Violences sociales et désordres politiques: Le cas des Comores 2343087040, 9782343087047

À travers un texte concis mais riche et dense, le professeur MMADI scrute sans concession les maux de la société comorie

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Violences sociales et désordres politiques: Le cas des Comores
 2343087040, 9782343087047

Table of contents :
INTRODUCTION
CHAPITRE I. Conflits villageois
CHAPITRE II. Le respect de l’État
CHAPITRE III. La lutte contre l’obscurantisme
CHAPITRE V. Désordres politiques
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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Djaffar MMADI

Violences sociales et désordres politiques Le cas des Comores Essai

© L’Harmattan, 2016 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.harmattan.fr [email protected] [email protected] ISBN : 978-2-343-08704-7 EAN : 9782343087047

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Violences sociales et désordres politiques

Djaffar MMADI

Violences sociales et désordres politiques Le cas des Comores Essai

À Ounsia mon épouse, à mes filles Ghanya, Nasrine et Naïda ; et à tous ceux qui ont contribué à enrichir ma réflexion sur le sujet.

« La misère permet l’exploitation et suscite la révolte aveugle et brutale. Quand la corruption s’en mêle, elle déshonore le système et justifie le bras des vengeurs » Michel Bakounine

INTRODUCTION

Depuis bien des temps, Moroni, notre capitale est tombée dans un climat de désordre, de violence et de criminalité. Les raisons de ce phénomène sont multiples. Il apparaît que dès qu’une force, dès qu’un pouvoir, dès qu’un groupe de jeunes se laisse conduire de façon excessive par son intérêt ou sa passion, sans égard pour le bien commun, il y a introduction de la violence dans la société ; et, tôt ou tard, la force génératrice de violence subira en retour cette même violence. S’il est vrai qu’une ville ou un village qui cherche à maintenir la paix et la sécurité dans son espace est dans son rôle ; il n’en demeure pas moins que si cette ville ou ce village décide de le faire au mépris de ses habitants, de son environnement naturel, et de son bon voisinage, il est alors évident que la paix et la sécurité seront menacées. Ces villes et villages seront sujets à une violence sociale et environnementale. Lorsque la notabilité – forte de ses prérogatives – refuse d’entendre ou dédaigne de reconnaître le porteparole d’un village peu peuplé et mal considéré qui vient exposer un cas difficile, et auquel elle applique par commodité une règle qu’elle sait être inadaptée, la violence sociale sera encore de mise. 11

S’il est vrai qu’une association de jeunes se doit de défendre les intérêts de ses membres – face à la fragilité des édifices complexes, aux mécanismes délicats, que sont nos sociétés traditionnelles et religieuses fortement influencées par le modernisme occidental ; – elle tirera meilleur avantage à chercher le compromis plutôt qu’à adopter systématiquement une position extrême menant la partie adverse à la rupture que l’on peut assimiler à un acte de violence sociale. La violence n’épargne personne. Toutes les couches sociales sont concernées. Combien de fois les forces de l’ordre se sont trouvées dépassées par le degré des évènements ou des faits divers qui secouent ou opposent deux associations sportives de villages voisins, ou pire encore, du même village. S’il est vrai que les mass media remplissent leur mission lorsqu’ils s’appliquent à transmettre de l’information, même lorsque celle-ci est choquante, il n‘en demeure pas moins que ceux-ci sont générateurs d’une grande violence sociale quand ils les accompagnent de commentaires excessifs par goût inconsidéré du sensationnalisme, ou quand ils simplifient à outrance des faits ou bien les dramatisent. Relatons à présent un fait qui s’est déroulé récemment sur la voie publique et qui est loin d’être une affaire banale de la circulation routière : « Dans la matinée du mercredi 1er octobre 2014, deux hommes ont tenté d’agresser violemment le vice-président Mohamed ALI Soilihi. Alors que le véhicule du vice-président voulait se rendre à Beit-Salam pour le conseil hebdomadaire des ministres, son chauffeur s’est trouvé bloqué dans un 12

embouteillage au niveau des bâtiments de la société des hydrocarbures. Deux hommes sortent soudainement d’une voiture, vociférant des propos injurieux et blessants envers le vice-président. L’un d’eux assena d’abord un coup de poing sur le capot du véhicule du vice-président, puis une lourde pierre est lancée sur le pare-choc arrière. « [… ] devant cette situation, le garde du corps usa alors de son arme de défense et de sécurité… » (paru dans le journal La Gazette des Comores n ° 2278 du jeudi 2 octobre 2014) Il s’agit en la circonstance d’un manque de civisme, d’un acte violent, suivi de propos injurieux envers Monsieur Mohamed ALI Soilihi, vice-président de l’Union des Comores. Cet acte odieux témoigne du fait que notre pays est malade. Il est de notre devoir de nous interroger sur le pourquoi de cette montée de violence, de désordre et de criminalité. Nous le constatons tous dans nos villes et villages respectifs. Il existe dans notre pays un ensemble de comportements qui, sans pouvoir être réprimés par la loi, introduisent un degré de violence. Le maître coranique, ou tout autre enseignant, qui, pour satisfaire sa libido sexuelle, abuse de ses pouvoirs face à ses disciples ou élèves, doit savoir qu’en retour, il risque fort de payer durement son acte d’agression sexuelle ou son crime de pédophilie si sa victime est mineure. Cette violence abjecte produit, sans nul doute, l’effet d’un puissant vent de sable sur une statue : elle l’use, la défigure, jusqu’au jour où elle l’ensevelira. Les jeunes sont-ils conscients de leur part de responsabilités pour préserver la paix, la sécurité et la tolérance au sein de nos villes et villages ? Est-ce qu’ils 13

savent au moins qu’aux Comores – comme ailleurs, du reste – l’État n’a pas les moyens d’être présent partout et à tout moment ? Combien de fois des compétitions de ballons ronds ont été génératrices de violence ? Au lieu de se laisser emporter par la violence, les jeunes devraient bien réfléchir à leur mission, car eux aussi ont une mission à accomplir au sein de la société. Ainsi ils se sentiront soumis à leur tour à la pression de l’opinion publique. La société comorienne est en droit d’attendre de ses jeunes un comportement modéré et responsable. Il leur revient de préserver les libertés dont ils jouissent en évitant de les miner par les abus et la violence. Je pense (il se pourrait que je me trompe) que pour limiter la violence dans notre pays, il nous faudra à tous nous demander : jusqu’où ai-je le droit d’aller ? Il nous faudra nous imposer à nous-mêmes une autodiscipline. Certes la puissance publique (le pouvoir politique) peut s’opposer aux excès les plus abusifs. Néanmoins, il ne faut pas attendre qu’éclatent les désordres physiques. En outre, il ne faut surtout pas que l’on se prononce en fonction de ses préférences politiques. Il faut toujours avoir bien présent à l’esprit que la violence des amis n’est pas plus recommandable que celle de ses adversaires. Vis-à-vis de la violence – c’est-à-dire de l’excès, de l’outrage, de la démesure, et de l’égoïsme indifférent à la solidarité – l’opinion de la société démocratique ne doit montrer aucune indulgence face à la politique du pire. L’opinion de la société démocratique doit se fermer tel un réflexe de répulsion vis-à-vis des visages congestionnés et des voix bordant l’hystérie, tout 14

comme elle doit blâmer – d’où qu’il vienne et dès qu’il apparaît – le vocabulaire de l’outrance et de la menace. C’est, en effet, en elle-même, et par elle-même, que la société démocratique défendra sa propre liberté et enfantera un monde apaisé.

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CHAPITRE I Conflits villageois

« Toute injustice, où qu’elle se produise, est une menace pour la justice partout ailleurs » Martin Luther King

a) Désordres et affrontements villageois Mis à part, les clivages villageois qui se manifestent parfois dans la violence, – souvent à cause des injustices commises du fait de la suprématie supposée d’un village sur un autre – notre pays n’a jamais connu ni de guerres de religion ni de guerre civile. En revanche, le désordre, la violence, l’intolérance et l’injustice sont toujours à la base des délits d’opinion et des conflits opposants deux villages voisins ou lointains. Faut-il dans ces conditions attendre la guerre pour gérer et régler, une fois pour toutes, les conflits qui opposent nos villes et villages, suite à une rencontre sportive entre jeunes de différentes localités ? Combien de conflits sont déclenchés chaque dimanche après-midi dans nos villages à la suite d’un match de football ?

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Si l’on ajoute à tout cela les problèmes de fond liés à : l’éducation, la santé, l’emploi, le dérèglement de l’appareil administratif, le chômage, et la débâcle judiciaire, on se rend compte que les vraies raisons qui ont entraîné, pendant ces quinze dernières années, la montée de la violence et de la criminalité aux Comores ne sont pas encore élucidées. Il est évident que les notables et les religieux ne peuvent plus continuer seuls à s’interroger sur les solutions appropriées quant aux maux qui rongent actuellement notre société. Il suffit d’écouter leurs discours. On se référera à un récent conflit ayant opposé deux villages du sud de la Grande Comores. Je crains vivement qu’un climat d’indifférence commence à s’installer dans nos différentes régions faute de solutions adéquates aux désordres devenus désormais légaux. L’indifférence ! C’est bien le mot qui résume la triste réalité. Saura-t-on jamais la pardonner quand l’irréparable se sera déjà produit ? « Je crains que cette étrange douceur qui pardonne si aisément le mal fait aux autres ne soit une forme médicamenteuse de l’indifférence » Ainsi pour éviter à notre pays de sombrer dans l’autodestruction montante, et écarter le danger des conflits répétitifs, il faudra instaurer désormais des écoles professionnelles et une grande école de football. On mettra en exergue dans ces établissements l’enseignement civique : la tolérance, la cohésion sociale et l’unité nationale. C’est à ce prix que l’on pourra faire vivre les jeunes en bonne intelligence et limiter la violence dans les zones urbaines et rurales. Ce sera les premières conditions des prémices d’une société stable et d’une paix durable. 18

Hors de cette voie, toute œuvre aussi généreuse et considérable soit-elle, procurera : déceptions, lamentations et déchirures. Sur ce point, aucune autre autorité morale ne pouvait mieux interpeller la conscience de l’humanité que le philosophe Platon qui déclarait dans son livre La République : « Justesse dans la pensée, justice dans les actes. » Aux Comores, la réponse concrète à cet appel philosophique, nous enjoint tout d’abord à mettre définitivement fin à l’hérésie nationale de presque quarante années d’indépendance, puis ensuite nous conduit à une nouvelle orientation collective nationale (au-delà du régional et du village) afin d’embrasser les chemins de la dignité, de l’honneur et de la prospérité. Le grand écrivain Machado déclarait : « Homme, il n’y a pas de chemin. Le chemin se trace en marchant. » C’est au chevet de l’expérience révélée par les réalités africaines que mon professeur, de notoriété mondiale, feu René Dumont déclare : « L’Afrique n’est ni hantée par une quelconque malédiction, ni condamnée à sombrer dans une certaine fatalité naturelle. Il lui suffit de retrouver ses vieilles valeurs perdues pour se réconcilier avec elle-même, œuvrer au progrès de son peuple, et apporter sa part de contribution de l’universelle. » (Démocratie pour l’Afrique, La longue marche de l’Afrique noire vers la liberté, Seuil, Paris, 1990) Je pense que pour parvenir à cette trinité (dignité, honneur et prospérité), certaines perversions conceptuelles doivent au préalable être anéanties. Parmi celles-ci : la notion moderne aux Comores de village-État. Cette nouvelle approche conceptuelle amène le village-État à se substituer à l’État-Nation. C’est ainsi qu’elle permet d’ériger certains habitants desdits villages-États aux rangs 19

de policiers, de magistrats voire de chef des armées, tout en permettant aussi la mise en place d’un pouvoir exécutif. Dois-je rappeler aux uns et aux autres que l’Homme fini et parfait n’existe guère. Il n’y a que des Hommes imparfaits perfectibles. Le temps des hommes providentiels et des guides infaillibles auxquels on avait foi, du moins chez nous, est révolu. Cela vaut tant pour les hommes politiques que pour les dignitaires religieux. L’expérience du pouvoir du président Ahmed Abdallah SAMBI en est une parfaite illustration. Il voulait être l’homme providentiel capable d’apporter des solutions miracles aux nombreuses difficultés de la société comorienne. Pourtant il n’y est pas parvenu et son bilan politique est maigre. Il continue, néanmoins, aujourd’hui encore, à promettre monts et merveilles aux masses populaires. . . À la manière du philosophe Nicolas Machiavel, Ahmed Abdallah SAMBI pense que : « Gouverner c’est faire croire… » ; faire croire aux uns et aux autres qu’il suffit d’arborer un Boubou et un Bouchti (Djalaba) pour avoir une bonne gouvernance. C’est une grave erreur aux conséquences inimaginables ! En effet, il ressort de sa mandature un désordre et une pagaille qui ont entraîné un déclin dans tous les domaines les plus importants de l’organisation d’un pays. La nature humaine est ainsi faite que le besoin de s’affirmer et de se dépasser est un de ses ressorts profonds. Celui-ci est à l’origine des plus grands accomplissements des Hommes, ainsi que de leurs joies les plus fortes. C’est pourquoi notre pays aura à gagner en imposant à la jeunesse désœuvrée une vision réelle, individuelle, paisible et responsable. 20

