Van Gogh
 9781780421476, 1780421478

Table of contents :
Content: Avant-propos
Biographie
Hollande, Angleterre et Belgique :1853-1886.
Diffusion des idées, Paris 1886-1888
L'Atelier du Midi, Arles : 1888-1889
Arles : 1889
Saint-Rémy : 1889-1890
Auvers-sur-Oise : 1890
Index.

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Van Gogh

Page 4 : Portrait de l'artiste Saint-Rémy : août-septembre 1889 huile sur toile, 57 x 43,5 cm collection privée, New York

Mise en page : Baseline Co Ltd 127-129A Nguyen Hue Fiditourist, 3e étage District 1, Ho Chi Minh Ville Vietnam

ISBN : 978-1-78042-147-6

© Confidential concepts, Worldwide, USA © Sirroco, London, UK

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Avant-propos « Ce n'est pas le langage des peintres mais le langage de la nature que l'on doit écouter, la sensation même que nous inspirent les choses, car la réalité est plus importante que ce que l'on ressent devant un tableau. » — Vincent Van Gogh

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Biographie 1853

1857 1869

1872 1873 1874 1876 1877 1878 1879

1880

Vincent van Gogh naît le 30 Mars à Groot Zunder, au Sud de la Hollande, près de la frontière belge. Fils du pasteur Théodorus van Gogh et d’Anna van Gogh-Carbentus, il sera l’aîné des six enfants de la famille. Il porte le même prénom que son frère mort-né jour pour jour un an auparavant. Le 1er Mai naît son frère Théodorus de qui il sera, tout au long de sa vie, particulièrement proche et avec qui il entretiendra une correspondance importante. Engagé par son oncle dans la galerie Goupil & Co de La Haye, Van Gogh entre en contact avec l’art du XIXe siècle anglais, avec les œuvres de l’école de Barbizon ainsi qu’avec la peinture hollandaise du XVIIe siècle (notamment Rembrandt). Cette année marque le début de sa correspondance avec son frère Théo qui dura toute leur vie. Il rejoint la succursale londonienne de Goupil. A Londres il subit sa première déception amoureuse avec Ursula, la fille de sa logeuse, qui le rejette. En Octobre, il est envoyé au siège de la maison mère Goupil, à Paris où il vit d’une manière très isolée et se consacre à l’étude de la Bible. Renvoyé de chez Goupil pour négligence il retourne en Angleterre, où il travaille comme enseignant, puis comme assistant d’un pasteur. Van Gogh retourne à Amsterdam pour préparer son entrée à la faculté de théologie. Après avoir abandonné son entrée à la faculté de théologie, il échoue et n’est pas reconnu apte pour le métier de prédicateur. Par ordre de l’Eglise évangéliste de Bruxelles, van Gogh obtient finalement la permission de travailler comme prédicateur pendant six mois à Wasme. Mais son contrat n’est pas prolongé du fait de son zèle presque fanatique. Il sombre dans la dépression et coupe tout contact avec sa famille pendant neuf mois. Après ces nombreux échecs, van Gogh débute sa carrière artistique. Il se rend à Bruxelles, étudie l’anatomie et la perspective et travaille dans l’atelier du peintre hollandais van Rappard.

Période de La Haye 1881-1883 : 1881

1882

De retour chez ses parents à Etten, il améliore son dessin. Mais il tombe amoureux de sa cousine Kee Vos-Stricker, qui le rejette violemment et sombre une fois de plus dans la dépression. Dès la fin de l’année il se rend à La Haye et entre dans l’atelier d’Anton Mauve. Mauve le renvoie rapidement du fait de son comportement instable. Bien que ne vivant que de la pension que lui verse chaque mois son frère Théo, Van Gogh accueille Clasina Maria Hornik, dite Sien, une prostituée enceinte abandonnée avec son enfant de cinq ans. Une – brève – période d’optimisme et de travail acharné laisse place, quand Sien le quitte, à une nouvelle dépression. Van Gogh réalisa quand même pendant cette période de La Haye environs 200 dessins (dont 60 au crayon et 30 en aquarelle), essentiellement des paysages hollandais et des portraits de Sien. 5

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Période de Nuenen 1883-1885 : 1883 1884

1885

Après une période de solitude et de dépression, il décide de retourner chez ses parents qui vivent désormais à Nuenen et s’installe un atelier dans la buanderie. Margot Beggeman et Vincent van Gogh se rencontrent et décident de se marier. Le refus de leurs parents respectifs de voir s’accomplir ce mariage pousse Margot au suicide. Van Gogh la sauve au dernier moment mais en est profondément choqué. Il donne des cours à quelques peintres amateurs. Son père meurt brusquement d’une crise cardiaque. Son travail commence à être apprécié à Paris. En Novembre, il quitte Nuenen pour Anvers. Cette période est l’une des plus prolifique de l’artiste, il peint notamment l’un de ses chefs-d’œuvre Les Mangeurs de pommes de terre, évoquant l’humilité, la rudesse du travail et la pauvreté des paysans. Puis découvrant l’œuvre de Rubens, la palette de l’artiste s’éclaircie et il commence à pratiquer l’aplat coloré après avoir vu les estampes japonaises.

Période parisienne 1886-1888 : Il s’installe avec son frère Théo à Paris. L’artiste fréquente la galerie d’art de Julien Tanguy (souvent appelé le Père Tanguy). Mais dès 1887 l’irritabilité de Vincent inquiète de plus en plus son frère. Sous l’influence des impressionnistes (notamment Monet, Sisley et Renoir) sa palette s’éclaircie encore. Il se lie d’amitié avec le peintre Pissarro. Période d’Arles 1888-1890 : 1888

1889

1890

Van Gogh s’installe en Arles. Il est stimulé par l’ardent soleil et la brillance des couleurs de la Provence. Il y peindra plus de deux-cents tableaux en deux ans. En Mai il s’installe dans la « Maison Jaune ». Gauguin le rejoint en Octobre mais leurs divergences et leurs querelles à propos de l’art les opposent et leurs relations se dégradent. En Décembre, après une violente dispute avec Gauguin, van Gogh se coupe le lobe de l’oreille, l’enveloppe dans du papier journal et le confie à une prostituée nommée Rachel. Il est hospitalisé à l’Hôtel-Dieu. Horrifié, Gauguin s’en va. Souffrant de crises de folies, van Gogh entre volontairement à l’asile Saint-Paul-de-Mausole à Saint-Rémy-de-Provence où il restera pendant un an. Bien qu’entrecoupée de crises de dépression, cette période fut, artistiquement, très importante. Il produit quelques uns de ses chefs d’œuvre mais aussi des paysages et des oliveraies. Au Salon des Indépendants à Paris, van Gogh expose dix œuvres. Il s’installe à Auvers-sur-Oise et est soigné par le Docteur Gachet, lui-même peintre amateur. Se sentant comme un fardeau pour son frère, son comportement se trouble à nouveau. Le 27 Juillet van Gogh se tire une balle de revolver dans la poitrine, et meurt au matin du 29, avec Théo à ses côtés. 7

L

a vie et l’œuvre de Vincent Van Gogh sont si intimement liées qu'il est presque

impossible de regarder ses tableaux sans y lire l'histoire de sa vie. Une vie si souvent décrite qu'elle est devenue une légende. Van Gogh est l'incarnation même de la souffrance, du martyr de l'artiste moderne incompris, étranger au monde qui l'entoure. Il fut très vite évident que les événements de la vie de Van Gogh allaient jouer un rôle déterminant dans l'accueil réservé à ses œuvres.

Plage à Scheveningen La Haye : août 1882 huile sur toile, 34,5 x 51 cm Rijksmuseum Vincent Van Gogh, Amsterdam

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Le premier article le concernant parut en janvier 1890 dans le Mercure de France. L'auteur, Albert Aurier, était en contact avec un ami de Van Gogh, Emile Bernard, qui lui donna des précisions sur la maladie du peintre. A l'époque, Van Gogh séjournait dans un asile psychiatrique à Saint-Rémy, près d'Arles. L'année précédente, il s'était coupé le lobe de l'oreille droite.

Le Tisserand (Le Métier) Nuenen : mai 1884 huile sur toile, 70 x 85 cm Rijksmuseum Kröller-Müller, Otterlo

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Aurier laisse néanmoins transparaître sa connaissance de l'état de santé mentale du peintre dans ses commentaires sur les tableaux. Ainsi utilise-t-il des expressions telles « qu'obsédante passion » et « préoccupation persistante », Van Gogh lui apparaît comme un « génie à demi fou, souvent sublime, parfois grotesque, toujours à la limite du morbide ».

Profil d’une tête de paysan Nuenen : janvier 1885 huile sur toile, 47 x 30 cm Rijksmuseum Kröller-Müller, Otterlo

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Aurier considérait le peintre comme un « messie,

semeur

de

vérité,

qui

régénérerait la décrépitude de notre art et peut-être de notre imbécile et industrialiste société. » En décrivant l'artiste comme un génie fou, le critique posait les fondations du mythe de Van Gogh qui allait émerger dès la mort du peintre. En fait, Aurier ne pensait pas que le peintre pût jamais être compris du grand public.

Le Jardin du Presbytère sous la neige Nuenen : janvier 1885 huile sur panneau, 53 x 78 cm The Armand Hammer Museum of Art Los Angeles

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Quelques jours après l'enterrement de Van Gogh à Auvers-sur-Oise, le docteur Gachet, qui soigna le peintre à la fin de ses jours, écrivit à son frère Théo : « Ce souverain mépris de la vie, sans aucun doute le résultat de son amour impétueux de l'art, est extraordinaire. Si Vincent était encore en vie, il faudrait des années pour que l'art humain triomphe. Cependant, sa mort est, si l'on peut dire, le résultat glorieux du combat entre deux principes adverses : la lumière et l'obscurité, la vie et la mort. »

Les Mangeurs de pommes de terre Nuenen : avril 1885 huile sur toile, 81,5 x 114,5 cm Rijksmuseum Vincent van Gogh, Amsterdam

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Dans ses lettres, dont près de sept cents ont été publiées, il évoquait souvent son besoin lancinant d'amour et de sécurité : « J'ai besoin d'une femme, je ne puis pas et je ne veux pas vivre sans amour. » Ce rêve un peu bourgeois d'un foyer et d'un ménage ne se concrétisa jamais. Le premier amour de Van Gogh, Ursula Loyer, en épousa un autre. Sa cousine Kee, déjà mère et veuve, lui refusa sa main en partie pour des raisons matérielles.

