Blockchain pour l'énergie - Principes et mise en oeuvre dans la ville du futur: Applications et mise en oeuvre 2100776754, 9782100776757

Apparue en 2008 avec la monnaie numérique bitcoin, la blockchain est une technologie de stockage et de transmission d�

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Blockchain pour l'énergie - Principes et mise en oeuvre dans la ville du futur: Applications et mise en oeuvre
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Table of contents :
C
Préface
Remerciements
Table des matières
Introduction générale
1 Les principes et enjeux de la blockchain
2 Les technologies blockchain
3 La blockchain et l’énergie dans la ville
4 Études de cas
Conclusion générale
Abréviations
Glossaire
Bibliographie/webographie
Crédits iconographiques
Index

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Blockchain pour l’énergie

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Karim Beddiar Fabien Imbault

Blockchain pour l’énergie Applications et mise en œuvre dans la ville du futur

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Illustration de couverture : © Wenjie Dong/iStock

© Dunod, 2018 11 rue Paul Bert, 92240 Malakoff www.dunod.com ISBN 978-2-10-077675-7

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Préface

Pression démographique, métropolisation, vieillissement de la population, révolution des usages insufflée par les innovations technologiques et digitales… La ville connaît des mutations profondes qui redessinent les contours de l’expérience urbaine. D’ici 2050, 67 % de la population mondiale vivra en ville. Face à cette métropolisation du monde, se dressent des défis tant sociaux qu’environnementaux, mais aussi de mobilité et de qualité de vie en ville. Pour concevoir des solutions urbaines durables et harmonieuses, je suis convaincu que la bonne échelle de réflexion et d’action est celle des quartiers – vecteurs de vie, de mixité et de dialogue.

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Pour accompagner cette transformation inéluctable des villes, le domaine de l’énergie va devoir s’adapter à la demande des clients, plus exigeants en matière d’empreinte carbone. Il devra également suivre les évolutions attendues du marché, avec l’ouverture à la concurrence des réseaux d’énergie en Europe, concomitante avec l’arrivée de nouveaux systèmes de gestion décentralisés (smartgrids). Le temps est venu pour les aménageurs urbains de favoriser l’émergence d’un nouveau modèle énergétique urbain durable. À ce titre, l’autoconsommation collective à la maille d’un quartier permettrait sans doute de développer un nouvel écosystème urbain qui réduirait la consommation de ces îlots urbains, encouragerait la production locale d’énergies renouvelables autoconsommées localement et abaisserait les coûts d’investissement dans les infrastructures de réseau. Apparue dans le secteur financier, la technologie blockchain apparaît comme une solution adaptée à cet enjeu et ouvre vraisemblablement de nouvelles perspectives dans le domaine de l’énergie, susceptibles de générer d’importantes économies. En effet, la blockchain offre une structure idéale pour organiser des transactions instantanées, sécurisées et transparentes au sein d’une communauté d’utilisateurs : elle constitue sans doute le tremplin qui manquait pour permettre l’essor des smartgrids d’énergie propre. V

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Blockchain pour l’énergie

Même si la blockchain est annoncée par certains comme un changement aussi important que l’apparition des ordinateurs dans les entreprises dans les entreprises il y a 60 ans, il faut raison garder et valider, dès à présent, sa pertinence dans des expérimentations, afin de lever les freins inhérents à ces nouveaux modèles : technologiques, adaptations réglementaires et modèles économiques innovants. Bouygues immobilier a toujours été un pionnier sur les technologies de rupture qui apportent de la valeur d’usage à nos clients  : bâtiments à énergie positive (Green Office) avec 10 ans d’avance sur la réglementation, premier smartgrid (IssyGrid) opérationnel en France, premier promoteur à généraliser la maquette numérique (BIM) sur tous ses projets, premier promoteur à livrer la totalité de ses logements connectés… C’est la raison pour laquelle nous avons lancé une expérimentation blockchain (décrite dans cet ouvrage), sur le territoire de la Métropole du Grand Lyon, au sein d’un consortium « Eureka Confluence », regroupant la collectivité territoriale, des industriels référents, des startups spécialisées et des consommateurs. Seuls, nous n’aurions pas cette même force d’innovation. Je vous encourage à lire, comme moi, cet ouvrage qui apporte toutes les clés de compréhension sur la technologie de la blockchain, qui pourrait contribuer à faire émerger de nouveaux modèles économiques, donc de nouveaux emplois, en particulier dans le domaine de l’énergie urbaine, enjeu majeur des prochaines années. Bonne lecture ! Christian Grellier, directeur Innovation, Groupe Bouygues Immobilier

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Remerciements

Cet ouvrage est le fruit de plusieurs mois de recherches sur un sujet émergent et complexe. Nous tenons d’abord à remercier le CESI, en particulier sa direction générale et celle de la région Ouest pour leur soutien et leurs encouragements. Merci à Monsieur Christian Grellier, directeur Innovation du Groupe Bouygues Immobilier d’avoir accepté de préfacer cet ouvrage. Merci aux entreprises ayant accepté de nous fournir des études de cas et des illustrations, parmi elles : Bouygues immobilier, Solcrypto, Lutecium…

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Enfin, nous souhaitons particulièrement remercier nos familles pour leur patience et leur compréhension.

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Table des matières

Préface V Remerciements VII Introduction générale 1 Les principes et enjeux de la blockchain

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1.1 Qu’est-ce que la blockchain ?

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1.2 Défis et enjeux

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1.3 Les acteurs et les logiques de l’écosystème blockchain

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1.4 L’impact sur les business models

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2 Les technologies blockchain

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2.1 Les briques de base

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2.2 Les smart contracts, les DApp et les Oracles

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2.3 Confidentialité et sécurité des données

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2.4 L’interopérabilité

99

2.5 Les frameworks

103

2.6 Les standards et la propriété intellectuelle

110

2.7 Limitations et perspectives

117

2.8 Conclusion

121

3 La blockchain et l’énergie dans la ville 

123

3.1 Le green IT : la blockchain est-elle efficace d’un point de vue énergétique ?

123

3.2 L a blockchain et la performance énergétique dans la ville

124

3.3 La blockchain et le BIM dans la construction

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3.4 Conclusion

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Blockchain pour l’énergie

4 Études de cas

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4.1 Le microgrid de Brooklyn

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4.2 Le solarcoin, une cryptomonnaie pour l’énergie solaire

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4.3 É  coquartier Confluence : un cas d’usage de la blockchain dans les microgrids

178

4.4 BIMCHAIN.io  : solution de confiance du BIM grâce à la blockchain

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Conclusion générale 193 Abréviations197 Glossaire199 Bibliographie/webographie209 Crédits iconographiques 219 Index221

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Introduction générale

Les grandes révolutions économiques interviennent toujours à la convergence de deux phénomènes : d’une part l’émergence d’une source d’énergie et d’autre part une révolution des modes de communication. Au xixe siècle, la machine à vapeur a transformé l’imprimerie et la prolifération de l’imprimé a permis l’instauration de l’éducation publique. Au xxe, l’électricité, le téléphone, la radio et la télévision ont donné naissance à la société de consommation. Mais via des systèmes très centralisés. Aujourd’hui, avec Internet et les énergies renouvelables, nous vivons la troisième révolution industrielle théorisée par Jeremy Rifkin (2016). Cette révolution découle d’une convergence des technologies de la communication et des énergies renouvelables, qui permet celle de la communication distribuée (avec par exemple les technologies sans fil) et des formes d’énergies distribuées (comme les microcentrales en réseau qui fonctionnent grâce aux smart grids).

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Le développement de l’Internet des objets dans le secteur énergétique se fait autour de trois axes impliquant chacun tout un écosystème industriel et technologique : (i) les objets physiques, (ii) la connectivité et (iii) le traitement des données. La croissance de l’Internet des objets dans le secteur énergétique se fait au rythme soutenu des évolutions technologiques. La blockchain fait partie de ces grandes innovations de rupture majeure de notre époque. Elle est davantage sociétale que technologique et peut à cet égard être comparée à l’arrivée d’Internet, car elle permet de faire émerger des usages et des modèles économiques innovants, notamment dans le domaine énergétique. Mais cette technologie reste encore alambiquée et loin d’être adoptée par le public. Il convient par conséquent de la rendre plus accessible avant de mettre en exergue ses nombreux bénéfices. Et c’est l’ambition de cet ouvrage : dans ce domaine complexe et balbutiant, nous avons essayé de définir avec pédagogie les concepts de la blockchain et d’en expliquer le fonctionnement en ciblant l’application dans le domaine énergétique.

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Blockchain pour l’énergie

Ce travail pourra servir de point d’appui méthodologique pour les différents acteurs industriels qui s’intéressent de près ou de loin à la blockchain. Il servira également aux acteurs de la formation  : enseignants, formateurs et étudiants. Cet ouvrage est construit en quatre parties complémentaires : ▶▶ Le premier chapitre introduit la blockchain, définit les concepts et explicite son écosystème et ses domaines d’utilisation. ▶▶ Le deuxième chapitre, à visée technique et technologique, a pour objectif d’expliquer les briques de base de la blockchain (structures des données, outils cryptographiques, réseau…). ▶▶ Le troisième chapitre explore l’utilisation de la blockchain comme outil de gestion énergétique dans la construction. Il traite du développement de l’autoconsommation, de la décentralisation de l’énergie et du rôle de la blockchain dans la certification de la qualité de service d’exploitation des ­microgrids énergétiques. Plusieurs exemples sont dressés et commentés. ▶▶ Enfin, le quatrième chapitre est consacré à la présentation de cas réels et d’applications de cette technologie. Ces études de cas sont décrites sous diverses facettes. Un zoom particulier est fait sur les volets énergétiques. L’objectif de ce dernier chapitre est de montrer l’étendue de l’utilisation de la blockchain sur le terrain et de donner un aperçu de la grande variété des projets et des enjeux actuels auxquels elle est liée. La blockchain représente de nombreux avantages, parmi lesquels sécurité, transparence, disponibilité et déclinaison en multitude de cas d’usage. Elle permet d’optimiser les processus et de réduire les coûts de gestion pour mieux servir le client final. Dans le domaine énergétique, on compte aujourd’hui plusieurs dizaines d’expérimentations dont la plus médiatique est celle d’échange d’électricité photovoltaïque entre habitants de President Street, à Brooklyn, aux États-Unis. La blockchain représente un enjeu d’avenir, un objet d’innovation et de progrès formidable. C’est une technologie puissante au service du citoyen et de la ville de demain. C’est, en somme, une des solutions permettant de réussir la mutation numérique que traverse notre société. Notre objectif dans cet ouvrage est de mieux vous faire comprendre cette révolution en cours. Nous ne traitons pas des aspects de programmation informatique relatifs à la blockchain, pour lesquels le lecteur pourra se reporter à d’autres XII

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Introduction générale

sources complémentaires. Nous avons pour ambition de donner aux potentiels utilisateurs de la blockchain une grille de lecture la plus complète possible leur permettant d’appréhender les concepts et la réalité d’utilisation de cette puissante technologie dans leur vie quotidienne et leurs projets en ciblant le volet énergétique.

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Enfin, la blockchain étant une technologie balbutiante, la littérature, principalement anglophone, est riche avec des éclairages différents qui peuvent sembler parfois contradictoires sur certains aspects. Le lecteur souhaitant aller plus loin trouvera une bibliographique assez complète à la fin de cette ouvrage.

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Les principes et enjeux de la blockchain

Ce premier chapitre dresse les principes et enjeux qui font de la blockchain une technologie de rupture. La décentralisation et la désintermédiation sont des tendances de fond de notre société, dont les conséquences se font sentir aussi dans nos habitudes et comportements énergétiques. Nous essaierons ainsi de répondre aux quelques questions suivantes  : Qu’est-ce que la blockchain  ? Quels types de problèmes peut-elle résoudre aujourd’hui ? Qui sont ses acteurs et quelles sont leurs logiques économiques ? Quels sont les projets blockchain en lien avec l’énergie ?

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Il est largement admis aujourd’hui que la blockchain dispose d’un potentiel pouvant révolutionner les marchés et redéfinir les règles de l’économie dans sa ­globalité. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : depuis 2015 ce sont plus de 2 500 brevets qui ont été déposés sur la base de cette technologie. Rien que sur le premier trimestre 2016, plus de 1 milliard de dollars a été investi dans les start-up de la blockchain et, selon le World Economic Forum, 10 % du PIB mondial pourrait être créé sur des plates-formes blockchain en 2025. Rien d’étonnant donc à ce que le développement massif de cette technologie suscite des interrogations. Pourquoi autant d’intérêt et d’engouement pour la blockchain  ? Elle apparaît comme une innovation de rupture majeure de notre société, davantage sociétale que technologique, en permettant la décentralisation. À l’instar d’Internet, la blockchain ne présente pas d’innovation technologique qui lui soit propre, mais agglomère des technologies existantes de manière judicieuse pour faire émerger des cas d’usage et de modèles d’affaires innovants dans de nombreux domaines, notamment celui de l’énergie.

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1 Les principes et enjeux de la blockchain

Utilisateurs (Mds)

Mutation de l’économie

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2011 : Appstore

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Transformation 2006 : Facebook (public)

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> 700 blockchains et >> projets

Substitution Usage unique

1993 : 1er moteur de recherche 1991 : 1er site Internet 1989 : Invention de WWW 1971 : 1er email

1971

2015 : 1er Ethereum block

2009 : 1er Bitcoin block

Internet

blockchain

2017 Annee

Figure 1.1 Parallèle entre le développement d’Internet et de la blockchain (Source : « The truth about blockchain and CGI Business Consulting Analysis », Harvard Business Review)

1.1 Qu’est-ce que la blockchain ? La blockchain (littéralement : chaîne de blocs) est une solution technologique fondée sur les principes de la cryptographie, de l’informatique distribuée et de l’économie. Ces principes ont été initiés dès les années 1990 (Haber & Stornetta, 1990 ; Une, 2001) et popularisés à partir de 2008 grâce à l’essor du bitcoin. Fondamentalement, la partie la plus importante des chaînes de blocs n’est pas la partie technique, mais le réseau de liens entre les personnes. Il s’agit d’un concept apparenté à la confiance, mais dans une acception plus étroite. Par exemple, la confiance dans vos proches n’est généralement pas fondée sur la responsabilité – votre entourage ne s’attend pas à ce que vous produisiez des rapports précis sur tout ce que vous avez fait au cours de votre journée. Par conséquent, ce type de relation ne semble pas se prêter à une solution fondée sur une blockchain, ou une solution technologique en général. L’obligation de rendre compte a déjà déclenché des révolutions économiques. Le système moderne de comptabilité en partie double a été largement adopté en Italie au xiiie siècle et est devenu un fondement essentiel de l’essor européen pendant la Renaissance. À Florence, Giovanni de Medici a fondé une banque sur ces nouveaux principes comptables. Son fils Cosimo est devenu le souverain de Florence, et trois générations plus tard, l’un des arrière-petits-fils de Cosimo est devenu le Pape Léon X. La plupart des applications de la technologie de l’information moderne dans les entreprises reposent sur des principes informatisés de ces mêmes 2

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1.1 Qu’est-ce que la blockchain ?

concepts : l’important est de disposer d’une source de vérité unique pour être sûr de savoir qui a acheté et vendu quoi, à quel prix. La banque joue ici un rôle central pour la confiance en la monnaie de tous les acteurs du système. Les sites web d’achats en ligne vérifient que vous pouvez faire un virement bancaire en échange du bien acheté et mettent à jour leur grand livre (ou « ledger ») des opérations comptables. En quoi une blockchain diffère-t-elle de cette architecture informatique usuelle ? Comment permet-elle de nouvelles formes de responsabilité entre les personnes (physiques ou morales) ? Un mot-clé est la décentralisation. La blockchain permet d’avoir un grand livre distribué entre tous les acteurs et ne nécessite pas une autorité centrale qui dise : « Ces données sont fiables. » La Distributed Ledger Technology (DLT, ou technologie de registre distribué) désigne ce nouveau type de système. Les transactions entre utilisateurs s’effectuent non pas à partir d’une architecture client-serveur gérée de façon centralisée, mais de pair à pair, sans intermédiation. La blockchain est donc une technologie de stockage d’informations protégées contre la falsification, la modification et la destruction. La cryptographie et la validation de toutes les transactions par l’ensemble des utilisateurs assurent la sécurité des données. Le mathématicien Jean-Paul Delahaye utilise la métaphore du cahier pour permettre de mieux appréhender le concept : selon lui, la blockchain est « un grand cahier, que tout le monde peut lire librement et gratuitement, sur lequel tout le monde peut écrire, mais qui est impossible à effacer et indestructible » (Fines Schlumberger, 2016).

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Ce grand livre distribué offre un certain nombre d’avantages par rapport aux systèmes centralisés : ▶▶ Transparence : les grands livres centralisés sont sujets à la fraude et à l’abus, comme en témoigne une série de scandales financiers récents. Les blockchains offrent des enregistrements transparents et vérifiables pour chaque transaction, protégeant les détenteurs contre les systèmes pyramidaux ou l’utilisation de fausses pièces et d’autres formes de valeur frauduleusement dupliquée. ▶▶ Immutabilité : les grands livres centralisés offrent de riches cibles pour les pirates informatiques, qui attaquent régulièrement de tels systèmes, ce qui coûte à l’économie mondiale des centaines de milliards de dollars chaque année. Avec la technologie de la chaîne de blocs, une attaque sur un seul nœud a peu de ramification à l’échelle du réseau. Étant donné que chaque membre du réseau, ou nœud, détient une copie identique du grand livre partagé, les tentatives visant à pirater ou à modifier le grand livre seront rejetées par le 3

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1 Les principes et enjeux de la blockchain

réseau élargi. En raison de ce processus cumulatif, l’enregistrement historique contenu dans une blockchain est immuable : les blockchains fournissent une « histoire commune » ou « vérité partagée » qui ne peut pas être modifiée. ▶▶ Anonymat : les données qui existent dans la chaîne de blocs sont anonymes et cryptées, ce qui rend l’information de peu de valeur pour la coercition, l’extorsion ou l’espionnage d’entreprise. Donnée centralisée

Donnée décentralisée

Donnée distribuée

Figure 1.2 Différents types de distribution de la donnée (Source : Peters et al. 2017)

Pour mieux comprendre les grands livres distribués, prenons du recul par rapport au contexte des ordinateurs et des systèmes numériques. Nous adaptons librement ici l’idée de prendre un exemple historique pour mieux illustrer le propos (Olavi Ojala, 2018). Le 4 juillet 1776, Étienne Girard, aventurier, orphelin d’origine bordelaise, débarque à Philadelphie (deux ans plus tard, il prend la nationalité américaine et change son prénom pour Stephen.) D’abord épicier, il sera successivement négociant, armateur et banquier et, après des années de travail acharné, il deviendra le premier millionnaire américain. L’écrivain Philippe Simiot a conté son parcours dans deux livres, Carbec l’Américain et Le Banquier et le Perroquet (Albin Michel, 2006).

Figure 1.3 Stephen Girard 4

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(Portrait posthume de Stephen Girard par J. R. Lambin)

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1.1 Qu’est-ce que la blockchain ?

En 1812, Stephen Girard est donc un homme riche, déterminé à aider les ­Américains dans leur lutte contre les Anglais. Il finance la lutte armée et ouvre le 18 mai sa propre banque aux États-Unis, la « Girard Bank ». Un jour d’août, un homme débarque à Philadelphie et se présente à lui avec un mandat pour une somme considérable en francs Napoléon. Le nom de la banque française indiqué sur le cachet officiel est bien connu de Stephen Girard : en échange d’une ligne de crédit confortable en France, il s’est engagé à accepter les mandats de ses partenaires français et à en honorer les montants dans les colonies américaines. Mais comment, dans ce climat troublé, faire confiance à un inconnu, qui pourrait très bien être un espion anglais ? Dans les locaux parisiens de la banque, il y a un grand livre qui prouve que le compte de cet homme contient bien la somme demandée. Stephen Girard n’a cependant pas de copie de ce livre et demander des preuves de l’autre côté de l’Atlantique prendrait des mois. Comment distribuer l’information contenue dans ce grand livre sans avoir à envoyer des lettres à chaque demande ? Il y a deux façons de procéder. Tout d’abord, la banque française peut envoyer les mêmes informations par plusieurs voies. En fait, c’est ce que les Français et Stephen Girard sont convenus de faire. Ils ont baptisé ce protocole « mécanisme de consensus à distance ». Pour tout mandat-poste, la banque enverra sur un autre navire une deuxième copie de la facture, confiée personnellement au capitaine. Lorsque (ou si) le deuxième navire arrive et que le capitaine se présente à la Girard Bank pour se porter garant de la facture avec une autre copie estampillée en main, son authenticité sera établie.

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Une autre façon de distribuer le grand livre serait d’envoyer des factures vérifiées cryptographiquement. La banque et Stephen Girard partagent un livre de codes. La banque insère ainsi un message dans le mandat qui ne peut être décodé que par quelqu’un possédant une copie du livre de codes. Le climat guerrier incite à beaucoup de prudence dans les affaires. La banque utilise donc d’une part la cryptographie pour rendre ses mandats vérifiables par le destinataire et d’autre part le consensus, en envoyant une copie des données par un homme de confiance – dans ce cas, le capitaine du deuxième navire qui a été payé par la banque pour prêter son autorité à la copie de la commande. Aujourd’hui, l’envoi d’un message de l’autre côté de l’Atlantique et l’obtention d’une réponse sont instantanés, mais les problèmes de partage des grands livres n’ont pas disparu. Notre scénario de 1812 ne concernait qu’un mandat et quatre personnes : Stephen Girard, la banque française, l’inconnu demandant le 5

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1 Les principes et enjeux de la blockchain

­ aiement et le capitaine du deuxième navire. Aujourd’hui, des milliards de tranp sactions sont effectuées tous les jours. Les banques modernes gèrent ces grands livres de manière informatisée et décident qui peut payer ou recevoir de l’argent en continu. Elles agissent donc comme des tiers de confiance pour assurer la valeur des transactions. Mais ce système si bien huilé ne fonctionne pas toujours. Des frais de t­ ransfert internationaux peuvent être prohibitifs. De nombreux pays ne disposent pas d’un système bancaire fiable. Certains sont ravagés par des guerres ou des catastrophes naturelles. Lorsque Médecins sans frontières réalise une intervention sanitaire, comment faire pour distribuer l’argent nécessaire aux actions d’urgence ? La blockchain permet de répondre à ces enjeux, avec un système qui ne dépend pas d’institutions de confiance. Elle combine deux caractéristiques que nous avons déjà vues dans le scénario de 1812 – le consensus et la vérification cryptographique – et les combine d’une manière inédite pour créer un système véritablement décentralisé où de multiples acteurs peuvent être des sources de vérité, avec des incitations partagées pour arriver à une vérité unique qui est ensuite enregistrée de façon permanente et par tous. Ces informations validées collectivement sont stockées dans des blocs identifiés de manière unique, et l’enregistrement permanent et mutuellement convenu constitue une « chaîne » où chaque bloc pointe vers le bloc précédent – d’où la dénomination « ­blockchain ». Cette chaîne de blocs est très difficile à falsifier a posteriori. Le 22  mai  2010, Laszlo Hanyecz, un développeur habitant en Floride, a payé un utilisateur du forum Bitcointalks en bitcoins (BTC, le premier exemple de blockchain) pour deux pizzas de la marque Papa John’s : « Je paierai 10 000 bitcoins pour deux pizzas… peut-être deux grosses pizzas, pour qu’il m’en reste pour le lendemain. J’aime avoir des restes de pizza à grignoter plus tard. Vous pouvez cuisiner la pizza vous-même et l’apporter chez moi ou la commander, mais mon but est d’obtenir en échange de bitcoins de la nourriture livrée que je n’aie pas à commander ni à préparer moi-même, un peu comme commander un “plateau de petit-déjeuner” dans un hôtel ou autre : ils vous apportent juste quelque chose à manger et vous êtes heureux ! J’aime les oignons, les poivrons, les saucisses, les champignons, les tomates, les poivrons, etc.  : les ingrédients standard, sans garniture de poisson bizarre ou quoi que ce soit de ce genre. J’aime aussi les pizzas au fromage ordinaires qui peuvent être moins chères à préparer ou à acquérir. Si vous êtes intéressé, faites-le moi savoir et nous pourrons trouver un accord. » 6

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1.1 Qu’est-ce que la blockchain ?

« Pouvoir échanger [ces bitcoins] contre une pizza était extrêmement cool. […] Personne ne pensait que ça allait devenir aussi important. » – Laszlo Hanyecz Laszlo Hanyecz a tout de même dû attendre trois jours avant de trouver quelqu’un prêt à lui vendre les pizzas pour la somme de 10 000 BTC. À ce moment, le système comptait encore très peu d’utilisateurs, manquait de liquidités, et le nombre de transactions était vraiment très faible. Huit ans plus tard, le phénomène Bitcoin a pris une ampleur considérable. Au début 2018, avec un bitcoin valant 8 000 euros, les deux pizzas de Laszlo rapporteraient l’équivalent de 80  millions d’euros… De quoi donner des idées au hacker suffisamment doué pour arriver à modifier l’historique de transactions et s’approprier les bitcoins du pizzaiolo frauduleusement. Seulement, pour y parvenir, il faudrait modifier l’intégralité des blocs et c’est quasi impossible.

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Les attaques sur Bitcoin où l’on tente d’inverser des transactions historiques qui datent de plus de quelques jours sont extrêmement coûteuses. Imaginons deux minutes que Laszlo Hanyecz soit maintenant un méchant et qu’il veuille inverser cette transaction regrettable pour son porte-monnaie. Pour réussir, il aurait besoin d’infiltrer le réseau bitcoin, de le contrôler et de recalculer les blocs pendant des centaines de jours afin de faire reculer la chaîne suffisamment loin avec ses propres données pour y remplacer des informations. Le coût d’exploitation du réseau Bitcoin pendant des centaines de jours serait de plusieurs milliards de dollars ; le système Bitcoin rend donc cette attaque économiquement impossible. Cet exemple illustre pourquoi il est très difficile de modifier (on dit aussi « forger », de l’anglais « to forge ») l’histoire de la blockchain au fil du temps et pourquoi la structure de la chaîne est importante. En effet, même si vous réussissez à forger un bloc, vous devez forger aussi le précédent, sinon les autres nœuds peuvent facilement voir le changement par un contrôle facile du bloc précédent. Et ainsi de suite… Le système Bitcoin est ainsi optimisé pour des vérifications aisées par les utilisateurs lambda du réseau, et très cher pour les attaquants qui voudraient modifier les données a posteriori. Laszlo Hanyecz a donc bien payé les pizzas les plus chères de l’histoire de l’humanité et rentrera probablement dans le Guinness Book, le registre distribué Bitcoin fournissant la preuve infalsifiable de cette transaction. Bien que nos exemples aient porté jusqu’à présent sur le transfert d’argent, n’oubliez pas qu’il s’agit en fait d’une question de transfert de valeur entre les personnes fondé sur la confiance. Les comptes et les valeurs représentés dans le registre distribué ne représentent pas nécessairement une opération financière. Il peut s’agir plus généralement de toute situation dans laquelle un ou plusieurs 7

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acteurs observent un événement au sujet d’un autre acteur sur le réseau. Le principe de la blockchain est donc applicable à de multiples situations, bien au-delà des cryptomonnaies telles le bitcoin. Dans la pratique, les événements que l’on peut stocker sur une blockchain se divisent principalement en deux catégories  : la propriété et les promesses. Ce qu’une chaîne de blocs particulière prend en charge dépend de son protocole. Il en existe de très nombreuses variantes. Les premières blockchains largement déployées ne concernaient qu’un seul type de valeur (ou d’actif), les comptes contenant ces valeurs et les enregistrements des transactions entre ces comptes. Le grand livre de Bitcoin enregistre la propriété, et c’est tout. D’autres exemples permettent de comprendre la diversité des systèmes d’échange de valeur. Pensez à un simple échange entre voisins, sans blockchain pour l’instant. Au Japon, une économie déconnectée de la monnaie nationale existe pour s’occuper des personnes âgées. Le Fureai Kippu, ou « ticket de relation cordiale », est un système de soutien fondé en 1994 par Tsutomu Hotta, ancien ministre de la Justice. L’unité de base du compte est une heure de service effectuée auprès d’une personne âgée. Par exemple, si vous faites des courses pour une femme âgée ne conduisant plus, vous obtenez un crédit en fonction du nombre d’heures que vous y passez. Il est apparu que les personnes âgées ont tendance à préférer les services fournis par des gens payés en Fureai Kippu plutôt qu’en yens. Cela est dû à la confiance entre les membres du réseau, qui partagent une même éthique communautaire et sociale. Le Fureai Kippu correspond aussi à une forme de promesse. Les aînés peuvent s’entraider et obtenir des crédits, mais il est aussi possible à un jeune habitant à Tokyo d’aider une personne âgée de son quartier pour obtenir des crédits et les transférer à ses parents qui vivent ailleurs. Ces crédits s’accumulent ; les utilisateurs peuvent aussi les conserver lorsqu’ils deviennent eux-mêmes malades ou âgés, puis les utiliser à leur tour en échange de services. Ce genre de promesse peut être stockée dans une blockchain, qui sert ainsi de protocole distribué pour le réseau de soutien. Un jeton (ou « token » en anglais) représentant l’heure passée à aider une personne âgée peut permettre de vendre ou d’échanger avec quelqu’un d’autre sur la blockchain, qui est alors un moyen de matérialiser l’accord indéniable que nous devons faire les courses pour une voisine âgée, afin que nos parents reçoivent eux-mêmes un service.

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Il existe une forme avancée de promesse que l’on appelle le contrat intelligent ou « smart contract », grâce auquel il est possible d’obtenir des participants un

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comportement qui est automatiquement appliqué par la blockchain elle-même. On promet par exemple que si l’on reste coincé dans l’ascenseur, le réparateur qui interviendra en moins d’une heure gagnera 500 €, mais seulement 100 € sinon. Les incitations peuvent être très variées. Un autre smart contract pourrait faire en sorte que l’ascensoriste veille à limiter le nombre de pannes. Par exemple, s’il y a plus de cinq pannes par an dans la copropriété, la réparation pourrait devenir gratuite. Ces limites sont appliquées par la définition du smart contract qui est automatiquement traitée par les participants de la blockchain. Dans ce cas précis, un des participants peut même être une machine : l’ascenseur. Les règles sont visibles pour tous et ne peuvent pas être changées unilatéralement, d’où l’usage du terme contrat. La blockchain permet donc de penser de nouveaux usages, en particulier lorsqu’il y a de nombreux intervenants. L’intermédiation d’un assureur pour les pannes d’ascenseur pourrait être remplacée par un réseau mutualiste d’habitants et d’ascensoristes, avec des conditions préalablement négociées sous forme de smart contracts. C’est d’ailleurs un des objectifs principaux de cet ouvrage : expliquer ce qui est possible (ou non) grâce à ces nouvelles technologies, dans le domaine de l’énergie plus spécifiquement.

1.2 Défis et enjeux

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1.2.1 La diffusion des technologies blockchain De nombreux cas d’usage sont envisageables. La plupart sont en émergence ou en cours de déploiement. Il est cependant difficile de dire actuellement si la blockchain permettra des transformations majeures dans tous les secteurs de l’économie et si ses avantages lui donneront un impact important tant au niveau de l’utilisateur particulier qu’à celui de l’industrie ou des services. Comme le souligne A. Lafuma, cofondateur de Blockchain Partner : « De manière générale, il faudra attendre un certain temps avant que des produits fonctionnels et innovants soient mis en place par de grandes entreprises. L’innovation arrivera plus probablement des start-up, et ce d’autant plus que le développement de projets blockchain au sein du système informatique des grandes banques affronte plusieurs obstacles, qui impliquent des efforts dont le retour sur investissement est aujourd’hui très difficile à évaluer. Ces limites tiennent en particulier au fait que les pratiques et processus habituels de sécurité (logiciels audités et autorisés en interne, par exemple) sortent des sentiers battus avec les projets blockchain. Par exemple, le fait que ces derniers soient fondés sur des réseaux peer-to-peer renverse la logique des environnements traditionnels qui reposent sur une architecture client-serveur » (Lafuma, 2017).

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La confiance dans les processus mis en œuvre est ici un antécédent à une adoption généralisée de la blockchain. Son effectivité résultera d’un niveau de maturité suffisant, reposant sur le recours à la régulation et à la norme. Cependant le travail normatif s’appliquant à ce secteur est peu développé car la blockchain et les DLT sont encore en émergence (Kost de Sèvres, 2017 ; Peyrat & Legendre, 2017). Face aux risques induits par l’utilisation de cette technologie, l’une des missions centrales des régulateurs est d’assurer la protection des utilisateurs. Ainsi en mai 2016 l’autorité des marchés (AMF) s’est associée à la publication d’une étude sur les DLT de l’Institut Louis Bachelier, qui permet de comprendre le rôle et le fonctionnement des DLT et d’analyser les enjeux liés à leur développement sur les marchés financiers. En juin 2016, l’ESMA (European Securities and Markets Autority) a publié un Discussion Paper (La technologie de registre distribué appliquée aux marchés de titres) qui analyse les apports et les risques que les DLT engendrent sur les marchés de titres (ESMA, 2016). Le Trésor britannique a publié de son côté un rapport en 2016 (« Distributed Ledger Technology: beyond blockchain »), qui souligne la nécessité d’établir pour les DLT un cadre réglementaire qui devra évoluer conjointement au développement des nouvelles implémentations et applications. Une régulation proportionnée, non figée, est ici envisagée afin d’accompagner les acteurs dans leurs activités sans ajouter de coût supplémentaire et contraindre le développement de l’innovation1. Aux États-Unis le Financial Stability Oversight Council (FSOC), qui regroupe des régulateurs dont la Securities and Exchange Commission (SEC) et le Treasury Department, a indiqué que du fait des risques et incertitudes liés à cette technologie et à ses applications, elle fera l’objet d’une surveillance par les acteurs du marché et les régulateurs financiers. « Les régulateurs doivent être en mesure de la maîtriser, d’exploiter ses avantages et de remédier rapidement à ses potentielles failles. » (Kara Stein, commissaire de la SEC, novembre 2015.) En mars 2016, le commissaire du régulateur Commodity Futures Trading Commission (CFTC), C. Giancarlo, a proposé d’adopter une approche réglementaire de type « Do no harm », injonction éthique dont le but est d’éviter de renforcer

1. « Distributed Ledger Technology: beyond blockchain », A report by the UK Government Chief Scientific Adviser, 2016.

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les causes de tensions. L’intervention établirait des principes pouvant inciter à l’investissement et à l’innovation en matière de DLT. D’autres agences américaines telles que la Federal Trade Commission (FTC) et le Consumer Financial Production Bureau (CFPB) ont émis des avertissements concernant les risques associés aux monnaies virtuelles. Ces discussions sur les risques supposés ou réels continuent régulièrement d’agiter les milieux financiers, avec des études des banques centrales ou des autorités de régulation.

1.2.2 Les enjeux de gouvernance Une gouvernance efficace permettrait a priori de garantir une mise en œuvre de la blockchain qui protégerait les utilisateurs tout en s’assurant que le système résisterait aux risques systémiques et protégerait la vie privée. Cependant, si la blockchain suscite l’intérêt des gouvernements et des banques centrales, ses impacts économiques étant de plus en plus prégnants, la façon dont la loi traite cette technologie reste largement à préciser (Plisson Fénéron, 2017 ; Markiewicz, 2017).

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Deux grandes questions se posent ici : d’une part la gouvernance de la blockchain et d’autre part la valeur juridique des opérations conduites par le biais de cette technologie. L’enjeu majeur au plan des États est de garder une souveraineté effective sur la blockchain privée ou publique pour que le contrôle technique et le droit applicable à cette technologie ne soient pas imposés d’outre-Atlantique, comme ce fut le cas pour le GPS ou Internet. Dans une blockchain privée, le droit à l’écriture est attribué par une organisation centralisée, l’autorisation de lecture pouvant être limitée ou publique comme on le voit pour des banques centrales ou des organismes de règlement et de ­livraison de titres. La chaîne fonctionne selon des règles internes opposables aux ­participants. Une blockchain publique est au contraire caractérisée par une ouverture complète et décentralisée : chacun peut y accéder, effectuer des transactions et participer au processus de consensus. Il n’y a pas de tiers de confiance. Les opérations effectuées n’ont pas d’autre valeur juridique que celle donnée par les acteurs de la chaîne. C’est le modèle du bitcoin, marqué par une approche communautaire de l’économie. La cryptomonnaie n’a pas de valeur légale et les transactions sont uniquement reconnues opposables entre l’acheteur et le vendeur. 11

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Il existe également une blockchain de « consortium » qui peut être qualifiée de partiellement décentralisée. Par exemple, un consortium intègre des organisations opérant chacune au niveau d’un nœud. Le processus de consensus comprend un ensemble de nœuds présélectionnés : une partie des organisations doit signer un bloc pour qu’il soit valide. L’accès à cette blockchain peut être restreint selon un processus de cooptation. Un article de Luc Barnaud, Chief Digital Officer chez Natixis, éclaire ces problématiques perçues depuis le terrain : « Pour pouvoir réaliser des transactions globales au sein d’un écosystème complexe, il faut parvenir à créer un “effet club” avec un maximum d’institutions financières, afin de servir la partie acheteuse et la partie vendeuse. Pour autant, utiliser une blockchain publique pose des questions de gouvernance, d’organisation, de conformité qui, si elles ne sont pas insurmontables, complexifient les projets et freinent leur exécution. L’idée est donc de rester dans des logiques de consortiums assez larges mais privés, où le niveau de confiance entre acteurs est élevé. Si nous ne nous interdisons rien à long terme, à ce stade, nous privilégions l’approche pragmatique des blockchains de consortium. » (Barnaud, 2017.) Il nous incite à explorer brièvement ce qu’il en est des règles qui guident le fonctionnement de la blockchain et les problématiques liées à la propriété et au contrôle. Dans une blockchain publique la règle de fonctionnement dépend de la technologie elle-même : le code est la loi, même s’il est possible de penser qu’un complément de gouvernance serait utile (par exemple à l’image du projet Aragon). Dans une blockchain privée la gouvernance est au contraire régie par l’institution qui la gère. Les règlements stipulent le fonctionnement, la sécurité et l’accès aux mécanismes de reconnaissance légale des transactions (Rodriguez, 2017). Dans la blockchain privée, la technologie développée est protégée par les droits de propriété intellectuelle. Dans la blockchain publique, personne n’est propriétaire des codes sources conformément aux principes propres aux biens c­ ommuns. Dans la blockchain publique idéale, personne n’est propriétaire des codes sources, conformément aux principes propres aux biens communs. En pratique, les blockchains publiques sont tout de même conçues par une petite équipe de développeurs et le code source utilise généralement une licence open source permissive (licence MIT ou Apache 2.0). La problématique de la propriété ou du contrôle des codes est particulièrement sensible dans l’industrie financière qui doit protéger les algorithmes développés 12

1.2 Défis et enjeux

et utilisés par les « quants ». Les brevets ou des droits d’auteur étant ici inopérants, la barrière principale à leur diffusion est le secret. Le développement de la blockchain nécessite in fine de lier les contrats « crypto » et les contrats « fiat » (c’est-à-dire en monnaie traditionnelle comme l’euro) qui s’insèrent dans l’environnement juridique traditionnel. Comme l’indiquait De Vauplane (2016) « C’est le problème de la relation entre cryptographie et opposabilité juridique. »

1.2.3 Les expérimentations Au plan technologique la blockchain n’est pas encore mature (Iansiti & Lakhani, 2017). Les problèmes liés à la sécurité, la protection des données, la régulation demandent plus de temps que ce qui était envisagé pour trouver une solution. Les protocoles présentés comme les plus aboutis n’existent pas dans une version finalisée, les cas d’usage étant complexes.

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Les ambitions des acteurs qui les développent sont affirmées, que ce soit (à titre d’exemples) chez Microsoft avec sa solution blockchain-as-a-service dans le cloud Azure  ; IBM et la plate-forme Digital Trade Chain qui regroupe sept banques européennes pour faciliter le commerce international des PME en leur donnant accès aux services financiers, ou encore avec Hyperledger Fabric de la fondation Linux pour proposer des contrats intelligents (chaincode) ; R3 qui est une société de logiciels développant Corda, une plate-forme distribuée pour les services financiers ; BNP Paribas qui a noué des partenariats avec la plate-forme de financement participatif Smartangels pour développer une blockchain dédiée à l’investissement et avec les plates-formes Lendosphère, Enerfip et Lumoetc pour le crowdequity (financement participatif en fonds propres) ou le crowdlend­ ing (financement participatif en dettes) ; le Nasdaq qui a développé un produit pour l’échange de titres de sociétés non cotées. Les expérimentations sont menées la plupart du temps dans le cadre de consortiums. Il est difficile d’en connaître les résultats concrets, les organisations ne présentant que rarement les bilans. Le nombre de projets qui dépassent la phase de proof of concept et aboutissent à  un développement industrialisé est très limité. Trois domaines semblent se démarquer (Lafuma, 2017) : ▶▶ La gestion des titres sur blockchain qui rend plus efficaces plusieurs processus (règlement-livraison, suivi des titres, utilisation des titres…). ▶▶ La supply chain pour les questions de financement, d’assurance… ▶▶ Les émissions monétaires sur blockchain.

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1 Les principes et enjeux de la blockchain

Il faudra du temps pour que des produits fonctionnels soient proposés sur le marché par de grandes entreprises. Il leur est en effet difficile de s’approprier ­facilement les logiques non conventionnelles des projets blockchain fondés sur des réseaux peer-to-peer, de faire fonctionner un nœud en interne qui interfère à la fois avec des nœuds externes et des applications internes. La logique des consortiums est favorable aux acteurs les moins en pointe, et avec une gouvernance collégiale il est plus compliqué d’aboutir rapidement à un consensus. De plus, les technologies blockchain évoluent très rapidement, les versions des logiciels sont vite rendues obsolètes, alors que les temps de validation en interne dans les grandes organisations sont longs, ce qui constitue un obstacle pour développer des projets blockchain. L’innovation sera ainsi le plus souvent générée par des start-up, structures plus flexibles et réactives.

1.2.4 Les principaux secteurs concernés Nous choisissons, afin de mieux appréhender la « révolution de la blockchain » (Tapscott & Tapscott, 2016) à la fois dans sa globalité et sa diversité, de porter la focale dans ce qui suit sur plusieurs secteurs d’activité, souvent énergivores, dont le plus médiatisé est le bitcoin lancé en 2009. Rappelons que cette cryptomonnaie consomme plus d’électricité que 159 États dans le monde, soit plus de 30 TWh d’électricité en 2017, comme l’indique une étude du site Digiconomist sur la base des derniers chiffres de l’Agence internationale de l’Énergie (Sermondadaz, 2017). Pour construire cette vision systémique, nous choisissons de présenter le bitcoin et les secteurs de l’énergie, de la santé (secteurs pharmaceutique et de la recherche médicale), de la publicité, de la supply chain, de l’agriculture et enfin du tourisme. Au-delà de la pluralité des situations, des convergences, des régularités, des familiarités se font jour. Elles permettent d’appréhender dès à présent les enjeux et le potentiel de disruption d’une technologie qui pourtant n’est pas mûre (Mareuge, 2017).

Les cryptomonnaies et les instruments financiers Une transaction effectuée par le biais d’un système bancaire classique nécessite le dévoilement de nombreuses informations personnelles. Elle induit des coûts significatifs (10 % ou plus de commission) et nécessite plusieurs jours de traitement. Une transaction réalisée en bitcoins a l’avantage d’être directe, sans «  tiers de confiance », anonyme, irrévocable, sécurisée. Le bitcoin, qui est une cryptomon14

1.2 Défis et enjeux

naie (une monnaie électronique), utilise la cryptographie pour valider les transactions regroupées au sein de blocs, qui sont eux-mêmes ajoutés à une chaîne de blocs accessible à tous les utilisateurs. Il est plus efficace en tant que moyen d’échange que les moyens plus usuels. Cependant, cette blockchain déployée à grande échelle demande une énorme puissance de calcul et de volume de stockage. Son coût énergétique est très élevé. De plus, la plupart des analystes s’accordent sur la nature totalement irrationnelle de la valeur de cette monnaie électronique, virtuelle, qui pourrait se répandre dans les pays aux finances fragiles aux risques et périls des utilisateurs. Jean Tirole, prix Nobel d’économie (2014), juge que le bitcoin est « un actif sans valeur intrinsèque, sans réalité économique », plus souvent utilisé pour l’évasion fiscale et le blanchiment d’argent que pour des achats. Ce scepticisme ne concerne pas la technologie développée, mais des cryptomonnaies qui ne contribuent pas au bien commun. Il est partagé par un autre prix Nobel (2001), Joseph Stiglitz, qui avance que le bitcoin devrait être interdit car il n’a pas de fonction socialement utile et ne réussit qu’en raison de son potentiel de contournement et du déficit de surveillance (Alix, 2017). De nombreux experts estiment que les cryptomonnaies ont le statut de biens négociables mais non de monnaie servant d’étalon pour mesurer la valeur des choses, de moyen de paiement lors des échanges et de réserve (placements). La monnaie sert également au financement des investissements par l’emprunt et des agents économiques utilisent les devises pour réaliser des gains spéculatifs, mais elle ne se limite pas aux usages individuels et possède un rôle public. Elle constitue l’outil principal de la politique monétaire d’un État ou d’une institution monétaire comme la BCE qui garantit le pouvoir d’achat de la monnaie. Les cryptomonnaies ne remplissent ainsi que quelques-uns des rôles d’une monnaie.

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Les partisans du bitcoin affirment quant à eux que la confiance dans la cryptomonnaie est établie car elle repose sur deux critères centraux : ▶▶ Le caractère (quasi) inviolable du procédé cryptographique de la blockchain. ▶▶ Une émission limitée : le nombre de bitcoins émis est au maximum de vingt et un millions d’unités alors que plus de seize millions ont déjà été créés grâce à la puissance de calcul des ordinateurs. Les avis sont tranchés, mais il est possible d’avancer raisonnablement que si la technologie est fiable, le risque reste élevé dans la mesure où les cryptomonnaies n’ont pas de cours légal et leur valeur n’est soutenue par aucun actif sousjacent. Si le bitcoin gagne progressivement en légitimité et qu’il a été reconnu comme moyen de paiement officiel au Japon en 2017, ce marché doit être mieux 15

1 Les principes et enjeux de la blockchain

régulé. Afin de limiter les soubresauts spéculatifs, la Bourse de Chicago a lancé le ­premier marché à terme bitcoin et a mis en place des garde-fous, notamment un arrêt des échanges en cas de variations des cours supérieures à 20 % (Filippone, 2017). Quatre-vingts pour cent des articles traitant de la blockchain concernent le bitcoin. Pourtant il paraît tout aussi important (sinon plus) d’explorer les possibilités offertes par cette technologie prometteuse dans d’autres secteurs économiquement ou socialement importants (Tucker, 2017). Dans le contexte énergétique, les applications financières de la blockchain permettent d’imaginer des systèmes de paiement innovants, mais aussi des instruments financiers spécialisés tels les greens bonds, mécanismes d’investissement dans des projets visant un impact sur l’environnement. Au-delà des cryptomonnaies et applications financières, voyons maintenant des applications de la blockchain au monde économique « réel » pour mieux en appréhender les enjeux spécifiques de la blockchain : l’énergie, la santé, la supply chain, le tourisme, la publicité et les LegalTech (la liste est illustrative et non exhaustive).

L’énergie Le cas de l’énergie sera traité en détail par la suite, nous en présentons ici quelques éléments saillants. Appliquée initialement au secteur financier, la technologie blockchain concerne d’autres secteurs comme ceux de l’énergie, allant de l’extraction à la consommation en passant par la production et le transport. Même si à ce jour la technologie n’a eu que peu d’impact sur l’industrie du pétrole et du gaz, elle ouvre des perspectives de réduction importante des coûts dans le secteur de l’électricité par un pilotage automatisé de systèmes énergétiques locaux décentralisés et sur une base de « smart contracts ». Contrairement à son appellation, ce type de logiciel (sans pouvoir juridique), en réduisant les coûts de vérification, d’exécution, d’arbitrage et de fraude, constitue l’un des types d’usage les plus intéressants de la blockchain. Il est au cœur des applications développées dans la blockchain Ethereum. Cependant, si la technologie blockchain combinée au big data permet de relier les phénomènes d’autoconsommation dans les nouveaux réseaux décentralisés, de renforcer la sécurité des accès, de gérer la facturation et la tenue de registres de certification (origine de l’énergie) et de favoriser l’écomobilité, de nombreuses contraintes freinent son évolution.

