisation, des chroniqueurs remarquèrent cette pratique agricole encore vivace chez certaines communautés amérindiennes d’Amérique du Sud. Les mentions sont néanmoins rares car rares étaient les colons d’origine paysanne, aussi n’avaient-ils que peu d’intérêt pour les techniques locales d’agriculture. Les terrasses agricoles Incas des Andes –mais aussi les champs quadrillés et surélevés– sont décrites dès le XVIe siècle car ce paysage, ayant été profondément transformé par l’homme, est visible de tous et particulièrement spectaculaire (Fig. 1). L’ampleur des complexes de champs surélevés est beaucoup moins évidente à révéler, car il faut prendre de la hauteur pour embrasser l’ensemble des sites (Fig. 2). Ainsi, seuls quelques textes du XVIe au XVIIIe siècles font allusion à l’agriculture sur champs surélevés dans les Grandes Antilles, sur les rives de l’Orénoque au Venezuela ou dans les vallées andines (Fig. 3).

Figure 1 : champs quadrillés irrigués chez les Incas des Andes au XVIe siècle (Guamán Poma de Ayala 1988 (1615) : 1059)

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Figure 2 : le même complexe de champs surélevés de Diamant vu du ciel et du sol n’offre pas du tout le même aspect (photographie Rostain)

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À l’époque, les débats et polémiques sur les limitations environnementales des terres basses, soulevés par la publication de l’ouvrage de Betty Meggers (1971), activèrent les recherches sur le potentiel agricole de l’environnement équatorial amazonien. L’attention sur les champs surélevés s’estompa néanmoins fortement dans la décennie 1990-2000. Aujourd’hui, le développement de l’écologie historique et de l’archéologie des paysages, ainsi que le perfectionnement des méthodes d’analyse, notamment en archéobotanique, en géomorphologie, en pédologie et en télédétection, expliquent le retour sur l’étude de ces « landfacts ». L’intérêt récent pour le développement durable justifie également une observation accrue sur des techniques agricoles alternatives, héritées d’une expérience multimillénaire des communautés autochtones. En 1939, au Surinam, des champs surélevés furent repérés par l’ingénieur J. de Kraker, près de la rivière Barbakoeba, dans le district de Marowijne, à l’est du pays. Il les attribua à l’agriculture des Noirs-Marrons, c’est-à-dire les descendants des esclaves échappés des plantations (Boomert 1976). Ce n’est que 18 ans plus tard que le pédologue H. Dost associa ce type de structures aux tertres artificiels précolombiens localisés dans l’ouest du pays. La construction intensive de polders de riziculture dans le district de Wageningen détruisant les champs surélevés et menaçant les monticules résidentiels, Dirk C. Geijskes organisa une fouille en 1957 sur le plus grand d’entre eux : Hertenrits. À partir des années 1970, Frans Bubberman (com. pers. 2008) localisa sur le terrain plusieurs complexes dans les districts de Nickerie, Coronie, Saramacca et Marowijne. Puis, il interpréta par stéréoscopie des photographies aériennes au 1:30 000e et 1:10 000e pour dresser une carte des champs surélevés du Surinam. Les découvertes furent contemporaines en Colombie et au Venezuela. Les époux Reichel-Dolmatoff (1974) décrivirent ce qui leur paraissait être des champs surélevés sur une superficie d’environ 100 hectares dans le haut Meta1. Dans les années 1960, les Hollandais réalisaient des travaux intéressants à partir des photographies aériennes. Des « vestiges de cultures préhistoriques » furent ainsi signalés entre La Unión et Toro sur la rivière Arauca, à la frontière entre la Colombie et le Venezuela (Goosen 1976). Dans les llanos de l’Apure, Alberta Zucchi et William Denevan (1979) étudièrent un système de champs surélevés perpendiculaires à la rivière Caño Ventosidad. Quelques autres complexes de champs surélevés ont été signalés depuis dans ces savanes. Par exemple, le site Hato La Calzada est localisé non loin de Caño Ventosidad (Garson 1980). Mais, comme à La Tigra, les structures sont plutôt comparables à des champs drainés que surélevés (Redmond & Spencer 2007). Depuis, l’analyse des prises de vue de Google Earth nous a permis de repérer quelques ensembles de champs surélevés dans cette région. Au Guyana, des tertres d’habitat furent trouvés dans

Figure 3 : « La mañiere et facon de jardiner et planter des Yndiens » avec ici une planche agricole à la fin du XVIe siècle dans les Antilles (Drake 1996)

les années 1970 dans l’est du pays et associés à des systèmes de champs surélevés (Boomert 1978). En 1992, Neil Whitehead repéra des billons entre les fleuves Berbice et Canje à l’est du pays (Denis Williams, com. pers. 1992). En Guyane française, l’étude des champs surélevés ne débuta qu’en 1989, mais elle prit une importance d’une dimension incomparable avec celle des Guyanes voisines. LA DECOUVERTE : LE PROGRAMME « SAVANES » Connaissant l’existence de champs surélevés précolombiens dans les savanes inondables du Venezuela et du Surinam, je réalisais en 1989 des survols de reconnaissance en ULM le long de la côte de Guyane française afin de vérifier si de telles structures se retrouvaient dans cette région (Fig. 4). Je repérais alors des milliers de buttes à l’ouest de l’île de Cayenne qu’aucun de mes collègues du centre IRD (Institut de Recherche et de Développement) de Cayenne n’avait jamais vu auparavant. Le pédologue René Boulet était ainsi stupéfait d’avoir arpenté lui-même les savanes littorales de Guyane pendant près de 20 ans sans avoir noté la présence de ces petits tertres. 103

Figure 4 : premiers vols en ULM en 1989 depuis l’aérodrome de Kourou qui permirent de découvrir les champs surélevés de Guyane (photographie Rostain)

Je montais alors un programme de recherche pluridisciplinaire appelé « Savanes », associant l’IRD et l’Institut Géographique National (IGN), qui se déroula de 1989 à 1991 (Rostain & Frenay 1991). Cette investigation rassemblait archéologues, ethnologues, historiens, pédologues, géomorphologues, hydrologues, botanistes, géochimistes, télédétecteurs d’imagerie numérique et topographes (Fig. 5). La recherche suivit deux axes principaux. Le premier volet se concentrait sur le terrain avec des reconnaissances aériennes en ULM, en avion et en hélicoptère, des prospections et des sondages archéologiques et pédologiques, des inventaires et des collectes botaniques, des relevés variés, des mesures topographiques et cartographiques. Le second aspect était l’interpré-

tation stéréoscopique de photographies aériennes et le traitement d’images satellitaires. En fin de programme, je publiais un ouvrage en couleur présentant les résultats (Rostain 1991). Les survols avec divers engins volants à moteur autorisent une vision sans égal du paysage et la découverte de structures que l’on serait bien en peine de repérer au sol. En variant l’altitude, il est possible d’appréhender différentes échelles d’un environnement particulier, depuis sa globalité jusqu’à des détails extrêmement précis. Néanmoins, l’archéologie fondée sur des reconnaissances aériennes serait incomplète sans l’interprétation de photographies aériennes, c’est-à-dire l’étude de l’image des objets photographiés, l’identification des phénomènes et la signification que l’on peut en déduire. C’est l’analyse des formes observées et de leurs interactions qui permet d’expliquer la nature même de l’environnement. Un champ particulier de ce travail est l’interprétation stéréoscopique de prises de vues verticales aériennes. Les bases de la méthode ont été posées par Jean Hurault dans le cadre de ses fonctions à l’Institut Géographique National (1963). J’ai eu la chance d’être formé à ce travail par ce géographe qui, outre les développements qu’il avait donnés à cette discipline, avait effectué l’essentiel de sa carrière en Guyane française. Il avait notamment installé les bornes frontières sur la ligne de partage des eaux entre la Guyane française et le Brésil dans le Sud. Il était également fameux pour ses travaux précurseurs sur l’ethnologie des populations amérindiennes et Noir-Marrons du Maroni. En outre, son livre sur l’histoire amérindienne à l’époque coloniale, fondée sur les archives, demeure un ouvrage de référence inégalé (Hurault 1972).

Figure 5 : la plupart des chercheurs du centre IRD de Cayenne participèrent au programme « Savanes » et vinrent sur le terrain. Du début en fin de file : le botaniste Jean-Jacques de Granville, la géomorphologue Marie-Thérèse Prost, le télédétecteur d’imagerie numérique Christophe Charron, le botaniste Michel Hoff et l’hydrologue Marc Lointier (photographie Rostain)

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morphologie du sol sous le couvert végétal, permettent de prédire des perspectives intéressantes en archéologie aérienne sur l’Amazonie. Jusqu’à encore récemment, beaucoup étaient persuadés qu’aucune archéologie aérienne n’était possible en Amazonie à cause du tapis de « brocolis » impénétrable que constitue la canopée. Il y a 25 ans, j’avais pourtant montré que par son faible couvert forestier, le littoral guyanais se prêtait parfaitement à cette technique. En outre, je suis convaincu qu’une bonne lecture et une interprétation soigneuse des photographies aériennes permettent de révéler des structures et des aménagements anthropiques même sous forêt. Quoi qu’il en soit, j’appliquais les méthodes d’interprétation stéréoscopique afin de réaliser une cartographie précise des structures de terres entre l’île de Cayenne et le fleuve Malmanoury à l’ouest, soit une aire de près de 200 km de long. Ces aménagements étant pratiquement invisibles au niveau du sol dans les marécages, aucune cartographie n’est envisageable à l’aide de simples prospections au sol. Des repérages précis et de nombreuses photographies ont été faits lors de survols en avion et en ULM en Guyane française et au Surinam donnant lieu en une série unique de prises de vue des structures de terre (Rostain 2013). La cartographie précise des aménagements anthropiques a été faite à partir des reconnaissances aériennes et de l’analyse stéréoscopique de photographies aériennes. L’étude portait sur des centaines de clichés IGN, SOFRATOP et hollandais au 1:8 000e, 1:12 000e ou 1:25 000e de 1955, 1966, 1987 et 1991. L’analyse stéréoscopique de photographies aériennes aboutit à une interprétation représentant la synthèse de plusieurs cartes thématiques : archéologique, botanique, géomorphologique, pédologique, hydrographique, etc. Ainsi, la lecture de ces documents résulte de la conjonction de l’expérience à reconnaître des formes particulières et de l’identification et la délimitation de structures nouvelles et inconnues (Fig. 8).

Figure 6 : Jean Hurault à gauche, Pierre Frenay au milieu et un délégué brésilien à droite, devant la borne frontière n° 1 qu’ils viennent de poser le 12 septembre 1962 (photographie Frenay)

Lorsque je le contactais en 1989, il s’enthousiasma immédiatement sur la découverte des champs surélevés et rassembla des photographies aériennes des environs de Kourou qu’il m’apprit à interpréter par stéréoscopie. Par la suite, il me présenta à Pierre Frenay, son assistant de toujours, avec qui je poursuivis ce travail d’analyse et qui m’accompagna dans le travail de terrain (Fig. 6). À la fin des années 1980, la méthode d’interprétation stéréoscopique était peu à peu abandonnée au profit d’une nouvelle technique prometteuse : la télédétection d’images satellitaires. Les premières cartes IGN de Guyane française avaient été réalisées par un travail croisé de stéréoscopie et de mission de terrain, mais, depuis les années 1970, l’IGN ne faisait presque plus de reconnaissances sur place. Seuls quelques chercheurs des sciences de la terre et de la nature utilisaient occasionnellement des photographies aériennes, tout le monde tablant sur les images satellitaires, pourtant encore peu précises. Il n’y avait d’ailleurs pas de fonds de photographies aériennes au centre IRD de Cayenne. Dans la convention qui fut signée avec l’IGN en 1989, figurait le don de deux cantines remplies de prises de vues verticales de différentes époques sur la Guyane. Je m’attelais donc avec Pierre Frenay à l’interprétation de centaines de prises de vue (Fig. 7). La suite prouva que la méthode classique par stéréoscopie était plus utile pour l’étude des champs surélevés, notamment par la vision en 3D qu’elle offrait, que la télédétection satellitaire qui avait alors séduit beaucoup. Les développements récents des images par laser Lidar, dévoilant la

Figure 7 : l’analyse stéréoscopique de photographies aériennes demeure la technique la plus efficace pour cartographier et étudier la disposition des champs surélevés (photographie Rostain)

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Figure 8 : étendue du complexe de champs surélevés dans la Savane de Corossony, à l’ouest de Sinnamary. Le rectangle noir représente la photo aérienne incrustée, prise depuis le nord (photo et relevé Rostain sur fond de carte IGN)

La première étude des champs surélevés de Guyane s’est achevée avec ma thèse en 1994 et mon départ vers de nouvelles recherches dans d’autres régions d’Amérique du Sud. Je repris toutefois ce thème en commençant en 1999 des travaux sur la tradition Arauquinoïde des Guyanes avec un collègue hollandais, Aad Versteeg. Durant quatre ans, nous avons étudié documents et collections archéologiques concernant les populations Arauquinoïdes, notamment au Surinam (Rostain & Versteeg 2003, 2004 ; Versteeg 2003 ; Rostain 2004). Ce travail préliminaire devait prendre une ampleur accrue avec la mise en place d’un nouveau projet scientifique intitulé « Préhistoire de la côte occidentale de Guyane ».

de recherche mené en coopération et pluridisciplinaire. Grâce à une coopération entre institutions françaises (CNRS, SRA, INRAP) et internationales (Stichting Surinaams Museum, Université de Leyde), on se proposait de développer une recherche diachronique et culturelle sur l’ensemble du territoire guyanais de tradition Arauquinoïde avec, au premier chef, la culture Barbakoeba, qui couvre partie de la Guyane française et du Surinam. L’un de ses principaux objectifs était de rassembler les données éparses accumulées et d’en collecter de nouvelles dans le cadre général de la Guyane côtière, afin de les étudier sous un jour nouveau et d’en publier les résultats sous la forme d’une synthèse. Il s’agissait de procéder à : - la classification des collections céramiques afin de définir une typologie régionale ; - une cartographie de l’habitat précolombien et des champs surélevés du littoral ; - une modélisation de l’occupation ; - une définition des cultures et des sociétés complexes précolombiennes ; - une reconstitution de l’évolution culturelle de l’époque précolombienne à nos jours.

LE PROGRAMME « PREHISTOIRE DE LA CÔTE OCCIDENTALE DE GUYANE » L’activité archéologique s’étant fortement ralentie en Guyane depuis le milieu des années 1990, José Thomas tenta de relancer des travaux. C’est dans ces conditions que je proposais donc l’Action Collective de Recherche (ACR) « Préhistoire de la côte occiden2 tale de Guyane » de 2003 à 2006 . L’archéologie des Guyanes présentait alors des lacunes notables et certaines aires demeuraient très mal connues. La cause en était évidemment en premier lieu le manque de fouilles archéologiques, mais également la rareté de publications sur le sujet, car beaucoup de rapports dactylographiés n’étaient pas diffusés et plusieurs collections existantes n’étaient pas étudiées. La problématique d’un nouveau projet était donc assez évidente et visait à combler ces carences par un travail

Pour arriver à cela, la recherche comprenait différents volets : - prospections et fouilles archéologiques en Guyane française et au Surinam ; - classification des collections archéologiques existantes (institutions et musées) ; - enquêtes ethnologiques dans les groupes amérindiens, notamment les Kali’na ; - étude des sources d’archives et de la bibliographie sur 106

les cinq Guyanes côtières ; - interprétation stéréoscopique des photographies aériennes et élaboration de cartes thématiques ; - analyses palynologiques et phytolithiques sur d’échantillons de sols de champs surélevés. Pendant trois ans, des missions, de trois à cinq semaines chacune, ont été réalisées une à deux fois par an en Guyane française et au Surinam par plusieurs membres de l’équipe. Pour le volet archéologique, deux priorités avaient été mises en avant. La première était l’étude des collections archéologiques et la seconde était le travail de terrain. Plusieurs missions avaient pour objectif l’étude des collections archéologiques et ethnographiques de Guyane française et du Surinam. En Guyane française, de telles collections étaient déposées au Service régional de l’Archéologie (SRA), à l’Institut National de Recherche en Archéologie Préventive (INRAP) et au Musée des Cultures Guyanaises. Au Surinam, toutes les collections avaient été entreposées au Stichting Surinaams Museum à Paramaribo, après un séjour de plus années en désordre dans un hangar désaffecté. J’ai étudié les vestiges provenant de prospections ou de fouilles archéologiques, certains n’ayant jamais été observés après leur collecte. Par exemple, à Paramaribo, ce sont des milliers de tessons, récipients ou modelés qui ont été analysés en détail, dont plus de 300 ont été dessinés et photographiés. Les principaux résultats de ce travail ont été publiés dans l’ouvrage « Suriname before Columbus » (Versteeg 2003) et une sélection des pièces exposée dans le musée du Fort Zeelandia (Fig. 9). En Guyane française, nous avons également travaillé sur diverses collections des réserves du SRA et du Musée des Cultures Guyanaises. En outre, Claude Coutet a mené une étude technologique de ces mêmes échantillonnages dans le cadre de sa thèse de Doctorat, apportant ainsi un regard différent et complémentaire sur le matériel (Coutet 2010). La typologie céramique établie pour la Guyane a pu être affinée et corrigée. Les quatre cultures Arauquinoïdes (Hertenrits, Kwatta, Barbakoeba, Thémire), ainsi que les cultures Aristé et Koriabo de Guyane, étaient parfois mal décrites et sont maintenant mieux connues. De plus, le matériel collecté durant les prospections et les fouilles de l’ACR a permis de préciser les typologies céramiques et de mieux circonscrire le territoire de chaque culture. On a pu ainsi dessiner une image plus précise de l’occupation littorale précolombienne de Guyane. L’autre aspect de l’étude des collections concernait le matériel ethnologique. Il est présent tant dans les musées guyanais et surinamiens qu’en Europe. Un inventaire descriptif de centaines de pièces céramiques a donc été effectué. Elles sont en grande majorité Kali’na, l’ethnie dominante depuis la conquête européenne sur la côte à l’ouest de l’île de Cayenne. Il existe un véritable problème de connexion entre les

Figure 9 : réalisation de la salle d’archéologie précolombienne du musée du Fort Zeelandia en 2004, à Paramaribo, Surinam (photographie van Putten)

époques précolombienne et coloniale. Les groupes Arauquinoïdes et Kali’na occupaient sensiblement le même territoire, mais aucun parallèle n’apparaît dans leurs styles céramiques, tant dans les techniques et les formes que dans les décors. L’origine de la céramique Kali’na était donc à trouver en dehors de la tradition Arauquinoïde. L’analyse technologique et typologique de la céramique des deux ethnies historiques principales, Kali’na et Palikur, croisée avec celle des deux traditions précolombiennes, Arauquinoïde et Polychrome, aide à mieux appréhender les filiations stylistiques sur la côte de Guyane. La conquête a provoqué des mouvements de populations aboutissant à des démantèlements, des fusions et des reconstructions culturelles. Il apparaît probable que des groupes de l’ouest de Guyane se replièrent vers l’Amapá, tandis que ceux de l’est se réfugièrent sur la côte occidentale. On assiste donc à des migrations croisées provoquant la création d’ensembles culturels originaux. L’hypothèse proposée est que le style Arauquinoïde constituerait un des composants du style actuel des Palikur d’Amapá, et que le style Polychrome Aristé est un des éléments de base du style Kali’na contemporain. Il est cependant évident qu’il n’y a pas d’adéquation systématique entre style céramique et identité ethnique car diverses populations pouvaient se rattacher à un seul ensemble culturel. Le second but de ces missions était le travail de terrain, l’activité archéologique s’étant notablement ralentie en Guyane française et au Surinam à la fin du second millénaire. Après une période de latence, l’INRAP avait relancé en 2003 des fouilles préventives d’envergure avec notamment le chantier du site de Katoury dans l’île de Cayenne, mais le littoral occidental restait inexploré. D’un autre côté, aucune fouille n’avait été réalisée au Surinam depuis vingt ans. La réalisation de nouveaux travaux de terrain, prospections et fouilles, était donc une priorité pour l’archéologie guyanaise. J’organisais donc des prospections, tant pédestres qu’aériennes, sur

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Figure 10 : fouille archéologique par décapage à la pelleteuse du site de Surnaukreek, Surinam, en 2004 (photographie Rostain)

la côte occidentale de Guyane française et le littoral oriental surinamien. Les découvertes furent cependant beaucoup moins fréquentes que prévu. Si l’on retrouve approximativement un site par kilomètre carré en forêt, repérable par la présence de tessons en surface, ce n’est pas le cas sur les cheniers littoraux. Les reconnaissances ont en effet démontré qu’au contraire de ce qui

se produit en forêt, les tessons ne remontaient pas en surface dans ce milieu. Cela est dû à une pédogénèse plus forte, ainsi qu’une activité racinaire et animale moindre. En conséquence, les sites enfouis ne peuvent être directement repérés en surface et c’est pour cela qu’ils sont souvent découverts à l’occasion de travaux d’aménagement qui les mettent au jour. L’organisation de fouilles extensives ne rentrait pas dans le cadre de l’ACR. Toutefois, des prospections et des sondages ont été réalisés afin de compléter les informations lacunaires disponibles. Si l’on a surtout fait des ramassages de surface en Guyane française, des sondages ont été creusés dans plusieurs sites du Surinam, et un décapage à la pelle mécanique a été ouvert dans le site de Surnaukreek où des échantillons pour datation ont notamment pu être collectés comme dans d’autres sites du même pays (Fig. 10). Cela a surtout permis de préparer le terrain à de futures fouilles en Guyane française. D’un autre côté, de nombreux champs surélevés furent repérés au sol dans les savanes et marécages durant les prospections. Les reconnaissances aériennes ont révélé plusieurs nouveaux complexes (Fig. 11) et ont guidé les travaux de cartographie fondés sur la stéréoscopie. Les résultats de la photo-interprétation ont été confrontés aux images satellitaires de Google Earth, ces dernières demeurant toutefois moins précises pour de telles observations. Une nouvelle carte archéologique plus complète des aménagements précolombiens de la côte centrale de Guyane, accompagnée de prises de vue aériennes, a ainsi été obtenue (Fig. 8). Enfin, j’ai prélevé des échantillons de terre dans les buttes et canaux afin de faire réaliser les toutes premières analyses de phytolithes et de pollens sur ce type d’aménagement.

Figure 11 : complexe de champs surélevés de Galibi, dans l’embouchure du Maroni, à l’extrême est du Surinam (photographie Rostain)

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LE PROGRAMME « ARCHEOLOGIE ET ECOLOGIE DES SAVANES COTIERES DE GUYANE »

- Comment ces buttes se sont-elles maintenues durant des siècles après leur abandon ? Une telle recherche s’inscrivait au cœur du débat en cours sur le degré auquel les occupants précolombiens avaient transformé les écosystèmes amazoniens. En effet, depuis plus d’une dizaine d’années, les spécialistes de l’Amazonie se penchent sur l’impact humain ancien et les modifications anthropiques précolombiennes de la forêt équatoriale (Balée & Erickson 2006), avec notamment des travaux en écologie historique sur les terra preta, c’est-à-dire les terres noires d’origine anthropique (Glaser & Woods 2004  ; Arroyo-Kalin 2008  ; etc.) et les terrassements des aires inondables (Darch 1983  ; Spencer et al. 1994  ; Schaan 2008  ; Erickson 2008  ; Walker 2004 ; etc.). Toutefois, jamais une recherche réunissant autant de disciplines différentes autour d’un questionnement commun n’avait jusqu’alors été entreprise en Amazonie. Le mariage des disciplines – et de ses acteurs – fut un réel succès qui se concrétisa par la production de plusieurs conférences et publications interdisciplinaires, en particulier des communications croisées au congrès WAC-6 à Dublin (Iriarte et al. 2010) en 2008 ou des articles communs dans PNAS en 2010 et 2012 (McKey et al. 2010 ; Iriarte et al. 2012). Durant les cinq années du projet, les missions de terrain ont rassemblé les chercheurs des différentes disciplines, qui pouvaient ainsi échanger et partager leurs compétences (Fig. 12). Les mêmes sites ont été étudiés par les différentes composantes de l’équipe, multipliant ainsi les regards scientifiques sur le lieu. En outre, les archéologues ont parfois assisté les archéobotanistes et les écologues, les pédologues sont venus participer aux fouilles archéologiques, les écologues ont fait de la télédétection aérienne, etc. Ces échanges ont renforcé l’approche commune et la définition d’une problématique unanime. C’est dans ce cadre collectif que trois sites archéologiques ont été fouillés et que des prospections ont été menées sur le littoral occidental, entre Kourou et le fleuve Organabo.

En 2006, l’écologue Doyle McKey me contacta car, au cours de son travail sur le manioc sauvage dans les savanes littorales de Guyane française, il avait remarqué les buttes et dans sa recherche bibliographique sur leu origine, il avait rencontré mon nom. Nous décidâmes alors de monter un projet scientifique interdisciplinaire et international sur ces vestiges et cet environnement. Une telle opportunité venait à point pour poursuivre et compléter les travaux entrepris dans le cadre de l’ACR. Nous avons donc rassemblé une équipe de 25 scientifiques autour du programme « Archéologie et écologie des savanes côtières de Guyane » qui se déroula de 2007 à 20113. Cette recherche, financée par les deux programmes CNRS « Amazonie » et « Ingénierie écologique », ainsi que par le Ministère de la Culture et de la Communication, était co-dirigée par Doyle McKey et moi-même. Bruno Glaser et Jago Birk (Université de Bayreuth, Allemagne) dirigèrent les recherches en pédologie, José Iriarte (Université d’Exeter, RoyaumeUni) les études en archéobotanique et paléoécologie, Doyle McKey et Delphine Renard (Université de Montpellier) les travaux en écologie, et moi-même l’aspect archéologique. Bruno Roux (L’avion jaune, Montpellier) était responsable de l’imagerie aérienne. Le programme « Savane » avait permis d’appréhender l’ampleur du phénomène et de caractériser les structures, mais de nombreuses questions subsistaient sur l’histoire de ces paysages et des interrogations originales se développaient sur leur écologie contemporaine. En outre, les techniques d’analyse de laboratoire, notamment en archéobotanique, pédologie et datation, s’étaient considérablement développées et affinées en 20 ans, autorisant des diagnostics plus précis et nouveaux. Tout cela justifiait la mise en place d’un nouveau projet. L’objectif a été conçu selon une optique réellement interdisciplinaire, la problématique ayant été pensée et élaborée par les différents intervenants. Deux grands domaines de recherche se retrouvent ainsi en interac4 tion : celui de l’histoire et celui de l’écologie . Les questions furent définies à partir de la concertation des différents partenaires : - Comment les paysages que nous observons aujourd’hui se sont-ils formés ? - Sont-ils seulement le résultat du travail de l’homme ou également de processus naturels ? - Peut-on mettre en évidence un lien incontestable entre les complexes de buttes et les sites archéologiques à proximité ? - Ces sites datent-ils de la même époque ? - Y a-t-il une correspondance entre les plantes cultivées sur buttes et celles consommées dans les villages précolombiens ?

La problématique des fouilles programmées était l’étude archéologique horizontale de sites de chenier de la côte occidentale de Guyane. Elle s’inscrivait donc dans la continuité de la recherche menée de 2003 à 2006 dans le cadre de l’ACR « Préhistoire de la côte occidentale de Guyane ». Les trois sites étudiés furent Sable Blanc à l’ouest d’Iracoubo, Bois Diable et Colline Sable à l’ouest de Kourou. Aucune fouille programmée n’avait été réalisée en Guyane française depuis la création du Service Régional d’Archéologie en 1992, la priorité ayant été donnée aux fouilles préventives, dont les moyens et les objectifs diffèrent notablement d’un travail programmé. La raison en est que les archéologues travaillant en Amazonie sont aussi rares que sont nombreux les sites archéologiques de la plus grande forêt tropicale du Monde. Faute de moyens humains et financiers, la recherche en Guyane française avançait très lentement.

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Figure 12 : interdisciplinarité du programme « Archéologie et écologie des savanes côtières de Guyane » (photographies Hurault, McKey, Rostain, anonyme)

- Bois Diable, en 2008 et 2009, était connu depuis la fin des années 1980, mais seules des fouilles restreintes y avaient été effectuées, aussi le site n’était-il pas bien cerné. Une grande partie de l’implantation avait disparu à cause de l’extraction de sable par une entreprise qui avait ainsi créé de grands lacs artificiels sur le chenier. Les complexes de champs surélevés qui jouxtent le site juste au sud furent en outre étudiés par les archéobotanistes et les pédologues du programme. - Colline Sable, en 2009, fut découvert au cours des prospections de 2008. Il est localisé sur le chenier dans la continuité de celui de Bois Diable qui n’en est séparé que par une aire marécageuse d’une centaine de mètres de large. Il était donc intéressant de déterminer si l’occupation des deux sites était contemporaine. En outre, le complexe de champs surélevé K-VIII, construit juste au sud et cartographié en 1989, a fait l’objet d’une attention particulière de tous les chercheurs de l’équipe.

Fort heureusement, les fouilles préventives effectuées par l’INRAP fournissaient une somme non négligeable de données sur la région. Toutefois, les diagnostics que cet institut effectue autorisent rarement l’élaboration d’une problématique de fouille ciblée et le développement d’un travail de recherche complet. Des fouilles programmées étaient donc indispensables pour compléter la connaissance du passé précolombien de Guyane. Les recherches archéologiques antérieures avaient mis en évidence l’existence de différents sites amérindiens sur le sommet de ces cheniers (Rostain & Frenay 1991  ; Rostain 1994a). Parce qu’ils représentaient les seules terres fermes émergeant au milieu des marécages et parce qu’ils offraient un accès aisé aux diverses ressources des milieux d’eau salée, d’eau saumâtre et d’eau douce, ces cordons de plage semblaient avoir constitué des lieux d’implantation privilégiés (Rostain 1995b). Par ailleurs, ces travaux indiquaient que plusieurs de ces sites occupaient les cheniers situés à proximité immédiate des principaux ensembles de champs surélevés. Trois sites présentaient les caractéristiques requises c’est-à-dire la localisation sur un chenier, la proximité de champs surélevés et la présence de vestiges de tradition Arauquinoïde : - Sable Blanc, en 2007, venait d’être récemment découvert et avait fait l’objet d’une intervention de fouille préventive. Toutefois, les travaux s’étaient limités à la partie funéraire de l’implantation, laissant inexploré l’espace domestique. Le hasard voulut que l’aire de fouille que nous avons ouverte soit localisée dans un lieu qui fut détruit immédiatement après notre intervention pour aménager un accès à un hangar. Cette fouille a donc permis d’étudier une partie du site aujourd’hui disparue.

Sable Blanc Lors des prospections archéologiques réalisées en juillet 2003 dans le cadre de l’ACR, plusieurs sites furent découverts dans les environs d’Iracoubo. L’un d’entre eux était localisé sur le chenier supportant la Route Nationale n° 1, à la sortie occidentale du bourg d’Iracoubo. De nombreux tessons de céramique, dont certains décorés de modelés biomorphiques typiques du style Barbakoeba, furent ramassés de part et d’autre de la route. Deux ans plus tard, d’autres vestiges furent trouvés à l’occasion d’un défrichement proche, dans la pente méridionale du chenier. En réalisant une fouille préventive dans cette parcelle, dénommée « Sable Blanc Est », Éric Gassies mit au jour plusieurs fosses contenant des urnes (Gassies & Lemaire 2005). 110

Figure 13 : les différentes zones d’activité du site de Sable Blanc : l’aire résidentielle, l’espace funéraire protégé par un talus et les planches agricoles modernes, désignées ici comme « champs surélevés » (photographie Rostain)

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Quelques mois plus tard, il faisait décaper deux aires et ouvrir des tranchées à la pelleteuse, mettant en évidence trois espaces bien circonscrits (Gassies & Lemaire 2006). Une nouvelle fouille préventive fut effectuée en 2006 par l’INRAP durant laquelle trois zones totalisant une superficie de 1200 m2 furent décapées et fouillées, révélant des dizaines d’urnes enterrées dans des fosses, quelques trous de poteau et des canaux (Van den Bel 2006 et ce volume). Aucune trace d’ossement n’a été retrouvée dans les urnes, vraisemblablement à cause de l’acidité du sol. Une fosse ronde isolée, tapissée de morceaux d’argile brûlée et de tessons de céramique, a été interprétée comme une structure de chauffe ou de combustion. Il n’est pas impossible qu’il s’agisse de traces de la pratique de la crémation des défunts. En effet, malgré l’absence d’ossements, on peut raisonnablement inférer qu’il s’agissait d’un espace funéraire car aucun vestige d’usage domestique n’a été mis au jour et l’apparence des urnes est identique à celles du cimetière Barbakoeba d’Awala, plus à l’ouest, qui contenaient encore des restes humains. Contrairement à beaucoup d’autres cultures amazoniennes, les nécropoles Arauquinoïdes n’étaient pas éloignées des implantations domestiques, mais disposées au sein même du village.

la pelle afin de mettre au jour les anomalies qui étaient alors fouillées plus finement à la truelle. Les anomalies sont des traces de la présence humaine ancienne. Ont ainsi été découverts des foyers, des aires de rejet, des concentrations de vestiges et surtout des trous de poteau (qui apparaissaient généralement ici sous forme d’une tache blanche dans le sédiment sombre ou le contraire). L’analyse spatiale de ces anomalies aide alors à comprendre l’organisation de l’habitat et les activités pratiquées. Une aire de plus de 330 m2 fut ainsi fouillée par décapage, jusqu’à environ 40 cm de profondeur (Fig. 13). La fouille a été complétée par des survols et quelques interprétations stéréoscopiques furent réalisées sur des photographies aériennes de l’IGN. Des vols en ULM ont permis de nombreuses prises de vues ainsi que des photographies infra-rouge. Les savanes de Grand Macoua et d’Organabo ont ainsi été entièrement photographiées. Par ailleurs, un cerf-volant muni d’un appareil photographique télécommandé a été utilisé pour obtenir des images d’une grande précision. Le site de Sable Blanc est donc localisé à la sortie ouest du village d’Iracoubo, sur la plaine côtière ancienne Pléistocène, de la série de Coswine, formée de sables marins et d’argiles bicolores, marines ou continentales (Mazéas 1961). Le site d’habitat occupe le sommet du chenier, tandis que le cimetière est installé au sud sur des sols de la série détritique de base. Les travaux archéologiques réalisés depuis 2005 autorisaient diverses constatations. La première est que cette implantation précolombienne était organisée en fonction d’activités particulières. Deux aires spécifiques et distinctes composent ce site (Fig. 14) : un espace domestique et une nécropole sur le chenier. Les planches agricoles adjacentes sont modernes tandis des complexes de champs surélevés précolombiens se trouvent éloignés plus au sud et à l’ouest.

La nécropole ayant fait l’objet de fouilles approfondies, il semblait plus opportun de se pencher sur l’éventuel espace résidentiel associé dans le cadre d’une fouille programmée en 2007 (Rostain 2010). Supposant que l’aire domestique devait se localiser au sommet du chenier, nous avons creusé des sondages pour le révéler, puis organisé un décapage manuel. Les fouilles horizontales réalisées depuis une vingtaine d’années, tant en Amazonie qu’aux Antilles, ont fait leurs preuves en milieu tropical humide (Versteeg & Rostain 1997 ; Vacher et al. 1998). La méthodologie consista donc à décaper des aires à

Figure 14 : décapage manuel de l’aire domestique du site de Sable Blanc en 2007 (photographie Rostain)

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matériel lithique était rare et simple. La stratigraphie de Sable Blanc est très simple avec un unique niveau culturel gris sombre, correspondant apparemment à deux ou trois occupations successives, intercalé entre des couches stériles de sable blanc. Les tessons étaient très nombreux entre 20 et 30 cm, et semblaient apparaître en trois niveaux distincts, plutôt à plat dans les deux niveaux supérieurs et verticaux ou horizontaux dans le dernier. C’est toujours dans le second niveau culturel que se trouvaient le plus d’anomalies. À la différence du premier niveau, les vestiges y étaient plus structurés, organisés et en place. On y a découvert tous les foyers, concentrations céramiques et aires de rejet, absents du premier niveau. Il y avait en outre beaucoup de nodules argileux de différentes tailles, certains friables et d’autres très durs. Le sol archéologique était relativement horizontal et sans grandes variations de profondeur. Les anomalies archéologiques ne commençaient à être visibles qu’à partir de 30-40 cm de profondeur. En tout état de cause, il apparaît que certains secteurs contenaient probablement deux phases d’implantation ne se différenciant que très peu quant aux structures. En revanche, les sédiments foncés mis au jour et certaines concentrations de tessons révélèrent une stratification parfois séparée par une couche jaune de texture sableuse, voire pulvérulente, qui indiquait qu’une succession de dépôts pourrait être reconnue. Reste qu’il était fort difficile de confirmer ces impressions tant les différences semblent parfois ténues. En outre, les concentrations de céramiques rencontrées sur la couche supérieure montraient davantage de poteries dont les finitions présentaient des surfaces plus lisses, de plus nombreux décors, une pâte légèrement plus fine, ainsi que des parois de récipients beaucoup plus minces. Sur l’ensemble de l’aire décapée, 56 trous de poteaux ronds ou ovales, dont certains visiblement brûlés, furent repérés et sectionnés. Leur diamètre variait de 15 x 10 cm à 55 x 35 cm, avec un profil en cupule ou en pointe. Le plan de répartition des trous de poteau ne permet pas de reconstruire avec précision des bâtiments. Si certains alignements ressortent, les formes demeurent trop diffuses et irrégulières pour retracer la forme des maisons. Toutefois, les observations de fouille et la disposition des anomalies suggèrent fortement la présence de deux édifices côte à côte. La rareté d’anomalies à l’ouest de la fouille laisse penser qu’il y avait ici une zone sans bâtiment. Comme aucun tesson n’a jamais été découvert dans l’aire à l’ouest du puits de fouille, il est possible que cet espace ait été une place, où les activités pratiquées n’ont laissé ni traces, ni vestiges. Il y avait douze foyers ou indices de foyers, dont certains en excellent état de conservation. Le premier retrouvé était le plus spectaculaire car les branches calcinées étaient pratiquement identifiables (Fig. 16). Il mesurait 100 x 80 cm de diamètre, mais aucune sole n’a été identifiée et le rebord de cette aire de feu

Figure 15 : modelé anthropo-zoomorphe de Sable Blanc (photographie Obhoukoff)

L’habitat Le village précolombien était implanté à l’abri des inondations sur le chenier, à peu de distance du rivage marin. Il s’étendait sur une faible largeur et plutôt en longueur sur une distance minimale d’un km le long du chenier, et probablement à l’origine jusqu’au fleuve Iracoubo à 2 km vers l’est. La localisation de ce village correspond au modèle fréquemment retrouvé dans les sites littoraux Arauquinoïdes : les villages les plus importants étaient systématiquement installés sur le bord ouest d’un grand fleuve et près de la côte, s’étendant le long d’un chenier (Rostain 2012). C’est par exemple le cas pour les sites de Bois Diable à Kourou et de Crique Jacques à Awala. Le matériel céramique récolté à Sable Blanc est très clairement de culture Barbakoeba, tant par la qualité de la pâte et les formes de récipients que par le décor, essentiellement composé de colombins apparents et de modelés anthropo-zoomorphes appliqués (Fig. 15). Cette céramique est également identique à celle récoltée en 2003 quelques centaines de mètres à l’ouest, dans le site dénommé Iracoubo Ouest. Il s’agit en fait d’un seul et même site qui s’étend le long du chenier. Le décor de la céramique Barbakoeba est peu fréquent et relativement fruste. Il semble que la céramique provenant du niveau supérieur d’occupation soit plus fine et élaborée que celle des niveaux inférieurs. Par exemple, le décor d’un, deux ou trois colombins apparents près du bord est surtout retrouvé dans ce niveau supérieur. Comme dans d’autres sites Barbakoeba, le 113

Figure 16 : foyer particulièrement bien conservé de Sable Blanc (photographie Rostain)

ne présentait aucune induration, ni oxydation. Sous les charbons de bois, les cendres s’étaient accumulées et mélangées avec le sable pour former une fosse d’environ 20 cm de profondeur. Afin de nous assurer que la couche encaissante ne réagissait pas au feu de façon habituelle (induration des parois et oxydation des sédiments en contact), nous avons procédé à une expérimentation qui consiste à allumer un feu sur la

couche où apparaissent les structures. Cette crémation moderne a montré que le sédiment sableux de ce chenier ne répondait pas au mécanisme de rubéfaction, ni de vitrification. Les foyers laissent donc peu de traces dans le sédiment, les charbons de bois étant pratiquement l’unique marque de leur présence. Un autre foyer comportait des fragments de platine à cuire et de gros nodules orange d’argile indurée, évoquant des supports à cuisson. Il s’agissait probablement d’une platine brisée en place reposant à l’origine sur des concrétions servant de supports, au-dessus d’un foyer. Entre les deux maisons supposées, il y avait très peu d’anomalies, mais beaucoup de tessons et de fragments de quartzite disposés de façon aléatoire. Il semblerait que les déchets domestiques étaient refoulés dans cet espace intermédiaire. Deux aires de rejet ont été repérées de part et d’autre d’une des maisons. Ce sont des surfaces irrégulières sur lesquelles étaient dispersés un grand nombre de tessons provenant de différents récipients, quelques éclats de quartz, des concrétions. La disposition des artefacts évoquait le résultat d’un balayage et du rejet de déchets indésirables dans un coin. À l’extrémité sud-est de l’aire décapée, un dépotoir s’étendait sur une superficie d’environ 16 m2 et s’enfonçait jusqu’à 50 cm de profondeur, mais il était coupé en son milieu par un drain récemment creusé. Ce dépotoir était rempli de tessons de céramique et de quelques outils de pierre. À une de ses extrémités, quatre grands récipients étaient alignés, dont l’un emboîté dans un autre (Fig. 17). Si ces poteries semblent avoir été déposées intentionnellement, elles ne pouvaient plus servir car le fond d’une grande jatte avait disparu.