Paysanne en bleu devant une chaumière Nuenen : juillet 1885 huile sur toile, 62 x 113 cm Collection privée (vente, Sotheby’s, Londres, 3. 12. 1985)

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L'artiste essaya de fonder un foyer avec une prostituée du nom de Sien, mais dut la quitter parce que son frère Théo, dont il dépendait financièrement, voulait le voir mettre fin à cette relation. En ce qui concerne la relation de Van Gogh avec Marguerite Gachet, âgée de vingt-et-un ans, elle pourrait n'avoir jamais dépassé le stade de la rumeur. Van Gogh ne recherchait pas seulement l'amour des femmes, mais aussi celui de sa famille et de ses amis, bien qu'il n'accédât jamais au degré d'intimité souhaité.

Paysanne bêchant Nuenen : août 1885 huile sur panneau, 42 x 32 cm Barber Institute of Fine Arts University of Birmingham, Birmingham

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Quelques jours avant son suicide, il résuma son échec de toute une vie en termes énigmatiques : « De ceux à qui j'ai été le plus attaché, je n'ai pas remarqué autre chose que comme à travers un miroir, pour d'obscures raisons. » Ce fils de pasteur empruntait son analogie à la première épître aux Corinthiens : « Nous voyons aujourd'hui

au

moyen

d'un

miroir,

confusément. Je ne connais aujourd'hui que partiellement, mais plus tard je connaîtrai comme j'aurai été connu. »

Nature morte avec légumes dans un panier Nuenen : septembre 1885 huile sur toile, 35,5 x 45 cm Collection Anneliese Brand, Landsberg/Lech

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Cette quête d'une place dans la collectivité et le désir d'être reconnu sont deux thèmes que l'on retrouve tout au long de la vie de Van Gogh. « Je ne me sens nulle part aussi étranger que dans ma famille et dans mon pays... » Hollande, Angleterre et Belgique : 1853-1886. Le 30 mars 1852, Anna Van Gogh accoucha d'un enfant, mort-né, au presbytère de Zundert, mais un an plus tard exactement elle donna le jour à un fils robuste.

Paysanne assise avec coiffe blanche Nuenen : décembre 1884 huile sur toile sur bois, 36 x 26 cm collection privée

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Le pasteur Theodorus Van Gogh nomma son deuxième fils comme le premier : Vincent. Quand le deuxième Vincent pénétrait dans l'église de son père pour assister au service, il passait devant une pierre tombale sur laquelle « son » prénom était écrit. Dans les derniers mois de sa vie, Van Gogh devait souvent évoquer les lieux de son enfance, parlant avec mélancolie du cimetière de Zundert.

La Femme en bleu Anvers : décembre 1885 huile sur toile, 46 x 38,5 cm Rijksmuseum Vincent van Gogh, Amsterdam

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On sait peu de choses sur Van Gogh enfant. La fille d'un voisin le décrivit comme « ayant bon cœur, gentil, bon, compatissant », tandis qu'une ancienne servante de la famille affirmait au contraire que Vincent avait des manières bizarres et déplaisantes.

Fille du peuple Anvers : décembre 1885 huile sur toile, 35 x 24 cm Rijksmuseum Vincent van Gogh, Amsterdam

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On relève des incohérences similaires dans les descriptions de Van Gogh adulte. En général, Van Gogh était bon et compatissant envers les pauvres et les malades, ainsi qu'envers les enfants. Un autre trait de caractère important qui, selon la sœur de l'artiste Elisabeth-Huberta, se manifesta très tôt, était son amour de la nature :

Au Bois de Boulogne Paris : été 1886 huile sur toile, 37,5 x 45,5 cm Collection privée, Etats-Unis

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« Il connaissait les endroits où poussaient les fleurs les plus rares et aimait les oiseaux. En ce qui concerne ces derniers, il savait exactement où chacun nichait ou vivait, et quand il voyait un couple d'alouettes s'abattre sur un champ de seigle, il savait comment s'approcher de leur nid sans faire craquer les pousses alentour et sans faire le moindre mal aux oiseaux. »

Une Paire de souliers Paris : début 1887 huile sur toile, 34 x 41,5 cm The Baltimore Museum of Art, The Cone Collection, Baltimore

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Pendant les dernières années de sa vie, Van Gogh retourna aux paysages de son enfance par le biais de la peinture. « Tout le Midi, tout pour lui devenait la Hollande », déclara Paul Gauguin à propos des tableaux de la période d'Arles. Dans une lettre à Emile Bernard, Van Gogh comparait la lande et les plates étendues de la Camargue à la Hollande.

Une Paire de souliers printemps 1887 huile sur papier sur carton, 33 x 41 cm Rijksmuseum Vincent van Gogh, Amsterdam

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Lors de son séjour à l'asile psychiatrique de Saint-Rémy, il écrivit à Théo : « Pendant ma maladie j'ai revu chaque chambre de la maison à Zundert, chaque sentier, chaque plante dans le jardin, les aspects d'alentour, les champs, les voisins, le cimetière, l'église, notre jardin potager derrière, jusqu'au nid de pies dans un haut acacia dans le cimetière. »

Agostina Segatori au café du Tambourin février-mars 1887 huile sur toile, 55,5 x 46,5 cm Rijksmuseum Vincent van Gogh, Amsterdam

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Les références aux nids, faites tant par Elisabeth-Huberta que par Van Gogh luimême, montrent l'importance de cette image pour le peintre. Le nid est un symbole de sécurité, ce qui peut expliquer pourquoi Vincent qualifiait les maisons de « nids d'hommes ». Van Gogh dut quitter son premier « nid » — la maison de ses parents — à l'âge de onze ans.

Le Moulin de la Galette mars 1887 huile sur toile, 46 x 38 cm Museum of Art, Carnegie Institute, Pittsburgh

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On ne sait pas au juste ce qui décida son père à l'envoyer en pension à Zevenbergen, à une trentaine de kilomètres de Zundert. Peut-être n'y avait-il pas d'école protestante à proximité de leur demeure ? Le voisinage à

Zundert

était

presque

entièrement

catholique. A moins que le nid parental ne fût simplement devenu trop petit avec l'arrivée de quatre autres enfants.

Pot de fleurs avec ciboulette mars-avril 1887 huile sur toile, 31,5 x 22 cm Rijksmuseum Vincent van Gogh, Amsterdam

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Quelques semaines avant sa mort, Van Gogh évoqua le souvenir de cette séparation en peignant une carriole à deux roues longeant les champs sur une route étroite. A l'âge de treize ans, Vincent passa au cours moyen à Tilburg, où le paysagiste Constantin C. Huysmans lui apprit à dessiner.

Nature morte avec choux rouges et oignons automne 1887 huile sur toile, 50 x 64,5 cm Rijksmuseum Vincent van Gogh, Amsterdam

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C'est pendant son séjour à Tilburg que fut prise la première des deux photographies connues du jeune Van Gogh. Elle montre un visage enfantin, doux, aux yeux très clairs. Le deuxième portrait nous révèle un jeune homme de dix neuf ans à l'expression très sérieuse. A l'époque, Vincent travaillait déjà depuis trois ans à La Haye, à la galerie Goupil & Co, où l'un des oncles de Van Gogh était associé.

Nature morte avec panier de pommes (dédié à Lucien Pissarro) automne 1887 huile sur toile, 50 x 61 cm Rijksmuseum Kröller-Müller, Otterlo

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Le directeur de la galerie était un jeune homme de vingt-quatre ans, Hermanus Gijsbertus Tersteeg, qui impressionnait fortement le jeune Van Gogh. Plus tard, après s'être lancé dans la carrière de peintre, Van Gogh continua, mais en vain, à essayer de conquérir l'estime du marchand d'art tant révéré.

Portrait du Père Tanguy Paris : automne 1887 huile sur toile, 92 x 75 cm Musée Rodin, Paris

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Durant son apprentissage, Van Gogh découvrit la peinture des salons et de l'école de Barbizon, dont le plus éminent représentant, Jean-François Millet (1814-1875), allait exercer sur lui une grande influence. Comme Goupil & Co vendait également des reproductions, l'apprenti se familiarisa avec de nombreux chefs-d'œuvre.

Japonaiserie, Oiran (d’après Kesaï Eisen) Paris : septembre-octobre 1887 huile sur toile, 105,5 x 60,5 cm Rijksmuseum Vincent van Gogh, Amsterdam

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C'est là qu'il construisit son nouveau nid : la galerie, puis bientôt les musées, devinrent son « pays des tableaux ». En août 1872, Théo vint voir son frère aîné à La Haye. Au cours de cette rencontre, les deux jeunes gens, âgés respectivement de dix-neuf et de quinze ans, devinrent très proches l'un de l'autre, amis plutôt que parents. Dès lors, Vincent allait considérer Théo comme son alter ego.

Japonaiserie, pont sous la pluie (d’après Hiroshige) Paris : septembre-octobre 1887 huile sur toile, 73 x 54 cm Rijksmuseum Vincent van Gogh, Amsterdam

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En dix-huit ans, Vincent écrivit plus de six cents lettres à son frère qui les conserva précieusement. La plupart furent publiées après la mort de Van Gogh. Environ une quarantaine de lettres de Théo nous sont parvenues.

Les

autres

disparurent

à

l'occasion des fréquents déménagements de Vincent, de même qu'un grand nombre de dessins et de peintures.

Nature morte avec carafe et citrons Paris : printemps 1887 huile sur toile, 46,5 x 38,5 cm Rijksmuseum Vincent van Gogh, Amsterdam

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Employé dans la succursale de Goupil à Londres, Vincent poursuit l’activité du dessin : dix ans plus tard, au moment d'aborder

véritablement

sa

carrière

d'artiste, il se souviendra : « Je me suis souvent arrêté pour dessiner le long des quais de la Tamise, quand je rentrais le soir de la Southampton Street, et ce que je faisais là ne ressemblait à rien. » Sa lecture favorite à Londres était L'Amour de Jules Michelet :

Portrait d’Alexandre Reid Paris : printemps 1887 huile sur carton, 41,5 x 33,5 cm Glasgow Art Gallery and Museum, Glasgow

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« Pour moi ce livre a été une révélation, et en même temps un évangile. Et qu'un homme et une femme puissent faire un, devenir un, disons faire un tout, et non deux moitiés, je le crois aussi. » Au moment où il écrivait ces deux phrases, fin juillet 1874, Van Gogh était convaincu que ce miracle était possible pour lui aussi. Mais son amour pour Ursula Loyer, la fille de sa propriétaire, fut déçu.