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1.2 Défis et enjeux

L’ordonnance de juillet 2015 concernant l’autoconsommation dans l’Hexagone ne permet ainsi que des transferts d’électricité entre producteurs et consommateurs implantés dans un même immeuble ou lotissement. Les réseaux locaux de distribution « intelligents », les smart grids, ne peuvent actuellement être déployés au niveau du village ou au-delà. La coexistence du réseau historique et de réseaux décentralisés suscite de nombreuses interrogations concernant l’équilibrage et la gestion de l’interface entre les réseaux décentralisés et le réseau centralisé, le financement des infrastructures liées au développement de l’autoconsommation et de la production décentralisée (immeubles ou foyers dotés de panneaux photovoltaïques, petites éoliennes, cogénération…), le stockage de l’électricité et la mobilité électrique. Les applications ne restent pas l’apanage de start-up innovantes, mais concernent également de grands énergéticiens et des firmes de la construction. L’objectif des projets pilotes développés est de tester les solutions en termes d’usages pour le consommateur et de possibilité de proposer de nouveaux services pour ­l’énergéticien. Tableau 1.1 Blockchain et services en énergie

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Traçabilité et archivage

Gestion consommation et facturation

Marché décentralisé de l’énergie

Gestion de l’énergie dans un contexte de mobilité

Gestion de biens Registre des régimes de propriété et de l’état des installations

Mesure et ­facturation Électricité ­consommée

Transactions P2P du ­producteur au ­consommateur

Transactions P2P entre ­dispositifs

Certification de la provenance de l’énergie Électricité verte

Mesure et ­facturation Gaz naturel

Achat/vente ­directe ­d’énergie via ­cryptomonnaies

Bornes de rechargement de voitures par example

Certification des quotas d’émission en CO2 Protection ­environement

Mesure et ­facturation ­Énergie en ­itinerance

La santé Le cas de la santé illustre l’intérêt de la blockchain pour la gestion des données, en particulier pour leur confidentialité. Dans le cas de l’énergie, nous retrouverons ces problématiques en lien avec les données individuelles de consommation, par exemple. 17

1 Les principes et enjeux de la blockchain

Dans le secteur de la santé, l’intégrité et la sécurité des données du dossier médical des patients sont des enjeux cruciaux car ces informations intéressent les hackers en vue d’une revente. Aux États-Unis, plus de cent millions de brèches de sécurité ont été détectées en 2016 dans les bases de données de la santé, soit sur un tiers de la totalité. En plus de pertes financières très importantes (se chiffrant en milliards de dollars), ces failles sont à la source de la violation de la vie privée des patients. La technologie blockchain, comme dans les autres applications, pourrait assurer efficacement la sécurité des données contenues dans les registres des systèmes d’information des institutions de santé, réduire fortement le coût et accroître la vitesse de transmission des informations, préserver la vie privée des patients et détecter en temps réel les brèches de sécurité. En donnant accès à un nombre très important de données de santé aux instituts de recherche, aux laboratoires pharmaceutiques, aux pouvoirs publiques tout en garantissant l’anonymat des patients et en leur laissant le contrôle de leurs données et de leur usage, les analyses big data seraient extrêmement utiles pour aider la recherche, élaborer des politiques de gestion et de prévention plus ciblées, plus efficaces, et lutter contre certaines fraudes à l’assurance maladie. La blockchain n’ayant pas vocation à stocker un volume de données important, les systèmes IT actuels continueraient à exercer cette fonction. Le lien entre la blockchain et le système préexistant serait réalisé via une API (interface de programmation applicative) qui permet à un système informatique de faire appel à des fonctionnalités d’un autre système et de les rendre interopérables. L’IoT (l’Internet des objets) est une piste intéressante pour collecter des données automatiquement, des capteurs pouvant les envoyer sur la blockchain via un smart contract. En intégrant l’ensemble des participants (médecins, personnel paramédical, pharmaciens, hôpitaux, centres de recherche, mutuelles, patients) et en standardisant les données des systèmes existants, on trouverait des réponses pertinentes à nombre de problèmes liés à la sécurité et à la transmission des données de santé (dossiers médicaux, imagerie, données recueillies à domicile, etc.) ou aux difficultés d’interopérabilité des différents systèmes d’information. Les smart contracts sont ici utiles pour faciliter la standardisation des données : « On peut imaginer que les systèmes préexistants et le smart contract opérant la standardisation soient reliés grâce à une API. Les données sur les systèmes IT des institutions doivent alors être organisées rigoureusement avec des champs prédéfinis. Le smart contract va ensuite opérer une vérification des champs. Si 18

1.2 Défis et enjeux

les données sont rédigées correctement de sorte qu’elles respectent les règles de standardisation, alors le smart contract opère les transactions de données vers la blockchain. » (Blockchain France, 2016a) Cela ouvre la voie à une meilleure utilisation des données de santé, selon les souhaits des patients. Chaque patient détient ses propres informations et décide comment il souhaite les utiliser :

Donner à la recherche scientifique Partager avec sa famille et Partager avec ses amis en cas d'urgence des fournisseurs

Vendre ses données

Figure 1.4 Utilisation des données de santé grâce à la blockchain (Source : Peters A. W et al. 2017)

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Cependant, étant donné l’inertie du système, la blockchain restera dépendante des systèmes actuels d’authentification, comme la carte Vitale en France. Les applications de plus court terme les plus prometteuses concernent le secteur pharmaceutique et la recherche médicale. Un peu plus de la moitié de la population mondiale n’accorde pas sa confiance à l’industrie pharmaceutique. Les scandales résultant de pratiques douteuses lors d’essais cliniques, d’incohérences concernant les données, d’effets secondaires de médicaments volontairement cachés, d’un manque de transparence des tests ont détérioré l’image de cette industrie. Cette suspicion pourrait avoir à terme un effet négatif sur la recherche médicale. En effet, avec les outils du numérique, les individus deviennent acteurs de leur santé. Le réseau ou les émissions de télévision dédiées à la santé leur fournissent une information détaillée, dont la qualité et les applications posent cependant problème car elle peut être incomplète ou mal interprétée. Dans ce contexte les laboratoires pharmaceutiques sont accusés, généralement sur la base de preuves insuffisantes ou de présomptions, de se focaliser sur le profit plus que sur le bien-être du patient. Une étude a estimé que les quatre cinquièmes des essais ayant fait l’objet de publications ne sont pas reproductibles, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas de valeur scientifique. Un nombre très important d’essais cliniques ne fait pas l’objet d’une 19

1 Les principes et enjeux de la blockchain

publication alors que l’approbation de la FDA (Food and Drug Administration des États-Unis) a pu être accordée depuis plusieurs années. Des écarts entre les informations fournies à la FDA et les données contenues dans les publications ultérieures ont été relevés. L’OMS (Organisation mondiale de la santé) a été amenée en 2015 à rappeler les règles de bonnes pratiques et à exiger la divulgation des essais. Il en va de même pour la FDA : tous les essais cliniques doivent être enregistrés sur un site web public (www.clinicaltrials.gov). Au plan mondial, malgré ces exigences, une moitié seulement des essais cliniques est enregistrée. L’OMS estime que dans les pays en développement 10 à 30 % des médicaments sont contrefaits ou falsifiés, ce qui porte atteinte au droit de la propriété intellectuelle et/ou industrielle et a des conséquences importantes sur la santé publique. En effet, la contrefaçon des médicaments n’a pas les mêmes répercussions que celle des autres produits de consommation. En 2016 l’Institut de Sécurité Pharmaceutique (PSI) a estimé que 1 258 médicaments avaient fait l’objet d’une falsification qui concerne tous les types de médicaments, y compris ceux jugés essentiels par l’OMS, ce qui entraînerait la mort de près de 700 000 personnes chaque année. Au regard des failles du système, la blockchain peut être utilisée pour améliorer les pratiques. L’enregistrement des actions liées à un médicament lors des différentes phases du processus de test, de fabrication et de distribution permettrait aux acteurs du secteur pharmaceutique de vérifier ses caractéristiques effectives, sa provenance et son intégrité. La blockchain peut servir à stocker les preuves d’existence des documents qui sont sujets à des fraudes : les pharmaciens pourraient par exemple vérifier l’authenticité des ordonnances qui leur sont présentées. Outre la transparence, cette technologie peut rendre plus réactive et flexible la supply chain du secteur qui reste contrainte par un grand nombre de procédures administratives. Si tous les acteurs étaient réunis au sein d’un registre décentralisé au caractère inviolable et distribué, la transparence serait assurée pour les programmes de recherche et développement de nouveaux médicaments, les essais cliniques (Nugent et al., 2016), et pour chacune des étapes de la logistique. Certains paiements et tâches administratives pourraient être automatisés grâce à des smart contracts. Un mode de recherche collaboratif plus efficace et transparent pourrait également permettre à un chercheur de partager un projet de recherche par la médiation de la blockchain. 20

1.2 Défis et enjeux

Le chercheur peut prendre en compte certaines des suggestions de ses pairs et les diffuser via la blockchain pour estimer plus rapidement leur pertinence. D’autres chercheurs travaillant sur un projet connexe ou ayant travaillé sur ces problématiques peuvent décider de collaborer en partageant les informations ou les résultats d’expériences ayant ou non abouti afin d’améliorer l’efficacité du projet. La blockchain offre ici un espace collaboratif et transparent de partage des données des essais cliniques ou d’une recherche dans lequel chaque acteur peut bénéficier, éventuellement via des smart contracts, des retombées de l’innovation à la hauteur de son travail. L’efficacité de la recherche étant améliorée, ce type de projet pourrait développer et diffuser plus rapidement des innovations, réduire le coût de la R&D pharmaceutique et bénéficier à l’ensemble de la société en faisant baisser le prix des nouveaux médicaments.

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La blockchain peut également apporter des réponses pertinentes aux problématiques liées à la propriété et à la sécurité des données génétiques. Ces dernières contiennent des informations sur les prédispositions des personnes à développer certaines pathologies ou sur leur espérance de vie. Elles sont donc particulièrement sensibles et le deviendront plus encore avec les progrès attendus dans les prochaines décennies. Il existe un risque d’exploitation de ces données par des entreprises, des compagnies d’assurance, mais elles sont cruciales pour faire avancer la recherche médicale et une réglementation trop restrictive risquerait de freiner les innovations. La blockchain pourrait assurer l’équilibre entre les exigences de la sécurité des données personnelles et les besoins scientifiques. Elle serait un endroit sûr pour stocker les données génétiques. Les individus pourraient en donner un accès plus ou moins large aux professionnels de la santé et avoir la trace de l’usage qui en est fait. Les chercheurs disposeraient d’un accès non aux données génétiques individuelles, mais aux métadonnées nécessaires à leurs travaux. En cas de besoin, pour analyser des cas singuliers, ils pourraient demander à des personnes correspondant à ces profils d’autoriser l’accès à leurs données et négocier le montant d’un éventuel paiement. Dans le secteur pharmaceutique et la recherche médicale : « Les outils les plus prometteurs de la dernière décennie sont sans aucun doute les Distributed Ledger Technologies (DLT). » (Petre, 2016) Cependant, nombre d’interrogations demeurent  : par exemple, comment le patient pourra-t-il exercer son droit à l’effacement de données et les liens vers ces données, des copies ou reproductions de celles-ci dans un registre distribué public où chaque nœud est un responsable de traitement ? Le cadre juridique 21

1 Les principes et enjeux de la blockchain

(complexe) de la chaîne de blocs en santé aura inévitablement un enjeu sociétal et économique.

La chaîne logistique Le cas de la chaîne logistique montre l’intérêt de la blockchain pour « désiloter » les applications, en particulier lorsque de nombreux intervenants sont nécessaires. Cela arrive par exemple dans le cas des registres CO2 (Zhao, 2018). La détermination de la provenance des biens physiques, le suivi des produits pharmaceutiques ou l’authenticité des produits de luxe ne sont pas souvent assurés par les chaînes logistiques classiques et complexes actuelles, alors que pour les entreprises, l’information logistique procède de l’avantage compétitif (Hazen & Byrd, 2012). Les développements du big data, de l’Internet des objets, du cloud, de la blockchain, des smart contracts ouvrent de nouvelles perspectives en ce domaine (Kim & Lakowski 2018). La chaîne d’approvisionnement numérique devient de plus en plus présente (Korpela et al. 2016) par la facilité à donner accès aux caractéristiques, à la disponibilité des produits, à leurs prix… La réponse aux besoins des clients demande un temps de traitement très faible. Une marque utilisant une démarche blockchain comme argument marketing pourrait améliorer la confiance des consommateurs ou utilisateurs dans l’authenticité de ses produits. Les livraisons sont suivies efficacement pour fournir une visibilité dans la chaîne d’approvisionnement et de distribution. L’intégration des processus métier et des données est fondée sur des normes et des architectures de référence. Cette intégration est le plus souvent réalisée à travers des entreprises intermédiaires dont le rôle est d’établir l’interopérabilité entre les divers organisations et systèmes. Dans ce contexte : « L’intégration à travers la technologie blockchain peut conduire à une transformation disruptive dans l’approvisionnement numérique des réseaux. » (Korpela et al. 2016)

22

Les technologies blockchain pourraient être, à l’image du conteneur dans les années 1950, à la source d’une nouvelle vague d’innovations susceptible de bouleverser le commerce international en réduisant fortement ses coûts et en optimisant sa réactivité. La blockchain serait devenue un nouveau paradigme de standardisation à l’ère de la numérisation des chaînes logistiques, dont les activités reposent encore assez largement encore aujourd’hui sur des documents papier. L’ensemble des secteurs marchands –  agroalimentaire, industrie ­pharmaceutique, distribution, luxe, habillement, industrie lourde, matières pre-

1.2 Défis et enjeux

mières, productions des hautes technologies, automobile, aéronautique… – est concerné car la blockchain permet d’appréhender efficacement toutes les problématiques concernant la supply chain et la traçabilité. Le transport maritime tient une place particulière dans cette perspective. La technologie blockchain permet de numériser complètement la chaîne d’approvisionnement grâce à l’inscription transparente et inviolable de chaque déplacement de conteneurs lié aux activités des expéditeurs, transitaires, douanes, des ports et des transporteurs. Un nombre important d’expérimentations est actuellement en cours. L’utilisation de capteurs miniaturisés, de puces communicantes, permettrait d’échanger des données pour les opérations de traçabilité concernant la position ou l’état de la cargaison et les conditions du transport. Les données seraient automatiquement transmises à la blockchain. Sachant qu’un transport international est inspecté en moyenne par plus d’une vingtaine d’organismes pendant son trajet, cette technologie permettrait de réduire significativement les fraudes et les erreurs en simplifiant les démarches administratives, les coûts et les délais de transit et d’expédition. «  L’enjeu est de taille  : neuf marchandises sur dix transportées dans le monde le sont par voie maritime, et les coûts de traitement et d’administration de la documentation commerciale représenteraient un cinquième des coûts du fret maritime. » (Blockchain Partner, 2018.)

Flotte

Transport e êch

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i p nse de Co Chaîne de tas o transformation A Port A Qu

Pèche au thon dans l'océan Indien Quotas de pêche

Flotte

Port A Port B Pays A X

Pays B

Supermarché x Y

Chaîne de transformation B Z

Supermarché y

Supermarché z

Figure 1.5 Illustration de l’intérêt de la blockchain dans les transports (Source : Degnarain N., Ink strategy)

23

1 Les principes et enjeux de la blockchain

Afin de bien comprendre comment la blockchain permet d’enlever les silos des systèmes d’information entre différents acteurs, prenons l’exemple de la pêche au thon, qui fait intervenir tous les intermédiaires de la chaîne logistique depuis le pêcheur jusqu’au consommateur. Finalement, la blockchain, articulée avec l’Internet des objets (IoT), pourrait devenir l’infrastructure dominante des chaînes logistiques numériques. Fonctionnement

Le poisson est attrapé par les pêcheurs et taggé physiquement avec des capteurs

Les capteurs transmettent continuellement des données temporelles géolocalisées sur la blockchain

La blockchain facilite le suivi et permet de suivre les changements sur toute la chaîne d'approvisionnement

L’acheteur dispose d'une trace d'audit complète de la provenance de son poisson

Figure 1.6 Exemple de l’utilisation de la blockchain dans la chaîne d’approvisionnement (Source : Hyperledger, a Linux Foundation Project)

Le tourisme Le cas du tourisme montre l’intérêt de la blockchain pour la gestion des transactions et contrats de manière automatisée, par exemple les systèmes de réservation. Ces systèmes permettent de créer des incitations pour les utilisateurs. Nous n’éclairerons brièvement ici que deux facettes particulières de ce secteur : le transport aérien, l’avion étant un mode de transport fortement consommateur d’énergie, mais aussi le rôle des tokens (jetons) et des ICO (Initial Coin Offering) qui bousculent les règles traditionnelles de l’économie. Le livre blanc élaboré par Amadeus IT Group, Blockchain : tirer parti de son po­ ourrait tentiel dans le secteur du voyage1, fait percevoir comment la blockchain p transformer l’industrie du tourisme. Cette technologie est présentée comme un nouveau moyen de créer et de partager la valeur entre les entreprises, les autorités et les individus. 1. Disponible en ligne sur http://marketing.amadeus.com/blockchain-technology-whitepaper.

24

1.2 Défis et enjeux

Plusieurs thèmes sont identifiés  : rendre les programmes de fidélisation plus conviviaux, transformer les programmes de fidélité en blockchain, améliorer le suivi des bagages avec la blockchain, simplifier les règlements dans la chaîne de valeur des voyages ou améliorer la gestion de l’identité en voyage avec la ­décentralisation. L’application sécurisée permettra de valider les informations du passeport avec une empreinte digitale lors du contrôle de sécurité de l’aéroport, d’avoir une seule carte de fidélité pour cumuler les points, que ce soit ceux de l’hôtel, de la compagnie aérienne ou de l’entreprise de location de véhicules. La stratégie d’innovation a été développée à partir des interactions nouées avec des start-up et les clients du groupe. L’un des points marquants est l’attention portée dans ce rapport aux tokens. Un token est un actif numérique transférable entre deux parties sur le réseau sans nécessiter l’accord d’un tiers. Cette unité de valeur se différencie d’un titre financier dans la mesure où ce dernier est associé à une réglementation. Le token possède une valeur d’usage : il peut représenter un droit d’accès, d’usage, de vote, un moyen de paiement, sinon une réputation. Cela ouvre sur un système économique transactionnel de pair à pair, où les utilisateurs peuvent gagner des tokens en réalisant une tâche définie ou, de façon plus passive, en acceptant de vendre des données personnelles ou de l’espace de stockage non utilisé. Ces tokens peuvent ensuite être utilisés pour bénéficier de services dans l’écosystème concerné.

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Un autre exemple concerne les systèmes de réservation, avec de nouveaux protocoles comme le Booking Token Unit Protocol, qui est un standard développé pour la blockchain Ethereum visant à simplifier la réservation en ligne1. Les jetons sont également à la base du mécanisme des ICO. Une ICO est une méthode de levée de fonds fonctionnant via l’émission d’actifs numériques (les tokens) échangeables contre des cryptomonnaies durant la phase de démarrage d’un projet (définition de ICO Mentor). Lors d’une ICO, dénommée également token sale, le grand nombre de tokens émis par une organisation (entreprise ou fondation à but non lucratif) est vendu à une pluralité d’investisseurs afin d’assurer le financement d’un projet blockchain. Acheter des tokens lors d’une ICO revient à pré-payer le produit ou le service appelé à être développé (Blockchain France, 2017).

1. http://btu-protocol.com/.

25

1 Les principes et enjeux de la blockchain

La valeur des tokens utilisables dans le projet financé par l’ICO dépend à terme du service fourni réellement par l’entreprise émettrice. Les investisseurs peuvent avoir un objectif spéculatif fondé sur l’espoir d’un fort développement du projet qui fera croître la valeur des tokens achetés et/ou un objectif utilitaire, l’utilisation du token dans le cadre du projet financé, quand le cours aura augmenté. L’organisation émettrice est rémunérée par les investisseurs sous forme de cryptomonnaie. À titre d’exemple, les fondateurs d’Ethereum ont mené en 2014 une ICO dont le montant (plus de 18 millions de dollars) a été transféré à la fondation à but non lucratif Ethereum afin de développer la blockchain du même nom. « Il y a beaucoup d’exemples d’infrastructures et d’applications blockchain qui lèvent de l’argent de cette manière. » (Whitepaper, 2010) Cependant, les régulateurs au plan mondial ont examiné ces pratiques pour déterminer si les tokens risquaient de contrevenir aux lois sur les valeurs mobilières. La qualification juridique du token est la question la plus importante des enjeux juridiques de la blockchain car si un actif numérique a une valeur, son transfert implique un accord et une responsabilité des parties concernées. « Aujourd’hui les analyses menées par les avocats sont effectuées au cas par cas en fonction du cas d’usage, la question fondamentale étant de savoir comment le token va être utilisé  : est-ce un token de réputation, un token financier, un token représentant un actif…  ? De cette question découle une analyse a priori car aucune jurisprudence n’a validé ou infirmé une quelconque approche. » ­(Blockchain Partner, 2017) La jurisprudence européenne ne donne pour l’instant pas de définition au token blockchain. Le smart contract n’est pas a priori considéré comme un contrat au sens juridique. L’absence de définition et de règles précises est une source d’incertitude. S’il est probable que la blockchain continuera à se développer dans l’industrie du tourisme, malgré ses promesses cette technologie ne s’imposera pas brutalement (Whitepaper Amadeus, p. 12).

L’agroalimentaire Le domaine de l’agroalimentaire permet d’envisager l’usage de la blockchain pour prouver l’origine d’une transaction. Dans le cas de l’énergie, nous retrouverons ce cas par exemple pour les certificats verts, dont l’objectif est de prouver que l’énergie a bien été produite par une source d’énergie propre.

26

1.2 Défis et enjeux

Dispositif EWF

Tobalaba Actifs certifiés (production et consommation)

Administrateur Acheteurs et vendeurs

Contrats

Stockage Application des de données visualisation Donnée CO2 Suivi des consommations en kWh

Régulateur

Registre des tags Tag kWh

Figure 1.7 Schéma général de l’architecture technique d’Origin pour les certificats verts (Source : EWF)

L’agriculture et l’agroalimentaire permettent également d’illustrer l’impact majeur de la blockchain : «  En matière de production, d’environnement, de traçabilité des produits, de logistique ou de distribution, le secteur agri-agro a tout à gagner à s’emparer dès maintenant de cette technologie de rupture. Associée à l’IoT et à l’intelligence artificielle, elle pourrait bouleverser (en mieux) toute la chaîne de production et de valeur. » (Paoli Lebailly, 2018.)

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Pourtant, ici aussi les consommateurs s’interrogent suite aux crises sanitaires répétées et demandent plus de garanties quant à la traçabilité et la sécurisation des produits. Ces dimensions sont d’autant plus importantes qu’il faudra vers le milieu de ce siècle nourrir près dix milliards de personnes. Cette prévision plausible suppose une forte augmentation de la production, donc de la productivité, une logistique plus performante, mais aussi des risques accrus de contaminations ou de fraudes. La provenance des produits, leurs modes de fabrication et la dimension écologique de leur production, le bien-être animal en particulier, sont des critères de plus en plus pris en compte lors des choix, comme en témoigne la croissance rapide des ventes des produits ou commerce labellisés biologiques. Associée aux smart contracts, à l’IoT et à l’intelligence artificielle, la blockchain serait en mesure en tant que registre distribué, transparent et incorruptible d’aider à diluer l’opacité de chaque étape du processus de fabrication d’un produit alimentaire, depuis les conditions de sa production jusqu’à sa vente aux consommateurs. Elle pourrait non seulement susciter la confiance des consommateurs, mais également permettre l’élaboration plus rapide et précise des diagnostics concernant les sources de contamination et donc de réduire la diffusion de ­pandémies. 27

1 Les principes et enjeux de la blockchain

Les applications envisageables sont nombreuses. À titre d’exemple, on peut citer Walmart qui développe un projet de supply chain sur blockchain (Gutierrez, 2017). En Chine l’enseigne, en partenariat avec IBM et la Tsinghua University, utilise la technologie Hyperledger, l’IoT et des capteurs pour assurer la traçabilité des produits. L’origine, le numéro de lot, l’usine et les méthodes de transformation, les dates de fabrication et d’utilisation optimale, la température de conservation et les conditions de la distribution constituent des informations cruciales permettant d’identifier rapidement des sources de contamination et garantir l’origine du produit. En 2017 l’enseigne Carrefour a annoncé qu’elle utiliserait la blockchain pour garantir la transparence de ses filières animales. Le négoce du vin est la deuxième activité du groupe français Tesson. Les produits sont parfois coûteux, le marché est mondialisé, les réglementations sont différentes, les nomenclatures et la gestion douanière sont compliquées. Dans ce domaine aussi la blockchain présente des avantages indéniables, tels l’amélioration de la traçabilité des bouteilles, la garantie de leur intégrité, le suivi des stocks, la réactivité, la lutte contre la contrefaçon et le vol, etc (David, 2016). Les bouteilles peuvent être équipées d’une puce NFC ou d’un code qui, scannés à transaction, permettent aux clients d’accéder à l’historique des mouvements sur une blockchain. Ce type de développement (Wine Blockchain) est en cours en Italie avec la start-up EZLab1 qui collabore avec l’université de Padoue et avec le Consortium de recherche appliquée de l’université CARE sur des projets de recherche et de développement dans le domaine des logiciels. Au niveau du producteur, alors que les modalités de paiement sont actuellement de plusieurs semaines, des règlements instantanés sécurisés sont envisageables. Après vérification de la réservation des fonds détenus par l’acheteur en vue de la transaction et de la transmission de la propriété du produit, un paiement automatique pourrait avoir lieu. La gestion des flux de trésorerie du producteur serait facilitée et l’acheteur réduirait le coût de la facturation et du paiement. Le niveau de confiance entre les acteurs du système en serait également accru. Les données recueillies par des capteurs faciliteraient la surveillance des terrains cultivés. Ces données, inscrites dans une blockchain et partagées avec les parties prenantes (acheteurs, assurances, actionnaires, coopératives, agronomes…), ouvrent la perspective d’une meilleure prise de décision de l’agriculteur, d’une prévente plus facile des récoltes ou d’une obtention des primes d’assurance en fonction des aléas climatiques. Ainsi, un smart contract établi entre un produc1. www.ezlab.it/.

28

1.2 Défis et enjeux

teur et son assureur pourrait stipuler qu’au-delà d’un nombre défini de jours de sécheresse lors de la croissance des céréales, un paiement interviendrait sans intervention d’un expert ou une déclaration de l’assuré. Pour que le cercle vertueux se mette en place, il est nécessaire que l’ensemble des parties prenantes d’une même chaîne de production et de distribution utilisent la blockchain. Dans le cas contraire, le système perd une partie importante de son intérêt. Ce n’est cependant pas une utopie, même si le défi est de taille : il s’agit de faire percevoir aux différents acteurs de la chaîne quels sont leurs intérêts mutuels. Les pratiques ont peu à évoluer. Elles demandent juste un peu plus de rigueur car, en fonction des situations, l’inscription sur le registre peut se faire simplement à partir d’une photographie numérique des documents papier suivie par une mise en ligne sur une plate-forme, ou de façon plus automatisée pour des productions importantes en utilisant des capteurs connectés accompagnant le produit. Une meilleure transparence induirait ainsi une meilleure fiabilité de processus rendus moins complexes, une préservation de la qualité des produits, des risques plus faibles et une réduction des coûts qui profiteraient à l’ensemble des acteurs. Elle est une désincitation forte à toute fraude qui serait détectée plus efficacement qu’avec les mécanismes actuels.

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Plusieurs projets en cours concernent ces problématiques. Ainsi, en Australie le projet AgriDigital développé par la start-up FullProfile (David, 2016) permet aux producteurs et aux acheteurs d’établir sur une plate-forme du cloud leurs contrats, de gérer les transferts de propriété, les factures et paiements le jour de la livraison. Dans les pays en développement les agriculteurs font appel à de petites ­coopératives pour réduire le coût des semences ou des matières premières achetées et vendre l’ensemble de leur production en négociant les prix plus efficacement. Ces accords, souvent compliqués, verbaux, dépendent d’archives sur papier, induisent des problèmes de transparence, de fraude et de corruption. Au Kenya, la start-up AgriLedger1 a développé une application mobile pour transmettre les données des transactions à une blockchain et générer la confiance entre les acteurs. Des smartphones distribués gratuitement en partenariat avec des entreprises permettent aux agriculteurs aux revenus très modestes d’avoir accès aux transactions et au prix des denrées sur les marchés. Ils parviennent ainsi à conserver une plus grande partie de la valeur de leurs récoltes.

1. www.agriledger.com/.

29

1 Les principes et enjeux de la blockchain

« Il est difficile de construire une entreprise de technologie. Surtout quand cette entreprise fait de la blockchain.  » (FullProfile). Le grand nombre d’acteurs du secteur utilisant des technologies traditionnelles, des réglementations divergentes, un nombre restreint de normes communes, l’interopérabilité incertaine des systèmes IT, faire fonctionner à travers les frontières les systèmes de traçabilité avec toutes les autorités certificatives, sont des freins majeurs à la diffusion de la technologie (Kshetri, 2017).

La publicité en ligne Cet exemple montre l’intérêt de la blockchain pour déployer des places de marché, qu’on retrouve de manière proche sur les marchés de l’énergie. « Le secteur de la publicité en ligne ne cesse de muter. La domination de plus en plus forte de Google et de Facebook […], celle des grandes plates-formes comme le français Criteo, la publicité programmatique qui remplace progressivement l’achat/vente en direct, ou encore l’intelligence artificielle, qui tend à renforcer Google et Facebook en raison de leur capacité à collecter les données, bouleversent le secteur. » (Rolland, 2017.) La dynamique du marché publicitaire depuis une décennie va être transformée par la blockchain qui permet la désintermédiation des échanges tout en garantissant la transparence et la traçabilité des transactions. Les enchères en temps réel (Real Time Bidding ou RTB) ont supplanté l’achat et la vente en direct d’espaces publicitaires. Les RTB fournissent des espaces publicitaires internet aux annonceurs en fonction des enchères qu’ils ont formulées. Ils ont conduit à une multiplication des intermédiaires, depuis l’annonceur jusqu’à l’éditeur qui propose la publicité à l’autre extrémité de la chaîne. L’espace intermédiaire est dévolu aux plates-formes de transactions, aux agences spécialisées qui gèrent les campagnes des annonceurs, aux Demand Side Platforms (DSP) qui centralisent le pilotage des différentes campagnes dans une même interface, ou aux Supply Chain Side Platforms (SSP) qui optimisent la vente des espaces publicitaires des éditeurs. La chaîne de valeur est complexe et opaque. L’opacité est à la source de fraudes qui, selon une étude réalisée par Adloox, se montent à 20 % (soit 7,2 milliards de dollars) des dépenses mondiales des publicités en ligne en 2016. Elles devraient atteindre le double en 2017. Dans ce contexte, l’annonceur n’a guère d’informations concernant l’utilisation des sommes dépensées et ne peut faire une analyse des coûts. Pour réduire l’opacité et mieux mesurer l’impact effectif des publicités, un registre blockchain peut retracer l’ensemble du parcours d’une publicité digitale en indiquant si elle a été regardée, par qui, quelle est la ventilation des dépenses et quels 30

1.2 Défis et enjeux

sont les revenus générés. Les plates-formes décentralisées privées rendraient inutile le recours aux intermédiaires pour établir directement des smart contracts peer-to-peer avec les éditeurs. C’est ce que propose AdShares, une blockchain privée qui se rémunère en prenant une commission faible sur les transactions. « Nous utilisons la blockchain pour connecter les éditeurs et les annonceurs et les laisser faire des affaires directement en utilisant notre cryptomonnaie. » Pour contrer l’hégémonie de Google ou de Facebook, les éditeurs pourraient utiliser le minage de cryptomonnaies pour financer leurs activités : cela consiste à dédier une partie de la puissance de calcul de son ordinateur à la validation des transactions sur un réseau blockchain pour obtenir une fraction de cryptomonnaies. Si le minage n’est pas la solution parfaite (car non dénuée de risques) de l’affichage de publicités, il peut constituer un business model alternatif pour les éditeurs en complément de méthodes plus classiques. L’éditeur de solutions de sécurité Symantec s’alarme de son extension rapide : « Nous nous attendons à voir de plus en plus [de hackers] tenter de s’infiltrer sur les espaces publicitaires présents sur de nombreux sites. » (Candid Wüest, spécialiste des menaces chez Symantec1.) Plusieurs développements marquants ont été choisis. Ils sont décrits brièvement ci-après.

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Brave : Le navigateur web, dans sa phase initiale de développement. Son ambition est de proposer un modèle qui produirait un changement majeur pour la publicité sur Internet. Ce projet, créé par le cofondateur de Mozilla et de Firefox, a en effet pour objectif de bloquer certaines formes de publicité en ligne qui collectent des données privées et ralentissent le chargement des pages web. Les utilisateurs pourront décider de bloquer ou d’accepter des publicités, y compris celles proposées par Brave. S’ils acceptent ces dernières, ils seront rémunérés. Brave a créé son propre jeton (token), le Basic Attention Token, sur la blockchain Ethereum. Il sera utilisé en tant que monnaie d’échange entre annonceurs, éditeurs, utilisateurs, et l’équipe du projet2. Comcast Advanced Advertising : La filiale de Comcast (premier câblo-­opérateur américain) a lancé une initiative pour développer une nouvelle plate-forme blockchain en collaboration avec NBCUniversal, Disney, Altice USA, Channel 4, Cox Communications, Mediaset Italia et le groupe TF1. Ce partenariat vise à améliorer la planification, le ciblage, l’exécution et la mesure des annonces publicitaires sur tous les écrans. Les différents acteurs pourront se partager de façon transparente, sécurisée et décentralisée des données d’audience anonymisées. 1. https://mediavor.fr 2. « “Brave”, le navigateur Internet qui s’en prend à la publicité », disponible en ligne sur www.lemonde.fr.

31

1 Les principes et enjeux de la blockchain

Cette nouvelle approche technologique a pour objectif de rendre la publicité vidéo plus efficace et les données des consommateurs plus sécurisées1. Le Nasdaq, la société qui gère la Bourse américaine du même nom et d’autres dans le monde, prévoit de développer le New York Interactive Advertising Exchange (NYIAE), la première place de marché fondée sur une blockchain privée qui adopte une nouvelle approche pour améliorer la transparence et l’efficacité de l’achat et de la vente d’annonces publicitaires numériques. La télévision, la presse, la radio et les panneaux d’affichage seront concernés. Les marques, éditeurs et agences pourront effectuer leurs transactions en toute transparence avec des contrats à terme à une date et à un prix fixés, les guaranteed advertising contracts, concepts analogues aux futures employés en finance de marché. Les smart contracts permettront à certaines opérations de s’exécuter automatiquement lorsque certaines conditions seront réunies. NYIAX a conçu une interface utilisateur et un middleware qui s’intègrent avec les composants existants de l’écosystème de la technologie publicitaire comme les échanges d’annonces, les DMP et les serveurs publicitaires (Haworth, 2018).

Impacts sur la propriété intellectuelle et les documents légaux Ce dernier exemple montre l’intérêt de la blockchain pour gérer l’ensemble des documents, par exemple dans les processus d’achat d’énergie. La nécessité d’adapter la réglementation, le droit, et d’établir des normes appropriées a pu être largement perçue dans les sections précédentes. Le secteur du droit a commencé à s’adapter aux nouvelles technologies mais les changements accompagnant la blockchain risquent de bouleverser plus profondément encore le paysage. Alors que les LegalTech avaient inquiété les cabinets d’avocats soucieux de garder un monopole protégé face aux entrepreneurs créateurs de start-up innovantes, la blockchain vient interpeller de nouveau les acteurs du droit. Les solutions proposées par les LegalTech reposent sur les technologies fluidifiant la numérisation des données juridiques et sur des processus de soutien aux activités de gestion de back-office. Elles facilitent le travail des avocats dans l’exécution des tâches juridiques de base concernant les transactions et 1. « Comcast’s Advanced Advertising Group, Participants Plan Blockchain-Based Technology Platform », disponible en ligne sur corporate.comcast.com.

32

1.2 Défis et enjeux

les litiges. Elles concernent maintenant les opportunités ouvertes par l’analyse d’ensembles de données volumineux pour aider les avocats à recueillir de nouvelles informations. La blockchain peut, quant à elle, conserver des documents légaux car ces données sensibles ne pourront être ni détruites, ni falsifiées. Le réseau décentralisé pourrait également servir à authentifier tout type de documents ou de transactions, y compris les smart contracts dont le paiement peut s’effectuer en monnaie virtuelle. Tout comme la LegalTech avant elle, la blockchain fera émerger des pratiques libérant les avocats de tâches chronophages et répétitives. Il ne s’agira pas d’une révolution : les cabinets intégreront plus d’employés dans des domaines comme l’informatique ou le parajuridique mais, selon un rapport du Boston Consulting Group (2015), « How Legal Technology Will Change the Business of Law », le nombre d’employés total ne devrait pas connaître de variation. Des start-up commencent à se positionner dans ce domaine. Stampery API, une plate-forme de certification alimentée par blockchain, permet ainsi de prouver l’existence, l’intégrité et la propriété de toutes les données par des identifiants uniques (hachages) des fichiers dans les blockchains Ethereum et Bitcoin1.

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Les cabinets doivent ainsi repenser deux éléments de leur business model  : la proposition de valeur de leurs offres de services et de leur modèle de revenus d’une part, et leur modèle d’exploitation – y compris leur structure organisationnelle et les coûts de fonctionnement – d’autre part. Si les LegalTech ont permis d’automatiser les tâches répétitives et de diminuer les frais de justice, la blockchain pourrait se positionner dans le domaine juridique comme une infrastructure unique et légale de référence rapide, transparente et sécurisée. La technologie blockchain remédierait ainsi aux problèmes centraux du système actuel complexe et opaque : un nombre important d’intermédiaires qualifiés de tiers de confiance, des délais et des coûts souvent excessifs. Il est cependant difficile de dire si les professions de greffes des tribunaux, l’INPI, les notaires, qui sont en charge de conserver et de certifier des données à caractère juridique, connaîtront une réelle obsolescence. Certaines évolutions des business models ont été abordées chemin faisant. Le paragraphe suivant explorera ou précisera l’impact de la blockchain sur la finance, l’économie du partage, l’Internet des objets et l’Internet de l’énergie.

1. https://www.npmjs.com/package/stampery.

33

1 Les principes et enjeux de la blockchain

Résumé des cas d’usage Internet des objets

Jeu en ligne

Gestion des tickets

Audit Gestion des stocks

Récompenses

Identité digitale

Chaine de responsabilité

Reporting règlementaire

« Know your customer » - gestion des crédits clients

Gestion de la chaîne d'approvisionnement

Propriété des actifs

Assurance

Gestion des processus

Smart contracts

Vote en ligne

Actifs numériques

Règlement et livraison Financement participatif

Applications

Contrats

Applications médicales

Trading

Financial asset management

Enregistrement notarial

Paiements

Gestion des taxes

Assurance sur l'identité numérique

Respect du droit d'auteur

Figure 1.8 Diversité des cas d’usage (Source : Deloitte)

La répartition géographique des projets blockchain en Europe est la suivante, avec des leaders en Allemagne et en Grande-Bretagne (figure ci-dessous) : 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32

Royaume-Uni 1,674 Allemagne 1,307 Russie 721 France 679 Pays-Bas 554 Espagne 383 Suisse 338 Suède 306 Italie 276 Pologne 273 Ukraine 201 République Tchèque 169 Finlande 157 Irelande 133 Danemark 129 Grèce 125 Norvège 119 Turquie 97 Hongrie 89 Portugal 86 Bulgarie 70 Slovénie 69 Roumanie 65 Lituanie 48 Slovaquie 40 Biélorussie 40 Luxembourg 34 Estonie 25 Croatie 20 Lettonie 16 Moldavie 13 Islande 9

Note : l'analyse est présentée pour les projets GitHub en Europe pour lesquels l'information géographique est disponible

Figure 1.9 Nombre de projets blockchain par pays (Source : Deloitte)

34

1.2 Défis et enjeux

En pratique, la répartition actuelle des investissements dans la blockchain est exposée sur la figure 1.10.

13,9 %

9,4 % 6,2 %

18 %

5,4 % 4,3 % 3,4 %

21,8 % 2,3 % 2,0 % 1,6 % 0,7 % 1,5 % 0,9 % 1,4 % 1,3 %

Communications 21,8 % ($969 953 600) Finance 18,0 % ($799 701 539) Trading et investissement 13,9 % ($617 237 136) Jeu et réalité virtuelle 9,4 % ($416 049 113) Commerce et publicité 6,2 % ($275 965 500) Paiements 5,4 % ($240 025 329) Infrastructure 4,3 % ($190 628 000) Intelligence artificielle 3,4 % ($149 931 776) Énergie 2,3 % ($101 500 000) Minage 2,3 % ($100 000 000) Logistique 2,0 % ($90 166 668) Médical 2,0 % ($89 178 011) Stockage des données 1,6 % ($69 000 000) Sécurité et confidentialité 1,5 % ($66 793 221) Réseau social 1,4 % ($60 057 000) Analyse de données 1,3 % ($57 017 078) Conformité 0,9 % ($39 544 101) Transport 0,7 % ($29 500 000)

Figure 1.10 ICO par catégorie en 2018 (Source : Metelitsa, 2017)

La plupart des cas d’usages sont donc toujours centrés autour d’aspects financiers, de jeux en ligne ou de l’infrastructure technique de la blockchain. Les cas d’usage orientés utilisateurs restent à développer. L’énergie représente 2,3 % des projets. Plus spécifiquement dans le domaine de l’énergie, on observe une accélération des investissements, réalisés par différents moyens (ICO, fonds de capital risque), avec de plus en plus d’investissements par des fournisseurs d’énergie tels Tepco, Engie, Centrica, etc.

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4%

20 %

ICO VC = capital risque Entrée en bourse Financement participatif Investissement privé

$324 million

75 %

Figure 1.11 Fonds levés par type de mécanisme (Source Metelitsa, 2017)

35

1 Les principes et enjeux de la blockchain

1.3 Les acteurs et les logiques de l’écosystème blockchain BPIFrance a listé les start-up françaises qui travaillent sur le sujet (figure 1.12). PROTOCOLE ET INFRASTRUCTURE

APPLICATIONS

Blockchain

Énergie

Supply Chain

Fintech/paiement

• Ark.io • Neurochain • Tezos

• • • • • • • •

• • • • • • • •

• • • • • • • • • •

Montée en charge • Acinq Minage

Daisee Enerfip Évolution Énergie Irene Energy Lumo Nexia-bs Solarcoin/Ekwater Sunchain

Connecting Food Ethikchain Ownest Playitopen Seezart Tilkal Transchain Visible.digital

• Just Mining • Tresoriomining Place de marché/retail Échanges

MIDDLEWARE

• • • • •

Dev/Tech • • • •

Deepblock Ethdroid Stratumn Woleet

Calculs distribués • lexec • Rockchain Identité et intimité • Matchupbox

SERVICES - CONSEILS Généralistes • • • • • •

Dawex Makernet Mubiz Ositrade TradeQuorum

• • • • •

Bitit.io Dether Gatecoin Legolas Exchange Paymium/Blockchain.io Variabl

Média • Pan project

Légal

Sécurité

Enseignement/jeux

• • • • • • • •

• • • • • • •

• BCDiploma • Beyond the void • Talao/eMindHub

BlockchainyourIP Evoluchain Ipocamp Keeex Legacy Network Magush Openflow Wespr

Blockchain Inspector Blockshare Chainhero Ledger Tanker Ugloo Uniris

Santé

Assurance

Mobilité

• Kidner project • Rythm

• Wekeep

• Pack’n Drive

Fintech

Bitlogik Blockchain Partner Blockchain Solutions Blockchain Strategists Blockchain Studio Kingeri

• • • • • •

Hipay Impak Finance Kaiko La Maison du bitcoin/Coinhouse Limonetik Moneytrack NapoleonX Origami Network Setl Utocat

IoT

• Belem • ChainOrchestra Mezzonomy • Token Capital • Fablaboo Startuptoken Market Scorechain U (Uchange.Co) Valanter

Média/Formation • Bitconseil • Eureka Certification

Figure 1.12 Start-up françaises dans le domaine de la blockchain (Source : BPIFrance, mars 2018)

Nous retrouverons certains de ces acteurs dans les cas détaillés que nous traiterons dans la dernière partie. Ce tableau, nécessaire mais incomplet, permet de visualiser la diversité des acteurs et des domaines d’activité. Par la suite, l’observatoire européen 36

1.3 Les acteurs et les logiques de l’écosystème blockchain

EUBlockchain1, créé en 2018, a pour objectif d’identifier l’ensemble des acteurs du domaine.

1.3.1 Comprendre la diffusion des technologies blockchain

NIVEAU DE COMPLEXITÉ ET DE COORDINATION bas élevé

Pour comprendre l’adoption de la blockchain par les différents acteurs, le cadre théorique proposé par la Harvard Business Review permet de mieux appréhender les enjeux de la diffusion de technologies socle, selon quatre phases possibles (usage unique, localisation, substitution, transformation). Chaque phase est définie par son degré de nouveauté et la complexité des efforts de coordination pour le réaliser. Plus c’est nouveau et complexe, plus cela prend du temps à être adopté et plus grande est la probabilité que cela transforme une industrie. SUBSTITUTION

TRANSFORMATION

Carte cadeaux basée sur bitcoin

Smart contracts qui s'executent automatiquement

Vente en ligne de livres par Amazon

Skype

USAGE UNIQUE

LOCALISATION

Paiement bitcoin

Registre privé en ligne pour effectuer des transactions financières

Email sur ARPAnet

Réseaux d'emails internes aux entreprises bas élevé NIVEAU DE NOUVEAUTÉ

Figure 1.13 Cadre théorique de la diffusion de la blockchain

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(Source : Iansiti & Lakhani, 2017)

Ce framework permet de penser les évolutions du monde de l’énergie. Les nouveautés proviennent notamment des nouveaux modes de productions locales (énergies renouvelables) ou de consommation (partage et électrification des véhicules). La complexité est notamment liée à l’organisation et à la réglementation des marchés de l’électricité, face à l’apparition d’une nouvelle tendance à l’autoconsommation privée ou collective, par exemple dans des éco-quartiers autonomes.

1. www.eublockchainforum.eu.

37

1 Les principes et enjeux de la blockchain

1.3.2 Comprendre la culture de décentralisation Un deuxième framework nous paraît complémentaire et permet de comprendre les nouveaux aspects relatifs à la décentralisation des technologies énergétiques. Ce phénomène s’insère dans une tendance de fond, baptisée «  nouvelle puissance » ou new power, dont la force réside dans le réseau. VALEURS DE L'ANCIENNE PUISSANCE

VALEURS DE LA NOUVELLE PUISSANCE

Vision managériale, institutionnalisme, gouvernance représentative

Informel, décision par l'engagement, auto organisation, gouvernance en réseau

Exclusivité, compétition, autorité, consolidation des ressources

Collaboration open source, sagesse des foules, partage

Discretion, confidentialité, séparation entre les sphères publiques et privées

Transparence radicale

Professionnalisme, specialisation

Faire soi meme, culture du maker

Loyauté et affiliation de long terme, participation moins inclusive

Court terme, affiliation conditionnelle, participation plus inclusive

Figure 1.14 Valeurs et culture de la décentralisation (Source : Heimans J. et Tims H./HBR.org)

La blockchain s’insère manifestement dans cette tendance, en visant une participation massive des utilisateurs et en réduisant le nombre d’intermédiaires. Pour l’énergie par exemple, des éco-quartiers permettent de consommer et de produire son énergie localement, avec une implication et un partage entre les différentes parties prenantes. Nous allons donc nous intéresser aux impacts sur les business models des acteurs de la blockchain.

1.4 L’impact sur les business models 1.4.1 Le business model

38

Le terme de business model est apparu en 1957. Plusieurs définitions sont disponibles dans la littérature (Al-Debei & Avison, 2010). Elles se centrent le plus souvent sur la notion de valeur. Osterwalder et Pigneur (2010) avancent ainsi que le business model permet à une organisation de créer, délivrer et capturer de la valeur (Osterwalder A. & Pigneur Y., 2011).

1.4 L’impact sur les business models

Des outils opérationnels tels le Business Model Canvas ou sa version numérique1 (permettent de faciliter la réflexion : Partenaires

Activités clés Proposition de valeur

Ressources clés

Coûts

Relation clients

Client

Canaux de distribution

Revenus

Figure 1.15 Business Model Canvas

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(Source : www.entrepreneurial-insights.com)

Les liens avec la stratégie, les processus et la technologie – notamment la technologie de l’information – ont été établis par plusieurs chercheurs. L’innovation technologique ne peut assurer seule le succès d’une entreprise (Zott & Massa, 2011). Le business model est essentiel pour capturer les retombées de l’innovation et assurer son succès commercial (Teece, 2010). Dans ce qui suit nous évaluons l’impact de la technologie blockchain sur les business models des organisations du secteur de la finance, de l’économie du partage, de l’Internet des objets et de l’énergie.

1.4.2 Le secteur de la finance Services financiers et business models La diffusion rapide des smartphones et les avancées fabuleuses des technologies comme le big data ont ouvert la voie au développement des FinTech (Financial Technology) qui offrent aux utilisateurs une large palette de nouveaux services dans le secteur financier. Parmi ces services, la blockchain est utilisée comme 1. https://strategyzer.com.

39

1 Les principes et enjeux de la blockchain

une plate-forme technologique peer-to-peer pour le bitcoin ayant le potentiel de renouveler, voire révolutionner les services fournis par l’infrastructure financière actuelle. Les institutions financières ont répondu à ce défi en mettant en place des expérimentations en lien avec des start-up technologiques pour estimer quel est le potentiel réel de cette technologie. En effet, ces organisations ne parviendront pas à rester leaders sur leur marché si elles ne réussissent pas à garder leur suprématie quand une discontinuité technologique majeure émerge (Chistensen et al., 2015). Faire preuve d’inertie en ne remettant pas en cause rapidement un business model pourrait être une erreur critique (Tripsas & Gavetti, 2000). De nombreux exemples l’ont prouvé, que ce soit lors de l’introduction de la photo numérique, des smartphones ou du streaming. Les banques et les organismes financiers sont soumis à de fortes évolutions résultant des crises, de la numérisation des processus et des produits, d’une baisse de leurs marges dans les activités traditionnelles, de l’arrivée de nouveaux concurrents qui les ont poussés à remettre en cause les stratégies et business models. « Ce scenario attire une attention particulière des acteurs du secteur financier sur les technologies blockchain, en raison de leur potentiel à révolutionner les modes opératoires et les résultats financiers. » (Holotiuk et al., 2017.) L’utilisation de la blockchain pour les transactions ou opérations financières se traduit par une réduction des coûts d’intermédiation, une exécution plus rapide, la présence d’un tiers de confiance n’étant pas requise. La blockchain permet de connaître les détails et l’historique des transactions effectuées de façon transparente sans recours à des tiers. Le processus, fondé sur un mécanisme de consensus, est infalsifiable et fiable. Les smart contracts enregistrent les conditions d’exécution et ajoutent les signatures électroniques (multisig) nécessaires à l’établissement des accords. Ces avantages concernent tant les échanges internationaux que les micro-paiements beaucoup moins impactés par les coûts des commissions des méthodes plus classiques. La blockchain se voit ainsi attribuer un potentiel important (Tapscott & ­Tapscott, 2016). Son adoption dans le secteur de la finance est jugée inévitable (Bott & Milkau, 2016). La blockchain constitue cependant une menace sérieuse pour le secteur car elle élimine le besoin d’un recours à des tiers de confiance. Parallèlement, la réduction des coûts induite par la technologie incite les institutions financières à suivre de près son développement. Cette évolution permettra aux organismes financiers maîtrisant cette technologie de reporter leur attention sur de nouveaux services à forte valeur ajoutée. En ce sens la blockchain a le 40

1.4 L’impact sur les business models

potentiel de faire émerger de nouveaux business models « en créant de nouveaux concepts de services qui s’appuient sur les fonctionnalités offertes par la blockchain pour changer la manière dont les clients et les entreprises échangent des biens. » (Hirofumi et al., 2017.) L’étude de Holotiuk et al. (2017) réalisée auprès d’un échantillon d’experts montre que les impacts de la blockchain concernent surtout quatre items : ▶▶ L’émergence de nouveaux services en peer-to-peer concernant des transactions directes, transfrontières (actuellement chronophages et coûteuses) et trans-devises (qui vont éroder le rôle des bureaux de change), de même que l’articulation entre contrats et transactions. La technologie assure l’enregistrement des contrats d’achats ou de changement de propriété en complément à la transaction classique. Les contrats d’achats peuvent être directement liés à leur paiement, ce qui renvoie aux smart contracts qui permettent une exécution automatique des transactions. La technologie induit une preuve de propriété et de paiement. Elle réduit la fraude. La perspective de « faire de l’argent à partir des données » semble également fondée. ▷ Parallèlement, des services existants sont rendus obsolètes. Les transactions sans tiers de confiance ouvrent ici la voie à la décentralisation des marchés du trading. Les règles sont définies dans l’organisation et exécutées automatiquement sous certaines conditions.

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▷ Un accès au marché identique pour tous, de nouveaux business models et des coûts très faibles de transactions devraient en outre permettre aux personnes démunies n’ayant guère d’interactions avec le système bancaire actuel d’accéder à des services en ce domaine (Giaglis & Kypriotaki, 2014). ▶▶ L’évolution dans les services induit un changement dans la structure financière des organisations de la finance. Les caractéristiques de la blockchain plaident contre un maintien des structures actuelles (Roßbach, 2016). La question est de savoir si les institutions financières pourront continuer à a­ ssurer leurs fonctions de tiers de confiance alors que la technologie rend possibles les transactions directes et des conditions d’accès au marché ­identiques pour tous. ▶▶ L’émergence de nouveaux business models alors que d’autres seront devenus obsolètes. ▶▶ L’émergence de nouveaux acteurs comme les FinTech Ethereum ou Ripple qui ont un rôle de catalyseur. Certaines limites liées à la technologie sousjacente actuelle (logiciels de back office, infrastructures des autorités, réseaux de règlements inter-organisationnels…) sont difficiles à faire évoluer. Cependant les FinTech, très réactives, peuvent s’adapter rapidement à de nouveaux 41

1 Les principes et enjeux de la blockchain

­ esoins ou accroître le potentiel de la technologie. Elles utiliseront cet avanb tage pour s’approprier une part croissante de la chaîne de valeur, ce qui obligera les acteurs historiques à mettre en place des solutions blockchain pour rester sur le marché. La collaboration avec les start-up (Wörner et al., 2016) réduit la nécessité de faire d’importants investissements risqués en attendant que l’impact effectif d’une technologie « disruptive » puisse être plus complètement et clairement perçu. Dans ce contexte, les besoins de sécurité sont en constante évolution. Le rôle des ICO a été abordé dans le chapitre précédent. Dans la section suivante, nous présentons la DAO et le DAICO qui est une ICO intégrant des dimensions de la DAO.

Une problématique centrale : la sécurité Les ICO (Initial Coin Offerings) sont des investissements à haut risque Des chartes des bonnes pratiques ont été proposées par des cabinets d’avocats ou des sociétés associées autour de levées de fonds en cryptomonnaie dans le but de réguler le secteur pour protéger les investisseurs. La transparence et une bonne information sont des éléments cruciaux pour que des investisseurs puissent prendre le plus rationnellement possible des décisions d’investissements à partir de données fiables et d’une absence d’informations asymétriques. Dix points sont mis en exergue. Ils ont trait notamment : ▶▶ à l’information que le porteur de projet doit fournir sur l’équipe, le marché, le produit et l’entité légale portant l’ICO (statuts, structure actionnariale, etc.) ; ▶▶ au document d’information (le whitepaper) qui contient une présentation technique du projet, une évaluation des risques et les juridictions compétentes ; ▶▶ à l’audit externe pour mesurer les risques ; ▶▶ à la traçabilité de l’ensemble des transactions en cryptomonnaies et les mécanismes d’attribution des tokens ; ▶▶ au dépôt des fonds sur un compte sous séquestre, ou une procédure de restitution si l’objectif de la collecte n’est pas atteint ; ▶▶ à l’information post-ICO qui doit être diffusée régulièrement auprès des ­investisseurs, y compris sur les plates-formes d’échange sur lesquelles un marché s’est créé pour les tokens émis ; ▶▶ à la régulation en droit par les pouvoirs publics. 42

1.4 L’impact sur les business models

L’Autorité des marchés financiers a ainsi engagé une réflexion sur les implications des ICO aux plans économique, financier, juridique et réglementaire. La question est de savoir si le droit français existant peut s’appliquer et si des adaptations sont nécessaires (AFM France, 2018). La SEC, le « gendarme boursier » américain, a considéré que certains tokens émis lors des ICO sont des valeurs mobilières et sont donc soumis aux mêmes règles que les introductions en Bourse. La Chine, quant à elle, a simplement interdit les ICO (Boisseau, 2017). Les DAO (Decentralized Autonomous Organization) Ces entités autonomes dans la blockchain sont sans statut juridique formel. Leurs règles de fonctionnement sont inscrites dans du code informatique hébergé et exécuté dans la blockchain. Les possesseurs de tokens DAO votent pour ou contre les projets qui sont proposés à la DAO – sans qu’il y ait de véritable cadre défini pour l’analyse des dossiers, l’accompagnement des entreprises, ou la structuration juridique des accords. La problématique centrale est celle de la dimension juridique et de la régulation : avec des contrats sans territorialité et une forme de pouvoir décisionnel donné à des lignes de code, les enjeux juridiques sont cruciaux. Déterminer qui est légalement responsable du code contenu dans la DAO est une problématique qui n’a pas véritablement trouvé de réponse bien adaptée.