Figure 17 : céramiques alignées et emboîtées, dans le dépotoir de Sable Blanc (photographie Rostain)

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sant la nécropole indiquent qu’il a dû être nécessaire de gérer un excès d’eau à certaines époques de l’année. Un habitant du village a signalé qu’il avait observé, avant les travaux de terrassement, de nombreux petits tertres d’environ 1 m de hauteur (Martijn van den Bel, com. pers. 2008). Il est possible que ces monticules indiquaient l’emplacement des sépultures. Quoi qu’il en soit, le cimetière s’étendait sur une large zone, juste en bordure de l’habitat, tandis que quelques sépultures étaient directement localisées près des maisons. Ce sont 39 fosses, réparties en deux ensembles distincts, qui furent mises au jour, mais, d’après nos observations de terrain, il en existe apparemment beaucoup d’autres. Elles étaient de forme ronde ou ovale, sauf celles, rectangulaires ou carrées, avec un coffrage fait d’une ou deux platines en céramique. Malgré une grande diversité de formes des vases funéraires, aucun ne présente de décor. Si la qualité céramique des urnes et des platines ne diffère pas de celle de la poterie domestique, celle des dépôts céramiques accompagnant les sépultures est notablement différente. Martijn van den Bel (2006b) distingue cinq types de dépôts céramiques : - Un vase posé dans le fond de la fosse et recouvert par un autre récipient à l’envers faisant office de couvercle. - Un vase posé à l’envers au fond de la fosse. - Un grand tesson de vase au fond de la fosse. - Un amoncellement de grands tessons.

Figure 18 : dépôt funéraire de poterie – une bouteille dans une jatte – à Sable Blanc (photographie Rostain)

Deux fosses ont été trouvées le long du drain juste à l’est de l’aire décapée. Elles contenaient des céramiques apparemment funéraires. Dans la première, une grande urne était fermée par un plus petit récipient qui s’y emboîtait. Dans la seconde, une sépulture était accompagnée de dépôts céramiques dans une fosse aux parois délimitées par des platines placées verticalement. À l’instar de ce type d’enterrement au sud, aucune urne funéraire ne fut trouvée. Le dépôt céramique consistait en une bouteille ventrue couchée dans un bol de section quadrangulaire aux coins relevés (Fig. 18). Les deux récipients étaient complets et brisés en peu de tessons. Le plus remarquable était la qualité de la pâte, très différente de celle de la céramique domestique de l’aire d’habitat ou des urnes funéraires, beaucoup plus épaisse et grossière. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, aucun soin particulier n’était apporté à la céramique funéraire. La poterie de ce dépôt était fine et très rouge. Ces deux modes d’enterrement sont très similaires à ceux qui sont rencontrés dans le cimetière méridional. Le cimetière La pente sud du chenier avait vraisemblablement une vocation uniquement funéraire, l’absence de structures d’usage domestique plaidant en faveur de cette interprétation. Cette aire avait été fouillée auparavant lors d’interventions préventives. Les interprétations de la nécropole présentées ici reposent sur les données archéologiques collectées lors des travaux du SRA et de l’INRAP (Gassies & Lemaire 2005, 2006 ; van den Bel 2006). Les fosses funéraires étaient localisées à la base du chenier et sur une remontée du socle formant une légère élévation. Un talus d’environ 4 m de largeur et 1,5 m de hauteur ceinturait l’espace au sud et à l’est (Fig. 19), protégeant la nécropole des inondations, lorsque le niveau du marais méridional s’élevait en saison des pluies. En outre, le drainage a été amélioré par un canal d’environ 90 cm de largeur et 30 cm de profondeur, coupé par quatre autres canaux de 30 cm de largeur. Ces canaux traver-

Figure 19 : talus de protection des inondations du cimetière de Sable Blanc (photographie Rostain)

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Figure 20 : platine à cuire verticale servant de paroi à une sépulture de Sable Blanc (photographie Rostain)

Les planches agricoles Des planches agricoles étaient localisées en contrebas du site, au sud du chenier, et disposées en damier (Fig. 21). C’étaient de petites buttes rectangulaires et, moins souvent, carrées, de 0,5 à 3 m de longueur, 0,5 m de largeur et 0,3 m de hauteur, séparées par des canaux de 0,5 m de largeur. Les pédologues de l’équipe ont déterminé qu’aucun des horizons du sol ne montrait de caractère hydromorphique. L’endroit a donc toujours été sous des conditions oxiques, ce qui signifie qu’il n’a pas été fréquemment inondé et que son niveau périodique d’eau est généralement plus profond que 50 cm sous terre. On peut donc en déduire que ces buttes n’ont jamais été dans un milieu humide ou inondable, ce qui expliquerait leur faible hauteur. Elles n’auraient pas été construites pour répondre à des problèmes de drainage, mais simplement pour concentrer les matériaux les plus fertiles autour des plants. Lors de mes travaux des années 1980, quelques sites de champs surélevés avaient également été repérés dans des aires non inondables et sous forêt (Rostain 1991). Les analyses de phytolithes (José Iriarte, com. pers. 2008) ont montré que le lieu était autrefois couvert d’arbres qu’il a fallu abattre pour construire les buttes. Un fin niveau de petits charbons de bois courrait à la base des buttes. Il semble correspondre à un brûlis dans la forêt, destiné à dégager une clairière. Les planches agricoles occupaient une petite aire bien circonscrite entre le talus et le chemin actuel. S’il semblait logique de les associer à l’occupation amérindienne, certaines caractéristiques rendaient douteuse leur attribution à la période précolombienne. L’étendue de ce complexe est bien moindre que celles de la plupart des autres ensembles de champs surélevés du littoral de Guyane. En outre, longueur, largeur et hauteur des planches agricoles sont inférieures à celles

- Une platine à cuire avec parfois de grands tessons d’autres platines placés verticalement contre les parois de la fosse (Fig. 20), contenant des offrandes céramiques ou lithiques. Si les autres sépultures correspondent clairement à des sépultures secondaires, celles de ce type pourraient être un enterrement primaire. Deux datations ont été obtenues sur les sépultures. La première, provenant d’un charbon d’une urne d’un des groupes de la nécropole, a fourni une datation calibrée à deux sigmas de 973-1059 apr. J.-C. ou de 1075-1154 apr. J.-C. (cf. van den Bel dans ce volume). L’autre datation, faite sur un charbon de la sépulture avec platine et dépôt de vases, a livré une datation de 880 +/- 30 ans BP, calibrée à un sigma de 758-882 ans BP. Le cimetière est donc grossièrement daté des XIe-XIIe siècles de notre ère. Comme le suppose Martijn van den Bel, la variété de types de dépôts peut refléter une stratification sociale de la société. Plusieurs autres indices laissent par ailleurs penser que les communautés Arauquinoïdes de Guyane étaient stratifiées (Rostain 2010). Le site de Sable Blanc est d’autant plus important que peu d’autres nécropoles sont connues à l’ouest de l’île de Cayenne. À l’extrême ouest de Guyane française, des urnes funéraire Barbakoeba ont été régulièrement mis au jour à Yalimapo (Cornette 1987  ; Rostain 1994a  ; Janin 2002  ; Thomas 2002  ; Coutet 2013). Quelques autres jarres en fosse ont parfois été découvertes dans des sites littoraux, mais leur fonction funéraire n’a pu être confirmée. Deux cimetières Arauquinoïdes sont connus sur le littoral surinamien. La nécropole de Kwatta-Tingiholo se composait de sépultures, d’offrandes et d’urnes contenant des ossements (Geijskes 1964 ; Tacoma et al. 1991). Plusieurs sépultures de différents types ont également été trouvées dans le tertre artificiel d’Hertenrits (Boomert 1980). 116

des buttes précolombiennes. La situation sous forêt est également anormale. En fait, ni la localisation en terrain sec, ni la forme et les dimensions des structures pas plus que la trace d’un incendie pour ouvrir une clairière ne correspondent aux caractéristiques des complexes de champs surélevés précolombiens. La taille et la forme de ces buttes rappellent celles des anciennes planches agricoles créoles que nous avons observées dans les savanes, plutôt que celles des monticules précolombiens. Ainsi, malgré une association géographique et apparemment structurelle – par la présence du talus qui longe le complexe – avec le village précolombien, il était plus probable de penser qu’ils furent édifiés récemment par des paysans locaux récents. La confirmation de leur modernité est venue avec la datation du niveau inférieur de charbons de bois qui donna des âges modernes. Ces structures furent donc construites récemment par des paysans créoles en bordure du site précolombien et du chemin de terre actuel. Les complexes de champs surélevés précolombiens, eux, sont localisés un peu plus à l’ouest et au sud de l’implantation amérindienne. Ce sont des savanes inondables, en partie recouvertes de buttes arrondies de dimensions moyennes.

étaient concentrées dans une nécropole. Les variations de modes d’enterrement suggèrent l’existence d’une hiérarchisation de la société. Des plantes d’appoint ont pu être cultivées près du site, mais l’essentiel de la production agricole semblait provenir de plus loin. Le finage, comportant des savanes entièrement recouvertes de champs surélevés, est bien circonscrit au sud et à quelques kilomètres vers l’ouest. La proximité de l’océan, du fleuve et de la forêt autorisait un bon approvisionnement en poissons, vertébrés marins, oiseaux et animaux terrestres. Les vestiges céramiques sont caractéristiques du style Barbakoeba, c’est-à-dire une poterie relativement fruste et au décor sommaire. Si les urnes et les platines funéraires sont de facture nettement plus grossière que les céramiques de l’aire résidentielle, les poteries d’offrande déposées dans les sépultures sont, elles, beaucoup plus fines. Sur les 25 datations réalisées avec des échantillons de la fouille de 2007, sept ont été retenues, car provenant de contextes précolombiens avérés : cinq de différents foyers, une du dépotoir et une d’une sépulture. Les datations rejetées étaient incohérentes ou, comme les cinq faites sur les planches agricoles, d’époque moderne et provenant apparemment de pollution récente. Elles sont toutes assez homogènes avec des âges allant de 825 à 990 +/- 30 ans BP, soit des âges calibrés à un sigma de 708-768 à 843-938 ans BP. Les échantillons de charbon provenant de l’espace domestique ont donc fourni des dates comprises entre le XIe et le début du XIIIe siècle de notre ère. Ces datations sont tout à fait en accord avec le placement chronologique d’autres sites Barbakoeba.

En conclusion, le site de Sable Blanc combine les fonctions résidentielle et funéraire, réparties dans des secteurs bien délimités. Son emplacement à l’embouchure d’un fleuve dénote d’un choix stratégique précis, commun à plusieurs implantations principales de cultures Arauquinoïdes de Guyane et du Surinam. Le village, composé de petites maisons séparées par des places, s’étendait le long du sommet du chenier. Si quelques sépultures côtoyaient l’habitat, la plupart

Figure 21 : planches agricoles créoles moderne en damier à Sable Blanc (photographie Rostain)

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Les sondages pédologiques réalisés en 1991 par Marie-Thérèse Prost ont permis la découverte d’huîtres de palétuvier (Crassostrea rhizophorae) dans le soubassement du chenier composé d’argiles marines bariolées (Marie-Thérèse Prost, com. pers. 1993). La datation au 14 C de ces coquillages a fourni un âge brut de 4560 +360/-350 ans BP, ce qui donne une date normalisée de 4910 +360/-350 ans BP (13C -3,56 ‰) comme limite inférieure de la formation du chenier (Rostain 1994a). Il y avait eu quelques interventions archéologiques limitées sur ce site, toutes au tournant des années 19801990. Lorsqu’on me signala le site en 1989, j’effectuais plusieurs prospections, ramassages de surface et sondages (Rostain 1994a). Un an plus tard, Egle Barone-Visigalli (et al. 1991) organisa des ramassages de surface et des sondages. En 1993, Catherine Thooris (1994) ouvrit une aire de 150 m2, une tranchée et quelques sondages. La superficie totale du site avait alors été estimée à 2,6 hectares, ce qui s’est révélé être largement au-dessous de la réalité. Si le style céramique Arauquinoïde du site avait pu être défini à l’époque (Rostain, 1994a), il restait encore de nombreuses interrogations sur les anciens habitants et le mode d’implantation du site. Les fouilles programmées à Sable Blanc en 2007 avaient déjà fourni plusieurs données originales et intéressantes, qu’il convenait de comparer avec celles d’un site similaire. Le site de Bois Diable s’est avéré plus difficile que prévu à aborder en raison de la nature même du sédiment, extrêmement sableux et mouvant, qui avait provoqué le déplacement et la déstructuration des faits et des vestiges archéologiques. Les trous de poteau, les fosses et les foyers étaient peu visibles et les récipients et les

Figure 22 : fouille de Bois Diable en 2008 (photographie Rostain)

Bois Diable En 2008, un autre site fut choisi pour être fouillé. Le site de Bois Diable est localisé à la sortie ouest de Kourou, à 600 m du rivage actuel, sur une ancienne carrière de sable, dans le prolongement du lac artificiel créé il y a quelques années. Le site est implanté sur un chenier étroit et court, entouré au nord-ouest et au sud-est de marécages inondés toute l’année. Dans ces derniers, il existe plusieurs complexes de champs surélevés. Le sable du cordon a été exploité dès les années 1960 avec la construction du Centre Spatial Guyanais. Les entrepreneurs ont retiré toute la couche de sable du centre du chenier jusqu’à la nappe phréatique, ne laissant que deux larges bermes de part et d’autre de l’excavation, créant ainsi de grands lacs artificiels. La sablière a été abandonnée il y a quelques années.

Figure 23 : fouille d’un dépotoir de Bois Diable en 2009 (photographie Rostain)

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concentrations céramiques étaient rarement en place. Deux grandes aires furent décapées à la pelleteuse et la seconde fut ensuite nettoyée manuellement à la raclette sur 56 x 20 m (Fig. 22). Sur ces 1120 m2, furent découvertes 81 anomalies : essentiellement de petites concentrations de tessons de céramique, quatre aires charbonneuses et de rares taches sombres dans le sédiment blanc. Très vite, il apparut que beaucoup de petites concentrations céramiques étaient en réalité connectées, quelques centimètres en dessous de la surface décapée, formant de grandes aires de rejet céramique, généralement peu épaisses. Il y avait à chaque fois, plusieurs récipients brisés en place et en partie reconstituables, mais la céramique était souvent en mauvais état, avec une tendance à s’effriter. Il est probable que ces étendues correspondent à des aires de rejets autour de maisons. Ces concentrations ont été écrasées et étalées par les engins mécaniques lors des travaux de la sablière. En 2009, un dépotoir découvert l’année précédente en lisière de forêt fut fouillé (Fig. 23). C’était une accumulation compacte de matériel archéologique, sur une superficie de 2,5 x 1,5 m et une épaisseur moyenne de 20 cm. Les tessons étaient de préférence disposés horizontalement, empilés les uns sur les autres. Plusieurs récipients presque entiers étaient brisés in situ. Ils sont clairement de style Thémire (types Cayenne peint et Mahury incisé) avec des décors caractéristiques peints en rouge et en blanc, des modelés appliqués et quelques incisions fines linéaires. Les formes sont des assiettes ou des plats, des bols et des jattes, et des plaques à cuire. Quelques rares outils de pierre, dont un gros polissoir, accompagnaient la céramique.

Figure 24 : artefact anthropo-zoomorphe de céramique de Bois Diable (photographie Obhoukoff)

avec de la chamotte grossière, tandis que les tessons Thémire sont principalement dégraissés avec de la chamotte plus fine, mais également avec du sable quartzeux fin ou micacé. Le décor Barbakoeba est surtout caractérisé par des modelés appliqués très stylisés, représentant des animaux, des humains ou des êtres fantastiques, avec les très spécifiques têtes zoomorphes jumelles. On y trouve également des cordons ponctués, appliqués horizontalement sur le col, des anses doubles et des fonds de vase en colombin enroulé en spirale. La céramique Barbakoeba domine l’échantillon. Le décor Thémire est caractérisé par de fines incisions en motifs curvilignes et rectilignes complexes, des modelés appliqués zoomorphes et anthropomorphes élaborés et de peinture rouge, blanche et noire, en compositions de lignes, de bandes et de points. Parmi les artefacts remarquables, il y avait deux figurines anthropomorphes pleines. La première était le tronc d’une femme, les deux bras collés contre le corps. La seconde était un visage humain incisé dans un boudin d’argile (Fig. 24). Il s’agit d’un artefact tubulaire typique des sites Arauquinoïdes, presque toujours muni de deux cornes (sauf ici) et exceptionnellement d’un visage (Rostain 1994a).

Malgré la mauvaise qualité du sédiment trop meuble, il a été possible de détecter deux niveaux d’occupation dans l’aire décapée, séparés par 10-15 cm de sable. Dans le niveau supérieur gris, se trouvaient de grands étalements de tessons, des foyers, des trous de poteau et des fosses remplis de sable blanc. Le matériel était principalement de style Thémire (motifs blancs et rouges) et, dans une moindre mesure, de style Barbakoeba. Dans le niveau inférieur, il y avait des trous de poteau brun sombre dans le sable blanc et le matériel était plus spécifiquement Barbakoeba (doubles paires d’yeux, colombins apparents). Il faut enfin noter la présence d’un tesson incisé finement de style Koriabo. Ceci n’est guère surprenant car, dans plusieurs sites Arauquinoïdes de période tardive du littoral surinamien et guyanais, il est fréquent de trouver une composante Koriabo. Cette culture aurait en effet atteint la côte aux alentours de 1200 apr. J.-C. Le matériel lithique était rare.

Quelques lames de hache, simples ou à encoches, ont été découvertes, ainsi que des meules sur blocs de pierre, des molettes, des râpes sur dalle et des polissoirs à céramique. Des roches ont servi de polissoirs (Fig. 25), et des gouttières ont été polies par l’usage sur de petits cailloux. Enfin, il y avait de nombreux éclats et petits galets de quartz, généralement de mauvaise qualité.

La céramique récoltée sur l’ensemble du site est donc rattachée à la tradition Arauquinoïde : elle est de style Barbakoeba ou Thémire. La poterie Barbakoeba de Bois Diable est dégraissée

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Les différents points testés dans le site en montrent l’hétérogénéité. De grandes étendues d’étalement de tessons de céramique alternent avec des espaces vides de tout vestige archéologique. Il y a de fortes probabilités pour que ces derniers correspondent à des places ou des zones libres entre les maisons. Si les aires de concentration céramique sont, elles, très détériorées par les multiples passages des camions à l’époque de l’activité de la sablière, elles étaient probablement à l’origine des dépotoirs ou des aires de balayage. Le dépotoir mis au jour sous forêt donne une idée de ce que pouvaient être ces concentrations céramiques avant perturbation : un amas peu étendu et relativement fin de vaisselles brisées in situ accompagnées de quelques outils lithiques. On peut imaginer que ces dépotoirs jouxtaient des maisons. En tout cas, leur fréquence, repérée en 1989 et en 2008, plaide pour une densité d’occupation importante dans le site. Si plusieurs céramiques sont clairement de style Barbakoeba, la grande majorité se rattache à la culture Thémire. Ainsi, le dépotoir ne contenait que du matériel Thémire, dont de nombreux vases en grande partie reconstituables. Les observations de terrain ont révélé l’existence de deux niveaux archéologiques distincts, séparés par une vingtaine de centimètres d’épaisseur. Le niveau supérieur contenait beaucoup de matériel céramique Thémire, mais également de la poterie Barbakoeba. Dans le niveau inférieur, le matériel Barbakoeba dominait largement. On peut donc s’attendre à obtenir des datations au 14C différentes pour les deux niveaux. Pour l’instant, une datation a été obtenue à partir de coquillages récoltés en 1989 dans le niveau supérieur, apparemment restes de repas, donnant 510 +/- 40 ans BP, soit 1440-1540 apr. J.-C. en âge calibré (Rostain 1994a). En se fondant sur la chronologie existante (Rostain 1994a, 2008c), l’occupation Barbakoeba pourrait se situer celle de culture Thémire, datée entre les XIVe et XVIe siècles.

Figure 25 : polissoirs en cuvette et en fuseau sur une grosse dalle de Bois Diable (photographie Rostain)

Il est clair que Bois Diable était une implantation précolombienne importante et étendue. Le chenier de Bois Diable démarrant au bord du fleuve Kourou, il est probable que le site commençait à l’origine sur la berge gauche du Kourou pour aller jusqu’à la fin du chenier à l’extrémité nord-ouest. Le village précolombien a ainsi pu s’étendre sur près de 4-5 km de longueur. La relation entre les sites d’habitat et les champs surélevés est évidente : il paraît logique d’en déduire que les habitants de ces sites avaient leurs parcelles agricoles à proximité. La nature du sol sableux est très différente sur le site et à l’extérieur. Le chenier est composé d’un sable jaunâtre de granulométrie moyenne, tandis que le sable du site est grossier et blanc. L’analyse montre que le sommet de cordon a subi un triage par déflation éolienne et une podzolisation (Marie-Thérèse Prost, com. pers. 1990). Les Amérindiens avaient installé leur village sur la partie la plus haute, podzolisée, du chenier, afin d’éviter d’éventuelles inondations.

Figure 26 : fouille du site de Colline Sable (photographie Rostain)

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Figure 27 : cordons prospectés à l’ouest de Kourou. Les aires grises sont les sites précolombiens (photographie Rostain)

Colline Sable

s’enfonçant jusqu’à 140 cm de profondeur et remplie d’un sédiment extrêmement compact et rouge. Des céramiques brisées ayant subi une chaleur intense ont été découvertes à différents niveaux de cette structure. Les interrogations sur le sol et le sédiment ont été nombreuses durant la fouille, et toutes ne sont pas encore résolues. L’hypothèse actuelle est que nous sommes ici face à deux évènements totalement distincts, résultant peutêtre tous deux de feux. La fosse dégagée dans l’aire de fouille correspond à une activité de combustion répétée, intense et longue. Ce lieu, en bordure de marécage, et donc en périphérie de l’implantation précolombienne, était vraisemblablement dédié à une activité spécifique qu’il faut encore déterminer. On peut imaginer un espace de cuisson céramique, un foyer pour préparer de grandes quantités de nourriture, une aire réservée à la crémation des morts, ou un autre travail spécialisé. Par ailleurs, l’ensemble du chenier présente des nodules rouges et un sous-sol apparemment rubéfié à 35-40 cm de profondeur. À ce niveau, se trouvaient des traces anthropiques et du mobilier, certes érodé, mais en place. Deux raisons peuvent expliquer la présence de ce sédiment particulier. Tout d’abord, il est possible que le chenier ait subi une forte pédogénèse. D’un autre côté, cela pourrait résulter d’un incendie de l’implantation. Il est donc possible que le village ait brûlé pour des causes encore inconnues : bataille, accident, abandon, etc.

Le site de Colline Sable est localisé sur le chenier dans le prolongement occidental de celui de Bois Diable, à la sortie ouest de Kourou. Les deux cordons sont séparés d’une centaine de mètres par un marécage. Le chenier de Colline Sable s’étend sur une longueur de 3 km pour une largeur moyenne de 300 m. Après défrichement d’un espace à l’extrémité est du chenier, une aire de 49 m2 a été fouillée jusqu’à 140 cm de profondeur (Fig. 26). La dureté du sédiment, apparemment brûlé, a rendu cette tâche particulièrement longue et difficile. Huit sondages ont, en outre, été ouverts vers l’ouest, afin de vérifier l’étendue de la rubéfaction observée dans la fouille principale. Bien que très proche, le site de Colline Sable se distingue notablement de celui de Bois Diable. La céramique est également de style Thémire, mais elle est très abîmée et brûlée en profondeur avec une section souvent noire et sur-cuite. Le sédiment de ce chenier est radicalement différent de celui de Bois Diable, car le sol de Colline Sable est beaucoup moins sableux et meuble que l’autre, la consistance étant nettement plus argileuse et la dureté très importante. Les différents sondages et l’aire de fouille réalisés à l’extrémité sud-est du cordon de Colline Sable montrent un sol partiellement rubéfié à 35-40 cm de profondeur sur l’ensemble de cette partie du chenier. Dans l’aire de fouille, est apparue une grande fosse (ou un fossé) 121

Figure 28 : cheniers à l’ouest de Kourou avec, en majuscules, les deux sites précolombiens les plus importants (fond de carte Google Earth)

leur aspect géologique, pédologique et environnemental. Une aire de 2000 hectares a été choisie à l’ouest de Kourou pour être prospectée systématiquement. L’ennoiement de certains secteurs, où sont généralement localisés des champs surélevés, empêchait leur reconnaissance, mais de toutes les façons, ils étaient inhabitables ; aussi aucune trace domestique n’y aurait été découverte. En plus des fouilles sur deux sites, six cordons sableux dénommés Bois Diable, Colline Sable, Bassini, Koroni, Savane et L’anse, ont été prospectés sur ce territoire (Fig. 27). Le dernier cordon, appelé Tigre, n’a pu être rejoint à cause de la profondeur du marécage l’entourant (Clerc & Déodat 2009).

Le nombre très important de champs surélevés associés directement au sud du chenier de Colline Sable se comprend aisément au vu de l’ampleur du site (95 hectares). Cela suggère l’existence d’une population dense dans ce village. Le modèle d’implantation est le même que celui de Bois Diable, ce qui est corroboré par la contemporanéité des occupations suggérée par les datations au 14C. Les environs de Bois Diable Les excavations étaient couplées à des prospections et des sondages dans les environs des sites fouillés près de Kourou. La prospection avait pour objectif premier de vérifier si d’autres sites, non visibles en surface, étaient présents sur les cheniers voisins de celui de Bois Diable. En effet, les prospections que nous avions menées en 2003 près d’Iracoubo avaient démontré que les sites de chenier étaient très probablement enterrés et impossibles à détecter directement au sol sans excavation. Dans l’hypothèse d’une dense population liée aux champs surélevés, il fallait vérifier à l’aide de prospections/sondages l’existence ou non de sites enterrés. L’objectif du travail était de prospecter les cheniers situés à proximité des champs surélevés, détectés par photographie aérienne, dans le but d’y mettre en évidence des sites archéologiques. La logique étant qu’une forte densité de champs doit impliquer une forte densité de l’occupation humaine ou une longue durée. Il s’agissait donc de retrouver à la fois des traces d’habitat, ou de tout autre type d’occupation, et aussi d’appréhender ces espaces - autrefois considérés par les colons européens comme étant plutôt hostiles - dans

Les prospections menées en 2008 et 2009 ont été riches d’enseignements sur l’occupation précolombienne, mais aussi créole, des savanes littorales de Kourou. Ce sont 34 structures qui ont été découvertes, dont 25 datent de l’époque coloniale. En outre, 60 sondages ont été réalisés sur les six cordons visités. Les sites sont de préférence implantés sur des cheniers, mais il apparaît que les barres prélittorales, plus méridionales, furent également occupées par les Amérindiens. Ainsi, si les groupes précolombiens ont habité indifféremment cheniers et barres prélittorales, il est très clair, dans ce contexte, que les choix d’installation étaient étroitement liés à la topographie, et ce, afin de répondre à des contraintes hydrographiques (Clerc & Déodat 2009). Sur le secteur d’étude, rien ne distingue les sites de barres prélittorales des sites de cheniers et tous présentent la caractéristique d’être implantés au sommet de ces cordons, ceinturés de savanes inondées ou inondables. Le critère préfé122

rentiel majeur était donc de se protéger des risques de submersion par l’installation de l’habitat en hauteur. Le niveau archéologique supérieur apparaît toujours sur un horizon sableux ou sablo-argileux reposant sur un horizon très induré d’argile orange. Dans tous les sondages positifs, les tessons de céramique étaient systématiquement présents entre 16 et 22 cm de profondeur. Les processus de sédimentation montrent une succession d’au moins trois évènements commençant par le dépôt d’une argile orange, suivie par une phase de sédimentation sableuse, contexte dans lequel s’installèrent les communautés précolombiennes donc contenant le niveau d’occupation, puis d’une nouvelle phase de sédimentation sableuse après l’abandon du site. Des vestiges précolombiens ont été mis au jour sur quatre cordons sableux, dont deux cheniers et deux barres prélittorales (Fig. 28). Les deux premiers sont proches de la ligne de rivage actuelle, tandis que les derniers sont plus en retrait, séparés des autres par un large marécage : le Grand Pripris. Aujourd’hui, un marais profond ainsi que deux séries parallèles et juxtaposées de cheniers s’interposent entre la plage et les cheniers de Colline Sable et de Bois Diable. Ce dernier s’est formé il y a quelque 5000 ans, mais on peut se demander s’ils n’ont pas bordé l’océan à l’époque de l’occupation précolombienne. Il est pour l’instant impossible de répondre dans le cas de Bois Diable car aucun élément ne permet de le déterminer. On peut en revanche affirmer que le village Arauquinoïde de Colline Sable n’était pas côtier en se basant sur la présence d’un aménagement précolombien. En effet, un chemin surélevé artificiel connecte les cheniers de Colline Sable et de Koroni, permettant de traverser au sec le marais. L’implantation amérindienne n’était donc pas installée sur un chenier donnant directement sur l’océan. Grâce à cette construction, les habitants pouvaient franchir cette étendue inondée pour rejoindre l’océan sans faire un grand détour de plusieurs kilomètres en passant par le nord-ouest ou le sud-est du chenier. Ce chemin suré-

levé, au même titre que les complexes de champs surélevés, atteste des moyens conséquents mis en œuvre pour aménager ce milieu naturel. Les sites de Bassini et de Savane, implantés sur les barres prélittorales au sud du Grand Pripris, étaient moins liés au domaine maritime que ceux des cheniers. Ils n’ont pas d’accès direct à la plage et aucune structure, canal ou chemin surélevé, n’a été repérée qui aurait pu faciliter la connexion avec la mer. On peut supposer que les habitants de ces sites fréquentaient moins l’océan que ceux des cheniers, même si la distance demeure limitée. Étaient-ils plus tournés vers l’exploitation d’autres ressources qu’ils échangeaient contre des produits de la mer avec leurs voisins septentrionaux ? Si les différents établissements ont bien fonctionné à la même époque – ce qui est envisageable au vu des quelques datations obtenues et de la présence de céramique de culture Thémire dans tous les sites –, il est probable qu’un système d’interaction et d’entraide avait été mis en place entre eux. Certains avaient pu se spécialiser dans la pêche tandis que d’autres se dédiaient plutôt à la chasse. Le Grand Pripris n’empêchait nullement les habitants des différents lieux de se fréquenter. Il est toutefois probable que les champs surélevés bordant les cordons du nord étaient cultivés par les occupants des cheniers, tandis que les complexes autour des barres prélittorales étaient de préférence mis en culture par ceux des villages du sud. Reste à définir la fonction exacte de tous ces sites. Il est certain qu’ils étaient en premier lieu des espaces résidentiels, mais des activités non domestiques ont également pu y être menées. Les nécropoles n’ont pas été découvertes, mais elles sont forcément situées à peu de distance. Tous les cimetières Arauquinoïdes connus sont implantés directement dans l’aire d’habitat, aussi est-il possible que ceux rattachés aux villages de Bois Diable, Colline Sable, Bassini et Savane soient également circonscrits sur les lieux même. En outre,

Figure 29 : fouille de planches agricoles, prospection en forêt et reconnaissance en savane durant le projet « Archéologie et écologie des savanes côtières de Guyane » (photographie Rostain)

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à l’instar d’autres sites Arauquinoïdes, ils ont pu être spécialisés dans des productions spécifiques comme l’agriculture, la pêche, la chasse, le commerce ou la manufacture de biens. Les sites amérindiens de Bois Diable et de Colline Sable occupent la totalité des cheniers sur lesquel ils sont implantés. Tous les sondages creusés sur ces deux cordons se sont révélés positifs avec des tessons de céramique et parfois des pièces lithiques ou des structures comme des trous de poteau et des dépotoirs. La densité importante de vestiges implique de grands villages peuplés. Cette forte démographie est confirmée par la superficie étendue occupée par les champs surélevés qui pouvaient subvenir aux besoins d’une population dense. Il n’y a pas eu suffisamment de sondages réalisés sur les barres prélittorales pour confirmer la même densité démographique élevée, mais la présence de nombreuses buttes agricoles dans ce secteur est également une indication d’un peuplement notable. Diverses données obtenues sur les sites de tradition Arauquinoïde de Guyane suggèrent en outre que ces grandes communautés pouvaient être hiérarchisées et structurées autour d’une ou plusieurs « autorités ».

à Savane Grand Macoua – le plus grand complexe de Guyane – rendait nécessaire la recherche des traces des populations les ayant construits et utilisés. Aussi, une prospection systématique fut-elle programmée le long du chenier limitant la savane au nord (Fig. 30). C’est un cordon sableux, assez étroit avec une largeur moyenne de 200 m et une longueur de 3,5 km, coupé de part en part par une rivière. Il est délimité au sud par une immense savane couverte de champs surélevés et, au nord, par la mangrove qui a envahit le rivage car le chenier formait il y a 50 ans une plage en bordure de l’océan. La reconnaissance systématique du chenier et les sondages réalisés ont permis de révéler de rares traces d’occupation, essentiellement amérindiennes. Cette présence précolombienne se caractérise par un habitat « éclaté » en diverses petites unités, notamment sur les pentes méridionales du cordon, et ponctuellement observée en zone de très faible altitude, à proximité immédiate des terres inondables. Deux sites résidentiels sont ainsi distingués : Grand Macoua au sud-est du chenier et Balalou au sud-ouest. Il faut également signaler la découverte de champs surélevés sous forêt, dans la continuité de ceux de la savane. Les traces d’une occupation post-contact sont relativement ténues, avec une seule unité domestique et sa porcherie proche.

Les savanes à l’ouest de Kourou ont été explorées en détail par prospections, sondages et fouilles, mais aussi par l’interprétation stéréoscopique de photographies aériennes, autorisant une évaluation fiable du potentiel archéologique du secteur. L’impact humain ancien sur ce milieu peut être considéré comme fort avec des modifications importantes du paysage naturel. Les communautés amérindiennes se sont installées sur les hauteurs des cordons sableux, cheniers et barres prélittorales, afin de se préserver des inondations. Elles ont construit des champs surélevés au sein des marécages au sud des cheniers, mais également aménagé des canaux dans ceux-ci. Pour rejoindre plus facilement le rivage, elles ont élevé un chemin d’argile au-dessus de l’eau du marais, à proximité immédiate des cordons sur lesquels elles furent installées. L’ensemble de ces données démontre que nous sommes en présence de sociétés qui ont su s’adapter parfaitement aux spécificités et aux contraintes de ce milieu. Plus encore, elles ont choisi ce biotope, connaissant parfaitement son potentiel et sachant le maîtriser et, surtout, le transformer à leur avantage. Le secteur occidental de Kourou, disséqué par une ample gamme de travaux archéologiques, archéobotaniques, géomorphologiques et pédologiques, constitue un échantillon représentatif de l’ensemble du littoral de Guyane (Fig. 29).

Les données des récents programmes « Préhistoire de la côte occidental de Guyanee » et « Archéologie et écologie des savanes côtières de Guyane », collectées tant durant les fouilles que les prospections archéologiques, mais aussi par les travaux des chercheurs d’autres disciplines, nous permettent de mieux appréhender l’occupation ancienne du littoral guyanais et de préciser l’impact humain sur ce milieu. Il ne suffit pas de vouloir l’interdisciplinarité pour la rendre opérante, car une telle approche se construit. Cela passe avant tout par une concertation effective des partenaires pour l’élaboration de problématiques croisées et communes. L’interdisciplinarité se concrétise ensuite par un travail de terrain partagé qui, seul, favorise l’échange de compétences et de techniques. Dès lors, il est possible de répartir les données pour une interprétation conjuguée de l’information, condition indispensable à la production d’un savoir commun. On sait aujourd’hui qu’il s’agit en fait de buttes fabriquées par des vers de terre géants (cf. McKey et al. 2014). 2 Ont participé au programme Florence Cerbaï, Magali Chacornac, Lydie Clerc, Gérard Collomb, Claude Coutet, Éric Gassies, Sandra Kayamaré, Emmanuel Lézy, Mickael Mestre, Céline Roque et Aad Versteeg. 3 Ont également participé au programme Manuel ArroyoKalin, Jago Birk, Lydie Clerc, Guy Dauphin, Laure Déodat, Nathalie Fromin, Éric Gassies, Bruno Glaser, Gilles Grisard, Nicolas Guillaume-Gentil, Alexander Hänel, Rebecca 1

Grand Macoua Une dernière prospection a été menée en 2010 entre Iracoubo et Organabo, à quelques kilomètres à l’ouest du site de Sable Blanc (Déodat et al. 2011). En effet, l’importante superficie aménagée en champs surélevés

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Hardin, Martin Hitziger, Michael Hochberg, Irène Holst, Johannes Karl, José Iriarte, Patrick Lavelle, Robert Lensi, Verena Pfahler, Delphine Renard, Bruno Roux, Matthias Schnier, Susanne Stark, Elisabeth Thiem, Timothy Thrippleton, Jennifer Watling, Alexandre Wotoviec. 4 L’écologie est ici prise dans son sens large qui englobe

toutes les sciences de la nature tel que, un jour de 2008 au milieu des savanes guyanaises, Doyle McKey me la définit en citant un de ses collègues, George Evelyn Hutchinson, « écologue magnifique et visionnaire » : « Autorisez-moi à définir l’écologie comme l’étude de l’Univers » (Hutchinson 1965).