Femme près d’un berceau Paris : printemps 1887 huile sur toile, 61 x 46 cm Rijksmuseum Vincent van Gogh, Amsterdam

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Ursula était déjà fiancée quand Van Gogh la rencontra, et ce ne fut pas de son propre gré qu'il quitta Londres ; en mai 1875, il fut transféré à Paris. A ce stade, Van Gogh avait déjà renoncé à son idéal d'un amour terrestre pour se tourner vers l'amour de Dieu. Son enthousiasme religieux fut peutêtre l'une des raisons pour lesquelles il fut obligé de quitter la succursale de Goupil à Londres ; l'entreprise était devenue une galerie d'art à proprement parler.

Le Jardin d’Etten (Les Femmes d’Arles) 1888 huile sur toile, 73,5 x 92,5 cm Ermitage, St. Petersbourg

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Et le Van Gogh solitaire et excentrique ne plaisait guère à la clientèle. Il se peut également que sa famille ait voulu mettre fin à son « idylle » avec Ursula. Van Gogh soupçonnait d'ailleurs son père et son oncle d'être à l'origine de son transfert. Il se vengea en se murant dans le silence — une arme à laquelle il aura souvent recours à l'occasion de conflits ultérieurs. Théo, qui lui avait succédé chez Goupil à La Haye, devint ainsi le seul membre de la famille avec lequel Van Gogh resta en contact.

Tronc d’un vieil arbre Arles : 1888 huile sue toile, 51 x 71 cm collection privée

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Les deux frères continuèrent à échanger leurs points de vue sur l'art. Dans ses lettres, Vincent parlait souvent de ses visites au Louvre, en particulier de son admiration pour les peintures de Ruysdael et de Rembrandt. Van Gogh était avant tout un passionné, non un marchand de tableaux, et il avait peu d'indulgence pour les « œuvres » qu'il était censé vendre chez Goupil.

Autoportrait à la palette et au chevalet Paris : janvier-février 1888 huile sur toile, 65 x 50,5 cm Rijksmuseum Vincent van Gogh, Amsterdam

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Ses parents furent informés de son échec dans les affaires, et quand Vincent rentra chez lui pour Noël 1875 — à l'évidence sans avoir obtenu l'autorisation de quitter la galerie pendant cette période d'activité intense — son père lui suggéra de démissionner. Mais il était déjà trop tard, et le directeur de la succursale de Goupil à Paris renvoya l'indésirable dès son retour. Van Gogh décida de retourner non pas en Hollande, mais en Angleterre.

La vieille Arlésienne Arles : février 1888 huile sur toile, 58 x 42,5 cm Rijksmuseum Vincent van Gogh, Amsterdam

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Il trouva une place de maître-assistant à Ramsgate, puis d'aide-prédicateur à Isleworth. Quand il rejoignit sa famille en Hollande pour Noël, ses parents avaient décidé de le faire entrer à la librairie de Pieter Kornelius Braat à Dordrecht. Vincent accepta une place au département de comptabilité du magasin, mais ses études bibliques demeurèrent au centre de ses intérêts.

Le Pont de Langlois à Arles Arles : avril 1888 huile sur toile, 60 x 65 cm collection privée, Paris

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Lors

de

son

premier

dimanche

à

Dordrecht, Van Gogh se rendit deux fois à l'église pour écouter un sermon sur ce verset de la première épître aux Corinthiens : « Nous voyons aujourd'hui au moyen d'un miroir, confusément. Je ne connais aujourd'hui que partiellement, mais plus tard je connaîtrai comme j'aurai été connu. » L'interprétation de Van

Gogh

du

verset

biblique

est

révélatrice de son désir d'être connu d'autrui,

Amandiers en fleurs Arles : avril 1888 huile sur toile, 48,5 x 36 cm Rijksmuseum Vincent van Gogh, Amsterdam

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désir qui se manifestera pendant la plus grande partie de son existence, notamment dans son amitié avec Théo, dans son amour pour Ursula Loyer ou sa cousine Kee, et dans son attitude à l'égard de la religion ou de l'art. Ce qu'il y a de commun entre tout cela est un besoin lancinant de se découvrir lui-même à travers le dialogue avec autrui : les

préoccupations

mercantiles

d'un

marchand d'art ou d'un comptable ne pouvaient y satisfaire.

Mas blancs aux Saintes-Maries Arles : début juin 1888 huile sur toile, 33,5 x 41,5 cm Kunsthaus Zürich (prêt), Zürich

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Pendant son séjour à Dordrecht, Van Gogh parvint enfin à élaborer des projets d'avenir ; il résolut de devenir pasteur. P.C. Görlitz, qui partageait la chambre de Van Gogh à l'époque, écrivit à son propos : « C'était un homme totalement différent du type habituel des enfants d'humains. Son visage était laid, sa bouche plus ou moins de travers, en outre il avait le visage criblé de taches de rousseur, et ses cheveux étaient d'une teinte roussâtre.

Ruelle aux Saintes-Maries Arles : début juin 1888 huile sur toile, 38 x 46,1 cm collection privée

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Comme je l'ai dit, son visage était laid, mais dès qu'il se mettait à parler de religion ou d'art et s'animait, ses yeux étincelaient, et ses traits faisaient alors sur moi une profonde impression ; ce n'était plus son visage : il était devenu beau. Quand il rentrait de son bureau à neuf heures du soir, il allumait aussitôt une petite pipe de bois, il allait chercher une grosse Bible et s'asseyait pour lire assidûment, copier des textes et les apprendre par cœur ; il rédigeait également toutes sortes de compositions religieuses.

Meules de foin en Provence Arles : juin 1888 huile sur toile, 73 x 92,5 cm Rijksmuseum Kröller-Müller, Otterlo

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Le dimanche venu, Van Gogh allait trois fois à l'église, soit à l'église catholique soit à l'église protestante, soit à la vieille église épiscopale, couramment appelée l'église janséniste. Un jour, alors que nous lui demandions : « Mais, mon cher Van Gogh, comment peux-tu fréquenter trois églises de confessions aussi divergentes ? », il répondit : « Eh bien, dans chaque église je vois Dieu, et peu m'importe que ce soit un pasteur protestant ou un prêtre catholique qui prêche ; ce qui compte, ce n'est pas le dogme, mais l'esprit des Evangiles, et je trouve cet esprit dans toutes les églises. »

Le Zouave Arles : juin 1888 huile sur toile, 65 x 54 cm Rijksmuseum Vincent van Gogh, Amsterdam

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Après son échec dans les affaires, Van Gogh espérait que son père approuverait sa décision de marcher dans ses pas, mais le pasteur restait sceptique devant l'enthousiasme religieux de son fils, dont la foi dans « l'esprit

de

l'Evangile »

déviait

des

enseignements de l'Eglise. En mai 1877, Van Gogh commença à se préparer en vue d'entrer à la faculté de théologie. Van Gogh passa moins d'un an à Amsterdam avant d'abandonner ses études.

Barques aux Saintes-Maries Arles : fin juin 1888 huile sur toile, 65 x 81,5 cm Rijksmuseum Vincent van Gogh, Amsterdam

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Non qu'il fût dépourvu de dons — il parlait deux langues, lisait des livres en allemand et rédigeait ses lettres en anglais et en français —, mais il était impatient : il ne voulait pas méditer sur les Evangiles, il voulait les vivre. Il se rendit à Bruxelles pour suivre une formation dans une école d'évangélisation. Trois mois plus tard, il quittait l'école et posait sa candidature pour un poste d'évangéliste dans le Borinage, une région minière de la Belgique.

La Mousmé Arles : juillet 1888 huile sur toile, 74 x 60 cm National Gallery of Art, Washington

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En janvier 1879, il obtint un contrat temporaire qui aurait pu être renouvelé si un inspecteur du Comité d'Evangélisation n'avait pas découvert que le nouvel évangéliste prenait la Bible plus au pied de la lettre que les autorités ecclésiastiques. Après son échec en tant qu'évangéliste, Van Gogh se coupa de l'Eglise qui, à ses yeux, était

dominée

par

les

conventions

chrétiennes plutôt que par un amour semblable à celui du Christ pour l'humanité.

Portrait de Joseph Roulin assis Arles : début août 1888 huile sur toile, 81,2 x 65,3 cm Museum of Fine Arts, Boston

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Cette rupture affecta également sa relation avec son père qui menaça de le faire admettre à l'asile psychiatrique de Gheel. D’ailleurs, après la mort de son père en 1885, Van Gogh exprima son ressentiment contre lui et contre l'Eglise par le biais de deux natures mortes : l'une représente la pipe et la blague à tabac paternelles posées près d'un vase contenant un bouquet de fleurs surnommées en Hollande « l'argent de Judas ».

La Carrière, les moulins à Montmartre Paris : automne 1888 huile sur toile, 56 x 62,5 cm Rijskmuseum Vincent Van Gogh, Amsterdam

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L'autre composition montre une grande Bible ouverte à côté d'un petit exemplaire écorné de La Joie de vivre de Zola. Le pasteur Van Gogh désapprouvait le goût de son fils pour la littérature française contemporaine qui, à son idée, était dépravée.

La

correspondance

entre

l'automne 1879 et le printemps 1880 comporte de nombreuses lacunes.

Les Tournesols Arles : août 1888 huile sur toile, 93 x 73 cm National Gallery, Londres

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Van Gogh resta dans le Borinage où il passait la plus grande partie de son temps à dessiner. Il avait déjà commencé à faire des croquis à Bruxelles et lorsqu'il était évangéliste : « Je dessine souvent tard dans la nuit, pour fixer quelques souvenirs et consolider les idées que me suggère la vue des choses. » Le Van Gogh « régénéré » prit deux décisions importantes.