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Une DAO peut émuler le fonctionnement d’un fonds de placement, ce qui permet de financer ou de percevoir des fonds d’autres entités ayant des activités sur une blockchain. Elle ne s’inscrit pas dans le paradigme des fonds classiques en assurant une transparence complète de son fonctionnement et en donnant aux actionnaires un pouvoir de contrôle effectif. Une DAO n’a pas de siège social, de patrimoine et ne peut agir en justice alors qu’elle n’est pas sans risques légaux : elle n’a pas de force juridique lui permettant de signer un contrat avec une autre entreprise ou d’ouvrir un compte en banque. Elle est un groupement de personnes ou d’entreprises matérialisées sur la ­blockchain par une adresse électronique de type (0x5D2cD61g1515efj…), donc anonymes. Les participants prennent des décisions conjointement mais ils ne forment pas ensemble une structure juridique au même titre qu’une association ou une société alors que les activités induites par la DAO interagissent avec le monde physique hors de la blockchain. Certains y voient néanmoins la possibilité d’une évolution des relations de travail. 43

1 Les principes et enjeux de la blockchain

réseau social

identite

incorporation

gouvemance, distribution de valeur, réputation

blockchain

Figure 1.16 L’écosystème

Les principes de régulation progressivement mis en place par la gouvernance d’entreprise (communication, protection des actionnaires, due diligence…) pourraient être actualisés et en cas de conflit, le droit français actuel peut jouer un rôle car un ensemble de personnes participant à une activité peut être considéré comme constituant une société de fait (ou de participation). Ce type d’organisation est défini dans les traités de droit commercial comme résultant d’une situation dans laquelle deux ou plusieurs personnes se sont comportées comme des associés sans avoir exprimé la volonté de former une société. Cependant il n’est pas évident qu’une société veuille établir un contrat avec une DAO sans disposer d’un cadre juridique lui permettant de justifier des sommes reçues ou versées, de facturer la TVA ou d’assigner en justice. Une solution intéressante a été imaginée par la start-up DAO Link, qui propose d’établir le lien entre le smart contract et le contrat physique. Les contractants de la DAO bénéficient ainsi de la sécurité d’un contrat signé avec une société qui dispose de la personnalité juridique et d’un compte en banque. De nouveaux composants émergent pour réduire les risques, tels les contrats DAICO. Les DAICO (Development Assembly Inventory Control Operation) Les DAICO peuvent être perçus comme une ICO possédant des caractéristiques de la DAO (Crypto Analyse, 2018). De par leur conception, les DAICO minimisent le risque de fraude, spécifient les règles de contribution et les mécanismes du processus de vote, de la résolution des conflits. Ils incluent une option 44

1.4 L’impact sur les business models

­ ’abandon du projet et les modalités de clôture et de retrait des fonds. Ils n’ont ni d leaders, ni employés. DAO

- Met à profit la sagesse des foules - Ne fait pas confiance à une seule équipe centralisée - Le financement peut être étalé au cours du temps

ICO

DAICO

- Construit autour d'un seul projet - Pas de risque d'une attaque 51 %

Figure 1.17 (Source : Buterin, 2018)

Les racines du concept se trouveraient dans la faillite des entreprises. Lorsqu’une entreprise se déclare en faillite, la liquidation répartit les actifs entre les créanciers et les actionnaires en fonction de la priorité de leurs créances, les a­ ctionnaires et investisseurs ayant la priorité la plus faible. Comme il n’y a pas de créanciers pour une ICO, avec les DAICO les investisseurs ont la plus forte priorité. Abyss, une plate-forme créée en 2008, a annoncé son intention de lancer un DAICO (Crypto Analyse, 2018). Le modèle de collecte de fonds a été proposé par Vitalik Buterin, co-fondateur d’Ethereum. Le DAICO apporte des solutions aux besoins de sécurité et place la transparence au centre de l’innovation.

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Le DAICO est un nouveau mécanisme et il devrait y exister des moyens de le renforcer tout en maintenant la flexibilité, la transparence et la sécurité. Les risques sont limités, mais seule l’évolution des pratiques dira si les DAICO deviennent une partie intégrante de l’écosystème de la cryptomonnaie. En attendant la résolution des problématiques liées aux transactions financières (Mills et al., 2016), la blockchain reste un outil efficace permettant de mettre en place des systèmes plus sûrs, plus intuitifs et plus collaboratifs que ceux actuellement en vigueur.

1.4.3 L’économie du partage L’économie participative ou collaborative (sharing economy) repose sur la mise sur le marché de l’usage d’un bien que l’on possède. Elle connaît un développement rapide au plan mondial grâce à l’émergence du numérique qui sous-tend 45

1 Les principes et enjeux de la blockchain

ces nouveaux processus et à des acteurs de plus en plus connectés et nombreux. Même s’il est difficile de quantifier la valeur des biens et services échangés elle atteindrait, selon une étude du cabinet PWC (2014), 335 milliards de dollars en 2025 en Europe. Privilégier les circuits courts, le covoiturage, les brocantes, les petites annonces, la location saisonnière de gré à gré, la production d’électricité, des savoirs (les MOOC), la finance participative, les dons d’objets, les conseils en décoration, les coopératives, partager des repas faits à la maison… Il est impossible d’en dresser une liste exhaustive (Fournier, 2015). L’objectif des particuliers est de réaliser des économies mais l’économie collaborative peut induire un avantage écologique comme c’est le cas pour le covoiturage. Le point commun entre toutes ces facettes est le brouillage de la distinction entre les biens publics et privés. Pour se développer, les entreprises du secteur ont besoin de concevoir une stratégie. Des business models innovants ont émergé : ▶▶ Mise en relation et sécurisation des transactions contre : ▷ une rémunération (eBay, Airbnb, Uber…) : la rétribution compense l’accès au service ; ▷ une monétisation de l’audience (Le Bon Coin…) : le site se rétribue via la publicité ou la revente des données. ▶▶ Appel aux dons (associations caritatives, Wikipédia…). ▶▶ Services payants : comptes premium, services personnalisés, jeux vidéo sur le Web, autant que l’imagination le permet. ▶▶ Rémunération de conseils et devis : l’entreprise met le client en contact avec des professionnels. ▶▶ Partage de biens, d’outils, de compétences, etc. Une constante est la nécessité de toucher une communauté large pour que les entreprises parviennent à créer suffisamment de valeur pour assurer leur pérennité. De nombreuses start-up ont été créées, depuis la bibliothèque de vêtements La Véthitèque à la chaire d’économie collaborative ETXECO ou la plate-forme de livraison collaborative PostTRIP. L’économie du partage ouvre de nouvelles perspectives tant pour les jeunes pousses, les grandes organisations que pour les entreprises classiques. « Airbnb, fablabs, Blablacar, crowdfunding : qu’il s’agisse de start-up au succès fulgurant ou de tendances phares dans le domaine du business, l’économie collaborative redessine les contours du monde de l’entreprise. » (Talmon, 2014.)

46

L’économie du partage est aussi fondée sur des mécanismes économiques d’incitation financière, qui peut faire l’objet d’une optimisation dès sa conception.

1.4 L’impact sur les business models

De plus en plus de projets se construisent sur les principes du « mecanism design », dont les concepteurs ont reçu le prix Nobel d’économie en 2017. La théorie permet de concevoir des systèmes où les agents distribués doivent atteindre les objectifs fixés par les concepteurs (par exemple, dans le cas du bitcoin, maximiser la sécurité du réseau). Les blockchains réunissent donc des aspects techniques avancés (la cryptographie et les systèmes informatiques décentralisés) tout en permettant d’intégrer les concepts centraux de l’économie, des contrats et de la confiance. Dans le cas de l’énergie et du climat (abordés dans le chapitre 3), les travaux de Rifkin (La Troisième Révolution industrielle) sont importants. Selon lui, il ne s’agit pas seulement de décarbonisation, mais de réécrire toute l’économie. Exploitation du charbon et développement de la machine à vapeur

1re révolution industrielle INFRASTRUCTURES

Industrialisation de I’imprimerie et large diffusion des savoirs requis par le capitalisme industriel

Chemins de fer et voies navigables

Exploitation du pétrole et de l’énergie électrique

2e révolution industrielle INFRASTRUCTURES

Développement des technologies de communication centralisées (télévision, radio) ou “one to one” (téléphone, fax...)

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Réseaux hertziens, téléphoniques, routiers

Exploitation des énergies renouvelables (photovoltaïque, éolien, hydraulique...)

3e révolution industrielle INFRASTRUCTURES

Développement des communications en réseaux décentralisés (Internet)

Autoroutes de I’information, réseaux de distribution d’énergie intelligents, stockage

La première révolution industrielle s’est appuyée sur I’exploitation du charbon (essor de la machine à vapeur) pour déclencher I’industrialisation de I’imprimerie (nécessaire au partage des connaissances requises par le capitalisme industriel). La deuxième révolution industrielle correspond à la rencontre de I’énergie électrique et des moyens de télécommunication (téléphone, radio, télévision). La Troisième révolution industrielle, selon Jeremy Rifkin, « sera le fruit d’une synergie détonante entre les énergies renouvelables et les technologies Internet, qui modifiera les modes de distribution de l’énergie au e XXI siècle. Dans l’ère à venir, des centaines de millions de personnes produiront leur propre énergie verte à la maison, au bureau et à l’usine, et elles se la partageront via un système « d’Internet de l’énergie » distribuée, tout comme on crée et partage aujourd’hui des informations en ligne ».

Figure 1.18 Les trois révolutions industrielles selon Jeremy Rifkin (Source : CCI Nord-Pas-de-Calais)

47

1 Les principes et enjeux de la blockchain

Le documentaire vidéo (Impact, 2018) présente les enjeux et propose des solutions fondées sur l’économie du partage. Rifkin cite notamment l’Internet des objets (IOT) comme étant l’infrastructure technique permettant cette nouvelle économie du partage. À titre d’exemple, le projet IOTA a pour objectif de permettre aux objets de communiquer via la blockchain : « Alors que le monde entier a adopté l’économie du partage dans des domaines tels que la conduite et l’hébergement, IOTA permet un tout nouveau royaume où tout ce qui contient une puce peut être loué en temps réel. La plupart de nos biens restent inutilisés pendant la grande majorité du temps, mais à travers IOTA beaucoup de ces appareils (outils, drones, eBikes, etc.) et des ressources telles que le stockage informatique, la puissance de calcul, la bande passante WiFi, etc. peuvent être transformés en services de location sans effort. » (Kroes, 2012.)

1.4.4 L’Internet des objets L’Internet des objets intègre de l’intelligence dans les objets de la vie quotidienne. Il est « le prochain grand événement qui nous attend. » (Kroes, 2012.) Ce paradigme assez récent est une extension d’Internet à tous les objets pouvant communiquer avec des équipements électroniques connectés (capteurs, puces, actionneurs, applications, PC, smartphones, etc.). Il contribue ainsi fortement au recueil des données traitées par le big data. Dans le domaine de l’énergie, l’IoT permet par exemple de disposer de capteurs permettant d’expliquer les consommations d’énergie. La feuille de route européenne prévoit un déploiement massif des compteurs intelligents à l’horizon 2020 (Figure 1.19). Les enjeux sont importants tant au plan technologique qu’économique, sociétal ou de la gouvernance (Saleh, 2017). Certaines études estiment que plus de vingtsix milliards d’appareils seront connectés en 2020. Ce nombre est un défi majeur pour les concepteurs de l’architecture de cet Internet en émergence (Challal, 2012). Le marché de l’IoT devrait capter 772 milliards de dollars en 2018, dont la moitié provenant des ventes de matériels (Certes, 2017). L’un des principaux concepts de l’Internet des objets est la communication machine à machine (M2M) qui conjugue les technologies de l’information et de la communication (TIC) avec des machines communicantes afin qu’elles puissent interagir sans intervention de l’homme. Les domaines d’applications sont multiples : gestion de l’énergie, sécurité, logistique, conteneurs de recyclage, 48

1.4 L’impact sur les business models

­ étéorologie, agriculture, tourisme, secteur médical, trafic automobile, domom tique, e-participation, etc. Les trois principaux secteurs concernés seraient les transports, l’énergie et la santé (Mazhelis et al., 2012). Déploiement large échelle (> 80 %) d'ici 2020 Pas de déploiement large échelle (< 80 %) d'ici 2020 Pas de données disponibles Déploiement sélectif d'ici 2020 Nouvelle stratégie UE

Figure 1.19 Déploiement des compteurs électriques en Europe

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(Source : DG ENER et JRC1)

Les réseaux de capteurs ouvrent sur des usages très variés pour les économies d’énergie dans les bâtiments, la fiabilité des mesures, la sécurité, la santé… « Si un professeur d’université annule son cours du matin parce qu’il est malade, les réveils et les machines à café de ses étudiants pourraient être automatiquement reprogrammés, ce qui leur permettrait de dormir une heure de plus. Si une personne âgée oublie de prendre un médicament indispensable, un message pourrait être envoyé à un proche, voire à un centre de secours près de chez elle afin que quelqu’un puisse aller vérifier que tout va bien. » (Commission européenne, 2012.) Les capteurs intègrent peu de composants, ont un coût unitaire faible, une autonomie énergétique, une intelligence individuelle et une mémoire limitées. Leur 1. « Benchmarking smart metering deployment in the EU-27 with a focus on electricity », COM(2014)356, 2014.

49

1 Les principes et enjeux de la blockchain

association en nombre permet de générer une « intelligence de groupe » suffisante pour répondre aux besoins exprimés. Le coût unitaire des puces et des capteurs est un déterminant majeur de leur diffusion de masse. Leur combinaison avec des composants dédiés à la transmission des données ouvre sur un traitement du signal qui est à la base de la proposition de services et de valeur. Le coût d’intégration de l’électronique dans l’objet, la fiabilité, la robustesse, la miniaturisation jouent également un rôle majeur. Les usages, les portées et protocoles de communication (filaire, radio, satellite), une liaison directe ou non avec le réseau, les niveaux « d’intelligence » et d’autonomie attendus sont cependant contraints par la maturité variable des technologies utilisées et surtout l’absence de standards communs qui puissent garantir l’interopérabilité des solutions, ce qui constitue un frein majeur à l’adoption et au déploiement de l’IoT. « À un certain point du développement de l’Internet des objets, un petit nombre de solutions techniques atteignant une taille de marché critique commenceront à creuser l’écart qualité/prix par rapport à leurs concurrents  » (Weill et Souissi, 2010). Ces solutions deviendront des «  standards de fait ». Actuellement il est possible ou de faire appel à plusieurs entreprises dans des secteurs techniques différents qui ne savent pas comment gérer les interfaces, ou de s’en remettre à un fournisseur qui ne maîtrise pas les différentes couches de la technologie et qui peut développer un produit ne répondant pas aux besoins. Ce nouvel écosystème montre cependant une dimension plus intrusive encore qu’Internet en ce qui concerne les informations relatives à la vie privée. La géolocalisation d’objets identifiés, les smart grid, smart building, smart factory, smart furniture, smart clothing, etc. pourraient devenir un « everyware » (Greenfield, 2010) bousculant les droits individuels et la sécurité des informations des ­entreprises. Le développement de l’IoT est à ce jour principalement porté par l’industrie et la recherche. Les régulateurs commencent à s’y intéresser sans véritable coordination, notamment avec la société civile. La Commission européenne a ainsi mis en œuvre plusieurs consultations et développe une réflexion sur la régulation du secteur (Comission européenne, 2012). L’IoT regroupe des technologies et des systèmes diversifiés. Pour cette raison, de nombreuses données interfèrent lors de la conception d’un business model du secteur. Selon Mejtoft (2011), l’IoT comprend trois niveaux de création de 50

1.4 L’impact sur les business models

valeur : lors de la fabrication des objets, par l’exploitation des données collectées et par cocréation dans le réseau. Leminen et al. (2012) utilisent le modèle d’Osterwalder & Pigneur (2009) pour construire un cadre conceptuel permettant d’identifier et d’analyser les modèles d’affaires de l’IoT. Cette approche inclut les constituants de base de la proposition de valeur concernant les perspectives financières, l’infrastructure, le client. Ces items sont souvent mentionnés dans la littérature académique comme les éléments clés des modèles d’affaires (Westerlund et al., 2011). In fine, la littérature existante s’appuie sur un faible nombre de recherches empiriques et parvient difficilement à expliciter ce que sont les modèles d’affaires de l’IoT et comment ils sont connectés à l’écosystème sous-jacent. Pour illustrer le propos, des exemples de business models possibles de l’IoT sont abordés brièvement ci-après. Le premier business model est celui du Traffic Data Marketplace. Les données relatives au trafic automobile englobent toutes les données traitées en vue de leur acheminement par un réseau de communication, d’une exploitation et de sa facturation. Les informations proviennent de toutes les sources accessibles, publiques et privées. L’acteur placé à l’extrémité de la chaîne est l’utilisateur.

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La chaîne de valeur va de la collecte des données et métadonnées servant à définir ou à décrire une autre donnée quel que soit son support, aux fournisseurs de services à valeur ajoutée et aux développeurs qui utilisent commercialement les données collectées pour créer de nouveaux services pour les utilisateurs. L’acteur focal est ici le propriétaire des métadonnées qui gère les contrats ou licences, détermine les conditions d’accès aux informations, leur format et les protocoles. Le modèle relie un niveau local à un niveau plus global. Les technologies sont fondées sur des interfaces standard ouvertes. Les développeurs et les fournisseurs de services paient pour les données brutes collectées en temps réel à l’aide de capteurs, de caméras, par la médiation des autorités concernant tant l’environnement, la météo, l’état des routes que les travaux, la densité du trafic, les ralentissements ou accidents et l’emplacement des stations-service (Ansorge, 2015). Le second business model provient de l’industrie des soins, des produits et services liés à la santé et à l’utilisation de capteurs. Ce secteur d’activité de l’IoT est en forte croissance puisque la santé, au même titre que la nourriture ou le logement, est un besoin primaire de toute population. Plus une population vieillit et plus les coûts augmentent de façon significative. Le secteur de la santé adopte 51

1 Les principes et enjeux de la blockchain

l’IoT pour améliorer la surveillance des patients, réduire les dépenses et encourager l’innovation. Les institutions publiques font de la santé une préoccupation centrale et la prennent largement en charge dès le plus jeune âge afin d’améliorer la qualité de la vie et, par la prévention, de réduire les coûts associés à la maladie. Les soins de santé restent un bien commun, mais des établissements privés pourraient proposer, en complément du système étatique, des services sur une base commerciale. Une technologie fondée sur l’utilisation de capteurs intelligents et l’infrastructure de communication de l’Internet des objets associées à une expertise médicale réduirait le coût des nouveaux services. L’impulsion, au moins initialement, ne peut venir que des gouvernants. Des entreprises privées pourraient alors tirer parti du déploiement de l’IoT en offrant de façon transparente des services et des applications adaptés à des demandes spécifiques. Il pourrait s’agir par exemple d’un service de conseil en santé. Les gens seraient dotées de capteurs de surveillance de paramètres clés, régulièrement analysés par le biais du réseau par des experts médicaux. Les utilisateurs recevraient régulièrement des informations, des propositions ou des avertissements sur la façon d’améliorer ou de préserver leur état de santé. Les technologies comprendraient les capteurs et la connectivité IoT. Les revenus proviendraient de services privés fournissant des informations spécifiques ou des contrôles supplémentaires effectués par des experts médicaux. Toutefois, la sécurité reste le défi majeur à relever car les violations de sécurité liées à l’IoT sont encore fréquentes. Ce qui freine le déploiement de l’IoT est le coût de la mise en œuvre suivi des problèmes de sécurité et le manque d’expertise en ce domaine (Aruba, 2017). Dans les processus de fabrication adaptés à l’IoT, utilisant des machines et des robots « intelligents » autonomes, les produits pourraient être personnalisés pendant le déroulement du processus. Cette solution est moins chère, plus flexible, plus réactive que les process classiques. Elle ne nécessite pas (ou très peu) d’interaction humaine. Ces solutions complexes, comme l’appel à des robots autonomes ou à la réalité augmentée, ne sont utilisées à ce jour que par une minorité d’entreprises (Arthur, 2016). Les situations peuvent être analysées en temps réel en recueillant des données à partir de capteurs ou de puces. Cela facilite la décentralisation des processus métier et réduit la complexité de la chaîne d’approvisionnement. Les systèmes doivent être mis en place en partenariat avec les fournisseurs, les sous-traitants, les commerciaux pour répondre au mieux aux besoins des clients. Le modèle 52

1.4 L’impact sur les business models

é­ conomique est défini localement. Il est conçu pour être évolutif, assez ­facilement reproductible. Les capteurs, les actionneurs, les réseaux de capteurs, les robots et les bases de données font partie des technologies utilisées. Les acteurs locaux de ce modèle seraient les concepteurs de chaînes intelligentes, et les fabricants de robots ou de machines utilisés sur ces chaînes. Le réseau d’approvisionnement réunirait des fabricants d’équipements ou de systèmes intégrés dans les objets intelligents, les acteurs des chaînes d’approvisionnement, des fournisseurs de bases de données et des entreprises procurant les matériaux nécessaires. Le réseau IoT serait ouvert à toutes les parties prenantes. Le facteur le plus critique de succès de ce modèle est l’interopérabilité des éléments de la ligne de production avec l’environnement informatique mis en place. En outre, les lignes de production adaptées à l’IoT doivent être plus rapides à adapter à l’évolution de la demande que les lignes traditionnelles. Le défi, outre un remplacement des lignes de production traditionnelles existantes qui rend l’IoT très coûteux, provient du niveau de standardisation des technologies utilisées. Des problèmes pourraient survenir lors de l’intégration de nouvelles machines.

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Les revenus et les économies de coûts seraient obtenus avec ce business model parce que les lignes de production plus efficaces nécessitent moins d’employés, et qu’une production plus importante génère plus de revenus. La valeur dévolue aux autres entreprises du réseau proviendrait des ventes de produits « clés en main » (par exemple les chaînes de montage, les machines, les robots) et de services de maintenance. Les principaux coûts résident dans l’achat et la maintenance d’infrastructures intelligentes. Les clients achetant les produits fabriqués peuvent quant à eux bénéficier d’une amélioration de la qualité et de coûts plus faibles induits par des systèmes intelligents automatisés qui réduisent les imprévus (Intel, 2014). Les principaux obstacles pour les sociétés qui utiliseront l’IoT sont les risques liés aux cyberattaques, la difficulté d’évaluer le retour sur investissement et à intégrer l’IoT au sein de l’entreprise, ainsi que la perte d’emplois résultant de l’automatisation. La blockchain permet de réduire les freins au déploiement de l’IoT. Des problématiques plus larges relatives à la propriété des données pourraient être résolues au moins partiellement avec la blockchain. Le lecteur intéressé pourra se reporter à des projets d’infrastructure et de gestion des données par la blockchain. 53

1 Les principes et enjeux de la blockchain

Tableau 1.2 Blockchain et IoT Voici pourquoi la blockchain révolutionne l’Internet des objets (IoT). Utiliser la blockchain pour les données IoT offre de nouvelles solutions permettant d’automatiser les process entre partenaires, sans pour autant nécessiter l’instauration d’une infrastructure complexe, coûteuse et centralisée. La protection blockchain des données offre : – une efficacité de travail renouvelée entre partenaires – une plus grande efficacité puisque chaque partenaire peut utiliser à son avantage les ­informations fournies Permet aux appareils IoT de participer aux transactions blockchain Réinvente les interactions business ; ouvre les portes à de nouveaux types d’intéractions ­numériques Réduit le coût et la complexité des opérations d’une entreprise

Tableau 1.3 Les 3 éléments de l’informatique décentralisée (Source : T. McConaghy)

Stockage

Calcul

Communication

Stockage des tokens Bitcoin, Zcash, .*

Logique métier stateful (avec état) Ethereum, Lisk, Rchain, Tezos, ... Client-side compute (JS, Swift)

Données TCP/IP, HTTP, Tokenized Tor

Système de fichiers IPFS/FileCoin, Eth Swarm, Storj, Sia, Tieron, LAFS

Logique métier stateless (sans état) Crypto Conditions (e.g. BigchainDB). Bitshares, Eos, and all stateful biz logic

Valeur Interledger, Cosmos

Calcul haute performance TrueBit, Golem, iEx.ec, Nyriad, VMs, client-side compute

Gestion des états (status) PolkaDot, Aeternity

Base de données BigchainDB + IPDB, IOTA Marché de données Ocean Enigma, DataBroker, Datum

La problématique de la patrimonialité des données, c’est-à-dire de leurs possesseurs, est centrale pour tous ces débats. À ce jour, la plupart des services internet que nous utilisons, mis à disposition gratuitement (Google, Facebook, etc.), bénéficient de nos données personnelles qu’ils revendent très cher. En moyenne, les données individuelles représentent environ 10  € par personne actuellement.

54

1.4 L’impact sur les business models

Figure 1.20 L’extension Data Valuation Tool permet de visualiser en temps réel les revenus générés par Facebook grâce aux données personnelles de l’utilisateur.

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La blockchain pourrait permettre d’identifier précisément à qui appartient chaque donnée et de payer l’individu ou la société qui en est la source1. Cependant, à l’heure actuelle, cette possibilité technique est limitée par l’état du droit : les données sont considérées comme constitutives de l’individu et ne peuvent être vendues.

Figure 1.21 Exemple de projet pour rémunérer les données personnelles (Source : datacoup)

1.4.5 Les projets blockchain relatifs à l’énergie Nos usages et nos comportements énergétiques sont en train de changer fondamentalement. L’ancien modèle énergétique, avec un réseau centralisé et quelques 1. https://www.generationlibre.eu/data-a-moi/

55

1 Les principes et enjeux de la blockchain

fournisseurs, évolue vers un modèle décentralisé en raison des nouveaux enjeux de production renouvelable locale et des besoins en mobilité. Le modèle blockchain paraît donc tout à fait adapté à ces nouveaux besoins. L’étude publiée par l’organisme allemand DENA synthétise les cas d’usage ­remontés par les gestionnaires d’énergie : Plateformes

Trading pair à pair

Plateformes de trading

Production décentralisée

Processus Gestion du réseau

Ventes et marketing

Mobilité Automatisation

Communication Sécurité Comptage et transfert de données

Facturation

Figure 1.22 Cas d’usage issus des gestionnaires de l’énergie (Allemagne) (Source : Dena.de)

De plus en plus d’acteurs s’orientent vers la blockchain pour fournir des solutions énergétiques nouvelles. Nous en présentons ici un panorama, des exemples plus détaillés seront fournis dans le chapitre 4. La production centralisée d’électricité cède de plus en plus la place à la décentralisation à mesure que les nouvelles technologies continuent de permettre différentes formes de production, de stockage et de transport d’électricité. Cela signifie que le réseau énergétique change rapidement. La décentralisation n’est rien de moins qu’une révolution dans la façon dont nous produisons, stockons, déplaçons et consommons l’énergie. 56

1.4 L’impact sur les business models

Tableau 1.4 Tendance de la production d’électricité et la blockchain (Source : Mc Kinsey, Henderson & Rogers, 2018)

Tendances de fond

Technologies clés

Rend les clients des éléments actifs du système, mais requiert une plus grande coordination

Efficacité énergétique, production photovoltaïque, stockage distribué, microgrids…

Électrification

Réduction des gaz à effet de serre

Véhicules électriques et lien avec le réseau électrique, pompes à chaleur…

Digitalisation

Permet une communication ­automatisée en temps réel et un fonctionnement optimal du système énergétique

Technologies réseaux (compteurs intelligents, internet des objets…), plates-formes d’agrégation et de contrôle

Production

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Description

Décentralisation

Transmission et distribution

Utilisateur final

Production d'énergie et données du fournisseurs stockées dans une blockchain pour assurer la transparence, la sécurité et la précision

Le trading sur les marchés de gros peut se faire par des smart contracts qui minimisent le besoin de brokers et des agences d'indexation

Les interactions temps réel avec le fournisseur permettent des cycles de paiement plus court, plus d'efficacité énergétique et une meilleure gestion de la relation clients.

Certificats d'énergie renouvelables basés sur la production réelle

Les capteurs et les systèmes de contrôle compatibles avec la blockchain permettent une donnée sécurisée et une résilience plus importante du réseau

Des microgrids pair à pair fonctionnent de manière autonome, avec des blockchains pour gérer les contrats sur les flux d'énergie et les paiements instantanés Les véhicules électriques se connectent avec l'infrastructure en executant des transaction via des portefeuilles intelligents (smart wallet) Les équipements connectés (ex : machine à laver, chauffage...) à l’intérieur de la maison intelligente se coordonnent pour acheter et utiliser l'énergie, afin d'améliorer la performance énergétique et la durée de vie des équipements

Figure 1.23 Coordination des flux de données à travers la technologie Blockchain

57

1 Les principes et enjeux de la blockchain

Voici quelques exemples (liste non exhaustive, de nouveaux projets se créant régulièrement) de positionnement de start-up dans le domaine. Tableau 1.5 Liste non exhaustive des principales start-up utilisant la blockchain pour l’énergie (Adapté de Dein, 2017)

Acteur

58

Description

Conjoule conjoule.de

Conjoule offre une plate-forme de blockchain conçue pour soutenir les échanges d’énergie en peer-to-peer entre les propriétaires de systèmes photovoltaïques sur les toits et les acheteurs intéressés du secteur public ou des entreprises. L’entreprise a vu le jour dans le centre d’innovation d’Innogy en 2015 et a reçu un financement de 5,3 millions de dollars de Tokyo Electric Power Company et d’autres en juillet. Conjoule mène un projet pilote en Allemagne depuis un an.

Drift www.joindrift.com

Basé à Seattle, Drift tire parti de la technologie du grand livre distribué, de l’apprentissage machine et de la négociation à haute fréquence pour créer un fournisseur d’énergie au détail concurrentiel et différencié. Il a recueilli 2,1 millions de dollars en mai et fonctionne actuellement à New York.

Greeneum www.greeneum.net

Greeneum exploite des réseaux d’essai et des projets pilotes pour sa plate-forme d’échange d’énergie en peer-to-peer « en Europe, à Chypre, en Israël, en Afrique et aux États-Unis ».

Grid+ https://gridplus.io

Grid+ a levé 29 millions de dollars grâce à sa pré-vente symbolique, qui financera le développement et le lancement de son fournisseur de détail compétitif fondé sur la blockchain au Texas. La couverture médiatique explique ce succès : il a été créé par ConsenSys, un acteur important de la blockchain aux États-Unis, et qui a aussi remporté l’appel d’offre de la commission européenne pour l’observatoire européen EUBlockchain.

Grid Singularity/Energy Web Foundation http://gridsingularity.com

Grid Singularity est une start-up autrichienne qui développe une chaîne de blocs spécialement conçue pour l’industrie de l’énergie, soutenue par une équipe de professionnels expérimentés du marché de l’énergie et de développeurs de chaînes de blocs et de contrats intelligents. Ils ont créé aussi la fondation EWF.

Electron www.electron.org.uk

La start-up britannique a commencé avec une solution fondée sur une chaîne de blocs pour aider les clients à changer de fournisseur d’énergie, mais a depuis communiqué sa vision de tirer parti de sa plate-forme pour soutenir des solutions plus larges de commerce de l’énergie et d’équilibrage du réseau. Elle travaille en collaboration avec Siemens et le National Grid.

ImpactPPA www.impactppa.com

Alors que la plupart des acteurs de la chaîne de blocs d’énergie offrent un jeton pour le trading, ImpactPPA, basé à Manhattan Beach en Californie, en a deux : un pour financer des projets et un pour consommer de l’énergie. La société cible les 16 % de la population mondiale qui manquent d’une source d’énergie fiable.

LO3 Energy/TransactivGrid/ Exergy https://lo3energy.com

En plus de soutenir Electron au Royaume-Uni, Siemens a annoncé l’an dernier un rapprochement avec LO3 Energy, un développeur de blockchain basé à New York. La jeune entreprise prometteuse a reçu un montant indéterminé de Braemar Energy Ventures et Centrica Innovations.

1.4 L’impact sur les business models

Acteur

Description

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TransactivGrid est une Joint Venture entre LO3 et Consensys. Plus récemment, LO3 a annoncé la création d’Exergy, « un grand livre distribué qui fonctionne sur du matériel connecté au réseau, un système de jetons pour l’énergie transactive et une fondation qui fait progresser à la fois la conception du marché et la technologie ». MyBit https://mybit.io

MyBit est conçu pour aider à financer les panneaux solaires en répartissant la propriété de chaque système entre plusieurs propriétaires. L’entreprise a réuni l’équivalent d’environ 2,7 millions de dollars dans le cadre d’une vente symbolique en août.

Power Ledger https://powerledger.io

Power Ledger, le représentant australien de la blockchain d’énergie, avait attiré plus de 24 millions de dollars de la part de quelque 15 000 supporters au moment où elle a terminé un événement de génération de jetons plus tôt . La société met en œuvre des projets pilotes pour sa plate-forme de chaîne de blocs, construite pour soutenir un large éventail d’applications sur le marché de l’énergie, en Australie et en Nouvelle-Zélande.

SolarCoin https://solarcoin.org

SolarCoin a été lancé en 2014 en tant que programme de récompenses pour la production d’électricité solaire, l’une de ses pièces (un solarcoin) équivalant à un mégawattheure de production (cf. étude de cas dans le dernier chapitre)

Sun Exchange https://thesunexchange.com

La devise de Sun Exchange est « l’argent solaire ». Fondée par Abraham Cambridge, pionnier de l’énergie solaire au Royaume-Uni, la société a pour objectif de permettre aux supporters du monde entier de financer le photovoltaïque jusqu’au niveau d’une cellule solaire individuelle et de les louer à des écoles et des entreprises en Afrique. Le marché de l’entreprise est axé sur le financement et la construction de nouveaux systèmes de production, plutôt que sur l’échange d’énergie. Sun Exchange est opérationnel depuis plusieurs années et a financé avec succès quatre projets solaires. L’entreprise a récemment réuni 1,6 million de dollars en fonds de démarrage, qui serviront à l’expansion de ses activités et de ses capacités à l’échelle mondiale.

Veridium www.veridium.io

Veridium est une société de technologie financière visant à créer une nouvelle classe d’actifs appelée « EcoSmart Commodities » et à fournir aux entreprises un nouveau moyen d’intégrer les remplacements environnementaux dans le coût de leurs produits.

WePower www.wepower.network

WePower développe une plate-forme fondée sur Ethereum pour financer des projets d’énergie renouvelable par la vente et le commerce de l’énergie «  symbolisée  » produite par ces systèmes. L’entreprise cherche à recueillir 30 millions de dollars.

Electrify Electrify.sg

Electrify est une start-up singapourienne qui se positionne comme une place de marché des consommateurs et des distributeurs.

Positive Energy Community positiveenergy.community

Positive Energy Community est une plate-forme sociale communautaire, basée à Singapour, pour l’accumulation et la distribution d’énergie renouvelable.

ElBlox www.elblox.org

Le fournisseur d’énergie suisse Axpo a lancé ElBlox, une plate-forme blockchain pour le commerce de l’énergie renouvelable dans un quartier.

Irene https://irene.energy

Fondée sur la technologie blockchain Stellar pour les paiements, Irene se positionne comme un fournisseur d’électricité renouvelable,

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1 Les principes et enjeux de la blockchain

Acteur

Description avec la particularité de laisser le consommateur choisir exactement à quels actifs producteurs il achète son électricité.

Sunchain www.sunchain.fr

Sunchain est une entreprise française qui travaille sur l’autoconsommation mutualisée et délocalisée d’énergie solaire. Elle a notamment participé au projet Digisol, une expérimentation d’autoconsommation collective sur mille logements autour de Perpignan, sur trois ans.

De manière plus visuelle, les principaux projets relatifs à l’énergie correspondent soit à une organisation décentralisée des marchés de l’énergie, soit aux enjeux de mobilité, avec un mix d’acteurs historiques, de start-up et de consortiums. Systèmes de trading d'énergie. Systèmes pair à pair

Enerchain Europe AdptEve WienEnergie

Mobilité

Ponton

TenneT

Vandebron

sonnen

Conjoule

Alliander

freeel.lo

Lumenaza*

BTL

StromDAO

Slock.it Fortum

Slock.it

Demos Vattenfall

Siemens

TransActive Grid

LO3 Energy

Reste du monte

Car eWallet

Powerpeers*

Ecochain

États-Unis

Share&Charge

innogy

PowerLedger

Powertree Arcade City

Vector

LedgerAssets

La’Zooz KEPCO Toyota

The Sun Exchange

* Modèle peer to peer, actuellement sans blockchain ** Non basé sur le blockchain, mais en réseau distribué Entreprise

Concepteur blochain/start up

Projet/initiative

Figure 1.24 Principaux projets énergétiques basés sur la blockchain 60

1.4 L’impact sur les business models

Un listing plus exhaustif des projets a été réalisé par SolarPlaza, dans son rapport « Comprehensive Guide to Companies involved in blockchain AND Energy ». Ces projets viennent modifier en profondeur la chaîne de valeur énergétique. Génération Transmission Distribution

Trading

Vente

Autres

Comptage

Systèmes de trading d'énergie/systèmes pair à pair Microgrid Gestion des réseaux Trading avec des smart contracts Mobilité Gestion de la recharge/paiement Gestion de la borne de recharge Partage de trajet Gestion des actifs Intégration/collecte des données des actifs individuels (« provenance ») Autres cas relatifs à l'énergie Gestion des certificats (ex pour l'énergie renouvelable) Paiement des factures avec des crypto monnaies Changement de fournisseur d'énergie

Figure 1.25 Projets et chaîne de valeur énergétique (Source : Solarplaza)

12 10 8 6 4

Undisclosed

Verv

WePower

Sunchain

SunContract

Spectral

StromDAO

Power2Peer

Restart Energy

Grid+

Guardtime

Grid Singularity

Electron

Energy21

Drift

Electrify

BTL

Dajie

BovLabs

Axpo

Blockcypher

Aizu Laboratory

PONTON

TOBLOCKCHAIN

Klenergy

Omega Grid

Conjoule

Solar Bankers

IBM

LO3

Motionwerk

0

Energo Labs

2 Power Ledger

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Projets déployés et annoncés

Ces projets concernent une variété d’usages et de besoins :

Trading d'énergie pair à pair

Place de marché décentralisée

Charge de véhicule électrique

Gestion des réseaux de distribution

Marché de gros

Flexibilité du réseau

Ajustement de la puissance électrique ('demand response')

Facturation

Cybersécurité

Source: GTM Research

Figure 1.26 Nombre et objets de quelques exemples de projets énergétiques (Source : Metelitsa, 2018)

61

1 Les principes et enjeux de la blockchain

De plus en plus d’expérimentations sont menées, avec l’ambition de passer de la preuve de concept à l’industrialisation. Le département d'Énergie US a contractualisé avec Guardtime Pacific Northwest National Labs, Washington State University, Tenessee Valley Authority, Siemens et le département de la Défense pour développer des technologies de cybersécurité pour le réseau d'énergie Omega Grid travaille sur le microgrid de Stone Edge pour tester la capacité à gérer des mécanismes de type 'optimal power flow' et à définir un prix local pour chaque actif à une fréquence de 5 min, et à accepter les offres des actifs pour contrôler la charge

Alectra Utilities, en partenariat avec IBM, travaille sur un pilote en T1 2018 pour tester la gestion du demand response sur la blockchain

Bovlabs a un partenariat avec Enchanted Rock pour tester la capacité de la technologie blockchain à gérer le marché américain ERCOT

Use Case échange d'énergie en peer-to-peer echange décentralisé d'energie EV charging Management de distribution Retail Biling Cybersécurité Demand Response Grid flexibility

Source : GTM Resarch

Figure 1.27 Projets déployés et annoncés en Amérique du Nord (Source : Metelitsa, 2018)

Le chapitre suivant va nous permettre de mieux comprendre le fonctionnement de la blockchain et son utilisation dans le contexte de l’énergie.

62

2

Les technologies blockchain

L’objectif de ce deuxième chapitre est de vous permettre de ­comprendre les fondements technologiques de la blockchain. Nous essaierons de répondre dans cette partie aux quelques questions suivantes  : En quoi la blockchain est-elle différente d’autres technologies de l’information plus classiques  ? Quelles sont les ­limitations d’une blockchain ? Comment choisir la bonne blockchain pour votre cas d’usage ?

2.1 Les briques de base Nous ne donnerons ici que les explications techniques minimales permettant au lecteur de comprendre ce qu’est la blockchain. Nous ne rentrerons pas dans des aspects théoriques très avancés, l’objectif étant de vous donner les clés pour comprendre le pourquoi et le comment de cette technologie en vue de l’appliquer à l’énergie.

2.1.1 La chaîne des blocs © Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

Compte et transactions Un utilisateur de la blockchain dispose d’un compte, identifié par une adresse unique. Un compte sur Ethereum, par exemple, dispose de sa balance courante en monnaie locale, l’ether (ETH balance), ou de son équivalent dans une devise réelle (« fiat currency ») tel le dollar.

63

2 Les technologies blockchain

Voici un exemple avec l’outil Etherscan (Figure 2.1).

Figure 2.1 Exemple d’un compte (Source : https://etherscan.io)

Des transactions peuvent être réalisées, permettant de débiter ou de créditer le compte. Voici un exemple de transaction (Figure 2.2).

Figure 2.2 Exemple d’une transaction (Source : https://etherscan.io)

En particulier, on voit apparaître certaines caractéristiques d’une transaction : ▶▶ TxHash : c’est l’identifiant unique de la transaction. ▶▶ TxReceipt Status : cela indique le statut de la transaction (succès, en attente…). 64

2.1 Les briques de base

Le réseau des nœuds de la blockchain Contrairement à une base de données « classique », une blockchain n’autorise que des ajouts. Différentes copies d’un registre existent simultanément sur différents ordinateurs (qui sont à la fois des clients et des serveurs : on parle de nœud du réseau blockchain). Quand un bloc est ajouté, il l’est sur l’ensemble des nœuds.

Nœud block i Tx 98 Tx 99 Tx 100 Nœud

block i Tx 101 Tx 102 Tx 103

block i Tx 104 Tx 105 Tx 106

Nœud

Nœud

Figure 2.3 Illustration du fonctionnement nœuds/bloc dans un réseau blockchain

Les primitives cryptographiques : fonction de hachage

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Imaginez que vous vouliez vérifier la version d’un document numérique (par exemple ce livre). Le document stocké sur votre liseuse est-il bien la dernière version mise à jour par l’éditeur ? C’est simple, direz-vous : il suffit de commencer par la première phrase du document, de comparer si c’est bien la même, et si c’est le cas, de continuer soit jusqu’à la fin (dans ce cas, les documents sont identiques), soit jusqu’à une différence. Mais cette méthode (que nous appellerons « méthode naïve ») est peu fiable : selon la taille du document, elle peut prendre un temps fou. Nous aimerions donc disposer d’une méthode optimale et rapide pour comparer ces deux informations. C’est à cela que sert une fonction de hachage (ou « hash function »). Une fonction de hachage est une fonction mathématique qui renvoie un résultat d’une taille fixe pour une entrée de taille quelconque. Autrement dit, quelle que 65

2 Les technologies blockchain

soit la taille réelle de notre document d’entrée, on peut en résumer le contenu par une chaîne de 256 caractères en sortie, par exemple. Les propriétés d’une bonne fonction de hachage sont les suivantes : ▶▶ propriété 1 : il est très simple de calculer la sortie à partir d’une entrée donnée ; ▶▶ propriété 2 : il est très difficile de retrouver l’entrée à partir de la sortie ; ▶▶ propriété 3  : la probabilité d’avoir la même sortie pour deux entrées différentes est très faible. Pas nulle, mais suffisamment faible en pratique pour que l’on puisse considérer raisonnablement, à l’échelle d’une vie humaine, que cela n’arrive pas. Cette propriété est dénommée « collision free ». Cette fonction de hachage nous permet donc de comparer très facilement le contenu des blocs pour en vérifier la cohérence (plutôt que d’avoir à vérifier le contenu du bloc selon notre méthode naïve), mais rend à l’inverse une attaque très complexe en raison de la propriété 2.

Les primitives cryptographiques : la signature digitale Revenons à notre exemple du livre. Nous avons maintenant un moyen de comparer les versions. Mais nous aimerions aussi savoir facilement qui en est l’auteur. Pour cela, l’auteur appose une signature électronique, qui permet de l’identifier de manière certaine. C’est ainsi que, avec Etherscan, il est possible de suivre les transactions qui ­appartiennent à un même compte. En l’occurrence, l’identification est pseudoanonyme : il y a bien un identifiant, mais on ne peut remonter directement à l’utilisateur humain qui la détient avec son nom et son prénom. Combiner les deux technologies – hachage et signature électronique – permet donc de vérifier qu’une information a été signée par la contrepartie. Clé publique de Bill

Document signé numériquement, incluant un hash encrypté

Susan utilise la clé publique de Bill pour décrypter le hash

110101010101

Susan calcule le SHA-256 pour le document de Bill

110101010101

Bill envoie le document et le hash à Susan

Esc(H(W)) Encrypted SHA 256 Hash

Document word de Bill

Document de Bill reçu par Susan

Susan compare les 2 valeurs de hash. Si elles sont égales, alors elle est sûre que Bill a signé le document et que celui qu'elle a reçu est exactement le même que celui que Bill a signé

Figure 2.4 Utilisation des techniques cryptographiques pour vérifier qu’un document a été signé par la contrepartie (Source : Blockchain fundamentals, Jonathan Waldman, Microsoft)

66

2.1 Les briques de base

La chaîne des blocs Nous pouvons donc montrer maintenant comment est organisée la chaîne des blocs. Le chaînage se fait d’un bloc à l’autre, grâce à un hash que n’importe quel utilisateur peut valider facilement : Block 10

Block 11

Block 12

valeur précédente du hash (Block 9)

valeur précédente du hash (Block 10)

valeur précédente du hash (Block 11)

Transaction 2100

Transaction 2200

Transaction 2300

Transaction 2101

Transaction 2201

Transaction 2301

Transaction 2102

Transaction 2202

Transaction 2302

...

...

...

valeur du hash (Block 10)

valeur du hash (Block 11)

block hash (Block 12)

Figure 2.5 Chaînes des blocs

Il est à noter que le premier bloc est spécial : il s’agit du bloc « genesis » créé par le concepteur du système (Satoshi dans le cas du bitcoin).

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Si un attaquant essaie de remplacer frauduleusement le bloc courant, il devra aussi remplacer tous les blocs précédents, ce qui demande une grande puissance de calcul, devant disposer de la majorité des votes sur l’ensemble du réseau. Plus le nombre de nœuds sur le réseau est grand, plus la probabilité d’une telle attaque diminue. C’est en ce sens que la blockchain est considérée souvent comment étant sécurisée. Néanmoins il convient de garder à l’esprit que le niveau réel de sécurité dépend des algorithmes choisis. Une mauvaise implémentation ou des bugs peuvent exister et être utilisés par un attaquant. Néanmoins, la conception générale du système tend à favoriser la sécurisation. Lorsqu’un nouveau bloc est ajouté, il est validé par l’ensemble du réseau, grâce à un mécanisme de consensus :

2.1.2 La notion de consensus Une blockchain regroupe l’ensemble des échanges effectués entre les utilisateurs, qui ont tous accès à l’information sans intermédiaire. Chaque acteur peut vérifier la validité de la chaîne d’informations. Le principe du consensus est utilisé 67

2 Les technologies blockchain

1

2 Les transactions sont regroupées dans un bloc

A effectue une transaction envers B

3 Le bloc est validé par les nœuds du réseau au moyen de techniques cryptographiques

4

5

Le bloc est daté et ajouté à la chaine de blocs (blockchain) à laquelle tous les utilisateurs ont accès

B reçoit la transaction de A

Figure 2.6 Le consensus dans une blockchain (Source : Blockchain France, 2016)

pour parvenir à établir un accord général dans le but de prendre des décisions sans vote ou délibération préalables. Dans un système centralisé ce mécanisme n’est pas nécessaire pour parvenir à une décision, conclure un arbitrage, pour valider une transaction entre tiers. La gouvernance est simple. Elle est assurée par un tiers de confiance identifié, connu de tous les intervenants. Il définit les règles du jeu et intervient lorsqu’il y a besoin d’un arbitrage. Au contraire, dans le modèle décentralisé et sans intermédiaire de la blockchain, aucune décision ou modification ne peut être effectuée sans le consensus global des utilisateurs. La gouvernance est décentralisée. Elle ne repose pas sur une seule entité qui bénéficierait de la confiance de tous pour valider des changements dans le fonctionnement du système ou pour effectuer des transactions. Dans ce cadre, la question centrale est de pouvoir garantir qu’une nouvelle transaction ou transmission d’information ne sera pas falsifiée. Les mécanismes utilisés doivent assurer que la bonne donnée est transmise de manière fiable et incontestable dans un contexte distribué. Le processus repose sur un vote de l’ensemble des utilisateurs, validé par l’établissement d’un consensus. Le présupposé est que les utilisateurs malveillants resteront minoritaires. Ce point est abordé 68

2.1 Les briques de base

plus loin. « Le problème du consensus est peut-être le problème majeur en algorithmique répartie. » (Baldellon, 2010.) Il est possible d’identifier de nombreuses méthodes de construction du consensus sur une blockchain, notamment : ▶▶ le practical byzantine fault tolerance ; ▶▶ le practical byzantine fault tolerance and proactive recovery ; ▶▶ le delegated byzantine fault tolerance ; ▶▶ la proof of work ; ▶▶ la proof of stake ; ▶▶ la preuve d’importance ; ▶▶ la proof of space time (utilisée par filecoin) ; ▶▶ le consensus fédéré… Dans ce qui suit nous abordons les notions classiques de preuves de travail et de preuve d’enjeu (ou de possession : proof of stake), puis la problématique de la tolérance aux fautes. Un UTXO (Unspent Transaction Output) est un montant qui n’a pas été dépensé lors d’une transaction acceptée entre des parties identifiables dans un système de paiement blockchain (tel le bitcoin). Lorsqu’une transaction a lieu, les entrées sont supprimées et les sorties sont créées en tant que nouveaux UTXO utilisables dans une autre transaction. Chaque UTXO est associé à la signature de son propriétaire. Cette signature est utilisée pour valider la transaction car quiconque veut utiliser un UTXO doit fournir la preuve qu’il en est le propriétaire.

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Les transactions s’inscrivent dans un ensemble précis de règles définies dans un protocole. Ces règles doivent protéger la blockchain des attaques et permettre d’atteindre rapidement un consensus. Il est impossible dans un système informatique de calcul distribué de garantir de manière synchrone les trois contraintes suivantes (théorème de Brewer) : ▶▶ Cohérence : tous les nœuds du système voient les mêmes données au même moment. ▶▶ Disponibilité : toute requête reçoit une réponse. ▶▶ Tolérance  : seule la coupure totale du réseau peut empêcher le système de fonctionner correctement. Un système de calcul distribué ne peut répondre à un instant donné à ces trois contraintes. Même si la tolérance et la disponibilité sont établies, l’incohérence 69

2 Les technologies blockchain

émerge par exemple lorsque le hash d’un nouveau n’a pas encore été transmis à tous les utilisateurs. Les incohérences sont tolérées mais elles doivent être temporaires, ce qui relève du rôle du protocole de consensus. Les mécanismes de consensus les plus connus sont la proof of work (preuve de travail) et la proof of stake (preuve d’enjeu ou de possession). La résolution du problème imposé par une proof of work est appelée mining (on parle des « mineurs »). Le processus, dans le cas de la proof of stake, est désigné sous le terme de minting (on parle des « forgeurs »).