Les abus relevés ici et là, sur l’ensemble du territoire – même parfois dans les grandes villes – sont les conséquences logiques d’un État qui n’a ni vision ni autorité. Le goût d’assumer ses responsabilités et la capacité de les exercer ne sont pas des données de naissance. Il se développe par l’éducation et par l’apprentissage, et s’atrophie par le non-usage et le laisser-aller. La faiblesse de notre système judiciaire, les complaisances du système traditionnel comorien, la molle obéissance des chefs religieux, la passivité de la classe des notables entraînent le malaise de notre société actuelle. Notre société changera à condition de développer chez ses membres le goût et la capacité d’être responsable tout en leur offrant un minimum de moyen. Il y a là, pour le progrès de notre société, une direction peu explorée, dont l’importance sera décisive. N’oublions pas que l’être humain demande une autre vie que celle de la fourmilière bien entretenue par le système villageois. À l’inverse, toute la vie culturelle du monde témoigne que l’Homme aspire à la diversité. L’être humain n’a le sentiment de se développer vraiment dans sa dignité – tout en éprouvant les joies dont il est capable – que lorsqu’il exerce, dans tous les aspects de sa vie personnelle et professionnelle, la plénitude de sa responsabilité. Cependant, cette responsabilité piétine parfois les Droits des autres ; c’est le cas par exemple lors de délits de diffamation, de propagation de fausses nouvelles, et de provocation en tout genre entravant les libertés individuelles et le bon voisinage. Quant à l’intérêt général, on sait depuis longtemps qu’il est la principale victime des abus commis au nom 21

de la liberté. Il suffit d’observer les raisons qui poussent les jeunes sportifs à s’affronter, d’une manière violente, jusqu’à parfois mort homme, lors de rencontres qualifiées « d’amicales ». Pour sauvegarder la liberté et se protéger de la violence des uns et des autres, il faudrait veiller à ce que le pouvoir étatique manifeste davantage sa présence sur l’ensemble du territoire national. Aussi, les différentes structures de l’État, représentées dans nos régions, doivent-elles respecter la loi fédérale à la lettre. Mais ceci ne suffit pas. Dans une société traditionnelle et religieuse comme la nôtre, l’État doit s’appliquer à connaître et à respecter, autant que faire se peut, les opinions des couches sociales et les intérêts des communautés. Cela ne veut dire ni qu’il doive se plier en toute circonstance à leur avis ni qu’il ne puisse jamais satisfaire les légitimes intérêts d’un particulier ou d’un groupe donné. Cela signifie que les prérogatives de l’État ne l’autorisent pas à agir sans consulter, à décider sans expliquer, à trancher sans avoir fait le nécessaire pour parvenir à un accord. Cette règle d’action moderne, fondée sur l’explication, la consultation et la concertation préalables, n’est nullement une manifestation de faiblesse, mais une preuve de considération vis-à-vis de notre société religieuse, traditionnelle et normative. Cela revient à la reconnaissance du fait que « l’homme quelconque » a quelque chose à dire sur son cas, et est bon juge de ses intérêts. Il faut mettre en avant : l’aptitude à écouter et à parler (en dépit de la difficulté de communication face à un langage agressif de jeunes), le goût et le courage du dialogue direct avec les individus et les groupes sportifs. 22

En un mot, il faut adopter une attitude de tolérance, mais sans la moindre faiblesse. Le pouvoir de l’État, plus que jamais, doit afficher sa force et son autorité pour sauver l’intérêt général, du moins le peu qui en reste, car « Si l’État est faible nous périssons, s’il est fort, il nous agresse », écrit M. Bakounine. b) Montée de la violence et liberté d’expression « Le peuple ne combat pas pour les idées, pour les choses qui sont dans la tête d’un autre. Il lutte pour gagner des biens concrets, pour vivre mieux et en paix, pour voir sa vie s’améliorer… » Amilcar Cabral

Aristote nous apprend que tous les peuples naissent stoïciens et meurent épicuriens. Aucune connaissance n’est héréditaire. Elle est le fait de l’éducation et de l’apprentissage de l’individu. Ceux qui ont fait les plus grandes inventions scientifiques et technologiques n’avaient point de racines familiales ascendantes dans les disciplines où ils excellèrent. Il n’est de connaissances que ne puisse assimiler un Homme armé de méthode et de volonté. À ce sujet Goethe dans Faust déclare que « l’homme erre aussi longtemps qu’il cherche à s’élever. » Le vrai problème consiste à savoir si notre pays est aujourd’hui conscient de la montée de la violence, du désordre et de la criminalité, et s’il veut combattre ces méfaits qui entravent son développement démocratique, économique et social. La cause fondamentale de la montée de la violence qui secoue actuellement la société comorienne se retrouve dans l’extrême pauvreté. Toutefois, on notera 23

que la misère fut, au cours des siècles, le lot de toutes les sociétés de notre village planétaire. Les Nations les plus riches aujourd’hui ont connu des cycles de grande pauvreté. D’ailleurs aucun pays, aussi puissant soit-il, n’a à ce jour totalement éradiqué la pauvreté ; d’où la nécessité d’avoir l’ambition et la volonté de lutter constamment contre la misère. Ce combat n’est jamais définitivement un acquis. La vigilance s’impose. La tâche première des nouveaux élus comoriens sera de lutter contre l’extrême pauvreté. Les moyens nécessaires devront y être consacrés. En direction de la jeunesse, il faudra faire en sorte que tous les jeunes comoriens, indépendamment de leur origine sociale et régionale, aient les mêmes chances sur le plan de l’enseignement, de l’éducation et de l’insertion professionnelle. À mérite égal, chances équivalentes ! Toute démocratie sincère, indistinctement de sa couleur politique, devrait fixer cet objectif au premier rang de ses ambitions. La réalisation de ce programme requiert de la part de l’État une politique globale à long terme et à grande échelle. Pour y remédier, il faudra prendre en compte l’éducation des fils et filles du pays. Le système éducatif en est évidemment un élément essentiel. Il est de notoriété publique que l’école joue un rôle social et structurant, néanmoins celui-ci ne doit plus être d’assurer seulement la reproduction à l’identique de la société comorienne malade dans laquelle on vit, mais d’aider à une plus grande égalité entre tous les membres de la société comorienne. Pour ce faire, il faudra développer à la fois l’enseignement initial général et professionnalisant ; tout 24

en veillant à mettre en place une formation continue idoine pour les enfants trop tôt déscolarisés ou pour les adultes non scolarisés. Ce dispositif en direction de tous les jeunes et adultes comoriens constitue l’une des conditions majeures pour amorcer un changement véritable seul capable de juguler la montée du désordre, de la violence et de la criminalité dans notre pays. Encore une fois ce changement est possible : il doit prendre la forme d’une action réfléchie et concertée. Certains parmi nous vont se demander s’il est vraiment nécessaire de soulever toutes ces questions ? Après tout, notre société n’a-t-elle pas toujours accepté une certaine dose d’injustice ? Et n’est-ce pas l’affaiblir et l’enfieller inutilement que de recenser ses sempiternelles imperfections, alors que celles-ci sont dans la nature des choses !? Ils ont tort. La société comorienne ne peut plus se résigner à une imperfection statique dès lors que ses forces vives les plus profondes en appellent au changement. On constatera que dans la société comorienne d’aujourd’hui le clan des partisans du statu quo se réduit comme peau de chagrin. Le clan des partisans du changement visant à une amélioration générale du niveau de vie s’accroît, il se retrouve non seulement chez les plus démunis et chez la plupart des jeunes, mais aussi au sein de bon nombre de cadres comoriens voire au sein des plus responsables, des privilégiés de notre pays. D’aucuns me diront : vous avouez que le système est mauvais ; il faut le renverser. Ils ont également tort ; car un malade qui se prête à un examen médical minutieux auprès des meilleurs spécialistes n’est pas candidat à 25

l’euthanasie, mais est à la recherche des remèdes les plus efficaces. De même, un système social auquel on a mis au grand jour les failles et imperfections, aussi importantes soient-elles, ne doit pas être condamné à une destruction totale. On doit lui prodiguer, sans lenteur ni précipitation, les remèdes sociaux les plus appropriés pour redresser ses torts : la misère criarde, l’inégalité flagrante, l’inculture, l’injustice, le désordre, la violence, et la criminalité. C’est par ce moyen que notre pays ira à la fois vers plus de justice sociale et vers davantage d’homogénéité. C’est, en fait, les clés de l’unité nationale sans laquelle on ne peut relever le défi du développement des Comores au XXIe siècle. Un système social n’est condamné à s’étioler que s’il cache ses faiblesses et s’interdit de les redresser ou encore s’il en grossit démesurément la portée et s’abîme dans leurs contemplations morbides. Dans un pays démocratique, ce n’est pas seulement au législateur, mais à chaque responsable des corps sociaux de tracer les limites à ne pas franchir, pour éviter la violence, le désordre et la criminalité. Dans toute démocratie parlementaire, donc pluraliste, l’État doit s’appliquer à connaître et à respecter les opinions et les intérêts des citoyens. Cela ne veut pas dire qu’il doive se plier en chaque circonstance à leur avis, ni qu’il ne puisse jamais passer outre aux intérêts de tel particulier ou de tel groupe. Mais cela signifie que ses prérogatives ne l’autorisent pas à agir sans consulter, à décider sans expliquer, à trancher sans avoir fait le nécessaire pour parvenir à un accord. Cette règle d’action moderne, fondée sur l’explication, la consulta26

tion et la concertation préalables, n’est nullement une manifestation de faiblesse, mais un aveu de considération propre à une société démocratique. Cette considération décisionnelle est encore loin d’être le fait de l’ensemble des décideurs comoriens, nous le savons. Elle implique de la part des représentants des pouvoirs exécutif, législatif, administratif et industriel un effort ardu. Elle suppose une modestie authentique, c’est-à-dire la prise de conscience que la détention d’un grade ou d’un titre, aussi élevé soit-il, ne rend point omniscient. Pour éviter les abus de tout pouvoir et pour arrêter la montée du désordre, de la violence et de la criminalité, il est essentiel que l’État applique strictement la loi. Mais ceci ne suffit pas. Nous savons qu’il est des abus commis au nom de la liberté. Le citoyen ordinaire comorien n’arrive pas encore à faire la distinction entre liberté d’expression et les actes d’incivilité et de diffamation. Cette situation singulière n’est pas propre à notre jeune démocratie. Or dans toute société nul n’est censé ignorer la loi. Il arrive que les Droits individuels et collectifs soient bafoués, lorsqu’on entrave un rouage fragile ou sensible de la société ou bien lorsque l’on s’immisce dans la vie d’un personnage public. Nous nous trouvons alors face à des actes répréhensibles : entrave à la liberté de circulation, entrave au Droit au travail, délits de diffamation et de propagation de fausses nouvelles, etc. La plupart du temps ces actes délictuels ne sont pas réprimés. Lorsqu’il arrive que ceux-ci soient judiciarisés, leurs auteurs ne comprennent pas ce qui leur arrive et tombent des nues quand la justice les condamne. 27