Portrait de Patience Escalier Arles : août 1888 huile sur toile, 69 x 56 cm collection Stavros S. Niarchos

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Premièrement, il résolut de déterminer le cours de sa vie lui-même sans demander l'avis de sa famille ; deuxièmement, il entreprit de mettre ses passions à profit : « Lorsque j'étais dans un autre entourage, dans un entourage de tableaux et de choses d'art, tu sais bien que j'ai alors pris pour cet entourage-là une violente passion, qui allait jusqu'à l'enthousiasme. Et je ne m'en repens pas, et maintenant encore loin du pays, j'ai souvent le mal du pays pour le pays des tableaux. »

Portrait d’Eugène Boch Arles : septembre 1888 huile sur toile, 60 x 45 cm Musée d’Orsay, Paris

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Poussé par la nostalgie du monde de l'art, Van Gogh alla s'installer à Bruxelles en octobre 1880. Il commença à travailler le dessin à partir de reproductions et avec des modèles.

Bien

la décision

de

qu'il son

n'approuvât fils,

son

pas père

l'aidait financièrement. Théo, qui travaillait désormais pour la succursale de Goupil à Paris, lui envoyait aussi de l'argent. Au printemps 1881, pour réduire ses dépenses, Van Gogh s'installa au presbytère d'Etten où son père travaillait depuis quelque temps.

Café de nuit Arles : septembre 1888 aquarelle, 44 x 63 cm collection privée, Berne

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Le jeune artiste ne manquait de rien, mais sa famille ne le comprenait pas : « Pa et Moe sont très bons pour moi, ils font tout ce qui est en leur pouvoir pour me nourrir convenablement, etc. Je leur en sais gré, mais cela n'empêche que l'homme ne peut se contenter de manger, de boire et de dormir ; il aspire à quelque chose de plus noble, de plus beau, dont il ne peut véritablement se passer. »

Autoportrait (dédié à Paul Gauguin) Arles : septembre 1888 huile sur toile, 62 x 52 cm Fogg Art Museum, Havard University Cambridge, Massachussetts

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A l'époque, « quelque chose de plus noble, de plus beau » désignait tout d'abord, non le travail artistique, mais l'amour qu'il portait à sa cousine Kee. Bien qu'elle eût jusqu'alors résisté à toutes ses avances, il s'obstinait à essayer de gagner son cœur. Gênée par son entêtement, sa famille critiquait ouvertement sa passion. Après une discussion particulièrement échauffée pendant les vacances de Noël 1881, le pasteur ordonna à ce fils intraitable de partir.

La Maison jaune (La Maison de Vincent à Arles) Arles : septembre 1888 huile sur toile, 72 x 92 cm Rijksmuseum Vincent van Gogh, Amsterdam

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Vincent reviendra vers le nid familial pour la dernière fois deux ans plus tard. Avec cette ultime rupture, il renoncera à son nom de famille et se mit à signer ses toiles simplement « Vincent ». L'événement qui précipita la rupture fut la décision de Van Gogh de s'installer à La Haye avec une prostituée, Christina Hoornik, appelée Sien.

La Nuit étoilée Arles : septembre 1888 huile sur toile, 72,5 x 92 cm Musée d’Orsay, Paris

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La compassion qu'il ressentait pour la femme enceinte était associée à son désir d'avoir un nid : « J'ai l'impression d'être chez moi lorsque je suis auprès d'elle, l'impression qu'elle m'assure un chez-moi, l'impression que nous sommes liés l'un à l'autre. »

La

famille

réagit

par

des

reproches, des exhortations et des menaces.

La Vigne verte Arles : septembre 1888 huile sur toile, 72 x 92 cm Rijksmuseum Kröller-Müller, Otterlo

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Depuis quelque temps, Van Gogh dépendait de gens qui ne l'acceptaient pas, un paradoxe qui le fit méditer sur les rapports entre l'art et l'argent. Il écrivit à Théo : « Je parviendrai un jour à gagner ma vie, non dans le luxe, mais selon la vieille recette : Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front. » Dans les années qui suivirent, Van Gogh allait défendre l'artiste en tant que membre productif — et par conséquent respectable — de la société.

Le Jardin du poète Arles : septembre 1888 huile sur toile, 73 x 92 cm The Art Institute of Chicago, Chicago

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Il se mit à envoyer à Théo quelques-uns de ses tableaux en échange des subsides qu'il recevait ; ainsi, Théo devenait-il son employeur plutôt que son protecteur. A La Haye, Van Gogh se concentra sur le dessin figuratif. Sien était son principal modèle. « Je trouve en elle exactement ce qu'il me faut. La vie l'a meurtrie, la souffrance et l'adversité l'ont marquée ; il y a quelque chose à tirer d'elle. »

Terrasse du café le soir, Place du Forum à Arles Arles : septembre 1888 huile sur toile, 81 x 65,5 cm Rijksmuseum Kröller-Müller, Otterlo

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La conception que Van Gogh avait des femmes était très éloignée de l'idéal de beauté classique. Il écrira à Théo : « Un beau corps, les animaux l'ont aussi, et peutêtre plus beau que celui des hommes ; mais une âme comme on en voit aux êtres qu'Israëls ou Millet ou Frère ont peints, les animaux ne l'ont pas. Et la vie ne nous est-elle pas donnée pour devenir riche dans notre cœur, même si cela cache la souffrance ? »

Portrait de Milliet, sous-lieutenant des Zouaves Arles : fin septembre 1888 huile sur toile, 60 x 49 cm Rijksmuseum Kröller-Müller, Otterlo

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Pendant quelque temps, Van Gogh fut l'élève du peintre Anton Mauve. C'est là qu'il s'initia à la peinture à l'huile. Ses principaux motifs incluaient toujours des gens : « Théo, je ne suis décidément pas un paysagiste. Quand je peindrai des paysages, ceux-ci « sentiront » toujours la figure. »

Portrait de la mère de l’artiste Arles : octobre 1888 huile sur toile, 40,5 x 32,5 cm Norton Simon Museum of Art Pasadena, Californie

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Quand Mauve découvrit que Van Gogh vivait avec Sien, il rompit tout lien avec son ancien élève. Tersteeg, l'ancien patron de Van Gogh, essaya de faire pression sur lui en demandant à Théo de ne plus l'aider financièrement. Le peintre était très isolé à La Haye, et ses rapports avec Sien devinrent de plus en plus tendus à mesure que l'argent se faisait plus rare.

Les Alyscamps, allée à Arles Arles : fin octobre 1888 huile sur toile, 93 x 72 cm Collection Basil P. et Elise Goulandris, Lausanne

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A l'occasion d'une visite, Théo réussit à convaincre Vincent de renoncer à cette liaison. A la fin de 1883, Van Gogh rejoignit ses parents qui s'étaient installés à Etten, près d'Eindhoven. Le retour du fils prodigue se solda par un échec. Sa famille ne pouvant le comprendre, le connaître, Van Gogh rompit avec elle :

L’Arlésienne, Madame Ginoux avec livres Arles : novembre 1888 huile sur toile, 91,4 x 73,7 cm The Metropolitan Museum of Art, New York

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« On hésite à m'accueillir à la maison, comme on hésiterait à recueillir un grand chien hirsute. Il entrera avec ses pattes mouillées — et puis, il est très hirsute. Il gênera

tout

le

monde.

Et

il

aboie

bruyamment. Bref — c'est une sale bête. L'animal est venu en visite dans un accès de faiblesse. J'espère qu'on me pardonnera cette défaillance ; quant à moi, j'éviterai d'y verser encore à l'avenir. »

Le Semeur au coucher du soleil Arles : novembre 1888 huile sur toile, 32 x 40 cm Rijksmuseum Vincent van Gogh, Amsterdam

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Van Gogh a souvent été critiqué pour son apparence et ses manières. Il quitta le presbytère et loua un appartement chez un sacristain catholique. Quand il allait dîner chez ses parents, il se tenait à l'écart de la table familiale : « J'ai choisi de vivre comme un chien, je resterai donc un chien, je serai pauvre, je continuerai à peindre et je demeurerai un être humain — au sein de la nature. »

La Vigne rouge Arles : novembre 1888 huile sur toile, 75 x 93 cm Musée Pouchkine, Moscou

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Le travail artistique de Van Gogh à Nuenen s'articule essentiellement autour du thème du travailleur. Le peintre allait dans les champs dessiner des femmes en train d'arracher des pommes de terre. Il représenta aussi des tisserands. En avril 1885, il commença à travailler à ce qui est aujourd'hui considéré comme son premier chef-d'œuvre, Les Mangeurs de pommes de terre.

Portrait d’Armand Roulin Arles : novembre-décembre 1888 huile sur toile, 65 x 54 cm Musée Boymans-van Beuningen, Rotterdam

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Il décrit la peinture à Théo en ces termes : « Ce tableau, donc, évoque le travail manuel et suggère que ces paysans ont honnêtement mérité de manger ce qu'ils mangent. J'ai voulu qu'il fasse penser à une façon de vivre tout autre que la nôtre, à nous civilisés. Je ne voudrais absolument pas que tout le monde se borne à le trouver joli ou bon. »

Autoportrait Arles : novembre-décembre 1888 huile sur toile, 46 x 38 cm The Metropolitan Museum of Art, New York

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En novembre 1885, il alla s'installer à Anvers pour entrer à l'Académie des BeauxArts. Mais il n'y resta que peu de temps. Quatre mois plus tard, il partit pour Paris ; il ne devait jamais retourner en Hollande. Il déclara ultérieurement qu'il n'était pas devenu un « aventurier par choix, mais par destin, vu que je ne me sens nulle part aussi étranger que dans ma famille et dans mon pays ».

La Chaise de Vincent avec sa pipe Arles : décembre 1888 huile sur toile, 93 x 73,5 cm National Gallery, Londres

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Diffusion des idées, Paris 1886-1888 « Et, mon cher camarade, ne perdez pas de vue que Paris, c'est Paris. Il n'y a qu'un Paris ; et bien que la vie y soit difficile, si même cela devait encore s'aggraver, devenir encore plus difficile, l'air de France éclaircit les idées et fait du bien, beaucoup de bien. »

Le Fauteuil de Paul Gauguin Arles : décembre 1888 huile sur toile, 90,5 x 72,5 cm Rijksmuseum Vincent van Gogh, Amsterdam

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Van Gogh vivait dans la capitale depuis près de six mois lorsqu'il écrivit ces lignes euphoriques à Horace M. Levens, un peintre anglais rencontré à Anvers. Il était arrivé de façon inopinée en mars 1886. Van Gogh passa deux ans dans la capitale du XIXe siècle.