La preuve de travail Le système de consensus permet à un réseau décentralisé partageant un registre commun (la blockchain) de valider les transactions et de s’accorder sur leur ordre afin de les ajouter au registre. Pour limiter le pouvoir de nuisance lié à la puissance d’un ordinateur, il est possible de lui imposer un temps de calcul (et le prouver par un résultat) qui est le prix à payer pour que l’ordinateur puisse mener une action. Alors que le calcul de la solution prend du temps, il faut au contraire de façon asymétrique que la vérification soit rapide. Le résultat constitue la preuve de travail. Dans un système utilisant la preuve de travail, chaque mineur tente de résoudre un problème mathématique et seul le premier qui a trouvé la solution a le droit d’ajouter le bloc à la blockchain et d’obtenir une récompense pour le travail effectué. Lorsqu’un mineur trouve une valeur adéquate, il diffuse le résultat sur le réseau. Les autres mineurs en sont rapidement informés par la médiation du mécanisme de transmission de pair à pair. Rappelons ici que les fonctions de hachage sont à sens unique  : il est impossible de partir du hash pour retrouver la donnée initiale. Les ordinateurs testent ainsi toutes les possibilités, ce qui consomme énormément de temps et d’énergie car la difficulté est automatiquement ajustée en fonction du nombre d’ordinateurs utilisés afin qu’un nouveau bloc soit généré en moyenne toutes les dix minutes. La probabilité qu’un mineur réussisse à trouver en premier la solution permettant de valider le hachage du bloc pour l’ajouter à la blockchain est proportionnelle à la puissance de calcul dont il dispose. La course à l’équipement des mineurs conduit à des dépenses énergétiques considérables, nuisibles pour l’environnement, comme le fait percevoir la figure de l’entrepôt dédié au minage KnC Miner, qui a pourtant déposé son bilan en mai 2016 sous la pression de la concurrence. 70

2.1 Les briques de base

Figure 2.7 Exemple d’entrepôt de minage (Source : Stefan Bladh)

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Le mécanisme est ainsi fondé à la fois sur une récompense des entités participant au consensus pour leur travail de calcul et sur une protection du réseau contre des acteurs malveillants ne disposant pas de la majorité de la puissance informatique totale de ce réseau (l’attaque des 51 %). Il reste à noter que les preuves de travail classiques (dont celle utilisée par Bitcoin) consistent à faire des calculs énergivores pour résoudre un problème sans intérêt réel. Des projets en cours de développement, tel Curecoin qui cherche à découvrir comment des protéines se replient, ce qui peut être utile en médecine (CureCoin, 2018), développent des preuves de travail (et des cryptomonnaies associées) beaucoup plus utiles. « Les preuves de travail sont, on le voit, au cœur d’une petite révolution dont le succès, s’il se confirme, conduira à faire que les calculs réalisés pour la gestion des monnaies cryptographiques serviront la recherche mathématique ou médicale… » (Delahaye, 2014 : 92.)

La preuve d’enjeu Ce mécanisme de consensus (Ray, 2017) ne demande pas de trouver une solution exigeant un développement massif de calculs, mais de démontrer que l’utilisateur est en possession d’un montant suffisant de jetons (tokens).

71

2 Les technologies blockchain

La possibilité pour un forgeur de créer un bloc de transactions et de recevoir la récompense associée est proportionnelle à son degré d’implication dans le réseau. Ce mécanisme repose sur un postulat : l’intervenant qui participe le plus activement est celui qui a le plus intérêt à ce que le réseau soit sécurisé. Une attaque connaissant le succès aurait en effet pour résultat de faire fortement diminuer son avoir. Le fait de pouvoir forger sans avoir à disposition des moyens informatiques consommant d’importantes quantités d’énergies permet d’éviter la centralisation des moyens informatiques nécessités par la preuve de travail.

Limites Ces mécanismes ne sont pas exempts de défauts. Ainsi, le système de la preuve du travail est particulièrement lent, énergivore et il n’y a pas de « finalité du consensus » (consensus finality). Lorsqu’un bloc est ajouté à la blockchain il n’est pas certain qu’il soit choisi pour ajouter le bloc suivant. Deux mineurs peuvent ajouter un bloc simultanément en faisant émerger une bifurcation (un fork). Le bloc ayant le fort niveau de difficulté pour établir la preuve de travail est choisi pour ajouter le prochain bloc. Même si cette perspective est peu probable, elle conduit les utilisateurs à respecter un délai avant de considérer que leur transaction est confirmée. De plus, lorsque le nombre de transactions augmente, il en va de même du délai de validation. Or plus ce délai est important, plus le nombre de forks augmente ainsi que les risques qui y sont associés. La preuve d’enjeu n’implique en effet que la possession de jetons du réseau, ce qui est l’origine d’une des principales attaques connues sous la désignation de Nothing at Stake (« Rien à perdre »). Contrairement au minage, le forgeage n’oblige pas à choisir l’une des branches d’une bifurcation. Les utilisateurs peuvent continuer à forger sur les deux branches car cela ne les oblige pas à mobiliser des ressources et leur intérêt est d’obtenir la récompense… quelle que soit la branche considérée. Un attaquant pourrait ainsi tenter de se faire aider par d’autres forgeurs pour effectuer des doubles paiements en sa faveur. Les risques sont très élevés pour les forgeurs qui réalisent ce type de manœuvre car le prix de leurs jetons s’effondre lorsque le réseau prend connaissance de l’attaque. Les deux modèles de consensus peuvent de fait conduire à une concentration du pouvoir de minage et de forgeage qui remet en cause la raison même de la décentralisation offerte par la technologie blockchain en développant des systèmes de consensus plus efficaces tels le delegated proof of stake, ou le byzantine fault tolerant system (Leussink, 2018). 72

2.1 Les briques de base

Les fautes byzantines Résoudre le problème du consensus implique la capacité d’implémenter des services tolérants aux fautes, c’est-à-dire aux messages censés être envoyés, qui ne le sont pas ou qui sont falsifiés (Lesert, 1992). En pratique, chacun des mécanismes de consensus a des points forts et des inconvénients qui dépendent des fautes acceptées par la technique utilisée, de son degré de maturité et des retours d’expériences réalisés. La présence de fautes dites byzantines, fréquemment rencontrées (Lamport et al., 1982), résulte du fait que certains acteurs ou processus ont un comportement qui n’est pas celui spécifié par le protocole. Ils peuvent se comporter de manière arbitraire. Un processus qui ne commet pas d’erreur est dit correct. « Les bugs et les attaques informatiques sont les causes principales d’interruption de service et cela peut créer un comportement arbitraire, c’est-à-dire, une faille byzantine » (Castro & Liskov, 2002). Nous présentons la métaphore des généraux byzantins, classiquement utilisée pour illustrer cette problématique avant d’expliquer à titre d’exemple le fonctionnement du delegated byzantine fault tolerance (Buntix, 2018) qui utilise une élection suivie d’un processus de validation1.

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Les généraux byzantins À l’époque de l’Empire byzantin, plusieurs armées s’apprêtent à attaquer une ville. Pour réussir elles doivent agir de la même façon sous peine d’être décimées par leurs adversaires. La décision d’attaquer ou de battre en retraite est soumise à un vote. L’option qui recueille plus de 50 % des voix est appliquée. Les armées communiquent entre elles pour prendre des décisions (attaquer ou battre en retraite) par des courriers qui risquent d’être interceptés, ou dont le message risque d’être corrompu. En outre, chaque général peut être suborné par l’adversaire ou ne pas tenir compte du vote pour prendre sa décision. Le défi est de parvenir à un consensus valable face à des acteurs peu dignes de confiance et aux dysfonctionnements possibles. Ce questionnement est analogue à celui qui concerne les réseaux distribués2.

1. http://docs.neo.org/en-us/node/consensus.html. 2. ibid.

73

2 Les technologies blockchain

Le dBFT (Delegated Byzantine Fault Tolerance) Le principe de base est le suivant : Tous les nœuds du réseau élisent un ensemble de nœuds dits de consensus dans lequel un représentant (locuteur) est choisi au hasard. Les autres nœuds de consensus ont un rôle de délégués. Le représentant est responsable de la création d’un nouveau bloc à partir des transactions en attente (smart contrat, toute forme de donnée). Il doit effectuer les vérifications et calculer les hachages. La proposition est ensuite envoyée aux délégués, qui vérifient qu’ils arrivent à la même conclusion. Si tout le monde est honnête, ils peuvent établir le consensus et le bloc est ajouté à la blockchain. Nota : il faut pouvoir contrôler deux tiers des nœuds pour corrompre les transactions. Trois scenarii sont envisageables : 1. Le représentant est malhonnête. Il envoie une proposition (bloc) malveillante. Comme chaque délégué a une copie des transactions en attente, il peut facilement vérifier si la proposition de bloc est valide ou invalide. Par comparaison, les délégués déterminent qu’ils ont reçu une proposition corrompue du représentant qui est alors considérée comme malhonnête. Un consensus est établi et le locuteur malhonnête est remplacé. Malhonnête

B A

B

A B

B B B A

Figure 2.8 Illustration du scénario 1 (Source : @basiccrypto/ steemit.com)

74

2.1 Les briques de base

2. Un délégué est malhonnête. Tous les délégués reçoivent une proposition (bloc) valide du locuteur. Le délégué malhonnête diffuse sa proposition de bloc corrompu mais présentée comme valide aux autres délégués. Par comparaison les délégués déterminent que soit le délégué est malhonnête, soit il a reçu une proposition corrompue du représentant. Le consensus est cependant atteint car plus de 50 % des délégués trouvent le bloc valide, et le délégué malhonnête est remplacé.

A A

A

A A

B A B A

Malhonnête

Figure 2.9 Illustration du scénario 2 (Source : @basiccrypto/ steemit.com)

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3. Le locuteur et un délégué sont malhonnêtes. Tous les délégués reçoivent des propositions falsifiées du représentant malhonnête. Le délégué malhonnête diffuse sa proposition de bloc corrompu et présentée comme valable aux autres délégués. Les délégués honnêtes valident leurs propres propositions. En comparant, chaque délégué honnête détermine que soit tous les autres délégués sont malhonnêtes, soit qu’ils ont tous reçu une proposition corrompue du locuteur. Un consensus est atteint, car plus de 50 % des délégués trouvent le bloc invalide, et le délégué malhonnête et le locuteur doivent être remplacés. Nota : Au-dessous de 33,33 % de nœuds de consensus honnêtes, les nœuds malhonnêtes peuvent établir un consensus qui devient le nouveau point de référence du système. 75

2 Les technologies blockchain

Dans ce cadre les définitions et relations suivantes sont utilisées : ▶▶ t : temps alloué pour la génération de blocs, mesuré en secondes ; ▶▶ n : nombre de nœuds de consensus actifs ; ▶▶ f : nombre maximal des nœuds de consensus défectueux admissibles ; ▶▶ h : taille du bloc pendant la phase de consensus ; ▶▶ i : indice du nœud de consensus ; ▶▶ v : « vue » d’un nœud de consensus ; la vue contient les informations agrégées reçues par le nœud lors d’un tour de consensus. Cela inclut le vote émis par tous les délégués ; ▶▶ k  : indice de la vue v  ; une activité de consensus peut nécessiter plusieurs tours. En cas d’échec du consensus, k est incrémenté et un nouveau cycle de consensus commence ; ▶▶ p : index du nœud de consensus du locuteur ; le mécanisme de calcul de cet index est conçu pour empêcher un seul nœud d’agir en tant que dictateur ; ▶▶ s : seuil de consensus considéré comme sûr ; en dessous de ce seuil, le réseau est exposé à une erreur : s = ((n − 1) − f ). Il existe trois exigences principales pour pouvoir tolérer les fautes de consensus : ▶▶ Les délégués doivent parvenir à un consensus sur une transaction avant qu’un bloc puisse être validé. ▶▶ Les nœuds de consensus malhonnêtes ne doivent pas être capables de persuader les nœuds de consensus honnêtes. ▶▶ Tous les délégués sont dans le même état (h, k) au début d’une activité de consensus. L’algorithme utilisé est le suivant : ▶▶ Un nombre de nœuds de consensus falsifiés inférieur à (n − 1)/3 permet d’établir la fonctionnalité et la stabilité du système. Les nœuds ordinaires ne participent pas à la construction du consensus. ▶▶ L’ensemble des données utilisées pour établir un consensus est appelé une vue. Si le consensus ne peut être atteint dans la vue actuelle, un changement de vue est nécessaire. Chaque vue est identifiée par un nombre v qui part de 0 et s’incrémente jusqu’à l’atteinte du consensus. ▶▶ Chaque nœud de consensus est numéroté de 0 à n − 1. Lors de chaque tour de consensus, un nœud joue le rôle de locuteur. L’indice p du locuteur sera déterminé de la façon suivante  : si la hauteur du bloc courant est ℎ, alors p = (ℎ − v) mod n, la plage de valeurs de p sera 0 ≤ p < n. 76

2.1 Les briques de base

▶▶ Un nouveau bloc sera généré à chacun des tours de consensus avec au moins n − f signatures des nœuds comptabilisées. Lors de la génération d’un bloc, un nouveau cycle de consensus doit commencer par réinitialiser v (v = 0).

Conclusion sur le consensus La notion de consensus fait l’objet de recherches actives en informatique, dans le champ des systèmes distribués. Il n’existe pas en soi d’algorithme meilleur que les autres, cela dépend d’un arbitrage entre des besoins souvent inconciliables. Le théorème CAP indique en effet qu’il est impossible de garantir à la fois la cohérence (C), la disponibilité (A = availability) et le partitionnement (P) sur divers nœuds du réseau. Comme pour d’autres technologies de base de données, il faut donc choisir selon le cas d’usage considéré. Selon le degré d’ouverture du réseau souhaité (public ou privé), de la fréquence nécessaire aux transactions, tel ou tel algorithme pourra être plus ou moins bien adapté.

2.1.3 Les jetons (tokens) Nous avons présenté les caractéristiques techniques de la blockchain. Nous continuons ici avec les aspects économiques, qui sont conçus grâce aux jetons. Les jetons permettent de faire fonctionner des applications décentralisées et rendent possibles de nouvelles stratégies, de nouveaux business models et un meilleur partage de la valeur. Les actifs financiers et immobiliers (par exemple un bâtiment intelligent) peut être « tokenisés », c’est-à-dire découpés en jetons représentant des fractions de propriété et pouvant être transférés facilement d’un propriétaire à un autre via la blockchain, qui agit comme un notaire digitalisé.

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Nous nous appuyons ici sur la classification effectuée par Untitled Inc., qui distingue cinq principales dimensions pour un jeton dans son Token Classification Framework : ▶▶ Objectif. Pour quoi a-t-il été conçu ? Les jetons peuvent certainement être conçus comme une cryptocurrency, qui en est l’illustration la plus courante (cas du bitcoin, par exemple). Mais ils sont aussi souvent destinés à permettre à un réseau spécifique de catalyser sa croissance (jetons de réseau) ou simplement à présenter une façon d’investir dans une entité ou un actif (jeton d’investissement). ▶▶ Utilité. Le terme « token utility » est devenu courant, par l’intermédiaire de jetons d’utilisation (pour l’accès à un réseau ou à un service) ou en permettant aux détenteurs de jetons de contribuer activement au système (jetons de travail). Certains jetons font les deux (jetons hybrides) et d’autres ne fournissent aucune utilité. 77

2 Les technologies blockchain

▶▶ Statut juridique. La perspective juridique est incertaine pour l’instant et l’on s’attend à ce qu’il y ait davantage de réglementation. Le schéma général de la situation actuelle dans plusieurs pays est que les jetons qui ne sont pas clairement utilitaires ou qui ne sont pas une pure cryptocurrency peuvent facilement être classés comme jetons de sécurité par les régulateurs. ▶▶ Valeur sous-jacente. La plupart des jetons sont créés pour avoir une valeur monétaire. Mais les sources de leur valeur diffèrent considérablement. ­Certains fonctionnent essentiellement comme des reconnaissances de dette à un actif réel auquel ils sont liés (jetons adossés à des actifs). D’autres présentent des propriétés semblables à des actions, car elles sont liées au succès commercial de l’entité émettrice. Ces jetons ressemblant à des actions But

Utilité

Quel est l'objectif du token ?

Quelle utilité est fournie par le token ?

Cryptodevise

Token d'usage

Token de réseau

Token de travail

Token d'investissement

Token hybride

Technique

Statut légal

Sur quel système est implémenté le token ? Token intégré nativement dans une blockchain Token de protocole, non intégré nativement

Quel est le statut légal du token ?

Token cryptographique

Token d'utilité Instrument nancier (security en anglais)

Token (d)App Cryptodevise

Valeur sous-jacente D'où vient la valeur du token ? Token dépendant d'un autre actif Token réseau Token action

Figure 2.10 Token crytographique (Source : Untitled INC)

78

2.1 Les briques de base

seraient considérés comme des valeurs mobilières dans la plupart des juridictions. Enfin, certains jetons sont liés à la valeur d’un réseau et non à une entité centrale (jetons de valeur de réseau). Ces derniers pourraient être les plus difficiles à cerner et représenter la source de valeur la plus intéressante en même temps. ▶▶ Couche technique. Les jetons peuvent être implémentés sur différentes couches techniques de systèmes fondés sur une chaîne de blocs : au niveau de la blockchain en tant que jetons natifs de la chaîne (jetons natifs de la chaîne), dans le cadre d’un protocole cryptoéconomique qui se trouve au-dessus de la chaîne de blocs (jetons de protocole non natifs), ou au niveau de l’application : (DApp tokens). Des exemples sont donnés pour chaque type de jeton. Ils permettent de mieux comprendre les différents types de jetons.

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Tableau 2.1 Typologie des tokens Crypto-devise

– Utilisée pour stocker de la valeur ou comme moyen de paiement – Pas émise par une autorité centrale – Peut être produite par minage

Actif tokenisé

– Donne accès à des actifs aux propriétés similaires à l’or, même pour des micro-transactions – L’actif sous-jacent doit être détenu par l’entité émettrice, ce qui introduit un risque de contrepartie (contrairement à la crypto-devise)

Plateforme tokenisée

– Équivalent d’une plateforme telle facebook ou twitter, mais sans être détenue ou gérée par une seule entité – Auparavant les utilisateurs avaient un rôle limité dans les plateformes, maintenant les rôles sont distribués et accessibles à tous les participants – La valeur (financière/d’utilité) circule librement

Token sous la forme d’une action

– Un outil pour investir dans des entreprises (ICO plutôt qu’une introduction en bourse) – Attention la régulation des ICO n’est pas encore bien établie, ce qui introduit de l’incertitude – Actions sur steroids : flexibles, programmables par smart contract

Malgré des utilisations et des caractéristiques différentes, tous les jetons représentent abstraitement une sorte de valeur économique, souvent mise en avant dans les ICO. Un grand nombre de nouveaux jetons ont été mis en circulation. Le protocole Bancor vise à devenir la nouvelle norme pour permettre la conversion automatique à tout moment, sans l’aide de tiers, et donc d’assurer la liquité des jetons. La conception des systèmes d’incitation par les tokens ouvre la voie selon certains auteurs à une nouvelle discipline, le « token engineering », de manière à créer un écosystème économique viable. Les principes en ont été largement établis par les travaux séminaux de Leonid Hurwicz, Eric Maskin et Roger 79

2 Les technologies blockchain

Les tokens numériques vendus dans des ICO confèrent différents droits aux détenteurs Paiement

Accès

Profit

Le token est le seul moyen de faire des paiement sur le réseau

Le token permet d'utiliser la plateforme elle-même

Les détenteurs obtiennent une partie des revenus ou des profits

GNT est le seul moyen de payer pour des services sur le réseau

Les détenteurs de TIME obtiennent des paiements pour des token heure de travail

LSK est nécessaire pour payer les frais de transaction sur le réseau

Contribution

Création de block

Gouvernance

Les tokens sont nécessaires pour payer certains rôles dans la plateforme ou l'application

Les tokens déterminent qui sécurisent la blockchain

Les détenteurs influencent les fonctionnalités, la direction du projet, les détails du protocole, etc.

1ST autorise les détenteurs à déterminer qui gagne un match

Les détenteurs de DGD déterminent comment les fonds DigixDAO sont utilisés

Les détenteurs de KMD sélectionnent les nœuds qui sécurisent la blockchain

Figure 2.11 Droits des détenteurs de token (Source : Smith & Crown)

Myerson sur le « mecanism design », qui ont obtenu le prix Nobel d’économie en 2007. L’intérêt de cette approche est de partir des objectifs qu’on souhaite obtenir, et d’en inférer les mécanismes économiques à mettre en place pour y arriver. Analyse

Synthèse

Théorie des jeux

Conception du mécanisme Contraintes pratiques Optimisation de la conception Thérorie de l'ingénierie, pratique et outils

Ingénierie des tokens pour l'analyse et la synthèse Figure 2.12 Écosystèmes tokenisés : de la conception à l’ingénierie (Source : McConaghy T.)

2.2 Les smart contracts, les DApp et les Oracles 2.2.1 Les smart contracts

80

Les applications blockchain s’inscrivent dans un écosystème virtuel dissocié du monde réel. Les cryptomonnaies ou les smart contracts (contrats intelligents), qui

2.2 Les smart contracts, les DApp et les Oracles

sont des programmes autonomes exécutant automatiquement des conditions définies dans la blockchain, ont donc un lien ténu avec le monde physique. Ces deux espaces se placent sur des plans qui ne se superposent pas (Rabesandratana & Bacca, 2017). Un contrat classique peut être implémenté sur Internet avec un intermédiaire servant de tiers de confiance comme c’est le cas pour eBay, ou dans une DApp (application décentralisée, sera définie plus tard). Les smart contracts sont en effet à la base de créations complexes telles que les DApp ou les DAO (Organisation autonome décentralisée). Il s’agit là de véritables services capables de fonctionner de façon autonome. L’important est que tous les acteurs d’une transaction interprètent le contrat (et le rôle du smart contract) de façon identique.

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L’idée initiale a été présentée pour la première fois en 1996 par Nick Szabo, scientifique et cryptographe  : elle correspond à une machine automatique, dont le fonctionnement est assuré par un automate programmable (Szabo, 1997).

Figure 2.13 Vision schématique d’un smart contract

(Source : http://kreativmind.co/soda-machine-state-diagram.html)

Elle est bien antérieure à l’émergence des blockchains et du bitcoin, l’application la plus médiatisée de la blockchain concernant les paiements (Werbach, 2018). 81

2 Les technologies blockchain

Les smart contracts concernent au moins deux parties liées par le contrat, ce qui les distingue d’un simple engagement individuel ou d’un droit comme celui de propriété. Ils résultent d’un accord assumé et accepté et ne sont pas soumis, sauf exceptions, à des exigences de forme, ce qui permet de les traduire en code informatique intégrant les intentions des parties concernées et permettant leur exécution automatique conformément au principe « Code is law » (Lessig, 2009). Le cyberespace protège l’anonymat, la liberté d’expression et l’autonomie des personnes. Le code, en devenant le régulateur, en fait progressivement selon l’auteur un lieu qui rend l’anonymat plus difficile et l’expression moins libre. L’autonomie individuelle se trouve gérée par des experts. Un smart contract est donc une promesse, la confiance dans sa réalisation résidant dans l’utilisation du réseau blockchain. Mais attention, à ce jour, un smart contract est tout sauf « smart » : il s’agit uniquement d’un ensemble de conditions « si… alors ». Les différences entre un contrat aux sens juridique et économique et un smart contract (objet technologique donc) sont reportées de manière précuse dans l’article de Léger & Imbault (2018). Plus succinctement, les différences essentielles sont reportées comme suit. Tableau 2.2 Différence entre smart contract et contrat traditionnel Contrats traditionnels

Smart contracts

1 à 3 jours

Minutes

Paiement manuel

Paiement automatisé

Nécessite un tiers de confiance

Sans nécessité d’un tiers de confiance

Coûts importants

Coûts faibles

Signature présentielle

Signature digitale

Même si la question des recours reste en suspens, la rédaction d’un contrat restera le plus souvent dédiée aux spécialistes du droit. « On peut s’attendre à voir se développer de nouvelles professions autour de la rédaction de smart contracts en lien avec plusieurs technologies de blockchain, ainsi que des échanges de bibliothèques de smart contracts. » (Berbain, 2017.) Les conséquences de la blockchain ne concernent pas uniquement la technologie. Elles ont un impact global sur l’organisation des entreprises, l’économie, le sociétal, le juridique et la vie des particuliers. La plate-forme la plus connue pour les contrats intelligents est Ethereum, créée en 2015 par Vitalik Buterin (Epstein, 2015). 82

2.2 Les smart contracts, les DApp et les Oracles

En théorie, toute application qui fonctionne sur un ordinateur classique peut être exécutée sur un ordinateur de son réseau. Ethereum permet aux développeurs de coder de nouveaux types d’applications, avec un langage spécifique appelé Solidity (proche du javascript, très répandu parmi les développeurs). Un exemple simple de smart contract à l’usage du programmeur débutant Pour donner une idée du fonctionnement d’un smart contract, prenons l’exemple d’un achat de livre électronique. Supposons par exemple qu’Alice achète un livre électronique et paie par carte de crédit sur le site web d’un éditeur. Pour le fournisseur, la façon habituelle de résoudre ce problème est de mettre en œuvre des services pour le paiement sur son site web : Achat ebook

Compte bancaire

Alice

Paiement reçu Éditeur

Ebook envoyé

Figure 2.14 L’éditeur met en œuvre un service de paiement fourni par la banque. La banque est responsable du maintien du solde du compte.

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La plupart des systèmes actuels reposent sur l’intermédiation d’autorités de confiance, comme les banques. Les banques tiennent votre compte personnel, avec toutes vos transactions de débit et de crédit. La chaîne de blocs offre les mêmes garanties de confiance à Alice et Dunod, mais sans l’intermédiaire. Compte blockchain

Alice

registre distribué

Paiement reçu Éditeur

Ebook envoyé

Figure 2.15 Le service de paiement est assuré par la chaîne de blocage. Le solde du compte observé par tous les participants, de sorte que ni Alice ni l’éditeur ne peuvent mentir. 83

2 Les technologies blockchain

Au lieu d’un service web qui dépend totalement du fournisseur, le contrat intelligent eBook suivant fonctionne quoi qu’il arrive (en pseudo-code simplifié) : // notre smart contract eBook contract EBook { // l’adresse du compte Ethereum utilisés address owner; // l’événement observé event Payment(address _from, address _to, uint _amount); // On initialise le smart contract public EBook() { owner = msg.sender; } // Si l’utilisateur clique sur « buy », alors l’événement payment est envoyé function buy(address editor, uint price) { Payment(msg.sender, editor, price); return; } }

Pour le lecteur souhaitant en savoir plus sur les aspects purement techniques, il sera utile de se référer à un livre spécialisé en programmation, qui est hors du cadre du présent livre.

Une caractéristique de la blockchain : le transfert de valeur L’exemple précédent montre un smart contract permettant d’acheter un eBook. L’avantage est que la blockchain vérifie automatiquement que le compte de l’acheteur dispose d’assez d’argent pour pouvoir payer. La blockchain garantit donc, par conception, que le compte n’est débité ou crédité qu’une seule et unique fois. La différence avec un programme standard est que le développeur du smart contract ne peut contourner ce fonctionnement, qui empêche la double dépense (« double spending ») grâce à la conception de la base de données distribuée en mode ajout uniquement (« append-only »). Par conséquent, la blockchain est un système qui permet de garantir le transfert de valeur en toute confiance. Il est ainsi possible d’éliminer certains intermédiaires dans la chaîne de valeur. C’est en tout cas l’ambition du bitcoin face aux banques traditionnelles, par exemple. Dans beaucoup d’autres domaines, la blockchain pourrait remettre en cause le rôle de ces intermédiaires et représente une opportunité pour de nouveaux entrants.

84

2.2 Les smart contracts, les DApp et les Oracles

Tableau 2.3 Échanges et intermédiation (Source : La blockchain décryptée, Blockchain partner)

Critère

explication

exemple illustratif

Répertoire partagé

Utilisé par de nombreux participants

Registre CO2 / vote en ligne

Dépendance des transactions

Interaction entre différents participants

Chaine d’approvisionnement

Confiance difficile à établir

De nouveaux usages demandent un plus grand niveau de confiance entre les participants

Données médicales / confidentialité

Présence d’un intermédiaire

Un ou plusieurs intermédiaires

Banque / Uber

Dans le cadre de l’énergie plus spécifiquement, cela signifie que le rôle traditionnel des fournisseurs d’énergie pourrait être challengé dans l’avenir, avec des platesformes peer-to-peer et collaboratives venant rogner les marges d’acteurs historiques.

Conditions d’exécution des smart contracts Le contrat est créé lors d’une transaction qui est exécutée par tous les nœuds connectés sur la blockchain. Les parties prenantes sont enregistrées sous forme de données, comme leurs droits spécifiques. Elles peuvent y accéder en utilisant les fonctions prédéterminées par le smart contract. Le cycle de vie du smart contract est le suivant, depuis sa conception par un développeur jusqu’à son exécution automatique selon des événements observés :

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Contrat prédéfini

Événements

Les termes du contrats sont acceptés les parties en présence

Des événements déclenchent l'exécution du smart contract

Exécution et transfert de valeur Le programme est automatiquement exécuté selon les conditions prédéfinies

Règlement

Paiement instantané ou autre règlement

Les termes sont programmés dans le smart contracts et ne peuvent pas être changés sans que toutes les parties le sachent et l'acceptent

Figure 2.16 Cycle de vie du smart contract (Source : @hvonsteemithttps/steemit.com)

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2 Les technologies blockchain

Deux cas de figure peuvent être distingués1 : Les conditions d’exécution sont en lien avec d’autres écritures dans la blockchain. Dans ce cas, le contrat est programmé pour vérifier que les écritures existent ou que le délai d’exécution est passé. Il s’exécute si c’est le cas. Solidity est un exemple de langage qui facilite la formalisation de contrats dont la qualification, l’exécution ou la fin peuvent présenter des difficultés : caution, indemnisation, droit de préemption, collaboration, prestation de service, etc. Par exemple, lorsqu’une somme d’argent fait l’objet d’un litige entre deux personnes physiques ou morales, il est possible de la déposer chez un tiers chargé de la conserver et de la restituer à la personne en droit de la réclamer une fois le désaccord résolu. Afin de garantir les intérêts des personnes qui confient à un séquestre la somme faisant l’objet de la contestation, il est indispensable de rédiger un contrat de dépôt. L’écriture d’un tel contrat peut prendre la forme d’un smart contract. L’acheteur crée le contrat sur le réseau à l’aide d’une application dédiée, puis il l’envoie à Ethereum avec les données concernant le vendeur et le tiers de confiance (les adresses ethereum) et la valeur du bien en cryptomonnaie. Dans cette configuration, le tiers de confiance ne peut pas accéder aux fonds directement : il peut seulement les transmettre au vendeur ou les rendre à l’acheteur. Il est en outre possible de remplacer le tiers de confiance par un autre smart contract ou de faire appel aux tiers de confiance spécialisés, les « Oracles », que nous présenterons plus loin.

2.2.2 Les DApp (Decentralized Applications) Les plates-formes de contrats intelligents apparues en 2017 sont à la base de la décentralisation des applications2. Comme pour les utilisations financières de la blockchain, de nombreuses applications décentralisées (les DApp) répliquent des dimensions des applications (centralisées) existantes tout en ouvrant sur l’innovation et la possibilité de repenser tout ce qui demande un contrôle centralisé (Le Gal-Huaumé, 2017). Les DApp ne nécessitent pas d’entité juridique pour opérer, ni les fonctions des sociétés classiques centralisées nécessaires pour équilibrer le pouvoir des actionnaires ou fournir des dividendes aux investisseurs. Elles se démarquent ainsi du concept classique de société, et ce pour deux raisons :

1. www.dawex.com/fr/blockchain-echange-donnees. 2. dapps.ethercasts.com.

86

2.2 Les smart contracts, les DApp et les Oracles

ML

ML HT

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BLOCKCHAIN

D ETHEREUM SOLIDITY BACKEND

DApp FRONTEND

web3.js HTML

CSS

Utilisateur

Figure 2.17 DApp et blockchain

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▶▶ Une société s’inscrit dans une juridiction déterminée avec un dirigeant, des employés, des actionnaires, des locaux, des fournisseurs. Les DApp n’ont aucune de ces caractéristiques. ▶▶ Les sociétés traditionnelles peuvent mobiliser des capitaux par une ouverture du capital, l’emprunt, une vente d’actions. Une DApp n’utilise aucun de ces mécanismes pour se financer. La propriété de tokens d’une DApp est une condition suffisante pour que le possesseur puisse utiliser le système. La valeur des jetons est déterminée par le nombre de personnes qui valorisent l’application. La structure est donc particulièrement simple. Ces applications peuvent être classées selon plusieurs critères, comme le fait d’utiliser leur propre chaîne de blocs ou celle d’un autre DApp.

87

2 Les technologies blockchain

Pour qu’une application soit considérée comme une DApp, elle doit respecter les critères suivants (Dorian, 2017) : ▶▶ Les données de l’application doivent être stockés cryptographiquement dans le registre public et décentralisé de la blockchain. ▶▶ L’accès à l’application est lié à l’utilisation d’une monnaie cryptographique ou d’un jeton interne propre à son système. ▶▶ Elle doit générer des jetons de sa monnaie selon une norme cryptographique standard de son protocole. Cette norme apporte la preuve que les nœuds P2P contribuent au bon fonctionnement de l’application. ▶▶ Elle doit être open source et fonctionner de façon autonome. Elle peut adapter son protocole en fonction des améliorations proposées mais les changements sont décidés par consensus des utilisateurs. Le consensus peut s’établir par le biais de deux mécanismes : la proof of work et la proof of stake. Dans le premier, qui est celui du bitcoin, on valide les changements après avoir évalué la quantité de travail que chaque partie prenante apporte au fonctionnement de la DApp. Cette évaluation évite le déni de service et autres abus qui détournent une partie de la puissance de calcul du demandeur de service. Le système est coûteux en temps et en énergie mais des jetons par proof of work incitent les acteurs à contribuer et à fournir des ressources au projet. Avec la proof of stake, on acte les changements après avoir demandé aux acteurs de les valider. Le consensus est obtenu par un système de vote dans lequel l’importance de chaque voix est proportionnelle au pourcentage des tokens de monnaie sous-jacente possédés. Les deux mécanismes peuvent être utilisés conjointement, ce qui permet aux DApp de fonctionner avec moins de consommation d’énergie que la seule proof of work et d’être plus résistantes aux attaques de type 51 %. Les DApp distribuent leurs jetons à partir de trois mécanismes : ▶▶ Le mining, qui distribue les jetons à l’aide d’un algorithme  : les acteurs connectés vérifient les transactions, comme c’est le cas pour le bitcoin. ▶▶ Une collecte des fonds dans laquelle les tokens sont distribués à ceux qui financent le développement initial de la DApp, comme c’est le cas de mastercoin, une forme d’argent numérique utilisable pour régler toute transaction (commerce électronique, paiements privés…) ▶▶ Les jetons sont produits selon des règles prédéfinies et sont uniquement disponibles pour le développement de la DApp. 88

2.2 Les smart contracts, les DApp et les Oracles

Le développement d’une applications décentralisées se déroule habituellement en parcourant trois étapes : ▶▶ Un livre blanc publié décrit la DApp, son fonctionnement, ses fonctionnalités et la roadmap, c’est-à-dire la feuille de route permettant de communiquer et partager l’intention stratégique, et de détailler la mise en œuvre. ▶▶ Les jetons initiaux sont distribués (ICO, Initial Coin Offering). ▶▶ La répartition de la participation est mise en place. Les jetons proviennent d’un mécanisme fondé sur le minage qui est un processus s’appuyant sur des calculs mathématiques dont la finalité est la création de la cryptomonnaie. Plus la puissance de calcul mise en œuvre est importante, plus il y aura de jetons créés et distribués à un nombre de plus en plus important de participants. La propriété de la DApp devient de plus en plus centralisée et les participants qui détenaient une participation majoritaire dans une phase antérieure voient leur pouvoir de contrôle se diluer. L’open source dispense la DApp d’une participation aux droits d’auteurs selon le modèle juridique de ce type de logiciels. Ethereum développe un browser de DApp nommé MIST qui aura un impact majeur dans les années à venir1. Une version développeur a été faite mais l’audit de sécurité complet n’est pas encore effectué2. Exemple de la DApp ZooZ :

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Zooz3 est une plate-forme de transport décentralisée qui est en cours de développement, une DApp utilisant la technologie blockchain. Elle se distingue fondamentalement d’Uber, BlaBlaCar ou Sidecar parce qu’elle n’est la propriété de personne, ou qu’elle est plutôt celle de la communauté des utilisateurs, étant disponible en open source. Le logiciel ne pourrait pas détourner des données car le code est contrôlé collégialement (Teruzzi, 2016). ▶▶ Zooz utilise le registre public de Bitcoin pour stoker les informations des utilisateurs d’un réseau distribué dans les smartphones et les ordinateurs de la communauté. Il s’agit d’une innovation majeure pour le covoiturage car les mises en relation ou les rendez-vous ne sont pas gérés par un acteur central.

1. « Le navigateur décentralisé Mist », disponible en ligne sur cryptofr. 2. https://github.com/ethereum/mist/releases/tag/0.3.6. 3. http://lazooz.org/

89

2 Les technologies blockchain

▶▶ Les utilisateurs sont incités à utiliser une application qui leur fait gagner des jetons (Zooz tokens) à partir de deux critères  : la distance parcourue avec l’application ouverte, et le partage de l’application avec d’autres utilisateurs. Ce mode d’attribution des jetons correspond de facto à une émission de monnaie. Alors que Bitcoin demande une preuve de travail qui exige une énorme puissance de calcul hors de portée d’un mobile, Zooz a réussi à surmonter cet obstacle en utilisant des solutions simples. Lorsque vous covoiturez une ou des personnes vous gagnez des tokens, alors que si vous êtes covoituré vous en donnez au conducteur ou, plus exactement, la blockchain met à jour automatiquement les soldes de chacun. L’application génère automatiquement le couple clé publique-clé privée. La clé privée est stockée dans le téléphone de l’utilisateur et non dans le serveur Zooz. À terme l’application, pour faciliter son utilisation pendant les échanges, assurera la liaison avec les smart contrats de MSC (Multi-Site Connectivity)/CP (Capability Package) qui soutient la mise en œuvre des contrôles de sécurité spécifiés par le National Institute of Standards and Technology (NIST, de l’US Department of Commerce ; NSA, 2017). Le projet s’est autofinancé à partir des apports des fondateurs, puis a levé 80 k$ grâce à une prévente privée de jetons Zooz. Les développeurs et les fondateurs se rémunèrent selon les règles publiques du protocole. De nombreuses autres DApp ont été créées avec des objectifs variés : ▶▶ Transactive Grid offre à chacun la possibilité de vendre et d’acheter des crédits d’énergie en P2P. Les particuliers produisent et échangent leur énergie localement via un microgrid réduisant les coûts de transport, de distribution et les pertes énergétiques. En test sur un petit territoire, Transactiv Grid pourrait à terme devenir une coopérative possédée par les usagers de Brooklyn lorsque les questions de financement des intermédiaires (réseau, application de la blockchain), mais surtout de gouvernance, de gestion et de sécurité des données privées auront trouvé des réponses (cf. étude de cas dans le dernier chapitre) ; ▶▶ Augur crée un marché de prédictions permettant aux utilisateurs d’acheter ou vendre des actions liées à l’issue d’un événement. L’issue est déterminée par les possesseurs de REP (Reputation tokens), qui sont des Oracles. Le système est décentralisé. Les utilisateurs ont un gain lorsque leur prédiction est correcte ; 90

2.2 Les smart contracts, les DApp et les Oracles

▶▶ Etherisc permet la création d’assurances décentralisées, automatiques et transparentes ; ▶▶ Proof of Physical Address crée une preuve d’adresse physique simplifiant l’inscription sur les sites demandant une vérification d’adresse physique (banques en ligne, plates-formes d’échange, etc.) ; ▶▶ Filecoin, un service de stockage cloud décentralisé, permet de louer à d’autres utilisateurs l’espace libre de son ordinateur ou d’acheter de l’espace de stockage sur le réseau ; ▶▶ WeiFund, une forme particulière de plate-forme de crowdfunding à la gestion décentralisée : les frais sont réduits par rapport à ceux d’une plate-forme de crowdfunding classique. Les modèles de campagne disponibles peuvent être modifiés et inscrits dans la blockchain sous forme de smart contracts ; ▶▶ ETH Notifier pour l’envoi de SMS via la blockchain d’Ethereum ; ▶▶ EtherDelta, dédiée à l’échange de tokens et d’ethers, monnaie virtuelle d’Ethereum dont la fonction est de payer l’exécution de smart contracts de façon totalement décentralisée. Il s’agit d’une première approche d’un marché fonctionnant de façon transparente sans intervention extérieure. Nous pouvons rappeler ici qu’Ethereum n’entre pas en concurrence directe avec la blockchain Bitcoin : leurs utilisations sont complémentaires. Microsoft justifie son choix d’utiliser Ethereum pour sa plate-forme Azure de la façon suivante : « Si Bitcoin a de nombreuses utilisations intéressantes en tant que cryptomonnaie, Ethereum apporte la flexibilité que beaucoup de nos clients recherchent. Ethereum possède une communauté de développeurs, enthousiastes et ouverts à des applications business. » (Blockchain France, 2016b.)

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2.2.3 Le recours à un Oracle Un smart-contract, pour mettre en œuvre les cas d’usage, doit souvent accéder à des données réelles. Le contrat s’exécute en fonction de données existant à l’extérieur de la blockchain (réalisation d’une prestation, cours euro/dollar, survenance d’un événement météo…). Dans ce cas le recours à un tiers de confiance, appelé Oracle dans Ethereum, devient nécessaire. Les données externes ne sont pas accessibles par construction sur une blockchain. En effet, chaque participant à la blockchain doit avoir accès aux différentes transactions afin d’en vérifier l’intégrité. Pour cela, chaque bloc de transactions est lié au suivant par son empreinte ou hash, qui établit la continuité de la blockchain. Un recours possible à des données extérieures rendrait le bloc dépendant d’un constituant exogène. À chaque fois qu’un participant téléchargerait la blockchain, un appel à une donnée dont l’accès ou l’intégrité ne sont pas nécessairement assurés serait effectué. 91

2 Les technologies blockchain

Le contenu du bloc et son empreinte, le lien avec le bloc suivant ne seraient plus valides. L’ensemble de la blockchain créée après le bloc ne pourrait plus être vérifié et l’immutabilité de la blockchain serait remise en question. De ce fait, aucune fonction d’une blockchain ne fait appel à un élément externe. La blockchain est par construction coupée du monde extérieur. Pour établir les points de contact, le concept d’Oracle a été inventé. Oracle décentralisé

Place de marché pair à pair

Requête de données

Calcul vérifiable

Marchés

Marchés de prédiction

Génération de nombre aléatoire

Services financiers

Intelligence de la foule (crowd sales)

Figure 2.18 Oracle et marché P2P

L’Oracle est un service qui entre manuellement une donnée extérieure dans la blockchain. Il la collecte et l’insère à l’endroit désigné. Le smart contract va la chercher sur la blockchain à l’adresse prévue et s’exécute en fonction de cette donnée. Des projets d’oracles décentralisés, mobilisables de façon simple, peu onéreux –  l’exécution d’un contrat complexe coûte quelques euros  – existent, comme ­Oraclize. Le recours à un Oracle introduit un tiers de confiance. Deux situations problématiques peuvent être identifiées : ▶▶ L’Oracle n’envoie aucune information dans la blockchain, ce qui empêche l’exécution du contrat. Pour pallier ce risque, il est nécessaire que les concepteurs du contrat prévoient ce cas de figure  ; par exemple, si aucune information n’a été entrée par l’Oracle au moment voulu, le contrat est annulé et chaque participant récupère sa mise. Si rien n’est prévu, les sommes bloquées peuvent être définitivement perdues. 92

2.2 Les smart contracts, les DApp et les Oracles

▶▶ L’information introduite est erronée. Il n’est pas possible d’annuler le contrat, sauf si ici aussi une solution a été prévue initialement. Pour limiter le pouvoir de l’Oracle, plusieurs réponses plus ou moins complexes ont été imaginées : ▶▶ Utiliser Oraclize1, un service qui permet aux contrats intelligents d’accéder aux données provenant d’autres blockchains et du Web. Il fournit une preuve d’authenticité de toutes les données. Oraclize et les oracles similaires fonctionnent en ayant recours à un service de provable-honest tel TLS Notary proof, qui fournit une preuve cryptographique en utilisant un algorithme2 qui garantit que la donnée entrée sur la blockchain est identique à celle détenue par Oraclize. La preuve est publique, vérifiée à l’aide de méthodes cryptographiques. Si l’on tente d’introduire une donnée non identique à celle ­récupérée sur le serveur de la blockchain, elle sera immédiatement repérée.

RÉSOLUTION DU SMART CONTRACT

SMART CONTRACT

ETHEREUM

ORACLIZE

RÉPONSE (+ TLSNotary proof )

INTERNET data-source URL API

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WOLFRAM ALPHA

...

BLOCKCHAIN

Figure 2.19 Fonctionnement d’Oraclize (Source : Polrot P., 2016)

▶▶ Confier le processus de collecte et d’envoi de l’information à un grand nombre de participants dont l’intérêt est de fournir une information non falsifiée. 1. www.oraclize.it. 2. https://tlsnotary.org.

93

2 Les technologies blockchain

L’Oracle est fondé sur le consensus (consensus-based oracle). Le modèle est plus complexe mais il pourrait permettre de fournir une information fiable et décentralisée. ▶▶ Recourir à un tiers physique est une solution complémentaire si l’information nécessaire est une donnée physique particulière. La société Ledger développe ainsi un concept qui préserve la confidentialité d’une donnée stockée sur une carte à puce et permet de la transférer à un tiers. «  Ledger se fonde sur la technologie carte à puce pour stocker de façon sécurisée la clé privée et effectuer une signature cryptographique à l’intérieur de cette clé privée. Ledger stocke les données privées dans une puce impénétrable, comme les banques avec les cartes de crédit et qui, à la demande de l’ordinateur sur lequel est connectée la carte à puce, effectue la signature pour valider un paiement. À aucun moment, la clé privée ne sera exposée à l’intérieur de la mémoire de l’ordinateur afin de garantir la sécurité pour l’utilisateur. » (Harmant, 2015.) Une signature électronique est un moyen efficace pour prouver la propriété d’une donnée numérique et son intégrité. ▶▶ Une base de données, telle celle utilisée par les compagnies aériennes, pourrait jouer le rôle d’Oracle en cas d’indemnisation des passagers. ▶▶ Les objets connectés pourraient dans ces cas particuliers servir d’Oracles permettant de déclencher le paiement d’une assurance. Si les problèmes posés par les Oracles n’ont pas encore tous reçu de réponse pertinente, les Oracles, publics ou privés, auront à jouer un rôle clé dans le développement des applications décentralisées.

2.3 Confidentialité et sécurité des données Les données traitées dans les systèmes d’information sont dématérialisées et hébergées dans les architectures virtualisées du cloud. L’inflation des flux va s’accélérer avec la prolifération des objets connectés. Le big data fournit des données enrichies et parfois sensibles à partir des informations collectées. Les attaques, toujours plus nombreuses, utilisent des outils largement diffusés sur le réseau. Dans cet environnement incertain et évolutif, la technologie blockchain semble promise à un avenir prometteur suite aux opportunités entrevues dans une palette de secteurs économiques étendue. Cependant, force est de constater que les usages ne sont pas encore largement diffusés car de nombreux risques freinent une diffusion postulée proche et inévitable. Dans une blockchain la disponibilité, la traçabilité, l’intégrité des données sont assurées par une archi94

2.3 Confidentialité et sécurité des données

tecture ­distribuée. Un document dématérialisé ou une donnée d’un système d’informations peut être certifié et tracé. L’objectif est d’assurer la sécurité d’une information tout au long de son cycle de vie contre toute modification non autorisée. Un registre partagé par tous les intervenants, mis à jour en temps réel, procure aux données une transparence et une intégrité qui se renforcent avec l’accroissement du nombre des utilisateurs. L’introduction de nouveaux blocs ne peut se faire sans approbation des membres de la blockchain. Chaque utilisateur peut vérifier qu’un échange n’a pas été falsifié en comparant ses données avec celles des autres. La confidentialité des données dans l’environnement ouvert et transparent de la blockchain reste cependant un problème, puisque les membres du réseau doivent valider les transactions effectuées. Toutes les actions des utilisateurs sont ainsi portées à la connaissance de tous les acteurs et enregistrées de façon irréversible. Il n’est ainsi pas possible a priori de garantir la confidentialité du contenu d’une transaction. L’accroissement du nombre d’utilisateurs pose le problème complexe à résoudre de leur authentification. Le processus devient également de plus en plus énergivore et chronophage au fil de l’extension du réseau, même si cette technologie se montre moins coûteuse en ressources lors de sa mise en œuvre et de son exploitation que les solutions actuelles. Enfin, à l’image de toutes les solutions open source, le processus de maintenance repose sur une communauté d’utilisateurs et non sur un éditeur, ce qui augmente le niveau d’incertitude du système.

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La sécurité dans les réseaux P2P Les applications P2P peuvent subir différents types d’attaques comme le déni de service distribué (DDoS, Distributed Denial of Service en anglais), qui exploite une vulnérabilité logicielle ou matérielle pour interrompre le ou les services visés. Cette attaque est fréquente du fait de la relative simplicité de sa mise en œuvre et de son efficacité, certains virus/vers informatiques étant capables de s’auto-répliquer sur les ordinateurs ou via les réseaux informatiques et de se propager. Chaque copie du virus ou du ver peut à son tour s’auto-répliquer : les infections se propagent alors très rapidement sur les «  botnets  », terme désignant un groupe d’ordinateurs infectés par un malware. Puis les pirates utilisent les botnets pour diffuser d’autres virus… La collaboration et la coopération des pairs peuvent induire des abus de confiance en exploitant les informations afin de compromettre un réseau dont la sécurité est difficile à établir du fait de sa nature décentralisée et ouverte. 95

2 Les technologies blockchain

La littérature dans ce domaine suit trois tendances principales. La première est la conception de systèmes P2P résistant aux comportements malveillants par l’intégration de système de réputation et le développement de services d’identification des pairs. Le second axe consiste à chercher à préserver l’intégrité des données et de leur routage. Le dernier concerne la sécurisation des communications P2P en temps réel par des mécanismes cryptographiques ou par l’intégration de mécanismes assurant l’équité entre les pairs (Challal, 2012, op. cit.).

Blockchain et IoT L’immaturité de la technologie et la méfiance des utilisateurs, confortée par les aléas des cryptomonnaies, sont ainsi les freins majeurs à la diffusion de la technologie. La citation suivante reste en grande partie d’actualité : « Les acteurs de la cybersécurité restent, dans leur ensemble, encore en dehors de cette effervescence malgré les liens intimes unissant ce monde à la technologie blockchain pourtant dérivée de la cryptographie. Ce constat est d’autant plus paradoxal que les principaux besoins en sécurité des SI – disponibilité, intégrité, confidentialité, traçabilité, authenticité – sont adressables via cette technologie. » (Couëtte & Hozé, 2000.) La première contrainte, liée à la technologie, trouve sa source dans le manque perceptible de personnes qualifiées et la quasi-absence d’enseignements tirés d’une utilisation à grande échelle qui sont disponibles. Dans la plupart des applications potentielles la taille critique n’a pas été atteinte, même si des expérimentations et des applications ont été menées par des pays ou de grandes ­institutions. Ainsi, le Luxembourg Stock Exchange utilise une blockchain pour signer électroniquement les documents financiers publiés et le Honduras horodate les modifications du cadastre pour éviter les projets immobiliers sauvages. Malgré ces avancées, les données certifiées par le biais d’une blockchain ne sont pas actuellement opposables devant un tribunal car dans aucun pays cette technologie n’est reconnue comme un moyen juridiquement acceptable pour signer électroniquement des documents. La seconde limite, le défaut de confiance, résulte d’une part des lacunes liées à la réglementation et au droit et d’autre part de l’existence de failles de sécurité dans les codes source qui ont permis leur piratage et des détournements de cryptomonnaies, comme le rappelle l’exemple suivant. Une chaîne de blocs peut être rompue comme ce fut le cas en 2016 pour un DAO, une organisation autonome décentralisée utilisant la blockchain d’Ethereum qui compte actuellement plus de six mille ordinateurs et qui n’avait pas été elle-même piratée. 96

2.3 Confidentialité et sécurité des données

Le DAO lancé par la start-up Slock.it, qui construit des « smart locks » permettant aux individus de partager leurs biens (voitures, matériels, bâteaux, appartements) dans une version décentralisée d’AirBnB. L’attaque, permise par des failles du code, s’est soldée par un détournement de près de 50 millions de dollars. Ce type de vulnérabilité a été détecté récemment dans un autre système, Market DAO, mais il a pu cette fois être neutralisé car le DAO était encore en test. « Il est important de noter que de nombreuses startups travaillent sur le DAO ou sur la gouvernance, de nombreux smart contracts ont des vulnérabilités similaires et construire un logiciel complexe en utilisant des smart contracts est encore très récent. » (Siegel, 2016.) La blockchain, comme toute technologie, n’est pas inviolable. Aujourd’hui, aucune application en matière de blockchain ne permet d’améliorer la détection d’attaques de malware, ransomware, phishing ou spear-phishing (Gest S., 2017 ; Crochet Damais, 2017). « À l’heure de l’économie numérique, les données sont amenées à transiter de plus d’une entreprise à l’autre : d’un client vers un fournisseur, entre partenaires… Les besoins en matière de traçabilité sont par conséquent en train d’exploser. La blockchain apporte une vraie solution à ces problématiques, à la fois peu chère et fiable. » (Dedenis, 2017.)