L’immense majorité des citoyens comoriens, tout comme ceux des autres jeunes démocraties africaines, ignorent la loi. Le problème est d’autant plus éloquent lorsqu’il s’agit des groupes des jeunes supporters lourdement armés qui s’affrontent régulièrement après les matchs de football à la manière des hooligans qui sévissent en Europe. Le seul modérateur efficace contre ces crimes et délits est l’autodiscipline. Certes la puissance publique peut s’opposer aux actes les plus criminogènes. Néanmoins elle est tenue de rester ferme, mais prudente, pour ne pas risquer de frapper la liberté au travers de la bête immonde, comme jadis le guerrier grec craignait d’atteindre la déesse Athéna, sous les murailles de Troie, en transperçant son adversaire. C’est pourquoi la société comorienne doit pouvoir compter sur l’autodisciplinaire de ses membres : notion qui renvoie à la recherche d’objectivité, à la modération et au respect du pluralisme. La première des sanctions devrait être la condamnation par l’opinion publique, nouvelle garante de la limite entre le désordre et la liberté au sein de notre société moderne. C’est à ce titre que notre pays peut emmagasiner un net progrès démocratique. La « décrispation » de la vie politique comorienne constitue une dimension essentielle de la modernisation de notre jeune démocratie ; la dramatisation de la crise politique et l’assimilation du combat politique à une sorte de guerre civile – menée avec des moyens d’un autre âge – font indéniablement le lit du désordre, du non-respect de l’État, et de la montée de la violence.

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À ce stade apparaît donc la tâche historique qui incombe à tous les partisans sincères de la démocratie comorienne : rendre irréversible l’opinion du peuple comorien en faveur d’un pluraliste politique, religieux et sociétal. De leur détermination et de leur persuasion dépendent nos chances d’affermir les institutions de l’Union et des Îles autonomes et d’engager définitivement notre pays dans la voie d’une démocratie moderne. Dès lors le débat ne sera plus guère un combat mythologique entre bons et mauvais et gouvernants, qui colorent encore notre vie politique d’une violence primitive et dangereuse, mais la transparente compétition d’hommes et d’équipes pouvant œuvrer, en toute alternance démocratique, pour le bien commun de la population comorienne. Parmi les attitudes salutaires qu’il faudra absolument adopter : le respect réel du citoyen et la prise en compte de son point de vue ; l’aptitude à dialoguer en dépit de la difficulté de communication entre gouvernants et gouvernés, entre autorités et citoyens, entre jeunes et personnes âgées, entre civils et militaires, entre traditionalistes et modernistes ; et l’accompagnement des masses populaires dans l’explicitation des jargons – pour eux difficilement compréhensible – ayant trait aux textes de lois ou à tout autre domaine sociétal. Le slogan d’une République démocratique doit toujours être celui d’un État au service du pouvoir émanant du citoyen ; c’est-à-dire de tous les hommes et femmes pris : dans leur diversité et dans leur réalité complexes, dans leur Droit à la différence, et dans leur égalité fondamentale. Ainsi, la volonté de la majorité du 29

groupe primera et deviendra anti-pouvoir oligarchique, contre-pouvoir oligarchique puis fondamental pouvoir démocratique dans le cadre des institutions comoriennes existantes, qui pourront faire l’objet d’aménagements.

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CHAPITRE II Le respect de l’État

« L’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, mais de fortes institutions » Barack Hussein Obama

a) Ordre institutionnel et sécurité Un État démocratique moderne doit se doter de solides institutions et de règles communes au service du plus grand nombre et respectées par tous. Dans ce contexte on peut se demander comment les Comores, ou toute autre jeune démocratie, peuvent-elles parvenir à établir un seuil de tolérance en matière de libertés individuelle et collective, sans risque d’entraver l’ordre social basé sur un consensus institutionnel, condition sine qua non du bon développement socio-économique et de la justice sociale ? L’esprit critique constitue indéniablement un progrès social. Il doit être suscité par une éducation de base généralisée recourant à une méthode pédagogique active. Néanmoins il faut toujours veiller à ce que l’esprit critique ne glisse pas vers une négation se traduisant par la mauvaise foi, le dénigrement voire le révisionnisme. 31

Pour corriger ces travers, il faut avoir une justice et une police non corrompues et indépendantes des pouvoirs politiques et de toutes castes et classes privilégiées. Aux Comores, comme partout ailleurs, la vie politique est débat démocratique et compétition électorale. L’étape du débat et de la compétition, qui témoigne de la vivacité de la démocratie, se déroule à la fois en interne (arrêt programmatique, choix du leader et de son équipe) et en externe (confrontation entre programmes, leaders et équipes respectives ; élections locale, régionale et nationale ; et débat législatif). Si le débat démocratique externe (entre deux ou plusieurs partis politiques) se fait entre plusieurs conceptions de la société, il doit s’établir au sein d’un cadre institutionnel et constitutionnel, lequel représente un accord national fondamental qui ne peut être modifié dans la seule optique de servir les intérêts d’un homme, d’un clan ou d’une caste. Dans les vieilles démocraties européennes et du Nouveau Monde, même si les élections transforment la vie politique entre majorité présidentielle et opposition, les deux parties sont garantes de l’ordre en respectant l’accord fondamental. C’est ainsi que contrairement à ce qui se passe aux Comores (et dans la plupart des jeunes démocraties africaines), en dépit de la divergence de leur projet de société chacune des parties ayant une légitimité populaire reconnaît à l’autre l’aptitude à maintenir l’accord national fondamental. Cela s’explique par le fait que leur rivalité politique n’est pas une guerre destructrice d’institutions, mais une compétition politique dans un cadre institutionnel et constitutionnel fort. C’est ainsi que l’alternance politique ne représente guère une suite de bouleversements chaotiques et dramatiques – parfois 32

présentés dans les pays du Sud comme une révolution –, mais une suite d’inflexions dans une conception philosophique commune. Ces vieilles démocraties parviennent à concilier les nécessités de la continuité et celles du changement. En revanche, aux Comores tout se passe comme si le débat n’était pas la compétition de deux tendances prêtes à coexister démocratiquement, mais un affrontement pareil à une guerre de religion tendant à exclure définitivement la partie perdante. Cette situation ne correspond aucunement à une fatalité sociologique. La direction vers laquelle il faut rechercher le progrès de notre vie politique apparaît clairement : il faut tout d’abord que soient préservées, avec le plus grand soin, les quelques acquis de notre jeune démocratie : ses institutions, ses règles politiques et institutionnelles fondamentales ; et ensuite, introduire la lutte politicienne faite de confrontations de projets de société, mais au sein de la mise en place des conditions de la démocratie. Il est à noter que toute société fondée sur le pluralisme des pouvoirs comporte inévitablement un risque d’affrontement et de désordre. Or, le désordre livre les faibles à la domination des puissants et des bruyants ; et l’affrontement désintègre la société. D’où le besoin d’ordre et de sécurité. L’ordre implique la contrainte, mais ne doit pas nous exclure de l’usage paisible de la liberté. Dans notre village planétaire, la contrainte est le sort subi par la plupart des peuples. Nous est-il possible, à nous qui sommes perdus ici au bout du monde, d’atteindre un ordre paisible pour éviter ce désordre permanent et la montée de la violence. 33

Cet ordre auquel je me réfère ne peut pas être – bien que beaucoup le pensent – le simple maintien de celui d’autrefois, dans sa forme traditionnelle à dominante rurale, où l’information ne circulait qu’à peine, où les habitants des régions différentes ne se croisaient pas beaucoup, et où les jeunes quittaient rarement leur village et leur lieu d’habitation. Le pluralisme politique et la liberté de la presse écrite et radio et audiovisuelle n’existaient pas encore dans cette société à l’ordre différent d’antan aujourd’hui caduc ; Même s’il n’existe pas encore dans chaque village des Agoras dont certaines sont réservées à la jeunesse bruyante. Néanmoins les nouvelles radios périphériques et internationales, et les nouvelles technologies (NTIC) diffusent aujourd’hui partout leur information et leurs messages subliminaux. Ceux-ci contribuent grandement à formater le Comorien moderne. J’estime que pour lutter contre le désordre, notre archipel doit tenir compte des nouvelles données de la libre réception de l’information mondiale tout en ayant toujours présent à l’esprit – comme nous l’a enseigné l’histoire – que la liberté peut engendrer des désordres et ceux-ci peuvent faire le lit de l’insécurité, de la tyrannie voire du fondamentalisme religieux basé sur des utopies millénaires ou contemporaines. Pour pallier l’insécurité, le pouvoir politique et l’ensemble de la société doivent répondre par une prévention de masse et par des sanctions exemplaires contre les contrevenants. D’où la nécessité de développer dans la capitale à Moroni, et dans les centres urbains, de nombreux services d’éducation, de formation et de loisirs en symbiose avec les attentes locales. Qu’on ne s’y trompe pas : seule la prévention peut atteindre la racine du mal. 34

b) Institutions et décentralisation « Si un jour la délocalisation, et la décentralisation réussissent à s’imposer, Rastignac devra s’en aller tenter sa chance en province. » Philippe Bouvard