Figure 30 : Savane Grand Macoua avec, en haut de l’image, le chenier septentrional prospecté (photographie L’avion jaune)

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Depuis la découverte des champs surélevés de Guyane française à la fin des années 1980, la science a fait d’énormes progrès dans beaucoup de domaines. Les avancées scientifiques permettent aujourd’hui d’envisager une approche plus large, mais aussi plus précise, de ces vestiges archéologiques et de leur environnement. Tout d’abord, les moyens techniques se sont notablement perfectionnés rendant les analyses de laboratoire plus fiables. Ainsi, les observations des sédiments, des restes archéobotaniques et les datations ont connu une évolution remarquable. Il était difficilement envisageable par exemple, il y a vingt ans, de déterminer précisément les plantes cultivées sur les champs surélevés et celles qui étaient consommées dans les sites d’habitat. Parallèlement, les recherches sur les champs surélevés d’Amérique Latine se sont développées, offrant un corpus de données comparatives plus large. Des collègues sont arrivés à des résultats très novateurs, en Bolivie et en Colombie notamment. Enfin, le travail interdisciplinaire s’est popularisé. Lydie Clerc a approché la Guyane en réalisant son mémoire de M2 à l’université de Paris-1 dans le cadre de l’ACR. Son approche ne repose pas sur un travail de terrain, mais plutôt sur une analyse SIG de différentes cartes, croisée avec des données environnementales et archéologiques. En effet, le littoral guyanais est une basse plaine marécageuse extrêmement dynamique, qui connaît des phases d’accrétion et d’autres de recul. Parallèlement, à une échelle temporelle plus courte, elle subit une saison annuelle d’inondation et une autre, plus courte, de condition moins humide. Ces conditions naturelles contribuent à donner un aspect très particulier à la côte guyanaise. Lydie Clerc propose ainsi un regard transversal qui marie les informations fournies par les documents pédologiques, géomorphologiques et hydrologiques avec les cartes de champs surélevés obtenus par les interprétations stéréoscopiques

des photographies aériennes. En effet, un des aspects essentiels de l’étude des champs surélevés a été de déterminer leur localisation exacte. Les observations ont été faites tant du ciel (interprétation stéréoscopique et survols) que du sol (fouilles, collectes et analyses). Des clichés de plusieurs missions de prises de vues aériennes, allant de 1955 à 2007, ont été examinés. En outre, les images de Géoportail et Google Earth ont régulièrement été consultées. À la fin des années 1980, avec l’ingénieur de l’Institut Géographique National Pierre Frenay, nous avions élaboré une carte des champs surélevés de l’île de Cayenne jusqu’au fleuve Malmanoury, entre Kourou et Sinnamary, qui représentait 65 km de littoral (Rostain 1991). Depuis 2003, j’ai révisé toutes les photographies aériennes dont je disposais et acquis de nouvelles séries, prises durant les 50 dernières années. J’ai ainsi pu préciser la carte dressée en 1991 et surtout compléter la couverture du littoral occidental de Guyane française jusqu’au fleuve Maroni, soit 200 km de côte supplémentaire. Ainsi, l’étude systématique par photo-interprétation de la plaine côtière de Guyane française a été accomplie. Aucun champ surélevé n’a été repéré à l’est de l’île de Cayenne, tous étant localisés à l’ouest, c’est-à-dire en territoire Arauquinoïde. Enfin, les nouveaux survols en avion ou en ULM réalisés ces dix dernières années entre l’île de Cayenne en Guyane française et Paramaribo au Surinam ont permis la découverte de nouvelles structures. Une carte précise des champs surélevés du littoral de Guyane a ainsi pu être dressée (Rostain 2012). En se fondant sur celle-ci et sur la cartographie des sciences de la Terre, Lydie Clerc établit des parallèles intéressants qui démontre l’excellente connaissance amérindienne du milieu et la justesse de la gestion précolombienne du paysage. Stéphen Rostain

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Cultiver les marécages

Lydie Clerc ex-doctorante de Paris-1, Paris

Bordée par l’océan Atlantique, la frange littorale des Guyanes représente la seule partie du socle précambrien1 recouverte de terrains sédimentaires quaternaires (dépôts marins, fluviomarins et fluviatiles). De l’Amazone à l’Orénoque, ces formations récentes ont donné naissance à une vaste plaine sédimentaire (Fig. 1). Parce qu’elle correspond à des terrains bas et marécageux soumis aux balancements intermittents des marées, également contraints par différentes dynamiques littorales, la plaine côtière des Guyanes a longtemps été considérée comme un milieu hostile, inapproprié à une quelconque occupation humaine. Ainsi, l’établissement de sociétés précolombiennes sur ces côtes, mais plus encore l’aménagement et l’exploitation, dès le VIIe siècle de notre ère, de ces terres longtemps supposées impropres à la culture ont amplement surpris (Rostain 1991, 2012). Si les caractéristiques de ce milieu littoral signalent effectivement des conditions relativement contraignantes dans le cadre d’une installation humaine, la mise en place d’un système agricole de champs surélevés2 a permis à ces sociétés précolombiennes de le « transformer » en un milieu propice au développement d’importants groupes humains. Cette technique agricole est attribuée aux populations arauquinoïdes (Rostain 2008a). Ces communautés originaires du moyen Orénoque ont gagné le littoral guyanais à partir de 650 de notre ère. Là, depuis l’embouchure du fleuve Berbice, elles se sont progressivement installées le long des côtes des Guyanes jusqu’à l’Île de Cayenne (Rostain & Versteeg 2004) (Fig. 2). Leur arrivée dans l’ouest de la Guyane française est estimée au Xe siècle. Il semble que leur présence y ait perduré jusqu’au XVIe siècle au moins (Rostain 1994a). L’accroissement démographique que provoquèrent ces migrations nécessita une augmentation des ressources alimentaires que ne pouvaient assurer les pratiques préexistantes. Pour répondre à ces nouveaux besoins, les communautés amérindiennes ont ainsi édifié des champs surélevés permettant la mise en culture des marais (Fig. 3).

Celle-ci fut essentiellement pratiquée jusqu’aux XIIXIVe siècle3 (Rostain 1994a). Une étude archéogéographique a été réalisée afin d’analyser l’implantation de ces structures agricoles au sein de l’environnement côtier guyanais (Clerc 2006). Par le biais d’une approche nouvelle, l’enjeu de ce travail d’archéologie environnementale était de déterminer si l’aménagement des champs surélevés fut régi par des facteurs environnementaux spécifiques  : évaluer ainsi dans quelle mesure l’environnement aurait influé sur l’aménagement, mais également sur l’occupation, de la plaine côtière par les sociétés amérindiennes, et, au-delà, sur leur organisation au sein de cet espace. Pour ce faire, une étude spatiale des données archéologiques et environnementales du littoral guyanais devait permettre de caractériser la répartition de ces structures.

Figure 1 : plaine côtière des Guyanes (d’après Boulet 1985 : fig. 3). Les Guyanes reposent sur le socle précambrien occupant le nord-est de l’Amérique du Sud. De l’Amazone à l’Orénoque, les terrains sédimentaires récents qui recouvrent la frange littorale de ce bouclier guyanais définissent la plaine côtière des Guyanes

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Figure 2 : carte du littoral des Guyanes, du fleuve Berbice au fleuve Oyapock, localisant les ensembles de champs surélevés (dessin Rostain)

Ce travail repose en grande partie sur l’analyse de cartes archéologiques et géographiques spécialisées. La difficulté relative à l’obtention de ces documents cartographiques a orienté cette étude sur la partie de la plaine côtière de Guyane française comprise entre le fleuve Kourou et la crique Karouabo (Fig. 4), seul secteur couvert par l’ensemble des documents nécessaires : - carte géologique au 1/100 000 (feuille de Kourou, établie sous la direction de Choubert, publiée en 1958) ; - carte pédologique au 1/50 000 (carte de KourouSinnamary, réalisée par Sourdat en 1965) ; - cartes lithologiques des formations superficielles au 1/50 000 (cartes de Kourou Nord-Ouest et Kourou SudEst, établies par Cautru, publiées en 1995 et 1997) ; - cartes topographiques au 1/25 000 (carte de KourouOuest, réalisée et éditée par l’Institut Géographique National en 1989  ; cartes de Kourou et du Centre Spatial Guyanais, réalisées et éditées par l’Institut Géographique National en 2005) ; - carte archéologique des champs surélevés au 1/25 000 (carte établie à partir de l’interprétation stéréoscopique de près de 1000 photographies aériennes, réalisée par Rostain et Frenay, et publiée dans Rostain 1991). Intégrés au sein d’un Système d’Information Géographique (SIG), ces documents ont fait l’objet d’une cartographie croisée : mise en parallèle de l’ensemble des données archéologiques et environnementales. Cet outil informatique a permis également d’extraire des éléments précis de ces documents afin d’en effectuer un examen plus spécifique.

Figure 3 : complexe de champs surélevés à l’ouest de Kourou (photographie Rostain)

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L’analyse spatiale par SIG a été réalisée en vue d’observer d’éventuelles correspondances entre l’emplacement des champs surélevés et les différentes propriétés des terrains qu’ils occupent  ; ainsi vérifier l’existence de facteurs environnementaux qui auraient dicté l’édification de ces structures sur des secteurs précis du littoral. Le cas échéant, cela supposait de déterminer également quelles particularités de ces terrains justifieraient le choix spécifique de leur mise en culture. L’étude cartographique est réalisée en deux temps. En premier lieu, une confrontation de l’ensemble des données environnementales s’avère nécessaire afin d’identifier le fonctionnement et les caractéristiques géographiques de la plaine côtière entre le Kourou et la Karouabo, préalable indispensable au deuxième temps de cette analyse. Celui-ci consiste à intégrer à cet espace géographique les données propres au paysage anthropique. Ainsi, la lecture croisée des données archéologiques et environnementales offre d’étudier l’organisation spatiale de ces aménagements amérindiens en fonction des propriétés du milieu côtier. Parce qu’elle s’attache à évaluer l’influence que ce milieu a exercé sur l’occupation amérindienne de la plaine côtière, cette étude s’inscrit dans la problématique plus générale des relations sociétés/ environnements. Dans cette perspective, ses résultats conduisent à s’interroger enfin sur le schéma

d’organisation territoriale de ces communautés, et audelà, sur leurs pratiques et leur fonctionnement au sein de l’environnement côtier. Avant toute chose, un bref rappel de l’histoire quaternaire des rivages guyanais est nécessaire afin de présenter les principales caractéristiques de la plaine côtière dont l’examen représente un élément important de l’analyse archéo-géographique4. Ces données permettront par ailleurs d’expliquer et justifier la démarche analytique consistant à étudier les caractéristiques environnementales d’un aménagement précolombien à partir des propriétés actuelles du milieu côtier, et ce, quand bien même plusieurs centaines d’années nous séparent de la période d’utilisation de ces structures agricoles. HISTOIRE LITTORALE DE LA GUYANE À l’image de la vaste plaine sédimentaire des Guyanes, la plaine côtière de Guyane française est soumise à une double dynamique littorale que définissent des évolutions à long terme ainsi que des évolutions à court terme. Ces dynamiques, à l’origine de la formation de la plaine côtière, sont issues de processus distincts et interviennent chacune à différents niveaux sur le fonctionnement et, par conséquent, sur les propriétés de la plaine côtière.

Figure 4 : plaine côtière de Guyane entre le fleuve Kourou et la crique Karouabo (d’après carte IGN 1989)

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Figure 5 : coupe schématique de la plaine côtière de Guyane (d’après Prost 1990 : fig. 11). L’accumulation sédimentaire due aux variations du niveau de la mer est à l’origine de la formation des deux unités morpho-sédimentaires que comprend la plaine côtière. Les transgressions coswine au Pléistocène puis demerara à l’Holocène ont engendré une avancée progressive de la ligne de rivage durant le Quaternaire. La mise en place d’une haute plaine côtière durant le Pléistocène puis d’une basse plaine côtière durant l’Holocène résulte de cette dynamique de sédimentation coswine et demerara. Les terres hautes, collines du socle précambrien, définissent la limite méridionale de la plaine côtière

L’histoire au long terme

Limitée dans sa partie méridionale par les collines boisées du socle précambrien, cette haute plaine, caractérisée par le modelé atypique de ces barres prélittorales, présente une alternance de terrains inondables, mais le plus souvent exondés, et de terres émergées.

Les oscillations paléo-climatiques qui ont marqué le Quaternaire (alternance de périodes glaciaires et interglaciaires) ont engendré plusieurs fluctuations du niveau marin. Chacun de ces évènements fut accompagné d’une ou plusieurs phases d’accumulation sédimentaire. De ce fait, la succession de hauts et bas niveaux marins a déterminé la sédimentation de la plaine côtière, expliquant ainsi les formes du paysage et l’ensemble des propriétés qui caractérisent aujourd’hui encore ce milieu littoral. L’histoire quaternaire de la côte guyanaise fut principalement marquée par deux maximums transgressifs (l’un pléistocène, l’autre holocène) desquels sont issues les deux unités paysagères de la côte guyanaise : une haute plaine côtière, ou plaine côtière ancienne, et une basse plaine côtière, ou plaine côtière récente. Daté de 120 000 BP, le haut niveau marin pléistocène donna naissance à une haute plaine côtière formée d’argiles et de sables fins accumulés au cours de cette transgression. En Guyane française, la haute plaine côtière mise en place lors de cet épisode, baptisé transgression coswine, est située entre 5 et 15 m au dessus du niveau de la mer. Les argiles pléistocènes reposant directement sur le socle précambrien sont partiellement recouvertes par les sables pléistocènes. Ces derniers forment de longs cordons plus ou moins parallèles au rivage, désignés par le terme spécifique de barres  prélittorales ; ces reliefs sableux confèrent ainsi à la haute plaine un paysage légèrement ondulé5 (Fig. 5).

Culminant à 6000/5000 BP, la transgression holocène déposa des sédiments argileux et sableux formant aujourd’hui une basse plaine côtière dont l’altitude ne dépasse pas 4-5 m en Guyane française. Cet évènement marin définit la transgression demerara, dernière élévation du niveau marin au cours de laquelle celuici atteint son niveau actuel. Dès lors, le niveau de la mer devient relativement « stable »6 (Prost et al. 1985 ; Prost 1990). La morphologie de la basse plaine est caractérisée par des formes de dépôts particuliers, les cheniers, reposant sur ces argiles demerara, elles-mêmes reposant soit directement sur le socle précambrien, soit sur la formation antérieure coswine (Fig. 5). Composés des sables demerara, les cheniers sont d’étroits cordons littoraux disposés de manière relativement parallèle au rivage7. Ils correspondent aux vestiges d’anciens rivages, témoignant ainsi des variations du niveau marin. Au nord de la haute plaine pléistocène, cette basse plaine holocène, immédiatement soumise à la submersion de l’onde de marée, est constituée de terrains marécageux. Elle représente donc un milieu amphibie dont les marais évoluent de conditions d’eau salée à des eaux saumâtres puis douces. Seuls les cheniers émergent légèrement de ces sols inondés en permanence. 130

L’examen détaillé de ces dynamiques atteste, d’une part, l’absence de nouvelles variations eustatiques8 depuis le maximum transgressif de 6000/5000 BP (transgression demerara). D’autre part, il indique également l’absence de phénomènes côtiers particuliers depuis le début de l’actuelle phase de sédimentation amorcée à l’issue de cette transgression, aux environs de 1000/800 BP (Brinkman & Pons 1968 ; Prost et al. 1985  ; Prost 1990). Ceci est synonyme d’absence de phénomènes côtiers particuliers depuis l’aménagement de ce système agricole sur la plaine côtière de Guyane puisque sa mise en place coïncide avec le début de cette nouvelle phase sédimentaire. Les évolutions à long terme signalent donc que le paléo-environnement lors de la mise en culture des champs surélevés ne se différenciait pas, dans son fondement même et dans sa nature, de l’environnement en place actuellement. Les principales caractéristiques de la plaine côtière étaient alors celles qui définissent aujourd’hui encore ce milieu. Seule la sédimentation s’exerçant depuis cette époque indique une progradation des rivages. Sa portée, en quelques siècles seulement, demeure toutefois très limitée et ne laisse guère supposer qu’une très sensible avancée de la ligne de rivage depuis cette époque précolombienne.

Ces dynamiques, dont l’impact se limite ainsi à une variation des paramètres de salinité et de submersion, affectent essentiellement la basse plaine holocène. Plus éloignée à l’intérieur des terres et plus élevée, la haute plaine pléistocène est peu concernée par ces phénomènes, ou au travers de répercussions indirectes et restreintes. Quand bien même ces dynamiques à court terme ont un impact sur le milieu de la basse plaine, et possiblement dans une moindre mesure sur celui de la haute plaine, les données actuelles prouvent qu’elles n’affectent ni le fonctionnement ni l’identité propres de ce milieu. Leur portée demeure relativement limitée. Seules d’importantes variations eustatiques propres aux dynamiques littorales à long terme provoquent de réelles réorganisations des espaces littoraux et transforment fondamentalement l’environnement côtier. Lors de l’utilisation des champs surélevés amérindiens, la plaine côtière de Guyane, sous l’influence des mêmes dynamiques à court terme qui se manifestent à ce jour, fut ainsi soumise à des variations de même nature, de même ampleur que celles qui, actuellement encore, affectent ce milieu. L’étude de ces dynamiques a ainsi permis d’intégrer à cette analyse, sur la base d’indications précises, ces différents paramètres relatifs à l’évolution du milieu côtier. La somme de ces données signale que, au-delà d’une légère avancée de la ligne de rivage, la plaine côtière guyanaise était donc définie, à cette époque précolombienne, par les mêmes caractéristiques environnementales que l’actuel. Ainsi, si les dynamiques littorales expliquent les propriétés géographiques qui caractérisent aujourd’hui encore le littoral de Guyane, elles démontrent que les données actuelles de ce milieu permettent effectivement une étude environnementale de son aménagement précolombien.

L’histoire à court terme Si les dynamiques littorales qui ont affecté les rivages guyanais dès le début du Quaternaire ont ainsi déterminé la formation et les principales caractéristiques de la plaine côtière, les dynamiques à court terme, se manifestant depuis la dernière transgression holocène, interviennent également de manière significative sur le fonctionnement et les propriétés de cet environnement. La migration des bancs de vase le long des côtes des Guyanes, dictée par divers facteurs atmosphériques et océaniques, est à l’origine de l’envasement et du désenvasement alternatif de la bande côtière qui caractérisent ces dynamiques. De la présence ou l’absence de ces bancs de vase, auxquelles répond l’avancée ou le recul de la ligne de rivage, dépend la pénétration des eaux de mer, plus ou moins conséquente, à l’intérieur des terres. Ainsi, ces évolutions morpho-sédimentaires, dont le bilan à long terme (au-delà de 100 ans) est favorable à la progradation (Prost et al. 1985 ; Prost 1990), modifient le taux de salinité et d’hydromorphie des sols de la plaine côtière, plus ou moins élevé selon qu’il s’agit d’une période d’envasement ou de désenvasement. Elles interviennent donc sur la répartition des marais d’eau salée, saumâtre et d’eau douce. De ce fait, elles engendrent des variations dans la répartition et l’étendue des différentes formations végétales dont la distribution est fonction de ces propriétés pédologiques. Toutefois, du fait du caractère « cyclique » de l’envasement et du désenvasement des côtes, ces modifications ne sont pas définitives mais également temporaires9.

PAYSAGE GEOGRAPHIQUE : LES PARAMETRES ENVIRONNEMENTAUX Les cartes spécialisées couvrant la plaine côtière de la crique Karouabo au fleuve Kourou ont été étudiées et confrontées au moyen du SIG. Celui-ci a permis également de dresser une carte spécifique du relief, du réseau hydrographique et du couvert végétal dont l’information était « noyée » parmi les données de la carte de topographie. La cartographie croisée de l’ensemble de ces données géographiques offre d’identifier les spécificités de cette partie littorale. Associée à l’étude des travaux précédemment consacrés au littoral guyanais10, elle permet également d’en comprendre le fonctionnement. La carte du relief ainsi établie, restituant en plan et en élévation le modelé de ce secteur côtier11, indique plusieurs espaces d’altitude bien distincts (Figs. 6 et 7). Les terrains de bord de mer, inférieurs à 2 m d’altitude,

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Figure 6 (à gauche) : relief et réseau hydrographique de la plaine côtière de Guyane entre le Kourou et la Karouabo (carte réalisée par SIG d’après carte IGN 1989) Figure 7 (à droite) : modelé de la plaine côtière de Guyane entre le Kourou et la Karouabo (carte réalisée par SIG d’après carte IGN, 1989). Le réseau hydrographique est caractérisé par la présence de petits cours d’eau temporaires orientés suivant une direction est-ouest et essentiellement concentrés au sommet du relief central de ce secteur, entre 7 et 10 m. d’altitude. De part et d’autre de celui-ci, les principaux axes du réseau hydrographique (la crique Karouabo à l’est, ainsi que le fleuve Kourou et son affluent, la crique Passoura, à l’ouest) s’écoulent en direction de l’océan à une altitude inférieure à 2 m. Les petites vallées fluviales que définit leur tracé façonnent le relief de cet espace littoral

se prolongent à l’intérieur des terres à l’est et à l’ouest du secteur, précisément où méandrent aujourd’hui encore la crique Passoura, affluent du fleuve Kourou, et la crique Karouabo. Ces terrains entaillent un relief central qui réapparaît à l’ouest de la crique Karouabo. Depuis les terrains de front de mer inférieurs à 2 m, il évolue progressivement jusqu’à 7 m, altitude à laquelle il constitue une sorte de « plateau » oscillant entre 7 et 10 m  ; quelques terrains seulement s’élèvent au-delà de 10 m. Au sud de ce relief, l’altitude diminue jusqu’à 5 m (jusqu’à 2 m à l’est et à l’ouest) puis, plus au sud encore, s’élève à nouveau, définissant des collines toutes supérieures à 10 m d’altitude.

ces dépôts plus au sud, « encaissés » à l’est et à l’ouest de ce secteur, est le signe d’une avancée de bras de mer plus importante à l’intérieur des terres lors de ce haut niveau marin holocène. Ils déterminent aujourd’hui les petites vallées fluviales de la crique Karouabo et la crique Passoura (celle-ci à l’ouest du Kourou), et, pour une certaine partie, la vallée fluviale du Kourou (Fig. 6 et 7). L’étude cartographique indique que les terrains coswine de la haute plaine sont constitués des sables fins légèrement argileux à hydromorphie variable. Or, la présence des sables coswine sur la plaine côtière de Guyane est strictement due à la formation des barres prélittorales : elles seules sont composées de ces dépôts sableux coswine. Par conséquent, les sables coswine ici observés jusqu’à 10 m d’altitude correspondent aux barres prélittorales. Le relief central caractérisant le modelé de ce secteur est donc celui des barres prélittorales (Fig. 8). Les propriétés lithologiques permettent d’y différencier trois classes de sols selon l’hydromorphie à laquelle ils sont soumis : hydromorphie quasi-permanente, hydromorphie temporaire (zone à drainage insuffisant), absence d’hydromorphie ou hydromorphie des seules couches superficielles. Leur répartition est fonction de l’altitude, mais également de leur positionnement vis-à-vis de ce modelé. L’analyse spatiale a permis d’identifier ainsi ces différents terrains : - situés en quasi-totalité au sommet des barres prélittorales (au-delà de 7 m), les sables coswine non hydromorphes constituent des sols podzoliques ; - de part et d’autre de ce sommet, occupant les flancs des barres prélittorales (entre 2 et 7 m sur la partie

La confrontation des caractéristiques topographiques de ce secteur avec l’ensemble des données géographiques, notamment la restitution cartographique des transgressions marines, offre d’identifier les différentes étapes sédimentaires de la formation de la plaine côtière expliquant ses propriétés géologiques et pédologiques. En Guyane française, la transgression pléistocène coswine fut marquée par deux fluctuations qui mirent en place des dépôts situés aujourd’hui en moyenne jusqu’à 10 m d’altitude. Il résulte de cette sédimentation la formation du relief central, présent également à l’ouest de la crique Karouabo, qui s’élève à 10 m d’altitude. Ces dépôts coswine forment donc la haute plaine pléistocène (Figs. 6 et 7). La transgression holocène demerara mit en place les dépôts situés aujourd’hui en moyenne jusqu’à 2 m d’altitude, reposant sur les sédiments pléistocènes  ; elle est ainsi à l’origine de la formation des terrains inférieurs à 2 m d’altitude qui, en front de mer, définissent la basse plaine holocène. La présence de 132

Figure 8 : modelé des principales formations sédimentaires de la plaine côtière de Guyane entre le Kourou et la Karouabo (carte réalisée par SIG ; fond de carte IGN, 1989). Les terrains compris entre 2 et 10 m. d’altitude sont constitués de sables coswine. Ils correspondent aux barres prélittorales de la haute plaine côtière dont la formation résulte de la transgression pléistocène. En front de mer, à une altitude inférieure à 2 m, les argiles demerara mises en place lors de la transgression holocène définissent les sols de la basse plaine côtière. Les sols des vallées fluviales sont également composés de ces argiles demerara

septentrionale, entre 5 et 7 m sur la partie méridionale), les sables coswine à hydromorphie temporaire constituent des sols ferrallitiques ; - seulement présents dans les bas-fonds au sud de ce relief (majoritairement en dessous de 5 m), les sables coswine à hydromorphie quasi-permanente constituent des sols hydromorphes. Ces trois classes de sols sont caractéristiques du profil pédologique des barres prélittorales (Turenne 1977  ; Grimaldi et al. 1992). Essentiellement composés de sables, les sols podzoliques occupent les sommets de ces reliefs. Recouverts par les savanes basses, ces sols dont l’hydromorphie concerne les seuls horizons superficiels sont caractérisés par l’absence de matière organique brute en surface (particules minérales et gley12 n’apparaissent que dans les niveaux des sols inférieurs, plus en profondeur). Situés sur le flanc des reliefs, en rupture de pente, les sols ferrallitiques possèdent une couche superficielle riche en matière organique. Les savanes hautes recouvrent ces sols moins pauvres qui témoignent d’une meilleure capacité de rétention d’eau que les sols podzoliques. L’importante pluviométrie du climat équatorial crée une sous-classe de sols ferrallitiques désaturés et lessivés, présentant une forte acidité. Les sols hydromorphes apparaissent à l’aval des reliefs, dans les parties les plus basses. Ils sont soumis à un engorgement temporaire ou permanent de tout ou partie de leur profil favorisant la formation de sols à horizon d’accumulation humique. Riches en matière organique, ces sols supportent souvent une végétation

de forêt se développant sous forme d’îlots et des savanes inondables (Turenne 1977 ; de Granville 1986; Cremers 1990 ; Palvadeau 1999). La nature et la localisation de ces sols engendrent une distribution précise des formations végétales. La carte du couvert végétal fait apparaître la présence significative des savanes, ou savanes sèches, sur les sols podzoliques et ferrallitiques des sommets et des flancs des barres prélittorales. Elle indique la présence tout aussi caractéristique des savanes inondables sur les sols hydromorphes des parties basses de ces reliefs. Le même procédé analytique démontre que les sols demerara de la basse plaine, au-devant des barres prélittorales, sont formés d’argiles demerara saumâtres reposant sur des sédiments coswine (Fig. 8). Si les conditions d’hydromorphie de ces sols varient, la quasitotalité, située en dessous de 2 m d’altitude, est très largement caractérisée par une hydromorphie quasipermanente. Ces argiles demerara définissent les sols hydromorphes des marais, dominés par la végétation herbacée des savanes marécageuses13. Ces sols de la basse plaine sont des sols minéraux bruts, hydromorphes, à salinité variable suivant l’ancienneté du dépôt et l’amplitude du balancement entre influence continentale (eaux douces) et influence marine (eaux saumâtres ou salées) (Turenne 1977). La formation d’une couche de matière organique brute en surface, d’épaisseur variable selon les marais, très lâche et acide, la pégasse, constitue l’une des particularités des sols de ces marais sub-côtiers (Prost et al. 1985  ; de Granville 1986). 133

diagonale nord-sud à l’ouest. Par conséquent, l’on constate dès à présent l’absence d’homogénéité dans la répartition des champs surélevés au sein de ce secteur : des espaces d’importantes concentrations, ou de plus faible densité, alternent avec d’autres que caractérise une absence complète de structures (Fig. 9). Si l’on peut affirmer que ces structures ont été édifiées sur des espaces précis d’aménagement, il convient donc de déterminer si ce schéma d’exploitation agricole relève de choix environnementaux spécifiques. La mise en parallèle des cartes du relief et des champs surélevés offre de constater que ces structures sont en quasi-totalité situées entre 0 et 7 m. Si quelques-unes sont observées entre 7 et 10 m, leur présence au-delà de 10 m constitue une exception (Fig. 10 et 11). Figure 9 : répartition des champs surélevés entre le Kourou et la Karouabo (d’après Rostain & Frenay 1991)

Sur la haute plaine, les champs surélevés sont donc pour ainsi dire strictement compris entre 2 et 7 m. Cette étude y révèle la présence presque exclusive de ces structures sur les sables coswine caractérisés par une hydromorphie temporaire et une hydromorphie quasi-permanente ; très peu de ces aménagements sont localisés sur les sables coswine dont l’hydromorphie ne concerne que l’horizon superficiel (sables coswine non hydromorphes) (Fig. 12). Cette constatation corrobore les indications provenant des données altimétriques puisqu’il a été signalé précédemment que la quasitotalité des sables coswine non hydromorphes étaient situés au-delà de 7 m, altitude à partir de laquelle les champs surélevés sont très peu présents. Les différentes indications issues de l’analyse cartographique démontrent que l’emplacement des champs surélevés, en fonction de leur position altimétrique, coïncide soit avec celui des sols ferrallitiques, soit avec celui des sols hydromorphes. Or, l’étude environnementale de ce secteur littoral a indiqué que les sables coswine à hydromorphie temporaire définissaient précisément les sols ferrallitiques occupant les flancs des barres prélittorales tandis que les sables coswine à hydromorphie quasipermanente définissaient les sols hydromorphes des parties basses de ces reliefs. Autrement dit, la présence presque exclusive des champs surélevés sur les sables coswine à hydromorphie temporaire et à hydromorphie quasi-permanente signale que ces structures ont été spécifiquement édifiées sur les flancs et les basfonds des barres prélittorales caractérisés par des sols ferrallitiques et hydromorphes. Très peu présents audelà de 7 m, ils sont donc très rarement situés sur le sommet de ces reliefs aux sols podzoliques. La localisation particulière de ces aménagements agricoles est également identifiée par l’analyse du couvert végétal. Les champs surélevés occupent précisément les terrains recouverts par les savanes inondables, espèces caractéristiques des sols hydromorphes, et par les savanes sèches, toutefois seulement lorsque celles-ci occupent les sols ferrallitiques.

En bord de mer mais également le long des estuaires, les terrains demerara sont recouverts de vases molles saturées d’eau. Immédiatement soumis à la submersion de l’onde de marée, ils sont, de fait, colonisés par la mangrove s’adaptant aux sols marqués par une très forte salinité. Au-delà de leurs propriétés respectives, les sols de la haute plaine côtière et les sols de la basse plaine côtière partagent plusieurs caractéristiques essentielles que sont, toutefois dans des proportions variables, la salure, l’hydromorphie et l’acidité. Ces propriétés pédologiques sont autant de facteurs édaphiques qui déterminent la répartition des différents groupements végétaux de ce milieu côtier. Ainsi, la végétation de la haute plaine est essentiellement marquée par les savanes et les forêts tandis que les marais et la mangrove dominent celle de la basse plaine. PAYSAGE AGRICOLE : L’AMENAGEMENT DES CHAMPS SURELEVES Les particularités de l’aménagement agricole L’identification des caractéristiques environnementales de cette partie littorale donne lieu à l’étude de leur possible influence sur les modalités de son aménagement agricole. Dans ce but, les données environnementales ont été confrontées aux données archéologiques. Ces dernières ont été intégrées à cette analyse cartographique par le biais de la carte archéologique des champs surélevés. Dans un premier temps, la seule lecture de ce document révèle plusieurs particularités quant à la distribution des structures agricoles au sein de cet espace. La concentration dominante de ces aménagements au nord de ce secteur s’oppose nettement à leur présence moins intense, plus dispersée, au sud. Par ailleurs, ces structures sont clairement absentes sur une importante partie au centre est de ce secteur, ainsi que sur une 134

Figure 10 : répartition des champs surélevés entre le Kourou et la Karouabo en fonction des différents secteurs d’altitude – vue en plan – (carte réalisée par SIG d’après carte IGN 1989 et Rostain & Frenay 1991)

Les sols ferrallitiques et hydromorphes des barres prélittorales ont donc ici représenté des aires spécifiques d’implantation des champs surélevés amérindiens. Cette même analyse spatiale indique que, sur la basse plaine, à une altitude inférieure à 2 m, les champs surélevés occupent les argiles demerara reposant sur les argiles coswine soumises à une hydromorphie quasitemporaire et, pour quelques endroits, temporaire. La carte de répartition des formations végétales témoigne de leur stricte présence sur les terrains recouverts par les savanes marécageuses, végétation se développant exclusivement sur les sols des marais; les champs surélevés sont absents des terrains sur lesquels se développent d’autres formations végétales, notamment les mangroves. Ainsi, sur la basse plaine, les champs surélevés ont strictement été édifiés sur les sols

des marais subcôtiers. Ceux-ci représentent donc également des aires spécifiques d’implantation de ces structures agricoles. La somme de ces informations révèle une occupation préférentielle de certains secteurs de la plaine côtière dépendant de la nature des sols qui les occupent. Elle atteste en cela de l’existence de caractéristiques environnementales de l’implantation des champs surélevés. Ces structures ont précisément été construites sur les sols hydromorphes et ferrallitiques, sur la haute plaine, ainsi que sur les sols des marais, sur la basse plaine. Si ces différents terrains n’offrent pas les mêmes conditions de mise en culture, chacun semble présenter des caractéristiques significatives expliquant cet aménagement particulier de la plaine côtière.

Figure 11 : répartition des champs surélevés entre le Kourou et la Karouabo en fonction des différents secteurs d’altitude – vue en élévation – (carte réalisée par SIG d’après carte IGN 1989 et Rostain & Frenay 1991)

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Les sols ferrallitiques, hydromorphes et les sols des marais subcôtiers partagent plusieurs caractéristiques fondamentales expliquant le choix précis de leur mise en culture par le biais de ce système agricole. Seules ces trois classes de sols, de par leur teneur en minéraux et matière organique (éléments nutritifs) associée à leur hydromorphie soutenue, assurent ainsi fertilité et alimentation en eau. Elles seules réunissent les conditions de base nécessaires à une mise en culture. Ces sols sont donc les plus appropriés à une exploitation agricole. Les éléments défavorables à cette entreprise expliqueraient la surélévation de ces structures (Rostain 1994a). Cette technique de construction, associée à un système de drainage, aurait évité, ou du moins limité, l’inondation des cultures lors de la hausse du niveau d’eau. En garantissant l’édification des champs par accumulation de la matière organique présente à la superficie de ces sols, elle aurait augmenté la fertilité14 et également assuré l’aération de ces terrains. Éliminant ainsi les gaz nuisibles et réduisant par conséquent l’acidité, la structure de la terre en aurait été améliorée (Rostain 1995). Lorsqu’ils ne sont pas dessalés complètement, les sols des marais de la basse plaine présentent au moins une dessalure en surface. Si la salinité devait cependant demeurer problématique, ce principe de surélévation, associé à l’important lessivage des sols qu’explique l’abondance des précipitations, permettait également d’en diminuer considérablement les effets (Turenne com. pers. 2006). Les autres sols de la basse plaine, les sols des mangroves, immédiatement soumis à l’onde de marée et recouverts de vases sont, de fait, incompatibles avec une exploitation agricole. Qui plus est, des transformations à courts termes affectent ces espaces soumis à la dynamique de la marée et la formation de la plupart de ces sols est postérieure à la période de mise en culture des champs surélevés. Cela explique qu’ils soient vierges de tout aménagement. De même, l’hydromorphie insuffisante des sols podzoliques ainsi que l’absence de matière organique en surface expliquent aisément que ces sols, plus pauvres, ne soient pas favorables à une mise en culture et qu’ils n’aient pas, ou que très exceptionnellement, été retenus pour l’édification des champs surélevés. Ces paramètres justifient l’absence significative des champs surélevés sur l’espace central de ce secteur côtier ainsi que sur les terrains en front de mer et le long des estuaires où sont respectivement situés les sols podzoliques des sommets des barres prélittorales et les sols des mangroves. Concernant la mise en culture des différents sols de la plaine côtière, il est important de préciser qu’une observation par télédétection, réalisée en 1991, a permis d’avancer l’hypothèse de deux utilisations distinctes des champs surélevés en fonction de leur localisation: les champs surélevés situés sur les terrains humides des parties basses auraient été utilisés en saison sèche

Figure 12 : localisation des champs surélevés sur les différentes catégories de sols de la haute plaine côtière, exemple des savanes de Pariacabo (carte réalisée par SIG d’après Cautru 1995 et Rostain & Frenay 1991). La lecture croisée de la carte de répartition des champs surélevés et de la carte de lithologie permet d’observer la localisation particulière de ces structures. Sur la haute plaine côtière, les champs surélevés, à l’instar de ceux aménagés dans les savanes de Pariacabo, occupent très précisément, et en quasi-totalité, les sables coswine à hydromorphie temporaire et les sables coswine à hydromorphie quasi-permanente. Ces sables définissent respectivement les sols ferrallitiques présents sur les flancs des barres prélittorales et les sols hydromorphes occupant les bas-fonds de ces reliefs

Les choix spécifiques de mise en culture Les propriétés pédologiques des sols de la plaine côtière offrent de formuler certaines hypothèses concernant les raisons de la mise en culture propre de certaines d’entre eux. Elles mettent également en lumière l’importance de cette technique de surélévation des champs dans le choix des terrains à cultiver. Tel que signalé précédemment, sur la haute plaine, seuls les sols ferrallitiques et les sols hydromorphes partagent deux caractéristiques essentielles que sont, d’une part, la présence d’horizons superficiels riches en matière organique et, d’autre part, une certaine capacité de rétention d’eau. Ces propriétés définissent également les spécificités qui, sur la basse plaine, différencient les sols des marais : soumis à une hydromorphie quasi-permanente, ils témoignent aussi d’une couche de matière organique provenant de la pégasse qui les recouvre. 136

tandis que les structures situées sur les terrains exondés des parties plus hautes aurait été cultivées lors de la saison des pluies (Rostain & Frenay 1991)15. Si l’analyse cartographique fait apparaître la présence de rares champs surélevés sur des sols podzoliques, elle met également en lumière plusieurs particularités permettant de formuler certaines hypothèses relatives à leur aménagement exceptionnel sur ces terrains très peu propices à une exploitation agricole. Bien que construites sur des sols podzoliques, ces structures maintiennent une proximité évidente avec les sols ferrallitiques. La quasi-totalité d’entre elles sont situées sur les parties des sols podzoliques immédiatement adjacentes aux sols ferrallitiques  ; certains groupes de champs surélevés étant construits pour une partie sur des sols podzoliques et pour l’autre partie sur des sols ferrallitiques. Dans quelques cas, ils sont localisés sur de petites surfaces de terrains podzoliques émergeant au sein de terrains ferrallitiques. Par ailleurs, il est important de signaler aussi que les seuls groupes de champs surélevés qui « s’affranchiraient » ainsi des sols ferrallitiques, quoique très relativement « isolés » sur ces sols podzoliques, sont situés à l’emplacement exact d’un cours d’eau.