Il

vivait

chez

son

principal

correspondant, Théo, et nous sommes donc peu documentés sur cette période de sa vie.

Nature morte, planche à dessiner avec oignons Arles : janvier 1889 huile sur toile, 50 x 54 cm Rijksmuseum Kröller-Müller, Otterlo

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La cohabitation des deux frères n'alla pas sans heurts. Les frères finirent par surmonter cette crise et devinrent plus proches encore qu'avant. Pour Van Gogh, Paris fut une période de réflexion et d'activité artistique intenses. C'est là qu'il découvrit enfin les toiles impressionnistes dont Théo l'avait si souvent entretenu dans ses lettres.

La Berceuse (Madame Auguste Roulin) Arles : janvier 1889 huile sur toile, 92 x 73 cm Rijksmuseum Kröller-Müller, Otterlo

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Il fréquenta pendant quelques mois l'atelier de Fernand Cormon dont la largeur d'esprit et le mépris de la peinture de salon attiraient beaucoup de jeunes artistes. Il y rencontra Henri de Toulouse-Lautrec et Emile Bernard, avec qui il se lia d'amitié. L'un de ses condisciples, François Gauzi, raconta plus tard :

L’Homme à l’oreille coupée Arles : janvier 1889 huile sur toile, 60 x 49 cm Courtauld Institute, Londres

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« Lorsqu'on discutait « art », si, en désaccord avec lui, on le poussait à bout, il s'emportait de façon inquiétante. Il travaillait avec une furie désordonnée. Il ramassait la couleur comme à la pelle et la pâte, remontant le long du pinceau, poissait au bout de ses doigts. Pendant le repos du modèle, il ne s'arrêtait pas de peindre. La violence de ses études surprit l'atelier ; les classiques en restaient ahuris. »

Portrait du docteur Félix Rey Arles : janvier 1889 huile sur toile, 64 x 53 cm Musée Pouchkine, Moscou

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Plus encore que l'atelier, le magasin de couleurs du père Tanguy fascinait le jeune peintre. Malgré les protestations de sa femme, le patron laissait parfois ses clients le payer en toiles. La boutique du père Tanguy devint alors une sorte de galerie où les peintres se retrouvaient pour découvrir le travail de leurs collègues. C'est là que Van Gogh fit la connaissance de Paul Gauguin dont la peinture l'emplissait d'admiration.

Autoportrait à l’oreille coupée et à la pipe Arles : janvier 1889 huile sur toile, 51 x 45 cm Courtauld Institute, Londres

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Le peintre écossais Archibald Standish Hartrick évoque ainsi les conversations qui avaient lieu dans la boutique du père Tanguy : Van Gogh « était particulièrement séduit par la théorie selon laquelle l'œil emportait une partie de la dernière impression reçue dans la suivante, de sorte que chaque tableau comportait un peu des deux. La difficulté était de décider quelles étaient les bonnes impressions de coloration à combiner. »

Crabe, couché sur le dos Arles : janvier 1889 huile sur toile, 38 x 46,5 cm Rijksmuseum Vincent van Gogh, Amsterdam

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Ce sont également les effets de couleur qui furent à l'origine de l'intérêt manifesté par Van Gogh pour les estampes japonaises découvertes à Anvers. Il en possédait une collection assez importante à Paris et les exposa au café Le Tambourin. De 1886 à 1888, l'autoportrait fut au centre de l'œuvre de Van Gogh. Dans l'Autoportrait à la palette et au chevalet, il se représente en peintre, avec pinceau et palette.

Douze Tournesols dans un vase Arles : janvier 1889 huile sur toile, 92 x 72,5 cm The Philadelphia Museum of Art, Philadelphie

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C'est dans ce Paris qu'il considérait comme un centre de « diffusion des idées » qu'il trouva sa voie. En été 1887, il écrivit à sa sœur Wilhelmine : « J'exerce un métier qui est sale et difficile : la peinture. Si je n'étais pas ce que je suis, je ne peindrais pas ; mais, étant ce que je suis, je travaille souvent avec plaisir et j'entrevois la possibilité de faire un jour des tableaux où il y aura un peu de fraîcheur, de jeunesse, ma propre jeunesse étant l'une des choses que j'ai perdues.

Dortoir de l’hôpital d’Arles Arles : avril 1889 huile sur toile, 74 x 92 cm Collection Oskar Reinhart, Winterthur

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Mon plan, c'est d'aller, dès que je pourrai, passer quelque temps dans le Midi, où il y a plus de couleur, plus de soleil. Mais ce à quoi j'espère parvenir surtout, c'est à peindre un bon portrait. Enfin. » L’Atelier du Midi, Arles : 1888-1889 Le 19 février 1888, Van Gogh quitta Paris pour Arles. Il prit pension à l'auberge Carrel et se mit aussitôt au travail. Il partait dès le matin dans les champs et les jardins, ne rentrant qu'en fin d'après-midi.

Chemin avec saules élagués Arles : avril 1889 huile sur toile, 55 x 65 cm Collection Stavros S. Niarchos

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C'est là qu'il se lia d'amitié avec le souslieutenant zouave Paul-Eugène Milliet, le facteur Joseph Roulin et le couple Ginoux, les patrons du café. En mai de la même année, il loua deux pièces dans une maison inhabitée près de la place Lamartine. Les pièces n'étant pas meublées, il dormait au Café de la Gare, ayant quitté l'auberge Carrel après une querelle avec les patrons.

Jardin de l’hospice de Saint-Paul Saint-Rémy : mai 1889 huile sur toile, 95 x 75,5 cm Rijksmuseum Kröller-Müller, Otterlo

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Il entreprit aussitôt de décorer la maison — qu'il nommait à la fois la « maison jaune » et « la maison d'artiste » — tâche qui l'emplissait d'un ravissement sans fin. Dans son esprit, cette maison était destinée à devenir le noyau d'une colonie d'artistes, l'Atelier du Midi. « Tu sais que cela m'a toujours semblé idiot que les peintres vivent seuls », écrivit-il à Théo. « On perd toujours quand on est isolé. »

Cyprès avec deux silhouettes de femmes Saint-Rémy : juin 1889 huile sur toile, 92 x 73 cm Rijksmuseum Kröller-Müller, Otterlo

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Dépendant de sa famille financièrement, Van Gogh se mit à réfléchir à la position de l'artiste dans la société. « Pendant qu'on construit

des

musées

nationaux

qui

engloutissent des centaines de milliers de gros billets, et autres choses de ce genre, les artistes crèvent. » Pour Van Gogh, les musées étaient des cimetières. Il méprisait tout autant le commerce de l'art. Seule alternative à cet état de fait : la communauté d'artistes.

Oliviers avec les Alpilles dans le fond Saint-Rémy : juin 1889 huile sur toile, 72,5 x 92 cm Collection Mrs. John Hay Whitney, New York

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Les peintres devaient travailler ensemble, se soutenir les uns les autres et confier leurs œuvres à un marchand d'art fidèle — Théo en l'occurrence — qui leur verserait une somme mensuelle, même s'il n'avait rien vendu. Van Gogh voulait à tout prix convaincre Gauguin de se joindre à l'Atelier du Midi. Pendant plus de six mois, de mars à octobre 1888, il l'inonda de lettres.

Champ de blé avec cyprès Saint-Rémy : fin juin 1889 huile sur toile, 51,5 x 65 cm collection privée, Zurich

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Il demanda à Théo de monter sa pension mensuelle à 250 francs, afin de permettre à Gauguin de vivre avec lui à Arles. En retour, Théo recevrait un tableau de Gauguin. Ce dernier, qui vivait en Bretagne, se dérobait sans cesse, prétendant parfois être trop malade pour supporter le voyage, d'autres fois manquer d'argent pour l'entreprendre. Les mois pendant lesquels Van Gogh attendit Gauguin furent l'époque la plus productive de sa vie.

Oliveraie Saint-Rémy : mi-juin 1889 huile sur toile, 72 x 92 cm Rijksmuseum Kröller-Müller, Otterlo

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D'une part, il voulait avoir le plus de tableaux possible à montrer à son ami, d’autre part, il tenait à soigner la décoration de la maison jaune. Au milieu du mois d'août, il commença la série des tournesols pour la chambre d'invité. Sur les douze tableaux de tournesols prévus, Van Gogh n'en termina que deux : les « modèles » fanaient trop vite. Aussi se tourna-t-il vers un nouveau sujet : le jardin du poète.

Le Champ de blé vert avec cyprès Saint-Rémy : mi-juin 1889 huile sur toile, 73,5 x 92,5 cm Narodni Galerie, Prague

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Trois variations sur ce thème, associées aux deux peintures de tournesols, servirent à décorer la chambre d'invité qui attendait l'arrivée de Gauguin. Le 23 octobre, Paul Gauguin arriva enfin à Arles. Au milieu du mois de novembre, Gauguin déclara à son marchand d'art et bailleur de fonds Théo : « Le bon Vincent et le grièche Gauguin continuent de faire un couple heureux et mangent à la maison les petits repas qu'ils se préparent eux-mêmes. »

Prairie dans les montagnes Saint-Rémy : décembre 1889 huile sur toile, 73 x 91,5 cm Rijksmuseum Kröller-Müller, Otterlo

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Paul Gauguin se voyait dans la position du sage et reléguait Van Gogh au rôle de disciple : « Vincent, au moment où je suis arrivé à Arles, était en plein dans l'école néoimpressionniste, et il pataugeait considérablement, ce qui le faisait souffrir ; avec tous ses jaunes sur violets, tout ce travail de complémentaires — du travail désordonné de sa part, il n'arrivait qu'à de douces harmonies incomplètes et monotones ; le son

Paysage nocturne au lever de la lune Saint-Rémy : début juillet 1889 huile sur toile, 72 x 92,5 cm Rijksmuseum Kröller-Müller, Otterlo

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du clairon y manquait. J'entrepris la tâche de l'éclairer, ce qui me fut facile car je trouvais un terrain riche et fécond. Comme toutes les natures originales et marquées au sceau de la personnalité, Vincent n'avait aucune

crainte

du

voisin

et

aucun

entêtement. Dès ce jour mon Van Gogh fit des progrès étonnants. »

Deux Peupliers sur la colline Saint-Rémy : octobre 1889 huile sur toile, 45,7 x 61,6 cm The Cleveland Museum of Art, Cleveland

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Pourtant, si l'on regarde les tableaux que Van Gogh peignit avant et après que Gauguin eût entrepris de l'éclairer, on voit peu de traces de « progrès ». En mars 1888, Van Gogh peignit le Pont Langlois ; en juillet La Mousmé et Le Facteur Roulin, en août Les Tournesols, en septembre Le Jardin du poète, La Nuit étoilée, La Maison jaune, l'Autoportrait pour mon ami Paul Gauguin, Le Café de nuit et, en octobre, La Chambre de Vincent à Arles.