Aux Comores il arrive que l’on associe décentralisation et débureaucratisation. Il n’existe aucun rapport causal entre ces deux notions, tout comme il n’en existe pas dans l’absolu entre l’idée de gros et l’idée de lourd ou entre l’idée de léger et l’idée de souple. Peut-on concevoir que nos villes et villages puissent continuer d’exister sans la présence probante de l’État ? N’est-ce pas le fondement même du désordre, de la violence et de la criminalité ? Nous devons décentraliser nos institutions, mais comment ? S’il est facile de critiquer, de décrire et d’analyser, il est moins aisé de proposer une voie de décentralisation permettant d’instaurer l’ordre social. La réforme de notre administration publique doit désormais s’installer dans l’arrière-pays. Vouloir restaurer l’autorité par le Sommet est un vain rêve. Il en est de même lorsque l’on cherche à établir l’unité et l’égalité par la fixation de normes. Les raisonnements centraux ne conduisent nulle part, les extrémistes rendent aveugles, et l’absence de réflexion stratégique favorise l’émergence d’effets pervers. Le changement social n’est pas nécessairement à l’initiative du Sommet des dirigeants du pouvoir central qui édictent des lois égalitaires ; au contraire, il émane souvent de la Base populaire et régionale. D’où la nécessité d’augmenter l’autonomie de la Base. Il est une des caractéristiques majeures de l’univers administratif public comorien qu’il 35

convient de rappeler : notre jeune administration est l’héritage de différents pouvoirs d’une courte période post-indépendance. Elle recouvre presque exclusivement les villes des îles et les chefs lieu des régions. Elle est totalement absente dans l’arrière-pays. Notre administration est également calquée sur le modèle français. À ce titre les fonctionnaires comoriens ont acquis un savoir-faire français remontant aux années 1940-1944. Durant cette période les fonctionnaires français étaient régis par le statut général de la fonction publique voté au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, à l’initiative, notamment, de Maurice Thorez et de Michel Debré. À l’époque l’objectif était : d’harmoniser des textes nombreux et épars afin d’établir l’uniformité dans la manière dont l’État traitait ses agents. Dans cette volonté affleure la vieille idée jacobine de l’unité par l’uniformité, et inversement, avec, toujours, la crainte face à la diversité, soi-disant, porteuse d’inégalités. En ce qui concerne la gestion des problèmes et la résolution des conflits villageois dans notre société comorienne, l’État est plus absent, qu’on ne le pense. Que voit-on depuis quelque temps dans nos villes et villages ? Le désordre, la violence et la criminalité. Cette situation entraine la recherche de solutions nouvelles face aux difficultés que rencontre l’administration centrale de l’État. Cela implique la redéfinition des rapports entre l’État, les notables et les nombreuses structures sociales telles que les associations de développement ou les comités de pilotage. Peut-on faire appel régulièrement à la présence des grands et petits notables pour apaiser les esprits, notam36

ment ceux de jeunes, à la suite d’un quelconque affrontement. La population sera-t-elle en mesure de continuer à vivre entre l’esprit des mairies modernistes et celui des communes traditionalistes, tout en tentant de limiter le désordre et la violence ? Il faut parvenir à redonner une autonomie de décision à la Base, tout en faisant en sorte que le Centre ne se défausse des problèmes et conflits qu’il ne parvient pas à résoudre dans des villages, lesquels ont tendance à s’ériger en village-État. Pour ce faire, l’État central doit prendre en compte dans son budget la nécessaire décentralisation. C’est à ce titre que l’on pourra passer d’une décentralisation timide à une décentralisation de grande ampleur, seule capable de contribuer fortement à maintenir l’ordre social. À ce point de notre réflexion sur la décentralisation en Union des Comores, il convient de mettre en exergue la nécessité d’assurer l’indépendance des fonctionnaires centraux, régionaux et de l’arrière-pays face aux multiples pressions : lobbys en tout genre, hommes politiques, ou Anciens. L’égalité et l’indépendance doivent devenir les maîtres mots pour le bon fonctionnement de l’administration publique comorienne. Il convient d’assurer aux fonctionnaires une rémunération décente par rapport, au niveau de vie du pays, afin de combattre les fléaux de la corruption, du favoritisme et de l’injustice qui gangrène les administrations publiques africaines.

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CHAPITRE III La lutte contre l’obscurantisme

« Mieux vaut une tête bien faite qu’une tête bien pleine » Michel Eyquem de Montaigne

a) L’éducation L’éducation n’est pas une fin en soi. On n’éduque pas un être dans le seul but de l’éduquer, mais en vue d’atteindre des objectifs d’ordre moraux, religieux, politiques, sociétaux ou autres. Toute éducation est normative et repose sur des options philosophiques ; aussi, une pédagogie absolument neutre, au sens du laïcisme, est-elle une illusion, voire un mensonge. En effet, un des objectifs de l’éducation est de faciliter l’adaptation des individus à leur milieu sociétal avec toutes les implications relatives à la collectivité politique en général. Il serait malavisé de méconnaître que pédagogie et éducation cohabitent, et que suivant les circonstances, elles peuvent entrer en conflit ou coopérer. D’aucuns estiment qu’en matière de politique, le rôle du pédagogue doit se borner à l’éducation dite civique ; laquelle 39

se contente d’enseigner les Droits et les Devoirs du citoyen, avec en plus, un exposé ouvert et impartial sur les différents régimes politiques et les diverses idéologies, pour laisser à l’apprenant le soin de faire lui-même son propre choix ou de porter un jugement personnel. Le parti pris d’une instruction civique se proposant d’être neutre, s’est imposé au cours de l’histoire par de multiples combats contre d’autres options partisanes, et elle continue à se heurter, aujourd’hui encore, à des hostilités tenaces, ses détracteurs mettent en avant que la neutralité comporte aussi un parti-pris indiscutable. En effet, dans l’exposé le plus objectif sous forme de suggestions, d’insinuations, voire de recommandations en tant qu’opinion sans opinions explicites, il transparaît, ne serait-ce qu’inconsciemment, un point de vue. L’éducation s’adresse à tout Homme. La religion, la politique et les autres activités normatives et formatrices peuvent se laisser supplanter par le parti pris de la neutralité, lequel est loin d’être un exemple infaillible de prévention et de lutte contre le sectarisme, car il ne parvient pas non plus à surmonter le conflit entre le privé et l’espace public générateur de désordre et de violence. Quel homme pourrait faire taire en lui les sollicitations de son désir, et par conséquent de sa foi et de son opinion l’amenant à tendre vers telle cause et/ou doctrine plutôt que telle autre ? Le problème reste donc entier : comment concilier dans l’éducation le dynamisme d’une idée et le respect de l’autonomie des esprits ? Chaque éducateur doit prendre sur ce point ses responsabilités en son âme et conscience, car – étant donné que le règne des conflits 40

et des antagonismes insurmontables – rien ne saurait apporter une absolue analyse et une justification. Ces antagonismes éternels fournissent au moins une indication pragmatique et programmatique : lutter contre toute forme de fanatisme et se faire son propre jugement nourri par l’accumulation de justes connaissances organisées par un esprit critique. On pourrait faire des remarques analogues à propos d’une problématique annexe à savoir l’information. L’exigence d’une information impartiale a été revendiquée à peu près à la même période que l’aspiration à la neutralité pédagogique. Aussi, de fil en aiguille, on se demande : que vaut la prétendue conduite logique de l’Homme ? Tout le monde tend vers la liberté, mais rares sont les comportements individuels qui sont conformes à ce but dans l’ensemble sociétal. C’est ainsi que, par contrat social, on inscrit la notion large, et fort vague de liberté, dans des programmes, déclarations, chartres, et constitutions, en inventant toute sorte de déclinaisons pour justifier notre but. En réalité, on légitime un parti pris de conduite, lequel n’est pas forcément en adéquation sinon avec toutes les conceptions de la liberté, du moins avec la Liberté absolue. Les actes humains sont le plus souvent illogiques, car au lieu de se conformer rationnellement aux fins avouées, ils s’orientent suivant les justifications idéologiques de ces fins.

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b) Ordres, formes et normes Si l’on essaye d’approfondir conceptuellement la notion d’ordre, on constatera d’abord qu’elle consiste essentiellement en un ensemble de formes, de normes et de relations. Il n’est pas besoin d’insister longuement sur la corrélation – mise en évidence depuis longtemps par la philosophie – entre forme et ordre. La vérité fondamentale de la corrélation entre ordre et forme est également capitale pour l’explication de la notion d’ordre public. Chaque société a sa configuration propre, et l’ordre qui y règne dépend du jeu des formes et des relations qui s’y nouent et s’y dénouent sans cesse. De quoi l’ordre est-il fait ? D’institutions, de règles, d’associations de groupements de toutes sortes : politiques, économiques, religieux, culturels, etc. Les individus et les groupements entretiennent entre eux et avec l’État des relations de concorde et/ou de concurrence. Cependant l’ordre prend forme par l’activité relationnelle des êtres, des groupements et de l’État qui l’anime et lui donne vie. Cet échange n’est évidemment possible que dans le respect de normes et de règles, codifiées ou non, portant sur ce qui est permis et interdit. On notera l’exception ayant trait à l’ordre matériel et vital d’Auguste Comte, lequel est nécessairement subordonné. Cela signifie que l’idée de normalité varie d’une collectivité politique à l’autre. Il n’y a pas d’ordre politique ou d’unité sans règle, parce qu’alors la relation entre commandement et obéissance ne serait plus qu’un rapport d’oppression et de pure usurpation. 42

C’est donc grâce à la notion d’ordre que commandement et obéissance se tempèrent réciproquement. Ainsi, ils cessent d’être purement arbitraires. Néanmoins, dans une société donnée, personne n’interprète de la même façon les règles en vigueur et leur esprit. Il est même impossible d’empêcher que certaines concurrences ne tournent à la franche hostilité. Ces interprétations diverses entrent dans le jeu normal de l’ordre. Il n’y a pas de norme politique universelle. Au moment où je rédige ces quelques lignes (le 9 février 2015), les faits corroborent l’objet de ma réflexion : des jeunes de la ville de Mitsoudjé ont été fusillés par des éléments de l’Armée nationale de développement (AND), à la suite d’un banal conflit villageois qui a incité certains jeunes à barrer la route principale. Les militaires dépassés par les événements, débordés par le désordre, ont fait usage de leurs armes en tirant à balles réelles. Ils ont blessé neuf personnes, dont trois grièvement. Leur état nécessitait des opérations chirurgicales assez complexes, d’où leur évacuation à l’étranger. Cette affaire a été largement commentée par la presse locale, se référer notamment au journal Al Watwan n° 2615 du mercredi 11 février 2015 et à La Gazette des Comores n° 2368 du vendredi 13 février 2015. Certes aux yeux du commun des mortels, l’affaire a pris une tournure purement politique et les partis politiques de l’opposition ont illico presto fait porter le chapeau à l’État : « il s’agit d’un crime d’État », affirmaient-ils. Cela n’est en fait guère vrai, il s’agit plutôt d’une bavure, d’un abus de pouvoir, en un mot d’un désordre commis au sein d’une structure qui a pourtant comme vocation de faire régner l’ordre et la stabilité. 43

L’armée nationale de développement (AND), s’octroie désormais, le pouvoir de répression et c’est fort inquiétant. Il s’agit d’une situation décadence ; d’où la nécessité de nous interroger sur le malaise qui frappe notre pays depuis quelque temps. Il convient de trouver comment faut-il conjurer la décadence des valeurs fondamentales ? Une des solutions consiste à admettre que l’histoire des peuples, aussi fluctuante soit-elle, repose sur certains principes généraux fondateurs, lesquels ne tolèrent ni les amendements ni les falsifications obscènes. À travers les longues analyses précédentes, l’acharnement du citoyen comorien à vouloir falsifier l’histoire, pour l’assujettir à ses ambitions personnelles, apparaît clairement. Tous ces travers engendrant la dégénérescence apparaissent : dans le laïcisme d’intérêts qui engendre la pourriture interne de la société, dans le mythe social contraint à une course effrénée à l’enrichissement mal acquis ; dans le mythe politique qui asphyxie le génie créateur de l’Homme ; dans la conception du service et de la chose publique considérés comme un patrimoine personnel ; dans les faux signes d’apparence extérieure qui dissimulent le vide et la médiocrité de son existence. . . En bon métaphysicien, Frantz Fanon avait prédit à l’aube de l’indépendance africaine les dangers « du guide qui fait rêver, du parti qui fait taire et de l’armée qui réprime ». Cet avertissement péremptoire, mais clairvoyant n’évita pourtant pas la quasi-totalité des pays africains de sombrer dans ce désordre. Personne, en dehors de 44

futiles critiques d’école, ne met ouvertement en cause la validité de ses thèses. Pourquoi faut-il obéir ? Non seulement parce qu’il y a un commandement et que celui-ci est nécessaire en vertu de la nature même de la société, mais aussi parce que la désobéissance ouverte ne modifie en rien la politique et par conséquent la société. « La politique n’a guère changé et ne changera guère. C’est que la structure de l’Homme est toujours la même » et ce qu’en disait Platon est encore vrai aujourd’hui fait remarquer justement le Philosophe Alain. On ne peut guère changer que fort peu de chose, car les Hommes n’ont pas les lois qui leur plaisent, mais celles qui leur sont imposées par les nécessités politiques, économiques, sociales et culturelles. L’erreur est de croire que l’on modifiera l’Homme et la société d’un coup de baguette magique, au nom d’un grand projet. En fait, il n’est pas nécessaire de changer de régime pour établir une loi sur la manière de gérer sainement les finances d’un État donné. Il y a en la circonstance un déterminisme historique qui impose des formules pragmatiques relevant du bon sens. En outre, quel que soit le régime politique, les structures essentielles ne varient guère : un pouvoir socialiste comme un pouvoir libéral aura toujours besoin d’une force pour imposer l’ordre et faire respecter les lois. Ainsi nous pouvons dire que : obéir au pouvoir : oui ; le vénérer : non. Les navigateurs n’adorent pas la vague, mais ils l’utilisent. Il serait fou d’haïr le pouvoir, tout comme il serait tout aussi fou de l’aimer. Selon Socrate on ne trouvera jamais une solution pratique satisfaisante à propos du triptyque ordre, forme et 45

norme. Quelle que soit la solution que l’on adopte, même si Hegel affirme que l’esprit serait immanent à l’État et par conséquent aurait pouvoir de le transformer en une organisation raisonnable où régnerait la liberté universelle.