Les caractéristiques environnementales de la plaine côtière de Guyane ont ici précisément déterminé l’implantation des champs surélevés. Sur la haute plaine pléistocène, de part et d’autre du sommet des barres prélittorales, compris entre 7 et 2 m d’altitude, ils ont été spécifiquement édifiés sur les sols hydromorphes et les sols ferrallitiques des basfonds et des flancs de ces reliefs. Sur la basse plaine holocène, à une altitude inférieure à 2 m, ces structures ont précisément été construites sur les sols marécageux des marais subcôtiers. La présence conjuguée de matière organique et de conditions hydriques suffisantes, définissant leur singularité, font de ces terrains les sols potentiellement les plus fertiles. Par le biais de tels aménagements, ces populations amérindiennes ont su tirer profit de ce potentiel tout en proposant une alternative aux éléments défavorables de ces terrains : réduction des taux d’acidité et de salinité, prévention des risques d’inondation. Parce que ces sols attestent d’un potentiel fertile que cette technique spécifique de mise en culture permet d’accroître, leur répartition sur la plaine côtière de Guyane définit, tant sur la haute plaine que sur la basse plaine, des aires spécifiques d’exploitation agricole. Ils ont ainsi dicté l’aménagement de la plaine côtière de Guyane, et, au-delà, influé sur l’organisation territoriale des communautés amérindiennes. Si les modalités de cette occupation littorale répondent à des critères environnementaux précis, elles représentent un élément essentiel pour l’étude de ces sociétés au travers de leur relation à l’environnement.

La localisation de rares structures sur ces terrains podzoliques semble être liée à certains paramètres limitant possiblement, et dans une certaine mesure, les inconvénients de ces sols (sols non hydromorphes, absence de matière organique en surface), ou offrant éventuellement d’en améliorer les propriétés. La présence d’un cours d’eau, en assurant l’alimentation en eau des sols alentours, aurait effectivement permis de palier leur faible capacité de rétention d’eau. En revanche, s’il est évident que la présence de ces structures sur les sols podzoliques est étroitement liée à la proximité des sols ferrallitiques, les raisons de cette particularité sont moins manifestes. Elle paraît justifier la construction de quelques structures sur les sols podzoliques, mais d’une manière qui toutefois reste à déterminer. Peut-on supposer que le déficit hydrique des sols podzoliques ait été moindre au contact des sols ferrallitiques témoignant d’une meilleure rétention d’eau ? Peut-on supposer aussi que de petites surfaces podzoliques sur de vastes terrains ferrallitiques soient possiblement moins défavorables à l’agriculture ? Peut-on supposer encore que les champs surélevés aient été édifiés sur ces sols podzoliques par apport de terre riche en matière organique présente à la surface des sols ferrallitiques contigus ? Même si les sols podzoliques, ainsi au contact des sols ferrallitiques, ont pu se prêter dans quelques cas à une mise en culture, leurs propriétés, par nature, ne sont pas favorables à une exploitation agricole. La mise en culture de champs surélevés, aussi exceptionnelle a-t-elle été, y demeure beaucoup moins propice que sur les sols ferrallitiques et hydromorphes de cette haute plaine.

CONCLUSION Paysage « culturel » : caractéristiques du mode d’occupation littoral En intervenant ainsi dans la conception du schéma d’occupation de cet espace littoral par les sociétés amérindiennes, ces paramètres environnementaux influencent l’organisation de ces communautés. Les choix relatifs à ce mode d’aménagement et d’occupation littoral, parce qu’ils répondent aussi à des priorités économiques, nous offrent de mieux appréhender ces sociétés. La façon dont elles ont investi « leur » environnement reflète effectivement certaines de leurs préoccupations ; elle permet, en cela, de mieux percevoir leur fonctionnement, mettant notamment en lumière certains aspects de ces pratiques économiques mais aussi certains aspects de leur identité culturelle. Le modelé de la plaine côtière, déterminant la nature et la répartition des différentes classes de sols, a dicté l’aménagement des champs surélevés de part et d’autre du relief des barres prélittorales. Aussi « insignifiantes » puissent-elles paraître, ces variations topographiques ont ainsi conduit les sociétés précolombiennes à

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aménager et investir essentiellement le nord et, plus modestement, le sud de ce secteur. Sur cette partie méridionale, les champs surélevés, plus dispersés, y sont également moins nombreux, moins imposants. Les principaux ensembles de champs surélevés occupent donc la partie nord de la plaine côtière alors même que ces terrains septentrionaux, contrairement aux terrains situés au sud de ce secteur, sont inondés en permanence. Du fait de leur proximité immédiate du rivage mais également de leur basse altitude, ils sont également directement exposés aux risques des dynamiques littorales (submersion par l’onde de marée, variations hydriques liées au déplacement des bancs de vase, etc.). Le privilège accordé à ces terrains soumis à des contraintes environnementales auxquelles échappe la partie méridionale évoque d’autres particularismes relatifs à l’implantation des sites d’habitats associés à ces installations agricoles, des particularismes qui permettent de mieux mesurer la spécificité de ce schéma d’aménagement caractérisé par la prédominance d’une occupation septentrionale. Sur l’ensemble de la plaine côtière de Guyane, les sites d’habitat de ces communautés sont généralement localisés au sommet des cheniers émergeant des marais de la basse plaine16. Cet emplacement en hauteur est imposé par la submersion des terrains bas et les risques d’inondation que provoquent les variations hydriques. Si l’on considère que le choix de cette localisation est strictement dû à la recherche de terrains exondés, il pourrait paraître étonnant que les sommets des barres prélittorales n’aient pas été préférés aux cordons littoraux : ceux-ci ne sont pas ceinturés de marécages inondés en permanence comme le sont les cheniers et, parce qu’ils sont situés plus à l’intérieur des terres mais également plus élevés, ne sont pas, ou très exceptionnellement, affectés par les dynamiques littorales. Ils sont en cela plus appropriés à l’installation de villages. Le choix de cette occupation semble bien davantage répondre à la volonté d’une certaine proximité du milieu marin, ainsi d’un accès direct aux différents milieux propres à cet espace littoral. L’édification de villages à une distance minimale du rivage aurait ainsi offert d’accéder aisément à l’ensemble des ressources des milieux marin, saumâtre et d’eau douce. Sur la base de ces observations que soutiennent diverses données archéologiques et ethnohistoriques (Hurault 1972  ; Rostain 1994a), l’examen de l’implantation des champs surélevés offre de formuler certaines hypothèses quant à la relation entre la répartition de ces structures agricoles et le fonctionnement de ces sociétés. La présence dominante des principaux ensembles de champs surélevés, à proximité des sites d’habitat (Fig. 9), sur les terrains septentrionaux de la plaine côtière, pourtant exposés aux risques des dynamiques littorales, traduirait ces mêmes préoccupations : concentrer sur un espace défini, alentour des villages,

l’essentiel des différentes ressources (ressources agricoles associées aux ressources d’eau salée, d’eau saumâtre et d’eau douce). Parce que l’exploitation des ressources maritimes et côtières à proprement parler a vraisemblablement tenu une place déterminante au sein des pratiques de ces communautés, les terrains plus éloignés du rivage, au sud de ce secteur, auraient moins été investis par ces populations. Ceci expliquerait que les ensembles de champs surélevés y soient moins nombreux et plus épars. Signe d’une installation préférentielle sur la partie septentrionale de la zone littorale, ce schéma d’occupation de la plaine côtière indique que les pratiques de ces sociétés sont étroitement liées à l’exploitation des ressources maritimes et côtières. Si elles ont dû recourir à cette technique agricole sous l’effet de pressions démographiques, l’aménagement privilégié de ce secteur nord signale que, quand bien même d’autres terrains auraient été propices à une mise en culture, la proximité du milieu marin et côtier a défini une priorité de l’occupation littorale par ces sociétés précolombiennes, et ce, alors même que les conditions environnementales n’y étaient pas favorables. Les pratiques de ces sociétés, de quelque nature qu’elles aient été (économiques, marchandes, culturelles, religieuses, etc.), étaient ainsi celles de sociétés côtières essentiellement tournées vers ce milieu maritime, et dont le développement n’aurait pas concerné, ou de façon bien moindre, l’exploitation des zones et ressources forestières situées plus au sud17. Ainsi, bien que contrainte par certains paramètres environnementaux, l’installation de ces communautés amérindiennes sur le littoral guyanais exprimerait l’identité fondamentalement « côtière » de ces sociétés. Si l’on peut conclure à l’exercice d’une réelle influence environnementale sur ces sociétés, force est de constater que celle-ci demeure limitée. Les sociétés amérindiennes se sont adaptées, dans leur mode d’exploitation et d’aménagement littoral, aux « difficultés » engendrées par ce milieu afin que celuici leur permette de répondre à de nouvelles attentes ; du moins, pourrait-on dire également qu’elles ont su intervenir sur ces paramètres environnementaux afin qu’ils le leur permettent. Mais en dépit de ces contraintes, elles ont occupé cet espace littoral de manière à garantir certains fondamentaux que définit leur identité culturelle. Bien au-delà des seuls paramètres géographiques, l’occupation de l’espace relève de considérations propres à la définition, la perception du milieu et de l’espace vécu par ces sociétés  ; des éléments de réflexion essentiels pour ces études portant sur les relations établies entre les sociétés et le milieu dans lequel elles ont évolué.

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Socle précambrien ou bouclier guyanais : vieux socle cristallin composé de roches de métamorphismes variés dont la plupart appartiennent à la période antécambrienne. Le socle précambrien constitue le soubassement de la région des Guyanes. 2 Pour une présentation exhaustive de ce système agricole, consulter Rostain 1991, 1994a, 1995, 2008a, 2008b, 2010, 2012. 3 Avant l’introduction de cette technique agricole, l’économie de subsistance de ces communautés reposait sur l’exploitation des ressources naturelles (chasse de différents gibiers, pêche en eau salée, saumâtre ou douce, cueillette de graines et fruits ou encore ramassage de coquillages, d’œufs, de larves, etc.) associée à une agriculture itinérante sur brûlis. La mise en culture de champs surélevés ne signifie pas que l’agriculture sur brûlis fut abandonnée  ; ces deux pratiques agricoles semblent avoir été utilisées parallèlement (Rostain 1994a). 4 Depuis plusieurs décennies, les littoraux guyanais ont fait l’objet d’importantes études dans différentes disciplines des sciences de la Terre. Cette présentation repose sur les résultats de ces investigations qui, pour la plupart, ont été effectuées dans le cadre de programmes de recherche développés par divers organismes tels que le BRGM, l’ORSTOM (actuel IRD) ou l’IGN. Elle s’appuie, entre autres, sur les travaux de Blancaneaux (1981), Brinkman & Pons (1968), Cremers (1990), Cremers et al. (1993), de Granville (1986), Grimaldi et al. (1992), Palvadeau (1999), Prost (1990 , 1992), Prost et al. (1985), Turenne (1977). 5 Atteignant parfois plusieurs kilomètres de longueur, les barres prélittorales mesurent, en moyenne, de 400 à 600 m de largeur pour une hauteur de 4 à 15 m. 6 La notion de « stabilité » fait ici référence à l’absence de nouvelles régressions et transgressions marines. 7 Les cheniers atteignent parfois plusieurs kilomètres de longueur également. Ils mesurent jusqu’à 200 m de largeur pour 2 à 4 m de hauteur en moyenne. 8 Variations du niveau marin. 9 L’envasement et le désenvasement des côtes se manifestent suivant une certaine périodicité, expliquant que l’on parle volontiers du caractère « cyclique » de ces dynamiques. Si elles témoignent parfois d’une certaine « rythmicité » dans leur fréquence, il est important de préciser qu’elles ne définissent en aucun cas des cycles exacts. L’absence de réelle régularité ainsi que la multiplicité des facteurs interagissant sur ces dynamiques expliquent que toute tentative de modélisation soit vaine ; elles ne permettent pas de restituer l’envasement des côtes des périodes anciennes. Par ailleurs, si ces phénomènes se jouent à l’échelle de plusieurs dizaines d’années, le désenvasement intervient parfois de façon brutale, tels de petits raz-de-marée. Dans ce cas, la ligne de rivage peut alors reculer de plusieurs centaines de mètres par an (Prost et al. 1985 ; Prost 1990). L’installation côtière est de fait très précaire ; nombre de villages ont ainsi été abandonnés par les Amérindiens (Cornette et al. 1992  ; Rostain 1994a). 10 Pour les références de ces travaux, voir note 4. 11 Du fait des faibles dénivelés de la plaine côtière (en termes de restitution cartographique), la réalisation de cartes du modelé de ce secteur littoral par SIG a nécessité d’« amplifier » le rendu de ces écarts d’altitude afin que son relief soit aisément perceptible à la lecture de ces documents. 12 Horizon d’un sol lié à la présence d’une nappe d’eau stagnante et caractérisé par des teintes grisâtres, bleuâtres ou verdâtres dues à la présence de fer réduit (Foucault & Raoult 1988).

Dans ce cas, le terme de « savane » est simplement descriptif : il désigne un paysage ouvert par opposition aux formations de mangroves et de forêts qui environnent ces marais. 14 L’apport d’amendements organiques, souvent associé à cette technique agricole, aurait également permis d’accroître la fertilité des sols. 15 Le climat équatorial de Guyane définit deux grandes saisons : une saison sèche et une saison des pluies au sein desquelles s’intercalent respectivement une petite saison des pluies et une petite saison sèche. 16 Sur notre secteur d’étude, le site de Bois Diable est parfaitement représentatif de cette implantation au sommet des cheniers holocènes de la basse plaine. L’emplacement du site de Léonard répond également aux caractéristiques qui semblent avoir défini l’installation de l’habitat de ces communautés en ce sens qu’il occupe, immédiatement en front de mer, le sommet d’un cordon de sable de faible altitude. Si cela l’apparente indéniablement à un chenier, il importe néanmoins de préciser que ce cordon n’est pas un chenier puisque les sables qui le composent sont pléistocènes. Il n’appartient toutefois pas au relief central des barres prélittorales, plus élevées et plus étendues, mais se présente davantage comme un « résidu » de sédimentation pléistocène. 17 Il importe néanmoins de préciser que certains groupes côtiers se seraient éloignés du littoral pour s’installer plus en amont sur les cours d’eau et ainsi se spécialiser dans le commerce avec les groupes forestiers (Rostain 2012).

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Il est évident que l’étude des champs surélevés d’Amérique Latine nécessite un travail interdisciplinaire. Une fois la cartographie et la description réalisées, la première question à résoudre est la nature des plantes cultivées à l’origine. Auparavant, on se servait essentiellement des sources archéologiques et ethnohistoriques pour déterminer approximativement ces plantes (Rostain 1994a). Ainsi, la présence de râpes en pierre et de plaques à cuire en céramique sur les sites suggérait la consommation du manioc, tandis que les meules et molettes de pierre indiquaient plutôt celle du maïs. D’autre part, les textes des premiers chroniqueurs signalaient parfois la culture de telle ou telle plante sur des billons amérindiens (Rostain 1995). Depuis une vingtaine d’années, les possibilités de l’archéobotanique se sont très notablement développées, autorisant des déterminations de plus en plus fines des pollens, des phytolithes ou des grains d’amidon.

données a permis de définir la culture probable du maïs, du manioc et de la patate douce sur les champs surélevés à l’époque précolombienne. Depuis la fin de l’ACR en 2007, un nouveau projet interdisciplinaire, appelé « Archéologie et écologie des savanes côtières de Guyane », a été mis en place par Doyle McKey (CEFE, Université de Montpellier/CNRS) et moi-même, associant archéologues, écologues, archéobotanistes, pédologues, ethnologues, biologues et spécialistes d’imagerie aérienne. Dans le cadre de cette recherche, les archéobotanistes José Iriarte (Université d’Exeter, Royaume-Uni) et Irène Holst (Smithsonian Tropical Research Institute, Panama) se sont intéressés aux plantes cultivées et consommées par les populations arauquinoïdes qui ont construit les champs surélevés (McKey et al. 2010 ; Iriarte et al. 2010). José Iriarte (et al. 2010) a ainsi déterminé que les phytolithes collectés dans les champs surélevés provenaient essentiellement du maïs (Zea mays L.), tant du rachis que de la tige et des feuilles. Il a également repéré la courge (Cucurbita) dans le complexe de Piliwa, à l’extrême ouest de Guyane, mais le maïs domine partout. En outre, des fragments de plaques à cuire en céramique collectées lors de nos fouilles du site de Sable Blanc, à l’ouest d’Iracoubo, ont été analysés. Des grains d’amidon de maïs, de manioc (Manihot esculenta Crantz) et de piment (Capsicum spp.) y ont été découverts, les deux premières plantes ayant été cuites et la dernière vraisemblablement séchée. Il y a donc une concordance entre les plantes cultivées sur les champs surélevés et celles consommées dans les villages arauquinoïdes. Ces récents travaux ont permis de préciser et de compléter les premières déterminations réalisées par Magali Chacornac-Rault.

L’archéobotaniste Magali Chacornac-Rault, qui venait de terminer sa thèse sur l’île de Java à l’époque de l’ACR (Chacornac-Rault 2004), a accepté de se pencher sur des échantillons de sédiment rapportés des champs surélevés de Guyane. Pour la première fois, il a été ainsi possible de reconnaître des plantes cultivées anciennement sur les champs surélevés de la côte des Guyanes. Toutefois, ces résultats préliminaires ont dû être considérés avec prudence car des plantes importées à l’époque coloniale s’étaient mélangées à celles autochtones. En effet, si les pollens sont plus précis que les phytolithes, ils sont également plus volants, aussi des spécimens cultivés récemment ont été emportés sur les buttes, faussant ainsi partiellement les résultats. C’est pour cette raison qu’un contrôle a été effectué grâce aux phytolithes, particules lourdes qui ne se déplacent pas. Le croisement des différentes

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Les plantes cultivées dans les champs surélevés précolombiens

Magali Chacornac-Rault post-doctorante du Muséum National d’Histoire Naturelle, Paris & Stéphen Rostain UMR 8096 « Archéologie des Amériques », CNRS/Université de Paris-1, Nanterre Un millénaire avant la conquête européenne, les Amérindiens du littoral occidental de Guyane ont développé une technique agricole ingénieuses dans les terres inondées en construisant des milliers de champs surélevés (Rostain 1991, 1994a). Ces structures font l’objet de différentes études interdisciplinaires depuis une vingtaine d’années (Rostain 1991, 2008a ; McKey et al. 2010). Toutefois, l’une des priorités de l’étude des champs surélevés est la détermination des plantes qui y étaient cultivées. Si ce type de recherches était difficile à entreprendre dans les années 1980, les récentes innovations en archéobotanique permettent aujourd’hui des analyses plus fines. C’est ainsi que, dans le cadre de l’ACR, des échantillons de sédiment ont été prélevés dans quatre complexes de champs surélevés afin d’en extraire des pollens et des phytolithes pour déterminer les plantes cultivées. L’objectif de cette étude, menée sur un contexte agricole original, était de mieux comprendre le mode de culture de ces buttes exondées des savanes côtières de Guyane et connaître les plantes qui y étaient cultivées.

durant près d’un millénaire, avant l’arrivée des Européens. Elle consiste en l’édification des buttes audessus du niveau d’inondation. L’avantage est que les matériaux fertiles présents en surface des marais sont ainsi concentrés dans les monticules. Cela ne suffit pas toujours à se protéger de la submersion. Aussi, des canaux et des fossés permettent-il de réguler les variations du niveau de l’eau. En effet, comme pour les polders, c’est principalement pour répondre à des problèmes de gestion de l’eau que l’on construit des champs surélevés dans les Guyanes. Différentes méthodes ont été utilisées pour localiser, cartographier, photographier et étudier les terrassements précolombiens de Guyane française (Rostain 1995). Parallèlement à des prospections pédestres dans les marais et les savanes, des survols ont été effectués en ULM et en avion à différentes altitudes. Les résultats les plus précis ont été fournis par l’interprétation stéréoscopique, laquelle permet de saisir l’impact humain, ancien et récent, sur le paysage. Près de 2000 photographies aériennes IGN et Sofratop, à différentes échelles, ont été analysées. Les images satellitaires, elles, sont encore trop imprécises pour être vraiment utiles, même si elles peuvent apporter quelques informations originales.

LES CHAMPS SURELEVES GUYANAIS Les champs surélevés de Guyane ont été mis en évidence et étudiés en 1989 lors de survols aériens en ULM (Rostain 1991). Les recherches menées à l’époque avaient éclairci plusieurs aspects de ces structures, mais des questions demeuraient ouvertes (Rostain 1994a, 1995b, 2008a, 2008b). L’ACR visait notamment à préciser les connaissances archéologiques, ethnographiques, géographiques et écologiques de ces champs surélevés. En effet, les champs surélevés des Guyanes présentent des particularités qui les distinguent des structures similaires rencontrées dans diverses autres contrées du continent sud-américain. Outre leur localisation dans la plaine côtière, ils montrent des formes et des organisations tout à fait originales. La technique des champs surélevés fut largement employée sur le littoral des Guyanes par les Amérindiens

L’analyse stéréoscopique et les prospections réalisées depuis 20 ans ont abouti à une carte précise et complète des terrassements précolombiens le long de la côte occidentale de Guyane française, de l’Île de Cayenne au fleuve Maroni (Rostain 2008a, 2008b) (Fig. 1). La plus haute densité de champs surélevés se trouve entre les fleuves Kourou et Sinnamary. Dans cette aire, il semble que presque toutes les surfaces inondables aient été utilisées dans un but agricole. Une analyse SIG, confrontant les cartes archéologiques, pédologiques, géologiques et botaniques, a permis de définir deux principaux types de terrains où les champs surélevés furent construits, correspondant apparemment à un usage pour la saison des hautes eaux, d’une part, et à un usage pour la saison des basses eaux, de l’autre (Rostain 1991 ; Clerc 2006 et dans ce volume). 141

Figure 1 : carte des champs surélevés du littoral occidental de Guyane française, avec la localisation des quatre sites de prélèvement (relevé Rostain)

Les champs surélevés des Guyanes sont localisés le long de la plaine côtière, du fleuve Berbice, au Guyana, à l’Île de Cayenne, en Guyane française, mais sont absents sur la portion centrale du littoral surinamien. Leurs formes et organisation varient dans le temps et dans l’espace. Les plus anciens champs surélevés, d’époque barrancoïde (300-650 apr. J.-C.) et situés à l’ouest du Surinam, sont de forme quadrangulaire (Versteeg 1985). Les buttes de la période arauquinoïde (650-1400 apr. J.-C.), elles, revêtent diverses formes: arrondie, ovale, carrée, rectangulaire ou allongée. Dimension et morphologie des champs surélevés correspondent apparemment à des différences chronologiques et topographiques. Quatre types peuvent être distingués (Rostain 1991, 2008a) : 1) Les petites buttes, arrondies ou quadrangulaires, font 30 à 50 centimètres de diamètre et mesurent 20 à 30 centimètres de haut : on les trouve en bordure de barres prélittorales ou couvrant des savanes inondables. 2) Les buttes moyennes, arrondies, carrées ou rectangulaires, font 1,5 à 3 mètres de diamètre et mesurent 20 à 30 centimètres de haut. Elles sont organisées par groupes. La forêt a parfois poussé sur des complexes, en les occultant. 3) Les grandes buttes, arrondies ou, plus rarement, ovales, carrées ou rectangulaires, font 2 à 5 mètres de diamètre et mesurent entre 30 centimètres et 1 mètre de haut.

4) Les longues buttes étroites, ou billons, font 1 à 7 mètres de large, 5 à 30 mètres de long et 50 centimètres à 1,70 mètre de haut. En Guyane française et au Surinam, les champs surélevés ne sont pas disposés le long d’une rivière, comme les billons du Guyana (Plew 2005) et du Venezuela (Zucchi & Denevan 1979), mais sont construits dans les marais côtiers. Ils sont organisés par groupes ou damiers entre les marécages et les formations sableuses. Leur localisation topographique est indicative de différences quant aux conditions hydrographiques et à la nature du sol : - Les grands champs surélevés sont situés dans les aires inondées toute l’année (Fig. 2). - Les champs surélevés de dimension moyenne suivent souvent la courbe des talwegs dans les savanes (Fig. 3). - Les billons, associés à de grands champs surélevés, sont disposés le long des barres sableuses (Fig. 4). - Les champs surélevés, petits et moyens, couvrent toute la superficie de savanes inondables, totalement sèches en août. Dans ces aires, de grands champs surélevés peuvent côtoyer de petites buttes (Fig. 5). Outre la nature du terrain, la morphologie et la distribution des champs surélevés sont liées à l’altitude et au niveau de l’eau. Ainsi des variations existent à l’intérieur d’un même complexe. Par exemple, dans un site près de Kourou, les champs surélevés sont

Figure 2 : champs surélevés dans une aire inondée, à l’est de Mana (photographie Rostain)

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Figure 3 : champs surélevés dans un talweg, à l’ouest d’Iracoubo (photographie Rostain)

clairement organisés en fonction du drainage : les grands champs surélevés arrondis sont construits dans le marais inondé toute l’année ; au pied des barres prélittorales, les billons vont dans le sens de la pente pour faciliter le drainage ; sur la partie haute la plus sèche, les billons sont perpendiculaires à la pente pour retenir l’eau. Par ailleurs, les buttes semblent former des groupes indépendants, placés côte à côte, d’une moyenne d’un demi hectare chacun. L’ensemble du territoire arauquinoïde des Guyanes montre des variations régionales dans l’organisation des champs surélevés, symptomatiques de différences culturelles, chronologiques ou techniques (Rostain 2008a). D’ouest en est, six principaux modes d’organisation peuvent être distingués dans des territoires distincts : - Sur le littoral oriental du Guyana, des billons sont orientés perpendiculairement aux cours d’eau. - Dans la plaine côtière récente de l’ouest du Surinam, les complexes sont composés de petits groupes de larges billons. - À l’est du pays, jusqu’au fleuve Mana de Guyane française, les billons et les grandes buttes sont construites dans des aires noyées.

- Entre les fleuves Organabo et Sinnamary, les savanes inondables sont couvertes de buttes de dimensions diverses. - Du Sinnamary au Kourou, billons et buttes sont de préférence répartis le long de la pente des barres prélittorales. - Du fleuve Kourou à l’Île de Cayenne, des buttes quadrangulaires, grandes et moyennes, suivent les talwegs ou occupent des savanes. La surélévation des champs a deux fonctions essentielles (Fig. 6). La première est d’obtenir un espace sec pour planter et concentrer les matériaux fertiles. Les canaux creusés par la construction des buttes servent au drainage et favorisent l’élimination de gaz nuisibles à la croissance de la racine. Le risque de pourrissement des cultures, particulièrement des tubercules, se trouve ainsi considérablement réduit. La terre remuée est, en outre, aérée, ce qui facilite la croissance des plantes. La seconde fonction de la surélévation, qui découle presque naturellement de la première, consiste à améliorer la structure du sol. Argileux dans les parties marécageuses de la plaine côtière, il est peu exploitable tel quel pour l’agriculture,

Figure 4 : champs surélevés le long d’une pente, à l’ouest de Kourou (photographie Rostain)

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Figure 5 : champs surélevés dans une savane inondable, à l’ouest de Sinnamary (photographie Rostain)

et le rassemblement des matériaux superficiels concentre la meilleure terre. Outre qu’elle aère le sol, cette technique permet d’enfouir plus profondément les racines et les tubercules. La restauration des buttes érodées, par reprise régulière de la terre des bas-fonds, rajeunit le sol cultivé. Toutefois, il est souhaitable d’engraisser la terre, avec des végétaux, par exemple, comme le décrit un chroniqueur du XVIIIe siècle au Venezuela : « Les barbares qui vivaient et qui vivent toujours dans les savanes herbeuses, n’ayant pas l’embarras des arbres et des forêts, obtiennent leurs fruits, bien qu’en moindre quantité, avec moins de travail ; car, avec les pelles de massues dont je parlais, ils lèvent la terre (dans les endroits humides) d’un côté et de l’autre du sillon, recouvrant la paille et le foin avec la terre extraite d’un côté et de l’autre, et après ils sèment leur maïs, le manioc et d’autres racines, et, dans toutes les parties, une grande quantité de piment » (Gumilla 1963 : 429-430) . En Haïti, les paysans cultivant encore sur champs surélevés ajoutent des végétaux dans les buttes pour

les fertiliser. Les contraintes chimiques et physiques peuvent être assez facilement maîtrisées par une légère amélioration de la fertilité et par un contrôle de l’eau efficace. Le drainage étant le principal problème physique, il fallut associer quelques constructions hydrologiques aux champs surélevés. Cela pouvait être des canaux rectilignes, fermant des aires inondées, utilisés pour drainer un excès d’eau et, à l’occasion peut-être, utilisés comme réservoirs d’eau ou bassins à poissons. Ces canaux font entre 50 et 600 mètres de long et entre 2 et 5 mètres de large. Dans de nombreux cas, des petites lignes d’eau artificielles irrégulières, de 1 à 2 mètres de large et de plusieurs dizaines de mètres de long, ceinturent des espaces où sont regroupés des champs surélevés. Elles protègent de l’inondation lors de la montée des eaux à la saison des pluies. La distribution en damier des buttes se justifie également par la nécessité de contrôler l’eau. En tout état de cause, la localisation des champs surélevés en lisière des aires inondées, inondables et sèches résulte d’un choix réfléchi des Amérindiens.

Figure 6 : construction de champs surélevés sur la côte de Guyane il y a 1000 ans (aquarelle Rostain)

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Figure 7 : complexe de champs surélevés de Maillard (photographie Rostain)

MATERIEL ET METHODES

1966 et il fut prospecté à la même époque (Rostain 1994a). Il est localisé à quelques kilomètres à l’est de Macouria, dans un talweg juste au sud de la RN1 qui le coupe en deux et se poursuit dans la savane au nord. Ce sont des buttes de forme quadrangulaire de dimension moyenne, 1,5 m en moyenne, qui suivent la partie basse du talweg. À l’époque de la découverte, une petite agglomération de six maisons Palikur, appelée Kamuyune, était implantée sur une légère surélévation du terrain bordant la partie sud du complexe. Il est probable que le pollen des plantes cultivées dans le village ait pollué le complexe. Les échantillons de sédiment ont été prélevés dans les canaux inter buttes, en partie noyés en cette période de l’année. - Le complexe de Carrefour Maillard (Fig. 8), fut également découvert en 1989, lors de l’interprétation stéréoscopique des photographies aériennes SOFRATOP au 1:12000e de 1966 et il fut prospecté à la même époque (Rostain 1994a). Il est localisé à l’est de Macouria, non loin du précédent, dans une dépression inondée toute l’année, juste au sud de la RN1 qui le coupe en deux et se poursuit dans la savane au

Matériel Cette étude porte sur six échantillons prélevés dans quatre complexes de champs surélevés de la côte occidentale de Guyane, appelés Maillard, Carrefour Maillard, Grand Macoua et Piliwa (Fig. 1). Les raisons du choix de ces sites sont leur accessibilité pour réaliser les prélèvements, la bonne conservation des buttes, la nature argilo-organique du terrain propice aux analyses polliniques et phytolithiques, et la présence de sites archéologiques proches. Les prélèvements ont été effectués dans les canaux cernant les buttes en février 2006 par Stéphen Rostain. Ils ont été collectés à la tarière, entre 20 et 30 cm de profondeur, dans un milieu extrêmement humide, puis conditionnés dans du papier aluminium, sans être manipulés directement. - Le complexe de Maillard (Fig. 7) fut découvert en 1989, lors de l’interprétation stéréoscopique des photographies aériennes SOFRATOP au 1:12000e de

Figure 8 : complexe de champs surélevés de Carrefour Maillard (photographie Rostain)

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Figure 9 : complexe de champs surélevés de Grand Macoua (photographie Rostain)

nord. Ce sont des buttes carrées ou rectangulaires de grandes dimensions, 2 à 3 m de diamètre, disposées en quadrillage. Lorsqu’il fut repéré, le complexe était partiellement en cours de destruction par des aménagements immobiliers. Des pelleteuses remblayaient alors la partie occidentale du complexe avec du sable en vue de construire un lotissement. Aujourd’hui, des maisons entourent de toutes parts le site et il est vraisemblable que les pollens de plantes cultivées par les habitants actuels aient pollué le site. - Le complexe de Grand Macoua (Fig. 9) fut découvert lors des survols en avion de 2005 (Rostain 2008b). Il s’agit du plus grand complexe de champs surélevés de Guyane. Il est coupé par un chemin surélevé artificiellement, datant d’il y a moins de 50 ans et deux arasages de quelques mètres de largeur, récemment faits à la pelleteuse, traversent les champs surélevés Les buttes quadrangulaires ou arrondies, de dimension moyenne, 1 m de diamètre en moyenne, couvrent presque toute la savane inondable. En utilisant l’estimation la plus basse de productivité du maïs, soit 2 tonnes par hectare, obtenue sur des champs surélevés expérimentaux et en assumant une seule récolte annuelle et 75 % des champs utilisés, on peut inférer que la production agricole de la savane de Grand Macoua aurait pu fournir assez de calories pour un minimum de 718 personnes (75 ha de surface cultivable). La valeur calorique du maïs est de 3400 Kcal/kg et 1460 Kcal sont nécessaires par personne et par jour. Cette estimation est basée sur les photographies aériennes montrant que les champs surélevés de Grand Macoua couvrent 167 ha, parmi lesquels il y a environ 45 % de surface cultivable (McKey et al. 2010). Les prélèvements de sédiment ont été faits dans une des deux tranchées récente et dans les canaux inter buttes. Les abattis créoles récents du chenier septentrional ont pu polluer le site. - Le complexe de Piliwa (Fig. 10) fut signalé par Serge Kilinan, habitant d’Awala, en 2004, puis repéré par avion et analysé sur photographies aériennes IGN en 2005 (Rostain 2008b). Les champs surélevés de Piliwa

sont localisés à la sortie est du village d’Awala, au lieudit Piliwa (« roseau à flèches » en Kali’na). La présence même de ces roseaux traduit une ancienne occupation des lieux, antérieure à la fin du XIXe siècle. Les champs surélevés occupent une dépression parallèle à la route et à la rive gauche de l’embouchure de la Mana, délimitée au nord et au sud par deux cheniers, traces d’anciennes plages de sable sur le rivage. L’aire couverte de tertres s’étend sur environ 1200 m de longueur pour une largeur moyenne de 100 m (50 à 150 m). Les billons mesurent de 5 à 60 m de longueur et 3 à 5 m de largeur. Ils sont disposés parallèlement par groupes de 5 à 10 selon un plan en damier. La surface cultivable totale des billons est de 9 hectares, ce qui représente environ les trois quarts de la dépression. L’intérêt de ce site tient à son isolement et à sa distance par rapport aux autres complexes de champs surélevés. Il correspondrait à une seule implantation humaine des environs. En se basant sur la productivité des abattis cultivés par brûlis et des champs surélevés modernes (Rostain 2008b) et en extrapolant, on peut imaginer qu’à l’époque entre 50 et 100 personnes auraient vécu de la production des champs de Piliwa. Les échantillons de sédiment ont été prélevés au sommet des billons, inondés en cette période de l’année. La présence d’abattis amérindiens actuels sur les cheniers adjacents a pu polluer le site. Méthodes Le contexte chronologique, la zone étudiée et les études ethnologiques actuellement menées permettent de faire des hypothèses quant aux plantes exploitées sur les buttes (plantes à tubercules et graminées essentiellement). L’analyse pollinique menée sur ces sites doit permettre de confirmer ou non ces hypothèses, cependant la difficulté à déterminer les graminées (Poaceae) par leur pollen pose des limites, aussi, cette analyse a été couplée avec celle des phytolithes. En effet, les phytolithes permettent une meilleure discrimination des graminées. De plus, comme ils ne 146

subissent pas une importante dispersion, ils permettent de connaître les formes végétales présentes sur les buttes uniquement plutôt que d’apporter des données environnementales plus locales, voire régionales, comme peut le faire le pollen. La palynologie étant un outil classique des études archéo-paléoenvironnementales, nous ne développerons pas cette discipline, par contre nous allons détailler l’étude des phytolithes qui est un outil en pleine expansion. GENERALITES SUR L’ANALYSE DES PHYTOLITHES Historique Charles Darwin, au début de son long périple à bord du Beagle, se trouve à quelques centaines de kilomètres à l’ouest des côtes d’Afrique. La visibilité est faible, l’atmosphère est chargée de fines poussières qui s’accumulent sur le pont du navire. Il en récolte un échantillon qu’il fait parvenir à C. Ehrenberg, chercheur allemand passionné de microscopie. Ehrenberg reconnaît dans les poussières recueillies sur le Beagle pas moins de 67 types d’« infusoria » et, parmi ceuxci, 34 « phytolitharia ». Ces « phytolitharia», ou « pierres de plante », sont des corpuscules siliceux d’origine végétale décrits, quelques années auparavant (1835), sur le vivant, par un autre naturaliste allemand: Struve. Dans les années qui suivent, Ehrenberg étudie de nombreux échantillons de sédiments provenant du monde entier, dans lesquels il retrouve, entre autres choses, les fameux « phytolitharia ». Toutes ces données lui fournissent la matière de son célèbre ouvrage Mikrogeologie, paru en 1854, dans lequel il propose une première classification des corpuscules siliceux d’origine végétale (Brochier 1999). Une véritable redécouverte anglo-saxonne de ces travaux est faite dans les années 1950 et les phytolithaires sont baptisés pour l’occasion « phytoliths ». Depuis quelques années, une activité intense concerne toutes les facettes de cette « nouvelle » discipline : chimie, anatomie végétale, paléoécologie, paléoclimatologie, archéologie, etc.

Figure 10 : complexe de champs surélevés de Piliwa (photographie Rostain)

prendre en compte d’autres minéralisations prenant naissance dans les cellules végétales : les oxalates et les carbonates de calcium. Dans le cas de cette étude, nous nous focaliserons surtout sur les phytolithes de nature siliceuse. La formation de ces phytolithes dans la plante se réalise par l’absorption, au niveau des racines, de silice en solution sous forme d’acide monosilicique (Si(OH)4). Chez la plupart des végétaux, l’absorption et le transport de la silice se font de façon passive, grâce au courant de l’évapotranspiration. La quantité de silice dans la plante est de ce fait fonction de la teneur en eau et de la température du milieu. L’acide monosilicique se concentre et se dépose ensuite dans la plante. Il y a deux styles de dépôts : les dépôts extra-cellulaires et les dépôts intracellulaires. Les dépôts de silice extra-cellulaires se font principalement au niveau de l’épiderme. En effet, quand le Si(OH)4 arrive au bout du circuit d’évapotranspiration, c’est-à-dire au niveau de l’épiderme, l’eau est restituée à l’atmosphère sous forme de vapeur. L’acide monosilicique se concentre alors progressivement. Cette simple concentration permet une polymérisation spontanée qui aboutit à la formation d’un gel de silice de plus en plus déshydraté, et enfin, d’opale. Ce petit grain d’opale épousant les ornementations de l’épiderme est un phytolithe. Les dépôts intracellulaires peuvent avoir lieu dans

Définitions À l’origine, les phytolithes désignent uniquement les accumulations de nature siliceuse qui se produisent dans les tissus végétaux. C’est la définition qu’en donne Deflandre en 1963 : « les phytolithaires réunissent tous les corpuscules siliceux d’origine végétale rencontrés isolés à l’état fossile ou subfossile ». En 1976, Taugourdeau-Lanz et ses collègues considèrent que les corpuscules d’opale (silice hydratée), observés dans les végétaux actuels, font également partie des phytolithes (cf. Brochier 1999). Il apparaît enfin, aujourd’hui, naturel d’élargir à nouveau cette définition et de

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deux cas : - soit on a affaire à une cellule spécialisée dans le stockage de la silice, dont le matériel siliceux granulaire s’agrège en une forme sphérique. Le phytolithe qui en résulte n’a pas été moulé contre les parois cellulaires, sa forme est circulaire et peu caractéristique (on l’appelle cystolithe). - soit la quantité de silice présente dans la plante est trop élevée, ou l’évapo-transpiration trop importante. L’opale se dépose alors contre les parois internes des cellules non spécialisées, les rendant non fonctionnelles. Les cellules affectées par ce phénomène sont le plus souvent les cellules stomatiques, bulliformes et les cellules de soutien. Les phytolithes qui résultent de ce phénomène ont une forme caractéristique de l’espace intercellulaire où ils se sont formés et qu’ils ont moulé (Rovner 1971 ; Bartoli & Souchier 1978 ; Staller & Thompson 2002). Les phytolithes ainsi formés retournent au sol à la mort de la plante (ou de l’organe dont ils sont issus). La matière organique se décompose sous la pression de différents facteurs biotiques qui n’affectent pas l’opale de silice. Les phytolithes subissent alors dans les horizons superficiels du sol des dégradations mécaniques (cassures) ou chimiques (dissolution) mais pas biologiques, ce qui les différencie des autres restes végétaux (Bartoli & Wilding 1980 ; Rovne 1988).