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Plusieurs scénarios concernant le rôle de la blockchain dans la sécurité des systèmes d’informations sont imaginables. L’éditeur de logiciels Acronis, qui est l’un des leaders mondiaux en stockage et protection de données sur le cloud, se donne pour objectif d’assurer une protection de données simple et complète à un prix abordable, quel que soit l’environnement (virtuel, physique, cloud et mobile). La société intègre depuis peu la blockchain d’Ethereum dans trois de ses applications (Acronis Storage, Acronis Backup et Acronis Files Cloud) et pourrait « ubériser » les tiers de confiance. Docapost, filiale de services numériques de La Poste, a suivi une autre voie pour pallier le vide juridique. Cette société propose une solution, Archivage Blockchain, agréée par le service interministériel des Archives de France et conforme au règlement européen (eIDAS) pour certifier l’ensemble des documents rattachés aux transactions réalisées via des blockchains. Les questions de sécurité et de confidentialité sont également souvent évoquées lorsque l’on aborde l’IoT. L’Internet des objets s’est en effet récemment ­rapproché de la blockchain. De nouveaux cas d’usage combinant les deux technologies apparaissent dans plusieurs industries et domaines d’applications. La difficulté engendrée par l’environnement IoT-cloud pour développer une solution de 97

2 Les technologies blockchain

s­ écurité générale et viable est importante. Adapter des solutions existantes à des cas d’utilisation précis en y injectant un minimum d’innovation pourrait être plus rentable que de chercher à concevoir une solution fortement innovante qui reposera sur des hypothèses sur l’environnement pouvant être éloignées du monde réel (Ould Yahia & Paradinas, 2017). Dans ce contexte, le piratage des objets connectés constitue souvent un préalable à des attaques contre des sites web. La blockchain pourrait permettre de doter les objets de certificats pour qu’ils puissent communiquer sans avoir recours à une plate-forme centrale. Cette solution limiterait les risques d’intrusion. IBM, à l’origine du projet de blockchain Hyperledger1, a ainsi introduit la blockchain à sa plate-forme Watson IoT2. Les fonctionnalités protègent l’intégrité de la solution IoT développée grâce à une connectivité sécurisée et à un contrôle d’accès pour les utilisateurs et les applications, mais permettent aussi de visualiser les risques critiques et d’automatiser les réponses opérationnelles. IBM a en outre rejoint la fondation Sovrin3, visant à développer une identité décentralisée. Un autre approche relative à la sécurisation des infrastructures technologiques, et IOT en particulier, a été adoptée par la société estonienne Guardtime, avec un nouveau concept de Keyless Infrastructure visant à remplacer les certificats électroniques usuels, difficiles à maintenir avec des millions d’objets (fondés sur l’algorithme RSA). Cependant le stockage d’une chaîne mobilise de la capacité informatique et créer un bloc sur une blockchain publique exige des ressources en calcul importantes : il reste difficile d’imaginer actuellement ce type d’application pour des milliers d’objets connectés. La solution semble plus adaptée à la sécurisation d’équipements en réseau tels les routeurs ou les commutateurs. La blockchain pourrait répondre à d’autres enjeux de sécurité IT. Son caractère décentralisé, anonyme, P2P et crypté pourrait lui permettre de limiter les attaques dénommées « man in the middle » (c’est-à-dire le piratage d’échanges entre plusieurs serveurs) ou de «  spoofing  » (usurpation d’identité). Plusieurs projets font appel à la blockchain pour crypter les échanges entre messageries tels Cryptamail, Switch, ProtonMail ou Yandex. Les chiffrements de courriels actuels, comme PGP, existent depuis longtemps et sont peu utilisés. Il est difficile 1. www.hyperledger.org. 2. www.ibm.com/internet-of-things/fr-fr/platform/watson-iot-platform. 3. https://sovrin.org/.

98

2.4 L’interopérabilité

de dire si les nouveaux développements susciteront plus d’intérêt car il n’est pas évident de percevoir ce que la blockchain apporte ici de distinctif. La blockchain est la seule technologie en plus de vingt ans dont l’impact potentiel équivaut à celui d’Internet. Le livre blanc de Satoshi Nakamoto sur le bitcoin a été publié il y a une décennie et Ethereum date de 2015. L’implémentation de la nouvelle technologie est confrontée à des risques, des obstacles et des limites – c’est le cas pour toute technologie de rupture. Dans l’espace de la blockchain publique, les projets ont délimité des zones de compromis entre la sécurité, la confidentialité, l’efficacité, la flexibilité, la complexité de la plate-forme, la facilité d’utilisation et des valeurs sociétales (Buterin V., 2016 ; Prisco, 2016). La recherche d’un compromis est nécessaire pour assurer à la fois la sécurité juridique de la protection des données et la diffusion de l’innovation (Finck, 2017).

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2.4 L’interopérabilité Il existe en réalité une multitude de blockchains. Rien que pour les cryptomonnaies, des milliers existent aujourd’hui. Chacun de ces systèmes a son propre mode opératoire, sa propre gouvernance et même sa propre manière de s’accorder sur un historique commun ; il présente ses propres avantages qui le rendent attractif pour des applications variées et des contextes géopolitiques différents. Nous assistons donc à la création de plusieurs écosystèmes ayant chacun leur propre monnaie et leur propre gouvernance. Chaque écosystème se crée autour d’une blockchain. Ainsi on parle aujourd’hui de l’écosystème Bitcoin ou bien de l’écosystème Ethereum. À l’image des économies fondées sur des monnaies ­différentes, les échanges entre différents groupes ou écosystèmes (utilisateurs d’une blockchain particulière) doivent s’appuyer sur des règles communes résistantes aux attaques et aux défaillances. C’est le cœur même de l’interopérabilité entre les blockchains. Il existe actuellement plusieurs systèmes permettant de réaliser l’interopérabilité entre différentes blockchains, comme Interledger, Cosmos, Kyber, Block Collider, Quant, Plasma ou Polkadot1. 1. Interledger (https://interledger.org/), Cosmos (https://cosmos.network/), Kyber (https://kyber.network/), Block Collider (https://www.blockcollider.org/), Quant (https://www.quant.network/), Plasma (https:// plasma.io) ou Polkadot (https://polkadot.network/).

99

2 Les technologies blockchain

Prenons l’exemple de Plasma, qui a été conçu pour apporter l’évolutivité et les capacités multichaînes au réseau Ethereum. Plasma agit comme un pont viable entre les réseaux de blockchain privés et les réseaux de chaînes de blocs publics, et apporte de l’évolutivité et de la disponibilité au réseau Ethereum. Une grande partie de l’interopérabilité est réalisée grâce à ce que l’on appelle les preuves de fraude. En architecturant le système autour d’un jeu de vérification dans lequel les solveurs du mécanisme de consensus global peuvent être contestés par les vérificateurs qui obtiennent une récompense s’ils identifient une contrepartie néfaste, on crée un mécanisme cryptoéconomique « checks and balances  » pour encourager une stratégie dominante de comportement équitable. Résolution

Remise en cause

Non

Transaction valide

Oui Erreurs forcées

Jeu de vérification Résolution

Résolution gagne

Trouver les désaccords

Vérifié sur la chaîne

Challenger

Challenger gagne

Trouver les désaccords Tant que c'est résolu correctement Résolution de l'erreur

Challenger gagne

Figure 2.20 Exemple de fonctionnement de l’interopérabilité (Source : Brent Xu, Blockchain vs. Distributed Ledger Technologies, 2018)

Selon Buterin (2016), l’avenir s’inscrit dans un réseau de chaînes de blocs interopérables, fondées sur plusieurs technologies, portant différentes devises numériques et qui seront articulées pour gérer les applications distribuées. L’interopérabilité devrait devenir une exigence clé pour les nouvelles chaînes de blocs (Prisco, 2016). Les chaînes interopérables ouvrent sur une perspective dans laquelle faire transiter des ressources d’une plate-forme à une autre devient facile et même implémentable par des tiers, sans effort supplémentaire des opérateurs des protocoles de base. L’interopérabilité reste cependant un effort essentiellement théorique. Son effectivité progressera avec le développement de grands registres distribués qui parviennent à dépasser une puissance et une stabilité critiques. Dans le monde actuel, la problématique centrale consiste à faire interagir 100

2.4 L’interopérabilité

les chaînes, ce qui implique une interopérabilité avec les systèmes et protocoles classiques (SWIFT, SEPA, FIX, etc.). L’authentification cryptographique intégrée dans les opérations permet déjà de coupler beaucoup sûrement les plates-formes qu’en utilisant des systèmes plus usuels. Il est possible d’aller au-delà en liant les chaînes par une Interface de programmation applicative (API) qui permet à des applications de communiquer entre elles et d’échanger des services, ou en générant un code de contrat intelligent sur une chaîne. L’interopérabilité peut se définir comme la capacité d’au moins deux systèmes ou applications à échanger des informations et à utiliser mutuellement les informations échangées (ISO/CEI 17788: 2014). Dans la blockchain et les DLT, plusieurs facettes peuvent être distinguées : ▶▶ La transmission des données entre les systèmes. ▶▶ Les formats des informations échangées qui doivent être comprises par les systèmes participants, la syntaxe des données étant idéalement la même. ▶▶ La sémantique, qui se préoccupe de la terminologie, du vocabulaire, des relations structurelles utilisés. Elle concerne également l’exactitude, la validité et l’exhaustivité des données. ▶▶ La méthode de communication et de recherche d’informations sur un DLT. Elle concerne tant les processus, les objectifs, les informations fournies et les services proposés, les monnaies et les jetons, la sécurité, les restrictions régionales et légales que d’autres attributs utiles pour faciliter le déroulement du processus automatisé d’identification et d’intégration des systèmes.

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▶▶ La gouvernance, qui permet de s’assurer que les systèmes suivent les règles afin de générer une confiance mutuelle. Plusieurs stratégies peuvent être utilisées sur le plan technique pour faciliter l’interopérabilité : ▶▶ Le multisig notary scheme  : dans ce mécanisme simple, une entité de confiance ou un ensemble d’entités approuvées en tant que groupe certifient à une chaîne qu’un événement a eu lieu sur une autre chaîne. De telles entités peuvent être actives et agir automatiquement en fonction d’événements, ou être réactives en émettant des messages signés uniquement lorsque cela est demandé. À titre d’exemple, le protocole Interledger (ILP) utilise la notion de chaîne de paiement qui est fondée sur ce mécanisme. Si des parties X et Y souhaitent effectuer un échange d’actifs numériques qui existent sur les registres sans lien direct A et F, et s’il est possible de trouver des registres 101

2 Les technologies blockchain

intermédiaires B, C, D et E entre lesquels des échanges peuvent être établis (entre A et B, B et C, etc.), alors on peut déterminer une suite d’échanges qui satisfera les besoins de A et F. Un processus de consensus assure que tous les transferts se sont produits. ▶▶ La chaîne « latérale » (sidechain) est une blockchain qui valide les données d’autres blockchains. Une chaîne latérale est indépendante : si elle est piratée, elle n’endommage pas les autres chaînes. ▶▶ Les « relays » sont à la base d’une méthode qui ne s’appuie pas sur des intermédiaires de confiance pour fournir des informations d’une chaîne vers une autre. Les chaînes effectuent elles-mêmes ce transfert. L’approche générale est la suivante  : un contrat intelligent s’exécute sur une chaîne donnée  A. Il a besoin de savoir si un événement a eu lieu sur une autre chaîne B, ou qu’un objet lui indique l’état de cette chaîne à un moment déterminé. Les blocs de données de la chaîne B possèdent ici des en-têtes de blocs qui les représentent par le biais d’une information compacte cryptographiquement authentifiée. Il est alors possible de créer un contrat relais sur la chaîne A qui va prendre l’une des en-têtes de bloc de la chaîne B pour utiliser la procédure de consensus de B et vérifier l’en-tête du bloc. Une fois que le relais a vérifié l’en-tête du bloc, il peut le faire pour toute transaction, entrée de compte… Cette solution est susceptible de poser problème si l’une des chaînes utilise un algorithme de consensus trop lent qui limitera la vitesse des opérations interchaînes. ▶▶ Le hachage (hash-locking) est une fonction qui, à partir d’une donnée fournie en entrée, calcule une empreinte servant à identifier rapidement, bien qu’incomplètement, la donnée initiale. Il permet un échange d’actifs numériques entre chaînes, fondé sur un contrat intelligent et sécurisé par le calcul de l’empreinte h d’un « secret » aléatoire s − tel que hash (s) = h. Le hachage peut être combiné avec des techniques de «  state channel  ». Les messages entre deux utilisateurs, ou entre un utilisateur et un service (une machine), prennent la forme de transactions, comme  : «  Je veux louer un véhicule électrique pour une heure pour x jetons. » Les participants signent chaque message de la discussion, rendant la transaction impossible à réfuter. Les transactions se déroulent entièrement hors de la blockchain et exclusivement entre les participants. Elles sont moins coûteuses et leur exécution est plus rapide par rapport au recours à une blockchain. Le véhicule est loué par l’intermédiaire d’une start-up telle Slock-it. Le montant total de son utilisation peut ensuite être réglé par le biais d’un contrat intelligent fondé sur la blockchain. 102

2.5 Les frameworks

Buterin (2016) avance que le hachage, les relais ou le schéma multisig (la signature multiple) sont des éléments de base suffisants pour construire des applications interopérables. Une prochaine étape peut consister à développer ces outils et à tester leur applicabilité dans quelques cas simples (la livraison contre paiement, par exemple). « Si la technologie est suffisamment générique, alors son applicabilité maximale selon le type d’application émergera naturellement avec le temps  » (Ibid : 24). Dans ce contexte, les régulateurs et les législateurs peuvent prendre des initiatives pour clarifier les règles et créer des espaces pour l’expérimentation. Les développeurs doivent également y participer pour faire émerger un terrain d’entente. C’est à la communauté des parties prenantes de la blockchain qu’il revient de trouver les moyens permettant de dépasser les limites actuelles. «  Comme Internet, la blockchain est une technologie socle dont les impacts pourraient se déployer partout dans le monde. Pour que cela devienne réalité, cependant, la loi et les registres distribués dépendent l’un de l’autre. » (­Werbach K., 2018).

2.5 Les frameworks Avant de démarrer un projet blockchain, la décision la plus importante consiste à choisir l’infrastructure qui sera utilisée pour son implémentation. Les critères qui amènent à choisir une technologie blockchain sont les suivants : Tableau 2.4 Taux de commission des plates-formes numériques

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Société

Taux de commission

Type de plateforme

Kisskiss BankBank

8%

Financement participatif

Leetchi

de 2,9 % à 4 %

Financement participatif

Kick Starter

8%

Financement participatif

Airbnb

de 9 % à 15 %

Logement

Booking

de 15 % à 25 %

Logement

Uber

20 %

Transport

Blablacar

12 %

Transport

Drivy

30 %

Transport

Ebay

7,50 %

Vente de biens

Price Minister

de 4 % à 22 %

Vente de biens

Le terme blockchain désigne un concept abstrait qui peut être en réalité implémenté de différentes façons. Il s’agit en premier lieu de s’assurer de la validité des 103

2 Les technologies blockchain

transactions. Pour valider une transaction, il faut vérifier, à l’aide d’une combinaison de clés publique et privée et d’une signature digitale, la légitimité de l’émetteur qui interagit avec le réseau de façon anonyme, s’assurer qu’il possède les fonds nécessaires pour effectuer la transaction, et ordonner les phases de la transaction. La signature digitale (ou multisignature) qui accompagne une transaction permet d’effectuer la validation sans avoir accès à la clé privée de l’émetteur. Un registre des comptes permet de connaître le solde de chaque utilisateur. Le registre n’est pas maintenu par un seul organisme mais de façon décentralisée. Chaque utilisateur du réseau (nœud) possède une copie du registre qu’il maintient à jour. Lorsqu’un nœud reçoit un bloc de transactions il le valide, le transfère au nœud suivant et met à jour le registre. Des nœuds peuvent être altérés, mais le registre garde son intégrité tant qu’il reste au moins un nœud préservé. Ces opérations se déroulent aisément au niveau de chaque nœud, mais à l’échelle du réseau il est plus difficile de préserver le processus car le possesseur d’un ordinateur peut se connecter de façon anonyme et accéder au registre. Un nœud ne peut pas a priori faire confiance aux autres nœuds. Permettre par une préservation des preuves à un système décentralisé d’établir un consensus sans que les utilisateurs aient besoin de se faire confiance conduit à des transactions plus rapides, pour un coût moins élevé et avec une grande transparence. C’est ce qu’autorise la technologie blockchain parce qu’il n’est pas nécessaire de faire appel à une entité légale pour exécuter les transactions (Shin, 2018).

2.5.1 Les principales infrastructures Un rapport de Bain and Company (2017) évalue que les gains qui pourraient être réalisés annuellement grâce à la mise en œuvre de cette technologie seraient compris entre 15 et 35  milliards de dollars. Comme la technologie est open source, il est possible de construire une plate-forme pour une fraction du coût induit par les technologies traditionnelles. Les fournisseurs de plates-formes sont nombreux. Les principales infrastructures (frameworks) qui peuvent être actuellement utilisées pour une implémentation de blockchain sont les suivantes : ▶▶ Hyperledger, une initiative open source gérée par la Linux Foundation et liée à IBM. Elle compte parmi ses membres des entreprises telles American Express, Airbus, Daimler ou Intel. Différents projets blockchain y sont développés. ▶▶ Ethereum, un réseau P2P public comme Bitcoin, mais dont les activités sont orientées vers les smart contracts et non sur les paiements. Elle résulte d’une initiative d’entreprise, EEA (Enterprise Ethereum Alliance). 104

2.5 Les frameworks

▶▶ Chain, qui a créé avec Nasdaq la première blockchain privée, Nasdaq Linq, utilisée dans la gestion des actions dans les entreprises privées. Chain a également établi des partenariats avec des organisations comme Visa, Citi ou Capital One. ▶▶ Microsoft a conçu le framework Coco (Confidentiel Consortium) pour développer des réseaux blockchain à grande échelle en combinant les avantages des réseaux publics et des consortiums, ainsi qu’une version privée d’Ethereum avec d’autres partenaires tels Intel, Accenture et des banques. ▶▶ ZCash, qui vise à assurer une confidentialité totale entre les participants en mettant en œuvre de nouvelles techniques cryptographiques (zero-knowledge proofs). Il permet à une partie de vérifier l’exactitude des calculs d’une autre partie sans avoir à en voir le contenu. ▶▶ Il est également possible de citer Ripple, IOTA, Stellar, Blockstream, Corda, Cardano, NEO, RChain, Zilliqa, etc. (une multitude existe aujourd’hui). D’autres projets peuvent se concentrer sur des parties plus spécifiques d’un système distribué, qu’il s’agisse de techniques d’obscurcissement, d’algorithmes de consensus, la performance et le nombre de transactions (ex : Lightning network ou RSK, pour faire un micro-paiement à partir du réseau Bitcoin), la gestion de votre identité numérique (ex : le projet sovrin), etc. Dans le cas de l’énergie, il existe aussi des consortiums visant à développer des solutions avec différents acteurs du domaine. On retrouve par exemple l’Energy Web Foundation, fondation construite autour d’un éditeur de logiciels (Grid Singularity) et de fournisseurs d’énergie. On peut citer aussi le projet Enerchain. Une liste croissante de start-up tente ainsi de créer à la fois une solution technique et un écosystème, mais il s’agit à ce stade de démarches marketing plutôt que de projets concrets.

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2.5.2 Blockchain publique ou privée ? Certains de ces frameworks sont publics (ex  : bitcoin) et permettent à tout le monde d’intervenir sur le réseau, avec des contraintes de sécurité très fortes. On rencontre également des blockchains « de consortium », dans lesquelles le processus d’approbation est contrôlé par un nombre restreint et choisi de nœuds. Le droit de lire la blockchain, c’est-à-dire l’accès au registre, peut alors être public, réservé aux participants, ou bien hybride. Une blockchain privée présente un processus d’approbation limité à un unique acteur, bien que les autorisations de lecture, par exemple, puissent être publiques. Les blockchains privées ou de consortium (telle Hyperledger Fabric) 105

2 Les technologies blockchain

ont plusieurs avantages qui peuvent expliquer l’intérêt que les entreprises leur porte : gouvernance simplifiée, acteurs connus, coûts réduits, rapidité et confidentialité. Pour choisir le bon framework, il est nécessaire de bien étudier les fonctionnalités de chacun et la compatibilité avec vos besoins. Par exemple, pour un choix entre Hyperledger Fabric, R3 Corda et Ethereum : Tableau 2.5 Comparaison entre blockchains privés (Source : @philippsandner/medium.com)

Caractéristique

Ethereum

Hyperledger fabric

R3 Corda

Description de la plateforme

Plateforme générique

Plateforme modulaire

Registre distribué ­spécialisé pour ­l’industrie financière

Gouvernance

Développeurs Ethereum

Fondation linux

R3

Mode opératoire

Non permissionné, public ou privé

Permissionné, privé

Permissionné, privé

Consensus

Minage basé sur le proof of work Au niveau du registre

Plusieurs approches possibles

Une implémentation spécifique du consensus Au niveau de la ­transaction

Smart contracts

Code pour les smart contracts (Solidity)

Code pour les smart contracts (go, java...)

Code des smart contrats (Kotlin, java...) Prose légale

Devise

Ether Token via les smart contracts

Aucune

Aucune

Au niveau de la transaction

Tokens via chaincode

Prenons l’exemple du projet Irene, dont les responsables expliquent pourquoi ils ont choisi Stellar, plutôt qu’Ethereum, pour leur cas d’usage : « Ethereum est un outil très puissant sur lequel vous pouvez faire beaucoup de codage intelligent complexe. Vous avez beaucoup de flexibilité. Mais nous n’avons pas besoin de cette flexibilité. Nous n’utilisons la chaîne de blocs que pour avoir un registre public, décentralisé, inimitable, enregistrant les transactions. Nous n’avons besoin que de la chaîne de blocs pour effectuer des paiements et, pour nous, si nous voulons introduire cette transparence, nous devons effectuer des micro-paiements. Nous devons être capables de suivre exactement la consommation, au fur et à mesure que vous consommez – comme chaque bien de consommation produit, nous voulons être capables de lier les deux. 106

2.5 Les frameworks

Nous voulons donc faire des micro-paiements et Stellar Blockchain a été conçu pour cela. Donc, une transaction sur Stellar ne coûte pratiquement rien, environ 4 secondes. Alors que sur Ethereum, en l’état, cela coûte beaucoup plus cher et peut prendre de 3 minutes à 3 heures pour enregistrer la transaction. Ethereum tel qu’il est aurait donc été un très mauvais choix pour nous. Je pense que tout le monde choisit Ethereum parce que c’est la plate-forme la plus célèbre. Si vous voulez lever des fonds, les investisseurs sont très à l’aise avec Ethereum, mais je pense que beaucoup de gens sont dans la même position que nous. Je veux dire qu’ils n’ont pas besoin de toute la flexibilité d’Ethereum. C’est l’option la plus simple, mais pour nous, encore une fois, Stellar était vraiment le meilleur choix. » (Breeze, 2018)

2.5.3 Les étapes de l’implémentation Jeff Garzik a créé la monnaie virtuelle métronome qui a la particularité de ne pas être attachée à une seule blockchain (Nille, 2017). Il a identifié quatre étapes pour implémenter une blockchain, quel que soit le secteur d’activité concerné. 1. Besoin d'une base de données partagée ?

1 Oui

2. Plusieurs parties interragissent ?

2

3. Les parties ont des intérêts divergents et/ou ne se font pas confiance ?

Oui 3 Oui

4. Les règles de gouvernance ne sont pas uniformes ?

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5. Besoin d'une trace objective et non modifiable de ce qui se passe ?

Non La blockchain n'est pas nécessaire

4 Oui 5 Oui

6. Les règles des transactions 6 ne changent pas fréquemment ? Oui 7. Les transactions sont 7 publiques ? Oui Blockchain publique

Non Blockchain permissionnée

Figure 2.21 Blockchain : chemin de décision (Source : CDO Alliance – Keyrus)

107

2 Les technologies blockchain

Dans la phase initiale, un cas d’utilisation est identifié et un plan de mise en œuvre de la technologie est défini. Le cas permet de clarifier les spécifications du système, de déterminer si le choix de la technologie blockchain est approprié et d’identifier les situations les plus favorables. Généralement, le cas comprend plusieurs séquences d’interactions entre le système et des utilisateurs potentiels.

Producteurs et distributeurs

Startups

Autres acteurs

Paiement pour la fourniture d'énergie

Charge des véhicules électriques Gestion des certificats d'énergie renouvelable

Consommacteurs

Interopérabilité et gestion back office

Figure 2.22 Exemple de projets de différents acteurs dans le domaine de l’énergie à base de blockchain (Source : Emerton, « Rewiring energy markets, an opportunity for blockchain technologies »)

108

2.5 Les frameworks

La preuve de concept s’inscrit dans une deuxième étape. Une réalisation expérimentale concrète, incomplète, conduit à tester la méthode et l’idée à partir d’un volume de données restreint afin d’en démontrer la faisabilité. Cette preuve est documentée pour montrer que l’application envisagée de la technologie blockchain sera conforme aux spécifications. Cette phase permet d’identifier les problèmes potentiels qui pourraient interférer avec l’utilisation de la technologie blockchain et la pertinence de l’offre à partir d’une évaluation des choix de conception par des utilisateurs potentiels. Il est ainsi possible de réduire l’exposition aux risques avant une mise sur le terrain. La troisième étape consiste à effectuer un essai grandeur nature en utilisant des données fournies par des clients. L’offre intègre davantage de produits orientés client et des volumes de données plus importants que dans les étapes précédentes. Les retours d’expériences et les apprentissages permettent d’ajuster le concept et de faire évoluer les choix initiaux. Après un traitement de tous les défauts techniques pouvant affecter le déploiement complet, il reste à vérifier que les capacités en personnel formé, en matériels et logiciels sont suffisantes pour maintenir le système fondé sur la blockchain après son déploiement complet. Le déploiement complet de la solution supposée rentable et dépourvue de défauts critiques est l’objectif de la dernière phase – rarement atteinte selon Jeff Garzik. Souvent les projets sont constitués avec un regroupement d’acteurs, des fournisseurs d’énergie, des start-up et d’autres acteurs technologiques.

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2.5.4 Les partenaires possibles Dans des marchés très concurrentiels, les banques et autres organisations dont les profits sont déjà sous pression hésitent souvent à investir dans une technologie aux avantages incertains. Les principaux bénéficiaires des évolutions, même si de petites entités peuvent trouver des créneaux pour rendre l’écosystème plus efficace, seront sans doute les grands fournisseurs de plates-formes et de BPO (Business Process Outsourcing) qui prennent en charge des processus métiers, ainsi que des entreprises de technologie blockchain, comme Axoni ou Corda R3, qui sont en mesure de mutualiser les coûts de développement et de mise en œuvre (Olsen et al., 2017). Les entreprises facilitant la mise en œuvre des solutions blockchain comprennent entre autres Accenture, CapGemini, Chainsmiths, Deloitte, Ernst and Young, 109

2 Les technologies blockchain

IBM Global Services, Infosys, KMPG, PwC, Polaris, Tata Consultancy Services et Wipro. De plus petites sociétés spécialisées interviennent aussi, telle Blockchain Partner en France, qui a développé toute une gamme de services pour accompagner les porteurs de projets. Ils ont ainsi annoncé un partenariat avec GreenFlex (filiale du groupe Total) pour appliquer la blockchain dans le domaine de l’énergie, et un autre avec Havas pour la communication autour des ICO. Des regroupements d’experts sont aussi constitués1. Enfin, de plus en plus de conférences et autres événements sont organisés sur le thème de la blockchain, parmi lesquels : hack4climate2, block chain talks3, blockchain with the best4, la conférence ethereum EthCC, la conférence consensus, etc.

2.6 Les standards et la propriété intellectuelle 2.6.1 Les standards « Les standards pourraient jouer un rôle important pour l’interopérabilité des différents registres distribués, les implémentations blockchain et, en cela, ­pourraient réduire le risque d’un écosystème fragmenté » (Deshpande et al., 2017: 16.) La blockchain peut transformer ou bouleverser les usages dans de nombreux secteurs d’activité. Il sera de plus en plus crucial de faire communiquer les différents secteurs en utilisant un langage commun afin d’assurer l’intégrité des données échangées. Les normes pourraient aider à établir l’interopérabilité des systèmes ou application dans les différents secteurs concernés, ou entre eux, ce qui ouvrirait la voie à des applications intersectorielles. Le développement récent et rapide de la technologie va de pair avec un manque de clarté et de précision de la terminologie ou des concepts utilisés. Cette imprécision est un frein à une utilisation large de la blockchain. Des auteurs tels que Mainelli et Mills (2016) soulignent la nécessité d’adopter des taxonomies et des normes de performance qui contiennent des ensembles 1. Tels www.blockchains.world ou lecercleducoin.fr. 2. https://hack4climate.org/ 3. https://blockchaintalks.io/ 4. http://blockchain.withthebest.com/

110

2.6 Les standards et la propriété intellectuelle

de définitions et de catégorisations axées sur les résultats en relation avec la blockchain. L’une des possibilités consisterait à faire travailler conjointement les institutions nationales de normalisation (via l’Afnor) avec des parties prenantes plus larges pour proposer une nouvelle norme à l’ISO TC307, le comité technique ISO chargé de la blockchain. Les groupes de travail ont été lancés sur les thématiques suivantes : ▶▶ Architecture de référence, taxonomie et ontologie ▶▶ Cas d’usage ▶▶ Sécurité et confidentialité ▶▶ Identité ▶▶ Smart contracts ▶▶ Gouvernance ▶▶ Interopérabilité ▶▶ Applications de la blockchain Une autre possibilité serait d’avoir recours à des processus ouverts. Le développement d’un tel processus se déroule de façon analogue à celui des RFC (Request for Comment) de l’IETF (Internet Engineering Task Force). Il a l’avantage d’être du ressort de la communauté des praticiens et se trouve ainsi bien adapté aux besoins du terrain. Pour asseoir sa crédibilité, des systèmes de certification et d’accréditation rigoureux doivent être développés.

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Caractéristiques d’un « bon » standard L’une des forces des normes (non imposées) est de permettre aux utilisateurs de choisir celle qui répond le mieux à leurs besoins. La mise en œuvre des normes incombe à l’utilisateur. Les concepteurs se doivent quant à eux de chercher à réduire les coûts potentiels d’application. Si la difficulté de mise en œuvre est trop élevée, les utilisateurs chercheront des normes moins contraignantes. Si les spécifications sont trop peu exigeantes, les utilisateurs ne verront pas l’intérêt de rechercher une certification. Un bon standard possède ainsi les caractéristiques suivantes : ▶▶ Un processus de développement ouvert et transparent où les parties impliquées prêtent attention à la normalisation et à son application sur le terrain. ▶▶ Des exigences et des objectifs clairs, bien définis. 111

2 Les technologies blockchain

▶▶ Des spécifications détaillées : ▷ de certification qui expliquent clairement comment la conformité à la norme peut être démontrée ; ▷ d’accréditation détaillant clairement les compétences que les certificateurs doivent démontrer pour délivrer une certification. En conclusion, même si une standardisation complète de la technologie distribuée peut sembler prématurée, une adaptation des normes de référence aurait un intérêt évident. Elle faciliterait l’adoption et le développement de la technologie en donnant confiance aux utilisateurs et en facilitant le travail des développeurs, tout en aidant les régulateurs à exercer leurs fonctions.

2.6.2 La propriété intellectuelle Les droits de propriété intellectuelle sont des monopoles temporaires d’exploitation d’une création de l’esprit. L’exclusivité sur une œuvre ou une invention permet au titulaire d’opposer aux tiers son monopole pour interdire toute utilisation de l’objet ou pour obliger les utilisateurs potentiels à négocier un contrat. La preuve est l’un des enjeux fondamentaux de la propriété intellectuelle. Son établissement peut soulever de nombreuses difficultés. La technologie blockchain permet de dater des données tout en garantissant leur infalsifiabilité. Ces caractéristiques ont un intérêt certain lorsqu’il s’agit de prouver et de sécuriser un droit de propriété intellectuelle. « Ainsi, en droit des marques, la blockchain permet de préconstituer la preuve d’un usage sérieux d’une marque pour contrer une éventuelle action en déchéance, en rassemblant toutes les données y afférent. » (Cabinet Hoffman, 2017.) En matière de droit d’auteur, qui ne nécessite pas de dépôt mais une preuve datée d’exploitation, la blockchain permet de fournir la preuve de l’antériorité sur la création d’une œuvre. À ce titre, Creative Commons France a développé un outil qui permet d’exploiter les fonctionnalités de la blockchain : Ascribe1. Les créateurs partagent leurs œuvres sous une licence sans avoir à se soucier d’une perte éventuelle d’attribution ou de ne pouvoir en suivre l’historique. Le service fonctionne pour tout type de document : images, texte, musique ou fichier numérique. Le fichier est horodaté et enregistré de façon sécurisée avec les conditions de la licence sur la blockchain. Le processus d’horodatage est indépendant du format de fichier. Un tel système permet de nouer entre l’auteur et son œuvre un lien permanent et sé1. http://cc.ascribe.io

112

2.6 Les standards et la propriété intellectuelle

curisé garantissant la traçabilité et l’authenticité de l’œuvre, la protégeant contre une utilisation frauduleuse, mais aussi définir les termes d’un contrat intelligent dans lequel sont stipulées (et exécutées) les licences accordées. Au sens de la propriété industrielle, le brevet protège une invention technique, c’est-à-dire un produit ou un procédé apportant une nouvelle solution technique à un problème technique. Le programme informatique n’est pas brevetable. Il est cependant possible de recourir au dépôt de brevet si le logiciel ou le programme participent à l’invention. Les logiciels et programmes informatiques bénéficient de la protection par le droit d’auteur. La validité du droit d’auteur en cette matière n’est pas contestée et c’est ce droit qui fonde la notion de logiciel libre. En revanche, le brevet aurait pour seul effet de verrouiller le marché du logiciel entre les mains de quelques multinationales, de réduire l’innovation et d’augmenter les coûts pour les utilisateurs (Bertrand, 2017). IMB a finalement décidé de laisser des brevets à la disposition de la communauté open source en considérant que la prochaine vague d’innovations viendra de ce secteur (Herman, 2017). La blockchain pourrait permettre à cette communauté de bénéficier des brevets tout en étant protégée des litiges de propriété intellectuelle, puisque la fonction initiale de la blockchain n’est pas de stocker de l’information, mais de valider des transactions.

La propriété intellectuelle (PI) et la blockchain

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La blockchain sera-t-elle le nouveau pays de cocagne de la propriété intellectuelle ? Les droits de propriété industrielle, largement orientés vers le dépôt qui est l’événement générateur, mobiliseront peu les solutions de la blockchain dont l’intérêt est plus perceptible lors de l’exploitation des droits. Actuellement il n’est pas possible de valider juridiquement le dépôt dans une blockchain, qui devrait de plus être associée à une technique de stockage pour assurer la transmission du contenu à l’institut national de la Propriété industrielle. La procédure d’examen du contenu qui suit le dépôt nécessite l’expertise d’un examinateur de l’Institut, indépendant du réseau de pairs. « Pour le brevet le principal avantage d’un tel dispositif d’enregistrement électronique partagé serait le moindre coût tant pour sa création que lors de sa mise œuvre. Les différentes fonctions de la blockchain seraient en cette hypothèse pleinement utilisées.  » (JUSPI, 2017.) L’enregistrement sur la blockchain ne vaudrait pas divulgation, la technologie ne conduisant qu’à certifier le document, à apporter la preuve de la 113

2 Les technologies blockchain

possession des droits lors de l’exploitation du titre, notamment en cas d’action en contrefaçon, et à l’horodater afin de faire courir le délai de protection de trois ans. Lors de la phase d’exploitation, les enjeux diffèrent selon que l’on considère la commercialisation ou la défense des droits. Le smart contract, appelé également « contrat autoexécutant », est la traduction informatique d’un engagement contractuel. Il permet d’inscrire les transactions et les conditions de leur exécution automatique dans les blocs de la chaîne. Leur avantage réside dans leur faible coût de fonctionnement. « Mais c’est très certainement dans le domaine de la gestion collective que le retentissement de la blockchain sera le plus grand. La blockchain pourra devenir l’outil de la gestion des droits d’exploitation des auteurs. » (Ibid.) Les droits seraient établis en fonction de des données réelles de l’exploitation. Un projet blockchain a été annoncé en 2017 par la SACEM et ses équivalents américains et britanniques, l’ASCAP (American Society for Composers Authors and Publishers) et la PRS (Performing Right Society for Music) pour mettre au point un prototype de gestion partagée des informations relatives aux droits d’auteur. « L’objectif du projet est de mettre au point un prototype qui permettra aux sociétés de créer et de s’appuyer sur une base de métadonnées d’œuvres musicales partagée et décentralisée, avec des capacités de suivi et d’actualisation en temps réel. » (SACEM, 2017.) Cette solution permettra d’optimiser l’identification des ayants droit et des contributions de chacun d’entre eux, de diminuer les risques d’erreurs et les coûts, et d’accélérer l’octroi des licences. Le sujet de la titularité est particulièrement important en pratique. Les praticiens, bien avant de se poser la question du contenu et de la nouveauté de l’invention, cherchent à savoir qui est titulaire des droits. La fonction de certification est ici mobilisée comme preuve et peut être utilisée en cas de litige. Pour un brevet, elle pourrait fournir la preuve de la possession de l’invention à la date du dépôt. La priorité d’un brevet serait plus facile à déterminer. Une difficulté est induite par le caractère transnational de la blockchain. La fonction de certification devrait intégrer une géolocalisation pour situer géographiquement la zone de validité du brevet. Si la blockchain apparaît comme l’outil idéal de la création collaborative (Bruguière, 2015), la question essentielle de la recevabilité de l’empreinte numérique de la blockchain à titre de preuve reste un enjeu à ce jour sans réponse définitive. En ce qui concerne la contrefaçon, la blockchain est un outil efficient pour identifier les contrefaçons car les producteurs, les transporteurs, les distributeurs ont 114

2.6 Les standards et la propriété intellectuelle

la possibilité d’inscrire dans la blockchain chaque étape de la fabrication jusqu’au transport final du cycle de vie du produit.

Les défis posés à la PI par la technologie Au-delà des aspects liés à la sécurité, l’établissement de smart contracts ne peut inclure une part de subjectivité largement présente en droit des contrats qui mobilise des concepts flous tels les « meilleurs efforts », le « délai raisonnable », une « personne raisonnable », les « diligences utiles » ou la « bonne foi ». Le logiciel ne peut engager une action à partir de ces termes juridiques peu précis et sa neutralité n’est pas garantie : les algorithmes peuvent amplifier les biais de l’esprit humain, notamment lorsque les affaires sont complexes ou ambiguës car ils s’appuient sur des décisions subjectives et ne font pas les choix par euxmêmes. « Je pense qu’il y a une différence fondamentale entre la logique du droit et celle du code : un juge ou un avocat a besoin d’interpréter la loi et au besoin de la faire évoluer, tandis que les logiciels actuels peuvent difficilement innover. Ils peuvent généralement mimer le passé ou réaliser des actions prédéfinies.  » (Trécourt, 2017, citant De Filippi.)

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La possibilité de déposer des brevets pourrait aussi générer des effets pervers en privatiser les futures applications de la technologie. À titre d’exemple, Swirlds est une plate-forme logicielle qui a développé l’algorithme de consensus « hashgraph » beaucoup plus rentable (aucune preuve de travail n’est nécessaire), plus sûr, plus efficace car il ne produit pas de stale blocs (c’est-à-dire de blocs vérifiés par des nœuds et proposés pour l’insertion dans la blockchain, mais finalement non intégrés), et 50 000 fois plus rapide. « Mathématiquement », cette solution est plus équitable que la blockchain (Neumeister, 2017). Cependant, le hashgraph a été breveté. Cette stratégie de privatisation de par le droit des brevets entre en conflit avec la philosophie qui guide l’open innovation. Cette situation a conduit à la création en 2017 aux États-Unis de la Blockchain Intellectual Property Council1, une initiative dont l’objectif est de promouvoir les innovations sur la blockchain et les DLT, tout en abordant les difficultés liées à la propriété intellectuelle et à la protection de l’information exclusive nécessaire à l’innovation. La solution pourrait venir de la constitution des mécanismes de licences croisées (patent pools) qui incluront tous les participants du système (Jean, 2016).

1. https://digitalchamber.org/initiatives/blockchain-intellectual-property-council.

115

2 Les technologies blockchain

« Avec la démocratisation de l’IoT (Internet des objets) et puisqu’il faut se rappeler que tous les actes de la vie courante cachent des contrats, c’est notre futur tout entier qui pourrait être un gigantesque terrain d’expérimentation du potentiel que présentent la technologie blockchain et les smart contracts en automatisant à l’extrême les relations contractuelles et en créant des produits et services de plus en plus horizontaux. » (Ibid.) Cependant d’autres limites que celles indiquées précédemment peuvent être perçues car l’impact de la blockchain sur le droit de la propriété intellectuelle dépend également de l’évolution de disciplines juridiques concernées par la protection des données personnelles ou l’anonymisation de l’utilisateur conformément à la Loi informatique et libertés. Pour finir (JUSPI, 2017) : «  il n’est pas évident que la blockchain parvienne à atteindre sa maturité technique, politique, économique et bien évidemment juridique ». (JUSPI, 2017)

Les dépôts de brevet dans le domaine de la blockchain De nombreux projets sont open source. Néanmoins, nous assistons dans le même temps à une véritable course au brevet sur la thématique blockchain. La moitié des brevets relatifs aux cryptomonnaies proviennent de Chine (910), suivis par les États-Unis (676), le Royaume-Uni (112) et la Corée du Sud (98). Le rythme de dépôt a augmenté au cours des dernières années : 500 400 300 200 100 0

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Figure 2.23 Nombre de demandes de brevets (Source : Flys / Coindesk)

116

2.7 Limitations et perspectives

Néanmoins, il conviendra de regarder dans les années à venir quels sont les dépôts qui ont réellement été acceptés par l’office des brevets et ceux qui n’ont pas été jugés de qualité suffisante. Les entités ayant le plus grand portefeuille de brevets sur la thématique blockchain sont indiquées dans le tableau 2.6. Tableau 2.6 Classement 2018 des entreprises ayant le plus de brevets avec la blockchain (Source : Bitcoin.com) 1

BANK OF AMERICA

45

2

EITC HOLDINGS

42

3

COIN PLUG

39

4

ALIBABA

36

5

IBM

34

6

NCHAIN HOLDINGS

33

7

BUBI TECHNOLOGY

30

8

MASTERCARD INTERNATIONAL

21

9

HANGZHOU FUZAMEI TECHNOLOGY

19

HANGZHOU YUNPHANT NETWORK TECHNOLOGY

18

10

2.7 Limitations et perspectives La blockchain est donc une technologie de rupture pour de nombreux domaines. De par sa conception, une blockchain permet : ▶▶ transparence et pseudonymisation  : les transactions sont immuables et visibles par tous, sauf cryptées et assignées à une adresse unique comme moyen d’identification ; © Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

▶▶ sécurité, à travers la cryptographie et le consensus entre les utilisateurs ; ▶▶ plus d’organisme de contrôle, puisque la chaîne de blocage est fondée sur des relations de pair à pair. Cela permet de nouvelles applications qui ne pouvaient pas être mises en œuvre auparavant et disrupte les chaînes de valeur commerciales traditionnelles. Néanmoins, elle présente des limitations importantes qu’il faut avoir en tête.

2.7.1 Maturité de la technologie La technologie blockchain est récente. De nombreuses barrières existent encore à sa diffusion massive. La figure 2.24 résume ces obstacles.

117

2 Les technologies blockchain

Compétences nécessaires pour utiliser la technologie

64 %

Adoption par d'autres entreprises

59 %

Manque de cas d'usage à application commerciale

39 %

Technologie

33 %

Ressources financières

33 %

Retour sur investissement insuffisant par rapport à d'autres méthodes existantes 0%

22 % 20 %

40 %

60 %

80 % N = 85

Figure 2.24 Les plus grandes barrières à la diffusion de la technologie blockchain

La situation est souvent comparée aux débuts d’Internet, au milieu des années 1990 (cf. chapitre 1, figure 1.1). La fascination pour Internet en 1994 – « Internet est un moyen de transmettre des données qui contournent la censure. Pour ce faire, il prend les données, les divise en paquets et les envoie d’un nœud à l’autre jusqu’à ce qu’ils atteignent leur destination finale et s’assemblent à nouveau. C’est trop cool ! » – ressemble beaucoup à la fascination pour Bitcoin en 2013 : « Bitcoin est un moyen d’envoyer de l’argent de n’importe qui à n’importe qui sans censure ou gardiens. Pour ce faire, vous détenez une clé privée qui transmet une transaction sur un réseau peer-topeer, où des milliers d’ordinateurs sont en concurrence pour l’inclure cryptographiquement dans un bloc de transactions auquel tout le monde fait confiance sur le réseau. » (Braendgaard, 2018.)

2.7.2 Les limitations technologiques actuelles Diverses limitations entravent la diffusion de la technologie blockchain. Nous résumons ici les plus importantes : ▶▶ La montée en charge : avec respectivement 25 et 7 transactions par seconde pour Ethereum et Bitcoin, la rapidité des systèmes blockchain reste relativement restreinte et est encore loin des systèmes de paiements traditionnels (en comparaison, Visa peut en traiter jusqu’à 20 000). Des mécanismes tels que Lightning Network permettent d’améliorer significativement le nombre de transactions par seconde sur le réseau Bitcoin. Des projets récents tels que 118

2.7 Limitations et perspectives

RChain, Chainspace ou Zilliqa utilisent une technologie de « sharding » et estiment pouvoir obtenir des débits équivalents aux réseaux de paiement traditionnels. ▶▶ La centralisation oligopolistique des nœuds de minage, dans le cas de la proof of work : « Plus de 50 % de l’énergie de minage a été partagée exclusivement par huit mineurs à Bitcoin et cinq mineurs à Ethereum tout au long de la période observée (juillet 2016-mai 2017). 90 % de l’énergie de minage semble être contrôlée par seulement seize mineurs dans le monde entier pour Bitcoin et onze seulement pour Ethereum » (Gencer et al., 2018). ▶▶ La forte consommation d’énergie des systèmes actuels est aussi un sujet d’inquiétude – nous en discuterons plus tard. ▶▶ Les problématiques de sécurité des smart contracts, qui peuvent contenir des bugs ou des objectifs malveillants. Divers projets ont pour objectif de vérifier automatiquement, par des preuves mathématiques formelles, que les smart contracts font bien ce que leurs concepteurs disent. Le cas du smart contract « TheDAO » est un exemple de fraude : malgré un audit du code par d’autres développeurs, un hacker parvient à siphonner 3,6  millions d’Ethers de la DAO, soit environ 33 % de tous les Ethers investis dans ce projet (150 millions de dollars environ). De nouveaux projets proposent des analyses automatiques de la sécurité (par exemple chainsecurity, securify, etc.) ou des langages de programmation permettant de vérifier qu’il n’y aura pas de problème (par exemple Rholang, Simplicity, etc.). ▶▶ La confidentialité des données est un enjeu. La solution usuelle est de crypter les informations, mais il n’est pas garanti que le cryptage résiste dans le futur, en particulier avec la puissance massive à venir des ordinateurs quantiques.

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▶▶ L’évolution des blockchains est aussi un enjeu, avec la difficulté de modifier les protocoles au cours du temps – une tâche qui porte le nom de fork en langage technique. Cependant des recherches actives sont menées pour résoudre ces différentes problématiques. Il est important aussi de comprendre les risques liés à la technologie blockchain. Le caractère pseudonymisé du réseau peut présenter le danger d’une utilisation pour des activités illégales comme le blanchiment d’argent. Néanmoins, ce risque est lui-même limité par l’historicisation de l’ensemble des transactions, ce qui arrange peu les criminels… Le plus souvent, les développeurs associent des technologies blockchain avec des systèmes «  off-chain  » pour stocker des informations complémentaires 119

2 Les technologies blockchain

(données de santé nécessitant une confidentialité importante, données spatiotemporelles issues de capteurs d’énergie qu’il est préférable de stocker autrement…). Par exemple, il est raisonnable de stocker des certificats de production d’énergie verte, lorsqu’on dépasse un certain seuil de production, afin d’avoir la preuve de son origine ; en revanche, la technologie blockchain n’est pas faite pour stocker les données de comptage de votre consommation d’énergie instantanée. Cette architecture est explicitée ci-après, avec l’exemple de Swytch.io : la blockchain sert à faire des validations de la quantité d’énergie, à réaliser des paiements et allouer des certificats renouvelables à partir des données de compteurs. Cela illustre aussi la difficulté de garantir totalement la confiance, les informations nécessaires à la certification étant produites par un équipement tiers (le compteur). En couplant avec une visite d’inspection et une documentation de l’installation électrique, il est possible d’avoir une bonne assurance sur l’origine de l’énergie produite. Identification du producteur

Enregistrement du compteur Compteur

Portefeuille numérique Oracle

Stockage

PREUVE DE VALIDATION ANTI PIRATAGE

CHECK-SUM

LEVEL 2

IDENTITÉS

LEVEL 1

UTXO

LEVEL 0

Figure 2.26 Fonctionnement de Swytch.io (Source : Mischke M./medium.com)

120

Preuve de production Machine learning Controle automatique

2.8 Conclusion

2.8 Conclusion

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La blockchain ouvre la porte à des applications innovantes qui impacteront fortement notre vie quotidienne. Son potentiel exige d’investir dans la compréhension de la technologie et des résultats nécessaires, en mettant l’accent sur l’évaluation des compromis et des caractéristiques du cas spécifique de son utilisation. La partie suivante analysera plus précisément l’usage de la blockchain pour l’énergie.

121

3

La blockchain et l’énergie dans la ville

Le présent chapitre a pour ambition de traiter de l’impact énergétique de la blockchain et des changements qu’elle peut induire dans la ville (du bâtiment au quartier). Nous essaierons ainsi de répondre à quelques questions, notamment  : Quel est l’impact énergétique des solutions blockchain  ? Comment la blockchain permet d’envisager un Internet de l’énergie optimisant la production et la gestion énergétiques ?