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CHAPITRE IV Cohésion Sociale

« Lorsqu’une nation a été forcée de recourir au droit d’insurrection, elle rentre dans l’état de nature à l’égard du tyran. Comment celui-ci pourrait- il invoquer le pacte social ? » Maximilien de Robespierre

a) L’instauration de l’ordre dans les villes et villages ? Pour mieux vivre, mieux connaître, mieux gérer notre société, il faut que l’Homme soit placé au centre des activités. En effet, l’ordre général s’organise autour de ses actions. À tout moment, des échanges nouveaux s’établissent tandis que d’autres déchoient et s’effacent. Mais les modifications profondes et déterminantes, d’ordre constitutionnel, par exemple, sont les plus longues à se bien réaliser. L’ordre n’est pas nature, il est créé par l’Homme ; il est donc artificiel et conventionnel. Comme l’œuvre d’art, il est à l’image du modèle, sauf qu’il n’est jamais achevé, mais se recrée sans trêve, autrement, sous une autre enveloppe, et avec un autre contenu. 47

Sa raison lui vient donc de l’extérieur, ainsi que ses passions et ses troubles qui le secouent. Vraisemblablement, l’Homme ne veut pas l’ordre pour luimême, mais il l’établit, le remanie et le maintient au fur et à mesure qu’il essaie d’accomplir ses desseins. Il y a autant d’illusion à croire en un ordre immuable – établi par décret divin ou préfiguré dans une raison traditionaliste ou progressiste immanente aux choses – qu’à le concevoir comme un simple « reflet » du droit, de l’économie ou du politique. L’ordre public ne suit pas un ordre défini à l’avance. Toutes les essences collaborent à son instauration, même si la politique a, plus particulièrement, la charge de son maintien. L’ordre se caractérise par un agencement – régulier, harmonieux et utile – des choses, selon une idée, un principe ou une simple opinion. Cela exige que les relations, les formes, les normes, les structures et les institutions soient coordonnées, classées, graduées, et réglementées. L’ordre se rapproche de la cohérence, de la rationalité et du raisonnable. Mais, lorsque l’organisateur ne parvient point à l’atteindre, il perturbe ce qu’il prétend arranger. Le rôle de l’ordre n’est pas d’être conforme aux pures vues de l’esprit sur la cité idéale, mais de convenir à des Hommes existants, tout en facilitant l’idée d’épanouissement qu’une collectivité se fait d’elle-même. L’ordre prend un visage différent en fonction de l’époque. Il peut être marqué par le religieux, l’économie, la technique ou par n’importe quelle autre activité. 48

Toute société se fait une représentation utopique de son ordre. Celui-ci se combine avec les autres aspirations. Néanmoins, l’ordre n’est réel que par la manière dont il résout les antagonismes d’intérêts et d’idées qui agitent sans cesse une collectivité. De ce point de vue le matériel est déterminant, parce qu’il conditionne la réalisation des projets. Il faudra comprimer certains besoins pour augmenter les chances d’atteindre les priorités tout en ayant le souci de l’ordre. Parce qu’il est impossible d’établir un ordre parfaitement juste par les voies de la politique, il est préférable de s’en remettre à la coutume, à la tradition, aux règles et mœurs sociales. La coutume a le mérite d’exister et d’être au moins aussi valable que les idéaux qui, en outre, ont l’inconvénient de s’opposer mutuellement et de perturber la société. Au fond, l’idée de Blaise Pascal peut se résumer ainsi : l’ordre public, défini en un ensemble de rapports extérieurs à l’Homme, a pour ambition : la concorde et la justice. Ce sont les ferments des incessantes transformations sociales. Ainsi, l’Homme peut croire à la possibilité d’une organisation plus équitable, plus tolérable avec moins d’injustice. Il faut donc d’examiner de plus près cette question majeure des rapports entre l’ordre et la justice. Il faudrait être naïf, et prétentieux, pour espérer trancher définitivement le questionnement ayant trait à l’ordre le plus juste, le plus libéral et le plus socialiste ou socialisant. Ce qui se rapproche le plus d’une société d’ordre démocratique sera considéré, à tort ou à raison, comme aboutissement, et pourra être un modèle envié par d’autres pays. 49

b) Citoyens : villes, campagnes et terreur Le nouveau paysage administratif implanté, prochainement, dans les communes prendra une forme visant à faire régner l’ordre et la sécurité. Elle aura dans le pays une importance considérable même si elle demeurera une administration communale, donc « cadette » de celle de l’État. Bien entendu, d’une commune à l’autre, les structures de l’administration municipale et communale seront loin d’être semblables. Le suréquipement d’une commune, basée en ville, s’opposera au dénuement matériel des petites communes. Ces dernières seront, d’ailleurs, les plus nombreuses. Est-il nécessaire de rappeler que le village par excellence, demeure et demeurera encore pour longtemps, la terre d’élection de la pauvreté administrative. Dans ceux-ci, l’ordre sera facile à instaurer comparativement aux grandes villes, où il faudra compter sur plusieurs services publics avant d’obtenir un semblant de sécurité et d’ordre. La répartition des moyens financiers en fonction de l’importance de la commune est le résultat des nombreuses inégalités dans l’accès du citoyen aux services administratifs. À cela, s’ajoute, dans certains secteurs, une extraordinaire complexité dans la répartition des compétences entre le service de l’État, et l’administration communale. Ces disparités entre la ville et le village ne sont pas le résultat d’une vie paisible à la campagne, laquelle serait plus saine, plus équilibrée, et qui ne serait pas sujette aux mêmes phénomènes de déviances que celui de la vie urbaine. Il ne faut pas s’arrêter à l’image, pourtant séduisante, de la fameuse solidarité de voisinage villageois. Il y a 50

sans doute une part de vrai dans chacune de ces images idylliques, mais ce n’est guère représentatif de la réalité villageoise. La différence entre la ville et le village est ailleurs. En ville, comme à la campagne, pour instaurer l’ordre et la sécurité, il va falloir dresser la liste des actions qui relèvent de la prévention et de l’action sociales. Une telle mission nécessitera une présence active sur le terrain tant pour recevoir les nombreuses requêtes des habitants que pour, tout simplement, se tenir informé de ce qui s’y passe. À l’étranger, l’expérience montre que, quand plusieurs petites communes se regroupent au sein d’une même structure afin de mettre sur pied, par exemple, un service commun de soins infirmiers à domicile, celui-ci fonctionnera aussi bien que le service de soin à domicile d’une ville. Si nous prenons l’exemple de l’alcoolisme, avec les multiples conséquences qu’il engendre tant au niveau biologique que génétique et social, on constatera qu’il n’est pas considéré comme un problème d’addiction en milieu rural. Il y relève plutôt du folklore ; et si quelques têtes pensantes acceptent de s’y consacrer, elles se heurtent, aussitôt, à la méfiance ou à l’hostilité générale. Le refus de l’assistanat social, que l’on décrit souvent comme caractéristique de la société rurale, doit-il être imputé à la fierté des villageois d’être farouchement indépendants ? Y a-t-il une défense, tout aussi farouche, d’un mode de vie que l’on ne veut pas voir être remis en cause, quelles qu’en soient les conséquences ? Ou tout simplement, y a-t-il une incapacité à conjuguer administrations de l’État et administration communale ?

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La fonction essentielle de la décentralisation est de renforcer la capacité d’intégration de l’administration. Décentraliser les pouvoirs politiques ne revient donc pas à accroître la dislocation de l’administration d’État, mais à réduire les effets de son émiettement. Notre pays est à l’heure actuelle tenu par les politiques, les chefs traditionnels, et les notables de toutes catégories. Avec la mise en place prochaine des communes, la décentralisation risque d’entraîner de grands changements. L’inquiétude est grandissante, il suffit, à cet égard, de recueillir le témoignage de nombreuses personnes habitant l’arrière-pays. Passer de l’échelon central à l’échelon local provoquera même des effets contraires aux buts escomptés : rigidités croissantes, absences d’infrastructures appropriées, manque de personnes ressources qualifiées, engorgement des circuits, etc. D’une administration à l’autre, le rapport de force varie. Un domaine se démarque nettement : le budget. Les différents villages qui constituent les mairies et communes vont devoir s’organiser, en connaissance de cause, pour poser les vrais jalons d’un budget communal. Les grands commis tiendront le haut du pavé. La haute administration existe et existera toujours. Ce qui prête en revanche à critique, ce sont les conclusions que tirent certains leaders politiques par rapport à la décentralisation. Nous arrivons au pourcentage suivant : environ 5 % des agents de l’État vont continuer à exercer dans les services centraux, et 95 % des agents seront affectés dans l’arrière-pays.