Chez les Poaceae, trois des cinq sous-familles sont facilement identifiables (Chloridoïdeae, Panicoïdeae, Festucoïdeae). Le système le plus utilisé aujourd’hui, en ce qui concerne les Poaceae, a été proposé par Twiss (et al. 1969). Les morphotypes rectangulaires et circulaires des cellules courtes correspondent à la sous-famille des Festucoïdées (ou Pooïdées), le morphotype en « selle » correspond aux Chloridoïdées et les morphotypes en croix et bilobés correspondent aux Panicoïdées. Un quatrième groupe rassemble les cellules longues et bulliformes qui sont, quant à elles, caractéristiques de l’ensemble des Poaceae. Actuellement, on essaye de mieux connaître les phytolithes caractéristiques de grands groupes (dicotylédones, gymnospermes, Cyperaceae, etc.), cependant, devant l’absence d’un lien morphotype/ espèce, on se focalise principalement sur la valeur écologique des assemblages, ce qui apporte un plus grand nombre d’informations exploitables. Matériel et méthodes Les phytolithes sont des objets microscopiques. Ils mesurent de 5 à 400 µm et gardent souvent une forme caractéristique de la cellule ou de l’espace intercellulaire où ils ont été formés. Bien qu’ils soient du même ordre de grandeur que les grains de pollen, il n’y a pas lieu de craindre une pollution, au moment du prélèvement, par d’éventuels phytolithes en suspension dans l’atmosphère. Il n’en reste pas moins que les précautions d’usage, communes à tous types d’échantillonnage, doivent être respectées : profil fraîchement dégagé, outils nettoyés entre chaque échantillonnage, etc. Les quantités de sédiment nécessaires à leur étude sont très variables. Tout dépend de l’abondance des phytolithes dans le sédiment. Quelques grammes suffiront amplement dans les roches exceptionnelles formées presque exclusivement de phytolithes telle que la célèbre mascareignite (du nom de l’archipel des Mascareignes dans l’Océan Indien) mais aussi, plus près de nous, dans de nombreux dépôts archéologiques holocènes. Les faibles quantités nécessaires permettent même d’obtenir des informations à partir des terres adhérentes à la surface d’objets archéologiques extraits au cours de précédentes campagnes de fouilles (surface des tessons ou des meules, cavité médullaire des os longs, etc.). Il est aussi possible d’extraire les phytolithes de la surface utile des outils lithiques afin de recueillir des informations sur leur fonction (Kealhofer et al. 1999 ; Pearsall et al. 2004). Les céramiques, les plâtres et les torchis en contiennent parfois. On peut citer de manière plus anecdotique que la faible quantité de phytolithes nécessaire peut permettre aussi de connaître le régime alimentaire de l’homme et de certains animaux à travers l’étude du tartre dentaire ou de coprolithes (Lalueza Fox et al. 1994 ; Middleton & Rovner 1994 ; Gobetz & Bozarth 2001).

Classification Une remarque s’impose lorsqu’il s’agit de discuter des multiples taxonomies proposées au fil des années (Rapp & Mulholland 1992) : l’objet phytolithe ne porte pas en lui-même, comme un grain de pollen, le (ou les) caractère(s) morphologique(s) caractéristique(s) d’un taxon, que celui-ci soit une espèce, un genre ou une famille. Chaque taxon produit généralement plusieurs formes et de nombreuses formes sont communes à plusieurs taxons. C’est ce que Rovner popularisera en 1971 sous les termes « multiplicity » et « redundancy ». Un autre problème est dû au fait que certaines plantes ne produisent pas suffisamment de silice dans les tissus végétatifs ou floraux, et n’apparaîtront donc jamais dans les analyses (Piperno 1988 ; Wallis 2003). Malgré ces inconvénients, certains phytolithes sont caractéristiques d’un groupe végétal (Piperno 1989, 1998) et les phytolithes peuvent donner des informations très importantes dans des contextes où le matériel organique ne se conserve pas bien, en particulier dans les zones chaudes et/ou humides (Carter 1994 ; Wallis 2003). On connaît donc très peu de phytolithes caractéristiques d’une espèce mais de grands groupes sont reconnaissables : les dicotylédones ne produisent pas les mêmes morphotypes que les Gramineae, les Cyperaceae ou les Arecaceae (Rovner 1988 ; Kondo et al. 1994).

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Dans les sites archéologiques plus anciens, et d’une façon plus générale dans les formations superficielles quaternaires, la concentration en phytolithes est plus faible (Brochier 1999). Deux cas peuvent se présenter lors des procédures d’extraction : si l’échantillon est très riche en phytolithes, la partie fine du sédiment peut être directement montée entre lame et lamelles, sans traitement particulier. Cette méthode rapide a l’avantage de permettre l’observation de toutes les poussières d’un échantillon, qu’elles soient siliceuses, carbonatées ou carbonées. Dans les échantillons normalement « riches », qui sont les plus courants, le nombre de phytolithes est extrêmement faible par rapport au nombre de particules détritiques de taille équivalente. Il est alors nécessaire de concentrer et d’isoler les phytolithes (Kelly 1990 ; Madella et al. 1998). Dans un premier temps, l’échantillon est défloculé, les particules grossières sont éliminées par tamisage, les argiles par des méthodes de sédimentation, les carbonates de calcium par attaque chlorhydrique, la matière organique, enfin, par oxydation à l’acide nitrique ou à l’eau oxygénée. Après cette phase de préparation, les phytolithes siliceux sont séparés des particules minérales détritiques à l’aide d’une liqueur dense de densité comprise entre 2,3 et 2,4 par une simple méthode de flottation. Ensuite, les phytolithes sont montés entre lame et lamelle soit dans du baume du Canada, soit dans de la glycérine (milieu de montage mobile permettant de faire pivoter les phytolithes pour mieux les identifier). Les lames, ainsi réalisées, sont observées au microscope optique à transmission (grossissement x400 à x1000) et les effectifs de chaque morphotype reconnu sont comptabilisés. Des dispositifs optiques particuliers, comme le contraste interférentiel Nomarsky, sont particulièrement bien adaptés à l’analyse des plus fins détails de ces particules. Le microscope électronique à balayage est d’un usage fréquent dans les recherches fondamentales, mais le microscope optique lui est cependant préféré dans la pratique quotidienne. Après comptage des phytolithes présents sur la lame, on les regroupe en morphotypes connus. Les phytolithes ne correspondant à aucun morphotype connu sont mis dans la catégorie « non classés ». Pour que les proportions soient statistiquement représentatives et fiables, il faut compter un nombre de phytolithes classés de l’ordre de 100 à 150. On calcule ensuite les pourcentages de chaque morphotype sur le total des phytolithes classés et ces valeurs sont présentées sous forme de diagrammes.

pas d’indications environnementales qui puissent être mises simplement et directement en relation. En effet, les charbons de bois témoignent des caractères du paysage sur une surface large, les pollens incluent une information qui peut être de provenance encore plus lointaine. Dans cette perception en auréoles des caractères environnementaux, les phytolithes, quant à eux, reflètent en majorité la végétation locale car leur migration est restreinte. De plus, il n’y a pas de déplacement différentiel selon les espèces comme c’est le cas notamment avec les pollens (distorsion entomophiles/anémophiles). Dans les lieux habités, la situation est plus complexe. Les phytolithes siliceux peuvent dériver directement de la végétation poussant sur le site, avant, pendant ou après son utilisation. Ils peuvent également provenir d’une zone beaucoup plus large lorsqu’ils s’accumulent en tant que constituants des fèces d’herbivores domestiques ou sauvages. Ils peuvent, enfin, ne plus avoir de signification environnementale et témoigner d’une activité particulière. Une étude du contexte est une condition préalable indispensable à une bonne interprétation des résultats.

Applications et interprétation

La plupart des phytolithes siliceux, nous l’avons vu, ne peuvent être associés à une unité taxonomique aussi fine que le genre ou l’espèce. Le phytolithologue s’intéresse donc surtout à la valeur écologique des assemblages. Plusieurs voies sont aujourd’hui explorées. La première en date, ouverte par Twiss il y a plusieurs décennies, est encore aujourd’hui extrêmement productive. Le principe est le suivant : tous les végétaux, lors de la photosynthèse, ne fixent pas le gaz carbonique atmosphérique de la même manière (Twiss 1986). Les uns forment une molécule de fixation du gaz carbonique à trois atomes de carbone, ils sont dits en C3 ; les autres forment une molécule à quatre atomes de carbone et sont dits en C4. Chez les graminées en particulier, les plantes à métabolisme en C3 sont adaptées aux écosystèmes plutôt tempérés, sans sécheresse excessive, et les plantes à métabolisme en C4 sont, au contraire, adaptées à la sécheresse et aux écosystèmes arides. Le simple examen des proportions de ces types de Poaceae, au travers de leurs phytolithes caractéristiques, permet de détailler les fluctuations climatiques. Il existe une autre approche mise au point par Carbone en 1977 qui se base sur la constitution de spectre de phytolithes correspondant chacun à une association végétale actuelle dont tous les caractères sont décrits avec précision. Les échantillons fossiles sont ensuite comparés à ces spectres de référence (Fredlund & Tieszen 1997a ; Runge,1999).

Les applications des phytolithes aux problèmes qui concernent l’archéologue sont multiples. Les restes biologiques recueillis dans les sédiments, qu’ils soient archéologiques ou non, ne nous fournissent

Les phytolithes sont une source d’informations extrêmement variées, ils se prêtent à de multiples utilisations, tant paléoenvironnementales qu’archéologiques (Vernet 1980 ; Fisher et al. 1995 ; Kelly

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et al. 1998 ; Mercader et al. 2000 ; Madella et al. 2002). Certes, les déterminations restent souvent peu spécifiques, comparées à celles fournies par les autres disciplines paléobotaniques, mais cette faiblesse est largement compensée par la résistance exceptionnelle des « pierres de plantes » qui sont parfois les seuls témoins disponibles des végétations passées (Barboni et al. 1999). La vocation première de l’étude des phytolithes est de donner une image globale, synthétique des paysages passés. Associés à l’approche anthracologique (ou pédo-anthracologique) et/ou pollinique (deux disciplines qui ne peuvent, à quelques exceptions près, détailler la grande famille des Poaceae), les phytolithes sont à même d’affiner notre connaissance de l’histoire de la végétation (Piperno & Becker 1996 ; Hastorf 1999 ; Scott 2002).

des phytolithes. Les sous-familles les plus importantes sont : - la sous-famille des Festucoïdées : cette sous-famille de graminées de type C3 (comprenant par exemple les brachypodes, le brome ou le blé) représentée par des phytolithes de morphotype « cellules courtes rectangulaires et circulaires », ont besoin de froid et sont abondantes dans les régions tempérées ou d’altitude; - la sous-famille des Panicoïdées : elle est composée de graminées de type C4 et C3 comprenant, par exemple, le maïs ou la canne à sucre. Elle est caractérisée par des phytolithes en « croix » et « bolibés ». Les graminées de cette sous-famille sont des herbes hautes qui poussent dans des environnements chauds et humides (régions tropicales et sub-tropicales) ; - la sous-famille des Chloridoïdées : cette sous famille est composée de graminées de type C4 uniquement, caractérisée par des phytolithes « en selles ». Ce sont des herbes basses qui se rencontrent dans des environnements chauds et secs (régions chaudes arides à semi-arides). On peut aussi citer d’autres sous-familles de graminées, comme par exemple les Arundinoideae de type C3 et les Bambusoïdeae, eux aussi de type C3 (Barboni et al. 1999).

Données paléoenvironnementales apportées par le marqueur phytolithe L’analyse des phytolithes présents dans les sédiments apporte des indications environnementales d’humidité ou de sécheresse. Ces indications portent non plus sur les taxons arborés, mais sur les taxons herbacés et plus précisément sur la composition des graminées. En effet, la proportion des graminées en C4 et en C3 permet d’obtenir des indications sur le climat (Carter 2002). On note d’une part que les plantes en C4 (notamment les herbes tropicales) sont désavantagées par rapport aux plantes en C3 (telles que les herbes des climats froids) en présence d’un ratio CO2/O2 élevé. Des études sur la distribution des plantes modernes indiquent, d’autre part, que les précipitations affectent aussi la compétitivité des plantes en C3 et en C4. Lorsque les températures sont basses et que les pluies d’hiver sont abondantes, ce sont les plantes ayant un cycle photosynthétique en C3 qui sont les plus compétitives donc les plus nombreuses. Par contre, lorsque les conditions climatiques sont plus sèches, que les températures augmentent et que les étés sont humides, ce sont les plantes ayant un cycle photosynthétique en C4 qui sont les plus nombreuses. Les résultats de ces études indiquent que l’abondance relative des plantes en C4 par rapport aux plantes en C3 est contrôlée par des interactions complexes entre plusieurs facteurs environnementaux incluant les pluies, la saison des précipitations, les températures et le rapport CO2/O2. La photosynthèse de type C4 est donc communément associée avec des environnements chauds et secs ayant des précipitations en saison chaude et une haute intensité lumineuse. Celle de type C3 correspond donc à des environnements plus frais, avec des précipitations en saison froide et un ratio CO2/O2 élevé (Huang et al. 2001). Parmi les graminées de types C3 et C4, plusieurs sousfamilles peuvent être mises en évidence grâce à l’étude

On constate que les graminées fournissent la majorité des phytolithes de la plupart des écosystèmes. De ce fait, l’information apportée par cette discipline concerne surtout les herbacées (Alexandre et al. 1997 ; Fearn 1998 ; Barboni et al. 1999). Un assemblage phytolithique peut indiquer la sousfamille qui domine une association herbeuse (Fredlund & Tieszen 1994). Les assemblages phytolithiques permettent aussi de distinguer une zone herbeuse en C3 d’une zone en C4, et parmi les graminées de type C4, les régions herbeuses dominées par les Chloridoïdées de celles dominées par les Panicoïdées (Fredlund & Tieszen 1994, 1997b ; Piperno & Jones 2003) et ainsi déterminer les conditions environnementales présentes. Données anthropiques apportées par le marqueur phytolithe Les phytolithes subissent une faible migration horizontale, leur présence signifie donc que la plante dont ils sont issus a, soit poussé sur place, soit a été apportée avant sa décomposition. L’information étant très locale, la présence de phytolithes de plantes rudérales (par exemple les orties) peut permettre de conclure à un peuplement humain proche (Piperno 1988). Certaines études permettent également de mettre en évidence l’apparition de Poaceae et autres plantes cultivées : - Maïs : Piperno 1988 ; Doolittle & Frederick 1991; Bozarth 1993 ; Piperno 1998 ; Piperno & Flannery

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esculenta). Les phytolithes permettent également de mettre en évidence un certain nombre de pratiques culturales, tels que l’aménagement du milieu naturel pour la mise en culture, le remplacement de culture, l’irrigation et peut-être la culture itinérante sur brûlis. Les phytolithes apportent donc des données très intéressantes et complémentaires des analyses palynologiques pour prouver l’impact de l’homme sur son environnement et mettre en évidence les débuts de l’agriculture.

2001 ; Pearsall 2002 ; Staller & Thompson 2002; Iriarte, 2003 ; Pearsall et al. 2003 ; Piperno 2003 ; Staller 2003. - Riz : Chen et al. 1995 ; Jiang 1995 ; Whang et al. 1998 ; Zhao et al. 1998 ; Zou et al. 1998 ; Lu & Lui 2002 ; Yi et al. 2003 ; Zheng et al. 2003 ; Kawano et al. 2004. - Blé et froment : Ball et al. 1996 ; Ball et al. 1999 ; Berlin et al. 2003. - Millet : Lentfer et al. 1997. - Courge : Piperno 1998 ; Piperno et al. 2000 ; Piperno & Stothert 2003. - Banane : Mbida et al. 2000 ; Mbida et al. 2001 ; Neumann 2003. Toutefois, la différence entre les formes de Poaceae sauvages et domestiques ne peut, en aucun cas, se voir sur un seul phytolithe mais seulement par des analyses statistiques de données morphométriques (Zou et al. 1998). On peut également suivre les remplacements de cultures si celles-ci sont identifiables par les phytolithes (alternance céréales/bananier décrite par Wilson, citée dans Brochier 1991). C’est pour cette raison que l’analyse des phytolithes est devenue une technique importante dans la mise en évidence de l’agriculture (Piperno 1985) et dans la reconstitution de l’environnement archéologique, et jouera un rôle très important dans les études à venir sur l’origine et la propagation du riz cultivé par exemple (Chen et al. 1995). Les phytolithes peuvent aussi donner des indications concernant l’impact de l’homme sur l’environnement végétal qui l’entoure (Kealhofer & Graves 1996 ; Piperno 1997). De plus la formation des phytolithes est fortement conditionnée par le taux d’évapotranspiration. La silicification de certaines cellules (cellules bulliformes des graminées en particulier) est donc indicatrice de conditions plus humides et chaudes. L’irrigation, augmentant l’évapotranspiration, permet la silicification de tissus non touchés par ce phénomène dans des conditions normales. L’apparition de ces phytolithes inhabituels est donc indicatrice de cette pratique (Rosen & Weiner 1994). Une autre pratique : la culture sur brûlis pourrait être caractérisée par une forte concentration de phytolithes brûlés (déformation [Kealhofer & Penny 1998] et coloration foncée) associés à des phytolithes de plantes domestiques (Piperno 1988, 1994 ; Elbaum et al. 2003).

RESULTATS L’analyse phytolithique Après avoir réalisé une extraction phytolithique, il s’est avéré que les sédiments contenaient peu de phytolithes. De plus, les morphotypes observés apportent peu d’informations précises sur les plantes exploitées (Fig. 11). Qualitativement (les analyses quantitatives ne sont pas réalisables) nous observons une homogénéité des morphotypes sur l’ensemble des sites étudiés avec principalement des représentants des Poaceae, tels que des phytolithes dendriformes, allongés sinueux et allongés lisses (cellules longues), croix et cellules courtes trapézoïformes. Nous avons aussi noté un grand nombre de cellules courtes bilobées caractéristiques de la sous-famille des Panicoïdées. D’autres morphotypes aux quantités moins importantes ont été répertoriés comme des papillae caractéristiques des Cyperaceae, des globuleux granuleux caractéristiques des dicotylédones, des globuleux et des lancéolés (Madella et al. 2005). L’analyse pollinique L’extraction du pollen a été réalisée par la méthode dite « chimique classique » (Sittler 1955) pour tous les échantillons analysés. Le site de Maillard Assez peu de taxons ont été observés dans les sédiments prélevés au niveau du canal. Nous notons une forte proportion de Poaceae (dont certaines ont un pollen de taille plus importante, environ 40 µm), de Cyperaceae, de Polygalaceae et de Melastomataceae. Viennent ensuite des taxons peu représentés, tels que les Asteraceae, les Fabaceae, les Arecaceae, les Elaeocarpaceae et Ipomoea (Convolvulaceae). Il y a aussi quelques spores essentiellement trilètes. Les sédiments prélevés sur les buttes ont livré des taxons comparables avec là encore une forte proportion de Poaceae (dont certaines possèdent aussi un pollen d’environ 40 µm), de Cyperaceae, de Polygalaceae et de Melastomataceae. Vient ensuite Ipomoea et enfin des taxons très peu représentés comme la famille des Asteraceae, des Arecaceae, des Chenopodiaceae et des Labiatae, ainsi que quelques spores.

Les phytolithes permettent, en association avec la palynologie, une relativement grande précision dans les études paléoenvironnementales. Ils permettent aussi l’identification de plantes économiquement importantes (maïs, courge, riz, etc.). Beaucoup d’autres plantes économiquement importantes, originaires des zones tropicales humides, ne produisent pas de phytolithes diagnostiques, comme la patate douce (Ipomoea batata) ou les piments (Capsicum), ou produisent des phytolithes peu silicifiés, comme le manioc (Manihot

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Figure 11 : différents morphotypes de phytolythes (photographies Chacornac-Rault)

INTERPRETATION ET DISCUSSION

Le site de Carrefour Maillard Ce site, où les sédiments ont été prélevés au niveau du canal, a livré beaucoup de pollens de Poaceae, de Cyperaceae, d’Arecaceae, de Polygalaceae et de Chenopodiaceae. Quelques grains de pollens de Fabaceae, de Mimosaceae et de Moraceae ainsi que des spores trilètes ont été observés.

Interprétation L’analyse phytolithique met en évidence pour l’ensemble des sites un paysage dominé par les graminées et les Cyperaceae. En effet, peu de phytolithes de dicotylédones ont été observés. Cette étude nous donne aussi des renseignements écologiques assez généraux : la présence en quantité de phytolithes de la sous-famille des Panicoïdées permet de définir un climat tropical chaud et humide, de plus, la forte proportion de Cyperaceae montre que ces sols sont gorgés d’eau ce qui correspond bien à l’environnement de nos sites d’étude qui sont des buttes surélevées afin de cultiver des zones inondées. Cependant cette étude ne nous apporte pas d’information concrète sur les plantes mises en culture ni sur les modes de culture. L’analyse pollinique répond pour sa part, en partie, à la problématique posée sur les cultures. En effet, outre la présence de pollens de plantes nous renseignant sur l’environnement global des buttes, nous observons la présence de pollens de plantes cultivées.

Le site de Savane Grand Macoua Les sédiments ont été prélevés au niveau du canal et des buttes. Ceux du canal renferment très peu de pollens (Poaceae, Cyperaceae, Arecaceae, Mimosaceae, Asteraceae et spores). Ceux des buttes ont livré plus d’informations : les grains de pollen majoritaires sont ceux de la famille des Poaceae avec quelques grains de maïs (Zea mays) qui ont pu être déterminés (atteignant 50 à 60 µm). Vient ensuite un nombre assez important de pollens de Cyperaceae puis des taxons moins représentés comme les Arecaceae, Colocasia esculenta, des Asteraceae, Anacardiaceae, Fabaceae et Manihot. On note aussi quelques spores. Le site de Piliwa Ce site est celui qui a livré la plus grande diversité taxonomique. Les familles les plus représentées sont les Cyperaceae, les Poaceae, dont certains grains ont pu être déterminés comme étant des grains de canne à sucre (Saccharum officinale, 35 µm) et de maïs (60 µm), et des spores monolètes. Viennent ensuite des taxons bien représentés comme les Polygonaceae, Chenopodiaceae, Ipomoea, Xanthosoma, Asteraceae, Arecaceae, Colocasia esculenta, Fabaceae, Musa, Anacardiaceae, Sapindaceae, Melastomataceae et Polygalaceae, ainsi que quelques spores trilètes.

Le site de Maillard Les informations apportées par les prélèvements au niveau du canal ou des buttes sont assez semblables. Dans les deux cas, l’environnement est dominé par des graminées (Poaceae) dont l’analyse phytolithique précise l’écologie chaude et humide. La présence importante d’eau est aussi mise en évidence par la présence de Cyperaceae en forte proportion. Un environnement de type savane avec une lisière de forêt à proximité est mis en évidence par la forte proportion de Poaceae ainsi que par la présence de Polygalaceae, de Melastomataceae, d’Asteraceae et 152

d’Elaeocarpaceae. D’autres familles ont une écologie de littoral, de savane ou de forêt dégradée comme les Arecaceae, les Fabaceae et les Chenopodiaceae. Ces analyses montrent un environnement et un climat comparable à l’actuel, ce qui est très probable. Au niveau des indications de cultures nous avons mis en évidence la présence de patate douce (Ipomoea) et de quelques graminées dont le pollen assez gros peut laisser envisager une culture (Nair 1962 ; Leroyer 1997 ; Hannon & Bradshaw 2000), cependant une détermination précise devra être réalisée. Certaines familles observées comptent aussi un nombre important de plantes cultivées comme les Arecaceae, les Elaeocarpaceae et les Fabaceae (Latreille et al. 2004). Ces différents taxons étant arborescents, ils n’ont, dans tous les cas, pas été cultivés sur les buttes mais peut-être en périphérie de celles-ci.

de bananier (Musa), de patate douce (Ipomoea), de maïs (Zea mays), de Xanthosoma, de taro (Colocasia esculenta) et de canne à sucre (Saccharum officinale). Ainsi, nous remarquons sur l’ensemble des sites un environnement comparable avec les mêmes grandes familles floristiques dans des proportions assez proches. On note aussi la présence de plusieurs plantes cultivées plus ou moins diversifiées suivant les sites. Discussion Concernant la problématique de cette étude qui est axée sur les cultures, différents problèmes se posent au regard des résultats obtenus. En effet, nous observons différentes plantes cultivées sur un même site. Ces plantes étaient bien toutes présentes sur le site même car leur pollen présente de faibles distances de dispersion, soit à cause de la lourdeur des grains (assemblés en pollinie comme par exemple Musa et Xanthosoma, ou de taille importante comme Manihot ou Ipomoea), soit par un mode de dispersion entomophile (Colocasia esculenta, Manihot, Ipomoea) (Schnell 1970 ; Puig 2001). De plus, la faible diversité taxonomique observée sur chacun des sites appuie le fait que l’on observe une image locale de l’environnement avec des cultures assez étendues. Quelques taxons avoisinant ces cultures sont aussi enregistrés et beaucoup d’entre eux comportent des plantes utiles aux populations (Arecaceae, Fabaceae, Mimosaceae...). Ces observations laissent donc penser que ces buttes étaient cultivées en polycultures comme le sont actuellement les abattis de brûlis. Cependant ceci reste à débattre car au sein des espèces cultivées répertoriées dans cette étude, on note des espèces autochtones, tels que le Xanthosoma, la patate douce, le manioc et le maïs et des espèces coloniales comme le taro, signalé depuis le XVIIIe siècle, et la canne à sucre, introduite dès le XVIIe siècle (Grenand com. pers. 2007) (Fig. 12). Ce mélange pose deux alternatives : - soit nos observations sont récentes (post-coloniales) ; - soit il y a des remodelages fréquents des buttes avec une récupération du sédiment lessivé tel qu’on a pu l’observer actuellement dans la savane Organabo (McKey et al. 2010), ce qui entraîne un mélange de sédiment et donc de pollens anciens et plus récents. L’étude réalisée couvre alors une large période. Dans ce cas, il faut envisager la possibilité d’une monoculture des buttes avec une rotation des cultures au sein du champ au cours du temps. Un autre problème se pose en ce qui concerne la méthode de culture des plantes à bulbes et à tubercules, tels que Xanthosoma, le taro, le manioc ou la patate douce. Dans de nombreuses régions du monde, ces plantes sont cultivées pour consommer le tubercule, aussi, pour que celui-ci soit au maximum de ses réserves les populations détruisent le bourgeon floral. Par conséquent ces plantes sont peu visibles à l’analyse

Le site de Carrefour Maillard Ici encore, l’environnement et le climat anciens sont comparables aux conditions actuelles. Les analyses des pollens et des phytolithes montrent un environnement chaud et humide de savane dominé par les Poaceae et les Cyperaceae. Une lisière de forêt et un littoral assez proche sont mis en évidence par les Mimosaceae, Fabaceae, Arecaceae, Moraceae et Chenopodiaceae. Aucune culture particulière n’est décelée sur ce site. Seules certaines familles comportant beaucoup d’espèces cultivables sont remarquées comme les Moraceae, les Fabaceae et les Mimosaceae qui comportent, entre autres, le genre Inga (pois sucré) prisé des Amérindiens (Latreille et al. 2004). Le site de Savane Grand Macoua Dans l’ensemble, ce site est homogène entre les prélèvements du canal et ceux des buttes quant aux informations apportées sur l’environnement et le climat, qui sont là encore comparables à l’actuel (savane à dominance de Poaceae des régions chaudes et humides et des Cyperaceae, littoral proche : Anacardiaceae, Arecaceae, Mimosaceae, Fabaceae). Seuls les sédiments prélevés sur les buttes ont livré des informations concernant les cultures. On y note la présence de maïs (Zea mays), de manioc (Manihot) et de taro (Colocasia esculenta). Le site de Piliwa Ce site est le plus fourni au niveau pollinique (mais le plus pauvre en ce qui concerne les phytolithes) ce qui permet d’avoir des informations assez précises tant sur l’environnement que sur les cultures. L’environnement est encore caractérisé par les Poaceae et les Cyperaceae, ce qui met en évidence une savane gorgée d’eau. Cet environnement est confirmé et précisé d’une lisière de forêt et d’un littoral par les Polygonaceae, Polygalaceae, Melastomataceae, Anacardiaceae, Arecaceae, Chenopodiaceae et Fabaceae. Au niveau des mises en culture, on note la présence

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Figure 12 : les différentes cultures reconnues dans l’échantillonnage (photographies Chacornac-Rault, Sémah et Rostain)

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pollinique, d’où l’intérêt de la coupler avec l’analyse des phytolithes même si ces taxons en produisent peu. Ici, nous observons des grains de pollen appartenant à ces plantes, cela permet de supposer que la technique de culture par ablation des fleurs n’est pas utilisée sur ces sites. De plus le pollen de Manihot est un gros grain très fragile que l’on observe souvent fragmenté, aussi il est difficile de faire une détermination spécifique. Dans cette étude, on ne retrouve du pollen de Manihot que sur le site de Savane Grand Macoua où ce taxon est actuellement présent. Le taxon actuel est une espèce sauvage et non le manioc domestiqué, ni un dérivé féral ce qui suggère que son origine n’est pas anthropique (McKey com. pers. 2008)

existence dans les champs surélevés. Ce n’est guère surprenant car c’est la plante principale de beaucoup d’Amérindiens de l’est du Brésil, et les champs surélevés sont bien adaptés à la culture de ce tubercule. Par ailleurs, en Nouvelle-Guinée, il est courant d’introduire des tiges de patates douces dans les champs surélevés pour les fertiliser (Denevan 2001). Quoi qu’il en soit, si la diversité des plantes cultivées était avérée, elle serait en accord avec les données ethnographiques: par exemple, sur le moyen Orénoque, sur les champs drainés, les Karinya contemporains cultivent du maïs, des haricots, du manioc et d’autres plantes (Denevan & Schwerin 1978). Les phytolithes sont, eux, plus probants car ces éléments durs et lourds, présents dans les végétaux, tombent au pied de la plante. Les premiers résultats d’analyse ont mis en évidence la prédominance de la culture du maïs dans les champs surélevés (avec des phytolithes d’épis, de feuilles et de cosses). Ces données concordent avec celles qui ont été obtenues sur des sites arauquinoïdes du moyen Orénoque où l’augmentation démographique des environs de 800 après J.-C. correspondrait au remplacement du manioc par le maïs (Roosevelt 1980). Diverses études tendent à montrer que le maïs et le manioc furent les cultigènes principaux des champs surélevés d’Amérique du Sud (Zucchi & Denevan 1979 ; Darch 1983 ; Denevan et al. 1987 ; Spencer et al. 1994 ; McKey et al. 2010 ; Iriarte et al. 2010) (Fig. 13). Au XVIIIe siècle, Jean Gumilla (1963) observa la prédominance du maïs et du manioc dans les champs amérindiens du Venezuela. Il semblerait que, peu avant l’arrivée des Européens, certains groupes des Guyanes soient passés d’une diète basée sur le maïs à une agriculture plus orientée vers le manioc. Contrairement à l’intérieur forestier, la plaine océanique était densément peuplée, avec possiblement plus de 50 hab./km2 (Rostain 2008b) Cette forte densité impliquait un surcroît de travail pour construire et entretenir les champs surélevés. Cette situation est comparable à celles d’autres régions amazoniennes à fort potentiel agricole, telles les savanes inondables ou les plaines alluviales. Si, actuellement, le manioc domine largement l’agriculture amérindienne, l’alimentation des Arauquinoïdes se basait plutôt sur le maïs et, dans une moindre mesure, sur le manioc et la patate douce. Jusqu’à ces dernières années, l’archéologie amazonienne construisait ses interprétations principalement sur des typologies céramiques, en suivant de près le modèle de « culture de forêt tropicale » de Julian Steward (1948) fondé sur des analogismes ethnographiques. L’a priori quant à la faiblesse du peuplement précolombien de l’Amazonie, limité par un environnement défavorable (Meggers 1971), a priori qui dominait le monde ethnologique et archéologique s’écroule sous l’afflux de nouvelles évidences. Il est clair que l’Amazonie est à re-découvrir.

CONCLUSION Les analyses polliniques et phytolithiques sont ici encore limitées à cause de la méthode de remodelage des buttes très certainement utilisée qui provoque des remaniements constants des sédiments, ce qui pose un problème chronologique, mais aussi un problème pour obtenir des informations sur l’organisation des cultures et les méthodes utilisées. Seules les observations actuelles permettent de faire des hypothèses. Cependant, l’analyse pollinique apporte de bons résultats concernant les plantes présentes sur ces buttes. Pour être certain que les résultats obtenus ne concernent pas une époque trop récente, il faudrait pouvoir réaliser une nouvelle étude sur un ensemble de buttes n’ayant jamais été utilisé depuis la période coloniale. Cette étude permettrait d’obtenir un inventaire des cultures précolombiennes et des indications plus précises sur les méthodes de culture. L’une des questions essentielles posées par l’étude des champs surélevés porte sur la nature des plantes qui y étaient cultivées. En se fondant sur la diète actuelle des groupes amazoniens on a, trop souvent et de façon simpliste, prétendu que le régime alimentaire des populations précolombiennes reposait, lui aussi, sur le manioc (Steward 1948). Ce faisant, on niait les profondes mutations qui se sont opérées dans le monde amérindien du fait de la conquête européenne ainsi que la remarquable diversité culturelle qui caractérisait l’ancien peuplement de l’Amazonie. Cette « civilisation du manioc » était probablement autrefois moins prépondérante qu’aujourd’hui dans la région. Les analyses palynologiques ont montré une diversité d’espèces cultivées, avec une grande quantité de patates douces, du maïs, de la banane, du pois sucré, du taro, peu de manioc et plusieurs plantes utiles. Ces résultats sont néanmoins à considérer avec prudence car le pollen est très volant et pouvait en partie provenir de champs de brûlis modernes proches des champs surélevés. C’est très probablement le cas pour les plantes d’époque coloniale, tels que la banane, le taro et la canne à sucre. En revanche, le fort pourcentage de pollen de patate douce plaiderait plutôt pour son

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La céramique constitue encore le matériau privilégié de l’étude archéologique. Toutefois, son analyse en Amazonie a longtemps suivi le modèle de classification type-variété proposé par Betty J. Meggers et Clifford Evans (1969). Dans les Guyanes, quelques tentatives, plus ou moins heureuses, ont parfois été proposées pour sortir de ce carcan typologique. Certaines de ces classifications sont encore utilisées aujourd’hui, servant de base à la définition des cultures archéologiques des Guyanes (Rostain 2008c). Puis, Claude Coutet proposa en 2010 un nouveau modèle d’étude complet inspiré de la méthode française de la chaîne opératoire. Il ne s’agissait plus de s’arrêter aux seuls traits morphologiques et décoratifs de la poterie, mais de prendre le vestige comme un tout issu d’un processus complexe de fabrication et d’utilisation. Cette démarche technologique originale a permis de revisiter les anciennes collections et analyser des échantillons récemment fouillés. En innovant dans la méthodologie de l’étude céramique, elle a obtenu des résultats satisfaisants et convaincants. Des styles céramiques précédemment définis ont ainsi été confirmés et affinés tandis que d’autres ont été remis en question et réajustés. Claude Coutet a pu mener sa recherche doctorale dans cadre de l’ACR. Il aura donc fallu attendre 15 ans pour qu’une seconde thèse de Doctorat sur l’archéologie précolombienne de Guyane voit le jour. Elle a mis en application une approche franchement technologique pour aborder des séries de tessons de différents sites archéologiques du littoral de Guyane. Parallèlement, pour appuyer son propos, elle s’est penchée sur la technologie des deux groupes potiers actuels majeurs du littoral, les Palikur et les Kali’na, par le biais d’une étude des chaînes opératoires. Elle a ainsi reconnu la validité des deux grandes traditions culturelles qui se sont partagées la côte

à l’époque précolombienne : Polychrome à l’est et Arauquinoïde à l’ouest. Vers la fin du premier millénaire de notre ère, la culture Aristé domine le nord de l’Amapá, la baie d’Oyapock et atteint l’Île de Cayenne. À la même période, ce sont les cultures Thémire et Barbakoeba qui occupent l’Île de Cayenne et tout le littoral occidental jusqu’au Surinam. Il est intéressant de noter que cette dichotomie amérindienne se poursuivra à l’époque coloniale, bien qu’avec d’autres acteurs, puisque l’Île de Cayenne continuera à séparer les territoire des Palikur à l’est et des Kali’na à l’ouest, peuples qui resteront longtemps ennemis. Ainsi, l’Île de Cayenne constitua de tout temps une frontière essentielle du monde amérindien, séparant de manière nette un ensemble plutôt tourné vers l’Amazone d’un autre relié à l’Orénoque. Il faut se souvenir que le plateau du Rorota, malgré son altitude modeste, constitue l’un des seuls points élevés et remarquables – avec les collines de Ouanary – de la morne plaine basse qui s’étend du Delta de l’Orénoque jusqu’à l’embouchure de l’Amazone. Cette division culturelle du territoire se reflète dans la céramique. La typologie mise en place il y a une vingtaine d’années montrait déjà la forte séparation existant entre les ensembles orientaux et occidentaux. Chacun d’eux avait été bien identifié et offrait des traits stylistiques marquants, tant dans les formes, la pâte que dans les décors (Rostain 1994a). Ces deux ensembles céramiques reflétaient la double identité culturelle de la région côtière, mais cette définition ne pouvait que profiter d’une évaluation extérieure utilisant une nouvelle démarche. C’est la validité même de cette subdivision culturelle amérindienne que Claude Coutet questionne par le biais d’un regard nouveau. Stéphen Rostain

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La céramique Arauquinoïde de Guyane

Claude Coutet UMR 8096 « Archéologie des Amériques », membre associé

L’ARAUQUINOÏDE EN GUYANE : LES CULTURES BARBAKOEBA ET THEMIRE

Les céramiques des cultures Barbakoeba et Thémire sont principalement connues à travers leurs caractéristiques morpho-stylistiques et leurs types de pâte. La céramique Barbakoeba présente fréquemment des décors de cordons appliqués et ponctués ou encochés, des rangées de ponctuations, des bords ornés de colombins apparents, des bords lobés et des adornos zoomorphes ou anthropomorphes, notamment, des visages sur les bords internes de bols ou de jattes (Fig. 2). La pâte des céramiques Barbakoeba est généralement dégraissée à la chamotte (Boomert 1993 ; Versteeg 2003 ; Rostain & Versteeg 2004). La céramique de la culture Thémire reprend des thèmes décoratifs courants dans la tradition Arauquinoïde des Guyanes : cordons appliqués et ponctués, rangées d’incisions sur les bords, lèvres encochées, adornos, bords lobés, etc. (Rostain 1994a). Mais, la particularité de Thémire consiste en un grand nombre de décors

La tradition Arauquinoïde s’étend du moyen Orénoque à l’île de Cayenne. Sur le littoral des Guyanes, quatre cultures lui sont attribuées (Fig. 1) : Hertenrits et Kwatta qui sont uniquement présentes au Surinam, Barbakoeba à l’est de la côte surinamienne et à l’ouest de la côte de Guyane, et enfin Thémire sur l’île de Cayenne et environs (Rostain 1994 a, b ; Rostain & Versteeg 2004) (Fig. 1). Selon les datations actuelles, la culture Barbakoeba se développe à partir du Xe siècle apr. J.-C. jusqu’à la fin du XIIIe siècle (Rostain et Versteeg 2004 ; Rostain com. pers. 2009 ; van den Bel com. pers. 2009). La culture Thémire émerge à la même période et s’éteint au XVIIe siècle, lors de la colonisation (Rostain 1994a).