Portrait de l’artiste Saint-Rémy : août-septembre 1889 huile sur toile, 57 x 43,5 cm collection privée, New York

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Ces mêmes tableaux dont Gauguin jugeait les harmonies « incomplètes et monotones » sont aujourd'hui considérés comme ses chefs-d'œuvre. Avec Gauguin à ses côtés, Van Gogh peignit moins et sans cette force qui avait caractérisé son travail au début de l'année. A la différence de Gauguin, Van Gogh avait besoin de la réalité pour modèle.

La Chambre de Vincent à Arles Saint-Rémy : début septembre 1889 huile sur toile, 73,6 x 92,3 cm The Art Institute of Chicago, Chicago

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Il ne pouvait dissocier ses pensées de ses sujets, s'efforçant de réaliser une synthèse de la réflexion et de l'impression immédiate ressentie devant les choses et les gens. En fait, l'amour et l'espoir qu'il avait mis dans ses toiles tandis qu'il attendait Gauguin furent déçus. Gauguin ne partageait pas ses opinions sur l'art.

Autoportrait Saint-Rémy : septembre 1889 huile sur toile, 65 x 54 cm Musée d’Orsay, Paris

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Cela en soi était déjà douloureux, mais Van Gogh était encore plus blessé par la façon dont son ami le dénigrait. Il était déjà passé par là avec Anton van Rappard qu'il avait connu à Bruxelles et avec qui il avait correspondu de 1881 à 1885. Les deux artistes étaient rarement d'accord, en particulier lorsqu'il s'agissait de peinture. Van Gogh admirait Daumier, Daubigny, Ziem et Rousseau, que Gauguin ne pouvait supporter.

Autoportrait Saint-Rémy : septembre 1889 huile sur toile, 51 x 45 cm Nasjonalgalleriet, Oslo

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« Il déteste Ingres, Raphaël, Degas, tous gens que j'admire. Il aime beaucoup mes tableaux, mais quand je les fais, il trouve toujours que j'ai tort de ceci, de cela », déclarait Gauguin. Et il ajoutait : « Il est romantique et moi je suis plutôt porté à un état primitif. Au point de vue de la couleur, il voit les hasards de la pâte et moi je déteste le tripotage de la facture. »

Pietà (d’après Delacroix) Saint-Rémy : septembre 1889 huile sur toile, 73 x 60,5 cm Rijksmuseum Vincent van Gogh, Amsterdam

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A peu près au même moment, Gauguin annonçait à Théo qu'il voulait retourner à Paris : « Vincent et moi ne pouvons absolument plus vivre côte à côte sans trouble par suite d'une incompatibilité d'humeur et lui comme moi avons besoin de tranquillité pour notre travail. » Personne ne sait au juste ce qui est arrivé pendant les derniers jours précédant Noël.

Champ de blé derrière l’hospice Saint-Paul avec paysan Saint-Rémy : début octobre 1889 huile sur toile, 73,5 x 92 cm Museum of Art, Indianapolis

172

173

Les

informations

événements

du

23

concernant décembre

les 1888

proviennent d’un témoin peu objectif, Paul Gauguin : « En arrivant sur la place je vis rassemblée une grande foule. Près de notre maison des gendarmes et un petit homme au chapeau melon qui était le commissaire de police. Voici ce qui s'était passé : Van Gogh était

rentré

à

la

maison

et

s’était

immédiatement coupé l'oreille juste au ras de la tête.

Portrait d’un malade de l’hospice Saint-Paul Saint-Rémy : octobre 1889 huile sur toile, 32,5 x 23,5 cm Rijksmuseum Vincent van Gogh, Amsterdam

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Il dut mettre un certain temps à arrêter la force de l'hémorragie, car le lendemain de nombreuses serviettes mouillées s'étalaient sur les dalles des deux pièces du bas. Lorsqu'il fut en état de sortir, la tête enveloppée d'un béret basque tout à fait enfoncé, il alla tout droit dans une maison où à défaut d'ami on trouve une connaissance, et donna au factionnaire son oreille bien nettoyée et enfermée dans une enveloppe.

Champ avec paysan conduisant la charrue Saint-Rémy : octobre 1889 huile sur toile, 54 x 67 cm Museum of Fine Arts, Boston

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« Voici, dit-il, en souvenir de moi », puis il s'enfuit et rentra chez lui où il se coucha et s'endormit. Il eut le soin toutefois de fermer les volets et de mettre sur une table près de la fenêtre une lampe allumée. Dix minutes après, toute la rue accordée aux filles de joie était en mouvement et on jasait sur l'événement. J'étais loin de me douter de tout cela lorsque je me présentai sur le seuil de notre maison et lorsque le monsieur au chapeau melon me dit à brûle-pourpoint,

Le Mûrier Saint-Rémy : octobre 1889 huile sur toile, 54 x 65 cm Norton Simon Museum of Art Pasadena, Californie

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d'un ton plus que sévère : « Qu'avez-vous fait, Monsieur, de votre camarade ? — Je ne sais. — Que si, vous le savez bien... il est mort. » Je ne souhaite à personne un pareil moment, et il me fallut de longues minutes pour être apte à penser clairement et comprimer les battements de mon cœur. La colère, l'indignation, la douleur, aussi et la honte de tous ces regards qui déchiraient toute ma personne, m'étouffaient, et c'est en balbutiant que je dis :

Vue sur l’église de Saint-Paul-de-Mausole Saint-Rémy : octobre 1889 huile sur toile, 44,5 x 60 cm collection Elizabeth Taylor, Etat-Unis

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« C'est bien, Monsieur, montons et nous nous expliquerons là-haut. » Dans le lit Vincent gisait complètement enveloppé par les draps, blotti en chien de fusil ; il semblait inanimé. Doucement, bien doucement, je tâtai le corps dont la chaleur annonçait la vie assurément. Ce fut pour moi comme une reprise de toute mon intelligence et de mon énergie.

Arbres devant l’hospice Saint-Paul Saint-Rémy : octobre 1889 huile sur toile, 90,2 x 73,3 cm The Armand Hammer Museum of Art, Los Angeles

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Presque à voix basse je dis au commissaire de police : « Veuillez, monsieur, réveiller cet homme avec beaucoup de ménagements et s'il demande après moi dites-lui que je suis parti pour Paris : ma vue pourrait lui être funeste. » Comparée à d'autres témoignages, comme celui du policier Alphonse Robert, la version de Gauguin est incorrecte sur certains points. Van Gogh ne se coupa pas toute l'oreille, mais seulement un morceau au-dessus du lobe.

Arbres dans le parc de l’hospice Saint-Paul Saint-Rémy : octobre 1889 huile sur toile, 73 x 60 cm collection privée, Etats-Unis

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Il donna son « cadeau » à une prostituée nommée Rachel et non au « factionnaire ». Le récit de Gauguin ne nous éclaire pas sur les motivations qui poussèrent son hôte à se mutiler. Peut-être Van Gogh craignait-il que son ami ne mît à exécution ses menaces de le quitter. Le départ de Gauguin aurait été doublement traumatisant, car il signifiait la fin de l'Atelier du Midi. Autre cause possible de son désarroi : les fiançailles de Théo avec Johanna Bonger.

Le Semeur (d’après Millet) Saint-Rémy : fin octobre 1889 huile sur toile, 80,8 x 66 cm collection Stavros S. Niarchos

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D'après Matthias Arnold, Van Gogh avait été informé de l'intention de son frère de se marier le 23 décembre. Ce changement ne pouvait manquer d'entraîner des conséquences sur sa vie. Peut-être Théo, face aux dépenses dues à l'installation de son nouveau ménage, ne serait-il plus en mesure d'offrir le soutien, à la fois moral et financier, dont son frère dépendait tant.

Pinède au soleil couchant et femme Saint-Rémy : novembre 1889 huile sur toile, 92 x 73 cm Rijksmuseum Kröller-Müller, Otterlo

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Gauguin informa Théo de la crise que traversait Vincent et le marchand de tableaux arriva à Arles le 25 décembre. Mais il ne resta que peu de temps : il semble qu'il soit retourné à Paris le jour même, accompagné de Gauguin. Arles : 1889 Le 7 janvier, quatorze jours après s'être mutilé, Van Gogh quitta l'hôpital. Joseph Roulin et sa femme s'occupèrent de lui.

La Bergère (d’après Millet) Saint-Rémy : novembre 1889 huile sur toile, 52,7 x 40,7 cm Tel Aviv Museum, Tel Aviv

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Dans ses premières lettres, après son retour à la maison jaune, Van Gogh ne fait aucune allusion à sa folie. En écrivant et en peignant, Van Gogh espérait se rétablir et oublier. Il peignit un portrait de son médecin traitant, le docteur Rey. Il ne renonçait pas à son rêve d'un Atelier du Midi. Pendant cette période, Van Gogh travailla à une peinture qu'il avait commencée en décembre : Un portrait d'Augustine Roulin, l'épouse du facteur, qu'il intitula La Berceuse .

Les Cantonniers Saint-Rémy : novembre 1889 huile sur toile, 71 x 93 cm The Phillips Collection, Washington

192

193

Le tableau, peint pour réconforter les autres, le consola d'abord lui-même. Il écrivit à Gauguin : « Mon cher ami, pour parvenir en peinture à ce que la musique de Berlioz et de Wagner a déjà fait... un art qui offre une consolation à ceux qui ont le cœur brisé ! » Le 7 février, le Révérend Salles, le pasteur protestant, informa Théo : « Votre frère a de nouveau montré des symptômes de dérangement mental.