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Qui commandera donc cette nouvelle administration ? La haute ou la basse hiérarchie ? Rappelons que dans le souci de préserver nos institutions, le haut de la hiérarchie résidera toujours à Moroni, la capitale. Ainsi dans le cadre de la décentralisation, le gouvernement central et les grandes institutions continueront de siéger dans la capitale. Dans les régions, l’intégration administrative devrait se faire au fur et à mesure et au rythme de la politique communale qui continue à voir le jour. Certes dans cette nouvelle configuration de l’État, il existe des notables nationaux qui, dans certains secteurs de la vie publique et sur des problèmes spécifiques, doivent obligatoirement être consultés. Ils tirent leur influence du contrôle souvent monopolistique d’une classe sociale traditionnelle représentative. Chaque administration demande leur avis, se heurte à leur présence, et anticipe leurs réactions. Constater la force de la régulation administrative par la politique dans l’arrière-pays, revient à s’interroger enfin sur d’étranges évidences. La centralisation est-elle le garant de l’égalité ? Nous voudrions encore insister sur un point capital, directement lié à la justification de la violence : la terreur. Celle-ci consiste à utiliser la violence en vue de briser toute résistance en frappant les âmes d’épouvante. Son action semble donc essentiellement psychologique. Elle ne vise plus seulement, comme la violence, à détruire des êtres physiques et des biens matériels, mais elle utilise systématiquement la violence pour épouvanter et abrutir les esprits, c’est-à-dire qu’elle se sert des cadavres de la violence pour désespérer les vivants. 53

La terreur se présente comme une action politique d’ensemble qui vise moins un résultat concret, constructif et positif que l’annihilation des capacités de réaction et de réflexion des individus. C’est la raison pour laquelle Raymond Aron écrit « Est dite terroriste une action de violence dont les effets psychologiques sont hors de proportion avec les résultats purement physiques. » On pourrait voir dans la terreur, la violence nue, si elle ne répondait pas à un dessein. En effet, la préméditation est un élément conceptuellement caractéristique du phénomène, et l’absence de discrimination dans le choix des victimes correspond à un calcul. En faisant de l’abstention et de la neutralité un crime, la terreur cherche à séparer rigoureusement les membres d’une même structure en deux camps : celui des amis et celui des ennemis. L’ami doit devenir le complice, et l’ennemi celui qu’il faut abattre. Peu importe si l’adhésion est forcée, la complicité la transformera bientôt en conviction, tant il est vrai, parfois, qu’on finit à la longue par croire à ce que l’on fait. On notera que ni l’abstention ni la participation ne sont garantes de la sécurité. Les indifférents et les hésitants, au lieu de se faire complices, vont grossir les rangs du contre-pouvoir, s’ils parviennent à se former. La violence atteint alors sa limite extrême, sans autre issue que la défaite et l’extermination de l’un des deux camps, étant donné que la terreur continuera toujours sous une forme larvée. Comme disait Jean-Paul Sartre, « la terreur pose la relation ami-ennemi comme une alternative entre l’être et le néant ». Elle ne laisse 54

d’autre choix que celui de complice ou de victime, c’est-àdire de participation ou d’anéantissement. Elle apparaît ainsi comme un concept limite, qui par sa monstruosité et son caractère exceptionnel éclaire l’ensemble du phénomène politique. Le conflit politique risque de porter à son apogée l’antagonisme ami-ennemi jusqu’à mettre en question l’existence même du contrat social. La terreur est un retour à l’état de nature – ce que Robespierre et Saint Just appellent le « Droit des gens » – en vue de transformer la société, et recréer l’unité sociale et politique sous une nouvelle forme. C’est « un acte de providence nationale » dit Robespierre qui évoque à ce propos explicitement l’état de nature de Thomas Hobbes. Robespierre affirme aussi que : « Lorsqu’une nation a été forcée de recourir au droit d’insurrection, elle rentre dans l’état de nature à l’égard du tyran. Comment celui-ci pourrait-il invoquer le pacte social ? » La terreur se découvre sous toutes ses facettes sémantiques. Il y a en elle le cynisme du Droit de la nature ou de la souveraineté opposé à celui de la justice. Il est vrai qu’elle cherche à régner grâce à la peur qu’inspire la violence. Seul un homme détenant le pouvoir et instaurant la terreur peut bouleverser une situation ou modifier les structures et habitudes d’une société. La terreur est un phénomène collectif au service d’une cause utopique et prétendument universelle. La terreur est socle des idéologies faisant régner la peur et la violence.

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CHAPITRE V Désordres politiques

« Agis toujours de telle sorte que tu puisses ériger la maxime de ton action en loi universelle… L’humanité dans ta personne aussi bien que dans la personne d’autrui, comme une fin et jamais comme un moyen… Agis toujours comme si tu étais législateur en même temps que sujet. » Emmanuel Kant

a) Élection présidentielle de 2016, où allons-nous ? Même si la classe politique comorienne s’est mobilisée, avant l’année 2016, plusieurs responsables politiques se sont toutefois préparés sans donner de précisions sur la voie à suivre… et les électeurs se sont sentis esseulés. La politique, chez nous, perd sa crédibilité et devient de plus en plus incompréhensible. Cinq tendances négatives font croire en un avenir trouble. La première est l’absence d’une pensée démocratique pouvant servir de base à une véritable alternative. « Je suis le meilleur de tous », affirme chaque candidat potentiel.

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Le deuxième est l’absence de perspective de révolution sociale sur l’ensemble du territoire comorien. Certains candidats sont même désignés par leur ville ou leur village respectif. Et ils pensent que c’est de bon augure. La troisième est le pouvoir des clans et la puissance du système clanique aux Comores. Cette situation rappelle, toute proportion gardée, les nombreux conflits qui opposaient les Libanais entre eux. Druzes contre Maronites, Chiites contre Sunnites, Chrétiens contre Musulmans. Faute de négociations, poussées par la pression externe, la plupart des communautés religieuses et politiques s’autodétruisaient dans d’interminables guerres civiles. Certes, le Liban n’est pas l’Union des Comores, mais il y a trop de similitudes. Je me demande même encore et toujours où allons-nous en 2016 ? La quatrième est la perte de tout espoir face à de nombreux questionnements. Quel candidat, parmi la vingtaine de prétendants, définira un contenu original pour lequel une nouvelle forme de société doit être créée ? En d’autres termes, comment redonner espoir à toute une population à la dérive ? La cinquième complète ces tendances : la mauvaise gestion des biens de l’État. Il existe une généralisation de pratiques douteuses et malsaines sacralisées depuis la Base jusqu’au Sommet. Cette pratique impliquant même les forces sociales a permis d’enrichir une partie de la population et se traduit ainsi comme une ressource privée. Une oligarchie, déterminée à conserver le pouvoir, est prête à détruire l’économie de l’État. La politique devient un faire-valoir 58

pouvant déboucher sur la guerre civile ou la lutte villageoise. Les radios libres, à tout va, diffusent des propos ridicules, voire effrayants. On peut entendre qu’ : « Ahmed Abdallah SAMBI a donné le pouvoir au Dr IKILILOU sans que ce dernier soit réellement élu » ou encore « IKILILOU donnera le pouvoir à Mohamed Ali SOILIHI, même si ce dernier n’est pas élu. » Cependant, il faut toutefois reconnaître que les oppositions sont faibles. Pouvoir et opposition rivalisent temporairement. Dans un contexte d’improvisation, les compromis et les alliances se font et se défont constamment, pour conserver à tout prix le pouvoir. Parce que pouvoir et immunité vont de pair dans cette région du monde. Tout est simple. Le potentat s’érige en loi, la loi du plus fort. Celle de l’extraction et de l’accaparement, et même celle qui a permis l’assassinat par mercenaires interposés. Rappelez-vous, des actes du mercenaire français mondialement connu, Bob DENARD. Des actes approuvés par des opposants décrits abusivement comme « les sages de la classe politique ». Trois facteurs décisifs constituent des freins à une vraie démocratisation de notre société. J’espère ainsi que les candidats aux élections présidentielles de 2016 en sont bien conscients. Premier facteur : le pouvoir de tuer dans ce pays reste plus ou moins illimité. La pauvreté, la maladie et les aléas en tous genres rendent l’existence précaire et incertaine. Deuxième facteur : le mélange entre pouvoir et culture. Les structures sociales, basées sur les fondements de la culture ont tendance à se transformer en profondeur. 59

Troisième facteur : depuis une vingtaine d’années, la brutalité des contraintes économiques dans notre pays se poursuit sous la férule du néolibéralisme. Cela a contribué, notamment à l’apparition confuse sur la scène publique de groupes rivaux, dans un contexte d’élections truquées, et de protestations contre la vie chère, ainsi que contre le chômage massif des jeunes diplômés. Des jeunes, pour la plupart, privés de vie familiale, vivant dans des bidonvilles. Sujets à l’abandon, ils ne peuvent échapper à la migration et à toutes sortes d’illégalité. Ces facteurs réunis pèsent énormément sur les différentes formes de pouvoirs expliquées par chaque candidat et attendues par la population qui se demande : où allons-nous en 2016 ? « La nuit du monde reste […] à penser comme un destin qui nous advient en deçà du pessimisme et de l’optimisme. Peut-être cet âge va-t-il maintenant devenir pleinement temps de détresse. Mais peut-être pas, encore pas, toujours pas, malgré l’incommensurable nécessité, malgré toutes les souffrances, malgré l’incessante carence de repos et de paix, malgré le désarroi croissant d’un peuple… » Martin Heidegger. Effectivement, peu importe le contexte de détresse et de sérénité de ce monde, ce sont les intellectuels qui doivent s’interroger les premiers afin de mieux éclairer le public. Avec vingt-huit candidatures déposées à la cour constitutionnelle, pour moins de 400 000 électeurs, cela pose question. Où allons-nous ?

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C’est l’arbre qui cache la forêt. C’est bien connu. En prenant du recul sur le paysage politique du mois de décembre 2015, on se rend compte que nous sommes, hélas, dans un théâtre politique. « Le pouvoir, c’est l’impuissance », affirmait le Général De Gaulle dans son livre : Le fil de l’épée. Les raisons de cette impuissance poussent aujourd’hui tous les Comoriens à se déclarer candidats aux élections présidentielles de 2016. Tout le monde peut donc être candidat. On n’a guère besoin d’être politicien, intellectuel, religieux ou riche pour devenir candidat aux élections présidentielles. En outre, ce sont les vanités personnelles qui priment au détriment des intérêts nationaux. L’émiettement politique a toujours donné naissance à des dirigeants plus souvent médiocres. Des dirigeants connus pour leur subjectivité, et leur ego surdimensionné. Avec vingt-huit candidatures, cet émiettement politique est néfaste et vain pour notre pays. Il y a une démission et une démotivation de l’action politique au sein du monde politique comorien actuel. Or, plusieurs questions essentielles demeurent sans réponses. Les hommes politiques, intellectuels, hommes de foi contournent les questions de fond. La lutte contre la pauvreté, la limitation des évacuations sanitaires à Mayotte ou à l’étranger, les besoins de première nécessité (eau, électricité…), l’instruction des enfants. Sous quelles conditions et dans quels secteurs, les investissements étrangers devraient-ils être accueillis ? Pour répondre à cette question, il faut une certaine maîtrise. La politique n’est pas un jeu, et gouverner est un art d’expérience et de savoir.

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Tout le monde ne peut pas diriger ce pays. Ces petites îles risqueraient de devenir le Liban de la région de l’Océan Indien. Gouverner est un art. Mais, il faut, au départ, une vocation et un talent. Mais, qui est habilité à reconnaître cette vocation et ce talent de l’homme politique ? Qui peut le jauger ? Seule la population peut le faire, surtout dans un pays démocratique. Seul le peuple doit choisir ses dirigeants. En général, cette population choisit en théorie un bon gouvernement, c’est-à-dire des hommes et des femmes qui savent gérer les affaires de l’État. Mais un bon gouvernement (aux Comores) se définit par son indépendance, sa distance par rapport à l’extérieur. Sur le plan intérieur, le bon gouvernement doit prendre à bras le corps les problématiques du pays : santé, sécurité alimentaire, logement, éducation, emploi. Il doit mettre à contribution le savoir des cadres, sans aucune distinction. La couleur politique et l’île d’origine ou la région ne doit pas être un frein. Seule la compétence doit être valorisée. En d’autres termes, c’est la politique de l’Excellence qui prime. Celle-ci a commencé à donner des résultats dans le domaine du sport, notamment avec les exploits de l’équipe nationale du football, les cœlacanthes. Pourquoi ne devrait-on pas favoriser l’expertise dans les autres domaines ? Aujourd’hui, il y a une affluence d’amateurs, candidats à l’élection présidentielle, sans le moindre talent, sans la moindre connaissance. On perçoit un sentiment de révolte venant de la population. Un vent de contestation souffle dans notre pays. Les jeunes, notamment, les diplômés chômeurs contre la résignation, demandent à 62

être bien gouvernés, par des hommes intègres, dévoués à l’intérêt général. Pour ces jeunes, ceux qui se sont enrichis par l’argent du peuple ne doivent pas continuer à nous humilier. Il faut se souvenir qu’« un voyage de mille kilomètres commence par un premier pas » Mao Zedong. Forcé par l’actualité de commenter la vingtaine de candidats aux élections présidentielles de 2016, je m’interroge sur la direction que prendra notre pays prochainement. La classe politique, les différents leaders de tous ces nombreux « partis politiques » voudront, peutêtre bien nous éclairer, par leur programme respectif et en répondant à la question « Où allons-nous ? » En attendant leur réponse respective (s’ils le veulent bien), rappelons qu’un ancien chef d’État Français, Georges Pompidou (1911-1974), avait écrit : « Celui qui veut savoir d’avance où il va, par où il passe, ce qu’il va trouver et quand il faut arriver, n’ira pas loin par ce qu’il ne prendra pas le départ. » Oui, un vrai politique ne doit pas faire trop de calculs, il doit prendre des risques et à tout moment. Toutefois, il y a un minimum de conditions et le respect de la démocratie en fait partie. Ces nombreux candidats peuvent-ils nous assurer qu’ils respecteront les règles de la démocratie, à l’issue des élections présidentielles de 2016 ? Notre démocratie est encore fragile, néanmoins, elle est ouverte à tous. Quiconque voudrait s’engager dans cette voie doit comprendre à l’avance que le pouvoir n’est pas éternel, et qu’il peut se perdre par le vote des citoyens.