Figure 1 : carte des cultures Arauquinoïdes des Guyanes. Les ppoints désignent les sites archéologiques et les gros points les concentration de plusieurs sites (dessin Rostain)

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Figure 2 : décor céramique de culture Barbakoeba faits de modelés et de peinture négative noire sur rouge (photographie Obhoukoff)

peints en blanc sur rouge ou en rouge sur blanc, incluant parfois du noir (Fig. 3). Cette technique et les motifs dessinés (complexes et curvilignes) rattachent la culture Thémire à la tradition Polychrome originaire du bassin amazonien, et plus particulièrement, à la culture Aristé récent implantée dans l’est de la Guyane française (Rostain 1994a).

cultures étudiées. En revanche, on peut observer des variantes dans les méthodes de façonnage ainsi que dans le soin apporté aux diverses opérations ponctuant la manufacture des pots. Les résultats de ces analyses m’ont poussé à réfléchir à la signification de la variabilité céramique au sein de la tradition culturelle et des cultures la composant. Dans quelle mesure peut-on considérer que les sites étudiés font ou non partie d’une même tradition ? À quels niveaux de la chaîne opératoire se distinguent les différentes cultures d’une tradition ? Et, à moindre échelle, comment se différencient les différentes communautés villageoises d’une même culture ?

Une étude technologique de ces céramiques apporte de nouvelles données, notamment une connaissance approfondie de la chaîne opératoire de la céramique Arauquinoïde et de ses variantes culturelles, communautaires voire idiosyncrasiques. L’interprétation de cette variabilité technologique permet de s’interroger sur l’organisation socioculturelle sous-tendant ces deux cultures et, par extension, la tradition Arauquinoïde.

La chaîne opératoire À travers l’analyse technologique de la céramique, j’ai tenté d’accéder à un maximum de données permettant de reconstituer chaque étape de la chaîne opératoire. J’ai ainsi pu mettre en évidence certaines pratiques de préparation de la pâte. Cette étape ne peut pas être reconstituée dans sa totalité (on ne sait pas, par exemple, si l’argile est séchée avant son utilisation, ni par quel moyen elle est triée). Cependant, il est fort probable que cette information soit secondaire dans l’optique de la caractérisation d’une tradition technologique. J’ai effectivement pu me rendre compte que la préparation de la pâte était variable et ne fournissait pas de distinction à l’échelle de la tradition. La seule régularité notable est l’emploi de la chamotte comme principal dégraissant, mais la présence d’autres inclusions, l’abondance et la grosseur de tous les éléments non plastiques ainsi que la qualité du malaxage sont variables. À l’inverse, je me suis aperçue que les techniques et méthodes de façonnage mises en pratique par les céramistes du littoral guyanais étaient très homogènes.

LA TRADITION ARAUQUINOÏDE EN GUYANE FRANÇAISE : CARACTERISATION TECHNOLOGIQUE Pour mettre en oeuvre une caractérisation technostylistique de la céramique de tradition Arauquinoïde, j’ai analysé sept assemblages provenant de différents sites Barbakoeba et Thémire et, à titre comparatif, deux échantillons issus de sites Aristé, à l’est de la Guyane (Fig. 4). Les sites Barbakoeba sont Bois Diable, Sable Blanc et Crique Jacques, situés sur le littoral occidental de Guyane. Les sites Thémire sont tous localisés sur l’île de Cayenne. Il s’agit de Montabo Sud, Katoury, Thémire (site éponyme de cette culture) et MiniCircuit Automobile. L’étude de ce matériel a été effectuée en suivant une procédure d’analyse technologique de la céramique mise en place par Roux et Courty (2007). L’application de cette méthodologie vise à reconstituer les chaînes opératoires de fabrication de la céramique en terme d’entité technique principale et de variantes. Les techniques de fabrication de la céramique Arauquinoïde sont identiques dans chacune des

L’ébauchage L’ébauchage du pot passe quasi invariablement1 par 158

Figure 3 : décor céramique de culture Thémire faits d’incisions fines, de modelé et de peinture blanche sur rouge (photographie Rostain)

l’aplatissement d’une boule de pâte qui constituera une base plate et circulaire, parfois supportée par un ou plusieurs colombins formant un piédestal plus ou moins haut. La paroi sera ensuite construite à partir d’une superposition de colombins en anneaux. Cette première étape de façonnage du pot paraît presque universelle aux yeux des archéologues et anthropologues qui travaillent dans cette région du monde. Il est important de rappeler qu’il n’en est rien et que cette technique est loin d’être la seule technique d’ébauchage sans ECR2 existant : on peut citer comme exemples le modelage sur motte, le moulage, le battage, etc., sans oublier toutes les méthodes faisant appel à une combinaison de ces techniques. Ainsi, nous sommes bien face à une particularité technologique qui semble caractériser une majorité des traditions céramiques définies en Amazonie.

probablement en plaçant le pouce sur la face interne et les autres doigts à l’extérieur du vase. Des pressions discontinues sont ensuite exercées tout autour du pot de façon à souder les colombins les uns aux autres et à les étirer en hauteur. Le pincement/étirement entraîne une forte déformation de la paroi qui rend nécessaire une opération de raclage. Ce raclage est exécuté au moyen de la tranche d’un outil plat ou convexe avec lequel on exerce une pression perpendiculaire à la paroi. Les attributs diagnostiques de cette action (fines stries parallèles incluses à l’intérieur de plages concaves, sillons verticaux isolés) et la forme de l’outil sont le plus souvent identifiables sur les faces internes des tessons. Le raclage a différents impacts : 1) le tranchant de l’outil désépaissit la paroi et la régularise, 2) son profil convexe permet progressivement de mettre en forme le pot.

La mise en forme (Tableau) À partir de l’étape de mise en forme du pot, on commence à discerner des différences culturelles. On peut, malgré tout, décrire les principales techniques mises en œuvre au sein de la tradition Arauquinoïde. La première opération de mise en forme repérée est le pincement et l’étirement des colombins par pressions interdigitales discontinues. L’artisan pince la paroi

La finition Les diverses techniques de finition mises en évidence sont le polissage/brunissage3, le lissage et l’engobage. De façon anecdotique, on remarque aussi un vernissage à base végétale. Le polissage et le brunissage sont les principales techniques de finition mises en oeuvre. Dans les cultures Arauquinoïdes qui ne semblent pas avoir reçu d’influences externes, on note que le lissage est employé de façon secondaire et que l’engobage est rare. J’ai pu le constater pour la culture Barbakoeba et Degoy (1998) l’a également remarqué pour la culture Hertenrits de la côte ouest du Surinam. En revanche, dans la culture Thémire, marquée par l’influence de la tradition polychrome, l’engobage est plus fréquent que le lissage. En approfondissant l’analyse de la chaîne opératoire, la variabilité quantitative et qualitative de ces techniques de finition constitue un des premiers facteurs de différentiation culturelle que j’ai pu apprécier. Arauquinoïde versus Aristé ? (Fig. 5) Il est difficile de comparer dans le détail la tradition Arauquinoïde à la culture Aristé4. Cette difficulté tient

Tableau des différentes méthodes de montage au colombin

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Figure 4 : décor céramique de culture Aristé faits de modelé, d’encoches et de peinture noire et rouge sur blanc (photographies Rostain et Coutet)

La culture Thémire : caractérisation technostylistique

principalement à la grande variabilité du matériel céramique mis au jour sur les sites Aristé que j’ai étudiés. Variabilité à la fois diachronique (évolution des styles décoratifs, fonctions variées des sites) et sans doute également synchronique. Toutefois, on remarque que la chaîne opératoire reconstituée à partir des assemblages Aristé est caractérisée par des techniques de façonnage et de finition identiques à la chaîne opératoire de l’Arauquinoïde : base circulaire modelée, colombins disposés en anneaux superposés, raclage, lissage, polissage/brunissage et parfois engobage. La différence la plus notable est de l’ordre de la méthode : les colombins sont, semble-t-il, moins nombreux et beaucoup plus étirés.

La chaîne opératoire de la céramique de culture Thémire ne comporte pas de variations par rapport aux méthodes et techniques de façonnage décrites cidessus. La pâte, généralement de qualité moyenne, intègre de la chamotte et, bien souvent, des inclusions minérales diverses qui pourraient provenir des argiles d’altération employées. L’ébauchage et la mise en forme, laissant rarement de macrotraces5, sont exécutés avec soin. Les finitions se répartissent comme suit : un polissage majoritaire (comprenant du brunissage de façon secondaire), l’engobage et le lissage (tout à fait minoritaire dans cette culture). La caractéristique la plus remarquable du Thémire par rapport aux autres cultures Arauquinoïdes situées sur le littoral occidental des Guyanes, est l’utilisation en quantité de l’engobe rouge et de la dichromie rouge et blanche. L’engobe blanc est totalement absent des cultures Barbakoeba, Kwatta et Hertenrits (Versteeg 1985 ; Boomert 1993). Les décors plastiques sont également nombreux et plus élaborés : ce sont principalement des lignes incisées organisées selon des agencements divers (obliques, treillis, chevrons, etc.), des encoches sur les lèvres et, de façon plus exceptionnelle, des appendices zoomorphes ou anthropomorphes modelés-appliqués.

La récurrence de cette chaîne opératoire fait écho au parallèle stylistique et à l’origine commune, souvent évoqués, entre tradition Arauquinoïde et tradition incisée-ponctuée. Elle est également à rapprocher de la tradition polychrome, que j’ai moins étudiée, mais qui semble fournir cette même chaîne opératoire (Machado 2005). LA DISTINCTION CULTURELLE : THEMIRE ET BARBAKOEBA La caractérisation des cultures Arauquinoïdes de Guyane passe par de multiples éléments : les proportions des différentes techniques de finition employées, le soin apporté à la manufacture des pots et à leur finition, et pour finir, les aspects ornementaux et morphologiques. Ces derniers constituent les premiers critères d’identification des cultures archéologiques. Cependant, Rostain (1994a : 496) insiste sur le fait que « de multiples fusionnements et chevauchements entre les complexes de cette tradition [Arauquinoïde] confèrent à leur ensemble une certaine homogénéité, qui gêne aujourd’hui la distinction stylistique d’un complexe à l’autre ». Degoy estimait donc, en conclusion de son mémoire de DEA, que l’approche technologique permettrait de mieux saisir les relations existant entre les diverses cultures de tradition Arauquinoïde (Degoy 1998).

La culture Barbakoeba : caractérisation technostylistique On perçoit la culture Barbakoeba à partir du site de Bois Diable dont l’assemblage fournit une production céramique à la fois Thémire et Barbakoeba. Les premières étapes de la chaîne opératoire identifiées sur les échantillons céramiques de cette culture la classent dans la tradition Arauquinoïde. Toutefois, l’étape de mise en forme est négligée, notamment dans les sites de Sable Blanc et de Crique Jacques. Les colombins sont mal soudés les uns aux autres, du fait d’un raclage insuffisant. Même si les opérations de finition oblitèrent les jonctions, cela ne suffit pas à solidifier les vases.

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Figure 5 : carte des deux grandes traditions culturelles du littoral des Guyanes (dessin Rostain)

LA VARIABILITE INTRA-CULTURELLE

La pâte, dégraissée à la chamotte (incluant ou non des inclusions minérales), comporte moins de variabilités que dans la culture Thémire (ceci peut s’expliquer par une richesse géologique plus limitée dans l’ouest guyanais). La préparation de la pâte est généralement de faible qualité : les inclusions sont grossières et seul l’assemblage de Crique Jacques témoigne d’un malaxage relativement soigné. Concernant les finitions, deux aspects sont à souligner. D’une part, les traitements de surface sont globalement négligés (particulièrement à Bois Diable et à Sable Blanc), d’autre part, l’engobage est rarement mis en œuvre. L’engobe est uniquement de couleur rouge (il est fort probable que l’engobe blanc de Bois Diable soit essentiellement attribuable à la production Thémire). Les décors plastiques sont rares également : lignes incisées et encoches sont quasiment absentes de ces assemblages. On trouve surtout des colombins apparents ornant le bord de récipients ouverts (Fig. 6), des appendices zoomorphes et anthropomorphes dont le style est nettement différent de ceux de Thémire. Les sites que nous avons étudiés présentent des différences assez claires quant à la variabilité et à la quantité de ces décors. Aussi, à travers un choix ornemental déjà relativement limité, il semble que des préférences d’ordre communautaire soient discernables.

L’analyse technologique de chacun de mes assemblages et leur comparaison a révélé, à partir d’un degré avancé d’analyse, une variabilité importante. La pâte Cette variabilité s’exprime d’abord dans la préparation des pâtes. Beaucoup de facteurs peuvent rentrer en compte : fonction des pots, ressources disponibles, habiletés ou choix des artisans, mobilité des objets, des potiers, etc. Nous avons pu, au cours des diverses analyses, exclure l’hypothèse du choix fonctionnel, car, quelle que soit la pâte, on rencontre les mêmes types de récipients. Dans le cas des assemblages des sites de l’île de Cayenne, on constate que les inclusions sont plus diversifiées que sur les sites du littoral occidental. Cet aspect pourrait être le reflet du milieu environnant, minéralogiquement moins riche que l’île de Cayenne. Il pourrait également être lié à des choix individuels. Quant aux variabilités observées dans la qualité de la préparation des pâtes, il s’agit vraisemblablement de différences d’habileté d’un potier à l’autre.

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Figure 6 : décor céramique de culture Barbakoeba fait de colombins apparents (photographie Obhoukoff)

La pâte, que ce soit dans ses éléments constitutifs ou dans sa qualité de préparation, n’apparaît pas comme un critère déterminant pour effectuer une classification fine de la céramique des cultures du littoral de Guyane. En revanche, la caractérisation de sa composition dominante à l’échelle de la tradition nous paraît probante : une des principales distinctions entre l’Arauquinoïde du Venezuela et celui des Guyanes est le passage du dégraissant de spicules d’éponge à la chamotte (Rostain & Versteeg 2004).

Asurini du Xingú, cette dernière a mis en évidence plusieurs facteurs entraînant des variabilités dans cette production. Le soin apporté à la manufacture des pots, le registre morphologique et les motifs décoratifs sont les principaux éléments de la céramique à être touchés par ces variabilités. Les causes de ce phénomène découlent, d’une part, de choix pragmatiques en relation avec la fonction et la destination des pots et, d’autre part, de l’organisation sociale des Asurini. L’unité basique de cette organisation est un groupe domestique, à l’échelle de la famille élargie, au sein duquel s’organise l’apprentissage de la poterie : les femmes les plus âgées (mère, tante, grandmère, etc.) enseignent aux plus jeunes. Ainsi, chaque groupe domestique est une unité de production qui se caractérise par un répertoire stylistique propre et par le soin apporté à la décoration et aux finitions du vase (Silva 2007). En fait, les motifs de la poterie des Asurini appartiennent à un modèle traditionnel partagé par tout le groupe ethnique. Néanmoins, les caractères de ce modèle peuvent être recombinés, offrant de multiples possibilités d’expression individuelle. Ainsi, « à partir d’une structure déterminée de possibilités offertes par la tradition culturelle, les potières Asurini peuvent faire des choix individuels »6  (Silva 2007 : 96). Les potières peuvent alors reconnaître les vases de chacune d’entre elles. Cette observation s’applique également aux potières kali’na que nous avons rencontrées, concevant une grande diversité de formes et variant les décors à l’intérieur du cadre établi de la tradition stylistique kali’na. Les variantes familiales ou communautaires sont dynamisées par les innovations personnelles et les emprunts. Les potières kali’na contemporaines sont toujours à l’affût de nouvelles idées de formes et de décors (Fig. 7). Elles s’inspirent de la vaisselle européenne ou d’illustrations anciennes. Les collections muséales de la fin du XIXe siècle et du début XXe témoignent du même état d’esprit.

Le style décoratif et les formes L’examen des éléments décoratifs et morphologiques d’une culture nous a appris qu’au-delà d’une certaine homogénéité de formes, de couleurs, de motifs, de localisation de l’ornementation, il existe une variabilité intra-culturelle. En d’autres termes, chaque village, à une échelle qui peut être diachronique comme synchronique, présente des particularismes morphostylistiques. Certaines communautés préféreront décorer leurs pots de motifs rouges sur fond blanc (comme Mini-Circuit Automobile), d’autres de motifs blancs sur fond rouge (comme Thémire). Cette variabilité peut être révélatrice de nombreux aspects concernant l’organisation de ces communautés : par exemple, les modalités d’apprentissage ou la spécialisation artisanale. Les communautés amérindiennes de Guyane ne se prêtent guère à une enquête détaillée en ce sens : il reste trop peu de potières et la transmission du savoir-faire a été observée chez deux personnes seulement. Aussi, afin d’approfondir ces questions et de mieux comprendre comment l’analyse technologique permet de proposer des inférences concernant l’organisation socio-culturelle et économique des sociétés, je me permets de faire appel aux recherches de Silva (2007) sur la «  signification de la variabilité artefactuelle  ». En étudiant la production céramique actuelle des

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Figure 7 : peinture de décor céramique kali’na (photographie Coutet)

LA TRADITION ARAUQUINOÏDE : UNE SPHERE D’INTERACTION ?

Les femmes, par jeu ou pour répondre à certaines commandes (Collomb 2003  ; Collomb & Taladoire 2001), imitaient des objets occidentaux allant de la théière à la chaussure en passant par le watalakan7, plus utilitaire (Fig. 8). Aujourd’hui, celles-ci axent particulièrement leur production vers les touristes auxquels elles proposent des vases de taille plus modestes ou des figurines (pour faciliter le transport en avion) ; les décors très élaborés, autrefois destinés à des poteries rituelles, ornent des formes nouvelles. Les productions céramiques amérindiennes sont le miroir de leurs relations interculturelles. La variabilité morpho-stylistique reflète le dynamisme de ces relations et la capacité d’adaptation et d’innovation des potières.

La procédure d’analyse technologique a mis en évidence l’homogénéité de la chaîne opératoire de façonnage et de finition à une échelle macro-régionale dont l’extension intègre l’ensemble du littoral occidental des Guyanes. D’après l’analyse technologique, la tradition Arauquinoïde témoigne donc très probablement d’une réalité socio-culturelle et économique ancienne. L’analyse de nos assemblages archéologiques reflète plusieurs niveaux d’organisation sociale : - une entité macro-régionale que nous venons de mentionner, - des unités culturelles occupant des territoires plus modestes, - enfin, des communautés villageoises et familiales.

La variabilité constatée au sein des assemblages de chaque site semble illustrer ce même dynamisme et pourrait correspondre à ce type d’organisation culturelle. La poterie reste, avant tout, une production domestique où l’expression individuelle peut s’épanouir à partir d’un modèle commun à la totalité du groupe. On peut donc avoir accès, grâce à l’analyse technologique, à tous les niveaux de l’échelle, de la tradition à l’unité de production, selon le degré de variabilité que l’on prend en compte.

D’un point de vue technologique, les unités culturelles se distinguent à partir de variations visibles, à la fois, dans la qualité de la pâte utilisée, dans la qualité des opérations de mise en forme ou de finitions et dans la popularité des techniques de finition employées. Ces cultures, Barbakoeba comme Thémire, possèdent également un répertoire morpho-stylistique particulier à travers lequel on perçoit une certaine continuité de l’une à l’autre. Néanmoins, il est encore difficile de spéculer sur le type de relations existant entre ces cultures qui se sont certainement côtoyées. 163

Figure 8 : peinture d’une bouteille watalakan miniature chez les Kali’na (photographie Coutet)

Au niveau le plus bas de notre échelle, nous pouvons considérer les communautés dont la production semble organisée en diverses unités domestiques. Ces dernières se manifestent, notamment, à travers diverses compositions de pâtes, une relative variabilité de leur préparation ainsi que des choix stylistiques légèrement différents.

mais aussi de la mobilité des personnes (et, notamment des femmes par l’intermédiaire de mariages interethniques ou de rapts), les techniques de façonnage, de finition et de décors circulant avec elles. À l’intérieur de cette sphère, les cultures Barbakoeba et Thémire témoignent chacune d’une uniformité techno-stylistique propre. Nous pouvons imaginer qu’à l’instar des populations post-coloniales, elles pouvaient entretenir des échanges économiques, établir des alliances, partager une idéologie commune tout en reflétant une ou des identités sociales et linguistiques propres (Arvelo-Jimenez & Biord 1994 ; Neves 2001 ; Gallois 2005) (fig. 9).

Le modèle de sphère d’interaction paraît le plus indiqué pour comprendre la façon dont s’organisaient les sociétés de tradition Arauquinoïde. L’uniformité technologique et la récurrence de certains modes décoratifs de l’Arauquinoïde pourraient être le résultat d’une origine commune à ces populations, 164

Au sein de ces unités culturelles, les communautés villageoises et familiales gardent une liberté certaine dans leurs choix de pâte, de formes et d’ornementations tout en respectant une tradition technologique et stylistique commune à l’ensemble du groupe. Ainsi, les divers degrés d’organisation socio-culturelle dont témoigne l’analyse technologique de la céramique de la tradition Arauquinoïde pourraient s’intégrer dans un modèle où les sociétés interagissent au coeur d’un réseau d’échanges complexes auquel se superpose un fond supra-culturel commun.

Énergie cinétique rotative. Le brunissage est un polissage de moindre intensité. 4 Représentée dans mon corpus par les sites d’Abri Marcel et de Carbet Mitan. 5 Traces de doigts ou d’outils laissées sur la surface des pots permettant d’identifier les divers opérations de fabrication de la poterie. 6 « a partir de uma determinada estrutura de possibilidades oferecidas pela tradição cultural, as oleiras Asurini podem fazer suas escolhas individuais ». 7 Bouteille (vraisemblablement inspirée des bouteillesoignons importées au Surinam au XVIIIe siècle) très utilisée par les Créoles et les Européens pour maintenir l’eau au frais (Collomb 2003). 2 3

Il existe quelques exemples de base façonnée en spirale à Bois Diable et dans la culture Kwatta au Surinam. 1

Figure 9 : vente de céramiques Kali’na (photographie Coutet)

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Le monde amérindien se trouva profondément bouleversé par la conquête européenne, mais qu’en est-il des suites coloniales des populations autochtones ? Les données archéologiques manquent encore pour établir la jonction entre les cultures précolombiennes et les communautés amérindiennes de la période coloniale. Avant la conquête européenne, l’Île de Cayenne marquait une frontière nette entre l’ensemble culturel Arauquinoïde à l’ouest et l’ensemble Aristé à l’est (Rostain 1994b). Une situation similaire se retrouve au début de la période coloniale, avec les groupes Kali’na à l’ouest de l’Île de Cayenne et les Palikur, leurs ennemis traditionnels, à l’est. Sur le littoral oriental de Guyane, il a été possible de retracer l’évolution que connurent les groupes précolombiens Aristé vers les confédérations pan-tribales coloniales, puis vers le paysage amérindien actuel (Rostain 1994a). Ainsi, dans cette région, les grandes migrations des XVIIe et XVIIIe siècles, provoquées par la conquête européenne, aboutirent à un mélange culturel dans l’est des Guyanes qui perturba la stabilité des populations Aristé. Des groupes des Petites Antilles, du littoral occidental des Guyanes et de l’embouchure de l’Amazone fuirent les persécutions des Européens pour s’installer sur la côte d’Amapá. Ce sont ainsi les porteurs des styles céramiques précolombiens Mazagão et Arauquinoïde qui transformèrent le style Aristé, dont les dernières manifestations remontent à 1700-1750, pour s’acheminer lentement vers le style Palikur actuel. La filiation des styles précolombiens Arauquinoïde et Koriabo de la côte occidentale de Guyane vers le style contemporain Kali’na n’a pas encore été précisément définie. En effet, il existe un hiatus d’environ deux siècles entre les derniers sites archéologiques reconnus et les premières manifestations de l’art céramique Kali’na, déposées dans des musées ou découvertes dans quelques sites récents. Le style Kali’na se

différencie notablement de ses prédécesseurs aussi faut-il chercher ses origines ailleurs, probablement dans la culture Aristé. En effet, à l’instar de la reconstruction stylistique de l’Amapá amérindien, des mouvements de populations issues de l’est des Guyane ont sans doute apporté de nouvelles influences qui ont donné naissance au style Kali’na actuel. Gérard Collomb, qui travaille depuis près de 20 ans sur l’ethnologie de la Guyane, s’interroge ici sur la façon de donner du corps, de la chair et une identité, aux populations dont l’archéologue recueille les traces matérielles. De même, il essaye d’entrevoir quel paysage social se dessine derrière ces traces. Il retrace pour cela le paysage culturel amérindien de la côte des Guyanes depuis le XVIe siècle jusqu’à nos jours. Son analyse montre les jeux complexes de relations qui ont été mis en action par l’arrivée des colonisateurs européens et comment leur nombre croissant va modifier profondément la carte culturelle de la région. Parmi les groupes remarqués rapidement par les chroniqueurs, les Kali’na – ou Galibis comme on les appelait alors jusqu’à il y a une vingtaine d’années – dominent la côte occidentale. Toutefois, leur organisation territoriale était basée sur des « chaînes de sociétés » occupant de façon discontinue des « espaces centrés ». Cette fluctuance rend délicat, voire impossible, le travail d’identification culturel de l’archéologue et incite donc à la prudence. Quelle façon si convaincante et superbe de clore cet ouvrage. En présentant les prolongements coloniaux des premiers habitants de la Guyane, Gérard Collomb nous rappelle que les milieux tropicaux humides conservent une extrême diversité culturelle, qui va de pair avec leur grande biodiversité. Cette richesse doit continuellement rester présente à l’esprit du chercheur. Stéphen Rostain

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« Les peuples qui habitent ces rivières... »

Gérard Collomb Laboratoire d’Anthropologie des Institutions et des Organisations Sociales (LAIOS), EHESS/CNRS, Paris

Comment donner du corps, de la chair et une identité aux populations amérindiennes contemporaines du Contact ou immédiatement antérieures, dont l’archéologie met au jour les traces matérielles en Guyane ? L’archéologue construit, à partir de l’observation d’un certain nombre de données récurrentes dans un même espace et sur une même période de temps, ce qu’il désigne comme une « culture archéologique ». Mais, même pour les populations qui étaient présentes lors de l’arrivée européenne la question reste entière, la plupart du temps, de savoir quel paysage social se dessine derrière ces traces, et dans quelle mesure ces cultures archéologiques reflètent des ensembles culturels et politiques identifiables, et qui se reconnaissaient euxmêmes comme tels. La tentation est forte de projeter sur la réalité sociale et politique de la Guyane des XVe et XVIe siècles, une lecture qui s’est construite à partir de l’image qu’offrait aux voyageurs la Guyane indigène des XIXe et XXe siècles, fragilisée par plusieurs siècles de présence européenne. Le monde indigène précolonial a longtemps été vu comme constitué de petits groupes fortement dépendants de leur environnement, fermés à l’« autre » et repliés sur eux-mêmes – des sociétés figées dans un temps long sur lequel l’Histoire n’aurait agi qu’à la marge, même si on concédait bien que le drame de l’arrivée européenne les avait fait entrer dans un autre univers et dans un autre temps. On sait aujourd’hui que cette image est fausse, que les sociétés indigènes ont été des acteurs de leur histoire, et non pas seulement des victimes passives de la nôtre, et que, loin d’être enfermées dans leur petit bout de forêt, elles développaient entre elles des interactions multiples à travers les Guyanes, au sein de vastes réseaux d’échanges, économiques, sociaux, culturels, qui ont incorporé progressivement des éléments non indigènes après l’arrivée européenne (Butt-Colson 1973, 1985 ; Whitehead 1988, 1992 ; Gallois 2005).

la fin du XVIe siècle, qui sont les premiers à évoquer avec un peu de détails le peuplement indigène de cette région. À partir de cette époque, les voyageurs se succèderont, pour commercer ou pour tenter une installation coloniale, et plusieurs coucheront par écrit leurs observations. Ces textes livrent une vision européenne des populations présentes dans la région, vision ethnocentrée et coloniale qu’il faut bien sûr aujourd’hui s’efforcer de mettre en regard et en dialogue avec la lecture indigène du contact et de ses suites, telle que peuvent la transmettre aujourd’hui encore les plus anciens (Grenand 1982 ; Whitehead 1988 ; Collomb & Tiouka 2000 ; Chapuis 2003). Lorsqu’ils ont le souci de situer dans le temps et dans l’espace les faits rapportés, ces documents qui décrivent la Guyane amérindienne livrent des informations précieuses. Il est toutefois nécessaire d’en faire une lecture toujours prudente, car à l’observation directe se mêle ce qui était recueilli de la bouche des Indiens, que bien souvent on ne comprenait pas et dont on déformait parfois le propos, l’intervention des truchements ne suffisant pas toujours à pallier la méconnaissance des langues rencontrées par les voyageurs. Mais, une autre difficulté dans l’utilisation de ces observations anciennes naît de la manière dont les Européens du XVIIe siècle percevaient le paysage politique, social, culturel qu’ils avaient sous les yeux, dont ils faisaient une lecture à travers leurs propres catégories sociales et politiques. Les nations ou les tribus dont parlent les voyageurs en multipliant leur nombre presque à l’infini, étaient généralement vues comme des ensembles discrets, territorialisés à l’intérieur de frontières culturelles et politiques qui les distinguaient d’autres groupes de même nature1 et fortement structurés politiquement – même si, très tôt, les voyageurs ont été frappés par la surprenante absence d’autorité politique forte dans les groupes indigènes qu’ils rencontraient2. La lecture que l’on peut avoir aujourd’hui de ce paysage humain du début du XVIIe siècle privilégie la représentation plus dynamique, plus souple, de « chaînes de sociétés »3 agrégeant ou fractionnant –

Un siècle sépare les reconnaissances maritimes entre Orénoque et Amazone par Vincente Pinzon et les voyages de Walter Raleigh et de Laurence Keymis à 167

selon les moments – des groupes territorialisés dans des territoires discontinus et fluctuants, et surtout dans des espaces centrés plutôt que circonscrits et clos sur leurs limites. Dans ce contexte, la langue pratiquée ou la culture partagée, telles que l’observent les voyageurs, ne sont que rarement un critère a priori d’identification d’ensembles socio-politiques4, les « frontières ethniques » telles que les lisent les voyageurs ne représentaient le plus souvent qu’une conséquence, à un moment donné, du fonctionnement des échanges matrimoniaux, économiques, culturels, et du jeu des guerres et des alliances.

la plus nombreuse à l’ouest de l’Île de Cayenne : « ils voyagent peu du côté du midi où est le fleuve Amazone, parce qu’il faut passer près la nation des Palicours avec lesquels [ils] sont en guerre » observe en 1684 le père de la Mousse (Collomb 2006). Ils étaient chez eux, par contre, jusqu’au Maroni et au-delà, partageant avec les Arawak (Lokono) et quelques autres peuples toute la zone côtière en direction du bas Orénoque. Leur langue jouait dans la région le rôle d’une lingua geral qui permettait la communication entre les différentes populations indiennes et entre celles-ci et les Français6. Les Palikur étaient établis dans l’Amapá au moment de l’arrivée européenne, mais ils avaient noué des alliances avec d’autres groupes, notamment ceux qui étaient sur le bas Oyapock. C’étaient les «  grands ennemis des Galibis, et contre lesquels ils font continuellement la guerre, qu’ils font très cruelle les uns aux autres, sans jamais avoir de réconciliation » (Biet 1664 : 148). Palikur et Galibi cesseront de s’affronter directement à la fin du XVIIe siècle, dès lors que les deux parties ont été affaiblies par les conséquences de l’arrivée européenne, mais la mémoire de ces rivalités anciennes et irréductibles entre ces deux populations a persisté jusqu’à aujourd’hui.

LE PAYSAGE CULTUREL ET POLITIQUE INDIGENE5 Les premiers voyageurs qui nous ont laissé un témoignage, à la fin du XVIe siècle, ont rencontré sur le littoral des Guyanes une population indigène considérablement affaiblie par les conséquences économiques, démographiques, culturelles du contact avec l’Europe. Elle mêlait des groupes de langue et de culture arawak ou carib, sans qu’il soit toujours aisé d’en saisir l’articulation à partir de leurs récits. Au niveau de ce qui deviendra Cayenne, une frontière culturelle majeure, inscrite dans un front guerrier, séparait les populations Arawak de l’est (notamment les Palikur, établis dans la région de l’Amapá, et leurs alliés de l’Oyapock) et les Caribes côtiers (les groupes Kali’na) que les colons français appellent « Galibis ». Ces derniers avaient été stoppés dans leur expansion vers l’est, engagée avant l’arrivée européenne mais amplifiée aux XVIe et XVIIe siècles par la pression espagnole qui s’exerçait au niveau de l’Orénoque (Whitehead 1988). C’est cette frontière culturelle que relevait par exemple Jean Moquet (1617), lorsqu’il opposait les gentils Caripous rencontrés sur l’Oyapock, rassemblés autour du « chef » yao Anacaioury, aux « Caribes anthropophages » de la rivière de Cayenne, commandés par Camaria – les deux parties sollicitant par ailleurs l’aide des nouveaux arrivants pour conduire leurs guerres contre l’ennemi. L’antagonisme entre Caribes et Arawak existait également plus loin vers l’ouest, où les Kali’na étaient opposés aux Lokono, alliés des Espagnols vers l’Orénoque et des Hollandais qui tentaient de s’établir dans la rivière de Berbice (Boyer 1654). Mais ces systèmes d’alliance restaient souples, susceptibles de se transformer, selon des logiques qui relevaient avant tout des stratégies guerrières des groupes indigènes. Au milieu du XVIIe siècle, la situation politique indigène sur cette portion de la côte des Guyanes nous est un peu mieux connue, elle semble alors s’être quelque peu simplifiée mais elle reflète encore les grands traits du peuplement antérieur, reproduisant l’opposition majeure entre Palikurs et Galibis, qui ont constitué deux systèmes d’alliances affrontés. Les Galibis (les Kali’na) formaient la population indigène

Sociétés et chefferie À partir du milieu du XVIIe siècle, l’histoire de tous ces groupes installés sur le littoral est indissociable de celle de l’expansion européenne dans cette région7. Mais, ils ont conservé jusqu’à aujourd’hui les traits structurants d’une organisation sociale et politique caractérisée par la tension entre l’appartenance à un groupe local de parenté (qui représente généralement dans ces sociétés l’unité sociale pertinente pour comprendre leur fonctionnement), l’adhésion conjoncturelle à des regroupements élargis à vocation guerrière, et l’insertion dans de vastes réseaux d’échange au sein desquels circulent les épouses, les biens, et les traits culturels. La famille étendue forme un groupement résidentiel, un « village »8, au sein duquel chaque famille nucléaire constitue une entité sociale et économique indépendante, qui peut partir pour fonder un nouveau village ou pour en rejoindre un autre en cas de difficulté de cohabitation. Ces « villages » ne représentent donc pas des entités stables, ils sont mobiles dans le temps, installés sur des sites abandonnés puis réoccupés au fil des générations. Pour une part leur population est fluctuante, au gré des projets des familles qui les composent ou des tensions qui peuvent naître entre elles. C’est à l’intérieur du groupement résidentiel que sont conduites les activités productives, que circulent les biens et que s’organisent les formes de travail collectif ; c’est à partir de là, aussi, que se déploient les grandes fêtes à casili que décrivent les voyageurs, qui rassemblent bien au-delà du village organisateur, dans les réseaux des parents et des alliés. Le fondateur du

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village, lié par des liens de parenté directe ou d’alliance avec la plupart des habitants, en est généralement le « capitaine », mais ainsi que l’ont relevé la plupart des observateurs, ce personnage n’exerce pas une véritable autorité, il n’a qu’une influence décisive sur son monde, et il assure une fonction de régulation sociale et de médiation dans le règlement des conflits interfamiliaux (Collomb 1999). Ces sociétés ne présentent guère de forme politique permanente identifiable à un niveau supérieur à celui du groupement résidentiel, mais elles ont en revanche une capacité à s’articuler et à s’agréger en certaines occasions, constituant pour un temps des ensembles politiques plus vastes, surtout pour l’organisation d’une défense collective ou d’une expédition guerrière9. Les « chefs de guerre » qui conduisent ces fédérations sont des « capitaines » à même de former de larges alliances entre les groupes et de mobiliser plusieurs centaines de combattants, comme le faisait, au début du XVIe siècle, dans le basOyapock, le Yao Anacaiouri pour aller affronter les Caribes de la rivière de Cayenne (Moquet 1617).

dans ce pays-là des moyens qu’ils doivent tenir pour profiter de leurs désordres » explique Boyer (1654). Le développement du commerce des produits européens a également conféré à ces guerres d’autres enjeux, en particulier le contrôle des circuits indigènes d’échange de ces produits, mais aussi la capture d’esclaves recherchés par les colons (Whitehead 1992). Certains peuples de l’intérieur des Guyanes, tels les Tirio du Surinam, ont conservé jusqu’à aujourd’hui la mémoire de la crainte qu’inspirait à leurs ancêtres la capture d’esclaves à vendre à Paramaribo à laquelle se livraient les Kali’na à partir de villages situés sur le Litani ou sur la haute Mana (Koelewijn & Riviere 1987). De telles razzias furent conduites en Guyane et au Surinam jusque dans la seconde moitié du XVIIIe siècle chez les Tirio, les Wayana et les Émerillons, avec l’encouragement des colons hollandais, elles ne cesseront que lorsque l’accès au haut Maroni sera contrôlé par les Ndjuka et les Aluku installés sur le cours moyen et supérieur du fleuve, à partir de la fin du siècle.