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3.1 Le green IT : la blockchain est-elle efficace d’un point de vue énergétique ? La blockchain Bitcoin présente un coût énergétique important du fait du procédé de validation des transactions en proof of work. Ce processus se fait par résolution d’un problème cryptographique complexe, le premier nœud qui en trouvera la solution est récompensé. Alors que cette même opération sécurise le réseau et lui confère toute sa valeur, elle nécessite la mobilisation par les mineurs d’une puissance de calcul élevée se traduisant par une consommation énergétique importante. De surcroit, plus de 70 % de l’activité de minage se concentre en Chine alors même que la production énergétique chinoise est issue de centrales à charbon induisant une empreinte écologique d’autant plus négative. L’estimation actuelle de consommation énergétique est fournie par l’index publié par Digiconomist (2018). On observe une consommation d’énergie en forte augmentation, représentant aujourd’hui 60 TWh. Comparons : la centrale nucléaire de Gravelines dispose de six réacteurs à eau pressurisée de 910 MW et sa production moyenne annuelle est de 37 TWh ; la Blockchain Ethereum présente, elle, une consommation énergétique de l’ordre de 4,2 TWh, comparable à celle de Chypre. 123

3 La blockchain et l’énergie dans la ville

TWh estimé par an

80 60 40 20 0 Mai 17

Juil 17

Sep 17

Nov 17

Jan 18

Mar 18

Figure 3.1 Index de consommation d’énergie du bitcoin (Source : BitcoinEnergyConsumption.com)

Cependant, ce constat négatif est à nuancer. La consommation énergétique dépend en effet essentiellement du protocole que l’on considère et de son processus de validation, l’algorithme de proof of work étant le plus consommateur, du fait d’un difficile objectif de sécurisation du réseau public. Dans de nombreux autres cas d’usage, il est possible de choisir un algorithme de consensus différent et moins énergivore, tel celui de la proof of stake. Ethereum a ainsi présenté un projet, baptisé Casper, pour passer à un nouvel algorithme. Enfin, il est possible de mieux optimiser la chaleur dégagée par les unités de minage. La récupération de l’énergie représente un enjeu non négligeable pour une amélioration de l’empreinte écologique du protocole. C’est l’idée de la startup française Qarnot Computing, qui propose des radiateurs numériques produisant de la chaleur gratuite et écologique provenant de la consommation de puissance de calcul des processeurs. L’un des projets de recherche et développement développés par la start-up LO3 Energy, « Exergy », a aussi pour objet une redistribution de la chaleur des datacenters vers les consommateurs d’énergie calorifique.

3.2 La blockchain et la performance énergétique dans la ville L’emploi de la blockchain dans la ville nécessite un environnement « intelligent » à différentes échelles, du bâtiment au quartier. Pour faciliter la lecture sur l’emploi de cette technologie dans la ville, nous allons revenir régulièrement dans ce chapitre sur la définition de quelques concepts de base tels que : la ville et l’énergie, le bâtiment intelligent (smart building), le réseau électrique intelligent (smart grid), l’autoconsommation énergétique, etc. 124

3.2 La blockchain et la performance énergétique dans la ville

3.2.1 La construction et le bâtiment intelligent Les enjeux du bâtiment Le bâtiment, secteur le plus consommateur d’énergie et producteur de 23 % des émissions nationales de CO2, constitue un immense gisement potentiel d’économies d’énergie et de réduction de gaz à effet de serre. L’État s’est fixé comme objectif de diviser par 4 les émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2050 tous secteurs confondus. En ce qui concerne le secteur du bâtiment, l’objectif est de réduire les consommations d’énergie du parc existant d’au moins 38  % entre 2006 et 2020. Le parc résidentiel français compte 32,2 millions de logements induisant une consommation de 494 TWh (45 millions de tep1). Malgré l’accroissement du parc des bâtiments et l’arrivée de nouveaux besoins chez les particuliers, notamment ceux liés à l’équipement électroménager, bureautique et hi-fi, on note après des années de croissance l’infléchissement de la consommation du secteur depuis 2002. Tendance que l’on peut attribuer à une amélioration de la performance énergétique des bâtiments, due à des travaux de réhabilitation dans l’habitat existant et au renforcement progressif de la réglementation thermique dans le neuf.

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Mais le taux de renouvellement du parc existant est inférieur à 1  %. Ce taux limité, associé au rythme actuel insuffisant des réhabilitations, rend néanmoins difficile l’atteinte de l’objectif affiché. Le plan d’investissement pour le logement de mars 2013 prévoit la rénovation de 500 000 logements chaque année à partir de 2017. Un résultat significatif nécessite des évolutions culturelles et sociétales et la mobilisation de l’ensemble des acteurs du secteur, à savoir les professionnels, les organismes de financement et les occupants de ces bâtiments. Il ne faut pas négliger l’impact de ce programme en termes de création d’emplois non délocalisables, de diminution des factures des ménages et des entreprises, et de lutte contre la précarité énergétique. Le bouquet énergétique du secteur du bâtiment s’est modifié considérablement depuis le premier choc pétrolier. On note notamment une progression nette de l’électricité et du gaz au détriment du pétrole et du charbon. En France, plus de 40  % des bâtiments se situent dans les classes des «  énergivores  » (E, F, G) avec des consommations comprises entre 230 et 450  kWh d’énergie primaire/m²/an, voire plus. La rénovation thermique des bâtiments 1. Unité de mesure de l’énergie : tonne d’équivalent pétrole.

125

3 La blockchain et l’énergie dans la ville

existants constitue le grand chantier des prochaines années aussi bien dans le résidentiel que dans le tertiaire. Pour lutter contre le réchauffement climatique les lois Grenelle de l’environnement ont fixé un objectif, pour l’ensemble du parc, de 150 kWh/m2 en 2020 et 50 kWh/m2 en 2050. La RT 20121 a posé des objectifs de résultats contraignants pour la construction neuve et des engagements en termes de réhabilitation énergétique du parc existant. Ce dernier point concerne particulièrement les logements sociaux (lutte contre la précarité énergétique) avec un objectif de réduction énergétique d’au moins 38 % d’ici à 2020. L’atteinte de ces objectifs engage la filière de la construction dans une mutation énergétique et numérique jamais connue à ce jour, nécessitant des moyens techniques et technologiques capables de répondre à ces objectifs. Cette évolution dans le bâtiment va franchir un pas très important avec le bâtiment à énergie positive (BEPOS). Ce label est prévu dans le cadre de la réglementation Bâtiment responsable 2020, déclinaison nationale de la directive européenne 2010/31/UE concernant l’efficacité énergétique des bâtiments : le bâtiment devra totalement compenser ce qu’il consomme par une production locale d’énergie renouvelable, cette balance énergétique du bâtiment devant être positive à l’avenir. Les besoins en énergie pourront être pourvus grâce à des moyens de production locaux (CEREMA, 2015), soit consommés localement ou bien injectés en surplus sur le réseau électrique. Il est donc primordial d’avoir une bonne articulation entre le bâtiment et le réseau d’énergie, ce qui nécessite la mise en place de smart grids. Dans cette configuration, le bâtiment devient un maillon essentiel qui contribue au fonctionnement et à l’équilibre du réseau et devra produire localement des énergies (renouvelables), en consommer, en revendre au réseau tout en préservant le sécurité d’approvisionnement. Cela suppose une réelle capacité de pilotage du mix énergétique local (gaz, électricité, chaleur). Mais le bâtiment devra également performer au-delà des cinq usages de la réglementation thermique (chauffage, ventilation, climatisation, éclairage et ECS) du fait de nouveaux usages assez consommateurs d’énergies avec des temps de consommation variables, tels les usages informatique et numérique. La consommation énergétique du bâtiment doit être flexible et par conséquent prévoir davantage que les cinq postes prévus par la réglementation. 1. Réglementation thermique.

126

3.2 La blockchain et la performance énergétique dans la ville

Le bâtiment intelligent (smart building) Le bâtiment intelligent (smart building) peut être défini comme un bâtiment à haute performance énergétique, qui peut gérer de manière optimisée des ­équipements consommateurs et des moyens de production et de stockage de l’énergie tout en assurant le confort des usagers. Plus précisément, il s’agit de mettre de l’intelligence sur le réseau électrique privé des bâtiments (habitation, immeuble, bureaux…) via les NTIC pour optimiser la gestion de l’énergie et des équipements électriques sur le réseau. Ce faisant, ces bâtiments constitueront une brique communicante dans les réseaux publics de distribution (smart grid). Un des objectifs est également d’apporter des services aux usagers pour leur qualité de vie et leur confort. En outre, deux avancées importantes apparues sur les réseaux électriques auront un impact non négligeable sur la façon de gérer l’énergie dans le bâtiment : l’émergence de la gestion décentralisée de l’énergie et celle du véhicule électrique (détaillée plus loin dans ce chapitre).

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Pour construire un bâtiment intelligent, plusieurs solutions complémentaires peuvent être mises en place1 : ▶▶ Prise en compte des règles de la conception bioclimatique et de la thermique : gestion des apports solaires, forme du bâtiment…). Le choix de la localisation du bâtiment, de son implantation et de son orientation pour bénéficier pleinement de l’isolation et la production des EnR (disposition des panneaux solaires et des éoliennes). ▶▶ Mise en place de systèmes performants de : ▷ ventilation (à double flux, par exemple) : l’objectif étant de limiter les déperditions thermiques liées aux ouvrants et par conséquent de bénéficier de l’isolation ; ▷ climatisation et chauffage (pompes à chaleur, par exemple) : l’objectif étant de mieux contrôler et réguler la température. ▶▶ Adoption de nouvelles techniques de génération d’énergie  : concevoir et construire un bâtiment évolutif pouvant intégrer facilement diverses énergies renouvelables (EnR). ▶▶ Développement de la domotique/immotique, des équipements à consommation énergétique modérée et des systèmes de régulation et management d’énergie. Au-delà des aspects techniques et technologiques, le concept de bâtiment intelligent est dépendant du consommateur (certains parlent de consom’acteur). 1. http://www.smartgrids-cre.fr/

127

3 La blockchain et l’énergie dans la ville

Électricité provenant ou remontant vers le réseau

Photovoltaïque

Énergies renouvelables

Internet Sécurité

Échanges bidirectionnels d'information - prix dynamiques/ Compteur prix de marché intelligent - signaux Gestionnaire d'effacement d'énergie - prévisions de consommation/ Stockage électrique production

Éclairage Co-génération

Stockage thermique

Gestion de la recharge des voitures électriques

Figure 3.2 Le bâtiment intelligent et ses composantes (Source : RTE)

Ce terme désigne l’usager qui, par son comportement, détient la clé d’une consommation et d’un accès à l’énergie compatibles avec les rythmes de production des énergies renouvelables et intermittentes (comme différer le lancement d’une lessive jusqu’au prochain pic de production d’électricité éolienne ou solaire). C’est, en tout cas, ce que prédit l’économiste Jeremy Rifkin dans ses travaux sur la troisième révolution industrielle : les « consom’acteurs » vont se regrouper pour atteindre la taille critique leur permettant de devenir des acteurs collaboratifs de production, de stockage et de consommation d’énergie.

Production et consommation d’énergie dans un bâtiment intelligent Le bâtiment intelligent permet un comptage, une analyse et un pilotage précis des consommations dans l’objectif de réaliser des économies d’énergie. Outre le compteur intelligent, le dispositif d’un bâtiment intelligent est constitué de dispositifs : ▶▶ de comptage précis des consommations d’énergie par usage, ainsi que des productions d’énergies renouvelables (éolien, photovoltaïque) ; ▶▶ de suivi et d’analyse des consommations par fonctions (chauffage, climatisation, éclairage…), par appareil ou par groupe d’appareils, connectés à des appareils mobiles (smartphones, tablettes…) et à un dispositif de GTB permettant d’automatiser certaines fonctionnalités (gestion de l’éclairage en fonction de la luminosité, du chauffage en fonction des conditions météorologiques, etc.) ; ▶▶ de prise de mesures (données recueillies) variées, importantes et différentes selon le type de bâtiments considérés. Le tableau 3.1 résume les types de données collectées en fonction du type de bâtiment ; 128

3.2 La blockchain et la performance énergétique dans la ville

▶▶ de visualisation (tableaux de bord) permettant, à l’échelle du bâtiment, de maîtriser la demande en électricité et de définir des scénarios de délestage, par exemple. Tableau 3.1 Types de données collectées en fonction du type de bâtiment (Source : SBA) Smart Home

Maisons individuelles

Consommations d’énergies et d’eau. Régulation de la température des niveaux d’éclairement. Détection d’apports gratuits (station météo, pilotage des occultants). Détection de présence anti-intrusion. Détection de défauts techniques (incendie, fuite d’eau, coupure d’électricité, changement filtre Ventilation Mécanique Contrôlée double-flux...) S’il existe quelques centrales domotiques permettant de piloter et de superviser les équipements, le marché semble s’orienter vers la mise en place de box domotiques mises à disposition par les fournisseurs d’énergie ou les opérateurs TV/Télécoms

Logements résidentiels collectifs

Consommations d’énergies et d’eau (compteurs généraux, divisionnaires, répartiteurs, etc.) Données des équipements collectifs (ascenseurs, chaudière centrale, contôle d’accès, contrôle de présence d’équipe d’intervention/ménage, etc.). Les systèmes de mutualisation domotique apparaissent et permettent des économies d’échelle aussi bien sur l’installation, l’exploitation que la maintenance. Cela préfigure des premiers services sur smartphone, tablette ou réseau TV à l’échelle d’une copropriété (informations, gestion de l’énergie, conseils, suivi des interventions).

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Smart Building

Petit tertiaire

Consommations énergétiques, éclairage et fonctionnement des CVC (Chauffage Ventilation Climatisation)

Grand tertiaire

Implique souvent l’existence d’un superviseur. Le volume de données provenant de l’ensemble des équipements (capteurs et actionneurs du bâtiment) est potentiellement très important.

Bâtiments à usages spécifiques

Données liées à la sécurité, aux flux des personnes (hôtel) ToC et présence de bactéries dans l’eau (piscine) Données médicales, fonctionnement des machines (hôpitaux) Données d’évaluation de la qualité des environnements intérieurs (écoles notamment) vont exploser et permettre la mise en œuvre de nouveaux services exploitant ces données Data center nécessitant une fourniture importante en énergie.

La production d’énergie décentralisée est l’électricité produite et injectée dans le réseau localement. Elle est gérée par ERDF et quelques entreprises locales de distribution. Les installations sont généralement de puissance inférieure à 12 MW (équivalent à la consommation moyenne de 5 000 foyers par an (source : ERDF, RTE). Les centrales fonctionnent principalement aux EnR (hydraulique, solaire, éolien, biomasse, géothermie…). Les producteurs locaux peuvent être des particuliers, des industriels, des collectivités locales, etc.

129

3 La blockchain et l’énergie dans la ville

La production décentralisée représente 10 % de la puissance installée en France, et ne produit que 2 % de l’électricité en raison de son manque de disponibilité. 13 GW 10 % Puissance décentralisée raccordée à ERDF Puissance raccordée à RTE, ou autre 114 GW 90 %

Figure 3.3 Part de la production électrique décentralisée en France (Source : ERDF, RTE)

En France et afin d’encourager de mode de production, l’État a mis en place les contrats d’obligation d’achat de l’électricité produite permettant ainsi aux producteurs la rentabilisation à long terme de leur investissement. C’est une mesure sécurisante qui n’incite pas le producteur à l’autoconsommation. Le coût de l’électricité produite localement reste à ce jour nettement supérieur au coût actuel en raison du prix bas de la part importante produite aujourd’hui par le nucléaire. Mais cette production décentralisée bénéficie d’une place de choix au sein des réseaux électriques intelligents (smart grid). En effet, elle est utilisée à l’échelle locale comme mini ou microgrid. La mise en place de la consommation électrique locale suppose l’ajout de capacités de stockage et d’effacement. Ce faisant le système énergétique global sera pleinement optimisé et la production décentralisée pertinente et efficace, même si certains progrès techniques restent encore à accomplir.

Bâtiment intelligent et qualité d’usage La notion de qualité d’usage d’un lieu peut se définir comme sa capacité à répondre aux besoins, attentes et contraintes des parties prenantes d’un bâtiment (occupants, usagers, maître d’ouvrage, etc.). Pour les bâtiments, il s’agit alors d’apporter des réponses spatiales, techniques et fonctionnelles. Cette notion est indissociable de la démarche de « la qualité environnementale » qui a été prise en compte dans les processus de conception afin de construire des bâtiments durables. 130

3.2 La blockchain et la performance énergétique dans la ville

La qualité d’usage renvoie aux dimensions diverses et complémentaires suivantes : ▶▶ La protection et l’entretien des personnes et des biens (sécurité, santé, entretien des équipements…). ▶▶ L’assistance aux personnes (accessibilité, maintien des personnes à domicile…). ▶▶ La création des conditions de confort d’ambiance et d’usage (conforts psychophysiologique, ergonomie des espaces, confort d’activités…). La notion de confort est une partie importante et intégrante de la qualité d’usage. Il peut être défini par un état de bien-être général, qui ne peut être mesuré que par les taux d’insatisfaction exprimés par les occupants (plus la proportion d’insatisfaits est faible, plus le confort est jugé acceptable). Des études ont montré qu’un confort stable est souvent ennuyeux (voire insatisfaisant) nécessitant des variations, offrant aux occupants une marge d’expectation. Hormis les paramètres intrinsèques à chaque occupant (métabolisme propre, sensibilité à environnement, etc.), la notion de confort psychophysiologique repose en France principalement sur : la perception sensorielle (la vue, l’ouïe, le toucher, l’odorat) qui se traduit par la recherche de conforts visuel, acoustique, hygrothermique et des éléments liés à la qualité de l’air intérieur de l’habitat (voir tableau ci-dessous).

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Tableau 3.2 Types de confort dans un bâtiment (Chabane, 2008) Confort thermique

Plage de confort entre froid et chaud, conditionnée par le contact entre les environnements thermiques intérieur et extérieur, ainsi que l’installation du chauffage et du refroidissement mise en place.

Confort acoustique

Niveaux de bruit des nuisances acoustiques et leurs représentations ­mentales relatives.

Confort visuel

– Marge de confort visuel entre éclairages naturel et artificiel. – Qualité et degré de variation de l’éclairage, nécessaire aux besoins ­psychophysiologiques des occupants. – Qualité des vues vers l’extérieur.

Qualité de l’air

– La vitesse d’air perçue par les occupants, entre aération naturelle et ­artificielle. – Le degré de pureté de l’air ou de pollution perçu sous forme d’odeurs ou suscitant des irritations et/ou allergies.

Le terme de « bâtiment intelligent » est souvent associé aux ouvrages bâtis dont les équipements sont prévus pour améliorer leur valeur d’usage tout en r­ éduisant 131

3 La blockchain et l’énergie dans la ville

les consommations énergétiques. L’obtention d’un «  bon  » niveau de confort d’usage résulte donc de la conjugaison complexe de plusieurs facteurs et son appréciation est dépendante de chaque personne1. L’aide technologique pour obtenir le confort nécessaire ne peut être considérée comme pertinente si elle ne prend pas en compte le facteur humain. À ce titre, des décalages entre les solutions techniques et/ou préconisations réglementaires et les attentes de l’usager existent ; nous pouvons les illustrer par les quelques points ci-dessous : ▶▶ La température de confort est fixée par la réglementation. Or, la seule température n’est pas suffisante pour assurer le confort hygrothermique, qui est une notion assez complexe faisant intervenir d’autres paramètres. Cela rejoint d’ailleurs le ressenti de certains usagers qui ne trouvent pas les ambiances où règne la température de confort réglementaire agréables. ▶▶ La réglementation acoustique a imposé des règles d’isolation vis-à-vis des bruits extérieurs qui a indubitablement fait émerger les bruits intérieurs (ventilateurs, compresseurs…) jusqu’alors inséparables du bruit général. Le bénéfice de cette réglementation s’agissant du confort des usagers paraît maigre. ▶▶ Dans la gestion automatique de l’éclairage, il suffit qu’un détecteur de mouvement soit mal réglé et/ou mal entretenu pour qu’un usager statique essuie l’extinction intempestive et incontrôlée des sources lumineuses à proximité, ce qui peut être source de désagrément et d’inconfort. Enfin, dans le bâtiment intelligent où l’automatisation du fonctionnement des équipements et des appareils est importante pour réduire la consommation énergétique, il est nécessaire que chaque système ou équipement soit bien maintenu et entretenu. La performance et l’efficacité des équipements sur le long terme doivent être prises en compte avec soin et ce dès les phases de programmation et de conception. La question de la qualité d’usage et en particulier le confort doit être prise en compte très en amont dans le projet et considéré de manière globale à chaque phase du projet du bâtiment. La définition donnée plus haut du bâtiment intelligent est focalisée sur les aspects énergétiques. D’autres définitions plus générales existent, telles que celle proposée par l’association Smart Building Alliance (SBA) qui le définit comme un « Bâtiment qui contient des systèmes intelligents ». Les systèmes intelligents 1. Les Cahiers de la construction durable en Bourgogne, Bâtiment intelligent et qualité d’usage, n°4, décembre 2013, 16 pages.

132

3.2 La blockchain et la performance énergétique dans la ville

étant un ensemble de capteurs et/ou actionneurs offrant un certain nombre de services aux utilisateurs (exploitant, occupant, propriétaire, etc.). La SBA a introduit récemment la notion clé du « Ready2Service » (ou R2S), ce qui donne au smart building une définition plus complète en tant que « Bâtiment qui contient des systèmes intelligents ouverts et connectés vers l’extérieur ».

Le bâtiment plate-forme de services (BaaS) Le Building as a Service (BaaS), d’après l’association Smart Building Alliance (SBA), peut être défini comme un bâtiment vertueux, confortable, flexible et évolutif, sachant répondre aux besoins des usagers, aux contraintes réglementaires et aux grands enjeux environnementaux, économiques et sociétaux. Au-delà d’un bâtiment classique, c’est une plate-forme offrant plusieurs services et fonctions pour les usagers et utilisateurs internes ou externes au bâtiment. Le BaaS serait donc à l’image d’un smartphone dont la valeur d’usage est plus importante que les applications qu’il propose. Ces applications doivent avoir une valeur ajoutée et économique bien identifiée au bâtiment. Le tableau suivant dresse l’inventaire des différents services du BaaS : Tableau 3.3

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Famille de services du BaaS Maintenance / exploitation gestion durable des équipements (asset and facilitiy management)

hhMaintenance multi technique hhConduite et pilotage des installations hhGestion du cycle de vie d’une installation

Energie (Energy management)

hhPilotage énergétique hhSmart grid : réaction á Ia demande

Aménagement des espaces (Space management)

hhSpace planning hhTransformation de l’usage (nature) d’un bâtiment hhGestion du mobilier

Services au bâtiment (Building services)

hhGestion des déchets, gestion de Ia propreté hhSécurité (risques / blessures) hhSûreté (risques d’agression et vols)

Services aux occupants (Occupancy services)

hhServices généraux, conciergerie hhRestaurant inter entreprises hhPartage des biens

Bien être / santé (Indoor environment quality)

hhConfort hhSanté hhMaintien à domicile

133

3 La blockchain et l’énergie dans la ville

Un travail d’analyse a permis, suite à cet inventaire, de montrer qu’il existe des voies d’optimisation et de mutualisation des équipements tels que les capteurs : un capteur peut être utilisé pour plusieurs fonctions (deux ou davantage) afin de limiter la redondance matérielle (par exemple, un capteur utilisé pour le chauffage pouvant assurer la détection de présence et donc contrôler également l’éclairage). Cette rationalisation permet de réaliser de réelles économies pour le maître d’ouvrage. Enfin, le bâtiment doit être conçu et construit comme un système paramétrable, pouvant s’adapter en fonction des besoins, s’enrichir en continu de fonctionnalités et de nouveaux services. Il ne doit donc pas être livré à un client comme un objet fini. Le bâtiment doit être abordé par une approche globale (y compris en termes de coût), ce qui permet de construire dans une approche d’innovation, souple et évolutive pouvant s’adapter à de nouveaux usages, comme le maintien à domicile et du smart grid, domaines qui réclament une grande flexibilité des infrastructures. Accès services publics INFRASTRUCTURES ET ESPACES VERTS

Commerces Espace coworking

Suivi paramètres vitaux, Assistance PMR, Chutes

EMPLOI ET ÉCONOMIE

SANTÉ À DOMICILE

Partage de connaissances, Organisation d’évènements

Sécurité des données, intrusions SÉCURITÉ

DÉMARCHE ADMINISTRATIVE

LE RÉSIDENT ET LE BÂTIMENT

MAÎTRISE DES CONSOMMATIONS

DIVERTISSEMENTS, CULTURE, SPORTS RÉSEAUX SOCIAUX

Suivi données de réparation

MAINTENANCE & ENTRETIENS

Factures en ligne, Assurance

Web et conciergerie

Consommation individuelle et collective, Gestion intelligente du logement

Figure 3.4 Services évolutifs et BaaS (Source : SBA)

Le bâtiment Ready2Grids (R2G) Les défis écologiques et énergétiques imposent de nouveaux modes de gestion de l’énergie. Ainsi la gestion dynamique du réseau et l’effacement de la ­consommation d’électricité deviennent une nécessité. Les smart grids semblent être une solution pertinente pour remplir ces objectifs. 134

3.2 La blockchain et la performance énergétique dans la ville

Le bâtiment constituant la brique de base du smart grid doit pouvoir interagir en temps réel avec le système de distribution électrique et par conséquent être conçu et construit dans cet objectif. Le concept de « Ready2Grids » (R2G) qui a été proposé par la SBA s’inscrit dans cette perspective : « Un bâtiment capable de s’ouvrir vers l’extérieur et de communiquer via son réseau internet et des systèmes ad hoc pour échanger avec les systèmes de distribution d’énergie. » Le bâtiment R2G est d’abord un système communiquant avec l’intérieur (usagers, occupants) et l’extérieur (acteurs du smart grid). Cela suppose d’équiper le bâtiment d’un réseau de capteurs et un système de pilotage qui permettent de renseigner de manière très fine et dynamique sur la consommation énergétique, les prévisions de charge des usages, la capacité de délestage, de stockage et de production. Ces échanges doivent pouvoir se faire via un protocole ouvert, sécurisé et qui gère des transactions. L’interopérabilité des systèmes et des logiciels est une autre condition au déploiement du bâtiment R2G. Ce type de bâtiment est en capacité de fonctionner sur un prévisionnel de charge électrique sans dépassement, et donc d’optimiser ses charges énergétiques. Le bâtiment R2G saura son potentiel d’effacement, sa durée et son temps de mise en œuvre. Ainsi en termes de charge électrique, cette connaissance est primordiale puisqu’elle va déterminer la capacité du bâtiment à communiquer avce le système électrique et/ou à optimiser son alimentation. Cela suppose des systèmes de prévision de l’énergie fiables et un système de pilotage (type GTB) parfaitement efficient.

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Centrale hydraulique Éoliennes

Panneaux solaires Centrale nucléaire

Centrale thermique

Usine

Ville et bâtiments

Maison intelligente et voiture électrique

Figure 3.5 Le bâtiment dans un réseau électrique intelligent 135

3 La blockchain et l’énergie dans la ville

Cette souplesse du bâtiment R2G peut résulter d’une optimisation de flux d’énergie entre la production, l’arrêt temporaire du système de chauffage car l’inertie du bâtiment l’autorise (sans perturber le confort) et le recours à des moyens de stockage. C’est la performance optimale visée par le bâtiment ­intelligent.

3.2.2 Blockchain et autoconsommation Autoproduction et autoconsommation L’autoconsommation peut être définie par la consommation de tout ou partie de la production d’électricité sur le lieu où elle est produite (et éventuellement stockée). Cette part est d’autant plus importante que la consommation du lieu est élevée lors de la production, le but étant de réduire sa dépendance à un fournisseur d’électricité et de produire suffisamment pour couvrir une partie des besoins en énergie nécessaires au bon fonctionnement du bâtiment. L’autoproduction est la production de tout ou partie de la consommation d’électricité sur un site où a lieu cette consommation et qui n’est pas injectée dans le réseau.

Figure 3.6 Autoconsommation (flèches noires) et autoproduction (flèches en pointillés) (Source : www.greenunivers.com)

L’énergie dont nous parlons ici provient de diverses origines renouvelables, mais l’autoconsommation est davantage présente en photovoltaïque (PV).

136

3.2 La blockchain et la performance énergétique dans la ville

40 % 35 % 30 % 25 %

20 20

20 15

20 15 –

20 10

20 10 –

20 05

20 05 –

20 00 –

19 75 –

20 00

20 %

$2.20 $2.00 $1.80 $1.60 $1.40 $1.20 $1.00 $0.80 $0.60 $0.40 $0.20 $-

2012 2013 2014 2015 H1 2016 H2 2016E H1 2017E 2017E 2018E 2019E 2020E 2021 E 2022 E

100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0

GW

Facteur de capacité

45 %

USS/Watt

La tendance générale est à une diffusion majeure de ces technologies, dont les coûts décroissent massivement :

Marge Logistique Interconnection Coût du travail

Ensemble des projets éoliens prévus Historique / Prévision de capacité éolienne Facteur de capacité moyen

Matériels (EBOS et SBOS) Module Taxes Travaux civils

Conception et ingénierie SBOS Onduleur

Figure 3.7 Améliorations technologiques dans le solaire et l’éolien (Source : Wood Mackenzie)

Le changement est rapide : entre 2007 et 2016, le prix des systèmes PV a chuté de près de 80 %. Les prix des batteries ont également chuté précipitamment, ayant déjà atteint les prévisions de coûts pour 2030. Cela permet un développement massif de la production d’énergie renouvelable. Dans le mix énergétique français, les énergies renouvelables sont de plus en plus présentes (figure 3.8). ktep 7 000 agrocarburants

6 000

biogaz résidus agricoles

5 000

déchets urbains pompes à chaleur géothermie therm.

3 000

solaire thermique géothermie élec.

2 000

solaire photov. 1 000

éolien

09

06

20

03

20

00

20

97

20

19

94

91

19

88

19

85

19

19

82

79

19

76

19

19

73 19

70

0 19

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4 000

Figure 3.8 Production énergies renouvelables hors bois et hydraulique en France (1970-2011) (D’après base de données Pégase, ministère de l’Écologie)

137

3 La blockchain et l’énergie dans la ville

Il est rare cependant que les périodes de production d’électricité coïncident parfaitement avec les périodes de consommation, du fait de l’intermittence des sources de production renouvelable. Des études montrent que la part d’autoconsommation se situe aux environs de 40  % pour un logement équipé, sans système de stockage. Le reste de l’énergie nécessaire sera fournie par le fournisseur d’électricité. Nous parlons alors de taux d’autoconsommation qui peut être défini comme la part de la production électrique consommée immédiatement sur place. De même, le taux d’autoproduction est la part de la consommation électrique d’un logement qui est produite sur place. En France, on comptait début 2017 quelque 20 000 foyers en autoconsommation répartis ainsi1 : ▶▶ Environ 15 000 consommant leur propre électricité. ▶▶ Environ 5 000 autoconsommant une part de leur production et revendant le surplus. Nous assistons depuis peu à une accélération du développement de l’autoconsommation du fait des récentes dispositions légales. En effet, en juillet 2016, la ministre de l’Environnement a présenté un projet d’ordonnance mettant en place des mesures en faveur de l’autoconsommation : celui-ci a été publié au Journal Officiel le 25 février 2017. Un autre arrêté tarifaire solaire photovoltaïque a été publié au Journal Officiel en mai 2017. Ce dernier instaure « une prime à l’investissement pour les solutions photovoltaïques en autoconsommation à destination des particuliers et des entreprises ». La loi relative à l’autoconsommation fait la distinction entre autoconsommation individuelle et autoconsommation collective. Elle les définit comme suit : ▶▶ Autoconsommation individuelle : l’autoproducteur consomme lui-même et sur un même site tout ou une partie de l’électricité produite par son installation, instantanément ou après une période de stockage. L’autoconsommation individuelle permet donc de gérer ses propres besoins en autonomie au moins partielle. L’excédent peut être revendu au réseau. ▶▶ Autoconsommation collective : d’après la loi, « la fourniture d’électricité est effectuée entre un ou plusieurs producteurs et un ou plusieurs consommateurs finaux liés entre eux au sein d’une personne morale et dont les points de soutirage et d’injection sont situés en aval d’un même poste public de transformation d’électricité de moyenne en basse tension  ». Il devient 1. www.edfenr.fr.

138

3.2 La blockchain et la performance énergétique dans la ville

ainsi possible de foisonner les profils de consommation entre plusieurs acteurs, de faire l’économie de certaines installations électriques, et de développer des démarches sociales, communautaires, collaboratives en lien avec l’énergie. 25 000 20 000 15 000 10 000 5 000 0 Besoins utilisateur

E produite disponible

E autoconsommée

Figure 3.9 Exemple de consommation dans le secteur résidentiel (D’après HESPUL - DGEC 2014)

Depuis la loi du 30 décembre 2017, il existe donc trois types de réseaux : ▶▶ Le réseau public de distribution Enedis  : le principe est que les coûts sont identiques partout, pour un accès égal à l’énergie.

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▶▶ Des réseaux de distribution fermés pour un industriel ou un site tertiaire : ces cas correspondent à la jurisprudence sur l’aéroport de Leipzig en 2008 (disposant d’un réseau électrique en propre). ▶▶ Et très récemment, les réseaux intérieurs à un bâtiment unique  : par exemple un immeuble de bureaux ou une galerie commerciale. Cependant les difficultés pratiques sont nombreuses à moins d’avoir un propriétaire unique (ce qui est rarement le cas). La blockchain permettrait de développer la confiance dans ces cas d’usage, sans avoir à passer par des formes juridiques plus complexes (de type GIE pour regrouper les locataires, par exemple). Ce cadre juridique devrait contribuer au développement de l’autoconsommation de petite taille, individuelle ou collective, en offrant davantage de clarté. Mais ce n’est pas nécessairement simple et il reste très récent. Il faut rappeler en outre que les producteurs d’électricité ne sont pas soumis aux seules règles du code de l’énergie. Il convient aussi de se conformer aux codes de l’urbanisme et de l’environnement pour avoir une vue complète de leurs responsabilités sur le plan légal. 139

3 La blockchain et l’énergie dans la ville

Il existe des possibilités d’expérimentation hors du cadre légal habituel (France Expérimentation) pour des cas qui ne seraient pas encore gérés par la réglementation. D’autres cas seront donc probablement introduits au fur et à mesure (copropriétés, écoquartiers, etc.), mais cela pose le problème de la péréquation tarifaire entre les territoires. Des questions pratiques relatives à la tarification et à la taxation de l’énergie sur ces réseaux restent d’actualité : ▶▶ Dans le cas de l’autoconsommation individuelle, c’est simple, il n’y a pas de raison de taxer l’accès au réseau (dénommé TURPE) puisque l’installation est unique, et comme elle fait appel à de la production renouvelable, la taxe environnementale (CSPE) ne s’applique pas non plus. ▶▶ Dans le cas de l’autoconsommation collective, c’est beaucoup plus complexe et les questions restent ouvertes à ce jour (taxation d’un micro TURPE pour favoriser le développement des microgrids, par exemple ?). Il peut aussi exister des limitations de puissance électrique pour certaines incitations financières. Par conséquent, la blockchain pourrait permettre de certifier les volumes produits et consommés, et en particulier les quantités d’énergie produites par des sources renouvelables (certificats verts). L’appétence des consommateurs pour des modalités énergétiques innovantes et durables est forte. Le nombre de raccordements en autoconsommation reste faible mais est en constante augmentation et représente aujourd’hui 50  % des nouvelles demandes de raccordement au réseau de distribution :

Nombre d’installations mises en service

14 000 12 000 10 000 8 000 6 000 4 000 2 000 0

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Année de mise en service

Figure 3.10 Évolution des nombres d’installations (D’après Enedis)

140

2017-T2

3.2 La blockchain et la performance énergétique dans la ville

Exemple d’installation d’autoconsommation : la smartflower La smartflower est un des premiers générateurs photovoltaïques intelligents, mis en place par une société autrichienne. C’est une fleur solaire permettant de produire et de consommer son électricité photovoltaïque. Grâce à son système de tracker solaire, la smartflower suit la course du soleil à la manière d’un tournesol. Elle se déplace selon un double axe horizontal et vertical pour optimiser sa production et produire jusqu’à 40 % de plus qu’un système équivalent en toiture. La commercialisation et la distribution de ces fleurs sont effectuées par l’entreprise EDR EnR. Le modèle le plus en vogue est composé de douze pétales et de quarante cellules photovoltaïques, ce qui représente une surface proche de 18 m².

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Cet appareil connecté, à la pointe de la technologie d’autoconsommation, est muni de divers équipements lui permettant d’être plus performant et de s’entretenir : il est équipé d’un dispositif lui permettant de s’auto-nettoyer. La production ainsi que consommation d’électricité sont suivies en temps réel. Une application permet de gérer les dépenses d’énergie en direct.

Figure 3.11 Smartflower (Source : EdF EnR)

Les cas de l’autoconsommation collective Comme nous l’avons défini plus haut, l’autoconsommation collective se réfère à l’électricité produite de manière décentralisée au sein d’un immeuble collectif et consommée directement sur place.

141

3 La blockchain et l’énergie dans la ville

1

2

Capacité technique à maîtriser les horaires d’injection & soutirage

Évolutions permettant I’émergence de I’autoconsommation collective

• Pilotage intelligent du stockage et de la consommation • Baisse des coûts du stockage (Powerwall de Tesle, sonnenBatterie...)

3

Baisse des coûts de la production d’électricité distribuée

Systèmes informatiques de gestion des transactions

5

Blockchain et autres

Volonté des consommateurs

Comptage communicant

4

• Accéder à une électricité verte et locale (circuits courts) • Se réapproprier la gestion de I’énergie • [Dans certains cas] Sécuriser I’approvisionnement

Figure 3.12 Évolutions permettant l’émergence de l’autoconsommation collective (Source : analyse E-cube Strategy Consultant)

Tous les acteurs y trouvent un intérêt vu les multiples avantages qu’offre ce modèle : les locataires et les bailleurs bénéficient d’une électricité à bas prix, la valeur de l’immobilier est améliorée à long terme et tous les acteurs contribuent activement à la protection du climat. De leur côté, les services communaux et les fournisseurs d’énergie bénéficient d’une meilleure image et fidélisent leur clientèle en mettant à disposition de l’électricité de complément lorsque l’énergie autoproduite est insuffisante. Production

Trading

Transport

Baisse de la quantité de production non distribuée Augmentation de son rôle assurantiel

Complexification des modèles de prévision (production et consommation de plus en plus dépendantes de particularités géographiques)

Rôle de plus en plus « assurantiel » du réseau

Distribution Rôle de plus en plus « assurantiel » du réseau Responsabilité d’un équilibrage local de plus en plus complexe

Possible utilisation de prix nodaux Équilibrage local plus complexe

Commercialisation Consommation Baisse du revenu de commercialisation car augmentation de l’autoconsommation Migration vers le rôle d’agrégateur, avec vente et/ou pilotage d’une infrastructure de production et de stockage distribuée (modèle Sonnen)

Développement de capacités de production, de stockgae et de vente propres Pilotage efficace de la consommation

Remarque : Prévisions de plus en plus difficiles (coût des écarts)

Migration vers un rôle de producteur/d’agrégateur

Figure 3.13 Évolution des activités sur les différents maillons de la chaîne de valeur (Source : analyse E-cube Strategy Consultant)

142

3.2 La blockchain et la performance énergétique dans la ville

La loi relative à l’autoconsommation d’électricité pose un cadre réglementaire destiné à favoriser le développement de cette pratique, selon lequel le gestionnaire du réseau (exemple d’Enedis en France) doit faciliter les opérations ­d’autoconsommation, en raccordant notamment les installations électriques et en installant les compteurs intelligents (tel Linky) chez les clients concernés. L’énergie possède de nombreuses facettes, de l’extraction à la consommation, susceptibles de rendre l’utilisation d’une blockchain intéressante dans la mesure où elle peut servir efficacement à la gestion de l’énergie et faciliter la coopération. Son fonctionnement peut être décrit schématiquement comme suit : Les kilowattheures produits par la centrale photovoltaïque du producteur injectés dans le réseau accompagnés d’un certificat qui est émis dans la blockchain. De même pour les kilowattheures reçus par les consommateurs. Le rapprochement de la production et la consommation permet de constituer des blocs pour apprécier la consommation de chaque compteur. Ainsi des bilans réguliers des consommations sont réalisés pour chaque compteur. Ces informations sont communiquées au gestionnaire du réseau avec la part provenant du réseau et celle de la production photovoltaïque. Le gestionnaire transmet ces données aux fournisseurs d’électricité pour facturer les clients et garantir l’alimentation complémentaire en électricité lorsque la production locale est insuffisante. En pratique en France, des appels d’offre sont réalisés en vue de développer la production photovoltaïque, avec des incitations fiscales associées. La plus grande partie des installations concernent aujourd’hui des toitures de grandes surfaces.

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3.2.3 Utilisation de la blockchain dans la construction Un exemple d’utilisation simple de la blockchain dans le bâtiment consisterait à l’utiliser pour la mise en place d’un carnet numérique du logement, disposition prévue dans le cadre de la loi relative à la transition énergétique. Ce dernier peut comprendre différents éléments comme les opérations d’entretiens, la consommation énergétique… Un enregistrement et une certification des opérations relatives au logement au sein d’une blockchain présenteraient une vraie valeur ajoutée. Les contrats de performance énergétique (CPE) couplent la certification des données énergétiques au financement de nouveaux équipements avec 143

3 La blockchain et l’énergie dans la ville

r­ émunération sur les économies énergétiques associées. Le CPE se traduit le plus ­souvent par un investissement en termes de travaux, fournitures ou services visant à modifier les caractéristiques énergétiques du bâtiment. Le contrat garantit sur une durée fixée un certain niveau de performance au regard des investissements réalisés. Si l’objectif n’est pas atteint, le titulaire paie une pénalité au maître d’ouvrage, fondée sur l’écart entre les consommations réelles et les consommations prévues contractuellement ; si l’objectif est dépassé, le titulaire reçoit un intéressement aux économies d’énergie supplémentaires réalisées. En y incluant une blockchain, il serait possible de certifier les résultats et d’y associer un smart contract prenant en charge le prélèvement de la pénalité ou de l’intéressement selon l’issue de l’événement. Cette solution peut être appliquée de manière plus large pour l’énergie qui aura été économisée ou gaspillée couplée à un système de bonus/malus énergétiques. Outre l’autoconsommation collective et la répartition de l’énergie produite entre les occupants d’un même immeuble résidentiel ou tertiaire, l’électricité solaire produite en commun et gérée par la technologie blockchain offrira également la possibilité de délocaliser la consommation. Il sera possible, par exemple, d’utiliser sa propre énergie solaire hors de son domicile pour la recharge de son véhicule électrique à partir de toute borne inscrite dans la démarche (publique ou privée) ou bien d’étendre sa production à d’autres bâtiments. À terme, la précision des données obtenues grâce à la technologie blockchain permettra en effet de valoriser les échanges entre bâtiments et donc d’étendre l’autoconsommation collective à l’échelle d’un écoquartier, plutôt que de vendre l’excédent d’énergie produite par un bâtiment. L’autoconsommation sera alors mutualisée, quel que soit le lieu d’implantation des capteurs solaires. Pour faciliter les échanges commerciaux dans l’énergie grâce à la blockchain, SolarCoin a eu l’idée, à l’instar du bitcoin, d’attribuer à chaque MWh d’énergie solaire 1 solarcoin – un jeton numérique – au producteur d’énergie photovoltaïque. SolarCoin peut donc permettre la diffusion des technologies de production locale, avec un investissement pour les particuliers facilité par les jetons prévus par le dispositif. Le cas est détaillé dans le chapitre suivant.

Exemple de projet de bâtiments du Conseil départemental des Pyrénées-Orientales Ce conseil départemental a missionné la start-up Sunchain (filiale de EdF) dans un projet utilisant la blockchain. Il s’agit de cinq sites alimentés par une cen144

3.2 La blockchain et la performance énergétique dans la ville

trale photovoltaïque. Enedis s’appuiera en effet sur le savoir-faire de Sunchain dans le but de mesurer, de calculer et de communiquer aux clients les quantités d’électricité produite et à la répartir entre eux, la blockchain jouant ici le rôle de certificateur infalsifiable et sécurisé. SUNCHAIN

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SC

SC

SC

SC

SC

SC

SC

Figure 3.14 Mesure des consommations et communications entre les usagers grâce à la blockchain (Source : Sunchain)

145

3 La blockchain et l’énergie dans la ville

3.2.4 Le réseau électrique intelligent (smart grid) Les réseaux smart grid Pour faire face aux mutations du paysage énergétique, gérer les contraintes telles que l’intermittence des énergies renouvelables, les problématiques liées aux pics de consommation et le développement de nouveaux usages, il est nécessaire de faire évoluer le système électrique. Le contexte français et européen, dans lequel se sont développés les réseaux électriques, conduit à privilégier la mise en place des technologies de réseaux électriques intelligents ou smart grids plutôt que le remplacement et la consolidation massive des réseaux. Littéralement, smart grid signifie « réseau de distribution et de gestion d’énergie intelligent ». Concrètement, un réseau intelligent est un réseau électrique communicant qui intègre les NTIC dans son fonctionnement. Cela permet d’établir des interactions entre les réseaux d’électricité et les bâtiments auxquels ils sont raccordés. Leur taille est souvent assez vaste pour permettre des usages mixtes. Pour l’Agence internationale de l’énergie (AIE), «  (…) les réseaux intelligents sont un ensemble de technologies clés dans le but de faire face aux besoins actuels et futurs du secteur de l’électricité et de permettre le déploiement effectif de technologies bas carbone telles que les énergies renouvelables et les véhicules électriques ». L’intérêt d’un tel réseau est que sa gestion devient répartie et bidirectionnelle, ce qui permet plusieurs possibilités d’optimisation, parmi lesquelles : ▶▶ le lissage des pointes et creux journaliers ; ▶▶ la gestion de l’intermittence des énergies renouvelables (produites sur place). L’objectif principal est de fournir une électricité plus efficace, viable économiquement et si possible décarbonée (voir tableau ci-après). Les réseaux intelligents, fondés sur l’électricité, peuvent être étendus aux réseaux intelligents de chaleur, de froid et de gaz. Les réseaux intelligents se fondent sur une utilisation des NTIC au service d’objectifs entre autres environnementaux, ce qui s’inscrit dans les théories de la troisième révolution industrielle développées par Jeremy Rifkin et exposée plus haut.

146

3.2 La blockchain et la performance énergétique dans la ville

Figure 3.15 Schéma de fonctionnement d’un smart grid (Source : Bouygues immobilier)

Tableau 3.4 Évolution vers les réseaux électriques intelligents è Nouveaux enjeux è

Centrales de production d‘electricite

Développement de l‘electricité renouvelable : objectif 2020 de 27 % pour Ia France

Production centraIisée et décentralisée d‘électricité

Améliorer les contrôles et l‘équilibre sur les réseaux, meilleure qualité de fourniture d‘électricité

Transport et distribution d‘électricité Communication en temps réel

Augmentation de Ia consommation (chauffage, eau chaude sanitaire, climatisation ; nouveaux usages tels que : appareils électroniques, véhicules électriques...)

Consommateurs responsables et actifs (smart homes & smart metering)

ï

Réseaux actuels

Réseaux de transport et distribution d‘électricité

ï

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(Source : ADEME)

Consommateurs

Smart grids

147

3 La blockchain et l’énergie dans la ville

La prise en compte de la mobilité électrique dans les réseaux Les besoins identifiés en lien avec la mobilité sont décrits dans le tableau 3.5. Tableau 3.5 Niveau systéme de mobillité Écosystéme de mobilité

Orientations Assises Promouvoir une mobilité soutenable et solidaire et ­inclusive

Valeur apportée par la blockchain Une gouvernance collaborative soutenue par une tokenization des transactions

Cas d‘usage génériques emblématiques hhÉconomie circulaire de la mobilité hhMobilité autoorganisée (i.e. flotte véhicules autonomes) hh« Tokénization » des transactions (avec des approches sociales. environnementales. covoiturage, etc.)

Services de mobilité

Enrichir les offres de transport

Les smart contracts : un cadre flexible et catalyseur de nouveaux services

hhNouveaux services personnalisées (i.e. Assurance pay as you drive) hhlntermodalité hhLogistique du 1er/dernier Km hhServices de contrôle et de supervision hhPlace de marché des ­services

Infrastructure de mobillité

Mieux articuler les infrastructures de transport

Une interopérabilité des systèmes et automatisation des processus complexes

hhGestion des flux (véhicules et personnes) hhPass Unique - Billétique (i.e. Wallet de le mobilité) hhÉlectromobilité (ie. Véhicule to Grid. Interopérabilité] hhAutomatisation de processus

Données de la mobilité

Mobilité plus sûre

Une notarisation des échanges créatrice d‘un socle de confiance

hhPlace de marché des données hhGestion de l‘identité ou des documents officiels des véhicules

Divers projets visent à inclure les véhicules électriques dans les réseaux d’énergie. De plus en plus de véhicules électriques sont en effet construits et utilisés, et peuvent servir à stocker de l’énergie lorsqu’ils sont sur un parking, par exemple. Un exemple de projet blockchain relatif à ce cas d’usage est décrit dans la figure 3.16.

148

D’autres cas d’usage ne sont pas forcément liés à l’énergie, mais à l’autopartage. On pourrait imaginer par exemple une blockchain Blablacar pour permettre les paiements entre les utilisateurs.

3.2 La blockchain et la performance énergétique dans la ville

Fonctionnement du portefeuille numérique Share&Charge

Aperçu

Sortie de puissance

Véhicule électrique

Borne de recharge

Paye pour l'électricité au prix décidé par le propriétaire de la borne de charge sur son application mobile

La plateforme Share&Charge est construite avec Ethereum et permet de relier les conducteurs de véhicule électrique aux stations de recharge

La transaction est enregistrée dans un registre distribué à la fois pour le conducteur et pour le propriétaire de la borne de recharge

Le but d'Innogy (fournisseur d'énergie RWE) est de construire un réseau de bornes de recharge (en complément de leurs 5 000 bornes publiques)

Plate-forme Share & Charge

En mars 2017, Oxygen Initiative (un développeur américain de stations de recharge) a annoncé un partenariat avec Innogy pour déveloper les portefeuilles numériques sur le marché américain

Légende Échange physique

Information / Transaction financière

Figure 3.16 Illustration d’utilisation de la blockchain dans un projet (Source : Emerton)

La prochaine vague technologique inclura aussi des véhicules autonomes, pour lesquels de nouveaux usages sont à inventer. Certains technologues imaginent ainsi des véhicules autonomes qui sont à la fois une pièce de notre habitation et notre bureau (Waters, 2018). Connecter les stations de recharge de véhicule électrique aux conducteurs proches pour optimiser le prix

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Les propriétaires de station de recharge publique ou privée enregistrent leur borne sur la blockchain

Les utilisateurs potentiels peuvent voir une carte du réseau des stations et la notation de chaque station de recharge

€ € €

€ €

Les propriétaires de borne de recharge offrent leurs chargeurs au réseau, en indiquant la disponibilité et les préférences de prix

Les utilisateurs payent les propriétaires pour l'électricité utilisée, via la blockchain qui assure un paiement instantané et sécurisé

Impact potentiel sur l'industrie électrique Un réseau plus large et de recharge

Une adoption plus rapide des véhicules électriques grâce à une plus grande facilité d'utilisation

Aide à gérer la courbe de demande et à limiter les problèmes de prix, en augmentant l'énergie utilisée pendant la journée

Figure 3.17 Blockchain et développement des véhicules autonomes (Source : Mc Kinsey, Henderson et al., 2018)

149

3 La blockchain et l’énergie dans la ville

Exemples de projets relatifs aux smart grids Nous pouvons citer quelques projets qui ont pour ambition de modifier nos modes de production et de consommation : ▶▶ Piclo (Royaume-Uni) : Ce projet est né d’une collaboration entre une startup, Open Utility, et un fournisseur d’énergie renouvelable, Good Energy, dont l’objectif est de permettre au consommateur d’acheter son énergie (renouvelable) localement. Toutes les données sont disponibles et fournies au consommateur toutes les demi-heures. Des générateurs ont le contrôle et la visibilité sur l’achat de l’électricité. Les consommateurs peuvent sélectionner et prioriser les générateurs pour acheter de l’électricité. Piclo correspond à la génération et à la consommation selon les préférences et localité, fournissant aux clients des visualisations de données et des analyses. ▶▶ Vandebron (Pays-Bas) : Vandebron est une plate-forme en ligne aux Pays-Bas où les consommateurs d’énergie peuvent acheter de l’électricité directement des producteurs d’EnR indépendants. Analogue à Piclo, il agit comme un fournisseur d’énergie qui relie les consommateurs et les producteurs, et équilibre l’ensemble du marché. Plusieurs projets de plates-formes fonctionnent sur le même principe (comme Smart Watts ou PeerEnergyCloud). ▶▶ SonnenCommunity (Allemagne) La SonnenCommunity est développée Sonnen, un fabricant de stockage en Allemagne. C’est une communauté de propriétaires de sonnenBatterie qui peuvent partager l’énergie autoproduite entre ses membres. Par conséquent, il n’y a plus besoin d’un fournisseur d’énergie conventionnel. Avec une sonnenBatterie et un système photovoltaïque, les membres peuvent couvrir complètement leur propre énergie les jours ensoleillés – et souvent même générer un surplus qui est stocké – et consommer localement. Un logiciel central relie tous les membres de la SonnenCommunity tout en équilibrant l’offre et la demande d’énergie. Cette idée est comparable à celle de Piclo et Vandebron, mais la sonnenCommunity met évidemment en évidence l’importance du système de stockage. La société participe aussi au projet européen NeMoGrid (http://nemogrid.eu/), afin d’évaluer les business models relatifs à la décentralisation énergétique et l’usage de la blockchain Ethereum pour gérer les transactions et en particulier le stockage.