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Lorsqu’on est opposant, on peut accéder au pouvoir par les urnes, mais pas par la violence. Il y a des règles à respecter pour tout le monde. Ces élections présidentielles de 2016 constituent, pour le commun du mortel, un moment d’interrogation face à l’avenir, notre avenir commun. Espérons que ces élections ne vont pas nous mener dans une impasse, car de l’impasse sortent des incidents. La violence naît ou renaît de la querelle des chefs. Si ces derniers privilégient la paix à la place de la guerre, la stabilité à la place de l’instabilité, alors et alors seulement, un calme serein régnera et chaque citoyen se comportera en personne responsable. À l’inverse, si le gouvernement actuel, le parti au pouvoir est réélu, par un vote, marqué par des contradictions rappelant le passé, ces petites Îles auront une forte chance de tomber à nouveau dans l’instabilité. Lors de la campagne présidentielle, il faudra ainsi éviter de prononcer des propos trop provocateurs dans le discours politique. Des phrases telles que « Le président IKILILOU donnera obligatoirement le pouvoir à son vice-président Mohamed Ali SOILIHI, même si ce dernier n’a pas été élu, car lui-même l’a reçu des mains du président sortant, Monsieur Ahmed Abdallah SAMBI. » sont absolument à bannir. La provocation conduit à la violence et personne n’est gagnant. Il faut éviter à notre beau pays un affrontement inutile entre clans politiques souvent issus… du même parti, du même village ou de la même ville. Contrairement à ce qu’elles disent, ces personnes sont plus proches les unes des autres par leurs concep64

tions et leurs méthodes. L’affrontement, la violence, constituent, pour notre pays, un gouffre économique proche de l’effondrement. Quelle que soit sa couleur politique, le monopole du pouvoir par un homme est désormais impossible. Les fausses concessions doivent être remplacées par le partage entre détenteurs du pouvoir et exclus d’hier. En contrepartie, les exclus d’hier doivent affirmer, haut et fort, qu’ils ne léseront personne lorsqu’ils seront élus. Ainsi, nous devons tous respecter les règles de la démocratie. Tout autre comportement conduira à l’aggravation de la misère économique et à une dépendance aggravée. Pour finir, revenons à la question : « où allonsnous ? » J’estime que ces élections présidentielles de 2016 vont contribuer très largement à faire installer les bases d’une vraie démocratie aux Comores, et bien sûr faire tomber en même temps les nombreuses barrières politiques. Pour cela, il ne faudra pas tricher : la démocratie, stade supérieur du développement politique, se gagne et se mérite après un long combat. Même si le sacrifice prévaut. Elle en vaut bien la chandelle. b) Quel programme pour le futur président élu en 2016 ? Un programme n’est que la matérialisation programmatique, et provisoire, d’un changement de cap. L’esquisse d’une mise en musique. Aujourd’hui, aucun candidat parmi les vingt-cinq validés, - hormis trois ou quatre, - n’est en mesure de décliner sérieuse65

ment un document programmatique consistant. Pourquoi ? Parce qu’il ne peut plus y avoir de programme sans une étude sérieuse de la demande de la population en matière d’actions et de créations de richesses. En plus les idéologies momifiées ne sont plus déclinables… pire encore, plusieurs candidats ne relèvent même pas d’un parti politique, avec une idéologie précise. Mais alors, pourquoi, un programme, quand la définition de grandes orientations serait mieux adaptée à la fluidité d’une réalité évolutive et mouvante ? Parce que l’ampleur (lourde d’un risque de fuite dans l’irrationnel) et la force des rejets qui se manifestent aujourd’hui incitent à ce ressourcement pragmatique. Le réel reste une matière que l’action politique et sociale peut encore forger. On doit réhabiliter la politique, en somme… apporter du nouveau pour un lendemain meilleur. Toutefois, il faut faire attention au mélange de déception inexprimable et de rage indicible auquel nous sommes tous confrontés. Ces sentiments peuvent précipiter irrésistiblement les déçus de tous bords vers une contestation négatrice, et sans perspectives. La révolte est ainsi légitime. Cependant, le naufrage est au bout de sa « libanisation sauvage ». Notre initiative, cet essai, n’est autre qu’une goutte d’eau… dans un Océan indien agité. Le moment est venu, pour tous, de sortir de nos tranchées. Les dégâts effrayants provoqués – et pas seulement dans les têtes – par les facilités de l’indignation incantatoire nous interpellent, tous furieusement. Pourquoi ce désordre politique ?

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Allons-nous nous satisfaire plus longtemps du conformisme flasque, de l’irresponsabilité collective destructive ? Alors que la contestation villageoise, clanique, parfois régionale, caractérisée par l’enfermement corporatiste et le refus catégoriel paraissent être la règle, ne devient-il pas révolutionnaire de se risquer à des propositions d’un intérêt général ? C’est pourquoi il est important pour tous les candidats de décliner un programme. Un programme ne saurait, certes, couvrir l’ensemble du champ social. Cependant, il est plus facile d’agir sur les choses que sur les esprits et les cœurs. À cet égard, il faut être bien clair. Aucune pratique gouvernementale, aussi pertinente fûtelle, ne résisterait à une exacerbation sauvage de corporatisme et à une libanisation quasiment régionale des comportements. D’où le besoin de clarifier, un certain nombre de préalables que l’on pourrait regrouper en quelques points impératifs avant de se déclarer candidat aux élections présidentielles de 2016. – N° 1) Respect de la loi républicaine. – N° 2) Action contre l’esprit villageois, régionalisme catégoriel. – N° 3) Renaissance de l’esprit civique. – N° 4) Défense et réhabilitation des valeurs qui fondent notre pays, notre Nation, notre société comorienne. – N° 5) Contribuer à améliorer le sort des citoyens les moins avantagés de la société.

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– N° 6) Instaurer une politique d’Excellence dans tous les secteurs en matière d’emploi et de création de richesses. – N° 7) Accorder une égalité de chance à tous les citoyens comoriens. – N° 8) La lutte contre le chômage des jeunes diplômés. – N° 9) La réforme de notre système éducatif. – N° 10) Développer l’Enseignement Supérieur et la Recherche.

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CONCLUSION

Tel un aveu de renoncement aux valeurs fondamentales du pays, le Comorien se laisse porter par les dérives sociales. La destinée excuse tous les impairs. Si cette expression de la Sainte Bible « aide toi et le ciel t’aidera », convient au commun des mortels, pour les Comoriens, c’est plutôt : « Aidez-nous sur terre et dans l’au-delà. » Frantz Fanon dans son livre principal Les damnés de la terre, parlait de « lâcher l’homme » et reprochait à certains leaders noirs d’être responsables de tous les conflits et désordres qui se présentent comme le symbole du mal. Fanon avait eu le génie de lier son combat pour la libération politique africaine au combat contre le racisme du Blanc envers le Noir. Molière combattait le vice, non les hommes qui l’incarnent. Boileau, quant à lui, appelait un chat un chat. René Descartes, en ce qui le concerne affirmait : « Les plus grandes âmes sont capables des plus grands vices, aussi bien que des plus grandes vertus ». Réalité du vice et vérité de l’Homme, tel est le trait d’union indissociable qui unit Molière, le dramaturge maître en comédie sociale, et Descartes, le philosophe 69

rationaliste. Comment ne pas combattre le vice profond de l’Homme, sans se rendre complice de ce que de nombreux observateurs considèrent comme « le mal comorien ? » J’entends ce silence complice contre lequel Jean-Paul Sartre n’a cessé de lutter. « Homme, il n’y a pas de chemin. Le chemin se trace en marchant » dit Machado. Antoine de Saint-Exupéry, quant à lui, déclare que : « c’est l’expérience qui dégagera les lois ; la connaissance des lois ne précède jamais l’expérience. » Au chevet de l’expérience révélée par les réalités comoriennes, la loi constante qui s’en dégage est celle d’une réalité simple : la société comorienne n’est ni hantée par une quelconque malédiction, ni condamnée à sombrer dans une certaine fatalité naturelle. Il lui suffit de retrouver ses vieilles valeurs perdues pour se réconcilier avec nous-mêmes, et œuvrer au progrès du peuple comorien, de manière à ce que nous apportions notre part de contribution authentique à l’histoire et à la civilisation de l’universel. Pour y parvenir, certaines perversions doivent au préalable être anéanties. Dans cinq mois (en juillet 2016), notre pays fêtera ses quarante-et-un ans d’Indépendance (6 juillet 1975 – 6 juillet 2016). Quarante-et-un ans d’Indépendance représentent l’âge de la maturité, et autorisent un saut frontal dans l’histoire. Il est temps que les constitutions et lois de la République cessent d’être des objets de décor. Elles doivent devenir des instruments efficaces de la mise en œuvre effective des Droits fondamentaux de l’Homme qu’elles énoncent et garantissent. Ce n’est qu’à partir de ce seuil que notre pays pourra aspirer à l’affirmation de sa grandeur et de sa dignité. 70

Ce sont ces lois et constitutions jetées au placard qui sont le fondement des valeurs patriotiques d’égalité, de justice, de liberté, de démocratie, de solidarité, d’ingéniosité, de progrès, de dignité et d’honneur, sans lesquelles un pays, un État n’existent que de nom. Grâce à la fidélité à leurs lois, les pays industrialisés ont assaini leurs mœurs pour grandir dans l’histoire. Même les anciens souverains de ces pays avaient des contrepouvoirs réducteurs exercés entre autres par l’autorité de l’église. Aux Comores, les récriminations de l’opinion publique consécutives, au mépris des lois et textes en vigueur, n’ébranlent en rien la conscience des gouvernants, d’où le désordre répétitif qui a tendance à devenir un sport national.

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BIBLIOGRAPHIE

Aron (Raymond), Paix et guerre entre les Nations, Calmann-Lévy, Paris, 1962. Davidson (Basile), La Révolution en Afrique : la libération de la Guinée portugaise, préface d’Amilcar Cabral, Seuil, Paris, 1969. Dumont (René), Démocratie pour l’Afrique, Seuil, Paris, 1991. Engelhard (Philippe), La violence de l’histoire : les sociétés contemporaines à l’épreuve du sens, Arléa, Paris, 2001. Fanon (Frantz), Les damnées de la terre, préface de JeanPaul Sartre, Maspero, 1961, Paris. Frossard (André), de l’Académie française, Le crime contre l’humanité, Robert Laffont, Paris, 1988. Gaulle (Charles De), Le fil de l’épée, Berger-Levrault, Paris, 1932. Glucksmann (André), Le discours de la haine, Plon, Paris, 2004. Heidegger (Martin), Chemins qui ne mènent nulle part, Gallimard, Paris 1962.