La « guerre »

Réseaux d’échange indigènes

Le politique, dans ces sociétés, était en effet indissociable de ce que les voyageurs appelaient la « guerre », qui emplissait tout l’espace social. Mais les incessants conflits qui opposaient les groupes indigènes ne visaient pas la domination d’un peuple par un autre, et n’avaient pas comme objet de capter des biens, de s’assurer des terres ou d’étendre un territoire10. L’entrée en « guerre » permettait d’abord l’alliance et l’agrégation de groupes auparavant séparés, contribuant à dessiner et à redessiner le périmètre des « nations » indigènes. Mais, beaucoup plus encore, elle était pour ces populations une véritable nécessité sociale, elle représentait une forme d’échange symbolique qui venait prolonger ou compléter les échanges économiques ou matrimoniaux entre les groupes. En cela, comme l’a montré Carlos Fausto, la guerre indigène « avait à voir avec le rapport à l’extérieur et avec la production de l’intérieur », il s’agissait en quelque sorte de se définir par la reconnaissance d’une altérité, de réaliser par la consommation des ennemis – consommation symbolique ou, dans certains cas, anthropophagique – « la production sociale des personnes par les personnes » (Fausto 2001). La présence européenne a brouillé ces rapports guerriers établis traditionnellement entre les peuples amérindiens en transformant progressivement la logique sociale qui les sous-tendait. Nouant des alliances politiques et militaires avec les Européens (Portugais, Français, Anglais, Hollandais, Espagnols), les indigènes devenaient involontairement parties prenantes du jeu des puissances coloniales : « Il faut entrer maintenant dans la mauvaise intelligence où ils sont, et voir avec quelle opiniâtreté ils se font la guerre, afin d’instruire ceux qui veulent établir des colonies

Ces sociétés étaient intégrées dans des espaces sociaux, économiques, culturels opérant à une échelle bien plus vaste que l’espace dans lequel s’insère le groupe local. Les échanges économiques étaient aussi l’occasion de réactiver les relations sociales entre les groupes présents dans la grande région guyanaise, tissant des liens privilégiés entre partenaires parfois séparés par de grandes distances, le long de routes commerciales qui s’articulaient, de proche en proche, dans tout l’intérieur des Guyanes de l’Orénoque et du Rio Negro à l’Amazone (Hurault 1972 ; Butt Colson 1973, 1985 ; Dreyfus 1992 ; Gallois 2005). Dans ces réseaux circulaient des biens usuels dans la production desquels tel ou tel groupe s’était spécialisé (chiens dressés, râpes à manioc, céramiques…) et des produits manufacturés échangés sur la côte par la traite, mais aussi des biens précieux, tels que les figurines en « pierre verte » qui provenaient de divers centres de production dans les Guyanes ou dans le bas Amazone (Boomert 1987) ou ces parures en or qui suscitaient la convoitise des Européens, colportées jusque sur le littoral depuis l’intérieur des Guyanes ou les piémonts andins (Roth 1924  ; Whitehead 1990). Ces réseaux d’échange se sont transformés à la suite du Contact et de l’arrivée sur la côte des biens européens, mais ils ont subsisté longtemps car ils représentaient un élément important qui structurait l’organisation sociale et les relations politiques des groupes amérindiens. La tradition orale kali’na a ainsi conservé jusqu’à aujourd’hui la mémoire de certaines de ces routes commerciales, dont certaines sont restés actives au moins jusqu’au XIXe siècle : on évoque ainsi encore aujourd’hui les déplacements qui menaient les anciens vers le haut Essequibo pour ramener notamment les

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l’Orénoque qui représente un réel enjeu régional, tant du point de vue des nouveaux arrivants que de celui des indigènes (Raleigh [1596]1993). Les bouleversements qui ont touché les peuples indigènes sur le littoral des Guyanes au cours du XVIe siècle, et notamment les déplacements vers l’est de plusieurs groupes indigènes, sont donc pour une part la conséquence de cette pression espagnole dans l’Orénoque et sur la Côte Sauvage14. Ces contacts anciens avec les Espagnols se donnent à lire en Guyane dans le fait que le kali’na a emprunté à leur langue la plupart des mots désignant les objets et les techniques introduits dès l’arrivée européenne (Lescure 1981). Et la dureté des rapports entre les Espagnols et les populations caribes côtières est restée inscrite jusqu’à aujourd’hui dans les récits que conserve la tradition orale kali’na (Collomb & Tiouka 2000).

galets de porphyre rouge (takua) que les femmes utilisent pour lustrer les poteries qu’elles fabriquent (Collomb 2003)11. LE CONTACT La traite entre Amérindiens et Européens sur le littoral des Guyanes a vraisemblablement été assez constante tout au long du XVIe siècle. Des navires français partis des ports de Normandie, mais surtout portugais et espagnols, parcouraient les côtes entre Orénoque et Brésil pour traiter le bois de braise ou d’autres produits. L’attitude souvent prédatrice de ces aventuriers suscitera ou alimentera des conflits entre Amérindiens et Européens, perçus certes comme des partenaires de commerce et comme des alliés potentiels dans les guerres inter-indiennes, mais aussi comme des envahisseurs qui pouvaient devenir gênants par leur nombre et par leur comportement. La forme et l’importance de ces contacts anciens nous restent mal connues, et ce n’est que des premières années du XVIIe siècle que datent les témoignages écrits sur ces échanges, qui décrivaient également de premiers essais d’implantations coloniales. En arrière plan, les relations guerrières qui opposaient les groupes indigènes connaissaient leurs derniers soubresauts, alimentés par la concurrence que se livraient les Européens pour la mainmise du commerce et de l’exploitation des ressources naturelles des nouvelles terres, mais aussi pour l’accès éventuel au lac Parimé et aux richesses de l’El Dorado12.

L’implantation européenne dans le centre et l’ouest de la Guyane Dans la première moitié du XVIIe siècle, les tentatives d’implantation européenne ont privilégié la partie orientale de la Guyane, atterrage habituel après la traversée de l’Atlantique. À l’ouest du Cap d’Orange le littoral présente un caractère plus accueillant, avec des mornes qui contrastent avec la côte basse prise par la mangrove que l’on voit généralement ailleurs, et bénéficie de mouillages attractifs (notamment l’Oyapock et la rivière de Cayenne) qui favorisaient la traite. L’histoire de cette portion du littoral, qui accueillit les premiers colons, nous est ainsi mieux connue à travers les récits des voyageurs que la région occidentale, de part et d’autre du Maroni entre la colonie de Cayenne et les établissements anglais de Suriname, qui est demeurée longtemps une sorte de no man’s land colonial. Les colons accompagnant Lefevbre de la Barre s’installeront durablement en 1664 dans l’Île de Cayenne15, mais d’autres essais d’installation coloniale ou militaire européenne avaient eu lieu dans l’estuaire de l’Oyapock16 ou de l’Approuague, ou en différents points de la côte à l’ouest de la rivière de Cayenne. Une colonie française est ainsi signalée a l’embouchure du Maroni en 1625 (W. Byam), quelques années après le passage d’Harcourt et de Fisher. Puis, vers 1650, les Anglais qui se sont installés au Suriname établissent un fort sur la rive occidentale du fleuve, auquel fait pendant, sur l’autre rive, un fort français que la Barre (1666) trouvera démoli à son arrivée. La présence anglaise sur cette partie de la côte et les confrontations avec les populations caribes installées sur place ont marqué les Kali’na, qui ont conservé aujourd’hui la mémoire des combats opposant leurs ancêtres aux « hommes de fer » (Collomb & Tiouka 2000). En 1627, Henri de Chantail s’installe à la tête d’une vingtaine de colons normands à l’embouchure de la rivière de Sinnamary. La petite colonie, renouvelée, subsistera

Les Espagnols sur l’Orénoque Établis dès le milieu du XVIe siècle dans l’actuel Venezuela, les Espagnols ont exercé une pression particulièrement brutale sur les Amérindiens qui s’opposaient à leur présence dans la région du bas Orénoque. L’enjeu était la capture d’esclaves indiens destinés aux îles, ou la quête de l’or, mais aussi l’installation dans cette région face à la volonté des Anglais, des Hollandais et des Français de s’implanter eux aussi sur le continent. Cette présence espagnole était globalement favorable aux Arawaks, avec lesquels ils avaient parfois noués des alliances, et elle conduira les groupes – essentiellement les Caribes côtiers, mais pas exclusivement – qui leur faisaient la guerre à fuir vers l’intérieur, ou vers l’est le long du littoral (Whitehead 1988)13. La crainte des Espagnols les pousse alors à s’attacher à ceux – Anglais ou Français – qui sont leurs ennemis : lors de son troisième voyage, alors qu’il remonte la côte depuis l’Oyapock, Raleigh et ses hommes commercent avec les Caribes de la rivière Wias (Uvia, aujourd’hui la Comté) et de la rivière Chiana (Cayenne). Ceux-ci les accueillent chaleureusement et s’efforcent de les convaincre de les accompagner pour tuer les Espagnols, afin qu’ils puissent s’installer sur 170

jusqu’en 1644, malgré l’hostilité des Indiens et les menaces des Anglais établis au Surinam (Nardeux 2001). En 1666, un poste militaire abritant 80 hommes est dressé au même endroit contre les empiètements des Anglais. Le fortin subsista quelques années, mais lorsque vingt ans plus tard le père de la Mousse visite cette région cette présence européenne de plus de quarante années ne semble pas avoir marqué les Amérindiens qu’il rencontre (Collomb 2006). L’histoire de ces premiers établissements de colons européens sur le littoral guyanais, la plupart du temps précaires et rapidement abandonnés, est mal documentée, et l’on peut penser que certaines tentatives n’ont pas laissé de traces historiques connues. Mais pour éphémère ou géographiquement limitée qu’elle ait pu être, cette présence ancienne a marqué les sociétés amérindiennes du littoral, qui sont rapidement entrées dans des rapports d’échange – ou dans des rapports guerriers – avec les européens. Globalement, la relation commerciale avec les nouveaux arrivants était recherchée par les Amérindiens, désormais pour une part dépendants des biens manufacturés (haches, serpes, perles et textiles, etc.), mais aussi désireux d’obtenir une aide militaire à travers les alliances qu’ils nouaient : tant Ch. Leigh (1604) que R. d’Harcourt (1613[1926]) expliquent qu’ils ont obtenu des Indiens de l’Oyapock une aide en nourriture, indispensable au maintien de la colonie, contre la promesse de leur apporter un appui dans les guerres qu’ils conduisent contre les Caribes de la rivière de Cayenne. Les récits des voyageurs montrent aussi que les occasions de conflits étaient nombreuses entre ces deux mondes, mais elles relevaient moins d’une hostilité a priori des indigènes envers les nouveaux arrivants que du comportement des colons et de leur rapacité, ou du refus par les Amérindiens de voir parfois s’établir des centaines de personnes sur des terres qu’ils occupaient et cultivaient. Rapidement toutefois, les relations commerciales entre Européens et Amérindiens sont passées au second plan par rapport à l’enjeu économique qu’a représenté à partir de la fin du XVIIe siècle le développement des cultures coloniales que permettait la traite des esclaves17. Progressivement l’arrivée européenne avait réorienté les circuits commerciaux traditionnels selon un axe perpendiculaire à la côte, conséquence de l’habitude désormais acquise de se fournir auprès des colons ou auprès des traiteurs. Le besoin d’outils de métal et de biens manufactures produits par l’Europe, l’attrait pour les alcools distillés jusque-là ignorés, avaient placé les Amérindiens dans une dépendance insidieuse dont les effets allaient être beaucoup plus forts et plus durables que la domination militaire qui avait permis l’installation européenne.

sur l’Île de Cayenne où les Européens allaient bientôt s’installer définitivement, et ils partageaient leur territoire avec les Arawaks dans tout l’espace s’étendant en direction de l’Orénoque. Ils représentaient alors sur le littoral guyanais la population la plus importante, dont la langue était devenue langue de traite sur une grande partie de la côte18. La place qu’occupaient désormais dans le monde colonial ces peuples côtiers, tels que les Kali’na, a dessiné une nouvelle géographie ethnique dans cette région, les différenciant des sociétés amérindiennes de l’intérieur qui sont restées longtemps relativement isolées. La confrontation avec le monde colonial a eu des conséquences sociales et politiques majeures pour les Amérindiens, singulièrement dans la zone littorale qu’occupent les Kali’na. Dans un contexte de forte chute démographique, elle a conduit à une recomposition des groupes qui composaient les grandes nébuleuses ethniques d’autrefois, et elle les a dans une certaine mesure isolés en brisant les anciennes logiques sociales et guerrières amérindiennes. La mosaïque de populations qu’observaient Keymis ou d’autres voyageurs de la fin du XVIe et du début du XVIIe siècles a laissé place à un nombre plus restreint de groupes. Il faut voir là sans doute l’effet d’une concentration ethnique en cours, par incorporation au sein des groupes dominants – Kali’na à l’ouest de Cayenne, Palikur à l’est – de groupes trop faibles numériquement pour se perpétuer comme tels, réponse à la pression extérieure ou conséquence des épidémies. L’attitude des Européens, qui ont désormais intérêt à privilégier les rapports avec les groupes numériquement et politiquement dominants, amplifiera encore ces phénomènes. Les Kali’na t+lewuyu Dès lors se sont progressivement dessinées des frontières « ethniques » plus présentes et plus stables qu’auparavant, renforcées dans le cas des Kali’na par le regard que portaient les colons et les administrateurs de la colonie sur ceux qu’ils appelaient les « Galibis », dont l’espace social allait se réduire progressivement et se centrer sur la petite région comprise entre la rivière de Kourou et la rivière Suriname, de part et d’autre du Maroni. Le terme Kali’na t+lewuyu par lequel se désignent eux-mêmes aujourd’hui les Kali’na de Guyane française et de la bordure est du Surinam est une illustration de ce processus. Il oppose ces « vrais Kali’na » aux Kali’na m+lato, terme dont ils désignent les Kali’na fortement métissés avec des Noirs marrons qui sont établis dans les régions du centre et de l’ouest du Surinam. Cette partition rend compte de l’histoire propre des groupes présents sur le territoire des colonies hollandaise et française à partir de la fin du XVIIe siècle : effets du système esclavagiste qui a suscité au Surinam la formation en forêt des populations de Noirs marrons, dont la présence a conduit à des métissages

DES CHARIBES AUX KALI’NA TILEWUYU… Vers 1650, les « Galibis » (Kali’na) étaient présents 171

les derniers moments où ils ont pu maintenir une autonomie dans un espace où ils pouvaient se déplacer à leur guise - même si leurs relations avec le monde colonial étaient déjà anciennes. La mise en exploitation de l’ouest du pays a en effet dessiné en Guyane un nouveau mode d’occupation de l’espace, amplifiant en quelques décennies un déplacement des activités de la colonie déjà été amorcé par la fondation de Mana. Créés en 1858, les établissements pénitentiaires occupaient sur la rive droite du Maroni le site d’un ancien village amérindien, mais plusieurs camps étaient implantés sur un espace s’étendant jusqu’à la pointe des Hattes, amenant la plupart des Kali’na habitant la rive française à déplacer leurs villages du côté hollandais. Sur la rive hollandaise du Maroni, le bourg d’Albina, créé en 1846, représentait autant que Saint-Laurentdu-Maroni sur la rive française, un lieu d’échanges et d’approvisionnement en produits européens. À la fin du XIXe siècle, une partie de la population noire libérée, qui avait abandonné en masse après 1848 les grandes habitations pour s’installer sur de petits abattis dispersés sur le littoral (Jolivet 1982), s’est tournée vers les activités de l’orpaillage. Autour des bourgs situés au débouché des bassins aurifères, comme Mana ou Sinnamary, des relations se sont établies entre les Kali’na et les Créoles, façonnant progressivement une manière de vivre ensemble – ou plutôt de vivre côte à côte – qui a marqué jusqu’à aujourd’hui les rapports entre les deux communautés. Articulant désormais une part plus grande de leur économie avec les structures coloniales, et de plus en plus limités dans leur mobilité collective, les Kali’na n’entretenaient plus, depuis longtemps déjà, que des rapports occasionnels avec les groupes amérindiens de l’intérieur, dans un face-à-face quasi exclusif avec les populations allogènes (Créoles, Européens, Noirs Marrons du bas Maroni, etc.). Pour autant, et jusque dans la seconde moitié du XXe siècle, les Kali’na sont restés en marge de la vie sociale de la colonie en développement, pris dans la partition coloniale entre ceux qui se considéraient comme « civilisés » et ceux que l’on qualifiait de « primitifs ».

avec les populations kali’na des régions du centre et de l’ouest du pays  ; isolement relatif des Kali’na de l’est, auxquels les rivalités coloniales interdisaient le maintien des liens avec les groupes de l’ouest du Surinam et du Guyana, et qui subissaient l’attirance des centres missionnaires jésuites de Guyane au cours du XVIIIe siècle (Collomb 2001). Indiens et Missions Implantés à Cayenne dès 1664, les pères jésuites ont conduit des missions itinérantes sur le littoral jusqu’à la fin du XVIIe siècle (Collomb 2006) puis, vers 1709, le père Lombard installa une première mission permanente sur la rivière Ikaroua, qu’il déplaça cinq ans plus tard à l’embouchure de la rivière de Kourou, et qu’il développa avec l’arrivée d’autres missionnaires. Cette mission de Kourou rassemblait vers 1740 près de quatre cent cinquante Amérindiens, surtout des familles Galibi, mais aussi d’autres populations amérindiennes qui avaient fui la pression portugaise près de l’Amazone. Une autre mission destinée aux Indiens de la côte fut créée sur le Sinnamary en 1736, autour de laquelle plus d’une centaine d’Amérindiens s’étaient installés. Les Missions jésuites de Kourou et de Sinnamary ont marqué jusqu’aux années 1760 la limite ouest d’une implantation coloniale alors plutôt centrée sur l’Île de Cayenne et ses environs. Leur suppression et les conséquences de l’« expédition de Kourou »19 ont conduit à la fin du XVIIIe siècle les groupes kali’na à se déplacer au-delà d’Iracoubo pour rejoindre le Surinam ou pour s’installer dans la petite région de la Mana et du Maroni dans laquelle la présence kali’na n’avait jamais cessé depuis les premiers temps du contact. Dans ce territoire, les Kali’na déplaçaient leurs villages de la colonie hollandaise à la colonie française, selon l’intérêt – ou les inconvénients – que présentait alternativement pour eux l’une ou l’autre administration. L’entrée dans la colonie

Dans leur étude sur le peuplement indigène ancien de l’Amapá, Pierre et Françoise Grenand (1987) soulignent la difficulté que l’on rencontre lorsqu’on tente de repérer dans les nomenclatures « ethniques » relevées par les premiers voyageurs les appellations qui sont véritablement des ethnonymes, et à préciser les contours culturel et politique des entités ainsi identifiées. 2 « There is no settled governement among them, only they acknowledge a superiority, which they will obey as far as they please » (Harcourt [1613]1926 : 85). 3 L’expression est empruntée à Amselle & Mbokolo (1986). 4 En arrière-plan de cette interrogation sur la continuité entre populations précolombiennes et modernes, on trouve donc la notion d’ethnie, telle qu’elle a été construite par l’ethnologie classique sur la base d’une « vision substantiviste qui fait de chaque ethnie une entité discrète dotée d’une culture, d’une langue, d’une psychologie spécifique - et d’un spécialiste

Dans la première moitié du XIXe siècle, les Kali’na de la Guyane et de l’est de la colonie hollandaise étaient au plus bas de leur démographie, à peine quelques centaines de personnes dans la Guyane française. Les villages étaient installés entre les colonies française et hollandaise, dans un espace s’étendant approximativement de Sinnamary à la rivière Commewijne, qui marquait la limite est des implantations coloniales hollandaises. Jusqu’alors ils étaient restés relativement isolés des structures coloniales, mais au début du XIXe siècle un nouveau projet de colonisation agricole a vu le jour dans la région située à l’ouest d’Iracoubo, et en particulier sur la Mana et sur le Maroni20. Les années qui ont suivi ont représenté pour les Kali’na

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pour la décrire » (Taylor 1991). 5 Voir une bonne synthèse des données générales sur l’histoire indigène de la région dans Grenand et Grenand (1997). 6 « Les langues des Indiens sont aussi différentes que leurs nations. Souvent des peuples qui sont assez voisins ne s’entendent pas. Ce serait une incommodité prodigieuse pour eux-mêmes et pour les étrangers, s’il n’y avait pas deux ou trois langues que l’on peut appeler générales, qu’ils entendent presque tous, ou du moins tous les chefs. La première est celle des Galibis. Elle est en usage depuis Cayenne jusqu’à l’Orénoque » (Labat, t. IV : 408). 7 Neil Whitehead a montré, à partir de l’exemple du Suriname que si l’on peut bien sûr reconnaître une certaine continuité entre les populations précolombiennes et les groupes indigènes de l’ère coloniale, cette continuité est beaucoup plus historique qu’« ethnique » : « the Arawak and Carib of today had their origins as much in the colonial struggles of the sixteenth and seventeenth centuries as they did in the fifteenth centuries groups from which they arose, precisely as a result of challenges posed to native autonomy by europeans contacts » (Whitehead 1996 : 34). 8 On s’appuie ici sur le modèle proposé par Peter Riviere (1984) pour les Guyanes. Ce modèle vaut surtout pour les sociétés indigènes plus proches de nous dans le temps, mais il permet tout de même de rendre compte globalement des formes sociales et politiques que les voyageurs observent à partir du XVIIe siècle. 9 Simone Dreyfus remarque que ces formes d’organisation politique fluides et labiles sont favorisées par le caractère dynamique et ouvert des systèmes de parenté et d’alliance indigènes qui favorisent la « dilatation et [la] contraction de l’espace social », en ouvrant ou fermant « presque totalement le réseau de leurs relations matrimoniales » (Dreyfus 1993). 10 « Ils ne se querellent point pour avoir du bien, ils ne font point la guerre pour étendre leur pays, que si ceux desquels nous habitons la terre, que l’on appelle Galibis, entrent quelquefois en armes dans le pays de leurs ennemis, qui sont de part et d’autres d’eux, qu’on nomme ceux de leur gauche Aroüagues, et les autres Palicours, ce n’est que pour avoir de quoi souler leur rage et pratiquer toutes sortes d’inhumanités sur ceux qui tombent dans leurs mains, et toutes les cruautés dont ils se peuvent aviser […] » (Laon 1654). 11 Voyageant au milieu du XIXe siècle dans cette même région du haut Essequibo, Van Heuvel (1844) rencontre un « grand chef Carib » qui lui dit être apparenté avec les « Galibis de Cayenne « (c’est-à-dire de Guyane française), avec lesquels il entretient des relations régulières. 12 Les « Arouagues », écrit Boyer en 1654, sont alliés aux Hollandais, et conduisent « des courses continuelles contre les Galibis, étant fort expérimentés aux armes ». Ces derniers, qui « étaient autrefois les meilleurs amis que les Français eussent dans toute l’étendue de l’Amérique » entreprennent des expéditions contre les « flamens [hollandais] qui s’étaient habitués dans Berbiche [Berbice, fleuve de l’est du Guyana] et les Arouagues leurs alliés ». Plus tard, les survivants de l’expédition Brétigny étaient « dans la crainte, étant menacés d’être égorgés par les sauvages, qui déjà minutaient leur mort, y étant excités par des Flamands, ou putôt par des Hollandais qui ne peuvent souffrir que les Français habitent ces pays » (Biet 1664 : 76). 13 C’est par exemple ce qu’avaient été contraints de faire les Yaos que Keymis rencontra en 1596 dans la rivière de Kaw, chassés de la rivière Moruca, près de l’Orénoque, par les Espagnols, qui avaient commencé à capturer leurs femmes. Ils lui expliquent qu’ils étaient les maîtres de cette côte,

jusqu’à Trinidad, mais que leurs territoires ont été occupés par les Arwacas [Arawaks], « nation vagabonde qui sert et suit les Espagnols ». D’abord installés sur l’Amazone, ils ont été à nouveau en conflit avec des Espagnols, et ont jugé préférable de s’éloigner encore, d’où leur présence dans la rivière de Kaw. 14 À laquelle s’ajoutera plus tard la pression portugaise près de l’Amazone, qui aura des effets jusque vers l’île de Cayenne (Hurault 1972) 15 La colonisation du littoral du Suriname s’est développée sur le même mode : les Anglais s’installent en 1650 sur la rivière Suriname, suivis par les Ho!landais qui établissent vers 1680 sur la même rivière et sur quelques-uns de ses affluents le système des plantations sur lequel sera fondé le développement économique de la colonie. 16 L’Anglais Charles Leigh en 1604 avec une trentaine d’hommes, « quatre cents français » en 1607 selon W. Byam, les expéditions de Robert Harcourt en 1609 et de Jesse de Forest en 1624... L’installation sur la rivière de Cayenne, en 1568, de cent vingt-six familles espagnoles sous le commandement de Gaspard de Sotelle montrerait que la volonté de créer une colonie est ancienne, mais le fait n’est mentionné qu’un siècle plus tard, sommairement, que dans une relation de l’Anglais W. Byam. Voir sur ces questions Artur (Hurault 1972). 17 Désormais, ces échanges n’auront que peu de valeur économique aux yeux des responsables de la colonie : « Du reste ce qu’on tire du commerce avec les Indiens est de petite conséquence, ce sont les pirogues, canots, pagayes, hamacs, paniers qu’on appelle pagaras, des grages à manioc, des couleuvres de jonc pour l’égoutter après qu’il est gragé, quelques poteries de terre, et le plus communément ils apportent des singes, perroquets, huîtres, crabes et bois à enivrer les poissons, parce que sans se donner beaucoup de peine cela ne leur coûte qu’à prendre » (Archives nationales, C14 [Guyane] 06/89, Mémoire concernant la colonie de Cayenne, par d’Albon, 1709-1710). 18 « C’est dans cette Isle [de Cayenne] que commence la Nation des Galibis, qui s’estend jusqu’au grand fleuve d’Orenocque, n’y ayant qu’une nation entr’eux qui s’appelle des Arrouagues, fort peuplée et fort courageuse, comme aussi les Galibis qui sont leurs voisins, avec lesquels ils sont continuellement en guerre. […] Depuis la rivière de Corou jusques à celle de Coonama, il n’y a aucune habitation de Sauvages, mais depuis ladite rivière et celle d’Amana jusques à Suriname, ce païs est peuplé de la Nation des Galibis  » (Biet 1664). 19 Entre 1762 et 1764, plus de 12 000 colons européens furent amenés en Guyane pour y être installés le long des rivières de Kourou et de Sinnamary. L’opération fut un échec, plus de la moitié des colons furent décimés sur place par des épidémies, la plupart des autres furent rapatriés (Michel 1989). 20 Le projet de colonisation de la Mana amènera sur les rives du fleuve quelques familles européennes, mais il se soldera par un échec. Quelques années plus tard la Mère Anne-Marie Javouhey, qui installera sur place des esclaves saisis de traite et libérés et créera le bourg de Mana (Bruleaux 1992).

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Potière Kali’na (photographie Coutet)

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Annexe : cartes consultées

Éric Gassies Service Régional d’archéologie, Direction des Affaires Culturelles, Cayenne

1543 ou 1544 (quoique datée de 1541) – NICOLAS DESLIENS : Mappemonde manuscrite sur parchemin, datée de Dieppe, 1541. A la Bibliothèque Royale de Dresde. [Dossier numérique ADG]

Catalogue des manuscrits du dépôt des cartes et plans conservés à Vincennes (extrait du -). Service historique de la Marine. Dossier de cartes numérisées au format JPG (non référencées) provenant des Archives départementales de la Guyane (ADG).

1550 – PIERRE DESCELIERS : Mappemonde manuscrite sur parchemin, datée à Arques, 1550. Au Musée Britannique, Add. Ms 24.065. [Dossier numérique ADG]

COLLECTIF, 1992, Voyage aux Iles d’Amérique, Catalogue de l’exposition organisée par la Direction des Archives de France, Ministère de la Culture et de la Communication. Archives Nationales. Hôtel de Rohan.

1558 (?) – DIOGO HOMEM : manuscrit sur parchemin. Bibliothèque Nationale de Paris. [Dossier numérique ADG]

PUAUX, O. & M. PHILIPPE, 1997, Archéologie et Histoire du Sinnamary du XVIIe au XXe s. (Guyane), Documents d’Archéologie Française, Editions de la Maison des Sciences de l’Homme, Paris.

Vers 1560 – Anonyme : Fac-similé d’une carte espagnole sans nom d’auteur ni date. Dans les cartes de l’Indias. [Dossier numérique ADG]

ROSTAIN, S., 1994, L’occupation amérindienne ancienne du littoral de la Guyane, éd. ORSTOM, coll. Travaux et Documents Micro-fichés, 129, 2 tomes, 718 p., 188 p. de figures, 10 pl. photos.

1562 – BARTOLOMEO OLIVES, DE MALLORCA : Feuille de son Atlas. Manuscrit sur parchemin. Bibliothèque du Vatican. Codex Urbinas n° 283. [Dossier numérique ADG]

CATALOGUE

1563 – LAZARO LUIS  : Feuille de son Atlas. Manuscrit sur parchemin. A l’Académie Royale des Sciences, Lisbonne. [Dossier numérique ADG]

CARTES DU XVIe SIECLE Vers 1523 – Anonyme : Mappemonde manuscrite sur parchemin. A la Bibliothèque Royale de Turin. [Dossier numérique ADG]

1575 – ANDRE THEVET : Le Nouveau monde descouvert et illustré de nostre temps. Carte dans La Cosmographie universelle, d’André Thevet, Paris, 1575. [Dossier numérique ADG]

1527 – VESCONTE DE MAILLO  : Mappemonde manuscrite sur parchemin, datée de Gènes, 1527. Bibliothèque Ambrosiana de Milan. [Dossier numérique ADG]

1582 – JOAN MARTINES  : Feuille d’un Atlas manuscrit daté de Messine. A la Bibliothèque de l’Arsenal. Paris. [Dossier numérique ADG]

1529 – DIEGO (DIOGO) RIBERO  : Mappemonde manuscrite sur parchemin. A la Bibliothèque de Weimar. [Dossier numérique ADG]

1592 (1593, 1605, 1630) – THEODORE DE BRY  : Chorographia nobilis & opulentae peruanae Provinciae, atque Brasiliae…in Americae Pars III, 1592, Frankfurt-am-Mein. [Dossier numérique ADG]

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1593 – CORNELIS DE JODE (Cornelius de Judeis) : Brasilia et Peruvia…in Speculum Orbis Terrae, Antwerpiaei, 1593. [Dossier numérique ADG] 1594 (4 éditions de cette date) 1613 (2 éditions) et 1644 – THEODORE DE BRY : Occidentalis Americae partis,… Americae Pars IV, Frankfurt-am-Mein. [Dossier numérique ADG] 1596 (1598, 1599, 1605, 1610, 1614, 1619, 1623, 1638 et 1645) – ARNOLD FLORENTIN VAN LANGEREN (Arnoldus Florentius A. Langren) : Delineatio omnium orarum… dans l’ouvrage de Jan Huighen Van Linschoten, Amsterdam. [Dossier numérique ADG] 1597 (1598, 1603, 1607 et 1611) – CORNELIS WYTFLIET : Residvvm continentis cum adiacentibus insulis in Wytfliet. Descriptionis Ptolemaicae Augmentum…, Louvain, 1597 (2 édit.) 1598 et 1603. [Dossier numérique ADG] 1598 – JODOCUS HONDIUS  : Nieuwe Caerte Guiana van her wonderbaer ende goudrÿcke landt Guiana, gelegen onder de Linie Aequinoctiael, tuβchen Brasilien ende Peru…. Jodocus Hondius excudit. 1599 et 1624 – THEODORE DE BRY  : Tabula Geographica nova omnium oculis exibens et proponens…in Americae Pars VIII, 1599, Frankfurtam-Mein. [Dossier numérique ADG] 1599 (1603, 1612, 1663) – LEVINUS HULSIUS : Nova et exacta delineatio Americae partis australis que est : Brasilia, Caribana, Guiana (…). Dans la Brevis et admiranda descriptio Regni Guianae, Nuremberg, 1599. [Dossier numérique ADG] CARTES DU XVIIe SIECLE 1608 – JODOCUS HONDIUS (Josse Hond) : America Meridionalis. Dans les éditions de l’Atlas de Mercator par Jod. Hondius de 1606 à 1612, et, après sa mort, par Henri Hondius. Sur presque toutes les éditions du Mercator des Hondius on trouve, en même temps que cette carte, celles de Rum. Mercator et Michael Mercator. [Dossier numérique ADG] 1633 (?) – HENRICUS HONDIUS  : GVIANA flue Amazonvm regio. Amstelodami Henricus Hondius excudit. 1:4 230000 environ, Cartothèque IGN. Vers 1640 – CLEMENDT DE JONGHE : L’Amérique en deux feuilles. Bibliothèque Nationale de Paris, cartes Klaproth, 648. [Dossier numérique ADG]

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1650 – NICOLAS SANSON D’ABBEVILLE  : Amérique Méridionale par N. Sanson d’Abbeville géographe du Roy. A Paris chez l’Autheur. Et chez Pierre Mariette, rue St. Jacques à l’Espérance. Avec Privilège du Roy pour 20 ans. 1650. A Peyrounin Sculp. [Dossier numérique ADG]  1654 – P. DU VAL D’ABBEVILLE : La Guaiane ou coste sauvage autrement El Dorado et pais des Amazones Aujourdhuy France Equinoctiale suivant les relations des Indiens, Espagnols, Anglois, Holandois et Francois par P. du Val d’Abbeville, Géographe du Roy. A Paris chez l’Autheur (…). 1656 – NICOLAS SANSON D’ABBEVILLE : Partie de terre ferme où sont Gujane et Caribane, augmentée et corrigée suivant les dernières relations, par Sanson d’Abbeville, géographe ordinaire du roi chez P Mariette, rue St Jacque a l’Esperance avecq privilege du Roy pour vingt Ans, 1656. Archives nationales, Paris, carte gravée et colorée, 41 x 54. 2JJ 19. Vers 1660 – Anonyme : Carte de l’isle de Cayenne, située à 4 degrés de latitude septentrionale, en la terre ferme de l’Amérique appelée vulgairement Guaian, Coste Sauvage, Royaume du roi doré, pais des Amazones, et aujourd’hui France Equinoctiale. A paris, chez Jacques Lagnet, sur le quai de la Mégisserie au Port l’Evêque. Bibliothèque nationale de France, Département des Estampes. 1665 – LEFEBVRE DE LA BARRE (A. seigneur de) : Isle de Cayenne. BnF, Cartes et Plans, Ge SH 18 pf. 164 div. 5, pièce 4 D. 1665 – LEFEBVRE DE LA BARRE (A. seigneur de): Carte Nouvelle de la France Equinoctiale. Faite et présentée à sa Majesté par le Sieur Le Fébure de la Barre son Lieutenant Général en ces Pays au mois de septembre 1665. 1667 – Anonyme : L’Isle de Cayenne occupée par Messieurs de la Compagnie des Indes occidentales sous la conduite de Monsieur de la Barre le 14e May 1664 […]. A paris, en l’isle du Palais au coin de la rue du harlay. A la Fontaine de Jouvence, chez Estienne Vouillemont, Graveur Ordinaire du Roy pour les cartes géographiques et autres tailles douces avec privilège de sa Majesté pour 10 ans. Carte gravée, échelle 1/130735. 54 x 39. Vincennes SHAT, 7 F 275. 1668 – GABRIELL JATTON : Carte manuscrite sur parchemin dessinée d’après les documents fournis par Robert Harcourt et ses capitaines qui venaient de faire l’exploration des côtes de la Guyane et de plusieurs rivières parmi lesqueslles l’Araguary. Musée Britannique. Cartes Manuscrites. N° 34240N. [Dossier

1725a JESSE DE FOREST  : Coupe de la côte de Guyane de la baie d’Oyapock à Sinnamary.

numérique ADG] 1677 – P. DU VAL : Coste de Guayane, autrement France Equinoxiale. Avec plan de l’Isle Cayene en vignette. […] autrement France Equinoctiale en la terre Ferme d’Amérique. Suivant les dernières Relations. Par P. Du Val Géographe du Roi. A Paris chez l’Auteur en l’Isle du Palais, sur le Quai de l’Horloge avec privilège du roi.

1725b JESSE DE FOREST : Wyapoko. 1725c JESSE DE FOREST  : Isle et riviere de Cayane.

1679 – GUILLAUME SANSON : Amérique méridionale…. [in Lézy, 2000 : 194]

1725d JESSE DE FOREST : Maruini.

1680 – GUILLAUME SANSON  : Le cours de la rivière des Amazones…. [in Lézy, 2000 : 194]

1729a – N. D’ANVILLE : Carte de la Guïane françoise ou du Gouvernement de Caïenne, depuis le Cap de Nord jusqu’à la Rivière de Maroni inclusivement par le Sieur D’Anville Géographe Ordinaire du Roi, septembre 1729. Bibliothèque nationale de France. Département Cartes et Plans.

1689-1691 – SAMUEL FRITZ (père) : Amazonas. Mention ms au bas de la carte origi­ nale : Jésuite allemand. Levée par lui en 1689 et 1691. Déposée le 27 Dec 1762 à la Bibliothèque du Roi pendant mon voyage d’Italie. La Condamine. [Dossier numérique ADG] 

1729b – N. D’ANVILLE : Carte de l’Isle de Caïenne et des Rivières voisines dans la quelle on a marqué nomément toutes les Habitations qui composent actuellement cette Colonie Françoise. Dressée sur une Carte ƒaite dans le pays, rectifiée et augmentée dans le détail sur les Mémoires de Mr. MILHAU Chevalier de l’Ordre de St. Michel. PAR LE Sr. D’ANVILLE géographe Ordre du Roi. Mars 1729. Bibliothèque nationale de France. Département Cartes et Plans.

1696 – De Ferrolles : Carte de Lisle de Cayenne. Partye de l’Amerique Méridionale. 1699 – De Ferrolles : Carte E [sic] l’Isle de Cayenne en l’Amérique méridionalle tirée exactement sur les lieux par Mr de Férolles Lieutenant pour le Roy de la Dite Isle & terre ferme en 1699. P. C.D.F. Echelle de 2 lieuës.

1730 – Carte du gouvernement de l’isle et terre ferme et colonie de Cayenne depuis l’Oyapock jusqu’à la rivière de Sinnamary, située par 4 degrés 50 min, nord à la coste de Guyane, par Gérard Hebert, 18 octobre 1730. Carte ms. Vincennes, SHAT, 7 F 62.

CARTES DU XVIIIe SIECLE 1703 – GUILLAUME DE L’ISLE [in Lézy, 2000 : 195]

1734 – N. SANSON  : Guiane divisée en Guiane et Caribane. Bibliothèque nationale de France. Département Cartes et Plans.

1705 – NICOLAS DE FER [in Lézy, 2000 : 195]

Vers 1735 – Anonyme : L’Amérique dressée sur les observations de Messieurs de l’Académie royale de Sciences et de Sanson, Nolin, du (sic) Fer de l’Isle et sur les mémoires les plus récentes et mis au jour. Amsterdam, Jean Covens et Corneille Nortier. Carte gravée, couleur, échelle. 1/15 000 000e, 170 x 135. NN 173/183.

1716 – HECTOR DAAGE : Carte du gouvernement de Cayenne avec le nombre des habitations où elles sont et le nom de qui elles appartiennent. Copie d’une carte de l’année 1716. Encre et aquarelle, échelle 5 lieues, 50 x 60. Vincennes, Service Historique de la Marine, Bibliothèque, Rec 71. 1717 – R. P. LOMBARD  : Cayenne représenté exactement dans touttes ses Rivieres criq & Habitations avec ses dehors. CAOM DFC Guyane, portefeuille 21 C, n°1.

1741 – Anonyme : Carte de la Goÿanne française depuis le fort de Baran et la rivière d’Yari jusqu’à Maroni où l’on voit les principaux établissemens des des François tant dans l’isle de Cayenne que dans la Terre ferme avec les noms des nations Indiennes qui l’habitent et les missions que les R.R.P.P. Jésuites y ont établies. 1741. Mention ms. : au dos de la carte origi­nale était écrit [tiré de l’inventaire des Jésuites] communiqué en mars 1763. Ms. couleur, sans échelle

Vers 1720 – GABARET DE LERONDIERE  : Carte du Gouvernement de Cayenne. Bibliothèque nationale de France, Département des cartes et Plans.