150

▶▶ IBM a mis à l’essai un concept comparable dans le cadre d’un partenariat avec Sonnen et Tennet, un gestionnaire de réseau aux Pays-Bas et en Allemagne. Dans le projet pilote, Tennet envoie un signal via la chaîne de blocage d’IBM à la flotte de batteries résidentielles de Sonnen pour charger ou décharger en fonction des besoins du réseau. Les clients résidentiels reçoivent les batteries gratuitement en échange de l’accord de céder le contrôle occasionnel à l’exploitant du réseau. La gestion des batteries pour les services de réseau est

3.2 La blockchain et la performance énergétique dans la ville

aujourd’hui assurée par des sociétés comme Autogrid et Advanced Microgrid Solutions sans l’utilisation d’une blockchain. ▶▶ Stem (États-Unis) : Stem est un autre exemple de projet relatif au stockage. Opérant à l’origine comme un pur acteur de l’espace de stockage d’énergie, l’entreprise s’est orientée vers le développement d’un réseau intelligent qui permet à ses utilisateurs d’optimiser leur profil de consommation sans qu’ils aient besoin d’effectuer une gestion financière. L’entreprise semble être la plus avancée dans la conception d’un réseau comme celui que nous avons exposé dans ce rapport : elle a installé et exploite 140 MWh à travers plus de 700 dispositifs de stockage en réseau. Ce projet montre aussi l’intérêt de piloter des stockages d’énergie en soutien au réseau. ▶▶ TransActive Grid  : TransActive Grid est un marché d’énergie communautaire, et une combinaison de logiciels et de matériel qui permet aux membres d’acheter et de vendre de l’énergie les uns aux autres de manière sécurisée et automatique, en utilisant la blockchain. Le prototype actuel utilise Ethereum. La société est installée dans le quartier de Brooklyn, à New York. Les consommateurs peuvent choisir où acheter des énergies renouvelables. Les producteurs d’énergie domestique peuvent vendre leur surplus à leurs voisins, et les communautés peuvent garder les ressources énergétiques locales, réduisant ainsi la dissipation et augmentant l’efficacité des micros et macro-réseaux. Ce projet est détaillé dans le dernier chapitre.

Conclusion sur l’impact de la blockchain pour les smart grids La transformation des smart grids grâce à la blockchain a fait l’objet d’une étude par le cabinet de conseil PwC. Processus traditionnel

Processus avec la blockchain

Réseau et opérateur de réseau

Éolien

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Énergéticien

Stockage

Photovoltaique

Banque Opérateur de comptage

Production conventionnelle

Production conventionnelle Usage résidentiel

Traders

Bockchain

Réseau et opérateur de réseau Plateforme de trading

Industriel Electricité Paiement / frais Données / blockchain

Stockage

Energies renouvelables

Industriel

Usage résidentiel

Figure 3.18 Transformation des smart grids grâce à la blockchain (Source : Cabinet PWC, 2015)

151

3 La blockchain et l’énergie dans la ville

Les réseaux énergétiques étudient en détail l’impact de ces nouvelles formes de désintermédiation digitale et se positionnent de plus en plus comme des fournisseurs de données énergétiques certifiées pour les consommateurs, en plus de leur rôle traditionnel sur les infrastructures. Les fournisseurs d’énergie étudient aussi en détail ces évolutions, avec le risque majeur pour eux qu’un acteur tel Google, qui dispose déjà de parcs d’énergie renouvelable pour ses datacenters, devienne lui-même fournisseur d’énergie. Imaginez l’intérêt pour une société comme Google de mieux connaître vos comportements, par le biais de vos consommations d’énergie. Par exemple, si vous produisez votre propre énergie, vous êtes probablement sensible à des produits verts. Peut-on imaginer une énergie « freemium », qu’on ne paierait plus directement mais qui serait remplacée par les données qu’un Google pourrait valoriser autrement ?

3.2.5 Les micro-réseaux intelligents (microgrids) – vers la décentralisation de l’énergie ? Le micro-réseau intelligent est un réseau électrique de petite taille, appelé aussi « mini-réseau intelligent ». Il s’agit donc d’un système énergétique ilôté, qui permet à un bâtiment ou un quartier de s’approvisionner en électricité de façon autonome, tout en demeurant branché au réseau national ou non. Les raisons de construire un microgrid sont les suivantes : ▶▶ Sécurité énergétique  : un micro-réseau assure l’autonomie énergétique en dehors du réseau principal pour une durée limitée en cas de panne de réseau. ▶▶ Économies de coûts : la production et le stockage locaux, associés à la mise en commun des clients, peuvent réduire les factures d’énergie des utilisateurs finaux ou d’un consortium de consommateurs d’électricité. Générateur diesel

Pile à combustible

Hydro

Éolien

Cogénération

Générateur au gaz

Biogaz

Solaire

Production dispatchable

RÉSEAU PRINCIPAL

Point de connection

Contrôleur

Production limitée ou intermittente Système de management de l'énergie (SME)

Véhicule électrique Stockage

Thermique Batteries

Charges critiques Datacenter Sécurité

Urgences vitales

Charges contrôlables Pompe à chaleur

Réfrigération

Éclairage

Climatisation

Figure 3.19 Productions et consommations dans un microgrid 152

(Source : ENEA consulting)

3.2 La blockchain et la performance énergétique dans la ville

▶▶ Durabilité : avec la production sur site, les acteurs du micro-réseau peuvent contrôler le niveau de pénétration des énergies renouvelables qu’ils souhaitent intégrer dans la consommation locale. Une récente étude américaine montre que le marché des micro-réseaux électriques intelligents augmentera de près de 30 milliards de dollars d’ici à 2020 (il était estimé à 10 milliards de dollars en 2013). Actuellement, quelque 400 projets (représentant plus de 3,2 GWh d’électricité) sont au stade de conception ou de réalisation. Et le nombre de ces projets devrait quadrupler d’ici à 20201, cette forte augmentation étant due à la volonté de rapprocher la production d’électricité de sa consommation, de limiter les investissements dans les réseaux de transport et de distribution et de réduire les pertes. À l’origine les micro-réseaux ont été utilisés dans les régions difficiles d’accès et non connectées au réseau. Un micro-réseau peut avoir différentes conceptions et différentes tailles  : il peut donc alimenter très localement un hôpital, un groupement scolaire, une zone militaire ou un immeuble dont tous les toits sont recouverts de panneaux solaires. Il peut aussi alimenter tout un quartier en consommant autant que ce qu’il produit. Il est constitué de panneaux solaires, d’éoliennes isolées ou non, de batteries rechargeables ou encore de générateurs. On peut ainsi distinguer quatre types de micro-réseaux : ▶▶ Les micro-réseaux non connectés au réseau (off-grid microgrids)  : on les trouve dans les îles ou les sites temporaires. ▶▶ Les micro-réseaux en communauté (community microgrids) : ils font partie intégrante du réseau. Ces microgrids alimentent souvent plusieurs infrastructures.

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▶▶ Les micro-réseaux de campus (campus microgrids) : complètement interconnectés et ayant la capacité de se déconnecter en cas de besoin. Très demandés par les militaires, les universités, etc. ▶▶ Les nano-réseaux (nanogrids) : ils sont plus petits et capables de fonctionner de manière indépendante. Les micro-réseaux représentent une solution intéressante pour lutter contre l’isolement énergétique. En effet, les zones isolées, comme les îles ou encore les zones sinistrées, ont un intérêt particulier à se doter de ces technologies compte tenu de leur indépendance et de leur flexibilité. À titre d’illustration, des îles isolées géographiquement comme Hawaii, Sendai (Japan) ou des villes ayant subi des catastrophes climatiques comme la Louisiane (États-Unis) peuvent être concernées par ces enjeux. 1. http://www.smartgrids-cre.fr/

153

3 La blockchain et l’énergie dans la ville

SÉCURITÉ ÉNERGÉTIQUE

Pr od u Ré cti se on au

Le modèle économique des microgrids a été étudié par ENEA Consulting, dans son rapport « Urban Microgrids ». Différentes organisations sont possibles, selon qui détient les actifs et qui les opère.

Détient

Distributeur Tierce partie

Opère

Utilisateur final

Modèle avec un seul utilisateur (par exemple un site industriel) Modèle ouvert aux parties tierces (par exemple avec un prestataire de services d'efficacité énergétique)

Modèle hybride

Modèle de distribution

RÉDUCTION DES COÛTS

ENVIRONNEMENT

Figure 3.20 Modèle économique des microgrids (Source : ENEA Consulting)

Dans ce contexte, la blockchain permet de mettre en œuvre une place de marché locale entre les consommateurs et les producteurs, indépendamment ou non des fournisseurs traditionnels. Voisin avec du solaire

Paiement sans déduction

$

$

Revend le surplus d'énergie

Voisin sans solaire

Préfère le renouvelable quand disponible

Minigrid communautaire

Le propriétaire de véhicule électrique utilise automatiquement le surplus provenant du panneau solaire

Stockage du surplus d'énergie Le minigrid distribue l'énergie et le registre blockchain gère les paiements

$

$

Les consommateurs peuvent choisir d'acheter de l'énergie renouvelable à leur fournisseur

Figure 3.21 Minigrid et blockchain (Source : Bloomberg)

154

Énergie compétitive

3.2 La blockchain et la performance énergétique dans la ville

Exemple de microgrid : Projet Solshare au Bangladesh pour échanger de l’énergie solaire en peer-to-peer Au Bangladesh, 17 millions de foyers, principalement situés en zone rurale, n’ont pas accès au réseau électrique général. Parmi eux, 3 millions disposent d’une installation solaire domestique que l’on appelle SHS (Solar Home System). Dans ces zones reculées, Solshare propose aux particuliers de s’échanger de l’électricité via des nanogrids (micro-réseaux), c’est à dire des mini-réseaux électriques reliant une dizaine de foyers, certains étant équipés de panneaux solaires et d’autres non. Les foyers équipés d’un SHS se retrouvent souvent avec un excédent d’énergie solaire impossible à stocker. Au même moment, certains de leurs voisins n’ont aucun accès à l’électricité. Solshare permet à ses usagers de revendre leur tropplein d’énergie aux autres villageois. L’échange se fait directement de particulier à particulier. Concrètement, chaque foyer est équipé d’une Solbox qu’il passe selon ses besoins en mode achat ou vente (la question ne se pose évidemment pas pour un foyer dépourvu de panneaux solaires). Toutes les données de consommation et de production sont stockées dans le réseau. Le paiement ne se fait pas en direct mais passe par une application sur téléphone portable qui crédite ou débite le compte de chaque usager. En reliant plusieurs SHS entre eux ainsi qu’à des foyers sans électricité, le nanogrid permet de fournir de l’énergie à tout un village même en cas de défaillance de l’une de ses installations.

Sol box

Sol box

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Sol box

Sol box

Sol box

Sol box

Sol box

Sol box

Sol box

Sol box

Figure 3.22 Projet Solshare (Source : Solshare)

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3 La blockchain et l’énergie dans la ville

Les bénéfices sont nombreux pour les villageois : ▶▶ Ils disposent d’une source d’énergie fiable et peu chère et ne subissent plus les coupures de courant du réseau central. ▶▶ Ils peuvent développer des activités économiques consommatrices d’énergie, notamment l’agriculture. ▶▶ Leur qualité de vie se voit améliorée. ▶▶ Les foyers équipés d’un SHS disposent d’une nouvelle source de revenus en revendant leur excédent d’énergie.

Les avantages de la blockchain pour un microgrid Les avantages sont résumés dans le tableau 3.6. Tableau 3.6 Les avantages de la blockchain pour un microgrid

156

Avantages

Des solutions de micro-réseau, potentiellement organisées en grappes, chacune spécialisée dans un type de source d’énergie locale.

Observations grâce aux matériels IoT

La blockchain peut permettre de vérifier la signature de n’importe quel matériel (compteur, panneau solaire, stockage), afin de s’assurer qu’aucun participant ne joue le système avec du matériel modifié ou sans le consentement des utilisateurs. Par exemple, SolarCoin a mis en place un DataLogger qui comptabilise directement l’énergie produite sur sa blockchain.

Protection du réseau d’énergie

La sécurisation de l’identité des participants à l’équilibrage permet aussi une meilleure protection du réseau principal (éviter un blackout) et de nouveaux cas d’usage (gestion complexe des véhicules électriques). Le microgrid de Sendai au Japon a ainsi pu continuer à fonctionner malgré le tsunami de 2011.

Gestion de la mobilité électrique

Les bornes de rechargement peuvent être directement liées à la blockchain, comme dans le cas de Share & Charge.

Financement vert

Possibilité de gérer des contrats (ex : financement des investissements en matériel de type green bond ou crowd financing), avec un aspect communautaire et social plus affirmé. Un co-investissement avec des financeurs privés est donc simplifié, car les gains d’énergie certifiés par la blockchain peuvent servir à les rembourser.

Traçabilité

Émission de certificats verts, fournissant ainsi de manière fiable l’emplacement de la source/type d’énergie transitant sur le réseau et des volumes d’énergie injectés/soutirés sur un stockage.

Contractualisation et paiement

L’utilisation de smart contracts peut permettre d’automatiser la facturation à partir des données de comptage. De nouveaux cas d’usage peuvent être développés (ex : facturation de la recharge électrique chez un voisin, aides pour limiter la précarité énergétique, répartition automatique des charges entre co-propriétaires…). Dans certains pays, cela peut permettre de limiter les fraudes.

3.2 La blockchain et la performance énergétique dans la ville

3.2.6 Les réseaux énergétiques virtuels Le besoin relatif aux VPP (Virtual Power Plant) Aujourd’hui, de nombreuses sources d’énergie renouvelable sont de plus en plus développées et commercialisées. Cependant, la plupart de ces énergies renouvelables sont soumises à l’intermittence de l’énergie primaire (soleil, vent, marées, etc.). Ainsi, ces nouvelles sources de production n’ont un sens économique que si elles sont regroupées dans un réseau qui gérera la charge et l’approvisionnement en fonction de la capacité collective de production/stockage d’énergie. Le concept est identique à celui de la gestion de portefeuille en finance : réduire le risque et la volatilité spécifiques de l’actif, laissant ainsi seul le risque systématique, afin d’améliorer le rapport risque/rendement de l’ensemble du portefeuille. Un tel réseau, s’il est sous-jacent à un portefeuille suffisamment diversifié, apportera la stabilité des prix aux consommateurs et, grâce à cela, peut également permettre à ces actifs d’être compétitifs par rapport aux énergies fossiles. La stabilité des prix devrait procurer certains avantages aux agents économiques :

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▶▶ Les investisseurs et les consomm’acteurs («  prosumers  » en anglais) qui injectent des capitaux dans les énergies renouvelables seraient clairement ­favorables à la stabilité des prix, car cela favoriserait une meilleure évaluation des projets d’une part et, si les prix mondiaux de l’électricité offerts sur le réseau étaient acceptables, l’investissement dans de nouvelles infrastructures – ce qui ferait baisser les prix des actifs. Les projections de coûts nivelés pour les sources d’énergie renouvelable sont présentées dans une section subséquente. ▶▶ D’autre part, les consommateurs bénéficient actuellement de sources d’électricité fiables et à prix stable. Ils n’ont généralement pas à gérer l’évolution continue du marché (offre et demande) et sont intéressés à conserver une telle prévisibilité sur le montant de leurs factures d’électricité, ainsi qu’à payer des prix raisonnables pour ce service. Une centrale électrique virtuelle (VPP) est un système qui intègre plusieurs types de sources d’énergie (microgénération, éoliennes, petites centrales hydroélectriques, photovoltaïques, groupes électrogènes de secours et batteries) afin d’assurer une alimentation électrique globale fiable. Souvent, les sources sont une grappe de systèmes de production distribuée et sont orchestrées aujourd’hui par une autorité centrale, mais une blockchain pourrait faciliter cette coordination.

157

3 La blockchain et l’énergie dans la ville

Une centrale VPP facilite ainsi la gestion de l’ensemble des enjeux des réseaux énergétiques, tout en permettant l’aggrégation d’une multitude de matériels et de réseaux physiques et donc une meilleure gestion des risques financiers : Hétérogénéité/ Gestion de la diversité

VPP = virtual power plant (usine de production virtuelle)

Ressources énergétiques distribuées Ajustement électrique

Stockage d'énergie

Stabilisation du réseau

Trading d'énergie

Fonctionnalités

Contrôle opérationnel

Marchés intelligents de l'énergie

Taille et distribution Gérer le volume, la taille et la distribution

Figure 3.23 Les modèles de VPP et leurs fonctionnalités de base (Source : Machina Research)

Tableau 3.7 Comparaison entre microgrid et VPP Microgrid

Virtual power plant

Équilibrage local

+

+

Reduction des pics de consommation



+

Équilibrage système



+

Gestion de la charge

+

+

Diminution des pertes



+

Gestion de la production décentralisée

+

+

Participation au marché de gros



+

Participation au marché de l’équilibrage



+

Diversification des sources d’énergie

+

+

Différenciation des tarifs énergétiques

+

+

Technologie

Socio économique

158

3.2 La blockchain et la performance énergétique dans la ville

Marché et régulation Convergence des marchés conventionnels et nouveaux

+

+

Convergence des marchés libéralisés



+

Robustesse de la régulation



+

Visibiliité sur le marché du renouvelable

+

+

+  Ajoutant de la valeur –  N’ajoutant aucune valeur

Des projets de VPP sont développés ou en cours d’étude dans de nombreux pays européens : Ce cas d’usage a été étudié par We Power, qui envisage ainsi des échanges instantanés entre différents pays, de manière à bénéficier des meilleurs prix via des contrats de swap ou des power purchase agreements (PPA) en achetant l’électricité directement auprès d’une source spécifique. Actif commercialement Ouverture partielle Développement préliminaire Fermé

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Pas évalué

Figure 3.24 Les aggrégateurs, les fournisseurs de service de flexibilité (Source : We Power whitepaper)

159

3 La blockchain et l’énergie dans la ville

Figure 3.25 Exemple de swap instantané (Source : We Power whitepaper)

3.3 La blockchain et le BIM dans la construction Les gains liés à l’utilisation du BIM dans la construction sont aujourd’hui bien établis. Ils sont principalement d’ordre économique (réduction des coûts) et environnemental (optimisation de la consommation énergétique). Franck Hovorka et Pierre Mit soulignaient, dans un rapport paru en mars 2014 dans le cadre du Plan bâtiment durable : « Le BIM constitue un outil important pour la transition énergétique et écologique du bâtiment ». Citons également Delcambre (2014) « Les enjeux de la transition énergétique et écologique vont potentiellement obliger tous les acteurs à revoir leur façon de concevoir, de réaliser et d’entretenir les bâtiments, mais aussi d’interagir entre eux. Ce que permet justement la maquette numérique. » Avant de traiter des liens entre la blockchain et le BIM nous allons fournir quelques éléments d’explications sur la notion de BIM.

3.3.1 Le BIM dans la construction Nous nous contenterons de rappeler ici les premiers concepts du BIM ; le lecteur souhaitant approfondir pourra se référer à des ouvrages tels que BIM et énergétique des bâtiments (Beddiar & Imbault, 2017).

160

La dénomination BIM est apparue en 2002 aux États-Unis pour décrire un projet de sa conception à sa construction virtuelle (Laiseri, 2003). Plusieurs définitions du BIM existent et ne convergent pas forcément. On peut proposer la suivante : « Le BIM est une compilation structurée et ordonnée d’informations relatives à un ouvrage de construction projeté, servant à simuler ses caractéristiques physiques et fonctionnelles. Cette compilation peut être partagée, enrichie et mise à jour par les acteurs du projet de construction. » On parle souvent de maquette numérique, ou de base de données, pouvant être utilisée de différentes manières,

3.3 La blockchain et le BIM dans la construction

à de multiples fins et à différentes phases du cycle de vie de l’ouvrage allant de sa conception à sa déconstruction en passant par sa construction et son exploitation. Outre l’information relative à la géométrie, cette base de données véhicule l’information requise pouvant servir aussi bien à la génération de documents de visualisation en 3D qu’aux calculs énergétiques, à la simulation du comportement mécanique de la structure porteuse, etc.

ARCHI

• Conception en 3D dès l’esquisse • Partage de la maquette

BET ÉNERGIE

• Simulation thermique dynamique • Simulation éclairage naturel et artificiel • Simulation accoustique

MAÎTRE D’OUVRAGE

• Gestion technique du bâtiment • Cycle de vie des matériaux • Gestion de patrimoine

ÉCONOMIE

PROJET

• Quantatifs extraits de la maquette • Mise à jour avec l’évolution du projet • Prescription

CHANTIER-ENTREPRISE

• Synthèse/Interactions entre corps d’état • Logistique chantier • Gestion des réserves avant livraison

STRUCTURE ET ENTREPRISE

• Modélisation et calculs structure • Intégration des éléments structurels dans le projet

GÉOMÈTRE

• Relevés

FLUIDE ET ENTREPRISE

FABRICANT

• Récupération des données 3D pour plans de fabrication • Découpe numérique • Moule pour matrices • Impression numérique

• Modélisation des réseaux CVC • Modélisation des réseaux Elec • Synthèse

Figure 3.26 Travail collaboratif dans le BIM (Source : UNTEC)

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L’acronyme BIM est utilisé pour parler de différentes notions1, ce qui peut être à l’origine de confusions : ▶▶ Building Information Modelling : il a été défini plus haut. Dans ce cadre le BIM est un process d’échanges autour de maquettes numériques dans un esprit de travail collaboratif interne à une entreprise ou entre plusieurs parties prenantes externes. ▶▶ Building Information Model ou « maquette numérique » (MN) : la représentation numérique des caractéristiques physiques et fonctionnelles d’un ouvrage. C’est aussi une représentation 3D riche en informations pertinentes, une sorte de base de données standardisée, partagée, recelant toutes les informations techniques de l’ouvrage bâti sur toute sa durée de vie. Elle contient 1. www.untec.fr.

161

3 La blockchain et l’énergie dans la ville

les objets composant l’ouvrage, leurs caractéristiques et les relations entre eux. Ces informations complètent la description purement géométrique de la forme du bâtiment produite par certains logiciels. ▶▶ Building Information Management : renvoie à l’organisation des méthodes et processus permettant notamment l’établissement et le suivi de la maquette numérique. C’est le pilotage de l’élaboration de la convention BIM qui sera élaborée, rédigée et mise à jour en coordination et en accord avec l’ensemble des parties intervenantes concernées. En phase d’exploitation, le BIM et la maquette numérique s’avèrent être des outils très efficaces de gestion et d’optimisation énergétique du bâtiment lorsqu’ils sont couplés à des moyens tels que la GTB par exemple. Le BIM est donc le processus consistant à créer, enrichir, maintenir et exploiter toutes les données nécessaires à la réalisation d’un ouvrage de construction. Il est capable de couvrir l’ensemble des étapes du cycle de vie de l’ouvrage construit. Un tel processus nécessite une étroite collaboration des différentes parties prenantes ainsi qu’une gestion efficace de l’information nécessaire au projet de construction. Le BIM consiste à «  construire  » avant la construction, à simuler de manière virtuelle la réalisation d’un ouvrage afin d’optimiser sa planification, son coût, sa qualité, sa construction grâce à une meilleure gestion et une réduction des risques très en amont dès les premières phases du projet, avant d’arriver à la phase des travaux où les modifications sont plus onéreuses, créant ainsi des ouvrages à forte valeur ajoutée.

Figure 3.27 Exemple de maquette numérique – projet de l’extension de l’EI.CESI Nanterre 2 162

(Source : CESI – Cefipa)

3.3 La blockchain et le BIM dans la construction

Le BIM requiert trois niveaux de maturité qui sont bien définis et distincts les uns des autres (figure 3.28). La plus grande partie des projets actuels sont menés avec le niveau 2 (BIM collaboratif). 1-BIM isolé

2-BIM collaboratif

3-BIM intégré

BIM

BIM

BIM

BIM

BIM

BIM Chaque intervenant travaille sur sa propre maquette pour ses besoins exclusifs

BIM

Chaque intervenant travaille sur une copie de la même maquette. Le BIM manager assure la coordination

Chaque intervenant travaille sur la même maquette numérique

Figure 3.28 Niveaux de collaboration dans le BIM (Source : http://www.enviroboite.net)

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Reproduction de l’existant à l’identique par conversion: - Balayage laser - Radar à pénétration de sol Implémentation de projet Simulation dynamique : - Détection des erreurs - Thermique, accoustique, aéraulique, ensoleillement... Animations, scénarios et immersion Préfabrication d’objets Topographie précise

5D

6D

7D

PLANNIFICATION

Simulation des phases du projet Plannification efficiente : - Dernier planning à jour - Livraison des équipement “Juste à temps” - Simulation des installations détaillée Validation visuelle pour I’approbation des payements

COUTS

Modélisation conceptuelle des ouvrages et planning des coûts Extraction des quantités pour estimation détaillée des coûts Vérification des prix de marché - Acier - Béton - Electricité - ... Ingénierie de la valeur : - Variante - Visualisation des solutions constructives - Extraction des quantités Solutions de préfabrication : - Optimisation des quantités

ENVIRONNEMENT Analyse des énergies conceptuelles Analyse des énergies détaillées

MAINTENANCE

Traçage des éléments durables

Stratégie du cycle de vie de l’ouvrage

Traçage LEED pour le développement durable

Simulation du cycle de vie de l’ouvrage

Suivi des matériaux et des écomatériaux

Intégration des manuels d’utilisation Extraction des données de l’ouvrage durant sont cycle de vie Plan de maintenance et support technique

8D

MODELISATION

4D

3D

Il existe en outre différentes dimensions (figure 3.29).

RENOVATION Documentation technique Préconisation fournisseur Optimisation - Thermique, accoustique - Intégration domotique Réduction des gaspillages

- Consultations d’entreprises - Système mécanique, électrique et plomberie

Figure 3.29 Niveaux du BIM 163

3 La blockchain et l’énergie dans la ville

La maquette numérique Sans produits renseignés, on ne construit pas de maquette numérique. Le BIM repose, pour sa mise en œuvre, sur la création d’une maquette numérique paramétrique contenant des données intelligentes et structurées. Les informations perdues ou mal saisies tout au long de son cycle de vie, et ce dès la conception, constituent une réelle préoccupation. Le « carnet de suivi du bâtiment » permet d’y remédier : il représente le moyen de répertorier, transmettre et conserver les informations utiles une fois l’ouvrage livré. Le BIM correspondrait alors à un carnet de suivi numérique. Il existe différentes maquettes numériques, l’appellation étant fonction de l’étape de cycle de vie de l’ouvrage : ▶▶ Maquette numérique de programmation : utilisée comme support pour la réalisation du programme du projet. C’est le maître de l’ouvrage qui établit cette maquette et elle est sous sa responsabilité. Elle comprend les données liées à la programmation et aux contraintes réglementaires du projet. Le maître d’œuvre peut l’utiliser pour ses consultations. ▶▶ Maquette numérique de construction : couvre les étapes de conception, réalisation et réception. ▶▶ Maquette numérique de phase conception : utilisée pour l’étude et la conception de l’ouvrage. Elle est réalisée sous la responsabilité du maître d’œuvre. Elle doit être conforme aux exigences de la loi MOP s’agissant de la mission de la maîtrise d’œuvre. Elle est une compilation/résultante des maquettes numériques métiers de toutes les parties prenantes intervenant sur le projet (numérique). Cette compilation est réalisée conformément au processus décidé en amont. ▷ De cette maquette peuvent être extraits les différents documents graphiques et plans prévus par le contrat de maîtrise d’œuvre. Elle sert pour la consultation des entreprises. ▶▶ Maquette numérique de phase réalisation  : utilisée pendant la phase travaux. Elle permet l’élaboration des plans d’exécution réalisés par la maîtrise d’œuvre et le visa des plans d’exécution réalisés par les entreprises. Elle prend en compte les conditions de réalisation réelles de l’ouvrage par une démarche itérative convenue avec les équipes travaux. Elle répond aux exigences des missions définies par la loi MOP. Elle est une compilation des maquettes numériques métiers de tous les intervenants. ▷ De cette maquette peuvent être extraits les différents documents graphiques et plans prévus par le contrat de maîtrise d’œuvre. 164

3.3 La blockchain et le BIM dans la construction

▶▶ Maquette numérique de phase réception ou maquette numérique DOE (Dossier des ouvrages exécutés) : représentative de la construction de l’ouvrage telle qu’elle est au moment de la réception. Elle répond aux exigences des missions définies par la loi MOP. Elle est remise par la maîtrise d’œuvre au maître d’ouvrage. ▶▶ Maquette numérique d’exploitation et de maintenance  : son propriétaire est le maître d’ouvrage, le responsable de la maintenance ou l’exploitant. Elle doit répondre aux attentes de la maîtrise d’ouvrage telles qu’elles sont exprimées dans la charte et/ou le cahier des charges BIM en vue de la maintenance et l’exploitation de l’ouvrage livré. ▷ En cas de construction neuve, elle est issue de la maquette numérique travaux enrichie de données en particulier liées à l’usage. Pour les bâtiments existants elle est élaborée à partir d’un relevé réalisé par un géomètre avec un niveau de précision adapté aux besoins de l’exploitation et de la maintenance. Elle peut servir à la consultation d’un prestataire pour l’exploitation et/ou la maintenance. ▶▶ Maquettes numériques métiers : propre à chaque intervenant.

Les niveaux du développement de la maquette numérique (LOD) Au fur et à mesure de l’avancement du projet, la maquette présente de plus en plus de détails. Le niveau de détail ou de développement (Level Of ­Developpement, LOD) est fondé sur des critères définis dans le « AIA Document E202, Building Information Modeling Protocol Exhibit  »1. Ainsi, cinq niveaux de développement sont utilisés :

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▶▶ LOD 100  : les éléments du modèle sont représentés sous forme d’esquisse permettant d’avoir une idée de la forme générale. Les informations contenues dans les éléments (coût, aire…) peuvent provenir d’autres éléments. ▶▶ LOD 200 : les éléments du modèle sont représentés génériquement en tant qu’objet ou assemblage. Les informations mécaniques et dimensionnelles peuvent être approximatives. ▶▶ LOD 300  : les éléments du modèle sont représentés graphiquement d’une manière spécifique en tant qu’objet ou assemblage. Les dimensions, quantités, formes, positions et orientations sont propres aux éléments. ▶▶ LOD 350 : LOD 300 avec, en plus, les éléments qui interagissent entre eux. ▶▶ LOD 400 : LOD 350 avec, en plus, des informations sur le détail, la fabrication, l’assemblage et l’installation contenues dans les éléments. ▶▶ LOD 500 : LOD 400, mais tel que contruit (as-built) et vérifié sur place. 1. https://www.aia.org/

165

3 La blockchain et l’énergie dans la ville

ND1 Esquiss

S

PRESYN-PRO/DCE

ND3

PD

SY

N

O

/E

4 ND

MAQUETTE NUMERIQUE

A

C

C

NS

TRUCTION

XE

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5

AP

ION EPT NC O

OITATION FIN EXPL DE V IE

RAMMATION PROG

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ND 2

e

ND

Figure 3.30 Niveaux de développement (LOD) vs. cycle de vie du projet et étapes de la loi MOP (Source : Cahier pratique Le Moniteur [Syntec ingénierie])

Éléments juridiques sur le BIM La maquette numérique est modifiée et enrichie par des parties prenantes différentes. Dès lors, des questions se posent quant à leurs responsabilités, quant à la propriété de la maquette numérique et des informations qu’elle contient, ainsi qu’aux conséquences par rapport à l’assurance, parmi lesquelles : ▶▶ Qui serait responsable d’erreurs dans la maquette numérique, qui se traduiraient par des erreurs de conception, voire des sinistres ? ▶▶ Qui pourrait se voir déclarer responsable en cas de réclamations pour des données incomplètes, inexactes ou obsolètes ? ▶▶ Comment peut fonctionner dans la pratique le partage des responsabilités entre parties prenantes (par exemple entre le maître d’œuvre et l’entrepreneur) ? La question juridique concerne le droit d’accès en lecture comme en écriture des données présentes dans la maquette numérique, notamment dans le contexte d’un système open source. À qui donc appartiendront les données dans la maquette numérique ? Et la maquette elle-même ?

166

3.3 La blockchain et le BIM dans la construction

Le BIM, un outil au service de la transversalité Le BIM est surtout un outil au service de la transversalité et du dialogue entre les métiers impliqués dans un projet de construction : il fédère les différentes parties prenantes, que ce soit en construction neuve, rénovation ou gestion du patrimoine en proposant une base de communication commune. Il permet de gérer le projet de manière agile en fluidifiant notamment les échanges et en décloisonnant les professions. Enfin, le BIM abaisse les barrières temporelles (l’exploitant final du bâtiment peut intervenir dès la conception et suivre le chantier en phase d’exécution) mais aussi hiérarchiques : toutes les parties prenantes ont accès au même niveau d’information et sont, par conséquent, plus responsabilisées. C’est ce que l’on appelle l’« effet de réseau »1, selon lequel la valeur d’un produit ou d’un service dépend du nombre de personnes qui le pratiquent. S’agissant du BIM, c’est un fait : de plus en plus d’entreprises l’adoptent, ce qui augmente sa valeur ajoutée. Cette nouvelle façon de penser le monde de la construction, de la rénovation et de l’exploitation de patrimoine bouleverse les modes de management actuels.

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3.3.2 Blockchain et BIM : la confiance au cœur de la collaboration dans la construction Le BIM, comme la blockchain, est donc une innovation disruptive sur le plan technologique, mais aussi sur le plan managérial. L’adopter, c’est ­ accepter d’abandonner des processus qui étaient certes perfectibles, mais qui fonc­ tionnaient malgré tout et dans lesquels tout le monde avait foi et confiance. Convaincre ses collaborateurs, à tous les niveaux de l’entreprise, que le BIM est une solution plus efficace et avantageuse financièrement requiert une base technique solide. Il convient également de rassurer et d’instaurer de la confiance au sein des parties prenantes. Et c’est dans la sécurisation de ces processus que peut intervenir la blockchain. Puisque c’est une technologie qui garantit des échanges de données transparents et infalsifiables, elle constitue un argument solide dans le management du changement nécessaire dans la démarche BIM. Pour favoriser le passage à de nouveaux modes de travail et intégrer le BIM dans les processus de communication entre les parties prenantes, il faut être capable d’atteindre des niveaux de confiance analogues, sinon supérieurs à ceux qui étaient atteints. Dans le processus de gestion des projets de construction, la blockchain pourrait permettre de protéger les droits d’auteur et de limiter leurs responsabilités dans l’environnement numérique de la maquette BIM, offrant ainsi la possibilité 1. http://biminmotion.fr/

167

3 La blockchain et l’énergie dans la ville

d’un cadre contractuel clair. Une traçabilité de l’information peut être également assurée, facilitant le travail juridique et assurantiel. Nous détaillerons dans le dernier chapitre de cet ouvrage une étude de cas traitant de l’utilisation de la blockchain dans le process BIM.

3.4 Conclusion La technologie blockchain a fait aujourd’hui ses preuves dans de nombreux secteurs et notamment le secteur financier. La décentralisation de la production de l’énergie a nécessité la décentralisation de sa distribution, d’où l’utilité de la technologie blockchain qui permet aujourd’hui à des millions d’utilisateurs d’acheter ou de vendre de l’énergie, sans intermédiaire. Les grands groupes de l’énergie et de la construction testent cette technologie pour optimiser l’utilisation des smart grids et l’autoconsommation. Son avenir est plus que prometteur et elle pourrait révolutionner le secteur de l’énergie, à condition que l’on parvienne à maîtriser son fonctionnement et son coût. Le chapitre suivant exposera quelques études de cas concrets où la blockchain entre en scène.

168

4

Études de cas

Ce dernier chapitre présente des cas concrets d’utilisation de la blockchain pour une meilleure gestion énergétique. Quatre cas seront analysés : • le microgrid de Brooklyn ; • le SolarCoin ; • le cas de l’écoquartier Confluence à Lyon ; • la solution BIMChain.io®.

4.1 Le microgrid de Brooklyn

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Les réseaux électriques conventionnels et centralisés tels que nous les connaissons requièrent beaucoup d’entretien pour des infrastructures coûteuses permettant de transporter de l’électricité sur de longues distances. Et un inconvénient majeur des réseaux centralisés est qu’ils ne sont pas complètement fiables et peuvent être très vulnérables aux perturbations – certains se souviendront des pannes prolongées que l’ouragan Sandy a déclenchées sur New York et une douzaine d’autres États en 2012. Aujourd’hui, une start-up new-yorkaise propose une autre solution : un micro-réseau communautaire à petite échelle qui permettra aux résidents locaux d’acheter et de vendre l’énergie qu’ils produisent à partir d’installations solaires sur le toit de leur habitation, en utilisant l’infrastructure énergétique existante et la blockchain. Et nul besoin d’avoir des panneaux solaires installés pour y participer !

4.1.1 Le système de distribution énergétique «  Brooklyn Microgrid  » est l’organisation à l’origine de cette initiative innovante, une des premières du genre aux États-Unis. Il utilise TransActive Grid

169

4 Études de cas

(TAG), une joint-venture gérée conjointement par « LO3 Energy », spécialiste des réseaux d’énergie solaires et Consensus Systems, société spécialisée dans le Bitcoin. Inauguré en 2016 dans les quartiers de Gowanus et Park Slope, Brooklyn Microgrid fait partie des 83 réseaux locaux actuellement en projet dans cet État, dont l’ambition est de reconnecter les habitants aux questions énergétiques. Les objectifs de Brooklyn Microgrid sont : ▶▶ Augmenter la quantité d’énergie propre et renouvelable produite par les membres de la communauté. ▶▶ Développer un réseau connecté de ressources énergétiques distribuées qui améliorera résilience et efficacité du réseau. ▶▶ Gérer ces ressources énergétiques distribuées en période de baisse de production d’électricité, voire de panne et d’urgence, et protéger la communauté et l’économie locale. ▶▶ Créer des incitations financières et des modèles économiques qui encouragent l’investissement communautaire dans leur avenir énergétique, créant de l’énergie et des emplois qui stimulent l’économie locale.

Figure 4.1 Vue de l’implantation des installations et équipements de Brooklyn Microgrid (Source : Brooklyn Microgrid)

170

4.1 Le microgrid de Brooklyn

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Figure 4.2 Vue du microgrid de Brooklyn

Figure 4.3 Vue du microgrid de Brooklyn (Source : Brooklyn Microgrid)

Le système TransActive Grid est un système de consensus distribué grâce auquel les participants au micro-réseau communautaire peuvent effectuer leurs transactions en toute sécurité. Il s’agit d’une solution de gestion de l’énergie décentralisée et durable qui combine la transparence et la sécurité offertes par les smart 171

4 Études de cas

contracts et les transactions financières fondés sur la blockchain, dans une économie peer-to-peer. Grâce à ce modèle, les membres de la communauté sont en mesure de s’engager dans le commerce de l’énergie directe, en achetant l’énergie solaire excédentaire produite localement par d’autres membres, sans avoir affaire aux fournisseurs classiques de l’énergie publics ou privés. Le système utilise Ethereum, une plate-forme de blockchain publique avec une fonctionnalité de smart contract, qui permet aux utilisateurs de microgrid de s’engager sur des contrats qui ne peuvent pas être falsifiés ou déformés. Les transactions et la consommation d’énergie seront mises à jour automatiquement et en temps réel à travers ce réseau distribué, en utilisant une liste cryptographiquement sécurisée.

Figure 4.4 Aperçu du système de contrôle et de gestion énergétique (Source : TransActiveGrid/Brooklyn Microgrid)

4.1.2 Changement du modèle économique énergétique Même si le projet n’est lancé à ce jour que dans les quartiers de Gowanus et Park Slope, l’objectif de TAG est de le généraliser pour changer radicalement la façon dont l’électricité est achetée et vendue, tout en stimulant l’économie locale à travers les énergies renouvelables. 172

4.2 Le solarcoin, une cryptomonnaie pour l’énergie solaire

En achetant de l’énergie localement plutôt qu’auprès d’une entité centralisée et nationale, l’argent retourne dans les poches des gens de la communauté. La plateforme transactionnelle fonctionne de manière autonome, l’énergie étant automatiquement tarifée en fonction des besoins des consommateurs. Le dispositif offre à ces derniers beaucoup de souplesse ; ils peuvent même définir leurs préférences pour, par exemple, maximiser leurs économies ou vendre de l’énergie moins cher aux résidents à faible revenu. En plus de générer des bénéfices pour la communauté locale, ce modèle de microgrid fondé sur un consensus a un impact moindre sur l’environnement. Avec environ 6 % d’énergie perdue à cause de la transmission et de la distribution sur de longues distances, toute énergie produite dans le micro-réseau du voisinage signifie qu’une infrastructure moins massive est nécessaire, ce qui en fait une option beaucoup plus rentable et durable à long terme. Avec les gouvernements des États locaux comme New York, la Californie et le Connecticut qui travaillent déjà à développer un réseau supplémentaire plus large de sources d’énergie microgrid, ces réseaux locaux pourraient un jour devenir une sauvegarde indispensable du système centralisé en cas d’urgence. En fin de compte, il s’agit de donner aux résidents plus de choix et de les responsabiliser pour qu’ils participent à leur économie locale, voire la prennent en charge, que ce soit par la production d’énergie hyper-locale ou en achetant de l’électricité directement au voisinage. Le développement d’un réseau connecté de fournisseurs d’énergie distribués stimulera également l’efficacité énergétique, et laisser les participants gérer leurs propres ressources renforcera la résilience des communautés.

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Ce nouveau modèle d’entreprise fondé sur une approche distribuée semble pouvoir perturber l’ancienne façon d’obtenir votre électricité, mais dans l’ensemble, il pourrait créer des emplois verts et générer plus d’incitations financières pour les citoyens à passer à l’énergie renouvelable.

4.2 Le solarcoin, une cryptomonnaie pour l’énergie solaire De nombreuses utilisations de la blockchain dans l’énergie sont aujourd’hui imaginées et testées. La cryptomonnaie solarcoin vise, elle, à favoriser le développement et la production de l’énergie solaire.

173

4 Études de cas

Les fondateurs de SolarCoin souhaitent ainsi accélérer la transition énergétique et promouvoir la production d’électricité photovoltaïque en récompensant les producteurs de l’énergie solaire et les propriétaires de panneaux photovoltaïques.

4.2.1 Organisation SolarCoin a été créé par un groupe de bénévoles pour promouvoir la production d’électricité photovoltaïque en créant une monnaie bénéfique pour l’environnement mondial. SolarCoin est géré comme un projet communautaire ouvert par des volontaires travaillant ensemble dans une « communauté SolarCoin », soutenus par la Fondation SolarCoin (Profit B Corporation). Les bénévoles ont une expertise dans les domaines des services financiers, des médias sociaux, du développement communautaire, de l’énergie alternative et de l’entrepreneuriat international. La communauté de bénévoles est mondiale et ne cesse de s’agrandir chaque jour. Les États-Unis, Israël, la Belgique et le Japon sont particulièrement actifs dans la promotion de l’énergie solaire et SolarCoin. SolarCoin récompense les producteurs (passés et actuels) pour leur contribution à la production d’énergie solaire et incite les futurs producteurs à acheter des panneaux solaires et à produire de l’énergie propre, contribuant ainsi à produire/ consommer une énergie de source renouvelable et aussi à influer sur le coût de l’énergie.

Figure 4.5 Le solarcoin (Source : https://solarcoin.org/)

La rémunération des détenteurs d’installations photovoltaïques et des producteurs d’énergie solaire sur la base d’un solarcoin pour un megawattheure produit est fixé à § 1 SLR pour 1 MWh produit. Associé à la technologie blockchain via l’ElectriCChain1 de la Fondation, le solarcoin devient alors une monnaie utilisable pour des transactions ou des paiements entre particuliers ou auprès de partenaires qui l’acceptent.

1. www.electricchain.org/

174

4.2 Le solarcoin, une cryptomonnaie pour l’énergie solaire

4.2.2 Fonctionnement Le système de récompense est autonome et opéré grâce à l’ElectriCChain. La Fondation SolarCoin se réserve néanmoins le droit de la certification et de la gestion. Ainsi pour inscrire leur installation/équipement, les producteurs fournissent les informations nécessaires sur un site dédié1 ; ce dossier est vérifié de manière indépendante par un réseau de bénévoles. Une fois validé, l’octroi de solarcoins est enregistré (dans un registre public). MWh généres par une installation solaire

Information verifiée

La Fondation SolarCoin et la communauté

Rapport unique de production #123495

Les SolarCoins sont octroyés au Générateur par la Fondation

Figure 4.6 Processus de rémunération par SolarCoin Valeur additionnelle du SolarCoin Producteur solaire Vente classique d’énergie

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Réseau B2B B2C ...

Électricité

Preuve de production

ElectriCChain Octroi de SolarCoins 1 MWh = 1 SolarCoin

Revenus

Achats auprés des entreprises partenaires (ou change contre USD/EUR)

Figure 4.7 Comparaison vente classique de l’électricité et vente via SolarCoin (Source : Florent Andrillon / www.capgemini.com/consulting-fr)

1. https://www.solarchange.co/#/

175

4 Études de cas

Certifier l’origine solaire de la production passe par la blockchain, qui valide automatiquement les données de production. Les panneaux photovoltaïques (PV) des participants sont ainsi munis de capteurs qui envoient dans la blockchain la quantité d’électricité produite, le moment et le membre du réseau à qui appartient le PV et ce dernier reçoit les solarcoins correspondants. Le tout est consultable par tous les acteurs. Il n’y a pas de serveur central ni d’autorité régulatrice, car dès lors qu’une personne intègre ce réseau, la blockchain devient la technologie de fonctionnement. SolarCoin fonctionne comme le système des «  miles  » aériens pour les générateurs d’énergie solaire. Les solarcoins sont distribués à tous les producteurs d’énergie solaire qui souhaitent les réclamer gratuitement. Ils sont une monnaie fondée sur la technologie blockchain et se négocient 24 h/24 et 7 j/7 sur les marchés. Les solarcoins peuvent être échangés contre des devises, y compris le bitcoin. La valeur du solarcoin peut être suivie sur le site de l’entreprise : https:// coinmarketcap.com/currencies/solarcoin/ La fondation SolarCoin gère l’attribution des solarcoins aux producteurs d’électricité solaire et aux sites affiliés et tient un registre public détaillant chaque ­solarcoin attribué aux générateurs d’électricité solaire. L’objectif de SolarCoin est que sa monnaie puisse à terme être utilisée lors de transactions avec des commerçants, fournisseurs de services ou autres partenaires du projet.

4.2.3 Fiche descriptive ▶▶ SolarCoin a été créé en janvier 2014 par la fondation SolarCoin1. ▶▶ Communauté de volontaires active (plus de 1 500 membres) aux États-Unis, en Europe et en Asie. ▶▶ Plus de 38 millions de solarcoins en circulation à ce jour (augmentation d’un million par mois). Il y a environ 13 500 portefeuilles SolarCoin téléchargés et 3 188 000 solarcoins ont été accordés aux propriétaires de panneaux solaires dans 51 pays. ▶▶ Un solarcoin est accordé pour la preuve vérifiée de la production d’un mégawattheure d’énergie solaire. ▶▶ SolarCoin a été distribué à un grand nombre d’investisseurs grâce à la proof of work jusqu’en septembre 2014. Depuis lors, la méthode proof of stake Time (PoST) est utilisée car elle est beaucoup plus écologique énergétiquement 1. Données de janvier 2018.

176

4.2 Le solarcoin, une cryptomonnaie pour l’énergie solaire

(elle consomme 99,99999 % moins d’énergie que le bitcoin). Le passage de la première à la seconde s’accompagne d’une augmentation de la rareté de la monnaie, ce qui permet, sur le long terme, d’augmenter son prix. ▶▶ Le programme de distribution devrait durer quarante ans et livrer 97,5 milliards de solarcoins représentant 97 500 TeraWatts d’électricité solaire.

Figure 4.8 Présence mondiale de SolarCoin (pays en gris foncé) (Source : SolarCoin)

4.2.4 Valeur du solarcoin La valeur d’une cryptomonnaie provient de deux facteurs : sa rareté et son utilité.

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La rareté est ce qu’il y a de plus simple à obtenir. Elle est généralement assurée directement dans le code source du protocole de la cryptomonnaie. Par exemple, la règle d’émission du bitcoin est publique et celle-ci assure une production décroissante, capée à 21 millions de bitcoins. Les solarcoins sont, eux, capés à 98 milliards d’unités et cet objectif devrait être atteint dans quarante ans. L’enjeu réside donc principalement dans la valeur d’usage de la monnaie. Les cryptomonnaies, comme d’autres devises ou commodités, peuvent tirer leurs valeurs de plusieurs manières mais la plus évidente est l’utilité transactionnelle, c’est-à-dire la possibilité d’acheter des biens et services avec cette monnaie, avec une grande liberté et des frais de transaction très faibles. La valeur grandit alors par effet de réseau : plus les utilisateurs (consommateurs et fournisseurs de biens et services) sont nombreux et plus la monnaie acquiert de la valeur. Un grand nombre d’acteurs acceptent aujourd’hui les bitcoins comme moyen de paiement, principalement pour des raisons de marketing mais aussi pour se différencier et attirer des nouveaux clients. Corollaire de sa jeunesse, le solarcoin ne jouit pas, pour le moment, d’un large panel d’acteurs qui l’acceptent comme moyen de paiement, même si de plus en plus d’acteurs adhèrent à ce modèle, comme Smappee (développeur de solutions 177

4 Études de cas

de monitoring et pilotage dans les smart-homes), Lumo (plate-forme de financement participatif de projets renouvelables) ou Ekwateur (fournisseur d’EnR). La maturité du solarcoin dépendra de sa capacité à générer un écosystème d’acteurs suffisamment large et robuste, et à se différencier des autres cryptomonnaies, notamment par sa valeur sociale.

4.3 Écoquartier Confluence : un cas d’usage de la blockchain dans les microgrids Le développement de projets utilisant la technologie blockchain dans le domaine de l’énergie est récent. En France, La MYNE (Manufacture des idées et nouvelles expérimentations) creuse l’idée et travaille depuis 2016 à des expérimentations autour de la confiance dans les transactions d’énergie (projet Daisee). Bouygues Immobilier a décidé en juin 2016 d’étudier à son tour le potentiel de l’application de la blockchain dans le domaine de l’énergie, sous l’angle de la promesse du moindre coût. Le projet d’écoquartier Confluence porté par Bouygues Immobilier et ses partenaires vise à mesurer et informer les consommateurs de bâtiments d’usage mixte à Lyon sur leur taux d’utilisation de l’énergie produite localement. Ce projet a, à ce jour, deux objectifs : un apprentissage par la pratique pour s’approprier cette nouvelle technologie et une sensibilisation des « consomm’acteurs » au sein d’un bâtiment à énergie positive pour les aider à comprendre et à optimiser leur utilisation de l’énergie produite localement. Les futurs projets permettront de trouver d’autres usages possibles de la blockchain dans un écoquartier équipé d’un microgrid, grâce à sa polyvalence et son faible coût.

4.3.1 Présentation générale de l’écoquartier Confluence L’écoquartier se situe au cœur de Lyon. Il s’inscrit dans une démarche de mixité sociale et affiche à terme des performances énergétiques exemplaires, dans la mesure où 80 % de la consommation d’énergie viendrait d’EnR produite sur place. Entamé il y a plus de douze ans, le chantier Lyon Confluence de 150 hectares doit doubler la surface de la presqu’île, le cœur commercial de Lyon. La gestion énergétique repose sur un smart grid. Un projet d’expérimentation de ce dernier est né fin 2011, fruit de la collaboration du Grand Lyon et de NEDO (New Energy and Industrial Technology Development Organization), l’équivalent de l’ADEME 178

4.3 Écoquartier Confluence : un cas d’usage de la blockchain dans les microgrids

au Japon. Lyon Confluence ambitionne d’atteindre d’ici à 2030 la neutralité énergétique, avec l’objectif de devenir un territoire à énergie positive. Enfin, cet écoquartier est le seul en France parrainé par le Fonds mondial pour la nature (WWF) pour ses performances environnementales. L’écoquartier présente plusieurs aspects innovants et vise à créer un écosystème intelligent qui envisage tous les domaines : énergie, mobilité, nouveaux services, développement économique, environnement, urbanisme, etc. L’aspect le plus innovant réside dans la gestion énergétique via la blockchain. En effet, Bouygues Immobilier ambitionne de lancer une blockchain pour smart grid, en partenariat avec les autres parties prenantes, tout en incluant des startup comme Energisme et Stratumn qui ont participé à des prototypes antérieurs. Le projet consiste à mettre en place le démonstrateur d’un réseau local décentralisé de gestion des échanges d’énergie locale où les producteurs-consommateurs d’énergie pourront suivre en temps réel leurs échanges. Cette initiative appliquée à l’énergie solaire fait écho au projet Brooklyn MicroGrid décrit précédemment. La démarche sera étendue à la chaleur et au froid.