Pin devant l’hôpital Saint-Paul Saint-Rémy : novembre 1889 huile sur toile, 63 x 48 cm Musée d’Orsay, Paris

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Depuis trois jours, il croit voir partout des gens qui empoisonnent ou des gens qui sont empoisonnés. La femme de ménage, le voyant dans cet état anormal, a considéré de son devoir d'en rendre compte ; les voisins ont informé le directeur. Il a donné l'ordre de surveiller votre frère et de le faire admettre à l'hôpital. Que faire maintenant ? »

Cabanes parmi les cyprès Saint-Rémy : décembre 1889 huile sur toile, 45,5 x 60 cm collection privée, Bruxelles

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Van Gogh croyait qu'on le considérait comme un coupable, non comme un malade. Or, l'expérience lui avait appris que toute déviation des conventions sociales est souvent punie d'exclusion. Après son échec en tant qu'évangéliste, son père avait menacé de le faire admettre à l'asile psychiatrique de Gheel. Tersteeg, le directeur de la galerie Goupil à La Haye, l'avait qualifié de « marteau » et de « malade de corps et d'esprit » en apprenant que le peintre vivait avec une prostituée.

Le Ravin « Les Peiroulets » Saint-Rémy : décembre 1889 huile sur toile, 72 x 92 cm Rijksmuseum Kröller-Müller, Otterlo

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Dans ses lettres, Van Gogh se servait souvent de la folie et de la maladie comme d'une métaphore de l'état de la société : « Les médecins nous diront que non seulement Moïse, Mahomet, le Christ, Luther, Bunyan et autres étaient fous, mais également Frans Hals, Rembrandt, Delacroix et également toutes les vieilles bonnes femmes bornées comme notre mère.

Paysans allant aux champs (d’après Millet) Saint-Rémy : janvier 1890 huile sur toile, 73 x 92 cm Ermitage, St. Pétersbourg

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Ah ! c'est grave cela. On pourrait demander à ces médecins : où alors seraient les

gens

raisonnables

?

Sont-ce

les

souteneurs de bordel, ayant toujours raison ? Il est probable. Alors que choisir ? Heureusement il n'y a pas à choisir. » Van Gogh saisit dès le début la dimension sociale de sa « maladie ». Avec le temps, il finit par admettre qu'il était malade et avait besoin d'aide.

La Méridienne (d’après Millet) Saint-Rémy : janvier 1890 huile sur toile, 73 x 91 cm Musée d’Orsay, Paris

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Mais il ne voulait pas être puni : « Si — mettons — je devenais aliéné pour de bon, certes je ne dis pas que ce soit impossible, il faudrait dans tous les cas me traiter autrement, me rendre l'air, mon travail, etc. » L'asile psychiatrique de Saint-Rémy, proposé par le pasteur Salles, semblait offrir ce traitement.

Cyprès et deux femmes Saint-Rémy : février 1890 huile sur toile, 43,5 x 27 cm Rijksmuseum Vincent van Gogh, Amsterdam

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Van Gogh avait aussi d'autres raisons de consentir à se laisser interner : il ne lui restait plus d'autre endroit où aller. Le propriétaire de la maison jaune avait annulé leur bail ; Gauguin avait refusé de le retrouver en Bretagne ; et sa place dans l'appartement de Théo était désormais occupée par la jeune mariée. L'asile psychiatrique devint un refuge, un substitut de foyer, un nid.

Branches fleuries d’amandier Saint-Rémy : février 1890 huile sur toile, 73,5 x 92 cm Rijksmuseum Vincent van Gogh, Amsterdam

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Saint-Rémy : 1889-1890 Le 8 mai 1889, le pasteur Salles conduisit Van Gogh à l'asile psychiatrique de SaintRémy, à trente kilomètres d'Arles. La peur vague ou « peur innommable », pour reprendre les termes utilisés par Van Gogh, disparut dès que la maladie eut un nom. C'est Van Gogh lui-même qui conduisit le docteur Rey à penser qu'il y avait des antécédents de crises d'épilepsie dans sa famille.

L’Arlésienne (Madame Ginoux) Saint-Rémy : février 1890 huile sur toile, 65 x 54 cm Museu de Arte de São Paulo, São Paulo

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Le médecin de Saint-Rémy accepta le diagnostic de son nouveau patient sans le mettre en doute. Que le diagnostic fût erroné n'était finalement pas très important : le traitement à Saint-Rémy était identique pour tous les patients. On leur faisait prendre un bain régulièrement ; le reste du temps, ils étaient livrés à eux-mêmes.

La Ronde des prisonniers (d’après Gustave Doré) Saint-Rémy : février 1890 huile sur toile, 80 x 64 cm Musée Pouchkine, Moscou

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Au début, Van Gogh fut impressionné par cette communauté de malades qui lui semblait, à certains égards, plus humaine que celle des gens sains. Pour la première fois, Van Gogh sentit qu'il appartenait à cette communauté hospitalière mais, à la différence des autres patients, il ne céda pas à la léthargie. Considérant qu'il avait le devoir de travailler, il se mit à peindre dès son arrivée.

Coquelicots et papillons Saint-Rémy : avril-mai 1890 huile sur toile, 34,5 x 25,5 cm Rijksmuseum Vincent van Gogh, Amsterdam

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Il demanda à Théo de lui envoyer des toiles et des couleurs, en précisant combien il lui faudrait produire pour « payer » son séjour. Durant son séjour à l'hôpital, Van Gogh peignit des paysages dans lesquels il ressuscitait le monde de son enfance. En même temps, il continuait à étudier les effets de couleurs :

Le vieil Homme triste Saint-Rémy : avril-mai 1890 huile sur toile, 81 x 65 cm Rijksmuseum Kröller-Müller, Otterlo

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« Les cyprès me préoccupent toujours, je voudrais en faire une chose comme les toiles des tournesols, parce que cela m'étonne qu'on ne les ait pas encore faits comme je les vois. C'est beau, comme lignes et comme proportions, comme un obélisque égyptien. Et le vert est d'une qualité si distinguée.

Marronniers en fleurs Auvers-sur-Oise : mai 1890 huile sur toile, 70 x 58 cm collection privée, Amérique du Sud

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C'est la tache noire dans un paysage ensoleillé, mais c'est une des notes noires les plus intéressantes, les plus difficiles à taper juste, que je puisse imaginer. Or il faut les voir ici contre le bleu, dans le bleu pour mieux dire. Pour faire la nature ici, comme partout il faut bien y être longtemps. »

Le Bon Samaritain (d’après Delacroix) Saint-Rémy : mai 1890 huile sur toile, 73 x 60 cm Rijksmuseum Kröller-Müller, Otterlo

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Van Gogh se remit à peindre, mais sa vision de la vie à l'hôpital avait changé. Les autres patients qui, jusque-là, lui avaient semblé former une communauté idéale, lui faisaient maintenant peur. Pire encore, les religieuses qui travaillaient à Saint-Rémy le terrifiaient. Après la crise, Van Gogh ne voulut plus quitter l'hôpital pour peindre sur le motif. En conséquence, il lui devint difficile de trouver des sujets.

Vase avec roses Saint-Rémy : mai 1890 huile sur toile, 92,6 x 73,7 cm collection M. et Mme Walter H.Annenberg Rancho Mirage (Cal.)

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Il se prit donc lui-même comme modèle et copia des reproductions que Théo lui avait envoyées de Paris. C'est ainsi qu'il « repeignit » La Pietà de Delacroix et La Ronde des prisonniers de Gustave Doré. Auvers-sur-Oise : 1890 Van Gogh ne passa que trois jours avec Théo et sa famille à Paris avant de partir pour Auvers-sur-Oise. La brièveté de son séjour fut peut-être due aux querelles entre Théo et Johanna que Van Gogh mentionna plus tard dans ses lettres.

Route avec cyprès et ciel étoilé Auvers-sur-Oise : mai 1890 huile sur toile, 92 x 73 cm Rijksmuseum Kröller-Müller, Otterlo

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La nature et le travail étaient redevenus les deux piliers de sa vie. Mais il n'était guère entouré. Le docteur Gachet fut de peu de secours. Van Gogh écrivit : « Je crois qu'il ne faut aucunement compter sur le Dr Gachet. D'abord, il est plus malade que moi à ce qu'il m'a paru, ou mettons juste autant, voilà. Or lorsqu'un aveugle mènera un autre aveugle, ne tomberont-ils pas tous deux dans le fossé ? »

Le Docteur Paul Gachet Auvers-sur-Oise : juin 1890 huile sur toile, 68 x 57 cm Musée d’Orsay, Paris

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Agé de soixante deux ans, le spécialiste des maladies cardiaques et nerveuses était un grand amateur d'art. Il était en contact avec de nombreux peintres et ses collections, qui furent plus tard données au musée d'Orsay à Paris, incluaient des peintures de Cézanne, Pissarro et Van Gogh. C'était plus le peintre Van Gogh que le patient qui intéressait le docteur.

L’Église d’Auvers-sur-Oise Auvers-sur-Oise : juin 1890 huile sur toile, 94 x 74 cm Musée d’Orsay, Paris

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Van Gogh vivait à l'auberge Ravoux. La fille du patron, Adeline, alors âgée de treize ans, posa pour Van Gogh, de même que Marguerite Gachet qui avait vingt-et-un ans. Une amie intime de la fille du docteur prétendit plus tard que le peintre et son modèle étaient tombés amoureux l'un de l'autre, et le docteur Gachet interdit l'accès de sa maison à Van Gogh.

Les Champs de blé aux corbeaux Auvers-sur-Oise : juin 1890 huile sur toile, 50,5 x 105 cm Rijksmuseum Vincent van Gogh, Amsterdam

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Le frère de Marguerite confirma cette version dans un entretien accordé à un journaliste, mais il changea un détail essentiel : il affirma que cet amour n'était pas réciproque et que sa sœur n'était pas amoureuse du peintre. De toute évidence, l'amitié entre Van Gogh et le docteur Gachet fut de courte durée ; après le 2 juillet, Vincent cessa de le mentionner dans ses lettres.