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Kant (Emmanuel), Critique de la raison pratique, 1788. King (Martin Luther), Je fais un rêve, Bayard, Paris, 1987. Lhospice (Michel), Saint-Exupéry : le paladin du ciel, France-Empire, Paris, 1994. Miquel (Pierre), Les anarchistes, Albin Michel, Paris, 2003. Sartre (Jean-Paul), L’être et le néant, Gallimard, Paris, 1943. Strauss (Léo), Qu’est-ce que la philosophie politique ?, PUF, Paris, 1992.

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TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION ............................................................................. 11 CHAPITRE I Conflits villageois ................................................................................. 17 a) Désordres et affrontements villageois...................................... 17 b) Montée de la violence et liberté d’expression......................... 23 CHAPITRE II Le respect de l’État .............................................................................. 31 a) Ordre institutionnel et sécurité ................................................. 31 b) Institutions et décentralisation .................................................. 35 CHAPITRE III La lutte contre l’obscurantisme .......................................................... 39 a) L’éducation ................................................................................... 39 b) Ordres, formes et normes ......................................................... 42 CHAPITRE IV Cohésion Sociale .................................................................................. 47 a) L’instauration de l’ordre dans les villes et villages ? ............... 47 b) Citoyens : villes, campagnes et terreur ..................................... 50 CHAPITRE V Désordres politiques ............................................................................ 57 a) Élection présidentielle de 2016, où allons-nous ? .................. 57 b) Quel programme pour le futur président élu en 2016 ? ....... 65 CONCLUSION ................................................................................... 69 BIBLIOGRAPHIE.............................................................................. 73

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Politique aux éditions L’Harmattan

Dernières parutions Renaître, ou disparaître

Borel Félicien

L’auteur approfondit ici quelques idées sur des sujets majeurs. La nature qui nous entoure est notre seul habitat. Il est important de réfléchir sur les périls qui la menacent. Les responsables qui conduisent leur pays arrivent à des carrefours où il faut choisir les bonnes voies. Il convient aussi de préparer l’avenir par une éducation appropriée et de nous préoccuper de notre langue. Notre civilisation se trouve aujourd’hui face à un avenir incertain : elle peut renaître ou risquera de disparaître. (Coll. Questions contemporaines, 30.00 euros, 300 p.) ISBN : 978-2-343-04388-3, ISBN EBOOK : 978-2-336-36094-2 Nation (La) ou le Chaos Manifeste pour le renouveau

Myard Jacques

Notre pays est-il condamné à voir croître jour après jour le nombre de chômeurs et de ceux qui partent tenter ailleurs leur chance ? Jusqu’à quand acceptera-til de laisser à Bruxelles et à l’Amérique le soin de décider à sa place ? Faut-il jeter la Nation aux orties ? L’auteur démasque derrière les maux de la France les renoncements, les pièges et les chimères, qui, de l’euro à la repentance, lacèrent notre pacte social. Il appelle à un renouveau qui partira d’une nation fière et confiante en ses atouts. (16.50 euros, 160 p.) ISBN : 978-2-343-04846-8, ISBN EBOOK : 978-2-336-36251-9 De la colère en l’Occident fantôme Essai

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L’Occident n’a cessé de bruire de colères, masquant sa volonté de puissance sous la bannière de «la civilisation». Mais son devenir récent inquiète, tant la domination techno-industrielle, l’hyperconsommation, la religion du progrès s’avèrent aussi aventureuses qu’empoisonnées. Aux mutilations de la planète s’ajoutent la domestication des esprits. La colère ne devrait-elle pas renouer avec les pouvoirs de la parole, comme contre-poison et refus de consommer le monde ? (12.00 euros, 106 p.) ISBN : 978-2-343-04859-8, ISBN EBOOK : 978-2-336-36192-5

contrat (Le) citoyen Essai sur la réduction des inégalités politiques et socio-économiques pour un monde meilleur

Diouf Lamine Diack

L’auteur préconise la mise en œuvre à l’échelle planétaire d’une politique de concertation et de collaboration entre les peuples pour mettre en place des solutions justes et durables. Seuls les citoyens peuvent ressusciter le droit, la vertu et la solidarité. Ce livre, en plus de rafraîchir la mémoire en revisitant l’histoire de la République de l’Antiquité à nos jours ainsi que les textes des grands penseurs, est fondateur du XXIe siècle et utile pour un futur meilleur. (24.00 euros, 240 p.) ISBN : 978-2-296-99887-2, ISBN EBOOK : 978-2-336-36026-3 Misère de la démocratie Pour une réingénierie de la politique

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Après un siècle de guerres planétaires, un siècle de pillage et d’escroquerie prend racine. Comment les peuples pourront-ils reprendre la main et retrouver un intérêt commun dans la poursuite d’une aventure humaine devenue si fragile ? La réponse tient dans le développement spectaculaire des compétences des individus et des groupes qui peuvent aujourd’hui commencer une réingénierie de la politique et évincer ceux qui profitent du système au lieu de le réformer. (Coll. Questions contemporaines, 24.00 euros, 230 p.) ISBN : 978-2-343-04171-1, ISBN EBOOK : 978-2-336-36126-0 C’était la démocratie Anthologie commentée de textes sur la démocratie antique, ses réussites et ses dérives

Ségur Philippe

Voici une présentation attractive et commentée de la démocratie athénienne à travers les textes d’historiens, de philosophes, d’orateurs, de tragédiens, de poètes comiques de l’Antiquité : Eschyle, Sophocle, Euripide, Aristophane, Hérodote, Thucydide, Platon, Isocrate, Aristote, Eschine, Démosthène. On comprend combien leur approche de la politique était moderne et à quel point certaines difficultés de l’époque sont proches de celles que nous connaissons aujourd’hui. (Coll. Logiques Juridiques, 14.00 euros, 140 p.) ISBN : 978-2-343-04441-5, ISBN EBOOK : 978-2-336-35984-7 Pouvoirs, impostures Du mensonge à l’encontre des peuples

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Afin d’accepter sa condition, notre espèce a, au cours de sa longue histoire, eu recours aux dieux censés gouverner les affaires humaines. Néanmoins, au fil du temps et des progrès techniques et scientifiques, des substituts matériels tels que l’argent, la consommation, et l’omniprésence des médias de masse les ont remplacés. Recours aux dieux ou à des substituts sont sous-tendus par les pratiques d’imposture des puissants à l’encontre des peuples. Ce sont ces pratiques des

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L’interventionnisme militaire, l’accaparement par les grandes puissances internationales des terres et des ressources des pays tiers, la montée des néofascismes, la profondeur de la crise généralisée, tout cela mène l’auteur à faire l’hypothèse de la fin du capital et de l’imminence d’une nouvelle phase historique. A partir de cette probabilité signifiante, il approfondit la matrice écomuniste dans le prolongement de la pensée marxienne, tout en recherchant le meilleur moyen d’ouvrir la voie à une société d’émancipation humaine. (Coll. Questions contemporaines, 15.00 euros, 154 p.) ISBN : 978-2-343-03950-3, ISBN EBOOK : 978-2-336-35369-2 Une nouvelle société solidaire Par un nouveau contrat social

Pittet Ignace

Pour sortir de la crise morale, politique, économique et écologique mondiale, voici une proposition sérieuse d’un projet de société élaboré à partir du Solidarisme des années 1900. L’auteur nous convie à réaliser ensemble ce projet à l’image d’une construction de la maison de nos rêves, une maison solide, aux lignes harmonieuses et dans laquelle il fera bon vivre. (24.00 euros, 272 p.) ISBN : 978-2-343-03306-8, ISBN EBOOK : 978-2-336-35216-9 Comment en finir avec la faim en temps de crises Commençons dès maintenant !

Trueba Ignacio, MacMillan Andrew - Texte traduit de l’anglais et édité par Mathias Maetz ; préface de José Graziano sa Silva

Parmi les sept milliards de personnes vivant au monde, plus de la moitié mange mal et un milliard n’a pas assez de nourriture, deux milliards sont en surpoids ou obèses. Près d’un tiers de la nourriture produite est gaspillée, dont une grande part est jetée par les consommateurs vivant en «Occident». Ceux qui ont le plus besoin de nourriture ne peuvent pas s’en procurer. Notre système alimentaire mondial est en désordre. Comment rendre meilleur le monde pour ses habitants ? (13.50 euros, 122 p.) ISBN : 978-2-343-03396-9, ISBN EBOOK : 978-2-336-35286-2

L’HARMATTAN ITALIA Via Degli Artisti 15; 10124 Torino [email protected] L’HARMATTAN HONGRIE Könyvesbolt ; Kossuth L. u. 14-16 1053 Budapest L’HARMATTAN KINSHASA 185, avenue Nyangwe Commune de Lingwala Kinshasa, R.D. Congo (00243) 998697603 ou (00243) 999229662

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L’HARMATTAN ARMATTAN SÉNÉGAL SÉNÉGAL L’H 10 VDN en face Mermoz, après le pont de Fann « Villa Rose », rue de Diourbel X G, Point E BP 45034 Dakar Fann 45034 33BP825 98 58Dakar / 33 FANN 860 9858 (00221) 33 825 98 58 / 77 242 25 08 [email protected] / [email protected] www.harmattansenegal.com L’HARMATTAN BÉNIN ISOR-BENIN 01 BP 359 COTONOU-RP Quartier Gbèdjromèdé, Rue Agbélenco, Lot 1247 I Tél : 00 229 21 32 53 79 [email protected]

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Violences sociales et désordres politiques Le cas des Comores Essai «  En bon métaphysicien, Frantz Fanon avait prédit à l’aube de l’indépendance africaine les dangers du guide qui fait rêver, du parti qui fait taire et de l’armée qui réprime » a écrit le professeur Djaffar MMADI, tout en précisant que : « Cet avertissement péremptoire mais clairvoyant n’évita pourtant pas à la quasitotalité des pays africains de sombrer dans ce désordre. » À travers un texte concis mais riche et dense, le professeur MMADI scrute sans concession les maux de la société comorienne en philosophant tour à tour sur l’ordre et le désordre, la violence et la sécurité, la forme et la norme, le social et le politique, la ville et le village, la décentralisation et le pouvoir central, l’ignorance et l’éducation. Le tour de force de l’auteur est de conceptualiser tout en prenant des exemples précis, voire terre à terre, dans l’actualité comorienne. Non seulement le professeur MMADI pose les vraies questions dérangeantes du désordre politique, mais encore, et cela mérite d’être amplement souligné, il propose des pistes sérieuses de solutions pour l’émergence d’une société comorienne harmonieuse, démocratique et prospère. Avec son ouvrage à valeur programmatique, le professeur MMADI s’invite puissamment dans le débat brûlant de l’élection présidentielle comorienne de février-avril 2016. Djaffar MMADI est professeur à l’université des Comores. Actuellement, il assume la fonction de Secrétaire général de la jeune université des Comores. Il fut directeur du Centre national de Documentation et de Recherche scientifique des Comores (CNDRS), ministre de l’Aménagement du Territoire du président AZALI, et Secrétaire général de la présidence de la République. Il est l’auteur de nombreux travaux de recherches, dont une thèse de doctorat sur Frantz Fanon soutenue à la Sorbonne en 1993, sous la direction du professeur Louis Sala-Molins.

Illustration de couverture : le jeune docteur Djaffar MMADI en compagnie du professeur René Dumont. ISBN : 978-2-343-08704-7

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