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Ministre et Secretaire d’Etat (…) le Departement de la Marine. Par le S. Bellin Ingénieur de la Marine. Censeur Royal de l’Académie de marine, et de la Société Royale de Londres. 1760. [Dossier numérique ADG] 

(1:1 450 000 environ) 38 x 47. CAOM. DFC Guyane, n° 64c. [La légende est traduite en Kali’na]. (insérée dans le recueil de cartes de Philippe Buache de 176264). 1741 – Anonyme : Copie d’une Carte Manuscrite de la Guiane drebée par les Jéƒuites en 1741 ; communiquée par M. Buache en 1787. Carte extraite de Monique Sarotte « le Contesté de l’Oyapoc » IGN, Paris, 1955. 

1761 – BITTEOW [in Lézy, 2000 : 206-207] : Carte de la Guyane française ou France Equinoxiale, Grand, beau et très fertile Pays de l’Amérique méridionale.

1741 – TUGNY : Poste et mission de Sinnamary. Plan de la Mission de Sinnamary (…), levé par Tugny, 1763. C.A.O.M. DFC Guyane, portefeuille 21B, n° 110.

1762a – JACQUES-NICOLAS BELLIN  : Carte des Costes de la Guyane Francoise. Côte de Kounou à Cunani.

1743 – PIERRE BARRERE : Carte depuis l’Amazone jusqu’à la Riviere de Marony aux Hollandois.

1762b – JACQUES-NICOLAS BELLIN : Entrée des Rivieres d’Ouyapoco et de Couripi. ADG.

1744 – CHARLES MARIE DE LA CONDAMINE  : Carte du cours du MARAGNON ou de la grande RIVIERE DES AMAZONES. Dans sa partie navigable depuis Jaen de Bracamoros jusqu’à son embouchure et qui comprend la province de QUITO et la côte de la GUIANE depuis le cap de Nord jusqu’à Essequebé. Levée en 1743 et 1744 et assujettie aux Observations Astronomiques par M. de la Condamine de l’Ac. Rle des Sc. Augmentée du cours de la Rivière Noire et d’autres détails tirés de divers Mémoires et Routiers manuscrits de voyageurs modernes. Copie sur la carte jointe à la relation du Voyage de l’Amérique Méridionale par M. de la Condamine.

1762c – JACQUES-NICOLAS BELLIN  : Carte de l’entrée de la rivière de Kourou. [Dossier numérique ADG] 1762d – JACQUES-NICOLAS BELLIN  : Carte de l’entrée de la rivière de Marony par le S. Bellin Ingr de la Marine, 1762. [Dossier numérique ADG] 1762 – ROBERT DE VAUGONDY  : Terre-Ferme Perou, Brésil, Pays de l’Amazone. Par le S. Robert de Vaugondy & c. Avec Privilège 1762. [Dossier numérique ADG] 1762-1764 – L. C BUACHE : Recueil de cartes géographiques de la Guyane et en particulier de la Françoise connue sous le nom de Cayenne, dressée par Philippe Buache, premier géographe de S. M , de l’académie royale des sciences, ci-devant hydrographe du Dépôt des cartes et plans de la Marine depuis son établissement en 1721 jusqu’en 1736. Le tout rédigé pour l’intelligence des premières et nouvelles relations de ces pays, comprenant d’ailleurs les côtes, cours et entrées principales des rivières, des isles, des ports, bancs, etc. levés géométriquement depuis le nouvel établissement fait dans cette colonie par les ordres du Roy sous le ministère de M. le duc de Choiseul. Vincennes - Service Historique de la Marine. Cote SH 350. Recueil 71 et S.H. 211. [Catalogue des manuscrits du dépôt des cartes et plans conservés à Vincennes (extrait du -). Service historique de la Marine].

1748 – N. d’ANVILLE : « Partie de l’Amérique méridionale publiée sous les auspices de Mgr le duc dOrléans.  » Atlas ou recueil de cartes des meilleurs auteurs. Paris, chez l’Auteur, aux Galeries du Louvre, 1748. Carte 24. Cote AN : E III 128. 1753 – BELLIN : Carte de l’Isle de Caienne et de ses environs. Par le Sr. Bellin Ingr de la Marine de la Société Royale de Londres, 1753. (Carte hollandaise) [Dossier numérique ADG] 1756 – Anonyme : Carte de l’embouchure de la rivière de Kourou prise sur un relevé géométrique du sieur Mente/le, Lieutenant d‘infanterie, géographe du roi. Ms couleur, 53 x 76. Vincennes, SHAT, 7 F 134. 1760 – THOMAS JEFFERYS : The Island and Colony of Cayenne. Subject to the French, on the continent of South America. 1760. By Thomas Jefferys, Geographer to this Royal Highness the Prince of Wales.

On lit au feuillet de titre : « La collection des matériaux géographiques qui ont servie à composer les cartes de ce recueil est un travail fait depuis 1762 jusqu’au mois de septembre 1764, dont l’exécution s’est faite sous les yeux de l’auteur par les Srs Louis-Charles et JeanNicolas Buache, ses parents ».

1760 – BELLIN : Carte réduite des Costes de la Guyane. Depuis la Rivière d’Orénoque jusqu’au cap de Nord à l’entrée de la Rivière des Amazones. Dressée au depost des Cartes et Plans de la Marine. Pour le Service des Vaisseaux du Roy. Par Ordre de M. Berryer

1. Carte physique du bassin terrestre de la Guyane entre l’Amazone et l’Orénoque. 178

2. Carte mathématique et de comparaison de différents plans géographiques tant manuscrits que gravés de la Guyane en général. 1764. Par Phil. Buache, ce 20 juillet.

réunion de ces deux rivières est relative aux différentes vues et projets géographiques exécutés de concert avec lMr le chevalier Turgot et M. de Bombarde…Le tout dressé par Mr Ph Buache…, 25 janvier 1764.

3. Carte des côtes et rivières de la Guyane entre l’Orénoque et l’Amazone. 1763.

16-19. Cours de la rivière d’Oyapocko, en trois feuilles. Communiqué par M. de Béhague en 1764. (cf. infra : cartes de Dessingy 1764 b, c et d).

4. Réduction de la carte des côtes de la Guyane entre Para et la rivière de Copenama, dont partie rédigée sur les observations de M. de la Condamine et l’autre sur celles de M. Lavaux, ingénieur. Exécutée par les soins de PH. Buache. 1764.

20-23. Cours de la rivière d’Aprouage…., levé par le Sr Dessigny, officier d’infanterie, ingénieur géographe du Roy, 1763…Le tout exécuté par les soins et sous les yeux de Phil Buache…, janvier 1764.

5. Carte des côtes de la Guyane depuis Para à l’embouchure de l’Amazone jusqu’à la rivière de Copenama dans la guyane hollandaise. On tient de M. de Béhague, qui a communiqué cette carte, en mai 1764, qu’elle a été rédigée par Mr Lavaux, capitaine de port à Cayenne.

24. Carte de l’Ile de Cayenne et de ses environs, rédigée par le Sr Baron, ingénieur du département de la Guyane, communiquée le 15 juin 1764 par M. de Behague, commandant.

6. Carte géographique de l’isle de Cayenne et ses environs. Septembre 1762. Dressée sur les observations estimées et les remarques de M. de Préfontaine, Capitaine d’infanterie. Par Louis Charles Buache sous les yeux de Philippe Buache, Premier géographe de sa Majesté. Présentée à Monseigneur le Duc de Choiseul. Par l’Auteur des Mémoires en septembre 1762. Échelles de 10 lieues.

25. Plan de la rivière d’Oüya,…exécutée sous les yeux de Phil. Buache, mars 1764. 26. Cours de la rivière d’Oüya…, exécutée d’après un ms. Au bureau géographique de Phil. Buache, en mars 1764. 27. Cours de la rivière de Kourou… Carte levée par le P. Geusse, missionnaire dans la Guyane et communiqué par Mr de Behague en juin 1764.

7. Carte des terrains aux environs et à l’occident de Cayenne, compris entre la rivière d’Aprougu et celle de maroni…, dressée le 2 février 1763 par Phil. Buache.

28. Cours de la rivière de Sinamaribo…, levé par le P. Geusse. 29. Entrée de la rivière de Sinamaribo…Plan levé en juillet 1763 par M. de Cléonard et communiqué en juin 1764 par M. de Béhague.

8. Carte du gouvernement de Cayenne avec le nombre des habitations, le lieu où elles sont situées et les noms des propriétaires…, juillet 1764.

30. Plan de l’entrée de la rivière Sinamaribo, levé le 22 novembre 1763 ; carte marine pour la route de l’embouchure de Kourou aux isles du Salut, carte marine de la situation des isles du Salut et des côtes comprises entre cayenne et la rivière de Kourou, communiquée le 26 juin 1764.

9. Carte de la Guiane françoise, depuis le fort de Baran et la rivière d’Yari jusqu’à Maroni. 1741. 10. Carte de la dépendance d’Oyapock jusqu’à la rivière des Amazones.

31. Plan des isles du Salut, fait par le Jh Duller, en mars 1764, commandant la flûte du Roy La Fortune.

11. Plan de la rivière de Conani, par Lavaud, en 1754…et communiqué par Mr de Béhague en juin 1764.

32. Vue des côtes de Cayenne, par M. Tugny, ingénieur géographe du Roy ; vue des Isles du Diable ou du Salut.

12. Carte des rivières d’Oyapocko et d’Approuague, extraite des deux cartes levées en 1762 et 1763 par Mr Dessingy. Cette

33. Projet de ville et fort : « un projet de Mr de

179

Préfontaine et de Mr Chanvalon, qui n’a esté communiqué à M le Chevalier Turgot qu’après le départ de Mr Préfontaine.

Officier réformé des Anciennes Troupes de la Colonie de Cayenne. Dessingy, 1763. DFC Guyane, portefeuille 21C, n°89 bis.

34. Projet de M. le Chevalier Turgot sur le même terrein que celuy de Mr Préfontaine, qui lui a été envoyé après son départ de Paris.

1763a – TUGNY : Plan de la Mission de Sinnamari distante de [ ?] de lieue de l’embouchure de la rivière de ce nom avec les 8 carbets construits par ordre de Mr le Commandant sous la conduite de Tugny ingénieur. Levé et dressé par Tugny le 18 octobre 1763. C.A.O.M. DFC Guyane, portefeuille 21 B, n° 110.

35-41. Plan des concessions de terrein dans la Guyane françoise. Projet dressé par Mr le baron de Besner, communiqué à M le Chevalier Turgot en janvier 1764.

1763b – TUGNY : Plan du cour de la rivière de Sinnamary depuis son embouchure jusqu’au [ ?] saut [?] dressé et relevé à la boussole et par estime le 31 octobre 1763 par Tugny, ingénieur. C.A.O.M. DFC Guyane, portefeuille 21 A, n° 111.

42-43. Plan de la 1ère [et 2ème] disposition relativement au projet des concessions de Cayenne par seigneuries, etc. Dressé en janvier 1764 par Phil. Buache, communiqué à M le Chevalier Turgot le 17 dudit mois.

1763-64 - Anonyme : Carte de la mission de recon­ naissance de M. de Préfontaine du cours du Sinamary depuis son embouchure jusqu‘au Saut de Sinamary. Juillet 1763-1764. Carte ms. couleur, échelle, 1/168371, 156 x 45. C.A.O.M., F3 289 n° 22.

44. Entrée de la rivière de Carraibo. Extrait des observations faites par M. de Clouard sur les criques Paracou et carraibo et sur les isles du Diable, communiquées par Mr son frère, le 15 septembre 1764.

Après 1763 – Anonyme : Carte de Sinamary et de ses environs. [Dossier numérique ADG]

1762 – J.-C. DESSINGY : Carte du cours de la riviere d’Oyapocko depuis le sault d’Ynéry jusqu’à son embouchure. CAOM DFC Guyane, carton 61, doc 94.

1764 (?) – Anonyme : Table des habitations situées entre la rivière de Sinnamary et celle de Hiracoubo.

Vers 1763 – J.-C. DESSINGY : Croquis de la région habitée du fleuve Oyapock. CAOM.

1764 (?) – Anonyme : habitations de la rivière de Kourou à celle de Sinnamary. C.A.O.M. DFC Guyane, carton 70, doc 983 (3).

1763 – Anonyme : Carte sans titre de la Rivière Sinamaribo, 1763 ; Cote BNF – DCP : Port. 164- Div. 2, Pièce 4.

1764 – Anonyme : Plan du camp de la nouvelle colonie de la Guyane française, situé sur la rive gauche de la rivière de Kourou, à 1/3 de lieue de son embouchure. 1764. Ce dessin est conforme à l’état où était ce camp lors de l’arrivée de M. le Chevalier de Turgot à Cayenne, en décembre 1764. Archives nationales, Paris. Carte ms., couleur, échelle 1/1395, 44 x 72. Colonies, C14 30 n°3.

1763 – BELLIN : Carte de la Guyane Françoise et l’Isle de Cayenne. Dressée au Dépost des Cartes et Plans de la Marine par ordre de M. le Duc de Choiseul Ministre de la Guerre et de la Marine. Par le S. Bellin, Ingénieur de la Marine, 1763. CAOM, portefeuille 21B, n° 106 bis.

1764 – BELLIN : Carte réduite pour la navigation de Cayenne à la Martinique. Dressée au dépost des cartes et Plans de la Marine. Pour le Service des Vaisseaux du Roy. Par ordre de M. le Duc De Choiseul Colonel Général des Suisses et Grisons, Ministre de la Guerre et de la Marine. Par le S. Bellin Ingénieur de la Marine et du Dépost des Plans Censeur Royal de l’Académie de la Marine et de la Société Royale de Londres. 1764. Carte de l’entrée de Cayenne en cartouche. [Dossier numérique ADG]

1763 – BETEOU  : Carte de la Guyane francoise ou France Equinoxiale. Grand, beau et très fertile Pays de l’Amerique Meridionale, située, entre la Riviere de Marauny et le Cap Nord, par M. Beteou ingenieur. Coll. part. 1763 – J.-C. DESSINGY : Carte de la Rivière d’Oyapocko levée géométriquement et dessinée sur les lieux depuis son Embouchure jusqu’au dela du Confluent de la rivière du Camoupi avec des Remarques sur les qualités des terreins relatives aux cultures auxquelles ils seroient propres. Présentée à Mgr. Le Duc de Choiseul par le Chver d’Audiffredy,

1764 – P. BOULONGNE  : Carte d’une partie des rivieres de Kourou et de Sinamary avec la côte de la mer comprise entre leurs Embouchures. Dressée par P. Boulongne Ingénieur Géographe du Roy. Pour servir 180

1765 – P. BOULONGNE  : Carte des Rivières de Kourou et de Sinnamari. Avec la partie de l‘Ance comprise entre leurs embouchures. Dressée par Boulongne en 1765. Sur laquelle on a ajouté les Etablissements faits depuis dans cette partie de la Guiane Françoise conformément au recensement fait par M. de Préfontaine, chevalier de l’ordre Royal et Militaire de St Louis, Lieutenant Colonel d’infanterie, en juillet 1772. Échelle de 12000 toises. CAOM – DFC Guyane, portefeuille 21B, n° 232 bis.

au voyage fait par M. de Préfontaine, commandant de la partie du Nord de la Guianne françoise en l’année 1764. Échelle de 6000 toises ou 1/86.400. SHAT : 7F135. 1764 – P. BOULONGNE et S. MENTELLE : Carte du cours de la riviere de Kourou depuis son embouchure jusqu’au premier saut avec les habitations qui ont étés [sic] tracées sur ses bors. Levée, tracée et dressée par Philippe Boulongne et Simon Mentelle, ingénieurs Géographes du Roi en 1764. (juillet 1765). CAOM DFC Guyane, portefeuille 21 A, n° 151.

Vers 1765 – J.-C. DESSINGY : Croquis de la région habitée du fleuve Oyapock.

1764a – B. de PRÉFONTAINE  : Voyage du Sieur de Préfontaine, commandant de la partie nord de la Guiane qui remonta le cours du Sinamary en 1763. Échelle 1/20 700. Dimensions: 1.520 x 0.385. Dessin à la plume aquarellée. Notice séparée: explication sur le voyage du dit Sieur. CAOM-FMSM : Col F3-289 n° 22

1766 – BRION : Guayane, Terre Ferme, Isles Antilles, et Nlle Espagne. Par M. Brion Ingr Géogr du Roi. A Paris Chés le S. Desnos Ingr Géog. Pour les Globes et Sphères rue S. Jacques au Globe, APDR 1766. [Dossier numérique ADG] 1766 – F. HAUMONT  : Carte de la côte entre les rivières de Macouria et Kourou. Levée par François Haumont, ingénieur géographe en 1766. CAOM – DFC Guyane, portefeuille 21A, n° 152.

1764b – B. de PRÉFONTAINE  : Carte-journal de l’exploration de la riviere Sinamarie, avec de nombreuses indications sur les travaux du Père Carnave, Neuvuis, Laveau, Préfontaine et le précis d’une lettre écrite de Sinamarie du 2octobre 1764. Échelle 1/20.700. Dimensions: 1.55 x 0.30. Dessin à la plume aquarellée. Cote SHM: Recueil 71.

1768 – J.-C. DESSINGY : Carte de l’entrée de la petite rivière de Cabassou dans l’île de Cayenne. Vincennes SHAT 7 F 63.

1764a – J.-C. DESSINGY : Carte d’vne partie de la Gviane. Extraite des observations faites en 1762, 1763 et 1764. CAOM - DFC: portefeuille 21A, n° 115.

1768 – SIMON MENTELLE  : Carte geographique du voyage fait par Mrs Brisson de beaulieu et Mentelle dans l’intérieur de la Guiane française par ordre de Monsieur le Gouverneur, dans les mois de mars, avril, mai et juin 1767. 1:300 000 environ, Cartothèque I.G.N. : a - N° 4 : Partie Nord-Ouest. Côte du Maroni à Kourou. b - N° 4 : Partie Nord-Est. Côte de Kourou à la Pointe Béhague. c - N° 4 : Partie Sud-Est. Oyapock et bas Approuague. d -N° 4 : Partie Sud-Ouest. Maroni.

1764b – J.-C. DESSINGY : Cours de l’Approuague, 1ème feuille. 1:60 000e environ. Cartothèque I.G.N. (insérée dans le recueil de cartes de Philippe Buache de 1762-64). 1764c – J.-C. DESSINGY : Cours de l’Approuague, 2ème feuille. 1:60 000e environ. Cartothèque I.G.N. (insérée dans le recueil de cartes de Philippe Buache de 1762-64).

1770a – J.-C. DESSINGY : Cours de la rivière de Sinamary, depuis le saut de Roüaoübo jusqu’à son embouchure. Feuille 1, entre l’embouchure du Sinnamary et la crique Aïmara, 1770. Cote CAOMDFC : portefeuille 21, A 186.

1764d – J.-C. DESSINGY : Cours de l’Approuague, 3ème feuille. 1:60 000e environ. Cartothèque I.G.N. (insérée dans le recueil de cartes de Philippe Buache de 1762-64).

1770b – J.-C. DESSINGY : Cours de la rivière de Sinamary, depuis le saut de Roüaoübo jusqu’à son embouchure. Feuille 2, entre la crique Aïmara et le saut Rouaoubo, 1770. BNF-DCP: Port 164, Div.2, Pièce 8.

1764 – DULER : Plan des Iles au Diable nommées actuellement Iles du Salut. CAOM – DFC Guyane, portefeuille 21C, n° 134. 1764 – P. GEUSSE : Carte de la rivière de Sinamarib. Ce cours de rivière a été levé par le père Geusse, missionnaire dans la Guyane et communiquée à M. de Behague. Carte irrégulière de 1m05 de long. Echelle de 6000 pas géométriques. Cote SHM: S. H 211.

1770c – J.-C. DESSINGY : Reconnoissance faite en 1770 entre les rivières de la Comté et de Sinamary. Feuille 3, entre la Comté et le Sinnamary en aval de saut Rouaoubo, janvier et mai 1770. (1:50 000 environ). DFC Guyane 185. 181

1770-71 – J.-C. DESSINGY : Carte topographique de l’isle de Cayenne avec le cours des rivières et des criques navigables qui l’envi­ronnent, levée par Dessingy, capitaine d’infanterie au service des colonies et ingénieur géo­graphe des camps et armées du roi. 1770-1771. La carte a pour objet la connaissan­ce des rivières et criques navigables tant dans l’intérieur que dans les environs de l’île sur le continent : mais encore les établissement qui y étaient formés à cette époque. Carte ms., échelle 1/43 200, 178 x 116. Vincennes SHAT, 7F 37.

1778 – SIMON MENTELLE  : Carte de la Guiane françoise dressée à Cayenne par ordre du Gouvernement. 1:1 000 000 environ. Arch. Nat. Section Outre-Mer.

1770-71 – J.-C. DESSINGY : Carte topographique de l’isle de Cayenne avec le cours des rivières et des criques navigables qui l’envi­ ronnent, levée parMr. Dessingy ingénieur du Roi en 1770 et 1771. Mention ms. : Présenté au Dépôt des Fortifications et des Colonies en 1829. [Dossier numérique ADG] 

1780a – ANTOINE HAUMONT : Carte d’une partie de la Rivière de Maroni. 1:90 000 environ, Cartothèque IGN.

1779 – SIMON MENTELLE  : Extrait reduit de la carte des voyages de M. Brodel, contenant le cours de l’Approuague et la Communication du haut de cette Rivière dans Oyapock en partie par les Rivières de Koura et Sikni et en partie par terre suivie en 1770. 1:170 000 environ, Cartothèque IGN.

1780b – ANTOINE HAUMONT  : Carte d’une partie de la Rivière de Maroni. 1:100 000 environ, Cartothèque IGN.

1772a – P. BOULONGNE  : Carte des Rivières de Kourou et de Sinnamari avec les parties de l’ance comprise entre leurs embouchures. Dressée par phil. Boulongne en 1765 sur la quelle on a ajouté les établissements fait dans cette partie de la Guianne Françoise, conformément au recensement fait par Mr de Préfontaine, Chevalier de l’Ordre Royal et Militaire de St. Louis Lieutenant Colonel d’infanterie en juillet 1772. L’original de cette carte est dans le cabinet de Mr de Préfontaine. 1:300 000 environ, C.A.O.M. DFC Guyane, portefeuille 21B, n° 203.

1782 – R. BONNE : La Guyane françoise avec partie de la Guyane hollandaise suivant les opérations et les cartes récentes des ingénieurs Géographes François. Par M. Bonne, Ingénieur-Hydrographe de la marine, 1782. ADG. 1782 – I. F. F. WOLLANT : Generale Kaart van Een Gedeelte van de Kuste van’t Land van Guina in Suidamerica. 2 feuilles, 1/200 000 environ. Cartothèque IGN.

1772b – P. BOULONGNE  : Carte des Rivières de Kourou et de Sinnamari avec les parties de l’ance comprise entre leurs embouchures. Dressée par phil. Boulongne en 1765 sur la quelle on a ajouté les établissements fait dans cette partie de la Guianne Françoise, conformément au recensement fait par Mr de Préfontaine, Chevalier de l’Ordre Royal et Militaire de St. Louis Lieutenant Colonel d’infanterie en juillet 1772. 1:300 000 environ, cartothèque IGN.

1783 – SIMON MENTELLE  : Carte de la Guyane françoise. 1:3 000 000 environ, Cartothèque IGN. 1783 – L. S. DE LA ROCHETTE  : The Coast of Guyana. From the Oroonoko to the River of Amazons and the Inland Parts as far have been explored by the French & Dutch Engineers with the Islands of Barbadoes Tobago &ca From the Observations of Captain Edward Thompson made in the Hyaena in the year 1781, when he commanded in the Rivers Berbice, Efsequibo and Demerari, and Governed those Colonies after their Conquest from the Dutch. By L. S. De la Rochette 1783. [Dossier numérique ADG]

1772 – J.-C. DESSINGY : Reduction de la Partie de la Côte entre Sinamary et Marony. 1:150 000 environ, Cartothèque IGN. 1775 (?) – BONNE : Nouveau Royaume de Grenade, nouvelle Andalousie, et Guyane. Par M. Bonne, IngenrHydrographe de la Marine. [Dossier numérique ADG]

1788 – Anonyme : Carte de la Guiane françoise dressée d’après plusieurs novelles reconnoissances. 1: 780 000 environ, Cartothèque IGN.

1777 – SIMON MENTELLE : Carte d’une partie du Maroni Nommé par les Hollandois de Surinam La Marweine. 1: 200 000 environ, Cartothèque IGN.

1788 – A. CHAPEL : Carte minéralogique d’un voyage fait dans la Guiane françoise sur les bords de Sinnamari. Par M. Chapel, sous-inspecteur des Mines, en octobre, novembre, décembre 1788. Échelle de 8000 toises. Cote CAOM : F3 294, carte n° 22.

1778 – Partie du fleuve d’Oyapock, réduction faite d’après la carte de M. Brodel. 1:150 000 environ, Cartothèque IGN.

182

Fin 18 e s. – LA ROCHE : Carte sans titre datée de la fin du XVIIIe s. Cote BNF - DCP : Port. 164 - Div. 2, Pièce 4.

1789 – J.-B. LEBLOND  : Carte GéographoMinéralogique. Dressée sur les relevés pris et les latitudes observées par M. J.B. Leblond, médecin pensionnaire du Roi, correspondant à l’Académie royale des Sciences, de la Société royale d’Agriculture de Paris, de celle de Médecine et du Cabinet du Roi, commissionné par sa Majesté pour la découverte du Quinquina dans la Guiane françoise pendant son premier voyage commencé le 24 juillet 1787 et fini le 3 janvier 1788. Fait par J.B. Terray, dessinateur au dépôt des cartes de la Guiane françoise. Échelle au 1/432 000. SHAT, n° 7F41.

CARTES DU XIXe SIECLE 1814 – J.-B. LEBLOND  : Carte géographicogéologique de la Guyane française ; dressée sur les relevés de M. Leblond, Médecin Naturaliste, Pensionnaire de SM Louis XVI. Correspondant de l’Académie et de l’Institut et par Poirson, Ingénieur Géographe. ADG.

1790 – H. BARDE : Carte de la Riviere Marawine. 1:150 000 environ, IGN.

1814 – POIRSON  : Carte géographo-géologique de la Guyane française d’après M. Leblond, reprise par Poirson, ingénieur-géographe, 1814. Dépôt des cartes de la Marine / CAOM DFC Guyane, portefeuille 21 B, n° 106 bis.

1790 – HENEMAN : Kaart Van de Expeditie naa de Rivier MARAWYNE en derzelver DISTRICTEN. 1:230 000 environ, Cartothèque IGN.

1820 – AUGUSTE VAILLANT : Plan de la partie du Maroni comprise entre l’embouchure et le premier saut. 1:100 000 environ, Cartothèque IGN.

1762 – ROBERT DE VAUGONDY  : L’Amérique. Par Robert de Vaugondy Géog ? Corrigée par le Cen Lamarche Géog ? Successeur de Vaugondy. L’An IIIe de la République Française. [Dossier numérique ADG]

1820 – GRESSIER : Plan de l’embouchure de la rivière de Cayenne et des mouillages extérieurs. Levé en mars 1820, dans la campagne de la Corvette « La Bayadère » et du Brick « Le Favori », par MM. Gressier Ingénieur Hydrographe de la Marine et les Officiers du Brick, sous les Ordres et la Direction de M. le Baron Roussin capitaine de Vaisseau, officier de la Légion d’Honneur, Chevalier de St. Louis et de St. Wolodimir de Russie. Chef de l’Expédition. Publié par Ordre du Roi sous le Ministère de Son Excellence M. le Marquis de Clermont-Tonnerre. Pair de France, Secrétaire d’Etat au Département de la Marine et des Colonies. Au Dépôt-général de la Marine. 1822. [Dossier numérique ADG]

1796 – W. HEATHER : A Neuw Chart of Guyana with the colonies of Cayenne, Surinam. 1:2 200 000 environ, Cartothèque IGN. 1 797 – N. BUACHE : Carte générale de la Guyane. 1:3 400 000 environ, d’après une planche gravée, Cartothèque IGN. 1798 – N. BUACHE : Carte générale de la Guiane. Dressée d’après les observations les plus récentes pour servir aux recherches à faire dans cette partie intéressante et encore peu connue de l’Amérique et à l’intelligence des diverses relations qui ont été publiées jusqu’à ce jour. Par N. Buache, membre de l’Institut National. L’An VI de la République.

1823 – GATIER : Carte du cours de la Mana dressée par Mr Gatier, enseigne de vaisseau. 1823. 1 :180 000e environ. Cartothèque IGN.

1798 – DALENCOUR : Carte de la Guyane Française et l’Isle de Cayenne. Dressée et Gravée par Dalencour. L’An VI de la République.

1823 – Anonyme : Développement d’un premier voyage fait par monsieur le Baron Milius, Gouverneur de la Guyane pour en reconnaître les différentes rivières et visiter les habitations établies sur leurs bords. 1823. [Dossier numérique ADG]

1799 – S. MENTELLE : Extrait réduit de la carte des voyages de M. Brodel contenant le cours d’Approuague et la communication du haut de cette rivière dans Oyapock en partie par les rivières de Koura et de Sikni et en partie par terre suivie en 1770. Sur lequel extrait on a marqué les marches et les séjours de l’auteur d’après son journal. Dressé à Cayenne par ordre de Mr le Gouverneur au Dépôt des Cartes et Plans de la Colonie par Simon Mentelle Cape d’infanterie dans les troupes des colonies Garde du dépôt des Cartes de Cayenne et ancien Ingénieur géographe juillet 1779. Cartothèque IGN, 1 :170 000e environ.

1837 – Anonyme : [carte du bas Oyapock] CAOM DFC Guyane, carton 227, document 43. 1843 – Anonyme : Carte de la Guyane d’après les termes du traité d’Utrecht. (…) Publiée par la Société d’étude pour la colonisation de la Guyane Française. 1843 (avec un état comparé des Guyanes française, hollandaise et anglaise). [Dossier numérique ADG] 183

1846 – TARDY DE MONTRAVEL  : Carte réduite des côtes des Guyanes, depuis l’Ile de Maraca jusqu’à la rivière de Demerari ; Levée et dressée en 1844 par MM. Tardy de Montravel, Lieutenant de Vaisseau, Commandant le Brick « La Boulonnaise » ; Dujardin, lieutenant de Vaisseau, Le Serree, Fleuriot de Langle et desmoulins Enseignes de Vaisseau. Publié par Ordre de Roi sous le ministère de M. le Baron de Mackau. Vice Amiral, Pair de France, Secrétaire d’Etat au Département de la Marine et des Colonies. Au Dépôtgénéral de la Marine en 1846. [Dossier numérique ADG]

1877 – A. VIVET : Carte au 1/397 000 de la Guyane française. Couvent Saint-Joseph à Cayenne. Cote CAOM-MFOM : carte 62 1878 – L. EUTROPE : Carte géographico-géologique de la Guyane française au 1/400 000 dressée d’après des reconnaissances et observations faites de 1867 et 1878 par le bureau du cadastre de Cayenne. Dirigée par M. L. Eutrope, géomètre du Gouvernement. Paris: lmpr. Erhard, 1878. Cote CAOM: GUY19 et 2PL00288. 1882a – J. MINIER : Rivière de Sinnamari. Levée en 1879 par M. J. Minier. Lieutenant de Vaisseau. Dépôt des Cartes et Plans de la Marine. 1882.

1847a – CHARRIERE : Carte de la côte entre la rivière de Cayenne et l’Approuague. Levé par Charrière, 1847. CAOM DFC Guyane, carton 70, document 984 (feuilles 1 et 2).

1882b – J. MINIER : Abords de la rivière de Sinnamari de la Roche Pauline à l’Ile Verte. Levée en 1879 par M. J. Minier, Lieutenant de Vaisseau. Dépôt des Cartes et Plans de la Marine. 1882.

1847b – CHARRIERE : [Carte du bas Oyapock et bas Approuague] 8 juin 1847. CAOM DFC Guyane, carton 70, document 984.

1883 – H. I. CHESSÉ : Carte de la Guyane française dressée d’après les documents les plus dignes de foi trouvées aux archives du Gouvernement. Par ordre et sous la direction de M. I. CHESSÉ, Gouverneur, 1883. Échelle au 1/100 000. Sur papier toilée. Cote CAOM: carton 229, n°275.

1847c – CHARRIERE : Carte de la côte entre la rivière de Cayenne et la rivière Mana. Levé par Charrière, 1847. C.A.O.M. DFC Guyane, carton 70, document 983 (feuilles 1, 2 et 3). 1862 – VIDAL : Carte géographique du fleuve Maroni et de ses affluents, Awa et Tapanahoni. Levée et dressée par Mr Vidal, Lieutenant de Veau. 1862. [Dossier numérique ADG]

1886 – Anonyme : Carte de la Guyane française dressée par le service du cadastre; en date du 30 septembre 1886. 1 feuille en couleur. Echelle: 1/400 000. Cote CAOM: GUY 29.

1865 – COUY : Plan du Fleuve Oyapock, depuis son embouchure, jusqu’au pénitencier de Saint-Georges. Levé en 1861-1862 par MM. Couy, Enseigne de Vaisseau, de Mouchy, Aspirant, par ordre de Mr. Tardy de Montravel, Gouverneur de la Guyane Française, 1865. Dépôt des cartes et plans de la Marine.

1892 – J. HANSEN : Guyane française au 1/1 250 000 d’après les plus récentes Explorations. Dessinée par J. Hansen; publiée par la Société de Géographie, 1892. ADG. 1892 – H. COUDREAU : Carte de la Guyane française. Service du sous-secrétariat d’Etat des colonies, 1892. Échelle au 1/625 000. Cote CAOM : GUY. 15.

1866 – GRESSIER : Plan des sondes devant la rivière de Cayenne. Prises en 1866 par Mr Mouchez, Capitaine de Frégate, assisté des Officiers du « Lamotte Piquet » et placés sur le plan de l’embouchure de cette rivière. Levé en 1866 par Mr Gressier, Ingénieur Hydrographe de la Marine sous les Ordres de M. le Baron. Publié par Ordre de l’Empereur sous le Ministère de Son Excellence M. le Marquis Chasseloup-Laubat. Sénateur, Secrétaire d’Etat au Département de la Marine et des Colonies. Au Dépôt-général de la Marine. 1866. [Dossier numérique ADG]

1899 – Anonyme : Ilets du Fl. Maroni du Saut Hermina à l’embouchure de l’Abounamy. Octobre 1899. [Dossier numérique ADG] CARTES SANS DATE s.d. – Plan tiré du 2e voyage de Guaither Ralegh en Gujane l’an 1596, du retour des Anglais de leur premier voyage en Gujane l’an 1595, extrait des papiers de Guillaume de 1’Isle. Archives nationales, Paris, dessin à la plume, 31 x 39. 6 JJ 75, 305.

1874 – Carte de la Guyane française, avec ses divisions, ses cours d’eau et les concessions aurifères, au 1/4000. Service des mines de la Guyane. Lithographie. Paris: Libr. A. Chaix & Cie, 1874. Cote CAOM : 2PL00268.

184

s.d. 1664-1672 – Carte de l’Isle Cayenne située à 5 degrés de latitude Septentrionale, en la Terre-Ferme de l’Amérique appelée vulgairement Güaiane, Coste sauvage Roïaume du Roy doré, pais des Amazones et aujourd’hui France Equinoctiale. Paris, chez Jacques Lagniet.

s.d. (18e s. ?) – J.G. STEDMAN : Carte de la Guiane. [Dossier numérique ADG]

s.d. (17e s. ?) – Anonyme : Pays des Caribes et Guiane. [Dossier numérique ADG]

s.d. – DESSINGY ? : Carte du cours de la rivière d’Approuague depuis le saut de maparou jusqu’à son embouchure.

s.d. – Carte de la Guyane Française. Lrie Abel Pilon & Cie. A. Le Vasseur gendre et successeur. Editeur rue de Fleurus, 33, Paris.

s.d. (17e s. ?) – Anonyme : Isle de Cayenne. [Dossier numérique ADG]

s.d. – DESSINGY ? : Carte du cours de la rivière d’Approuague depuis le sault de maparou jusqu’à son embouchure avec [  ?] des Rivières de Marony, Courouay, Caux et la partie de la Coste comprise entre la Rivière d’Approuague et celle de Mahury. CAOM DFC Guyane, carton 61, doc 101, sans nom, 18° s.

s.d. (17e s. ?) – Anonyme : Carte depuis l’Amazone jusqu’à la rivière de Marony aux Hollandois. [Dossier numérique ADG] s.d. – Anonyme : Guajana ou le Pays des Amazones dans la partie méridionale de l’Amérique, suivant les Mémoires de ceux qui en fait la découverte, et rectifié sur les observations des voyageurs modernes, et tout récemment donné au Public par pierre Vander AA, à Amsterdam chez J. Covens et C. Mortier.

s.d. – POIROT DE SCELLIER  : Carte de la rivière d’Oyapock. Depuis le premier saut jusqu’à l’Ilet aux Biches par Poirot de Scellier, Sous-Lieutenant d’Infanterie de Marine. s.d. (19e s. ?) – LE VASSEUR, A. : Carte de la Guyane française. Lrie Abel Pilon & Cie, Paris.

s.d. (18 s.) – Anonyme : Carte de l’Isle de Cayenne. [Dossier numérique ADG] e

s.d. (19e s. après 1817) -– Anonyme : Carte géographique, statistique et historique de la Guyane. [Dossier numérique ADG]

s.d. (18e s.) – NICOLAS BUACHE & SIMON MENTELLE : Carte des colonies Française et Hollandaise de la Guyane. Dressée d’après les cartes de N. Buache et de S. Mentelle Capitaine d’Infanterie, garde du Dépôt des cartes et Plans de la Colonie de Cayenne, ancien Ing.r géographe. Publiée par E. Mentelle Membre de l’Institut National. Et P.G. Chanlaire, l’un des Auteurs de l’Atlas Nat.l A Paris, chez les Auteurs. [Dossier numérique ADG]

s.d. – A.I. CARPENTIER : Carte géographogéologique de la Guyane française et du pays contesté qui s’étend de la rive droite de l’Oyapock à la rive gauche de l’Amazone. Corrigée d’après les travaux hydrographiques de M. Carpentier, Lieutenant de vaisseau. S.d. Cote CAOM: 1PLOO2O1.

s.d. (18e s.) – Anonyme : Carte de la Guyane pour servir à l’Histoire générale des voyages. Tiré de la carte de l’Amérique de M. Danville. [Dossier numérique ADG]

s.d. – Anonyme : Carte de l’Amérique méridionale. Pour l’Histoire générale des Voyages in 8°. [Dossier numérique ADG]

s.d. – Plaine de quatre lieues en quar­ré contenant soixante quatre seigneuries, ou trente et deux baronnies qui forment 64 vil­lages. Archives nationales, Paris, carte ms. couleur, échelle 1/107 290, 28, 5 x 42,5. Colonies, C14 28 n°310.

s.d. – A DE SAINT QUANTIN : Esquisse ou Croquis d’une carte d’ensemble des Guyanes et de la partie septentrionale du Bassin de la Rivière des Amazones à l’appui du mémoire sur les limites de la Guyane avec le Brésil par A. de St. Quantin Chef de Bon du Génie. [Dossier numérique ADG]

s.d. – Carte ancienne de la côte du Maroni à l’Amazone et le cours de l’Amazone jusqu’au rio Negro. Sans titre, 1: 5 600 000 environ, Cartothèque IGN. s.d. (fin 18e s.) – Le cours de Sinamari. Échelle de 6000 toises par Géométrie. S.d. Tiré des Archives du Gouvemement Cote BNF - DCP : Port. 164, Div. 2, Pièce 2-D.

185

Pays des Caribes et Guiane (Manesson Mallet 1683)

186

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