Deux Fillettes Auvers-sur-Oise : juin 1890 huile sur toile, 51,2 x 51,5 cm Musée d’Orsay, Paris

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Pendant les deux mois et demi qu'il passa à Auvers, Van Gogh traversa un cycle familier : il essaya de s'organiser une vie bien réglée autour de son travail, puis il perdit le sens de sa sécurité, de son nid. De plus en plus, il eut l'impression d'être un fardeau pour Théo. A l'occasion d'une visite à Paris, il assista à une vive discussion entre son frère et Johanna. Théo voulait quitter Goupil pour fonder sa propre galerie, tandis que sa femme préférait le voir rester où il était, même s'il ne gagnait pas assez d'argent.

Chaumes de Cordeville à Auvers-sur-Oise Auvers-sur-Oise : juin 1890 huile sur toile, 73 x 94 cm Musée d’Orsay, Paris

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Vincent n'était pas le seul parent que Théo devait aider ; il envoyait régulièrement de l'argent à sa mère et à sa sœur Wilhelmine. Dix ans plus tôt, quand Van Gogh avait commencé à dépendre de l'argent de son frère, il écrivait : « Sentir que je suis devenu un boulet ou une charge pour toi et pour les autres, que je ne suis bon à rien, que je serai bientôt à tes yeux comme un intrus et un oisif, de sorte qu'il vaudrait mieux que je n'existe pas. Si cela était, je préférerais ne pas trop m'attarder en ce monde. »

Jeune Fille debout devant un champ de blé Auvers-sur-Oise : fin juin 1890 huile sur toile, 66 x 45 cm National Gallery of Art, Washington

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A son retour de Paris, Van Gogh décrivit les toiles sur lesquelles il travaillait à Théo et Johanna : « Ce sont d'immenses étendues de blés sous des ciels troublés et je ne me suis pas gêné pour chercher à exprimer de la tristesse, de la solitude extrême. Vous verrez cela j'espère sous peu, ces toiles vous diront ce que je ne sais vous dire en paroles, ce que je vois de sain et de fortifiant dans la campagne. » Ce paradoxe — la tristesse et la force de la campagne — reflète l'état d'esprit de Van Gogh lui-même :

Paysage à Auvers sous la pluie Auvers-sur-Oise : juillet 1890 huile sur toile, 50 x 100 cm National Museum of Wales, Cardiff

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la nature a toujours été une sorte de refuge pour lui, mais un refuge qu'il n'a jamais pu partager avec quelqu'un d'autre. A SaintRémy, Van Gogh avait réalisé une œuvre appelée Le Faucheur : « Je vis alors dans ce faucheur — vague figure qui lutte comme un diable en pleine chaleur pour venir à bout de sa besogne — je vis alors l'image de la mort, dans ce sens que l'humanité serait le blé qu'on fauche.

La Plaine d’Auvers avec ciel nuageux Auvers-sur-Oise : juillet 1890 huile sur toile, 73 x 92 cm Museum of Art, Carnegie Institute, Pittsburgh

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C'est donc — si tu veux — l'opposition de

ce

semeur

que

j'avais

essayé

auparavant. Mais dans cette mort rien de triste, cela se passe en pleine lumière avec un soleil qui inonde tout d'une lumière d'or fin. » On dit que Van Gogh s'est suicidé dans un champ, mais il y a peu de preuves de cela. S'il avait choisi « l'or fin » du blé pour se tuer, il décida, au moins, de ne pas mourir seul là-bas.

Vue d’Auvers Auvers-sur-Oise : juillet 1890 huile sur toile, 50 x 100 cm Tate Gallery, Londres

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Après s'être tiré une balle dans le côté, il rentra à la chaumière et monta se coucher. Le patron alerta le docteur Gachet et Théo. Ce dernier décrivit les derniers instants de la vie de Vincent, qui prit fin le 29 juillet 1890 : « Tandis que j'étais assis près de lui et promettais que nous tenterions de le guérir, il répondit : La tristesse durera toujours. »

Les Gerbes de blé Auvers-sur-Oise : juillet 1890 huile sur toile, 50,5 x 101 cm Museum of Fine Arts Dallas, Dallas

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Quelques semaines avant son suicide, Van Gogh avait écrit à Théo : « Si je ne réussissais pas, pourtant je croirais que ce à quoi j'avais travaillé serait continué. Non pas directement, mais on n'est pas seul à croire à des choses qui sont vraies. Et qu'importe-t-on personnellement alors ! Je sens tellement que l'histoire des gens est comme l'histoire du blé,

Meule de foin pendant un jour pluvieux Auvers-sur-Oise : juillet 1890 huile sur toile, 64 x 52,5 cm Rijksmuseum Kröller-Müller, Otterlo

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si on n'est pas semé en terre pour y germer, qu'est-ce que ça fait, on est moulu pour devenir du pain. La différence du bonheur et du malheur ! Tous les deux sont nécessaires et utiles et la mort ou la disparition... c'est tellement relatif — et la vie également. »

Le Pont d’Asnières Paris : été 1887 huile sur toile, 53 x 73 cm Collection Dominique de Menil, Houston

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Index A Agostina Segatori au café du Tambourin Les Alyscamps, allée à Arles Amandiers en fleurs

37 111 69

Arbres dans le parc de l’hospice Saint-Paul

185

Arbres devant l’hospice Saint-Paul

183

L’Arlésienne (Madame Ginoux)

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L’Arlésienne, Madame Ginoux avec livres

113

Au Bois de Boulogne

31

Autoportrait

121

Autoportrait

167

Autoportrait

169

Autoportrait (dédié à Paul Gauguin) Autoportrait à l’oreille coupée et à la pipe Autoportrait à la palette et au chevalet

95 135 63

B Barques aux Saintes-Maries La Berceuse (Madame Auguste Roulin)

248

79 129

La Bergère (d’après Millet)

191

Le Bon Samaritain (d’après Delacroix)

219

Branches fleuries d’amandier

207

C Cabanes parmi les cyprès Café de nuit Les Cantonniers La Carrière, les moulins à Montmartre

197 93 193 85

La Chaise de Vincent avec sa pipe

123

La Chambre de Vincent à Arles

165

Champ avec paysan conduisant la charrue

177

Champ de blé avec cyprès

151

Champ de blé derrière l’hospice Saint-Paul avec paysan

173

Le Champ de blé vert avec cyprès

155

Les Champs de blé aux corbeaux

229

Chaumes de Cordeville à Auvers-sur-Oise

233

Chemin avec saules élagués

143

249

Coquelicots et papillons

213

Crabe, couché sur le dos

137

Cyprès avec deux silhouettes de femmes

147

Cyprès et deux femmes

205

D/E Deux Fillettes

231

Deux Peupliers sur la colline

161

Le Docteur Paul Gachet

225

Dortoir de l’hôpital d’Arles

141

Douze Tournesols dans un vase

139

L’Église d’Auvers-sur-Oise

227

F Le Fauteuil de Paul Gauguin

125

La Femme en bleu

27

Femme près d’un berceau

57

Fille du peuple

29

250

G/H Les Gerbes de blé

243

L’Homme à l’oreille coupée

131

J Japonaiserie, Oiran (d’après Kesaï Eisen)

49

Japonaiserie, pont sous la pluie (d’après Hiroshige)

51

Le Jardin d’Etten (Les Femmes d’ Arles)

59

Jardin de l’hospice de Saint-Paul

145

Le Jardin du poète

103

Le Jardin du Presbytère sous la neige Jeune Fille debout devant un champ de blé

15 235

M La Maison jaune (La Maison de Vincent à Arles)

97

Les Mangeurs de pommes de terre

17

Marronniers en fleurs

217

Mas blancs aux Saintes-Maries

71

La Méridienne (d’après Millet)

203

251

Meule de foin pendant un jour pluvieux

245

Meules de foin en Provence

75

Le Moulin de la Galette

39

La Mousmé

81

Le Mûrier

179

N Nature morte avec carafe et citrons

53

Nature morte avec choux rouges et oignons

43

Nature morte avec légumes dans un panier

23

Nature morte avec panier de pommes (dédié à Lucien Pissarro)

45

Nature morte, planche à dessiner avec oignons La Nuit étoilée

127 99

O Oliveraie

153

Oliviers avec les Alpilles dans le fond

149

252

P Paysage à Auvers sous la pluie

237

Paysage nocturne au lever de la lune

159

Paysanne assise avec coiffe blanche

25

Paysanne bêchant

21

Paysanne en bleu devant une chaumière

19

Paysans allant aux champs (d’après Millet)

201

Pietà (d’après Delacroix)

171

Pin devant l’hôpital Saint-Paul

195

Pinède au soleil couchant et femme

189

Plage à Scheveningen

9

La Plaine d’Auvers avec ciel nuageux

239

Le Pont d’Asnières

247

Le Pont de Langlois à Arles

67

Portrait d’Alexandre Reid

55

Portrait d’Armand Roulin

119

Portrait d’Eugène Boch Portrait d’un malade de l’hospice Saint-Paul

91 175

253

Portrait de Joseph Roulin assis

83

Portrait de l’artiste

163

Portrait de la mère de l’artiste

109

Portrait de Milliet, sous-lieutenant des Zouaves

107

Portrait de Patience Escalier

89

Portrait du docteur Félix Rey

133

Portrait du Père Tanguy

47

Pot de fleurs avec ciboulette

41

Prairie dans les montagnes

157

Profil d’une tête de paysan

13

R Le Ravin « Les Peiroulets »

199

La Ronde des prisonniers (d’après Gustave Doré)

211

Route avec cyprès et ciel étoilé

223

Ruelle aux Saintes-Maries

73

S Le Semeur (d’après Millet)

187

Le Semeur au coucher du soleil

115

254

T Terrasse du café le soir, Place du Forum à Arles

105

Le Tisserand (Le Métier)

11

Les Tournesols

87

Tronc d’un vieil arbre

61

U Une Paire de souliers

33

Une Paire de souliers

35

V/Z Vase avec roses

221

Le vieil Homme triste

215

La vieille Arlésienne

65

La Vigne rouge

117

La Vigne verte

101

Vue d’Auvers

241

Vue sur l’église de Saint-Paul-de-Mausole

181

Le Zouave

77 255