4.3.2 Quelques données sur le projet ▶▶ Nombre d’habitants : 12 000. ▶▶ Un projet immobilier de 33  000  m² comprenant 16 000  m² de logements, 14 000 m² de bureaux et 3 000 m² d’équipements et commerces. ▶▶ Plus de 50  partenaires impliqués  : industriels, PME, start-up, universités, grandes écoles…

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▶▶ Financement : financement européen (programme Concerto), subventionnement par l’État (PIA), financement par les membres de ce consortium, autofinancement de certains services (Valentoin & Grellier, 2018), etc.

4.3.3 Les acteurs du projet Le projet est piloté par la SPL Lyon Confluence et le Groupe Bouygues, réunis dans un consortium de partenaires signé dès 2016. Les membres fondateurs de ce consortium sont : ▶▶ publics : SPL Lyon Confluence, Métropole de Lyon ; ▶▶ privés : Bouygues Immobilier, Bouygues Énergies & Services, Colas, Enedis, Kéolis, Linkcity, Groupe La Poste, Schneider Electric, Sncf, Systra… ; ▶▶ issus du comité éthique : WWF, CDC, Tuba. 179

4 Études de cas

4.3.4 Objectifs visés de l’écoquartier ▶▶ Opérateur global de services urbains : engagement et pilotage en temps réel de la performance des services proposés. Mutualisation des datas avec la plate-forme de la Métropole. ▶▶ Énergie  : autoconsommation d’énergies produites localement au niveau du quartier. ▶▶ Mobilité : bouquet d’offres faiblement carbonées de mobilité et de logistique du dernier kilomètre. ▶▶ Santé : mise en place d’une offre intégrée de santé de proximité, notamment à destination des seniors.

4.3.5 Contexte de l’étude : l’expérience blockchain pour smart grids Comme nous l’avions expliqué dans cet ouvrage, le smart grid est un réseau d’énergie incluant en particulier des producteurs et des consommateurs d’énergie. Le bâtiment, quel que soit son usage, devient lui-même producteur d’énergie par les effets combinés de l’évolution de la réglementation qui pousse au bâtiment à énergie positive (BEPOS), de la baisse des coûts des installations et de la demande croissante des habitants et des investisseurs. Ces derniers sont en particulier très sensibilisés au sujet de la transition énergétique et au besoin d’avoir un bâtiment qui ne soit pas devenu obsolète dans une dizaine ou une vingtaine d’années sur un marché où produire son énergie sera la norme. La plus grande part des bâtiments tertiaires conçus et commercialisés par Bouygues Immobilier sont ainsi labellisés BEPOS depuis quelques années. La situation est en revanche différente dans le résidentiel. S’il est indispensable que les habitants prennent leur part dans la transition énergétique et participent à la production d’une énergie décarbonée, leur acceptation d’un logement « vert » doit conduire à une valeur perçue supérieure au coût engendré par les installations « vertes ». Ainsi, il est essentiel que l’habitant perçoive que son bâtiment produit une part de son énergie quand c’est le cas. Le fait de préférer consommer des produits locaux et de favoriser les circuits courts amplifie ce besoin (on parle de « locavorisme »). Or, nous savons que tout ce que l’installation photovoltaïque d’un bâtiment produit se retrouve réparti sur l’antenne basse tension jusqu’au poste HTA/BT, consommé par les différents abonnés à mesure de leur puissance soutirée. Le surplus étant injecté et consommé sur le réseau HTA, il est en général négligeable dans un immeuble mixte incluant des logements et des bureaux. 180

4.3 Écoquartier Confluence : un cas d’usage de la blockchain dans les microgrids

Figure 4.9 Vues aériennes du l’écoquartier Confluence

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(Source : Herzog & de Meuron / Desvigne Conseil-JP Restoy)

Il y a certes d’autres considérations possibles que l’approche physique, pour prendre en compte un productible photovoltaïque dans un réseau électrique. EDF OA (EDF Obligation d’Achat) achète ainsi la production non autoconsommée en rémunérant le producteur à travers un barème convertissant l’évolution d’un index sur un compteur en euros. EDF OA ne prend pas physiquement possession des électrons ainsi « achetés ». C’est ce que nous appellerons l’approche contractuelle, qui n’est pas l’objet du projet expérimental. Le projet blockchain pour smart grids vise à mettre en œuvre sur un bâtiment existant, en conditions réelles et sans considération contractuelle ni interférence avec l’équilibrage du réseau, un outil d’information de l’habitant sur son taux de consommation locale d’électricité et à évaluer dans quelle mesure la technologie blockchain est économiquement et 181

4 Études de cas

techniquement adaptée pour répondre aux enjeux sous-jacents. Cette information étant fournie par un système décentralisé, porteur d’une confiance certifiant la valeur lue. Davantage que la production photovoltaïque, c’est l’ensemble de la chaîne d’information de l’abonné qui se retrouve « faite maison ». Le projet de déploiement en cours à Lyon sur le territoire du quartier Confluence par Hikari (« lumière » en japonais) est un ensemble de bâtiments d’usage mixte (logements, bureaux et commerces) et produit de l’électricité d’origine photovoltaïque et par cogénération. Il constitue le premier îlot mixte à énergie positive d’Europe. Hikari vise à préfigurer la ville de demain dans sa maîtrise mutualisée des consommations sur l’ensemble de l’îlot. Cette maîtrise s’appuie sur une conception technique et architecturale exigeante : ▶▶ Un diagnostic continu des consommations et un pilotage adapté de la production et de la distribution de l’énergie. ▶▶ Une architecture bioclimatique : enveloppe performante et utilisation optimale de la lumière et du rayonnement solaire. ▶▶ Des équipements innovants  : production multitechnique et écologique de l’énergie (électricité, chaud, froid) privilégiant l’économie d’énergie primaire (cogénération à base d’huile de colza, géothermie, stockage d’énergie). ▶▶ La mixité des usages et la maîtrise de la consommation énergétique, compensées par la production d’électricité (panneaux photovoltaïques en toiture et en façade sud, cogénération) rendant l’ensemble créditeur en énergie. Hikari produit plus qu’il ne consomme. C’est ainsi que les dernières technologies de mesure, production et contrôle se mettent au service des utilisateurs d’Hikari pour accompagner leurs comportements au plus près de leurs besoins et habitudes. Par cette implication pédagogique et vertueuse, Hikari s’impose comme un îlot démonstrateur dont le suivi dynamique des performances sert de base à la conception des modèles de la construction de demain. Le programme immobilier offre trois univers différents de lumière et est composé de : ▶▶ Higashi : à l’angle sud-est du cours Charlemagne et de la place nautique, le bâtiment développe 5 263 m2 de bureaux sur sept niveaux ; ▶▶ Minami : 32 logements, 3 400 m2 et une façade sud dotée de panneaux photovoltaïques bi-verre, offrant une luminosité contrôlée et une source notable d’exploitation optimale des apports solaires en fonction des saisons ; 182

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4.3 Écoquartier Confluence : un cas d’usage de la blockchain dans les microgrids

Figure 4.10 Vue d’ensemble des immeubles Hikari (à gauche) et vue du local technique de l’immeuble (à droite) (Source : Architecte : Kengo Kuma and Associates - Photographe : Olivier Guerrin)

▶▶ Nishi  : en bordure de la place nautique, tourné vers la Saône, le bâtiment développe 2 246 m2 de bureaux sur cinq niveaux. Quatre villas sur les toits, résidences d’exception, prennent place sur les deux derniers niveaux. ▶▶ 1 000 m2 de commerces, restaurants et services de proximité répartis en rezde-chaussée des trois bâtiments. ▶▶ 88 places de parking. 183

4 Études de cas

4.3.6 Fonctionnement technique du dispositif blockchain Le fonctionnement du dispositif repose sur la technologie blockchain. Ainsi son architecture se structure en quatre couches (voir schéma ci-dessous) : 1. La donnée de production ou de consommation est lue par un dispositif de mesure relié à un oracle matériel, décrit ci-dessous, permettant de garantir l’intégrité des données mesurées. 2. Un agent blockchain, qui est l’unité informatique exécutant la logique entre deux étapes d’un processus dont on souhaite garantir l’intégrité. Grâce à cet agent, l’ensemble des données de production et de consommation sont sécurisées de façon objective de telle sorte que l’on puisse prouver l’intégrité de chaque étape. En outre, il rend les données de chaque abonné invisibles pour les autres abonnés. Il intervient donc pour : (i) générer des preuves cryptographiques à partir des données de production et de consommation issues de l’oracle, (ii) lier cryptographiquement l’ensemble de ces preuves et (iii) communiquer avec la couche blockchain. 3. La couche blockchain proprement dite permet ensuite d’enregistrer les preuves de façon distribuée et immuable en assurant une synchronisation et un consensus en temps réel entre l’ensemble des parties prenantes. Cette couche est « permissionnée », c’est-à-dire qu’elle fonctionne selon un système de droits d’accès. 4. Enfin, une application pour smartphone et son dispositif aval serveur permettront à l’utilisateur final de visualiser en temps réel les informations le concernant ainsi que des statistiques et conseils. L’oracle matériel est un élément fondamental de cette infrastructure, étant donné la sensibilité des informations énergétiques vis-à-vis du respect de la vie privée. La sécurité d’ensemble de l’architecture du pilote commence par la sécurisation et la fiabilisation des données intégrées dans le système. Si une donnée de production ou de consommation est compromise ou si une source de données est corrompue, la sécurité de l’ensemble s’effondre. L’oracle matériel résout ce problème en fournissant une couche de confiance entre les agents blockchain et le monde physique, en permettant notamment de : ▶▶ conserver les clés privées (utilisées par la technologie blockchain) hors de portée des intrus ; ▶▶ attester de l’existence de certains événements physiques ; ▶▶ garantir l’intégrité de l’installation en la rendant inopérable en cas de tentative de manipulation. 184

4.3 Écoquartier Confluence : un cas d’usage de la blockchain dans les microgrids

Production ou consommation

Application smartphone

Dispositif de mesure (ex: compteur Enedis)

Oracle matériel Agents Blockchain

Serveur de I’application

Blockchain Nœuds de la Blockchain

Figure 4.11 Représentation schématique de l’architecture du dispositif (Source : Bouygues Immobilier)

Quel est l’intérêt d’une blockchain privée pour un tel dispositif ? L’intérêt de ce projet est de tester la technologie blockchain dans un cas concret. Le projet expérimental blockchain pour smart grid est avant toute chose un projet visant à expérimenter une technologie récente pour mieux la comprendre et pour identifier de potentiels cas d’applications d’intérêt économique mieux ciblés. Il est certain que l’analyse du taux d’électricité autoconsommée pourrait être réalisée par une base de données classique qui transférerait et stockerait des données horodatées.

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L’intérêt et les conséquences de l’utilisation d’une base de données classique La méthode classique est mieux adaptée si l’on veut partager une base de données en lecture avec des modifications possibles en écriture (pour cause de données manquantes, par exemple), maintenue par une entité centrale, mais elle a trois limitations à prendre en compte : ▶▶ Les parties risquent d’avoir des intérêts divergents, ne se faisant pas confiance a priori et pouvant même être concurrentes : par exemple, si un fournisseur est une des parties et facture l’électricité vendue. ▶▶ Un partage de la base de données en écriture nécessite la création de comptes spécifiques en addition des règles génériques, ces comptes étant maintenus par une entité centrale. Un tiers de confiance est alors nécessaire pour main185

4 Études de cas

tenir la base de données, créer les comptes et assurer que les transactions sont validées selon certaines règles. ▶▶ Enfin, dans la plupart des cas, chaque partie maintient en plus sa propre version des données, dépensant beaucoup de temps à faire de la réconciliation entre différentes bases. La pratique rend la base de données classique souvent plus coûteuse qu’attendu, et source potentielle de désaccords.

L’apport d’une base de données en blockchain « permissionnée » Si l’on souhaite partager une base de données avec des modifications possibles en écriture, sans entité centrale et avec des parties prenantes identifiées, une blockchain « permissionnée » est plus appropriée. Il est en effet nécessaire de mettre en œuvre : ▶▶ un réseau de pair à pair permettant de créer et de propager des transactions entre les nœuds ; ▶▶ une méthode pour garantir l’historique des données stockées ; ▶▶ une méthode pour identifier les conflits entre transactions et les résoudre automatiquement ; ▶▶ une technologie de synchronisation pour que l’ensemble des parties convergent vers la même version de la base ; ▶▶ une méthode pour étiqueter les différentes données et lier leur propriété aux différentes parties ; ▶▶ une méthode pour exprimer des restrictions sur les opérations (empêcher une partie de mal se comporter), permettant ainsi une modification en écriture dans le respect de règles strictes fondées sur le consensus. L’ensemble de ces points ne peut pas être géré de façon simple par une base de données traditionnelle. Évoquons également la blockchain non permissionnée, qui rassemble de nombreuses variantes, la plus connue étant celle utilisée par la cryptomonnaie bitcoin. La blockchain Bitcoin est dite publique et s’appuie sur le concept de « preuve de travail » (proof of work). Pour chaque validation de bloc de données dans la base, une certaine quantité de travail est à fournir, rendant fastidieux et économiquement non rentable de signifier la production de quelques kilowattheures.

186

4.3 Écoquartier Confluence : un cas d’usage de la blockchain dans les microgrids

4.3.7 Des cas d’applications évolutifs, une approche « effectuelle » Le projet blockchain de l’écoquartier Confluence suit une approche dite « effectuelle » qui, par opposition à une approche prédictive, vise à obtenir un premier effet des actions menées avant de décider de celles à mener ensuite. Autrement dit, seul le premier livrable de ce projet est connu à ce stade –  la réalisation d’une application pour smartphone pour connaître son taux d’énergie locale, par exemple – et nous ne savons pas encore où cette expérimentation nous conduira par la suite. Néanmoins la technologie blockchain, en distinguant oracles et base de données, est capable d’intégrer différents cas d’applications et différentes natures de supervision au sein d’un bâtiment. Des échanges de services ou de marchandises entre commerçants et habitants, un suivi d’avancement des tâches incombant normalement à un syndic de copropriété, une répartition des frais liés à l’usage d’une infrastructure mutualisée, etc. Les applications possibles de la technologie blockchain dans l’immobilier sont déjà nombreuses dans l’esprit de ceux qui ont écrit à ce sujet. La volonté des acteurs de ce projet est donc de se laisser guider par les résultats obtenus à chaque étape du projet, pour définir ensuite quelle évolution de l’outil proposer. En gardant en tête trois applications pour lesquelles un besoin a déjà été exprimé par les acteurs du bâtiment : ▶▶ Une monnaie virtuelle facilitant l’échange de biens et de services à l’échelle locale, fidélisante et propice au développement économique local.

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▶▶ Un système de gestion communautaire de l’énergie (Community Energy Management System) dans un bâtiment, nécessaire pour un suivi des charges énergétiques et pour juger en confiance de la bonne performance de l’exploitation du bâtiment. ▶▶ Une place de marché pour financer et revaloriser les productions locales d’énergie verte et promouvoir les comportements vertueux comme l’effacement temporaire en les valorisant à l’échelle d’une communauté. Un microgrid, pour rappel, est une section contiguë du réseau d’énergie et ses ressources énergétiques interconnectées et distribuées, section qui peut être opérée de façon indépendante du reste du réseau si nécessaire et qui est en mesure de répondre à des ordres ou des contraintes liés à la bonne qualité des services fournis. 187

4 Études de cas

La technologie blockchain possède justement ces caractéristiques de distribution (à travers les nœuds) et d’interconnexion (entre les participants). Elle paraît donc adaptée à l’enregistrement et au transfert d’informations liées à l’exploitation d’un microgrid. Mais avec une caractéristique fondamentale en plus : une architecture distribuée et fonctionnant par consensus, supprimant le besoin de tiers de confiance tout en étant capable de certifier la validité des données stockées. La blockchain peut donc, potentiellement, permettre de certifier la qualité de service de l’exploitation d’un microgrid en évitant la rémunération d’un tiers de confiance. Dans un quartier de ville, les qualités déterminées au préalable – que ce soit le taux d’énergie renouvelable sur les réseaux énergétiques ou la puissance maximale appelée – peuvent faire l’objet d’une supervision extérieure aux exploitants, donc objectivées. La technologie blockchain peut s’appliquer à toute sorte d’échanges et de flux de services et de biens. Dans un quartier de ville, elle peut donc aller au-delà du microgrid énergétique et permettre de certifier le bon fonctionnement du quartier selon des indicateurs déterminés par les habitants et usagers du quartier. Porteuse de confiance, quasi-inviolable, participative et de faible coût, cette technologie est une sérieuse candidate pour faire partie de l’infrastructure technologique du quartier de demain. C’est pour cette raison que la blockchain est choisie pour le smart grid de l’écoquartier Confluence. Et c’est à Lyon Confluence que le démonstrateur d’avenir de l’Institut de la ville durable (IVD) Eureka Confluence (ex. : Lyon Living Lab) existe depuis 2016. Partant d’une simple supervision du taux d’énergie autoconsommée d’un bâtiment, ce projet espère nourrir les ambitions lyonnaises en matière de quartier durable capable de faire vérifier son bon fonctionnement.

4.4 BIMCHAIN.io® : solution de confiance du BIM grâce à la blockchain Dans la plupart des industries, la révolution numérique est associée à la disparition – ou, du moins, à la réduction – du papier. La révolution de la construction que représente le BIM n’a pas encore tiré ce bénéfice. Pourquoi ? Le BIM a beau être annoncé comme le processus du «  travailler ensemble  », le poids des responsabilités engagées dans cette industrie et les enjeux financiers associés sont tels que la confiance ne s’installe pas spontanément. Bien au contraire, on peut dans certains cas friser la défiance. Partager ses données ne va 188

4.4 BIMCHAIN.io® : solution de confiance du BIM grâce à la blockchain

pas de soi et se protéger signifie viser, tamponner, signer des rames entières de papier que l’on conservera pendant dix ans.

4.4.1 La blockchain, une technologie au service du BIM Accorder sa confiance, à l’ère du tout numérique, c’est faire confiance aux données, essentiellement : ▶▶ Confiance en l’authenticité et qualité des données que l’on reçoit. ▶▶ Confiance en l’exploitation que fera autrui des données que l’on a partagées. Certifier, signer, horodater, authentifier : la blockchain contient en son sein tous ces mécanismes qui permettent de fabriquer des preuves numériques, gérées sans avoir recours à un tiers. Ces preuves sont publiques, pérennes, inviolables, inaltérables et horodatées. Dans des processus d’échanges numériques entre acteurs hétérogènes, en introduisant ce système de preuve, un échange inscrit dans une blockchain devient un contrat signé, qui protège celui qui émet aussi bien que celui qui reçoit. On parle souvent du BIM du point de vue opérationnel et technique, un peu moins de la partie juridique et contractuelle. Deux extraits pour illustrer cet aspect :

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▶▶ À propos des droits d’auteurs : « (…) Le numérique induit des évolutions au niveau de la propriété intellectuelle parce qu’il rend possible la réunion de données hétérogènes sur un support unique. Cette capacité intégrative du numérique permet de créer un objet nouveau, la maquette numérique, susceptible de recevoir plusieurs qualifications et partant, de faire l’objet de différents modes de protection. Dans ce nouveau contexte, il convient d’étudier la protection par le droit d’auteur d’une part, puis la protection par le droit des bases de données d’autre part. » (Riss et al., 2017.) ▶▶ À propos des assurances et des responsabilités : « Les assureurs restent sceptiques sur la détermination des responsabilités lorsqu’un sinistre se produit et que le BIM est utilisé. Si celle-ci n’est pas réglée à l’amiable, le dossier sera renvoyé directement devant les tribunaux compétents. D’où un allongement des délais et des coûts et la possibilité donnée à l’expert judiciaire de trancher arbitrairement si les éléments de preuve ne sont pas suffisants pour déterminer les parts de responsabilité des différents acteurs, ce qui peut peser sur les coûts d’indemnisation subis par l’assureur d’un responsable dont la responsabilité n’est pas formellement identifiée. » (Bouilly, 2016.)

189

4 Études de cas

4.4.2 La solution BIMCHAIN.io®, un facilitateur de confiance grâce à la blockchain Que ce soit pour protéger ses droits d’auteur ou limiter sa responsabilité, il faut pouvoir identifier son périmètre propre dans une composition numérique ­multi-partites, et donc pouvoir apporter des preuves. BIMCHAIN.io® construit cette traçabilité opposable en profitant des mécanismes natifs de la blockchain et se définit comme un socle contractuel numérique décentralisé intégré à l’opérationnel BIM. Ces preuves sont introduites directement via les outils et sur les données de travail des acteurs. La maquette numérique – base de données ­d’information – devient contractuelle : elle contient en son sein les traces probantes nécessaires aux problèmes juridiques et assurantiels. La solution BIMCHAIN.io® se veut le moins intrusive possible et se positionne comme facilitateur de confiance – et non pas tiers de confiance. D’un point de vue utilisateur, ce n’est pas un outil en plus ou un autre acteur à qui faire confiance : c’est une nouvelle fonctionnalité disponible dans son environnement de travail. Et, par définition, les preuves sont créées, certifiées et accessibles sur la blockchain. Cette solution se présente principalement sous la forme d’un plug-in intégré aux navigateurs web ou aux applications desktop du marché, pour que les actions de protection et d’engagements puissent se faire directement depuis les outils de travail, en un clic. Il est d’ailleurs important de noter que l’action doit être explicite : tout échange ne doit pas donner lieu à une trace probante ni devenir un engagement, et c’est un des premiers effets bénéfiques indirects : la libération des échanges informels. Tout ce qui n’est pas signé par cette solution est de facto sans engagement, « pour information ». Deux obstacles au partage sont donc levés, en répondant à deux questions : ▶▶ Avons-nous une preuve de notre contribution pour protéger nos droits ? ▶▶ À partir de quand nos informations engagent-elles notre responsabilité ? Un second effet bénéfique indirect est la qualité accrue de la maquette. L’engagement faible des contributeurs à soigner la qualité des données a toujours était désigné comme un des freins au gain d’efficacité annoncé du BIM. En signant depuis les outils directement les données de la maquette, cette dernière, d’informative, devient contractuelle ; il n’est plus question de traiter la maquette à la légère : elle fait foi. Enfin, aujourd’hui les engagements suivent les phases de la loi MOP. Huit phases contractuelles qui constituent les seules traces probantes, une granularité peutêtre pas assez fine pour déterminer la chaîne de responsabilité lors d’un sinistre. 190

4.4 BIMCHAIN.io® : solution de confiance du BIM grâce à la blockchain

Un outil simple et intégré comme BIMCHAIN.io® permet de tracer les étapes de manière beaucoup plus fine, et donc d’optimiser les coûts d’indemnisation. MAÎTRE D’OUVRAGE

UTILISATEUR EXPLOITANT

Baisse des risques coût-délai-qualité Réduction de la consommation papier Certi cation sur documents originaux signés

BIM MANAGER

Historique certi é du bâtiment Qualité des données

Certi cation croisée des livrables Fluidité des échanges

MAITRE D’ŒUVRE ARCHITECTE

ASSUREUR

Baisse des sinistres Meilleur protection des assurés Accélération des dossiers en contentieux

Limitation en responsabilité décennale Réduction de la consommation papier Protection de I’œuvre numérique

BUREAU D’ÉTUDES TECHNIQUES

BUREAU DE CONTRÔLE Limitation en responsabilité décennale Certi cation sur documents originaux signés Réduction de la consommation papier

ENTREPRISE

Limitation en responsabilité décennale Réduction de la consommation papier Accélération des paiements

Limitation en responsabilité décennale Calculs sur documents originaux certi és Réduction de la consommation papier

Figure 4.12 Risques et responsabilités des acteurs du projet de construction (Source : https://bimchain.io/)

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4.4.3 Le choix de la solution Ethereum Blockchain publique (accès universel aux preuves), robuste (nombre de nœuds, capitalisation), permettant de déployer des DApp (applications décentralisées), soutenues par plusieurs industries, avec une gouvernance efficace et une communauté de développeurs active : le choix d’Ethereum s’est imposé de lui-même. Sur cette base, BIMCHAIN.io® est composée de trois couches : ▶▶ Signature simple  : gestion des clés (publique/privée) et signatures simples en local. Les clés sont gérées par l’utilisateur en local, protégées par un mot de passe, et il est le seul à y avoir accès. Le mécanisme de récupération se fait par « seed phrase » (série de mots qui permet de reconstituer les clés). Le processus de signature se décompose en lecture du document et création de l’empreinte (hash) depuis le poste utilisateur (on évite le transfert de document sur le réseau)  : une transaction Ethereum signée par la clé privée de 191

4 Études de cas

l’utilisateur inscrit l’empreinte via un smart contract. Ce mécanisme permet de prouver l’authenticité d’un document et d’en réclamer l’antériorité. ▶▶ Signature avancée : le règlement européen eIDAS précise qu’une signature avancée utilisée dans un cadre contractuel doit respecter quatre critères. Elle doit : ▷ être liée au signataire de manière univoque ; ▷ permettre d’identifier le signataire ; ▷ avoir été créée à l’aide de données de création de signature électronique que le signataire peut, avec un niveau de confiance élevé, utiliser sous son contrôle exclusif ; ▷ être liée aux données associées à cette signature de telle sorte que toute modification ultérieure des données soit détectable. Un processus assimilable à un KYC1 vérifie l’identité de l’utilisateur pour pouvoir lui associer indiscutablement sa clé. Ce mécanisme permet de prouver l’identité d’une signature, et permet de contractualiser directement sur les documents de travail – la maquette numérique en particulier. ▶▶ Projet Workflow : si la plupart des acteurs ne souhaitent que signer, contresigner ou vérifier l’authenticité d’un document, le BIM Manager ou le maître d’œuvre (MOA) paramètrent l’outil suivant leur protocole BIM : quelle dépendance entre les documents ? Qui doit signer quoi, après qui ? Ils peuvent ainsi suivre l’évolution des engagements. Une application web permet d’apporter une couche métier à l’infrastructure des signatures.

Figure 4.13 Capture d’écran de la solution BIMCHAIN.io® (Source : A. Gueguen, Lutecium/BIMCHAIN.io ® )

1. Know Your Customer : processus permettant de vérifier l’identité des clients d’une entreprise.

192

Conclusion générale

L’Internet de l’énergie est un domaine vaste, dont la blockchain représente actuellement un des sujets les plus « hype » (selon la fameuse courbe de Gartner®) et ce, depuis quelques années. La blockchain est une technologie qui permet de stocker et transmettre des informations de façon décentralisée : il n’y a pas d’organe de contrôle, puisqu’elle est fondée sur des relations peer-to-peer. Elle se veut transparente et sécurisée, lors de la création de nouveaux blocs et grâce à sa réplication sur l’ensemble des nœuds du réseau. Une base de données qu’il n’est plus besoin de valider par un coûteux tiers de confiance, mais par consensus beaucoup moins coûteux. Ce n’est pourtant pas la première promesse de la technologie blockchain. À l’origine, indissociée de la cryptomonnaie bitcoin, elle était essentiellement perçue comme une technologie permettant des transactions à confiance décentralisée. Le bitcoin et les autres cryptomonnaies utilisant la technologie blockchain sont des moyens de transaction quasi sûrs. Il s’agit de la force du collectif, par opposition à la force de l’exécutif.

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La confiance distribuée et son corollaire de quasi-inviolabilité des données inscrites sont deux ressorts fondamentaux du succès de la blockchain. Mentionnons également son caractère participatif et son faible coût, et l’on comprend les opportunités de cette technologie dans un cas d’application donné qui va bien au-delà des cryptomonnaies. Mais hors des cryptomonnaies virtuelles, le développement de la blockchain en est encore à un stade très prospectif, le secteur le plus avancé sur ce sujet étant sans doute celui des services financiers. C’est à partir de 2015 que les applications non financières ont véritablement décollé. La Suède, la Géorgie et le Honduras l’envisagent pour leur cadastre. Œuvres d’art et diplômes se voient certifiés par blockchain : la quasi-inviolabilité technique est mise en œuvre.

193

Conclusion générale

Néanmoins, le secteur de l’énergie sous l’effet de sa décentralisation, de sa digitalisation et de sa financiarisation s’intéresse de plus en plus à cette technologie, sur toute sa chaîne de valeur. Sont ainsi concernées la traçabilité de la production d’énergies renouvelables ainsi que la tenue de registre. En novembre 2015, le fournisseur Lo3 a présenté l’initiative TransActive Grid : dorénavant l’énergie photovoltaïque produite et non consommée peut être mise à disposition localement, en enregistrant les transactions de vente grâce à une blockchain. Il n’est alors pas question que la base de données qui enregistre et horodate les informations nécessite un ingénieur informaticien à plein temps pour son exploitation et sa maintenance. L’expérience, encore en cours, a un retentissement médiatique fort à un moment marqué par la COP21, car elle permet de rapprocher cette ingénieuse et mystérieuse technologie d’un besoin perçu comme croissant et vertueux. D’autres expériences sont venues enrichir cette initiative. SolarCoin, projet de blockchain qui touche le secteur de la production et de la traçabilité de l’électricité renouvelable par la création d’une cryptomonnaie destinée à inciter la production d’électricité photovoltaïque. Pour permettre le développement de cette cryptomonnaie, Lumo, la plate-forme de financement participatif, l’a testée en 2016 pour le financement de serres photovoltaïques à Toreilles. Elle a renouvelé l’opération à l’été 2017 pour la centrale photovoltaïque de Brassemonte. D’autres exemples suivront. En France cependant, l’ordonnance de juillet 2015 concernant l’autoconsommation ne permet les échanges d’électricité qu’entre producteurs et consommateurs à l’intérieur d’un même immeuble ou d’un lotissement. C’est ce que vont tester Bouygues et Microsoft à Lyon Confluence. Mais impossible, pour le moment, de passer à l’échelle supérieure, quartier ou ville. Et ce n’est qu’un parmi des nombreux obstacles opérationnels et économiques qui freinent un déploiement plus rapide de la blockchain dans l’énergie. La coexistence de réseaux centralisés et décentralisés en particulier pose de nombreuses questions : qui est responsable de l’équilibre des réseaux ? De gérer l’interface entre les réseaux décentralisés et le réseau centralisé ? Comment sont financés les réseaux de distribution (dont les opérateurs sont aujourd’hui rémunérés en grande partie en fonction du volume d’électricité qu’ils transportent) en cas de fort développement de l’autoconsommation ?

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En somme, la technologie blockchain est séduisante et son potentiel prometteur, mais les freins à son développement sont encore nombreux. En dépit de ses perspectives de développement intéressantes, il est impossible aujourd’hui d’affirmer si la blockchain va parvenir à s’imposer dans le secteur de l’énergie tant les

Conclusion générale

­ ifficultés à surmonter sont diverses et touchent à la réglemention, le juridique, d l’évolutivité technologique, la rentabilité des investissements… voire même au coût énergétique dû à son propre fonctionnement, ce qui est antinomique pour une technologie qui ambitionne d’optimiser l’énergie !

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Le proverbe américain « If you build it, they will come » peut s’appliquer parfaitement à cette technologie qui doit encore faire ses preuves et aller au-delà d’un « amorçage de la pompe » : fournir des services de qualités et se faire adopter par un public beaucoup plus diversifié et surtout plus large.

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Abréviations

ADEME : Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. AMF : Autorité des marchés financiers. API  : Application Programming Interface (ou Interface de programmation ­applicative). BIM : Building Information Modeling. BCE : Banque centrale européenne. BTC : Bitcoin. CFTC : Commodity Futures Trading Commission. CFPB : Consumer Financial Production Bureau. DAO  : Decentralized Autonomous Organization (ou Organisations décentralisées autonomes). dBFT : Delegated Byzantine Fault Tolerance. DAICO : Development Assembly Inventory Control Operation. DApp : Decentralized Applications (ou Applications distribuées décentralisées).

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DDoS : Distributed Denial of Service attack (ou Déni de service distribué). DLT : Distributed Ledger Technology (ou Technologie de registre distribué). DSP : Demand Side Platforms. eIDAS : Electronic IDentification Authentication and trust Services (EU). EEA : Enterprise Ethereum Alliance. ESMA : European Securities and Markets Autority. ETH : Ether (monnaie d’Ethereum). 197

Abréviations

FinTech : Financial Technology. FDA : Food and Drug Administration (États-Unis). FSOC : Financial Stability Oversight Council (États-Unis). FTC : Federal Trade Commission. lCFPB : Consumer Financial Production Bureau. IETF : Internet Engineering Task Force. ICO : Initial Coin Offering. IoT : Internet of Things (ou Internet des objets). M2M : Machine à Machine. MOOC : Massive Open Online Course. NFC : Near Field Communication (ou Communication dans un champ proche). NYIAE : New York Interactive Advertising Exchange. P2P : Peer-to-peer (ou pair à pair). PSI : Pharmaceutical Security Institute (États-Unis). RFC : Request for Comment. RTB : Real Time Bidding. SBA : Smart Building Alliance. SLR : SolarCoin. SSP : Supply Chain Side Platforms. TIC : Technologies de l’information et de la communication. UTXO : Unspent Transaction Output. VPP : Virtual Power Plant (centrale électrique virtuelle).

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Glossaire

Altcoin1 Abréviation pour «  Alternative Coin  ». Un altcoin est une cryptomonnaie au même titre que le bitcoin. Il en existe plusieurs centaines : ether, litecoin, etc. Base de données Système d’organisation de données englobant la structure d’information, l’information numérisée elle-même (fichiers) et les procédures ou langage d’accès. Bitcoin Système de transfert et de vérification de propriété reposant sur un réseau de pair à pair sans aucune autorité centrale, conçu en 2009 par un développeur utilisant le pseudonyme Satoshi Nakamoto. Son unité de compte est la monnaie électronique bitcoin (sans majuscule). ICO (Initial Coin Offering) Méthode de levée de fonds fonctionnant via l’émission d’actifs numériques échangeables contre de la cryptomonnaie durant la phase de démarrage d’un projet. Cloud

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Ensemble de matériel, de raccordements réseau et de logiciels qui fournit des services sophistiqués que les individus et les collectivités peuvent exploiter à volonté depuis n’importe où dans le monde. Cloud computing Il s’agit d’un basculement de tendance : au lieu d’obtenir de la puissance de calcul par acquisition de matériel et de logiciel, le consommateur se sert de puissance mise à sa disposition par un fournisseur via Internet. Consomm’acteur Ce terme désigne une personne sensible à sa consommation et qui voit plus loin que le fait d’acheter un produit, autrement dit une personne responsable de son action (empowerment). 1. https://blockchainfrance.net/

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COBie (Construction Operations Building Information Exchange) Standard et spécification internationalement reconnu, COBie est développé pour améliorer la gestion en phase de gestion de patrimoine. Cryptographie asymétrique Méthode de chiffrement utilisant deux clés : le message est crypté avec la clé privée (secrète) de l’émetteur et la clé publique du récepteur. Le déchiffrage se fera, à l’inverse, en utilisant la clé publique de l’émetteur et la clé privée du récepteur. Cette méthode permet de s’assurer que le message ne pourra pas être intercepté ni modifié. En revanche, si une clé privée est perdue, elle ne peut être régénérée et l’ensemble des données qu’elle aura servi à crypter deviendront indéchiffrables. DAICO1 Concept créé en janvier 2018 dans l’objectif d’améliorer l’ICO en intégrant certains aspects des DAO. Ce concept vise à renforcer la sécurité des ICO en impliquant les investisseurs dans le processus de développement initial du projet. Il permettra aux détenteurs de jetons de voter pour le remboursement des fonds apportés s’ils ne sont pas satisfaits des progrès du projet, par conséquent les développeurs auront plus de responsabilité, et les investisseurs seront plus à l’aise en sachant qu’ils vont soit voir un produit viable, soit récupérer leur argent. DAO (Decentralized Autonomous Organization) Un des concepts les plus intéressants développés par Ethereum. C’est une organisation fonctionnant grâce à un programme informatique qui fournit des règles de gouvernance à une communauté. Ces règles sont transparentes et immuables car inscrites dans la blockchain. C’est une forme d’organisation incorruptible qui appartient aux personnes qui ont aidé à la créer et à la financer, et dont les règles sont publiques ; il n’y a donc pas besoin de faire confiance à qui que ce soit, car tout est dans le code, auditable par chacun. Pour fonctionner, une DAO a recours à des smart contracts, ces programmes autonomes qui exécutent automatiquement des conditions définies à l’avance. Une DAO apporte trois éléments nouveaux par rapport à une entité traditionnelle : ▶▶ Elle ne peut pas être arrêtée ou fermée. ▶▶ Aucune personne ou organisation ne peut contrôler l’entité (personne ne peut manipuler les chiffres, par exemple). ▶▶ Tout y est transparent et auditable, dans un cadre supranational. 200

1. https://decentral.fr/

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Il s’agit donc d’une organisation globale ouverte à tous, qui ne s’appuie sur aucune juridiction, fonctionnant avec du code informatique et où personne ne peut frauder. dApps Ce sont des applications décentralisées sur Ethereum. dBFT (Delegated Byzantine Fault Tolerance) C’est l’algorithme utilisé par la blockchain NEO pour obtenir un consensus sur un réseau décentralisé. Les principales caractéristiques du dBFT sont : (i) unicité de la chaîne, (ii) vitesse de transaction supérieure et (iii) décentralisation moindre Écoconception Intégration des caractéristiques environnementales dans la conception d’un produit ou d’un bâtiment en vue d’en améliorer la performance environnementale tout au long de son cycle de vie. Écoquartier L’écoquartier est un principe d’urbanisme qui prend en compte tous les aspects de la vie de ses futurs habitants et leur environnement en les plaçant au cœur du projet. Parmi les enjeux majeurs à respecter sur un même lieu : la gestion écologique des bâtiments, les transports durables, la mixité sociale. Parmi les préoccupations visées peuvent figurer la faible consommation d’énergie des logements, l’utilisation d’énergies renouvelables, l’optimisation des déplacements (modes doux comme le vélo, transports publics), la faible consommation des éclairages publics, la perméabilité des chaussées, la récupération des eaux pluviales, etc.

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eIDAS C’est le règlement n° 910/2014 du 23 juillet 2014. Il a pour ambition d'accroître la confiance dans les transactions électroniques au sein du marché intérieur. Il établit un socle commun pour les interactions électroniques sécurisées entre les citoyens, les entreprises et les autorités publiques (source : ANSSI, www.ssi. gouv.fr). ElectriCChain C’est une initiative qui a pour vocation d’accélérer le développement de l’énergie solaire, des objets connectés et des projets utilisant la technologie blockchain. Elle vise à faciliter le financement et le déploiement de solutions décentralisées 201

Glossaire

dans les zones non électrifiées (micro-réseaux, kits solaires), à répertorier toutes les installations solaires et à fournir des données non confidentielles, utilisables pour des études scientifiques ou climatiques. Ethereum Elle est considérée comme la blockchain la plus prometteuse avec Bitcoin. Certains experts la décrivent comme une plate-forme visant à mettre en place sur le Web des services où les intermédiaires entre les clients n’existent plus. Par exemple, deux tiers pourraient signer un contrat numérique sans avoir besoin d’un avocat. Il suffit que les deux parties se mettent d’accord sur les modalités de ce contrat qui, dans la plate-forme Ethereum, ne sera pas modifiable ni falsifiable grâce à un protocole cryptographique. Cette action permet donc de s’affranchir des services d’un avocat en bénéficiant d’une sécurité maximale. Ce type d’action peut s’appliquer à pleins d’autres services sur le Web. Ethereum n’a pas été mise en place pour concurrencer (directement) Bitcoin. il s’agit plutôt de deux utilisations différentes et complémentaires de la blockchain. La différence entre la blockchain de Bitcoin et celle d’Ethereum est que cette dernière autorise la création de tous types d’applications (décentralisées) alors que la première est spécifique aux applications monétaires.

GAS Au sein du projet Ethereum, le « gas » est un montant de frais (« fee ») que doit payer un utilisateur pour rémunérer le calcul nécessaire à la réalisation d'une transaction sur la blockchain. Plus l'utilisateur paye des frais élevés, plus la transaction est réalisée rapidement. S'il n'y a pas assez de « gas », la transaction ne sera pas effectuée et une erreur sera générée. Hachage Fonction de cryptographie unidirectionnelle permettant de convertir une information source en un code unique de taille fixe (le « hash », ou « empreinte »). Il n’est pas possible de reconstituer la source à partir du hash. En revanche, la même source ne peut conduire qu’à un hash unique, étant fixée la clé de hachage. 202

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IFC (Industry Foundation Classes) Le format IFC est un principe de structuration des bases de données permettant à tous les partenaires de collaborer de façon fluide et représente donc une garantie d’interopérabilité et de pérennité des données. Ainsi, le standard IFC est le socle de l’interopérabilité entre applications, facilite la coopération entre les différents acteurs du bâtiment et contribue à rationaliser les méthodes de travail. Il garantit un système ouvert, qui n’est pas « captif » d’un éditeur ou d’un logiciel. Grâce aux IFC, toutes les applications de construction (logiciels métiers) peuvent communiquer entre elles et exploiter une seule et même base de données de l’ouvrage en cours d’étude, de construction puis d’exploitation. Dans la maquette numérique, le format IFC permet de décrire des objets, leurs caractéristiques et leurs relations. Ingénierie concourante (ou simultanée) Approche systématique pour concevoir un produit prenant en considération tous les éléments de son cycle de vie, depuis la conception jusqu’à la mise à ­disposition de ce dernier. Cette méthode d’ingénierie permet l’interopérabilité, puisqu’elle met en œuvre une base de données centralisée du projet, accessible aux logiciels informatiques des partenaires d’une opération. Le BIM est l’exemple parfait de l’ingénierie concourante, à l’opposé de la construction traditionnelle. Locavorisme Fait de préférer consommer des produits locaux et de favoriser les circuits courts. Il s’agit d’une approche complémentaire mais différente du fait de favoriser les énergies renouvelables.

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Micro-réseau (ou microgrid) Un micro-réseau est généralement composé d’un ou plusieurs générateurs (installations de production d’électricité de sources renouvelables variables, mais également installations de production conventionnelles), d’installations de stockage d’énergie, de charges, de moyens de réglage, de système de compensation et de systèmes d’informations. L’ensemble de ces technologies doit aussi permettre au microgrid de se déconnecter du réseau principal pour s’îloter –  c’est-à-dire fonctionner indépendamment du réseau principal.

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Exemple d’une station de micro-réseau solaire Crédits : Wikimedia Commons

Minage Le minage désigne le travail réalisé par les membres de la blockchain en charge de la validation des blocs (nœuds « mineurs ») via leurs moyens de calcul, pour vérifier les blocs et s’assurer que chaque copie de la chaîne de blocs reste cohérente entre les nœuds. Mineur Personne (particulier ou entreprise) qui connecte sur le réseau une ou plusieurs machines équipées pour effectuer du minage. Chaque mineur est payé au prorata de la puissance de calcul qu’il fournit au réseau. Nœud  Un ordinateur faisant partie du réseau et qui utilise un programme relayant les échanges/transactions. Oracle1 Service chargé d’entrer manuellement une donnée extérieure dans la blockchain. À l’instant T, qui aura été défini à l’avance, le service va récupérer l’information qui lui a été demandée et l’insère dans la blockchain à l’endroit qui lui a été désigné. Lorsque le smart contract qui requiert cette donnée s’exécute (après l’instant T), 1. https://www.ethereum-france.com

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il va chercher la donnée sur la blockchain, à l’adresse prévue, et s’exécute en fonction de cette donnée. Le système d’Oracle implique le recours à une tierce partie (personne ou société) dont le rôle est d’insérer l’information demandée. Cette personne peut être désignée par les participants au smart contract, s’ils la connaissent et que le contrat prévoit cette possibilité, ou par le créateur dudit smart contract, à l’avance. Proof of work (Preuve de travail) Méthode la plus répandue dans la blockchain pour aboutir à un consensus quant à la validité de la chaîne de blocs. Ce traitement requiert une puissance de calcul importante, qui est rémunérée en cryptomonnaie. La blockchain ajuste le niveau de difficulté de la preuve de travail avec le temps. Dans le cas Bitcoin, un seul ordinateur du réseau y parvient en environ dix minutes. La difficulté est régulièrement adaptée pour maintenir cet intervalle. D’autres mécanismes existent, comme la preuve d’enjeu. Proof of stake Méthode utilisée pour atteindre le consensus distribué dans un réseau blockchain. À l’inverse de la preuve de travail, elle ne demande pas aux utilisateurs d’utiliser leur puissance de calcul, mais plutôt de prouver la propriété d’un certain montant de cryptomonnaie.

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Gartner (courbe) Ou «  cycle du hype  ». Il s’agit essentiellement d’une courbe décrivant l’évolution de l’intérêt pour une nouvelle technologie. Le terme hype cycle désigne une représentation des technologies à la mode ou en développement à un instant donné. On peut soit mettre en œuvre ce concept pour une technologie donnée (chaque technologie innovante passant par les étapes du cycle), soit établir régulièrement un schéma représentant l’ensemble des technologies émergentes et leur position sur ce cycle. P2P (Peer-to-peer ou pair à pair) Ou encore « poste à poste ». Technologie permettant l’échange direct de données entre ordinateurs connectés à Internet, sans passer par un serveur central. Satoshi Nakamoto  Pseudonyme de l’inventeur du bitcoin, dont la véritable identité est encore inconnue malgré de nombreuses spéculations

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SBA (Smart Buildings Alliance) Fondée en 2012, l’association SBA se présente comme un guichet unique de solutions de smart building et smart district. Orientée solutions, elle établit des partenariats et assure la promotion de la totalité de la filière auprès des partenaires privés et publics. Elle promeut une démarche et une vision qui doivent conduire aux smart buildings pour s’élargir aux smart cities et aux smart grids. La SBA va s’appuyer sur des groupes techniques de syndicats, filières et associations technologiques afin de créer des labels aval et amont compteur. Registre distribué Consensus de données numériques répliquées, partagées et synchronisées géographiquement réparties sur différents sites, pays ou institutions. Il n’y a ni ­administrateur central, ni stockage de données centralisé. Un réseau P2P est nécessaire ainsi qu’un algorithme de consensus afin d’assurer que la réplication soit propagée sur les différents nœuds. Une des formes de registre distribué est la blockchain. Réseau BT/HT (Réseau électrique basse tension/haute tension) Ensemble d’infrastructures énergétiques plus ou moins disponibles permettant d’acheminer l’énergie électrique des centres de production vers les consommateurs d’électricité. Smart contract Programme autonome qui, une fois démarré, exécute automatiquement des conditions inscrites en amont dans la blockchain, sans nécessiter d’intervention humaine. Il fonctionne comme toute instruction conditionnelle de type « si… alors… » (si telle condition est vérifiée, alors telle conséquence s’exécute). Pour déclencher son exécution, un smart contract se connecte à une base de données jugée fiable, via l’intermédiaire d’un oracle (un service qui fait le lien entre le smart contract et le monde réel). Stockage d’énergie1 Procédé consistant à mettre en réserve une quantité d’une source d’énergie en un lieu donné, sous une forme aisément utilisable, pour une utilisation ultérieure. Il est nécessaire pour valoriser efficacement les énergies alternatives, sûres et renouvelables mais intermittentes telles que l’énergie éolienne et l’énergie solaire.

1. https://fr.wikipedia.org

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Token (ou jeton) Actif numérique personnalisé par son auteur, émis et échangeable sur une blockchain, et possédant les caractéristiques d’une cryptomonnaie  : infalsifiabilité, unicité, enregistrement des échanges dans un registre immuable, sécurité des échanges, etc. En particulier, un token est transférable (et non duplicable) entre deux parties sur Internet, sans nécessiter l’accord d’un tiers. UTXO (Unspent Transaction Output) Montant qui n’a pas été dépensé lors d’une transaction acceptée entre des parties identifiables dans un système de paiement blockchain (tel Bitcoin). Lorsqu’une transaction a lieu, les entrées sont supprimées et les sorties sont créées en tant que nouveaux UTXO utilisables dans une autre transaction. Chaque UTXO est associé à la signature de son propriétaire. Cette signature est utilisée pour valider la transaction car quiconque veut utiliser un UTXO doit fournir la preuve qu’il en est le propriétaire. White paper

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Document qui présente les caractéristiques d’un projet blockchain. Il est en particulier question de white paper dans le cadre d’une ICO. Il s’agit alors de présenter le projet, le rôle du token, le nombre de tokens émis, l’équipe, la roadmap, la répartition prévue de l’utilisation des fonds qui seront levés, entre autres informations.

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Bibliographie/webographie

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Crédits iconographiques

Figures redessinées par Rachid Marai  : Fig. 1.5, Fig 1.15, Fig. 3.2, Fig. 3.5, Fig. 3.17, Fig 3.23, Fig 3.24. Pictos repris de flaticon.comFig. 1.4 : kiranshastry (docteur), Family life (famille), Cursor creativ (point d’interrogation), Freepik  (microscope et smartphone), pause 08 (argent)Fig. 1.6 : icones repris de Freepik sauf Smashicons (étiquette) et Srip (montre)Fig 1.23 : freepikFigs 2.8 et 2.9 : FreepikFig. 2.16 : Freepik (clavier, maison), Nikita Golubev (contrat), Pause 08 (argent)Fig. 2.26 : Freepik (smartphone, solaire, compteur, batterie), Smashicons (dossier)Fig.  3.4  : IconworkFig. 3.6  : Lynxvector/forolia.com (électricité), google/flaticon.com (soleil)Fig. 3.19 : Dhara (blockchain), Yannick (chronomètre), Freepik (électicité, entreprise, éolienne, solaire, usine, utilisateur), Dave Gandy (entreprise), Smashicons (maison, pile)Fig. 3.22 : Freepik (batterie), Smashicons (voiture, maison), Smartline (ordinateur), Zlatko Nadje (haute tension).

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Toutes les images de l’ouvrage appartiennent à leurs auteurs respectifs. Nous avons fait tout ce qui était en notre pouvoir pour obtenir les autorisations de reproductions nécessaires. Toute omission qui nous sera signalée se verra rectifiée dans la prochaine édition.

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Index

A agroalimentaire 27 API 101 augur 90 autoconsommation 136 autoconsommation collective 138, 141 autoconsommation individuelle 138 autoproduction 136

B bâtiment intelligent 125 BIM 160 bitcoin 14, 15, 118 blockchain privée 105 blockchains « de consortium » 105 Brooklyn Microgrid 169 Building as a Service (BaaS) 133 business model 38, 39

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C cas d’usage 34 chain 105 chaîne des blocs 67 coco 105 consensus 67 cryptomonnaies 14, 15 CSPE 140 culture de décentralisation 38

D DAICO 44 DAO 43, 81

DApp 81, 87, 89 dBFT 74 décentralisation de l’énergie 152 dépôts de brevet 116 DLT 3, 10

E écoquartier confluence 178 ETH balance 63 EtherDelta 91 ethereum 104 etherisc 91 ETH Notifier 91

F filecoin 91 fonction de hachage 65 frameworks 103 Fureai Kippu 8

G Girard, Stephen 5 grands livres centralisés 3

H hachage 102

I IBM 150 ICO 25 IoT 48 221

Index

J

R

jeton 77

Ready2Grids (R2G) 134 relay 102 réseaux P2P 95 Rifkin, Jeremy 47

L LegalTech 32, 33

M maquette numérique 164 micro-réseaux de campus 151 micro-réseaux en communauté 153 micro-réseaux non connectés au réseau 153 mining 70 minting 70 multisig notary scheme 101

N nanogrid 155 nano-réseaux 153

O Oracle 91, 92

P Piclo 150 preuve d’enjeu 71 preuve de travail 70 Proof of Physical Address 91 proof of stake 70 proof of work 70 propriété intellectuelle 32, 112

Q qualité d’usage 130

222

S santé 17, 19 sidechain 102 signature digitale 66 smart contract 80, 82, 83 smartflower 141 SonnenCommunity 150 start-up françaises 36 stem 151

T token 25, 77 token utility 77 Transactive Grid 90, 151 TURPE 140 TxHash 64 TxReceipt Status 64

V Vandebron 150

W WeiFund 91

Z ZCash 105 Zooz 89